(Neuf heures quarante minutes)
Étude détaillée du projet de loi n° 2 (suite)
Le Président (M. Simard): Nous allons reprendre nos travaux. Je rappelle que la commission est réunie afin d'étudier le projet de loi n° 2, qui est la Loi concernant l'obtention et l'exécution réciproques des décisions en matière d'aliments.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements ce matin?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Bordeleau (Acadie) est remplacé par Mme Legault (Chambly); Mme Thériault (Anjou) est remplacée par M. Tomassi (LaFontaine); M. Létourneau (Ungava) est remplacé par M. Côté (Dubuc); et Mme Papineau (Prévost) est remplacée par M. Bédard (Chicoutimi).
Le Président (M. Simard): Alors, même si M. Bordeleau n'est pas avec nous ce matin, je demanderais à tout le monde de bien s'assurer que son cellulaire est éteint.
Alors, nous allons poursuivre nos travaux. Nous avons, hier, oeuvré de façon parfois complexe, c'est-à-dire qu'il y a eu plusieurs séances de compréhension et d'analyse avec certains fonctionnaires responsables du dossier, il y a eu des échanges entre la partie ministérielle et l'opposition sur le sens à apporter, à donner à certaines expressions, des amendements souhaités de part et d'autre. Je voudrais, M. le secrétaire, que nous fassions le bilan d'abord de ce qui a été adopté et de ce qui est en suspens à ce moment-ci.
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. L'article 4 et l'article 6 ont vu leur étude suspendue durant nos travaux hier. Pour ce qui est des autres articles, là, jusqu'à 5, les articles ont été adoptés avec des amendements. Donc, nous en étions à l'article 6.
Article en suspens
Le Président (M. Simard): Alors, rappelons-nous qu'à l'article 4 il y avait une proposition d'amendement.
Le Secrétaire: Tout à fait.
Le Président (M. Simard): Mais qui n'avait pas été déposée, je crois. C'est ce qui nous retardait dans l'adoption du...
Le Secrétaire: Bien, l'étude avait été suspendue, monsieur, parce qu'il y avait un amendement qui serait en rédaction.
Le Président (M. Simard): Pour le deuxième paragraphe, je crois, pour le... C'est ça.
Le Secrétaire: C'est bien ça.
M. Bédard: Sur la filiation. On le proposait avec...
Le Président (M. Simard): Sur la filiation.
M. Bédard: Oui.
Le Président (M. Simard): Est-ce qu'il y a une proposition, M. le ministre, de votre côté pour résoudre la question du deuxième paragraphe, deuxième alinéa de l'article 4?
M. Bellemare: Oui, je crois qu'on... On n'avait pas adopté cet article-là?
Le Président (M. Simard): On a réglé le cas du premier alinéa. Dans le cas du deuxième, il y avait la question de la filiation qui faisait problème, et vous deviez voir si une formulation...
M. Bellemare: Oui. La filiation biologique conviendrait.
M. Bédard: Ça a été vérifié?
M. Bellemare: La filiation biologique conviendrait, n'est-ce pas?
Mme Gervais (Denise): Bien, j'ai effectivement rediscuté de la question. Disons qu'on pense qu'effectivement ça pourrait constituer une solution. Est-ce que vous souhaitez qu'on l'accepte définitivement ou... Oui?
M. Bellemare: Oui, oui, je pense bien.
Mme Gervais (Denise): O.K.
Le Président (M. Simard): Alors, si vous le proposez, on va régler tout de suite le cas de... Si tout le monde est d'accord, hein? Est-ce qu'il y a d'autres commentaires, des discussions à faire là-dessus? Est-ce que vous voudriez poser des questions à Me Gervais? Est-ce que, M. le député de Mercier, vous aviez une question à poser là-dessus?
M. Turp: Non, pas pour l'instant.
Le Président (M. Simard): Pas pour l'instant. Alors donc, l'amendement se lirait ainsi, là ? je pense que vous allez nous l'écrire, mais c'est assez simple: Le demandeur peut requérir, si la filiation biologique d'un enfant... Ce n'est pas ça?
Mme Gervais (Denise):
«...si la filiation d'un enfant pour lequel des aliments sont demandés n'est pas établie, que le tribunal statue sur la filiation biologique de l'enfant.»Le Président (M. Simard): Holà! Vous n'allez pas mettre deux fois «filiation» dans la même phrase, là, c'est...
Mme Gervais (Denise): Oui, oui, parce qu'il s'agit vraiment...
Le Président (M. Simard): Oui? Oh là là! Moi, là, je trouve que... Je sais que le législateur n'est pas lié par l'élégance et la clarté, mais il y a quand même des limites, là. Si on emploie deux fois «filiation» dans la même phrase, il faut que ce soit extrêmement clair sur les motifs.
Mme Gervais (Denise): Oui. Dans les deux cas, ça ne recouvre pas la même réalité, parce que précisément on a voulu restreindre la portée du concept «filiation» à la réalité, là, du résultat de ce qui sera décidé à l'étranger, c'est-à-dire la filiation biologique, une filiation établie suite à un test d'ADN.
M. Bellemare: Alors, on est tous d'accord, je pense bien, là.
Le Président (M. Simard): Ça va? Vous êtes à l'aise, tout le monde, avec ça?
M. Bellemare: Oui.
Le Président (M. Simard): Donc, c'est adopté comme amendement. Donc, est-ce que l'article 4, tel qu'amendé, est adopté?
M. Bédard: Oui.
Obtention d'une décision en matière d'aliments
Demandes provenant du Québec (suite)
Le Président (M. Simard): Adopté. Quant à l'article 6, nous nous sommes quittés...
M. Bellemare: Je proposerais qu'on le mette en suspens en attendant...
Le Président (M. Simard): Oui, d'accord. Je sais que c'est le même débat sur 6 et 12, là.
M. Bellemare: ...qu'on examine davantage toute l'opportunité et la possibilité qu'on a d'atteindre cet objectif fort souhaitable, là, de réciprocité linguistique, au Canada à tout le moins. On va regarder ça.
Le Président (M. Simard): Donc, vous allez regarder ça, on va mettre ça en suspens. On a tous les mêmes objectifs, je pense.
M. Bellemare: Oui. Mais on a encore des études et des analyses à faire.
Le Président (M. Simard): Très bien. Alors, nous allons passer à l'article 7. M. le ministre.
M. Bellemare: L'article 7 se lit comme suit: «Sur réception de la demande, le ministre vérifie si le dossier est complet et le transmet, ainsi que les documents qui l'accompagnent, à l'autorité compétente de l'État désigné où le défendeur a sa résidence habituelle.» Alors, c'est un article, M. le Président, qui précise le rôle du ministre de la Justice dans la procédure d'obtention de la décision. Il est responsable, le ministre toujours, de la vérification et de la transmission des demandes aux États désignés. Alors, comme on peut le constater, la coopération internationale est basée sur des relations entre les autorités compétentes de l'un et l'autre État concerné et non sur des relations entre un individu et une autorité compétente étrangère. Nous verrons qu'il en est de même pour les demandes reçues des États désignés.
Alors, nous n'avons pas d'amendement à présenter à l'article 7, peut-être juste ce qu'on appelle «la résidence habituelle», encore ici. On avait...
Une voix: ...
Le Président (M. Simard): Alors, par concordance avec ce qui a été dit.
M. Bellemare: Alors, on pourrait retirer le terme «habituelle» à la fin de l'article.
Le Président (M. Simard): Il faudra être très attentif à ces questions-là. Alors, ça se terminerait après «résidence», c'est ça?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Simard): Est-ce qu'il faut, M. le secrétaire, fonctionner sous forme d'amendement? Oui. Alors, cet amendement est adopté. Est-ce que l'article, tel qu'amendé, est adopté?
M. Bédard: Moi, je n'ai pas de question. Si mon... Non? Alors, oui, adopté.
Le Président (M. Simard): Adopté. L'article 8.
M. Bellemare: L'article 8 se lit comme suit: «Lorsque l'autorité compétente d'un État désigné requiert des informations et des documents supplémentaires, le demandeur doit les fournir dans le délai imparti par cette autorité.» Alors, comme commentaire, cet article prévoit le cas où des informations additionnelles sont demandées par l'autorité compétente étrangère appelée à disposer de la demande et impose au demandeur l'obligation de fournir ces informations dans le délai imparti. Il n'y a pas d'amendement suggéré à cet article non plus.
M. Bédard: Une question, M. le Président.
Le Président (M. Simard): Oui, M. le député de Chicoutimi.
M. Bédard: Simplement, donc, à l'article 16, on a eu des représentations de l'Association, encore, des avocats et avocates en droit familial, qui nous demandait pourquoi on ne prévoyait pas tant sur le délai que les conséquences de ne pas fournir dans les délais. D'autant plus qu'à l'inverse il était prévu, au niveau du même projet de loi, à l'article 16, qu'il y avait un délai, je crois, c'est ça, de 18 mois avant de pouvoir ? 17 ? rejeter la demande si le tribunal ne reçoit pas les informations et les documents. Donc, autrement dit, les demandes qui, nous, nous parviennent, nous, on donne un délai de 18 mois, et, à partir de ce délai-là, on peut rejeter la demande. Or, l'article 8, je comprends que ça va s'adresser au tribunal de l'autre autorité, mais est-ce qu'on peut prévoir effectivement tant le délai que la sanction à l'intérieur de ce projet de loi?
M. Bellemare: On a l'intention de présenter un amendement à l'article 17 pour ramener de 18 à six mois le délai. Et nos discussions avec le Barreau... non pas le Barreau, mais l'association des familialistes, avant-hier, nous a amenés à croire qu'un délai de six mois pourrait convenir.
M. Bédard: O.K. Est-ce que vous pensez qu'on devrait mettre un délai? «Doit [...] fournir dans le délai imparti par cette autorité». Donc, on laisse toute discrétion à l'autre autorité, mais, si, elle, elle nous donnait des délais très courts? Nous, on prévoit un délai quand même assez long. Oui?
Mme Gervais (Denise): Le délai qui est prévu dans la loi modèle canadienne et qui a été introduit dans la législation de toutes les provinces, là, c'est 18 mois. Alors, si on l'avait introduit à l'article plus loin, là, dans le texte de loi, 17, c'était précisément parce que la loi de toutes les autres provinces prévoyait ce délai de 18 mois.
M. Bédard: Et américain?
Mme Gervais (Denise): Je ne connais pas le délai, là, dans la... Je ne pourrais pas vous donner le délai précis aux États-Unis, mais c'est évident que... On est en régime de coopération internationale. Généralement, les délais prévus sont plus longs que plus courts.
M. Bédard: Il y a une base de confiance, c'est ça.
Mme Gervais (Denise): Oui, exactement, je ne pense pas... Ça n'a jamais posé de difficulté, là.
M. Bédard: O.K. Simplement, l'autre question, c'est de savoir: Est-ce que c'est utile de mettre la sanction en cas de défaut, alors que, j'imagine, eux vont le prévoir dans leur propre législation, là?
Mme Gervais (Denise): Non, probablement pas. Parce qu'il faut voir que c'est dans l'intérêt de la personne, de la requérante de fournir les informations supplémentaires qui sont demandées, parce que c'est l'issue de son dossier qui est en cause, là, et c'est dans son intérêt de réagir, et de réagir le plus rapidement possible, et de la sanctionner, parce qu'elle ne l'aurait pas fait en fait si...
M. Bellemare: On parle d'informations additionnelles demandées au demandeur lui-même. Alors, il y a un intérêt...
n(9 h 50)nM. Bédard: C'est ça. Normalement, il va faire diligence.
Mme Gervais (Denise): Exactement. C'est dans son intérêt. C'est lui...
M. Bellemare: Intérêt propre.
Mme Gervais (Denise): Exactement, c'est lui qui a demandé l'obtention d'une pension alimentaire.
M. Bédard: O.K. Dernière question. Advenant, et là je me demandais, au niveau juridique, parce que c'est l'autre article en même temps, là, mais le fait de ne pas fournir... Donc, tu commences un recours, tu ne le termines pas, et là, pour des raisons x, là, la personne ne peut produire les documents. Quelles sont les conséquences du rejet? Autrement dit, est-ce que la personne peut revenir après ça refaire une autre demande ou c'est la chose jugée qui s'applique sur ce cas-là? Donc, le tribunal qui a ouvert le dossier, c'est ce que je comprends, donc c'est des demandes additionnelles, a constaté avec la preuve... Il a, à la toute fin, une demande d'information. C'est comme un jugement, là, par défaut à ce moment-là. Est-ce qu'on considère ça comme un jugement par défaut, ou la personne, le dossier, je veux dire, reste suspendu et la personne peut refaire une autre demande? Là, je me demandais les conséquences juridiques attachées à...
Mme Gervais (Denise): Oui. Le tribunal va éventuellement rejeter la demande, là, pour laquelle on ne lui aurait pas fourni les informations requises pour que le tribunal soit en mesure de se prononcer. Mais il ne pourra pas se prononcer s'il n'a pas les informations qu'il juge nécessaires. Et, à partir du moment où, bon, la demande sera rejetée, bien sûr elle aura l'effet d'une décision rendue. On est en matière alimentaire, il est toujours possible, si les circonstances changent, de représenter une demande et de redemander au tribunal de se prononcer, mais étant entendu que c'est dans la mesure où...
M. Bédard: Sauf pour la filiation... Sauf pour la filiation.
Mme Gervais (Denise): Oui, oui, on est en matière... Je veux dire, on parle de la portion alimentaire, là, du dossier. Comme pour les ordonnances de garde d'enfants, les circonstances changeant, le tribunal peut toujours réviser une décision rendue.
M. Bédard: Parfait.
Le Président (M. Simard): M. le député de Mercier.
M. Turp: Je voudrais comprendre une chose, là. À l'article 16, c'est le tribunal qui peut requérir des informations et documents supplémentaires. Ça, c'est parce que ça concerne les demandes provenant d'États-Uniens au Québec, et donc on parle, dans le cas du Québec, du tribunal. Quand on parle, à l'article 8, de l'autorité compétente, alors donc il faut comprendre que ça peut être un tribunal dans certains cas, dans certains cas une autre...
Mme Gervais (Denise): Une autorité centrale.
M. Turp: ...une autre autorité. Et est-ce que c'est la raison pour laquelle il n'est pas fait référence, à l'article 18, de la sanction dont il est question à l'article 17, un petit peu plus tard, là, le rejet de la demande?
Mme Gervais (Denise): Parce que, en fait, la décision est prise dans la juridiction étrangère. Donc, nous, on prévoit que, si la juridiction étrangère... Tribunal par hypothèse, mais ce peut être, comme vous l'avez dit, l'autorité administrative, l'autorité centrale qui a reçu le dossier qui juge à sa face même qu'il manque des éléments au dossier et, avant de le présenter au tribunal, demande de le compléter. Mais, dans la mesure où ce serait le tribunal qui serait déjà saisi de la demande et aurait demandé qu'on lui achemine des informations additionnelles, la loi des autres provinces prévoit le délai, là, de 18 mois pour répondre que, nous, on a prévu par ailleurs à l'article 17.
Donc, on n'a pas à le prévoir ici, puisque c'est la législation de l'État qui est requis qui prévoit, là, la procédure et les délais et... Nous, on prévoit simplement ici, là, qu'on doit répondre dans le délai qui est imparti, mais c'est le tribunal qui va déterminer ce qu'il advient de la demande et...
M. Turp: Et la sanction possible de la non-transmission des informations.
Mme Gervais (Denise): Oui, oui, oui.
M. Turp: Alors, ce qui explique qu'il n'y a pas une concordance parfaite entre l'article 8 et 17, c'est que ce que, nous, nous avons dans 17, là, la sanction sous la forme du rejet de la demande, ça se retrouve dans les lois analogues à celle-ci.
Mme Gervais (Denise): C'est ça.
Le Président (M. Simard): D'autres questions sur l'article 6?
M. Turp: J'ai juste une question générale...
Le Président (M. Simard): Pardon, sur l'article 8.
M. Turp: On n'a pas semblé trouver nécessaire de définir la notion d'autorité compétente dans la loi, non?
Mme Gervais (Denise): Non. Une autorité compétente, c'est... Mais d'abord c'est le concept qu'on utilise, là, très, très généralement dans les...
M. Turp: Les conventions...
Mme Gervais (Denise): ... conventions et dans les accords de... enfin disons dans les systèmes de coopération, systèmes de coopération juridiques, mais par... Mais enfin ça signifie vraiment l'autorité habilitée par la loi à agir... Habilitée par la loi d'agir, là. Donc, elle est compétente du fait de cette habilitation.
M. Turp: Donc, il n'est nulle part...
Mme Gervais (Denise): Ce n'est pas nécessaire parce que c'est très... Non.
M. Turp: D'accord. À aucun endroit, le fait qu'il n'y ait pas de définition de l'autorité compétente, ça ne pourrait pas nuire à l'application de la loi. D'accord.
Le Président (M. Simard): Est-ce que il y a d'autres questions, d'autres commentaires sur l'article 8? Est-ce que l'article 8 est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Simard): Adopté. Alors, nous passons à l'article 9.
M. Bellemare:«Sur réception d'une copie certifiée conforme de la décision rendue dans l'État désigné, le ministre la produit, pour dépôt, au greffe de la Cour supérieure du district où réside habituellement le demandeur, si la décision accorde des aliments ou révise une telle décision qui était exécutoire au Québec.
«Cette décision équivaut, à compter de la date de son dépôt au greffe, à un jugement rendu par un tribunal du Québec et en a tous les effets.
«Le ministre transmet, dans tous les cas, une copie de la décision au demandeur, par courrier recommandé ou certifié.» Alors, M. le Président, il s'agit d'un article qui prévoit ce qu'il advient de la décision rendue à l'étranger par suite d'une demande provenant du Québec. Cette décision, si elle accorde des aliments ou révise une décision exécutoire au Québec qui en accordait, sera déposée au greffe de la Cour supérieure où réside habituellement le demandeur. Elle produira dès lors les mêmes effets qu'une décision rendue au Québec.
Une copie de la décision qu'elle accorde ou non des aliments sera transmise au demandeur par le ministre de la Justice. L'obligation de procéder par courrier recommandé ou certifié est justifiée par la nécessité de conserver une preuve officielle de l'envoi au demandeur de la décision rendue à l'étranger.
Alors, il y aurait une proposition d'amendement relativement à la résidence habituelle. On enlèverait le terme «habituelle».
Alors, je le lirai d'abord: À l'article 9, il s'agirait de remplacer, dans la troisième ligne du premier alinéa, les mots «réside habituellement le demandeur» par ce qui suit: «le demandeur a sa résidence».
Le Président (M. Simard):«Où le demandeur a sa résidence».
M. Bellemare: Oui. Alors, c'est le terme «habituellement» qui... Si on veut être logique avec les autres amendements. Je vous le dépose.
Le Président (M. Simard): Nous en avons copie. Est-ce que, sur l'amendement, il y a besoin de questions? Je pense qu'il y a une concordance logique depuis quelques articles là-dessus. M. le député de Mercier, sur l'amendement?
M. Turp: Non.
Le Président (M. Simard): Est-ce que l'amendement est adopté?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Simard): Alors, nous passons à l'article. M. le député de Mercier.
M. Turp: Alors, l'Association des avocats et avocates en droit familial avait fait une représentation suggérant que l'article devrait également prévoir qu'une décision rejetant une demande, et non pas seulement l'acceptant, devrait pouvoir aussi être versée au greffe de la Cour supérieure. Est-ce que vous avez réfléchi sur cette demande que vous faisait l'association?
M. Bellemare: Parce qu'il n'y a aucun intérêt à ce qu'une décision rejetant soit déposée. Il n'y a aucune démarche... Le ministre doit veiller au recouvrement, à l'application de décisions. On parle d'une loi concernant l'obtention et l'exécution réciproques des décisions. Il n'y a aucune exécution pratiquement, là. Il n'y a aucun intérêt à ce qu'une décision rejetant une demande soit déposée.
M. Turp: Donc, l'argument voulant que le défendeur puisse bénéficier du principe de la chose jugée...
Des voix: ...
Le Président (M. Simard): Je m'excuse. Juste pour les fins de transcription, vous seriez très gentils de ne pas parler en même temps et de vous exprimer assez clairement vers le micro, d'autant plus que Mme Gervais n'a pas de micro trop précisément près d'elle. Alors, s'il vous plaît, aidez les gens qui sont occupés à la transcription. Alors, quelle était la question et quelle est la réponse?
M. Turp: Bien, écoutez, alors ma question, c'est l'argument de l'association voulant que le défendeur puisse bénéficier du principe de la chose jugée quant au motif qui a entraîné le rejet de la demande et qui serait un bénéfice tiré d'une décision versée au greffe, même si elle était négative, ne vous paraît pas utile?
M. Bellemare: Bien, le principe de la chose jugée va être respecté par le tribunal ou l'autorité qui a rendu la décision dans l'État étranger. On parle d'une décision provenant d'un État étranger. Alors, le tribunal de l'État étranger va devoir tenir compte des jugements rendus qui rejetteraient des demandes. Mais, quant à nous, en quoi, au plan de l'exécution et de l'obtention d'aliments, en quoi une décision négative peut nous intéresser? C'est la raison pour laquelle on ne l'a pas mis.
M. Turp: Est-ce que c'est une règle de droit international privé, là, qui devrait tenir lieu de ça? C'est que, s'il y a une décision à l'étranger, elle peut bénéficier à la personne qui voudrait peut-être en réclamer ou l'opposer.
Mme Gervais (Denise): Oui, éventuellement.
M. Turp: Éventuellement, mais en application de nos règles de droit international privé.
n(10 heures)nMme Gervais (Denise): Si éventuellement les parties voulaient présenter une demande au Québec et voulaient justement bénéficier de la décision rendue à l'étranger, là, des éléments de contenu de la décision à l'étranger, elles pourront la déposer et en obtenir... enfin, l'invoquer devant le tribunal, l'alléguer et en obtenir les avantages. Mais ouvrir un dossier de cour pour un dossier qui n'existe pas, ce serait alourdir, là, inutilement les dossiers du tribunal, dans une optique d'une éventualité d'une autre demande au Québec qui porterait sur les mêmes faits qui par ailleurs ont pu faire l'objet de changements entre-temps, là. Donc, c'est vraiment alourdir le système pour une situation qui n'a pas fait l'objet d'une décision à l'étranger qui influence le cours de la justice au Québec.
M. Turp: Alors, qu'est-ce qui arrive dans l'hypothèse où il y a une décision négative que reçoit tout de même le ministre, là? Le ministre va recevoir une copie certifiée conforme de la décision rendue dans l'État désigné, qu'elle soit négative ou positive. Alors, le ministre, dans le cas où elle accorde des aliments, révise une décision, la dépose, la produit pour dépôt au greffe. Dans le cas des autres décisions, qu'arrive-t-il dans les faits? Vous la gardez dans vos filières au ministère de la Justice?
Mme Gervais (Denise): Moi, je suppose que l'intérêt pour nous de la recevoir, c'est de clore le dossier qu'on a ouvert pour l'acheminer à l'étranger et certainement en informer... la faire parvenir au défendeur qui l'aura probablement reçue. Mais, pour les fins du ministère, c'est certainement, là, de clore un dossier qui avait été ouvert au bénéfice d'un demandeur québécois, là.
M. Turp: O.K. Et donc il y a un dernier acte qui est posé par le ministre dans le cadre de la procédure qui est celui-là. Même si elle n'est pas déposée, parce que la décision est négative dans ce cas-là, est-ce que ça devrait être quelque chose qui devrait être prévu, ce que le ministre doit faire avec une décision négative?
Mme Gervais (Denise): C'est tout à fait administratif, là. C'est vraiment une partie administrative, je pense, de clore le dossier, de fermer un dossier, là, après avoir été informé que la demande qu'on lui a acheminée pour le bénéfice d'un demandeur québécois n'a pas été acceptée par le tribunal.
M. Turp: Ce qui est prévu, par ailleurs, c'est que le ministre transmet la copie de la décision, qu'elle soit positive ou négative.
Mme Gervais (Denise): Oui.
M. Bellemare: Parce que c'est une loi d'obtention et d'exécution, là. On facilite l'exécution pour peu qu'on parle d'aliments. Une demande qui rejette n'octroie pas d'aliments, alors...
M. Turp: Il n'y a pas beaucoup de motifs de l'Association des avocats et des avocates, là, quand ils suggèrent ce changement-là. On pourrait peut-être, si le temps le permettait, le demander, mais ce n'est pas motivé de façon très convaincante, là, dans leur mémoire, cette demande.
Est-ce que le mot «décision»... J'essaie de penser au texte. Est-ce qu'il suffit d'utiliser le mot «décision» dans l'article 9? Vous vous rappelez, au début, on s'était préoccupés par l'article 1: «S'applique également aux décisions, aux ententes». On l'a amendé. Les décisions...
Mme Gervais (Denise): ...et aux ententes.
M. Turp: ...et aux ententes, ça c'était l'article 1. Ici, il suffit de référer au mot «décision».
Mme Gervais (Denise): Oui.
M. Turp: O.K. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Simard): M. le député de Chicoutimi.
M. Bédard: Peut-être simplement pour clarifier, là. J'en ai parlé, mais évidemment par, presque, personne interposée avec... Sur la question de la filiation, j'y reviens pour bien comprendre, là, où il y aurait peut-être un intérêt du dépôt, si un demandeur ne pourrait pas, pas à tous les jours, je ne dis pas à tous les jours, mais représenter une demande. Parce que la filiation ne change pas. Je comprends que la situation personnelle peut changer au niveau des aliments. Par contre, la filiation, lorsqu'on a transmis ces documents-là, il me semble qu'il ne serait pas normal de permettre plusieurs fois à un demandeur, ou c'est le défendeur qui se met à déménager ou, je vous dirais, à refaire des demandes au niveau de cette filiation et suivre... Alors là, je me dis: Est-ce qu'il ne faudrait pas plutôt prévoir que, dans le cas de la filiation, il y ait effectivement dépôt puis que ça vaille pour que ce soit chose jugée? Est-ce qu'il y a un intérêt? Ou sinon on ferait en sorte...
Mme Gervais (Denise): Pour la juridiction étrangère...
M. Bédard: Sûrement.
Mme Gervais (Denise): ...qui aurait été appelée à se prononcer puis qui aurait refusé, c'est sûr qu'elle n'a pas intérêt à recevoir la même demande de façon...
M. Bédard: Répétée.
Mme Gervais (Denise): ...répétée parce que... Bon. Mais, de fait, dans les États américains, ils ont, dans certains cas, établi qu'on ne peut pas représenter des demandes dans tel délai, puis...
M. Bellemare: ...«common law».
M. Bédard: D'où l'intérêt de vous dire, regardez... C'est ça que mon attaché me disait. Mais, si la personne revient au Québec, et ça arrive souvent, du genre va travailler à l'extérieur pendant des années, revient s'établir au Québec, et là la personne reprend encore le recours en filiation. Or, il y a déjà une décision qui a été prise par rapport à cette filiation. Est-ce que ce ne serait pas plus intéressant pour la personne de faire valoir ce jugement-là et dire: Écoutez, il y a eu chose jugée par rapport à cette décision?
Mme Gervais (Denise): Elle l'invoquera et elle le fera valoir à ce moment-là.
M. Bédard: Elle pourrait le faire à partir de l'autre décision?
Mme Gervais (Denise): Et il ne s'agit pas de préparer des dossiers à l'avance et... C'est comme d'ajouter au greffe des dossiers dans l'hypothèse que, éventuellement, la partie voudrait invoquer une décision rendue. Je pense qu'on peut toujours invoquer une décision rendue à l'étranger.
M. Bédard: Dans une autre juridiction. O.K. Autrement dit, vous me dites: C'est simplement pour les fins de l'exécution qu'elle est déposée.
Mme Gervais (Denise): Oui.
M. Bédard: O.K. Parfait. Merci.
Le Président (M. Simard): Est-ce qu'il y a d'autres questions sur l'article 9? Est-ce que l'article 9, tel qu'amendé, est adopté?
Des voix: Adopté.
Demandes provenant d'un État désigné
Le Président (M. Simard): Nous passerons maintenant à la section II, Demandes provenant d'un État désigné. Et il y a un amendement proposé à l'article 10. Je vais d'abord demander au ministre de nous présenter l'article 10 et l'amendement, et nous discuterons ensuite de l'amendement.
M. Bellemare: L'article 10 se lit comme suit: «L'autorité compétente d'un État désigné peut transmettre au ministre de la Justice une demande afin que soit rendue au Québec une décision accordant des aliments ou révisant une telle décision, lorsque l'une des parties y réside habituellement.» Alors, il y aura...
Mme Gervais (Denise): Il y en a un autre, amendement. Oui, il y a d'abord celui-là.
Le Président (M. Simard): Il y a certainement un amendement.
M. Bellemare: Oui, certainement. Alors, j'ai déposé, en début de séance, un texte contenant un premier amendement.
Une voix: C'est un nouvel alinéa?
M. Bellemare: C'est un nouvel alinéa, effectivement.
Le Président (M. Simard): Est-ce que vous pourriez compléter vos commentaires et nous passerons... sur le texte?
M. Bellemare: Oui, sur le texte initial. Alors, les commentaires sont les suivants: Les articles 10 à 22 du projet prévoient la procédure à suivre pour le traitement des demandes d'obtention d'une décision en matière d'aliments provenant d'un État désigné.
L'article 10 précise qu'une demande visant à ce que soit rendue au Québec une décision en matière d'aliments pour le compte d'une personne résidant hors Québec est transmise par l'autorité compétente de l'État désigné où réside habituellement cette personne. Lorsque le défendeur réside habituellement au Québec, la demande est transmise au ministre de la Justice qui est responsable de la réception de ces demandes au Québec. L'article précise que la demande peut viser l'obtention d'une décision en matière d'aliments ou la révision d'une décision existante.
Le Président (M. Simard): Alors, maintenant, l'amendement se lirait?
M. Bellemare: L'amendement prévoirait l'ajout d'un deuxième alinéa à l'article 10 qui se lirait comme suit:
«Le demandeur peut requérir, si la filiation d'un enfant pour lequel les aliments sont demandés n'est pas établie, que le tribunal statue sur cette question.»Le Président (M. Simard): Ça, c'est l'amendement.
M. Bellemare: Et le commentaire sur l'amendement serait le suivant: La modification a pour but de préciser que la demande provenant d'un État désigné en vue d'obtenir une décision alimentaire peut également contenir une requête spécifique visant l'établissement de la filiation de l'enfant pour qui les aliments sont demandés.
n(10 h 10)n Bien que l'article 18 prévoie que le tribunal puisse l'ordonner, il nous paraît préférable de mentionner clairement cette possibilité dans la première disposition de ce chapitre. Une règle similaire se retrouve à l'article 4 du chapitre précédent qui porte sur les demandes provenant du Québec.
Alors, ça complète, en ce qui concerne le premier amendement, M. le Président.
Le Président (M. Simard): Est-ce que le texte de l'amendement, tel qu'il a été lu, correspond à celui que nous avons? Pas tout à fait, je crois.
(Consultation)
Le Président (M. Simard): Parce que nous avions été saisis d'un amendement dès le début de nos travaux, mais je ne l'ai pas reconnu tout à fait dans votre exposé.
M. Bellemare: Il y a deux amendements à l'amendement.
Le Président (M. Simard): Donc, il vaudrait mieux l'inclure dans l'amendement et le déposer comme amendement. On ne va pas sous-amender un amendement qui n'est pas déposé.
Alors, peut-être une petite suspension de quelques minutes pour ajuster ces questions-là. Nous reprendrons nos travaux dès que ce sera réglé.
(Suspension de la séance à 10 h 11)
(Reprise à 10 h 21)
Le Président (M. Simard): Alors, si j'ai bien compris, les amendements ont été intégrés à une nouvelle proposition qui remplacerait l'article précédent. C'est bien ça? Donc, il s'agit de remplacer l'article 10, tel qu'il existe dans la...
M. Bédard: ...
Le Président (M. Simard): C'est que la salle est petite et que ça ne facilite pas beaucoup nos travaux, mais je vous demande votre collaboration. Donc, il s'agit de remplacer l'article 10, tel qu'il existait dans le projet de loi, par un nouvel article 10 qui se lirait ainsi, si vous permettez... Pardon?
M. Bellemare: Il y a un «y» avant «a sa résidence», à la fin du premier alinéa.
Le Président (M. Simard): Bon. Il y aura une petite correction qu'on fera en cours de route. Oui.
M. Bellemare:«Lorsque l'une des parties y».
Le Président (M. Simard): Très bien, je vais le lire avec. Alors, il s'agit de remplacer l'article 10 par le suivant:
«10. L'autorité compétente d'un État désigné peut transmettre au ministre de la Justice une demande afin que soit rendue au Québec une décision accordant des aliments ou révisant une telle décision, lorsque l'une des parties y a sa résidence.» Deuxième alinéa: «Le demandeur peut requérir, si la filiation d'un enfant pour lequel les aliments sont demandés n'est pas établie, que le tribunal statue sur la filiation biologique.»M. Bellemare: C'est ça
Le Président (M. Simard): Ça intègre, je crois, tous les éléments dont nous avions déjà débattu pour des articles précédents. Est-ce qu'il y a des commentaires et des questions à faire? M. le député de Dubuc.
M. Côté: Non.
Le Président (M. Simard): M. le député de Mercier.
M. Turp: Alors, c'est juste quelque chose de concordance, là. Si, dans l'article 4 et l'article 10, on permet que la demande requière, là, une décision sur la filiation biologique, est-ce qu'on devrait prévoir, dans l'article 5 qui liste ce que la demande doit mentionner ainsi que dans l'article 11 qui est au même effet, ce que la demande doit mentionner? Est-ce qu'on devrait ajouter un élément, un alinéa, pour que ce qui doit être inclus à la demande puisse inclure, le cas échéant, la demande d'établissement de la filiation biologique?
Pour plus de clarté pour les avocats et les demandeurs qui vont lire les articles 5 et 11 et préparer leur demande, est-ce qu'on devrait ajouter un petit paragraphe disant: La demande de ? je ne sais pas comment ça pourrait être formé, là, formulé ? la demande visant à ce que le tribunal statue sur la filiation biologique, le cas échéant? Parce que ce ne sera pas toujours le cas. Alors, est-ce que vous croyez utile d'ajouter, à la liste des 5 et 11, la demande sur la filiation?
Mme Gervais (Denise): L'article 4 prévoit déjà, là, qu'on peut demander des aliments, on peut demander une modification, on peut demander l'établissement de la filiation. Les éléments de contenu de la demande, comme je l'avais mentionné hier, tout ça va se faire sur des formules types, et il y a toute une série de formules qui pourront être utilisées selon qu'on cherchera à obtenir l'obtention d'une décision, l'établissement de la filiation, la modification d'une décision, et il n'y a pas lieu de le préciser. C'est vraiment les éléments de contenu, là, qui sont mentionnés là, ce n'est pas la demande recherchée.
M. Bellemare: Il pourrait y avoir aussi des éléments, tendant à établir la filiation, qui ne seraient pas de nature biologique.
Mme Gervais (Denise): Oui, mais on a dit que c'était nécessaire parce que ça permet au tribunal de juger s'il est opportun d'ordonner un test ou pas, là.
M. Bellemare: Bien oui, c'est ça.
Mme Gervais (Denise): C'est le commencement de preuve et...
M. Bellemare: Il y a des éléments qui peuvent tendre à établir la filiation, sans que ce soient des éléments de nature biologique.
M. Turp: L'article 5, vous vous rappelez?
Mme Gervais (Denise): Oui.
M. Turp: On l'a amendé pour mentionner le fondement juridique, là. Ensuite, il y a les motifs au soutien de la demande. Alors, s'il y a une demande de filiation biologique, dans quoi ce serait inclus à défaut de mentionner précisément que la demande contient une demande d'établissement de la filiation? Ce serait quoi, dans le fondement juridique, les motifs au soutien de la demande?
Mme Gervais (Denise): On l'avait ajouté dans l'amendement à l'article 5, là, «et les éléments de preuve dont le demandeur dispose pour établir la filiation, le cas échéant».
M. Turp: Ah oui!
Mme Gervais (Denise): Ça se retrouve au paragraphe 6 de l'amendement proposé.
M. Turp: Ah oui! D'accord. Et est-ce qu'on va faire la même chose pour l'article 11?
Mme Gervais (Denise): Oui.
M. Turp: Oui? Bon. O.K., ça répond à ma question.
Le Président (M. Simard): Alors, si ça répond à vos questions, est-ce que l'amendement à l'article, c'est-à-dire tel qu'il a été lu, est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Simard): C'est donc dire que l'article, tel qu'amendé, est maintenant adopté? Adopté. Alors, nous passons à l'article 11.
M. Bellemare: L'article 11 du projet de loi se lit comme suit:
«La demande doit mentionner:
«1° le nom et l'adresse du demandeur;
«2° le nom du défendeur et les informations dont le demandeur dispose pour le localiser ou établir son identité;
«3° la situation financière du défendeur, dans la mesure ou le demandeur la connaît;
«4° le nom de la personne pour laquelle les aliments sont demandés ou l'ont été, sa date de naissance, ainsi que des précisions sur les liens qui l'unissent au demandeur et au défendeur;
«5° le montant et la nature des aliments en cause;
«6° les motifs au soutien de la demande, dont notamment les besoins de la personne pour laquelle les aliments sont demandés, les ressources dont elle dispose et les circonstances dans lesquelles elle se trouve; [et]
«7° toute autre information ou tout autre document requis par le ministre.» Alors, le commentaire est le suivant: Cet article précise le contenu de la demande d'obtention d'une décision provenant d'un État désigné. La disposition qui énumère les éléments requis vise à assurer que les demandes reçues au Québec des autorités étrangères contiendront tous les éléments nécessaires à une prise de décision par le tribunal québécois.
Alors, il y a, M. le Président, un amendement qui est proposé, que vous avez déjà. Est-ce qu'il y en a d'autres, Mme Gervais, à l'article 11? Il y en a un autre?
Le Président (M. Simard): Vous allez m'excuser, de part et d'autre. M. le député de Shefford va me remplacer au cours de la prochaine heure. On revient. Faites bien ça.
M. Brodeur: Oui.
M. Bellemare: Bon. Est-ce qu'on devrait corriger l'amendement en intégrant les amendements supplémentaires puis faire un texte refondu?
Mme Gervais (Denise): Oui, on va vous l'apporter, là, le... Oui, oui, sûrement, comme...
M. Bellemare: L'avez-vous?
M. Turp: Le fondement juridique?
Mme Gervais (Denise): Oui, dans un paragraphe distinct.
M. Bellemare: C'est ça, qui remplacerait le paragraphe 4°.
Mme Gervais (Denise): Dans le troisième paragraphe, le fondement juridique, ce serait entre...
M. Bellemare: ...défendeur, ainsi que le fondement juridique de la demande.
Mme Gervais (Denise): On enlèverait... Ça deviendrait «le fondement juridique», et ce serait le paragraphe 5°.
Une voix: ...
Mme Gervais (Denise): Oui, O.K. Alors, paragraphe 5°, c'est ça? Le fondement juridique, c'est ça? Ah non! Ça devient le paragraphe 6°, c'est ça.
(Consultation)
Le Président (M. Brodeur): On va suspendre quelques instants, là, pour permettre d'étudier l'amendement. Je suspends quelques instants.
(Suspension de la séance à 10 h 29)
(Reprise à 10 h 33)
Le Président (M. Brodeur): Donc, nous allons continuer nos travaux. Donc, il y a amendement qui est déposé à l'article et qui se lit ainsi, à l'article 11:
1° ajouter, après le paragraphe 5°, le suivant:
«6° le fondement juridique...» Excusez, c'est quoi, le mot ici?
Une voix:«Le fondement juridique de la demande».
Le Président (M. Brodeur): ...Ah! O.K.
«6° le fondement juridique de la demande;»;
2° renuméroter les paragraphes 6° et 7° actuels en 7° et 8°.
Ça va? Questions?
M. Bédard: Non, non, c'est de la concordance, tel qu'on l'avait fait. C'est ce que je comprends, là. Je ne l'ai pas en détail, là, peut-être, mais...
Le Président (M. Brodeur): Y a-t-il d'autres interventions?
M. Bédard: Je comprends que c'est exactement la même chose qu'on avait faite à l'article 5, c'est ça.
Le Président (M. Brodeur): Est-ce que je comprends que l'amendement est adopté tel que rédigé?
M. Bédard: Tel que rédigé, M. le Président.
Le Président (M. Brodeur): L'amendement est adopté. Est-ce que l'article 11, tel qu'amendé, est adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Brodeur): Donc, nous sommes prêts à passer à l'étude de l'article 12. M. le ministre.
M. Bellemare: Oui. L'article 12 se lit comme suit:
«La demande doit être faite sous serment et être accompagnée de toute pièce justificative à l'appui de celle-ci. Une traduction certifiée conforme en langue [anglaise] de la demande et des documents qui l'accompagnent doit être jointe, si leur langue originale n'est ni le français ni l'anglais.»M. Bédard: M. le Président, «en langue française».
M. Bellemare: Est-ce que j'ai...
Une voix: ...
M. Bellemare: Ah! pardon. Alors, «conforme en langue française».
Deuxième alinéa: «La demande tient compte de la déclaration sous serment du demandeur prévue à l'article 827.5 du Code de procédure civile (L.R.Q., chapitre C-25).» Donc, commentaire: Cet article prévoit que la demande doit être assermentée et accompagnée de toutes pièces justificatives afin que l'autorité judiciaire québécoise qui sera appelée à en décider dispose d'une preuve complète et suffisante provenant du demandeur pour pouvoir se prononcer.
L'article prévoit qu'une traduction certifiée conforme en français de la demande et des documents qui l'accompagnent devra être jointe si leur langue originale n'est ni le français ni l'anglais. Cette exigence est conforme à celle posée par le Québec dans le cadre d'autres relations de coopération internationale en matière familiale, dont l'application de la Convention sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants conclue à La Haye, en 1980. En effet, la réserve émise par le Québec conformément à l'article 42 de cette Convention exige la traduction en langue française de toute demande, communication ou autre document dont la langue originale n'est ni le français ni l'anglais. Décret 1406-84 du 13 juin 1984.
Considérant la nature de la demande qui est faite et les exigences de contenu et de forme auxquelles elle est astreinte en vertu des articles 11, 12 et 13 du projet, il est jugé acceptable de dispenser le demandeur de fournir la déclaration sous serment prévue à l'article 827.5 du Code de procédure civile. Le dernier alinéa prévoit donc que la demande tienne lieu de cette déclaration.
Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le ministre. Y a-t-il des questions?
M. Bédard: Bien, peut-être, au départ...
Le Président (M. Brodeur): M. le député de Chicoutimi.
M. Bédard: Oui, merci. Pour bien comprendre, là, j'imagine... On avait abordé toute la question relativement, là, à la Charte de la langue française, mais ? plutôt à la Charte des droits ? mais, autrement dit, là, dans la plupart des cas, évidemment, qui nous intéressent, là, au niveau pratique, la langue est l'anglais à ce moment-là. Donc, la personne transmet tout simplement ses procédures en anglais, et là l'application fait en sorte que c'est à la charge de la personne de faire traduire, tout simplement, les documents en français. Est-ce que c'est ça qui arrive?
Le Président (M. Brodeur): M. le ministre, oui.
M. Bellemare: Oui. Ce serait le cas pour une personne qui présenterait une demande devant un tribunal québécois, qui serait dirigée à un tribunal québécois ? puis «demande», si j'ai bien compris hier, on parle d'une demande introductive d'instance ? qui serait dirigée auprès du tribunal québécois et qui pourrait l'être ou bien en français ou en anglais, conformément au quatrième alinéa de l'article 7 de la Charte québécoise, la Charte de la langue française. Quant aux demandes qui ne seraient rédigées ni en français ni en anglais, elles devraient être traduites en français et le seraient aux frais du demandeur étranger. C'est bien ça?
Mme Gervais (Denise): Oui.
Le Président (M. Brodeur): M. le député de Mercier.
M. Turp: Alors, est-ce que ? cet article-là ? on attend une opinion juridique d'une autre autorité ou est-ce que vous voulez qu'on aille de l'avant? Parce que la question se posait, si on devait exiger, pour les provinces qui n'offrent pas la réciprocité, qu'elles doivent traduire en français. Est-ce qu'on attend une opinion là-dessus? Ou est-ce que vous voulez procéder comme ça parce qu'on a procédé comme ça pour la Convention sur les aspects civils de l'enlèvement d'enfants puis qu'on voudrait procéder comme ça pour la convention à venir? Ou est-ce que vous souhaiteriez que nous nous penchions sur l'exigence de réciprocité, là? C'est peut-être l'occasion de le faire ici, d'avoir une opinion, et, lorsque la convention sera négociée, le Québec pourra, en participant à la négociation de cette convention, faire en sorte que la règle soit différente, là, que celle qui a été adoptée en 1980.
M. Bellemare: À mon avis, il n'y a pas de doute sur le fait que, dans le respect du quatrième alinéa de l'article 7 de la Charte de la langue française et dans la mesure où la demande, telle qu'on la spécifie au début de l'article 12, constitue une demande introductive d'instance devant un tribunal québécois, on ne peut pas imposer une traduction en français même si ce serait en principe souhaitable, à mon avis. On est un peu, ici, tenu de respecter la Charte de la langue française. La question qui se pose est de savoir si nous pouvons faire en sorte que les demandes puissent être traitées en français par les tribunaux étrangers, tribunaux qui relèvent d'autres États, et ça, c'est l'article 6, et je crois qu'on peut s'y attarder et regarder comment on peut envisager la possibilité d'imposer le français aux tribunaux étrangers ou bien, comme le suggérait hier le député de Chicoutimi, assurer la traduction des textes en français. C'est une question d'opportunité.
n(10 h 40)n Mais, quant à l'article 12 qui, lui, tel qu'il est rédigé, serait conforme à la Convention de La Haye, celle de 1980 sur l'enlèvement international d'enfants, et à l'article 7 de la Charte de la langue française, je pense qu'on n'a pas beaucoup le choix.
Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le ministre. M. le député de Chicoutimi.
M. Bédard: Oui, effectivement, ce serait difficile d'imposer plus à l'extérieur que ce qui s'applique ici. Une autre particularité de l'article, quand on y fait référence à une autre langue, on dit, donc: «Une traduction certifiée conforme en langue française de la demande et des documents qui l'accompagnent doit être jointe, si leur langue originale n'est ni le français ni l'anglais.» Autrement dit, une personne pourrait faire sa demande, je ne sais pas, d'une autre province dans une langue, évidemment, bon, en espagnol, par exemple...
Une voix: En ukrainien.
M. Bédard: ...et le transmettre avec une traduction française?
Mme Gervais (Denise): C'est des hypothèses qui sont peu réalistes, là.
Le Président (M. Brodeur): Mme Gervais, oui?
Mme Gervais (Denise): C'est des hypothèses qui sont peu réalistes. Comme je vous l'avais déjà mentionné, on va utiliser des formules types qui sont déjà en usage partout au Canada et aux États-Unis, qui sont en anglais... anglais, français et bilingues. Donc, ça a été formulé comme ça, davantage pour suivre la formulation qu'on avait retenue dans la réserve formulée à l'occasion de la mise en oeuvre de la Convention de La Haye sur les aspects civils d'enlèvement d'enfants, mais en réalité le problème de l'utilisation d'une langue autre que le français et l'anglais dans le contexte nord-américain n'est pas vraiment...
M. Bédard: Réel?
Mme Gervais (Denise): Je ne sais même pas s'il y a déjà eu un cas où on a présenté une demande qui n'était pas en français ou en anglais.
M. Bédard: On nous disait, hier, oui, on nous disait qu'il y a des gens qui sont assez malveillants dans ce domaine-là qui auraient peut-être pu utiliser, là... Hier? Pas hier. C'est-u hier qu'on a eu les auditions?
Une voix: L'avocate.
M. Bédard: L'avocate.
Mme Gervais (Denise): Bien, oui, on va requérir... Mais, nous, on va requérir l'usage des formulaires types, formulaires types des...
M. Bédard: De toute façon, au niveau administratif.
Mme Gervais (Denise): Bien oui, il faut les remplir, hein?
M. Bellemare: Et j'imagine qu'une demande qui serait rédigée dans une langue autre que le français ou l'anglais serait irrecevable, s'il n'y a pas de traduction qui est jointe, au Québec.
Mme Gervais (Denise): Exactement.
M. Bellemare: Et j'imagine que, même dans le cadre de litige, actuellement, là, qui prendrait place au Québec entre un francophone et un allophone, la personne qui voudrait s'adresser à un tribunal québécois dans une langue autre que le français ou l'anglais ne pourrait pas le faire, même du consentement des parties. Il faut qu'il y ait une traduction en français. Alors, au fond, ce qu'on impose ici par l'article 12, c'est ce que les tribunaux imposent déjà aux Québécois qui se présentent devant un tribunal.
M. Bédard: ...s'il y a des problèmes qui se posent. Mais disons qu'on est plus dans le théorique que dans la réalité, là.
M. Turp: L'argument, là...
Le Président (M. Brodeur): Oui, M. le député de Mercier.
M. Turp: Excusez-moi. Elle disait, l'avocate, là, ou le mémoire de l'Association disait: «Il serait possible à une partie résidant habituellement dans une autre province canadienne de rédiger sa demande dans la langue de son choix pour ensuite la faire traduire en français. Nous ne voyons pas la raison d'une telle exception. Il serait plus conforme à l'esprit de nos lois que les parties doivent rédiger la demande dans une des langues officielles de leur forum d'origine et qu'ensuite, le cas échéant, elles aient à les faire traduire.»Mme Gervais (Denise): C'est des hypothèses qui ne sont pas réalistes, comme je le mentionnais.
M. Turp: À cause des formulaires?
Mme Gervais (Denise): À cause des formules types et des... Les formulaires sont déjà soit en anglais soit en français, et on aura possiblement des formulaires bilingues éventuellement. Et ce n'est pas... C'est des hypothèses...
M. Turp: Mais est-ce que c'est parce que ça ne s'applique pour l'instant qu'au Canada et aux États-Unis? Si jamais cette loi avait vocation à s'appliquer au-delà du Canada et des États-Unis, est-ce que cette objection serait pertinente, deviendrait pertinente?
Mme Gervais (Denise): Même dans un contexte qui déborderait du continent nord-américain, il y aura toujours des formules types qui seront en usage, là. Je ne crois pas qu'on va remplir une formule type qui sera déjà rédigée en anglais et en français dans une langue autre, qu'on va la compléter en roumain ou en... De toute façon, si elle a été complétée, la formule, dans une autre langue, elle devrait être traduite, et donc...
Il faut voir toujours que c'est la partie requérante qui nous vient de l'étranger, là. On n'est peut-être pas dans le même contexte exactement que ce qui était évoqué par le Barreau, là, où il y a eu litige interne, on est vraiment très... en tout cas, les relations sont très, très mauvaises. Là, on est dans un contexte international où la partie qui fait la demande au Québec a intérêt à ce qu'on la comprenne et à ce qu'on traite sa demande, et ce n'est pas du tout le même...
M. Bédard: On ne veut pas embrouiller personne et... Non, non, effectivement.
Mme Gervais (Denise): Je ne pense pas que l'objectif soit d'embêter la partie défenderesse. Ici, je pense qu'on est dans un régime de coopération où on a...
M. Bellemare: Mais elle doit traduire. Bon. Si elle veut écrire en polonais ou en russe, elle devra traduire à chaque fois et ça va commencer à coûter cher à un moment donné. Elle va peut-être décider de le rédiger au départ en français.
Mme Gervais (Denise): Et traduire les pièces à l'appui.
M. Bellemare: Et on parle d'une traduction certifiée en langue française, de sorte que... Je comprends de l'article 12 que, si la demande était écrite en russe au départ, elle ne pourrait être traduite en anglais; elle devrait être traduite en français.
Mme Gervais (Denise): En français, c'est ça.
M. Bellemare: Alors, il faut trouver un traducteur francophone.
Le Président (M. Brodeur): Autre question, en français ou en anglais? Oui, M. le député de Mercier.
M. Turp: Oui, parce que les deux langues sont d'usage, en vertu de l'article 133 de la Constitution de 1867, dans cette Assemblée.
Est-ce que la déclaration faite sous serment ? c'est juste une question d'information, là ? l'affirmation solennelle, ce n'est pas prévu dans ces cas-ci? Pourquoi limite-t-on ça à la déclaration sous serment?
M. Bédard: Bien oui, c'est bon. Puis partout on le retrouve, d'ailleurs.
M. Turp: Oui. Là, je ne pense pas que le deuxième alinéa réponde à la question. La demande tient lieu de déclaration sous serment. Est-ce qu'on ne doit pas offrir au choix à la personne de faire soit un serment ou une affirmation solennelle? Sous serment, c'est contraindre la personne à faire une procédure de nature religieuse.
M. Bellemare: J'ai moi-même posé la question au début de nos travaux à Me Gervais qui me répondait par l'argument de la cohérence avec le Code de procédure civile, n'est-ce pas, qui exige le serment.
Mme Gervais (Denise): Oui.
M. Turp: Ça, ça pourrait être contesté en regard de notre charte.
Des voix: ...
Mme Gervais (Denise): Oui, oui. Oui, c'est ça. La déclaration, dans le, par exemple, dans... On a pris l'article 827.5 du Code de procédure civile, qui est la déclaration, là, qui doit être assermentée, qui est produite lorsqu'on demande une pension alimentaire pour enfants. C'est exactement comme la rédaction du Code de procédure civile, là, on prévoit que ce doit être accompagné d'une déclaration sous serment du demandeur.
M. Bédard: Vous ne pensez pas que cet article-là n'a pas subi les modifications que tous les autres articles ont eues en ajoutant la possibilité d'affirmation solennelle, qu'il n'y a pas eu finalement un problème de concordance dans cet article 827?
M. Turp: Est-ce qu'il y a un article quelque part qui dit: Lorsqu'on lit «déclaration sous serment», on doit comprendre «l'affirmation solennelle»?
Mme Gervais (Denise): Moi non plus, je ne le sais pas, mais c'est...
M. Bédard: Honnêtement, le témoignage, tout est...
M. Turp: C'est ça.
M. Bédard: Moi, je pense qu'il y a eu un problème là. Ou à moins qu'il y ait un article...
Mme Gervais (Denise): Oui. En tout cas, si... Oui, c'est sûr que...
M. Bédard: Moi, je vous le dis: Peut-être prévoir ou... En tout cas, allez-y... Non, allez-y avant.
Mme Gervais (Denise): C'est certainement conforme à... L'utilisation de cette terminologie-là est conforme au Code de procédure et aux exigences actuelles en matière procédurale. Ça, c'est certain. Mais par ailleurs est-ce qu'il y a une règle qui permet de considérer que, lorsqu'il y a une exigence de serment, la déclaration solennelle suffit? C'est possible, là, mais ? c'est une vérification que je n'ai pas faite, là ? mais c'est sûr que l'utilisation de la formule «sous serment», elle est courante dans le Code de procédure civile actuellement.
M. Turp: Mais ce n'est pas parce qu'elle est courante qu'elle est nécessairement conforme à notre charte.
Mme Gervais (Denise): Non, mais c'est...
M. Turp: D'exiger que quelqu'un fasse un serment alors qu'il n'a pas de convictions religieuses, par exemple, ça pourrait porter atteinte à sa liberté de religion telle qu'elle est enchâssée dans notre Charte québécoise des droits et la Charte canadienne. Et donc il faudrait peut-être repenser à la fois ce projet de loi puis nos codes.
Mme Gervais (Denise): Il faudrait voir comment on a réglé le problème, là, peut-être le prendre sous réserve.
M. Turp: Il me semble aussi.
n(10 h 50)nM. Bellemare: Ce que je pourrais à ce stade-ci, M. le Président, compte tenu qu'on retrouve effectivement cette question de serment à plusieurs endroits dans la loi, c'est qu'on procède quand même à l'adoption mais qu'on se dise que nous allons faire cette vérification et que, en bout de piste, s'il s'avère qu'on doit ajouter «serment ou déclaration solennelle», qu'on fasse un amendement qui serait peut-être à la fin de nos travaux et qui tiendrait compte de l'ensemble de... parce qu'on retrouve la notion à plusieurs endroits. Je l'avais remarqué à deux reprises déjà et j'avais soulevé la question. Elle est pertinente et nous y verrons, mais, pour ne pas retarder nos travaux, peut-être qu'il serait bon de...
Le Président (M. Brodeur): Donc, on peut comprendre que l'article 12 est adopté sous réserve, sous le consentement un peu plus tard peut-être d'y revenir. Oui, M. le député de Mercier.
M. Turp: Une autre question, M. le Président, mais c'est une question de curiosité, ça fait très longtemps que je veux la poser, comme juriste. Je ne suis pas un civiliste, là. J'ai suivi les travaux de réforme à la fois du Code civil et du Code de procédure civile avec grand intérêt. On remarque, dans une loi comme ça, qu'on parle du Code de procédure civile puis on met «L.R.Q., chapitre C-25» entre parenthèses, à côté. Pour le Code civil auquel on fait référence dans l'article 18, puisqu'on fait référence à l'article 535.1, il n'y a rien entre parenthèses, il n'y a pas de «L.Q.» entre parenthèses ou... Et, moi, je voudrais savoir du ministre de la Justice, je voudrais être éclairé là-dessus: Est-ce que c'est parce que le Code civil du Québec est une loi fondamentale qu'elle n'est pas codifiée, elle n'est pas refondue? Et est-ce que, parce qu'elle n'est pas refondue, elle ne contient pas de références et elle ne peut pas être retrouvée dans les Lois refondues du Québec? De notre ministre de la Justice j'aimerais être éclairé là-dessus.
M. Bellemare: Contrairement au Code de procédure civile qui a été refondu, le Code civil ne l'a pas été.
M. Turp: C'est ça, la réponse, c'est que ce que l'on a fait avec notre Code civil, ce n'est pas une refonte?
M. Bellemare: C'est ça.
M. Turp: Et donc on ne l'inclut pas dans les lois refondues.
M. Bellemare: Exact.
M. Turp: Est-ce que c'est seulement ça ou c'est à cause du caractère fondamental du Code civil du Québec?
M. Bédard: On laisse cours à toute interprétation.
M. Turp: Non, mais c'est...
M. Bellemare: Il n'a pas été refondu.
M. Bédard: Voilà. Et pourquoi il n'a pas été refondu? Il n'y a pas de réponse.
M. Turp: Mais il me semble qu'il a été révisé alors. Il y avait un office de révision du Code civil.
M. Bellemare: On a adopté un nouveau code civil, qui est le Code civil du Québec, en 1994.
Mme Gervais (Denise): C'est une réforme.
M. Turp: C'est une réforme.
Le Président (M. Brodeur): Une réforme, mais non une refonte.
M. Turp: Et, chaque fois qu'il y a des lois qui modifient le Code civil du Québec, ce sont des lois qui paraissent dans le texte des lois du Québec mais qui finissent par ne jamais être intégrées dans un document auquel on a accès dans les publications officielles du Québec. Je ne sais pas si vous vous rendez compte de ça. Il n'y a pas de document unique que l'on peut consulter, par exemple, dans les publications du Québec et dans lequel on aurait le texte à jour du Code civil du Québec. Il faut compter sur Wilson & Lafleur et d'autres pour avoir un texte à jour du Code civil du Québec parce qu'on a décidé de ne pas refondre le Code civil du Québec. Il y a quelque chose d'assez inhabituel dans cela et peut-être que vous pourriez regarder, comme ministre de la Justice, comment donner accès aux citoyens du Québec au Code civil, dans sa version à jour, dans un site ou un document auquel on a accès.
Le Président (M. Brodeur): Est-ce qu'il y a un autre commentaire sur la question de curiosité?
M. Bellemare: Je reviendrai là-dessus, et je n'ai qu'une parole.
Le Président (M. Brodeur): Donc, est-ce que l'article 12 est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Brodeur): Adopté. Maintenant, l'article 13, M. le ministre.
M. Bellemare: On le lit comme suit:
«13. Lorsque des aliments sont demandés pour un enfant, la demande doit en outre contenir toutes les informations requises selon les règles de fixation des pensions alimentaires pour enfants édictées en application du Code de procédure civile et, notamment, concernant le revenu du demandeur, les modalités de garde et les frais relatifs à l'enfant.
«La demande tient lieu du formulaire prévu à l'article 825.9 de ce code à l'égard du demandeur.» Alors, le commentaire est le suivant: L'article pose une exigence de contenu supplémentaire pour les demandes visant une décision en matière d'aliments pour un enfant. En ces cas, compte tenu des règles québécoises de fixation des pensions alimentaires pour enfants prévues au Code de procédure civile, il faut s'assurer que la demande contienne toutes les informations requises selon ces règles, dont celles concernant le revenu du demandeur, les modalités de garde et les frais relatifs à l'enfant. Cet article y pourvoit et prévoit en conséquence que la demande tient lieu du formulaire prévu à l'article 825.9 du Code de procédure civile à l'égard du demandeur.
Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le ministre. Questions de la part de l'opposition?
M. Bédard: On va le laisser comme ça.
M. Turp: On va demander au ministre ce qu'il pensait de l'argument du Barreau.
Le Président (M. Brodeur): M. le député de Mercier.
(Consultation)
M. Bédard: Non, simplement, le Barreau nous a présenté...
Le Président (M. Brodeur): Oui. J'avais donné la parole à M. le député de Mercier. M. le député de Chicoutimi.
M. Bédard: Mon collègue peut le faire, parce que c'est dans un domaine où il est encore plus à l'aise. Je vais laisser mon ami le député de Mercier...
M. Turp: Le Barreau ? M. le ministre, je ne sais pas si vous vous rappelez, là, et vos collègues ? disait que valait mieux citer les lignes directrices, là, fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, ce gros document gigantesque fédéral, là, et je pense que vous préférez plutôt faire référence au Code de procédure civile.
M. Bellemare: Tout à fait parce que les règles fédérales de fixation de pensions alimentaires pour enfants s'appliquent en matière de divorce. Ici, nous ne sommes pas dans le cadre de la Loi sur le divorce mais bien d'une loi provinciale portant sur l'obtention et l'exécution réciproques des décisions en matière d'aliments.
M. Turp: C'est assez curieux que le Barreau propose que l'on ne respecte pas les compétences constitutionnelles du Québec, là, que l'on fasse référence, dans une loi québécoise, à des lignes directrices fédérales.
M. Bellemare: C'est une erreur.
M. Turp: Je n'ai pas très bien compris.
M. Bellemare: C'est une erreur, à mon avis.
M. Turp: Je suis content de voir que vous voulez protéger l'intégrité de nos compétences constitutionnelles, M. le ministre.
M. Bellemare: Tout à fait. C'est un de mes soucis constants.
Le Président (M. Brodeur): Autres questions?
M. Bédard: Nous vous appuyons entièrement.
M. Bellemare: Nous veillons au grain.
Le Président (M. Brodeur): Je comprends que l'article 13 est adopté? Adopté.
M. Bellemare: M. le Président, vous me permettrez de proposer qu'on reparle ici de l'article 11.
Le Président (M. Brodeur): Justement, j'étais pour le proposer, mais allez-y, M. le ministre.
M. Bellemare: Cet article... On voit que vous veillez au grain, vous aussi, M. le Président, et nous... Alors, c'est cet article qui prévoit le contenu de la demande, avec la numérotation. Alors, je vous... Est-ce qu'on l'a déposé? Vous l'avez?
Le Président (M. Brodeur): Est-ce que tout le monde a copie de l'amendement?
M. Bellemare: C'est la numérotation.
Mme Gervais (Denise): Oui, c'est qu'on avait modifié sur l'amendement supplémentaire, et, par mégarde, là, le premier amendement n'avait pas été...
Le Président (M. Brodeur): C'est une question très technique.
M. Bellemare: Alors, on retrouve au point 6° «le fondement juridique de la demande;», et on décale 7° et 8°.
Une voix: Parfait.
M. Bellemare: Ça irait?
Le Président (M. Brodeur): Donc, on doit comprendre que nous avons réouvert l'article 11 et que l'amendement proposé... Est-ce que l'amendement proposé est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Brodeur): Est-ce que l'article 11 est adopté tel qu'amendé par ce nouvel amendement?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Brodeur): Adopté. Merci. Donc, M. le ministre, nous pouvons revenir à l'article 14.
n(11 heures)nM. Bellemare: 14 se lit comme suit:
«Sur réception de la demande, le ministre la produit, ainsi que les documents qui l'accompagnent, au greffe de la Cour supérieure du district où le défendeur réside habituellement.
«Le ministre en signifie copie au défendeur, accompagnée d'un avis l'enjoignant de comparaître devant la Cour supérieure dans le délai prévu au Code de procédure civile en semblable matière et de fournir les informations et les documents exigés par la loi.» Le commentaire est le suivant: Cet article prévoit la façon dont le ministre de la Justice disposera de la demande provenant de l'autorité compétente étrangère. Après s'être assuré que le défendeur réside au Québec, le ministre, sur réception de cette demande, la produira, ainsi que les documents qui l'accompagnent, au greffe de la Cour supérieure du district où le défendeur réside habituellement. Signification d'une copie de la demande sera faite au défendeur qui recevra en même temps un avis l'enjoignant de comparaître devant la Cour et de fournir les informations et les documents exigés par la loi en semblable matière. Cela impliquera la production notamment de la déclaration assermentée prévue à l'article 827.5 du Code de procédure civile et du formulaire de fixation des pensions alimentaires pour enfants prévu à l'article 825.9 de ce code, le cas échéant. Le délai de comparution ne pourra être inférieur à 10 jours à compter de la signification, suivant l'article 813.9 du Code de procédure civile applicable aux demandes introductives d'instance visant une obligation alimentaire. Pas d'amendement ici?
Une voix: Oui, il y a un amendement?
Le Président (M. Brodeur): Donc, je comprends qu'il y a amendement, M. le ministre?
M. Bellemare: Oui, il y a amendement à l'effet qu'à l'article 14 du projet de loi on remplace, au deuxième alinéa, les mots: «l'enjoignant de comparaître devant la Cour supérieure dans le délai prévu au Code de procédure civile en semblable matière et» par les suivants: «indiquant la date de présentation de la demande à la Cour supérieure et lui enjoignant de».
Le commentaire sur l'amendement est le suivant: L'amendement supprime la référence faite à la comparution du défendeur devant la Cour supérieure par souci d'une plus grande harmonisation avec la réforme effectuée en matière de procédure civile. En effet, la règle générale de procédure établie lors de la réforme du Code de procédure civile est à l'effet qu'en matière familiale la défense est orale, suivant l'article 175.2, et ne donne pas lieu à une comparution, tel que prévu à l'article 813.5. L'article 78 de ce code parlant plutôt d'un avis de présentation de la demande, cette terminologie est ici proposée en remplacement.
M. Bédard: Il y a peut-être aussi...
Mme Gervais (Denise):«Résidence habituelle», oui. Et on va devoir faire l'ajustement pour la résidence habituelle.
M. Bellemare: Alors, je vous lirai dans quelques secondes, M. le Président, le texte modifié selon l'amendement.
Le Président (M. Brodeur): Nous allons suspendre une minute peut-être, le temps de corriger l'amendement.
(Suspension de la séance à 11 h 2)
(Reprise à 11 h 4)
Le Président (M. Brodeur): Nous continuons. Donc, nous sommes à l'article 14. Est-ce que les membres ont pris connaissance de la modification à l'amendement originalement proposé par le ministre? Y a-t-il des questions ou des commentaires sur cet amendement?
M. Bédard: Non.
Le Président (M. Brodeur): Est-ce que l'amendement est adopté tel que rédigé?
M. Bédard: Oui.
Le Président (M. Brodeur): Adopté. Est-ce que l'article 14 est adopté?
Des voix: Oui.
Le Président (M. Brodeur): Adopté. Article 15, M. le ministre.
M. Bellemare: L'article 15 se lit comme suit: «Si le défendeur n'a pas sa résidence habituelle au Québec, mais réside habituellement ailleurs au Canada, le ministre peut, plutôt que de retourner la demande à l'État d'où elle provient, la transmettre à l'autorité compétente de l'État désigné où le défendeur a sa résidence habituelle. Dans ce cas, il en avise l'autorité compétente de l'État d'où provient la demande.» Le commentaire est le suivant: Cet article prévoit une mesure d'accommodement pour le demandeur étranger qui se serait adressé au Québec en vue d'obtenir une décision en matière d'aliments, croyant erronément que le défendeur y a sa résidence habituelle. En ce cas, si le défendeur a sa résidence habituelle ailleurs au Canada, le ministre pourra transmettre la demande à l'autorité compétente de la province ou du territoire où il est effectivement résident plutôt que de la retourner dans l'État d'où elle provient. L'État d'origine de la demande en sera alors informé.
Le Président (M. Brodeur): M. le ministre. Oui, y a-t-il un amendement? Est-ce que tout le monde a obtenu...
M. Bédard: Oui, mais, avant de déposer l'amendement, là, est-ce qu'on pourrait dire, par exemple: Si le défendeur n'a pas sa résidence habituelle au Québec, mais ailleurs au Canada? Au lieu de reprendre deux fois...
Une voix: ...le «réside habituellement».
M. Bédard: Oui.
M. Bellemare: Il me semble que ça pourrait aller.
M. Bédard: Je vous dis ça, là, simplement parce que je trouve ça lourd, un peu, là, «n'a pas sa résidence [...], mais a sa résidence ailleurs au Canada».
M. Bellemare: On enlèverait donc «réside habituellement».
M. Bédard: Bien oui, c'est ça. Est-ce que ça...
Mme Gervais (Denise): Il me semble qu'il manque quelque chose, non?
M. Bédard: Mais, si on enlève la virgule... Il faudrait enlever la virgule.
Mme Gervais (Denise): N'a pas sa résidence, mais ailleurs au Canada. Il manque quelque chose.
M. Bédard: N'a pas sa résidence habituelle au Canada, mais ailleurs. Oui.
Mme Gervais (Denise):«Mais a sa résidence ailleurs au Canada». Je pense que ça...
M. Bédard: Oui?
Mme Gervais (Denise): Oui.
M. Bédard: O.K. J'essayais de trouver une façon, ou l'inverse.
Mme Gervais (Denise): Oui.
M. Bellemare: Oui, peut-être qu'il faut laisser «résidence» ou «réside», là.
Mme Gervais (Denise): Oui.
M. Bédard: Ah oui!
M. Bellemare: On pourrait simplement enlever...
Mme Gervais (Denise): Mais réside ailleurs au Canada, peut-être.
M. Bellemare: Oui, enlever «habituellement».
M. Bédard: Oui, je trouvais ça lourd, mais effectivement...
M. Bellemare: On pourrait enlever «habituelle» et «habituellement».
Mme Gervais (Denise):«N'a pas sa résidence au Québec, mais réside». Oui, on l'enlève, là.
M. Bellemare: On enlève «habituelle» puis on enlève «habituellement».
Mme Gervais (Denise): Oui.
M. Bédard: Puis on met «a sa résidence».
Mme Gervais (Denise): Alors, ça devient: «Si le défendeur n'a pas sa résidence au Québec, mais...
M. Bédard: ...a sa résidence ailleurs au Canada...»Mme Gervais (Denise):«Mais a sa résidence». On pourrait dire: «Si le défendeur ne réside pas au Québec, mais a sa résidence ailleurs au Canada...» O.K.?
M. Bédard: Bon, ce serait déjà mieux. O.K., oui.
Le Président (M. Brodeur): Alors, je vais suspendre une autre minute, le temps de corriger cet amendement.
(Suspension de la séance à 11 h 6)
(Reprise à 11 h 7)
Le Président (M. Brodeur): Nous continuons nos travaux. Donc, il y a un amendement qui a été déposé, et il semble que l'amendement, tel que rédigé, ne subira aucune modification, si j'ai bien compris.
Et l'amendement à l'article 15 se lit ainsi: À l'article 15,
1° remplacer, dans les première et deuxième lignes, ce qui suit: «habituelle au Québec, mais réside habituellement» par ce qui suit: «au Québec, mais a sa résidence»;
2° supprimer, dans la quatrième ligne, le mot «habituelle».
Donc, est-ce que l'amendement, tel que rédigé, est adopté?
M. Bellemare: Un instant, s'il vous plaît.
Le Président (M. Brodeur): Un instant, oui.
Mme Gervais (Denise): Je pense que, M. Bédard, ça ne rejoint pas ce que vous disiez, hein?
M. Bédard: Non, non, c'est correct. C'est correct comme ça.
Mme Gervais (Denise): On se trouve à répéter «résidence».
M. Bédard: Oui, mais...
Mme Gervais (Denise):«A sa résidence». On pourrait dire: Si le défendeur n'a pas sa résidence au Québec ou si... Non. Si le défendeur n'a pas sa résidence au Québec, mais réside ailleurs au Canada... Alors, dans... On n'ajouterait pas «mais a sa résidence ailleurs au Canada». On laisserait «a sa résidence au Québec»...
M. Bédard: C'est qu'on a mis partout «a sa résidence», aussi. Je ne sais pas, êtes-vous à l'aise avec ça?
Mme Gervais (Denise): N'a pas sa résidence au Québec, mais réside ailleurs au Canada.
M. Bédard: Mais est-ce que ça fait référence... parce que partout on a employé...
Mme Gervais (Denise): C'est la même chose. C'est simplement une question de style.
M. Bédard: Oui, vous êtes... C'est ça, moi, je suis très à l'aise, là.
Mme Gervais (Denise): Oui?
M. Bédard: Oui, Oui.
Mme Gervais (Denise): Avec «mais a sa résidence ailleurs au Canada»?
Une voix: Mais, moi, j'aimerais mieux...
Mme Gervais (Denise): Non, ça ne couvre pas, non.
Des voix: ...
Le Président (M. Brodeur): Donc, est-ce que l'amendement, tel que lu, demeure l'amendement qui est suggéré? Je n'ai pas de réponse. Bien, on peut présumer... Qui ne dit mot consent.
M. Bédard: On va laisser comme ça pour la concordance, là, même si ça paraît peut-être lourd. Mais, pour fin de concordance, je le laisserais comme ça parce que partout on a changé «réside» par «a sa résidence».
Mme Gervais (Denise):«A sa résidence», d'accord.
M. Bédard: C'est pour faire appel au concept de résidence.
Le Président (M. Brodeur): Donc, est-ce que l'amendement à l'article 15 est adopté?
M. Turp: Oui, simplement...
Le Président (M. Brodeur): Oh! Question. Oui, M. le député de Mercier.
M. Turp: Je veux vraiment comprendre pourquoi cet article-là ne concerne que le Canada.
M. Bellemare: C'est peut-être plus facile de repérer un Québécois qui va au Canada qu'aux États-Unis par le biais du réseau fédéral, j'imagine.
M. Turp: Mais est-ce qu'il y a l'équivalent pour les États-Unis? Ou est-ce que ce n'est pas nécessaire?
n(11 h 10)nMme Gervais (Denise): Non. Ce serait trop compliqué pour nous de repérer le défendeur, et par ailleurs, dans la loi qui a été adoptée dans chacune des provinces, on prévoit cette mesure d'accommodement, là, pour éviter une perte de temps, pour éviter des délais, sachant qu'il est beaucoup plus facile, comme on l'a dit, de repérer un défendeur ailleurs au Canada avec les instruments, là, de repérage qui existent à l'heure actuelle, et notamment à travers la loi d'aide à l'exécution des ordonnances alimentaires du fédéral.
M. Turp: Puis on ne pourrait pas dire la même chose pour les États-Unis avec la loi fédérale?
Mme Gervais (Denise): Non.
M. Bellemare: Peut-être que, pour le fédéral, c'est facile, mais, surtout dans le contexte actuel, là, où les Américains sont plus...
M. Turp: Leur sécurité...
M. Bellemare: ...plus avares d'information que... Bien, on fait déjà un effort louable que de retrouver le défendeur qui a quitté le Québec dans l'ensemble canadien.
M. Turp: Donc, il n'y a pas de mesures d'accommodement analogues qui devraient être prévues pour un demandeur étranger qui est aux États-Unis?
M. Bellemare: Parce que, si on prévoit l'obligation dans la loi, il faut respecter cette obligation-là, et ça, je crois qu'au Canada c'est...
Mme Gervais (Denise): C'est réaliste.
M. Bellemare: ...c'est plus facile, c'est réaliste d'imposer cette obligation-là au ministre. Mais de s'engager à repérer dans l'ensemble des États américains, c'est une autre paire de manches.
Le Président (M. Brodeur): M. le député de Chicoutimi.
M. Bédard: Pour bien comprendre le but, peut-être que je me perd ou... Là, on est dans le chapitre des demandes provenant d'un État désigné. Donc, on a un créancier alimentaire qui fait une demande. C'est ça?
Mme Gervais (Denise): Oui.
M. Bédard: Et là on dit le but... Parce que, là, je vois que c'est sage de le mettre, mais je ne comprends pas encore pourquoi c'est sage. Là, on me dit: «Si le défendeur n'a pas sa résidence...» O.K. Autrement dit, la personne à qui on le demande, le défendeur, c'est le débiteur alimentaire.
Mme Gervais (Denise): Oui.
M. Bédard: O.K., O.K., O.K. Excusez-moi, là.
M. Bellemare: Donc qui a quitté ou qui n'a jamais été?
M. Bédard: Qui a quitté le Québec, qui n'a pas sa résidence.
M. Bellemare: Il a déjà été donc.
Mme Gervais (Denise): Pas forcément, ou le défendeur n'est pas ici, là.
M. Bédard:«Plutôt que de retourner la demande à l'État d'où elle provient».
M. Turp: Le ministre reçoit une demande puis là il se rend compte que la personne, elle ne vit pas au Québec. Puis alors, plutôt que de la...
M. Bédard: On la fait suivre.
M. Turp: Au Canada.
M. Bédard: Ah! O.K., O.K. Excusez-moi.
M. Turp: Mais pourquoi pas aux États-Unis?
Mme Gervais (Denise): Parce qu'on...
M. Bédard: ...ne le sait pas.
Mme Gervais (Denise): On ne le sait pas, on n'a pas l'information.
M. Turp: Mais dans le Canada non plus.
Mme Gervais (Denise): Oui, oui.
M. Bédard: Numéro d'assurance sociale.
Mme Gervais (Denise): Oui, oui, ici, c'est...
M. Bellemare: Le fédéral, c'est plus facile.
Mme Gervais (Denise): Puis «le ministre peut». S'il connaît l'information, il peut le faire pour accommoder le demandeur, mais, s'il n'a pas d'information...
M. Bédard: Il peut. Ce n'est pas... C'est un «peut» qui veut dire «peut». Ce n'est pas un «peut» qui veut dire «doit».
M. Bellemare: Par le biais de tous les ministères fédéraux, l'immigration, c'est plus facile, c'est certain.
M. Bédard: Parfait.
Le Président (M. Brodeur): M. le député de Dubuc.
M. Bédard: Merci de m'avoir éclairé.
M. Côté: C'était simplement, là, pour rendre le texte peut-être un peu plus limpide, là: «Si le défendeur n'a pas sa résidence au Québec ? moi, j'enlèverais le mot «mais» et je rajouterais «et» à la place ? et qu'il réside ailleurs au Canada...» C'est le «mais» qui porte un peu à l'alourdissement du texte.
M. Bédard: Et qu'il a sa résidence.
M. Côté: Et qu'il a sa résidence ailleurs au Canada, tout simplement.
M. Turp: C'est vrai que ça fait deux virgules, puis il y en a une de trop.
M. Côté: Pourquoi le «mais»?
M. Bellemare: Ça va.
M. Bédard: Bonne proposition, Jacques.
M. Turp: Pour améliorer la qualité de la langue française de notre texte.
M. Bédard: On voit les qualités de notaire, de juriste, de rédacteur, hein?
M. Côté:«Et qu'il réside ailleurs au Canada».
M. Turp: Si le défendeur n'a pas sa résidence et réside ailleurs au Canada...
M. Bédard: Mais c'est parce que, depuis le début, on modifie toujours...
Mme Gervais (Denise): Oui, mais ça dépend du contexte. Je pense qu'il y a peut-être des exemples qu'on a gardé «réside».
M. Bédard: Oui, parce que, dans ce cas-ci, on ne fait pas appel au concept de résidence, effectivement.
M. Côté: Oui. Moi, j'aimerais mieux «qu'il réside», je trouve que c'est plus simple.
M. Turp: Si le défendeur n'a pas sa résidence au Québec...
M. Bédard:«Et qu'il réside ailleurs».
M. Turp: ...et réside... «Et réside», pourquoi...
M. Bédard: Donc, même si la personne n'a pas sa résidence et qu'il réside...
M. Turp: ...«et qu'il»? C'est «qu'il...»M. Côté:«Et qu'il réside», parce que...
Mme Gervais (Denise):«Et qu'il réside». C'est une condition, là, il faut qu'on l'applique.
M. Turp:«Et qu'il réside». Ah oui! O.K.
M. Côté: C'est ça.
Le Président (M. Brodeur): Donc, je vais refaire la lecture. Je vais refaire la lecture de l'amendement. L'amendement se lirait ainsi: À l'article 15,
1° remplacer, dans les première et deuxième lignes, ce qui suit: «habituelle au Québec, mais réside habituellement» par ce qui suit: «au Québec et qu'il réside»;
2° supprimer, dans la quatrième ligne, le mot «habituelle».
Est-ce que c'est bien ça?
Des voix: Oui.
Le Président (M. Brodeur): Est-ce que l'amendement à l'article 15, tel que rédigé, est adopté?
M. Bellemare: Adopté.
Le Président (M. Brodeur): Adopté. Est-ce que l'article 15 est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Brodeur): Adopté. M. le ministre, l'article 16.
M. Bellemare: 16 se lit comme suit: «À toute étape de l'instance, le tribunal peut requérir du demandeur des informations et des documents supplémentaires. Le ministre en fait alors la demande à l'autorité compétente de l'État désigné qui lui a transmis la demande et l'instance est suspendue.» Commentaires: Cette disposition vise à pallier au manque d'informations et de documents nécessaires au traitement d'une demande reçue de l'étranger. Elle permet au tribunal de requérir du demandeur, à toute étape de l'instance, que ce soit avant ou après l'instruction, les informations ou documents supplémentaires. L'instance est alors suspendue. En pareil cas, le ministre de la Justice se voit chargé de transmettre la demande à l'autorité compétente de l'État désigné d'où provient la demande.
Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le ministre.
M. Bellemare: Il n'y a pas d'amendement proposé à cet article.
Le Président (M. Brodeur): M. le député de Mercier.
M. Turp: C'est la première fois que le mot «instance» apparaît dans le projet de loi. Qu'est-ce qui justifie qu'on utilise le mot «instance» maintenant, «à toute étape de l'instance»?
M. Bellemare: C'est parce que la demande a été... le ministre a produit la demande au tribunal. Donc...
Une voix: On est à l'étape de la...
Le Président (M. Brodeur): Est-ce qu'il y a d'autres... Oui.
M. Turp: Dans la partie concernant les demandes provenant du Québec, est-ce qu'on avait besoin de faire référence aux étapes de l'instance? Non. Ça, ce n'était pas nécessaire?
Mme Gervais (Denise): C'est parce que l'instance, elle est dans la juridiction étrangère.
Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Dubuc.
M. Côté: Oui. On ne mentionne aucun délai, là, pour la transmission des nouveaux documents supplémentaires. Est-ce que ça doit... Je présume que ce n'est pas nécessaire de mettre des délais, mais j'imagine que...
Mme Gervais (Denise): C'est plus prudent.
M. Bédard: C'est l'article d'après.
M. Côté: Ah! merci. Voilà, merci.
Le Président (M. Brodeur): Autre question sur l'article 16? Oui, M. le député de Mercier.
M. Turp: Dans la partie sur les demandes provenant du Québec, là, à l'article 8, «lorsque l'autorité compétente d'un État désigné requiert des informations et des documents supplémentaires», ça n'aurait pas été utile, là, de prévoir: à une étape ou une autre d'une instance, que ce soit à toute étape de l'instance?
Le Président (M. Brodeur): Oui, Me Gervais.
M. Turp: L'article 8. Je reviens sur la notion d'instance, là. Vous m'avez dit que ce n'était pas nécessaire dans la première partie du projet sur les demandes provenant du Québec, mais, à l'article 8, ça ne s'avérerait pas nécessaire de prévoir que...
Mme Gervais (Denise): Non. Ce n'est pas nous qui gérons l'instance, là, ou le déroulement de la procédure, c'est le tribunal étranger qui contrôle le déroulement de l'instance et qui... C'est dans ses règles à lui qu'une disposition comme celle-là pourrait se retrouver, alors que...
M. Turp: O.K. Donc, ils pourraient prévoir ça dans leurs propres règles qu'à toute étape de leurs instances...
Mme Gervais (Denise): Exactement.
M. Turp: O.K.
Le Président (M. Brodeur): M. le député de Marguerite-D'Youville.
M. Moreau: Merci, M. le Président. Lorsque nous avons reçu les gens de l'Association des avocats et avocates en droit familial, ils ont fait une remarque à l'égard de l'article 16 qui m'apparaît intéressante, et je voudrais simplement savoir pour quelle raison est-ce qu'on n'en tient pas compte dans le texte. On dit: «À toute étape de l'instance, le tribunal peut requérir du demandeur des informations et des documents supplémentaires.» Donc, c'est le tribunal qui fait la demande. Et on dit par la suite: «Le ministre en fait alors la demande à l'autorité compétente.» Ce que l'association suggérait, c'est que le ministre transmette l'ordonnance, qui, elle, constitue la demande, à l'autorité compétente.
Mme Gervais (Denise): Ce n'est pas forcément une ordonnance.
M. Moreau: Ah non?
Mme Gervais (Denise): Non, c'est très... Enfin, je pense que la terminologie qui a été utilisée ici dit bien ce qu'elle veut dire. Ce n'est pas vraiment une ordonnance. C'est comme très formaliste ou c'est comme si ça allait prendre la forme d'une décision du tribunal requérant ces informations additionnelles dans l'État étranger. Ça va se passer d'une façon probablement différente, ce ne sera pas une ordonnance comme telle. Ça va être une demande...
M. Moreau: Ce n'est pas nécessairement un jugement.
Mme Gervais (Denise): Non.
M. Moreau: Ça peut être une demande administrative.
Mme Gervais (Denise): Exactement et...
Le Président (M. Brodeur): Merci. Autres questions?
Une voix: Non.
Le Président (M. Brodeur): Est-ce que l'article 16 est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Brodeur): Adopté. M. le ministre, pour l'article 17.
n(11 h 20)nM. Bellemare: Oui. L'article 17 se lit comme suit: «Si le tribunal ne reçoit pas les informations ou les documents demandés dans les 18 mois suivant la date où il en a fait la demande, il peut rejeter la demande.» Commentaires: L'article prévoit que le tribunal peut rejeter la demande s'il ne reçoit pas les informations ou les documents demandés dans le délai prescrit, qui est de 18 mois suivant la date de la demande. La nature de la demande, qui s'adresse à une personne résidant hors du Québec, impose un délai de réponse approprié. Le délai de 18 mois prévu à cet article est celui suggéré par la loi modèle canadienne.
Le Président (M. Brodeur): Il y a amendement, je crois, à l'article 17.
M. Bellemare: Il y a amendement, M. le Président, qui ferait en sorte qu'à l'article 17 du projet de loi on remplacerait, dans la deuxième ligne, les chiffres «18»... le chiffre «18» par le chiffre... les chiffres «18», voilà, par le chiffre «6».
C'est le seul amendement qui est proposé. C'est la demande du Barreau, ça.
Le Président (M. Simard): Alors, on me demande une suspension de quelques secondes. Alors, sitôt arrivé, sitôt suspendu.
(Suspension de la séance à 11 h 21)
(Reprise à 11 h 38)
Le Président (M. Simard): Nous allons reprendre nos travaux. Nous sommes donc à l'article 17. Il y a un amendement de proposé. Cet amendement à l'article 17 propose de remplacer, dans la deuxième ligne, les chiffres «18» par le chiffre «6». Sur cet amendement, est-ce qu'il y a des commentaires, des questions?
M. Bédard: Peut-être un commentaire, M. le Président, d'accord? Souvent, vous savez, dans nos interprétations qu'on faisait, le «peut» des fois est un «doit». Ça arrive souvent... pas malheureusement, et c'est dans les règles d'interprétation, un «peut» peut parfois dire un «doit». Dans ce cas-ci, M. le ministre, est-ce que le «peut» est un «doit»? Est-ce que le tribunal peut vraiment rejeter? Est-ce qu'il a une discrétion de rejeter la demande lorsqu'il ne reçoit pas les documents dans le délai de six mois?
M. Bellemare: À mon avis, il peut, donc il a le pouvoir de, mais il n'est pas tenu de.
M. Bédard: Discrétionnaire. Parfait, merci.
Le Président (M. Simard): Si vous êtes satisfait sur la réponse, est-ce que l'amendement est accepté? Adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Simard): Adopté. Est-ce que l'article... Maintenant, nous allons revenir à l'article 17. Est-ce que l'article 17... C'est bien 17, c'est ça? Est-ce que l'article 17, tel qu'amendé, est adopté?
Des voix: Adopté.
n(11 h 40)nLe Président (M. Simard): Nous passons à l'article 18. Je me permets de le lire: «Si la filiation d'un enfant pour lequel des aliments sont demandés n'est pas établie, le tribunal peut statuer sur cette question et, pour ce faire, ordonner qu'il soit procédé à une analyse permettant, par prélèvement d'une substance corporelle, d'établir l'empreinte génétique d'une personne visée par la demande, conformément à l'article 535.1 du Code civil ? dont on a pris connaissance abondamment ces derniers jours.» Il y a le deuxième alinéa: «La décision rendue ne produit ses effets qu'aux fins de l'obtention et de l'exécution de décisions en matière d'aliments et cesse d'avoir effet si la filiation de l'enfant est subséquemment établie à l'égard d'une autre personne que le défendeur.» Alors ça, c'est évidemment un article clé dont nos... Les groupes qui sont venus devant nous durant les auditions nous en ont parlé abondamment. Est-ce qu'il y a des propositions d'amendement à cet...
Une voix: ...
Mme Gervais (Denise): Je ne suis pas sûre que c'est nécessaire, parce qu'on prévoit que ça se fait par une analyse d'empreinte génétique.
M. Bellemare: Quel est l'amendement?
Le Président (M. Simard): Ça, c'est l'ADN.
Mme Gervais (Denise): Non, je ne pense pas que ce soit nécessaire dans ce cas-là de mettre la filiation biologique, parce qu'on prévoit précisément à 535... C'est une empreinte génétique...
M. Bellemare: Je vais présenter l'amendement.
Le Président (M. Simard): Est-ce que vous pouvez d'abord... Oui, vous avez un amendement à proposer, mais j'aimerais avoir des explications pour l'article, là, les grandes lignes, et nous passerions ensuite à l'amendement.
M. Bellemare: Oui. Alors, voici les commentaires sur l'article 18: Cette disposition prévoit, à l'instar de ce qui existe dans la législation canadienne et américaine, que la filiation de l'enfant pour qui des éléments sont demandés pourra être établie dans le cadre d'une action alimentaire régie par la nouvelle loi. L'absence de disposition à cet effet dans la loi actuelle a été source de nombreuses difficultés et de critiques répétées de la part de nos partenaires canadiens et américains. Aux fins d'établir la filiation de l'enfant, le tribunal pourra ordonner des prélèvements pour fins d'analyse d'ADN, tel que prévu à l'article 535.1 du Code civil et aux conditions qui y sont spécifiées.
La disposition précise toutefois que la filiation ainsi établie ne vaut qu'aux fins de l'obtention et de l'exécution de décisions en matière alimentaire et qu'elle cessera d'avoir effet si la filiation de l'enfant est subséquemment établie à l'égard d'une autre personne que le défendeur.
La procédure relativement à l'établissement de la filiation sera soumise aux règles applicables au Code de procédure civile en semblable matière, dont l'exigence d'une défense écrite prévue à l'article 175.2.3°a.
Le Président (M. Simard): Vous avez un amendement à cet article?
M. Bellemare: Oui, et l'amendement, M. le Président, serait à l'effet que, contrairement à ce qui vient d'être dit relativement à l'opportunité de l'exigence d'une défense écrite, la défense serait présentée oralement.
Et l'amendement se lirait comme suit: À l'article 18 du projet de loi, on ajouterait, à la fin du premier alinéa, la phrase suivante: «Dans ce cas, la défense est présentée oralement.»Des voix: ...
Mme Gervais (Denise): Oui, on va le mettre, on va le mettre. Je pense que c'est plus clair. Donc, on mettrait «peut statuer sur la filiation».
M. Bellemare: Oui. Il y aurait un deuxième amendement que je peux présenter immédiatement, M. le Président.
Le Président (M. Simard): Oui, le deuxième amendement que vous pouvez présenter maintenant.
M. Bellemare: Qui serait à l'effet de remplacer, dans la deuxième ligne du premier alinéa, les mots «cette question» par ce qui suit: «la filiation biologique».
M. Turp:«Peut statuer sur la filiation biologique».
M. Bellemare: Plutôt que le «statuer sur cette question».
Le Président (M. Simard): Je veux bien me situer, là. «Peut statuer», donc... Le deuxième amendement, vous me le répétez à nouveau? On en a copie?
Mme Gervais (Denise): Oui.
Le Président (M. Simard): On l'a?
Mme Gervais (Denise): Vous l'avez.
Le Président (M. Simard): Alors, si on l'a, il n'y a pas de problème.
M. Bellemare: On remplacerait «cette question» par «la filiation biologique».
Le Président (M. Simard): Très bien. Bon. Pour ce qui est de «filiation biologique», j'imagine qu'il n'y a pas de commentaire ni de question. Adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Simard): Maintenant, pour le premier amendement proposé, «la défense présentée oralement», est-ce qu'il y a des questions ou des commentaires?
M. Turp: C'est-u comme ça?
Mme Gervais (Denise): C'est la défense orale. La défense est orale ou écrite. Et là elle est orale.
M. Turp: Mais est-ce que c'est comme ça que c'est dit dans le code, «présentée oralement»?
Mme Gervais (Denise): Oui.
Une voix: Eh que ce n'est pas beau!
Une voix: On va avoir l'occasion de le revoir.
Une voix: C'est vrai.
Une voix: C'est bien. Adopté.
Le Président (M. Simard): Alors, adopté. Nous revenons à l'article. Est-ce qu'il y a des questions ou des commentaires sur l'article?
M. Turp: Est-ce que...
M. Bédard: Il y avait une préoccupation, M. le Président...
Le Président (M. Simard): M. le député de Chicoutimi d'abord.
M. Bédard: Oui. M. le Président, il y avait une préoccupation, et encore là je ne suis pas un spécialiste, mais l'Association des avocats et avocates en droit familial nous faisait part de leurs préoccupations pour le «forum shopping», autrement dit que quelqu'un pourrait choisir son tribunal d'attribution. Et est-ce que 18 permet effectivement ça, là... ou l'empêche plutôt? Pas l'empêche, mais est-ce qu'il, plutôt, le facilite?
Le Président (M. Simard): Le facilite. Me Gervais.
Mme Gervais (Denise): La disposition a été conçue de façon à laisser s'appliquer les règles du droit international privé qui sont au Code civil, et notamment les règles de compétence juridictionnelle. On dit: «Le tribunal peut statuer...» On peut demander, mais le tribunal doit être par ailleurs compétent suivant les règles de compétence juridictionnelle qui sont au Code civil du Québec pour qu'il puisse se prononcer. Donc, on ne vient pas changer les règles d'attribution de compétence.
M. Bédard: C'est bien. Ça me convient.
Le Président (M. Simard): Alors, est-ce que l'article 18...
M. Bédard: Le député de Mercier avait une question.
Le Président (M. Simard): Pardon. M. le député de Mercier, je m'excuse, je vous avais oublié.
M. Turp: Est-ce que, sur ces questions, on a une certitude maintenant que les tests génétiques... ou d'empreinte génétique... ou les prélèvements de la substance corporelle pour établir l'empreinte génétique sont conformes à notre Charte des droits et libertés de la personne du Québec? Est-ce qu'on a des décisions de nos tribunaux? Oui? Et qui ne remettent pas en question...
Mme Gervais (Denise): C'est la raison pour laquelle ça a été introduit à 535.1. Ça a été introduit à 535.1, au Code civil, oui, en 2002, et ça faisait suite justement, là, aux décisions qui ont été rendues. Parce que ça a été très longtemps controversé et... Mais je pense que le législateur a décidé de trancher et... La disposition n'est pas contestée, là.
M. Turp: Et l'article 535.1 a-t-il été soumis lui-même à une contestation au titre de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec au moment où on se parle?
Mme Gervais (Denise): Non, pas à ma connaissance.
M. Turp: Il ne l'a pas été?
Mme Gervais (Denise): Pas à ma connaissance.
M. Turp: Est-ce que vous savez s'il y a des affaires pendantes? Vous ne savez pas?
Mme Gervais (Denise): Non, pas qu'on soit informé. Disons que les personnes qui sont spécialisées dans ces questions de filiation ont été consultées, au ministère de la Justice, et, s'il y avait eu une contestation sur cet article 535.1, je vois mal comment on n'en aurait pas été informé, là. Et c'est l'état du droit.
M. Turp: O.K. Donc, il n'y a pas pour l'instant à se préoccuper de...
M. Bellemare: Non, mais l'article 535.1 donnait suite à un jugement qui avait établi que l'intérêt de l'enfant devait prévaloir sur les droits d'un individu...
Mme Gervais (Denise): ...à l'intégrité de sa personne.
M. Bellemare: La juge Rayle, dans un jugement dont je n'ai pas les coordonnées. Je pourrai vous le donner.
M. Turp: Puis ce jugement-là, est-ce qu'il a été porté en appel?
M. Bellemare: On pourra vous le procurer.
M. Moreau: La juge Rayle, la juge Rayle maintenant siège à la Cour d'appel.
M. Turp: Est-ce qu'il a été porté en appel, ce jugement?
Une voix: Ça, c'est une décision de la Cour d'appel...
M. Turp: Ah! de la Cour d'appel.
Une voix: Oui.
M. Turp: Puis en Cour suprême?
Une voix: En Cour suprême, c'est parce que je n'ai pas... Je ne sais pas si ça a été porté à la Cour suprême.
Le Président (M. Simard): On peut demander que vous le vérifiiez pour informer la commission, s'il vous plaît.
M. Turp: Oui. Ça, je l'apprécierais.
Le Président (M. Simard): M. le député de Chicoutimi, vous avez une autre question?
M. Bédard: Une dernière chose. Et ces arguments m'avaient frappé, moi. On l'a beaucoup réglé en parlant de l'article 4. Ce que je comprends... Où la représentante de l'Association des avocates en droit familial... On prétendait que tout le droit international a tendance... s'en va vers la.... pour empêcher ces moitiés de filiation là. Et là je comprends tout ce qu'on a fait là, mais simplement, sur cette question, est-ce que... Et ce qu'on a plutôt compris, à l'intérieur de nos échanges, c'est qu'au Canada c'était plutôt cette voie qui était choisie, soit celle de simplement mettre le côté alimentaire, donc les conséquences alimentaires. Aux États-Unis, on semble l'étendre à toutes les facettes, mais, au niveau international, quel est, parce que ce n'est pas la seule convention, quel est... Les voies, est-ce qu'elles sont différentes? Est-ce qu'il y a effectivement la tendance dont nous faisait part l'association, ou c'était très variable?
Mme Gervais (Denise): La question est ouverte. Le fait que, dans le système de coopération qui est établi au Canada et aux États-Unis, et auquel va se joindre le Québec, là, avec le projet de loi n° 2... permette l'établissement de la filiation dans le cadre d'une demande alimentaire est particulier, et certainement... Bien, je le limite, là, au continent nord-américain, mais en réalité, pour les provinces canadiennes et pour les États-Unis, ça s'étend au Commonwealth, là. Et cette possibilité existe probablement aussi dans leurs relations avec le Commonwealth et avec les États avec lesquels les États-Unis ont établi des accords de réciprocité.
n(11 h 50)n Mais c'est particulier à ce système de réciprocité, et, dans le cadre de la négociation qui est en cours à La Haye, c'est une question très importante qui est abordée et qui va s'appuyer sur l'exemple justement américain et l'exemple canadien, mais aussi sur l'exemple québécois, si on l'introduit dans le projet de loi n° 2, parce que la façon dont on l'introduit justement est particulière.
Nous, on a restreint l'établissement de la filiation à la filiation biologique avec des effets limités et dans un encadrement bien établi. Et ça, c'est nouveau. Ce n'est pas vrai dans les autres provinces, ce n'est pas vrai non plus aux États-Unis. Et donc on est en train de développer un modèle qui pourrait possiblement être acceptable et, dans le cadre du nouvel instrument qui est en négociation à La Haye, acceptable pour les autres États qui ne connaissent absolument pas des mesures de coopération de cette nature-là, et notamment les États européens, les États d'Asie, bien sûr, et enfin les autres États.
Donc, je pense que la question est d'actualité, elle est abordée dans le cadre du nouvel instrument de La Haye qui porte sur le recouvrement international des aliments, et ce qu'on est en train de faire va probablement aider, oui, contribuer au développement du droit international.
M. Turp: Est-ce que c'est comme ça qu'ils appellent ça, le «recouvrement»?
Mme Gervais (Denise): International des aliments.
M. Turp: Nous, on n'utilise pas ce vocabulaire-là, le «recouvrement».
Mme Gervais (Denise): On ne l'a pas utilisé, je dirai bien franchement, parce que nos jurilinguistes ne trouvaient pas que la terminologie était acceptable. Par ailleurs, il y avait, dans le droit international, une convention de New York qui porte sur le recouvrement des aliments. Alors, quand on est habitué de travailler avec un instrument qui porte ce nom-là, on ne s'offusque pas, là, de la terminologie. Moi, ça ne me choquait pas du tout. Et puis j'ai revu... On peut constater que la conférence de La Haye, l'intitulé du projet de convention, c'est: Le recouvrement international des aliments.
M. Turp: Il faudra les convaincre que ce n'est pas le bon terme, là. Si nos jurilinguistes pensent que ce n'est pas approprié, il faut les convaincre.
Mme Gervais (Denise): Oui, mais ce sera des représentations qu'on pourra faire.
M. Turp: C'est quoi, le mot approprié pour nous?
Mme Gervais (Denise): Bien, remarquez que c'est lourd pour nous aussi, puisqu'on parle d'«obtention et d'exécution».
M. Turp: D'obtention.
Mme Gervais (Denise): D'obtention et...
M. Turp: Les deux?
Mme Gervais (Denise): Oui. Bien, c'est le titre de la loi, hein? C'est: L'obtention et l'exécution réciproques des décisions en matière d'aliments.
M. Turp: Ça, c'est, ensemble, le recouvrement?
Mme Gervais (Denise): Oui, ça coupe... ça veut couvrir la même réalité.
Une voix: Nous y reviendrons.
Le Président (M. Simard): Oui, oui, oui.
M. Turp: Non, non, c'est important cela. Vous n'avez pas l'air à trouver ça important, surtout vous, là.
Le Président (M. Simard): Tout le monde trouve ça très important, M. le député de Mercier, et il est très important de...
Une voix: ...
Le Président (M. Simard): On ne se transformera pas par contre en agence de recouvrement, j'espère. Nous allons maintenant vous demander si vous adoptez cet article.
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Simard): Adopté.
M. Bédard: À moins que... Est-ce que quelqu'un a une objection? Non. Adopté.
Le Président (M. Simard): Alors, à l'article 20...
M. Bédard: Ce n'est pas 19?
Le Président (M. Simard): Pardon, 19, excusez-moi. Mon désir d'aller vite m'emporte.
M. Bellemare: ...M. le Président.
Le Président (M. Simard): Je n'en doute pas un instant.
«Le tribunal peut faire droit à la demande d'aliments, en tout ou en partie, ou la rejeter. La décision doit, dans tous les cas, être motivée.»M. Bellemare: Alors, le commentaire, M. le Président: Cet article prévoit comment le tribunal peut disposer de la demande, soit y faire droit en tout ou en partie soit la rejeter. L'article précise cependant que, dans tous les cas, la décision doit être motivée. C'est en tenant compte du fait que la partie requérante étrangère ne sera pas présente devant le tribunal lorsque le défendeur québécois fera ses représentations, le cas échéant, qu'il est apparu important d'exiger que la décision soit motivée afin que celle-ci soit informée des raisons qui ont amené le juge à se prononcer dans tel ou tel sens. La disposition s'inspire de la loi modèle canadienne.
Alors, il n'y aura pas d'amendement suggéré à cet article 19.
Le Président (M. Simard): Il est vrai qu'il est... Je ne sais pas si vous... Moi, j'étais au courant d'exemples dans ce sens, que de recevoir un jugement d'un tribunal étranger non justifié d'aucune façon, il n'y a rien de plus frustrant et de plus embêtant. On ne sait pas sur quoi on a perdu. On ne sait pas si on peut faire appel, on n'a rien. Alors, d'exiger du tribunal qu'il motive son jugement, ça ne nous assure pas que la motivation sera très précise et très détaillée, mais enfin ça crée au moins une obligation.
M. Turp: Mais la motivation n'est pas déjà prévue au Code de procédure civile? Il me semble que le Code de procédure civile prévoit déjà...
Le Président (M. Simard): Chez nous, ici, mais pas ailleurs.
M. Turp: Non, mais ça, c'est pour le Québec.
M. Bédard: C'est ça, la problématique. Moi, j'aurais tendance... Effectivement, la motivation... Il y a une obligation de motivation qui existe et qui existe même en fonction des règles de justice naturelle. Même si elle n'était pas prévue dans le code, elle existe. Le problème, c'est qu'on devrait peut-être retrouver une telle disposition dans les demandes provenant du Québec, exiger des autres États qu'elle soit motivée, parce qu'on ne sait pas les règles qui existent à l'extérieur. Vous savez, on peut demander... Bon. On a le droit interne, c'est correct, mais, quand on fait appel aux règles de justice naturelle, qui ont un caractère beaucoup plus international même, qui sont d'ailleurs souvent... qui se retrouvent un peu partout, l'obligation de motivation devrait plutôt se retrouver dans l'autre section qui porte sur des décisions sur le Québec... des demandes provenant du Québec, donc d'assortir l'obligation que le jugement soit motivé, de façon à respecter les règles de justice naturelle. Non?
M. Bellemare: Ce qu'on me dit, M. le député de Chicoutimi, c'est que d'abord on ne peut pas imposer aux tribunaux étrangers cette obligation de motiver mais que l'obligation est déjà prévue dans la loi-cadre canadienne, ce qui fait qu'on...
M. Bédard: O.K. Mais on peut. Ce n'est pas vrai qu'on ne peut pas. On peut, en disant... Lorsqu'on parle des règles de justice naturelle, entre vous et moi...
M. Bellemare: Mais ce ne serait pas à l'article 19, ce serait où, ça?
M. Bédard: Ce serait avant, ce serait avant, là. Là, parce que j'y pense en le regardant, en me disant qu'ici il est peut-être superfétatoire, là, ou il n'est pas nécessairement utile, parce que la motivation, de par nos règles...
Mme Gervais (Denise): Elle doit l'être.
M. Bédard: Elle doit l'être, voilà. Mais ce qui n'est pas nécessairement vrai.
Mme Gervais (Denise): Non.
M. Bédard: Mais vous me dites que, dans la loi-cadre...
Mme Gervais (Denise): Oui. Cette obligation, elle est là. Puis elle est peut-être là aussi un peu pour les mêmes raisons que, nous, on l'a mise, pour insister sur l'importance, dans ce contexte-là, qu'elle soit motivée pour...
M. Bédard: On ne devrait pas plutôt aussi la retrouver dans les...
Mme Gervais (Denise): Mais la demande... On demande une décision. C'est évident qu'ensuite les règles de procédure qui entoureront la prise de décision et la décision à rendre sont des règles qui appartiennent, là, à nos partenaires. On n'a pas... Le cadre de coopération est davantage un mécanisme de coopération administratif, et on laisse s'appliquer les règles qui, dans l'État avec lequel on est partenaire, qui est notre partenaire, s'appliquent déjà. De la même façon que, nous, on applique nos règles, et ils acceptent ça, hein?
M. Bellemare: L'obligation de motiver est tellement fondamentale dans tous les pays...
M. Bédard: Pas toujours. Je ne sais pas, moi. Ce n'est pas clair...
M. Bellemare: Bien, aux États-Unis puis au Canada.
M. Bédard: ...parce que, nous, avant, ce n'était pas le cas. Moi, j'ai vu des décisions, je peux vous dire, même des décisions du Tribunal administratif, il a fallu l'ajouter, parce qu'on avait des décisions... même des décisions, là, faites à l'avance, là, où on modifiait dans le bas, rejeté ou... C'était à peu près ça, là. Et là on a prévu cette obligation. Mais je vous dis... En tout cas, peu importe, c'est bien, parce que c'est pris dans la loi-cadre, là, je ne veux pas être plus compliqué qu'il ne faut.
M. Turp: Même la Cour suprême ne motive pas ses décisions sur des requêtes pour permission d'appeler, là. Alors donc, même dans une grande démocratie, là, si on ne motive pas toujours ses décisions, quand on ne le dit pas...
n(12 heures)n Vous nous assurez que les décisions seront motivées lorsqu'elles viendront des autres provinces du Canada, à cause de la loi modèle canadienne qui a été reprise par les lois des autres provinces, mais est-ce qu'il s'agira du cas pour les États-Unis aussi? Est-ce que vous pouvez nous assurer que les décisions américaines vont être motivées? De là la question de mon collègue de Chicoutimi. Y a-t-il un moyen pour nous assurer que les décisions qui vont venir de nos partenaires américains soient motivées? Parce que, nous, on leur garantit que les nôtres le seront pas seulement une fois, deux fois: le Code de procédure civile le prévoit puis, nous, on le prévoit dans la loi. Est-ce qu'il n'y aurait pas, tu sais, intérêt à...
Le Président (M. Simard): À moins que la demande sera toujours faite en ce sens-là, une demande de jugement motivée.
M. Turp: Parce qu'il n'y a rien de plus frustrant pour un citoyen que de recevoir une décision non motivée. Puis là, si notre loi ne prévoit pas ce cas-là, on expose les citoyens du Québec qui bénéficieront de cette loi-là à recevoir des décisions américaines qui ne seront pas motivées.
M. Bellemare: On peut certainement, comme on le fait aux articles 4 à 9 de la loi, prévoir des modalités quant aux conditions imposées aux demandes provenant du Québec. Mais je ne crois pas qu'on puisse imposer à un tribunal étranger des règles, telle la motivation.
M. Turp: Sauf dans une entente négociée en vertu de l'article 34.
M. Bellemare: Je ne pense pas qu'on puisse légiférer, au Québec, là-dessus. Je pense qu'il faut aussi faire confiance. Quand le Québec décide de conclure ou d'adopter un décret prévoyant qu'il y aura des ententes avec des sociétés ou des États étrangers, comme il l'a fait pour 16 États, à mon avis le Québec doit s'assurer que les règles appliquées par les tribunaux étrangers sont convenables. Et à mon avis j'imagine que cet exercice-là a déjà été fait lorsque le Québec a déjà accepté l'État de New York, par exemple, parmi les États avec lesquels on a une entente de réciprocité. Et, en ce qui concerne ceux qui pourraient s'ajouter par décret éventuellement, bien je crois bien que le Québec devra s'assurer au départ que les règles applicables devant les tribunaux étrangers sont minimalement respectées et conformes à celles qui sont appliquées au Québec. Mais de dire ici...
Une voix: ...
M. Turp: C'est ça.
M. Bellemare: Je crois que le Québec doit s'assurer... Et, s'il a décidé de reconduire la liste déjà existante, c'est qu'il a déjà vérifié et fait en sorte de s'assurer que ce qui se passe ailleurs est conforme à ce qui se passe au Québec. J'imagine qu'il n'y a pas de société parmi celles avec lesquelles on va conclure des ententes ou on va travailler en réciprocité qui ne prévoit pas que les décisions doivent être motivées. Ça m'apparaît évident.
M. Turp: Donc, ce qu'on comprend, là, c'est que, dans l'avenir à tout le moins, les États qui vont être désignés en vertu de l'article 2 le seront si, dans la législation, on prévoit que les décisions, comme les nôtres, vont être motivées.
M. Bellemare: Le droit d'être entendu, le droit à la motivation, c'est tellement fondamental que je ne peux pas m'imaginer que cette obligation-là n'ait...
Le Président (M. Simard): Bien, vous pouvez vous imaginer parce que j'ai à l'esprit un cas très précis de jugement non motivé dans un pays européen, fort respectable par ailleurs.
M. Bellemare: Non, mais ce n'est pas le cas ici, là. Ce n'est pas le cas. Ici, on parle de neuf provinces...
Une voix: ...
M. Bellemare: Le droit public et le droit anglais.
Le Président (M. Simard): Alors, si les réponses satisfont, parce que... au niveau des ententes, alors est-ce que l'article... on était à l'article... 19 est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Simard): Article 20: «Le greffier transmet une copie certifiée conforme de la décision au défendeur et au ministre. Ce dernier la fait parvenir, par courrier recommandé ou certifié, à l'autorité compétente de l'État désigné d'où provient la demande.»M. Bellemare: Alors, comme remarque, je dirais que cet article prévoit l'envoi au défendeur et au ministre de la Justice de la décision rendue au Québec. Le ministre l'acheminera à l'autorité compétente de l'État désigné d'où provient la demande par courrier recommandé ou certifié. L'obligation de procéder par courrier recommandé ou certifié est justifiée par la nécessité de conserver une preuve officielle de l'envoi à l'autorité étrangère de la décision rendue au Québec. Il n'y a pas d'amendement proposé à cet article 20.
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Simard): Là, on est vraiment, là, dans le mode d'acheminement. Adopté.
21: «Le délai d'appel d'une décision rendue en application de la présente section est de 90 jours de la date de la décision.
«Le tribunal peut prolonger ce délai lorsque des circonstances spéciales le justifient.» On est dans les délais d'appel.
M. Bellemare: Alors, comme commentaire: Le délai d'appel prévu à l'article 494 du Code de procédure civile est de 30 jours. Toutefois, par souci d'harmonisation avec la loi modèle canadienne, paragraphe deux, article 36, un délai d'appel plus long a été prévu dans le cadre de la présente loi, soit 90 jours. Alors, c'est une question d'harmonisation. Puis de prévoir un délai d'appel plus long, ça n'a jamais pénalisé personne, là.
Le Président (M. Simard): M. le député de Mercier.
M. Turp: Non, ça va.
M. Bédard: Moi, peut-être, M. le Président, simplement, sur le délai d'appel de 90 jours, les délais d'appel actuellement, est-ce que c'est 90 jours?
M. Bellemare: 30.
M. Bédard: C'est 30, c'est ça, hein, les délais d'appel ordinaires?
M. Bellemare: C'est dans les commentaires. Vous le retrouvez dans les commentaires.
M. Bédard: O.K. Excuse-moi, je n'avais pas lu...
M. Bellemare: C'est 30 jours, mais on l'harmonise à 90 partout pour fins de... souci... Puis 90 jours, quand on parle de jugements étrangers puis de...
Le Président (M. Simard): Avec la durée, les complications.
M. Bellemare: Vérifier des choses.
M. Moreau: Mais, pour le député de Chicoutimi, s'il retournait à la pratique du droit, il doit conserver le bon réflexe de penser que le délai d'appel est de 30 jours ici.
Le Président (M. Simard): Le 31e, ça ne marche pas.
Des voix: ...
Le Président (M. Simard): Et il y a eu des drames là-dessus, hein, des fins de carrière rapides. M. le député de Mercier.
M. Turp: La notion de «circonstance spéciale» est-elle définie ailleurs? Ou est-ce que ça relève de la discrétion du tribunal? La notion, est-ce que c'est ailleurs dans nos lois, ou dans la loi modèle, ou éventuellement dans la convention?
Une voix: ...l'impossibilité d'agir.
M. Bellemare:«Impossibilité d'agir», oui, mais là on l'a de moins en moins, l'impossibilité d'agir. On l'a dans le Code civil, mais c'est très exigeant, l'impossibilité d'agir.
M. Bédard: Exemple: «spéciale», est-ce que ça fait moins sévère qu'«impossibilité d'agir»?
M. Bellemare: Je pense que «circonstance spéciale» est plus ouvert, plus permissif.
M. Bédard: C'est ce que je pense aussi, mais pourquoi?
M. Turp: Ça élargit donc la portée de...
M. Bédard: Le fait d'avoir oublié la date, d'avoir produit...
M. Turp: ...des circonstances dans lesquelles ordinairement une décision peut être portée en appel?
M. Bellemare: L'impossibilité d'agir, en général on considère qu'il y a trois situations: ou bien l'absence de notification; ou bien l'erreur du mandataire, qui s'était engagé à agir et qui n'a pas agit à l'insu du client; ou bien l'impossibilité mentale, qui fait appel à une incapacité bien établie. Alors, l'impossibilité d'agir, c'est très exigeant comme critère. C'est très drastique.
Le Président (M. Simard): Là, ça peut être l'intervention d'Al-Qaida ou...
M. Turp: Mais est-ce que la notion de «circonstance spéciale» en est une qui est prévue à la loi modèle et que c'est la loi modèle qui suggère qu'on devrait retenir cette formule par souci d'harmonisation?
M. Bellemare: Laquelle? Quelle formule?
M. Turp: La notion de «circonstance spéciale», là, est-ce qu'on l'utilise ici pour harmoniser notre droit avec la loi modèle canadienne? Parce que ce serait une source d'interprétation de la notion de «circonstance spéciale», la loi modèle, alors...
M. Bédard: ...on avait: Peut être relevé du défaut lorsqu'on démontre d'avoir fait diligence raisonnable... pas diligence raisonnable, d'avoir un motif raisonnable.
M. Bellemare: Pour un motif raisonnable, c'est... Ce qui s'applique à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, c'est le motif raisonnable et, au niveau du TAQ, c'est le...
M. Bédard: Bien, on l'a modifié, là.
M. Bellemare: Il y a une nouvelle expression qui existe depuis 1998, qui est le motif... en tout cas, une notion intermédiaire.
M. Moreau: Voulez-vous qu'on essaie une réponse, M. le Président? 110.1, dans le cas de la procédure applicable aux demandes en justice, on dit, à la fin ? attendez un peu: «Le tribunal peut, sur demande présentée au plus tôt dans les 30 jours précédant l'expiration du délai de 180 jours ? qui est notre nouveau délai pour tout faire, là ? prolonger ce délai lorsque la complexité de l'affaire ou des circonstances spéciales le justifient.»M. Bédard: Oui, mais ce n'est pas pareil, là. «Circonstance» fait référence au contenu de la cour. Le délai de 180 jours, c'est: inscrire à un moment précis. Là, on fait plutôt référence à quelqu'un qui ne porte pas une décision en appel, soit par négligence soit par... peu importe, là, et qui n'est pas...
M. Moreau: Prolongation du délai d'appel.
M. Bédard: C'est ça. Moi, je pense que ça ne s'applique pas. Ce n'est pas relativement... La suspension de délai, c'est: le tribunal peut ordonner...
M. Turp: Ce n'est pas la même chose.
M. Bédard: ...voilà, alors que pour... On a un langage particulier pour les délais lorsque quelqu'un dépasse un délai d'appel.
M. Moreau: À 454, là, ça va bien mal. On a un langage particulier puis on appelle son assureur.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Turp: Mais est-ce que «circonstance spéciale» est dans la loi modèle?
M. Bédard: Non, bien, on ne l'a pas au niveau des tribunaux administratifs. Moi, je me souviens, on avait même proposé celle des... On peut être relevé du défaut en cas de motif raisonnable, ça, je me souviens de cette terminologie-là, qui me semble...
M. Bellemare: Ce qu'on va proposer, dans la réforme de la loi n° 35, ce sera le motif raisonnable pour tout le monde. Mais là on est en matière de droit social, avec des gens qui sont souvent non représentés.
M. Turp: Mais ça, c'est pour la prolongation du délai?
M. Bellemare: L'extension du délai, du délai d'appel.
M. Turp: L'extension du délai. Alors, il faudrait peut-être penser à incorporer la même notion...
M. Bédard: Ah! Il peut être prolongé, il ne peut pas être relevé du défaut.
n(12 h 10)nM. Bellemare: Tout dépend de la sévérité, là, tout dépend de l'importance qu'on accorde aussi à l'importance de... à la nécessité d'assurer un respect de ce jugement-là. Si on veut que ce soit strict et que le jugement soit respecté, que le délai soit observé de façon stricte, on peut aller jusqu'à l'impossibilité d'agir, qui est le maximum, là, qui est le test le plus sévère. Le motif raisonnable serait à mon avis le test le moins sévère.
M. Bédard: Mais je retire ce que j'ai dit.
Une voix: Une entente légale, on ne le sait pas.
M. Bédard: Totalement.
M. Turp: Il faudrait peut-être s'assurer qu'on sait ce que ça veut dire.
M. Bédard: Oui, mais simplement que... Effectivement, les termes sont corrects, parce qu'on parle vraiment de prolonger le délai. Donc, ça s'adresse à quelqu'un qui, pendant le délai de 90 jours, il ne demande pas à être relevé du défaut; pendant le délai de 90 jours, il demande de prolonger le délai. C'est simplement ça, c'est ce que j'ai compris, et là pas quelqu'un qui se réveille après 90 jours pour être relevé du défaut. Cet article ne prévoit que la prolongation du délai, une prolongation ne peut se faire que...
M. Turp: Qu'à l'intérieur.
M. Bédard: ...qu'à l'intérieur du délai. Tu ne peux pas...
Une voix: ...
M. Bédard: Bien, oui, ça, je suis sûr.
Le Président (M. Simard): Non, non, le député de Chicoutimi a raison... ou, à la dernière seconde...
M. Bédard: Parce que prolonger un délai, être relevé de la... c'est deux choses complètement différentes. Moi, ça, je suis convaincu.
Le Président (M. Simard): Ah oui! On ne peut pas arriver cinq jours plus tard et dire: Nous prolongeons le délai. Le délai n'existe plus.
M. Bédard: Bien non, si tu n'es pas dans les délais, tu ne peux pas demander prolongation de délai. Tu peux être relevé du défaut d'avoir agi et par la suite demander une prolongation de délai.
Le Président (M. Simard): C'est vraiment pour des circonstances spéciales, une prolongation d'un délai. C'est ce que la langue française dit.
M. Turp: Il n'y a rien dans la loi modèle?
M. Moreau: La référence à 110.1 était excellente parce qu'on est dans le contexte du délai d'inspection de 180 jours, et on est à l'intérieur de ce délai-là, et le texte de 110.1, c'est: autorise à prolonger le délai par une requête présentée au plus tôt dans les 30 jours précédant l'expiration, «prolonger ce délai lorsque la complexité de l'affaire ou des circonstances spéciales le justifient». Alors, je pense que c'est...
M. Bédard: O.K., parfait.
M. Turp: Et est-ce qu'on ne devrait pas faire référence à cet article du Code de procédure civile dans l'article 21 pour que les choses soient plus claires?
M. Moreau: Non, parce que là on est dans un contexte d'appel, alors que 110.1, c'est dans un contexte de première instance, avant l'inscription d'un dossier.
Le Président (M. Simard): Oui. Est-ce que 21 est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Simard): 22: «Le demandeur n'est pas tenu de fournir caution pour la sûreté des frais qui peuvent résulter d'une demande présentée en vertu de la présente section.»M. Bellemare: Alors, comme commentaire, nous disons que la disposition prévoit que les demandeurs étrangers sont exemptés de l'exigence, prévue à l'article 65 du Code de procédure civile, de fournir la caution pour la sûreté des frais pouvant résulter de leur demande. Il s'agit d'une mesure de coopération judiciaire internationale dont bénéficient également les Québécois qui adressent une demande à l'étranger dans le cadre du régime de réciprocité établi. Sous la loi actuelle, les demandeurs étrangers bénéficient déjà de cette exemption qui leur a été reconnue par la jurisprudence. Il n'y a pas d'amendement suggéré à cet article.
Le Président (M. Simard): C'est difficile de faire objection.
M. Bédard: Non, simplement, autrement dit, ce que je comprends... Parce que le Barreau avait des inquiétudes, il proposait même: en autant que l'État désigné offre le même privilège, qui est quand même... Mais c'est ça, donc c'est le cas. Est-ce qu'on a besoin de le mettre? Non, c'est ce que vous me dites. Parfait, adopté. À moins qu'il y ait d'autres questions.
Le Président (M. Simard): Alors, article 22, adopté.
Exécution d'une décision en matière d'aliments
Demandes provenant du Québec
Chapitre III, Exécution d'une décision en matière d'aliments, maintenant. On est au chapitre de l'exécution, et il y a une première section concernant évidemment ? c'est toujours le même principe, la même rédaction ? d'abord les demandes en provenance du Québec, provenant du Québec. Et à l'article 23:
«Une demande visant à ce que soit exécutée dans un État désigné une décision exécutoire au Québec en matière d'aliments est adressée au ministre de la Justice par le ministre du Revenu.
«Dans le cas d'une décision en matière d'aliments qui n'est pas exécutoire au Québec, la demande visant à ce qu'elle soit exécutée dans un État désigné est adressée au ministre de la Justice par le créancier ou, en application de la Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale, par le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille, lorsque le créancier réside habituellement au Québec.» Il y a évidemment ici des propositions d'amendement à ce projet de loi... à cet article 23. Mais, avant de passer peut-être à l'amendement, est-ce que le ministre pourrait nous donner les grandes lignes de... l'explication?
M. Bellemare: Oui. Alors, les articles 23 à 25 prévoient la procédure à suivre pour obtenir l'exécution d'une décision en matière d'aliments dans un État désigné. Il est prévu à l'article 23 que la demande sera adressée par le ministre du Revenu au ministre de la Justice qui assurera pour transmission des demandes à l'étranger. Le ministre du Revenu étant chargé de la perception des pensions alimentaires au Québec, en application de la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires, a la responsabilité de préparer les demandes d'exécution destinées à un État étranger désigné lorsqu'il est informé que le débiteur alimentaire y a sa résidence habituelle. Dans les cas cependant où la décision dont on souhaite l'exécution à l'étranger ne serait pas déjà exécutoire au Québec, il est prévu que la demande d'exécution pourra être adressée au ministre de la Justice par le créancier directement, s'il réside au Québec, ou par le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille, si ce dernier est subrogé dans les droits de ce créancier. En effet, selon l'article 1 de la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires, le ministre du Revenu ne peut intervenir pour assurer la perception d'une pension alimentaire que dans la mesure où celle-ci est prévue dans un jugement exécutoire au Québec.
Le Président (M. Simard): Alors, il y a une proposition d'amendement ? vous l'avez entre les mains ? qui consiste à ajouter, à l'article du projet de loi, à la fin du premier alinéa, ce qui suit: «ou, si celui-ci ne transmet pas la demande, par le créancier».
Alors, il s'agit... «Celui-ci», c'est le ministre du Revenu, évidemment, ici. Alors, est-ce qu'on pourrait avoir une discussion d'abord sur cet amendement? Peut-être nous l'expliquer, pourquoi il a été rajouté.
Une voix: ...
Le Président (M. Simard): C'est un amendement écrit qui a été rajouté.
Mme Gervais (Denise): Oui, c'est une... Le premier amendement, c'est suite aux représentations qui ont été faites par l'Association des avocats de droit... et avocates de droit familial à l'effet de permettre qu'un créancier puisse directement présenter sa demande d'exécution qui est destinée à l'étranger, qu'il puisse directement la présenter au ministère de la Justice. Et on demandait donc que le ministère de la Justice... le ministère du Revenu n'ait pas l'exclusivité, là, de la transmission des demandes.
Et c'est la raison pour laquelle on a ajouté cet amendement-là et en ayant, entre autres, à l'esprit et peut-être particulièrement à l'esprit qu'actuellement le ministère du Revenu ne perçoit pas des décisions en matière d'aliments qui sont rendues sous forme forfaitaire. Le ministère du Revenu ne perçoit que les décisions qui sont sous forme de pension. Donc, on privait... En limitant la transmission des jugements exécutoires par le ministère du Revenu, on limitait les créanciers alimentaires, la possibilité qu'ils bénéficient d'une exécution à l'étranger, lorsque la décision en question prévoyait un montant forfaitaire.
Et le ministère du Revenu, lui, il ne peut pas traiter cette demande-là. Donc, il était approprié d'ouvrir la porte, permettre que le créancier puisse le faire. Mais on a rédigé la disposition de façon à ce qu'il n'y ait pas deux demandes, là, qui puissent être transmises, une par le Revenu, une par le créancier, qui porteraient sur le même jugement. Et donc c'est le ministère du Revenu qui en principe va transmettre la décision pour exécution... la demande d'exécution au ministère de la Justice. Et, s'il ne le fait pas, bien le créancier pourra la transmettre.
M. Bédard: Peut le faire.
Mme Gervais (Denise): Exactement.
Le Président (M. Simard): Donc, c'est une précaution ici.
M. Bédard: Parce qu'il est possible dans des cas que... c'est ce qu'on disait...
Mme Gervais (Denise): Oui, exactement.
M. Bédard: O.K. Parfait.
Le Président (M. Simard): Cet amendement est adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Simard): Le deuxième amendement consiste à insérer, dans la troisième ligne du deuxième alinéa et après le mot «créancier», les mots «qui réside habituellement au Québec», et supprimer ? hein, c'est un seul amendement ? dans la...
Non, c'est un deuxième amendement. On va garder le premier amendement, ça va être plus simple de fonctionner comme ça.
M. Bédard: Bien là on va modifier l'amendement, je pense, oui.
Mme Gervais (Denise): Il faut enlever le «habituellement», là.
M. Bédard: C'est ça, «qui a sa résidence».
Le Président (M. Simard): Bon. Ici, il s'agit d'une concordance avec des décisions antérieures. Adopté? Et le troisième amendement...
M. Bédard: Mais là, avec la modification, on est d'accord?
Mme Gervais (Denise):«Qui a sa résidence».
M. Bédard:«Qui a sa résidence».
Le Président (M. Simard):«Qui a sa résidence».
M. Bédard: O.K. C'est beau. Parce qu'il n'est pas écrit, il va falloir l'écrire.
Le Président (M. Simard): Oui, oui, il n'est pas écrit, là, d'accord, ça va être fait. Adopté, «qui a sa résidence»?
M. Bédard: Adopté, oui.
Le Président (M. Simard): Et: 3° supprimer, dans la dernière ligne du deuxième alinéa, ce qui suit: «, lorsque le créancier réside habituellement au Québec».
Évidemment, c'est la contrepartie.
M. Bédard: Oui, mais c'est surtout que ça ne nous intéresse pas, là. Ça va de soi.
Le Président (M. Simard): Adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Simard): Alors, nous revenons à l'article 23. Est-ce qu'il y a des questions, des commentaires, des demandes d'explication, d'éclaircissement sur l'article 23?
n(12 h 20)nM. Bédard: Ah! Il y aurait peut-être une question. Bien là je reprends... Est-ce qu'on en a parlé? Le Barreau disait: «Que vise-t-on, second alinéa, par les mots "qui n'est pas exécutoire au Québec"? Il s'agit pourtant d'une décision provenant du Québec.» O.K., c'est ça, dans le deuxième alinéa, là, il dit: «Le Barreau apprécierait avoir des éclaircissements sur cela afin de mieux évaluer le bien-fondé de la règle énoncée...» Autrement dit, depuis quand une décision du Québec n'est pas exécutoire au Québec? Dans le cas d'une décision qui n'est pas... O.K., c'est ça, «qui n'est pas exécutoire». Dans le cas d'une... Là, on est en demande provenant du Québec. Puis là ce qu'on nous dit, c'est qu'elle est exécutoire au Québec. Elle ne peut pas être exécutée au Québec, mais elle est exécutoire au Québec. Alors, est-ce que c'est possible qu'une décision ne soit pas exécutoire au Québec? Oui, allez-y.
M. Bellemare: Allez-y.
Mme Gervais (Denise): Alors, il y a deux situations qui sont prévues, là, deux possibilités d'intervention pour ces décisions qui ne sont pas exécutoires au Québec, une qui est de la part du créancier lui-même, qui réside au Québec, ou de la part du ministère de l'Emploi, Solidarité. Et les circonstances dans lesquelles ça peut intervenir: c'est une créancière qui par hypothèse vient d'une... enfin vient d'une juridiction étrangère avec laquelle par hypothèse on a un accord de réciprocité, New York par exemple, et elle réside maintenant au Québec. Elle était détentrice d'un jugement de l'État de New York, elle est ici. Par hypothèse aussi, le défendeur pouvait payer sa pension régulièrement jusqu'à un certain temps, et maintenant elle se trouve ici, résidente au Québec, son jugement n'a jamais été reconnu et déclaré exécutoire au Québec. Mais elle réside au Québec et elle voudrait bien bénéficier du... bien du jugement et obtenir les aliments qui viennent de l'étranger.
Et le ministère du Revenu... le ministère de l'Emploi, Solidarité qui est dans la même... dans des circonstances peut se retrouver aussi subrogé dans les droits d'une créancière alimentaire qui habite au Québec, qui est détentrice d'un jugement, qui a en sa possession un jugement qui n'est pas exécutoire au Québec mais qui a été rendu dans un État avec lequel on a un accord de réciprocité. Donc, pour l'accommoder, plutôt que lui demander de faire reconnaître son jugement déclaré exécutoire pour que le ministère du Revenu s'en charge et nous transmette une demande, bien, voilà, on dit: Nous, on va transmettre la demande, on est déjà... on a un accord de réciprocité avec cet État-là, il va l'exécuter parce que c'est sa décision. Elle est exécutoire chez lui, mais elle ne l'est pas chez nous.
M. Bédard: C'est limpide. Merci, c'est limpide. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Simard): Ça éclaire votre lanterne, et nous pouvons maintenant poser la question fatidique: Est-ce que l'article 23 est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Simard): Article 24:
«La demande doit être accompagnée d'une copie certifiée conforme de la décision et mentionner:
«1° le nom du créancier;
«2° le nom du débiteur et, s'ils sont connus, son adresse, le nom et l'adresse de son employeur, ainsi qu'une description de ses biens meubles et immeubles;
«3° le montant de la pension alimentaire, la description des versements à échoir et l'indice d'indexation qui est applicable, s'il y a lieu, ainsi que, le cas échéant, la date du défaut du débiteur et le montant des arrérages;
«4° les autres informations et documents exigés par l'État désigné;
«5° toute autre information et tout autre document requis par le ministre de la Justice.» Est-ce qu'il y a des explications supplémentaires? M. le ministre.
M. Bellemare: Oui. Alors, cet article précise les éléments d'information nécessaires à la demande d'exécution, laquelle devra toujours être accompagnée d'une copie certifiée conforme de la décision. Il s'agit d'informations nécessaires pour faciliter l'exécution de la décision à l'étranger. La nouvelle... La loi nouvelle est plus précise que l'ancienne en ce qui a trait au contenu des demandes qui seront visées, ceci pour améliorer l'efficacité de son application et diminuer les délais de traitement. Il n'y a pas d'amendement suggéré à cet article.
Le Président (M. Simard): Est-ce que l'un ou l'autre des membres de cette commission a une question à poser, un commentaire à émettre?
M. Bédard: Je suis en train de relire, M. le Président. Moi... peut-être mes collègues. Non? Je suis en train de relire.
(Consultation)
M. Bédard: Le Barreau proposait, M. le Président...
Des voix: ...
Le Président (M. Simard): S'il vous plaît! M. le député de Chicoutimi.
M. Bédard: ...au paragraphe 3° ? je crois qu'on l'a modifié d'ailleurs dans d'autres ? demandait de préciser, de modifier le paragraphe 3° en précisant la date d'exigibilité de la pension. Et je crois qu'on l'a fait ailleurs, hein?
Mme Gervais (Denise): Dans les autres cas, c'était pertinent parce que la décision n'était pas rendue. Et donc qu'on permette aux parties de s'entendre et qu'on attire l'attention du juge sur l'importance de fixer la date d'exigibilité étaient tout à fait pertinents...
M. Bédard: Alors que, là, elle se retrouve...
Mme Gervais (Denise): ...alors que, là, la décision est déjà rendue et est dans le jugement où on l'a déterminée en application de la jurisprudence, et par conséquent il n'y a plus d'intérêt, ce n'est plus pertinent.
M. Turp: Oui, sauf qu'il y a beaucoup de choses qui sont dans le jugement qui sont mentionnées ici. Dans l'article 24, le montant de la pension, ça aussi, c'est mentionné dans le jugement. Alors, pourquoi mettre le montant de la pension et pas la date d'exigibilité?
Mme Gervais (Denise): Bien, le montant puis le... Le montant des arrérages, le montant de la pension, c'est ce qu'on veut obtenir, là, c'est ce qu'on demande exactement. La date d'exigibilité, on l'a déjà déterminée, parce que, quand on fixe les arrérages, c'est qu'on a déjà prévu à partir de quel moment la pension était payable. Et c'est le système de perception, le ministère du Revenu qui l'a déterminé, soit selon ce qui était prévu dans le jugement soit en application des règles de jurisprudence, là, telles que la pratique...
M. Turp: O.K. Il n'y a pas de question linguistique qui se pose dans le cadre d'une demande comme celle-là? De langue dans laquelle...
M. Bellemare: On l'a prévu plus tôt.
Le Président (M. Simard): C'était déjà prévu...
M. Turp: Mais là on est dans l'exécution, là. On n'est plus dans l'obtention. Est-ce que devraient se poser des questions linguistiques?
(Consultation)
M. Turp: Dans les demandes provenant du Québec, pour ce qui est de l'obtention de la décision, à l'article 9, il y avait des questions linguistiques, là, qui étaient en cause. Est-ce qu'ici on doit prévoir des traductions ou...
Le Président (M. Simard): On imagine mal...
M. Turp: Pas 9, 6, pardon, excusez-moi.
M. Bellemare: Les jugements sont ou bien en français ou bien en anglais. On parle des demandes provenant du Québec ici. Donc, c'est forcément une décision en français ou en anglais.
Le Président (M. Simard): Et la demande d'exécution, elle vient du ministre de la Justice. Elle sera donc transmise, si je comprends bien, dans la langue du pays où la demande est envoyée, donc, si c'est aux États-Unis, en anglais et, dans le reste du Canada, bon là c'est une autre règle.
M. Turp: Mais une décision par l'un de nos tribunaux ne sera pas nécessairement en anglais. Donc, elle va être envoyée en français aux États-Unis.
Mme Gervais (Denise): La pratique est à l'effet qu'on la traduit si elle est destinée à une province, un territoire ou un État qui exige l'anglais.
M. Turp: Ça, c'est la pratique...
Mme Gervais (Denise): Le ministère du Revenu.
M. Turp: Et la pratique, vous avez cru bon de ne pas la traduire par une disposition législative, ici.
M. Bellemare: C'est parce que... autant que possible en français, si on veut être compris puis si on veut que ça marche, parce que, autrement, il faudrait le mettre français ou anglais, ce qui n'est pas... ce qui n'est pas nécessairement à l'avantage du Québec.
M. Bédard: Dans la Loi sur le ministère du Revenu, il est prévu nommément que c'est le ministère qui est chargé de la traduction? Et vous me dites: C'est ce qui arrive? Mais il n'y a pas d'obligation, mais c'est ce qui arrive.
M. Bellemare: Autrement, ils ne les traitent pas, nos demandes.
Le Président (M. Simard): Donc, Le ministère du Revenu traduit.
M. Bédard: Oui, c'est ça, mais, je veux dire, à la charge de qui? Autrement dit, je ne veux pas que... Normalement, c'est à l'individu à payer pour ça, là. S'il n'y a pas rien... ou si le ministère décide de ne pas offrir le service, il doit lui-même traduire aussi le jugement. Bon. Et ces frais-là, encore une fois ça va être pour l'ensemble de tous les pays. C'est nos concitoyens qui vont supporter les frais. Mais ce qu'on dit actuellement, quand même, c'est que c'est fait par le ministère du Revenu. Du moins, on peut l'adopter. On verra pour la langue après.
Le Président (M. Simard): M. le député de Mercier.
M. Turp: La demande...
Le Président (M. Simard): Là, actuellement je suis obligé de suspendre nos travaux, puisque l'heure est passée. Nous ajournons après la période... C'est sine die puisqu'il n'y a pas d'ordre de cour... l'ordre de la Chambre.
M. Bédard: Mais avant j'aimerais peut-être demander au ministre les analyses d'impact dont on s'était parlé au début, si c'est possible.
Le Président (M. Simard): Vous pouvez faire ça viva voce, là, c'est en dehors de la séance.
(Suspension de la séance à 12 h 30)
(Reprise à 15 h 36)
Consultations particulières
sur le projet de loi n° 21
Le Président (M. Simard): J'invite le ministre à se joindre à nous. Il est 15 h 37 min, et nous allons commencer nos travaux, l'ordre de la Chambre est survenu il y a plus d'une demi-heure.
Alors, nous sommes réunis aujourd'hui afin d'étudier le projet de loi n° 21. Nous sommes à l'étape des audiences, des consultations particulières et auditions publiques sur ce projet de loi n° 21, qui est la Loi modifiant le Code civil et le Code de procédure civile en matière de fixation de pensions alimentaires pour enfants.
Alors, notre secrétaire, qui s'en vient, va nous indiquer s'il y a des remplacements. Je pense que ce sont les mêmes que nous avions à une séance précédente. Il va nous le dire immédiatement. Je sais qu'il arrive...
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Bordeleau (Acadie) est remplacé par Mme Legault (Chambly); Mme Thériault (Anjou) est remplacée par M. Tomassi (LaFontaine); M. Létourneau (Ungava) est remplacé par M. Côté (Dubuc); et enfin Mme Papineau (Prévost) est remplacée par M. Bédard (Chicoutimi).
Remarques préliminaires
Le Président (M. Simard): Alors, il est prévu, comme il est d'usage dans nos travaux, qu'il y ait d'abord des remarques préliminaires, et nous allons entendre d'abord le ministre dans ses remarques préliminaires.
M. Marc Bellemare
M. Bellemare: Alors, merci, M. le Président. Je désire remercier tous les parlementaires pour leur présence ici ainsi que le personnel, les chercheurs, les juristes qui ont collaboré aux travaux de la commission. Et je désire souhaiter la bienvenue également à tous les groupes qui vont s'exprimer au sein de la Commission des institutions sur ce projet de loi important qui vise à modifier le Code civil, le Code de procédure civile, en matière de pensions alimentaires, et qui en est aujourd'hui au stade de la consultation.
Alors, ce projet de loi, que j'ai présenté à l'Assemblée nationale le 6 novembre dernier et dont le principe a été adopté le 13 novembre, a pour objectif principal d'assurer une plus grande égalité de traitement des enfants issus de différentes unions des parents qui sont partie à une demande judiciaire de fixation de pensions alimentaires. En second lieu, il vise à permettre à un parent de demander des aliments pour son enfant majeur dont il assume en partie la subsistance. Enfin, le projet apporte certaines mesures correctives concernant l'obligation d'énoncer les motifs de l'écart entre le montant de la pension convenu et le montant exigible en vertu des règles de fixation de pensions alimentaires pour enfants.
Rappelons d'abord que les règles actuelles de fixation des pensions alimentaires pour enfants ne permettent pas à un parent de pouvoir tenir compte, lors d'une demande de pension alimentaire, du coût qu'il doit par ailleurs assumer en raison d'autres obligations alimentaires que celles visées par la demande, si ce n'est en démontrant que le montant de la pension fixé pour les enfants visés par cette demande lui crée des difficultés excessives.
Selon les informations contenues dans le rapport complémentaire du Comité de suivi du modèle québécois de fixation des pensions alimentaires pour enfants, produit en juin 2003, il serait actuellement très difficile de réussir à faire modifier la pension alimentaire pour ce motif. Afin de pallier cette difficulté, le projet propose de supprimer l'existence pour les parents de démontrer que les aliments demandés constituent pour eux des difficultés excessives. Il est donc proposé, compte tenu de la multitude de facteurs ou de variables dont il faut tenir compte pour faire une évaluation juste de l'ensemble des circonstances que peut présenter chacun des cas, de s'en remettre à la discrétion du tribunal dans tous les cas.
n(15 h 40)n Une enquête menée en 1998, produite par l'Institut de la statistique du Québec, dresse un portrait des familles qui démontre que, parmi l'ensemble des familles comptant au moins un enfant mineur, c'est-à-dire 945 000, 10,4 % sont des familles recomposées et 2,6 % sont des familles recomposées avec des enfants communs, ce qui fait en sorte... et ce qui représente 24 500 familles dont l'un des conjoints ou les deux ont au moins un enfant d'une autre union et au moins un enfant ensemble.
Par ailleurs, le Règlement sur la fixation des pensions alimentaires pour enfants, édicté en vertu de l'article 825.8 du Code de procédure civile, prévoit que ces règles de fixation s'appliquent à la demande présentée par un parent relativement à un enfant majeur qui n'est pas en mesure d'assurer sa propre subsistance. Le parent demandeur est alors présumé mandataire du majeur pour le représenter dans l'exercice de ses droits alimentaires. Toutefois, ces règles de fixation ne s'appliquent qu'à une demande de pension alimentaire présentée dans le cadre de la Loi sur le divorce. Dans les autres situations d'obligation alimentaire, soit celles relatives à la séparation de corps, aux nullités de mariage et aux dissolutions des unions civiles ou des unions de conjoints de fait, l'un des parents ne peut demander une pension alimentaire pour son enfant majeur et être ainsi présumé son mandataire. Le projet propose d'étendre la règle applicable dans les situations de divorce à l'ensemble des autres situations juridiques de droit civil, ce qui permettra que la demande pour l'enfant majeur puisse être traitée dans la même instance et de la même façon que celle pour les enfants mineurs de la même union.
Dans un autre ordre d'idées, le projet propose de remédier à certains problèmes de nature procédurale liés à la conservation aux dossiers de la cour des motifs justifiant l'écart entre la valeur des aliments proposée dans une entente des parties et entérinée par le tribunal, et celle qui résulterait de l'application des règles de fixation des pensions alimentaires pour enfants. Les modifications proposées visent essentiellement à assurer que les motifs de cet écart demeurent aux dossiers de la cour dans le but d'accélérer ou de faciliter d'éventuelles révisions des pensions établies.
Telles sont les propositions, M. le Président, soumises aujourd'hui à la présente commission. Comme je l'ai mentionné précédemment, elles ont pour but principalement d'assurer une plus grande égalité de traitement des enfants eu égard à la capacité de payer des parents. Je vous remercie.
Le Président (M. Simard): Merci, M. le ministre. J'écouterais maintenant... Nous entendrons maintenant le député de Chicoutimi pour ses remarques préliminaires.
M. Stéphane Bédard
M. Bédard: M. le Président, alors c'est un plaisir à nouveau pour moi de me retrouver à cette commission pour ce projet de loi, bien que bref, qui a une importance assez déterminante sur les enfants et les familles au Québec, donc d'où l'intérêt que nous avons eu de procéder avec beaucoup de précautions en appuyant le principe, souvenez-vous, mais en demandant des consultations larges sur cette question, pour vraiment que les objectifs dont fait mention le ministre dans ses remarques préliminaires soient rencontrés, soit celui d'assurer une plus grande égalité entre les enfants et d'assurer en même temps de toujours avoir, je vous dirais, comme priorité le bien-être des enfants, qu'ils soient mineurs, enfants, je vous dirais, entre guillemets, ou majeurs, comme le fait mention le projet de loi à son article 1, en modification du Code civil du Québec.
Vous comprendrez qu'encore une fois nous serons vigilants, puisqu'il ne faudrait pas, par cet objectif, causer plus d'inégalités qu'on semble vouloir en régler, d'où la très grande précaution que nous aurons dans l'étude de ce projet de loi, car il peut avoir des impacts au niveau plus particulièrement des enfants issus d'un premier mariage. Et donc ce sera... Et, vous le savez aussi, ce projet de loi accorde quand même... Autrefois, la révision était très encadrée. Dans ce cas-ci, il accorde une discrétion au juge, qui aura à déterminer. Donc, cela nous amène à questionner, comme il se doit d'ailleurs, cette modification du critère. Et souvent, vous savez, notre bâtonnier dit: Le mieux est souvent l'ennemi du bien, alors souhaitons que, dans ce cas-ci, ce ne sera pas le cas.
L'autre effet pervers que peut avoir ce projet de loi, c'est celui d'amener beaucoup de contestations devant les tribunaux dans les mois, dans les années qui viennent, qui suivront finalement l'adoption éventuelle du projet de loi. Il est évident que.... On estimait, si je me souviens bien, en conférence de presse, à tout près de 22 000 possibilités, entre guillemets, de recours. Évidemment, il n'y en aura pas 22 000, mais imaginez-vous l'avalanche de dossiers qui pourraient se retrouver devant nos tribunaux suite à l'application d'une telle loi.
Donc, il sera à nous, membres de cette commission, et pas simplement comme responsables de l'opposition de ce dossier mais aussi comme... J'invite tous les membres de cette commission à être très attentifs aux groupes qui viendront devant nous et qui nous feront part, dans certains cas, de leur satisfaction mais, dans d'autres, de leurs inquiétudes. Et ce sera à nous de voir et de s'assurer que cette recherche de l'égalité mais aussi cette recherche avant tout du bien-être des enfants et des familles du Québec soit préservée par la modification ou le maintien des dispositions actuelles régissant de telles matières tant dans le Code de procédure mais évidemment surtout dans le Code civil du Québec.
Alors, M. le Président, encore une fois nous jouerons pleinement notre rôle d'opposition constructive, je le répète, «constructive», et nous tenterons le mieux possible, à l'intérieur de nos compétences, de mieux saisir les impacts réels qu'aura le projet de loi en termes d'interprétation, mais aussi en termes de réalité de tous les jours auprès des familles du Québec. Alors, M. le Président, je suis prêt... À moins que mes collègues aient d'autres remarques préliminaires, nous sommes prêts à entendre les différents groupes sur cette question.
Le président, M. Sylvain Simard
Le Président (M. Simard): Écoutez, moi aussi, je voudrais rajouter un mot. Il s'agit évidemment d'un tout petit projet de loi en apparence, six articles, mais les gens qui nous écoutent ou qui suivent nos débats peuvent se demander pourquoi nous sommes aussi rigoureux et sommes si attentifs aux moindres détails d'un projet de loi comme celui-là. C'est qu'il affecte le Code civil. Ce sont des lois fondamentales, des lois qui vont affecter des milliers de nos concitoyens et possiblement pour très longtemps. Donc, c'est tout à fait normal ce que le député de Chicoutimi vient de dire, et en fait il répondait dans le même sens que le ministre à ce sujet. Il s'agit... Ici, nous sommes en matière extrêmement importante, d'où notre préoccupation d'entendre les groupes qui peuvent éclairer la commission. Et nous allons commencer par un groupe que nous avons rencontré récemment, l'Association des avocats et avocates en droit familial du Québec.
Auditions
Mme Kirouack, vous étiez avec nous avant-hier, vous êtes avec nous aujourd'hui. Demain, nous ne siégeons pas, donc vous n'êtes pas convoquée. Vous savez, parce que vous avez dû suivre nos travaux sur un autre projet de loi, le projet de loi n° 2, je crois, que nous avons tenu et nous tenons, à chaque instant, compte, avec beaucoup de rigueur, de vos commentaires et de votre présentation. D'ailleurs, le ministre a présenté plusieurs amendements, et la commission a modifié en bonne partie certains aspects du projet de loi pour répondre, en tout cas en partie, à vos demandes. Donc, nous allons vous écouter avec beaucoup d'attention.
Association des avocats et avocates
en droit familial du Québec (AAADFQ)
Mme Kirouack (Marie Christine): Je vous remercie. Étant donné que, plus tôt cette semaine, l'association, et ses objectifs, a déjà été présentée, je ne considère pas qu'il soit nécessaire de nous répéter. Par contre, je me permettrai de faire un aparté. Le projet de loi n° 40 qui a été, n'est-ce pas, déposé en première lecture, étant donné qu'il vise spécifiquement, entre autres, toute la question du 12 mois en matière familiale, je me permets de féliciter le dépôt de ce projet de loi là. On ne peut pas passer à côté, parce que ça va permettre, entre autres... pas juste la question de la Loi sur le divorce, mais ça va permettre aussi aux gens qui viennent de se séparer de peut-être pouvoir respirer, qu'on les laisse aller un peu dans le temps, et je devais absolument, comme représentante de l'association, faire un aparté sur cette question.
Spécifiquement, pour ce qui est du projet qui nous occupe, c'est-à-dire le projet de loi n° 21, qui dans le fond... quant à nous, nos énergies ont été mises sur deux des articles, point deux, parce que la dernière intervention est plutôt une interrogation.
Pour ce qui est de la modification proposée à l'article 586 du Code civil, je vous dirais que l'association est non seulement en accord, mais l'association se réjouit, parce que ça permettra finalement que tous les enfants soient traités sur un même pied d'égalité et que les enfants n'aient pas, dépendant du statut civil qu'ont choisi leurs parents, c'est-à-dire d'être mariés, d'être en union civile ou d'avoir vécu en concubinage, à vivre l'odieux de réclamer des aliments du parent avec lequel ils ne résident pas. Nous avons vu beaucoup de situations, et, je vous dirai, de façon presque mensuelle, où des jeunes adultes de 18 ans et trois quarts, 19 ans, préféraient abandonner leurs études plutôt que d'avoir effectivement à réclamer, par des procédures, des aliments de l'autre parent.
n(15 h 50)n Accessoirement, cette modification aurait également pour effet d'éviter que le parent avec lequel réside l'enfant majeur soit contraint au dilemme suivant, qu'on a vu aussi dans une multitude de dossiers, c'est-à-dire: soit assumer l'entier fardeau alimentaire de l'enfant soit avoir le mauvais rôle et pousser l'enfant à réclamer des aliments de l'autre parent, ce qui ? je n'ai pas besoin, je pense, de vous le dire ? n'aide pas le climat familial des familles qui sont séparées et créait, dans bien des cas, je vous dirais, des chicanes inutiles.
Accessoirement, la réforme ? mais c'est vraiment de façon accessoire ? va aussi permettre, je pense, que la pension alimentaire, puisqu'elle est versée directement aux parents plutôt qu'à l'enfant... d'éviter que ce soit l'objet de discussion, de négociation ou de tractation entre le parent et son enfant, à savoir lequel des deux devrait administrer la somme, de quelle façon est-ce que ça devrait se faire. Et, comme chacun le sait, des fois les jeunes adultes préfèrent des dépenses plutôt somptuaires que des dépenses utiles, et, dans certains cas où il y avait des ordonnances alimentaires effectivement par rapport à des majeurs, on a vu des pensions alimentaires assez dilapidées de mois en mois. En résumé, nous pensons que la modification permettra que soit résolue entre les parents, et entre eux seuls, une situation dans le fond qu'ils ont engendrée et où l'enfant se trouvait pris à partie. Quant à nous ? et on s'en félicite ? on trouve que désormais ça pourra se régler entre adultes et entre adultes seulement.
Cependant, on se demande s'il n'y aura pas moyen d'améliorer le libellé de la modification proposée à l'article 586, au motif suivant: étant juriste et étant... On a longuement étudié le libellé, et l'expression de la modification qui est proposée est la suivante, c'est-à-dire le parent qui subvient en partie aux besoins de son enfant majeur, et nous craignons que ça fasse l'objet de longs et de douloureux débats à savoir qui est le parent qui subvient en partie aux besoins de son enfant majeur, puisque, à partir du moment où l'un ou l'autre des parents assume des dépenses de l'enfant, on peut soutenir effectivement que ce parent-là subvient en partie aux besoins de l'enfant.
Je donne l'exemple: monsieur a la garde, et madame, à chaque début de session, amène son fils et paie ses livres pour la rentrée scolaire. On ne peut pas dire qu'elle ne subvient pas en partie aux besoins de son fils. Est-ce que le père subvient plus? Oui. Mais on ne peut pas écarter... Et on ne voudrait pas que finalement on passe dans le fond à côté de l'objectif, qui est très louable, de la loi, et qui selon nous est du meilleur intérêt des enfants, et qu'on polarise plutôt le débat sur qui dans le fond est le vrai mandataire, et on va se ramasser où encore une fois on va reprendre l'enfant et on va le remettre au milieu du débat.
D'autant plus qu'étant donné qu'il n'y a pas d'autre critère législatif sur la question de l'assumation des dépenses... On a fait une espèce de petite liste, là, de lequel des deux, celui des deux qui contribue le plus, celui des deux qui, au prorata de leur revenu respectif, contribue le plus, celui des deux avec lequel l'enfant réside. Encore que, dans ce dernier cas, que ferait-on des situations où l'enfant doit vivre en résidence durant ses études à cause de l'éloignement et que dire des enfants qui résident en alternance avec chacun de leurs parents, soit ceux qui ont continué d'appliquer les modalités d'une garde partagée même après leur majorité? Parce qu'on ne peut pas parler de garde une fois la majorité, n'est-ce pas, une fois que les enfants ont 18 ans. Il est certain...
Puis on est allé voir aussi... Il n'est pas vraiment possible de s'inspirer de la solution qu'a utilisée la Loi sur le divorce parce qu'ils n'ont pas le problème de la majorité, ils n'ont pas dans le fond à vivre à travers le mandat présumé, qui par ailleurs est une solution que quant à nous on a trouvé intéressante, et l'association donne son aval de passer par la question du mandat présumé.
Des pistes de solution qu'on vous souligne, puis bien, bien, bien humblement, O.K.? D'une part, on pourrait utiliser la résidence, O.K., et, à ce moment-là, l'enfant qui habite avec l'un de ses parents, ce parent-là pourrait être présumé le mandataire de celui-ci. Ça ne règle pas nécessairement toutes les situations. Il n'est peut-être pas possible des fois d'arriver à trouver la solution dans toutes les situations, mais ça aurait quand même le mérite de régler une bonne partie des situations factuelles, y compris, là, celle de la résidence alternée d'un enfant, puisque, en pareil cas, tant l'un que l'autre parent pourrait réclamer des aliments, et, à ce moment-là, bien ce sera celui qui aura les revenus les plus élevés qui aura à payer une pension alimentaire à l'autre parent.
On a poussé un peu plus loin la réflexion en se demandant si de choisir le domicile commun entre le parent et l'enfant ne pouvait pas régler la situation encore mieux, parce que ça nous permettrait aussi de couvrir le cas où les étudiants ont à vivre parfois temporairement en résidence, là, durant les mois où ils étudient, parce que l'institution scolaire du cégep ou de l'université n'est pas près du domicile de leurs parents, et, à ce moment-là, ils n'ont pas vraiment le choix, là, d'être temporairement à l'extérieur. Comme les notions juridiques de domicile... On parlerait vraiment, là, d'une résidence temporaire, le facteur de rattachement principal ne se trouverait donc pas coupé par le fait qu'un enfant soit en résidence durant les mois de son étude, et on pense que ça pourrait être une solution qui serait à la fois pratico-pratique, qui serait bien ancrée dans notre droit et qui pourrait régler le problème.
Ça permettrait également, je vais vous dire, parce qu'on est comme allés un petit peu plus loin, d'écarter, si on utilisait la notion de domicile, les situations où l'enfant, le jeune adulte a clairement coupé les liens de domicile avec ses parents, là, celui qui habite avec sa blonde, celui qui habite avec des colocataires, mais vraiment, là, de façon... tu sais, «établissement domestique autonome», presque, pour utiliser une notion, là, qui vient complètement d'ailleurs, mais où il y a vraiment une rupture de lien. Il n'est pas vraiment sous la charge de l'un ou de l'autre des parents, puis c'est comme, bon, bien, tu sais: Maman, tu m'aiderais-tu un petit peu? Papa, tu m'aiderais-tu? On pense que, dans ces cas-là, l'objectif de la réforme n'était pas de permettre à l'un des deux parents d'utiliser le mandat présumé pour dire, tu sais, là: Oh! Ginette, tu vas aider notre fils. Et l'utilisation du domicile pourrait effectivement peut-être régler cette question-là, O.K.
Dans un autre ordre d'idées et nonobstant la proposition de modification qu'on suggère au libellé de l'article 1, la réforme, telle que proposée, permettra également de régler le problème des enfants handicapés, selon nous, lesquels, hélas, n'atteindront souvent jamais leur complète autonomie, qui résident fréquemment avec leurs ou l'un de leurs parents jusqu'à ce que les parents ne soient plus capables de s'occuper d'eux à cause de leur âge ou à cause de leur maladie. Dans ces cas-là, il est clair que le parent qui s'occupe de l'enfant pourra exercer le recours alimentaire et demander de l'autre parent qu'il y ait un apport.
Il est certain qu'une certaine portion des enfants handicapés auront à avoir l'ouverture d'un régime de tutelle ou de curatelle, et, à ce moment-là, on ne pourra plus appliquer la notion du mandat présumé, puisqu'un incapable ne peut pas mandater. Mais, dans ces cas-là, le problème est réglé de toute façon, puisque le parent à qui on confiera la tutelle ou la curatelle pourra, ès qualité tuteur ou curateur, exercer le recours alimentaire. Quant à nous, ça clôt dans le fond l'ensemble des commentaires qu'on avait à vous faire sur l'article 1.
Là où l'association a vraiment des difficultés, je vais vous dire, c'est avec l'article 2. On s'interroge vraiment sur la sagesse de modifier de façon importante les critères qui permettent présentement aux tribunaux de déroger des montants de pensions alimentaires qui sont établis conformément aux barèmes québécois. Il est clair que l'objectif de la modification est de proposer et de faire disparaître complètement le critère des difficultés excessives dans un cas où l'un des parents demande à ce que la valeur des aliments soit modifiée soit à la hausse soit à la baisse en considération du fait qu'il y a d'autres fratries dans ce dossier-là. On comprend également aussi que... notre lecture étant que l'obligation alimentaire dont on traite à cet article doit être prise dans son sens large, là, et non pas juste dans le sens d'ordonnance alimentaire, c'est-à-dire 587.1 et suivants, mais bien dans le sens de 599, c'est-à-dire les parents ont comme obligation de voir à l'entretien et à la nourriture de leurs enfants.
D'autant plus que, si on regarde la modification proposée par rapport au libellé actuel de l'article 587.2, tout à coup cette porte de sortie pour pouvoir déroger se retrouverait avec ce qui actuellement est le deuxième alinéa, c'est-à-dire la fin du deuxième alinéa de 587.2: «Le tribunal peut également augmenter ou réduire la valeur de ces aliments si la valeur des actifs d'un parent ou l'importance des ressources dont dispose l'enfant le justifie.» Or, dans ces cas-là, on sait que les parties n'ont pas à faire la démonstration qu'il y a des difficultés excessives, elles n'ont qu'à faire la démonstration effectivement qu'il y a une importante valeur d'actifs ou encore que l'enfant bénéficie de beaucoup de ressources. Mais on n'a pas à faire la preuve qu'il y a quelques difficultés. La première partie de 587.2 n'est pas applicable à ces dossiers-là.
S'il est vrai, et on le reconnaît, que le pouvoir dans le libellé qui est proposé... le tribunal, je m'excuse, dans le libellé qui est proposé, conserve un pouvoir discrétionnaire en raison de l'expression, là, «la valeur de ces aliments peut», il n'en demeure pas moins qu'à partir du moment où la loi d'elle-même indique que le seul critère à satisfaire est le fait qu'il y a présence d'autres enfants, bien, à ce moment-là, il n'y a pas de garde-fou ni pour demander une augmentation à la hausse ni pour demander une augmentation à la baisse. Et en ce sens on a l'impression dans le fond que la loi s'apprête à favoriser les débiteurs alimentaires ou à tout le moins les parents au détriment des enfants.
n(16 heures)n Ceci quant à nous va exactement en contradiction avec un des principes qui ont été retenus par la Cour suprême dans Willick, c'est-à-dire de permettre aux enfants d'avoir un niveau de vie semblable à celui du parent débiteur, et on pense également qu'une telle modification, sans quelque balise que ce soit, risque d'engendrer une pléthore de requêtes en révision. Ça, il faut prendre ça pour acquis, et dans un sens et dans l'autre, puisque par ailleurs l'application de la modification ferait en sorte que le débiteur qui vient d'être père à nouveau pourrait réclamer que la pension qu'il versait pour ses autres enfants soit réduite pour tenir compte du fait qu'il y a un nouveau poupon, alors que madame, qui a refait sa vie et qui vient d'accoucher, dirait à son ex-conjoint: Bien, désormais, étant donné que je viens d'accoucher, je veux une augmentation de la pension parce que ma part de la contribution alimentaire de base, telle que déterminée en vertu de la loi, doit être réduite, et tu dois donc, toi, en assumer plus.
Bon. Certains soutiendront ? et je sais qu'il y a eu du lobby politique par rapport à la question, on a beau être juriste, là, on n'est quand même pas, je vous dirais, complètement détaché de ce qui se passe dans l'actualité ? que le budget familial des parents non séparés s'ajuste avec l'arrivée de chaque enfant. On vous répond en grande partie, et sauf dans les dossiers effectivement où les parents ont des difficultés financières importantes: Ce n'est pas vrai que l'étape d'après... Regarde, ton nouveau petit frère ou ta nouvelle petite soeur, c'est... Désormais, tu ne feras plus de patin et désormais... Regarde, là, il n'est plus certain que tu vas aller à telle école. Ce n'est pas vrai qu'on demande aux enfants tout à coup, parce qu'il y a de la fratrie qui s'ajoute, de réduire ce qui était leurs habitudes de vie. Et, par rapport à ça, on a vraiment une difficulté par rapport au fait qu'il n'y ait aucune balise.
On réalise par ailleurs que l'intention du législateur est peut-être... ou enfin on présume, tu sais, que l'intention du législateur est peut-être parce que celui-ci considère que les tribunaux à ce jour, en matière de jurisprudence, ont mis la barre passablement haute avant qu'ils rendent une décision qui permette aux parties de déroger au barème de pensions alimentaires. Ceci étant dit, permettre toute forme de dérogation ne nous semble pas la solution appropriée, si tant est que c'est le problème qu'on veuille solutionner. Il ne faut pas oublier que, vous savez, le maelström de mai 1997 pour les praticiens en droit de la famille avait quand même pour objectif d'assurer un minimum à tous les enfants, d'éviter l'arbitraire et de garantir à tous le même soutien. Et ça s'est fait parallèlement tant au niveau fédéral qu'au niveau du Québec. Il serait malheureux que, par le biais tout à coup d'une espèce de porte ouverte sans aucune balise... Et je ne suis pas certaine ? et, si la réforme passe telle quelle et que nous avons tort, eh bien, nous aurons tort et j'espère que nous aurons tort ? moi, je ne suis pas certaine que les tribunaux, juste sur la base de: le tribunal peut et, quand il va lire les critères, va décider tout à coup qu'il doit en ajouter, je ne pense pas que la magistrature va décider d'elle-même qu'elle doit prendre la liberté de décider, une fois qu'une des parties a justifié les critères qui sont au Code civil, d'en ajouter des supplémentaires.
À cet effet-là, je vais vous dire, et si tant est qu'il devrait y avoir nécessité de réformer les critères actuels, nous serions prêts, comme association, à nous rallier à une proposition que Me Dominique Goubeau avait faite dans un de ses textes doctrinaux, publié en 1999, où il se demandait si le temps n'était pas venu d'officialiser, dans le système québécois, une sorte de test des niveaux de vie, et ça aurait peut-être effectivement l'avantage d'être une espèce de facteur pondérant et de pouvoir permettre aux tribunaux possiblement de pouvoir évaluer et accorder certaines formes de dérogation. Parce qu'il est vrai, et on ne dira pas le contraire, il reste que le principe, la barre, quand on parle de difficultés excessives, passé excessif... J'ai de la difficulté à trouver un adjectif qui peut être quand même plus intense que celui-là.
On s'est demandé s'il fallait également comprendre que la modification proposée par le législateur visait accessoirement à privilégier un type d'obligation alimentaire plutôt qu'un autre, puisque, dans le libellé de la proposition, les parties qui assumeront des obligations alimentaires envers d'autres personnes que des enfants, eux, auront à faire la preuve que verser la pension prévue au barème pour leurs enfants, O.K., entraînerait des difficultés excessives, alors que, dans le cas où une demi-fratrie coexiste, la pension serait réduite, mais pas dans les cas où les obligations alimentaires seraient assumées pour diverses catégories d'autres personnes, c'est-à-dire les ex-conjoints ou encore envers les parents. Et en ce sens il y a lieu de se demander si la réforme proposée ne ferait pas en sorte que les barèmes deviendraient un plafond plutôt qu'un plancher minimum de soutien alimentaire. Et, si tel est le cas, je vais vous dire, d'une part, on ne peut pas être d'accord, d'autre part, je pense que c'est l'intérêt des enfants qui se doit d'être privilégié à tout prix, et c'était aussi l'esprit de la réforme.
Un très court commentaire en ce qui concerne l'article 3: On a lu la modification proposée et on s'est sentis obligés quand même de soulever la question, c'est-à-dire si... La formule de fixation de pensions alimentaires, c'est une procédure assermentée. Elle est versée au dossier de la cour, elle n'est pas cotée comme une pièce, et au même titre que d'autres procédures qui sont assermentées, comme l'état du patrimoine familial, la déclaration pour mise au rôle. Et on s'est demandé pourquoi est-ce qu'il fallait nommément, à 331.9, énoncer que ces procédures-là, qui par ailleurs sont assermentées, ne devaient pas être détruites. Je vous avouerai que, il y a un an, j'ai entendu une rumeur, O.K. ? alors, étant une rumeur, je vous la donne pour ce qu'elle est ? qu'effectivement il y avait, dans certains palais de justice, certains travailleurs qui, faisant le ménage, avaient gaiement jeté des formulaires de fixation. Est-ce que c'est de là que vient la proposition de modification à 331.9? On l'ignore, mais il reste que, à partir du moment où, quant à nous, c'est une procédure, c'est un document qui est assermenté et ce n'est pas un document qui est coté comme étant une pièce, on n'est pas sûrs qu'on voie l'utilité de modifier 331.9.
Quant aux articles 4 et 5, l'association n'a pas de commentaire à faire valoir.
Le Président (M. Simard): J'ai presque envie de dire: Ouf! hein? C'est, bon, dans un minimum de temps, beaucoup de substance. Alors, je vais inviter, dans un premier temps, à ma droite, le ministre à vous faire part de ses première questions, et nous fonctionnerons selon les demandes de part et d'autre pour la suite.
M. Bellemare: Alors, merci, Me Kirouack, pour cette deuxième présence en... trois jours?
Mme Kirouack (Marie Christine): 48 heures.
Le Président (M. Simard): Trois jours.
Mme Kirouack (Marie Christine): Oui.
M. Bellemare: Trois jours, alors c'est presque un record. Mon président, qui a une expérience parlementaire beaucoup plus vaste que la mienne, me dirait peut-être que c'est déjà arrivé.
Le Président (M. Simard): Non, pas à ma connaissance.
M. Bellemare: Alors, félicitations également pour la qualité du travail effectué encore ici. J'aurai tout d'abord une question sur la question du domicile ou en tout cas de l'identité du parent mandataire pour fins de dépôt et de direction d'une requête pour un enfant majeur. Quelle est la solution que vous privilégiez?
Mme Kirouack (Marie Christine): La solution qu'on privilégierait, je vais vous dire ? et la raison pour laquelle on la privilégierait, aussi ? serait vraiment de choisir la notion de domicile, parce que ça réglerait dans le fond tous les problèmes et, d'autre part, ça éviterait que la jurisprudence prenne deux ans à nous dire que dans le fond c'est ce que ça veut dire. Parce qu'il est certain que la jurisprudence, ayant à élaborer des critères sur lequel des deux étant le parent qui subvient aux besoins de son enfant, aura à avoir une assise, et ça risque d'être soit la résidence commune soit le domicile commun, là.
M. Bellemare: Et, dans le cas d'étudiants fréquentant des établissements universitaires ou collégiaux? Parce que ce n'est pas exceptionnel.
Mme Kirouack (Marie Christine): Non, non.
M. Bellemare: Bien au contraire, la plupart fréquentent des établissements, puisqu'ils ont des besoins et qu'ils sont majeurs... université, collégial. Bon. Pendant la période estivale, ils ont un emploi, des fois ils ont un appartement, des fois ils vont chez le père, des fois chez la mère. Pendant la période des fêtes, c'est un peu la même chose. Ce n'est pas toujours facile d'identifier un domicile. La plupart du temps, le domicile, c'est justement la résidence universitaire ou le logement qu'ils occupent en dehors du domicile d'un des deux parents. Avez-vous une solution à ce type de problème là?
Mme Kirouack (Marie Christine): Bien, c'est-à-dire qu'avec respect je ne suis pas certaine que je suis totalement en accord avec votre analyse. Si on recule juste un petit peu dans le temps, en règle générale l'enfant, avant d'avoir quitté pour aller, par exemple, au cégep à Rimouski, à l'Institut maritime, O.K., avait son domicile avec un parent, c'est-à-dire le parent qui exerçait sa garde avant qu'il soit majeur. Et je ne crois pas, moi, que, juridiquement, le fait d'aller à Rimouski ? dans mon exemple, là ? pour étudier au niveau du cégep, et de revenir pour les grandes vacances, et de revenir pour les périodes de vacances scolaires fait en sorte que ça a rupturé le lien juridique du domicile qui était là au départ, puisque c'est, de par sa qualification même, purement temporaire.
M. Bellemare: Alors, ce serait...
Mme Kirouack (Marie Christine): Je pense que c'est pour ça qu'on privilégierait effectivement cette question-là.
M. Bellemare: Le domicile avant que l'enfant ne quitte pour ses études, au fond.
Mme Kirouack (Marie Christine): Bien, c'est-à-dire que...
n(16 h 10)nM. Bellemare: Parce qu'un enfant qui est en deuxième année d'université et qui fréquente l'Université de Montréal, dont un parent est à Québec, l'autre à Rimouski, qui est à l'université, qui est à Montréal huit ou neuf mois par année puis qui ne revient pas, pendant l'intervalle, chez son père ou chez sa mère, vous considérez que son domicile serait le domicile qui prévalait avant qu'il quitte pour Montréal. Donc, dans le cas dont on parle, ce serait son ancien domicile, son dernier avant qu'il devienne étudiant universitaire.
Mme Kirouack (Marie Christine): Oui. Oui.
M. Bellemare: L'égalité des enfants. Vous dites que l'égalité des enfants, c'est important et en même temps vous dites que l'enfant devrait avoir l'avantage de maintenir un niveau de vie comparable à celui du parent débiteur. Mais, dans une famille de quatre enfants, lorsque le premier enfant est né, il y avait évidemment des ressources familiales qui lui permettaient de subsister. Le nombre d'enfants ou le rythme de croissance de la famille ne correspond pas nécessairement au rythme de croissance de la capacité de payer des deux parents ou de l'un des parents qui serait le plus riche des deux, le plus avantagé au plan financier. Alors, c'est difficile de concevoir qu'on puisse garantir à un enfant un niveau de vie comparable à celui du parent débiteur et maintenir ainsi ses aliments comme si les autres enfants n'existaient pas. Parce que le rythme de vie du parent débiteur va diminuer du fait qu'il aura eu deux, trois, quatre enfants dans le cadre d'une union différente. Alors, est-ce que ce n'est pas normal d'en tenir compte dans le cadre de la fixation des aliments pour le premier enfant?
Mme Kirouack (Marie Christine): Je ne sais pas par quel bout commencer ma réponse, O.K., parce qu'il y a à peu près quatre commentaires en même temps, là. La loi ? et c'est toute l'économie des barèmes de fixation ? tant fédérale que provinciale présume que ces barèmes-là correspondent aux besoins des enfants. Énoncer, sans aucun chien de garde et sans aucun paramètre, que tout à coup, parce que vous avez un deuxième enfant, on va réduire ce que vous avez à payer ne correspond pas selon moi ni à la réalité factuelle des familles, même celles qui continuent à habiter ensemble, là, les familles qui ne sont pas séparées... Je vous dirais, c'est comme le tout ou rien, c'est un peu ça le problème qu'on a avec la modification qui est proposée.
Est-ce que le concept de «difficultés excessives» a fait en sorte que ça a donné une jurisprudence adéquate? Je ne suis pas certaine, et on n'est pas certains, comme association, parce qu'il y a des dossiers où, pour nous, il nous semblait clairement qu'on aurait dû déroger, là, O.K.? Situation pathétique, nombreux enfants, tu sais, là, genre: les derniers qui sont nés sont des triplets, il y en a un qui a des problèmes de santé, puis tout ça. Mais, bon, est-ce que la difficulté vient du terme justement «difficultés excessives»? Est-ce qu'il n'y aurait pas juste lieu de revoir dans le fond quels seront les tempérants, quelles seront les balises?
Mais entre ça, qui est un extrême, O.K., et l'autre qui dit que, bien, c'est un automatisme... Vous avez d'autres enfants et, là, tout à coup, en considération de quoi on va passer à côté de la présomption comme quoi c'est supposé effectivement correspondre aux besoins des enfants, on va passer à côté de l'économie et on va permettre, sans même voir au niveau d'un comparatif des niveaux de vie entre le niveau de vie du débiteur et le niveau de vie dans la maison du parent créancier... Ça, je vais vous dire, comme association, on n'est pas capables de donner notre aval à ça, là, parce que ce que ça donnerait comme exemple, O.K., puis je ne veux pas en faire un trop gros, là, mettons: monsieur fait 150 000 $ par année, madame correspond à peu près, je ne sais pas, au salaire... 40 000 $, O.K.? Monsieur tout à coup fait un troisième enfant et il va demander, juste par l'application de la modification telle que proposée: J'ai un troisième enfant, donc réduisez ce que j'ai à payer pour mes deux premiers. Ce n'est pas vrai que monsieur n'a pas la capacité de payer.
Et je me permettrais aussi de vous souligner que l'article 8 de la réglementation prévoit quand même qu'il y a un plafond à 50 % au niveau de la fixation des pensions alimentaires. Je ne suis pas en train de plaider que tous les débiteurs alimentaires devraient payer 50 % de leurs revenus en pension. Ce n'est pas ce que je suis en train de vous dire, mais c'est quand même que la réglementation de l'application des formulaires de fixation, c'est ça que ça prévoit. Ça prévoit qu'il y en a un, plafond. Il est où? Il est à 50 %.
M. Bellemare: Mais vous semblez dire que, dans le cas de l'exemple que vous donnez ? madame gagne 40 000 $ par année, monsieur en gagne 150 000 $, monsieur a un autre enfant ? il y aurait nécessairement une réduction de la pension alimentaire payée à madame. Je ne comprends pas comment vous pouvez en venir à cette conclusion-là. Le juge à qui on donnerait un pouvoir additionnel est un juge consciencieux, formé, qui aurait le pouvoir de déterminer les obligations alimentaires du débiteur alimentaire en fonction d'autres réalités, mais notamment le fait qu'un enfant s'est ajouté. Ça ne veut pas dire, parce qu'un nouvel enfant s'ajouterait ou parce que madame elle-même aurait un autre enfant et aurait besoin davantage de l'aide de son ancien conjoint, que nécessairement le juge va l'accorder. On donne une discrétion additionnelle, mais... Vous dites: Il n'y a pas de chien de garde, mais le juge a un pouvoir énorme, il a l'expérience et la sagesse pour décider, non?
Mme Kirouack (Marie Christine): Ah! La magistrature a toute sagesse, M. le ministre, le problème étant que la modification proposée fait en sorte que vous demandez à la magistrature et à sa sagesse de décider sans leur donner de critères. Le seul critère, dans ce qui est proposé, à la modification à l'article 587.2, c'est: Vous avez le pouvoir discrétionnaire de modifier à la hausse ou à la baisse. Et basé sur quoi? Basé sur le fait que les parents ont des obligations envers d'autres enfants que ceux qui sont visés par la demande. C'est là où, nous, on a une difficulté, là. On n'est pas certains, nous, que les tribunaux vont lire ça puis vont faire... Parce que, si je regarde l'ensemble des critères qui sont là... Et il ne faut pas oublier qu'on a quand même commencé à avoir de la jurisprudence. Parce que, là, tout à coup ? puis c'était la raison pour laquelle on vous le soulevait ? la modification fait en sorte que tout à coup la question de présence d'autres enfants ne se trouve plus dans la partie de 587.2 qui traite des difficultés excessives, mais bien avec l'importance des ressources de l'enfant ou encore la valeur des actifs du débiteur. Et ça, on n'a pas à justifier dans le fond autre chose que l'existence même... On n'est pas certains...
M. Bellemare: Mais, Me Kirouack, si je vous dis, là... Dans l'exemple que vous donniez tantôt, vous parliez d'une femme qui gagne 40 000 $, d'un homme qui en gagne 150 000 $, qu'il y avait une modification de la pension alimentaire du fait que monsieur aurait un autre enfant, vous convenez avec moi que les dispositions qu'on suggère ici n'amèneraient pas nécessairement le juge à modifier la pension?
Mme Kirouack (Marie Christine): Avec déférence.
M. Bellemare: Dites-moi sur quelle base.
Mme Kirouack (Marie Christine): Sur la base que ce qui est là dit: «La valeurs [des] aliments peut [...] être augmentée ? je vous accorde que c'est un pouvoir, «peut» étant discrétionnaire, ce n'est pas «doit», je vous l'accorde, O.K. ? ou réduite [...] en considération ? de quoi? ? [...] des obligations alimentaires qu'a l'un ou l'autre des parents à l'égard [des] enfants qui ne sont pas visés par la demande.» Et, moi, je pense qu'effectivement une partie de la magistrature peut lire ça et dire: Bon, il y a présence d'autres enfants, et en conséquence le législateur nous dit clairement: S'il y a d'autres enfants, donc d'autres obligations alimentaires sur, n'est-ce pas, les poches de ce débiteur, on doit effectivement déroger. Il n'y a pas d'autres critères, il n'y a pas de difficultés, il n'y a pas de comparatif de niveau de vie.
Je vais vous donner un autre exemple. Monsieur fait 150 000 $ et tout à coup demande effectivement... Ou madame a un nouvel enfant, fait 40 000 $, O.K.? Bon. L'avantage, entre autres, du comparatif des niveaux de vie, c'est que madame demande à son conjoint qui en fait 150 000 $, ou 50 000 $, ou 100 000 $ ? ce n'est pas vraiment important ? qu'on augmente dans le fond sa contribution alimentaire. Mais elle a refait sa vie avec un chirurgien spécialiste qui en fait 400 000 $ par année, O.K.? Bon. Si on utilise le critère qui est le comparatif des niveaux de vie, il est clair que, dans un cas comme ça, on dirait: Madame, écoutez, on est bien heureuse pour le nouveau poupon, là, mais, je veux dire, votre nouveau conjoint fait 400 000 $ par année. Ce que je dis, moi, c'est que je pense qu'il est du rôle du législateur de mettre des balises. Et, tel que je le lis, moi, ce que je vois, c'est une porte ouverte en espérant que la magistrature, d'elle-même, décidera qu'elle va imposer des critères. Et lesquels seront-ils? Je ne le sais pas. Et on parle des enfants et on parle de leurs besoins alimentaires. Or, présentement, s'il y a quelque chose qui, quant à moi, fait partie vraiment de besoins de base, c'est bien ça.
M. Bellemare: Dans la situation actuelle, vous savez et vous devez certainement être en mesure de confirmer que le critère des difficultés excessives est appliqué de façon extrêmement réservée de la part des tribunaux, pour ne pas dire inexistante dans bien des cas, ce qui mène à d'autres types d'abus, au fait que des hommes ou des femmes qui veulent refaire leur vie, qui ont des enfants dans le cadre d'autres unions, ne peuvent pas, du fait qu'ils ne peuvent établir l'existence de difficultés excessives à la satisfaction du tribunal, ne peuvent pas faire en sorte que le juge tienne compte du fait qu'ils n'ont pas un mais trois ou quatre enfants. Ce qui fait en sorte que le premier enfant, celui dont il est décidé des droits dans le cadre du litige, reçoit une pension qui, dans certains cas, va être l'équivalent de ce que les deux ou trois autres reçoivent en réalité, en tenant compte des besoins et de la capacité de payer du pourvoyeur. Comment on peut régler cette injustice-là, d'après vous?
Mme Kirouack (Marie Christine): Selon moi, il y a possibilité. Entre autres, je veux dire, vous pouvez décider, par exemple, que l'article sera amendé et qu'on parlera désormais de «difficultés».
M. Bellemare: Simplement?
Mme Kirouack (Marie Christine): Sans les qualifier et, à ce moment-là, effectivement...
M. Bellemare: Enlever le terme «excessif»?
Mme Kirouack (Marie Christine): Parce que je pense qu'une partie du fait qu'il y a peu de jurisprudence qui l'a accordé vient du terme «excessif».
M. Bellemare: Si on enlevait le terme «excessif», à votre avis on réglerait cette injustice?
Mme Kirouack (Marie Christine): Moi, je pense que ça donnerait... ça permettrait effectivement à la magistrature, dans des cas, d'accorder des dérogations où elle ne l'a pas fait.
M. Bellemare: Mais on n'aura pas plus de critères. Elle n'aurait pas plus de critères.
n(16 h 20)nMme Kirouack (Marie Christine): Parce que «excessif», c'est presque un synonyme de dire «de dernier recours, d'extrémité». Et une inquiétude que l'on a également, comme association... Puis on s'est posé la question, puis c'est purement théorique, puis je ne tenterai même pas de vous dire qu'on a quelque soupçon de réponse, mais, si tant est qu'il n'y a plus de critères autour de ça, si tant est qu'effectivement on ne balise pas, est-ce que ça ne fera pas en sorte que le fédéral, qui, lui, a décidé effectivement que, de par ses pouvoirs pour ce qui est de l'application de la Loi sur le divorce, aura édicté que ce sont nos barèmes qui s'appliquent dans ces dossiers-là, considérera que notre loi ne correspond plus du tout aux barèmes fédéraux? Et là on va repartir sur deux systèmes. Ce n'est qu'une piste de réflexion. Comme je vous dis, rendu là, il était rendu 2 heures du matin quand on a abordé cette question, et on a décidé qu'on n'était plus intelligents, là, pour essayer d'arriver à une réponse, là, en toute humilité.
M. Bellemare: Le lendemain.
Le Président (M. Simard): Et l'Assemblée nationale, elle, pendant ce temps-là, siégeait.
M. Bellemare: Merci, M. le Président. J'aurais peut-être... Peut-être mon collègue, oui?
Le Président (M. Simard): M. le député de Marguerite-D'Youville.
M. Moreau: S'il nous reste du temps, oui. Merci, M. le Président. Je ne me réclame pas un spécialiste du droit matrimonial et j'aimerais savoir... Sur cette question, vous avez indiqué tantôt qu'il y avait des cas où on aurait dû déroger aux critères et on ne l'a pas fait. Moi, j'aimerais savoir... Pouvez-vous illustrer, pour ma compréhension des choses... Qu'advient-il dans les cas comme ça où on aurait dû déroger aux critères et qu'on n'y déroge pas? Quelles sont les conséquences à moyen... Moi, ce que je peux percevoir, c'est qu'à moyen terme, à un moment donné, on va avoir un délinquant qui ne paiera pas de pension alimentaire, et tout le monde va se retrouver dans le trouble ou...
Mme Kirouack (Marie Christine): En fait, je vais vous dire mon expérience de ce type de dossier là, et je fais ça exclusivement depuis le début de ma pratique. Vous savez, la fameuse...
Une voix: ...
Mme Kirouack (Marie Christine): Ah! je ne suis pas si jeune que ça, mais merci quand même. Vous savez, la fameuse expression, là: Si tu insistes, je vais tout lâcher, je vais me mettre sur le BS ou je vais te faire faillite, là, bon, qu'on entend beaucoup, qui est quasiment un mythe urbain? De facto, je vous dirais que les débiteurs correspondent très, très peu à cette image-là, O.K.? Dans les dossiers où selon moi... Effectivement, on regardait puis on se disait: Non, c'est vraiment... c'est un cas où le tribunal aurait dû intervenir. Ce qu'on a, c'est un débiteur qui est pris à la gorge. Parce que c'est exclusivement des dossiers de débiteurs, auxquels je vous réfère ? parce qu'on n'a pas vraiment eu de jurisprudence où madame demandait une dérogation, O.K. ? et qui sont pris à la gorge, et ça fait qu'ils ont même des difficultés à voir leurs enfants, à exercer leur accès, et ça fait des débiteurs qui espèrent que le radiateur, demain matin, ne rendra pas l'âme parce que, si le radiateur rend l'âme, ils ne savent pas comment ils vont se rendre au travail, parce qu'il n'y a rien, il n'y a pas de bas de laine, il n'y a pas de coussin, il n'y a pas de place pour respirer.
M. Moreau: O.K. Et donc...
Mme Kirouack (Marie Christine): Et ça, on se comprend, je ne suis pas en train de vous dire que c'est dans l'intérêt des enfants, là.
M. Moreau: Non, ce n'est pas dans l'intérêt des enfants, c'est ce que je comprends. Et donc il y a un intérêt, pour le législateur, à agir pour éviter que des situations semblables se produisent, et elles se produisent dans l'état actuel de la législation. Alors, il y a une intervention qui est nécessaire. Votre signal d'alarme est beaucoup plus sur le fait de dire: À partir du moment où le législateur décide d'intervenir, là, il doit le faire mais fixer d'autres barèmes ou d'autres critères. Bon. Sortons pour un instant du cercle intéressant mais restreint du droit matrimonial. Il existe de nombreuses autres situations où les tribunaux de droit commun et la Cour supérieure ont à intervenir pour départager les droits des parties alors que la discrétion judiciaire s'exerce sans aucun critère, sans aucun barème fixé par la loi. En quoi est-ce que la situation que l'on observerait dans ce cas-là serait différente des autres cas où, par exemple, en responsabilité civile, la cour intervient sans critères?
Mme Kirouack (Marie Christine): Par rapport à quoi...
M. Moreau: Bien, par...
Mme Kirouack (Marie Christine): ...que les déférents... Je ne suis pas spécialiste de la responsabilité. Qu'est-ce que c'est que vous voulez dire? Le quantum?
M. Moreau: Oui, exemple.
Mme Kirouack (Marie Christine): O.K. Mais c'est parce que le quantum est quand même basé ? et Dieu sait que, à part de ce que j'en lis dans le Jurisprudence Express et autres, je n'en ai jamais fait ? sur une certaine réalité, c'est-à-dire un certain niveau de dommages qui est prouvé devant le tribunal. Le tribunal a effectivement, par rapport à ça, certains paramètres, là.
M. Moreau: Oui. Oui, c'est ça, mais il n'y a pas de distinction parce qu'il y a des limites liées, par exemple, à la valeur des objets endommagés ou au préjudice qui a été subi, bon, alors qu'en matrimonial on a les limites fixées par les besoins des uns et la capacité des autres et, à l'intérieur de ça, les critères sont tout aussi flous ou seraient tout aussi flous. Et en quoi est-ce que ça créerait une situation préjudiciable aux justiciables, du fait que l'on ne donne pas une limite dans l'exercice des critères discrétionnaires des juges? Parce que la Cour supérieure, c'est un outil qui est reconnu comme étant un outil de qualité, dans le cadre de l'exercice des discrétions qui lui sont données et qui ne sont pas toujours balisées. Alors, j'aimerais que vous rameniez ça avec votre propos. Vous dites: Bien là on risque de tomber dans un flou juridique épouvantable, du fait que l'intervention du législateur ne créerait pas de nouveaux critères. Est-ce que les juges ont besoin à ce point-là d'avoir des barrières?
Mme Kirouack (Marie Christine): Les juges ont quand même... Les juges, ils appliquent avant tout le droit. Vous êtes d'accord avec moi?
M. Moreau: Oui.
Mme Kirouack (Marie Christine): Et les juges interprètent les articles, quelle que soit la loi, tels qu'ils sont rédigés. C'est notre opinion, et, par rapport à ça, je ne suis pas vraiment capable d'acheter votre exemple au niveau des dommages parce que, si ultimement c'est la magistrature qui dit: C'est 50 000 $ de dommages ou c'est 300 000 $ de dommages, il n'en demeure pas moins qu'elle exerce sa discrétion à l'intérieur de certains critères juridiques, c'est-à-dire quels sont les types de dommages que notre droit reconnaît qu'il va compenser, par exemple le plafond de la Cour suprême, là, ce qui fait qu'on n'a pas d'«ambulance chaser» au Québec et généralement au Canada, versus ce qui peut se passer au niveau des poursuites, là, aux États-Unis, O.K.? Donc, il y a effectivement certaines formes de balises qui font en sorte que la discrétion judiciaire peut être utilisée. Et, par rapport à ça, je vais vous dire vraiment, à partir du moment où il n'y aura pas d'autres critères que de dire: Tout à coup, le tribunal peut, en considération du fait qu'il y a d'autres enfants... moi, je crains fortement... Et c'est vraiment l'opinion de l'association, c'est l'opinion de tous ceux qui ont travaillé au niveau du comité ad hoc et d'autres à qui on a parlé. Ce qu'on voit, nous, c'est que tout à coup les barèmes vont devenir un plafond, ils ne deviendront plus un plancher.
M. Moreau: Parce que l'interprétation que vous faites, c'est en réalité de dire: Le peu qui est là... Bien que, comme juriste, vous reconnaissez qu'il est attributif d'une discrétion...
Mme Kirouack (Marie Christine): Absolument.
M. Moreau: ...vous dites: Moi, j'estime, et les gens dans notre domaine estiment que la seule présence d'un enfant additionnel issu d'une deuxième union...
Mme Kirouack (Marie Christine): Donnerait ouverture.
M. Moreau: ...va devenir un automatisme...
Mme Kirouack (Marie Christine): Ça donnerait ouverture.
M. Moreau: ...et donc ça équivaudrait à un droit.
Mme Kirouack (Marie Christine): Bien, vraiment notre lecture, nous, c'est que la présence d'autres enfants donnerait ouverture à ce qu'effectivement la cour déroge.
M. Moreau: Oui, mais vous allez plus loin que ça. Vous dites: Ça pourrait ? parce que c'est clairement ce que la loi dit ? le fait d'avoir un autre enfant pourrait donner ouverture.
Mme Kirouack (Marie Christine): Absolument.
M. Moreau: Mais vous allez plus loin que ça. Votre raisonnement et votre crainte, si je la comprends bien, c'est de dire: Ça va devenir un automatisme et, dès qu'il va y avoir un autre enfant, on va déroger au barème. C'est ça, votre crainte?
Mme Kirouack (Marie Christine): Oui. Et, à ce moment-là, ce sera dans quelle proportion? Mais on pense que la porte devient vraiment très, très, très largement ouverte.
Le Président (M. Simard): Alors, ça passe très vite, et les deux minutes du député de Marguerite-D'Youville sont terminées. Je vais inviter maintenant le député de Chicoutimi à poser la première question. M. le député.
M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, je remercie à nouveau Me Kirouack, qui effectivement se présente à nouveau devant nous. Je l'ai assurée tout à l'heure que ses premières représentations ont été prises en compte, en tout cas à plusieurs reprises, par la commission dans le cadre de ses travaux article par article et je tiens à l'assurer que les démarches qu'elle fait sont profitables à la commission et à la législation de façon plus générale. Et aujourd'hui j'étais heureux de l'accueillir à nouveau sur un sujet aussi, je vous dirais, particulier, qui est celui dans le domaine familial, domaine où, d'entrée de jeu, encore une fois je dois avouer une certaine... sans parler d'incompétence, je vous dirais, des connaissances fort limitées. Alors, vous comprendrez, lorsque j'entends le témoignage de Me Kirouack et en même temps, évidemment, de l'Association des avocats et avocates en droit familial, je suis, je vous dirais, un peu sonné, M. le Président.
n(16 h 30)n Et je vais demander d'abord, je vous dirais, quant aux conséquences du projet de loi... Et vous comprendrez que, jusqu'à preuve du contraire, je vais avoir beaucoup tendance à me fier à ceux et celles qui sont appelés, à tous les jours, à plaider devant les tribunaux en matière familiale. Et, quand je dis «preuve du contraire», c'est une preuve forte et peut-être même, sans parler d'excessive, sûrement très importante, M. le Président. J'aimerais, pour que l'ensemble des membres de cette commission... Vous savez, je suis avocat, et il y a des bouts que j'ai mal perçus, alors j'imagine que ceux qui ne le sont pas, M. le Président, ou même qui n'ont jamais eu à voir avec ce type de dossier... Peut-elle vraiment, concrètement, nous faire un exemple d'une famille qui commence? Parce que le but évidemment... Ce qui va arriver, c'est que, au début, bon, il y a une famille, il y a plutôt une situation de droit et de fait, et qui évolue, et c'est ce qui amène la révision, et c'est la suite.
Pourrait-elle nous partir, à partir des cas qu'elle a, un peu comment, concrètement, ce projet de loi va apporter des conséquences? Et là on pourra varier à partir des exemples que nous aurons, peut-être à partir de la situation, comme il se vit à tous les jours... Un couple sort de l'université, a des enfants, par exemple deux enfants, avec des salaires, bon, raisonnables, là, dans la classe moyenne ? la classe moyenne, malgré qu'elle est difficile parfois à établir ? mais, disons, des salaires de gens qui commencent dans la vie. Et nous pourrons par la suite poser des questions sur... peut-être prendre des exemples sur les cas qu'il peut arriver, et les cas le plus souvent qui arrivent aussi, et les conséquences que ça peut entraîner, tel que nous le faisait mention, là... On en a un exemple même du mari ou d'un des conjoints qui voit son salaire augmenter de façon importante et, dans ce cas-ci, si on adoptait la loi telle qu'elle est actuellement, ça pourrait avoir des conséquences navrantes sur le montant. Seulement la possibilité probable qu'elle ait des conséquences sur le versement des pensions alimentaires, moi, je peux vous dire que je vais être immensément prudent avant d'aller de l'avant dans un tel projet de loi. Est-ce que vous pourriez, Me Kirouack, nous, je vous dirais, vulgariser...
Mme Kirouack (Marie Christine): La première réponse que je peux peut-être vous donner... À l'automne, tout à coup il est sorti dans les nouvelles qu'il y avait possibilité qu'il y ait... O.K.? Donc, tout à coup un soir, là, aux nouvelles de 6 heures, on annonçait que... Tous les avocats que je connais, le lendemain matin, on a été inondés d'appels, où tous nos débiteurs alimentaires nous appelaient pour dire: Hé, quand est-ce que ça passe, qu'on fasse réduire ce que je paie? O.K.? Bon. Ça, c'est le réflexe de la population. On se comprend, on n'interprétera pas nécessairement le droit basé sur le réflexe de la population, mais je peux vous dire que c'est le message qui a été reçu. O.K.? Aïe, je veux dire, moi, j'avais des clients qui appelaient d'il y a 12 ans pour dire: Alors, je peux-tu faire réviser, là? Je vais pouvoir faire réviser ce que je paie par rapport à madame. Et quand est-ce que ça passe? Et comment est-ce qu'on va pouvoir faire ça? Puis je veux un rendez-vous. Tous les avocats ont calmé tout le monde en disant: Un instant, on n'est pas rendus là, on va attendre, là, on va attendre les projets de loi, on va attendre de voir ce qu'il en adviendra. Pour ce qui est de vous donner des exemples factuels, dans le fond c'est toujours par les extrêmes, O.K.?
M. Bédard: Oui, allez-y.
Mme Kirouack (Marie Christine): Je n'ai aucune difficulté. Si vous avez un travailleur... Bon. Le papa fait 24 000 $ par année, O.K.? Madame est, je ne sais pas, serveuse; elle fait 15 000 $. Ils se sont séparés, ils ont deux enfants, O.K.? Il est certain que, dans ce dossier-là, si monsieur refait sa vie et que tout à coup le nouveau bébé, qui s'est révélé en plus être des jumeaux... À 24 000 $, là... Parce que de toute façon, là, je vais vous dire, mes exemples seraient les mêmes, là, si vous ramenez tout ce beau monde là dans la même maison, mais en plus départagez-les, faisant en sorte qu'on se ramasse qu'on a deux fois des frais d'habitation, deux fois les frais d'électricité, de téléphone et de chauffage, O.K.? Un couple, là, madame fait 15 000 $, monsieur fait 24 000 $, ils avaient deux enfants puis là, tout à coup, cinq ans plus tard ? oh! surprise ? non seulement il s'annonce une grossesse, mais en plus l'échographie révèle qu'ils lui annoncent des jumeaux. La famille, financièrement, va avoir la langue à terre à essayer d'arriver, O.K.? Et le pire, c'est que, parce que cette famille-là, elle est encore ensemble, c'est-à-dire que les deux parents sont encore ensemble, les parents vont s'arranger pour que leurs enfants ne manquent de rien.
Tout à coup, parce que le même scénario que je vous donne, on va départager, monsieur est avec quelqu'un de nouveau, c'est comme si tout à coup on disait qu'une unité devait avoir préséance sur l'autre ou, parce que l'unité de base s'est départagée, bien ça donne ouverture à ce que dans le fond tout le monde en ait moins par rapport à une espèce de minimum, O.K.? Je ne suis pas certaine, moi, que c'est ce qui se passe dans la vie. L'autre extrême étant... Puis c'est sûr, à partir du moment où on augmente... Parce que, dans l'exemple que je vous donne, il est certain que selon moi ça constitue une difficulté réelle, là, essayer d'arriver financièrement, d'assurer l'espèce de minimum vital à la vie et...
M. Bédard: Même actuellement, ça pourrait être révisé, dans le cadre actuel.
Mme Kirouack (Marie Christine): Ce serait effectivement un beau cas, quant à moi, à présenter devant les tribunaux puis dire: Non, regardez, là, il faut faire quelque chose, là, ça...
M. Bédard: On est dans le domaine de l'excessif.
Mme Kirouack (Marie Christine): Oui. Et monsieur ne sera pas capable de les voir, ses deux premiers enfants, là. Il va continuer à payer, il ne les verra pas, il ne sortira pas avec, il ne va faire rien, il va avoir même de la difficulté, là, à leur donner à manger une fin de semaine sur deux. Donc, ça en vertu des critères actuels.
L'autre exemple... Puis on n'a pas nécessairement besoin d'augmenter beaucoup, tu sais, si vous prenez le salaire... Puis, bon, il est certain que je prends toujours des exemples où monsieur fait plus que madame parce que, dans nos sociétés, monsieur fait encore plus que madame, statistiquement parlant, là, d'un bord à l'autre, O.K.?
Une voix: Sauf chez les avocats.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Kirouack (Marie Christine): Pff! Ce n'est pas les dernières statistiques du Barreau que j'ai vues, mais enfin...
M. Bédard: Je vous dirais, Me Kirouack, que les pff! ne sont pas...
Mme Kirouack (Marie Christine): Oui, c'est ça. On est tous sur le bord de recevoir nos bilans de fin d'année de la part de nos comptables, là.
Des voix: Sauf les députés.
M. Bédard: Ne tombons pas dans les choses douloureuses. Allons-y.
Mme Kirouack (Marie Christine): Mais, si on augmente juste d'un peu, là, puis que monsieur est rendu à 60 000 $, là, puis tout à coup, là, woups! ça s'est avéré être des jumeaux, ce n'est plus vrai, là, que tout à coup on fait face à une difficulté excessive, ce n'est plus vrai qu'on fait face à une difficulté.
M. Bédard: Par contre, si on modifie la loi, il risque, lui, de voir la...
Mme Kirouack (Marie Christine): Bien, ce qui est évident, c'est que, à sa face même, il n'y a personne qui pourrait prendre une requête en irrecevabilité, hein? Monsieur prendrait une requête pour faire diminuer ce qu'il paie pour ses deux premiers enfants, puis il n'y a personne qui va pouvoir dire: M. le juge, vous ne devez pas entendre ça, là, il n'y a pas de bases en droit... Parce qu'il y a effectivement des bases en droit pour demander la révision.
Une voix: Qui est la discrétion...
M. Bédard: Elle a raison.
Mme Kirouack (Marie Christine): Qui est la discrétion judiciaire. Le problème, c'est qu'on passe d'un système où on a un facteur de difficulté excessive à un système où tout à coup il n'y en a plus aucun. Quand on se penche sur des projets de loi, je ne suis pas certaine, moi, que le rôle du législateur, sur des questions comme ça puis sur des questions fondamentales, dans notre société, comme les besoins alimentaires des enfants, qu'on doit prendre pour acquis que c'est à la magistrature de, au fil des mois et au fil des années, venir nous faire les critères pour encadrer ça.
Une voix: ...là-dessus.
Mme Kirouack (Marie Christine): Oui, mais il y a eu une intervention, j'y ai répondu.
M. Bédard: C'est très clair. C'est très clair, je vous dirais, puis ça m'ébranle beaucoup dans la compréhension que j'ai du projet de loi. Et il ne faudrait surtout pas arriver à de telles situations.
Alors, vous dites simplement: Le problème naît, et là vous me direz si j'ai tort, là, j'ai peut-être mal fait mes devoirs, mais naît évidemment du caractère excessif, du terme «excessif». C'est vraiment ça, ce que je comprends, où certains faisaient des représentations à l'effet que le caractère excessif était peut-être beaucoup trop sévère, ce qui faisait que même des cas que, vous et moi, on peut considérer excessifs, certains tribunaux ne les ont pas considérés excessifs, ce qui a amené une certaine rancoeur et surtout un sentiment d'injustice, plutôt, des familles, des nouvelles familles, et ce qui a amené des pressions, le lobby que vous parliez tantôt.
Et ce que vous dites, ce que vous suggérez au ministre finalement, c'est de, au lieu de tout modifier et de laisser cours à une jurisprudence qui, là, va s'étaler sur plusieurs années... Là, le «peut», vous savez, les «peut», c'est souvent des «doit», en termes d'interprétation. Mais aussi, c'est qu'il va s'établir des courants jurisprudentiels: Bon, de quelle façon on doit considérer... Donc, ça va amener, dans tous les cas, un certain chambardement. Est-ce qu'on va revenir au même? Personne ne peut le dire, mais, dans tous les cas, ça va être compliqué.
Mme Kirouack (Marie Christine): Et il y a quelque part où... Écoutez, en facteur... Si on se penche sur le principe d'interprétation, là, il y a une chose qu'on est certaine, c'est que ça ne pourra pas donner lieu à la même jurisprudence, puisque, dans le même article de loi, on nous dit que par ailleurs, s'il y a des obligations alimentaires par rapport à d'autres catégories de personnes, on devra démontrer qu'il y a difficultés excessives. Donc, a contrario, si on parle de présence d'autres enfants et non pas d'autres types de créanciers alimentaires...
M. Bédard: Là, on considère... oui. Alors, ça amène de le considérer presque, effectivement, obligatoirement. En tout cas, c'est une interprétation qui subsisterait. Vous faites deux propositions... Bien, de vive voix, peut-être pas dans votre mémoire, mais celui ? vous l'avez fait un peu tantôt, tout à l'heure ? de remplacer peut-être simplement, dans la disposition actuelle, le terme «excessif» par, peut-être, «important».
Mme Kirouack (Marie Christine): Ça peut être «difficultés»...
M. Bédard: Parce que «excessives», c'est sûr que ça a un caractère effectivement...
Mme Kirouack (Marie Christine): Mais ça peut être aussi... Vous savez, je pense que, si on parle de difficultés, je pense que la magistrature peut effectivement baser là-dessus... Elle sait en faveur de quoi est-ce qu'elle est supposée faire une évaluation, O.K.? Mais c'est pour ça aussi que, au niveau de notre mémoire, une autre des choses qu'on avait comme suggestion était toute la question du comparatif des niveaux de vie.
M. Bédard: Oui, c'est ça. Et ça, c'est l'autre aspect aussi...
Mme Kirouack (Marie Christine): Parce qu'il est vrai que, dans certains dossiers, on va pouvoir avoir des difficultés. On va pouvoir avoir des difficultés excessives. Le problème, là, c'est qu'au bout du compte, si on applique ça, O.K., les enfants vont être encore plus dans la dèche que le parent puis que le débiteur. Je ne suis pas sûre que c'est ça non plus, la philosophie en arrière de la réforme, je ne suis pas sûre que c'est ça, la philosophie en arrière de tout le principe des barèmes de pension.
n(16 h 40)nM. Bédard: En tout cas, ce n'est sûrement pas notre but, ça, c'est clair... en tout cas le mien et, je suis convaincu, celui aussi du ministre. Bon. Vous faites l'affirmation... Et là ça rejoint ce que vous dites et là j'aimerais le bien comprendre, là. Bon: «Nous ne pouvons être d'accord avec...» Excusez-moi, à la page 9 de votre mémoire, là: «Nous ne pouvons être d'accord avec une telle tangente et nous croyons qu'il est sage de soumettre toute dérogation aux barèmes à certains critères. En ce sens, et si tant est qu'il y ait nécessité de réformer les critères, nous serions prêts à nous rallier à la position faite par Me Dominique Goubau dans son texte doctrinal: "On peut donc se demander si le temps n'est pas venu d'officialiser dans le système québécois une sorte de test des niveaux de vie."» Pourriez-vous m'en dire plus un peu? Je n'ai pas le texte...
Mme Kirouack (Marie Christine): Dans le fond, si vous regardez, c'est tout, à la base, au niveau de la loi fédérale, la Loi sur le divorce, O.K.? Si tant est qu'une personne veut demander qu'on déroge, elle devra aussi faire la preuve... C'est comme un double test: test n° 1, j'ai des difficultés importantes; test n° 2, une fois que j'ai démontré au tribunal que j'ai des difficultés importantes, il faut aussi que je démontre au tribunal que ça devait corriger la situation: mon niveau de vie à moi ne sera pas supérieur à celui de mes enfants.
M. Bédard: Ce qui est tout à fait justifié, là.
Mme Kirouack (Marie Christine): Parce que je pense que c'est ça, là. Si d'appliquer ça fait en sorte qu'effectivement le débiteur est capable de respirer un peu plus mais ses enfants sont encore plus dans la dèche, je ne pense pas que c'est l'objectif, ça non plus. Et, par rapport à ça, c'est pour ça qu'on trouvait que cette proposition-là était intéressante.
M. Bédard: Alors, je reviens donc à ma première proposition. Vous dites: Limitons-nous... Et là vous mettez grandement en garde, là, notre commission à l'effet simplement de revenir avec... Ce que vous proposez finalement, c'est que, bon, pour un ou l'autre des parents, des difficultés, vous me dites, des difficultés tout court? Ou des difficultés importantes, ou... Est-ce que vous ajouteriez quand même un qualificatif pour rendre plus, quand même, difficile le test, sans qu'il soit d'exception, pour ne pas que les cours soient affublées, là, de tous les...
Mme Kirouack (Marie Christine): Écoutez, comme le... Si on parle de difficultés importantes, est-ce qu'on va se ramasser au même endroit que les difficultés excessives? Je ne le sais pas, mais, par rapport à ça, si tant est qu'on parle de difficultés, moi, je pense que la magistrature pourrait user de sa discrétion, et peut-être que ce serait une solution mitoyenne entre une position et l'autre pour pouvoir faire en sorte de régler le problème. Il reste qu'une difficulté, ce n'est pas un ajustement budgétaire, dans mon livre à moi, là, O.K.? Alors, on se comprend, par rapport à ça, là. Et je pense que la façon est trop importante pour espérer se croiser les doigts et faire en sorte qu'on espère que la magistrature va d'elle-même appliquer des tests et va elle-même baliser.
M. Bédard: Oui, oui. Puis ici ce que vous dites actuellement, c'est qu'on ajoute au flou. Il ne faut pas ajouter au flou. Il faut plutôt baliser beaucoup plus clairement, là.
Mme Kirouack (Marie Christine): ...du rôle du législateur de protéger les enfants, et de s'assurer que les enfants ont un minimum, et d'ouvrir la porte, et d'espérer, en se croisant les doigts...
M. Bédard: Plus qu'un minimum. Mais plus qu'un minimum, là. Parce que, là, par vos exemples, on ne parle même pas de minimum, on parle d'injustice pure et simple, là. En tout cas, je vous dirais, dans ma perception morale de la chose. Parce que, ici, on n'est pas ici en termes de juristes, mais de personnes... on est des parlementaires. En termes moraux, l'exemple que vous nous donniez, entre autres celui de l'augmentation du salaire qui mènerait à une modification, je peux vous dire, ça, ça relève de l'injustice, quant à moi.
Mme Kirouack (Marie Christine): J'ai utilisé la qualification «minimum» parce que, je vais vous dire, des fois, quand on analyse toute la réforme de mai 1997, il y avait toute la question, avant que tout ça rentre en vigueur, à savoir est-ce que les barèmes seraient un plancher ou un plafond, est-ce que ce serait un minimum ou un maximum, comment ça s'articulerait, O.K.? Et c'est dans ce contexte-là que j'ai utilisé le terme «minimum». Comprenez-vous?
M. Bédard: O.K. Oui, oui. O.K. Excusez-moi. Oui. Donc...
Mme Kirouack (Marie Christine): Une espèce de minimum garanti à tous les enfants.
M. Bédard: Et puis il ne faudrait pas que ça devienne le maximum, c'est ça que vous dites aussi.
Mme Kirouack (Marie Christine): Il est certain qu'il ne faudrait pas que... Sur le principe, je ne pense pas que c'était que ça devienne un plafond. Il y a plus que ça, là. Je pense que, si on parle des besoins alimentaires des enfants, c'est une question trop importante pour espérer que la discrétion judiciaire fera en sorte qu'ils élaboreront effectivement des critères. Je pense qu'on doit éclairer le tribunal au niveau des textes de loi.
M. Bédard: O.K. Je vais y revenir. Peut-être, avant, simplement le petit exemple que vous nous donniez, que vous donniez au niveau du domicile, quant au premier article. Vous disiez: Établissons le domicile. Et, moi, je me suis fabriqué un exemple, là. Le domicile, ça pourrait exclure, par exemple, la possibilité, comme il arrive souvent, de la personne qui, bon, peu importe, là, qui vient d'un endroit... de Québec, d'une région, qui va étudier à Montréal ? qui est la plupart des cas, je vous dirais, qui est plus... ? et qui décide évidemment d'y résider comme étudiant, mais aussi il arrive qu'elle y demeure, dans le sens qu'elle travaille là l'été et que son intention, en termes de jurisprudence de domicile, c'est vraiment de rester à Montréal ou à Québec, mais qui garde un lien profond, au fond, et, je vous dirais, bon, familial, qui va revenir, oui, et qui demande de l'aide, mais qui, en termes de domicile... Moi, il est évident que cette personne-là, à partir du moment où elle a fait ce choix... Et ça arrive souvent. Je vous dirais que c'est même presque la majorité maintenant qui vont décider de faire leur vie à l'extérieur, même pendant leurs études. Et là j'ai peur de les exclure, cette catégorie de gens, qui sont quand même une grande partie...
Mme Kirouack (Marie Christine): Par rapport à ça, O.K., puis je reviens à un commentaire que j'ai fait peut-être un peu plus tôt, c'est-à-dire que notre opinion, à nous, comme association, c'est qu'on est totalement en faveur de la réforme. La question ne se pose même pas, O.K.? Mais on ne pense pas non plus qu'on doit étirer l'amendement pour faire en sorte qu'effectivement, à partir du moment où il y a un enfant, il y a des besoins, que l'un ou l'autre des parents puisse utiliser l'article pour réclamer de l'autre... puis dire: Bien là, tu sais, franchement, tu vas payer pour ton fils, là. Alors, c'est pour ça qu'on trouvait peut-être que la notion de domicile était intéressante, parce que, dans votre exemple, à partir du moment où il y a effectivement un enracinement clair ? je suis en train de faire ma vie ailleurs ? bien, à ce moment-là, cet enfant-là aura à faire appel aux règles habituelles telles qu'on les a présentement, c'est-à-dire réclamer de l'un et de l'autre un apport alimentaire.
M. Bédard: O.K. Oui. Dans tous les cas, vous dites: De toute façon, il ne perd pas ses recours...
Mme Kirouack (Marie Christine): Non, absolument pas.
M. Bédard: ...parce que l'obligation demeure de toute façon. Sauf que le parent titulaire... pas titulaire, à ce moment-là, la personne avec qui il entretient des liens très... disons, plus particuliers ? et ça arrive ? elle ne peut pas exercer un recours et en son nom. C'est ce que vous vous dites. Dans ce cas-ci, on est mieux de viser la stabilité.
Mme Kirouack (Marie Christine): Nous, ce qu'on dit, c'est qu'il faut qu'il y ait une limite au mandat présumé, là, O.K.? L'étudiant, là, qui est rendu en ville puis qui habite avec sa blonde, il y a quelque part où... Je veux dire, je veux bien, là, que l'un ou l'autre des parents subvienne en partie à leurs besoins, mais on n'est pas certains, nous, comme association, là, que le mandat présumé se rend jusque-là, O.K.? Et c'est pour ça qu'on trouvait que peut-être une des solutions pratico-pratiques qui étaient intéressantes, au-delà d'avoir à éviter... Parce que l'objectif dans le fond, tel qu'on le comprend, là, est de sortir les enfants des débats et des litiges entre leurs parents, O.K.? Et, si, dans la vaste majorité des cas... Quand les enfants sont rendus à cet âge-là, ils sont capables de s'arranger directement avec leurs parents, si tant est qu'ils sont en appartement de façon autonome, O.K.? Mais, dans les cas où il y a des litiges, on ne veut pas faire en sorte que la proposition fasse qu'on va ramener les enfants en plein milieu du débat, là, parce que...
M. Bédard: Parfait.
Le Président (M. Simard): De consentement, nous allons prolonger de part et d'autre d'une petite question.
M. Bédard: Une petite question? Alors, simplement ? et là, je reviens à 587.2 ? si par contre je modifie le caractère des difficultés excessives à des difficultés, ma crainte, je vous dirais, ce serait de ramener aussi les autres critères... Parce que, là, je suis en train de relire le projet de loi, là: «...l'autre [...] [parent] à l'égard des enfants qui ne sont pas visés par la demande...» Autrement dit, le projet de loi actuel vise à faire un caractère d'exception quant aux obligations alimentaires à l'égard des autres enfants et de garder de nature excessive les autres. Est-ce que je me suis bien fait...
Le Président (M. Simard): Non.
Mme Kirouack (Marie Christine): Non, je ne vous suis pas, là. Parce que le projet de loi départage... Les enfants présentement, aucun critère pour déroger. Les autres débiteurs alimentaires, c'est-à-dire les ex-conjoints et les parents, parce que des fois on paie une pension pour nos vieux parents, là...
M. Bédard: Oui, oui. Bien oui. Pour les autres. Bien oui.
Mme Kirouack (Marie Christine): ...qui ont des difficultés, eux, on a à démontrer des difficultés excessives.
M. Bédard: C'est ça. Actuellement.
Mme Kirouack (Marie Christine): C'est la proposition. C'est le projet de loi, là, ça.
M. Bédard: O.K. Oui, oui. C'est le projet de loi. O.K. Mais, si, moi, je modifie la loi actuelle, le Code civil actuel, et que je modifie...
Mme Kirouack (Marie Christine): O.K. On retourne à 587 tel que libellé actuellement. C'est ça?
M. Bédard: Oui, c'est ça.
Mme Kirouack (Marie Christine): C'est beau. Je veux juste être sûre que je vous suis.
M. Bédard: Oui, c'est ça. Là, j'ai un effet pervers... bien un effet pervers, c'est que, les difficultés, j'enlève le caractère excessif, mais là ça s'adresse à l'ensemble, donc à tout, là, ce qui comprend, bon, les dettes raisonnables, tout peut être considéré, là. Autrement dit, je baisse le critère ou je l'ouvre à l'ensemble des possibilités, là.
Mme Kirouack (Marie Christine): O.K. Mais ça, ce n'était pas l'objet de...
M. Bédard: Non.
Mme Kirouack (Marie Christine): Ça, ce n'était pas l'objet de notre propos, là.
M. Bédard: Non, non. Je le sais.
Mme Kirouack (Marie Christine): Je voulais être sûre que...
M. Bédard: Exactement. Et c'est pour ça que je vous pose...
Mme Kirouack (Marie Christine): Ne croyez pas que je suis rendue là, là, O.K.?
M. Bédard: Et voilà. Et c'est pour ça que je vous pose la question, parce que, si on a des...
Mme Kirouack (Marie Christine): O.K. C'est ça. Vous m'avez demandé quels pouvaient être des qualificatifs alternatifs, mais sur la base du projet de loi qui est là, là.
M. Bédard: Actuel. O.K. Et pas dans la loi.
Mme Kirouack (Marie Christine): Non, non, parce qu'on est à 587.2, là.
M. Bédard: Et voilà. Ah! O.K. Bon, bien, parfait. On s'est bien compris. O.K. Merci, M. le Président. Parfait.
Le Président (M. Simard): Merci beaucoup, M. le député de Chicoutimi. Le ministre voudrait poser une dernière question.
M. Bellemare: Oui. Comme je ne suis autorisé qu'à poser une seule question, je poserai une question à deux têtes.
Une voix: À deux volets.
n(16 h 50)nM. Bellemare: La première tête portera sur l'article 1 du projet de loi, concernant la présomption de mandat de l'enfant. Si on enlevait la dernière partie du premier alinéa, c'est-à-dire: «En ce cas, ce parent est présumé mandataire de l'enfant», et qu'on laissait à l'un ou l'autre des parents le droit de s'adresser...
Le Président (M. Simard): Vous pouvez nous situer, M. le ministre?
M. Bellemare: Oui. L'article 1 du projet de loi. Si on enlevait ? ce sera la première tête ? c'est-à-dire, on enlèverait simplement la notion de mandataire présumé puis on laisserait à l'un ou l'autre des parents le droit de représenter son enfant pour des fins alimentaires devant les tribunaux.
Et la deuxième tête concernerait la présomption de 587.1. Vous n'en avez pas parlé tantôt, vous avez dit que les tables ne doivent pas devenir des maxima mais bien des minima. Vous n'avez pas parlé de la présomption d'application du barème, là, qui fait en sorte que, à moins que le juge ne soit convaincu que le barème est inapproprié, le barème s'appliquerait quant aux pensions. J'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Kirouack (Marie Christine): Deux choses. D'une part, pour ce qui est de la première tête de votre question, je ne suis pas certaine que je saisis la modification. Vous voudriez faire disparaître tout le concept de mandataire présumé?
M. Bellemare: Bien, enlever, là: «En ce cas, ce parent est présumé mandataire de l'enfant» et laisser la première partie de l'article, c'est-à-dire que chaque parent, pour peu qu'il subvienne en partie aux besoins de l'enfant, pourrait exercer un recours alimentaire... un ou l'autre.
Mme Kirouack (Marie Christine): Mais ça ne règle pas le problème. Ça ne règle pas le problème qu'on a soulevé, parce que toute la problématique, quant à nous, venait du... À partir du moment où un parent subvient aux besoins de son enfant, de façon si minime soit-elle, il justifie la première partie du texte. La résultante, c'est la présomption du mandat, là. Puis ça, on n'a pas de problème avec ça, que vous le preniez à l'endroit ou à l'envers. Ce qu'on veut essayer d'éviter, nous, c'est que tout à coup il y ait un long débat sur: mais lequel des deux qui subvient...
M. Bellemare: Il n'y en aurait pas. Ce serait l'un ou l'autre. Il n'y en aurait pas, de débat. Ce serait l'un ou l'autre.
Mme Kirouack (Marie Christine): C'est parce que... Réalisez-vous ce que ça risque d'enclencher? C'est parce que ? avec déférence, là, je m'excuse, ma réaction a eu le mérite d'être spontanée ? j'ai certaines images, veux veux pas, moi, dans ma tête où, tu sais: Bien, écoute, là, j'ai payé 50 $ pour son entrée, ça fait que je vais aller à la cour pour te le réclamer. Ça, c'est pire, là. Là, on vient d'ouvrir la porte à tous crins, à tous vents. Parce que, là, c'est tout puis n'importe qui, là. Les deux parents vont pouvoir exercer des recours.
M. Bellemare: Pour leur enfant majeur.
Mme Kirouack (Marie Christine): Je ne suis pas sûre que c'est sage.
M. Bellemare: C'est quoi, le problème?
Mme Kirouack (Marie Christine): Le problème, c'est qu'on risque de se ramasser avec des situations où, tant l'un que l'autre... Et là on va avoir des dossiers où l'un et l'autre parent va poursuivre l'autre pour, dans le fond, dire: Écoute, là, je veux bien qu'il habite avec toi, là, mais, moi, j'ai payé 500 $ cette année-ci, tu sauras, en frais divers et en choses qui parfois d'ailleurs sont plutôt de caractère somptuaire plutôt que liés aux besoins de base des enfants... Je ne suis pas certaine que... Non, je ne peux pas...
M. Bellemare: Sur le deuxième volet, la deuxième tête?
Mme Kirouack (Marie Christine): Sur la deuxième tête... Voulez-vous me situer? Parce que je suis partie sur la première tête puis j'ai...
Le Président (M. Simard): Ça n'avait pas beaucoup rapport avec la première, je vous assure.
M. Bellemare: Vous disiez tantôt que le juge n'aurait aucune balise, mais il y a une présomption à 587.1 à l'effet que le barème doit s'appliquer.
Mme Kirouack (Marie Christine): Je suis d'accord avec vous. Le problème, c'est qu'il y a aussi une exception qui serait édictée au code, laquelle ne serait pas balisée. Parce que, si on passe par la porte de la présomption, O.K., je vous dirais que, sur la présomption, le score est nul parce qu'il y a une présomption que les parties ont la capacité de payer puis il y a une présomption effectivement que le barème correspond aux besoins des enfants, si vous faites référence à 587.1, le dernier alinéa, in fine, là.
M. Bellemare: Alors, le juge ne peut pas ne pas appliquer le barème. À moins qu'il y ait des raisons de ne pas l'appliquer, le barème est présumé s'appliquer.
Mme Kirouack (Marie Christine): Oui. Le problème, c'est que telle que libellée, la modification qui est proposée fait en sorte qu'elle est une des raisons pour lesquelles on pourrait le faire, c'est qu'il y a la présence d'autres enfants et sans autres qualificatifs que ce soit.
M. Bellemare: Merci beaucoup.
Le Président (M. Simard): Si vraiment on ne va finir pas plus tard que 5 heures, j'autorise le député de Chicoutimi à une dernière question.
M. Bédard: Oui, très pratique. J'ai le barème devant moi et là, pour bien comprendre ? je ne pratique pas dans le domaine, alors vous excuserez si je dis quelque chose qui ne se tient pas là, bon ? j'ai les revenus disponibles des parents. Prenons la première: des parents qui ne sont pas, là, dans le trèfle, là, entre 10 000 $ et 12 000 $. Bon. Un enfant, 2 800 $. Là, on parle de la contribution alimentaire annuelle de base. Deux enfants, 4 300 $. Alors, on voit que, comme vous le disiez tantôt, la famille, je veux dire... tu as plus d'enfants, bon, il y a des frais, mais il vient un moment où, dans la même famille, bon, c'est ça, ça ne double pas automatiquement et c'est normal. Trois enfants, 5 100 $. Mais c'est sûr que, par enfant, c'est moins. Un enfant, c'est 2 800 $. Or...
Mme Kirouack (Marie Christine): Il n'y a pas de prorata, là, ce n'est pas un tiers, un tiers, un tiers. Le premier enfant coûte plus cher, O.K.? On a crédité le premier enfant d'une plus grosse somme.
M. Bédard: Bien oui. Bien voilà. Mais, moi, là, est-ce que... La crainte... Est-ce qu'il pourrait arriver que, lorsque je demande une révision... Moi, par exemple, j'ai eu trois enfants d'un premier mariage. Deux... disons deux, et... J'ai deux enfants et j'en...
Des voix: ...
M. Bédard: Peu importe, là, j'en ai trois ou quatre... Disons que j'en ai quatre d'un autre, et ça arrive, là, j'ai...
Mme Kirouack (Marie Christine): Oui, oui.
M. Bédard: Bon. Sauf que là je vois que, 10 000 $ à 12 000 $, le montant, c'est 6 000 $, qui est la contribution de base. Est-ce qu'il pourrait arriver que, dans son appréciation, le juge considère que finalement, comme je dois répartir également, bien là je suis rendu à 2 000 $ et 4 000 $ de l'autre.
Mme Kirouack (Marie Christine): Je peux vous dire que, dans les 12 premiers mois de la réforme... Mai 1997 est arrivé, et les avocats se sont tous précipités sur ce beau précepte que vous êtes en train de nous présenter, là.
M. Bédard: Ah! Il n'est pas beau, là. Moi, je vous dis, il est catastrophique, ce précepte.
Mme Kirouack (Marie Christine): Mais, je dois dire, les 12 premiers mois effectivement, il y a beaucoup d'avocats qui ont présenté ça en disant: Bien, regardez, là, il y a deux familles, donc le salaire de monsieur, deux enfants. Puis là il fallait faire des espèces de calculs, je vous dirais, qui devenaient un peu difficiles parce que, là, il y avait contribution comme la mère de deux, contribution comme la mère des trois autres, où est-ce qu'on se ramasse à cheval entre les deux. Mais, à tout événement, le principe que les barèmes fonctionnent, que le premier enfant par tête de créancier alimentaire, O.K., ou par tête dans le fond de... le même lit, comme ma grand-mère disait, là, tu sais... Elle a eu des enfants de deux lits.
Le Président (M. Simard): Oui, absolument. Parlons par lits, ça va être plus simple.
Mme Kirouack (Marie Christine): O.K. on va parler par lits, ça va être plus simple, O.K.?
Le Président (M. Simard): Les enfants du premier lit, là, le premier du premier lit.
Mme Kirouack (Marie Christine): Alors, bon, le premier lit effectivement, la somme qui est consacrée au premier enfant est plus élevée que les enfants subséquents. Le deuxième lit, quand on repart effectivement, la somme est plus élevée que si on faisait cinq enfants tous du même lit. Ça, effectivement... Et les 12 premiers mois après la réforme, il y a des avocats effectivement qui ont tenté de saisir les tribunaux de ça et de dire: Bien, regardez, ça constitue une difficulté excessive, parce que, s'il les avait tous faits dans le même lit, O.K. ? mais il est allé se promener ? il paierait tant, alors que, comme, là, il est allé les faire dans deux lits, bien là, tout à coup, il se trouve à payer plus, O.K.? Les tribunaux n'ont pas retenu ça.
M. Bédard: Actuellement, est-ce qu'il y a un risque finalement qu'on se serve de ça comme des... autrement dit, comme un maximum et là, à partir de là, on commence à répartir cette...
Mme Kirouack (Marie Christine): Écoutez, notre opinion à nous, c'est que, à partir du moment où vous n'avez plus de critères de difficultés mais que par ailleurs, dans le même article, on a des critères de difficultés par rapport à d'autres types de débiteur alimentaire, on pense que, nous, la porte est grande ouverte.
M. Bédard: Bien. Merci.
Le Président (M. Simard): Là-dessus...
Mme Kirouack (Marie Christine): Et on espère avoir tort.
M. Bédard: D'accord. Merci.
Le Président (M. Simard): Me Kirouack, là-dessus nous allons vous remercier. Votre collaboration, votre contribution aux travaux de cette commission a été évidemment très, très précieuse et se fera sentir certainement lors de l'étude article par article, comme ça a été le cas toute la journée hier et aujourd'hui pour la loi n° 2. Alors, merci infiniment. Nous n'avons pas prévu nous revoir dans les prochaines 48 heures, mais nous sommes...
Mme Kirouack (Marie Christine): ...une fin de semaine.
n(17 heures)nLe Président (M. Simard): ...nous serons quand même très heureux de vous voir la prochaine fois. Merci beaucoup. Et j'invite les représentants du Barreau à venir nous rejoindre, qui, eux aussi, étaient avec nous il y a 48 heures.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Simard): Nous allons reprendre nos travaux, et j'invite les représentants du Barreau à venir nous rejoindre. Me Brosseau sait exactement où s'asseoir.
Vous seriez peut-être mieux de vous déplacer... de vous partager autour du porte-parole. Je répète, pendant que vous vous installez, que cette salle est totalement inappropriée pour des auditions et que je souhaite personnellement que la commission, à la fin de nos travaux, demande à l'Assemblée nationale de mettre fin à l'utilisation de cette salle pour des auditions. C'est tout à fait, là, à la limite du tolérable, et j'inviterai à la fin la commission à confier ce mandat à son secrétaire.
Je vais vous demander de vous identifier. Me Brosseau devra le faire aussi, mais elle était avec nous il y a 48 heures aussi. Alors, nous vous écoutons, le Barreau est évidemment un interlocuteur essentiel dans ce type de débat.
Barreau du Québec
M. Goubau (Dominique): Merci, M. le Président. Je me présente: Dominique Goubau. Je suis le président du Comité permanent du Barreau en droit de la famille. Et j'ai donc à côté de moi Carole Brosseau, Me Brosseau qui est secrétaire de ce comité, et, à ma droite, Me Jocelyn Verdon, membre du Comité permanent du droit de la famille du Barreau du Québec.
Alors, comme vous le savez, je ne vais pas vous faire l'historique, mais le Barreau du Québec s'est toujours intéressé de très près à toutes les questions qui concernent la famille au sens large et, quand nous le pouvons, nous intervenons. Et nous remercions cette commission de nous donner l'occasion de nous exprimer sur ce projet de loi, qui n'a pas beaucoup d'articles mais qui est important sur le fond. Alors, si vous permettez, je vous donnerai un très bref aperçu de la position du Barreau du Québec sur l'essentiel de ce projet de loi, après quoi j'imagine que nous pourrons intervenir sur vos questions.
Sur l'article premier, le Barreau du Québec souscrit tout à fait à cette disposition, au principe de cette disposition qui vient combler une lacune de la loi actuelle et qui rejoint ce qu'on connaît déjà dans le cadre de la Loi sur le divorce, permettant donc au parent de représenter son jeune devenu majeur dans le cadre des procédures de réclamation de pension alimentaire. Donc, le Barreau souscrit entièrement à ça, il n'y a pas de problème.
J'ai entendu et j'ai lu les craintes de l'Association des familialistes sur est-ce qu'il pourrait y avoir une discussion entre parents pour savoir qui va représenter. Nous ne partageons pas ces craintes-là. Je pense que la jurisprudence va s'enligner sur ce qu'elle fait déjà en matière de divorce, et donc la notion d'enfant à charge va très naturellement s'imposer dans l'interprétation de cette disposition telle qu'elle est proposée.
Par ailleurs, je comprends aussi que, s'il devait y avoir effectivement un réel conflit entre les parents sur la question de qui va pouvoir représenter, le droit alimentaire ? il s'agit d'un majeur ? appartient à l'enfant. Et, dans une situation comme celle-là, l'enfant pourra toujours retirer son mandat. Il s'agit d'une présomption de mandat, d'une représentation par un parent, mais on comprend donc bien qu'on est en matière...
Une voix: D'un enfant majeur.
M. Goubau (Dominique): D'un enfant majeur. Et on comprend donc bien que cet enfant gardera toute la latitude pour retirer ce mandat. Ce n'est qu'une présomption.
Ceci dit, je soumets notre interrogation. L'utilisation de l'institution du mandat pourrait être problématique. Or, en réalité, ce que veut le projet de loi, tel que nous le comprenons, c'est qu'un parent soit autorisé à représenter l'enfant. Mais l'idée de référer au mandat, qui est un contrat dans le Code civil, et l'importation de la logique contractuelle dans la famille, ici, nous paraît peut-être problématique. Parce qu'il faut comprendre que, si le parent est effectivement mandataire au sens du Code civil et qu'il y a donc un lien contractuel, une présomption de consentement, il y a des obligations. Et ça pourrait vouloir dire, par exemple, ceci: Qu'est-ce qui se passe si l'enfant majeur, à un moment donné, retire le mandat, comme il peut le faire? Est-ce que la mère ? ce sera généralement le cas ? qui l'a représenté, pourrait se retourner puis dire: Ah! mais j'ai eu des frais, je veux récupérer mes frais. Comment elle pourrait le faire s'il s'agissait d'un mandat? Est-ce que, par exemple, la mère pourrait dire: Je vais récupérer mes frais d'honoraires extrajudiciaires pour la portion de la réclamation alimentaire pour mon jeune qui est majeur et je vais donc compenser ce que me doit au fond mon propre enfant au chapitre des honoraires extrajudiciaires? Ce serait lamentable. Ce n'est évidemment pas ce qu'on recherche.
Et par conséquent je pense qu'il serait peut-être plus utile d'utiliser la notion d'être autorisé à représenter plutôt que de référer à la notion de mandat. Et donc cette disposition pourrait garder exactement le même principe, arriver exactement au même résultat mais dire: Le parent est autorisé à représenter. Et, puisque dans la logique de cette disposition telle qu'on l'a actuellement, le mandant, le majeur, l'enfant majeur, peut retirer le mandat, il devrait, si on change la terminologie et qu'on parle plutôt d'autorisation de représentation, l'enfant majeur évidemment devrait avoir un droit d'opposition et devrait pouvoir retirer cette autorisation. Le résultat serait exactement le même, mais je soumets qu'on éviterait l'écueil de la logique contractuelle à la famille, qui, je pense, n'est pas tout à fait bienvenue. Donc, résultat pareil, mais on éviterait cette difficulté-là. Ça, c'est donc pour l'article premier.
Pour l'article 2... Ça va? Pour l'article 2, évidemment l'article 2 tente de répondre à une situation pour laquelle il est impossible de répondre. Depuis que les barèmes existent, en 1997, s'est posée, et même avant, au moment où on a travaillé sur la mise en place de ces barèmes, s'est posée tout de suite la question: Qu'est-ce qu'on fait des familles recomposées? Le premier lit, deuxième lit, troisième lit, qu'est-ce qu'on fait? Le Barreau soumet que cette question ne peut pas trouver sa solution dans un système de barèmes autrement qu'en laissant une discrétion quelque part à quelqu'un. Nous souscrivons à la façon dont l'article 2 est rédigé, et je voudrais prendre quelques mots pour expliquer la position du Barreau là-dessus.
Bien sûr, il y a un problème. Lorsqu'un débiteur alimentaire paie pour des enfants, et qu'il reconstitue une nouvelle famille, et qu'il a par la suite de nouvelles obligations, éventuellement une nouvelle séparation, et qu'il doit payer de nouveaux aliments, il y a une difficulté. On a résolu cette difficulté-là en disant en 1997: Eh bien, on va le mettre avec les autres difficultés excessives. Et nous avons pensé à l'époque, au Barreau, que c'était une bonne solution, qui semblait logique. Mais il est vrai qu'avec les années et en analysant la jurisprudence on constate qu'il y a une interprétation restrictive de cette notion de difficultés excessives, d'ailleurs pas seulement au Québec, mais aussi dans le cadre des lignes directrices fédérales, et que par conséquent on a peut-être mis la barre un peu haut.
Nous soumettons que la question de la dette alimentaire, de l'obligation alimentaire est très particulière et qu'elle ne ressemble pas aux autres qui sont prévues dans l'article 587. Bien sûr, monsieur peut avoir une obligation alimentaire à l'égard d'une conjointe. Il peut avoir une éventuelle obligation alimentaire naturelle à l'égard d'un grand-parent. C'est vrai, il peut prendre en charge des... Mais nous soumettons que, dans le cadre des lignes qui concernent les pensions alimentaires pour enfants, la prise en considération des enfants d'un autre lit est une dette tout à fait particulière, parce que là encore on vise des enfants et non pas d'autres personnes. Et nous pensons qu'on ne peut pas mettre sur le même pied la dette alimentaire à l'égard d'enfants d'un autre lit et, par exemple, la dette qu'aurait le débiteur alimentaire qui aurait utilisé sa carte de crédit pour répondre à des besoins de sa famille, qui se retrouverait endetté pour les besoins de sa famille. Et la loi dit: C'est une difficulté excessive, éventuellement on pourra tenir compte de cette dette-là. D'accord. Mais la dette à l'égard d'enfants ou de nouveaux enfants est très particulière, parce qu'elle vise encore des enfants. Or, l'objectif de la loi, c'est d'essayer de traiter tous les enfants sur le même pied et d'être juste à l'égard de tout le monde.
n(17 h 10)n Alors, si on veut vraiment être mathématiquement juste à l'égard de tous les enfants ? et c'est ça, l'objectif ? la seule possibilité, mais nous soumettons qu'elle est impraticable, ce serait de convoquer toutes les familles, tous les conjoints, tous les enfants et de regarder, dans un grand melting-pot, qu'est-ce qu'on peut faire et comment est-ce qu'on peut régler tout ça. C'est infaisable et ce n'est pas souhaitable. Par conséquent, la seule façon de régler cette question, c'est de dire: Eh bien, lorsque cette nouvelle obligation alimentaire met une pression sur le débiteur, un, ou, deux, si elle a pour résultat que la nouvelle pension alimentaire décrétée pour les autres enfants est injuste par rapport à ce que ce débiteur paie pour un premier enfant, qu'il y ait un déséquilibre, il devrait y avoir quelqu'un qui puisse rééquilibrer. Le Barreau pense que la personne la mieux placée pour le faire, c'est le juge. Et c'est donc la discrétion judiciaire.
Nous ne partageons pas les inquiétudes formulées notamment par l'Association des familialistes de Montréal, qui disent: Ah! mais plus de balises, alors c'est le «free for all». Ce n'est pas vrai. L'article 587.2, in fine, tel qu'on le connaît aujourd'hui, donne déjà une large discrétion aux tribunaux dans la prise en considération du capital soit du conjoint soit de l'enfant lui-même. Et, quand on analyse la jurisprudence dans la matière, on constate que c'est avec pondération que les tribunaux exercent cette discrétion. Et cela s'explique par le simple fait qu'on est dans un mécanisme où il y a une présomption que les barèmes rencontrent et doivent rencontrer l'intérêt des enfants, et par conséquent cela constitue en soi un obstacle à l'exercice de la discrétion qui nous paraît suffisant.
En résumé, l'idée de difficultés excessives est peut-être un facteur excessif, compte tenu de la façon dont les tribunaux l'interprètent, et donc on doit pouvoir extraire cette situation tout à fait particulière de la recomposition familiale du cadre des difficultés excessives ? nous sommes d'accord avec cela ? pour donner au tribunal la discrétion, compte tenu de tous les autres paramètres du dossier, de modifier, de moduler. Mais nous avons confiance que les juges n'appliqueront pas cette règle-là de façon automatique, puisqu'on est dans un cadre de règles avec une présomption à l'effet que les barèmes rencontrent les besoins et doivent rencontrer les besoins. Donc, je pense bien qu'il va y avoir une retenue judiciaire, même si cet article est rédigé de la façon dont on le propose ici.
Donc, le Barreau souscrit à cette proposition. Et nous sommes d'ailleurs très contents de voir que la première mouture de cette disposition, ou en tout cas ce qu'on a pu entendre à propos d'une éventuelle mouture de cette disposition, n'ait pas été retenue, en ce sens que nous étions fermement opposés, au Barreau, à l'idée d'une déduction automatique des montants de pension alimentaire pour enfants du revenu disponible pour les fins de calcul d'une nouvelle pension alimentaire, parce que là ça aurait créé un véritable déséquilibre entre les enfants.
Par conséquent, nous pensons ? et je termine là-dessus ? que tel que formulé le tribunal disposera des outils nécessaires pour arriver non pas à l'égalité parfaite, c'est impossible, mais sans doute, dans la plupart des cas, à une décision plus juste que celle à laquelle on arrive peut-être aujourd'hui parce que l'obstacle des difficultés excessives est trop élevé.
Au fond, c'est les articles 1 et 2 qui constituent l'essentiel de ce projet. Sur le reste, sur l'article 3, le Barreau ne s'est pas formellement prononcé, et, sur le dernier article, l'article 4, sur la... on est d'accord. Et, sur l'article 5, c'est-à-dire l'effet immédiat, nous sommes d'accord aussi. Le Barreau était opposé à l'idée d'une rétroactivité en la matière, et donc... Voilà.
Le Président (M. Simard): Très bien, merci beaucoup. Alors, j'invite d'abord le ministre à entamer un dialogue avec vous.
M. Bellemare: Alors, merci, Me Goubau, Me Brosseau et Me Verdon, pour cette présence très appréciée et ce travail fouillé de la part du Barreau du Québec, sur un sujet quand même qui demande expérience et intérêt.
Vous avez parlé de deux sujets qui sont au fond les deux sujets fondamentaux traités par le projet de loi n° 21. Le premier, c'est la question de l'adulte, de l'enfant adulte. J'ai tantôt soumis à Me Kirouack de l'Association des familialistes une hypothèse: que la disposition soit modifiée. On prévoit, à la fin de la disposition de l'article 1, les termes suivants: «En ce cas, ce parent est présumé mandataire de l'enfant.» Si on l'enlevait, cette disposition, et qu'on permettait à l'un ou l'autre des parents d'agir, quitte à ce que bien sûr l'enfant puisse retirer le mandat en tout temps, mais, si on permettait à l'un ou l'autre des parents d'agir, pour peu qu'il subvienne en partie aux besoins de l'enfant majeur, est-ce que ce ne sera pas opportun, pour éviter qu'un parent conteste l'autorité de l'autre?
M. Goubau (Dominique): D'abord, évidemment ça répondrait à cette difficulté que j'ai soulevée tout à l'heure, la référence au mandat. Ça, c'est déjà une première bonne chose, je pense. On parlerait plutôt d'autorisation de représentation. Ça, c'est une bonne chose.
Le deuxième volet de votre question, c'est, plutôt que de désigner un parent et d'éviter l'écueil, la discussion entre les parents, permettre aux deux de le faire. Je vois par contre assez mal le parent qui n'a pas l'enfant à charge, au sens où on l'entend dans le cadre de la Loi sur le divorce, représenter le mineur. Mais j'imagine que dans ce cas-là le mineur lui-même... enfin, le majeur, le jeune va retirer sa proposition. Je me demande par contre... Je vais laisser Jocelyn Verdon répondre à cela, mais je me demande si d'ouvrir d'emblée aux deux sans indiquer qu'au fond c'est quand même le parent qui a de facto la charge de ce jeune-là, ça ne risquerait pas d'ouvrir plus de débats qu'autre chose. C'est comme une invitation aux deux à dire: Allez-y, vous pouvez, alors qu'en réalité ce n'est pas ça qu'on vise. On vise à ce que le parent qui de facto a la charge de l'enfant... de pouvoir le représenter plutôt que d'obliger l'enfant à porter l'odieux de poursuivre son propre parent.
M. Verdon (Jocelyn): Moi, j'aurais peut-être précisé... Parce que la toile de fond, pour répondre à un des arguments de Me Kirouack, c'est que c'est délicat quand on parle de modification pour l'enfant majeur, parce qu'on a toujours comme limite... Parce que le but recherché, c'est de remédier à une injustice. À l'époque, les enfants sur le divorce, eux, avaient des parents mandataires. Ça, c'était le problème original. Alors, si on va trop dans les détails, il faut s'assurer que les nouvelles modifications ne seront pas différentes ou trop différentes de celles qui existent au fédéral. Parce que, au fédéral, si vous avez des gens mariés qui se divorcent, lorsque vous avez un enfant de 19 ans, on a une définition, qui est l'article 2, d'un enfant à charge. Et, au provincial, le ministre Bellemare, à mon avis, avait un problème: il ne pouvait pas aller trop loin parce que, s'il met trop de balises, bien là on risque d'avoir une autre classe de discrimination, puis c'est ça qu'on veut régler. Alors, la seule chose que je verrais qui répond à la suggestion du ministre, ce serait de dire: En ce cas ? à la fin de l'article 1 ? le parent de tel enfant à charge est présumé autorisé à exercer ses recours.
M. Bellemare:«Présumé autorisé» plutôt que «présumé mandataire».
M. Verdon (Jocelyn): Oui. Mais j'aurais rajouté...
M. Bellemare: De sorte qu'on retirerait la notion de mandat, qui pourrait présenter un coefficient de difficulté.
M. Verdon (Jocelyn): Mais j'aurais dit: En ce cas, le parent de tel enfant à charge. J'aurais peut-être rajouté ce concept-là, juste pour me rapprocher du fédéral, tu sais, pour que le tribunal dise «subvenir à ses besoins». Puis en plus on rajoute le concept d'«enfant à charge» pour nous arrimer avec le fédéral. Puis là les tribunaux au fédéral, dans le cadre des divorces, vont établir des paramètres, puis on va en bénéficier nous aussi, puis là on va avoir une harmonie entre les deux lois. Je ne sais pas si... Parce que c'est un peu le problème, c'est que, si on le voit sous notre angle unique du Québec, on risque de déraper. Puis, si on donne suite, par exemple, à certaines suggestions de notre collègue, qui sont très intéressantes, les suggestions, mais on va créer de la discrimination également. Ça fait qu'on n'est pas plus avancé, là. Alors, moi, j'aurais dit peut-être: En ce cas, ce parent, ou le parent de tel enfant à charge, est autorisé à exercer les recours de l'enfant.
M. Bellemare: Ses droits. Exercer les droits en son nom.
M. Verdon (Jocelyn): Mais je ferais référence à la notion d'«enfant à charge» juste pour nous rapprocher du fédéral, l'article 2.
M. Bellemare: O.K.
Le Président (M. Simard): En fait, présumé autorisé.
M. Verdon (Jocelyn): Exact, c'est l'article 2 de la définition de la Loi sur le divorce, pour qu'on soit plus près d'eux.
Le Président (M. Simard): Vous reprenez la formulation.
M. Bellemare:«Est autorisé à exercer le recours alimentaire de l'enfant».
Des voix: Oui.
M. Bellemare: L'article 2, lui, porte sur l'égalité des enfants, et Me Kirouack tantôt nous disait qu'il y avait un risque, là, que les juges se retrouvent devant une réalité où il n'y aurait absolument aucune balise, et je lui ai soumis, à la fin de son intervention, toute la question de la présomption prévue à l'article 587.1 qui, à mon avis, constitue quand même une bonne garantie du fait que, sauf exception, le barème sera appliqué. Et est-ce que vous estimez, vous, que l'article 587.2, tel que nous proposons de le libeller, ferait en sorte que la présomption à 587.1 disparaîtrait ou perdrait de son effet, comme semblait le croire Me Kirouack?
M. Goubau (Dominique): Moi, je pense que la présomption, elle est là, elle est très claire et elle jouera d'ailleurs comme balise dans l'exercice de la discrétion du tribunal, comme d'ailleurs c'est le cas, je le soumets, dans le cadre de l'article 587.2 in fine, qui permet au tribunal de modifier le montant qui résulte du calcul mathématique, là, des barèmes pour tenir compte du capital ou des ressources du jeune. Et donc, déjà là, les tribunaux sont assez réticents à le faire, mais ils le font dans le cadre de ces barèmes et de cette présomption que vous soulevez. Je pense comme vous que ça va jouer comme frein à l'exercice de la discrétion judiciaire.
n(17 h 20)nM. Bellemare: De sorte que, si un enfant additionnel naît dans le cadre d'une autre union, le parent payeur ne pourrait pas invoquer le simple fait qu'il y a un enfant additionnel pour obtenir une réduction de pension. Il faudrait qu'il établisse que le barème n'est pas juste pour l'enfant dont la pension a déjà été fixée. Il y aurait un fardeau additionnel. Il ne s'agirait pas... Parce que tantôt Me Kirouack semblait dire: Un enfant additionnel, même à 150 000 $ pour le payeur et 40 000 $ pour l'autre, ça voudrait dire nécessairement une modification de pension.
M. Goubau (Dominique): Mais les tribunaux... On a eu la crainte... En 1997, quand on a introduit les barèmes, on s'est dit: Aïe! il va y avoir plein de modifications, de demandes de modification. Dès que les gens vont gagner un petit peu plus, ils vont changer de ligne et là ils vont courir devant les tribunaux. Les tribunaux heureusement ont appliqué une sagesse très ancienne: de minimis non curat praetor, le juge ne s'occupe pas des détails, et, même si une personne passait d'une ligne à l'autre, ça ne voulait pas dire que le juge allait accepter d'entendre une requête en modification. Alors, je ne pense pas qu'il va y avoir demain matin une foule de demandes de modification sur cette base-là, à moins qu'effectivement la situation change de façon très importante suite à l'arrivée de cet autre enfant, ce qui est possible mais ce qui ne sera pas automatique. Et donc je ne pense pas qu'il va y avoir là une porte ouverte, là, une multitude de demandes de modification.
Quoique théoriquement c'est toujours possible, puisque la loi prévoit que, lorsque la situation des parties change, les parties peuvent demander une modification de l'ordonnance alimentaire. Et il est vrai que, tant et aussi longtemps qu'on n'applique pas un système farfelu qui ferait que tout le monde devrait venir ensemble devant le tribunal, eh bien, théoriquement, oui, une famille, une créancière d'une première union, d'une deuxième union pourrait revenir devant le tribunal pour demander une rectification pour tenir compte de l'arrivée d'autres enfants, un changement dans le portrait familial. C'est vrai, mais en pratique ça n'arrive pas souvent.
M. Verdon (Jocelyn): Moi, je voulais peut-être, si tu permets... Ce que vous dites, en droit, c'est totalement blindé. Et, si les tribunaux, exemple la Cour d'appel, en cinq ans décidaient de faire le ménage là-dessus, ce serait sans doute ça qui déciderait. Mais je pense qu'au niveau pratique... Ce que je veux dire par là, c'est qu'au niveau pratique, dans la vie de tous les jours, certains avocats pourraient... Si on fait l'effort de voir sur le terrain, là, dans la vie de tous les jours, certains avocats pourraient conclure que, du fait qu'on a enlevé le terme «difficultés excessives» puis qu'on n'a pas mis comme de frein ou de paramètres, certains avocats pourraient, pendant un certain laps de temps, tenter d'atteindre les limites de la modification. Alors, dans ce sens-là, le fait d'inclure, même si ça peut paraître redondant pour les gens, là, qui ne sont pas des ultraspécialistes, peut-être de mettre dans le premier paragraphe «s'il en résulte une difficulté», on vient quand même indiquer au juge que l'intention du législateur, ce n'est pas d'ouvrir les valves «at large», comme on dit, mais de diminuer simplement... de dire aux juges: Écoutez, vous avez interprété restrictivement la difficulté excessive, on vous demanderait de juste l'ouvrir un peu plus.
Alors, je pense que ce... je ne sais pas si c'est une... Et là ça peut soulever toutes sortes de discussions, puis c'est le danger dans ces suggestions-là, mais de ne pas en mettre, en droit, je pense que c'est correct de ne pas en mettre, si le juge applique la loi puis il dit: Écoutez, le but des jugements puis des barèmes, c'est d'avoir une prévisibilité dans les montants d'argent. Alors, si on déroge aux barèmes à tout bout de champ, on n'aura plus de prévisibilité, donc les barèmes ne servent plus à rien, puis c'est de déjudiciariser.
Alors, en théorie je suis tout à fait d'accord que, tel que formulé, c'est parfait, mais en pratique, dans le «day-to-day», pour éviter que des avocats se servent de ça comme pour aller beaucoup plus loin que ce que le ministre voulait, bien peut-être qu'on pourrait parler de difficultés au premier paragraphe et, dans le deuxième paragraphe, on parlerait de difficultés excessives. Alors, on aurait deux degrés de preuves, mais on insisterait pour que le père... Tu sais, l'avocat qui essaie d'expliquer à son client, là, que ça prend une preuve de difficulté ou que ce n'est pas clair, le client ne le comprendra peut-être pas, mais, si tu lui montres la loi puis tu dis: Regarde, il faut que tu fasses la preuve d'une difficulté, là, ou bien: As-tu des problèmes? Prépare-moi ton dossier puis explique-moi ce qui se passe... Le juge va dire: Maître, si vous me prétendez que la naissance d'un enfant, c'est suffisant, on vient de me dire que ça prend une difficulté, avez-vous une preuve quelconque? Je pense...
M. Bellemare: Est-ce que la naissance de cet autre enfant vous cause une difficulté qui fait en sorte que le barème tel qu'il est serait difficilement applicable?
M. Verdon (Jocelyn): Bien, ce serait du genre... Moi, je pense que...
M. Bellemare: Ça ressemblerait à ça un peu.
M. Verdon (Jocelyn): Bien, si on veut viser, là, la masse des gens qui ne sont pas comme ici, tu sais, en commission, puis on connaît le projet, moi, je n'en mettrais pas, là, de correction, mais je pense à tous les praticiens de tous les jours qui ne sont pas au courant de toutes les modifications. Si ça prend cinq ans avant que la cour découvre que ce n'était pas ce qu'on voulait, c'était peut-être mieux de le dire tout de suite pour éviter un dérapage. C'était peut-être mon seul ajustement au niveau pratique.
M. Bellemare: D'ailleurs, Me Kirouack tantôt a elle-même amené cette hypothèse quand on lui disait qu'il fallait quand même essayer de tenir compte du fait que l'obligation alimentaire reliée à un nouvel enfant est quand même une obligation importante et fondamentale, compte tenu que c'est, en quelque part, à tout le moins le demi-frère ou la demi-sur des autres enfants. Et elle disait elle-même qu'on pourrait enlever le terme «excessif» et prévoir le terme «difficulté», ce qui serait déjà...
Parce que j'aimerais vous entendre sur la situation actuelle. On dit ? et j'imagine que c'est la réalité ? que les tribunaux sont très fermés à l'idée d'appliquer le critère de difficultés excessives, que ça prend une... c'est excessif comme problème à surmonter. Est-ce que c'est vrai d'une part que les tribunaux sont extrêmement réticents à reconnaître des situations de difficultés excessives? Et, si oui, pouvez-vous nous donner des exemples de situations qui sont actuellement injustes du fait qu'on a précisément maintenu un critère de difficultés excessives depuis sept ans maintenant?
M. Verdon (Jocelyn): Ce que je pourrais vous dire à ça, c'est que c'est une question d'outils qu'on donne au juge. C'est que le juge, fondamentalement on lui dit, dans une présomption, que les tables sont présumées répondre aux besoins de l'enfant, et, d'autre part, on vient confirmer que ça prend une difficulté excessive. Alors, le juge, s'il veut faire son travail, il ne peut pas faire autrement qu'interpréter restrictivement, parce qu'on vient dire... Alors, c'est pour ça que, si on enlève «excessif», en tout cas, on... Ça, c'est la première parenthèse.
L'autre, c'est: Des cas excessifs, oui, mais je vous dirais que, en termes de si on regarde les statistiques, c'est peut-être maximum 2 %, 3 % ou 4 % des dossiers qui sont traités par l'ensemble des barèmes. Puis là où ça cause des problèmes puis où ça devient vraiment à mon avis très difficile, c'est lorsque les gens ont des revenus de 20 000 $ à 30 000 $. C'est vraiment dans ces montants-là qu'on a des sérieux... Tu sais, des fois les gens disent: C'est seulement à 35 $. Oui, mais, quand tu gagnes 25, 35 $, c'est beaucoup. Alors, c'est là que ça devient délicat.
M. Goubau (Dominique): Et, peut-être juste pour ajouter une chose, le mécanisme des difficultés excessives que nous avons dans le Code civil est quand même moins sévère que celui qui existe dans les lignes fédérales, qui ajoute un test de comparaison des niveaux de vie qui fait que, dans le fond, celui de... monsieur, généralement le débiteur et qui généralement aussi est celui qui a le plus haut revenu, le plus haut niveau de vie, il est dans une situation de quasi impossibilité d'invoquer les difficultés excessives, à moins que ce soit exceptionnellement excessif, c'est vraiment comme ça que c'est interprété, alors qu'ici, au Québec...
Et je vais vous donner un exemple bien concret, et sans doute celui qui se pose le plus souvent: les difficultés excessives que l'on invoque dans le cadre de l'exercice du droit de visite. Un homme a un droit de visite, et puis finalement il doit se déplacer parce que, là, il habite à Montréal et ses enfants sont à Québec, alors ça lui coûte cher de voir ses enfants ou de les faire venir. Ici, au Québec, il peut faire valoir cette difficulté-là pour voir diminuer le montant de sa pension alimentaire tel que déterminé par les barèmes. Ailleurs au Canada, où on applique les lignes fédérales, c'est à peu près impossible parce que généralement cet homme-là est celui qui va avoir le niveau de vie le plus élevé, et les lignes fédérales disent: C'est vrai que c'est une difficulté, mais ce n'est pas excessif au sens de la loi parce que de toute façon votre niveau de vie est plus élevé que celui de madame. Donc, de toute façon vous ne pouvez pas invoquer les difficultés excessives. Nous n'avons pas cet obstacle-là, et on voit des juges au Québec accepter des diminutions de pensions alimentaires pour répondre à cette difficulté jugée excessive ici, au Québec, malgré le fait que monsieur a quand même un niveau de vie plus élevé que madame.
Donc, ceci pour illustrer que, oui, il y a cet obstacle de difficultés excessives mais qui est quand même moins excessif que ce qu'on peut voir ailleurs, et qu'il y a donc quand même une certaine souplesse. Il y a une discrétion judiciaire dans le cadre des difficultés excessives au Québec qu'on ne connaît pas ailleurs. Ceci dit, oui, les tribunaux appliquent le terme «excessif» comme le dictionnaire dit de le faire, c'est-à-dire «c'est excessif».
M. Bellemare: On prendra un exemple très simple et très réaliste. Monsieur gagne 50 000 $, a deux enfants avec une femme qui en gagne 20 000 $. Il y a divorce, pension alimentaire établie pour les deux enfants. Monsieur refait sa vie avec une autre femme qui gagne également 20 000 $, il a deux autres enfants. Est-ce que je me trompe en disant que les deux derniers enfants, avec la nouvelle conjointe, ne seront pas traités de la même façon sur le plan financier que les deux premiers enfants?
M. Verdon (Jocelyn): Dans un jugement ou dans les faits?
M. Bellemare: Dans les faits. Dans un jugement.
M. Verdon (Jocelyn): Si on plaide les difficultés excessives?
n(17 h 30)nM. Bellemare: Oui.
M. Verdon (Jocelyn): O.K. Alors, on est en entrevue. Vous êtes tous... Recours collectif.
M. Bellemare: Faites comme si.
M. Verdon (Jocelyn): Alors, si vous aviez... On serait porté à dire... On ne saurait pas quoi répondre. Moi, je lui dirais: Je ne suis pas du tout convaincu que le juge va conclure qu'il y a une difficulté excessive au sens de la jurisprudence actuelle. Il y a comme un seuil, 50 000 $. Ce que le juge doit faire, à mon avis, c'est l'encaissement net compte tenu des déductions fiscales dont il dispose. Il fait l'encaissement net pour madame puis il regarde les deux. C'est ce que les juges font en... pas en cachette là, mais c'est ce qu'on leur a enseigné de faire.
M. Bellemare: Mais, si le payeur ne peut pas convaincre le juge qu'il y a difficulté excessive, est-ce que les deux premiers enfants recevront davantage que les deux enfants suivants? Oui?
M. Goubau (Dominique): Bien oui.
M. Bellemare: Bien, c'est ça, le problème.
M. Goubau (Dominique): Oui, c'est le problème.
M. Bellemare: C'est à ça qu'on veut s'attaquer.
M. Goubau (Dominique): Ah! Bien, je comprends très bien le problème. Et, si...
M. Bellemare: Parce que les deux premiers enfants bénéficient de l'application d'un barème, alors que les deux seconds, on n'en parle pas et on n'en discute pas parce qu'il n'y a pas de difficulté excessive. C'est comme s'ils n'existaient pas.
M. Verdon (Jocelyn): Mais il y a des enfants... Le revenu de leur père est amputé déjà d'une pension. Donc...
M. Goubau (Dominique): Oui, mais il est amputé d'une pension dont on ne va pas tenir compte pour évaluer son revenu disponible pour les fins de fixation de la deuxième pension alimentaire. Donc, techniquement, ils sont... Techniquement, ils sont pareils, ils sont sur le même pied. Donc, si vous prenez la situation A, la famille A, la famille B, le résultat sera le même.
Mais le problème, c'est qu'il vient une petite injustice là-dedans parce qu'on traite deux fois deux enfants plutôt qu'une fois quatre enfants. Et ça, les barèmes ne disent pas la même chose. Si vous prenez deux fois deux enfants, avec ces montants-là, ou une fois quatre enfants, la pension alimentaire ne sera pas la même. Donc, il n'y a pas, dans ce cas-ci, une injustice à l'égard des enfants; il y a peut-être une injustice à l'égard du débiteur alimentaire. Mais je pense que c'est précisément le genre de situation délicate où le tribunal doit pouvoir regarder autre chose.
Vous avez dit 20 000 $ pour les deux, pour la première épouse et la deuxième épouse. Mais est-ce qu'il y a des capitaux? Est-ce qu'il y a des actifs? Est-ce qu'ils sont productifs? Là entre la notion de «discrétion judiciaire». Et, dans un scénario comme celui-là, je soumets que le tribunal pourrait regarder le portrait global et dire: Bien, si j'applique les barèmes tel que je devrais normalement le faire, je vais arriver à un montant qui, pour monsieur, commence à être un petit peu beaucoup, parce que, au fond, je l'ai traité comme s'il y avait deux familles séparées, alors qu'en réalité il y a quand même quatre enfants pour lesquels il doit payer. Et donc c'est là que le tribunal pourrait jouer.
Et, oui, c'est sûr que, si vous allez devant un juge, il va peut-être jouer de façon un peu différente d'un autre. Ça, c'est le jeu. Et, en même temps, je pense qu'on ne peut pas arriver à plus d'égalité... On ne peut pas arriver à une égalité mathématique, à moins de vraiment faire une conférence préparatoire, tout le monde ensemble, et de recommencer à zéro en tenant compte de tout ça, ce qui est ingérable juridiquement et socialement, je veux dire, difficile à accepter.
Donc, je pense que l'exemple que vous donnez va dans le sens de votre proposition de loi. Il faut donner une latitude au juge là-dessus pour pouvoir... peut-être pas tellement régler les questions et parfois de difficultés, mais aussi d'équité et d'égalité. Et donc, moi, j'ai un petit peu de réticence avec l'importation de nouveau de ce terme «difficultés», même s'il est soulagé du terme «excessif». Je préfère la discrétion telle qu'elle est prévue dans la disposition actuelle, parce que ça permet au tribunal non seulement de tenir compte de situations de difficulté, mais aussi tout simplement d'équité et de justice. Et je pense que c'est ça, le rôle du juge.
Le Président (M. Simard): Alors, nous passons maintenant aux questions de l'opposition officielle. Et j'invite le député de Chicoutimi à commencer.
M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, je remercie mes collègues du Barreau pour leur présentation. Quant au mémoire, je ne pourrais pas dire, comme le ministre, que le mémoire est fouillé. J'ai sursauté quand j'ai entendu ça. Et je le dis en tout...
Une voix: Il est bref.
M. Bédard: Il est bref. Il n'est pas adressé, mais je le dis et je comprends...
M. Verdon (Jocelyn): ...le rapport du comité de suivi, qui est volumineux. Alors, on n'a pas eu... On était...
M. Bédard: Vous allez me permettre, Me Verdon.
M. Verdon (Jocelyn): Excusez-moi. Non, mais c'est l'instinct.
M. Bédard: Vous aurez l'occasion, vous allez voir. On entreprend...
Une voix: ...
M. Bédard: C'est ça. Parce que, effectivement, le rapport du comité de suivi n'est pas le Barreau. Mais je comprends, j'ai lu, et je comprends en même temps que... Je vous ai vu assez souvent ici, en cette commission, pour comprendre qu'à moins que le Barreau ? malgré que je vais payer ma cotisation bientôt ? n'ait pas des moyens extraordinaires qui font en sorte qu'on peut accorder toutes choses...
Mais vous comprendrez que ce projet de loi là n'a pas l'apparence de la simplicité qu'il peut avoir, d'autant plus pour des parlementaires qui ne sont pas aussi rompus dans le domaine que vous l'êtes, Me Verdon, et sur le... bien, vous trois, je vous dirais... Me Goubau aussi, excusez-moi, Me Goubau. Et peut-être, je vous dirais, en toute amitié, peut-être parfois d'y aller un peu plus explicatif, même, au niveau des... ? je vous le dis parce qu'on aura sûrement l'occasion de se revoir ? surtout quand il touche un domaine aussi précieux que celui de la famille et des enfants, pour vraiment que nous puissions vraiment se faire une idée, pas à partir de vos travaux ? parce que vous avez participé aux travaux, Me Verdon a participé aux travaux, et c'est tant mieux d'ailleurs ? mais plutôt à partir d'une vue extérieure, d'autant plus qu'on a un avis assez tranché sans... On n'a pas à trancher qui a raison ou qui a tort, mais au moins d'avoir quelque chose de plus général.
En tout cas, je vous le dis amicalement dans ce cas-ci, parce que le mémoire de l'association est quand même, vous comprendrez, assez percutant, je vous dirais. En tout cas, moi, comme membre de la commission, là, je le lis et je le trouve... il m'ébranle fortement. Et je ne suis pas un spécialiste dans le domaine, là, mais, comme je veux modifier une situation qu'on trouve peut-être injuste, ce qu'on me dit, c'est que je risque d'en causer d'autres qui seraient peut-être encore plus injustes ? et encore là peut-être. Alors, ce que je dis au départ: Si on fait.... Notre bâtonnier dit, d'entrée de jeu: Le mieux est souvent l'ennemi du bien, et je ne veux pas arriver à cette situation-là, donc, et là j'ai 20 minutes pour essayer d'en conclure que ce ne sera pas le cas.
Tout d'abord, sur, d'une façon très pratique, ce que vise le projet de loi à peu près, en termes de nombre de cas, environ, que vous pensez qui seraient touchés. D'abord, vous avez dit: Ceux qui demandent des révisions au niveau du critère excessif, c'est relativement rare, là. Mais qui qu'on vise, là? Est-ce que ce projet de loi aura... ceux qu'on veut vraiment viser, pas ceux qui pourraient profiter à des fins autres, là, finalement, de guerres psychologiques. Parce que ça va être le cas et vous le savez. On le sait, avec toute la bonne foi qu'on peut faire, et pour connaître assez le domaine, et pour ne pas avoir voulu y pratiquer, justement à cause de ces aspects-là, il y a vraiment... chaque procédure peut amener dans des... l'utilisation de la procédure pour épuiser la partie adverse. Et là je contribue à cela, mais pas pour des mauvais motifs, au contraire, des motifs nobles, qui est celui d'égalité des enfants.
Alors, moi, je veux savoir, avant de faire ça, en termes de normes, à peu près, là, et je comprends que vous ne pouvez pas me donner, personne, aucun d'entre vous vont me donner un nombre exact, là, mais est-ce qu'il y en a beaucoup, là?
M. Verdon (Jocelyn): ...de quoi exactement?
M. Bédard: Finalement, là, pas la clientèle mais le nombre d'égalités qu'on cherche à rejoindre, là, est-ce que c'est beaucoup?
M. Verdon (Jocelyn): Juste avant que... Me Goubau va... Veux-tu répondre en premier?
M. Goubau (Dominique): Bien, peut-être juste un mot sur le Barreau et le fonctionnement des comités, juste un petit mot. Le comité du droit de la famille est un des comités, et je dirais, presque hyperactifs du Barreau, et qui, tant au fédéral qu'au provincial, n'hésite pas à donner des mémoires très fouillés, particulièrement sur les questions familiales. Et on a beaucoup travaillé sur la question des barèmes. Il se fait, je voudrais le souligner en passant, que notre secrétaire, depuis 25 ans, a eu la chance d'être nommée juge à la Cour du Québec et que nous avons produit...
Le Président (M. Simard): ...
M. Goubau (Dominique): Pardon?
Le Président (M. Simard): Il y a de l'espoir pour vous.
M. Goubau (Dominique): ... ? il y a de l'espoir pour tout le monde ? et que c'est précisément au moment de sa nomination que nous avons dû rédiger la réaction officielle du Barreau à ce projet de loi. Alors, vous comprendrez que perdre une précieuse collaboratrice qui, après 25 ans, monte sur le banc, ça a fait qu'évidemment on a été un petit peu serré pour rédiger le rapport. Ce qui explique que ce n'est pas un rapport, que vous avez, mais une simple lettre. Mais nous voulions le rectifier par notre présence ici, aujourd'hui.
M. Verdon (Jocelyn): Peut-être pour répondre, M. Bédard, le rapport du comité de suivi que vous avez ici, bien j'ai travaillé dans ce rapport-là, tu sais, je veux dire, comme... le Barreau s'est impliqué. Alors, on jugeait inapproprié... On était totalement en accord avec le projet de loi, donc on jugeait inapproprié de produire un mémoire. Tu sais, si on n'est pas content, on n'est pas content, mais il ne faut pas monter dans les rideaux à chaque fois. Mais ceci étant dit...
Une voix: Ça, je suis bien d'accord avec vous.
M. Verdon (Jocelyn): Mais ceci étant dit...
M. Bédard: Monter dans les rideaux? Oui, sûrement.
M. Verdon (Jocelyn): Non, non, mais on peut le faire, mais quand on doit le faire. Mais ce que je veux peut-être porter à votre attention, c'est que le formulaire de fixation de pensions alimentaires pour enfants, ce dont on parle, on a les spécialistes des statistiques en arrière, là, M. Lemay puis Pierre Tanguay, mais... vous me corrigerez, là, mais ça règle à peu près 80 % à 85 % des dossiers. Ça veut dire qu'on a décidé, au Québec, d'adopter des tables, le Barreau a participé avec ça, puis le résultat est spectaculaire et même très bon. Alors, ça fonctionne bien, les tables. On déjudiciarise, à peu près, là, je vais peut-être... On est dans cette zone-là.
Donc, actuellement, le ministre est pris, puis il y a un rapport de comité qui a été formé, à l'époque, puis qui suivait l'évolution des tribunaux, des jugements. Et, dans le rapport du comité, il y a toutes sortes de réflexions sur la...
Une voix: ...
Une voix: 2001.
M. Verdon (Jocelyn): 2001. Il y en a eu un en mars 2000. Et il y a des gens qui évaluaient régulièrement l'évolution de la jurisprudence et qui, avec Me Tanguay, par exemple... là on disait: Bon, il y a matière à ajustement, voici un problème qui est détecté, on va suivre l'évolution de la jurisprudence, suggestions du comité. Et c'est ce qui aboutit à aujourd'hui.
n(17 h 40)n Mais ce que j'essaie de vous dire, c'est que les barèmes... À chaque fois qu'on parle du droit à la famille, il y a beaucoup d'émotions, on parle beaucoup de situations délicates, puis c'est vrai que c'est le cas. Mais on ne peut pas, je pense ? puis on a eu beau se creuser les méninges ? prendre une loi ou adopter une loi qui règle tous les problèmes de toutes les familles au Québec, monoparentales, multiparentales, appelez-les comme vous voudrez, avec hauts revenus, faibles revenus. Alors, ce que j'essaie de dire, c'est qu'on tente de régler les cas problèmes, les gens qui ne sont pas dans les moyennes, les gens qui sont dans le 5 % en bas ou dans le 5 % en haut, on tente de régler les cas des gens... À Montréal, par exemple, j'ai eu beaucoup de dossiers à Montréal où vous avez quelqu'un qui a trois enfants de trois unions différentes puis il gagne 21 000 $. Bien, ça, c'est un cas qui est visé par la nécessité de peut-être restreindre le degré de preuve de difficultés excessives.
Mais on est en présence de 5 %, 6 %, 7 %. Et là la difficulté qu'on a, c'est qu'on peut prendre une loupe, grossir le problème par 12, rendre la formule très complexe, mais à chaque fois il faut s'assurer qu'on va augmenter les statistiques et non pas les empirer. Et là, nous, on a besoin d'avoir des tables qui sont efficaces, prévisibles. Puis, entre vous et moi, la mécanique, si quelqu'un a des problèmes financiers, le fait de devoir aller voir un juge, on vient immédiatement de s'assurer qu'il y en a une, difficulté. Non, mais c'est une façon pratique de donner. Si on vient dire à tout le monde que ça va être automatique, aussitôt qu'on fait des enfants, il y a un ajustement mathématique, ça ne règle pas le problème, ça crée une injustice. Mais, des l'instant où les gens...
Alors, le tribunal, avec la jurisprudence claire, va établir des paramètres sur c'est quoi, la portée des nouveaux amendements, puis c'est ce qu'on espère, c'est juste diminuer le degré de preuve. Dès l'instant où on a une jurisprudence constante, on vient de régler les problèmes dont vous parlez, mais on vient de régler les 6 %, 7 %, 8 % d'exceptions au Québec.
M. Bédard: C'est ça. Mais vous comprendrez, c'est que vous ouvrez... On règle peut-être les 5 %, 6 %, mais on vient d'ouvrir les 84 %. C'est ça, le... Oui, dans le sens qu'on modifie un critère qui, lui, a des impacts partout. Quelle va être la réalité? Vous et moi, on ne peut pas le déterminer aujourd'hui. J'ai beaucoup de respect pour votre compétence...
Verdon (Jocelyn): Je vous remercie.
M. Bédard: ...mais il reste... Non et c'est réel, là. Moi, vous savez, je ne suis pas ici à titre de juriste, je suis législateur et je regarde quels vont être les impacts réels dans la vie des gens. Moi, là, ce qu'on me dit, et je souhaite ne pas caricaturer, mais ce que nous a dit le mémoire précédent, c'est: Vous n'êtes pas là pour miser sur les choix que vont faire les tribunaux; vous êtes là plutôt pour baliser ces choix-là. Parce que ce n'est pas simplement de l'équité, c'est de la justice, qui s'applique. Alors, moi, ici, je remets un peu de ce pouvoir-là aux tribunaux. Et ce qu'on m'a dit avant, c'est: Non, au contraire, assurez-vous de bien baliser, parce que justement c'est... la façon que c'est dit, ça peut être utilisé de façon mal et mal... ou dans des buts autres qui sont visés par le principe du projet de loi.
Alors, je vous invite peut-être à regarder comment on pourrait justement avancer dans ces balises, et sans tomber, là, dans dire: Bon, bien, on va créer un monstre. Comment on pourrait peut-être, justement, mieux... Si vous me dites qu'on n'enlève pas «excessif»... Mais, moi, je ne veux pas, là, que... Les cours vont être inondées. Vous l'avez vu, Me Kirouack n'a aucun intérêt à venir ici nous dire qu'il y a eu des téléphones. Et j'en suis convaincu, je connais assez le domaine pour savoir qu'il va y en avoir, des recours sur cette base-là. Et je vous dirais, comme avocat, je ne pourrais pas dire à mon client, sur la base pas de nos commentaires ici, aujourd'hui, là... Parce qu'on n'aura pas à convaincre chacun des clients qu'il n'a pas raison, mais, sur la base du texte de loi, moi, je peux vous dire, comme avocat, je serais mal à l'aise de dire à quelqu'un: Tu n'as pas de chance devant le tribunal, n'y va pas.
Alors, à partir de là, comment vous pouvez contribuer à s'assurer qu'on évite ce dérapage qui pourrait être causé par une discrétion aussi large qui est donnée au tribunal? Est-ce que vous pouvez ou est-ce qu'on peut le faire?
M. Goubau (Dominique): Juste une chose. Rappelez-vous, quand on a introduit les barèmes, en 1997, les avocats ont été inondés d'appels, dans leur bureau, de gens qui disaient: Ah! Est-ce que je vais pouvoir diminuer la pension? Est-ce que je vais pouvoir l'augmenter? Les avocats, et ça s'est dit à notre comité, étaient inondés d'appels. Et je sais qu'au ministère de la Justice on a craint, et je pense qu'on avait même fait des projections, on a craint à un moment donné qu'il y ait effectivement une espèce d'«overflow» de demandes de modifications de pensions alimentaires, des gens qui se sont dit: Dans le fond, je serais mieux avec le nouveau système. Ça ne s'est pas produit, ça ne s'est vraiment pas produit. Pourtant, la crainte était très, très, très grande. Et je pense qu'aujourd'hui, pour cette question précise de la prise en considération des enfants et des obligations alimentaires d'une première ou deuxième famille, la crainte est beaucoup moins grande.
M. Verdon (Jocelyn): Mais je ne sais pas si j'ai bien compris, là. Je comprends votre intervention, ce que vous dites, c'est qu'il y a un amendement, par exemple, prenons l'article 1, l'enfant majeur, puis, vous, vous regardez ça puis vous semblez me dire que... Vous regardez ça sous l'angle, là, des gens qui sont visés par ça: Est-ce qu'on améliore ou on empire? C'est votre question, si je comprends bien?
Une voix: Oui.
M. Verdon (Jocelyn): Mais prenons l'exemple de l'enfant majeur. Moi, si je veux suivre, là, votre questionnement, la question, c'est: On était où puis, avec ça, on est rendu où? Alors, la question, c'est: Avant cette modification-là, c'était vraiment pire. Actuellement, là, un enfant de 19 ans qui habite chez sa mère, lui, là, la façon dont la pension alimentaire va être traitée pour lui, ça dépend du statut matrimonial de ses parents. Ça veut dire qu'au Québec, dans la même cour d'école ou à l'université, par exemple, vous êtes... Bien là mes jeunes enfants... Mes enfants sont dans une cours d'école puis j'espère qu'ils vont aller à l'université.
M. Bédard: C'est vrai que des fois on pourrait confondre des...
M. Verdon (Jocelyn): Bref, ça veut dire que deux étudiants au cégep, dans un cas, s'ils sont mariés, dans un cas... Si les parents sont mariés... Ça, c'est avant l'intervention: si les parents étaient mariés, si le garçon habitait chez sa mère, la mère prenait un recours alimentaire pour son fils. Ça, c'est en vertu de l'article, la définition de la Loi sur le divorce. Au Québec, du fait que les parents n'étaient pas mariés, dès l'instant où l'enfant avait 18 ans, son père et sa mère ne pouvaient pas prendre de recours pour lui. Alors, cet enfant-là devait aller à la cour... Alors, l'enfant devait aller à la cour ? de 19 ans ? pendant ses examens ou n'importe quand, témoigner devant la cour, assigner ses parents avec des subpoenas. J'en ai actuellement, nous en avons plein. Ça, c'est horrible. Je pense. Donc, le législateur s'est posé la question: Est-ce qu'on peut s'harmoniser au fédéral et faire en sorte... C'est ça, le but recherché, c'est de faire en sorte que les enfants majeurs, qu'ils soient mariés ou pas mariés, ils vont être traités à peu près de la même façon. C'est ça, le but. Et le but est atteint.
La question est de savoir: Est-ce qu'on peut aller plus loin? C'est une super bonne question. Mais qu'est-ce qu'on va marquer? Est-ce que ça dépend du domicile? Ça, c'est tout dans le rapport du comité. Il y a eu une réflexion puis il y a eu des réponses furieuses, dépendant des valeurs du père. Il peut dire: Moi, quand mon enfant a 19, je paie pour lui, donc c'est moi qui présente la requête. Alors là, le comité s'est dit: C'est un feu roulant puis il n'y a pas d'unanimité, on est en train de parler d'exceptions, puis, par définition, les exceptions, c'est problématique.
Alors là, tout le monde s'est creusé les méninges en disant: Mais comment on va régler le problème? Et c'est le résultat. Ça, c'est la représentation du consensus au Québec, à mon avis, sur qu'est-ce qu'on peut faire avec ce qu'on a. Mais il y a une chose qui est certaine, c'est qu'on vient de régler une multitude de problèmes. Il y en aura sûrement d'autres qui vont subsister. Mais de conclure que cet amendement-là va en occasionner d'autres, je serais vraiment désolé si c'est ce que vous avez compris de notre présentation, là.
M. Bédard: Excusez-moi, Me Verdon. Le 1, effectivement, on l'a même amélioré un peu, c'est ce que j'ai compris de votre suggestion.
M. Verdon (Jocelyn): O.K. Parfait. O.K. Mais le 2.
M. Bédard: C'est le 2, c'est le 2 qui me cause problème, et non le 1, au contraire. Je peux vous dire même qu'on a regardé, puis j'évalue... Pas parce que je pose des questions que, d'un côté ou de l'autre, j'ai fait mon opinion. Moi, je suis ici pour éclaircir. Je n'ai pas participé à la rédaction du rapport. Je peux le lire sans comprendre toutes ses subtilités. Au 2, c'est une autre chose, là. Moi, je faisais référence au 2, là.
M. Goubau (Dominique): O.K. Mais, sur le 2, au fond, c'est vraiment le coeur de la question. Avec l'obstacle des difficultés excessives, tel qu'interprété par les tribunaux, donc, comme un vrai obstacle, c'est vraiment problématique parce que c'est une invitation à traiter des enfants de lits différents de façon différente. Et...
M. Bédard: Je le comprends. Et c'est pour ça que j'ai voté en faveur du principe. Ça, effectivement, le principe repose là-dessus. Et, moi, je me dis... Quand le ministre a déposé, j'ai dit: Oui, effectivement, il y a quelque chose. Nos droits sont toujours faits en fonction de l'enfant, pas des gestes responsables ou non des parents, c'est souvent en fonction de l'enfant. Ça, je suis d'accord. Mais c'est la suite du raisonnement, là, qui...
M. Goubau (Dominique): Ce serait merveilleux de trouver un système où on peut effectivement trouver un résultat. Vous savez, quand on regarde la littérature en droit de la famille des cinq dernières années au Canada, partout, la question qui revient le plus souvent, c'est... partout, en Colombie-Britannique, en Ontario, c'est toujours: Mais comment régler le problème des deuxième et troisième familles? C'est un casse-tête. Et je soumets qu'ici, au moins, nous n'avons pas cet obstacle de la comparaison des niveaux de vie, qui joue vraiment de façon très importante dans les autres provinces. Mais ils n'ont pas trouvé...
Et, moi, je dois vous dire, j'ai réfléchi et j'ai lu à peu près tout ce qu'il y avait à lire là-dessus, j'ai réfléchi avec des collègues professeurs en droit de la famille là-dessus, je ne vois pas d'autre solution, à moins de convoquer tout le monde autour d'une grande table et de voir comment on peut, en toute équité, régler le sort de ces différents enfants de façon à tenir compte des différents portraits financiers, économiques de chacun des intervenants adultes. C'est impossible. C'est notre conclusion.
M. Bédard: O.K. Je suis d'accord. Alors, moi, mon but, c'est de faire le meilleur travail ? et le vôtre aussi, là, je n'en doute aucunement ? mais à partir des connaissances que j'ai. Comment je peux améliorer? Comment je peux mieux baliser la discrétion? Et là c'est mon but, là, hein, c'est de mieux baliser. Vous me dites: Oui, les juges... Moi, je vous dis: Je ne trouve pas ça si clair que ça, comment ça va être... Et ce n'est pas vrai que... Oui, bon, il y a peut-être une jurisprudence qui va développer... Chacun est individuel. Il risque quand même d'y avoir, bon, des glissements, des flottements qui ne sont pas souhaitables, là, en droit matrimonial.
n(17 h 50)n Alors, moi, je suis dans la situation où je sais que ça va arriver, et j'en ai même la conviction, que ça va arriver, alors je me dis: Il faut que je restreigne la porte qui est actuellement ouverte. Et je la trouve trop ouverte. Là, je me dis: Comment, dans le premier paragraphe de l'article 2, qui modifie l'article 587.2, je peux fermer un peu plus la porte et de passer d'une discrétion totale, qui est peu... Et je comprends, avec, bon, les balises, vous me dites: Au total, c'est vrai. Bon. Et, les juges étant des gens qui, bon, appliquent la loi, pas des jugements d'équité, mais appliquent la loi avec les critères jurisprudentiels, mais comment je peux fermer un peu plus la porte?
Et là on me disait: En ajoutant «difficultés»... Il y aurait «difficultés excessives», qui est vraiment le test ultime, et il y aurait «difficultés», qui dit finalement que, bon, on ne peut pas l'ouvrir, ce n'est pas vrai qu'un cas aussi... Et, moi, je vais vous dire personnellement que je trouverais presque amoral, là, un cas d'une personne qui fait 150 000 $... pourrait réclamer sur cette base ? seulement le réclamer, là ? en justifiant de la loi une diminution de sa pension. Là, je me dis: Moi, je veux bloquer ce cas-là, là, parce que je trouve que c'est... Je ne veux pas que ça arrive devant le tribunal. Alors, comment je la ferme, cette porte-là?
M. Goubau (Dominique): Moi, j'aurais deux réponses rapides à ça. La première, c'est que le passé est garant de l'avenir, en principe, et... Alors, regardons comment ça se passe aujourd'hui. J'ai évoqué tout à l'heure l'article 587.2, où cette discrétion existe. Regardons comment elle est appliquée. Elle est appliquée, franchement, de façon très raisonnable. Bon. Alors, ça, c'est incontestable, c'est...
M. Bédard: Mais ça appelle à des concepts différents un peu, là. Là, on parle d'enfants versus enfants. Ce n'est pas pareil que actifs versus enfants, là.
M. Goubau (Dominique): Oui. Alors, j'arrive donc à la deuxième partie.
M. Bédard: Allez-y. Excusez.
M. Goubau (Dominique): Quand on regarde l'attitude générale des tribunaux... Et ça change depuis quelques années. Est-ce que c'est dû au profil des juges, qui sont sans doute...
M. Bédard: Sûrement.
M. Goubau (Dominique): Bon. Au fait qu'il y a plus de femmes sur le banc aussi? Sans doute, et voilà....
M. Bédard: Voilà. Moi, je suis convaincu, convaincu.
M. Goubau (Dominique): Mais il y a quelque chose qui change dans la culture judiciaire. Et, quand on regarde la jurisprudence des cinq, six, sept dernières années en matière alimentaire, je pense qu'on peut dire que globalement les juges, s'ils sont portés à protéger quelqu'un, c'est les enfants. Et je pense qu'on peut s'asseoir sur cette conviction-là aussi, sur ce constat-là aussi pour dire qu'au fond cette nouvelle attitude judiciaire, dans le cadre d'un système de fixation de pensions alimentaires où il y a cette présomption en faveur de l'application des barèmes tels qu'ils sont ? et non pas pour s'en écarter ? est, de l'avis du Barreau, suffisante pour arriver à une solution qui ne serait peut-être pas totalement égale et totalement juste pour tout le monde, mais en tout cas nettement meilleure que la solution qu'on a aujourd'hui.
M. Bédard: O.K. Est-ce que je peux améliorer la situation actuelle en ajoutant «difficulté»?
M. Goubau (Dominique): Mais j'ai vu que ça a été évoqué tout à l'heure. Moi, j'ai répondu, je pense, tout à l'heure, en disant que, dans les faits, je pense, ça ne changerait pas grand-chose, sauf que ça enverrait peut-être le signal au public que ça n'est pas rien, c'est quand même une difficulté. Je pense que de facto, de toute façon, les juges, c'est comme ça qu'ils vont l'interpréter. Un. Et deux, c'est peut-être réduire un peu trop la discrétion, en ce sens que le tribunal, je pense, doit pouvoir tenir compte non seulement d'une situation de difficulté, mais aussi d'équité, et sans qu'il y ait pour autant une difficulté.
M. Bédard: Équité par rapport à quoi? Quels sont... Écoutez, je ne veux pas...
M. Goubau (Dominique): Équité entre les enfants.
M. Bédard: Entre les... Oh! Oui, mais équité entre les enfants par rapport à la situation du débiteur, mais pas par rapport à la situation... tu sais, de la vie en général. Et c'est pour ça que, tu sais, ce concept d'équité est à géométrie variable, là, je vous dirais, là, il peut être perçu différemment. Et là je fais attention. L'égalité ne peut pas nécessairement dire l'égalité tout court, là, l'égalité par rapport à un débiteur. Mais, dans la vie de tous les jours, ce n'est pas ça, là. C'est les familles.
M. Goubau (Dominique): Non, vous avez raison. Mais, dans le scénario qui a été évoqué par le ministre tout à l'heure, je pense que, dans le public, les gens ne comprennent pas, et ils ont raison de ne pas comprendre, qu'à situation économique identique la décision ne soit pas la même et que par conséquent les enfants ne soient pas traités... pas de façon complètement égale, mais similaire. Et il m'apparaît qu'il y a là une tentative d'approcher ça.
M. Bédard: Quelques secondes...
Le Président (M. Simard): Vraiment, le temps est dépassé, alors...
M. Bédard: Me donnez vous seulement... pour reprendre l'exemple du ministre?
Le Président (M. Simard): Si je vous offre ça, j'ai une demande de ma droite de prolongation. On n'en sortira pas. C'est passionnant, c'est complexe, et je pense qu'il faut... On devait finir à moins quart, il est moins cinq.
Une voix: ...qu'on termine à 6 heures, M. le Président?
Le Président (M. Simard): Bon, écoutez, s'il y a consentement de part et d'autre pour finir à 6 heures, d'accord. Deux minutes et demie pour vous et inversement.
M. Bédard: Merci. Alors, je vais reprendre l'exemple, simplement, du ministre.
Le Président (M. Simard): Oui, il y aura 2 minutes pour...
Une voix: ...
Le Président (M. Simard): Peut-être.
M. Bédard: Alors, j'ai une famille, bon, le 20 000 $, 50 000 $, très, très, très, très simplement, 20 000 $, 50 000 $. Vous me dites: Il faut considérer la même équité. Bon. Et là, pour bien comprendre les critères, là, si, moi, bon, je me retrouve dans une famille, j'ai deux enfants du premier lit, deux enfants du deuxième, je quitte ma femme, qui fait encore 20 000 $, ma nouvelle femme fait 20 000 $ ? ou l'inverse, peu importe, là, peu importe les rôles, mais, dans la vie, généralement c'est plus souvent ça ? moi, là, vous me dites: La conséquence du projet de loi, c'est de le ramener sur le même niveau en termes d'enfants... en termes de... par rapport au débiteur. Autrement dit, j'ai 50 000 $, mais j'ai quatre enfants, donc deux, deux; ils doivent être considérés sur le même pied. Bon.
Mais est-ce qu'on tient compte en général du test du niveau de vie de... Est-ce que c'est un critère qui est le plus important? Parce que, dans les faits, si la personne ne s'est pas remariée, vous me dites: Bon, bien, ce n'est pas ma responsabilité. Mais il reste que son revenu familial est de 20 000 $, plus la pension; l'autre est de 70 000 $. Il reste qu'il y a une réalité maritale qui est différente, là, et, je vous dirais, de famille qui est différente. Est-ce que, actuellement, avec le critère, est-ce qu'on tient compte de cette réalité-là, ou on vise strictement l'égalité vis-à-vis du débiteur? Moi, c'est ça que...
M. Verdon (Jocelyn): Mais je pense que vous avez la réponse dans votre question. C'est pour ça que le législateur a utilisé le mot «peut». C'est le genre de dossier puis c'est la raison pour laquelle on doit aller devant le tribunal, parce que ça dépend des faits, ça dépend si monsieur a refait sa vie, s'il ne l'a pas refaite, ça dépend de son train de vie. Parce que c'est tellement difficile de vous donner une réponse, puis j'en fais tellement, puis je suis entièrement pro-tables, mais de tenter dans ce cas-ci de trouver une réponse, puis de baliser, puis d'aller encore plus dans les détails... C'est une question de cas. Le juge est pris avec une exception, alors il va regarder ce que monsieur fait, il va entendre ses problèmes. Mais, dès l'instant où le juge dit à monsieur: J'accorde votre demande puis je baisse la pension, c'est vrai que ça a un effet sur l'autre enfant, mais ça a un effet sur la mère aussi, parce que la mère à qui on donne moins de pension, c'est elle qui paie plus, dans le fond.
Une voix: ...
M. Verdon (Jocelyn): Non, mais ça veut dire qu'elle va payer plus. Alors, il y a un vase communicant. Alors, c'est pour ça que des fois ces dossiers-là, c'est un ensemble, puis tu ne peux pas prendre un morceau puis dire: C'est juste ça. Le juge regarde tout ça puis il dit: Moi, là, le législateur... Parce que là on a juste le projet de loi, mais l'ensemble de la carcasse de la loi nous dit: Vous devez rendre des jugements qui respectent les barèmes. Ça, c'est votre première obligation. Puis vous pouvez déroger seulement...
M. Bédard: Le barème étant un minimum...
M. Verdon (Jocelyn): Bien, ça, ce n'est pas tout à fait ce que la Cour suprême a dit dans Francis/Baker, ce n'est pas tout à fait ce qu'ils ont dit.
M. Bédard: Mais, en tout cas...
M. Verdon (Jocelyn): C'est un indicateur. Donc, quand on va en dessous des barèmes, ça prend une sérieuse preuve.
M. Bédard: Voilà, c'est ça. Mais je vous dis «minimum» en général, là.
M. Verdon (Jocelyn): Oui, mais...
M. Bédard: Je comprends qu'il faut répartir la pauvreté équitablement, là, mais...
M. Verdon (Jocelyn): C'est une gestion de problème. C'est de répartir équitablement entre ces familles-là pour que chaque famille ait autant de problèmes l'une que l'autre.
Le Président (M. Simard): Je suis obligé, là, de prendre votre réponse pour ce qu'elle est. M. le député de Chicoutimi, je vous demande de le faire aussi. Et j'invite très rapidement, par équité, le député de Marguerite-D'Youville à poser une question d'au plus deux minutes, question et réponse.
M. Moreau: Oui, oui, bien sûr. Je suis toujours le raisonnement de Me Goubau, où vous avez une certaine hésitation à utiliser même le mot «difficultés», finalement. Mais, par pédagogie ou pour éviter ce que Me Verdon disait, peut-être un délai d'attente pour fixer la jurisprudence et pas attendre cinq ans qu'un plaideur téméraire essaie de pousser le raisonnement au-delà de ce que le texte suggère ? parce que je suis absolument votre raisonnement à cet égard-là ? est-ce qu'on pourrait, pour éliminer la notion de «difficulté» mais quand même indiquer une réserve du législateur, suggérer un texte qui ? et je vous amène à l'article 2 ? pourrait précéder le texte de l'article 2 par: Sous réserve de la présomption visée à 587.1, la valeur de ces aliments peut toutefois? Alors, on conserverait la notion de discrétion du tribunal, mais on insisterait ? alors ce serait presque une rédaction pédagogique ? sur la présomption de 587.1, indiquant par là que le législateur n'a pas indiqué un automatisme au fait qu'un enfant issu d'une deuxième union entraînerait automatiquement une porte ouverte à s'éloigner des barèmes?
Le Président (M. Simard): J'ai envie de vous poser une question à mon tour. Est-ce que vous pouvez répondre par oui ou non? Sans doute pas.
Une voix: ...juste une demi-phrase. C'est une solution envisageable, comme l'idée d'avoir une pondération dans la difficulté: «difficultés excessives», «difficultés» envoie un signal intéressant. Je pense que les deux solutions sont sur la table.
Le Président (M. Simard): Alors, nous allons avoir le temps de pondérer tout ça. Nous ajournons nos travaux à mardi le 23 mars, à 9 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine.
(Fin de la séance à 18 heures)