L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des institutions

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des institutions

Version finale

39e législature, 2e session
(23 février 2011 au 1 août 2012)

Le mercredi 16 mars 2011 - Vol. 42 N° 2

Étude détaillée du projet de loi n° 94 - Loi établissant les balises encadrant les demandes d’accommodement dans l’Administration gouvernementale et dans certains établissements


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Journal des débats

(Onze heures quarante-six minutes)

Le Président (M. Bernard): Merci. Bonjour, tout le monde. Aujourd'hui, il nous fait donc plaisir de débuter les travaux de la Commission des institutions. Alors, d'entrée de jeu, je constate, naturellement, que le quorum est là. Encore une fois, je voudrais rappeler à tous les membres, s'il vous plaît, d'éteindre leurs sonneries de téléphone cellulaire.

Alors, le mandat de la commission, ce matin, qui se poursuit, c'est donc le suivant: c'est l'étude détaillée du projet de loi n° 94, Loi établissant les balises encadrant les demandes d'accommodement dans l'Administration gouvernementale et dans certains établissements.

Mme la secrétaire, s'il vous plaît, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Beaudoin (Mirabel) est remplacée par Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve); M. Drainville (Marie-Victorin) est remplacé par M. Cloutier (Lac-Saint-Jean); et Mme Hivon (Joliette), par M. Kotto (Bourget).

Étude détaillée

Le Président (M. Bernard): Merci, Mme la secrétaire. Alors, hier, lors de l'ajournement de nos travaux, les discussions portaient sur l'amendement de la députée de Rosemont qui proposait d'ajouter les mots «pour des motifs religieux» après le mot «accommodement» au premier alinéa de l'article 1. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur cet amendement? Mais, toutefois, je veux rappeler tout de suite aux gens qui sont ici présents les temps qu'il reste encore, s'il vous plaît, à votre disposition. Donc, Mme la députée de Rosemont, il vous reste 12 min 20 s; Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, il vous reste également 12 min 30 s; le député de Bourget, il vous reste, à votre disposition, 14 min 25 s; et, pour le député de Lac-Saint-Jean, votre période complète de 20 minutes.

Alors, est-ce qu'il y a d'autres interventions, s'il vous plaît? Oui, M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Cloutier: Merci. Merci, M. le Président. D'abord, je vais essayer d'équilibrer, moi aussi, mon temps. Alors, je comprends qu'il me reste 20 minutes. L'amendement qui est sous étude présentement vise à bonifier l'objet de la loi, M. le Président. Hier, j'ai eu la chance de m'exprimer longuement avec la ministre sur les intentions réelles du gouvernement du Québec en ce qui a trait à la mise en place de nouvelles balises pour les accommodements raisonnables. Je pense que ce qui nous distingue clairement, c'est que, nous, on aurait souhaité un projet de loi un peu plus musclé, un peu plus précis. Et, où est d'accord avec la ministre, c'est pour dire que l'article 4 et l'article 5 ne font rien d'autre que rétablir ou réaffirmer l'état du droit actuel.

La raison pour laquelle on souhaite introduire, après le mot «accommodement», à l'article 1, «pour des motifs religieux», M. le Président, c'est essentiellement parce qu'à notre avis la nouveauté du projet de loi est celle de venir dire que tout «membre du personnel de l'Administration gouvernementale ou d'un établissement et une personne à qui des services sont fournis par cette Administration ou cet établissement aient le visage découvert lors de la prestation des services», et essentiellement, ici, évidemment, on fait référence à des motifs religieux.

Alors, c'est dans cet esprit-là, M. le Président, qu'on souhaite venir circonscrire l'objet de la loi pour qu'il soit plus fidèle aux dispositions législatives qui ont été déposées parce qu'à notre avis le projet de loi ne fait... En fait, comme je l'avais dit hier, si on avait vraiment voulu formuler correctement, du côté gouvernemental, l'objet de la loi, on aurait dû uniquement se contenter de réitérer les motifs qui sont prévus à l'article 6, qui est celle d'obliger que toute prestation de service soit offerte à visage découvert. Alors, M. le Président, à mon sens, c'est uniquement dans cet esprit-là que le projet de loi vient ajouter au débat actuel.

**(11 h 50)**

Comme j'ai eu la chance de le dire à plusieurs reprises, si on avait déposé un projet de loi un peu plus... enfin, si on avait modifié la charte québécoise des droits et libertés pour y inclure les valeurs québécoises, on n'aurait pas toute l'incertitude juridique actuelle et le cas par cas auquel on est encore confrontés. Puis il faut lire les journaux, même ceux d'hier, pour voir à quel point le débat est virulent, hein, voire exagéré, il faut le dire, voire exagéré. Quand on est rendu qu'on personnalise le débat, on peut se poser de sérieuses questions. Malheureusement, c'est un sujet qui est délicat, il faut l'admettre, et c'est un sujet qui... Il s'agit d'écouter parfois les postes de radio pour se rendre compte que c'est un sujet qui n'est pas toujours traité avec la délicatesse qu'il se devrait.

Alors, j'imagine que, nous, on aura la chance, au cours de cette commission parlementaire, de proposer une série d'amendements au gouvernement du Québec, et il y a certains de ces amendements qui sont hautement prévisibles du côté de la ministre et sur lesquels, j'espère, ils ont déjà réfléchi. Et, parmi ces amendements, il ne serait pas surprenant qu'on ramène ce qu'on avait d'abord proposé dans le projet de loi n° 391. Je pense que ça vaut la peine, Mme la ministre, pour la suite des choses, que le gouvernement du Québec réfléchisse à, justement, la main tendue que lui offre l'opposition officielle, une approche qui serait plus respectueuse, je pense, de la nécessité de traiter ce sujet-là avec tout le consensus, je dirais même l'unanimité que ça demande. Parce qu'on aurait pu s'attendre, les parlementaires québécois -- sincèrement, je le pense -- qu'on arrive à une discussion franche entre nous sur les modalités à apporter et la réponse du gouvernement du Québec aux accommodements raisonnables. Je suis à peu près certain, sincèrement, qu'on aurait pu, entre nous, arriver à un consensus nettement plus, je dirais, significatif pour la suite des choses.

Parce que je l'ai dit hier, je vais le répéter aujourd'hui, si on devait adopter tel quel le projet de loi, chose que je ne souhaite pas et auquel nous apporterons une série de modifications... Mais, s'il devait être adopté tel quel... Et, comme on a devant nous un gouvernement majoritaire, il pourrait décider, effectivement, de ne tenir compte d'aucune de nos modifications, d'aucune de nos propositions pour aller de l'avant avec le projet de loi tel quel. Mais, si jamais ça devait être le cas, M. le Président, je suis inquiet, je suis inquiet que... bien, en fait, je ne suis pas inquiet, je suis non seulement inquiet, mais je suis aussi convaincu qu'en bout de course ça ne changera pas grand-chose, voire ça ne changera rien du tout, si ce n'est, comme je l'ai déjà dit, à l'article 6, où on va obliger que les personnes qui ont accès à un service le fassent à visage découvert.

Alors, la modification qu'on a proposée, c'est d'inclure «pour des motifs religieux» parce qu'à notre avis ça reflète beaucoup mieux l'objet de la loi, c'est plus précis, et vaut mieux répondre correctement ou avec le degré de précision qu'on exige de nous, du législateur, lorsqu'on s'exprime sur un projet de loi aussi important. Mais, comme on est encore à l'objet de la loi, Mme la Présidente -- c'était le temps que je l'ajuste, Mme la Présidente, vous m'excuserez -- puisqu'on est encore à l'objet de la loi, je ne peux quand même pas passer sous silence le fait qu'on se serait attendus à beaucoup plus du côté gouvernemental en ce sens de degré de précision. La ministre nous dit: On ne peut pas gérer le cas par cas, le législateur ne peut pas s'immiscer dans chacune des situations, mais il y a quand même eu un exemple extrêmement éloquent quand un groupe s'est présenté ici, à l'Assemblée nationale, avec des kirpans le jour même où cette commission parlementaire entendait les intervenants sur ce projet de loi, et on a demandé à la ministre comment on devrait se comporter dans cette situation-là. Force est d'admettre qu'à la lecture du projet de loi on ne règle pas ce type de situation là, le type de situation du cas par cas auquel la ministre nous a dit... Je pense, honnêtement, que les Québécois auraient souhaité un peu plus de précisions.

Vous avez décidé de réitérer l'état du droit actuel. Nous, ce qu'on vous invite à faire, c'est de le modifier. Alors, de modifier la charte, oui, c'est ce qu'on vous demande de faire. On vous demande de modifier la charte québécoise des droits et libertés pour mieux refléter les valeurs québécoises. Et quelles sont ces valeurs québécoises? Est-ce qu'on peut être traités de radicaux lorsqu'on souhaite inscrire dans la charte québécoise des droits et libertés comme valeurs... non seulement comme droits parce que, comme droits, c'est déjà prévu, mais d'ajouter des valeurs -- et, je répète, des valeurs -- dans la charte québécoise des droits et libertés, la valeur de l'égalité entre les hommes et les femmes, la valeur de la primauté du français, la valeur de la laïcité des institutions publiques? Dois-je rappeler que le premier ministre du Québec s'est offert à grands coups de publicité dans des grands journaux québécois la promotion des valeurs québécoises, de ces mêmes trois valeurs québécoises que je viens de vous nommer?

Le débat qui nous divise, là où il y a une divergence d'opinions, c'est de faire de ces valeurs-là l'expression... les traduire en expression juridique pour qu'ils puissent être plaidés et même éventuellement donner force de loi devant les tribunaux. Et, par cette façon de faire, Mme la Présidente, bien on en viendrait avec notre propre modèle québécois, notre propre réponse québécoise aux accommodements raisonnables parce que ce qu'on enverrait comme message aux tribunaux, c'est que, dorénavant, non seulement vous devrez tenir compte de la Charte canadienne et de la définition qui a été donnée au droit à l'égalité, mais en plus les tribunaux devront tenir compte des valeurs québécoises dans l'interprétation de la charte québécoise. Et c'est là la nouveauté, et c'est là l'orientation qu'on pourrait donner aux tribunaux. Alors, lorsque, par exemple, se présenterait une situation comme le cas, je ne sais pas, moi, de Saguenay, bien, Mme la Présidente, on aurait dans notre charte québécoise des valeurs qui sont exprimées, et c'est à la lumière de ces valeurs-là qu'on définirait notre propre modèle québécois.

Alors, si je reviens à la modification qui est proposée, à notre avis il vaut mieux être le plus précis possible dans la définition de l'objet de la loi et de circonscrire l'objet de la loi de façon appropriée, en fonction des articles qui sont énumérés, dont l'article 6. Alors, la question que je demande à la ministre, c'est: Est-ce qu'elle est d'accord avec nous pour dire que l'objet de la loi doit être circonscrit de façon à ce que ça ne porte pas confusion et donner l'impression qu'on règle d'autres situations que celle qui est prévue à l'article 6? J'ai l'impression que je vais être obligé de répéter ma question, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Vous pouvez continuer sans commentaire, M. le député.

M. Cloutier: Non, mais j'échange avec la ministre.

La Présidente (Mme Vallée): Bien, en fait, M. le député de Lac-Saint-Jean, comme j'ai indiqué hier après-midi, le temps de parole est un temps pour expliquer les amendements, pour s'exprimer sur l'amendement qui a été déposé par votre collègue, ce n'est pas une période d'échange. Alors, évidemment, le parti ministériel peut choisir, suite à une de vos interventions, de réagir mais peut également choisir de s'abstenir de réagir. Alors, je comprends que vous avez certaines préoccupations, mais j'aimerais également, je crois... Et, comme je l'ai mentionné encore hier après-midi, on a probablement beaucoup d'heures à passer ensemble au cours des prochaines semaines, et il serait agréable que ces heures soient dans un climat fort agréable. Donc, j'avais demandé aux collègues de limiter les commentaires qui pouvaient laisser planer un doute quant à l'intention ou à l'attention portée par certains membres autour de la table. Alors, ceci étant dit, je vous laisse continuer.

M. Cloutier: Non, mais ça allait bien, Mme la Présidente, jusqu'à temps que vous mettiez votre grain de sel. Parce que, là, vous laissez entendre que, par mes propos, je nuis à la bonne mise en marche de cette commission, alors qu'il me semble...** (12 heures)**

La Présidente (Mme Vallée): Il n'était pas du tout... Mon intervention ne visait pas ça, je visais tout simplement à rappeler... Parce que vous avez laissé sous-entendre que vous deviez répéter vos propos. Alors, c'était tout simplement pour faire un petit rappel suite aux interventions que nous avons faites hier. Et, ceci étant dit, je vous laisse continuer, M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Cloutier: ...je comprends bien, je croyais que nous pouvions avoir un échange avec la ministre parce qu'hier c'était le cas, hein? On a eu quelques échanges, des bons échanges ensemble, puis j'ai apprécié, d'ailleurs, ses commentaires, entre autres sur l'article 4, sur l'article 5, et je croyais qu'aujourd'hui nous pourrions poursuivre. Alors, comme je posais une question à la ministre et qu'au même moment elle discutait avec ses conseillers, chose qui est tout à fait normale dans une commission parlementaire et que je ne discute pas, j'ai cru bon de répéter ma question parce que j'ai remarqué qu'elle avait un autre... Bon, peu importe...

La Présidente (Mme Vallée): Juste faire attention de ne pas imputer de motifs aux collègues. C'est tout simplement... et puis ça va fermer...

M. Auclair: Mme la Présidente, juste pour rappeler à mon collègue qu'il faut qu'il se souvienne aussi qu'on a bien dit Mme la ministre. Donc, madame étant une femme, elle peut faire deux choses en même temps. Donc, je sais que, pour nous, hommes, c'est plus difficile, mais je n'ai aucun problème sur les qualités de ma collègue de saisir tous les débats. Merci.

Une voix: J'apprécie le commentaire de mon collègue.

Une voix: Je vous interdis de généraliser le cas des hommes, monsieur...

La Présidente (Mme Vallée): Alors, à l'ordre! Je vais laisser notre collègue du Lac-Saint-Jean continuer ses échanges.

M. Cloutier: Qui portent à réflexion, mais... Alors, ça... Bon. Alors, ce que je disais, Mme la Présidente, c'est que je croyais du moins qu'on puisse avoir un échange avec la ministre. Mais, effectivement, vous avez raison, elle est libre de répondre ou non. Mais je pense que, pour la suite de nos travaux, c'est quand même plus agréable si on a un échange avec le gouvernement du Québec, d'autant plus que le sujet, je continue de croire très honnêtement... Puis je l'avais dit, d'ailleurs, à la ministre de l'Immigration à l'époque, qui était... que je peux nommer? Non, que je ne peux pas nommer? Est-ce que je peux nommer l'ancienne ministre?

La Présidente (Mme Vallée): Qui est ministre de la Famille maintenant.

M. Cloutier: Qui est ministre de la Famille, oui, merci. Comme ça, on va l'identifier correctement. J'étais traversé l'autre bord de la Chambre puis je lui avais dit sincèrement que je croyais que, sur cet enjeu-là, on serait capables de s'entendre, et j'avais cru comprendre aussi, de son côté, qu'elle pensait aussi la même chose. Puis je pense que ça aurait été préférable pour le Québec que ce projet de loi, qui concerne un sujet délicat, il faut le dire, puisse être adopté à l'unanimité. Là, c'est assez évident, on ne se dirige pas vers ça, mais, moi, je continue de croire qu'on va proposer des amendements et que... des amendements substantiels. Là, on est plus dans des amendements de forme. Alors, on souhaite circonscrire l'objet de la loi. Mais je continue de croire qu'un amendement à la charte québécoise des droits et libertés pourrait répondre. Alors là, maintenant, là-dessus, on pourrait avoir un échange avec le gouvernement sur, bon, la façon de le libeller, l'endroit dans la charte québécoise qu'il pourrait s'inscrire, etc. Mais je continue de croire que ce serait préférable que, sur un sujet aussi délicat que celui-là, que l'opposition officielle, avec le gouvernement du Québec et peut-être même les autres partis de l'opposition, puissent donner leur accord.

Alors, je reviens à l'amendement qui est proposé auprès du gouvernement. On continue de penser qu'on aurait pu élargir le projet de loi en modifiant, par exemple, la charte québécoise des droits et libertés. Le gouvernement a choisi de réitérer le droit actuel par l'article 4, par l'article 5, et, à l'article 6, on a voulu élargir. Alors, est-ce que la ministre pense ou croit que ce ne serait pas à propos dans les circonstances, avec le projet de loi tel qu'il est présentement, de préciser que l'objet de la loi, dans le fond, c'est pour essentiellement les questions de liberté religieuse... motifs religieux, pardon.

La Présidente (Mme Vallée): Mme la ministre, aviez-vous une intervention suite à l'intervention du député de Lac-Saint-Jean?

Mme Weil: Bien, c'est un peu la discussion qu'on a eue hier. Évidemment, il y a un règlement qui est très précis... de nos règlements, c'est l'article 244, je pense bien. Oui, bon: «Les amendements doivent se rapporter à son objet et être conformes à son esprit et à la fin qu'il vise.» Donc, on parle du projet de loi qui est déposé. Toute discussion sur la Charte des droits et libertés va bien au-delà des audiences qu'on a eues, des consultations qu'on a eues à la commission, qui avaient vraiment comme objet l'étude du projet de loi n° 94. On a d'ailleurs vu M. Bouchard dans une entrevue qu'il a donnée dire que ce qu'il retient, c'est qu'il n'y a pas de consensus sur cette définition de «laïcité». Le droit actuel, c'est la séparation, la neutralité, l'État doit se montrer neutre envers les religions. Ça, c'est vraiment notre droit, et on vit avec ce droit depuis très, très, très longtemps. Alors, éventuellement, les débats sur la charte, où est-ce que ça va mener, je pense que la société civile peut continuer le débat. Ces débats-là sont toujours importants dans une société. Ce n'est pas un gouvernement qui empêche les débats. Il y a des colloques qui vont se tenir. Vous, vous allez avoir un débat là-dessus.

Mais là le projet de loi -- et je l'ai mentionné hier -- a un objectif très précis que, moi, je considère très sincèrement comme... un projet de loi, si le projet de loi est éventuellement adopté, qui amène des balises, qui pourrait amener des balises. Et je reviens toujours à ces personnes dans l'administration publique qui ont été... ces cas qui ont été médiatisés, qui sont aux prises... et des échanges que j'ai eus avec des gens qui ont à prendre ces décisions. Ça va amener clarté dans leur travail. C'est un projet de loi qui a donc un objectif qui est très, très précis dans ce sens-là et aussi, bon -- on revient à tout ce que j'ai dit hier -- d'amener une compréhension des règles sur les accommodements. Donc, on va venir clarifier parce qu'il y avait de la confusion. Donc, ce qui est sur la table, ce n'est pas la Charte des droits et libertés, qui, évidemment, prendrait -- comment dire -- une ampleur importante. Parce que changer la Charte des droits et libertés, c'est des grands, grands, grands débats, et ce n'est pas ce qui est sur la table parce que l'objectif n'était pas ça.

Si les débats de... si la société veut en discuter... Et c'est vrai, on le voit quotidiennement, des débats sur la laïcité, mais surtout ce qu'on retient, c'est qu'il n'y a pas de consensus. Il y a des étiquettes qui sont mises, puis là il y a un livre qui est sorti, là, il y a quelques semaines, qui dit qu'il y a à peu près sept catégories de laïcité dépendant des juridictions. Il faut toujours voir ces modèles de laïcité dans un contexte historique, et politique, et philosophique. Et chaque nation, on peut le dire, a son histoire et a ses règles qui reflètent son histoire, et, nous, on est rendus là, avec une forme de laïcité qui est la neutralité, qui s'exprime par la neutralité religieuse de l'État, il est toujours gardé séparé.

Donc, lors de la consultation, on a eu l'occasion d'expliquer qu'est-ce que ça veut dire, neutralité. Donc, le port d'un signe religieux ne veut pas dire que la personne qui donne le service... Et ça, c'est quelque chose qui est repris et repris par tous les gens qui écrivent sur ce sujet, les académiques, les philosophes, les sociologues et les juristes, hein? Ce n'est pas juste les juristes qui parlent de ça. Ça a toujours été comme ça dans notre société que de porter un signe ne veut pas dire qu'on fait du prosélytisme, qu'on est en train de transmettre nos propres valeurs, et c'est là la discussion... Donc, nous, notre projet de loi reflète l'état du droit actuel parce qu'on a cette obligation d'amener des projets de loi qui vont respecter la primauté du droit tel qu'on le connaît. Alors, ça réitère un peu mes propos d'hier.

La Présidente (Mme Vallée): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Cloutier: Bien, je suis content d'entendre... Pardon?

La Présidente (Mme Vallée): Je vous cédais la parole.

**(12 h 10)**

M. Cloutier: Merci, Mme la Présidente. Je suis content d'entendre la ministre, mais, moi, je ne suis pas certain, Mme la ministre, qu'on ait eu cette grande réflexion au Québec sur la définition qu'on devrait donner à la laïcité. Vous l'exprimez vous-même, vous dites qu'il y a plusieurs définitions possibles. Bien, je suis d'accord avec vous, effectivement, à mon sens à moi aussi, on pourrait donner une définition bien québécoise à la laïcité. Là où j'ai une divergence d'opinions, c'est lorsque vous dites qu'on ne peut pas s'intéresser aux modifications qu'on devrait apporter à la charte québécoise parce que le projet de loi, dans le fond, réussit à faire ce qu'il a à faire sans modifier la charte. Mais la preuve que les deux sont indissociables, le propre amendement que vous nous suggérez et dont nous discuterons plus tard propose de faire référence à l'article 10 de la charte québécoise. Alors, on ne peut pas faire abstraction du lien direct qui existe entre l'interprétation que les tribunaux ont donnée... et qui sont repris par les articles 4 et 5 du droit à l'égalité, auxquels vous souhaitez qu'on fasse directement référence -- puis on aura la chance d'y revenir -- et la problématique des accommodements raisonnables.

Bref, ce que j'essaie de dire, c'est qu'à mon avis le coeur ou les racines des accommodements raisonnables, c'est la charte québécoise des droits et libertés. Et, si on veut s'intéresser à ces questions-là au Québec, à mon avis on doit nécessairement passer par une modification à la charte. C'est sûr, j'ai une analyse juridique de ça, mais ça ne peut pas faire autrement parce que c'est avant tout une expression juridique. L'expression «accommodements raisonnables», ce n'est pas une expression sociologique, ce n'est pas une expression géographique, ce n'est pas une expression féministe, c'est une expression qui a été définie par nos tribunaux, puis c'est vraiment pour ça que je souhaite que le lien soit fait entre la problématique des accommodements raisonnables et la modification qui devrait être apportée à la charte québécoise des droits et libertés, parce que c'est vraiment suite à de l'interprétation du droit à l'égalité qui est prévu à la charte qu'on est arrivé avec l'expression «accommodements raisonnables». Puis, d'ailleurs, le gouvernement nous le reconnaît d'emblée parce que son amendement, qu'on discutera un peu plus tard, nous propose d'inclure l'article 10 dans le texte de la loi. Alors, si on veut mettre l'article 10 de la charte québécoise, c'est parce qu'on reconnaît que la problématique débute au droit à l'égalité.

Alors, la nécessité d'avoir l'objet de la loi circonscrit, dans les circonstances, m'apparaît nécessaire et d'y inclure «pour des motifs religieux» parce que le projet de loi ne vient pas ajouter quoi que ce soit de neuf à l'état du droit tel que nos tribunaux l'avaient déjà interprété, si ce n'est d'ajouter «la pratique voulant qu'un membre du personnel de l'Administration gouvernementale d'un établissement et une personne à qui les services sont fournis -- donc, et la personne qui donne et la personne qui reçoit le service -- aient le visage découvert». Bon, la prestation des services, on peut comprendre, Mme la Présidente, que, quand on a le visage couvert... je ne pense pas qu'on visait ceux et celles qui se pointent avec un sac de poubelle sur la tête, un sac de papier à l'Halloween ou ce genre de situation là, hein? Ça m'apparaît assez évident de qui on visait par cet article-là.

Alors, puisque cet article 6 m'apparaît être la nouveauté, outre l'aspect pédagogique... Puis ça, je l'admets, il y a un aspect pédagogique, effectivement, quoique n'importe qui qui lit le moindrement sur les accommodements raisonnables comprenait sans le projet de loi actuel, à mon avis, la définition puis l'expression «contrainte excessive» qui est reprise dans le projet de loi. Mais, bon, outre l'aspect pédagogique, là, il faut l'admettre, il y a peu de nouveautés, si ce n'est de l'article 6, qui concerne particulièrement «pour des motifs religieux».

Alors, c'est vraiment pour ça, Mme la Présidente, que je pense que le législateur doit s'assurer, lorsqu'il a à définir l'objet de la loi, doit s'assurer que cet objet soit le plus circonscrit possible pour ne pas donner l'impression non plus au citoyen que la loi vise autre chose que ce qui est écrit dans la loi comme telle. Puis, lorsqu'on doit faire le lien entre l'objet puis les dispositions qui suivent, bien, à mon avis, on ne peut faire autrement que de vouloir ajouter, après le mot «accommodement»... Alors là, je vais relire... Attendez un petit peu que je me retrouve. «La présente loi a pour objet d'établir les conditions dans lesquelles un accommodement...» Alors, après le mot «accommodement», «pour des motifs religieux». Alors: «La présente loi a pour [objectif] d'établir les conditions dans lesquelles un accommodement pour des motifs religieux peut être accordé en faveur d'un membre du personnel de l'Administration gouvernementale ou d'un établissement ou en faveur d'une personne à qui des services sont fournis par cette Administration ou cet établissement.» Alors, voilà l'amendement, Mme la Présidente, que je soumets au gouvernement, et j'espère que, suite à cette intervention, j'aurai su convaincre le gouvernement.

Mais vous comprendrez que difficile de... Je comprends, dans la logique des choses, que... Mme la Présidente, j'avais peut-être une question technique à vous poser. Si on adopte l'objet de la loi, mais que, subséquemment, on devait apporter une autre modification, est-ce qu'on peut revenir à l'objet de la loi, qui devrait refléter à ce moment-là des amendements? Je comprends que non. Dans la mesure où il est adopté, on ne peut pas revenir en arrière.

La Présidente (Mme Vallée): C'est sûr que, si nous adoptons un article et qu'on passe à l'analyse des articles suivants, ça prendra le consentement pour revenir à un article qui aura déjà été adopté par cette commission.

M. Cloutier: Est-ce qu'à ce moment-là il ne vaudrait pas mieux suspendre l'adoption de l'article premier? Parce que, dans la mesure où il s'agit de l'objet de la loi... Parce que, là, vous comprendrez que les amendements qu'on a déposés sont des amendements qui concernent l'article premier, qui est... Bon, je ne veux pas nier l'importance de l'objet de la loi puis je pense que c'est important qu'on en débatte parce qu'on le sait, ça peut servir d'interprétation devant les tribunaux. Mais il n'en demeure pas moins que nous aurons des modifications plus substantielles plus tard, et, à ce stade-ci, il ne faudrait pas prendre pour acquis que le gouvernement du Québec va les rejeter du revers de la main. Et, si elles devaient être adoptées, bien ça pourrait, à ce moment-là, modifier l'objet de la loi comme tel. Alors, est-ce qu'il ne serait pas à propos de suspendre l'article premier pour qu'éventuellement on revienne un peu plus tard là-dessus?

La Présidente (Mme Vallée): M. le député de Vimont.

M. Auclair: Oui, Mme la Présidente. Merci. Je trouve que le point soulevé par mon collègue est intéressant. Cependant, j'aimerais juste qu'on considère le fait que, si les éléments qui sont amenés par l'opposition sont pour bonifier et pour améliorer la loi et qu'on est tous en accord avec ce point-là, je pense qu'il serait tout à fait normal de prendre... qu'on va adopter et on va accepter les modifications qui seraient présentées. Donc, moi, je pense qu'on devrait continuer dans la bonne foi, comme il est... De fait, comme la ministre l'a bien démontré, puis que les commentaires puis les éléments qui sont débattus ici sont très intéressants puis amènent des réflexions de chaque côté de la table, je pense qu'on devrait continuer tout simplement avec les modifications ou les suggestions de modification apportées par nos collègues, et on verra une à la fois.

La Présidente (Mme Vallée): De toute façon, M. le député de Lac-Saint-Jean, pour suspendre, ça prend le consentement des membres de la commission. Alors...

M. Cloutier: Non, mais j'avais très bien compris, Mme la Présidente, que ça prenait le consentement. Je l'ai soumis à la discussion. Bon, je comprends que ce qu'on me dit, c'est: Poursuivons, puis on verra. Par contre, ce que je note, c'est l'ouverture d'y revenir, si jamais les amendements devaient être acceptés de la part de l'opposition, pour que l'objet de la loi vienne refléter, à ce moment-là, les dispositions qui pourraient être adoptées éventuellement.

La Présidente (Mme Vallée): Je comprends, de toute façon, aussi qu'on est quand même au tout début de l'analyse du premier paragraphe du premier article. Il est peut-être un petit peu tôt pour suspendre, vu qu'on n'est pas rendus encore très loin dans l'article 1. C'est qu'on pourrait poursuivre l'analyse de l'amendement apporté au paragraphe 1° de l'article 1 par votre collègue, et peut-être qu'en cours de route la proposition que vous avez soulevée pourrait s'avérer, effectivement, utile.

Alors, je vous propose qu'on pense à votre proposition et puis qu'on continue l'analyse du paragraphe 1° de l'article 1. Et puis, si, effectivement, en cours de route, on sent qu'il y aurait peut-être quelque chose à faire, bien, à ce moment-là, on pourra, avant de passer à l'article 2... Avant d'adopter l'article 2, on verra et on pourra soumettre la question aux collègues. Qu'en pensez-vous?

M. Cloutier: Oui. Je suis d'accord avec vous, mais juste m'assurer que je comprenne bien, même si l'article devait être adopté, je comprends que, par consensus, on pourrait revenir?

La Présidente (Mme Vallée): On pourrait toujours revenir, oui.

M. Auclair: De consentement, on peut toujours revenir.

La Présidente (Mme Vallée): Sur consentement, il y a très peu de choses qu'on ne peut pas faire.

M. Cloutier: On disait: Sauf changer un homme en femme. C'est ça?

La Présidente (Mme Vallée): Oui.

**(12 h 20)**

M. Cloutier: C'est Churchill qui disait ça. Je ne voudrais pas être...

La Présidente (Mme Vallée): Mais je pense que, c'est ça, on ne s'embarquera pas dans ça aujourd'hui.

M. Cloutier: Non, effectivement. Alors, bon, bien, très bien, ça répond à mes questions. Alors, je crois que je me suis suffisamment exprimé là-dessus, Mme la Présidente, à moins que vous m'indiquiez... Combien de temps qu'il me reste?

La Présidente (Mme Vallée): Vous avez pas mal épuisé tout ce que vous aviez, et je pense même qu'on a été un petit peu généreux, là.

M. Cloutier: Très bien, Mme la Présidente. Alors, je vais laisser la parole à mes collègues.

La Présidente (Mme Vallée): Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement apporté par Mme la députée de Rosemont? M. le député de Bourget, oui.

M. Kotto: Merci, Mme la Présidente. Nous ne sommes pas seuls, nous sommes probablement écoutés et suivis par des citoyens qui s'intéressent à la question qui nous occupe aujourd'hui, et, à cet effet, je rappellerai l'amendement de ma collègue de Rosemont, qui est à l'effet, à l'article 1, de modifier dans son premier alinéa par l'insertion, après le mot «accommodement», des mots «pour des motifs religieux».

Et, pour le public, je rappellerais que, comme le mentionnait le Barreau du Québec, il relève du législateur et de l'exécutif d'adopter et de mettre en application la législation visant à définir et à mettre en oeuvre le droit à l'égalité. Or, le législateur ne parle pas pour rien dire. Et, si le projet de loi vise strictement des accommodements pour des motifs religieux, tous autres accommodements, par exemple pour les personnes handicapées, sont déjà prévus dans des lois. Ainsi, il est de notre responsabilité, de la responsabilité du législateur, d'énoncer clairement les objectifs visés par ces lois.

«...le Québec est une société riche de sa diversité, qui repose sur la primauté du droit et l'égalité entre les hommes et les femmes et qui adhère à la séparation des pouvoirs politique et religieux.» Voici ce que nous disait la ministre lors de ses remarques préliminaires au début de la tenue de nos consultations le 8 mai 2010. De plus, lors de son discours, la ministre parlait de la neutralité religieuse. La ministre énonçait, et je la cite: «Le projet de loi énonce aussi que les services publics se font et se reçoivent à visage découvert et vient ainsi confirmer la pratique d'application générale.» Ainsi, il est clairement établi que ce projet de loi, celui qui nous occupe aujourd'hui, a pour but d'encadrer les accommodements religieux. Alors, nous sommes d'avis qu'enfin, à titre de législateurs, qu'il faille le dire simplement et clairement.

L'ambiguïté ne nous aide pas dans l'exercice, mais je crois, sans faire de projection, comprendre les raisons pour lesquelles il y a un braquage, un refus d'accepter la motion de ma collègue, collègue d'Hochelaga, du côté ministériel. Et, en relisant le rapport Taylor-Bouchard -- pour le public qui nous écoute, je les renvoie à la page 81 -- il n'y a pas que l'élément mentionné à l'article 6 qui fasse désordre, il y en a 13 autres cas qui ont été rapportés... disons, recensés dans ce rapport. Et, pour chacun de ces cas, des instances juridiques ont été sollicitées: la Commission des droits de la personne, la commission de la jeunesse, Tribunal des droits de la personne du Québec, cour municipale de Montréal, Cour supérieure de Québec, Cour d'appel fédérale et Cour suprême du Canada.

«De façon générale, l'opinion publique découvrait -- et je lis ce que nous rapporte le rapport Taylor-Bouchard -- durant cette période, les nouvelles obligations juridiques découlant de l'évolution de la jurisprudence et de l'entrée en vigueur des chartes» sans pour autant qu'émergent de vives controverses quant au bien-fondé des pratiques d'accommodement.

Les congés religieux font également désordre, mais ils ne sont pas rapaillés dans ce projet de loi. L'érouv, à Outremont, fait également désordre, mais il n'est pas rapporté dans ce projet de loi. Le port des signes religieux fait également désordre, mais la seule cible, c'est un pan de tissu et c'est, en réalité, la burqa ou le niqab qui est visé par ce projet de loi, quoi qu'on dise. Les souccahs, à Outremont, font désordre mais ne sont pas rapportés dans ce projet de loi. La synagogue, à Outremont. Les prières dans les conseils municipaux, ma collègue de Rosemont en parlait avec intelligence et sagesse hier. Le kirpan, où l'affaire Multani a été rappelée. Le sapin de Noël à l'hôtel de ville de Montréal. Des services d'autocar chez les Juifs hassidiques d'Outremont. Les lieux de prière à l'École de technologie supérieure. Le tribunal islamique et la charia. L'expulsion de deux ambulanciers est un épisode qui a également fait jaser, deux ambulanciers d'un café de L'Hôpital général juif. Le projet de chapelle multireligieuse à l'Université Laval. La synagogue de Val-Morin. Le local de prière à l'Université McGill. On a eu l'épisode des vitres givrées du YMCA. On a le port du turban au port de Montréal. On a les bains séparés, les demandes de soins prodigués par des femmes médecins. Et j'en passe.

Sans faire de projection, je disais: Est-ce que c'est par peur, justement, de ne pas susciter une controverse qu'on a peur de ne pas contrôler qu'on vise essentiellement dans ce projet de loi le port de la burqa et du niqab? Est-ce que c'est par peur de perdre le contrôle du débat public qu'on évite de préciser la nature de l'accommodement dont il est question dans ce projet de loi? Et là j'interpelle l'intelligence du public, qui, à ma connaissance, a suivi tous les débats entourant la pratique des accommodements au Québec depuis 2006.

On a eu, avant l'épisode de la jeune femme au cégep de Saint-Laurent qui refusait d'enlever son vêtement masquant son visage, on a eu des crises. Il y en a que j'ai énuméré dans ce qu'a rapaillé le rapport Taylor-Bouchard. Le gouvernement a appelé une commission qui a déposé des recommandations qui, malheureusement, n'ont pas été suivies depuis trois ou quatre ans. Il a fallu, après le dépôt des recommandations de la commission Taylor-Bouchard, cet épisode malheureux de cette jeune femme au cégep de Saint-Laurent pour provoquer un mouvement du côté gouvernemental et, donc, pour plancher, dans un premier temps, sur un projet de loi numéroté 16 qui est rejeté aux calendes grecques et, par la suite, aboutir à celui dont nous parlons aujourd'hui, un projet de loi qu'on ne veut pas nommer, un projet de loi qu'on refuse d'identifier tel qu'inspire sa substance, son objectif, sa cible.

Je pense, Mme la Présidente, qu'au-delà de tous les autres domaines dans lesquels nous perdons de la crédibilité en tant qu'élus du peuple des occasions comme celle-ci nous engagent à assumer nos actes, à assumer nos prises de position, à assumer nos choix. Un projet de loi, ça s'assume dans toute sa latitude. Et, à partir du moment où on assume, on le vend d'autant mieux à la population, qui, elle, s'attend à naviguer à vue dans les méandres de la justice, dans les méandres et les complexités de la vie sociale avec tout ce que nous recevons comme diversité culturelle, tout ce que nous recevons comme diversité religieuse. Et, considérant le potentiel explosif au plan des rapports à l'altérité, il y a lieu de savoir, du point de vue, de la perspective de la population, où nous logeons, où nous allons. Et, clairement, ici, ce n'est pas un projet de loi vague, il est ciblé, et il faut que cette population le sache pour que lui, à son tour, puisse s'en servir à dessein sans naviguer dans le flou, et c'est un service que nous nous rendrions nous-mêmes que d'assumer ce que nous faisons ici, c'est un service que nous rendrions à notre société. Je n'ai plus le temps, c'est ça? O.K. C'est beau.

**(12 h 30)**

La Présidente (Mme Vallée): Je ne voulais pas vous interrompre, mais vous avez épuisé votre temps.

M. Kotto: O.K.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, M. le député de Bourget. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement déposé par Mme la députée de Rosemont? Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Poirier: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Pour votre information, Mme la députée, il vous reste, sur votre temps, 12 min 30 s.

Mme Poirier: Mme la Présidente, hier, lorsque l'on s'est quittés à la fin de nos travaux, je vous faisais part d'un texte de la députée de La Pinière. Voyez comme je prends bien vos recommandations à la lettre. Et la députée de La Pinière, en janvier 1994, avait publié un texte dans La Presse, un texte fort riche en enseignements, un texte qui s'appelait Voile: Les femmes musulmanes ne sont pas un groupe monolithique. Elle était, à cette époque, présidente du Centre maghrébin de recherche et d'information et elle nous traçait dans ce texte un historique du port du voile dans les sociétés arabes, je vous dirais... dans la société arabe, mais surtout en faisant des références à l'histoire, mais l'histoire, vraiment, du début, début, début de l'histoire et en faisant surtout la démonstration que le port du voile était un port du voile religieux et politique. Il y avait là une connotation aussi politique que religieuse.

Et je vous parle de ça, Mme la Présidente, parce que le projet de loi que l'on a devant nous, ce qu'il vient faire... Et je prends les propos de la ministre, qui nous a dit que le projet de loi apporte des balises. Le projet de loi n'apporte pas de balises, il vient préciser, il vient codifier dans le cadre d'un projet de loi, ce qui existe déjà. Il n'apporte rien de nouveau, sauf l'article 6. Et qu'est-ce que l'article 6, Mme la Présidente? Bien, l'article 6, c'est le port du voile, le port du voile, qui est un signe religieux. Alors, toute cette grand-messe, que je vais appeler, qui est cette commission parlementaire, qui a été les consultations publiques sur un projet de loi qui n'a aucun autre effet, aucun autre effet que celui qu'on connaît déjà, qui n'a d'autre effet -- excusez-moi -- qui n'a d'autre effet... qui n'en a aucun autre que celui de venir ajouter à ce qui existe déjà... Il vient ajouter que le fait de porter un niqab ou une burqa, dans notre société québécoise, est dorénavant interdit. Il est interdit pour recevoir un service public et il est interdit pour donner un service public. C'est ça que ça vient faire, le projet de loi, là, sans plus ni moins.

Donc, le projet de loi, ce qu'il vient faire, c'est préciser un accommodement raisonnable à motif religieux. Et c'est ça, l'introduction de l'amendement de ma collègue parce que le reste des accommodements raisonnables sont tellement bien balisés par la Commission des droits de la personne, sont codifiés, sont justifiés, la jurisprudence, elle est vaste et très riche en enseignement, on le voit très bien que, lorsqu'une personne handicapée... Et, d'ailleurs, on se rappellera que c'est le premier cas d'accommodement raisonnable, on apprend tous ça dans nos cours de droit 101, là. Alors, premier accommodement raisonnable, la notion d'accommodement est arrivée par une demande d'une personne qui voulait des mesures en lien avec son handicap. Eh bien, ça, c'est bien documenté. Le projet de loi ne vient pas encadrer les personnes handicapées, pas du tout. Il ne vient pas encadrer les gens en fonction de leurs demandes parce que les femmes ont une grossesse. Pas du tout, ça ne vient rien faire de ça, ça n'a aucun lien avec ce volet-là des accommodements raisonnables. Le projet de loi, la seule chose qu'il vient faire, c'est préciser que, pour un motif religieux qui s'appelle un niqab ou une burqa, eh bien, là, l'État peut intervenir. C'est la seule chose.

Est-ce que l'État, est-ce que le gouvernement a l'intention d'ajouter d'autres signes religieux? Ah! ça, on ne le sait pas. Mais ce qu'on sait, c'est qu'en laissant la porte ouverte, en ne précisant pas pour motif religieux, ce projet de loi là ne répond pas du tout aux 13 arguments que mon collègue vient de citer du rapport Bouchard-Taylor parce que... Et, en plus, la démonstration était très éloquente de ce que mon collègue vient de faire parce qu'au moins 50 % des faits qu'il a évoqués étaient des faits à connotation municipale.

Et un des éléments dont on n'a pas tenu compte hier -- et, à la réflexion, j'ai pensé à ça plus tard -- un des éléments qui ne s'appliquera pas, c'est la cour municipale du Québec. Si ça ne s'applique pas aux municipalités, la cour municipale ne sera pas incluse, ce qui veut dire que la cour municipale n'est pas assujettie à cette loi-là, ce qui a des impacts importants, Mme la Présidente. Les conseils d'arrondissement, qui ont la responsabilité de l'urbanisme à Montréal, ne sont pas assujettis à cette loi. Ils ne sont pas assujettis parce que les municipalités ne le sont pas. Alors, les motifs religieux qui pourront être invoqués dans les conseils d'arrondissement pour des décisions d'urbanisme ne pourront pas être assujettis à la loi ici présente, qui, on le voit bien, est très restrictive, très restrictive sur son objet parce que son objet, finalement, ce n'est rien d'autre que le niqab et la burqa.

La ministre nous a dit hier que les conditions, c'étaient les articles 4, 5 et 6. Qu'est-ce que les articles 4, 5 et 6? L'article 4, c'est le respect de la charte. On n'a pas besoin de venir écrire ça dans une loi, de dire qu'il faut respecter la charte. On n'a pas besoin d'avoir une loi qui nous dit de respecter la charte. La charte, elle est là pour être respectée, on n'a pas besoin d'une autre loi pour venir nous le dire. Et, dans l'article 4, on vient préciser l'égalité hommes-femmes. Ce que dit l'article, on en a eu les interprétations les plus variables.

**(12 h 40)**

Le Conseil du statut de la femme nous dit que cet article, de la façon dont il est écrit, vient faire en sorte de superposer le droit à l'égalité hommes-femmes à tous les autres droits, ce que la ministre et son gouvernement ont dit le contraire. Alors là, on a déjà une bataille juridique en chemin, là, qui s'en vient, là. Ça, c'est sûr et certain, là. Le Conseil du statut de la femme a été très, très clair. Et on se rappellera, il y a eu des affirmations de faites à l'effet que le conseil avait participé à l'élaboration de ce projet de loi là. Alors, si le Conseil du statut de la femme, qui écrit ça de cette forme-là en disant que la façon de l'écrire vient faire en sorte que l'égalité hommes-femmes vient se superposer aux autres droits par cette forme d'écriture là et que la ministre et son gouvernement disent le contraire, déjà là on s'installe dans un débat assez large et, surtout, un débat qui va aller se faire interpréter par un tribunal, qui, on peut tout de suite se l'apprécier, ne sera pas celui... On va aller en appel d'une décision du Québec puis on va se ramasser devant la Cour suprême, qui va décider comme elle décide dans les autres cas, on le voit bien, ne décide jamais dans le sens où le Québec veut bien décider.

La deuxième condition à l'article 4, on nous parle du principe de la neutralité religieuse de l'État. Ce n'est pas écrit nulle part, ça, là, là. On introduit cela, mais sans qu'il y ait de fondement en tant que tel. Alors, c'est là, on introduit un principe qui n'est pas écrit comme principe.

La ministre nous parle comme deuxième condition l'article 5, ce sont les contraintes excessives. On n'a pas besoin de venir écrire dans une loi l'article 5, ça existe. Et ça, ça s'appelle la jurisprudence, qui définit qu'est-ce qu'une contrainte excessive. Alors là, encore là, on ne vient rien changer.

Et la troisième condition, c'est le visage découvert. Ah! ça, c'est nouveau. Ça, c'est nouveau. Ça, c'est la seule... Dans le fond, le motif de ce projet de loi là, l'objet de ce projet de loi là, c'est le visage découvert. Et le visage découvert pourquoi? Pour interdire le niqab et la burqa. Que sont ces deux objets-là? Eh bien, notre collègue la députée de La Prairie le précise très bien, le précise très bien, et je vous fais lecture d'un petit paragraphe qu'elle écrit dans le document du 15 janvier 1994: «Étymologiquement, le hidjab...» Deux, quatre?

La Présidente (Mme Vallée): ...il vous reste deux minutes.

Mme Poirier: Deux? Bon, d'accord. «Étymologiquement, le "hidjab", du verbe "hajaba", signifie cacher -- tout de suite en partant, on vient de comprendre, qui signifie -- dérober au regard. Le voile est appelé différemment selon les modes et les façons de le porter. Les termes les plus souvent utilisés en arabe classique sont le "hidjab" -- voile couvrant les cheveux -- le "khimar" -- le châle -- le "niqab" ou "litham" -- voile cachant le visage -- sans compter les multiples dénominations [que l'on] retrouve dans les autres langues comme le persan -- le tchadour -- le turc -- le tcharchaf -- et les multiples parlers locaux -- haïk, djellaba, etc.»

Le projet de loi vient nous dire «à visage découvert». «À visage découvert», dans le fond, ce qu'on vient faire, c'est de dire à Naïma qu'on va prendre une loi... On prend une loi dans laquelle on cache un article pour dire à Naïma: Tu n'as plus le droit de porter ton niqab, tu n'as plus le droit de porter une burqa au Québec si tu veux aller à l'école. Il me semble, Mme la Présidente, qu'on prend un grand véhicule pour simplement dire ça à une étudiante, un grand véhicule. On a convoqué des dizaines et des dizaines de personnes ici, en commission parlementaire, pour venir dire à une étudiante qui décide d'apprendre le français et qui refuse de se conformer au code vestimentaire, dans le fond, du Québec... Tout ce qu'on avait à faire, c'est de lui dire qu'elle ne pouvait pas porter son niqab ou sa burqa. Si c'est ça, l'intention du gouvernement, on n'avait pas besoin de faire tout ce grand branle-bas. Parce que, dans le fond, le manque de courage qu'on a actuellement au gouvernement, c'est de ne pas introduire le fait que c'est pour des motifs religieux. Et ça, c'est un manque de courage. Merci.

La Présidente (Mme Vallée): Je vous remercie, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Mme la députée de Rosemont. Simplement pour votre information, il vous reste également 12 minutes.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Vallée): Oui. Oh! Mme la ministre, vous souhaitez...

Une voix: ...

La Présidente (Mme Vallée): D'accord.

Mme Weil: Pour la députée d'Hochelaga, juste un point de clarification. C'est très juridique, mais, puisque la députée a mentionné qu'il y a de la jurisprudence qui établit la contrainte religieuse, il en est de même pour la neutralité religieuse de l'État. Et c'est de là que ça vient parce que ça découle justement, d'une part, de la liberté de religion et du droit à l'égalité des chartes. Et c'est bien confirmé par la jurisprudence, mais je pense que, pour la transcription et pour les gens qui nous écoutent, qui veulent comprendre...

Une voix: ...

Mme Weil: Non, mais vous avez parlé de jurisprudence dans un cas pour les contraintes excessives, mais que d'où vient ce concept de neutralité, c'est pour confirmer parce que je pense que c'est important. On a l'occasion de bien faire comprendre le fonctionnement de la Charte des droits et libertés. Moi, je pense que c'est utile comme exercice. Alors, c'est dans l'arrêt Congrégation des témoins de Jéhovah de Saint-Jérôme-Lafontaine contre Lafontaine. C'est un arrêt de 2004 et c'est le juge Lebel qui s'exprime ainsi concernant la neutralité. Vous connaissez... religieuse. «Cette liberté fondamentale -- la liberté de religion -- impose à l'État et aux pouvoirs publics une obligation envers l'ensemble des religions et des citoyens, soit une obligation de neutralité religieuse garante de la tolérance individuelle ou collective, préservatrice de la dignité de chacun et de l'égalité de tous.» Alors, c'est un principe qui a été repris par la Cour d'appel, et c'est bien établi que ce concept de neutralité découle des chartes de droits et libertés, et c'est pour ça que l'article est écrit dans ce sens-là.

Et j'ai aussi quelques clarifications. Il a énuméré une série de cas, mais il faut faire la distinction parce qu'il y avait beaucoup de confusion dans les cas qui ont été nommés. Il faut vraiment regarder. On est dans un cas d'accommodement lorsqu'il y a une atteinte à un droit fondamental. C'est vrai que, dans la société, il y a des arbitrages, il y a des discussions, mais l'accommodement est déclenché lorsqu'on a atteinte à un droit fondamental. C'est une grosse distinction entre la coexistence de différentes communautés et les genres de débats qui peuvent se produire dans une société qui est tout à fait normale, dans une société démocratique, et on ne voudrait pas vivre dans une société où ces débats-là seraient étouffés pour une raison quelconque. Alors, il faut vraiment être précis, c'est lorsqu'il y a une demande d'accommodement, une demande de respecter un droit fondamental, et donc, je dirais même que toute l'argumentation du député de Bourget vient confirmer l'importance de ce projet de loi. Quand j'entends ce genre de confusion, je me dis: Eh bien, le projet de loi a sa valeur parce qu'on va venir expliquer c'est quoi, l'accommodement, et qu'est-ce qui déclenche une demande d'accommodement. Nous, on se base sur... Évidemment, je me base sur la charte et la jurisprudence. Il faut vraiment regarder cas par cas lorsqu'un accommodement... et c'est ce qu'on vient dire dans le projet de loi, c'est qu'est-ce qui déclenche et quand est-ce qu'un accommodement est raisonnable ou lorsqu'il est déraisonnable.

La Présidente (Mme Vallée): Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, Mme la Présidente. Alors, je pense que, de ce côté-ci de la table, on a quand même raison de dire... parce que, si vous lisez la charte québécoise d'un bout à l'autre, là -- elle est épaisse, en effet, puis vous l'avez lue autant que nous -- nulle part n'est-il dit que le Québec est un État neutre et laïque. Et c'est là-dessus que nous allons, bien évidemment, revenir au fil de l'étude de ce projet de loi parce que nous considérons, en effet, que les juges... Je connais bien le juge Lebel, il habitait pas loin, ici, à côté, puis moi de même. Alors, notre jeunesse, on l'a passée à peu près côte à côte. Il est devenu juge de la Cour suprême, c'est un juge que je respecte, évidemment, beaucoup.

Ceci étant dit, c'est un des points de divergence entre le gouvernement et l'opposition, à savoir l'état du droit actuel, c'est une chose qui est consignée, en effet, dans ce projet de loi, mais le nouveau droit, parce qu'on est là pour faire du nouveau droit comme législateurs, eh bien nous disons qu'il n'y a que l'article 6 qui est relativement significatif. Mais on y reviendra aussi, là-dessus. Alors, il y a une divergence fondamentale, et c'est pour ça que nous présentons une série, donc, d'amendements et que, quand on arrivera dans ces articles-là concernant la charte, eh bien ce ne sera pas une surprise pour le gouvernement que nous voulions inclure dans la charte québécoise des droits et libertés, là où on peut agir... On ne peut pas agir sur la Charte canadienne des droits et libertés, mais on peut agir sur la charte québécoise.

**(12 h 50)**

Déjà, ce projet de loi n° 391, déposé par la chef de l'opposition il y a déjà, je crois, deux ans de ça... Nous allons, à l'occasion de l'étude de ce projet de loi ci, puisqu'on parle de la charte, on va essayer de faire dire les choses telles qu'elles sont, et non pas en fonction de la jurisprudence, des jugements, etc., vouloir dire les choses... Et c'est pour moi une préoccupation parce que, quand la ministre dit, Mme la Présidente, qu'il y a de la confusion, bien permettez-moi, très gentiment, de dire que ce projet de loi n'aide pas à rendre la confusion générale moins confusionnante, pour employer un euphémisme, d'ailleurs, alors... et un néologisme aussi.

Alors, cette confusion, elle est là, en effet, mais je crois que le projet de loi y participe, à cette confusion générale, puisqu'il ne règle rien puis il ne dit même pas ce qu'il veut régler. C'est-à-dire c'est un accommodement, dans le fond, qu'il veut régler pour motifs religieux. Ce n'est pas des accommodements pour motifs religieux, c'est un accommodement. Et cet accommodement-là, il concerne, puis je l'ai expliqué hier... L'historique du dépôt du projet de loi, je veux dire, est d'une grande clarté chronologiquement, il est dû à cet incident qui s'est produit dans un cégep, le cégep Saint-Laurent, etc. Tout le monde connaît ça, tout le monde sait ça, mais il faut le dire et le répéter. Alors, motifs religieux pour motifs religieux, je pense qu'il faut le dire et l'inclure parce que, sincèrement, c'est de ça dont il s'agit.

Il est vrai, Mme la Présidente, que toute cette question d'accommodement pour motifs religieux pose énormément, je dirais, non seulement de questions, mais, dès qu'il en est question, de ces accommodements pour motifs religieux, eh bien il y a beaucoup, beaucoup de débats, de discussions dans la société québécoise. Et il faut essayer, en effet, de chercher les plus grands consensus possible, mais je ne crois pas c'est ce que fait le projet de loi, puisqu'il évite les questions qui fâchent ou les questions qui vont au coeur même des accommodements pour motifs religieux. Il n'en traite que d'un, et qui est celui du niqab et de la burqa, et qui est tellement, pour moi, je l'ai dit dès le départ, une évidence, là... Très franchement, c'est la moindre des choses que l'on dise à visage découvert et pour recevoir ou donner des services publics.

Alors, vous le savez, dans La Gazette des femmes, récemment la présidente du Conseil du statut de la femme, dont on a beaucoup parlé, dont ma collègue d'Hochelaga-Maisonneuve a parlé tout à l'heure, annonçait qu'il y aurait un avis sur la laïcité. J'espère que ce sera pendant nos travaux, qui seront longs et qui seront fructueux, je n'en doute pas, sur ce projet de loi ci, 94, et que, pendant qu'on sera donc en commission parlementaire, ça nous éclairera, j'espère, et qu'on devra se prononcer. C'est quand même le Conseil du statut de la femme, c'est l'organisme consultatif privilégié du gouvernement sur les questions concernant les droits des femmes. Et, je l'ai dit dans une autre commission parlementaire à la ministre de la Condition féminine, je sais que ça ne fait pas toujours plaisir, les avis des conseils que l'on crée, mais ce sont des avis qui sont toujours substantiels, des avis qui sont vraiment très structurants. Alors, l'avis sur la laïcité, moi, je souhaite... en tout cas, j'espère qu'on l'aura comme document de référence pendant nos travaux, et de telle sorte qu'il nous servira. Je ne sais pas ce qu'il y a dedans, très franchement. Très franchement, je n'ai aucune idée. Mais cet avis-là est annoncé, alors ce sera certainement un avis intéressant pour nous et puis pour nos travaux.

Alors, je disais que, quand on parle de ces accommodements pour motifs religieux, parce que c'est ça qui est la question, je veux dire, très franchement, tous les autres types d'accommodement de par l'article 10 de la charte me semblent assez... évidemment, ne pas être partie de la discussion vive que l'on peut avoir dans une société démocratique comme la nôtre -- pour moi, c'est tout à fait normal, là -- sur les questions d'accommodement religieux.

Et, quand je dis qu'il y a beaucoup de confusion, je m'en rends compte parce qu'en réponse, donc, aux amabilités que le maire Tremblay de Saguenay a proférées à mon endroit, j'ai décidé de ne pas répondre sur le même ton. Au contraire, je ne souhaite absolument pas d'escalade. Puis, ici, on voit bien qu'il n'y en a pas. En tout cas, nous, là, on peut être en désaccord, on constate nos désaccords, et puis on fonctionne, je veux dire, correctement dans notre commission, peu importent, donc, les désaccords que l'on peut avoir.

Donc, j'ai décidé de ne pas répondre au maire Tremblay sur ce ton-là et qu'il n'y ait pas d'escalade personnelle, mais j'ai donné un certain nombre d'entrevues dans des médias du Saguenay pour essayer d'exposer notre position à nous, bien sûr, du Parti québécois, et pour me rendre compte, en effet, que tout ça, là, est compliqué -- ils ont le projet de loi n° 94, ils ne savent pas trop de quoi ça traite, même s'il n'est pas très long, chacun pourrait peut-être, en effet, le lire -- mais en essayant d'expliquer que la laïcité ou les accommodements religieux qui en découlent, de la neutralité de l'État, eh bien on n'a pas la même vision, en effet, que celle du gouvernement parce que nous croyons que chacun, bien évidemment, peut croire ou ne pas croire, que c'est... Ça s'appelle, ça, la liberté de conscience. Ça ne s'appelle même pas la liberté de religion parce que c'est la liberté de croire ou de ne pas croire. Il faut d'abord commencer par ça. Bon. Et puis, ensuite, ceux qui croient, qui ont, donc, des croyances religieuses, peuvent, bien sûr, pratiquer ces croyances religieuses et tous les rites qui se rattachent à ces croyances religieuses puis aussi afficher, bien évidemment, ces croyances religieuses non seulement dans leurs lieux de culte, mais dans l'espace public.

Et c'est pour ça que j'ai toujours fait la distinction avec un autre espace qui est celui de l'espace civique, parce que, nous, de notre côté, nous croyons, en effet, que la neutralité de l'État, la séparation de l'Église et de l'État, la laïcité de l'État incluent celle des agents de l'État, ce qui veut donc dire que, par conséquent, quand on choisit d'être fonctionnaire de l'État, d'être un agent de l'État, eh bien il y a des droits et obligations, des droits et devoirs dans la Loi de la fonction publique. Et je vous ferai remarquer qu'à l'article 10 de la charte il est bien dit que l'expression des convictions politiques est un des droits aussi. Eh bien, pas quand on est fonctionnaire. Dans la Loi de la fonction publique, il est dit: Quand on est fonctionnaire, on ne peut pas afficher ses convictions politiques. Bon. Alors, fort heureusement, d'ailleurs, parce qu'on retrouverait dans nos fonctions publiques respectives, enfin, les débats que l'on doit avoir quand on est élu, etc. Alors, nous, on dit qu'il doit y avoir donc aussi des... on ne doit pas afficher ses convictions et son appartenance religieuse quand on est un agent de l'État. C'est une différence fondamentale avec le gouvernement.

Bon, il y a beaucoup d'autres divergences sur la vision, donc, de ce vivre-ensemble, comment ce lien, cette cohésion sociale quand on est une nation, quand on se veut une nation, une nation qui n'est pas souveraine, qui n'est pas indépendante, qui est à l'intérieur du Canada, alors une minorité au Canada qui se dit une nation... Donc, moi, c'est pour ça que je ne veux pas qu'on revienne aux ethnies. On n'est pas des... on est tous des Québécois, on est une nation. Bon, je ne veux pas qu'on soit définis autrement que par l'inclusion de chacun dans cette nation.

Alors, moi, je répète et je dis en terminant, Mme la Présidente, qu'il faut dire ce dont on parle. Ce dont on parle dans ce projet de loi, c'est d'un accommodement pour motifs religieux. les balises à cet accommodement pour motifs religieux. Alors, voilà, c'est pourquoi nous avons présenté cet amendement.

La Présidente (Mme Vallée): Je vous remercie, Mme la députée de Rosemont.

Alors, compte tenu de l'heure, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures et nous allons nous retrouver. Alors, bon appétit à tous.

(Suspension de la séance à 13 heures)

 

(Reprise à 15 h 6)

La Présidente (Mme Vallée): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs cellulaires.

Alors, rebonjour, chers collègues. Nous en sommes rendus à mettre aux voix l'amendement proposé hier après-midi par Mme la députée de Rosemont, donc l'amendement à l'article 1, paragraphe un de l'article 1, qui a été déposé par Mme la députée de Rosemont.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Vallée): Vote nominal, d'accord. Alors, nous procédons au vote.

La Secrétaire: Alors, Mme Beaudoin (Rosemont)?

Mme Beaudoin (Rosemont): Pour.

La Secrétaire: Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve)?

Mme Poirier: Pour.

La Secrétaire: M. Kotto (Bourget)?

M. Kotto: Pour.

La Secrétaire: Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce)?

Mme Weil: Contre.

La Secrétaire: M. Bernard (Rouyn-Noranda-- Témiscamingue)?

M. Bernard: Contre.

La Secrétaire: M. Matte (Portneuf)?

M. Matte: Contre.

La Secrétaire: M. Auclair (Vimont)?

M. Auclair: Contre.

La Secrétaire: Mme Vallée (Gatineau)?

La Présidente (Mme Vallée): Abstention.

La Secrétaire: 3 pour, 4 contre, 1 abstention.

La Présidente (Mme Vallée): Alors donc, l'amendement est rejeté. Nous allons poursuivre l'étude du paragraphe un de l'article 1.

Mme Poirier: Alors, Mme la Présidente, j'aurais un amendement à déposer.

La Présidente (Mme Vallée): D'accord. Est-ce que vous pourriez nous transmettre copie de votre amendement et en faire la lecture?

Mme Poirier: Ça en prendrait une autre copie.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Poirier: Alors, merci, Mme la Présidente. Alors, l'article 1 est modifié dans son premier alinéa par l'insertion, après le mot «accordé», des mots «sans qu'il ne constitue une contrainte excessive».

La Présidente (Mme Vallée): Est-ce que vous pouvez procéder aux explications, s'il vous plaît?

Mme Poirier: Oui, bien sûr, Mme la Présidente. J'apprécierais, cependant, que copie soit remise à l'ensemble des députés qui constituent cette commission.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, simplement pour une question de bon déroulement de nos travaux, si c'était possible de soumettre les amendements prévisibles, là, d'ici l'après-midi au page, de sorte que nous puissions distribuer sur dépôt les copies et éviter des délais inutiles.

Mme Poirier: Alors, on voit l'efficacité de notre page actuellement, Mme la Présidente, c'est extraordinaire.

La Présidente (Mme Vallée): Oui. Et on le remercie.

Mme Poirier: Alors, je procède, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Vallée): Oui, s'il vous plaît.

Mme Poirier: Merci beaucoup. Alors, le dépôt de cet amendement-là, qui vient... Et je reprends le texte de loi, Mme la Présidente... Ne bougez pas, je retrouve ma loi, là. Merci. Bien. Alors, le premier alinéa de la loi nous dit: «La présente loi a pour [but] d'établir les conditions -- malheureusement, on a refusé, là, l'amendement que nous demandions, qui était minimal -- dans lesquelles un accommodement peut être accordé en faveur...» Et ce qu'on l'on souhaite ajouter... Est-ce qu'il y a un problème, M. le député de Vimont?

M. Auclair: Non, je faisais juste constater la logique de l'évolution de votre pensée.

La Présidente (Mme Vallée): Vous pouvez continuer, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

**(15 h 10)**

Mme Poirier: Merci. Merci beaucoup. Alors, je reprends. Alors, le but de la modification, c'est... Dans le fond, comme je le disais, le texte se lit ainsi actuellement: «La présente loi a pour objet d'établir les conditions -- malheureusement, notre premier amendement que nous avions proposé, qui spécifiait les conditions minimales et qui... dans le fond, pour nous, c'est le minimum que sont les articles 4, 5 et 6, et ce sont vraiment des minimums -- dans lesquelles un accommodement peut être accordé...»

Et, pour nous, cet accommodement-là peut être accordé sans qu'il ne constitue une contrainte excessive. Alors, Mme la Présidente, il est très important de revenir sur, d'ailleurs, la discussion que nous avons eue ce matin. Et je rappellerai que la ministre, ce matin, nous a mentionné que selon... Même hier, elle nous l'a spécifié, que les conditions aux articles 4, 5 et 6, donc à l'article 5, qui représente les contraintes excessives... Alors, pour nous, il est très important de venir rappeler tout de suite dans l'objet de la loi, au premier alinéa, ces contraintes excessives. Alors, pour nous, le «sans qu'il ne constitue une contrainte excessive» vient faire une forme de graduation, et ça, c'est important.

Pour nous, le législateur, on a un devoir de précision, on a un devoir de s'assurer que la loi dise bien ce qu'elle veut dire. Et, je l'ai dit ce matin, Mme la Présidente, pour nous, de ce côté-ci de la de la commission, il est bien clair que ce projet de loi là, ce qu'il vient faire, c'est tout simplement venir dire à Naïma: Tu n'as pas le droit de porter ton niqab ni ta burqa. C'est exclusivement pour ça qu'on est ici aujourd'hui et que nous sommes ici, d'ailleurs, depuis plusieurs heures, plusieurs jours, et pour lequel on a convoqué des centaines de personnes, Mme la Présidente. Moi, je serais surprise de voir combien ça coûte aujourd'hui... à venir jusqu'à ce jour, combien a coûté cette commission pour dire à une étudiante de ne pas porter un voile intégral dans une classe de français. C'est assez exceptionnel, quand même.

Alors, l'introduction qu'on fait aujourd'hui, «sans qu'il ne constitue une contrainte excessive», eh bien c'est que l'accommodement raisonnable... Et on va aller vraiment dans la définition de l'accommodement raisonnable, c'est qu'au sens juridique l'accommodement est une conséquence du droit à l'égalité, à la protection contre la discrimination, et c'est là qu'il est bien important. Et je rappelle ce que je viens de vous dire, l'objet de la loi, il est clair, c'est de dire à Naïma: Tu n'as pas le droit de porter un niqab ou une burqa. Est-ce que ça n'en fait pas un geste discriminatoire, Mme la Présidente, que de venir dire à une femme -- parce que ce ne sont que les femmes qui portent des niqabs ou des burqas -- de ne pas porter un signe religieux? Ce matin, on a refusé l'argument d'ajouter «motifs religieux», on a refusé de dire «motifs religieux», même si c'est ça, l'objet de la loi. Même si on ne le dit pas, c'est de ça dont on parle. Mais le fait de venir dire qu'il n'y a que deux signes religieux, le niqab et la burqa, qu'on vient identifier dans cette loi-là comme étant ces signes-là qui deviennent interdits... Ce ne sont que les deux seuls. On ne vient pas demander aux Juifs de retirer le... Comment ça s'appelle déjà, le...

Des voix: La kippa.

Mme Poirier: La kippa. On ne demande pas aux hassidiques de retirer le grand chapeau et le vêtement noir. On ne vient pas demander de retirer le hidjab. On vient demander à des femmes -- parce que ce sont exclusivement des femmes qui portent le niqab et la burqa -- on vient demander à ces femmes, donc, d'une façon discriminatoire, discriminée sur le sexe... Et, puisque les accommodements raisonnables sont justement là pour éviter la discrimination, entre autres, sur le sexe, la grossesse, un handicap, l'âge, l'origine ethnique et la religion, alors là il y a quelque chose qui ne fonctionne pas, là. On fait une chose pour ne pas faire ce qu'on ne veut pas faire et, finalement, on le fait par la porte d'en arrière.

Alors, moi, je suis un peu mélangée, Mme la Présidente, là, sur l'orientation que veut prendre la ministre parce qu'en refusant ce matin le motif religieux elle vient nous dire que, finalement, le niqab et la burqa ne sont pas des signes religieux. Je ne sais pas d'où elle prend ça, là, mais c'est ce qu'elle vient nous dire. Elle vient nous dire qu'elle refuse le motif religieux en faisant comme une admission que ce n'est pas ça, le problème, présentement quand, on le voit bien, à la commission Bouchard-Taylor -- mon collègue a fait le tour de l'ensemble des dossiers qui avaient été soumis à Bouchard-Taylor -- les 13 identifications, eh bien ces 13 identifications là étaient à motif religieux.

L'accommodement raisonnable, et dans sa dynamique de contrainte excessive... Et, d'ailleurs, je citerais la ministre, en mai 2010, qui nous parlait des accommodements. Et je la cite, elle nous disait: «Il cesse d'être raisonnable lorsqu'il impose une contrainte excessive eu égard, entre autres, aux coûts qui s'y rattachent, à ses effets sur le bon fonctionnement de l'organisme ou sur les droits d'autrui. En d'autres mots, l'accommodement devient déraisonnable.»

Pour moi, un accommodement raisonnable... Et il faut vraiment revenir à cette notion de l'accommodement raisonnable, l'accommodement raisonnable, c'est qu'il vient limiter un droit, il vient introduire de la discrimination, il vient faire en sorte que l'égalité entre les hommes et les femmes n'est pas respectée. Ça ne vient pas protéger un acquis. En tout cas, je pense que la société québécoise a un acquis qui est l'égalité entre les hommes et les femmes. Je pense que, pour nous, on ne remet plus ça en question. Mais il y a encore... il y a des gens qui vivent au Québec et qui remettent l'égalité en question. Il y a eu des groupes qui sont venus nous dire ici que ce n'était pas quelque chose qui était acquis. Et l'égalité, c'est l'égalité aussi dans les faits aussi, ce n'est pas juste l'égalité des hommes et des femmes.

L'ensemble des phénomènes que nous a rapportés mon collègue, entre autres, j'en prends une... J'en prends une que mon collègue n'a pas... Puisqu'il y en avait tellement, il ne les a pas toutes prises. Je prendrais une, entre autres, qui est, dans le fond, assez étonnante. Le 6 octobre 2007, l'imam Saïd Jaziri, qui fait les manchettes, participait à une émission de télé où les autres invités n'avaient pu boire de vin en sa présence. Ça m'apparaît une contrainte, ça. C'est une contrainte pour le reste des gens. Pourquoi la présence d'une personne dans une pièce fait en sorte de diminuer les droits des autres? Ça, on ne parle pas d'égalité. On ne parle sûrement pas de la protection des droits de chacun, c'est le droit de la minorité qui l'était versus les droits de la majorité. Ça en fait aussi une forme de discrimination, puisque certains n'ont pas eu droit à faire ce qu'ils voulaient.

Je suis toujours très étonnée de voir que ce projet de loi là est tellement restrictif, restrictif dans sa forme, puisque Bouchard-Taylor, là, ça a duré des semaines et des semaines, hein, ils ont écrit un rapport, et ce rapport-là fait justement la mention d'un ensemble de situations qui se sont produites au Québec, des situations qui ont, malheureusement, fait la une des journaux souvent. Pour du sensationnalisme, sûrement aussi, et ça, moi, je le concède. Mais, malheureusement, Mme la Présidente, souvent ce sont les droits de la collectivité qui ont été remis en question versus des accommodements à motifs religieux, et c'est ça qu'il faut se rappeler, là. Saïd Jaziri, quand il se présente sur le plateau de télé et qu'il dit aux gens: Vous ne boirez pas de vin en ma présence... Et je peux vous dire que j'en suis témoin. Entre autres, ma propre voisine chez moi a une fille qui s'est convertie, et, lorsqu'elle invite sa fille avec l'ensemble du reste de sa famille, ils ne peuvent pas prendre un verre de boisson dans la maison, le conjoint ne l'accepte pas. Ils décident de faire ça dans leur maison...

Une voix: Je ne me convertirai pas.

**(15 h 20)**

Mme Poirier: ...je n'ai aucun problème, ça se passe dans leur maison, c'est parfait. Je ne me convertirai pas non plus. Et là on est dans la sphère privée des gens, on n'a rien à y faire. Mais, lorsque ces revendications sont faites dans la sphère publique ou civique, ah! là, là, ici, le législateur a un mot à dire sur les façons... et ça, ca s'appelle le vivre-ensemble. Malheureusement, ce débat-là n'a pas lieu. Malheureusement, ce débat-là, semble-t-il, n'aura pas lieu parce que le gouvernement actuel préfère se cacher en dessous de la table et faire semblant que ça n'existe pas. Ils ont pris le rapport Bouchard-Taylor, ils l'ont mis sur une tablette, bien enfoui dans un garde-robe pour ne plus s'en rappeler. Ils ont sorti le projet de loi n° 16 pour faire semblant qu'ils s'en occupaient, projet de loi n° 16 qui est mort au feuilleton dès qu'il y a eu une controverse autour, lors de la parution des gens de la RAMQ et de la SAAQ parce que, là, on s'est bien aperçu que ça ne répondait pas du tout aux besoins des ministères et des dirigeants des ministères et des organismes publics. Il est là, le problème, les organismes publics s'attendent du gouvernement des balises. Ils s'attendent à des balises, ils ne s'attendent pas au projet de loi qu'on a devant nous.

Le projet de loi, il ne change rien, il ne change absolument rien, sauf un projet de loi discriminatoire envers les femmes qui vient introduire une obligation seulement qu'aux femmes. Et là j'imagine encore la présidente du Conseil du statut de la femme qui manifeste le fait de dire que c'est discriminatoire, elle a tout à fait raison. Ce projet de loi là sera, naturellement, contesté devant les tribunaux, c'est sûr et certain, on s'en va vers ça parce que le projet de loi ne fait rien d'autre, rien d'autre que d'introduire une obligation à Naïma d'enlever son voile, il ne fait rien d'autre que venir dire aux femmes voilées du Québec: Vous, vous n'êtes pas des citoyennes au même titre que les autres. Ça ne vient pas dire aux citoyens d'enlever leurs signes religieux lorsqu'ils veulent des services de l'État. Ce n'est pas ça que ça vient dire, ça vient identifier une catégorie de personnes en disant: Vous, vous n'avez pas le droit de vivre au Québec de la façon dont vous voulez, vous n'avez pas le droit d'obtenir des services de l'État de la façon dont vous le voulez. C'est totalement discriminatoire.

Alors, Mme la Présidente, je vais m'arrêter ici pour le moment et je vous dis que cette modification que nous apportons n'est pas banale, n'est pas banale. Introduire une modification qui dit «sans qu'il ne constitue une contrainte excessive», je pense qu'il est important de prendre note qu'il ne faut pas... Il ne faudra pas graduer la contrainte pour s'assurer que les droits de l'ensemble de la collectivité des Québécoises soient respectés. Je passerai la parole à d'autres intervenants.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Est-ce que vous souhaitez intervenir, Mme la ministre? Non? Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, Mme la Présidente. Alors, depuis... C'est quoi, on a commencé hier matin, c'est ça? On a présenté un certain nombre d'amendements, d'abord une motion selon l'article 244 de notre règlement parce que les administrations municipales ne sont pas soumises à ce projet de loi alors qu'il y a une très, très longue liste, comme vous le savez, d'organismes qui le sont. Mais curieusement, donc, les administrations municipales ne le sont pas, ce qui, nous, nous pose vraiment un grave problème parce qu'il y aura là nécessairement des incohérences qui vont se produire et se manifester, il va y avoir plein d'incongruités. Il y en a déjà beaucoup, beaucoup, beaucoup, mais là on ne fait rien pour faire en sorte que cette situation-là change et qu'il y ait quand même des règles, je dirais, communes à la fois pour l'ensemble de l'administration gouvernementale... Mais on va aussi chercher dans ce projet de loi... le projet de loi s'applique aux garderies puis même aux garderies en milieu familial.

D'ailleurs, en passant, Québec solidaire est venu nous dire en commission parlementaire, ce avec quoi on n'est pas d'accord, mais que les garderies en milieu familial, qui sont touchées par le projet de loi, ne devraient pas l'être parce que c'est comme le prolongement de la famille, ça se passe dans un milieu familial et que, par conséquent, elles ne devraient pas... Mais, nous, notre réponse à ça, c'est que ce sont quand même des organismes subventionnés, et largement subventionnés, et que, par conséquent, donc, oui, ces organismes-là, comme les CPE, au même titre que les CPE, doivent être soumis à des lois du type du projet que l'on étudie actuellement. Mais les administrations municipales, gros, gros, gros morceau.

Ensuite, on a proposé un amendement sur les conditions minimales, et, là encore, il a été refusé. Celui pour motifs religieux, c'est peut-être, avec l'administration municipale, là, ce qui me désole le plus parce que je pense qu'on reste, comme l'a dit mon collègue de Bourget ce matin en intervenant, dans son intervention... c'est qu'on n'est pas clair, on reste dans l'ambiguïté et on laisse croire que c'est pour autre chose, pour d'autres raisons, pour d'autres motifs que ce projet de loi a été déposé, alors que l'article 6 nous démontre parfaitement bien que c'est pour des raisons, donc, d'accommodement pour motifs religieux uniquement.

Là, on est dans un autre amendement, toujours au premier paragraphe, en effet, de l'article 1, «sans qu'il ne constitue une contrainte excessive», que l'on retrouve aussi à l'article 5. Mais là on est dans la définition, dans l'objet et la définition, et je pense que, quand on parle d'un accommodement, eh bien c'est sans, justement, qu'il ne constitue une contrainte excessive. Là encore, ça vient bien préciser la pensée, me semble-t-il, des législateurs, la pensée qui devrait être la nôtre quand on parle d'accommodement. On ne peut pas dire «accommodement» sans dire «sans contrainte excessive». C'est la définition même, d'ailleurs, des choses parce que cet accommodement pour motifs religieux, donc, qui serait accordé, il faut qu'il le soit sans contrainte excessive, c'est bien évident.

Je peux vous rappeler ce qu'a dit pendant notre commission Diane Guilbault, qui est venue, donc, nous rencontrer, qui est une auteure qui a écrit un livre très intéressant, un tout petit bouquin, mais qui se lit très, très bien et qui est une des meilleures synthèses, à mon avis, de ces questions-là sous un angle d'égalité des sexes et qui s'intitule, d'ailleurs, Démocratie et égalité des sexes. C'est une féministe, c'est une laïque. Elle travaille aussi sur ce site, qui s'appelle sisyphe, qui est une mine d'or de renseignements par rapport à toutes ces questions d'accommodement, mais, elle, bien sûr, son angle, c'est celui de l'égalité des sexes.

Elle dit, par exemple, elle nous dit dans son mémoire que «le projet de loi n° 94 [...] n'aborde que quelques points précis concernant les accommodements dits raisonnables, notamment les services rendus à visage découvert dispensés par les institutions publiques. Par conséquent, on ne saurait prétendre qu'il encadre l'ensemble des demandes d'accommodement, comme son titre le laisse supposer.» Nous, on est parfaitement d'accord avec cette remarque et ce commentaire de Diane Guilbault. Et elle répète une chose à laquelle nous croyons aussi beaucoup: «...la majorité des situations qui posent problème à l'heure actuelle ont trait à l'application de l'accommodement réclamé au nom de toutes sortes de croyances religieuses individuelles, dont plusieurs contredisent de plein fouet les choix démocratiques faits par la société québécoise, en particulier l'égalité des femmes et des hommes.»

Elle dit: «On constate une fois de plus que l'affirmation solennelle d'un principe ne suffit pas à protéger un droit.» Et elle ajoute: «Après 25 ans d'application de cette création judiciaire -- judiciaire --  qu'est l'"accommodement raisonnable", une solide analyse des incongruités qu'elle a engendrées s'impose.» Alors, elle continue en disant: «L'obligation d'accommodement devrait continuer de s'appliquer aux situations comme la grossesse et au handicap, qui sont des situations de fait temporaires ou permanentes. Pour le reste, et particulièrement pour ce qui relève de l'intangible et de ce qui ne se vérifie pas, comme les convictions politiques et religieuses, le législateur devrait abandonner toute obligation d'accommodement.»

**(15 h 30)**

Eh bien, Mme la Présidente, nous, on ne va pas jusque-là, même si ça se défend parfaitement, à mon avis, la position de Diane Guilbault, mais, au moins, que l'on dise d'entrée de jeu, dans Objet et définitions, dans ce premier paragraphe de l'article 1, que l'accommodement ne peut être accordé si... il ne peut être accordé que s'il ne constitue pas une contrainte excessive.

Elle continue -- parce que c'est quand même un débat qui est important, accommodement ou non, en ce qui concerne les motifs religieux ou la liberté de religion, jusqu'où on doit aller dans notre société -- elle dit: «Il [...] semble inéquitable d'accorder à l'obligation d'accommoder pour raison religieuse ou culturelle autant de poids qu'on en accorde à l'obligation d'accommoder pour raison de handicap. Dans le cas d'un handicap, il s'agit d'une situation subie, vérifiable et incontournable, non choisie. Paradoxalement, aujourd'hui, il est plus difficile pour une personne souffrant d'un handicap d'obtenir des accommodements que pour une personne qui invoque ses croyances religieuses personnelles. Il faut, la plupart du temps, que la personne souffrant d'un handicap apporte la preuve de sa situation, billet médical à l'appui. [Mais,] dans les cas [des] obligations religieuses, qui imposent en retour une obligation d'accommodement au vis-à-vis, aucune preuve n'est exigée. Cela, parce que la Cour suprême a statué qu'il fallait respecter n'importe quelle croyance qualifiée de religieuse si le requérant est sincère.» Alors, Diane Guilbault ajoute: «[Voici] ce qui arrive quand le législateur laisse les tribunaux définir les règles de la société.» Ça, c'est un débat qu'on a ici depuis deux jours, qui doit déterminer quoi entre le secteur, disons, législatif et exécutif d'un côté et puis les tribunaux de l'autre. «Comment le projet de loi n° 94, dans son état actuel, pourrait-il empêcher pareille distorsion dans l'application de l'"accommodement raisonnable"?»

Par conséquent, si on accepte -- ce que l'on fait -- qu'un accommodement pour motif religieux puisse exister, eh bien il faut, au moins, dire immédiatement, dans l'article 1, paragraphe un, que ce doit être sans contrainte excessive, puisque c'est la base même justement -- et tout le monde l'a reconnu -- de la nécessité ou de l'obligation d'accorder un accommodement parce que... Il faut dire les choses clairement encore une fois, il faut dire les choses clairement, et ça apporte une précision extrêmement importante parce que l'accommodement, il ne peut pas être accordé automatiquement, il ne peut pas être accordé de façon évidente, il faut quand même qu'il passe ce test, sans qu'il ne constitue une contrainte excessive.

Mme la Présidente, je voudrais revenir parce qu'on discute actuellement et depuis deux jours, donc, de ce projet de loi, et on en discute souvent sans avoir eu au préalable et en amont la vraie discussion qu'il aurait fallu avoir. Depuis le rapport Bouchard-Taylor, donc il y a quasiment trois ans, on l'a rappelé ici, il y a eu le projet de loi n° 16, qui est disparu au feuilleton, nous en sommes au projet de loi n° 94, mais on aurait été beaucoup mieux armés, tout le monde, pour discuter des questions plus larges... Parce que, veux veux pas, même ici, en commission parlementaire, sur le projet de loi n° 94, je dirais que 90 % des mémoires allaient bien au-delà des commentaires sur le projet de loi n° 94, les gens disaient: On veut aborder des questions plus larges que celle... C'est trop réducteur, ma collègue d'Hochelaga-Maisonneuve l'a dit tout à l'heure, c'est trop réducteur que ce projet de loi n° 94. Au bout de deux minutes, une fois que la personne a dit: Est-ce que je suis pour ou contre le port du niqab et de la burqa dans les institutions publiques pour recevoir ou donner des services?, c'était terminé. Alors, comme chacun avait trois quarts d'heure, eh bien le débat, bien évidemment et spontanément, et les mémoires eux-mêmes abordaient des questions beaucoup plus larges concernant la laïcité.

Mais ce n'est pas l'objet du projet de loi. Alors, on a eu des discussions pendant les auditions pendant des semaines, et puis le résultat de ça, eh bien c'est ce projet de loi qui ne touche qu'un accommodement pour motif religieux. Alors, ce que Bouchard, Taylor disaient dans leurs recommandations prioritaires, donc: «Nous présentons, disaient-ils, ci-dessous -- en page 95 du rapport Bouchard-Taylor -- un résumé des recommandations que nous jugeons prioritaires. Les lecteurs trouveront la liste complète des recommandations dans le rapport intégral. Nos recommandations suivent cinq axes principaux:

«1. Elles appellent d'abord à la définition de nouvelles politiques ou de nouveaux programmes relatifs à l'interculturalisme [...] et à la laïcité[...].

«2. Plusieurs recommandations sont liées au thème central de l'intégration.»

Mais c'est là qu'ils disent: Il faut un livre blanc, un projet de livre blanc, dans la première recommandation. La première recommandation du rapport Bouchard-Taylor demandait au gouvernement de déposer un livre blanc.

Je peux au moins poser la question à la ministre parce que, souvent, on l'a affirmé puis on a dit, mais on l'a regretté, on a dit: Mais pourquoi, comment se fait-il que le gouvernement n'a pas suivi la première recommandation de Bouchard-Taylor, qui était de dire: Un projet de livre blanc sur la laïcité? Pas sur la neutralité, pas sur les accommodements, pas sur le niqab et la burqa, mais carrément un projet de livre blanc sur la laïcité. Alors, je me permets... Je ne sais pas si elle voudra me répondre, mais je me permets de demander officiellement à la ministre: Pourquoi il n'y a pas eu de livre blanc sur la laïcité? Pourquoi, Mme la ministre, le gouvernement Charest n'a pas donné suite à cette première recommandation du rapport Bouchard-Taylor, qui était de produire un livre blanc? C'est en page 91 du rapport.

La Présidente (Mme Vallée): Simplement, Mme la députée de... de Rosemont -- c'est ça, désolée -- adresser vos commentaires à la présidence, s'il vous plaît.

Mme Beaudoin (Rosemont): Alors, je continue, Mme la Présidente. Ça fait que, si jamais... Donc, à travers vous, je pose cette question au gouvernement parce que, bon, la ministre est là, c'est elle qui défend ce projet de loi, et on ne peut que regretter très profondément cette situation. Et, moi, je suis sûre qu'on aurait eu un projet de loi beaucoup plus costaud, beaucoup plus substantiel, beaucoup plus intéressant. C'est de ça dont les gens voulaient parler quand ils sont venus nous voir. Il y a déjà la moitié du monde, minimum, des groupes ou des personnes qui sont venus, minimum, même plus de 50 % -- je serais curieuse, on l'a eu, le tableau -- de gens qui ont dit non à ce projet de loi là parce que tout le monde avait ses définitions, tout le monde avait sa vision, et tout, puis qu'on n'avait pas de document de référence à partir duquel on aurait pu discuter. On s'est retrouvés avec un projet de loi minimaliste, minimaliste. Je n'ai pas lu le projet de loi n° 16, je n'étais pas sur cette commission. Je ne sais pas s'il y avait plus de substance dedans, mais, en tout cas, le gouvernement, après de longs travaux, encore une fois, a décidé de retirer carrément ce projet de loi n° 16 pour revenir avec le projet de loi n° 94.

Et je vous le rappelle encore une fois que le premier ministre, Mme la Présidente, a trouvé ce sujet suffisamment important pour faire lui-même la conférence de presse et dire: C'est un moment historique. Mais, quand on l'a lu, nous, eh bien on a conclu ce que la ministre elle-même a conclu hier, qu'à part l'article 6, qui constitue un droit, disons, nouveau, tout le restant était connu, tout le restant ne faisait que codifier ce qui existe déjà. Alors, au moins, essayons de l'améliorer.

Je constate qu'en effet nos amendements, jusqu'à maintenant... Puis on est loin d'être dans le coeur du sujet, là, on est loin d'être dans le coeur du sujet, alors on imagine bien, là, quand on va être aux articles 4 et 5 en particulier, quel genre de débat puis de discussion on va avoir. Mais il me semble que cet amendement-là précise les choses et dit immédiatement qu'un accommodement ne peut pas être accordé s'il constitue une contrainte excessive. Alors, Mme la Présidente, ça me semble un amendement qui est nécessaire à ce moment-ci. On connaît les limites, justement, de l'accommodement raisonnable. On est tous d'accord pour dire qu'il n'est raisonnable que s'il n'impose pas une contrainte excessive -- alors, disons-le -- à l'organisme ou à l'entreprise concernée.

**(15 h 40)**

«La contrainte excessive détermine la limite au-delà de laquelle les employeurs et les fournisseurs de services ne sont pas tenus de prendre une mesure d'adaptation. Il y a habituellement contrainte excessive lorsqu'un employeur ou un fournisseur de services ne peut absorber les coûts de la mesure d'adaptation tant au niveau des charges financières que de l'efficacité.»

«Par exemple -- pour donner un exemple qui n'est justement pas pour motif religieux -- une personne non voyante pourrait demander la traduction en braille des fonctions de l'ascenseur qu'elle utilise pour se rendre à son bureau [tous les jours]. Mais elle ne pourrait pas le demander pour tous les ascenseurs de tous les immeubles de la compagnie qui l'emploie.» On voit bien c'est quoi, une contrainte excessive. «Une telle mesure demanderait trop de temps et d'argent pour le bénéfice d'une seule personne. En matière d'accès à l'éducation publique, une mesure est excessive si elle nuit au fonctionnement d'une classe ou que le fardeau économique ou organisationnel est trop grand pour l'école ou la commission scolaire concernée. Par exemple, un tribunal pourrait estimer qu'on ne peut pas intégrer un jeune autiste à une classe régulière parce que la commission scolaire n'a pas les moyens de payer pour les soins et services nécessaires à cet enfant.» Il y a d'autres demandes, par exemple, visant l'accès à l'éducation publique qui pourraient... Par exemple, un chien-guide dans... c'est possible. Bon. Alors, il y a des accommodements qui sont possibles pour les commissions scolaires, etc. Et la Commission des droits de la personne, en 2005, présentait ainsi cette notion de contrainte excessive. Il me reste une minute?

Une voix: ...

Mme Beaudoin (Rosemont): Bien, je vais juste avoir le temps de lire ce que la Commission des droits de la personne disait: «En droit, l'obligation d'accommodement trouve sa limite dans la notion de contrainte excessive. En effet, aucune institution ni entreprise n'est tenue de procéder à un accommodement "déraisonnable", c'est-à-dire qui entraînerait une contrainte excessive. Telle que définie initialement par la Cour suprême -- dans le cadre des rapports employeur-employé -- la contrainte excessive fait référence à deux facteurs, soit: les coûts de l'accommodement réclamé et l'entrave à l'exploitation de l'entreprise. Un troisième facteur, l'atteinte au droit des coemployés, vint s'ajouter par la suite.» Par conséquent, je pense que c'est clair, c'est net et que ce serait bien de le dire d'entrée de jeu, dès le premier paragraphe de l'article 1 du projet de loi. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Mme la députée de Rosemont. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Mme la ministre? D'autres interventions? M. le député de Bourget.

M. Kotto: Merci, Mme la Présidente. Dans leur avis éclairé devant cette commission, les représentants du Barreau du Québec, avec leur grande sagesse, invitaient le législateur à prévoir des accommodements sans contrainte excessive dans les lieux désignés par le projet de loi à l'étude, à savoir l'Administration gouvernementale et certains établissements publics. Nous, de notre bord, nous avons pris acte de cet avis et nous le traduisons aujourd'hui dans un amendement que nous présentons aujourd'hui. Or, à la lueur de la posture de fermeté du parti ministériel, force est de constater que nous allons, paradoxalement, incessamment, sous peu, essuyer un refus.

Aussi, je me pose la question à savoir pourquoi la ministre, qui... dans ses remarques préliminaires en mai 2010, en parlant de l'accommodement, disait, et je la cite: «Il cesse d'être raisonnable lorsqu'il impose une contrainte excessive eu égard, entre autres, aux coûts qui s'y rattachent, à ses effets sur le bon fonctionnement de l'organisme ou sur les droits d'autrui. En d'autres mots, poursuivait-elle, l'accommodement devient déraisonnable.» Alors, nous sommes d'avis que la ministre ne peut être en désaccord avec notre amendement, puisque celle-ci s'inspire de la définition même que la ministre accorde à l'accommodement.

La ministre parlait des coûts et des effets. Les effets des accommodements sont certes, de nature, généralement excessifs, mais il y a lieu de considérer au-delà de ça les conséquences graves qui s'ensuivent, la discrimination sur l'emploi, le chômage, parce qu'il y a un vide à ce sujet. Certains -- pour prendre cet exemple -- concitoyens d'obédience musulmane essuient très souvent des refus au plan de l'embauche parce qu'il y a des préjugés qui guident, qui gouvernent les décisions des employeurs qui, par expérience, ne veulent pas ou anticipent les coûts qu'un tel profil d'employé pourrait représenter dans leur entreprise. Quand je me réfère à la communauté arabo-musulmane, je vois un nombre substantiel de concitoyens surdiplômés, et, quand bien même ils seraient laïques, quand bien même ils respecteraient le cadre, disons, objectif de l'entreprise, ils sont, malheureusement, confondus avec ceux qui, avant eux, se sont basés sur ce qui s'est toujours fait, ce qui s'est toujours passé. L'employeur qui, à l'occasion, a, disons, mis à la porte pour des raisons, disons, officielles, soit de faute professionnelle ou autre, généralement, selon les témoignages que je reçois, moi, à mon bureau en tant que député, les raisons fondamentales, du point de vue de ces concitoyens d'obédience musulmane, reposent sur le fait que c'est à cause de leur religion et à cause aussi de leurs pratiques religieuses, qui ne sont pas encadrées dans l'entreprise.

Forts de ce constat, Mme la Présidente, il y a lieu, en tant que législateurs, de baliser. On est dans cette entreprise, on veut baliser dans une approche consensuelle qu'est-ce qui pourrait, aux yeux de l'employeur, être raisonnable ou déraisonnable, qu'est-ce qui pourrait, aux yeux de l'employé, être raisonnable ou déraisonnable. Rien n'est précisé à ce niveau-là. Nous sommes dans un dialogue de cultures qui ne se fait pas -- cultures au pluriel, au sens de la diversité.

**(15 h 50)**

Il n'y a pas véritablement d'entente, de connexion, et nous sommes, si nous laissons aller le projet de loi tel quel qu'il est, en train de renforcer, en train de codifier des espaces de travail, des espaces de vie dans lesquels une communauté, en l'occurrence, se trouve marginalisée, stigmatisée, emmurée dans la solitude et, par conséquent, enrichissant cette culture, cette approche, cette idéologie intégrationniste qu'on appelle le multiculturalisme. Parce que, quand on se sent rejeté par un groupe, on se replie vers les siens et on gonfle le nombre des siens qui, par le fait même, se développent en ghetto.

Nous avons le souci d'intégrer nos immigrants sur la base de nos valeurs ou sur la base de consensus entre leurs valeurs, leurs identités diverses, et nos valeurs, et notre identité, fondée sur le socle de la laïcité, du respect de la prédominance du français, notamment l'égalité entre hommes et femmes, on en a parlé longuement. Et je parle de tout ceci parce que j'en suis un immigrant, et les immigrants me parlent beaucoup plus facilement parce qu'ils savent que j'ai porté leurs souliers. Je sais, avant même qu'ils ouvrent la bouche, les souffrances qui les accaparent, les solitudes, parfois des crises qui naissent au sein de leurs familles, des crises de couple, des divorces. Et, dans tout cela, la plupart du temps il y a des enfants, des enfants qui voient leurs parents souffrir du rejet de la société qui les a accueillis, et qui grandissent avec cette image, et qui, à leur tour probablement, par réaction, vont rejeter la société qui a accueilli leurs parents alors que ces enfants sont nés ici. On les condamne, par conséquent, à vivre en marge, à se considérer comme des citoyens à part, et non pas comme des citoyens à part entière parce que nous n'avons pas eu le courage, entre autres, de préciser les règles du jeu clairement, et c'est ce qui me désole dans l'exercice que nous entreprenons avec la ministre et son projet de loi masqué.

Il y a des discriminations sur le sexe. Est-ce que la ministre peut évaluer les impacts et les conséquences que cette discrimination peut avoir dans la société? Est-ce que la ministre peut évaluer ou jauger les conséquences que cette discrimination peut avoir dans la société, quels impacts cette discrimination peut avoir sur notre volonté avérée du vivre-ensemble? Le Québec est une société ouverte au monde, à la diversité, et, malheureusement, à cause des petits oublis -- disons ça comme ça pour ne pas déclencher un autre débat avec mon collègue de Vimont -- on risque de passer à côté, disons, d'une occasion qui nous permet d'échafauder un Québec qui vit en harmonie avec sa diversité, un Québec qui a le souci d'intégrer ses immigrants. L'occasion est bonne pour poser un acte qui nous permette de créer un environnement qui amènerait ceux qui viennent d'ailleurs ou ceux qui ont, disons, une passion pour leur religion et ceux qui entreprennent, de l'autre bord, qui engagent, à développer une relation plus saine, plus ouverte, à s'investir plus mutuellement dans la confiance, et non dans la défiance.

On a souvent parlé du profilage racial. Quand les règles du jeu ne sont pas claires, il y a lieu de penser que le silence ou les renoncements, tel qu'on le vit en ce moment avec le traitement de ce projet de loi, ne pourront qu'y contribuer. Qui souffre du ratage d'un tel exercice? C'est ceux qu'on a souvent pointés du doigt à travers les médias, qui méritent de vivre décemment, qui méritent de vivre harmonieusement. Les gens ne demandent que cela, avoir des règles du jeu claires. Quand ces règles du jeu ne sont pas claires, c'est la confrontation, ce sont les tensions, ce sont des crises qui sont récurrentes depuis 2006. Le problème s'accentue avec la mondialisation, on l'a dit hier, et il n'est pas propre qu'au Québec. Ailleurs, on s'organise sérieusement pour encadrer ces déviances, mais, à l'instar de ce que je vois depuis hier autour de ce projet de loi, je pense qu'on prend les choses à la légère. Je ne prête pas d'intentions, mais c'est un constat.

Alors, au nom de l'intégration, de la bonne intégration à la société québécoise, au nom de la diversité, au nom des immigrants, je demanderais à la ministre de prendre sérieusement en considération l'amendement qui vient d'être proposé. Il me reste combien de temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Vallée): Il vous reste 3 min 45 s.

M. Kotto: O.K. Je reviendrai si nécessaire. Merci.

La Présidente (Mme Vallée): Est-ce qu'il y a des interventions du côté ministériel sur l'amendement? S'il n'y a pas d'autre intervention, on serait prêts à la mise aux voix, puisque le temps alloué à... Ah! il restait 5 min 30 s à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, c'est vrai.

Mme Poirier: Merci, Mme la Présidente. Lorsque j'ai introduit cet amendement, Mme la Présidente, qui, je le rappelle, vient tout simplement rappeler dans l'objet, premier alinéa de la loi, qui vient rappeler ce que l'article 5, qui est une des conditions que la ministre nous a dit qui était les contraintes excessives... Alors, dans le fond, ce qu'on vient dire, dans le premier alinéa, c'est que, pour nous, il est très, très important qu'on vienne préciser dans le premier alinéa de la loi que la contrainte excessive doit être introduite dès le départ.

La ministre a refusé... pas juste la ministre, mais la partie gouvernementale a refusé ce matin l'amendement pour motif religieux, qui, pour nous, venait préciser l'objet de la loi, mais ce que l'on propose maintenant, qui vient dire que ça ne doit pas constituer une contrainte excessive, Mme la Présidente, on fait seulement que référence à ce qui a déjà été dit.

**(16 heures)**

En 2005, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse résumait l'origine de l'obligation de l'accommodement raisonnable en... Et je cite: «Outre la religion, les tribunaux québécois...» On se rappellera que ça été notre débat ce matin, hein, c'est les tribunaux qui décident, et non pas les législateurs, hein? On se rappellera de ça. Et, trop de fois, on s'en plaint dans ce Parlement, ici, en disant que, malheureusement, on laisse aux tribunaux décider et que les tribunaux nous imposent aussi. On a vu les modifications faites à la loi 101 depuis les années qu'elle est là, elle est complètement charcutée. Et ce ne sont pas les volontés du peuple québécois qui s'expriment, ce sont les volontés du tribunal du gouvernement fédéral, qui nous impose à partir de cette charte qu'on nous passe dans la gorge à tous les jours. Alors, la Commission des droits de la personne, en 2005, nous disait: «Outre la religion, les tribunaux québécois et canadiens appliquent maintenant sans problème -- outre... on applique maintenant sans problème -- l'obligation d'accommodement à d'autres motifs de discrimination, dont -- autres que la religion -- le sexe, la grossesse, l'âge et le handicap. Les femmes et les personnes handicapées ont particulièrement profité de cette notion et des possibilités qu'elle offre d'assouplir les règles de fonctionnement du marché du travail.»

C'est de ça qu'on parle, Mme la Présidente, les accommodements raisonnables ont principalement répondu à des demandes de discrimination sur la grossesse, l'âge, le sexe et le handicap. C'est de ça dont on parle. Mais, dans ce projet de loi ci, on ne parle pas de ça, ce n'est pas de ça dont on parle. Ce dont on vient parler dans ce projet de loi là, et je le répète, c'est de dire à Naïma: Tu ne pourras pas porter ton voile. C'est ça qu'on vient dire. Et, d'ailleurs, ce que je viens de vous lire est tiré d'une réflexion sur la portée et les limites de l'obligation d'accommodement raisonnable en matière religieuse datée de février 2005. C'est toujours important, pour les références, de les nommer.

Alors, un accommodement n'est raisonnable, il n'est raisonnable que s'il n'impose pas une contrainte excessive à l'organisme ou à l'entreprise concernée. Alors là, je pense qu'on a un débat à faire ici important. Est-ce que la discrimination des femmes, la discrimination des femmes n'a pas un coût de société plus important et qui vient en faire un coût excessif, donc une contrainte excessive? Je pense qu'il est là, notre débat. Est-ce qu'on n'a pas démontré que l'égalité hommes-femmes, au Québec, a fait en sorte que notre société a progressé de façon extraordinaire et que, même du point de vue économique, on a vu que ça donne des résultats extraordinaires? Alors, aujourd'hui, dans ce projet de loi là, ce qu'on vient introduire, ce qu'on vient faire par ce projet de loi là, c'est de venir dire que la discrimination des femmes ne coûte pas assez cher pour que ça vaille la peine qu'on en prenne conscience. C'est regrettable, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous avez épuisé votre temps. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le député de Bourget, il vous resterait trois minutes si vous souhaitez intervenir.

M. Kotto: Oui. Merci, Mme la Présidente. J'irai dans une forme de conclusion à l'adresse de la ministre. Ce que je disais précédemment, je le disais dans le dessein de rassurer à la fois la société, de se remémorer les moments de crise que nous avons traversés avec un cadre flou en matière de définition de ce qu'est un accommodement, de la nature de l'accommodement, de ses impacts. Je veux l'inviter à rassurer les citoyens, quelles que soient leurs obédiences religieuses. Je veux l'inviter à rassurer les employeurs qui, à la lumière de ce que tout sociologue éclairé constate, sont méfiants quand vient le moment de considérer l'accommodement au sein de leur entreprise. J'invite la ministre à rassurer l'immigrant qui a quitté son pays natal pour se refaire une vie ailleurs avec tous les déchirements affectifs que cela contient, cet immigrant qui est parti sans être toujours informé adéquatement relativement à l'espace dans lequel il voulait s'inscrire comme nouveau citoyen et qui vivait un choc culturel quand il arrivait dans cet espace et perdu comme il l'a souvent été parce que faute de règles de vie claires, parce qu'incapable lui-même de décrypter les codes de ce nouvel espace de vie. Ça prend de la hauteur d'esprit, ça prend de la sagesse pour ce faire. Certains l'ont compris, même les membres du Barreau qui sont venus ici nous donner leur avis et qui nous demandaient de prévoir des accommodements sans contrainte excessive dans les lieux désignés par le projet de loi qui nous occupe cet après-midi. Merci.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, M. le député de Bourget. Alors, est-ce qu'il y a des interventions sur l'amendement à l'article 1 déposé par Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve? Mme la ministre.

Mme Weil: Très rapidement. Ce que je trouvais intéressant... Parce que j'ai eu la formation en common law et en droit civil, et ce qui est intéressant, je ne sais pas si les partis de l'opposition s'en rendent compte, mais, en introduisant tout de suite dans l'objet, ils viennent s'inspirer d'un mode de rédaction qui est plus common law que droit civiliste. Dans le droit civiliste, on commence toujours avec l'objet très général, ensuite on décortique. C'est peut-être plus cartésien parce que, si on fait ça... Et je ne sais pas si vous avez déjà lu, par exemple, la Loi sur l'impôt ou des lois comme ça, très complexes, il y a tellement de définitions dans le début, si vous regardez des lois en Ontario, c'est assez complexe. Alors, on met... Et, donc, si on commence à mettre les conditions tout de suite, il faudrait, tout de suite, les définir dans l'article 1. Ce projet de loi deviendrait rapidement incohérent parce que, donc, on est... l'amendement qu'ils proposent de rajouter «contrainte excessive», il faudrait, tout de suite, commencer à décortiquer «contrainte excessive» et mettre tous les articles, finalement, dans le 1.

Alors, par souci de cohérence, on préfère le style de rédaction civiliste, où on commence avec l'objet et ensuite... Et vous voyez la structure du projet de loi, donc on a: Objet et définitions; ensuite, le chapitre II, les conditions afférentes aux accommodements, et c'est là qu'on explique, par exemple, bon, qu'il faut respecter la charte, les contraintes excessives à l'article 5, et on explique ce qu'on entend par «contrainte excessive». Ce que vous proposez ferait en sorte qu'on viendrait... il faudrait, tout de suite, expliquer tout ça dans l'article 1. Alors, moi, je trouve que c'est beaucoup plus... D'ailleurs, pour la personne qui le lit, éventuellement, si on rajoutait «sans contrainte excessive» tout de suite dans l'article 1... je pense que les gens, rapidement, auraient de la misère à comprendre. Je pense que c'est beaucoup plus cohérent, la rédaction telle qu'elle est. Alors, je n'ai pas d'autre commentaire que ça.

La Présidente (Mme Vallée): Donc, s'il n'y a pas d'autre commentaire, on est prêts pour la mise aux voix de l'amendement à l'article 1. Alors, vous demandez un vote nominal. Alors, procédons.

La Secrétaire: Alors, Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve)?

Mme Poirier: Pour.

La Secrétaire: Mme Beaudoin (Rosemont)?

Mme Beaudoin (Rosemont): Pour.

La Secrétaire: M. Kotto (Bourget)?

M. Kotto: Pour.

La Secrétaire: Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce)?

Mme Weil: Contre.

La Secrétaire: M. Bernard (Rouyn-Noranda-- Témiscamingue)?

M. Bernard: Contre.

La Secrétaire: M. Matte (Portneuf)?

M. Matte: Contre.

La Secrétaire: M. Auclair (Vimont)?

M. Auclair: Contre.

La Secrétaire: Mme Vallée (Gatineau)?

La Présidente (Mme Vallée): Abstention.

La Secrétaire: 3 pour, 4 contre, 1 abstention.

**(16 h 10)**

La Présidente (Mme Vallée): Alors, nous continuons au paragraphe un de l'article 1.

Mme Beaudoin (Rosemont): ...Mme la Présidente, un amendement, donc...

La Présidente (Mme Vallée): Si vous pouviez remettre au page, de sorte que nous puissions suivre avec vous, Mme la députée de Rosemont...

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui. On vient de le remettre. Alors, l'article 1 est modifié dans son premier alinéa par la suppression, après «accordé», d'«en faveur», suppression d'«en faveur», et son remplacement par «en réponse à une demande pour motif religieux». Mme la Présidente, on est...

Une voix: Elle donne sa recevabilité avant.

Mme Beaudoin (Rosemont): Ah! O.K.

Une voix: ...

Mme Beaudoin (Rosemont): ...dans le premier paragraphe?

La Présidente (Mme Vallée): Toujours dans le premier paragraphe, oui. Je vous écoute.

Mme Beaudoin (Rosemont): Bon. Alors, je peux...

La Présidente (Mme Vallée): Bien oui, continuez, continuez.

Mme Poirier: Mais il n'est pas reçu encore, là. Il faut que vous admettiez sa recevabilité, Mme la Présidente.

Mme Beaudoin (Rosemont): Il est recevable, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Vallée): Je vais d'abord...

Mme Beaudoin (Rosemont): D'accord.

(Consultation)

La Présidente (Mme Vallée): Dans le contexte où nous avons rejeté un amendement qui faisait référence à la question «religieux», je vous demanderais, Mme la députée de Rosemont, de poursuivre dans vos explications sur ce que vous déposez actuellement pour savoir... Parce que vous aviez déposé ou votre collègue avait déposé... vous aviez déposé hier un amendement qui visait justement la question des motifs religieux, et là vous revenez encore une fois avec la question des motifs religieux, j'aimerais entendre la distinction entre l'amendement qui a été proposé hier et l'amendement que vous proposez actuellement avant de me prononcer sur la recevabilité.

Mme Beaudoin (Rosemont): Eh bien, hier, c'était justement l'accommodement pour motif religieux, donc accordé pour motif religieux, et là ce dont on parle, c'est donc en réponse... Puisque les accommodements sont demandés par une personne, par un individu, donc on dit tout simplement en réponse à une demande pour motif religieux, alors qu'hier, auparavant, donc, c'était un accommodement qui est accordé pour motif religieux. Donc, c'est l'accommodement lui-même dont on parlait hier et, là, de la personne qui demande l'accommodement, l'individu, donc en réponse à cette personne-là qui doit demander l'accommodement, puisque l'accommodement doit être non pas par une collectivité, ou par un groupe, ou par... mais par un individu.

La Présidente (Mme Vallée): Ça se ressemble pas mal.

Mme Poirier: Non, non. Pas du tout, non, non.

Mme Beaudoin (Rosemont): ...est-ce que tu veux plaider, Carole?

La Présidente (Mme Vallée): Ça se ressemble pas mal.

Mme Poirier: ...dans la phrase, là. Alors, ce matin, ce dont on parlait, on disait «dans lesquelles un accommodement pour motif religieux». Alors, ça, c'était bien clair, là, un. Tandis que, là, ce qu'on vient faire, ce que dit la phrase, c'est «peut être accordé en faveur d'un membre du personnel». Et, nous, ce qu'on dit, c'est qu'«en faveur» vient introduire déjà un motif, vient introduire presque une notion d'acceptabilité. Alors, pour nous, il est bien important que cet accommodement pourra être accordé en réponse à une demande pour motif religieux, ce qui est très différent, Mme la Présidente. Alors, il s'agit d'un nouvel amendement qui est très différent.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, je vais accepter la demande d'amendement. Je vais vous demander de poursuivre, et nous procéderons au vote par la suite.

Mme Beaudoin (Rosemont): Bien. Alors, merci, Mme la Présidente. En effet, je voudrais revenir sur ce que demandaient dans leur conclusion les commissaires Gérard Bouchard et Charles Taylor parce que, disaient-ils, ce qui est notre prétention aussi, «si l'État québécois est de facto et, indirectement, de jure laïque, il est vrai que les différents gouvernements qui se sont succédé au pouvoir sont demeurés remarquablement silencieux quant au modèle québécois de laïcité». Et c'est ça qui... dans toutes nos discussions, ce sont les différents modèles, les différentes visions d'une laïcité à la québécoise qui se sont non pas affrontées, mais confrontées, qui ont été confrontées l'une à l'autre. Alors, les commissaires ajoutent: «S'ils ont souvent légiféré pour réaffirmer la laïcité québécoise -- pensons à la déconfessionnalisation de l'enseignement de la religion à l'école publique -- un texte dans lequel les grandes orientations du modèle québécois de laïcité auraient été définies n'a jamais été adopté par un gouvernement élu. [Il serait donc] opportun que le pouvoir exécutif, prenant le relais des citoyens, se saisisse de cette question et discute d'un tel texte, qui pourrait prendre la forme d'un livre blanc sur la laïcité.» Dixit Bouchard-Taylor. «Un livre blanc, disent-ils -- parce que tout le monde ne connaît pas ça nécessairement, nos nombreux auditeurs -- est un document qui peut être soumis à l'Assemblée nationale par le gouvernement, portant sur une question d'intérêt public, dans lequel ce dernier expose une problématique, les objectifs poursuivis, les moyens qui peuvent être mis en oeuvre et finalement l'option qu'il privilégie.» Voilà.

Alors, il s'agit de clarifier et de soumettre au débat public les questions au sujet desquelles des consensus restent à élaborer, par exemple, disent-ils, «le port de signes religieux par les agents de l'État, le statut de patrimoine historique, la place de l'orthodoxie religieuse dans notre société et la conciliation parfois difficile entre, d'une part, la liberté de religion et, d'autre part, les droits d'autrui et les valeurs publiques communes». Je pense que ça ne peut pas être mieux défini, ce qu'aurait dû être un livre blanc sur la laïcité produit par le gouvernement du Québec.

Vous savez quand est-ce que M. Bouchard et M. Taylor ont remis leur rapport? C'était leur première recommandation, c'était le 22 mai 2008. Ça fera donc, en effet, bientôt trois ans. «Nous recommandons donc au gouvernement d'instituer un processus qui mènera au dépôt à l'Assemblée nationale d'un livre blanc en matière de laïcité dans lequel le modèle [québécois] sera précisé et formalisé. Cet énoncé préciserait les termes du débat et répondrait en partie au besoin exprimé par les Québécois de clarification eu égard à l'aménagement de la diversité religieuse.»

C'était tellement intéressant, dans un sens, il aurait été tellement intéressant, Mme la Présidente, de procéder de cette façon que je suis sûre et certaine, on ne serait pas ici aujourd'hui en train de regarder et d'étudier article par article après des semaines, comme je l'ai dit, d'auditions qui ont été passionnantes, là... Mais c'est d'un livre blanc à partir duquel les Québécois auraient voulu discuter, et certainement pas à partir de ce projet de loi que nous avons devant nous. Alors, il me semble qu'on a raté, que le gouvernement a raté une vraie occasion.

Puis, Mme la Présidente, je me permets à travers vous à nouveau -- peut-être que j'aurai une réponse d'ici la fin de la commission parlementaire sur ce projet de loi: Pourquoi, pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas souhaité produire ce livre blanc? Comme je n'ai pas de réponse, je vais être obligée d'imaginer, en quelque sorte, pourquoi le gouvernement ne l'a pas fait, parce qu'il ne voulait pas discuter des vrais problèmes qui se posent dans notre société puis qui sont résumés justement ici, dans le rapport Bouchard-Taylor, dans les conclusions du rapport Bouchard-Taylor quand ils disent que le livre blanc aurait dû, justement, discuter du port des signes religieux par les agents de l'État, du statut de patrimoine historique, qu'est-ce que c'est vraiment, de la place de l'orthodoxie religieuse dans notre société, de la conciliation parfois difficile entre, d'une part, la liberté de religion et, d'autre part, les droits d'autrui et les valeurs publiques communes, qu'on a souvent tendance à oublier, les valeurs publiques communes.

**(16 h 20)**

Alors, moi, il me semble que, si on avait procédé en ne mettant pas la charrue devant les boeufs, mais procédé de la manière normale, la manière dont on aurait dû procéder, qu'on ne serait pas ici aujourd'hui à tenter justement d'améliorer, de faire en sorte que ce projet de loi a au moins un sens minimum concernant les accommodements pour motifs religieux. C'est pour ça qu'on revient avec cette notion, donc, de réponse à des demandes d'accommodement pour motif religieux. C'est le coeur de l'affaire, c'était le coeur, d'ailleurs, du rapport de la commission Bouchard-Taylor, commission Bouchard-Taylor que le gouvernement lui-même a mise sur pied.

Moi, j'espère, Mme la Présidente, je vous le dis franchement, que, quand on va recevoir l'avis du Conseil du statut de la femme sur la question de la laïcité... Il s'intitule... La présidente l'a dit dans La Gazette des femmes, il y a déjà un mois, que cet avis du Conseil du statut de la femme, je veux dire, on va s'en occuper, on ne le mettra pas, comme on a fait pour Bouchard-Taylor, sur une tablette. D'ailleurs, Gérard Bouchard, tout récemment, le 2 mars 2011, disait que... remettre à l'ordre du jour, donc, disait-il dans La Presse, les recommandations de sa commission, dont la plupart n'ont pas eu de suite. Mais pourquoi faire une commission pour ne pas retenir... ou nous expliquer au moins pourquoi, Mme la Présidente, on n'a pas retenu, on n'a pas donné suite au moins à la première recommandation de Bouchard-Taylor.

Alors, puisque ça n'a pas été fait, puisqu'on en est là trois ans plus tard avec ce minimaliste projet de loi, qui, comme le disait d'ailleurs le député de Bourget, t'amène des effets pervers, finalement... Si on est attentif, là, si on lit bien, si on comprend bien, si on décode bien la situation de la société québécoise, eh bien il peut aussi y avoir des effets pervers. Non seulement on a voulu régler un problème, un problème qui était celui d'une étudiante qui refusait d'enlever son niqab au cégep Saint-Laurent lors de cours de francisation, mais ce projet de loi pourrait avoir, donc, des effets néfastes aussi sur l'intégration.

Et ce qu'a dit le député de Bourget qui me semble extrêmement pertinent, c'est que je crois, comme lui, même si on est tous des immigrants sur cette terre... Mais il y en a qui sont ici depuis un peu plus longtemps, puis d'autres, depuis un peu moins longtemps. Le député de Bourget est arrivé, lui, récemment, moi, d'un peu plus longtemps, mais on est tous des immigrants sur cette terre du Québec. Eh bien, les règles claires, moi aussi, j'entends ça beaucoup. Dites-nous quelles sont les balises, dites-nous qu'est-ce qui est permis puis qu'est-ce qui est interdit, et puis, de cette façon, on va se comprendre, on va s'entendre, on va pouvoir en débattre. Mais encore faut-il le dire, et là je constate, et je considère, puis je le dis bien sincèrement que non seulement il ne dit pas grand-chose, ce projet de loi, mais ce qu'il devrait dire, il ne le dit pas. Alors, c'est pour ça qu'on revient, mais d'une manière, en effet, différente, il y a accommodement par rapport à la personne, l'accommodement lui-même par rapport à la personne parce que, quand on dit «en faveur, en effet, d'une personne», «en faveur d'une personne», c'est une faveur qu'on lui fait, ou c'est un droit, ou c'est une obligation? C'est quoi, «en faveur d'une personne»? Alors, nous, c'est «en réponse, en effet, à une demande pour motif religieux». On n'arrive pas à dire les choses. C'est triste, quand même.

Alors, il est malheureux que, trois ans, donc, plus tard, on en soit, je dirais, pratiquement toujours au même point. Dans le fond, quand je regarde ce que la commission... Le député de Bourget en a un peu parlé ce matin, la commission Bouchard-Taylor, donc, recensait comme problèmes, comme antécédents... C'est vrai qu'on peut dire, comme le ministre l'a dit, Mme la Présidente, que toutes ces questions qui ont été soulevées sont devenues, dans la perception populaire, des accommodements. Puis la définition juridique n'est pas nécessairement celle qui s'applique à tous ces cas-là, mais tout le monde n'est pas juriste. Alors, spontanément, ce que la population, elle, perçoit comme étant des accommodements raisonnables ou non, eh bien c'est, en effet, cet ensemble que la commission Bouchard-Taylor a enregistré, puis il y a des choses, en effet, extrêmement importantes.

Vous voyez que c'est déjà... C'est incroyable, des congés religieux, là, la question des congés religieux, congés religieux, je vous ai apporté pas plus tard qu'hier une dépêche dans un journal de Montréal qui disait qu'à la commission scolaire de Montréal Mme De Courcy doit gérer 33 % de plus de demandes de congés religieux qu'il y a deux ans ou qu'il y a un an. Bien, en 1985 déjà, la Cour suprême rendait son jugement dans l'affaire Commission ontarienne des droits de la personne et O'Malley versus Simpsons-Sears, il y avait une dame membre de l'Église Adventiste du Septième Jour qui n'aurait pas dû être congédiée par son employeur parce qu'elle refusait de travailler le vendredi soir et le samedi matin pour respecter le sabbat. Le 10 février 1993, le Tribunal des droits de la personne du Québec statuait, lui, sur l'affaire Smart versus Eaton, une employée catholique du magasin Eaton pouvait refuser de travailler le dimanche. Les congés religieux, ça fait depuis... J'apprends ça, moi, j'apprends ça grâce à la commission Bouchard-Taylor. C'est une mine de renseignements. Le 23 juin 1994, la Cour suprême se prononçait dans l'affaire commission scolaire de Chambly -- tiens, mon ancienne circonscription -- versus Bergevin. La cour intimait la commission scolaire de rembourser à trois professeurs juifs le jour de congé qu'ils avaient pris pour célébrer le Yom Kippour.

Mme la Présidente, 1985, il me semble qu'avec la couleur de la margarine... J'entendais ce matin, justement, que la margarine... Mais là ce n'était plus la couleur, c'était l'appellation «margarine». Mais on a l'impression qu'il y a des serpents de mer comme ça dans notre société où on n'arrive pas à se décider, à statuer, et puis que ça dure, ça dure sans qu'on prenne nos responsabilités en tant que législateur, puis le gouvernement en tant que responsable, justement.

Et 1985... il me semble, au moins, que, les congés pour demandes religieuses, on aurait dû trouver une solution, une solution qui peut être accommodante, mais qui vaut pour tout le monde. Vous savez très bien pourquoi les professeurs... À Saint-Luc, par exemple, à Côte-Saint-Luc, l'année dernière, certains professeurs se sont rebellés, si je puis dire, parce qu'il y a des employés qui ont plus de congés que d'autres payés. Moi, je veux bien qu'on ait justement un certain nombre de congés puis qu'on peut décider ce qu'on fait personnellement avec ces congés-là, mais, au moins, tout le monde les a, tout le monde les a. On ne peut pas avoir deux catégories d'employés dans une commission scolaire. Bon. Et ça, la présidente de la commission scolaire de Montréal est allée devant Bouchard-Taylor en leur disant, là: Au moins, réglez ça. Bien, Bouchard-Taylor n'a pas donné de directive ou n'a pas proposé de solution à cette question-là, et puis, maintenant, la commission scolaire de Montréal, donc, est revenue devant nous trois ans plus tard.

C'est parce que ça devient décourageant un peu, Mme la Présidente, de voir qu'on traîne des problèmes comme ça. Puis, quand on les traîne comme ça, là, sur des années, et des années, et des années, ça ne peut que s'envenimer. Ça ne se réglera pas tout seul. Peut-être que c'est ça que le gouvernement croit, puis qu'il n'a pas voulu donner suite au livre blanc, parce que, là, il aurait fallu étaler, en effet, tous les problèmes puis dire aux Québécois comment on règle ça collectivement, comment on règle ça ensemble, toute cette question des accommodements pour motifs religieux. On ne l'a pas fait, on espère probablement que ça va être sous le tapis. Là, on s'est dit: Bien là, on va présenter un projet de loi parce que, franchement, c'était la goutte d'eau qui venait faire déborder le vase, cette jeune Québécoise qui, étant dans ce cégep pour suivre un cours de français, refusait d'enlever son niqab. Alors là, on a répondu à une situation ponctuelle par un projet de loi ponctuel, alors qu'il aurait fallu commencer par... Alors, ce débat-là est franchement mal engagé. Il aurait fallu commencer par le commencement, un livre blanc, une vaste discussion, des auditions et, après ça, un projet de loi qui, au moins, prend en compte un certain nombre de choses. Alors, les congés religieux, l'érouv à Outremont, les municipalités ne seront même pas... et on le regrette infiniment, ne sont même pas soumises à ce projet de loi. On aurait pu justement...

Hier, on avait pensé faire venir les municipalités de Laval, de Montréal, de Longueuil, les deux associations de villes et de maires, mais... Outremont, en effet, a une grande expertise dans cette question de la gestion de la diversité religieuse, une très grande expertise. C'est très contesté, les décisions de l'arrondissement... avant, de la ville. Et, moi, j'imagine que tout le monde est de bonne foi. Je connais bien la mairesse d'Outremont, Mme Cinq-Mars, et je connaissais bien un des plus célèbres résidents, d'ailleurs, d'Outremont, c'est Gérald Tremblay, le maire de Montréal. Mais Outremont a... Je pense, d'ailleurs, que Gérald Tremblay a déjà été maire d'Outremont dans une vie antérieure.

**(16 h 30)**

Une voix: ...

Mme Beaudoin (Rosemont): Non? Quand c'était une ville, Peut-être pas. En tout cas, c'est un résident. Bref...

Une voix: ...ministre.

Mme Beaudoin (Rosemont): Il était député d'Outremont, c'est peut-être ça.

Une voix: Il était député d'Outremont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Député d'Outremont, et non pas maire. Mais c'est important parce que, bon, la ville d'Outremont a été... Et, maintenant, l'arrondissement, il y a beaucoup, beaucoup... et ça crée, croyez-moi -- allez sur les sites Internet des uns et des autres -- ça crée des tensions vraiment incroyables parce que chacun, à un moment donné, s'accroche, mais il n'y a pas de balises, on ne le sait pas. Alors là, justement, c'est en 1990 que la ville d'Outremont a fait une proclamation permettant l'établissement d'un érouv, donc, dans un périmètre délimité par Stuart, Van Horne, Hutchison et puis Saint-Joseph. Ça, on est en 1990. En 2000, il y a eu des plaintes des citoyens. Le conseil municipal d'Outremont a estimé que la ville n'avait pas juridiction pour autoriser l'occupation du domaine public à des fins religieuses. Les employés de la ville ont alors procédé au démantèlement des érouvs. Puis, après ça, en 2000, il y a cinq membres de la communauté juive orthodoxe qui ont déposé devant la Cour supérieure une requête en jugement déclaratoire invoquant la liberté de religion et l'obligation d'accommodement raisonnable. En 2001, la Cour supérieure a accordé aux plaignants juifs orthodoxes le droit d'ériger un érouv sur le territoire de la ville d'Outremont. La ville a décidé de ne pas porter la cause en appel.

Bon. Alors, je pourrais, tu sais, longtemps, longtemps continuer comme ça, mais il me semble que, dans le fond, on ne règle rien. Mais, au moins, que ce qu'on fait là ne soit pas inutile, et qu'on dise les choses telles qu'elles sont, et puis que, la réalité, on la soutienne, on la démontre, et puis qu'on ne craigne pas les mots. Et les mots, eh bien c'est «en réponse, en fait, à une demande d'accommodement pour motif religieux». C'est vraiment ce dont il s'agit, et je ne comprends pas... Bon, j'ai bien vu la ministre... Elle a raison, elle peut me donner un cours de droit. Mais disons que, moi, je vais parler du bon sens, et le bon sens, qui n'est pas le droit, ça serait de dire les choses telles qu'on veut les dire.

Une voix:...

Mme Beaudoin (Rosemont): Pas toujours. Disons que le bon sens et le droit ne concordent pas toujours. Ça, je pense que même les juristes... Bien, franchement, oui.

M. Auclair: ...les lois des législateurs...

Mme Beaudoin (Rosemont): Bien, voilà. Alors... Bien, voilà. M. le...

La Présidente (Mme Vallée): ...nous sommes les législateurs.

Mme Beaudoin (Rosemont): Voilà.

M. Auclair: Nous sommes des législateurs, donc soyons intelligents.

Une voix: ...on applique, on codifie...

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui. Mais c'est ça, mais on veut faire... Justement, le législateur, il n'est pas là pour codifier ce qui existe déjà, puis la jurisprudence, puis ce que les tribunaux ont dit. On le sait, on n'a qu'à les lire, on le savait. Bon.

La Présidente (Mme Vallée): En conclusion. Il vous reste une minute.

Mme Beaudoin (Rosemont): En conclusion, Mme la Présidente, je maintiens que le bon sens et puis les règles de droit ne sont pas toujours, disons, de... ne sont pas toujours compatibles, mettons ça comme ça, ne sont pas toujours compatibles. Et, par conséquent... Je ne dis pas qu'il n'en faut pas, de règles de droit. Faites-moi pas dire ce que je n'ai pas dit, là, il faut des règles de droit, c'est bien évident. Mais, des fois, le bon sens peut nous aider à mieux légiférer. Je vais terminer là-dessus, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Mme la députée de Rosemont. D'autres interventions sur l'amendement déposé par Mme la députée de Rosemont? M. le député de Bourget.

M. Kotto: Merci, Mme la Présidente. Je rebondis sur ce que vient de dire ma collègue de Rosemont et je le reformulerais différemment en disant que, certes, les technicalités du droit, c'est une chose, mais le bon sens doit toujours transcender celui-ci dans l'intérêt commun, et c'est le rôle que nous sommes amenés à jouer ici en tant que législateurs. Quand la ministre dit -- je résume sa pensée lors d'une de ses interventions tantôt -- quand elle dit que la précision rendrait la loi incohérente, c'est un bel aveu. Une loi qui devient incohérente parce qu'on en précise clairement son articulation est, par essence même, une loi faible, probablement parce qu'elle n'a pas bénéficié d'un regard holistique et profond, probablement parce qu'on l'a conçue, disons, à la hâte sans en mesurer véritablement la portée. De la perspective du législateur, pas de la perspective du juriste.

Le législateur est celui qui nourrit le droit, en l'occurrence dans une matière comme celle qui nous occupe, dans le cadre de l'accommodement raisonnable. Aussi, il est important de préciser que l'accommodement raisonnable pour motif religieux doit être effectué à la demande d'une personne, et non accordé d'office eu égard au caractère religieux de la demande, ce pour éviter qu'une demande collective par un groupe en particulier ne soit notamment imposée à des individus qui ne souhaiteraient pas bénéficier de cette demande, et ce, qu'ils appartiennent ou non à ce groupe.

On parle de précision. Si nous nous trouvons ici, à l'Assemblée nationale, si nous nous trouvons ici, dans cette commission, c'est parce que des individus, nos concitoyens, nous y ont envoyés pour les représenter. Ils ont fondé sur nous énormément d'espoirs dans le dessein de nous voir régler leurs problèmes, notamment les problèmes du quotidien. Et, dans leur quotidien, depuis quelques années, il se trouve que le rapport à l'altérité pose problème avec la diversité qui s'inscrit de plus en plus au Québec à travers toutes les sphères de l'activité humaine.

L'une des raisons d'être du législateur, c'est de veiller à la justice sociale, certes, mais aussi à la paix sociale, à l'harmonie entre les individus qui vivent sur le territoire commun. Mais, faute de préciser un certain nombre de vecteurs, force est d'anticiper le fait que nous allons nous retrouver dans d'autres crises bientôt. Je ne sais pas si nous sortirons grandis de l'exercice tel qu'il est parti, mais je puis anticiper d'ores et déjà le jugement qui sera posé sur ce projet de loi abstrait parce que faute de précision, inutile parce qu'il tente de couvrir des domaines déjà couverts par la loi, faible et lâche parce que ne voulant pas nommer... Je parle du projet de loi, le projet de loi...

La Présidente (Mme Vallée): ...quand même de ne pas imputer de motifs, M. le député de Bourget.

M. Kotto: Non, non. Je parle du projet de loi, Mme la Présidente, je ne juge personne. Je peux, en tant qu'artiste, écrire une pièce de théâtre considérant que c'est la meilleure pièce du monde. Mais, une fois présentée devant le public, à partir du moment où j'essuie des critiques, je ne devrais pas prendre ça personnel. C'est le contenu de ma pièce de théâtre qui est jugé, ce n'est pas moi qui suis jugé. C'est ça.

La Présidente (Mme Vallée): Mais, ici, on n'est pas... on est à l'Assemblée nationale, M. le député de Bourget.

**(16 h 40)**

M. Kotto: J'entends bien, mais nous avons un texte...

M. Auclair: Mme la Présidente, si vous me permettez...

La Présidente (Mme Vallée): M. le député.

M. Auclair: ...juste revenir avec mon collègue, un, sur deux éléments, l'article 35... Et je comprends très bien que ce commentaire ne s'adresse pas directement à une personne en particulier. Cependant, il ne peut pas faire indirectement ce qu'il aimerait faire directement. Donc, j'aimerais bien le ramener à ce respect... Je peux comprendre que certains critiques, dans les journaux, s'amusent et détruisent des pièces, mais ils le font et ils sont jugés aussi en conséquence. Nous, on a notre code, on a notre éthique, et c'est juste pour ramener... Je sais que mon collègue n'avait pas cette intention-là directe, mais j'aimerais qu'on respecte ce volet-là.

Et j'aimerais aussi peut-être le ramener un petit peu sur la pertinence même du débat. J'entends, depuis plusieurs heures, mes collègues qui ramènent sur beaucoup d'éléments, mais là on est encore et toujours, à moins que je me trompe, sur l'article 1, et j'aimerais bien qu'on ramène sur le fond même de l'article 1. Et, comme l'a dit Mme la ministre, l'article 1, Mme la Présidente, est un article objet et définitions. Donc, il faut se permettre d'aller un petit peu plus loin et ne pas non plus, comme mes collègues le font... Et je respecte le fait qu'ils le font, mais on se limite à un article et avec une interprétation très fermée sur l'article, donc l'article 6, entre autres. Donc, moi, j'aimerais bien que l'on puisse faire un débat, qu'on amène d'autres éléments parce que c'est l'objectif d'une commission et c'est l'objectif de nos échanges, c'est d'amener d'autres débats et amener d'autres opinions. En ce moment, on ne fait que se transférer la feuille d'opinions et on répète les opinons d'un collègue à l'autre. Donc, je pense que, pour le bon intérêt de la commission... Et c'est un dossier très sérieux, et c'est un sujet qui mérite d'être débattu. Et je respecte les commentaires de mes collègues, sauf que j'aimerais qu'on rajoute des éléments. Parce que je sais très bien que, là, nous sommes rendus aux mots «accordé en faveur», et je m'attends à ce qu'ensuite on enlève «d'un membre du personnel» et qu'on rajoute un autre élément ou... et, ensuite, on va se rendre à «l'Administration gouvernementale»...

Mme Poirier: ...je pense qu'on ne peut pas nous imputer des motifs, là, quels qu'ils soient. Je ne crois pas que ce sont des éléments pertinents.

La Présidente (Mme Vallée): En fait, de part et d'autre, il faut faire attention de ne pas imputer de motifs d'un côté comme de l'autre de la table. Et tout simplement rappeler qu'au niveau du débat nous sommes sur l'amendement présenté par Mme la députée de Rosemont, c'est-à-dire: L'article 1 est modifié dans son premier alinéa par la suppression, après «accordé», de «en faveur» et son remplacement par «en réponse à une demande pour un motif religieux». Donc, c'est sur cet aspect-là que devrait, en principe, porter notre discussion.

M. Auclair: Mais, juste pour terminer, Mme la Présidente, moi, je suis prêt, quand même, à vous offrir et offrir un café à tous mes collègues pour la prochaine modification ou amendement qui va être apporté par mes collègues de... C'est juste pour la suite logique des événements, pour que nos lecteurs, si jamais doivent s'absenter pour aller à la salle d'eau ou autre, ne se sentent pas perdus lorsqu'ils vont revenir. C'est juste que ça va être un ou deux mots suivants qui vont être modifiés. C'est juste ça, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Bon. Je vais recéder la parole... Merci pour votre question de règlement. Je pense qu'on a clarifié les choses. On va permettre à M. le député de Bourget de poursuivre sur l'amendement présenté par Mme la députée de Rosemont.

M. Kotto: J'étais sur l'amendement, Mme la Présidente, et j'étais dans l'argumentaire de l'amendement. On parle bien de l'amendement, et nous débattons sur l'amendement, et j'aurais bien aimé entendre mes collègues d'en face débattre de cet amendement et justifier leur position, leur refus, leur braquage relativement à toutes nos propositions depuis hier. Nous avons l'intention de bonifier ce projet de loi point par point, c'est ce que nous faisons. Et je n'imputerai pas de motifs déplacés, et je fais très attention à la langue. Le français n'est pas ma langue maternelle, c'est ma troisième langue, voyez-vous. Et je fais très attention quand je parle cette langue, et je tiens à ce que l'on considère que je ne m'attaque pas individuellement aux collègues.

Ce que je voulais dire, c'est que la proposition qui est sur la table, la proposition d'amendement qui est sur la table, est motivée par ce souci de clarté, de précision. S'il n'y a pas de clarté, de précision, ce n'est pas les collègues qui vont dans la salle d'eau que nous allons perdre, c'est les citoyens que nous allons perdre et c'est les citoyens que nous allons décevoir. Je pense que je suis toujours dans le cadre de mon argumentaire et je veux justifier par ces propos la pertinence de cet amendement. Voilà.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, M. le député de Bourget. Est-ce qu'il y a des interventions sur la motion d'amendement? Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Poirier: Alors, merci, Mme la Présidente. Alors, j'aimerais bien qu'on revienne sur le texte de la modification d'amendement qui est demandée et qu'on en fasse une lecture globale dans l'ensemble de ce que ça veut dire. Et d'ailleurs, dans le fond, je vais poursuivre mon argumentaire que je vous ai donné pour justifier cet amendement. Le texte du premier alinéa se lit: «La présente loi a pour objet...» Alors, nous sommes dans l'objet de la loi, donc c'est le paragraphe fondamental de la loi, c'est ici qu'on vient préciser les intentions. Et la ministre nous a donné un cours de common law versus de droit civil, qui est venu préciser, comme elle l'a dit, notre façon d'écrire les lois ici, au Québec, qui vient faire en sorte qu'on vient présenter à l'article 1 la loi. Alors: «La présente loi a pour objet d'établir les conditions -- et je rappelle qu'on aurait voulu introduire «minimales» -- dans lesquelles un accommodement -- que nous aurions voulu pour motif religieux -- peut être accordé...» Et nous demandons qu'il soit «en réponse à une demande pour motif religieux d'un membre du personnel de l'Administration gouvernementale».

Alors, c'est de ça qu'il s'agit, il faut que cet accommodement-là réponde à une demande d'un membre du personnel. C'est de ça qu'on parle, Mme la Présidente, dans cette modification, dans cet amendement-là. L'amendement que l'on dépose, il vient dire «en réponse à une demande pour motif religieux». Il s'introduit dans la phrase, «en faveur d'une demande de motif religieux d'un membre du personnel de l'Administration gouvernementale ou d'un établissement». C'est ça que ça vient dire.

Alors, ce qu'on vient dire, ce n'est pas juste «en faveur». «En faveur», là, moi, dans ma compréhension... Et j'ai toujours eu une explication très simple, nul n'est censé ignorer les lois, mais il faut être capable de les lire puis de les comprendre, hein? Il me semble que c'est assez... Alors, quand, moi, je dis que c'est en faveur de quelque chose, j'ai déjà une idée du résultat. Alors, si je suis en faveur d'un membre, ça veut dire déjà que je fais le faire, que je suis d'accord avec ce qui m'est demandé, parce que la réponse que je vais donner va être en faveur de cette personne-là. Il me semble que, là, il y a un problème grammatical, il y a un problème de français, il y a un problème de compréhension de ce qu'on veut bien en faire. Est-ce qu'on veut absolument que la réponse soit oui au bout, parce qu'«en faveur», ça veut dire que je suis d'accord, donc on va être d'accord avec la demande d'accommodement, ou c'est plutôt «en réponse à une demande»? Parce que, dans le fond, le but, c'est d'être en réponse à une demande d'un membre du personnel de l'Administration gouvernementale, c'est ça dont il s'agit, et non pas en faveur du membre.

Si elle est en faveur de la personne, eh bien, là, on vient complètement de distorsionner, à mon avis, l'objet du projet de loi. L'objet du projet de loi, c'est de répondre à des demandes d'accomodement raisonnable, des demandes qu'on aurait voulu préciser pour motifs religieux parce que c'est de ça qu'on parle. Alors, pour nous, le mot «en faveur»... Et, écoutez, Mme la Présidente, moi, je vais vous dire, j'adore faire de l'article par article parce que ça nous permet de faire des exercices sur notre langue. Et le faire en venant préciser chaque mot, c'est ça qui est important. Et on voit bien que le mot «en faveur», dans notre compréhension mutuelle, c'est toujours à l'égard de quelqu'un. Ça veut dire en réponse positive à quelqu'un. Le mot «en faveur», c'est positif. Ça veut dire que je réponds à ta demande, c'est à ta faveur. Et ça, à mon avis, ça vient distorsionner l'objet parce que l'accommodement raisonnable, il n'est pas toujours donné en faveur de la personne, ce n'est pas vrai qu'il est toujours donné en faveur de la personne. Il est donné en réponse à une demande qui nous est faite, et non pas parce que j'ai le goût. Et, à cet effet-là, Mme la Présidente, des «en faveur», on va s'en parler, des «en faveur»...

Une voix: ...

Mme Poirier: On veut... On me demande... Est-ce qu'on peut suspendre deux secondes, s'il vous plaît? Ça a l'air que j'ai une demande de suspendre.

La Présidente (Mme Vallée): Une demande de suspension. De toute façon, je pense que ça va permettre une petite pause santé, je crois. Alors, une petite pause santé, peut-être une suspension de cinq minutes?

Une voix: Cinq minutes.

La Présidente (Mme Vallée): Ça irait?

(Suspension de la séance à 16 h 50)

(Reprise à 16 h 58)

La Présidente (Mme Vallée): On va reprendre. Alors, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, il vous reste 15 minutes.

Mme Poirier: Merci, Mme la Présidente. Alors, avant cette pause, j'allais vous parler et faire référence à un propos que ma collègue a tenu tout à l'heure sur les congés religieux. Parce qu'il est bien important, là, et je le répète, que la modification qu'on apporte ici est en... Dans le fond, on veut enlever le mot «en faveur», et je vous ai expliqué de façon assez large du pourquoi de la modification du mot «en faveur», mais il s'agit d'en faveur d'un membre du personnel. Alors, pour nous, ce qui est important, c'est vraiment tout ce qui encadre les membres de la fonction publique principalement et des autres établissements visés par la loi. Et, dans cette dynamique-là, ma collègue faisait référence aux congés religieux, congés religieux qui sont demandés dans l'administration publique et qui... Ma collègue vous mentionnait que la CSDM avait une demande accrue de 33 % de demandes pour congés religieux. Vous savez que la cour a déjà statué, la Cour suprême a déjà statué dans l'affaire Big M Drug Mart en 1985. En 1985, on se rappellera que le dimanche, dans notre calendrier chrétien, catholique, était un jour férié, avait le statut de jour férié parce que c'était le jour du Seigneur, on se rappellera de ça.

**(17 heures)**

Et nous étions aussi à l'aube de cette explosion de l'ouverture des commerces partout... Partout, tous les commerces voulaient ouvrir le dimanche en voulant, disaient-ils, répondre à la demande des parents qui travaillaient de plus en plus, et la cour avait, dans cette année-là, invalidé la loi, la loi de l'Alberta sur le dimanche. Alors, on a invalidé la Loi sur le dimanche, loi qui répondait à notre culture catholique en tant que telle, et là on se voit confrontés à des demandes pour le vendredi soir et le samedi matin pour respecter le sabbat. Là, je ne comprends plus, là, on a... Et il y a des décisions de Cour suprême là-dessus, là, il faudrait bien se le rappeler.

En 1993, le Tribunal des droits de la personne qui statuait sur l'affaire Smart contre Eaton, une employée catholique du magasin Eaton qui refusait de travailler le dimanche. Et ça, on était en 1993 malgré la décision de 1985 qui avait aboli la Loi du dimanche en Alberta. Et, en 1994, la Cour suprême se prononçait pour une commission scolaire qui devait rembourser trois professeurs pour célébrer le Yom Kippour. En plus, on se rappellera que, dans l'affaire Edward Brooks, en 1986, la cour avait validé la Loi sur les jours fériés dans le commerce de détail de l'Ontario. Alors là, il y a comme deux poids, deux mesures. Les fêtes catholiques, non, mais les autres fêtes, oui. Alors là... Et le projet de loi, aujourd'hui, ne vient pas préciser ça. Alors, dans l'administration publique, présentement ce n'est pas clair. On peut demander, on peut demander ici de ne pas travailler le vendredi soir et le samedi matin parce qu'on veut faire le sabbat, mais on ne peut pas demander de ne pas travailler le dimanche parce que, pour nous, c'est le jour du Seigneur, et le projet de loi ne vient pas éclaircir ça du tout, du tout. Ça ne vient pas régler ça, pas du tout, on préfère encore s'en référer aux tribunaux. Ça, c'est un exemple, Mme la Présidente.

Je donnerais un autre exemple -- ma collègue en a parlé précédemment, et on n'avait pas fait le lien avec ça, mais c'est un lien direct -- les jeunes filles qui portent le foulard, le hidjab, à l'école Marguerite-De Lajemmerais, c'est une décision de l'école, commission du conseil d'établissement. Parce qu'il y a des conseils d'établissement dans nos écoles. Est-ce que la loi va s'appliquer aux conseils d'établissement? Ce n'est pas clair. Pourtant, c'est une école, et la loi devrait s'appliquer à l'école. Mais est-ce que les décisions du conseil d'établissement vont être soumises à la loi? Parce que le conseil d'établissement pourrait décider de faire autrement.

Le personnel dans les écoles est visé par la loi. Ça, c'est clair. Ça, moi, c'est clair, le personnel est visé par la loi. Mais qu'est-ce qu'il dit au personnel, Mme la Présidente? Il dit: Vous ne pouvez pas porter de burqa ni de niqab, comme Naïma. C'est ce qu'il dit, tout simplement. Il ne dit rien d'autre. Il dit juste: Vous ne pouvez pas porter de niqab et de burqa. Le reste, on ne le sait pas. Congés religieux? On ne le sait pas. On ne le sait pas, ça n'a pas répondu à ça, et c'est le personnel et la commission scolaire de Montréal qui, actuellement, est aux prises avec 33 % de demandes supplémentaires. Le projet de loi ne vient pas y répondre, ça ne vient pas lui donner une balise. Puisque c'est ça, le nom du projet de loi, ça vient établir les balises encadrant les mesures d'accommodement, ça ne vient pas de donner de balises sur les congés, et on parle du personnel, là, du personnel de l'administration publique.

Un autre exemple, Mme la Présidente, la piscine de Brossard où la communauté musulmane demande qu'il y ait juste des filles dans la piscine. La loi ne vient pas préciser ça, mais le personnel qui travaille dans la piscine, qui relève de la municipalité dans ce cas-là... Malheureusement, la loi n'inclut pas les municipalités, mais ça, ça pourrait être un débat juridique aussi parce que quelqu'un pourra invoquer le fait que les municipalités sont des créatures de l'État, comme je vous l'ai dit hier, et qu'elles sont indirectement soumises à la loi. Ce sera un beau débat juridique. Il y a sûrement quelqu'un qui pourra faire sa thèse de maîtrise là-dessus ou, en tout cas, fouiller la question. En tout cas, un juriste pourra fouiller la question. Mais est-ce que ça veut dire que le personnel qui surveille la piscine ne doit pas porter de signe... de burqa et de niqab? Est-ce qu'il est soumis à la loi? On ne le sait pas pour le moment. Mais ce qu'on sait, c'est que ce projet de loi là ne vient pas répondre à cela, ne vient pas s'appliquer dans la piscine, à Brossard.

Un autre exemple, Mme la Présidente, les souccahs sur les balcons. Les souccahs, je vous rappellerais, ce sont des petites cabanes, qu'on pourrait dire, des petites cabanes que la communauté juive installe sur le balcon durant la pâque, durant la pâque juive. Une décision de la cour est venue faire en sorte de dire: Le Code civil, les décisions de contrat, ce n'est pas important, la liberté religieuse est plus importante. C'est ce qui est arrivé dans la décision Amselem. Ce que c'est venu dire, c'est que notre Code civil peut être bafoué par une liberté religieuse.

Ce n'est pas à peu près, là, un contrat que j'ai signé... Et, moi, je vais vous dire, Mme la Présidente, j'ai été vérifier mon propre contrat de condominium pour savoir si ça existait dans tous les contrats, le fait qu'on ne pouvait pas installer de truc sur notre balcon. Bien, on l'a à peu près tous dans nos contrats de condo, je vous invite à aller regarder le vôtre. Eh bien, dans nos contrats en condominium, il y a une clause qui dit: Vous ne pouvez mettre ce que vous voulez sur votre balcon pour garder l'uniformité du bâtiment. Quand j'achète, je signe. Je signe mon entente de copropriété, c'est un contrat. Ce qu'est venue faire la cour, c'est de dire que le contrat n'était pas valide pour des motifs religieux. Pourtant, ces gens-là l'ont signé en toute bonne foi, là, mais ils ont contrevenu à ce contrat-là, ils ont combattu le contrat et ils ont gagné en vertu de la liberté religieuse. Et il y en a, des exemples. Et là je suis juste dans les exemples de Bouchard-Taylor, là, on est encore dans les mêmes exemples de Bouchard-Taylor.

Donc, Mme la Présidente, notre demande -- et ce n'est pas, quand même, une demande farfelue, là -- notre demande, de remplacer les mots «en faveur» pour «en réponse à une demande pour motif religieux». Eh bien, en motif religieux pour le personnel de l'administration publique, je vous ferais préciser, pour le personnel de l'administration publique. Et, pour nous, c'est très important. Qu'est-ce qui va s'appliquer au personnel, c'est ça qui va dicter les fameuses balises. La ministre nous a parlé hier qu'il y aurait des directives, peut-être des directives variables par ministère. Alors, moi, ce qui m'intéresse de savoir... Là, on ne les a pas, les directives. On en a vu un exemple dans les garderies, quel pouvait être ce type de directive là, et, encore là, ça vient remettre presque en question notre sapin de Noël. Alors, Mme la Présidente, je vais m'arrêter là-dessus pour le moment et... Je vais m'arrêter là-dessus. Merci.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement proposé par Mme la députée de Rosemont? M. le député de Bourget, il vous reste 13 minutes à votre temps.

**(17 h 10)**

M. Kotto: Merci, Mme la Présidente. Je reviendrai sur la sémantique pour parler du mot «faveur». Ce qu'il inspire dans son inscription dans l'articulation de ce projet de loi peut avoir un impact négatif au niveau de la perception de cette même population pour qui les auteurs de ce projet de loi tentent d'apporter une réponse relativement à cet événement qu'on a évoqué depuis hier, cette jeune femme au niqab au cégep de Saint-Laurent qui apprenait le français et qui refusait d'enlever le tissu qui obstruait ses yeux, sa face. On est, avec un tel mot, dans la droite ligne de la discrimination positive, et c'est une approche qui n'a pas énormément de succès à la lecture, à la lumière de tous les débats qu'on entend ici et là. Quand bien même on serait ouvert à cette approche de discrimination positive, force, par expérience, est de constater que l'effet collatéral qui pourrait en découler serait, encore une fois, directement ou indirectement la stigmatisation.

Quand je parle de regard holistique et profond qui n'a pas été posé sur la conception même de ce projet de loi, c'est ce que je veux dire, on n'a pas évalué tous les impacts. J'ai peut-être cette distance critique avec la langue française parce que, les mots que je prononce ou que je le lis, j'essaie d'en trouver le sens réel, concret. Il est possible que ceux qui en ont l'habitude la parlent sans même penser, sans même prendre la mesure de la portée des termes qu'ils emploient, qu'ils utilisent ou qu'ils écrivent. Alors, je me demande ce que le mot «faveur» vient chercher ici. Et, si nous avions une interaction avec le parti ministériel, il est possible que, depuis le début de l'après-midi, nous ayons eu la faveur d'un éclairage, mais nous sommes loin de ça. Alors, nous interprétons à notre manière ce que ça veut dire, et c'est qui risque d'arriver une fois le projet de loi adopté comme tel au plan de la perception du public.

L'approche que nous avons en amendant n'est pas une approche de défiance, nous avons une approche constructive. Personne ici n'a le monopole de la vérité, mais la conjonction, la conjugaison des efforts de part et d'autre sur la base de la bonne foi ne peut qu'aboutir à enrichir ce projet de loi. Mais il n'y a rien de plus frustrant que, dans un débat strictement sémantique, il n'y ait pas véritablement d'interaction. Alors, nous nous contentons d'interpréter et nous pouvons avoir différentes interprétations sur le terme, autour du terme «faveur», qu'est-ce que cela veut dire. De ma perception à moi, ça veut dire une chose, et, demain, si le projet de loi est adopté en l'état, aux yeux de 1 000 personnes il y aura peut-être 1 000 interprétations. Mais cette disposition dans cette articulation ne viendra pas apporter une réponse attendue par la population, cette population qui nous a envoyés ici. Nous ne travaillons pas pour nous. On nous a prêté nos sièges, nous avons des comptes à rendre à ceux qui nous ont envoyés ici, et, parfois, on a tendance à l'oublier. Nous nous enfermons dans notre bulle, nous nous enfermons dans des réflexes conditionnés de jeu, de joute parlementaire, mais il ne faut pas oublier qu'on nous regarde, on nous écoute, on nous suit.

Nous avons, à l'heure où on se parle, un taux de crédibilité tellement bas pour d'autres raisons que je n'évoquerai pas ici, mais le sujet qui nous occupe ici a une essence, une essence qui remonte à des années derrière, une essence qui a provoqué une commission qui a coûté de l'argent, et nous sommes loin, avec des manquements comme ceux-ci -- et là je parle strictement de la littérature, de la sémantique -- loin de la réponse que la population attend de nous. Pour qui travaillons-nous? Qu'est-ce que nous visons en introduisant soit des termes ambigus, soit des termes qui pourraient générer de la frustration de la part de la majorité?

Et, maintenant, je vous parlerai de la perspective d'un immigrant qui reçoit des faveurs -- musulman ou catholique intégriste non pratiquant -- dans sa sphère professionnelle au sein d'une administration gouvernementale. Je ne sais pas s'il vous arrive, de temps en temps, de discuter avec ces gens qui sont parfois stigmatisés, qu'on soupçonne de bénéficier d'énormément de largesses, de faveurs justement parce qu'ils sont noirs, parce qu'ils sont arabes. Ça pèse lourd. Les mots ont leur sens, et il faudrait respecter ce sens. Qu'est-ce que veut dire l'auteur de ce mot à l'intérieur de cette articulation? Je me pose la question et je vous parle à coeur ouvert sans aucune partisanerie, je ne suis pas bon là-dedans. Et j'espère que, quand bien même il n'y aurait pas d'interaction pour avoir une réponse au plan de l'interprétation de la part de la ministre, le message passera à travers vous, Mme la Présidente.

Je suis stupéfait de constater cette fermeture, mais les propos que nous tenons de ce côté-ci feront foi de nos interrogations, de nos doutes et aussi de notre volonté de contribuer positivement à l'élaboration d'un projet de loi qui, idéalement, aurait pour dessein de préciser les choses. Mais, par je ne sais quelle énergie, il est fort possible que nous fassions chou blanc au terme de toutes ces semaines, toutes ces soirées, au terme de tout cet argent que d'autres, d'ailleurs, des témoins sont venus témoigner qu'ils ont... des sous qu'ils ont dépensés pour ce faire. Et aussi il serait très frustrant de leur part de constater qu'on n'a pas été très loin relativement aux avis qu'ils sont venus nous donner avec générosité.

Mme la Présidente, je m'attendrais de la part de la ministre à une grande ouverture d'esprit dans le dessein de nous apporter un éclairage ou, disons, une disposition d'humilité pour considérer le fond du propos que nous tenons de ce côté-ci afin d'avancer éventuellement avec célérité relativement... Ce qu'il n'y a rien de contradictoire, nous le savons. Ceux qui nous écoutent ou ceux qui suivent l'étude de ce projet de loi savent ce dont il est question, personne n'est dupe. Donc, cessons de porter des masques. Merci.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, M. le député de Bourget. M. le député de Vimont.

**(17 h 20)**

M. Auclair: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Écoutez, je trouve que les commentaires de mon collègue sont très pertinents, mais juste parce que... Et je sais que c'est un homme qui adore la langue française et qui adore ses subtilités, donc je veux juste le rassurer parce que, lorsqu'il prend... Il est certain que, si on prend le mot «faveur», dans l'ensemble, lui-même, le mot seul, «faveur», peut signifier énormément de choses, je suis tout à fait d'accord avec lui. D'ailleurs, un de nos bons outils de travail, Le petit Robert, quand même, nous indique certaines tendances que... ou certaines façons qu'on peut utiliser le mot «faveur». Vous avez raison lorsque vous pouvez utiliser le terme «aide», «bienveillance», «favoritisme». Mais, dans le contexte qui est présenté ici par l'article lui-même, on dit bien que -- et je vais relire l'article pour remettre un peu dans le cadre --  «la présente loi a pour effet d'établir les conditions dans lesquelles un accommodement peut être accordé en faveur...» Donc, on s'entend que ce n'est pas le mot, juste, «faveur» qui doit être pris ici, mais bien «en faveur». Donc, si on veut faire de la sémantique, le mot «en faveur», c'est, selon Le petit Robert, site de référence... on parle, à ce moment-là, de préférentiel. Donc, lorsqu'on va utiliser «en faveur de»: «en considération de, au profit, au bénéfice, dans l'intérêt...» Le jugement a été rendu en votre faveur, donc «à l'intérêt de». Et on continue un petit peu plus loin, «pour».

Donc, lorsque l'on prend la phrase et l'article lui-même: «La présente loi a pour objet d'établir les conditions dans lesquelles un accommodement peut être accordé en faveur d'un membre...», donc c'est pour un membre du personnel de l'Administration, donc c'est la continuité. Donc, le «en faveur de» vient tout simplement mettre au profit de la personne. Donc, c'est tout simplement... on s'enligne directement vers le membre du personnel de l'Administration gouvernementale. Donc, c'est de là que le mot... et non pas juste le mot «faveur», mais dans son contexte «en faveur» qu'il doit être pris en considération ici. Donc, c'est juste pour la sémantique de l'article.

Et je comprends très bien que le débat qu'on fait ramène beaucoup... il y a beaucoup d'émotion, il y a beaucoup d'inconnu lorsqu'on parle de religion, lorsqu'on parle de rites religieux. Lorsque ce ne sont pas les nôtres, on se questionne énormément, on juge beaucoup aussi. Ce qu'on ne connaît pas, on juge. C'est la réalité malheureuse, mais c'est la réalité. Et le Québec, les Québécois ne sont pas pires que les autres citoyens. L'ignorance, malheureusement, nous amène souvent à se fermer face aux autres cultures, et ça, c'est désolant.

En ce qui concerne, maintenant, l'optique même du projet de loi, du chapitre premier que... Comme je vous dis, l'article premier a comme objectif... C'est quoi? C'est essentiellement fournir certains paramètres permettant de mieux évaluer les circonstances pouvant donner ou non l'ouverture à des accommodements soit -- encore là, le fameux mot -- en faveur des membres du personnel de l'Administration gouvernementale ou de certains établissements publics, soit en faveur des usagers. Encore là, on voit l'intérêt de... pour ces personnes-là, et toujours pour guider nos représentants, les employés de l'État.

Puis j'écoute les commentaires, puis je regarde les amendements qui sont présentés, et, d'emblée, il y a des éléments qui méritent débat, qui méritent clarification, qui amènent les questions. Puis on est d'accord avec les questions que vous apportez, je pense que... Et, moi, j'ose espérer, comme j'ai fait hier... Moi, j'ose espérer qu'on va arriver à amener... S'il y a des amendements qui bonifient et qui, vraiment, clarifient certains éléments, moi, je pense que la ministre... De toute façon, on en a parlé, et elle nous l'a réitéré à nous en caucus préparatoire que l'intérêt, c'est justement, c'est d'avoir un projet de loi, dans sa globalité, qui est le mieux adapté à la réalité du Québec.

Je comprends aussi que les interventions et certaines modalités d'intervention sont guidées par une perception. Puis, à ce niveau-là, peut-être que, non, il y a des éléments que l'on ne s'entend pas sur les finalités. Ça, c'est clair qu'il y a des finalités qu'on ne s'entend pas. Je sais que le modèle français est un modèle que certains collègues apprécient plus que d'autres. Je voudrais juste réitérer que la réalité de la France en le domaine d'accommodements est une... et surtout au niveau du domaine de l'accommodement religieux, est assez intéressante lorsqu'on s'arrête vraiment sur l'ensemble de l'oeuvre française parce que la France a sûrement des très bons côtés dans son application. Mais on peut remonter à très loin sur la réalité de la laïcité de l'Administration française, et, encore là, est-ce que c'est vraiment une laïcité? Même en France, ils sont en grand débat sur cette réalité-là. Entre autres, les églises qui sont subventionnées par l'État fait de grands débats. Donc, la situation ou l'approche française n'est sûrement pas la solution. Avec tout ce qui se vit dans les crises dans les banlieues françaises, ça nous amène, nous aussi, à regarder ce qui se fait chez nous.

Maintenant, qu'est-ce que le projet de loi dans son ensemble amène? Et je sais que l'article 6 est l'article qui est souvent relevé par nos collègues parce qu'il semble que, si on se limite... qu'il serait seulement limité à un volet religieux. Mais l'article 6, à moins que je me trompe, ne parle nulle part de religion. C'est peut-être que, moi, je suis peut-être bien naïf dans ma lecture que je fais de l'article 6, Mme la Présidente, mais l'article 6 dit quoi? «Est d'application générale la pratique voulant qu'un membre du personnel de l'Administration gouvernementale ou d'un établissement et une personne à qui des services sont fournis par cette Administration ou cet établissement aient le visage découvert lors de la prestation des services.

«Lorsqu'un accommodement implique un aménagement à cette pratique, il doit être refusé si des motifs liés à la sécurité, à la communication ou à l'identification le justifient.»

Je pense qu'à cet égard on peut ramener ça à la réalité de la religion, mais je pense qu'on ramène... Le vrai, vrai, vrai accommodement, c'est... Et, avant tout, on dit bien: S'il doit être refusé, lié à des... à des motifs liés à la sécurité, à la communication, donc avoir la facilité de communiquer avec une personne, et donc à l'identification. Et, à ce niveau-là, lorsqu'on lit les commentaires des législatures étrangères, beaucoup de législatures, en Europe entre autres, certains ont souligné quand même l'évolution du Québec et ont soulevé à maintes reprises l'approche du Québec.

Donc, je comprends très bien qu'on peut ramener et limiter le débat sur la question religieuse, mais je ne vois pas dans le texte clairement les termes, et ce n'est pas identifié comme ça. Et c'est là l'importance de nos débats parce que vous... Et je pense que ma collègue de Rosemont le sait encore plus que nous tous parce que ça fait plus longtemps qu'elle est dans cette enceinte ou qu'elle a travaillé en cette enceinte, les débats que l'on fait ici sont repris également lorsqu'il y a de l'interprétation juridique qui en découle, et, comme juriste, on se réfère souvent, on va chercher énormément les discussions qui sont amenées et les propos qui sont présentés par la ministre et, bien sûr, par les membres de l'opposition.

Donc, c'est très important de ramener les points et d'amener les discussions... Et loin de moi l'idée de dire que ce sont des discussions partisanes parce que je ne sens... il n'y a pas de partisanerie dans les débats. C'est des débats qui valent, et ça, là, je les salue, on arrive vraiment à amener et à clarifier des points. Donc, pour moi, il est très clair que nulle part... Et je n'ai jamais entendu de la part de ma collègue -- et, peut-être, elle pourra le réaffirmer -- que ça vise spécifiquement, l'article 6 vise les éléments religieux. Je ne sens pas, et je n'ai pas lu, et je n'ai pas entendu des propos à cet égard.

Donc, je voulais juste clarifier ce point-là et clarifier également à mon illustre collègue que je sais, au niveau des arts et des lettres, qu'il est nettement supérieur de moi en connaissances, et je le respecte, et je n'ai aucun problème à l'admettre, mais, au niveau du mot... pour moi, le mot «faveur» est bien plus important de souligner le mot... de prendre le contexte complet, donc «en faveur». Merci.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, M. le député de Vimont. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Il vous reste trois minutes.

M. Kotto: Trois minutes. O.K. Ça me suffira. Juste pour dire que j'apprécie l'intervention de mon collègue de Vimont parce qu'il vient sûrement d'inspirer à celles et ceux qui nous suivent à ce moment-ci une recherche dans différents dictionnaires pour voir toutes les nuances du terme «faveur» et «en faveur», et des gens tireront eux-mêmes leur propres conclusions.

Et il nous a ramené à l'article 6, qui dit, je le reprends: «Est d'application générale la pratique voulant qu'un membre du personnel de l'Administration gouvernementale ou d'un établissement et une personne à qui des services sont fournis par cette Administration ou cet établissement aient le visage découvert lors [des prestations] des services.»

Ma question, je la lance au public qui nous écoute: Qui d'autre, à part des personnes comme Naïma, se présente dans ces enceintes pour obtenir des services? Est-ce qu'il y a des personnes masquées qui se présentent dans ces enceintes pour demander des services? Simple question. Merci.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, M. le député de Bourget. Et, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, il vous reste cinq minutes.

**(17 h 30)**

Mme Poirier: Merci, Mme la Présidente. Bien, je vais répondre à notre collègue de Vimont parce que, là, il a vraiment lancé la question, et je vais lui répondre par la bouche de son premier ministre. Alors, lors de la conférence de presse le 24 mars 2010, le premier ministre disait -- et, à mon avis, ça, c'est clair: «Avec cette loi, nous traçons aussi la ligne en reconnaissant qu'un usager des services publics ou un employé de l'État peut porter des symboles religieux.» Si ce n'est pas une loi qui vient faire en sorte d'encadrer le port de symboles religieux, on repassera.

Alors, il me semble, ça, c'est clair. Alors, on ne peut pas dire qu'on ne fait pas une chose quand on le fait. Alors, on ne parlait de pas de quelqu'un qui se présente avec un masque à la Spiderman, là, on parlait de quelqu'un qui porte... Et, d'ailleurs, le projet de loi arrive dans le temps et est justifié par le cas Naïma, là. Je veux dire, arrêtons d'essayer de se mettre la tête dans le sable, là, je veux dire, c'est complètement... entendre ces propos-là, c'est difficile.

Deuxièmement, la définition que le député nous a faite pour «en faveur», c'est toujours drôle de ne prendre que des petits bouts, hein? Alors, c'était très intéressant de l'entendre nous lire que ça voulait dire «au bénéfice de». C'est exactement ce que j'ai dit, «au bénéfice de». Quand on dit «en faveur», dans notre langage populaire, dans la compréhension... Et je rappelle, Mme la Présidente, qu'une loi, on doit présumément la connaître et, du moins, la comprendre. Alors, si le mot «en faveur» veut dire «au bénéfice de», je pense que ça vient pas mal justifier du fait qu'«au bénéfice de», c'est pas mal «en faveur de», ça veut dire pas mal positif pour la personne, d'où ça justifie encore plus notre amendement.

Et je vous dirais que l'importance de ce qu'on dépose là et qui est en réponse à une demande d'un membre du personnel, je nous porte à réfléchir, lieu de prière à l'ETS, des étudiants demandent un lieu de prière. Est-ce qu'on a demandé aux enseignants puis à la direction ce qu'ils en pensaient? Les étudiants veulent un lieu de prière. Est-ce qu'une école... Et on se rappellera que c'est notre collègue, notre chef la députée de Charlevoix et notre chef de l'opposition officielle qui a été chercher une modification constitutionnelle à l'effet de déconfessionnaliser notre système scolaire, et on a réintroduit des salles de prière. Les catholiques ont sorti la religion des écoles, et on a rentré d'autres religions dans l'école. Là, il me semble qu'il y a un problème, là, et le projet de loi vient encore pas répondre malgré que ce qu'on vient dire, ça devrait être fait, selon la ministre et selon le député, pour le bénéfice des membres du personnel, d'où, là, notre demande de modification.

Mais, Mme la Présidente, en faisant la lecture de notre amendement, eh bien je réalise que... Et le député de Vimont, en le lisant, m'a encore plus souligné le besoin d'un sous-amendement. Je vois votre sourire. Tu m'as inspiré... il m'a inspiré...

La Présidente (Mme Vallée): Alors donc, je comprends que vous souhaitez déposer un sous-amendement.

Mme Poirier: Exactement, Mme la Présidente, et que je vous lis comme suit... Alors, je fais juste une précision. Nous venons de demander de modifier le «en faveur d'un membre du personnel». Bien, le député de Vimont nous a fait la lecture en nous disant qu'il y en a un deuxième «en faveur», «ou en faveur d'une personne à qui des services sont fournis», dans le même paragraphe. Alors, le premier bout que nous souhaitions modifier était «en faveur du personnel», mais il y en a un deuxième, souligné par le député de Vimont, qui dit «en faveur d'une personne qui va recevoir des services».

Alors, je souhaite déposer l'amendement, Mme la Présidente, qui se lit comme suit: Modifier dans son premier alinéa l'article 1 par la suppression, après «établissement», de «ou en faveur d'une personne» et son remplacement par «en réponse à une demande d'une personne pour motif religieux». Dans le fond, la concordance avec le premier.

Donc, je souhaite déposer ce sous-amendement, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Juste un instant. Sur l'intervention de la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et le sous-amendement, M. le député de Vimont.

M. Auclair: Moi, j'aimerais juste, un... Je ne voudrais pas, non plus, avoir l'air prétentieux, de dire que j'ai pu inspirer... Parce que vous êtes beaucoup... soit ça, vous êtes extrêmement rapide pour déjà avoir le document déjà tout préparé, tapé et imprimé d'avance. Je ne voudrais pas... je pense que vous aviez déjà prévu de déposer, chère collègue, mais je suis content que vous transmettiez une partie de ce changement d'idée.

Mais, sur le fond, maintenant, de votre amendement, je pense qu'il y a une certaine redondance, là. Ça fait trois amendements que vous nous présentez, trois amendements qui portent tous sur le même élément, c'est-à-dire les motifs religieux. Donc, vous avez fait amplement votre débat sur les... Votre premier amendement, je m'en excuse, je veux juste, pour rappeler à certaines personnes qui auraient peut-être pu manquer... donc l'amendement qui a été... L'article 1 est modifié dans son premier alinéa par l'insertion, après le mot «accommodement», des mots «pour des motifs religieux». Donc, ça, ça a été déjà une heure de plaisir.

Ensuite, vous avez, il y a quelques minutes... bien, une heure déjà... L'article 1 est modifié dans son premier alinéa par la suppression, après «accordé», d'«en faveur» et son remplacement par «en réponse à une demande pour motif religieux».

Et là vous nous rapportez encore pour le même «une personne pour motif religieux». Moi, Mme la Présidente, je pense que le débat a été fait, il y a une redondance dans les amendements et qu'à ce niveau... Je vois la pile d'amendements que ma collègue a devant elle. Donc, je suis sûr qu'elle peut ramener d'autres amendements sur d'autres articles et d'autres mots, juste pour qu'on puisse évoluer un petit peu et changer de discours...

La Présidente (Mme Vallée): Merci, M. le député de Vimont. Alors, sur la question du sous-amendement, de la recevabilité du sous-amendement, en lisant le document que vous nous avez déposé, je constate que le sous-amendement ne se rapporte pas directement à l'amendement déposé. Alors, à titre de sous-amendement, il n'est pas recevable. Par contre, est-ce qu'il pourrait faire l'objet éventuellement d'un dépôt d'un autre amendement? Je le laisse à votre discrétion.

Mme Poirier: À votre convenance, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Mais, à titre de sous-amendement, il n'est pas recevable.

Mme Poirier: Alors, Mme la Présidente, je voulais, tout simplement, qu'on accélère nos débats et je souhaitais que...

La Présidente (Mme Vallée): Je suis heureuse de vous l'entendre dire, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Poirier: Vous voyez ma collaboration.

La Présidente (Mme Vallée): Tout à fait, tout à fait. Alors, écoutez, je vous proposerais de passer au vote sur... Ah! Mme la ministre, vous aviez des commentaires sur l'amendement ou...

Mme Weil: Oui, oui, oui, parce qu'évidemment j'entends beaucoup de choses...

La Présidente (Mme Vallée): D'accord. On revient à l'amendement.

Mme Weil: ...et je sens l'obligation de corriger certaines choses. Et je ne veux pas jouer à la juriste, là, mais c'est quand même important pour la transcription. Alors, lorsque... Puis je pense que les gens ne comprennent pas la portée de l'article qui parle de la neutralité religieuse de l'État et des déclarations du premier ministre. C'est par rapport à l'article 4, et l'article 4 déclare la neutralité religieuse de l'État. Vous avez vu M. Bouchard qui a dit: Il n'y a pas de consensus. On ne devrait pas faire une charte de laïcité à ce temps-ci parce que ce qu'on a vu dans la commission, c'est qu'il n'y a pas de consensus si c'est une laïcité... Et puis les mots... le terme «laïcité ouverte» a été, pour la première fois, utilisé par Jean-Pierre Proulx lors de la commission Proulx, dans le contexte des amendements à amener éventuellement à la Constitution canadienne. C'est lui qui a trouvé cette expression voulant dire... L'origine de la laïcité, c'était justement pour respecter la liberté de religion, c'était...

Mme Beaudoin (Rosemont): Liberté de conscience.

Mme Weil: Non, non, de religion si on va dans l'histoire de ça. Et c'était pour permettre à l'expression et qu'il n'y ait pas une... et, donc, d'assurer la séparation de l'État et des religions. Donc, dans le rapport Proulx, on parle de cette laïcité ouverte.

Alors, lorsque le premier ministre a fait cette déclaration, je veux juste corriger ce que la députée d'Hochelaga-Maisonneuve a dit, qu'il faisait référence à l'article 6, c'était cette forme de laïcité que, nous, on appelle ouverte. Et ça, c'est absolument la vision du gouvernement, c'est de permettre le port de signes religieux. Lorsqu'on amène l'article 6, on dit qu'il est de pratique générale qu'on ait le visage découvert. Et ça, si vous parlez de gros bon sens, la population nous a dit: Ça, c'est du gros bon sens. Et on l'amène... on ne dit pas à la personne que la personne doit enlever tout son vêtement, c'est que la personne, lorsqu'elle transige avec l'État, on doit vous voir, c'est normal de vous voir, de pouvoir communiquer. Et on peut... Bon, beaucoup ont parlé du projet de loi n° 94, qu'il s'inscrit beaucoup dans cette mouvance d'interculturalisme. On est capables de dire: Voici comment on le fait au Québec. Bon, ça, c'est une correction.

L'autre correction que je voudrais amener encore à la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, 30 % des demandes, c'est pour des handicaps. On ne va pas amener un projet de loi sur les accommodements raisonnables sans traiter aussi d'autres types de demandes, dont les personnes qui ont des handicaps, c'est les mêmes règles. Si vous pensez à une personne qui a un handicap, avez-vous un problème à dire «en faveur d'une personne avec un handicap»? Est-ce que, si on accorde un accommodement, ça vous cause un problème que ça soit en faveur?

**(17 h 40)**

Mais le problème avec votre amendement, c'est qu'il est à peu près pareil que l'autre amendement que vous avez apporté, «accommodement pour motif religieux». On a expliqué pourquoi on ne pouvait pas l'amener sur un terrain aussi restreint que ça alors que 30 % des demandes, c'est pour d'autres motifs. Et, dans un autre contexte, éventuellement, avec tous les droits qui sont protégés dans cette section, l'article 10 de la Charte des droits et libertés, on peut imaginer, la société évolue, là, sur des raisons... pour le sexe, pour toutes sortes d'autres raisons, l'âge. Alors, on ne fait pas un projet de loi pour une circonstance, on vient codifier des règles par rapport à toutes sortes de demandes qui sont faites. Alors, c'est l'économie aussi d'un projet de loi et tout le travail qu'on fait autour d'un projet de loi, et je peux vous dire que ça a été fait avec sérieux pour s'assurer que ça s'applique à toute demande d'accommodement.

Maintenant, votre deuxième amendement, qui va exactement dans le même sens, c'était pour des motifs religieux. On n'acceptait pas l'amendement parce qu'on l'a amené sur un terrain très restreint, alors que, nous, puisque les règles sont pareilles, j'ai bien expliqué qu'on ne veut pas deux courants de jurisprudence qui pourraient éventuellement se contredire. Alors, les tribunaux vont interpréter la loi en vertu de la charte, des chartes et de la jurisprudence pour toutes sortes de demandes d'accommodement.

Alors, je pense que ça répond aux éléments que j'ai entendus. Et je voulais surtout clarifier que, lorsque le premier ministre a fait ses déclarations, c'était son expression de ce qu'on appelle couramment cette forme de laïcité ouverte qui fait que, si quelqu'un porte une croix, ça ne veut pas dire... On l'a dit, je l'ai dit maintes fois, il y a beaucoup d'autres gens qui le répètent, on ne fait pas de prosélytisme parce que quelqu'un porte une croix. La personne peut être parfaitement neutre par rapport aux services que la personne offre. Ce n'est pas comme si on transmet des valeurs religieuses à la personne qui vient recevoir des services.

Alors, la neutralité religieuse de l'État, c'est tout simplement de séparer l'État... C'est notre vision des choses, séparer l'État et les religions. C'est ça que ça veut dire, la neutralité, mais ça ne vient pas brimer la personne dans... Et, la jurisprudence, je pourrais vous le lire, ça a été cité maintes fois que ça inclut la possibilité de porter des signes religieux. Donc, on ne vient pas changer ce courant de jurisprudence et de droit, on ne pourrait pas. On ne pourrait pas venir changer quelque chose d'aussi fondamental, et ce n'est pas dans notre vision des choses non plus dans une société pluraliste qui a toujours vécu cette diversité avec beaucoup d'ouverture.

Il y a une autre confusion que je pense importante de clarifier. Lorsque le rapport Bouchard-Taylor parle d'accommodements, il fait bien la distinction entre les pratiques d'ajustement et les accommodements. Nous, on amène un projet de loi sur les accommodements, et ce n'est pas toute question de négociation sur des ajustements culturels qui est nécessairement un accommodement. Il faut qu'il y ait une question de droit fondamental, un des droits dont on a parlé à l'article 10. Donc, il faut faire la part des choses. Oui, un grand débat, une grande discussion, et je pense que c'est ce que toute société vit, et c'est normal qu'il y ait ces genres de débat, mais il faut faire attention puis bien regarder dans quelles circonstances, dans tous les exemples que vous avez donnés, est-ce qu'il y avait une demande d'accommodement ou est-ce que c'était tout simplement l'institution qui voulait... Et, bon, par exemple, un espace de prière, c'est des ajustements, et là, bon, un grand débat...

Une voix: ...

Mme Weil: Non, non, là, il n'y a pas... Il faut...

Une voix: ...

Mme Weil: Non, non, mais il faut savoir ce que c'est, une demande d'accommodement, légalement. Ce n'est pas tous ces ajustements ou tous ces compromis, toutes ces négociations qui rentrent dans le cadre d'accommodements, il faut qu'il y ait un droit... il faut d'abord déterminer si un droit fondamental est affecté parce qu'on n'a pas répondu à la demande.

Alors donc, nous, notre... Et je reviens à l'intention de ce projet de loi, et, oui, il vient... c'est un terrain qui est quand même très, très défini, mais c'est vraiment de s'adresser lorsqu'il y a, à proprement parler, une réelle demande d'accommodement parce que la personne veut faire valoir un droit qui est reconnu en vertu de la charte. Et c'est pour ça qu'on dit qu'il y a des limites à ça, ce n'est pas toute demande qui doit être accordée. Parce qu'il y a de la confusion par rapport à... Bon, les gens pensent que tout est un accommodement puis qu'ils doivent accommoder toutes sortes de demandes, mais... Et c'est pour ça qu'on amène ce projet de loi, on vient dire: Non, ce n'est pas toutes les demandes qui sont...

Une voix: ...

Mme Weil: Non, non, mais on définit «accommodement» en vertu du droit. Bien oui, mais c'est défini, et on arrivera dans ces articles-là... Et justement, donc, vous semblez être d'accord avec l'objectif du projet de loi. D'après tout ce que j'entends, c'est que vous êtes d'accord pour amener la clarté là-dedans parce que vous avez cité beaucoup de choses où les gens ont...

Une voix: ...

Mme Weil: Plus de clarté. Et, donc, si vous avez des amendements qui vont aller dans le sens de renforcer cette clarté, mais pas lorsque je vois qu'il y a de la confusion. Alors là, «motif religieux», vous venez vraiment le restreindre, alors que, je vous dis, 30 %, ce n'est quand même pas rien à la Commission des droits de la personne où c'est pour des raisons de handicap. Et ça, c'est aussi des demandes qui sont prises très, très au sérieux, et, donc, c'est important que ce projet de loi puisse répondre à toutes sortes de demandes. Et c'est les mêmes règles dans la jurisprudence, et, donc, les règles vont s'appliquer, que ce soit une demande pour motif religieux ou pour les autres motifs qui sont énumérés à la Charte des droits et libertés. Alors, je ne vois pas de différence. Parce que vous avez rajouté «pour motif religieux», vous revenez à ça, je ne vois pas de différence entre... Et puis, Mme la Présidente, vous aussi, vous avez entendu que les deux amendements se ressemblaient beaucoup parce que l'aspect le plus important de l'amendement, c'est «motif religieux». Bien, il y a plusieurs éléments dans ce que vous demandez, hein? Oui, mais, vos arguments, il faut être précis, qu'est-ce qui... «Pour motif religieux», ça vient vicier la demande que vous faites d'amendement parce qu'on a déjà discuté de «motif religieux» et on vous a déjà expliqué pourquoi il faut rester sur le terrain plus vaste des accommodements en vertu de la Charte des droits et libertés.

La Présidente (Mme Vallée): Mme la ministre, simplement vous dire que vous devez vous adresser à la présidence...

Mme Weil: Excusez-moi.

La Présidente (Mme Vallée): ...au même titre que nos collègues. La remarque a été formulée à nos collègues. Alors, désolée de vous interrompre, mais je me devais de faire le point.

Mme Weil: Donc, c'est ça. Donc, parce qu'il y avait cette expression, «motif religieux», comme vous l'avez souligné, les deux amendements se ressemblent, et c'était la partie importante qui viciait, si vous voulez, cet amendement.

La Présidente (Mme Vallée): Est-ce qu'il y a d'autres...

Mme Poirier: ...il me reste du temps?

La Présidente (Mme Vallée): Il vous reste une minute.

Mme Poirier: Bon, bien, on va conclure. Alors, écoutez, je pense que la ministre a fait valoir son point de vue. Moi, je respecte les points de vue de chacun, on n'est pas d'accord avec elle. Regardez, c'est aussi simple que ça. Et ça arrive dans la vie, puis c'est pour ça qu'on est des... de part et d'autre, des fois on est d'accord, des fois on ne l'est pas. Nous, ce qu'on dit, c'est que l'amendement qu'on a déposé vient préciser que ce que dit le libellé actuellement, vient dire... «Au bénéfice du personnel de l'administration publique», c'est vraiment ce bout-là, là, qu'on a changé. «En faveur du personnel de l'administration publique», c'est une chose. Et c'est une autre chose parce que, si le législateur avait voulu dire «pour tout le monde», il aurait dit «tout le monde» et il a spécifié «pour le personnel et pour une personne qui reçoit des services». Alors, le gouvernement a introduit dans la même phrase deux clientèles visées.

J'ai voulu le déposer en sous-amendement par concordance. Vous l'avez refusé, je respecte votre décision, Mme la Présidente. On va le réintroduire en amendement, ma collègue va le réintroduire. Mais on vise deux clientèles différentes, là. On a parlé tout le long qu'on a argumenté... Et je l'ai précisé dès le début, Mme la Présidente, j'ai précisé que notre argumentation porterait sur le personnel de l'administration publique, et nous poursuivrons avec les personnes qui vont recevoir les services, ce qui est différent. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Nous allons procéder à la mise aux voix, alors, sur l'amendement déposé par Mme la députée de Rosemont et qui vise la suppression d'«en faveur» et du remplacement par «en réponse à une demande pour motif religieux».

Une voix: ...

La Présidente (Mme Vallée): C'est ça, oui, oui, «en réponse à une demande pour motif religieux». Alors ça, c'est l'amendement sur lequel nous procédons à la mise aux voix. Mme la secrétaire.

La Secrétaire: Oui. Alors, Mme Beaudoin (Rosemont)?

Mme Beaudoin (Rosemont): Pour.

La Secrétaire: Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve)?

Mme Poirier: Pour.

La Secrétaire: M. Kotto (Bourget)?

M. Kotto: Pour.

La Secrétaire: Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce)?

Mme Weil: Contre.

La Secrétaire: M. Bernard (Rouyn-Noranda-- Témiscamingue)?

M. Bernard: Contre.

La Secrétaire: M. Matte (Portneuf)?

M. Matte: Contre.

La Secrétaire: M. Auclair (Vimont)?

M. Auclair: Contre.

La Secrétaire: Mme Vallée (Gatineau)?

La Présidente (Mme Vallée): Abstention.

La Secrétaire: 3 pour, 4 contre, 1 abstention.

La Présidente (Mme Vallée): Merci. Alors, nous poursuivons sur l'étude du premier alinéa de l'article 1. Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Alors donc, je dépose un amendement. L'article 1 est modifié dans son premier alinéa par la suppression, après «établissement», de «ou en faveur d'une personne» et son remplacement par «en réponse à une demande d'une personne pour motif religieux».

Ce n'était pas la même?

**(17 h 50)**

La Présidente (Mme Vallée): J'imagine que vous allez procéder à la distribution.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui. Alors, j'attends?

La Présidente (Mme Vallée): Oui, s'il vous plaît. On va prendre connaissance, compte tenu du nombre d'amendements et des technicalités.

Mme Beaudoin (Rosemont): D'accord.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, on va suspendre quelques instants, le temps de...

(Suspension de la séance à 17 h 51)

 

(Reprise à 17 h 53)

La Présidente (Mme Vallée): Alors, nous allons reprendre. Mme la députée de Rosemont, je vous demanderais de procéder à l'explication de votre amendement avant de me prononcer sur la recevabilité.

Mme Beaudoin (Rosemont): Ah! avant de vous prononcer sur la recevabilité, bien je pense que ma collègue d'Hochelaga-Maisonneuve a commencé à le dire, Mme la Présidente, de façon très claire, c'est qu'on ne parle pas de la même chose. Le premier amendement concernait un membre du...

(Consultation)

La Présidente (Mme Vallée): ...Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, j'ai compris... Parce qu'évidemment, compte tenu que vous aviez soulevé le sujet au début à titre de sous-amendement, lors des représentations de la ministre j'ai compris qu'il y avait possiblement un questionnement quant à la recevabilité, compte tenu que nous étions sur la question de motif religieux. En fait, c'est le troisième amendement sur le paragraphe un et qui traite des motifs religieux...

Mme Poirier: ...paragraphe, là, ce n'est pas une question de quantité, là.

La Présidente (Mme Vallée): Non, ça, je comprends. Non, non, non, ça, je comprends. Par contre, la question de motif religieux semble être une préoccupation au niveau de la recevabilité. Alors, ce que je vous proposais, c'était tout simplement d'expliquer la distinction entre cet amendement-là et les amendements qui ont été proposés au niveau du fond pour, après ça, pouvoir me prononcer sur la recevabilité.

Mme Poirier: ...on reçoit un amendement, c'est la présidence qui reçoit l'amendement et qui en décide, de la recevabilité. C'est à vous à vous prononcer là-dessus, et, nous, on veut savoir sur quelle base, pour vous, il n'est pas recevable, puisque cet amendement-là ne s'introduit pas du tout au même endroit dans le paragraphe, il vient préciser pour une autre clientèle à l'intérieur du même paragraphe. Alors, nous vous demandons, à vous, de vous prononcer sur la recevabilité.

La Présidente (Mme Vallée): J'ai bien compris vos arguments. Je crois que le député de Vimont avait une intervention.

M. Auclair: Mme la Présidente, juste pour simplifier la vie, ma collègue a tout à fait raison, c'est à vous à déterminer la recevabilité, et on va se plier à votre bon jugement.

La Présidente (Mme Vallée): Parfait. Alors, je vais vous demander de suspendre quelques instants. Je vais faire une petite vérification et je vous reviens. Ça peut être très rapide. Alors, je voudrais, tout simplement, vérifier quelque chose et je vous reviens.

(Suspension de la séance à 17 h 56)

 

(Reprise à 17 h 57)

La Présidente (Mme Vallée): Je suis prête à rendre ma décision. Alors, je voulais, tout simplement, vérifier les différents amendements qui avaient été formulés. Compte tenu que l'amendement qui est déposé vise non pas le personnel de l'administration publique, mais bien le citoyen qui formule une demande d'accommodement, donc, au niveau du fond, il y a une distinction. On ne parle pas de la même clientèle, et c'est... Et puis c'est important pour les gens qui nous écoutent de comprendre aussi parce que l'amendement qui a été rejeté visait une demande formulée par un membre du personnel de l'État, c'est-à-dire un fonctionnaire qui fait une demande, alors que la demande d'amendement qui est sur la table actuellement vise le citoyen, la citoyenne qui formule une demande d'accommodement devant l'administration publique. Donc, en conséquence, il s'agit de deux situations différentes, et je pense que, dans le contexte actuel et compte tenu de l'importance du projet de loi, je crois que ça vaut la peine de procéder à une discussion sur cette demande d'amendement. Alors, M. le député de Vimont.

M. Auclair: ...on accepte d'emblée, on n'a pas le choix, c'est votre décision, sauf que ça serait très agréable qu'on puisse le recevoir par écrit pour qu'on puisse, un jour... pour voir la jurisprudence que vous allez créer à cet égard parce que je trouve que c'est intéressant de voir sur quoi vous vous basez pour établir et finaliser. Parce que je reviens malgré tout avec... Et je respecte votre décision, sauf qu'on constate qu'il y a une certaine redondance dans les faits et dans l'évolution et qu'on va, dans le fond... Je suis sûr qu'il ne manque pas d'amendements. Ça, je n'en doute pas une seconde. Donc, je sais que, pour l'intérêt puis l'évolution du débat de notre article 1, parce que je considère qu'on... Je veux juste mettre en... à 5 h 59, que nous sommes toujours à l'article 1, premier paragraphe, deuxième ligne, et c'est juste que j'aimerais vraiment qu'on puisse, pour l'avenir, voir... Parce que, si, à toutes les fois, on peut rajouter toujours le même mot, mais juste l'adapter, le transporter, dans le fond, de mot en mot... C'est juste pour voir l'évolution future de la jurisprudence à cet égard.

La Présidente (Mme Vallée): J'en prends bonne note, M. le député de Vimont. Ceci étant dit, compte tenu de l'heure, parce qu'il ne reste que deux minutes aux travaux et je pense qu'il serait inopportun de couper les interventions pour ce bref... j'ajourne nos travaux sine die.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Vallée): Sine die.

(Fin de la séance à 17 h 59)

Document(s) associé(s) à la séance