(Neuf heures trente-neuf minutes)
Le Président (M. Simard): Est-ce que vous pourriez tous prendre place, s'il vous plaît? Et peut-être que les représentants du premier groupe, la Confédération des syndicats nationaux, pourraient déjà se joindre à nous, s'il vous plaît, M. Valois et vos collaborateurs.
Alors, la Commission des institutions est réunie en ce jeudi 5 février pour sa dernière séance d'auditions publiques dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 35, c'est-à-dire les consultations particulières et les auditions publiques sur la Loi modifiant la Loi sur la justice administrative et d'autres dispositions législatives.
Nous avons passé plusieurs semaines à travailler et à entendre des groupes, donc c'est notre dernière journée. Et je vais demander au secrétaire d'abord de nous dire s'il y a des remplacements dans la composition de notre commission aujourd'hui.
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Létourneau (Ungava) est remplacé par M. Côté (Dubuc); et Mme Papineau (Prévost) est remplacée par M. Bédard (Chicoutimi).
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(9 h 40)
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Le Président (M. Simard): Merci beaucoup. Alors, comme je le disais, le premier groupe que nous entendrons, c'est la Confédération des syndicats nationaux, la CSN; ensuite, à 10 h 30, Me André Choquette; à 11 h 30, Mères contre l'alcool au volant. Ensuite, il y aura une suspension pour le déjeuner. Nous nous verrons ensuite à 14 heures avec l'Association des groupes d'intervention en défense de droits en santé mentale du Québec; à 15 heures, les Droits des accidentés du travail et de l'automobile du Québec ? j'imagine que c'est une association, les droits ne viendront pas ici, là. Et il y aura évidemment... on va maintenir des remarques finales pour la fin de nos travaux, et je pense que, de part et d'autre, on va vouloir tirer quelques conclusions de ces longues semaines de travail et d'écoute.
Auditions (suite)
Alors, ce matin, nous entendrons un groupe qui vient régulièrement devant nos commissions parlementaires faire valoir son point de vue, puisqu'il s'agit d'un des grands syndicats du Québec, la Confédération des syndicats nationaux. Son porte-parole, en plus d'être un citoyen émérite de Sorel et vice-président, est bien connu dans cette salle pour ses prises de position nombreuses dans plusieurs domaines. Alors, j'inviterais M. Valois à présenter ceux qui l'accompagnent ce matin et à présenter son mémoire. Vous connaissez les règles du jeu évidemment: une vingtaine de minutes pour nous présenter l'essentiel du mémoire et ensuite le débat commence.
Confédération des syndicats nationaux (CSN)
M. Valois (Roger): Merci, M. le Président, M. le ministre, MM. et Mmes les députés. D'abord, ceux qui m'accompagnent, Georges-Étienne Tremblay, qui est avocat pour la CSN à Québec, qui fait probablement office de défenseur des accidentés depuis une vingtaine d'années. J'ai aussi, avec moi, Yvan Malo...
Le Président (M. Simard): Le son, monsieur... Je ne vous entends pas.
M. Valois (Roger): ...ça va venir, par exemple.
Le Président (M. Simard): Ça va venir.
M. Valois (Roger): Yvan Malo, qui est au Service juridique de la CSN; et Yves Sicotte, qui est le coordonnateur des groupes de défense... de ceux qui s'occupent de la défense des accidentés au sein de la CSN.
Donc, nous remercions la commission de donner à la CSN l'opportunité de présenter ses positions sur le projet de loi n° 35. En exerçant un rôle conseil ou un rôle de représentation de nos membres, en particulier en représentant en une seule année plus de 3 000 travailleurs et travailleuses devant la Commission des lésions professionnelles, la CSN possède une connaissance, une expertise en ce qui a trait à la justice administrative, aux procédures et aux lacunes des administrations concernées.
Nous sommes en total désaccord avec le projet de loi n° 35. Je parlerai ici essentiellement des lésions professionnelles, et, dans ce domaine, nous avons présentement le tribunal administratif qui, malgré certaines lacunes, est efficace. Ce tribunal a compétence pour disposer de litiges émergeant du monde du travail. De plus, tout en faisant une place à l'expertise du milieu, il est considéré judiciairement indépendant. Il est aussi considéré comme un tribunal spécialisé dans son champ d'activité. En fusionnant ce tribunal avec le Tribunal administratif du Québec, le TAQ, nous croyons que fusion rime ici avec expropriation.
La Commission des lésions professionnelles n'est pas financée par l'État, par les deniers de l'État; elle est financée par les employeurs et, nous ne sommes pas dupes, elle l'est indirectement par les travailleurs. Si des doutes subsistent sur cette question, nous invitons les sceptiques à venir avec nous à une table de négociation. Les coûts de la réforme proposée n'ont pas été présentés par le ministère, quels seront-ils? Quel sera le partage de la facture? La Commission des lésions professionnelles, la CLP, a des locaux, des ressources, un greffe fonctionnel, elle a un budget de fonctionnement de plus de 50 millions de dollars, comment va-t-on disposer de ces sommes dans le nouveau tribunal proposé?
Nous croyons que cette opération va déstabiliser la CLP. Nous ne voyons pas l'intérêt de traiter des problèmes des travailleurs et travailleuses dans un nouveau tribunal non adapté à la réalité du monde du travail et qui conserverait, pour l'essentiel, les caractéristiques qui ne lui ont pas permis d'être efficace depuis 1998.
La CLP dessert une clientèle composée d'employeurs et de travailleurs. Les approches y sont différentes. Plusieurs parties sont en présence et elles ont souvent à traiter ensemble dans différents dossiers d'accidents de travail ou autres. Le TAQ, quant à lui, dessert une clientèle où sont principalement en présence un organisme d'État et un citoyen. Au TAQ, le litige est souvent unique et final. À ce tribunal, on n'a pas souvent à décider de l'aménagement d'un poste de travail dans un contexte où il y a exigence de productivité ou encore en tenant compte du niveau de risque que présente un milieu de travail où se retrouvent de multiples intervenants, de surcroît dans un contexte financier difficile. Il nous semble que peu de gens ont réfléchi à des problèmes découlant de la Loi sur la santé et la sécurité du travail au moment de la rédaction de ce projet de loi.
Les tribunaux supérieurs l'ont affirmé, les questions débattues à la CLP affectent les relations de travail et méritent d'être appréciées par un tribunal spécialisé dans les questions de relations de travail. Le projet de loi n° 35, à ce chapitre, va niveler par le bas la qualité de la justice rendue pour les litiges émergeant de la question de la CSST sans générer des bénéfices pour les citoyens présentement entendus par le TAQ.
Vous voulez régionaliser la justice administrative? Nous vous appuyons dans cette démarche. Au besoin, les organismes concernés doivent convenir d'ententes administratives pour partager des ressources. Présentement, la Commission des lésions professionnelles... La CRT loue des locaux à la CLP, et ça fonctionne. Nous croyons que l'organisation régionale du tribunal, telle qu'envisagée, va affecter la qualité de la justice. Il y a des régions où les besoins de la population ne justifient pas de maintenir en place des ressources spécialisées dans les divers champs couverts par le TAQ. Si on y maintient des ressources qui font de tout, cela crée une justice généraliste. Par rapport aux grands centres, cela donne naissance à une justice à deux vitesses.
Nous ne croyons pas que la fusion de la CLP et du TAQ créera une nouvelle dynamique en matière de conciliation. Le taux de règlements à la CLP est lié au particularisme de la clientèle présente à ce tribunal. Nous ne croyons pas qu'un tel taux puisse être atteint par la clientèle du TAQ. Ce n'est pas uniquement un problème de culture, cela tient à l'étendue des sujets, aux éléments négociables, aux contrats de travail qui lient les parties. Les mots «convention collective» ouvrent à des solutions collectives et non strictement à des relations individuelles État-citoyens.
À la CSN, la négociation et la conciliation des problèmes de relations de travail, cela fait partie de notre mission. Ce sont des façons de faire que l'on connaît. Nous sommes d'avis qu'une entente doit se situer à l'intérieur du contexte légal de l'ordre public. Hors de ce contexte, tout serait permis, et cela vient saper des droits prévus par la loi. Qui plus est, les non-représentés seraient à coup sûr perdants. Nous vous demandons de porter une attention particulière à cette question.
En cherchant à forcer la conciliation, en faisant assumer celle-ci par des non-initiés et en introduisant le principe qu'on peut faire en conciliation ce que la loi ne permet pas, ce projet de loi rend accessible à une bien petite justice.
Le projet de loi ne réduit ni les délais ni les procédures. Au contraire, il les allonge, les rend plus complexes. Pour la clientèle de la CSST, on passe de 165 jours à 240 pour obtenir le droit d'être entendu par un tribunal susceptible de rendre une décision. Le tribunal projeté, le TRAQ, deviendrait actif après que les organismes concernés auront pu réviser, modifier ou reconsidérer leur décision initiale. Nous, on croit qu'une décision qu'on invite, dès son émission, à réviser, à modifier ou à reconsidérer ne mérite pas d'être rendue. Les administrations doivent chercher à rendre une décision initiale... que la décision initiale soit juste et équitable au départ. Cette décision doit pouvoir être révisée à travers un processus clair et équitable et ensuite, au besoin, être contrôlée par un tribunal.
Qui plus est, les procédures introduites renforcent selon nous les appareils administratifs. Si le législateur veut que justice soit rendue, il doit agir pour que chaque dossier ne devienne pas litigieux. À titre d'exemple, s'il y a un problème avec la SAAQ, il faut régler le problème relié aux mécanismes et aux moyens d'action de cet organisme. Tel que rédigé, les problèmes de procédures vont générer des injustices, des frais, des délais, des questionnements pour les travailleurs, les employeurs et les citoyens. Dans les régions, les bureaux de comtés de députés vont être très populaires avec l'imbroglio procédural appréhendé.
En salle d'audition, on considère qu'il ne devrait pas y avoir de règles d'exclusion de représentants liés à l'appartenance à une corporation professionnelle. Si les procédures d'exclusion non balisées avaient cours, cela générerait le chaos. Dans Le Journal du Barreau, on peut lire des propos d'avocats ? et pas des moindres ? qui se disent surpris de l'incompétence et de l'ignorance de leurs confrères en matière de justice administrative. Pour les litiges qui relèvent de la CLP, il y a présentement un décideur et deux membres désignés par les associations patronales et syndicales. En 2000, Me Yves Ouellette, analyste reconnu du droit administratif, écrivait que cette approche humanise l'audience.
Après consultation de nos intervenants sur le terrain cet automne, nous sommes d'avis de conserver dans sa forme actuelle la tenue d'audiences paritaires. Certains ont affirmé la nécessité pour les membres d'avoir une formation académique de tel ou tel niveau. On considère qu'il y a dérapage. Avoir du jugement et une connaissance des milieux de travail, ce n'est pas une question de diplôme. Être juré au pénal, ou même ministre, ce n'est pas une question de diplôme. Pour ce qui est des décideurs, nous sommes en accord avec un statut qui assure la meilleure dépendance.
On nous parle de justice, or le projet de loi n° 35 ne permet pas un allégement des procédures. Il laisse en place les pouvoirs des administrations. Il va permettre que les professionnels du litige, avocats et experts, se constituent une clientèle élargie et un champ d'intervention où, selon le Barreau du Québec, il y a des millions à faire.
Même si cela n'est pas l'idéal, nous percevons qu'il y a eu amélioration dans les façons de faire de la CSST. La réforme proposée n'ajoute rien, elle met en péril ce qui existe pour l'actuelle clientèle de la CLP. On crée un nouveau tribunal et, en même temps, les procédures afin que le volume initial des recours ne se transforme jamais en décision. Après trois réformes en 20 ans, la Confédération des syndicats nationaux, par expérience, peut soutenir que cette réforme ne favorise pas l'accès à la justice; elle l'enraie.
Voici, M. le Président, le résumé du mémoire qu'on a déposé. Je suis convaincu que les personnes concernées l'ont lu, et on est prêts à partager avec l'ensemble des intervenants ici nos propos et nos prises de position.
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(9 h 50)
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Le Président (M. Simard): Merci beaucoup, M. Valois. Je suis convaincu que, de part et d'autre, nous avons tous pris connaissance du mémoire, et je pense qu'il est souvent meilleur comme ça d'en synthétiser... d'aller à l'essentiel dans la présentation et de laisser aux débats le soin de soulever des points particuliers, s'il y en a. J'invite tout de suite le ministre à vous poser la première question.
M. Bellemare: Merci, M. Valois. Merci à ceux qui vous accompagnent pour votre présence ce matin. Et je vous parlerais tout de suite de la question de la régionalisation. Vous dites que vous êtes favorables à la régionalisation du Tribunal administratif du Québec, en tout cas vous semblez le dire. J'aimerais que vous nous disiez pourquoi.
M. Valois (Roger): D'abord, le rendre régional, le rendre accessible, le Tribunal administratif du Québec, ça ne veut pas dire qu'on est d'accord avec la fusion de la CLP dedans. C'est essentiel que les citoyens qui sont dans les régions ? parce que le Québec est grand ? que les citoyens qui ont des litiges à soumettre au tribunal le fassent de plus en plus près de chez eux. On est tout à fait d'accord avec ça. La CSN d'ailleurs est décentralisée comme ça ne se peut pas. On a 26 bureaux à la grandeur du Québec. On est tout à fait conscients de la proximité des services à être offerts aux citoyens, et là-dessus on est d'accord.
Mais, quand ça vient dans les domaines plus spécialisés, la difficulté, pour les régions, d'avoir près d'eux... On le voit au niveau de la médecine, par exemple. Ce n'est pas parce que le tribunal se déplacerait en région... Si c'est le motif pour que les médecins se déplacent, on va être d'accord avec vous, mais ce n'est pas en déplaçant le tribunal dans lequel la CLP serait fondue qu'on déplacerait des experts. On aurait le même problème à les faire venir. Et on craint que dans certaines régions le taux de contestation fasse que les experts auraient très peu à se prononcer, ils viendraient de toute façon des grands centres. Et là-dessus on est d'accord, on le dit dans le mémoire. Il y a, au niveau administratif, des possibilités pour ces différents paliers là de se mettre ensemble et de diminuer les coûts, on le dit dans le... au niveau des locaux, par exemple.
Mais il y a peut-être Georges-Étienne qui peut en ajouter parce que, eux, ils sont plus, au niveau du quotidien, là-dessus, peuvent en ajouter... Si je peux me permettre, M. le Président, Me Tremblay...
Le Président (M. Simard): M. Tremblay.
M. Tremblay (Georges-Étienne): Oui à la régionalisation, mais il faut faire attention pour ne pas pénaliser la régionalisation qu'on a présentement. Au niveau de la CLP, c'est régionalisé, ça fonctionne bien. Et il ne faudrait pas vouloir régionaliser l'ensemble du TAQ en pénalisant ce qui se passe présentement au niveau des lésions professionnelles. Et je m'explique. La fusion des divisions présentement en Commission des lésions professionnelles regroupée avec le TAQ va faire en sorte que, à mon point de vue ? et ce que vous retrouvez au niveau du mémoire ? les juges administratifs en région, de façon pratique, vont entendre des causes de multiples divisions. Et, même si c'est régionalisé, c'est là qu'on parle de décision et de justice administrative à deux vitesses.
La meilleure façon de faire la régionalisation: si on la fait par ententes de services, si le TAQ loue des locaux à la CLP, on va préserver la qualité qui s'est développée dans le traitement des lésions professionnelles à la CLP et on va permettre aux administrés de l'ensemble des régions d'obtenir des services qu'ils ont présentement au TAQ mais non régionalisés. Moi, je pense que l'objectif de régionalisation est bon, mais ce qu'on fait: pour favoriser une certaine régionalisation hypothétique, on met en péril la régionalisation des deux tiers des litiges présentement au niveau du droit administratif, c'est-à-dire ceux de la CLP. Ça, on n'est pas d'accord avec ça. C'est pour ça que c'est la façon dont vous voulez la faire, par la fusion, il y a un sérieux problème. Il y a risque de nuire à la justice administrative au niveau des lésions professionnelles.
Le Président (M. Simard): M. le député de Trois-Rivières.
M. Gabias: Oui. Bonjour, messieurs, merci. Sur la question du paritarisme, je comprends que vous souhaitiez que ça demeure et que la proposition, telle que formulée, là, à l'article 34, ne soit pas retenue. Et je réfère aux propos de M. Laviolette lors de la commission parlementaire du 8 février 1996, là, qui était sur le projet de loi n° 130 présenté par le ministre d'alors, M. Bégin, là, concernant la création de la CLP. Et il y a eu une position assez claire de M. Laviolette, à ce moment-là, qui se positionnait évidemment contre le paritarisme. Et je vous cite simplement un passage, lors de sa comparution, qui dit: «Moi, je pense qu'il faut avoir une indépendance du décideur face à l'organisme responsable de l'administration, puis, pour ça, il ne faut pas que ça soit équivoque, d'autant plus que l'expérience, avant par rapport à après ? parce que ça n'a pas toujours été là, le paritarisme, en matière de tribunaux administratifs...» Et il conclut en disant: «Mais maintenir cette structure-là, à notre avis, c'est un pur gaspillage de ressources financières. Ça n'ajoute rien à la justice, en plus.» Je ne veux pas vous confronter à ces propos-là nécessairement, mais j'aimerais avoir votre opinion sur cet aspect-là, à savoir qu'au niveau de la décision non seulement il est évalué par M. Laviolette, alors, que c'est du gaspillage parce que ce n'est pas nécessaire d'avoir des membres paritaires, mais, en plus, au niveau de la décision et de l'indépendance de la décision... Est-ce que vous avez une opinion sur cette question-là?
M. Valois (Roger): D'abord, je pense que tout le monde va être content de savoir que la CSN peut changer d'idée, tu sais, ce n'est pas si mal. Des fois, on a l'air un peu dur de même, mais on évolue, hein, on change d'idée, on écoute, puis on est sur le terrain. Et on a changé effectivement d'idée là-dessus. On a consulté, je le dis d'ailleurs d'entrée de jeu dans la synthèse que j'ai faite, et dans le mémoire on le dit, on a consulté, on a évalué. On a...
D'abord, l'expérience qu'on a, c'est que ça rend le tribunal ou la... ça le rend plus humain, là, c'est plus sécurisant, c'est plus... Puis il faut faire une différence aussi, hein, au niveau des coûts, là-dessus on va en reparler. Mais c'est que le monde qui sont là ne sont pas des représentants, ce sont des membres, hein? Il faut faire... Je pense qu'il faut être là-dessus très clair. Il ne faut pas évaluer le monde en disant: Ils sont des représentants de la CSN, de la FTQ, ou de la CSD, ou de la CSQ qui siègent là, ce sont des membres du tribunal. Les noms sont suggérés, oui, par des organisations syndicales, mais, quand ils sont là, on ne peut pas dire aussi que le monde patronal, ils sont là pour représenter le monde patronal.
On a vu des fois, puis à l'expérience, on pourrait en citer quelques cas, on a vu à l'expérience du monde, des représentants, entre guillemets, qui sont membres du tribunal, nommés par le patronat, faire la lumière pour aider quelqu'un qui était syndiqué, et vice et versa. Là-dessus, le monde, ils sont là pour chercher la vérité. Et là-dessus il n'y a aucune ambiguïté. À l'expérience, depuis 1997, on est en 2004... Oui, on a changé, là, on a évolué là-dessus. Et on a changé d'idée, il n'y a pas de problème.
Mais, pour ce qui est des coûts, je vais demander à Me Malo qui, lui, suit ça de plus près de vous donner...
Le Président (M. Simard): M. Malo.
M. Malo (Yvan): Alors, sur le tribunal, il y a un tribunal qui existe, la CLP, à décideur unique. Il n'y a pas de paritarisme au sens réel du terme, il y a un seul décideur. Alors, quand on va en révision judiciaire, on met en cause le tribunal, la CLP et le commissaire qui a rendu la décision. Les assesseurs n'existent pas. Il y a une seule personne qui rend la décision.
Il faut nuancer quand on parle de paritarisme, par rapport à ce qu'il y a dans la loi, ce qu'il y a dans la réalité. J'invite les membres de la commission à consulter le site de la CLP sur le rôle des membres à la CLP. Sur Internet, on peut avoir accès à ça, puis ça décrit à peu près ce qu'est le rôle des membres: ils concourent à éclairer le tribunal, puis après ça ils se retirent. Celui qui rend la décision, il est seul avec la décision qui est rendue.
Les personnes qui vont conseiller, il y a des coûts. Ce sont des coûts qui sont présentement à 300 $ par jour, je pense, par session, au maximum. Alors, 300 $, il y a deux personnes à faire assire. Il y a un taux d'attraction, il y a un niveau d'attraction. En bas de 300 $ par jour, il serait difficile d'avoir des personnes de qualité, qu'on pourrait avoir, d'un côté et de l'autre de la table. Il peut y avoir, j'ai vu ça dans les journaux, des situations exceptionnelles où il y a des gens qui vont faire des sommes qui vont dépasser les cinq chiffres, comme on dit. Mais, règle générale, c'est réellement un quantum, une somme qui n'est là que pour attirer et maintenir des personnes qu'on veut de qualité dans ce tribunal-là. C'est des sommes qui n'ont pas été modifiées depuis 1993-1994. Alors, il n'y a pas d'excès.
n(10 heures)n Par rapport à ce qui a été mentionné tantôt dans la question, ce que j'ai compris, c'est les propos de M. Laviolette qui étaient en 1996, c'était avant l'adoption de la loi actuelle de la CLP, et on était dans une situation où il y avait un paritarisme, un quasi-paritarisme au bureau de révision et un tribunal à décideur unique à la CLP. Entre 1996 et 1998, il y a eu une loi qui a été adoptée avec un décideur unique assorti de deux membres et d'un expert qui peut ? de différentes disciplines ? aussi conseiller le membre. Cet expert est soit médecin soit ingénieur. Quand il est médecin, il y a une rémunération qui est associée qui est de beaucoup supérieure aux deux membres. Et, en région, il va être très difficile à combler, ce poste-là, dans bien des cas.
M. Gabias: Si vous me permettez, M. le Président, pour bien comprendre, parce qu'on a entendu au moins une quarantaine de groupes, puis jusqu'à maintenant, là, très, très majoritairement, les représentations que nous avons entendues étaient à l'effet d'abolir le paritarisme, spécifiquement sur la question de l'indépendance du décideur.
Et je mets de côté la conséquence qui peut être économique, là, ce n'est pas ça qui est mon propos, mais je veux bien comprendre votre changement d'idée, comme vous dites. Puis ça, je respecte ça que vous puissiez changer d'idée, mais je veux bien comprendre pourquoi. Parce que la motivation exprimée en 1996 par M. Laviolette, c'était carrément la question d'indépendance du décideur, et là aujourd'hui vous dites: On change d'idée, on pense que c'est meilleur.
Mais, pour vous, est-ce que l'indépendance du décideur ou de la décision, c'est-à-dire que l'administré qui est devant le tribunal soit assuré que le décideur est tout à fait libre de décider et qu'il n'y a aucune autre contrainte, quelle qu'elle soit, qu'il décide vraiment sur les faits qui lui sont présentés, vous n'avez pas de craintes à cet effet-là? Parce que je comprends que vous puissiez changer d'idée, mais c'est quand même clairement dit de votre côté, en 1996, qu'il y a un risque évident quant à l'indépendance du décideur, il y a au-delà d'une trentaine de représentants qui nous disent la même chose dans le cadre des auditions, puis aujourd'hui vous nous dites: Bien, on a changé d'idée, on ne pense pas. Je voudrais bien comprendre le pourquoi de cette assurance-là que vous avez maintenant de dire: Ça ne toucherait peut-être pas l'indépendance du décideur.
M. Valois (Roger): D'abord, on a fait le débat à deux endroits qui regroupent les employeurs du Québec et les syndicats, les grands syndicats. Au conseil d'administration de la CSST, les représentants des employeurs qui sont là et des centrales syndicales, on s'est mis d'accord, on est unanime ? et même la CSST elle-même ? on est unanime pour dire: Il faut conserver ça comme c'est présentement. Le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, là où siègent les patrons aussi puis des syndicats, ils ont envoyé un mémo au ministre en disant que, eux, ils voulaient que ça reste comme ça aussi parce qu'on est dans le domaine des relations de travail. C'est très différent des autres tribunaux parce qu'on est en domaine de relations de travail. On n'est pas en justice, là, il y a des particularités qu'il faut qu'elles soient apportées. Et la connaissance des milieux, la connaissance du terrain est essentielle et elle est apportée en lumière aux deux côtés. Et, là-dessus, le décideur ? et comme le dit Me Malo ? il est tout seul à décider. Il y a peut-être des... de connaissance qui lui sont suggérés, il y a des choses qui lui sont dites, c'est sûr, mais il est tout seul à décider. Et Me Tremblay, qui fait ça, lui aussi, de façon régulière, peut ajouter à ce que je dis.
Le Président (M. Simard): M. Tremblay.
M. Tremblay (Georges-Étienne): Si vous me permettez, il y a une distinction qu'Yvan a faite tantôt. Les BRP, c'était du véritable paritarisme parce que les membres qui assistaient aux auditions rendaient la décision avec le président. Il y avait des membres patronaux et syndicaux, et ils étaient partie à la décision. Maintenant, ils ne sont pas partie.
M. Valois a mentionné tantôt qu'il ne faut pas analyser la présence des gens qui siègent sur le tribunal comme membres présentement en fonction des gains des travailleurs et... Parce que j'ai écouté différents... j'ai écouté plusieurs mémoires ici, et les gens disaient: Les membres, ce n'est pas utile pour les représentants... pour les travailleurs parce que le taux de réussite à la CLP est moins important que c'était à la CALP quand il n'y avait pas de membres provenant des associations sur le tribunal. Ce n'est pas comme ça qu'il faut l'analyser.
Je me souviens, il y a trois ans, on avait eu des formations. Parce que, moi, j'ai siégé pendant 11 ans sur les conseils arbitraux en matière d'assurance-emploi, et on avait eu de la formation par Me Patrice Garant sur c'était quoi, le paritarisme. Quand c'est du véritable paritarisme, comme au conseil arbitral en matière d'assurance-emploi, les décisions sont rendues par trois personnes, dont des membres provenant des associations d'assurés, les assurés en assurance-emploi, et d'autres sur les travailleurs.
Et Me Garant avait écrit un volume, et je vous en cite des extraits: «Le paritarisme, quand on l'instaure dans un organisme, c'est parce que le tribunal, on veut qu'il ait les valeurs des gens qui administrent les législations en question ou qui participent à l'administration.» En assurance-emploi, la Commission d'assurance-emploi, il y a des membres patronaux et syndicaux et il y a une législation sur l'assurance-emploi, et on a un tribunal où on veut une valeur des parties qui participent à l'administration d'une législation.
Au niveau de la CSST, c'est des valeurs qu'on a voulu qu'elles soient présentes sur le tribunal. On ne demande pas aux membres qui siègent de défendre les travailleurs, ou les travailleuses, ou les employeurs, mais qu'il y ait des valeurs. Et, quand on a simplifié la question, que les causes qui étaient entendues à la CLP étaient uniquement ou presque uniquement de l'adjudication, c'est mal connaître le rôle véritable de la CLP. Parce que, oui, il y a des causes de santé et sécurité du travail ? il y en aurait plus si la loi était parfaitement en vigueur, la Loi sur la santé et sécurité du travail pour l'ensemble des employeurs ? mais il y a plein de dispositions qui doivent être décidées, plein de sujets dans la loi qui traitent des relations de travail.
La capacité de travail, l'emploi convenable, le droit de retour au travail, les sanctions en vertu de l'article 32, ce sont des relations de travail. Et on pourra peut-être parler tantôt de la conciliation pour vous démontrer comment c'est un milieu où les relations de travail, on ne peut faire abstraction de ça. De la même façon qu'une lésion professionnelle, tout en étant le cas d'un travailleur ou d'une travailleuse qui s'est blessé, c'est également un symptôme d'une mauvaise organisation du travail. Et il va falloir analyser la cause des problèmes, il va falloir évaluer les postes de travail, ça va être une démarche de relations de travail. De la même façon que les employeurs qui veulent gérer les cas de CSST doivent faire des assignations temporaires, doivent prévoir des ententes pour que les travailleuses et les travailleurs puissent faire des travaux légers, c'est des relations de travail, les cas de CSST.
M. Moreau: ...rapidement parce que je veux laisser le temps à ma collègue d'Anjou...
Le Président (M. Simard): Très rapidement pour laisser une dernière question au député de Marguerite-D'Youville... à la députée d'Anjou.
M. Moreau: Moi, je veux être certain d'avoir bien compris. Je résumerais comme ceci. Dites-moi si j'ai tort, simplement si j'ai tort, je ne vous demande pas de me...
Une voix: ...
M. Moreau: Bien, vous trois. Le Pr Garant est venu nous dire que c'était une question de décision judiciaire et qu'il était important que le paritarisme soit aboli. Vous, vous nous dites que c'est une question de relations de travail, tout simplement, et que c'est important que le paritarisme demeure. C'est ce que je dois comprendre?
M. Tremblay (Georges-Étienne): Ce que je lis dans le texte de Me Garant, et je vous en donnerai des extraits si vous voulez...
M. Moreau: ...l'a entendu cette semaine venir nous dire qu'il était tout à fait contre le paritarisme parce que, pour lui, c'était...
M. Tremblay (Georges-Étienne): Il a changé d'idée, lui aussi.
M. Moreau: Possiblement, là. Bien, c'est toujours important de prendre le dernier texte. Alors, on prend votre dernier texte, et je vous questionne sur... Alors, vous en faites une question de relations de travail strictement. Je comprends, ça va.
M. Tremblay (Georges-Étienne): Ce que...
M. Valois (Roger): Il y a Me Malo qui veut ajouter, là, si vous permettez.
M. Malo (Yvan): Par rapport à... Avant d'arriver, mais... J'avais un très court laps de temps, mais j'ai regardé par rapport à la question qui a été débattue par Me Garant. La Cour d'appel, en 1997, dans une décision qui concernait un arbitrage de grief avec assesseurs, décrit les trois formes d'assesseurs, de formation au tribunal: arbitre unique, arbitre unique avec trois personnes qui décident de la cause, arbitre avec deux personnes qui le conseillent, ce qui se rapproche... Et la Cour d'appel a décidé que ça respectait la charte, que ça correspondait... C'est la commission scolaire crie contre Tremblay, je pense, au début de l'année 1997. Alors, ça répond au critère d'indépendance, et ça me surprenait un peu sur le plan strictement juridique, l'approche qui était le non-respect de l'article 23 de la charte, là, de Me Garant. Il y a déjà des décisions qui ont été rendues sur cette question-là, ça... il y a une sécurité.
Le Président (M. Simard): ...question du côté ministériel. Elle sera nécessairement assez courte, mais elle sera de qualité. La vice-présidente de la commission et députée d'Anjou va prendre la parole maintenant.
Mme Thériault: Merci, M. le Président. Vous savez que la justice administrative a aussi une mission sociale. Elle n'est pas seulement pour les accidentés du travail, mais aussi pour les victimes d'accidents de la route, les victimes d'actes criminels, les bénéficiaires d'aide sociale. Vous ne pensez pas que de vous joindre au TAQ, ça amènerait votre expertise liée à votre mission sociale aux autres secteurs de la société? Il me semble qu'on a comme une certaine obligation morale à cet égard. Il y a des personnes qui sont plus démunies, puis, vous, vous en avez une expertise.
n(10 h 10)nM. Valois (Roger): L'expertise qu'on a, contrairement, par exemple, à la SAAQ, à la Régie des rentes ou à tous ceux qui font affaire au Tribunal administratif du Québec, c'est qu'on est en tripartie. On le dit depuis tantôt, on est en relations de travail. Et, quand vous êtes avec la SAAQ, vous êtes le citoyen avec la SAAQ. Et, quand on est à la CLP, il y a un employeur, il y a un accidenté et il y a la Commission de la santé et de la sécurité du travail, et on est dans le domaine des relations de travail.
Ce que la SAAQ... Je vais vous dire, par expérience, souvent la CSST va nous conseiller... ou l'employeur va être très ouvert, en domaine d'accidents du travail, à un retour progressif, par exemple, et là-dessus on va s'entendre ou on ne s'entendra pas. Mais, à la SAAQ, je n'ai jamais vu d'employeur du Québec, moi, accepter qu'on fasse un retour progressif parce qu'on est un accidenté automobile. Là-dessus, notre expertise qu'on a, oui, on l'a, mais de l'amener là, je ne pense pas que les mêmes critères pourraient s'appliquer. Il y a Me Malo qui veut poursuivre là-dessus, et je vais le laisser continuer parce que lui, au quotidien, fait ce travail-là.
M. Malo (Yvan): Dans le contexte d'échange que vous insérez à votre question, pour être d'intérêt par rapport aux autres catégories de groupes de citoyens qui vont devant le TAQ, on n'a pas d'expertise. On a une expertise devant la CLP, un tribunal administratif spécialisé. Nous, on a développé une expertise dans un champ. Dans les autres champs, on a très peu d'expertise. Il y a eu quelques fois qu'on a été dans des dossiers d'assurance automobile. Mario Dallaire, Cour d'appel, c'était nous autres qui étions derrière ce travailleur-là qui avait eu un problème mixte. On a eu des problèmes à la SAAQ, même avec une décision de la Cour d'appel. Il y a un problème avec la SAAQ.
En aide sociale, on n'a pas d'expertise, on n'en fait pas. Si on n'en fait pas, on ne pourrait pas assister, aider ces personnes-là, on n'a pas le «know-how». Dans un bureau d'avocats, quand on prend les divisions par rapport aux sujets, bien ceux qui sont à la CLP, ceux qui vont aller plaider devant la CLP, ils sont dans une division, ça s'appelle le contentieux relations de travail du bureau. Et, dans le contentieux de relations de travail, l'indemnisation, la prévention, les bureaux d'avocats qui sont en face de nous, ils ont mis ça dans un coin du bureau d'avocats. Tous les gros bureaux d'avocats sont comme ça, patronal... Ça fait partie des relations de travail, ils n'ont pas d'expertise dans les lois sociales.
Dans une autre division, il y a des avocats qui vont être sur des lois sociales du côté patronal. Pour les avocats individuels, il y a des avocats qui font un peu de tout, qui peuvent avoir, parce qu'ils travaillent peut-être 24, 28 heures par jour, une expertise dans beaucoup de domaines, mais, règle générale, c'est comme ça que ça fonctionne pour nous vis-à-vis en face. Nous autres, on a développé une expertise dans certaines lois puis on n'a pas de prétention d'avoir une expertise dans d'autres lois.
Avant de préparer notre mémoire, on a rencontré des gens, on a partagé avec eux autres leur expérience. Il y a des problèmes dans les autres lois qui sont administrées présentement par le TAQ, on ne peut pas avoir de solution. Dans certains secteurs, on pourrait fournir des conseils, des expertises par rapport à des questions techniques, ponctuelles, mais on n'aurait pas d'expertise à fournir à ces gens-là. Et la représentation, bien c'est cas par cas, c'est des citoyens avec l'État, et on ne peut pas se substituer, pour la représentation, à celle qui est disponible ou accessible à chacun des citoyens dans les autres sphères. Ça fait qu'on... il y a une limite par rapport à la question, on ne pourrait pas faire de transfert.
Le Président (M. Simard): Merci, M. Malo. Le temps est écoulé, je m'excuse. Et nous allons maintenant nous tourner du côté de l'opposition officielle, et c'est le député de Chicoutimi qui va d'abord poser une question, suivi du député de Dubuc.
M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, mes salutations à M. Valois, M. Malo, M. Sicotte et M. Tremblay. Je vous remercie de la présentation que vous avez faite, aussi, en même temps, d'avoir abordé, là, de plein front toute la question relative au paritarisme et à toutes, je vous dirais, les discussions qui animent notre commission sur doit-on effectivement considérer ou est-ce que... toute la question relative à l'indemnisation et toutes les questions traitées devant la CLP doivent être intégrées effectivement ou doivent être considérées comme faisant partie des relations de travail. Je pense que votre plaidoyer est assez éloquent, puis c'est important d'avoir les deux présentations.
Je vais me permettre d'y aller, au départ, sur une base plus technique. Il y a des sujets que vous abordez qui ont été abordés par d'autres. Vous avez des objections sur certains aspects qui ont été aussi mentionnés; sur d'autres, moins. Alors, je vais y aller sur une base plus technique parce que j'ai vu et j'ai entendu que vous avez des connaissances très approfondies dans le domaine. Je pense que vous êtes une belle démonstration, vous quatre réunis, que sans être avocat... Au contraire, là, quand on est représentant syndical, on acquiert plutôt des connaissances très précises dans le domaine de la santé et sécurité au travail et qui valent et même, je vous dirais, qui dépassent la plupart des plaideurs dans ce domaine, même si vous permettez de reprendre Me Garant. Et j'ai bien pris note du jugement que vous avez fait part, le jugement que je vais aller lire sur la qualité finalement de la justice. Et cette indépendance, même dans les trois situations que vous mentionnez, est maintenue, et je pense que c'est un fait qu'il faut souligner.
Sur une base plus précise, vous demandez aussi que le projet de loi fasse disparaître la possibilité pour le tribunal de réexaminer sa décision lorsqu'il lui apparaît qu'un fait essentiel ou une nouvelle preuve ne lui avait pas été dévoilé, donc que l'administration puisse demander d'ajourner finalement, de reconsidérer ou de refaire sa décision. Pour vous, c'est une question importante, je pense, par rapport aux délais, et vous n'y voyez aucun avantage pour l'administré. Parce que, vous, vous représentez des travailleurs qui évidemment se plaignent des décisions, qui ont eu des accidents de travail, qui ont des maladies professionnelles, donc vous n'y voyez aucun intérêt pour l'administré, d'avoir... pour le travailleur, d'avoir une telle disposition dans le projet de loi.
M. Valois (Roger): Me Malo, s'il vous plaît.
M. Malo (Yvan): Il y a les travailleurs qui vont à la CLP, puis les parties qui vont à la CLP sont soumises à un régime qui est long, dispendieux, qui donne lieu à une audition. Les gens, quand ils se présentent en audition, ils s'attendent qu'il va y avoir une décision. Il y a un décideur qui est là, c'est lui qui a la compétence. L'organisme qui a rendu la décision a perdu sa compétence. En latin, on appelle ça functus officio. Alors, le décideur, c'est le seul... le commissaire à la CLP qui va rendre la décision.
Avant l'audition, avant qu'une date soit fixée, si on s'aperçoit qu'il y a un problème, il y a un retour qui se fait. Ce que le projet de loi indique, c'est que, même en cours d'audition, même peut-être jusqu'à la veille de la fin d'une audition qui serait sur plusieurs jours, l'organisme pourrait dire: Ah! là il y a de la nouvelle preuve qui vient d'arriver, c'est des éléments qui ne m'ont pas été soumis. Retournez-moi-le, on va repartir à la case départ, et je vais réémettre une nouvelle décision. C'est un problème, là, tu investis de part et d'autre. Nous autres, on est trois, là, il y a la CSST... Quand on a un dossier qui a un caractère indemnitoire le moindrement, la CSST est là, l'employeur est là avec ses experts, le travailleur quand il a les moyens d'avoir des experts, dépendant comment ça a fonctionné, qui est-ce qui assiste le travailleur, et là on va repartir à la case départ.
Peut-être, pour les organismes, c'est un moyen a posteriori de contrôler, parce que là ils se sont aperçus qu'ils n'ont pas vérifié. Il y a peut-être des organismes qui ont fait des demandes en ce sens-là, mais c'est avant d'émettre une décision que tu es censé faire ton enquête et rendre une décision juste et équitable. Si, en bout de chemin, en cours de route, il y a des faits qui se révèlent, bien ce sera le décideur à en disposer. Mais retourner à la case départ, c'est complètement une perte de temps, une perte d'énergie, une perte d'argent pour des litiges qui...
Rappelons-le, là, pour ce qui est des litiges qui sont entendus par la CLP, la grande majorité des litiges initiaux ? pas ceux qui sont rendus ? c'est des litiges quand même d'une semaine d'absence, deux semaines, cinq semaines d'absence, des droits de principe, mais ce n'est pas des sommes de centaines de milliers de dollars. Mais, si tu fais venir un médecin pour témoigner sur une période de trois semaines, puis là, en pleine audition, on te dit: Bien, retourne à la case départ, bien ça fait des déplacements beaucoup, de beaucoup de ressources, beaucoup d'argent qui est dépensé pour rien.
Alors, nous autres, ça n'aide pas, on ne pense pas que ça va assister. Il y a eu des situations qui ont donné lieu à une décision ? et on en parle dans notre mémoire ? en 1982, une situation particulière, mais c'était cadenassé avant que l'audition commence. Sur le vu du dossier, le greffier regarde puis il s'aperçoit qu'une décision n'est pas rendue, quelque chose comme ça, là on le retourne au décideur initial, l'organisme décideur. Mais, une fois qu'on est rendu en audience, il y en a un, décideur, là, qui a été nommé par la législation, c'est lui qui a à trancher le débat. C'est un litige.
n(10 h 20)nM. Bédard: Effectivement. Et même, je vous dirais, dans des cas où ça n'a pas été de mauvaise foi de personne, mais où l'administration... Il se développe quand même, des fois, une certaine animosité entre les individus. Et, moi, j'ai déjà vu ça, là, sans porter le blâme sur qui que ce soit. Mais ça pourrait même servir à des fins purement dilatoires, quelqu'un... Parce que ce que je comprends de la disposition, c'est une modification possible, donc, autrement dit, l'administration peut revenir. Souvent, elle peut revenir avec la même décision, mais profiter de ça pour étendre les délais, et ça, moi, je n'y voyais aucun avantage pour le salarié, pour l'accidenté. Vous n'y voyez aucun avantage non plus possible ou imaginable. Merci de vos explications.
Sur d'autres aspects, vous vous montrez contre aussi l'imposition de quelques frais que ce soit au niveau du tribunal. C'est ce que j'ai compris de votre mémoire, là, à la page 17, où vous dites que la réforme... en assujettissant, plutôt, les lésions professionnelles à ce tribunal, rend possible, vu l'article 92 de la Loi sur la justice, le prélèvement de tarifs, honoraires et frais afférents. Alors, vous, vous dites: En aucun temps, il ne faut permettre...
M. Malo (Yvan): Alors, il faut comprendre qu'on prend la législation, la LATMP, et le tribunal qui la dessert, on... En fusionnant... Le projet de loi fusionne, alors on enlève le tribunal CLP avec toutes les mesures législatives qui le créent, qui le font fonctionner, alors la carrosserie et le moteur. On enlève le moteur, on prend le moteur de l'autre. Mais on prend une partie de la carrosserie de l'autre, et là ça n'adonne pas tout à fait parce que la carrosserie est plus petite. C'est pour ça qu'on parle qu'il n'y a pas une concordance des droits, mais une diminution des droits.
La législation qu'a présentement le TAQ prévoit qu'on peut avoir une tarification pour certains actes puis certaines procédures devant le TAQ. À la LATMP, on n'a pas une telle disposition. Et, si on intègre sans faire de nuance, on va se retrouver du jour au lendemain avec un gouvernement qui... pas nécessairement l'actuel, mais qui pourrait amener une tarification pour certains actes, certaines procédures après qu'il y ait eu fusion à une section ? dépendant comment que ça pourrait atterrir, là, je ne sais plus ? de ce qui est présentement lésions professionnelles, santé et sécurité au travail.
Alors, on trouve inopiné qu'on puisse penser qu'on va demander à des assistés sociaux... Par rapport à ce qui est dans la législation, ils sont présentement avec... Le fusil, il est là, il resterait juste à faire un règlement, puis ils pourraient se retrouver avec ça, avec certains groupes qui sont démunis. Nous, on nous parle de fusion, on ne veut pas se retrouver avec la même arme qui pourrait être susceptible d'être appliquée à ces groupes-là qu'on est habitué de représenter devant la CLP présentement. Alors, il y a ce recul-là. Il y a beaucoup d'autres endroits où on a des petits reculs. On pense au plumitif, on pense à l'accès à la jurisprudence. Ce n'est pas des demandes de seulement nous, Me Bellemare... J'ai lu les textes de Me Bellemare, c'était une critique du ministre actuel de la Justice, je pense, en 1999, l'accès à la jurisprudence pour les personnes qui vont au TAQ, il n'y avait pas ça. Puis on a eu des critiques sur l'accessibilité d'à peu près tous les gens qu'on a rencontrés. J'ai eu à côtoyer des procureurs patronaux, des procureurs de la CSST, on n'est pas à l'aise avec le véhicule législatif qui est présentement au TAQ parce qu'on change un pour l'autre. Autant les employeurs que l'organisation, je pense, ne sont pas à l'aise avec certaines dispositions qui prévalent présentement au TAQ.
M. Bédard: Merci. Tantôt ? peut-être une question de précision ? vous faisiez référence... je pense que c'était M. Tremblay qui faisait référence à un document, une opinion de Me Garant, là, du Pr Garant, c'est au niveau des tribunaux administratifs. Peut-être, si c'est possible, là, simplement de le déposer pour les membres de la commission pour que nous ayons accès aux enseignements, mais en même temps...
M. Malo (Yvan): Par hasard, j'en ai une dizaine de copies.
M. Bédard: ...alors, nos esprits...
Le Président (M. Simard): Le hasard fait bien les choses.
M. Bédard: Nos esprits se sont rencontrés. Hier, ça a été... Avant-hier, ça a été avec le patronat qui avait la même chose, là je m'inquiète. Ha, ha, ha!
Un autre élément que vous abordez, mais qui n'est pas abordé par d'autres, et j'aimerais avoir des précisions. Je ne suis pas, je vous avouerai, quelqu'un qui est très connaissant en matière de santé et sécurité au travail. Vous faites référence, à la page 17 de votre mémoire, à la procédure reliée à la prévention et à la santé et sécurité et aux modifications des articles relatifs à cette loi, plus particulièrement aux articles 175 et 179. Je veux bien comprendre les tenants et aboutissants de vos demandes, de vos craintes.
M. Malo (Yvan): Alors, présentement, pour les dossiers de prévention, il y a une loi, la Loi de santé et sécurité, qui fait en sorte que, pour certaines questions, ce sont les parties, localement, qui vont disposer de certaines questions, l'assignation d'un travailleur... Et, si on est dans un endroit... et ce n'est pas tous les endroits qui sont prioritaires, alors l'employeur, le syndicat se rencontrent. À titre d'exemple ? il y a deux, trois formes, là, qui sont prévues dans la loi ? il y a une décision qui est prise. Cette décision-là peut donner lieu à un litige. Le travailleur... ou la travailleuse ? quand on a une situation de replacement de travailleuse enceinte, etc. ? elle porte son litige en appel, il va y avoir une décision qui va émerger de ça, qui va suivre, après être sortie de l'entreprise, un schéma comme les autres décisions LATMP.
Et de ce qu'on a dans le projet qu'on a sous les yeux, c'est qu'on retourne au comité de santé et sécurité, aux parties locales, pendant 10 jours, leur décision pour qu'ils la reconsidèrent. Mais ils n'ont pas de balises, c'est le même employeur. Puis, s'il est parti sur la track qu'une femme enceinte, c'est capable de travailler avec telles, telles conditions, ou un gars avec un plâtre, il est capable de faire tel type d'assignation temporaire... Ce n'est pas parce qu'on lui dit: Tu as 10 jours de plus pour reconsidérer, sans appui technique, sans support, qu'il va être capable de mieux reconsidérer. Puis, du côté syndical, il n'y aura pas plus d'expertise localement. Alors, les deux vont se dire: Bien, coudon, on laisse la décision comme elle est là, et elle va prendre le chemin extérieur.
Alors, on a un problème avec ça. Les personnes qui ont rédigé la loi n'ont pas vu qu'il n'y a pas de nouveau support, d'apport, pour réviser et rehausser la décision initiale. En matière d'inspection, l'inspecteur qui va puis qui met un cadenas sur une shop, dans l'ancienne législation, initialement c'était son directeur qui révisait la décision, puis après ça ça s'en allait au bureau de révision. Il n'y avait pas d'appel jusqu'en 1985. Avec la LATMP, l'inspecteur a une décision. Ce qu'on constate, il n'y a rien dans la législation, mais la CSST, ils nous foutent des ingénieurs comme réviseurs des décisions des inspecteurs. La plupart du temps, c'est des gens qui ont une connaissance des milieux de travail ou un «know-how» qui va apporter à la décision. La décision, elle va prendre de l'ampleur, c'est-à-dire qu'elle va être commentée, elle va prendre deux pages, deux pages et demie. Les décisions de révision, d'ailleurs, administratives de la CSST, c'est leur qualité, les gens sont capables de se situer par rapport à ça, et ils logent des contestations ou pas.
En matière de santé et sécurité, cette décision-là, quand tu la reçois, tu vis avec ou tu la contestes. Mais on est en matière de santé et sécurité, et c'est souvent des urgences. Vous avez vu les délais, là, c'est des 10 jours, 10 jours, 10 jours, et là on va se retrouver avec le réviseur... Le projet de loi, c'est le même inspecteur qui s'autorévise, et il n'y a pas de balises. Dans la LATMP, on ne peut pas communiquer avec une partie, la reconsidérer. Parce que là y a beaucoup de mots qui ont rentré dans la fusion, mais il y a des procédures, il faut que tu appelles l'autre partie. Il n'y en a pas, de balises, il n'y a pas de reconsidération. Le 365 de la LATMP, il n'y a pas de pont, il n'y a pas de passerelle qui fait que, à la Loi de santé et sécurité, c'est des règles qui s'appliquent aux fonctionnaires. Quand on est dans la Loi de santé et sécurité, il n'y a pas de reconsidération dans la loi.
Alors, là, il y a ce que... il y a dans le projet... Et, en 10 jours, on va avoir les pressions... C'est celui qui va faire le plus de pressions. On ne sait pas comment ça va fonctionner, mais ça revient à dire qu'il n'y a pas plus d'expertise dans la décision révisée que la décision initiale. Ça, ça veut dire que ça va se retrouver en contestation tout le temps, et c'est notre crainte que les 40 000 dossiers qui vont rentrer à la porte de la... qui vont sortir de la porte de la CSST vont être à la porte du TAQ. Et les illusions qu'on peut avoir qu'on va tout régler en cours de route, que ce soit en prévention ou en indemnisation, on n'y croit pas. Puis, nous autres, on voit que la balloune, elle va grossir, elle va grossir et, à un certain moment donné, elle va être tellement grosse que les parties ne pourront pas supporter, fournir, employeurs et travailleurs, des ressources pour être en conciliation 365 jours par année. Parce qu'on en a 40 000 à régler. On parle juste de la section qui est prévue. Ça demande des ressources des deux côtés pour régler tout ça.
M. Bédard: C'est ce qu'on retrouve d'ailleurs dans d'autres ? je vous remercie ? dans d'autres... au niveau de la reconsidération versus la révision. La révision implique évidemment un autre décideur. La grâce, elle ne frappe pas, c'est ce qu'on disait, là. Normalement, ça implique une revue du dossier par quelqu'un qui est extérieur sans avoir les mêmes qualités d'indépendance mais qui a une autre approche. Mais je ne veux pas être plus long parce que mon collègue a une question, je sais qu'il me reste peu de temps, Mme la Présidente.
Document déposé
La Présidente (Mme Thériault): Juste avant de céder la parole au député de Dubuc, à la demande du député de Chicoutimi, je vais accepter le dépôt du document qui est intitulé La justice arbitrale en assurance-emploi, qui a été déposé par M. Tremblay. M. le député de Dubuc, la parole est à vous.
n(10 h 30)nM. Côté: Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Valois, M. Malo, M. Sicotte, M. Tremblay, bienvenue à cette commission. Merci pour votre présentation. J'ai pris connaissance de votre mémoire et vous remercie. C'est un mémoire qui est étoffé, puisqu'il touche quand même les grands aspects du projet de loi. Mais je voudrais surtout revenir sur un sujet qui m'intéresse particulièrement, sur la conciliation, dans lequel d'ailleurs vous consacrez énormément... vous consacrez plusieurs... quelques pages, quelques paragraphes à ce chapitre et vous vous déclarez naturellement favorables à la conciliation. Et, lorsque vous dites que 50 % des cas se règlent en matière de Commission des lésions professionnelles, toutefois vous y apportez quelques bémols si je peux dire.
Et là je vais citer votre texte. Vous dites, entre autres: Nous sommes en total désaccord avec l'approche que la CSST serait obligée de participer aux activités de conciliation dans tous les dossiers, ce qui ferait en sorte d'annihiler les conditions qui ont justement permis que la conciliation soit un succès à la CLP. Et, un peu plus loin dans votre mémoire, vous dites par contre qu'il devrait être possible de faire mieux dans les autres litiges actuellement tranchés par le TAQ en ce qui concerne la conciliation.
Alors, quand je lis votre texte ? vous me direz si j'ai tort ? j'ai comme l'impression que vous proposez deux systèmes de conciliation. Vous dites: À la Commission des lésions professionnelles, ça marche, on veut que ça reste comme ça; mais, pour le TAQ, on voudrait améliorer le système d'une autre façon.
J'aimerais peut-être que vous me donniez davantage d'information, surtout lorsque vous dites que ça annule les conditions qui, justement, ont fait le succès de la conciliation à la CLP.
M. Valois (Roger): D'abord, je vais commencer, puis les deux maîtres qui sont ici vont compléter. Mais d'abord pour vous dire que présentement, dans la loi actuelle, la CSST peut assister à toutes les conciliations. Elle ne le fait pas, c'est un choix. Et il y a beaucoup de cas... Et je pense que le ministre le cite abondamment en début de préambule... en préambule du projet, en disant: Oui, il faut que la conciliation, qui est un exemple à donner, à la CSST, on puisse transformer ça dans les autres. Mais, à la CSST, c'est possible de concilier parce qu'il y a trois parties: un employeur, un travailleur, une travailleuse, et là la CSST qui peut, selon ce qu'elle décide... Et, moi, je dis: Des fois, l'imminence de la potence, ça porte à réflexion. Et, quand les deux parties sont sur le bord de s'entendre, on peut les laisser puis, avec de l'aide ? parce qu'il y a de l'aide qui leur est fournie ? concilier facilement.
Pour ce qui est du TAQ, avec... par exemple, en assurance automobile, bien, il y a un citoyen avec la SAAQ. S'ils ne se sont pas entendus au départ, la conciliation, elle va se faire comment? On se pose des questions. Il va rester ceux qui assistent à ça régulièrement et qui font ce métier-là tous les jours le soin de compléter.
Mais on peut concilier parce qu'il y a trois parties et on est dans le domaine de relations de travail. Dans les autres, on ne pourrait pas amener notre conciliation... L'exemple qui est donné par le ministre, on ne pourrait pas le transporter au TAQ parce que la dynamique n'est pas la même. Me Tremblay, puis ensuite...
La Présidente (Mme Thériault): Me Tremblay ou Me Malo, j'aimerais vous aviser qu'il reste environ une minute pour compléter la réponse de M. Valois.
M. Tremblay (Georges-Étienne): C'est beau.
M. Côté: Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault): Oui.
M. Côté: Vu qu'il ne reste qu'une minute, là, je voudrais que vous me donniez votre impression, c'est sur la nomination des conciliateurs.
M. Tremblay (Georges-Étienne): O.K.
M. Côté: Lorsque vous dites qu'un membre du tribunal peut être conciliateur, là, vous n'êtes pas d'accord avec ça. Mais comment vous verriez ça? Est-ce qu'on devrait préparer une liste ou des choses comme ça?
M. Tremblay (Georges-Étienne): Oui. D'abord, sur la conciliation, c'est vrai que c'est majeur, c'est extrêmement important, et c'est ce qui a fait que, à la CLP et à la CALP, il y a eu un succès dans la solution des litiges.
Moi, je suis en total désaccord, et le mouvement aussi, sur les modifications. On ne doit pas modifier les dispositions de la LATMP ? Loi des accidents de travail ? qui encadre présentement la conciliation à la CLP. On doit améliorer le statut des conciliateurs, on doit les rendre le plus indépendants possible des décideurs, mais on ne doit pas modifier les dispositions législatives où ça a marché.
Que la conciliation, on en fasse ailleurs, qu'on impose des exigences aux organismes ailleurs, oui. Au niveau des accidents de travail, la conciliation, c'est carrément des relations de travail. Régulièrement, pour replacer une travailleuse, replacer un travailleur, on doit faire des ententes, on doit faire des affichages de postes ou pas d'affichage particulier. C'est régulier, on a besoin de l'employeur pour concilier, et c'est pour ça que ça réussit.
Je ne voudrais pas que dans la loi on dise: On va généraliser une pratique qui va mettre en péril ce qui se fait présentement à la CLP. Qu'on l'améliore à la CLP et qu'on l'instaure ailleurs avec des dispositions qui rejoindront les organismes et le TAQ.
C'est un non-sens aussi de dire que les commissaires ou les décideurs vont concilier. Ça n'a pas de bon sens. Il s'agit de vérifier uniquement les conciliateurs décideurs à la CSST. Et faites une enquête auprès des conciliateurs décideurs, comment ils voient leur rôle. À la fois conciliateurs au début et, si la conciliation ne marche pas, deviennent des décideurs.
La Présidente (Mme Thériault): Malheureusement, Me Tremblay, tout le temps qui nous était alloué a été dépassé, même.
M. Tremblay (Georges-Étienne): O.K.
M. Valois (Roger): ...
La Présidente (Mme Thériault): Les parlementaires vont prendre connaissance de vos propos, si ce n'est pas déjà fait, évidemment. Donc, M. Valois, Me Malo, Me Tremblay, M. Sicotte, merci beaucoup.
Nous allons suspendre les travaux, le temps de laisser Me André Choquette prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 35)
(Reprise à 10 h 40)
La Présidente (Mme Thériault): Alors, nous reprendrons nos travaux, et je demanderai à Me André Choquette de bien vouloir nous présenter son mémoire. Me Choquette, vous êtes familier avec notre code de fonctionnement?
M. Choquette (André): Oui, mais je voudrais juste apporter une correction à l'effet que je ne suis pas avocat.
La Présidente (Mme Thériault): Vous n'êtes pas avocat.
M. Choquette (André): Je ne comprends pas la confusion, mais...
La Présidente (Mme Thériault): D'accord. Monsieur. M. André Choquette.
M. Choquette (André): Merci.
La Présidente (Mme Thériault): La parole est à vous.
M. André Choquette
M. Choquette (André): Mme la Présidente, M. le ministre, MM. les députés, je vous remercie de votre invitation à cette commission, et, sans plus tarder, je vais vous présenter un résumé de mon mémoire.
À titre de professionnel oeuvrant dans le milieu des relations de travail et en santé et sécurité depuis 20 ans et plus particulièrement à titre de responsable en 1990 de la mise en place du premier service de conciliation au sein d'un tribunal administratif d'appel, soit la CALP, je remercie la Commission des institutions de son invitation, et je suis heureux de soumettre mes commentaires relatifs au projet de loi n° 35.
Pour un grand nombre de justiciables, le premier contact avec la justice administrative sera avec un conciliateur. Ainsi, au sein du nouveau tribunal, le rôle et le mandat du service de conciliation devront être de permettre à chaque intervenant d'avoir droit à une justice accessible, simplifiée et rapide, par voie de règlement à la satisfaction de tous, à moindre coût, dans le respect de leurs droits fondamentaux et en toute impartialité et indépendance.
Mes commentaires s'appuient sur ces principes que je considère fondamentaux. D'ailleurs, le projet de loi n° 35 permettra de faire de ces principes une réalité. Cependant, il ne garantit pas, pour la conciliation, l'un des plus essentiels principes, qui est pourtant au coeur de cette réforme, soit l'indépendance des conciliateurs. Ce principe a été écarté de la réforme en 1998, et je crois enfin le temps venu d'y remédier. Le temps est aussi venu de reconnaître aux conciliateurs un statut conforme aux exigences de leur emploi.
Mon intervention porte essentiellement sur le service de conciliation et son processus au sein du nouveau tribunal mais aussi sur l'indépendance et la classe d'emploi des conciliateurs.
Je tiens d'abord à préciser que je fais partie du regroupement des conciliatrices et conciliateurs de la CLP, et, comme membre de ce regroupement, j'ai été consulté, comme ce fut le cas pour l'ensemble de mes collègues, et j'ai pris connaissance du mémoire déposé à la Commission des institutions.
Je tiens à affirmer que j'appuie ce regroupement ainsi que les commentaires présentés au nom des conciliateurs de la CLP. Mon intervention n'a pas pour objectif de reprendre l'excellent travail de mes collègues mais s'inspire de mon expérience personnelle depuis 1990.
Concernant l'indépendance et le statut des conciliateurs, lors de la mise en place du service de conciliation à la CALP en 1990, 10 conciliateurs ont été embauchés. Ils ont été embauchés sur une base contractuelle, selon des critères de sélection et d'embauche similaires à ceux des conciliateurs médiateurs, classe 150 du ministère du Travail. Lors de la création de la CLP en 1998, les conciliateurs de la CALP ont été avisés que, pour conserver leur emploi, ils devaient être assujettis au régime syndical et être intégrés à la classe d'emploi 105.
La réforme de la justice administrative fait une place de choix à la conciliation. Elle est le reflet de l'évolution de la conciliation au Québec qui est maintenant bien plus que la conciliation dans le cadre du Code du travail. C'est aussi une conciliation dans le cadre de la justice administrative, laquelle doit garantir son indépendance et son impartialité. Il ne peut y avoir de doute quant à l'indépendance, l'impartialité et l'absence de conflit d'intérêts des conciliateurs. Leur crédibilité et celle du Tribunal est en jeu.
Le premier obstacle que doit franchir un conciliateur est la méfiance des parties à son égard. La confiance des parties n'est pas automatique. Elle doit être gagnée et elle est indispensable pour les amener à conclure un règlement.
À l'instar des conciliateurs-médiateurs du ministère du Travail et des médiateurs du Conseil des services essentiels, les conciliateurs du TRAQ doivent être nommément exclus de la notion de salarié à l'article 1l, troisième alinéa du Code du travail. Notre assujettissement au régime syndical nous place en conflit d'intérêts entre l'exercice de notre fonction à caractère confidentiel et notre appartenance syndicale. Mes collègues, dans leur mémoire, ont clairement démontré le caractère confidentiel de notre emploi au sens du Code du travail. Je vous réfère donc à ce document, ainsi qu'aux exemples de conflits d'intérêts exposés dans mon mémoire.
Actuellement, les conciliateurs de la CLP font partie de la classe d'emploi 105: agent de recherche et de planification socioéconomique. La simple lecture de la description de la classe 105 permet de constater qu'elle n'est pas représentative du travail de conciliateur. Elle ne tient pas compte des exigences d'emploi ni de son niveau de complexité. Elle ne répond aucunement aux critères de compétence souhaitée pour la réussite de la conciliation au sein du nouveau tribunal. De plus, la classe 105 limite les possibilités de recrutement, car elle empêche la sélection de gens d'expérience issus du milieu. Tenant compte des exigences du travail de conciliateur et du niveau de complexité, la classe d'emploi devrait être 150. Cette classe existe au ministère de la Justice, bien qu'il n'y ait à ma connaissance aucun titulaire.
Le citoyen syndiqué, lorsqu'il fait face à un conflit de travail, peut, par le biais de son syndicat qui le représente, profiter des services d'un conciliateur-médiateur de classe 150, non assujetti au régime syndical. De son côté, le justiciable, souvent seul face à l'appareil gouvernemental pour faire reconnaître ses droits devant un tribunal administratif d'appel, obtient les services d'un conciliateur, classe 105, qui est assujetti au régime syndical.
La population du Québec est de 7 487 200 citoyens. De cette population, 1 624 520 citoyens sont syndiqués, soit 21,69 %. Les conciliateurs-médiateurs du ministère du Travail sont donc concernés par 21,69 % des citoyens. Or, le TRAQ aura pour mission de rendre justice à tous les citoyens, tous étant susceptibles d'y avoir un recours, qu'ils soient syndiqués ou non ou qu'ils fassent ou non partie de la population active. Rien ne justifie que certains citoyens aient accès à un niveau de compétence et d'indépendance et d'autres non. Bien qu'il y ait des différences dans leurs champs d'application, les fonctions de conciliateur ont la même importance pour les droits des justiciables.
Je vais maintenant aborder le volet de la direction de la conciliation. Afin d'assurer l'uniformité et la cohérence du service de conciliation ainsi que son accessibilité, le service de conciliation devrait être implanté, géré et coordonné par une direction unique qui relève directement du président du tribunal. Cette proposition s'appuie sur mon expérience à la CALP ? tribunal centralisé ? ainsi que sur mon expérience à la CLP ? tribunal régionalisé ? et se veut un mélange des deux cultures.
Lors de la mise en place du service de conciliation à la CALP en 1990, il y a eu création d'une direction de la conciliation. Les orientations, la gestion, la coordination des activités, incluant la sélection des dossiers et l'assignation des conciliateurs, étaient faites par cette direction. Les conciliateurs étaient à Montréal, il n'y avait aucun conciliateur en région. Les conciliateurs se déplaçaient occasionnellement à travers les différentes régions, lors de blitz. Ils partaient en région pour une ou deux semaines mais revenaient après. Il n'y avait aucun conciliateur résident.
Par l'implantation de bureaux régionaux lors de la mise en place de la CLP en 1998, le service de conciliation est devenu plus accessible. En effet, 17 directions régionales ont été créées et dans chaque direction il y a un ou plusieurs conciliateurs résidents. Cette accessibilité régionale est certainement l'une des causes du succès du service de conciliation à la CLP. Par contre, l'implantation de ces 17 directions régionales a entraîné une décentralisation des opérations reliées à la conciliation. Actuellement, à la CLP, il y a 53 conciliateurs dans 17 directions autonomes. Il y a 17 services de conciliation. Pour 53 conciliateurs, il y a 17 gestionnaires.
La régionalisation des activités n'est pas synonyme d'uniformité au niveau des services. Certains intervenants à cette commission parlementaire l'ont souligné et ils ont raison. Certaines régions traitent les dossiers principalement sur une base individuelle, alors que d'autres régions favorisent les regroupements de dossiers, lors des séances de conciliation. Certaines régions favorisent l'intervention du conciliateur par téléphone, alors que d'autres misent sur les rencontres. De plus, sur une base régulière, les représentants nous font part de leur non-disponibilité, de leur difficulté à organiser leur temps pour leurs clients, car ils sont sollicités par plusieurs conciliateurs ou greffes en même temps, sans qu'il soit tenu compte de leur disponibilité. Cette situation est évidemment source de délais en conciliation.
Afin d'assurer non seulement l'accessibilité, mais aussi l'efficacité du service de conciliation, le nouveau tribunal doit conserver la présence régionale des conciliateurs mais concentrer la répartition du travail, la gestion et la coordination des activités sous une seule direction. C'est d'ailleurs l'une des principales revendications des conciliateurs depuis 1998.
La direction unique permettra d'uniformiser les services, tout en tenant compte des besoins des justiciables et des disponibilités des représentants. Ainsi, toutes divisions confondues, il serait possible d'assurer une même qualité de services. Il est préférable de coordonner les efforts et les disponibilités de tous, plutôt que de les diviser.
Le projet de loi n° 35 a tout le mérite de maintenir et d'étendre la régionalisation afin d'assurer l'accessibilité pour la clientèle. Par contre, il semble indiqué qu'il y aura plusieurs services de conciliation sous la responsabilité de plusieurs intervenants.
n(10 h 50)n L'article 119.6 prévoit que le président du tribunal, le vice-président responsable de la section concernée ou le membre désigné par l'un d'eux devra offrir aux parties la tenue d'une séance de conciliation en matière d'indemnité ou de prestation. De son côté, l'article 120 prévoit que le président du tribunal, le vice-président responsable de la section concernée, le membre désigné par l'un d'eux ou l'un des membres appelé à siéger dans une affaire pourra permettre la tenue d'une telle séance.
Qui sera responsable des orientations en conciliation? Qui sera responsable de la coordination des activités, de l'intervention, des approches au niveau des différents intervenants? Qui assurera le suivi de la qualité et la cohérence des actions posées par les conciliateurs et comment? Qu'adviendra-t-il si tous ces différents intervenants prévus aux articles 119.6 et 120, principalement les vice-présidents des différentes sections, n'ont pas la même conception de la conciliation, ne favorisent pas la même approche, les mêmes techniques et orientations?
Les articles 119.6 et 120 du projet de loi devraient être modifiés et prévoir uniquement deux intervenants pour offrir une séance de conciliation dans les matières et circonstances qu'ils déterminent, soit le président du tribunal ou la personne qu'il désigne.
En ce qui concerne les organismes, il est prévu à l'article 119.6 du projet de loi qu'en matière d'indemnité et de prestation, lorsque le requérant accepte la conciliation, la partie contre laquelle est formé le recours est tenue d'y participer. Cette disposition est certainement la bienvenue en ce qui concerne les divisions qui relèvent actuellement du TAQ mais doit être nuancée pour la division des lésions professionnelles.
La culture de conciliation est très bien implantée au niveau de tous les intervenants en matière de lésions professionnelles, y compris au niveau de la CSST. Beaucoup de chemin a été parcouru depuis 1990, et la CSST collabore et participe régulièrement aux séances de conciliation et à l'obtention de règlements. Les représentants de la CSST obtiennent un mandat de leur direction pour concilier.
Pour les autres divisions du tribunal, il est souhaitable, tel que le propose le projet de loi, que l'autorité administrative soit tenue de participer à la conciliation lorsque le justiciable accepte la démarche. Contrairement à la division des lésions professionnelles, il ne peut y avoir de conciliation sans la participation de l'organisme.
L'obligation de participer, pour l'organisme, permettra certainement d'ouvrir le dialogue, premier pas essentiel pour amener les parties à identifier leurs intérêts et leur position, pour enfin explorer des solutions mutuellement satisfaisantes. La méfiance, avec le temps, comme en 1990, fera place à la confiance. À l'obligation de participer doit aussi s'ajouter une volonté d'opter pour ce mode alternatif de justice, et les représentants doivent obtenir de leur organisme non seulement un mandat clair, mais la marge de manoeuvre nécessaire à la conclusion d'un règlement.
Finalement, pour assurer l'implantation de la culture et l'accessibilité de la conciliation pour tous les justiciables, la possibilité de participer à une séance de conciliation devrait être offerte pour tout genre de dossier dès réception du dossier par le tribunal. C'est l'orientation que devrait prendre la Direction de la conciliation. Ce fut l'approche en 1990 et c'est toujours l'approche à la CLP, et, je crois, l'une des raisons du succès de la conciliation à ce tribunal. Lorsqu'il y a un litige, il y a un règlement possible.
J'aborderai maintenant la question du cheminement d'un dossier. La conciliation à la CLP se porte bien. Cependant, comme plusieurs l'ont mentionné, il y a place à amélioration. La présente réforme est l'occasion idéale pour procéder aux améliorations souhaitées. Actuellement, le traitement des dossiers favorise la mise au rôle à l'aveugle avant conciliation et avant qu'un dossier soit prêt à procéder. Cette façon de faire bouscule l'intervention du conciliateur et génère un nombre important de remises en raison des documents manquants, des témoins non disponibles, des délais pour passer certains examens médicaux et en raison aussi de la non-disponibilité des représentants. Les représentants s'en plaignent.
D'abord, le guichet unique, soit une direction de la conciliation, est, au risque de me répéter, essentiel pour assurer l'efficacité et l'uniformité du service aux citoyens.
Ensuite, il faut miser davantage sur la complémentarité de la conciliation et de l'adjudication, principalement au niveau de la mise au rôle lorsqu'il n'y a pas de règlement.
De plus, les conciliateurs jouent un rôle très important au niveau des parties et particulièrement pour les parties non représentées. Ils les informent sur le rôle du conciliateur, le processus de conciliation mais aussi sur l'adjudication. Quotidiennement, les conciliateurs expliquent aux justiciables dans un langage accessible ce qu'est une audition, qui va entendre et juger leur dossier, comment l'audience va se dérouler et quels sont les droits de toutes les parties impliquées. De par leur contact privilégié avec les parties, les conciliateurs sont bien placés pour les informer et faciliter la mise au rôle.
Maintenant, je me permets de vous faire part de ma réflexion sur le cheminement d'un dossier. Suite à la réception du dossier, une correspondance est envoyée aux parties pour les informer du nom du conciliateur assigné et leur proposer une date pour une rencontre de conciliation. Cette proposition de date est faite après vérification au niveau informatique des disponibilités des parties et des représentants. Cette vérification est importante afin de ne pas proposer une date à laquelle les parties, principalement les représentants, sont déjà convoquées devant le tribunal. Il est possible que, dès le début, les parties refusent de participer au processus de conciliation. Le dossier est donc immédiatement référé au greffe du tribunal.
Autre situation, et selon mon expérience: dès la première rencontre, il y a conclusion d'un règlement dans environ 30 % des cas. Pour ces dossiers, aucune mise au rôle ni demande de remise n'aura été nécessaire, ce qui est autant avantageux pour les parties que pour le tribunal. C'est une des raisons pour lesquelles je privilégie des séances de conciliation plutôt que les interventions téléphoniques, car elles permettent de bien saisir les positions verbales et non verbales des parties, augmentant ainsi le taux de réussite.
Finalement, il est aussi possible lors de la première rencontre que le conciliateur ou une des parties constate que le dossier est incomplet et que le règlement ne peut être immédiatement conclu. Le conciliateur incite les parties à rapidement compléter leur dossier, il assure le suivi de la démarche. Il serait intéressant que les parties reconnaissent par écrit qu'elles prolongent volontairement le délai de traitement du dossier afin de pouvoir le compléter. Il va de soi que les délais sont fixés pour compléter le dossier et qu'une nouvelle date de rencontre en conciliation est prévue. À noter que, suite aux premières discussions, le conciliateur et les parties sont déjà en mesure d'évaluer la possibilité ou non d'un règlement. Le conciliateur doit évaluer le sérieux de l'implication des parties et ne pas permettre qu'un dossier perdure inutilement en conciliation.
Si les parties désirent être entendues par un juge, le conciliateur obtient une déclaration des parties à l'effet que le dossier est prêt à procéder et détermine avec elles la date d'audience. Après vérification au greffe du tribunal, la date convenue est réservée et confirmée par l'envoi d'un avis d'enquête et d'audition.
Par ailleurs, afin d'offrir une plus grande accessibilité, il serait intéressant que le service de conciliation offre des disponibilités à l'extérieur des heures dites normales de travail. Cet horaire éviterait aux justiciables ayant effectué un retour au travail de perdre du salaire et offrirait plus de flexibilité aux représentants pour la gestion de leur temps.
À mon avis, une plus grande coordination entre la conciliation et le greffe et une flexibilité dans l'horaire permettront de respecter les disponibilités des parties et leurs témoins et contribueront à diminuer les demandes de remise et les délais participant ainsi à une saine gestion du tribunal.
n(11 heures)n En conclusion, cette réforme de la justice administrative, telle que proposée par le ministre de la Justice, est non seulement basée sur des principes fondamentaux et réalistes d'accessibilité, de célérité, de qualité et d'indépendance, mais elle a également le mérite de reconnaître un rôle déterminant à la conciliation. Elle est aussi l'occasion pour les intervenants du milieu de faire part de leurs propositions et pistes d'amélioration, ce qui est loin d'être négligeable, considérant leur expertise et leur connaissance du milieu. Je considère cette réforme incontournable, et le projet de loi n° 35 doit être adopté. Je vous remercie, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. Choquette. Et, sans plus tarder, je vais passer la parole au ministre de la Justice.
M. Bellemare: Merci beaucoup, M. Choquette, pour cette présence appréciée, cette contribution appréciée aussi aux travaux de la commission. Et je sais que vous êtes un conciliateur expérimenté qui oeuvrez principalement dans la région de Montréal. C'est exact? Et j'aurai une question concernant le statut du conciliateur. L'Association des conciliateurs est venue nous demander de faire en sorte que les conciliateurs ne soient pas juges administratifs, qu'il y ait une différence entre les deux, que le juge décide et que le conciliateur concilie. Et j'avais indiqué à l'Association des conciliateurs que, dans la section TAQ, ce qui relève actuellement du TAQ et qui relèverait éventuellement de la Section des affaires sociales du nouveau tribunal, dans cette section-là, il y a une problématique importante en matière de conciliation où on connaît un taux de conciliation plutôt bas pour ne pas dire anémique dans certaines sous-sections comme la sous-section des affaires criminelles notamment.
Et, pour faciliter le virage de la conciliation dans ces sections-là, faire en sorte qu'il augmente, il m'apparaît pertinent que les juges administratifs puissent faire de la conciliation pour assurer une prestance, une autorité au niveau de la conciliation. Parce que, vous, vous avez l'habitude de concilier avec des parties qui sont chevronnées et qui connaissent bien le système, et c'est bien installé à la CLP, ça fonctionne bien. Mais, quand vient le temps de l'installer ailleurs, il faut prévoir un certain nombre de garanties pour nous assurer que les organismes, notamment, qui vont devoir concilier ? je pense à la Société de l'assurance automobile, à l'IVAC, à la Régie des rentes, qui doivent, dans le contexte de la conciliation, faire preuve d'ouverture ? ils vont effectivement prendre ce virage-là.
Donc, d'avoir recours à des juges administratifs qui ont l'habitude de juger, qui ont une culture d'adjudication, est-ce que, pour vous, ça vous apparaît être une difficulté ou un avantage? C'est dans une section que vous ne connaissez pas, mais je vous pose la question en termes de culture et d'avenir, là.
M. Choquette (André): Non, mais j'ai écouté les débats, j'ai écouté les présentations qui ont été faites, j'en ai lu beaucoup et je suis un peu saisi de la demande que vous formulez dans le sens que je me suis penché dessus, seul et avec mes collègues aussi.
Dans un premier temps, je suis obligé de vous dire que, à prime abord, je suis d'accord avec la position que le Regroupement des conciliateurs a prise avec beaucoup de sincérité. Je suis aussi d'accord avec la position que plusieurs autres intervenants ont prise relativement aux membres décideurs, aux membres conciliateurs ? appelons-le comme ça.
M. Bellemare: Vous voulez dire le juge qui ferait de la conciliation?
M. Choquette (André): Oui, c'est ça.
M. Bellemare: Mais c'est quoi, votre position, par rapport à l'opportunité que le juge puisse concilier?
M. Choquette (André): Mais, avant d'être en mesure de prendre une position, M. le ministre, je pense qu'il serait essentiel qu'on se pose des questions. Si on fait un plongeon dans le futur et que vous nous dites que l'ensemble des conciliateurs sont transportés sur l'ensemble du tribunal et qu'ils auront à travailler sur l'ensemble du tribunal dans toutes les divisions, je pense qu'il y a des questions qu'on doit se poser. Si telle est la chose, maintenant, là, il faudrait faire un genre de petit voyage dans le futur: il y a des questions qu'on est obligés de se poser.
Dans un premier temps, la première question, comme gestionnaire, que je me poserais, c'est: Quelle est la fonction la plus rentable au tribunal pour les membres conciliateurs, suite à la venue des conciliateurs qui transportent avec eux une expérience reconnue, si on tient compte de tout ce qui a été dit autour de cette commission parlementaire? Comment la même déontologie s'appliquera-t-elle, alors qu'il est déjà prévu que les juges peuvent procéder par admission, tel que l'ont fait les commissaires lorsqu'ils sont venus vous rencontrer? Le membre conciliateur entérinera-t-il sa propre entente? Ça semble banal, mais c'est des éléments quotidiens avec lesquels on sera confrontés. De quelle façon la collégialité entre les membres conciliateurs et les conciliateurs pourra-t-elle s'établir?
Les qualités propres au travail du conciliateur: formation, expérience, règlement des litiges, etc. Tu peux être un bon juge, tu peux avoir une bonne lucidité pour décider, mais l'approche avec le citoyen avec un malaise particulier, ce n'est pas donné à tout le monde d'être en mesure de le détecter. Comment motiver une équipe de conciliateurs lorsque la fonction de membre conciliateur est à caractère confidentiel et celle du conciliateur n'est pas encore reconnue?
Je pense que de se poser ces questions-là... J'en saute une parce que... Je vous la montrerai peut-être plus tard, je pense qu'elle est peut-être moins nécessaire dans le discours, au moment où on se parle. Mais de se poser ces questions-là avant d'être en mesure de répondre: c'est-u bon, c'est-u pas bon... Écoutez, moi, ce que je peux vous dire, c'est que les conciliateurs veulent participer à la démarche de conciliation, veulent être en mesure de faire part à l'ensemble du tribunal de leur expérience et de leur compétence.
Dans un autre temps, ce qui est important, que je ne connais pas encore, suite à votre question, c'est que vous me parliez du TAQ. Moi, je pense que... J'ai eu des remarques de représentants à l'effet qu'il y en a qui sont satisfaits, là, du résultat des membres conciliateurs ? appelons-les comme ça ? mais il y en a d'autres qui formulent des critiques. C'est difficile de plaire à tous, ce n'est jamais facile.
Mais, avant de dire qu'on est en mesure d'obtenir un résultat, il faudrait savoir si le TAQ a fait les démarches nécessaires avec les autres organismes pour les inviter, travailler durement avec eux, comme ça s'est fait à la CALP. Je voudrais juste vous rappeler que ça n'a pas été facile à la CALP, hein. Il ne faut pas croire que le résultat qu'on a aujourd'hui, qui a été transporté à la CLP, est arrivé du jour au lendemain. On a eu des problèmes à l'interne, pour commencer, pour se faire accepter et, après ça, on a été capables de débouler ailleurs puis d'aller rencontrer la CSST. Même le patronat, il nous a bien accueillis, contrairement à ce qu'on a semblé entendre cette semaine.
Je ne suis pas capable de répondre si c'est bon, si ce n'est pas bon. Il y a trop d'éléments à évaluer, M. le ministre, pour être en mesure... que c'est une bonne décision. Ce que je peux vous assurer, la décision qui sera prise, les conciliateurs vont oeuvrer avec le résultat qui en sera obtenu.
M. Bellemare: Juste... Par exemple, dans la section de l'assurance automobile, pour prendre un exemple très, très, très concret, il y a beaucoup de dossiers où il y a plusieurs appels. En accidents de travail, c'est la même chose. Je ne veux pas dire que les conciliateurs ne sont pas familiers avec des dossiers gigantesques; ils le font quotidiennement. Mais, en matière d'assurance auto, imaginez un cas où il y a sept, huit appels dans le cadre d'un même dossier, l'affaire est dirigée en conciliation.
À l'heure actuelle, ceux qui négocient pour la SAAQ sont des avocats. La SAAQ envoie des avocats, comme elle a le droit de le faire, comme elle va probablement le faire après la création de la nouvelle entité. Ce sont des avocats qui négocient donc avec les victimes seules ou avec des avocats de victimes. Et, dans la pratique, ce sont des juges administratifs qui ont cessé d'entendre des causes, temporairement j'imagine, qui pourraient en entendre d'autres par la suite, mais qui ont cessé d'entendre des causes et qui font de la conciliation. Ils ne font que de ça. J'ai en tête un juge administratif de Québec et un autre à Montréal, qui ont beaucoup de prestance, qui ont entendu des litiges en matière d'assurance automobile et qui en ont décidé depuis une quinzaine d'années, sinon plus, et qui président une audience de conciliation, une séance de conciliation et qui ont énormément de poids dans la balance.
Je ne veux pas minimiser l'importance, et le charisme, et le talent d'un conciliateur, mais ce qu'on a prévu dans la Section des affaires sociales, c'est la possibilité que les juges administratifs puissent concilier, comme d'autres personnes, incluant bien sûr les conciliateurs actuels de la CLP, ce qui n'est pas incompatible.
Je comprends que votre expérience en matière d'assurance automobile est plus limitée, mais est-ce que vous ne pensez pas que, dans certains cas et pour inculquer une culture de conciliation, le fait que des juges administratifs d'expérience, chevronnés et ouverts au dialogue puissent présider des séances de conciliation ne sera pas un atout pour prendre ce virage important que plusieurs organismes devront prendre, notamment la SAAQ, dans le cadre d'une nouvelle culture de conciliation qu'on veut tenter d'inculquer dans tous les secteurs de ce nouveau tribunal? Parce que la conciliation est un élément majeur sinon le plus important de cette réforme.
M. Choquette (André): Les qualités que vous donnez à votre membre désisteur... à votre membre conciliateur sont les mêmes que les qualités que doit rencontrer un conciliateur, là. Je pense que vous soulevez des individus particuliers possédant les mêmes qualités qu'un conciliateur. Écoutez, s'il a l'expérience, s'il a l'approche de conciliateur, en un mot, s'il possède l'ensemble des qualités qu'un conciliateur doit posséder... Écoutez, il est juge, là. Que voulez-vous que je vous dise, moi? Je pense qu'il se transforme... Est-ce que vous parlez pour l'ensemble du tribunal ou pour un certain nombre?
M. Bellemare: Ah! Bien, c'est parce que actuellement, au Tribunal administratif du Québec, en assurance auto, le président désigne un juge administratif pour faire de la conciliation. Et l'approche qui a été développée, c'est que les juges administratifs qui ont qualité de juges, qui peuvent entendre les causes mais qui n'en entendent plus ? le temps qu'ils sont en conciliation, ils ne font que de la conciliation ? ils se font un rôle de conciliation et entendent les parties, et ils formulent certaines recommandations quant à un règlement.
Alors, c'est comme ça que ça fonctionne au TAQ et ça semble donner des résultats. Et, dans la mesure où il faut comprendre que, dans la section assurance auto, par exemple, dans la sous-section assurance auto, il y a une victime avec l'organisme et que l'organisme a fait le choix, lui, d'être représenté par avocat même dans les séances de conciliation, la présence d'un juge conciliateur d'expérience, à mon avis, a un effet sur les résultats.
Alors, ce qu'on a voulu faire en préservant la possibilité qu'un juge administratif puisse faire de la conciliation dans la Section des affaires sociales, c'est pour permettre que cette tradition-là continue, ce qui n'empêche pas que des conciliateurs professionnels comme vous puissent éventuellement agir dans une division autre que la division des lésions professionnelles. C'est juste de se donner un plus dans la Section des affaires sociales, en permettant que des juges administratifs puissent aussi faire de la conciliation, compte tenu de la dynamique.
M. Choquette (André): Je n'ai pas été en mesure d'évaluer les qualités de ces individus. Vous comprendrez que je ne les connais pas. Je n'ai pas l'usage de la pratique non plus de ces membres-là. Les praticiens sont plus en mesure d'y répondre. Mais...
M. Bellemare: Parce qu'on a semblé croire ? et l'Association des conciliateurs parlait un peu dans ce sens-là ? que ce qu'on voulait, dans la Section des affaires sociales, c'est qu'un juge entende une cause le matin, que l'après-midi il fasse de la conciliation, qu'il décide de faire de la conciliation et, si ça ne marche pas, il entend la cause. Ce n'est pas ça du tout, là. On comprend que concilier, c'est concilier et décider, c'est décider. Mais ce qu'on croit possible et préférable, souhaitable, c'est qu'un juge administratif puisse, pendant un certain temps de sa carrière, faire de la conciliation, développer des aptitudes de conciliation...
n(11 h 10)nM. Choquette (André): En un mot, il serait intégré au service de conciliation.
M. Bellemare: Bien, il ferait de la conciliation pendant un certain temps.
M. Choquette (André): De la même manière, avec les mêmes méthodes, avec les mêmes obligations, le même code de déontologie. Finalement, la seule différence qu'il y aurait, c'est le salaire.
M. Bellemare: Bien, le code de déontologie des juges administratifs est applicable en toute étape. Il s'applique même aux juges administratifs en dehors de leur fonction, comme le code de déontologie des avocats s'applique aux avocats même quand ils ne sont pas devant le tribunal, là. C'est 24 heures par jour. Tout le temps que tu es avocat, tu dois respecter les obligations déontologiques qui sont très certainement aussi exigeantes que celles applicables aux conciliateurs.
Mais c'est une question d'ouverture et de virage. Il faut prendre un virage conciliation dans la Section affaires sociales du tribunal, et c'est urgent de le faire et, à mon avis, c'est un... Il faut mettre en place tous les mécanismes possibles pour faciliter ce virage-là qui va obliger bien sûr les organismes publics, là, les organismes décideurs à s'asseoir et à dialoguer davantage.
M. Choquette (André): Si vous y voyez des avantages et qu'ils rencontrent l'ensemble des critères qu'un bon conciliateur doit détenir... Je vous ai dit tantôt que les conciliateurs, ce qu'ils veulent, c'est un service de conciliation qui fonctionne à l'intérieur d'un service unique, avec un même code de déontologie. Écoutez, on les accueillera à l'intérieur de notre service, là. Je comprends que c'est ça que ça va vouloir dire, avec les mêmes contraintes qu'on a, faire entériner nos accords, tu sais. Est-ce qu'ils auront un pouvoir particulier d'entériner leurs propres accords? Est-ce qu'ils vont devoir être en mesure d'avoir deux bonnets? C'est des petits détails qui semblent banals mais qui deviennent, dans le quotidien, importants. Il y a un esprit d'équipe, une collégialité d'opération qui doit exister, et ça peut faire peur puis ça peut être facile en même temps.
Puis il y a des choses que les conciliateurs doivent atteindre pour être capables d'être sur un même pied d'égalité qu'eux. Je pense que tout ça, ça peut être discutable. Mais dire aujourd'hui: C'est bon, c'est mauvais, un, je ne serais pas responsable des propos que j'ai déjà tenus, je pense que la capacité avec les qualités nécessaires à agir comme conciliateur, vous êtes en mesure de les déterminer par l'expérience que vous avez déjà connue. Je ne peux pas me mouiller plus que ça, là. Il y a trop d'inconnues, vous devez comprendre ça.
M. Bellemare: C'est un bel effort. Vous avez fait un bel effort, apprécié.
M. Choquette (André): Oui. Merci.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. Il y a maintenant le député de l'Acadie. M. le député.
M. Bordeleau: Oui, merci, Mme la Présidente. Je voudrais revenir sur la question de la régionalisation pour avoir un peu d'éclaircissements. Je veux juste citer quelques parties du mémoire, là, que vous nous avez présenté. À la page 8, vous dites: «Afin d'assurer l'uniformité et la cohérence du service de conciliation ainsi que son accessibilité, le service de conciliation devra être implanté, géré et coordonné par une direction unique qui relève directement du président du tribunal.» À la page suivante, vous nous mentionnez: «Malgré les résultats en conciliation à la CLP, la régionalisation des activités n'est pas synonyme d'uniformité au niveau des services. Certains intervenants à cette commission parlementaire l'ont souligné et ils ont raison.» Un peu plus loin, je cite encore: «Afin d'assurer non seulement l'accessibilité mais aussi l'efficacité du service de conciliation, le nouveau tribunal doit conserver la présence régionale des conciliateurs mais concentrer la répartition du travail, la gestion et la coordination des activités sous une seule direction.» À la même page, à la page 10: «Qui sera responsable des orientations en conciliation, qui sera responsable de la coordination des activités, de l'intervention, des approches au niveau des divers intervenants, qui assurera le suivi de la qualité et la cohérence des actions posées par les conciliateurs et comment?», bon, etc.
Et, à la page 15, à la fin de votre mémoire, juste avant la conclusion, vous nous dites: «Par ailleurs, afin d'offrir une plus grande accessibilité, il serait intéressant que le service de conciliation offre des disponibilités à l'extérieur des heures dites normales de travail. Par exemple, une semaine par mois, chaque région offre la tenue de séances de conciliation de 7 h 30 à 20 h 30. Cet horaire éviterait au justiciable ayant effectué un retour au travail de perdre du salaire et offrirait plus de flexibilité aux représentants pour la gestion de leur temps.»
Bien, en fait, mon interrogation, c'est que vous nous dites que vous êtes favorable à la régionalisation, mais vous y mettez beaucoup de réserves. Et je me demande dans quelle mesure à un moment donné l'ensemble de ces réserves-là ne ferait pas en sorte qu'on pourrait perdre une certaine partie de l'avantage de la régionalisation.
Vous parlez d'une direction unique, vous parlez des problèmes de cohérence, de l'efficacité... Tout à l'heure, vous y avez fait référence dans votre présentation, disons, aux questions d'horaire. Il me semble que la régionalisation, dans la mesure où elle est implantée dans la région avec une certaine flexibilité, il y a une possibilité de répondre beaucoup plus rapidement aux demandes et de s'adapter aux besoins de la région que de mettre en place une direction unique.
Et ça me fait penser un peu à une représentation qui nous a été faite par la Conférence des juges administratifs, qui invoquaient un peu des réserves semblables pour justifier, au fond, dans leur cas à eux, qu'ils émettaient de très grosses réserves, sinon qu'ils étaient à la limite contre la régionalisation, à cause des problèmes de cohérence. On parlait à ce moment-là de jurisprudence régionale. Alors, j'ai un malaise un peu par rapport à cette position-là, j'aimerais peut-être vous entendre à ce niveau-là pour bien comprendre, parce que j'ai l'impression qu'à la fois on dit deux choses, là.
M. Choquette (André): En tout cas, je regrette si vous comprenez le texte de cette façon-là, ce n'est pas le sens que je voulais lui donner. J'espère que ma syntaxe n'est pas si mauvaise à ce niveau-là. Ce que je voudrais préciser: dans le cadre de la régionalisation, pour nous, c'est important que les conciliateurs demeurent en région. Jamais il n'a été dans notre idée que les conciliateurs ne soient pas attitrés résidents dans des régions. Ce qui est important, c'est qu'au niveau de l'uniformité du travail et de l'intervention en conciliation il n'y ait qu'une seule orientation, que les rencontres de conciliation ou que la détermination de la mécanique de conciliation, qu'on déterminera, soit uniforme pour tous les justiciables.
Dans certaines régions, comme je mentionne dans mon mémoire, il y a des régions qui travaillent presque exclusivement au téléphone. Je trouve qu'on perd un certain pourcentage de résultat de cette façon-là. Lorsqu'on est en mesure de rencontrer directement les parties en face à face, on augmente notre taux de résultat en conciliation, et les parties en ressortent de loin plus satisfaites que juste au niveau d'un message téléphonique ou d'une conversation téléphonique.
M. Bordeleau: Est-ce que le problème, ce n'est pas un problème de formation plutôt qu'un problème, au fond, de mettre en place une structure avec une direction unique qui va pratiquement coordonner tout le travail, à la limite, des gens qui sont en région?
M. Choquette (André): On parle d'orientation, M. le député, on ne parle pas nécessairement juste de formation. Les régions sont autonomes dans la détermination de leurs opérations. Il y a 17 régions. Il n'y a pas 17 méthodes, là, mais il y a un risque de 17 méthodes. Et je peux vous dire qu'il y en a au moins quatre à cinq, méthodes d'intervention, en conciliation qui sont utilisées. Elles ne sont pas nécessairement mauvaises, mais elles ne sont pas uniformes et elles privent, à mon sens à moi, le justiciable d'obtenir le maximum qu'elles sont en mesure d'obtenir d'une séance de conciliation. Écoutez, c'est mon opinion très personnelle, hein, je ne transporte pas sur mes épaules tout le lot des autres conciliateurs.
M. Bordeleau: ...
La Présidente (Mme Thériault): Et ceci met fin à la période dévolue au parti ministériel. Donc, je passerai la parole au porte-parole de l'opposition officielle, le député de Chicoutimi.
M. Bédard: Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Choquette, mes plus belles salutations. J'ai pris compte de vos discussions avec le ministre, vous êtes mouillé, mais je vous dirais que vous êtes encore relativement sec. Je n'ai pas nécessairement compris ou plutôt saisi vraiment votre opinion réelle par rapport à cet aspect. Vous voyez, plusieurs gens sont venus nous manifester leur inquiétude par rapport à cette réalité-là au niveau des délais. Vous, votre... Le ministre par contre a un objectif qui est noble, c'est de favoriser la conciliation et, même sans la forcer, de peut-être encourager les organisations à s'y prêter et à plus régler des dossiers qui sont effectivement... qui ne méritent pas ou qui ne devraient pas plutôt se trouver à l'étape de l'adjudication.
Vous, vous dites... Et là je veux bien comprendre. Vous, vous avez aussi des réserves parce que vous avez entendu tantôt la CSN nous dire, par rapport aux délais, que ça peut occasionner aussi des délais. Vous, vous dites aussi, en termes de processus et en termes mêmes de forme de conciliation, que vous avez aussi des réserves. Comment, selon vous, qui semblez avoir une expérience très grande dans le domaine, on pourrait rejoindre les objectifs du ministre sans avoir les désavantages que cela semble comporter?
n(11 h 20)nM. Choquette (André): Dans le processus qui vous est soumis dans mon mémoire puis dans le cheminement d'un dossier, je pense qu'on l'explique assez bien, relativement à des délais. Moi, je pense qu'à l'intérieur d'un délai de 90 jours la fin d'un processus obligatoire de conciliation par le tribunal peut obtenir une issue. S'il y a prolongation... Puis je pense que c'est important que vous constatiez qu'il y a des obligations du tribunal, mais il y a aussi, dans le processus qui vous est soumis, une espèce de responsabilité aussi, là, des parties et que, si les parties ont besoin de prolonger le délai de conciliation avant d'être en mesure de déclarer leur dossier en état de procéder ou en état de régler, le délai leur appartient, il leur incombe la responsabilité à cet effet-là.
En un mot, dans un espace de 90 jours, ce qui vous est proposé aujourd'hui, ce n'est pas... Il y a peut-être d'autres méthodes, mais c'en est une ? puis on l'a étudiée, quand même, assez, là ? qui nous permet, en 90 jours, d'être en mesure de déterminer: Le dossier est-il en état ou pas? Et, s'il y a besoin de le prolonger, de quelle façon on le prolonge? On le prolonge avec la participation des parties. Et, tenant compte de cette prolongation-là avec l'assentiment des parties, ça devient aussi leur responsabilité. Et là, ensemble, conjointement, avec les parties, bien là on détermine une autre date, qui peut être 15 jours, un mois, deux mois plus tard.
Mais le délai leur appartient. Et, moi, je pense qu'à ce moment-là en faisant participer les parties à leur propre gestion de dossier, on a un net avantage tant sur les délais que sur le résultat. Plus ils vont fouiller leur dossier pour essayer d'atteindre le délai qu'eux-mêmes se seront donné, plus ils vont être sensibilisés au résultat de l'examen qu'ils auront obtenu. Et, moi, je pense qu'on a plus de chances d'obtenir un règlement une fois le constat personnel fait du même examen qu'ils auront eux-mêmes déterminé à faire.
M. Bédard: Merci. Et quant au... Donc... Et vous dites: De cette façon-là, nous atteindrions les objectifs. Et le fait de donner le pouvoir, comme c'est le cas, là, d'utiliser, je vous dirais... la possibilité aux membres du tribunal, au président du tribunal, finalement, de devenir conciliateur, ça, vous avez... Donc, vous dites: On est mieux d'utiliser cette méthode plutôt que d'y aller par cette autre méthode suggérée par le projet de loi.
M. Choquette (André): On parle de quelle méthode, là?
M. Bédard: L'autre, aussi. Là, vous avez parlé de la conciliation plus générale. Mais je vous disais aussi, vous avez vu dans le projet de loi, ce dont vous parliez avec le ministre tantôt, la possibilité au président du tribunal de se transformer, finalement, de transformer une séance en séance de conciliation.
M. Choquette (André): J'ai plus compris de la part du ministre que c'était un noyau actuellement de membres décideurs qui n'étaient pas nécessairement attitrés à un dossier dans lequel ils étaient saisis. C'était plus un membre, là, conciliateur déjà en poste qui agit comme conciliateur. C'est ce que j'ai compris. Je n'ai jamais parlé de celui qui était saisi du dossier en adjudication. Si c'est ça, ce n'est pas le sens de ma réponse que je voulais donner.
M. Bédard: O.K. L'autre point. J'ai lu... Au niveau effectivement de la régionalisation, vous me dites: Actuellement, il y a 17 directions régionales, 17 directeurs. Est-ce que ces directeurs font de la conciliation?
M. Choquette (André): Non.
M. Bédard: O.K.
M. Choquette (André): Ils ne font que de l'administration régionale.
M. Bédard: O.K. Est-ce qu'il y aurait possibilité que ces gens-là fassent de la conciliation aussi?
M. Choquette (André): Je pense que ça ne leur tente pas, pour commencer, là. Et je pense...
M. Bédard: Mais est-ce que ce sont des conciliateurs?
M. Choquette (André): Non, non, non. Les directeurs, ce sont des commissaires.
M. Bédard: O.K. Ce sont...
M. Choquette (André): Les directeurs régionaux... Ah! non, il n'y a pas de conciliateur. Ça, c'est intéressant, ce que vous me posez comme question. Quand je parle des 17 directions régionales, là, c'est le responsable du bureau régional qui est un commissaire qui, lui, gère l'ensemble de l'administration, le greffe, les employés de bureau, les conciliateurs attitrés. Ça désoriente un peu des alignements que le service de conciliation pourrait prendre.
M. Bédard: Non, j'avais compris de votre mémoire ? et là je trouvais ça surprenant finalement ? qu'il y avait une direction pour les conciliateurs. Et là je me disais: Bien, bon Dieu...
M. Choquette (André): On en souhaite une unique, direction des conciliateurs. C'est ce qu'on souhaite depuis 1998.
M. Bédard: O.K. Et, vous, ce que vous souhaitez... Mais, vous savez, vous parlez... Et là vous savez que, bon, la direction unique, ça peut être une chose, mais, entre vous et moi aussi, vous pouvez atteindre, du moins, beaucoup des objectifs que vous mentionnez par d'autres méthodes, au niveau de la formation, au niveau de... Vous savez, que ce soit par téléphone ou même par séance de formation autre ou même comme il se fait pour les commissaires, là, il y a moyen d'échanger les différentes informations pour s'assurer que les gens aient accès à la même information. Mais en même temps, vous savez, on ne pourra jamais uniformiser toutes les pratiques.
Je vous dirais même, j'irais même un peu plus loin en vous disant qu'il ne faut pas uniformiser toutes les pratiques. Ces pratiques de conciliation, j'imagine, tiennent compte de la réalité de la région, peut-être pas de la culture, mais de la réalité strictement géographique, parfois. Vous savez, je peux comprendre, moi, qu'en Gaspésie il peut arriver qu'on privilégie peut-être plus souvent, ou quand c'est possible, le fait de faire des conciliations par téléphone que de déplacer...
M. Choquette (André): J'ai travaillé en région, moi.
M. Bédard: Pardon?
M. Choquette (André): J'ai travaillé en région, j'ai travaillé 10 ans en région éloignée, je connais très bien le phénomène de région.
M. Bédard: Oui. C'est ça, mais... Exactement, donc, vous comprenez mon propos ici, d'abord.
M. Choquette (André): Oui.
M. Bédard: C'est celui de dire que... Parce que vous parliez beaucoup... Et ça, c'est des... Je vous le dis, parce qu'il y a comme... On se sent souvent investi de tâches quand on est en région, investi plutôt de... Et vous l'avez vécu, mais parfois il est ? je le dis en tout respect pour vous, là ? bon de se le rappeler que, effectivement, il y a des réalités qui sont différentes, ce n'est pas que géographique mais aussi culturel, et aussi des formes, des modes qui sont différents, qui sont liés à une évolution qui est différente. L'important, c'est que les gens aient accès à la même formation, aux mêmes informations. Et, je vous dirais, dans le monde d'aujourd'hui, qui favorise la circulation de cette information ? et là rien ne l'empêche, même, peu importe où on se trouve sur la planète, alors encore plus au Québec ? il n'y a rien qui empêche au conciliateur d'un village de la Gaspésie d'avoir accès à peu près à la même formation que celui en plein coeur de Montréal.
Et donc je me dis: Il faut faire attention, là. Cette uniformité des pratiques, cette uniformité de la façon de faire... Moi, j'aurais tendance même à mettre un bémol. Et je vous dirais même que, si vous souhaitez avoir une direction ? et je comprends les objectifs que vous me dites ? mais de façon à uniformiser, et vous le dites souvent, là, uniformiser et s'assurer que tout le monde procède de la même façon, là, je vous dis: Là, j'ai un problème. Et je ne souhaite pas... Au contraire, s'il y avait éventuellement une direction, peut-être qu'elle sera dans une région, il faudrait peut-être favoriser ça... Mais ne souhaitons pas que cela consiste à imposer dans tous les cas, là, une façon de faire.
M. Choquette (André): Mon objectif, ce n'est pas de dire qu'on va faire de manière identique chacune des démarches, mais on doit être en mesure de rechercher une méthode de rapprochement semblable d'une région à l'autre. Dans certaines régions, où il y a des rechutes, il y a un accident de travail qui est identifié, il y a une décision qui est rendue sur un accident de travail et, dans le cadre de la conciliation, on en vient à déterminer que ce n'est pas un accident de travail, c'est une rechute, récidive, aggravation. Dans plusieurs régions, on est en mesure d'agir en disant que c'est une rechute, récidive, aggravation. Dans quelques autres, ils vont dire: Pour être en mesure de faire une rechute, récidive, aggravation, il faut que je communique avec la CSST. Ce n'est pas nécessairement... Moi, j'appelle ça aller chercher un rapprochement pour avoir... Puis les représentants qui, eux, vont dans les deux régions, bien, ils en reviennent un peu frustrés parce que, ailleurs, ils sont en mesure d'obtenir le service direct et puis par d'autres ils se font mettre la CSST dans les pattes, qui n'est pas toujours souhaitable.
M. Bédard: Êtes-vous d'accord avec moi que ce problème-là pourrait être résolu par de la formation, par de la sensibilisation, par des discussions, par...
M. Choquette (André): C'est la direction régionale qui donne l'heure juste pour le conciliateur sur les méthodes à...
M. Bédard: Les gens se parlent, là, vous savez, on n'est pas en vase clos, là. C'est que ça me surprend, je vais vous le dire...
M. Choquette (André): C'est le phénomène des...
M. Bédard: Je comprends votre point de vue, mais il y a peut-être une façon d'y arriver autre, mais je comprends votre objectif d'arriver à une direction unique. Mais je vous dis en même temps: Si vous arrivez là, peut-être qu'il y a des domaines qui seraient avantageux, mais, je vous dis, évitez d'uniformiser les pratiques, bon Dieu! Je pense que ça serait la pire... la pire des choses.
M. Choquette (André): Je peux vous en dire une, une façon, M. le député. Une des façons, c'est une direction unique, mais avec aussi des conciliateurs qui sont une espèce de coordonnateur pour deux ou trois régions. Il y a aussi une... Bien, c'est ça. Ça fait partie du processus, mais le détail, il n'a pas été présenté dans le cadre du processus, là.
M. Bédard: ...peut-être que ce seraient des choses à regarder.
M. Choquette (André): Mais, en un mot, quand je dis «une direction unique», c'est qu'ils relèvent exclusivement de la conciliation.
n(11 h 30)nM. Bédard: Oui, oui. Ça, je le comprends. Ça, je le comprends, puis... Mais je vous dis en même temps... Parce que, vous savez ? c'est pour ça qu'on a chacun nos dadas, vous, c'est la conciliation, moi, c'est la régionalisation ? quand on est député de région, on est investi de ces convictions-là. Et notre pain quotidien, comme député, c'est de se battre justement contre les paramètres uniformes qui souvent ont des applications incongrues dans les régions. L'injustice naît parfois de la loi... rarement de la loi, elle naît de l'application de la loi, et donc ce qui fait que la loi n'est pas injuste comme elle est rédigée, mais elle devient parfois injuste envers qui elle est appliquée. Et il y a des cas d'injustice.
Et, je vous dis, il faut toujours éviter de... il faut toujours avoir cette conscience qu'il y a des particularités, qu'il peut y avoir des façons de faire, oui, effectivement différentes, par contre toujours s'assurer du maintien de la circulation de l'information et de la formation tout court pour favoriser que, peu importe où on est sur le territoire, que ce soit dans une grande tour à bureaux à Montréal ou dans un village de la Gaspésie, on ait accès à la même information mais qu'on puisse effectivement avoir des pratiques et même des cadres de référence qui sont plus collés à la réalité du terrain. C'était tout simplement ça, et là je vois que nous partageons tous les deux cet objectif. Alors, je vous remercie beaucoup de votre témoignage, M. Choquette.
M. Choquette (André): Merci.
La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. Choquette, pour votre contribution à l'avancement des travaux de la commission. Donc, nous allons suspendre...
M. Choquette (André): Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault): Oui.
M. Choquette (André): Avant de terminer, je voudrais, au nom des autres conciliateurs de chez nous et de plusieurs commissaires, profiter de l'occasion pour remercier les gens de la commission des deux cotés de la salle pour l'attention et le respect qu'ils ont témoignés tout au long des témoignages qui ont eu lieu dans le cadre de cette commission-là. Et je vous prie de croire que ça ressort de l'ensemble de mes collègues, et on l'apprécie beaucoup. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Thériault): Bien, merci beaucoup, M. Choquette. Donc, nous allons suspendre quelques instants pour laisser la place au prochain groupe, Les mères contre l'alcool au volant. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 32)
(Reprise à 11 h 36)
Le Président (M. Simard): Nous allons reprendre nos travaux. Je voudrais souhaiter la bienvenue aux deux prochains témoins qui sont du... ? je m'excuse, je retrouve mes notes ? de l'organisme Les mères contre l'alcool au volant. Mme Theresa-Anne Kramer et Mme Johanne Morin, vous allez nous dire qui est qui, j'imagine. Et, puisque c'est sans doute la première fois que vous témoignez en commission parlementaire ? probablement, en tout cas ? vous rappeler les règles: vous avez une vingtaine de minutes ? vous n'êtes pas obligées de les prendre toutes ? pour présenter l'essentiel, hein, ce que vous croyez devoir transmettre aux membres de cette commission de votre mémoire, et ensuite les deux partis, ici, pendant 20 minutes chacun, vont, disons, dialoguer avec vous, vous poser des questions, faire des commentaires. Alors, bienvenue parmi nous, et nous vous écoutons.
Les mères contre l'alcool au volant
Mme Kramer (Theresa-Anne): Bonjour. Je suis Theresa-Anne Kramer, de MADD Montréal.
Mme Morin (Johanne): Et Johanne Morin, de MADD Canada. Alors, bonjour, M. le Président, M. le ministre, chers membres de la commission, MM., Mmes députés. Merci de nous recevoir ici aujourd'hui. Le sujet du présent mémoire est le récent projet de loi n° 35 modifiant la Loi sur la justice administrative et d'autres dispositions législatives présenté à l'automne 2003 à l'Assemblée nationale. Face à ce projet de loi, MADD souhaite exprimer ses commentaires et préoccupations sur quelques aspects.
Mme Kramer (Theresa-Anne): MADD Canada. L'acronyme MADD désigne «Mothers Against Drunk Driving», Les mères contre l'alcool au volant. La mission de MADD Canada consiste à mettre fin à la conduite avec facultés affaiblies et de venir en aide aux victimes de ce crime de violence. «Mothers Against Drunk Driving», MADD Canada, est une oeuvre de bienfaisance canadienne enregistrée dirigée par des bénévoles. Son conseil d'administration national représente les membres de toutes les régions du Canada.
Notre historique. MADD Canada a été établi en 1990 dans le but de créer un réseau national de victimes et de citoyens dévoués à l'élimination de la conduite avec facultés affaiblies et à venir en aide aux victimes de ce crime violent. C'est au début des années quatre-vingt que les premiers groupes provinciaux contre la conduite avec facultés affaiblies ont commencé à apparaître au Canada. Les pionniers de ce mouvement étaient tous des victimes qui voulaient faire connaître aux Canadiens les conséquences tragiques de la conduite avec facultés affaiblies.
Parmi ceux-ci, notons Sally Gribble, dont le groupe, en Colombie-Britannique, a reçu le statut de section MADD US; Gladys Armstrong and Pat Baril, de PAID en Alberta; Margaret Taylor, de CAID au Manitoba; ainsi qu'une section PRIDE en Ontario. Nous sommes tous endettés envers ces individus qui ont travaillé inlassablement pour assurer que les victimes de la conduite avec facultés affaiblies bénéficient de soutien. Nous les saluons d'avoir eu le courage de faire une différence dans leurs communautés respectives.
PRIDE, «People Reducing Impaired Driving Everywhere», fondé en Ontario au début des années quatre-vingt, a amorcé les débats auprès de MADD US en vue de devenir l'organisme national du Canada. John Bates, membre de l'organisation PRIDE dès ses débuts, ainsi que d'autres membres de PRIDE ont délibéré avec succès auprès de MADD US, c'était la naissance de MADD Canada. En 1998, John Bates a reçu l'Ordre du Canada en reconnaissance des nombreuses années qu'il a consacrées à la lutte contre l'alcool au volant au Canada. John Bates s'est également vu conférer le titre de fondateur par le conseil d'administration national. Ce titre lui confère en outre un siège permanent au conseil.
n(11 h 40)n Tout comme dans les cas de PAID, CAID et PRIDE, la présence nationale de l'organisme et ses contributions à l'échelle locale sont directement attribuables à la participation des individus dévoués à la lutte contre l'alcool au volant qui se donnent comme objectif d'améliorer la sécurité des voies publiques et de venir en aide aux victimes et leurs familles.
Mme Morin (Johanne): MADD Canada compte présentement 64 sections locales réparties à travers le Canada et opérées par quelque 5 000 membres bénévoles. Au Québec, MADD a vu le jour en novembre 1996. Depuis ce jour, MADD Montréal se dévoue à assurer les programmes et services de MADD Canada auprès du public et des victimes. Nous nous efforçons de poursuivre le développement de plusieurs sections locales de MADD aux quatre coins du Québec, notamment dans notre magnifique capitale.
Notre déclaration de foi. La raison principale de notre existence consiste en l'élimination des décès et des blessures causés par la conduite avec facultés affaiblies. Tout aussi important est de venir en aide aux victimes de ce crime violent. MADD Canada est un organisme de base populaire dont la force, l'énergie et le leadership proviennent de ses bénévoles. La participation aux activités des sections de MADD Canada est bénéfique aux communautés et favorise la guérison des victimes de la conduite avec facultés affaiblies.
Des programmes rigoureux en matière de lois et de défense d'intérêts publics sont essentiels à la réalisation de la mission de MADD Canada. Une déclaration nationale des droits des victimes doit être établie afin d'assurer un traitement équitable et respectueux pour toutes les victimes d'un crime. Un programme équilibré de sensibilisation du public, d'éducation, de législation ainsi qu'une application systématique de la loi par la police, les procureurs de la couronne et les tribunaux sont essentiels à l'élimination de la conduite avec facultés affaiblies.
La décision de consommer de l'alcool est une affaire personnelle. Cependant, l'alcool au volant est une affaire d'intérêt public. Les conducteurs avec facultés affaiblies et tous ceux qui contribuent directement à la conduite avec facultés affaiblies doivent être tenus responsables de leur comportement. La rééducation proactive des conducteurs avec facultés affaiblies est essentielle. Conduire est un privilège et non un droit. Les collisions attribuables à la conduite avec facultés affaiblies ne sont pas des accidents.
Projet de loi n° 35. Rappelons que l'alcool au volant constitue la principale cause de décès et de collision sur les routes québécoises. Chaque année, ce crime entraîne la mort de près de 300 personnes et en blesse environ 3 000. Pour commencer, nous soutenons que l'ensemble des victimes que nous aidons possèdent un point en commun, elles perçoivent toutes malheureusement la SAAQ, organisme chargé de les indemniser et donc indirectement de leur venir en aide, comme une grosse machine impersonnelle et froide avec un service à la clientèle déficient. Selon le point de vue des victimes, la majorité des problèmes auxquels ils doivent faire face proviennent de la SAAQ. Le projet de loi n° 35 représente en général un progrès significatif pour les droits des victimes que nous représentons. Cependant, il va sans dire que toute amélioration au système juridique administratif actuel ne serait être entièrement bénéfique pour les victimes sans une réforme en profondeur des organismes administratifs sous-jacents.
Un des objectifs de la présente réforme est d'améliorer la régionalisation. Or, pour toutes les victimes de l'alcool au volant, MADD salue cet effort afin que ces victimes puissent avoir accès à une justice sur l'ensemble du territoire québécois. MADD salue également le nouveau mode de nomination des décideurs, et ce, afin que les victimes d'alcool au volant puissent enfin bénéficier, comme toutes les autres victimes devant tout autre tribunal, du droit fondamental d'être entendues par des décideurs indépendants et impartiaux. Également, MADD est d'avis que, puisqu'il s'agit de justice, les règles de droit s'appliquant se doivent de l'être par des décideurs maîtres de ces règles ainsi que des règles de preuve. Par conséquent, les décideurs devraient toujours et seulement être des juristes.
Nous profitons de cette occasion pour rappeler au gouvernement du Québec l'un de ses engagements politiques prioritaires énoncés lors de la récente campagne électorale en ce qui a trait à la réforme tant attendue du régime d'indemnisation sans égard à la responsabilité. En mars 2003, le Parti libéral a déclaré ce qui suit: «Nous croyons aussi qu'il importe d'apporter des changements d'assurance automobile afin de contrer les comportements criminels sur la route et de rendre pleinement justice aux victimes. De même, nous croyons qu'il importe d'entreprendre une démarche transparente et rigoureuse qui permettra d'harmoniser les régimes publics en matière de soutien du revenu et d'indemnisation. Le tout, ici comme ailleurs, dans un esprit de cohérence, d'accessibilité, de simplicité et de justice sociale.» Incidemment, MADD anticipe la possibilité de participer à l'important débat entourant la réforme du «no fault» dans un avenir très prochain.
Alors, nous aimerions reprendre de façon un peu plus détaillée certains des points énoncés plus haut. Fusion de la CLP, Commission des lésions professionnelles, et du TAQ, Tribunal administratif du Québec. Nous voyons d'un bon oeil l'amalgamation de ces deux tribunaux. Nous souhaitons cependant que les budgets de ces deux entités soient combinés afin d'assurer le bon fonctionnement de ceux-ci. Il ne faudrait pas que cette combinaison justifie une réduction des argents dont ils disposent actuellement sous prétexte qu'ils deviendraient plus efficaces. Trop souvent, de nos jours, les fusions sont synonymes de coupures. Il ne faudrait pas qu'il en soit ainsi pour ce qui est de l'amalgamation de la CLP et du TAQ.
Un autre aspect positif de la fusion CLP-TAQ serait de faire bénéficier le TAQ des bureaux et greffes existants, car ceux-ci ont une présence dans toutes les régions administratives du Québec. MADD voit mal comment qui que ce soit pourrait s'opposer à un tel changement qui a d'ailleurs reçu l'approbation de plusieurs intervenants et organismes devant cette commission.
Le fardeau de preuve. Nous abordons cet élément du point de vue de la victime. Il nous semble trop rigoureux d'exiger un taux de certitude médical de 100 % ou près de 100 %, alors que ceci n'est pas requis dans le contexte général de la loi. Il est fort possible d'établir un lien de causalité raisonnable sans toutefois exiger une causalité scientifique parfaite. À cet effet, nous sommes d'accord avec les propos énoncés par Me Janick Perreault dans son mémoire sur le projet de loi n° 35, présenté à la Commission des institutions en janvier dernier, qui suggère que les personnes ultimement responsables de rendre la décision devraient être des juristes. Cette ligne de pensée est également adoptée par la Fondation des accidentés de la route avec laquelle nous collaborons de façon régulière. Nos deux organismes se rejoignent dans leurs objectifs lorsqu'il s'agit de faciliter le processus pour les victimes et/ou leurs familles alors qu'elles vivent des moments très difficiles.
D'autant plus, nous avouons être surpris d'apprendre que des médecins siègent en permanence à la Section des affaires sociales du TAQ à titre de décideurs, alors que nous connaissons tous l'état pitoyable de notre système de santé ainsi que le problème persistant de pénurie de médecins, et ce, à l'échelle du Québec. Également, MADD se questionne sur le mérite de la présence et des compétences médicales réelles d'experts qui, dans les faits, n'ont pas vu l'intérieur d'une salle d'urgence ou d'examen en tant que médecins depuis plusieurs années.
Mme Kramer (Theresa-Anne): La célérité. Un des principes fondamentaux de la justice administrative est la célérité. Ainsi, toute mesure prise dans cet objectif doit être encouragée. En raison des délais exorbitants auxquels les victimes d'alcool au volant doivent faire face, il est temps que des mesures pour remédier à ce problème soient prises. Notamment, compte tenu du peu de succès du mécanisme de révision ? trois sur quatre décisions sont confirmées lors des révisions ? à la SAAQ, nous croyons que cette instance devrait être abolie. Il est inconcevable de soumettre les victimes à des processus administratifs qui s'éternisent alors qu'elles ont besoin de toutes leurs ressources et leur courage pour affronter leurs souffrances. Sans apporter de cas spécifiques, nous pouvons vous assurer, par nos rapports auprès des victimes, que les problèmes qu'elles éprouvent avec les procédures administratives figurent parmi l'une des principales doléances après le fait d'avoir été victime d'un crime.
De même, les victimes d'alcool au volant éprouvent déjà suffisamment de problèmes, il ne saurait être question de leur imposer des démarches inutiles. Par conséquent, il ne faut surtout pas présumer qu'un citoyen se désiste de son recours simplement parce qu'il ne s'est pas manifesté une deuxième fois. Cette disposition n'est qu'un traquenard pour les victimes, et nous recommandons fortement son élimination. En ce sens, tous les articles relatifs aux droits des victimes et prévoyant la présomption de désistement doivent être modifiés.
En terminant sur ce point, nous croyons que, afin d'assurer une justice rapide et efficace, tout processus de conciliation doit être privilégié. Et, pour ce faire, il faut imposer ce mécanisme à la SAAQ. Nous reconnaissons la conciliation comme une étape importante de tout système de justice, puisqu'elle remplace fréquemment des procédures longues et complexes.
n(11 h 50)n Notre conclusion. Comme vous l'avez entendu, une partie importante de notre mission consiste à venir en aide aux victimes du crime de conduite avec facultés affaiblies. Devant une cour criminelle, les victimes n'ont pas de voix, particulièrement lorsque nous parlons des victimes par ricochet. Un procès au criminel n'appartient pas aux victimes, il appartient à la couronne et permet à celle-ci de défendre les intérêts de la société en général. Certes, les victimes portent le droit de présenter une déclaration de la victime, mais ce droit leur est accordé uniquement lorsque l'accusé est reconnu coupable. La situation de la justice administrative au Québec, elle, ne doit pas reproduire le portrait désolant de la situation des victimes que nous aidons tout au long des procédures criminelles.
Proportionnellement aux 300 décès annuels au Québec, à peine 6 % des accusés sont généralement reconnus coupables, et les peines imposées aux contrevenants sont loin d'être à la mesure du crime. En ce moment, les victimes se sentent lésées par le système de justice, mais, s'il y a un endroit où l'on accorde à la victime le pouvoir de s'exprimer, c'est bien devant un tribunal administratif. Là, une victime peut s'adresser directement au juge, parler de ce qui lui est arrivé et exprimer ce qu'elle vit depuis l'événement tragique. MADD veut faire valoir ce droit précieux en tout temps et en toutes circonstances afin que les victimes qui souffrent physiquement et émotionnellement puissent s'exprimer et être entendues par des décideurs indépendants et impartiaux, maîtres des règles et des droits ainsi que des règles de preuve dans des délais raisonnables, et le tout dans un contexte d'harmonisation. Merci.
Le Président (M. Simard): Merci beaucoup, mesdames. Alors, j'invite maintenant le ministre de la Justice à vous poser la première question.
M. Bellemare: Alors, bienvenue, Mme Kramer, Mme Morin, devant la Commission des institutions. Merci pour cet éclairage concernant les victimes et les problèmes vécus par les victimes. Vous abordez dans votre mémoire la question des médecins en alléguant la problématique des médecins qui, à votre avis, devraient garder un contact avec les salles d'urgence et les diagnostics cliniques. J'imagine que c'est un peu votre position. Qu'est-ce que vous souhaitez?
Parce que je pense que la présence des médecins sur les bancs décisionnels, ou comme conseillers, ou comme décideurs, peu importe, la présence des médecins, dans certains cas complexes, s'avère être une nécessité. La plupart des gens semblent convenir du fait que les médecins ont leur place au sein de ces tribunaux-là pour éclairer ou pour décider de questions médicales. Pas nécessairement dans les cas où il n'y a pas de médecine, parce qu'il y a des litiges où il n'y a pas de médecine. Dans les cas médicaux complexes, difficiles, je pense que c'est dans l'intérêt des victimes.
Mais est-ce que vous avez une opinion sur le genre de statut qu'on devrait leur donner ou comment assurer leur compétence et leur formation clinique continue? Pas juste la formation théorique, mais la formation clinique, parce que la clinique, c'est ce qui se passe dans les hôpitaux et dans les cliniques médicales, rencontrer le patient, l'examiner, se faire une opinion. La théorie, c'est une autre chose. Mais comment vous voyez ça, vous? De quelle façon on devrait assurer le respect des compétences des médecins qui entendent ces causes-là tant au plan clinique qu'au plan de la formation?
Mme Morin (Johanne): Bon. Alors, pour commencer, je réitère le fait que ça nous a un petit peu surpris de constater que des médecins siégeaient en permanence, là, sur... On ne s'attend pas à ce qu'un médecin siège à un tribunal. Notre expérience est plutôt du côté criminel dans l'accompagnement qu'on fait avec les victimes, là, mais ce n'est pas quelque chose qui... disons, c'est quelque chose qui nous a un peu surpris, là.
Donc, on a appris aussi qu'il semble que les médecins qui siègent, justement, ce sont des médecins qui ne sont plus en pratique courante, donc qui peuvent être un peu, là, débarqués de la pratique, et de sorte qu'ils ne sont pas nécessairement au courant de procédures récentes et ils n'ont pas l'expérience pratique, autrement dit.
Donc, c'est bien certain que, sans nécessairement voir les médecins comme des décideurs qui siégeraient de façon permanente sur les tribunaux, bien on les voit comme consultants lorsque cela est nécessaire ou à titre d'experts, comme on fait appel à des experts dans les cours criminelles pour témoigner lorsque c'est nécessaire.
M. Bellemare: La problématique est quand même importante et elle est sérieuse parce que, dans l'administration publique, de tout temps, on nous a dit que c'était difficile de recruter des médecins pour siéger sur des bancs. Que ce soit comme médecin, comme expert ou comme décideur, c'est difficile de trouver des médecins, et, très souvent, ce sont des médecins qui sont issus de l'appareil gouvernemental, ou qui sont un peu en fin de carrière, ou qui décident de ne plus traiter ou de ne plus faire de clinique. Rarement, on va être en mesure de convaincre un médecin qui fait de la clinique, qui pratique, de venir siéger sur un tribunal administratif. C'est un problème de tout temps, et il est encore présent aujourd'hui, le recrutement n'est pas facile.
Et le Collège des médecins... Je crois que c'est le Collège des médecins qui recommandait, par exemple... qui avait les mêmes préoccupations que vous. Le Dr Lamontagne allait tout à fait dans le même sens et souhaitait que les experts ou les assesseurs médicaux soient nommés pour cinq ans, non renouvelables. Est-ce que ça vous apparaît être quelque chose de réaliste et de souhaitable?
Mme Kramer (Theresa-Anne): Nous trouvons particulièrement intéressant que le Dr Lamontagne représente les médecins souvent comme étant déphasés, qui siègent sur les... comme décideurs. Et ceci est particulièrement, je crois, difficile pour une victime qui a subi une collision, qui subit parfois les horreurs de la salle d'urgence, d'être en face de quelqu'un qui n'est plus connecté avec leur réalité. Et, peut-être, une des suggestions de Dr Lamontagne, c'est que ces médecins-là seraient un certain temps en clinique ou en salle d'urgence, je crois, et ça, ce serait une façon de tenir ces médecins-là comme conseillers très, très près des victimes et de leur réalité. Donc, nous trouvons que c'est très important que, si un médecin doit décider ou... doit conseiller, qu'il soit vraiment au courant des dernières techniques, des dernières connaissances médicales, mais aussi des souffrances des victimes dans la salle d'urgence.
M. Bellemare: Quand je parlais tantôt de la difficulté de recrutement, c'est qu'on réalise au Tribunal administratif du Québec actuellement qu'il y a un certain nombre de juges administratifs, de médecins qui sont à temps partiel. Il y en a d'autres également à la CLP qui sont à temps partiel, puis souvent on constate effectivement qu'il y a une différence dans l'approche et dans les connaissances des médecins qui font de la clinique. Mais c'est difficile à appliquer dans la pratique, on va regarder si on peut aller dans ce sens-là.
Mais, dans les grands centres particulièrement, et tout particulièrement à Montréal, je me demande dans quelle mesure on peut réalistement penser qu'un médecin spécialiste pourrait mettre fin à sa pratique partiellement ou entièrement pendant cinq ans sans perspective de renouvellement pour venir siéger sur un tribunal administratif du Québec, là, tenant compte des aspects salariaux, des aspects... Il faut que ce soit réaliste aussi, et ça devient une question purement pratique à ce moment-là.
n(12 heures)n Très certainement qu'un médecin qui serait appelé à siéger sur un banc comme expert, ou comme décideur, ou comme assesseur pendant cinq ans aurait un lien plus près de la pratique, surtout s'il continue de pratiquer en même temps, ce qui serait idéal. Mais ça crée un problème, là, il y a un problème pratique qui se présente au plan du recrutement, là. Il faut être conscient de ça. Mais on va... on tient compte... Je pense que c'est important, ce que vous soulevez. Les rapprochements cliniques, là, du médecin avec la pratique concrète, c'est important. Merci.
Le Président (M. Simard): Mme la députée d'Anjou, vous voulez poser une question. Je pensais qu'il y aurait une réplique aux commentaires du ministre. Alors, nous vous écoutons.
Mme Thériault: Merci, M. le Président. Mme Kramer, Mme Morin, merci d'être parmi nous ce matin. D'après vos commentaires, le contenu de votre mémoire, on voit que vous avez quand même suivi une bonne portion des travaux de la commission en mentionnant les propos de Me Janick Perreault et en relevant ce que le Dr Lamontagne avait mentionné.
Les membres de la commission, nous avons eu pendant presque trois semaines beaucoup de groupes qui sont venus nous parler des difficultés des victimes accidentées de la route, notamment avec la Société de l'assurance automobile du Québec. Les propos n'ont pas été très tendres. Je dirais même que, moi, c'est assez pour m'ébranler, en tout cas. Et je vois dans votre mémoire, à la page 7, où vous dites: Il est inconcevable de soumettre les victimes à des processus administratifs qui s'éternisent, alors qu'elles ont besoin de toutes leurs ressources et leur courage pour affronter leurs souffrances.
Moi, j'aimerais ça que vous me parliez des relations... Vous parlez d'un service à la clientèle qui est très déficient aussi, à la page 5, là. Dans le pratico-pratique, là, pourquoi c'est si difficile que ça de faire affaire avec la SAAQ? Moi, je ne le comprends pas encore. Puis, bon, c'est sûr que, moi, je n'ai jamais eu recours à la SAAQ. Mais vous parlez de certains de vos membres. Sans faire des cas particuliers évidemment ? on comprend qu'il y a un respect de confidentialité de dossiers, là ? donc est-ce que vous pourriez extrapoler?
Mme Kramer (Theresa-Anne): Nous-mêmes, nous restons ébranlés par les témoignages de nos victimes lorsque les gens nous parlent et nous rapportent comment un chèque pour le décès de quelqu'un de leurs proches ? un enfant ou une mère ? leur a été donné, la froideur avec laquelle ce bout de papier leur a été donné. Pour eux autres, ça représente leur mère ou leur fils. Et c'est un montant, 10 000 $, mais le montant... ou 8 000 $, peu importe; c'est la façon dont ce chèque leur est donné. Personnellement, dans deux cas, ça m'a vraiment touchée de savoir que la personne était seule dans la salle, le chèque lui a été mis devant lui, et c'est tout. Aucun mot de soulagement, de compassion.
Donc, des fois, pour une victime, juste un très petit mot ou un geste de la part de la personne qui donne ce papier pourrait soulager le victime. Et on s'est dit: Comment cela peut-il se produire? N'y a-t-il pas une formation de base pour que ces gens-là qui parlent aux victimes soient... démontrent de la compassion? Donc, ça, c'est juste une instance. Mais il nous reviennent avec beaucoup plus de difficultés dans les relations avec la SAAQ.
Et il faut comprendre qu'une victime est abattue et pas abattue seulement pour une très courte durée. Le processus judiciaire est souvent très long. Ça peut s'éterniser entre deux ans, des fois plus. Et, même quand le verdict est donné, c'est souvent deux ans moins un jour, service dans la collectivité, ou ils sont trouvés non coupables à cause d'une lacune dans les lois. Et ces victimes sont démunies. Et, là encore, ils doivent faire affaire avec la SAAQ où ils ne sont pas souvent traités avec compassion et respect.
Mme Morin (Johanne): Je peux peut-être aussi ajouter quelque chose. La majorité des cas dans lesquels on aide les victimes, c'est... En fait, selon nous, la définition d'une victime, ce n'est pas nécessairement la personne à qui c'est arrivé mais aussi sa famille et ses proches. Alors, dans notre contexte, lorsqu'on parle de victimes, nous, les personnes qu'on aide, la majorité du temps, ce sont les familles, parce que la victime, elle s'est fait tuer dans la collision qui impliquait de l'alcool.
Alors, si on regarde l'ensemble de nos victimes, on a très peu de cas où c'est la victime elle-même. Donc, on aide les familles. Et les familles sont toutes d'accord pour nous dire que l'idée même de faire affaire avec des fonctionnaires ? je ne dis pas ça de façon péjorative, là, mais c'est le cas ? et l'idée de remplir des papiers, des formulaires, c'est des choses qui sont au-delà d'eux au moment où... dans la semaine, dans les jours qui suivent, dans les semaines qui suivent la mort de leur enfant ou de leur conjoint. Donc, c'est quelque chose qui est difficile pour les victimes, une épreuve...
C'est comme ajouter l'insulte à l'injure, là, alors qu'ils doivent traiter des papiers, des documents. Ils ne savent pas comment remplir ces formulaires-là, ils n'ont pas d'assistance pour les aider, il n'y a pas d'ombudsman qui... Il n'y a pas de droit des victimes qui existe. Alors, ils sont laissés à eux-mêmes, et c'est ça qu'ils déplorent. Puis ils sont laissés à eux-mêmes en plein dans le moment où ils ne sont pas capables de traiter toute cette information-là parce qu'ils ont trop de peine à cause de l'être cher qu'ils ont perdu.
Mme Kramer (Theresa-Anne): Et nous demandons aussi une réidentification de qui est victime. C'est aberrant pour une mère de se faire dire: Bien, votre enfant est en dessous de 18 ans, donc vous êtes considérée comme une victime. Mais, si l'enfant avait eu... juste un petit peu plus vieux, 18 ans, 19 ans, on dit: Vous n'êtes plus une victime. C'est aberrant de se faire traiter comme non-victime quand on est victimisé par le décès. C'est aberrant dans un certains cas où l'enfant et la mère, la soeur qui restait et la mère ont reçu de l'aide, mais le père s'est fait refuser parce que c'était un homme.
Donc, c'est des choses qui se passent, et, si vous êtes le père, vous faire dire que vous n'avez pas besoin d'aide parce que vous êtes un homme, c'est une phrase inacceptable. Et, si vous êtes la mère, de savoir que, si votre enfant a 16 ans ou 19 ans, vous n'êtes pas une victime, c'est une aberration. Il n'y a pas d'aide et de soutien psychologique pour les victimes à ricochet. Donc, ces gens-là, quand une enfant a vu sa soeur se faire frapper et cette enfant a des problèmes sérieux et les parents doivent payer de leur propre poche, avec grosses difficultés, les soins psychologiques pour cette enfant-là parce que ce n'est pas reconnu comme victime, bien, il y a des aberrations qu'on doit regarder et changer.
Mme Thériault: C'est vrai que, lorsqu'il y a quelqu'un qui perd un de ses proches, on est toujours affaiblis, on est vulnérables, on perd certaines de nos capacités, hein, on devient comme gelés, si je peux me permettre l'expression. Ça fait que c'est ça, ce n'est pas des moments qui sont faciles à vivre non plus. Et, si en plus nos relations avec l'État sont froides et impersonnelles, ça n'ajoute en rien, définitivement.
J'aimerais revenir sur un autre point, à la page 7, où vous parliez de la révision, que, compte tenu du peu de succès du mécanisme de révision, trois décisions sur quatre qui sont confirmées lors de révisions à la SAAQ, vous croyez que cette instance devrait être abolie. J'aimerais ça que vous m'en parliez un petit peu plus, aussi. Est-ce que... Quel type de jugement, au niveau des révisions?
Mme Morin (Johanne): Au moment où la SAAQ pose une décision qui est, disons, contre le requérant, ce qu'on croit, c'est qu'il devrait tout de suite y avoir... La procédure, ça devrait être d'aller immédiatement au tribunal, au lieu d'avoir... d'attendre les délais... au lieu de donner la possibilité à la SAAQ de penser pendant un autre 90 jours. Ils ont déjà refusé. C'est prouvé que 75 % des cas, ils vont apporter une décision en faveur de la SAAQ. Donc, si toute cette procédure-là était éliminée et on passait directement au tribunal, ça éviterait davantage de délais.
Le Président (M. Simard): C'est terminé? Alors, je me tourne vers le député de Chicoutimi, pour les prochaines questions.
n(12 h 10)nM. Bédard: Merci. Merci, M. le Président. Merci à Mme Kramer et Mme Morin d'être ici, à notre commission, à nous faire part... et de nous sensibiliser, de continuer à le faire, je pense, relativement à un fléau dont nous avons quand même réussi à amoindrir certains effets depuis des années, mais dont le combat reste tout aussi pertinent et doit demeurer très présent à l'esprit de nos concitoyens et concitoyennes et aussi des gouvernements qui sont en place, je vous dirais, aussi des organisations qui indemnisent ou du moins avec qui ces victimes sont en relation.
Donc, je vous remercie d'être venues en commission nous rappeler toute l'importance de ce combat qui est entrepris au Québec depuis de nombreuses années mais qui a donné des effets, mais pas tous les effets escomptés, effectivement, et souhaitons que... De toute façon, une victime est une victime de trop. Alors, souhaitons, tant au niveau des budgets que de la volonté gouvernementale de maintenir ce combat, que cela demeure entier et que nous puissions, comme société, ne plus avoir à compter les victimes dans cette situation. Alors, je vous remercie de nous sensibiliser à cette réalité.
Je vous dis en même temps... Vous nous avez fait part, là, de l'attitude... en relation aux plaintes que vous recevez avec la Société de l'assurance automobile qu'effectivement il est troublant de voir qu'il y a des gens, à travers le réseau, à travers cet organisme, qui manquent de jugement. Et je vous dirais que, comme législateurs, il y a une chose qu'on ne peut pas mettre, on ne peut pas obliger, donc on ne peut pas donner ni par loi ni par règlement et encore moins par décret ou par déclaration, c'est le jugement.
C'est le fait que, pour que quelqu'un pris devant une situation exerce son jugement ou agisse avec, dans des cas, compassion, avec intelligence, avec des qualités humaines... Je dirais, comme députés, on est confrontés des fois à cette réalité malheureuse. Et on est même souvent appelés à intervenir pour dénoncer. Et malheureusement, je vous dirais, c'est vrai pour parfois les fonctionnaires, mais c'est vrai aussi dans la société en général. C'est vrai pour certains députés. Il y a de mauvais députés qui exercent mal leur jugement, comme il y a des fonctionnaires qui exercent mal leur jugement, qui n'agissent pas avec les qualités qui sont requises dans des domaines qui demandent autant de sensibilité et, je pense, de jugement, et c'est malheureux.
Je vous dis en même temps que malheureusement je pense ? c'est vrai pour toute organisation, c'est vrai pour notre société ? qu'il y aura toujours malheureusement de ces cas et qu'il faut continuer à les dénoncer pour... on ne pourra jamais les enlever totalement, mais du moins en amoindrir les effets et, par la même occasion, donner souvent de meilleures formations, que ceux et celles qui sont appelés à traiter avec les personnes et à échanger avec les personnes qui subissent les contrecoups, les effets que... ils doivent le faire avec les précautions requises. Et malheureusement ? et on le constate ? ce n'est pas toujours le cas. Il faut le dénoncer, il faut... Sans parler de modifier la culture, mais, dans certains cas, oui, il faut... Est-ce que c'est un comportement collectif d'une organisation ou individuel? Il faut le mesurer, là, mais du moins améliorer cette culture auprès des victimes et...
Le projet de loi actuel ne touche pas à ça, parce qu'on touche à l'après, on touche plus au... Advenant le cas qu'il y ait une décision qui ne satisfasse pas les victimes, comment on peut maintenant obtenir justice? Et ça, c'est tout aussi important. Mais il reste que, je pense, un des éléments les plus importants, c'est de s'assurer qu'il y ait le moins de mauvaises décisions, le moins de comportements inadmissibles, moins de manques de jugement, de manques d'humanité. Alors, souhaitons que d'autres mesures soient prises pour justement empêcher que des mères, des pères, des frères, ceux qui entourent les victimes soient traités comme des numéros ou que les gens ne tiennent pas compte de la douleur qu'ils subissent.
Alors, je vous remercie simplement d'avoir pris la peine de nous rappeler ces choses fondamentales et importantes, ce qui fait souvent en sorte que notre société, elle doit s'améliorer à plusieurs niveaux. Elle a beau créer des outils, il faut toujours avoir cette préoccupation de rester humain dans le traitement de chacun des dossiers. Alors, je vous remercie. Si vous avez d'autres commentaires...
Mme Morin (Johanne): J'aurais deux commentaires. Pour reprendre, lorsque vous parlez de formation: justement, notre organisme est très conscient de ça. Nous avons d'ailleurs une formation que nous mettons à la disposition de toutes les personnes qui traitent avec des victimes et que nous avons l'intention de mettre à la disposition de tous les intervenants aussi, que ce soit au niveau médical, au niveau... Par exemple, ici, au Québec, je verrais très bien les intervenants de la SAAQ, du CLSC, des CAVAC prendre cette formation-là qui est spécifique aux victimes, au traitement des victimes, sensibiliser les gens à la réalité. J'ai aimé le mot que vous avez utilisé tantôt «la réalité», parce que c'est ça, c'est la réalité des victimes. Alors, cette formation-là, c'est... Nous, on a développé une expertise avec les années de traitement auprès des victimes et on a cette expertise-là, et on ne demande pas mieux que de la partager.
L'autre point que je voulais faire aussi, c'est que la SAAQ actuellement est une... bon, c'est une compagnie d'assurance quand même, ni plus ni moins, qui n'a pas de compétiteur. Alors, moi, dans une vie précédente, j'ai fait carrière chez Bell. Et, tant et aussi longtemps qu'on n'a pas eu de compétition chez Bell, on était paresseux, on prenait pour acquis les clients, on s'en occupait plus ou moins bien. Et, à partir du moment où on est devenus... on nous a imposé la compétition, ah! là tout a changé, et les télécommunications n'ont plus jamais été pareilles depuis ce moment-là.
Alors, la SAAQ n'a pas de compétiteur. Et, si dans un contexte... si on compare la compagnie d'assurance, qui est la Société de l'assurance automobile du Québec, avec les compagnies d'assurance privées, bien, on ne peut pas aller magasiner ailleurs, au Québec, pour avoir un autre assureur. Donc, c'est dans un contexte de non-compétition qu'il y a une espèce de complaisance, puis, que ce soit volontaire ou involontaire, au niveau des victimes, ça n'a pas d'importance, ça, c'est là. On se complaît dans ça parce qu'on n'a pas de compétiteur. Notre client, il est là puis il est captif, et c'est fini. Donc, c'est un aspect important aussi au niveau des victimes. Elles n'ont pas le choix d'aller ailleurs. Elles sont poignées, comme on dit, là, avec ça. Alors, c'étaient les commentaires que je voulais faire suite à ce que vous avez dit.
M. Bédard: Vous avez raison, et il faut... Vous savez, les modes de gestion au niveau public ont constaté cette réalité qui naît de la concurrence mais qui naît aussi de différents phénomènes organisationnels et chaque organisation maintenant d'une façon publique... Mais ça n'empêche pas qu'il y aura toujours, comme je vous disais, des cas malheureux et des gens qui... ou parfois même des cultures d'organisation qu'il faut changer en profondeur. Mais chaque organisation doit s'assurer de la satisfaction, entre guillemets, de sa clientèle avec des règles strictes: elle doit produire un rapport annuel; elle doit faire une déclaration de services aux citoyens; s'assurer d'une qualité autre que celle de dire... Et ce qui fait en sorte qu'on souhaite que cette qualité du service public demeure, mais il faut toujours effectivement viser à améliorer les processus. Alors que le secteur privé mise beaucoup... Effectivement, la concurrence est, je vous dirais, un facteur assez coercitif d'amélioration des services.
Donc, le secteur public a visé, lui, dans d'autres modes, à améliorer, mais c'est encore... Vous savez, depuis une dizaine d'années, ça a évolué, mais il faut continuer à inculquer ces réalités-là. Et je vous dirais en terminant que, bien que parfois on ne soit pas d'accord sur chacun des modes d'amélioration ou des demandes précises que vous faites, il y a une chose sur laquelle je peux vous dire que, moi, personnellement et, je pense, mon parti, nous sommes totalement en faveur, c'est l'amélioration du traitement des victimes, de l'indemnisation des victimes mais aussi des proches. Je pense que cette réalité-là doit être prise en compte, doit être considérée et ça doit être effectivement amélioré. Alors, je tenais à vous le dire, à vous remercier encore une fois d'être venues parmi nous.
Une voix: Merci.
Le Président (M. Simard): Vous avez terminé, M. le député?
M. Bédard: J'ai terminé, M. le Président.
n(12 h 20)nLe Président (M. Simard): Le député de Marguerite-D'Youville avait encore une question à poser, il restait quelques minutes.
M. Moreau: Merci, M. le Président. Mme Kramer, Mme Morin, bienvenue. J'ai trouvé intéressant le rapprochement ou en fait l'opposition que vous faisiez en situation de monopole et les bénéfices de la compétition. J'ai souvent dit que, si le temps d'attente dans les cabinets d'avocats était équivalent à celui des cabinets de médecins, probablement qu'on réduirait rapidement le nombre d'inscriptions au tableau de l'ordre. Mais heureusement ce n'est pas le cas, et je suis convaincu que la compétition y est pour quelque chose.
Je reviens sur un point de votre mémoire et que vous soulevez à la page 7 sur la question de la révision, où vous demandez purement et simplement l'abolition de cette instance-là. Dans plusieurs mémoires et dans d'autres sections que la question de l'assurance automobile, des intervenants sont venus nous dire que parfois, notamment au niveau des affaires sociales, l'instance de révision était une instance qui fonctionnait et qui fonctionnait même relativement bien. Est-ce que vous pourriez vous rallier à une position qui ferait en sorte que, dans la loi, on puisse rendre dans certaines sections l'instance de révision optionnelle, au choix de la victime ou de l'administré?
Mme Morin (Johanne): Oui, je pense qu'on pourrait se rallier à ça, compte tenu justement de la participation active de la victime dans cette décision-là, compte tenu du fait qu'on la tiendrait informée aussi de la façon de procéder, des droits. Parce que c'est une réalité aussi pour les victimes, de constater qu'elles ne sont pas informées de la façon dont elles doivent procéder. Par exemple, la clause, là, de désistement. Bon. Si la victime ne sait pas que ça existe, bien, elle est présumée se désister, là, si elle ne se manifeste pas.
Alors, oui, je crois qu'on pourrait se rallier, compte tenu naturellement, là, du fait qu'il faut que ce soit quelque chose de positif pour les victimes et que ça ne cause pas de délai supplémentaire. Parce que c'est ça, finalement, leurs doléances principales, là: c'est trop long, c'est déjà assez pénible comme ça sans que ce soit trop long, et pour en arriver finalement trois fois sur quatre à une décision qui est en faveur de la SAAQ et de revenir au même point, finalement.
M. Moreau: Bien. Je vous remercie, et je voulais vous féliciter pour la qualité de vos témoignages.
Le Président (M. Simard): Merci beaucoup, mesdames. Nous allons suspendre nos travaux pendant quelques minutes... jusqu'à 14 heures, pardon.
Des voix: ...
Des voix: Ha, ha, ha!
(Suspension de la séance à 12 h 23)
(Reprise à 14 h 5)
Le Président (M. Simard): Alors, veuillez prendre place, s'il vous plaît. J'invite les prochains invités à venir se joindre à nous. Il s'agit de l'Association des groupes d'intervention en défense de droits en santé mentale du Québec. Et je ne sais pas si vous connaissez nos règles de fonctionnement, mais je vous les rappelle. Après vous être identifiés, vous avez une vingtaine de minutes pour nous présenter l'essentiel de votre mémoire, et ensuite nous commencerons à discuter de part et d'autre de cette commission avec vous. Alors, veuillez, s'il vous plaît, tout d'abord vous identifier, et puis la parole est ensuite à vous.
Association des groupes
d'intervention en défense de droits
en santé mentale du Québec (AGIDD-SMQ)
M. Plourde (Guy): Bonjour, M. le ministre. Je présente mon équipe. Je suis Guy Plourde, président de l'AGIDD-SMQ; je présente Chantal Provencher, conseillère en défendre de droits à Action autonomie de Montréal; Doris Provencher, coordonnatrice de l'AGIDD-SMQ; et Me Stéphane Pouliot, administrateur de l'AGIDD-SMQ.
Fondée en 1990, l'Association des groupes d'intervention en défense de droits en santé mentale du Québec, AGIDD-SMQ, regroupe 35 organismes répartis dans toutes les régions du Québec: groupes d'aide et d'accompagnement en défense de droits, groupes de promotion et de vigilance, comités d'usagers d'établissements de santé mentale. L'AGIDD-SMQ se donne pour mission de lutter pour la reconnaissance et l'exercice, pour les personnes vivant ou ayant vécu un problème de santé mentale, des droits de tout citoyen et de toute citoyenne à part entière, c'est-à-dire les droits fondés sur des principes de justice sociale, de liberté et d'égalité.
Contrôlés majoritairement par les personnes directement concernées, les groupes de défense de droits se mettent au service des personnes qui, ayant un problème de santé mentale, ont besoin d'appui pour exercer leurs droits; ces groupes d'intervention... également au niveau systématique, c'est-à-dire pour remettre en cause des règlements, des politiques ou organismes... des services de santé mentale. Ces groupes visent à accroître la compétence des personnes à défendre leurs droits par elles-mêmes et à favoriser l'accès à l'utilisation des recours existants.
Nous sommes très préoccupés par la participation et l'implication des personnes utilisatrices des services dans les lieux de concertation concernant l'organisation des services. Nous avons endossé sans réserve le principe moteur du Plan d'action pour la transformation des services en santé mentale, soit l'appropriation du pouvoir de la personne.
n(14 h 10)n Nous remercions la Commission des institutions de recevoir nos commentaires et réactions concernant le projet de loi n° 35, Loi modifiant la Loi sur la justice administrative et d'autres dispositions légales. Notre expertise et notre expérience terrain permettront d'ajouter au débat actuel la perception des personnes vivant ou ayant vécu un problème de santé mentale et les difficultés qu'elles rencontrent dans l'exercice de leurs droits devant le Tribunal administratif du Québec. Or, l'actuel projet de loi complexifie davantage l'exercice des droits des personnes et ne nous permet pas de croire qu'il permettra de véritablement accéder à la justice.
Également, notre association tient à souligner son appui au mémoire de l'Assemblée des travailleurs et travailleuses accidentés du Québec, l'ATTAQ, en ce qui touche plus précisément l'application de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Nous reconnaissons leur grande expertise en ce domaine et nous considérons que leur analyse du projet de loi, de ce point de vue, est complète et lucide. Ainsi, l'AGIDD-SMQ endosse pleinement leurs recommandations.
Mme Provencher (Chantal): Avant d'aborder plusieurs questions qui touchent les recours au tribunal administratif pour les personnes qui sont gardées de force en établissement en vertu de la Loi sur la protection, on tient aussi à préciser qu'on appuie le mémoire du Front commun des personnes assistées sociales, particulièrement en ce qui concerne la demande du maintien du palier de révision actuel au niveau de l'aide sociale.
Donc, le recours au Tribunal administratif du Québec constitue une étape importante en vue du maintien ou de la levée d'une garde en établissement. Le législateur a déterminé que la personne hospitalisée contre sa volonté dans un département de psychiatrie en raison du danger prétendument qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui peut en appeler de cette décision au niveau du tribunal.
Étant donné que cette loi en est une d'exception, puisqu'on sait qu'elle contrevient à la Charte des droits et libertés en privant une personne de sa liberté, le cadre légal doit être précis et il l'est. L'expérience des groupes régionaux de défense des droits en santé mentale nous permet d'affirmer que la façon actuelle de procéder au Tribunal administratif du Québec ne tient pas suffisamment compte des droits prévus à la Loi sur la protection des personnes dont l'état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui. C'est pour le moins questionnant dans la mesure où il s'agit d'un tribunal qui se dit spécialisé. Or, on sait que l'actuel projet de loi ne touche absolument pas ce qui concerne les recours au Tribunal administratif du Québec pour les personnes qui sont sous garde en établissement.
Une des problématiques majeures pour les personnes faisant actuellement appel au tribunal lorsqu'elles contestent le maintien de leur garde en établissement est l'angle sous lequel on examine leur demande. En effet, la plupart du temps, on évacue la raison d'être de la Loi sur la protection des personnes dont l'état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui, c'est-à-dire la question de la dangerosité, pour remplacer cette prémisse par une analyse de la situation qui se fait pratiquement uniquement sur le plan clinique. Le médical a donc préséance, ce qui constitue une entrave aux droits de la personne.
À cet égard-là, l'article 30 du Code civil du Québec est très clair en ce qui concerne l'ouverture initiale d'une demande de garde en établissement. Rappelons que cet article-là dit que «la garde en établissement à la suite d'une évaluation psychiatrique ne peut être autorisée [...] que si les deux rapports d'examen psychiatrique concluent à la nécessité de cette garde». Même en ce cas, le tribunal ne peut autoriser la garde que s'il a lui-même des motifs sérieux de croire que la personne est dangereuse et que sa garde est nécessaire, quelle que soit par ailleurs la preuve qui pourrait lui être présentée et même en l'absence de toute contre-expertise. On rappelle ici qu'il est question de la privation d'un droit fondamental qui est garantit à tout citoyen et toute citoyenne par les différentes chartes, soit la liberté.
Dans la pratique, la notion de dangerosité devient si élastique qu'il est presque impossible pour une personne faisant appel au Tribunal administratif du Québec d'avoir gain de cause. À cet effet-là, on vous rappelle les statistiques provenant du Tribunal administratif du Québec pour les années 2001-2002 et 2002-2003 qui nous révèlent que, sur 930 demandes, seulement 57 personnes ont vu leur garde levée, c'est-à-dire ont retrouvé leur liberté, ce qui ne représente que 6 % des demandes. À cela s'ajoute le fait que la parole des personnes au moment des auditions au niveau du tribunal administratif n'est à peu près pas entendue.
Afin de bien montrer nos propos, on voulait vous faire part d'une situation qui n'est pas unique et qui reflète un peu le déroulement de ces auditions-là en vous donnant un exemple. Lors d'une audition devant le tribunal administratif, une personne, qui était accompagnée d'une représentante d'un groupe régional de défense des droits en santé mentale, tentait de faire valoir le fait justement qu'elle n'était pas dangereuse ni pour elle-même ni pour les autres. Comme il est possible de le faire, la personne a interrogé sa psychiatre afin de voir... qu'elle puisse nommer les éléments de dangerosité sur lesquels elle s'appuyait pour voir à ce que la garde se maintienne. La psychiatre m'avait répondu qu'il n'y avait pas d'élément de dangerosité, avec honnêteté, et que la seule raison pour laquelle on tenait à garder toujours cette personne-là à l'hôpital, c'était parce qu'on croyait qu'il serait nécessaire d'ajuster encore sa médication avant de la laisser quitter.
Donc, malgré les raisons qui étaient claires, le tribunal a décidé de maintenir la garde en disant à la personne: Écoute les recommandations de ton médecin traitant. Il faut comprendre que, quand on veut traiter une personne contre son gré, il y a des recours qui existent et ce n'est pas la Loi sur la protection. Donc, le tribunal, dans ce cas-là, a fait fi des prémisses de la Loi sur la protection des personnes dont l'état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui. Comme je vous disais, ce n'est pas un exemple unique, et on pourrait parler de plein de situations où le déroulement des audiences fait fi des assises mêmes de la loi.
Donc, ça nous amène à une première recommandation qui est d'insérer une disposition identique à l'article 30 du Code civil du Québec dans la Loi sur la justice administrative. Là-dessus, je vais laisser la parole à Stéphane.
M. Pouliot (Stéphane): Alors, par la suite, en ce qui concerne notre deuxième recommandation, l'article 30 parle que le tribunal doit entendre malgré qu'il n'y ait aucune expertise. Nous, qu'est-ce qu'on dit, c'est que les gens qui ont des problèmes en santé mentale, assez souvent, n'ont pas les moyens de se payer des expertises ou contre-expertises de psychiatres, autant en matière de garde, autant en matière d'aide sociale, autant en matière d'assurance automobile ou d'accident du travail. Si on veut faire une preuve au niveau de la santé mentale de la personne, ce n'est pas facile et, à ce moment-là, on demande à ce que les frais d'expertise pour avoir un expert soient remboursés. On prend, par exemple, au niveau de la Loi sur la Société de l'assurance automobile où est-ce qu'on rembourse l'expertise si on a gain de cause.
Mme Provencher (Chantal): Je vais continuer. On voulait aussi parler de la question des délais actuels auxquels sont confrontées les personnes faisant appel au Tribunal administratif du Québec. On vous rappelle que la durée moyenne d'une garde en établissement est d'environ 21 à 30 jours. La plupart du temps, les personnes qui font appel au tribunal doivent attendre approximativement deux semaines avant d'être entendues. C'est sûr que, là, on ne parle pas de la période estivale, on ne parle pas des moments où il y a des congés fériés, c'est... quand on est chanceux, il y a environ deux semaines finalement. Donc, certaines personnes sont entendues très peu de temps avant la fin de leur garde et, dans certains cas, elles ne le sont juste pas, la garde étant terminée avant même que des assesseurs, des personnes se soient rendues entendre leur cause.
Donc, on demande que le délai pour l'audition d'une personne visée par l'application de la Loi sur la protection des personnes dont l'état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui au Tribunal des recours administratifs du Québec soit d'au maximum une semaine suite à la demande de révision, et ce, afin d'être en concordance avec l'alinéa 4 de l'article 119 de la Loi sur la justice administrative.
M. Pouliot (Stéphane): Dans le même esprit, l'une des raisons qui expliquent le retard dans les délais d'audition est le fait qu'il est difficile pour le TAQ de recruter des psychiatres qui puissent y siéger. À ce moment-là, nous, qu'est-ce qu'on demande, c'est: Lorsqu'on cherche un médecin pour la formation du comité dans la section en cause, que ce poste ne doit pas être seulement réservé à un médecin psychiatre, mais aussi à tout médecin ayant un privilège de pratique en psychiatrie. Parce qu'on sait que, avec le vieillissement de la population, il manque de psychiatres au Québec. Et, nous, qu'est-ce qu'on dit: Il y a des médecins généralistes qui ont un privilège d'exercer la psychiatrie. Alors, pourquoi ne pas leur donner l'occasion de siéger au tribunal administratif?
Mme Provencher (Chantal): Une autre difficulté pour les personnes, c'est qu'entre autres certaines personnes n'ont pas accès à une représentation légale. On sait que certaines personnes ne sont pas admissibles à l'aide juridique et ça ne veut pas dire qu'elles ont pour autant les moyens de défrayer les frais d'un avocat. Pourtant, l'enjeu entourant les auditions tenues devant le Tribunal administratif du Québec en vertu de la loi, c'est le maintien ou non de la privation de la liberté d'un individu. Donc, on est toujours à l'intérieur d'un droit fondamental, on ne saurait le rappeler suffisamment.
Donc, les personnes qui ne sont pas représentées se retrouvent en face d'une grosse machine, elles n'en connaissent pas toutes les règles, donc elles ne peuvent pas avoir une défense pleine et entière. Il faut également prendre en considération que, quand on parle des personnes gardées de force à l'hôpital, bien, bien entendu, elles ne peuvent pas se déplacer et se mettre à la recherche d'un avocat. C'est pour ça qu'on souhaiterait qu'il soit ajouté... Et aussi, bon, juste de dire que, dans certaines régions du Québec, il est très difficile également de se trouver un avocat pour nous représenter dans le cadre de la Loi sur la protection. Donc, on demande que la personne puisse être représentée par la personne de son choix lors d'une audition devant le Tribunal des recours administratifs du Québec.
n(14 h 20)nM. Pouliot (Stéphane): Par la suite, notre sixième recommandation se lit comme suit: Si un problème se pose, la décision d'exclure... Lorsqu'on parle d'exclure, c'est lorsqu'on est sur le banc des juges administratifs et que c'est un représentant qui n'est pas avocat et qu'on décide d'exclure la personne parce qu'on croit qu'elle n'a pas compétence. À ce moment-là, nous, on demande: Est-ce que ça ne devrait pas être pris par le tribunal, sur le banc, mais que le litige devrait être confié à une instance neutre qui devrait rapidement rendre sa décision?
On pourrait retrouver un avocat, un représentant du ministère de la Justice et un du domaine sociocommunautaire au sein de cette instance afin évidemment d'éviter tout conflit entre les membres du tribunal et le représentant. Mais on insiste que ça ne doit pas retarder, et c'est pour ça qu'il pourrait y avoir ce comité-là qui pourrait statuer de manière très rapide.
Par la suite, l'autre recommandation, c'est que tout le dossier qui est remis au tribunal administratif par l'établissement devrait être également fourni à la personne et à son représentant. Cela devrait être inscrit dans le texte de loi et non seulement dans la partie des règlements, puisque présentement c'est l'article 27 des règlements du tribunal administratif qui prévoit la remise du dossier au centre hospitalier, et le tribunal a un pouvoir de demander le dossier complet au centre hospitalier.
Nous, qu'est-ce qu'on demande, c'est que ce soit indiqué, qu'on doit absolument avoir le dossier, pour éviter des situations où est-ce qu'on se retrouve à l'audition et qu'on n'a pas les rapports médicaux, on n'a pas le dossier. Comment voulez-vous être préparé, en tant que représentant, lorsque vous n'avez pas le dossier de votre client?
Mme Provencher (Chantal): Donc, on sait également qu'il y a très peu de personnes qui font appel au Tribunal administratif du Québec. Actuellement, sur environ 3 000... On peut penser qu'il y a environ 3 000 personnes sous garde en établissement par année. Pour Montréal, on sait qu'il y a eu exactement, l'année passée, 1 799 gardes en établissement. Et, en 2002-2003, le Tribunal administratif du Québec a reçu seulement 479 demandes, ce qui équivaut à environ 15 % des personnes hospitalisées contre leur gré qui utilisent ce recours.
Notre expérience nous permet de dire que, si environ 3 000 ordonnances sont faites chaque année, la majorité de ces personnes-là, bien entendu, refusent l'hospitalisation, sinon elles ne seraient pas sous garde. Alors, on ne peut que questionner le fait que si peu de personnes font appel aux recours existants.
Donc, on demande à ce que le TRAQ ait la responsabilité de communiquer verbalement, après un maximum de 14 jours d'hospitalisation, avec les personnes visées par la Loi sur la protection pour les informer de leurs droits et de leurs recours dans leur situation. Il est également important que les personnes puissent être informées de l'existence d'un groupe de défense des droits qui peut les aider dans leurs démarches.
Toujours dans le même sens, on recommande aussi que, étant donné les difficultés rencontrées par les personnes hospitalisées contre leur volonté en psychiatrie, ces dernières doivent pouvoir communiquer verbalement au Tribunal des recours administratifs du Québec leur volonté de contester et d'être réentendues par cette instance. Cette demande verbale doit être exécutoire.
Beaucoup de personnes... Quand on est hospitalisé contre son gré, on n'a pas nécessairement en main tous les éléments qui nous permettent d'envoyer un petit fax au Tribunal administratif du Québec, et donc, on pense qu'une demande verbale devrait être largement suffisante, considérant que les personnes sont privées de leur liberté et n'ont pas les moyens nécessaires, comme d'autres citoyens, pour en appeler au tribunal. Donc, je vais passer la parole à Doris.
Mme Provencher (Doris): Merci. Alors, autres commentaires qui concernent l'ensemble des recours devant le Tribunal des recours administratifs du Québec. Donc, on parle de la Régie des rentes du Québec, Emploi et Solidarité, Régie de l'assurance maladie du Québec, etc.
Donc, en ce qui touche la révision des décisions du TRAQ, le projet de loi complexifie, à notre avis, les procédures et limite l'exercice des droits pour les personnes. En effet, suite à la décision révisée du ministère interpellé par la contestation ? ce qui ne veut pas dire que la décision soit modifiée ? la personne a 30 jours pour indiquer si elle maintient sa contestation devant le TRAQ, sinon elle est réputée s'être désistée.
Il est déjà passablement difficile de bien saisir les communications faites par les différents organismes administratifs avec lesquels les personnes sont en contact. Cette proposition vient ajouter un handicap supplémentaire et risque de générer un niveau de stress inutile qui risque d'engendrer des situations de vie dramatiques pour une partie des citoyens qui sont dans des contextes de vulnérabilité à différents niveaux ? si on pense à des gens analphabètes, des personnes immigrantes, des personnes qui sont dans une fragilité émotive, etc.
De plus, le projet de loi ne parle plus de la possibilité de contester hors délai pour des motifs raisonnables, ce qui s'avère une perte pour le respect des droits des personnes. Donc, si dans les 30 jours après l'émission de la décision révisée du ministère interpellé par la contestation, la personne visée par cette décision n'indique pas son intention de maintenir ou non sa contestation devant le Tribunal des recours administratifs du Québec, elle est réputée automatiquement vouloir la maintenir.
Le Président (M. Simard): Mme Provencher, je suis obligé de vous demander de conclure très rapidement, le temps est maintenant terminé.
Mme Provencher (Doris): Parfait, oui. Je veux juste vous signaler que notre recommandation 11, qui est notre dernière recommandation, a été un peu modifiée. Au lieu de ce qui apparaît ici, donc, ce qu'on dit, c'est d'octroyer donc au Tribunal des recours administratifs du Québec le pouvoir de relever une personne de son défaut de n'avoir agi dans les délais prévus pour un motif raisonnable.
Donc, en conclusion, la volonté du ministre de la Justice de modifier la justice administrative, c'est une belle occasion d'améliorer l'exercice des droits. Bon. On sait souvent que les personnes se retrouvent devant une grosse machine. Nous, on travaille avec des personnes qui vivent un problème de santé mentale, donc, quelquefois, c'est complexe, et on pense que le projet de loi, en fait, ne résout pas la complexité présente.
Le Président (M. Simard): Merci, madame. Alors, nous allons passer aux échanges, et j'invite tout de suite le ministre de la Justice à poser la première question.
M. Bellemare: Alors, merci beaucoup à l'association pour ce mémoire très fouillé et qui porte sur un groupe de citoyens qui ont été entendus grâce à vous, mais la majorité des mémoires ne portaient pas nécessairement sur les gens que vous représentez et, dans ce sens-là, c'est une heureuse initiative que de vous voir ici, et je vous félicite pour votre présence.
Et je parlerai de la question des dossiers. Vous semblez déplorer le fait que la loi ne précise pas que le dossier complet devra être acheminé au demandeur, ce qui semble causer des difficultés. Je sais que les pratiques varient beaucoup selon les organismes, là, je sais que la CSST, par exemple, pour les accidentés du travail, envoie la totalité du dossier, incluant les notes évolutives et tous les mémos internes; la SAAQ, la Régie des rentes, c'est différent, on envoie un dossier déjà confectionné.
Dans votre secteur, vous semblez dire que le dossier ne vous est pas toujours acheminé. Êtes-vous en mesure de nous dire quel genre de dossier on vous achemine à l'heure actuelle et en quoi il y a nécessité de préciser dans la loi l'obligation de vous transmettre la totalité des documents et quels sont ces documents qui manquent à l'heure actuelle?
Mme Provencher (Chantal): Habituellement, ce qu'on peut dire, c'est que c'est plutôt une exception quand les avocats et les personnes elles-mêmes ont accès à leur dossier. Ce qu'on parle par dossier, bien entendu, un des éléments centraux lors d'une audition au niveau du tribunal administratif, ce sont les évaluations psychiatriques faites par des psychiatres et également l'évolution de la personne depuis les derniers examens.
On comprend bien que, si une personne veut être en mesure de se défendre pleinement, elle doit avoir en main un peu ce sur quoi porte... qu'est-ce qu'on pense d'elle, hein. Souvent, les personnes, on ne leur dit pas nécessairement, lorsqu'elles sont gardées de force en psychiatrie, la raison pour laquelle on veut les garder. Des fois, elles l'apprennent en pleine audition, parce que le dialogue se fait rarement comme on le souhaiterait.
Donc, les avocats ont de la difficulté à avoir accès au dossier. Parfois, ils l'ont quelques minutes seulement avant l'audition, les psychiatres, parfois, le refusant tout simplement. Et comme le tribunal n'a pas cette responsabilité-là actuellement, bien, ça fait en sorte que les personnes, ces citoyens et ces citoyennes-là, n'ont pas accès à une justice pleine et entière, à une défense pleine et entière.
Donc, c'est principalement toute la question de l'évolution de la personne, et les examens, le rapport d'évaluation psychiatrique qui devraient être versés tant aux représentants qu'aux personnes elles-mêmes.
M. Bellemare: On sait que, dans les hôpitaux, quand un patient qui a bénéficié de traitements psychiatriques demande pour obtenir son dossier, il y a toute une procédure qui interpelle le psychiatre traitant pour voir s'il n'y a pas justement un élément de dangerosité dans le fait de communiquer le dossier au patient. Bon. Il semble que les psychiatres disent de temps à autre que, effectivement, à l'occasion, pour le patient, le fait de prendre connaissance de l'ensemble du dossier peut avoir un effet sur sa conduite et sur sa condition. Est-ce que vous partagez ce point de vue là, d'abord, et, si oui, pensez-vous qu'on devrait en tenir compte dans les dispositions permettant d'avoir accès au dossier?
n(14 h 30)nMme Provencher (Chantal): L'article 17 de la Loi sur la santé et les services sociaux, ça fait référence au fait qu'un psychiatre peut décider... en tout cas, un médecin pas seulement un psychiatre, de refuser l'accès au dossier. Ça doit être momentané, ça doit être justifié, hein? La pratique actuelle, c'est que ce n'est pas momentané et ce n'est pas justifié la plupart du temps. Je vous dirais, c'est un peu questionnable, d'autant plus que la plupart du temps, au moment de l'audition, ce qui est écrit dans le dossier est dit.
Donc, si la personne peut l'entendre à ce moment-là, probablement qu'elle pourrait également le lire avant pour pouvoir se représenter elle-même ou que son avocat puisse la représenter. Donc, je pense qu'il y a un problème quand une situation qui devrait en être une d'exception devient une règle, et, nous, sur le terrain, c'est malheureusement ce qu'on constate.
M. Pouliot (Stéphane): Et, pour compléter, assez souvent, qu'est-ce qui arrive, c'est que... On parle bien, dans le règlement, que c'est transmis au centre hospitalier, au centre hospitalier... doit le transmettre au tribunal. On ne parle pas du représentant ou de la personne qui est mise sous garde. C'est le tribunal qui peut demander. Nous, qu'est-ce qu'on demande, c'est que soit la personne ou son représentant puisse avoir les documents en main avant parce que, dans la Loi sur la santé et services sociaux, loi d'accès à l'information, le délai pour obtenir le document est beaucoup trop long. Alors, on peut se faire opposer un délai. Alors, le délai court, mais on passe devant le tribunal. Alors, on joue sur une question de délai.
Alors, le droit fondamental d'avoir l'information pour se défendre, de savoir c'est quoi qui fait qu'on prétend... sur quoi qu'on est dangereux. Et, assez souvent, mon expérience me dit que, si on regarde avec le client qu'est-ce qu'on... On peut en discuter avec le client, qui nous donne ses impressions, et, des fois, le client va dire: Bien, peut-être que oui, peut-être que non. Alors, c'est important de pouvoir en discuter. Je pense que les professionnels du droit sont assez compétents pour... justement de pouvoir cerner avec le client qu'est-ce qu'il en est sur son dossier.
Mme Provencher (Doris): Si je peux me permettre aussi, au niveau de... Les gens qui ont un problème de santé mentale ? en tout cas, dans l'expérience des groupes régionaux de défense de droits depuis plus de 10 ans ? le fait qu'un médecin dise... mette un délai pour que la personne ait accès à son dossier, ce n'est pas exceptionnel, c'est presque la pratique. Donc, dans ce sens-là... D'autant plus, donc, il faudrait qu'il y ait dans la loi que la personne, elle puisse avoir accès, ou son représentant.
Mme Provencher (Chantal): Peut-être juste rajouter également qu'on parle de personnes qui sont privées d'un droit fondamental. Effectivement, les personnes peuvent être dans une période difficile de leur vie, sauf qu'on leur enlève un droit fondamental alors qu'elles n'ont commis absolument aucun acte, aucun délit. C'est une présumée dangerosité. On sait très bien que même les experts en santé mentale disent que c'est très difficile de prévoir la dangerosité d'une personne.
Alors, on pense, nous, qu'il est important que la personne, au minimum, puisse avoir l'ensemble des moyens nécessaires pour faire valoir ses droits. Ces personnes-là, on le sait, dans notre société, elles sont souvent traitées comme des citoyens, des citoyennes de seconde zone. Et c'est encore plus inquiétant quant à même leur représentation légale, quand elles font affaire avec les recours existants, et encore là elles sont traitées comme des citoyens, des citoyennes de seconde zone en n'ayant pas l'ensemble des outils qui leur permettent de préparer leur défense.
M. Bellemare: Vous suggérez qu'on permette à des médecins pratiquant en psychiatrie, qui ont obtenu leur privilège dans un département de psychiatrie... puissent agir au sein du tribunal comme décideurs. Il y a actuellement, même dans la notion d'assesseur médical, d'expert médical au sein du tribunal... il n'y a pas de précision quant aux spécialités. Et on a souvent entendu dire des groupes ou des individus qui se présentaient, par exemple, devant la Commission des lésions professionnelles: Bien, moi, j'ai un cas de psychiatrie, et c'est un anesthésiste qui siégeait comme assesseur, ou un dermatologue, ou... Bon. Ce n'était pas nécessairement des médecins qui sont spécialisés dans le domaine où le litige est situé. Dans le secteur dont on parle actuellement, la loi précise que ce sont des psychiatres. Est-ce que ce n'est pas là un avantage? Là, vous parlez d'aller permettre à des médecins qui ne sont pas psychiatres d'avoir un statut décisionnel, mais, en réalité, est-ce qu'il n'y a pas risque de diminuer la qualité?
M. Pouliot (Stéphane): Je ne croirais pas. La question à se demander: Est-ce que seulement un psychiatre peut évaluer le risque de dangerosité d'une personne? Est-ce que présentement, dans les unités de psychiatrie, la qualité est moins grande quand on est servi par un médecin ayant un privilège d'exercer la psychiatrie? C'est une question qu'on peut se poser aussi. À ce moment-là, nous, qu'est-ce qui nous intéresse, c'est que les délais sont très longs... Très longs, il faut s'entendre, mais deux semaines, quand tu es sous garde, c'est très long. Et il n'y a pas beaucoup de médecins psychiatres. Alors, on s'est dit: Pourquoi ne pas alléger avec des gens qu'on sait compétents et qui pourront, à ce moment-là, pouvoir siéger sur ce comité-là qui doit y répondre?
Mme Provencher (Doris): On sait également que l'Ordre des psychologues du Québec a fait une présentation et a aussi amené cette... Bien, pas à la place des psychiatres ou de médecins ayant un privilège, mais ils ont amené aussi le fait que des psychologues pourraient être aussi amenés à siéger à cette commission-là. Donc, effectivement, ça pourrait... Selon nous, ça peut être... Parce que le problème au niveau de la loi sur la... de protection, c'est en terme de temps, hein? Le temps est vraiment l'élément essentiel là-dedans.
Alors, si on prend deux semaines pour trouver un psychiatre pour siéger, les droits de la personne sont lésés. C'est aussi parce que c'est une loi d'exception, parce qu'il y a un fonctionnement qui est particulier. C'est pour ça aussi qu'on demande ça. Et, comme disait Stéphane, si les médecins ayant un privilège de pratiquer la psychiatrie sont bons pour soigner le monde, ils sont peut-être bons pour évaluer aussi leur degré de dangerosité dans le même sens.
M. Bellemare: Les gens qui entendent les causes actuellement, souvent ce sont des psychiatres qui témoignent de l'élément de dangerosité, puis la psychiatrie est une discipline où il y a énormément de subjectivité aussi. L'élément de dangerosité, est-ce que les psychiatres ne sont pas les mieux placés pour l'évaluer précisément? Mais je comprends qu'il y a un problème de disponibilité qui entraîne un problème de délais. Ça, c'est une chose. Mais, au point de vue de la qualité de la justice et de la qualité de l'expertise, est-ce que ce n'est pas préférable de rester avec des psychiatres?
Mme Provencher (Doris): Bien, ce qu'on vous dit aussi, c'est que, nous, ce qu'on a vu ? l'exemple que Chantal a apporté ? c'est que souvent ils ne jugent pas de la dangerosité, les psychiatres qui vont être là, ils vont juger au niveau de la maladie, au niveau du traitement, au niveau... La dangerosité, ce n'est pas nécessairement ce qui est au coeur des décisions du tribunal. Et c'est dans ce sens-là aussi qu'on se questionne, est-ce que... Bon. Est-ce qu'ils sont les mieux placés? Est-ce que... Je ne sais pas si...
M. Pouliot (Stéphane): Quant à nous, sur le critère de dangerosité, j'ai lu ce que l'Ordre des psychologues a dit, il y a quand même des critères d'établis, des grilles d'analyse. Alors, à ce moment-là, nous croyons qu'un psychologue bien formé et conscientisé peut évaluer la dangerosité autant qu'un psychiatre.
Le Président (M. Simard): M. le député de Marguerite-D'Youville.
M. Moreau: Merci, M. le Président. Bienvenue parmi nous. J'essaie, dans un premier temps, de bien comprendre la recommandation 1 que vous avez formulée qui vise à introduire une disposition analogue à celle de l'article 30 du Code civil du Québec dans la Loi sur la justice administrative. Et je vous fait un préambule, vous disant que je ne suis pas un expert de la Loi sur la protection des personnes dont l'état mental présente un danger, mais je retrouve, à l'article 9 et 10 de cette loi, une référence directe à l'article 30 du Code civil du Québec.
Je ne sais pas si vous avez la loi avec vous, mais spécifiquement ? je vous en fait lecture de l'article 9 ? on dit: «Seuls les établissements exploitant un centre hospitalier, un centre de réadaptation, un centre d'hébergement et de soins de longue durée ou un centre d'accueil et disposant des aménagements nécessaires pour recevoir et traiter les personnes atteintes de maladie mentale peuvent être requis de mettre une personne sous garde à la suite du jugement du tribunal rendu en application de l'article 30 du Code civil.» Et l'article 10, spécifiquement au premier paragraphe du premier alinéa, dit: «1° 21 jours à compter de la décision prise par le tribunal en application de l'article 30 du Code civil du Québec.» Alors, peut-être que ma question s'adresse plus spécifiquement à Me Pouliot. Est-ce qu'il n'y aurait pas double emploi que de prévoir une disposition à la Loi sur la justice administrative qui, elle, établit plutôt le cadre de procédure et d'habilitation du tribunal administratif?
n(14 h 40)nM. Pouliot (Stéphane): Qu'est-ce qu'il faut comprendre, c'est que la demande initiale d'ouverture pour une garde en établissement se fait à la Cour du Québec. Alors, à ce moment-là, l'article 30 s'applique pour l'ouverture ou le renouvellement qui se fait au niveau de la Cour du Québec au niveau de la garde. Et, à ce moment-là, le but de l'article 30, c'est qu'on dit que le tribunal doit se faire sa propre opinion malgré qu'il n'y ait pas de contre-expertise. Ce n'est pas repris, ça, dans la Loi sur la justice administrative ou encore dans la Loi sur la protection des personnes.
C'est que, nous, qu'est-ce qu'on veut, c'est que ce fait-là, qu'il n'y ait pas de contre-expertise, que le tribunal doit faire sa propre opinion malgré qu'on n'ait pas de contre-expertise, et qui est l'opinion du médecin traitant, du psychiatre traitant... C'est qu'on impose dans l'article 30 du Code civil qu'on fasse sa propre opinion, et ça, ça a été rajouté en 2002. Parce qu'il y avait un courant jurisprudentiel à la Cour du Québec où est-ce que c'était automatique, on donnait des gardes en établissement sur simple lecture du rapport du médecin psychiatre, et là on est revenu établir les choses et de dire: On doit écouter les personnes et on doit faire sa propre opinion. Sauf que l'article 30, c'est pour l'ouverture et ça ne s'applique pas au niveau du tribunal administratif lors de l'évaluation de la dangerosité pour lever la garde.
M. Moreau: Et quelle est la disposition de la Loi sur la protection des personnes qui s'appliquerait au tribunal administratif au moment de lever la garde, de décider de lever ou non la garde? Est-ce qu'il y a une disposition de la Loi sur la protection des personnes qui s'appliquerait au tribunal administratif au moment de lever la garde ou qui aurait une référence à l'article 30 applicable au moment de décider de lever ou non la garde?
M. Pouliot (Stéphane): Pas à ma connaissance.
Mme Provencher (Chantal): Mais la Loi sur la protection, ce qu'il faut se rappeler, c'est que le seul élément nommé pour lequel on peut priver une personne de sa liberté, c'est la dangerosité. Il n'est pas défini dans la loi ce qu'on entend par «dangerosité». Nous, si on amène ça, c'est qu'on voit trop souvent des situations où, en quelque part, le tribunal administratif maintient une garde alors que les personnes, même les spécialistes disent: Il n'y en a pas, de dangerosité.
Alors, il faut rétablir ça parce que ça n'a pas de sens qu'on utilise cette loi-là, la Loi sur la protection, pour, par exemple, forcer une personne à prendre certains médicaments pour rétablir, en tout cas, certaines conditions chez la personne qui ne sont pas permises par la Loi sur la protection. Donc, c'est de recentrer que le Tribunal administratif du Québec... le Tribunal des recours administratifs devra se centrer sur la question de la dangerosité uniquement, puisque la loi se base seulement sur ça. Il faut cesser de tomber dans un versant clinique qui...
Le Président (M. Simard): Merci, M. le député. Nous allons passer maintenant au député de Chicoutimi pour la première question du côté de l'opposition officielle.
M. Bédard: Merci, M. le Président. Merci à vous d'être ici. J'avouerais que j'ai peut-être mal fait mes devoirs. C'est un domaine que je connais peu, pour ne pas dire pas du tout. Je vous écoutais tout à l'heure. Simplement pour me renseigner, là, le processus, en détail, ça ressemble à quoi, là, comme... Là, à ce moment-là, il y a un jugement qui est émis pas la Cour du Québec, et, à partir de là, là, c'est... Vous, vous oeuvrez là-dedans, là, c'est... quelles sont les différentes étapes?
M. Pouliot (Stéphane): Par la suite, lorsqu'on a le jugement de la Cour du Québec, la personne peut demander, là, à en appeler au tribunal administratif pour faire réviser cette décision-là pour obtenir la levée de la garde directement.
M. Bédard: Réviser la décision de la Cour du Québec?
M. Pouliot (Stéphane): Bien, oui, lever complètement...
M. Bédard: Lever. O.K.
M. Pouliot (Stéphane): Lever.
M. Bédard: Donc, après un délai, après le jugement de la Cour du Québec, je...
M. Pouliot (Stéphane): Il n'y a pas de délai.
M. Bédard: Il n'y a pas de délai, c'est ça. Parce que, si je ne suis pas satisfait du jugement de la Cour du Québec, je peux aller en cour... je peux en appeler de la décision, j'imagine.
Mme Provencher (Chantal): Ce n'est pas un appel. Il y a un processus d'appel qui est autre chose, qui ne relève pas du tout du tribunal administratif, on est dans un autre niveau.
M. Bédard: Exactement. O.K. Donc, c'est à part. Donc, j'ai...
Mme Provencher (Chantal): C'est à part.
M. Bédard: J'ai un jugement contre moi et, après un certain temps, bon, je trouve qu'il n'y a plus de motif pour justifier la garde ou des proches de moi trouvent effectivement qu'il n'y a plus de motif, je présente une demande. C'est cela?
Mme Provencher (Chantal): Exactement, la personne peut présenter une requête introductive de recours en disant: Moi, ma situation a changé, je considère que je vais mieux, je ne suis plus dangereux et, donc, je demande à ce que la garde soit levée. Le Tribunal administratif a, entre autres, ce pouvoir-là en ce qui concerne les personnes hospitalisées contre leur gré en vertu de la loi.
M. Bédard: Et là vous me dites, à ce moment-là, lorsque les personnes le demandent, elles le demandent par elles-mêmes ou elles le demandent avec des représentants. O.K.? Est-ce que la loi prévoit effectivement que, dans tous les cas, les gens vont être représentés?
Mme Provencher (Chantal): La loi est silencieuse sur ce sujet-là, la Loi sur la protection. Donc, c'est sûr qu'il y a des personnes qui ont effectivement accès aux services d'un avocat. Il y a des personnes qui, bon, comme on le disait tantôt dans notre présentation, n'ont pas les ressources financières pour se payer un avocat et qui le font par elles-mêmes. Donc, nous, comme groupe régional, c'est sûr qu'on peut offrir un certain soutien, mais il y a aussi des personnes qui ne connaissent pas les groupes qui peuvent les soutenir dans leur démarche. Donc, une personne peut d'elle-même faire une demande de révision, là, au niveau du tribunal administratif.
Un des problèmes, c'est que la Loi sur la protection oblige les établissements de santé et de services sociaux d'informer les personnes comme quoi elles ont ce recours-là, comme quoi elles peuvent faire appel au Tribunal administratif du Québec. Je vous dirais, notre expérience sur le terrain nous permet de dire: On ne pense pas nécessairement que les hôpitaux remplissent bien leur mandat à ce niveau-là. Les chiffres confirment notre expérience sur le terrain, puisque très peu de personnes font appel au Tribunal administratif du Québec. Donc, vu qu'on est dans la situation de la liberté, il faudrait que le tribunal puisse s'assurer que les personnes savent qu'elles peuvent avoir recours au tribunal.
M. Bédard: Je suis totalement d'accord, mais on est dans la maladie mentale. Ce n'est pas évident, là. Dans le sens que vous avez tout à fait raison, je me dis en même temps: Il ne faut pas... Comment on peut mieux le baliser? Vous ne pensez pas que les demandes que vous faites... Parce que le fait d'avoir accès à son dossier, le fait de même avoir le paiement des remboursements d'expertise ne devraient pas, je vous dirais, être surtout assortis de l'obligation, au départ, d'avoir un représentant dûment payé ou dûment... Parce que je trouve particulier que des gens qui ont à vivre des situations dramatiques soient pris à se représenter eux-mêmes. Et là j'essaie de m'imaginer qu'est-ce que ça donne comme audition, là, ça doit être... avec le paquet de préjugés, de... La personne se retrouve presque seule. Je trouve ça un peu fou comme façon de procéder, et j'étais convaincu que l'État... ou la personne avait le droit de se faire représenter dans tous les cas.
Mme Provencher (Chantal): Malheureusement, non. C'est sûr que, si c'était un droit et que les personnes avaient accès à un avocat, ce serait différent comme réalité. Il y a des personnes, je vous dirais, qui sont très capables de faire valoir leurs droits par elles-mêmes avec un minimum de soutien. Et, pour d'autres personnes, effectivement, c'est de se retrouver dans une situation qui est à peu près insurmontable parce que tu ne connais pas les règles du jeu, parce que tu n'es pas... tu n'as pas la même crédibilité, par exemple, que ton psychiatre qui est à côté. Vous parliez de préjugés, bien, effectivement, on sait qu'il y en a beaucoup à l'endroit des personnes qui vivent des difficultés émotives, donc...
M. Bédard: ...la capacité de te représenter. Tu as beau avoir la capacité... de ne pas être dangereux, de retrouver une partie de tes facultés, de là à te représenter, vous savez, c'est... Tu peux avoir la conviction d'être victime d'une injustice et d'être victime d'une injustice, mais, de là à se représenter, moi, je peux vous dire... Et là je suis surpris, c'est pour ça que... Moi, il me semble que le combat... Et je ne vous dis pas que le reste n'est pas bon, au contraire, là, même qu'il faut équilibrer les forces parce que, là, c'est un déséquilibre total. Et la pire injustice, c'est de se voir privé de sa...
M. Pouliot (Stéphane): Justement, sur ce point-là, moi, qu'est-ce que je vous dirais, c'est que, quand on demande que la personne puisse choisir d'être représentée par la personne de son choix, c'est que... Moi, mon expérience en tant qu'avocat à l'aide juridique à Baie-Comeau, c'est que, quand je vais rencontrer quelqu'un qui n'est pas admissible à l'aide juridique, qui gagne... une personne seule qui gagne 15 000 $, qui n'est pas admissible, elle n'a pas les moyens de se payer un avocat, mais...
M. Bédard: Ce n'est pas ça, là. Là, je vous le dis, moi, on paie son avocat, quelle ait... Un peu comme la Commission des relations de travail, comme...
M. Pouliot (Stéphane): Tout à fait.
M. Bédard: ...victime d'un congédiement illégal, il n'y a personne qui se pose la question si elle peut ou elle ne peut pas, là.
M. Pouliot (Stéphane): Mais présentement, si vous n'êtes pas admissible à l'aide juridique, on ne paiera pas votre avocat. Le tribunal administratif doit s'assurer que l'occasion a été donnée de trouver un avocat à la personne. Ça, c'est prévu dans la loi, mais...
M. Bédard: On ne le paie pas.
M. Pouliot (Stéphane): Pardon?
M. Bédard: On ne le paie pas.
M. Pouliot (Stéphane): Non, on ne le paie pas.
M. Bédard: Oui, oui, mais là...
M. Pouliot (Stéphane): Bien, c'est ça, hein?
M. Bédard: ...moi, j'ai beau me donner tout le temps, si je n'ai pas d'argent puis je suis déjà en situation de faiblesse extrême, pensez-vous que... J'appelle mon avocat, je lui dis: Écoutez, je suis dans une maison, je suis retenu contre mon gré, il y a l'État... j'ai un jugement contre moi, pourriez-vous me représenter? Mes chances sont comment, vous pensez, d'avoir...
M. Pouliot (Stéphane): Bien, c'est pour ça qu'on dit que, si la personne, il n'y en a pas, d'avocats, qui veulent la représenter puis qu'on prenne la décision que l'État ne paie pas pour ceux qui ne sont pas admissibles... à ce moment-là, on se dit que la personne, à tout le moins, devrait avoir le choix d'être représentée par une personne de son choix, une personne... Ça, c'est... Les victimes d'actes criminels, eux, c'est...
n(14 h 50)nM. Bédard: Je suis conscient de ce que vous me dites, mais ce domaine-là, c'est trop particulier. Parce qu'il faut regarder l'autre côté en même temps. L'autre côté, c'est que j'imagine que ces jugements-là sont obtenus dans des conditions de déchirement total, tu sais. Les cas, là, même dans les familles, c'est affreux. Pour en avoir déjà vu, là, c'est... Alors là il ne faut pas arriver au point où tout le monde se retrouve devant les tribunaux. Déjà, de vivre une situation dramatique, là, tu te retrouves à... Tu sais, ça empire la problématique.
Ce qu'il faut, c'est faire en sorte que les gens qui ont des droits et qui sont retenus pour des motifs qui ne sont pas légaux aient les moyens justement de se défendre. Et, moi, je vous dis, je ne donnerais pas non plus la possibilité à quiconque de les représenter à part quelqu'un qui est avocat dans ce domaine-là. C'est trop précis, trop particulier, ça demande trop une expertise, même un souci d'être vraiment, je vous dirais... Et là des fois on dit que les... C'est parfois oublié, là, mais les avocats sont des officiers de justice. Autrement dit, ils sont là pour desservir... pour servir, plutôt, pas la desservir. Il arrive parfois qu'ils la desservent, mais ils sont là pour servir cette justice, et là je... Et c'est pour ça que je verrais plutôt que, effectivement, à chaque cas il y ait...
M. Pouliot (Stéphane): ...qu'on offre le service.
M. Bédard: Automatique, et payé, réglé, moi...
M. Pouliot (Stéphane): Et ce, gratuitement, évidemment.
M. Bédard: Gratuitement, là, dans le sens comme il se fait... Vous savez, dans notre société, là, je me ferais congédier pour des motifs illégaux ? «illégaux», ça veut dire, par exemple, je suis une femme enceinte, je suis congédiée ? j'ai le droit aux services d'un avocat payé, gratuit. Alors, vous ne pensez pas... Et, moi, je trouve ça outrageant, révoltant, effectivement, mais vous ne pensez pas que ce cas-là est de même nature, du moins demande la même précaution, le même souci de l'État de faire en sorte que ces gens-là ne se retrouvent pas plus désavantagés qu'ils ne le sont?
Même chose pour les congédiements illégaux pour des motifs prévus à la Loi sur les normes du travail. On le dit, c'est affreux de voir quelqu'un qui est dans une situation de dépendance économique, elle n'a sûrement pas les moyens d'avoir un avocat. Alors, l'État doit payer pour elle. Alors, je vous dirais, encore plus, encore plus, on devrait faire en sorte que ces gens-là aient... Alors, moi, je vous dis, au-delà des demandes que vous faites, parce que souvent je vous dis qu'elles le sont en conséquence d'avoir un représentant... Parce que, oui, bon, le droit au dossier, je le pense, il faut le faire effectivement, mais tout ça doit être encadré, là. Vous savez, les restrictions pour une personne, effectivement, d'avoir accès à son dossier, elles sont normales si elle peut provoquer un empirement... ce qui n'est pas la bonne chose, il y a plutôt un... faire en sorte que l'état mental de la personne, effectivement, se...
Une voix: Se dégrade.
M. Bédard: Se dégrade. Merci, M. le Président.
Une voix: Une dégradation.
M. Bédard: Une dégradation, voilà. Et là je me dis: Bon, bien, comment le faire? Et là l'autre pendant, combien de cas, à peu près, se retrouvent devant le TAQ actuellement en termes de nombre?
Mme Provencher (Doris): Bien, écoutez, on vous a donné les chiffres pour 2002-2003, je retrouve...
M. Bédard: Mais c'est-u représentatif?
Mme Provencher (Doris): Bien, écoutez, c'est 6 %. Ce sont les chiffres du tribunal, là, ceux qui se retrouvent devant le tribunal. Sur 479 demandes en 2002-2003, on dit qu'il y a environ 15 % qui utilisent ce recours. Donc, les gens, soit qu'ils ne sont pas informés que ça existe, généralement, ou ce qu'on leur dit souvent, c'est que: Écoute, prends ton médicament, suis ton traitement, puis tu vas voir, ça va bien aller. Il y a même des gens, vous savez, qui ne savent même pas qu'ils sont en garde en établissement. Il y a des gens à qui on dit qu'ils sont en garde en établissement qui ne sont pas en garde en établissement. C'est assez varié comme...
Moi, je voulais revenir aussi au niveau des préjugés puis au niveau... On a une loi de protection pour les personnes dont l'état mental présente... On n'a pas une loi au niveau des diagnostics et de la maladie mentale, on a une loi sur l'état mental qui présente un danger. C'est ça aussi qu'on perd souvent de vue avec les gens qui ont un problème de santé mentale. Quand on parle de santé mentale, tout de suite c'est comme: Ah! bien, dépendamment du diagnostic, il ne peut pas faire ça, il ne peut pas comprendre, il va être trop perturbé, il va...
Écoutez, nous, ce qu'on a comme expérience, ça arrive, des fois, que les personnes ne sont pas bien et ça peut les perturber, mais actuellement on dit: Ce qui se passe, c'est la règle. Et ça, ce n'est pas vrai. Les personnes ne sont pas inaptes parce qu'ils sont mis en garde en établissement, les personnes sont capables de penser puis sont capables de faire des choses même s'ils sont en garde en établissement.
Ils sont là parce qu'ils doivent être considérés comme dangereux, pas parce qu'ils ont un diagnostic x, y ou z. C'est ce que la loi dit. Et parce que, au niveau du diagnostic, il y a un infini de ? comment je dirais ça, donc? ? préjugés ou d'actions qui sont portées en lien avec le diagnostic, nous, ce qu'on dit: On pourrait-u ? c'est une loi d'exception, c'est une loi qui porte sur la dangerosité ? est-ce qu'on pourrait s'en tenir à ça et leur donner les mêmes droits que les autres? C'est ça, en fait, la demande, grosso modo, là. Je suis désolée, je vais un peu...
M. Bédard: Oui, oui, c'est ça, on peut... Mais, en tout cas, moi, je...
Mme Provencher (Doris): On va rapidement au fait que, parce qu'ils sont en psychiatrie, ils ne sont pas capables de juger de ce qui leur arrive puis de faire des choix. C'est ça, des fois, qui....
M. Bédard: Non, non, puis ça, il ne faut pas en arriver là, mais il faut qu'ils soient représentés. Ça, je n'ai aucun doute à...
Mme Provencher (Doris): Ah oui! ça, on s'entend là-dessus, tout à fait.
M. Bédard: Déjà, c'est traumatisant d'aller devant un tribunal, imaginez-vous, là, il y a une limite à ce que...
Mme Provencher (Doris): N'oubliez pas, aussi, que vous êtes devant votre médecin traitant, souvent, qui va dire à l'autre: Il faudrait qu'elle reste ou qu'il reste parce que... On se sent petit un petit peu.
M. Bédard: L'équilibre total. Et effectivement ça ne doit pas arriver souvent que ces cas-là, qu'il y a effectivement, bon, de demandes, mais aussi que ces jugements-là doivent... pas renversés, mais qu'on donne suite à leur demande. Il peut arriver... Mais il faut que dans... Les abus, c'est... Je veux dire, il faut éviter dans tous les cas qu'il y ait quelque abus que ce soit au motif d'une restriction des droits et libertés, là, qui est assez fondamental, alors...
Mme Provencher (Doris): Mais, dans ces cas-ci, c'est très facile d'abuser.
M. Bédard: Alors, faites votre combat. Moi, je trouve vos représentations pertinentes, mais je vous suggère aussi de regarder tout l'aspect de demander... Je ne sais pas si c'est le ministre qui est responsable, là, mais, du moins, d'avoir ce... même pas cette chance, ce minimum-là, je pense, au niveau de ceux et celles que vous représentez. Alors, je vous remercie infiniment.
Le Président (M. Simard): Mmes Provencher, M. Pouliot, M. Plourde... Ah! il y a encore... Le ministre voudrait revenir pour une question. Alors, avant de vous saluer, on va continuer... terminer.
M. Bellemare: Oui. Alors, vous recommandez, à la recommandation n° 8, que le tribunal administratif communique, après un maximum de 14 jours, donc au plus tard dans les 14 jours, j'imagine, avec le requérant pour l'informer de ses droits et recours dans sa situation. En pratique, on sait que l'article 103 de la loi actuelle précise déjà que «le tribunal doit s'assurer ? et je cite ? que l'occasion a été fournie au requérant de retenir les services d'un avocat». C'est une disposition qui est spécifique dans la division de la protection des personnes dont l'état mental présente un danger pour elle-même ou pour autrui.
En pratique, là, on parle de gens qui sont affectés, on parle de, je ne sais pas, par exemple, un trouble... quelqu'un qui présente un trouble paranoïde important. Quelle est l'utilité d'avoir un appel téléphonique de quelqu'un du tribunal pour expliquer les droits? Et est-ce que vous ne croyez pas que le tribunal devrait plutôt insister pour que l'individu puisse être représenté par un avocat, parce que là on s'adresse directement à lui, c'est... Je ne sais pas, dans la pratique, là, compte tenu de la clientèle dont on parle.
Mme Provencher (Chantal): Encore faut-il que la personne sache que ce recours-là existe, ce qui n'est pas le cas.
M. Bellemare: Quel recours?
Mme Provencher (Chantal): Des personnes se retrouvent...
M. Bellemare: Quel recours?
Mme Provencher (Chantal): Bien, celui de faire appel au tribunal administratif. Des personnes se retrouvent devant la Cour du Québec ou, des fois, ça se passe à la Cour du Québec sans qu'elles le sachent, parce qu'on sait très bien qu'il y a des problèmes à ce niveau-là aussi en termes de signification et de présence au niveau de la Cour du Québec. Alors, si la personne ne sait même pas qu'il y a moyen de faire appel au tribunal administratif, bien ce n'est pas de l'informer qu'elle peut avoir un avocat, il faut qu'elle sache que ce recours-là existe, et actuellement ce n'est pas le cas. Je pense que le fameux 479... je disais tantôt, il confirme l'expérience des conseillers, conseillères, là, à travers le Québec comme quoi les personnes ne connaissent pas leurs droits.
Il faut faire attention aussi, quand on dit des personnes, hein, on a souvent une image de personnes dans des états de détresse incroyable, sauf qu'il y a aussi des personnes ? on parlait d'abus tantôt ? qui sont gardées de force pour des conflits familiaux, pour toutes sortes de raisons. On a vu des femmes, en 2002, être gardées de force dans une situation de séparation, hein, et que, tout d'un coup, on considérait qu'une personne était obsessive-compulsive et très dangereuse parce qu'elle considérait qu'il y avait une réalité qui se passait qui n'était pas correcte de la part du futur ex-conjoint.
Donc, il y a aussi toutes sortes de situations comme ça, et ces personnes-là se retrouvent gardées de force, privées de leur liberté, sans même savoir qu'elles peuvent... qu'il y a un tribunal qui est supposé d'être là pour les entendre et écouter leur point de vue, et se centrer sur la dangerosité, point, et non pas uniquement sur ce que les autres personnes pensent d'elle, mais sur sa propre évaluation aussi d'elle-même en lien avec sa dangerosité.
M. Bellemare: Votre association, est-ce qu'elle est en contact avec des départements de psychiatrie dans les grands centres au Québec ou dans... De façon générale, est-ce que vous avez établi des liens qui vous permettent d'intervenir directement auprès des gens qui sont susceptibles d'avoir à en appeler devant le tribunal à l'heure actuelle?
n(15 heures)nMme Provencher (Doris): Il y a des groupes régionaux dans toutes les régions du Québec. Il y a des groupes régionaux de promotion de défense de droits dans chaque région du Québec, et, effectivement, les gens qui sont sur place, généralement, sont en lien... Les gens qui sont hospitalisés peuvent communiquer avec le groupe régional, et souvent c'est le groupe régional qui va les informer. Mais souvent ce qui arrive, c'est que, de un, les gens: Ils ne veulent pas que je sorte de l'hôpital. Ils ne savent pas trop pourquoi, ils ne savent pas... Il y a ça aussi qui fait partie. Mais oui, nous sommes en lien. Le ministère de la Santé et des Services sociaux a fait un dépliant pour informer les gens au niveau de la Loi de protection. On a demandé, là, peut-être à le retravailler un peu, ce n'est peut-être pas nécessairement clair. Mais oui, nous sommes en lien, et... oui.
Mme Provencher (Chantal): Sauf qu'encore faut-il que les personnes... On sait très bien que les personnes qui sont gardées de force n'ont même pas accès au téléphone. Ce n'est pas pour rien qu'on dit que le tribunal devrait avoir une responsabilité d'informer les personnes parce que, quand on parle de captivité, parfois c'est une captivité complète, c'est-à-dire que tu ne peux pas appeler quelqu'un près de toi, un père... Tu est captif. Alors, il faut, à quelque part, qu'on oblige certaines instances à informer les personnes pour qu'elles puissent se défendre et faire valoir leurs droits. Ce sont des citoyens et des citoyennes à part entière.
Le Président (M. Simard): Merci, Mme Provencher. C'est tout le temps que nous avons. Je vous remercie infiniment de votre témoignage et je suspends nos activités pendant quelques minutes.
(Suspension de la séance à 15 h 1)
(Reprise à 15 h 11)
La Présidente (Mme Thériault): Nous allons donc poursuivre nos travaux, et je demanderai aux Droits des accidentés du travail et de l'automobile... Je crois que c'est Mme Annie Tardif qui est avec nous?
Mme Tardif (Anne): Bonjour.
La Présidente (Mme Thériault): D'accord. Donc, est-ce que vous êtes familière avec nos règles, Mme Tardif?
Mme Tardif (Anne): Un petit peu, mais...
La Présidente (Mme Thériault): Un petit peu? D'accord. Donc, vous avez 20 minutes pour nous présenter l'essentiel de votre mémoire. Par la suite, vous aurez une période d'échange de 20 minutes avec le parti ministériel et 20 minutes avec les membres de l'opposition, par alternance. Donc, allez-y.
Droits des accidentés du travail
et de l'automobile du Québec (DATAQ)
Mme Tardif (Anne): Bien, merci. Alors, je voudrais remercier le ministre de nous avoir invités et l'Assemblée nationale. Alors, nous, on est l'organisme DATAQ. On a été créé en 1985. L'objet principal de notre organisme, c'est de renseigner les victimes concernant leurs droits et leurs recours auprès de la CSST, et de la SAAQ, et l'IVAC, la Régie des rentes du Québec. En 1995, il y a un bureau aussi qui a été créé dans la région de Québec pour répondre à la demande, également. En fait, ce qu'on fait, c'est qu'on informe les victimes d'accidents de travail et d'automobile concernant les indemnités de remplacement de revenus. On les informe de leurs recours, et tout ça, auprès de ces organismes-là.
O.K. Au niveau de l'accréditation des représentants ? je vais commencer par ce point-là ? il faut savoir que les gens qui ont affaire à ces organismes-là ont une première confrontation avec ces organismes-là, alors ils ne sont pas habitués avec le système judiciaire, avec les avocats, et tout ça. Alors, certains préfèrent ne pas faire affaire avec des avocats et plutôt faire affaire avec des organismes, ce qui les rend plus à l'aise. Nous, on serait d'accord pour qu'il y ait...
On favoriserait en fait une sorte d'accréditation pour les représentants. Il y aurait un fonds d'assurance qui pourrait être créé, avec des cotisations, et tout ça, pour que les victimes ne soient pas à la merci de certaines personnes qui créent des organismes, ont pignon sur rue et puis qui, en fait, profitent des victimes. Bien entendu, ça n'aurait aucun impact, là, dans le... il n'y aurait aucune intervention dans le niveau de champs des compétences des... dans le champ d'expertise exclusif aux avocats.
Au niveau du nom du tribunal, nous... Bon. Je sais qu'il y a eu plusieurs discussions à cet égard-là, alors je ne reviendrai pas là-dessus. On n'était pas d'accord avec le nom TRAQ, pour les mêmes motifs, là, que la plupart des gens qui sont passés devant cette commission-là.
Pour ce qui est des décideurs, le fait qu'ils fassent appel aux spécialistes, nous, on est tout à fait d'accord avec ça, parce que c'est sûr que ça peut éclairer le décideur qui est un juge administratif, sauf que, au niveau des discussions qu'il y a entre le décideur et l'aviseur, qui est après l'audition et après la fermeture de l'enquête et de l'audition, en fait, on voudrait savoir ce qui s'est passé entre le décideur et le spécialiste, en fait, les discussions, être au courant de ces discussions-là pour aussi pouvoir se défendre par rapport à ça.
Au niveau du paritarisme, à titre d'organisme indépendant, nous, on croit que le fait que le tribunal s'adjoindrait seulement que des membres syndicaux serait en fait de centraliser, ce serait trop... On pourrait avoir affaire à d'autres personnes, on pourrait avoir recours à d'autres personnes. Mais principalement le paritarisme, nous, on serait pour l'abolition, là, on n'a pas de... En fait, ça n'a pas vraiment d'impact dans les décisions. C'est des coûts supplémentaires pour le tribunal et des délais également pour le fonctionnement, notamment au niveau, là, des agendas. Quand il y a des remises d'auditions, ce qui se passe, c'est qu'on doit faire avec plusieurs agendas: les assesseurs, les membres, le commissaire, les procureurs des parties, alors c'est sûr que ce serait préférable d'abolir le paritarisme de cette façon-là. De toute façon, avant, devant la CALP, il n'y en avait pas et c'était tout à fait adéquat.
Au niveau des décisions et des recours, nous, on voudrait que le bureau de révision soit aboli. On a des objections contre le maintien, là, de ce bureau de révision là parce que ça crée une certaine confusion chez les gens. Les gens se voient refuser en première instance des droits, par la suite en deuxième instance, et ils doivent contester devant le tribunal d'appel.
Alors, nous, on aurait peut-être une solution qui pourrait être alternative, là, parce qu'on n'est pas d'accord non plus avec la présomption de désistement. La présomption de désistement ferait en sorte que les gens pourraient perdre des droits qui seraient importants. Souvent, les décisions peuvent être modifiées et puis ça peut quand même être important, la modification, dans le sens que ça ne change pas grand-chose pour la personne mais ça peut changer pour l'organisme.
Au bureau de révision, comme un exemple, là, qui peut arriver souvent, c'est qu'il y a un emploi qui est déterminé à une personne, la personne conteste en révision, et puis, suite à la révision, on change l'emploi et puis ça ne change rien pour la victime. Alors, si la victime ne manifeste pas son intention de contester devant le tribunal, à ce moment-là, qu'est-ce qui se passerait, c'est qu'elle perdrait son droit, alors il faudrait qu'elle conteste.
Alors, nous, notre solution alternative, ce serait qu'il y ait 90 jours pour l'appel de la première décision directement au tribunal, tel que proposé, et puis, à compter de la contestation, un délai de 90 jours supplémentaires qui permettrait aux organismes de réviser, mais sur dossier, dans un autre délai de 90 jours, et ce, abstraction d'appel. Si la décision était modifiée, il pourrait y avoir un système de conciliation, mais au tribunal administratif pas dans les services de révision. La décision pourrait être acheminée directement au tribunal et puis les conciliateurs pourraient informer la victime de l'impact de la décision. Et la victime déciderait à ce moment-là si, oui ou non, elle poursuit son recours, elle maintient son recours qui serait déjà porté en appel, là, par la suite de sa première décision contestée. Bien entendu, ce serait sur dossier; pas d'observation nécessaire parce que la personne a déjà mentionné... a déjà complété son dossier pour elle, alors ce serait sur dossier.
Au niveau de la révision administrative, on dit que, bon, la révision est indépendante, impartiale, mais la révision relève en fait des opérations centralisées, tout comme les directions régionales. Alors, nous, on ne croit pas que les révisions administratives soient tout à fait impartiales ? ça, je vous parle au niveau de la CSST. Alors, la révision... dans les cas où le bureau de révision rend des décisions, la DRA rend des décisions au niveau du BEM, il n'y aurait même pas à statuer là-dessus parce que les décisions sont... Selon l'article 358, ils ne peuvent même pas être portés en révision, alors ça aurait pour conséquence de retarder les délais pour le justiciable, le fait de devoir passer par cette contestation-là. Alors, nous, on dit que les décisions devraient être contestées directement, là, au tribunal d'appel.
n(15 h 20)n Au niveau du bureau de révision, on a parlé longuement des délais, là. Il y a de un an à trois ans d'attente au bureau de révision. Et puis, au niveau du tribunal administratif, en matière d'assurance automobile, souvent on demande au tribunal de statuer sur certains aspects dont il aurait probablement compétence, et puis son pouvoir d'ordonnance est très étanche, alors souvent on nous refuse et on doit retourner à l'organisme.
En ce qui concerne la conciliation, nous, on est d'accord avec... On trouve que le service de conciliation au niveau de la CLP est tout à fait efficace. C'est un service qui est excellent. Cependant, on pense que les conciliateurs devraient être indépendants et impartiaux, c'est-à-dire qu'il ne devrait pas y avoir de conciliateur décideur, là, dans les dossiers.
Alors, au niveau de la réforme en tant que telle, au complet, on pense que, oui, de rétrécir les délais, c'est une bonne chose. Cependant, il faut quand même considérer que les travailleurs, les accidentés sont dans des situations qui sont précaires. Et puis ils doivent avoir le temps tout de même de pouvoir amasser les sommes nécessaires pour construire leur preuve. Je parle au niveau des expertises médicales. Souvent, les gens n'ont pas l'argent pour avoir une preuve efficace au niveau des expertises. Et puis il faudrait que, bon, le système, à peu près neuf mois à 12 mois, c'est quand même très efficace, ça pourrait être suffisant pour les victimes, mais de là à trois ans, c'est beaucoup trop long.
En conclusion, on souhaiterait que le nouveau tribunal soit constitué dans des délais rapprochés, évidemment. Et puis on aimerait aussi que, dans la Loi sur la justice administrative, quand on demande à un organisme de rendre une décision, pouvoir procéder via le tribunal plutôt des fois que par mandamus, de forcer l'organisme à rendre des décisions, en ajoutant peut-être une disposition au niveau de l'article 4, au niveau de la fonction administrative. Ça pourrait aider les gens, là, à procéder plus vite devant les tribunaux. C'est tout.
La Présidente (Mme Thériault): Merci beaucoup, Mme Tardif. Donc, sans plus tarder, je vais passer la parole au ministre. M. le ministre.
M. Bellemare: Merci, Mme Tardif, pour cette présence devant la commission concernant les tribunaux administratifs. Et on constate, à la lecture du mémoire, que le groupe que vous représentez agit dans tous les secteurs: la CLP, le TAQ, l'IVAC, la CSST et la Société de l'assurance automobile du Québec. Ce qui m'amènera à vous poser une question relativement au projet, là, qu'introduit le projet de loi n° 35, de fusion, de regroupement de la CLP et du TAQ. La CLP deviendrait une division du nouveau tribunal, division des lésions professionnelles. Est-ce que vous voyez des avantages, des inconvénients à la fusion? Comment vous voyez l'idée de regrouper les différentes divisions, non pas de les fondre les unes aux autres mais de les regrouper au sein d'une même entité juridique?
Mme Tardif (Anne): Là, on trouve que c'est une bonne chose, que ça va probablement faciliter la gestion de certains dossiers. Il y a même certains dossiers qui sont mixtes, ça va aussi faciliter cet aspect-là au niveau des dossiers de CSST et SAAQ qui sont mixtes. Ça va probablement... L'important, c'est aussi de ? comme vous disiez, là ? maintenir une étanchéité entre chaque secteur, parce que chaque secteur demande quand même des points particuliers selon les lois en particulier aussi, là. Alors, on trouve que c'est une bonne chose que de ramener les deux tribunaux ensemble. Ce qui aurait d'ailleurs dû être fait, là, en 1998 également.
M. Bellemare: L'idée de maintenir différentes sections ne signifie pas que les juges d'une section pourront être déplacés à chaque jour ou à chaque semaine d'une section à l'autre. Tout en assurant une spécialisation de chacun des juges dans sa division, il peut se produire des situations où une section, pour des raisons d'engorgement ou d'augmentation ponctuelle du volume, pourrait avoir besoin davantage de ressources, ce qui permettrait à une section, après une formation d'appoint, d'envoyer quelques juges en renfort dans une autre section. C'est ça, l'idée. Ce n'est pas de permettre à un juge d'entendre, un matin, une cause d'accident de travail, l'après-midi, assurance auto, le lendemain, affaires immobilières. Ce n'est pas ça, l'idée. C'est de garder des spécialisations dans chaque division, mais, dans des cas particuliers, lorsque la formation du juge, son expérience lui permet d'être qualifié pour aller dans une autre division, de pouvoir le faire lorsque les besoins du tribunal le justifient.
Il y a des groupes qui sont venus ici qui agissent uniquement en matière d'assurance automobile et d'autres qui agissent uniquement en matière d'accidents de travail. J'ai perçu que... Je crois avoir compris que les groupes qui agissent dans le domaine de l'assurance automobile n'ont pas d'inconvénient à la fusion des deux tribunaux et ne craignent pas l'arrivée d'une autre section, de la lésion professionnelle. Pour les gens qui agissent en matière de lésions professionnelles, c'est différent. Il y a comme des craintes. Il y a comme une crainte de voir arriver ou d'être joints à un tribunal où il y aurait d'autres éléments, comme l'assurance automobile ou l'aide sociale.
Êtes-vous en mesure de m'expliquer qu'est-ce qui explique ce phénomène?
Mme Tardif (Anne): Bien, je crois que c'est peut-être au niveau des relations de travail parce que, bon, la CSST, on sait que ça touche les relations de travail, au niveau des syndicats, et tout ça. Alors, c'est probablement pour ça que ces gens-là ne veulent pas.
Mais, nous, on ne pense pas que ça ait un impact. En fait, que ce soit un décideur de la CLP ou un décideur du tribunal, on croit que les décisions vont être aussi bonnes, et puis l'efficacité va être la même, là. Alors, c'est juste de faire en sorte que deux tribunaux qui oeuvrent dans un domaine similaire, avec des lois qui sont tout de même similaires ? on peut s'entendre, là, quand même, alors ? peuvent être réunis ensemble, là. Alors, moi, je ne vois pas de problème à ce que les deux tribunaux soient ramenés ensemble, là.
M. Bellemare: On voit, au début de votre mémoire, que vous nous dites que l'organisation DATAQ a représenté, ou a conseillé, à tout le moins, plus de 8 000 personnes depuis sa création en 1985. Est-ce que vous agissez davantage dans le secteur des accidents de travail, des accidents d'auto, victimes d'actes criminels? C'est quoi, la proportion de votre action, là?
Mme Tardif (Anne): Bien, on fait environ la moitié. Moitié, là, au niveau des accidents de travail et SAAQ. On fait une petite partie, là, d'IVAC et de Régie des rentes du Québec. Mais notre pratique est axée, là, sur les dossiers en accidents de travail et en accidents d'automobile.
M. Bellemare: O.K. On a des statistiques qui sont très révélatrices sur le taux de conciliation en matière d'accidents d'automobile, d'accidents de travail. On ne peut pas s'empêcher de comparer parce que ce sont des organismes publics qui relèvent du gouvernement du Québec dans les deux cas, qui touchent les citoyens, CSST, SAAQ. Quand on regarde les chiffres, on voit qu'avec la CSST les travailleurs accidentés qui contestent et les employeurs réussissent à s'entendre dans la moitié des cas. Avec les autres organismes, où il y a des mécaniques de conciliation qui sont, je pense, aussi accessibles... Parce que, depuis 1998, la Loi sur la justice administrative prévoit la conciliation au tribunal administratif. Il y a peut-être moins de tradition de conciliation, mais il y a des mécanismes qui existent quand même depuis sept ans, maintenant, bientôt sept ans.
n(15 h 30)n Qu'est-ce qui explique le fait que les citoyens aient davantage de facilité à s'entendre avec la CSST et les employeurs que ceux qui sont aux prises avec la SAAQ ou la Régie des rentes, où, là, il y a un taux de 15 %, 10 %, à peu près, là, au sein des deux derniers? Puis, à l'IVAC, bien là c'est encore pire, ce n'est même pas 1 %. Pourquoi?
Mme Tardif (Anne): Au niveau de la SAAQ, souvent ce qui arrive, c'est que les procureurs n'ont pas de mandat de régler. Il faut avoir la preuve, et c'est leur possibilité de gain ou de perte devant le tribunal qui fait en sorte que, oui, ils vont aller de l'avant dans un règlement en conciliation ou, non, ils n'iront pas de l'avant dans un règlement en conciliation.
Alors, souvent ce qui arrive, c'est que la preuve doit être presque complète devant le tribunal administratif pour pouvoir accéder à la conciliation, pour pouvoir penser de pouvoir régler un dossier, tandis qu'au niveau de la CSST il y a plusieurs alternatives. Ça peut être avec l'employeur, ça peut être avec la CSST. Il y a trois parties. Alors, les possibilités de règlement au niveau de la CLP sont plus faciles. Il peut y avoir aussi des sommes forfaitaires qui peuvent être attribuées. Mais, au niveau du tribunal administratif, en matière d'assurance automobile, moi, je pense que c'est surtout parce que c'est fermé. Il faut des mandats pour les procureurs. Ils n'ont pas de latitude dans les possibilités de règlement. Alors, c'est surtout...
M. Bellemare: Mais, Mme Tardif, tout ce que vous nous dites, là, qui se fait à la CSST puis qui ne se fait pas à la SAAQ pourrait se faire à la SAAQ. Là, vous nous dites: Les avocats de la SAAQ n'ont pas de mandats. La CSST donne des mandats forfaitaires. Mais les avocats de la SAAQ pourraient avoir des mandats de négocier davantage? La SAAQ pourrait verser des montants forfaitaires, comme le fait la CSST. Tout ce qui se fait à la CSST pourrait se faire à la SAAQ.
Légalement parlant, les pouvoirs sont là, les lois sont là. Pourquoi, pourquoi ça ne se fait pas? Pourquoi on n'a pas un taux de règlements pour les x milliers de victimes de la route chaque année, là? Pourquoi il n'y a pas d'ententes et de règlements à l'amiable dans une proportion plus élevée alors qu'on est dans des organismes, là, qui sont à vocation similaire, comme vous le dites, qui traitent avec les Québécois au quotidien?
Mme Tardif (Anne): Peut-être au niveau des conciliateurs. La CSST aussi, les conciliateurs interviennent, vont discuter avec les parties. Ils vont leur dire... C'est sûr que les conciliateurs interviennent plus, tandis que, au tribunal administratif, les conciliateurs sont des décideurs; ce sont des membres du tribunal qui effectuent les conciliations. Alors, c'est peut-être à ce niveau-là que ça pourrait être amélioré. Peut-être que le rôle du conciliateur pourrait être plus valorisé au niveau du tribunal administratif. Peut-être que, si le conciliateur disait: Écoutez, vous pouvez peut-être aller vous chercher un mandat, il y aurait possibilité dans ce dossier-là de le régler effectivement. Bien, peut-être que ce serait mieux, là.
M. Bellemare: Quand vous demandez de la conciliation devant la CLP, de concilier avec la CSST, est-ce que ça se passe de la même façon que devant le TAQ quand vous demandez de concilier avec la SAAQ? L'accès à la conciliation, est-ce qu'il est aussi facile d'un côté que de l'autre?
Mme Tardif (Anne): Non, l'accès à la conciliation au niveau de la CLP est beaucoup plus facile. On reçoit des feuilles avec les recours. On peut communiquer avec la CLP pour avoir un conciliateur. C'est prévu dans le processus, tandis que... Au niveau du TAQ aussi, le problème, c'est que, si on passe par la conciliation, il ne peut pas y avoir d'audition de fixée si on... Parce que, quand on va devant le tribunal, si on a un recours et puis qu'on veut concilier le dossier puis que le dossier n'est pas réglé en conciliation, à ce moment-là on doit fixer une audition et puis la personne doit attendre encore un moment, tandis que, à la CLP, bien, l'accessibilité à la conciliation est beaucoup plus facile.
M. Bellemare: Et trouvez-vous ça normal que ce soit...
Mme Tardif (Anne): Non.
M. Bellemare: Vous nous dites que, devant le tribunal administratif, quand la cause est fixée pour audition, il n'y a pas moyen de concilier.
Mme Tardif (Anne): Bien, on pourrait concilier mais en arrivant devant le comité, le quorum, en fait, les membres. Mais, si l'audition est fixée et puis qu'on veut aller en conciliation, on doit demander une remise d'audition et puis à ce moment-là il y aura une conciliation. C'est la façon de procéder, là. Parce qu'on ne peut pas demander à ce qu'il y ait une conciliation de fixée. C'est tellement compliqué, au niveau du tribunal administratif, là, d'avoir accès à la conciliation de cette façon-là. À chaque fois, on est obligé de demander une remise, là. On attend la remise. Il faut fixer une conciliation. On ne peut pas... Il faut que ce soient des séances qui soient fixées... On ne peut pas communiquer avec le conciliateur comme à la CLP, communiquer avec le conciliateur, dire: Est-ce qu'il y a possibilité de règlement? Nous, on serait prêts à faire tel bout de chemin. Là, c'est impossible, au niveau du tribunal administratif.
M. Bellemare: En matière d'aide sociale, est-ce que vous intervenez?
Mme Tardif (Anne): Très peu.
M. Bellemare: Très peu.
Mme Tardif (Anne): Très peu.
M. Bellemare: Parce que le taux de conciliation en matière d'aide sociale est très élevé au tribunal administratif. J'ai vu des données lors du dépôt du projet de loi qui nous disaient qu'à peu près 61 %... les cas en attente à l'aide sociale, c'est-à-dire au tribunal administratif, dans la sous-division de l'aide sociale, se réglaient dans plus de la moitié des cas. Il y a beaucoup de règlements, et pourtant on est devant le Tribunal administratif du Québec aussi.
Mais ce que je retiens de votre intervention, c'est que la conciliation est plus facile... les mécanismes, l'accès à la conciliation est plus facile à la CLP et que c'est ce qui explique, en partie du moins, le fait qu'on ait autant de règlements à la CLP plutôt qu'au TAQ.
Mme Tardif (Anne): Oui.
M. Bellemare: Et vous souhaiteriez, j'imagine, que la conciliation soit...
Mme Tardif (Anne): Plus accessible.
M. Bellemare: ...davantage accessible au TAQ ou dans les autres divisions ? division des affaires sociales notamment ? et que ça augmenterait le nombre de règlements en matière d'assurance auto, notamment.
Mme Tardif (Anne): En fait, que le conciliateur puisse intervenir à tout moment, là, dans le processus, tandis que, là, ce n'est pas le cas.
M. Bellemare: Merci.
La Présidente (Mme Thériault): Je reconnais maintenant le député de l'Acadie.
M. Bordeleau: Oui. Écoutez, d'abord, juste un commentaire suite à ce que vous nous avez mentionné. J'ai comme l'impression que, quand on veut compliquer les choses, on peut les compliquer au point tel où la conciliation n'existe pas dans les faits. Ce qui se fait ailleurs, il n'y a pas de raisons pour lesquelles ça ne se ferait pas dans certains organismes qui sont problématiques actuellement. Alors, je pense que vous avez suffisamment expliqué.
Est-ce que vous avez l'impression, par exemple, que, dans le cadre où il y aurait un tribunal administratif unique qui regrouperait la CLP et les autres, là, avec des... que ça pourrait avoir pour effet peut-être d'améliorer cette situation-là et de généraliser la culture qui existe dans les organismes qui fonctionnent le mieux vers les changements qui... dans les organismes où on a énormément de critiques actuellement?
Mme Tardif (Anne): Écoutez, c'est bien entendu que, si la mentalité de la conciliation au niveau de la CLP était transposée au niveau du TAQ dans les dossiers en assurance automobile, ça aiderait certainement, là, l'accès à la conciliation, puis l'efficacité grandirait aussi, là. Ça, c'est sûr.
M. Bordeleau: O.K. Juste une question de clarification: à la page 7 de votre mémoire, juste pour comprendre, quand vous parlez de la conciliation, vous, vous dites que le service de conciliation de la CLP est effectivement un service excellent qui est très bon dans sa forme actuelle et qui pourrait gagner à devenir le service en «guichet unique» pour l'ensemble du tribunal et pour l'ensemble des recours. À quoi vous faites référence exactement, là?
Mme Tardif (Anne): Bien, en fait, c'est que, si le système de conciliation de la CLP était transposé devant le tribunal administratif, ça faciliterait l'accès, là.
M. Bordeleau: O.K., que ce soit un système semblable qui existerait dans les autres organismes.
Mme Tardif (Anne): Oui.
M. Bordeleau: O.K. Je comprends.
Mme Tardif (Anne): Oui, au niveau des autres lois, là.
M. Bordeleau: O.K. Ça va.
La Présidente (Mme Thériault): Ça va? D'accord. Donc, par consentement, on ajouterait deux minutes supplémentaires à la partie ministérielle. Le député de Marguerite-D'Youville aurait une question. Parce que c'est le député de Marguerite-D'Youville.
M. Moreau: Merci, Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Thériault): Deux minutes.
M. Moreau: Ce sera très court. Vous avez parlé de la difficulté d'accéder à la conciliation au TAQ par rapport à la CLP. Maintenant, présumons qu'on a accédé à la conciliation. Votre organisme, il va en conciliation devant les deux instances. Au niveau de la procédure elle-même de la conciliation, on a des gens qui sont venus nous dire qu'ils préféraient la procédure de conciliation que l'on retrouve à la LATMP plutôt que celle que l'on retrouve à la Loi sur la justice administrative. Est-ce que vous avez des commentaires là-dessus? Est-ce que vous y voyez une distinction et, si oui, est-ce qu'il y a une des deux procédures que vous préférez à l'autre?
Mme Tardif (Anne): Bien, rendu en conciliation, la procédure n'est pas très différente. Peut-être que, au niveau du tribunal administratif, c'est plus facile parce que les décisions... quand le conciliateur-décideur fait un accord, c'est considéré comme une décision. Alors que souvent, au niveau de la CLP, l'accord de conciliation doit être entériné, ce qui fait en sorte qu'il y a des délais supplémentaires. Alors...
M. Moreau: Sur la conciliation, en vertu de la Loi sur la justice administrative...
Mme Tardif (Anne): Oui?
M. Moreau: ...le juge peut se transformer en conciliateur, et, si la conciliation échoue, il ne peut plus entendre la cause. On nous a dit que c'était problématique. Est-ce que vous avez déjà vécu ça?
Mme Tardif (Anne): Non. Je n'ai pas eu à vivre ce problème-là.
M. Moreau: Est-ce que vous avez des commentaires sur cet aspect-là?
Mme Tardif (Anne): Bien, moi, je pense que...
La Présidente (Mme Thériault): 30 secondes. Vous avez 30 secondes pour répondre, Mme Tardif.
Mme Tardif (Anne): O.K. Merci. Moi, je pense que, effectivement, le juge du TAQ qui devient conciliateur ne doit plus revenir dans le dossier, là, question de confidentialité; en conciliation, on ouvre plus notre jeu. Alors, je pense que le conciliateur ne doit plus revenir dans le dossier comme décideur.
La Présidente (Mme Thériault): Merci, Mme Tardif. Donc, je passe la parole au député de Chicoutimi.
n(15 h 40)nM. Bédard: Merci, Mme la Présidente. Merci à Mme Tardif ? c'est ça? ? de vous être présentée devant nous. Vous êtes la dernière et non la moindre, on le dit souvent. C'est le mot, la phrase qui vient après. Alors, ça nous fait plaisir de vous accueillir ici comme dernière intervenante, surtout votre organisation évidemment que vous représentez.
Beaucoup de chemins ont été parcourus depuis les derniers jours... les dernières semaines, je vous dirais, plutôt. Il y a, je vous dirais, des tangentes ou des éléments qu'on retrouve dans beaucoup de mémoires. Un, entre autres, que je retiens du vôtre, c'est concernant la présomption.
Plusieurs gens, plusieurs personnes qui représentent des salariés, des accidentés, je vous dirais, l'ensemble des justiciables qui contestent les décisions de l'administration sont venus nous faire part de leur inquiétude de maintenir la présomption de désistement dans la procédure actuelle pour le motif qu'elle aurait pour effet de nuire aux salariés, à la victime, peu importe, à l'administré, et je vous avouerais que je n'ai pas encore entendu un groupe favorable. Vous, vous semblez aussi très clairement en faveur de la soustraction de cette présomption. Pourriez-vous nous expliquer les motifs qui sous-tendent cette objection?
Mme Tardif (Anne): Oui. En fait, c'est que, si... c'est sûr que les gens... Premièrement, comme je le mentionnais, les gens, c'est leur premier contact avec la justice souvent, les accidentés, les victimes. Alors, si on vient mettre des... Parce que déjà, pour eux, que de contester une décision au bureau de révision... de s'être fait refuser une première fois, de contester une décision au bureau de révision, de s'être fait refuser une deuxième fois et de devoir contester... Alors que, là, si la personne conteste devant le tribunal et puis que la décision en révision elle est... elle est...
Une voix: Maintenue.
Mme Tardif (Anne): ... maintenue ou rejetée, qu'il y ait un autre processus encore entre les deux, la décision, elle est automatiquement inscrite devant le tribunal s'il y a contestation. Alors, pourquoi on devrait mettre une autre formalité encore que de dire à la personne: Vous devez dire si oui ou non vous maintenez?
La présomption ne devrait pas être là. S'il y avait un recours direct, dès que le réviseur rend sa décision, ça s'en va devant la conciliation, et que le conciliateur explique en fait à la victime les effets de ça, à ce moment-là ça pourrait être aussi efficace. On n'a pas besoin d'une présomption, là, pour ça.
M. Bédard: Donc, vous n'y voyez aucun avantage?
Mme Tardif (Anne): Non.
M. Bédard: Sur la conciliation, j'ai pris acte aussi à l'effet que vous êtes évidemment, là, très favorable à la conciliation mais encadrée avec normalement un conciliateur. Vous dites effectivement: Ça prend des gens formés ? c'est ce que j'ai compris de votre témoignage ? des gens qui ont aussi une certaine indépendance par rapport à la partie. Une conciliation par l'organisme, c'est autre chose qu'une conciliation par quelqu'un indépendant.
Mme Tardif (Anne): Bien entendu.
M. Bédard: On s'entend. Donc, vous souhaitez assurer qu'il y ait de véritables conciliateurs, donc, qui s'occupent... C'est ce que j'ai compris. Et je suis étonné de votre témoignage au niveau de l'assurance automobile, à l'effet que toute demande de conciliation est refusée à moins que la personne ne remette le dossier. Donc, tout dossier qui est mis au rôle avec date d'audition empêche automatiquement la procédure ou une demande de conciliation.
Mme Tardif (Anne): Oui. Bien, en fait, il pourrait y avoir accès, mais ce serait via l'audition, via les membres, le quorum qui a été formé. Mais ça, ce n'est pas...
M. Bédard: Non, non, ça, ce n'est pas pareil, là, ce n'est pas une conciliation au sens où on l'entend, là.
Mme Tardif (Anne): Non, c'est ça, c'est ça. Comme je disais, il n'y a pas d'accès, on peut téléphoner au conciliateur. On sait quel conciliateur est assigné à tel dossier.
M. Bédard: Ah! oui.
Mme Tardif (Anne): Alors, ce n'est pas aussi simple, là. Mais il faut vraiment demander une remise pour pouvoir fixer... Le dossier ne peut pas être fixé en conciliation et au tribunal en même temps.
M. Bédard: Donc, vous, vous vivez les deux, alors que c'est deux processus...
Mme Tardif (Anne): Oui, totalement différents.
M. Bédard: C'est assez étonnant, là, comme façon de faire. Je vous dirais que ça m'étonne.
Mme Tardif (Anne): Oui.
M. Bédard: D'autant plus que ce n'est pas la pratique du tribunal. Est-ce que l'organisme, lui, refuse? C'est la pratique de l'organisme qui...
Mme Tardif (Anne): C'est le tribunal.
M. Bédard: Le tribunal qui, lui...
Mme Tardif (Anne): C'est au niveau du tribunal, c'est au niveau du rôle, au niveau de l'accès aux personnes.
M. Bédard: Bien, oui. Vous, vous vivez les deux. Vous plaidez, vous me dites, moitié-moitié devant la CLP ? et c'est ce que vous avez répondu au ministre ? et devant le TAQ. Et évidemment vous achèteriez demain matin, j'imagine, le processus de conciliation prévu à la Commission des lésions professionnelles. C'est ce que j'ai compris.
Mme Tardif (Anne): Oui. C'est beaucoup plus efficace, là.
M. Bédard: Parfait. Vous avez aussi... Vous souhaitez la disparition... Vous dites dans votre mémoire: Nous nous objectons au maintien de la révision tant en matière d'accidents de la route qu'en matière d'accidents de travail. Actuellement, dans le projet de loi, il y a certaines dispositions relativement à la révision, bon, au-delà de la présomption. Vous dites que, même avec les dispositions que vous y retrouvez, vous, vous souhaitez que dans tout les cas il y ait disparition totale de la révision. C'est ce que j'ai bien compris?
Mme Tardif (Anne): Oui, pour... Oui, parce que...
M. Bédard: Mais, pour être plus clair... Excusez, je me suis peut-être mal exprimé. Est-ce que les dispositions, telles qu'elles sont prévues dans le projet de loi au niveau de la révision ou de l'absence de révision finalement ou la possibilité de l'administration de s'amender, vous, est-ce que ça vous convient, la possibilité... Si on enlevait la présomption de désistement, est-ce que la procédure qui est prévue actuellement dans le projet de loi vous satisfait au niveau de l'appel direct au tribunal administratif? Est-ce que ça vous satisfait, ça?
Mme Tardif (Anne): Bien, au niveau de l'appel direct au tribunal administratif, oui, ça nous satisfait. Mais, quant au fait de repasser devant l'organisme en révision, bon, on trouve que c'est... les statistiques le disent de toute façon, là, les décisions sont majoritairement confirmées, là, environ 80 % et plus. Alors, ça ne donne rien vraiment de passer devant le bureau de révision de l'organisme.
M. Bédard: O.K. Si ce pouvoir de révision était mieux encadré... On sait que dans certaines divisions il fonctionne mieux... plutôt, dans certains services, il fonctionne mieux.
Mme Tardif (Anne): La RRQ.
M. Bédard: On donnait l'exemple... Oui. On donnait l'exemple aussi au niveau de l'assistance sociale, au niveau de l'emploi, que le processus était performant. Parce que ma crainte, c'est l'engorgement du tribunal. Et c'est votre crainte aussi, de voir des dossiers qui pourraient finalement... Si on peut l'éviter, là, quelques milliers, bien, tant mieux, hein? C'est tout le monde qui en profite, parce que les délais ont un coût pour la personne, ont un coût pour le tribunal, ont un coût pour la société. Donc...
Mme Tardif (Anne): Oui.
M. Bédard: Mais vous semblez quand même... Est-ce que vous avez étudié d'autres façons... À quoi attribuez-vous finalement autant de difficultés au niveau de la révision, qu'il y ait autant de différences entre les différents types de dossiers?
Mme Tardif (Anne): Bien, au niveau de... En CSST et puis au niveau de la SAAQ, le bureau de révision confirme majoritairement les décisions. Au niveau des autres organismes, je ne sais pas, mais prenons, par exemple, la RRQ: il est fréquent quand même que la preuve soit poursuivie, la RRQ tente de... Souvent, il y a des expertises au niveau du bureau de révision en RRQ, ça peut porter fruit souvent aussi. Alors, je ne sais pas, peut-être que ça devrait être pris plus au sérieux.
M. Bédard: C'est le problème.
Mme Tardif (Anne): Il n'y a quand même pas... Au niveau de la RRQ, il n'y a quand même pas d'audition non plus, c'est sur dossier, mais la preuve est poursuivie. En fait, on travaille pour l'administrer un peu plus qu'au niveau des deux autres.
M. Bédard: Oui. Une dernière question. Vous avez aussi une proposition à faire à la commission relativement à l'accréditation des représentants. Vous souhaitez, vous aussi, empêcher ceux et celles qui s'improvisent dans le domaine de ne pas... finalement ne pas nuire aux accidentés. Et vous suggérez, vous, de votre propre initiative ou suite aux témoignages que vous avez entendus ? parce que d'autres sont venus proposer la même chose ? la formule de l'accréditation, c'est ça, auprès du tribunal?
Mme Tardif (Anne): Oui. Bien, nous, on trouvait que c'était une bonne idée. En fait, on a entendu plusieurs autres personnes parler de ça, mais on trouvait que c'était une bonne idée effectivement que de mettre sur pied un système d'accréditation pour que les gens ne soient pas démunis, en plus d'être démunis, tu sais, devant leur représentant.
M. Bédard: Oui. D'être doublement démunis.
Mme Tardif (Anne): C'est ça.
n(15 h 50)nM. Bédard: Dernière question. Comme vous avez suivi les travaux de la commission ? j'avais dit la dernière avant, ça va être vraiment la dernière, celle-là ? vous avez entendu plusieurs gens venir nous demander de rééquilibrer les forces entre l'État et ceux et celles qui contestent les décisions.
Vous, vous en représentez beaucoup, vous en soutenez beaucoup. Bon. Plusieurs ont suggéré la création de permettre comme vous... Au niveau de l'assurance automobile, on permet le remboursement, entre guillemets, de certains frais d'expertise, avec une limite évidemment. Plusieurs ont demandé à ce que cette possibilité du moins soit étendue aux autres sections du tribunal et aux autres... et à la CLP. Ils demandaient même peut-être de les rehausser. D'autres ont aussi demandé la création de fonds de soutien aux travailleurs, aux accidentés pour leur permettre d'être mieux représentés devant le tribunal et d'avoir un soutien financier, comme il existe parfois dans d'autres... ailleurs dans le monde, je veux dire au Canada plus particulièrement. Est-ce que, vous, de votre point de vue, ça peut vous sembler intéressant?
Mme Tardif (Anne): Oui, ça pourrait être intéressant pour les personnes accidentées victimes aussi d'accidents de travail, de la route. Ça pourrait être une chose qui pourrait être intéressante.
M. Bédard: Ça pourrait permettre peut-être de mieux équilibrer justement les forces.
Mme Tardif (Anne): Oui. Parce que, au niveau de la CSST, c'est quand même plus... au niveau des expertises médicales, c'est quand même plus équilibré. Mais, au niveau de la SAAQ, on...
M. Bédard: Oui, il y a un déséquilibre.
Mme Tardif (Anne): Oui, un grand déséquilibre au niveau des expertises qui sont faites là.
M. Bédard: Merci. Merci, Mme Tardif.
Mme Tardif (Anne): Merci.
Le Président (M. Simard): On vous remercie beaucoup. Vous êtes ? ce n'est pas vous sans doute qui l'avez voulu ? la dernière intervenante devant cette commission ? je pense que c'est la 60e ? et nous vous remercions de votre intervention.
Alors, nous allons suspendre une dizaine de minutes avant de reprendre.
Une voix: ...heure?
Le Président (M. Simard): Jusqu'à 16 h 5.
(Suspension de la séance à 15 h 51)
(Reprise à 16 h 9)
Le Président (M. Simard): Est-ce que je peux demander aux honorables membres de cette commission de reprendre leurs places, s'il vous plaît? Nous allons reprendre nos travaux.
Remarques finales
Nous en sommes rendus à la phase des remarques de clôture, des remarques finales, après l'audition d'une soixantaine de témoins et la lecture encore d'un certain nombre de mémoires supplémentaires. Donc, nous avons beaucoup écouté. Sans doute, de part et d'autre, nous avons retenu un certain nombre d'éléments, et je pense que les remarques finales sont à ce moment-ci fort appropriées. Nous allons donc commencer par écouter, je crois, le ministre...
M. Bédard: Non.
Le Président (M. Simard): L'entente, c'est que c'est d'abord le député de l'opposition, le critique de l'opposition. Donc, M. le député de Chicoutimi, nous vous écoutons pour vos remarques finales.
n(16 h 10)nM. Stéphane Bédard
M. Bédard: Vous connaissez ma modestie habituelle. Si le ministre veut prendre mon droit de parole avant moi, je n'ai aucun problème, mais je crois que la tradition exige que ce soit effectivement moi et que le ministre ferme cette commission. Alors, je ne lui volerai pas cet honneur, au contraire. D'autant plus que nos travaux, il faut le dire, se sont déroulés dans un esprit de bonne... oui, vraiment de camaraderie, il faut le dire, et pas simplement avec le ministre, mais avec tous les membres de cette commission. Et j'ai été très heureux de participer à ces travaux qui se sont fort bien passés.
Je ferai toutes mes félicitations et je transmettrai mes salutations en tout dernier lieu, mais je dois dire que l'ambiance qui a prévalu tout au long des travaux a été fort agréable, et nous sentions... Ils contrastaient, je vous dirais, avec ce qui s'était passé à d'autres étapes ou dans d'autres projets de loi, M. le Président, auxquels vous étiez un témoin privilégié, membre et président de cette commission.
Alors, c'est plus de 58 groupes, vous le savez, que nous avons entendus. D'autres groupes, c'est plus de 60 mémoires qui ont été déposés devant cette commission qui, pour un projet de loi de cette nature, je vous dirais, est quelque chose de presque normal, souhaitable, sûrement souhaitable, M. le Président. Alors, ces auditions qui avaient été appelées auditions particulières, consultations particulières, M. le Président, ont pris toutes les allures, on doit le reconnaître, oui, d'une consultation générale, large. Et nous avons souhaité entendre le plus de gens possible, le plus d'expertises possible pour nous permettre, nous, membres de cette commission, d'avoir un éclairage particulier, d'apprécier les différentes dispositions du projet de loi, il faut le dire, bien que, dans ce cas-ci, nous allons voter contre le principe, M. le Président, alors que, dans le projet de loi n° 4, ça avait été l'inverse, souvenez-vous. Peut-être que cette tradition doit être maintenue, mais, au départ, donc...
Le Président (M. Simard): C'est de meilleur augure pour après.
M. Bédard: Et voilà. Donc, ce qui nous a permis d'améliorer sensiblement les intentions qu'avait manifestées le ministre lors du dépôt du projet de loi qui étaient, souvenez-vous, nobles, justifiées et auxquelles nous concourons pour la plupart.
Pendant les travaux, plusieurs gens sont venus témoigner pour nous demander, pour demander au ministre, évidemment, plus particulièrement au ministre, parce que ultimement c'est lui qui porte ces décisions, mais à tous les membres de cette commission des modifications en profondeur de certaines dispositions, en profondeur et parfois plus techniques, je vous dirais, de certaines dispositions. Et toutes ces remarques ont été accueillies avec beaucoup d'ouverture de part et d'autre, et j'en suis fort heureux.
Par exemple, toute la question relative à la multidisciplinarité et à la spécialisation du tribunal qui a fait l'objet d'un débat très intéressant par cette commission à l'automne et qui a trouvé son aboutissement dans les premiers jours des consultations, où le ministre, suite à une proposition de l'Association des juges, a fait une proposition que j'ai relevée tout de suite, souvenez-vous, et qui est fort intéressante: celle de maintenir le principe et rencontrer les objectifs du ministre que, dans les cas où le tribunal ne le juge pas utile, le président du tribunal, qu'il fixe à un seul membre l'audition des différents dossiers.
Donc, je pense que c'est une amélioration plus que sensible, plus qu'importante au maintien du principe de la multidisciplinarité, donc au maintien du principe de la spécialisation à travers le maintien du principe du tribunal composé de deux, mais que, en même temps, l'utilité peut commander peut-être plus souvent qu'on le pense ? on le verra à l'usure effectivement ? qu'un banc seul peut entendre différents dossiers, donc rencontrer les objectifs qui étaient posés par le ministre dès le départ.
On a vu, lors du projet de loi, le ministre aussi nous annoncer... Et j'en étais fort heureux, bien, tout le monde, je pense, parce que nous ne le réclamions pas au départ, nous n'avions pas non plus aperçu toutes les conséquences de la disparition du Conseil de la justice administrative, le ministre a ouvert, après avoir entendu les groupes, au maintien avec une modification quant à son mandat mais... en ce qui concerne plus particulièrement la déontologie. Je pense que le ministre a été très, très clair quant au maintien du conseil et aussi aux mandats qui lui seront confiés, donc c'est une excellente chose.
La régionalisation nous aura permis de découvrir un des aspects... un des plus importants du projet de loi actuel, soit la régionalisation du TAQ. Nous savons qu'à la CLP cette régionalisation existe, elle a été qualifiée d'heureuse par à peu près tous les intervenants qui sont venus devant nous. Le tribunal administratif doit maintenant, je pense, suivre la même ligne avec le soutien nécessaire et peut-être une petite modification que j'ai suggérée, que d'autres ont suggérée, le Barreau, entre autres: d'attacher cette régionalisation par des précautions particulières au niveau de la réglementation, au niveau de la loi, donc, autrement dit, de prévoir la stabilité des greffes dans les différentes régions du Québec et éviter ce qui s'est passé dans d'autres tribunaux quasi judiciaires, donc, et dans d'autres, plutôt, instances. Et je pense que le ministre a montré toute son ouverture par rapport à ça. Nous le verrons lors du dépôt du projet de loi, à l'autre étape, qui est celle de l'article par article.
Évidemment aussi, nous avons étudié en profondeur la question de la nomination selon bonne conduite et, après avoir, je pense, testé toutes les coutures, toutes les implications possibles, nous devons effectivement conclure que, dans tous les cas, cette nomination selon bonne conduite rencontre, je pense, les objectifs d'une meilleure justice administrative. Donc, nous sommes... Et elle ne rencontre pas non plus de problématique au niveau... qui était, je vous dirais, plus... pas théorique, mais qui aurait eu des conséquences sur le tribunal pour l'invalider, que j'ai testée à de nombreuses reprises avec des spécialistes, Me Garant, avec d'autres qui sont venus, soit la constitutionnalité. Est-ce que cela pourrait avoir des impacts sur la constitutionnalité du tribunal? Et les avis sont clairs jusqu'à maintenant ? à moins que nous ayons des surprises d'ici l'étude article par article ? que cela ne met pas en cause la constitutionnalité du tribunal. Et je pense que, comme législateur, nous devons nous soucier de cette stabilité du tribunal.
Aussi, l'étude du projet de loi nous a permis de constater en même temps que, bien que les objectifs soient bons, du projet de loi, il reste qu'une partie importante n'est pas couverte par le projet de loi et elle est plutôt au niveau... et c'est normal d'ailleurs parce que nous sommes en matière de tribunaux administratifs, elle appartient plutôt à la prise de décision par les organisations, par les ministères, par les différents organismes qui, à la première étape, sont en contact avec le citoyen, celui que nous représentons ici, M. le Président. Et cet aspect le plus important, je vous dirais, du premier contact qui fera souvent en sorte que la personne même se sente respectée, bien que parfois elle ne puisse pas avoir toujours raison, se sente considérée, se sente comprise par l'administration, cette étape n'est pas couverte ? et c'est normal, je n'en fais pas de reproche au ministre, au contraire ? mais plutôt elle demande, elle commande des actions, à l'évidence, dans certains secteurs en particulier.
Je crois que des actions concrètes, plus qu'une réflexion, mais afin de modifier certaines attitudes organisationnelles, certaines cultures... Je dis toujours organisationnelles, M. le Président, entre guillemets, parce que nous avons eu un éventail de témoignages, nous n'avons pas évidemment documenté plus à fond, mais, à l'évidence, il semble exister, selon l'appréciation que j'ai pu en avoir ici, devant cette commission, des problématiques quant au traitement de nos concitoyens et concitoyennes devant certaines organisations. Donc, elles méritent de trouver, je pense, des solutions à plus ou moins court terme.
Par contre, d'autres nous auront permis aussi de constater que d'autres organisations sont fort performantes, très performantes, et il faut les souligner, celles-là. Et je tiens, entre autres, à... Je l'ai fait à plusieurs reprises. Au niveau de l'emploi, de la sécurité du revenu, ce sont des gens, on le sait, on l'a dit souvent, qui sont souvent dépourvus, je n'aime pas le terme «démunis», mais qui ont... le déséquilibre joue le plus, je vous dirais, à ce moment-là, avec des gens qui ont moins les moyens de se défendre. Eh bien! ce qu'on a constaté, pas seulement avec les procureurs, mais avec les groupes, les associations, c'est que l'administration était performante. Et performante ne veut pas dire donner raison toujours, mais comprendre, considérer, avoir une écoute attentive, reconsidérer, réviser avec le souci de donner justice, que la personne ait vraiment la conviction d'avoir obtenu justice à ces étapes.
n(16 h 20)n Et je tiens à souligner plusieurs... la Régie des rentes aussi a été soulignée, a été mentionnée comme organisation, à certains égards, qui semble avoir une performance intéressante. Il faut peut-être, des fois, aller plus loin dans cette analyse et peut-être qu'une autre commission... Vous le savez, je ne suis plus membre de cette commission, M. le Président, malheureusement. Mais peut-être qu'elle commande justement que nous allions un peu plus à fond dans ces questions.
D'autres éléments ont été soulevés. J'ai 20 minutes, M. le Président, je vois que le temps passe déjà vite. Je vais y aller plus en cascade, mais c'est des éléments importants. Tout d'abord, par rapport aux justiciables, tout le domaine de la présomption, au niveau de la révision... de la présomption de désistement, plutôt, M. le Président, qui a fait l'objet presque d'un refus unanime des gens qui sont appelés à représenter les justiciables et des justiciables eux-mêmes. Donc, vous comprendrez qu'à ce moment-là j'ai des réserves profondes par rapport au maintien d'une telle présomption, bien que je comprenne les motifs du ministre qui ne sont pas malintentionnés, qui ne sont pas dépourvus de tout fondement. Il demeure que, comme législateur, et en tenant compte de cette réalité de déséquilibre qui existe entre l'administré et le gouvernement... le gouvernement et l'administration, il faut ne pas accentuer ce déséquilibre. Et, à l'évidence, ceux et celles qui sont venus témoigner devant nous pendant le dernier mois ont confirmé que cela aurait pour effet d'augmenter ce déséquilibre. Donc, d'où, je vous dirais, ma réserve profonde par rapport au maintien d'une telle présomption.
L'accessibilité aux décisions du TAQ: très clair. Je pense que tout le monde... et le ministre a d'ailleurs, même, fait des ouvertures très claires, aussi, à ce niveau-là. Plusieurs représentations au niveau de l'abolition de la possibilité de tarification, je les souligne, évidemment. On a eu aussi une proposition pour modifier l'article 136 de la Loi sur le soutien au revenu au niveau des intérêts. C'est des petites choses mais qui ont toutes leur importance par rapport à l'administré. Petits montants mais qui ont leur importance.
Tout le domaine qui est, là, plus fondamental. Et je l'avais dit, au départ, au ministre: Tout le domaine du déséquilibre doit commander, encore là, des actions concrètes. D'où, entre autres, celle d'étendre la possibilité de remboursement des frais d'expertise, tel qu'il existe, peut-être même les augmenter ? je pense que ce serait de nature à amoindrir ce déséquilibre ? et la création, aussi, M. le Président, d'un fonds à la représentation pour les justiciables. Plusieurs sont venus nous le demander, plusieurs l'ont reprise à leur compte, et je demeure fort sympathique à cette proposition, M. le Président, qui mérite d'être regardée. Le ministre aura le temps... Et je comprends qu'il y a une question d'argent, aussi, une question de moyens. Des fois, on veut bien faire, mais cela commande des... a des impacts financiers, donc. Mais comment amoindrir ce déséquilibre? Alors, c'est une des façons qui vous ont été proposées, qui me semble fort intéressante.
Aujourd'hui, je l'ai ajouté à mes notes, M. le Président, nous avons eu un témoignage percutant, selon moi, relativement au dossier de la santé mentale. Disons-le au ministre: Je n'ai pas, je vous dirais, les compétences pour aller plus loin dans le dossier. Je vais m'y intéresser dans les prochaines semaines. Le ministre a toutes les ressources. Mais je pense qu'où il y a le déséquilibre le plus grand, c'est peut-être dans ce domaine. Alors, je souhaite que le ministre regarde cette situation avec toute la précaution qu'elle commande. Je l'invite, de la même façon, à regarder la proposition que j'ai faite au groupe, celle de permettre à ces gens d'être représentés en tout temps, il me semble.
Je regardais le nombre de cas que... En termes de coûts, c'est relativement peu par rapport au souci de justice que nous devons avoir, et, s'il y a un domaine dans lequel ce souci de justice ne doit souffrir d'aucune exception, c'est bien par rapport à ceux et celles qui vivent de telles situations, M. le Président, et nous en connaissons tous, des gens qui ont été pris... qui ont été pris... qui ont été confrontés à de telles situations familiales qui sont, vous le savez, fort douloureuses.
J'ai entendu, même, le député de Marguerite-D'Youville proposer ? et ça m'a semblé intéressant ? de créer une présomption de qualification à l'aide juridique, tout simplement, de faire en sorte que les gens se qualifient en tout temps. J'ai trouvé la proposition de mon collègue fort intéressante. Alors, je ne sais pas si le ministre et lui siègent de façon paritaire... pas paritaire, je vous dirais, mais comme le tribunal, le TAQ. Est-ce qu'ils sont tous les deux à siéger sur les différentes modifications de la loi? Mais je l'invite aussi à continuer à plaider en ce sens. Et je suis convaincu que le ministre a été très, très sensible aussi à la représentation qui a été faite par rapport à ce domaine.
D'autres domaines qui vont... D'autres questions qui vont demander une analyse et des modifications, je le pense. Au niveau des ententes qui pourraient être entérinées par le tribunal, nous savons que, donc, la question a été mentionnée et elle mérite d'être regardée, et je pense qu'elle mérite des modifications aussi. Le fait de garder que les ententes doivent être conformes à la loi, la conformité à la loi, particulièrement au niveau de la santé et sécurité, des accidents de travail, ce sont des droits d'ordre public, alors j'ai trouvé là vraiment des arguments qui m'ont frappé.
Le ministre a abordé toute la question au niveau du BEM, et je pense qu'il l'abordera lui-même, il a proposé des solutions qui s'imposent par elles-mêmes.
Au niveau des délais, le ministre a ouvert aussi là-dessus pour permettre à la personne de ne pas se voir imposer ou plutôt de pouvoir plaider des motifs raisonnables, d'être relevée de certains délais, le ministre a ouvert, et d'enlever le 90 jours aussi.
Toute la question de la reconsidération, M. le Président, m'a laissé songeur, m'a laissé des arrière-goûts. Je n'aurai pas le temps dans les quelques minutes qui me restent de l'aborder plus avant.
Le domaine de la conciliation, j'en retiens quelques principes, rapidement, M. le Président, mais, du moins, la conciliation appartient aux conciliateurs, je pense. Et le domaine de la CLP est un exemple de conciliation. Je pense qu'on aurait avantage à l'exporter, à le maintenir, tout d'abord, tel qu'il est dans sa forme actuelle, mais de l'exporter dans d'autres... au niveau du Tribunal administratif du Québec.
Aussi, dans tout le domaine de la révision, vous savez, ça, c'est percutant, plusieurs avis nous ont été donnés: c'est performant, ce n'est pas performant. J'invite le ministre, comme j'ai dit tantôt, à l'évidence, à ne pas faire de mur-à-mur. Nous avons des domaines fort performants. Il faut les maintenir, il faut s'assurer que ce qui... Parce qu'une révision performante permet finalement qu'il y ait moins de dossiers au TAQ. Et moins de dossiers, mais dans un souci de justice, et nous rencontrons, dans plusieurs sections et dans plusieurs, plutôt, organismes ce souci de donner justice, donc. Et là j'avais l'aide sociale particulièrement, mais d'autres domaines méritent... Donc, ne pas faire de mur-à-mur si le ministre est pour modifier le projet de loi.
Au niveau de la représentation par avocat, M. le Président, ou plutôt par les représentants, j'ai fait mes propositions là-dessus. Les avocats radiés, même chose, je pense qu'il faut clarifier, au niveau de la radiation, comment amoindrir ses effets et ne pas tout enlever, autrement dit, faire... Comme disait le bâtonnier: Le mieux est souvent l'ennemi du bien. Dans ce cas-ci, je pense que c'est le cas. Le mieux pourrait être l'ennemi du bien.
D'autres modifications aussi en globalité. Les nominations des juges devraient être regardées, vous l'avez dit. Plutôt, les membres du tribunal devraient être encadrés. Ils devraient avoir des règlements plus stricts, peut-être comme ils sont actuellement mais plus stricts et plus définis, plus difficiles de modification aussi, je vous dirais.
Le nombre de sections aussi mérite d'être regardé, bien que Me Garant nous ait fait des représentations, mais il mérite d'être regardé par d'autres experts.
Le lien d'emploi, le fameux article 60, que j'ai mentionné au ministre et aux représentants, que j'ai testé à plusieurs occasions mais qui semble être attaché, je pense, M. le Président, à la nomination selon bonne conduite, selon moi. Alors, dans ce souci d'établir une réelle distance entre les décideurs et l'administration, il y a, je pense, une réflexion à faire et peut-être une modification plus importante, tout en donnant la possibilité à ceux qui ont des droits acquis de les exercer, je pense, dans un délai peut-être de x années, de deux ans, de trois ans.
Tout le domaine de l'évaluation, et là j'y vais en rafale, M. le Président. Les fonctions administratives ouvertes aux non-avocats, je peux vous dire que les évaluateurs m'ont convaincu de cet aspect. Il me reste...
Le Président (M. Simard): Une minute.
M. Bédard: Deux minutes?
Le Président (M. Simard): Une.
n(16 h 30)nM. Bédard: Une minute. Alors, les psychologues qui nous ont fait des choses, des représentations, que nous avons acceptées d'ailleurs. Tout le domaine de la destitution.
Et là il me reste quelques secondes pour le paritarisme. Alors, vous savez, toutes les questions autour du paritarisme ont été fort intéressantes et demandent, comme je le disais ce matin... Je ne veux pas me répéter, simplement je vais peut-être vous référer au Soleil. J'ai eu l'occasion de discuter avec un journaliste, donc, je vais me permettre de m'y référer. Et en vous disant qu'elles demandent une réflexion en profondeur et une prudence auxquelles j'ai appelé le ministre et que je le ferai encore, tout en ayant le même souci de rendre une meilleure justice mais aussi d'écouter, en termes de nombre et en termes... Un des arguments les plus frappants était celui-ci: Écoutez, ça fonctionne. On ne brise pas ce qui fonctionne. Alors... Et nous payons pour ce tribunal. Donc, c'est des arguments qui ne sont pas sans fondement dans la réalité. La base de ce tribunal a aussi ses fondements dans les relations de travail, monde dont lequel, vous le savez, je suis issu, M. le Président. Ça ne m'empêche pas d'avoir ce souci aussi de bien balancer, d'atteindre les mêmes objectifs de justice que s'est fixés le ministre. Donc, j'invite le ministre à continuer sa réflexion là-dessus.
Plusieurs autres choses que nous pourrions demander au ministre: peut-être, oui, avant d'aller à l'autre étape du projet de loi ? soit l'étude article par article ? avoir le dépôt du règlement établissant les règles d'évaluation, le règlement qui définira les lieux des bureaux régionaux et le règlement établissant les règles de nomination du membre du tribunal.
Alors, en terminant, M. le Président, vous me permettrez, en tout dernier lieu, de remercier et féliciter humblement, parce que je ne suis qu'un membre de cette commission, je n'ai pas plus de... J'ai le statut, un, de représenter le chef de l'opposition ici, qui est quand même un privilège, je vous dirais... Mais, en termes de connaissances, j'ai eu l'occasion et le privilège de participer à cette commission entouré de gens qui avaient de très bonnes connaissances et le souci de bien faire les choses, et j'en suis très fier.
Vous le saviez, nous étions en matière quasi judiciaire, donc nous avons eu des quasi-membres de cette commission, et je tiens à remercier Me Flibotte, M. Johnston, qui ont participé à chacune des étapes, à chacun des mémoires. On les sentait presque respirer, M. le Président. Alors, à ces quasi-membres, je les félicite d'avoir un intérêt aussi profond pour la justice administrative.
À mes deux collègues, le député de Dubuc et le député de Mercier, vous savez, qui sont de profession juridique et qui, lorsque je n'étais pas là ? d'ailleurs j'ai manqué quelques journées ? ont été aussi bons sinon meilleurs, je vous dirais, M. le Président, si on peut se qualifier de bons, mais du moins avec le même souci de bien faire les choses. Alors, je tiens à remercier mon collègue le député de Dubuc. Et malheureusement le député de Mercier n'a pu nous accompagner aujourd'hui. Je le félicite.
À vous, M. le Président, toutes mes félicitations, parce que j'ai eu beaucoup de plaisir à travailler en cette commission. Alors, merci de bien mener nos travaux comme vous le faites. À Me Breault, qui n'est malheureusement pas ici et qui vous seconde fort bien, M. le Président, avec toute la compétence que nous lui connaissons, et à madame aussi qui nous soutient dans chacune des étapes...
Le Président (M. Simard): Et qui, depuis quatre minutes, me dit que vous avez terminé.
M. Bédard: Qui me dit que j'ai terminé. Alors, en tout dernier lieu, vous me permettrez ? à tout seigneur tout honneur ? de remercier aussi le ministre et ceux qui l'accompagnent du soutien qu'ils nous ont donné aussi et de l'ouverture qu'ils ont manifestée, de la franche camaraderie que nous avons manifestée pendant l'ensemble de ces travaux. Alors, je tiens sincèrement à le remercier et ceux qui l'accompagnent pour leur collaboration, et il peut s'attendre à avoir cette même collaboration de ma part et de l'opposition.
Et, en tout dernier lieu, M. le Président, alors, Mme Boucher, qui n'a pas de titre, mais qui, vous le savez, a le souci de bien faire les choses, qui est très professionnelle.
Le Président (M. Simard): Absolument.
M. Bédard: Alors, je tiens à la remercier du soutien à tout égard que j'ai pu obtenir de sa part. Vous le savez, parfois on dit souvent: Quand on est intelligent ou on paraît intelligent, c'est souvent ceux qui nous entourent qui nous donnent cette chance. Alors, je dois le dire de la part de notre collègue et amie, Mme Sandra Boucher. Alors, merci, M. le Président.
Le Président (M. Simard): Merci beaucoup. Est-ce que vous accepteriez que le député de Dubuc puisse prendre deux minutes de conclusion, lui aussi?
M. Jacques Côté
M. Côté: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, membres de la commission, M. le ministre, à mon tour, il me fait plaisir, disons, de faire quelques remarques finales.
Vous savez, lorsqu'on s'est présentés devant cette commission pour entendre en consultations particulières différents groupes ou personnes sur le projet de loi n° 35, je savais qu'est-ce que c'était que la justice administrative, puis je peux vous dire qu'aujourd'hui j'en sais pas mal plus que je savais au début. J'ai appris beaucoup.
Je ne voudrais pas répéter des choses qui ont déjà été dites, mais le ministre a montré, face aux présentations qui nous ont été faites, plusieurs ouvertures, je pense, et je peux vous dire une chose, c'est que j'ai hâte d'étudier le projet de loi article par article. J'ose présumer qu'il y aura des amendements qui viendront bonifier ce projet de loi. Et je ne pense pas que je dise une bêtise en disant ça, parce qu'il y a des choses très, très intéressantes qui nous ont été proposées. Il y a des propositions qui m'ont semblé réalistes. Et, en ce sens-là, je pense que la commission aura réussi son travail. Elle aura fait un mandat utile. Et, je pense, c'est ça le vrai travail d'un législateur.
Alors, merci beaucoup à tout le monde, mon collègue Stéphane, député de Chicoutimi, Sandra également, tout le personnel, merci infiniment, et on se reverra à l'étude article par article.
Le Président (M. Simard): Certainement. Merci, M. le député de Dubuc. L'avantage de l'arbitre, c'est de parfois pouvoir saisir la balle au passage. Avant de vraiment donner la parole au ministre pour ses remarques finales, permettez-moi de réitérer au ministre une demande qui vient régulièrement des parlementaires depuis plusieurs années et qui cette fois-ci s'applique à mon avis davantage, c'est le dépôt des règlements en même temps que du projet de loi, particulièrement pour les articles concernant ? puisqu'on se dirige vraisemblablement vers des nominations pour bonne conduite ? tout ce qui entoure le processus de sélection et de nomination. Il serait très clair que, pour les parlementaires, il est important que tout cela soit très clair et que les parlementaires puissent voter en parfaite connaissance de cause.
Et finalement ? et je suis heureux de voir qu'il y a cinq ou six groupes qui ont insisté là-dessus, le professeur Garant y est revenu hier ? j'espère, M. le ministre, que vous avez compris qu'il vaut mieux le TAQ que le TRAQ. Je vous donne la parole pour vos remarques finales.
M. Marc Bellemare
M. Bellemare: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, d'entrée de jeu, je prendrai la balle au deuxième bond ? puisque vous l'avez prise au premier ? pour dire à mon collègue le député de Chicoutimi que j'ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec lui au sein de la Commission des institutions, dans le cadre des travaux que je considère être des travaux d'une grande importance pour la population du Québec, puisque nous sommes conviés ici, au sein de la commission, à élaborer, à travailler à un chantier, un véritable chantier de la justice administrative. Et, pour reprendre un peu les propos du Pr Garant, espérons que ce sera non pas le dernier, mais le plus complet ou celui qui permettra à cette justice administrative au Québec d'être davantage au service des citoyens et de boucler la boucle de la justice administrative qui a connu au Québec, depuis 1985, de très nombreuses étapes.
Plusieurs étapes ont été franchies à l'occasion de gouvernements du Parti québécois. Et je me souviens très bien, personnellement, à l'époque où j'étais avocat, d'avoir participé aux travaux qui avaient été menés à l'époque par le ministre Fréchette à l'occasion de la création de la CALP, et c'était la première fois que je rencontrais Mme Flibotte, qui est une habituée des travaux parlementaires. On était en 1984, à l'automne; nous sommes maintenant en 2004. C'est pour dire que, depuis quatre ou cinq réformes où des travaux d'envergure ont été menés par le gouvernement du Québec dans le but d'améliorer cette justice administrative au Québec et à voir le nombre de mémoires qui ont été produits ou entendus... Au total, c'est quoi? 65, une soixantaine, avec six ou sept mémoires écrits qui n'ont pas été produits par témoins mais quand même qui ont été considérés avec beaucoup d'attention par les membres de la commission.
Alors, je dirai au député de Chicoutimi que, si effectivement les gens qui nous entourent font de nous des gens apparemment plus intelligents, nous avons été choyés cette fois-ci parce que nous avons travaillé avec des équipes exceptionnelles. Des équipes parlementaires, bien sûr, mais aussi l'équipe de tous les gens qui nous ont accompagnés dans le cadre de nos travaux, et particulièrement de ce côté-ci avec toute l'équipe de recherchistes qui ont travaillé très fort pour faire en sorte que nous puissions avancer fermement dans le cadre de nos travaux et trouver même dans certains cas des hypothèses de solution spontanément.
Je crois que les travaux ont été menés rondement grâce à la collaboration de tout le monde et ont fait en sorte que plusieurs groupes sont venus ici et sont ressortis, je crois, satisfaits de voir qu'ils présentaient des hypothèses de solution à beaucoup de problèmes et qu'ils pouvaient repartir avec non pas la certitude, parce qu'on ne peut pas la donner à ce stade-ci, mais très certainement beaucoup de satisfaction d'avoir été considérés et de pouvoir avoir au moins l'assurance que leurs propositions seront considérées de façon positive.
n(16 h 40)n Mais évidemment, quand je parle de chantier, je crois que le mot est exact, nous parlons d'une véritable réforme ici qui touche l'ensemble des tribunaux administratifs qui tranchent des litiges entre le citoyen qui n'est pas satisfait et certains organismes québécois publics qui sont parmi les plus puissants: la CSST, la Société de l'assurance automobile. On parle quand même d'organismes importants au Québec qui ont énormément de conséquences et de portées dans la vie quotidienne des citoyens. Et je crois qu'il faut traiter les litiges entre les citoyens et ces organismes-là avec énormément d'attention parce qu'ils ont de l'importance pour l'État, mais ils en ont, à mon avis, sur une base individuelle, davantage pour le citoyen pour qui ces litiges-là ont une conséquence, ont une portée absolument déterminante dans bien des cas. C'est bien souvent et peut-être trop souvent le devenir de l'individu, son avenir complet ainsi que celui de sa famille qui va être réglé par le jugement qui sera prononcé éventuellement.
Alors, quelques rappels sur des points importants qu'on a considérés, sur lesquels je crois que nous avons trouvé ? l'opposition et le côté ministériel ? une piste de solution, pour ne pas dire une solution véritable.
Sur la question du nom, bien sûr ce ne sera pas le TRAQ, même si je me rappelais, quand j'entendais certains intervenants témoigner devant nous, la création de la CALP en 1985. Mme Flibotte s'en souvient très certainement. On en a eu pour trois, quatre ans à rire. Voilà. Alors, il y avait le petit «s» qui n'était pas écrit mais qui venait à l'esprit facilement. Et je me souviens également, dans les années, bon, 1997, 1996, à l'époque où on parlait du TAQ parce que le Pr Garant, je crois, avait déjà suggéré une appellation qui sonnait comme le TAQ, et à l'époque on en avait bien ri aussi. On a fini par s'habituer. Mais on s'y est tellement habitués que je crois qu'on pourrait le garder, le nom du TAQ...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bellemare: ...et finalement régler cette problématique importante. Même si elle est simple, elle est quand même importante, puisque c'est le nom, la crédibilité, l'image, bien sûr, de l'institution, cette institution qu'on veut cotée, qu'on veut considérée et respectée par l'ensemble des Québécois et même par les juridictions voisines, qui ont beaucoup de considération pour ce qui se fait au Québec en matière de justice administrative. Alors, le nom.
La réduction des bancs. Je crois que nous irons à proposer des amendements à l'article 83.1 qui permettraient au président du tribunal de réduire de deux à un lorsqu'il n'y a pas nécessité qu'il y ait deux personnes sur le banc. Donc, garder le principe du banc à deux dans tout le secteur qui relève actuellement du Tribunal administratif du Québec, mais donner au président du tribunal cette liberté de gérer le tribunal et de faire en sorte que des effectifs ne soient pas consacrés inutilement à entendre et à instruire une cause d'une relative simplicité. Bien que tous les litiges soient importants, il demeure que, au plan du droit et des faits, certains le sont... peuvent se régler de façon beaucoup plus simple et ne nécessitent pas toujours l'apport de deux juges administratifs.
Alors, si on peut trouver une solution et si on peut simplement modifier 83.1 pour faire en sorte que le président ait ce pouvoir de réduire les bancs dans des cas où la cause est relativement simple, bien qu'on puisse lui permettre de le faire dans les cas qui ne sont pas strictement de procédure, je crois qu'on atteint un objectif et qu'on règle finalement l'esprit et presque la lettre finalement du projet de loi n° 4, à l'intérieur de cette seule modification.
D'autres points comme les motifs d'extension de délai. On sait que c'est important, les motifs d'extension de délai, pour ces citoyens qui sont littéralement empêtrés dans la procédure, et dans les délais, et dans les paperasses, et dans les formulaires, qui ne respectent pas le délai pour des raisons valables... pourront obtenir ce qu'on appelle en mauvais français, je crois bien, une extension de délai ou, en tout cas, une prolongation, à tout le moins, du délai sur la base du motif raisonnable. Parce que, actuellement, on a deux catégories de motifs ou deux notions distinctes, selon que ce soit en matière de lésions professionnelles ou dans les autres secteurs. Nous allons uniformiser la règle et faire en sorte que, pour un motif raisonnable, le tribunal puisse permettre à un citoyen d'agir au-delà du délai prévu à la loi. Je crois que c'est une notion généreuse, une notion d'équité qui permet au juge d'être très ouvert à toutes sortes de réalités et d'empêcher que les citoyens, pour des raisons relativement techniques, soient empêchés de faire valoir leurs moyens devant le tribunal. Donc, c'est un moyen de favoriser l'accès au tribunal que de permettre d'extensionner le délai pour un motif raisonnable.
Le Conseil de la justice administrative, eh bien, il survivra. Nous avions pensé au départ qu'il pouvait être aboli au profit d'une mécanique plus simple, plus ponctuelle. Parce qu'il y a des plaintes, mais il n'y en a pas tant que ça. Et il y a beaucoup de plaintes qui ne sont pas... qui ne présentent pas de coefficient de difficulté particulier à régler, de sorte qu'il faut à mon avis trouver une façon de simplifier la structure déontologique tout en maintenant une structure qui va permettre d'assurer la continuité, la tradition déontologique en matière de justice administrative.
Dans ce sens-là, la proposition du conseil lui-même, qui a été entendu ici, devant la Commission des institutions, qui consiste à maintenir un Conseil de la justice administrative réduit à sa mission déontologique, qui va présenter davantage de souplesse au moindre coût, dans l'intérêt des Québécois, je crois qu'on atteint là un équilibre et on trouve là une solution. Et à mon avis c'est à cette solution que nous allons travailler. Et évidemment, dans la mesure où la mission première de ce projet de loi est d'assurer et de promouvoir l'indépendance de cette justice administrative ? parce que c'est à mon avis l'élément le plus fondamental qui soit dans notre système judiciaire, d'assurer donc son indépendance ? le maintien d'une structure déontologique également indépendante, à mon avis, s'impose. Et j'ai été convaincu par les différents mémoires du fait que, dans le contexte où on travaille très fort à promouvoir l'indépendance de ces juges administratifs, je crois qu'il est normal que nous assurions le maintien d'une structure qui permettrait à ces mêmes juges, lorsqu'ils font l'objet de plaintes de nature déontologique, d'avoir l'assurance que les plaintes vont être traitées de façon équitable et juste.
Concernant la précision dans un règlement ou... bon, probablement dans un règlement, on a pensé à différentes hypothèses. Préciser les régions. Si on veut régionaliser les opérations du Tribunal administratif du Québec, il faut s'assurer que ce ne sera pas une régionalisation administrative seulement mais qu'elle soit confirmée dans le cadre d'un texte de loi ou bien un règlement qui viendrait préciser quelles sont les régions où le TAQ ou l'équivalent du TAQ ? le nouveau tribunal ? aurait à entendre des causes. Si on parle de régionaliser les greffes, je crois qu'il est normal qu'on s'assure que la régionalisation sera sérieuse et qu'elle sera permanente pour éviter que, au gré des années et des budgets, administrativement on décide de fermer un greffe dans une région. Et je crois que, à cet égard, les propos du député de Chicoutimi, du député de Dubuc étaient tout à fait justes et à propos, fondés, pour faire en sorte que nous assurions, au maximum bien sûr, la pérennité de cette présence en région, présence, à mon avis, qui a été souhaitée par tous les intervenants. Et, au fond, je crois qu'il y a eu unanimité sur deux points importants du projet de loi n° 35, c'est la régionalisation et la bonne conduite. Ce sont les grands succès de cette consultation.
L'article 60 voit également à l'indépendance des tribunaux administratifs. L'article 60, c'est cet article qui dit qu'un membre de la fonction publique qui accéderait au statut de juge administratif, ou de membre, ou de commissaire, peu importe, pourrait maintenir sa permanence dans la fonction publique. Alors, évidemment j'ai analysé la question, j'en ai parlé avec le député de Chicoutimi à quelques reprises. Et évidemment je pense qu'il faut y voir là un problème d'indépendance, dans la mesure où ce juge administratif, toujours en mesure de revenir à la fonction publique, pourrait à un moment donné, au point de vue de l'apparence, présenter peut-être une apparence de partialité en faveur de l'État. Et, dans la mesure où le propre de ces juges est de trancher les litiges entre l'État et le citoyen, je crois qu'on devra toucher ? ou en tout cas on va en parler très sérieusement ? à l'article 60 qui pourrait être aboli et ferait en sorte que, devenant juge administratif, le fonctionnaire perdrait son appartenance à la fonction publique.
Certains aspects sont à voir et à analyser, qui ne sont pas prévus dans le projet de loi n° 35. Je pense, par exemple, au remboursement des coûts d'expertise. J'ai fait analyser, j'ai obtenu certains chiffres concernant les coûts d'expertise qui sont remboursés lorsqu'une partie réussit devant le tribunal. À l'heure actuelle, la Société de l'assurance automobile applique un règlement qui est le sien, qui relève de sa loi constitutive et qui prévoit que les citoyens, les victimes peuvent être remboursés jusqu'à concurrence de 600 $ par expertise.
C'est une façon d'accéder, c'est un mode de promotion, si on veut, d'accès aux tribunaux. C'est important. Sachant que les coûts d'expertise sont susceptibles d'être remboursés si l'accidenté a gain de cause, bien, il a davantage de facilité, il a davantage intérêt à y aller parce qu'il sait que ce ne sera pas une perte nette. Même s'il gagne sa cause, s'il n'est pas remboursé, il faut quand même qu'il paie ses frais éventuellement, mais ça peut devenir extrêmement dissuasif que de savoir qu'on devra de toute façon supporter les coûts d'expertise intégralement.
On est en matière médicolégale dans la plupart des cas. On parle ici de citoyens qui sont ou bien accidentés, ou bien malades, ou bien très démunis. Il y a de l'expertise là-dedans. Ce sont des tribunaux d'expertise très spécialisés. Et je pense qu'il faut regarder la question sérieusement, et on va tout faire pour apporter une solution à ce problème.
On a tenté, à chaque fois ou à peu près, de demander aux groupes et d'obtenir des propositions sur les moyens qui pourraient nous permettre de réduire ou, à la limite, d'éliminer ce déséquilibre qu'il y a entre l'État et le citoyen et qui est très inquiétant à mon avis. Et je crois que la possibilité que les expertises puissent être remboursées est une solution, une des solutions. On va regarder les coûts, on va voir si on peut le faire.
n(16 h 50)n Dans la division de l'aide sociale, la sous-division de l'aide sociale, le problème est relativement réglé, parce qu'ils sont tous ou presque admissibles à l'aide juridique au départ. Donc, il y a au moins cette possibilité d'aller à l'aide juridique. Et, hormis certains cas exceptionnels où la personne sur l'aide sociale perdrait son admissibilité à l'aide juridique une fois le litige engagé et entendu par le tribunal, où là il y aurait des frais à payer, je pense que la plupart des cas sont réglés.
En matière d'accidents de travail, il faut regarder ça; Régime de rentes également; IVAC également ? donc les secteurs où le citoyen pourrait se voir rembourser les frais. Je ne dis pas que nous irons de l'avant avec ça, mais nous allons très certainement regarder cette possibilité de façon très sérieuse.
Alors, je disais tantôt que le point central de la réforme est l'indépendance, l'efficacité bien sûr, mais l'indépendance de la justice administrative. J'ai parlé de la bonne conduite qui fait l'unanimité, l'article 60 évidemment qui est un élément important, le Conseil de la justice administrative. Il y a cette notion de paritarisme à laquelle je vais m'attarder quelques instants et, à mon avis, qui doit être analysée sous l'angle de l'indépendance aussi. Il faut le regarder sous l'angle de l'indépendance.
La CSN ce matin présentait certains jugements de cour en disant: Voici, dans certains cas, les tribunaux d'arbitrage, notamment, où chaque partie choisit son représentant, ont été déclarés constitutionnels et sont conformes aux chartes, etc. Mais, en matière de paritarisme, ce qui est particulier, c'est qu'il y a sur le banc un représentant du milieu syndical, un représentant du milieu patronal qui ne sont pas précisément choisis par les parties, ce qui crée certains problèmes et certains problèmes de perception auxquels plusieurs intervenants nous ont sensibilisés et auxquels il va falloir trouver une solution.
Et une hypothèse de solution, une voie qui m'apparaît prometteuse dans l'analyse du dossier du paritarisme, c'est la voie de l'option. Permettre aux parties, dans la mesure du possible, de choisir: Voulez-vous une formule paritaire ou une formule à juge unique? Alors, permettre aux parties de choisir. À mon avis, c'est légitime, c'est conforme à la volonté de chacun et c'est finalement la cause des parties. Ce n'est pas la cause de l'État, ce n'est pas la cause de groupes, c'est la cause des parties.
On parle d'un travailleur et d'un employeur, lorsqu'ils sont présents, parce que, dans la majorité des cas, les causes procèdent ex parte devant la CLP. Il n'y a pas présence de deux parties. Mais c'est quand même la cause des gens qui sont entendus par ce banc. Et, en leur donnant la liberté de choisir la formule paritaire ou le juge seul, on règle ? c'est ce que j'ai cru déceler des propos du Pr Garant ? un problème de nature constitutionnelle, parce que, choisissant sa formule, le citoyen au fond renonce à invoquer des arguments d'ordre constitutionnel.
La question de l'option, à mon avis, ou l'hypothèse de l'option m'apparaît prometteuse dans le mesure aussi où elle répondrait à la volonté de la trentaine de groupes qui sont venus ici nous dire qu'ils étaient ou bien indifférents au paritarisme ou bien contre le paritarisme. Je crois qu'il faut tenir compte également de cette réalité-là.
Sans minimiser l'importance et le rôle des groupes, notamment les centrales syndicales, qui se sont prononcés en faveur, il faut considérer toutes ces organisations aussi importantes, la Fédération des infirmiers, infirmières du Québec, l'Association de la construction du Québec, l'APCHQ, qui sont venues nous dire qu'elles n'en voulaient pas. Et les employeurs paient bien sûr le régime et il y a des employeurs qui paient beaucoup et qui sont des employeurs de la construction. En laissant l'option, en laissant les parties choisir, bien, on va permettre à ceux qui en veulent d'en avoir et à ceux qui n'en veulent pas de ne pas en avoir.
Alors, c'est, je crois, dans cette voie que nous allons travailler, et nous allons, à mon avis, ce faisant, régler un problème constitutionnel potentiel et donner raison à tout le monde pour faire en sorte que les parties choisissent leur formule. Et, dans un contexte où il n'y aurait pas de possibilité, alors il y a des formules où... On ne peut pas choisir un juge ou un autre juge... On va choisir son juge, mais on peut dans certains cas choisir une formule, choisir le banc ou la formule devant laquelle la cause sera entendue. Il est possible, bien sûr, de prévoir toutes sortes de formations. On sait qu'en matière de régime de rentes c'est différent, en matière d'accidents de travail, c'est différent. Alors, pourquoi ne pas permettre la liberté de choisir cette formule paritaire? On sait d'ailleurs que, dans les litiges de nature financement à la CLP, il n'y a pas de banc paritaire, c'est un juge seul qui tranche les litiges.
Je vous dirai donc que c'est sur cette voie, je crois, que nous allons nous engager, tenter de trouver une façon de régler cette question du paritarisme, en étant équitables pour tout le monde et en étant convaincus que dans tous les cas le banc qui entendra l'affaire, compte tenu de l'option retenue par les parties, sera un banc qui agira en conformité avec les articles 23 et 56 de la Charte québécoise des droits et libertés.
J'aurai quelques mots en terminant pour toute l'équipe, tous ceux et celles qui ont assisté aux travaux ici. Le député de Dubuc, qui a été un acteur très attentif, son regard était très révélateur, il était très attentif. Je le voyais travailler et écouter les propos de tout le monde. Il a, j'en suis convaincu, très bien perçu l'ensemble des mémoires et il a été attentif à chaque élément. Et ce sera un acteur important lorsque nous étudierons le projet de loi article par article.
Le député de Chicoutimi. Merci pour votre attention, votre collaboration de tous les instants et votre contribution exceptionnelle aux travaux de la commission. Plusieurs éléments, j'en ai parlé en début de présentation, l'article 60, les régions dont on mentionnerait le nom dans un éventuel règlement, tous ces éléments-là sont apparus en cours de travaux, et ce sont vos propositions. Et je suis honoré d'avoir pu travailler avec vous et d'avoir pu recevoir autant de suggestions positives. Et j'espère que ça continuera et que nous pourrons échanger davantage au cours des semaines qui viennent, pour faire en sorte que cette réforme soit la réforme de tout le monde, de tous les parlementaires, de tous les partis, et qu'elle serve les intérêts supérieurs de la justice.
Mme Boucher, merci pour votre collaboration exceptionnelle. Même si elle a davantage servi les députés de l'opposition, elle a néanmoins été, j'en suis convaincu, tout à fait utile et constante. Merci au député de l'Acadie, au député de Trois-Rivières, députée d'Anjou, député de Marguerite-D'Youville qui a, de façon exceptionnelle, fermé plusieurs interventions de façon fort élégante, et fort gracieuse, et fort pertinente.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bellemare: M. Pelletier derrière, notre légiste du ministère de la Justice, comme d'habitude, qui a été très ponctuel, et très dynamique, et très rapide aussi dans ses interventions. Je dois vous dire que, à chaque fois que je pouvais répondre favorablement ou montrer de l'ouverture à un groupe sur des éléments précis, c'est M. Pelletier qui venait me rassurer en me disant: Vous savez, on peut agir de telle ou telle façon, et ça m'a beaucoup aidé.
Merci aussi à Marie-Pier, mon chef de cabinet, Me Lemieux du tribunal administratif, et Mme Maleza, Mme Moreau, Mme Dumont, messieurs du tribunal administratif, Mme Tremblay, mon assistante qui a travaillé aussi fort que Mme Boucher et aussi bien, et, M. le Président, vous qui nous avez permis encore une fois, grâce aux propos d'une justesse légendaire, toujours à propos, toujours pertinents, de mener les travaux de façon tout à fait cordiale et conviviale, merci pour tout.
Le Président (M. Simard): Merci beaucoup, M. le ministre. Avant de... j'aurais presque envie de dire au député de Marguerite-D'Youville: Vous avez encore deux minutes...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Moreau: Je ne les prendrai pas.
Mémoires et document déposés
Le Président (M. Simard): Vous ne les prendrez pas. Nous avons des mémoires ? le ministre vient de nous le rappeler ? qui n'ont pas été entendus ici, qui doivent être déposés officiellement, ainsi que le Bulletin de la CLP aux représentants que nous avons reçu ce matin. Alors, si vous permettez, nous allons les déposer officiellement et terminer ainsi nos travaux, en rappelant aux membres de la commission que cette commission ne chôme jamais. Elle sera donc à nouveau réunie mardi prochain pour s'intéresser aux questions cette fois-ci de justice privée avec le ministre de la Sécurité publique...
Une voix: ...sécurité privée.
Le Président (M. Simard): Sécurité privée, excusez-moi. Justice privée, ça, c'est un beau lapsus.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Simard): Merci à l'équipe de la présidence, à notre responsable du chronomètre qui a été extrêmement utile et d'une amabilité constante. Me Breault n'est pas avec nous. Vous le remplacez et vous lui direz que nous avons apprécié énormément les services qu'il nous a rendus tout au long, la clarté de ses interventions qui ont permis ces travaux.
Je me permets, et le ministre l'a fait... et c'est assez exceptionnel, l'état de collaboration dans lequel tout cela s'est déroulé. Ne nous le cachons pas, à l'automne nos premiers contacts avaient été moins... un peu plus chaotiques parfois. Bon. C'est normal, on apprend aussi à travailler ensemble et à se connaître.
Je suis très, très heureux. Pour une commission parlementaire, arriver à ce niveau de qualité de collaboration et donc à ce niveau de qualité de travail, c'est excellent pour le parlementarisme. Je vous en remercie et je vous souhaite un excellent week-end.
Nous ajournons sine die.
(Fin de la séance à 17 heures)