(Neuf heures trente minutes)
La Présidente (Mme Thériault): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte et je demande aux personnes présentes dans la salle de bien vouloir fermer leurs téléphones cellulaires ou de les mettre en mode vibration, s'il vous plaît.
La commission est réunie afin de tenir des auditions publiques dans le cadre des consultations particulières à l'égard du projet de loi n° 50, Loi modifiant le Code des professions et d'autres dispositions législatives dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines.
M. le secrétaire, avons-nous des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Roy (Lotbinière) est remplacée par M. L'Écuyer (Saint-Hyacinthe) et M. Cloutier (Lac-Saint-Jean) est remplacé par M. Côté (Dubuc).
La Présidente (Mme Thériault): Merci. Donc, aujourd'hui, ce matin, nous entendrons l'Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec. Par la suite, ce sera le regroupement des enseignantes et enseignants du collégial en techniques de travail social du Québec. Nous terminerons l'avant-midi avec l'Association des établissements de réadaptation en déficience physique du Québec. Ce sera suivi d'une suspension. À 14 heures, nous reprendrons les travaux et, à ce moment-là, nous entendrons la Société québécoise des psychothérapeutes professionnel-le-s. Ce sera suivi de l'Association provinciale des professeurs en techniques d'éducation spécialisée, du Collège des médecins du Québec, et nous terminerons avec l'Association des centres jeunesse du Québec.
Auditions (suite)
Donc, nous avons devant nous le premier groupe qui est installé. Bienvenue à l'Assemblée nationale. C'est l'Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec. Vous avez certainement suivi les travaux de la commission. Donc, vous avez une quinzaine de minutes pour nous présenter votre mémoire, et ce sera suivi des échanges avec les trois formations politiques. Donc, la parole est à vous.
Ordre des orthophonistes et
audiologistes du Québec (OOAQ)
M. Beaulieu (Louis): Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Je me présente, je m'appelle Louis Beaulieu, je suis président et directeur général de l'Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec. L'ordre remercie la commission de l'entendre sur cet important projet de loi.
Tout d'abord, je vous présente les personnes qui m'accompagnent: à ma gauche, Mme Geneviève Lemieux, orthophoniste et administratrice de l'ordre, exerce depuis plus de 20 ans dans les écoles, elle est également auteure de plusieurs publications; à ma droite, M. François Bergeron, audiologiste et administrateur de l'ordre, professeur en orthophonie à l'Université Laval, il est une des figures de proue québécoises en implant cochléaire; Mme Lucie Provencher, administratrice agréée, directrice générale adjointe et secrétaire de l'ordre.
Nous sommes heureux de pouvoir vous faire part des solutions de l'ordre pour bonifier le projet de loi n° 50. Nous vous parlerons bien sûr des dimensions reliées à la pratique des orthophonistes et des audiologistes, mais aussi des réalités qui touchent plus de 1 million de Québécois au quotidien, soit les personnes qui ont des difficultés de communication ou d'audition.
Tout en reconnaissant l'importance que la protection du public soit accrue dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines, l'ordre soutient respectueusement que des changements sont requis au projet de loi afin de permettre une juste articulation entre les propositions qui y sont faites, les services à rendre aux personnes et les exercices des autres intervenants dont les membres de l'ordre. Nous avons compris des interventions réalisées devant cette commission depuis mardi que plusieurs intervenants, dont le ministre lui-même, souhaitent des amendements au projet de loi, ce qui augure bien. Les champs d'activité que l'on souhaite redéfinir et les activités que l'on propose de réserver dans ce projet débordent largement la santé mentale et les relations humaines, car ils touchent tous les secteurs de la santé, une personne dont la santé mentale est affectée pouvant très bien aussi avoir une problématique de santé physique, une déficience physique ou intellectuelle ou encore un trouble envahissant du développement. C'est le cas des personnes qui ont un trouble de la communication ou de l'audition.
Les propositions de l'ordre s'appuient sur le fait que l'on réfère directement à la pratique de ses membres dans le projet de loi ainsi que sur la nécessité d'assurer qu'ils puissent continuer d'exercer leur profession en toute autonomie, au bénéfice des personnes qu'ils desservent.
Le Québec compte un peu plus de 1 575 orthophonistes et près de 300 audiologistes. Tous ont complété des études universitaires de maîtrise, standard québécois et nord-américain depuis plus de 50 ans. Ils exercent leur profession dans plusieurs centaines d'établissements de santé, dans près de un millier d'écoles et en pratique privée. Ils interviennent sur la communication et sur les troubles qui l'affectent. De par sa nature, la communication se réalise toujours en interaction avec une ou plusieurs personnes, quelle que soit la modalité: orale, écrite ou gestuelle. Il n'est donc pas surprenant que la pratique quotidienne des audiologistes et des orthophonistes auprès des personnes de zéro à 99 ans, tant au plan de la prévention, de l'évaluation et du traitement, se réalise en interaction au coeur de leur environnement.
Les demandes de l'ordre n'entraînent pas de modifications autres que mineures au projet de loi. Elles n'ont pas pour objectif de rouvrir le projet de loi n° 90, sanctionné en 2002. Il s'agit plutôt d'ajuster les dispositions législatives concernant la pratique des orthophonistes et des audiologistes, compte tenu des connexités importantes avec plusieurs des dispositions du projet de loi susceptibles d'affecter leurs pratiques professionnelles et les services au public. Les propositions de l'ordre s'inscrivent dans le respect des compétences des autres professionnels et des besoins des personnes tout en favorisant une complémentarité en mode de collaboration interprofessionnelle. Les recommandations de l'ordre visent que les nouvelles activités réservées n'aient pas de répercussions majeures dans l'organisation du travail.
Jusqu'à tout récemment, l'ordre avait été tenu à l'écart des discussions entourant les travaux du comité d'experts puis l'élaboration du projet de loi, alors que ceux-ci affectent directement la pratique de ses membres. Ainsi, malgré les récents échanges et travaux menés avec l'Office des professions et bien que certaines pistes de solution émergent, des problématiques importantes demeurent, et l'ordre propose quatre modifications pour y remédier.
La première modification vise à ce que l'on ajoute les mots «de l'être humain en interaction avec son environnement» à la toute fin du libellé actuel du champ d'exercice des orthophonistes et des audiologistes. Cette mention qui est prévue au champ évocateur des autres professions visées par le projet de loi n° 50 doit être ajoutée pour l'ensemble des professions en relations humaines. Les fonctions de l'audition, du langage, de la voix et de la parole, qui sont directement au coeur de la communication humaine, sont une caractéristique de l'être humain qui, lorsqu'il communique, le fait en interaction avec son environnement. Ajouter cet élément à la finalité du champ d'exercice des orthophonistes et des audiologistes permettra de dissiper l'incertitude quant à leur domaine de compétence qui pourrait résulter de l'adoption du projet de loi.
La seconde modification vise à ce que l'on accorde à ses membres la réserve de l'activité «évaluer une personne atteinte d'un trouble mental ou neuropsychologique attesté par un diagnostic ou par une évaluation effectuée par un professionnel habilité». Selon le projet de loi, cette activité serait réservée aux professions nommées au projet de loi, excepté aux médecins et aux infirmières qui sont déjà habilités par leur champ d'exercice à évaluer une personne atteinte d'un trouble mental ou neuropsychologique. Compte tenu que le champ d'exercice des orthophonistes et des audiologistes ne comporte pas ce caractère englobant, ces professionnels se trouveraient exclus de cette réserve d'activité. Cela pourrait avoir pour conséquence qu'ils pourraient être empêchés d'agir auprès des personnes atteintes d'un trouble mental ou neuropsychologique, alors qu'il s'agit de clientèles pour lesquelles ils interviennent fréquemment, dans les différents milieux où ils exercent leur profession, tant au plan de l'évaluation que du traitement. Il ne faudrait pas non plus que ces professionnels se retrouvent en situation d'exercice illégal.
Bien que l'ajout d'une clause interprétative à l'article 38 du Code des professions comporte un certain intérêt, elle ne répond pas aux appréhensions de l'ordre, car elle ne semble permettre de régler qu'une partie des problématiques. En apposition avec l'autre clause déjà inscrite à cet article, on pourrait conclure qu'elle dilue largement la portée des activités réservées. Finalement, cette clause qui semble convenir aux six autres ordres nommés au projet de loi n'a pas été soumise à l'ensemble des ordres visés à l'article 37... 37.1, je m'excuse.
La troisième modification vise à ce que l'on balise la portée des activités «évaluer les troubles mentaux» et «évaluer les troubles neuropsychologiques» en leur ajoutant une finalité, compte tenu que trop d'éléments demeurent à éclaircir, notamment leur définition et leur portée réelle sur un grand nombre de professionnels. On pourrait sans doute inclure des définitions de ces termes dans le projet de loi à l'instar de ce que l'on s'apprête à faire dans le projet de loi n° 50 relativement à la question de la psychothérapie et de ce qui a déjà été fait par le passé tant au Code des professions, à l'article 39.3, que tout récemment en lien avec la comptabilité publique.
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(9 h 40)
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Malgré les récents échanges tenus et l'analyse faite par l'office, l'ordre considère que la portée de ces activités apparaît toujours trop large au regard de la pratique de ses membres. En effet, au regard des troubles mentaux, on indique, à la page 40 du rapport Trudeau, que «cette évaluation s'effectue selon une classification reconnue des troubles mentaux, notamment les deux classifications [...] CIM-10 et le DSM-IV». Or, cette dernière classification inclut bon nombre de troubles de la communication, voir la section Troubles habituellement diagnostiqués pendant la première enfance, la deuxième enfance ou l'adolescence. À titre d'exemple, on y retrouve des expressions telles que «Trouble du langage de type expressif», «Trouble phonologique» ou encore «Bégaiement», qui sont des conclusions de routine posées par l'orthophoniste à la suite des évaluations qu'il réalise.
De plus, la notion des troubles neuropsychologiques proposée au rapport Trudeau est très difficile à cerner. On y mentionne que «de plus, les troubles neuropsychologiques ne font pas uniquement partie de la classification des troubles mentaux car ils comportent un volet physique plus près de la pratique de la neurologie». Il faut aussi souligner que la définition qui est donnée de ces troubles ne fait référence à aucune classification scientifique reconnue.
Concernant la portée de cette activité, on y mentionne également que «le psychologue détenant une attestation de formation l'autorisant à évaluer les troubles neuropsychologiques pourra évaluer les troubles du langage et de la parole. En effet, lorsqu'un enfant présente des troubles d'apprentissage de la lecture ou des troubles du langage, différents aspects doivent être évalués afin d'éliminer la possibilité d'autres troubles.» Je ferme la citation.
Procéder à une réserve sur la base du libellé proposé entraînerait beaucoup de confusion et de dédoublement tout en perturbant considérablement les milieux de travail, et cela, bien au-delà de la question des troubles du langage et de la parole.
Finalement, rappelons que les orthophonistes détiennent un diplôme de maîtrise qui porte principalement sur les dimensions langage et parole dans une perspective large qui tient compte du fonctionnement de l'être humain en interaction avec son environnement. Comment dès lors concevoir qu'une simple attestation permettrait à des psychologues d'atteindre un niveau de connaissance suffisant pour procéder à de telles évaluations? Ne vaudrait-il pas mieux procéder au moyen d'un certificat de spécialiste, une telle approche offrant des garanties supplémentaires de transparence, par la publication d'un projet de règlement amenant par la suite l'approbation gouvernementale?
La quatrième modification vise à apporter des changements aux activités a et d actuellement réservées aux audiologistes et aux orthophonistes, à l'article 37.1 du Code des professions, en les scindant ainsi: évaluer les troubles de l'audition; deux, déterminer le plan de traitement et d'intervention audiologiques; trois, évaluer les troubles du langage, de la parole et de la voix; quatre, déterminer le plan de traitement et d'intervention orthophoniques.
Dans l'éventualité où l'on ne souhaiterait pas baliser la portée des activités «évaluer les troubles mentaux» et «évaluer les troubles neuropsychologiques» par une finalité précisée au sein même des libellés de ces activités, il faudra impérativement retenir cette quatrième modification demandée par l'ordre afin d'assurer que les personnes atteintes d'un trouble mental ou neuropsychologique ayant un retard ou un trouble de langage, de la parole ou de la voix puissent clairement être évaluées par un orthophoniste ou un audiologiste, qu'il y ait ou non un plan de traitement et d'intervention à déterminer. Dans le cas contraire, la finalité de déterminer le plan de traitement et d'intervention devient beaucoup trop restrictive et potentiellement préjudiciable. Si aucune des solutions présentées par l'ordre ne devait être retenue, ce dernier est d'avis que l'on devrait surseoir à l'adoption des activités «évaluer les troubles mentaux» et «évaluer les troubles neuropsychologiques» jusqu'à ce que des clarifications et précisions requises soient apportées.
Au regard de la proposition faite au deuxième paragraphe de l'article 5 du projet de loi, qui vise à ajouter aux activités déjà réservées aux membres de l'ordre les sous-paragraphes e et f, l'ordre manifeste son accord tout en s'interrogeant sur la portée réelle de ces activités, bien qu'il comprenne qu'elles sont liées au champ d'exercice de ses membres.
Finalement, l'élaboration d'un guide explicatif est une démarche utile dans la mesure où certains éléments importants du projet de loi auront été modifiés et clarifiés. Il pourrait alors contribuer à une application plus harmonieuse et équilibrée des nouvelles dispositions législatives. L'ordre apprécie l'invitation de l'office à participer à un tel exercice. Il s'inquiète toutefois qu'à défaut de bien préciser certains concepts et notions dans le projet de loi dès maintenant, par les amendements requis, que l'on ait à revivre des situations particulièrement pénibles en lien avec l'application du projet de loi n° 90, et ce, malgré un guide explicatif.
En terminant, l'ordre croit à la valeur de l'échange, de la concertation et de la collaboration interprofessionnelle. Il s'inquiète toutefois de l'état des collaborations dans de futures discussions, puisque, malgré le geste concret qu'il posait, le 9 janvier, en souhaitant initier des discussions avec les six autres ordres concernés par le projet de loi, aucun échange constructif n'a été possible, puisque ceux-ci n'ont pas voulu s'engager en ce sens, et pire, que l'on a cherché à isoler l'ordre. Ce dernier demeure convaincu de l'importance de trouver rapidement des solutions avantageuses pour tous qui permettront une adoption rapide du projet de loi. Les modifications qu'il demande s'avèrent nécessaires au maintien de l'équilibre requis pour assurer la protection du public dans le respect des compétences des professionnels et des besoins des personnes. L'ordre est, bien entendu, très disposé à poursuivre le travail d'ici l'adoption du projet de loi et après celle-ci. Je vous remercie de votre attention.
La Présidente (Mme Thériault): Merci beaucoup, M. Beaulieu. Donc, sans plus tarder, nous allons débuter la période d'échange. M. le ministre.
M. Dupuis: Alors, Louis, parce qu'on ne prétendra pas qu'on ne se connaît pas, d'autant plus qu'on a travaillé fort ensemble pour préparer la rencontre que le premier ministre a eue au sujet du dossier de la reconnaissance des compétences, et je veux vous remercier pour le travail que vous avez accompli lors de cette... précédemment à la rencontre et lors de la rencontre aussi. M. Bergeron... oui, M. Bergeron, Mme Lemieux, Mme Provencher, bienvenue.
Je pense qu'on ne se contera pas d'histoires, Louis, vous avez déjà commencé à travailler avec l'office sur la clause interprétative, clause interprétative que nous souhaitons rédiger de telle sorte que vous ne soyez pas empêchés d'exercer le champ d'activité que vous exercez déjà. Il faut que je vous dise que le libellé de la clause interprétative que vous avez vu, on a pris la peine de confirmer avec la présidente de l'Ordre des psychologues que c'était aussi son opinion, que ça ne vous empêchait pas d'exercer votre champ d'activité. Je sais que vous avez des réserves quant à la rédaction de la clause interprétative qui vous a été montrée. Mais le président de l'office me confirme qu'il va continuer de travailler avec vous, entre autres, dans ce dossier-là pour faire en sorte que la rédaction puisse vous satisfaire sur le fait que vous pourrez continuer à exercer votre champ d'activité.
Je ne suis pas en mesure... Bon. L'autre chose, je sais aussi que vous avez eu l'occasion de travailler sur le libellé du guide explicatif. Là, je ne sais pas quelle est votre opinion sur ce travail que vous avez effectué sur le guide explicatif mais que nous souhaitons être la meilleure indication englobante qui ferait en sorte que personne ne pourrait être empêché quand même d'exercer dans son champ d'activité sous réserve bien sûr des dispositions du projet de loi. Et, moi, je salue avec plaisir la fin de votre présentation où vous dites que vous êtes prêts à continuer à travailler avec l'office avant l'adoption du projet de loi, puisque la clause interprétative de toute façon, à mon avis à moi, devra faire partie d'un amendement qu'on apporterait avant l'adoption du projet de loi. Donc, je salue votre ouverture à travailler avec l'office sur le libellé de cette clause. Je salue aussi votre ouverture à continuer à travailler sur le guide explicatif.
J'ai demandé, moi, à l'office qu'on... je sais que la réponse ne vous satisfera pas complètement, là, mais j'ai demandé à l'office qui a pas mal de travail à faire aussi avant qu'on adopte le projet de loi n° 50, mais j'ai demandé de faire des efforts pour être en mesure d'ouvrir immédiatement un chantier sur vos demandes en ce qui concerne des modifications à votre champ d'activité. Le moins qu'on puisse dire, Louis, c'est que vous êtes tenace, puisque vous avez fait certaines représentations lorsqu'il a été question du projet de loi n° 90. Vous revenez à la charge maintenant, et ce n'est pas un reproche, au contraire, je pense que la ténacité aussi en politique c'est une qualité. Donc, vous êtes tenace, et j'ai demandé à l'office d'ouvrir un champ. J'aimerais ça vous entendre sur le guide explicatif que vous avez eu l'occasion de voir. Est-ce que vous avez une opinion quant à ce qui vous a été présenté par l'office?
La Présidente (Mme Thériault): M. Beaulieu.
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(9 h 50)
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M. Beaulieu (Louis): Mme la Présidente. Merci, M. le ministre, pour vos bons mots. Il est vrai que ça fait presque 12 ans que je suis président et directeur général de mon ordre, alors j'ai une certaine connaissance du système professionnel et des enjeux. Je suis un ardent défenseur de la protection du public. Les clientèles avec lesquelles nous travaillons ont des troubles de la communication, et ce n'est pas nécessairement celles qui viennent le plus régulièrement se présenter devant les parlementaires dû à la nature de leurs problèmes. On est dans une perspective de prévenir des risques de préjudice dans le système professionnel en complémentarité professionnelle. Il faut s'assurer de la compétence des gens, de la compétence réelle, sur la base de la formation initiale d'abord, c'est un des fondements du système professionnel.
Pour vous parler du guide explicatif d'abord, vous dire que c'est un exercice utile quand les choses sont bien clarifiées. Par rapport au projet de loi n° 90, il y a des choses qui sans doute n'étaient pas aussi bien clarifiées qu'on aurait pu le souhaiter, et la démarche du Dr Bernier, du comité ministériel, qui avait été faite à l'époque se fait en plusieurs temps. Il y a eu un temps sur la santé physique, d'abord, puis là on est dans un temps sur la santé mentale et les relations humaines. Les choses sont toutes interreliées les unes avec les autres, et c'est ce qui rend le travail du législateur particulièrement difficile, parce que, quand il touche à quelque chose, ça a un impact sur autre chose. Et c'est de ça dont on parle, nous, ici, d'essayer d'ajuster ces éléments-là, comme vous l'avez si bien dit, pour éviter que ça ait des impacts, ou des répercussions, négatifs sur le terrain. Alors, c'est vraiment cette perspective-là.
Par rapport au guide explicatif de la loi n° 90, malheureusement certains éléments n'avaient pas bien été clarifiés dans la loi. Je fais ici référence à une problématique qui touche quelques professions et qui s'appelle la dysphagie. Alors, vous allez me dire: Qu'est-ce qu'un orthophoniste fait là-dedans? Historiquement, depuis 80 ans, on s'intéresse aux gens qui ont des problèmes de parole, et souvent, avec un problème de parole, vient un problème de contrôle de la salive. Alors, avant de travailler la parole, là, quand quelqu'un bave, il faut l'aider à contrôler sa salive. Alors, de facto, on a appris à travailler sur tout ce qui était le processus qui permet de transiter des substances entre la bouche puis l'entrée de l'oesophage.
C'est aussi un champ où on doit travailler en complémentarité. Malheureusement, dans les travaux du Dr Bernier ? puis je ne lui en fais pas de reproche, on ne peut pas tout faire en même temps ? ça n'a pas été clarifié, et il y a eu des pourparlers. Et malheureusement on ne peut pas dire que tout le monde, d'emblée, parce qu'il dit qu'il a la compétence, a la compétence, il faut que les gens s'assoient et la démontrent, ce qu'on a fait, nous, de notre côté. Il y a de la complémentarité entre les diététistes et les ergothérapeutes, il y a un rôle bien entendu au médecin, à l'infirmière, il y a pas mal de monde là-dedans. Mais, comme ça n'a pas été clarifié, on se retrouve maintenant avec une poursuite de l'ordre des diététistes contre le Centre hospitalier universitaire de Montréal. Ça, je pense que ça ne tente à personne de revivre ce genre de situation là, et c'est ça qu'on cherche à prévenir.
Maintenant, la compétence qui est reliée chez le psychologue à l'évaluation des troubles mentaux ou à l'évaluation des troubles psychologiques, il y a certainement une compétence de ce côté-là, on ne remet pas ça en question. Maintenant, la capacité d'un psychologue, de notre point de vue, à conclure à un trouble du langage, de la parole et de la voix est une chose différente de la capacité à évaluer les habiletés verbales d'un enfant quand on veut évaluer son fonctionnement intellectuel. De dire: J'évalue l'ensemble du fonctionnement intellectuel, de l'état affectif d'une personne ou autre domaine qui touche à la psychologie, c'est une chose. De là à dire: Je conclus qu'il y a un trouble du langage, un trouble de la parole, de la voix ou de l'audition, c'est une autre affaire, qu'il y ait ou non un plan de traitement et d'intervention à réaliser.
Comme on touche à des activités «évaluer les troubles mentaux» et «évaluer les troubles neuropsychologiques» et qu'on ne leur met pas de finalité, hein, on ne dit pas «évaluer les troubles neuropsychologiques dans le but de», on scinde cela, on vient toucher à tout l'équilibre qui nous touche à nous en particulier, parce que, nous, justement dans nos activités, on a mis «dans le but de déterminer», «évaluer dans le but de déterminer». On dit: Faisons de la clarté et assurons-nous que chacun va pouvoir travailler dans son champ, en fonction de sa compétence, au bénéfice du client. Parce qu'ultimement, si j'évalue un enfant et que je me trompe sur le diagnostic de trouble du langage, parce que ce n'est pas mon champ à moi, ce n'est pas les études de maîtrise que j'ai complétées, je crée un préjudice à l'enfant soit en disant qu'il a un problème ou qu'il n'en a pas.
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre.
M. Dupuis: Là, vous êtes tombé tranquillement, pendant votre présentation... j'admets que vous êtes très éloquent, mais vous êtes tombé tranquillement, dans votre présentation, dans la clause interprétative. La clause interprétative, Louis, là, on va faire tous les efforts... ce n'est pas moi, là, mais l'office, et vous, et tout le monde, parce que la clause interprétative, elle intéresse vous, mais elle intéresse aussi d'autres groupes. Donc, on va faire tous les efforts et on est disposés, on est positifs, on est ouverts, ça va être dynamique pour faire en sorte que la clause interprétative rencontre vos demandes sur ce sujet-là. Parce que la fin de votre intervention concerne plus la clause interprétative. Dans le fond, on veut éviter que vous ne puissiez pas exercer dans votre champ d'activité, puis on va s'organiser, on va s'entendre ? quand je dis «on va s'entendre», les ordres ? les ordres vont s'entendre pour que ça, ce soit confirmé. D'ailleurs, là je suis en train de développer des groupies parce qu'il y a un paquet de monde dans la salle qui suivent nos travaux depuis le début. Ils m'entendent dire la même chose de façon répétée. C'est plate pour eux autres, c'est plate pour les autres, mais je pense que ça peut être intéressant pour les gens comme vous qui venez témoigner. Je sais que vous avez entendu la commission parce que vous l'avez dit dans votre... Pour la clause interprétative, Louis, on va faire tous les efforts, puis on va se parler, puis on va vous parler, puis ça va être ouvert, ça va être à visière levée.
Le guide explicatif ? j'essaie de voler le moins de temps possible à mes amis parlementaires ? on est conscients ? quand je dis «on», c'est l'office, là ? des difficultés qu'il y a eu, qui peuvent être survenues suite au guide explicatif qui avait été préparé pour le projet de loi n° 90. On va essayer... Je veux dire, il y a tellement d'erreurs à faire dans la vie qu'on va essayer de ne pas répéter celles qui se sont déjà faites, là, il y en a tellement d'autres à faire, mais on va essayer de ne pas répéter les erreurs qui ont été faites dans le guide explicatif, autant que possible. Encore là, Louis, on est positifs, et ça va être dynamique. Et encore une fois, je le dis pour les gens qui auraient ouvert la télé il y a deux secondes et quart, je vous appelle Louis parce qu'on s'est déjà rencontrés puis on se connaît bien. Merci.
La Présidente (Mme Thériault): M. Beaulieu.
M. Beaulieu (Louis): Mme la Présidente. M. le ministre, je suis d'accord qu'on travaille à la clause interprétative. Ce que je veux qui soit clair de notre point de vue, et bien respectueusement: on pense que ce n'est pas suffisant. Il faut baliser les deux activités: «évaluer les troubles mentaux» et «évaluer les troubles neuropsychologiques», parce qu'elles sont très larges. Les définitions auxquelles on réfère sont très englobantes et, de notre point de vue, englobent, pourraient englober l'ensemble de l'essence de notre profession. Ça, c'est un élément quand même assez fondamental. Et les troubles neuropsychologiques, la définition n'est pas très claire, sinon un peu floue, quand on lit le rapport Trudeau et la base scientifique autour de ça. Quand vous avez procédé en comptabilité publique récemment, vous avez décidé d'inscrire des définitions dans la Loi des comptables agréés, c'est un choix qui a été fait pour éclaircir les choses. Ça peut être une voie aussi qui pourrait être empruntée. On essaie bien respectueusement d'amener des pistes de solution. Parce qu'on le redit, peu importe ce qui a pu être dit, on est en faveur qu'il y ait du ménage de fait dans la santé mentale et les relations humaines parce que ça a des impacts importants pour la population.
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre.
M. Dupuis: Soyez rassuré sur la clarté de vos propos, vous avez été très clair dans vos propos. On ne peut pas se méprendre sur votre présentation, là, soyez rassuré là-dessus. D'autre part, je salue encore une fois votre ouverture d'esprit à travailler avant l'adoption du projet de loi et après. Et, puisque vous avez fait référence au dossier de la comptabilité que nous avons tous discuté lors de la dernière session, souvenez-vous, Louis, mais là ce n'est pas... mais souvenez-vous que, dans ce dossier-là aussi ? j'emploie le «aussi» à escient ? il y avait une entente, entre les trois ordres professionnels, qui était fragile. Et vous vous souviendrez aussi, parce que je sais que vous avez suivi le dossier de près, vous vous souviendrez qu'il y avait des demandes de la part des comptables en management que j'ai refusées mais pas de façon vernaculaire ou arrogante, comme certains souhaiteraient le prétendre, mais que j'ai refusées en disant: Écoutez, l'équilibre est fragile; si je viens jouer là-dedans, malheureusement j'ai peur que ce jeu d'équilibre tombe, et je ne veux pas aller jouer là-dedans.
Il y a, pas de façon similaire, Louis, mais, vous me connaissez, je suis assez transparent de nature, il y a, dans le projet de loi n° 50, ce genre d'entente qui est quand même relativement fragile mais qui surtout, surtout, vient faire une avancée importante, une porte d'entrée... Je vais employer cette expression-là. Une porte d'entrée, ce n'est pas entrer dans la maison puis ce n'est pas la meubler, là. C'est une porte d'entrée qui est intéressante, sur laquelle... que j'estime ne pas pouvoir être capable de refermer à ce moment-ci. Allons-y puis ensuite continuons les travaux.
Je n'ai pas la prétention de penser que ça va vous faire sourire, ce que je vous dis là, mais je peux vous assurer que nous sommes positifs vis-à-vis des représentations que vous faites, elles ne resteront pas lettre morte. Est-ce qu'elles influenceront... À part de la clause interprétative, du guide explicatif, là, qui est acquis, on verra comment on va faire. Moi, j'ai une certaine urgence, avec le concours des deux partis de l'opposition parce qu'on est minoritaires, donc on ne contrôle pas l'agenda de l'adoption des projets de loi, mais je ressens une certaine urgence à adopter le projet de loi n° 50. Je vous le dis, là, de façon transparente, mais je pense que vous savez déjà ça, là.
La Présidente (Mme Thériault): M. Beaulieu.
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(10 heures)
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M. Beaulieu (Louis): Mme la Présidente, M. le ministre, je sais que vous êtes un gentleman, je n'en ai aucun doute. Ceci étant dit, je ne vois pas en quoi le fait de scinder nos activités, tel qu'on le demande, remet en question l'équilibre du projet de loi, dans la mesure où ça vient contrebalancer, si vous ne voulez pas toucher aux activités réservées dont on parle, ça vient contrebalancer, et ça n'empêche pas qui que ce soit de travailler en lien avec son champ, hein? Évaluer des habiletés verbales, avoir des indications que l'enfant a un fonctionnement intellectuel correct mais qu'il a des difficultés au niveau verbal n'empêche pas le psychologue de travailler, et, que l'orthophoniste conclue qu'il y a un trouble du langage ou de la parole en fonction de sa formation ? qui, je le rappelle, est de maîtrise, hein, ce n'est pas une formation de base, là, c'est une formation approfondie ? je ne vois pas en quoi ça bouscule l'équilibre du projet de loi. Alors, bien respectueusement, je me permets d'insister, mais... Voilà.
La Présidente (Mme Thériault): J'ai M. Bergeron qui voudrait faire une intervention. J'aimerais signaler aux gens qu'il reste 1 min 45 s à ce bloc d'échange. M. Bergeron.
M. Bergeron (François): Je voudrais juste ramener la discussion à un niveau autre. On parle beaucoup de restriction d'un professionnel par rapport à l'autre, qu'est-ce que un pourrait empêcher l'autre de faire. Si on se ramenait un peu plus sur le terrain et on parlait de la personne qui reçoit les services, qui... dans le fond, c'est la raison pour laquelle on est là. Et, dans cette perspective-là, ça m'apparaît quand même assez évident que, si on ne permet pas ou l'articulation du système ne permet pas à la personne de recevoir les services de la bonne personne qui devrait lui assurer les services, c'est qu'on ne lui rend pas, au bout du compte, le service qu'on devrait lui donner.
Donc, plutôt que de le voir, en tout cas, personnellement, plutôt que de le voir comme une perspective d'un professionnel qui affronte un autre plutôt qu'en termes de clientèle, est-ce qu'on ne pourrait pas regarder quelle est la meilleure façon de lui assurer le service auquel elle a droit? Donc, je suis sur une chaise d'audiologiste, je suis audiologiste. Alors, si, dans le projet, on mettait qu'un professionnel quelconque peut s'occuper de l'évaluation en audition ou de déterminer si quelqu'un a un problème d'audition sans passer en audiologie, je serais très inquiet, parce que, je me dis, le spécialiste qui est reconnu et qui a la formation pour le faire n'est pas inclus dans le processus, ce serait inquiétant. Donc, moi, j'ai tendance à le voir dans sens-là puis je pense que ce serait plus intéressant de l'approcher à ce niveau-là.
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre, vous avez 15 secondes.
M. Dupuis: M. Bergeron, vous avez bien fait de nous rappeler à l'ordre, sans faire de mauvais jeux de mots. Mais c'est vrai, c'est très vrai qu'au coeur de ce projet de loi il y a la personne humaine qui est vulnérable puis qui a besoin d'aide, et il y a la protection du public, vous avez raison. Vous nous avez rappelés à l'ordre, vous avez raison, on va essayer de ne pas l'oublier. Merci.
La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. le ministre. Donc, ceci complète le premier bloc d'échange. Nous allons aller avec l'opposition officielle et le député de Saint-Hyacinthe. M. le député.
M. L'Écuyer: Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, M. Beaulieu, Mme Lemieux, Mme Provencher de même que M. Bergeron. Quand on prend connaissance de votre mémoire, je constate qu'il y a une certaine insécurité et aussi j'entends parler de clause transitoire, j'ai entendu parler de clause interprétative, de guide explicatif. Mais ce que j'aimerais... Vous l'avez quand même exprimé, tout à l'heure, à une réponse à M. le ministre, que ces clauses-là à mon sens ne pourraient pas satisfaire l'ordre que vous représentez et les membres que vous représentez. Vous aimeriez un amendement précis dans le projet de loi n° 50. Ce projet de loi là... En fait, vous semblez en fait arriver à la conclusion que vous...
Ce que vous recherchez, c'est une dimension beaucoup plus... un peu plus... Il y a une dimension en fait intellectuelle, une dimension mentale et aussi une dimension physique. Et vous sentez que, dans la définition du projet de loi, il manque peut-être un élément que vous appelez la finalité. Alors, j'aimerais que vous puissiez quand même nous éclairer davantage sur cette question-là et nous dire effectivement, si, dans le projet de loi, on arrivait à ajouter les mots que vous nous suggérez d'ajouter... C'est-à-dire, les mots concernant l'être humain dans son environnement pourraient être ajoutés à l'article «évaluer une personne atteinte d'un trouble mental ou [neurologique] attesté par un diagnostic ou par une évaluation effectuée par un professionnel habilité», «un être humain dans son environnement». Alors, est-ce que vous pouvez me clarifier très bien cette situation-là au niveau du projet de loi, tel que présentement il est devant nous?
La Présidente (Mme Thériault): M. Beaulieu.
M. L'Écuyer: ...que je n'ai pas mis, clause interprétative que je ne connais pas.
La Présidente (Mme Thériault): M. Beaulieu.
M. Beaulieu (Louis): Mme la Présidente. Alors, merci, M. L'Écuyer. Pour nous, il s'agit d'un ensemble de mesures. La clause interprétative, le guide explicatif, des amendements au projet de loi qui touchent des activités réservées et le champ, c'est un ensemble. Alors, toutes ces pièces-là ont leur utilité, parce qu'évidemment, vous le savez mieux que moi, quand on adopte un projet de loi, il y a toujours un certain nombre d'interprétations qui en découlent. Alors, plus on discute ensemble de l'interprétation, mieux c'est. Les six ordres, les six autres ordres au projet de loi ont eu le bénéfice de travailler ensemble depuis plusieurs années. Malheureusement, ça n'a pas été possible avec nous, pour différentes raisons. Alors ça, c'est une chose.
Nous, ce qu'on demande par rapport à la dimension de l'environnement, c'est de s'assurer que, le client, lorsqu'on va intervenir avec lui, on puisse le faire dans l'ensemble des milieux de vie dans lequel il est. Un enfant en bas de cinq ans, c'est à la maison, c'est à la garderie, éventuellement c'est à la maternelle, c'est à l'école. Quand on communique, là, on ne communique pas tout seul dans sa salle de bain. On peut chanter, mais on ne communique pas tout seul. Il n'y a rien de ce qu'on fait...
M. Dupuis: Quand on communique tout seul, on a besoin d'un psychiatre.
M. Beaulieu (Louis): Ou d'un psychologue. Ça peut aider, bien sûr.
M. Dupuis: Vous voyez, ça va bien, vous.
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre, s'il vous plaît...
M. Beaulieu (Louis): Non, non, mais, écoutez, M. le ministre, on est ouverts, c'est bien certain, mais pas d'une seule façon, hein? Et il n'y a rien de ce qu'on est en train de faire ici, aujourd'hui... Si on n'avait pas la communication, on ne serait pas capables de résoudre nos difficultés, et c'est parce qu'on a des bonnes habiletés qu'on est capables de trouver les solutions.
Ceci étant dit, pour répondre à votre question, ce qu'on veut d'une part, c'est préserver un équilibre entre les différentes activités professionnelles et les différents champs professionnels, parce que la population a besoin que cet équilibre-là soit maintenu sur la base des compétences effectives que les gens ont. Nos compétences à nous sont très spécifiques au langage, à la parole, à l'audition, à la communication. De plus en plus, la population requiert nos services. Vous le savez, vous en avez, des demandes, régulièrement de vos commettants, c'est une réalité. Ça fait 12 ans que je suis là, j'ai vu les choses beaucoup changer en 12 ans. La bonne nouvelle ce matin, c'est qu'on a 100 % de plus d'orthophonistes et d'audiologistes qu'on a, et la population, elle, elle a augmenté de 15 %. Ça fait que, malgré tout, le niveau de services n'a jamais été aussi bon. Ça, c'est une bonne nouvelle.
Si on veut maintenir l'accès aux services, puis la bonne référence, et le service qu'on appelait en accessibilité compétente, il faut s'assurer qu'il est clair dans la loi, dès le départ, que l'évaluation d'un trouble du langage, de la parole et de la voix ou l'évaluation de l'audition puis la détermination des plans sont des activités précises, pour que le public s'y retrouve clairement. J'ai une difficulté de langage, qui je vais voir? J'ai une difficulté de fonctionnement intellectuelle, affective, qui je vais voir? C'est sûr qu'on travaille ensemble, puis plus on travaille ensemble, meilleur va être le résultat pour le citoyen, et c'est ça qu'il faut chercher à clarifier maintenant.
La Présidente (Mme Thériault): Oui, M. le député.
M. L'Écuyer: Merci, Mme la Présidente. Dans votre rapport, vous semblez quand même approcher une... La personne qui a une difficulté de langage, selon l'interprétation que vous faites du projet de loi n° 50, se devrait d'aller rencontrer un psychologue pour faire une évaluation, vous l'interprétez, et par la suite il y a comme un dédoublement au niveau des professionnels, selon l'interprétation que vous en faites, et par la suite ce psychologue-là pourrait référer à un orthophoniste, audiologiste. Est-ce que c'est bien la perception que vous avez de l'interprétation du projet de loi tel qu'il est formulé présentement?
La Présidente (Mme Thériault): M. Beaulieu.
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(10 h 10)
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M. Beaulieu (Louis): Ce qu'on craint, c'est, vu la nature des activités «évaluer les troubles mentaux», «évaluer les troubles neuropsychologiques», auxquelles ne sont pas attachées de finalités, compte tenu des définitions, d'une part, le DSM-IV qui est très englobant et, d'autre part, la définition de troubles neuropsychologiques qui n'est pas très claire, que cela amène éventuellement, potentiellement, une subordination dans l'exercice des professions qui ne sera pas à l'avantage des clients. Et c'est ce qu'on cherche à éviter en augmentant la clarté au sein même du projet de loi.
Je le répète, ce n'est pas parce qu'on dit «évaluer les troubles du langage, de la parole et de la voix», point, «déterminer le plan de traitement et d'intervention orthophonique» que ça va empêcher le psychologue d'agir dans l'évaluation du fonctionnement intellectuel ou des capacités intellectuelles d'une personne ou de la situation affective d'une personne. La finalité ne sera pas la même. Et, pour les orthophonistes et les audiologistes, la réserve ne peut pas être uniquement dans le but de déterminer un plan de traitement et d'intervention. Quand on a fait ça à 90, il y a eu toutes sortes de raisons pourquoi ça s'est fait comme ça, probablement parce qu'on n'était pas prêts à réserver des activités en santé mentale et en relations humaines. Maintenant, il faut rétablir cet équilibre-là à sa face même et non pas dans une perspective de rouvrir 90.
La Présidente (Mme Thériault): M. le député.
M. L'Écuyer: Merci, Mme la Présidente. Votre mémoire, à la page 12, vous dites: Commentaires relativement à l'activité «évaluer les troubles mentaux». «En effet, on indique à la page 40 du rapport Trudeau que "cette évaluation s'effectue selon une classification reconnue des troubles mentaux, notamment les deux classifications les plus utilisées actuellement en Amérique du Nord, soit le CIM-10 et le DSM-IV". Or, la classification DSM-IV inclut bons nombres de troubles de la communication.» Et j'aimerais quand même que vous précisiez votre développement sur cette question-là.
La Présidente (Mme Thériault): M. Beaulieu.
M. Beaulieu (Louis): Merci, Mme la Présidente. Si ça intéresse la commission, j'ai apporté des extraits du mini DSM-IV. Ça peut être distribué, j'en ai des copies. À l'intérieur de ce document-là, on constate qu'il y a plusieurs sections, et il y a une section qui porte sur les troubles habituellement diagnostiqués pendant la première enfance, la deuxième enfance ou l'adolescence. Donc, à l'intérieur de ça, il y a une section très spécifique sur les troubles de la communication, il y en a un autre sur les troubles de l'alimentation, troubles envahissants du développement, etc., troubles des apprentissages, d'accord? Alors ça, c'est une chose.
Je le redis, il y a une approche complémentaire entre les professionnels, c'est sûr, et c'est ce qu'on souhaite, parce que la complexité de l'être humain exige souvent qu'il y ait plus qu'un professionnel qui intervienne. Les modifications apportées par le projet de loi n° 90 par rapport aux champs d'exercice qui ne sont plus réservés aux activités réservées viennent témoigner de cette évolution, un, des connaissances et de la multiplicité des intervenants.
Ceci étant dit, il y a des éléments qui touchent l'essence de la profession à l'intérieur de ça et il faut s'assurer de regarder quelle est la formation des gens, en formation initiale, pour poser ces activités-là. Alors, une autre approche, si on ne veut pas définir: évaluer, par exemple, les troubles mentaux par telle chose, on peut y aller: évaluer les troubles mentaux excluant telle chose. Mme Desrosiers a répondu à une de vos questions, mardi, sur ça, par rapport au fait qu'elle ne voulait pas que le retard mental soit réservé, puis on a dit: Bon, évaluer les troubles mentaux excluant le retard mental. Bon. Finalement, vous avez convenu que ce n'était peut-être pas la meilleure piste à prendre, mais c'est une piste qui peut être utilisée.
Ce que je veux dire, c'est qu'il y a vraisemblablement plusieurs moyens d'arriver au bon résultat, la clause d'interprétation fait partie de ces moyens-là mais ne nous apparaît pas en elle-même suffisante. Le guide explicatif est un outil, après, utile. Et, comme je vous le dis, il aurait été bien qu'on puisse faire un certain nombre de discussions avant. Malheureusement, ça n'a pas été possible comme on l'aurait souhaité. Il faut le constater puis, à partir de là, travailler pour la suite.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. M. le député.
M. L'Écuyer: Avec votre permission, Mme la Présidente, simplement sur cette question-là: Est-ce que les autres ordres professionnels avec lesquels vous avez travaillé, est-ce que vous avez eu une première rencontre avec ces autres ordres là? Lorsqu'on parle de grande harmonie, est-ce que... et par la suite il y a eu un désaccord, ce désaccord-là a été la résultante que vous avez été exclus de ce conseil-là, de ce processus de consultation là?
La Présidente (Mme Thériault): M. Beaulieu.
M. Beaulieu (Louis): Mme la Présidente, je dois dire malheureusement que je pense qu'il y a une réaction assez forte à l'intervention qu'on a faite le 20 novembre auprès des parlementaires, dont vous avez fait écho dans le Journal des débats, M. L'Écuyer. Ça a provoqué une certaine émotion, que je peux comprendre. En même temps, il y a des éléments de démocratie qui amènent à pouvoir échanger dans un projet de loi, parce qu'un projet de loi, ça touche des groupes, mais ça touche d'abord la société et la population. Donc, notre objectif allait dans ce sens-là.
Le 9 janvier, on a invité les six ordres à faire un échange, et ça n'a pas été possible d'aller plus loin avec les six ordres depuis. Il y a eu des échanges, à l'invitation de l'office, qui se sont tenus le 11 janvier, mais il n'y avait pas cette ouverture d'échanger, pour différentes raisons qui touchent évidemment le consensus que vous avez évoqué.
Mais on sait que ce n'est pas facile de modifier de la législation dans le domaine des professions, on est très conscients de ça. Et on le redit, notre objectif, c'est d'augmenter la clarté et que le projet de loi soit adopté. C'est ça qui est notre objectif, on n'a jamais défocussé de cet objectif-là. Et j'ose espérer que, malgré peut-être certaines tensions qui peuvent résulter d'échanges actuellement, on va passer par-dessus ça puis qu'on va trouver des solutions avantageuses pour la population.
La Présidente (Mme Thériault): Merci.
M. L'Écuyer: Je vais passer la parole à mon collègue député d'Iberville, si c'est possible.
Document déposé
La Présidente (Mme Thériault): Avant de passer la parole au député d'Iberville...
M. L'Écuyer: Est-ce qu'on...
La Présidente (Mme Thériault): ... ? oui, il reste encore du temps ? je voudrais tout simplement déposer le document qui nous a été donné par M. Beaulieu, qui se nomme Extraits du mini DSM-IV-TR ? Critères diagnostiques ? Version française complétée des codes CIM-10.
M. le député d'Iberville, vous avez environ deux minutes, trois minutes.
M. Beaulieu (Louis): Excusez-moi, Mme la Présidente, peut-être attirer l'attention particulièrement des parlementaires sur la troisième feuille, à droite complètement, on voit page 11, on voit un encadré qui dit: Troubles habituellement diagnostiqués pendant la première enfance, la deuxième enfance ou l'adolescence. C'est à ça que j'ai fait principalement référence. Excusez-moi.
La Présidente (Mme Thériault): Parfait, merci. C'est beau, merci. Allez-y, M. le député d'Iberville.
M. Riedl: Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Beaulieu, M. Bergeron, Mme Lemieux, M. Provencher, bienvenue à cette réunion, et puis félicitations pour une présentation bien articulée et courageuse. Ma question évidemment allait dans le sens de mon collègue M. le député L'Écuyer, et puis ce qui me concerne, c'est une autre question dans le même sens, où vous dites qu'«il est surprenant par ailleurs de lire ? parce que vous avez évidemment beaucoup de problèmes de communication ou de relations avec les autres ordres, mais ici, là, vous parlez de commentaires sur le document de l'OPQ ? dans le document produit par l'Office des professions en référence au rapport du comité d'experts [...] ? vous dites ? "les experts n'ont pas analysé le champ d'exercice des orthophonistes et audiologistes."» Alors, vous avez une deuxième difficulté, là. Pouvez-vous élaborer là-dessus et croyez-vous que cette carence va être corrigée? Parce qu'il est nécessaire à l'aboutissement de vos objectifs dans le contexte de la loi n° 50.
La Présidente (Mme Thériault): Et il vous reste une minute pour le faire, M. Beaulieu.
M. Beaulieu (Louis): Oui, on est confiants, pour répondre à votre question, que cela se fera. Le ministre souhaite plus de clarté, c'est ce que je pense que les députés souhaitent aussi, c'est ce que j'ai compris. Il y a bien des façons d'arriver à cette clarté-là. Nos propositions sont claires.
Maintenant, on a relevé ça parce que d'une part on réserve des activités, dans le projet de loi, aux orthophonistes et aux audiologistes, à l'article 5, deuxième paragraphe, e et f. Donc, quand on fait ça, on s'attend à ce qu'on ait regardé notre champ d'exercice. Puis là on nous dit que ça n'a pas été analysé. Ça nous préoccupe d'autant plus qu'on avait demandé à être entendus par le comité Trudeau, ce qui n'a été fait qu'après le dépôt du rapport du comité. Et malheureusement, si ça avait pu être fait... On n'a pas demandé à ce qu'il y ait un orthophoniste d'assis au comité Trudeau, comme pour les autres professions ça a été le cas, on a juste demandé d'être capables d'échanger avec le comité. Puis après ça, avec l'office, il y a eu quelques échanges mais qui ne sont pas allés très loin. Alors, c'est ce qui explique ce commentaire-là. Et on comprend, là, qu'on va parler un petit peu plus de ces questions-là pour trouver, je l'espère ardemment, la bonne solution, ou les bonnes solutions.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. Ceci met fin à l'échange avec l'opposition officielle. On va aller maintenant avec le député de Dubuc, porte-parole en matière de lois professionnelles pour le groupe de la deuxième opposition. M. le député.
M. Côté: Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Beaulieu, Mme Provencher, Mme Lemieux, M. Bergeron, bienvenue à la commission. Ça fait plaisir de vous revoir. Je voudrais d'abord vous remercier pour la présentation de votre mémoire, qui est un mémoire bien structuré. Par contre, lorsque je l'ai lu, j'ai trouvé que, dans certaines parties de votre mémoire, vous manifestiez une grande déception. Et je voudrais simplement relater quelques mots de votre mémoire, lorsque vous dites que le comité d'experts a présenté «une vision réductrice des professions d'orthophoniste et d'audiologiste» et, un peu plus loin, à la page 8 de votre mémoire, lorsque vous dites que «l'on n'a pas bien embrassé toute la dimension du rôle que les audiologistes et les orthophonistes exercent dans la réalité de tous les jours». Est-ce que, si on apportait l'amendement que vous demandez à l'article 37m du Code des professions en y ajoutant, après le mot «communication», après le dernier mot, là, «la communication de l'être humain en interaction avec son environnement», est-ce qu'en apportant cet amendement, c'est que vous seriez un peu moins déçus? C'est ma première question. Puis après ça je vais revenir avec d'autres choses.
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(10 h 20)
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La Présidente (Mme Thériault): M. Beaulieu.
M. Beaulieu (Louis): Oui, merci, M. Côté, de vos bons mots. Il est sûr que cela constituerait un pas dans la bonne direction, de notre point de vue. Ça amène des clarifications par rapport à la nature de l'intervention des orthophonistes et des audiologistes, je le répète, au bénéfice du client, parce que je communique dans l'environnement. Ça, c'est une chose.
Je reviens particulièrement à toute la question de l'évaluation des troubles mentaux et des troubles neuropsychologiques: soit qu'on scinde nos activités, soit qu'on leur mette des finalités, soit qu'on ajoute une définition. Ça, pour nous, c'est une pièce qui est reliée, bien entendu, c'est des choses qui vont toutes ensemble. Donc, oui, ce serait un pas dans la bonne direction d'ajuster le champ, mais je ne suis pas convaincu que ça amène toute la clarté nécessaire.
La Présidente (Mme Thériault): M. le député.
M. Côté: Merci. Merci, Mme la Présidente. Alors, ma deuxième question va un peu dans le sens de ce que vous venez de me répondre, c'est lorsque vous dites qu'évaluer les troubles mentaux et les troubles neuropsychologiques ? c'est bien ça, oui ? n'a pas été balisé par une finalité précise, là, et que cela pourrait avoir pour conséquence que les orthophonistes ou les audiologistes pourraient ne plus pouvoir évaluer les personnes atteintes d'un trouble mental ou neuropsychologique. Et ça va un petit peu dans le sens que M. Bergeron parlait tout à l'heure, l'accessibilité compétente, où on dit qu'on assure «au patient le service approprié, fourni par la personne compétente, au moment opportun, à l'endroit souhaité et pour la durée requise» ? c'est la définition qu'on y retrouve dans le rapport Trudeau. Est-ce qu'à ce moment-là, en définissant bien, en balisant justement les activités du trouble mental et du trouble neuropsychologique, ça répondrait justement à une plus grande accessibilité compétente et ça permettrait à votre ordre professionnel, à ceux qui exercent la profession d'audiologiste ou d'orthophoniste d'être mieux couverts par la loi?
Et ma deuxième question qui se joint à la question première, c'est: Quelle est la différence de vos modifications proposées entre les modifications apportées à l'article 37.1, paragraphe 2° du Code des professions et à l'article 37.1, aux activités a et d du paragraphe 2°? Parce que vous proposez deux sortes de modifications. Vous proposez que vos activités soient vraiment, là, précises et, à un autre endroit, vous dites: Ajouter l'activité suivante. J'aimerais que vous me donniez des précisions sur ça.
La Présidente (Mme Thériault): M. Beaulieu.
M. Beaulieu (Louis): Effectivement, baliser au sein même du projet de loi les activités «évaluer les troubles mentaux», «évaluer les troubles neuropsychologique» serait susceptible d'amener de la clarté. Maintenant, ça dépend comment on les balise, bien entendu. Ça, c'est une chose.
Deuxièmement, les modifications qu'on demande qui sont de scinder les activités a et d qu'on a actuellement, je vais prendre la d, «évaluer les troubles du langage, de la parole et de la voix dans le but de déterminer [un] plan de traitement et d'intervention orthophoniques», c'est un ensemble, hein, il y a comme une finalité qui est rattachée. Il n'y a pas cette finalité-là d'attachée à «évaluer les troubles mentaux» ou «évaluer les troubles neuropsychologiques». Il n'y a pas de finalité, c'est tel quel. Ce qu'on demande, nous, c'est, en les scindant, d'augmenter la clarté, bien entendu.
L'autre qui est «évaluer une personne atteinte d'un trouble mental ou neuropsychologique attesté par un diagnostic ou par une évaluation effectuée par un professionnel habilité», qui serait ajouté aussi à notre champ, c'est pour éviter que des personnes qui ont des problèmes de santé mentale ou de relations humaines ou qui ont un trouble mental ou un trouble neuropsychologique ne pourraient pas être évaluées par un membre de l'ordre, alors qu'elles ont très souvent, ces personnes, les troubles du langage, de la parole, de l'audition ou de la voix, pas toutes mais très souvent. Ça fait partie d'une clientèle qu'on rencontre en santé mentale mais aussi en déficience intellectuelle, en déficience physique et dans les troubles envahissants du développement. Récemment, on a été demandé par le Protecteur du citoyen pour les rencontrer, à leur demande. Ils sont sur un grand mandat d'initiative actuellement pour savoir qu'est-ce qu'on fait avec les services à donner aux enfants TED. Et on dit: Pourquoi c'est si difficile d'avoir accès à un orthophoniste? Alors, c'est qu'on reconnaît une valeur spécifique au travail de l'orthophoniste pour régler des problématiques. Et c'est ça qu'on veut s'assurer que l'équilibre du projet de loi maintienne pour la population.
M. Côté: Oui. Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Thériault): Oui.
M. Côté: Mais, si la confirmation que le ministre nous a donnée avec la clause interprétative, que justement, c'est que... Autrement dit, c'est qu'il va vous permettre d'évaluer une personne atteinte d'un trouble mental ou neuropsychologique attesté par un diagnostic, c'est ça qu'il veut faire, dans le fond. Ce n'est pas suffisant pour vous?
M. Beaulieu (Louis): Bien, écoutez, on a vu une version de la clause interprétative dans les documents que l'office nous a envoyés, on ne sait pas si on en est encore là ou si on est ailleurs. J'ai aussi évoqué... Puis ce n'est pas pour compliquer les choses, mais il y a, à l'article 37.1, plusieurs autres ordres qui sont nommés là que ça peut affecter. On ne sait pas exactement ce qu'ils en pensent. Je ne sais pas s'ils ont vu cet élément-là jusqu'à maintenant, je parle des physiothérapeutes, je parle des inhalothérapeutes, des infirmiers auxiliaires, les diététistes, nous autres ? puis il me semble bien que j'en oublie un ? mais... technologistes médicaux. Est-ce que ça a un impact pour ces gens-là? Moi, je ne vais pas statuer sur leurs points.
Je ne vois pas en quoi le fait de nous donner l'activité «évaluer une personne atteinte d'un trouble mental ou neuropsychologique attesté» vient bousculer quoi que ce soit dans l'équilibre du projet de loi. Si les autres ordres ne vous font pas de représentation à ça, c'est peut-être parce qu'ils n'y voient pas de difficulté, sinon ils auraient demandé à être entendus. Si, pour nous, il y a un élément là-dessus... Et je ne vois pas en quoi ça empêche ou ça bouscule les autres de faire ça. Bon.
Maintenant, scinder nos activités, pour nous ça amène beaucoup de clarté, et, je le rappelle, ça n'empêche pas d'autres professionnels de faire ce qu'ils ont à faire.
M. Côté: Merci.
M. Beaulieu (Louis): Et, quand on parle de souplesse avec d'autres groupes, on est aussi très capables d'en avoir. Les orthophonistes et les audiologistes depuis très longtemps travaillent avec des éducateurs dans les milieux, travaillent avec d'autres personnes qui ne sont pas professionnalisées. Pourquoi? Parce que c'est le bien de l'enfant ou de l'adulte qui le requiert. Chacun ne fait pas la même chose, chacun travaille en complémentarité puis, à chaque fois que c'est possible, en interdisciplinarité. Je préfère parler d'une bonne complémentarité à une mauvaise interdisciplinarité.
La Présidente (Mme Thériault): Merci.
M. Côté: Merci. Le ministre, tout à l'heure, vous a posé une question sur ce que vous pensiez du fameux guide de pratique, là, et je n'ai pas vraiment entendu votre réponse. Je vais vous la reposer dans le sens que le ministre vous l'a demandée.
M. Dupuis: Peut-être qu'il l'aime puis il ne voulait pas le dire.
M. Beaulieu (Louis): Vous parlez du guide explicatif, c'est bien ça?
M. Côté: Oui, voilà.
M. Beaulieu (Louis): Comme j'ai dit, c'est un outil utile, pertinent quand la loi est bien précisée. Quand il reste des flous dans la loi, malheureusement ça peut nous amener dans des débats comme celui que j'ai évoqué tantôt, qu'on vit, où un ordre poursuit un établissement important du réseau de la santé au Québec. Alors, cet établissement-là a pris des décisions sur la base d'informations qu'il avait reçues et il a fait certains choix qui là sont contestés devant les tribunaux. Je pense que ça ne nous tente pas personne de s'embarquer là-dedans, parce que ça a beaucoup d'impacts.
Et, encore là, il faut regarder la question de l'accessibilité compétente sur la base des compétences des gens, dans une perspective de complémentarité, parce qu'on n'est pas tous formés pour faire la même chose. Oui, il y a des zones grises, puis un guide explicatif doit préciser ces zones grises là, dans la mesure où on a d'abord fait tout l'effort possible de bien préciser dans la loi ce qui est précisable et qui doit être précisé.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. M. le député.
M. Côté: Il me reste du temps?
La Présidente (Mme Thériault): Oui, il vous reste...
M. Côté: Oui. Bon. C'est ma dernière question. Dans votre mémoire, vous faites rapport de 1 575 orthophonistes et 300 audiologistes actuellement au Québec. Ces gens-là, j'imagine, pratiquent dans le domaine de la santé, dans les hôpitaux, dans les centres de santé et services sociaux, dans le CLSC également. Est-ce que vous considérez que vous êtes en pénurie de personnel ou si... Combien vous graduez, par année, de nouveaux professionnels? Puis, quand vous parlez de la maîtrise, vous parlez de quatre ans d'université ou de trois ans?
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(10 h 30)
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M. Beaulieu (Louis): Bon. Bien, je vais d'abord vous dire que les orthophonistes travaillent, pour le tiers, c'est-à-dire un peu plus de 500, dans les écoles, et, parmi l'autre deux tiers, la majorité d'entre elles ? parce que c'est 95 % de femmes ? travaillent dans des établissements de santé puis une petite partie en pratique privée. Du côté des audiologistes, c'est essentiellement des établissements de santé, et peut-être, sur les 300 audiologistes, il y en a à peu près une trentaine qui exercent en pratique privée, donc retenons 10 %.
On pourrait former plus de professionnels au Québec. On pourrait donner plus de services. Il faut s'assurer, même si on a de la difficulté à donner certains services, de voir comment on peut partager certaines activités au bénéfice de la population, mais l'évaluation est un point de départ très important dans l'orientation. Si j'évalue que quelqu'un a une problématique et que j'arrive à une conclusion qu'il n'en a pas, bien je peux lui causer un préjudice. Si je dis à un parent: Il y a tel problème, et que ça inquiète le parent pour rien, ce n'est pas mieux. Alors ça, c'est une chose.
Maintenant, au niveau des universités, on a beaucoup décontingenté dans les dernières années. Il y a encore des efforts à faire. Et je tiens à vous rassurer, quand on ouvre une place en orthophonie ou en audiologie, dans les universités, il y a sept à 10 candidats qui sont intéressés par le programme. Actuellement, on en prend un. Je dis sept à 10 parce que ça dépend des universités. Les universités Laval et McGill ont des maîtrises de plus de 60 crédits, près de 70 crédits. C'est des maîtrises sur deux ans très intensives. L'Université de Montréal historiquement a une formule de bac spécialisé d'autour de 110 crédits plus une maîtrise de 45, 47 crédits, selon le cas. Donc, la durée des études spécifiques en orthophonie peut varier de quatre années, bac-maîtrise, à deux années très complètes de maîtrise, avec souvent une propédeutique à l'entrée, au niveau du baccalauréat.
Donc, ce sont des études poussées qui intègrent beaucoup de dimensions. Et les orthophonistes et les audiologistes sont formés pour travailler en collaboration avec les autres professionnels, et c'est ce que nous souhaitons, sur le terrain.
M. Côté: Je vous remercie beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. Donc, ceci mettra fin à votre présentation et à l'échange avec les parlementaires. Merci beaucoup, Mme Provencher, Lemieux, MM. Bergeron et Beaulieu. Merci de votre présence. Nous allons suspendre quelques instants pour permettre aux parlementaires de vous saluer et de céder la place au prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 32)
(Reprise à 10 h 36)
La Présidente (Mme Thériault): À l'ordre! Donc, nous allons poursuivre les travaux de la commission. Et nous recevons le regroupement des enseignantes et enseignants du collégial en techniques de travail social du Québec. Et j'aimerais signaler aux membres de la commission que c'est la première fois que ce groupe vient en commission parlementaire. Donc, évidemment, bon, vous avez vu la façon dont les travaux se font, M. Lemieux. Donc, je vais vous donner une quinzaine de minutes pour faire votre présentation. Si je vois que, dans le temps, il vous en manque un petit peu, je pense que les membres ici présents sont intéressés à entendre vos commentaires, donc je réajusterai le temps sur leur temps à eux, mais je vais vous laisser faire votre présentation. Donc, si vous voulez nous présenter les personnes qui vous accompagnent, et par la suite vous allez au mémoire. La parole est à vous. Bienvenue à l'Assemblée.
Regroupement des enseignantes et
enseignants des collèges en travail
social du Québec (REECETSQ)
M. Lemieux (Charles): Alors, merci, Mme la Présidente. M. le ministre, MM. les députés. Alors, comme Mme la présidente l'évoquait, on se disait, ce matin, avant la présentation, qu'on se sent probablement comme nos étudiants à qui on a demandé de présenter l'oral. Alors, on se disait que ça nous rendra probablement plus indulgents dans nos évaluations d'ici la fin de la session, mais ça n'affectera pas la qualité des diplômes.
M. Dupuis: Ici, tout le monde passe, M. Lemieux, tout le monde passe, ici.
M. Lemieux (Charles): Voilà. C'est ce qu'on espère.
M. Dupuis: Sauf aux élections.
M. Lemieux (Charles): Voilà. Alors donc, mon nom est Charles Lemieux. Je suis enseignant au cégep Marie-Victorin, à Montréal. J'assume la présidence du Regroupement des enseignantes et des enseignants des collèges en travail social du Québec. Alors, à ma gauche, Mme Diane Bissonnette, enseignante au cégep Lévis-Lauzon; à ma droite, Mme Marie-Josée Girouard, enseignante au cégep de Trois-Rivières et responsable de la coordination des stages à ce département; et M. Jean-François Matton, coordonnateur du Département de techniques de travail social au cégep de Sherbrooke. Et nous sommes tous membres du comité de coordination du regroupement.
Alors, d'abord, le regroupement des enseignants et des enseignantes remercie les membres de la Commission des institutions de lui permettre de présenter ses commentaires et ses recommandations sur le projet de loi n° 50. Alors, fondée en 1987, notre organisation regroupe les enseignants des 14 cégeps qui offrent le programme des techniques de travail social au Québec. Son mandat est d'assurer une concertation des collèges en regard du programme de formation, un suivi sur les questions relatives à l'évolution de la fonction de travail des techniciennes en travail social et plus largement sur l'évolution de la pratique du travail social au Québec.
Alors, le programme de formation collégiale en travail social a été instauré au moment de la création des cégeps, en 1968. Donc, on fête les 40 ans de nos cégeps cette année, en mars. Le programme est actuellement offert dans toutes les régions du Québec sauf dans l'Outaouais et... Voilà. Donc, en tant qu'enseignants, enseignantes de ce programme d'études, nous avons donc la responsabilité de former, depuis donc 40 ans, les techniciennes en travail social qui oeuvrent dans l'ensemble du réseau de la santé et des services sociaux au Québec, tant institutionnel que communautaire.
Et nous aimerions attirer, d'entrée de jeu, votre attention à l'annexe 1 de la page 20 du mémoire que nous vous avons déposé, qui fait état en fait du nombre de techniciennes qui oeuvrent actuellement dans l'ensemble du réseau, au Québec. Alors, on a évoqué, hier, certains chiffres, alors effectivement on compte près de 2 000 techniciennes en travail social qui oeuvrent dans le réseau institutionnel du réseau de la santé et des services sociaux et près de... on estime, les derniers chiffres, là, à près de 12 000 le nombre de techniciennes qui oeuvrent dans le réseau communautaire. C'est un élément important qu'on tenait à souligner, parce que le projet de loi n° 50 aurait aussi à notre avis des impacts autant sur le réseau institutionnel que communautaire.
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(10 h 40)
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Alors, cette responsabilité que nous avons donc d'offrir une formation qui garantit la compétence, la responsabilité et l'intégrité des techniciennes en travail social au Québec alors a toujours été au coeur de nos préoccupations. Elle s'est notamment reflétée dans l'élaboration du nouveau programme de formation qui a été élaboré selon l'approche par les compétences et implanté depuis septembre 2001 dans les 14 départements de techniques de travail social du Québec.
Toutefois, cette préoccupation que nous avons n'est pas encore relayée par le système professionnel, du fait qu'il n'y a pas d'ordre professionnel qui encadre les activités des techniciennes après l'obtention de leur diplôme.
Nous tenons ici à rappeler que notre regroupement adhère à la démarche de modernisation du système professionnel depuis les travaux du groupe Bernier. Alors, notre regroupement est intervenu dès 2002, suite au rapport du groupe Bernier, et nous sommes intervenus auprès de l'office en tant que requérant, en collaboration avec les associations de techniciennes existantes à l'époque, d'une demande de constitution des techniciennes en ordre professionnel auprès de l'Office des professions en septembre 2003. Et nous sommes aussi intervenus par le dépôt d'un mémoire suite au rapport Trudeau.
Alors, nous avons pris connaissance du projet de loi n° 50 déposé en novembre dernier évidemment et constaté qu'il ne prévoit pas l'intégration des techniciennes au système professionnel ? de plus le ministre annonçait son intention de suspendre l'examen de l'intégration des techniciennes au système professionnel ? et constaté aussi qu'il prévoit réserver aux travailleurs sociaux et à d'autres professionnels plusieurs activités que les TTS exercent actuellement dans différents établissements du réseau. C'est donc à partir de ces constats que nous présentons le mémoire ici en quatre points.
Premier point que nous voudrions soumettre à votre attention, c'est qu'à notre avis les motifs qui sont invoqués pour suspendre l'intégration des techniciennes en travail social au système professionnel ne sont pas fondés. Au terme de son analyse de la demande de constituer les techniciennes en ordre professionnel, les conclusions du comité d'experts Trudeau étaient claires et sans équivoque: les techniciennes sont des professionnelles qui oeuvrent dans le champ de pratique du travail social au Québec au même titre que les travailleurs sociaux. Alors, vous avez, à l'annexe 3, à la page 25, un extrait de l'ensemble des conclusions et recommandations du groupe Trudeau à cet égard.
C'est donc avec étonnement, perplexité et inquiétude que notre regroupement constate que le projet de loi n° 50 reste muet sur l'intégration des techniciennes au système professionnel et surtout que l'orientation choisie par le ministre responsable est au contraire de suspendre cette recommandation du comité d'experts. Après avoir vérifié le sens de cette orientation auprès de l'Office des professions du Québec, nous comprenons que l'office et le ministre remettent en question les recommandations du comité d'experts sur la situation particulière des TTS. Et, bien que le ministre annonce son intention ? et qui a été réitérée hier ? d'entreprendre des travaux d'analyse de la situation des techniciennes après le projet de loi, nous restons d'avis que la situation des techniciennes a déjà fait l'objet d'une analyse par le groupe d'experts, un groupe d'experts indépendants qui a proposé et recommandé leur intégration au système professionnel. Donc, il nous apparaît que cette recommandation constituait une contribution importante à la modernisation du système professionnel et qu'il faut enfin s'assurer d'y donner suite. Alors, c'est pourquoi notre regroupement propose que la recommandation du comité d'experts à l'effet d'intégrer les techniciennes au système professionnel soit actualisée à la faveur de la démarche en cours de la modernisation du système professionnel au Québec.
Mme Bissonnette (Diane):
«Le programme de formation collégiale en travail social forme des professionnelles compétentes.» Cette affirmation que nous avançons est en concordance avec les propos du comité d'experts, comme vient de le mentionner mon collègue. En effet, au terme de son analyse du programme de formation collégiale en travail social, le comité d'experts concluait, en novembre 2005, «que les techniciens en travail social reçoivent une formation de niveau collégial qui les rend compétents pour intervenir auprès d'une clientèle aux prises avec divers problèmes sociaux». C'est à la page 82 du rapport Trudeau. De plus, le comité d'experts recommandait «que le champ d'exercice proposé pour les travailleurs sociaux devienne le champ d'exercice du travail social et qu'il décrive ainsi la pratique propre à ce secteur au sein duquel on retrouve à la fois les travailleurs sociaux et les techniciens en travail social», à la page 83 du même rapport.
Le programme en techniques de travail social prépare les techniciennes en travail social à travailler auprès des personnes qui vivent des problématiques reliées au vieillissement, à la perte d'autonomie, aux déficits cognitifs, à la santé mentale, au suicide. Également, il est clair que l'évaluation du fonctionnement social de ces personnes fait partie intégrante des tâches effectuées par les techniciennes en travail social. Plusieurs éléments de compétence du programme de formation y réfèrent, comme par exemple évaluer les besoins, analyser la situation, déterminer et appliquer le cadre légal d'intervention, faire l'évaluation biopsychosociale, définir la problématique. De plus, à l'annexe 2 qui se retrouve à la page 22, vous avez les éléments du programme et des compétences qui sont dans le cadre du programme en travail social, et pour lequel on a ici des copies, on a les copies du programme d'études et aussi des copies de l'analyse de travail social qui a été faite il y a quelques années, en 1997. De plus...
Une voix: ...
Mme Bissonnette (Diane): Bien, j'en ai cinq copies de chacun, là, du programme. Tout à l'heure, peut-être, s'il y a... O.K.? Ça va?
La Présidente (Mme Thériault): Oui. On va les ramasser, il n'y a pas de problème. Merci.
Mme Bissonnette (Diane): O.K. Merci. De même, les techniciennes en travail social ont à évaluer la dangerosité ou le niveau de risque, c'est-à-dire vérifier le niveau de désorganisation d'une personne, s'assurer de la qualité et de la sécurité des lieux, évaluer le risque suicidaire ou homicidaire. Enfin, soulignons que les techniciennes en travail social ont des connaissances en droit, en psychologie, en santé mentale ainsi que des connaissances liées à la santé physique pour pouvoir répondre adéquatement aux exigences de leur profession.
C'est d'ailleurs avec le mandat que nous avons reçu du MELS et qui s'accorde parfaitement avec la réalité actuelle du marché du travail et les besoins sociaux des diverses clientèles que nous formons des professionnelles compétentes. Et présentement ce qui nous préoccupe, je vous dirais, c'est la voie qu'emprunte le projet de loi n° 50, qui risque de compromettre l'ensemble des efforts collectifs pour doter le Québec de techniciennes compétentes sur le plan professionnel et tout à fait bien formées pour relever les défis sociaux de demain. Parce que, d'entrée de jeu, M. le ministre, vous avez, mardi, bien identifié le rôle de l'office. Ensuite, suite aux présentations, vous avez bien aussi campé toutes les mesures transitoires. Mais, pour nous, une question reste entière, c'est à savoir comment le Québec va utiliser les techniciens d'aujourd'hui et ceux de demain qui vont avoir ces compétences-là, toujours en respect de la continuité du service, de la protection du public et sachant que c'est la personne qui est au coeur de nos préoccupations, au niveau des services sociaux.
Mme Girouard (Marie-Josée): Je poursuivrais en vous disant que le REECETSQ est d'avis que la modernisation du système professionnel en cours constitue une occasion de mettre fin à une confusion qui existe actuellement sur le plan des fonctions exercées par les techniciennes et les travailleurs sociaux, et ce, pour que les établissements du réseau de la santé et des services sociaux puissent compter pleinement sur les compétences de ces deux groupes de professionnels. En cela, le REECETSQ rejoint les conclusions du rapport sur la planification de la main-d'oeuvre dans le domaine de la santé et des services sociaux qui disait, entre autres, qu'il y avait «nécessité d'entreprendre un exercice de révision de l'organisation du travail».
Donc, nous sommes d'accord avec ça. D'ailleurs, à l'annexe 6, en pages 32 à 39, nous avons une analyse préliminaire des liens existant entre sept des 24 compétences du programme qui réfèrent directement au savoir, savoir-faire et savoir-être requis pour accomplir plusieurs des activités que le projet de loi n° 50 propose de réserver dans le champ du travail social. Donc, vous voyez qu'il y a quand même une certaine concordance.
Nous considérons toutefois que l'analyse complète de cette question en vue d'un départage des activités réservées entre les techniciennes et les travailleurs sociaux doit être menée conjointement par l'ensemble des acteurs du champ du travail social, ce qui n'a jamais été fait à ce jour. Si ce n'est pas fait, cela pourrait entraîner une dynamique de déqualification des techniciennes qui créerait une situation paradoxale et contradictoire, notamment pour nous, les formateurs: les diplômées du programme de formation collégiale en travail social, dont le mandat est précisément de former des professionnelles compétentes pour répondre aux besoins des établissements du réseau de la santé ? et des personnes, on ajoute ? ne pourraient plus y exercer leur profession.
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(10 h 50)
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Un autre problème que nous avons identifié, notamment dans le libellé du projet de loi n° 50 des activités réservées, concerne la notion d'évaluation. Nous ne sommes pas les premiers à vous mentionner le flou qui existe présentement dans la notion même d'évaluation. Et ce qu'on voulait vous ajouter, c'est que, selon l'interprétation qui sera donnée à cette notion-là, les établissements du réseau pourraient décider de ne plus confier aux techniciennes des tâches d'évaluation qu'elles accomplissent actuellement, et ce, depuis des décennies, sans que leur compétence n'ait par ailleurs jamais été à notre connaissance remise en question.
Je voulais vous donner un exemple plus concret de cette situation-là: une personne âgée en perte d'autonomie atteinte d'une démence de type Alzheimer, vivant à domicile. S'appuyant sur sa formation collégiale en travail social, une technicienne du service de soutien à domicile d'un CSSS est actuellement à même de procéder à une évaluation du fonctionnement social de cette personne à partir de la grille d'évaluation multiclientèle et d'élaborer un plan de service à définir et à soumettre à une équipe multidisciplinaire. Par la suite, elle pourra voir à la mise en oeuvre des mesures retenues.
Or, selon le projet de loi, l'évaluation du fonctionnement social d'une personne atteinte d'un trouble neuropsychologique, selon nous, comme on le comprend, deviendrait une activité réservée aux travailleurs sociaux et à d'autres professionnels. Doit-on comprendre que, dans l'exemple qui précède, la technicienne ne pourrait plus procéder à l'évaluation du fonctionnement social de cette personne à travers l'utilisation de la grille d'évaluation multiclientèle? C'est une question qui, pour nous, reste en suspens.
Vous avez d'autres exemples aussi des impacts possibles de ce flou dans la notion d'évaluation dans les pages 12 à 15 ainsi que dans les pages 40 et 41 du présent mémoire.
C'est pour cette raison ? j'essaie d'être brève ? que le regroupement des enseignants vous demande de différer l'adoption du projet de loi n° 50, de mettre sur pied un comité de travail ad hoc sous la responsabilité de l'Office des professions, formé des principaux acteurs oeuvrant dans le champ du travail social, incluant le regroupement ici présent, dont le mandat serait de déterminer les paramètres du départage des activités réservées dans le champ du travail social pour les travailleurs sociaux et les techniciennes, et ce, avant l'adoption du projet de loi n° 50.
La Présidente (Mme Thériault): Merci.
M. Matton (Jean-François): Je poursuivrai. Nous croyons que l'accessibilité compétente aux services sociaux est menacée par le projet de loi n° 50. D'abord, définissons ce que veut dire l'accessibilité compétente. En fait, le comité Trudeau disait que «ce principe assure [à la personne] le service approprié, fourni par la personne compétente, au moment opportun, à l'endroit souhaité et pour la durée requise».
Pour nous, l'accès à des services sociaux de qualité est une condition essentielle à la protection du public. Le comité d'experts résumait très bien l'importance de ce principe dans sa recommandation d'intégrer les techniciennes en travail social au système professionnel: «Il y a lieu d'offrir aux organisations un éventail de compétences diversifiées de manière à ce qu'elles puissent organiser efficacement la dispensation des soins et des services.» En corollaire, le principe d'accessibilité compétente s'oppose à une surspécialisation des services là où elle n'est pas requise, puisqu'elle serait incompatible avec l'utilisation maximale des connaissances et des ressources disponibles. L'intégration des techniciennes au système professionnel et un partage adéquat des activités réservées dans le champ du travail social sont de nature à contribuer à cette garantie d'accessibilité compétente.
Or, la dynamique qui serait engendrée par l'adoption du projet de loi n° 50 aurait au contraire pour effet de diminuer l'offre globale de main-d'oeuvre dans le secteur des services sociaux et de la santé mentale au Québec en le privant de la possibilité d'embaucher des techniciennes en travail social pour dispenser ces services, et ce, malgré la mise en place des mesures transitoires, incluant des droits acquis. Notre préoccupation ici est à moyen et à long terme.
Cette dynamique toucherait aussi bien les établissements du réseau institutionnel que les organismes communautaires, dans lesquels travaillent actuellement plusieurs techniciennes. La problématique de pénurie de main-d'oeuvre dans le secteur des services sociaux se fait davantage sentir dans certains secteurs d'intervention, entre autres dans les centres jeunesse, notamment en milieu rural et en région éloignée. La déqualification des techniciennes en travail social pourrait avoir pour effet d'accentuer les traits de la pénurie de main-d'oeuvre dans ces milieux, voire de compromettre une organisation des services respectant les critères d'accessibilité compétente, au détriment de la population.
À notre avis, l'adoption du projet de loi n° 50 risque d'alimenter une dynamique de surspécialisation et, de ce fait, de mener à une sous-utilisation des compétences des techniciennes dans le réseau de la santé et des services sociaux. Cette préoccupation est d'ailleurs évoquée par le ministère de la Santé et des Services sociaux dans la Planification de la main-d'oeuvre. On dit: «Tout en reconnaissant la pertinence d'améliorer l'offre de main-d'oeuvre grâce à une formation plus poussée, le ministère considère qu'il faudra [assurer] que l'organisation du travail fasse appel à des profils de compétences en relation avec les besoins de la population. [...]Ces questions renvoient l'ensemble des acteurs concernés à un même impératif [...] soit celui de l'utilisation optimale des ressources humaines disponibles. Cet impératif est commandé par l'évolution démographique particulière du Québec, caractérisée par un renversement rapide de la pyramide des âges, un déclin marqué de la relève et un vieillissement important de la population.»M. Lemieux (Charles): Donc, en conclusion, la démarche de modernisation du système professionnel dans le domaine des relations humaines et de la santé mentale doit ultimement viser une meilleure protection du public. C'est la raison d'être du système professionnel et sa finalité.
Alors, plus concrètement, la protection du public s'appuie notamment sur la garantie de compétence que confère l'appartenance au système professionnel. Mais la protection du public s'appuie tout autant sur une garantie d'accès aux services sociaux et de santé mentale auxquels elle a droit. Donc, ces deux dimensions de la modernisation du système professionnel doivent se compléter et non s'opposer. À cet égard, le principe d'accessibilité compétente nous apparaît devoir être au coeur des décisions.
Alors, nous réitérons l'appui du regroupement à la démarche de modernisation. Nous considérons toutefois que trop de questions restent en suspens pour qu'on procède à l'adoption du projet de loi n° 50 sans procéder préalablement aux travaux que nous proposons. Et même nous affirmons qu'il y aurait des conséquences prévisibles à l'adoption trop hâtive du projet de loi.
Nous avons beaucoup évoqué, au cours des derniers jours ? enfin, j'étais dans la salle et je l'ai souvent entendu ? que nous sommes ici, d'abord et avant tout, pour rendre des services à des personnes vulnérables. Alors, il y a un principe d'intervention en travail social qui s'appelle d'abord ne pas nuire, primum non nocere. Donc, c'est à ce principe de précaution que nous convions les parlementaires. Et le bateau arrive au port, il ne faudrait pas qu'on ait échappé des morceaux pour qu'on se retrouve à rentrer dans le quai et qu'on se pose la question après: On aurait peut-être dû compléter des travaux pour fignoler. Parce que c'est un gros bateau, et on souhaite tous qu'il arrive à bon port. Merci.
La Présidente (Mme Thériault): Merci beaucoup pour votre présentation. Donc, avant de débuter le bloc d'échange, je veux juste aviser les formations que je vais retrancher à tout le monde à peu près deux minutes, 2 min 30 s, pour qu'on puisse rentrer dans le temps, puisque la présentation a été un petit peu plus longue. Donc, sans plus tarder, je vais passer la parole au ministre.
M. Dupuis: Oui. Alors, M. Lemieux, Mme Girouard, M. Matton, Mme Bissonnette, merci beaucoup. Non seulement avez-vous eu la note de passage dans votre présentation, mais vous avez un peu plus que la note de passage parce que la présidente de la commission, qui est sensible aux voix masculines, a noté que, M. Lemieux, vous avez la même voix que l'un de nos collègues, le député d'Orford, l'ancien ministre de l'Éducation, M. Reid. Alors, à un moment donné, elle m'a dit: Ferme tes yeux, tu vas le reconnaître. J'ai dit: C'est vrai, c'est Pierre Reid.
M. Lemieux (Charles): Je vais le prendre comme un compliment. Merci.
n(11 heures)nM. Dupuis: Trêve de plaisanteries. Je vais reprendre les termes... D'abord, M. Lemieux, je veux vous remercier d'avoir spécifié, à la fin de votre intervention, que nous sommes ici pour les clientèles et pour la protection du public d'abord et avant tout. On est d'accord avec ça, les membres des ordres professionnels sont d'accord avec ça aussi, les parlementaires sont d'accord avec ça. Et, de temps en temps, malheureusement, pour quelqu'un qui nous écouterait sans avoir une connaissance des dossiers comme celle que vous avez, quelqu'un qui nous écouterait pourrait penser qu'il y a là des chicanes d'ordres professionnels et de professionnels, là. Et dans le fond je veux rassurer le public: ce n'est pas ça. On est vraiment ici pour penser d'abord à la clientèle et à la protection du public. Ce sont deux notions qui sont interreliées.
Je vais reprendre l'expression de M. Matton, court terme, moyen terme et long terme. Il m'apparaît à moi que, dans le court terme, bien que les représentations que vous faites sont pertinentes puis qu'on y réfléchit, qu'on les considère, il reste qu'à court terme... J'ai déjà indiqué, j'indique de nouveau qu'il n'y aura pas de... que nous nous organiserons, dans le projet de loi, avec une clause transitoire, une clause transitoire, là, précise; je veux que vous rassuriez vos membres à l'effet qu'il n'y aura pas de rupture de service dans les services que vous donnez déjà. On va faire en sorte qu'on puisse rédiger cette clause de telle sorte que c'est entendu qu'il n'y aura pas de rupture de service. Ça, ça fait partie de la préoccupation première qu'on a, que le service ne soit pas interrompu pour les clientèles.
Par le fait même, forcément, en corollaire, ça veut dire qu'on reconnaît l'importance que vos gens ont dans les milieux dans lesquels ils travaillent et leurs compétences. À court et... à moyen et à long terme, parce que je ne ferai pas une longue présentation et je voudrais laisser mes collègues poser les questions qu'ils veulent poser, mais, à moyen et à long terme... J'ai entendu le président, moi, de l'ordre des travailleurs sociaux ? il l'a indiqué dans son mémoire, il l'a indiqué quand il a témoigné en commission ? être prêt à vous intégrer dans l'ordre professionnel, les techniciens en travail social, de telle sorte qu'à moyen et à long terme... Vous savez où ça s'en va, tout ça, là. Je pense que le président, qui est dans la salle d'ailleurs, M. Leblond, a été clair là-dessus.
La raison pour laquelle je demande à l'office de regarder la question des techniques, c'est simplement que, bon, là, vous, vous avez des techniciens en travail social, mais il y a des techniciens en éducation spécialisée, il y a des gens qui travaillent en centre de réadaptation pour déficience intellectuelle, il y a des gens qui travaillent dans des centres jeunesse, il y a des gens qui travaillent un peu partout, et je veux qu'on regarde en bloc toute la question des techniques. C'est la raison pour laquelle j'ai donné le mandat à l'office de commencer à travailler tout de suite pour être capable de régler cette situation des techniques.
Mais, dans votre cas à vous, compte tenu de la déclaration du président de l'ordre des travailleurs sociaux, vous avez déjà... Je ne veux pas faire de comparaison par rapport aux autres, là, mais il y a une très claire, très nette, très évidente ouverture d'esprit, plus qu'une ouverture d'esprit de la part du président de l'ordre des travailleurs sociaux. Alors donc, je pense qu'à court, à moyen et à long terme vous devriez être en mesure de rassurer vos membres, et je souhaite que vous rassuriez vos membres parce qu'il n'est pas question de faire une interruption de service.
Quant à vos autres représentations, vos représentations globales... Mais là je pense que je viens de toucher au coeur de vos représentations, quant aux autres, ne vous inquiétez pas, là, on en traite et on va en traiter avec vous. On ne fera pas ça en vase clos, là, on va faire ça avec vous autres, on va faire ça avec l'ordre des travailleurs sociaux. Mais inquiétez-vous pas de ça. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. le ministre. Donc, on va aller au député de Laval-des-Rapides.
M. Paquet: Merci beaucoup. Alors, MM. Lemieux et Matton, Mmes Girouard et Bissonnette, merci de votre présentation et des points que vous avez soulevés. Effectivement, l'annexe 1 de votre mémoire est une belle liste, quand on la parcourt, des différents champs d'activité, des différentes gens qui sont touchées dans nos milieux, pour nos concitoyens, à Laval notamment, mais c'est vrai dans l'ensemble du Québec. J'ai le privilège de travailler avec beaucoup, et nous avons tous le privilège, comme députés, de travailler avec beaucoup des gens que vous avez formés et qui font un travail qui est important sur le terrain, qui tendent la main, qui rejoignent directement des gens qui ont différents types de besoins, que ce soit pour les travailleurs de rue, vous parlez des centres communautaires de loisir, services aux immigrants, puis... Je ne les nomme pas tous, là, la liste est là, puis je pense qu'elle vaut la peine d'être... que pas seulement les députés... Nous la connaissons parce que nous travaillons avec eux sur une base très régulière. Pratiquement à toutes les semaines, j'ai à parler à l'un ou l'autre des gens de ces organismes-là. Et ils font du beau travail, je pense que c'est important de le souligner, je pense que c'est un travail qui est important.
Dans votre mémoire, vous faites allusion effectivement... on parle de ce travail dans différents secteurs d'activité qui touchent les gens. Quelles sont les évaluations qui sont visées dans les dispositions actuelles du projet de loi qui sont présentement exécutées plus spécifiquement par les techniciens en travail social puis dans quels milieux? Est-ce qu'il y a des éléments que vous aimeriez illustrer particulièrement?
La Présidente (Mme Thériault): Mme Girouard.
Mme Girouard (Marie-Josée): Bien, je vais essayer de répondre. Vous en avez déjà quelques-uns, là, à l'intérieur du mémoire. On parlait de CSSS, où les personnes... les techniciennes sont très présentes, notamment à l'accueil-évaluation, notamment aux services de soutien à domicile, elles sont très présentes, où elles exercent présentement des fonctions d'évaluation du fonctionnement social. Et c'est là où on trouve que le flou est dangereux parce que, si on regarde la première activité, qui est d'évaluer une personne atteinte d'un trouble mental ou neuropsychologique, on ne définit pas clairement à quel type d'évaluation on fait référence. Et, dans le quotidien, nos techniciennes font des évaluations. Ça fait partie intégrante de leur travail et ça fait partie intégrante de leur... la capacité qu'elles ont à établir un contact avec les personnes, créer le climat de confiance, pour ensuite être capables d'évaluer clairement les besoins de la personne et pouvoir y répondre par la suite.
On a déjà parlé des centres jeunesse, on est très présents aussi dans les centres jeunesse de la même façon. Et je trouverais important de souligner que les techniciennes, lorsqu'elles travaillent avec un individu et sa famille... Parce que c'est une spécificité du travail social aussi de travailleur toujours avec l'environnement de la personne. Ce n'est déjà pas facile avec ces clientèles-là d'établir justement cette relation de confiance là. On a entendu toutes sortes de choses, là, qui font que les gens souvent, bon, à cause du manque de ressources et non pas, je tiens à le souligner, non pas à cause de la formation qu'ont les intervenants, mais souvent, à cause du manque de ressources, les gens se voient, les jeunes se voient transférer d'un intervenant à l'autre, ce qui fait que c'est difficile pour eux ensuite d'avoir vraiment un bon lien avec l'intervenant et de pouvoir avoir une intervention qui se tient et qui dure dans le long terme.
Donc, le lien, la relation que l'intervenante, la technicienne établit avec cet enfant-là, cette famille-là nécessite une évaluation initiale, mais aussi nécessite des réévaluations en vue de modifier le plan d'intervention de ces personnes-là, compte tenu, bon, du cheminement de la personne et de la famille. C'est pour ça que c'est important que la technicienne puisse continuer de faire ces évaluations-là, pour pouvoir garder ce lien-là et pouvoir avancer, ne pas toujours recommencer à zéro avec un autre intervenant, un autre professionnel.
Ce sont deux exemples, vous en avez d'autres, je pense que même on pourrait en donner d'autres, mais je trouvais que ces deux-là sont quand même assez parlants.
La Présidente (Mme Thériault): M. le député de Laval-des-Rapides.
M. Paquet: Merci, puis je pense qu'effectivement, lorsqu'on fait allusion à une espèce de continuum de services, hein, parce qu'effectivement la même personne parfois a à faire face à différents enjeux qui... enfin qui sont concomitants, mais, à un moment donné, c'est qu'ils ont besoin d'avoir une intervention où la confiance, comme vous l'avez si bien dit, est très importante, parce que c'est là que la personne s'ouvre. Et, à ce moment-là, où la fenêtre s'ouvre, il y a une occasion effectivement d'intervention puis d'aide directe à la personne dans le besoin pour dire: Bien, voici tel type d'aide qui s'offre à toi puis qui peut t'aider à progresser puis à te sortir un peu de la problématique, qui a souvent plusieurs facettes, dans laquelle la personne est impliquée.
Et vous disiez dans le cas, par exemple, des centres jeunesse... Mais j'ai un autre exemple en tête. À Laval, on est en train de développer... il y a un regroupement d'organismes pour... l'itinérance, et tout l'aspect de continuum de services qu'il y a entre les différents organismes, ce qui fait qu'on a un très beau projet, l'Aviron, là, qui est en train de naître, là, qui relève justement d'une coopération qui est faite, où tout le monde... Finalement, le travail ne manque pas, là, les besoins ne sont pas à inventer, ils sont là. Mais parfois ça nous demande... Et c'est un peu ce que le projet de loi n° 50 permet de faire, enfin propose de faire, de développer une plus grande collaboration et de permettre ce continuum de services là. Je pense que c'est l'objectif qui est visé, puis vos exemples sont extrêmement importants dans ce contexte-là.
J'aurais peut-être une dernière question, pour laisser la chance à d'autres collègues de s'adresser à vous ou d'échanger avec vous. Évidemment, la formation faite est importante, puis il n'y a pas de raison de croire qu'elle n'est pas bien faite. Il y a sûrement des choses que vous pouvez améliorer, sur lesquelles vous travaillez. Mais un des éléments, c'est qu'une fois que les gens ont passé par la formation formelle, une des questions... bien sûr, il y avait la question de l'expérience qui doit s'acquérir sur le terrain. Dans quelle mesure jugez-vous qu'après la formation qu'ils ont reçue ils sont dans le fond, les techniciens en général, sont prêts ou sont suffisamment prêts, parce qu'ils le sont sûrement dans une certaine mesure, à tout le moins, prêts à faire les évaluations auxquelles vous vous référiez? Et comment entrevoyez-vous la question de la formation continue, qui est un des éléments aussi qui sous-tendent les échanges qu'on a depuis quelques jours?
La Présidente (Mme Thériault): M. Lemieux.
M. Lemieux (Charles): Je pense que votre question... Donc, quand on aborde ces questions-là du point de vue d'un programme de formation, on est toujours dans une perspective: la compétence que la formation a permis à l'étudiant d'acquérir au seuil d'entrée sur le marché du travail. Et, vous l'évoquez à juste titre, l'expérience de travail vient ensuite bonifier ces compétences-là, évidemment. Donc, nous diplômons ces étudiants avec la conviction qu'ils ont atteint les standards qui sont prescrits par le programme, donc les standards de seuil d'entrée sur le marché du travail, ce qui est le cas de tous les programmes de formation, qu'ils soient collégiaux ou universitaires.
Maintenant, vous évoquez la question de la formation continue. C'est une des dimensions, je dirais, qui fait partie intégrante de la demande que nous portons, que les techniciennes soient intégrées au système professionnel. Parce que vous savez comme moi que le système professionnel prévoit justement des dispositions de formation continue de ses membres. Alors, c'est une perspective qui nous apparaît tout à fait opportune.
J'aimerais ici simplement bien situer, pour l'ensemble des parlementaires, que nous représentons ici, aujourd'hui, les enseignants du programme collégial et non les techniciennes, qui ont leur propre regroupement et que vous entendrez, je crois, le 15 mars prochain. Je pense que c'est important de clarifier. Nous parlons du point de vue des formateurs et non pas du point de vue des techniciennes elles-mêmes.
n(11 h 10)nLa Présidente (Mme Thériault): Merci. Il nous reste peu de temps. J'ai vu Mme Girouard se manifester, et le député de Robert-Baldwin voudrait peut-être poser une question aussi. M. le député, je vous rappelle juste qu'il reste 1 min 30 s, question-réponse. Donc, je peux vous donner la parole, là, il faut faire rapide. Merci.
M. Marsan: Oui. Alors, merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, merci à vous, M. Lemieux, Mme Girouard, M. Matton et Mme Bissonnette. Alors, c'est très intéressant ce que vous nous apprenez ce matin. J'aurais une question de compréhension. Alors, d'un côté, vous dites que le projet de loi entraînerait une déqualification possible des techniciens, et vous pouvez être assurés que ce n'était pas l'objet du projet de loi, je pense. Mais, de l'autre côté, vous dites dans vos recommandations que vous souhaitez que les techniciens en travail social puissent être intégrés à leur ordre professionnel. Alors, on comprend que c'est l'ordre des travailleurs sociaux. Alors, est-ce que, si on accepte cette recommandation-là, qu'ils sont intégrés à l'ordre professionnel, ça veut dire que maintenant ils sont qualifiés pour faire leur travail?
La Présidente (Mme Thériault): M. Lemieux.
M. Lemieux (Charles): Bien, c'est-à-dire, c'est le coeur de ce qu'on essaie de traduire aujourd'hui, là, c'est-à-dire que la... C'est parce que, vous le savez, on le sait tous ici, qu'une loi a un effet structurant. Et ce qu'on prétend, nous, c'est: à ne pas clarifier les choses avant que le bateau parte, l'effet structurant va se mettre en place. Et, nous, ce qu'on craint, ce sont les effets pervers du projet de loi ? ça a été évoqué par d'autres groupes avant nous. Et la position du Regroupement des enseignants, c'est à l'effet de... On a pris position pour l'intégration des techniciens au système professionnel, à savoir: les modalités de cette intégration-là avec tel ou tel ordre, ça appartient à d'autres niveaux de décision que le nôtre. Et effectivement l'intégration des techniciennes au système professionnel constitue à notre avis une avancée dans le cadre de la modernisation du système professionnel. Et évidemment, de facto, la question: Quelles seront les activités réservées qu'on leur désignera en partage? va se poser, puisqu'elles seront intégrées au système professionnel. Je ne sais pas si je peux me... je voyais... Il n'y a plus de temps? Merci.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. Mais je suis convaincue que vous allez pouvoir continuer vos propos avec les autres partis, ici. Merci. Donc, je me tourne maintenant du côté de l'opposition officielle. M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. L'Écuyer: Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, M. Lemieux, Mme Girouard, M. Matton, Mme Bissonnette, ça fait plaisir de vous accueillir aujourd'hui. Et d'entrée de jeu... enfin, je constate que vous travaillez à la base même de la formation de ces techniciens-là. Et j'imagine que vous êtes au fait à tous les jours... Parce que vous avez affaire à tous les jours avec les étudiants qui sont en formation, et aussi vous êtes en relation avec les étudiants qui sont présentement dans ce que j'appelle, moi, la première ligne au niveau de l'intervention.
Je remarque que dans votre propos vous aviez une certaine inquiétude, et vous avez quand même... vous l'avez très bien mentionnée, au sujet de la reconnaissance professionnelle. Cette reconnaissance professionnelle là a déjà été mentionnée par le groupe des experts. Et puis je pense que vous l'avez bien ciblée dans votre mémoire, mais j'aimerais quand même le... Ici, la commission Trudeau disait bien: «Le comité d'experts conclut à la pertinence d'intégrer les criminologues et les techniciens en travail social au système professionnel.» Et on a eu quand même l'opportunité d'avoir la lettre de M. le ministre, là, qui a quand même précisé que, concernant les criminologues et puis les sexologues... Par contre, on nous dit aussi, concernant les techniciens: «Entreprendre l'analyse de la situation des activités de l'ensemble des techniciens oeuvrant dans le domaine de la santé et des services sociaux, en collaboration avec le ministère de la Santé et des Services sociaux, le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport ainsi qu'avec les représentants de leurs réseaux respectifs (associations d'établissement et cégeps), et ce, après que les travaux parlementaires concernant la modernisation de la pratique professionnelle en santé mentale et en relations humaines auront été complétés.» Est-ce que, vous, avec ce libellé-là de lettre, est-ce que ça vous satisfait au niveau des représentations que vous faites ici, ce matin, en commission?
M. Lemieux (Charles): Bien, je devrais répondre non...
Le Président (M. Marsan): M. Lemieux.
M. Lemieux (Charles): Pardon, M. le Président. Je répondrais non dans la mesure où on réitère aujourd'hui ce qu'on avait dit suite au dépôt du rapport Trudeau, à l'effet que nous considérons que ces travaux-là doivent être préalables à l'adoption du projet de loi compte tenu des effets structurants. Et je pense que c'est important peut-être de dire que, et vous avez souligné à juste titre que nous sommes assez proches des milieux de pratique à travers notamment la gestion des stages, on observe déjà sur le terrain, là, l'effet du rapport Trudeau, qui est loin d'être une loi, qui était une annonce de recommandations. Et les effets structurants dans les établissements se font... Alors, on est en contact avec de nos anciennes étudiantes qui nous disent: Bien, moi, mon hôpital m'annonce que, compte tenu de ce qui s'en vient avec la loi n° 50, là, je vais devoir aller faire mon baccalauréat parce que mes fonctions de travail vont requérir une formation supérieure, etc. Donc, on observe déjà... Il y a un CSSS, à Montréal, avec lequel on travaillait depuis des années à placer de nos étudiantes stagiaires, qui a aboli les postes de techniciennes, parce qu'elles sentent...
Alors, il y a quelque chose de cet ordre-là et c'est de ça qu'on souhaite vous alerter aujourd'hui, c'est-à-dire que l'imprécision actuelle qui a été évoquée plusieurs fois ici, je dirais nonobstant un guide de pratique, il nous apparaît que ces clarifications-là devraient se faire avant plutôt qu'après. Et, pour compléter, on ne comprend pas bien en quoi une analyse, une nouvelle analyse de la situation des techniciennes en travail social est requise, dans la mesure où cette analyse-là a été faite par un comité d'experts indépendant mandaté à cette fin qui conclut sans équivoque que les techniciennes oeuvrent dans le champ professionnel. Alors, il nous apparaît que ce sont des travaux qui ont déjà été faits et qu'on a déjà la conclusion de cette... on a déjà la réponse à cette démarche-là.
Le Président (M. Marsan): M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. L'Écuyer: Merci. Aussi, M. Lemieux, concernant un autre point, puis, au niveau du rapport, je vois quand même que vous arrivez à une conclusion qui est assez, je vais dire, assez importante et assez énorme, «de différer l'adoption du projet de loi n° 50», «de différer l'adoption du projet de loi n° 50». Parce que vous dites, en tout cas, entre autres, qu'il y a dans le fond une situation que vous qualifiez de «déqualification des techniciens en travail social et ? vous dites ? priverait le réseau public de leurs compétences dans l'organisation des services sociaux». Remarquez que, quand vous nous dites ça, moi, je sursaute, de ce côté-ci, quand vous dites «différer le projet de loi n° 50», alors qu'effectivement il y a des discussions, il y a quand même des réflexions, il y a aussi de l'unanimité d'ordres professionnels. J'ai de la difficulté à concilier cette conclusion-là, alors que vous avez entendu quand même ici, depuis quand même deux jours, ici, les commentaires de... Est-ce que vous êtes encore du même avis, avec les annonces du ministre, que ce projet de loi là doit être différé immédiatement?
Le Président (M. Marsan): M. Lemieux.
M. Lemieux (Charles): Merci. Notre opinion, et le mot est choisi, c'est «différer» et non... Alors, on réitère qu'on est en faveur de la perspective de la modernisation du système professionnel proposée. On prétend, et l'avenir le dira, on prétend que mieux vaut disposer de toutes les questions que... On en a soulevé quelques-unes, mais... Vous évoquez que nous avons été présents depuis quelques jours, et il nous apparaît qu'il y en a suffisamment. Et M. le ministre évoquait qu'il y a du travail à faire avant de l'adopter. C'est exactement la perspective, c'est: faisons ce travail avant et, quand on avancera, on saura clairement, tout le monde, où on va. Et, nous, ce qu'on prétend, c'est que la confusion actuelle risque de priver le Québec, là, de l'apport d'un groupe de professionnelles qui sont les techniciennes en travail social formées par le réseau collégial, hein, qu'on s'est donné collectivement. On a entendu des intervenants parler de confiance, et tout ça, on en est, de la confiance, sauf qu'on sait tous ici qu'il y a des effets structurants à des projets de loi et qu'à notre avis mieux vaut traiter ces questions-là avant qu'après.
Donc, c'est le sens de notre position. Ce n'est pas de ne pas adopter le projet de loi, mais c'est de procéder à des travaux complémentaires, comme on le demandait il y a maintenant près de deux ans. Et le fait est qu'on n'a pas été interpellés depuis ces années-là où on évoquait ce besoin-là, on n'a pas été relancés pour y travailler. Alors, on vous parle aujourd'hui au même point où on était en avril 2006 quand on a...
n(11 h 20)nUne voix: Ce n'est pas vrai.
M. Lemieux (Charles): Hein? De notre point de vue.
Une voix: Ce n'est pas vrai.
Le Président (M. Marsan): Juste un instant. Oui. La parole est au député de Saint-Hyacinthe, à moins qu'il y ait consentement pour laisser la parole... Non. Alors...
M. L'Écuyer: M. Lemieux, je voudrais quand même que vous me précisiez ce point-là. S'il y avait une reconnaissance, selon votre première recommandation, «[...]au système professionnel soit actualisée à la faveur de la démarche en cours de la modernisation du système professionnel [du] Québec» en santé mentale et en relations humaines, croyez-vous que cette déqualification pourrait être rayée du vocabulaire des travailleurs en techniques sociales?
M. Lemieux (Charles): C'est-à-dire que, si le projet de loi prévoyait, par exemple, l'intégration des techniciennes au système professionnel dès maintenant, ce serait une partie, je dirais, des préoccupations qui pourraient être un peu réduites. Il reste que toute la question de clarifier la désignation des activités réservées reste entière. Mais assurément que, si on voyait, dans le projet de loi, que le projet inclurait l'intégration des techniciennes au système professionnel, on pense que ce serait assurément un pas dans la bonne direction. Mais il resterait du travail à faire quand même, et on pense que ce travail-là doit se faire avant plutôt qu'après.
Le Président (M. Marsan): Oui, M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. L'Écuyer: Au sujet de votre enseignement, l'enseignement, on parle souvent d'évaluation. Est-ce que c'est une chose, c'est un point, c'est une matière, c'est une discipline que vous enseignez, l'évaluation?
M. Lemieux (Charles): Bien, comme Mme Girouard... Oui.
Le Président (M. Marsan): M. Lemieux.
M. Lemieux (Charles): Comme Mme Girouard le soulignait, l'évaluation fait partie intégrante du processus d'intervention, hein, donc, évidemment qu'on l'enseigne, et on réfère dans le mémoire à sept compétences qu'on a identifiées comme étant directement en lien avec les activités que le projet de loi se propose de réserver dans le champ du travail social. Alors, on dit aussi dans le mémoire que, comme regroupement d'enseignants du niveau collégial, on souscrit au principe de la nécessité d'un départage de ces activités dans le champ, hein, compte tenu de deux niveaux de formation. On en est. Ce qu'on dit, c'est que c'est un comité de travail, hein, qui réunira tous les acteurs concernés de pouvoir définir la question des niveaux d'évaluation requis pour tel ou tel type d'activités réservées.
Toute la question de la définition de l'évaluation et de la clarification de cette définition-là est vraiment importante pour la suite des choses. Le rapport Trudeau évoque une définition d'évaluation de diagnostic. Maintenant, quelle sera l'interprétation qui en sera faite dans les établissements et est-ce qu'une confusion ou un flou autour de cette définition-là pourrait amener les établissements à des pratiques défensives? Quand nous entendions, tout à l'heure, les collègues de l'ordre des audiologistes évoquer des poursuites, là, alors est-ce que ça ne créerait pas une situation, dans le réseau, où les gens voulant se prémunir contre des poursuites potentielles auraient une pratique défensive autour de ça? Donc, pour nous, tout ça, là, ça doit être clair au moment où on... avant que le train rentre en gare.
Le Président (M. Marsan): Alors, très rapidement, le temps est presque écoulé. M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. L'Écuyer: Une dernière question. Vous ne croyez pas qu'avec le guide explicatif toutes ces zones, là, en fait d'interrogation pourraient être quand même clarifiées?
M. Lemieux (Charles): Je dirais que, pour avoir vécu d'autres situations de projets de loi, ce qu'il reste, c'est les projets de loi. Ce qu'il reste, c'est l'article 5. Ce qu'il reste, c'est le 5.2, vous le savez comme moi. Et, le guide interprétatif, à un moment donné, on se demande où est-ce qu'on l'a mis. Alors donc, je suis obligé de dire que ce qui est structurant, là, ce n'est pas un guide de pratique, c'est un projet de loi. Ça, c'est structurant.
Le Président (M. Marsan): Alors, merci. Merci. On passe maintenant au deuxième parti d'opposition. Alors, M. le député de Dubuc, la parole est à vous.
M. Côté: Oui, merci, M. le Président. Je vais peut-être laisser la parole au ministre, qui voulait répondre peut-être à une déclaration... Non, ça va? Bon.
Alors, je vais revenir sur la déqualification, monsieur... D'abord, excusez-moi, je... M. Lemieux, Mme Girouard, M. Matton, Mme Bissonnette, bienvenue à la commission. Merci pour votre présentation. Je voudrais revenir sur la déqualification. Moi aussi, lorsque vous dites que c'est des recommandations, ça m'apparaît quelque chose comme important, ce que vous dites. Et, lorsque je regarde... Et soyez certains d'une chose, c'est que le législateur n'a pas l'intention de mettre de côté des milliers de personnes qui travaillent, qui font un travail énorme, qui ont des compétences extraordinaires, puis, du jour au lendemain, parce qu'on adopterait une loi, on mettrait ces personnes-là de côté. Ce n'est pas ça du tout qu'on veut.
Puis, quand je regarde votre annexe 2, Techniques de travail, là, dans la formation spécifique, là, et je ne sais pas si je suis correct quand... si c'est... formation spécifique, c'est ça, là, la formation d'un technicien en travail social. Je regarde ça puis je lis ça, là, puis je ne suis pas un spécialiste, mais la loi n° 50, si elle est adoptée, là, je ne pense pas qu'elle puisse empêcher de faire quelque chose que ce soit dans ça, à moins que vous me disiez, bien... parce qu'analyser les besoins et les ressources d'une personne, ils ne pourront plus faire ça, mais je ne pense pas que la loi n° 50 va empêcher un technicien en travail social de faire ça. Je ne pense pas qu'elle va l'empêcher d'effectuer des interventions psychosociales avec des personnes ou des familles. Je ne pense pas qu'elle va l'empêcher d'assurer le développement et la coordination des services et des ressources, de protéger son intégrité, d'effectuer des interventions sociales en contexte...
J'aimerais peut-être que vous me donniez peut-être un peu plus de détails sur pourquoi ça va... Vous avez parlé d'évaluation, mais l'évaluation pourra se faire aussi en interdisciplinarité avec les travailleurs sociaux, avec le psychologue, avec le psychothérapeute, avec l'ergothérapeute, j'imagine.
Le Président (M. Marsan): Oui, Mme Girouard.
Mme Girouard (Marie-Josée): Bien, peut-être juste vous indiquer que, pour nous, on pense que nos techniciens pourraient être capables de faire ça. On le croit, qu'ils sont capables de le faire. Le problème, ce qui nous a alertés, ce qui nous inquiète encore et auquel M. Lemieux a fait référence, c'est la réaction présente des milieux de travail depuis le rapport Trudeau, notamment, là, particulièrement depuis le rapport Trudeau. Comme coordonnatrice des stages, moi, je le vois, là, dans mon quotidien, des milieux de travail qui me disent: Nous sommes très satisfaits de vos techniciens, nous les avons accueillis en stage, nous les avons embauchés; cependant, compte tenu de ce qui s'en vient et qu'il y a des activités d'évaluation qui vont être réservées, nous préférons ne plus les embaucher pour ne pas avoir dans le fond à gérer des intervenants qu'on ne pourrait plus utiliser par la suite. Donc, moi, je me fais répondre ça quand je parle avec des milieux de stages.
Donc, je vous dirais que l'urgence de clarifier la notion d'évaluation, pour moi, elle est là, elle est présente, parce que le temps passe, et, pendant que l'on se parle maintenant, aujourd'hui, il y a déjà une réorganisation du travail qui se fait par anticipation. Donc, moi, j'ai peur que justement, lorsqu'on aura clarifié les choses après l'adoption du projet de loi, et tout ça, il y aura déjà une spirale. Quand on parle de surspécialisation, cette spirale-là sera déjà enclenchée et sera difficile à redéfaire. Parce que ça se fait présentement, ça se fait depuis même, je vous dirais, justement Trudeau, là, 2006. Et on nous l'a dit, là, moi, je vous le dis, les gens me disent: On est toujours aussi satisfaits des compétences. J'ai même des milieux de stages qui continuent de prendre des étudiants en stage parce qu'ils les considèrent compétents mais ne peuvent plus les embaucher parce que le message qu'ils reçoivent de l'employeur, c'est qu'on doit faire attention à cause de ce qui s'en vient avec le projet de loi.
La Présidente (Mme Thériault): M. le député, allez-y.
M. Côté: Mme la Présidente, en dehors de différer le projet de loi n° 50, parce que, si je vous avais posé la question, c'est probablement la réponse que vous m'auriez donnée, mais est-ce qu'il n'y aurait pas d'autres moyens pour rassurer ces gens-là, rassurer l'employeur, que le ministre a bien dit, au courant de la commission parlementaire, que ces personnes-là seront protégées et qu'il va y avoir quand même des clauses spéciales qui vont être intégrées pour protéger ces compétences-là? Il faut faire quelque chose. Oui?
n(11 h 30)nLa Présidente (Mme Thériault): M. Matton.
M. Matton (Jean-François): Oui. En fait, nous, ce qu'on croit, c'est que, si les techniciens étaient intégrés dès maintenant, ça va avoir cet effet-là. Le fait de reporter, de dire qu'il y aura des travaux, on a entendu ça depuis deux jours, puis on croit bien les intentions du ministre de le faire. Je rappelle ce que M. Lemieux disait de l'effet structurant. Si les organisations disent: Bon, bien, en attendant, on devrait donc se tourner vers d'autres titres d'emploi pour faire le travail, notre peur, c'est justement la déqualification puis qu'il y ait, tranquillement pas vite, une non-utilisation, pas de ceux ? on a entendu les mesures transitoires ? qui sont là présentement, mais de ceux qui sont à venir et à entrer dans ces organisations-là.
On sait qu'on est dans une période où il y a un changement de personnel important. Ça fait qu'on se dit: Bon, bien, est-ce que les postes des techniciens puis... est-ce qu'ils auront accès? Puis est-ce qu'ils pourront utiliser leurs compétences? Comme il les ont, ces compétences-là, est-ce qu'il pourront les utiliser puis les mettre à contribution dans la prestation des services sociaux au Québec? C'est ça, notre préoccupation, puis on croit que le projet de loi, comme il est là, ne permettra pas nécessairement cette ouverture-là pour l'avenir. On a entendu l'intention du ministre par rapport aux mesures transitoires, ça, c'est rassurant pour cette partie-là, mais, pour ce qui suit, c'est préoccupant.
La Présidente (Mme Thériault): Oui. M. le député.
M. Côté: Oui. Vous m'avez parlé de l'ordre professionnel. Je voudrais revenir justement à cette possibilité d'intégration. J'ai en main le mémoire que le ministre avait présenté, la partie accessible au public ? vous avez sans doute dû l'avoir également ? où on dit que c'est «l'Office des professions qui recommande de suspendre l'examen de l'intégration des techniciens en travail social à l'ordre des travailleurs sociaux le temps de compléter les travaux d'analyse de la situation des activités de l'ensemble des techniciens oeuvrant notamment dans le domaine de la santé et des services sociaux». Donc, c'est une suspension pour une période déterminée. Est-ce qu'avec l'Office des professions vous vous êtes entendus d'un délai? Parce que j'imagine que vous deviez faire partie également de ce comité de travail là. Non? Les professeurs?
La Présidente (Mme Thériault): Oui, M. Lemieux.
M. Lemieux (Charles): Oui. Bien, le fait est que, non, on n'a pas fait partie d'aucun comité de travail. Notre regroupement a été consulté à une reprise par le Dr Trudeau, dans le cadre des travaux du rapport Trudeau. Mais les informations que nous avons obtenues auprès de l'Office des professions, et ça, on doit le dire comme on l'a entendu, ne sont pas aussi rassurantes que celles qu'on a entendues de la part du ministre hier. C'est-à-dire que la façon dont on peut lire ce que vous venez de lire, c'est qu'on suspend cette recommandation le temps de voir qu'est-ce qui en est pour les autres groupes. Et on a vérifié auprès de l'office, et peut-être que d'autres personnes pourront nous rassurer sur le sens qu'on doit accorder à ces mots-là, mais ce qu'on nous a bien dit, c'est que ? et c'est les propres mots, là ? les recommandations Trudeau sont caduques, et on reprend l'exercice à zéro pour l'ensemble des techniciens. C'est ce qu'on nous a dit. Si c'est autrement, on sera très contents de l'entendre ce matin. Mais le fait est que, nous, le message qu'on a, là, c'est: tout ce que Trudeau avait conclu autour des techniciennes, c'est devenu caduc, tabula rasa, et on recommence l'exercice pour l'ensemble des techniciens. Et on ne nous garantit pas qu'au terme de cet exercice-là il y aurait nécessairement l'intégration des techniciennes en travail social au système professionnel. Donc, pour nous, on voit ça comme un recul de ce qui avait été convenu par le comité d'experts et qui nous apparaissait être une contribution importante.
Ça fait des années, ça fait 40 ans, au Québec, que cette question-là de la confusion dans le champ du travail social existe, et on trouvait que la recommandation du comité d'experts permettait des avancées. Alors, ce qu'on entend de la répondante à l'office, c'est à l'effet que tout ça est devenu caduc. Ça nous fait dire: On ne comprend pas, donc, comment se fait-il que les recommandations d'un comité d'experts indépendant deviennent soudainement caduques et qu'on recommence l'exercice à zéro. Si on s'est mal compris, ce serait peut-être... on serait très heureux d'entendre autrement ce matin.
La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. Lemieux. M. le député, j'ai le ministre qui voudrait, avec votre consentement, faire une intervention, et ça va écouler le temps qui va rester à votre formation politique parce qu'il reste une minute.
M. Côté: Il reste combien?
La Présidente (Mme Thériault): Une minute.
M. Côté: Une minute. Bon. Bien, je vais permettre au ministre de... En tout cas, c'est beau.
La Présidente (Mme Thériault): Oui, merci.
M. Dupuis: C'est dans la lignée de ce que... C'est dans la lignée des questions que vous avez.
M. Côté: Si c'est pour éclaircir, allez-y.
M. Dupuis: Oui. Non, c'est ça. Mais c'est pour... D'abord, moi, je trouve important, là, que vous rassuriez vos membres puis que vous rassuriez vos patrons. Puis, nous autres, on va mettre les efforts qu'il faut pour rassurer tout le monde, là. Il n'y aura pas d'interruption de service, tout ce que vous faites aujourd'hui, vous allez pouvoir le faire. Mais fermez-vous les yeux deux minutes ? comme tantôt je me suis fermé les yeux pour vous écouter, là ? mais fermez-vous les yeux deux minutes, là, puis dites-vous que, s'il fallait adopter le projet de loi n° 50 demain matin, sans clause qui protège votre travail, sans rien, là, comme il est là, là, toutes les activités qui sont marquées à la page 24 de votre mémoire pourraient toutes être encore accomplies demain matin. Les activités réservées dans le projet de loi, c'est quand même minime par rapport à toutes les activités qui sont listées dans votre mémoire à vous, à la page 24.
Donc, je comprends vos préoccupations, je ne les nie pas, je ne les minimise pas non plus. Je les comprends, puis je les comprends mais je les comprends de façon humaine, je ne les comprends pas de façon... avec mon cerveau, je les comprends avec mon coeur. Vous avez des clientèles, vous voulez que ces clientèles-là continuent de recevoir les services que vous leur donnez, puis vous leur donnez du bon service. Donc, je comprends vos représentations avec mon coeur, il reste qu'on va protéger votre travail puis qu'on va travailler dans le sens de ce que vous souhaitez.
Différer le projet de loi, je ne suis pas tout seul à décider, là, le député de Dubuc, puis le député de Saint-Hyacinthe, puis ses collègues doivent concourir avec moi là-dessus. Mais, moi pour un, différer l'adoption du projet de loi, je ne vois pas ça, honnêtement je ne le vois pas, M. Lemieux. Puis je vais être transparent avec vous. Voilà un projet de loi qui m'apparaît être, à la fois pour la protection du public et pour la protection des clientèles, important. C'est un pas, un pas important. Ça fait six ans qu'il y a... quatre ans qu'il y a des travaux du rapport Bernier, deux ans... Vous pouvez ne pas être totalement satisfait de ce qui s'est fait, puis je vous comprends, puis je vous comprends avec mon coeur, mais mon coeur aussi me dit que, ce projet de loi là, il faut l'adopter, mais il faut continuer le travail.
Vous autres, vous êtes dans une position privilégiée, je le répète, et le président de l'ordre des travailleurs sociaux est dans la salle, et le président de l'ordre a déclaré publiquement qu'il était prêt à vous intégrer dans son ordre professionnel, ce n'est pas pire. Merci.
La Présidente (Mme Thériault): Et, malheureusement, M. Lemieux, je vais devoir mettre fin parce qu'on a dépassé de beaucoup le temps qui est alloué.
M. Dupuis: ...
Documents déposés
La Présidente (Mme Thériault): Bien, c'est ça, vous pouvez rester en contact avec les gens du cabinet du ministre. Et, avant de suspendre les travaux, je vais déposer les deux documents que Mme Bissonnette nous a mentionnés un peu plus tôt. Donc, il y a les Services sociaux, éducatifs et juridiques ? Techniques de travail social ? Rapport d'analyse de la situation de travail, avril 1998, et les Services sociaux, éducatifs et juridiques ? Techniques de travail social ? Programme d'études 388.A0. Et je suspends les travaux pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 11 h 38)
(Reprise à 11 h 41)
La Présidente (Mme Thériault): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, la Commission des institutions va poursuivre ses travaux, et nous recevons l'Association des établissements de réadaptation en déficience physique du Québec. Donc, vous avez une quinzaine de minutes pour nous présenter votre mémoire, je vais vous demander également, Mme Lauzon ou M. Malo, de nous présenter les personnes qui vous accompagnent, et par la suite ce sera suivi d'échanges avec les parlementaires. Bienvenue à l'Assemblée.
Association des établissements
de réadaptation en déficience
physique du Québec (AERDPQ)
M. Malo (Luc M.): Merci, Mme la Présidente, M. le ministre, distingués membres de cette commission. Je suis Luc Malo, président de l'association. Je suis accompagné de Mme Lauzon, qui est la directrice générale, et de M. Bourgault, qui est conseiller aux affaires cliniques et professionnelles.
Je voudrais d'abord vous remercier d'avoir accueilli notre mémoire et de nous recevoir à cette commission pour partager les principaux éléments. Nous partageons entièrement les objectifs d'une amélioration continue du système professionnel parce que nous croyons fondamentalement que c'est une façon d'améliorer d'une façon continue les services à la clientèle.
Notre association, c'est 20 établissements répartis sur tout le territoire du Québec, 6 000 employés d'une vingtaine de professions, très scolarisés et qui travaillent en multidisciplinarité, c'est 70 000 clients répartis globalement en quatre déficiences: motrice, visuelle, auditive, parole et langage. C'est une clientèle également de zéro à 100 ans. Parce que nous recevons dans nos services les enfants qui naissent avec, par exemple, une paralysie cérébrale, une surdité, un problème visuel ou encore qui, dans leur tendre enfance, sont des syndromes de bébés secoués, d'enfants battus ou de maladie infantile. J'ai dit jusqu'à 100 ans parce que nous avons un accroissement de clientèle au troisième âge ? je devrais dire au quatrième et cinquième âge ? de personnes qui ont des problèmes de surdicécité, donc une perte graduelle et importante de la vue et de l'audition en même temps, qui nécessitent de l'intervention pour améliorer le repérage et le fonctionnement.
La finalité de la réadaptation, c'est la participation citoyenne, de faire en sorte que chaque personne, malgré son handicap, soit un citoyen à part entière. Notre intervention donc s'applique à des enfants pour leur permettre de ne pas avoir de retard scolaire, parce que, s'ils ont des retards scolaires, ça se répercute sur le reste de leur vie ? et c'est pourquoi nous insistons énormément là-dessus ? et également des enfants d'âge scolaire et des adultes.
La clientèle handicapée physique peut aussi vivre des états dépressifs, vivre des problèmes de santé mentale de différentes façons. Bien sûr, quand une personne, peu importe son âge, disons à l'adolescence, perd du coup ses jambes pour le reste de ses jours, il peut avoir une période dépressive, et c'est tout à fait normal. Ça peut être d'autres situations où des traumatismes crâniens cérébraux font que des comportements deviennent bizarres. Et c'est pourquoi nos employés travaillent toujours avec cette dimension, ou presque toujours avec cette dimension combinée à la fois de l'intervention, de la réadaptation physique, mais également on travaille avec des humains qui peuvent aussi avoir des humeurs de différentes sortes.
Je le dis d'entrée de jeu que nous souscrivons entièrement à l'importance de poursuivre la modernisation du système professionnel. Mais le projet de loi tel qu'il est formulé nous pose aussi un certain nombre d'inquiétudes. Les commentaires que nous avons entendus ce matin peuvent nous rassurer à certains égards, mais vous allez nous permettre de vous communiquer quand même ces inquiétudes, ayant confiance que vous saurez trouver la solution qui va faire en sorte que l'objectif ultime que nous visons d'une amélioration continue des services va trouver écho dans ce projet de loi.
Pour poursuivre la présentation de notre mémoire, je laisse la parole à Mme Anne Lauzon.
Mme Lauzon (Anne): Merci. Alors, bonjour tout le monde. Alors donc, comme on vous le mentionne aussi dans notre mémoire, on est d'accord avec la modernisation, mais on a aussi certaines inquiétudes. Et, dans ce que M. Malo vous disait de notre mandat comme centre de réadaptation en déficience physique, c'est qu'on est entre le santé et le social. On a à la fois beaucoup de professionnels qui ont été plus régis avec la loi n° 90, et maintenant on arrive à une deuxième équipe de professionnels qui sont régis plus par la loi n° 50, et on est préoccupés par la cohérence ou l'harmonisation qu'il y a entre les deux.
Dans ce sens-là, quand il y a eu les travaux sur la loi n° 90, il y avait des principes qui étaient à la base, c'est-à-dire de réserver le moins d'activités possible pour justement garder une souplesse, réserver des activités juste quand ça répondait à deux critères principaux: la question de risque de préjudice pour la clientèle ou la population; et l'autre, c'était qu'il y ait une formation nécessaire requise pour développer des compétences spécifiques. Puis dans le fond on pense que c'est toujours des principes qui devraient être à la base de la révision du système professionnel dans le cas qui nous occupe, là, le projet de loi n° 50.
Comme employeurs, parce que, comme M. Malo disait, on a plus de 6 000 employés d'une vingtaine de disciplines différentes qui travaillent ensemble, l'interdisciplinarité puis la souplesse dans l'organisation du travail, c'est deux éléments clés dont on a besoin dans un contexte de pénurie de ressources, dans un contexte où on veut optimiser les ressources dont on dispose ? et on n'en a jamais trop, on le sait. Alors donc, c'est important, pour nous, que ces principes-là sous-tendent le reste des décisions. Et, comme on disait, si c'était appliqué tel quel, bien, pour nous aussi, il y aurait des possibilités de bris de service ou de pratique illégale à la fois pour des professionnels qui pourraient être régis par le système professionnel et d'autres qui ne le sont pas. Mais ça, je vais y revenir.
Ça fait que donc nos propositions concernent trois volets principalement, c'est-à-dire des modifications de libellé, des modifications plus à certaines définitions et le système professionnel à compléter, puis, troisième volet, des mesures transitoires, qui ont déjà été abordées mais auxquelles on reviendra. Et on va se permettre d'insister sur cinq des sept recommandations qu'il y avait dans notre mémoire, histoire d'aller un peu plus rapidement puis d'être le moins redondant possible.
Alors, dans le premier volet, quand on dit qu'on voudrait des modifications au libellé, c'est qu'il y a trois activités réservées qui concernent l'évaluation qui nous posent un problème en particulier. Je vous les mentionne rapidement: «évaluer une personne atteinte d'un trouble mental ou neuropsychologique attesté par un diagnostic ou par une évaluation effectuée par un professionnel habilité»; le deuxième, c'est «évaluer un élève handicapé ou en difficulté d'adaptation dans le cadre de la détermination d'un plan d'intervention en application de la Loi sur l'instruction publique; et le troisième, c'est «évaluer un enfant qui n'est pas encore admissible à l'éducation préscolaire et qui présente des indices de retard de développement dans le but de déterminer des services de réadaptation et d'adaptation répondant à ses besoins.»
Alors, dans les trois cas, ce sont des clients que nous desservons tous les jours, donc c'est une clientèle cible qui fait partie de notre mandat. Par contre, c'est sûr qu'il y a... Un enfant qui a une déficience visuelle, l'optométriste va évaluer le volet de la déficience visuelle. Mais, si l'enfant est particulièrement dépressif, comme M. Malo disait, si on prend le libellé tel quel, sans qu'il y ait un lien avec la finalité du champ d'intervention du professionnel, ça fait comme s'il ne pourrait plus l'évaluer. Et c'est là qu'on trouve que ce serait restrictif. Et c'est vrai pour les trois cas, là, soit un élève handicapé ou une personne atteinte d'un trouble mental.
Donc, pour pallier à cette problématique-là, notre proposition, qui constitue en fait notre première recommandation plus formelle, c'est de modifier les libellés pour introduire une finalité pour l'évaluation. Par exemple, pour le travailleur social ? c'est vrai pour tous les types d'emploi, là ? c'est qu'au lieu de dire «évaluer une personne atteinte» ce serait «évaluer le fonctionnement social d'une personne atteinte d'un trouble mental dans le but de déterminer un plan de traitement et une intervention en travail social». À ce moment-là, ça ne prive pas les autres de le faire dans leurs champs. Et, si la personne n'a pas de problème de santé mentale, bien c'est correct, mais, si elle en a, bien tout le monde peut continuer à travailler comme maintenant.
Dans le n° 90, par exemple, pour les physiothérapeutes, c'était «évaluer la fonction neuromusculosquelettique d'une personne présentant une déficience», ce n'était pas évaluer une personne qui a un problème. C'est évaluer la fonction neuromusculosquelettique qui est le champ, qui est l'essence même de la compétence d'un physio. Alors, dans le champ des relations humaines et de la santé mentale, ce qu'on trouve, c'est que les libellées sont trop larges ? je pense qu'on n'est pas les premiers à vous le dire ? et ça pourrait causer un problème avec ceux, les professionnels, qui ne sont pas présentement touchés par 50.
n(11 h 50)n. Alors, la deuxième recommandation, qui va aussi dans le sens de clarifier certaines choses, c'est toute la notion de trouble mental et trouble neuropsychologique qui font référence au DSM-IV. Et, dans le DSM-IV, il y a aussi les troubles de la communication. Alors, vous savez que... M. Malo référait à nos quatre types de déficience qu'on traite, alors la déficience du langage donne évidemment des troubles de la communication. Et le fait que le trouble mental ne soit pas défini, ça pourrait faire en sorte que ceux qui travaillent dans le domaine de la communication soient privés de pouvoir faire les évaluations dans leurs champs de compétence, et je pense que M. Beaulieu y référait d'ailleurs ce matin.
Alors, notre deuxième recommandation, c'est que le projet de loi prévoie que ces réserves d'activité n'entrent pas en vigueur avant que des définitions claires et opérationnelles de trouble mental et de trouble neuropsychologique ne soient déterminées. Puis probablement que l'Office des professions pourrait être mandaté pour clarifier ces définitions-là. Sinon, encore là, comme je vous dis, on va se retrouver avec des professionnels... et une partie importante de notre offre de services qui pourrait être compromise.
Maintenant, notre troisième recommandation concerne... toujours dans le domaine des clarifications, c'est la notion de plan d'intervention. On a noté que l'utilisation, les libellés, pour parler du rôle et de la contribution de chacun des professionnels par rapport au plan d'intervention est très variable et probablement... En fait, on pense qu'il n'y a pas de sous-entendu là-dedans et que ça ne prétend pas que certains professionnels sont subordonnés à d'autres ou que tout le monde n'a pas le droit de faire la même chose par rapport au plan d'intervention. Par contre, quand on les lit, le travailleur social, c'est de «déterminer un plan d'intervention et [...] assurer la mise en oeuvre»; le psychologue, c'est «déterminer, recommander et effectuer des interventions et des traitements»; le psychoéducateur, c'est «déterminer un plan d'intervention et en assurer la mise en oeuvre»; les orthophonistes et audiologistes, c'est «déterminer un plan de traitement, [...] d'intervention et [d'en] assurer la mise en oeuvre». Ça fait que, bref, pour chacun des professionnels, et dans 90 et dans 50, on n'utilise pas toujours les mêmes libellés pour dire que chacun doit, dans son champ de pratique, contribuer...
Notre proposition, c'est: contribuer à l'élaboration et à la mise en oeuvre du plan d'intervention. Je pense qu'on aurait avantage qu'il y ait une certaine harmonisation de toute cette terminologie-là pour que ce soit clair que, tous les professionnels, dans leurs champs de pratique, il faut qu'ils contribuent à l'élaboration mais aussi à la mise en oeuvre du plan d'intervention dans le champ... en respectant leurs compétences et leurs champs d'activité.
Une quatrième recommandation, là qui va plus dans le deuxième volet, qui est de poursuivre la révision du système professionnel, dans le fond, c'est que... Ce qu'on souhaite, c'est qu'il y ait un mandat formel qui soit donné à l'Office des professions: poursuivre la révision du système professionnel en impliquant l'ensemble des acteurs concernés, dont les associations d'établissements, et ce, afin de régulariser, dans un délai déterminé, la situation des éducateurs spécialisés et des techniciens en travail social et ainsi que celle des autres professions susceptibles d'intégrer le système professionnel, notamment les éducateurs physiques, les spécialistes en réadaptation en déficience visuelle puis les spécialistes en orientation et mobilité.
Pour vous donner un exemple, là, nos professionnels qui travaillent en déficience visuelle ? les deux derniers titres d'emploi que je viens de vous mentionner ? ce sont des gens qui ont un baccalauréat et un diplôme de deuxième cycle universitaire. Donc, ils ont une formation qui leur donne des compétences spécifiques. Et ils ont aussi un risque de préjudice important. Je vous donne un exemple. Ce sont ces professionnels-là qui accompagnent et qui dans le fond aident les personnes qui sont, par exemple, aveugles à traverser les rues ou à prendre le métro seules. Alors, on peut très bien comprendre que, si ces professionnels-là ne font pas bien leur travail, il peut même y avoir des préjudices importants au plan de l'intégrité de la personne. Elle peut se faire frapper par une voiture ou par une rame de métro, ce n'est pas très recommandé.
Une voix: Ce n'est pas bon pour la santé.
Mme Lauzon (Anne): Ce n'est pas bon pour la santé, non. Ça crée d'autres problèmes. Donc, ces professionnels-là présentement ne sont pas régis par le système professionnel. Ils sont peu nombreux, ils sont 150 au Québec. Mais par contre ils sont essentiels à notre offre de services aux personnes qui ont une déficience visuelle au Québec. Alors, il faut qu'on trouve une solution pour que ces professionnels-là ne se trouvent pas en pratique illégale ou qu'il y ait des bris de service parce qu'ils ne puissent plus évaluer des personnes qui ont une déficience visuelle demain matin. Alors donc, ça, c'est une de nos recommandations.
Et finalement il y a toute la question des mesures transitoires qui concernent à la fois ceux qui sont admissibles à leur ordre mais qui ne sont pas membres présentement, ça, je pense que c'est clair, mais aussi ceux qui ne sont pas régis par le système professionnel. Vous avez parlé tantôt, là, de travaux pour tout ce qui est des volets techniques, mais, nous, on a une spécificité pour ceux qui ne sont pas des techniciens mais qui sont comme nulle part. Et on sait qu'ils ont la volonté de joindre le système professionnel, malgré qu'ils sont 150, ils ne sont pas très nombreux, mais on a déjà validé ça avec eux, ils ont déjà commencé des démarches même, à un moment donné, mais qui n'ont pas porté fruit. Alors, en gros, c'est ce que nous avions à vous livrer comme commentaires.
La Présidente (Mme Thériault): Merci beaucoup pour votre présentation, M. Malo, Mme Lauzon. Donc, sans plus tarder, je vais aller du côté ministériel. Je vais réajuster le temps des parlementaires. Vous, vous avez pris votre 15 minutes, c'est correct, mais, eux, ils ne le prendront pas parce qu'il nous manque un petit peu de temps. Donc, sans plus tarder, je vais passer la parole au député de Robert-Baldwin.
M. Marsan: Merci, Mme la Présidente. Et merci à vous, M. Malo, Mme Lauzon, M. Bourgault. Je veux saluer d'une façon particulière M. Luc Malo, qui a fait une longue carrière dans le domaine de la santé et des services sociaux, autant dans l'un que dans l'autre. Je pense que vous avez été également sous-ministre en titre au ministère de la Santé et des Services sociaux, et auparavant vous aviez oeuvré longtemps dans le milieu des services sociaux. Alors, ça nous fait un grand, grand plaisir de vous avoir avec nous, et on ne peut que vous souhaiter une bonne santé et que tout continue de bien aller.
M. Dupuis: Comment aurais-je pu priver le député de Robert-Baldwin de vous faire tous ces compliments-là? C'est pour ça que je me suis tu. Vous avez été son patron peut-être, à un moment donné? Quand il a été directeur général de l'Hôpital du Sacré-Coeur, hein, c'est ça?
M. Malo (Luc M.): ...collègue comme directeur général du Centre jeunesse de Montréal.
M. Marsan: Ah! c'est des bons souvenirs. Je vois, dans votre mémoire et dans la conclusion, que vous mentionnez vos inquiétudes. Je pense, le ministre a quand même pris soin, là, de souligner à quel point il ne souhaitait pas, il ne veut pas et il n'y aura pas de bris de service et de manque de continuité. Je pense que ça a été très clair dans l'ensemble de ses interventions. Vous mentionnez quand même qu'il y aura inévitablement des tensions entre les professionnels. Et, moi, ce qu'on nous a dit jusqu'à maintenant, c'est que les différents ordres professionnels se sont relativement bien entendus pour arriver avec un minimum de consensus autour de la loi n° 50. Alors, j'ose penser que... Si on applique cette loi-là, vous pensez, vous autres, qu'il y aurait des tensions entre les différents ordres, si vous pouvez nous éclairer sur ce point. Et vous parlez également, pour éviter... de situations de pratique illégale, alors, ça aussi, je vous demanderais juste plus d'information, s'il vous plaît.
La Présidente (Mme Thériault): Mme Lauzon.
Mme Lauzon (Anne): Oui. Sur la question des tensions professionnelles, c'est que dans le fond, à partir du moment où il y a trop d'interprétations possibles puis que les définitions ne sont pas claires, c'est inévitable que, sur le terrain, quand ces professionnels-là sont habitués de travailler en équipe tous les jours, il peut y avoir des tensions en disant: Bien, selon la loi, toi, tu peux; selon la loi, moi, je peux. Dans le fond, l'objectif de clarifier, c'est pour éviter ces tensions-là. Et, quand on a des activités réservées qui sont clairement définies et clairement définies dans leurs champs de pratique... Quand on fait référence à ceux qui ne sont pas touchés par la loi n° 50 mais qui étaient dans 90 puis qui n'ont pas la même sorte de libellé, mais ils travaillent ensemble avec le même client tous les jours, ça peut, à un moment donné, apporter des tensions inutiles.
Pour ce qui est de... Là, je ne suis pas capable de me relire. Votre autre...
M. Marsan: C'est la pratique illégale.
Mme Lauzon (Anne): Oui, la pratique illégale, oui, merci. Alors, pour ce qui est de la pratique illégale, c'est que dans le fond, selon la loi, si quelqu'un continue de faire une activité qui est réservée à d'autres professionnels et qui ne répond pas aux critères, tu es en pratique illégale. Parce que dans le fond tu as le choix entre de ne plus donner le service, donc faire un bris de service, ou le faire pareil mais être en pratique illégale.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. M. le député, allez-y.
M. Malo (Luc M.): Si vous permettez.
La Présidente (Mme Thériault): Oh! oui.
M. Malo (Luc M.): Je vous dirais que, si vous acceptez nos propositions de préciser l'évaluation en regard d'une finalité, ça va faire tomber les risques de tension, beaucoup. S'il n'y a pas ça, là il y a des risques de tension parce que deux, trois professions pourraient dire: Bien, aïe, là, tu rentres dans mon champ de pratique, puis partir des chicanes de cet ordre-là. Et on sait qu'en interdisciplinarité l'unanimité n'existe pas toujours.
M. Marsan: Oui, vous êtes un homme d'expérience.
La Présidente (Mme Thériault): M. Bourgault, est-ce que vous voulez ajouter quelque chose? C'est beau, parfait. M. le député de Robert-Baldwin.
n(12 heures)nM. Marsan: Peut-être rapidement. Je m'adresse à vous, M. le président, et je vous demanderais peut-être votre opinion plus générale sur le projet de loi n° 50. Est-ce qu'on parle de véritable pas en avant? Y a-tu des caractéristiques qu'il faudrait absolument changer? De façon très précise, là, qu'est-ce que... Quelle est votre opinion?
La Présidente (Mme Thériault): M. Malo.
M. Malo (Luc M.): Incluant les réserves que nous soumettons dans notre mémoire...
M. Marsan: ...un homme d'expérience.
M. Malo (Luc M.): ...nous croyons que c'est un pas en avant important parce que, comme je l'ai dit d'entrée de jeu, améliorer le système professionnel, c'est améliorer le service à la clientèle, puis on travaille tous dans ce sens-là, puis c'est ce qu'on vise aussi. Mais il faut éviter, surtout en période transitoire, des frottements qui pourraient être inutiles. Il faut éviter également d'oublier certaines professions qui ne sont pas des professions au sens strict du terme ou au sens du code, mais qui exercent... Tantôt, Mme Lauzon en a parlé, nos spécialistes en mobilité, réadaptation-mobilité pour les personnes aveugles, c'est capital que ces personnes-là puissent avoir un statut, puissent continuer à faire des actes qu'ils font actuellement, même s'ils ne sont pas reconnus. Mais ça, on pense que c'est une question d'étapes. Nous, on pense que le système a intérêt à passer la loi améliorée, l'améliorer avec toutes les recommandations qui ont été faites, avoir une clause transitoire, tout de suite commencer à une autre étape, particulièrement pour les techniciens, on le mentionne, de façon à ce que... Je veux dire, on a amélioré le système professionnel au niveau de la santé, on le fait au niveau des services sociaux, on le fera à une troisième étape au niveau des techniciens particulièrement et d'autres.
M. Marsan: J'ose penser que vous ne pouvez qu'être d'accord avec le fait que les techniciens en services sociaux pourraient faire partie de l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux?
M. Malo (Luc M.): Oui, je suis travailleur social de formation, je pense que c'est une bonne chose, mais ils vont avoir des problèmes à s'entendre entre eux.
M. Marsan: Au niveau du partage des tâches?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Marsan: Au niveau du partage des tâches, c'est ça?
M. Malo (Luc M.): Oui...
Une voix: Non, bien...
M. Malo (Luc M.): Mais il y a un petit risque en tout cas. Mais je pense que c'est une solution quand même.
La Présidente (Mme Thériault): Mme Lauzon, vous voulez ajouter quelque chose?
Mme Lauzon (Anne): Oui. Bien, je voulais juste dire que dans le fond, nous, on pense que les techniciens en travail social effectivement devraient être régis par le système professionnel. Maintenant, ce n'est pas de notre champ de compétence de décider avec qui ils devraient être regroupés. C'est sûr que la logique pourrait être l'ordre des travailleurs sociaux. Et la réserve d'activités qui pourraient leur être confiées pour justifier le fait, il y a déjà des propositions qui circulent. Enfin, moi, je ne suis pas très inquiète qu'ils arriveront à s'entendre sur l'essentiel rapidement.
M. Marsan: Même si ce n'est pas à vous à décider, bien, vous savez que le président de l'Office des professions est avec nous aujourd'hui, alors le message est bien reçu.
Mme Lauzon (Anne): Je suis optimiste de nature.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. J'ai le député de Chomedey, maintenant.
M. Ouellette: Merci, Mme la Présidente. M. Malo, Mme Lauzon, M. Bourgault, bonjour. Je n'ai pas la connaissance que le député de Robert-Baldwin... et les relations privilégiées qu'il a eues avec vous, M. Malo, au cours des années, qui semblent être des très bonnes relations, en passant.
Vous avez fait référence à la loi n° 90 à plusieurs reprises dans la présentation puis dans votre mémoire aussi. J'aimerais ça un peu vous entendre, parce que je n'étais pas là, moi, quand il y a eu la loi n° 90, je protégeais le public mais d'une autre façon. J'aimerais ça vous entendre sur l'expérience que vous avez vécue avec 90 puis le rôle que vous aviez à jouer à cette époque-là, ça m'aiderait à me situer un peu dans notre débat, là.
La Présidente (Mme Thériault): Mme Lauzon.
Mme Lauzon (Anne): Oui. Écoutez, lors des travaux entourant la loi n° 90, il y avait eu un travail de concertation très, très étroit avec l'Office des professions et les ordres professionnels concernés pendant de longues périodes, je dirais, plusieurs mois, voire... ça s'est échelonné sur plus qu'un an. Alors, je pense que les nuances de définition et de finalité par rapport aux évaluations, on avait eu le temps d'en discuter au premier chef avec les personnes directement concernées. Pour toutes sortes de raisons, puis je ne porte pas de jugement sur ce processus-ci, mais ça s'est fait de façon très différente. En fait, comme association d'établissements, on n'a pas du tout été impliqués dans les travaux entourant le projet de loi. On avait été consultés lors du rapport Trudeau. Mais, entre le rapport Trudeau et le projet de loi, nous n'avons eu aucune tribune, je dirais, pour influencer. Et peut-être que ça peut expliquer pourquoi plusieurs ont des questionnements, c'est que dans le fond on n'a pas pu en discuter avec les personnes directement concernées.
Par contre, suite à l'adoption de la loi n° 90, il y avait eu aussi un manuel d'interprétation ou un guide d'interprétation qui avait été bâti, et il avait été fait, encore là, de façon concertée avec l'ensemble des acteurs, et je pense que ça, c'est une des conditions peut-être de succès pour le projet de loi n° 50 aussi, que ça s'effectue avec ce genre de mécanisme.
La Présidente (Mme Thériault): Ça va, M. le député?
M. Ouellette: Oui, ça va.
La Présidente (Mme Thériault): Oui, parfait. Donc, nous allons passer immédiatement du côté de l'opposition officielle avec le député de Saint-Hyacinthe. M. le député.
M. L'Écuyer: Merci, Mme la Présidente. Alors, je vous remercie beaucoup de votre présence ici, M. Malo, Mme Lauzon de même que M. Bourgault. J'ai quand même quelques questions au sujet de votre établissement parce que vous êtes réellement dans le feu de l'action, on peut dire, au niveau de la modernisation de... de la santé mentale et des... au niveau des... Vous avez 6 000 employés et vous avez 20 groupes professionnels, et j'imagine que vous avez des techniciens aussi, des techniciens... Alors, vous avez le volet professionnel d'une part, et la première question: Est-ce que tous les membres, tous les professionnels, que vous qualifiez de professionnels sont membres d'un ordre professionnel dans vos institutions?
La Présidente (Mme Thériault): Oui, M. Bourgault.
M. Bourgault (Gilles): Je vais répondre. En fait, nous, effectivement, comme vous le dites, on a beaucoup de groupes de professionnels au sens large du terme, si vous voulez, pas nécessairement appartenant au système professionnel. Ceux qui appartiennent au système professionnel, traditionnellement ergothérapeutes, physiothérapeutes, etc., sont en général membres de leur ordre professionnel, d'autant plus que, depuis 1990, c'est devenu très clair, le lien de cause à effet entre les deux.
En ce qui concerne les professions plus... actuellement du domaine du social, un bon nombre sont déjà membres de leur ordre professionnel, et ils le deviendraient évidemment par défaut avec 50. Ce qui nous particularise un petit peu, c'est effectivement que certains groupes de professionnels ne sont pas membres et ne peuvent pas être membres parce qu'il n'existe pas de place pour eux, si vous voulez, dans le système professionnel actuel. Mme Lauzon a mentionné l'exemple des spécialistes en réadaptation en déficience visuelle, des spécialistes en orientation et mobilité. On peut penser aussi aux éducateurs physiques, qui sont aussi un groupe d'intervenants qui ont une formation universitaire de premier puis parfois même de deuxième cycle et qui ne sont pas actuellement dans le système professionnel et qui ne pourraient pas y adhérer. C'est, entre autres, par rapport à ce type de préoccupation là aussi qu'on a des inquiétudes ou... en tout cas, qu'on a émis des préoccupations pour dire: Le système professionnel devrait poursuivre sa réflexion, sa réforme en allant jusqu'à intégrer d'une manière ou d'une autre ces groupes-là qui ont des rôles aussi cruciaux que d'autres et qui ne sont historiquement pas membres du système professionnel. Je ne sais pas si ça répond à...
M. L'Écuyer: Ça répond bien à ma question. Et puis, aussi, on a parlé beaucoup de... Vous parlez beaucoup dans votre mémoire du mot «évaluer» et vous en dites «est une composante à la base de toute activité professionnelle». Et ce qui me plaît quand même dans votre rapport, c'est la finalité. Vous avez défini davantage, on peut dire, les champs réservés. Et est-ce que c'est les... En fait, j'imagine que, si effectivement vous l'exprimez dans votre rapport, c'est exprimé par les professionnels avec lesquels vous travaillez régulièrement dans vos centres ou dans vos institutions. Et simplement, si on regarde, chaque point de finalité a bien été pensé ou analysé avec les groupes appropriés, je dois en conclure.
La Présidente (Mme Thériault): Mme Lauzon.
Mme Lauzon (Anne): Oui. En fait, on l'a fait en fonction de la pratique qu'on a dans nos 20 centres de réadaptation au Québec. On ne peut pas vous dire qu'on a validé ces libellés-là avec tous les ordres professionnels directement, là. On l'a fait à partir de notre pratique et du champ de pratique qui est déjà libellé de chacun de ces professionnels-là. Gilles, veux-tu compléter?
M. Bourgault (Gilles): Et peut-être j'ajouterais, si vous permettez, un peu aussi à la lumière justement de l'expérience de la loi n° 90, où on avait eu beaucoup à réfléchir sur comment s'assurer que les activités réservées sont conçues de manière à bien réserver ce qu'il y a à réserver et ne pas déborder sur des activités de d'autres, je pense à l'exemple des orthophonistes, audiologistes... On a beaucoup calqué notre façon de libeller nos propositions à partir des activités qui renvoyaient dans 90, dans le libellé de 90, qui sont maintenant dans le Code des professions finalement, l'article du Code des professions, on a donc repris cette formule-là qui détermine une réserve d'activités en lien avec le champ d'exercice spécifique. Donc, c'est de cette façon-là qu'on a voulu proposer de dissiper... quelqu'un tantôt parlait d'un peu de flou dans la façon de libeller les activités réservées, c'est de cette façon-là qu'on s'y est pris.
n(12 h 10)nM. L'Écuyer: J'aurais une question concernant votre recommandation 3: «Nous proposons de reformuler le libellé de cette activité de la façon suivante: Procéder à l'évaluation psychosociale d'une personne dans le cadre de la formulation d'une demande ou de la révision ? la révision ? d'un régime de protection au majeur, ou dans le cadre de l'homologation d'un mandat donné en prévision de l'inaptitude du mandant.» Comment il se fait que la définition ou... en fait, la proposition alléguée dans le projet de loi n° 50 ne vous satisfait pas? Et j'aimerais avoir plus d'explications sur cette question-là.
La Présidente (Mme Thériault): M. Bourgault.
M. Bourgault (Gilles): Bien, en fait, c'est un petit peu pour la même raison, hein? Le libellé de 50, qui est quand même déjà passablement spécifique, nous paraissait encore un petit peu flou, dans le sens qu'évaluer une personne dans le cadre d'un régime de protection, ça peut être évaluer beaucoup de choses d'une personne. Alors, on est partis de l'idée ou de la pratique qui fait que... qu'est-ce qu'un travailleur social fait lorsqu'il évalue une personne dans le cadre d'un régime de protection? Il ne l'évalue pas dans toutes ses dimensions, il l'évalue dans ce contexte-là, spécifiquement au niveau de l'évaluation psychosociale, parce que, puis on le mentionne dans le mémoire, d'autres professionnels, notamment le médecin, évaluent une personne dans le cadre d'un régime de protection mais sous l'autre angle qui est plus l'angle de son état médical.
Alors, c'était pour resserrer, si vous voulez, le rôle très précis, très réservé du travailleur social dans le cadre d'une activité qui peut être par ailleurs... qui peut impliquer d'autres intervenants sur d'autres volets. C'est simplement pour vraiment resserrer, là, autour de ce que fait le travailleur social et à quel moment dans le processus de régime de protection il a à intervenir, c'est-à-dire que ce n'est pas n'importe quand, c'est quand on formule une demande ou une révision. Ça correspond tout à fait à ce qu'en général... en tout cas, les travailleurs sociaux pourraient me le confirmer, puis, moi aussi, travailleur social de formation, là, ça me paraît en tout cas être assez proche de ce que les travailleurs sociaux font réellement dans cette activité réservée là. Donc, c'est de la précision, purement.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. M. le député.
M. L'Écuyer: Avec votre permission, je vais demander à mon collègue député d'Iberville...
La Présidente (Mme Thériault): Ah! le député d'Iberville. Certainement. Allez-y, M. le député.
M. Riedl: Merci, Mme la Présidente. M. Malo, Mme Lauzon, M. Bourgault, bienvenue chez nous, et puis merci pour une présentation de mémoire bien articulée. Moi, ce qui me préoccupe, évidemment pour les quelques minutes que j'ai, là, c'est vos inquiétudes au niveau des tensions chez vous: bris de service, situation de pratique illégale. Évidemment, l'introduction d'un projet de loi comme la loi n° 50 implique du changement. Du changement implique la remise en question du statu quo. Et puis, ultimement, c'est évident que l'objectif, c'est de protéger le citoyen, et puis, aussi, j'espère, valoriser le personnel, les personnes qui travaillent dans vos milieux. Alors, moi, j'assiste à tout ça et puis je me sens rassuré par les propos du ministre au niveau... qu'il n'y aurait pas de rupture de service, qu'il y a une clause transitoire que tout le monde va être... qu'il va y avoir une équité, une évaluation professionnelle et objective, et puis qu'en bout de ligne tout le monde va être gagnant. Alors, j'aimerais savoir si vous partagez cette confiance dans l'aboutissement de la loi n° 50, que tout le monde va y gagner. J'aimerais savoir si vous vous sentez en confiance pour rassurer vos membres, votre personnel, du bien-fondé et de l'aboutissement positif de ce processus-là.
M. Dupuis: M. le député d'Iberville, si vous pouviez écrire cette déclaration que vous venez de faire au sujet du fait que je vous rassure et la passer à la députée de Lotbinière, ça ferait mon affaire.
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre, la parole n'est pas à vous.
M. Riedl: C'est enregistré.
La Présidente (Mme Thériault): C'est enregistré, comme le dit si bien le député d'Iberville. Donc, M. Malo ou Mme Lauzon?
Mme Lauzon (Anne): Oui. Bien, écoutez, on est confiants qu'il y a des voies de passage, mais... J'ai dit tantôt que j'étais particulièrement optimiste dans la vie, c'est vrai. Par contre, si c'est adopté tel quel, même s'il y avait un guide d'interprétation, ça causerait des problèmes sur le terrain, ça, c'est clair. Donc, ça prend plusieurs mesures pour pouvoir dire qu'effectivement, dans son application, à terme le projet de loi serait vraiment une valeur ajoutée dans son entièreté. Ce que ça prend, c'est des libellés plus clairs pour préciser les finalités, pour ne pas que ce soit trop large, ça prend... de compléter le système professionnel, ça prend des mesures transitoires. Donc, c'est des choses, ce qu'on a entendu, qui sont réalistes et qui sont prévues être adoptées. Mais par contre, les libellés, il faut que ce soit dans le projet de loi, ça ne peut pas être juste dans le guide interprétatif, selon nous.
M. Riedl: Merci. En fait, ce que je voulais, je voulais effectivement avoir votre feed-back bien spécifique. Alors, je vous remercie.
La Présidente (Mme Thériault): Merci beaucoup. Donc, maintenant, nous allons aller du côté du deuxième groupe d'opposition avec le député de Dubuc.
M. Côté: Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, Mme Lauzon, M. Malo, M. Bourgault, bienvenue à la commission. Merci pour votre mémoire. Écoutez, en lisant votre mémoire, on s'aperçoit que vous êtes sur le terrain. Et ça paraît dans votre mémoire parce que vos propositions sont pratiques et elles sont réalistes, et je vous en félicite. Maintenant, comme je ne suis pas un spécialiste en matière de santé et même d'affaires sociales, votre Association d'établissements de réadaptation en déficience physique, est-ce que ce sont tous des centres de jour ou si... Non? Il y a des centres ouverts avec... Allez-y.
La Présidente (Mme Thériault): Oui, M. Malo, allez-y.
M. Malo (Luc M.): Un certain nombre de centres ont des unités internes parce que... Par exemple, une personne a un accident d'automobile, passe à l'hôpital ? à Québec, ce serait L'Enfant-Jésus ? et, au bout de quelque temps, s'en vient en réadaptation à l'Institut de réadaptation. Ça se fait dans toutes les régions comme ça. Mais il y a de la clientèle qui est strictement en externe. Par exemple, pour tout l'Est du Québec, il y a 15 enfants en interne, on a 15 places de lits en interne. Parce que le travail se fait avec les parents, se fait à l'école en grande partie, parce que nos intervenants se déplacent à l'école, mais il y en a un certain nombre quand même qu'on reçoit parce que ça prend de l'équipement plus spécialisé pour faire physiothérapie, ergothérapie, etc. Donc, on a un groupe beaucoup plus grand en pourcentage de clientèles qui sont en externe et qui viennent au centre une à trois fois, quatre fois-semaine, pour une heure, une heure et demie à la fois, parce que ça ne dépasse généralement pas beaucoup ça.
Mme Lauzon (Anne): Je peux compléter?
La Présidente (Mme Thériault): Oui, Mme Lauzon.
Mme Lauzon (Anne): En fait, 85 % de nos activités sont en externe et 15 % sur une base admise. Alors, on a des lits, des médecins, des infirmières, des médicaments, on a tout ça dans une...
M. Côté: C'est ma prochaine question.
Mme Lauzon (Anne): J'ai déduit ça dans vos yeux. Alors donc, il y a une partie qui est le volet qui est admis. Quand on dit qu'on est à cheval entre la santé puis le social, c'est que nos unités de réadaptation fonctionnelle intensive, comme on appelle, ça ressemble beaucoup à un hôpital dans une certaine mesure et par contre ça représente 15 % seulement de nos activités, 85 % est en externe. Et les gens, quand ils viennent dans les centres de réadaptation, ils viennent pour une durée déterminée, ce n'est pas de l'hébergement, donc il est souvent... Ils ont un diagnostic soit des cabinets privés, soit des médecins, soit de l'hôpital, soit de qui que ce soit, ils viennent chez nous pour une période x, maximum en général deux ans, mais souvent c'est beaucoup plus court que ça, et après c'est le CSSS et la communauté qui continuent le soutien ou l'accompagnement de la personne handicapée. Mais, nous, on a vraiment un mandat de réadaptation et d'adaptation, de compensation des incapacités de la personne pour qu'elle soit le plus autonome possible, mais elle ne reste pas avec nous tout le temps, là.
M. Côté: Bon. Mme la Présidente, je peux continuer?
La Présidente (Mme Thériault): Oui, allez-y, M. le député, oui.
M. Côté: Merci. Dans le cas, par exemple, d'un enfant à l'âge scolaire dont on a évalué un trouble mental doublé, par exemple, d'un problème des yeux, là, un problème... avec aussi un problème de mobilité. Est-ce que c'est difficile pour vous d'aller chercher les trois spécialistes, par exemple, que vous auriez besoin, je ne sais pas, le psychologue par exemple, l'opticien d'ordonnances puis le spécialiste en orientation et en mobilité? Est-ce que vous êtes capables d'avoir accès facilement à ces professionnels-là quand vous en avez besoin de trois ou de quatre, ou même ça peut aller jusqu'à cinq?
La Présidente (Mme Thériault): Mme Lauzon.
Mme Lauzon (Anne): Oui. Bien, en fait, c'est la constitution même de nos équipes. Nos équipes de réadaptation sont conçues de cet ensemble de professionnels là. Et, selon le plan d'intervention de la personne, de l'enfant, de l'adulte ou de la personne âgée, les professionnels qui ont une contribution sont appelés à jouer leur rôle. Maintenant, on fait face à un enjeu de la main-d'oeuvre comme partout dans le réseau; par contre, on a une très bonne... à date, on a une bonne capacité de rétention et d'attraction, à cause du travail en équipe notamment. Mais ça ne veut pas dire qu'on a accès facilement dans le sens de... qu'on n'a pas de pénurie de ressources non plus, dans le sens de sous. On a présentement 8 500 personnes qui attendent pour accéder à un premier service pas parce qu'on n'a pas le professionnel, parce qu'on n'a pas l'argent pour engager le professionnel.
M. Côté: Merci. Je vais revenir à l'essence même de votre mémoire où vous parlez, où vous dites que l'évaluation mentale, l'évaluation neuropsychologique est faite trop large, la définition est trop large. Ce matin, on a eu l'occasion de recevoir l'Ordre des orthophonistes et des audiologistes, et ils nous ont fait la même remarque en nous proposant de modifier. Mais, vous, vous nous le faites en proposant de le modifier pour toutes les professions qui sont impliquées pour avoir une finalité pour chacune. Donc, vous considérez que le projet de loi serait beaucoup mieux, serait beaucoup plus clair, beaucoup plus précis si, pour chaque ordre, on proposait des amendements pour avoir une finalité à chacun dans le cas de l'exercice de leur profession.
n(12 h 20)nLa Présidente (Mme Thériault): Mme Lauzon.
Mme Lauzon (Anne): Mais il y a deux choses dans ce que vous avez dit. Là où on rejoint l'Ordre des orthophonistes et des audiologistes par rapport à la définition de «trouble mental», ça, c'est vrai pour toutes les professions, effectivement, parce que... Est-ce que le trouble de la communication fait partie ou pas ou le trouble de l'alimentation fait partie ou pas de la définition de «trouble mental»? Ça, c'est une question qu'on pose, parce que le DSM-IV, qui est la référence, comprend ces deux éléments-là. Alors, nous autres, on dit: Si c'est le DSM-IV dans son entièreté qui est la référence pour définir un trouble mental, on a plus de problèmes que prévu parce que le trouble de communication, c'est notre clientèle et ça fait partie de ça. Ça, c'est un premier élément.
Le deuxième élément. Quand on prend chacune des professions puis qu'on propose d'ajouter la finalité, c'est pour éviter que d'autres professionnels... que le trouble mental soit défini n'importe comment, là, ça, ça a le même impact, par ailleurs. Parce que la capacité d'évaluer, pour chacun des professionnels, une personne qui a un trouble mental ou un enfant handicapé de je ne sais pas quoi, là, bien ça, c'est mieux de le cerner avec la finalité plutôt que de le mettre large. Donc, c'est deux niveaux de problématique. Je ne sais pas si je suis claire.
M. Côté: Oui. Mais vous n'avez pas peur que ça puisse subordonner, je ne sais pas, un ordre professionnel à un autre, ou chacun puisse vouloir faire l'évaluation lui-même et dire: Moi, je pense que c'est comme ça qu'il faut que ça se fasse, et l'autre peut dire: Bien, moi, je ne suis pas d'accord... devrait plutôt s'orienter de telle autre façon?
La Présidente (Mme Thériault): M. Bourgault.
M. Bourgault (Gilles): Bien, en fait, non, on n'a pas peur du tout de ça, parce que dans la pratique, en fait, chacun fait son évaluation, et pas dans une logique de subordination un à l'autre, mais dans une logique de complémentarité et d'interdisciplinarité qui est... Et c'est un des enjeux, il nous semble, essentiel de préserver cette possibilité-là à chacun de regarder la personne sous son angle de prise particulier, son angle de vue particulier, et justement contribuer à avoir un portrait global de la personne et non pas un par rapport à l'autre.
M. Côté: ...par rapport à l'autre. Bien, c'est exactement ça, il faut que ce soit interdisciplinaire, sinon on passe à côté complètement de nos objectifs.
La Présidente (Mme Thériault): Mme Lauzon.
Mme Lauzon (Anne): Oui. Bien, en fait, c'est exactement pour ça qu'on pense que, pour chacun des professionnels, la finalité devrait être précisée. Comme ça, il n'y a pas juste un qui l'a, puis l'autre, il ne l'a pas, puis qu'effectivement, là, ça peut créer un problème de subordination. Puis, en le spécifiant pour chacun, la finalité pour laquelle il a une expertise, une formation requise, bien on ne pense pas qu'on crée de friture sur la ligne, par ailleurs.
M. Côté: Merci beaucoup. Merci infiniment.
La Présidente (Mme Thériault): Je vais permettre au ministre une remarque, le parti ministériel n'avait pas tout pris son temps. C'est sur le même sujet que le questionnement du député de Dubuc.
M. Dupuis: Dans exactement le même sujet. Je fais référence aux représentations que nous a faites le président de l'Ordre des orthophonistes, ce matin, qui, lui, disait: Scindez, scindez les finalités, parce que ça cause des problèmes. Vous, vous dites: Inscrivez une finalité. Ça fait que là, là, je ne sais plus où me garrocher, là.
La Présidente (Mme Thériault): M. Bourgault.
M. Dupuis: M. Malo...
M. Bourgault (Gilles): Oui, bien, je peux tenter une réponse...
M. Dupuis: Ça vous fait sourire, M. Malo, hein? Ça vous fait rire, hein, parce que c'est ce que vous disiez tantôt.
Une voix: ...
M. Dupuis: Pardon? Non, mais allez-y, un des deux.
M. Bourgault (Gilles): Oui, bien, je peux tenter une réponse. En fait, ce que j'ai compris... Là, je ne veux pas interpréter M. Beaulieu, mais ce que j'ai compris, c'est que M. Beaulieu parlait plus des finalités spécifiques de la profession orthophoniste, audiologiste, qui est prévue dans 90. Et ça, c'est une, je dirais une... pas une particularité de ce groupe professionnel là, mais, nous, on le prend plus largement finalement en disant: La finalité, autant pour les audiologistes, orthophonistes que pour les autres, devrait être dans leur définition d'activités réservées complémentaires à celles qu'ils ont déjà. Pour M. Beaulieu, c'est une façon de solutionner, je dirais, une préoccupation de... c'est une proposition par rapport à une préoccupation particulière qu'il a en regard de l'évaluation du langage. Nous, on l'a pris, je vous dirais, d'une façon plus large et non pas spécifiquement en lien avec une profession en particulier. C'est vraiment ça.
La Présidente (Mme Thériault): Mme Lauzon.
Mme Lauzon (Anne): Mais ce n'est pas vraiment contradictoire...
M. Bourgault (Gilles): Non.
Mme Lauzon (Anne): ...c'est parce que c'est à un autre niveau.
M. Bourgault (Gilles): C'est une autre façon de...
La Présidente (Mme Thériault): M. Malo.
M. Malo (Luc M.): Non, ça va.
La Présidente (Mme Thériault): Ça va?
M. Malo (Luc M.): Merci.
La Présidente (Mme Thériault): Parfait. Donc, merci beaucoup, M. Malo, Mme Lauzon, M. Bourgault, de votre présence en commission parlementaire. Et je vais suspendre les travaux jusqu'à 14 heures. Vous pouvez laisser les choses dans la salle.
(Suspension de la séance à 12 h 25)
(Reprise à 14 heures)
La Présidente (Mme Thériault): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, la Commission des institutions va reprendre ses travaux. Et je demanderai encore une fois aux personnes présentes dans la salle de bien vouloir fermer leurs téléphones cellulaires ou de les mettre en mode vibration, s'il vous plaît. Je vous rappelle que la commission est réunie afin de tenir des auditions publiques dans le cadre des consultations particulières à l'égard du projet de loi n° 50, Loi modifiant le Code des professions et d'autres dispositions législatives dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines.
Donc, cet après-midi, nous entendrons la Société québécoise des psychothérapeutes professionnel-le-s, ce sera suivi de l'Association provinciale des professeurs en techniques d'éducation spécialisée, par la suite le Collège des médecins du Québec, et nous terminerons la journée avec l'Association des centres jeunesse du Québec.
Donc, puisque les gens de la Société québécoise des psychothérapeutes professionnel-le-s sont déjà installés à la table, je vous souhaite la bienvenue à l'Assemblée. Je vais vous demander de vous présenter et de nous présenter les personnes qui vous accompagnent, M. Brais. Et vous avez 15 minutes pour faire la présentation de votre mémoire. Ce sera suivi d'échanges avec les parlementaires. La parole est à vous.
Société québécoise des psychothérapeutes
professionnel-le-s (SQPP)
M. Brais (Michel): Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, M. le président de l'Office des professions, Mmes et MM. les députés. Alors, je vous présente les personnes qui m'accompagnent. À ma gauche, il y a Andrée Thauvette Poupart, qui est une membre de la toute première heure puisqu'elle a participé à la fondation de la SQPP, en 1991. Elle est responsable du comité des admissions et occupe actuellement le poste de vice-présidente. À ma droite ? oh! je précise que Mme Thauvette Poupart est aussi membre de l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec ? M. Guy Forest a assumé la présidence de la SQPP de 1998 à 2001 et agit actuellement à titre de conseiller sur le dossier de la réserve du titre. Moi, je suis Michel Brais et j'occupe la fonction de président.
Alors, je tiens à vous remercier pour nous avoir permis de venir vous rencontrer et pour ce temps d'écoute soutenue que vous nous accordez. Mes deux collègues viennent tout juste de se joindre à nous, mais, moi, j'ai entendu la plupart des présentations et, avant même d'élaborer sur nos commentaires ou nos recommandations, je dois dire que je retire beaucoup de l'exercice. Au-delà d'avoir pu apprécier le haut niveau d'expertise et l'engagement manifeste de chacun des intervenants à renforcer l'accès aux services et de garantir la protection du public, j'ai pu aussi profiter de l'occasion pour échanger avec ceux et celles que dorénavant j'essaierai d'appeler mes collègues des ordres professionnels, en particulier, entre autres, avec Mme Charest et les autres représentants de l'Ordre des psychologues, ce qui nous a déjà permis de corriger un certain nombre de perceptions et d'informations erronées. Et nous ne pouvons que souhaiter que ce soit là le début d'une meilleure communication.
Par ailleurs, je dois vous avouer être un peu jaloux de la cohésion qui s'est installée entre les ordres professionnels. J'ai bien entendu que ça ne s'est pas fait sans tiraillements. Mais nous aurions beaucoup aimé pouvoir prendre part aux chicanes pour le plaisir de goûter, nous aussi, aux grâces de l'unanimité chaudement gagnée. Nous aurons peut-être l'occasion de nous reprendre, mais soyez assurés que, si on apporte de la chicane, ce sera juste pour éventuellement participer, nous aussi, à cet état de grâce avec vous.
Depuis la fondation de la SQPP, en 1991, il y a eu plusieurs années pendant lesquelles nous avons pu participer activement au processus qui nous conduit ici, aujourd'hui, d'autres années où nous avons été laissés sur la touche en nous faisant dire: Attendez un peu, on règle ça avec les ordres et on vous implique par la suite. Si je compte le nombre d'années avant qu'on ait pu revenir au jeu, il y a dû effectivement y avoir pas mal de chicanes à régler.
Puis il y a eu le comité d'experts présidé par le Dr Trudeau, qui a fait un travail remarquable. Nous avons pu contribuer aux travaux du comité, et c'est avec plaisir que nous avons reçu la reconnaissance qui nous a été exprimée dans le rapport final.
Dès le départ, la SQPP s'est positionnée en faveur de la réserve du titre de psychothérapeute. C'est d'ailleurs en déplorant l'absence de balises pour définir et encadrer la psychothérapie qu'un groupe de psychologues cliniciens et de psychothérapeutes se sont regroupés pour fonder la SQPP en 1991. Et les premières actions de la société ont consisté justement à se doter d'une définition de la psychothérapie et de critères rigoureux pour évaluer la compétence de ceux et celles qui se réclamaient du titre de psychothérapeute. Nous nous sommes aussi donné des règlements, un code de déontologie et une structure organisationnelle reposant sur une assemblée générale et un comité de coordination élu composé des responsables des différents comités permanents, c'est-à-dire l'admission, l'étude des formations, la déontologie, la recherche et le ressourcement, secrétariat, communication, tout ça.
La SQPP n'est pas rattachée à une approche ou une école spécifique. Elle regroupe actuellement 123 membres actifs répartis dans les quatre courants reconnus et travaillant principalement mais non exclusivement en pratique privée. 20 % de nos membres sont aussi membres d'ordres professionnels et viennent chercher à la SQPP un lieu d'appartenance et de ressourcement plus spécifique à la pratique de la psychothérapie. Le nombre restreint de nos membres s'explique par le fait que, d'abord, plusieurs psychothérapeutes choisissent plutôt de se regrouper autour d'une approche commune, plusieurs psychothérapeutes attendaient, aussi, d'avoir des garanties de privilège et de reconnaissance avant de se mobiliser à passer à travers notre dossier d'admission qui, faut-il le dire, est coriace, et parce que finalement il n'y a pas des milliers de prétendants qui seraient en mesure de répondre à nos exigences.
Vous comprendrez qu'après avoir investi tant d'efforts pour nous donner un cadre rigoureux sur une base volontaire... à quel point nous sommes fatigués d'avoir constamment à défendre notre place entre les psychologues et les charlatans. Je ne serais pas étonné que la plupart d'entre vous n'aient pas retenu qu'à l'émission Enjeux qui a été évoquée ici ces derniers jours il y a eu un psychothérapeute qui a été très bien noté par les trois évaluateurs qui étaient Mme Charest, le Dr Lamontagne et M. Lacroix; eh bien, ce psychothérapeute était et est toujours membre en règle de la SQPP.
Pour revenir à la loi n° 50, donc, la SQPP l'appuie globalement, plus particulièrement en ce qui concerne les modalités entourant la réserve du titre de psychothérapeute. Toutefois, en discutant certains points avec vous, nous proposerons quelques recommandations, au risque d'apporter un peu de chicane, mais toujours dans le sens d'un appui au projet et d'une volonté de contribuer à faire en sorte qu'il atteigne ses objectifs. Certaines recommandations, si elles trouvent votre appui, devraient faire l'objet de modifications au texte; d'autres s'adressent plutôt à l'Office des professions pour qu'il en soit tenu compte dans l'exercice du pouvoir de réglementation qui lui est conféré; d'autres sont davantage des nuances ou des précisions pour renforcer ce qui nous paraît être l'esprit de la loi en continuité avec les recommandations du rapport Trudeau.
D'autre part, nous rappelons que toute cette démarche prend sa légitimité dans le souci de protéger le public. Il serait déplorable que des enjeux de rivalité professionnelle ou corporative fassent dévier la mise en application de cet objectif primordial. Le public doit sortir gagnant de cette opération. L'accessibilité à une diversité de pratiques professionnelles reconnues et sécurisées est un grand pas dans la direction d'une réponse adéquate aux besoins exponentiels en santé mentale.
Au sujet du titre de psychothérapeute, d'une part, plusieurs psychologues ajoutent déjà «psychothérapeute» ou «clinicien» à leur titre pour préciser qu'ils exercent dans ce champ spécifique de la profession. D'autre part, le rapport Trudeau spécifie que les psychothérapeutes non-psychologues devront obligatoirement faire précéder le titre de psychothérapeute de leur titre professionnel initial, c'est-à-dire ergothérapeute psychothérapeute, travailleur social psychothérapeute, etc. Le public s'y retrouvait déjà difficilement avec les titres de psychiatre, psychologue et psychothérapeute. Comment comprendra-t-il la différence entre un psychologue, un psychologue clinicien et un psychologue psychothérapeute, entre un psychoéducateur psychothérapeute, une infirmière psychothérapeute et un docteur en philosophie psychothérapeute?
Par ailleurs, dans un document de l'Ordre des psychologues intitulé Modernisation de la pratique professionnelle: impact sur la profession de psychologue, paru en mars 2006, on peut lire ce qui suit: «Le comité d'experts présidé par le Dr Trudeau recommande que la pratique de la psychothérapie soit une activité réservée d'emblée aux psychologues et aux médecins. Chez les médecins comme chez les psychologues, bien qu'à des degrés divers, ce ne sont pas tous les membres qui sont habilités à pratiquer la psychothérapie. Aussi, ce sont les codes de déontologie et les programmes de surveillance [...] des deux ordres concernés qui attesteront de la compétence des membres qui exercent la psychothérapie.» S'il n'est pas tenu d'utiliser le titre de psychothérapeute, comment l'inspection professionnelle pourra sanctionner un psychologue ou un médecin qui, tout en ayant la compétence requise pour exercer dans d'autres champs d'activité réservés en psychologie ou en médecine, n'a pas ce qu'il faut pour pratiquer la psychothérapie, et surtout le signifier clairement au public? Pour une plus grande cohérence et dans l'intérêt du public qui devra s'y retrouver, nous recommandons que ce soit le titre de psychothérapeute qui indique clairement au public la compétence du professionnel à qui il s'adresse pour des services de psychothérapie, puisque le titre sera dorénavant réservé et partagé; que l'utilisation du titre de psychothérapeute soit obligatoire pour tous les professionnels habilités à offrir des services de psychothérapie, y compris les psychologues et les médecins; et, d'autre part, qu'il soit laissé aux détenteurs du permis le choix de faire précéder le titre de psychothérapeute de leur titre professionnel initial dans leurs communications avec le public.
n(14 h 10)n Pour ce qui est des psychothérapeutes compétents non admissibles à un ordre ? que vous me permettrez de résumer à PCNA, comme on a pris coutume de les appeler ? le projet de loi n° 50 autorise l'Office des professions, pendant la période des mesures transitoires, à permettre, aux conditions qu'il détermine, la délivrance du permis à des personnes compétentes malgré le fait qu'elles ne soient pas admissibles à un ordre professionnel. Cette disposition revêt une grande importance pour nous puisque la majorité de nos membres correspondent à cette description. Intégrer au système professionnel ces personnes compétentes qui interviennent dans le domaine de la psychothérapie souvent depuis de nombreuses années favorisera un meilleur accès vers ces ressources tout en assurant la protection du public.
Nous déplorons toutefois que le projet de loi ne soit pas aussi explicite que le rapport Trudeau. Plusieurs personnes ont interprété le texte de loi comme un recul, comme si la SQPP n'allait plus disposer du droit acquis dont le rapport Trudeau faisait mention. Il a été beaucoup question, depuis mardi dernier, de l'importance de ne pas provoquer de rupture de service avec l'adoption de la loi n° 50, et nous proposons de reprendre dans la loi la recommandation du comité Trudeau à l'effet qu'une clause de droits acquis permette aux psychothérapeutes compétents non admissibles à un ordre, membres en règle de la SQPP, de la Société canadienne de psychanalyse ou de l'Association des psychothérapeutes psychanalytiques du Québec, d'utiliser le titre et d'obtenir un permis d'exercer la psychothérapie.
Les PCNA ont souvent acquis leur compétence en psychothérapie en complément à la pratique d'une autre activité professionnelle ou... résulte d'un cheminement professionnel tout à fait créateur. Il nous paraît important de maintenir une possibilité de valider de manière exceptionnelle la compétence psychothérapique issue de ces parcours particuliers. La contribution de tels intervenants représente un apport dynamique pour le développement de la profession. Ils permettent des échanges féconds entre diverses disciplines et des croisements avec d'autres pratiques, par exemple la philosophie, la pédagogie, les disciplines artistiques, etc. Ces psychothérapeutes transportent avec eux un bagage de connaissances et d'expériences qui ouvrent la profession à de nouvelles perspectives.
Nous recommandons qu'un accès limité et exceptionnel au titre de psychothérapeute puisse être maintenu pour les PCNA sous certaines conditions, au-delà de la période des mesures transitoires, sur la base de critères et conditions spécifiques déterminés par le CCI, le conseil consultatif interdisciplinaire.
En ce qui concerne le conseil consultatif interdisciplinaire, que je nommerai le CCI, alors le CCI sera appelé à jouer un rôle primordial pour assurer la cohésion dans l'application des nouvelles dispositions entourant la psychothérapie. Nous le percevons comme un prolongement du comité Trudeau, un lieu privilégié où, avec rigueur et ouverture, des avis, conseils et recommandations seront réfléchis, formulés et transmis à toutes les instances impliquées dans le processus, aussi bien professionnelles que politiques et administratives.
Ne disposant pas d'un pouvoir décisionnel, nous recommandons qu'il soit clairement établi que le CCI, sans être décisionnel, est toutefois doté d'une autorité morale incontournable et d'une entière indépendance dans l'exécution de ses mandats sur la base de la représentativité des membres qui le composent. Et aussi, pour que le CCI puisse relever le défi de la cohésion à travers la diversité et ainsi gagner la légitimité de vraiment représenter la psychothérapie, nous recommandons que tous les membres nommés sur le CCI soient des professionnels habilités à pratiquer la psychothérapie telle que définie dans le projet de loi, y compris les psychologues et les médecins; que l'on retrouve, dans la composition du CCI, une représentation équilibrée des différents courants reconnus en psychothérapie, c'est-à-dire cognitivo-comportementalisme, psychodynamique, systémique et communication et humanisme.
Il y a aussi, au point 187.5.2.3°, deuxième paragraphe, deux lignes et demie qui disent: «Le conseil consultatif interdisciplinaire peut consulter toute personne dont l'expertise particulière est requise ainsi que tout représentant d'organisme concerné et les autoriser à participer à ses réunions.» À la lecture de ce passage, nous comprenons que le CCI pourra consulter, entre autres, des représentants d'organismes regroupant des PCNA et les autoriser à participer à ses réunions. Cette possibilité de représentation restreinte ne nous apparaît pas suffisante. Nous croyons qu'un PCNA choisi selon les critères mentionnés au point 187.5.2, c'est-à-dire connaissances, expérience ou expertise professionnelle dans le domaine de la psychothérapie, pourrait grandement contribuer aux travaux du conseil, particulièrement pendant la durée de l'application des mesures transitoires, et ainsi compléter sa représentativité. Dans la mesure où la SQPP regroupe un grand nombre de PCNA répartis dans les principaux courants et dispose d'une solide expertise en la matière, nous croyons qu'un membre de la SQPP aurait les qualifications et la légitimité requises pour représenter cette catégorie de titulaires sur le CCI, et aussi nous recommandons donc qu'un PCNA membre en règle de la SQPP soit nommé sur le CCI.
Par rapport à la formation continue, dans un souci de cohérence avec l'ensemble du projet de loi, nous recommandons que l'Office des professions détermine le cadre de formation continue en prenant appui sur les avis et recommandations du CCI plutôt que sur une résolution du Collège des médecins et de l'Ordre des psychologues.
D'autre part, nous tenons à souligner l'importante contribution de certains instituts privés qui dispensent une formation de haut niveau dans des approches ou méthodes spécifiques. Particulièrement en ce qui concerne l'intégration des connaissances et des habiletés nécessaires à la pratique psychothérapeutique, ces instituts ont développé une expertise et des programmes qui complètent la formation acquise à l'université et répondent adéquatement aux besoins de formation continue des praticiens. Nous recommandons donc que soit confié au CCI le mandat de préciser les critères et modalités qui permettront d'accréditer les instituts de formation dont la contribution constitue un complément essentiel à la formation dispensée par l'université.
Maintenant, le rôle de l'Ordre des psychologues. Nous appuyons sans réserve le choix de confier la gestion du permis à l'Ordre des psychologues. Nous croyons qu'une gestion unifiée a plus de chances d'atteindre les objectifs de la réserve du titre aussi bien en termes de cohésion que de protection du public.
Nous reconnaissons que l'Ordre des psychologues dispose d'une expertise et des ressources nécessaires pour assumer les différents mandats qui lui seront confiés. Toutefois, dans l'exécution de son mandat, pour ne pas compromettre sa crédibilité et sa légitimité auprès de tous les professionnels concernés par la réserve du titre, l'Ordre des psychologues devra aussi relever le défi de bien délimiter son rôle dans la gestion du permis de psychothérapeute. Il sera important de clarifier la posture de l'ordre par rapport à ses propres enjeux en tant qu'organisme regroupant une catégorie spécifique de professionnels habilités à porter le titre nouvellement réservé et partagé. Si, en cours de processus, il y avait glissement par rapport aux objectifs de la loi et que l'Ordre des psychologues exerçait un contrôle inadéquat en encadrant et sanctionnant la psychothérapie, cela risquerait d'entraver la démarche en générant de la résistance de la part des psychothérapeutes non-psychologues et de la confusion pour le public.
Juste une anecdote. Hier, une journaliste nous a contactés pour nous demander comment nous réagissions au fait que ce soit l'Ordre des psychologues qui allait encadrer la psychothérapie. C'est des glissements de ce type-là, à notre sens. La psychothérapie va être encadrée par l'Office des professions et par l'ensemble des ordres professionnels concernés à travers le CCI. On confie à l'Ordre des psychologues la gestion du permis de psychothérapeute. C'est le genre de glissement, dans l'opinion publique, qui peut se faire très facilement, ce qui donnerait comme résultat qu'on aurait l'impression de partager un titre avec plusieurs sous-titres, ce qui n'est pas le but de l'exercice.
Alors, nous sommes rassurés avec les personnes actuellement en fonction à l'Ordre des psychologues, mais on croit que le principe doit être stipulé. Alors, nous recommandons que l'Ordre des psychologues maintienne une attitude de transparence dans l'exécution du mandat qui lui est confié de façon à bien délimiter son rôle dans la gestion du permis par rapport à ses propres enjeux et ses obligations envers ses membres.
Le partage des responsabilités disciplinaires...
La Présidente (Mme Thériault): Je vais vous demander d'aller à votre conclusion, M. Brais, parce qu'on a déjà dépassé de deux minutes.
M. Brais (Michel): Ah! De deux minutes?
La Présidente (Mme Thériault): Oui.
M. Brais (Michel): C'est parce que ça fait 15 ans qu'on attendait ça.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Thériault): À moins...
Une voix: ...votre permission...
La Présidente (Mme Thériault): À moins d'un consentement que je retire du temps de tous les parlementaires.
M. Dupuis: ...qu'on puisse donner notre consentement pour que M. Brais puisse terminer puis peut-être...
La Présidente (Mme Thériault): Bon. Parfait.
M. Brais (Michel): J'ai presque fini, il me reste deux...
M. Dupuis: Puis laisser parler Mme Poupart, laisser parler les autres. Non?
Une voix: Aux questions.
M. Brais (Michel): Aux questions.
La Présidente (Mme Thériault): M. Brais, c'est beau, vous pouvez y aller, on va retirer le temps des parlementaires.
M. Dupuis: On fait des évaluations, ici. Sur votre temps d'intervention, on fait des évaluations.
M. Brais (Michel): O.K. Bien. Alors, deux derniers points. Le partage des responsabilités disciplinaires. Pour que les pratiques disciplinaires soient conformes à l'application de critères uniformes qui respectent la diversité des pratiques, nous recommandons que les comités d'inspection professionnelle et les syndics des ordres professionnels pouvant regrouper des psychothérapeutes incluent au moins un de leurs membres psychothérapeutes dans l'exercice de leur pouvoir d'enquête auprès d'un titulaire du permis de psychothérapeute; d'autre part, que soit confié au CCI le mandat de préciser des modalités d'inspection professionnelle qui permettent de tenir compte de l'approche spécifique du psychothérapeute mis en examen.
Un dernier point, qui concerne les thérapeutes conjugaux et familiaux: nous sommes étonnés que le titre soit réservé. Nous, on a perçu l'intégration des TCF à l'ordre des travailleurs sociaux comme un accommodement raisonnable dans l'attente d'une loi plus complète, et le fait de réserver le titre de thérapeute conjugal et familial alors qu'il y a des psychologues, des psychothérapeutes qui pratiquent la thérapie conjugale et familiale, nous, on pense que ça risque de créer une certaine confusion. À moins qu'on n'ait pas bien compris et que cette réserve concerne plus des activités au niveau du travail social. C'est un peu ambigu de réserver, quant à nous, ce titre, alors que ce champ d'exercice n'est pas le fait exclusif des TCF.
C'est tout. Je termine en disant... tout simplement vous assurer et assurer l'Office des professions et l'Ordre des psychologues de notre collaboration entière et dévouée pour la réussite de ce processus. Merci.
n(14 h 20)nLa Présidente (Mme Thériault): Merci, M. Brais. Donc, sans plus tarder, nous allons aller au ministre.
M. Dupuis: Oui, rapidement, M. Brais, parce que je vais laisser le temps à mes collègues de poser des questions. Alors, bienvenue, Mme Poupart, et bienvenue, M. Forest, également.
Deux choses. D'abord, j'ai bien compris que vous avez tendu la branche d'olivier particulièrement à l'Ordre des psychologues, et j'ai vu... Vous, vous n'avez pas la chance de voir Mme Charest quand vous faites votre prestation, mais, nous, on a la chance de pouvoir l'observer, et elle a souri pendant tout le temps de votre présentation. Alors, j'ai de bonnes raisons de croire que ce que vous tendez, elle le saisira avec plaisir.
Et vous avez une présentation qui est complète, vous avez un mémoire qui est très fouillé, et je veux vous féliciter de ce travail que vous avez effectué. Je sais que vous y avez mis beaucoup de temps, beaucoup d'énergie, beaucoup de conviction, beaucoup de sincérité. Et bien sûr votre mémoire mérite, comme tous les autres qui nous sont présentés, d'être étudié à son mérite, et nous allons le faire.
Malheureusement, le temps qui nous est imparti ne permet pas de soulever toutes les questions que vous soulevez vous-même. Mais, moi, il y en a une sur laquelle j'aimerais répondre tout de suite pour vous rassurer, c'est: la loi, vous l'avez constaté, permet, aux articles 187.3, le... excusez-moi, l'Office des professions fera un règlement, déposera un règlement qui donnera accès, qui fera en sorte que des gens pourront avoir accès au permis de psychothérapeute. Et vous avez souhaité que les constatations qui étaient faites dans le rapport Trudeau soient rencontrées dans ce règlement-là; elles le seront. Alors, pour ce qui concerne les droits acquis, ce que vous avez mentionné dans votre mémoire, le président de l'office est avec moi, et le règlement sera écrit de telle sorte que cette volonté-là, que cette disposition-là sera respectée. Alors, je vous rassure tout de suite là-dessus.
Maintenant, ceci étant dit, je veux simplement réitérer que j'ai été impressionné par votre présentation. Vous avez été ici pendant tout le temps de la commission, je me souviens qu'on s'est vus à quelques reprises pendant qu'on allait saluer les gens. Alors, vous avez entendu tout ce qui s'est dit. Vous avez compris qu'il y a une ouverture d'esprit sur les considérations que vous avez, là, qui sont claires.
Alors, moi, je vais me permettre de me taire, à ce moment-ci, et de demander à la présidente de passer la parole à mes collègues qui ont des questions à vous poser. Mais je vous remercie beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. le ministre. Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose, M. Brais? M. Brais, est-ce que vous voulez ajouter quelque chose aux propos du ministre? Non?
M. Brais (Michel): Merci.
La Présidente (Mme Thériault): Merci? C'est bon. Parfait. M. le député de Robert-Baldwin, maintenant.
M. Marsan: Merci, Mme la Présidente. Et à mon tour de vous remercier, M. Brais, Mme Thauvette Poupart et M. Forest, pour la qualité de votre présentation. Un peu comme le ministre l'a mentionné, ce qui semble intéressant, ce qui semble ressortir abondamment, dans votre mémoire, c'est toute cette relation entre les psychothérapeutes et l'Ordre des psychologues. Et vous nous mentionnez, dans vos recommandations, vous souhaitez «que l'Ordre des psychologues maintienne une attitude de transparence dans l'exécution du mandat qui lui est confié». Vous savez, le législateur, même si on qualifie de sagesse à certaines occasions, c'est difficile de légiférer sur des attitudes.
Ceci étant dit ? vous voyez venir la question ? vous avez quand même écrit «maintienne une attitude», donc il y a déjà une reconnaissance d'une très bonne attitude de la part des psychologues. Alors, ce que je voulais vous demander, c'est un peu quelles seront à l'avenir les relations que vous entretiendrez avec cet ordre, et plus particulièrement quand on pense à la délivrance des permis, là, d'une façon très spécifique. Est-ce qu'on peut penser que c'est bien parti?
La Présidente (Mme Thériault): M. Brais.
M. Brais (Michel): Oui, effectivement c'est bien parti. Suite au dépôt du rapport Trudeau, on a déjà eu une rencontre de travail avec Mme Charest, et la communication est excellente. C'est ce qui me permet d'avoir beaucoup confiance pour l'avenir. C'est pour ça que je précise, c'est au niveau du principe qu'il faut que ce soit maintenu, mais c'est très bien lancé. Et déjà, comme je le disais, nos communications chaque fois m'amènent des révélations, déjà. La distance a créé des distorsions dans l'information, et c'est très, très utile, très agréable de pouvoir débroussailler ça.
Alors, c'est sûr qu'on aura un contact très étroit, j'imagine, avec l'Ordre des psychologues, parce que les PCNA ne sont rattachés à aucun autre ordre, donc on va avoir un lien direct avec l'Ordre des psychologues pour gérer notre permis. On ne sera pas représentés par un autre ordre, donc on va avoir sûrement une relation de proximité très grande.
Une voix: ...
M. Brais (Michel): Rassurez-moi que madame...
Une voix: ...vous faites des bonnes confidences.
M. Brais (Michel): Rassurez-moi que Mme Charest sourit toujours.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dupuis: Je dirais même, M. Brais, qu'elle est maintenant rouge.
M. Brais (Michel): J'aime mieux ne pas me retourner, alors.
M. Marsan: O.K. Merci beaucoup. Ça fait qu'on ne sera pas obligé de mettre dans le texte de loi que M. Brais et Mme Charest s'entendent bien. O.K. Merci.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. M. le député de Chomedey, maintenant.
M. Ouellette: Merci, Mme la Présidente. Nul doute qu'on reconnaît chez vous, M. Brais, un grand sens de l'humour, et qu'il y aura des heures et des heures de plaisir et de discussion qui viendront avec vos homologues des autres ordres.
À la page 9 de votre mémoire, probablement que ça va avec le sens de l'humour, à un moment donné, je lis, à la quatrième ligne, que la pratique de la psychothérapie peut être «l'aboutissement d'un cheminement professionnel tout à fait créateur». Je me pose certaines interrogations. J'aimerais ça que vous m'en disiez un peu davantage, là. C'est plutôt abstrait pour moi, un cheminement professionnel tout à fait créateur, là, pour la pratique de la psychothérapie. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
M. Dupuis: Simplement...
La Présidente (Mme Thériault): Mme Poupart? M. Brais?
M. Dupuis: ...pour dire que le député de Chomedey était d'abord un policier à l'emploi de la Sûreté du Québec, a fait du crime organisé, puis il est devenu député. Ça fait que faites attention au cheminement que vous allez...
La Présidente (Mme Thériault): M. Brais.
M. Brais (Michel): Ma collègue me dit... Pour vous dire, moi, ma maîtrise est en art dramatique. Il y a des cheminements qui viennent par la bande. C'est ma préoccupation d'accompagnement d'acteur, de comprendre l'anxiété de création qui m'a amené à faire des formations en psychothérapie, et j'en ai développé une spécialité auprès des créateurs. Mais ça amène toute une compréhension de l'anxiété par rapport à des processus de création, entre autres, vous parlez de processus créateur. On a, chez nous, des gens qui ont... On a une collègue qui a un doctorat en littérature. Il y a des cheminements très particuliers qui, par la bande, amènent des dimensions tout à fait particulières du travail thérapeutique.
La Présidente (Mme Thériault): Mme Poupart.
Mme Thauvette Poupart (Andrée): J'allais justement soutenir le point de vue de Michel que plusieurs personnes, par exemple, parce qu'aux admissions je vois les profils, des gens qui ont été dans des domaines de la création littéraire ou de la philosophie vont souvent s'interroger sur l'âme humaine, et ça les amène justement à développer un travail directement avec des personnes à partir d'intérêts personnels. Alors, ça peut illustrer le cheminement particulier.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. M. Brais.
M. Brais (Michel): Mais l'étude de ces dossiers-là est très complexe, puis il faut toujours apporter beaucoup de nuances. J'entends ça et je veux vous rassurer que ce n'est pas cette expérience particulière qui donne le droit de pratiquer, c'est qu'en plus de cette expérience-là il y a eu une formation spécifique à la psychothérapie pour... Ce n'est pas le théâtre qui me donne le droit de pratiquer la psychothérapie, c'est ce que ça m'a fait faire de formation en psychothérapie. Donc, il faut faire attention de toujours préciser.
Dans les parcours particuliers, on a une façon très, très rigoureuse d'analyser tout le parcours de formation, surtout s'il est atypique. On a une grille très, très rigoureuse pour s'assurer que tous les éléments qui ressemblent... notre grille ressemble de toute façon à ce que le rapport Trudeau propose comme critères, au niveau de la compréhension de la psychothérapie, et on s'assure que le candidat a fait tout ce processus-là. On n'est pas du tout dans: Parce que j'ai vécu telle problématique, je peux aider telle personne qui a telle problématique. Ce n'est pas de ça qu'on parle. Il y a une formation rigoureuse, bien appuyée, au niveau de la psychothérapie, sinon ça resterait au niveau de l'humour, vous avez raison.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. M. le député de Chomedey.
M. Ouellette: Vous me rassurez, là, Mme la Présidente, parce que là je voyais qu'effectivement, de par mes anciennes fonctions, et lors de certains interrogatoires, je me retrouvais dans un cheminement tout à fait créateur, professionnel et qui aurait peut-être fait en sorte que certains policiers qui font des interrogatoires aient pu appliquer à l'ordre, là. Ça fait que là c'est pour ça, vous me rassurez en disant qu'il y a une formation et que ça demande un peu plus que ça, là.
M. Brais (Michel): Pas un peu, beaucoup plus.
M. Ouellette: Merci. C'est encore plus rassurant. Je pense que M. le ministre a une très bonne question, et ça nous rassurerait encore plus si vous nous indiquiez un peu la formation, justement. On parle de quoi?
La Présidente (Mme Thériault): Mme Poupart.
n(14 h 30)nMme Thauvette Poupart (Andrée): Oui, exactement. Je peux vous donner les critères qu'on demande aux personnes qui demandent d'entrer à la SQPP. Alors, le premier critère, c'est d'avoir effectué une démarche de psychothérapie personnelle d'au moins deux ans. Ceci permet de pouvoir mieux se connaître pour pouvoir aider les autres et ne pas mêler les choses. Ensuite, de posséder un diplôme académique de niveau baccalauréat universitaire ou l'équivalent. Ensuite, une formation à la psychothérapie qui est reconnue par la SQPP, donc qui comprend des thèmes et des connaissances dans le domaine des sciences humaines, dans le domaine de la formation, de la théorie du développement de la personnalité, de la psychopathologie et des techniques d'intervention selon les champs d'application d'une approche, avec une supervision du travail pratique. Alors, un total de 1 000 heures de formation qu'on demande aux membres qui postulent chez nous.
Ensuite, après avoir terminé une formation, d'avoir été supervisés au moins 100 heures dans leur pratique autonome, après avoir terminé leur formation, par un superviseur qui est aussi accrédité par la SQPP ou enfin dont la compétence est reconnue. Et, pour ça, il faut que le superviseur ait au moins pratiqué cinq ans, par exemple. Et, pour les membres titulaires, on demande une pratique de psychothérapie établie depuis deux ans, c'est-à-dire au moins cinq suivis cliniques, là, cinq clients par semaine pendant deux ans réguliers. Ça donne une moyenne de pratique de 250 heures.
Donc, c'est des exigences que quelqu'un qui postule doit avoir remplies. Et c'est sûr qu'il y a aussi, là, de s'engager à respecter le code de déontologie, ce qu'on demande dans toutes les associations professionnelles. Mais, au niveau de la base, pour entrer, c'est les exigences que je viens de nommer.
La Présidente (Mme Thériault): M. le député.
M. Ouellette: Merci beaucoup. Je pense que ça nous éclaire, et c'est moins facile qu'on aurait pu penser. Et je pense que ça éclaire tous les gens qui nous écoutent aujourd'hui.
Mme Thauvette Poupart (Andrée): Juste remplir le dossier, là, les gens paniquent, et traverser ça, c'est déjà une épreuve qui fait qu'ils ont quelque chose à montrer.
La Présidente (Mme Thériault): M. Brais.
M. Brais (Michel): C'est parce que, dans le dossier d'admission, ce n'est pas seulement une... de faits, on demande aussi de développer... on demande de décrire un cas clinique, d'élaborer sur leur compréhension des processus thérapeutiques. C'est vraiment un dossier très exigeant.
M. Ouellette: J'ai une autre question, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault): Allez-y.
M. Ouellette: À la page 8 de votre mémoire, dans vos recommandations, au point 1, il y a le point 1.2, il y a une obligation, alors qu'au point 1.3 vous laissez un choix. J'aimerais bien savoir la finalité recherchée du point 1.3 par rapport au point 1.2, là.
M. Brais (Michel): C'est qu'en fait la façon que c'est... Oh! Je m'excuse, je devrais attendre qu'on me donne la parole, je m'excuse, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault): Il n'y a pas de problème, M. Brais, ça va, allez-y.
M. Brais (Michel): C'est que, par rapport au psychologue, c'est comme si on laissait le choix d'utiliser ou pas le terme de psychothérapeute. Nous, on dit que c'est le terme qui maintenant possède une définition qui clarifie que c'est de psychothérapie qu'il s'agit, alors que d'obliger d'ajouter d'autres titres, c'est plus confus. C'est tous les gens qui pratiquent, qui ont une pratique qui correspond à la définition de la loi, on dit que ça devrait s'appeler «psychothérapeute». Ensuite, c'est plutôt un privilège, d'après nous, pour les psychologues et les médecins, d'ajouter qu'ils sont aussi psychologues et aussi médecins et qui à ce titre ont d'autres champs d'exercice réservés que les autres n'auront pas.
Donc, on insisterait plutôt sur souligner le privilège de pouvoir ajouter «psychologue et médecin», mais qu'il n'y ait pas de confusion sur psychothérapie. C'est psychothérapie... d'autant qu'on pourrait rendre la chose encore plus complexe parce qu'on pourrait avoir deux travailleurs sociaux psychothérapeutes qui ont des pratiques totalement différentes s'il y en a un qui travaille en psychodynamique et l'autre travaille en systémique. En fait, l'identité professionnelle des psychothérapeutes ne sera pas nécessairement clairement identifiée par le titre si on oblige de formuler les titres de cette façon-là. Alors, pour que ce soit plus simple, il nous semble que le terme «psychothérapeute» devrait être ce que le public voit. Ensuite, ils peuvent demander quelle approche, s'interroger sur l'identité professionnelle du psychothérapeute ou demander s'il y a d'autres actes qui peuvent... Ça nous paraît plus cohérent de cette façon-là.
M. Ouellette: Merci.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. Merci, M. Brais. On va se tourner maintenant du côté de l'opposition officielle, et, cet après-midi, le député d'Iberville aura le plaisir de s'entretenir avec vous. M. le député, allez-y.
M. Riedl: Merci. Alors, M. Brais, Mme Thauvette et puis M. Forest, je vous souhaite la bienvenue à notre rencontre cet après-midi. Je veux vous dire d'emblée que j'ai trouvé la présentation de votre mémoire fort sympathique, ce qui devrait permettre d'avoir une bonne cohésion avec les ordres que vous avez mentionnés, qui avaient leur cohésion.
Moi, j'ai une question. À votre page 4, je vous demanderais un éclaircissement. Quand vous dites que... Vous recommandez «qu'une clause de droits acquis permette aux psychothérapeutes compétents non admissibles à un ordre ? PCNA ? [...] d'utiliser le titre et d'obtenir un permis d'exercer la psychothérapie». Pourriez-vous m'éclaircir d'abord la question du droit acquis puis de psychothérapeute compétent mais non admissible? Il y a quelque chose que je ne comprends pas, là.
M. Brais (Michel): Alors, comme vous...
La Présidente (Mme Thériault): M. Brais.
M. Brais (Michel): Je m'excuse, c'est l'enthousiasme, je parle avant qu'on me donne la parole.
La Présidente (Mme Thériault): Allez-y.
M. Brais (Michel): C'est une particularité, c'est qu'il y a des ordres qui auront le droit de regrouper des psychothérapeutes: les ergothérapeutes, les travailleurs sociaux. Et on reconnaît, dans ce texte-là, qu'il y a des psychothérapeutes qui n'ont pas de formation soit en travail social, en ergothérapie, en sciences infirmières ou encore en psychologie, mais qui pourtant ont une compétence par rapport à la psychothérapie, mais qu'on ne peut pas inclure dans aucun des ordres qui ont le droit de regrouper les psychothérapeutes, et on les appelle les psychothérapeutes compétents non admissibles à un ordre. On reconnaît que cette compétence existe, on lui donnera l'occasion de porter le titre. C'est à ce niveau-là pour le titre.
Pour le droit acquis, c'est une conclusion du rapport Trudeau. Suite à l'examen de nos critères, et tout ça, on a reconnu que nos membres avaient d'emblée l'équivalence de formation que le rapport Trudeau recommande pour la période transitoire, donc d'emblée on reconnaissait nos membres par droit acquis. Est-ce que j'ai bien répondu? Je ne suis pas sûr.
M. Riedl: Madame, je pense, veut ajouter...
La Présidente (Mme Thériault): Oui, c'est ça, il y a Mme Poupart qui voudrait ajouter.
Mme Thauvette Poupart (Andrée): Peut-être juste pour clarifier, un exemple de personne compétente non admissible aux ordres: quelqu'un qui aurait un doctorat, par exemple, en enseignement ne pourrait pas pratiquer la psychothérapie même s'il a une formation très, très poussée en psychothérapie comme telle parce qu'il n'est pas membre d'un ordre. C'est ça, un PCNA, c'est quelqu'un qui ne peut pas entrer dans un des ordres qui a le permis de pratiquer.
M. Riedl: Le but de la loi n° 50, je pense, c'est d'identifier et de reconnaître les... et établir aussi les responsabilités professionnelles et les compétences. Maintenant, parce qu'il y a plein de personnes qui exercent des fonctions dans les institutions, partout, en santé mentale, et tout ça, donc je pense qu'un des problèmes de l'application de la loi n° 50, c'est comment traiter toutes ces situations de droits acquis. Alors, est-ce qu'il y a un processus quelconque pour valider? Disons, on assume qu'il y a des gens qui, par la pratique ou par les années, ont en quelque sorte ce qu'on appelle un droit acquis. Mais, dans l'esprit de la loi n° 50 qui est de protéger le citoyen, j'imagine qu'il va y avoir un processus de validation des compétences pour les gens qu'on... que l'on accorde un droit acquis?
M. Brais (Michel): Absolument.
La Présidente (Mme Thériault): Oui, allez-y, M. Brais.
M. Brais (Michel): Oui. En fait, le rapport Trudeau prévoit qu'il y aura une mesure transitoire de six ans où les psychothérapeutes qui croient en avoir la compétence pourront soumettre un dossier pour faire valider leur compétence et obtenir le permis de porter le titre. C'est une exception qui a été accordée à trois organismes parce que les trois organismes concernés ont fait la démonstration qu'ils avaient l'équivalent de formation des mesures transitoires, donc on l'a acquis d'emblée. Mais, pour tous les autres qui croient avoir la compétence, ils devront déposer un document, un dossier pour faire valider leur compétence pour pouvoir obtenir le titre ou ne pas l'obtenir. Donc, pour la plupart des gens, ça va être un dossier à la fois. Pour la Société psychanalytique de Montréal, l'APPQ et la SQPP, on reconnaît que notre processus de sélection assure que la validation a été faite.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. Dans le même ordre d'idées, le ministre voudrait faire une intervention, et je comprends que le député d'Iberville a donné son consentement parce que c'est dans la même lignée, sur le même sujet. Donc, M. le ministre, allez-y.
M. Dupuis: Bien, c'est parce que mes questions sont relatives à celles que le député d'Iberville vient de poser, avec votre permission, mais ça ne vous enlève pas de temps, il nous restait du temps.
M. Riedl: Oui, c'est beau.
n(14 h 40)nM. Dupuis: J'ai noté que, lorsque Mme Poupart nous a parlé de la formation actuelle des psychothérapeutes, elle a dit que les psychothérapeutes devaient, à un moment donné... les gens qui veulent accéder au permis devaient, à un moment donné, être supervisés avant d'obtenir le permis. Vous avez noté, j'imagine, que le rapport Trudeau suggère que les superviseurs et les formateurs qui vont permettre que les psychothérapeutes ou qu'une personne qui souhaite avoir le permis d'exercice de psychothérapeute soient supervisés ou formés par des gens qui sont membres d'un ordre professionnel qui a l'activité réservée, c'est-à-dire les travailleurs sociaux, psychologues, médecins ou infirmières... Vous n'avez pas d'objection à ça? Ça va?
M. Brais (Michel): Oui.
M. Dupuis: Ça va, ça? O.K., parfait. J'avais besoin de cette précision-là. Merci beaucoup.
M. Brais (Michel): ...
La Présidente (Mme Thériault): Oui, M. Brais, allez-y.
M. Brais (Michel): Bien, il ne faut pas oublier que, bon, au niveau structurel, on a manqué un peu de communication, mais, sur le terrain, on travaille avec des psychologues, avec des médecins et des psychiatres. La formation continue, nos membres en sont friands. Quand on fait la profession qu'on fait avec enthousiasme, on est toujours en formation. Et les formations qu'on suit, c'est des formations qui sont données par des psychologues cliniciens de très haut niveau qui apportent des formations complémentaires en Gestalt puis en psychodynamique. Quand on fait des formations là, on travaille avec des collègues psychologues, médecins, psychiatres. Et les superviseurs... on fait actuellement une formation de très haut niveau sur le diagnostic multiaxial, c'est avec une psychologue du Centre d'intervention gestaltiste, avec des outils qui ne sont même pas encore enseignés à l'université, des nouveaux outils appelés le DSM-IV. On se tient à jour avec des gens avec qui on partage la pratique clinique et, sur le terrain, on s'entend très bien, là.
M. Dupuis: Merci.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. M. le député d'Iberville.
M. Riedl: Oui. Une autre question ici. Votre recommandation 3... Le conseil consultatif interdisciplinaire a pour mandat, selon le projet de loi, de donner directement des avis et recommandations à l'Office des professions. Vous demandez, à la recommandation 3 de votre mémoire, qu'il ait une autorité morale nécessaire et une indépendance. Le projet de loi ne vous assure-t-il pas cela en bonne partie? Sinon, comment pourrait-il vous l'assurer?
La Présidente (Mme Thériault): M. Brais.
M. Brais (Michel): On est une toute petite organisation, on n'a pas d'avocat avec nous à temps plein. Alors, on se permet d'avoir une tête de psy plus qu'une tête légale. Et puis on est bien conscients que c'est au niveau des intentions. Mais, pour nous, on trouve que le rapport Trudeau a fait un travail si remarquable à cause de cet état d'esprit, on peut juste le souligner que ça se fasse encore de cette façon-là pour s'assurer... C'est ce qui va amener beaucoup de cohésion. Parce que, vous savez, avoir de l'autorité, ce n'est pas en prendre sur les autres, c'est l'autorité que les autres nous reconnaissent. C'est comme ça que ça marche le mieux. Puis, pour que le CCI ait cette autorité qu'on lui reconnaît, il serait bon que ça se fasse dans le même état d'esprit, qu'on souligne cette importance-là, et il y aura plus de cohésion parce que les gens auront envie d'écouter et de collaborer.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. Est-ce que ça va?
M. Riedl: Une autre question, oui.
La Présidente (Mme Thériault): Oui.
M. Riedl: Est-ce que vous pourriez me donner aussi un éclaircissement sur une autre question ici, là, que vous citez dans votre... Le titre de thérapeute conjugal et familial. Est-ce qu'il y a une différence entre les deux ou c'est...
M. Brais (Michel): C'est une appellation que la loi n° 50 propose de réserver. L'appellation «thérapeute conjugal et familial», c'est une catégorie d'intervenants qui a été intégrée à l'Ordre des travailleurs sociaux qui était avant l'APCFQ, l'association professionnelle des thérapeutes conjugaux et familiaux. En fait, leur particularité, c'est de faire de la thérapie conjugale et familiale, mais ce n'est pas clair pour nous. Peut-être que quelqu'un pourra nous éclairer. On a l'impression que, dans la réserve, ça concerne plutôt des actes réservés qui sont presque du domaine social. On ne sait pas si ça leur donne accès à la psychothérapie. Nous, à notre sens, la plupart des TCF, certains sont travailleurs sociaux, certains ne le sont pas, ce seraient plutôt des PCNA, à notre sens. Mais le fait de réserver un champ d'exercice, la thérapie conjugale et familiale, qui est un champ partagé, on craint que ça amène un peu de confusion, parce qu'il y a des psychologues, des psychothérapeutes, des psychanalystes qui font de la thérapie conjugale et familiale. Alors, on demande qu'on nous éclaircisse sur ces questions-là avant de réserver ça puis d'avoir des problèmes plus tard.
M. Riedl: Ça va. Voilà. C'est bien.
La Présidente (Mme Thériault): C'est beau? Ça vous va?
M. Riedl: Oui.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. On va aller maintenant du côté du deuxième groupe de l'opposition, M. le député de Dubuc.
M. Côté: Merci, Mme la Présidente. Alors, Mme Thauvette Poupart, bienvenue, M. Brais, M. Forest. Merci pour votre mémoire. Merci surtout de votre... souligner votre présence ici, puisque vous êtes le groupe en fait qui est peut-être le plus impliqué dans le projet de loi n° 50 puisqu'on encadre la pratique de la psychothérapie. Et, lorsque je regarde le sommaire de vos recommandations, c'est nouveau. Alors, ça me fait penser à quelqu'un, un père, par exemple, qui envoie son fils ou sa fille dans la vie et qui lui fait des recommandations pour que ça aille bien et pour ne pas qu'elle ait de trouble. Et ça me fait... Parce que c'est nouveau, ce qu'on a aujourd'hui, et parce que vous allez aussi loin que parler du syndic, d'inspection professionnelle, vous faites des recommandations. Vous faites des recommandations sur la formation continue. Alors, déjà, là, je vous sens fiers d'être, aujourd'hui, avec nous, puis de vous présenter en commission parlementaire.
Je voudrais cependant relever avec vous certaines recommandations et peut-être vous demander aussi pourquoi vous proposez ces choses-là. Entre autres, à la recommandation 4.1, lorsque vous dites: «que tous les membres nommés sur le CCI soient des professionnels habilités à pratiquer la psychothérapie[...], y compris les psychologues et les médecins», quel est l'avantage d'exiger que tous les membres soient des psychothérapeutes, aient l'expérience de psychothérapeutes?
La Présidente (Mme Thériault): M. Brais.
M. Brais (Michel): Oui. Parce que le CCI doit représenter la psychothérapie, qui est un titre réservé et partagé. Donc, il y a une diversité de pratiques, et ce serait important que les gens qui auront à donner des avis et des recommandations comprennent de l'intérieur les enjeux spécifiques de cette pratique-là. Et, je vous avouerai, il y a une chose qu'on a dissipée, Mme Charest et moi. On a souvent l'impression que le Collège des médecins, et on pensait que l'organisation de l'Ordre des psychologues aussi, avait une tendance à favoriser une approche plutôt médicale plutôt que plus spécifiquement proche de la psychothérapie. Et j'ai eu avec bonheur le plaisir d'entendre qu'à l'Ordre des psychologues on est réservés là-dessus, toute la question des données probantes, et puis tout ça, et qu'il y a vraiment une approche très psychothérapie. Mais tout de même je pense que c'est important, pour réfléchir sur cette question-là, que, par exemple, la personne qui représente les travailleurs sociaux ne soit pas qu'un travailleur social, mais qu'il soit un travailleur social psychothérapeute pour bien comprendre la dynamique de l'intérieur, pour être confronté à cette pratique-là et pouvoir y réfléchir, hein, de connaissance.
M. Côté: Merci. Vous dites également «que soit laissé aux détenteurs [de] permis le choix de faire précéder le titre de psychothérapeute de leur titre professionnel», autrement dit, psychothérapeute ergothérapeute... ou l'inverse, ergothérapeute psychothérapeute. Est-ce que, pour vous, c'est quelque chose de fondamental? Est-ce que vous demandez, vous exigez que la loi soit amendée dans ce sens-là ou si... Si le législateur n'acceptait pas votre proposition d'amendement, comment réagiriez-vous?
La Présidente (Mme Thériault): M. Brais.
M. Brais (Michel): Je vais faire un peu d'humour: nous sommes 123, nous ne pouvons pas exiger beaucoup. Si nous étions 8 000 membres, ce serait autre chose. Mais non, ce n'est pas une exigence. Je l'ai dit au départ, notre volonté, c'est de contribuer à ce que les objectifs poursuivis soient atteints. Ce n'est pas une exigence fondamentale, mais il nous paraît, pour éviter la confusion... on n'aurait pas d'objection à ce que ce soit écrit quelque part, à la vue du public, que la personne est aussi ergothérapeute, puisqu'il faut être membre d'un ordre professionnel. Mais, dans les communications avec le public, s'il y a des titres à rallonge avec tellement de titres que ça rend la chose plus confuse pour le public, je ne suis pas sûr que ça aide à identifier la pratique du psychothérapeute. Donc, c'est une suggestion.
M. Côté: L'article 187.1 du projet de loi définit la psychothérapie comme «un traitement psychologique pour un trouble mental, pour des perturbations comportementales ou pour tout autre problème entraînant une souffrance ou une détresse psychologique qui a pour but de favoriser chez le client des changements significatifs dans son fonctionnement cognitif». Lorsque vous parlez de traitement psychologique, quelle est la différence, et là c'est peut-être un peu pointu ce que je vous demande, quelle est la différence entre un traitement psychologique fourni par un psychothérapeute et un traitement psychologique fourni par un psychologue?
La Présidente (Mme Thériault): M. Brais.
M. Brais (Michel): Bien, justement, avec la définition, le traitement est la même chose, la définition de la psychothérapie est la même pour un psychologue ou un psychothérapeute. On veut s'assurer justement qu'il y a une définition et des critères uniformes. Là où il pourrait y avoir des différences, c'est sur les modalités, les techniques et les méthodes utilisées, selon qu'on prend une approche psychodynamique ou gestaltiste. Mais par rapport à... Cette définition-là est une définition générique qui est valide et valable pour tous ceux qui vont se réclamer de la psychothérapie. C'est ça qui est intéressant dans la loi n° 50.
M. Côté: O.K. Ce qui est différent, là, entre autres, c'est des courants qui sont reconnus, comme les cognitivo-comportementalisme, psychodynamique, systémique. C'est ça qui est différent.
M. Brais (Michel): Voilà. Oui.
n(14 h 50)nM. Côté: Merci. En ce qui concerne la formation continue, alors c'est l'Office des professions qui va déterminer le cadre de la formation continue en prenant avis justement du conseil consultatif. Présentement, est-ce qu'ils existent chez les psychothérapeutes aujourd'hui? Est-ce que vous avez un programme de formation continue présentement?
La Présidente (Mme Thériault): M. Brais.
M. Brais (Michel): À la SQPP, on n'a pas pensé obliger les membres à suivre une formation continue, parce que les gens le font spontanément. Nous sommes de très grands consommateurs de formation. Mais, étant donné le projet de loi qui est déposé, on a réfléchi à ça, on va sûrement modifier nos règlements pour s'ajuster, parce qu'on est tout à fait en accord avec ça. On espère juste qu'en mettant un nombre limité d'heures, le rapport Trudeau propose 90 heures par cinq ans... on craint juste de ralentir l'ardeur de nos membres puis qu'ils se mettent à en faire moins. Mais on est tout à fait en accord avec cette obligation-là.
M. Côté: Toujours en rapport avec la formation, le CCI va avoir aussi «le mandat de préciser les critères et modalités qui permettront d'accréditer les instituts de formation». Présentement, au Québec, il y a combien d'instituts de formation chez les psychothérapeutes?
La Présidente (Mme Thériault): M. Brais.
M. Brais (Michel): C'est difficile à compter, mais je précise que ce n'est pas seulement chez les psychothérapeutes, c'est surtout chez les psychologues, c'est des... Vous savez, il n'y a pas de... On a beaucoup parlé de la formation universitaire, elle est importante, mais... Même pour les psychologues cliniciens, souvent ils vont ressentir le besoin, après leur formation universitaire, de faire une formation plus pratique autour d'une approche spécifique. Et les institutions ont une façon de travailler plus souple que les universités, elles vont faire beaucoup plus de formation d'intégration avec des méthodes, des techniques, et ces écoles-là sont tenues par des psychologues. Il y a le centre de Gestalt, il y a l'Institut Victoria. Souvent, c'est des formations avancées sur le trouble de personnalité, parce que c'est ça qui est le plus difficile au niveau du traitement. Il y a plusieurs écoles. Combien d'écoles? Je ne pourrais pas dire...
Mme Thauvette Poupart (Andrée): Parce que ça change beaucoup.
M. Brais (Michel): Puis ça change.
M. Côté: Alors, je vous remercie beaucoup encore une fois de votre présentation puis je vous souhaite la meilleure des chances possible pour le futur. Alors, merci. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault): Merci beaucoup. Donc, M. Brais, Mme Poupart et M. Forest, merci de votre parution en commission. Nous allons suspendre les travaux quelques instants pour permettre aux membres de vous saluer et demander à l'Association provinciale des professeurs en techniques d'éducation spécialisée de bien vouloir prendre place.
(Suspension de la séance à 14 h 53)
(Reprise à 14 h 55)
La Présidente (Mme Thériault): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, la commission va poursuivre ses travaux, et nous recevons l'Association provinciale des professeurs en techniques d'éducation spécialisée. Juste préciser aux membres de la commission que, pour les trois personnes qui sont devant nous, c'est la première fois qu'ils viennent en commission parlementaire. Donc, bienvenue à l'Assemblée nationale. Vous avez à peu près une quinzaine de minutes pour présenter votre mémoire, et par la suite il sera suivi d'échanges avec les parlementaires. Donc, peut-être à la présidente, Mme Mourani, de nous présenter les gens qui vous accompagnent pour les fins d'identification puis par la suite vous procédez à votre mémoire.
Association provinciale des
professeurs en techniques
d'éducation spécialisée (APPTES)
Mme Parent Mourani (Hélène): Alors, je vous présente M. Guy Lemire et Mme...
Mme Cinq-Mars (Martine): Martine.
Mme Parent Mourani (Hélène): ...Martine Cinq-Mars, qui sont tous les deux délégués au dossier que nous traitons actuellement, et pour ma part j'assure la présidence de l'Association des professeurs en TES.
Premièrement, vous dire que l'APPTES est l'association des professeurs qui sommes très impliqués, et je peux vous dire que vous avez devant vous trois professeurs très fiers d'enseigner dans cette discipline-là qui comporte beaucoup de sens pour nous, hein? On n'est pas professeurs de quelque chose qu'on veut voir passer. Alors, c'est très important pour nous ici. On apprécie beaucoup d'avoir été invités, d'être présents ici, d'être entendus et écoutés. Alors, je vous remercie beaucoup pour cette chose qui a été permise pour nous.
On représente ici aussi une formation qui est offerte dans 24 collèges dans la province de Québec. On représente une formation qui est offerte ailleurs aussi dans le monde, si on peut le dire que ce n'est pas quelque chose qui est réservé à nos régions, ici. Donc, ce n'est pas pour rien que cette profession-là est si répandue. Elle est répandue... Je crois que la coalition vous a bien précisé que le nombre d'éducateurs spécialisés dans la province était d'environ 18 000 membres, 18 000 éducateurs spécialisés. Donc, ce n'est pas rien non plus. Ce n'est peut-être pas des gens qu'on voit énormément, mais ce sont des gens qui sont présents dans le quotidien des personnes pour lesquelles on travaille ici. Les compétences sont reconnues, ont été reconnues officiellement par les employeurs dans des recherches précédentes. Le programme a été révisé ? le programme a été révisé ? en lien avec ces études-là par rapport... en fait avec les employeurs, avec la clientèle également, et a réussi à nous donner un programme actuel qui a été donc révisé, donc qui n'est pas caduc.
Nous sommes ici aussi parce que le dossier, ce projet de loi là, le projet de loi n° 50, pour nous, représente des risques graves. Donc, il y a une certaine gravité, pour nous, dans ce projet de loi là, que Martine et Guy vont vous présenter plus précisément. La démonstration va être faite par eux tout à l'heure, dans quelques minutes. Et donc nous sommes ici dans un esprit de participation et d'action également. Alors, je passe la parole à Mme Martine Cinq-Mars.
La Présidente (Mme Thériault): Mme Cinq-Mars.
Mme Cinq-Mars (Martine): Bonjour. Merci. Alors, merci, nous apprécions de pouvoir partager avec vous nos préoccupations concernant le projet de loi n° 50. Notre mémoire présente les motifs de nos inquiétudes à son égard, notamment concernant les risques de déqualifier les programmes d'études que nous enseignons et de déclasser les emplois que pourront occuper nos diplômés.
Notre mémoire vient notamment en appui à celui présenté hier par la coalition pour les professionnels de l'éducation spécialisée en insistant sur la pertinence que représente ce corps professionnel dans les réseaux de services sociaux, de l'éducation et communautaires. Il faut savoir que les TES sont très nombreux à exercer dans les réseaux de services ? TES, techniciens en éducation spécialisée, vous aurez compris.
Les données du MSSS, comme en faisait mention Hélène, en planification de la main-d'oeuvre estiment qu'ils sont plus de 18 000 à exercer leur pratique. Les données des cégeps présentent des taux de placement très élevés des étudiants dans le domaine. Nos programmes en TES sont souvent contingentés et l'offre de formation augmente constamment en raison des demandes du marché du travail pour ces diplômés très efficaces et très appréciés des employeurs et de la clientèle. Les présentations des employeurs à cette commission vous le confirment.
Les propos tenus principalement par M. le ministre pendant cette commission nous informent de sa considération pour les intervenants de niveau technique dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines. Le ministre vient rassurer nos inquiétudes en indiquant, d'une part, qu'un examen des tâches des techniciens sera entrepris dès maintenant et, d'autre part, que les mesures transitoires prévues pour l'implantation du projet de loi prévoiront une clause grand-père qui pourra permettre aux intervenants actuels de tous les niveaux de poursuivre l'ensemble des activités professionnelles qu'ils exercent maintenant.
n(15 heures)n Ces propos nous rassurent mais seulement partiellement, principalement pour les préoccupations que nous avons avancées dans notre mémoire et que nous reprendrons ici en partie. D'entrée de jeu, disons d'abord que nous maintenons notre principale recommandation à l'effet de former une table de concertation ayant pour mandat d'examiner en profondeur la situation de travail dans les services avant de procéder, dans une loi, à la réserve ou au partage de certaines activités professionnelles. Nous maintenons cette demande parce que nous continuons de considérer que les impacts potentiels de cette loi au regard de la qualité des services, de l'accessibilité aux services et de l'accessibilité aux études supérieures ont été insuffisamment analysés.
Nous ne reviendrons pas sur chacun des points de notre mémoire, sachant que vous l'avez lu, afin de ne pas répéter des éléments dont il a déjà été question. Nous aimerions cependant mettre en évidence quelques-unes de nos préoccupations.
D'abord, nous aimerions vous partager pourquoi nous continuons à avoir tant de réserves sur le partage des activités réservées dans les réseaux de services. D'abord, nous souhaitons souligner que nous partageons complètement la préoccupation de protection du public qui est visée dans le projet de loi et, dans ce contexte, nous considérons que le projet de loi présente une avancée majeure, principalement en ce qui a trait à l'encadrement de la psychothérapie et des modalités qui l'accompagnent. La proposition du présent projet de loi d'assurer des conditions de pratique sécuritaires constitue à notre avis une avancée importante pour la population du Québec.
Parmi autres choses, nous sommes également en faveur de la reconnaissance des divers niveaux de compétence, notamment dans le champ de l'évaluation. Nous reconnaissons la pertinence d'un niveau d'évaluation clinique de type diagnostique pour des activités à risque de préjudice comme l'évaluation d'un trouble mental, d'un trouble neuropsychologique ou du retard mental, lesquelles sont indéniablement à haut risque de préjudice et requièrent des compétences particulières.
Cependant, au regard de la réserve d'autres activités évaluatives du projet de loi, le niveau clinique d'évaluation renvoie au fait que certains contextes ou certaines catégories de problématique nécessitent une évaluation clinique par opposition à on ne sait quel autre type d'évaluation se réalisant actuellement dans les services, notamment par les techniciens, auprès des personnes issues des contextes ou présentant des problématiques identiques à ceux visés par le texte de loi. En introduisant par une réserve un niveau clinique d'évaluation et même, dans certains contextes, la détermination du plan d'intervention pour ces différentes situations sans avoir qualifié ou distingué a priori la nature des activités évaluatives exercées par d'autres intervenants non considérés dans ce projet de loi, le législateur hiérarchise la pratique professionnelle et subordonne potentiellement au rang d'exécutant des ressources humaines pourtant actuellement largement qualifiées pour réaliser les activités que l'on souhaite réserver à d'autres.
On sait qu'une clause interprétative est maintenant prévue. Néanmoins, considérant les activités réservées notamment aux psychoéducateurs dans le projet de loi, nous ne voyons pas en quoi leur évaluation de niveau clinique se distinguerait actuellement de celle exercée par les TES. Conséquemment, si cette réserve s'avère, elle fera en sorte que les TES ne pourront plus réaliser des activités pour lesquelles ils sont formés et qu'ils réalisent actuellement efficacement.
Nous souhaitons soumettre à votre attention certains éléments pour corroborer nos propos. Dans la foulée du rapport Trudeau, nous, les profs de TES, en collaboration avec la Fédération des cégeps, représentés par nos directeurs d'études, avons entrepris de documenter la situation de travail des techniciens en éducation spécialisée. Bien que nous avions la croyance que les TES diplômés avaient réellement sur le terrain les compétences pour lesquelles on les forme, nous voulions en avoir une validation formelle afin de mieux jauger leur niveau d'expertise en relation avec celui énoncé dans le rapport Trudeau et que l'on retrouve aujourd'hui dans le projet de loi.
Notre étude repose sur l'analyse de près de 200 documents issus des établissements des réseaux de services sociaux communautaires et de l'éducation de toutes les régions du Québec. Il s'agit de cadres de référence des institutions, de descriptifs de tâches, de codes d'éthique, rapports de recherche réalisés pour le compte de l'établissement, etc., donc des documents formels utilisés par les employeurs. Notre étude conclut que les TES, bien qu'ils exercent dans des milieux diversifiés et auprès de nombreuses clientèles, disposent d'un champ d'exercice précis similaire à celui que le projet de loi décrit pour les psychoéducateurs.
Il ressort aussi de notre étude que l'intervention du TES repose sur un processus d'intervention impliquant différentes étapes, incluant l'évaluation de l'adaptation de la personne et de ses besoins à ce niveau, l'élaboration du plan d'intervention, son application et son évaluation. Parce que l'éducateur travaille à partir du quotidien de la personne, ce processus est souvent décrit et réalisé de manière itérative, c'est-à-dire dans un processus d'évaluation continue et d'ajustement continu du plan d'intervention selon l'expérience réalisée. Si vous le souhaitez, nous pourrons plus tard vous présenter plus en détail les critères pour atteindre une compétence se retrouvant dans notre programme, notamment celle d'effectuer des interventions auprès des personnes présentant des problèmes de santé mentale et de toxicomanie.
Le ministre et l'Office des professions du Québec nous indiquent que les inquiétudes du projet de loi seront calmées s'il y a une bonne information et que, quand on comprendra mieux les niveaux où il y a risque de préjudice, cela n'empêchera pas les autres praticiens de poursuivre ce qu'ils font, et que les arrimages sont à faire. Pour nous, cela reste inquiétant quand même essentiellement pour deux raisons.
La première est dans la conception même de l'intervention que sous-tend le projet de loi. Le législateur semble penser que la relation d'aide peut se segmenter à la manière de ce qui se fait en santé. Cette conception peut peut-être être possible quand la pratique se réalise dans un bureau fermé; quand il s'agit de services donnés depuis un cadre institutionnel par une grande variété d'intervenants qui doivent travailler en interdisciplinarité, cette segmentation nous apparaît vraiment difficile à mettre en oeuvre.
Les gens de la coalition l'ont exprimé hier, la pratique dans ce domaine, notamment par les TES, peut se réaliser dans divers milieux de vie de la personne. Le processus d'intervention, incluant l'évaluation, la planification de l'intervention et son application, s'exerce de manière itérative et s'ajuste au fur et à mesure de la réalité de la personne prise en compte dans sa globalité. C'est cette prise en compte de la réalité de l'usager qui risque d'être mise à mal si on segmente l'intervention. Il importe que chaque intervenant auprès des clientèles puisse disposer de l'ensemble de son processus d'intervention sans avoir à tout moment à référer à un niveau hiérarchique supérieur quand une situation particulière se présente. Ainsi, les arrimages risquent d'entraîner dans leur sillon une précieuse expertise auprès des clientèles au profit de la question néanmoins essentielle de l'imputabilité.
L'autre motif de nos inquiétudes face à l'idée que l'information sur le projet de loi suffira à harmoniser les arrimages est la dimension reliée aux intérêts des divers corps professionnels. On ne peut ignorer que, malgré l'intention rationnelle du projet de loi, celui-ci sera implanté dans une enceinte où les intérêts et la vision des uns risquent de primer sur la reconnaissance des compétences des autres à exercer diverses activités évaluatives. L'implantation de bonnes intentions législatives ne peut pas être examinée en dehors des intérêts en jeu. Si le projet de loi vient réglementer un domaine où régnait l'anarchie entre les ordres ? pour reprendre l'expression du ministre ? le fait d'introduire des activités réservées dans des contextes de pratique interdisciplinaire comme dans les institutions risque d'entraîner un sérieux capharnaüm dans l'application et dans l'harmonisation des pratiques entre les catégories d'intervenants.
On se demande pourquoi emprunter cette tangente. À notre connaissance, à ce jour, rien n'indique que l'encadrement professionnel dans les institutions, en place et amélioré depuis quatre décennies au fil de l'évolution des pratiques et contextes sociaux, ne soit caduc. Il nous semble que la qualité actuelle des services offerts et les cadres législatifs et institutionnels qui sécurisent la pratique ne justifient pas d'instaurer à ce point une nouvelle dynamique sans en estimer d'abord de manière rigoureuse tous les tenants et les aboutissants.
L'adoption du projet de loi tel quel enverrait un sérieux message de déqualification aux praticiens qui exercent dans les services publics. Déjà, une consultation auprès du contentieux nous indique qu'en cas de litige la jurisprudence aurait vraisemblablement pour effet d'élargir le sens de l'évaluation en le réservant aux professionnels membres d'un ordre, éliminant progressivement des techniciens de cette activité. Diverses données anecdotiques montrent que plusieurs employeurs, sous l'effet du rapport Trudeau, ont déjà commencé à transformer certains postes autrefois réservés à des TES à des professionnels. Dans un contexte où les employeurs voudraient assurer l'imputabilité, pourquoi continueraient-ils d'embaucher des TES plutôt que des professionnels? Pourquoi prendre le risque quand on disposera d'intervenants imputables? Nous doutons qu'une information juste sur le projet de loi sera suffisante à arrêter ce mouvement.
En outre, après l'adoption du projet de loi, maintenant que certaines activités d'évaluation seront réservées à des professionnels membres d'un ordre, les techniciens devront faire la démonstration qu'ils sont aptes à exercer des activités qu'ils exercent depuis plus de 40 ans sans poser de préjudice. Conséquemment, dans l'esprit d'établir le même consensus dans les établissements que celui qui règne actuellement dans les ordres professionnels, nous recommandons que l'exercice d'analyse en profondeur de la situation des techniciens soit examiné avant l'adoption des activités réservées concernées.
Nous aimerions, avant de terminer, conclure sur deux aspects qui nous préoccupent concernant le respect des principes avancés dans le projet de loi.
Premièrement, le principe d'interdisciplinarité. Selon nous, l'enchâssement dans une loi d'activités professionnelles dans le contexte où la relation d'aide s'inscrit dans des pratiques interdisciplinaires viendra nuire à la qualité des services rendus à l'usager plutôt que de mieux protéger le public. Il faut dire qu'à ce jour, même si l'interdisciplinarité reste souvent un objectif à conquérir dans les équipes, les cadres législatif et clinique à l'intérieur d'une institution venaient soutenir l'objectif d'une pratique harmonisée de tous les intervenants orientée vers les besoins et les intérêts de l'usager. Le fait d'appartenir à un ordre pour pratiquer risque de nuire plutôt que de renforcer l'interdisciplinarité. Des études montrent à cet effet que l'appartenance à son secteur d'intervention s'avère une façon de protéger la différenciation de cette discipline à l'égard des autres plutôt que de renforcer la coopération. Ainsi, au lieu de renforcer une pratique interdisciplinaire souvent déjà difficile à établir, le présent projet de loi, en renforçant l'autonomie professionnelle par l'appartenance à un ordre, risque d'ensiler et de cloisonner davantage les pratiques d'intervention au nom de la défense de l'expertise et des champs professionnels respectifs.
n(15 h 10)n Le deuxième principe qui nous préoccupe est celui de l'accessibilité compétente. Nous comprenons que l'intention du projet de loi est de rendre accessible la bonne personne pour le bon service. On comprend que, dans l'implantation, il y aura des mesures transitoires pour protéger les droits acquis des praticiens actuels mais que l'embauche du personnel se fera selon les nouvelles normes par la suite. Que dire à mes étudiants actuels et futurs et à mes collègues pour ce qui s'en vient? On vous forme à être aptes à faire l'évaluation des capacités adaptatives des personnes en difficulté et à élaborer leurs plans d'intervention, mais attention: quand vous serez embauchés, vous ne pourrez plus le faire de manière autonome sur le marché du travail.
Sans un examen préalable de la situation sous tous ces enjeux, le projet de loi risque une déqualification importante de la formation collégiale. La modernisation risque d'entraîner une révision du programme de TES d'au moins 50 % de nos compétences qui impliquent des activités évaluatives qui vont bien au-delà de la collecte de données. À terme, nos programmes de formation technique seront moins intéressants pour les futurs étudiants parce que les postes intéressants seront réservés à des diplômés universitaires. Les études universitaires n'étant pas accessibles à tout le monde, l'augmentation des standards de pratique risque de diminuer l'accessibilité aux études supérieures en réservant à une élite cette possibilité.
En conclusion, compte tenu de tous ces enjeux, puisque les parlementaires semblent avoir à coeur le consensus entre les parties et le bien-être de la clientèle, nous recommandons fortement que soit formé un comité de travail pour analyser l'ensemble de la situation préalablement à l'adoption du projet de loi. Merci.
Mme Parent Mourani (Hélène): Merci, Martine. Je passerais la parole... Il nous reste quelques minutes?
La Présidente (Mme Thériault): Vous avez déjà dépassé de trois minutes... deux minutes, mais, s'il y a consentement, on peut...
Mme Parent Mourani (Hélène): On pourrait dépasser encore de deux minutes?
Une voix: Oui, consentement.
La Présidente (Mme Thériault): Oui.
M. Lemire (Guy): Je serai bref et en synthèse, si vous me permettez.
La Présidente (Mme Thériault): Allez-y.
M. Lemire (Guy): Merci.
La Présidente (Mme Thériault): Allez-y, M. Lemire, il n'y a pas de problème.
M. Lemire (Guy): Peut-être mentionner qu'effectivement les TES, cet après-midi, possèdent un pouvoir d'intervention reconnu dans les réseaux de la santé et des services sociaux et de l'éducation. Le nombre d'emplois d'ailleurs témoigne de cette réalité.
Cependant, contrairement au rapport Trudeau, c'est vrai qu'ils ont une expertise qui est variée, c'est vrai qu'ils ont une expertise qui est diversifiée par deux niveaux: les clientèles et les différents milieux de pratique d'intervention. Celle-ci cependant démontre une capacité d'adaptation personnelle ? de nos élèves et des TES présentement sur le terrain ? et clinique et un souci quotidien de répondre aux besoins spécifiques et particuliers des clientèles en difficulté d'adaptation. Cette expertise diversifiée est, pour nous, une force d'intervention et un capital humain nécessaires à considérer dans l'expertise de la santé mentale et des relations humaines, bien sûr. Donc, toute la force de polyvalence, toute la force d'adaptation que les intervenants ont manifestée hier, entre autres la coalition, dans différents milieux de pratique d'intervention fait de sorte et habilite nos élèves à plusieurs milieux de pratique et une diversité de clientèles en difficulté d'adaptation.
La pratique de l'éducation spécialisée se définit avant tout par une approche clientèle et une approche besoin, et non, contrairement au secteur au médical, une approche diagnostique. Dans ce sens, alors, on doit considérer la personne comme unique avec ses ressources et toujours avec un potentiel d'adaptation et de développement. Ces éléments deviennent des leviers d'intervention intégrée dans le cadre de la pratique interdisciplinaire. Vous le savez sûrement, les éducateurs spécialisés et les éducatrices spécialisées pratiquent souvent dans un contexte d'interdisciplinarité où est-ce que plusieurs professionnels se greffent autour d'eux pour élaborer des stratégies et des plans d'intervention. Cette pratique nécessite une vision et une approche systémique et globale non décomposable, non fragmentée, qui aurait comme conséquence de réduire et de morceler tout le processus d'intervention en champs spécifiques et en actes réservés potentiels.
Je pense bien que les éducateurs spécialisés sont un groupe de professionnels auprès des clientèles qui passent le plus de temps auprès de la clientèle en termes de temps, de disponibilité, de proximité de contact, en partageant des moments de vie quotidiens avec les bénéficiaires. C'est une approche qui est personnalisée, qui est individualisée, qui permet la création d'un lien privilégié de confiance avec la personne.
Attention! En multipliant le nombre d'intervenants, nous fragilisons les liens et la capacité relationnelle de la personne de s'ouvrir et de se confier. La prise de contact, la capacité d'ouverture, le lien de confiance en relations humaines commandent une stabilité chez les intervenants afin de ne pas multiplier des ruptures de rapports et de service si souvent mentionnées aussi dans d'autres rapports et d'autres établissements des services de la santé.
Enfin, l'observation et l'évaluation des conduites dans différents contextes permettent la concrétisation de plans d'intervention et leur mise en pratique. Les compétences de formation ? j'achève ? habilitent nos étudiants dans ces différentes tâches de travail qui sont exercées, cet après-midi, autour de 18 000 personnes, TES dans le réseau, répondant ainsi à une offre de service psychosocial et de réadaptation reconnue qualitativement par les employeurs. On y tient, ça a été finalement un degré de satisfaction ? et je pense que les employeurs vous le mentionnent ? très élevé à l'égard de la pratique de l'éducation spécialisée dans divers secteurs d'emploi, validé aussi par plusieurs établissements.
Pour terminer, M. le ministre, quelle est la garantie que vous offrez du maintien de ces compétences en cours de pratique actuellement dans les réseaux de services dans le cadre de votre projet de loi? Je vous remercie.
La Présidente (Mme Thériault): Merci beaucoup pour votre présentation. Donc, on a dépassé légèrement le temps qui vous était alloué, mais on va le réajuster dans les formations, là, il n'y a aucun problème, puisqu'ils ont donné leur consentement. Et je vais passer la parole à M. le ministre.
M. Dupuis: Oui. Mme Mourani, M. Lemire, Mme Cinq-Mars, merci beaucoup. Vous savez, Mme Cinq-Mars, un ministre qui se fait dire en commission parlementaire qu'il rassure, même en partie, ça met du baume sur nos plaies politiques, alors je vous remercie d'avoir mis un certain baume sur nos plaies.
Vous avez déjà eu l'occasion... et je sais que Mme Mourani a été présente pendant quelques séances parce que j'ai remarqué sa présence dans la salle, vous aussi, vous avez écouté ce qui s'est dit. Il faut que je vous dise qu'on a été assez impressionnés par les gens de la coalition des éducateurs spécialisés, M. Ratel, M. Bellemare, Mme Lalancette, qui sont venus témoigner hier. D'ailleurs, soit vous étiez présents ou soit vous avez lu ou entendu leur témoignage, parce que vous en avez fait référence, Mme Cinq-Mars, dans votre présentation. Donc, je ne reviendrai pas sur ce que je leur ai dit, sur ce que j'ai dit depuis le début de la commission sur la volonté du gouvernement, la volonté de vous rassurer quant à la rupture de l'offre de services. Vous avez tout entendu ça.
Je vais plutôt demander au député de Chomedey de continuer les discussions avec vous, il a des questions à vous poser. Parce que, vous, vous êtes beaucoup trop jeunes pour avoir enseigné aux gens de la coalition qu'on a vus hier, par contre je pense que vous pourriez avoir enseigné à son fils Maxime, qui est un éducateur spécialisé maintenant et qui a peut-être bénéficié de vos connaissances. Alors, je vais laisser le député de Chomedey, avec la permission de Mme la présidente, vous poser les questions qu'il souhaite vous poser.
La Présidente (Mme Thériault): Avant de passer la parole au député de Chomedey, est-ce que vous avez des commentaires aux propos du ministre? Oui, Mme Mourani.
Mme Parent Mourani (Hélène): Petit commentaire mais que sûrement Martine va compléter plus tard, après. Pour ce qui est de la rassurance, quant à moi ? et là je parlerais peut-être un peu plus en mon nom personnel ? pour me rassurer, ça me prend des faits apportés, des démonstrations quelconques. De me faire dire que je devrais être rassurée, quant à moi c'est insuffisant, et je me situe actuellement en attente de quelque chose que je n'ai pas pour l'instant.
M. Dupuis: Oui. Alors, évidemment, je suis d'accord avec vous, il ne suffit pas de le dire pour que vous le soyez, mais on va déposer des amendements au projet de loi qui vont rencontrer les engagements que j'ai pris et que l'opposition officielle prend aussi, parce que là j'ai des raisons de croire qu'on va s'entendre assez facilement avec les oppositions. D'ailleurs, je vais leur montrer les amendements avant de les déposer et on va donner une publicité à ces amendements-là avant de les déposer. Donc, vous aurez, j'espère, Mme Mourani, votre preuve.
Mme Parent Mourani (Hélène): Mais j'aimerais laisser Martine élaborer un petit peu sur le sujet... ou peut-être Guy.
La Présidente (Mme Thériault): Oui. Parce que, sinon, il n'y a pas de problème, on va passer la parole au député de Chomedey et puis...
Mme Parent Mourani (Hélène): Ça va? O.K.
La Présidente (Mme Thériault): Ça vous va? Parfait. M. le député de Chomedey.
n(15 h 20)nM. Ouellette: Merci, Mme la Présidente. Mme Mourani, Mme Cinq-Mars, M. Lemire, effectivement j'ai la chance, pendant trois grandes années, d'entendre parler d'une formation en éducation spécialisée du cégep de Saint-Jérôme. Je le mentionne aujourd'hui parce qu'il y a une formation extraordinaire qui se donne là.
Il y a une légende urbaine qui court. Vous avez 18 000 membres dans votre association, là, au niveau des éducateurs spécialisés de la province. Combien est-ce qu'il y a d'hommes comme éducateurs spécialisés dans la province? J'ai l'impression qu'il n'y en a pas beaucoup, que c'est une denrée rare dans ce milieu-là. Est-ce que je me trompe?
Mme Parent Mourani (Hélène): C'est l'inverse d'ici. Vous vous trompez peu.
M. Ouellette: Vous n'avez pas de nombre sur vos 18 000?
Mme Parent Mourani (Hélène): On n'a pas de nombre, hein, on n'a pas de...
Mme Cinq-Mars (Martine): Si on...
La Présidente (Mme Thériault): Mme Cinq-Mars.
Mme Cinq-Mars (Martine): Merci. Si on se fie au contingent qu'on reçoit dans nos formations, le ratio est peut-être de cinq garçons pour une trentaine de filles, là. Dans les milieux de pratique, c'est quand même différent, là, parce qu'il y a eu des embauches à une époque où il y avait vraiment un ratio hommes-femmes qui était privilégié. Mais il reste que c'est sûr que c'est une profession féminine.
M. Ouellette: Donc, il faudrait lancer un appel aux jeunes garçons, là, qui voudraient effectivement s'impliquer dans cette sphère d'activité là qui est très gratifiante. J'en discute régulièrement avec mon fils, puis effectivement ce qu'il fait et les interventions, puis tout ça, pour lui, c'est très, très, très gratifiant, ce qu'il fait. Donc, c'est quelque chose qui pourrait être très intéressant.
Je vais probablement revenir à vous, Mme Cinq-Mars, parce que vous avez parlé tantôt que vous vouliez nous parler de vos critères d'évaluation si on le voulait, là. Bien, je pense qu'on le veut, ça fait que... et je pense que tout le monde, tous les parlementaires sont intéressés à vous entendre sur vos critères d'évaluation parce que, pour nous, c'est quelque chose qui va aussi nous éclairer.
La Présidente (Mme Thériault): Allez-y, Mme Cinq-Mars.
Mme Cinq-Mars (Martine): Merci. La raison pour laquelle on souhaitait vous présenter ces aspects, c'est qu'on parle encore ici du manque de clarification qu'il y a dans le projet de loi concernant les différents niveaux d'évaluation. Selon nous, ce qu'on enseigne actuellement aux éducateurs spécialisés ne se distingue pas en rien de ce qui est présent dans le projet de loi... ou en tout cas il n'y a rien qui nous fait faire la différence.
Alors, je vous présente, par exemple, la compétence «effectuer des interventions auprès des personnes présentant des problèmes de santé mentale et de toxicomanie». Pour développer cette compétence-là, nos étudiants doivent notamment apprendre à évaluer l'incidence des déficits et du potentiel adaptatif de la personne, planifier des interventions en fonction des besoins de la clientèle, aider la personne à accepter sa problématique et à définir son projet de vie, rechercher et convenir avec la personne des moyens de soutien social et mettre en place des mécanismes de soutien à la famille ou au milieu substitut, et enfin évaluer l'atteinte des objectifs d'intervention. À ça sont associés des critères de réussite, bien entendu. Et, quand on parle de la compétence «évaluer l'incidence des déficits et du potentiel adaptatif de la personne», on a des critères comme reconnaître la capacité fonctionnelle des conduites sociales et du degré d'autonomie des personnes, analyser, faire une analyse juste des besoins de la personne, faire une appréciation juste des conséquences des déficits sur l'adaptabilité affective et sociale de la personne, faire une appréciation juste des effets de la prise de médicament et de la consommation de drogues sur le processus de réadaptation de la personne, faire une appréciation juste des forces et des capacités d'apprentissage de la personne, faire une utilisation appropriée des grilles et d'instruments d'observation et d'évaluation, faire une consultation appropriée des personnes-ressources et présenter un respect des limites de l'intervention professionnelle.
Donc, on voit que les critères de formation de nos étudiants sont quand même complexes et rejoignent à notre avis ce qui est présenté actuellement comme étant une évaluation dans le cadre des activités, là, qui sont citées dans le projet de loi, d'où notre préoccupation.
Le Président (M. Lévesque): Merci. Merci, Mme Cinq-Mars. M. le député.
M. Ouellette: Je pense que M. Lemire voulait rajouter quelque chose.
Le Président (M. Lévesque): Ah! M. Lemire.
M. Lemire (Guy): Je pourrais compléter, si vous permettez. Effectivement, le terme «évaluation», pour vous avoir suivis, pose problème, et il n'y a pas de taxonomie, il n'y a pas de critère qui définit le degré taxonomique d'évaluation. Est-ce que nous sommes dans une évaluation de l'ordre du secondaire? Est-ce que nous sommes dans une évaluation de l'ordre du cégep ou de l'ordre du bac ou de la maîtrise? Difficile, et effectivement, comme Martine disait, ça peut créer effectivement beaucoup de confusion.
Je vous dirais, lorsqu'on a construit le nouveau programme de formation, ce terme-là aussi achoppait. Et on a eu des discussions avec les ordres professionnels concernant le degré taxonomique, quelle est la mesure d'évaluation juste que nos élèves peuvent avoir et que les techniciens en éducation spécialisée peuvent avoir sur le terrain. Lorsqu'on parle d'une évaluation pour mesurer l'incidence et essayer de mesurer quelle est la capacité d'adaptation de la personne, on parle plus d'une évaluation qui est fondée à partir de l'observation directe d'une personne dans un contexte de vie donné, donc contextualisé, et dans des situations différentes de vie. On ne parle pas d'une évaluation qui a une portée de jugement à teneur clinique, de diagnostic ou de déterminant psychopathologique auprès de la personne. Voilà notre degré, nous, là, d'évaluation, vraiment d'ordre situationnel, contextuel auprès des personnes en difficulté et à partir d'une observation directe dans les milieux d'intervention mais toujours sans jugement diagnostique.
Le Président (M. Lévesque): Merci beaucoup, M. Lemire. Maintenant, le député de Chomedey.
M. Ouellette: Merci, M. le Président. Par rapport aux activités dont on parle dans le projet de loi n° 50, pouvez-vous nous éclairer puis éclairer les personnes qui nous regardent aujourd'hui sur ce qui est déjà effectué sur le terrain par vos techniciens, là, pour que les gens puissent comprendre l'implication que vous avez par rapport à ce qu'on propose dans les activités du projet n° 50?
Le Président (M. Lévesque): Mme Cinq-Mars.
Mme Cinq-Mars (Martine): Merci. Oui, bien, par exemple, en fait c'est que, tel qu'on comprend le projet de loi, l'évaluation est faite selon les champs d'expertise de chaque professionnel. Compte tenu qu'il y a une superposition entre ce que fait l'éducateur spécialisé et ce que fait le psychoéducateur, on retrouve, par exemple, dans l'exercice de la profession du psychoéducateur, d'évaluer une personne atteinte d'un trouble mental ou neuropsychologique attesté par un diagnostic ou par une évaluation effectuée par un professionnel habilité. Nous, nos éducateurs spécialisés oeuvrent auprès des personnes présentant un trouble mental ou neuropsychologique attesté par un diagnostic et ont, dans le cadre de leurs fonctions, au niveau de leur champ d'expertise, à faire des évaluations en vue d'élaborer un plan d'intervention.
On peut continuer comme ça avec les différents articles de loi. C'est une superposition. On pourrait vous faire la nomenclature des clientèles auprès desquelles oeuvrent nos éducateurs, mais à chaque fois leur intervention repose sur une évaluation préalable dans le but d'élaborer un plan d'intervention. Donc, les clientèles qui se retrouvent là sont considérées, là... Nos éducateurs agissent auprès d'elles, donc font les interventions, les évaluations.
Le Président (M. Lévesque): Merci beaucoup, Mme Cinq-Mars. Maintenant, le député de Robert-Baldwin.
M. Marsan: Oui, merci, M. le Président. Et merci à vous, Mme Mourani, Mme Cinq-Mars, M. Lemire. Merci surtout pour la qualité de votre présentation et votre participation aujourd'hui.
Dans votre exposé, vous vous êtes posé une question qu'un employeur pouvait se poser, vous nous l'avez transmise, c'était: Pourquoi est-ce qu'un employeur va embaucher des TES, des techniciens en éducation spécialisée, plutôt que des professionnels? Moi, j'aimerais ça vous entendre aussi nous donner la réponse.
Le Président (M. Lévesque): Mme Cinq-Mars.
Mme Cinq-Mars (Martine): Avec plaisir. Merci. C'est qu'en fait, actuellement, tel que ça se passe actuellement dans les services, les éducateurs spécialisés sont très, très, très largement embauchés par les milieux de pratique parce qu'ils sont considérés pour leur expertise. Ce qu'on observe depuis le dépôt du rapport Trudeau, c'est qu'il y a un mouvement, dans divers établissements, pour embaucher maintenant des professionnels, parce qu'on sait que certaines activités vont leur être réservées. Donc, on craint que les éducateurs spécialisés ne puissent plus exercer les mêmes activités qu'ils exerçaient avant, et puis, puisqu'il y a un niveau d'imputabilité, bien on embauche des professionnels.
Alors, c'est dans ce contexte-là qu'on dit: Pourquoi les employeurs embaucheraient encore des TES? Déjà, il y a un mouvement pour augmenter les standards puis d'embaucher des professionnels qui vont être imputables. C'est ce que je répondrais actuellement.
Le Président (M. Lévesque): Merci beaucoup. Mme Parent Mourani.
Mme Parent Mourani (Hélène): Pour compléter un petit peu. Actuellement, si on oublie le projet de loi n° 50, actuellement, comme employeur, si j'étais... j'engagerais une éducatrice spécialisée ou un éducateur spécialisé parce que je sais qu'il est apte à faire l'ensemble de la démarche d'intervention à partir de l'évaluation de la problématique de la personne jusqu'à maintenir un suivi dans l'intervention auprès de la personne. Et j'en serais persuadée.
Le Président (M. Lévesque): Merci beaucoup. M. le député de Robert-Baldwin?
M. Marsan: Ça va.
Le Président (M. Lévesque): C'était complet? Maintenant, nous pouvons passer à la première opposition officielle. M. le député de Saint-Hyacinthe... d'Iberville, pardonnez-moi, Iberville.
n(15 h 30)nM. Riedl: Merci, M. le Président. Alors, Mme Mourani, Mme Cinq-Mars, M. Lemire, merci de votre présentation, que vous présentez avec force et détermination. Vous me paraissez dans... Après la cohésion des ordres qu'on a... on s'est félicités finalement de se retrouver, j'ai l'impression que vous vous trouvez parmi les groupes dans une zone de turbulence. C'est-à-dire, dans la foulée de la loi n° 50 et puis de ce qui découle de la cohésion des ordres, bien là ça affecte finalement toute la communauté des services en santé mentale.
Alors, pour en venir spécifiquement à ma première question, je la retrouve à la page 2 de votre introduction, vous dites que «cette loi modifie le Code des professions et d'autres dispositions législatives qui auront, directement ou indirectement, des effets majeurs sur l'organisation du travail et les descriptions de tâches de plusieurs titres d'emploi du domaine des services publics en santé, [...] éducation, [...] justice, dont les techniciens en éducation spécialisée. Ces intervenants sont, selon nos analyses et l'observation des faits, oubliés et lésés par ce projet de loi», ce qui est tout à fait à l'opposé de l'esprit de la loi n° 50 ou en tout cas qui a pour but de protéger le citoyen. Et, de par déformation professionnelle, ayant dirigé une organisation, moi, je vous pose la question...
Évidemment, la façon que vous interprétez paraît assez... ou ça traduit une forte inquiétude vis-à-vis de vos membres et somme toute dans un contexte négatif. Ce que je me demande, c'est que, dans un exercice de changement et de clarification de compétences, de fonctions qui est dans le but de sécuriser le public, est-ce qu'il n'y a pas un élément positif envers vos techniciens, envers vos travailleurs, de clarifier leurs compétences et, par le fait même, de valorisation de toutes ces personnes-là, à l'opposé de l'inquiétude que vous exprimez? Alors, voilà ma question.
Le Président (M. Lévesque): Mme Cinq-Mars.
Mme Cinq-Mars (Martine): Merci. On n'est pas contre le fait de préciser les champs de compétence et de valoriser les pratiques, au contraire. Ce qu'on dit, c'est que, dans le contexte où la pratique des techniciens n'a pas été examinée dans la dynamique de précision des compétences de chacun, il y a un grand, grand risque qu'ils deviennent oubliés, malgré ce que M. le ministre avance, en termes de reconnaissance complète de leurs compétences. Ce qu'on craint, c'est une hiérarchisation de la pratique, qu'on observe déjà sur le terrain. Le même exercice, vous le savez mieux que moi, a été fait en santé physique, et ce qu'on observe actuellement par rapport aux techniciens en réadaptation physique, par rapport aux physiothérapeutes, c'est une déqualification finalement du programme collégial et des tâches qu'exerçaient autrefois les techniciens en réadaptation physique. Ils ne peuvent plus l'exercer. Donc, oui, la reconnaissance des champs professionnels, mais c'est pour ça qu'on demande à l'Assemblée d'inclure que cet exercice-là puisse être fait à partir de l'examen de l'ensemble des professions et non pas seulement à la lumière de l'examen de la situation des professionnels qui sont membres des ordres.
Le Président (M. Lévesque): Merci, Mme Cinq-Mars. M. le député d'Iberville.
M. Riedl: Avez-vous l'impression que cette recommandation-là, ce que vous voulez, a été entendue et que c'est comme ça que ça va se passer?
Le Président (M. Lévesque): Mme Cinq-Mars.
Mme Cinq-Mars (Martine): C'est-à-dire qu'on est... Comme on l'a nommé, on est partiellement rassurés du fait de savoir qu'il va y avoir, dans un second temps, un exercice. Mais on ne l'est que partiellement parce qu'on considère que les enjeux et les intérêts de chacun vont venir interférer dans l'examen réel de ce qui se passe sur le terrain. Et on a des exemples déjà de comment ça se passe quand on compare à ce qui se passe en santé physique. On entend aussi régulièrement d'anciens étudiants qui ont étudié en éducation spécialisée, par exemple, fréquenter les écoles de psychoéducation et se faire dire par leurs professeurs: Vous savez qu'est-ce que font les psychoéducateurs? Ils planifient. Qu'est-ce que font les éducateurs spécialisés? Ils exécutent. Vous comprendrez que, quand on entend un discours comme ça et puis qu'on reconnaît l'importance des ordres professionnels et en même temps leur puissance, bien c'est sûr qu'il y a une certaine inquiétude de déqualification des formations collégiales.
Le Président (M. Lévesque): Merci, Mme Cinq-Mars. Le député d'Iberville.
M. Riedl: Oui. Mais là, on reconnaît, il y a une réalité, là, de pénurie de main-d'oeuvre dans le domaine de la santé et dans le domaine des soins. Est-ce que cette pénurie-là donc, parce qu'il y a une demande qui est plus forte que la disponibilité de gens capables de dispenser des services, est-ce que ça, ça n'aura pas foi de vérité, de validation de ce qui devrait arriver dans cette situation-là?
Le Président (M. Lévesque): Mme Parent Mourani.
Mme Parent Mourani (Hélène): Je crois que ça est secondaire à notre préoccupation ici. Quand on sera rendus à regarder le nombre de personnes disponibles à l'emploi... quant à moi, c'est un sujet à regarder après les travaux qui précèdent la loi. Et même, la loi, après qu'elle sera passée, il pourra y avoir des mesures en ce sens-là. Mais ça ne doit pas être la pénurie qui doit diriger l'orientation des travaux ici, à mon sens.
Deuxièmement, pour compléter un petit peu Martine, tout à l'heure, la question était... Excusez-moi, pouvez-vous répéter votre dernière question?
M. Riedl: Je parlais de pénurie de main-d'oeuvre, je parlais de besoins. En fait, c'est le besoin de satisfaire les besoins. Alors, ce que je dis, c'est qu'il y a énormément de besoins en santé, et puis, bien là, on dit qu'il y a une pénurie de main-d'oeuvre. Alors, ce que je veux dire, moi, c'est que toutes les compétences disponibles devraient être reconnues et mises en service. Je pense que, quand on cherche à utiliser des arguments, ça, ça me paraît l'argument le plus évident. C'est dans ce sens-là que je vous demande si...
Le Président (M. Lévesque): Mme Parent Mourani.
Mme Parent Mourani (Hélène): Simplement pour dire que la compétence des éducateurs spécialisés est reconnue actuellement. Ce qu'on cherche, nous, dans notre présentation, ou ce qu'on cherche à vous dire, c'est de ne pas lui enlever ses compétences reconnues. Ce n'est pas de lui trouver des nouvelles compétences ou de lui en trouver des belles petites pour lesquelles il serait très content, c'est vraiment qu'il conserve ses compétences professionnelles qu'il a maintenant.
Le Président (M. Lévesque): Mme Cinq-Mars.
Mme Cinq-Mars (Martine): Ce qui nous inquiète aussi, c'est qu'on sait qu'il y a des mesures transitoires qui sont prévues pour permettre de préserver dans le fond la continuité des services et puis d'assurer qu'il n'y ait pas de pénurie de main-d'oeuvre. Mais ce qu'on dit aussi, ce qu'on entend en tout cas, c'est qu'il y a des nouveaux standards qui vont apparaître et puis que les nouveaux embauchés finalement, dans les services, vont devoir respecter ces standards-là. Puis actuellement on observe une augmentation des standards. Donc, ça va être des professionnels qui vont être embauchés et non plus des techniciens.
C'est pour les générations futures. Comme on le disait dans notre présentation, qu'est-ce qu'on dit à nos étudiants à qui on enseigne actuellement: Faites-vous-en pas, quand vous allez sortir... quand vous allez retourner sur le marché du travail, à ce moment-là, vous ne pourrez plus mettre en pratique les compétences pour lesquelles vous avez été formés?
Le Président (M. Lévesque): Merci, Mme Cinq-Mars. Le député d'Iberville.
M. Riedl: Oui. Bien, ma réponse à ça, moi, je n'ai pas d'opinion, ne connaissant pas votre domaine spécifique, sauf que, je pense, l'augmentation des compétences, l'augmentation des connaissances, est-ce que ce n'est pas un phénomène normal ou naturel dans toutes les fonctions, dans tous les ordres, les compétences? Je ne sais pas si vous semblez vouloir maintenir ou protéger un certain statu quo au niveau de compétences. Mais ça me paraît inévitable, moi, qu'il va arriver des personnes plus instruites, une génération avec plus de compétences, mais il peut y avoir du bousculage. Je ne sais pas.
Le Président (M. Lévesque): Mme Cinq-Mars.
n(15 h 40)nMme Cinq-Mars (Martine): Je trouve votre question fort intéressante, M. le député, parce qu'en fait il faut savoir que notre programme a été révisé deux fois depuis l'an 2000. Et on a effectivement augmenté les compétences pour lesquelles nos éducateurs devaient être formés, parce qu'on suit effectivement le courant de ce qui se passe sur le marché du travail. On ne croit pas que la formation des éducateurs spécialisés soit actuellement assujettie à être déclassée comme ça. Partout, on démontre que les éducateurs sont compétents et aptes à faire ce pour quoi ils sont formés, puis c'est ce qu'on attend d'eux sur le marché du travail, donc. Et puis, d'autre part, si on continue d'augmenter les standards professionnels et de remplacer finalement la main-d'oeuvre technicienne par une main-d'oeuvre professionnelle, avec l'augmentation des coûts afférents à cette réforme-là, je me demande comment est-ce que notre société va pouvoir continuer de payer ça. Puis cette question-là n'a pas été adressée, pour moi, ici.
Le Président (M. Lévesque): Merci, Mme Cinq-Mars. M. Lemire.
M. Lemire (Guy): Nous, finalement, en gros, ce qu'on veut préserver et surtout défendre, c'est bien sûr l'expertise des TES avec les niveaux de compétence qu'ils ont, autant les 26 compétences de la formation et les compétences qui ont été exposées, hier, avec la coalition. Donc, l'exercice d'emploi, les conditions d'emploi et de pratique de travail qu'ils ont, on craint qu'il y ait un glissement et que ça pourrait être potentiellement revu à la baisse. Ça, on veut défendre ça puis on veut le maintenir. Bien sûr qu'on n'est pas contre les qualifications, mais pas contre au détriment d'un corps professionnel.
Et paradoxalement ? parce qu'il y a des paradoxes aussi que j'aimerais exposer ? vous êtes sûrement au courant que le programme a été révisé. Lorsqu'ils sont révisés, ils sont révisés avec des professionnels du milieu, à l'intérieur d'une analyse de session de travail, tous les programmes ministériels présentement au ministère de l'Éducation. Donc, les tâches qui sont présentement dans le programme et les descripteurs de compétence qui sont présentement dans le programme ont été définis suite à une expertise terrain émanant des éducateurs spécialisés eux-mêmes. Et, il n'y a pas tellement longtemps, il a été rouvert pour ajout de compétences en langage, en compétences de communication langagière. Donc, un paradoxe: le programme est rouvert, on ajoute et on indexe des compétences, et l'offre de formation, depuis quatre ans ou cinq ans, a été aussi en augmentation dans le réseau des cégeps au Québec, donc pas en voie de diminution, contraire, en voie d'augmentation et de fréquentation scolaire.
Le Président (M. Lévesque): Mme Parent Mourani.
Mme Parent Mourani (Hélène): Mme Martine avant.
Le Président (M. Lévesque): Ah! Mme Cinq-Mars.
Mme Cinq-Mars (Martine): Merci. Simplement ajouter qu'en plus, dans le dernier exercice d'évaluation des compétences des intervenants, dans le cadre de l'équité salariale, les éducateurs spécialisés ont eu le plus haut rehaussement salarial en raison de la complexité de leurs tâches. Donc, il y a une reconnaissance partout actuellement de la compétence des éducateurs spécialisés puis qui ne justifie pas qu'il y ait une déqualification.
M. Riedl: Vous paraissez avoir de bons arguments, alors je vous encourage de persévérer, quoi. Merci.
Le Président (M. Lévesque): Merci. Mme Mourani, est-ce que vous voulez...
Mme Parent Mourani (Hélène): Ça va. Ça a été... Ça vient d'être...
Le Président (M. Lévesque): Parfait. Et maintenant nous passons, deuxième opposition, au député de Dubuc.
M. Côté: Merci, M. le Président. Alors, Mme Parent Mourani, bienvenue, Mme Cinq-Mars, M. Lemire, merci de votre présentation. Je pense que votre mémoire est très convaincant et je ne serai pas long, compte tenu que la coalition, hier, nous a quand même fait ressortir, là, les points et, vous aussi, vous le faites très bien dans votre mémoire. Je pense que la situation est claire. Vous nous soumettez une problématique qui est importante.
Mais je voudrais revenir peut-être sur un item relativement justement aux compétences. Parce que, dans le rapport Trudeau, lorsqu'on a parlé d'activités réservées, on a bien dit que la réserve se justifiait par le risque de préjudice associé aux activités visées. Et les réserves ont été mises dans le projet de loi, incorporées dans le projet de loi parce qu'elles étaient à risque de porter préjudice. Mais, si je regarde les compétences du programme qui habilite les éducateurs spécialisés, je vois mal dans ça qu'est-ce qui pourrait vous être enlevé, parce que ce n'est pas nécessairement des activités à risque. Je ne connais pas le domaine comme vous le connaissez, parce que vous êtes des professeurs, vous enseignez ces matières, mais, pour moi, ça ne m'apparaît pas comme des activités à risque. Mais déterminer un problème mental chez un jeune enfant, ça peut engager pour le reste de sa vie des actions, des procédures, il peut être admis sous une curatelle, et ça, c'est des activités qui peuvent être à risque et qui peuvent porter préjudice. Mais effectuer des interventions auprès des personnes en situation de crise, est-ce que ça peut être une activité à risque? C'est ma première question.
Le Président (M. Lévesque): Mme Cinq-Mars. Oh! M. Lemire.
M. Lemire (Guy): Oui. Pour répondre... Écoutez, toutes les compétences, dans notre programme, qui commencent par les termes «effectuer des interventions» sont destinées auprès de clientèles spécifiques. Je crois que le programme globalement en totalise 11 ou 12, 12 avec des compétences qui peuvent être mixtes au niveau de certaines clientèles. Donc, ce sont des compétences directes, spécifiques à l'intervention auprès de clientèles en difficulté. Et on les nomme, et ça devient aussi des contenus de cours, des contenus rationnels.
Cependant, vous n'avez pas, vous ? et c'est là que ça nous inquiète un peu plus, c'est qu'il y a un potentiel de risque, monsieur ? vous n'avez pas tous les éléments de compétences ainsi que les critères qui y sont associés, car les critères commencent souvent par «évaluer la condition de la personne; évaluer l'état affectif de la personne», et tout ce qui est inhérent à l'acte d'évaluation peut être à risque avec le projet de loi ici, et c'est pour ça que ça nous inquiète. Donc, le terme «évaluation», on ne pourra pas effectuer des interventions, mais, si vous allez plus loin, vous allez voir que l'évaluation est constituante de cette compétence-là et devient aussi une tâche de travail des TES.
Et aussi l'autre grand point qui est en jeu, c'est la capacité d'établir le plan d'intervention et de l'actualiser. Vous êtes sûrement au courant que présentement plusieurs éducateurs spécialisés le font, il est même conventionné à certains égards pour certains établissements, et que le plan d'intervention, ça fait partie constituante présentement d'une compétence dans le programme et auprès d'une action de travail professionnellement reconnue par les employeurs. Donc, si on parle... On ne voudrait pas que le plan d'intervention, qui est présentement une action de travail professionnelle considérée dans les établissements, bien, devienne tributaire d'un autre professionnel et que, là, notre éducateur spécialisé devienne, comme une chaîne de production, purement exécutif dans le processus. Voilà.
Le Président (M. Lévesque): Bon. J'aurais maintenant Mme Parent Mourani.
Mme Parent Mourani (Hélène): Simplement pour mentionner qu'il serait peut-être intéressant pour l'ensemble des membres de la commission, ici, d'avoir le programme qui décrit vraiment dans le détail l'ensemble des compétences et des critères qui y sont associés. J'ai ici une partie, mais on fournira rapidement à M. Vachon, là, la copie officielle pour qu'il puisse vous la distribuer.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. C'est beau?
Des voix: Oui.
La Présidente (Mme Thériault): Oui, Mme Cinq-Mars.
Mme Cinq-Mars (Martine): Peut-être juste en complément, l'énoncé des compétences ne fait pas un lien direct, hein ? c'est ce que vous dites ? entre ce qui est écrit au niveau du projet de loi. C'est pour cette raison-là que, nous, on a voulu valider exactement sur le terrain ce que les éducateurs spécialisés font. Ici, il s'agit de contextes évalués préjudiciables très, très, très spécifiques, mais les éducateurs spécialisés exercent déjà dans ces contextes-là, ils font l'évaluation.
La Présidente (Mme Thériault): Allez-y.
M. Côté: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais revenir à votre recommandation n° 4, où vous demandez que soit formé un comité de travail qui permettrait d'impliquer, là, au sein de ce comité, l'ensemble des parties. La lettre du ministre, dont vous avez sûrement dû prendre connaissance, lorsqu'il vous dit qu'il demande au président de l'Office des professions d'entreprendre l'analyse de la situation de l'ensemble des techniciens oeuvrant dans le domaine, est-ce que ça ne vous satisfait pas, cette lettre-là? Pour vous, ce n'est pas assez, même si vous êtes impliqués au niveau de ce comité de travail, même si l'Office des professions vous donne un siège à part entière au sein du comité?
La Présidente (Mme Thériault): Oui, Mme Mourani.
Mme Parent Mourani (Hélène): C'est que pour l'instant, dans cette lettre-là, on n'a pas l'assurance que ce sera préalable au projet de loi. Si on a l'assurance écrite que ce sera préalable, c'est-à-dire que tout sera fait avant que le texte de loi soit déposé, à ce moment-là, c'est sûr, on le disait tout à l'heure, Martine le disait qu'il y a une certaine partie qui nous rassure, mais sans plus pour l'instant.
La Présidente (Mme Thériault): Oui, Mme Cinq-Mars.
Mme Cinq-Mars (Martine): On est heureux quand même de savoir qu'on va être invités.
La Présidente (Mme Thériault): C'est bon signe.
M. Côté: Alors, je vous remercie. Merci.
M. Lemire (Guy): On va peut-être se revoir.
La Présidente (Mme Thériault): M. Lemire, Mme Mourani, Mme Cinq-Mars, merci beaucoup pour votre parution en commission. Nous allons suspendre quelques instants pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 50)
(Reprise à 15 h 52)
La Présidente (Mme Thériault): S'il vous plaît! Donc, la commission va poursuivre ses travaux, et nous recevons maintenant le Collège des médecins du Québec, qui est représenté ici par le Dr Claude Ménard. Donc, M. Ménard, vous avez une quinzaine de minutes pour nous présenter votre mémoire, et par la suite il y aura une période d'échange qui s'entreprendra avec les trois formations politiques. Bienvenue à l'Assemblée, la parole est à vous.
Collège des médecins du Québec (CMQ)
M. Ménard (Claude): Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, MM. les parlementaires. Alors, le Dr Lamontagne, président-directeur du Collège des médecins du Québec, vous prie de l'excuser. Même si ce dossier, le projet de loi n° 50, est un dossier très important pour le Collège des médecins du Québec, un mal de dos incapacitant l'empêche de venir vous présenter lui-même les commentaires du Collège des médecins du Québec. Alors, évidemment, compte tenu des talents de communicateur du Dr Lamontagne, je demande, dès le départ, votre indulgence, car le remplacer à pied levé est un défi important, cette présence en commission parlementaire étant également une première pour moi. Alors, comme vous avez été en général très gentils avec quelques prédécesseurs, j'ose espérer avoir la même clémence de votre part.
M. Dupuis: Je constate, Dr Ménard, que vous avez l'instinct de conservation quand même.
M. Ménard (Claude): Oui. Alors, compte tenu que je suis adjoint à la direction générale et au secrétaire du Collège des médecins du Québec et que, depuis presque six ans, je suis porteur, au nom du Collège des médecins du Québec, de tout ce qui est dossiers en relation avec les activités partageables, les échanges avec les autres professionnels, avec l'Office des professions, alors j'ai appris au cours des années à développer un certain nombre de mécanismes pour être capable de survivre à tous les points de vue aussi bien à l'intérieur qu'à l'externe du Collège des médecins.
Des voix: ...
M. Ménard (Claude): Ah! je n'ai absolument aucune difficulté à ce que j'affirme. En général, je suis capable de le soutenir et de le défendre.
Alors, convaincu que vous avez procédé à une analyse approfondie de notre mémoire, je me permettrai peut-être de répondre d'emblée, d'insérer à l'intérieur du mémoire que vous avez déjà vu un certain nombre de réponses à des questions qui ont été soulevées au cours des jours précédents.
Alors, tout d'abord, le Collège des médecins du Québec vous remercie de lui permettre de vous présenter le résultat de ses réflexions relativement au projet de loi n° 50. Nous saluons le dépôt de ce projet de loi qui se faisait attendre. Son adoption devrait permettre d'appliquer au domaine de la santé mentale et des relations humaines un modèle de travail interdisciplinaire qui fait ses preuves ? malgré certains commentaires négatifs que vous pouvez avoir entendus ? depuis plus de cinq ans dans le domaine de la santé physique et de procéder ainsi à une réforme majeure de ce vaste domaine.
En adoptant le projet de loi n° 50, l'Assemblée nationale accomplira un geste très important: elle fournira à l'Office des professions et aux ordres professionnels concernés les outils nécessaires pour assurer la protection du public, ce rôle étant d'autant plus important dans ces domaines où la clientèle est particulièrement vulnérable. Ainsi, un encadrement plus strict de la psychothérapie permettra un assainissement dans ce secteur d'activité où grouille, sinon grenouille toute une faune d'intervenants trop souvent non qualifiés, non compétents et parfois irresponsables.
Nous désirons d'ailleurs souligner que le travail réalisé sous la direction de l'Office des professions du Québec par le groupe d'experts présidé par le Dr Jean-Bernard Trudeau l'a été de façon rigoureuse, transparente et cohérente. Ayant participé à la démarche, incluant les consultations des divers groupes de travail qui ont traité le sujet depuis bientôt deux décennies, le Collège des médecins du Québec se déclare très satisfait de l'aboutissement de l'exercice.
Le Collège des médecins du Québec tient à rappeler que les modifications législatives à l'étude sont le fruit d'une réflexion amorcée il y a plus de 15 ans et qui s'est poursuivie dans un climat de négociation. Au cours des dernières années, les représentants des ordres visés ont appris à s'apprivoiser mutuellement et ont su développer un climat de confiance. Et j'insiste sur ce mot, «confiance», car ça a été soulevé au cours des derniers jours et c'est assez représentatif de ce que j'ai pu voir au cours des dernières années, qu'en l'absence de confiance il est absolument impossible de progresser. Ce climat de confiance mérite d'être souligné. Les ordres professionnels n'ont pas oublié que l'objectif premier de ces modifications législatives était d'encadrer, dans un but de protection du public, des activités en lien avec la santé mentale et les relations humaines. Au nom du Collège des médecins du Québec, je désire donc affirmer l'accord de notre ordre avec l'ensemble des modifications législatives proposées.
J'aimerais insister sur quelques éléments sur lesquels nous voulons émettre des commentaires. Tout d'abord, un premier point: le Collège des médecins du Québec est d'accord avec les propositions à l'étude, incluant l'obligation faite aux professionnels autorisés à exercer la psychothérapie de participer à des activités de développement professionnel continu. Le Collège des médecins n'a pas de règlement de formation continue obligatoire, tel que le permet le Code des professions, parce que, pour nous, pour la majorité des médecins, dans le respect de notre Code de déontologie, le médecin doit tenir à jour ses connaissances, ses compétences. Cependant, depuis maintenant juin 2007, lors de leur demande annuelle d'inscription au tableau de l'ordre, les médecins doivent informer le Collège des médecins de leur adhésion à l'un ou l'autre des programmes de développement professionnel continu qui sont offerts au Québec. Et un certain nombre, un certain pourcentage de ces médecins auront l'occasion de démontrer, preuves à l'appui, qu'ils ont effectivement bien respecté ce qu'ils ont écrit dans leur demande.
Deuxièmement, nous aurions souhaité que le délai accordé à l'Office des professions du Québec pour prendre des mesures transitoires dans l'exercice de son pouvoir de réglementation soit beaucoup plus court que six ans, d'autant plus que la nature de ces mesures n'est pas explicitement déterminée ? et ça a été mentionné, je pense, ce matin. Une période de trois ans nous semblerait plus appropriée. À titre d'exemple, nous croyons que seules les personnes répondant aux conditions énumérées dans le rapport du comité d'experts sur la modernisation de la pratique professionnelle en santé mentale et en relations humaines, au moment de l'entrée en vigueur de la loi, devraient pouvoir se prévaloir de la clause des droits acquis.
n(16 heures)n Alors, j'introduis ici une parenthèse relativement aux dispositions transitoires dont il a été fortement question à multiples reprises. Pour nous, tout comme pour le projet de loi n° 90, il faut obliger les personnes éligibles à s'inscrire au tableau de leur ordre professionnel. Un délai raisonnable de 12 mois serait acceptable pour l'entrée en vigueur d'une telle exigence. En ce qui concerne les autres personnes non admissibles, l'article 94h du Code des professions devra ? je ne dis pas «devrait» ? être utilisé pour garantir le maintien des services. Et à cet égard le Collège des médecins du Québec pourrait vous faire bénéficier, que ce soient les ordres professionnels visés ou d'autres groupes qui ne sont pas actuellement admissibles... Notre expérience est notable à cet égard. Pour tenter d'éviter des ruptures de services, au cours des dernières années, le Collège des médecins a adopté, et éventuellement l'office a fait une recommandation favorable au gouvernement, un certain nombre de règlements permettant à des gens non-membres d'un ordre professionnel de pouvoir exercer.
Je vous cite quelques exemples, notamment les technologues en électrophysiologie médicale et les perfusionnistes cliniques. Ces deux groupes ont, à l'intérieur de la réglementation, une clause crépusculaire qui prévoit qu'au bout de trois ans le règlement ne s'applique plus parce que c'est le délai dont il a été convenu avec l'Office des professions pour qu'un groupe d'experts, de gens compétents provenant des divers milieux intéressés ou concernés... de venir déterminer est-ce qu'il y aura la création, recommandation de la création d'un ordre professionnel ou l'intégration à un autre ordre professionnel. Alors, actuellement, les perfusionnistes cliniques, les négociations sont en train de quasiment se finaliser pour qu'ils soient intégrés à l'ordre des inhalothérapeutes.
On a également, pour éviter des ruptures de services, adopté un règlement en vertu de 94h pour les techniciens en orthopédie. Alors ça, c'est une espèce en voie d'extinction. En 2003, ils étaient 12, ils sont maintenant rendus huit ou neuf, et tranquillement... mais ces gens-là auraient perdu leur emploi, alors qu'il y a eu un règlement... On en a eu un pour les orthoptistes; les inhalothérapeutes pour qu'ils puissent mettre des canules pour faire des ponctions artérielles; pour les premiers répondants; les techniciens ambulanciers, les techniciens ambulanciers en soins avancés; et également M. Tout-le-monde qui peut maintenant, en vertu d'un règlement adopté par le collège qui autorise toute personne qui a une formation soit d'utiliser un défibrillateur entièrement automatique ou d'administrer de l'adrénaline à une personne qui fait un choc de nature, de type anaphylactique... Nous sommes même allés dans un climat de collaboration pancanadien. On a adopté un règlement pour l'adjoint du médecin des Forces canadiennes, et M. le ministre en a signé le décret, c'est paru à la Gazette officielle la semaine dernière. Et d'autres sont en préparation. Alors, je pense que ce sont des modèles dont les gens pourraient s'inspirer et ça pourrait calmer certaines appréhensions.
Dans le contexte actuel, à la suite de la désinstitutionnalisation, la réinsertion sociale, et considérant le risque de préjudice important associé à l'utilisation des mesures de contention et d'isolement, nous désirons vous sensibiliser aux effets néfastes qu'aura la réserve de l'activité «décider de l'utilisation des mesures de contention [et] d'isolement dans le [contexte] de [...] la Loi sur les services de santé et les services sociaux». En effet, cette loi balise l'utilisation de la force et de l'isolement dans les établissements qu'elle régit. Ces moyens sont considérés comme étant des mesures exceptionnelles. Afin d'assurer le respect des droits des personnes vulnérables auxquelles s'appliqueront ces mesures, il est essentiel que la décision d'utiliser des mesures de contention et d'isolement soit réservée à un professionnel au sens du Code des professions dans le cadre d'un plan d'intervention individuel, quel que soit le lieu où ces mesures seront utilisées. Un intervenant sur le terrain pourra cependant l'appliquer.
Limiter la réserve de cette activité aux seuls établissements régis par la Loi sur les services de santé et les services sociaux aura pour effet de permettre que la décision d'utiliser les mesures de contention et d'isolement puisse être prise par tout intervenant de milieux tels les établissements privés, les écoles, les garderies, les camps d'été, les familles d'accueil, etc. Nous croyons qu'il serait préférable de préciser les exclusions, tels les agents des services correctionnels ou les forces policières. À notre avis, le libellé des articles pertinents de la Loi médicale, de la Loi sur les infirmières et du Code des professions ne doit être modifié qu'en ajoutant, après «contention», les mots «ou d'isolement». Le libellé des articles visant le travailleur social, le psychologue et le psychoéducateur doit être identique.
Quatrièmement, le Collège des médecins du Québec veut ajouter sa voix à l'appui donné par l'Ordre des psychologues, par l'Ordre professionnel des conseillers et conseillères d'orientation et des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec, à la requête de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec à l'effet de modifier le texte proposé au paragraphe 4° de l'article 12 du projet de loi n° 50. Nous sommes pleinement d'accord que, pour évaluer les troubles mentaux, une infirmière doive détenir une formation comparable à celle des autres professionnels à qui une telle activité est réservée, c'est-à-dire au moins une formation de deuxième cycle universitaire.
Afin de se coller aux recommandations du groupe d'experts présidé par le Dr Trudeau, nous suggérons que le libellé suivant pour le paragraphe 15° de l'article 36 de la Loi sur les infirmières et infirmiers se lise «évaluer les troubles mentaux lorsqu'une infirmière détient une formation de deuxième cycle et une pratique clinique en soins infirmiers psychiatriques». Un tel libellé n'empêcherait pas l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec de créer une nouvelle spécialité infirmière en santé mentale.
Par ailleurs, la réserve d'une activité à la condition de détenir un certificat de spécialité infirmière pourrait avoir un effet systémique sur d'autres ordres, dont le Collège des médecins du Québec, qui délivrent des certificats de spécialistes. Le certificat de spécialiste réserve un titre mais ne réserve pas d'activité professionnelle. Il pourrait s'agir d'un précédent dont les impacts doivent être mesurés au préalable avec beaucoup de sérieux. En effet, les activités exercées par nos médecins détenant un certificat de spécialiste ne leur sont pas réservées en exclusivité, et les médecins de famille qui ont acquis la compétence pour ce faire exercent certaines de ces activités. À titre d'exemple: le médecin de famille qui assume des suivis de grossesse et pratique des accouchements, le médecin de famille qui oeuvre à la salle d'urgence d'un hôpital, d'un centre hospitalier, le médecin de famille qui s'occupe des nourrissons et d'enfants ou de personnes du quatrième âge, etc.
De plus, la possibilité pour l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec d'émettre un permis à l'intention des infirmières ayant complété une formation universitaire dans un programme agréé par l'OIIQ est une possibilité à explorer, l'OIIQ ayant manifesté déjà son intention d'utiliser une telle approche dans un autre dossier, un précédent pour les infirmières, mais sans effet systémique sur les autres ordres.
Je voudrais terminer et profiter de l'occasion pour vous sensibiliser à quelques écueils. Compte tenu de notre expérience dans la réalisation de la réforme initiée par le projet de loi n° 90, nous insistons sur le paradigme fondamental sous-tendant ces modifications législatives. Les professionnels concernés doivent d'abord et avant tout retenir que tous les gestes, les actes et les interventions ? et vous comprenez bien que je n'ai pas parlé d'activités, je parle de gestes, d'actes, d'interventions ? qu'ils réalisent doivent être centrés sur la personne du patient ou effectués dans le respect des autres professionnels autorisés à exercer les activités qui chapeautent tous ces actes, gestes ou interventions. Le partage est un exercice difficile. Les luttes de pouvoir à des fins corporatistes ou syndicales doivent être mises de côté pour se concentrer d'abord et avant tout sur les besoins de la clientèle qui requiert des soins.
Il a été mentionné plusieurs types d'intervention, mais, tel que déjà mentionné lors des audiences précédentes, nous appuyons la démarche qui a été proposée par l'Office des professions et qui est tout à fait superposable à la stratégie qui avait été utilisée pour l'implantation du projet de loi n° 90. On pourra, j'en suis convaincu, faire les ajustements nécessaires pour s'ajuster à ce qui est la santé mentale, les relations humaines, le nombre d'intervenants qui ne sont pas des professionnels au sens du code qui risquent d'être visés. Mais je puis vous assurer que le rôle d'un groupe de soutien à l'implantation avec des répondants qui viennent à la fois des ordres professionnels ou des groupes d'intervenants visés est fondamental. Un cahier explicatif, malgré tous les débats qui pourront avoir lieu, est également essentiel. Une mise en garde devra être servie à la fois aux employeurs, à la fois aux groupes syndicaux, à la fois aux ordres professionnels concernés de ne pas, au lendemain de l'entrée en vigueur du projet de loi... de se permettre de publier leurs propres guides, leurs propres cahiers explicatifs. Je dois vous dire que ? ça a été mentionné encore ce matin ? on paie encore le prix pour des gestes prématurés de la part de certains et on va encore continuer à le payer pendant un certain temps. Des activités d'information et de formation sont également essentielles.
Cependant, il est essentiel que les répondants se présentent avec la notion que le partage n'est pas unidirectionnel mais au moins bidirectionnel. Fondamentalement, il ne faut... non pas s'attendre à ce que les autres partagent ce qu'ils ont avec nous, mais également que nous sommes sûrement appelés à partager avec les autres. Je vous dirais, en faisant peut-être un jeu de mots ? je vous laisse le soin d'en juger: Il ne faut pas faire la sourde oreille.
n(16 h 10)n Le consensus obtenu des ordres professionnels directement concernés démontre que le système professionnel a atteint, au Québec, une maturité qui mérite d'être soulignée. C'est pourquoi, dans votre sagesse, vous devriez résister à certaines demandes qui pourraient vous être faites visant à régler divers problèmes pour lesquels d'autres forums existent. À notre avis, nous sommes rendus à la fin du processus de consultation au cours duquel tous ont eu l'occasion de présenter leurs revendications et leurs points de vue. Il n'y a pas lieu de revenir en arrière. Et, quand je parle d'occasions, c'est aussi bien le groupe Bernier que le groupe Trudeau et d'autres occasions de type lobbying ou autres qui peuvent avoir été faites au cours des dernières années.
Les diverses organisations ou associations patronales, syndicales ou professionnelles doivent être rassurées. Cette réforme doit d'abord et avant tout être considérée comme une évolution en profondeur du système professionnel visant à mieux protéger le public. Il ne s'agit pas d'une révolution, même si certains sont portés à le croire, ni d'une démarche visant à empêcher diverses personnes à poursuivre leur travail auprès d'une clientèle souvent vulnérable. Il faut distinguer le fait de réserver certaines activités à des professionnels de l'organisation du travail, qui relève des employeurs.
Contrairement à ce qui a été dit ce matin, nous sommes d'avis que le libellé des activités réservées, qui est en général assez large, va permettre l'évolution des compétences des professionnels visés sur une période qui pourrait s'étaler sur plusieurs décennies sans qu'il soit nécessaire que l'Assemblée nationale modifie à nouveau les lois en vigueur. En 1974, le Code des professions était sclérosé dans une énumération d'actes, de gestes ou d'interventions avec un certain nombre de conditions et un encadrement qui n'avait absolument aucune souplesse, et ça a pris vraiment plusieurs décennies avant qu'on puisse apporter des ajustements. Alors, nous sommes d'avis que, dans un contexte d'ouverture aux autres et de partage de nos compétences respectives, l'interprétation se doit de demeurer large.
Alors, vous avez nos recommandations. Je vous remercie beaucoup de nous avoir permis d'exprimer notre opinion et je suis disponible pour répondre à vos questions ou recevoir vos commentaires.
La Présidente (Mme Thériault): Merci beaucoup, Dr Ménard, de votre présentation. Donc, sans plus tarder, nous allons aller au premier bloc d'échange avec le ministre.
M. Dupuis: Oui. Dr Ménard, malgré le plaisir que me procure votre présence, j'ai été déçu d'apprendre que le Dr Lamontagne ne pouvait pas se présenter en commission, d'abord parce que c'est un ami personnel que j'ai toujours plaisir à revoir, mais aussi parce que j'ai dans mon bureau, pour faire référence à une de ses récentes déclarations publiques, le disque de Michel Sardou Les grands succès de Michel Sardou, sur lequel il y a une chanson qui s'appelle Le temps des colonies, et ça m'aurait fait plaisir de le lui remettre publiquement.
M. Ménard (Claude): Je ne vois aucun problème à ce que... Je suis la courroie de transmission, je peux lui apporter.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dupuis: Et je suis persuadé que le Dr Lamontagne nous écoute, alors je dis à Yves: J'ai une copie du disque pour toi.
Vous avez traité, en fin de votre présentation, de la question que je souhaitais vous soumettre, qui était la suivante, mais vous y avez répondu: Compte tenu de votre expérience, de la suite qui a été donnée au projet de loi n° 90, parce que vous y avez travaillé de façon très, très, très active, hein, tout le domaine de la santé physique, quelles étaient vos suggestions pour que, suite à l'adoption éventuelle du projet de loi n° 50, on puisse favoriser son implantation partout? Mais vous y avez répondu, donc je vous remercie.
Et c'est certain que vos suggestions... vous en avez entendu un certain nombre, là, qu'on a quand même retenues et qu'on a véhiculées pendant le cours de cette commission, mais c'est certain que vos remarques sur la suite à donner au projet de loi n° 50 vont être considérées de façon sérieuse parce qu'effectivement vous avez une expertise que vous avez développée dans la suite du projet de loi n° 90. Alors, je vous remercie. Et je vais passer la parole à mes collègues ministériels. Je vous remercie de votre prestation, Dr Ménard.
M. Ménard (Claude): Merci, M. le ministre.
La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. le ministre. Donc, on va débuter l'échange avec le député de LaFontaine.
M. Tomassi: Merci, Mme la Présidente. M. Ménard, à mon tour de vous saluer. J'ai été agréablement marqué d'un passage de votre mémoire, et je vous en félicite, quand vous parlez des luttes de pouvoir à des fins corporatistes. On a, lors des deux premiers jours, vu un peu ce manège, où est-ce qu'il y a des groupes, des corporations ou des groupes qui sont venus nous voir. Et il y a une certaine unanimité vis-à-vis les ordres pour bien comprendre et faire avancer le débat. Quelques autres groupes sont venus nous parler de leur appréhension du projet de loi, où est-ce que je catégorise un peu dans vos remarques, dire: Dans les groupes à corporatisme syndical, ou autres...
Et je suis un peu déçu de ne pas avoir, dans la salle, le groupe qui vous a précédé, celui de l'Association provinciale des professeurs en techniques d'éducation spécialisée, parce que j'aurais aimé... le temps fait en sorte que... les débats sont très courts et le temps passe très vite, et j'aurais aimé ça leur parler parce que... Et, grâce à la télévision, j'espère qu'ils vont pouvoir avoir le temps de reprendre les échanges qu'on va avoir, parce que, comme on est la seule commission parlementaire qui siège dans le canal de l'Assemblée nationale, on répète souvent dans d'autres moments, et j'espère qu'ils puissent nous entendre.
Parce que, puis vous le dites, vous aussi, dans votre mémoire, que ce soient les ordres, que ce soient les associations de professeurs, que ce soit, comme hier, la Coalition québécoise des professionnels en éducation spécialisée, ils ont un rôle à jouer vis-à-vis leurs membres ou vis-à-vis les gens. Et c'est sûr et certain que, quand ces gens sont dans une classe et se font dire par leur professeur que le projet de loi n° 50 va remettre en question leur formation, ça cause un problème. Ça cause un problème et aux étudiants et ça cause un problème aux ordres professionnels et à tout le système qui est en jeu. Et ça, c'est malsain. Pour moi, là, c'est quelque chose de malsain qui ne devrait pas exister.
Et j'ai été agréablement surpris, hier, d'avoir la coalition québécoise des professionnels de l'éducation de santé, qui, eux, travaillent jour au jour, au quotidien, vis-à-vis les patients, vis-à-vis les gens qui ont besoin des services, qui sont venus nous dire que les mesures transitoires que le gouvernement, que le ministre a fait mention tantôt, la façon de voir les choses où est-ce qu'il faut une continuité de service, et vous le dites, vous aussi, il faut une continuité de service... Il ne faut pas que personne, aucun patient, aucune personne qui a des services aujourd'hui, une fois le projet de loi adopté, ne se rende pas compte qu'il n'y ait pas de service.
Alors, je pense que c'est assez important comme message. J'ai été un peu déçu de voir ces gens-là assis sur leurs chaises et ne pas prendre en considération le message qui a été passé. Parce que c'est un message qui, je le crois, est assez fort. Et tous les groupes qui sont venus nous parler, la grande majorité ont pris conscience du message qui a été passé, de cette période transitoire qui va être importante. Et j'aurais aimé de leur part à eux, parce que je suis sûr et certain qu'ils retournent dans leurs milieux et ils ne sont pas convaincus... Alors, le message, le mauvais message qu'on ne voulait pas que les gens passent dans les classes va continuer à être propagé.
Une voix: ...
M. Tomassi: Alors, ils sont de retour ici, alors je les remercie beaucoup d'être ici, puis ils vont entendre l'enregistrement.
Alors, pour revenir à cette période de transition qui va être importante, qui va être importante, vous en faites mention dans votre document, vous parlez d'une période de... Dans le document, le projet de loi, on parle d'une période de six ans, si je ne m'abuse. Vous dites que c'est un peu trop long, vous auriez aimé avoir trois ans. Il y a des gens, comme la coalition des gens qui travaillent en éducation spécialisée, qui nous ont dit: On a besoin d'une période de temps pour qu'on puisse s'adapter aux nouvelles mesures, faire en sorte qu'il n'y ait pas de brisure de services. Alors, je voudrais vous entendre un peu là-dessus, sur cette continuité des services qu'il faut... soit mis en place et cette période transitoire qui est importante dans le système qu'on est actuellement pour ne pas qu'il y ait de brisure de services.
n(16 h 20)nM. Ménard (Claude): Mme la Présidente, je vous dirais que c'est un dossier qui est complexe, qui est compliqué, où il y a une foule de préjugés, il y a également de la désinformation, et que, pour être capable d'aller de l'avant, il faut être à la fois... avoir l'esprit ouvert et être prêt à amorcer ces discussions sur des principes de négociation gagnant-gagnant et non pas avoir l'impression que les gens vont se faire avoir et qu'ils vont perdre quelque chose.
Les délais. D'abord, il y a le délai... quand la loi sera adoptée, de déjà prévoir une implantation ou une entrée en vigueur d'un certain nombre d'articles dans six mois, d'autres dans un an, et, comme vous fonctionnez par décret, vous connaissez ça beaucoup mieux que moi, je pense qu'il faut que, dans l'intervalle, très rapidement, soient mis en oeuvre les mécanismes dont il a été fait mention dans les jours qui précèdent, notamment dans la lettre du ministre Dupuis, pour en arriver à ce que ce soit toujours fait de façon transparente et que, même ceux qui ont manifesté... qui ont l'impression de ne jamais avoir été entendus ou qu'on ne les a pas compris, bien il va falloir être capable qu'ils documentent bien comme il faut toute leur argumentation, tout l'argumentaire à l'appui de leurs positions, mais également il faut qu'ils aient l'esprit ouvert pour regarder ce qui est devant et toujours avec le même objectif qui est celui de la protection du patient.
L'accessibilité, on est d'accord. Et je pense qu'au niveau du Collège des médecins du Québec, dans ce dossier, nous n'avons absolument rien à gagner. Contrairement aux autres, on a toutes les activités, on a tout. Je comprends que c'est limité pour certains de nos membres qui ont des spécialités en psychiatrie, certains médecins de famille qui ont des compétences pour la psychothérapie, mais, comme tel, on n'a absolument rien à y gagner. Au contraire, on pense avoir fait preuve de beaucoup d'ouverture en échangeant. Il y a peut-être des sujets sur lesquels les discussions peuvent être à l'occasion un peu plus corsées, mais on l'a toujours fait, et les ordres professionnels concernés peuvent en témoigner, ça a toujours été fait de façon cohérente, rigoureuse et transparente.
Alors, je pense qu'il faut établir un échéancier, mais c'est à vous, au niveau des instances décisionnelles, qui aurez à établir ça dans toute votre sagesse, comme vous dites.
M. Tomassi: Oui, c'est ça, mais, à ce que je comprends, vous proposez le trois, mais ce n'est pas une position... Quand vous dites: C'est trois ans, si le ministre dit que ça va être six ans parce qu'on pense que c'est la meilleure façon d'essayer de rendre le service et de rendre le système plus fonctionnel, ce n'est pas quelque chose où est-ce que vous allez vous opposer, là.
M. Ménard (Claude): Non. D'ailleurs, c'est au niveau de la réglementation pour être capable de faire en sorte qu'il y a des gens qui entrent dans le système ou qu'ils soient admis à l'intérieur de cette réglementation-là. Ce délai-là qu'on trouve, six ans, trop long ne vise que ça. Pour le reste, je pense qu'il faudra échanger tous ensemble pour voir qu'est-ce qui est pour le mieux, également en fonction des ressources qui vont être mises de l'avant, là, parce qu'il y a beaucoup de dollars qui sont reliés à ça.
M. Tomassi: Merci. Je vais laisser...
La Présidente (Mme Thériault): Ça va?
M. Tomassi: Oui, oui.
La Présidente (Mme Thériault): Oui. Maintenant, au député de Robert-Baldwin.
M. Marsan: Merci, Mme la Présidente, et merci, Dr Ménard, c'est toujours un plaisir de vous revoir, et vous transmettrez également nos salutations à votre président.
Dans votre mémoire, vous parlez de la formation au niveau des infirmières. Vous savez que nous avons eu des représentations de la présidente de l'Ordre des infirmières qui nous a dit que, pour évaluer les troubles mentaux, on souhaitait qu'une infirmière puisse avoir une formation au niveau de la maîtrise, et vous vous dites en accord avec cette décision-là. Cependant, vous dites également qu'il faut faire attention, ça pourrait causer des précédents dans les autres ordres professionnels. Alors, j'aimerais ça que vous développiez un peu sur quels seraient les précédents que ça pourrait donner, particulièrement, évidemment, dans votre ordre à vous, le Collège des médecins.
La Présidente (Mme Thériault): Dr Ménard.
M. Ménard (Claude): Mme la Présidente. La difficulté n'est pas au niveau de la formation de deuxième cycle, au niveau de la maîtrise. Le problème est la réserve de cette activité-là, d'évaluer les troubles mentaux, conditionnelle à ce que l'infirmière détienne un certificat de spécialiste en psychiatrie ou en santé mentale. C'est vraiment un précédent. Et, de notre connaissance, avec l'appui de juristes qui travaillent pour le Collège des médecins et d'autres qui ont été consultés informellement, il y a d'autres solutions, et je vous en ai parlé, notamment pour ce qui est d'un 36.15° dont le libellé reprendrait le libellé qui était proposé ou suggéré par le groupe d'experts du Dr Trudeau. Il y a la possibilité également d'utiliser une autre avenue qui est celle de délivrer un permis à ces infirmières-là, le permis étant délivré à la suite d'une formation délivrée par des universités, donc une maîtrise, en soins infirmiers, santé mentale, psychothérapie, évaluation, ça, c'est leur choix de décider qu'est-ce qui sera visé par ce permis-là. Et, comme l'Ordre des infirmières va agréer le programme de formation, ils vont délivrer le permis par la suite.
Alors, je pense qu'il y a diverses possibilités qui n'auraient pas cet effet systémique, que ce soit pour nous, le collège, mais, également au niveau de l'Ordre des dentistes, ça pourrait être semblable, c'est un exemple que je vous donne, peut-être qu'il est boiteux, mais... Si celui qui est un pédodontiste, ou un orthodontiste, ou un prosthodontiste, ils en ont plusieurs, spécialités reconnues... Est-ce que ça veut dire que le dentiste généraliste ne pourra plus, par exemple, si, lui, il a développé une certaine facilité à faire un traitement de canal, il ne pourra plus faire de traitement de canal, il ne pourra plus faire de greffe de gencive? Ce sont des questions de cette nature-là qui pourraient... C'est l'impact que pourrait avoir le fait qu'une activité soit dorénavant réservée à la condition de détenir un certificat de spécialiste. C'est un dommage collatéral qui pourrait être assez sérieux. Et, nous, pour cette raison, nous nous objectons à cette avenue.
M. Marsan: Est-ce qu'il y a d'autres ordres professionnels qui auraient une difficulté... ou qui souhaiteraient avoir des certifications dans le domaine des spécialités, à votre connaissance?
La Présidente (Mme Thériault): Dr Ménard.
M. Ménard (Claude): On n'a pas de difficulté avec le certificat de spécialiste. La difficulté, c'est reconnaître un certificat de spécialiste qui réserve une activité professionnelle à quelqu'un. Ce n'est que cet aspect-là de la question qui nous cause problème.
M. Marsan: Merci.
M. Ménard (Claude): Parce qu'il y en a, des infirmières qui sont des spécialistes, il y en a quatre actuellement qui sont des infirmières praticiennes spécialisées mais qui n'exercent pas des activités infirmières. Elles peuvent continuer leurs activités infirmières, mais, en vertu d'un règlement de l'Ordre des infirmières qui crée des spécialités et d'un règlement du Collège des médecins qui les autorise à exercer cinq activités médicales qui sont prévues à 36.1 de la Loi sur les infirmières... Mais c'est nous qui les autorisons en vertu de notre règlement, et ces infirmières-là doivent subir, passer, réussir un examen conjoint de l'Ordre des infirmières et du Collège des médecins. C'est tout à fait différent d'une spécialité infirmière réservée à une activité infirmière.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. J'ai le député de LaFontaine qui voulait revenir.
M. Tomassi: Oui. Seulement sur un élément de votre mémoire. Vous parlez des mesures de contention et d'isolement dans votre mémoire, où est-ce que vous dites que ça peut... le réserver à l'activité, là, concernant la Loi sur les services de santé et les services sociaux, pourrait avoir un effet néfaste parce qu'on exclut les autres établissements, là, du réseau. Nous avons eu les travailleurs sociaux, qui sont venus, hier, nous parler qu'ils sont des fois en contact avec des gens qui doivent avoir... ils doivent mettre en place des mesures de contention ou d'isolement dans différentes sphères, différents endroits, où est-ce que ces gens-là peuvent.
À la réponse, il y a la question de l'urgence qui est inscrite dans la loi actuellement, qui va à la limite permettre aussi à ces gens-là de continuer à appliquer ces mesures. Vous voyez ce champ-là... vous le voyez comment on le balise, là? Parce que nécessairement il n'y a pas seulement dans des centres de santé, ceux qui sont sous l'aspect de la loi de la santé qui sont touchés par ces mesures-là. Vous le voyez comment? Vous l'excluez complètement? Voulez-vous qu'il y ait une mesure qui soit prise où est-ce qu'un médecin ou un professionnel puisse indiquer: Oui, des mesures peuvent être prises, par la suite mises en application par d'autres intervenants dans d'autres centres qui ne sont pas régis par la loi? Vous le voyez comment?
La Présidente (Mme Thériault): Dr Ménard.
M. Ménard (Claude): Mme la Présidente. Alors, nous sommes passés avec le projet de loi n° 90, donc en 2002, d'un système qui faisait en sorte que, pour appliquer des contentions, ça nécessitait toujours une ordonnance médicale... Avec 90, il y a eu trois groupes de professionnels, les ergothérapeutes, les physiothérapeutes et les infirmières, qui ont été autorisés à décider de l'utilisation de la contention. Le médecin pouvait toujours la prescrire, le médecin est toujours le seul à pouvoir la prescrire, mais les autres professionnels pouvaient l'utiliser. Il n'y avait plus cette condition-là d'urgence ou non, mais on mettait toujours ça dans un contexte global qui est en général une décision d'équipe.
n(16 h 30)n Et, si vous regardez l'investissement du ministère de la Santé et des Services sociaux à cet égard, via la Direction de la qualité du ministère, où on a mis sur pied, en 2006, un programme de formation, des formateurs ont été formés en début de 2007, et je pense que, là, ces formateurs-là sont retournés sur le terrain pour former des gens nouveaux, ne serait-ce que dans ce contexte-là en disant que c'est une mesure extraordinaire et qu'il faut y aller avec prudence... Là, on ajoute à ceci l'isolement, qui est aussi une mesure extraordinaire. Je comprends très bien que des personnes, des intervenants sont obligés... Et je pense que ça a été mentionné au cours des dernières journées que, face à des comportements non acceptables, ils sont obligés d'intervenir. Mais ce que, nous, on dit, et je pense que, dans ce sens-là, les ordres professionnels concernés me semblent tous d'accord, c'est qu'il doit y avoir une décision d'équipe ou une décision au moins prise par un professionnel mais que le geste technique de contentionner ou d'isoler pourrait être le fait d'un des membres de l'équipe qui n'est pas nécessairement un professionnel au sens du code. Mais la décision, ce n'est pas une décision banale ou sans effet. Ça doit se situer dans le cadre d'un plan d'intervention, dans un plan d'action, et c'est dans ce sens-là que, nous, on pense qu'il faut être prudents.
On ne veut pas intervenir au niveau des forces policières ou au niveau des agents des services correctionnels, ça, c'est une autre paire de manches. Mais mettez entre les deux les techniciens ambulanciers. Qu'est-ce qu'ils font, les techniciens ambulanciers? Tous les patients qu'ils transportent sont tous mis sous contention, ils sont attachés sur une civière. Bon. Ça, c'est une mesure de prévention, et il n'y en a pas, de problème. Mais, dans certains cas, ils sont appelés par les services policiers parce qu'il y a quelqu'un qui est agité, qui a un problème soit d'intoxication ou un problème relié à ses troubles en santé mentale, et là ils voudraient que ce soient les techniciens ambulanciers qui interviennent. Nous, dans un règlement d'autorisation à leur intention, on discute, on échange pour voir est-ce qu'on va les autoriser à prendre une telle décision, la raison étant que, pour nous...
Il a été mentionné hier, je pense, que ça pourrait être à l'intérieur d'un protocole. Il faut faire une différence entre un protocole qui serait, disons, élaboré par un professionnel et qu'on ne connaît pas nécessairement les gens qui vont l'appliquer. Est-ce qu'ils sont tous formés? Ce sont des mécanismes qui sont à explorer. Mais il faut faire attention, des protocoles n'importe où sur le terrain, c'est différent des protocoles qui s'appliquent aux techniciens ambulanciers. Ce sont des protocoles qui sont approuvés par le ministre de la Santé et des Services sociaux en vertu de la Loi sur les services préhospitaliers d'urgence et que le ministre, dans la loi, s'est obligé à consulter et à recevoir l'approbation du Collège des médecins avant de pouvoir les enseigner et les appliquer. Alors, il faut une certaine prudence, c'est un dossier complexe, et il faut y aller délicatement.
La Présidente (Mme Thériault): Merci, Dr Ménard. Donc, ceci mettra fin au bloc d'échange avec le parti ministériel. Et on s'en va du côté de l'opposition officielle avec le député d'Iberville.
M. Riedl: Alors, Dr Ménard, bonjour. Plaisir de vous avoir parmi nous. Ça fait trois jours, je pense, qu'on est ici, et puis on a entendu, je dirais, une bonne vingtaine de représentations d'organismes différents. Et puis il est fort agréable d'avoir constaté la cohésion ou le consensus des ordres, qui finalement, je pense, va assurer le succès ou l'aboutissement du projet de loi n° 50. Je pense que tout le monde va se féliciter de ça. Alors ça, ça a été fort agréable.
Mais moins agréable, c'est qu'il est passé un grand nombre d'autres organismes qui se sentent laissés pour compte dans le processus, qui ont exprimé énormément d'inquiétude, de désarroi par les changements, les changements qui évidemment vont s'imposer, une forme de bousculement de leurs façons de procéder. Je parle de technicien en clinique, d'institution, de travailleur social. Et puis, bien qu'on les a rassurés, on leur a donné des assurances qu'il n'y aurait pas de rupture de service, qu'il y aurait une clause transitoire, on parle de trois ans à six ans, mais, moi, j'ai constaté que ce n'était pas suffisant à assouvir leur inquiétude. Et je reconnais que c'est un grand nombre d'organismes et de personnes qui sont finalement indispensables à rencontrer l'objectif de protéger le citoyen puis de donner des services de santé d'excellence. Moi, je n'ai pas manqué de leur souligner l'inévitabilité du changement, le changement qui est inévitable dans la recherche de l'amélioration de nos services de santé et qui, en bout de ligne, est salutaire non seulement pour les citoyens, mais est salutaire aussi pour toutes ces personnes-là qui sont dans le système de santé.
Alors, ma question, dans une situation aussi gigantesque: Est-ce que les ordres ont effectivement assumé... Est-ce que les ordres assument le rôle de leadership? Parce qu'on parle qu'il y a eu arrimage à l'intérieur des ordres professionnels, mais là je pense qu'il faut essayer de trouver, je ne parle pas nécessairement un consensus, mais le plus possible, mais un arrimage avec ces gens-là qui découle en quelque part de ce qui se passe ou de la clarification qui s'est faite parmi les ordres. Puis, quand on parle de trois à six ans de période de transition, moi, je sais par expérience que, quand il se fait une mobilisation puis quand il y a un leadership, ça accélère le processus. Et puis, s'il y avait lieu d'accélérer le processus, bien je pense que tout le monde y gagnerait, à partir des citoyens, des malades, des personnes puis évidemment des personnes... des gens qui sont dans le système. Vous avez parlé d'argent, puis évidemment plus ça traîne, plus il y a de comités, plus il y a de tergiversations, plus ça coûte cher, puis évidemment plus tout le monde paie le prix. Alors, ma question, c'est de vous demander si les ordres effectivement ont joué leur rôle de leader dans cette démarche-là.
La Présidente (Mme Thériault): Dr Ménard.
M. Ménard (Claude): Mme la Présidente, je ne peux parler au nom des autres, mais je pense que les exemples que je vous ai donnés tout à l'heure devraient permettre d'illustrer qu'au moins le Collège des médecins du Québec a assumé un leadership quant à permettre que des personnes qui ne sont pas des professionnels au sens du code puissent exercer des activités, donc de poser un paquet de gestes, des actes, des interventions qui autrement auraient été dans l'illégalité.
Dans l'esprit de 90 et le même esprit... En tout cas, à cet égard, je dois dire que les six ordres concernés sont d'accord, il faut être en mesure, toujours axés sur le patient, de faire en sorte qu'on puisse aller de l'avant, en se fondant sur l'évolution au cours des 30 dernières années... le rehaussement des compétences des gens. Il y a 30 ans, vous parliez des inhalothérapeutes, mais c'était un petit nombre. Ils se sont tranquillement développés. Ils sont actuellement en train de tenter de rehausser leur niveau, et non pas de se limiter à une formation de niveau collégial, mais de passer au niveau du bac. Nous sommes en train de faire passer ? et je le dis, mais il faut le prendre entre guillemets ? un groupe de personnes qui avant ça étaient considérées comme étant des chauffeurs de trucks jaunes d'un statut qui n'était pas nécessairement bien reconnu à un statut de professionnel, d'abord en les formant, en reconnaissant leurs compétences, en permettant d'améliorer... Il y a un cours de niveau collégial qui en est à la deuxième année. Actuellement, nous sommes en train, en même temps qu'on veut développer davantage de compétences pour ceux qui pourraient faire de la pratique avancée, de mettre sur pied, avec la collaboration de l'établissement mais également du ministère de l'Éducation, Loisir et Sport, des facultés de médecine, un programme de niveau baccalauréat qui leur permettrait de poser un certain nombre de gestes.
C'est dans ce contexte-là que nous sommes convaincus qu'on peut aller de l'avant et que nous sommes optimistes. Et à cet égard je pense qu'on répond à cette notion-là de leadership.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. M. le député, ça vous va?
M. Riedl: J'aurais envie de poser la même question au ministre.
Une voix: ...
M. Riedl: Il m'a répondu.
La Présidente (Mme Thériault): Est-ce que c'est beau pour vous ou si vous avez une autre question?
M. Riedl: C'est tout pour moi.
La Présidente (Mme Thériault): C'est beau? Parfait. Merci. On va aller du côté du deuxième groupe de l'opposition avec M. le député de Dubuc.
n(16 h 40)nM. Côté: Oui, merci, Mme la Présidente. Alors, Dr Ménard, bienvenue à cette commission, merci pour votre présentation. Je n'aurai qu'une seule question, puisque mes collègues ont quand même fait le tour du jardin, comme on dit. Mais vous dites dans votre rapport: «...nous croyons que seules les personnes répondant aux conditions énumérées dans le rapport du comité d'experts ? le rapport Trudeau ? sur la modernisation de la pratique professionnelle en santé mentale et en relations humaines, au moment de l'entrée en vigueur de la loi, devraient pouvoir se prévaloir de la clause des droits acquis.»
Or, le rapport du comité d'experts n'est pas reflété de façon intégrale dans le projet de loi, il y a certaines recommandations qui ne trouvent pas place dans le projet de loi. Est-ce que ça veut dire, par exemple, que ceux qui auront des droit acquis, ce seront seulement, par exemple, les gens qui exercent présentement la psychothérapie et que les techniciens en travail social qui ne seront pas reconnus comme ordre professionnel tout de suite, là, parce que le comité ne l'a pas accepté, ces gens-là ne pourront pas bénéficier de droits acquis?
La Présidente (Mme Thériault): Dr Ménard.
M. Ménard (Claude): Mme la Présidente. Pour moi, il faut vraiment faire une distinction, c'est fondamental. Il faut distinguer l'histoire des techniciens ou des agents des relations humaines, tous ceux qui ne sont pas des professionnels au sens du code. L'intervention pour ce qui est des droits acquis ne vise, je vous dirais, que ceux qui, au moment de l'entrée en vigueur, par exemple en psychothérapie, ont terminé leur formation, et ils l'exercent, de façon à ne pas multiplier ou retarder, que, là, il y en qui, là, vont se précipiter en disant: Bien là, je vais commencer ça, puis je vais pouvoir rentrer par la porte d'en arrière. Non, non, non, les droits acquis, ça entre en vigueur aujourd'hui, il faut qu'il y ait un inventaire de fait, et que ces gens-là soient connus, et qu'on soit capables de le traiter.
L'autre aspect, qui est celui des agents des relations humaines, des techniciens, quel que soit ce qui vient par la suite, eux, les travaux doivent être similaires à ce que je vous ai mentionné tout à l'heure pour les technologues en électrophysiologie ainsi que les perfusionnistes cliniques, pour ne nommer que ceux-là, où un groupe de travail de l'office s'occupe, avec les intervenants concernés, les ordres professionnels intéressés, d'analyser la situation, de faire un inventaire de tout ce qu'ils font dans les divers milieux, sur l'ensemble du territoire québécois, et là de dire: Tous ces actes, ces gestes, ces interventions-là se regroupent en dessous d'un certain nombre d'activités qui sont réservées à des professionnels au sens du code. Et ces activités-là vont leur être réservées, et, dans l'intervalle, s'il y a une urgence, relative mais s'il y a urgence, pour éviter une pénurie, une rupture de service ou un problème d'accessibilité, il y aura un ordre professionnel qui devra autoriser les activités.
Ce dont il a été convenu, au niveau des répondants des 11 ordres qui étaient concernés par le projet de loi n° 90, avec l'office, c'était de dire: L'ordre qui en a le plus qui va l'autoriser. Évidemment, c'est la raison pour laquelle nous avons écopé du plus grand nombre de règlements, on en a plus qu'on n'en a jamais eus du temps où c'était de la délégation d'acte. Cependant, on a convenu de ne pas utiliser, par exemple, l'article 19b de la Loi médicale, qui nous permettrait de le faire d'une certaine manière. On l'a fait avec transparence, en utilisant, comme tout le monde peut le faire, 94h du Code des professions, on s'est obligé à consulter tous les ordres professionnels qui pourraient être intéressés ou concernés, et ce n'est qu'avec leur aval que les règlements ont été présentés à l'office, après avoir été adoptés par notre bureau. Alors, ce sont ces avenues-là qui doivent être explorées.
Il y a un règlement qui a été très, très long avant d'être adopté, en fait il a été adopté deux fois par le bureau du Collège des médecins du Québec, c'est celui sur les technologues en électrophysiologie médicale, parce qu'un premier inventaire qui avait été fait mettait en évidence un certain nombre de gestes. Le règlement a été adopté, publié à la Gazette officielle. Si vous saviez le nombre de lettres qui ont été reçues à l'office et qu'on a reçues, nous, dénonçant, ça n'avait aucun bon sens. Il ne se passait pas un mois qu'on ne nous découvrait pas de nouveaux actes, de nouveaux gestes dans un petit milieu ou dans un milieu surspécialisé, de pointe, où, là, il y en avait un qui faisait ci ou faisait ça. Il a fallu modifier, avec les juristes de l'office, le règlement, faire adopter à nouveau par le bureau du collège, publier à nouveau à la Gazette officielle. Et là, nous, on a été moins fins cette fois-là, on a dit aux gens: S'il y en a un seul qui lève la main pour critiquer et dire qu'il n'est pas... nous, on retire, puis vous vous débrouillerez avec votre illégalité pour l'exercice d'activités médicales. Ça peut être long, ça peut être parfois ardu, mais il faut y mettre du temps et de l'énergie.
La Présidente (Mme Thériault): Merci.
M. Côté: Oui, je veux juste...
La Présidente (Mme Thériault): Allez-y.
M. Côté: Oui, ce ne sera pas bien long, je veux juste terminer. Mais là on est en présence de milliers, de milliers de travailleurs, là, quand on dit qu'on parle de techniciens en travail social, 18 000 qu'on disait qu'il y avait, ça, c'est dans un seul domaine, les techniciens en éducation spécialisée, peut-être pas autant mais plusieurs milliers également. Est-ce que ces gens-là, actuellement, moi, c'est ce que... Ils nous ont montré une certaine crainte de voir le projet de loi adopté, mais est-ce qu'ils ont raison d'avoir peur de perdre de leurs activités dans leur travail? Parce que, je vous le dis bien franchement, j'ai été un petit peu ébranlé, là, par les gens qui sont venus devant nous, là, entre autres les professeurs, la coalition pour les techniciens en déficience intellectuelle, ces choses-là, et je me demande si... Le ministre a essayé de les rassurer en leur disant qu'il leur promettrait des clauses de loi, qu'il promettait une table de travail, mais, pour eux, ça ne semble pas être suffisant. Mais j'aimerais vous entendre un petit peu sur ça.
La Présidente (Mme Thériault): Dr Ménard.
M. Ménard (Claude): Mme la Présidente. Ma difficulté est de ne pas avoir une connaissance suffisante de tout ce qu'ils font. Est-ce que tous les gestes qu'ils posent, toutes leurs interventions, est-ce que ce sont tous, du premier au dernier, des gestes qui sont à risque de préjudice ou effractifs, donc qui ont besoin d'être qualifiés comme étant des activités réservées? Si la réponse, c'est non, bien il faut que l'inventaire soit fait et de déterminer... et je pense que ça a été mentionné à quelques reprises par un de vos confrères, dans ce qu'il y avait dans des listes en annexe ? que, moi, je n'ai pas vues ? ce n'est pas quelque chose qui se qualifie comme une activité réservée. Alors, c'est ça qu'il faut faire: faire l'inventaire et statuer qu'est-ce qui est à risque de préjudice. Oui, c'est à risque de préjudice, parfait: c'est soit un professionnel au sens du code ou une personne qui va être autorisée en vertu d'un règlement d'autorisation selon 94h, ou ils vont être intégrés à un ordre professionnel éventuellement. Ça fait partie des mécanismes qui existent, mais il faut y aller: transparence, bonne foi, cohérence et être optimistes un peu.
M. Côté: Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault): C'est beau. Merci. Merci beaucoup, Dr Ménard, pour votre parution en commission. Nous allons suspendre quelques instants pour permettre aux parlementaires de vous saluer et nous allons accueillir l'Association des centres jeunesse du Québec.
(Suspension de la séance à 16 h 48)
(Reprise à 16 h 50)La Présidente (Mme Thériault): S'il vous plaît! Donc, la Commission des institutions poursuit ses travaux et nous recevons le dernier groupe de la journée, qui est l'Association des centres jeunesse du Québec. Donc, vous devez être familiers avec notre procédure parlementaire: vous avez une quinzaine de minutes pour nous présenter votre mémoire; vous présentez les gens qui vous accompagnent évidemment, pour les fins d'identification pour les micros; et par la suite il y aura des échanges avec les trois groupes parlementaires.
Donc, bienvenue à l'Assemblée nationale. La parole est à vous. Je n'ose pas nommer un nom, mais je pense que je vais aller avec mon homonyme, M. Nil Thériault, qui est le président. Bienvenue.
Association des centres jeunesse
du Québec (ACJQ)
M. Thériault (Jean-Nil): Merci, madame. Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, mon nom est Jean-Nil Thériault. Je suis président de l'Association des centres jeunesse du Québec. Nous vous remercions de nous recevoir afin de présenter notre point de vue sur ce projet de loi qui nous intéresse au plus haut point, compte tenu particulièrement de son impact sur l'organisation des services aux jeunes et aux familles en difficulté.
Je vous présente les gens qui m'accompagnent cet après-midi, qui sont de l'Association des centres jeunesse du Québec: M. Jean-Pierre Hotte, qui en est le directeur général; M. Luc Demers, qui est le directeur-conseil des services professionnels, ainsi que M. Yves Faucher, qui est directeur-conseil aux ressources humaines.
D'entrée de jeu, nous croyons important de vous rappeler qui nous sommes. L'Association des centres jeunesse du Québec est un regroupement de 16 centres jeunesse. Ce sont des établissements de services sociaux responsables de l'application de la Loi sur la protection de la jeunesse et de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Ils ont pour mission de fournir, partout sur le territoire du Québec, des services spécialisés psychosociaux ou de réadaptation à 100 000 enfants, jeunes et familles en difficulté. De plus, les centres jeunesse ont des mandats en regard de la Loi sur les services de santé et services sociaux, de l'adoption québécoise et de la majorité des adoptions internationales, sans oublier les services d'expertise psychosociale en Cour supérieure en matière de garde d'enfant.
Vous savez, l'Association des centres jeunesse du Québec s'est rapidement sentie interpellée par le projet de loi n° 50. Nous avions d'ailleurs acheminé plusieurs recommandations à l'Office des professions lors de la publication du rapport Trudeau. Les modifications au Code des professions prévues dans le projet de loi n° 50 sont attendues depuis longtemps par notre réseau, composé en majorité de professionnels et de techniciens qui assument d'essentielles responsabilités auprès des jeunes et des familles en difficulté. D'ailleurs, un nombre important de ces jeunes et familles sont très souvent en situation de grande vulnérabilité.
Aussi, nous appuyons le présent projet de loi dans ses grands objectifs, en lien avec les orientations qu'il poursuit, d'autant plus que les exigences du système professionnel québécois, notamment en matière d'imputabilité, constituent une modalité complémentaire à l'exercice de notre mission pour la protection et le respect des droits des enfants et des familles. Toutefois, en lien avec les objectifs poursuivis dans le cadre de la révision de la Loi de la protection de la jeunesse, en regard notamment à la stabilité des enfants et à la continuité des services, nous émettons des sérieuses réserves quant à l'application possible du projet de loi n° 50: sans modifications sérieuses, il y a en effet menace d'une rupture de service.
À cet effet, nous sommes fort heureux d'entendre M. le ministre Dupuis, dès l'ouverture de cette commission, au sujet des mandats que celui-ci a confiés à l'Office des professions. C'est là un message qui comporte des éléments fort rassurants, et nous tenons à le souligner. Nous proposons néanmoins des modifications au projet de loi ainsi que des solutions concrètes afin d'assurer le succès de l'implantation de cette loi, certes, mais aussi afin que ce défi se réalise dans le plus grand respect et dans les meilleurs intérêts des personnes vulnérables, un enjeu, vous conviendrez, qui nous tient particulièrement à coeur. Pour ce faire, je laisse donc la parole au directeur général de l'association, M. Jean-Pierre Hotte, qui vous présentera l'ensemble de nos recommandations. M. Hotte.
M. Dupuis: Alors, vous, c'étaient les fleurs. Là, ça va être le pot?
M. Hotte (Jean-Pierre): Non, non, vous allez voir.
M. Thériault (Jean-Nil): On s'est partagé les fleurs, M. le ministre.
La Présidente (Mme Thériault): Allez-y, M. Hotte.
M. Hotte (Jean-Pierre): Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les députés. Alors, les centres jeunesse comptent, parmi l'ensemble de leur personnel, au moins 8 000 employés qui sont touchés directement par ce projet de loi là, des professionnels, des techniciens qui ont la formation et les compétences requises pour réaliser des interventions de qualité à l'égard des jeunes et des familles en difficulté. Cependant, nous estimons que minimalement 40 % d'entre eux ne se qualifieraient pas dans le cadre actuel du projet de loi s'il entrait en vigueur demain matin sans modification.
Les jeunes et les familles en difficulté ne peuvent pas se passer de nos services essentiels, ni la société québécoise d'ailleurs. Ceux à qui nous venons en aide sont des enfants négligés, abusés sexuellement, abusés physiquement et pour lesquels de nombreux parents ne peuvent assumer toutes leurs responsabilités, et ce, pour diverses raisons. Ces enfants ont besoin de protection, ces parents ont besoin d'un soutien intense. De plus, nous venons en aide à des jeunes qui présentent de sérieux troubles du comportement et aussi à des jeunes contrevenants tout en ayant la responsabilité d'aider leurs parents et bien sûr de protéger la société de la récurrence de leurs actes.
En plus de la compassion qui anime nos intervenants, rigueur et compétence ont toujours fait partie de nos priorités. Soyez donc assurés que nous souscrivons entièrement aux principes du projet de loi pour assurer la qualité des services et la protection du public. Nous sommes donc en accord avec une plus grande professionnalisation de notre personnel.
Par ailleurs, nos inquiétudes sont nombreuses en regard de l'application du projet de loi. Nous sommes ainsi fort étonnés que plusieurs recommandations du rapport Trudeau n'aient pas été retenues dans le projet de loi à l'étude, notamment en ce qui a trait à l'intégration de certains professionnels et techniciens. De plus, vous comprendrez bien, compte tenu de l'essence même de notre mission, que nous ne pouvons pas nous permettre d'être en rupture de service. Nous vous proposons donc des solutions pour permettre l'atteinte des objectifs du projet de loi tout en assurant des services de qualité et sans compromettre l'accès des services aux jeunes et aux familles.
Notre mémoire, comme vous l'avez vu, est divisé en trois sections, la première portant sur la main-d'oeuvre, la seconde portant sur les activités réservées et la troisième, sur les mesures de transition. Il contient au total 21 recommandations, que vous retrouvez rassemblées à la fin du document. Nous ne pourrons ici vous expliquer toutes nos recommandations de façon exhaustive, mais nous désirons attirer votre attention sur quelques-unes en particulier. Plusieurs de ces solutions sont applicables à court terme et même avec relativement peu d'énergie, d'autres, vous le constaterez, vont requérir plus de temps, mais toutes nous assurent de faire atterrir le projet de loi en douceur, dans le respect à la fois des jeunes et des familles, de nos professionnels aussi, avec toujours bien sûr le souci de la protection du public.
Parmi les solutions à court terme, notre personnel professionnel compte près de 350 criminologues qui n'appartiennent à aucun ordre professionnel présentement et qui sont absents du projet de loi. Nous recommandons donc qu'ils adhèrent à un ordre professionnel déjà existant, tel que recommandé d'ailleurs par le rapport Trudeau. Ces criminologues représentent une main-d'oeuvre qualifiée pour s'occuper notamment des jeunes contrevenants, dans le cadre de nos services, en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Il serait impensable de mettre fin à ces services, pour des raisons évidentes.
À court terme, nous souhaitons aussi que tous les bacheliers en psychoéducation puissent être admissibles à l'ordre des psychoéducateurs, et non seulement les diplômés d'études supérieures dans ce domaine. Toujours dans une perspective de solution à court terme, nous proposons une clause de transition qui s'appliquerait à tous les professionnels qui rencontrent les critères d'admissibilité mais qui ne sont pas actuellement membres d'un ordre, et ce, dans un délai raisonnable. Concernant les techniciens, il serait essentiel que l'Office des professions permette dès maintenant l'adhésion des techniciens en travail social à l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux, tel que recommandé aussi par le rapport Trudeau, une recommandation qui a fait d'ailleurs consensus auprès des ordres professionnels et accueillie positivement par le président de l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux, ici même, mardi matin dernier.
Pour vous donner un ordre de grandeur, plus de 700 techniciens en travail social travaillent actuellement dans les centres jeunesse. Parmi eux, 150 occupent des fonctions à l'étape de la réception et traitement du signalement. Cette étape est cruciale: c'est le triage à la porte d'entrée de la direction de la protection de la jeunesse. Ne pas permettre à ces intervenants de joindre un ordre professionnel, compte tenu que cette fonction devient une activité réservée, entraîne immédiatement de sérieuses conséquences quant à une réduction des services d'accès au DPJ pour des situations de détresse d'enfant.
Maintenant, je désire attirer votre attention sur une solution à moyen terme qui garantira la continuité des services. Plus de 4 000 éducateurs spécialisés sont à l'emploi des centres jeunesse. Ces éducateurs accompagnent au quotidien les jeunes hébergés dans nos centres de réadaptation. Ils interviennent auprès de leurs familles et élaborent avec eux leur plan d'intervention, dans lequel sont précisés les besoins du jeune, les objectifs de l'intervention et les moyens mis en oeuvre. Parmi ces jeunes, près de un sur deux a un diagnostic ou une impression diagnostique de troubles mentaux. Plusieurs de ces jeunes présentent un risque suicidaire. Aussi, il nous apparaît nécessaire que les éducateurs en centre jeunesse soient intégrés au sein de l'ordre des psychoéducateurs. D'ailleurs, l'ordre est favorable avec cette recommandation. Selon nous, les activités de ces éducateurs rencontrent les critères formulés à l'article 25 du Code des professions. Ceci nécessite toutefois certains travaux, compte tenu de la complexité de ce dossier, pour préciser, entre autres, des activités réservées qui pourraient leur être accordées. Conséquemment, nous recommandons de former un comité de travail visant l'intégration des techniciens en éducation spécialisée et en intervention de la délinquance, comité auquel évidemment nous souhaitons pouvoir participer.
n(17 heures)n Toujours dans une visée de solution à moyen terme qui garantira la continuité des services, nous réclamons l'adoption d'une clause grand-père pour un certain nombre de nos professionnels. Notre association recommande en effet que les intervenants à l'emploi des centres jeunesse ne pouvant se qualifier à un ordre dans un avenir rapproché et accomplissant actuellement des activités qui deviendront réservées puissent continuer d'exercer ces activités par autorisation ou règlement du style clause grand-père tant et aussi longtemps qu'ils seront à l'emploi dans le réseau des centres jeunesse.
De plus, vous n'êtes pas sans savoir que le réseau de la santé et des services sociaux connaît des difficultés de recrutement de main-d'oeuvre qualifiée. Avec les nombreux départs à la retraite à venir prochainement, il faut faire preuve de prudence pour ne pas causer de bris de service. Ainsi, notre association recommande que l'analyse des impacts des dispositions du projet de loi n° 50 et l'identification d'un plan d'action soient effectuées rapidement par la table nationale de la main-d'oeuvre pilotée par le ministère de la Santé et des Services sociaux. Nous sommes conscients que des discussions seront nécessaires entre les représentants des employeurs, l'Office des professions, les ordres professionnels, le ministère de la Santé et des Services sociaux et les maisons d'enseignement. L'Association des centres jeunesse compte bien participer aussi à ces travaux.
En conclusion, nous souscrivons au principe du projet de loi n° 50. Toutefois, nous soutenons annuellement 100 000 enfants, jeunes et familles en difficulté et nous voulons sans aucun doute assurer le maintien des services à ces personnes. Nous souhaitons aussi être respectueux de nos professionnels engagés auprès de ces personnes aux prises avec de graves difficultés. Nous désirons également que soit assurée la protection du public avec la plus grande transparence possible. Pour ce faire, nous proposons des solutions afin d'assurer graduellement le succès de l'implantation du projet de loi n° 50. Parmi ces solutions, j'en ai identifié donc, vous l'avez vu, à court terme, d'autres à moyen terme.
Bref, pour les motifs évoqués, le projet de loi n° 50 doit être modifié avant son adoption et des mesures ne nécessitant pas de modifications législatives doivent être mises rapidement de l'avant, et ce, afin de permettre une souplesse dans l'application sans porter atteinte ni à la protection du public ni à la dispensation des services rendus par des professionnels compétents auprès des personnes, notamment d'enfants, parmi les plus vulnérables de notre société.
Alors, je vous remercie de nous avoir écoutés. Nous sommes maintenant disposés à répondre à vos questions.
La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. Hotte, merci, M. Thériault. Donc, sans plus tarder, je vais passer la parole au ministre.
M. Dupuis: Alors, M. Thériault, M. Hotte, M. Faucher, M. Demers, je vous remercie. Particulièrement, je vous remercie de l'ouverture d'esprit que vous manifestez, c'est certain, mais aussi de la pondération avec laquelle vous avez exprimé votre point de vue sur le projet de loi n° 50, et c'est apprécié. Vous m'avez entendu faire un certain nombre de représentations. Je sais que vous n'avez pas été ici pendant tout le temps où on a siégé, mais je suis certain que certains d'entre vous ont peut-être écouté nos délibérations à la télé ou lu le résultat. Vous savez que votre ouverture d'esprit n'a d'égale que la nôtre, que celle de l'Office des professions et que celle des différentes professions.
Mais j'ai été assez heureux de constater que ce que vous dites, c'est qu'il y a 60 % de vos travailleurs qui pourraient, demain matin, intégrer l'un ou l'autre des ordres professionnels. Et, même si on ne faisait aucun amendement au projet de loi n° 50, s'il devait entrer en vigueur tel qu'il est libellé actuellement, il y a déjà 60 % de vos gens qui pourraient y adhérer. Vous avez compris aussi que nous avons l'intention ferme, et ça va être réalisé, de faire en sorte que les 40 % qui sont les autres puissent aussi continuer de travailler dans le domaine dans lequel ils travaillent et accomplir les actes qu'ils accomplissent, de telle sorte qu'il n'y ait pas de rupture de service, c'est ce que vous souhaitez. Donc, j'apprécierais que vous les rassuriez. Vous êtes, vous, des administrateurs de centres jeunesse. En principe, vous avez l'autorité nécessaire pour être capables de les rassurer. Je souhaiterais que vous les rassuriez.
D'autre part, ce que je veux vous dire, c'est... je ne l'ai jamais mentionné encore en commission puis c'est un oubli de ma part et c'est un oubli qui est condamnable de ma part. Le ministre de la Santé et la ministre de l'Éducation suivent de très près l'évolution de nos travaux. J'ai d'ailleurs l'intention d'avoir avec elle et lui des communications suite à nos délibérations. Je vais probablement écrire pour que ça reste... on peut se parler, mais on peut s'écrire aussi pour que ça puisse circuler dans les différentes machines... mais écrire au ministre de la Santé et à la ministre de l'Éducation pour que les gens rassurent dans le réseau vos différents employés, vos différents travailleurs.
Moi-même ayant été avocat de la défense au criminel et ayant plaidé au Tribunal de la jeunesse mais à la Cour du bien-être social même ? je suis assez vieux pour ça ? et avoir été procureur de la couronne, je sais aussi quel travail extraordinaire vous accomplissez dans votre milieu. Et je veux aussi vous dire que vous allez participer aux travaux qu'on va effectuer relativement à tous les engagements qu'on a pris. M. Thériault, comme président, je pense qu'on va vous demander peut-être d'accorder un peu de temps à cette table de travail qu'on va créer. Je sais que vous allez y adhérer bien.
Alors, je vous remercie de votre présentation et je vais demander à la présidente de permettre à mes collègues qui ont des questions à vous poser de pouvoir vous les adresser, et merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault): Avant de passer la parole au député, si vous voulez réagir aux propos du ministre. M. Thériault.
M. Thériault (Jean-Nil): On accueille votre proposition avec beaucoup, beaucoup d'empressement, M. le ministre.
M. Dupuis: Excellent.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. M. le député de Laval-des-Rapides.
M. Paquet: Merci, Mme la Présidente. Alors, MM. Thériault, Hotte, Demers, Faucher, bienvenue à la commission, merci de votre présentation. J'ai eu la chance, dans le passé, parce que les centres jeunesse sont un partenaire important quand on parle de livraison de services auprès de jeunes qui peuvent être assistés justement pour retrouver des droits chemins, comme on dit, qui ont des difficultés particulières... Et, je le sais, j'en ai un... d'ailleurs, on en a un à Laval, notamment, dans mon beau comté. On a eu l'occasion d'ailleurs, M. Hotte, de se retrouver ensemble lors de l'annonce de Qualification jeunesse il y a quelques années. Il y a des belles initiatives qui sont prises, notamment avec la Maison des grands-parents de Laval, par exemple l'opération Un coup d'coeur pour toi. Alors donc, il y a du beau travail qui se fait.
Dans votre présentation... D'abord, au cours des délibérations, le ministre a rendu publique, au début de nos travaux, lundi, une lettre qui est de confier un mandat à l'Office des professions relativement à l'analyse de la situation des techniciens du domaine de la santé, d'une part, et des services sociaux et, aussi, à l'intégration des criminologues au système professionnel. Comment recevez-vous ce mandat-là? Comment voyez-vous les travaux de ce comité?
M. Hotte (Jean-Pierre): On l'a reçu avec beaucoup d'enthousiasme. Comme on l'a souligné, c'est 350 professionnels qui sont criminologues à l'intérieur du réseau des centres jeunesse. Ils exercent une fonction, je pense, avec une grande compétence, une fonction extrêmement importante, et de les exclure, en tout cas selon nous, ce serait tout à fait impensable, il y aurait un impact, là... et c'était d'ailleurs une recommandation. Donc, il y a une analyse qui a été faite dans le cadre des travaux du rapport Trudeau. On souscrit à cette recommandation. Donc, entendre M. le ministre Dupuis dès l'ouverture était, pour nous, un élément, là, tout à fait satisfaisant puis réconfortant.
La Présidente (Mme Thériault): Oui, M. le député.
M. Paquet: Quant aux effets des modifications qui sont proposées dans le projet de loi, pouvez-vous nous résumer, d'après vous, quels sont les effets principaux... il y a peut-être des éléments aussi... une préoccupation que vous avez par rapport à la clientèle desservie?
La Présidente (Mme Thériault): M. Hotte.
M. Hotte (Jean-Pierre): Bien, en fait, par rapport à la clientèle desservie, j'ai énoncé dans l'allocution, mais dans le mémoire vous le voyez aussi... Évidemment, la préoccupation principale se situe au niveau de l'application. On n'a absolument rien contre les principes, les objectifs, on y souscrit totalement. Notre inquiétude du fait que plusieurs groupes seraient, si c'était appliqué tel quel et certaines mesures qui sont déjà annoncées... là notre inquiétude était vraiment au niveau du bris de service possible, ce qui est, je pense, absolument impensable lorsqu'on parle des jeunes en très grande détresse au Québec et des familles qui éprouvent des difficultés extrêmement importantes. Ces gens-là ne peuvent pas être laissés pour compte. On parle de protection du public, mais là je pense qu'on parle d'une clientèle extrêmement vulnérable.
Donc, notre souci, évidemment, il est très, très grand à cet égard-là. Il faut assurer dans le processus et il faut y mettre du temps, quand on parle de clause de transition ou de clause grand-père... Une clause de transition, pour nous, c'est lorsque des gens peuvent se qualifier puis il leur manque un petit quelque chose. Et ça, ça peut se faire dans un temps relativement court, et je pense que les ordres ont déjà démontré beaucoup d'ouverture et de souplesse à cet égard-là, puis on l'apprécie. Mais il y a certaines personnes... Puis, quand on parle du contexte aussi de pénurie de main-d'oeuvre, un exemple concret: si on a un intervenant ou une intervenante qui a, par exemple, 52 ans, cette personne-là a un bac en psychologie, puis on lui dit: Il faudrait faire ton doctorat, on a des craintes que ça va devenir un incitatif à partir pour la retraite. On ne peut pas, comme réseau, se permettre ça. Alors, c'est pour ça que, quand on parle de clause grand-père, moi, je serais réticent à dire: On met...
Une voix: ...jusqu'à la retraite...
M. Hotte (Jean-Pierre): Bien, tout à fait. Et c'est pour ça, de dire: Bien là, quand vous parliez tantôt de trois ans, six ans, moi, je... peut-être qu'on pourrait prévoir une souplesse aussi du côté des ordres, je pense qu'ils vont certainement l'exercer avec rigueur. Mais faire en sorte qu'il n'y ait pas de cassure dans le système, alors ça, ça fait partie de nos préoccupations principales, je vous dirais.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. M. le député de Laval-des-Rapides.
n(17 h 10)nM. Paquet: Merci. Oui, je pense qu'effectivement vous n'êtes pas les premiers à l'avoir mentionné et, du côté, je pense, de l'ensemble de la députation, et du ministre certainement aussi, l'importance qu'on ne veut pas... il n'y a personne d'entre nous qui souhaite et qui veut qu'il y ait de bris de service. Parce qu'effectivement il y a de l'intervention qui est multidisciplinaire ou enfin complémentaire, là, selon le niveau d'intervention, l'idée de continuité de service, là, est un élément essentiel. Cette préoccupation-là, je pense qu'elle est partagée par tout le monde. Et je pense que ce que le ministre a annoncé à cet égard-là, c'est une préoccupation à laquelle on a des éléments de réponse, là, importants, je crois, qui sont mis de l'avant. Dans votre mémoire, parmi justement des mesures de transition et conditions essentielles, vous faites allusion à la question de... une des conditions essentielles relativement à l'attraction et à la rétention du personnel. On parle beaucoup bien sûr des questions de manque de main-d'oeuvre, et puis personne qui va... l'ensemble des secteurs de l'économie, avec l'évolution démographique, notamment. Et vous faites allusion à cet aspect-là. Est-ce que vous pouvez nous dire un peu davantage sur quelles sont, selon vous, les... ou quelle est la condition essentielle d'attraction du personnel ou comment on pourrait répondre à cela, d'une part...
M. Hotte (Jean-Pierre): Je vais pouvoir vous donner quelques éléments et peut-être que mon collègue M. Faucher pourra compléter. Excusez, Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Thériault): Il n'y a pas de problème, M. Hotte, allez-y. On passera la parole à M. Faucher après.
M. Hotte (Jean-Pierre): Dans l'enthousiasme, des fois on s'emporte un peu. Donc, lorsqu'on parle notamment de l'ouverture aux techniciens en travail social, je pense que ça, c'est une voie importante. Et, vous avez vu, dans notre mémoire, on a aussi fait allusion à la problématique de certaines régions éloignées, ça a été mentionné par d'autres groupes. Donc, là aussi, je pense qu'il faut, sans porter atteinte au souci de la qualité et de la rigueur, je pense que ce n'est pas là du tout notre intention, mais s'assurer qu'on va donner un peu de souplesse dans l'ensemble du système. D'ailleurs, on a même proposé d'autres actes réservés qui n'étaient pas prévus dans le projet de loi, vous l'avez vu. Donc, en matière de placement d'enfants, pour nous, ça, c'est une préoccupation très importante. On a suggéré qu'il y ait aussi un acte autour de toute la question de l'évaluation des familles d'accueil, qui est un enjeu extrêmement sérieux, ça aussi. Alors, notre réserve est plus au niveau d'avoir une souplesse dans l'ensemble et, quand on parle de rétention, ce que je disais tantôt, c'est de ne pas bousculer vers la porte de sortie des gens en leur mettant un contrat qui serait, pour eux, inatteignable.
La Présidente (Mme Thériault): M. Faucher.
M. Faucher (Yves): L'idée maîtresse, vous l'avez bien mentionné: la situation de la main-d'oeuvre dans le réseau de la santé est fragile. Donc, il est important d'utiliser de façon optimale l'ensemble des compétences de nos gens. Nous avons dans nos centres jeunesse des gens qui font un travail exceptionnel auprès d'une clientèle vulnérable, ils méritent tout notre respect. Et on doit, que ce soient des techniciens ou des professionnels, utiliser leurs compétences au maximum pour délivrer les services, et ça, c'est super important. Nous voyons d'un bon oeil le projet de loi parce qu'il permet et donne un outil, un, de protection du public et il donne aussi un outil de qualité de services. Et c'est avec nos personnels, dans l'esprit d'utiliser leurs compétences optimales, qu'on peut travailler dans ce sens-là. C'est sûr que les chiffres sont parlants, c'est quand même 8 000 personnes qui sont touchées dans notre réseau des centres jeunesse: près de 5 000 techniciens, donc éducateurs spécialisés et techniciens en travail social, et près de 3 000 professionnels. Donc, il faut que cette force-là soit utilisée au maximum, surtout dans le contexte démographique que vous parliez, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. J'ai M. le ministre, avant de passer la parole au député de Chomedey.
M. Dupuis: Oui, deux secondes, M. le député de Chomedey. Simplement pour vous dire que... Soyez rassurés encore une fois, mais, vous savez, personne n'a intérêt à une rupture de service, surtout pas les ordres professionnels, qui seraient incapables d'avoir assez de membres pour satisfaire aux demandes et en plus aux dommages qui seraient causés à vos clientèles s'il devait y avoir une rupture de service, ça leur donnerait deux fois plus de travail. Alors, je veux dire, on comprend ça. En plus, la pénurie de main-d'oeuvre, vous avez raison, tout milite en faveur que ce projet de loi puisse entrer en vigueur mais sans provoquer de ruptures, quelles qu'elles soient, puis en douceur le plus possible, avec votre concours, avec votre accord, avec les ententes avec les membres des ordres professionnels, j'en suis persuadé, avec l'ouverture d'esprit des ordres professionnels pour accueillir au sein des ordres... permettre à des gens d'obtenir une formation qui serait une formation d'appoint qui leur permettrait d'acquérir les connaissances pour entrer au sein des ordres. Soyez rassurés là-dessus. Puis on n'a pas intérêt, nous autres... Aïe! on est élus, nous autres, là. On est élus. Le monde vote ou non pour nous autres. Pensez-vous vraiment qu'on a un intérêt à se lever le matin puis à dire: On va mettre la pagaille dans les centres jeunesse, puis envoye donc en plus dans les centres de réadaptation en déficience intellectuelle, puis, pendant qu'on y est, pourquoi pas en déficience physique pour être bien, bien sûrs que le monde nous haïsse?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dupuis: Comprends-tu? Ce n'est pas notre intérêt. Puis les oppositions non plus. On est tous après les mêmes clientèles, nous autres.
La Présidente (Mme Thériault): Je vais passer la parole au député de Chomedey, maintenant.
M. Ouellette: Merci, Mme la Présidente. Je vais avoir une question à vous poser sur une de vos recommandations, au point 2.4, mais avant... Vous étiez ici quand le Dr Ménard tantôt a parlé de contention, a parlé des techniciens ambulanciers. Il a parlé aussi qu'il ne voulait pas aller toucher aux services policiers ? grand Dieu merci! ? et ni aux services correctionnels. Vous me corrigerez si je suis dans l'erreur: ma connaissance des centres jeunesse, c'est que vos éducateurs spécialisés sont appelés à faire de la contention dans les centres jeunesse, puis ça, définitivement, c'est quelque chose que vous voulez garder comme ça, là.
La Présidente (Mme Thériault): M. Demers.
M. Demers (Luc): C'est-à-dire que ce qu'on dit dans notre mémoire, là, on est d'accord que les activités soient réservées aux membres des ordres professionnels, sauf qu'il faut faire la distinction sur certains moments, sur certaines conditions d'application. Et la décision d'appliquer des mesures de contention ou d'isolement, d'abord c'est dans des situations exceptionnelles, où l'intégrité physique est menacée soit du jeune contre lui-même, par exemple dans les cas d'automutilation, ou contre les autres jeunes qu'il peut y avoir dans le même groupe, et ces décisions-là peuvent être prises en urgence pour la propre sécurité du jeune. Et ça, il faut s'assurer que ça puisse continuer de se faire, et c'est pour ça qu'on propose que ce soit examiné, que ce soit balisé. Alors, quand c'est planifié d'avance, c'est dans un plan d'intervention qui situe... où on sait que ce jeune-là peut se désorganiser à certains moments donnés, qu'il y ait un membre d'un ordre professionnel qui participe à l'élaboration de ce plan d'intervention, on n'a rien contre, pas du tout, mais il faut éviter que... dans les situations d'urgence, que les techniciens en éducation spécialisée puissent continuer de faire ces interventions-là.
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre.
M. Dupuis: Bien, là aussi, je veux apporter une précision, c'est clair... Là, on va regarder si, dans le projet de loi, on est capable de couvrir les situations d'urgence pour vous permettre de continuer. Mais on va le regarder. Mais on va le faire avec vous autres. Si ce n'est pas satisfaisant, on verra ce qu'on peut faire pour ça, pour exclure les situations d'urgence des dispositions. O.K.?
Une voix: D'accord.
M. Dupuis: C'est dans ce sens-là. Parce que ce que j'ai compris, c'est qu'il n'y a pas nécessairement, dans chaque centre jeunesse ou dans chaque endroit, actuellement, au moment où on se parle, un membre d'un ordre professionnel...
M. Demers (Luc): Non, et surtout que...
M. Dupuis: ...ou d'un des ordres professionnels.
M. Demers (Luc): ...les plages horaires où il y a, par exemple, de l'hébergement...
M. Dupuis: Oui, la nuit...
M. Demers (Luc): ...c'est le soir, c'est la fin de semaine, ça peut même être la nuit.
M. Dupuis: Vous êtes en train de me dire, vous là, là, que les psychologues, les travailleurs sociaux, les ergothérapeutes, les infirmières, ça ne travaille pas la nuit.
M. Demers (Luc): Bien, pas toujours, ils dorment des fois, de temps en temps.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dupuis: Bien là, là... J'avais des amis jusqu'à maintenant, là, mais...
M. Demers (Luc): Mais ils ne travaillent pas 24 heures sur 24.
La Présidente (Mme Thériault): C'est beau. M. le député?
M. Hotte (Jean-Pierre): Si vous me permettez...
La Présidente (Mme Thériault): Oui, excusez-moi, M. Hotte.
M. Hotte (Jean-Pierre): Si vous le permettez. Ça ferait partie, ça, je pense, des éléments que l'on souhaite qui soient abordés dans la proposition que l'on a faite d'un comité sur les actes qui pourraient être réservés aux éducateurs spécialisés. Je pense qu'avant de dire aujourd'hui: Est-ce que la contention et l'isolement font partie, est-ce que le plan d'intervention ? c'est des choses qui ont été mentionnées au cours des dernières journées ? ça fait partie de nos préoccupations? mais on pense qu'il faut prendre le temps, un petit peu plus de temps là-dessus pour examiner ces questions-là puis être certains qu'on va baliser les choses de façon, là, intelligente puis rigoureuse.
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre.
M. Dupuis: Parce que vous comprenez que, pour des gens qui sont de ce côté-ci de la table, puis c'est la même chose pour les gens qui sont de l'autre côté, toutes les questions de contention et d'isolement, là, il y a une sensibilité particulière. Quand on doit répondre à la population, il y a une sensibilité particulière. Alors, évidemment, on est plus prudents sur ces questions-là.
M. Demers (Luc): ...assuré qu'il y en a une pour nous aussi, et c'est pour ça que c'est très balisé par des politiques qui découlent des règlements en la matière.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. Donc, ceci met fin au premier bloc d'échange, avec la partie ministérielle. Je me tourne maintenant vers l'opposition officielle et le député d'Iberville.
n(17 h 20)nM. Riedl: Merci, Mme la Présidente. M. Thériault, M. Hotte, M. Demers, M. Faucher, bienvenue à cette commission, et puis je veux vous dire, d'entrée de jeu: Félicitations pour votre approche pondérée et réfléchie, surtout avec vos solutions clairement articulées, vos solutions à court terme et à moyen terme. Vous avez fait ça d'une façon rassurante. Vous avez exercé, en ce qui me concerne, un leadership exemplaire, plutôt que de résister, le changement... vous embrassez le changement et vous allez au-delà... plutôt que le changement vous harcèle, vous prenez les devants. Je vous dirais que ça s'inscrit dans nos valeurs autonomistes. J'aurais presque souhaité que vous passiez en premier, ça aurait pu dégager une influence positive.
M. Dupuis: Puis après ça on va avoir une conversation nationale.
M. Riedl: Voilà.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dupuis: Puis, nous autres, on n'a pas de problème...
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre, ce n'est pas votre temps.
M. Dupuis: Puis, nous autres, on n'a aucun problème d'identité.
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre, c'est le temps du député d'Iberville.
M. Riedl: Bien, voilà.
La Présidente (Mme Thériault): Je me dois de vous rappeler à l'ordre.
M. Riedl: Si vous voulez qu'on ait une... Alors, à la page... une question en passant. Alors, dans votre approche autonomiste, vous avez les solutions à cette situation-là. À la page 6, vous mentionnez je ne dirai pas une inquiétude, mais une préoccupation que le projet de loi pourrait présenter des difficultés pour vous de recruter des diplômés universitaires. Pouvez-vous m'éclaircir à ce niveau-là?
M. Hotte (Jean-Pierre): Bien, en fait, c'est...
La Présidente (Mme Thériault): M. Hotte.
M. Hotte (Jean-Pierre): Excusez-moi. Cette affirmation-là, elle était beaucoup liée à l'inquiétude que nous avions à l'égard de l'exclusion des techniciens en travail social et des techniciens en éducation spécialisée. À partir du moment où on perçoit qu'il y a une ouverture à considérer cette hypothèse-là de façon sérieuse, puis mettre le temps qu'il faut, mais de ne pas l'écarter d'emblée, c'est déjà un élément qui est rassurant par rapport à ça. Parce qu'évidemment ce que vous avez vu tantôt... Mon collègue M. Faucher disait: c'est plus de 4 000 éducateurs spécialisés que nous avons. Et je vous ai parlé de 700 techniciens en travail social, ça veut dire 5 000 personnes, là. S'il fallait, demain matin, se mettre à la recherche de gens qui ont des bacs, des maîtrises ou des doctorats, on met le système dans une impasse totale. Donc, c'est une question à la fois pragmatique mais sans nier ? ça, je le répète ? la recherche de la qualité et de la rigueur dans les services.
La Présidente (Mme Thériault): Oui. M. le député.
M. Riedl: On voit, à la page 5 du mémoire, que vous êtes en faveur de l'intégration des techniciens au système professionnel. Plusieurs groupes nous ont demandé que ce soit préalable au projet de loi n° 50. Ça ne semble pas le cas des centres de jeunesse. Faut-il comprendre que, même si cela est très souhaitable, il n'y a pas d'urgence chez vous?
La Présidente (Mme Thériault): M. Hotte.
M. Hotte (Jean-Pierre): Je ne suis pas certain d'avoir bien saisi, là. Est-ce que vous pouvez répéter, s'il vous plaît?
M. Riedl: Ça concerne l'intégration des techniciens au statut de professionnel. Et puis je crois que vous semblez être en faveur de cet élément-là, à la page 5. C'est que certains groupes nous ont demandé préalablement, page 50... c'est-à-dire de la loi n° 50... ça ne semblait pas être le cas des centres de jeunesse. Je voulais savoir si vous êtes cohérents sur cette question-là ou s'il y a une question d'urgence à ce niveau-là ou s'il n'y en a pas.
La Présidente (Mme Thériault): M. Hotte.
M. Hotte (Jean-Pierre): O.K. Oui. À l'égard des techniciens en travail social, on pense, et c'est une recommandation du rapport Trudeau, donc une analyse importante qui a été faite à cet égard-là, et on pense donc que rapidement cette recommandation-là de permettre aux techniciens en travail social de joindre l'ordre des travailleurs sociaux serait, avec l'acte réservé qui était déjà identifié au niveau de la réception et traitement des signalements dans le processus de protection de la jeunesse... voilà une solution qui, pour nous, est importante et qui pourrait s'actualiser à très court terme, parce que l'analyse a déjà été faite. Et effectivement vous avez vu, quand je mentionnais tantôt l'impact... la réception des signalements, c'est la porte d'entrée, c'est l'urgence pour le système de protection de la jeunesse. Donc, si on ne pouvait pas permettre à ces 150 personnes là de répondre aux situations de détresse qui nous sont signalées, évidemment c'est un enjeu qui est très important.
Du côté des techniciens en éducation spécialisée, ce que l'on suggère, puis ce n'est pas que ce n'est pas important, mais je pense qu'il y a des mécanismes qui permettent aux ordres de reconnaître, par des clauses de transition, que ces gens-là puissent continuer à exercer les actes qu'ils exercent actuellement, par exemple l'élaboration des plans d'intervention, etc., mais on suggère un comité de travail. C'est complexe. Je pense qu'il faut regarder aussi avec les milieux d'enseignement ce que ça voudrait dire, avec les ordres professionnels concernés, et de mieux cerner les actes réservés qui pourraient être dédiés aux éducateurs spécialisés.
Donc, à court terme, il nous faut une clause de transition pour être sûrs que le système continue de fonctionner et que les clients continuent de recevoir les services que nous leur donnons actuellement. Mais là, à moyen terme, nous, ce qu'on avait pensé, un tel comité de travail, je pense qu'il faut se donner au moins un horizon peut-être de 12 à 18 mois pour regarder les différents aspects et ensuite arriver avec des recommandations qui vous seraient acheminées pour... Mais l'important, c'est qu'entre-temps, évidemment, on ne fait pas casser le système.
M. Riedl: Merci.
M. Hotte (Jean-Pierre): Est-ce que ça répond bien à votre question?
La Présidente (Mme Thériault): M. le député.
M. Riedl: Tout à fait, oui. Alors, merci. Et puis vous êtes un modèle pour de nombreuses autres organisations. Continuez votre bon travail. Merci.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. M. le député de Dubuc, maintenant.
M. Côté: Oui, merci, Mme la Présidente. Alors, messieurs, M. Thériault, M. Hotte, M. Demers, M. Faucher, bienvenue. Merci de vous être présentés devant cette commission puis d'avoir bien voulu présenter votre opinion, votre point de vue, surtout que votre mémoire est très bien fait. J'ai eu l'occasion d'en prendre connaissance, c'est un document qui est très bien structuré, et j'ai été, je vous le dis, j'ai été impressionné par la façon dont vous avez présenté votre point de vue.
Il y a des choses qui m'ont surpris, entre autres à la page 8 de votre mémoire, lorsque vous dites que des études récentes «ont démontré que le risque suicidaire est beaucoup plus élevé pour les adolescents hébergés dans les centres jeunesse» et que ce risque-là peut être «de cinq à 11 fois plus élevé que celui retrouvé dans une population témoin». Je pense... en tout cas, je sais que vous avez parlé de détresse tout à l'heure, puis que ce sont des jeunes qui sont en profonde détresse, que les familles sont souvent des familles avec des problèmes, et je peux comprendre que ce soit le cas. Et, dans ce sens-là, vous dites qu'en ce qui concerne l'évaluation du trouble mental, c'est que le projet de loi n'a pas précisé le niveau de risque. Donc, à l'instar de d'autres organismes qui ont passé devant notre commission, vous seriez d'accord pour baliser davantage la finalité, là, lorsqu'on est dans l'évaluation d'un trouble mental. C'est bien ça?
M. Demers (Luc): Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Thériault): Oui, allez-y. Excusez-moi.
M. Demers (Luc): Oui. C'est dans le libellé de cette activité réservée là qu'on avait des difficultés, parce que l'évaluation du trouble mental, comme on citait, oui, compte tenu des préjudices, compte tenu, je dirais, de ce que les jeunes ont vécu, les enfants ont vécu, c'est un groupe à risque. Donc, il y a beaucoup de jeunes qui souffrent aussi de troubles mentaux, mais on ne spécifie pas quelle est la gravité. Parce que, dans les troubles mentaux, c'est grand, c'est vaste, il y a des troubles légers. L'hyperactivité, c'est classé comme un trouble mental. Est-ce que ça veut dire que, pour tous les troubles mentaux, dans toutes les situations, les récurrents comme les passagers, on doit avoir nécessairement une présence... le plan d'intervention doit être fait? Comme ce n'est pas balisé, ça pourrait vouloir dire que ça couvre pratiquement tous les jeunes en hébergement. Quand on additionne les jeunes à risque suicidaire ? là non plus ce n'est pas précisé ? avec les jeunes qui ont un diagnostic ou une impression diagnostique, c'est à peu près 50 % des jeunes hébergés, ça devient presque impossible, à ce moment-là, de ne pas confier la détermination des plans d'intervention à du personnel autre qu'un travailleur social ou un psychoéducateur dans ce qui était proposé initialement.
La Présidente (Mme Thériault): M. le député de Dubuc.
M. Hotte (Jean-Pierre): ...
La Présidente (Mme Thériault): Oui. Excusez-moi. Allez-y, M. Hotte.
M. Hotte (Jean-Pierre): Peut-être en complément à ce que mon collègue vient d'apporter, peut-être pour essayer de vous donner un exemple plus précis. On vous a dit que déjà on a... parmi tous les jeunes qui sont hébergés dans les centres jeunesse, une étude a démontré que la moitié d'entre eux ont un diagnostic ou une impression diagnostique, donc posé par un médecin, de trouble mental. Mais, quand on apporte, dans le projet de loi, la notion de risque, évidemment les autres pour lesquels il n'y a pas un diagnostic, on ne peut pas présumer qu'ils n'ont pas de troubles mentaux. Mais la notion de risque pourrait avoir une notion d'élasticité qui peut devenir inquiétante. Et c'est là-dessus où on souhaite qu'il y ait des balises. On pourrait, par exemple, nous, vous dire que tout jeune qui a été abusé sexuellement est à risque, parce que certaines études démontrent que, bon, ils peuvent avoir des signes dépressifs, etc. Alors, on arrête ça où, la notion de risque? Et c'est ce qu'on voudrait qui soit un peu mieux balisé parce que ça a des conséquences évidemment au niveau des actes réservés par la suite.
n(17 h 30)nM. Côté: J'ai deux autres petites questions, toujours dans le contexte du suicide. Vous savez que le projet de loi intègre la notion de prévention du suicide, ce qui a été reconnu comme une... Est-ce qu'actuellement, dans les centres jeunesse du Québec, il se fait de la prévention contre le suicide? Est-ce qu'il y a des professionnels ou des techniciens qui s'occupent de ce dossier?
La Présidente (Mme Thériault): M. Demers.
M. Demers (Luc): Dans chacun des centres jeunesse, il y a la mise en place d'une équipe-soutien aux intervenants pour justement... qui s'appelle... qui était dans le cadre d'un protocole d'intervention sur le suicide, de prévention, justement parce que la clientèle est à risque. Il y a un mandat particulier qui est donné à une équipe multidisciplinaire formée de psychologues, infirmières, et où on souhaite, dans certains cas, la présence de médecins, quand ils sont disponibles, pour faire partie d'une équipe qui peut, je dirais, soutenir l'action, l'intervention de l'ensemble des intervenants qui oeuvrent auprès de la clientèle hébergée.
M. Côté: Merci. Une dernière question, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault): Oui, allez-y, monsieur.
M. Côté: Merci. Alors, dans vos recommandations sur les activités réservées, dans votre dernière recommandation, 2.9, vous dites: «L'Association des centres jeunesse du Québec recommande d'ajouter une nouvelle activité réservée en ce qui a trait à l'évaluation des familles d'accueil et que cette activité soit réservée aux travailleurs sociaux, aux techniciens[...], aux psychoéducateurs et aux criminologues.» Pourquoi vous recommandez cet item-là? Est-ce que c'est parce qu'actuellement il y a un problème dans l'évaluation des familles d'accueil? Ça ne se fait pas de façon... ce n'est pas complet, ce n'est pas... Je ne veux pas dire que ce n'est pas correct, là, parce que je ne connais pas le dossier.
La Présidente (Mme Thériault): M. Hotte.
M. Hotte (Jean-Pierre): Évidemment, on parlait tantôt de... quand on parle de contention et d'isolement qui sont des situations dérangeantes, évidemment, lorsqu'on est dans des décisions qui présentent, je pense, là aussi, une gravité lourde de conséquences, le fait de prendre la décision de retirer un enfant de son milieu familial et de le confier dans une famille d'accueil, c'est quelque chose que nous balisons déjà et on s'est donné une très grande rigueur là-dedans, avec aussi beaucoup de supervision professionnelle, avec de la formation. Mais on trouvait que c'était à ce point important... Et on parle ici de protection du public et de transparence. Notre analyse était à l'effet que cette activité-là est extrêmement préoccupante pour les familles, pour les enfants concernés, mais elle est aussi préoccupante à juste titre pour la population en général et pour vous aussi comme parlementaires. Donc, oui, nous avons de la rigueur, nous avons des modalités, mais on pense que c'est à ce point important que c'est une activité qui mériterait d'être balisée dans le cadre aussi du présent projet de loi. Donc, ce n'est pas pour pallier à des lacunes, selon nous, mais c'est pour assurer encore une plus grande transparence, une plus grande rigueur, puis aussi, je pense, témoigner d'une plus grande... de souci de protection du public.
La Présidente (Mme Thériault): M. Demers, un complément de réponse.
M. Demers (Luc): Oui, un complément, c'est que cette... Les activités prises dans le cadre de l'application de la Loi de la protection de la jeunesse, les décisions du DPJ sont couvertes par le projet de loi, mais ce mandat-là de recrutement des familles d'accueil, c'est un mandat qui est donné à l'établissement, au centre jeunesse, mais pas au DPJ. Alors donc, il n'est pas couvert par les autres dispositions. Mais on trouve ça extrêmement important effectivement, parce qu'on confie un enfant souvent pour plusieurs années dans cette famille-là. Donc, que la partie évaluation et non pas les autres fonctions de suivi, de jumelage qu'il peut y avoir par les intervenants... mais, au moins pour la partie évaluation, que ça puisse faire l'objet d'une activité réservée.
M. Côté: Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault): Il y a M. le ministre qui voudrait ajouter un petit commentaire.
M. Dupuis: Avec votre permission. Simplement vous dire que, moi, je suis extrêmement sensible à cette dernière demande que vous... je ne dis pas «pas aux autres», là, je veux dire, je suis sensible à vos demandes, mais cette dernière, là, demande que vous faites, j'y suis très, très, très sensible parce que je pense qu'elle fait beaucoup de sens. Et j'ai noté encore une fois, parce que, vous autres, vous ne voyez pas les gens qui sont en arrière de vous autres, mais, moi, je les vois, et j'ai noté que le président de l'ordre des travailleurs sociaux et la présidente de l'Ordre de psychologues semblaient avoir la même sensibilité que celle que j'ai sur cette demande-là. Donc, on va la regarder, là, on va voir comment on va faire ça, mais on est très sensibles, entre autres, à cette demande-là.
La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. le ministre. Je vais demander à mes collègues de ne pas bouger parce qu'on a un changement au niveau de l'horaire que je voudrais bien annoncer, parce que ça touche les gens qui sont assis en arrière de vous, les gens qui nous écoutent également. La commission aurait dû siéger mardi prochain en avant-midi et mercredi en après-midi, donc pour entendre le groupe qui n'a pas pu se déplacer hier dû aux conditions météo et conditions routières que nous avions... Nous avons pris la décision de ne pas siéger mardi prochain, la Commission des institutions, mais nous serons en commission mercredi toute la journée, dès 9 h 30 le matin, ce qui permettra d'entendre tous les groupes dans la même journée et de passer aux remarques finales pour les trois partis également.
Donc, je vais vous saluer, je vous remercie d'avoir été présents, et la commission ajourne ses travaux à mercredi le 12 mars, à 9 h 30.
(Fin de la séance à 17 h 36)