(Neuf heures quarante-huit minutes)
Le Président (M. Simard): Nos travaux vont commencer. Alors, nous sommes réunis, vous le savez... La Commission des institutions est réunie afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 35, Loi modifiant la Loi sur la justice administrative et d'autres dispositions législatives.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. J'informe cette commission que M. Descoteaux (Groulx) sera remplacé par M. Lessard (Frontenac); que M. Létourneau (Ungava) sera remplacé par M. Côté (Dubuc); et enfin que Mme Papineau (Prévost) sera remplacée par M. Bédard (Chicoutimi).
Auditions (suite)
Le Président (M. Simard): Très bien. Merci. L'ordre du jour, vous en avez pris connaissance. Pour cet avant-midi, nous entendrons d'abord Me Claude Stringer?
M. Stringer (Claude): Exact.
Le Président (M. Simard): Ça va comme ça? Ensuite, l'Association des commissaires en matière de lésions professionnelles du Québec et, enfin, Me Michel Charette.
Après la suspension du midi, le Regroupement d'aide aux travailleurs et travailleuses accidentés du Centre du Québec; M. Jean Tremblay; à 16 heures, le Conseil du patronat du Québec; et, à 17 heures, comparution attendue ? nous l'avons avec nous ce matin ? Me Patrice Garant. Le Pr Garant sera avec nous pour clore la journée.
Alors, Me Stringer, je vous donne la parole. Vous connaissez nos règles: vous avez une vingtaine de minutes pour résumer votre mémoire, nous le présenter et, ensuite, les deux partis alternativement vous poseront des questions.
M. Claude Stringer
M. Stringer (Claude): Bien. Alors, si jamais vous ne m'entendez pas, vous me le dites.
M. le Président, M. le ministre, MM. et Mmes les députés, membres de la commission, je tiens dans un premier temps à vous remercier de l'invitation qui m'a été faite de me présenter aujourd'hui devant vous pour discuter et vous faire part de mes commentaires sur le projet de loi n° 35.
n
(9 h 50)
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D'entrée de jeu, je dois dire que je suis avocat patronal. J'oeuvre dans le domaine de la santé et sécurité du travail, uniquement et exclusivement dans ce domaine depuis 1989, et c'est à ce titre que je me présente aujourd'hui. Et également, comme je le mentionne dans mon mémoire, je ne toucherai que le volet de l'indemnisation, au niveau de mes commentaires.
Alors, depuis 1989, au départ de ma pratique, j'ai assisté à l'implantation de la tarification ou la réforme de la tarification. Par la suite, il y a eu la réforme sur la justice administrative en 1996, il y a eu le projet de loi n° 79, et aujourd'hui il y a le projet de loi n° 35. Permettez-moi de préciser qu'à chaque fois qu'il y a eu une réforme au niveau du domaine dans lequel je pratique ça a eu un effet de dynamiser ce domaine-là et d'apporter des grands bénéfices et, aujourd'hui, j'accueille... et c'est pourquoi d'ailleurs j'accueille avec beaucoup d'enthousiasme le projet de loi: en raison des bénéfices qu'il apporte pour l'adjudication mais aussi pour tout le système de la santé et sécurité du travail et des lésions professionnelles.
Dans le cadre de ma présentation de ce matin, j'aimerais traiter de quatre points de façon très brève, quatre points précis dont j'élabore un peu plus, davantage dans mon mémoire, mais j'ajoute un point qui n'est pas au mémoire. Alors, mes quatre premiers points sont les suivants: la constitution du tribunal, la régionalisation, la procédure de contestation, la conciliation, et finalement j'aborderai rapidement, si le temps me permet, ce que j'appellerais la notion de cohérence décisionnelle et les recours pouvant permettre une amélioration à ce niveau-là.
Avant de débuter sur les quatre points principaux, j'aimerais faire un petit commentaire sur la proposition de modification du nom du tribunal. Actuellement, on procède avec le TAQ et on voudrait changer le tribunal pour le TRAQ. À mon avis, il serait préférable de conserver l'appellation TAQ, puisque vous n'êtes pas sans savoir que le mot «trac» est défini par le dictionnaire Robert comme étant ce qui suit: «Peur ou angoisse irraisonnée de subir une épreuve.» Alors, à mon avis, on conviendra qu'une vacation au tribunal ne devrait jamais, pour personne, constituer une épreuve dans aucun temps. Alors, je pense que l'appellation TAQ devrait être maintenue, bien entendu en apportant la précision quant à la division des lésions professionnelles ou la division comme telle.
Ceci étant dit, j'aimerais mentionner d'une part mes grandes satisfactions à l'endroit du projet de loi. Alors, premièrement, je suis totalement en accord avec le principe qu'on nomme les juges administratifs selon l'inamovibilité ? alors je n'ai jamais pratiqué, mais je l'ai sorti comme ça ? tant qu'il y a bonne conduite. Alors, ça, c'est excellent. À notre avis, c'est parfait.
Deuxièmement, je suis également favorable avec les critères de nomination fixés par le projet de loi, soit être avocat ou notaire et posséder une expérience de 10 ans pertinente à la matière traitée par la division du tribunal. À cet effet, je soumettrai respectueusement que les mandats des commissaires actuels devraient être reconduits, même si ces gens-là n'ont pas les critères d'admissibilité initiaux, de façon à assurer une transition sans heurt entre la CLP et le Tribunal administratif. Par contre, pour l'avenir... et je vous réfère à mon texte, en page 7, où j'indique que les nominations devraient respecter les critères d'éligibilité, à savoir être avocat ou notaire et avoir une expérience pertinente de 10 ans à l'exercice des fonctions du tribunal. C'est important parce que est-il besoin de rappeler que la fonction d'un juge administratif est d'appliquer ou d'interpréter une loi? Et nous considérons également que l'exigence d'être juriste garantit aux justiciables une application des règles de droit dans le processus décisionnel.
À ce sujet, nous soulignons que les tribunaux administratifs doivent dans l'exercice de leur compétence interpréter et appliquer d'autres dispositions législatives importantes. Et je pense que vous l'avez vu dans l'affaire Martin où on a intégré l'interprétation de la Charte des droits et libertés à un tribunal administratif. Et à ce titre, à notre avis, être avocat ou notaire est un atout tout à fait considérable pour le tribunal et devrait être maintenu comme exigence de nomination dans le futur.
Finalement ? ça va bien ? je termine en précisant que je suis d'accord avec la proposition que ce tribunal relève dorénavant du ministère de la Justice au lieu du ministère du Travail. Alors, voilà pour les bonnes nouvelles.
Maintenant, j'aborderai le premier sujet concernant la composition du tribunal. Je suis d'accord avec le principe que la cause soit entendue et instruite par un juge seul, assisté d'experts lorsque cela est nécessaire. Par contre, je suis complètement en désaccord avec le maintien du paritarisme sous quelque forme que ce soit. À cet effet, j'aimerais citer un passage d'un article d'un avocat connu à l'époque, il l'est encore plus aujourd'hui, dans une revue appelée Développements récents en droit de la santé et sécurité du travail, de 1998, alors que celui-ci écrivait dans un texte qu'il a intitulé Réflexions sur l'indépendance de la Commission des lésions professionnelles à la lumière de l'arrêt Montambeault. Je vous cite le paragraphe:
«La CLP constitue un modèle unique. Compte tenu des pouvoirs juridictionnels importants qu'elle exerce et de l'impact que ses décisions auront sur l'avenir des travailleurs et des employeurs, il est vraisemblable qu'un jour les tribunaux supérieurs auront à évaluer son statut et son fonctionnement dans le respect des principes reconnus par la jurisprudence.» C'est un peu long, ce paragraphe-là, mais le prochain est intéressant: «À cet égard ? soumis respectueusement, bien entendu ? à cet égard, il nous apparaît que le statut des membres paritaires crée problème. Leur origine syndicale ou patronale incontournable, leur mandat annuel renouvelable, l'absence de serment d'impartialité et de sécurité financière constituent des lacunes susceptibles de soulever des inquiétudes parfaitement légitimes à la lumière de l'article 23 de la charte.» Ce passage exprime, à mon avis, on ne peut plus clairement le fondement de ma position sur l'inutilité du paritarisme au sein du prochain tribunal.
À cela, j'ajouterai ce qui suit ? et ça, c'est un commentaire à titre de procureur qui vit à chaque jour dans des audiences: Aucun juriste, voire même aucun justiciable, ne peut être insensible à la présence d'un membre siégeant sur le tribunal, alors que, la veille, ce même membre était représentant d'une partie dans une audience, peut-être même concernant le même employeur, ou un autre employeur.
J'ai demandé au Pr Garant si je pouvais citer un passage, et j'aimerais citer ce passage-là comme étant, à mon avis, une excellente position concernant le paritarisme, mais je sais que le Pr Garant va en parler plus en détails. Mais je vous réfère à la page 10 de son mémoire, lorsqu'il nous dit: «Or, il ne faut pas confondre le paritarisme dans l'élaboration et le contrôle des politiques en matière de protection des travailleurs, comme on le pratique à la gouverne de la CSST, d'une part, et celui qu'on pourrait revendiquer au sein [du] tribunal. Dans ce dernier cas, la charte québécoise comporte des exigences d'indépendance institutionnelle et d'impartialité structurelle qui sont, à notre avis, incompatibles avec le paritarisme.» Il finit en disant: «Ce n'est pas parce qu'ils financent la CSST et que celle-ci contribue au financement d'un tribunal que les instances patronales ou syndicales [puissent considérer qu'elles ont] une emprise sur ce tribunal ou pourraient lui donner une orientation idéologique; on serait alors en présence d'un simulacre de tribunal absolument contraire aux exigences d'impartialité structurelle exigée par la charte; selon la Cour suprême, il ne faut pas que "le système ? excusez-moi, trop vite ? [soit] structuré de façon à susciter une crainte raisonnable de partialité sur le plan institutionnel".» Je pense que ça conclut sur cet aspect, et, à mon avis, on devrait de façon très claire enlever toute référence au paritarisme dans le prochain Tribunal administratif du Québec.
En ce qui concerne la régionalisation, je suis totalement d'accord avec la présence du TAQ à travers l'ensemble des régions administratives ou les grandes municipalités de la province. Effectivement, ça favorise l'admissibilité, ou l'accessibilité plutôt, et ça aussi assure une grande considération à l'endroit des justiciables de toutes les régions. Par contre, je fais état dans mon mémoire que la régionalisation n'a pas que des avantages. Et, comme praticien ou comme procureur appelé en fait à plaider à travers l'ensemble des directions régionales, actuellement, de la CLP au Québec, je dois vous dire qu'il y a une problématique, et je vous réfère plus particulièrement à la page 12 de mon mémoire.
J'indique que, si la proximité physique du tribunal est un atout considérable à l'efficience de l'appareil adjudicatif, il existe des inconvénients majeurs. Sans nier le professionnalisme, l'efficacité, l'expertise ? j'ai dit «l'impartialité», mais je dirais aussi l'expertise des actuels commissaires de la CLP ? la régionalisation entache en partie l'apparence de justice dans certaines régions. En effet, dans de nombreuses régions, je dis «éloignées», là ? mais, désolé pour ça, par rapport à Montréal, pour moi, ça peut être éloigné à certains égards ? les commissaires sont résidents de la région desservie. Il est parfois difficile de ne pas tirer des conclusions de partialité lorsqu'on constate la proximité qui existe entre les décideurs et les justiciables de la région. Nous sommes d'avis qu'il serait important de constituer une équipe, je dirais, mobile, une équipe qui est appelée également à siéger partout et qui va permettre de combler la nécessaire apparence d'impartialité en permettant une adjudication par une présence aléatoire de juges dans ces régions.
n(10 heures)n Alors, je m'explique très rapidement. Il n'est pas rare de procéder dans des régions où il n'y a qu'un seul ou deux commissaires qui siègent dans ces endroits-là. Or, comment peut-on raisonnablement ne pas penser qu'à certains égards il y a une trop proche proximité entre ces commissaires et les entreprises qui siègent, ou qui sont dans ces lieux-là ou dans ces régions-là, ou les travailleurs eux-mêmes? Et à cet effet-là, revenant un peu à l'expérience que j'ai eue à la CALP à l'époque, plaider en région, lorsqu'on avait une rotation, lorsqu'on avait une certaine mobilité avec les blitz, nous permettait de façon aléatoire d'assurer qu'on n'avait pas ce sentiment-là de problématique d'impartialité qui pourrait subsister avec le fait qu'un commissaire soit résident ou qu'il soit toujours assigné à la même région.
Je traiterai maintenant de la procédure de contestation prévue au projet de loi. Pour débuter, je tiens à préciser que la révision administrative est une étape qui m'apparaît tout à fait inutile. Elle est complexe, coûteuse et crée beaucoup plus de problèmes qu'elle n'en résout. À mon avis, il y a tout simplement lieu d'abolir l'actuelle révision administrative et surtout d'éviter de créer une autre procédure de révision.
Le projet de loi propose un mécanisme de révision assorti d'un délai de 90 jours suivant un appel au TAQ. À mon avis, le projet de loi, en créant cette étape de révision là, n'apporte pas nécessairement ou pas directement de solution à l'efficacité ou au problème d'efficacité et à la problématique des délais, non plus au problème de la simplification des procédures puis non plus à l'efficacité du processus décisionnel en général.
Si on me demandait aujourd'hui avec qui je préférerais passer le restant de mes jours, entre Dr. Jekyll puis Mr. Hyde, je vous dirais: J'aime mieux mourir tout de suite. Quoique je vais attendre la fin des questions. Mais, ceci étant dit, c'est à peu près la même problématique que j'ai lorsqu'on me propose... avec la modification proposée dans le projet de loi au niveau de la révision, puis de maintenir la révision actuelle, pour ma part, c'est blanc bonnet, bonnet blanc. On a le problème que c'est encore une fois une procédure tout à fait complexe, où les usagers, les justiciables ainsi que les employeurs vont s'y perdre.
Selon ma compréhension de la procédure proposée au projet de loi, la CSST rendra une première décision initiale, celle-ci pourra faire l'objet d'une reconsidération jusqu'à ce qu'un appel soit fait au TAQ. Et on aura à ce moment-là une reconsidération dans les 90 jours suivant la connaissance d'un fait nouveau ou pour corriger toute erreur. Par contre, lorsque la décision est contestée, à ce moment-là la CSST pourra réviser sa décision ? alors c'est comme une nouvelle procédure de révision ? dans les 90 jours, et là on ajoute même qu'il pourrait y avoir un autre 90 jours pour produire une expertise pour étayer une position. Je ne voudrais pas user de pouvoir occulte, mais je suis certain que ça va créer des problématiques futures au niveau de tous les administrés ou tous les justiciables devant cette procédure administrative là.
À mon avis, il faut revenir ? et je le dis bien humblement ? il faudrait revenir peut-être avec une procédure beaucoup plus simple d'une valse à deux temps. L'organisme initial qui est la CSST a un pouvoir de reconsidération. Alors, prenons par exemple qu'il rend une première décision. Il a, à l'intérieur d'une période de 90 jours, l'opportunité de modifier sa décision si on lui adresse un fait nouveau. Par la suite, s'il n'y a pas de fait nouveau qui lui est présenté, ou s'il ne vient pas corriger toute erreur, en vertu de l'article 365, une partie peut, à l'intérieur d'un délai d'appel ? et là, concernant un délai de 90 jours, je suis en accord, je le trouve un peu long, mais je suis d'accord ? une partie peut faire un appel directement au TAQ. Et à ce moment-là, on aurait une procédure qui est tout à fait simple, facile à administrer et qui permet l'exercice des droits des parties d'une façon tout à fait efficace.
Qu'arrive-t-il si, à travers cette procédure-là, et qu'il y a eu appel et qu'il y a des faits nouveaux qui se sont développés lors de la préparation des dossiers, soit par l'entremise d'une partie ou d'une autre... Je vous soumettrais qu'il y a une procédure tout à fait efficace de résolution des litiges actuellement qui est la conciliation. Et, moi, je vous soumettrais, comme procureur, que, si, par exemple, suite à une décision refusant une réclamation d'un travailleur, j'apprends avant audience devant la CLP que mon travailleur avait quatre témoins de l'événement, alors que je n'en suis pas au courant, je n'irai pas devant le tribunal, je vais aller en conciliation. Personne n'ira devant un tribunal s'il est certain que l'issue lui est défavorable, compte tenu des nouveaux faits qu'il apprend avant l'audience. Donc, il y a une procédure actuellement tout à fait adéquate pour compléter ou suppléer à la révision administrative; cette procédure-là s'appelle la conciliation.
Ça va bien. Je suis allé tellement vite que je me suis perdu dans mes papiers. Alors, ceci étant dit, je voudrais traiter maintenant de l'aspect conciliation. Cette procédure-là qui est, à notre avis, une pierre angulaire dans le système actuel en ce qui concerne l'efficacité du tribunal, on en a traité. Et Mme Corriveau... Me Line Corriveau de même que Michelle Doucet en ont traité en long et de façon tout à fait complète lors de leur présentation, et j'appuie sans réserve leur position. Et j'ajouterai qu'à mon avis la conciliation doit être dévouée exclusivement à un conciliateur.
Et ma prétention est à l'effet qu'en termes de procureur je me vois difficilement me présenter devant un juge qui va me demander, d'entrée de jeu, s'il n'y aurait pas lieu de régler le dossier en conciliation et qui va me proposer peut-être dans certains cas ou proposer à l'autre partie des solutions alternatives de règlement.
On a déjà ce problème-là. Et vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a un article, l'article 32, on passe en première instance devant les conciliateurs décideurs qui ont ce double chapeau là. Et c'est toujours difficile de croire que, lorsqu'on a commencé à parler de conciliation, le conciliateur décideur peut enlever son chapeau maintenant, prendre le chapeau de décideur sans aucune difficulté d'impartialité, sans aucune difficulté d'avoir entendu les discussions initiales.
À notre avis, il ne faut pas perpétuer cette problématique-là au sein du Tribunal administratif. Les conciliateurs, avec les «guidelines» ou avec les critères qui ont été discutés par Me Line Corriveau, nous apparaissent les personnes les mieux placées et les plus adéquates et compétentes, en termes de structure, pour gérer la conciliation. Et laissons-leur le rôle de conciliation et enlevons le rôle de conciliation aux autres parties pour éviter des difficultés, notamment, par exemple, si la conciliation échoue, une possibilité de remise, une possibilité de remise d'audiences devant un autre commissaire. Alors, ça crée encore une fois des délais. Et, pour ce motif, nous prétendons que la conciliation devrait demeurer l'apanage unique des conciliateurs. Alors... Je dois arrêter?
Le Président (M. Simard): Concluez, s'il vous plaît.
M. Stringer (Claude): Alors, finalement, sur la cohérence décisionnelle, je conclus là-dessus, je vous soumettrai qu'il y a grandement lieu de régler la problématique de la cohérence juridictionnelle. Et à cet effet je soulève l'aspect que le rapport Garant de 1994 permettait un droit d'appel statutaire pour régler les problèmes de cohérence juridictionnelle. À notre avis, il serait grand temps, à partir du projet de loi n° 35, de modifier la loi de façon à permettre un appel statutaire pour régler, sur permission d'appeler à la Cour d'appel notamment, les problèmes de conflit jurisprudentiel qui existent dans les tribunaux administratifs, et ceci étant une voie, à notre avis, tout à fait souhaitable.
Alors, en conclusion, M. le Président, je vous remercie de l'opportunité et je pense que le projet de loi est de bel augure. Toutefois, il y aura lieu de faire certains ajustements pour en assurer le meilleur exercice. Merci.
Le Président (M. Simard): Merci beaucoup, Me Stringer. Je suis convaincu que les députés, qui ont déjà commencé depuis une dizaine de minutes, ont fortement envie de vous parler. Alors, j'invite le ministre à poser les premières questions.
M. Bellemare: Me Stringer, bienvenue devant la commission et félicitations pour cet effort colossal de synthèse et d'expression de vos positions sur différents volets de la réforme.
Vous parlez, au tout début de votre mémoire, d'une firme dont vous êtes le président fondateur, dites-vous à la page 3, qui s'appelle Synergest. C'est une firme qui représente, j'imagine, des gens qui ont à présenter un point de vue devant la Commission des lésions professionnelles.
J'aimerais que vous nous parliez d'un volet, que vous n'avez pas abordé ou très peu abordé dans vos représentations, concernant les problèmes de représentation en matière de lésions professionnelles. Comme vous le savez, depuis 1979, des gens qui ne sont pas avocats peuvent agir, faire des représentations et porter la cause au complet, plaider même devant la Commission des lésions professionnelles. On sait qu'il existe des cas où des gens qui présentent des signes d'incompétence manifestes représentent des accidentés ou des employeurs. Et on a essayé de trouver une solution en empêchant, par exemple, les avocats radiés ou les professionnels radiés d'agir devant le tribunal. Et on a prévu une mécanique permettant au commissaire qui est devant un cas flagrant d'incompétence d'agir et de pouvoir même disqualifier un représentant. Avez-vous une opinion par rapport à cette proposition-là?
n(10 h 10)nM. Stringer (Claude): Bon. J'ai pris connaissance en bonne partie, là, des autres discussions qui avaient eu lieu avec les autres présentateurs, antérieurement, à la commission. Premièrement, je dois juste dire que je ne suis pas nécessairement d'accord à ce que tout le monde soit avocat pour représenter leur client, dans le sens que les syndicats font un excellent travail, et ils ne sont pas nécessairement tous avocats.
À ce niveau-là, ma prétention est à l'effet qu'il doit y avoir des mécanismes de contrôle, de déontologie. Il doit peut-être y avoir aussi création d'un fonds d'assurance ou un fonds qui permettrait aux travailleurs qui seraient lésés par des représentants qui auraient des activités, là, tout à fait malhonnêtes... Mais, pour cet élément-là, je pense que je m'en tiendrai à ce qui a été discuté antérieurement. Toute solution visant à encadrer la pratique doit être faite de façon à assurer que tous et chacun puissent agir, mais dans un contexte connu en termes de déontologie et en termes de responsabilité.
Bien entendu, les ordres professionnels ont été représentés et ont discuté à ce niveau-là, puis, à mon avis, j'agrée, comme l'Ordre des conseillers en relations industrielles, qu'il y a d'excellents apports fournis par des gens qui ne sont pas avocats, mais, par ailleurs, il faut, bien entendu, permettre un encadrement pour éviter toute autre problématique liée à des représentants qui ne seraient pas... qui n'auraient pas de titre, ou de rôle, ou d'ordre pour les protéger.
M. Bellemare: On sait que les gens qui sont membres d'un ordre professionnel, par définition, sont encadrés par une mécanique déontologique et sont assurés également, ce qui n'est pas nécessairement le cas pour un représentant qui n'est pas membre d'un ordre. Vous êtes fondateur et président d'une firme de consultation. Certaines personnes nous ont dit qu'il était même difficile de s'assurer quand on n'était pas... quand on agissait librement sur le marché. Et une des solutions serait peut-être d'exiger que l'organisme qui n'est ni membre d'un ordre professionnel ni membre d'une fédération syndicale, bon, qui agit, qui n'est pas membre du Barreau, que l'organisme doive s'assurer pour au moins garantir et assurer sa responsabilité en cas d'incompétence, les cas exceptionnels, mais les cas qui font la manchette et qui sont, à mon avis... auxquels on doit s'attarder dans le but de garantir les droits et la protection des accidentés et des employeurs qui sont très souvent vulnérables aussi, les petits justiciables. Alors, est-ce que la firme dont vous êtes président bénéficie d'une assurance? Est-ce que vous êtes au courant du marché de l'assurance par rapport à ces organismes-là?
M. Stringer (Claude): Alors, je vous précise... et j'aurais... je vous précise deux choses. Dans un premier temps, lorsque je fais des représentations juridiques, je les fais sous le nom de Claude Stringer, avocat, bien entendu, là. Le Barreau m'y oblige, et c'est là-dessus que je le fais. Par ailleurs, la firme Synergest offre d'autres services en santé et sécurité qui ne sont pas des représentations juridiques, mais je dois vous assurer que, lorsque je fais, par exemple, de la tarification, de l'actuariat en termes de tarification, l'entreprise est assurée en termes de responsabilité civile pour les actions qui sont commises tant par les vérificateurs ou les gens qui travaillent avec moi.
Alors, oui, effectivement, M. le ministre, il y a une possibilité d'assurer, et la difficulté d'assurer une responsabilité professionnelle d'une entreprise, à mon avis, n'existe pas de façon importante pour empêcher qu'on puisse l'exiger dans un contexte, là, comme vous le souhaitez. Alors, je ne pense pas qu'il y ait de difficulté. Il y a plusieurs organismes qui sont assurés pour leur responsabilité civile ou leur engagement, et puis, à mon avis, là, ce n'est pas une problématique majeure.
M. Bellemare: J'irai à la question de la procédure de contestation. On a prévu dans le projet de loi, vous l'avez remarqué, on en avait parlé tantôt, une possibilité de contester directement auprès du Tribunal d'appel. La raison pour laquelle le projet de loi introduit cette mécanique directe au Tribunal d'appel est que bon nombre de gens qui contestent, de travailleurs et d'employeurs, ne connaissent pas l'existence du Tribunal d'appel. Et vous qui êtes familier avec le secteur savez sans doute qu'il y a une quantité importante de gens qui vont en révision à l'heure actuelle, qui abandonnent la démarche sans même connaître l'existence d'un tribunal d'appel et sans savoir qu'après la révision il y a un juge plus indépendant, plus impartial, qui est en mesure peut-être de leur donner raison.
Alors, l'existence de l'appel direct au Tribunal d'appel a été introduite dans le projet de loi n° 35 dans le but de s'assurer que le justiciable connaissait l'existence de cette instance importante qui est au fond la plus importante garantie de justice pour le citoyen, le Tribunal d'appel. Alors, est-ce que vous voyez des avantages au fait qu'on ait prévu que l'appel soit logé directement à l'instance finale?
M. Stringer (Claude): Tout à fait. Je vois beaucoup d'avantages. Mais, par ailleurs, en préliminaire, je vous dirais, j'ai beaucoup de réserves à savoir que des gens ne connaissent pas le second tribunal lorsque la décision de la révision administrative stipule, dans son dernier paragraphe, que la décision est appelable, et on précise également où. Et en plus de cela, si la personne prend trop de temps pour apprendre de la connaissance, il y a encore un mécanisme qui prévoit qu'elle peut être relevée de défaut si elle démontre ? et vous connaissez la procédure ? si elle démontre des motifs raisonnables.
Alors, dans un premier temps, j'ai un peu de difficultés à dire qu'on ne connaît pas l'actuel tribunal de la Commission des lésions professionnelles. Bon, vous avez peut-être des chiffres que je ne connais pas, mais je doute en partie, avec les décisions telles que libellées par la révision administrative et les interventions qui sont faites, que les gens ne connaissent pas l'existence d'un prochain tribunal.
Toutefois, là-dessus, j'agrée avec vous qu'il est important, voire essentiel, que l'appel se fasse directement au Tribunal d'appel. Ça donne, de façon très claire pour le justiciable, une ligne directrice de... où son dossier va aller dans quelque temps, et voici l'organisme qui va traiter celui-ci. Et je suis très ouvert et je suis très d'accord avec cette procédure-là.
M. Bellemare: Il existe effectivement une indication, dans les décisions de révision, qui informe le citoyen du fait qu'il peut en appeler. Je ne parle pas de ceux-là. Je ne parle pas des citoyens qui reçoivent une décision de l'instance de révision, que ce soit à la SAAQ ou à la CSST. Je parle de ceux et celles qui vont abandonner en cours de route, de ceux et celles qui n'iront pas jusqu'à la décision de révision, ceux qui contestent, qui sont face à un réviseur qui travaille pour l'organisme et qui leur dit: Écoutez, voyez-vous, je pense que vous n'avez pas vraiment raison; la loi, le règlement, la preuve, etc.
Et Me Perreault, Janick Perreault, qui est venue nous parler beaucoup d'assurance automobile, estimait à peu près à 20 % le nombre de gens qui abandonnaient en révision par découragement ou par manque d'information, sans même savoir qu'après l'instance de révision il y a de la lumière et il y a un tribunal véritablement indépendant qui les attend. Alors, est-ce que vous partagez ce point de vue là, vous, qu'il y a des gens qui se découragent avant même d'avoir une décision de révision?
M. Stringer (Claude): Bien, écoutez, je fais attention parce que, de façon précise, j'ai dit au départ que ma pratique était essentiellement en matière de lésions professionnelles. Vous m'avez parlé de problèmes de l'assurance automobile du Québec, là. Je ne peux pas faire le comparatif. Mais je peux vous assurer qu'effectivement, dès qu'une décision de la CSST est rendue, si elle est appelable directement au TAQ, bien, il y aura une clarté dans le processus qui va être avantageuse pour tout le monde.
Maintenant, ce que vous êtes en train de me dire, c'est: Est-ce que la procédure de révision, avant même qu'il y ait révision, il y a des gens qui sont désintéressés par leur demande de révision ou qui sont incités à laisser tomber? À ce moment-là, je vous dirais: On a un problème de fond au niveau de la révision plus qu'autre chose, et c'est ce qui me... Je reviens à mon argument principal que la procédure de révision devrait être annulée complètement, abolie, et, à ce moment-là, on aura une procédure très simple où la décision initiale est contestée au Tribunal d'appel du Québec et, à ce moment-là, l'usager n'aura pas à se faire... entre deux, changer d'idée ou traiter d'un côté ou de l'autre sur ses droits selon les prétentions d'un réviseur dont on ne connaît pas les allégeances.
M. Bellemare: Parce qu'il y a des groupes qui sont venus nous dire que l'Administration publique dans certains cas... que certains réviseurs utilisaient leur pouvoir dans le but de dissuader ou d'influencer. Et il y a certains groupes qui nous ont demandé carrément de l'abolir, l'instance de révision, parce que ça constituait à leurs yeux une instance où l'Administration publique essayait d'influencer le citoyen et de le dissuader d'aller de l'avant. Alors, il y en a qui allaient jusqu'à demander que l'instance de révision disparaisse. Donc, il nous apparaît que, s'il y a un appel direct, au moins le citoyen est au courant, il est informé. Puis, si, en révision, ça ne fonctionne pas, bien, il sait qu'il y a quelqu'un de plus indépendant qui va pouvoir entendre ses prétentions.
M. Stringer (Claude): Je suis tout à fait d'accord, M. le ministre.
M. Bellemare: Merci.
Le Président (M. Simard): M. le député de Frontenac, s'il vous plaît.
M. Lessard: Merci, M. le Président. Alors, Me Stringer, je me suis attardé, étant un député de comté de région, plus particulièrement du comté de Frontenac... Alors, j'aurais une question sur la régionalisation, puisque vous faites mention dans votre mémoire... En fait, vous parlez de la proximité. Bon. On se situe dans le contexte que les gens qui font affaire avec la Commission des lésions professionnelles, c'est des gens qui ont subi un préjudice, c'est des gens donc qui sont souvent privés de moyens, qui doivent se battre contre un appareil administratif.
Dans ce cadre-là, vous dites que, en fait, la proximité, ça favorise en région l'accessibilité à la justice administrative. Vous en rajoutez en disant que la Commission des lésions professionnelles, avec le TRAQ, donc la mise en commun, va favoriser le règlement de dossiers, donc l'efficacité. Mais vous emmenez son corollaire très inquiétant que la proximité, l'accessibilité et la mise en commun, ça va favoriser en région... Et je cite: «La régionalisation entache en partie l'apparence de justice.» Donc, il y a un peu donc de partialité, et je trouve ça gros, puisque, actuellement, il y a déjà des juges qui siègent en région, et donc on est en train de dire que, si vous êtes des régionalistes juges, vous êtes des partiaux. J'aimerais vous entendre là-dessus.
n(10 h 20)nM. Stringer (Claude): Oui. Alors, il ne faut pas... Je dois juste préciser. Je disais qu'il y a effectivement d'abord un professionnalisme, une efficacité et une impartialité chez les commissaires actuels. Alors, en premier lieu, je dois dire ça. Mais je disais que, dans certaines régions, le fait qu'on se retrouve avec un commissaire résident qui siège dans, par exemple, une région précise, la problématique est que, lorsqu'on regarde le fonctionnement de ce tribunal-là avec ce commissaire-là, on peut se poser des questions. Et je pense que c'est important de ne pas nécessairement dire qu'il est partial, mais on peut se poser des questions sur le fait que ce commissaire-là, étant résident, siégeant toujours dans les causes pour parfois des entreprises qui sont, je dirais, là, résidentes et qui apportent le flot de litiges... On comprendra que, quand tu as une grosse entreprise dans une région spécifique et que tu as un commissaire, ce commissaire-là n'entendra pas nécessairement des causes qui viennent de l'Abitibi si on est dans une région, là, de Sherbrooke.
Alors, si vous avez une grosse entreprise, un seul commissaire, toujours les mêmes membres qui siègent dans ce coin-là, vous pouvez penser ? et, comme procureur, il est possible de penser ? qu'il pourrait y avoir apparence d'impartialité ou apparence de partialité. Comment, moi, de l'extérieur, je peux m'assurer que ce n'est pas ce que j'appellerais une question de j'en donne une fois, j'en donne une autre fois, d'un côté ou de l'autre, selon, je dirais, le gré des litiges? Alors, il faut faire très attention avec l'apparence.
Je ne dis pas ? et je veux être très précis, je connais les commissaires qui siègent en région ? je ne dis pas que ces commissaires-là sont partiaux, au contraire. Mais je dis que, comme tribunal, il faut prévoir des mécanismes pour assurer qu'il y ait une certaine mobilité pour permettre que, de façon aléatoire, les gens se retrouvent devant des commissaires autres pour qu'il y ait toujours apparence d'impartialité totale dans le tribunal. Et c'est une question d'apparence, ce n'est pas une question nécessairement, là, de problématique qu'on a vécue ou que je vis personnellement.
M. Lessard: Corollaire. Est-ce qu'on devrait faire le même raisonnement pour Montréal et Québec?
M. Stringer (Claude): Bien, vous l'avez déjà. À Montréal, Québec, vous avez un plus grand volume d'audiences avec plusieurs commissaires. Effectivement, à l'interne, je dois vous dire que, même à l'interne, à la Commission des lésions professionnelles de Montréal, vous avez même des secteurs qu'on appelle Régional 1, Régional 2, avec des équipes composées. Personnellement, je préférerais qu'il n'y ait aucune régionalisation interne, par exemple, Montréal 1, Montréal 2, juste pour qu'on puisse avoir accès à l'ensemble, comme était la CALP à l'époque, à l'ensemble des commissaires.
Mais ceci étant dit, à Montréal, à Québec, les problématiques sont peut-être moins grandes à cause du volume de commissaires qu'on retrouve siégeant sur le tribunal. On a plus de difficultés, à mon avis, dans certaines régions où vraiment on a des commissaires résidents qui sont uniques et souvent, là, je dirais qu'il y a moins de rotations dans ces régions-là.
M. Lessard: On peut-u conclure en pensant que c'est l'exception?
M. Stringer (Claude): Ah oui, c'est l'exception. Bien entendu, oui, oui, c'est l'exception.
M. Lessard: Merci.
Le Président (M. Simard): Alors, c'est tout pour la partie ministérielle. Je vais inviter maintenant le porte-parole de l'opposition sur les questions de justice, le député de Chicoutimi, à poser la première question.
M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, merci, Me Stringer, d'avoir fait part de vos commentaires. Une première question un peu plus technique actuellement pour bien comprendre. Au niveau de la présomption d'abandon, ce que vous souhaitez, vous, c'est que le fait que la personne soit réputée, après un certain délai, là, ne pas... ce qu'on retrouve finalement à la page 19 de votre mémoire, je pense, là, c'est donc le fait d'être réputé ou présumé. Actuellement, dans le projet de loi, on parle d'être réputé. Le justiciable va être réputé avoir abandonné son recours. Le ministre a proposé que nous changions le terme «réputé» qui est irréfragable par le terme «présumé» qui a semblé satisfaire certains intervenants. D'autres ont dit par contre: Non, au contraire, vous n'avez pas à présumer. Si vous avez une présomption à faire, ce serait plutôt celle que le justiciable maintienne son recours. Pourquoi? Parce que, comme vous le dites vous-même, c'est que, dans tous les cas, cette présomption d'abandon ne peut avoir qu'un effet, c'est évidemment contre le justiciable. Alors, est-ce que vous pensez que le fait de changer le terme «réputé» par «présumé» est suffisant ou on doit tout simplement enlever cette présomption?
M. Stringer (Claude): En fait, ce sera une belle question d'interprétation de droit qui va être soumise aux tribunaux, à savoir: Est-ce que c'est une présomption qui est irréfragable ou pas? À tout événement, je vous soumettrai que je questionne d'entrée de jeu la présomption ? qu'elle soit irréfragable ou pas ? ou l'existence d'une telle présomption dans le sens que, à notre avis, elle n'apporte pas plus que, actuellement, une protection.
Par exemple, écoutez, simplement, si une personne fait un appel au tribunal et que, parce que la décision a été révisée ou parce que la décision... ou il y a une nouvelle procédure médicale qui s'est ajoutée, qui vient changer des données, à tout événement, en termes soit de conciliation ou lors de l'ouverture du dossier, la personne sera sûrement informée de l'existence de son droit d'appel. Et à ce niveau-là je ne vois pas pourquoi on devrait présumer qu'il y a abandon, puisque finalement dans le contexte suivant, une fois que l'appel va être déposé au TAQ, il y aura un modèle prévu, soit en conciliation ou autre, en adjudication, pour préciser: Est-ce que vous maintenez votre appel? Et ça, je le fais quotidiennement.
Je vous soumettrai que, moi, je vais devant des audiences, puis on me demande: Écoutez, M. Stringer, c'est quoi, l'objet de votre appel? Bien, je dis au tribunal: Écoutez, M. le commissaire, je me désiste de mon appel sur, par exemple, l'admissibilité de la réclamation. Par contre, je maintiens mon appel sur la consolidation puis je me désiste sur telle affaire. On le fait. Mais je pense que c'est préjudiciable de présumer ou d'avoir une procédure qui dit qu'on est réputé avoir abandonné son appel par le seul fait d'écoulement du temps. Je pense que les mécanismes internes devraient juste prévoir, là, qu'on procède à évaluer ça rapidement avec les justiciables et je pense qu'à ce moment-là la présomption ne sera pas nécessaire.
M. Bédard: Merci. J'ai lu, au début de votre mémoire, dans votre présentation, que vous représentez plus des employeurs ou même strictement des employeurs, c'est ce que vous nous avez dit. De la grande entreprise, j'imagine?
M. Stringer (Claude): Uniquement des entreprises... moyennes et grandes entreprises, oui. Petites entreprises aussi, ça arrive, ça arrive aussi. Je ne ferme pas la porte à rien.
M. Bédard: Non, au contraire. Non, je ne voudrais pas restreindre votre pratique à la grandeur des entreprises, ce serait malheureux. Je ne pense pas que ce serait un bon choix.
Vous connaissez donc... Et vous faites beaucoup de relations de travail, c'est ce que j'ai compris?
M. Stringer (Claude): Je ne fais que... Il faut faire attention. Je ne fais que de la santé et sécurité du travail...
M. Bédard: Seulement de la santé.
M. Stringer (Claude): ...et de la gestion d'absentéisme. Donc, je ne fais pas de relations de travail.
M. Bédard: Ah, O.K., parfait.
M. Stringer (Claude): Je connais le domaine, par ailleurs.
M. Bédard: Ah, effectivement. Et là vous nous dites... Et vous avez vu un peu la position du Conseil du patronat par rapport au maintien du paritarisme. Et, vous, vous êtes en...
M. Stringer (Claude): En désaccord.
M. Bédard: ...en désaccord avec eux et en faveur de la disparition du paritarisme. Simplement pour bien, je vous dirais... Parce qu'on a eu plusieurs représentations où les gens intégraient cette facette de la santé et sécurité sous, je vous dirais, l'angle des relations de travail. Et vous avez peut-être entendu, la semaine dernière, on a eu une belle présentation... Je pense que c'est une des... celle qui a le plus mis en exergue, je vous dirais, cette réalité qu'eux vivent et qui nous disaient... à l'effet que, bon, que ce soit au niveau même du droit de refus, au niveau administratif, là, tel le droit de refus, les congédiements illégaux pour... article 32, article 226, je pense, de la LATMP, article 32, la Loi sur la santé et la sécurité du travail... et en plus que, même dans les cas d'indemnité, il y avait un cadre relié aux relations de travail.
Vous, votre position est à l'effet contraire. Simplement pour bien nous faire ressortir... parce que vous êtes un praticien dans le domaine, pourquoi vous avez un argument totalement différent... ou plutôt une conclusion?
M. Stringer (Claude): Alors, très simplement, très simplement, il faut faire une distinction entre un régime qui est paritaire ? parce que le régime de la CSST est paritaire par l'organisation qu'est la CSST ? et un appel devant un tribunal. Ma position est très claire: à titre de juriste, le paritarisme contrevient, selon moi, à des règles qui sont précises et qui doivent être appliquées, notamment l'article 23 de la charte, à un tribunal. Que les relations de travail, que les conventions collectives soient négociées entre un syndicat et un employeur, soit. Mais soyez assurés que, d'abord, ce n'est pas tous les travailleurs qui sont représentés... en grande partie, là, mais ce n'est pas tous les travailleurs qui sont représentés. Il existe un grand nombre de travailleurs qui ne le sont pas. Alors, le paritarisme en soi actuellement, par exemple à la nomination des assesseurs, c'est une chose, mais ce n'est pas ouvert à tous.
Et deuxièmement je fais une grande différence entre le régime qui est paritaire puis le tribunal qui, à mon avis, ne doit pas l'être. Il y a une différence entre les cours et l'organisme administratif. Je n'intègre pas le domaine des relations de travail à tout ce qui s'appelle la relation entre des employés et un employeur; au contraire, le régime de la santé et sécurité du travail, au niveau de l'indemnisation devant les tribunaux, doit être traité différemment.
M. Bédard: Je vais aller un peu plus loin dans mon questionnement.
M. Stringer (Claude): Oui.
M. Bédard: Plus précisément, vous êtes représentant d'employeurs. Nous avons beaucoup entendu de travailleurs... de représentants de travailleurs nous faire part de leur... soit qu'ils étaient en faveur ou non, mais peu de représentants d'employeurs par rapport à cette réalité du paritarisme, même au niveau de la décision. J'aimerais avoir votre point de vue: quels sont les avantages et les inconvénients d'avoir justement le maintien ou la disparition de ce système?
n(10 h 30)nM. Stringer (Claude): Bien, j'ai donné un exemple tantôt. Écoutez, là, ça arrive régulièrement, M. le député, que je me présente avec un de mes clients et que ce client-là est représenté par un syndicat et que, dans une audience, on se retrouve face à face avec un représentant qui est représentant du travailleur dans l'audience. Le lendemain, si je me retrouve avec le même employeur et le même syndicat, mais que la personne qui est en avant est assesseur, il y a difficulté importante au niveau de la perception que mes clients ont, et moi comme procureur, quant à l'impartialité du tribunal, premier point. Et ça, je pense que ça milite en faveur de l'abolition, l'apparence que le tribunal a est essentielle, à notre avis, pour justifier tout le processus adjudicatif et, je dirais, le bien-fondé du tribunal.
Autre élément, il n'y a pas d'avantage, il n'y en a aucun, avantage, à mon avis, comme praticien, d'aller devant un tribunal qui est paritaire. On a même exclu de plus en plus les arbitrages de griefs à trois. Un, ça coûtait cher. Et, deux, les parties s'en sont délaissées lentement. Pourquoi? Parce que c'est lourd, c'est laborieux, c'est coûteux et c'est inefficace. Donc, devant cet élément-là, que je sois patronal, que je sois représentant de travailleurs, je dirais la même chose: le tribunal devant qui je me présente ne fonctionne pas mieux avec un paritarisme. Au contraire, il crée plus de problèmes, pourquoi le conserver? C'est ma prétention.
M. Bédard: Pourquoi c'est ça? Je vais vous demander d'être un peu...
M. Stringer (Claude): Aucune raison.
M. Bédard: Pourquoi le Conseil du patronat est favorable au maintien du paritarisme, selon vous?
M. Stringer (Claude): Ils vont se présenter cet après-midi, je leur laisse le soin de répondre à cette question.
M. Bédard: Plaidez pour eux. On ne sait jamais, plaidez pour eux.
M. Stringer (Claude): Écoutez, s'ils ont... J'indique dans mon mémoire à un endroit que le paritarisme a pu être maintenu pour des considérations accessoires. Je traite même d'erreurs de parcours de ces considérations-là. Je tiens fermement ma position. Ils justifieront pourquoi ils maintiennent aujourd'hui, selon eux, leur position que le paritarisme est quelque chose de bien. À mon avis, il ne s'agissait que d'une mesure transitoire entre le Bureau de révision paritaire, qui a été aboli, et la CLP, et ça a fait partie de discussions au sein de la CSST. Et je m'arrête à ce niveau-là, je n'étais pas partie... aux discussions. Mais, comme plaideur, je peux vous dire que j'ai à vivre avec ces éléments-là, et ça ne me... Non, je vais le dire autrement, ça ne fonctionne pas. J'allais dire: Ça ne me plaît pas, mais ça ne fonctionne pas, et, à ce niveau-là, je pense qu'il y a lieu de l'abolir, point. Merci.
M. Bédard: Sur la conciliation, vous avez fait part de vos inquiétudes quant à la disparition, si je comprends bien, là, de ce qui se fait actuellement à la CLP en termes de mode de conciliation. Vous êtes en faveur aussi d'une certaine indépendance des conciliateurs, et je comprends aussi que vous être contre les dispositions du projet de loi qui prévoient que le juge... que le membre du tribunal peut se transformer en conciliateur pendant l'audition. C'est ce que j'en ai déduit. Je ne sais pas si vous l'avez dit explicitement, je ne pense pas, mais...
M. Stringer (Claude): Oui. Mais c'est exactement ça, monsieur.
M. Bédard: Parfait. Mais vous dites en même temps, parce qu'il y a d'autres... vous avez vu, dans le projet de loi, il y a d'autres membres qui peuvent être conciliateurs. Vous dites: Non, c'est un domaine qui est... Et les conciliateurs sont venus nous le dire, je vous dirais, mais...
M. Stringer (Claude): ...
M. Bédard: C'est normal, mais d'autres aussi nous l'ont dit effectivement, que c'est un domaine qui demande des qualités humaines, des qualités professionnelles qui sont particulières et qui demande aussi peut-être en même temps une certaine indépendance par rapport à l'Administration pour vraiment jouer le rôle de conciliateur.
M. Stringer (Claude): Tout à fait.
M. Bédard: Est-ce que vous pensez qu'on devrait effectivement adapter ce mode de conciliation pour l'ensemble des sections du TAQ tel qu'il est vécu par la CLP, un mode encadré avec des conciliateurs professionnels? Plus précis que l'autre, hein, comme question?
M. Stringer (Claude): Je reviens en disant que je ne peux poser un jugement sur des sections dont je ne connais pas le fonctionnement, mais le système de la CLP est efficace, il fonctionne bien, et, si on l'aménage selon les recommandations de Me Corriveau, il sera encore meilleur. À mon avis, il ne pourrait qu'être bénéfique pour les autres divisions du TAQ, mais, comme je vous dis, je ne pratique pas dans ces autre divisions là, j'aurais de la difficulté à vous dire est-ce qu'il sera aussi bon dans les autres divisions qu'il l'est actuellement en matière des lésions professionnelles. Mais assurément que, si on rend... on constitue un service indépendant de conciliation qui se présente comme tel devant les deux parties, à la fois pour l'employeur que pour le travailleur, je pense que c'est toute la crédibilité de l'organisation qui est rehaussée. Et à mon avis, bien, je salue cette possibilité-là, et c'est pour cette raison-là que j'émettais des réserves quant à la possibilité de concilier... que d'autres personnes puissent concilier.
M. Bédard: Dernière question. Il me reste combien de temps, M. le Président? Je ne veux pas... Mon collègue a une question...
Le Président (M. Simard): Oui. Il reste huit minutes. Donc, si votre question est courte, vous aurez la possibilité de permettre à votre collègue de poser une question.
M. Bédard: Parfait. Et, pendant que je parlais, je l'ai oubliée. Alors, je vais laisser à mon collègue le soin de la poser et je vais revenir...
Le Président (M. Simard): C'est sûr qu'elle vous reviendra si elle est importante.
M. Bédard: ...s'il me laisse du temps, évidemment, s'il a la même générosité que moi. Alors, je vais laisser à mon collègue le soin de poser la prochaine question.
Le Président (M. Simard): Alors, j'invite le député de Mercier à poser la prochaine question pendant que le député de Chicoutimi tente de se remémorer sa question.
M. Turp: Et il faudra trouver le temps parce que je suis certain que ce sera une question utile et intéressante pour les travaux de notre commission.
Moi, c'est un peu plus technique, mais vous l'abordez vous-même dans votre mémoire, et je pense que ce serait utile que nous sachions quelle serait la meilleure solution en ce qui concerne l'accessibilité aux jugements. Vous l'abordez aux pages 11 et 12 de votre mémoire.
Et d'abord une question. On l'a déjà abordée ici au plan un peu terminologique. Je crois comprendre que vous souhaitiez que ce soient des jugements qui soient rendus par le Tribunal administratif. Parce que certains ont suggéré devant nous qu'il ne devrait pas s'agir de décisions parce que souvent on porte devant le Tribunal administratif du Québec, en appel, des décisions. Alors, peut-être que vous pourriez nous dire un mot là-dessus.
Mais, sur leur accessibilité, leur publication, vous semblez être un petit peu inquiet. Vous croyez que la façon dont procède la CLP est une bonne façon qui rend justement accessibles ces décisions. Est-ce que vous pourriez aller un petit peu plus loin là-dessus puis nous éclairer sur ce que vous souhaiteriez, peut-être en tenant compte du fait que peut-être nos amis d'en face vont vouloir privatiser SOQUIJ dans leur réingénierie et peut-être donner un moins grand accès aux décisions et aux jugements des tribunaux? Alors donc, quelques mots là-dessus.
M. Stringer (Claude): Très rapidement, c'était un petit peu technologique. Ma prétention dans mon mémoire est à l'effet qu'actuellement il y a deux systèmes. Il y a SOQUIJ, qui est un système qui est tout à fait accessible pour les gens qui en ont les moyens, dans le sens qu'on paie un coût. On a un coût par résumé puis on a un coût par décision: 2,50 $ par résumé, 5 $ par décision. Puis, si tu en descends un nombre important par mois, bien tu peux avoir un programme. Mais ce système-là est favorable, je dirais, à des gens qui ont une structure payée. Bien entendu, pour les travailleurs qui sont représentés, ou pas représentés, l'accès à SOQUIJ est difficile. Il n'y a pas de code d'accès, il faut s'inscrire, bon, il y a un coût inhérent à ça qui est très important.
Alors, il y a un autre système qui s'appelle jugements.qc.ca, qui est gratuit, mais dont le moteur de recherche est aussi difficile à faire fonctionner qu'une Volvo 1972, dans le sens... Peut-être que les Volvo ne m'aimeront pas, là, mais, je vous dirais, là, ça a à peine deux, trois moteurs de recherche. Alors, ce système-là contient toute la banque des jugements, et, à notre avis, il y a juste à modifier la structure pour pouvoir avoir un système de recherche comme SOQUIJ, pour avoir une accessibilité plus facile. Je suis favorable à une accessibilité aux jugements gratuite pour tous. À ce niveau-là, je pense que ce système-là, qui ne doit pas coûter une fortune parce qu'il est déjà là... Juste à changer les moteurs de recherche, puis je pense qu'on aura réglé la solution.
Mais, ceci étant dit, sur l'aspect de... l'autre aspect, des jugements, tout au long de ma présentation, j'ai parlé de juges. Alors, un juge rend des jugements. Et à mon avis on va appeler un chat un chat, dans un tribunal administratif sérieux comme le Tribunal d'appel du Québec... le Tribunal administratif du Québec, pardon, je pense qu'on devrait appeler les décideurs des juges, et ce qu'ils vont rendre, c'est des jugements. Et à ce niveau-là tout le monde va comprendre ce qu'est un jugement, ce qu'est un juge, et à ce moment-là ce sera très clair pour tous les justiciables.
M. Turp: Merci.
M. Stringer (Claude): Voilà.
Le Président (M. Simard): Merci beaucoup. Est-ce que le député de Chicoutimi veut faire une dernière intervention?
M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, très rapidement, avez-vous étudié... Vous avez peut-être entendu nos commentaires relativement au statut de la décision révisée, la possibilité pour l'Administration de réviser elle-même sa décision, de la contestation. Vous êtes un praticien dans le domaine. On voit qu'il y a une problématique par rapport à... en termes juridiques, je vous dirais, là. Est-ce que vous avez des... Si vous avez entendu nos différents questionnements par rapport au statut de la décision révisée, à l'effet que... vous l'avez vu, là: qu'est-ce que finalement il sera contesté devant le TAQ? est-ce que c'est la première, la deuxième? Quel serait le meilleur processus, selon vous, tant en termes de rapidité, en termes d'efficacité, mais aussi en termes de bon fonctionnement juridique, qui serait... Avez-vous réfléchi à cette question? Avez-vous une proposition?
M. Stringer (Claude): Oui, un peu, mais j'aimerais demander au président combien de temps qu'il me reste. J'ai réfléchi, mais ça peut être...
M. Bédard: Quatre minutes.
M. Stringer (Claude): Pardon?
M. Bédard: Non?
Le Président (M. Simard): Oui, à peu près quatre minutes.
M. Stringer (Claude): Quatre minutes. Alors, oui, bien, effectivement, la question se pose, M. le député, et la question se pose très bien, quelle sera la... Est-ce que... La première décision ayant été contestée, la seconde étant révisée, quel sera... Est-ce qu'il y a appel de cette seconde-là? À notre avis, c'est effectivement un des problèmes qu'on a au niveau de l'actuelle procédure telle que prévue par le projet de loi, et c'est d'ailleurs pour ça que je souhaitais l'abolition de la révision comme telle, pour passer directement...
Et, comme le disait M. le ministre, c'est plus facile: passons directement à l'organisme qui a le pouvoir de réviser l'ensemble des décisions et de rendre la décision qui aurait dû être rendue en première instance. Et c'est d'ailleurs... La juridiction de la CLP, c'est de rendre la décision qui aurait dû être rendue en première instance. Ceci étant dit, ça règle le débat.
n(10 h 40)n Si on a un appel direct, à ce moment-là, sauf pour des faits nouveaux qui pourraient arriver entre-temps ? et ça, c'est la reconsidération en première instance ? à ce moment-là, je ne vois pas l'opportunité d'avoir une décision en révision parce qu'on a fait un appel au tribunal.
M. Bédard: D'accord. Mais d'autres groupes nous ont dit... Et là on prend pour acquis effectivement qu'il y a une révision, mais, je vous dirais, la possibilité de l'Administration de s'amender sans révision, c'est particulier. Quand il y a un appel, il y a un appel effectivement puis... Mais d'autres groupes, par contre, disent: Effectivement, le maintien de la révision est quand même intéressant pour la raison suivante, c'est que, évidemment, l'appel judiciarise le dossier. En termes de représentation, souvent, les gens, à partir de cette étape-là, vont avoir un procureur, donc les coûts commencent à augmenter normalement, je vous dirais, mais pas dans tous les cas, mais souvent, alors que le processus de révision, lui, il est informel. Il doit quand même, je vous dirais, être plus indépendant, pour être, je vous dirais, utile, mais il a quand même un avantage en termes de souplesse et peut-être en termes de coûts. Mais ça ne vous convainc pas, vous en faites régulièrement.
M. Stringer (Claude): Excusez-moi, ça ne me convainc pas du tout. Mais, écoutez, je ne suis pas convaincu que la révision ait un quelconque impact bénéfique dans la structure actuelle. Je ne la vois pas. Si vous saviez le nombre de dossiers que je reçois de révision administrative, dans un cadre de dossiers, je peux recevoir quatre dossiers différents et je vais recevoir quatre appels différents. Et, ce processus-là, il est lourd, il n'y a pas lieu d'appliquer une révision d'une décision rendue initialement, sauf la reconsidération, à mon avis, qui est la première étape. Et, par la suite, réglons le dossier au Tribunal administratif du Québec, il y a les mécanismes pour le faire, la conciliation et, par la suite, l'audience. Et, si les parties se rendent compte qu'à l'audience... avant l'audience, leur litige n'est pas bon, ils vont se désister, et ça règle le problème de la judiciarisation très simplement. Ou, sinon, le conciliateur va nous le dire, il n'y a peut-être pas des bonnes positions. Il va parler aux deux parties, puis ça va régler le problème également. Alors, je ne le vois pas, l'avantage, personnellement, de la révision dans le contexte qui nous est proposé à ce niveau-là. Pour éviter toute problématique, enlevons-la.
M. Bédard: Merci.
Le Président (M. Simard): Bien voici, M. le député de Chicoutimi. Il reste quelques minutes à la partie ministérielle, en fait, quatre minutes, et c'est le député de Marguerite-D'Youville qui va poser une dernière question.
M. Moreau: Merci. Bienvenue, Me Stringer. Je suis habitué au temps restreint, alors j'ai accéléré un peu mon débit. J'irai directement sur la question du paritarisme. Vous avez fait valoir votre opinion d'une façon très claire. Ce qui est apparu cependant, au nombre des groupes qui ont été entendus ici, particulièrement l'association patronale, notamment dans le domaine de la construction, qui se sont également opposés au maintien du paritarisme... Et d'autres sont venus nous faire ? des praticiens également comme vous ? et d'autres sont venus nous faire des propositions, notamment sur la possibilité d'avoir une représentation bénévole, des représentants issus des milieux patronaux et syndicaux. D'autres nous ont fait des représentations pour augmenter la formation de ceux qui agissent comme assesseurs. Et une option ? et c'est sur celle-là que j'aimerais vous entendre parce que j'ai bien compris votre position... sur la possibilité de rendre le paritarisme optionnel, c'est-à-dire que, pour qu'il y ait un banc formé de parties paritaires ou de représentants paritaires, il faudrait qu'il y ait une option et que cette option-là agrée aux deux parties en instance. Qu'est-ce que vous pensez de cette possibilité-là?
M. Stringer (Claude): Très rapidement, parce qu'il doit rester encore moins de temps, je vous dirais très rapidement... Écoutez, ma crainte est la suivante: j'arrive un matin devant un commissaire... excusez, j'arrive devant un juge et je me trouve que je connais un peu la jurisprudence de ce juge-là. Si je fais une demande pour un membre, est-ce que le membre va être accessible immédiatement? Est-ce que je pourrais avoir une remise suivant ça? Si c'était le cas, ça voudrait-u dire que je suis capable de faire une espèce d'antisélection? Premier problème, petite question que je vous soulève.
Deuxième point, sur demande ? et imaginez-vous la logistique ? fort probablement que tous les travailleurs représentés par syndicat, il y aura demande. C'est simple, on va faire une demande. Les autres qui ne le sont pas, représentés, eux, qui va en faire la demande? Eux? Ils vont négocier avec le représentant patronal pour avoir l'option d'un membre? Écoutez, c'est complexifier encore plus la problématique que d'y aller sur demande, sur permission ou par toute autre méthode. Ma prétention est à l'effet que le paritarisme n'aurait jamais dû voir le jour dans un tribunal comme le Tribunal d'appel ou la Commission des lésions professionnelles, et il ne devrait pas voir le jour... Et je ne pense pas que des solutions alternatives, comme il est souhaité, vont améliorer la situation d'aucune façon. Au contraire, ils seront plus difficiles à gérer.
M. Moreau: Même si on peut aplanir, par exemple, en prévoyant un délai préalable à l'audition où cette option-là doit être faite et en informant les parties, même non représentées, de la possibilité de faire option? Parce que ça, ça me semble être des éléments de procédure sur lesquels la loi peut avoir des remèdes.
M. Stringer (Claude): Je ne concéderai pas un pied à ça. Je suis désolé, je ne suis pas...
M. Moreau: Vous avez parlé en termes de pouces, d'après moi.
M. Stringer (Claude): Je ne suis pas favorable, et même pas un pouce. Je ne suis pas favorable, je suis désolé. Toutes les autres méthodes ne m'apparaissent pas pertinentes, je suis désolé.
M. Moreau: Non, non, ne soyez pas désolé, vous m'avez donné la réponse qui est très claire. Ça va.
Le Président (M. Simard): Qu'il ne qualifie pas.
M. Moreau: Ha, ha, ha! Non, non.
Le Président (M. Simard): Me Stringer, merci beaucoup de votre présentation. Nous allons inviter maintenant le groupe suivant, c'est-à-dire l'Association des commissaires en matière de lésions professionnelles du Québec, à s'approcher et nous allons suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 10 h 46)
(Reprise à 10 h 51)
La Présidente (Mme Thériault, Anjou): Nous allons donc reprendre les travaux de la commission.
Document déposé
Avant de céder la parole au prochain groupe, je demanderais au député de Marguerite-D'Youville de me parler d'un document dont nous allons faire le dépôt en commission pour l'avancement des travaux de la commission. M. le député.
M. Moreau: Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, j'aimerais déposer à cette commission ? d'ailleurs, une distribution en a été faite aux membres ? un tableau intitulé Tribunal administratif du Québec, TAQ-I-mètre 2003-2004, en date du 31 décembre 2003.
La Présidente (Mme Thériault, Anjou): Merci. Donc, sans plus tarder, je vais demander aux gens de l'Association des commissaires en matière de lésions professionnelles de bien vouloir se présenter.
Association des commissaires en matière
de lésions professionnelles du Québec (ACLPQ)
M. Robichaud (Gilles): Merci. Alors, je vous présente, de gauche à droite, commissaire Simon Lemire, commissaire Hélène Thériault, Gilles Robichaud, commissaire Neuville Lacroix et Éric Ouellet.
La Présidente (Mme Thériault, Anjou): Éric?
M. Robichaud (Gilles): Ouellet.
La Présidente (Mme Thériault, Anjou): Oui, merci.
M. Robichaud (Gilles): Il s'agit des cinq commissaires membres de l'exécutif de l'Association des commissaires en matière de lésions professionnelles du Québec.
Alors, on tient à vous remercier, comme tout le monde, d'avoir été invités à vous présenter nos observations, nos commentaires et quelquefois certaines indications de recommandation, le tout soumis respectueusement
Je voudrais profiter de l'occasion pour vous dire qu'on a suivi la commission depuis le début et que, pour avoir assisté à des commissions parlementaires, notamment comme président de l'association depuis 1994-1995, nous sommes très heureux de voir le professionnalisme avec lequel les gens, tant du parti ministériel, du gouvernement que de l'opposition, ont abordé cette commission et les travaux, et le respect avec lequel les intervenants ont été reçus et, je pense aussi, le cheminement fort important.
Et le mémoire qu'on présente tient compte de ce qui nous apparaît être un cheminement qui se dirige vers un projet de loi qui va être remanié beaucoup, beaucoup et, je pense, peut-être autant qu'en 1985 la Loi sur les accidents du travail et maladies professionnelles l'avait été entre la commission parlementaire et les quelque 400 modifications qui avaient été faites en deuxième lecture, avec la différence que, dans le cadre actuel, l'opposition et le parti gouvernemental travaillent beaucoup plus en... on va utiliser le terme «synergie» vers la solution des problèmes qui sont sur la table, vers le complément d'une réforme qui n'a pas commencé qu'avec ce projet de loi et qui a été des deux côtés, Parti libéral, Parti québécois.
Les deux partis ont fait la promotion d'améliorations, et on se retrouve... On a commencé avec Gil Rémillard en 1994, on est passé après avec le ministre Bégin et on poursuit maintenant avec le ministre Bellemare. Mais ce qui est extrêmement important pour nous, c'est de voir qu'on se dirige, pour le citoyen québécois, vers une solution qui vient compléter cette réforme qui a été commencée puis qui a fait l'objet de plusieurs commissions depuis 1987.
Ceci étant dit, nous représentons la centaine de commissaires qui sont membres, c'est-à-dire qui sont juges administratifs à la Commission des lésions professionnelles. Nous avons, comme je vous l'ai dit, eu la chance, le plaisir de pouvoir suivre ce qui s'était passé. Alors, notre mémoire ne reprendra pas toutes les questions de procédure, de délai que chacune des personnes, chacun des intervenants ou groupes ont déjà soulignées. Il nous est apparu que des convergences se dégageaient de la présente commission et de ses travaux, convergences qu'on va sûrement retrouver en deuxième et en troisième lecture.
Ces convergences, on peut les noter dans la question des délais et des procédures. Je rappelle qu'il me semble... qu'il nous semble qu'on est rendus au point où, dans les travaux, la question des délais ne se posera probablement plus telle qu'elle s'est posée. Il nous semble clair, des observations des deux côtés, que les délais seront resserrés, que les questions médicales seront acheminées directement au tribunal pour ne pas perdre de temps inutilement, qu'il n'y aura plus cette question de présomption d'abandon d'appel. Et, bon, les membres de la commission le savent, nous avons déposé déjà des observations et même des suggestions de reformulation des différents articles du projet de loi qui ont posé problème et qui ont été soulevés et décrits en commission parlementaire. Les gens des deux côtés de la commission parlementaire ont eu copie de ces suggestions et commentaires qui ont été présentés, en fait qu'on a déposés, mais qui sont le fruit du travail de nos services juridiques avec lesquels l'association a travaillé aussi en collaboration.
Alors donc, je continue dans ce qui nous semble être des consensus à venir ou qui se dégagent, il y a... Le justiciable pourra également être relevé de son défaut d'avoir respecté un délai pour un motif raisonnable. Le projet de loi prévoit 90 jours. Il nous apparaît clair que ce délai va sauter et, même plus, que l'article qui existe dans la loi sur les maladies professionnelles, qui est la LATMP qui existe actuellement, sera celui qui sera retenu, qui permet au juge de relever quelqu'un de son défaut d'être en retard dans son appel, sa contestation pour un motif qui sera jugé raisonnable sans la question du délai.
Le texte du projet de loi nous apparaît... sera revu en tenant compte également ? pardon ? que, dans la section des lésions professionnelles, il y a trois parties. Et, dans le texte du projet de loi, ça semblait avoir été oublié. Nous n'avons pas qu'un citoyen placé devant l'Administration, il y a des employeurs, il y a des travailleurs et il y a l'Administration.
Le tribunal et ses membres. Alors, rapidement, encore là, il nous semble que les travaux convergent vers le fait que le nouveau tribunal va s'appeler le TAQ, que les décideurs devraient porter le nom de juges administratifs parce que cette appellation découle directement des fonctions exercées et que, de toute façon, celle-ci est maintenant entrée dans l'usage.
Troisièmement, les juges devraient être nommés selon bonne conduite. Les juges devraient être soumis à un code de déontologie. Les juges devraient exercer leurs fonctions de façon compatible avec la loi et le code, et les manquements donnant lieu à des plaintes seraient soumis au Conseil de la justice administrative dont l'existence nous apparaît maintenant devoir être maintenue avec certaines modifications.
Le nouveau tribunal devrait être régionalisé, suivant le modèle de la Commission des lésions professionnelles, pour se rapprocher des justiciables. Le nouveau tribunal devrait favoriser la conciliation comme mode de règlement des litiges, et ce que nous suggérons, c'est que la pratique actuelle à la Commission des lésions professionnelles soit maintenue, c'est-à-dire avoir une équipe de conciliation professionnelle qui s'occupe, comme elle le fait actuellement, de régler près de la moitié des contestations qui sont reçues par le tribunal.
Sur la question des représentants incompétents, il nous semble encore là que les préoccupations de la commission parlementaire rejoignent celles des personnes qui ont soumis cette question de représentants incompétents. Nous n'avons pas de solution miracle. Nous proposons cependant une façon de régler le problème. Bien, il y a déjà la possibilité d'une accréditation pour représenter au tribunal, mais il y a, en cas d'incompétence manifeste, la possibilité d'arrêter l'audience, de suspendre les travaux, de demander au président de nommer trois commissaires pour entendre les parties sur la compétence, et, bien sûr, la personne qu'on jugerait incompétente doit être entendue. Avec trois commissaires, ça nous apparaîtrait dégager le débat du juge seul qui va décider si une personne est compétente ou pas. Il peut y avoir d'autres mécanismes, mais nous avons cru bon souligner que nous sommes aussi d'accord avec les travaux de la commission, de se pencher pour trouver une solution à cette question.
n(11 heures)n Maintenant, sur les questions controversées, il nous apparaît clair que la question de la fusion pose problème, aussi bien que celle du régionalisme... pas du régionalisme, pardon, mais du paritarisme et, dans une certaine mesure, l'évaluation du rendement.
Alors, sur la question de la fusion, je vais m'en tenir au texte parce que je ne veux pas perdre plus de temps en élaborant. La fusion de la CLP et du TAQ est au coeur du projet de loi n° 35. Sans cette fusion, des intervenants l'ont souligné, la régionalisation du TAQ est menacée. Cette fusion est souhaitée par plusieurs, mais elle soulève crainte et désapprobation chez plusieurs autres. Chez les uns, on y voit un apport positif, une grande synergie des compétences, une simplification par le guichet unique pour les recours des citoyens; chez les autres, essentiellement, on craint la perte de spécificité des lésions professionnelles et de la spécialisation de ses juges.
Les commissaires sont favorables à la fusion et considèrent qu'avec la régionalisation du TAQ, même si celle-ci ne pourra se faire, dans le contexte actuel, que par étapes, il y aura pour les justiciables des différentes régions du Québec un apport de compétences qui ne peut être qu'enrichissant, à la fois pour les juges et pour la population desservie.
Quant à la spécificité et à la spécialisation, il convient de rappeler qu'au TAQ trois causes sur quatre portent sur des questions d'indemnisation: accidents d'automobile, sécurité du revenu. Or, sur le plan de l'interprétation des lois et de la connaissance de leur objet, il y a moins de différence entre les accidents du travail et les accidents d'automobile qu'il y en a entre les accidents d'automobile et l'évaluation foncière, entre l'évaluation foncière et la protection du territoire agricole. Pourtant, les accidentés d'automobile se retrouvent au même tribunal que ceux qui contestent l'évaluation de leur propriété, au même tribunal que ceux qui contestent le dézonage de terres agricoles à des fins commerciales. Le TAQ n'en est pas moins un tribunal spécialisé pour autant.
Avoir posé la question de la perte de spécificité et de la perte de spécialisation en 1996 comme certains la posent aujourd'hui, le TAQ n'aurait jamais vu le jour. Pourtant, après huit ans, l'existence du TAQ n'a nullement été remise en question même si chacune de ses sections est très différente de l'autre.
Les commissaires de la CLP accueillent avec fierté les nombreux commentaires témoignant du respect qu'inspire leur tribunal aux différents intervenants. Toutefois, ils ne croient pas qu'il y ait lieu de s'opposer à la fusion CLP-TAQ à cause des risques de perte de spécificité et de spécialisation. Les risques, s'il y en a, ceci dit avec respect, relèveraient davantage d'une mauvaise gestion des ressources du tribunal que de la fusion elle-même.
À cet égard, la fusion et la régionalisation ne se réaliseront, pour le bien des justiciables et pour le maintien de la qualité, que: dans la mesure où la réforme ne se fera pas aux seules fins d'économiser de l'argent; dans la mesure où également, comme l'ont souligné d'autres intervenants, la mobilité des juges ne sera pas imposée; et dans la mesure où cette mobilité sera appuyée par une politique de formation à la hauteur des attentes.
Le paritarisme. On parle ici des membres issus des grandes associations d'employeurs et des grandes associations syndicales. Ces membres qu'on adjoint aux commissaires ont pour rôle d'assister à l'audience, de poser des questions, de participer au délibéré et de donner leur avis. Ils sont choisis par les parties qui siègent au conseil d'administration de la CSST, organisme d'État et mutuelle d'assurance des employeurs.
À chaque année, les membres paritaires sont renommés ou remerciés suite à la décision en ce sens des mêmes parties qui les ont choisis. La CSST est cet organisme dont les commissaires de la CLP sont chargés de surveiller les décisions pour donner suite aux contestations des travailleurs ou encore des employeurs. La CLP est un tribunal exerçant des fonctions exclusivement juridictionnelles, ses décisions sont finales et lient les parties.
Le même ministre, celui du Travail, est responsable à la fois de la CSST et du tribunal, ce qui d'emblée semble contraire aux propos tenus par la Cour d'appel dans l'arrêt Montambeault de 1996 pourtant sur l'indépendance... portant, c'est-à-dire, Montambeault, sur l'indépendance de la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles de l'époque.
La très grande majorité des intervenants demande l'abolition du paritarisme à la section des lésions professionnelles ? c'est la seule section d'ailleurs où ça existe. Ces intervenants proviennent autant d'associations d'employeurs, d'associations de défense des droits des accidentés que d'associations d'avocats.
On retrouve, partageant le même avis, des groupes aussi différents que l'Association de la construction du Québec, l'Assemblée des travailleurs et travailleuses accidentés du Québec, l'Association des avocats de province et le Barreau du Québec, sans compter un bon nombre de praticiens.
À part la question des coûts, sur le fond, les opposants s'interrogent sur l'utilité des membres paritaires, plusieurs croyant que leur expérience servirait davantage à l'aide à la défense de ceux qui ne sont pas représentés. De plus, les opposants font ressortir que cette forme de paritarisme va à l'encontre des principes d'indépendance et d'impartialité garantis par la Charte des droits et libertés de la personne. Enfin, plusieurs ont souligné que le paritarisme dans le processus décisionnel n'existait à peu près plus dans les relations de travail au Québec, sans compter que ce paritarisme alourdirait le mécanisme de mise au rôle, la tenue des audiences, le processus d'ajournement et la célérité du processus décisionnel.
Quant à ceux qui sont en faveur du maintien du paritarisme, tel qu'il existe à la CLP, on retrouve essentiellement les principaux membres du conseil d'administration de la CSST, soit le Conseil du patronat, la FTQ et, cette année, la CSN. L'argument principal militant en faveur du maintien du paritarisme au tribunal repose sur le constat que la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles est une loi relevant du domaine des relations du travail et que les relations employeurs-salariés ont leur dynamique propre qu'il convient de respecter.
Sur cette question du paritarisme, l'Association des commissaires avait, dès 1994, lors de la production du rapport Durand... Je vous rappellerai tout simplement que ce rapport, présidé par Mme Lynda Durand et piloté par le Pr Yves Ouellet, faisait la promotion d'un nouveau tribunal paritaire devant remplacer la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, tribunal qui avait ceci d'original qu'il ne devait pas dire le droit. Le rapport avait été commandé par le conseil d'administration de la CSST. Je reviens au texte. Alors, on avait soumis à ce moment-là au ministre de la Justice d'alors des commentaires qui disaient qu'on n'était pas d'accord avec le paritarisme, que ça n'allait pas améliorer le processus décisionnel, et ça n'allait pas donner aucune garantie supplémentaire aux citoyens qu'ils seraient entendus par des gens plus indépendants et plus impartiaux.
En janvier 1997, l'association présentait son mémoire dans le cadre du projet de loi n° 79 visant la création de la Commission des lésions professionnelles. Alors, l'association faisait valoir alors que: le paritarisme préconisé n'offrait pas aux citoyens de meilleures garanties que leurs causes seraient entendues, bon, de façon plus indépendante et impartiale; le tribunal dispose du droit, il ne fait pas de relations de travail, du moins dans l'exercice de ses fonctions juridictionnelles; le paritarisme relié au processus décisionnel, que ce soit en arbitrage de griefs ou dans les relations de travail, il était devenu désuet, quand il existait, c'était à la demande des partis; finalement, les membres paritaires seraient sûrement plus utiles ? c'est ce qu'on disait en 1997 avant d'avoir des membres paritaires chez nous ? compte tenu de leur expérience, seraient plus utiles comme conseillers auprès des non-représentés, travailleurs ou employeurs.
En conclusion, on disait: Nous espérons qu'à la lumière des garanties nécessaires d'indépendance et d'impartialité que doit offrir un tribunal administratif d'appel, le législateur optera pour qu'un tel tribunal soit indépendant des structures de gestion de l'organisme dont il peut renverser les décisions.
Après cinq ans de paritarisme à la CLP, l'association constate que les paramètres n'ont pas changé. Lors de la création du TAQ en 1996, la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles devait faire partie du TAQ, il faut s'en rappeler. Dans le premier projet de loi qui avait été déposé, elle en a été écartée, malgré la volonté contraire du ministre Bégin, alors ministre de la Justice, à cause justement du paritarisme et du puissant lobby du conseil d'administration de la CSST. Deux ans plus tard, la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles disparaissait pour laisser place au paritarisme et à la CLP. Au surplus, les lésions professionnelles ne relevaient plus de la Justice, mais du Travail, comme la CSST.
L'histoire se répétera-t-elle? La fusion avec le TAQ sera-t-elle bloquée à cause de l'existence du paritarisme au sein de la CLP? Se pourrait-il que le paritarisme demeure dans le seul but de satisfaire les membres du conseil d'administration de la CSST? Compte tenu des divergences importantes manifestées par la grande majorité des intervenants en commission parlementaire eu égard au paritarisme, compte tenu des craintes ouvertement signifiées quant aux risques d'atteinte aux garanties d'indépendance, devra-t-on vivre le nouveau tribunal avec la même menace de nouvelles procédures judiciaires?
Si, malgré tout, le paritarisme devait demeurer dans sa forme actuelle, ne conviendrait-il pas, compte tenu de l'ensemble des interventions sur le sujet, qu'il ne soit pas, comme la conciliation, imposée à des parties qui n'en voudraient pas?
L'évaluation du rendement... Je ne sais pas combien il me reste de temps? Je...
La Présidente (Mme Thériault, Anjou): Environ deux minutes, M. Robichaud.
M. Robichaud (Gilles): Sur le total des...
La Présidente (Mme Thériault, Anjou): Sur le total, oui.
M. Robichaud (Gilles): Oh, mon Dieu! je devais passer la parole à mon... Bien, écoutez...
M. Lacroix (Neuville): Je vais essayer d'être assez bref.
n(11 h 10)nM. Robichaud (Gilles): ...l'évaluation du rendement, je vous le laisse lire, ou je pourrai peut-être reprendre suite à des questions que vous me poserez aimablement. Alors, allez-y.
M. Lacroix (Neuville): Alors, sur la question du déséquilibre des parties évidemment, à plusieurs reprises, ça a été évoqué devant la commission parlementaire, et plusieurs associations ont évidemment mentionné que ces personnes n'avaient pas les ressources nécessaires. On vous souligne qu'il existe déjà, et, je pense, ça a été mentionné à plusieurs reprises devant la commission... devant le TAQ, dans la section des accidents du travail, au moins, on permet de rembourser les coûts des expertises médicales qui sont souvent les plus onéreuses à la personne qui gagne, et on suggère que la même chose devrait aussi être envisagée auprès de la Commission des lésions professionnelles.
On a souligné aussi l'intimidation de la partie qui se présente seule. Et ici je voudrais mentionner qu'on semble... évidemment, on parle souvent des représentants, on parle de l'assesseur, mais il me semble qu'on semble oublier un peu le juge administratif: il n'est pas là pour regarder passer la parade, là. On est à peu près une centaine de juges administratifs qui siégeons, qui ont 10 ans d'expérience uniquement d'adjudication, qui siègent régulièrement et qui ont aussi 10 ans d'expérience pertinentes antérieurement avant leur nomination. Et, ces personnes-là, c'est eux autres qui mènent le débat devant le tribunal, c'est eux autres qui décident, quand ils voient, quand ils constatent qu'une personne n'est pas représentée, qui orientent le débat, qui voient à assurer l'équilibre nécessaire dans la représentation devant le tribunal.
On a mentionné que, s'il fallait absolument avoir les membres paritaires pour faire cet exercice-là, bien, les membres paritaires ne sont pas là pour gérer la fonction du tribunal. C'est lui qui voit à faire en sorte que les parties soient bien représentées. Et, généralement, quand ils ne sont pas représentés, le juge administratif, déjà, au départ, indique aux personnes qu'elle n'est pas représentée: est-ce qu'elle aimerait mieux être représentée? et les personnes disent oui ou non, et toutes les mesures... On explique le fonctionnement du tribunal aux personnes qui sont devant nous. Donc, c'est vraiment le juge lui-même qui exerce l'intervention la plus importante à cet égard-là.
La Présidente (Mme Thériault, Anjou): M. Lacroix, malheureusement, je dois vous interrompre parce que nous avons déjà dépassé le temps qui vous était alloué. Par contre, je suis convaincue que les parlementaires vont vous poser des questions pour vous permettre de continuer de donner votre point de vue.
Donc, sans plus tarder, je vais passer la parole au ministre.
M. Bellemare: Alors, merci, M. le président, merci aux membres de l'association pour votre présence qui était... votre présentation qui était très attendue parce que vous êtes au premier chef concernés par la réforme. Vous êtes les décideurs de la CLP, vous représentez 100 et quelques commissaires de la CLP à l'heure actuelle et vous vivez le paritarisme au quotidien dans toutes les décisions que vous devez rendre.
Actuellement, le paritarisme n'existe pas dans le domaine du financement. C'est un choix qui avait été fait en 1998 et qui fait que les appels logés en matière de financement sont entendus par un commissaire seul. Donc, on constate d'entrée de jeu que, dans certains secteurs, il n'y a pas de paritarisme et, dans d'autres, il y en a. C'est donc dire qu'on peut prévoir une formule mixte ou une formule optionnelle en matière de paritarisme.
J'aimerais que vous nous indiquiez de quelle façon ça pourrait fonctionner si c'était optionnel, en pratique, là. Parlons de délais, de mécanique. Mettons que c'est optionnel et que les parties peuvent choisir un banc paritaire ou non, ou les parties qui ont comparu ou qui sont en appel. Évidemment, s'il y a une partie qui ne veut pas être entendue, on n'a pas à lui demander devant quel banc, puisqu'elle ne veut pas être entendue. Mais, dans un cas où il y a un employeur seul qui est en appel, ou un travailleur seul, ou qu'il y a deux parties représentées et que les parties désirent être entendues par un commissaire ou un juge seul, à partir de quel moment le choix devrait-il être fait, d'après vous?
M. Robichaud (Gilles): Pour éviter des problèmes, ce serait au moment où on fait la mise au rôle. Quand une personne a fait sa contestation ou a logé son appel, il y a un certain temps avant qu'on fixe le rôle et qu'on convoque la personne à une audience. Au moment où on convoque la personne pour une audience, on devrait lui demander, entre autres, si elle le désire, et ça donnerait quelques mois, permettant ainsi le choix des personnes qui seront appelées à travailler comme membres paritaires avec le commissaire, mais pas à la veille... Me Stringer a parfaitement raison quand il dit: S'il fallait qu'on fasse ça le matin, ce serait complètement... ça bouleverserait les affaires inutilement, ça entraînerait des remises, et ce n'est pas ce qu'on recherche. Mais, à partir du moment où on fait la mise au rôle, ça nous apparaîtrait fonctionnel. On a...
M. Lacroix (Neuville): Il faudrait peut-être... Si vous permettez, je voulais ajouter...Il faudrait peut-être ajouter un délai aussi quand on fait la mise au rôle avec l'avis d'audition, dire: Vous avez 30 jours, par exemple, pour déterminer si vous voulez avoir un banc paritaire dans cette hypothèse-là, parce qu'il faut penser... Vous savez, Mme la Présidente, les membres, que la mise au rôle, là... On n'y pense pas, mais c'est un travail énorme, avec les 225 membres, là, qui sont paritaires, de déterminer d'abord en fonction de l'article 83.1... Il faut déterminer combien, à la suite... suivant le rôle qui leur est déterminé, ensuite de ça, lesquels sont en vacances, lesquels sont disponibles, il y a des membres permanents, il y a des membres qui sont à temps partiel, et je vous dis que c'est un casse-tête, même jusqu'à la veille souvent de l'audition, d'être capable de trouver les membres nécessaires pour fonctionner.
M. Bellemare: Vous avez abordé la question du paritarisme de façon très honnête et très directe, et je dois vous en féliciter parce que c'est une question sur laquelle on va devoir se pencher de façon très sérieuse. Le projet de loi n° 35 suggère une possibilité que le paritarisme soit réduit à la lésion professionnelle initiale, mais, comme je l'ai dit au tout début des consultations, toutes les hypothèses sont sur la table.
Il y a eu plusieurs intervenants qui se sont présentés et qui ont soulevé des questions, des problématiques de nature constitutionnelle en nous disant que la formule paritaire pourrait être incompatible ou porter atteinte aux articles 23 et 56 de la charte québécoise. La plupart des gens sont venus nous dire: Bon, là, il faut regarder cette question-là parce que le tribunal en principe n'est pas préjugé, est indépendant, il est impartial. Voici que, sur le banc même, il y a deux personnes qui sont issues d'associations syndicales-patronales, donc qui ont une mission ou, en tout cas, ils ne sont pas là par hasard, ils sont là pour jouer un rôle et influencer le décideur qui est le commissaire.
Au-delà des questions de charte et au-delà des débats théoriques, j'aimerais que vous nous disiez, si vous pouvez le faire: est-ce que, effectivement, les commissaires, l'Association des commissaires est d'opinion que le paritarisme porte atteinte à l'indépendance du décideur? Est-ce que, dans la dynamique paritaire, le commissaire est susceptible d'être influencé? Est-ce qu'il est moins indépendant lorsqu'il y a deux membres paritaires que lorsqu'il siège seul?
M. Robichaud (Gilles): M. le ministre, c'est très difficile de répondre à la question de cette façon-là. Je ne crois pas qu'en disant que des personnes... On pense que la façon de le voir, c'est comment les justiciables qui se présentent devant nous peuvent croire qu'on est indépendants et non pas nous demander à nous si on croit qu'on est indépendants. Les commissaires ne se sentent pas menacés par la seule existence de la présence de gens qui travaillent avec eux quotidiennement depuis des années. Ce n'est pas ça qui est le problème. Le problème, c'est qu'il y a une espèce d'encadrement qui est tel que des personnes placées à l'extérieur et qui connaissent cet encadrement-là peuvent, elles, se poser des questions. Et ce n'est pas théorique.
Quand on expliquait que le conseil d'administration de la CSST, puis la CSST est une grosse boîte... notre budget était un peu plus que 1 % de celui du budget de la CSST. C'est le même ministre qui nomme les commissaires et qui nomme aussi... qui s'occupe de la CSST, comme responsabilité politique. C'est le conseil d'administration de la CSST qui entre sur le banc par des membres paritaires qu'il nomme lui-même, et qu'il peut dénommer à chaque année s'ils ne font pas son affaire soit que ce soit côté syndical, soit que ce soit du côté patronal.
Actuellement, on est toujours dans un processus de mandat de cinq ans. Là il y a des craintes qui s'éveillent nécessairement à tous les cinq ans, mais je pense que ça va être réglé avec le selon bonne conduite, alors je n'insisterai pas trop pour ne pas perdre de temps là-dessus. Nous n'avons pas l'intention de dire encore une fois que les gens qui travaillent avec nous sont une menace à notre indépendance, mais on pense que des gens peuvent se poser la question très sérieusement par ailleurs, puisqu'il y en a beaucoup devant vous qui l'ont exprimé.
n(11 h 20)n Je ne pense pas qu'on ait exprimé notre partialité par peur des membres. Ce n'est pas une question de peur. On a un respect pour les membres, mais on considère qu'ils ne sont pas d'une part nécessaires dans le processus décisionnel, et on considère maintenant qu'ils ne sont peut-être pas aussi utiles qu'ils pourraient l'être si leur expérience pouvait être utilisée différemment, à faire de la défense, non pas assis à côté de nous, mais devant nous, à aider ceux, petit employeur ou travailleur, qui ne sont pas représentés.
M. Bellemare: Mais il demeure que le fait de rendre le paritarisme optionnel et que les parties qui seraient entendues par un banc paritaire auraient choisi d'être entendues par un banc paritaire atténuerait considérablement les problèmes de nature constitutionnelle. À partir du moment où les parties choisiraient, bien...
M. Robichaud (Gilles): Ce serait comme avec l'arbitrage de griefs quand les gens décident d'avoir deux membres assesseurs pour accompagner l'arbitre; ça n'a jamais été combattu. C'est sûr que le problème se poserait différemment à partir du moment où les gens décident eux-mêmes qu'ils veulent s'adjoindre deux membres paritaires.
M. Bellemare: On a beaucoup parlé de l'efficacité du paritarisme, des problèmes de lourdeur. Il y a des... C'est très généralement des gens qui provenaient des milieux patronaux qui nous en parlaient: l'Association de la construction du Québec et l'APCHQ qui, ensemble, regroupent 22 000 employeurs de la construction, ce n'est pas banal; Me Cliche, qui est venu nous voir la semaine dernière; Me Stringer, ce matin, qui provient des milieux patronaux également, qui nous parlaient de la lourdeur.
Me Cliche a avancé un chiffre, en disant qu'à son avis un banc paritaire était ralenti dans une proportion de 15 % à 20 %, que ça créait, en gros, là... C'est un chiffre, évidemment, qui n'est, j'imagine, pas très scientifique, mais c'était son opinion. Ça a été partagé par un autre intervenant qui est venu en après-midi et qui disait qu'effectivement il y avait une lourdeur et que ça ralentissait le processus. Ça, c'est plus inquiétant, quant à moi, parce qu'on veut, par ce projet de loi, améliorer la célérité, l'efficacité du tribunal, et là il y a une lourdeur apparente, là, qui est introduite.
J'aimerais que vous me disiez ce que vous en pensez, par rapport à ce chiffre de 15 % à 20 %, ou si vous avez une opinion sur le fait que le paritarisme alourdit et ralentit les débats.
M. Robichaud (Gilles): Je ne vous donnerai pas de pourcentage, mais, si on commence par la préparation d'une audience, quand on se présente en audience, avant de débuter l'audience, on rencontre les membres, on échange avec les membres sur les enjeux, l'objet du débat, sur la preuve qui nous a été présentée, parce qu'on a toujours un dossier complet, médical et administratif de ce qui s'est passé avant. Alors, il y a une période de temps consacré qu'on n'aurait pas à consacrer si on devait entendre la cause sans avoir de membres paritaires.
Deuxièmement, quand on est en audience, les membres paritaires ont droit de poser des questions. Cette période de temps... Et il y en a certains, même plusieurs, qui utilisent leur période pour poser des questions, et ils ne sont pas limités dans le temps, alors ils posent des questions. Donc, ça... Objectivement... Sans appréciation, là, quant à la qualité, objectivement, la période de questions rallonge la durée des débats.
Si on doit, pour une raison ou pour une autre, ajourner parce qu'on considère, au moment de l'enquête, qu'il nous manque des éléments de preuve, donc il faut se revoir, on ajourne, on suspend les débats. Lorsqu'il faut refixer, on sort les agendas non seulement du commissaire, mais on sort les agendas des deux membres... Sur les deux cent vingt et quelques membres paritaires, il y en a seulement à peu près une soixantaine qui sont à temps complet. Alors, les autres ont de l'ouvrage à faire ailleurs. Alors, concilier les agendas, c'est un autre facteur qui entraîne des délais supplémentaires qui, des fois, nous reportent à deux mois plus loin, trois mois plus loin, alors que le commissaire aurait peut-être pu être disponible, lui, beaucoup plus rapidement.
Quand finalement on a fini par entendre l'audience, il faut délibérer. Alors, au moment... Avant d'entreprendre le délibéré puis de retourner pour rendre notre décision, il faut prendre une période de temps qui, après l'audience, représente... Bien là ça varie. Les commissaires ont différentes façons de travailler. Personnellement... et plusieurs autres peuvent prendre 15 minutes, une demi-heure, 45 minutes, selon l'importance de la cause, à échanger sur ce qu'on a entendu comme preuve, qu'est-ce qu'on doit retenir, qu'est-ce qui est prépondérant.
Alors, je vous ai donné quelques étapes du processus décisionnel, et, objectivement, les délais qui sont supplémentaires, occasionnés par la présence des membres paritaires... Et, quand les membres paritaires sont présents, dans 60 % ou 80 % des causes ? là, je n'ai pas le pourcentage exact, mais c'est au moins trois quarts des causes, on est avec les membres paritaires ? bien, vous multipliez par trois quarts ces délais-là. Puis, après ça, je ne peux pas vous dire si ça représente 10 % ou 15 %, je n'ai jamais fait le calcul, là.
M. Bellemare: On va revenir.
La Présidente (Mme Thériault, Anjou): Ça va? Merci. Donc, nous allons aller du côté de l'opposition, et je cède la parole au député de Chicoutimi.
M. Bédard: Merci, Mme la Présidente. Alors, merci à l'association de nous avoir fait ces représentations, Me Robichaud, Me Lacroix, Me Thériault, et à ceux qui vous accompagnent.
Pour peut-être continuer un peu là-dessus, actuellement, vous savez, la CLP était citée comme étant celle qui avait évidemment la meilleure performance en termes de délais, on le voit dans les rapports, on le voit dans les différents rapports que nous avons eu l'occasion de lire. Malgré évidemment ce que vous nous dites, une certaine lourdeur qu'amène le paritarisme, il reste qu'il faut constater tout de même, nous, au niveau des statistiques... et là je vous parle avant remise parce que le problème des remises va demeurer quand même, que la performance du tribunal en soi était exemplaire, même. À quoi attribuez-vous ce bon résultat, la CLP, quant aux délais, malgré les problématiques?
M. Robichaud (Gilles): Bien, écoutez, si on se rappelle la commission parlementaire de 1997, la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles était à l'époque rendue à moins de 10 mois, alors que les statistiques qui nous étaient opposés à l'époque dataient de trois ans avant la commission parlementaire. Ça a été déposé aussi. Ça, c'est devenu très clair le jour où on est intervenu qu'on était à peu près à 10 mois et on descendait, on était parti peut-être de trois ans...
Comme le TAQ d'ailleurs, comme le Tribunal administratif du Québec qui actuellement, semble-t-il, d'après nos informations, puisqu'on travaille entre associations et entre collègues... c'est beaucoup, beaucoup mieux: le dernier rapport qui a été présenté à l'Assemblée nationale révèle des délais beaucoup moins importants. Le problème du TAQ, c'est davantage avec l'assurance automobile puis les délais de révision. Quant à eux, ils sont en train de le régler, leur problème, et ils ne sont pas paritaires puis ils ont plus de problèmes que, nous, on en a en étant paritaires, puis ils en ont plus qu'on en avait quand on n'était pas paritaire.
Et maintenant, quand on était paritaire au moment, en 1997, où tout allait bien, on a amélioré, mais pas à cause du fait qu'on a des membres paritaires ou pas paritaires. La question ne se pose pas. On n'est pas ralenti non plus par la présence des membres paritaires parce que c'est plus long dans le processus, ce n'est pas ça qu'on vous dit. Ça va?
M. Bédard: Plusieurs... Vous avez bien suivi les travaux. D'ailleurs, seulement à la lecture du mémoire, ça nous permet de... Nous-mêmes, on avait fait notre résumé, là, mais on a beaucoup d'éléments qui sont dedans. J'ajouterai aussi... mais qui vous concernait moins, c'était relativement au TAQ, à la formation du TAQ, au maintien de la... bien, au maintien de la spécialisation, au principe plutôt du double... Mais, quant à la CLP effectivement, je vous dirais que votre mémoire va nous servir aussi pour la suite et même pour nos recommandations finales.
Mais vous avez aussi entendu certains... et, entre autres, celui qui vous a précédé. J'aimerais vous entendre là-dessus. Il y a différentes théories par rapport à la révision. Est-ce qu'on doit tout d'abord... bon, est-ce qu'on doit faire une révision? Est-ce que c'est avantageux d'avoir un statut de révision? Certains sont même venus prétendre qu'on devrait ramener une révision indépendante, plus indépendante de l'Administration; d'autres ont dit carrément, comme Me Stringer juste avant vous et d'autres: Abolissons tout simplement cette révision et allons au TAQ.
Vous, qu'est-ce que vous pensez ? bien que je comprends que ce n'est pas strictement, je vous dirais, dans vos... parce que les causes qui sont amenées devant vous évidemment ont suivi des étapes, et c'est avant, mais il reste que vous connaissez assez le domaine pour avoir une opinion, j'imagine, assez arrêtée. Quelle est la meilleure façon justement de maintenir la qualité, de faire en sorte que le citoyen continue à s'y retrouver, dans ce processus et en même temps améliorer aussi la célérité du processus?
M. Robichaud (Gilles): C'est difficile. Ça dépend de quel point... de quelle façon on l'aborde. Si on l'aborde sur la façon des coûts, je vous dirai tout de suite que, si ça s'en venait au Tribunal administratif du Québec directement sans passer par aucune forme de révision, il faudrait peut-être multiplier par deux le nombre de commissaires.
n(11 h 30)n Alors, si on n'aborde pas ça sur le plan des coûts, si on l'aborde sur le plan des justiciables, moi, je... J'ai écouté puis on a écouté les gens de l'exécutif, les gens qui sont intervenus, qui défendent... et eux sont plus en mesure de dire comment le processus de révision leur est favorable ou pas. On entend les gens venir dire qu'il faut maintenir la révision parce que, même s'il y avait à peine 40 % des cas qui étaient réglés, c'est 40 % de réglés.
Par ailleurs, la question du... Ce qu'on me souligne, c'est que le Bureau d'évaluation médicale, quand la décision est rendue, le transit en révision, ça, c'est parfaitement inutile, puisque... Alors, je pense que c'est déjà acquis, ça, on l'avait... pour tout le monde.
S'il y a un processus de révision, il faut qu'il soit formel. Ça, c'est... Il me semble que, pour ne pas que les droits soient ballottés puis que la personne se demande ce qui arrive avec elle, l'espèce d'élastique qui ferait en sorte qu'il y a une révision après que tu aies contesté apparaît un non-sens. Mais je pense que tout le monde l'admet maintenant. Et, pour nous aussi, c'était un non-sens, c'est ce qu'on serait venus vous dire si on n'avait pas entendu tous les autres avec qui on est d'accord, comme il nous apparaît que vous l'êtes aussi.
M. Bédard: Sur les autres constats que vous faites, est-ce qu'on peut ajouter celui ? je l'ai fait un peu tantôt avec Me Stringer... la possibilité du membre du tribunal, du juge administratif, je vous dirais, de se transformer en ? j'avais en tête se travestir, mais ce n'est pas le cas; j'ai trop de respect pour les conciliateurs... mais de s'enlever de son rôle de président du tribunal, de juge, et devenir conciliateur? Est-ce que vous y voyez un avantage, vous, à cette procédure?
M. Robichaud (Gilles): Écoutez, nous, la formule actuelle, c'est une formule qui permet un règlement d'à peu près la moitié des contestations qui sont présentées devant nous, et par des professionnels qui font de la conciliation. Alors, nous, on croit que ce système-là... Et puis on ne veut pas... Il y a d'autres façons de le faire, mais, dans le contexte qui est le nôtre, on pense que ça a fait ses preuves, ça devrait être comme ça.
Quant à savoir si le commissaire ou le juge administratif peut faire de la conciliation, d'abord il faut voir que, nous, on est régionalisés. C'est très délicat parce qu'on a les mêmes parties devant nous continuellement ? on parle de ceux qui plaident, pas nécessairement la dame ou le monsieur qui revendique un droit...
M. Bédard: Oui, qui viennent... Oui, oui.
M. Robichaud (Gilles): ...mais ceux qui plaident devant nous. Avec une structure régionalisée, ça fait très personnalisé. Alors, quand on fait de la conciliation, on entre dans l'appréciation de la jurisprudence du tribunal, on entre dans comment on applique la loi...
M. Bédard: On perçoit.
M. Robichaud (Gilles): ...comment on perçoit aussi les droits de chacun. C'est très délicat après de se retrouver juge et avoir fait de la conciliation dans un contexte semblable. Par ailleurs, il est très possible de faire une forme de conciliation, comme juge, par admission lorsque les parties...
M. Bédard: Les tribunaux ordinaires.
M. Robichaud (Gilles): On regarde les gens qui se présentent et on dit: Écoutez, êtes-vous prêts à admettre telle chose? Êtes-vous prêts à admettre telle chose? Il dit: Oui. Bon, on va le régler tout simplement. On rend une décision par admission des parties, sans faire de la conciliation.
M. Bédard: Est-ce que vous êtes aussi en faveur du maintien effectivement même... si on garde la révision à part, par des conciliateurs, du fait que le tribunal doit continuer à approuver les décisions qui ont été conciliées?
M. Robichaud (Gilles): Oui. Ça, nous, on n'a pas eu le temps, mais vous allez pouvoir le lire.
M. Bédard: Moi, je l'ai lu, mais...
M. Robichaud (Gilles): Nous, on considère qu'il y a une erreur dans le projet de loi de ne pas avoir mis ce qui existe actuellement. Puis je pense qu'on a fait ces remarques-là, et d'ailleurs on les a soumises. C'est une erreur que de ne pas... Bon, constater par écrit, ça, c'est là. Mais il faut que ce soit conforme à la loi. C'est une loi d'ordre public. La personne qui met ses droits en cause puis accepte un règlement doit être assurée que ça s'est fait de façon conforme à la loi, et, nous, on maintient que ça devrait réapparaître dans le projet final, c'est-à-dire comme ce l'était actuellement.
M. Bédard: Merci. Autre élément ? on a peu de temps, et c'est malheureux ? sur le déséquilibre. Vous l'abordez, et c'est intéressant. Tout d'abord, vous reprenez une des recommandations qui nous a été faite entre, bon, le déséquilibre entre les parties ? je parle souvent en pensant que tout le monde nous suit tout le temps, comme vous l'avez fait, mais... ou ceux qui ont préparé le mémoire ? bon, le déséquilibre qui existe entre les parties qui se retrouvent devant la CLP, souvent, la personne seule ? et pas seulement devant la CLP, devant le TAQ aussi ? donc la personne seule devant l'Administration, et je pense que le déséquilibre est peut-être même encore plus fort. Vous dites: Pour corriger ce déséquilibre, d'abord faisons comme on le permet devant... pour la SAAQ, donc les frais, qu'on puisse faire rembourser les frais d'expertise. Et vous y allez, vous aussi, dans votre mémoire avec, comme l'avait mentionné Me Lippel... vous le dites à la page 19 de votre mémoire, que vous souhaiteriez qu'il existe un fonds pour assurer une meilleure représentation à ceux et celles qui plaident devant le tribunal. Est-ce que j'ai bien compris vos représentations?
M. Lacroix (Neuville): Oui, effectivement. C'est ce qu'on suggère. On pense que, évidemment, si le paritarisme est aboli... Mais même, indépendamment de ça, je pense qu'on peut envisager, pour les personnes qui se présentent seules, la création d'un fonds qui puisse permettre d'avoir une aide pour avoir des représentants, en plus d'avoir évidemment la formule de la Société de l'assurance automobile du Québec, de rembourser les frais d'expertise. Et à ce sujet-là, je pense que ce serait une bonne mesure.
M. Bédard: Ce serait la meilleure des mesures, effectivement. Aussi, au niveau de l'évaluation du rendement, vous faites une proposition qui est celle, si je comprends bien, simplement d'accorder un pouvoir... pas accorder, mais disons de préciser le pouvoir du président du tribunal quant à l'évaluation. Est-ce que vous pensez que c'est suffisant pour corriger des situations malheureuses? Je pense que c'est à la page 16 de votre mémoire, effectivement.
M. Lacroix (Neuville): Oui. Pages 14 et 15. Oui, oui, effectivement, c'est... Il ne faut pas mêler déontologie et l'évaluation d'une personne. La Cour d'appel l'a dit dans la décision du Barreau: Dans la mesure où l'évaluation est pour des fins formatives, à ce moment-là, c'est valable. Mais de là à avoir une façon qui voit, comme on le prévoit à l'heure actuelle, là... Vous avez l'article qui parle de la déontologie, et puis, tout de suite après, on dit: Bien là le président du tribunal, lui, va avoir à faire l'évaluation puis... en fonction de ses rendements par rapport au dossier. Alors, ça, ça nous apparaît être de l'évaluation très formelle, et non pas formative. Et à cet égard je pense que le président... Comme la loi prévoit que ce doit être avec célérité, avec compétence, puis avec diligence que le tribunal doit fonctionner, que les décisions... rendues, bien, quelqu'un qui ne rend pas ses décisions rapidement, qui n'en rend qu'un nombre x, je pense que le président doit y voir à ce moment-là, et on pourra procéder à ce moment-là par des plaintes devant le Conseil de la justice administrative... décider.
M. Robichaud (Gilles): L'article 179.1, qui est déjà dans le projet de loi et que personne n'a remis en question, nous semble être assez complet par lui-même pour soulager les inquiétudes que certains pouvaient avoir quant à la possibilité que quelqu'un ne fasse pas son travail avec la compétence attendue. Le texte est très clair à 179.1. Ça dit que les membres du tribunal doivent exercer utilement leurs fonctions, maintenir leur compétence, agir avec diligence. Et si...
Au lieu d'instaurer un régime d'évaluation du rendement qui serait fait par le président dans ses fonctions, dans ses pouvoirs, et selon des règles établies par l'exécutif, c'est-à-dire par le gouvernement, plutôt que d'avoir ça, qui est un terrain très fragile sur le plan de l'indépendance et de l'impartialité, reprenez l'article 179.1, mettez ça dans les fonctions du président, qui a entre autres pour fonctions, en plus de la déontologie, de veiller à ce que les membres du tribunal exercent utilement leurs fonctions, maintiennent leur compétence et agissent avec diligence.
Ceci étant fait, après, s'il arrive quelque chose, le Conseil de la justice administrative, qu'on a présumé, nous, qu'il demeurerait en place, avec les travaux, va s'occuper de la plainte et verra, le cas échéant, l'importance et puis les remèdes à apporter.
M. Bédard: Merci. Autre question que vous abordez, et qu'on a étudiée, et que le ministre a abordée tantôt: toute la problématique relativement à ceux et celles qui s'improvisent, qui représentent mal les administrés devant votre tribunal. Plusieurs suggestions, bon, dans le projet de loi, mais aussi vous avez entendu plusieurs personnes en terme d'accréditation. Vous en suggérez possiblement deux aussi.
La semaine dernière, des commissaires sont venus nous faire part, ou nous mettre au courant, ou nous donner l'information à l'effet qu'il existerait, de par les compétences inhérentes d'un tribunal, le pouvoir de réglementer évidemment ceux et celles qui s'y trouvent, y incluant le pouvoir d'exclure des gens qui n'auraient pas... qu'ils jugeraient non aptes effectivement à représenter, et même d'émettre un... de faire un règlement encadrant la compétence, entre guillemets, je vous dirais ? vraiment entre guillemets ? du moins, la pratique qui est faite, là, devant eux.
n(11 h 40)n Est-ce que la CLP a déjà envisagé d'adopter un tel règlement? Parce qu'on me dit que ça existe devant d'autres tribunaux administratifs. On m'a cité, je crois, la Colombie-Britannique, où le tribunal même avait fait un règlement encadrant cette pratique des représentants. Est-ce que vous connaissez ce pouvoir ou avez-vous déjà songé à l'exercer?
M. Robichaud (Gilles): Non. Je ne le connais pas et, si Me Turp était là ou, enfin, Me Moreau... Je l'ai vu aussi, je l'ai regardé, là, on n'a pas de pouvoir inhérent, c'est une des différences essentielles entre ce qu'on appelle les tribunaux administratifs et les cours civiles ou les tribunaux judiciaires.
Ceci étant dit, c'est fort possible qu'il puisse exister ? et ça n'a sûrement pas passé le test ? qu'il puisse exister une façon d'encadrer, on pourrait le faire. Ce qu'on a déjà, qu'on connaît, c'est quelqu'un qui fait de la procédure abusive, lui, on peut sanctionner, on peut sanctionner, on peut imposer des frais qui n'ont jamais été faits, parce que ça prend un règlement, puis le règlement, il n'y en a pas.
Mais, quant aux personnes qui sont incompétentes, bien sûr, on est en train de préparer un code de déontologie... pas un code de déontologie mais presque, pour les experts médicaux. On va demander aux experts médicaux qui vont se présenter devant nous de correspondre, en fait, de faire... de produire leur expertise et de faire leur témoignage en considérant qu'ils ne sont pas au service d'une partie, mais qu'ils sont au service de la cour, et puis on va essayer d'encadrer le travail des experts médicaux, mais on ne sera pas capables de dire à un expert médical: Tu n'es pas compétent, puis on va... À moins d'avoir des pouvoirs qui soient dans la loi, ce qu'on n'a pas. Actuellement, on n'a pas les pouvoirs. Moi, je ne pense pas qu'on ait les pouvoirs de dire à quelqu'un: Tu ne représenteras plus cette personne parce que tu es incompétent. On a les pouvoirs de se revirer de bord puis de dire à maître un tel: Écoutez, maître, si vous continuez de ce ton-là, vous allez avoir à rendre compte devant le syndic, chez vous, du Barreau. Ça, on peut faire ça avec n'importe qui de n'importe quelle corporation. Ça peut être dit autrement, on peut sortir de l'audience puis dire: Écoutez, maître, ça va faire.
Mais de là à dire à quelqu'un, comme vous le dites, là... d'avoir un règlement interne qui nous autorise à agir à l'encontre de quelqu'un qui serait incompétent, je ne sais pas, je ne pense pas que constitutionnellement, pour le moment, ce soit possible, mais sûrement pas de notre propre facture, si on n'a pas la loi qui nous le permet, puis après ça, bien, on verra.
M. Bédard: O.K. Mais c'était le pendant... c'était un jugement, je vous dirais, de la Cour fédérale évidemment qui est plus judiciaire, mais à ce moment-là... Et je ne l'ai pas vérifié, je vous avouerais, mais on me disait que les tribunaux administratifs de la Colombie-Britannique auraient adopté ce type de règlement, et je voulais le vérifier avec vous, mais je constate effectivement que vous avez... De toute façon, dans tous les cas, un tribunal administratif n'a les pouvoirs... que ceux qui lui sont concédés par le législateur. Et vous en déduisez, vous, que, effectivement, ce n'est que par l'intervention du ministre et du gouvernement, c'est la seule façon de pouvoir réglementer et empêcher ces pratiques.
Vous avez aussi une position que je veux bien comprendre. Au niveau de l'article 60, vous avez vu relativement, là, à ceux et celles qui ont occupé des fonctions comme fonctionnaires dans l'Administration publique et... donc le projet de loi prévoit la bonne conduite, donc la nomination selon bonne conduite, plutôt. Et plusieurs sont venus nous dire, plusieurs qui plaident ? ça a été souvent, je vous dirais, des plaideurs... Écoutez, le pendant de cela, c'est, si vous dites qu'ils sont effectivement indépendants, d'enlever tout lien, tout droit de retour, si on veut, avec la fonction publique, donc d'abolir l'article 60, tel qu'il est mentionné dans la Loi sur la justice administrative, qui est celui qui prévoit la protection des anciens fonctionnaires. Vous, vous avez une position qui est un peu différente; vous nous dites finalement: Si on l'abolit, il ne faut pas l'abolir pour ceux qui sont là actuellement ou... Est-ce que c'est ça tout simplement?
M. Robichaud (Gilles): Exact. Parce que, pour nous, ceux qui sont là, de contrat en contrat, ou, de renouvellement de mandat en renouvellement de mandat, se sont vus maintenir ces avantages-là qui nous apparaissent comme des droits acquis, là. C'est le terme qu'on utilise. Mais, en termes contractuels, toutes les personnes qui ont été renouvelées ? dernièrement, il y en a un grand nombre qui ont été renouvelées pour cinq ans, parce que c'était encore les mandats de cinq ans ? ont été renouvelées avec entendement que, s'ils ont 125 jours de maladie d'accumulés, ce qu'on n'accumule pas comme commissaire, mais ce qu'on accumulait avant dans la fonction publique... alors, quand ils sont entrés, ils conservent ces congés-là, conservent leur régime de retraite, conservent... On a un mois de vacances par année, les gens qui avaient déjà accumulé cinq semaines ou qui les accumulent, par l'effet du temps, qui sont rendus à six, ils y ont droit encore.
Et c'est à tout le moins depuis... Les contrats ou les renouvellements de mandats ont été faits. Même chose pour ceux qui ne sont pas de la fonction publique: on avait droit à une prime de départ d'une semaine, c'est-à-dire d'une journée... d'un mois par année de service jusqu'à concurrence d'un an.
Tout le monde qui a été renouvelé pour les cinq prochaines années a été renouvelé avec, comme entendement, qu'à la fin de leurs cinq ans, leur prime de départ est toujours là. Alors, ce qu'on dit, nous, c'est que, si on devait leur enlever pour la durée de leur mandat ou si on devait changer les règles, il faudrait au moins respecter que ces choses-là sont comme de l'acquis puis proposer... il peut y avoir... On a parlé, j'ai entendu parler d'une clause crépusculaire, là, qui dit qu'après un certain temps... On ne parle pas de ça pour les nouveaux. Les nouvelles personnes qui arrivent dans un régime, selon bonne conduite, entrent selon bonne conduite. Les garanties sont là, on n'a pas besoin d'avoir les mêmes...
Le Président (M. Simard): Je dois vous interrompre parce que nous avons déjà dépassé depuis quelques minutes le temps maximum.
M. Bédard: Alors, simplement, je tiens à vous remercier aussi. Vos commentaires... J'ai vu mon collègue le député de Mercier. Il tenait aussi à vous faire part de ses remerciements sincères et il regrettait de ne pas être présent pour des raisons bien justifiées. Alors, merci.
Le Président (M. Simard): Il reste du temps pour la partie ministérielle. Et je pense que le ministre veut vous poser une autre question.
M. Bellemare: Oui, quelques mises au point, M. le président et aux membres de votre association ici présents, concernant certains points que vous avez soulevés tantôt. Le motif raisonnable. On va proposer des amendements relativement au critère d'extension de délai qui deviendrait le motif raisonnable pour l'ensemble des divisions.
Le Conseil de la justice administrative, on les a entendus en commission parlementaire, et je pense qu'il y a unanimité sur la nécessité de maintenir une structure déontologique qui pourrait être... prendre la forme d'un conseil à dimension réduite.
La demande de faire en sorte que les ententes puissent être confirmées dans la mesure où elles sont conformes à la loi, c'est déjà réglé, on en a parlé avec... je crois que mon collègue de l'opposition s'est montré favorable également.
Et, concernant le nom du tribunal, évidemment, ce ne sera pas le TRAQ, là, soyez rassurés là-dessus. Ça va être autre chose que le TRAQ; probablement le TAQ ou quelque suggestion qui pourrait venir d'ici à la fin de nos travaux, jeudi après-midi.
On nous a parlé du paritarisme, je reviens là-dessus, comme étant justifié sur la base du fait que les litiges tranchés par la CLP seraient des litiges relevant des relations de travail. Qu'en est-il?
M. Robichaud (Gilles): Bien, écoutez, nous, c'est à peu près... Quand on arrive au tribunal, les problèmes de relations de travail, s'ils n'ont pas été capables de régler ce qui nous est présenté, c'est devenu des problèmes de droit et puis ça doit être tranché en droit.
Je pense qu'il y a une confusion importante à vouloir faire croire qu'on fait des relations de travail puis qu'on est dans une situation de relations de travail, confusion qui nous amène... qu'on ne verrait pas ailleurs quand on parle d'une mutuelle d'assurance qui a un conseil d'administration et puis que des membres du conseil d'administration délégueraient auprès du juge, dans des chicanes d'assurance ? qui ne sont pas des accidents de travail ? deux représentants de la mutuelle pour l'aider à rendre sa décision. Il n'y a personne qui penserait à quelque chose d'aussi original.
Le paritarisme, s'il existe dans des endroits où on a des gens à temps complet qui prêtent serment d'impartialité et qu'on embauche parce qu'on considère qu'ils connaissent le milieu, qu'ils ont une expérience pertinente du milieu, ils sont légaux... Que ce soit le Conseil canadien des relations de travail, là où ça existe, les gens sont à temps complet, prêtent un serment d'impartialité. Ils doivent avoir les mêmes compétences comme décideurs même s'ils sont juste assesseurs. Mais pour... Alors, ce ne sont pas des relations de travail.
Le plus loin qu'on peut aller en parlant de relations de travail, c'est quand on parle de conciliation. Les gens peuvent à la dernière minute essayer de s'entendre entre eux, faire une entente. Mais, encore là, cette entente-là doit être confirmée par une décision, doit être entérinée par une décision. Quand la conciliation est terminée, il n'y en a plus.
n(11 h 50)n Il y a des terrains fertiles à parler de l'utilité d'avoir des gens pour aider le décideur parce que ça pourrait être considéré comme des relations de travail; c'est la partie CSST de notre travail. La partie CSST de notre travail, c'est à peine... c'est moins de 1 % des causes ? je n'ai même pas les statistiques: le droit de refus qui est exercé par quelqu'un sur un chantier ou ailleurs, qui sent sa santé menacée, l'intervention d'un inspecteur et l'appel des décisions qui sont rendues, suite à l'intervention de l'inspecteur, auprès du tribunal. Peut-être que, si on devait aller sur un chantier vérifier ce qui s'est passé, si le droit de refus était justifié ou pas, plutôt que de rester dans notre tribunal, peut-être que, oui, on pourrait parler, là, de l'importance d'avoir des gens. Quand on parle... Bon, là, je vous parle de droit de refus.
Quand on parle de l'article 32, un congédiement, écoutez, la cour... les cours ont décidé que c'étaient des relations de travail puis qu'on ne pouvait pas se mêler des affaires du fédéral parce qu'une entreprise fédérale ne respecterait pas ou ferait de l'intimidation à son travailleur parce qu'il a logé une plainte. Bon, on est divisés sur cette question-là. Mais l'article 32 ne représente... Les congédiements, là, à cause de l'exercice d'un droit, au Québec, on a à peine... tu sais, c'est une sur 1 000 causes peut-être, là, qu'on a des questions de droit de refus. Là aussi, peut-être, à la limite, qu'on pourrait dire...
Mais, quand on a quitté le terrain de ce qu'on appelle la Loi sur la santé et la sécurité du travail et son application, quand on est dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, il n'y a plus de relations de travail là; vous êtes devant un tribunal puis vous vous attendez... puis les gens qui viennent devant nous s'attendent à ce que le tribunal soit compétent pour rendre la décision, pas nécessairement à être encadrés.
M. Bellemare: Merci.
Le Président (M. Simard): Voilà qui met fin à cet échange, M. Robichaud et ceux qui vous accompagnent, M. Ouellet, M. Lacroix, Mme Thériault, M. Lemire. Et je vais vérifier s'il nous reste du temps. Je pensais que vous aviez terminé, je m'en excuse. Il reste deux minutes, et c'est habituellement ce qu'on vous laisse pour terminer. On admire de plus en plus votre brièveté, d'ailleurs.
M. Moreau: Bien, je me sens visé. Écoutez, M. le Président, je me sens visé parce que, à chaque fois que vous me donnez la parole, vous me rappelez le temps qu'il me reste. Non, je voulais à mon tour vous remercier, Me Robichaud, pour les bonnes paroles, vous féliciter pour le mémoire.
Je vais très rapidement sur la question de la régionalisation. Me Stringer tantôt a fait part à cette commission d'une crainte qu'il avait que la régionalisation pouvait amener dans certains secteurs où, par exemple, un employeur ? et ça tombe tout à fait dans votre domaine ? qui génère 30 % ou 40 % des causes au rôle... sur le fait que ça puisse donner une apparence qui porte atteinte à l'impartialité des décideurs.
Bon, l'article 144 de la Loi sur la justice administrative n'est pas modifié par le projet de loi n° 35, prévoit des motifs de récusation qui sont plus larges que ceux attribuables aux tribunaux judiciaires. Alors, on a le pendant dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, 429.42, 429.43. Selon votre expérience, là, est-ce qu'il est arrivé que des membres, parce que vous êtes régionalisés, aient eu à se retirer parce qu'ils avaient entendu beaucoup de causes provenant d'une même entreprise dans une région?
M. Robichaud (Gilles): Nous, on a une règle qui fait qu'un représentant... Un représentant normalement ne se présente pas dans la même région. Me Stringer, comme plusieurs autres, fait le tour de la province. Mais, dans une même région, un membre paritaire, qu'il soit employeur...
M. Moreau: Je ne parle pas du membre paritaire, je parle du décideur de la CLP.
M. Robichaud (Gilles): Ah! Mais, sur cette question-là, je pense que je vous parlerai de la pratique des gens qui viennent de l'extérieur puis qui sont dans une région. Moi, j'en ai fait à peu près une quinzaine d'années avec la CSN, et il est évident que les métropolitains, dans des structures où on est accueillis par un arbitre de griefs ? je vais vous parler juste de l'arbitrage de griefs pour tout de suite et très rapidement ? quand on arrive de l'extérieur et que l'arbitre vient de la région et que les procureurs ou le procureur qui est notre adversaire vient aussi de la région, il est possible des fois qu'on se sente un peu mal à l'aise. Ce n'est pas une raison pour dire que la régionalisation n'est pas bonne.
Ce que la régionalisation a pour effet dans beaucoup de cas, c'est justement de faire en sorte qu'il va y avoir plus de procureurs de la région, autant du côté des employeurs que du côté des syndicats.
M. Moreau: Des travailleurs.
M. Robichaud (Gilles): Alors, quand je l'ai fait pendant une quinzaine d'années au moins, Val-d'Or, Gaspé, pour plaider pour la CSN, quand on arrivait avec l'avion, avec l'arbitre de griefs dans le même avion, le procureur patronal puis moi, il y avait bien plus à craindre pour celui qui était à l'autre bout, quant à l'issue de sa décision.
Alors, ça m'a fait sourire un peu quand j'ai entendu... mais Me Stringer l'a fait avec beaucoup, beaucoup de réserves en disant qu'il n'attaquait pas l'impartialité des commissaires. Mais on peut comprendre cette perception-là. Moi, je vous dirais que c'est la perception des métropolitains quand ils arrivent en région. Mais je ne veux pas cabotiner avec ça. Et, si en région le commissaire ou le juge administratif à Gaspé joue au golf, il n'y a rien qu'un terrain de golf, il y a de fortes chances qu'il rencontre aussi le procureur, certains des avocats qui défendent les employeurs, puis d'autres qui défendent les travailleurs. C'est un risque. Je ne sais pas si...
Une voix: Bien, je peux peut-être...
Le Président (M. Simard): ...rencontre pas souvent le député. Sur ce, je dois mettre fin à nos échanges, et...
M. Lacroix (Neuville): Vous permettez, peut-être rajouter, 30 secondes...
Le Président (M. Simard): 30 secondes, vraiment.
M. Lacroix (Neuville): Il ne faut pas oublier non plus que les commissaires vont dans d'autres régions, hein! Il y a des équipes volantes qui se promènent d'un endroit à l'autre. Alors, ça arrive souvent que, à un endroit où il y a un seul commissaire ou deux, on fasse appel à des gens de Montréal, de Laval, de Saint-Jérôme pour aller siéger, parce qu'ils sont en vacances, malades, ou qu'ils ont besoin de personnel additionnel. Alors, c'est un peu tempéré, l'affirmation de Me Stringer, à cet égard-là.
n(12 heures)nLe Président (M. Simard): Merci beaucoup. Alors, merci de votre collaboration. Et j'invite tout de suite le groupe suivant, en fait, Me Michel Charette, à se joindre à nous.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Simard): Nous allons reprendre nos travaux, et j'invite tout le monde à reprendre place. J'ai à mon ordre du jour que nous recevons Me Michel Charette, mais je m'aperçois qu'il s'est dédoublé. Alors, il va nous présenter celle qui l'accompagne.
M. Michel Charette et Mme Rachel Turcot
M. Charette (Michel): Je suis accompagné de Mme Rachel Turcot qui, en lui parlant... C'est une nouvelle cliente que j'ai eue et qui va bien illustrer un certain point, vous allez voir, dans ma partie de commentaires. C'est quelque chose que je ne fais pas habituellement en audition, c'est-à-dire que je n'amène pas un témoin que je n'ai pas préparé d'avance. Vous allez voir, c'est quelqu'un qui a une très grande crédibilité, et je vais lui laisser quelques minutes même si j'ai préparé quelque chose que, je me rends compte, avec les règles fixes que la commission a au niveau des délais... Je pourrais peut-être parler pendant quelques heures au niveau de...
Le Président (M. Simard): Vous vous en abstiendrez.
M. Charette (Michel): Je vais tenter de me limiter à l'essentiel. C'est la raison pour laquelle je vous ai présenté ? et je remercie M. le ministre et les membres de la commission de m'avoir invité ? c'est la raison pour laquelle j'ai présenté un document qui s'appelle Réflexions sur le projet de loi n° 35. Je suis bien conscient qu'on est dans les dernières journées de présentation des... et plusieurs organismes ont fait des mémoires détaillés et structurés. J'ai pris connaissance d'une bonne partie de ces documents. Quant à moi, je voulais présenter une version personnelle de ma façon de voir la situation actuelle, parce que, vous savez, ça fait 20 ans... Je suis avocat depuis 1983. J'ai fait mon stage d'avocat à la CSST et, par la suite, j'ai commencé à travailler dans le domaine du droit social immédiatement après en représentant uniquement des victimes, donc du côté des travailleurs, au niveau de la CSST, au niveau de la SAAQ, au niveau de l'IVAC, au niveau de la Régie des rentes du Québec.
En 1983, simplement pour un petit rappel, on était à l'époque à ce moment-là de la LAT, de l'ancienne loi, pour lesquelles au niveau de la CSST... pour lesquelles on s'en allait au Bureau de révision, qui était un membre seul, et un appel à la Commission des affaires sociales. Par la suite, il y a eu les bureaux de révision paritaire, puis on allait à la Commission des lésions professionnelles en 1985. Donc, j'ai vécu l'ancienne loi, la Commission des affaires sociales qui entendait les cas de SAAQ, de CSST, qui était le tribunal de dernier appel, unique en matière de droit social. En 1985, ça a changé beaucoup: on a institué la Commission des lésions professionnelles, le 19 août 1985, avec la LATMP. J'ai travaillé à l'élaboration des premiers principes à ce niveau-là.
À partir de ce moment-là, un des points que je voulais rappeler à la commission, parce qu'on tombe dans les... on est dans la situation technique, les délais, etc., le premier point, le premier élément, c'est l'objectif des lois qui sous-tendent... qui sont touchées par le projet de loi n° 35. Normalement, ce sont des lois qui... Le premier objectif, c'est la réparation des lésions. Que ce soit un accident de travail, que ce soit un accident d'auto, que ce soit une victime d'acte criminel, on veut réparer les lésions et les conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.
C'est quoi, les conséquences? Évidemment, c'est les blessures, l'aspect médical, l'indemnité de remplacement de revenu, les séquelles permanentes et, un point bien important au niveau de la LATMP, la réadaptation professionnelle. Cela touche les fondements de toute une vie pour les victimes, je tenais à le souligner. Il y a peu de gens qui sont préparés à devenir une victime. Autre que le débat juridique ou le cadre juridique, la victime, au départ, n'est pas préparée à embarquer dans ce processus.
Sur le projet de loi n° 35, j'ai fait mes démarches personnelles auprès de mes clients. J'en ai parlé pour vérifier un peu quelle était leur perception. À première vue, pour eux, ils ne savent même pas c'est quoi, ils ne savent pas de quoi on parle. Lorsqu'on leur explique un peu les modifications, en général, il y a une perception qui est très positive, surtout dans les cas ? je le mentionne un petit peu dans mon document ? dans les cas de décisions conjointes SAAQ-CSST. Il faut vraiment avoir plaidé dans un de ces dossiers pour comprendre la complexité, et je pense qu'il n'y a pas beaucoup de victimes qui peuvent se représenter seules dans un dossier conjoint SAAQ-CSST.
Pour l'avocat, pour moi-même, je considère que le projet de loi n° 35 n'est pas une révolution ? j'aurais aimé que ça aille plus loin dans certains cas ? mais c'est certainement une évolution judiciaire. Je suis bien conscient de cette étape-là.
Bref, en résumé, il y a la fusion des tribunaux de dernière instance qui, pour moi, est évidente, évidente et logique. Le paritarisme est une illusion de démocratie, et je vais vous en parler un petit peu tantôt. Les mécanismes de révision sont pertinents ? je parle du projet de loi ? pertinents dans un contexte où on ajoute la conciliation. Évidemment ? puis je pense que ça fait l'unanimité maintenant, mais lorsque j'ai préparé mon document... la présomption d'abandon d'appel, j'espère qu'on ne retrouvera jamais ça dans le projet de loi ou dans la loi définitive parce que c'est quelque chose qui est totalement aberrant.
Il y a certains points à développer, la conciliation, les conférences de gestion. Je n'ai pas vu beaucoup de gens... Au niveau du TAQ, on commence à en faire. C'est plus exigeant pour les avocats d'avoir une conférence de gestion, entre autres pour l'échéancier, mais je pense que c'est quelque chose qui peut marcher, qui peut aider à accélérer le débat.
Les délais, évidemment, c'est là-dessus que Mme Turcot va nous parler un petit peu. La communication avec l'organisme, je pense qu'à la base, si on pouvait faciliter les communications avec les organismes, je pense que ce serait déjà un gros point important, entre autres. Puis je vais essayer de ne pas trop tomber sur le dos de la SAAQ parce qu'il y en a d'autres qui l'ont fait avant, mais je vous dis que c'est le pire organisme qui est présentement devant vous dans ce qu'on a à ce niveau-là. Je ne sais pas pourquoi.
Lorsque les victimes... Premièrement, en substance, au niveau du projet de loi, le statut des membres du TRAQ... Et je pense que le TRAQ n'est pas une bonne appellation, on devrait l'appeler le TAQ, ma suggestion personnelle. C'est le Tribunal administratif du Québec, je pense que c'est complet. Les victimes, lorsqu'elles sont entendues devant le TAQ, croient être entendues par un juge; donc qu'on cesse de les appeler des membres de la commission, des commissaires, on devrait les appeler des juges administratifs. Pour moi, c'est clair, les juges rendent des jugements et, pour moi, c'est un... Les victimes auraient l'impression que le cas de justice est réglé par un juge. Pour eux autres, un commissaire ou un autre, ça a plus ou moins de valeur. Il doit s'agir évidemment d'un juge qui n'est lié par aucune directive interne ? et c'est là le principal problème de la révision ? autre qu'un code d'éthique et de déontologie, et qui n'est redevable que par sa bonne conduite. Entièrement d'accord avec ça.
Évidemment, le juge administratif devra être compétent. Je n'ai pas de problème avec ce qu'on a actuellement, mais il va de soi qu'il devrait détenir une formation juridique. Le principal problème, quand on n'a pas de formation juridique... Et le meilleur exemple est au niveau du Bureau de révision de la SAAQ. Un, au Bureau de révision de la SAAQ, ils ne veulent pas assermenter les témoins, première des choses. Ils n'ont maintenant qu'un seul petit dossier devant eux, pas question de parler de fardeau de droit, pas question de parler de balance des probabilités, pas question de parler de règles de preuve, on n'est pas entendu de toute façon.
En général... Ça fait plusieurs années que je ne vais plus au Bureau de révision. J'y vais quand même demain ? dans certains cas où là c'est tellement évident ? j'espère que le Bureau de révision va pouvoir se pencher sur ce cas-là. Je fais des tentatives à l'occasion, mais c'est vraiment un mécanisme inutile qui ne sert absolument à rien ? au niveau du Bureau de révision de la SAAQ, je parle.
Je soulignais qu'il faut plus que 15 minutes ou une formation d'une semaine ou deux pour avoir une notion... ou des notions de droit pertinent. Et je vous souligne qu'un avocat, ça prend quatre ans de formation pour avoir une formation de base, on ne parle pas de spécialité. Et, de ce que je me souviens de mes études en droit, il y avait beaucoup de matière à assimiler.
Je disais qu'il était frustrant de... devant une victime au Bureau de révision. D'ailleurs, le Bureau de révision... Et je vous rappelle un petit peu une publicité qu'on a eue voilà deux ou trois ans, dans le temps des fêtes, la SAAQ nous envoyait une publicité qui disait qu'ils étaient fiers de nous dire qu'au niveau de la révision 82 % des décisions étaient maintenues, donc qui étaient bonnes. Je vous souligne que ça fait 82 % des victimes qui ne sont pas contentes. 82 %, ça commence à faire un problème à ce niveau-là.
En général, une décision du Bureau de révision, c'est typique, peu importent les experts, peu importe la présentation qu'on fait, peu importe la qualité, que ça dure une journée ou pas. Il appartient aux requérants de démontrer... Malgré la preuve présentée, le réviseur abonde dans le sens du Bureau médical de la SAAQ et, peu importe, ça se termine là, c'est un formulaire que les réviseurs remplissent à ce niveau-là.
n(12 h 10)n Le problème, c'est que, pour être entendu devant le Bureau de révision de la SAAQ, ça prend 10, 12, 15 mois, peu importe. Et on n'a aucune difficulté à obtenir une remise devant le Bureau de révision, ça ne les dérange pas, de toute façon. Ils sont d'une gentillesse exemplaire, en passant. Ce n'est pas parce qu'ils ne sont pas gentils, les membres du Bureau de révision, ils sont fantastiques. Toutes mes victimes, toutes les victimes du Bureau de révision ont l'impression d'avoir gagné en sortant du Bureau de révision de la SAAQ. Félicitations, ça a bien été! Moi, je le sais très bien. Mes clients disent: Ah, on est contents, ça a bien été, vous avez fait une belle présentation. Je sais que la décision va être négative à 80 %... en tout cas, minimum 80 %. C'est une illusion. Et qu'est-ce que ça fait? Les gens reçoivent une décision du Bureau de révision... On est sûrs d'avoir gagné ? et j'en ai des centaines d'exemples en tête ? et on reçoit ça, puis, mon Dieu... mais là ça ne ressemble même pas à l'audition qu'on a eue. C'est la réalité que je vis à tous les jours à ce niveau-là. Donc, on ne perd plus de temps au niveau du Bureau de révision.
Je ne veux pas trop embarquer là-dessus, là, mais donc on dit, à la page 6 de mon document: «Pourtant, le résultat est décevant et j'ajouterais "volontairement décevant" afin de décourager le plus de victimes possible.» Ma perception, c'est que plus la décision va être radicale, catégorique... On a analysé la preuve, les dossiers, les expertises médicales, plus c'est catégorique, bien la moitié du monde vont laisser tomber, vont dire: Ah bien, là, je n'ai pas de chance. Contre le gouvernement, je suis perdu d'avance, c'est acheté d'avance. Alors que, au niveau du Tribunal administratif, là, on parle d'autre chose. Donc, le Bureau de révision de la SAAQ, c'est une vraie farce.
(Panne de son)
...de la régionalisation, je pratique dans toutes les régions du Québec. Je viens de la Mauricie; mon bureau est à Montréal; je pratique Québec, Montréal, Chicoutimi, peu importe. J'ai fait, depuis 20 ans, toutes les régions. Et, en comparant le Tribunal administratif du Québec actuel et la Commission des lésions professionnelles, il est évident que la régionalisation s'impose au niveau d'une fusion, parce que, évidemment, je suis pour la fusion du tribunal. La très grande majorité de mes clients devant le TAQ sont surpris et déçus qu'un dossier aussi important que le leur... Parce que, eux, là, ils ne font pas ça à tous les jours, ils vont là pour leur dossier, ils sont déçus de se retrouver dans un sous-sol ou dans une salle d'hôtel. Pas plus. Et, quand... Mois de janvier, le 8 janvier, je crois, je plaidais à Drummondville, et la victime s'est suicidée suite à un accident d'auto, bref, et les parents arrivent dans une audition: Mais, mon Dieu, qu'est-ce qu'on fait dans un hôtel? C'est le cas et... Ça ne semble pas avoir le décorum et ce n'est pas une bonne place. De toute façon, on n'a pas d'endroit. On s'est rencontré dans le corridor, même si on s'était rencontré avant. Mais la discussion avant, il n'y avait pas de place possible pour ça, à moins d'aller dans des places plus... ou à l'extérieur.
C'est souvent... Il ne faut pas oublier que les victimes, c'est la première expérience des victimes devant un tribunal. C'est donc pour eux... Ça devrait ressembler un tant soit peu à un décorum de... Je le souligne, un tribunal devrait ressembler à un tribunal, même en droit social. Je pense que c'est fondamental. L'image de la justice ne serait que mieux rendue. C'est un plus grand respect tant pour les victimes que pour l'organisme.
Donc, je réaffirme évidemment ? puis je pense que je ne suis pas le seul ? que la fusion du TAQ et de la CLP, entre autres ? je parlais de la fusion des tribunaux ? dans les locaux de la Commission des lésions professionnelles peut très bien se faire. D'ailleurs, à Montréal, le TAQ est à la même adresse que la CLP. On change d'étage, tout simplement. À toutes les fois que je vais plaider devant le TAQ ou à la CLP à Montréal, je me demande: Est-ce que je suis au 18e ou au 23e? C'est simple, c'est à la même place. C'est le même genre, les mêmes salles, la même procédure.
Le paritarisme ? et je tiens absolument à parler du paritarisme ? ça n'existe qu'en matière de lésions professionnelles. Chaque audition tenue devant la Commission des lésions professionnelles me démontre qu'il s'agit de dépenses complètement inutiles. En premier lieu, les membres paritaires n'ont aucun pouvoir d'opinion au niveau décisionnel, c'est-à-dire que, dans chacune des décisions, le commissaire doit écrire la position des membres paritaires. En général, le membre patronal est d'avis ou de la position de l'employeur et le membre syndical opine dans le sens du travailleur. Les motifs des représentants sont rarement élaborés et relèvent beaucoup plus du cliché et de la partisanerie.
Les membres paritaires savent d'avance que leur opinion ne vaut absolument rien ? en tout cas, c'est mon impression ? et ils ne posent généralement qu'une ou deux questions lors de l'audition. Je vous parle dans les cas que, moi, je vis. Je ne sais pas... Je ne suis pas commissaire, donc je ne sais pas dans les autres auditions. Je vous ai amené un exemple puis je vous ai cité une décision du 15 décembre 2003. 15 décembre 2003, c'était hier, dans le coin de Trois-Rivières, Michel Garceau, d'Abitibi-Consol. Je vous ai rapporté les membres... le point 48 de la décision où les membres... Et c'était une question d'admissibilité. Vous prévoyez, M. le ministre, dans votre projet de loi, de dire que peut-être qu'il y a une option au niveau de... lorsque c'est question de l'admissibilité de la lésion, de parler d'un paritarisme. En aucun cas, pour moi. Je ne suis pas d'accord avec ça.
Le meilleur exemple, 15 décembre 2003, hier: «Les membres issus ? à la page 7 ? des associations syndicales et d'employeurs partagent le même avis.» Les deux étaient d'accord qu'on devait pouvoir accorder le bénéfice du doute que la présomption s'appliquait et que, oui, la lésion devait être acceptée. Les motifs de la décision, page 8: 49. «Pour rendre sa décision, la Commission des lésions [...] a pris connaissance de l'ensemble de la documentation [...] des témoignages rendus [...] de l'argumentation des parties et tenu compte de l'avis des membres. En conséquence ? elle rend [...] la décision suivante: Rejette la requête...» Donc, le membre des représentants des travailleurs, le même représentant des employeurs sont du même avis d'accepter ou ont tenu compte... On tient compte de l'avis, mais pourtant on l'écarte cavalièrement. Et ça, ça m'est déjà arrivé dans d'autres auditions.
Le paragraphe suivant est important. Comment expliquer à un travailleur que la majorité ne l'emporte pas? Qu'en est-il de la démocratie ou même de l'image de la démocratie? On est deux contre un. Qu'est-ce qu'il en est? Qu'est-ce qu'on fait? À notre avis, le paritarisme de la Commission des lésions professionnelles dénature l'image de la justice. Mon client, là, je ne l'ai pas encore rencontré, suite à ça. J'ai reçu la décision, j'ai dit: Lis-la comme il faut, on va se rencontrer pour en expliquer, voir qu'est-ce qu'on fait. Comment qu'on fait pour parler de la démocratie là-dedans? Ils sont deux contre un, qu'est-ce qu'on fait? Je ne le sais pas.
Je dis, malgré ce que prévoit le projet de loi, qu'il ne devrait en aucun cas y avoir de membres paritaires. J'ai entendu vos questions tantôt, en aucun cas, même pas d'option à partir de là. Pourquoi? Le commissaire... Je dis: Nous croyons qu'un juge administratif ayant une formation juridique et une formation spécialisée selon la section où il sera assigné peut facilement entendre et décider d'une réclamation d'une victime. Même sur l'admissibilité de la réclamation, nous n'avons aucun doute à cet effet. Pour moi, le commissaire, le juge administratif a tous les pouvoirs. Il est capable de rendre sa décision sans être, je dirais, accompagné de quelqu'un qui a juste un pouvoir de dire: Bien oui, regarde, tu sais, je prends la position du travailleur; je prends la position de l'employeur.
Évidemment, il aura la possibilité de s'adjoindre des assesseurs, des assesseurs experts, entre autres en médical. Je vous souligne que cependant c'est le commissaire seul qui rend sa décision, qui doit rendre sa décision. Je réaffirme le principe de la nécessité d'une formation juridique parce que les médecins, même experts, ont une formation en médecine. Le médecin devrait donner une opinion médicale, ne devrait pas donner une opinion juridique. Il devrait donner une opinion médicale, et le juge administratif doit évaluer cette opinion dans une perspective juridique en tenant compte de toutes les règles de droit.
Évidemment, ça a un couteau à deux tranchants. Dans un contexte où la qualité de preuve incombe toujours au requérant, si la personne veut se présenter seule, c'est à son choix. Cependant, la preuve présentée... Le danger, c'est de se présenter puis faire une preuve inadéquate. Je souligne que le juge administratif... Et on a entendu l'Association des commissaires, et c'est ce qu'ils font habituellement, vont conseiller, vont demander effectivement s'ils veulent prendre la peine d'entendre ou d'aller un petit peu plus loin à ce niveau-là.
Je vais passer la parole à Mme Turcot brièvement. Je veux juste vous parler... Parce que je sais qu'elle a le goût de parler. Je lui ai parlé hier. Mme Turcot, c'est une personne qui a déjà travaillé pour la SAAQ, que j'avais eu l'occasion de rencontrer voilà une dizaine d'années dans un dossier d'inemployabilité, d'un cas de 100 quelques pour cent d'incapacité. Elle était engagée par la SAAQ au niveau de la réadaptation. Elle a eu deux accidents malheureux en octobre dernier. Elle commence à vivre de l'autre côté de la clôture, et, à cause des questions qu'elle m'a posées hier, je lui ai dit: Écoutez... Je lui ai demandé: Qu'est-ce que vous faites demain? Venez faire un tour avec moi. Je savais qu'elle aurait la chance de parler un petit peu. Vous allez voir juste la nuance. Elle gagnait 850 $ par semaine, 18 heures par semaine à 41 $. Elle se retrouve avec 114 $, et on est en contestation... par semaine, là. Puis c'est tout à cause du... Là, on est au niveau de la base des problèmes avec la SAAQ, au niveau des agents d'indemnisation. Je laisse la parole ? et pas plus que deux minutes, je vous l'ai dit ? deux minutes à Mme Turcot pour vous expliquer un peu ce qu'elle vit présentement.
Mme Turcot (Rachel): Je veux juste vous expliquer brièvement ce qui m'est arrivé. J'ai eu deux accidents. J'en ai eu un le 17 octobre. Il y a une voiture qui m'a coupée, et j'ai rentré à peu près à 80 km/h dans la voiture. Mes deux sacs se sont déployés. J'ai eu un traumatisme crânien qui n'a pas été décelé lors du premier accident; on a diagnostiqué une entorse cervicale. J'ai su après qu'un traumatisme crânien, les séquelles commençaient à apparaître deux semaines après. Et, deux semaines plus tard effectivement, j'ai commencé à avoir des problèmes de mémoire, des problèmes de concentration. Et mon cerveau n'allait pas aussi vite que mes réflexes, donc j'ai eu un deuxième accident d'auto, je me suis ramassée une deuxième fois à l'hôpital.
n(12 h 20)n Le problème, c'est que... il se situe au niveau des diagnostics. Le premier accident, on diagnostique une entorse cervicale et, le deuxième, on diagnostique un trauma crânien dû au premier accident. Je suis présentement dans le bureau des médecins de la SAAQ où on ne reconnaît pas encore mon trauma crânien. On me traite pour une entorse cervicale. Mon agent d'indem commence à me considérer comme capricieuse. Il me laisse entendre qu'il serait peut-être temps que je reprenne le contrôle de ma voiture et que peut-être que c'est juste psychosomatique, que je n'ai pas de problème neurologique. Donc, il m'a coupé ma physio deux fois: la première fois, en me disant que je ne guérissais pas assez vite au niveau des entorses cervicales; et, la semaine dernière, il m'a coupé ma physio en me disant que j'étais presque guérie, que c'était suffisant, puis d'aller voir ma psychologue. Le problème, c'est qu'il n'y a pas de diagnostic reconnu, donc je me sens comme si on me traitait comme une profiteuse de système, que je veux abuser du système parce que j'ai juste une petite entorse cervicale puis que je veux étirer le temps.
Le deuxième problème que j'ai, c'est que j'avais un nouvel emploi. J'ai des preuves de mon employeur m'attestant un salaire de 41 $ l'heure, 18 heures semaine. L'agent d'indem a dit à mon physiothérapeute: Si elle pense, elle, que je vais la payer 41 $ de l'heure, elle se trompe. Il m'a envoyé 114 $... Si je mets ça sur 30 heures, ça fait 2 $ de l'heure.
J'ai annoncé à mon agent d'indem que j'irais en révision. Il m'a dit: De toute façon, votre délai est passé. Je lui ai dit: Je regrette, mais mon délai n'est pas passé, on n'est pas dans les 60 jours. Il dit: Vous avez intérêt à vous étoffer drôlement parce que je ne changerai pas d'idée.
Là, j'ai appris qu'on allait en appel et que ça pouvait prendre deux ans. Qu'est-ce que je fais, moi, avec 114 $ semaine pendant deux ans? Je n'ai pas droit au chômage, je n'ai pas droit à l'aide sociale, je vais vivre de mes économies et je suis seule. Ça ne couvre même pas le prix de mon loyer, et je me demande comment est-ce que je vais vivre pendant qu'on va prendre... Là, je suis prise dans une procédure. Et je ne me considère pas comme une personne démunie, puisque j'ai travaillé 10 ans pour la Société de l'assurance automobile du Québec avec des traumas crâniens et que j'ai aussi un certificat en droit social et du travail. Et présentement je me sens incapable de gérer mon dossier moi-même. Je suis obligée de faire appel à un avocat que je connaissais. Heureusement que je connais la procédure et la structure parce que jamais je ne m'en sortirais. Et même là je ne sais pas comment je vais m'en sortir. La seule chose que je demande, c'est: qu'est-ce que je fais?
M. Charette (Michel): C'était un petit peu pour illustrer la situation, mais c'est quelque chose de réel.
Le Président (M. Simard): Me Charette, le temps est écoulé, mais je pense que vous avez pu faire valoir la plupart de vos points. Il y aura des questions qui vous permettront sans doute de revenir sur des points sur lesquels vous souhaiteriez parler. Je vais inviter d'abord le ministre à vous poser les premières questions, en nous rappelant tous qu'il est 12 h 23 et que, bon, la journée avance.
M. Bellemare: Alors, Me Charette, merci beaucoup pour votre présence ce matin et pour le mémoire que vous avez soigneusement préparé. Et j'aimerais vous entendre davantage sur le paritarisme parce qu'on va avoir cet après-midi le Conseil du patronat en audience, qui va probablement nous demander de maintenir le paritarisme en nous disant qu'il est essentiel sur les bancs qu'il y ait un membre issu des associations patronales et un membre issu des associations syndicales parce que les litiges, les causes qui doivent être entendues par le Tribunal d'appel relèvent des relations de travail. Est-ce que, à votre avis, c'est exact que les litiges relèvent des relations de travail?
M. Charette (Michel): En aucune façon. Pour moi, c'est... J'aimerais... Je vais certainement être ici cet après-midi pour entendre la position du Conseil du patronat à ce niveau-là. Pour moi, on n'est pas... on est dans une question juridique, d'admissibilité, entre autres, d'une réclamation, que ce soit au niveau de la CSST ou au niveau du TAQ. Le paritarisme est intimidant pour les victimes. Une victime... Puis, même si elle se présente avec moi, la première chose que je fais lorsque je vais en audition, j'explique qu'il va y avoir trois ou quatre personnes, puis la première chose, c'est... On recule un peu, ou le travailleur, ou la victime recule un peu en disant: Mon Dieu! C'est presque la Cour suprême. Pourtant, c'est... C'est quoi, là, mon dossier? Est-ce qu'il y a des médecins là-dessus? Leurs questions, c'est ça. Ce n'est pas de savoir qu'il y a un représentant patronal puis un représentant syndical.
Comme le dit l'Association des commissaires, je pense que la façon de régler la question du paritarisme... Si c'étaient des relations de travail, la conciliation permettrait de régler cette situation-là. Parce que, lorsqu'on arrive en audition, il n'est jamais question de relations de travail. Jamais. D'aucune façon. C'est des questions de droit: Est-ce qu'il y a eu un événement, un accident de travail? Est-ce que c'est en lien avec l'accident? Peu importe, ce ne sont jamais des questions de relations de travail. Le problème de relations de travail, on le vit lorsqu'on tente de discuter. Et j'entendais Me Stringer. Je suis régulièrement contre Me Stringer. Je le connais très bien, c'est un adversaire. C'est rare qu'on a le même point de vue sur un même dossier, hein, on est de l'autre côté, mais c'est quelqu'un qui est très professionnel. On est capables de s'entendre. Et jamais il n'a été question de problèmes de relations de travail. On est assez grands pour se dire: Écoutez, c'est straight, la question en litige, c'est ça; est-ce qu'on est capables de s'entendre? Et, à partir de là, on le fait au niveau de la conciliation. Parce qu'on se parle généralement entre procureurs avant: Bon, écoutez... Qu'est-ce que tu veux? On est-u capables de faire quelque chose ou... alors qu'il y en a pour lesquels il n'y a aucune discussion possible.
Les questions de relations de travail se règlent avant l'audition. Et c'est la raison pour laquelle ? et je vais en profiter pour y revenir ? je suggère que la conciliation soit... La source de beaucoup de problèmes au niveau de la révision... La conciliation doit se faire... L'appel au TAQ est logé. Le processus de révision ou de donner la chance à l'organisme de réviser sa position, je suis d'accord avec ça, pas plus que 90 jours. S'ils le font, tant mieux; s'ils ne le font pas, tant pis, ça continue. Mais, dès que le délai est fini, immédiatement le dossier doit être dirigé en conciliation qui devrait être obligatoire, à partir de là... et non pas attendre deux jours... deux semaines avant l'audition lorsqu'on est rendu 15, 16 mois plus tard. Lorsque le dossier est en état, lorsque l'appel est logé, déjà un conciliateur pourrait régler des contestations futiles qui peuvent se régler facilement, simplement en se parlant, en pas grand temps. Donc, au départ, la conciliation règle les problèmes de relations. On le voit tout de suite, s'il y a un problème de relations à ce moment-là.
M. Bellemare: J'aurai une question ou, en tout cas, un commentaire à formuler à l'endroit de Mme Turcot. Je dois vous dire tout d'abord que je suis très sensible à ce que vous nous avez dit tantôt, aux difficultés reliées à vos démêlés avec la Société de l'assurance automobile. J'ai eu pour un instant l'impression que je revenais à mes anciennes... mon ancienne vie, à l'époque où j'entendais ce genre de commentaires à tous les jours, et je dois vous dire que, même si la mission de la commission n'est pas de revoir le régime d'assurance automobile du Québec... je dois vous dire que nous devons revoir les règles qui vont prévaloir dans le cadre des litiges entre les citoyens et l'Administration publique, que nous allons ? et je parle au nom, je pense, de tous les membres de la commission ? tout faire pour essayer de rétablir l'équilibre entre le citoyen et l'Administration publique dans le cadre des litiges qui seraient tranchés par le tribunal. Sur ce, j'aimerais que mon collègue puisse continuer.
Le Président (M. Simard): Oui. J'ai deux demandes; vous allez établir entre vous la priorité. Mais, j'ai d'abord vu le député de Frontenac, alors ça va être ça, ma priorité. Nous vous écoutons.
M. Lessard: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Simard): S'il vous reste quelques minutes, M. le député...
M. Lessard: Me Charette, alors ça me fait extrêmement plaisir de vous rencontrer. J'apprécie l'approche citoyenne que vous manifestez, démontrez face à l'organisation de l'accessibilité à la justice, finalement, et avec tous ces aléas dont a très bien rappelé madame.
Un aspect de votre mémoire démontre justement cette célérité-là, de diminuer les délais et de rendre finalement le contrat des parties, c'est-à-dire la conciliation. Sur cette efficacité-là, il semble qu'il y a des disparités énormes sur le taux de réussite ou d'application. On regarde la CSST, 52 % des cas, donc une personne sur deux, un citoyen sur deux qui va aller en conciliation, donc dans lequel il va décider de son contrat avec l'autre partie entériné par le juge. Donc, une personne sur deux va avoir immédiatement satisfaction, tandis que, quand on tombe vers la SAAQ, on voit à peu près 15 %, puis il y a une chute dramatique, la Régie des rentes, 10 %. J'aimerais ça vous entendre parler un petit peu... Vous avez un peu élaboré, mais qu'est-ce qui fait qu'on peut s'entendre très bien à la CSST puis pas du tout, ou voire très peu à la SAAQ, ou... Est-ce que c'est la complexité?
M. Charette (Michel): C'est très simple à mon avis: la volonté de l'organisme. Premièrement, la CSST, le 19 août 1985, lorsqu'ils ont fait la nouvelle loi, on a... La CSST, on a voulu justement donner la priorité à la réadaptation et la conciliation. C'est à partir de là que ça a commencé. Quand vous dites que 50 % des gens, un sur deux, vont en conciliation, je vous dirais que, dans 100 % de mes dossiers, mes clients veulent tous aller en conciliation. C'est sûr. Si on peut le régler, pourquoi pas? Je vous dirais que 50 % de mes dossiers se règlent en conciliation au niveau de la CSST.
Au niveau de la SAAQ, le problème est au niveau de la base. J'en parle dans mon mémoire. On a l'impression que les agents sortent l'argent de leurs poches. On a l'impression que c'est eux qui nous disent: Écoutez, là, vous êtes en train de nous voler; on ne vous croit pas ou... Des histoires comme ça, là, je n'en invente pas; il y en a des centaines et des centaines. Prendre... Traiter madame d'abuseuse de système, puis de ce qu'on vit présentement, je vous dis que c'est, pour quelqu'un qui a déjà travaillé là...
n(12 h 30)n Donc, la volonté... Pourquoi, au niveau... Au niveau de la révision, entre autres, écoutez, c'est les directives qui mènent la SAAQ, ce n'est pas compliqué, ce n'est pas... Ce n'est même pas eux autres qui décident. Des directives tellement élaborées, ce qui fait qu'il n'y a pas de décision possible.
Pourquoi, lorsqu'on est en processus de révision... Si l'organisme était «fair», il dirait: Écoutez, on va faire une réelle... on va regarder ça. Y a-t-il quelque chose qui pourrait... Qu'est-ce qui vous ferait plaisir dans votre dossier? Qu'est-ce qui ne fait pas votre affaire? Ça éliminerait beaucoup de frustrations. Il y a certainement 25 % des dossiers qui se régleraient comme ça, en partant, sur des incompréhensions ou des choses... Lorsqu'on appelle l'agent puis qu'on se fait traiter de voleur, on n'a pas le goût de discuter avec, première des choses.
Je dis aussi, au niveau de la SAAQ, un petit conseil: pourquoi l'agent ne devrait pas... qu'on ne devrait pas avoir son numéro direct, personnel? Je donne une félicitation, dans mon mémoire, aux téléphonistes de la SAAQ. Il y a deux numéros pour appeler et essayez de parler à votre agent; si vous n'êtes pas un avocat, vous allez avoir un sérieux problème. Si l'agent avait directement son téléphone que la victime pourrait avoir accès, je pense qu'il serait plus près de son dossier, plus personnalisé, peut-être moins un numéro de dossier qu'un dossier comme tel.
Si l'organisme avait des directives de dire: Écoutez, on va favoriser la conciliation, peut-être que, dans certains cas, on sauverait... ça coûterait 1 000 $ de plus. On va sauver combien au bout de la ligne? Dans certains cas... Exemple: une contestation sur un refus d'une semelle orthopédique lorsqu'il y a une irrégularité de 2,5 mm, on refuse ce dossier-là. Ça fait un dossier au Tribunal administratif pour une semelle de 45 $. C'est quoi, le problème, là? Pourquoi qu'on ne le règle pas? Donc, c'est au niveau de la volonté de l'organisme.
M. Lessard: Juste en terminant, ce que vous avez fait, qui m'est apparu... parce que, dans les bureaux de comté, on le voit souvent, l'apparence qu'on va gagner quand on se présente en révision. Alors donc, est-ce qu'il y a des messages clairs qui semblent être envoyés? Est-ce que le juge est... On rend le jugement de façon non verbale et...
M. Charette (Michel): Non.
M. Lessard: ...lorsqu'on reçoit la décision, elle est contraire? Y a-tu...
M. Charette (Michel): Les gens sont... Les réviseurs de la SAAQ sont tellement gentils, conciliants, d'écoute. Ils ont une écoute extraordinaire. Ils ne posent jamais de question. D'ailleurs, maintenant... Avant ça, ils avaient leurs dossiers complets, maintenant ils ont une fiche avec un genre de formulaire à remplir. C'est tout ce qu'ils ont. Ils n'ont pas de dossier complet. Ils ont une écoute magnifique, ils sont empathiques. Et une bonne poignée de main, bonne chance! On va regarder tout ça. Puis l'inverse est... La décision qu'on reçoit, ça ne ressemble en rien à ce qui est là. Rien, rien du tout. Écoutez, c'est une vraie farce.
Le Président (M. Simard): Me Moreau, il vous reste quelques minutes.
M. Moreau: Merci, M. le Président. Je reconnais là encore votre grande générosité.
Le Président (M. Simard): M. le député de Marguerite-D'Youville.
M. Moreau: Alors, le député de Marguerite-D'Youville prendra les quelques minutes qui restent. D'abord, je veux vous saluer, Me Charette et Mme Turcot, vous dire que j'ai trouvé votre témoignage troublant.
La semaine dernière ou enfin il y a quelques jours, nous avions M. Dagenais, qui est un réviseur à la SAAQ, qui venait ici représenter notamment le Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec, qui nous a dit, en réponse à une question, qu'il y avait eu devant cette commission des affirmations gratuites quant à l'attitude de la SAAQ. Je vous dirais que, personnellement, je pense que le nombre commence à être problématique, pour le témoignage de M. Dagenais, quant à l'attitude de la SAAQ au niveau de la révision. Et je suis convaincu que c'est l'intention de tous les parlementaires de faire en sorte que l'Administration... les organismes de l'Administration au gouvernement du Québec se comportent envers les citoyens d'une façon qui est acceptable et certainement d'une façon différente de celle que manifeste à l'heure actuelle la SAAQ.
Je vous poserais une question relativement à ce passage où vous parlez de la multidisciplinarité des membres du Tribunal administratif du Québec. Et on a certaines personnes qui sont venues nous dire que la mobilité créerait certaines inquiétudes quant à la spécialité et quant à la qualité de la justice qui pourrait être rendue. Particulièrement, vous êtes un praticien, j'ai vu que vous alliez aussi souvent, semble-t-il, à la CLP que devant le Tribunal administratif du Québec. Est-ce que vous voyez, vous, un problème... On a parlé de problème anatomophysiologique. Est-ce qu'il y a une différence entre ce qui peut se passer en matière, par exemple, d'accident d'automobile ou d'accident relié à des conditions de travail?
M. Charette (Michel): La réponse est très simple: je pratique dans tous les secteurs, pourquoi un juge ne pourrait pas entendre dans tous les secteurs? Je prétends être compétent autant en matière d'accidents d'automobile qu'en matière de lésions professionnelles. Pourquoi un commissaire qui est spécialisé... Écoutez, lorsqu'on parle de déficit anatomophysiologique, d'entorses cervicales, que cela résulte d'un accident d'automobile ou d'un accident de travail, la lésion est la même, la blessure est la même.
Là où la différence arrive, c'est au niveau de l'application des barèmes. Écoutez, un barème, c'est un barème. J'ai dû l'étudier, j'ai dû l'analyser, et, le commissaire, je ne doute aucunement de sa mobilité. Je ne dis pas qu'il pourrait siéger en matière de protection du territoire agricole. Je pense que, dans tous les secteurs médicaux, aucun problème pour moi à siéger devant quelqu'un qui traite autant de dossiers d'accidents d'automobile que de lésions professionnelles. C'est la même mécanique, c'est les mêmes discours, à ce niveau-là.
Je veux juste me permettre de revenir à M. Gilles Dagenais. M. Dagenais, c'est l'exemple même de celui que je vise dans les personnes de révision, quitte à m'en faire un ennemi. Je vous dis que c'est... Quand j'écris un texte comme ça sur la révision, je pense à M. Dagenais, et ce n'est pas gratuit.
M. Moreau: Merci. Sur la question de la régionalisation, vous pratiquez autant au niveau de la CLP que du Tribunal administratif du Québec, est-ce que vous voyez un problème lié à ce que votre collègue et adversaire de ce matin, pour lequel vous avez beaucoup d'estime, Me Stringer, ce qu'il nous disait à l'égard du danger en régionalisation de voir un problème pour un employeur qui représente une grande proportion des causes au rôle?
M. Charette (Michel): Je n'ai pas de difficulté avec ça, sauf dans un aspect, et on le sent lorsque les commissaires... Présentement, les commissaires qui sont issus des bureaux de révision, les anciens bureaux de la CSST... qui ont monté l'échelon, qui étaient à la CSST, à l'ancien Bureau de révision, qui sont montés à la Commission des lésions professionnelles par le biais de la formation initiale à la CSST, j'ai un petit peu plus de difficultés. Et, dans certains cas, dans une région en particulier où je sais qu'il y a un commissaire qui est là, que je n'aime pas plaider...
Le Président (M. Simard): ...assez prudent, là. Je pense que vous avez utilisé la marge de manoeuvre qui est la vôtre assez loin, là. On n'est pas ici pour régler les cas personnels. Alors, revenez à...
M. Charette (Michel): Non, non, c'est ça. Lorsque les gens viennent de la base, il est plus difficile, pour répondre à votre question, au niveau de l'image ou la perception. Mais, en d'autres termes, je n'ai aucun problème avec la régionalisation où je n'ai pas peur de plaider. Les gens sont assez objectifs, je pense, et honnêtes pour se prévaloir de cette position.
M. Moreau: Je vous remercie.
Le Président (M. Simard): C'est déjà terminé?
M. Moreau: Est-ce que j'ai respecté mon temps, M. le Président?
Le Président (M. Simard): Vous devenez de plus en plus discipliné, M. le député de Marguerite-D'Youville.
M. Moreau: Il m'en reste encore. C'est fantastique.
Le Président (M. Simard): Et on vous gardera encore des petits deux minutes à la fin, on vous le promet.
M. Moreau: Vous êtes gentil.
Le Président (M. Simard): J'invite d'abord maintenant le député de Chicoutimi à poursuivre.
M. Bédard: Merci. Alors, merci, Me Charette. Mes salutations aussi à Mme Turcot. C'est ça? Je vous remercie. Mes premiers mots vont être à Mme Turcot, évidemment. Je vous remercie de votre témoignage. C'est important pour les membres de la commission d'avoir, je dirais, une démonstration très claire de ce que vous vivez. Évidemment, on doit être réservés quant à la finalité de votre dossier, mais souhaitons que vous allez obtenir justice et que justice soit rendue dans votre dossier dans les délais les plus acceptables possible.
Et, vous savez, nous, comme députés, on est souvent confrontés à ces réalités-là de gens qui ont des problématiques avec l'Administration, et il faut effectivement s'assurer que la personne... Souvent, c'est une question de perception, même des décideurs, qui n'est pas de mauvaise foi, je vous dirais, mais qui, à travers soit un vécu personnel ou, je vous dirais, des... Il y a certaines conclusions qui se dégagent et qui ne sont pas appuyées sur la réalité, et ça, c'est malheureux. Donc, nous aussi, on a un rôle. Votre avocat aussi a un rôle à jouer là-dedans.
Mais je vous dirais que, personnellement, comme députés, nous faisons souvent cela, et c'est malheureux que parfois il y ait des impressions qui ne sont pas réelles mais qui arrivent. Mais il est tout aussi malheureux qu'il y ait effectivement des gens qui ne sont pas non plus à l'abri de toute, je vous dirais, volonté plus pernicieuse, mais il ne faut pas faire des généralités et faire en sorte que ceux qui souhaitent simplement obtenir justice ou avoir une écoute qui est impartiale et attentive soient floués à travers ce processus, et c'est bien malheureux quand cela arrive. Alors, je vous souhaite encore une fois surtout...
Une voix: ...
n(12 h 40)nM. Bédard: Oui, mais surtout que ça se passe rapidement pour vous, et je pense que c'est le but du projet de loi. Et ça fait ressortir en même temps, Mme Turcot, que le projet de loi ne touche pas aussi en même temps à l'essentiel, je vous dirais, pas de la justice administrative, du moins, bien, une partie de cette justice. Nous, on est plus au mode de l'adjudication, avec ces étapes, mais la première décision est la plus importante, c'est elle qui a le plus de conséquences sur l'administré, et cela, ce n'est pas à travers le projet de loi qui, lui, plutôt, va plutôt, je vous dirais, regarder les étapes qui suivent cette décision. Mais il y a une réflexion à faire et peut-être aussi, au-delà de la réflexion, là, des actions concrètes pour s'assurer que la prise de décision, la première étape, soit la prise de décision, soit la meilleure et qu'on ait finalement le moins de révisions et d'appels. Ça va peut-être faire moins de travail pour Me Charette ou les autres procureurs, mais tout le monde va être bien heureux et Me Charette aussi, j'en suis convaincu. Et votre appel est un peu dans ce sens-là, je pense, de s'assurer que les prises de décision soient les plus justes possible et qu'on ait le moins de révision possible. Alors, je vous remercie, à votre procureur et à notre témoin.
Une question qui a été souvent abordée, c'est celui... et, peut-être, ça va vous démontrer l'ambiguïté dans laquelle je me trouve, toute la question relative à la révision. Je l'ai abordée un peu avec les juges un peu plus tôt. Il y a des effets bénéfiques, je pense, à la révision, et, à certains égards d'ailleurs, vous avez vu, au niveau des affaires sociales, cela donne de bons résultats. Dans ce qu'ils ont actuellement, là, les décisions relatives à l'emploi, à la sécurité du revenu, les gens sont très satisfaits du processus de révision qu'ils ont actuellement, léger, où il y a une bonne écoute et des taux de réussite corrects. Et les gens en général s'en trouvent satisfaits, y incluant les associations qui représentent les gens, où il y a des processus vraiment qui assurent une certaine indépendance des réviseurs.
Dans d'autres domaines, par contre, à l'évidence, il y a un problème. Les accidents d'automobile en sont un, et sans vouloir tirer une conclusion, je vous dirais, facile, il reste qu'il semble effectivement y avoir une problématique, et même au niveau de la commission... pas de la commission, des décisions en matière d'accidents de travail.
Et là je vous pose la question, Me Charette, et je lisais votre mémoire, vous dites: La personne a 30 minutes, elle nous écoute, peu de questions, et ça va quand même assez rondement et rapidement, et on nous écoute avec une certaine empathie, ce qui est quand même correct, mais avec peu de résultats. Est-ce que vous pensez, de votre côté, avec l'expertise et l'expérience que vous avez, que cela peut aussi être le fait d'un nombre pas assez suffisant de réviseurs, d'une indépendance pas assez claire par rapport à l'Administration dans ces cas, dans ces deux organisations? Est-ce que vous pensez qu'il y aurait avantage... ou du moins que la commission vérifie si ces variables ou ces réalités pourraient avoir un impact justement sur le processus de décision en matière de révision versus le nombre de décideurs? Est-ce que vous pensez que cela peut avoir un impact?
M. Charette (Michel): Je vais vous répondre en comparant le mécanisme de révision au niveau de la CSST, qu'on appelle le bureau de révision administratif, qui se fait par téléphone en général, où le réviseur nous appelle pour obtenir nos commentaires, et on reçoit le dossier, et ça se fait par téléphone, alors qu'au niveau de la SAAQ il y a toujours le processus de révision pour lequel on fait une audition qui demande beaucoup plus de temps.
Je trouve que, au niveau du bureau de révision administratif, déjà là, les délais ne sont quand même pas si pires au niveau de la CSST, l'écoute est aussi bonne, sauf qu'il y a une discussion réelle. On se rend compte, au niveau de la CSST, que le réviseur qui nous appelle a lu son dossier, est conscient de la question en litige ? et on discute vraiment, on dit: Écoutez, qu'est-ce que vous pensez? Oui, mais, Me Charette, il y a tel point où je ne suis pas d'accord; ça, vous ne me ferez pas avaler ça, ou ta, ta, ta, etc. ? et qu'il nous donne vraiment sa position et l'heure juste. On sait déjà après le téléphone si, oui ou non, on a une chance. Au niveau du bureau de révision de la SAAQ, c'est sûr qu'on a gagné en sortant de là ? pas moi, là, mais, je veux dire, la personne ? c'est trop... c'est trop... c'est trop. Écoutez, ce n'est pas correct.
M. Bédard: C'est une écoute passive et strictement passive.
M. Charette (Michel): C'est une écoute passive, il n'y a pas de discussion. Écoutez. Parfois, au niveau de la révision administrative de la CSST, on nous dit: Écoutez, si vous m'amenez tel rapport de votre médecin, bien, je serais d'accord pour peut-être modifier cet aspect-là s'il peut nous confirmer tel point. Alors qu'au niveau de la SAAQ, c'est vraiment très passif, trop passif. On a vraiment l'impression que c'est une régie interne qui dirige et que c'est en fonction d'innombrables politiques et de directives. On n'a vraiment pas l'impression... Il est là seulement comme mis pour prendre des notes. C'est malheureux, hein, ça ressemble à ça.
M. Bédard: Est-ce que vous trouvez quand même... Vous, vous êtes partisan d'abolir purement et simplement la révision, du moins dans les domaines que vous nous dites, où vous pratiquez plus...
M. Charette (Michel): Non. Moi, je pense qu'il y a lieu d'avoir une révision dans un délai fixe, mais qui fait que, lorsque l'appel est logé au TAQ, il demeure logé, ça continue. La seule façon d'arrêter ce processus, ce n'est pas la présomption de désistement, ça, ça va, la seule façon d'arrêter, c'est par une rencontre de médiation ou de conciliation qui vient expliquer. Parce que la décision peut être modifiée en partie: Écoutez, on n'est pas d'accord. Puis là, à ce moment-là, qu'est-ce qu'on fait au niveau du statut de la nouvelle décision? Est-ce qu'on reconteste? Est-ce que l'employeur peut aussi contester la décision modifiée?
Je pense qu'une séance de conciliation obligatoire pourrait certainement fermer le débat, décider si on maintient ou pas. Et, durant le temps de la période de 90 jours, qui devrait être un délai maximum, l'organisme pourrait revoir sa position, réanalyser, dire: Bon, bien, peut-être qu'on pourrait faire quelque chose à ce niveau-là. Je pense que ça a du bon, la révision, lorsqu'elle est faite de façon correcte. Mais tant qu'à en faire une comme avec la SAAQ, c'est mieux de ne pas en avoir du tout.
M. Bédard: Actuellement.
M. Charette (Michel): C'est uniquement une perte de délai.
M. Bédard: Vous dites sur le paritarisme... Et là je veux bien comprendre un petit élément. Évidemment, vous êtes en faveur de la disparition de ceux et celles qui sont appelés à conseiller, à soutenir le tribunal dans sa prise de décision. Vous dites: Par contre, évidemment, il faut garder, comme le fait le projet de loi, lorsqu'il y a des dossiers plus complexes en termes de médecine... qu'il y ait quand même la possibilité pour le tribunal d'avoir le soutien d'un expert, mais... Et là vous nous donnez un exemple qui est celui de finalement un décideur qui est confronté à la reconnaissance d'une ? là, je n'ai pas évidemment tout le dossier, là, mais j'ai le... sur l'appréciation du témoignage d'un médecin. Et vous dites que les deux membres du tribunal étaient en faveur finalement de la préparation du travailleur, et finalement le décideur a tourné... a finalement exclu ces éléments et ces autres considérations. Et le but évidemment... vous voulez faire la démonstration que, même si finalement il était... en plus des deux, il y avait aussi, j'imagine, le représentant du travailleur qui plaidait de la même façon...
M. Charette (Michel): Oui, oui, oui, c'est certain.
M. Bédard: ...donc que cela n'était pas de nature à influer sur la décision prise. Et, je vous dirais, en même temps, je me dis: Il y a peut-être un avantage de voir... s'il n'y avait pas eu cette prise de position... Dans ce cas-là, ça n'a rien donné, mais, dans d'autres cas, est-ce que ça aurait pu être intéressant? Quand deux membres d'un tribunal... pas membres, mais, je vous dirais, assesseurs ont une appréciation qui est de même nature, ça doit avoir quand même son pesant... Oui?
M. Charette (Michel): Ça n'arrive pas souvent. En général, le représentant des travailleurs dit que la lésion devrait être acceptée, puis c'est une phrase, un motif, même chose du côté patronal.
Moi, la différence, c'est que je n'ai aucun lien avec les syndicats ou des associations de patronaux. Quand je vois ça, je vois ça vraiment d'une vision neutre. Quand je parle, je regarde le commissaire ou le juge administratif, c'est à lui que je m'adresse, parce que les autres, je n'ai pas à les convaincre. De toute façon, que je dise n'importe quoi, ça ne convaincra pas, je n'ai pas l'impression que ça va convaincre quelqu'un. À partir de là donc, je m'adresse au président du tribunal, au juge administratif.
Mais cet exemple-là était pour illustrer que, même dans les cas où les gens sont d'accord, ça ne sert à rien pareil, on n'en tient pas compte. Je ne vous dis pas qu'ils n'en auraient pas tenu compte, je ne vous dis pas qu'il y a des décisions qui ne sont pas unanimes, mais les décisions unanimes, c'est le juge administratif qui a pris cette décision. Tant mieux si ça va dans le même sens que tout le monde.
M. Bédard: Merci. Merci, Me Charette, merci à Mme Turcot.
Le Président (M. Simard): Une dernière intervention du ministre.
M. Bellemare: Oui. Je m'adresserais à Mme Turcot. Vous avez une expérience à la Société de l'assurance automobile. Vous disiez tantôt que vous aviez travaillé pour la Société de l'assurance automobile. Et là vous vous engagez dans un long processus qui va vous mener éventuellement à d'autres décideurs et éventuellement à un décideur qui rendra une décision finale. Je ne sais pas si vous êtes bien familière avec les mécanismes. Actuellement, il y a une étape de révision, qui est à la société elle-même, et le réviseur est nommé, formé, payé par la SAAQ, et, par la suite, en cas d'insatisfaction, il y a un tribunal, après la révision, qui tranche le litige et sur une base impartiale et indépendante.
n(12 h 50)n Si vous aviez le choix entre en appeler, contester directement au Tribunal d'appel ou passer par la révision, est-ce que vous souhaiteriez être entendue en révision d'abord ou aller directement devant le juge? Si vous aviez le choix, si on laissait l'option, dans le domaine de l'assurance automobile, qu'est-ce que vous souhaiteriez?
Mme Turcot (Rachel): Savez-vous elle est où, mon inquiétude? Parce que, là, je ne suis pas au courant de toute la procédure. Si je passe tout de suite à la deuxième étape et que je perds, quel est mon recours?
M. Bellemare: Bien, il n'y a pas de...
Mme Turcot (Rachel): C'est ça, c'est que c'est final.
M. Bellemare: À un moment donné, il n'y a plus de recours, hein, il y a...
Mme Turcot (Rachel): C'est final.
M. Bellemare: C'est ça, le décideur final. Parce qu'il y a...
Mme Turcot (Rachel): Mais, par contre, si on va en révision, puis que je ne vois pas... C'est la SAAQ elle-même, on fait appel à la SAAQ pour la révision. Bien, elle est où, l'impartialité?
M. Bellemare: J'imagine que, si c'est Me Charette qui avait répondu, la réponse aurait été spontanée. Je vous demanderais simplement, Mme Turcot: Si vous aviez à apporter des solutions à votre problème, à votre propre problème, là ? je comprends qu'idéalement, ce serait d'être payée aujourd'hui ? mais si vous aviez à formuler quelques remarques, là ? vous nous entendez parler, nous sommes évidemment tous ou des parlementaires ou des procureurs ? mais votre opinion, ce serait quoi? Qu'est-ce que vous souhaiteriez qu'on fasse, là, si on vous demandait de régler tout ça en deux minutes?
Mme Turcot (Rachel): Dans un premier temps, là, que l'agent d'indem, que tu n'aies pas l'impression qu'il travaille contre toi. Que l'agent d'indem t'écoute au moins et qu'il arrête de prendre les décisions médicales. Dans mon cas, c'est ça. Et je ne me considère pas comme quelqu'un. Je ne sens pas que j'ai de crédibilité. Je suis toujours obligée d'argumenter avec mon agent d'indem; je suis fatiguée. Ça, ce serait déjà une première étape où on pourrait se considérer... qu'on se sente au moins considérés comme des gens qui ont une façon de penser puis qui peuvent avoir une certaine crédibilité.
Si on n'a pas de possibilité, je ne vois pas d'autre chose que de prendre un avocat. Je ne vois pas d'autre possibilité. La machine est trop grosse. Puis, il ne faut pas oublier aussi qu'on a des lésions corporelles; on n'est pas en force pour se défendre. Il faut absolument avoir affaire à un avocat, on ne s'en sort pas. On ne s'en sort pas, on est obligés d'y aller dans la procédure. Puis la procédure, elle ne marche pas nécessairement avec comment tu te sens, toi, physiquement, puis comment tu es au niveau de tes séquelles physiques. Il n'y en a pas, d'autre façon. Il faut absolument y aller avec un avocat. Et là ça s'en va tout dans la procédure de l'avocat, là. Là, là, j'ai beau avoir une certaine expertise, mais je ne suis pas avocat, je suis obligée de faire confiance à mon avocat. Et, lui, il connaît ça beaucoup plus que moi. Mais, moi, je dis que... Si on va en révision puis que c'est la SAAQ, ça me donne quoi d'aller là?
M. Bellemare: Merci.
Le Président (M. Simard): Alors, voilà. Merci beaucoup, Mme Turcot, Me Charette. Alors, ça met fin à nos travaux pour cet avant-midi. Il est déjà presque 13 heures. Nous allons suspendre jusqu'à 14 h 15, mais reprendre vraiment nos travaux à 14 h 15. Je demanderais à tout le monde d'être présent.
(Suspension de la séance à 12 h 54)
(Reprise à 14 h 22)
Le Président (M. Simard): S'il vous plaît! Nous allons commencer nos travaux. Nous allons reprendre nos auditions dans le cadre du projet de loi n° 35, et la première personne que j'invite à nous joindre, M. Jean Tremblay, qui est devant nous, d'abord pour le remercier d'avoir écourté son repas et de nous avoir rejoint rapidement, puisqu'il a fallu changer assez à la dernière minute notre horaire. Je le remercie d'avoir compris nos impératifs.
Et je ne sais pas si vous connaissez nos règles de fonctionnement. Nous avons déjà votre mémoire, vous l'avez distribué. Vous avez une vingtaine de minutes pour... au maximum 20 minutes pour nous présenter l'essentiel, et ensuite nous dialoguerons avec vous. Alors, à vous la parole, M. Tremblay.
M. Jean Tremblay
M. Tremblay (Jean): Vous me permettrez de vous remercier. C'est écrit dans mon mémoire, mais je tenais à le faire de vive voix. Je n'aurai possiblement pas besoin de toutes les 20 minutes que vous allez m'accorder, donc ça va vous permettre d'avoir une récréation entre deux présentations.
L'association que je représente compte environ 200 membres qui sont reliés à la fabrication des portes et fenêtres, mais de tous les secteurs, résidentiel, institutionnel et commercial. Résidentiel, c'est facile. Institutionnel et commercial, on peut imaginer, par exemple, une porte d'un magasin dans un centre d'achats. Commercial, on peut imaginer l'édifice Marly à Québec puis les beaux édifices sur McGill College, à Montréal, les murs-rideaux. J'ai donc des gens qui les fabriquent, un peu qui les installent. Si on parle de murs-rideaux, ce sont des gens qui sont reliés au monde de la construction. Et, parmi les services de l'association, nous avons deux mutuelles de santé et sécurité qui regroupent 89 entreprises. Puisque d'aucunes, si je pense à Bonneville, ou Donat Flamand, ou Laflamme, sont des entreprises trop importantes pour pouvoir avoir le service des mutuelles, elles sont au rétrospectif, mais évidemment font affaire avec la Commission de santé et de sécurité. Et, dans mes propos aujourd'hui, je ne m'en tiendrai qu'aux tribunaux administratifs comme la révision administrative, la CLP et je ne parlerai que de santé et sécurité. Je ne me mêle pas de l'assurance automobile puis des choses comme ça, ça ne me concerne pas.
Donc, si on va à la page 1, qui est la deuxième page, j'ai fait relever par le gestionnaire de nos mutuelles qu'en 2002 on a connu 214 accidents qui ont provoqué des ouvertures de dossiers. Il y a évidemment beaucoup plus d'accidents que ça. De ces 214 là, 130 ont été en révision administrative et 50 ont été réglés à la CLP.
Ce qui m'intéresse comme opinions à vous transmettre en tant que représentant patronal d'entreprise manufacturière, ce sont des points comme l'accélération des délais. C'est sûr, on trouve toujours que c'est trop long. Je ne souhaite pas l'abolition de la révision administrative, puisque, à ce qu'on me dit, et je n'ai pas... Malgré les 200 membres, je suis... avec ma secrétaire, on n'est que deux à l'association. Je n'ai pas de service de recherche, moi; je ne suis pas le Conseil du patronat qui va me succéder. Soit dit en passant, je suis administrateur au Conseil du patronat puis j'ai une position divergente, mais Gilles Taillon est avisé de ma position. On me dit qu'à peu près 40 % des dossiers sont réglés en révision administrative. Il y avait des rumeurs à un moment donné qui circulaient qu'on abolirait la révision administrative. Je pense que ce n'est pas souhaitable, puisque ça engorgerait la CLP.
Comme deuxième point, je crois souhaitable... Et l'article 18 du projet de loi, je l'appuie, concernant la nomination des juges. Je pense, ça prend des membres du Barreau, des avocats, de vrais juges nommés soit pour des mandats de x année ou jusqu'à bonne conduite, comme on voit en Cour supérieure. Là-dessus, je pense que ça, c'est une bonne réforme.
Quant à la... et je ne vous lirai pas mon mémoire, vous l'avez en main. Quant à la régionalisation des futurs bureaux administratifs, je pense que c'est une bonne idée de rapprocher la justice du citoyen. Cela vaut autant pour un membre chez nous, un patron de Rimouski qui va aller à Rimouski et créer de façon statutaire des bureaux régionaux. Maintenant, ce que je ne sais pas, c'est quel en est le coût, puisque c'est toujours les employeurs qui paient pour la CSST. Pour nous, socialement, c'est une chose. Comme citoyen, je peux trouver que ça a beaucoup de bon sens, mais, pour mes patrons, c'est de l'«out pocket». Excusez l'expression, mais, je veux dire, c'est de l'argent qu'on sort tout le temps.
Par ailleurs, comme société, je pense que c'est bien, mais je ne voudrais pas qu'il y ait une augmentation importante. Et nécessairement il y aura une augmentation de coûts, mais j'ai peut-être une solution pour trouver des économies ailleurs, on abolit le paritarisme, on arrête d'envoyer des patrons, des syndicats. Monsieur ne m'aimera pas, mais chacun fait sa job. On n'est pas décisionnel. Puis, si on avait un vrai juge, s'il a besoin d'experts, s'il a besoin d'un médecin, il s'en prendra un. Ils paieront. Mais pourquoi qu'on serait un représentant patronal, un représentant syndical? Le paritarisme, là, il y a un peu de voisin gonflable dans ça, puis je ne suis pas sûr que c'est si utile que ça. Moi, ma suggestion, c'est de l'abolir. Je vous remercie infiniment. Je veux être économe comme mon propos.
n(14 h 30)nLe Président (M. Simard): Merci, M. Tremblay. Alors, j'imagine qu'il y a quand même quelques questions peut-être qui ont été suscitées par vos propos. M. le ministre, désirez-vous interroger le...
M. Bellemare: Oui.
Le Président (M. Simard): Alors, allez-y.
M. Bellemare: M. Tremblay, merci pour votre présence. Et j'aurai tout d'abord quelques questions à vous poser concernant la composition de l'Association des industries de produits verriers et de fenestration. Vous avez dit qu'il y avait deux mutuelles et 89 entreprises, mais, au total, vous représentez combien d'entreprises?
M. Tremblay (Jean): 200 membres... 200 entreprises.
M. Bellemare: Et est-ce que les 89 entreprises qui font partie des deux mutuelles font partie des 200 ou sont en plus des 200?
M. Tremblay (Jean): Non, non, ils font partie. Il faut être membre de l'Association pour être dans les mutuelles.
M. Bellemare: O.K. Alors, expliquez-nous qu'est-ce que constitue une mutuelle. Quel est le rôle d'une mutuelle au niveau santé et sécurité?
M. Tremblay (Jean): Nous offrons, par notre gestionnaire, des cours de prévention, des... On appelle ça des coffres d'outils. On va leur fournir des documents puis on fait toute la gestion des accidents, de chacun des accidents. L'association collecte un pourcentage de la masse salariale de chacune des entreprises pour constituer un fonds de défense, et, quand il y a lieu de faire des expertises médicales, de contester juridiquement, c'est toujours le fonds de défense qui paie. Les entreprises, quand elles ont payé pour le fonds de défense et les honoraires du gestionnaire, qui est un consultant privé, ne paient plus. Ce fonds... le fonds de défense est capitalisé à 100 % par les actuaires qui nous conseillent, et, comme je vous dis, une expertise médicale, orthopédique, c'est défrayé par le fonds de défense. C'est vraiment une assurance, une mutuelle.
M. Bellemare: Quand un employeur qui fait partie des 200 employeurs que vous représentez est impliqué dans un litige devant la CLP, à l'heure actuelle, c'est la mutuelle qui s'en occupe, qui le représente?
M. Tremblay (Jean): Quand il est membre de la mutuelle, parce que tous ne le sont pas.
M. Bellemare: O.K. Quand il est membre des 89 employeurs qui sont dans la mutuelle, c'est la mutuelle qui prend la charge de le représenter.
M. Tremblay (Jean): Tout le temps. Alors, s'il y a trois expertises orthopédiques, s'il faut les avocats, c'est l'association...c'est le fonds de défense qui paie.
M. Bellemare: O.K. Avez-vous une idée des cotisations que paient chaque année les 200 employeurs que vous représentez à la CSST?
M. Tremblay (Jean): Oh, tableau! Honnêtement, non.
M. Bellemare: Avez-vous une idée du nombre d'employés que ces 200 employeurs là embauchent?
M. Tremblay (Jean): Entre 12 000 et 15 000 travailleurs. En passant, si vous me permettez, on est la plus grosse association de portes et fenêtres en Amérique du Nord. On est plus gros que l'association canadienne et plus gros que chacune des nombreuses associations aux États-Unis parce qu'elles sont toutes segmentées. L'association canadienne, il y a 167 membres. Aux États-Unis, dans les diverses associations, c'est généralement autour de 150, 160. On a beaucoup de poids au Canada et, dans le cas du verre, qu'on a intégré en 2000, on est la première association qui a fusionné le verre et les fenêtres. Donc, on est membre de l'association nord-américaine. Et ça, c'est une tendance, on voit ça au niveau, par exemple, de l'association, des unités scellées qui vont dans les fenêtres.
M. Bellemare: Concernant le paritarisme, il y a des représentants des employeurs qui sont venus nous parler, vous en êtes un. L'Association de la construction du Québec qui s'est présentée contre le paritarisme, l'APCHQ aussi, quelques avocats, dont Me Cliche et Me Stringer qui est venu ce matin, contre le paritarisme. Et, du côté syndical, il y a aussi la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec qui s'est identifiée comme étant contre. Et curieusement les associations syndicales et patronales qui nomment des représentants sur les bancs paritaires sont toutes favorables au paritarisme, et une de ces associations est la FTQ. Son président, Henri Massé, à une question que je lui posais concernant les coûts du paritarisme... Nous, on les évalue à peu près à 8 millions par année, 5,5 millions de salaires, les coûts accessoires, les coûts d'administration. M. Massé qualifiait les économies susceptibles de résulter d'une diminution de l'incidence paritaire d'économies de bouts de chandelles, 5,5 millions, et j'aimerais avoir l'opinion d'un représentant d'employeurs sur ce qui a été qualifié d'économies de bouts de chandelles.
M. Tremblay (Jean): C'est sûr que, sur un... Le budget du gouvernement, c'est des milliards. Mais, quand j'étais petit, on disait: Il n'y a pas de petites économies. S'il y a 5 millions là et que ce n'est pas plus utile que je pense que ce l'est, très heureux pour les personnes qui y siègent, qui font 20 000 $, 10 000 $, 30 000 $ par année, ce n'est pas des bénévoles, là, sauf qu'ils ne sont pas décisionnels, ils ne sont pas des spécialistes. S'il y a 5 millions à sauver là, prenez le 5 millions puis mettez plus de bureaux régionaux. Vous ne sauverez pas d'argent, mais, au moins, vous allez rapprocher du citoyen le service du Tribunal administratif. Puis, si on peut sauver une couple de millions, eh bien sauvons-les. Il va falloir... Si on veut payer moins d'impôts comme citoyens, il va falloir en couper en quelque part.
Et ça donne quoi d'avoir un représentant patronal, un représentant syndical? Je n'y a jamais été personnellement, je n'ai jamais contesté puis je n'y ai jamais été comme avocat, mais on demande au représentant syndical son opinion, il la donne. J'imagine qu'il est favorable au travailleur puis j'imagine que le représentant patronal cherche des arguments pour l'employeur. Qu'est-ce que ça donne? Un vrai juge va tout évaluer ça. On peut faire... Quelqu'un est accusé de meurtre puis il peut choisir un juge seul.
M. Bellemare: Vous donnez l'exemple dans votre mémoire, qui est succinct, mais qui présente une analogie intéressante, quand vous dites à la page 4: «Au criminel, on peut choisir un juge seul.» J'imagine que vous faites allusion au fait qu'un accusé, en certaines circonstances, peut choisir...
M. Tremblay (Jean): ...grave.
M. Bellemare: ...peut choisir entre un juge seul puis un juge avec jury, puis, si on est en mesure, au criminel, d'offrir cette option, on devrait être en mesure de l'offrir aussi dans le paritarisme. C'est ça, votre...
M. Tremblay (Jean): Pourquoi qu'un vrai juge n'est pas capable de prendre une décision éclairée? Pourquoi ça prend un représentant patronal puis un représentant syndical? Vous dites?
Une voix: ...
M. Tremblay (Jean): O.K.
Le Président (M. Simard): Mme la députée d'Anjou.
Mme Thériault (Anjou): M. Tremblay, vous nous avez dit clairement que vous aviez une opinion divergente avec le Conseil du patronat. Est-ce qu'il y a d'autres personnes aussi qui ont des opinions divergentes au Conseil?
M. Tremblay (Jean): Sûrement. Moi, étant donné que je suis membre du conseil d'administration depuis une dizaine d'années, j'ai quand même, par délicatesse, appelé mon président pour lui dire: Écoute, moi, je pense ça. Puis il m'a dit: Moi, je suis équipé pour dire d'autre chose. Puis il dit: Je passe tout de suite après toi. Puis il dit: Ce n'est probablement pas tous des adons. Bon, bien, j'ai dit: Écoute, Gilles...
Le Président (M. Simard): On reconnaît bien là la lucidité de M. Taillon.
M. Tremblay (Jean): Et la mienne, merci.
Une voix: ...
M. Tremblay (Jean): Alors, j'ai dit: Je ne peux quand même pas aller dire ce que je ne pense pas. Alors, il y a sûrement d'autres personnes, mais si... Gilles, qui viendra tantôt, il vous le dira, je ne peux pas parler pour lui. Mais, on est quand même, je ne sais pas, 1 200 membres au CPQ, alors j'imagine que... Ce n'est pas le parti nazi, là, on ne peut pas tous penser la même chose.
n(14 h 40)nMme Thériault (Anjou): Merci. On lui posera la question.
Le Président (M. Simard): Pas d'autres questions du côté ministériel? M. le député de Chicoutimi.
M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, merci, M. Tremblay, d'être parmi nous. Effectivement, le Conseil du patronat devrait passer après vous; nous aurons l'occasion d'aller un peu plus loin, là, sur ses motivations.
Vous, par contre, vous semblez aussi intéressé par cette question comme membre de l'association, comme vice-président de l'association? C'est ça? Qu'est-ce qui vous a motivé à venir ici, en cette commission, pour nous donner votre point de vue sur la réforme des tribunaux administratifs?
M. Tremblay (Jean): Bien, il faut réaliser que, à l'extérieur de mes 89 entreprises, j'ai 200 membres. Tout le monde a des accidents une fois de temps en temps, tout le monde est confronté ? puis je vais vous en rajouter une entre parenthèses ? tout le monde est confronté avec les tribunaux administratifs. Je m'en tiens uniquement à la santé, sécurité, là, parce que je ne connais pas les autres affaires. Ma femme est consultante en santé, sécurité, j'en entends-tu parler de ça, moi? Alors, c'est important. Je suis venu ici à des dizaines de reprises pour toutes sortes de motifs quand ça concerne le vécu de mes membres. Moi, j'ai 200 membres, puis je suis payé, il faut que je travaille, puis ici, bien, c'est agréable.
M. Bédard: Ah, oui, oui. Ah, non, c'est sûr. Puis on est bien contents de vous avoir avec nous. Puis mon but n'est pas d'être, je vous dirais, mal intentionné, là, mais, pour reprendre un peu la question de ma collègue, qu'elle vous a posée tantôt par rapport aux employeurs du Conseil du patronat, vous, dans votre association, est-ce que vous pensez que tous vos membres sont en faveur de votre position actuelle sur le paritarisme?
M. Tremblay (Jean): Sur le paritarisme, bien oui. Ce n'est pas difficile, là. Moi, monsieur, je suis venu ici je ne sais pas combien de fois pour plaider pour faire ? je le disais au monsieur de la FTQ ? pour faire abolir le décret du bois ouvré et le décret du verre plat, dans les deux cas, et j'ai eu des reproches, puisque j'appelais ça des comités parasitaires. Ha, ha, ha! Puis je ne me rappelle plus de son nom, mais la madame députée de Vachon à l'époque, du Parti libéral...
M. Bédard: C'était qui?
M. Tremblay (Jean): ... ? je ne me rappelle pas comment qu'elle s'appelait ? elle ne voulait pas que je dise comité parasitaire ici, puis je lui ai dit: Madame, allez voir dans le dictionnaire, c'est quelque chose qui sert à rien, qui vit sur le dos de quelqu'un qui fait d'autre chose.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Tremblay (Jean): Non, mais on travaille, on peut bien s'amuser un peu.
M. Bédard: Oui, oui.
M. Tremblay (Jean): C'est pour ça que je pense, l'ayant vécu, ça crée tellement de lourdeur. Et j'ai appelé quelques amis qui ont siégé comme représentants patronaux évidemment, et puis ils m'ont dit: On était payé, on posait des questions, mais, de toute façon, il y a quelqu'un qui décide qui ne nous demande pas notre opinion. Puis on peut étirer ça pendant une heure de temps pour essayer de tasser un peu le traîneau, bon, bien, ça donne quoi?
M. Bédard: Donc, ce que vous souhaitez, vous, c'est la disparition pour un motif... Bien, vous ne voyez pas l'utilité effectivement pour vous en... Et là je ne veux pas défendre l'autre côté, mais il y a quand même des arguments. Sans dire, là, qu'ils sont imparables, mais ils existent, si ce n'est que toute la question relative au fait qu'ils paient, ça fonctionne. Donc, pourquoi on changerait quelque chose qui fonctionne? Mais je comprends aussi les arguments que vous avancez. Mais ce que j'ai compris de votre mémoire et votre présentation, je semble percevoir que, vous, c'est beaucoup lié à la question relative à l'argent. Donc, ce que vous dites finalement, c'est que, pour nous, dans les cotisations, il peut y avoir un avantage à ce que le coût diminue, autrement dit, que ce qui est en termes monétaires, ce que, nous, on paie pour avoir ces types de représentants, nous, on ne souhaite plus payer. Donc, si on peut l'économiser, pour nous, dans nos cotisations, on serait heureux de cela. Est-ce que je résume bien votre argument là-dessus?
M. Tremblay (Jean): D'une part, lié au fait que je souhaite qu'on nomme des vrais juges compétents pour des longues périodes, comme on fait en Cour supérieure, par exemple. Quand on nomme un juge, si je ne me trompe pas, c'est pour tout le temps, sauf mauvaise conduite, là. Je ne me rappelle pas comment est-ce que c'est écrit. Donc, on nomme des vrais juges. Qu'est-ce qu'ils ont besoin d'avoir un représentant patronal qui est un entrepreneur en construction ou un membre d'une association comme moi?
Nous autres, au CPQ, on avait le centre patronal... Gilles va vous le dire tantôt, mais on allait chercher des millions pour faire vivre un bureau, pour faire de la formation à nos patrons, pour aller siéger là, puis les syndicats allaient chercher de l'argent pour faire de la formation à leurs représentants pour aller siéger. On a-tu besoin de tout ça? Moi, je dis non. On nomme un vrai juge, on le nomme pour longtemps, puis il fait sa job. S'il a besoin d'un spécialiste en je ne sais pas quoi, il l'appellera puis il le paiera. Moi, je trouve que le paritarisme, c'est du maquillage, c'est de l'enflure. On se fait des accroires comme société, on dit au syndicat: Tu es une sorte, nous autres, les patrons, on est une autre sorte, assoyons-nous ensemble puis montrons au monde qu'on est assis à la même table. Bien, moi, quand je négocie, là, je suis un représentant patronal. On peut s'asseoir du même bord de la table, mais on tire chacun de notre bord, puis ça finit là. Ça, c'est la vraie vie.
J'ai appelé tantôt un représentant syndical pour un grief. Il sait de quel bord que je suis, puis je sais de quel bord qu'il est. Qu'est-ce qu'on aurait besoin d'entourer un juge? Voyons donc, le travailleur va venir dire c'est quoi, son problème, puis le patron va venir dire qu'est-ce qu'il conteste, puis le juge va trancher, puis c'est fini. Arrêtons de grossir l'autobus, ça ne donne rien. À mon point de vue. Gilles va vous dire le contraire, il a le droit, puis vous en avez nommé tantôt. Mais, moi, c'est ça que je pense.
M. Bédard: Merci. Merci, M. Tremblay. Quand vous dites «des vrais juges», est-ce que vous avez pris connaissance de l'ensemble du projet de loi ou c'était plus, vous, ce qui vous intéressait... c'était plus le paritarisme qui vous intéressait au niveau du projet de loi ou il y avait d'autres éléments? Là, j'ai lu votre mémoire, là. Au niveau de la nomination, vous le savez, ils sont nommés selon bonne conduite, ce que vous disiez. Est-ce qu'il y avait d'autres éléments, là, qui méritaient votre...
M. Tremblay (Jean): Moi, ce que... Et encore une fois, moi, je ne suis pas un spécialiste comme M. Bellemare qui a plaidé des dizaines et des dizaines de fois. Moi, ce qui m'intéresse pour mes membres, c'est qu'on coupe les délais. J'ai vu un mémoire qui faisait une analyse de tant de jours, je ne suis pas capable d'embarquer là-dedans, je n'ai pas cette compétence-là. Moi, je dis: Faites tout ce que vous pouvez pour raccourcir les délais, c'est très long. Puis, quant à moi, c'est toujours trop long. Pareil comme quand j'appelle mon médecin, puis il me dit: Je vais te donner rendez-vous dans deux mois, je n'ai pas de date avant, je trouve que ça n'a pas de bon sens, mais en tout cas. Moi, s'il fallait que je parle comme ça à mes membres, ça ne marcherait pas bien chez nous.
M. Bédard: ...débat que vous ouvrez là, M. Tremblay.
M. Tremblay (Jean): Oui. La régionalisation, tant mieux si ça ne coûte pas...
M. Bédard: M. Tremblay, sur la régionalisation, vous savez, la CLP est déjà régionalisée actuellement, là. Vous savez...
M. Tremblay (Jean): Oui, mais ça n'a pas l'air d'être... En tout cas, j'ai demandé à ma femme...
M. Bédard: Vous êtes dans... La CLP est dans 15... Je pense qu'il y a 15 bureaux régionaux, là, répartis sur l'ensemble du territoire. Et là ce qu'on parle plutôt ici, je vous dirais, c'est de régionaliser aussi les instances du Tribunal administratif du Québec, donc... l'ancien TAQ, autrement dit, là, les autres sections si on veut, si... Les deux sont fusionnées, donc les autres sections, là, au niveau du TAQ. Alors... Parce que, vous, vous avez déjà... votre crainte... pas votre crainte, ce que je comprends aussi, c'est que comme vous êtes régionalisé. Vous, vous ne souhaitez pas nécessairement faire les frais de cette régionalisation, mais vous êtes pour la régionalisation. C'est ce que j'ai compris.
n(14 h 50)nM. Tremblay (Jean): Oui, comme citoyen, moi, je pense que c'est bon. Puis effectivement... Alors, c'est le paritarisme puis la nomination des juges. Je n'ai pas voulu m'embarquer dans des affaires que je ne suis pas capable de défendre. Puis je comprends toute l'importance que ça peut avoir, mais mes membres n'auraient pas accepté que je prenne deux mois pour écrire un mémoire puis faire toute la recherche pour entrer dans les petits détails de tel article puis... Moi, je vous dis: Coupez les délais, nommez des juges, éliminez le paritarisme, puis ma job est faite.
M. Bédard: Dernière question, sur les délais, parce que vous en parlez... Mais, en général, on a eu quand même des bons commentaires sur les délais qu'il y avait à la CLP. Et là je me garde, là, de faire... je ne suis pas un spécialiste là-dedans, mais les gens nous disent et les statistiques nous disent aussi effectivement que le tribunal est quand même très performant en matière d'adjudication. Vous, de votre côté, vos membres ont des... je vous dirais, ont des... trouvent ça trop long encore?
M. Tremblay (Jean): Moi, monsieur, j'ai lu, que ce soit dans le journal ou... J'ai lu une couple de mémoires, là, sur lesquels j'ai mis la main, des chums, puis c'était tout le temps des centaines de jours.
M. Bédard: ...mais une centaine de jours, ce n'est pas long, ça. C'est trois mois, ça, une centaine de jours.
M. Tremblay (Jean): Bien, c'est trois mois. Mais 180, c'est six mois.
M. Bédard: Six mois, oui.
M. Tremblay (Jean): Puis quelqu'un avait fait une évaluation que, si on éliminait la révision administrative, on passerait à 330 jours, je pense. Je vous dis ça, là... Bien, 330 jours, c'est un an, ça, là, là. Je me mets dans la peau de l'employeur, ce n'est pas bien grave, là, on va avoir la décision... Mais, moi, comme gestionnaire de mutuelle, quand je vais chercher un partage de coûts au bout de six mois puis, des fois, un an, puis que là la CSST, elle me fait une correction dans ma mutuelle, on est rendu à un an et demi, là.
M. Bédard: ...mais, en même temps, vous savez... Je comprends vos préoccupations, mais, en même temps, le but du projet de loi, ce n'est pas de rendre ça plus vite, c'est d'avoir la meilleure justice...
M. Tremblay (Jean): ...
M. Bédard: C'est ça, quand on peut aller plus vite. Mais ce que je voulais savoir, comme représentant, avez-vous eu des plaintes de vos membres sur les délais, sur...
M. Tremblay (Jean): ...comités.
M. Bédard: ...aussi sur... Parce que j'imagine... Et là je le déduisais parce que vous venez quand même... Vous êtes à la table du Conseil du patronat, puis ce n'est pas par hasard si vous nous dites: Écoutez, nous, on est contre... Mais j'imagine que ça a été une discussion dans vos membres, là. Vous avez dit: Écoutez, il faut dire notre opinion sur le projet de loi parce que le Conseil du patronat va exprimer une vision qui est différente de la nôtre. Est-ce que c'est un peu comme ça que...
M. Tremblay (Jean): C'est dans mes comités de régie de mutuelle. Quand notre consultant, il nous fait notre rapport, il nous dit: Ah, on a obtenu un partage 90-10, puis bon... Hein? 60 000 ici, 90 000 là, 60 000, 40 000, je ne sais pas quoi. Donc, ça va tout corriger. Mais ça, ça arrive, là, 12 à 18 mois plus tard. Et, au comité de régie, les gens qui sont bénévoles, les directeurs de ressources humaines, par exemple, d'entreprises privées, ils disent: Crime! Ça a donc bien pris du temps avant qu'on le gagne, il me semblait qu'on avait une bonne cause. Oui, on en avait une bonne. Puis là je ne veux pas dire qu'il y a des mauvais travailleurs, là, ce n'est pas ça, là. Il y a des vrais accidents, là, qui arrivent.
M. Bédard: ...c'est des vrais accidents.
M. Tremblay (Jean): Oui. Oui, oui. Puis c'est fortuit, puis il y a un accident, puis quelqu'un se fait mal. Puis, si vous me voyiez travailler la fin de semaine, vous diriez que je suis un mauvais travailleur parce que je fais ça, moi, mettre le pied sur un barreau de l'échelle puis sur le bord du deux-par-quatre pour aller m'étirer, puis... Puis les travailleurs, pour moi... Moi, j'ai déjà travaillé sur la construction pendant trois étés quand j'étais étudiant ? c'est des gens qui aiment forcer, aiment prendre des chances, qui vont au plus court, puis c'est dans ce temps-là que les accidents arrivent. Puis, bien, nos emplois, c'est des emplois physiques, là. Je veux dire, on transporte du PVC, on transporte... On travaille avec des machines. Alors, les accidents, c'est sûr que ça arrive. Puis c'est des travailleurs manuels, physiques, alors on en a. Puis il y a des jobs... bien, des postes de travail qui sont délicats. Passer toute la journée à sabler... C'est souvent des femmes. Ça occasionne des tendinites et toutes les «ites», là. C'est sûr, ils font ça toute la journée. Puis ils viennent habiles, puis ils viennent vites, puis ils aiment ça, puis c'est ça qu'ils veulent faire, bien, c'est ça qu'ils font. Puis, si on leur offre de faire de la rotation, ça ne leur tente pas parce que c'est ça qu'ils veulent faire. Puis, à un moment donné, bien, clouc! Puis, bien, il y a tout le reste des autres accidents.
Puis on fait de la prévention, on donne des cours de toute nature, là. Puis, bien, il faut dire aussi que les inspecteurs passent puis ils nous... Puis, chez notre consultant, on a des... notre consultant a des préventionnistes dans toutes les régions du Québec. Chaque usine est inspectée deux fois par année, puis on fait des recommandations qui seront suivies...
M. Bédard: ...on a eu des... Vous me donnez des exemples plus concrets en termes de réalité que vous vivez, là, au niveau du marché du travail. Vous savez, il y a un grand débat qui anime notre commission actuellement, et le projet de loi aussi, et ceux qui sont venus nous faire part de leur témoignage, c'est sur l'intégration, dans les faits, de cet... des accidents de travail et de la réalité vécue autour des accidents de travail, du droit de refus jusqu'à l'accident pur et simple, mais aussi des assignations temporaires, ces choses-là. Est-ce qu'ils sont plus liés aux relations de travail ou ils sont plus liés, je vous dirais, à simplement le caractère indemnitaire? On réclame une indemnité, on obtient une indemnité, on fait une démonstration, une preuve médicale, et c'est terminé.
Vous, là, comme... Vous êtes dans le domaine, vous avez des employeurs dans le domaine. Est-ce que vous pensez que c'est plus lié... que le domaine des accidents de travail est étroitement lié au domaine des relations de travail?
M. Tremblay (Jean): Il ne faut pas lier... Les syndicats nous ont joué cette joute-là ou cette game-là. Quand on a commencé, la clé du succès, c'est l'assignation temporaire en termes de coûts, en termes de gestion, une fois que l'accident est arrivé. On n'en veut pas, mais, une fois qu'il est arrivé, il faut le gérer. Une équipe de travail, c'est comme une équipe de hockey. Si on est dans la même équipe de hockey et que vous êtes blessé quand il y a une pratique, vous êtes assis dans les estrades avec la gang. Et ça pourrait être mixte, là. Ha, ha, ha! Si vous avez un accident, vous restez dans l'équipe de travail. Puis, si vous avez rien que... je ne sais pas, vous vous êtes cassé un bras, vous ne pouvez pas travailler des deux bras, mais vous pouvez faire quelque chose avec l'autre bras. C'est un travail léger, mais vous restez dans l'équipe. Si José Théodore est blessé, il est assis dans les estrades avec l'équipe puis il voyage avec l'équipe, puis, bien, il a le bras en écharpe. Chez nous, c'est ce qu'on véhicule.
Si vous mêlez les relations de travail à ce moment-là, vous dites: Je veux une augmentation, ça, ce n'est pas correct parce qu'un accident, c'est fortuit. Des relations de travail, ça se négocie, ça se traite. Puis ça peut être au quotidien, ça peut être aux deux mois, ça peut être... mais ce n'est pas pareil pantoute. Moi, je dis qu'il ne faut pas mêler ça d'aucune façon.
Et on le voit quand arrive... Nous autres, on a un caractère un petit peu saisonnier, de sorte que... Cette année, c'est un peu différent, mais, traditionnellement, quand arrivait le mois de novembre, il y avait un certain nombre d'employés qui savaient qu'ils seraient ? comment est-ce qu'on dit ça en français? ? en tout cas, slaqués, mis à pied puis qu'ils reviendraient rien qu'au mois de mars. C'est drôle, ils se faisaient mal. Et là on voit c'est qui qui sont les mauvais dans l'équipe. Il se fait mal au mois de novembre parce qu'il sait qu'il va être slaqué le 14. Il se fait mal le 5. Les vrais bons, ils toffent. Puis, si ça arrive le 14, c'est le 14; si ça arrive le 21, c'est le 21. Puis, eux autres, de toute façon, ils ont d'autres choses à faire pour la période où ils seront en mise à pied. Ils se poignent des jobines ailleurs puis ils sont bien contents. Ils finissent leur sous-sol, ils se bâtissent un garage.
M. Bédard: Êtes-vous entrepreneur, vous, personnellement ou...
M. Tremblay (Jean): Non.
M. Bédard: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Simard): Alors, merci. M. le ministre, vous aviez d'autres questions à poser.
n(15 heures)nM. Bellemare: Oui. Concernant le paritarisme, M. Tremblay, il y a des gens qui sont venus nous parler du paritarisme, beaucoup de gens, beaucoup d'organismes, plusieurs qui venaient du milieu patronal et qui nous parlaient de lourdeur, de lenteur associée à la présence de trois personnes ou quatre, selon qu'il y ait un médecin ou non, plutôt qu'une personne dans le cas d'un banc où il y a un seul décideur. Êtes-vous en mesure de nous parler un petit peu de cette... de nous donner une opinion par rapport à ce concept de lenteur ou de lourdeur que plusieurs intervenants ont abordé? Au fond, tous ceux qui étaient contre invoquaient un argument d'efficacité.
M. Tremblay (Jean): C'est mon argument. Ceux à qui j'ai parlé, des amis personnels, qui ont siégé pendant quelques années, me disent: Écoute, on est là, il faut faire quelque chose, donc on en profite, on étire, puis on pose des questions, puis on pose des questions. Mais est-ce que c'est vraiment utile? Deux de mes amis représentants patronaux m'ont dit: Ce n'est pas utile. J'ai dit: Moi, je ne l'ai pas fait, mais comment ça se passait, Jean-François, quand t'étais là? Ah! Il dit: Tu poses des questions, puis, il dit, le gars du syndicat, si tu en poses pendant 15 minutes, il en pose pendant 30 minutes, puis, il dit, ça ne fait rien qu'étirer le temps.
Moi, c'est vraiment une raison d'efficacité. Je ne pense pas que ça ajoute. Et encore une fois, si on nomme un vrai juge, s'il a besoin d'un expert, il convoquera. Mais, moi, je pense que c'est comme de la décoration, ça. C'est comme se donner bonne conscience. On met un représentant patronal puis un représentant syndical, je ne vois pas l'utilité. Sinon, si on fait du vrai paritarisme, on leur donne un pouvoir décisionnel. Qu'ils votent. Puis là ils vont voter deux contre un. Sans ça, qu'est-ce que ça donne? Je veux dire, c'est des servants de messe, ça.
Le Président (M. Simard): M. le député de l'Acadie, maintenant.
M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, juste pour enchaîner sur le même sujet pour bien saisir, là, ce que vous nous mentionnez. Vous nous avez parlé au début de votre présentation, là, que vous étiez contre le paritarisme pour une question de coûts, essentiellement. Vous avez fait ressortir ce volet-là. La question que je me pose, c'est: est-ce que c'est essentiellement ce problème-là ou si le paritarisme... S'il n'y avait pas une question de coûts, est-ce que le paritarisme pourrait avoir des avantages? Je pense qu'il y a un groupe qui s'appelle Gains Conseils, qui est venu faire des représentations et qui avait soulevé l'hypothèse que ce soit fait sur une base bénévole, par des gens qui pourraient être désignés par les parties, mais bénévolement, pour y aller. Est-ce que, à ce moment-là, il y aurait des avantages ou si de toute façon, pour vous, il y a une économie, il y a possibilité d'accélérer, comme vous l'avez mentionné, mais qu'il n'y a aucun avantage de toute façon, peu importe que ce soit bénévolement ou avec des coûts, que vous êtes contre?
M. Tremblay (Jean): Je ne suis pas en faveur, je n'y vois pas d'avantage, et, si c'est bénévole, de deux choses l'une: ou des organismes vont trouver une façon de le financer par en arrière, ou bien donc il n'y aura plus personne dans pas grand temps. Je veux dire, on n'a personne une demi-journée à aller écouter une cause, je veux dire, c'est de l'angélisme.
M. Bordeleau: Ça va, merci.
Le Président (M. Simard): Mme la députée d'Anjou et vice-présidente de la commission.
Mme Thériault (Anjou): Merci, M. le Président. M. Tremblay, dans l'éventualité où le paritarisme serait maintenu à la demande d'une partie et que la deuxième partie consente, qu'est-ce que vous en pensez, vous?
M. Tremblay (Jean): C'est pour ça que je parle d'abolition, parce que, quand j'ai lu dans le projet de loi, là, une partie va le demander, l'autre va dire oui ou non. Là, on est pris avec un problème. Les syndicats sont équipés. Ils ont du monde, ils ont de l'argent. Ils vont tout le temps la demander. Puis, s'ils la demandent, ils vont y aller. Là, on va vivre avec la chaise vide. Donc, on va y aller. Donc, on n'a rien réglé. C'est pour ça que je ne l'aime pas, cette suggestion-là de... si un la demande. Si un la demande, les deux sont faits nécessairement. Bien, c'est parce que si le syndicat la demande, bien, il va falloir que le patronat y aille. Je veux dire...
Mme Thériault (Anjou): Il pourrait dire non. Si le syndicat demande puis le patronal dit: Non. Non, il n'y a pas de paritarisme. Puis, si le syndicat dit: On veut...
M. Tremblay (Jean): Ah! O.K. Je pensais que...
Mme Thériault (Anjou): ...puis la partie patronale dit: C'est correct, on va y aller, puis que les deux sont d'accord. Mais il faut qu'il y ait une demande.
M. Tremblay (Jean): J'aime mieux ne jamais y aller que toujours être coincé pour finalement y aller. C'est pour ça que, moi, je parle d'abolition. Parce que, si le représentant syndical la demande, bien, je vais être obligé d'y aller, il la demande. Si je dis non, il va y aller tout seul?
Mme Thériault (Anjou): ...pas.
M. Tremblay (Jean): Il n'y en aura pas.
Mme Thériault (Anjou): Il n'y en aura pas.
M. Tremblay (Jean): Bon, je vais dire non tout le temps. Je vais l'avoir aboli pareil. Bien non, mais je l'ai trouvé, c'est correct.
Mme Thériault (Anjou): Merci, M. Tremblay.
Le Président (M. Simard): M. le député de Marguerite-D'Youville.
M. Moreau: J'irais sur... je continue sur la même hypothèse. Vous, vous diriez non tout le temps. Je pense que c'est clair, là...
M. Tremblay (Jean): C'est clair.
M. Moreau: ...vous venez de répondre à cette question-là. Mais, toujours sur cette base-là de l'option, il pourrait arriver, par exemple, que des gens, représentés ou non, disent: Bien, moi, je crois que c'est une option qui est valable. On nous a fait... On nous a dit plusieurs fois, par exemple, que des travailleurs non représentés pouvaient ou pourraient voir d'un bon oeil d'avoir un des leurs ou quelqu'un issu du milieu du travail sur le banc, indépendamment de leur conception ou de l'impact réel. Vous dites: Ces gens-là sont inutiles. Mais, indépendamment de l'impact réel, en justice, on dit: Bon, il y a également une question d'apparence de justice. Puis on a entendu toute la thèse contraire de dire: Bien, si les juges sont indépendants, l'apparence de justice va être entachée du fait de maintenir le paritarisme.
Mais supposons pour un instant que je suis dans la peau d'un travailleur qui se représente seul et, par une mécanique qui est prévue à la loi, on me dit: Bon, voici, votre cause est mise au rôle, souhaitez-vous ou non qu'il y ait du paritarisme? Lui pourrait dire: Oui, moi, je vois ça d'un bon oeil. Et il pourrait tomber dans une situation où l'employeur aussi n'a pas véritablement de problème avec ça. Alors, cette option-là, dans votre cas à vous, ça réglerait votre problème parce que vous diriez toujours non, mais est-ce que ça ne pourrait pas aussi être bénéfique pour le cas où on a deux parties qui y voient, eux, un intérêt?
M. Tremblay (Jean): Si j'étais le travailleur, je le souhaiterais parce que, si je suis rendu là, je ne prends pas de chance, des ceintures, puis des bretelles, puis de la corde, puis de la broche.
M. Moreau: Puis s'il y a certains employeurs... et je pense que ceux qui vous suivent vont venir nous dire qu'il y a certains employeurs qui pourraient penser que c'est une bonne idée d'avoir cette option-là, que ça donne donc une souplesse: ceux qui n'en veulent pas n'en auront pas, ceux qui en veulent pourraient peut-être en avoir.
M. Tremblay (Jean): Pourquoi qu'on ne décide pas?
M. Moreau: Pardon?
M. Tremblay (Jean): Pourquoi qu'on ne décide pas que, oui, il y en a ou qu'il n'y en a pas. Pourquoi qu'on est assis entre deux chaises puis qu'on dit: S'il y en a un qui la demande, puis l'autre, puis... Votre job, c'est de faire des lois, faites-en une, là. Bien, non, mais décidez.
Moi, je vous donne mon opinion, je dis: Abolissez ça. C'est simple. Mettez un vrai juge, là, puis qu'il prenne les vraies décisions. On a ça à la Cour supérieure, on a ça ailleurs. Mettez un vrai juge qui prenne les vraies... qui décide les vraies affaires.
M. Moreau: Alors, si j'ai bien compris, vous, vous faites des portes et vous nous suggérez, à nous, de les fermer.
M. Tremblay (Jean): Des fois.
Document déposé
M. Moreau: O.K. Juste avant de terminer, M. le Président, avec le consentement de l'opposition, j'aimerais déposer un tableau intitulé Coûts du paritarisme. Je vais vous fournir des copies.
M. Tremblay (Jean): C'est l'article du Soleil d'à matin aussi.
Le Président (M. Simard): C'est la même source.
M. Tremblay (Jean): O.K.
Le Président (M. Simard): Vous avez d'autres questions à poser?
M. Moreau: Non, c'est tout.
Le Président (M. Simard): C'était terminé, de ce côté-ci. Alors, M. Tremblay, je vous remercie. Nous allons suspendre pendant quelques minutes nos travaux.
M. Tremblay (Jean): ...M. le ministre, Mmes, MM. les députés, merci infiniment.
(Suspension de la séance à 15 h 10)
(Reprise à 15 h 13)
Le Président (M. Simard): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre les travaux de la commission. Et nous sommes très heureux à ce moment-ci de recevoir un groupe qui... un organisme qui est un groupe familier de nos travaux, les travaux des commissions parlementaires. Donc, je n'apprendrai pas à Gilles Taillon, le président du CPQ, comment fonctionne ces auditions. Donc, nous allons passer immédiatement à l'écoute de ses propos, du résumé de son mémoire, mais auparavant je vais lui demander de nous présenter ceux qui l'accompagnent.
Conseil du patronat du Québec (CPQ)
M. Taillon (Gilles): Alors, merci beaucoup, M. le Président. À ma droite, Me Jacques Archambault, qui est associé chez Ogilvy Renault; à ma gauche immédiate, Me Robert Borduas, qui est responsable du dossier santé et sécurité au conseil; et, à l'extrême gauche, Me Pascale Gauthier, qui est aussi une avocate responsable particulièrement...
Le Président (M. Simard): Ah, vous n'avez pas pris de risque, vous êtes venu avec vos avocats.
M. Taillon (Gilles): ...de la formation. Absolument. Je suis bien entouré. Mais soyez assuré, M. le Président, que je ne suis pas à...
Le Président (M. Simard): Je sais.
M. Taillon (Gilles): Donc, le Conseil du patronat...
Une voix: ...
M. Taillon (Gilles): C'est beau? Le Conseil du patronat veut remercier la Commission des institutions de lui donner la possibilité d'exprimer le point de vue du milieu des affaires sur le projet de loi n° 35. Vous savez que le CPQ s'intéresse de près à la question de la justice administrative depuis plusieurs années, spécialement au cours des dernières années, où le système a été passablement revu.
Nous comptons réagir au projet de loi déposé par le ministre de la Justice sur trois questions de préoccupations principales qui constituent pour nous l'essentiel de nos appréhensions. D'abord, nous allons réagir sur le paritarisme, nous allons réagir sur le nouveau processus de révision et de contestation et sur le financement du tribunal.
Au niveau du paritarisme, quelques rappels. Le régime québécois de la santé et sécurité au travail est le fruit d'un pacte social conclu entre les employeurs, les travailleurs et le gouvernement, un pacte qui remonte à 1931. Le régime assure actuellement 3 millions de travailleurs. Il est financé exclusivement par les employeurs, de a à z, au coût de 1,6 milliard de dollars. Il est administré par une commission composée de façon paritaire par les représentants des employeurs et les représentants des travailleurs avec une présidence nommée par le gouvernement. Le régime fait appel au paritarisme à tous les échelons, d'actions, des activités, que ce soit à partir du milieu de travail jusqu'au niveau du Tribunal d'appel, et cela constitue pour nous de façon claire un élément essentiel du régime de santé et sécurité au travail.
Le rapport Durand, je vous le disais tantôt, qui a fait l'analyse des mérites du paritarisme, vous l'avez au mémoire à la page 4 ? et je vous signale simplement que c'est l'essentiel de notre préoccupation: «Le paritarisme donne en effet l'assurance à l'employeur et au travailleur qu'un membre du panel est particulièrement sensible à leurs valeurs et leurs problèmes respectifs.» La proposition qui est faite de maintenir partiellement le paritarisme nous est inacceptable, au Conseil du patronat.
Nous pensons que les limitations du paritarisme au sens... aux seuls cas d'admissibilité ou au sens où cela est rédigé dans le projet de loi entraîneront des situations non souhaitables, car souvent les dossiers d'accessibilité, d'évaluation médicale, de récidive ou de rechute sont liés lors de l'audition. On peut avoir une partie de paritarisme, non-partie... Donc, cette formule-là est pour nous non recevable.
La présence du représentant patronal est une garantie importante pour nous en termes de protection de la situation financière du régime de santé et sécurité au travail. Dans plusieurs cas ? j'y reviendrai ? les employeurs ne sont pas représentés, dans 51 % des cas, selon les dernières statistiques. Donc, le fait qu'il y ait quelqu'un pour défendre la partie employeur au dossier est pour nous un élément essentiel.
Le paritarisme n'a rien ralenti, contrairement à ce qu'on a entendu souvent, n'a rien ralenti dans le processus judiciaire. Les délais sont meilleurs actuellement à la CLP paritaire qu'ils ne l'étaient à la CALP non paritaire. Les délais à la CLP sont meilleurs qu'à tous les autres tribunaux administratifs au Québec.
Au bilan des cinq dernières années, il est important de le souligner aussi, contrairement à certaines prétentions que j'ai entendues ici, la parité n'a pas infléchi l'équilibre général du régime ou à l'avantage du travailleur ou a l'avantage de l'employeur. Donc, il y a une préservation de l'équilibre qui est essentielle à la survie de ce régime-là, un régime au Québec qui n'est pas le plus mauvais au Canada. Nos taux, nos coûts sont très acceptables, très compétitifs. Le régime est capitalisé et les bénéfices aux travailleurs accidentés sont bien meilleurs que ce qu'on connaît ailleurs. Donc, il y a une préservation essentielle pour les parties de ce phénomène-là qui aide.
J'aimerais rappeler que le paritarisme est présent dans la majorité des provinces canadiennes en matière d'accident du travail. Ce sont les employeurs qui paient entièrement le coût du paritarisme. Contrairement à l'article cité par mon savant collègue tantôt, il n'en coûte rien aux contribuables du régime de paritarisme et du régime de santé et sécurité en entier. C'est nous qui assumons les coûts et, nous, on vous dit qu'on préfère cela au non-paritarisme qui comporterait des coûts plus importants. Rappelez-vous, un ensemble d'employeurs n'est même pas représenté, et la CSST n'est pas présente au tribunal pour faire valoir donc l'intégralité du régime. Donc, pour toutes ces raisons, nous sommes très mal à l'aise avec une proposition visant à faire disparaître le paritarisme.
n(15 h 20)n Deuxième élément de préoccupation, le nouveau processus de révision et le droit de contestation. Même si, au conseil d'administration de la commission, nous avons reconnu qu'il y avait des améliorations à apporter au délai de révision, au processus de révision administrative, et qu'il y a possibilité de faire des améliorations, nous sommes très inquiets du processus prévu au projet de loi n° 35. Actuellement, 40 % des dossiers sont fermés en révision, sont réglés en révision. Bref, le processus de déjudiciarisation souhaité au moment de la création de la CLP fonctionne.
Avec le projet déposé et les simulations que nous avons vues de la part des autorités ministérielles, il y aura définitivement pour nous une augmentation du nombre de contestations devant le tribunal. Bref, il y aura moins de dossiers qui vont se régler en révision. Le sous-ministre responsable du dossier parlait, un temps, de 34 000 dossiers qui arrivent au tribunal alors qu'actuellement il y en a 22 000. Nous, dans notre mémoire, nous vous avons parlé de 30 000 dossiers, parce que les délais par rapport aux simulations ont été raccourcis. Mais on vous dit: Ça représente quand même 8 000 dossiers de plus qui montent au tribunal.
Pour nous, cela représente des coûts importants pour à la fois la gestion du processus judiciaire ? 8 000 dossiers de plus, c'est le tiers de plus que la situation actuelle. Ou la productivité va être drôlement meilleure pour qu'il n'y ait pas de coûts additionnels de plus ? ce dont nous doutons fortement, même si c'est là la thèse du gouvernement... ou la productivité va être bien meilleure et il n'y aura pas de coûts ou il va y avoir des coûts de plus, ce que nous estimons être plus proche de la réalité que la proposition gouvernementale.
Deux, nous pensons qu'il y a des coûts de remplacement de revenus, parce que le temps qu'on attend devant le tribunal, ce sont des délais, c'est du temps, et ça, c'est des coûts extrêmement importants. Me Archambault, qui est un spécialiste du financement ? il pourra vous en parler tantôt au niveau des questions ? a estimé qu'un seul dossier dont les délais d'attente sont prolongés de huit mois coûte 100 000 $. Or, nous estimons, nous, au volume de 8 000 dossiers, qu'on parle de plusieurs millions de dollars.
Alors, vous comprendrez qu'un projet comme celui-là, qui nous annonce une économie au paritarisme de 4 millions mais qui, par ailleurs, refile une facture aux employeurs, compte tenu des délais, de plusieurs dizaines de millions, vous comprendrez pourquoi nous ne sommes pas tellement preneurs, d'autant que l'absence de représentants des employeurs pourrait entraîner des décisions dommageables au niveau du financement du régime.
Bref, nous pensons qu'il doit y avoir une révision en profondeur de toute la partie du projet qui vise le processus de révision et le droit de contestation pour être acceptable. Le régime actuellement est un régime qui va bien, qui performe bien, qui a un coût, mais nous pensons que le coût de l'administration est bien inférieur à ce que ça coûterait avec un régime moins performant.
Troisième élément de nos préoccupations, c'est la question du financement lié à l'intégration des tribunaux administratifs ou à la fusion. La CLP est vue par le ministre ? et, là-dessus, nous sommes fiers de le dire ? comme un organisme qui va bien, puisqu'il le prend comme modèle pour implanter une régionalisation. Nous n'avons pas les garanties suffisantes dans ce projet de loi là que le financement du nouveau tribunal, le cas échéant, s'il voyait le jour, n'aura pas un impact négatif pour les employeurs du Québec. Le processus, qui vise strictement, par règlement, à garantir l'étanchéité, nous apparaît insuffisant. Et, deux, il y a des précédents, dans l'histoire récente de la Commission de santé et sécurité, où le gouvernement assumait des coûts dont il s'est départi en cours de route quand il avait des problèmes financiers. Mais, quand le gouvernement se départit de coûts, ce sont les employeurs dans le régime de santé et sécurité qui paient la note.
Donc, à l'égard du financement, nous sommes véritablement en désaccord avec la proposition qui est là. Il y a des risques importants. Nous avons vu aussi des simulations sur comment pourraient se répartir les coûts, mais, si les coûts augmentent, comment on va financer la capitalisation de nouveaux équipements, et tout ça? Il n'y a rien de cela qui est présent dans les simulations que nous avons vues, donc totalement insatisfaits.
Nous pensons que la volonté du ministre de régionaliser les tribunaux administratifs n'est pas une mauvaise formule. Nous ne sommes pas opposés, mais nous pensons qu'il y a possibilité de conclure des ententes administratives qui seraient... qui permettraient au gouvernement de régionaliser et qui pourraient, les ententes administratives, être avantageuses même pour les employeurs. S'il y a des locaux libres à l'intérieur des bureaux occupés par la CLP, si le gouvernement y loge son Tribunal administratif à lui, la partie qu'il paie, c'est évident que ça pourrait représenter des économies pour les employeurs qui sont probablement supérieures aux économies liées à la disparition du paritarisme. Bref, nous voyons un tout autre portrait, nous voyons une toute autre façon d'organiser le système que qu'est-ce qui nous est proposé là.
M. le Président, j'espère avoir respecté l'horaire.
Le Président (M. Simard): Tout à fait. Alors, si ça résume bien votre mémoire, nous allons passer immédiatement aux questions de la partie ministérielle. J'invite le ministre de la Justice à poser la première question.
M. Bellemare: Bienvenue, M. Taillon, et bienvenue aux gens qui vous accompagnent. Merci pour cette présentation. Et j'irai tout de suite à votre dernière affirmation à l'effet que, par le biais d'ententes en région, il y aurait une possibilité de regrouper le Tribunal administratif, ou en tout cas ce qu'il est actuellement, avec ce qui existe au plan régional au niveau de la CLP et qu'on pourrait ainsi engendrer des économies ? je ne veux pas mal vous citer, j'espère bien vous comprendre ? des économies qui pourraient même aller au-delà de ce que nous pourrions économiser au niveau du paritarisme si le paritarisme était aboli.
Comment voyez-vous les économies qu'on pourrait réaliser en région par des ententes? De quelle façon?
M. Taillon (Gilles): Bien, écoutez, moi, je pense que, s'il y a actuellement des disponibilités de locaux dans certains bureaux régionaux, au niveau de la CLP, l'utilisation des salles d'audition, par exemple, etc., il y aurait certainement possibilité, en ajustant les effectifs du TAQ du Québec actuel, il y aurait peut-être possibilité de ne pas louer de locaux additionnels, de ne pas se donner des salles d'audition additionnelles. Et, bien sûr, dans une entente administrative, le gouvernement accepterait sans doute de payer ? c'est l'engagement que vous avez pris dans le projet de loi tel qu'on le comprend ? de payer la partie d'utilisation du Tribunal administratif existant. Donc, ça ne coûterait pas aux employeurs du Québec 50 millions pour faire vivre la CLP, mais ça pourrait coûter 48, 47, et vous assumeriez peut-être 2, 3 millions, 4 millions. Donc, il faudra voir. On n'a pas fait la tournée du Québec, mais on dit: Là, il y a une piste intéressante qui ferait en sorte qu'on joindrait votre préoccupation et qu'on ne serait pas obligés de remettre en question toute l'économie de la contestation et de la révision en matière de santé et sécurité du travail.
M. Bellemare: Parce qu'il peut exister des systèmes fort différents d'une section à l'autre. En matière d'accidents de travail, il peut y avoir une mécanique de révision qui peut être très différente de celle qui existerait dans la section des affaires sociales ou dans la section des affaires immobilières. D'ailleurs, à l'intérieur même de la section des affaires sociales, qui est la section des affaires sociales du Tribunal administratif du Québec actuel, il y a des mécaniques de révision qui varient d'une sous-section à l'autre. En matière de régime de rentes, on n'aurait pas nécessairement la même mécanique de révision qu'en matière d'assurance automobile, par exemple, parce qu'il y a des secteurs où ça va mieux que d'autres. Puis, ce qu'on veut, nous, c'est améliorer le système.
Mais je reviens à la régionalisation. Comment voyez-vous concrètement la régionalisation dans un greffe régional de la CLP? Prenons l'exemple de Chicoutimi ? pour rejoindre une préoccupation, je crois bien, de mon collègue d'en face, le porte-parole de l'opposition, député de Chicoutimi ? prenons l'exemple de Chicoutimi où on a 800 dossiers CLP additionnels qui se sont ouverts cette année, ou l'an passé plutôt, et 300 dossiers de TAQ. Il y a des locaux disponibles, semble-t-il, à Chicoutimi. Il y a un conciliateur qui a quitté, qui n'est pas revenu. Il y a des espaces disponibles.
n(15 h 30)n Vous parlez d'ententes, mais vous êtes un homme pragmatique, fonctionnel, comment pouvez-vous imaginer qu'on puisse intégrer deux greffes, en tout cas, les greffes de deux organismes régionalisés, le TAQ et la CLP, par des ententes, alors qu'ils vont occuper une salle d'audience sur une base commune, ils vont occuper des espaces communs, ils vont circuler dans des espaces communs? Est-ce que ça ne deviendrait pas fort complexe? Mais, en réalité, est-ce qu'on ne peut pas penser qu'on serait plus efficaces avec un greffe unifié?
M. Taillon (Gilles): Il n'est pas impensable d'avoir un greffe unifié tout en maintenant les séparations, notre appartenance. M. le ministre, c'est évident, là, que, nous, on n'a pas simulé comment pourrait se faire la gestion ni de l'intégration des tribunaux ni de la proposition administrative qu'on vous fait. On termine le mémoire d'ailleurs en disant: Le ministre de la Justice devrait réfléchir, le gouvernement devrait réfléchir à des ententes administratives et entreprendre les démarches nécessaires pour ce faire, donc avoir un portrait clair de la situation et voir comment pourraient se faire certains mariages, certaines occupations communes tout en préservant l'intégrité du tribunal qui s'appelle la Commission des lésions professionnelles. C'est notre position fondamentale. Nous n'avons pas simulé comment pourrait se faire l'administration de cela. Nous ne disposons pas, au Conseil du patronat, du nombre de fonctionnaires dont vous disposez au gouvernement, et même notre pragmatisme ne nous permettrait pas de faire ce travail.
M. Bellemare: En ce qui concerne la mécanique de révision, j'ai eu l'occasion d'échanger avec plusieurs groupes qui se sont présentés ici et qui étaient... qui représentaient différents partenaires dans le domaine des lésions professionnelles, et je leur ai soumis une hypothèse, hein, pour limiter le nombre de délais. Comme vous le savez, le projet de loi prévoit d'abord un délai de contestation de 90 jours plutôt que 30 jours. Il prévoit que la révision administrative devrait se faire à l'intérieur d'un délai de 90 jours avec une possibilité d'extensionner d'un autre 90 jours si le travailleur y consent ou l'employeur, en tout cas, la partie. Qu'est-ce que vous penseriez de l'effet d'une procédure qui serait à l'effet qu'il y aurait un délai de 30 jours plutôt que 90, un appel direct des décisions résultant du Bureau d'évaluation médicale au Tribunal d'appel et, pour les autres cas, une révision administrative, mais en éliminant le deuxième délai de 90 jours, là, qui finalement deviendrait plus ou moins inutile dans la mesure où les appels portant sur des matières exclusivement médicales iraient directement au niveau du Tribunal d'appel? C'est une proposition que j'ai soumise à deux importantes associations patronales, l'Association de la construction du Québec, l'APCHQ, qui se disaient ouvertes à cette idée-là.
M. Taillon (Gilles): Moi, je vous dirais, M. le ministre, vous reconnaissez que vous devez modifier votre projet actuel, nous en sommes. Deux, il est difficile pour nous de réagir à une proposition où on ne voit pas l'ensemble de l'économie générale. Je vous donne un exemple. Si on réduit le délai de révision administrative par exemple, ça peut entraîner une incapacité pour la Commission de santé et sécurité de régler les cas et une augmentation du nombre de cas au tribunal en contestation. Donc, je ne peux pas réagir à des propositions amendées sans avoir vu l'ensemble des amendements au projet, mais il nous fera plaisir, une fois les amendements connus, de vous donner nos opinions.
Pour l'instant, on vous dit: On est sûrs qu'avec ce qu'il y a sur la table, il y a une augmentation du nombre d'appels en contestation au tribunal, automatiquement une augmentation des coûts à la fois au plan administratif et au plan de l'indemnité de remplacement du revenu onc pour les employeurs, des délais plus longs pour les travailleurs, ce qui est toujours très, très mauvais en accident du travail. On sait que le retour au travail pour les accidentés dans un délai court, c'est essentiel pour pouvoir reprendre le travail et conserver son emploi.
Donc, on vous dit là-dessus: beaucoup de difficultés à imaginer des hypothèses qu'on n'aura pas vu bien ficelées, bien présentées, mais nous sommes très, très ouverts à vous donner nos opinions sur un projet amendé.
M. Bellemare: Concernant le paritarisme, M. Taillon, je reviens aux deux associations d'employeurs dont j'ai parlé tantôt, l'Association de la construction du Québec et l'APCHQ. Bon. On parle ici, là, de l'APCHQ, de 11 000 entreprises de la construction, l'ACQ, on parle de 12 000 entreprises qui emploient 65 000 travailleurs. On parle d'employeurs, ici, là, qui vivent beaucoup la santé et sécurité, où il y a un taux d'accidents parmi les plus élevés au Québec, et qui se sont prononcés contre le paritarisme. Il y a des procureurs patronaux également qui sont venus devant la commission nous dire qu'ils étaient contre pour des raisons essentiellement d'efficacité, de coûts, de lenteur. J'aimerais vous entendre sur la possibilité qu'on laisse les parties décider d'avoir recours à une formule paritaire plutôt qu'à un décideur seul. L'option, qu'est-ce que vous pensez de l'option?
M. Taillon (Gilles): Écoutez, là, il y a en fait trois questions. Je vais essayer d'y aller avec trois commentaires. D'abord, le secteur de la construction, on n'a pas beaucoup de surprises à ce que ce secteur-là ait des fois des opinions contraires à d'autres secteurs d'activité chez nous. On l'a vu dans plusieurs dossiers, notamment dans le dossier de la machinerie de production, récemment. Le secteur de la construction est un secteur bien organisé, bien réglementé, bien protégé, qui est équipé pour se défendre. Ils n'en ont peut-être pas besoin, eux, de représentants patronaux, mais ce n'est pas le cas de l'ensemble des employeurs du Québec et des petits employeurs du Québec qui n'ont pas les capacités financières de se défendre comme le secteur de la construction. Il peut y avoir quelques brebis égarées dans nos rangs aussi. Chaque famille en compte, on les aime pareil, on les protège pareil, puis elles sont encore bienvenues chez nous. O.K.
Mais, dans l'ensemble, le Patronat est au clair là-dessus depuis fort longtemps, le paritarisme, et je vous l'ai démontré, c'est essentiel. Les procureurs patronaux peuvent dans certains cas parler de lenteur, mais je ne les prends pas au sérieux, la situation ne le démontre pas. La situation des performances de la CLP paritaire, c'est meilleur que tout ce qu'on connaît ailleurs puis ce qu'on a connu à la CALP non paritaire. Donc, qu'on m'amène des chiffres, qu'on me convainque, je vais y croire.
Quant à une autre formule de paritarisme ? pas celle qui est là, là, celle qu'on pourrait appeler... les parties le choisissent ou les parties... il faudrait là aussi... Je vous fais la même réponse: il faudrait voir votre proposition, parce qu'il y a des impacts. Une formule de demande de représentants, c'est différent d'une formule d'«opting out», il y a toujours des représentants puis... bon.
Donc, quelle sera la formule amendée? Quand on la verra, on vous donnera notre opinion. Pour l'instant, je vous dis, le paritarisme nous apparaît un élément essentiel à maintenir, nous y tenons, et on pense qu'on y tient à bon droit parce que c'est nous autres qui le paient. Donc, en fait, je vous dirais, là, si on le paie... quand on paie, on décide.
M. Bellemare: Oui, mais... M. Taillon, c'est tout à fait vrai, ce que vous avancez, mais le problème, c'est que, nous, on a entendu des groupes patronaux de toutes origines qui paient aussi, et les employeurs de la construction qui paient leur large part du fonds d'indemnisation de la CSST et qui sont au nombre de, je le répète, là, 23 000 entreprises québécoises qui paient... qui sont touchées par un taux de cotisation très élevé à la CSST, que vous admettez être bien organisé pour faire face aux litiges en matière de santé et sécurité, eux, ils n'en veulent pas de paritarisme.
Alors, au nom du respect de la volonté des parties, vous prônez le paritarisme qui est, par définition, un concept de dialogue, d'ouverture, de concertation patronale-syndicale. Les employeurs en question qui paient n'en veulent pas.
Alors, est-ce que, par une formule d'option qui pourrait prendre différentes formes ? il faudrait convenir de quel genre d'option on parlerait et de quel mécanisme on pourrait mettre en place ? mais est-ce que vous convenez du fait que, lorsque les employeurs ne veulent pas de paritarisme et si la partie travailleur n'en veut pas, que c'est normal qu'on ne leur impose pas?
M. Taillon (Gilles): Je vous dirais, Me Bellemare: quelques employeurs n'en veulent pas, la majorité y tiennent, et on ne bâtit pas un régime à partir de la minorité, surtout pas un régime complexe comme celui-là. Si vous avez d'autres formules à mettre sur la table, nous les analyserons.
n(15 h 40)nM. Bellemare: Parce que, nous, M. Taillon, on doit tenir compte des opinions qui nous sont soumises. Il y en a eu plusieurs qui étaient contre le paritarisme, la majorité. Et, si on parle de représentativité, bien, vous comprendrez que, comme élus, on ne peut pas passer à côté de l'opinion claire de 23 000 employeurs de la construction. Je ne veux pas faire de débat de représentativité ici, devant nous, mais ce sont quand même des employeurs qui se sont présentés ici avec des arguments tout aussi convaincants. M. Tremblay, qui vous a précédé, a parlé également dans le même sens, alors, nous devrons bien sûr, comme élus, faire la part des choses. Mais il m'apparaît, il m'apparaît que l'option constitue possiblement une avenue raisonnable dans les circonstances.
M. Taillon (Gilles): M. le ministre, vous ne voulez pas faire de débat de représentativité, mais vous êtes bien parti. Mais je vous dirais: il y a 23 000 employeurs qui vous ont dit quelque chose, moi, je vous dis il y en a 160 000 qui vous disent autre chose, puis on représente, nous autres, 70 % des employeurs au Québec. Donc, vous pouvez entendre les 23 000 mais entendez les autres aussi, puis vous prendrez la décision que vous avez à prendre.
Si vous avez des meilleures formules à présenter, vous semblez admettre que votre formule est difficile d'application, vous nous en parlerez, on n'est jamais fermés au dialogue. Mais c'est clair qu'on va être carrément opposés, bec et ongles, jusqu'à la dernière minute, à la disparition du paritarisme, c'est trop sérieux comme impact sur la qualité du régime, la qualité des décisions. Puis en plus ça marche. Si ça ne marchait pas, je vous écouterais, mais ça marche, cette affaire-là. Les délais sont meilleurs, la performance est bonne. Il y a peut-être quelques procureurs qui n'ont pas le goût de travailler dans ce contexte-là, mais je vous dirais que ceux qui n'ont pas de procureur ont bien besoin de ces représentants-là.
Le Président (M. Simard): Oui, Mme la députée d'Anjou.
Mme Thériault (Anjou): Merci. M. Taillon, je vais vous reposer la question que j'ai posée à M. Tremblay: est-ce qu'il y avait d'autres de vos membres sur le conseil d'administration qui avaient une opinion dissidente, comme M. Tremblay?
M. Taillon (Gilles): Bien, écoutez, moi, j'ai fait un débat là-dessus, sur le paritarisme, puis c'était commencé avant que je sois là, là, hein, vous avez le mémoire du CPQ, en 1997. On a fait un débat dans nos instances, avec nos associations d'abord. On a fait un débat au conseil d'administration. Et la position que je vous présente est celle du Conseil du patronat du Québec, j'en suis le président et je pense que je suis bien représentatif de la majorité de mes membres.
Mme Thériault (Anjou): Vous avez combien de membres d'entreprises, M. Taillon?
M. Taillon (Gilles): Vous savez que le Conseil du patronat est une confédération d'associations, c'est ce qui constitue la base essentielle de notre conseil d'administration. Il y a 72 associations membres chez nous de tous les secteurs d'activité, je vous disais. Ça représente 70 % de la main-d'oeuvre québécoise. Bon, je pense qu'on est représentatifs.
Mme Thériault (Anjou): O.K. C'est combien de membres au total?
M. Taillon (Gilles): Bien, au total, c'est des associations qui ont... je n'ai pas le nombre d'entreprises par association, là, mais je vous dis, dans l'ensemble, ça représente 70 % de la main-d'oeuvre québécoise représentée par nos associations. Donc, quand une association parle, un peu comme vous dites, l'ACQ parle, il représente 22 000 employeurs, je ne conteste pas ça. Nous, dans notre esprit, ça, ça représente une partie des entreprises du Québec qui sont 180 000.
Mme Thériault (Anjou): Toujours sur la question du paritarisme. Vous comprendrez que, moi, je ne suis pas avocate. Je suis issue de la petite, très, très petite entreprise. J'ai été une entrepreneur dans ma vie antérieure à la politique. Et, comme tout bon député, on discute avec beaucoup de gens. J'ai un réseau d'affaires qui est assez élaboré, et il y a quand même des gens qui me disent que: Écoute, nous, les petits employeurs, les petites compagnies, on est aux prises avec toutes sortes de problèmes dans nos relations gouvernementales. Le poids de la paperasse que les entreprises doivent faire autant au niveau de la CSST que n'importe quel organisme gouvernemental, c'est quand même quelque chose qui est énorme, O.K. Je pense que les entrepreneurs aiment faire simple, là. Tu sais, pourquoi compliquer quand on peut faire simple. Je pense que M. Tremblay, qui vous a précédé, était comme... Pour moi, c'est un exemple d'un entrepreneur évidemment. On ne s'enfargera pas dans les fleurs du tapis.
Et, lorsqu'on regarde une lettre qui nous est parvenue à la commission, ici, qui est adressée... de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, qui est signée par M. Richard Fahey, on dit que la fédération représente 24 000 petites et moyennes entreprises du Québec. Puis là-dedans ils disent: «Bien que nous n'ayons pas eu l'occasion de questionner spécifiquement nos membres sur la réforme de la justice administrative proposée, 25 % d'entre eux se disent préoccupés par les questions entourant la CSST. D'ailleurs, en 2002, 65 % des PME québécoises se plaignaient des taux de cotisation. Et il y a fort à parier que ce pourcentage serait plus élevé aujourd'hui avec les récentes hausses des cotisations. Notre intervention s'inscrit donc dans une optique de réduction de coûts du système de la santé et de la sécurité du travail. Vous ne serez pas surpris que nous apprécions l'effort gouvernemental de contrôle des dépenses et de saine gestion des finances de l'État, particulièrement lorsque les fonds en cause proviennent des employeurs, et plus spécifiquement des dirigeants des PME que nous représentons.» Vous constaterez qu'outre le volet du financement, la FCEI est particulièrement préoccupée par la qualité des services offerts aux employeurs et à la population en général, notamment en région.
Un petit peu plus loin, on dit: «La FCEI convient qu'il pourrait être opportun de questionner l'actuel paritarisme dans un objectif de réduction des coûts et que certaines pistes évoquées dans le cadre de la consultation, tel le choix laissé au justiciable, pourraient être porteuses.» On a la fédération qui dit: Oui, on peut se requestionner, on a... qui représente quand même 24 000 employeurs. On a l'APCHQ, l'Association des constructeurs, 23 000 employeurs, qui disent: Si on peut l'abolir, ça n'amène rien de plus. La FIIQ pense aussi que le paritarisme n'est pas nécessairement un plus. On a entendu beaucoup de témoignages qui disaient que ce n'était pas un plus, au contraire, qu'on pourrait s'en passer. Mais il semble réellement y avoir deux prises de position entre les grands groupes et les autres.
M. Taillon (Gilles): Non, écoutez, il y a des...
Le Président (M. Simard): ...vite parce que le temps imparti aux ministériels est terminé, mais...
M. Taillon (Gilles): Oui, bon. Il y a des groupes dans le dossier santé-sécurité qui sont plus représentatifs que d'autres, d'abord qui représentent plus d'entreprises, qui ont un rôle plus important au niveau de la gestion de ce dossier-là et en étant présents au conseil d'administration de la santé et sécurité. Donc, nous pensons que notre opinion est tout aussi valable, sinon plus, que d'autres groupes qui ont des opinions divergentes. Il peut y avoir des opinions divergentes, nous ne le contestons pas, mais, nous, on vous dit: On a des arguments très solides, très parlants au niveau des coûts, au niveau des délais, au niveau de la performance du mécanisme de révision, qui militent en faveur du maintien du paritarisme. C'est un régime qui est un pacte social. Le Conseil du patronat, qui est présent au conseil d'administration de la santé et sécurité, et les centrales syndicales vous disent: On vit bien avec ça. Nous, on vous dit en plus: On paie le régime.
Maintenant, M. Fahey, dans d'autres forums, nous a dit qu'il était favorable au fait que le dossier de la santé-sécurité reste sous la coupe du ministre du Travail de façon séparée. Il a écrit ensuite... Je ne sais pas qu'est-ce qui prévaut, là, vous lui poserez la question. Mais, moi, je vous dis: Je n'ai pas de problème de légitimité, notre dossier est bien étayé, puis vous devez l'écouter autant que tous ceux qui vous disent le contraire.
Mme Thériault (Anjou): C'est ce qu'on fait. Merci.
Le Président (M. Simard): Alors, nous allons écouter maintenant le député de Chicoutimi, porte-parole de l'opposition officielle.
M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, M. Taillon, salutations. Me Borduas, Me Gauthier et Me Archambault, à vous aussi. C'est bien, vous n'avez pas encore eu besoin de vos avocats, M. Taillon, alors c'est sûrement bon signe.
Une voix: Il se débrouille bien.
M. Bédard: Très bien.
M. Taillon (Gilles): ...m'aider à les utiliser. Parfait.
M. Bédard: Oui. Mais vous payez quand même... vous auriez peut-être... C'est une journée sur le paritarisme, vous avez vu. Dans les premières journées, nous avons peu abordé cette question parce que nous avons eu plusieurs membres ou gens intéressés, mais sur une base plus individuelle. Individuelle, pas en termes simplement de cas, de personnes qui ont vécu le processus, mais plus, bon, des procureurs et des gens qui ont des connaissances vraiment approfondies sur la question et qui sont venus nous faire part de leurs appréhensions, et je vous dirais, plus du côté... en termes de justice. Même certains spécialistes, en termes de droit administratif, nous disent: Écoutez, la qualité de la justice serait peut-être améliorée en faisant cela de cette façon ou en ne maintenant pas le paritarisme. Or, les autres organisations... et évidemment... et effectivement, plutôt, en termes de nombre, est beaucoup plus importante ? pas en termes de mémoires, mais en termes de nombre représentés, et c'est toujours malsain de faire des calculs, et c'est pour ça que je m'en garde ? mais il est clair qu'effectivement, sur ce côté-là, il y a un groupe bien représenté qui dit: Non, non, non, écoutez, il y a eu un... et vous employez même le terme, il y a eu un pacte social en 1931.
n(15 h 50)n Entre-temps, j'ai même fait venir des lois de 1931 pour voir... Mais je n'avais pas les remarques, le préambule. Souvent, on a un préambule à la loi. Mais ce que vous dites finalement, et ce que j'ai compris, vous dites: Il y a eu un combat qui s'est fait par les salariés, par les ouvriers ? parce que, dans la loi, à l'époque, on employait le terme «ouvriers», ça représente bien l'évolution des termes ? il y a eu un combat qui a été fait, il y a un engagement qui a été signé entre les employeurs finalement, et que le gouvernement a donné suite, sur celui de protéger les salariés, et, nous, ce que nous souhaitons, nous souhaitons le maintien. Et pourquoi? Et ça, vous le faites bien ressortir, parce qu'un autre des arguments était celui des coûts. Celui des coûts n'est pas tellement... je vous dirais, est plus difficilement acceptable. Pourquoi? Parce que, et vous l'avez dit, vous êtes peut-être celui qui... vous l'avez exprimé avec le plus de certitude et le plus clairement: C'est que nous payons. C'est nous qui payons ce coût-là, et, s'il y en a un... Et vous dites, par la suite, dans votre mémoire et lorsque vous avez témoigné: Nous, nous faisons le pari; un, ça fonctionne bien, et nous craignons que ça fonctionne moins bien. Et le fait que ça fonctionne moins bien nous occasionne des coûts à nous et qui seront beaucoup plus élevés que finalement ce que nous pourrions sauver par une abolition ou même en enlevant le paritarisme.
J'aimerais savoir plus précisément... Avez-vous, pour éclairer la commission, avez-vous certaines simulations que vous avez faites? Vous avez parlé, là, au niveau de l'augmentation des délais, mais j'imagine que ça a été appuyé à l'interne avec les gens. Avez-vous des simulations très particulières sur les effets que pourraient avoir le projet de loi sur les coûts?
M. Taillon (Gilles): Alors, ça me fait plaisir, Me Bédard, de demander à Me Archambault de vous expliquer, parce qu'on a fait effectivement des simulations sur le coût d'un régime qui prendrait le modèle projet de loi n° 35.
M. Archambault (Jacques): Merci, M. Taillon. Je suis procureur essentiellement patronal. Et ma spécialité, c'est d'aider les employeurs à gérer les coûts générés par leurs dossiers de CSST. Et j'ai préparé pour M. Taillon donc un nombre de copies peut-être un petit peu plus limité que ce qui est nécessaire ici, une simulation de l'évolution des coûts d'une réclamation pour un employeur au régime rétrospectif.
Et juste pour vous donner une idée, ce n'est pas linéaire, l'augmentation des coûts d'une réclamation en CSST. Durant les deux premières années, les coûts croissent. Alors, à chaque dollar qui s'ajoute, on ajoute 2,50 $. Mais, à partir de la troisième année, vous pouvez voir une courbe exponentielle, ici.
Et ce qui est très frappant quand on nous parle de 5,2 millions pour maintenir les représentants patronaux, une seule réclamation peut atteindre, en dedans de seulement quatre ans ? parce qu'il y a beaucoup de réclamations qui dépassent quatre ans ? mais en dedans de quatre ans, une seule réclamation peut atteindre 600 000 $. On parle d'une réclamation.
La CLP reçoit 20 000 dossiers en ce moment, 22 000 dossiers. La nouvelle en recevrait 30 000. Et un représentant patronal, ça coûte 300 $, si je ne me trompe pas, aux environs de 300 $ pour une journée. Moi, je vous dis qu'une seule réclamation peut atteindre un demi-million. Puis on parle de 20 000 à 30 000. Alors, le 5 millions, à mon point de vue à moi, et effectivement je représente les payeurs, ce sont des pinottes.
Ce serait de l'économie, pour moi, de bouts de chandelles de se priver des représentants patronaux. Pourquoi? Parce que, dans 51 % des auditions, donc dans 10 000 dossiers, l'employeur est absent. Bien, dans 10 000 dossiers pouvant atteindre jusqu'à un demi-million par dossier ? évidemment, ce n'est pas tous les dossiers qui se rendent là ? mais je veux dire: 5 millions, ce n'est pas pour rien, le Conseil du patronat et ses membres et ses associations membres ne gaspillent pas de l'argent. On a éliminé un organisme récemment pour essayer de couper les coûts. Mais il y a des coûts qu'il ne faut pas couper. Il y a des coûts, en coupant les coûts, on augmente et de loin les coûts qu'ils ont pour but de protéger.
Alors, moi, dans ces 51 % d'auditions là où l'employeur est absent, je trouve absolument essentiel qu'il y ait quelqu'un, là, pour représenter la partie patronale afin d'éviter... Ça ne prend pas des réclamations si dramatiques que ça pour atteindre le demi-million. Les réclamations, entre autres au niveau psychologique ou psychiatrique, atteignent ça très aisément. Les réclamations qui tombent dans des cas de sinistrose, des travailleurs qui deviennent finalement accrochés au système, et dont ce n'est plus la lésion professionnelle qui parle mais bien une dépendance au système, ça passe étonnamment vite, quatre ans. Lorsqu'on parle d'un système qui, en ce moment, règle ses dossiers en dedans de 11 mois et qu'on me parle d'un système où les délais pourraient s'allonger jusqu'à une vingtaine de mois, bien, moi, je sais que cette vingtaine de mois là m'amène exactement dans la partie de croissance exponentielle. 5 millions de dollars, c'est une aubaine pour m'assurer d'avoir un représentant dans la moitié des auditions. On a un régime qui coûte 2 milliards. La moitié des auditions... En tout cas, je pense que vous comprenez le sens de mon intervention. Si vous voulez, j'ai quand même...
M. Bédard: J'aimerais effectivement qu'il soit déposé auprès de la commission.
M. Archambault (Jacques): Ça me fera plaisir.
Document déposé
Le Président (M. Simard): Alors, j'accepte évidemment le dépôt de ce document. Le secrétaire va s'assurer qu'il nous parvienne.
M. Taillon (Gilles): Nous aurions souhaité, Me Bédard ? M. le Président, je m'excuse ? avoir, de la part du gouvernement, une mesure des impacts financiers de la proposition. Nous, on a fait des analyses de cas. On vous dit: on a simulé à conciliation constante, à nombre d'appels constants ou... par les travailleurs, au même niveau de performance de réclamations et de contestations de travailleurs accueillies, hein, qui est à peu près la même, là, depuis toujours. Contrairement à ce que j'avais lu, là, dans certains propos de membres de la commission, là, les contestations de travailleurs sont accueillies de la même façon. Donc, on a fait ces simulations-là et, je vous dis, sans effet multiplicateur présenté par Me Archambault, on dépassait le 15 millions de dollars par année. Sans effet multiplicateur. Donc, il y a un effet multiplicateur, il y a des facteurs de chargement. C'est complexe, le financement de la santé et sécurité, mais c'est beaucoup plus que ça dont on parle.
M. Bédard: Je ne suis pas un spécialiste, M. Taillon. Au niveau de l'augmentation des délais, vous le présumez de quelle façon? Je veux dire, dans votre... Là, j'en prends connaissance, et tout ça, là. Mais comment on peut déduire du projet de loi que les délais seraient possiblement augmentés?
M. Taillon (Gilles): Bien, on est partis des hypothèses du ministère de la Justice à l'effet que, avec une révision administrative modifiée, qui ne règle plus 40 % des dossiers, il arrive plus de dossiers en haut. Donc, plus de dossiers en haut, ça veut dire plus de délais. À moins qu'on me dise qu'il va y avoir une augmentation de la productivité telle qu'on va réussir à faire la même chose avec 33 % d'augmentation de volume, moi, je vous dis: Pour moi, ça, c'est une farce, et elle ne me fait pas rire, hein!
M. Bédard: Donc, d'où votre demande expresse de maintenir cet aspect. Est-ce que vous avez d'autres éléments à nous faire part, même au niveau des calculs et des simulations que vous avez faites? Je pense que...
M. Taillon (Gilles): Non. Écoutez, je pense que, nous, on vous dit: Actuellement, là, il y a un régime qui peut être amélioré, mais qui finalement présente un niveau de performance intéressant. Le régime de santé et sécurité au Québec, ce n'est pas le pire régime au Canada puis ce n'est pas le pire régime dans l'Amérique du Nord. Donc, on dit: Attention! il ne faut pas le fragiliser. Si on fait des modifications, il faut être très conscients des effets que peuvent comporter, sur ce régime-là, O.K., les changements qu'on veut faire. Par contre, on est prêts à aider le gouvernement à faire sa régionalisation. On le dit et on pense qu'il est possible de s'entendre pour que chacun y trouve son profit.
M. Bédard: Merci. Sur d'autres éléments, vous aviez, au niveau des... Dans votre mémoire, à la page 5, vous faites mention des gens qui sont assignés... sur les assesseurs. Vous dites, bon: «Le paritarisme est actuellement présent dans tous les dossiers [...] à l'exception des dossiers de financement. Les membres issus des associations d'employeurs reçoivent de la formation depuis 11 ans. Elles sont à caractère médical, légal et portent sur divers sujets[...] ? bon, les ? membres ont acquis [...] une solide expérience.» Donc, ce que vous nous dites, c'est que, actuellement, sur tous les sujets, les membres qui sont assesseurs ont une formation régulière qui est donnée par... Par votre organisation ou qui est donnée par le tribunal?
M. Taillon (Gilles): Je vais demander à Me Borduas. Vous permettez, à mon autre avocat de répondre, Me Borduas, vous expliquer un petit peu...
M. Bédard: On va les faire travailler.
M. Taillon (Gilles): O.K. C'est carrément le Conseil du patronat qui a la responsabilité de la formation des représentants...
M. Bédard: Qui a la responsabilité...
M. Taillon (Gilles): ...non pas des assesseurs, des représentants. Me Borduas va vous expliquer un peu comment ça fonctionne.
M. Borduas (Robert): Effectivement, bon, vous savez qu'on nomme des membres. On les nomme annuellement. Donc, on a actuellement 80 membres qui siègent, là, comme membres patronaux à la Commission des lésions professionnelles, et ces membres-là reçoivent cinq sessions de formation par année depuis plusieurs années. Donc, deux sessions à caractère médical, trois sessions à caractère légal, et on inclut là-dedans, on fait toujours, en début d'année, une revue jurisprudentielle de l'année antérieure.
n(16 heures)n Tous les membres que nous recommandons au conseil d'administration de la CSST ? parce que vous savez que c'est nous qui les recommandons au conseil et c'est le gouvernement qui les nomme ultimement ? ces nouveaux membres là reçoivent une formation initiale de trois jours, qui est donnée par le conseil, où on fait une revue de a à z de la loi. Les membres vont à la Commission des lésions professionnelles assister à des audiences pour voir comment ça se passe, et tout ça. Donc, oui, ces membres-là ne sont pas envoyés dans le champ de même sans formation, on leur donne de la formation, au conseil.
M. Bédard: Merci. Je vais laisser à mon collègue... Je reviendrai s'il reste du temps, M. le Président.
Le Président (M. Simard): Oui. Donc, je vais donner immédiatement la parole au député de Mercier.
M. Turp: Merci, M. le Président. Sur le paritarisme encore, je pense qu'on constate qu'il y a des patrons qui sont pour, il y en a qui sont contre, il y a des syndicats qui sont pour et d'autres contre. Vous êtes, avec plusieurs organisations syndicales, favorables au statu quo en la matière, là, au maintien du paritarisme, mais est-ce que c'est une question... lorsqu'il s'agit de justice administrative, est-ce que c'est une question de coûts de fonctionnement qui doit être la question essentielle ou c'est la question de l'indépendance, de l'impartialité qui doit être au centre de la décision et de la réflexion des parlementaires que nous sommes? Si on est en train de faire émerger un système de justice administrative avec un tribunal administratif du Québec qui est un tribunal administratif qui sera fait de juges qui siégeront durant bonne conduite, est-ce que le critère déterminant ? puis je sais que, de ce côté-ci de la table, on discute et on débat de cette question-là ? est-ce que le critère principal ne doit pas être la question de l'indépendance et de l'impartialité?
Et, juste pour citer un éminent professeur de droit administratif qui a déposé un mémoire devant cette commission, que nous allons entendre incessamment, peut-être que vous et vos collègues pourriez commenter l'affirmation voulant que le rôle que peut jouer un conseiller qui participe à l'audience, au délibéré inspiré par des sympathies syndicales ou patronales, nous paraît absolument contraire à l'idée d'une justice vraiment objective et impartiale? Alors, c'est ce que prétend Me Garant qui pourra peut-être savoir du Conseil du patronat comment il réagit à cette affirmation. Il pourra la commenter lui-même tout à l'heure, mais quel est votre objection, par exemple, à une affirmation comme celle-là?
M. Taillon (Gilles): Moi, je dirais que nous ne partageons pas l'opinion du Pr Garant, ça, c'est clair. On vous dit: L'impartialité du tribunal est garantie par le fait que ce ne sont pas des assesseurs qui accompagnent le président du tribunal, ou le commissaire, ou le juge administratif ? appelons-le comme on le veut ? ce sont des représentants qui s'ajoutent à d'autres représentants que sont les procureurs des parties. Et c'est important de les avoir dans notre système de santé et sécurité parce que, dans plusieurs cas, les parties ne sont pas représentées. Et, si on veut permettre au justiciable, qu'il soit employeur ou travailleur, d'avoir une juste représentation, on pense que le paritarisme est un élément important. L'impartialité du juge, du commissaire, nous, on ne remet pas ça en question. Et vous avez remarqué qu'on n'a fait aucun commentaire sur la nomination selon bonne conduite. On n'a pas plaidé pour le statu quo là-dessus.
Le Président (M. Simard): M. le député de Chicoutimi, vous me faites signe que...
M. Taillon (Gilles): Et il y a eu d'ailleurs des avis importants sur le bon droit d'avoir des représentants dans le dossier de la santé et sécurité.
M. Bédard: Merci, M. le Président. D'une façon plus technique, vous avez abordé à la page 5, le paragraphe d'après, j'ai oublié de vous en faire mention tantôt... Parce que, comme il y a peu de mémoires qui sont en faveur en termes de nombre, pas en termes de représentants... Je comprends que vous auriez pu envoyer ici, comme la FTQ, chacune des sections régionales et... bien que vous n'êtes pas... que n'avez pas de sections régionales, mais chacune des associations qui regroupent le conseil. Mais où vous faites état d'un désavantage, parce que c'est important, je pense, de les mettre en lumière, là. «Il est fréquent...» Vous dites, bon: «De plus, cette limitation du paritarisme créera des situations non souhaitables. Par exemple, il est fréquent que des dossiers soient joints en vue d'[...]audition.» Donc, ce que vous nous dites finalement, c'est que vous... Par le paritarisme, il arrive quand même assez fréquemment que vous êtes capables de faire des économies de coûts en réunissant des dossiers ensemble. C'est ce que... c'est la prétention que vous nous disiez?
M. Taillon (Gilles): M. Borduas va vous répondre là-dessus.
M. Bédard: Allez-y.
M. Borduas (Robert): Non. Ce qu'on veut dire ici, c'est que de la façon que c'est proposé, donc du paritarisme, en somme, sur demande et ciblé, au niveau de l'admissibilité, l'exemple qu'on donne, c'est que... Prenons l'exemple où vous avez une lésion professionnelle qui est contestée, O.K., et, bon, on demande un banc paritaire, on obtient un banc paritaire, on obtient une audition devant le tribunal et, avant l'audition, il y a un dossier qui vient se greffer, une contestation qui concerne le Bureau d'évaluation médicale où, là, vous n'avez pas de membre. Et là on se dit: Bon, si on parle d'efficacité, puis si on parle de coûts, puis si on parle de raccourcissement de délais, bien on présume qu'on va dire: Les deux dossiers, on va les joindre ensemble. Donc, on va se ramasser possiblement avec un banc paritaire, on va joindre les dossiers où il n'y a pas de paritarisme. Et je vous donne l'exemple parce que je l'ai déjà vécu au Bureau de révision paritaire où, en matière de financement, il n'y avait pas de membre. Et ce qu'on disait, on disait au membre qui entendait des cas de réparation... on disait: Regarde, en matière de financement, tu iras attendre dans la salle d'attente, on va entendre cette cause-là, puis mais que la cause soit finie, bien tu rentreras, puis on délibérera. Donc, c'est un peu dans cette optique-là que j'avais donné cet exemple-là.
M. Bédard: O.K. Merci. Dernière chose, c'est dans votre mémoire aussi. Au niveau de la conciliation, vous aviez aussi de grandes réticences ? c'est ce que j'ai compris ? à la procédure telle que proposée, dans le sens que vous souhaitiez le maintien de la conciliation telle qu'elle existe actuellement au sein...
M. Taillon (Gilles): Exactement. Oui, on pense ? vous avez bien compris ? on pense que, dans le fond, tu concilies quand tu veux concilier. Actuellement, il y a une bonne performance en conciliation à la CLP, 50 % des dossiers sont conciliés. Donc, on ne voit pas la nécessité d'imposer du prescriptif là-dessus.
M. Bédard: Et que cette conciliation demeure encadrée telle qu'elle l'est. Vous avez vu la proposition qui est celui que le membre du tribunal devienne finalement conciliateur pendant l'audition.
M. Taillon (Gilles): Là, on va avoir des problèmes d'indépendance.
M. Bédard: C'est ça, mais qu'il ne peut plus décider par la suite. Mais vous n'êtes pas en faveur de ça, effectivement.
M. Taillon (Gilles): Non.
M. Bédard: Gardons la conciliation telle qu'elle est.
M. Taillon (Gilles): Oui.
M. Borduas (Robert): Ce qu'on se dit, en somme, M. le député, c'est qu'on vante la conciliation à la CLP. On donne ça comme exemple comme quoi ça fonctionne, que les délais sont bons, qu'on règle des dossiers. Donc, dans le fond, pourquoi changer ce qui va bien actuellement? On règle 49 %, 50 % des dossiers, donc... Puis c'est des conciliateurs, conciliateurs avec un code de déontologie qui font la conciliation. Donc, ça va bien, pourquoi changer ça?
Le Président (M. Simard): Alors, sur ces paroles, nous avons épuisé notre temps. Je tiens à vous remercier, M. Taillon, et ceux qui vous ont accompagné silencieusement ou activement. Et je suspends pour 15 minutes nos travaux de façon à permettre aux membres de vaquer à diverses occupations.
(Suspension de la séance à 16 h 8)
(Reprise à 16 h 29)
La Présidente (Mme Thériault, Anjou): ...aux députés de reprendre leur place, s'il vous plaît, pour que nous puissions poursuivre nos travaux. Merci. Donc, nous allons reprendre la séance de travail de la Commission des institutions et nous accueillons le professeur Me Patrice Garant. M. Garant, vous connaissez nos usages. Donc, la parole est à vous.
M. Patrice Garant
M. Garant (Patrice): Alors, Mme la vice-présidente, M. le ministre, MM. les députés, je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à traiter de cette question, la réforme de la justice administrative qui me passionne depuis près de 45 ans. Le projet de loi n° 35 a, à mon avis, une importance considérable pour le Québec, car il termine, je crois, un cycle de réformes qui a révolutionné la justice administrative et placé le Québec à l'avant-garde des systèmes contemporains en Amérique du Nord. Vous avez entendu des représentants du Conseil canadien des tribunaux administratifs venir vous dire que la réforme québécoise fait l'admiration des autres dans les autres provinces, et on se réfère à la loi québécoise sur la justice administrative et au Tribunal administratif du Québec comme étant des modèles.
n(16 h 30)n Il est intéressant pour nous tous de faire le bilan de la réforme avant d'entreprendre ce deuxième volet, et nous avons des documents d'un très grand intérêt. Vous connaissez le Rapport sur la mise en oeuvre déposé par le ministre en juin 2003. Il y a un rapport du Vérificateur général, les rapports des tribunaux administratifs que sont le TAQ et la CLP, bref un ensemble de documents d'un très grand intérêt qui nous permettent de faire un bilan. Vous avez mon texte, je passerai très rapidement pour insister sur un certain nombre de questions.
Quant aux antécédents du projet de loi n° 35, vous les connaissez bien. Il faudra un jour faire l'histoire de la justice administrative au Québec, des grands rapports qui ont ponctué son évolution: rapport Ouellette, rapport Dussault, rapport Garant. Et il y a eu la crise de la justice administrative autour des années quatre-vingt. On a commencé à contester l'indépendance institutionnelle et l'impartialité structurelle de ces tribunaux.
Le Parlement québécois est intervenu par cette grande réforme des années 1995-1996: la Loi sur la justice administrative; on a rationalisé le système; une loi-cadre; création d'un grand tribunal administratif; amélioration du statut des membres; création d'un système de sélection. Donc, une réforme extrêmement importante. Et les parlementaires que vous êtes et ceux qui vous ont précédés ont consacré des milliers d'heures en commission à l'étude de la justice administrative, et ça continue. J'ai été impressionné de voir qu'autour du projet de loi n° 4 et du présent projet de loi n° 35 vous consacriez tant d'heures, et je pense que ça vous honore, ça honore l'Assemblée nationale du Québec.
La Loi sur la justice administrative a bien précisé les objectifs de cette justice qui sont la spécificité, la qualité, la célérité et l'accessibilité. Évidemment, ça constitue tout un programme. Il y avait dans le rapport Garant, comme vous le savez, des propositions de réforme. D'autres documents extrêmement importants en ont traité. Et, plus récemment, outre le rapport sur la mise en oeuvre déposé par le ministre en juin 2002, nous avons eu, en mars 2003, au Parti libéral, le parti qui a été élu, comme vous le savez, en avril dernier, un rapport extrêmement intéressant sur l'amélioration d'un aspect de la justice administrative qui est la célérité. Il y a une coquille dans mon rapport, j'ai attribué au candidat dans Chauveau ce qui a été fait par le candidat dans Vanier, je m'en excuse. Je voulais souligner l'apport extrêmement important du candidat dans Vanier, qui est l'actuel ministre à la réforme de la justice administrative, à cette réflexion sur un aspect très, très important qui est celui de la célérité.
L'ancien juge en chef de la Cour suprême du Canada, le juge Lamer, considérait que la lenteur de la justice était le sida de la justice, et je pense que, pour la justice administrative, la rapidité, la célérité est quelque chose d'extrêmement important, et qu'on en ait été sensible et qu'il y a lieu d'apporter des améliorations à l'ensemble du système est quelque chose qui honore ceux qui y ont travaillé.
Si on revient au projet de loi n° 35 et si on le considère également dans la perspective du projet de loi n° 4, on voit qu'il y a quatre éléments extrêmement importants: tout d'abord, la question de la fusion de deux tribunaux administratifs importants pour en faire un tribunal encore plus important et prestigieux; la question des formations qui sont appelées à instruire les recours, l'instauration donc de la règle du juge unique, sauf exception; le volet de l'amélioration du statut des juges administratifs; et finalement la question de la révision administrative et de la conciliation.
En ce qui concerne la réorganisation institutionnelle, donc la fusion, vous savez que je ne puisse être qu'extrêmement favorable à la création d'un tribunal administratif d'envergure et prestigieux, qui ait toutes les ressources et la masse critique idéales pour rendre la justice administrative. Vers les années quatre-vingt-quatorze, quatre-vingt-quinze, certains ont eu peur du mégatribunal, notamment le Barreau. Mais j'ai été ravi de voir que le Barreau a évolué sur la question, et tout récemment il s'est prononcé en faveur de la fusion.
En ce qui concerne la crainte de perte de spécificité de la justice administrative, surtout celle qui est reliée aux accidentés du travail et aux maladies professionnelles, on se souvient que le rapport Durand et... enfin bien d'autres ont insisté, autour des années quatre-vingt-quatorze, quatre-vingt-quinze, sur la nécessité de conserver un caractère spécifique à cette forme de justice, mais que les idées ont évolué. Et vous avez entendu au cours des deux dernières semaines de nombreuses expressions d'opinions à l'effet contraire, que vraiment la justice, ce qui est important dans la justice administrative... cette dominante d'indépendance d'un tribunal qui rend justice indépendamment de l'esprit de chapelle qui a peut-être pu entourer la justice à d'autres époques.
Ça nous amène à parler de la question du paritarisme, qui semble être actuellement une pomme de discorde, qui, autour des années soixante-quatorze, soixante-quinze, a empêché la réforme que nous avions lancée d'atteindre son objectif ultime. Actuellement, certains s'objectent encore à ce qui est proposé dans le projet de loi n° 35 en prétendant que le paritarisme est absolument essentiel surtout pour rendre justice aux travailleurs accidentés. Cependant, les choses ont évolué, les concepts ont évolué, les principes, surtout les principes constitutionnels, sont mieux connus. Et nous sommes de plus en plus conscients que la charte québécoise, qui fait partie de la constitution du Québec, impose un impératif d'indépendance institutionnelle et d'impartialité structurelle qui s'impose à tous les tribunaux administratifs et qui, à mon point de vue, au moins sur le plan de la théorie constitutionnelle, rend le paritarisme incompatible avec la charte.
D'ailleurs, la Cour suprême du Canada, dans sa jurisprudence sur l'impartialité institutionnelle, insiste sur la nécessité que cette indépendance existe non seulement par rapport au gouvernement, mais également par rapport à toute institution ou groupe de pression. La Cour suprême nous dit que le système de justice, tous les systèmes de justice, pénale, civile ou administrative, doivent être structurés de façon à ne pas susciter une crainte raisonnable de partialité au plan institutionnel.
La Cour d'appel du Québec également s'est penchée à plusieurs reprises sur cette question. Et vous connaissez bien l'arrêt Montambeault qui a porté sur les questions d'indépendance et d'impartialité de la CALP. On a parlé de la question du financement, et la Cour a considéré que le fait que la CALP, actuellement la CLP, soit financée par les organisations patronales notamment est compatible avec les exigences de la charte parce que le budget du tribunal est approuvé par le gouvernement et, de toute façon, on se rend compte que d'autres institutions publiques très importantes, la SAAQ, la Régie des rentes et la CSST, contribuent aussi au financement du Tribunal administratif du Québec. Il ne faut pas, nous dit la Cour d'appel, que cela crée un lien de dépendance directe du tribunal vis-à-vis l'une ou l'autre des parties devant lui.
Le paritarisme a été pratiqué à une certaine époque chez nous, mais il a perdu énormément de son importance. Songeons qu'à une certaine époque nous avions une commission des relations de travail qui était paritaire; ça a été aboli, les commissaires du travail et le Tribunal du travail, mais même l'actuelle Commission des relations de travail n'est plus paritaire.
n(16 h 40)n L'arbitrage des griefs. On a parlé beaucoup de la question des relations de travail. L'arbitrage des griefs n'est plus pratiqué de façon paritaire. Il est extrêmement rare maintenant qu'on voit des conseils arbitraux tripartites. On s'en remet à l'arbitre unique. Moi, j'ai eu l'honneur de faire partie d'un organisme fédéral qui entendait des litiges de fonctionnaires dans la fonction publique fédérale pendant 10 ans, et il n'est jamais arrivé de siéger, et la loi le prévoyait, avec des assesseurs patronaux ou syndicaux. On s'en remet au commissaire unique, donc au juge unique.
Si on regarde la question du paritarisme dans le cas précis de la CLP, on constate donc qu'avant 1997 la CALP n'était pas paritaire. Dans les compétences actuelles, on vous l'a mentionné, dans les compétences actuelles de la Commission des lésions professionnelles, toute la question du financement n'est pas entendue par des formations paritaires, et c'est tout de même... 95 % des affaires viennent devant la CLP. Et pourtant l'argent est tout de même important, aussi bien pour les milieux de travail que les entreprises, la rémunération des travailleurs. On nous dit que 49 % des dossiers sont réglés en conciliation. En conciliation, il n'y a pas de paritarisme. On a bien dit que ce sont des conciliateurs professionnels qui viennent, etc.
Quant au reste, on vous a dit: Ah! le paritarisme est extrêmement important parce que plusieurs des décisions ont un impact sur les relations de travail, notamment les retraits préventifs, les recours en matière d'inspection, les refus d'embauche, les mesures disciplinaires, et cela représente 2,7 % des affaires qui viennent devant la CLP. Pour le reste, les 97,3 % qui concernent des questions de lésions, maladies professionnelles, prestations, évaluations médicales, etc., on constate, et tout le monde est largement d'accord, qu'il s'agit avant tout de droits individuels du travailleur face à la CSST.
L'employeur peut se faire représenter et il est présent, vous a-t-on dit tout à l'heure, dans à peu près 50 % des dossiers, devant le tribunal, mais ? il faut faire un peu attention ? j'ai été un peu surpris d'entendre un des avocats qui m'a précédé à cette tribune à l'effet qu'il est important qu'il y ait du paritarisme parce que les employeurs ne sont pas représentés, sinon dans 50 % des cas. Et là il a semblé avancer que le représentant paritaire pouvait plus ou moins se transformer en représentant d'une des parties, mais ce qui est absolument contraire au principe de justice fondamentale et contraire à l'impartialité structurelle d'un tribunal. On ne peut pas être à la fois membre de la formation comme membre patronal ou syndical et se transformer en représentant ou avocat de l'une des parties, cela est absolument inadmissible en termes de justice fondamentale.
Donc, il me semble bien que, tout cela mis en perspective, le paritarisme ne se défend plus de nos jours, et je ne suis pas étonné que la majorité des intervenants devant vous se sont prononcés contre le paritarisme. À une des questions qu'a posées le député de Mercier, à savoir si c'était plus important en justice, et l'indépendance et le fait qu'on soit devant un véritable tribunal, mais même le Conseil du patronat a été obligé d'admettre que la justice, c'est important. Ce qui est plus important, et on vous l'a dit tant et tant de fois: qu'on soit en présence... devant un juge compétent qui tranche, et au regard de la loi, au regard de la preuve, au regard de la jurisprudence, parce que ce sont les droits individuels du travailleur qui sont en cause. Voilà pour cette question du paritarisme et voilà pourquoi je suis radicalement contre le paritarisme, même sous une formule atténuée comme semble le... comme le propose le projet de loi.
En ce qui concerne la spécificité, certains se demandent, et on s'est posé la question dans l'affaire du TAQ, l'affaire du Barreau de Montréal, si le Tribunal administratif du Québec était encore un tribunal qui pouvait être considéré comme spécifique, un tribunal donc spécialisé. On retient de façon générale que la spécificité de la justice administrative résulte du fait que des matières particulières soient attribuées à un tribunal donné qui y développe une expertise; deuxièmement, du fait que les membres eux-mêmes soient recrutés sur la base d'une expérience antérieure dans le domaine et qu'ils continuent de développer une expertise en traitant des affaires; et, troisièmement, que le tribunal présente des caractéristiques particulières dans son fonctionnement et dans sa procédure: la question de l'accessibilité, etc. Donc, il me semble bien que le futur tribunal qui naîtra de la fusion conservera ces caractéristiques fondamentales qui en font un tribunal spécialisé.
D'ailleurs, cette question-là peut être reliée à la question suivante dont je traite plus longuement dans mon mémoire, la question des formations pour entendre les recours, les bancs du tribunal. Alors, on propose d'en revenir au principe du juge unique. Nous sommes en première instance. En justice civile et pénale, de façon générale, on applique le principe du juge unique. Est-ce que cela est compatible avec la multidisciplinarité, qui est aussi une des caractéristiques de la justice administrative, de la collégialité? Je crois que oui. Il ne faut pas confondre la composition formelle du banc d'un tribunal et la pluridisciplinarité qui peut être présente au sein du tribunal de multiples façons, de multiples façons de même que la question de la collégialité.
On a développé, dans le cas du TAQ, l'idée de parité juridictionnelle, que tous ceux qui font partie de la formation aient parité, donc aient droit de vote. Mais cela, à mon point de vue, n'est pas essentiel. On peut conserver des éléments extrêmement importants de pluridisciplinarité et de collégialité par des formules autres. Le fait, par exemple, que, dans un grand nombre d'affaires ou dans un bon nombre d'affaires, on puisse avoir des assesseurs spécialisés ? médecins, travailleurs sociaux, évaluateurs, et tout ? à titre d'assesseurs suffit à mon point de vue à maintenir l'idée de multidisciplinarité, parce que ces gens-là travaillent ensemble, il se forme une espèce de dynamique de travail ensemble, et ces gens mêmes qui participent aux délibérés sans prendre la décision finale, parce que, la décision finale, elle est prise par le juge unique... bien, il y a là suffisamment encore de multidisciplinarité pour qu'on puisse considérer que le tribunal est multidisciplinaire, que le tribunal conserve cette expertise qui est une caractéristique de sa spécificité au sein de la justice administrative.
Maintenant, quand on regarde de façon plus poussée la jurisprudence sur la notion d'expertise ? et la Cour suprême, la Cour d'appel a parlé d'expertise relative des tribunaux administratifs ? on voit là que les tribunaux, la Cour suprême, la Cour d'appel ont détaillé sept considérations objectives qui permettent de déterminer si vraiment on est en présence d'un tribunal conservant cette expertise relative. Parmi ces considérations, il y a naturellement la formation des membres, la qualification des membres, leur expérience antérieure dans le domaine, etc., ce que dit la loi. Mais ce qui est intéressant, c'est que la Cour suprême et la Cour d'appel ont considéré que certes la composition diversifiée a son importance, mais c'est loin d'être le facteur le plus déterminant et qu'il faut faire cette appréciation tant au plan institutionnel, voir si l'ensemble du tribunal, l'ensemble du tribunal comporte cet élément de pluridisciplinarité, d'une part, et également les membres de la formation qui sont saisis d'une affaire.
La Cour suprême, à deux reprises, s'est penchée sur cette question de la composition plurielle des tribunaux administratifs, une fois dans l'arrêt Southam où il s'agissait de composition du Tribunal de la concurrence, donc il y avait des juges de la Cour fédérale et des membres non juges, et tout, etc.. Mais, plus récemment, la Cour s'est penchée sur cette question-là dans un arrêt qui concerne l'Assemblée nationale, l'arrêt Macdonell, à propos de savoir si la Commission d'accès à l'information, comme vous savez, a compétence sur l'Assemblée nationale. Et sur la question de l'expertise de la Commission d'accès à l'information... Et la Commission d'accès à l'information, vous le savez, siège à juge unique et les commissaires ont tous une formation juridique. Quand même, il n'y a pas vraiment de pluridisciplinarité. Et la cour...
La Présidente (Mme Thériault, Anjou): M. le professeur, je vais vous demander de conclure à l'intérieur de 30 secondes, s'il vous plaît. Merci.
M. Garant (Patrice): Je termine juste sur cette question-là. Et la Cour suprême se penche sur l'expertise générale et sur l'expertise particulière de la commission, indépendamment du fait qu'il n'y a pas de composition pluridisciplinaire. Donc, pour vous montrer que des juges uniques d'un tribunal à formation juridique peuvent être considérés comme ayant l'expertise nécessaire au regard des exigences de la justice administrative.
En ce qui concerne le statut des membres administratifs, une amélioration considérable qui est faite, je suis absolument d'accord avec le projet de loi.
Sur les révisions administratives et la conciliation, peut-être que je pourrais dire un mot en période de questions.
n(16 h 50)n Finalement, permettez-moi de conclure, Mme la Présidente, que je suis non seulement favorable, mais j'appuie à 100 % le second volet de cette réforme administrative qui place le Québec vraiment à l'avant-garde des systèmes de justice administrative en Amérique du Nord. Je crois que l'ensemble des mesures qui sont prévues dans le projet de loi concourent toutes vers le même objectif: de faire une justice administrative vraiment au service des Québécois, justice administrative spécifique, accessible aux citoyens et de haute qualité. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault, Anjou): Merci, M. Garant. Donc, sans plus tarder, je vais passer la parole au ministre de la Justice. M. le ministre.
M. Bellemare: Alors, M. le professeur Garant, je vous remercie pour cette présence très appréciée, cette contribution importante aux travaux de la commission, ce mémoire bien étoffé également comme... un peu à l'image du rapport Garant, du célèbre rapport Garant de 1994. On parle même du même professeur ici, alors on voit que, un peu comme la justice administrative au Québec, vous avez vous-même apporté une contribution au long cours, hein, sur plusieurs années, et, dans ce sens-là, vous êtes un acteur important de la justice administrative au Québec.
Alors, j'aurai des questions sur le paritarisme. J'en aurai une particulièrement sur un aspect qui a été peu abordé devant nous et qui est ce que j'appelle, moi, le concept ou la réalité de la double légitimité. Voici que nous sommes devant un tribunal administratif qui s'appelle la CLP. Le travailleur accidenté choisit son représentant, l'employeur aussi, ou il choisit simplement de ne pas être représenté. Mais, en choisissant un représentant, le travailleur exerce un droit fondamental qui lui est reconnu par l'article 34 de la charte, qui est le droit de choisir son représentant, qui est un droit fondamental, tout aussi fondamental que tous les autres prévus à la charte. Voici que, sur le banc, sur le tribunal auquel je m'adresse, il y a un commissaire, juge administratif, mais il y a également un représentant syndical que le travailleur n'a pas choisi. Ce représentant syndical, qui fait partie du tribunal ? j'insiste là-dessus ? a comme mission de représenter la partie syndicale, donc le volet travailleur, donc les intérêts du travailleur. Tantôt, j'écoutais M. Taillon, du Conseil du patronat, nous décrire le rôle du représentant patronal en disant que le membre patronal est là pour défendre l'employeur. Bon. Alors, imaginons que, suivant les mêmes théories, le membre syndical est là pour défendre le travailleur.
Alors, est-ce que, à votre avis, eu égard à l'article 34 de la charte, qui consacre le droit fondamental de choisir son représentant, est-ce que ça ne crée pas un problème du fait qu'il y a un autre représentant qui est l'assesseur syndical, le membre syndical, qui, lui, est investi de la même mission au fond, pour des raisons autres et en fonction de concepts autres, mais la mission de représenter le travailleur? Parce que, dans la pratique, dans la pratique, le travailleur choisit son représentant, mais il peut y avoir des différences d'approche entre la stratégie déployée par le représentant du travailleur dûment choisi en vertu de la charte et la stratégie ou l'approche déployée par le représentant syndical sur le banc. Et, dans la pratique, ce n'est pas un... Ce que j'avance ici n'est pas purement théorique. Dans la pratique, il peut y avoir des différences d'approche: les questions qui sont posées par le représentant choisi par le travailleur, les questions qui viennent du représentant syndical, qui peuvent à certains égards avoir un effet important sur les stratégies déployées par le représentant dûment désigné. Alors, au niveau de l'indépendance, au niveau du processus, de façon générale, parlons de l'article 34 de la charte, est-ce que vous voyez des difficultés par rapport au paritarisme?
M. Garant (Patrice): Je pense que vous avez absolument raison. Il y a sûrement un malaise. Non seulement, à mon point de vue, il y a une incompatibilité au regard de l'article 23 de la charte, l'idée d'indépendance et l'impartialité et l'apparence d'impartialité structurelle, mais il y a encore cette idée, là, d'une représentation autre que via l'article 34. Et effectivement, si la constitution du Québec prévoit ce droit à la représentation par avocat, il faut lui donner sa pleine mesure. Alors, comment concevoir qu'un justiciable a droit à une représentation et qu'en même temps on lui a organisé une certaine forme de représentation sur le banc, et que même, comme on l'a mentionné tout à l'heure, qu'à un certain moment ce représentant se transforme en un représentant des intérêts individuels du travailleur? Moi, à mon point de vue, c'est absolument incompatible avec non seulement la lettre, mais l'esprit de la charte québécoise.
Donc, l'idée d'une justice pleine et entière, d'une justice qui a toutes les caractéristiques d'indépendance, d'impartialité et du respect des droits du justiciable par l'article 34, est incompatible avec le maintien, à mon point de vue, du paritarisme, à moins qu'on le dilue pour en faire, comme on l'a... Au fédéral, dans le domaine de l'assurance emploi, on a tenté de le justifier en disant: Bien, c'est la représentation des valeurs du monde patronal et des valeurs du monde syndical. Mais, quand on creuse un peu, on voit bien que c'est autre chose qui est arrivé.
Moi, j'ai fait des recherches dans le domaine de l'assurance emploi. J'ai même fait un rapport récemment pour le gouvernement fédéral sur toute la question de la réforme des tribunaux administratifs. Parce qu'on considérait que le modèle québécois était important, on m'a demandé de m'inspirer du modèle québécois pour leur proposer un tribunal canadien de la sécurité sociale. Et, dans ce tribunal-là évidemment qui va résulter de la fusion de plusieurs tribunaux, on a dû aborder cette question-là. Mais il y a très longtemps qu'au fédéral on a demandé l'abolition du paritarisme chez les conseils arbitraux de l'assurance emploi. Certains ont répondu: C'est moins grave, il y a un deuxième palier que le tribunal juge, arbitre, alors, etc. Et puis aussi on s'est rendu compte en faisant ma petite recherche que finalement peut-être qu'au fil des années les parlementaires ont perdu le monopole du patronage, mais d'autres s'en sont accaparé... une forme de distribution de...
Enfin, quoi qu'il en soit, non, vous avez absolument raison. Je pense que cette idée, l'idée de la véritable représentation qu'il faut renforcer, et ça a été dit par certains intervenants devant vous, c'est la représentation devant le tribunal. Si, par malheur, certains justiciables, accidentés du travail, accidentés de la route et autres ne sont pas représentés par des avocats ou ne sont pas conseillés, on devrait... et le 5 ou 8 millions dont vous parlez, si on le mettait plutôt à la disposition de la représentation des justiciables devant le tribunal, je pense que, là, on ferait un progrès remarquable dans le domaine de la justice administrative au Québec.
M. Bellemare: Le rôle du juge, parce qu'on a parlé souvent, là, du paritarisme comme étant peut-être une façon de palier à l'absence de représentation devant le tribunal... Mais il n'est pas impossible, et vous me corrigerez là-dessus... mais, si mes notions de droit administratif et constitutionnel sont toujours les bonnes, il n'est pas impossible pour le juge administratif d'avoir une attitude, dans le cadre de ses pouvoirs généraux, qui peut tenir compte d'un certain déséquilibre dans les forces en présence.
Le juge administratif, est-ce qu'il ne peut pas, lui, lorsqu'il est devant une situation par exemple où l'employeur est représenté, est bien organisé et le travailleur ne l'est pas, est-ce qu'il peut avoir une attitude et poser les questions, essayer de suppléer à l'absence de représentation? Lui, le juge, peut le faire à mon avis, mais de là à prévoir une structure supplétive et visant à compléter ou à suppléer à l'absence de représentant, c'est une autre chose. Mais le juge, lui, est-ce qu'il peut, dans le cadre de ses pouvoirs, avoir une attitude qui vise à réparer un déséquilibre des forces en présence devant lui?
M. Garant (Patrice): Vous avez absolument raison. D'ailleurs, c'est une des dimensions et des caractéristiques de la justice administrative que d'avoir cette dimension inquisitoire. Vous savez que tous les tribunaux administratifs ont aussi des pouvoirs en vertu de la Loi des commissions d'enquête, donc ils peuvent être beaucoup plus actifs qu'un juge civil ou qu'un juge d'une cour criminelle.
Sans naturellement devenir l'avocat des parties, le juge qui préside le tribunal, le juge administratif, peut tenter de rééquilibrer les choses et de permettre à la partie non représentée ou à la partie qui a des difficultés de faire valoir davantage et un peu mieux, disons, ses arguments. Donc, cet aspect un peu inquisitoire de la justice administrative permet justement au président, au juge administratif, au président du tribunal, qui est maître de la procédure, de le faire.
Mais je préfère beaucoup cette formule-là, moi, que s'en remettre à des représentants paritaires pour jouer ce rôle de quasi-avocat de la partie non représentée. Je pense que c'est beaucoup plus conforme à l'esprit de la justice administrative que ce soit le président du tribunal qui fasse ce travail-là et qui quelquefois prenne des attitudes beaucoup plus, disons, actives, interventionnistes, dit-on, bien que bien des juges civils, comme vous le savez, de nos jours, sont beaucoup plus interventionnistes que c'était autrefois.
n(17 heures)nM. Bellemare: Merci beaucoup, Pr Garant.
La Présidente (Mme Thériault, Anjou): Je cède la parole au député de l'Acadie.
M. Bordeleau: Oui, merci. M. le professeur, j'aimerais aborder juste un sujet auquel vous n'avez pas fait référence dans votre présentation, mais, compte tenu de votre expertise, je voudrais avoir votre opinion sur ce sujet-là. Je crois qu'il y a la Conférence des juges administratifs qui sont venus ici nous faire part, dans le cadre de la régionalisation, d'une crainte qui était celle de voir une jurisprudence régionale se développer. Et, bon, vous savez qu'un des éléments du projet de loi qui est important est justement la régionalisation de la justice administrative. Et on a nous fait référence, au fond, à cette dimension-là, plus au fait que des juges vivant en région pourraient, bon, développer des relations privilégiées qui feraient qu'il pourrait y avoir... on a utilisé le terme de connivence. Alors, j'aimerais avoir votre point de vue là-dessus, sur le danger d'avoir une justice régionale... une jurisprudence régionale. Il me semble que... En tout cas, dans le projet de loi, c'est une dimension excessivement importante, et, comme c'est la Conférence des juges administratifs qui est venue faire cette représentation-là, j'aimerais avoir votre réaction.
M. Garant (Patrice): Merci, c'est une question extrêmement intéressante et elle... Le premier volet, c'est le volet qu'on peut considérer relié à la cohérence décisionnelle d'un tribunal qui siège un peu partout soit au pays soit dans une province. Or, la Cour suprême et la doctrine ont reconnu qu'il y a des moyens pour assurer cette cohérence décisionnelle. Les assemblées que font les membres des tribunaux administratifs pour discuter entre eux de leur... Et même la Cour suprême, dans l'arrêt Consolidated-Bathurst et l'arrêt Tremblay, est allée assez loin pour... et ça devient presque une caractéristique de la justice administrative, une plus grande collégialité des membres d'un même tribunal qui peuvent discuter entre eux de l'évolution de leur jurisprudence pour éviter, comme vous le mentionnez, que, bien, à Chicoutimi on décide d'une certaine façon, qu'à Gaspé ou que dans l'Outaouais... et qu'il y a des différences.
Surtout en matière de droit social, il faut vraiment qu'il y ait une certaine uniformité dans la jurisprudence. De toute façon, l'arrêt Noémie Tremblay est monté jusqu'à la Cour suprême parce que précisément il y avait des divergences jurisprudentielles entre les commissaires de l'ancienne Commission des affaires sociales, donc possibilité... Et actuellement les tribunaux administratifs importants le font. Ils ont des mécanismes, des réunions, ils ont des colloques. Et aussi, avec les moyens qu'ils ont, informatiques, ils ont systématiquement... Et j'ai entendu dire que même les juges des hautes cours... À la Cour d'appel, actuellement, on utilise davantage ces mécanismes, les juges se parlent entre eux sur leurs projets de décision pour éviter que la Cour d'appel ? elle ne siège qu'à deux endroits, hein, la Cour d'appel du Québec, Montréal et Québec ? éviter qu'il y ait des courants divergents. Ça, c'est le premier aspect.
Le second aspect, la justice de proximité. Est-ce que c'est dangereux que, dans des régions où tout le monde se connaît, qu'il y a des juges résidents qui, tous les jours ou constamment, font face aux mêmes avocats, etc.? Il y a peut-être un danger, mais il faut tout de même s'en remettre... Actuellement, on a des juges administratifs beaucoup mieux formés qu'autrefois. Ils sont vraiment sensibles à cette idée qu'il faut prendre ses distances lorsqu'on est juge. Et ça vaut pour les juges de la Cour du Québec et pour la Cour supérieure. Le juge de la Cour supérieure de Chicoutimi, il connaît tout le monde à Chicoutimi puis il connaît tous les avocats, etc., mais il sait très bien qu'il doit rendre justice de la façon la plus objective possible. Donc, la justice de proximité est quelque chose de très positif. Ça peut être dangereux, mais tout le monde en est prévenu, et je pense que l'idée de régionaliser, de faire en sorte qu'il y ait... Et l'avantage de la fusion, ça permettra d'avoir à Chicoutimi, Rouyn-Noranda, Gaspé, etc., une concentration assez importante de juges administratifs pour rendre une justice... cette justice de proximité qui est vraiment un idéal. Donc, il y a moyen d'avoir les avantages tout en nous méfiant des inconvénients que ça peut comporter.
M. Bordeleau: Dernière remarque que vous avez faite, vous avez parlé que la fusion va permettre... au fond, permettrait d'avoir dans chacune des régions un tribunal. Est-ce qu'on doit comprendre que vous considérez que la réforme qui est proposée des tribunaux administratifs ne peut... que la régionalisation des tribunaux administratifs ne peut se faire qu'avec la fusion de l'ensemble des...
M. Garant (Patrice): Je crois que la fusion va favoriser considérablement parce que là, vraiment, on peut avoir une masse critique. Et on l'a bien mentionné également, sur le plan strictement de la fonction juridictionnelle, ce que fait... ce que feront les différentes sections, au moins deux des sections très importantes du futur tribunal, souvent ça se ressemble, hein? Et on a mentionné avec beaucoup d'à-propos que certains commissaires, suivant les besoins, pourront siéger dans deux sections, la section des lésions professionnelles, d'une part, et la section sociale où un grand nombre d'affaires, accidents d'automobile, et tout...
Quant à la troisième section, la section économique, elle qui est plus diversifiée... Mais, encore là, on en causait ce matin, on parlait de la question: est-ce que maintenant on va avoir des juges administratifs qui feront carrière? Est-ce que l'idée de passer sa vie à faire les mêmes dossiers, ce n'est pas dangereux pour... Est-ce que ces gens-là ne vont pas se scléroser? À cet égard, les cours de justice ordinaires pourraient présenter le même danger.
Mais, dans la justice administrative, ce qui pourrait être intéressant, c'est qu'après un certain nombre d'années dans la carrière, étant membre d'un même tribunal, quelqu'un pourrait dire: Bien, écoutez, moi, j'aimerais me recycler en autre chose. Je vais faire un complément de formation. J'ai fait, disons, de l'accident d'automobile, de l'accident de travail pendant 10, 15 ans, là je voudrais faire autre chose, aller dans une autre section et relever un nouveau défi. Ça peut être formidable. On a ça dans la fonction publique, la mobilité professionnelle, pourquoi on ne l'aurait pas dans la justice administrative? Dans d'autres pays, ça se fait. En France, en Allemagne, dans les grands tribunaux administratifs, les gens circulent, vont dans les différentes sections et reviennent dans l'Administration, retournent dans les juridictions. Donc, c'est une idée qui peut-être très, très, très intéressante.
M. Bordeleau: Merci beaucoup, Pr Garant.
La Présidente (Mme Thériault, Anjou): Merci. Donc, je cède maintenant la parole au porte-parole de l'opposition officielle, le député de Chicoutimi.
M. Bédard: Merci, Mme la Présidente. Alors, merci, Pr Garant, de nous faire bénéficier de vos précieux commentaires, et c'est toujours un plaisir de vous avoir devant nous. J'ai eu l'occasion beaucoup de vous lire. C'est ce que je disais tout à l'heure, vous êtes sûrement un des auteurs les plus prolifiques et peut-être des plus cités en termes de droit administratif. Donc, c'est pour moi vraiment un grand plaisir de vous avoir devant nous aujourd'hui, et c'est pour cela que je vais me permettre des questions un peu plus précises, vu votre connaissance approfondie en matière de droit administratif, suite à plusieurs représentations qui nous ont été faites quant au statut du tribunal au départ, des éléments peut-être plus précis, mais qui demandent une appréciation, je pense, plus technique, que vous avez.
La première est la suivante, Pr Garant. Le Barreau du Québec est venu nous dire que le nombre de sections actuel n'était pas... pourrait, je vous dirais, avoir un effet sur la clause privative, sur le caractère spécialisé du tribunal. Le fait de ramener le nombre de sections à trois au lieu de cinq, comme il serait ou comme il était... quatre, comme il était antérieurement quant au TAQ, pourrait être de nature à avoir un impact sur la clause privative dû a la perte d'une certaine spécialisation du tribunal. Qu'est-ce que vous pensez de cette affirmation?
M. Garant (Patrice): Ça a été abordé naturellement par évidemment la Cour supérieure dans l'arrêt Barreau de Montréal. Le juge Rochon avait mentionné ça, qu'il doutait qu'une des sections du TAQ actuel, la section économique, conserve ce caractère de spécialisation, de spécialité qui est une des... Cependant, le juge Dussault, en appel... les trois juges de la Cour d'appel ont semblé ne pas être du même avis, ont considéré que c'était un... le TAQ, même si c'était un tribunal nouveau, d'un type nouveau demeurait un tribunal spécialisé.
Actuellement, la section sociale et la section des lésions professionnelles resteront des sections hautement spécialisées. La section administrative évidemment fait un peu section fourre-tout, mais il y a tout de même une spécialisation par un grand nombre de... sur un bon nombre de matières. Prenez la matière de l'évaluation municipale, l'expropriation, les appels en matière de permis, ça reste du droit administratif spécialisé. Alors, les membres du TAQ qui se penchent sur ces questions-là demeurent des spécialistes du droit administratif ou du droit de l'évaluation, du droit municipal, de sorte qu'on peut, je pense, à mon point de vue, continuer de considérer qu'il s'agit vraiment encore d'un tribunal spécialisé, conformément aux huit caractéristiques objectives dont ont parlé la Cour suprême et la Cour d'appel.
n(17 h 10)nM. Bédard: Merci. L'autre question, vous l'avez abordée il y a quelques minutes, mais peut-être préciser ma pensée... votre pensée plutôt et, moi, me permettre de m'éclairer sur les craintes que j'avais. Au niveau de la possibilité pour un membre du tribunal de siéger dans différentes sections, plusieurs gens qui, bon, parlaient du paritarisme, mais aussi qui, sans défendre le paritarisme, étaient quand même, je vous dirais... prétendaient qu'un accident de travail dans le contexte du travail est différent... Évidemment, en termes de loi, il peut être différent. Et en termes de contexte, c'est différent, par exemple, qu'un accident d'automobile qui a lieu... En termes médicaux, ça peut se ressembler, un bras cassé est un bras cassé, vous me direz, mais le contexte législatif est différent. Mais le contexte évidemment où ça arrive peut amener peut-être une expertise différente ou une connaissance, une spécialisation différente, et certains prétendaient donc qu'il faudrait être très prudent dans le fait de voir un membre du tribunal, par exemple du TAQ actuel au niveau d'assurance automobile, se retrouver décideur au niveau de la CLP, disons, si elle était une des sections du TAQ. Qu'est-ce que vous pensez de cette affirmation?
M. Garant (Patrice): On a parlé beaucoup du lien entre les accidents de travail, les maladies professionnelles et le contexte général des relations de travail. Je ne reviendrai pas là-dessus. Il faut être capable de vraiment faire les distinctions. Il peut y avoir, disons, un aspect de lien, mais entre les deux... L'idée qu'une personne soit sensible à l'impact que ça peut avoir sur les entreprises, sur les relations à l'intérieur des entreprises, c'est une chose, mais confondre les problèmes de réparation, de lésions professionnelles avec les problèmes proprement dits de relations de travail comme on l'entend en droit du travail, c'est-à-dire convention collective, négociation, etc., moi, je pense que c'est aller trop loin. Il faut vraiment faire une distinction.
Les litiges dont est saisie la CLP et le futur tribunal en matière de réparation sont des litiges individuels, sont les droits individuels du travailleur face à la CSST, face à la loi, aux règlements, à la jurisprudence, et ces litiges-là sont différents des discussions plus générales qu'on peut avoir en matière de relations de travail pour le bon fonctionnement des entreprises. Il peut y avoir dans certains cas un lien entre les deux, en matière, par exemple, on l'a mentionné, de refus d'embauche, d'inspection, de retrait préventif, mais, de façon générale, dans les 97,3 % d'affaires en matière de réparation, d'application de la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles, ce sont, à mon point de vue, des litiges individuels et... Voilà.
M. Bédard: Vous avez dans votre mémoire... À la page 16, vous parlez du Conseil de la justice administrative. Plusieurs sont venus nous dire effectivement que le fait de... Vous, vous ne voyez pas de difficulté à voir disparaître le Conseil, mais certains nous disaient: Au contraire. Et on a même eu, je vous dirais, un accord entre l'opposition et le gouvernement sur le fait qu'il fallait le maintenir, si ce n'est que... Bon, pour différentes raisons, entre autres même au niveau de la cohérence des décisions au niveau des plaintes qui peuvent être portées au niveau de la déontologie pour les membres... contre les membres du tribunal, finalement qu'il était utile de maintenir le Conseil. Est-ce que vous avez eu l'occasion d'entendre nos propos sur cette question? Et est-ce que vous êtes...
M. Garant (Patrice): Oui. Et j'ai réfléchi, et finalement je me rallierais bien au maintien du Conseil dans sa fonction déontologique. Tout le problème de la création d'un conseil de justice administrative, au fil des années au Québec, dans les différents rapports, c'est qu'il y a eu, je pense ? et mea culpa ? également une certaine confusion.
C'est qu'on peut concevoir un conseil de justice administrative un peu suivant le modèle anglais, le Council on Tribunals, ou le modèle australien qui est davantage un conseil qui étudie l'évolution du système, qui se prononce sur la création des nouveaux tribunaux administratifs, qui s'intéresse à la formation, les membres des tribunaux, à la sélection, mais qui ne font pas de déontologie, alors que, dans le prototype québécois, on lui a confié en priorité une fonction déontologique, et c'est la plus importante. Et, qu'on lui conserve celle-ci, à mon point de vue, je pense, ça peut être bon. Parce que le comité dont la loi parle, on ne savait pas très, très bien quel sera son statut au point de vue indépendance. Parce que cette instance, ce comité de déontologie ou, en fait, ce forum déontologique doit être vraiment indépendant et impartial, parler du statut sur les droits des juges administratifs. Mais, moi, je suis absolument confortable avec le maintien, comme on dit, dans une formule peut-être améliorée ou réduite. Mais là je me rallie absolument à cette...
M. Bédard: Merci, Me Garant. Une autre question. Vous avez peut-être entendu Me Lippel, une de vos... un de vos confrères, nous faire part, là, de ses préoccupations par rapport au déséquilibre qui existe entre, je vous dirais, l'administré et l'Administration. Et, pour compenser ce déséquilibre, elle faisait part de certaines propositions qui ont été reprises par la suite par d'autres mémoires, d'autres associations et d'autres groupes, la première étant celle... au moins, au niveau de la CLP, mais l'ensemble des tribunaux, que les frais au niveau des expertises soient maintenus, soient finalement payés, soient adjugés en faveur des administrés, donc qu'il y ait un coût moindre à se faire représenter, du moins en partie, sinon en totalité. Mais du moins en partie. Certains suggéraient même que les honoraires puissent être adjugés, parce qu'on parlait d'honoraires extrajudiciaires, finalement les honoraires des procureurs. Elle proposait plutôt la création d'un fonds qui permettrait finalement à ceux et celles qui n'ont pas de représentant d'avoir un soutien particulier pour leur permettre d'être mieux représentés.
Et ce qu'on nous a dit aussi ? et vous devez mieux le savoir que moi ? beaucoup de provinces... le Canada, en général, a... il existe dans beaucoup de provinces des fonds qui permettent justement d'être représenté. Par rapport à ces deux solutions, la première est plus simple évidemment. La deuxième, est-ce que vous pensez qu'elle est souhaitable?
M. Garant (Patrice): Ça mérite sûrement d'être étudié. Et ça existe au Québec, vous savez, dans le domaine... Un des tribunaux de régulation économique dont on parle beaucoup dans les temps qui courent, la Régie de l'énergie, a dans sa loi cette possibilité de subventionner notamment les associations de consommateurs, les associations... enfin, les groupes qui interviennent devant eux. On subventionne leurs recherches, leur représentation légale, de sorte qu'il est possible de concevoir une formule de financement du justiciable. Lorsqu'il s'agit de litiges individuels, c'est peut-être un peu plus difficile parce que, outre l'aide juridique, on pourrait concevoir...
Et je connais un domaine au fédéral où ça existe aussi. Les tribunaux de révision en matière de régime des pensions du Canada, ils ont un régime, là, d'aide et qui est financé par le tribunal pour aider les justiciables à se préparer, et même quelquefois ils les assistent devant la commission. Ça s'appelle la Commission d'appel des pensions Canada. Donc, ça peut être intéressant de regarder ça, s'il n'y a pas lieu d'améliorer la représentation.
Le ministre a insisté beaucoup sur l'importance du droit à la représentation, mais encore faut-il que ce droit-là soit économiquement accessible. Quand on parle d'accessibilité de la justice administrative, il y a l'aspect psychologique, mais l'aspect aussi financier, hein? Avoir accès au tribunal, ça veut dire avoir les moyens de se défendre, de présenter une représentation adéquate.
M. Bédard: Effectivement. Je vais laisser le soin à mon collègue... S'il reste du temps, je vais revenir.
La Présidente (Mme Thériault, Anjou): D'accord. Donc, M. le député de Mercier, la parole est à vous.
M. Turp: On va trouver du temps pour notre collègue député de Chicoutimi. Et ça me fait plaisir de vous voir dans ce contexte, M. le professeur Garant, et merci de rayonner ici, de faire rayonner l'Université Laval. Et comme administrativiste, là, vous éclairez cette commission qui doit se préoccuper de justice administrative et de faire la meilleure loi qui soit, là, pour poursuivre et mener à terme une réforme qui vous doit beaucoup, à vous et à plusieurs administrativistes québécois.
n(17 h 20)n Ma première question porte sur le paritarisme, votre préoccupation, celle que vous exprimez dans le mémoire, mais une question très, très précise. Vous dites que... Vous affirmez, page 10 du mémoire, qu'il y a problème de compatibilité de la charte québécoise et probablement de l'article 23, s'agissant du paritarisme et de la question de l'impartialité et de l'indépendance du Tribunal administratif du Québec. Est-ce que vous nous dites aujourd'hui que, par exemple, la disposition qu'on prévoit inclure dans la loi et qui veut que des personnes issues des associations d'employeurs et d'autres d'associations syndicales, même s'ils ont qualité de conseillers, de conseillers et qu'ils puissent, à ce titre-là, poser des questions lors de l'instruction d'une affaire et exprimer aux membres leur opinion au moment du délibéré... est-ce que vous nous dites qu'une disposition, là, est contraire à l'article 23 de la charte québécoise des droits et libertés?
M. Garant (Patrice): Le simple fait de participer à l'audience, d'une part, et surtout au délibéré les place en situation de pouvoir influencer le décideur, le juge administratif. Or, le secret du délibéré, que ce soit en matière civile, criminelle ou pénale, c'est quelque chose d'extrêmement précieux, hein, absolument conforme au principe de justice fondamentale. Or, le fait que des personnes puissent influencer suffit, à mon point de vue, pour donner cette ? comment dirais-je? ? cette espèce de carence en ce qui concerne l'apparence de partialité. Parce que la partialité, la partialité institutionnelle est non seulement quelque chose qui doit être vécu, réalisé, mais la question de l'apparence est extrêmement importante. D'ailleurs, c'est le critère le plus important retenu par la jurisprudence de la Cour suprême. À mon point de vue, ça suffit. Ça suffit pour rendre vulnérables ces tribunaux paritaires au regard des exigences constitutionnelles de la charte québécoise.
M. Turp: Ça va très loin parce que, si vous arrivez à la conclusion qu'il y a un problème d'indépendance et d'impartialité d'un tribunal qui peut compter des conseillers ? des conseillers, on ne les nomme pas assesseurs, mais je ne sais pas comment on va vraiment les appeler, là; peut-être qu'il faudrait préciser cela, mais ils siègent auprès du membre et le conseillent ? est-ce qu'on n'a pas le même problème avec les assesseurs du Tribunal des droits de la personne du Québec?
M. Garant (Patrice): Les assesseurs des droits de la personne du Québec ne viennent pas présenter... ils ne sont pas là pour représenter des groupes. Ils sont nommés par le gouvernement pour assister le tribunal représentant l'ensemble de la collectivité. Là, c'est parce qu'il y a un lien...
M. Turp: Mais ils siègent auprès du membre et le conseillent, ou le jugent, ou la jugent, là, Mme la Présidente. C'est parce que ça va très loin. C'est parce que c'est à cause de leur mode de désignation que vous dites finalement qu'il y a un problème d'impartialité et d'indépendance, parce qu'ils peuvent jouer le même rôle qu'un assesseur au Tribunal des droits de la personne.
M. Garant (Patrice): Oui, mais là il y a un...
M. Turp: Donc, le problème résiderait dans le mode de leur désignation.
M. Garant (Patrice): C'est ça, et le lien qui se trouve à s'être établi entre eux et l'une des parties, le travailleur ou le... oui, le travailleur accidenté et le patron. Alors, il y a quelque chose là qui est un peu difficile à admettre, que l'une ou l'autre des parties soit représentée par un membre du tribunal. Appelons-le comme on voudra, même s'il ne participe pas finalement à la décision, il est membre du tribunal. On l'appelle d'ailleurs membre actuellement de la CLP. Il a une participation à l'audience, une participation au délibéré, une possibilité d'influencer la décision, et cette personne-là représente d'une certaine façon... enfin, on dit, les patrons, le syndicat et un peu le travailleur qui est partie devant le tribunal. Il y a quelque chose, là, qui me paraît difficile à admettre au point de vue apparence de justice, apparence d'indépendance institutionnelle.
M. Turp: Même si la désignation est faite par le président, le vice-président ou le responsable de la section? Parce que la désignation est quand même faite par le tribunal.
M. Garant (Patrice): Oui, mais sur représentation des associations patronales et des associations syndicales.
M. Turp: Mais sur une liste qui a été dressée par le gouvernement, alors donc...
M. Garant (Patrice): Ça atténue peut-être un peu.
M. Turp: ...je pense qu'il faut réfléchir à ça, là. Il y a...
M. Garant (Patrice): Oui, oui, ça atténue peut-être un...
M. Turp: Vous, vous nous dites, là, qu'il y a un problème de compatibilité avec la charte.
M. Garant (Patrice): Ah oui. À mon point de vue, oui. Oui, oui.
M. Turp: Et donc 83.1 pourrait être vulnérable devant l'article 23.
M. Garant (Patrice): Oui. À mon point de vue, oui. C'est peut-être un peu trop... c'est un peu sévère, mais il me semble que, si on veut un tribunal digne de ce nom, si on veut rechercher le maximum d'objectivité et d'indépendance, il faut aller jusque-là.
M. Turp: J'ai une petite question terminologique, parce que ça vous tient à coeur. Je crois comprendre que vous ne voulez pas qu'on appelle ce tribunal le TRAQ; vous ne voulez pas qu'il soit renommé. Je pense qu'il y a un nouveau consensus là-dessus, mais la question a été soulevée de comment on devrait dénommer les personnes qui rendent la justice administrative. Est-ce que c'est des juges? Est-ce que ce qu'ils font, c'est des jugements plutôt que des décisions? Est-ce qu'il y a lieu de se préoccuper de la distinction entre les juges judiciaires et les juges administratifs dans la terminologie ou, vous, vous être confortable avec l'idée qu'on qualifie les personnes qui, aujourd'hui, ne sont pas des juges, là, selon la Loi sur la justice administrative, de juges et qu'ils rendent des jugements?
M. Garant (Patrice): Oui, moi... De toute façon, nous ne sommes pas les seuls. Aux États-Unis, on a inventé depuis un bon nombre d'années le titre d'Administrative Law Judges. Donc, en droit administratif, il y a des juges qui portent le même titre que les juges des cours civiles ou pénales, et je pense qu'il y a un grand nombre d'intervenants devant vous qui sont d'accord. Donc, ils rendent justice, font partie essentiellement de l'appareil de justice de l'État québécois. Qu'ils rendent des jugements... Au point de vue terminologie, en droit, une décision qui est au terme d'une fonction juridictionnelle, pourquoi... C'est un jugement. Je ne dirai pas que c'est un arrêt parce que le mot «arrêt», comme vous le savez, on le réserve pour les cours d'appel, les cours suprêmes, mais c'est un jugement comme le jugement d'une cour municipale ou d'une cour civile.
La Présidente (Mme Thériault, Anjou): ...secondes.
M. Turp: Dernière petite question, est-ce que vous croyez que l'indépendance durant bonne conduite doit conduire à inclure un recours devant un tribunal judiciaire en cas de destitution par le gouvernement d'un juge administratif?
M. Garant (Patrice): Ça, c'est une belle question. Ce serait peut-être préférable d'harmoniser la législation québécoise, de faire comme dans le cas de la Cour du Québec. Et, même si on ne le faisait pas, il reste que la Cour supérieure, dans son pouvoir de surveillance, peut protéger adéquatement les juges administratifs contre toute décision arbitraire qui serait prise contre eux.
M. Turp: Merci.
La Présidente (Mme Thériault, Anjou): Merci. Donc, il reste quatre minutes à la partie ministérielle. Le député de Marguerite-D'Youville m'a signalé son intention de faire une intervention, mais je vous rappelle que votre question doit être brève pour une réponse brève.
M. Moreau: Merci, Mme la Présidente. Pr Garant, bienvenue. Comme tous les membres de cette commission, je vous ai écouté avec beaucoup d'attention et, pour un moment, je me suis revu un peu dans les salles de cours de l'Université Laval, et avec beaucoup de plaisir, je dois vous dire.
Je profiterais de votre présence et de votre compétence reconnue par tous pour pousser sur la question suggérée par mon collègue de Mercier à l'égard de votre inquiétude du fait que le paritarisme pourrait difficilement passer le test de l'article 23 de la charte. Et je pense que vous ne l'avez pas sous les yeux. Je vais vous lire l'article 23 et je vais vous dire où, moi, je... Je partage, d'abord, entièrement la réserve que vous avez exprimée.
L'article 23 se lit ainsi. On dit: «Toute personne a droit, en pleine égalité...» Déjà, «en pleine égalité», avec deux représentants qui tendent à faire valoir, pour un, la vision patronale et, pour l'autre, la vision syndicale, il faudrait encore qu'on puisse établir l'égalité des représentants, ne serait-ce qu'au niveau de la compétence et de la formation. Donc, on pourrait déjà avoir une question là-dessus. J'aimerais savoir, j'aimerais connaître votre opinion sur la question de pleine égalité.
«...à une audition publique et impartiale de sa cause par un tribunal indépendant et qui ne soit pas préjugé...» Sur l'aspect préjugé, encore là, je ferais la même réserve que celle que j'ai faite préalablement sur «pleine égalité» compte tenu de la formation des membres paritaires, qu'il s'agisse de la détermination de ses droits, etc.
Est-ce que, sur ces deux aspects-là, on pourrait fonder de façon plus détaillée l'opinion que vous exprimez dans votre mémoire?
La Présidente (Mme Thériault, Anjou): Vous avez, M. le professeur, deux minutes pour répondre à la question de M. le député.
M. Garant (Patrice): Oui. Pour le premier point, la pleine égalité, je pense effectivement que c'est important. Et ce serait plutôt, lorsqu'un justiciable, par exemple, n'est ni lié aux associations patronales ou etc., lui-même, qu'est-ce que ça signifie pour lui, la pleine égalité, de voir un représentant syndical ou un représentant patronal devant lui?
n(17 h 30)n Deuxièmement, «qui ne soit pas préjugé», là, c'est intéressant. Quand on a parlé... J'ai parlé à un moment donné dans mon texte: Ah, ils vont être là pour faire prévaloir l'idéologie soit patronale soit syndicale, et si... Le membre d'un tribunal, même s'il n'est pas décisionnel, là... mais il reste que tout de même il influence, participe au délibéré, etc., a des préjugés. Ces gens-là peuvent facilement avoir des préjugés. Il y en a parmi ces représentants... Moi, j'en ai vu, dans le domaine de l'assurance emploi, siéger, c'est pas possible ? de toute façon, il y a des arrêts de la Cour fédérale d'appel sur ces questions-là qui sont très intéressants ? des gens bourrés de préjugés qui malheureusement font partie de la formation, et ça ne donne pas une image de la justice, là, qui est vraiment exemplaire.
Je pense que vous avez raison, il faut viser à ce que... éviter les situations de personnes qui ont au point de départ des préjugés institutionnels. Des représentants patronaux ou représentants syndicaux, certains pensent qu'ils sont là pour faire prévaloir les droits du syndicat, alors qu'ils sont membres d'un tribunal qui est censé être objectif et impartial. Tu sais, il y a un petit quelque chose, là, qui m'agace.
La Présidente (Mme Thériault, Anjou): Merci, Me Garant. Donc, puisque l'ordre du jour est écoulé, j'ajournerai les travaux à jeudi le 5 février, à 9 h 30, dans cette même salle. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 17 h 31)