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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mercredi 24 mars 2004 - Vol. 38 N° 38

Consultations particulières sur le projet de loi n° 21 - Loi modifiant le Code civil et le Code de procédure civile en matière de fixation de pensions alimentaires pour enfants


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Table des matières

Journal des débats

(Quinze heures cinquante-cinq minutes)

Le Président (M. Simard): ...place, s'il vous plaît. Nous allons commencer nos travaux. La Commission des institutions est réunie afin d'étudier et d'entendre des groupes sur le projet de loi n° 21, Loi modifiant le Code civil et le Code de procédure civile en matière de fixation de pensions alimentaires pour enfants.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Descoteaux (Groulx) est remplacé par M. Dubuc (La Prairie); M. Gabias (Trois-Rivières) est remplacé par M. Lessard (Frontenac); M. Létourneau (Ungava) est remplacé par M. Bédard (Chicoutimi); et enfin Mme Papineau (Prévost) est remplacée par Mme Caron (Terrebonne).

Le Président (M. Simard): Merci, M. le secrétaire. Alors, nous allons devoir réajuster notre horaire du fait du retard du début de nos travaux. Il sera bientôt 4 heures, et nous devons, par nécessité de libération de la salle, mais aussi parce que l'ordre de la Chambre nous mène à 18 heures... il faudrait ou bien diminuer le nombre de minutes consacrées à chaque groupe ou n'entendre que deux groupes sur trois. Alors, la solution, ça va être de diminuer. Alors, je vous propose qu'aucun groupe ne fasse une présentation qui dépasse 15 minutes et que nous disciplinions de part et d'autre pour réduire autour de 10 minutes nos questions. Ce sera évidemment difficile dans certains cas, mais il faudra le faire, sinon nous ne pourrons pas mathématiquement.

Auditions (suite)

Alors, j'invite le premier groupe, qui est la Confédération des organismes familiaux du Québec, à se joindre à nous. Alors, vous connaissez probablement nos règles de fonctionnement. En tout cas, je vous les rappelle rapidement. Après vous être présentés, vous allez nous présenter une version la plus condensée possible de votre mémoire de façon à laisser le plus de temps possible à nos débats.

Alors, j'invite le président, M. Paul-André Tremblay, qui est au centre, je pense, à nous présenter ceux qui l'accompagnent.

Confédération des organismes familiaux
du Québec inc. (COFAQ)

M. Tremblay (Paul-André): Merci bien, M. le Président. Tout d'abord, à ma droite, Mme Denise Campeau-Blanchette, qui est la directrice générale de la confédération; et, à ma gauche, M. Sylvain Camus, qui est le directeur général de l'association Pères séparés; alors, moi-même, comme président évidemment de la corporation, Paul-André Tremblay.

Alors, M. le Président, Mmes, MM. les membres de la commission, tout d'abord, merci de nous avoir invités, de nous donner ainsi l'occasion de se faire entendre sur les projets de modifications qui nous sont annoncés. Tout d'abord, quelques mots sur l'organisme comme tel. La Confédération des organismes familiaux du Québec, qui regroupe 50 organismes famille, dont plusieurs groupes de pères, laquelle confédération est née en 1972 du désir des organismes de se doter d'une structure démocratique de représentation qui puisse être le porte-parole des familles et de leurs projets de société, axée particulièrement sur l'esprit communautaire et la prévention de même que sur la revendication d'une politique familiale globale.

Quelques principes directeurs de la COFAQ que nous tenons à vous présenter. Soucieuse du bien-être et de la qualité de vie des familles québécoises, la COFAQ tient à rappeler certains principes directeurs de la COFAQ venant alimenter la position que nous tenons en regard du projet de loi n° 21.

Tout d'abord, le bien-être de l'enfant. D'entrée de jeu, un des principes directeurs de la COFAQ est de s'assurer qu'une rupture conjugale ne doit pas être comprise comme une rupture familiale. En effet, pour nous, il importe qu'aucune loi ne vienne entraver le bien-être de l'enfant et la responsabilité parentale. Les deux parents doivent pouvoir réunir les conditions leur assurant le respect de leur parentalité et le bien-être des enfants. Ceci dit, selon la COFAQ, l'État doit jouer son rôle pour veiller à ce que ces liens familiaux ne soient altérés.

La responsabilité parentale. La COFAQ maintient que le modèle de fixation des pensions alimentaires ne doit pas remettre en cause la responsabilité du parent non-gardien. Il doit au contraire le maintenir pour le bien du lien familial de la première famille.

n (16 heures) n

Le modèle de fixation des pensions alimentaires. Selon la COFAQ, le modèle de fixation des pensions alimentaires doit permettre une certaine souplesse lorsque l'intérêt de l'enfant l'exige, comme dans le cas des familles recomposées, par exemple. En effet, nul ne peut ignorer l'existence et la présence des modèles des familles recomposées au Québec. Selon une étude réalisée en 1996 par Statistique Québec, 82 % des Québécois ont déclaré vivre dans une famille. Le Québec comptait alors 1,9 million de familles avec ou sans enfants. Deux familles sur trois ont des enfants. Les 1,3 million de familles avec enfants sont composées à 76 % de familles biparentales et à 24 % de familles monoparentales. Parmi les familles biparentales, 10 % sont des familles recomposées.

Concernant le projet de loi n° 21, alors, ce projet de loi fait en sorte que les obligations alimentaires des parents à l'égard de leurs autres enfants qui ne sont pas visés par une demande de pension alimentaire puissent être prises en considération par le tribunal pour l'établissement de la pension. Alors, concernant l'article 586 du Code civil, notre position, c'est qu'on ne peut donner... la COFAQ ne peut donner son aval à cette modification, dans l'article 586 notamment, parce que nous considérons qu'un enfant majeur peut se représenter lui-même devant le tribunal en tant qu'adulte. Par le fait même, si le tribunal accorde audit enfant majeur un montant comme pension alimentaire, celui-ci doit devenir le créancier, c'est-à-dire que la pension lui est versée à son nom propre et non au parent gardien. Bref, la COFAQ est contre cet ajout à l'article 586.

Pour ce qui est de l'article 587, la COFAQ est d'accord avec la modification de l'article 587.2 par le remplacement du deuxième alinéa ci-haut mentionné parce que nous considérons que ladite modification tient compte de la réalité des deux parents et assure un lien significatif en tenant compte du parent non-gardien. Elle assure ainsi l'exercice de la responsabilité parentale.

Pour ce qui est de l'article 825.14, considérant que la COFAQ appuie l'article 18.8 de la Convention relative aux droits de l'enfant de l'ONU, c'est-à-dire les États parties s'emploient de leur mieux à assurer la reconnaissance du principe selon lequel les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d'élever l'enfant et d'assurer son développement, nous ne voulons pas que soient insérés, après le mot «entente», les mots «et dans le formulaire» parce que nous privilégions une recherche de solution basée sur une entente, ce qui assure plus de flexibilité.

En résumé, pour ce qui est de nos recommandations, évidemment, on rappelle les principes directeurs de la COFAQ: aucune loi ne doit entraver le lien familial et le bien-être de l'enfant. Le modèle de fixation des pensions alimentaires ne doit pas remettre en cause la responsabilité parentale de la première famille et de la deuxième, que ce soit pour le parent gardien ou non-gardien.

En résumé, la COFAQ est favorable à la modification apportée à l'article 587.2. La COFAQ n'est pas favorable à la modification apportée à l'article 586, de même que la COFAQ n'est pas favorable à la modification apportée à l'article 825.14.

En conclusion, la COFAQ aimerait rappeler la nécessité de veiller, dans toute modification ultérieure d'amendement apportée au Code civil, à ce qu'aucune loi ne vienne remettre en question les liens familiaux et les responsabilités parentales pour assurer le bien-être de l'enfant. La famille est et sera toujours le lien le plus significatif pour assurer la meilleure chance de développement chez l'enfant, que le parent soit gardien ou non-gardien.

La Cour d'appel a décidé clairement qu'on ne peut mettre fin unilatéralement à sa responsabilité financière en mettant fin à sa relation avec l'enfant après la séparation des parties. On vous remercie.

Le Président (M. Simard): Merci beaucoup, M. Tremblay. J'invite tout de suite le ministre à vous faire part de ses premières réactions.

M. Bellemare: Alors, permettez-moi tout d'abord de vous remercier, M. Tremblay, M. Camus, Mme Campeau-Blanchette, au nom de la Confédération des organismes familiaux du Québec, pour cette présentation et pour les remarques que vous avez formulées concernant notamment les deux principaux aspects du projet de loi: la possibilité de tenir compte davantage du nombre d'enfants et le droit pour un parent d'agir, là, avec le consentement de son enfant majeur, bien sûr pour des fins alimentaires. Et vous me permettrez de vous souligner que sauf erreur je crois que vous êtes le premier groupe à vous présenter ici, en commission parlementaire sur le projet de loi n° 21, et qui vous oppose à la dernière mesure dont je viens de parler, à savoir la possibilité pour un parent d'agir pour et au nom de son enfant majeur pour des fins alimentaires. Vous semblez être contre cette mesure.

Plusieurs groupes nous ont sensibilisés au fait qu'à l'heure actuelle cette possibilité existe lorsque l'enfant est issu d'un couple marié. Donc, s'il y a eu divorce, la Loi sur le divorce permet à un des deux parents d'agir au nom de son enfant majeur pour des fins alimentaires. Ce n'est pas permis par contre lorsque l'enfant est issu d'un couple en union libre ou d'un couple uni par l'union civile. C'est ce qu'on veut réparer: on veut donner à tous les enfants le même droit et à tous les parents qui ont des enfants majeurs le même droit d'agir pour des fins alimentaires.

Alors, vous êtes contre en invoquant le fait que l'enfant majeur doit lui-même exercer son recours et lui-même bénéficier de la pension. Plusieurs groupes nous ont sensibilisés au fait que, pour les enfants... 18, 19 ans, 20 ans, c'était souvent difficile, et même odieux dans certains cas ? en tout cas, c'est ce que les enfants ressentaient ? que d'exercer un recours contre un parent. Ils se sentaient mal à l'aise, ils éprouvaient de la difficulté, surtout que souvent les enfants éprouvent de l'affection pour leurs parents; c'est généralement la règle. Et là on les oblige à exercer un recours en justice pour des fins alimentaires, et vous soutenez que l'enfant devrait lui-même, et lui seul, pouvoir exercer ce recours-là.

Vous ne pensez pas que, dans certains cas, ça peut placer l'enfant dans une situation embarrassante au plan émotif?

M. Tremblay (Paul-André): M. Camus.

M. Camus (Sylvain): Il me semble qu'il y a des... même pour des parents, des fois, c'est embarrassant. Il y a beaucoup de parents qui concèdent; ça, il y a une dimension affective qui est importante. Alors, c'est difficile des fois de revendiquer quelque chose comme par rapport à nos parents. Habituellement, les décisions de séparation sont prises en majorité par les conjointes, les décisions finales; puis souvent l'homme, il a encore l'espoir de revenir avec. Alors, il n'ose pas trop déranger puis il va faire beaucoup de concessions de ce côté-là. Alors, il y a des enfants aussi qui sont dans la même situation, comme tel, alors... Mais, d'une certaine façon, il faut exercer... les parents sont responsables de s'affirmer puis d'utiliser leurs droits d'une certaine façon même si, émotivement puis affectivement, ils sont touchés par la situation. C'est la même chose pour un enfant, surtout lorsqu'il devient adulte puis qu'il est affranchi comme adulte de 18 ans. Alors, il faut à ce moment-là qu'il apprenne à exercer... qu'il fasse l'exercice de la citoyenneté d'une manière pleine; ça fait partie de son apprentissage, aussi difficile que ce soit.

Et, pour les pères aussi, c'est souvent difficile parce qu'on donne les pensions alimentaires, habituellement, les pères. Puis il y a une certaine frustration de ne pas pouvoir gérer quotidiennement les sommes qu'on donne. Puis aussi, si les deux parents contribuent avec les grilles, le parent qui serait le parent qu'on dirait gardien, il contribue théoriquement, mais le parent qui n'est pas gardien, il contribue réellement... à ce qu'il a vraiment déversé son argent. Alors, le parent qui a l'enfant puis qui le gère quotidiennement, cet argent-là, lorsqu'il y a des difficultés, il a une flexibilité d'agir puis de s'ajuster à la situation réelle. Tandis que le parent qui donne, lui, s'il perd son emploi, il a une diminution de salaire. Tant qu'il n'a pas changé son... il n'est pas retourné en cour pour changer son jugement, il est tenu de payer le même montant.

Alors, il y a des frustrations puis il y a plusieurs pères qui sont contents de donner leur argent directement à l'enfant lorsqu'ils atteignent aussi le 18 ans. Ce serait peut-être bien aussi pour les mères de le faire. Puis aussi il y a une certaine satisfaction de dire: Comme père... Comme enfant, je reçois de l'argent de mon papa aussi, puis le cadeau que je recevais de ma maman, dans le fond, il était payé en grande partie avec l'argent de mon père. Alors, c'est une manière aussi de s'ouvrir, disons, à une valorisation de chacun des parents.

n (16 h 10) n

M. Bellemare: Maintenant, le fait que l'argent ou que les aliments soient versés directement à l'enfant majeur est une chose. Le fait qu'on permette à un des deux parents d'agir avec le consentement de l'enfant, parce qu'il n'est pas question d'imposer à l'enfant majeur un choix, ou le fait que ce soit nécessairement un de ses deux parents qui agisse...

Évidemment, si l'enfant majeur veut agir, la loi, telle qu'on propose de l'amender, prévoirait que l'enfant pourrait agir lui-même; il est quand même majeur, mais il pourrait accepter qu'un des deux parents agisse en son nom.

J'essaie de voir quels seraient les inconvénients de cette mesure-là, parce que vous souhaitez que l'enfant majeur exerce lui-même des recours, parce que l'argent serait versé à l'enfant majeur, mais le fait d'exercer le recours... À la limite, le fait que ce soit un parent qui exerce le recours ne veut pas dire que l'argent irait au parent, il peut aller à l'enfant aussi. Le juge peut émettre toutes les ordonnances qu'il estime nécessaires.

Parce que le risque aussi en disant: «Bien, ce sera nécessairement l'enfant majeur et lui seul qui exercera le recours», vous ne pensez pas qu'il y a un risque, comme certains groupes l'ont soulevé, que certains enfants décident de ne pas exercer le recours alimentaire de peur de perturber la qualité des relations qu'ils ont avec le parent débiteur?

M. Camus (Sylvain): Bien, je pense que j'amènerais un peu les mêmes arguments que tantôt. Il y a toujours un risque dans l'exercice de la citoyenneté lorsqu'on n'exerce pas nos droits, puis ça peut se retourner contre nous. Alors, on a se... responsabilité, puis à assurer d'une manière conséquente l'exercice de nos droits, et à l'apprendre. Les parents doivent le stimuler.

Puis, tant qu'aux tensions, il y a aussi la question de la médiation familiale. Il faudrait qu'un enfant puisse avoir recours à la médiation familiale pour que ça puisse se faire d'une manière... en bonne entente. Puis aussi, des fois, il y a des concessions qui sont faites. L'enfant, il va dire: Bien, moi, j'en ai besoin de moins, ou si, ou ça. Moi, j'ai plusieurs situations où j'ai vu... où l'enfant était consentant, où les parents étaient consentants à négocier d'une certaine façon, dans cet esprit-là. Mais il faudrait que l'enfant ait recours, au même titre que les deux parents, à la médiation familiale et que ça lui soit reconnu comme tel. Alors, ce serait une modification complémentaire à faire à la demande comme telle.

Et aussi il faudrait... je voudrais vous rappeler que, lorsqu'il y a des prêts bourses, maintenant, depuis plusieurs années, ce sont les enfants qui font leur demande de prêts bourses eux-mêmes, même s'il y a une contribution des parents. Moi, mon enfant, il me demande: Bien là le ministère te demande de faire état de compte de ton revenu, de faire parvenir ton avis de cotisation ou une copie de ton rapport d'impôts. Alors, mes enfants le font quand même. Alors, je ne vois pas, pour une pension alimentaire, pourquoi qu'ils ne le feraient pas non plus.

M. Bellemare: Merci, M. Camus.

La Présidente (Mme Thériault): Je cède la parole maintenant au député de Frontenac.

M. Lessard: Alors donc, je reviens sur un peu votre point de vue. Vous avez attaché la notion de gratification dans le cadre de l'exercice d'un recours pour un enfant adulte. Vous ne trouvez pas que, lorsqu'on est rendu à exercer un recours contre son parent, que la notion de gratification disparaît? Ce n'est pas un faux prétexte, à savoir que, lorsque j'aurais à aller en cour pour exercer un recours contre mon père ou ma mère qui ne veut pas verser des aliments, que le résultat, là, sur la gratification y perd tout sens parce que de toute façon c'est le juge qui va déterminer et c'est par une collecte indirecte que ça va se faire? Moi, je pense que...

M. Camus (Sylvain): Oui, vous pensez que...

M. Lessard: Bien, je pense qu'exprimer le propos, il me semble que...

M. Camus (Sylvain): Oui, ça va devenir une opinion.

M. Laurent Lessard: C'est une image assez forte.

M. Camus (Sylvain): Oui, alors, la question de la gratification. De toute façon, aller prendre des recours juridiques ou non, ce n'est pas toujours gratifiant. La médiation familiale, ce n'est pas toujours gratifiant. Avoir une rupture, ce n'est pas toujours gratifiant. Mais il y a une réalité, c'est que le parent qui a toujours été, disons, le parent... celui qui a le temps de garde principal puis qui a géré les argents, il s'est toujours imposé en intermédiaire vis-à-vis l'enfant. Alors en quelque part, on entretient encore le privilège beaucoup plus que les problèmes devant ça, le privilège du parent gardien à l'intérieur de ça. Alors, je pense qu'il faut ouvrir à ça puis ouvrir le jeune adulte à ses responsabilités.

Puis aussi, lorsqu'on a eu des conflits à l'adolescence ou autres avec nos parents, à un moment donné, il faut surmonter nos conflits, puis il y a une certaine réconciliation qui se fait avec le temps. Mais il faut aussi être ferme dans nos demandes, il faut que les pères apprennent à être fermes dans leurs demandes aussi, alors avoir un esprit de justice, surmonter leur colère, leurs frustrations puis agir d'une manière au bout de la ligne correcte, surmonter la dimension affective. C'est la même chose pour les enfants, d'une certaine façon. Puis il y a des enfants qui n'ont jamais été tellement en contact avec leur autre parent, puis c'est par l'intermédiaire qu'ils ont une vision souvent de l'autre parent, d'une certaine façon.

Puis, ce qui est gratifiant, c'est d'avoir finalement l'argent. Je pense qu'il va y avoir beaucoup de bénéfices à l'intérieur de ça. On peut montrer les effets négatifs, mais il y a beaucoup de bénéfices; puis ça va aussi dans le même sens que l'exercice responsable de notre citoyenneté et conséquent. Alors, on a le bénéfice de voir un jeune acquérir cette autonomie-là. Puis c'est une quête aussi, notre affranchissement comme citoyen et d'entrer dans cette quête-là.

Je me demande aussi si on ne devrait pas verser automatiquement même les pensions alimentaires à l'enfant dès qu'il a 18 ans plutôt que de passer par le parent gardien; alors, déjà ce serait plus gratifiant pour le parent. Moi, il y a plein d'hommes que j'ai vus, de pères dans ces situations-là qui finalement trouvaient ça valorisant de donner l'argent directement à l'enfant.

M. Lessard: Oui, mais vous voulez faire valoir surtout que c'est un recours d'exception et, deuxièmement, que, quand on passe par un processus plus judiciaire, que la gratification, par expérience, est pas mal mise dans l'armoire.

M. Camus (Sylvain): C'est pour ça que «atténuait avec la médiation familiale» faciliterait beaucoup ça.

La Présidente (Mme Thériault): Merci. Donc, le temps de la partie ministérielle étant écoulé, nous allons du côté du porte-parole de l'opposition officielle. Je vous rappelle que c'est des périodes d'échange de 10 minutes. M. le député de Chicoutimi, la parole est à vous.

M. Bédard: Oui. Alors, je vous remercie, M. Tremblay, M. Camus et Mme Blanchette, de nous faire part de vos commentaires.

Au départ, je vais y aller peut-être avec l'accessoire parce que c'est un article dont on a peu traité. Je vous avouerai, on s'est attardés particulièrement aux deux premiers articles lors de nos consultations, et vous faites des recommandations sur le troisième, sur la destruction au niveau des documents, et là je veux peut-être mieux me faire comprendre... le quatrième plutôt, là. Pourquoi vous souhaitez effectivement, à 825.14, qu'on n'inclue pas «et dans les formulaires», là, pour bien faire comprendre aux membres de cette commission vos représentations là-dessus?

Mme Campeau-Blanchette (Denise): Bien, si je peux me permettre une réponse. Dans le fond, ce qu'on souhaite dans le fond, c'est qu'on fasse une recherche conjointe sur une base d'entente, ce qui fait que, si on fait référence à un formulaire... ou en tout cas l'interprétation qu'on en faisait quand on a analysé l'ajout proposé, c'est que, dans un formulaire, il y a nécessairement des points qui sont définis et qui peuvent être... pas en dehors, mais qui ne vont pas nécessairement dans le sens de l'entente à laquelle on pourrait arriver entre conjoints. Donc, on disait: Il ne faudrait pas obliger de faire référence à un formulaire. Si on doit y aller, oui, mais, si on en est mesure d'arriver à une entente, dans le fond... comme le dit le texte, dans le fond, on privilégie une recherche de solution sur une base d'entente plutôt qu'à partir de critères ou d'éléments prédéterminés sur lesquels il est possible qu'on soit... on n'a pas besoin de traiter ou que... sur lesquels il y a une entente qui comble mieux, ou moins, ou peu importe. Mais il reste que, si on est arrivé à une entente, on n'a peut-être pas besoin de faire référence à des critères qui seraient déjà prédéterminés.

C'est le sens de s'opposer au fait d'ajouter le formulaire. C'est-à-dire qu'il est possible qu'on soit obligé d'y aller si on n'arrive pas à une entente, mais on dit... le message clair qu'on souhaitait qui passe, c'est qu'on aille vers une recherche de solution mais sur une base d'entente. Mais je ne sais pas si ça clarifie, là, mais c'était... c'est le sens qu'on donnait à cette opposition-là.

M. Bédard: Comme vous le souhaitiez, O.K. C'étaient des craintes que vous aviez là-dessus, O.K. Bon, pour revenir... vous avez bien exprimé vos recommandations sur 580... sur le premier article, finalement, là, sur la modification où vous avez des réserves. Par contre, sur 587, vous dites... ce que j'ai compris, vous êtes en faveur ? c'est cela? ? de la modification telle qu'elle est proposée?

Mme Campeau-Blanchette (Denise): Oui, puis de tenir compte dans le fond, oui, des enfants qui ne seraient pas concernés par la demande qui est là, oui.

M. Bédard: O.K. On a eu, pendant nos auditions, certaines représentations qui ont été faites, et, moi aussi, effectivement, j'étais en faveur de l'article tel que rédigé, je vous dirais, lors de la première lecture du projet de loi. Or, il y a une association qui n'est quand même pas, là, rien de léger, qui est l'Association des avocats et avocates en droit familial du Québec, qui sont venus nous représenter leur interprétation qu'ils avaient... possible de cet article. Et ils nous ont mis en garde. Et je vais vous lire un peu leur mise en garde, et vous me direz ce que vous en pensez après si vous avez les mêmes craintes que moi.

Tout d'abord, l'association, elle s'interroge de la sagesse de modifier de façon importante les critères qui permettent aux tribunaux de déroger des montants de pension alimentaire pour des enfants établis conformément au barème québécois, et là ils disent pourquoi. Plus particulièrement, je vais vous donner un des paragraphes qui est: «En fait...»

n(16 h 20)n

Et là, vous savez, le nouveau critère est un peu la discrétion judiciaire, comment vont interpréter les juges ce pouvoir qui avant était dans des cas excessifs, dans des cas de difficulté excessive. Maintenant, nous allons laisser aux tribunaux ou au tribunal le soin de déterminer effectivement est-ce qu'il est bon de le faire ou de ne pas le faire. Et là ils nous ont dit: «Voici la conséquence que ça pourrait avoir. En fait, il est vrai que le tribunal conserve un pouvoir discrétionnaire en raison de l'expression "la valeur de ces aliments peut toutefois être augmentée ou réduite par le tribunal" ? trois petits points. Il n'en demeure pas moins que le seul critère qui subsiste, pour la partie qui invoque l'exception, est la présence d'autres enfants ? autrement dit, un automatisme, il y a d'autres enfants. Ce faisant, au lieu de privilégier les enfants et leurs besoins alimentaires, la loi s'apprête à favoriser plutôt les débiteurs alimentaires. Ceci constitue une démarcation claire de la jurisprudence en matière alimentaire[...] ? et là il reprend un peu plus loin ? de permettre aux parents qui plaident la dérogation de ne plus avoir à justifier de difficultés, quelle qu'en soit la qualification, ni d'avoir à prouver l'impact de ces difficultés sur son niveau de vie risque d'entraîner de plus en plus de dossiers où le niveau de vie des enfants sera inférieur au niveau de vie du parent débiteur, précepte qui vient directement en contradiction avec l'un des principes retenus par la Cour suprême dans...» Bon, et là je vous fais grâce de la décision.

Vous, est-ce que ça vous ébranle, ce type d'argumentation? Est-ce que vous pensez finalement... vous ne pensez pas qu'il serait plutôt plus sage de notre part, du législateur, de restreindre l'application d'un tel article?

Mme Campeau-Blanchette (Denise): Moi, je pense, le point de vue à partir duquel on l'a analysé, c'est le point de vue du bien-être de l'enfant. Alors, il est possible que, si on retourne faire nos devoirs, qu'on analyse l'ensemble de l'impact de ce que ça pouvait vouloir dire, il y a peut-être des éléments qu'on n'a pas pris en compte. Mais l'idée de tenir compte des enfants qui n'étaient pas visés dans ce qui était déjà là était de tenir compte d'une réalité qui est la réalité des familles recomposées, dans le fond. Et donc il est possible que notre analyse n'a été que parcellaire ou limitée, mais c'était... c'est parce que...

M. Bédard: Mais je ne vous le reproche pas, là. Je ne vous le reproche pas.

Mme Campeau-Blanchette (Denise): Non, non, non. Mais j'explique à partir de quoi on a fait la réflexion. Et effectivement on n'est pas allés peut-être analyser l'impact de ce que ça pourrait... mais on l'a analysé à partir des valeurs qu'on soutient ou qu'on défend. Et on se dit: En fonction du bien-être de l'enfant, on pense que c'est logique d'être capable de tenir compte de l'enfant qui n'est pas visé dans la... et donc qu'on puisse effectivement, puisqu'il n'y a qu'un revenu...

Le revenu ne se multiplie pas parce que les enfants se multiplient, mais, en même temps, c'est comme si on était dans une même famille. Il faut être capable de trouver une solution. Et je suis d'accord quand vous soulevez l'aspect du discrétionnaire. Bien sûr que ça alloue un discrétionnaire en quelque part, mais, en même temps, il y a une réalité aussi à tenir compte.

M. Bédard: Parce que, dans les faits, on n'est pas dans une même famille.

Mme Campeau-Blanchette (Denise): Non.

M. Bédard: Et c'est ça que...

Mme Campeau-Blanchette (Denise): Tout à fait. Oui.

M. Bédard: Et il ne faut pas penser que... ? et là je le dis plusieurs fois; j'ai l'impression de me répéter, mais vous venez aujourd'hui, là ? mais cette égalité qu'on vise, c'est l'égalité face au débiteur et qui n'est pas l'égalité de la réalité des enfants. Autrement dit, la première famille peut être dans une situation financière beaucoup plus précaire que la deuxième. Et souvent c'est le cas, effectivement, alors, ce qui peut faire en sorte que, sur une base d'égalité face au débiteur, on va peut-être baisser le montant. Mais, face à leur vie de tous les jours, à leur, je vous dirais, à leur potentiel économique ou à leur disponibilité qu'ils ont par rapport à leur lieu familial, leur vrai lieu familial, bien là ce n'est pas pareil, ce n'est pas égal.

Et, au contraire, une famille pourrait être défavorisée par rapport à une autre. Parce qu'on donnait l'exemple: j'ai quatre enfants: deux d'une famille, deux de l'autre ? et ça, vous savez, ça m'a assez ébranlé, genre, bon ? le père gagne 50 000 $, la mère gagne 20 000 $. Le père s'en va, bon, bien, peu importe le motif, et, dans une nouvelle famille, encore une fois, il y a deux nouveaux enfants avec une femme qui gagne 20 000 $, lui, 50 000 $. La première famille, moi, je verse un montant x, disons, sept, huit, huit... disons 8 000 $. La première famille n'est pas remariée. La première femme, plutôt, n'est pas remariée. Elle, elle a 20 plus 8: 28. Moi, j'ai encore 50 moins 8, 42. Plus 20, 62. Je pourrais prétendre que, face... moi, comme débiteur, l'égalité des enfants, c'est une bonne chose, mais, dans la vie, là, la première famille, là, elle a un revenu familial de 28 000 $, puis l'autre en a un de 62 000 $.

Alors, est-ce que j'ai le goût de permettre à un tribunal de réviser des pensions alimentaires sur cette base? Et c'est pour ça qu'on avait le critère excessif, parce qu'on disait: Wo! Une minute, là, ces enfants-là sont nés; vous avez des obligations, et, si ça vous entraîne des obligations excessives... Mais là on ramène à: dans tous les cas...

On ne sait pas comment ça va être interprété, mais on ouvre la possibilité de la discrétion judiciaire. Est-ce que c'est de nature à vous ébranler autant que moi?

Mme Campeau-Blanchette (Denise): Ça questionne.

M. Bédard: Ça questionne, hein? Est-ce que vous pensez qu'on n'aurait pas avantage à resserrer... à s'assurer qu'il n'y ait pas justement de dérive jurisprudentielle à ce niveau-là avant? Autrement dit, de ne pas corriger une éventuelle ligne jurisprudentielle qui pourrait se dégager et que, dans tous les cas... Et c'est ce qu'ils nous disent, là ? je paraphrase ? mais l'avocate nous disait: Vous savez, en ajoutant ce critère, vous obligez presque le tribunal à en prendre compte, à créer presque un automatisme, alors... Et, sans être d'accord ou contre son avis, là, moi ? puis c'est une experte en droit matrimonial, en droit familial ? là, je me dis: On aurait sûrement avantage, là, à mieux baliser, pour éviter justement... sans être excessif, du moins, mais à mieux baliser ce critère d'intervention des tribunaux.

Le Président (M. Simard): Alors, une très, très rapide réponse ou un commentaire.

M. Camus (Sylvain): Oui. Je suis un petit peu mal à l'aise vis-à-vis cette situation-là. C'est parce que, de tenir compte des responsabilités vis-à-vis des enfants... C'est que, c'est sûr, si on est avec une conjointe qui a des revenus puis qui a des enfants, elle a une certaine autonomie. Alors, nos obligations... on a certaines obligations qu'on remplit, mais elles sont relativement limitées. Alors, comment est-ce qu'on va en tenir compte? Est-ce qu'on va vraiment réduire ma pension alimentaire parce que j'ai une nouvelle conjointe dans le fond qui est capable de suffire à ses besoins? Alors, c'est quand même important, dans chaque cas, de démontrer en quoi les personnes avec lesquelles on est dans une nouvelle famille sont des dépendants, comme tel. Alors, c'est important de...

Alors, il y a toujours une démonstration qui va demeurer en quelque part, là, vous savez. Même chose avec les dettes. Qu'est-ce qu'une dette raisonnable puis une dette non raisonnable? C'est loin d'être déterminé, comme tel, là. Je me suis acheté un beau camion à 500 $ que je paie par mois, puis là je suis pris, je viens de me séparer. Est-ce que ça rentre comme une dette? Je l'ai acheté pour la famille, on s'en servait tous les deux. Ça, c'est une affaire que j'ai entendue cette semaine. Alors, est-ce que c'est une dette raisonnable ou non, comme tel? Alors, c'est un petit peu ambigu comme situation, là. La personne gagne 60 000 $ par année, il y a quatre enfants.

Puis il y a une réalité aussi que j'ai remarquée. Je voudrais peut-être juste terminer pour tenir... pour vous informer de ça, c'est: depuis qu'il y a eu des grilles de pension alimentaire au Québec, il y a beaucoup moins d'injustices d'après moi qui sont faites, et puis on répond beaucoup plus aux besoins de l'enfant.

M. Bédard: C'est ce que je pense.

M. Camus (Sylvain): Puis, lorsqu'il y a un ou deux enfants, les gens y arrivent très bien, mais lorsqu'il y en a trois, quatre ou autres, comme... si tu gagnes 20 000 $ par année puis tu as quatre enfants, combien tu vas payer de pension alimentaire? Puis, si tu te retrouves dans une famille recomposée, est-ce que tu as le droit de former une nouvelle famille recomposée? Puis as-tu les moyens de le faire?

Alors, c'est ça, l'esprit de la loi, d'une certaine façon, de tenir compte des autres enfants.

M. Bédard: Au détriment de qui?

M. Camus (Sylvain): Ça, c'est une grande injustice au niveau de la vie, de ne pas pouvoir refaire une famille recomposée ou de nous consacrer, de nous envoyer dans... de nous limiter à l'illégalité. Alors, il faut avoir les moyens de procéder. Puis, à un moment donné, il va falloir que l'État...

On parle de démographie, de chute de démographie. Comment est-ce qu'on peut encourager ça? Bien, à un moment donné, il va falloir que l'État peut-être se rende compte que, pour ceux qui ont des... pour les situations difficiles, il va falloir peut-être les soutenir d'une certaine façon. Alors, je voulais juste laisser ça à votre réflexion, comme...

Le Président (M. Simard): Je vous remercie beaucoup, M. Camus.

M. Camus (Sylvain): ...d'opinion et de politique.

M. Bédard: J'ai beaucoup de réserves, beaucoup de réserves par rapport à ça, là.

Le Président (M. Simard): Je vous remercie beaucoup. Merci beaucoup, M. Tremblay, Mme Campeau-Blanchette, de votre participation. Et nous suspendons pendant quelques minutes pour tout de suite entendre le prochain groupe.

(Suspension de la séance à 16 h 28)

 

(Reprise à 16 h 29)

Le Président (M. Simard): Alors, j'invite tout de suite l'Association des familialistes de Québec à nous joindre. Mme Louise Bilodeau, la présidente, et Mme Sandra Armanda, vice-présidente. Alors, il y a même une... Non, c'est ça, deux personnes. Alors, veuillez prendre place. Vous nous excusez, mais nous devons être le plus efficace possible, mais vous aurez tout le temps d'expliquer votre point de vue. Je vous invite donc... À ma gauche, c'est-à-dire à votre droite, c'est certainement Mme Bilodeau, c'est ça?

Mme Armanda (Sandra): Pas du tout.

Le Président (M. Simard): Pas du tout? Voyez comment on se trompe.

Mme Bilodeau (Louise): Alors, Louise Bilodeau.

Le Président (M. Simard): Bon. Alors, très heureux.

Mme Bilodeau (Louise): Et Me Sandra Armanda.

n (16 h 30) n

Le Président (M. Simard): Alors, nous vous écoutons.

Association des familialistes de Québec

Mme Bilodeau (Louise): Alors, on tient tout d'abord à remercier M. le ministre de la Justice et les autres membres de la commission de nous avoir invitées à participer aux discussions entourant le projet de loi n° 21.

Une brève présentation de l'association. L'association... Je sais que vous avez entendu l'Association des avocats et avocates en droit de la famille de Montréal. Alors, on est, je ne dirai pas le pendant ou un parallèle; je pense que c'est deux associations quand même indépendantes.

L'Association des familialistes de Québec a été fondée en 1993 et elle regroupe environ 130 avocats présentement, des avocats et avocates oeuvrant principalement en droit de la famille. L'objectif est notamment d'informer les membres de tous les développements et les nouveautés, les modifications, tant au niveau légal que jurisprudentiel, et d'offrir la formation dans le domaine du droit de la famille. Alors, j'en viens directement un peu à nos commentaires, nos brefs commentaires parce qu'on doit se dire que, de façon générale, on se réjouit des modifications, et on peut constater que les modifications et les amendements qui sont proposés viennent un peu codifier la jurisprudence qui existait. Alors, en pratique, on voit que c'est des notions qui étaient quand même assez développées et on vient tout simplement le confirmer.

Alors, de façon générale, nous sommes d'accord avec les modifications proposées et, tel que le faisait également le Barreau ? on souligne que le Barreau était d'accord également ? et nous allons dans le même sens qu'eux. Toutefois, on avait de légères modifications, et c'était quand même assez mineur en ce qui concerne l'article 586. L'article 586, tel que proposé, mentionne: «Un parent qui subvient en partie aux besoins de son enfant majeur...» Alors, le commentaire qu'on avait, c'était plus... pas nécessairement une modification qu'on recherchait, mais c'était un peu... Lorsqu'on lisait cet article-là, c'est comme s'il manquait un mot, c'est comme on vient dire: «Un parent qui subvient en partie...» Est-ce que c'est nécessaire qu'il subvienne seulement en partie? Alors, notre commentaire était tout simplement d'ajouter le mot «en totalité ou en partie aux besoins de son enfant majeur», et le reste était tel quel, on n'avait aucune modification.

Alors, je vais y aller peut-être de certains commentaires qui nous réjouissent, les côtés positifs qu'on voit également à cet article-là. C'est que l'article 586, plusieurs commentaires qu'on a eus à l'association, ça évite de placer l'enfant dans un conflit devant de ses parents. C'est évident qu'on a eu une distinction assez majeure entre la Loi sur le divorce et les conjoints de fait, de sorte que les enfants subissaient le statut de leurs parents. Malheureusement, lorsque est arrivée la jurisprudence qui faisait en sorte que les recours, pour un enfant de 18 ans, lui appartenaient et que la pension alimentaire était annulée, l'enfant se plaçait vraiment en conflit devant un de ses parents et souvent devait laisser tomber parce qu'il ne voulait pas être en chicane. Puis on comprend aussi la situation: c'était dramatique d'obliger un enfant... de contraindre un enfant à être obligé de poursuivre son parent devant les tribunaux et avec tout le résultat qui pouvait en découler: conflits, chicanes dans la famille; après ça, gêne, malaise devant le parent. Alors, on est très heureux de voir qu'au moins les enfants seront sur un pied d'égalité dans ça.

Ça permet le maintien de l'obligation alimentaire également parce que c'est justement pour ces raisons-là... Un majeur... Lorsque quelqu'un devient majeur, il pouvait être plus tenté de dire: Bon. Je n'irai pas faire valoir mes recours, il manquait d'argent. Alors, ça va également favoriser la poursuite des études. On en est convaincus parce que plusieurs jeunes malheureusement devaient abandonner les études parce qu'ils n'osaient pas aller réclamer à leurs parents. Ça va éviter également la manipulation d'un parent. Quand la pension alimentaire est payable à une ex-conjointe et la poussière est retombée, ils ont déjà eu des recours devant les tribunaux, c'est une chose. Ils sont aussi adultes; ce n'est pas la même chose qu'un enfant qui est obligé de poursuivre son parent. Et le parent qui paie à l'enfant et qui est face à un recours va commencer... peut commencer à manipuler en disant: Bien, écoute, une nouvelle voiture, je n'ai pas d'argent. Puis là le jeune ne voulant pas faire... blesser son père ou sa mère, le parent payeur, va avoir tendance souvent à se laisser manipuler.

Ça va éviter également les discussions lorsque la pension alimentaire est payable directement à l'enfant majeur pour éviter d'autre part les discussions concernant la gestion de ces sommes-là. C'est sûr que, si l'enfant majeur reçoit la pension alimentaire, le parent gardien... c'est assez difficile pour le parent gardien de dire: Tu me dois 50 $ cette semaine pour l'épicerie, tu me dois 200 $ pour le loyer. C'est évident que, des choses comme ça, c'est ce que ça apportait, et c'était malheureux.

Ça va replacer finalement tous les enfants majeurs, quel que soit le statut de leurs parents, sur un pied d'égalité. Et de plus, là, ça évite surtout de les placer dans le centre du conflit de leurs parents. Alors, c'étaient les commentaires que nous avions sur l'article 586, qui est très bien accueilli par l'association, là, ne serait-ce que les mots «en totalité» qu'on aimerait voir ajoutés.

On avait une interrogation dans nos commentaires quant à l'article 586. Les percepteurs de pensions alimentaires... Compte tenu de ce qui existait alors, lorsqu'un enfant atteignait la majorité, il n'avait plus de pension alimentaire. Alors, on se demande: Est-ce que la pension alimentaire, c'est seulement une question sur l'interprétation? Est-ce que la pension alimentaire octroyée lorsqu'un enfant était mineur... Par exemple, un jugement intervient, l'enfant a 17 ans: est-ce qu'on prend pour acquis que la pension alimentaire va continuer lorsqu'il aura 18 ans ou est-ce qu'à la lecture de l'article, est-ce que c'est plutôt... on vise plutôt que le recours doit être intenté à l'époque où il a 18 ans? Ce qui serait malheureux parce qu'on ferait encore une distinction entre les enfants nés de parents mariés sous la Loi sur le divorce ou encore ceux régis par le Code civil.

Alors, je crois qu'il faut s'assurer que la pension alimentaire octroyée alors qu'un enfant était mineur est maintenue. Et le percepteur ne gérera pas les dossiers d'un conjoint de fait régi par le Code civil différemment des conjoints qui étaient mariés régis par la Loi sur le divorce, le but de la loi, le but du législateur étant de faire une égalité entre les enfants majeurs. C'est tout simplement, là, peut-être une interrogation qu'on avait. Et on souhaite à tout le moins, là, que ce soit géré par les percepteurs et par... l'exécution des jugements se fasse de la même façon, que les enfants soient nés dans une situation ou dans l'autre.

En ce qui concerne l'article 587, alors je... très peu de commentaires. Nous savons que certains organismes se sont posé beaucoup de questions, beaucoup d'interrogations. Ce n'est pas le cas pour l'Association de Québec. En fait, encore ici, on voit que le but visé est tout simplement de venir codifier la jurisprudence existante. On plaidait les enfants nés d'une autre union à titre de «difficultés excessives». Ça vient tout simplement venir dire que, oui, on peut continuer à demander une exception à la règle générale lorsqu'il y a des enfants nés d'une autre union.

On est heureux également de voir qu'il existe un pouvoir discrétionnaire; ce n'est pas le tribunal «doit», c'est le tribunal «peut». Alors, il est évident qu'on prend une situation où il y aurait six enfants nés d'une première union, monsieur fait 300 000 $, et il y en a un nouveau avec une nouvelle conjointe qui en fait 200 000 $, bon; le tribunal, si c'était «doit», ce serait malheureux, là. Naturellement, j'exagère au possible l'exemple, je parle de certaines professions. C'est plutôt rare, ces revenus-là, devant les tribunaux, du moins à Québec, mais en exagérant de cette façon-là, c'est toujours, là, je pense, quand on exagère un exemple qu'on voit des fois... qu'on peut voir le ridicule de la situation.

Alors, le fait de pouvoir évaluer, c'est souvent ce qu'on peut voir lorsqu'on plaidait l'arrivée d'autres enfants d'une nouvelle union. C'était, par exemple, un revenu... deux enfants nés d'une première union avec un revenu de 28 000 $, 30 000 $, une pension alimentaire selon les barèmes; quand arrivent un autre enfant ou deux autres enfants, là, ça peut créer une difficulté excessive, et on plaidait sous la forme de «difficultés excessives». Et, quand on regarde la jurisprudence, c'est évident que, quelqu'un qui faisait 100 000 $, l'arrivée d'un enfant, ce n'est pas considéré comme une difficulté excessive. On fait confiance aux tribunaux, dans le sens que la jurisprudence qui existait déjà va sûrement quand même aider à éclairer les tribunaux dans le «peut» et le pouvoir discrétionnaire qui continue à être accordé aux tribunaux.

n (16 h 40) n

La modification qu'on suggérait quant à l'article 587.2 était... j'ai regardé le libellé qui était «à l'égard des enfants», je crois, «à l'égard d'enfants qui ne sont pas visés par la demande». Notre interrogation était: «À l'égard d'enfants», est-ce que ça peut constituer les enfants de la nouvelle conjointe? Je crois que ce n'était pas le but visé, sauf qu'à la lecture de l'article tel que proposé ça peut laisser la place à cette plaidoirie-là. Et il serait malheureux, là, de voir que finalement les enfants du parent payeur vont être pénalisés parce qu'il fait sa vie avec quelqu'un qui a, elle aussi ou lui aussi, d'autres enfants.

Alors, on proposait plutôt à l'égard de «ses» autres enfants, s-e-s, alors, pour bien montrer... ? puis d'autres formulations pourraient être acceptables ? c'est seulement qu'on comprenne bien que cet article-là vise les enfants du payeur et non les enfants... Parce qu'on dit d'autres enfants. Est-ce que c'est ses neveux, ses nièces; c'est un peu large comme notion.

On attirait également l'attention sur l'article 825.14, où c'était marqué «troisième ligne», et on croit que c'était la cinquième ligne dans le code, l'ajout du mot «entente». L'article 825.14, on dit: «par l'insertion, dans la troisième ligne du premier alinéa»; il s'agirait plutôt de la cinquième ligne.

Alors, je vous remercie. C'étaient les seuls commentaires qu'on désirait apporter.

Le Président (M. Simard): Merci beaucoup. Alors, tout de suite, nous allons passer à la période des échanges. Et j'invite, dans un premier temps, le ministre à vous poser les premières questions.

M. Bellemare: Alors, merci beaucoup, Me Bilodeau, Me Armanda, pour l'Association des familialistes de Québec, pour cette brève présentation, mais quand même complète, sur les deux principaux éléments du projet de loi. J'aurai quand même certaines remarques à faire concernant l'application de ce qu'on souhaite être le prochain article 587.2 sur l'égalité des enfants. On conçoit bien que, même dans une famille intacte où il y a trois enfants, les enfants ne sont pas forcément traités tout à fait de façon égale, là. Ce n'est pas des machines non plus, puis on ne divise pas par trois parce qu'on a trois enfants puis par deux parce qu'on en a deux; les besoins peuvent varier. Mais ce qu'on souhaite, c'est qu'il n'y ait pas d'inégalité au niveau des aliments du fait que certains enfants sont nés dans le cadre d'une autre union. C'est ça qu'on souhaite.

Et, à l'heure actuelle, on s'aperçoit que, compte tenu du critère de «difficultés excessives», les tribunaux hésitent beaucoup à intervenir. Et il y a des inégalités ou des injustices qui subsistent du fait que les juges ne peuvent pas intervenir pour établir les aliments de façon relativement uniforme, comme on le ferait normalement dans une famille unie.

Il reste qu'il y a une association qui s'est présentée devant la commission, la première, qui disait craindre que la façon dont le texte était libellé, en enlevant le critère de «difficultés excessives», et ce, malgré la présomption de 587.1... ils disaient craindre qu'il y ait une avalanche de demandes de révision et que, du seul fait qu'un enfant naîtrait dans le cadre d'une autre union, il y aurait nécessairement modification de la pension alimentaire préalablement fixée.

Ce n'est pas ma crainte personnellement et ce n'est pas la crainte qui a été à mon avis présentée de façon dominante devant la commission parce que la plupart des groupes n'alimentent pas cette crainte-là, mais: Qu'est-ce que vous avez à nous dire sur les conséquences éventuelles des modifications qu'on propose à 587.2? Comment pensez-vous que les tribunaux vont se diriger par rapport à cette nouvelle discrétion plus large qui leur serait conférée?

Mme Armanda (Sandra): Bien, dans les faits, ce que nous devons comprendre puis ce que nous comprenons de l'article, c'est qu'habituellement, lorsqu'on se présente devant les tribunaux, nous plaidons «difficultés excessives», et l'un des motifs que nous alléguons présentement, c'est le fait d'avoir un autre enfant à charge d'une autre union. La façon dont nous voyons le libellé de l'article, c'est tout simplement ce qu'on dit maintenant au juge, c'est: À titre de difficulté, nous vous informons que la loi prévoit, et non pas: On ne vous demande pas de faire la loi par des critères jurisprudentiels, mais la loi prévoit que vous pouvez considérer un enfant d'une autre union à charge.

Et maintenant le deuxième volet, c'est: Est-ce que cet enfant-là effectivement est une difficulté ou pas? Donc, je pense que c'est l'effet inverse. C'est qu'avant on demandait aux tribunaux de statuer, à savoir si le fait d'avoir un autre enfant d'une autre union était à charge, alors que maintenant on dit, bon: On peut le considérer comme élément de preuve.

Par ailleurs, il y a toujours l'élément discrétionnaire, où le juge peut considérer si effectivement il y a difficulté excessive ou pas. Donc, c'est pour ça que peut-être on ne se posait pas de question. On ne voit pas vraiment de...

M. Bellemare: Alors, ça changerait le type de discrétion que le juge pourrait exercer. Mais est-ce que ça va à votre avis amener une augmentation du nombre de requêtes en révision de pension? Et, si oui, de quel ordre à peu près? Comment vous l'estimez?

Mme Armanda (Sandra): Pas de façon significative parce que, encore là, vous avez une présomption, au niveau des barèmes, que les barèmes sont censés représenter les besoins d'un enfant. Et je vous dirais que, même à l'heure actuelle, devant les tribunaux, pour déroger aux barèmes de fixation de pension alimentaire, que ce soit en raison de dettes familiales, en raison de droit d'accès... de frais pour l'exercice de droits d'accès, c'est très rare que les pensions alimentaires vont être coupées de moitié ou encore de trois quarts ou, à tout le moins, annulées, là, au niveau des enfants.

C'est comme je vous dis: quand on est dans les dossiers où les revenus sont supérieurs à 300 000 $, on ne plaide pas l'enfant d'une autre union. On va le plaider dans des cas où les revenus sont de 30 000 $. Souvent, ces dossiers-là, la pension alimentaire est environ de 1 500 $ par année. Donc, pour que vraiment le juge diminue de façon extraordinaire ou réduise la responsabilité du débiteur alimentaire, il faut que ça ait quand même une incidence importante. Sinon, on ne va pas devant les tribunaux pour ça.

M. Bellemare: Parce qu'il y a... la loi... Vous me corrigerez, mais la loi... 587.2, tel qu'il est libellé actuellement, fait en sorte ? et c'est ce qu'on nous a rapporté ? qu'il y a des situations d'injustice où les enfants ne sont pas considérés de façon égalitaire. Il y a un premier enfant qui est issu d'une union, une première union, qui reçoit une pension alimentaire x, alors que le juge n'a pas tenu compte du tout du fait que le débiteur alimentaire a des obligations alimentaires par rapport à d'autres enfants.

Il y a des ressources qui sont beaucoup moindres pour subvenir aux besoins des deux autres enfants, par exemple. Ça fait qu'il y a trois enfants à la charge du débiteur alimentaire, puis il y a un déséquilibre important dans les aliments et ce qui peut être accordé à chacun des enfants du fait que le juge, étant lié par le critère de la difficulté excessive, n'intervient pas pour corriger ce déséquilibre-là. Et ce qui est important pour nous, c'est que le juge puisse le faire. Et on nous a également informés du fait ? et c'est dans le rapport du comité de suivi ? que les parties devant le tribunal qui avaient à établir l'existence de difficultés excessives encouraient des frais d'avocat importants, voire même excessifs.

Vous êtes avocates, vous pratiquez là-dedans. Les frais d'avocat, bien, c'est les avocats qui les facturent. Est-ce que c'est exact que, dans l'ordre actuel des choses, pour établir la présence de difficultés excessives, les frais d'avocat sont très élevés? Les débats ont cours sur plusieurs journées. Comment ça fonctionne? Parlez-nous-en un petit peu.

Mme Armanda (Sandra): Ce n'est pas plusieurs journées, mais il y a la préparation. Souvent, on fait... C'est parce que le fait de faire une preuve sur les difficultés excessives amène des témoins supplémentaires à la cour. Si vous avez une nouvelle cellule familiale, vous voudrez savoir quel est le revenu de la nouvelle conjointe; vous voudrez peut-être avoir l'employeur de la nouvelle conjointe à la cour; vous voudrez savoir c'est quoi, les frais. Si on vous dit, par exemple, que les enfants de la nouvelle cellule font... je ne sais pas, moi, ont des frais, en plus, particuliers. Donc, tous ces éléments-là devront être mis en preuve à la cour. Donc, c'est évident que c'est un nombre de témoins supplémentaires.

Il y a toujours aussi l'impondérable, qu'il faut être réaliste. On fait du droit de la famille. Si vous avez 10 dossiers droit de la famille au palais de justice en une journée, même si vous avez trois juges de disponibles, vous attendez votre rôle, vous attendez votre tour. Ça fait que c'est certain qu'une journée à la cour, si vous procédez à 4 heures pour un dossier d'une heure, votre avocat va quand même facturer sa journée à la cour. Et, à 30 000 $, c'est souvent ces dossiers-là où est-ce que les difficultés excessives sont les plus importantes. Moi, je vous dirais, entre 30 000 $, 50 000 $. J'ai raison, Me Bilodeau?

Mme Bilodeau (Louise): Oui.

Mme Armanda (Sandra): À 30 000 $ ou 50 000 $, ces gens-là ne sont pas admissibles à l'aide juridique, mais ils n'ont pas les moyens de payer des frais d'avocat. Et, à l'heure actuelle, un dossier contesté de pension alimentaire, à un taux horaire raisonnable, avec un travail raisonnable, envoi de subpoena, etc., peut coûter facilement entre 1 500 $ puis 3 000 $.

Mme Bilodeau (Louise): Oui.

Mme Armanda (Sandra): Donc, si vous demandez une difficulté excessive parce que votre client paie 1 500 $ de pension alimentaire annuellement pour deux enfants, le juge ne la réduira pas à zéro, là, parce qu'il y a un autre enfant d'une autre union. Il va peut-être la réduire de moitié à 750 $, mais, à 750 $, si ça vous a coûté 3 000 $ de frais d'avocat, est-ce qu'on s'entend qu'il aurait été mieux de payer sa pension alimentaire pour trois ans, d'assumer ses besoins pour ses enfants plutôt que de le payer en frais d'avocat? C'est une réalité des difficultés excessives, là, présentement.

M. Bellemare: Et est-ce que c'est exact qu'actuellement les tribunaux sont très réticents à intervenir, compte tenu du fait qu'ils peuvent intervenir uniquement dans la mesure où des difficultés excessives ont été prouvées?

n (16 h 50) n

Mme Armanda (Sandra): Moi, je pense qu'ils interviennent lorsqu'il y a vraiment des difficultés excessives parce qu'il y a des cas... Puis il ne faut pas oublier aussi, il y a des gens qui se disent aussi en difficultés excessives, mais lorsqu'on les interroge à la cour, le niveau de vie ne coïncide pas avec les difficultés excessives prétendues. Donc, il y a ça aussi. Mais en principe, moi, je vous dirais que... Moi, les dossiers que j'ai plaidés de difficultés excessives, lorsqu'il y en avait effectivement, ils ont été... les pensions alimentaires ont été réduites en conséquence, mais jamais de l'ordre de 50 % ou de zéro.

Mme Bilodeau (Louise): Et souvent, comme disait Me Armanda, c'est souvent dans les plus bas salariés que les difficultés excessives sont plaidées. Ce n'est pas quelqu'un qui gagne 100 000 $, la plupart du temps, qui va aller... Ce n'est pas la généralité, là. Ce n'est pas quelqu'un qui gagne 80 000 $ ou 100 000 $ qui va aller demander des difficultés excessives, c'est quelqu'un qui n'est pas capable payer, c'est quelqu'un qui a de la difficulté à payer. Ça découle de la notion; c'est rarement des hauts salariés.

M. Bellemare: Merci beaucoup.

Le Président (M. Simard): Merci beaucoup, et j'invite maintenant le député de Chicoutimi à vous adresser les prochaines questions.

M. Bédard: Alors, merci. Merci, Me Bilodeau et Me Armanda ? c'est ça? ? Armanda.

Une voix: ...

M. Bédard: Merci beaucoup. Bien, pour finalement vous avoir entendues un peu avant...

Et je vais continuer un peu sur la lancée du ministre et ma précédente un peu. Vous savez, je n'étais pas un spécialiste dans le domaine, donc j'ai beaucoup de... je le fais avec beaucoup d'humilité, dans le sens que je ne veux pas non plus dire le contraire de ce qui passe. Mais par contre, pour bien comprendre...

D'abord, un, en tout respect, je vous dirais: il y a d'autant d'avis que d'avocats. Je vous dirais aussi: en étant conscient de cela... ? puis on ne déterminera pas la ligne jurisprudentielle cet après-midi ? mais tout d'abord, ce que je constate, je vous dirais, c'est que le projet de loi, dans le deuxième article, n'a pas pour effet de codifier la règle pour la raison suivante. Et là en tout respect, je lis simplement le rapport qui dit: «À cet égard ? le rapport qui a amené, là, aux modifications, à cet égard ? depuis le premier rapport, une décision de la Cour supérieure est venue préciser que le remariage et l'ajout d'un ou plusieurs enfants ne fait pas en sorte de créer automatiquement des difficultés excessives. Par ailleurs, il est pertinent de rappeler que les tribunaux interprètent très restrictivement la notion de "difficultés excessives".»

Alors, ce que vient corriger le projet de loi, c'est que finalement, un, la jurisprudence est bonne à l'effet que ce n'est pas un automatisme. Il ne faut pas que ce soit un automatisme parce qu'il y a naissance d'un nouvel enfant; actuellement, la situation, c'est cela. Par contre, là, le projet de loi... on constate que «difficultés excessives», c'est tellement interprété restrictivement ou excessivement ? mais là entre guillemets parce que «excessif», c'est quand même un terme assez fort, là ? qu'il fait en sorte que ceux qu'on voudrait qu'ils passent dans... finalement qu'on souhaiterait voir leur pension révisée, elle ne l'est pas, ou du moins le test est trop hasardeux pour que même vous, comme avocate ou avocat, puissiez recommander, dans la plupart des cas: Allez-y, au coût que ça représente, les chances sont tellement minimes que vous êtes mieux de pas y aller.

Alors, ceux qui ont rédigé le rapport ont dit: Mais écoutez, est-ce qu'il y a moyen de s'assurer finalement que ceux qui doivent passer passent? Autrement dit... Et le but... Et là je m'en vais à la page 13: «Il faudrait assouplir le critère ? mais pour qui? Pas pour les riches, comme vous le dites, mais pour l'assouplir ? le rendre plus accessible pour les couples ayant des revenus peu élevés et qui n'ont pas les moyens de faire entendre leurs droits.» Autrement dit, ce qu'on veut faire, c'est que ceux qui ont à peine les moyens de se payer la requête et qui ont effectivement des difficultés ? entre vous et moi, qui sont effectivement excessives ? mais qui ne sont pas considérées excessives par les tribunaux, puissent passer le critère.

Et là mon problème est le suivant... pour finir mon raisonnement ? je suis long un peu ? tout simplement pour bien faire comprendre la crainte que j'ai: c'est que le législateur, vous le savez encore mieux que moi, ne parle pas pour rien dire. Moi, j'ai une jurisprudence qui dit qu'il n'y a pas d'automatisme quand je mets «excessif». Là, je l'enlève et je mets une discrétion au tribunal. Ça, ça veut dire qu'on est en train d'abord de réviser cette jurisprudence-là. Les gens vont pouvoir invoquer ? et, moi, je regarde la jurisprudence, là, comme juriste seulement dans le domaine ? vont pouvoir invoquer l'automatisme, et ça va être plaidable. Moi, je pense personnellement... j'aurais tendance à vous dire: C'est plaidable... de dire qu'avant ce ne l'était pas, mais quand on a le critère, maintenant, on peut plaider.

Vous ne pensez pas que seulement ça pourrait avoir pour effet ? et là, «seulement», c'est ma première question ? avoir pour effet d'augmenter de façon plus sensible les dossiers? Allez-y, Me Armanda.

Mme Armanda (Sandra): Non, et je vous dis pourquoi. Parce que présentement, à l'heure actuelle, ce n'est même pas juste... on pourrait... ? vous me corrigerez, Me Bilodeau ? mais ce n'est même pas juste une question de «difficultés excessives». Aussitôt qu'on invoque le fait qu'il y a un enfant d'une tierce union, le juge nous regarde en disant: Quels sont vos motifs? Et là il regarde le reste, bon, du dossier, bon, comme un peu je vous expliquais, la nouvelle cellule familiale, etc. La preuve ne sera pas plus difficile, ne sera pas moins facile qu'on soit avec le nouvel article ou l'ancien article de loi, si on veut.

La seule différence, moi, de ce que je vois, c'est qu'avant on devait plaider au juge que le fait d'avoir un autre enfant était en soi un critère qui me permettait de plaider la difficulté excessive. Ce que je comprends avec le nouvel article, c'est qu'on me dit: Maintenant, je n'ai plus besoin de plaider le fait que c'est un critère. Ça en est un, critère, où je peux plaider que j'ai un autre enfant à charge. J'ai encore une discrétion du juge. Et, à partir du moment que j'ai une présomption que les barèmes... c'est en fonction des barèmes que c'est supposé répondre aux besoins des enfants, je vais faire mon autre preuve pareil.

Que je sois en matière de difficultés excessives ou de difficultés tout court, je vais devoir quand même dire au juge: Mais évaluez l'ensemble de la preuve quand même. Je n'aurai pas plus de recours, pas moins.

M. Bédard: Bien humblement...

Mme Armanda (Sandra): Ou je vous comprends...

M. Bédard: ...je lis la référence; vous savez, ça a été plaidé en 2001, ce que je vous parle, là, ce n'est pas en 1900, c'est... Là, j'ai LV contre PB 2001 et RDF-859. Ça veut dire qu'en 2001 il y a quelqu'un qui a plaidé qu'il y a une présomption qui fait que le remariage et l'ajout d'un ou plusieurs enfants ne fait pas en sorte de créer automatiquement des difficultés.

Ça veut dire: quelqu'un qui a plaidé ça en l'an 2001. Lui, il dit... Puis, moi, je vous dirais, comme... j'aurais tendance à vouloir le plaider. Puis, avec la discrétion, j'aurais même tendance à dire que le législateur, lui, il a voulu ça finalement, de créer presque un automatisme parce que, avant, ça n'en était pas un. Donc, comme il ne parle pas pour ne rien dire, maintenant, est-ce que ça en est un? Bien, moi, si ça a été plaidé avec «difficultés excessives», entre vous et moi, ça va être pas mal plus plaidé si on donne la discrétion judiciaire.

Et là en tout respect, je ne vous dis pas que j'ai raison ou tort, mais, entre vous et moi, moi, être avocat... Je comprends que, vous, vous ne le recommanderez pas à vos clients, mais j'en connais plusieurs qui vont dire: Wo! là, c'est quand même beaucoup plus ouvert. Allons-y, allons en révision. Et je pense, sans dire qu'il y aura avalanche des 22 000 dossiers qui vont être réouverts l'an prochain... je crois, moi, que ça risque d'avoir des impacts importants.

L'autre chose, c'est que... Et c'est l'autre association de Montréal qui nous disait: Comme on ne veut pas toucher les cas qu'on disait... même les cas de revenus élevés, où on arriverait à des injustices malheureuses, où le tribunal créait un automatisme ou presque, parce qu'il y a les cas limites, il y a les cas, bon, de 200 000 $, 300 000 $... Ça, ça me surprendrait que tout tribunal arrive, malgré que des fois ça peut arriver, mais il serait peut-être cassé en appel... arriverait à des décisions aussi farfelues.

Mais il y a des cas limites, des cas où les revenus sont quand même, bon, des gens qui font 40 000 $, 45 000 $. Vous savez, c'est à la limite, là. On n'est pas dans le trèfle, là. Et là la ligne jurisprudentielle, elle va être où, vous pensez? Moi, je pense qu'il risque de se dégager des lignes jurisprudentielles qui vont être inquiétantes. Ils vont créer de l'injustice par rapport aux enfants des premiers couples. Alors, moi, je vous dis: Est-ce qu'on n'aurait pas avantage, maître, de restreindre l'accessibilité à ce recours et de quelle façon on peut...

Là on a une proposition d'ailleurs du Barreau d'ajouter des... je vous dirais, des dispositions, le terme «difficultés» pour justement... de vraiment donner un signe aux tribunaux que: Regardez, là, ce n'est pas le bar ouvert ce matin. Là, on veut... Excessif, c'est trop excessif, alors... mais ce n'est pas non plus automatique.

Alors, est-ce que vous pensez qu'on aurait avantage effectivement à raffiner notre rédaction de façon à éviter que certains s'ouvrent à ce type de recours?

Mme Bilodeau (Louise): ...note peut-être qu'il y aurait avantage... parce qu'on ne connaît pas, on ne sait pas qu'est-ce que ça va faire. On l'ignore. On ne sait pas qu'est-ce que les tribunaux vont décider puis on ne sait pas s'il va y avoir une avalanche ou non de demandes.

Les gens, dans différents milieux, attendent cette loi-là, mais je crois aussi, pour avoir entendu des gens dans différents milieux qui pensent que ça va être un automatisme et qu'il y a une grille qui fait en sorte que: J'ai un enfant avec une, j'ai un enfant avec l'autre, j'ai un enfant avec l'autre, et la grille nous dit combien je vais payer à chacune. Ce n'est pas ça que le projet de loi dit. Les gens pensent ça.

Alors, présentement, oui, j'aurais peut-être tendance à vous dire: quand on regarde dans certains milieux, on peut penser qu'il va y avoir une avalanche à cause... peut-être aussi dû au fait qu'il y a une mauvaise information, que les gens pensent peut-être que c'est un automatisme. Ceci étant dit, je ne pense pas que ça va créer une avalanche, mais peut-être que les gens vont s'essayer aussi. Quand il y a une nouvelle loi, c'est sûr que les gens peuvent. On l'ignore.

n(17 heures)n

Par contre, il faut bien se dire que des enfants nés d'une autre union... parce que c'est ce qu'on vise, des enfants dans une famille et une autre famille. On n'est pas nécessairement en révision. On est peut-être dans une procédure qui était là. Je m'explique. Admettons que quelqu'un divorce et qu'il a un enfant avec sa conjointe d'avec qui il divorce, mais qu'il avait auparavant deux autres enfants nés d'une autre union; ça ne lui fera pas faire une procédure supplémentaire. C'est une procédure que de toute façon il aurait faite parce qu'il est dans le cadre du divorce ou d'une séparation. Parlons du Code civil: conjoints de fait, ils se séparent. Alors, il faut de toute façon qu'il aille régler la garde du troisième enfant, mais il y en avait deux autres avant. Ça peut aussi dire: Je dois... Je suis d'accord... Je demande au tribunal de fixer une contribution alimentaire pour mon troisième enfant mais de prendre en considération le fait que j'en avais deux autres avant.

Alors, pour répondre aussi peut-être à la question de tout à l'heure, à l'effet.. Est-ce que ça va engendrer des frais supplémentaires? Dans ces cas-là, non. Ce ne sera pas pire, il n'y aura pas de coût supplémentaire qu'on va ajouter à ça. D'un autre côté, avant l'adoption de l'article tel que rédigé à l'heure actuelle, où on parle de difficultés excessives ? si on se situe en 1995, par exemple ? on est venu codifier... Avec l'article 587.2, à l'époque, on est venu codifier les difficultés excessives, par exemple, reliées à l'exercice du droit d'accès. Avant, ce n'était pas codifié. Est-ce qu'il y a plus de demandes devant le tribunal pour venir dire aujourd'hui: «Je reste à Trois-Rivières; je veux que ma pension soit diminuée» qu'avant 1997? Je ne suis pas certaine, parce que c'était aussi un pouvoir discrétionnaire du tribunal, même si ce n'était pas dans la loi. Alors, est-ce que ça a créé une avalanche quand la loi est venue dire: Comme difficulté excessive, on peut également plaider ça? Il n'y a pas nécessairement eu d'avalanche de ce côté-là. Alors, est-ce que ça... Je ne crois pas... Pour ces raisons-là, je ne le crois pas.

Le Président (M. Simard): Alors, je vous remercie beaucoup, Me Armanda et Me Bilodeau, de votre collaboration, de votre présentation. Et j'invite immédiatement le Conseil de la famille et de l'enfance à venir se joindre à nous.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Simard): Alors, nous avons le plaisir maintenant de recevoir des représentantes du Conseil de la famille et de l'enfance: Mme Marguerite Blais, sa présidente, et Mme Isabelle Bitaudeau, et Mme Danielle Aubert. Alors, vous avez un mémoire que vous avez fait parvenir à la commission. Vous allez nous en présenter l'essentiel en une quinzaine de minutes, et nous aurons ensuite le plaisir de vous poser des questions et discuter avec vous.

Conseil de la famille et de l'enfance (CFE)

Mme Blais (Marguerite): M. le Président, merci beaucoup. Mesdames et messieurs, nous remercions les membres de la commission de leur invitation. Il s'agit pour moi d'une première expérience devant une commission depuis mon entrée en fonction à la présidence du Conseil de la famille et de l'enfance, en décembre dernier. C'est une marque de confiance que nous apprécions. Soyez assurés que le Conseil de la famille et de l'enfance est toujours désireux de contribuer aux réflexions sur les questions en lien avec sa mission.

Rappelons que le Conseil de la famille et de l'enfance est un organisme gouvernemental dont le mandat est de conseiller le gouvernement du Québec au regard de la famille et de l'enfance. Il produit des avis, des rapports teintés des réalités familiales observées lors de consultations publiques et alimentées par des recherches issues de divers milieux et institutions concernés par les questions d'intérêt familial.

Nous souhaitons aujourd'hui partager avec vous quelques réflexions que suscite l'analyse des amendements proposés aux articles 586 et 587.2 du Code civil portant sur la fixation des pensions alimentaires pour enfants. L'adaptation des politiques publiques aux réalités des familles est une préoccupation constante du conseil. La mouvance de réalités familiales crée des impératifs qui nécessitent des changements législatifs. Nous considérons que le projet de loi n° 21 s'inscrit dans cette volonté d'adapter deux dispositions du Code civil aux réalités des familles d'aujourd'hui et, dans ce sens, ne pouvons que féliciter les législateurs de leur intérêt manifesté en ce sens.

Par conséquent, le Conseil de la famille et de l'enfance se montre favorable aux amendements proposés aux articles 586 et 587.2 du Code civil du Québec. Il est en effet impératif d'une part d'harmoniser les dispositions légales pour assurer une égalité de traitement entre les enfants majeurs, indépendamment du statut marital de leurs parents au moment de la rupture conjugale. La possibilité qu'un mandataire exerce un recours pour obtenir une pension alimentaire au nom du jeune adulte qui n'est pas en mesure d'assurer sa subsistance est propice au maintien des liens affectifs entre le parent et l'enfant. D'autre part, le conseil est sensible à la nécessité d'intégrer dans la législation la possibilité pour un parent de faire valoir ses obligations alimentaires envers l'ensemble des enfants dont il a la charge. Il s'agit là d'une question d'équité à l'égard de tous les enfants.

Il appert toutefois au conseil que, dans l'ensemble du domaine familial, le recours à la médiation est à favoriser. Le conseil recommande ainsi au gouvernement de renforcer les possibilités de processus de médiation entre les personnes concernées et de poursuivre la promotion des approches non judiciarisées en matière familiale. Ce sont les enfants qui sont les premiers bénéficiaires d'un climat serein amené par des ententes mutuelles entre les parents. En référence à l'avis L'allégement du processus judiciaire en matière familiale ? Mieux soutenir les parents et les enfants lors de contentieux familiaux, émis en 2003, le conseil réitère sa recommandation au gouvernement d'envisager la pertinence de créer un tribunal unifié de la famille. Cette structure, qui existe dans les autres provinces canadiennes, semble avoir des impacts positifs pour faciliter l'accès des familles à la justice. Le Québec aurait donc avantage à prendre en considération celui-ci.

Avec le dépôt de ce projet de loi, le Conseil de la famille et de l'enfance a considéré opportun d'inviter le gouvernement et l'ensemble des partis politiques à revoir la notion de pension alimentaire. Comment situer l'apport de la pension alimentaire à la sécurité financière d'une famille? Dans le contexte démographique où le nombre de naissances ne réussit plus à assurer le renouvellement de la population, de sa population, devrais-je dire, il n'est certes pas approprié de pénaliser la recomposition familiale. D'autre part, la perspective de voir s'accroître le nombre de recours pour faire diminuer le montant des pensions alimentaires versé aux familles monoparentales, dont les revenus sont généralement précaires, suscite des inquiétudes au sein des membres du conseil.

La mise en place des présentes dispositions soulève des inquiétudes et présente des risques d'émergence et de résurgence de conflits familiaux. C'est pourquoi le conseil invite le gouvernement à adopter une démarche préventive susceptible de maintenir entre les parents un climat propice au développement harmonieux des enfants. Il l'invite à produire un guide et des outils en lien avec les présentes dispositions, à l'instar de la production du formulaire de fixation de pensions alimentaires pour enfants et de la table de fixation de la contribution parentale de base, qui semble avoir eu un impact positif sur la résolution des conflits lors de la rupture.

Les ruptures conjugales survenant dans toutes les classes économiques de la société, il est illusoire de penser que le montant de la pension alimentaire permet de maintenir un niveau de vie convenable à l'ensemble des familles. Faut-il rappeler que 50 % de la population a des revenus inférieurs à 20 000 $ et que seulement 14 % a des revenus supérieurs à 50 000 $? Pour assurer un milieu de vie favorable au développement des enfants, le gouvernement se doit de renforcer son appui à l'ensemble des familles en tenant compte des réalités de celles-ci et en respectant la multiplicité de parcours conjugaux.

C'est ainsi que le conseil invite d'une part le gouvernement à revoir la notion de pension alimentaire en donnant suite, d'ici le 5 mars 2005, à l'obligation qui lui est faite en vertu de l'article 61 de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Il est essentiel que le gouvernement mette tout en oeuvre pour déposer un rapport sur des recommandations portant sur la façon dont sont considérés les revenus de pensions alimentaires pour enfants dans l'ensemble des programmes gouvernementaux.

n(17 h 10)n

D'autre part, le conseil recommande au gouvernement d'élargir sa réflexion en considérant le soutien économique aux familles et aux jeunes adultes majeurs. Le Conseil de la famille et de l'enfance croit en la nécessité de définir le soutien gouvernemental à l'égard des familles en tenant compte de leur diversité et des limites financières de chacun des parents.

Le Québec a réussi à mettre en place une démarche de fixation et de perception des pensions alimentaires qui favorise le maintien de saines relations parentales et la conclusion d'ententes négociées. Il est impératif de préserver ces gains en élaborant sans tarder des processus et des outils qui facilitent les ententes à l'amiable, tout particulièrement lorsque des enfants sont impliqués dans le litige. Tout en reconnaissant l'importance de mettre à jour les dispositions légales en fonction des réalités familiales, il est tout aussi essentiel d'agir de façon préventive pour éviter l'aggravation de la situation financière des familles qui ont des ressources réduites.

La sécurité financière des familles passe par une politique familiale globale qui intègre un soutien financier adéquat et stable à l'ensemble des familles en tenant compte de la multiplicité des réalités familiales et des parcours de vie conjugale. Il s'agit là d'une question d'équité à l'égard de celles et de ceux qui assument des responsabilités parentales, quelle que soit la structure familiale dans laquelle s'exerce cette responsabilité. Merci.

Le Président (M. Simard): Merci beaucoup, Mme Blais. Je vais inviter tout de suite le ministre à poser les premières questions au nom de la majorité.

M. Bellemare: Alors, bienvenue, Mme Blais. Félicitations pour cette présentation de grande qualité. Il y en aura d'autres, j'imagine, mais si elles sont toutes de la même qualité, elles seront... c'est tout à votre honneur. Bienvenue Mme Bitaudeau et Mme Aubert, du Conseil de la famille et de l'enfance.

Vous soulevez certaines inquiétudes dans l'application des deux dispositions. Vous estimez que le gouvernement, notamment, relativement à la question de la fixation, bien, s'il permet au juge de tenir compte davantage d'enfants issus d'unions antérieures ou postérieures, devrait également être assorti de la présentation de formulaires de fixation ou d'un document, d'un guide d'outils...

J'avoue que j'aimerais savoir si vous avez poussé plus loin votre réflexion quant à l'allure que pourrait prendre ce guide et à l'effet pratique qu'il pourrait avoir. Vous pensez à quoi, concrètement?

Mme Blais (Marguerite): Ce serait peut-être un beau sujet sur lequel le Conseil de la famille et de l'enfance pourrait se pencher, mais je crois que, lorsqu'on est dans une situation de stress, de divorce, de recours au niveau de la pension alimentaire, il y a beaucoup d'émotions, et souvent les gens demandent des pensions alimentaires qui dépassent parfois la possibilité pour l'autre de pouvoir défrayer les coûts. Donc, en ayant un tableau des... en ayant, par exemple, des points de repère sur lesquels les gens peuvent se pencher, ça dédramatise les situations et ça leur permet aussi d'avoir une réalité qui est peut-être plus concrète. Parce qu'il ne faut pas se leurrer: les pensions alimentaires, ce n'est pas énorme. Et, quand on dit qu'on a des inquiétudes, c'est, d'une part... je pense qu'il faut être équitable envers les enfants. Nous, on prend beaucoup la position de l'enfant dans ce... au niveau de notre présentation aujourd'hui. On ne peut pas empêcher...

Je vous donne un exemple, M. le ministre. Un jeune couple décide d'avoir un enfant. Ce couple-là a 18 et 20 ans, il se sépare, et puis... Est-ce qu'on va pénaliser cet homme, par exemple, à l'âge de 28 ans, de pouvoir se faire une famille et d'avoir d'autres enfants sous prétexte qu'il a déjà un enfant, deux autres enfants? Alors, c'est important aussi de regarder qu'il y ait une pension alimentaire qu'il soit capable de redistribuer... de tenir compte de tous les enfants qu'il a, de multiplicité de familles. Il peut avoir une famille, deux familles, trois familles. Alors, je ne sais pas, peut-être que Danielle, qui a travaillé sur le dossier beaucoup plus que moi puisqu'elle était responsable du dossier, s'est penchée sur la façon dont cette présentation-là pour sensibiliser les parents pourrait prendre forme.

Mme Aubert (Danielle): Dans le fond, c'est une suggestion. C'est qu'avant que soient établis des tables, des guides de succession, là, qui servent d'outils, il y avait beaucoup plus de difficultés de s'entendre, et des fois les parents avaient des attentes très élevées. Alors là, on laisse au judiciaire le choix de déterminer, et c'est correct. Mais peut-être, en contrepartie, s'il y avait... si déjà on pouvait faire en sorte d'établir un peu comme... prévenir un peu la jurisprudence, donner un certain cadre en disant: Bien là, si jamais il y avait une demande, ça n'ira probablement pas plus qu'une réduction de la pension alimentaire de tant. Alors là, peut-être que les parents, avant d'enclencher un processus, y penseraient à deux fois. Et peut-être aussi... l'autre parent va se faire à l'idée que peut-être que sa pension alimentaire va diminuer, mais il va s'attendre que ça va être de tel ordre.

Alors, c'est peut-être de devancer le processus, déjà de voir s'il n'y a pas des moyens d'aider le judiciaire à donner des balises, comme il se l'est fait... C'était impensable, il y a 10 ans, d'avoir une grille qui permettrait ça. Bien, peut-être que c'est pensable mais tout de suite de prévenir que ça pourrait être ce genre... quelles pourraient être les réductions, et dans quel cas, et de quel ordre. C'est simplement ça. C'est une suggestion, d'avoir une réflexion à ce niveau-là.

M. Bellemare: Parce que j'essaie de comprendre la proposition et le cadre dans lequel elle est formulée et j'ai l'impression, à vous entendre, que l'outil, le guide que vous souhaitez voir apparaître toucherait l'ensemble des cas de fixation de pension, pas nécessairement le cas ou les cas qui pourraient être présentés au tribunal dans le cadre des amendements qu'on propose.

Vous parlez de difficultés qui sont générées par des demandes de fixation de pension pour les conjoints en toutes circonstances ou si votre souhait se limite aux amendements qui sont présentés par le projet de loi?

Mme Aubert (Danielle): Ça se limitait aux amendements.

M. Bellemare: O.K. Alors, les amendements visent à permettre au juge d'intervenir dans des cas complexes où la grille peut être applicable de façon réaliste. Mais peut-être que la grille n'est pas d'application réaliste dans des cas très particuliers où il y a plusieurs unions. Et, dans les cas où il y a plusieurs unions, bien, évidemment, ça complique un petit peu la tableau, puis on souhaite que le juge puisse, de façon juste et équitable, intervenir pour fixer la pension qui est la plus respectueuse de l'égalité des enfants, c'est-à-dire de la possibilité pour le débiteur alimentaire de voir la pension fixée en tenant compte du fait qu'il a d'autres obligations ailleurs pour des enfants qui n'ont pas choisi de naître dans une autre union ou dans la première, ou dans la deuxième, ou dans la troisième. Ils sont nés puis ils ont des droits à notre avis qui doivent être considérés de façon tout aussi équitable, nonobstant l'union à laquelle ils appartiennent.

Maintenant, justement parce que cette mesure-là s'appliquerait à des cas exceptionnels, comment pensez-vous qu'on peut élaborer... de quelle façon on peut élaborer un code ou un guide qui permettrait d'orienter les parties? Parce que ce n'est pas un guide au service des juges, là, j'imagine, auquel vous pensez, c'est un guide au service des parties. Et expliquez-nous de quelle façon ce guide-là pourrait être élaboré.

Mme Bitaudeau (Isabelle): Je vais me permettre de répondre. Il s'agirait essentiellement... En fait, c'est... Plutôt qu'un guide avec des tables fixant des montants, etc., il s'agit plutôt d'agir de façon préventive. Actuellement, on se retrouve dans un contexte où les ruptures conjugales se produisent de façon de plus en plus précoce dans l'âge des enfants et amènent une multiplication des recompositions familiales et des possibilités que les recompositions familiales soient successives au cours d'une même existence.

Il s'agit surtout, moi... en tout cas, dans l'esprit dans lequel on a inscrit cette notion-là, c'est d'avoir un effet, je dirais, préventif sur ce que les gens peuvent espérer dans l'avenir. Au moment où se produit la rupture, c'est rarement le moment où on se pose la question: Est-ce que je vais avoir d'autres enfants? On règle la rupture, on règle les conditions des enfants existants, etc.

En expliquant... en ayant un guide ou un outil qui rend la loi beaucoup plus claire pour le grand public, je pense qu'au moment des ruptures des jeunes couples qui n'ont pas forcément encore envisagé leur avenir, leur recomposition, etc., seraient déjà alertés sur les interprétations légales possibles, sur les dispositions qui sont en oeuvre, sur le fait que, si on a d'autres enfants et qu'on se retrouve dans une de ces situations exceptionnelles là, on peut avoir à demander une révision de pension alimentaire. C'était plutôt un guide, je dirais, beaucoup plus explicatif et qui agirait de façon préventive pour que les gens ne soient pas, je dirais, mis devant le fait accompli et à rechercher, en fin de compte, quels sont les droits et quels sont les recours une fois dans ces conditions-là.

n(17 h 20)n

M. Bellemare: Et est-ce qu'à votre avis ce guide serait destiné également à bien renseigner les parents ou ceux qui ont décidé de refaire leur vie, d'avoir d'autres enfants, de sorte que le nombre de recours devant les tribunaux serait limité, et on éviterait ainsi que des gens s'adressent aux tribunaux en croyant spontanément... parce qu'un nouvel enfant apparaît, il y a une révision de pension automatique. Ce n'est pas notre souhait du tout, puis c'est ce qu'on essaie d'empêcher par le biais de différents mécanismes comme la présomption de 587.1. Mais il peut y avoir des craintes. On pourrait peut-être les amenuiser à partir de votre proposition.

Mme Bitaudeau (Isabelle): Ce serait aussi un impact effectivement apprécié de ce guide-là, que les personnes qui se retrouvent effectivement dans une situation de recomposition familiale, de naissance de nouveaux enfants, d'enfants dans un nouveau foyer ou à l'intérieur d'un nouveau couple et ceux qui sont... les parents qui ne sont pas forcément les parents de ces enfants qui viennent de naître mais qui sont l'ex-membre du couple précédent soient un peu plus avertis, en fin de compte, des possibilités d'application légale qui peuvent se produire dans le futur et qui les toucheront d'une manière ou d'une autre.

Mme Blais (Marguerite): Aujourd'hui, on était autour de la table ? excusez-moi, là, de prendre la parole ? on était autour de la table et on parlait de ça. Et on parlait des jeunes, justement, là. Tu sais, quand tu as 18, 20 ans, tu fais un enfant, alors tu n'as même pas conscience qu'à un moment donné tu peux avoir des recours, tu vas avoir des pensions alimentaires. Ce n'est pas dans tes notions à ce moment-là. Alors, on disait même qu'il faudrait même à un moment donné, dans les écoles, sensibiliser parce que souvent on est devant le fait accompli.

Alors, le guide, on n'avait pas une idée, mais c'était beaucoup, là... si même on pouvait, à un moment donné, commencer à réfléchir là-dessus avant même d'avoir fait des enfants. Puis, à un moment donné, on va avoir des obligations légales. C'est beau d'avoir des enfants, mais on a une responsabilité à vie. Et les jeunes ne sont pas sensibilisés à ça et ils font des enfants de plus en plus... il y en a qui font des enfants de plus en plus jeunes, qui n'ont pas nécessairement les moyens de pouvoir assurer la subsistance des enfants. Il y en a d'autres qui font des enfants beaucoup plus tard, alors qu'ils ont été à l'université et qu'ils attendent ou qu'ils n'en font plus, d'enfants. Mais il faut aussi protéger ceux qui en font quand ils sont plus jeunes et qui ne sont pas équipés, qui n'ont pas cet équipement-là. Et, quand ils arrivent, à un moment donné, en cour en plus...

Moi, c'est ma première visite devant une commission, puis je suis nerveuse aujourd'hui; imaginez-vous les jeunes qui passent en cour, devant un tribunal, là. Bien, c'est souvent stressant. Alors là, ils sont là, pris, à un moment donné, avec un juge qui tranche sur une pension alimentaire.

Alors, quand on parlait de toute la question aussi d'aller vers la médiation, c'est pour prévenir aussi toute cette question de tribunal. Et, s'il y avait une sensibilisation accrue à l'importance de pouvoir se servir de la médiation, à l'importance de... si vous avez... oui, vous pouvez avoir deux, trois familles dans la vie, mais vous aurez les responsabilités qui vont avec ça, il y aurait probablement... on empêcherait probablement beaucoup de malheurs et beaucoup de drames dans plusieurs foyers.

M. Bellemare: Merci.

Le Président (M. Simard): Est-ce qu'il y a d'autres questions? Il reste quelques minutes du côté ministériel. S'il n'y a pas d'autre question, nous... Rassurez-vous, madame, vous vous tirez très, très bien de cette première expérience. Et d'ailleurs je vais vous mettre entre les mains de quelqu'un qui est fort sympathique...

M. Bédard: À distance, évidemment.

Le Président (M. Simard): ...le député de Chicoutimi, qui va vous poser des questions rassurantes.

M. Bédard: Merci. Oui.

Mme Blais (Marguerite): Oui, j'ai vu qu'il questionnait beaucoup ma prédécesseure.

Le Président (M. Simard): Eh oui, c'est son travail. Entre avocats, ils se...

M. Bédard: Oui. Non, mais c'était une avocate. Vous savez, entre avocats, on ne se fait pas de cadeaux, hein? Et ce ne sera pas le cas pour vous, au contraire.

Alors, Mme Blais, Mme Bitaudeau, Mme Aubert, merci. Merci de nous avoir présenté un mémoire aussi fouillé. Vous avez vu, vous avez écouté un peu avant; des fois, ces questions sont relativement simples. Le projet de loi a quelques articles mais a des impacts quand même assez importants, et je l'ai découvert au fur et à mesure des groupes qui sont venus devant nous.

Nous avons donné notre accord au principe du projet de loi et nous le maintenons, mais nous avons constaté, à son étude et après avoir écouté différents groupes, que, comme vous le dites d'ailleurs dans votre mémoire, cela peut avoir des impacts, des effets, entre guillemets, pervers que personne ne souhaite, ni le ministre, ni nous, ni personne.

Et c'est ce que vous dites un peu d'ailleurs à la page 11, et c'est là tout le coeur du problème quand vous dites que «le changement législatif soulève des inquiétudes. Assisterons-nous à l'appauvrissement des familles monoparentales?» Chacun des exemples que j'ai pris illustre cette possibilité réelle; et elle m'inquiète et elle m'inquiète encore actuellement. Vous avez vu tantôt... Je ne veux pas reprendre tout l'argument, mais vous avez le même un peu. Ce que j'ai compris, vous dites: Nous aussi, on souhaite d'une certaine façon éviter de créer de la pauvreté et que...

Moi aussi, je suis en faveur de l'équité des enfants, mais cette équité ne s'exprime pas uniquement à travers l'équité des enfants versus le débiteur. On peut créer une équité des enfants versus le débiteur tout en créant une iniquité entre les enfants entre eux. Et la démonstration, c'est celle que j'ai faite des deux parents. Si la première famille ? ça arrive souvent ? la femme reste seule, monoparentale ? ce qui est beaucoup plus fréquent actuellement ? ses enfants vont vivre une situation qui est beaucoup plus périlleuse que la deuxième famille qui vit en famille avec deux revenus. Mais les deux enfants vont avoir le même traitement, entre guillemets, en termes d'équité alimentaire mais auront deux vécus complètement différents: un près de la pauvreté et l'autre, sans être, je vous dirais, dans des revenus époustouflants, là... mais il va vivre avec plus d'aisance.

Et ce n'est pas ce que souhaite le ministre, je suis convaincu, et ce n'est pas ce qu'on souhaite. D'où notre intérêt, sans retirer notre accord sur le principe du projet de loi, de voir comment on peut éviter ces cas qui vont causer éventuellement l'appauvrissement des familles monoparentales. D'où le test que j'ai fait de tenter de trouver peut-être des amendements législatifs pour garder quand même... ne pas en faire une règle générale, là, et garder assez restreinte cette utilisation de la révision pour recours alimentaire dans les cas de deuxième famille parce que ça va être quand même assez fréquent, il y a des possibilités assez importantes. On évalue à peu près 22 000 familles ? je comprends qu'il n'y en aura pas 22 000 ? mais à 22 000 familles, 22 000 recours qui pourraient naître. Et ce que...

Je comprends que vous avez à peu près la même réserve de dire: Comment on peut finalement mieux restreindre l'utilisation d'un tel recours, qui est bon par ailleurs, qui a des bons fondements, mais est-ce qu'on peut mieux le baliser? Est-ce que j'ai bien saisi votre...

Mme Blais (Marguerite): Bien, d'où l'importance aussi que l'État soutienne les familles monoparentales. D'où l'importance aussi, je pense, de revoir la fiscalité. Il faut tenir compte, à un moment donné, des pensions alimentaires dans cette fiscalité, c'est important. On ne peut pas empêcher... C'est difficile d'aller dans les chambres à coucher et de dire aux gens quoi faire. Une fois qu'ils décident de se séparer... Quand ils sont ensemble, ils s'aiment, tout est rose. Quand ils se séparent, à un moment donné, ça ne va plus, hein? Et puis on ne peut pas empêcher quelqu'un de refaire sa vie avec quelqu'un d'autre qui a des enfants et puis...

Qu'est-ce qui est équitable, qu'est-ce qui ne l'est pas? Quand on regarde l'équité pour tous les enfants, à un moment donné, on se dit: Bien, peut-être que justement, la famille monoparentale, c'est moins équitable pour elle. C'est très difficile, de... Ce n'est pas noir, ce n'est pas blanc. C'est comme un paradoxe et c'est pour ça qu'il faut être prudent par rapport à ça. Oui, il faut tenir compte de tous les enfants, mais je crois qu'il va falloir regarder au fur et à mesure comment ça va se développer, comment ça va... quels seront les résultats justement de cette modification-là.

Est-ce qu'il va y avoir une bonification ou si justement on va devoir en reparler, retravailler là-dessus? C'est pour ça qu'on appelle à la prudence aussi.

M. Bédard: Comme on a peu de temps, je vais laisser à ma collègue le soin de poser une question.

La Présidente (Mme Thériault): Mme la députée de Terrebonne, la parole est à vous.

Mme Caron: Merci, Mme la Présidente. Alors, merci beaucoup pour cette première présence, Mme la présidente, Mme Blais, présidente du Conseil de la famille et de l'enfance. Merci beaucoup, Mme Aubert, Mme Bitaudeau.

C'est un mémoire particulièrement intéressant parce que vous arrivez avec l'approche très humaine du projet de loi. Et je suis contente que vous fassiez référence à la loi visant la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale parce que, effectivement, ce projet de loi là, qui vient modifier la perception des pensions alimentaires et modifier la distribution... Effectivement, elle va toucher particulièrement, s'il y a révision, à des chefs de famille monoparentale. Et c'est effectivement là qu'il y a un risque. Vous nous avez bien mis vos inquiétudes, vous les avez bien présentées. Et vous apportez un élément en page 11 qui a été peu souligné mais qui est parfaitement réel. Lorsque, au centre de la page 11, vous dites: «Toutefois, le contexte d'application de ce projet de loi n'est pas de nature à trouver une solution consensuelle. En effet, dans plusieurs cas, la demande de modifier le montant de la pension alimentaire, le plus souvent à la baisse ? évidemment, s'il y a une demande de révision parce qu'il a d'autres enfants, ça va être à la baisse ? risque de survenir à un moment où les enfants bénéficiaires de cette pension avancent en âge, ce qui amène souvent une charge financière additionnelle.»

Et ça, on l'a peu dit. Et c'est vrai, c'est réel. Au moment où on va déposer une demande de révision parce qu'il y a de nouveaux enfants, les enfants du premier mariage sont effectivement rendus à un âge plus avancé où on a des besoins financiers plus importants. C'est intéressant, votre proposition, au niveau du guide parce que vous axez beaucoup sur la manière préventive, mais, au niveau de la loi, je pense qu'il faut aussi agir de manière préventive dans le texte de loi, donc s'assurer qu'on balise le plus possible pour respecter l'intention du législateur, qui n'est pas effectivement d'ouvrir complètement, mais que ça nous permette de s'assurer qu'on va quand même tenir compte qu'il y a des difficultés financières, parce que, autrement, on n'arrivera pas à une équité pour les enfants.

Est-ce que vous seriez en faveur d'un texte, d'une écriture de l'article 587.2 qui permettrait de mieux baliser pour mieux répondre à vos inquiétudes aussi, et s'assurer qu'effectivement on ne pénalisera pas davantage les familles les plus pauvres, les chefs de famille monoparentale, et s'assurer qu'on va faire une véritable prévention, là, à ce niveau-là?

n(17 h 30)n

Mme Blais (Marguerite): Vous savez, de toute façon, quand on se sépare, on s'appauvrit, hein? On s'appauvrit toujours dès le départ, alors... Et, quand on disait tout à l'heure qu'il y avait 50 % des familles qui avaient des revenus de 20 000 $ et moins, là, on ne parle pas de très grands revenus, on ne parle pas de 300 000 $ par année, là. Et je crois que ces gens-là peuvent réussir probablement à payer les pensions alimentaires de leurs enfants. Mais, quand on regarde les revenus de 50 % de la population et d'un 14 % qui ont des revenus entre 20 000 $ et 50 000 $, on parle vraiment, là, d'un... ce n'est pas riche, ça, là.

Alors, quand il y a une séparation, c'est déjà pauvre, hein? Il y a déjà... Il faut tenir compte de ça. Alors, oui, je crois que le conseil serait favorable à ce qu'évidemment il y ait un encadrement et une prévention. Et même ça va probablement nous donner des idées pour travailler avec d'autres sur ce guide qu'on pourrait faire, comment on pourrait réfléchir à un guide préventif en ce sens-là.

On s'est basés sur quelque chose qui existait déjà, mais on n'a pas eu le temps de se pencher là-dessus. On a eu très, très, très peu de temps pour préparer notre présentation aujourd'hui, à la Commission des institutions, mais, si tout le monde s'y mettait et... Les gens regardent ça, ils disent: Oui. Et, après ça, oui, peut-être qu'on devrait aller vers la médiation. Peut-être que c'est bien de s'asseoir avec quelqu'un qui peut nous aider à cet égard-là.

Et j'entendais: Combien ça coûte, aller en cour? Combien ça coûte, les frais d'avocat? Alors, quand on n'a pas beaucoup d'argent, et qu'en plus on doit payer des pensions alimentaires, puis qu'en plus on doit payer les frais juridiques, je ne veux pas enlever les salaires des avocats, là, bien au contraire, mais je pense que les familles qui sont pauvres auraient avantage à travailler au niveau de la médiation puis au niveau de la prévention.

Alors, pour répondre à votre question, oui, je pense que je serais d'accord avec le fait... pas moi, mais le conseil serait d'accord avec le fait qu'il y ait une balisation, un encadrement peut-être un peu plus serré.

La Présidente (Mme Thériault): Mme la députée? M. le député de Chicoutimi?

M. Bédard: Merci. Simplement pour compléter. Ce que je comprends aussi, c'est que... Et là c'est la mise en garde, vous dites aussi: Ce projet de loi est un... bon, c'est une pièce, mais le puzzle est beaucoup plus vaste que ça, là. Donc, ce projet de loi, l'impact, bon, il peut être réel, mais, s'il y avait à travers ça une politique, bon, qui comblerait, là, on n'en serait peut-être pas là. Et, si on peut combler par d'autres moyens, bon, là, à ce moment-là, on ne provoque pas l'appauvrissement.

Mais, comme nous sommes actuellement un peu... il n'y a pas encore de geste réel, alors là, vous dites: Attention parce que les effets... Vous comprenez que, si on adopte le projet de loi pendant la présente session, c'est que le bal est parti, là, on commence. Et, les recours, ça risque de... Bon, tantôt, vous avez entendu, on avait une avocate qui nous a dit... et je respecte son opinion, mais je suis allé raide, un peu fort, mais en même temps c'est pour... parce qu'on avait d'autres opinions qui disaient le contraire.

Et, moi, je vous dis ce que nous disaient les autres. Et l'assurance que j'avais... je n'étais pas convaincu de l'assurance. J'avais l'impression qu'elle voulait me rassurer, et mon but, ce n'est pas d'être rassuré, c'est de voir la possibilité que pourrait entraîner une telle modification. Et actuellement, normalement, le législateur intervient pour préciser des éléments. Dans ce cas-ci, on fait exactement le contraire: on ouvre. Alors, tout flou laisse la place à interprétation, et qui dit interprétation parle d'avocat, et qui dit avocat dit argent et dit moyens, et là c'est ma crainte.

Alors, vous avez aussi compris que le but du projet de loi, c'est de ramener, d'ouvrir le caractère excessif. Finalement, il est trop excessif, ce critère, mais, entre la discrétion et l'excessif, il y a sûrement une mesure. Et là il faut la trouver parce qu'un cas réel... Je vous disais...

J'ai vu vos statistiques: ça représente exactement ce que je pense comme réalité, là. On ne parle pas des 150 000 $ et plus, là. Une famille avec... la femme fait 20 000 $, le père fait 32 000 $, disons. C'est à peu près la... c'est la classe moyenne, là, puis les gens arrivent, là, mais quand tu as deux enfants, trois enfants, quatre enfants, là, ça s'en vient compliqué. Bon. Le deux enfants: le père s'en va, peu importent les raisons, a deux nouveaux enfants, se marie avec une femme qui fait aussi 20 000 $. Alors là, il est rendu... il paie sa pension alimentaire pour les deux premiers: 22 000 $ moins, disons... 32 000 $: disons à peu près 7 000 $ ou 8 000 $, disons. Alors, il est rendu à 24 000 $, lui; plus 20 000 $: ça lui fait 44 000 $ de revenus familiaux pour les deux enfants.

Or, la famille monoparentale, la première qui ne s'est pas remariée, elle, elle est à 28 000 $ avec les deux enfants qui sont plus âgés. Et ça, c'est un des éléments que vous faites ressortir, qui est intéressant. Elle, elle est vraiment serrée. C'est là que je vous dis: L'équité, elle est où, l'équité pour les enfants, là, dans la famille? Je comprends que, par rapport à la loi, on est tous d'accord, par rapport au débiteur... Puis c'est frustrant un peu pour lui de dire: Écoutez, moi, j'ai d'autres enfants puis, moi, je veux payer autant pour les premiers que ceux qui sont arrivés par rapport aux nouveaux enfants. Mais les autres, leur réalité de tous les jours, elle n'est pas de même nature.

Alors, je pense que le signal que vous nous donnez, c'est vraiment: Essayez de trouver pour mieux baliser puis s'assurer finalement qu'on ne crée pas plus d'iniquités qu'on souhaite en corriger.

La Présidente (Mme Thériault): Vous aurez approximativement deux minutes pour répondre à la question du député...

Mme Bitaudeau (Isabelle): Parfait.

La Présidente (Mme Thériault): ...et ça terminera nos échanges.

Mme Bitaudeau (Isabelle): Très bien. Je vais essayer d'en prendre une pour en laisser une. Essentiellement, effectivement, sur le principe de l'équité entre les enfants, le conseil ne peut que se prononcer en faveur de ce principe-là, mais je pense que cette proposition d'amendement au projet de loi, c'est une occasion pour les membres de la commission de s'interroger sur la nature de la pension alimentaire et sur à quoi elle sert dans la sécurité financière des enfants et éventuellement, effectivement, d'élargir le débat à la sécurité financière des familles dans son ensemble et la position de la pension alimentaire à l'intérieur des différents programmes gouvernementaux. Ça, je pense qu'on l'a établi assez clairement dans le mémoire. Merci.

La Présidente (Mme Thériault): Mme Blais.

Mme Blais (Marguerite): En terminant, juste pour dire que, si on est rendus à parler de ce sujet en particulier, c'est dire que les familles... le portrait des familles change au Québec et qu'on doit s'adapter aux nouvelles réalités... Et parfois on n'a même pas de mots pour nommer certains types de familles tellement que les familles sont multiples actuellement. Alors, c'est très, très bien d'avoir ce débat, cette ouverture et de tenter de trouver des pistes de solution pour que les enfants ? en tout cas, au nom des enfants ? ces enfants-là puissent avoir une équité.

Merci beaucoup de nous avoir accueillies aujourd'hui, à la Commission des institutions.

M. Bédard: Merci, mesdames.

La Présidente (Mme Thériault): Merci, Mme Blais, Mme Bitaudeau et Mme Aubert. Merci beaucoup pour votre contribution à l'avancement des travaux de cette commission. Et nous allons donc ajourner les travaux jusqu'à jeudi le 25 mars, à 9 h 30.

(Fin de la séance à 17 h 38)


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