(Neuf heures quarante minutes)
La Présidente (Mme Vallée): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir penser à éteindre la sonnerie de votre téléphone cellulaire.
Ce matin, le mandat de la commission, c'est de tenir les auditions publiques sur l'avant-projet de loi instituant le nouveau Code de procédure civile.
Alors, avant de débuter, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Non, Mme la Présidente, il n'y a pas de remplacement.
La Présidente (Mme Vallée): Donc, dans un premier temps, j'aimerais profiter de l'occasion pour souhaiter à M. le ministre, à son équipe, aux collègues parlementaires, à M. le député des Îles-de-la-Madeleine, M. le député de Portneuf, Mme la députée de Joliette, porte-parole de l'opposition en matière de justice, une très bonne année 2012. On commence en grand avec le Code de procédure civile. Messieurs et mesdames dans la salle, je vous transmets également mes voeux pour une très bonne année.
Alors, nous allons commencer ce matin avec les remarques préliminaires puis par la suite nous allons entendre des représentants de la Chambre des huissiers de justice du Québec, ceux du Fonds d'assurance responsabilité professionnelle de l'Ordre des dentistes du Québec et le Barreau Laurentides-Lanaudière. Cet après-midi, nous allons recevoir L'Action des nouvelles conjointes et des nouveaux conjoints du Québec, l'Idem, Canadian Media Lawyers Association, et un regroupement de professeurs et praticiens qui oeuvrent dans le domaine de l'arbitrage commercial. Et finalement nous allons conclure nos travaux avec l'audition de Me Gilles Simart.
Remarques préliminaires
Donc, nous allons commencer cet horaire chargé sans plus tarder. M. le ministre, vous disposez de 7 min 30 s pour vos remarques d'ouverture. Alors, la parole est à vous.
M. Jean-Marc Fournier
M. Fournier: Je m'excuse à l'avance si je prends 30 secondes de plus. Je vais essayer quand même de placer un peu le cadre de cette consultation excessivement importante.
Nous entreprenons aujourd'hui un mandat fort important, la consultation générale sur le nouveau Code de procédure civile déposé le 29 septembre dernier. Cet avant-projet constitue la pièce maîtresse d'un plan plus large présenté le même jour, le Plan Accès Justice. En outre du projet de nouveau Code de procédure civile, que je présenterai plus en détail dans un moment, le Plan Accès Justice comprend d'autres mesures qui seront graduellement mises en place. Rappelons que ce plan prévoit notamment l'augmentation du nombre de juges à la Cour du Québec, lequel passera de 270 à 290, une simplification des procédures en matière familiale au moment de réviser un jugement ou de rajuster le montant d'une pension alimentaire et un meilleur accès à la médiation. Il prévoit également une augmentation des seuils qui donnera accès à l'aide juridique à 800 000 Québécois de plus. Enfin, il prévoit le déploiement de centres de justice de proximité partout au Québec et la création du Fonds Accès Justice, lequel vise, entre autres, à financer des projets d'accessibilité à la justice pour les citoyens.
L'ensemble de ces mesures poursuit une même volonté de répondre aux importantes préoccupations concernant l'accessibilité à la justice. Ces mesures visent toutes un même but: offrir au justiciable un meilleur accès au système de justice, plus rapide et moins coûteux.
Bien sûr, il aura fallu beaucoup de travaux de réflexion, de discussions et de consultations préalables pour en arriver à l'étape que nous entreprenons aujourd'hui. L'avant-projet de loi qui est proposé se veut le résultat de réflexions menées par divers groupes de travail, nombreuses consultations notamment auprès de la magistrature, du Barreau du Québec, de la Chambre des notaires, de la Chambre des huissiers et de plusieurs autres intervenants.
L'avant-projet de loi permet de mettre en lumière, à côté de la justice civile traditionnelle que l'on associe à l'instance devant les tribunaux, une autre facette de la justice civile qui vise avant tout à trouver une solution mutuellement satisfaisante aux problèmes qui se soulèvent entre citoyens ou entreprises sans avoir à se présenter devant un juge -- j'en parle comme premier sujet parce que c'est aussi comme ça qu'il apparaît dans l'avant-projet de loi. Il inscrit la négociation, la médiation et l'arbitrage comme des éléments essentiels d'une nouvelle culture judiciaire et reconnaît, en cernant les contours de ces modes, leur importance et leur intérêt pour les parties. L'avant-projet précise même que les parties devront considérer ces modes de prévention et de règlement avant de s'adresser aux tribunaux, et le juge, à qui on donne une responsabilité accrue, verra à s'en assurer.
L'avant-projet codifie les principes qui doivent guider les tribunaux, les parties et leurs avocats dans le déroulement de l'instance. Il reprend comme principe directeur celui de la proportionnalité selon lequel les démarches, les actes de procédure et les moyens de preuve choisis doivent, eu égard aux coûts et au temps exigés, être proportionnés à la nature et à la complexité de l'affaire et à la finalité de la demande.
Par ailleurs, les nouvelles règles qui sont proposées reconnaissent qu'il entre dans la mission du tribunal de favoriser et d'assurer la bonne gestion des instances en accord avec les principes et objectifs de la procédure. Cela se traduira par les diverses mesures de gestion mises à la disposition des tribunaux tout au long du déroulement des instances et par la possible gestion particulière de l'instance dès l'introduction de celle-ci. L'exigence du dépôt au tribunal d'un véritable protocole de l'instance convenu entre les parties, protocole qui précisera leurs conventions et engagements ainsi que les questions en litige et réglera le déroulement de l'instance, devrait également faciliter la gestion, d'autant que le juge pourra convoquer les parties pour en discuter et le modifier, au besoin.
L'avant-projet de loi retient aussi comme concrétisation de la mission de conciliation du tribunal la tenue de conférences ou de règlements à l'amiable. Les nouvelles dispositions qui sont proposées entendent encourager l'oralité. Elles permettent, de plus, de revoir les règles sur la communication de la preuve afin de respecter les principes de coopération selon lesquels les parties doivent s'informer mutuellement des faits, et le tout dans un cadre de débat loyal. Ces règles revoient également l'encadrement des interrogatoires préalables à l'instruction, notamment pour en limiter la durée, ainsi que des expertises afin de favoriser le recours à une expertise commune aux parties, de prévoir la conciliation des expertises, si elles ne sont pas communes, mais surtout de bien poser le principe que la mission d'un expert est d'éclairer le tribunal dans la prise de décision et que cette mission prime les intérêts des parties.
Les propositions sur les interrogatoires préalables et les expertises tiennent en peu d'articles, mais elles constituent un centre nerveux dans le déroulement d'une instance. Parce que ces procédures sont coûteuses en temps, en énergie et en argent, l'avant-projet de loi propose des règles pour en resserrer l'utilisation.
Les praticiens, en grande majorité, apprécient les usages actuels, Mme la Présidente. Ils vont venir nous le dire, d'ailleurs. Je suis conscient que ces dispositions feront l'objet d'importantes discussions, mais gardons toujours à l'esprit que nous le faisons pour le justiciable.
En matière familiale, les règles proposées permettront le regroupement des demandes entre des conjoints de fait lorsque la cour est déjà saisie d'une demande concernant leurs enfants. D'autres feront en sorte que la Cour du Québec, saisie d'une demande en adoption ou en protection de la jeunesse, puisse se prononcer à titre accessoire sur la garde de l'enfant ou l'exercice de l'autorité parentale.
Le fil conducteur de nos propositions demeure notre objectif d'améliorer l'accessibilité à la justice, c'est-à-dire une justice plus rapide, plus efficace et moins coûteuse pour le citoyen. Pour atteindre ce but, les dispositions proposées sont audacieuses, trop au goût de certains, pas assez selon d'autres. Ce que je souhaite, c'est un dialogue le plus large afin que nous puissions atteindre un point d'équilibre, un équilibre entre, d'une part, les moyens dont doivent disposer les avocats pour protéger les intérêts de leurs clients, qui est fondamental, et, d'autre part, les modalités qui rendent la justice accessible, à des coûts et dans des délais raisonnables.
Le Code de procédure civile est une loi sans nul doute technique, mais c'est aussi une loi qui met en oeuvre des principes importants et qui permet, dans les faits, d'exercer des droits qui sont fondamentaux pour les citoyens, aussi il nous faudra, tout au long du processus... Que ce soit en consultation ici, en réflexion par la suite, lors du dépôt du projet de loi et de l'étude article par article qui viendra, il faudra, tout au long du processus, avoir en tête d'agir, certes, dans le meilleur intérêt des différents intervenants du monde juridique, pour qui le Code de procédure est un outil de travail quotidien, mais surtout et avant tout dans le meilleur intérêt de tous les citoyens et justiciables, envers lesquels nous sommes en premier lieu redevables, Mme la Présidente.
Ayant lu rapidement, je crois que je suis peut-être rentré dans mon temps.
La Présidente (Mme Vallée): Tout à fait, M. le ministre.
M. Fournier: Merci, Mme la Présidente.
**(9 h 50)**La Présidente (Mme Vallée): Alors, sans plus tarder, je vais inviter la porte-parole de l'opposition officielle à faire ses remarques préliminaires, pour une durée maximale de 7 min 30 s. Alors, Mme la députée de Joliette, la parole est à vous.
Mme Véronique Hivon
Mme Hivon: Merci, Mme la Présidente. Alors, à mon tour, je suis très heureuse d'entreprendre ce matin les consultations sur l'avant-projet de loi instituant le nouveau Code de procédure civile, en compagnie de mon collègue le député de Lac-Saint-Jean et du recherchiste qui m'accompagne, Guillaume Rousseau.
C'est, bien sûr, un avant-projet de loi qui est très costaud, qui était très attendu, qui fait suite, là, aux premières étapes de la réforme de 2002-2003. Il est costaud, bien évidemment, parce qu'on a devant nous un code qui est réécrit au grand complet, et que l'on devra débattre de sujets allant du très général et du très philosophique quant à notre approche par rapport à la justice, nos valeurs, la philosophie qu'on veut mettre de l'avant, mais aussi qui va aller au très pointu et au très technique avec des questions comme, bien sûr, la signification, dont on va entendre parler ce matin, mais des questions aussi comme le bornage ou les interrogatoires, par exemple, qui peuvent apparaître très techniques mais qui, lorsqu'on y est confronté, bien sûr, ont toute leur importance. On va donc rapidement voir qu'on va avoir différents niveaux de discussion, et c'est ce qui, je pense, promet d'être fort intéressant.
Dans cette optique, c'est très important que cet avant-projet de loi fasse l'objet de consultations générales afin que ce ne soient pas que les initiés et les acteurs traditionnels du milieu juridique qui puissent donner leur point de vue sur cet outil fondamental d'accès à la justice qu'est le Code de procédure civile. C'est, selon nous, d'autant plus important si l'on veut vraiment changer l'approche et la culture entourant la justice civile, parce qu'il faut d'abord s'assurer que cette nouvelle vision fait l'objet d'une adhésion solide et qu'elle est en phase avec les besoins réels du terrain, qu'elle répond donc concrètement aux problèmes que vivent la justice civile et les justiciables aujourd'hui.
Il ne faut pas se le cacher, Mme la Présidente, on vit présentement une grave crise d'accès à la justice et une crise de confiance majeure qui accompagne cette crise d'accès, parce que comment peut-on parler de justice si on n'a même pas accès à cette justice? Je pense que les constats sont clairs de la part de l'ensemble des acteurs du milieu. Les coûts, les délais, la complexité, le formalisme qui est encore très souvent le lot de notre justice civile rebutent beaucoup de gens et, bien sûr, sont des freins considérables à l'accès. Les gens sont aussi, malheureusement, parfois moins confiants dans le système après y avoir passé, selon certaines études qui ont été faites, qu'avant, et donc ce n'est pas à l'honneur, bien sûr, du système, parce qu'il y a beaucoup de frustration quand on vit des délais et des coûts importants, bien entendu.
Donc, il est bien sûr, selon nous, fondamental, pour parler de véritable accès, que le citoyen s'y retrouve, qu'il sente que le système de justice est compréhensible, que ce n'est pas un labyrinthe ou quelque chose de désincarné, qu'il craint comme la peste. La justice doit être conforme aux valeurs et aux préoccupations des citoyens, et il faut, selon nous -- le ministre y faisait référence -- une bonne dose d'audace pour endiguer la crise qui sévit, et cette audace doit bien sûr se retrouver dans le nouveau code, parce que l'accès à la justice, c'est bien sûr dans une conception traditionnelle de pouvoir obtenir avec célérité une décision judiciaire lorsqu'il y a litige, mais je pense qu'il faut porter une conception plus large de l'accessibilité à la justice qui ne renvoie pas qu'à la procédure mais qui comprend l'idée fondamentale de posséder les outils pour prévenir l'apparition même des conflits et des litiges. Et, lorsque des litiges apparaissent néanmoins, malgré la prévention, il faut favoriser les modes alternatifs de règlement des différends, qui, bien sûr, responsabilisent les parties et les amènent souvent à trouver une solution beaucoup plus satisfaisante que de se voir imposer une décision après des mois et des mois de procédures, de revirements, de stress et de coûts, car le but de la justice devrait d'abord être de résoudre un problème et non pas de déterminer un gagnant et un perdant.
En ce sens, nous saluons l'élan que l'on semble vouloir donner à l'idée de coopération et au mode privé de prévention et de règlement des différends dans l'avant-projet, qui témoigne d'ailleurs d'une nouvelle philosophie en soi. Il y a assurément une volonté de changer les approches traditionnelles qui est nécessaire. D'ailleurs, un petit aparté sur lequel je reviendrai peut-être, mais je pense que, si on veut vraiment marquer un changement de philosophie et d'approche, on pourrait aussi amorcer une réflexion sur le titre même de cet outil, qui peut-être devrait être un code de justice civile plutôt que de procédure, techniquement parlant. J'y reviendrai sans doute lors des échanges.
Mais, d'entrée de jeu, si on veut vraiment changer les choses, il faut se donner aussi les moyens pour y arriver. Ainsi, par exemple, si on souhaite vraiment que les modes alternatifs connaissent un véritable élan, il faudra, selon nous, plus qu'un énoncé général à l'article 1 et une obligation de considérer, pour les parties, d'y avoir recours. C'est une question sur laquelle on va revenir abondamment, car plusieurs mémoires portent précisément sur les modes privés de règlement des différends, mais disons tout de suite qu'en ce qui nous concerne il faudra aller plus loin dans l'encadrement de l'obligation qui est faite aux parties de considérer ces modes si l'on veut vraiment des résultats. Il faut dépasser les voeux pieux et il faut envisager un encadrement serré de cette obligation et même des mesures incitatives clairement établies. Il pourrait y avoir des mesures, par exemple, comme une voie accélérée ou des incitatifs fiscaux. Les modes restent à voir, mais c'est assurément un encadrement accru qui est requis.
On peut aussi penser à la question importante de l'arrimage, qui devra être optimal entre la justice privée et la justice dite publique lorsque les deux devront cohabiter. Il faudra aussi bien comprendre ce que l'on souhaite dire au fameux article 5 lorsqu'on parle de recours à des normes et à des critères autres que ceux du droit, pour éviter toute ambiguïté.
Un autre sujet d'importance, bien sûr, la consécration du changement du rôle du juge qui a été amorcé en 2002, qui n'est plus qu'un simple adjudicateur mais qui, avec la gestion de l'instance et avec le protocole d'instance, va avoir un rôle beaucoup plus large. Il va falloir s'assurer que ce rôle est bien joué et au bon moment; même chose pour le protocole d'instance, qu'il intervient au bon moment dans le processus.
Une autre préoccupation, c'est toute celle liée à la question de la proportionnalité, qui est omniprésente et qui devra peut-être être plus explicite et clarifiée, surtout lorsqu'elle peut avoir des effets importants comme celui d'imposer l'expert unique. Les Petites Créances, un autre sujet d'importance, où on augmente significativement le seuil à 15 000 $. Donc, il faudra se demander, en contrepartie, quel accompagnement on pourrait procurer aux citoyens, qui pourraient quand même avoir des enjeux importants à débattre lors d'une audition aux Petites Créances. Et toute la question de la simplification des démarches en matière familiale qui est un élément important aussi de l'avant-projet de loi.
Alors, on voit que plusieurs sujets vont revenir abondamment, celui de l'expert unique notamment et dès ce matin, et on va avoir donc beaucoup de matière pour meubler nos échanges.
Donc, en terminant, Mme la Présidente, c'est avec beaucoup d'intérêt que nous entendrons les différents intervenants qui ont pris le temps de produire des mémoires et de venir nous expliquer leur point de vue. Je suis convaincue que le travail que nous entreprenons aujourd'hui est très important pour l'avenir de la justice civile et que ce travail bénéficiera grandement des lumières des experts comme des non-experts, des non-experts qui ont aussi souvent un regard très juste et très concret sur les problèmes réels rencontrés au quotidien, pour que cet outil qu'est le Code de procédure civile en devienne un véritable accès à la justice. Comme opposition, nous ferons, dans ce dossier dont le traitement commande une approche au-delà de toute partisanerie, un travail sérieux et diligent, et, comme législateurs, globalement, je pense qu'on a une grande responsabilité, tout comme les acteurs autres du milieu de la justice et de la société en général, pour que tous ensemble nous ayons le courage de sortir parfois de nos réflexes traditionnels et de notre confort pour permettre que la justice civile de 2012 soit vraiment une justice qui reflète un souci profond pour les attentes et les besoins des justiciables. Cette synergie de tous les acteurs est essentielle pour arriver au meilleur résultat possible, et c'est à nous, avec l'outil que l'on dessinera comme législateurs, de s'assurer que tous les acteurs souhaiteront travailler de concert pour changer nos manières de faire pour l'intérêt supérieur de la justice. Merci, Mme la Présidente.
Auditions
La Présidente (Mme Vallée): Merci, Mme la députée de Joliette, pour vos remarques. Alors, sans plus tarder, nous allons débuter les auditions de la Chambre des huissiers de justice du Québec. Alors, M. Maranda, je vous inviterais à présenter les personnes qui vous accompagnent et à ensuite faire votre exposé. Vous disposez d'une période de 15 minutes.
Chambre des huissiers de justice du Québec (CHJQ)
M. Maranda (Louis-Raymond): Merci, Mme la Présidente. Alors, je vais aller de ma gauche à droite. Vous avez François Le Blanc, qui est syndic adjoint à la Chambre des huissiers de justice; Simon McLean, qui est administrateur et, je veux le souligner, un des plus jeunes administrateurs de l'histoire de la chambre depuis qu'elle est un ordre professionnel; M. Richard Dubé, vice-président de la chambre; M. Ronald Dubé, qui a été directeur général, secrétaire pendant 21 ans -- il est la mémoire de la chambre et celui qui a grandement collaboré à la rédaction de ce mémoire; François Cantin, secrétaire de l'ordre; et votre soussigné, le président.
La Présidente (Mme Vallée): La parole est à vous, M. Maranda.
**(10 heures)**M. Maranda (Louis-Raymond): Merci, Mme la Présidente. Écoutez, je risque probablement de vous demander une dérogation de deux minutes parce que, malgré tout le chronométrage, j'arrivais à 17 minutes.
Alors, je salue les disciples de Thémis ainsi que tous les parlementaires. Heureux de savoir que le Barreau est bien représenté. J'en profite pour saluer, dans la salle, le bâtonnier, Me Louis Masson. Huit parlementaires juristes sur 13, dont un notaire. Pour les autres qui ne sont pas issus du milieu juridique, je vais tenter de ne pas vous perdre dans le jargon juridique que nous utilisons quotidiennement.
Mme la Présidente, je tiens à remercier la commission de nous donner l'opportunité d'être entendus dans le cadre de ces audiences sur l'avant-projet de loi sur la réforme du Code de procédure civile. J'en aurais été déçu qu'il en soit autrement, étant donné que nous retrouvons le titre d'huissier de justice 186 fois -- et vous m'en voyez ravi -- ce qui nous positionne au deuxième rang après les juges.
Mme la Présidente, je m'en voudrais de ne pas profiter de cette tribune afin de souligner le travail exceptionnel des parlementaires, et ce, tous partis confondus. En effet, trop peu de gens le reconnaissent, tel courage que vous avez eu de vous lancer dans une profession à caractère vocationnel tout en espérant contribuer aux changements de la société. Vous êtes les façonneurs de cette société moderne, et ce travail implique beaucoup de responsabilités et surtout de sacrifices personnels.
Donc, vous êtes très bien placés pour comprendre une autre profession à caractère vocationnel, celle de l'huissier de justice. J'ai épousé cette profession. J'y ai mis tant d'efforts, tant de passion, tant de sacrifices. Aujourd'hui, je pose un regard sur l'avenir de celle-ci et je m'interroge sérieusement sur sa pérennité, tout comme les 467 consoeurs et confrères, mais encore plus sur le résultat que le gouvernement souhaite obtenir en matière d'accès à la justice et de contrer le décrochage judiciaire.
Je ne pourrais passer sous silence l'excellente collaboration des légistes et du sous-ministre Michel Bouchard qui, après l'avoir interpellé il y a de cela cinq ans, lui avoir manifesté mes inquiétudes par rapport à l'avenir de la profession et l'accès à la justice, il a d'emblée ouvert sa porte, nous a réservé un accueil à l'image de l'importance qu'il portait à mes inquiétudes. Dès lors, les discussions furent entamées. Je lui demandais s'il y avait toujours une place pour les huissiers de justice au Québec. Sa réponse fut dans l'affirmative, et ça se reflète dans la réforme, mais il reste encore un bout de chemin à faire.
En ce qui concerne son successeur, le sous-ministre Denis Marsolais, qui vient d'arriver, si on regarde son passage à l'ordre des... la Chambre des notaires du Québec, il a été l'instigateur de la signature électronique, et je dois vous dire que sa vision par rapport à celle-ci est... Cette signature va être utilisée dans une vingtaine d'ordres professionnels et elle fera aussi... sera la signature officielle pour le dépôt des actes au registre foncier. J'ai bon espoir en son dynamisme, sa vision avant-gardiste pour la suite des choses au ministère et le ministre Fournier, qui a emboîté le pas et maintenu la même cadence que sa prédécesseure afin de mener à terme cet ambitieux projet.
Mme la Présidente, de grands efforts ont été faits par le ministère afin de nous donner plus de responsabilités et de champs d'activité. Jusqu'à aujourd'hui, nous avions l'impression d'être un pion sur l'échiquier de la justice. Avec ce qui est proposé, nous avons l'impression d'être les cavaliers au service de la justice, en autant que nous n'en devenions pas les fous.
Lors de ma première élection, il y a cinq ans, je cognais aux portes du Barreau du Québec, de la Chambre des notaires, la magistrature, le ministère de la Justice. Trop de clivage entre les partenaires. Il fallait ouvrir les discussions, et, à cet effet, je souhaite souligner l'excellente collaboration de ceux-ci, de la magistrature, de leur juge en chef, particulièrement le juge en chef adjoint Wery et Pierre E. Audet, la Chambre des notaires et son président Jean Lambert, les bâtonniers, le directeur général du Barreau, le président du comité de procédure civile, Donato Centomo. Et ce dernier a pris assez au sérieux les interventions et m'a invité à rencontrer le Comité sur la procédure civile. Dès lors, je leur manifestais mes appréhensions en ce qui concerne les problèmes en matière de vente sous contrôle de justice et la notion de conflit d'intérêts tant pour les ventes faites par les employés des avocats qui représentent le créancier ainsi que la signification par télécopieur et la venue de la signification électronique.
Je vous avoue qu'à la lecture des mémoires du Jeune Barreau de Montréal et du Barreau canadien je suis très inquiet. Dans un premier temps, le Jeune Barreau de Montréal ne commente aucunement au chapitre de l'exécution. Est-ce trop loin de leur réalité? Pourtant, l'exécution des jugements est la conclusion des procès de leurs clients. Ils devraient s'en soucier, car il s'agit aussi d'accès à la justice. Ne sont-ils pas les juristes de demain? Je trouve ça inquiétant. Ils devraient être interpellés par l'exécution des jugements.
Le Barreau canadien, quant à lui, à un moment donné, trouve que la présence de l'huissier de justice vient renforcer la preuve, et je cite: «Nous sommes favorables à la signification par huissier de tout jugement en injonction. Cela permet d'ailleurs à la partie qui a obtenu l'émission de l'injonction de se prévaloir d'une preuve solide...» Je vous soumets qu'il n'y a pas juste l'injonction, il y a une panoplie d'autres procédures aussi.
En ce qui concerne la signification électronique, ils applaudissent la proposition, mais encore aucune inquiétude quant à sa sécurité. Et qu'en est-il de la preuve solide de l'huissier de justice qu'apportent de telles opérations?
Me Pierre Moreau, le chef de cabinet du ministre de l'époque, Jacques Dupuis, m'interpellait en nous disant que, si la chambre ne faisait pas preuve d'initiative, d'innovation, à moyen terme elle serait perdante. Immédiatement au terme de cette rencontre, j'ai commencé à me demander où nous devions commencer. Il m'apparaît que tout est important, mais le plus urgent est la dématérialisation et la transmission électronique sécurisée. Siégeant sur le comité exécutif de l'Union internationale des huissiers de justice et officiers judiciaires à titre de vice-président délégué, une organisation regroupant plus de 70 pays, je ne pouvais que constater que le Québec accusait un sérieux retard en cette matière. Dès lors, je m'affairai à la tâche de sensibiliser les membres du conseil d'administration de l'ordre ainsi que nos membres de l'importance d'emboîter le pas, ce qui nous a menés, en octobre 2011, dans le cadre d'une assemblée générale spéciale où nous proposions aux membres une cotisation spéciale afin de financer un ambitieux projet, celui de mettre de l'avant une plateforme de signification et de transmission électronique surveillée par un officier de justice, le tiers de confiance tout désigné par sa fonction et l'impartialité que la loi lui incombe. Par la même occasion, nous répondions à l'appel du bâtonnier Masson qui, lors de la plénière du congrès 2011 du Barreau, disait que le succès de la cyberjustice devait être assumé par chacun des partenaires dans leurs champs de compétence respectifs.
Mais pourquoi se limiter à cela? Pourquoi ne pas être encore plus innovateurs? Pourquoi ne pas profiter de ce temps pour tendre la main à la justice et faire preuve de vision en pensant à une émission des procédures par voie électronique, la signification électronique, la production de celle-ci et l'archivage? Encore de l'économie pour le ministère, et l'accès à la justice y trouvera son compte.
Nous souhaitons que l'organisme que la chambre chapeaute soit reconnu dans le Code de procédure civile comme étant la seule autorité compétente en cette matière, car il est utopique de penser que d'ici peu nous ne signifierons pas des sociétés par voie électronique, à moyen et long terme probablement les individus. De plus, certains organismes vous diront qu'ils devraient être l'autorité compétente; je vous réitère la notion de conflit d'intérêts pour certains d'entre eux. En plus, qui desservira les 43 % de la population qui se représentent eux-mêmes devant les tribunaux? Vous devrez résister à cette tentation. Un seul organisme devrait être le tiers de confiance nommé dans le Code de procédure civile: celui opéré par l'huissier de justice. Soyons innovateurs. Nous sommes un exemple de leadership. Nous vous tendons la main; à vous de saisir l'occasion.
En matière de vente sous contrôle de justice, le Barreau canadien, dans son mémoire, demande au législateur de maintenir le statu quo, de ne pas faire de changement à cet effet, et là je m'inscris en faux. En effet, nous croyons que le Barreau canadien n'a pas bien saisi l'essence même du jugement du juge François Tôth dans lequel le juge a refusé qu'un avocat puisse faire nommer un de ses employés de son bureau, indiquant qu'il y avait apparence de conflit d'intérêts. Le Barreau du Québec a attaché une certaine importance au sujet, étant donné qu'ils ont publié deux pages à ce propos dans leur publication de novembre dernier. Mais qui plus est que fait-il, le Barreau canadien, de la protection du public?
En 1994, lorsque le législateur a introduit les ventes sous contrôle de justice, il a laissé le champ ouvert à n'importe qui de faire des ventes, sans aucun contrôle sur sa capacité, sa formation, être détenteur d'une assurance professionnelle, d'un fonds d'indemnisation, etc., mais dès lors les huissiers de justice se sont approprié ce champ d'activité. Dans le cadre de sa formation professionnelle, au nouveau huissier, une formation de 24 heures est consacrée à cette matière en plus de laboratoires.
De plus, le Barreau canadien laisse entendre que les syndics, avocats, comptables seraient de meilleures personnes désignées dans les dossiers plus complexes et qu'ils ont une meilleure formation que nous. Voilà une incohérence entre le statu quo, ce qui est proposé, étant donné que... si on dit que les avocats, les comptables ont une meilleure formation, on demande le statu quo, on laisse ça ouvert à tout le monde.
Je me permets de vous rappeler que, le mémoire qui vous est présenté, ce ne sont pas des avocats qui l'ont rédigé mais bien des huissiers de justice. Nous croyons que nous avons démontré assez clairement nos compétences par nos argumentaires tout en apportant des idées, des solutions que le Barreau canadien ou le Jeune Barreau de Montréal ont totalement oubliées ou ignorées. Si le Barreau canadien reconnaît que plus de formation est requise pour les huissiers, je suis convaincu que ceux-ci souscriront à notre ambitieux projet de faire hausser les standards académiques au baccalauréat en droit. De cette façon, jamais plus personne ne mettra en doute les compétences de mes membres... ou peut-être auront-ils peur que nous empiétions dans leur champ de compétence.
**(10 h 10)** Le Barreau canadien prétend que le législateur veut créer un monopole pour les huissiers. Nous tenons à rappeler au Barreau canadien que le rôle de l'huissier de justice dans l'appareil judiciaire est d'agir comme un agent d'exécution -- un acte réservé en vertu du Code des professions -- que l'État nous a cédé des pouvoirs, qu'un recours hypothécaire en matière de vente sous contrôle de justice est une exécution forcée et que le législateur a pris la bonne décision de donner le rôle exclusif aux huissiers de surveiller, superviser les ventes, tant pour le bénéfice du créancier que la protection du débiteur. Si le Barreau canadien parle de monopole, qu'en est-il de l'exclusivité de l'opinion juridique par avocat, la présentation des requêtes devant les tribunaux, l'obligation d'une société d'être représentée par avocat au lieu de son président? Si vraiment le Barreau voulait collaborer à l'accès à la justice, peut-être pourrait-il proposer de donner des pouvoirs aux techniciens juridiques, comparaître à la cour pour des remises et... pour en nommer quelques-uns.
Il nous apparaît que les vrais arguments du Barreau canadien sont cachés derrière une idéologie corporatiste, en effet, parce que le Barreau canadien écrit que l'intervention d'un tiers va coûter plus cher en matière de vente sous contrôle. Je leur rappelle que, le travail que nous faisons dans le cadre d'une vente, il faudra que quelqu'un le fasse. Et qui le fera? L'avocat, à trois, quatre fois le prix? Nous vous demandons de ne pas souscrire à de tels arguments. Tant qu'à y être, pourquoi ne pas mettre de côté des agents d'immeubles, un autre tiers qui coûte cher? Laissons les avocats du Barreau canadien faire les visites et les ventes des immeubles.
Mais il n'y a pas que ces enjeux, il y en a d'autres. Au coeur de nos préoccupations, la signification en est une majeure, étant donné qu'elle représente 86 % du chiffre d'affaires des études d'huissiers de justice. Par conséquence, la signification finance l'exécution au Québec.
Par ailleurs, le libellé de l'article 109 qui nous est proposé laisse ouverture à n'importe quoi et banalise notre rôle dans l'appareil judiciaire. Si la profession est affaiblie, nous ferons un pas en arrière en matière d'accès à la justice et nous aurons tous échoué. Quoique très louable des intentions de la magistrature de vouloir faire de la gestion d'instance pour être plus efficace, la médiation pour éviter des procès, quoique nous pouvons être contre cette envie de déjudiciariser les conflits, le résultat de ces propositions fera que le nombre des procès sera diminué dans l'exécution, et l'exécution sera à son tour affectée. La profession sera encore affaiblie.
Donc, nous vous avons proposé des solutions pour un meilleur accès à la justice. Ne serait-il pas judicieux de donner une plus-value aux citoyens en permettant aux huissiers d'intervenir au stade du recouvrement de créances avant la judiciarisation des conflits, car la hausse du seuil d'admissibilité aux Petites Créances ne fera que doubler le volume des dossiers? La médiation en résolution de conflits peut être un autre champ d'activité qui serait dévolu à la fonction d'huissier. La remise volontaire exclusive par huissier d'un véhicule, la saisie avant jugement d'un bien en matière de revendication, trop de citoyens et de sociétés abandonnent leurs droits à cause des coûts d'avocat reliés à de telles opérations.
J'ai le désir sincère d'amener la profession ailleurs. Le conseil d'administration a résolu que le seul critère d'accès à la profession serait le baccalauréat en droit, à l'instar de l'Europe, et ce, pour 2015. La Chambre des notaires appuie notre démarche. La magistrature salue l'initiative, plus particulièrement dans le cadre de la réforme et des nouveaux pouvoir qui nous seront attribués.
J'ai le Barreau du Québec qui est à étudier notre demande. Je les ai invités à appuyer celle-ci, étant donné qu'ils prônent constamment pour un meilleur accès à la justice. Nous leur donnons l'occasion d'y parvenir. Nous les invitons à suivre l'exemple du Collège des médecins et de l'Ordre des pharmaciens.
Au terme de mes représentations, j'ai bien l'intention de m'adresser à chacun de vous afin que vous appuyiez cette démarche. Je vous inviterai à intervenir auprès du ministre de la Justice ainsi que du ministre de l'Éducation.
En conclusion, Mme la Présidente, quoique la profession est à caractère exclusif jusqu'à ce qu'une loi vienne en dire autrement, vous, les parlementaires, avez la responsabilité de vous assurer que notre profession cesse d'être fragilisée constamment, car le droit à l'exécution est un droit aussi fondamental au citoyen, il fait partie de l'accès à la justice. Nous, les huissiers, sommes fatigués d'être la caution morale du gouvernement et du ministère de la Justice. Je vous remercie de ce temps consacré.
La Présidente (Mme Vallée): Alors, merci, M. Maranda. Alors, sans plus tarder, nous allons maintenant procéder à la période d'échange. Nous allons y aller par blocs de 10 minutes pour faciliter une certaine fluidité, à la demande des partis. Alors, M. le ministre, pour le premier bloc d'échange. Vous avez 10 minutes.
M. Fournier: Merci, Mme la Présidente. M. Maranda et tous ceux qui vous accompagnent, grand bienvenue parmi nous. Merci de votre contribution à nos travaux et à la société. Je m'engage sur ce chemin que vous avez déjà tracé.
Alors, vous avez commencé par parler de l'importance d'assurer la pérennité des huissiers et vous avez terminé un peu sur le même sujet, un peu sous un autre ton, par contre, mais quand même sur le même sujet et que les législateurs que nous sommes devons s'assurer que la profession cesse d'être menacée. Ce n'est pas le mot «menacée» que vous avez pris mais affaiblie, touchée, diminuée.
J'en profite. Pour vous et tous ceux qui vont suivre, je me réserve de répondre à tous les groupes qui vont dire que le législateur a pour mission, dans cette consultation, de protéger les groupes. Notre... Enfin, tout au moins, c'est comment je vois ma fonction ici. Je suis là pour protéger les citoyens. Je suis là pour essayer de mettre sur la table des propositions, avec mes collègues et avec tous ceux qui vont venir, qui sont les meilleures pour les citoyens qui ont des problèmes juridiques. Et, comme chaque corporation est au service des citoyens, on devrait arriver à la même place, mais ma priorité et ma préoccupation ne sera pas de me dire: Est-ce que j'ai bien travaillé pour que les huissiers soient assurés de tout ce qu'ils veulent être assurés? Ce n'est pas le focus. Si l'accessoire, c'est celui-là, tant mieux, mais l'objectif de cette commission, de cet avant-projet, c'est de nous assurer qu'on sort... Et c'est difficile, je l'admets, là. Puis c'est une occasion pour tout le monde de venir parler de ses affaires, là, je n'ai pas de problème, puis c'est comme ça que ça va se faire, c'est correct. Mais c'est important qu'on le comprenne aussi, que, de mon côté, je vais m'assurer d'essayer de trouver la meilleure piste.
Ma collègue, tantôt, a fait des remarques préliminaires fort judicieuses qui vont nous amener à creuser quand arrivera le moment des libellés, qu'on ait les meilleurs libellés, mais l'objectif, c'est que, dans le fond, ça coûte trop cher puis c'est trop long, ça fait qu'on veut que ce soit moins cher puis moins long. On se comprend-u? Puis, s'il y a d'autres moyens que la justice traditionnelle, tous les moyens que les parties peuvent prendre -- mieux informer -- qui facilitent le règlement d'un dossier, on va tout faire pour que ça se règle.
C'est évident que ceux qui ont avantage à la justice dite traditionnelle vont peut-être trouver ça un petit peu moins intéressant, s'ils prennent le même point de vue que vous prenez, parce qu'ils vont dire: Pensez à ma profession. Moi, je pense que, si on pense aux citoyens, les professions vont s'adapter, mais elles vont offrir leurs services un peu différemment.
D'ailleurs, vous l'avez esquissé, on y reviendra peut-être un peu plus tard. Vous avez fait un bon tour d'horizon, vous-mêmes, mieux que moi, de tous ceux qui ont été impliqués avant que moi-même j'occupe la fonction et qui continuent de l'être, ce qui démontre quand même, je le dirais, là, d'entrée de jeu, l'enracinement de cet avant-projet dans la réalité. Tout le monde va venir dire qu'il y a un petit bout qui n'est pas celui qu'ils veulent, mais ils vont avoir de la misère à dire que l'avant-projet de loi n'est pas l'écho des intervenants du monde juridique, parce que, comme vous l'avez dit, nombreux ont-ils été à être consultés. De recevoir les avis, ce n'est pas une oeuvre qui a commencé il y a six mois, hein, ça a commencé il y a une décennie et peut-être plus encore.
Alors, beaucoup de monde sont intervenus. Tant mieux, ça a donné des assises. Tout n'est pas parfait, l'avant-projet de loi vise justement à étudier tout ça. Vous nous avez soulevé vous-mêmes le fait qu'il fallait éviter les luttes de monopole, hein, faire du «distinguishing» peut-être parfois entre les monopoles. J'ai compris que c'était peut-être une façon que vous y arriviez.
On va commencer par parler d'un sujet, même si vous en avez touché plusieurs. Je vais revenir sur un des éléments parce que plusieurs autres vont en parler, c'est les créances hypothécaires notamment, là. Et vous l'avez dit vous-mêmes, alors faites l'argumentaire au soutien de la position que les huissiers sont les meilleurs pour agir en termes d'exécution en créances hypothécaires. Plusieurs vont dire que la liberté du moyen est meilleure que, disent-ils, le monopole des huissiers. Ils soulèvent le... enfin, vous soulevez la question de la proximité, hein, qu'il pourrait y avoir, sinon, entre le créancier puis... Donc, il faut une distance, et l'huissier est celui qui est le mieux en mesure d'éviter cette trop grande proximité et donc de donner une assurance à l'égard des conflits d'intérêts, une neutralité. Ceux qui ont commenté le code et qui parlent du monopole apportent l'argument que, si d'apparence on pourrait soulever la question de la proximité, dans les faits elle ne s'applique pas parce qu'il n'y a pas d'intérêt opposé. Celui qui voit... qui est le débiteur voudra s'assurer que les plus gros montants soient payés, celui qui est le créancier, avoir le plus gros montant, les autres créanciers aussi, alors qu'il y a un intérêt à ce que la créance soit réalisée au mieux.
Alors, essayez donc de me donner un peu d'arguments, parce que, moi, je vais les voir, ces groupes-là. Ils vont venir nous voir et ils vont venir nous dire que le choix d'aller vers une personne neutre, bien qu'ils vont sûrement dire que c'est quelque chose de très bien mais... n'est pas, dans ce cas-ci, justifié par la réalité des faits parce qu'il n'y a pas d'intérêt opposé entre les parties. Alors, allez donc plus précisément dans la pensée que vous avez évoquée, répondez à mon questionnement et pensez à l'avance qu'il y aura plus qu'un groupe qui va venir dire que, dans certaines matières, on pourrait faire d'autres choix d'exécution même à l'avantage du citoyen. Alors, comme vous savez que c'est ce qui m'importe maintenant, je l'ai dit clairement pour vous puis pour tout le monde qui va suivre, essayez de me dire comment on peut servir l'intérêt notamment économique du citoyen justiciable.
**(10 h 20)**La Présidente (Mme Vallée): En 3 min 30 s, M. Maranda.
M. Maranda (Louis-Raymond): Et là je vois mes collègues, de chaque côté, qui voudraient tous répondre, sans doute, à la question. M. le ministre, Mme la Présidente, bien, dans un premier temps, je vous dirais que nous sommes là pour la protection du public, en première instance, et je crois que fondamentalement la protection du public se fait non seulement par les organes qu'on peut avoir au sein d'un ordre professionnel, mais aussi par le maintien d'un réseau de professionnels, et ça, tous ordres confondus. O.K.?
Ceci étant dit, si on parle des ventes sous contrôle de justice, on parle de la proximité, on parle de l'indépendance, la loi nous impose cette impartialité-là, et c'est pour ça qu'on vous dit qu'on est le meilleur acteur en matière d'exécution. Le législateur, à un moment donné, a décidé de céder des pouvoirs, l'État a cédé des pouvoirs aux huissiers, et c'est ce qui fait qu'il y a cette indépendance-là, indépendance-là qui nous permet d'agir en toute impartialité.
Et je vous dirais, M. le ministre, qu'en 2011 on parle... en 2012, excusez-moi, on parle d'éthique, hein, beaucoup. On parle d'éthique, il faut montrer patte blanche. Si on prend ce discours-là, il faudrait quasiment dire que les huissiers se ramassent dans une tour d'ivoire, dans une seule structure où aucune personne n'aurait accès soit aux gestionnaires ou aux huissiers sur le terrain pour tenter de les influencer. Alors, nous avons constamment à gérer ça. Cette indépendance-là, il faut toujours la maintenir, et je crois qu'en 2012 c'est encore plus d'actualité.
En matière de vente sous contrôle de justice, malheureusement, en 1994 il y a effectivement eu un article qui permettait un recours hypothécaire où n'importe qui pouvait les faire. Je vous dis que l'huissier de justice est la personne qu'il faut qui garde effectivement cette indépendance-là. Et, oui, vous allez me dire: L'accès à la justice, il y a un créancier hypothécaire, on veut résoudre le problème rapidement, mais ça prend une certaine indépendance, et on est là pour aussi garder, surveiller les intérêts du débiteur.
Et je peux vous parler personnellement d'un dossier où j'ai intervenu, j'ai fait une requête moi-même pour faire changer un mode de vente parce que ce qui était proposé n'était pas bon et j'étais convaincu que le mode de vente aux enchères, au lieu de gré à gré, serait meilleur. Eh bien, j'ai vendu l'immeuble 200 000 $ plus cher et j'ai remis un chèque de 50 000 $ au débiteur, qui était le résidu. C'était mon rôle, et je l'ai fait pleinement.
Donc, présentement, avec la situation des choses, quand on regarde la façon que ça se passe, j'y souscris, au jugement du juge Tôth, et il faut garder cette indépendance-là. Et ce n'est pas vrai que ça va coûter plus cher, M. le ministre, parce qu'il y a des gens qui travaillent et ces gens-là chargent des honoraires.
La Présidente (Mme Vallée): Merci, M. Maranda. Alors, on pourra revenir dans le prochain bloc. Mme la députée de Joliette, maintenant.
Mme Hivon: Oui, merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour. Bienvenue. Je vous souhaite la bienvenue à mon tour.
Dans votre mémoire, vous mettez de l'avant des propositions assez novatrices, et j'aimerais vous entendre sur deux éléments. La première, c'est le recouvrement à l'amiable des dettes liquides et exigibles. Vous parlez d'injonction de payer, vous parlez de la pratique qui existe notamment en Europe. Je sais que c'est une idée qui a déjà été envisagée, qui n'est pas retenue pour l'instant.
J'aimerais que peut-être, à la lumière des expériences qu'il y a ailleurs, vous nous disiez un peu le succès que ça connaît, parce que c'est sûr que, quand on regarde ça froidement, on peut se dire: Pourquoi l'intervention du huissier va-t-elle faire en sorte que soudainement quelqu'un qui est récalcitrant à payer va payer et comment, par la suite, ça simplifie les choses? Là, j'ai suivi le processus que vous suggérez, mais j'aimerais ça que vous élaboriez à la lumière de l'expérience des pays où ça existe.
M. Maranda (Louis-Raymond): Merci, Mme Hivon. Dans un premier temps, quand vous dites qu'effectivement c'est un sujet qui n'a pas été retenu, je souligne la grande collaboration de Me Marie-José Longtin, qui finalement va peut-être voir son bébé accouché, mais les légistes du ministère étaient en accord avec le projet, O.K.? Ce qu'on vous propose, c'est finalement... Et, je pense, ça rejoint un peu ce que le ministre veut faire aussi et vos paroles, étant ici. On veut permettre aux citoyens de faire appel aux huissiers pour pouvoir faire la perception à l'amiable, c'est-à-dire que, quand on dit «perception à l'amiable» et «huissier», il y a des gens qui vont dire: Ça ne fonctionne pas. Nous faisons quotidiennement de la résolution de conflits, c'est notre rôle. On côtoie quotidiennement le drame social et on a à percevoir des sommes d'argent pour des jugements qui n'ont pas été honorés.
Ceci étant dit, ce qu'on vous propose, c'est d'être en avant-plan, qu'au lieu d'aller voir des agences de recouvrement nous puissions déjà aller s'asseoir avec quelqu'un, essayer de percevoir les sommes d'argent. Et, s'il y a un échec à ça, on constate cet échec-là.
Et ce qui se passe en Europe, pour résumer ça brièvement, c'est que la personne, si elle refuse de payer la dette liquide et exigible -- on ne parle pas d'un problème de bornage, ce n'est pas ça, là, là c'est une dette liquide et exigible -- elle refuse, l'huissier constate le refus, dépose ça à la cour et a un bref de saisie, procède à la saisie des biens de la personne parce qu'elle a refusé de payer, et, à partir de là, la personne, elle a 10 jours pour contester. C'est sûr que c'est révolutionnaire pour le Québec, parce qu'au Québec ce qu'on fait, c'est qu'on envoie une mise en demeure, on va aux Petites Créances, puis aux Petites Créances on attend le jugement un an plus tard, et, à partir de là, on exécute. Et là ce qu'on veut, c'est offrir le contraire.
Et je peux vous dire, premièrement, que, vous le savez comme moi, c'est le moteur économique du Québec. Quand vous avez une petite entreprise qui a 50 comptes recevables puis qui amène tout le monde aux Petites Créances, le temps qu'elle passe aux Petites Créances, qu'elle a le jugement, qu'elle l'exécute puis que... peut-être qu'on ne pourra pas l'exécuter. Vous savez, quand on va rencontrer les gens, on débarque chez eux, on est en mesure de savoir si c'est des personnes solvables ou pas. Probablement qu'à partir de là, si on n'est pas capables de la percevoir et puis qu'on veut dire au demandeur: Écoute, cette personne-là n'a rien, bien il va arriver deux choses: soit qu'il va décider finalement d'entreprendre le recours malgré tout puis il va aller à la cour ou il va abandonner, tout simplement.
Alors, il y aura le choix de l'individu de faire valoir ses droits ou pas, mais je crois que ce qui vous est proposé comme en Europe, c'est un succès en Europe. Ça existe depuis 1972, et les huissiers, eux, qui ont une maîtrise, en passant -- certains ont un bac en droit, certains ont une maîtrise -- interviennent déjà au recouvrement à l'amiable. Et le Barreau du Québec, il y a sept, huit ans, on avait fait une demande et, en conseil exécutif, ont appuyé la démarche de la chambre de vouloir... de pouvoir faire ce recouvrement à l'amiable là.
Il y a eu du sable dans l'engrenage. C'était à l'Office de la protection du consommateur. Là, c'était la chicane entre les agents de recouvrement... Bien là, les huissiers vont-ils devenir des agents de recouvrement ou vont-ils être membres de l'Office de la protection du consommateur? Je vous soumets respectueusement que le Code des professions nous donne un encadrement assez serré, contrairement à ce que les agences de recouvrement ont, et je crois que ça serait pour l'intérêt du public de pouvoir avoir accès aux huissiers pour pouvoir faire du recouvrement.
**(10 h 30)**Mme Hivon: Est-ce que, pour vous, dans votre conception, si, par exemple, éventuellement c'est une avancée ou une mesure qui était mise de l'avant et que les huissiers étaient au coeur de cette nouvelle manière de procéder, ça impliquerait nécessairement la formation accrue dont vous parlez, du bac en droit, ou, selon vous, c'est indépendant de tout ça?
M. Maranda (Louis-Raymond): C'est indépendant, parce que présentement on a un jugement à exécuter. Quand on a un jugement à exécuter, à un moment donné, il y a un avocat qui surgit dans le dossier, soit pour s'opposer ou pour négocier ou discuter avec nous, et on est très bien capables de le faire, mais de hausser les standards académiques va nous permettre de pouvoir probablement aller plus large en matière de recouvrement des petites créances, surtout, exemple, s'il y a des jugements et... pas des jugements mais des contrats et, au-delà de ça, parce qu'on parle d'autre chose aussi, on parle aussi de récupérer, de saisir les biens, de la remise volontaire des biens. Ça, il y a des contrats avec ça.
Donc, présentement on est en mesure de donner le service, mais je pense que, si on hausse les standards académiques, bien, il n'y a personne qui va venir nous dire: Bien, ils ne sont pas capables de faire ça, pour telle et telle raison. Il faut faire de la prévention.
La Présidente (Mme Vallée): M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Cloutier: Merci, Mme la Présidente. Alors, à mon tour de vous souhaiter la bienvenue. Et je vais simplement poursuivre sur l'idée lancée par ma collègue.
D'abord, sur la formation, vous dites qu'en Europe le métier exige un baccalauréat, certains même une maîtrise. Qu'est-ce qu'il en est dans les autres provinces canadiennes?
M. Maranda (Louis-Raymond): Je vous dirai, bon, oui, effectivement, dans certains pays c'est le bac. En France, c'est la maîtrise. Pour les autres provinces canadiennes, malheureusement, il n'y a rien qui se ressemble. Pour la signification des actes de procédure, dans certaines provinces comme l'Ontario, c'est une personne majeure de 18 ans qu'on appelle un «process server», et c'est une compagnie de messagerie qui fait la livraison de la signification et qui fait un affidavit comme quoi il l'a signifié, et il y a des agents exécutants qu'on va appeler des shérifs, des marshals qui sont à la charge de l'État. Au Nouveau-Brunswick, vous avez l'huissier qui a pleins pouvoirs, comme ici. Alors, il n'y a rien de pareil.
Et quelle est la formation académique, je ne sais pas si M. Dubé peut répondre à ça, là, mais...
M. Dubé (Ronald): Dans les autres provinces du Canada, toutes les fonctions qui sont réunies dans une seule personne au Québec, à l'intérieur de personnes qui s'appellent huissiers de justice, membres d'un ordre professionnel, membres du système professionnel, ça n'existe pas dans les autres provinces du Canada. La personne qui va signifier des actes de procédure, comme disait le président, c'est le «process server». La personne qui va exécuter les décisions de justice, c'est le shérif, qui est un employé de l'État. La personne qui va procéder au recouvrement ou à la réalisation des droits qui résultent d'un contrat, c'est un «bailiff», qui détient un permis du ministère des affaires... des consommateurs. Ça dépend des provinces, les appellations sont différentes.
Donc, les fonctions qui sont partagées entre trois personnes dans les autres provinces sont réunies dans une seule personne au Québec. Alors, c'est ça, la différence majeure.
Quant à la formation, il n'y a pas de critères académiques comparables à ceux du Québec, et, lorsqu'on veut se comparer à d'autres professionnels en Amérique du Nord, c'est impossible de le faire. Il faut le faire avec ceux d'Europe et ceux qui sont membres de l'Union internationale des huissiers de justice, qui regroupe 70 pays. C'est la comparaison.
La Présidente (Mme Vallée): M. Maranda.
M. Maranda (Louis-Raymond): Si vous me permettez, je voudrais juste rajouter ceci: L'évolution académique de la chambre, de la profession d'huissier, en 1973, le Barreau du Québec saluait, en 1973, saluait l'initiative de la chambre d'amener ça à une neuvième année. En 1989, on est passés à la technique juridique. Je crois que l'évolution de la société fait en sorte qu'on est mûrs maintenant pour passer à un autre stade pour, M. le ministre, vous tendre la main et pouvoir donner le choix au citoyen d'avoir l'huissier de justice, ou le notaire, ou l'avocat, regroupés dans la profession des juristes.
La Présidente (Mme Vallée): Merci, M. Maranda. Alors, maintenant, M. le ministre, pour votre deuxième bloc de 10 minutes.
M. Fournier: Oui. Faites-moi penser, s'il reste du temps, qu'on parle de l'aspect économique de la proposition que vous faites pour le citoyen, les précédents. Je ne veux pas en parler tout de suite mais si on a un petit peu de temps, la parenthèse étant qu'à chaque fois où la formation est accrue, d'habitude, c'est parce qu'il y a une raison fondamentale pourquoi on doit passer à une formation accrue, par exemple parce qu'il y a un nouveau partage entre les professions sur les responsabilités à tenir, et il s'avère évidemment que la formation accrue commande une rémunération en conséquence. Alors, il serait intéressant aussi d'avoir l'étude économique qui soutient votre proposition, parce que, quand le ministère de l'Éducation accepte de pousser une formation accrue, il faut savoir quels sont les impacts économiques. Mais on en parlera peut-être tantôt, parce qu'on parle d'accès à la justice, on parle de coûts, alors il faut voir si la formation accrue et l'effort ou le travail accru à faire... comment ils se trouvent à être rémunérés. Enfin, c'est un des aspects, sans compter des coûts à l'éducation que ça concerne. Je le dis pour une ancienne vie que j'ai déjà occupée.
Ceci étant, je vais revenir sur la question à l'amiable tantôt. Je veux juste terminer le sujet qu'on discutait ensemble lorsque je vous disais que l'argument qui est fait, ce sont les gens qui vont dire: J'entends la logique de neutralité. Pour respecter les intérêts de chacun, il faut éviter, par exemple, le libre choix du créancier hypothécaire de choisir qui il veut, parce que cette personne-là travaillera pour lui et pas pour les autres, donc il va travailler dans l'intérêt seul du créancier hypothécaire. Or, à l'égard de la réalisation de la créance, il peut y avoir d'autres créanciers qui sont touchés, il peut y avoir le débiteur lui-même, et eux d'ajouter: Dans ce cas-là, les intérêts n'étant pas opposés entre débiteur et créanciers... L'exemple que vous avez donné est excellent, hein, il n'y avait pas d'opposition entre l'intérêt du débiteur et ceux du créancier, parce que le débiteur, il a eu son profit là-dedans. Donc, vous avez fait la preuve par votre exemple de l'argument de ceux qui contestent ce qu'ils appellent le monopole à donner aux huissiers. Alors, eux nous disent: Il n'y a pas rien de tel que des intérêts opposés, donc il n'y a pas lieu d'aller vers le choix de ce qu'ils appellent le monopole. À cette question-là, vous avez répondu: Bien, la loi nous donne ça parce que la loi nous reconnaît neutres. Oui, mais, si la réponse face à des nouveaux arguments est toujours que la loi est faite ainsi, donc ça répond à l'argument, on n'ira pas nulle part, parce qu'on fait une modification à la loi. Alors, il faut passer cet argument-là pour aller dans l'aspect plus profond.
Je vous pose la question. Donnez-moi une démonstration, parce que je vais en parler avec eux, là. Donnez-moi la démonstration qu'il y a, dans les faits, des moments, des cas où il y a des intérêts opposés. L'exemple que vous m'avez donné était: Moi, j'étais meilleur que celui qui voulait le faire. Ça, ce n'est pas des intérêts opposés. Ça, c'est des aptitudes. Il y a des gens au Barreau qui pourraient vous dire qu'il y a des avocats meilleurs que d'autres. Alors, je ne veux pas faire le débat sur la qualité des uns et des autres, mais, sur le fondamental de l'argument qui est soulevé pour laisser liberté aux créanciers hypothécaires, quels sont les intérêts divergents, opposés qui vous font dire: Ah! Ha! voilà réellement la matière pour laquelle nous avons besoin de quelqu'un de neutre parce qu'il y a possibilité de servir les intérêts de l'un plus que l'autre?
M. Maranda (Louis-Raymond): Alors, M. le ministre, mon collègue, M. Dubé, je sens qu'il veut vraiment sauter dans l'arène. Je vais lui laisser la parole, si vous permettez, et je vais conclure après, à la suite de son intervention.
La Présidente (Mme Vallée): Alors, M. Dubé.
**(10 h 40)**M. Dubé (Ronald): Je reprends exactement les mots que vous avez utilisés, M. le ministre. Quand vous dites «enracinement dans la réalité», bien là l'huissier est véritablement enraciné dans la réalité de l'application des lois et de l'exécution des décisions des juges. Autrement dit, dans l'avant-projet de loi, on cristallise le statut d'officier de justice sous l'autorité du tribunal, et c'est la première fois de façon précise que, dans le Code de procédure civile, le futur code, on dit que l'huissier, c'est un officier de justice.
Et quels sont les effets d'être un officier de justice? Premièrement, je vous dis tout de suite que c'est le corollaire de l'article 12 de la Loi sur les huissiers, qui dit: «L'huissier doit exercer ses fonctions de façon impartiale [mais] le fait de donner des renseignements à un justiciable ne constitue pas un acte de partialité.» Je vous cite de mémoire l'article 12, je pense, à la virgule près. Alors, la cristallisation de ce statut dans le nouveau code accentue son devoir d'impartialité dans l'exercice de ses fonctions à proximité des justiciables, qu'ils soient... Les justiciables, il faut leur donner un visage. Le justiciable peut être un créancier, il peut être un débiteur, il peut être une personne qui participe au processus d'exécution, et il a notamment envers tous un devoir général d'information. Donc, l'huissier, c'est l'officier de justice qui, dans le contexte d'une exécution forcée d'une décision de justice, va avoir le devoir général d'informer tous les intéressés par l'exécution de cette décision-là. Et puis on va plus loin dans l'avant-projet de loi. On va permettre à l'huissier d'interroger le débiteur. Ça, c'est une nouveauté, ça n'existe pas actuellement. On va pouvoir poser des questions au débiteur, et il devra nous répondre.
Alors, quand je vous dis que l'huissier, c'est le personnage désigné par la loi pour mettre à exécution les décisions de justice en toute indépendance et dans l'intérêt du système de justice, je pense que l'avant-projet de loi rencontre l'objectif que vous dites, s'enraciner dans la réalité.
M. Maranda (Louis-Raymond): Et, si vous me permettez, M. le ministre, je vais juste rajouter. Concrètement parlant, là... On va prendre les ventes sous contrôle de justice, là, parce qu'on en parle, et c'est un sujet assez important. Concrètement, dans la réalité, imaginez, vous êtes le procureur du créancier, il y a une requête en vente sous contrôle de justice qui est présentée devant les tribunaux au nom du créancier... à la demande du créancier, c'est-à-dire, et au nom du débiteur, et là la personne en charge de la vente va avoir... Puis là c'est parce qu'on parle naturellement de... On en a parlé dans le mémoire... bien, pas dans le mémoire, mais j'en ai parlé dans mon intro. On parle de l'avocat. L'avocat va aller à la cour présenter la requête et va recevoir des offres d'achat, va tout de suite l'accepter, va faire un état de collocation, va débourser? Je ne sais pas, là, mais, quand je regarde ça, là, dans le pratico-pratique, il y a, je pense, un certain problème, parce que, là, l'avocat qui représente le créancier... Et je ne mets pas en doute, M. le ministre, l'intégrité des officiers de justice, absolument pas. Je peux vous souligner que, dans un procès de vente sous contrôle de justice, il y a eu un placement de fait -- ce n'est pas secret, ça a sorti partout dans les journaux -- et ce placement-là a été fait dans le papier commercial, et la valeur du placement était plus de 4 millions de dollars. Le juge a ordonné à l'étude d'huissiers de donner les 4 millions dans le papier commercial. L'étude d'huissiers est allée à la banque, a emprunté le 4 millions et a remis les sommes. Et, à partir de là, il y a eu une poursuite qui a été prise contre l'assurance, et la conclusion veut que finalement l'assurance a été obligée de rembourser.
Ceci étant dit, admettons, là, on enlève les avocats, on enlève les notaires, on peut donner ça à n'importe qui d'autre, la vente sous contrôle de justice. Il y a trop d'enjeux. La compétence, je ne sais pas, là, mais je trouve, en tout cas, que ce qui est proposé présentement dans l'avant-projet de loi, à mon avis, c'est parfait. Et mon intervention aujourd'hui, c'est juste qu'en fin de semaine j'ai lu le mémoire du Barreau canadien, qui m'a fait sursauter, parce que, quand ils vous disent: On va vous parler de la notion de conflit d'intérêts, je peux vous dire de source sûre qu'ils vous en parlent parce qu'il y a eu un article dans le journal Le Barreau, et, moi, je n'ai pas arrêté de le crier sur les toits, qu'il y avait une apparence de conflit d'intérêts. Et, si on voulait enlever ce conflit d'intérêts là, il faudrait que, mettons, le créancier de la Banque de Montréal, là, pour en citer une, retienne les services de son procureur et que le procureur retienne les services d'un autre avocat d'une autre étude pour démontrer une certaine indépendance et transparence.
La Présidente (Mme Vallée): 30 secondes.
M. Fournier: Là, je suis fait, il me reste 30 secondes, ça fait que je ne toucherai pas aux autres choses. Je veux que vous répondiez à ma question. Ma question est la suivante... Je sais ce qu'il y a dans le code, je sais que vous êtes contents. La question, ce n'est pas là. Vous avez une opportunité, là, de répondre à l'avance à du monde qui vont venir, ça fait que faites-le. Ceux qui viennent vont dire que, dans les situations de créance hypothécaire, quand vous la réalisez... quand l'avocat la réalise pour son créancier hypothécaire, c'est dans l'intérêt du débiteur aussi. Ils disent qu'il n'y a pas d'intérêt opposé, donc, à cette question-là. Alors, je vous pose la question. Donnez-moi un fait précis. Dites-moi, je ne sais pas, quelque chose comme: Si je m'intéresse juste au créancier hypothécaire, je ne veux même pas réaliser encore plus loin. Dès que je réalise le minimum de la créance, le reste, je m'en fous. Donnez-moi un peu de matière qui me fait voir qu'il y a un intérêt opposé, qu'il n'y a pas juste qu'un débat théorique, qu'en pratique il y aurait une raison pour éviter que ce soit l'avocat, par exemple, du créancier hypothécaire, qu'il y a... Est-ce qu'il y a des intérêts opposés ou non? Vous avez un petit peu de temps pour répondre à l'avance à ceux qui soulèvent que la neutralité, c'est bien lorsqu'il y a des intérêts opposés, mais, lorsque que les intérêts sont convergents, la question de la neutralité s'infère juste du fait qu'il n'y a pas d'intérêt opposé. Je ne sais pas si vous me suivez.
La Présidente (Mme Vallée): Malheureusement, on a plus que dépassé notre temps. Alors, à moins qu'il y ait consentement de l'autre côté, alors...
Mme Hivon: Bien, en fait, je vous donnerai le consentement peut-être de répondre vraiment brièvement si vous avez un exemple concret.
M. Dubé (Richard): ...parfait. Permettez-moi de vous répondre, M. le ministre. Moi, je travaille quotidiennement dans le domaine des ventes sous contrôle de justice, j'agis comme personne chargée de la vente, et par la suite, la vente, le travail n'arrête pas là. Il faut faire la distribution du produit de la vente, et là on tombe dans le croustillant, parce que, là, il peut y avoir différents créanciers qui veulent avoir le produit de la vente, et là c'est là qu'il faut déterminer, que j'ai à déterminer, moi, selon les règles du Code civil et du Code de procédure civile, à qui vont aller les sommes. Et c'est là que ma neutralité me permet, à un moment donné, de m'installer, faire ce qu'on appelle un état de collocation. C'est comme un bordereau de distribution, et ça, ça dit à qui va aller les sommes. Et, si, pour une raison ou pour une autre, il ne sont pas contents de ce que j'ai à proposer, ils vont voir M. le juge, et c'est le juge qui tranche.
Mais, moi, dans mon travail quotidien, c'est de déterminer les droits des uns face aux autres, et c'est là que la neutralité me sert et également ma formation me sert, parce que j'en fais depuis 1994 et je suis en mesure de démontrer, face à différents créanciers, pourquoi c'est ce montant-là que je veux leur attribuer. Et, s'ils ne sont pas d'accord, ils peuvent aller voir, naturellement, M. le juge. Comme hier je faisais de l'arbitrage, à un moment donné, entre deux ministères qui réclamaient des sommes et j'ai eu à intervenir et à leur donner la position en fonction des différents codes avec lesquels je dois travailler.
La Présidente (Mme Vallée): Merci beaucoup, M. Dubé. Alors, Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon: Oui, merci, Mme la Présidente. Alors, maintenant, j'aimerais venir sur la question de la signification et de la notification, nouveau terme maintenant. Quand je disais tantôt, dans mes remarques préliminaires, qu'on est tous appelés à sortir un peu de nos visions traditionnelles et de nos zones de confort, je pense que, dans le domaine de la signification, l'avant-projet de loi, certainement, vous interpelle et vous amène à sortir un peu, comme ordre, de votre zone de confort. Quand je parlais aussi du formalisme qui rebute les citoyens, qui est un frein, un... à certains égards il faut un certain formalisme, c'est certain, mais il y a certainement un excès de formalisme, à certains égards, et c'est quelque chose qu'on entend beaucoup, bien sûr, en matière de signification.
Donc, je comprends de votre mémoire qu'il y a une opposition chez vous à la question de pouvoir désormais signifier par messagerie. On est quand même conscients qu'il y a un certain encadrement, un accusé de réception, la personne doit... ça doit être clair qu'elle a bien reçu l'acte, tout ça. Il y a quand même beaucoup de mesures, en fait de signification, qui relèvent du ressort exclusif parce qu'elles requièrent un certain niveau plus élevé de formalisme. Donc, j'aimerais comprendre pourquoi cette opposition de principe à ouvrir à moins de formalisme pour la notification par messagerie.
**(10 h 50)**M. Maranda (Louis-Raymond): Bien, dans un premier temps, au fond, ce qu'on dit, bon, c'est sûr que l'article 109, là, parce que c'est l'article qui nous préoccupe, si jamais, si jamais on décidait de maintenir le principe, il faudrait au moins le scinder en deux, parce que, je veux dire, l'huissier de justice a un rôle, il y a un procès-verbal de signification, qui est un acte authentique, qui est relié à ça, et sans non plus oublier son statut. Ça, c'est une chose.
L'autre chose: la notification par courrier recommandé, écoutez, de là où je ne voudrais pas avoir l'air de quelqu'un qui va prêcher pour sa paroisse ou garder ses intérêts corporatistes, mais je vous sensibilise au fait que, quand on fragilise la signification, et malheureusement ce n'est pas de notre faute, là, ce n'est pas de notre faute si on fragilise cette signification-là... Ça finance l'exécution au Québec. Donc, si on décide qu'on s'en va avec une notification par courrier recommandé, bien, assurons-nous que, pour l'avenir, si on veut maintenir un réseau d'huissiers pour pouvoir exécuter, on trouve d'autres champs d'activité.
Donc, nous, ce qu'on vous dit, c'est: Faites attention, parce que quand même, quand on signifie un acte de procédure, qu'on le laisse dans la boîte aux lettres ou qu'on le signifie personnellement, c'est réputé signifié. Lorsque vous vous ramassez avec un courrier recommandé, je vous dirais... et je ne suis pas capable de vous donner des statistiques, mais, lorsque la personne n'est pas capable de signifier et de rejoindre le destinataire parce que la personne ne va pas chercher son courrier recommandé, elle fait appel au huissier, donc des délais et quand même un autre coût, là, qui se rajoute, même s'il peut être minime. Voilà.
Mme Hivon: Peut-être un deuxième élément. Vous proposez en b, page 11 de votre mémoire, là, qu'en fait le réseau, votre plateforme électronique, là, Huissiers Québec, ait vraiment une valeur, là, importante pour tout ce qui concerne la signification et, de manière plus générale, les modes électroniques, là, de transmission d'acte de procédure, et tout ça. J'aimerais vraiment... C'est intéressant de voir que vous proposez des choses, vous mettez ça de l'avant mais de comprendre quelle serait la plus-value. Si je vous donne deux minutes -- parce que mon collègue aussi veut vous poser une question -- pour plaider, là, quelle serait la plus-value? Parce que vous allez jusqu'à dire qu'en fait votre Huissiers Québec pourrait même succéder au centre de distribution du ministère de la Justice pour centraliser les réclamations de ceux qui vont se partager les sommes. Donc, c'est très ambitieux, je salue l'ambition, mais je veux comprendre vraiment la plus-value de vraiment confier ça à une plateforme gérée par l'ordre des huissiers.
M. Maranda (Louis-Raymond): Bien, écoutez, juste pour vous dire en passant: Le 1er février, Huissiers Québec va venir présenter un mémoire et va vous montrer tout le fonctionnement, et ce, c'est Me De Rico qui va venir, qui plaide depuis des années pour la signification électronique. Alors, il va être capable d'aller plus en profondeur, et vous allez même avoir une démonstration live et tous les éléments de sécurité qui sont reliés à ça.
Ceci étant dit, écoutez, je vais vous résumer ça vite, là: Combien de fois est-ce que quelqu'un a envoyé un courriel à la mauvaise personne? Ce sont des documents juridiques, ce sont des documents confidentiels, et présentement on les envoie par télécopieur. On met ça sur un fax, on l'envoie dans une étude d'avocats, c'est accessible à tout le monde. Naturellement, tout le monde est relié au secret professionnel, mais l'envoi électronique, il faut le superviser parce que, si l'avocat n'ouvre pas son fameux document, il y a une date de présentation, ça prend un «backup».
Donc, ça prend une centrale, et c'est ce qu'on propose, une centrale qui va gérer ça, parce que, comme je dis dans mon texte, éventuellement, qu'est-ce qui nous dit que les sociétés ne seront pas signifiées? Parce que déjà des juges accordent, à la demande des procureurs, des significations par voie électronique à des compagnies ou à des individus. Il y a un juge qui a accordé une signification sur Facebook. Alors, je veux dire, ça serait vraiment faire l'autruche, là, de ne pas projeter dans l'avenir. Et, si on s'en va sur des compagnies et éventuellement l'individu, bien on maintient que l'huissier de justice, par la structure qu'il propose, va être capable de faire ça sécuritaire et d'avoir toujours un «backup» papier, qu'on le veuille ou non, si le fameux courriel n'a pas été ouvert. Ça, c'est une chose.
Le centre de distribution, dans l'avant-projet de loi au tout début, quand on a été consultés, on donnait la responsabilité aux huissiers de distribuer des saisies de salaire et des saisies de compte de banque. Je vous soumets respectueusement, et c'est ce que j'ai dit au ministère: Mon huissier de Val-d'Or qui est occupé à aller à la Baie-James, sur les réserves, n'aura pas le temps de gérer ça. Le projet est intéressant, on sort ça du centre de distribution du ministère et on amène ça à Huissiers Québec -- c'était ça, l'idée, de pouvoir donner accès plus rapidement encore aux sommes -- parce que, si on donne ça aux huissiers, je vous le dis, je ne suis pas sûr qu'ils vont vouloir gérer toutes les saisies de salaire et les saisies de compte de banque qui sont faites, puis on ne rendra pas service aux justiciables.
La Présidente (Mme Vallée): Je sais que M. le député de Saint-Jean avait une question, alors brièvement... de Lac-Saint-Jean, désolée.
M. Cloutier: Merci, Mme la Présidente. À la page 16, vous qualifiez de véritable mafia les professionnels de la finance qui exercent des pressions indues pour la récupération de biens, vous souhaitez des pouvoirs accrus. J'aimerais que vous nous en disiez davantage.
M. Maranda (Louis-Raymond): Ce qu'on dit...
La Présidente (Mme Vallée): M. Maranda.
M. Maranda (Louis-Raymond): Oui, merci. Alors, ce qu'on dit, au fond, ce qui arrive, c'est que les créanciers -- exemple on va parler de véhicules, là -- ceux qui financent les véhicules automobiles vont demander à ce qu'on fasse de la remise volontaire. De la remise volontaire, c'est se présenter chez le citoyen, l'informer de ses droits, parce que l'Office de la protection du consommateur est là. Il faut l'aviser avec un avis d'échéance aussi et lui expliquer qu'il serait mieux de remettre le véhicule. De toute façon, 30 jours plus tard on va venir le chercher avec une saisie avant jugement. Ceci étant, lorsque les compagnies de finance, on fait appel à nous, bien là ce qu'ils vont faire, c'est qu'ils vont appeler après ça nos remorqueurs ou ils vont envoyer des remorqueurs d'autres provinces, envoyer chercher les véhicules en bafouant les droits des citoyens, et c'est pour ça qu'on demande à ce que ça soit les huissiers qui le fassent.
Et je vais vous donner un exemple très concret... On n'a plus le temps?
La Présidente (Mme Vallée): ...on n'a plus de temps du tout.
M. Maranda (Louis-Raymond): Alors, je vous donnerai en privé cet exemple concret.
La Présidente (Mme Vallée): Alors, je vous remercie beaucoup. Je vous remercie, chacun d'entre vous, d'avoir participé à cette période d'échange.
Alors, maintenant, je vais inviter le Fonds d'assurance responsabilité professionnelle de l'Ordre des dentistes à venir à l'avant, à s'avancer. Nous allons suspendre quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 58)
(Reprise à 11 h 1)
La Présidente (Mme Vallée): Alors, je souhaite la bienvenue à M. Gilles Dubé et à Mme Irène Beauchamp, du Fonds d'assurance responsabilité professionnelle de l'Ordre des dentistes du Québec. Monsieur madame, vous disposez d'une période de 15 minutes pour faire votre présentation. Alors, la parole est à vous.
Fonds d'assurance responsabilité professionnelle de
l'Ordre des dentistes du Québec (FARPODQ)
M. Dubé (Gilles): Merci, Mme la Présidente. M. le ministère de la Justice... le ministre de la Justice, Mmes et MM. les députés, membres de la Commission des institutions, nous sommes reconnaissants envers la commission de nous avoir invités à faire connaître les vues du Fonds d'assurance responsabilité professionnelle de l'Ordre des dentistes du Québec sur l'avant-projet de loi instituant un nouveau Code de procédure civile. Mon nom est Dr Gilles Dubé, président du fonds. Je suis accompagné de la directrice générale du fonds, Mme Irène Beauchamp. Mme Beauchamp.
Mme Beauchamp (Irène): Mme la Présidente, M. le ministre. Alors, depuis 1990, le Fonds d'assurance responsabilité professionnelle des membres de l'ordre, l'assurance est garantie par un contrat à souscription annuelle obligatoire. Le fonds comporte 4 300 membres pouvant prodiguer environ 20 millions d'actes professionnels par année, qui sont exclusivement des dentistes membres de l'Ordre des dentistes du Québec, et on gère environ 200 réclamations et poursuites contre des dentistes par année dont un très faible pourcentage se rend à procès, les autres étant soit abandonnées ou réglées hors cour.
Le fonds est un assureur à but non lucratif. Pour nous, la notion de santé est au premier plan. Notre politique est d'enquêter toute réclamation qui nous est présentée, peu importe le montant en jeu, le plus rapidement possible et de régler avec les tiers si la responsabilité du dentiste est retenue. Sur les 200 réclamations présentées en moyenne annuellement, 30 environ sont avec poursuite et 130 environ sont réglées à l'interne ou hors cour. Enfin, nous n'avons eu que huit procès dans les derniers cinq ans.
M. Dubé (Gilles): La principale préoccupation du fonds, concernant l'avant-projet, concerne l'institution de l'expertise commune qui, nous vous soumettons respectueusement, amènerait un changement fondamental aux recours en justice, particulièrement en matière de responsabilité professionnelle. Le fonds a considéré qu'il était son devoir envers ses membres de souligner les répercussions qu'apporterait l'expertise commune, et c'est la raison pour laquelle nous avons déposé un mémoire qui propose que l'on fasse une exception à l'expertise commune pour la responsabilité professionnelle.
D'ailleurs, nous vous remettons une feuille indiquant notre proposition de modification à l'article 155, deuxième alinéa, de l'avant-projet par l'ajout, à la fin, des mots «sauf en matière de responsabilité professionnelle», de sorte qu'il se lirait comme suit: «À tout moment de l'instance, le tribunal peut, à titre de mesures de gestion, prendre, d'office ou sur demande, l'une ou l'autre des décisions suivantes:
«2° fixer les modalités de l'expertise, qu'elle soit commune ou non, en évaluer l'objet et la pertinence ainsi que les coûts anticipés et fixer un délai pour la remise du rapport et, si les parties n'ont pu convenir d'une expertise commune, apprécier le bien-fondé de leurs motifs et néanmoins l'ordonner si le respect du principe de proportionnalité l'impose, sauf en matière de responsabilité professionnelle.» Nous sommes soucieux que la discrétion accordée au juge d'ordonner l'expert commun lorsque la règle de proportionnalité l'impose permettrait d'ordonner l'expert commun dans un grand nombre de causes de responsabilité professionnelle où la valeur en litige serait considérée non suffisante pour justifier sur une base économique un débat contradictoire d'experts. Notre inquiétude, c'est que les juges puissent ordonner de façon quasi systématique l'expertise commune dans les poursuites contre les dentistes. En tout respect, nous croyons que, si l'expertise commune devenait la règle, les dentistes auraient la perception qu'ils n'auraient plus accès à une justice indépendante de haute qualité. C'est le point de vue que nous désirons vous présenter aujourd'hui.
Le principe de proportionnalité vise à s'assurer que les actes de procédure et les moyens de preuve choisis soient proportionnés à la nature et à la complexité de l'affaire et à la finalité de la demande eu égard aux coûts et temps exigés, mais l'importance d'une affaire judiciaire va au-delà du montant en jeu. Pour un professionnel, une action alléguant sa responsabilité civile est une atteinte à son intégrité professionnelle et sa réputation pouvant avoir des conséquences sur sa clientèle, sa mobilité d'emploi ou même son assurabilité et, en conséquence, sa capacité de gagner sa vie en exerçant sa profession. Même si les conclusions de l'expert ne lient pas le tribunal non plus que les parties, il demeure que, si un seul rapport d'expertise est admissible en preuve dans une matière où le juge est profane, le juge n'aura d'autre choix que d'entériner l'opinion de l'expert commun. Une telle délégation de pouvoirs nuirait à l'image de la justice et donnerait la perception que l'expert commun usurpe le rôle du juge.
Bien que l'expert commun puisse être tenu de fournir des précisions sur des aspects techniques de son rapport et rencontrer les parties afin de discuter de ses opinions en vue de l'instruction, l'avant-projet stipule que son rapport tiendra lieu de son témoignage et l'interrogatoire de l'expert ne visera qu'à obtenir des précisions sur des points qui font l'objet du rapport. On pourra aussi obtenir son avis sur des éléments de preuve nouveaux présentés pendant l'instruction, mais on ne pourra pas contre-interroger l'expert commun sur sa crédibilité et contester véritablement son opinion en remettant en question ses prémisses, ses fondements, les autorités sur lesquelles il s'appuie, sa théorie et sa conclusion. À toutes fins pratiques, l'avant-projet adopte pour la preuve de l'expertise, quand le juge ordonne l'expert commun, le système inquisitoire qui prévaut en France. Notre système juridique est fondé sur le droit d'obtenir justice d'un juge indépendant nommé à vie et inamovible dans le respect des règles de preuve, et le juge peut rendre une décision qui peut déplaire à une partie sans craindre des répercussions, mais cette décision est sujette à appel si le juge commet des erreurs de droit ou de fait.
Malgré que l'avant-projet prévoie que l'expert doive accomplir sa mission avec objectivité, impartialité et rigueur, il demeure que l'expert commun sera nécessairement un pair du professionnel poursuivi et il peut être appelé à le connaître, collaborer avec lui ou le rencontrer dans des activités professionnelles. L'expert commun désigné par les parties ou la cour va retirer des revenus de cette activité et un prestige susceptible de lui conférer d'autres avantages: la notoriété, nomination universitaire, etc. Si un expert veut être recommandé par les parties au juge, il aura avantage à ne pas trop déplaire à une partie et de ne pas toujours favoriser le même côté.
Comme l'expert commun est un pair du professionnel poursuivi, les clients ou patients de ce professionnel pourraient croire que, par solidarité professionnelle des gens du même milieu et qui se connaissent, se rencontrent professionnellement et se respectent, l'expert a un biais en faveur du professionnel poursuivi. Étant un pair du professionnel poursuivi, l'expert pourrait avoir dès le départ une opinion favorable ou défavorable quant au professionnel poursuivi ou quant au milieu où il travaille ou avoir des intérêts opposés qui ne soient pas facilement identifiables, les professionnels étant en quelque sorte en compétition entre eux, particulièrement dans certains domaines. Ainsi, bien qu'on puisse requérir que l'expert agisse de façon intègre, il ne sera jamais perçu comme ayant l'indépendance d'un juge, surtout pas en matière de responsabilité professionnelle, là où son opinion est déterminante quant à l'issue du litige.
Si le client ou le patient qui veut poursuivre un professionnel a déjà consulté un expert pour lui demander s'il relève des fautes professionnelles sur lesquelles repose son recours, il sera certainement frustré de constater que le juge ordonne un expert commun qui fasse en sorte que le demandeur ne sera plus maître de sa preuve et ne pourra pas présenter le rapport de l'expertise qu'il a déjà obtenu et qui lui est favorable. Le patient se sentira d'autant plus brimé si l'expert commun désigné par le juge arrive à la conclusion qu'il n'y a pas eu de faute professionnelle, contrairement à l'expert qui avait été retenu par le patient et dont le rapport n'aura pas pu être déposé devant le tribunal.
À toutes fins pratiques, un expert commun est équivalent à un arbitrage final et sans appel qui procéderait de façon inquisitoire. L'expert commun recherche les faits qu'il considère pertinents et en tire les conclusions qui en découlent, à son avis, sans avoir le bénéfice d'avoir les opinions d'autres experts qui feraient le même exercice et sans que l'on puisse réellement contester ses prémisses et son analyse, et le droit d'appel est, à toutes fins pratiques, inexistant. Quand l'intégrité professionnelle est en jeu, le défendeur veut pouvoir présenter une preuve d'expertise quant à sa conduite professionnelle pour préserver sa réputation. Le professionnel poursuivi veut demeurer maître de la présentation des éléments de défense qu'il considère pertinents, et il y a fort à craindre que le recours à l'expert commun enlève au professionnel poursuivi le droit à une défense pleine et entière. Et il est certain que les dentistes poursuivis auront la perception de ne pas avoir pu présenter leur défense.
**(11 h 10)** Si le demandeur affirme au tribunal qu'il est démuni, il pourra demander au juge d'ordonner un expert commun en vertu de la règle de la proportionnalité. Il y a fort à parier que la règle de l'expert commun ira à sens unique. Quand un demandeur aura déjà retenu un expert, le tribunal acceptera que le demandeur conserve le droit de présenter la preuve de cet expert et que chaque partie ait un expert de son choix, et, quand le demandeur affirmera qu'il n'a pas d'expert, le juge va ordonner l'expert commun, même si le professionnel poursuivi voudrait avoir son propre expert.
Bien que l'avant-projet prévoie que l'expert doive accomplir sa mission avec objectivité, impartialité et rigueur, il demeure que l'expertise dépend des faits qui sont retenus par l'expert et des prémisses quant aux données de la science et aux normes de l'art. Différents experts peuvent avoir des appréciations différentes des faits et de l'importance qu'il faut leur accorder. Différents experts peuvent aussi appartenir à différentes écoles de pensée et auront un schéma d'analyse qui dépend de leur formation, leur expérience et leur milieu de pratique, surtout dans un domaine où les normes de pratique relèvent de l'usage et où il peut y avoir disparité des approches et des façons de faire. L'expert commun enlève au tribunal la lumière qu'apporte un débat contradictoire entre experts. Limiter le contre-interrogatoire à obtenir des précisions ne permettra pas de faire ressortir quelles sont les prémisses des faits ou des données de la science qui font en sorte qu'on peut en arriver à des conclusions divergentes.
Il est préoccupant qu'en matière de responsabilité professionnelle l'expert commun soit investi de l'autorité du tribunal pour recueillir la preuve dont il a besoin pour accomplir sa mission, ce qui pourrait inclure, avec l'autorisation du tribunal, de recueillir des témoignages et, au besoin, citer des témoins à comparaître, recevoir leurs serments, entendre leurs dépositions et assurer la conservation de leurs témoignages. À toutes fins pratiques, l'expert commun devient un enquêteur qui va décider de façon finale le litige. Pourtant, à moins que l'expert ait une formation juridique, il n'aura aucune formation en matière d'enquête, preuve, procédure civile, justice naturelle, équité procédurale, droits de la personne et secret professionnel, et le processus d'enquête fait par l'expert commun serait nécessairement de qualité bien inférieure au processus d'enquête selon les règles de la preuve en présence des procureurs devant le tribunal comme dans toute autre affaire civile.
Il existe un risque qu'un expert commun, fervent partisan d'un courant plutôt qu'un autre, minimise ou écarte de bonne foi une autre ligne de pensée, puisqu'il la considère fausse ou inexacte, exagérée ou dépassée. Le débat des idées censé faire jaillir la vérité serait alors évacué du processus judiciaire en matière de responsabilité professionnelle.
Dans le système actuel, le professionnel poursuivi est à même d'évaluer si l'expert qu'il a choisi produit un rapport qui possède la rigueur d'analyse qui est requise pour bien faire ressortir les faits pertinents, les notions scientifiques applicables et les conclusions qu'il faut en tirer. Ce n'est certainement pas au moment où il est convoqué pour fournir des précisions sur les aspects techniques du rapport et rencontrer les parties afin de discuter de ses opinions que l'expert en commun va changer d'avis, et les parties se rendront peut-être compte à ce moment-là que son analyse ne possède pas la rigueur requise mais ne pourront plus rien faire pour congédier l'expert ou en faire entendre un autre.
En matière de responsabilité professionnelle, les poursuites ne concernent pas seulement la détermination d'une compensation ou non. Ces litiges reposent sur l'établissement de normes de pratique qui vont s'appliquer généralement à toute la profession et vont bénéficier à l'ensemble de la population.
Avec l'option de se présenter devant le tribunal sans expert et de demander au juge de désigner un expert commun, on peut certainement craindre qu'il y aura un plus grand nombre de poursuites intentées par des clients ou patients qui se représentent seuls et qui vont demander au tribunal de leur donner un expert commun pour évaluer une situation sans avoir auparavant obtenu l'opinion des experts quant à la conduite du professionnel poursuivi, ce qui augmentera les frais de la justice par des recours inutiles, apportera de la frustration au demandeur rapidement débouté par l'expert commun et aussi beaucoup de frustration, inconvénients et frais au professionnel poursuivi sans fondement. Chaque poursuite peut être rapportée dans les médias et fera partie de l'histoire professionnelle du défendeur.
Il sera facile d'alléguer le manque de moyens d'un demandeur pour tout simplement intenter rapidement les procédures à peu de frais, demander au juge d'ordonner une expertise commune et, par la suite, attendre les résultats de l'expertise commune. S'il y a une avalanche de tels recours à force de devoir refuser les réclamations, l'expert commun peut devenir plus complaisant et rechercher des causes de poursuite là où il n'y en aurait pas. Le recours à l'expert commun ordonné par la cour en matière de responsabilité professionnelle risque d'être ordonné avec une grande disparité d'application par différents juges dans l'exercice de leur discrétion judiciaire et résulter dans une modification fondamentale au système contradictoire, qui est un des fondements du droit civil québécois.
Ces commentaires sont énoncés de façon constructive. Nous croyons que l'avant-projet contient plusieurs initiatives qui vont accroître l'accès à la justice et que les buts recherchés par le ministère de la Justice peuvent être atteints sans imposer l'expert commun en matière de responsabilité professionnelle. Nous vous remercions de votre attention et nous serons heureux de répondre à vos questions.
La Présidente (Mme Vallée): Merci, M. Dubé et Mme Beauchamp. Alors, maintenant, nous allons céder la parole au ministre pour une période d'échange de 10 minutes.
M. Fournier: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci de votre participation auprès de nous.
Vous êtes les premiers, vous ne serez pas les seuls qui allez soulever la question de l'expertise, puis je pense qu'avant même de relever certains éléments je vais vous poser une question: Est-ce que vous considérez que la question des expertises dans des procédures peut être une des matières qui engendrent des frais importants et qui peuvent amener, chez le justiciable, la renonciation à exercer son droit? Est-ce que vous considérez que les coûts d'expertise constituent un des facteurs entraînant des coûts importants dans les procédures?
M. Dubé (Gilles): En fin de compte, je vais vous répondre en vous expliquant un peu la façon de procéder au niveau du fonds d'assurance. Je pourrais vous dire que 56 % de tous les dossiers ouverts dans une année sont réglés dans les deux ou trois mois où est-ce qu'on n'a pas de recours judiciaire, 30 % des dossiers supplémentaires sont réglés dans les six mois si on a recours à un expert. Il y a simplement quelques... On pourrait dire: Une fois par année, on se présente en cour avec des experts. Bien que ça engendre des coûts supplémentaires, nous avons l'impression que, si on veut avoir un système de justice équitable pour les deux parties... Parce que nous sommes autant préoccupés par les patients, par la population que par les dentistes que nous protégeons. Je peux vous dire que la mission du fonds d'assurance responsabilité, c'est d'offrir le meilleur programme d'assurance responsabilité aux dentistes du Québec, mais par contre, de façon implicite, on partage celle de l'Ordre des dentistes du Québec qui est la protection du public.
M. Fournier: Alors, je vais répondre à ma question. Il est assez...
M. Dubé (Gilles): Dans les quelques cas où est-ce que nous avons utilisé... où est-ce que les experts sont utilisés -- comme je vous l'ai dit, c'est dans très peu de cas -- oui, ça peut engendrer... ça engendre des coûts supplémentaires, mais je pense que c'est la base du système contradictoire de justice qui existe au Québec actuellement.
M. Fournier: Je n'ai pas de doute que ce soit là la base, mais il est 11 h 20, on devrait tous s'en aller.
M. Dubé (Gilles): ...des exemples, un autre exemple particulier où est-ce que des patients, par exemple, nous appellent, au fonds d'assurance responsabilité. Nous les encourageons fortement à ne pas utiliser d'avocat tout de suite, de ne pas requérir les besoins d'un avocat et de nous faire leur demande, nous leur donnons toutes les informations nécessaires, et, après quelques mois, si, le dossier, nous avons trouvé qu'il y avait faute de la part du dentiste, ces gens-là sont indemnisés. On essaie d'éviter le recours au système judiciaire le plus possible, la majorité de nos dossiers sont réglés de façon... hors cour.
M. Fournier: Alors, je vais donc répondre à ma question, Il est assez documenté qu'au niveau des expertises cela devient un irritant, un empêchement même à exercer des recours, et une des considérations que nous avons avec un avant-projet de loi, un nouveau code de procédure civile, c'est de répondre justement à ce décrochage judiciaire et d'essayer de trouver les avenues pour y arriver. Je comprends évidemment de votre présentation qu'à cet égard vous trouvez que cela va bien et qu'il n'y a pas de modification à faire. Je tiens à vous préciser que nous avons fait le choix d'agir parce que nous croyons au contraire qu'il y a des gestes à poser.
Maintenant, sont-ils de l'ordre que vous avez dépeint? À vous entendre, nous sommes passés, dans le nouveau code, dans la proposition ici, à l'expertise commune obligatoire qui est un arbitrage, c'est un peu ce que vous m'avez décrit, alors que la proposition qui est faite est celle d'abord d'une expertise par sujet des parties. Le juge peut décider. Alors là, il peut intervenir, mais le premier choix, la première balle est aux parties, une expertise par sujet. Ça, c'est la base. Exceptionnellement, le juge peut intervenir, considère la proportionnalité, et il peut dire: Non, dans cette matière il y aurait lieu à une expertise commune.
Je reviendrai tantôt sur ce qu'est une expertise commune, parce que je ne crois pas qu'on peut non plus la dépeindre comme étant un jugement, mais on y reviendra par la suite. Mais êtes-vous d'accord avec moi que la proposition est ici de permettre aux parties l'expertise qu'ils veulent par sujet, que c'est une exception où le juge intervient pour une question de proportionnalité et que même cela est appelable si jamais c'était déraisonnable au niveau de cette exception qu'il a appliquée? Déjà, quand je vous dis ça, est-ce que vous maintenez que le projet de loi fait en sorte que c'est un choix de l'expertise unique?
**(11 h 20)**M. Dubé (Gilles): En fin de compte, nous sommes d'accord sur le principe d'avoir une expertise par domaine. Ça...
M. Fournier: ...dans l'avant-projet de loi. Disons-le clairement, là.
M. Dubé (Gilles): Oui. Ça, nous ne sommes pas contre toutes les modalités de l'avant-projet. On est très inquiets de l'application de l'expert en commun parce qu'on juge que ça ne sera pas équitable pour les deux parties, tant le patient que le dentiste.
M. Fournier: Bon. Alors, commençons à poser maintenant ce nouveau cadre, parce qu'à vous écouter j'avais franchement l'impression que ceux qui nous écoutent étaient en train de se dire qu'il n'y avait pas une expertise par sujet, qui est la base. Alors, bon, on est d'accord là-dessus.
Maintenant, il est vrai qu'il y a un pouvoir donné au juge. Je le dis pour vous, là, mais je vais le dire pour plein d'autres qui vont venir: Il y a des changements, c'est une modification. Ça fait que forcément, modification, changement, alors il y a des choses qui ne seront plus les mêmes qu'on propose, qu'on veut entendre des commentaires, et on vous écoute. Alors là, il y a ce choix-là qui est fait aux parties de limiter à un par sujet, mais on demande à un juge... qui est compétent, qui a la neutralité, toutes les qualités que vous avez reconnues tantôt, qui se dit: Eu égard aux faits de cette cause-là, à la question de la proportionnalité, je considère qu'une expertise unique serait préférable. Ce n'est là qu'une exception, et elle est en plus appelable si elle était déraisonnable.
Est-ce que vous êtes en train de me dire que cela est un pouvoir trop grand donné à un juge, qu'il n'est pas en mesure de prendre cette décision-là au regard de la proportionnalité?
M. Dubé (Gilles): Notre jugement n'est pas sur la possibilité d'un juge ou sur son jugement concernant la nomination d'un expert en commun. Notre problématique et notre inquiétude, c'est versus la nomination d'un expert en commun. Nous jugeons que l'utilisation d'experts en commun ne répondra pas au système équitable de justice qui existe au Québec actuellement, ne sera pas équitable tant pour le patient que pour le dentiste.
M. Fournier: Parfait. Donc, on...
M. Dubé (Gilles): Je peux vous donner un exemple d'un expert, à un moment donné, qui était en demande et qui fait une excellente présentation, et, grâce au contre-interrogatoire, on a été capables de ressortir le fait qu'il n'avait pas eu toute la documentation nécessaire pour faire sa présentation. À l'écouter parler, si j'avais été juge, j'aurais été complètement d'accord avec lui, mais il lui manquait un peu de données. Donc, dans le contre-interrogatoire, on a été capables de faire la preuve très rapidement qu'il manquait une donnée importante. Donc, c'est simplement un exemple où est-ce que l'expert... les faiblesses du système d'expert en commun...
M. Fournier: O.K. Alors...
M. Dubé (Gilles): ...si on n'a pas la possibilité d'avoir un contre-interrogatoire et d'avoir deux experts qui ont des opinions qui peuvent être divergentes et qui vont être contre-interrogés pour analyser leur philosophie de pensée, leur expérience, leur expertise dans ce domaine-là et aussi la documentation qu'ils avaient lorsqu'ils ont présenté leurs rapports.
M. Fournier: Alors, on revient un peu en arrière. Donc, d'une part, vous êtes d'accord avec la prémisse de base, une expertise par sujet aux parties. Les parties ont donc la règle de base, c'est celle-là, d'accord avec.
Deuxièmement, vous nous dites que vous n'avez pas de doute sur la capacité du juge de pouvoir évaluer la proportionnalité et d'en arriver à une conclusion comme celle d'aller vers l'expertise unique. Vous dites: Par contre, j'en ai sur l'expertise unique, pas sur la capacité du juge de poser le critère mais sur ce qu'est une expertise unique. Bon. Alors là, au moins...
M. Dubé (Gilles): Qui suis-je pour porter un jugement sur la capacité d'un juge?
M. Fournier: Non, mais vous êtes ici, en commission parlementaire, pour... Et on est en mesure de voir la base, et je pense que nous avons posé ce critère-là lorsqu'on s'est dit: La règle, c'est un par sujet.
Maintenant, il est possible qu'eu égard à une cause et le juge à qui on demande de se guider en termes de proportionnalité... On est toujours dans une question d'accès, là, ici. Alors, lui, on comprend tous qu'il est en mesure de pouvoir faire ce constat-là.
Vous dites par contre... Et, moi, je n'ai pas de misère à vous suivre, mais je veux juste être sûr on est rendus à quelle étape, parce que tantôt on était quasiment rendus à un arbitrage obligatoire. L'expert unique a, selon les dispositions, une obligation d'exposer... Si tant est qu'il y avait différentes écoles de pensée chez les experts, l'expert unique a le mandat -- et c'est un professionnel -- il a le mandat d'exposer au tribunal ces différentes écoles de pensée. Il ne décide pas à la place du juge. Il a le rôle qu'un expert d'une partie a, mais, dans ce cas-ci, c'est un rôle vraiment d'éclairer le tribunal et non pas de soutenir la cause d'une seule partie.
Alors, à partir de ce moment-là, vous me dites qu'on peut leur faire confiance mais que, de façon empirique, ils vont finir par être un peu biaisés dans les expertises qu'ils vont donner?
M. Dubé (Gilles): Je ne pense pas que j'ai utilisé ce vocabulaire-là. Tout ce que je peux dire, c'est que l'expert en commun va devenir juge et partie. Dans notre domaine, c'est un domaine très pointu au niveau scientifique où est-ce qu'il y a différentes écoles de pensée, différentes expertises, différentes expériences, et le juge, dans un cas précis, avec un expert en commun en face de lui qui lui fait une présentation, va pouvoir difficilement, O.K., à cause du fait que ce soit très pointu au niveau scientifique, être capable... Il va se fier sur le rapport de l'expert en commun, il ne pourra pas aller au-delà de là, tu sais. Il ne pourra pas prendre le site Web puis regarder c'est quoi, une paresthésie ou des choses... Tu sais, je veux dire, je pense qu'il va se fier au rapport de l'expert en commun qui est en face de lui, puis je le comprendrais.
Je suis plus d'accord avec le jugement d'un juge où est-ce qu'il y a deux experts en face de lui et qui vont présenter leurs points de vue, qui à l'occasion peuvent être divergents, O.K.? Dans 90 % des cas où est-ce qu'on a des experts, les experts s'entendent, et on règle hors cour. C'est notre expertise, c'est notre expérience chez nous. Lorsqu'on a une confrontation entre les deux écoles de pensée, à ce moment-là, je pense que c'est important, on se fie au jugement du juge qui va regarder... Il va regarder, il va soupeser les points de chaque école, il va dire: Oui, regarde, moi, je suis d'accord avec cette expertise-là. Et, si on n'est pas satisfaits de la façon dont il juge, on a une possibilité d'appel. Donc, je pense, c'est un système qui est juste et équitable tant pour nos patients que pour les dentistes que nous représentons.
La Présidente (Mme Vallée): Merci.
M. Fournier: ...
La Présidente (Mme Vallée): On a dépassé le temps de ce bloc d'échange.
M. Fournier: Je voulais juste demander jusqu'où vous n'avez pas plaidé pour l'expertise commune, mais j'y reviendrai.
La Présidente (Mme Vallée): On le prendra sur l'autre... D'accord. Alors, Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon: Oui, merci, Mme la Présidente. Alors, bienvenue. Merci. Vous êtes les premiers d'une longue série de personnes, notamment des ordres professionnels, qui vont venir nous parler de la question de l'expert unique. Il y a un avantage, c'est que bien sûr il y a un sujet à aborder avec vous, contrairement aux huissiers, à qui on aurait pu poser des questions sur à peu près 20 sujets différents.
J'aimerais, avant de commencer mes questions, vraiment bien comprendre les chiffres, parce que je pense que c'est important pour savoir, là, l'ampleur peut-être du problème, en tout cas en ce qui concerne votre ordre professionnel. Vous avez dit tout à l'heure, bon: Il y a très peu de procès. Effectivement, de manière générale, je pense que c'est le cas pour ce qui est des poursuites en responsabilité professionnelle, mais la question... Parfois, il n'y a pas de procès, mais la négociation se fait jusqu'à la dernière minute, le règlement intervient en bout de parcours alors que les expertises ont été produites, alors que des tonnes de procédures ont été faites.
Donc, j'aimerais comprendre un peu les chiffres quand vous dites que... Vous disiez, tout à l'heure, qu'il y avait 30 % des causes qui étaient réglées dans les quelques premiers mois qui suivaient la plainte.
M. Dubé (Gilles): 56 % qui étaient réglées dans les trois premiers mois, où il n'y avait pas d'expertise impliquée ou d'expert impliqué.
Mme Hivon: O.K. Donc, un peu plus de la moitié sont réglées sans même qu'il y ait des expertises, puis un peu moins de la moitié...
M. Dubé (Gilles): C'est 76 % s'il y a un expert d'impliqué.
Mme Hivon: S'il y a un expert d'impliqué, donc de part et d'autre il y a un expert, et on est dans un processus où la judiciarisation a commencé, où on est en marge, c'est-à-dire avant qu'un recours ait été formellement déposé.
Mme Beauchamp (Irène): Souvent, c'est fait avant même d'avoir eu la requête, là. C'est fait avec l'avocat en demande et moi, la représentante du fonds.
Mme Hivon: Parce que c'est sûr que, la préoccupation qu'il y a, c'est une chose de dire qu'il y a peu de procès, mais souvent on sait que les règlements surviennent, mais ils surviennent un peu à minuit moins cinq. Et ce qu'on veut éviter puis ce qu'on veut faciliter, je pense, en matière de justice, c'est d'éviter le plus possible tous ces éléments-là qui, même si ça se solde en bout de course par une entente, font en sorte que ça entraîne quand même énormément de coûts pendant le processus. Donc, merci pour la précision.
Moi, je vais vous dire bien honnêtement, il y a quelque chose qui me trouble dans l'opposition systématique à l'expertise commune. Puis vous représentez un ordre professionnel, et c'est comme si, sous-jacent à l'argument, il y avait le risque de biais omniprésent, là, qu'on va être face à un expert qui ne jouera pas le rôle comme il devrait le jouer, en tenant compte vraiment de toutes les données scientifiques. Vous dites même, là, à la page 3 de votre mémoire, à la fin: «L'expert commun désigné par les parties ou la cour va retirer des revenus de cette activité et un prestige susceptible de lui conférer d'autres avantages -- notoriété, nomination, etc. Si un expert veut être recommandé par les parties au juge, il aura avantage à ne pas trop déplaire à une partie et ne pas toujours favoriser le même côté.» Je dois vous dire que des propos comme ceux-là, ça m'inquiète, venant surtout d'un ordre professionnel, parce que je me dis, et vous l'avez dit vous-mêmes: Il y a un devoir de rigueur, de professionnalisme, d'objectivité. Alors, c'est comme si la prémisse de base, c'était qu'en fait les experts, ils sont là un peu pour favoriser une partie ou une autre ou ils vont s'acquitter de leurs obligations mais en ayant peut-être d'autres considérations en tête, et je vous soumettrais bien respectueusement que ça ne fait, selon moi, que conforter l'opinion de ceux qui plaident bec et ongles pour l'expertise commune, à tous égards, parce qu'ils disent: Justement, on est déjà face à certains experts qui ont une certaine tendance prodemandeur puis à d'autres experts qui ont une tendance prodéfendeur. Donc, dans les faits, on est toujours face à des expertises contradictoires, puis c'est très difficile de s'y retrouver, puis ça entraîne des coûts.
Donc, j'aimerais ça que vous m'expliquiez comment vous pouvez dire des choses comme ça quand vous êtes l'ordre qui, justement, défend l'intégrité professionnelle de ses membres, donc des experts aussi, j'imagine, qui sont appelés à témoigner.
**(11 h 30)**M. Dubé (Gilles): En fin de compte, on est convaincus de l'intégrité des deux parties, que ça soit le demandeur ou que ça soit le défendeur. Par contre, on peut avoir des différentes écoles de pensée. Ces gens-là peuvent avoir différentes approches, peuvent avoir différentes formations, tout dépendant de la personne. Vous avez un sujet spécifique, disons l'implantologie, par exemple, où est-ce qu'on va avoir des gens qui vont penser de telle façon, puis des gens vont penser d'une autre façon. Pour un juge, ça va être excessivement difficile de trouver un expert en commun, un expert commun qui va être capable d'intégrer toutes ces philosophies-là différentes, O.K., parce que c'est vrai. Est-ce que cette personne-là n'est pas assez intègre? Oui, mais son point de vue est différent, peut-être discutable un peu. Il est peut-être un peu à l'avant-garde au niveau scientifique, mais c'est discutable actuellement au niveau des normes de procédure, des normes de pratique.
Donc, c'est toujours mieux d'avoir un débat contradictoire entre deux experts qui vont dire: Regarde, ça, c'est notre façon de penser, on est plus avant-gardistes, mais c'est telle, telle, telle prémisse pour arriver avec une conclusion, tandis que, de l'autre côté, il va arriver avec une autre explication, et là on se fie au jugement du juge. Je ne mets pas en doute du tout l'intégrité des experts qui sont utilisés aujourd'hui dans le système judiciaire. Je fais simplement vous mettre en lumière le fait que ces situations-là pourraient arriver, et on l'a vu dans le passé avec certains experts.
Mme Hivon: Une autre affirmation que vous faites, à la page suivante, c'est que vous dites que, comme l'expert commun est un pair du professionnel, les clients ou les patients de ce professionnel pourraient croire que, par solidarité professionnelle de gens du même milieu qui se connaissent, bien, évidemment, il pourrait y avoir un biais.
Je comprends ce que vous dites, mais qu'est-ce que ça change, que l'expertise soit commune ou qu'elle soit individuelle? Il y a déjà beaucoup de gens qui vont dire: Bien, évidemment, cet expert-là, il vient témoigner, donc il a ce biais-là. Donc, que l'expertise soit commune, pourquoi ça viendrait accroître quand je vous dis qu'au contraire je pense qu'il y a des gens qui, du fait du système actuel où il y a une multiplication d'expertises, de points de vue qui s'opposent à en perdre parfois son latin... Il y a des doutes, dans un tel état de situation, à savoir: Mais, mon Dieu, est-ce qu'ils viennent dire vraiment l'état des lieux scientifique ou ils viennent défendre un point de vue?
Donc, c'est pour ça que j'essaie de comprendre quelle serait la différence. Pourquoi il y aurait un risque plus grand parce qu'il y aurait une expertise commune versus la situation actuelle?
M. Dubé (Gilles): Bien, je pense que c'est facile à constater. Ce n'est pas une légende urbaine que les patients soulèvent de façon régulière ce biais, le biais au niveau des experts, dans le sens que c'est un pair, il va protéger son pair. Je veux dire, c'est monnaie courante qu'on entend cette chose-là. L'expert en commun, ça élimine la possibilité pour le demandeur d'avoir son propre expert qui va s'occuper de son dossier, et ça va éliminer, pour le patient, tous les doutes concernant que cette personne-là est là pour défendre son cas, tandis que, si on arrive avec un expert en commun, il y a toujours ce biais possible là qui est supplémentaire, qui est: C'est un pair, il va défendre ses pairs. Ça fait partie de la légende urbaine qui existe au Québec, je veux dire, c'est aussi simple que ça.
Mme Hivon: Bien, je le comprends, mais justement vous dites: C'est une légende urbaine. C'est une perception que, j'imagine, vous voulez contrer et de dire: Ce n'est pas parce qu'un expert vient défendre une partie ou une autre qu'il a un biais, c'est parce qu'il s'avère qu'il est d'avis que ce point de vue là se défend, pour telle, telle, telle raison scientifique.
M. Dubé (Gilles): ...d'accord avec moi que la justice, c'est une perception aussi, hein?
Mme Hivon: Oui.
M. Dubé (Gilles): Donc, ça fait partie... Si on veut être équitable pour les deux parties, si on veut que tant le patient que le dentiste soient bien représentés, puis qu'ils se sentent bien représentés, et qu'ils soient à l'aise avec le système de justice, je pense qu'il faut maintenir le système actuel. On a l'impression qu'on va embourber le système plus qu'on va activer les procédures. On vous a donné des statistiques comme quoi on n'utilise pas beaucoup les procès, hein, on minimise l'utilisation du système judiciaire le plus possible. La direction générale, ils sont bien avisés par notre conseil d'administration qu'est-ce qu'on veut faire.
Nous autres, on est là pour protéger autant, je dirais, sinon plus même les patients que les dentistes qu'on représente. On n'est pas une compagnie d'assurance, hein? Je suis un professionnel de la santé qui traite des patients à tous les jours, ça fait que, moi, ce que je veux, c'est que, si j'ai un patient qui vient à mon bureau, je veux qu'il soit bien traité puis, s'il y a une faute, qu'il soit... En fin de compte, si un patient est lésé par quelque chose, je veux qu'il soit indemnisé le plus rapidement possible. C'est aussi simple que ça. On veut que le système soit équitable pour les deux parties et non avoir un système où est-ce qu'il y aurait une possibilité de biais, quelle que soit la vérité ou non de ce biais-là.
Mme Hivon: Bien, c'est ça, je pense qu'on est beaucoup dans les perceptions puis les apparences et je partage votre point de vue là-dessus, mais l'élément que je veux faire ressortir, c'est qu'on y est déjà beaucoup dans le système actuel. Et, en plus d'avoir ces apparences-là où bien des gens, et des justiciables, et le commun des mortels y perd son latin, avoir des expertises qui s'opposent, ça peut entraîner, dans beaucoup de cas, des frais importants, des coûts pour la justice significatifs et qui sont un frein à l'accès à la justice, de ce qu'on en perçoit, selon les études.
Mais, ceci dit, j'entends bien votre point de vue, puis ça m'amène à vous demander... bien, en fait, à vous dire: Vous savez, il y en a qui plaident pour l'expertise unique mur à mur, dans le sens qu'il n'y a pas de discrétion. Si on veut que les choses fonctionnent correctement, il devrait y avoir, dans les cas où une expertise est requise, que le principe de base soit vraiment l'expertise commune. Là, ce qui est proposé, le ministre y a fait référence, c'est de dire que, dans certains cas, quand le juge estime que, pour des raisons de proportionnalité, il devrait y avoir une expertise commune et que les parties ne l'ont pas choisie, il pourrait la mettre de l'avant.
Donc, vous comprenez que c'est quand même une possibilité et loin d'être quelque chose qui va être automatique. Je comprends que juste la possibilité que ça existe, pour des questions de proportionnalité, parce que, par exemple, on est face à une cause qui ne requiert pas énormément de temps ou dont les enjeux monétaires ne sont pas très élevés, ça pourrait arriver dans certains cas que ce soit ordonné, pour vous, ça, c'est quelque chose d'absolument inadmissible en toute circonstance.
M. Dubé (Gilles): En fin de compte, notre inquiétude, c'est que ça devienne la règle générale. Notre inquiétude, c'est que le système judiciaire soit embourbé, par exemple, par des avocats qui n'ont aucune expertise en responsabilité professionnelle et, du jour au lendemain, vont demander au juge une expertise parce qu'ils vont juste faire: C'est-u un bon dossier, c'est-u pas un bon dossier?, genre de patients qui vont... au lieu d'aller chercher une seconde opinion, qui est très facile à obtenir aujourd'hui, très facile à obtenir, ils vont aller voir le juge, puis ils vont demander une expertise, puis là ils vont valider leurs cas, on va-tu poursuivre ou on va... Tu sais, c'est ce genre de préoccupation là que nous avons, où est-ce qu'on va embourber plus le système judiciaire qu'il ne l'est actuellement.
La Présidente (Mme Vallée): Merci. Alors, M. le ministre.
M. Fournier: Je ne sais pas par où commencer, donc je vais passer par la fin de ce que vous venez de discuter. Vous avez une inquiétude que la règle qui est prévue dans l'avant-projet de loi ne soit pas la règle retenue par les juges. Grosso modo, c'est ça. Vous avez lu...
M. Dubé (Gilles): ...mal compris.
**(11 h 40)**M. Fournier: Vous avez lu l'avant-projet de loi, vous avez convenu que c'étaient les expertises des parties, un par sujet, mais votre conclusion, c'est que le juge va automatiquement choisir des expertises communes. Honnêtement, vous venez de dire: Je suis inquiet, j'ai des inquiétudes qu'on ait des expertises communes automatiques, alors que la règle qui est prévue dans l'avant-projet de loi, ce n'est justement pas celle-là. Je veux juste vous le dire. Vous interprétez une des versions avec laquelle on avait le choix, qu'on n'a pas écrite. On n'a pas écrit «obligation d'expertise commune». Je veux juste vous le dire. On a prévu plutôt l'expertise des parties, une par sujet. Exception: le juge, si... Puis là il y a des conditions, ce n'est pas automatique. Alors, un, premièrement.
Deuxièmement, vous avez plaidé tantôt... je crois personnellement qu'il y a des choses que vous avez dites que je vais prendre... Je n'aurai pas tant de temps que ça. Je vais vous dire merci d'être venus, vous avez soulevé des éléments qui me semblent importants. Par exemple, vous avez relaté la question d'une expertise pour laquelle, grâce au contre-interrogatoire, on a pu s'apercevoir de ce qui entourait, de ce qui soutenait cette expertise-là. Je pense qu'il faut être alerte face à ça. J'écoute ce qui est dit, j'écoute tout.
Vous m'avez dit tantôt: 90 % des cas, il n'y a qu'une seule école de pensée, mais il y a des cas où il y en a deux, hein, ou il y en a trois. Et là vous réagirez à tout ce que je vais dire, mais expliquez-moi pourquoi je devrais vraiment choisir qu'il y a multiplicité d'expertises quand il y a une seule école, quand les exemples que vous donnez, à 90 % c'est deux experts qui s'entendent. En tout cas, vous m'expliquerez. J'ai l'impression qu'on s'en va plus vers le modèle que nous favorisons, d'une part.
Par ailleurs, si jamais vous avez raison, 90 % sont comme ceux-là, et que dans 10 % il y a deux ou trois écoles, l'article 155, l'article 227 permet aux parties d'exposer au juge, avant qu'il fasse l'appel à une expertise commune, si tant est que la proportionnalité le condamnerait à la faire, à faire des représentations sur le fait que nous sommes ici dans le cas des 10 %, c'est clair qu'il y a deux écoles, c'est clair qu'il y a trois écoles. Attention, il y a des paramètres que vous pouvez donner si jamais vous choisissez l'expertise commune. Si jamais. Ce n'est pas une décision qui se prend à la légère.
Alors, ce que je suis en train de vous dire, finalement -- puis vous réagirez à celle-là, mais je vais ajouter un autre petit bout, donc il y aura deux thèmes à mon intervention: Essayez de me convaincre que je ne comprends pas ce que j'ai déposé, là, dites-moi que je suis complètement à côté de la track, mais prouvez-le-moi, parce que je trouve que ce que vous me dites, c'est le contraire de ce qui est écrit. Je trouve qu'il y a des façons de faciliter les procédures qui tiennent compte de la réalité que vous exprimez vous-mêmes et que, dans les cas où ça peut se présenter, vous avez, par la partie que vous représentez, la capacité de représenter au juge que nous sommes là, ici, dans une considération bien différente qui n'appelle pas l'expertise commune ou, si tant est qu'elle l'est, des obligations, un encadrement -- 227 le dit -- un encadrement particulier pour l'expertise commune. Ça, c'est de un.
De deux, parce que je sais qu'on n'a pas tant de temps que ça, l'autre petit bout que j'aimerais que vous m'expliquiez, je vais noter au passage que vous nous avez dit que la règle de proportionnalité va favoriser le demandeur démuni. Je crois avoir noté ça. C'est exact?
M. Dubé (Gilles): Je pense, oui.
M. Fournier: Alors, si on est pour parler des perceptions de la justice, puis tout ça, là, je veux juste vous dire que, le demandeur démuni, j'espère que la proportionnalité peut l'aider, tu sais. S'il faut que ce soit disproportionné puis que le demandeur démuni soit lésé, soyons francs, je ne suis pas sûr que je vais cautionner la déclaration à l'effet que la proportionnalité favorise un demandeur démuni. En tout cas, je ne suis pas sûr que je voudrais dire que je m'en plains, au contraire.
Ceci étant, déferlement de procédures parce que des gens vont dire: Je prends congé de vérifier si j'ai un fondement dans mon recours, je vais payer un avocat, on va prendre une poursuite -- je vais le payer, hein, je vais le payer, l'avocat -- je vais prendre une procédure pour espérer avoir une expertise commune dont je vais payer aussi la moitié, de l'expertise commune, et vous dites: Les gens n'auront pas au moins une expertise préliminaire, vont faire le choix de multiplier des recours non fondés, une expertise commune qui, vous dites, peut-être viendra, de façon biaisée, donner raison, mais c'était non fondé initialement. J'ai de la misère à voir comment on fait le lien avec les procédures qui sont ici et un déferlement de procédures. J'ai de la misère à le voir parce qu'il faut quand même que cette personne-là paie son avocat, paie la moitié de l'expertise commune puis va dire: J'ai le goût de payer mon avocat puis la moitié de l'expertise commune sans savoir si j'ai un minimum de fondement sur ce que je plaide. Pensez-vous réellement -- ou il y a quelque chose que j'ai manqué, là -- que le monde va se garrocher chez les avocats pour poursuivre les professionnels? Expliquez-moi ça.
M. Dubé (Gilles): Bien, il y a une tendance nord-américaine des gens qui se garrochent sur les professionnels de la santé pour obtenir la loto. C'est une réalité qui existe aujourd'hui. Même si on a peu de réclamations, c'est quand même une réalité qui existe au Québec actuellement.
Quand vous me parliez tantôt de la question de 90 %, il n'y a pas de petite cause. Même s'il y avait un, ou deux, ou trois, ou quatre dossiers où est-ce que l'expertise commune serait nécessaire, je pense, moi, que chaque partie... Dans les dossiers où est-ce que chaque partie devrait être défendue par leurs propres experts, je pense que ça ne vaut pas la peine de changer un système total quand ça fonctionne bien. On ne change pas un système qui n'est pas... on ne répare pas un système qui n'est pas brisé. Je ne vois pas comment ça va activer le processus en mettant un expert en commun.
J'ai été ravi d'apprendre que la norme de l'expert en commun, ça ne sera pas la norme générale. Ça va être exceptionnel, si j'ai compris ce que vous avez dit tantôt. Si c'est le cas, tant mieux. Par contre, on est ici pour vous soulever nos inquiétudes sur l'utilisation de l'expert en commun. C'est notre responsabilité, en tant que fonds d'assurance responsabilité professionnelle, de le faire, et c'est ce que nous avons fait. Ça fait partie de nos obligations, et c'est aussi simple que ça, hein?
M. Fournier: S'il me reste du temps, juste revenir sur: Les gens vont débouler, là, dans les bureaux d'avocats puis ils vont dire: Moi, je suis prêt à payer l'avocat, payer la moitié de l'expertise commune, même si je ne sais pas ce que ça va être. Est-ce que vous maintenez le fait... Parce que je ne veux pas faire des comparables avec les États-Unis, là, avec un autre type de système puis avec des indemnités différentes, là, mais j'essaie de suivre la logique. Simplement une question logique: Comment, à partir du moment où il y a une possibilité exceptionnelle... Je recommence: À partir du moment où la règle, c'est chacun ses experts, par sujet, qu'exceptionnellement il peut y avoir une expertise commune, que les gens vont faire le choix de ne pas vérifier vraiment s'il y a un fondement au recours, vont aller voir l'avocat et vont espérer avoir une ordonnance exceptionnelle d'expertise commune pour pouvoir... Alors, dites-moi: Oui, M. Fournier, ça va amener un déferlement. Expliquez-le-moi, trouvez-moi des raisons, parce que je ne les vois pas.
M. Dubé (Gilles): ...ce que je peux vous dire, M. Fournier, c'est qu'actuellement on assiste à une recrudescence de poursuites sans expertise. C'est la réalité. Ma directrice générale vient juste de me donner quelques chiffres, c'est ça, c'est qu'on voit de plus en plus des gens qui vont faire des poursuites sans avoir d'expertise, sans avoir fait valider vraiment leurs dossiers. C'est une réalité que Mme Beauchamp... qui vit ça à tous les jours.
Mme Beauchamp (Irène): Ça répond à votre question qu'effectivement il y a des gens qui vont prendre des poursuites sans même savoir s'ils ont une cause. Ça arrive...
M. Fournier: ...que, de façon empirique, cela amène qu'ils gagnent, qu'il y ait un bon réseau, que ce soit un bon truc. Sans expertise, je vais gagner. Mais forcément, là, ce que vous me décrivez, c'est plutôt la situation d'un demandeur qui n'a peut-être pas bien, bien de moyens pour faire une expertise face à une machine qui en a un peu plus, de moyens pour avoir des expertises, qui se retrouve devant le tribunal et qui n'a pas la proportionnalité devant lui. Enfin, je veux bien essayer de vous suivre, mais je ne suis pas sûr que j'arrive à la même conclusion que vous.
M. Dubé (Gilles): ...quand même rétablir les faits, par contre, au niveau de la machine. Je vous ai dit tantôt que, pour nous autres, c'est très important, l'accessibilité, au Fonds d'assurance responsabilité professionnelle. Très, très important. Lorsqu'un patient appelle au fonds d'assurance, on lui donne tous les moyens, on lui explique exactement comment il peut faire sa demande d'indemnisation, on l'aide. On l'avise même de ne pas prendre d'avocat tout de suite, qu'on va analyser son dossier, qu'on va regarder et on va l'indemniser, si nécessaire. Et ça, on a des dossiers... Dans 56 % de nos cas de dossier, ces gens-là sont indemnisés dans les trois premiers mois. Donc, la grosse machine que vous parlez, elle n'existe pas vraiment. On est là pour le patient.
Je peux vous donner un exemple d'un patient qui est venu à mon bureau. Une patiente se présente, première consultation. Elle a deux implants, problème majeur au niveau des implants. Sans lui expliquer c'était quoi, ma position du fonds d'assurance, je lui ai dit: Madame, voyez-vous le numéro de téléphone ici, là? Vous appelez là, ils vont vous donner toute l'information possible pour vous donner les moyens pour vous faire indemniser, vous avez un problème. La dame, elle a appelé au fonds d'assurance, la dame a été indemnisée dans les deux mois qui suivent.
Ce n'est pas une grosse machine. On est là pour accélérer le système, on est là pour accélérer le paiement des indemnités, et, pour nous, c'est très important.
On est préoccupés par l'expert en commun parce qu'on juge que c'est un système qui est inéquitable et qui ressemble plus à un système inquisitoire qu'à un système contradictoire. S'il est utilisé de façon exceptionnelle, dans certains cas...
La Présidente (Mme Vallée): Je suis désolée, M. Dubé...
M. Dubé (Gilles): On est contre ça. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Vallée): ...on a encore une fois dépassé le temps qui nous était alloué. Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon: Merci, Mme la Présidente. Bien, écoutez, on sent bien votre passion, puis je la comprends. Je le comprends parce que c'est sûr qu'on conçoit que, quand un professionnel, un dentiste est impliqué dans une cause où il estime qu'il n'y a eu aucune faute professionnelle, c'est son intégrité, c'est son avenir professionnel, c'est son gagne-pain qui est en jeu. Donc, je peux très bien comprendre pourquoi tout ça, je dirais, se traduit avec autant de passion dans vos propos aujourd'hui, mais c'est juste que, de notre côté aussi, il faut aller au bout de notre démonstration, ça fait que c'est pour ça qu'on vous pousse un peu dans vos derniers retranchements, parce que la...
Une voix: ...
**(11 h 50)**Mme Hivon: Non, non, c'est... Je ne sous-estime pas tout ce qui reste de retranchements, mais je ne les testerai pas tous avec vous aujourd'hui. Mais c'est parce que c'est une question qui va revenir beaucoup. Et c'est une question qui peut apparaître très technique, mais c'est une question qui fait couler beaucoup d'encre et qui est vue vraiment, je vous le dis, le ministre l'a dit, mais comme un frein, toute la question de la multiplication des expertises. Puis, moi, je voulais juste revenir sur un élément, c'est le rôle du juge. Dans la nouvelle philosophie qui, bon, a été amorcée, 2002, bon, puis il y a des initiatives aussi qui ont été prises par les tribunaux eux-mêmes, les cours elles-mêmes, le juge n'est plus un simple adjudicateur, mais il prend plus un rôle de gestionnaire de l'instance. C'est dans cette approche-là que s'inscrit l'idée que, dans certains cas, quand la proportionnalité le justifierait, le juge puisse en venir à la conclusion que, pour bien gérer l'instance, une expertise commune est de mise.
Donc, je pense que c'est important de voir que le rôle du juge... C'est sûr que vous dites: Bien, il y a une discrétion. Puis qu'est-ce qui va venir définir ce que va être la pratique pour ordonner éventuellement une expertise commune, moi, aujourd'hui, je ne le sais pas, c'est sûr. À chaque fois qu'il y a du droit nouveau de créé, on ne sait pas dans le fin détail comment ça va se faire. Mais la latitude des juges, elle est très grande, et la pratique des juges, elle se développe dans une foule de domaines avec le droit nouveau au fil du temps, et il y a une harmonie puis une cohésion aussi qui se développent. Ce n'est pas, là -- excusez l'expression anglaise -- le «free-for-all», il y a des balises qui sont déterminées. Alors, je pense que c'est important de situer dans quel contexte c'est amené. C'est vraiment dans le rôle un peu de gestionnaire d'instance du juge quand, devant lui, il a la conviction qu'une expertise commune serait appropriée parce qu'il y a un problème de proportionnalité.
Moi, je veux voir avec vous deux petites questions. La première: S'il y avait des critères différents que juste la proportionnalité, si, par exemple, on venait étayer davantage les raisons pour lesquelles l'expertise commune peut être décidée par le tribunal, est-ce que vous pourriez être plus confortables avec une optique comme celle-là?
Et la deuxième, c'est peut-être de manière plus générale. Vous avez dit effectivement que, dans 90 %, de ce que je comprends, les experts, les expertises de part et d'autre concordent ou il y a une certaine communion de vues des experts, mais, par ailleurs, vous semblez tenir mordicus à ce que chaque partie ait son propre expert. Or, un des principes qui est proposé dans l'avant-projet, c'est vraiment toute l'idée de la coopération, de la collaboration entre les parties et que les parties elles-mêmes favorisent le recours à l'expert commun.
Est-ce que je comprends que c'est illusoire, dans votre pratique, de penser que les parties elles-mêmes peuvent s'entendre sur un expert commun, que c'est quelque chose que, si, nous, on l'envisage, comme législateurs... qui, dans les faits ne peut à peu près pas se concrétiser, là, de manière volontaire?
M. Dubé (Gilles): Pour la question des critères, pour moi, c'est difficile de vous répondre, là, je veux dire, je n'ai pas l'habitude de répondre, de donner un chèque en blanc puis de vous dire: Oui, je suis d'accord si on met des critères. C'est toujours dans la façon dont ça va être fait, mais c'est le principe de base où est-ce qu'on va avoir un système qui est équitable.
Le monde de la dentisterie, je veux dire, c'est parce que c'est un monde que je connais, c'est un monde scientifique qui change, qui a des différentes écoles de pensée, et, dans certains cas, je veux dire, c'est important que les deux parties soient défendues de façon équitable, tant le dentiste que sa notoriété professionnelle est mise en cause. Et là, si on arrive avec un expert, ça va être le choix de l'expert commun qu'il va être excessivement difficile de faire. Et le juge, est-ce qu'il va avoir un rapport de l'expertise, d'un expert commun? Il va être juge et partie, cet expert-là. C'est lui qui va détenir la vérité scientifique. Puis, s'il n'y a pas de... En plus, vous n'avez même pas de contre-interrogatoire, tu sais, donc c'est une aberration. Il y a quelqu'un qui arrive avec une école de pensée, qui présente ça, et là vous avez la notoriété d'un professionnel, puis, de l'autre côté, on a le biais possible, pour le patient, de dire: Bon, bien, lui, bien oui, il est là pour défendre son pair, tu sais.
Ça fait que pourquoi ne pas maintenir dans le système d'experts individuels où est-ce que... Parce qu'en fin de compte c'est dans la minorité des cas où est-ce qu'on utilise ces gens-là, tu sais, c'est dans vraiment la minorité des cas, et je ne vois pas comment on va vraiment changer. Tu sais, il faut être réaliste. En principe, oui, c'est beau, les principes, mais c'est quoi pratico-pratique, là? Combien de dossiers ça va... Combien de cas ça va toucher? C'est ça, là. Si on fait des changements, on ne change pas des choses quand ça... on ne répare pas des choses quand ce n'est pas vraiment brisé. Si ce n'est pas une nécessité, je veux dire, je ne vois pas pourquoi on ferait ces changements-là, même si, au niveau principe, je peux être d'accord. Mais, au niveau pratico-pratique, on n'en a pas besoin.
Mme Hivon: Puis, sur le réalisme de penser que les parties pourraient s'entendre sur un expert commun, dans la pratique, je comprends que ça n'arrive à peu près jamais. Si je suis votre raisonnement, j'imagine que ça n'arrive pas.
Mme Beauchamp (Irène): Bien, pour répondre à ça, il faudrait vraiment qu'on soit au courant, mettons, de l'expérience de l'expert, quel est son background, quelle est son éducation. Est-ce qu'il a déjà agi comme expert? Il a-tu déjà été à procès? Quel est son record en procès? Il y aurait énormément d'informations qui devraient nous être fournies avant même qu'on pourrait considérer l'expert comme un expert commun, puis autant nous que la partie en demande, on aura tous les mêmes questionnements, parce qu'il ne faut pas oublier une chose, c'est que, nous, nos experts et, je pense, les experts en demande aussi, c'est quand même des personnes qui sont coachées par un avocat. Ils vont faire leur expertise, mais ils ne connaissent pas, eux, le lien entre le dommage... le lien de causalité. C'est quand même un facteur qui est quand même très important lorsqu'il complète son expertise, puis autant l'avocat en demande que l'avocat en défense va quand même travailler avec son expert pour qu'il comprenne vraiment la notion. Le fait que lui dit qu'il y a dommage, oui, c'est bien beau, mais ce dommage-là, est-ce qu'il est vraiment résultant de la responsabilité du praticien ou est-ce que c'est quelque chose qui est arrivé et qui était un risque inhérent? Alors, c'est sûr que l'expert doit quand même avoir une espèce de coaching de la part d'un avocat, puis l'expert unique, lui, si je comprends bien, il fait ça tout seul, sans coaching, sans rien.
M. Dubé (Gilles): Nos experts chez nous sont formés, ils ont une obligation d'avoir une formation vraiment particulière sur la qualité des rapports qu'on veut recevoir. Ces gens-là, il faut qu'ils prennent une décision: Est-ce qu'il y a eu dommage? Y a-tu eu, est-ce qu'il n'y en a pas eu? Quels sont les dommages évalués? De quelle façon ils devraient être réparés? Et, ensuite de ça, on ne veut aucun rapport de complaisance. Si un de nos experts arrive avec un rapport qui semble complaisant, cette personne-là, on va changer son rapport puis on ne l'utilisera pas, il va être radié de notre liste des experts. On veut des gens qui prennent position. Est-ce qu'il y a eu dommage? Est-ce qu'il y a eu un doute, O.K., y a-tu eu un doute? Pour nous autres, c'est suffisant pour essayer de régler une problématique hors cour. On est préoccupés par la santé dentaire et globale de nos patients, et c'est ça qui prime.
Mme Hivon: O.K. Avant de céder la parole à mon collègue, qui a des questions aussi, je voulais juste dire que c'est certain que l'argument du poids très, très important de l'expertise, on le comprend, là, dans des cas de responsabilité professionnelle, c'est évident, mais aussi vous venez de le mentionner, l'avocat demeure, c'est-à-dire que la défense de la personne, elle est menée d'abord et avant tout par son avocat aussi. Donc, il ne faut pas non plus penser que, bang, s'il y a une expertise commune, il n'y a plus rien d'autre qui existe autour et que cette personne-là ne sera plus défendue par un avocat dans les cas où l'expertise commune serait...
M. Dubé (Gilles): ...sans pouvoir contre-interroger l'expert commun.
Mme Hivon: Mais ça, en tous cas, c'est un autre élément aussi. Il n'y a pas une disparition. Il y a différents changements sur l'interrogatoire, puis tout ça, mais il n'y a pas une disparition du contre-interrogatoire.
La Présidente (Mme Vallée): M. le député de Lac-Saint-Jean, pour une minute.
M. Cloutier: Merci, Mme la Présidente. Vous dites que vos experts sont coachés. Est-ce que je dois comprendre qu'ils travaillent uniquement avec vous et qu'ils refuseront donc systématiquement des cas des... Non?
Mme Beauchamp (Irène): Non. Ils vont travailler autant pour la demande que la défense. Puis, quand on dit «coaching», je ne dis pas que l'avocat va dire à l'expert quoi dire, c'est que c'est de lui donner au moins un petit peu les connaissances judiciaires pour faire un rapport, là, qui répond à: Est-ce qu'il y a eu une faute? Est-ce qu'il y a eu un dommage et un lien de causalité? C'est plus sur cet aspect-là.
M. Dubé (Gilles): En fin de compte, c'est ça. La qualité du rapport, sur le contenu du rapport qu'on veut avoir, on ne veut pas un rapport de 150 pages quand cinq pages seraient suffisantes, O.K.? Donc, ces gens-là ont vraiment... ils savent exactement le genre d'information. On veut qu'ils soient précis, nets, clairs et précis, et qu'ils prennent position.
M. Cloutier: Vous écrivez, à la page 3: «Si un expert veut être recommandé par les parties au juge, il aura avantage à ne pas trop déplaire à une partie et [de] ne pas toujours favoriser le même côté.» Est-ce que ça ne laisse pas entendre qu'il existe des experts qui favorisent, à l'heure actuelle, toujours le même côté?
La Présidente (Mme Vallée): Très, très brièvement, parce qu'on a déjà dépassé le temps.
M. Dubé (Gilles): Oui, ça peut exister...
La Présidente (Mme Vallée): D'accord.
M. Dubé (Gilles): ...en demande.
La Présidente (Mme Vallée): Alors, je vous remercie, Mme Beauchamp, M. Dubé.
Nous allons inviter maintenant le Barreau de Laurentides-Lanaudière à s'approcher. Nous allons suspendre pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 12 heures)
(Reprise à 12 h 1)
La Présidente (Mme Vallée): ...de retard. Donc, nous accueillons le Barreau des Laurentides-Lanaudière, Me Pierre Cliche, bâtonnier. Alors, Me Cliche, je vous demanderais de bien vouloir présenter les gens qui vous accompagnent. Par la suite, vous disposez d'une période de 15 minutes pour nous faire votre présentation.
Barreau de Laurentides-Lanaudière
M. Cliche (Pierre): Parfait. Alors, Mme la Présidente, M. le ministre de la Justice, Mmes et MM. les députés, bonjour. Je vous remercie de nous accueillir aujourd'hui pour avoir le plaisir de vous présenter le mémoire du Barreau des Laurentides-Lanaudière.
Alors, je suis accompagné aujourd'hui des membres de l'exécutif du Barreau de Laurentides-Lanaudière. D'abord, Me Mario Prieur ici, à ma droite, premier conseiller.
M. Prieur (Mario): Madame, bonjour.
M. Cliche (Pierre): Me Rhéal Éloi Fortin, deuxième conseiller. Me Caroline Blache, membre de l'exécutif du Barreau du Québec. Elle est aussi membre de l'exécutif de l'Association des avocats et avocates de province et elle a été bâtonnière de notre Barreau en 2009 et 2010.
Mme Blache (Caroline): Bonjour.
M. Cliche (Pierre): Me France Charbonneau, qui est représentante de la pratique publique et parapublique, et Me Martine Létourneau, conseillère du Barreau de Laurentides-Lanaudière.
Alors, comme vous avez pu le constater à la lecture de notre mémoire, la principale raison d'être ici devant vous aujourd'hui, c'est de... nous avons senti le besoin qu'il était extrêmement important de répondre aux demandes qui ont été formulées par le Barreau de Laval auprès de la commission. Il faut comprendre que, si le Barreau de Laval n'avait fait aucune demande particulière à la commission, nous ne serions pas devant vous aujourd'hui. Donc, nous avons eu l'opportunité, en fait, de parler avant le Barreau de Laval, ce qui est un peu particulier, mais nous prenons la parole aujourd'hui devant vous.
Alors, notre présence est importante devant vous, il a été très important pour le Barreau de Laurentides-Lanaudière de répondre à cette question. C'est une question... Et je reviendrai sur la question principale que le Barreau de Laval veut présenter, mais c'est un dossier qui avait déjà fait l'objet de nombreuses discussions dès les années quatre-vingt-dix, principalement en 1995 -- je reviendrai là-dessus -- lors de la construction du nouveau palais de justice de Saint-Jérôme.
Alors, d'abord, d'entrée de jeu, le Barreau de Laurentides-Lanaudière est favorable aux modifications aux articles 41 et 48 de l'avant-projet de loi, qui sont les articles qui traitent de la juridiction territoriale. Donc, là-dessus, en fait, c'est le débat qui est devant vous aujourd'hui. Quant à nous, c'est toute la question de la juridiction territoriale.
Nous sommes d'accord sur les modifications qui apparaissent à l'avant-projet de loi, sauf peut-être la petite nuance suivante: à l'article 42, où on donne le choix au demandeur, en fait le principe de base voulant que la poursuite soit intentée dans le district où le défendeur a son domicile, je pense que cette règle-là devrait être portée comme une règle beaucoup plus stricte, cette fois-ci, et qu'à l'article 42, en fait, on puisse laisser le choix au demandeur de poursuivre le défendeur dans d'autres districts mais que, dans ce cas, comme à l'article 63 actuellement, on puisse permettre dans un certain délai au défendeur de faire transférer le dossier dans le district où il a son domicile. Faute de le faire dans un certain délai, le dossier resterait dans le district choisi par le demandeur.
Nous sommes aussi d'accord avec le fait que l'avant-projet de loi n'apporte aucune modification à l'annexe I de la Loi sur les tribunaux judiciaires qui concerne la compétence concurrente de certains districts judiciaires, qui est en fait le fondement même de notre présence aujourd'hui devant vous.
Alors, j'y vais avec les demandes du Barreau de Laval et les prémisses d'abord qui ont été avancées par le Barreau de Laval dans leur mémoire. La prémisse n° 1, c'est qu'il y aurait une problématique au palais de justice de Laval. Cette problématique-là serait principalement due au fait d'un manque de dossiers actifs tant à la Cour supérieure qu'à la Cour du Québec dans les chambres civiles. Alors, à l'annexe 5 et 6, vous avez les statistiques, j'ai produit les statistiques des dossiers ouverts tant à Saint-Jérôme qu'à Laval au cours des cinq dernières années. Il existe un fait qu'il y a moins de dossiers à Laval. Et j'apporte un bémol: il faut faire attention à l'annexe 6. Lorsque vous avez les statistiques de Laval, il y a un courriel qui a été envoyé avec ces documents-là, qui vous indique que les statistiques pour décembre 2011 ne sont pas incluses dans les statistiques qu'on m'a fournies, puisqu'il y avait un problème informatique. Donc, il vous manque les dossiers ouverts pour décembre 2011.
Il y a effectivement moins de dossiers à Laval. Est-ce qu'il y a une problématique? Ça sera une question que vous poserez, naturellement, au bâtonnier de Laval. Il n'est pas dit qu'il y a nécessairement une problématique parce qu'il y a moins de dossiers.
Quelles sont les raisons possibles du moins grand nombre de dossiers à Laval? Cette question-là, je l'ai posée à plusieurs reprises au bâtonnier de Laval, et, encore en décembre dernier, il n'avait pas de réponse à cette question-là. Alors, j'espère que, devant vous, il aura une réponse précise à savoir pourquoi il y a moins de dossiers. Lui-même ne la connaissait pas en décembre dernier.
Nous avons élaboré des possibilités ou des raisons possibles du fait qu'il y ait moins de dossiers. D'abord, il est fort probable que des avocats et avocates de Laval intentent leurs dossiers dans des dossiers... dans des districts périphériques au district de Laval, principalement à Montréal, pour des raisons de commodité ou autres, mais il y a beaucoup de bureaux de Montréal qui ont des bureaux satellites à Laval. Pour toutes sortes de raisons, il y a une forte probabilité que cette situation existe.
L'autre chose qu'il est important de souligner, c'est qu'en 2009, au cours de l'année 2009, il y a eu un projet pilote qui a été implanté dans le district de Laval, qui était le projet pilote de l'expert unique -- ça rejoint un peu ce que vous avez entendu tout à l'heure -- et, malheureusement, à l'époque, lorsque ça a été implanté à la fois à la Cour du Québec et la Cour supérieure en même temps en matière civile, il y a eu vraiment une mauvaise réponse des avocats et des avocates de Laval face à ce projet et il y a eu, et c'est connu, une désertion assez marquée face à cette situation-là. Les avocats, préférant ne pas être pris avec ce projet pilote, ont intenté, donc, des poursuites dans des districts périphériques, Montréal et le district de Terrebonne, entre autres.
Il est difficile de comprendre cependant pourquoi il y a moins de dossiers à Laval, une population de 400 000 habitants. Si on la compare au district de Terrebonne, on parle d'à peu près 500 000 personnes. Il y a à Laval, suivant le dernier recensement, environ 713 avocats et avocates pour une population de 400 000 habitants, sur un territoire qui, on le sait, est économiquement tout à fait viable, il se passe énormément de choses à Laval, et, dans notre district de Terrebonne, il y a 912 avocats et avocates -- sur un territoire beaucoup plus grand -- sur une population d'à peu près 500 000 habitants.
Ce qu'il faut comprendre aussi, c'est que tout le sud de l'autoroute 640 dans le district de Terrebonne couvre ou regroupe, en fait, plus du tiers de la population du district de Terrebonne. Vous avez des villes principalement comme Terrebonne, Bois-des-Filion, Lorraine, Boisbriand, Saint-Eustache, et j'en passe... Deux-Montagnes, etc., dont la majeure partie de leur population et des fois entièrement leur population se retrouve au sud de la 640, ce qui fait qu'on a une masse critique de population qui se retrouve au sud de la 640 par rapport au reste de la population des Laurentides.
L'autre prémisse qui a été avancée par le Barreau de Laval, c'est qu'il y a des délais d'audition à Saint-Jérôme justifiant le Barreau de Laval de vous présenter une alternative pour essayer de favoriser l'accessibilité à la justice non pas des citoyens de Laval, mais des citoyens du district de Terrebonne. Alors, cette prémisse-là première est qu'à la Cour supérieure il y aurait eu des délais antérieurement à Saint-Jérôme et probablement qu'il y en aurait prochainement. Je peux vous dire que cette prémisse-là est fausse, pour la raison suivante: avant la venue de l'honorable juge St-Pierre qui est actuellement, à la Cour supérieure, la juge coordonnatrice à Saint-Jérôme depuis septembre 2011, nous avions notre juge coordonnatrice, la juge Hallée, qui effectivement avait constaté qu'il y avait des délais et a fait des démarches importantes au cours des deux dernières années, principalement en coupant une journée de cour de pratique dans la semaine pour favoriser les procès plus longs à Saint-Jérôme, nous disant que, pendant une année complète, elle ferait ça pour réduire les délais, et ça fonctionnerait, et qu'à la limite peut-être, dans des cas extrêmes, elle transférerait les dossiers à Laval le temps qu'elle ferait cette façon de faire. Elle l'a fait, les délais sont redevenus à la normale. On parle aujourd'hui de délais qui sont, pour des procès de trois jours et moins, entre trois et cinq mois d'attente.
**(12 h 10)** Lorsqu'on est à plus de trois jours, qu'on soit à Laval, ou qu'on soit à Saint-Jérôme, ou qu'on soit à Joliette, on fait partie du district d'appel de Montréal et nous sommes liés, contraints de suivre les délais qui nous sont dictés par le palais de justice de Montréal. Donc, c'est ce qu'on appelle des procès de longue durée. Dans ces cas-là, vous avez de longs délais, et ces délais-là sont aussi longs à Laval que chez nous. Nous n'avons pas vraiment de contrôle là-dessus, puisqu'il n'y a pas de juge résident ni à Laval ni à Terrebonne.
D'ailleurs, même aujourd'hui il n'est plus nécessaire, à Saint-Jérôme, de couper une journée de cour de pratique pour maintenir ces délais-là. Nous sommes revenus comme avant, avec deux jours de pratique par semaine comme avant, et les délais sont toujours relativement très bons. D'ailleurs, vous avez pu remarquer qu'en 2011 le nombre de dossiers a baissé à Saint-Jérôme par rapport aux années antérieures. Vous avez aussi, à l'annexe 7, un avis qui a été envoyé par l'honorable juge Wery, qui est le juge en chef adjoint de la Cour supérieure, qui a indiqué que, dans des dossiers à la Cour supérieure, dans à peu près tous les domaines, on peut être assuré à Saint-Jérôme comme à Laval d'avoir des procès à l'intérieur d'une période de 12 mois.
Donc, il n'est absolument pas question, à court terme ou à moyen terme, de revoir des délais d'audition déraisonnables à la Cour supérieure à Saint-Jérôme. À titre d'exemple, je peux vous dire que, la semaine dernière, je suis allé à Laval, j'avais un procès, ça a été fixé pour une période de une journée et demie. Les premières dates qu'on m'a sorties, c'était septembre 2012, donc plus que cinq mois d'attente. Pourtant, j'étais à Laval.
À la Cour du Québec maintenant, chambre civile, les statistiques, quand on les regarde, elles sont... naturellement, on voit des délais beaucoup plus marqués à Saint-Jérôme qu'à Laval. Cependant, le juge coordonnateur à Saint-Jérôme, qui est l'honorable juge Jean-Pierre Archambault, qui est un ancien bâtonnier de Laval et qui est le juge coordonnateur adjoint pour une région administrative de la Cour du Québec qui s'appelle la région Laval-Lanaudière-Laurentides-Labelle, donc qui couvre tout ce territoire-là, nous a dit récemment, dans une rencontre avant les fêtes dans un comité de liaison, que ces statistiques-là étaient trompeuses, car on nous offrait... Et cette rencontre-là a eu lieu avec le maître des rôles spécialement pour nous indiquer justement qu'il fallait faire attention de se fier à ce genre de statistique là, puisque souvent, des cas, on nous proposait des dates d'audition beaucoup plus rapprochées, mais souvent c'étaient les avocats qui refusaient ces dates-là parce que c'était trop rapproché ou ce n'étaient pas des dates qui fonctionnaient avec leurs agendas.
Donc, il est faux de regarder ces statistiques-là et prétendre qu'on a des délais très marqués à la Cour supérieure, à la chambre civile. Il n'y a pas non plus de panique du tout du juge coordonnateur adjoint, le juge Archambault, face à cette situation-là. Il ne nous parle pas du tout qu'il faut absolument envoyer des dossiers à Laval pour régler la situation.
Malgré que les délais sont relativement bons à la Cour du Québec, chambre civile, nous avons fait des efforts et nous continuons de faire des efforts pour essayer de réduire davantage les délais. Nous allons signer le 16 février prochain, à la Cour du Québec à Saint-Jérôme, un protocole de gestion hâtive d'instance pour tous les dossiers de vices cachés, vices de construction et malfaçon. Donc, c'est un projet qu'on appelait antérieurement des projets pilotes qui va être instauré à Saint-Jérôme, où il y aura de la gestion hâtive d'instance tout à fait, là, conformément à l'avant-projet de loi, dans cette optique-là, comme il se fait d'ailleurs dans d'autres districts, je pense, au Saguenay--Lac-Saint-Jean ça a été fait et dans la région de Québec.
De plus, vous avez annoncé, naturellement, la nomination de 20 juges supplémentaires à la Cour du Québec. Nous espérons qu'il y aura un ou plusieurs juges qui seront affectés au district de Terrebonne, puisque les demandes, on le sait, sont pressantes pour ce district-là, mais il est évident que, s'il y avait un juge ou même... minimalement un juge de plus par rapport aux postes qui sont actuellement présents à Saint-Jérôme, on ne parlerait plus de délai d'audition ou on réduirait de façon marquée les délais d'audition.
Aux Petites Créances, maintenant, les délais d'attente sont relativement comparables entre Laval et Saint-Jérôme. À Saint-Jérôme... à Laval, plutôt, on a un délai actuellement -- et là je vous donne des statistiques de décembre 2011 -- de un an et quatre mois d'attente; à Saint-Jérôme, un an et 10 mois d'attente. Donc, il n'y a pas un monde qui nous sépare à ce niveau-là, mais effectivement ça pourrait être amélioré, d'une certaine façon.
Cependant, la façon de régler cette situation-là, ce n'est pas d'envoyer des dossiers ou de permettre que les gens se fassent poursuivre à Laval alors qu'ils demeurent dans le district de Terrebonne. On va tout simplement déplacer le problème, et je ne suis pas convaincu du tout que Laval va être capable d'absorber cette situation-là, et ce n'est pas l'avenue souhaitée. Il faut nécessairement que les gens de Laval se questionnent d'abord à savoir pourquoi il y a moins de dossiers. Et, s'ils en veulent plus, bien, qu'ils prennent les moyens pour en avoir plus. Et vous pourrez poser la question au bâtonnier lorsqu'il se présentera devant vous.
Nous avons fait aussi des démarches pour améliorer la situation aux Petites Créances avec le juge Archambault. Nous avons des séances d'information à peu près à tous les quatre mois pour les citoyens, pour les préparer aux audiences. Nous leur parlons, naturellement, de la médiation, nous incitons les gens à aller en médiation en matière des Petites Créances et nous avons l'intention, et ce, avec l'appui du Barreau du Québec, du juge Archambault, de tenter d'implanter un projet de conciliation obligatoire par avocat aux Petites Créances, un genre de projet pilote qui serait instauré idéalement en 2012 à Saint-Jérôme, à ce niveau-là.
Terminons maintenant sur les trois demandes formulées par le Barreau de Laval, la principale étant une modification à l'annexe I de l'article 5.5 de la Loi sur les tribunaux judiciaires, donc la juridiction concurrente. J'ai dit en entrée de jeu que c'était en fait la réouverture de tout le débat qu'on a eu principalement en 1995. En fait, la pointe est arrivée en 1995. Toute cette question-là était lorsqu'il a été question de reconstruire ou de moderniser le palais de justice de Saint-Jérôme, au début des années 1990. Depuis longtemps, ce palais-là ne rencontrait plus les besoins des citoyens, et, en 1995, alors que les annonces avaient été faites pour la construction, il avait été question possiblement, au lieu de reconstruire le palais de justice, de prendre la section sud de l'autoroute 640 et... Oui?
La Présidente (Mme Vallée): Je suis désolée, Me Cliche, mais vous avez déjà épuisé les 15 minutes qui vous étaient allouées pour la présentation. Alors, à moins...
M. Fournier: ...
La Présidente (Mme Vallée): Parfait. Alors, sur le temps du ministre, vous pouvez continuer.
M. Cliche (Pierre): Merci, M. le ministre. Donc, en 1995, le gouvernement avait laissé planer la possibilité de ne pas construire le palais de justice et de prendre la partie sud de l'autoroute 640 du district de Terrebonne et l'annexer au district de Laval. Aujourd'hui, la demande est un peu plus subtile, mais c'est un prélude à ouvrir exactement le même débat. Vous avez les annexes. Les dernières annexes, j'ai fait des choix, là, d'articles de journaux qui avaient paru à l'époque et des résolutions du Barreau. C'est un prélude à la réouverture de toute cette question-là de prendre la partie sud et de l'envoyer à Laval.
Le palais de justice de Saint-Jérôme, on le sait, est générateur d'activité économique, et les conséquences de permettre à des gens qui habitent le sud du district de Terrebonne d'être poursuivis à Laval va faire en sorte qu'il va y avoir une baisse de services à la population au palais de justice de Saint-Jérôme. Déjà, c'est relativement plus fragile à Saint-Jérôme. On ne remplace pas nécessairement les personnes qui travaillent au greffe à l'intérieur du palais de justice lorsque ces personnes-là partent. Nous n'avons pas de juge permanent, c'est-à-dire on a des difficultés... souvent, le vendredi après-midi, par exemple, si vous voulez faire émettre une injonction, c'est très difficile, souvent, de trouver un juge disponible, pour toutes sortes de raisons, et il n'y a pas de juge permanent ou de juge résident, qu'on appelle. Et le risque est exactement le même qu'il avait été invoqué à l'époque, c'est qu'on veut éviter qu'on tombe... qu'on devienne un palais de justice de seconde zone, c'est-à-dire un palais de justice avec des services réduits. Et qui dit baisse de dossiers... Parce que, si on envoie des dossiers à Laval, il va y avoir des baisses de dossiers à Saint-Jérôme. Qui dit baisse de dossiers à Saint-Jérôme dit baisse de services, qui dit baisse de services dit baisse d'employés du palais de justice, il y a moins de raisons de nommer des juges ou d'assigner des juges pour Saint-Jérôme. Tout ça va avoir une conséquence extrêmement importante.
De plus, on parle d'accessibilité à la justice comme étant la prémisse fondamentale de la demande du Barreau de Laval, mais il faut se questionner aussi sur l'accessibilité pratique. En voiture le matin, lorsqu'on part de... même sur la partie sud du district de Terrebonne et s'en aller à Laval, je peux vous dire, ce matin, ceux qui ont pu penser de se rendre à Laval, juste à Laval ce matin, c'était assez extraordinaire, alors qu'on a, de l'autre côté... Parce que la demande de Laval parle aussi du nord de Montréal. On verra ce que Montréal a à dire là-dessus, mais il y a une espèce de logique beaucoup plus claire que les gens qui se retrouvent au nord de la 40 puissent se diriger vers le nord beaucoup plus facilement. Il y a le métro aussi qui part de Montréal et se rend à Laval, mais de l'autre côté ce n'est pas du tout la même réalité.
Et enfin actuellement, et le bâtonnier du Québec qui est présent, lorsque ça sera son tour, viendra vous l'expliquer, si c'est le cas, mais actuellement le Conseil général du Barreau du Québec n'a pas appuyé ni dit non à la création d'une juridiction concurrente. Donc, le Barreau du Québec ne s'est pas prononcé là-dessus. C'est un peu dommage, cependant, que deux barreaux de section soient devant vous pour débattre de cette question. Ça aurait été beaucoup plus souhaitable qu'on s'entende, mais ce n'est pas le cas.
Je terminerai rapidement sur les modifications à l'article 75.0.1 qui ont été demandées. Nous sommes d'accord avec le nouveau texte, qui est en fait l'article 48 et la fin de l'article 68. Je pense qu'il faut cependant faire attention, parce que les nouveaux amendements prévoient non pas uniquement l'instruction qui peut être tenue dans un autre district, mais le transfert du dossier. Ça, c'est plus inquiétant. Je pense que ce serait important qu'on limite cette question-là uniquement à l'instruction et non pas qu'on permette au tribunal de transférer le dossier au complet dans un autre district. Il faut, je pense, garder de façon très limitée -- et c'est ce que je comprends lorsque je lis les nouveaux articles -- toute la question du transfert possible d'un dossier dans un autre district, tout ça dans l'intérêt du justiciable.
Et enfin l'article 39 du Code de procédure civile. Je ne vois pas vraiment l'intérêt de le modifier. De toute façon, il y a une modification qui est prévue dans le projet de loi, qui est l'article 71, qui reprend substantiellement en donnant des pouvoirs un peu plus accrus au greffier. Nous sommes d'accord avec cette façon de faire en vertu de l'article 71, mais, outre ça, je ne pense pas qu'il faut élargir la question de pouvoir se rendre dans un autre district pour toutes sortes de raisons autres que l'injonction, saisie avant jugement, certains cas qui sont déjà prévus dans le code actuel et qui sont repris dans le nouveau code.
Alors, c'est mes conclusions. Vous avez... Je ne sais pas, j'ai déposé hier une annexe supplémentaire qui était un appui de la chambre de commerce de Saint-Jérôme. Alors, si vous l'avez... Voilà.
**(12 h 20)**La Présidente (Mme Vallée): Je vous remercie, Me Cliche.
M. Cliche (Pierre): Merci.
La Présidente (Mme Vallée): On va laisser quelque temps au ministre pour pouvoir échanger avec vous. Alors, M. le ministre, pour ce bloc-ci, il vous reste cinq minutes.
M. Fournier: Ah! Merci. Je commencerais avec une première question qui m'interpelle. Dès le départ de votre mot de présentation, vous avez dit: Dans le fond, on est ici parce que Laval nous a interpellés. J'oserais cette question: Vous êtes-vous intéressés... Vous n'êtes pas obligés, là, remarquez bien, là, ce n'est pas une question piège. Vous êtes-vous intéressés à l'avant-projet de loi, le Code de procédure civile, ce qu'il y a dedans? Avez-vous quelque chose à dire sur le sujet ou, si Laval n'avait pas été là, nous autres, on ne vous aurait pas intéressés du tout?
M. Cliche (Pierre): C'est...
M. Fournier: Est-ce qu'on peut avoir une raison d'être auprès de vous?
Une voix: Est-ce qu'on a une extension de délai...
M. Fournier: Bien là, j'ai cinq minutes, là. Alors, je ne sais pas si... Juste vous donner une occasion de me dire ce que vous pouvez vous dire sans avoir fait une étude exhaustive. Je comprends qu'il n'y a pas de mémoire sur le Code de procédure comme tel.
M. Cliche (Pierre): Nous avons eu une présentation dernièrement, au Barreau du Québec, sur les grands principes du nouveau Code de procédure civile. Je pense que les grands principes qui sont là sont intéressants. Lorsqu'on tombe dans des articles plus pointus, il faut faire attention, on a des exemples qu'on a parlé tout à l'heure, mais généralement je pense que la tendance est bonne. Est-ce qu'il fallait modifier l'ensemble du Code de procédure civile, dans son ensemble, au complet, d'un couvert à l'autre? Je suis un petit peu sceptique à ce sujet-là. Je pense que, des fois, modifier pour modifier, peut-être que ça ne nous amène pas à grand-chose.
Mais il y a quand même une philosophie nouvelle, dans le code, qui rejoint en fait toutes les nouvelles tendances actuelles de mode de résolution de conflits. Je pense que, ça, c'est important de garder ça. La médiation, même le Barreau de Laurentides-Lanaudière a déjà passé une résolution demandant qu'il y ait la médiation obligatoire ou des cas obligatoires, en fait, des conférences de règlement à l'amiable obligatoires à une étape d'un dossier, pas nécessairement au début.
Mais nous sommes très favorables à ce genre de modification là, mais naturellement, là, c'est assez colossal comme avant-projet de loi. Mais, en général, je vous dirais, nous sommes d'accord avec les grands principes.
M. Fournier: Je ne veux pas vous embêter avec ça. De toute façon, ça a été fait en grande partie avec vos collègues du Barreau, là, depuis des mois et des années, alors ce n'est pas... il y a d'autres personnes qui interviennent, mais je profitais du fait que justement vous vous êtes peut-être promenés dans ces groupes-là pour avoir un son de cloche. Je sais bien qu'ils auront à nous le donner.
En termes d'accès à la justice, je sais, la question avait été posée par un collègue. D'ailleurs, je n'ai pas... Même si le Vérificateur général avait identifié qu'il y a peut-être trop de palais de justice au Québec et, lorsque je suis arrivé, il y avait comme une espèce de demande du Vérificateur général à ce que le ministère de la Justice fasse des études pointues pour savoir lequel on fermait, je trouvais un peu contradictoire d'avoir un problème d'accès à la justice, de tenter d'y trouver des solutions et de poser comme geste celui de fermer des palais qui sont, par définition, un des éléments d'accès. Ce n'est pas le seul, on se comprend. D'ailleurs, il y a bien d'autres questions, monétaires surtout, de délais qui sont importants, mais la question géographique compte aussi.
Alors, je fais juste mettre ça pour vous et vos collègues de Laval qui viendront. Cette chose étant dite, j'ai fait un choix. Et ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas adapter au contexte les services qui sont offerts, mais ça ne veut certainement pas dire de fermer. Ça, c'est clair. Je ne vois pas d'avantage à ce qu'il y ait moins de services de proximité. Et des fois ce n'est pas très à proximité, hein, il y a déjà une bonne distance, là. Puis ce n'est pas en pensant à votre région que je le pense surtout, il y a des régions où c'est beaucoup plus... la distance est plus grande.
Mais je voudrais revenir sur vous, sur la question que vous avez soulevée. Dans le fond, là, je n'aurai pas besoin de tant de temps, mais une façon d'aborder la question, dans la façon dont vous l'avez présentée... Puis je ne suis pas un spécialiste. Vous avez remonté à 1995, ça ne me dit rien. Les gens au sud de la 640 -- je vais laisser de côté la question du trafic, là -- ce n'est pas tellement pour votre Barreau ou celui de Laval qu'on fait ça, là, hein, on fait ça pour les citoyens, pour les citoyens au sud de la 640. Pour eux, qu'est-ce qui est avantageux en termes d'accès à un palais ou à un autre, eux, pas vous, là? Pour eux, qu'est-ce qui est avantageux? Qu'est-ce qui signifie plus de facilité pour eux d'exercer un recours ou d'avoir à se représenter face à un recours, mais donc ce qu'on met comme infrastructure de justice qui soit utile pour les citoyens? On va parler de ceux au sud de la 640. Quelqu'un qui regarderait la carte pourrait peut-être dire qu'on peut présumer que les citoyens seraient contents, il y aurait une distance moins grande, non?
M. Cliche (Pierre): Oui, c'est-à-dire qu'il faut regarder ça dans son ensemble. Je sais qu'on peut focusser uniquement sur les citoyens du sud de la 640, mais ce sont des citoyens qui font partie du district de Terrebonne, et ces gens-là, dans un cas de juridiction concurrente, auraient donc la possibilité de prendre leurs poursuites soit à Saint-Jérôme ou soit à Laval mais surtout d'être poursuivis dans un cas soit à Laval ou à Saint-Jérôme. Il ne faut pas faire en sorte que, dans un des cas, on ait un palais de justice avec des services réduits dû au fait qu'on dit: Bien, écoutez, savez-vous, vous êtes à Boisbriand, vous êtes près de Laval, on va vous permettre d'y aller. Et on le sait, que toute cette zone-là, c'est la zone critique en termes de population du district de Terrebonne. Donc, nécessairement, lorsqu'on va ouvrir cette possibilité-là, il va y avoir une baisse, c'est sûr, je vous dirais même, marquée de dossiers qui vont s'ouvrir à Saint-Jérôme, ce qui va faire en sorte qu'on va perdre des services à Saint-Jérôme, qui va affecter à la fois les gens au sud de la 640 mais aussi des gens qui sont juste, juste au nord de la 640. Ils ne sont pas bien, bien plus loin. Moi, mon bureau est à Sainte-Thérèse, je suis au nord de la 640, mais je suis aussi près de Laval que de Saint-Jérôme, techniquement parlant. Mais, si j'ai un palais de justice de seconde zone à Saint-Jérôme et... je n'ai rien réglé, j'ai juste déplacé le problème, alors...
La Présidente (Mme Vallée): Merci, Me Cliche. On pourra poursuivre dans un prochain bloc. Alors, je vais céder la parole à Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon: Merci, Mme la Présidente. Alors, bienvenue à vous tous, représentants du Barreau Laurentides-Lanaudière. En fait, c'est ça, c'est une situation qui est un peu, je pense, paradoxale pour vous, parce que vous venez nous présenter votre position avant même qu'on ait entendu la position du bâtonnier du Barreau de Laval. Donc, on est allés lire, bien sûr, ce qu'il disait, et je dirais aussi qu'on se situe à la fine marge de l'avant-projet de loi, parce que le facteur de rattachement est là, mais il est quand même mince. Mais c'est intéressant puis dans une perspective plus globale, je pense, du débat sur l'accessibilité à la justice. C'est intéressant, du fait que le débat ait été soulevé, bien, qu'on le fasse correctement.
Je comprends bien la préoccupation du Barreau Laurentides-Lanaudière par rapport... Puis on voit que la chambre de commerce vous appuie. Il y a toute une réalité d'activité économique, je dirais, d'ampleur aussi de l'activité judiciaire qui est une préoccupation pour vous. Vous dites: On ne veut pas devenir un palais de seconde zone, tout ça, mais c'est certain que l'accessibilité, elle est, je dirais, multifactorielle. Donc, il y a la question de l'accessibilité physique, d'avoir des points de service, des palais sur le territoire, mais il y a aussi, bien sûr, la fluidité, la possibilité d'avoir un jugement, je dirais, avec célérité, d'avoir accès aux tribunaux. Donc, vous le concevez très bien.
Et, moi, je veux savoir... Parce que c'est sûr que, quand vous dites: Il y aurait une baisse significative des dossiers à Saint-Jérôme, donc, vous le voyez comme un élément négatif, de votre point de vue, mais beaucoup de citoyens pourraient le voir d'une manière positive parce qu'il pourrait y avoir une justice plus rapide. Donc, j'aimerais, du point de vue du justiciable, que vous me disiez pourquoi vous pensez que ce n'est pas bénéfique d'avoir peut-être cette fluidité-là plus grande entre les deux districts.
**(12 h 30)**M. Cliche (Pierre): Bien, c'est-à-dire que c'est... on tombe dans une zone inconnue. Est-ce que, si on y va tout simplement de façon purement théorique, on dit qu'il y a une baisse de dossiers... D'ailleurs, vous remarquerez, parenthèse, qu'il y en a déjà une, baisse de dossiers à Saint-Jérôme actuellement. Il y a une baisse de dossiers généralisée au Québec. Alors, de façon théorique, si on dit: On baisse les dossiers tout simplement, on garde exactement les mêmes services, je vous dirais que, oui, vous auriez raison. Si on baisse le nombre de dossiers, les juges ont plus de temps, les délais baissent, on ne change absolument pas les services, tout va bien. Est-ce que c'est vraiment ça qui va arriver? Est-ce qu'on peut se permettre de dire: Ah, on va le faire, on verra plus tard? Vous le savez: une fois que la situation se détériore, souvent il est extrêmement difficile de renverser la vapeur.
Et il ne faut pas oublier tous les gens qui sont bien au nord de Saint-Jérôme et qui ont leur palais de justice à Saint-Jérôme, Sainte-Agathe, en montant même tout près de Mont-Tremblant, qui doivent s'attendre, eux, à ne pas avoir de répercussion du fait que les services pourraient baisser dans leur palais de justice, du fait qu'on permet une fluidité des gens au sud. Je comprends, j'ai tout compris ça dès le départ, que c'était assez facile de faire ce lien-là, dire: Bien coudon, c'est d'une facilité extrême, les gens sont à côté, ils traversent la rivière puis ils sont rendus, mais les conséquences possibles de ça sont méconnues. Je pense que, moi, elles sont connues, dans le sens qu'il y aura une baisse et il y aura des services en baisse. On les voit déjà, ces services en baisse là à Saint-Jérôme, et là on travaille pour trouver, pour régler nos problèmes chez nous avec les juges coordonnateurs. Tout le monde travaille main dans la main.
Pourquoi Laval ne fait pas la même chose? Ils ont un beau palais de justice. Ils disent qu'il n'est pas fonctionnel à 100 %, qu'il n'est pas rentable, entre guillemets. Ils ont les effectifs, ils ont le nombre d'avocats, ils ont les industries, tout ce que vous voulez pour le faire fonctionner. Et, si vous remplissez le palais de justice de Laval, demain matin, de 1 000, 2 000 dossiers de plus par année, je ne pense pas qu'on vient de régler une grande problématique, je pense qu'on vient d'en créer une autre et cette fois-ci à Laval.
Mme Hivon: Votre prémisse, c'est vraiment qu'il y aurait une baisse conséquente du niveau de service à Saint-Jérôme. Vous dites que c'est déjà le cas. Est-ce que vous pouvez élaborer?
M. Cliche (Pierre): Ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est qu'actuellement, dans certains cas, des gens qui travaillent au palais de justice, donc, il y a des gens qui prennent leur retraite; ils ne sont pas automatiquement remplacés, présentement. Et déjà, récemment, la juge St-Pierre a invité l'ensemble des avocats à se présenter devant elle pour leur expliquer un peu sa venue à Saint-Jérôme et a fait l'éloge des gens qui travaillaient au palais de justice tout en disant qu'ils travaillaient dans des situations qui étaient à la limite, c'est-à-dire qu'on manque de personnel à Saint-Jérôme. C'est connu.
Maintenant, est-ce qu'on va dire: On va les garder, on va baisser le nombre de dossiers, tout ça, ça va régler la problématique? Difficile de savoir tout ça d'avance, là, et de prévoir que c'est ça qui va arriver.
Moi, je vous dis honnêtement, cette problématique-là qui est de Laval doit être gérée d'abord et réglée par Laval, si elle se règle. Il faut identifier le problème à la base. Pourquoi il y a moins de dossiers à Laval? Et est-ce que c'est parce qu'il y en a moins vraiment ou c'est parce que les avocats ne prennent pas leurs dossiers à Laval? Parce que, si les avocats prennent leurs dossiers à Laval ou si on y va avec la modification du projet de loi qui dit: C'est dans le district du défendeur qu'on doit être poursuivi, que le défendeur doit être poursuivi, et que, là, on fait systématiquement des dossiers à Laval, on va peut-être arriver avec un nombre de dossiers supplémentaire plus marqué à Laval et, à ce moment-là, on n'aura plus... Laval ne pourra pas fournir davantage. Ce n'est pas un palais de justice vide, Laval, là. C'est qu'ils disent qu'il y a moins de dossiers, puis les délais sont plus courts, mais ça ne sera pas long que, si vous rajoutez des dossiers là, ils vont être aussi longs que chez nous. On n'aura rien réglé.
Mme Hivon: Puis je veux juste un peu élaborer sur la question de la baisse de services parce que c'est vraiment votre argument, là, je le conçois bien. Vous dites: En ce moment, bon, il y a déjà beaucoup de remplacements qui ne se font pas. Est-ce que vous avez l'impression qu'à Saint-Jérôme il y a une problématique particulière ou en fait c'est ce qui est généralisé du fait qu'on ne remplace pas systématiquement...
M. Cliche (Pierre): ...répondre à ça, si ailleurs, partout dans le Québec c'est la même problématique. Je n'ai vraiment pas fait cette étude-là, et même dans les conseils généraux, là, je n'ai pas nécessairement... on ne s'est pas questionnés, entre bâtonniers, si effectivement dans chaque palais c'était la problématique.
Mme Hivon: Est-ce que la fermeture... Parce que vous mentionniez dans votre mémoire que vous avez perdu les points de service de Lachute puis de Sainte-Agathe. Est-ce qu'il y a eu un impact significatif sur les activités au palais de Saint-Jérôme? De manière globale, les impacts, comment vous les avez ressentis à la suite de ces fermetures?
M. Cliche (Pierre): Bien, c'est-à-dire qu'on parle de la Cour du Québec, chambre civile. C'est-à-dire que les points de service des Petites Créances sont demeurés, mais on parle peut-être de 800 dossiers, je pense, je peux me tromper mais à peu près ça, mais c'est 800 dossiers qui sont partis de ces points de service là et qui sont arrivés à Saint-Jérôme sans nommer du personnel additionnel. Donc, on a reçu 800 dossiers additionnels avec le personnel qu'on a.
Donc, on voit, il y a des délais d'attente, par exemple, pour des mémoires de frais, et encore récemment c'est relativement long, mais c'est des gens qui travaillent très, très fort, qui font tout ce qu'ils peuvent, mais ils sont à la limite. Alors, c'est ça, la problématique. Donc, on l'a vu. Est-ce que c'est directement à cause de ça ou d'autres facteurs? Bien, ça ne peut pas nécessairement aider la situation. Vous prenez 800 dossiers, vous les transférez à Saint-Jérôme et vous n'avez pas plus de personnel pour les traiter, donc nécessairement ça va avoir des répercussions à quelque part dans le palais de justice.
Mme Hivon: Puis est-ce que donc vous estimez qu'il y a un certain lien entre les deux, même si... scientifiquement pas prouvable, là? O.K. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Vallée): Alors, M. le ministre.
M. Fournier: Un court commentaire, là: J'ai l'impression que les gens de Laval vous ont écoutés. Puis ils vont venir nous voir. Je ne sais pas c'est quand, cette semaine ou dans deux semaines, là, où on les reçoit. Ils vont probablement nous faire état du fait, que j'ai cru comprendre, que certains citoyens du sud de la 640 auraient un intérêt. Ils vont probablement nous dire que vous avez témoigné que le palais de justice de Saint-Jérôme était débordé, qu'ils sont à la limite, et c'est excessif un peu. Alors, ils vont peut-être nous plaider ça, là, il ne faudrait pas s'en étonner, là. Au début, vous avez dit que ça allait plutôt bien, mais là peut-être que c'est surchargé.
M. Cliche (Pierre): Je ne dis pas que ça déborde, je dis que le personnel est à la limite. Et je vous ai dit en même temps que les délais à la Cour supérieure n'existent pas, on n'a pas de délai d'attente à la Cour supérieure, puis à la Cour du Québec les délais sont relativement bons, et aux Petites Créances c'est du comparable avec Laval. C'est ce que j'ai dit.
M. Fournier: Je voulais vous... le réentendre pour être sûr qu'entre le début de votre intervention et la fin on comprenne la même chose, parce que je suis persuadé qu'ils vont venir nous présenter une facette différente. Mais n'est-ce pas le métier que vous exercez à tous les jours, de nous présenter des facettes différentes?
Mme la Présidente, ce sera tout pour...
La Présidente (Mme Vallée): Merci. Vous avez une dernière intervention?
Mme Hivon: Oui, peut-être simplement... À la page 5 de votre mémoire, vous dites que l'élargissement à d'autres types de demande de l'article 39 dans l'actuel Code de procédure civile, là, qui permet de présenter des demandes dans un autre district lorsqu'un juge est absent ou empêché d'agir, serait totalement inutile en ce qui concerne le district de Terrebonne. Donc, je comprends que ce serait inutile pour Terrebonne, j'aimerais que vous me disiez pourquoi. Mais est-ce que ce serait nuisible ou en fait ce serait neutre, comme impact?
M. Cliche (Pierre): Bien, c'est-à-dire que ça a été, pour moi, un peu difficile de répondre... ou le Barreau de Laurentides, de répondre à cette demande-là, puisqu'on ne sait pas de quoi on parle. C'est-à-dire que le Barreau de Laval a indiqué qu'on devrait élargir l'application de 39. Mais à quoi?
Alors, je pense qu'il faut limiter la possibilité de pouvoir se présenter dans un autre palais de justice pour faire émettre une procédure. Il ne faut pas l'élargir à n'importe quoi.
Alors, d'abord, je ne sais pas de quoi on parle. Deuxièmement, je ne pense pas que c'est utile. Et en même temps je regarde l'avant-projet de loi qui reprend substantiellement, à part donner des pouvoirs additionnels au greffier, substantiellement les dispositions de 39 qui limitent en fait cette question-là ou ces avant-jugements, injonctions, rétractations de jugement et certaines exécutions de jugement.
Donc, dans des cas exceptionnels, des cas urgents où on n'a pas de service dans notre palais de justice, bien, on va pouvoir se présenter ailleurs, mais il ne faut pas en faire une règle où on va permettre toutes sortes d'actions possibles dans un autre district, pour toutes sortes de raisons. Je pense qu'il faut garder ça limité. C'est ce que l'avant-projet de loi fait, et nous faisons tout simplement dire: Nous sommes d'accord avec ça, de le laisser de façon assez restreinte. Donc, je ne voyais pas l'intérêt, là, d'élargir cette application.
Mme Hivon: Ça va. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Vallée): Alors, merci. Donc, ceci met fin à nos interventions. Alors, je vous remercie, Me Cliche et membres du Barreau des Laurentides-Lanaudière, de vos commentaires.
La commission va suspendre ses travaux jusqu'à 14 heures. Vous pouvez laisser vos choses. Vous pouvez laisser vos choses ici.
(Suspension de la séance à 12 h 40)
(Reprise à 14 h 3)
Le Président (M. Drainville): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires. Nous allons poursuivre sans plus tarder les auditions publiques sur l'avant-projet de loi instituant le nouveau Code de procédure civile. Alors, Mme Bilodeau, je vous souhaite la bienvenue. Merci d'être là et bienvenue dans votre Assemblée nationale. Alors, vous... vous disposez, dis-je bien, de 15 minutes pour présenter votre mémoire, et par la suite il y aura une période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.
L'Action des nouvelles conjointes et
nouveaux conjoints du Québec (L'ANCQ)
Mme Bilodeau (Lise): Merci infiniment. L'Action des nouvelles conjointes et nouveaux conjoints du Québec est une association sans but lucratif regroupant au-delà de 2 000 membres. La nature de notre mission est de portée provinciale. Notre siège social est situé dans le comté de Vanier, et notre conseil d'administration est formé de cinq membres et de représentants régionaux.
Notre action. Depuis le 17 novembre 1999, l'association n'a eu de cesse d'assister, d'écouter, de réconforter, de rencontrer, de référer ses membres auprès de conseillers psychologiques et juridiques. L'association a répondu par écrit à des milliers de personnes qui sollicitaient l'obtention d'informations. Elle maintient activement la vie de l'organisme par l'information ponctuelle véhiculée par le biais du courrier électronique et Facebook. Nous élaborons des documents analytiques exhaustifs, de sorte que nous sommes reconnus comme une interlocutrice de marque auprès des décideurs et des intervenants offrant des services communautaires. Cette expérience, ajoutée à nos rencontres auprès des instances politiques, à notre présence dans les médias et lors de colloques, congrès, conférences en matière familiale, a peu à peu élargi la nature spécialisée de notre expertise sur le terrain.
En date du 29 septembre 2011, nous recevions ce communiqué où nous pouvons lire au cinquième paragraphe: «En outre, le ministre de la Justice proposera la mise en place d'un service d'aide à la révision des pensions alimentaires pour enfants -- SARPA. Cette mesure répondra aux besoins des parents qui souhaitent une démarche simplifiée et à moindres coûts dans le cadre d'un rajustement des pensions alimentaires pour enfants.» Cette nouvelle nous a ravis. Depuis plus de 10 ans que nous militons pour demander au ministre de la Justice l'accessibilité pour nos membres à une nouvelle façon de faire lorsqu'il s'agit de modification de pension alimentaire.
Nous nous permettons de vous référer à une partie du document en annexe 1 qui s'intitule Rapport complémentaire du Comité de suivi du modèle québécois de fixation des pensions alimentaires pour enfants, où nous trouvons le sujet Accès à la justice -- Révision des pensions alimentaires. Après avoir consulté le rapport complémentaire du Comité de suivi du modèle québécois de fixation des pensions alimentaires pour enfants, nous constatons que presque 10 ans se sont écoulés sans qu'aucune des recommandations faites par SARPA ne soit mise en place. Le comité siégeait depuis 2001.
Selon les informations que nous avons obtenues auprès du ministère de la Justice concernant les mesures entreprises pour répondre aux recommandations faites depuis tout ce temps, on nous a expliqué que tout était déjà en place par le moyen de la médiation et qu'il n'y avait pas lieu d'ajouter quoi que ce soit. Pour L'ANCQ, la médiation n'est pas la solution à tous les problèmes que rencontrent les payeurs de pension alimentaire. Posons-nous la question suivante: Qui veut «médier» -- même si le terme n'est pas français -- quand vous allez offrir à l'ex-conjointe de baisser pour une période de six mois à un an sa pension?
Plusieurs couples ont vécu et vivent encore des ruptures acrimonieuses. La question que nous nous posons est de savoir à qui référer ces gens-là. Ce sont ces couples qui sont les plus pénalisés par notre système actuel. Ils n'ont nulle part où aller, sauf d'avoir à placer leurs mains dans leurs porte-monnaie pour payer des honoraires d'avocat, argent qu'ils ne possèdent même pas.
Après avoir lu attentivement ce travail de recherche fait par le comité sur la possibilité de mettre sur pied un tribunal administratif ou un service de révision, nous pouvons constater qu'ainsi rien ne serait fait à la légère ni laissé au hasard. Notons qu'un certain tarif serait demandé afin de dissuader les gens d'abuser, qu'une attention particulière serait apportée à la vérification de l'admissibilité des parties, que les démarches ne toucheraient que la modification de pension alimentaire au niveau de tout changement des revenus, laquelle modification aurait pour effet d'augmenter ou de diminuer le montant de la pension alimentaire, et que toute demande devra préalablement passer devant le médiateur, sauf si une des parties refuse d'aller en médiation, car il ne faudrait pas pénaliser l'autre partie.
Lorsque les individus, après une rupture, ne se parlent plus depuis plus de 10 ans, je me pose toujours la question: La médiation servira à quoi? D'autant plus si l'une des parties ne veut rien entendre par mauvaise foi.
Nous avons été témoins de bien des situations. Nous vous donnons comme exemple un payeur de pension alimentaire de Cap-Santé qui, après avoir perdu son travail et obtenu un temps partiel par entente avec son employeur, n'avait plus que 174 $ et quelques sous par semaine pour payer son loyer, son électricité, son épicerie et son transport.
C'est pour des raisons d'ordre humanitaire que nous sollicitons la mise sur pied d'un tribunal administratif ou d'un service de révision afin d'améliorer l'équité entre les conjoints après une rupture. Après 14 ans de service, nous n'avons pas encore rencontré un père qui ne veut pas payer sa pension alimentaire. Cependant, nous avons rencontré tellement de pères qui vivaient avec si peu ou qui n'avaient pas d'autre choix que de retourner vivre avec leurs parents âgés afin de boucler des fins de mois catastrophiques. Pendant des années, L'ANCQ a été témoin de pères en difficultés excessives après une fermeture d'usine, un accident grave, une maladie incurable, une incapacité physique chronique, et pourtant la pension alimentaire demeurait inchangée, faute d'argent pour se payer un avocat afin de faire réviser le montant de la pension. Comme les honoraires réclamés pour modifier une pension alimentaire dans de telles circonstances se situent entre 1 500 $ et 3 000 $, ils me disaient qu'ils préféraient tirer le diable par la queue plutôt que de prendre le risque de récupérer un montant sur la pension, montant qui se trouvera versé à l'avocat plutôt qu'à l'ex.
**(14 h 10)** Nous pensons également que vous pourriez éviter bien des gestes de désespoir, posés sur eux-mêmes ou sur leurs familles. Ainsi, les pères ne se verraient pas acculés au pied du mur avec peu d'argent ou si peu. Vous pourriez, par la mise sur pied d'un tel service de révision ou tribunal administratif, contribuer à sauver des vies. La détresse de ces gens et ses conséquences se retrouvent trop souvent dans nos médias. Nous avons le jugement facile, mais qui s'est donné la peine de prendre connaissance de la situation que vivait le père aux plans financier, social et psychologique? On vous a même placé une annexe à la fin du document.
L'ANCQ déplore que notre système actuel soit désuet et injuste. En fait, nous vivons dans un système familial à deux vitesses. D'une part, dans une vie de couple ordinaire, la famille n'a pas le choix d'ajuster son train de vie lorsque le papa perd son emploi ou est blessé lors d'un accident de travail. D'autre part, si la même situation se présente pour un père divorcé, l'ex-conjointe acceptera-t-elle une baisse de revenus éventuellement occasionnée par une diminution de pension alimentaire versée? Il faut prendre conscience de cette réalité et faire en sorte que notre système judiciaire ne favorise pas l'échec, le désespoir et le désastre mais favorise plutôt l'acquittement honorable des responsabilités de ces payeurs. Comment cela se fait-il qu'il n'y ait aucun critère, aucun assouplissement pour ces payeurs de pension qui deviennent prestataires de la CSST ou de l'assurance-emploi et qui voient leurs chèques amputés par un prélèvement automatique du bureau du percepteur de pensions alimentaires? Celui qui aura à vivre avec une telle malchance, lorsqu'il retournera au travail, non seulement aura-t-il accumulé du retard sur la pension à verser, mais on prélèvera sur sa paie les arrérages en plus du montant habituel.
En mettant sur pied un tribunal administratif ou un service de révision, vous faciliterez le désengorgement des rôles. Bien qu'il soit toujours possible aujourd'hui de produire une requête d'urgence pour modifier la pension alimentaire, le problème demeure: Où trouver les sous pour payer son procureur? Bien des pères s'abstiennent de faire cette démarche.
Nos recommandations: la mise en place des mécanismes nécessaires afin qu'un service de révision des pensions alimentaires pour enfants voie le jour rapidement en 2012; l'application des mêmes mesures que celles évoquées par le Protecteur du citoyen pour une meilleure équité sociale, et conformément aux propositions du Comité de suivi du modèle québécois de fixation des pensions alimentaires pour enfants, par la mise en place d'un service administratif de révision des pensions alimentaires. L'ANCQ veut plus qu'un service d'aide à la révision des pensions alimentaires pour enfants, et on aimerait aussi que M. le ministre de la Justice nous explique en quoi cela consistera-t-il, cette aide-là qu'il nous propose. Et, quatrièmement, l'accessibilité à la justice pour tous dans le domaine de la révision des pensions alimentaires pour enfants. Voilà.
Le Président (M. Drainville): Très bien. Merci beaucoup, Mme Bilodeau. Alors, sans plus tarder, les échanges avec M. le ministre.
M. Fournier: Oui, merci beaucoup, M. le Président. Mme Bilodeau, merci d'être avec nous. J'ai presque l'impression que nos échanges vont constituer une invitation à revenir, parce que le sujet du jour est un peu d'un autre ordre, bien qu'il s'en approche, mais que vous aurez prochainement, je le souhaite, bien qu'on a d'autres législations sur notre table déjà... mais j'imagine que, lorsqu'il y aura une législation sur le SARPA, j'espère, le plus tôt possible... Je suis bien convaincu qu'on va s'entendre pour qu'il y ait des consultations particulières, et, je vous le dis à l'avance, alors ce sera le bon moment de venir nous faire la présentation que vous venez de nous faire aujourd'hui. Je ne vous en veux pas de plaider la cause qui est la vôtre, mais simplement pour mentionner qu'à l'égard du SARPA les intentions législatives déjà annoncées sont à l'effet que nous ayons un projet de loi dans les semaines à venir, semaines qui peuvent être plus que celles contenues dans un seul mois mais moins que plusieurs mois, disons ça comme ça.
Encore une fois, lorsqu'on parle du SARPA, par contre, ça peut vouloir tout dire et rien dire si on ne précise pas un certain nombre de choses. J'en profite pour vous signaler que... Vous vous êtes accrochés au communiqué pour venir nous faire une présentation.
Mme Bilodeau (Lise): ...communiqué, oui.
M. Fournier: Vous auriez pu venir sur un autre projet de loi, sur le nombre de juges ou quoi que ce soit, parce qu'il y a d'autres pièces législatives qui soutiennent le Plan Accès Justice. Le Code de procédure est une des pièces fondamentales, ça va de soi. Il y a une des démarches qui est aussi l'amélioration du service de médiation, notamment en termes des honoraires versés au médiateur pour s'assurer qu'on en ait encore et qu'ils puissent continuer de faire le travail qu'ils font. Et SARPA est évidemment une donnée importante.
Il y en a un, volet de SARPA... Et je dis ça sans dévoiler trop de grands secrets, même si je ne veux pas faire outrage à l'Assemblée, bien qu'on est tellement près d'elle que je ne suis pas sûr que je ferais un outrage. Mais, d'abord, la révision administrative des pensions pour enfants, j'oserais apporter la précision lorsque ce n'est pas le fait du débiteur, disons ça, là, ou du créancier, c'est-à-dire lorsqu'il y a un fait externe, et dans ce temps-là il est possible de faire jouer la règle administrative. Déjà, c'est un gain fondamental par rapport à la situation actuelle, où il faut enclencher un processus devant le tribunal.
Et effectivement c'est un dossier qui fait parler de lui depuis longtemps, mais là il y a l'analogie à faire avec le Code de procédure civile. Ce n'est pas parce qu'on a des documents qui ont été travaillés de longue haleine avec plusieurs groupes qui reviennent ici, qui sont à peu près tous un peu d'accord avec beaucoup des éléments mais qui n'ont pas... quelques points en désaccord. Sur le SARPA, je pense qu'il y avait certains groupes -- vous les connaissez aussi, je ne les nommerai pas -- qui n'étaient pas nécessairement des fervents militants à soutenir l'idée et pourtant qui sont des acteurs importants du monde juridique et avec lesquels il faut trouver des moyens de répondre aux interrogations qui sont soulevées, parce que l'autre volet intéressant du SARPA, c'est celui qui favorise l'homologation d'ententes entre les parties à l'égard d'autres sujets d'ordre familial, droits de visite, droits de garde, et, dans ce cas-là, bien, il faut essayer d'arriver à développer un système qui protège les droits. Et là on a des règles qui existent. Il y a un ordre professionnel qui est responsable de ça et qui regarde, quand on apporte une nouvelle proposition, si on s'inscrit correctement à l'égard de ces lois qu'on a adoptées, d'une part. Il faut qu'on s'assure que ce ne soit pas trop cher, que ce soit facile d'accès.
Alors, je crois que la solution qu'on a retenue sera, à mon avis, avantageuse. Les échos que j'ai -- et je peux vous dire ça sans dévoiler de grand secret -- les échos que j'ai de ceux qui ont oeuvré, là, dans les premières étapes du SARPA et qui donc ont connu les écueils de l'époque et les raisons pour lesquelles il y a eu ces écueils considèrent que la voie qui est choisie maintenant semble être une voie de passage qui pourra fonctionner. Je l'espère, mais encore faut-il déposer la pièce législative, entendre les groupes, en débattre avec nos collègues de cette commission et puis s'assurer qu'elle soit adoptée. Mais je le souhaite ardemment.
Alors, je n'en dis pas plus sur la présentation que vous avez faite parce que je ne doute pas que vous allez revenir. Alors, vous viendrez commenter ce qu'on aura mis de l'avant. Je vous indique à l'avance, pour calmer vos ardeurs et ne pas préparer un mémoire trop enjôleur à ce moment-là: Il n'y a pas de... je n'envisage pas d'avoir un tribunal particulier. Nous ne sommes pas là et nous allons nous limiter à ce qu'il est possible de faire.
Par ailleurs, je conclus en vous disant ceci: Si d'aventure vous êtes déçue... J'aurais pu l'interpréter comme ça. Quand j'ai vu que vous veniez sur ce thème-là avec le Code de procédure, je me suis dis: Coudon, est-ce qu'elle va me reprocher qu'on n'ait pas inclus dans le Code de procédure ces dimensions-là? Et j'avais prévu une réponse pour vous, alors je vous la donne, même si vous ne vous en êtes pas plaints: Pour ce qui est du Code de procédure, c'est un avant-projet de loi. Il a fait... Bien sûr, ça a été le fruit de plusieurs échanges, mais il en a besoin d'autres. Il y a beaucoup d'apport des groupes qui viennent nous voir, et il y aura un projet de loi qui va en découler, pas qu'on veut faire long, on veut faire bien, et, je pense, pour faire comme il faut, il faut permettre à tout le monde de venir le commenter. On ne peut pas consulter tout le monde. Alors, ce n'est pas parce qu'on consulte le Barreau qu'on avait pensé de parler à Laval ou à Laurentides. Alors, parfois, on a ces choses-là.
Donc, l'intérêt, c'est que, lorsqu'il y aura quelque chose sur le SARPA, ce ne sera pas un avant-projet de loi, ce sera un projet de loi. Alors, même si ce n'est pas dans le Code de procédure civile, au moins il y aura une espèce d'instantanéité un peu plus grande que ça l'est pour l'avant-projet de loi. Je n'en dis pas plus, M. le Président, puisque nous sommes à une certaine distance du Code de procédure civile.
Le Président (M. Drainville): Mme la députée de Joliette.
**(14 h 20)**Mme Hivon: Oui, merci, M. le Président. Donc, bienvenue, Mme Bilodeau. Merci de votre mémoire.
Il y a quand même un facteur de rattachement, je pense, parce que, dans l'avant-projet, on prévoit maintenant qu'à chaque date anniversaire d'un jugement où il y a l'octroi d'une pension alimentaire les parties vont devoir s'échanger l'information concernant leurs revenus pour voir, en fait, s'il y a un changement. Donc, j'imagine que c'est un autre élément qui est quand même en lien avec ce que vous venez nous présenter aujourd'hui. Moi, écoutez, j'ai hâte, tout comme vous, de voir la mouture du projet de loi, qui est fort attendu, puis de voir les détails des mesures qui vont être mises de l'avant. Aussi, il va probablement y avoir des éléments qui vont devoir être intégrés donc au code, éventuel code, pour que le tout soit le plus cohérent possible.
Mais je veux bien comprendre votre question, et peut-être que le ministre, par ricochet, va pouvoir... parce que c'est une question qu'on peut se poser. Puis, vous savez, juste pour votre gouverne, c'est que, quand on entreprend des consultations publiques sur un sujet, entre l'opposition et le gouvernement des fois c'est un peu paradoxal parce qu'il y a des informations qu'on ne détient pas nécessairement, et c'est en entendant les gens qu'on a les informations, par les réponses que le ministre peut apporter. Donc, des fois, on bénéficie en même temps d'un éclairage.
Dans vos recommandations, vous semblez vous préoccuper du fait qu'on parle plus d'un service d'aide à la révision des pensions alimentaires plutôt qu'un service administratif, et je veux bien comprendre votre préoccupation quand vous faites la différence entre les deux.
Mme Bilodeau (Lise): ...un tribunal administratif, peut-être parce que j'ai une formation juridique et j'ai resté un petit peu accrochée, même si je suis à ma retraite, je n'ai pas tout à fait la même confiance. Quand vous me dites un service d'aide, ça va comporter qui et quoi? Est-ce que ça sera des fonctionnaires qui seront formés en conséquence, etc.? Tandis que, quand vous avez affaire à un tribunal administratif, quand même, la personne qui siège siège comme un juge. Alors, c'est sûr que, pour moi, ça fait plus, comment dirais-je... plus sérieux, et je défendrais plus la position d'un tribunal administratif.
Là où ça m'inquiète, c'est qu'on offre un service d'aide. Pour avoir travaillé moi-même pendant des années au gouvernement, vous savez, c'est facile, vous allez voir: si jamais vous avez un service d'aide, vous allez voir que les dossiers et les piles vont naturellement monter. Il y en a énormément. Il y aura énormément de demandes à faire, et à examiner, et à regarder. Alors, c'est là que ça m'inquiète. Est-ce qu'on va passer ce service d'aide là à des fonctionnaires et puis, bon, on va traiter les cas comme si c'étaient uniquement des numéros ou bien si on va tenter de regarder... Aussi, naturellement, il faut le dire, quand on dit «tribunal administratif», veux veux pas, il faut regarder le côté légal des choses et les regarder peut-être un peu plus à la loupe.
Alors, c'est pour ça que, moi, ça m'inquiétait. Service d'aide, je me disais: Qu'est-ce que ça va être exactement? Mais je ne veux pas que M. Fournier me réponde, parce qu'il me dit que ça va venir plus tard, je ne veux pas lui faire dévoiler les grands secrets. Mais c'était ça, ma question. C'est: Un tribunal administratif, pour moi, ça a encore toute sa place, tandis qu'un service d'aide je vous assure que ça m'a fait, c'est le cas de le dire, vraiment tanguer un peu. Je me posais des questions.
Mme Hivon: O.K. Peut-être, en fait, un service d'aide à la révision administrative des pensions, par opposition au fait d'être obligé donc de passer par la cour à chaque fois qu'il y aurait un changement aux conditions monétaires d'une des deux parties.
Ensuite, dans votre optique, parce qu'on sait aussi les positions que vous avez prises dans le passé concernant les pensions mais pas juste les pensions pour enfants, le service d'aide à la révision, donc, des pensions, est-ce qu'il devrait être plus large que juste pour les enfants ou vous concevez que c'est un service qui doit concerner d'abord les enfants?
Mme Bilodeau (Lise): Bien, je ne vous cache pas que mes membres, quand j'ai parlé... D'ailleurs, l'annexe, je vous assure que je l'ai fait circuler, parce que tout le monde était enchanté. Je ne vous cache pas que certains de mes membres m'ont dit: Lise, bien, qu'est-ce que tu fais de ceux qui paient des pensions alimentaires? J'ai justement quelqu'un derrière moi qui paie une pension alimentaire, qui a 78 ans et qui la paie encore, et c'était, je ne vous cache pas, madame, mon cheval de bataille lorsque j'ai fondé l'association, il y a 14 ans, faire modifier les pensions alimentaires à l'ex, que ça ne devienne pas un placement à vie. Alors, on demandait à cette époque-là, nous, une pension alimentaire de cinq ans, avec tous les programmes que les femmes ont aujourd'hui pour se reprendre en main, alors pour libérer les gens, parce qu'on est dans une société économique qui ne peut plus faire vivre l'autre indéfiniment. Je ne vous cache pas, madame, que, si vous amèneriez aussi cette possibilité que, lorsque le type perd son emploi ou vit... J'ai déjà eu un cas où le type avait un cancer, et malheureusement le juge lui a dit: Ça, ce n'est pas le problème de madame, tu continues à payer. Alors, je pense que, si vous mettiez sur pied ce service, il faudrait qu'il soit humain aussi. Et puis pourquoi pas ouvrir pour ceux qui paient des pensions alimentaires à leurs ex seulement? Pourquoi pas?
Mme Hivon: Merci. À la page... Je pense que ce n'est pas numéroté, mais à la deuxième page, en bas, vous dites: «Lorsque des individus, après une rupture, ne se parlent plus depuis [...] 10 ans, je me pose toujours la question: La médiation servira à quoi?» Vous savez qu'il y a vraiment une volonté, dans l'avant-projet de loi qui est présenté, de mettre l'accent sur l'importance des modes alternatifs de règlement des conflits, sur la justice privée, parce que beaucoup pensent, et j'en suis, que, lorsque les parties se responsabilisent, s'assoient face à face et tentent par d'autres moyens que la judiciarisation d'arriver à une solution, c'est souvent une solution qui est beaucoup plus satisfaisante parce que ce n'est pas une solution qui est imposée.
Est-ce que vous ne pensez pas que... Parce que vous semblez assez réfractaire, dans votre mémoire, à la médiation. Est-ce que vous ne pensez pas que c'est la responsabilité d'un peu tout le monde, comme par exemple votre association et d'autres associations dans le domaine familial, de militer justement aussi pour une responsabilisation des parties, pour que, d'elles-mêmes, elles aient recours à des modes alternatifs de règlement?
Mme Bilodeau (Lise): Vous n'avez pas tort, parce qu'aussi je ne sais pas si les gens connaissent ici le modèle Cochem. Je suis une addicte au modèle Cochem, c'est ce qui se passe en Allemagne, et ce que vous dites, madame, c'est exactement cela, c'est que les gens doivent se responsabilité... se responsabiliser, dis-je, assez rapidement avant d'arriver devant un juge. Donc, ils ont là les gens pour les appuyer, les gens pour les aider, les psychologues, les travailleurs sociaux, et tout et tout.
Mais, au Québec, je rêverais de ça aussi. Alors, ce serait vraiment moins acrimonieux, moins dispendieux et moins aussi, pour certaines personnes... Vous savez, il y a certains hommes et certaines femmes aussi... Pour certains hommes, c'est la fin d'un monde, un divorce. Et, quand il est acrimonieux et quand ça devient terrible au niveau des honoraires... Parce que j'ai eu des cas où ça montait jusqu'à 100 000 $ d'honoraires. Quand la personne arrêtait, il n'avait plus un sou. Oui, moi aussi, je le demande à mes gens, de tout faire pour arriver à s'entendre, mais malheureusement je suis obligée de vous confier qu'après 14 ans de service je n'ai pas le beau côté des choses, moi. Je ramasse tous les gens qui peut-être ne sont pas arrivés à s'entendre, et c'est avec ceux-là qu'il faut travailler.
La médiation, pour certains, ça peut aller, mais, pour d'autres, ça peut être conflictuel. Combien de personnes que j'ai rencontrées, que j'ai rencontrées et qui m'ont dit: Bien, c'était toujours un peu sous la menace, tu signes ou bien donc c'est le palais de justice qui t'attend puis tu vas sortir ton argent? Bien, on signe. C'est là que j'accroche. Alors, oui, la médiation, mais il faudrait peut-être ouvrir davantage sur la communication et amener ces gens-là à arriver à des solutions justes, parce que la médiation juste d'un côté, ça fait mal aussi.
Mme Hivon: Merci. Ma dernière question, Mme la Présidente: Vous dites à un endroit que votre association déplore que notre système actuel soit désuet et injuste. C'est quand même une...
Une voix: ...
Mme Hivon: Hein?
Mme Bilodeau (Lise): C'est beaucoup.
Mme Hivon: Oui. Mais, lorsque vous affirmez ça, outre la mesure du SARPA que vous préconisez et pour laquelle vous venez nous voir aujourd'hui, est-ce qu'il y a d'autres éléments que vous estimez qu'ils devraient être mis de l'avant à l'occasion de la réforme du Code de procédure civile pour s'éloigner de cette description que vous faites d'un système désuet et injuste?
Mme Bilodeau (Lise): Effectivement, effectivement. Vous avez peut-être trouvé que les mots étaient durs, mais j'en vois tellement. Et, même si les gens me disaient que les gens ne me disent pas la vérité, vous savez que j'ai appris avec le temps, je demande toujours les jugements. Donc, j'ai les jugements des gens. Et j'ai quand même une certaine formation juridique, donc je peux me faire une idée assez rapidement pour voir qui me dit la vérité.
Ce que je trouve déplorable, parce que vous parlez du Code de procédure civile, c'est certains cas que j'ai eus dernièrement où la Cour supérieure octroie, exemple, les enfants au père et que, rapidement après, la DPJ vient rechercher les enfants, comme si vous, de la Cour supérieure, vous n'existeriez pas. Vous savez, ces cas-là ont été extrêmement difficiles pour L'ANCQ parce qu'on a supporté le père dans ses démarches, parce que, lui, vraiment, là, ça a été... il a piqué du nez -- excusez l'expression, là -- ne comprenant pas. Comment cela se fait-il qu'un tribunal de la DPJ vient passer par-dessus le tribunal de la Cour supérieure? Moi, j'appelle ça, dans mon langage de petite francophone... Pourquoi ne pas harmoniser ça, ces histoires-là? Et d'autant plus que, quand il a repris les enfants, la pension alimentaire des quatre enfants était payée à madame, et ça a duré un an et quelques avant qu'on revienne en Cour supérieure, qu'on fasse annuler la pension alimentaire. Lui, il avait ses enfants, là, et le prélèvement se faisait carrément sur sa paie.
C'est des cas comme ça, et j'en ai eu plusieurs. Et, oui, je me suis posé des questions s'il n'y avait pas lieu d'améliorer, à certains endroits, certaines formes, s'harmoniser. Je pense qu'il y a moyen de le faire. Ça, c'est sûr et certain.
Et naturellement vous êtes jeune. Et j'insiste pour le dire: Vous êtes jeune. Vous êtes en arrière de moi, vous, les jeunes. Vous savez que, nous, les femmes... À l'âge que vous avez, mes filles sont autonomes, vous êtes sans doute autonome. Il faut penser aussi à faire cesser les pensions alimentaires à vie. Malheureusement, ça se donne encore, ces jugements-là.
Alors, oui, c'est pour ça que j'ai employé le mot «désuet» et «injuste». Est-ce que vous pensez que de payer une pension alimentaire à 78 ans, c'est encore juste dans notre société? Moi, je dirais que non.
Mme Hivon: Merci beaucoup.
Mme Bilodeau (Lise): Merci.
La Présidente (Mme Vallée): Merci beaucoup. Est-ce qu'il y a d'autres interventions du côté ministériel? Donc, si ça fait le tour des échanges, je vous remercie beaucoup, Mme Bilodeau.
Et je vais maintenant demander aux représentants de l'Association canadienne des avocats en droit des médias de s'approcher. Nous allons suspendre pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 14 h 30)
(Reprise à 14 h 33)
La Présidente (Mme Vallée): Donc, nous accueillons maintenant l'Association canadienne des avocats en droit des médias, représentée par Me Christian Leblanc et Me Marc-André Nadon. Messieurs, bienvenue. La parole est à vous.
Association canadienne des avocats en droit des
médias/Canadian Media Lawyers Association (Ad Idem)
M. Leblanc (Christian): Alors, merci, Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes, MM. les membres de la commission, merci de nous permettre d'intervenir. Comme vous l'avez vu de notre mémoire, le but de notre intervention est très ciblé, porte sur les articles 11, 13 et 15 plus particulièrement, et on va parler de publicité des débats judiciaires, et d'ordonnance de non-publication, et d'ordonnance de huis clos dans le cadre de cela. Et, bien, quant à nous, c'est un domaine assez sensible, et je vais m'expliquer très rapidement.
Peut-être avant tout très brièvement qu'est-ce que c'est, l'association des avocats en droit des médias, très simple: environ une centaine de personnes, qui regroupe des avocats pancanadiens qui pratiquent en droit des médias, donc à la fois des avocats qui sont en contentieux de médias canadiens ou des avocats en pratique externe qui font du droit des médias, dont je suis.
Deux mots sur moi. Je pratique depuis presque 20 ans maintenant, 18 années de cela, en droit des médias en grande proportion. Je vous indique tout de suite mon passé et mon biais, s'il en était: je défends toujours les médias. Donc, évidemment, la publicité des débats, la liberté d'expression sont des valeurs qui me sont chères et que je plaide régulièrement devant les tribunaux. Ceci dit, je pense -- et c'est l'exercice que j'ai tenté de faire pour vous éclairer -- que les représentations que je ferai sont objectives et tiennent compte des intérêts de tous, dans l'espoir de vous guider davantage dans le travail important que vous vous apprêtez à faire.
Le message que je veux vous amener... Et je sais que, pour des élus, pour le législateur qui se penche sur un code de procédure civile, on veut parfois changer les choses, on veut bien faire les choses, corriger des choses, si c'était le cas. Le message que je vais vous passer aujourd'hui, c'est qu'eu égard à la publicité des débats et aux ordonnances de non-publication, avec beaucoup de respect, selon notre opinion à nous ça fonctionne bien et que nous décelons des passages dans les articles 11, 13 et 15 qui risquent de menacer l'équilibre que l'on a en ce moment entre, d'une part, la réputation, la dignité, la vie privée des gens et la très grande importance de la publicité des débats, également son corollaire qui est toujours sous-jacent, là, le droit du public à l'information.
Et, depuis maintenant au moins 1994, la Cour suprême a balisé les choses en ce qui a trait aux ordonnances de non-publication dans un arrêt qui s'appelle Dagenais et qui a été par la suite, toujours par la Cour suprême, l'année suivante, précisé dans l'affaire Mentuck. Il y a un test qui a été développé, qui s'appelle le test Dagenais-Mentuck, et qui pondère plusieurs droits -- et je vais arriver plus en détail un peu plus tard -- et ce test-là tient en compte plusieurs valeurs de la charte qui sont impliquées, celles dont je disais... c'est-à-dire le droit à la réputation, à la dignité et à l'honneur, et la publicité des débats, et la liberté d'expression, et le droit du public à l'information de part et d'autre, et je pense... nous pensons, à l'association canadienne, qu'il est important de maintenir cet équilibre.
Alors, si je vais droit au but, en ce qui a trait à l'article 11, ce qui nous préoccupe à l'article 11, très concrètement et plus en détail, c'est lorsque l'on semble permettre une ordonnance de non-publication ou de huis clos, c'est plus ou moins clair, mais disons donc restreindre la publicité d'un débat si l'on peut démontrer qu'il en va de la protection de la dignité des personnes, d'intérêts importants qui... donc deux critères qui l'emporteraient sur la publicité des débats, tout ça complété par le fait que c'est nonobstant l'article 23 à la charte qui prévoit la publicité des débats. C'est sûr que je ne suis pas en train de vous dire que la dignité des personnes n'est pas, dans certains cas, un facteur qui pourrait militer en faveur d'une ordonnance de non-publication ou de huis clos, mais ajouter ces critères viendra faire en sorte que les balises déjà établies par la Cour suprême pour les juges risquent d'être entachées, ce qui risque de mettre un juge qui sera appelé à interpréter cet article dans une situation où il devra, au détriment de cet équilibre enseigné par la Cour suprême, favoriser le huis clos ou la non-publication.
Dagenais-Mentuck, là, c'est somme toute assez simple. C'est appliqué, croyez-moi, régulièrement par les tribunaux. Les juges de la Cour supérieure sont familiers avec ce test-là, je vous dirais, davantage même les juges de la Cour supérieure qui siègent en matière criminelle, parce que c'est souvent là... en tout cas plus souvent là qu'on a affaire à ces demandes. Et le test de Dagenais-Mentuck, c'est très court. Je vais vous le citer, vous le connaissez peut-être déjà, mais la Cour suprême vient dire qu'il faut, pour qu'une ordonnance de non-publication soit prononcée, que, a, elle soit nécessaire pour écarter un risque sérieux pour la bonne administration de la justice, vu l'absence d'autres mesures raisonnables pouvant l'écarter; b, que ses effets bénéfiques sont plus importants que ses effets préjudiciables sur les droits et les intérêts des parties et du public, notamment ses effets sur le droit à la libre expression, sur le droit de l'accusé à un procès public et équitable et sur l'efficacité de l'administration de la justice. Un petit commentaire: On parle d'accusé, dans le test, mais il est reconnu de jurisprudence constante que c'est un test qui s'applique aussi en droit civil.
**(14 h 40)** En clair, ce qu'il faut démontrer, pour une ordonnance de non-publication, c'est une preuve convaincante d'un préjudice grave. C'est comme ça que la cour est venue définir davantage ce test. Le fardeau est toujours à la personne qui veut la demander, parce qu'évidemment, la règle étant la publicité des débats, c'est la personne qui veut faire fi de la règle qui doit le faire. Alors, ce test-là prend en compte... Parce que, dans le même arrêt, la Cour suprême est venue dire qu'il n'y a pas de hiérarchie dans les droits, donc la liberté d'expression est tout aussi importante que le droit à l'honneur, la dignité, à la réputation, parce qu'il était... avant cette jurisprudence-là, et on est tous tentés de le faire, les cours, souvent, venaient dire: Bien, écoutez, là, entre publier une information ou protéger la réputation d'une personne, vous, demain, journal, télé, média, vous n'allez pas mourir si vous ne pouvez pas publier une information, alors que cette personne-là, elle a une réputation, et ce sera donc grave si vous publiez quelque chose qui risquerait de l'atteindre. La Cour suprême vient dire: Non, il ne faut pas penser comme ça, parce que c'est le début de la fin. Si c'est le cas, on ne va publier que des communiqués de presse officiels et puis de toute façon les médias seront toujours restreints dans leur rôle, parce que, si on fait cette comparaison-là, il est trop facile de sauter à une pareille conclusion.
Il faut être plus philosophe et réaliser l'importance du droit des médias et du droit de l'information du public, surtout en matière de couverture de procès, qu'il soit criminel ou civil. Et la Cour suprême, encore là, est venue le répéter à plusieurs reprises, les médias sont en fait la courroie de transmission de ce qui se passe dans nos cours de justice. Même je les cite à peu près mot à mot, la Cour suprême est venue dire: Les pères et mères de nos villes et provinces n'ont pas le temps d'aller à la cour le jour écouter ce qui se passe, suivre l'appareil judiciaire. On travaille, on a autre chose à faire. Il faut compter sur les reportages des médias pour comprendre.
Et, une fois que j'ai dit ça, je veux aussi vous indiquer... Puis je ne prétends pas que ce ne sont pas des choses que vous ne connaissez pas ou qui ne sont pas à coeur, puis vous êtes vous-mêmes des élus qui vivez à chaque jour avec les médias, vous réalisez l'importance des médias, mais la cour est venue à maintes reprises concrétiser... indiquer que c'était important, d'autant plus en matière de couverture d'affaire judiciaire. Pourquoi? Parce qu'il en va du respect des citoyens de nos tribunaux, de ces juges, des jugements qu'ils s'apprêtent à rendre. Alors, c'est important que soient bien rapportées et soient rapportées dans le plus de détail possible les affaires judiciaires parce que, dans la mesure où il y a des jugements qui sont rendus sans que la population comprenne pourquoi, sans qu'ils aient pu suivre pourquoi, bien c'est là où on commence à se questionner sur l'opportunité d'un jugement, l'efficacité de la justice. Et, si on n'a pas toutes les informations nécessaires, parfois on comprend mal.
En me préparant pour cette présentation, il m'est venu un exemple, en fait, facile en tête, qui est l'affaire Turcotte. Imaginez... Et puis là je vais y aller plus en détail, mais l'affaire Turcotte, quant à moi, a un impact aussi sur l'article 13 qui dit que tout dossier médical doit être déposé sous scellé, systématiquement. Bien que je suis conscient que l'article suivant, 14, prévoit une consultation possible d'un journaliste s'il démontre un intérêt légitime, bien imaginez-vous qu'un jugement est rendu par le jury là-dedans qui est le même, qui est non coupable mais pour cause de non-responsabilité, troubles mentaux, et en même temps on n'a pas pu suivre ce qui s'est passé, la preuve des psychiatres parce qu'il s'agit d'un dossier médical. Je comprends qu'on est dans le Code de procédure civile, mais c'est simplement pour vous illustrer l'importance parfois d'obtenir l'information même médicale des gens qui sont devant les tribunaux et qui comptent là-dessus -- revenons au civil -- par exemple, pour avoir des dommages.
Alors, il faut comprendre comment fonctionne la justice, et parfois, comprendre comment fonctionne la justice, ça fait en sorte que, oui, on aura de l'information qui pouvait en outre, s'ils n'étaient pas devant les tribunaux, être de nature privée mais qui, lorsque font l'objet d'une demande judiciaire, devienne publique.
Je vais conclure sur cette présentation générale là par une citation de l'affaire Vancouver Sun de la Cour suprême, je ne ferai pas beaucoup de citations, c'est probablement la dernière, mais qui vient, je pense -- et ce n'est pas juste moi qui le dis, là -- exprimer, peut-être, avec peut-être des meilleurs mots ce que je tente de vous dire, l'arrêt Vancouver Sun de 2004, où la Cour suprême vient dire: «L'accès du public aux tribunaux assure l'intégrité des procédures judiciaires en démontrant "que la justice est administrée de manière non arbitraire, conformément à la primauté du droit"[...]. La publicité est nécessaire au maintien de l'indépendance et de l'impartialité des tribunaux. Elle fait partie intégrante de la confiance du public dans le système de justice et de sa compréhension de l'administration de la justice. En outre, elle constitue l'élément principal de la légitimité du processus judiciaire et la raison pour laquelle tant les parties que le grand public respectent les décisions des tribunaux.» C'est ce respect des décisions auquel je faisais allusion aussi précédemment. Donc, à l'article 11, concrètement et avec beaucoup d'égards, ce que je vous proposerais, c'est de maintenir l'ordre public et la bonne administration de la justice -- et je suis au troisième paragraphe de l'article 11 -- mais ce qui pose problème, je pense, c'est la protection de la dignité des personnes concernées par une demande ou la protection légitime d'intérêts importants. D'abord, il faut voir et, je pense, à bon droit que la jurisprudence de la Cour supérieure... Puis je ne suis pas devant un tribunal, vous n'êtes pas liés par cette jurisprudence, mais ce que je tente de faire, c'est de vous donner des guides de ce qui s'est fait en jurisprudence -- bonjour, M. le Président. La Cour supérieure, entre autres, du Québec est venue à maintes reprises dire que la honte, la gêne, le malaise n'étaient pas suffisants pour rendre des ordonnances de non-publication, justement parce qu'il faut que les débats judiciaires soient le plus publics possible. Deux exemples concrets, un hémophile qui décide de prendre un recours collectif basé sur sa maladie et qui dit: Moi, je ne veux pas que tout le monde, tout d'un coup, sache que je suis atteint du virus. Eh bien, la cour est venue dire que, non, il ne pouvait pas poursuivre sans qu'on puisse l'identifier et son état médical devait être dévoilé.
Et il faut comprendre qu'à partir du moment où on décide de garder ou de rendre une ordonnance de non-publication sur une certaine partie du débat ça a des répercussions, ça. Et là ce que je vous dis maintenant, c'est aussi relié à l'article 13 sur les dossiers médicaux. Si on décide de rendre une ordonnance de non-publication, que ce soit sur une partie du procès qui viendrait atteindre à la dignité des personnes ou d'intérêts importants, ce qui n'est pas défini à l'article, ce qui, je pense, est un autre problème parce que c'est beaucoup trop large, bien, à ce moment-là, ça veut dire que la partie des témoignages là-dessus sera à huis clos ou sous non-publication, le jugement à être rendu ne pourra pas non plus y faire référence, et, à partir de là, il risque d'y avoir un problème aussi de précédents, de jurisprudence pour que les justiciables puissent s'attendre à... et puissent savoir quelle réparation ils peuvent avoir dans des cas où une ordonnance de non-publication aurait pu être rendue, plus particulièrement dans des cas où on réclame des dommages corporels.
Le Président (M. Drainville): Alors, en conclusion.
M. Leblanc (Christian): En conclusion, peut-être rapidement sur l'article 15 -- je n'en ai pas parlé -- toute cette question d'enregistrement des débats judiciaires, simplement pour vous dire que, si vous... l'article 15, je pense, est contraire aux règles de procédure de la Cour supérieure, plus précisément l'article 38, qui ne nécessite pas de permission spéciale pour pouvoir enregistrer les débats. On ne parle pas de diffuser, simplement d'enregistrer les débats pour que les gens qui les couvrent, les journalistes, puissent bien les rapporter. Aussi vous mettre en garde que, si une permission serait nécessaire à chaque fois, la possible lourdeur que ça pourrait entraîner sur l'appareil judiciaire risque d'alourdir inutilement les débats, en fait, donc...
Le Président (M. Drainville): C'est malheureusement terminé, Me Leblanc.
M. Leblanc (Christian): C'étaient mes représentations. Je suis là pour vos questions.
Le Président (M. Drainville): C'est très gentil à vous, merci beaucoup. M. le ministre.
M. Fournier: Oui, merci. Merci beaucoup. Merci, Me Leblanc et... je m'excuse, la personne qui vous accompagne. Il me manque le nom, mais je vous salue quand même.
Le Président (M. Drainville): C'est Me Nadon.
**(14 h 50)**M. Fournier: Me Nadon. Bonjour, Me Nadon. Bien, merci d'être là. C'est évidemment un secteur bien précis de ce qu'on étudie mais qui n'est pas sans intérêt, au contraire, excessivement important, puis on vous remercie d'être avec nous aujourd'hui.
D'entrée de jeu, je vais vous dire qu'évidemment on prend acte de vos commentaires puis de voir le libellé parfait qu'on voudra sortir, mais néanmoins peut-être poser le cadre, hein? Je comprends que vous l'avez fait objectivement, comme vous nous l'avez dit, mais en même temps vous nous avez aussi dit où vous logez depuis longtemps, et forcément c'est une objectivité vécue, avec une certaine expérience, qui a parlé. Trouver le bon équilibre entre le droit du public à l'information et le droit du citoyen à sa vie privée, des débats judiciaires ont eu lieu, tout ça, mais reste que ça reste toujours un équilibre qu'il faut assurer, et il faut être à l'écoute de tout le monde.
Alors, prenons l'exemple du Curateur public, qui nous donne aussi des avis, qui recommande, dans son mémoire, que les audiences en matière d'intégrité soient, au même titre que celles en matière familiale, tenues à huis clos. Selon le Curateur, la preuve soumise contient des informations confidentielles et sensibles concernant des personnes vulnérables, des évaluations médicales, psychosociales ainsi que des informations d'ordre financier, personnel et familial. Ce n'est pas les médias, évidemment, mais ce n'est pas non plus Power Corporation, tu sais. Puis là ce n'est pas le bon exemple parce que c'est aussi des médias, mais je voulais dire que ce n'est pas non plus une entreprise de haut capital, disons, qu'on pourrait voir comme à distance de la réalité du citoyen -- mon exemple n'était vraiment pas bon -- qui est à distance du citoyen. Alors là, le Curateur qui, pour moi, reste, disons, une institution qui voit à la défense, appelons cela ainsi, du petit, celui qui est certainement le moins chanceux parmi nous, qui soulève, enfin, un peu grosso modo la chose suivante: Si normalement ces informations-là sont protégées, est-ce dû à un litige qui peut être sur une autre matière, qui devient finalement la clé qui déverrouille ce qui normalement aurait dû être verrouillé, sans avoir vraiment un lien précis?
Maintenant, invoquons-nous tout de suite la très grande liberté qu'il faut donner aux médias parce que cela serait un principe déjà reconnu, alors que d'autres nous disent: Oui, ça a été reconnu, mais est-ce qu'on doit aller si loin? Enfin, toutes les propositions de réforme peuvent se répondre par: Il y a un jugement de la Cour suprême. Alors, pourquoi légiférer, hein, pourquoi intervenir? Bien, s'il y a une réforme, c'est parce que... Qu'il y ait un jugement de la Cour suprême ou qu'il y ait une loi antérieure, il y a une question posée parce qu'il y a du monde qui intervient.
Là, je parle du Curateur. Il y a le Barreau canadien. Je vais vous citer un passage du mémoire du Barreau sur le sujet dont on parle: «Certains se demandent s'il est vraiment dans l'intérêt de la justice qu'une simple recherche sur Internet donne accès, en identifiant une partie, à un jugement de divorce, une action en congédiement ou une action en libelle contre un média [le] concernant? On peut arguer qu'il ne soit pas déraisonnable de prévoir une discrétion du tribunal à ces égards. Dans la même veine, des états financiers de sociétés privées, des plans d'affaires, des rapports d'impôt, des rapports médicaux -- j'insiste un peu plus là-dessus, je ne sais pas pourquoi, ça m'interpelle un peu plus -- ou psychologiques ne devraient pas être accessibles au public au seul motif qu'ils sont produits comme moyen de preuve dans une instance.» On pourrait continuer. On pourrait dire que la charte parle de la dignité, puis tout ça, là. Puis est-ce que la charte tient ou finalement c'est les médias par-dessus? Je ne suis pas insensible à l'autre élément. S'il fallait qu'on interprète de mes propos où j'essaie d'exprimer une sensibilité à l'égard des effets collatéraux qui ne sont normalement pas désirés comme étant un rejet du droit des médias et surtout de la responsabilité des médias -- je pense que je devrais peut-être plus parler de la responsabilité des médias à informer, à éviter des perceptions négatives qui se développent parce qu'il y aurait obscurantisme -- non, je crois que ce que vous avez plaidé, j'y souscris. C'est très important que les citoyens puissent être bien informés des tenants et aboutissants de telle ou telle matière pour bien savoir que la justice fonctionne. Je suis de ceux qui pensent qu'elle fonctionne. On pourrait toujours se demander pourquoi telle cause est suivie et pas telle autre, pourquoi tel angle de cette cause est suivi ou non, mais ça, c'est la profession de celui qui y travaille, ça, ce n'est pas mon métier, et je ne vais pas être une cour d'appel de ceux qui couvrent ces questions-là. C'est votre métier... bien pas le vôtre, mais c'est le leur. C'est très bien.
Ceci étant dit, est-ce qu'on n'a pas une belle occasion de se questionner aujourd'hui? Je vous parle du Curateur, du Barreau, qui disent: Est-ce qu'on est obligés, dans l'absolu total, de dire: Oui, c'est normal? D'habitude, c'est privé, mais, comme il y a une question juridique, on a le droit maintenant d'aller chercher toutes les informations qui ne l'auraient pas été. Est-ce qu'il n'y a pas une petite zone en quelque part qu'on pourrait se donner pour dire: Si ce n'est pas une matière absolument essentielle, il y aurait lieu de revenir au principe général qui est plutôt de protéger ces informations-là? Je veux dire, si le Curateur public ne le disait pas, peut-être que j'aurais une certaine gêne, mais je me sens appuyé sur une autorité qui a comme non seulement réputation, mais comme devoir de protéger ceux qui sont les plus faibles de notre société.
Alors, j'aimerais ça que vous... Est-ce qu'on doit aller... Ma question est à peu près la suivante: Dans cet équilibre entre le droit du public à l'information et le droit du citoyen à sa vie privée, est-ce qu'on doit aller dans l'absolu de ce qui existe en ce moment et dire: Ne questionnons pas cela?
M. Leblanc (Christian): C'est-à-dire... Merci. Puis je ne déduis pas de vos commentaires du tout que vous occultez le droit du public à l'information, non, au contraire. Ce que je vous dis, c'est que... Je ne suis pas en train de vous dire qu'il y a un absolu. Et vous venez juste de parler... revenir au principe, donc, général qui est de protéger ces informations-là. Moi, je vous dirais de revenir au principe général de la publicité des débats, parce que c'est ça, le principe général.
Il y a d'autres principes aussi qui rentrent aussi en ligne de compte, et ce que je vous dis aujourd'hui, c'est que ce n'est pas absolu qu'en tout temps on doit connaître toute information. Ce que je vous dis, c'est qu'en maintenant un article 11 qui dit que le tribunal peut faire exception s'il y a lieu que l'administration de la justice et que l'intérêt public le commandent, ça, c'est suffisant comme balise parce que ça lui permet d'appliquer cet équilibre qui a été développé depuis de nombreuses années entre les diverses forces, ce test que je vous ai dit, qui, croyez-moi, est appliqué à chaque semaine par la Cour supérieure, alors que, si on ajoute dignité de la personne et protection légitime d'intérêts importants, on vient ouvrir une brèche à cet équilibre qui, je pense, fait en sorte que, et sans être trop près de l'actualité, là, le paquebot est vraiment d'un côté. Et là cet équilibre est rompu parce que, par exemple, «intérêts importants», bien c'est quoi, ça?
Puis justement je vais revenir à vous parler d'états financiers. Est-ce que les états financiers d'une société sont importants au point où on doit les protéger? Est-ce qu'un contrat d'un entrepreneur avec, par exemple, l'État ou quelqu'un d'autre est à ce point important qu'on doive le protéger? Ça aussi, la Cour suprême, incidemment, s'est penchée là-dessus dans l'affaire Sierra Club, et ce qu'on est venu dire, c'est que ce n'est pas l'intérêt de la société en jeu, de la corporation en jeu qu'on doit protéger mais l'intérêt public général. Donc, si on est d'avis que l'intérêt public général commande que ce genre de document soit protégé, là on va le faire, mais, vous, société à haut capital ou peu importe, corporation, ne venez pas nous dire que votre société subira un préjudice, parce qu'à partir de ce moment-là, dans la plupart, et je pèse mes mots, la plupart, pas la totalité mais des procès, on pourra faire valoir des intérêts, en autant... je ne sais pas ce que ça peut dire, là, mais d'intérêts importants pour soi afin de maintenir une certaine confidentialité.
Le Curateur public, je veux aussi y répondre. D'abord, en matière de droit de la famille, on a ce huis clos qui est octroyé. Le huis clos, on y va de façon inverse, c'est-à-dire que les jugements sont publics, les débats qui ont lieu en matière familiale sont publics, mais on tait l'identité des gens impliqués. Donc, c'est pour ça qu'en matière familiale, souvent, les jugements, c'est A.C. contre G.C.
Récemment, j'étais devant la cour, où justement il était question même de liberté de religion parce qu'un père et une mère faisaient partie d'une communauté religieuse spécifique et avec des enseignements très spécifiques, les enfants ne peuvent pas manger avec les autres enfants, ils ne peuvent pas écouter la télé puis... en tout cas, des choses très précises. Lui s'est sorti de cette congrégation-là, demande le divorce, veut la garde des enfants partagée. La mère dit: Non, parce que ces enfants-là sont dans ma religion, ils vont aller dans sa religion, et ça, c'est un critère en soi pour ne pas avoir de garde partagée, débat important qui peut s'appliquer à d'autres personnes. On a demandé une ordonnance de huis clos et de non-publication sur tout le débat, parce qu'on disait: C'est une communauté qui est tellement restreinte; si vous commencez à examiner et à publier les critères, les caractéristiques qu'observe cette communauté-là, vous allez nous identifier. Et la cour est venue dire: Non, vos noms sont protégés, ces débats-là sont importants.
En matière de curatelle, il y a aussi... ce n'est pas ma spécialité, mais il y a des débats qui vont être parfois à huis clos, surtout s'il y a des mineurs d'impliqués, mais ça n'empêche pas que les journalistes peuvent y assister et ça n'empêche pas que le débat, lui, est public. On procède en taisant le nom des gens. Ici, ce que les articles visent surtout, ce n'est pas tant ça, mais c'est de protéger et de rendre inaccessible, non publique, disons, l'information qui porte là-dessus, et ça, c'est problématique à plusieurs niveaux. Même comme praticien du droit, vous avez le livre de la responsabilité de Jean-Louis Baudouin qui, à la fin, a ce tableau où on peut aller voir -- puis je vais être assez direct, là -- combien ça vaut, un bras ou... et là on voit la jurisprudence, les... Mais ça, il faut les dossiers médicaux et il faut qu'on soit capable de le savoir, M. le Président.
**(15 heures)**Le Président (M. Drainville): Merci, Me Leblanc. Nous allons passer la parole à l'opposition officielle et on va revenir pour un autre bloc de 11 minutes au gouvernement tout de suite après. Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon: Oui, merci, M. le Président. Alors, bonjour. Merci. À mon tour, je tiens à vous remercier de cet éclairage fort pertinent sur un sujet très pointu mais qui est bien sûr à la base de toute la question de la publicité de nos débats judiciaires et de la justice.
J'aimerais savoir, dans un premier temps, si vous vivez bien avec l'article 13 actuel du Code de procédure civile, en fait, qui fait déjà référence au «malgré l'article 23 de la Charte des droits et libertés».
M. Leblanc (Christian): Bien, c'est-à-dire qu'à l'article 11 le fait que ce passage-là soit un peu plus problématique, quant à moi, c'est que, si on prend tout l'article 11 en question, on vient donc rompre cet équilibre, si on ne peut pas se servir d'un des droits protégés par la charte québécoise qui est la publicité des droits. Avec l'article actuel, l'interprétation a plutôt été: Bien entendu, il y a un article de la charte québécoise qui dit que les débats sont publics. Là, on est en train de se pencher... et on a un article qui dit: Dans certains cas, ils ne sont pas publics. Le législateur veut simplement dire: Malgré l'existence de cet article-là, je donne le pouvoir au juge de le faire. Ça, ça va, mais il ne faut pas qu'en même temps le... Donc, ça va dans la mesure où on reconnaît tous que, dans certains cas, le débat ne sera pas public, et je ne suis pas ici pour vous dire que dans tous les cas il devrait être public, mais ce qu'il ne faut pas oublier, et c'était ça, ma précision, c'est que, dans l'équilibre, dans cette étude que le juge est amené à faire pour savoir si ce sera public ou pas, il doit tenir en compte l'article 23. Il doit tenir en compte que le principe, c'est la publicité des débats.
Est-ce qu'il y a des impacts concrets, entre autres, sur le fardeau de preuve? Et ça peut paraître technique ici, là, mais c'est important. Quand quelqu'un veut venir convaincre le juge qu'il y a matière à non-publication, c'est à cette personne-là de le démontrer. Et souvent, parfois mais assez souvent, d'expérience, je peux vous dire que -- et puis je peux le comprendre -- on a un réflexe où une personne se lève en cour et dit: Bien, ça, il faudrait que ce soit confidentiel. Ah oui? Pourquoi? Quel est votre préjudice? Et il n'y en a pas qui découle, personne ne peut l'expliquer, alors la tâche est facile pour le juge.
Donc, l'article 23, oui, parce que c'est le principe général, mais il ne faut pas perdre de vue -- c'était ça, le message que je voulais envoyer -- que le juge doit quand même prendre cet article en considération. Ce n'est pas un nonobstant total.
Mme Hivon: Mais je veux bien suivre votre raisonnement: Est-ce que vous avez maintenant un malaise avec la référence au «malgré l'article 23» parce qu'il y a de nouveaux motifs qui sont l'intégrité et la protection légitime d'intérêts importants? Parce que j'essaie... Là, je veux juste bien suivre. Dans l'article 13 de l'actuel Code de procédure civile, il y a une exception globale avec, bon, les audiences en matière familiale qui se tiennent à huis clos, on fait référence à l'article 23. Là, on garde ce principe-là. Dans l'avant-projet de loi, on ajoute d'autres éléments où ce n'est pas un principe général, c'est une possibilité, à la lumière de certains critères, que le juge, malgré le principe de la publicité, vienne ordonner une restriction à la publicité des débats, et là vous nous dites qu'on doit retirer la référence à l'article 23, qui évidemment serait maintenant retirée pour tout, mais vous ne demandez pas de retirer les critères.
M. Leblanc (Christian): ...je vais vous expliquer. Le malaise qui naît ici, c'est qu'il y a une discrétion judiciaire donnée au juge, basée sur des motifs qui sont, eux, très larges.
L'actuel Code de procédure, il n'y a pas de discrétion, c'est qu'on dit qu'en matière familiale il y a huis clos. Il n'y a personne qui va déterminer: Est-ce qu'on est... C'est facile, c'est appliqué au palais de justice, dans les palais de justice à chaque jour. C'est à huis clos. Les journalistes peuvent y assister, mais ils ne peuvent pas publier, et, comme je vous ai dit, les jugements sont publiés sous forme d'initiales, on n'identifie pas les parties. Il n'y a pas de discrétion.
Dans la mesure où 11 de l'avant-projet de loi introduit une discrétion sur des motifs larges, là j'ai un malaise, parce que je ne voudrais pas qu'il soit interprété comme étant que l'article 23 n'a pas son poids dans la balance dans cette pondération que le juge doit faire.
Mme Hivon: Donc, ce que vous dites, vous, c'est que, quand un juge en viendrait à interpréter l'article 11, le nouvel article, il devrait, bien sûr, avoir en tête l'article 23. Or, si on fait une référence claire «malgré l'article 23», il pourrait complètement mettre de côté l'article 23, ce qui est toujours possible parce que le législateur peut venir prévoir ce qu'il prévoit, il est souverain.
M. Leblanc (Christian): Tout à fait.
Mme Hivon: Mais, vous, vous avez un malaise avec ça parce que vous pensez qu'en ce moment, à la lumière de la jurisprudence sur l'article 23, l'exercice de la discrétion du juge serait mieux balisé et exercé plus correctement. Je résume votre pensée.
M. Leblanc (Christian): Et vous avez tout à fait raison. Je ne voudrais pas, très concrètement, que j'arrive devant la cour et que le juge me dise: Bien, Me Leblanc, vous me parlez du principe de la publicité des débats, il ne s'applique pas ici; avez-vous autre chose? Il y a autre chose, il y a la liberté d'expression, il y a le droit du public à l'information, article 44, pour pondérer, mais je pense que 23 aussi doit faire partie de la pondération.
Mme Hivon: O.K. En soi, si on enlevait l'article 23, vous vivez bien avec le fait qu'il y ait ces nouveaux critères, tel que libellé, de l'intégrité et de la protection légitime d'intérêts importants?
M. Leblanc (Christian): Bien, en fait, c'est presque l'inverse. Je vous dirais qu'avec beaucoup d'égards la grande inquiétude que j'ai avec 11, c'est plutôt la protection de la dignité des personnes concernées et la protection légitime d'intérêts importants qui, elles, viennent changer la donne et viennent élargir, sans trop de balises, considérablement ce qui pourrait être demandé.
23 me préoccupe aussi, mais, 23, je peux toujours l'expliquer un peu comme je vous l'ai expliqué: M. le juge, c'est simplement pour dire que, malgré l'article 23, vous avez le pouvoir d'ordonner une ordonnance de non-publication, et ça, on ne s'y oppose pas, mais par ailleurs vous devez quand même en tenir compte dans la balance. Je pourrais à tout le moins dire cela et essayer de m'en sortir. Mais ce qui me pose problème plus, davantage, c'est plutôt ces deux nouveaux, appelons-les, critères.
Mme Hivon: Ça se clarifie. Donc, si vous aviez à suggérer un amendement, vous, ce serait de dire que vous aimeriez qu'on retire «protection de la dignité des personnes concernées» et «protection légitime d'intérêts importants».
M. Leblanc (Christian): Oui, et je veux qu'on comprenne: si on retire «protection de la dignité des personnes concernées», par exemple, ça ne veut pas dire que, dans ce que le juge pourra considérer aux termes de l'ordre public et de la bonne administration de la justice, la dignité d'une personne ne sera jamais un critère. Il y aura toujours cette pondération à faire basée sur la preuve qu'on lui amènera.
Exemple concret, toujours dans le procès Turcotte, je suis allé plaider pour les médias qui voulaient avoir accès à l'enregistrement 9-1-1 de la mère de M. Turcotte, et le réflexe, c'était de dire: Bien, d'abord -- et on l'avait fait -- l'appel ne manquait pas de dignité, c'est-à-dire qu'à ce moment-là Mme Turcotte ne sait pas ce qui se passe, c'est juste que la maison est fermée. Son fils, elle pense, est toujours à l'intérieur, mais elle n'a rien vu encore. Mais ça ne va pas bien, elle se doute de choses et elle fait l'appel, un peu émotif, mais on a plaidé, entre autres, la dignité de Mme Turcotte, et ça a été un critère qui a été tenu en ligne de compte. À la fin, le juge a dit: Bien, je ne pense pas ici que ça atteint à sa dignité au point où la publicité des débats doit empêcher que les médias diffusent la peine.
Puis c'est un exemple extrême dont je vous donne, là, mais ce que je veux vous dire, c'est que ça ne veut pas dire que ça occulte complètement toute dignité, toute question de dignité, mais ça ne vient pas... Si on met «dignité» à ce moment-là, il est, je pense, disons-le comme ça, trop facile et... on encarcane trop le juge à restreindre un débat parce qu'il y aura possiblement une preuve de dignité devant lui. Il faut un préjudice grave, c'est ce que la Cour suprême vient dire. Vous n'êtes pas liés par ça, mais je pense que c'est à bon droit parce que c'est un principe important, la publicité, et il ne faudrait pas venir l'amoindrir. Donc, je pense qu'avec ordre public et bonne administration de la justice on a là tous les outils.
Mme Hivon: Oui. Écoutez, je veux juste... C'est parce que je compare avec la version actuelle puis je comprends qu'il y a une nuance importante. C'est que, dans la version actuelle, la référence à l'article 23 vient en fin de deuxième alinéa, où on parle strictement de matière familiale, et, dans le premier alinéa, on parle du huis clos pour l'intérêt de la morale ou de l'ordre public, qui fait un peu référence aux premiers critères, maintenant, de l'article 11, avant que l'on parle de dignité et de protection des intérêts importants.
Mais là vous ne nous demandez pas d'enlever la référence à la bonne administration de la justice puis à l'ordre public. Ça, vous vivez bien avec ça, même s'il y avait référence à l'article 23.
M. Leblanc (Christian): À la limite, je... oui.
Mme Hivon: Oui. Donc, l'article 23, dans l'état actuel des choses, aurait pu faire référence aux deux alinéas à l'article 13 du code, puis ça, en soi, il n'y a pas de problème comme tel. C'est plus que vous estimez que les deux nouveaux critères sont peut-être plus larges, et donc là il y aurait un problème de cohabitation des deux références.
**(15 h 10)**M. Leblanc (Christian): Oui.
Mme Hivon: Mais, pour ce qui est de la bonne administration de la justice puis l'ordre public, même si quand même on conçoit qu'il y a une discrétion avec ça aussi et qu'on le conjugue à l'article 23, vous vivez quand même bien avec ça.
M. Leblanc (Christian): Oui, je vais vous expliquer, parce que la discrétion, ordre public et bonne administration de la justice, je pense qu'elle est bien balisée, elle est bien balisée par les critères développés par les cours de justice. Dagenais-Mentuck, c'est de ça dont on parle. Donc, les cours de justice, les justiciables, les praticiens du droit vivent bien avec ça parce que c'est ces critères-là, c'est à partir de ces critères-là, ni plus ni moins, que nous avons développé cet équilibre, cette pondération que les juges font. Alors, c'est pour ça que je vis mieux avec cette référence à 23 et avec, de façon générale, cette discrétion de 11.
Mme Hivon: Mais est-ce que, du fait que maintenant le «malgré l'article 23» s'appliquerait à ces deux critères-là, ça ne pourrait pas justement revenir mettre en cause ce que vous dites de l'état de la jurisprudence?
M. Leblanc (Christian): Bien, qu'on s'entende bien, je préfère que 23 n'y soit pas, mais on est par étapes...
Mme Hivon: ...suivre le raisonnement global.
M. Leblanc (Christian): On est par étapes, il y a un danger. C'est pour ça que ce que je vous suggère, c'est d'enlever 23 et les deux références. Mais là c'est parce que vous me demandiez: Avec quoi vous vivriez le mieux, là? Si je devais faire un compromis...
Mme Hivon: ...vous n'avez pas parlé spécifiquement des autres critères, vous avez vraiment focussé sur la dignité et les raisons importantes, là, les intérêts importants. Donc, c'est pour ça que...
M. Leblanc (Christian): Tout à fait
Le Président (M. Drainville): Excusez-moi d'interrompre un dialogue aussi riche, mais malheureusement le bloc est terminé. Alors, si vous me permettez, suspendez votre...
M. Fournier: Là, s'il est en train de parler, là, excusez, allez-y, là.
Le Président (M. Drainville): Ça vous va, M. le ministre?
M. Fournier: Oui, oui. Bien, on ne suspendra pas les propos, là.
Le Président (M. Drainville): Alors, allez-y. Merci.
M. Leblanc (Christian): O.K. Alors donc, ce que je voulais dire, c'est que, oui, les deux premiers critères -- puis vous avez raison de le demander, je vais vous le clarifier -- les deux premiers critères, ordre public et bonne administration de la justice, c'est des critères avec lesquels on est familiers, c'est les critères qui sont appliqués régulièrement par les tribunaux. Ce sont les critères à partir desquels les tests, cette pondération ont été réalisés, je vous dirais, d'abord en droit civil et aussi en droit criminel, incidemment, parce que, dans le Code criminel, ce n'est pas ce qui est devant vous ici, mais, pour que vous compreniez pourquoi les tribunaux sont à l'aise avec ça, c'est aussi les mêmes critères qui ont été développés.
Donc, ça, cette discrétion, on vit bien avec elle, et je ne suis pas ici pour vous dire que le juge n'a pas cette discrétion. Et puis encore une fois, dans certains cas, il peut y avoir non-publication.
Le Président (M. Drainville): Merci, Me Leblanc. Alors, M. le ministre.
M. Fournier: Oui, merci. Bon. Alors, on a chacun... on est très pointus sur ces articles-là parce que c'est le sujet que vous abordez. C'est intéressant, votre exemple où vous mentionnez qu'interrogation il y avait eu sur la question de la dignité de la dame, sur l'appel téléphonique, je crois comprendre, sous l'analyse de l'ordre public, qui, selon vous, la jurisprudence... «ordre public» contenait, dans le fond, la référence à l'article 4, toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, est vu comme étant un des éléments de l'ordre public.
Je vais vous faire... Si on pouvait y aller par étapes... Et je ne suis pas fermé. Je le disais tantôt, là: Pour moi, les libellés sont très, très importants. Je l'ai déjà dit dans un autre Parlement dernièrement, et la réponse que j'ai eue était plutôt cavalière. Je pense que parfois c'est important de s'intéresser à ce que les gens nous disent.
Alors, la protection légitime d'intérêts importants, je le dis pour vous, je le dis pour ceux qui m'entourent, peut-être que ça a l'air large puis peut-être qu'on a de la misère à y arriver, mais, si on prenait juste le premier petit bout sur la dignité -- admettons que je comprends que, selon vous, l'aspect dignité est déjà compris dans l'ordre public -- que nous le précisions, ne serait-ce que parce qu'il y a cet article 4? Puis, dans le fond, c'est une façon d'offrir un libellé. Vous allez me dire: Bien, M. Fournier, si vous voulez dire la même chose, pourquoi vous ajoutez un mot de plus? A contrario, je vais vous demander: Quel est le grand danger d'indiquer que la question de la dignité des personnes est une question importante, puisque vous m'avez démontré que c'est ce qui se fait déjà et que, dans une cause, on s'est posé la question, on s'est dit: Ah, pas à ce point d'atteinte à la dignité pour entraîner ça?
Une voix: ...
M. Fournier: Mais ça sera le même test, qu'on écrive «dignité des personnes» en lettres comme c'est là ou que ce soit inclus dans le concept de l'ordre public. Essayez de me... Là, vous me dites oui, vous allez me convaincre, alors trouvez-moi l'argument qui me permet de comprendre qu'on va chambouler tout le système parce qu'on fait référence à une notion, un droit d'ordre public important qui est prévu à l'article 4.
M. Leblanc (Christian): Je ne sais pas si je vais vous convaincre, mais je vais vous dire tout de suite...
M. Fournier: ...
M. Leblanc (Christian): Non, mais c'est que, dans l'autre affaire, la dignité devait être à ce point atteinte que l'ordre public en était menacé. Si on indique ici que «dignité», c'est un troisième critère en plus de l'ordre public et de la bonne administration de la justice, il sera beaucoup plus facile de faire une preuve à cet effet-là. Ça va élargir l'obscurantisme judiciaire sur ces matières-là parce que le juge pourra -- puis l'article sera là -- dire: Écoutez, est-ce que ce qu'on me dit touche à la dignité de la personne, si je regarde la définition du dictionnaire, là? Par exemple, une personne qui rend public le fait qu'elle est atteinte du virus du sida, il y a des personnes qui décident de le faire volontairement, il y en a d'autres qui décident de le garder pour elles. Est-ce que ça, ça risque d'atteindre à la dignité d'une personne? Je ne le sais pas, mais le seul examen sera sur: Est-ce que ça rentre dans la définition de «dignité»? Si ça rentre dans la définition de «dignité», en ce qui a trait à la cour, automatiquement on a une non-publication, alors que, si «dignité» n'est pas là mais qu'on a simplement «ordre public», et qu'une personne réussit à déterminer que sa dignité sera atteinte au point où l'ordre public sera menacé...
Et je reviens au critère, la pondération «preuve concrète de préjudice grave». «Préjudice grave», ce n'est pas préjudice, c'est préjudice grave. Bien, à ce moment-là, à chaque fois qu'on ajoute des critères comme ça, comme juges, comme juristes, comme justiciables, on vient élargir la portée, même si parfois, comme je vous ai dit, aux termes de l'ordre public, la dignité a déjà fait l'objet de questions pour déterminer si l'ordre public était là-dedans.
Même chose en termes de moralité. J'ai déjà été dans des dossiers où il y avait des lettres qui avaient été écrites -- un exemple concret, là -- des lettres qui avaient été écrites décrivant des conduites sexuelles atroces. Est-ce que donc c'était nécessaire de rendre publiques ces lettres-là, au nom de la moralité publique, au nom de la dignité des personnes? Et, dans ce cas-là, la cour est venue conclure que non parce que... ce qui était en fait des parties de lettre, parce qu'elles étaient trop graphiques, trop atroces, trop...
Mais ça, c'est sain d'avoir ces discussions à l'intérieur du critère de la pondération. Et, pour bien faire cela, en fait, ce que je suis en train de vous dire, c'est qu'il faut qu'on ait la latitude de bonne administration de la justice et d'ordre public et non pas se mettre à avoir des critères précis, parce que, si on a des critères précis, on s'éloigne nécessairement de l'ordre public ou de la bonne administration de la justice. Un juge pourrait dire: Je ne pense pas ici que... Oui, je dénote qu'il peut s'agir de la dignité de cette personne-là; je ne pense pas que ça viole l'ordre public, cependant, ni la bonne administration de la justice de le rendre public, mais il s'agit de la dignité de cette personne-là, le législateur me dit que c'est suffisant, par exemple.
M. Fournier: Je ne disconviens pas que, lorsque le législateur ajoute une notion, ça nous amène tout de suite à se demander: Mais qu'est-ce qu'il veut vraiment dire? Puis ça peut soulever un questionnement et peut-être une interprétation différente.
Cela étant dit, je ne suis pas sûr que je peux aller aussi loin que vous dites en disant que dès qu'on va enlever «dignité» tout passe et qu'il n'y aura pas d'analyse faite de ce qu'est cette dignité-là dont on parle. De la façon dont vous me le présentez, évidemment pour convaincre, vous me le présentez sous l'angle: Ma dignité, dès qu'elle est partiellement atteinte, va devenir le critère du juge, alors que, s'il faut donner un sens à l'article 4... Il faut lui donner un sens. Il y a un article 4 dans la charte, là, toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité. Je laisse tomber l'autre aspect, les intérêts importants, difficilement définissables pour l'instant, là. Juste celle-là, vous dites: J'aime mieux les notions générales, pratiquement collectives -- ordre public, administration de la justice -- pratiquement supracauses au-delà de l'intérêt des parties dans cette cause-là, qu'on fasse une analyse désincarnée.
Moi, j'ai toujours mon Curateur, là, qui me fatigue, là, puis qui, lui, me ramène dans la personnalité, dans le particulier qui est visé dans la cause -- puis, moi, c'est comme ça que je l'interprète, là -- puis qui me dit: Est-ce qu'on est obligés de ne jamais considérer les effets collatéraux non nécessaires à la sauvegarde de l'ordre public, là, pour l'administration de la justice puis le droit à la population, le droit du public à l'information, et qui pourrait avoir donc des solutions mitoyennes qui ne sont ni totalement ceci ni totalement cela, qui ouvrent la porte à une information publique peut-être pas aussi grande que celle qui existe présentement mais pas non plus totalement la porte fermée, simplement quelques éléments qui ne sont pas directement visés par le dossier, qui auraient un effet sur la perception du public et qui permettraient de sauvegarder un bon niveau de dignité, là?
Je ne veux pas qu'on résume: La dignité, c'est le passe-droit pour cacher tout, là, alors c'est un peu ce que je cherche à voir. Ma première question, la première série de questions que je posais était: Bon, vous venez nous voir, la Cour suprême a tranché, c'est un débat fini, passons à d'autre chose, on n'en parle plus, et je pense qu'on a une occasion d'en reparler, notamment parce que le Curateur ou d'autres nous y interpellent. Est-ce que c'est l'absolu? Est-ce que, dans certains cas, il y a des informations... Tantôt, on parlait de rapports médicaux. Normalement, ce n'est pas public, parce qu'une cause intervient dont le sujet principal n'est pas la question médicale mais qui, à l'occasion de, fait révéler un rapport médical. Si tant est qu'il y avait, par rapport à l'information, à la publicité faite à ce rapport, une certaine atteinte à la dignité -- ce n'est pas tous les cas, là -- est-ce qu'on ne pourrait pas imaginer qu'il y ait notamment des ordonnances qui disent: Bien, dans ce cas-là, même si, de façon générale, on aurait prévu de tout donner, là je pense qu'il y a une question de dignité qui vit bien avec le droit du public de savoir puisque c'est un élément collatéral, à une certaine distance du sujet qui est sous étude?
Le Président (M. Drainville): Et je vais vous donner une minute pour répondre, maître.
**(15 h 20)**M. Leblanc (Christian): Je pense qu'il faut voir les choses à deux niveaux: le législateur doit justement réfléchir en termes de collectivité, et ensuite, en pratique, le juge viendra pondérer cas par cas, avec la preuve devant lui et la pondération qu'il doit faire en vertu des critères établis, si, dans ce cas particulier, il faut agir. Si on met «dignité» dans un article, je pense que «dignité», c'est «dignité». Ce n'est pas: Est-ce que dès qu'il s'agit de dignité ce sera fait? Et c'est différent de 4. À 4, on dit: J'ai le droit au respect de ma dignité, je peux donc être compensé si on a atteint à ma dignité. C'est une chose. C'est autre chose que de dire: Tout ce qui va avoir trait à un sujet qui peut atteindre à ma dignité ne sera pas public, parce que, là, on revient aux principes généraux, et je pense que le législateur doit se camper dans les principes généraux, surtout lorsqu'il s'agit de droits et libertés très importants, et laisser toute la latitude voulue au cas par cas.
Je ne pense pas que, dans un système civiliste où on a des règles établies, générales, on doit s'attaquer à des cas particuliers qui... par exemple dans un domaine où on dit: Bien, ici, peut-être que, dans ce cas-là, le dossier médical n'est pas pertinent. Prenez le harcèlement psychologique en matière de travail; 90 % de ce qui est discuté porte sur l'état de santé. Du jour au lendemain, tout ça va être devenu huis clos, non-publication? Et n'oubliez pas: si le dossier médical est sous huis clos et non-publication, le débat, les témoignages là-dessus vont l'être, le jugement rendu va l'être, et là c'est l'effet domino. Et, du jour au lendemain -- je prends un exemple, là -- le harcèlement psychologique, bien on n'aura plus accès publiquement à cette justice et à ce qui s'y dit.
M. Fournier: Je pense qu'il y a une différence entre...
Le Président (M. Drainville): M. le ministre, je suis vraiment désolé. À moins que vous... à moins que l'opposition...
M. Fournier: Peut-être que nous continuerons cette conversation à l'occasion d'autres débats.
Le Président (M. Drainville): L'opposition consent si vous êtes bref, M. le ministre.
M. Fournier: ...simplement dire qu'il y a une différence de se préoccuper de l'individu dans une cause sans dire qu'on légifère sur la cause. Et ce que j'étais en train de discuter n'était pas d'une cause d'un individu, de légiférer pour ça, mais de dire: Lorsqu'on a à donner des instructions à une cour sur la façon de se comporter, il y a une préoccupation à avoir sur la dignité de la personne qui est devant eux. Je ne suis pas en train de traiter de cette cause-là mais d'avoir une vision qui n'est pas que collective mais qui s'intéresse aussi aux droits du citoyen qui est visé par la cause entendue. Enfin, je veux juste être clair qu'on comprend les mêmes...
Le Président (M. Drainville): Cela étant clarifié, Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon: Oui. Alors, peut-être pour terminer avec cet article fort palpitant, la référence à la protection légitime d'intérêts importants comme critère, c'est vrai que c'est quelque chose qui apparaît assez large. Est-ce que c'est une notion que l'on retrouve dans la jurisprudence, à votre connaissance? Est-ce que c'est une notion qui existe et à laquelle on aurait pu vouloir se référer?
M. Leblanc (Christian): Non. Moi, je n'ai jamais vu d'ordonnance ou de jugement faisant référence à... Écoutez, je vais d'abord faire un caveat: Je n'ai pas la prétention d'avoir vu toutes les ordonnances de non-publication et la jurisprudence là-dessus. J'en ai vu pas mal et...
Mme Hivon: À votre connaissance.
M. Leblanc (Christian): À ma connaissance, je n'ai pas vu d'ordonnance qui parle aussi large d'intérêts importants. A fortiori, je vous dirais que, si j'avais à appliquer les critères actuels développés par la cour, «intérêts importants»n'est vraiment pas suffisant pour faire fi d'un droit garanti par la charte québécoise, à savoir le droit du public à l'information, la liberté d'expression, 44, etc.
Je pense, et je ne veux pas être prétentieux, mais que je pourrais plaider avec succès que, si tout ce qu'on a prouvé devant la cour, c'est un intérêt important, ce n'est pas suffisant pour écarter un ou des droits garantis. Et c'est pour ça que la Cour suprême et que les juges, dans la pondération qu'ils font en ce moment, doivent avoir une preuve convaincante d'un préjudice grave. Et ça, c'est verbatim, Cour suprême. Donc, pas juste un préjudice. «Préjudice», ce n'est pas suffisant, c'est «préjudice grave», parce que, justement, avant de faire fi d'un droit pour en privilégier un autre, c'est-à-dire peut-être le droit à la vie privée, si on parle de dossiers médicaux, à l'encontre de la liberté d'expression, bien il faut vraiment avoir ce préjudice grave. Donc, pour moi, non seulement c'est trop large, «intérêts importants», mais ce n'est pas non plus à la hauteur de ce que l'on doit s'attendre pour écarter un droit garanti.
Mme Hivon: Merci. Je pense qu'il y a certainement matière à réflexion ici.
L'article 15, rapidement, avant de céder la parole à mon collègue, vous en arrivez à la conclusion qu'avec le nouveau libellé le journaliste devrait demander la permission pour procéder à l'enregistrement sonore des débats. Dans l'état actuel des choses, avec le code actuel, en fait, lorsqu'il prouve sa qualité de journaliste, il peut procéder.
Qu'est-ce qui vous fait dire, à la lumière de la lecture de l'article 15, que ce serait différent? En fait, de se justifier d'un intérêt légitime, est-ce que le journaliste ne pourrait pas de facto se justifier d'un intérêt légitime?
M. Leblanc (Christian): Bien, d'abord, on ne le sait plus, parce que justement il doit prouver un intérêt légitime. Donc, il peut être là pour... On doit conclure qu'avec le changement le simple fait d'être journaliste et couvrir un débat judiciaire n'est plus suffisant, il faut maintenant qu'il démontre un intérêt légitime, et ça, on est un peu dans le noir. Est-ce que ça veut dire... D'abord, à quel niveau se situe l'intérêt légitime? Est-ce qu'il se situe vraiment en termes de sa personne, c'est-à-dire: M. le juge, demain matin je dois faire un reportage, je veux le faire correctement avec exactement les bonnes références, donc je veux enregistrer? Est-ce que cet intérêt légitime là est plutôt à un autre niveau, au niveau n° 2, c'est-à-dire: Je suis journaliste, donc je suis là pour le droit du public à l'information, automatiquement j'ai un intérêt légitime, ou est-ce qu'il se situe à un troisième niveau qui serait: Je suis journaliste, je suis là pour faire un reportage sur la cause pour le droit du public à l'information, mais je dois vous démontrer que c'est un intérêt légitime que j'ai dans cette cause que de le rapporter au public? Autrement dit, est-ce que le juge pourrait dire: Écoutez, ici, là, il s'agit de matière purement privée, et je ne vois pas l'intérêt légitime que vous auriez ultimement à rapporter là-dessus, donc, concrètement, pourquoi l'enregistrer? Il y a toute cette nuance qui nous préoccupe.
Pour que vous sachiez en pratique comment ça fonctionne, c'est traité administrativement, hein, c'est la même chose en huis clos. Le journaliste arrive, il y a un huissier-audiencier, il y a des... Si c'est un huis clos, il y a même parfois des gardiens à l'extérieur des palais de justice, et on lui dit: C'est huis clos. Le journaliste montre soit sa carte de presse FPJQ, sa carte d'affaires et, à ce moment-là, sur simple preuve, entre dans la cour. Ça, c'est pour le huis clos. Pour l'enregistrement, c'est la même chose. Il s'assoit, il enregistre. Si le huissier-audiencier a une question à lui poser, puis on lui dit; Qui êtes-vous?, et qu'il dit: Bien, je suis journaliste, ça vient de se terminer.
Ici, le libellé, parce qu'il dit «celles qui justifient d'un intérêt légitime», bien le journaliste devra probablement prendre les devants, obtenir l'autorisation de la cour et à chaque fois qu'il entre dans une salle de cour faire cela, ce qui n'est pas évident, premièrement, parce qu'interrompre... Puis je vous soumets que, dans la bonne administration de la justice, interrompre un procès pour dire: Bonjour, je viens de rentrer, je vais sortir mon dictaphone, je suis journaliste, M. le juge, est-ce que je peux?, ça vient, je pense, alourdir le débat et ça vient compliquer le travail des journalistes.
Le message que je voudrais vous passer là-dessus, c'est qu'encore là je ne suis pas au palais de justice à chaque jour, mais en semblable matière, depuis les 18 dernières années où je pratique là-dedans, ça fonctionne, il n'y a pas d'anicroche. On entre, on enregistre. Et tout le monde est conscient qu'on ne peut pas diffuser, mais la prise d'enregistrement s'y fait bien. Et, comme c'est un débat public, de justifier d'un intérêt légitime, ça vient aussi accrocher un peu tout ça. C'est public, M. et Mme Tout-le-monde peut être ici, mais ils n'ont pas le temps d'être là. Moi, je suis simplement la courroie de transmission et je veux m'apprêter à bien faire mon reportage. Alors, c'est ce critère additionnel qui nécessiterait nécessairement l'approbation du juge qui est préoccupant.
Le Président (M. Drainville): M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Cloutier: Merci, M. le Président. Alors, merci à vous, messieurs, de nous permettre de nous replonger en détail dans notre Code de procédure civile.
Je veux juste m'assurer de bien suivre votre logique. Dans votre mémoire, vous demandez aux parlementaires de biffer l'exception de l'article 23 pour maintenir la pondération des droits tel que la Cour suprême a présenté son texte. Il me semble que, si nous ne faisions que biffer «la protection de la dignité des personnes concernées» de même que «la protection légitime d'intérêts importants» mais que nous maintenions le deuxième alinéa, donc «les exceptions à la règle de la publicité s'appliquent malgré l'article 23 de la Charte des droits et libertés», ça viendrait, à mon sens, modifier l'état actuel du droit, parce que l'exception de l'article 23, tel que rédigé à l'heure actuelle, ne s'applique qu'au deuxième alinéa du Code de procédure actuel, alors que, tel que formulé, il s'applique à l'ensemble de l'article, donc non seulement dans les situations familiales, mais pour l'ensemble des causes concernant la publicité.
Alors, est-ce que je vous suis bien? Vous demandez donc deux choses: de biffer le deuxième alinéa et de biffer également les deux autres critères qui n'apparaissaient pas dans l'ancien Code de procédure. C'est bien ça?
M. Leblanc (Christian): Oui, c'est bien ça, écoutez, ou d'ajouter que ceci... je comprends le principe qu'on veut dire à la cour qu'elle a une discrétion malgré 23, mais d'ajouter que, dans la pondération, cette discrétion, l'article 23 doit être tenu en ligne de compte tout de même. Et, pour moi, je pense que la meilleure solution, c'était tout simplement de ne pas y faire référence, puisqu'il est clair à la lecture de l'article 11 et de par la bonne administration de la justice et de l'ordre public, donc le troisième alinéa de l'avant-projet, que cette discrétion-là existe. Mais vous avez raison dans votre énoncé, M. le député.
M. Cloutier: Très bien. Alors, je comprends bien ce que vous nous demandez.
Maintenant, vous savez, lorsque la Cour suprême décide d'une interprétation, maintenant le législateur peut décider de modifier, évidemment, le test applicable. Ce que je comprends de votre présentation, c'est: à votre avis, les modifications qui sont suggérées sont non souhaitables, mais vous êtes quand même conscients du fait que le législateur pourrait décider d'une autre orientation.
**(15 h 30)**M. Leblanc (Christian): Et c'est pour ça que je suis ici. Et la seule raison pour laquelle je vous fais allusion à ce que la Cour suprême a dit, c'est que je pense que c'est une bonne façon de voir les choses, que ça marche bien en pratique et que c'est la meilleure façon de soupeser les intérêts en jeu.
Ceci étant dit, vous avez l'entière liberté de procéder, évidemment sous réserve de la constitutionnalité et des nonobstants, des règles de droit, mais je ne suis pas ici pour vous dire: Ce que vous vous apprêtez à faire est contraire à ce que la Cour suprême fait, donc vous ne pourrez pas le faire. Ce n'est pas ça que je vous dis. Ce que je vous dis, c'est que ce que la Cour suprême a développé, quant à moi, ça marche bien, c'est la meilleure façon de pondérer et que l'article 11, tel que rédigé en ce moment, est susceptible de venir entacher cet équilibre qui est, en pratique, bien installé.
M. Cloutier: Bien. Je vous remercie.
Le Président (M. Drainville): Il reste une minute. Est-ce que vous souhaitez conclure? Ça va? Merci beaucoup, maître. Merci, monsieur... Me Nadon, dis-je, qui vous accompagnait.
Et on va suspendre quelques instants, puisque le groupe qui suit n'est toujours pas arrivé. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 35)
(Reprise à 15 h 42)
La Présidente (Mme Vallée): Donc, nous reprenons maintenant avec Me Gilles Simart, notaire. Me Simart, vous disposez d'une période de 15 minutes pour nous présenter votre mémoire, et par la suite il y aura une période d'échange avec le gouvernement, avec le ministre et avec l'équipe de l'opposition officielle. Me Simart, la parole est à vous.
M. Gilles Simart
M. Simart (Gilles): Alors, merci de me laisser la chance de vous exposer. Tel que mentionné, le titre de mon document dans le cadre du résumé, en page 5 du document, du mémoire, je dis: «Ce document se veut une analyse sommaire de l'article 618 de l'avant-projet de loi et sur la possibilité de considérer la transaction notariée comme l'aboutissement d'une entente de médiation. La sécurité juridique que pourrait procurer une transaction notariée en application des modalités de l'article 618 de l'avant-projet de loi mérite d'être étudiée. Si, à la suite des travaux de la Commission des institutions, il appert qu'une transaction notariée pourrait être souscrite comme principe de procédure applicable à la fin d'une médiation, il est suggéré ce qui suit...» Donc, je fais deux suggestions, mais, quant à moi, ces suggestions-là sont bien faites dans le but... ça suit l'avant-projet de loi. C'est des suggestions un peu ouvertes, là, ce n'est pas quelque chose de déterminé. Quand je dis principalement ici que la transaction suite à la fin de la médiation, en vertu de l'article 618 de l'avant-projet de loi, pourrait être constituée par acte notarié, j'ai pris soin de dire «pourrait» ou «peut» et non pas «doit» ou «devoir». Quant à moi, dans l'exposé que je vais vous faire, je peux vous démontrer qu'à un moment donné l'idéal, ce serait qu'elle soit notariée, cette transaction-là en vertu de l'article 618 de l'avant-projet de loi. C'est sûr qu'on part toujours de l'avant-projet de loi, mais je vais tenir compte des éléments qui sont présentés dans les modalités de l'article 618, que je vais revenir.
Et, par la suite, je propose aussi qu'éventuellement... de discuter qu'il peut y avoir une procédure d'homologation qui consiste... qui est reliée à la transaction, à ce moment-là, qui pourrait s'inspirer de celle qui s'applique à une sentence arbitrale. Évidemment, ça peut être en vertu de l'article 642 de l'avant-projet de loi, en y faisant les adaptations nécessaires, ou encore un petit peu plus loin je vais soulever, tout à l'heure... Il y a le mémoire de la Chambre des notaires qui a été déposé aussi, aux pages 45-49, qui propose de rendre exécutoire un procès-verbal d'opérations et de conclusions de notaire, qui, quant à moi, pourrait s'appliquer, mais je ne rentrerai pas dans ce détail-là. Ça sera peut-être au niveau de la Chambre des notaires de pouvoir vous expliquer leur proposition par rapport à ça.
Dans mon exposé général du mémoire, évidemment, il y a une partie qui vient vous expliquer un peu qu'en est-il par rapport à la fin de la médiation. J'ai écrit sommairement ce qui se passe au niveau de la médiation parce que je suis moi-même un médiateur accrédité et je préfère plus centrer mes commentaires et mes remarques ici avec vous par rapport à la transaction notariée comme finalité au niveau des ententes de médiation.
Je pense que, comme moi, vous avez lu l'article 618 de l'avant-projet de loi et je vous le lis parce qu'on va y revenir, on dit ici: «L'entente contient les engagements précis des parties et met un terme au différend.» Évidemment, cette section-là, cet article-là se trouve dans la partie... chapitre III de la fin de la médiation. Alors, je me répète: «L'entente contient les engagements précis des parties et met un terme au différend. Elle ne constitue une transaction que si la matière et les circonstances s'y prêtent et que la volonté des parties à cet égard est manifeste.» Ce sont des mots très importants, quant à moi. Le rôle du médiateur maintenant: «Le médiateur veille à ce que les termes et les conséquences de l'entente soient compris par les parties et qu'ils correspondent à leur volonté.» Pour ce qui est de l'article 618 de l'avant-projet de loi, quant à moi, ça ne pourrait permettre de constituer une transaction que si la matière et les circonstances s'y prêtent et que la volonté des parties à cet égard est manifeste. Nous allons voir un petit peu plus loin que ce sont des termes ici qui peuvent être très bien utilisés en transaction notariée.
Une transaction, selon le Code de procédure civile... 2631 du Code civil -- pas selon le Code de procédure mais selon le Code civil -- se constitue de trois éléments, c'est-à-dire mettre fin à un litige de façon volontaire et par la voie de concessions réciproques. Alors, ce sont les éléments importants à tenir compte pour la transaction.
On parle ici d'une transaction qui pourrait être à titre notarié. Là, je prends des raccourcis, parce que c'est possible qu'une transaction prenne la forme d'une entente écrite, on va dire, sous seing privé, ordinaire, ou encore c'est une transaction qui prenne la forme d'un acte notarié. Donc, c'est pour ça que je dis «transaction notariée». La transaction à titre d'acte notarié est un écrit rédigé, reçu et attesté par le notaire qui relate des actes, déclarations et autres faits qu'il a constatés ou qui lui ont été communiqués par des parties. Elle est un acte authentique. Tout ce que je vous lis ici, là, c'est un résumé des articles du Code civil qui s'appliquent.
Si on fait référence à l'article 2819, alinéa un, du Code civil du Québec, on dit: «L'acte notarié, pour être authentique, doit être signé par toutes les parties; il fait alors preuve, à l'égard de tous, de l'acte juridique qu'il renferme et des déclarations des parties qui s'y rapportent directement.» Donc, on a deux termes ici importants, on a «l'acte juridique» et «déclarations des parties». Un petit peu plus loin dans mon exposé, je vais vous démontrer que l'acte juridique et déclarations des parties se trouvent implicitement ou directement mentionnés dans l'article 618 en question.
Quand on parle d'acte juridique, évidemment, on fait référence à des engagements précis des parties, et il met un terme au différend. On a déjà deux volets ici au niveau de la médiation: engagements précis des parties, alors on veut tenter de régler un différend et on veut y mettre un terme. Ces notions-là, on les retrouve dans l'article 618 et, déclarations des parties, on voit ici que, dans l'article 618, on dit encore que «les termes et les conséquences de l'entente soient compris par les parties et qu'ils correspondent à leur volonté». Termes et conséquences de l'entente compris par les parties, évidemment, un acte notarié vient répondre à ça, parce que le notaire, de par son titre d'officier public et sa façon de travailler, évidemment, il s'assure de ces éléments-là avant de conclure un acte notarié. Et «correspondent à leur volonté», c'est la suite logique aussi de ce que je viens de dire.
**(15 h 50)** Élément important, je reviens sur l'acte juridique. Dans mon annexe que j'ai préparée ici pour travailler un peu avec vous, alors toujours en référence avec l'article 618, quand on parle de l'acte juridique, on va parler... Ce que je fais, j'ai sauté une étape sans le vouloir. Moi, ici, devant moi, j'ai décortiqué une transaction notariée. Une transaction notariée, c'est un document qui est présenté devant notaire. Je vais vous donner les principales dispositions que ça implique.
Alors, dans une transaction notariée, dans un acte notarié, on va faire mention de la date de l'acte, devant quel notaire cet acte-là est reçu. Il va être question de comparution des parties -- question de mettre un terme au différend, on y reviendra -- lesquelles, en vue d'un règlement définitif du litige. Et après on parle de déclarations des parties, toujours dans un cadre d'une transaction, mais celle-ci est notariée, déclarations des parties, conventions qu'on va retrouver dans l'acte en question, considérations -- encore des déclarations des parties -- des engagements, des reconnaissances, confidentialité, règlements à l'amiable. Transaction spécifique, on la mentionne. On peut mettre d'autres clauses aussi qui peuvent faire appel à des normes et des critères autres que ceux du droit, toujours dans le but de travailler en médiation. «La participation en médiation n'emporte pas la renonciation au droit d'agir», c'est d'autres clauses qu'on pourrait ajouter, là, je saute par-dessus celle-ci. Donc, acte, et une lecture qui est faite aux parties, et par la suite les signatures des parties qui rendent le tout officiel et authentique.
Alors, si je reviens, les différentes parties, toujours en rapport avec l'article 618, je vais sauter les étapes de comparution pour vous dire qu'il y aurait un avantage à utiliser l'acte notarié comme transaction suite à l'aboutissement des ententes de fin de médiation en vertu de l'article 618. C'est que vous avez quand même dans mes petits documents ici... Je vais plutôt vous présenter les éléments qu'il faut retenir. Donc, au niveau du rôle du notaire ici, il y a deux éléments importants qu'il faut comprendre, c'est que la confection du document par acte notarié devient authentique en vertu de la loi, donc un document qui est authentique, c'est difficilement contestable parce que l'apparence d'authenticité est manifeste à ce moment-là, et le rôle, la mission de constater le contenu de l'acte notarié appartiendra au notaire ici.
Bon, alors toujours dans le cadre d'une transaction en vertu de l'article 2631 du Code civil du Québec et tenant compte que ça pourrait être fait sous la forme notariée, je vais vous soulever quelques points ici qui font que finalement ça serait avantageux de le faire en vertu... le projet de loi éventuel. Au niveau de la date de l'acte, à ce moment-là, la date ici serait difficilement contestable par rapport... si on prend l'article, parce qu'il y a certaines formalités qui doivent être respectées dans la constitution d'une transaction notariée. Un, le notaire, évidemment, il faut que ce soit un officier public, et sa compétence, une fois qu'on a ça... et on a la formalité qui suit, au niveau de la mission du notaire, de constater les faits et les énonciations dans l'acte. Alors, on a la question qu'il doit vérifier, porter attention à l'identité des parties dans une transaction, l'objet de l'acte, le consentement des parties -- à ce moment-là, le consentement, c'est qu'il faut que la lecture soit faite et la signature de l'acte soit faite aussi -- et la date et lieu de l'acte. Donc, c'est les formalités essentielles ici qui font donner le caractère authentique de l'acte.
Le caractère d'authenticité peut être drôlement important, pour les fins de la médiation, parce que l'entente est souscrite par les parties. Alors, s'ils veulent donner une force... on n'est pas rendus à la force exécutoire mais une force à cette entente-là, bien, déjà elle a un caractère authentique, donc, à ce moment-là, elle peut servir en preuve même devant les tribunaux sans problème, même entre les parties, tout ça avant de penser à une exécution quelconque éventuellement.
Alors, tout à l'heure, je vous ai soulevé le point d'identité. Alors, c'est un rôle du notaire d'avoir à vérifier l'identité des parties. Alors, l'identité, c'est drôlement important, c'est de savoir qui sont les personnes qui vont signer une transaction notariée, à quel titre elles le font. Et, si, des fois, il y a une procuration ou un mandat d'agir, bien, à ce moment-là, il faut que ça soit spécifié, donc, pour que ça soit d'une façon plus légale. Identité des parties.
On a l'objet de l'acte, évidemment, dans lequel... L'objet de l'acte, on peut avoir ça, souvent, dans les déclarations des parties. Un exemple: les parties, en vue d'un règlement définitif du conflit qui les oppose ou d'une contestation qui pourrait naître entre eux, font les déclarations appropriées. À ce moment-là, les déclarations des parties sont faites dans un acte authentique. Donc, à partir des déclarations qu'on a là, on peut affirmer que les parties se sont entendues, on peut se fier à ça.
Ensuite de ça, je reviens un peu à, tout à l'heure, l'aspect acte juridique que je vous ai soulevé, qui fait référence à des... au niveau de l'article 618, quand on dit: «L'entente contient les engagements précis des parties et met un terme au différend. Elle ne constitue une transaction que si la matière et les circonstances s'y prêtent et que la volonté des parties à cet égard est manifeste.» Ce sont tous ces éléments qu'on pourrait facilement retrouver dans une transaction notariée, mais, si on regarde la question de l'acte juridique, le contrat que les parties manifestent par l'entremise de la transaction notariée, alors ce qu'il faut savoir, évidemment, c'est le rôle du notaire, à ce moment-là, d'inscrire cet acte juridique-là qui reflète la situation des parties. L'acte juridique qui serait compris dans une transaction notariée ici fait référence à un aspect d'acte de volonté qui a pour objet de produire des conséquences juridiques. Donc, dès qu'un acte de volonté s'exprime dans un acte notarié, tout ce que les parties déclarent à son sujet doit être tenu pour avéré. C'est dire qu'un acte notarié fait preuve des conventions, dispositions, paiements, reconnaissances et d'autres renseignements qui y sont exprimés.
Au sujet de l'acte juridique que j'avais ici, c'est un peu plus technique, légal, ici. L'acte notarié versus un acte sous seing privé, je me permets de le soulever, parce que probablement qu'il y a des juristes ici... Je ne vous connais pas tous, peut-être connaître Me Fournier, là, mais... Alors, l'acte notarié, ça émane d'un officier public; l'acte sous seing privé émane des parties. Donc, on voit qu'il peut y avoir une différence d'où ça provient. L'acte notarié fait preuve par lui-même à l'égard de tous -- et je me répète encore ici -- de l'acte juridique qu'il renferme, des déclarations des parties ainsi que des énonciations de faits que l'officier public avait mission de constater. Évidemment, quand on émet une copie authentique d'un acte notarié, ça fait encore preuve à l'égard de tous de sa conformité à l'original, tandis que l'acte sous seing privé fait preuve à l'égard des parties qui l'ont reconnu ou contre lesquelles il a été prouvé, donc la preuve est un peu moins forte, tandis qu'on a vu que l'acte notarié ici fait preuve à l'égard de tous.
Évidemment, si on regarde au niveau jurisprudence, j'ai fait un genre de petit résumé ici. Il peut arriver, au niveau de... Par rapport à un acte notarié, ou un acte sous seing privé, ou un contrat entre les parties, évidemment, il y a beaucoup de jurisprudence, on dit qu'elle fourmille d'instances concernant la date d'un écrit privé. Alors, la date dans un écrit sous seing privé, des fois on va la contester, on peut dire que ça n'est pas la bonne date, tandis que, quand c'est manifestement dans un acte notarié, on ne conteste pas.
Véracité d'une signature, encore là, c'est le rôle du notaire de recevoir ça. Dans un acte sous seing privé, ça peut être mis en doute.
Identité d'une partie, je vous ai soulevé tantôt que c'était important, pour le notaire, de vérifier l'identité des parties pour garder le caractère authentique de son acte. Ça pourrait être contesté aussi dans un acte sous seing privé.
Expression du consentement, intégrité du contenu documentaire, exemplaires, les originaux, ce sont d'autres cas aussi qui pourraient, à un moment donné, poser problème si les ententes étaient faites sous seing privé.
Ça n'enlève pas la qualité d'une entente sous seing privée entre les parties, qui peut former un acte juridique, mais, moi, ce que je propose, c'est que finalement ça pourrait être plus au niveau d'une transaction qui serait notariée.
Le Président (M. Drainville): En conclusion, s'il vous plaît... ou à moins que vous me confirmiez que vous avez déjà conclu.
M. Simart (Gilles): J'aurais encore, en conclusion...
Le Président (M. Drainville): Mme la députée de Joliette vous offre une minute pour conclure... enfin, deux. Elle est prête à aller jusqu'à deux.
M. Simart (Gilles): La minute est là?
Le Président (M. Drainville): Oui, oui, absolument.
M. Simart (Gilles): Bien, pour conclure, vous comme moi... vous avez lu l'article 618 de l'avant-projet de loi. On sait que c'est un article qui va s'appliquer... en tous cas on voudrait éventuellement qu'il soit applicable au niveau de la fin de la médiation. Ce qu'on vise principalement, c'est l'entente, la fin de médiation. Comme médiateur, pour avoir vu les dossiers, comment ça se déroule -- puis évidemment je suis notaire aussi -- il serait préférable que cette entente-là prenne la forme d'une transaction notariée. Évidemment, si on suit les... peut-être que je suis un peu plus expéditif par rapport aux fondements mêmes de l'avant-projet de loi, qu'on veut éviter les recours judiciaires, qu'on veut faciliter l'accès à la justice, puis, si je ne me trompe pas, je pense qu'on veut éliminer des coûts de justice, ou du temps, ou... En tous cas, on se comprend, il y a beaucoup d'éléments, qui fait que finalement on tente d'améliorer le processus judiciaire puis on a un élément important aussi qu'on sait que les parties doivent... devraient, en tous cas, selon les principes qui sont énoncés, tenter de recourir à la médiation avant d'aller devant un tribunal, obtenir un jugement. Évidemment, plus les parties tentent de le faire, plus ils ont des chances que ça réussisse et plus on a des chances que les parties s'entendent. Et, par le fait même, si les parties s'entendent puis on rencontrerait éventuellement, pour les parties, les critères de l'article 618 tel qu'il est là, quant à moi, à titre de notaire, je pense que ça serait bon, dans une loi éventuelle, qu'on mentionne que la transaction qui est ici soit constituée sous forme notariée.
Je conclus là-dessus parce qu'on pourra parler un petit peu plus loin d'exécution, choses comme ça, mais il y a d'autres détails.
**(16 heures)**Le Président (M. Drainville): Très bien, merci beaucoup. Alors, M. le ministre.
M. Fournier: Bien, Me Simart, merci d'être avec nous. Je vous écoute, et ça me rappelle que, tout avocat que je suis, on m'a informé, lors de ma prise de fonction, que j'étais aussi notaire général.
M. Simart (Gilles): Oui, effectivement.
M. Fournier: Pour un temps, hein, le temps du mandat seulement. Et cela ne va pas biaiser mon interprétation, mon positionnement dans le dossier, je tiens à le dire dès le départ.
Commençons par ceci, là, pour qu'on se comprenne comme il faut, là: en ce moment, les parties peuvent convenir... il n'y a rien... Vous et moi, on s'entend pour dire qu'aujourd'hui c'est possible pour des parties de conclure leur entente par un acte notarié, c'est possible de le faire. Ça sera possible de le faire aussi à l'avenir.
Ce que vous avez voulu nous démontrer, c'est, disons, la qualité supérieure aux fins de procédures à venir, au cas de non-respect de l'entente, que la transaction soit notariée, que l'entente soit incluse dans un document avec la force que reconnaît notre loi. Bon, jusque-là on s'est compris. Vous l'avez dit, j'ai l'impression que vous l'avez dit à mots couverts.
Peut-être que vous... C'est peut-être moi qui ne voulais pas l'entendre, mais êtes-vous en train de me dire que ce que vous proposez, vous, c'est qu'on écrive que toute médiation doit se conclure par une transaction notariée?
M. Simart (Gilles): C'est parce que, si je regarde l'article 618, on dit: «L'entente contient les engagements précis des parties et met un terme au différend.» Je pense qu'il faut arriver qu'une entente de médiation puisse se faire simplement, on règle, ça s'arrête là, tandis que si on regarde le contenu: «Elle ne constitue une transaction que si la matière et les circonstances s'y prêtent et que la volonté des parties à cet égard est manifeste. Le médiateur veille à ce que les termes et conséquences de l'entente soient compris par les parties et qu'ils correspondent à leur volonté.» En voyant cet article-là, je me suis dit: Bien, c'est une belle occasion de proposer que la transaction qu'on parle, la fin de médiation, soit une transaction notariée, tenant compte des éléments que je vous ai soulevés par rapport à la qualité de l'acte en lui-même.
M. Fournier: J'oserais vous reposer la question en vous demandant une réponse simple: Ce que vous me proposez, à moi comme à mes collègues, c'est que nous écrivions dans le projet de loi à venir que la conclusion d'une médiation sera reconnue par une transaction notariée obligatoire?
M. Simart (Gilles): C'est dans ce sens-là, c'est-à-dire que le mot «transaction» qui est employé ici devrait plutôt désigner une transaction notariée. Obligatoire, ça, ça peut être possible, mais, écoutez, on est sur...
M. Fournier: Je veux savoir ce que vous me proposez, là, j'essaie de cerner.
M. Simart (Gilles): Moi, comme je vous disais au début, pour moi, maître, c'est l'avant-projet de loi. C'est un avant-projet de loi, alors j'amène des idées qui pourront cheminer. Mes recherches sont faites, j'ai des recherches, puis là, aujourd'hui, c'est très bref, ce que je vous fais, mais il y a beaucoup d'avantages à y recourir dans le cas d'une transaction notariée en médiation.
M. Fournier: Oui, soyez bien à l'aise, là, il n'y a pas de problème. L'avant-projet de loi permet aux gens de venir nous dire: Aïe! J'ai lu ça puis je pense que vous avez oublié ce bout-là, ce serait bon, concluez toute médiation par une transaction notariée. Est-ce que c'est ça que vous me proposez? Parce que, si ce n'est pas ça... O.K., oui. Parfait.
M. Simart (Gilles): Je vous le propose. Puis aussi il faut comprendre que l'avantage d'une transaction notariée, c'est que les gens ont fait la médiation ensemble, ils se sont entendus ensemble. Alors, qu'est-ce que ça serait de faire intervenir un notaire?
M. Fournier: Alors, parfait, jasons de ça. C'est ça que vous me proposez. Là, au moins, on s'est compris. Des paroles que vous venez de me dire, j'en conclus que vous n'en faites pas un monopole, pour rester dans le sujet qu'on avait ce matin avec les huissiers, un monopole des notaires en matière de médiation. Vous dites: Prenez le médiateur reconnu. C'est juste qu'on va ajouter une étape de plus, le notaire, pour consacrer le tout. C'est ça que vous me proposez?
M. Simart (Gilles): O.K. Parce que, dans le processus de médiation, comme je suis un notaire-médiateur, je pourrais moi-même être médiateur puis, à un moment donné, faire le rôle du notaire. On ne peut pas prendre les deux chapeaux, mais sauf que, quand les parties y consentent, ça va. Mais...
M. Fournier: C'est clair que ça vous donnerait un avantage, là, si on écrivait... la proposition d'écrire: Il faut que ça se finisse par un notaire. Mais admettons que ce n'est pas le cas, là, admettons que vous dites: Je ne veux pas que ce soit juste le notaire qui fasse de la médiation... Je pense que vous ne me dites pas juste le notaire qui fait la médiation, vous me dites un médiateur, mais faisons intervenir le notaire à la fin, et là je l'obligerais... Ce que vous me proposez, là, qu'on se comprenne, vous me proposez d'écrire dans la loi que des parties se sont entendues -- ça va -- avec médiateur. Aujourd'hui, ça se finirait là. Dans je ne sais pas combien de pourcentage des cas, ça règle le problème, mais là on va leur faire payer un petit peu plus. Dans les concepts, là, que vous parliez, c'est moins cher, moins long, je veux juste rappeler ça, ce qu'on vise: moins cher, moins long. Là, ce que vous me proposez, c'est d'ajouter un nouvel intervenant qui n'était pas dans le dossier parce qu'il n'était pas le médiateur, le notaire, pour conclure. J'imagine, moins long, vous allez me dire: Pas tant que ça. Ça ne sera sûrement pas moins cher. Est-ce que je me trompe?
M. Simart (Gilles): Bon, si on met de côté la question des frais, du prix, vous avez soulevé deux éléments dans ça, c'est que le notaire peut intervenir de deux façons: il peut faire la médiation ou il n'en fait pas ou on fait appel à ses services pour transiger de façon notariée. Vous avez l'article 6 qui parle d'une règle supplétive à ce moment-là, c'est qu'en tout temps, à un moment donné, les parties peuvent décider que l'entente de médiation est passée devant notaire. Les parties décident. Sauf que, par vous, par l'État, à un moment donné, on pourrait, à ce moment-là, obliger les personnes, s'ils veulent donner en fin une médiation la finalité de leurs ententes, quand on va parler d'une transaction, qu'elles soient sous forme notariée.
M. Fournier: Oui, je comprends bien que nous pourrions, comme État, dire que les ententes découlant d'une médiation doivent être notariées. Je comprends qu'on pourrait l'écrire. Je veux juste vous dire que je résiste à cette tentation que vous m'offrez en ce moment, n'ayant pas devant moi la démonstration que cela serait la meilleure solution pour ceux qui vivent les médiations. Je ne disconviens pas qu'il y a une qualité à l'acte notarié, je ne dis pas cela. Je dis simplement: En ce moment, il y a des médiations qui se terminent sans l'intervention d'un notaire et qui ne nécessitent pas l'acte notarié. Pour quelle raison devrais-je... économique devrais-je inclure ce que vous me proposez?
Je comprends très bien. Vous me dites: J'ai lu ça; ça m'a fait penser que, si on pouvait la notarier, ce serait encore mieux. Mais, pour qu'on force les parties à ne plus avoir la médiation avec une certaine forme de liberté... Aujourd'hui, des gens peuvent choisir un notaire comme médiateur et lui demander de conclure par une transaction notariée. Aujourd'hui, des parties peuvent choisir de ne pas avoir un notaire comme médiateur et de conclure par un document notarié néanmoins. Aujourd'hui, les parties peuvent choisir d'avoir un médiateur qui n'est pas notaire puis de ne pas conclure par un acte notarié. Pourquoi devrais-je changer cette formule alors que je sais qu'elle aura un certain... un effet négatif? Il faut bien que j'aie quelques effets positifs. Alors, pouvez-vous m'en donner un peu plus pour supporter votre proposition?
M. Simart (Gilles): Tout à l'heure, vous avez parlé des frais. J'ai dit: Je vais les mettre de côté, je n'y suis pas revenu, mais on voit déjà dans l'article 618, l'alinéa un, c'est qu'on a deux formes de frais qui se présentent. Le premier, la première phrase: «L'entente [constitue] les engagements précis des parties et met un terme au différend», on prend une entente, la médiation est finie, on arrête ça là. Mais, si on veut donner une force à notre entente... qui devient une transaction, parce que la transaction, en 2631 du Code civil, ça dit: Consentement réciproque, met fin au litige, tous les éléments sont là pour rendre quelque chose de légal plus fortement à ce moment-là, puis en plus de ça le médiateur veille à ce que les termes et conséquences de l'entente soient compris par les parties et correspondent à leur volonté.
Donc, ce que je veux dire, c'est que, dans l'article 618, il y a comme deux volets: il y a un volet d'une entente simple puis un volet d'une transaction. Moi, ce que je propose, c'est que la transaction soit notariée.
Évidemment, comme ministre de la Justice, vous dites: Bien, il y a des frais. Est-ce qu'à un moment donné il va y avoir des frais pour les parties? Bon, c'est peut-être ça, mais, je veux dire, à un moment donné, si on tombe dans une entente importante puis on veut qu'elle prenne la forme d'une transaction, tel qu'il est mentionné ici, elle pourrait être une transaction notariée, avec les qualités que je vous ai énumérées tantôt. Tout ça fait que finalement les parties peuvent avoir le choix, la faire simple ou la faire notariée, avec les avantages de chacun et les défauts, mais...
M. Fournier: Ce qui est déjà le cas, ce qui est déjà le cas. Dans ce qu'on prévoit, les parties ont le choix. J'ai compris que ce que vous me proposez, c'est de ne plus leur donner le choix. Je me suis peut-être...
M. Simart (Gilles): ...ce n'est pas dans ce sens-là. C'est parce que je vois ici qu'il y a deux volets dans l'alinéa un. On parle d'une entente puis on parle... si on veut que l'entente constitue une transaction, là on parle de matière, circonstances, «volonté des parties à cet égard est manifeste». C'est comme si on soulève un peu plus... la question de l'entente, on veut la rendre plus formelle, plus importante. C'était cet élément-là que je voulais soulever. Vous me disiez... Puis, bien, c'est que je vois deux volets là-dedans. Puis, tant qu'à faire une transaction, qu'on la fasse notarier, à ce moment-là. C'est dans ce sens-là que je parle.
Le Président (M. Drainville): M. le ministre, la députée de Joliette vous signale qu'elle...
Mme Hivon: ...je pense juste que je comprends la nuance que Me Simart... En fait, vous vivez bien avec le fait qu'il y ait deux réalités, une entente ou une transaction, mais, dans le cas où ce serait une transaction, vous dites: Elle devrait être notariée dans tous les cas. C'est ça?
M. Simart (Gilles): Oui, parce qu'en plus que c'est une entente entre les parties qui est notariée je soulève les différents points que j'ai soulevés tantôt, la qualité de l'acte, qu'est-ce qu'il en est. Les parties, finalement on ne revient pas sur ce document-là, c'est fait. Puis on a soulevé, au début, un peu la question exécutoire de ça, mais on n'est pas là, parce que ça, ça peut être plus tard, ça pourrait être discuté autrement, mais ce document-là pourrait servir. À un moment donné, c'est réglé pour les parties, on n'a pas à revenir là-dessus.
Le Président (M. Drainville): M. le ministre, est-ce que ça va?
**(16 h 10)**M. Fournier: Je vais continuer de réfléchir, permettre à ma collègue d'intervenir puis, dans mon prochain 10 minutes, je vais essayer de voir pourquoi je devrais faire ce qu'il me demande. J'essaie encore de me convaincre des arguments, là.
Le Président (M. Drainville): O.K., c'est bien. Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon: Oui. Merci beaucoup, Me Simart. Alors, je comprends un peu de votre position que vous dites: Les parties, dans le fond, ont le choix. Ils vont en médiation. Ils peuvent convenir que le tout se termine par une entente, une simple entente, qui a beaucoup moins de sécurité juridique qu'une transaction, mais c'est leur choix.
Par ailleurs, s'ils optent pour une transaction et donc une plus grande sécurité juridique, pourquoi ne pas franchir un pas de plus et dire que la transaction devra être notariée, comme ça il y a une sécurité encore plus grande parce que c'est un acte authentique et il y a des avantages qui sont associés au fait d'avoir une transaction notariée. Est-ce que je vous suis correctement?
M. Simart (Gilles): Vous me suivez.
Mme Hivon: O.K. Et donc la question qui se pose, bien sûr, c'est de se dire: Est-ce que... Bien, peut-être question préliminaire: À l'heure actuelle, dans votre pratique ou celle de vos collègues pas juste notaires mais de manière générale, en médiation, est-ce que souvent les parties optent pour la transaction formellement ou si, de manière générale, ça se conclut généralement par une entente en bonne et due forme, et il n'y a pas de formalisme supplémentaire?
M. Simart (Gilles): Ça peut être les deux, mais je vous avoue que ce n'est pas facile nécessairement à saisir, les statistiques par rapport à ça. Mais les deux doivent fonctionner, c'est sûr, mais je ne peux pas vous dire un peu le... calibrer les ententes en question ou transactions. Mais ça se fait, c'est sûr.
Mme Hivon: Donc, les deux pratiques coexistent. Vous ne diriez pas qu'il y a un choix plus grand des parties de rester un peu dans l'informel et de terminer la médiation plus par entente que de franchir le pas d'avoir une transaction en bonne et due forme?
M. Simart (Gilles): Je ne peux pas vous le dire exactement, sauf que, si on regarde les buts de l'avant-projet de loi, tout ce qu'il sous-tend, c'est la médiation, favoriser la négociation entre les parties, la médiation, si vous regardez les articles préliminaires avec tout ça. Ça fait que finalement on positionne la médiation puis on positionne les ententes de fin de médiation. Bien, à ce moment-là, on peut faire un pas de plus puis dire: Bien, les parties peuvent avoir le choix de convenir la fin de la médiation de la façon qu'ils veulent, mais, s'ils veulent y aller d'une autre façon plus formelle, on peut prendre la transaction sous forme notariée.
Mme Hivon: C'est ça. Dans la mouture qui est proposée, c'est un peu de laisser le choix aux parties, de dire: Il y a l'entente simple puis il y a la transaction. Donc, évidemment, la transaction comporte certains effets qui sont plus formels que l'entente.
Vous, ce que vous proposez, c'est soit d'ajouter le fait que... de rappeler que la transaction peut être notariée, ce qui amène d'autres avantages du point de vue de l'acte authentique puis des autres avantages que vous énumériez, mais vous pouvez aussi franchir le pas -- et c'est ce que le ministre vous demandait -- d'aller plus loin et de dire: Quand les parties n'optent pas pour la simple entente mais pour la transaction, ça pourrait même être obligatoire que la transaction soit notariée pour vraiment donner une force très grande à l'issue de la médiation. C'est ça?
M. Simart (Gilles): Ça pourrait l'être. C'est parce que c'est quand même nouveau, c'est nouveau de proposer ça, mais ça pourrait l'être aussi. Mais comme, moi, je propose, j'avance des idées, des questions juridiques... Ça pourrait l'être, mais est-ce que...
Mme Hivon: En fait, on est ici pour que les gens avancent des idées et...
M. Simart (Gilles): Quant à moi, bien, je veux dire, il revient à vous la décision, mais c'est parce qu'à un moment donné la médiation, veux veux pas, ça va prendre de la proportion, hein? C'est ça qu'on veut, c'est que la médiation soit bien pratiquée, éviter... comme on le disait tantôt, éviter les recours en procès, des choses comme ça. Alors, tant qu'à faire ça, on pourrait aller chercher des finalités plus précises par rapport... au niveau des engagements des parties puis les rendre plus formels.
Mme Hivon: Je vous suis bien. En fait, ça se tient. Vous dites: On veut encourager la médiation. Si le changement de philosophie qu'on veut mettre de l'avant fonctionne bien, qu'il y a plus de recours à la médiation, en bout de piste il risque d'y avoir plus de gens, donc plus de types de litige différents qui vont en médiation et peut-être plus de besoins d'une sécurité accrue des résultats de la médiation. Donc, pourquoi ne pas envisager la transaction notariée?
Du point de vue des avantages, pour vous, c'est vraiment la sécurité juridique, le fait qu'on ne peut pas revenir en arrière dans le temps. C'est quelque chose de plus formel, essentiellement.
M. Simart (Gilles): Le caractère authentique. Comme je vous dis, le document, il a l'apparence authentique, donc on a le respect du document, le respect des volontés qui sont inscrites dedans, le contrat des parties. Vous avez un paquet de détails que j'ai soulevés tantôt qui sont importants. Vous allez même, je ne sais pas, aller en procès ou avoir besoin de ce document-là, l'entente notariée, et éventuellement, plus tard, on n'a pas besoin d'en faire la preuve, ce document-là en lui-même comporte une force probante qui est importante.
C'est technique un peu, là, mais c'est qu'à un moment donné, tant qu'à mettre fin à un litige entre des parties, puis c'est un litige qui peut être important puis qui peut constituer une transaction, pourquoi pas il soit sous la forme notariée, à ce moment-là, pour lui donner... bonifier la question légale du tout, pour rendre ça plus formel?
Mme Hivon: O.K.
M. Simart (Gilles): Et une étape qui pourrait être éventuelle aussi, c'est qu'on pourrait parler de l'exécution suite à une transaction notariée, comment est-ce qu'elle pourrait devenir exécutoire. Si, à un moment donné... Tu sais, entre vous et moi, quelqu'un qui ne respecterait pas sa transaction notariée suite à une médiation, quels sont les recours? Alors, on parle d'exécution par la suite. Alors, ça peut être plus facile de faire exécuter des recours pour non-respect des ententes de médiation sous forme notariée que si on était sur une entente simple sous seing privé, parce qu'à ce moment-là déjà elle-même, en elle-même, elle serait plus contestable parce qu'il faut en faire la preuve au départ, tandis qu'une entente sous forme notariée on n'a pas, à ce moment-là, à faire la preuve, on peut la rendre exécutoire aussi. Ça, c'est un autre volet qui vient par la suite.
Mme Hivon: Donc, outre les avantages d'avoir un acte authentique et ce qui s'ensuit, il y aurait des avantages, bien sûr, comme vous y référez avec toute la question de la preuve, qui est lié au fait que ce soit un acte authentique mais potentiellement aussi, si le législateur en convenait ainsi en matière d'exécution, parce qu'on pourrait avoir un document authentique, donc l'exécution du résultat de la médiation pourrait se faire de manière plus formelle. Je vous suis. Donc, ça, c'est pour ce qui est des avantages.
Pour ce qui est des inconvénients, est-ce que du fait d'avoir une transaction notariée c'est plus complexe pour les parties dans le temps? On pense, par exemple, en matière familiale, où il peut y avoir des modifications qui doivent venir peut-être plus fréquemment; en matière civile aussi ça peut arriver. Est-ce que ça va être plus complexe pour les parties, si elles ont décidé d'opter pour la transaction notariée, un peu de revoir les modalités de leur entente?
M. Simart (Gilles): Vous soulevez le point peut-être en matière familiale, qu'est-ce que ça pourrait être. Écoutez, en médiation familiale, quand les parties s'entendent, puis que les parties ont pris les deux volets des ententes qui concernent l'aspect financier relié aux enfants ou encore l'aspect du patrimoine, et que tout ça est réglé, je vous avoue, ma réflexion n'a pas été aussi loin que là, mais... parce que je suis médiateur familial aussi. Je n'ai pas regardé cet aspect-là. Dans ma tête à moi, c'est plus au niveau de l'article 618, parce que, là, je reste peut-être plus dans le cadre civil, vous comprendrez, parce que vous avez un petit peu plus loin une matière qui touche la matière familiale. Je vous avoue que c'est une bonne question, parce qu'on tombe en matière familiale, c'est peut-être un petit peu plus délicat, mais, en apparence, je ne pense pas qu'il y aurait problème à le faire, parce que c'est le même principe qui s'applique qu'en médiation familiale. C'est le consentement des parties, on arrive à des ententes, puis tout le monde est de bonne foi, alors...
Mme Hivon: En matière civile, la même question se pose.
M. Simart (Gilles): En matière civile, bien là... C'est ça.
Mme Hivon: Est-ce que ça peut être plus compliqué pour les... On a toujours le souci, oui, de favoriser les modes alternatifs, d'avoir une certaine sécurité, surtout si ça prend de l'ampleur, mais aussi que ça ne coûte pas plus cher, que ça ne soit pas plus complexe pour le justiciable. Est-ce qu'il peut y avoir un risque?
M. Simart (Gilles): Sur votre point, Mme la députée, prenons l'exemple d'un litige civil qui se termine. Les parties ont fonctionné en médiation, on transige sous forme notariée. Prenons l'aspect d'un litige commercial important, deux compagnies, des distributeurs, peu importe. Les parties se sont entendues pour régler leur différend, le litige qu'ils ont, au lieu de recourir aux tribunaux où, à un moment donné, on sait très bien que c'est le rôle des avocats de prendre chacune des parties puis aller défendre les points de vue devant un tribunal, tandis qu'ici les parties se sont entendues, ont convenu entre elles de... Ça peut être différentes ententes. Ça peut être des ententes, des fois, sur des transferts de documents, ça peut être des transferts de machines, ça peut être des budgets, de l'argent, ça peut être... Il y a un paquet d'éléments qui peuvent être entendus entre les parties et qui se retrouvent dans une transaction, qui pourraient difficilement se retrouver suite à un jugement.
Mais, si on revient à la médiation, ça s'applique très bien. En médiation civile et commerciale, ça pourrait très bien arriver qu'à un moment donné les parties vont en médiation. Il ne faut pas oublier aussi que, pour que les parties aillent en médiation, il faut que les parties soient conscientes puis il faut qu'elles aient déjà prévu d'avance qu'elles veulent aller en médiation soit par une convention ou un consentement, peu importe, mais, une fois que c'est fait, le résultat de ça, bien elles en tirent avantage.
**(16 h 20)** Je vois qu'autant de votre côté à vous que du ministre de la Justice et du notaire général... À l'effet qu'on parle de la notion de frais, je peux comprendre. Quel est l'impact des frais d'une transaction notariée entre des parties qui viennent de mettre fin à un litige après avoir travaillé ensemble, collaboré ensemble, arriver sur des ententes -- payer des frais, souvent c'est les deux parties qui vont les payer pour faire préparer une transaction notariée -- versus éviter tout ça puis, à un moment donné, avoir prévu un recours judiciaire que finalement on se ramasse devant un tribunal où des fois ça peut être des milliers, des dizaines de milliers de dollars pour arriver à un jugement, des fois, que ce n'est pas tout le monde qui est satisfait? C'est sûr que le jugement est rendu, on peut... la question de chose jugée, au niveau du jugement, tandis que la transaction notariée, oui, il pourrait y avoir des frais, mais ce n'est pas les mêmes... la quantité des frais n'est pas la même que si on a un recours judiciaire qui s'en va en litige, contestation liée devant un tribunal.
Parce que vous soulevez la question des frais. Peut-être que, pour vous, ça peut être important par rapport à l'accès à la justice. J'essaie de voir la question des frais. C'est sûr que la question des frais, c'est de savoir: Est-ce que ça vaut la peine de payer une transaction notariée ou faire une entente? Encore là, c'est pour ça que je disais tantôt au ministre de la Justice, Procureur général: C'est l'article 618, l'alinéa un, pour avoir entente, et, si les parties veulent donner effet à l'entente par une transaction, de favoriser grandement la transaction notariée, dans les buts que je vous ai expliqués tantôt succinctement.
Mme Hivon: Est-ce qu'il me reste du temps?
Le Président (M. Drainville): En fait, c'est terminé, Mme la députée de Joliette. Vous pourrez y revenir à votre deuxième tour de parole. M. le ministre.
M. Fournier: J'ai profité des échanges pour réfléchir.
Le Président (M. Drainville): Bien, on attend avec impatience les fruits de votre réflexion.
M. Fournier: Non, n'attendez pas trop, trop, là, ne montez pas les attentes trop fort. Disons que si... Je vais essayer juste d'en tirer ce que je crois qui peut être intéressant. Je ne mets pas de côté le fait qu'il y ait un avantage à l'acte authentique, je ne mets pas ça de côté, là.
Revenons sur la question des frais que vous amenez. On parle beaucoup dans le Code de procédure aussi de la proportionnelle, je dirais, ou d'avoir, de prendre des moyens qui sont proportionnés aux objets en jeu. Juste de faire référence à ça me permet de dire, un peu à l'exemple que vous prenez: Quand deux parties -- prenons la question de la transaction -- transigent pour des matières importantes, la question des frais pour rendre acte authentique cette transaction peut être moins importante, relativement très basse par rapport à ce qui fait l'objet de leur entente, transaction. Par ailleurs, il peut arriver des matières où ces frais pourraient avoir un impact sur ce qui est en jeu, je le dis, si on les rendait obligatoires. La question est si on les rend obligatoires. Le sujet dont on discute ici, c'est: Lorsqu'il y a matière de transaction, est-ce que celle-ci doit obligatoirement être notariée? Je dis: Voilà l'essence du débat que nous avons, parce qu'en ce moment il est possible d'avoir une entente, d'avoir une transaction et d'avoir une transaction notariée. Bon, si on débat de tout ça, c'est pour se dire: Est-ce que ça vaut la peine d'envisager que ce soit, en matière de transaction, une transaction notariée?
Je crois pouvoir dire en ce moment qu'il serait peut-être utile -- là, c'est le notaire général qui parle -- qu'il serait peut-être utile que tous ceux qui oeuvrent en matière de médiation, puisqu'on prend cet exemple-là, puissent bien être au fait des différentes formules pour conclure cette médiation, savoir qu'ils ont la possibilité de rendre un effet authentique, sans le rendre obligatoire, pour que les gens puissent faire le choix du mode de conclusion de l'entente qu'ils ont. Il me semble que cela serait plus approprié que de rendre obligatoire -- donc peut-être parfois, en certaines matières, disproportionné -- le frais additionnel au notaire alors qu'ils ont déjà assumé les frais du médiateur.
Est-ce qu'on trouve là une situation où on pourrait se dire: Voilà une participation à notre commission qui a été utile, puisque nous avons cheminé avec ce concept de la transaction notariée?
M. Simart (Gilles): Bien sûr, je suis votre raisonnement, je pense que c'est bien. Déjà, je pense que d'amener le débat par rapport à ça, c'était le but du mémoire que je vous ai présenté. J'admets qu'il peut y avoir du questionnement encore, c'est sûr.
Tenant compte que c'est un mémoire présenté dans l'avant-projet de loi, je ne sais trop la suite des événements, mais je pense que ça vaudrait quand même la peine de se pencher sur l'impact de la transaction notariée en médiation, qu'est-ce qu'elle peut apporter, on va dire, le pour puis le contre. C'est une chose, là. Comme vous dites, il peut y avoir des éléments de frais factuels aussi, parce que ce que ma... je vous écoutais puis en même temps je me faisais la réflexion: Bien, c'est sûr que, si vraiment la médiation prend de l'ampleur puis, comme on dit, ça roule, ça roule, ça va bien, les gens, la clientèle en litige en prend part puis ça va bien, à un moment donné il va y en avoir beaucoup, de dossiers de médiation, puis il va y avoir beaucoup de situations qui vont être réglées, différents types de situation. Il va y en avoir des simples. Au début, elles paraissaient compliquées; finalement, c'est très simple. Il va y en avoir, à l'inverse, qui paraissent compliquées, simples ou peu importe, mais ça aboutit dans une fin de médiation. Tant qu'à faire une médiation puis tant qu'à avoir fait un processus, je pense que la question de la rendre officielle par un bon formalisme, c'est important. Ça ferme les recours pour tout le temps, puis les parties ont convenu de ce document-là.
Votre questionnement par rapport... à savoir de rendre ça obligatoire, je le comprends. C'est pour ça que même moi, quand j'ai présenté le mémoire, j'ai dit «peut», «pourrait», «peut». Je n'osais pas dire «doit» parce que, moi-même, je considère que ça dépend toujours... Ça pourrait être «doit» si vraiment... ils devront le faire si vraiment ça rencontre les critères qui sont là, mais, ces critères-là, peut-être qu'ils vont être changés éventuellement, les termes vont peut-être changer, peut-être que ça va être plus difficile de dire «doit» par rapport à ce qui est mentionné. Mais l'idéal, c'est qu'elle soit notariée, c'est sûr, quant à moi. Si je défends la position d'un notaire puis d'un notaire-médiateur, c'est sûr que l'idéal, c'est ça. Mais c'est vrai qu'il faut penser à la population qui vont avoir affaire à des services de médiation parce que c'est sûr que ce n'est pas tout le monde qui veut nécessairement investir des frais. Des fois aussi, veux veux pas, on pense que... on dit: C'est vrai que la médiation, ça évite des recours judiciaires, c'est vrai que ça évite un paquet de dépenses, mais il reste que même à ça il y a des conventions de médiation qu'à un moment donné c'est un tarif horaire, puis vous comprendrez que ça finit par être un bon montant des fois aussi. Mais les parties arrivent aussi à une entente, mais un comme dans l'autre il y a des frais.
Je pense que votre position de dire qu'il faut faire attention par rapport à ça, ça, je respecte ça là-dessus. C'est pour ça que, comme notaire, ce n'est pas d'imposer la transaction notariée mais de la suggérer fortement par rapport à l'article 618. Ça pourrait être un volet alternatif à une entente, si ces transactions peuvent être notariées, et puis, à ce moment-là, ça pourrait être inclus éventuellement par rapport à ça.
Mais je pense que, là-dessus, je ne veux pas aller plus loin, à savoir pour l'obliger, là, parce qu'on est en échange par rapport à ça, mais, moi, ce qui me questionne beaucoup, c'est qu'éventuellement il va y en avoir. Si vraiment il va y avoir beaucoup de médiation, beaucoup de médiateurs dans le marché, comme on dit, ça va rouler, les dossiers. Inévitablement qu'il va y avoir beaucoup d'ententes puis il va y avoir beaucoup de transactions qui vont être faites puis... entre les parties, parce qu'il ne faut pas oublier aussi qu'un des critères, c'est de dire: Il faut recourir à ce processus-là avant d'aller en procès.
M. Fournier: Mais, juste pour conclure notre échange, je vous entends, puis on loge à la même adresse. On souhaite que les parties puissent s'entendre plutôt que de judiciariser leurs dossiers. Il y a de plus en plus de médiateurs, on veut supporter ça, sauf que cette démarche-là fait partie d'une démarche dans laquelle les parties souhaitent s'engager, on met tous les efforts pour qu'ils s'y engagent, pour les accompagner, et j'ai une certaine réticence à l'encadrer de manière tellement formelle qu'on soit dans un autre processus très encadré, le processus judiciaire l'est déjà. C'est un processus de parties, donc je crois être plus favorable, dans ce temps-là, à ce que les parties puissent avoir certaines options, ce qui ne veut pas dire qu'elles doivent être ignorantes des différentes options. Et ce que vous soulevez qui est intéressant, c'est de ne pas oublier qu'il y a des options comme la transaction notariée, que les parties doivent en être au courant. En toute matière, la médiation réussie est celle qui s'appuie sur un éclairage que les parties ont, une saine information qu'ils ont, qui leur permette d'avoir un consentement éclairé, et évidemment, donc, cette information-là a avantage à s'étendre jusqu'au mode d'expression de l'entente et des forces probantes à donner à un type ou un autre des conclusions.
Alors, j'en conclus simplement qu'on veut que les gens s'entendent, qu'ils n'aient pas besoin d'aller voir devant un juge puis qu'ils le fassent en toute connaissance de cause, ce qui inclut le mode de terminaison de leur médiation. Et donc je vous remercie de votre participation auprès de nous.
Le Président (M. Drainville): Merci beaucoup, M. le ministre. Mme la députée de Joliette.
**(16 h 30)**Mme Hivon: Oui, merci. Bien, en fait, peut-être en terminant, je me demande si quelque chose qui ne pourrait pas être envisagé, c'est... En fait, c'est déjà prévu que le médiateur, dans le deuxième alinéa, doit veiller à ce que les termes et les conséquences de l'entente soient compris, mais peut-être qu'on pourrait faire aussi, dans cette optique-là, référence au fait que, dans les conséquences, celle que la transaction soit notariée ou non, évidemment, va avoir des effets... ou quelque chose peut faire référence au fait quand on parle de transaction dans l'article, notariée ou non, de manière à ce qu'on sache qu'une transaction peut être, bien sûr, notariée. Donc, c'est peut-être des éléments auxquels on peut réfléchir, parce que c'est certain, moi, je suis sensible au fait que vous disiez que, si ça... l'impulsion que l'on souhaite que ça ait, à un moment donné, il va y avoir aussi des impacts juridiques et peut-être une réalité importante quant à la sécurité juridique de l'issue de la médiation. Donc, je salue votre contribution à cet égard-là.
Je pense que ça va nous faire cheminer aussi sur toute la question de la transaction versus la simple entente, parce qu'on veut qu'il y ait une souplesse, certainement, parce que le processus de médiation appartient aux parties, mode privé de résolution, la souplesse est importante, mais en même temps il faut que, je pense, les parties comprennent bien les effets, les conséquences et peut-être la plus-value d'avoir une entente notariée par rapport à... une transaction notariée par rapport à une transaction sous seing privé ou une simple entente. Donc, merci. Merci beaucoup de votre contribution.
Puis je veux juste vous dire que, quand vous venez faire vos propositions, nous, on est là précisément pour les recevoir. Et je peux vous dire d'entrée de jeu qu'il y a des gens qui vont venir... pas mettre des gants blancs et dire des «peut-être», tout ça, et qui vont dire que ça devrait être changé et que c'est inacceptable et tout. Donc, merci beaucoup de votre contribution et de l'égard que vous avez pour les parlementaires. Merci.
Le Président (M. Drainville): Merci beaucoup, Mme la députée de Joliette. Merci beaucoup, Me Simart, de votre participation à ces consultations, c'est bien apprécié.
On va suspendre quelques instants pour permettre aux représentants du regroupement de professeurs et praticiens oeuvrant dans le domaine de l'arbitrage commercial de se joindre à nous. À tout de suite, dans quelques minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 32)
(Reprise à 16 h 35)
Le Président (M. Drainville): Alors, nous allons reprendre nos travaux en compagnie donc des représentants du regroupement de professeurs et praticiens oeuvrant dans le domaine de l'arbitrage commercial. C'est M. Bachand, le Pr Bachand qui va d'abord prendre la parole et qui va donc nous présenter les gens qui l'accompagnent. Vous aurez 15 minutes pour faire votre présentation. La parole est à vous, M. Bachand.
Regroupement de professeurs et praticiens oeuvrant
dans le domaine de l'arbitrage commercial
M. Bachand (Frédéric): Merci beaucoup, M. le Président. Mmes et MM. les membres de la Commission des institutions. Donc, je suis Frédéric Bachand. Je suis professeur à la Faculté de droit de l'Université McGill, mais je suis ici surtout en tant que porte-parole d'un groupe qui est composé, je vous dirais, de la quasi-totalité des praticiens et universitaires québécois qui oeuvrent dans le domaine de l'arbitrage commercial et qui s'intéressent particulièrement au développement du droit québécois de l'arbitrage, et nous tenons d'entrée de jeu à vous remercier de nous donner l'occasion de vous présenter notre mémoire cet après-midi et d'échanger avec vous sur cette partie de la réforme de la procédure civile.
J'ai le plaisir d'être accompagné de quatre des plus grands éminents spécialiste... des plus éminents spécialistes en la matière. Je vous présente d'abord les Prs Alain Prujiner et Nabil Antaki, qui sont ni plus ni moins que les pionniers de l'arbitrage commercial au Québec, notamment en raison du rôle marquant qu'ils ont joué à l'époque d'une première réforme qui a eu lieu en 1986. Le Pr Gélinas, à mon extrême gauche, est, quant à lui, revenu au Québec en 2000 après avoir passé plusieurs années comme conseiller général au sein de la principale institution d'arbitrage au monde et qui est située à Paris, la cour d'arbitrage internationale de la Chambre de commerce internationale. Ils sont tous trois très actifs comme arbitres, y compris en tant qu'arbitres internationaux, et donc ils ont une très bonne connaissance pratique de l'arbitrage.
Je vous présente enfin Me Yves Fortier, qui est l'un des plus illustres plaideurs que le Canada ait connus et qui est aujourd'hui mondialement reconnu comme étant un des meilleurs arbitres internationaux. Et je dois vous dire qu'on devait aussi être accompagnés de Me Marc Lalonde, qui, depuis sa retraite de la vie politique, poursuit, lui aussi, une brillante carrière comme arbitre international, mais malheureusement des problèmes de santé le retiennent à Montréal, et on profite de l'occasion pour lui souhaiter... lui offrir nos meilleurs voeux de prompt rétablissement.
Alors, comme vous l'aurez constaté à la lecture de notre mémoire, la réforme de l'arbitrage qui est proposée dans l'avant-projet et qui a été amorcée sans qu'aucun expert n'ait été consulté nous inquiète énormément, elle inquiète aussi beaucoup les institutions et les entreprises dont nous avons pu obtenir l'appui dans le laps de temps relativement court dont nous disposions l'automne dernier, et, en gros, nous sommes fermement convaincus que l'adoption de cette réforme appauvrirait grandement le droit québécois de l'arbitrage, d'abord parce qu'elle le rendrait beaucoup moins prévisible mais aussi parce qu'elle le rendrait beaucoup moins efficace et donc beaucoup moins attrayant pour les justiciables.
Cela dit, notre principal objectif aujourd'hui, c'est de bien mettre en lumière les enjeux socioéconomiques de cette réforme du droit de l'arbitrage parce qu'il existe un lien important entre la qualité du cadre juridique régissant l'arbitrage et le développement économique du Québec, d'abord parce que l'arbitrage a le potentiel de permettre aux entreprises d'ici de résoudre les différends auxquels elles sont parties de manière beaucoup plus efficace, à moindre coût et plus rapidement, mais aussi parce que le Québec, qui a tout ce qu'il faut pour se tailler une place de choix parmi les principaux centres d'arbitrage internationaux, ne pourra jamais y arriver si le droit québécois de l'arbitrage n'est pas d'une qualité irréprochable.
Alors, je vais céder maintenant la parole à Me Fortier, qui va développer certaines de ces idées. Et j'en profite pour le remercier chaleureusement d'avoir accepté notre invitation de vous présenter notre mémoire. Et nous serons tous les cinq à votre disposition lors de la période de questions. Merci.
**(16 h 40)**M. Fortier (L. Yves): Alors, merci, Pr Bachand. M. le Président, Mmes et MM. les membres de la Commission des institutions, M. le ministre, je suis très fier d'avoir été invité par mes amis et collègues signataires de notre mémoire de vous le résumer brièvement cet après-midi. Il faut que ce soit très clair, je suis le porte-parole des universitaires et praticiens québécois qui oeuvrent dans le domaine de l'arbitrage commercial et qui s'intéressent particulièrement au développement du droit québécois de l'arbitrage.
Vous me permettrez de personnaliser un tant soit peu mes propos. Je suis membre du Barreau du Québec depuis plusieurs années, depuis 1961. Pour moi, devenir avocat, ça voulait dire plaider. Et plaider, dans les années soixante, soixante-dix, quatre-vingt, ça voulait dire me présenter exclusivement devant les tribunaux de droit commun -- la Cour supérieure, la Cour d'appel du Québec -- et, si le jeu en valait la chandelle, éventuellement la Cour suprême du Canada, un processus long, un processus coûteux.
En 1988, après près de 30 ans au prétoire, j'ai eu l'insigne honneur d'être nommé ambassadeur et représentant permanent du Canada auprès des Nations unies à New York. J'ai continué à plaider, mais je plaidais maintenant devant l'assemblée générale de l'ONU, son conseil de sécurité, divers comités, commissions de l'ONU, et je dois vous dire que c'est dans cet univers onusien que j'ai vraiment découvert la loi type de la CNUDCI sur l'arbitrage international. Et c'est depuis New York que j'ai constaté que, si, jusqu'en 1986, le Canada et le Québec étaient restés plutôt hors circuit en matière d'arbitrage, la réforme de 1986 avait consacré la légitimité de l'arbitrage conventionnel, avait mis en place un cadre juridique moderne et adapté aux besoins des usagers de la justice arbitrale et avait harmonisé le droit de l'arbitrage commercial international en adoptant un texte qui, comme le disait alors Herbert Marx, le ministre de la Justice, se voulait être le reflet fidèle de la loi type de la Commission des Nations unies pour le droit commercial international.
Or, nous désirons vous rappeler, M. le Président, Mmes et MM. les membres de la commission, que cette réforme majeure de 1986 avait été réalisée par l'Assemblée nationale en très étroite collaboration avec les praticiens et universitaires de l'époque qui oeuvraient dans ce domaine, dont les pionniers auxquels le Pr Bachand a fait référence plus tôt, les Prs Antaki et Prujiner.
À mon retour au Québec, en 1992, j'ai retrouvé mon Code de procédure civile, auquel on avait maintenant intégré des dispositions sur l'arbitrage conventionnel qui répondaient à la plupart des besoins des usagers de la justice arbitrale, et j'ai repris mon métier de plaideur, mais j'avais maintenant le choix. J'avais le choix d'un nouveau tribunal, un tribunal conventionnel généralement moins coûteux pour les justiciables et beaucoup plus expéditif.
Éventuellement, de plaideur que j'étais, avec le temps, l'âge et plusieurs cheveux gris, comme bien d'autres de mes confrères québécois, je suis devenu moi-même arbitre et, en 1998, j'ai eu l'insigne honneur de me voir désigné président de la London Court of International Arbitration. J'étais, je le dis bien modestement, le premier non-Européen à occuper ce poste et, depuis cette loge, M. le Président, j'ai vu le Québec prendre du galon dans le domaine de l'arbitrage, l'arbitrage international. J'ai vu plusieurs juristes québécois s'affirmer sur la scène arbitrale mondiale, où la concurrence est ardue, et la réputation que s'est taillée le Québec dans ce domaine est due, entre autres, au cadre juridique moderne, efficace et prévisible de notre code. Et je peux vous affirmer, M. le Président, Mmes et MM. les membres de la commission, que la réforme de 1986 a conduit à l'adoption d'un texte moderne qui est, dans l'ensemble, relativement satisfaisant, et nous, les usagers de la justice arbitrale, sommes d'avis que les dispositions relatives à l'arbitrage conventionnel proposées dans l'avant-projet qui est devant vous sous étude seraient une erreur considérable. Il existe, selon nous, un risque réel qu'au lendemain de l'adoption de telles dispositions le droit québécois de l'arbitrage perdrait la place de choix qu'il occupe actuellement parmi les droits de l'arbitrage modernes et progressistes.
Avec la globalisation des marchés, la présence accrue des investissements et échanges commerciaux impliquant des entreprises étrangères et québécoises telles SNC, Bombardier, CGI et Hydro-Québec, pour ne nommer que celles-ci, le Québec a le potentiel de devenir un acteur important dans le domaine de l'arbitrage, de l'arbitrage international. Les retombées économiques du Plan Nord passeront inévitablement par l'arbitrage conventionnel. Qui dit investissement, qui dit développement économique, aujourd'hui, dit tôt ou tard arbitrage.
Vous savez, une entreprise mexicaine ou sud-coréenne qui conclut un contrat avec une entreprise québécoise ne voudra pas voir un différend surgir qui serait tranché définitivement par un tribunal québécois de droit commun. La solution, c'est évidemment un mode privé de résolution de différends, soit une clause compromissoire qui prévoit la mise en place d'un tribunal arbitral, et nous sommes convaincus, M. le Président, que la réforme envisagée présentement, qui passerait par une réécriture et une réorganisation des dispositions relatives à l'arbitrage conventionnel, va à l'encontre de la stratégie de création de richesse que poursuit l'actuel gouvernement. Par son bijuridisme, son bilinguisme, sa position géographique favorable, sa relative neutralité géopolitique, son coût de vie relativement bas, le Québec a le potentiel de devenir un acteur important dans le domaine de l'arbitrage international.
L'avant-projet propose de nombreuses modifications de fond, je le dis bien respectueusement, qui traduisent une méconnaissance de l'arbitrage. Certaines, nous irons même jusqu'à dire, placeraient le Canada en violation de ses obligations internationales et entacheraient la réputation du Québec comme place d'arbitrage international. Les exemples et les précisions sur lesquelles nous nous appuyons pour justifier notre cri d'alarme, vous les trouvez dans notre mémoire, et peut-être pourraient-ils être abordés, M. le Président, durant la période de questions.
Alors, je vous remercie de votre attention. Notre mémoire, comme on dit très souvent devant les tribunaux de droit commun ou devant un tribunal arbitral, fait foi de son contenu. Merci.
Le Président (M. Drainville): Merci, Me Fortier. Alors, cela conclut donc votre présentation. M. le ministre, à vous la parole.
M. Fournier: Merci beaucoup. Merci à vous d'être devant nous. Nous ne sommes pas le tribunal de droit commun, alors vous êtes libres d'utiliser toutes les formules que vous voulez.
D'entrée de jeu, je me permets quand même de vous dire que l'exercice de réforme du nouveau Code de procédure civile date d'au moins une dizaine d'année. J'ai pu... enfin, je ne suis même pas capable de vous dire la liste de tous ceux qui ont été consultés, tellement il y en a. Alors, j'entends, j'entends la critique. Je ne laisse pas passer, quand même, sans que je puisse dire que le fruit que nous avons devant nous n'a pas été réglé en catimini, derrière quatre murs. Par contre, ayant dit cela, je reconnais la science qui est devant nous -- une expression que j'utilise trop souvent ces derniers temps -- je le reconnais néanmoins, et je tiens à vous dire que nous allons porter une attention particulière à ce qui y est inclus.
Ça m'amène aussi, toujours en mesure de faire écho à la critique que vous avez mentionnée, que nous avons choisi de procéder par un avant-projet de loi plutôt que par un projet de loi. Voici, pour ceux qui s'y connaissent moins en la matière, une mesure qui permet à tous ceux qui n'ont pas été consultés de pouvoir faire bénéficier l'Assemblée de leur science. Donc, je crois que nous nous inscrivons dans une façon de procéder très utile pour les citoyens du Québec, dans la mesure que nous tentons tous de trouver les meilleures formules.
Ceci étant dit, pour le bénéfice de tous ceux qui nous écoutent et pour le mien, ma première question sera la suivante: Est-il possible que, dans les domaines où vous oeuvrez, l'arbitrage commercial international... Enfin, toute la présentation que vous avez faite est beaucoup basée là-dessus, et je pense qu'il n'y a pas personne ici qui voudrait affaiblir le Québec à cet égard. Commençons par se dire ça, là. On va porter une attention particulière à ce que vous mettez sur la table, c'est bien entendu. Mais est-ce que nous avons, dans ce cadre-là, les meilleures formules si on s'intéresse à un arbitrage qui ne serait pas celui du commerce international? Est-ce que le formalisme qui y est inclus est le plus optimal si on envisageait, par exemple, d'avoir un arbitrage de différends concernant deux citoyens, disons, qui ont des problématiques d'envergure différente que l'investisseur chinois ou coréen en territoire nord? Commençons juste par celle-là, parce que déjà ça va nous permettre d'aller après ça dans les différences et les adaptations nécessaires.
**(16 h 50)**M. Antaki (Nabil N.): Merci, M. le ministre, pour la question. Effectivement, en toute modestie, j'ai contribué à faire en sorte qu'on ait une loi plutôt que deux, même si à la dernière minute on a introduit, précisément pour les raisons que vient d'évoquer M. Fortier, un rappel que notre loi, intégrée au Code civil et au Code de procédure civile, ne se voulait pas différente de la loi type, on a dû mettre... en disant «dans le cas du commerce international». Et l'objectif était précisément, si vous permettez, pour rappeler, de faire attention, parce que les critiques qu'on avait entendues à ce moment-là: Si vous ne voulez pas être différents et adopter la loi modèle, pourquoi le rédiger de façon différente? Donc, c'était une solution opportuniste en ajoutant un paragraphe.
Pour répondre plus directement à la question, les principes sont les mêmes. La pratique de l'arbitrage interne au Québec a pris un élan -- d'abord c'était beaucoup plus facile, et il y a eu des gens pour la porter aussi -- beaucoup plus rapide, évidemment, que l'arbitrage international. Et, dans ce cas-là, je peux vous affirmer, dans la mesure où je la pratique, dans la mesure où je l'enseigne: Oui, les principes qui sont là, si vous voulez, ne vont pas bloquer l'arbitrage interne comme ils bloqueront l'arbitrage international, mais la même loi peut très bien s'appliquer aux deux arbitrages. Et, dans ce cas-là, il serait à mon avis hasardeux, à mon avis dangereux de perdre tout l'acquis jurisprudentiel qui est aussi commun à l'interne qu'à l'international depuis 20 ans pour changer des mots ou changer des places de phrase, surtout si on n'a pas l'intention de changer le principe même de la loi.
M. Bachand (Frédéric): Si je peux me permettre d'ajouter, M. le ministre, on a fait l'expérience depuis 25 ans. On a adopté l'approche moniste depuis 1986, donc on a une loi qui s'applique tant à l'arbitrage interne qu'à l'arbitrage internationale. Donc, la question à se poser pour répondre à votre question, c'est: Est-ce que l'expérience a montré qu'on a fait une erreur en adoptant une approche moniste? Est-ce que l'expérience a montré que finalement l'arbitrage interne et l'arbitrage international étaient différents à un point tel qu'il fallait adopter des cadres juridiques distincts? Et la réponse très claire, c'est non.
Et l'expérience internationale va dans le même sens. Alors, la plupart des pays, surtout les pays civilistes qui ont adopté la loi type des Nations unies, l'ont rendue applicable aussi à l'arbitrage interne. Alors, l'expérience québécoise correspond tout à fait à l'approche qui a été adoptée aussi dans d'autres pays. C'est une bonne question, mais l'expérience acquise nous démontre que finalement la réponse qui a été donnée en 1986 était la bonne.
M. Fournier: Ce qui m'amène à vous dire que vous avez contribué en 1986, mais vous contribuez encore. La prochaine fois, vous pourrez dire que vous avez contribué à toutes les étapes.
Lorsque je regarde la situation actuelle, demain il y a l'Institut de médiation et d'arbitrage du Québec qui vient. Soyons très francs, je partage vos points de vue, mais en même temps je trouve les propositions bonnes. Alors, je suis obligé de me dire: Je vous écoute, puis ça a l'air assez mauvais, là, ce qui est dedans, là, à vous écouter, puis il y a du monde qui pense comme vous qui trouve ça assez bon.
Ça fait que j'aimerais ça avoir plus de précisions de votre part. Est-ce qu'il y a certains éléments qui sont bons? Est-ce qu'il y a... Expliquez-moi. En tout cas, peut-être une façon d'y répondre, c'est de me dire: Écoutez, je vais vous donner le gros problème majeur, je vais vous donner deux autres... mais, je veux dire, je ne suis pas convaincu, pas parce que je voudrais le croire mais parce que je vois que d'autres mémoires viennent dire de façon différente ce que vous dites. Alors, commençons à faire notre travail pour profiter de votre savoir. Quel est un des problèmes majeurs, le deuxième majeur? Je ne sais pas si je dois faire une limite, parce qu'à vous entendre il y en a au moins 150, problèmes. Alors, commençons par les premiers.
M. Bachand (Frédéric): Si je peux me permettre, une des quatre sections du mémoire vous envoie des fleurs, en fait. On vous dit à la fin, à la section IV, qu'il y a...
M. Fournier: ...l'occasion de le refaire publiquement.
M. Bachand (Frédéric): ...qu'il y a plusieurs aspects de la réforme qui sont extrêmement bien ciblés. Mais, en fait, pour répondre à la question, on doit faire une distinction entre la forme et le fond. Notre problème majeur, et c'est le point qu'on développe dans la première section du mémoire, c'est qu'on vous dit: On a un problème avec la forme, avec l'idée de réécrire et de restructurer le Code de procédure civile. Pour nous, c'est le principal problème. On se dit qu'en faisant ça on s'attaque à un problème inexistant et on risque de créer de l'incertitude et de l'imprécision dans le droit. Alors, c'est inutile de le faire, et ça, c'est notre principale critique, parce que l'arbitrage commercial est un de ces domaines où le besoin de certitude et de prévisibilité du cadre juridique se fait ressentir de manière particulièrement forte. Alors, ça, c'est ce qu'on veut porter à votre attention. Notre principale critique, elle est là.
Mais, sur le fond, on est en accord avec beaucoup des réformes, ce qu'on appelle les réformes substantielles, là, pour distinguer le fond de la forme, et c'est ce qu'on vous dit dans la section IV. Et on recommande fortement à l'Assemblée nationale de s'assurer que la version finale du projet de loi intégrera toutes les modifications substantielles qui ont été faites.
En revanche, sur certains aspects substantiels, là on a des problèmes assez importants, et, si vous me disiez... O.K., si on avait une chose à changer, ce serait très certainement l'ajout, dans l'énumération des motifs d'annulation de la sentence arbitrale, d'un motif fondé sur la déconsidération de l'administration de la justice. En gros, il est absolument essentiel, pour assurer la qualité du cadre législatif, que les juges ne puissent réviser le fond de la sentence arbitrale. Quand les gens vont à l'arbitrage, c'est un processus en une seule étape, puis ils veulent avoir une décision finale obligatoire.
Il pourrait y avoir un certain contrôle à la fin, si jamais les arbitres ont dérapé. Eux ne dérapent jamais, mais ça arrive en pratique des fois qu'il y a des problèmes importants, qu'il y a un excès de compétence, des choses comme ça. Ce contrôle-là est parfaitement légitime, mais tout contrôle qui porte sur le fond est extrêmement problématique, et n'importe quel observateur, un expert d'arbitrage interne ou international, tout de suite, dès qu'il voit une disposition législative qui donne ouverture à un contrôle sur le fond, il va dire: Ça n'a pas de bon sens.
Alors, je ramène ça à la proposition qui est faite d'ajouter dans la liste des motifs la déconsidération de l'administration de la justice, qui, pour nous, est un peu floue, mais tout de suite on a vu le lien avec cette possible ouverture, dérive, on dirait même, vers un contrôle du fond de la sentence, et ça, il faut absolument que ça disparaisse du projet de loi. Et, en plus, en matière d'arbitrage international, l'application de ce motif-là de contrôle des sentences arbitrales est très clairement contraire aux obligations internationales qui incombent au Canada et qui découlent d'une convention internationale qu'on appelle la convention de New York dans notre domaine, qui a été adoptée pratiquement partout, qui date de 1958 et dont un des principaux objets, c'est d'éliminer le contrôle du fond de la sentence.
M. Fournier: Donnez-moi votre deuxième... Bien entendu sur le premier. Donnez-moi votre deuxième problème.
M. Bachand (Frédéric): Comme deuxième, si je peux me permettre, je reviens à la question de l'incertitude ou de la prévisibilité, qui est très importante. Il y a une disposition actuellement dans le Code de procédure civile qui dit en gros: Durant le déroulement d'un arbitrage, oui, les tribunaux judiciaires pourront parfois intervenir pour prêter assistance ou pour contrôler la légalité du processus, mais ils ne pourront le faire que dans les cas qui sont explicitement mentionnés dans le Code de procédure civile, dans le chapitre du Code de procédure civile sur l'arbitrage.
Alors, l'idée, c'est vraiment d'assurer un maximum de certitude et de prévisibilité pour que les acteurs de la justice arbitrale sachent très clairement dans quelles circonstances les juges pourront intervenir en marge d'un arbitrage. Cette disposition-là a sauté dans l'avant-projet, on ne comprend pas pourquoi. C'est une très bonne... une disposition qui est très importante et qui n'a pas entraîné de problème en pratique. Ce n'est pas comme si la pratique avait révélé que de restreindre de cette manière-là le pouvoir d'intervention des tribunaux judiciaires avait engendré des injustices, il n'y en a pas eu dans la pratique. Donc, notre recommandation, c'est vraiment de vous poser de sérieuses question sur l'opportunité du retrait de cette disposition-là, qui est une des dispositions les plus importantes de la loi des Nations unies qui a été adoptée.
M. Fournier: Je vous encourage à continuer avec votre troisième problème, si jamais j'ai du temps pour le demander.
Le Président (M. Drainville): Est-ce qu'il y a consentement, du côté de l'opposition, pour permettre aux invités de...
Mme Hivon: ...sur son deuxième bloc, oui.
Le Président (M. Drainville): Oui, oui, voilà. Ça va de soi, ça va de soi. Allez-y, monsieur... M. Prujiner, qu'on prononce?
**(17 heures)**M. Prujiner (Alain): Oui. Alors, écoutez, c'est juste pour aller un peu dans le même sens de ce qui vient de vous être dit et qui fait le lien, je dirais, un peu entre la forme et le fond. C'est qu'en réécrivant, déjà, on a fait quelque chose qui n'était pas facile à faire, en 1986, parce que nous étions le premier pays à utiliser la loi modèle. On a vraiment été les pionniers de l'usage et, au lieu de... au Québec. Dans certaines autres provinces, on a adopté la loi modèle telle quelle; au Québec, on l'a réécrite. On l'a réécrite, ce qui a soulevé certaines difficultés que Nabil Antaki a rappelées tout à l'heure, mais je pense qu'on l'a réécrite d'une façon assez satisfaisante que, je dirais, même la commission des Nations unies a accepté tout à fait que le Québec figure comme un pays qui respecte la loi modèle.
Le problème de la reformulation, c'est que cette reformulation nous éloigne de plus en plus de la loi modèle. La loi modèle, d'ailleurs, elle-même, est quand même une assez belle réussite, puisqu'on l'a révisée, on l'a réétudiée, mais son texte est resté essentiellement le même depuis 1985. On a toujours gardé la même loi modèle internationale. On a fait quelques amendements en 2005, mais c'est assez limité. Donc, ici, plus on s'éloigne du modèle en question, plus on risque d'ailleurs que la commission des Nations unies décrète demain qu'on n'est plus dans la liste des pays qui appliquent la loi modèle, parce qu'on s'en est trop éloignés, et là on vient de perdre, je dirais, beaucoup en termes de prévisibilité.
La raison pour laquelle les juristes des autres pays tiennent beaucoup à ce lien, c'est qu'ils savent dans quel terrain ils s'engagent quand ils sont dans un des pays qui appliquent la loi modèle. Quand on n'est pas dans un pays qui applique la loi modèle, même si le droit qu'on a adopté est un très bon droit en théorie, il n'empêche que le fait qu'il soit peu connu et peu pratiqué va faire fuir beaucoup de praticiens, en disant: Bien, écoutez, c'est peut-être un très bon droit, mais on ne le connaît pas, tandis que celui de la loi modèle, c'est vraiment un modèle international qui est maintenant connu partout et utilisé aux États-Unis, dans plusieurs États des États-Unis, utilisé dans énormément de pays dans le monde. Et je dirais que les pays qui actuellement développent une pratique arbitrale et qui sont un peu les concurrents du Québec dans le domaine de l'arbitrage international mettent tous de l'avant, au contraire, leur fidélité à la loi modèle, hein? Ça a été le cas de Singapour, c'est le cas d'autres pays. Donc, ici, si on fait le cheminement inverse, on risque d'avoir des effets extrêmement négatifs.
Une voix: Merci, M. le Président.
M. Gélinas (Fabien): M. le Président, si vous le permettez...
Le Président (M. Drainville): Oui, bien sûr, si M. le ministre est d'accord, parce qu'on est en train de rogner... on a déjà quatre minutes. Alors, très bien. Alors, M. Gélinas.
M. Gélinas (Fabien): Oui. Donc, je me propose de continuer de répondre à la question du ministre. Je voudrais insister sur cette idée de réorganiser la forme de la loi et réorganiser la matière d'une manière qui est différente de celle à laquelle les opérateurs du commerce international ont été habitués, les praticiens de l'arbitrage ont été habitués. Et ça, ça comporte énormément de risques. Premièrement, on a un risque de perdre le capital jurisprudentiel qui a été acquis au cours des années de manière inutile, puisqu'on ne désire pas nécessairement changer le droit dont il s'agit, le fond. Il y a des risques d'erreur, lorsqu'on réorganise la matière de cette façon, qui peuvent se présenter, je pourrai peut-être donner un exemple si j'en ai le temps, et il y a une question d'intelligibilité qui vient être perdue. Pour le lecteur étranger, c'est très important, pour le cadre juridique d'un arbitrage, d'être intelligible à des lecteurs étrangers, à des avocats étrangers, à des opérateurs du commerce étranger, et, lorsqu'on réorganise la matière sans tenir compte du cadre établi au niveau international, dont celui de la loi type, eh bien, on court le risque de présenter une loi qui est intelligible et donc imprévisible pour l'utilisateur de la loi et du cadre juridique.
Il y a plusieurs exemples. On peut prendre l'exemple du droit applicable, tous les instruments juridiques qui concernent l'arbitrage international et interne ont une disposition qui concerne le droit applicable dans une procédure arbitrale. Si on regarde ici, dans l'avant-projet de loi, on est forcé de consulter trois articles différents pour s'y retrouver. On est obligé de consulter l'article 5 du Code de procédure, qui parle de normes applicables et en matière de médiation et en matière d'arbitrage. On a ensuite une disposition qui se retrouve dans le chapitre sur la nomination et le mandat des arbitres, l'article 626, qui parle de droit applicable sans toutefois renvoyer au consentement des parties sur le droit applicable, ce qui est tout à fait inusité, et on a ensuite une disposition... un renvoi au droit applicable dans une disposition qui concerne l'arbitrage international exclusivement, et c'est une disposition qui ne renseigne pas sur sa portée. Est-ce que cette disposition exclut la possibilité de l'amiable composition, qui n'y est pas mentionnée, par exemple? On ne le sait pas, et donc c'est un exemple de risques d'erreur qui peuvent se présenter lorsqu'on réorganise la matière sans tenir compte du langage commun au niveau international dans l'arbitrage.
Le Président (M. Drainville): Alors, M. le ministre, il reste à peu près quatre minutes à votre bloc. Je vous suggère...
M. Fournier: Tantôt, tantôt.
Le Président (M. Drainville): Tantôt?
M. Fournier: Oui, oui.
Le Président (M. Drainville): Très bien. Alors, Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon: Oui. Alors, je tiens à vous souhaiter la bienvenue à mon tour. Merci beaucoup de cet éclairage précieux, parce que, comme on peut le constater, évidemment, ce n'est pas tout le monde qui s'improvise arbitre en matière commerciale internationale, et je pense que c'est un éclairage qui est très précieux pour nous.
J'aimerais d'entrée de jeu savoir... parce qu'évidemment au coeur de votre argumentation est toute la question de la place du Québec comme place d'arbitrage international, et je comprends qu'il peut y avoir une certaine compétition dans le domaine, et j'aimerais savoir si justement, à la faveur un peu du rôle de précurseur qu'on a eu en 1986, cette place-là est vraiment bien établie, si vous pouvez nous donner un peu des points de référence pour savoir à quel point le Québec tire son épingle du jeu dans le domaine à l'heure actuelle.
**(17 h 10)**M. Fortier (L. Yves): Merci pour votre question, Mme la députée. Je peux vous confirmer effectivement qu'il y a plusieurs centres d'arbitrage, tel celui de Singapour, celui de Hong Kong, à Londres, à Paris, à Genève, où on s'évertue à favoriser un cadre législatif qui va attirer la tenue d'arbitrages et, comme on disait, comme disait mon ami le Pr Antaki tout à l'heure, pas pour créer un univers qui est différent pour l'arbitrage international de celui qui se veut purement arbitrage conventionnel, disons, domestique. Mais on tente... Il y a un nombre limité d'arbitrages qui cherchent un endroit où ils peuvent être présentés, et je peux vous dire que, par exemple, à Singapour le gouvernement favorise l'expansion de l'arbitrage, la tenue d'arbitrages dans cet État.
Comme j'ai mentionné dans mes remarques au préalable, le Québec est devenu un endroit où il fait bon de présenter, de tenir des arbitrages. Le Québec, à cause du cadre qui existe depuis 1986, est un endroit où... comme on dit à Londres, «is arbitration friendly», et ce serait malheureux -- le Pr Bachand a donné quelques exemples, le Pr Gélinas aussi -- si on créait... on modifiait la loi de façon telle que les avantages qu'on y voit depuis bientôt 25 ans seraient mis au rancart. Alors, c'est pour ça qu'on vous prie de regarder attentivement le mémoire qui vous a été présenté, qui vient justement de la plume de praticiens du milieu, pour qu'on continue à avoir au Québec un cadre législatif qui justement est efficace et progressiste et qui ne subit pas des accrocs comme ceux qu'on a mis en exergue dans notre mémoire, qui risquent d'affaiblir et de diminuer l'attrait du Québec.
Mme Hivon: Je comprends qu'on a une place peut-être sympathique dans le domaine, on n'a pas la place des grands, et le propos est de dire: On a quand même un certain élan, ne freinons pas l'élan en venant peut-être nuire au caractère de prévisibilité qui semble si essentiel pour être reconnu comme un lieu, je prends l'expression, sympathique -- en français -- à l'arbitrage.
Pour revenir à la question de la prévisibilité puis votre premier problème que vous avez soulevé, qui a vraiment trait au fait qu'on ajouterait donc des critères par rapport à la convention des Nations unies, vous parlez de celui de déconsidérer l'administration de la justice. Au-delà du fait que vous dites que c'est un concept qui peut être flou, c'est sûr que c'est quand même une notion qui est présente dans la jurisprudence, dans la charte, là, la déconsidération de l'administration de la justice. Je comprends que le problème a plus trait pas tant à la question du concept en lui-même, qui est peut-être difficile à définir, que vraiment au fait qu'en ajoutant un critère et en partant de l'idée qu'on ne parle pas pour rien dire ça pourrait venir nuire au fait qu'il y ait cette prévisibilité-là ou ce cadre bien sécuritaire pour les parties qui pourraient souhaiter d'avoir recours à un arbitrage et que ça se fasse au Québec.
M. Bachand (Frédéric): Il est absolument essentiel que les juges puissent corriger les injustices qui se passent en arbitrage. Ça, c'est sûr, on veut insister là-dessus. On n'est pas en train de vous dire qu'il faut enlever tous les critères de révision et mettre complètement l'arbitrage à l'abri du pouvoir judiciaire. Il y en a, des dérapages, tant sur le fond que sur la forme, et les outils juridiques qui ont été développés tant sur la scène internationale qu'au niveau local le reflètent très, très bien. Les juges ont un rôle crucial à jouer, à la fin d'un arbitrage, pour s'assurer que la sentence est valide puis qu'elle respecte certaines exigences minimales pour qu'on puisse en reconnaître la légitimité puis l'accepter comme étant une décision aussi finale et obligatoire que celle qui est rendue par la Cour supérieure ou par la Cour du Québec.
Notre point, c'est que les voies de contrôle existent déjà. Alors, par exemple, dans la convention de New York -- c'est repris dans la loi type -- le juge peut annuler une sentence au motif qu'elle est contraire à l'ordre public, notion un peu floue qui a été précisée dans la jurisprudence mais qui permet de faire beaucoup de choses, de corriger pas mal toutes les injustices qui peuvent survenir dans le cadre d'un arbitrage. Le juge peut aussi intervenir pour annuler une sentence en cas d'excès de compétence, alors le juge qui tranche une question qui ne lui a pas été formellement déléguée ou soumise par les parties, non-respect de ce qu'on appelle les règles de justice naturelle, le «due process», alors les exigences minimales d'une procédure équitable, tout ça, c'est prévu. Le contrôle des juges est tout à fait possible. Et un des points qu'on fait dans le mémoire, c'est que, par le biais de ces voies de contrôle là, les juges québécois ont réussi à corriger des injustices qui se sont présentées dans les arbitrages qui ont eu lieu ici ou qui ont eu lieu ailleurs et qu'on a essayé d'intégrer dans l'ordre juridique québécois, et l'expérience a démontré, ici comme ailleurs, que ces voies de contrôle là étaient parfaitement suffisantes pour permettre aux juges de corriger de manière efficace les problèmes qui surviennent. Alors, d'en ajouter un autre qui n'est pas considéré de manière générale dans la communauté comme étant nécessaire pour réaliser cet équilibre-là entre la justice fondamentale et l'autonomie de l'arbitrage, c'est problématique et ça répond à un problème qui, pour nous, est inexistant.
Mme Hivon: Est-ce que vous estimez, en quelque sorte, qu'il y a la déconsidération de l'administration de la justice? Parce que, quand on le regarde comme ça, comme non-initiés, c'est sûr que ça a l'air d'être un motif, je dirais, justifié d'annulation, de non-homologation, mais est-ce que vous diriez qu'à la lumière de la jurisprudence arbitrale et à la lumière de ce qui existe déjà comme critères c'est, en quelque sorte, déjà inclus, donc c'est déjà un motif qui, dans le fond, serait superfétatoire?
M. Bachand (Frédéric): Oui, mais, d'un autre côté, c'est qu'il y a un principe d'interprétation selon lequel le législateur ne parle pas pour ne rien dire, alors...
Mme Hivon: ...et je veux comprendre si...
M. Bachand (Frédéric): Voilà. Mais, sur le fond, on se rejoint tout à fait, oui.
M. Gélinas (Fabien): J'ajouterais peut-être simplement que l'ajout d'un critère, d'un motif d'annulation ou de refus d'exécution, d'homologation d'une sentence qui ne se trouve pas dans la convention de New York automatiquement enlève toute crédibilité au droit de l'arbitrage au Québec. C'est...
Mme Hivon: C'est aussi clair que ça.
M. Gélinas (Fabien): Oui, c'est absolu.
Mme Hivon: Dernière question avant de céder la parole à mon collègue, la fameuse question, là, de l'approche moniste, parce que certains praticiens, médiation et arbitrage plus internes, ne font pas les mêmes commentaires que vous par rapport aux nouvelles dispositions, et je voudrais donc comprendre. Vous favorisez vraiment, bon, l'approche moniste, c'est clair. Est-ce que vous pouvez quand même concevoir que, pour certains éléments, il puisse y avoir une certaine pertinence à ce qu'en arbitrage interne il y ait des nouvelles dispositions ou certains ajouts? Je ne sais pas, je pose ça comme ça. Je vois, par exemple, qu'à l'article... au paragraphe 19 de votre mémoire vous dites qu'une sentence complémentaire ou d'interprétation ne devrait pas être liée au consentement des parties, que ce serait un peu contraire...
M. Fortier (L. Yves): ...toutes les parties.
Mme Hivon: De toutes les parties, oui, oui, effectivement, ne pas avoir nécessairement le consentement de toutes les parties. Est-ce qu'on pourrait, par exemple, penser qu'en matière d'arbitrage interne ça pourrait être différent? Je donne cet exemple-là, là, mais c'est certains éléments sur lesquels vous venez en disant: Il y a des choses qui sont malheureuses dans ce qui est proposé. Est-ce qu'on peut penser qu'il y a certains des ajouts qui pourraient avoir une plus-value en arbitrage interne?
M. Prujiner (Alain): Je peux peut-être dire un mot là-dessus, c'est que jusqu'ici, en tout cas, on n'a pas eu d'exemple, dans notre expérience jurisprudentielle de 25 ans, de cas où, je dirais, il y avait, pour l'arbitrage interne, une difficulté qui venait du texte d'origine internationale. Moi, je n'en ai jamais vu. Alors, je dirais que, bon, je ne me prononcerai pas sur l'article 641, mais là on faisait ressortir que, sur le plan international, ce serait une règle assez difficile à justifier, mais, je dirais, je ne vois pas très bien en quoi elle serait utile au plan interne. Et peut-être que, comme Nabil a une bonne expérience en arbitrage interne, il pourrait nous en faire part.
M. Antaki (Nabil N.): Oui, merci. Mme la députée, si vous permettez, revenir une seconde sur votre première question, puis je vais vous répondre sur cela tout de suite. Le Québec a énormément investi à tous les niveaux et tous les partis confondus parce qu'il y a eu... depuis 25 ans, dans l'arbitrage de façon générale, l'arbitrage international, et, en 1986-1987, lorsque la première loi a été adoptée, ce n'était pas dans la tradition. Le Barreau, on a une excellente justice, les gens ne comprenaient pas, puis il y avait toute une tradition derrière de tribunaux. Il fallait changer cette approche-là, d'abord convaincre l'interne, ensuite convaincre les avocats, les juges, l'international, ainsi de suite. C'est un phénomène extrêmement long qu'on a réussi.
Aujourd'hui, on parle de médiation, on parle d'arbitrage, c'est devenu même un intérêt pour le gouvernement, et les tribunaux font de la médiation aussi. C'est très long. Tous ceux qui ont fait des missions internationales économiques savent combien ça coûte et combien c'est long à installer, à investir. On est rendus là. Je ne dis pas que demain matin on va avoir tous les arbitrages du monde, mais, si on recule aujourd'hui, tous ces investissements de millions qui ont été faits pas les praticiens, par des universités et par les deux gouvernements, même du Québec, de la ville de Québec, seraient perdus, et ça, je trouverais en fait que c'est dommage.
Au niveau de la loi unique, l'arbitrage international est beaucoup plus large et permissif que l'interne, et, si on refait une différence entre l'interne et l'international, c'est l'interne qui va perdre, parce qu'il y a un attrait, à mon avis, de recul. L'arbitrage interne est toujours plus protecteur, plus conservateur que l'arbitrage international. On a fait le pas et on a tiré l'arbitrage interne, qui a profité de l'arbitrage international, et c'est un peu dans ce sens-là qu'il ne faut pas reculer.
Troisième exemple: en Ontario, il y a une bataille à tous les arbitrages le moindrement discutables pour savoir si c'est interne ou international. C'est des batailles de juridiction, et il y a des entreprises... moi, j'ai eu deux cas où les entreprises, pour ne pas faire d'arbitrage en Ontario, le faisaient ici pour éviter cette discussion de dualité de loi, parce qu'ici la question ne se pose pas. Donc, si on veut ouvrir des batailles de juridiction, c'est excellent.
**(17 h 20)**Le Président (M. Drainville): Et pour le moment on va s'arrêter là, Mme la députée de Joliette. Et, M. le ministre, il vous reste un bloc d'à peu près quatre minutes.
M. Fournier: Oui, bien peut-être pour faire simple, en quatre minutes, peut-être d'abord dire qu'autant le mémoire que la présentation que vous faites me semblent fondés et appellent de notre part au moins un message qu'on puisse vous envoyer dès à maintenant, et je crois -- j'en discutais lorsqu'il y avait la discussion avec ma collègue -- qu'il nous sera utile de lancer un chantier particulier sur l'arbitrage. Et je sais à l'avance que nous pourrons solliciter votre concours, puisque je me souviens de vos propos du début. C'est malheureux maintenant pour vous, vous allez devoir collaborer. Alors, on ira puiser chez vous.
Lorsque je demanderai à nos gens d'entretenir ce dialogue avec vous, je voudrais quand même m'assurer que ce que nous tentons de faire ici n'est pas... Et je vous ai bien entendus et la dernière réponse surtout aussi, mais j'ai un doute, j'ai un doute dans mon esprit qu'à l'égard de causes moins grandes que celles de l'arbitrage commercial international nous devions déployer tous les mêmes moyens. Excusez-moi, je n'ai pas l'expérience que vous avez, je ne suis pas avisé comme vous l'êtes. Appelez ça l'instinct. Il me semble qu'il y a peut-être des traitements qui peuvent être différents.
En fait, ce qu'on cherche, vous l'avez bien dit. Probablement qu'en 1986 c'était... non, pas probablement, c'était un autre contexte complètement, et, soit dit en passant, ce n'est pas tout à fait acquis encore. La culture pré-1986, elle existe beaucoup. Je vous disais de ne pas nous en vouloir parce que ça fait au moins 10 ans qu'il y a des consultations chez bon nombre d'avocats, soit dit en passant, et dans la magistrature, et parfois le réflexe, c'est... Je me souviens d'une réaction -- certains d'entre nous étaient là, là -- qui était assez forte sur le Code de procédure civile qui n'a pas à s'intéresser à ces choses qui sont hors de la cour.
Mais, ceci étant, je vais chercher de votre part... Puis, dans le fond, c'est une façon pour moi de vous reposer la question: Est-ce que j'erre complètement quand je peux avoir instinctivement l'intuition qu'il y a des domaines où, si on est dans un formalisme international... Ça va, puis je comprends les effets, puis on n'ira pas trop loin, là, mais, si on veut encourager le recours à l'arbitrage, à la médiation, aux autres modes, il ne faut peut-être pas non plus tomber dans une grande mécanique. Là, si vous me dites: M. Fournier, c'est bien beau, votre affaire, peut-être que votre intuition est bonne, mais, si vous changez de mécanique, vous mettez deux lois, vous causez des problèmes, mais est-ce qu'il y a des moyens d'exprimer les choses? Je ne voudrais pas non plus que favoriser le recours à ces modes-là soit limité par le fait que nous voulons faire de l'international, je ne veux pas que l'un pénalise l'autre. Si vous me dites: Ça ne le pénalise pas, expliquez-le-moi ou dites-moi que mes intuitions sont vraiment tout à fait erronées. En tout cas, vous le direz à mes chargés de projet qui iront vous voir, au moins.
Le Président (M. Drainville): En à peu près une minute, s'il vous plaît, M. Gélinas.
M. Gélinas (Fabien): Oui. Bien, je dirais que c'est une excellente question et je répondrais simplement que je n'ai toujours pas vu d'exemple ou de motif qui pourrait porter à croire que le cadre international... Et d'ailleurs c'est une chose qui est exprimée par la commission des Nations unies, que c'est un cadre qui est tout à fait adapté à l'arbitrage interne et non seulement à l'arbitrage international. Je n'ai pas vu de motif qui pourrait nous montrer le contraire. Vous avez... Dans le projet, l'avant-projet de loi, il y a une distinction qui est faite pour le nombre d'arbitres par défaut: un arbitre à l'interne et trois arbitres à l'international. Eh bien, il y a beaucoup de règlements d'arbitrage, maintenant, internationaux qui prévoient par défaut un arbitre. Donc, vous voyez le... Donc, l'évolution est la même, et les besoins, de manière générale, sont vraiment les mêmes, et le cadre qui est établi ici fonctionne très bien pour l'arbitrage interne, pour les petits arbitrages.
Le Président (M. Drainville): Alors, voilà, c'est la fin du bloc gouvernemental. Il reste huit minutes pour le bloc de l'opposition officielle. M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Cloutier: Merci, M. le Président. Mais je comprends quand même que, même si nous reprenions intégralement la loi type, on pourrait quand même trouver une manière de bonifier certains éléments. Est-ce que je comprends qu'il pourrait y avoir quelques écarts par rapport aux propositions qui ont été faites puis aux ajouts qui ont été faits au cours des années de cette loi type?
M. Bachand (Frédéric): Tout à fait. Il y a plusieurs exemples, puis, en fait, le point de départ de la réponse à cette question-là, c'est que la loi type n'occupe pas tout le champ de l'arbitrage. Alors, elle a vocation à réglementer de manière presque exhaustive l'arbitrage mais pas de manière totalement exhaustive.
Par exemple, la question de la confidentialité, qui est abordée à très juste titre et de manière tout à fait satisfaisante dans l'avant-projet, la loi type n'y touche pas. Alors, quand on adopte la loi type, il est toujours bon de se demander: Mais sur quelles autres questions non abordées dans la loi type voudrait-on préciser l'état du droit? Et ça, c'est un exemple. On rentre dans des questions assez techniques, mais votre question est tout à fait bonne, et en fait chaque État qui adopte la loi type, qui n'est pas un traité, hein, il y a cette souplesse-là, c'est un modèle législatif que les pays peuvent adapter, chaque pays qui l'adopte va toujours faire quelques ajouts ici et là.
Autre exemple: la question de l'immunité de l'arbitre qui est abordée dans l'avant-projet, c'est une bonne chose qu'elle le soit parce que les règles étaient jurisprudentielles, moins accessibles, moins précises qu'elles auraient pu l'être. Elles le sont, en fait, dans le droit actuel, mais là on vient codifier la règle. C'est un ajout à la loi type qui va tout à fait dans le bon sens.
Alors, cet exercice-là doit être fait aussi: Sur quels points voudrait-on, un, compléter la loi type et peut-être aussi la raffiner en fonction de l'expérience qui a été acquise dans les autres pays qui l'ont adoptée?
M. Cloutier: Vous citez, dans votre mémoire... vous dites que le Québec pourrait devenir un lieu important d'arbitrage international entre l'Europe puis les États-Unis, par exemple. Est-ce que je dois comprendre de ça que ça prend nécessairement un pays tiers pour accueillir un conflit, c'est-à-dire que ça prend, par exemple, dans le cas d'une entreprise américaine avec une entreprise européenne... le litige ne pourrait pas être entendu du côté américain, ça prend nécessairement un pays tiers au litige? Est-ce que c'est ça?
M. Fortier (L. Yves): Habituellement, oui, mais pas nécessairement. Pas à l'exclusion du siège de l'une ou l'autre des sociétés qui sont parties au différend.
M. Bachand (Frédéric): Ce n'est pas nécessaire. En fait, ce qu'on va voir souvent dans des contrats, c'est que vous avez une partie américaine très forte économiquement qui va pouvoir imposer à son partenaire européen le fait que l'arbitrage se déroulera à New York, mais, dans la plupart des situations, les parties sont sur un pied d'égalité relatif et elles vont chercher à situer juridiquement l'arbitrage dans un pays neutre. Il y a plein de raisons pour lesquelles cette neutralité-là va être avantageuse pour elles, elles vont se retrouver devant des juges neutres pour le contrôle de la sentence, par exemple, et tout, et donc c'est en ce sens-là que le Québec est très, très bien positionné pour développer encore davantage sa place comme siège d'arbitrages internationaux.
Peut-être que le Pr Antaki voudrait ajouter un...
M. Antaki (Nabil N.): C'est d'autant plus vrai qu'aux États-Unis il y a des problèmes de juridiction, il y a des problèmes de relations et il y a des problèmes... c'est très compliqué et de plus en plus cher, et on est connus ici, y compris nos relations avec les Américains puis avec les associations américaines, qu'on est un endroit favorable. Je vous dis: On n'a pas eu le temps d'arriver à maturité. On a tout ce qu'il faut, mais on n'a pas eu le temps encore de tirer les profits de ce qu'il y a.
M. Cloutier: Est-ce que la façon, justement, de tirer tous les profits passe uniquement par l'ajustement du Code de procédure civile? Est-ce qu'il y a d'autres moyens pour promouvoir le développement du commerce international? Parce que j'ai eu la chance d'être initié par James Crawford, en Angleterre, qui est lui-même un grand arbitre international, puis ce qui m'impressionnait des enseignements, un, c'est l'argent qui est en jeu, hein, il y a un potentiel économique incroyable. C'est évident que, si le Québec pouvait tirer davantage de ficelles dans ce domaine, toute la société québécoise pourrait en bénéficier.
**(17 h 30)**M. Fortier (L. Yves): Bien, mon ami James Crawford est lui-même très friand de tout ce qui est Québec, vous devez le savoir, de tout ce...
Une voix: ...
M. Fortier (L. Yves): Oui, oui, tout à fait. Et je sais pertinemment qu'il a déjà encouragé des parties qui avaient retenu ses services à choisir comme siège de l'arbitrage Montréal, justement à cause du cadre législatif qui existe depuis 1986 et qu'il connaît très, très bien.
M. Bachand (Frédéric): Juste pour compléter la réponse, ma réponse à votre question, le cadre législatif est une condition essentielle d'une politique qui viserait à permettre au Québec de réaliser pleinement son potentiel. Vous nous demandez: Y aurait-il autre chose qu'on pourrait faire?, puis ce sont des points qu'on pourrait explorer dans le cadre d'un éventuel chantier, mais je vous donnerais un exemple très concret, puis c'est une idée dont on discute au Québec depuis quelques années et qu'on n'a pas inventée de toutes pièces, qu'on s'inspire de l'expérience étrangère, mais, dans la plupart des pays qui sont dans la catégorie des grandes places d'arbitrage international, on a un cadre juridique très favorable et on a aussi très souvent une chambre spécialisée au sein des tribunaux judiciaires, vers lesquelles sont concentrées toutes les affaires qui touchent à des arbitrages internationaux, alors... Et l'idée derrière ça, c'est de permettre à certains juges, un groupe relativement restreint de juges de développer une expertise dans le domaine de l'arbitrage international et pour assurer, donner une garantie additionnelle au niveau de la qualité de la jurisprudence et de l'intervention des tribunaux judiciaires.
Et il y a des modèles dont on pourrait s'inspirer dans l'espace juridique canadien. On a fait un peu ça en matière de faillite, qui est un autre domaine très technique, et on s'est dit à un moment donné: Ce serait une bonne chose que nos juges en matière de faillite deviennent des experts et que ce soient, dans la plupart des cas, toujours les mêmes juges qui interviennent en matière de faillite.
Donc, l'expérience est là, le précédent existe, et, dans une politique de développement du Québec comme place d'arbitrage international, pour moi, ça devrait être un élément essentiel et qui ne serait pas très difficile à mettre en oeuvre, ce serait une directive administrative au sein de la Cour supérieure. Il faudrait évidemment que les juges soient d'accord, mais on a le précédent en matière de faillite, et je crois que c'est une idée qui mérite d'être explorée, qui envoie un message très, très fort et très encourageant aux usagers étrangers de la justice arbitrale.
Le Président (M. Drainville): Merci beaucoup. Il reste 30 secondes.
Mme Hivon: O.K. Est-ce que je peux...
Le Président (M. Drainville): Je suis désolé.
Une voix: ...
Le Président (M. Drainville): Ah! Oui, c'est ça. J'ai le consentement des membres de la commission pour continuer encore une minute, c'est bon? Allez-y, Mme la députée.
Mme Hivon: C'est simplement vraiment pour comprendre l'impact. Vous dites dans votre mémoire, à la page 3: «...il est possible que le non-respect par le Québec de la convention de New York -- j'imagine que vous voulez dire "intégral" -- conduise certains pays ayant choisi d'appliquer la convention sous condition de réciprocité -- comme la Chine -- à refuser de reconnaître et d'exécuter des sentences arbitrales rendues au Canada [ou au Québec].» Est-ce qu'il y a des précédents qui vous amènent à penser ça, qu'il pourrait y avoir un bris dans la réciprocité convenue s'il y avait un tel changement? C'est une...
M. Fortier (L. Yves): Je n'ai pas à l'esprit, Mme la députée, de... je n'ai pas de précédent à l'esprit, mais j'irais jusqu'à dire que c'est évident, ça saute aux yeux que, si le Canada est perçu comme étant... si le Canada a la réputation de faire fi de certaines dispositions de la convention de New York, eh bien, que ce soit la Chine ou n'importe quel autre pays, lorsqu'il s'agira d'homologuer, par exemple, une sentence arbitrale qui provient du... qui a été rendue au Québec, le siège était à Québec, ils pourraient dire: Non, le Québec ne respecte pas la convention de New York. Alors, si c'est bon pour eux, c'est bon pour nous.
Le Président (M. Drainville): Merci beaucoup, Mme la députée. Alors, dans l'ordre alphabétique, là, MM. Antaki, Bachand, Fortier, Gélinas et Prujiner, merci infiniment d'avoir participé à cette commission.
J'ajourne les travaux jusqu'à demain, à 9 h 30, où la commission se réunira afin de poursuivre ce mandat. Merci. Bonne soirée, tout le monde.
(Fin de la séance à 17 h 35)