(Neuf heures trente-deux minutes)
Le Président (M. Boulianne): Alors, étant donné que nous avons quorum, je déclare donc la séance ouverte pour notre commission.
Je demanderais la fermeture des sonneries, s'il vous plaît, sur les appareils de communication.
Permettez-moi aussi de rappeler le mandat de la commission qui est de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 109, Loi sur l'Observatoire québécois de la mondialisation.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Beaumier (Champlain) est remplacé par M. Côté (La Peltrie); M. Gautrin (Verdun) est remplacé par Mme Houda-Pepin (La Pinière); Mme Lamquin-Éthier (Bourassa), par Mme Delisle (Jean-Talon), et, finalement, M. Pelletier (Chapleau), par M. Laporte (Outremont).
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le secrétaire. Alors, l'ordre du jour, jusqu'à 12 h 15: à 9 h 30, nous aurons les remarques préliminaires du groupe parlementaire formant le gouvernement; 9 h 45, les remarques préliminaires du groupe parlementaire formant l'opposition; à 10 heures, nous entendrons la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante ? Québec; à 10 h 45, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, et à 11 h 30, la Fédération étudiante universitaire du Québec. Par la suite, nous suspendrons pour reprendre les travaux à 14 heures.
Remarques préliminaires
Alors, nous procédons immédiatement aux remarques préliminaires. Alors, Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme Louise Beaudoin
Mme Beaudoin: Merci, M. le Président. En février 2001, dans la foulée du rapport de cette commission ? cette commission des institutions ? intitulé Le Québec et la Zone de libre-échange des Amériques, effets politiques et socioéconomiques, déposé quelques semaines avant le Sommet des Amériques qui s'est tenu donc ici, à Québec ? c'est un rapport qui a été, M. le Président, je vous le rappelle, adopté à l'unanimité, ce rapport de la commission des institutions ? j'avais rendu accessibles à ce moment-là aux parlementaires membres de cette commission les textes de négociation de la Zone de libre-échange des Amériques. Il nous semblait de toute première importance, pour des impératifs de transparence et de démocratie, que les parlementaires impliqués aient accès à ces textes. Plus tard, nous nous sommes réjouis de leur publication par le gouvernement canadien auprès de qui j'avais multiplié donc les démarches à cet effet. J'annonçais également que le gouvernement allait intervenir, à l'Assemblée nationale et ailleurs, afin de faire connaître l'état de sa réflexion sur les grands enjeux de la libéralisation du commerce et de la mondialisation.
Depuis le Sommet des Amériques, c'est un véritable plan d'action que le gouvernement du Québec met en oeuvre. Ce plan d'action répond en grande partie aux recommandations formulées dans le rapport de cette commission que je viens de citer ? on pourrait revenir, M. le Président. Il comporte trois points principaux, ce plan d'action gouvernemental.
Premièrement, l'adoption unanime du projet de loi n° 52 rendant obligatoire l'approbation par l'Assemblée nationale de tout accord international important comme celui, bien sûr, sur l'éventuelle Zone de libre-échange des Amériques.
Deuxièmement, la présentation, le 4 juin 2002, du projet de loi n° 109 visant à créer l'Observatoire québécois de la mondialisation qui est l'objet de la présente commission et qui constitue une pièce complémentaire et logique à l'architecture démocratique établie par la loi n° 52. Ces deux lois visent notamment à adapter l'action internationale du Québec à un ensemble international en mutation. La loi n° 52 donne un véritable pouvoir aux parlementaires, et le projet de loi n° 109 permettra à la société civile de se faire entendre d'une façon autonome, d'une façon dont l'indépendance est garantie dans un lieu organisé.
Troisièmement, la mise en place, au sein de l'appareil gouvernemental, d'équipes dédiées à cette question. Il est impératif en effet que, parallèlement aux parlementaires et à la société civile, le gouvernement continue à faire le travail qui est le sien, en regard des enjeux de la mondialisation.
Alors, bien avant le Sommet des Amériques et de façon accélérée, bien sûr, par la suite, un travail intense a été fait par quelques ministères pour assurer qu'au-delà des principes déjà adoptés par le gouvernement des recherches soient réalisées afin d'élaborer des positions gouvernementales sur des enjeux de première importance. Alors, les ministères les plus impliqués sont, bien sûr, le MIC, le ministère de l'Industrie et du Commerce, le ministère des Relations internationales, le ministère de la Culture et des Communications, mais, bien sûr, aussi éventuellement, je dirais, pratiquement tous les ministères du gouvernement: le ministère du Travail, quand il est question des droits sociaux et des droits des travailleurs; le ministère de l'Environnement.
À Johannesburg, aujourd'hui, c'est Jean-François Simard qui est le ministre délégué à l'Environnement, qui est le chef de la délégation québécoise à l'intérieur de la délégation canadienne. Il est accompagné de Michel Létourneau, donc, qui est le ministre responsable du Développement du Grand Nord et ministre délégué aux autochtones, avec Ted Moses, comme vous le savez, le grand chef cri qui accompagne, donc, la délégation québécoise à Johannesburg. Alors donc, ces recherches sont réalisées afin d'élaborer des positions gouvernementales sur des enjeux de première importance. Ainsi en est-il, comme je le disais, des questions culturelles, du travail, de l'environnement, du développement durable, de l'éducation.
Alors, à cet effet, en novembre 2001, à la suite d'une décision du Conseil des ministres, a été créé un groupe de travail gouvernemental sur la mondialisation, coprésidé par le MIC et le MRI. Ce groupe de travail suivra le contenu des prochaines négociations multilatérales afin que soient prises en compte les positions du Québec en particulier sur les aspects non commerciaux que je viens d'évoquer.
Alors, nous croyons, bien sûr, que le gouvernement doit faire son travail en parallèle avec celui que les parlementaires font, par exemple lors de ce mandat d'initiative, de cette commission des institutions à propos du Sommet des Amériques, avant la tenue des Amériques, la même chose donc pour la société civile, et, ultimement, ce que l'on vise, c'est la meilleure information possible pour l'ensemble des citoyens du Québec. Parce que les citoyens, de notre point de vue, ont besoin d'être mieux informés, de comprendre, de savoir, de saisir les enjeux de la mondialisation qui sont susceptibles d'affecter leur vie de tous les jours. On pourra, bien sûr, tout au long des audiences, revenir à ces enjeux qui vont avoir des impacts et des conséquences sur la vie quotidienne des Québécois.
Alors, c'est la raison pour laquelle le gouvernement propose de mettre en place l'Observatoire québécois de la mondialisation, mettre les groupes de la société civile, les mettre au coeur du débat, et, surtout, leur fournir tous les moyens permettant de comprendre l'impact réel et concret de la mondialisation.
Le gouvernement, comme les parlementaires, devra ? ou devrait, en tout cas ? s'inspirer de la réflexion de l'ensemble des forces vives du Québec, c'est-à-dire des personnes impliquées dans les milieux patronaux, syndicaux, celui des ONG, des universitaires ou encore des experts, ceux qui détiennent de l'expertise sur ces questions puis qui ont un intérêt à contribuer aux débats publics.
En fait, l'écoute de la société civile est au coeur de ce projet de loi, et c'est la raison première pour laquelle le gouvernement propose la création de l'Observatoire. Je rappelle que, déjà en 1993 ? 1993! ? la société civile québécoise s'était fait entendre, par exemple sur le débat entourant l'exception culturelle, lors de l'Uruguay Round ? 1993.
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(9 h 40)
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En 1998, je vous rappelle aussi qu'il y a un groupe de pression québécois qui n'a pas été étranger à l'interruption des négociations sur l'Accord multilatéral sur les investissements qui était négocié au sein de l'OCDE, qui était appelé donc l'AMI.
En 2001, je vous rappelle aussi qu'il y a 60 000 personnes qui ont marché pacifiquement à Québec, ici, pour nous dire que, face à une mondialisation débridée, une autre mondialisation est possible. C'était d'ailleurs, donc, le thème du Forum social mondial de Pôrto Alegre, au Brésil.
Nous savons tous que 85 % de nos exportations vont aux États-Unis; que, depuis l'Accord de libre-échange, ces exportations ont triplé; que notre prospérité dépend de cette ouverture des frontières; donc que, sur le plan commercial, cette ouverture des frontières nous a été certainement profitable. Alors donc, il y a toutes ces dimensions à prendre en compte.
Et, au moment même où s'ouvre cette commission parlementaire, à l'autre bout du monde, à Johannesburg, en Afrique du Sud, au Sommet de la terre, Rio plus 10, l'actualité témoigne que la gouvernance du monde ne se fait plus de la même façon; la place de la société civile est devenue incontournable. Pour ce débat sur l'environnement et le développement durable, 50 000 personnes sont mobilisées actuellement, à Johannesburg.
À la lecture des mémoires reçus, au cours des prochaines séances, nous aurons l'occasion de constater combien le dialogue importe. Je me réjouis que, déjà, ne serait-ce que par l'étude du projet de loi lui-même, l'Observatoire commence à jouer son rôle d'information et de diffusion. C'est l'objectif même du gouvernement, et, à cette étape, permettez-moi d'insister sur la grande ouverture qui est la mienne et sur ma volonté d'être réceptive. Je recherche, comme d'habitude, le dialogue constructif, et je vous assure, dès à présent, de ma disponibilité et de mon ouverture d'esprit.
Alors, on reviendra... Combien de temps me reste-t-il, M. le Président?
Le Président (M. Boulianne): Vous avez huit minutes, Mme la ministre.
Mme Beaudoin: Il reste huit minutes?
Le Président (M. Boulianne): Oui. Vous avez 15 minutes, et, si d'autres aussi veulent intervenir, alors on peut intervenir à l'intérieur du 15 minutes.
Mme Beaudoin: Très bien. Je pense que, rapidement, je peux dire quel sera cet Observatoire, et puis, ensuite, en conclusion.
Alors, l'Observatoire. Les grandes lignes du projet que nous avons présenté, les voici. Par l'Observatoire, l'ensemble des Québécois, c'est-à-dire les citoyens du Québec, le gouvernement, les groupes organisés... par cet Observatoire, le Québec se donnera le moyen, donc, de mieux comprendre la mondialisation, et, ce faisant, de mieux participer au débat de société que cette mondialisation implique nécessairement. Il s'agit en partie d'élargir le débat en impliquant davantage la population sur toute cette question de la mondialisation.
Il ne s'agit pas de mettre sur pied un organisme de concertation ni un sommet socioéconomique permanent. On sait très bien que les gens autour de la table ne seront pas tous d'accord. Espérons qu'il y aura des consensus, mais on ne peut pas imaginer, on ne peut pas obliger les consensus. Mais on veut cependant qu'il y ait un dialogue, un débat, puis l'objectif, c'est de créer des passerelles entre tous ces organismes de la société civile et les citoyens du Québec. Et ce sera, cet Observatoire, certainement un centre de référence, étant donné, donc, toutes les informations qui seront colligées par l'Observatoire, et, bien évidemment, on va se servir d'Internet puis des nouvelles technologies, donc avec un portail qui sera, espérons-le, le plus tôt possible, incontournable.
Alors, je vous rappelle que l'Observatoire va disposer ? c'est important ? d'une autonomie réelle en termes d'orientations et de mandat. Parce qu'on ne peut pas... C'était d'ailleurs une des conditions, dans le cadre de la consultation préalable que j'ai menée, que les groupes ont demandées, donc, à ce que cet Observatoire soit le plus indépendant du gouvernement possible pour que les discussions soient les plus libres possible et que chacun puisse s'exprimer.
Après une consultation, donc, informelle ? j'ai rencontré une vingtaine de groupes et d'individus ? nous en sommes venus à la conclusion que le conseil d'administration devrait être composé de personnes issues de tout horizon. Alors, on pense aussi que le conseil d'administration ne doit pas reproduire des positions officielles d'organismes. Donc, les individus qui seront autour de la table comme membres du conseil d'administration ne seraient pas des représentants officiels de leurs organismes mais ce seraient des gens issus soit du monde syndical, du monde patronal, du monde des ONG, mais nommés pour leur expertise, leur engagement puis leur indépendance de vues. On veut donc respecter les sensibilités différentes qui se manifestent dans la société québécoise puis on veut aussi, bien évidemment, refléter la composition démographique de la population du Québec, puis on le dit très nommément: Il doit y avoir au moins trois jeunes de moins de 35 ans. Bon. C'est inclus dans le projet de loi.
Alors, concrètement, l'Observatoire va assurer une veille et un suivi de tout ce qui se fait au Québec et à l'étranger sur des sujets d'intérêt pour le Québec. On va favoriser les travaux auprès des centres de recherche, mais ce n'est pas un centre de recherche. Alors, c'est un organisme que je voudrais, personnellement, le plus terrain possible, qui fasse des analyses mais à partir de ce qui, dans les universités, déjà, se produit pour ensuite les vulgariser, les diffuser, sensibiliser l'opinion publique dans toutes les régions sur justement les impacts et les conséquences, par exemple de la négociation sur la Zone de libre-échange des Amériques et de la négociation en cours sur l'OMC. Parce que vous savez que les deux sont en train d'avoir lieu au moment où on se parle, la ZLEA et l'OMC, et que les deux doivent se conclure en 2005. Voilà.
Alors, l'Observatoire aura donc comme mission de fournir aux Québécoises et aux Québécois des informations fiables, qui vont leur permettre de saisir les enjeux de la ZLEA, de l'OMC puis de la mondialisation en général; d'agir donc de façon éclairée en vue de favoriser, ce que l'on dit, une mondialisation maîtrisée, équilibrée, respectueuse des droits de la personne. Alors, on le voit, les négociations de l'OMC, celles de la ZLEA, c'est ce que je disais, donc, sont en cours. Il faut donc, le plus rapidement possible, que le débat de société ait lieu.
Alors, il y a aussi une dimension importante, me semble-t-il. C'est que plusieurs des groupes que j'avais rencontrés, puis qui se retrouveront, des personnes issues de ces groupes qui se retrouveront autour de la table comme membres du conseil d'administration, travaillent sectoriellement dans le secteur qui les intéresse. Alors, un des avantage de l'Observatoire puis ce qui est inédit, ça va être de conjuguer les efforts de chacun afin de permettre aux citoyens et aux groupes donc de se donner une vision globale et non plus que sectorielle des enjeux entourant la mondialisation.
Ce qui est recherché, c'est la transparence de ces négociations; en fait, que l'on sache ce qui se passe, de la démocratie par la connaissance. L'objectif ultime, il est celui-là. Ces négociations se tiennent, normalement, dans le plus grand secret, derrière des portes closes. Il est très difficile, même pour le gouvernement, de savoir ce qui s'y passe. Alors, de mettre, tous ensemble, nos informations, de mettre, tous ensemble, ce que l'on sait, je crois que ça sera, pour les citoyens du Québec, un avantage démocratique considérable. Parce que les citoyens nous le disent, ils s'inquiètent de ce déficit démocratique. Puis, dans son rapport sur la ZLEA, cette commission des institutions ? la nôtre ? avait fait écho à ces préoccupations.
La démocratie est au coeur des débats entourant la mondialisation, est au coeur des débats. L'Observatoire donnera donc prise aux citoyens... redonnera prise aux citoyens, leur donnera les outils d'une meilleure participation aux débats démocratiques. Alors, à la lecture des mémoires, on constate que la création de l'Observatoire est attendue par la quasi-totalité, d'ailleurs, des individus ou des groupes qui vont comparaître devant la commission sur ce projet de loi n° 109.
Le Président (M. Boulianne): En conclusion, Mme la ministre.
Mme Beaudoin: Très bien. Alors, moi, ce que je vise, c'est que les Québécoises et les Québécois ? c'est peut-être utopique, mais il faut rêver ? puissent être les citoyennes et les citoyens les mieux informés dans le monde entier, voire les mieux préparés pour affronter ce grand défi de la mondialisation, qui est le défi, donc le nôtre, au XXIe siècle, et qu'on puisse choisir, à ce moment-là, en toute connaissance de cause, les meilleures voies de l'avenir pour le Québec. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, Mme la ministre. Alors, nous allons procéder aux remarques, maintenant, du groupe parlementaire formant l'opposition, la porte-parole officielle. Et je veux rappeler que, à l'intérieur des 15 minutes... Alors, s'il y en a d'autres qui veulent intervenir... Alors, Mme la députée, allez-y.
Mme Margaret F. Delisle
Mme Delisle: Merci, M. le Président. Alors, avant de commencer mes remarques, je voudrais saluer tous les collègues. Je pense que, pour la plupart d'entre nous, même si on a quand même travaillé cet été, c'était un retour au collège ? ha, ha, ha! ? pour quelques-uns d'entre nous; collège, il faut le lire évidemment en commission parlementaire pour quelques-uns d'entre nous.
Je voudrais rappeler aux collègues que, lorsque la ministre des Relations internationales m'a consultée, parce qu'en fait elle m'a sensibilisée au fait qu'elle avait l'intention de déposer une pièce législative créant un observatoire québécois de la mondialisation, le Parti libéral du Québec a vite compris que c'était dans la suite des choses. D'abord, parce que la commission des institutions avait fait un énorme et un magnifique travail de réflexion à l'égard de la Zone de libre-échange des Amériques. Le Parti libéral du Québec a donné son aval en votant avec le gouvernement sur la loi n° 52, à laquelle la ministre a fait référence tout à l'heure. Et je dirais que je pense qu'un des éléments déclencheurs, certainement, pour les non-initiés ou les gens qui, pas méchamment, mais n'étaient pas nécessairement au courant des effets néfastes finalement de cette mondialisation, ça a été le Sommet des peuples.
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(9 h 50)
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Il y a eu le Sommet des Amériques ? ça, c'est un volet ? mais le Sommet des peuples qui s'est tenu chez nous, dans notre cour, avec tout ce que ça a comporté, mais qui a fait en sorte que les parlementaires du Québec ont pu ? de l'Assemblée nationale ? ont pu assister à des ateliers, discuter, échanger, autant les membres du gouvernement que les membres de l'opposition officielle ont participé à ces échanges. J'ai des collègues qui ont fait partie d'ateliers, il y en a d'autres qui ont participé à titre de personnes-ressources.
Donc, je pense que toute cette question de la démocratie ou de ce déficit démocratique, de transparence aussi à l'égard des négociations qui se tiennent définitivement à portes closes, le Parti libéral du Québec a, et à juste titre, été capable finalement de le dénoncer et a su, au fil de ses interventions, démontrer qu'il fallait faire autrement.
Il est certain que la pièce législative qui est devant nous et sur laquelle on entendra les différents intervenants dans les jours qui viennent, c'est une pièce législative qui est quand même très importante et qui prend toute son importance, devrais-je dire, au fur et à mesure que la mondialisation, je ne dirais pas qu'elle prospère, là, mais, finalement, qu'elle s'ajuste et qu'elle s'implante.
Elle peut effrayer, cette mondialisation-là; elle peut rassurer, dépendamment, évidemment, du point de vue qu'on a puis des intérêts des différents secteurs de la société. Mais on sait aussi que la mondialisation n'a pas donné uniquement les effets positifs qui étaient escomptés par les promoteurs de cette mondialisation-là. Il y a effectivement ? on en a parlé tout à l'heure ? un déficit démocratique, un manque de transparence, mais il y a aussi... La barre était haute: il y a eu des pertes d'emplois, il n'y a pas eu autant d'emplois de créés qu'on aurait souhaités, et, d'ailleurs, l'Organisation internationale du travail, par le biais de son directeur général, en juin dernier, a carrément dénoncé que plus d'un milliard d'hommes et de femmes étaient actuellement sans emploi, tandis que d'autres étaient ou sous payés ou employés dans des conditions impitoyables.
Il reste que les données évoquées par cet organisme, qui est l'Organisation internationale du travail, ne sont certainement pas de bon augure, pour plusieurs, sur l'avenir de la mondialisation. Pour d'autres, la mondialisation, on le sait, représente, dépendamment de la manière dont elle est appliquée, une excellente occasion de moderniser et de restructurer nos économies afin de répondre adéquatement aux besoins de demain.
Mais, pour les citoyens, les citoyens du Québec ? parce que nous représentons les citoyens du Québec ? ça ne veut pas dire grand-chose, ces grands discours. Ce qu'il faut, là, donner... Et c'est pour ça que le Parti libéral du Québec a donné son aval. On a des questions ? je vous le dis tout de suite ? on a quelques petites réticences, c'est sûr, par rapport au projet de loi, mais il est certain que les citoyens doivent y trouver leur compte. On est ici justement, tout ce qu'on en est, pour représenter les citoyens, les besoins des citoyens, et il faut... On est rendus à cette étape où la société civile, donc l'ensemble des citoyens quels qu'ils soient, puisse avoir voix au chapitre et puisse pouvoir s'exprimer sur les décisions qui sont prises, semble-t-il, en leur nom, mais qui ont évidemment des effets quelquefois heureux mais peut-être quelquefois aussi pervers, et ils en subissent les conséquences.
Il faut aussi, je pense, retenir des discussions que nous aurons avec les intervenants... C'est vrai que l'ensemble des intervenants qui présenteront des mémoires sont d'accord avec la création de cet Observatoire.
Je vous dirais que je reste avec quelques bémols. Je voudrais m'assurer que le gouvernement du Québec, que la ministre des Relations internationales, a exploré toutes les avenues possibles avant d'arriver à la création d'une nouvelle structure. Elle nous a dit il y a quelques minutes qu'il ne s'agissait pas d'un centre de recherche, que les gens qui siégeraient sur le conseil d'administration, ce serait des gens qui sont des experts dans leur domaine, à l'intérieur de l'organisme qu'ils représenteraient.
La question que je pose: Est-ce qu'on a besoin de 15 personnes, ou 16, ou 17 ou 18 personnes sur un conseil d'administration pour conseiller ou pour créer finalement... pour faire ce monitoring à l'égard de la documentation ou à l'égard des enjeux qui touchent toute la question de la mondialisation? Moi, je pense que c'est important. Nous aurons certainement l'occasion de questionner non seulement le gouvernement en temps opportun, mais aussi les organismes qui vont venir présenter leur mémoire.
L'autre élément, c'est toute la question de la transparence. C'est la question de l'indépendance du gouvernement par rapport à cette structure, et j'ouvre une parenthèse qui m'apparaît importante: il s'est créé beaucoup de structures au Québec depuis l'arrivée au pouvoir du Parti québécois, une soixantaine. Alors, pour faire image, là, on pourrait dire qu'il s'en est créé une par mois, pendant cinq ans. Il y en a certaines qui pourraient peut-être être remises en cause. Est-ce que cette structure, que la ministre veut légère et peu coûteuse, s'avérera être une structure légère et peu coûteuse?
Alors, je pense qu'il faut aussi regarder la possibilité.... Est-ce que cette possibilité de travailler de concertation avec des chercheurs universitaires ou avec des organismes qui font déjà ce genre de travail là a été explorée? Je pense que c'est important de le faire. Transparence, indépendance du gouvernement à l'égard de cette structure: il ne m'apparaît pas, dans le projet de loi, que cette ligne que la ministre semble vouloir tracer entre l'indépendance du gouvernement par rapport à cette structure est si claire que ça.
Alors, je pense que ça fait partie du questionnement que nous avons. Je vais, par contre, partager mon temps avec ma collègue de La Pinière qui, elle, avait participé de très près aux travaux de cette commission, en 2000.
Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup.
Le Président (M. Boulianne): Je vous remercie beaucoup. Mme la députée de Jean-Talon. Alors, Mme la députée de La Pinière, vous avez la parole.
Mme Fatima Houda-Pepin
Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour, je voudrais saluer la ministre et les collègues. Effectivement, j'ai un intérêt très prononcé par rapport à ce débat pour avoir participé aux travaux de la commission des institutions sur la ZLEA. Et donc, le rapport auquel la ministre fait référence et qui a fait consensus, je fais partie de ce consensus-là, et c'était des questions qui nous préoccupent tous.
Je voudrais aussi profiter de cette occasion pour saluer ma collègue la députée de Jean-Talon, porte-parole de l'opposition officielle en matière de relations internationales et de la francophonie, qui a fait un travail très important dans notre caucus pour sensibiliser tous nos collègues à la problématique de la mondialisation.
Elle a bien campé en fait le positionnement dans ses remarques préliminaires. Je voudrais juste ajouter quelques éléments. D'abord, dire que le Québec, c'est dans sa tradition d'être ouvert au monde. La mondialisation n'a pas commencé aujourd'hui pour nous, c'est-à-dire tous les gouvernements, depuis le gouvernement de l'Union nationale, le gouvernement de Jean Lesage, le gouvernement de Robert Bourassa, le gouvernement de René Lévesque, assez préoccupés de la mondialisation qui, à l'époque, était dans ses phases peut-être préliminaires, et cette préoccupation nous est imposée d'abord par notre réalité. Le Québec est une économie qui est ouverte sur le monde. Nous sommes une économie d'exportation. Il est donc très important que l'on soit présents et préoccupés par les enjeux.
Également, il y a une réalité particulière au Québec qui est celle de la langue et de la culture, et, dans la mondialisation, c'est des réalités qu'il faudrait, à tous points de vue, regarder de près.
Pour avoir suivi effectivement le débat sur la ZLEA dans la commission des institutions et rappeler aussi que, parallèlement au Sommet des Amériques qui s'est tenu à Québec, s'est tenue aussi dans cette salle, dans cette enceinte de l'Assemblée nationale, l'assemblée de la Conférence des parlementaires des Amériques à laquelle j'ai participé, et le débat que nous faisons aujourd'hui, il est aussi partagé par les parlementaires des Amériques. Ils sont préoccupés aussi, tout comme nous, par les enjeux de la mondialisation.
Pour revenir aussi à la question des enjeux culturels, parce que c'est vrai que la mondialisation, jusqu'à tout récemment, lorsqu'on en parlait, c'était surtout pour la mondialisation des marchandises, la mondialisation des commerces. Or, l'enjeu que nous avons devant nous, c'est aussi la mondialisation des valeurs.
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(10 heures)
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C'est quoi, les valeurs fondamentales qui vont prévaloir dans les rapports entre les peuples, entre les pays du nord et les pays du sud? Est-ce que c'est les valeurs de productivité à outrance ou est-ce que c'est des valeurs aussi de respect des droits de la personne, de la démocratie, de respect de la diversité culturelle? Et ça, c'est un enjeu qui nous touche de très près.
Et, moi, je le vois, particulièrement à titre de porte-parole de l'autoroute de l'information, dans les technologies de l'information, c'est un enjeu colossal, dire: On veut ouvrir Internet à tous les citoyens, mais on leur offre quoi sur Internet? Donc, c'est très important que l'on soit vigilant, qu'on puisse mettre de l'énergie pour développer des contenus en français, pour que, dans les écoles, l'ordinateur ne soit pas seulement un instrument de divertissement, mais qu'il soit aussi un outil pédagogique, qu'il soit un outil pour la maîtrise de la langue française, pour véhiculer aussi des contenus qui vont permettre à nos entreprises, à nos petites entreprises de logiciels, entre autres, de développer des contenus en français, parce que nous vivons dans un contexte de mondialisation, et depuis toujours, aussi au niveau linguistique.
Hier, il y a eu un séminaire interaméricain sur la gestion des langues. Et ces points-là ont été soulevés, notamment en ce qui a trait à la gestion des différentes langues dans un contexte intégré comme les Amériques et, on peut aller plus largement, au niveau de la planète, carrément. Et cet enjeu, pour nous, également est colossal, et il faudrait en être conscient comme société. Au-delà de nos appartenances idéologiques et autres, c'est des priorités qu'on devrait mettre de l'avant.
Et, juste pour vous donner un exemple, pour faire référence au débat d'hier sur la diversité linguistique, la langue dominante a toujours été la langue de l'économie dominante, hein, depuis toujours. Et c'est évident que l'anglais, parce que c'est les Amériques, parce que c'est les États-Unis d'Amérique plutôt, c'est la langue qui est dominante. Sauf que, avec le niveau de mondialisation auquel nous sommes rendus, nous sommes forcés... Et, moi, je prévois que même les entreprises américaines, qui sont très suffisantes dans leur espace linguistique... Parce qu'elles ne sentent pas le besoin d'apprendre les autres langues parce qu'elles font affaire en anglais et puis c'est le monde qui vient vers eux, donc on doit apprendre l'anglais pour faire affaire avec les entreprises américaines. Sauf qu'on constate, avec la mondialisation d'aujourd'hui, que des entreprises à Montréal ? ça pourrait être aussi aux États-Unis, ça va venir ? parce qu'on a atteint un niveau de mondialisation où la production est éparpillée dans le monde, qu'une entreprise dont le siège social est à Washington, qui a son service de production à Taïwan, qui a son service de marketing au Mexique, qui a son service de distribution à Montréal doit elle-même, comme entreprise, pour fonctionner, communiquer dans différentes langues. Donc, on va chercher des gens qui ont des compétences linguistiques non pas dans une seule langue, mais dans plusieurs langues.
Et ça, c'est des enjeux qui sont nouveaux, et, pour nous, c'est un grand défi. Et je suis très heureuse de participer avec ma collègue... mes collègues des deux côtés, à ce débat et cette consultation sur l'Observatoire de la mondialisation.
Auditions
Le Président (M. Boulianne): Alors, merci beaucoup, Mme la députée de La Pinière. Donc, les remarques préliminaires étant faites, je demanderais à la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante ? Québec de, s'il vous plaît, s'avancer en avant.
Alors, bienvenue à la commission. Simplement rappeler le temps alloué pour la présentation de cet échange: nous avons 45 minutes, alors vous avez 15 minutes pour exposer votre mémoire, il y aura 15 minutes d'échanges avec le parti gouvernemental et 15 minutes avec l'opposition. Alors, si vous voulez bien vous présenter et par la suite présenter votre mémoire. Merci.
Fédération canadienne de l'entreprise
indépendante
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Québec (FCEI)
M. Fahey (Richard): Merci, M. le Président. Mme la ministre, chers amis parlementaires, mon nom est Richard Fahey. Je suis le vice-président Québec de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Peut-être... Pour le bénéfice de tout le monde, la FCEI, comme on l'appelle, est l'association patronale qui représente les PME au Québec et au Canada. Nous représentons 23 000 PME ici, au Québec, et 103 000 à travers le Canada. Toutes ces entreprises-là sont indépendantes, dans le sens que ce sont toutes des PME et elles sont toutes à propriétaire unique ou à propriété... ce ne sont pas des filiales. Il peut y avoir plusieurs propriétaires, plusieurs associés, mais ce ne sont pas des filiales de plus grandes entreprises.
Fait particulier de la Fédération, c'est que nous n'intervenons publiquement sur les dossiers d'actualité que sur la base de sondages auprès de nos membres. Je ne suis pas ici pour vous faire part de la position du conseil d'administration ou de la position de Richard Fahey. Ce que je vais vous présenter ce matin, c'est la position des PME du Québec eu égard aux accords de commerce internationaux et de l'Observatoire de la mondialisation qui est le sujet de la discussion aujourd'hui.
La présentation sera divisée en trois sections. D'abord, j'aimerais vous présenter, en introduction, la réalité de la PME, cette réalité qui a changé au fil des ans, et l'importance que ces entreprises occupent dans l'économie québécoise et canadienne. La seconde partie de mon exposé traitera de la vision des PME à l'égard des accords de commerce internationaux, parce que, à notre avis, il y a des enseignements qui sont utiles pour l'Observatoire et pour la poursuite de vos travaux. Et, finalement, nous aurons des commentaires spécifiques par rapport au projet de loi et par rapport à l'Observatoire et son mode de fonctionnement.
D'abord, peu de gens savent que 97 % des entreprises au Québec ont moins de 50 employés. Encore moins de gens savent que 75 % des entreprises au Québec ont moins de cinq employés. C'est une réalité qui est incontournable, qui fait partie de notre tissu économique. Un travailleur sur deux... en sortant de votre maison, de votre appartement, vous regardez à droite, à gauche, il y a un de vos voisins qui travaille dans une PME. La statistique la plus intéressante, à mon avis, c'est que 80 % des nouveaux emplois, créés annuellement dans toute l'économie québécoise, proviennent de la PME, donc la PME est vraiment un élément moteur de l'économie québécoise. Plus près de vos préoccupations, 50 % des exportations qui sont faites sont le sort de PME.
On parle beaucoup de mondialisation, de la transformation de nos économies, de transformation de nos sociétés. C'est une réalité que nous considérons et que les PME du Québec considèrent comme étant inévitable. Est-ce que ça veut dire qu'on doit se résigner? La réponse à ça, c'est non. Il faut trouver des avantages, trouver des opportunités et façonner cette mondialisation pour que tout le monde y trouve son compte. Cette transformation de l'économie s'opère depuis des années et continuera à s'accentuer. C'est un processus qui est irréversible. Ce processus entraîne des transformations de notre tissu économique. Auparavant, on voyait de grandes entreprises. Aujourd'hui, les grandes entreprises se rationalisent mais créent autour d'elles un réseau, un tissu de petites PME spécialisées dans un domaine particulier qui sont à même d'assumer ou d'assurer une fonction qui était traditionnellement celle de ces grands empires qui, aujourd'hui, se rationalisent à ce qu'on appelle les compétences distinctives.
Prenons quelques minutes pour regarder comment les PME ont vécu l'intégration économique depuis l'ALE, l'Accord de libre-échange, avec les États-Unis. D'abord, elles étaient partagées, à savoir est-ce que... puis vous allez le voir dans notre mémoire, à la page 4, dans le tableau: près de 35 % des gens disaient que ça va être positif, près de 33 % disaient qu'ils n'anticipaient pas beaucoup d'impact et 25 % ne le savaient pas trop. Dix ans après, la FCEI a posé la question à ses membres et, là, fait intéressant, 55 % des PME du Québec disaient que l'Accord de libre-échange avait eu un impact positif sur leur entreprise, ou avait eu très peu d'impact, 36 %. Pourquoi des gens disent qu'il y a peu d'impact? C'est certainement dû aux caractéristiques de notre représentation. Il y a beaucoup d'entreprises qui sont dans le commerce du détail, donc qui ont des opérations qui sont, essentiellement, territorialement limitées. On pense aux dépanneurs et ainsi de suite. Un dépanneur ne fait pas d'exportation nécessairement. Et donc, dans ce contexte-là, il est normal qu'à peu près un tiers de notre membership ou des répondants disent qu'il y ait peu d'impact.
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(10 h 10)
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Ce qui ressort de cette réalité qui est devenue l'Accord de libre-échange, c'est que nos exportations ont augmenté de 152 % sur la période 1988-1998. Et aujourd'hui, Mme la ministre, vous parliez de «triplé» depuis l'ALE. Cette réalité-là, c'est que les PME, tout comme les grandes entreprises, ont profité de l'opportunité qui leur était donnée d'ouverture de marchés pour voir qu'au-delà du Québec, au-delà du Canada, il y avait d'autres marchés qui valaient la peine d'aller courtiser et convoiter.
78 % de nos PME nous ont répondu qu'un des éléments facilitateurs avait été la devise. La dévaluation du dollar canadien avait certainement facilité notre exportation. Je ne veux pas entrer aujourd'hui dans le débat de «est-ce qu'on devrait adopter une monnaie commune?» ? on a des sondages à ce niveau-là qu'on pourra vous fournir en temps et lieu. Mais le point important du graphique 2, en page 5, c'est que les PME ont déployé beaucoup plus d'efforts. Elles ont été sensibilisées aux possibilités qu'offrait le marché américain et elles se sont tournées, elles ont agencé leurs productions et leurs exportations vers cette nouvelle opportunité qui leur était offerte. 50 % des répondants nous ont dit: L'ALE a été un facteur déterminant dans l'augmentation des exportations de notre entreprise. Donc, le constat était, somme toute, très positif par rapport à l'ALE.
Arrive l'ALENA, les négociations de l'ALENA, et ça, c'est un peu intéressant, on voit que le Québec, qui avait été un des vraiment grands défenseurs de l'Accord de libre-échange, les PME du Québec disent que le gouvernement du Canada ne devrait pas signer l'ALENA. On s'est demandé pourquoi, et la réponse à ça a été sensiblement que, alors que l'ALE était une initiative canadienne et québécoise aussi, l'ALENA était essentiellement une initiative américaine qui voulait pénétrer ou qui voulait avoir accès à un nouveau marché qui était celui de l'ALENA. Vous avez, en page 7, le niveau de confiance des PME à l'égard de la politique face à l'ALENA, selon le secteur industriel, et il est intéressant de constater qu'il y a certains secteurs qui étaient vraiment opposés à toute ouverture du côté de l'ALENA.
Maintenant, ça ne veut pas dire que les PME ont recommandé qu'on ne signe pas l'ALENA. Et le sondage ou le résultat qu'on vous présente au graphique 5, en page 8, démontre que c'est un peu par dépit que nos PME canadiennes ont dit qu'on devait signer l'ALENA. Pourquoi? Parce qu'on risquait de ne pas avoir accès aux marchés, parce qu'il va néanmoins y avoir un accroissement des opportunités d'exportation et ainsi de suite. Mais c'est plus par dépit que l'ALENA a été signé, du point de vue des PME.
Début des années 2000, Sommet du Québec en 2001, la ZLEA. La FCEI a sondé ses membres en novembre 2001 pour savoir quelle était leur position face aux négociations qui s'enclenchaient au niveau de la ZLEA. Et, fait intéressant, plus de 55 % des entreprises québécoises ? et on remonte en quelque sorte dans le peloton des provinces canadiennes ? supportent la conclusion de la ZLEA comme étant la prochaine étape d'intégration économique continentale.
Troisième section de ma présentation concernant l'Observatoire. S'il y a un message que je voudrais laisser ici avant de quitter, c'est que, traditionnellement, les accords de commerce internationaux ont été à l'initiative des grandes entreprises. Aujourd'hui, avec toutes les transformations que la mondialisation a apportées, les PME jouent un rôle primordial dans les économies nationales. Et, dans ce contexte-là, l'Observatoire devrait être très attentif aux préoccupations des PME dans le cadre de cette intégration prochaine, dans le cadre des accords de la ZLEA ou encore de la ronde de négociations de Doha qui ont été entreprises.
Deuxième... Par rapport à la mission, je ferai quelques commentaires sur le projet de loi n° 109. Les objectifs du gouvernement, dans le cadre de la mise en place de cet Observatoire-là, sont certes louables et favorisent un débat ouvert qu'on veut transparent auprès de la société civile. Ce qu'il ne faut pas, à notre sens... ce qui serait une conséquence malheureuse des travaux de l'Observatoire serait qu'on évacue le volet des affaires. Les accords de commerce internationaux sont des accords de commerce. L'intégration économique, la mondialisation a d'abord été initiée par une volonté de commerce. Ça ne veut pas dire qu'il faut évacuer tous les volets de travail, d'environnement, de culture et ainsi de suite. Le point, c'est simplement... que je voudrais faire valoir, c'est qu'il ne faut pas évacuer le volet commercial de ça, il ne faut pas dénaturer la bête qui est la mondialisation, qui est d'abord et avant tout commerciale. Oui, elle doit s'intégrer dans un contexte culturel, environnemental, humain, mais c'est d'abord et avant tout une dynamique commerciale.
Quelques commentaires simplement. Quand je parlais précédemment de l'importance que la réalité de la PME soit bien comprise par l'Observatoire, il serait opportun qu'un des sièges du patronat soit réservé à une personne qui soit au fait de la réalité des PME. Un petit point d'intendance sur le C.A. On parle du V.P. ou de l'absence temporaire du président du C.A. Je pense qu'il serait opportun qu'on mette un vice-président qui puisse prendre le relais et qu'on n'ait pas besoin d'une intervention gouvernementale pour débloquer une impasse qui serait due peut-être à la maladie ou à une incompétence du dirigeant.
Finalement, et c'est un point que je voudrais laisser juste avant ma conclusion, quels sont les enjeux que les PME anticipent pour le futur. Ils sont de nature, d'abord et avant tout, à la hauteur de 34 % au niveau de la compétitivité, de la concurrence que les accords de commerce amènent. Il faut savoir qu'à ce niveau le Québec est en retard par rapport à l'Ontario de 23 %, de 35 % par rapport aux États-Unis. Le débat n'est pas de...
Le Président (M. Boulianne): En conclusion, M. Fahey, s'il vous plaît.
M. Fahey (Richard): Oui. Le débat n'est pas de faire le débat de la concurrence québécoise. Notre point, c'est simplement que c'est un défi auquel font face toutes les PME.
Finalement, et ce sera mon dernier point, au niveau des enjeux. Les mécanismes de résolution des conflits sont bâtis pour les grandes entreprises. Le bois d'oeuvre est un bon exemple. Une PME qui est dans le bois de sciage ne peut pas vivre deux ans d'un conflit.
Finalement, Mme la ministre, je veux prendre... sortir de mon texte un peu pour saluer le Centre Québec-Europe qui, à notre avis, est une belle initiative pour aider justement les PME à avoir une vitrine d'affaires en Europe. Je vous invite à mettre l'emphase sur ce volet affaires là, que ce ne soit pas simplement culturel, que la vitrine soit continentale au niveau de l'Europe et qu'on aide justement les PME parce qu'elles font partie maintenant des acteurs incontournables de la mondialisation.
Je vous remercie de votre temps et je suis bien entendu disposé à répondre à vos questions.
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(10 h 20)
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Le Président (M. Boulianne): Alors, merci beaucoup, M. Fahey, de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante ? Québec. Alors, avant de passer la parole à la ministre pour faire un échange, nous avons, tout à l'heure, fait un oubli au niveau des remplacements. Alors, M. le secrétaire, je vous donne la parole.
Le Secrétaire: Merci, M. le Président. On m'informe que Mme Leduc (Mille-Îles) sera remplacée par M. Lelièvre (Gaspé).
Le Président (M. Boulianne): Alors, merci beaucoup. Alors donc, Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme Beaudoin: Oui. M. Fahey, bonjour. Ça fait plaisir de vous revoir. Et j'ai écouté avec attention, et on avait lu aussi avec attention votre mémoire. Je voudrais faire quelques commentaires puis, ensuite, peut-être, vous poser quelques questions.
Quelques commentaires. Ce que vous dites sur le Centre Québec-Europe, il est évident que c'est ça, l'originalité du Centre éventuel. Parce que vous savez qu'on a annoncé qu'il y aurait un centre, mais il n'est pas encore en opération. Il le sera, normalement, en 2004. Mais c'est ça, l'originalité, c'est de dire: On va jumeler, on va arrimer, on va faire en sorte qu'il y ait deux fonctions et deux mandats: un mandat culturel, bien évidemment, de rayonnement sur l'ensemble du continent et un genre d'incubateur d'entreprises pour les PME sur le continent européen, donc, pour qu'elles puissent venir tester leurs produits et que ce soit cette vitrine pour nos PME. Je pense que c'est important et ça démontre justement la sensibilité générale du gouvernement.
Et cette sensibilité par rapport aux PME, elle s'exprime aussi dans les missions Québec, je pense qu'on peut le dire, dans les nombreuses missions Québec et dans les programmes du MIC. Mais les missions Québec ont été, je crois, un point important. Parce que, dans le fond, les grandes entreprises ont beaucoup moins besoin de ces missions Québec et de cette expertise gouvernementale ou de nos représentations à l'étranger, en effet, que les PME.
Donc, c'est pour vous dire, enchaîner sur vos commentaires et vos préoccupations, qu'il me semble évident qu'il faudra en effet que l'Observatoire soit attentif aux préoccupations des PME, comme vous le demandez, et que ça pourrait en effet aller jusqu'à ce qu'il y ait une personne issue du milieu des PME pour bien représenter cette dimension autour de la table du conseil d'administration.
Je voudrais vous rassurer aussi. Je ne vois pas comment on pourrait évacuer la dimension commerciale; je l'ai dit: c'est notre pain, c'est notre beurre, c'est notre prospérité. Il faut voir, comme vous l'avez vous-même remarqué, comment cette mondialisation se fait. Et c'est vrai que ce qui est dit dans le projet de loi, c'est que l'on désire ? et, j'imagine, on en discutera à l'article par article ? une mondialisation maîtrisée, équilibrée, respectueuse des droits de la personne. Alors donc, c'est un objectif, comme vous l'avez dit d'ailleurs, louable, et je crois que ça colore en effet. Mais c'est loin de signifier l'évacuation de cette question centrale qui est celle des accords commerciaux, donc la dimension commerce.
Cependant, je vous fais remarquer que c'est les accords de commerce eux-mêmes qui se sont mis à déborder sur autre chose. Si, justement, au début, on n'avait essentiellement que des accords commerciaux qui touchaient le commerce, de plus en plus ce sont ces accords-là eux-mêmes qui débordent. Si vous regardez, c'est très, très complexe. Et c'est pour ça que l'Observatoire va être utile; c'est extrêmement complexe, tous ces enjeux, quand on parle de la libéralisation des services.
Donc, c'est un point de l'ordre du jour. Que ce soit Doha ou que ce soit dans le cadre de la Zone de libre-échange des Amériques, la libéralisation des services, ça veut dire: Qu'est-ce qu'on fait de la santé? Qu'est-ce qu'on fait de l'éducation? Qu'est-ce qu'on fait de la culture, etc.? Donc, c'est maintenant intégré dans les accords. Alors, c'est pour ça qu'on se dit... Puis l'environnement, puis les droits des travailleurs. Alors, ça couvre de plus en plus de vastes secteurs. Alors, qu'est-ce qui doit être exclu justement de ces accords commerciaux? Qu'est-ce qui doit être inclus? Puis, quand c'est inclus, sous quelle forme ça doit l'être? Dans le fond, c'est pour ça qu'on dit: Il faut une réflexion collective. Il faut une réflexion globale de l'ensemble de la société civile québécoise pour qu'on puisse prendre, disons, les meilleures décisions, justement, collectives possible.
Moi, j'aurais une question. Il y a une chose qui m'a étonnée, c'est que vous vous opposez à ce qu'il y ait ? vous n'en avez pas parlé ce matin, mais j'aimerais ça que vous m'expliquiez pourquoi ? une représentation de députés. Je veux juste vous dire que ce n'est pas une représentation gouvernementale qu'une représentation de députés. On dit bien que c'est le Bureau de l'Assemblée nationale qui déciderait en quelque sorte. Et, au Bureau de l'Assemblée nationale, les trois partis sont représentés. Donc, c'est la fonction non pas exécutive, mais parlementaire. Donc, je vais vous dire pourquoi, avant que vous m'expliquiez votre point de vue, parce qu'on pense justement que c'est important que ces passerelles-là, entre les députés qui vont être appelés éventuellement, en effet, à voter ? à cause de la loi n° 52, puis c'est normal, puis c'est légitime ? sur cette ZLEA, par exemple, ou encore sur l'OMC, bien, soient le mieux possible, dès le départ, en tout cas, intégrées, etc. Donc, ils n'ont pas le droit de vote au conseil, mais il nous semblait que, comme observateurs, c'était raisonnable en fait qu'il y ait des députés, parce que ce n'est pas le gouvernement justement, ce n'est pas des ministres, c'est les trois partis représentés pour l'instant à l'Assemblée nationale. J'imagine que, si on dit trois députés... Je dis «trois partis», mais disons... J'ai dit «trois partis», mais je dis «trois députés». Ce qui est écrit, c'est «trois députés».
Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la ministre. M. Fahey, vous avez la parole.
M. Fahey (Richard): Mme la ministre, l'objectif de l'Observatoire, et vous l'avez dit dans vos remarques préliminaires, c'est d'offrir un éclairage le plus objectif possible qui permette à la population, et à la société civile, et aux députés de l'Assemblée, pour qui on a le plus grand respect, de prendre des décisions éclairées. Et on a réfléchi longtemps à l'interne pour dire: Comment est-ce qu'on peut détacher cet Observatoire d'un appareil gouvernemental, qui, par définition, va devoir prendre une décision par rapport à ces accords-là, pour faire en sorte que l'Observatoire soit le plus neutre possible dans son opération? Et le projet de loi n° 52 est intéressant à ce niveau-là parce qu'on dit à l'Assemblée, on dit aux législateurs... l'entité constituante de tous les législateurs, de dire: Écoutez, on va vous soumettre cet accord-là pour discussion. Et là on se disait: Dans quelle mesure est-ce qu'il n'y a pas... Il va devoir y avoir une discussion à l'Assemblée, mais pourquoi préjuger de la discussion? Parce que, même s'ils n'ont pas droit de vote, ils influencent le vote par leurs discours. On se disait: Bien, il y a peut-être... il y a un risque de pollution politique, puis pas pollution au sens péjoratif, mais de dire que les enjeux soient véhiculés d'un bord et de l'autre, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, la politique étant ce qu'elle est.
Donc, c'est un peu notre réaction par rapport à ça. C'est de laisser le plus... de doter l'Observatoire d'une neutralité la plus grande possible qui va, à mon sens et à notre avis, assurer sa longue vie et son utilité future.
Permettez-moi de répondre à vos commentaires. Merci pour la place de la PME au sein du C.A. de l'Observatoire, et le mot que vous utilisiez par rapport à l'équilibre des accords de commerce. Je me rappelle quand j'ai fait ma Maîtrise en droit international commercial, on parlait des accords du GATT à l'époque, et c'est un accord très commercial. Et aujourd'hui, on lit l'ALENA et ses accords parallèles et on constate que, comme vous le dites, ils se sont ouverts à des choses. Le défi que le commerce international va vivre dans les prochaines années, je crois, compte tenu des enjeux de la mondialisation, c'est d'arriver à une entente. Point. Parce qu'il y a tellement de gens qui veulent mettre tellement de choses que ça va être ingérable. C'est dans ce sens-là que je pense qu'il faut que les accords de commerce soient équilibrés, qu'ils prennent en considération ces préoccupations externes là, mais il ne faut pas que ça devienne un melting-pot parce qu'on va gâter la sauce.
Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, M. Fahey. J'ai le député de Saint-Jean qui a demandé la parole. M. le député.
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(10 h 30)
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M. Paquin: Mes questions... commencer par celle qui a été posée, la dernière, parce qu'effectivement, dans les rôles des députés de légiférer, de contrôler et de prendre en considération les grands enjeux, et aussi de s'assurer que l'organisme va fonctionner d'une façon la plus neutre possible, il m'apparaissait que c'était un compromis intéressant, M. le Président, que l'entité qui va faire ce travail-là ait, en son sein, des observateurs du Parlement, parce que l'alternative, pour le rendre encore plus neutre, ça aurait pu être de dire que c'est un organisme qui relève de l'Assemblée nationale, comme le vérificateur des finances ou comme d'autres organismes, mais, compte tenu de la proximité nécessaire au niveau des informations et des conclusions avec les décideurs gouvernementaux en même temps qu'avec les citoyens, ça m'apparaissait opportun que ce soit nommé par le gouvernement à condition que le milieu des affaires y soit, à condition qu'il y ait un bel équilibre et qu'il y ait une présence du Parlement à titre d'observateur. Et là j'ai entendu les réponses et je soumets en même temps, donc, à M. Fahey qu'il m'apparaît que ce soit opportun et que peut-être il pourrait regarder cet aspect-là de nouveau.
Par ailleurs, une autre remarque sur la composition qu'ils font dans leur mémoire, c'est au sujet de l'intérim potentiel. Alors, ma question, elle va aller de ce côté-là. Au niveau de l'intérim, vous souhaitez que, déjà par avance, un des 15 membres, disons, là, il soit convenu que c'est lui ou elle, en cas d'incapacité du président d'agir, qui soit par intérim de manière à ne pas faire d'interventions ponctuelles. C'est ce que vous demandez?
M. Fahey (Richard): M. le député, en fait, j'irais au-delà de l'intérim. Je pense qu'une des 15 personnes qui seraient nommées au conseil d'administration devrait avoir le titre de vice-président. Donc, on devrait créer une fonction de vice-président dont la fonction... Excusez l'utilisation deux fois du mot «fonction», mais que la fonction de la personne soit de remplacer le président si jamais il n'est pas disponible, donc que ce soit déjà prévu dans le projet de loi qu'il y a un vice-président qui peut prendre le relais et qu'on n'ait pas à revenir à une décision gouvernementale.
Finalement, pour le député ? et je reprends sur la discussion, là, de la présence des députés au conseil d'administration ? une autre façon de rendre l'Observatoire le plus neutre possible avait été de le constituer en agence gouvernementale, une agence gouvernementale qui est essentiellement un contrat donné à un conseil d'administration, à un président-directeur général, et qui a un mandat prédéfini, et pour lequel à la fois le conseil d'administration doit rendre compte au gouvernement, dont les députés de l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Fahey. M. le député de Saint-Jean.
M. Paquin: Bien, c'est ça, c'était ma question suivante, là. Vous avez fait une ouverture sur cette organisation-là, comment vous la verriez fonctionner le cas échéant?
M. Fahey (Richard): En fait, c'est un principe qui a été créé en Angleterre sous Mme Thatcher et qui a été importé ici, au Québec. Et, d'ailleurs, je pourrais vous envoyer ma thèse de maîtrise là-dessus, que j'avais faite à l'époque où j'étais au gouvernement du Québec.
M. Paquin: ...
M. Fahey (Richard): Hein?
M. Paquin: J'ai dit: On sentait que vous saviez de quoi vous parlez à cet égard-là.
M. Fahey (Richard): Bien, c'est pour ça, tu sais, on a un préjugé favorable face à l'agence. Mais, le concept est le suivant, c'est comme un contrat que le gouvernement passe avec un organisme en disant: Voici ton mandat, ta mission, voici ton budget, et, à la fin de l'année, fais-nous rapport de tes opérations, de comment tu as dépensé l'enveloppe budgétaire, ainsi de suite. Donc, on crée un certain détachement, une certaine indépendance et tout en conservant, bien entendu, l'imputabilité devant l'Assemblée et devant le gouvernement et qui, elle, est essentielle, parce que ce sont des fonds publics. Mais il y a cette entente, ce contrat qui est signé entre la ministre et cette agence-là qui dit: Écoutez, voici votre patinoire, votre schème d'intervention, d'opération et voici le budget qu'on vous accorde pour réaliser votre mandat.
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Fahey. Merci, M. le député de Saint-Jean. Alors, Mme la députée de Jean-Talon, vous avez la parole.
Mme Delisle: Merci, M. le Président. Merci d'être devant nous pour nous éclairer aujourd'hui, M. Fahey. En lisant les mémoires, l'ensemble des mémoires, les 27 ou 28 qu'on entendra, il y a un commentaire que je me suis fait, et c'est le suivant: L'Observatoire ne veut dire la même chose pour l'ensemble des gens qui sont d'accord avec la création d'un observatoire québécois sur la mondialisation. Ce n'est pas un reproche, c'est un constat. Vous nous dites ce matin que... Vous faites d'abord référence à l'aspect décisionnel de l'Observatoire, vous vous interrogez sur la pertinence ? puis ça, je respecte ça, là ? sur la pertinence de voir des parlementaires siéger sur le conseil d'administration. Je suis retournée aux notes explicatives du projet de loi, et à aucun endroit, ni dans le projet de loi ni dans les notes explicatives, y voit-on le début d'une instance décisionnelle. Alors, j'ai le goût de vous demander: Pourriez-vous nous éclairer sur la conception que vous vous faites dans le quotidien de ce que sera l'Observatoire québécois de la mondialisation?
Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée de Jean-Talon. Oui, alors, M. Fahey.
M. Fahey (Richard): En fait... Et je me réfère au projet de loi, aux articles 3 et 4 où, dans le fond, l'Observatoire, de ce que j'en comprends, est d'abord un organisme qui va aider non pas seulement l'Assemblée nationale, ses députés ou les ministres du gouvernement, mais aussi la population de comprendre le phénomène de la mondialisation. Donc, si je peux le mettre dans sa plus simple expression, l'expert en mondialisation au Québec, ça va être l'Observatoire. On l'espère. Donc, bien que non décisionnel, dans le sens que ce n'est pas l'Observatoire qui va signer l'accord de la ZLEA, ça va être le gouvernement du Canada, avec le gouvernement du Québec pour ses champs de compétence, et ainsi de suite... À ce niveau-là, l'Observatoire n'est pas décisionnel par rapport aux accords de commerce, mais il a certainement un rôle important d'influence, d'information auprès du gouvernement et auprès de la société. Et, dans ce contexte-là, tout avis, tout document qui va sortir de l'Observatoire va avoir un poids très important par rapport aux questions de mondialisation.
Donc, pour moi, il va y avoir des décisions qui vont être prises au sein de l'Observatoire sur des rapports qui vont être émis, sur des avis qui pourraient être émis sur certains documents, mais il va y avoir une expertise, une notoriété qui va être incluse ou qui va être associée à l'Observatoire qui va faire que, bien que non décisionnel d'un point de vue gouvernemental du terme, il va avoir un poids très important dans la prise de décision.
Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Mme la députée de Jean-Talon.
Mme Delisle: Pour poursuivre dans cette veine-là, si on s'entend sur le fait que la mise sur pied d'un tel organisme est absolument nécessaire, qu'on y croit, une fois que vous avez fait l'analyse du projet de loi et qu'on a évidemment entendu vos commentaires, est-ce qu'il y a, d'après vous, une autre... Est-ce qu'il y aurait, d'après vous, une autre façon de poursuivre les mêmes objectifs sans avoir, à titre d'exemple, un conseil d'administration de 22 personnes, sans passer par le processus qui nous est proposé?
Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. M. Fahey.
M. Fahey (Richard): Une question fort intéressante, M. le Président. Je vous dirais que c'est sûr que toutes les personnes qui seraient présentes au conseil d'administration, que ce soient des représentants de quelconque groupe, qu'il soit patronal, syndical, associatif, communautaire, ou ainsi de suite, ont et vont continuer d'avoir des opinions par rapport à la mondialisation. Les experts qui seraient invités au conseil d'administration ont et continueront d'avoir des opinions sur la mondialisation. Ce qui est intéressant ? et c'est là que l'Observatoire, à notre avis, innove dans une certaine mesure ? c'est de mettre tout le monde dans une pièce fermée pour qu'ils s'entendent sur un consensus parmi eux qui ferait du sens dans cette approche équilibrée qu'on souhaite avoir dans les accords de commerce international. Et, donc, je pense que c'est la collégialité des points de vue qui peut être utile.
Est-ce qu'on a besoin d'une structure pour ça? C'est à vous d'en décider. Et je n'ai pas un sondage de mes membres qui dit oui à la structure ou non à la structure, donc je ne me prononcerai pas là-dessus. Mais je pense qu'il est intéressant d'avoir cette collégialité de points de vue, cette discussion à l'interne par rapport à des enjeux qui sont fort importants pour la société québécoise.
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(10 h 40)
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Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Fahey. Mme la députée de Jean-Talon.
Mme Delisle: Je vais laisser ma collègue de La Pinière...
Le Président (M. Boulianne): Oui. Alors, je... Merci beaucoup, je vous remercie. Alors, Mme la députée de La Pinière, vous avez la parole.
Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. M. Fahey, merci pour le mémoire. J'ai retenu dans votre mémoire une grande préoccupation et un appel pour que l'on n'oublie pas les PME du Québec. Vous avez bien documenté dans votre mémoire le rôle des PME dans le développement économique du Québec et dans le développement économique international et, à la page 10 de votre mémoire, vous dites que force est de constater que l'agenda du commerce extérieur au Canada et au Québec est encore aujourd'hui principalement dicté par des grandes entreprises en manque de marchés pour écouler leurs produits. Un peu plus loin, vous dites: Bien que les grandes entreprises occupent une place importante au sein de notre économie, elles sont maintenant assistées dans leur production par un réseau de PME aptes à compétitionner sur une scène internationale. Et vous dites qu'il faut «être au parfum de la réalité des PME à l'égard des enjeux du commerce international».
Pourquoi êtes-vous si frileux, si inquiet de votre rapport avec les multinationales et les grandes entreprises qui ont déjà une base internationale? Est-ce qu'il y a un enjeu particulier auquel vous nous invitez à réfléchir? Parce que c'est la première fois que je vois la Fédération se présenter devant nous et, de façon si explicite, attirer notre attention sur cet enjeu-là.
Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée de La Pinière. M. Fahey.
M. Fahey (Richard): M. le Président, c'est un défi de tous les jours d'aider ou d'informer les gens sur cette réalité que sont devenues les PME au Québec. Elles représentent 50 % des emplois, à peu près la moitié du PIB québécois. Elles exportent la moitié de nos exportations. Elles créent 80 % des nouveaux emplois. 97 % des entreprises du Québec, sur les quelque 200 000 entreprises qu'on a, sont des PME. Avec tous ces chiffres-là, on devrait s'assurer que chaque intervention gouvernementale ne nuise pas aux PME. On devrait, à chaque fois qu'on pense à une réglementation, à une loi, à un organisme, ainsi de suite, à faire une politique gouvernementale... On devrait se poser la question: Est-ce que c'est bon pour les PME du Québec? Force est de constater, et je dois le dire que, dans plusieurs cas... Pas tous les cas, je vous dirais que cette tendance change et qu'il y a eu des signes très encourageants au cours de la dernière décennie d'une modification ou d'une meilleure sensibilité auprès des PME, et les gouvernements doivent en être félicités, mais il y a encore beaucoup de travail à faire.
Je vais vous donner deux exemples si je peux. Le règlement des différends dans le domaine du bois d'oeuvre. Une entreprise, une grande entreprise dans le secteur du bois, peut se permettre de vivre deux ans. Oui, elles vont faire des pertes, oui, leurs bilans financiers ne seront pas très bons, mais ces entreprises-là sont à même de se dire que les PME vont vivre beaucoup moins longtemps qu'elles, vont être beaucoup moins à même d'assumer les coûts d'un droit compensateur de 27 % et que, dans ce contexte-là, elles vont éventuellement acquérir ces petites PME qui vont faire faillite pour une bouchée de pain et, ensuite, consolider l'industrie. Et, quand les droits compensateurs vont tomber ou que la situation va se restabiliser, elles auront une position plus forte et les profits reviendront à la table. Donc, dans ce contexte-là, c'est un bel exemple de voir comment les PME, leur réalité est peu prise en compte dans l'agenda.
Deuxième exemple, et très rapidement, Mme la députée. Regardez le débat sur la dollarisation, l'utilisation du dollar américain, posez-vous la question: Qui initie le débat? Et je vous enverrai les résultats de sondages qu'on a faits par rapport aux PME sur l'intérêt d'utiliser le dollar américain.
Le Président (M. Boulianne): Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: Très rapidement, M. le Président, parce que ma collègue a une question. Toujours à la page 10 de votre mémoire, vous faites une affirmation qui, moi, personnellement, m'interpelle. Vous dites qu'«il importe de préciser que traditionnellement l'agenda de discussion en était un d'affaires. L'extension à divers domaines corollaires, bien que nécessaire dans la mise en oeuvre harmonieuse des accords de commerce international, ne doit pas prendre le dessus sur les objectifs initiaux, et non uniques, d'un processus d'intégration avant tout économique.» Ce même débat, on l'a fait en commission des institutions lors de discussions sur la ZLEA et on a eu devant nous des gens qui se sont présentés: le milieu économique qui disait que le commerce international et l'ouverture des marchés, c'est positif; et, de l'autre côté, le représentant du milieu du travail et de la société civile qui nous alertait aux aspects négatifs. Donc, vous affirmez ça. Aujourd'hui, à Johannesburg, là où il y a une assemblée qui est réunie, internationale, j'ai appris que des multinationales et des grandes entreprises interpellent aujourd'hui le gouvernement pour leur demander de se préoccuper de l'environnement. C'est une question qui n'est pas nécessairement vue ou perçue traditionnellement comme étant du domaine économique. Vous comme leader, comme représentant des PME au Québec, vous ne vous sentez pas une responsabilité sociale face aux autres enjeux de la mondialisation?
Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. M. Fahey.
M. Fahey (Richard): Madame, M. le Président, écoutez, la question est assez claire, et la réponse va l'être aussi, les PME du Québec sont tout autant intéressées par le commerce que par l'environnement. Elles ont une position très ferme sur le développement durable. Je pourrai vous fournir les statistiques qui ont été publiées cette année ou même vous inviter à aller sur notre site Web, www.fcei.ca/quebec. Il y a un beau document qui s'appelle Regard sur la PME - 2002, vous allez voir là-dedans que les PME sont très préoccupées du développement durable.
Maintenant, ce n'est pas dire, parce qu'elles veulent que les discussions à l'Observatoire soient d'abord et avant tout commerciales, qu'on veut évacuer le reste. Et ce n'est pas la teneur de mon propos ce matin. La seule chose que je veux dire, c'est que le reste ne peut pas prendre le dessus sur le commerce, parce que, si ça prend le dessus sur le commerce, on vient de dénaturer les discussions qui sont d'abord et avant tout de nature commerciale. Ce qu'il faut éviter, c'est de créer des expectatives dans la société du fait qu'on devrait être beaucoup plus humain, beaucoup plus environnemental, beaucoup plus ci, beaucoup plus ça qui vont faire en sorte que le processus d'intégration économique qui a apporté ces bénéfices, qui a apporté ces opportunités va être simplement arrêté par la multiplicité de ces enjeux.
Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, M. Fahey. Alors, je remercie donc la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante ? Québec et je demanderais à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec de s'avancer pour son mémoire. Merci beaucoup.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Boulianne): Alors, s'il vous plaît, la commission va reprendre ses travaux. Alors, je veux simplement rappeler au groupe que le temps alloué, donc, est de 45 minutes. Vous avez 15 minutes pour faire la présentation de votre mémoire. Il y aura un échange par la suite avec le ministériel et un deuxième avec le parti d'opposition. Alors, j'aimerais donc... au porte-parole de s'identifier, présenter celui qui l'accompagne et, par la suite, présenter votre mémoire.
n(10 h 50)nM. Roy (René): Alors, merci, M. le Président. Mon nom est René Roy, secrétaire général de la FTQ. Et je suis accompagné d'André Leclerc, conseiller aux affaires internationales à la FTQ.
Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, allez-y pour votre mémoire.
Fédération des travailleurs
et travailleuses du Québec (FTQ)
M. Roy (René): Merci. Nos sociétés vivent des angoisses inhabituelles. Pourtant, la confiance devrait régner: le chômage est bas, l'inflation est à peu près maîtrisée, les finances publiques sont plus saines que jamais, les banques ne cessent de prospérer. Chaque jour, cependant, les médias sont remplis de signes d'incertitude. Nous avons vécu l'insécurité chronique provoquée par le terrorisme international, venu frapper à quelques centaines de kilomètres de chez nous. Maintenant s'ajoute la crainte d'un crash boursier d'une ampleur catastrophique.
Par ailleurs, il est paradoxal de constater que, désormais, toutes les fois que les grands de ce monde se réunissent, les rues s'enflamment. Les chefs d'État en sont réduits maintenant à s'isoler dans des forteresses ou dans des montagnes pour pouvoir discuter. Alors qu'ils prétendent vouloir résoudre les problèmes du monde, celui-ci les accuse de comploter pour le détruire. Comment décoder ces sautes d'humeur qui agitent la planète?
Dès la présentation du projet de loi créant l'Observatoire québécois de la mondialisation, la FTQ a manifesté sa satisfaction. Ce phénomène omniprésent et complexe touche chacun de nous quel que soit le milieu où nous oeuvrons, et il important de le comprendre, d'en mesurer les effets et d'explorer les pistes d'action susceptibles de l'infléchir. Comment faire en sorte que la mondialisation contribue davantage à l'amélioration de la condition humaine qu'à l'approfondissement des inégalités?
À la FTQ, nous nous efforçons, depuis quelques années, d'examiner les articulations du phénomène et nous le faisons conformément à notre mentalité et à nos traditions, de façon rigoureuse, mais pragmatique et réaliste. Nous le faisons aussi en cherchant constamment des pistes d'action concrètes qui nous permettent d'avoir une quelconque influence sur l'évolution des choses.
Affirmons d'emblée que nous ne sommes pas de ceux qui diaboliseront le phénomène de mondialisation. Nous ne pouvons qu'être d'accord avec ceux qui la décrivent comme une machination orchestrée par quelque puissance occulte. La mondialisation n'est pas un vaste complot pour asservir et museler les populations. Le croire, c'est se condamner à l'avance à n'avoir aucune prise sur son évolution ou à se cantonner dans des actions de protestation percutantes, mais stériles. Comme il est stupide de croire que le démantèlement de la Banque mondiale, du FMI et de l'OMC ferait mieux vivre le monde. Ces organisations doivent être réformées et réorientées, pas abolies. Nous sommes demandeurs de régulation économique internationale. Sans des règles plus fortes, la généralisation du laisser-faire équivaudra à la loi de la jungle, à une économie mondiale encore plus brutale et inhumaine.
Faute de régularisation, certaines caractéristiques de la mondialisation telle qu'on la vit aujourd'hui engendrent des effets néfastes sinon désastreux: destruction écologique, marginalisation de populations entières, précarisation des emplois, multiplication d'épidémies incontrôlées.
En effet, si le phénomène de la mondialisation est vieux comme le monde, la révolution des nouvelles technologies de l'information et l'accroissement sans précédent des échanges ont rapetissé la planète. Le phénomène évolue rapidement, et il n'est pas toujours facile d'en saisir les contours. Nous identifions, quant à nous, les réalités majeures suivantes pour dépeindre la conjoncture actuelle: la financiarisation de l'économie au détriment de l'économie de production; la transformation du rôle de l'État sinon son dépérissement; la montée en puissance des grandes sociétés transnationales; la réorganisation du travail à l'échelle planétaire. La libération des marchés met brutalement en compétition des centaines de millions de travailleuses et de travailleurs vivant dans des environnements économiques, sociaux et politiques différents. Ne songeons qu'à l'impact de l'entrée de la Chine à l'OMC.
Il ne s'agit pas ici de faire un exposé académique. Si je tiens à identifier ces caractéristiques, c'est que pour la FTQ c'est sur elles que nous devons travailler. C'est aussi sur elles que l'Observatoire québécois devra braquer ses projecteurs.
Quant à nous, notre action s'articule autour des axes suivants. Nous soutenons nos affiliés dans leur effort de développer et de resserrer les liens avec leurs collègues des mêmes entreprises ou des mêmes secteurs d'activité à l'échelle de la planète. Ultimement, ils devraient arriver ainsi à développer des rapports de force susceptibles de changer les agissements antisyndicaux et antisociaux de ces sociétés dans les pays les plus pauvres.
Nous nous sommes assurés que notre Fonds de solidarité se dote d'un code de conduite à l'international que s'engagent à respecter les entreprises dans lesquelles il investit.
Nous participons aux instances internationales du mouvement syndical et nous travaillons à leur renforcement, voire à leur transformation. Pour nous, ces institutions doivent dépasser leur caractère symbolique et leur rôle de lobbyistes pour devenir des interlocuteurs incontournables des institutions internationales.
Nous travaillons avec nos affiliés à renforcer le contrôle de leurs fonds de pension et à assujettir ce dernier à des normes éthiques d'investissement responsables.
Nous participons à des campagnes portant sur le travail des enfants et les ateliers de misère.
Nous réalisons des programmes de coopération internationale avec les organisations syndicales des pays en voie de développement. Nous croyons qu'une présence forte de syndicats contribue au maintien de la vie démocratique et au progrès de la justice sociale.
Nous adhérons à des coalitions qui font campagne pour que soit pleinement prise en compte la dimension sociale dans tous les accords commerciaux. Rappelons que nous avons participé avec le Réseau québécois sur l'intégration continentale à l'organisation du Sommet des peuples des Amériques au nom de l'Alliance sociale continentale.
Nous développons des programmes de formation sur le phénomène de la mondialisation et sur les actions syndicales à développer pour combattre ses effets néfastes.
Nous faisons pression sur tous les paliers de gouvernement pour être associés aux discussions sur les accords commerciaux. Ainsi la création par Ottawa d'un organisme de consultation permanent où nous siégerons répond à l'une de nos revendications répétées au cours des dernières années.
Nous réclamons des élus qu'ils n'abdiquent pas leurs responsabilités fondamentales en dépossédant l'État de ses moyens de protection de l'intérêt public.
Si je m'attarde ainsi à décrire ainsi l'action de la FTQ, ce n'est pas par vantardise, c'est pour mieux préciser ce que nous attendons de l'Observatoire québécois de la mondialisation.
La mission de l'Observatoire. Nous nous sommes réjouis dès le début que le gouvernement en fasse une institution indépendante, non partisane. Il est évident qu'il en va de la crédibilité de l'organisme. La situation constitutionnelle du Canada étant ce qu'elle est, le plus gros des relations internationales est géré par le gouvernement fédéral. Il sera essentiel que l'Observatoire évite de dédoubler le travail des institutions, agences et services du gouvernement central. Nous souhaitons, au contraire, qu'il profite pleinement de toutes ces ressources pour lesquelles les citoyens et citoyennes du Québec paient leur juste part.
Là où le présent projet de loi n'est pas très précis, c'est sur l'importance relative que l'Observatoire accordera au soutien des organismes de la société civile. Nous voyons, quant à nous, l'Observatoire comme un lieu de canalisation d'information, d'échange et de synthèse. Lorsqu'il effectuera lui-même des études, il devra éviter de faire double emploi avec ce qui se fait au fédéral, dans les universités, dans les syndicats ou dans les ONG.
Nous croyons qu'une partie importante des ressources mises à la disposition de l'Observatoire devraient être consacrées au soutien d'organismes qui oeuvrent sur le phénomène de la mondialisation. Ce soutien pourrait concerner la recherche, bien sûr, mais aussi toutes les activités visant à donner plus de poids aux organismes québécois à l'intérieur d'organisations internationales. Je pense évidemment, ici, au mouvement syndical, mais aussi aux autres organisations de la société civile qui s'efforcent de faire entendre la voix du Québec là où se décide le sort du monde.
Enfin, pour nous, la mission d'information et de formation de l'Observatoire devrait être accomplie en coopération étroite avec les partenaires sociaux. Ces derniers déploient en ce moment beaucoup d'énergie à ce chapitre. Leurs efforts doivent être soutenus. L'Observatoire aura intérêt à les accompagner, à favoriser des coordinations, voire des débats entre eux. Il ne doit cependant pas chercher à se substituer à eux. L'efficacité de l'information et de la formation est, en effet, souvent liée à la spécificité. L'angle selon lequel on parle de mondialisation touche davantage les gens si l'on part de leur vécu. Je crois personnellement que les syndicalistes sont les plus habilités à parler au nom des travailleurs et travailleuses syndiqués.
Au cours des dernières décennies, le Québec a su développer des pratiques concrètes et fructueuses de dialogue social. L'Observatoire doit se situer dans cette trajectoire. Il doit mettre en contribution tous ceux et celles qui bâtissent chaque jour le Québec, travaillent à son progrès économique et social.
n(11 heures)n L'action internationale du gouvernement québécois. Le gouvernement, de son côté, tout en respectant l'autonomie de l'Observatoire, doit être à son écoute. Cela ne doit pas signifier cependant qu'il cesse de prendre en compte les analyses, les avis, les expériences des partenaires sociaux confrontés, dans leurs actions quotidiennes, aux effets de la mondialisation.
À cet effet, nous avons apprécié le changement d'attitude du gouvernement du Québec face à la question du libre-échange. Nous jugions simpliste la ferveur libre-échangiste souvent exprimée dans le passé. Non pas que nous soyons nous-mêmes des opposants radicaux. Nous souhaitons bien sûr la croissance des échanges commerciaux, mais nous croyons qu'il faut combattre les dispositions des traités qui ont pour effet d'exercer une pression à la baisse sur les programmes sociaux. Nous nous opposons aussi aux dispositions qui réduisent la capacité des gouvernements de défendre l'intérêt public. Avec le gouvernement du Québec, nous ne souhaitons pas la reproduction dans la ZLEA du chapitre XI de l'ALENA.
J'arrête un peu pour dire qu'on va présenter aussi un mémoire sur les investissements responsables à la commission des finances dans ce sens-là.
Nous encourageons donc le gouvernement à redoubler de vigilance face au phénomène de la libéralisation débridée de l'économie. Le souci exprimé par l'adoption récente de la loi n° 52, en mars 2002, est louable. Toute action du Québec visant à favoriser la transparence et le contrôle démocratique des processus d'intégration économique trouvera en nous des alliés indéfectibles. De même, tout effort favorisant la prise en compte pleine et entière de la dimension sociale et la protection des droits individuels et collectifs, dont ceux du travail, trouvera également notre soutien ? ce ne sera pas long, M. le Président, j'achève.
Il est heureux également que le gouvernement ait accru, au cours des dernières années, ses soutiens à la coopération internationale. La FTQ a bénéficié de ce partenariat dans des interventions en Afrique et en Haïti. Le gouvernement, grâce à son Observatoire, pourra intensifier de façon éclairée ses programmes de coopération avec les pays en voie de développement.
Conclusion. En résumé, nous appuyons sans réserve la création de l'Observatoire québécois de la mondialisation. Nous croyons qu'il pourra constituer un instrument très utile, tant pour le gouvernement que pour la société civile. Il augmentera la capacité de l'État québécois et de ses citoyens et citoyennes à bien apprécier la nature et les caractéristiques du phénomène de mondialisation. Cette connaissance accrue nous permettra à tous d'agir plus efficacement de façon à en tirer parti plutôt qu'à en être les victimes passives.
Nous souhaitons, en terminant, que les contributions de l'Observatoire québécois sur la mondialisation, tout comme celles des partenaires sociaux, sauront inspirer le gouvernement et lui permettre de consolider son rôle international et d'augmenter son influence sur l'évolution du processus de la mondialisation. Merci.
Le Président (M. Boulianne): Alors, merci beaucoup, M. Roy. Il vous restait même encore du temps. Nous allons passer maintenant à l'échange avec la ministre. Mme la ministre.
Mme Beaudoin: Merci, M. le Président. Alors, M. Roy, M. Leclerc, bonjour. J'aimerais faire en effet quelques commentaires puis peut-être vous poser un certain nombre de questions.
Vous dites, à un moment donné, que l'Observatoire québécois de la mondialisation doit se situer dans la même trajectoire que les pratiques de concertation et de dialogue social développées au Québec depuis des décennies. C'est sûr que tout à l'heure, quand M. Fahey nous parlait de collégialité, c'est un peu, je veux dire, ce qu'on a en tête, un peu beaucoup ce qu'on a en tête. Donc, il est certain que vous êtes habitués avec le patronat, dans plusieurs organismes paritaires, à vous rencontrer, à travailler ensemble, etc. Je pense que l'inédit, la nouveauté, c'est qu'il va y avoir d'autres acteurs autour de cette table. C'est peut-être pour ça qu'il y a beaucoup de monde. On va certainement en reparler, mais, pour que ce soit, donc, le plus représentatif possible, et vous en étiez très conscient quand on s'est rencontré, il fallait élargir justement ce dialogue social auquel patronat et syndicats sont habitués au Québec, tout en gardant, j'entends, des inflexions ? justement quand M. Fahey vient nous rencontrer ? des inflexions très différentes. C'est absolument normal, et chacun va conserver sa coloration ou, enfin, son interprétation du phénomène de la mondialisation.
Mais vous dites que vous êtes pragmatique par rapport à cette mondialisation, que vous voulez l'infléchir, que vous croyez à la régulation, mais que vous ne voulez pas non plus la diaboliser. Alors, je pense que, bon, cette attitude est très intéressante. Alors, je crois que, ça, c'est dans la droite ligne, en effet, de ce que fait la FTQ sur le plan international depuis longtemps.
Alors, je voudrais juste revenir sur un certain nombre de choses. Tout le débat, en effet, sur l'inclusion des clauses sociales dans les accords internationaux. Vous avez entendu tout à l'heure, donc, ce que M. Fahey disait. Il ne disait pas qu'il était contre, il disait tout simplement qu'on ne pouvait pas rajouter, additionner, qu'à un moment donné ça deviendrait ingérable, mais qu'il était tout à fait d'accord avec un certain équilibre. Mais je voudrais vous entendre sur ce que la FTQ... quelle est la position exacte de la FTQ en ce qui concerne l'inclusion de clauses sociales dans ces accords de commerce international.
D'autre part, je voudrais vous entendre... Vous allez le faire, dites-vous, en commission parlementaire, au mois de septembre, devant la commission des finances cette fois. Mais je pense que vous pouvez en être très fiers, que vous êtes vraiment un exemple exemplaire en ce qui concerne l'entreprise socialement responsable dans la façon dont le Fonds de solidarité intervient à l'étranger. Et c'est une question qui sera de plus en plus importante que cette notion, ce concept d'entreprise socialement responsable. Alors, sur ces deux questions-là dans un premier temps.
Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la ministre. Alors, M. Roy ou M. Leclerc.
M. Roy (René): Je vais laisser M. Leclerc sur les clauses sociales.
Le Président (M. Boulianne): Alors, M. Leclerc, nous vous écoutons.
M. Leclerc (André): Oui. Évidemment, la position de la FTQ, elle est très nette sur l'inclusion des clauses sociales ? on les appelle maintenant les «clauses sur les droits fondamentaux des travailleurs» ? dans les accords commerciaux, que ce soit dans les accords continentaux ou régionaux ou mondiaux, comme les accords de l'OMC. Là-dessus, on est aussi en lien étroit avec toute l'organisation syndicale internationale, la CISL en particulier, dont on fait partie, et qui fait un travail assez important là-dessus depuis plusieurs années auprès de toutes les institutions internationales; un travail qui n'a pas été facile, parce que, très souvent, on nous oppose, quand on parle de cette inclusion des droits fondamentaux des travailleurs et, par exemple, des clauses environnementales, on nous oppose un peu ? et, souvent, ça vient même des pays du tiers-monde ? une objection, en disant: Mais, écoutez, c'est une forme de protectionnisme. Vous pouvez, vous, pays industrialisés, vous payer le respect des droits, alors que, chez nous, un respect intégral de tous ces droits fondamentaux fait qu'on sera placé en mauvaise position concurrentielle sur les marchés internationaux.
Alors, à cela, on répond de différentes façons. Premièrement, on dit: La plupart de ces pays-là qui s'opposent à l'inclusion dans les accords commerciaux ont signé les mêmes conventions internationales au BIT, au Bureau international du travail, et à l'Organisation internationale du travail, donc ils se sont engagés moralement à les respecter. Deuxièmement, nous, on ne voit pas l'inclusion de ces droits fondamentaux comme des conditions au commerce, comme un instrument protectionniste, on voit ça comme un lien qu'on fait entre le commerce et le respect des droits. La bonne gestion des entreprises ne devrait pas reposer sur la capacité de surexploiter la main-d'oeuvre. Si une entreprise ne peut pas compétitionner uniquement parce qu'elle ne peut pas traiter ses employés en esclaves, à ce moment-là je pense qu'elle n'arrivera pas à faire du commerce très, très longtemps.
Finalement, c'est que, dans tous les accords commerciaux, nous, on souhaite aussi que soit incluse une dimension de soutien et de coopération économique pour aider les plus défavorisés, les pays les plus défavorisés, les régions les plus défavorisées à avoir en main les moyens technologiques, les infrastructures, les moyens financiers de participer à l'économie mondiale. Et ça, c'est très important. On ne peut pas dissocier et dire seulement qu'on veut punir ceux qui ne respectent pas intégralement les droits fondamentaux et les exclure du commerce, on voudrait les amener aussi à pouvoir respecter les droits fondamentaux tout en faisant du commerce avec le reste du monde. Alors, c'est notre position, qui revient dans tous les traités.
Le Président (M. Boulianne): Oui, M. Roy.
M. Roy (René): Pour la question des investissements responsables, évidemment, on va revenir devant la commission des finances, mais on s'est donné un code d'éthique, au Fonds de solidarité, qui respecte les grandes règles de la CISL: le droit à l'association, la libre négociation, non au travail des enfants, non à l'esclavage et, aussi, favoriser la libération des femmes. Alors, c'est les cinq grandes règles du code d'éthique du Fonds de solidarité de la FTQ et de la CISL qui sont défendues, et on l'applique maintenant dans les investissements du Fonds de solidarité.
Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Mme la ministre.
n(11 h 10)nMme Beaudoin: Et donc, ça marche. Vous le faites, et ça marche. Vous pouvez vérifier chez, je ne sais pas, le dernier sous-fournisseur dans tel ou tel pays que c'est le cas. Vous allez jusque-là?
M. Leclerc (André): Oui, et je pense que l'une des façons de le faire, c'est qu'on va faire affaire aussi avec des institutions de contrôle indépendant qui vont... ce n'est pas seulement nos agents qui vont faire ces vérifications-là, mais il existe maintenant... il est en train de se mettre en place, à travers le monde, des institutions de contrôle sur des audits sociaux, si on veut, des accords et des investissements et du développement d'activités commerciales ou économiques.
Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Mme la ministre.
Mme Beaudoin: Oui, peut-être une dernière question puis, ensuite, s'il reste du temps, on pourra revenir de ce côté-ci. Quand vous dites... vous considérez essentiel ? puis je suis tout à fait d'accord avec ça ? ...ça évite de faire double emploi avec ce qui se fait au gouvernement fédéral, dans les universités, dans les syndicats ou dans les ONG. En effet, il faut qu'on puisse être en quelque sorte en réseau avec... C'est ça, c'est d'être en réseau, peut-être éventuellement être une tête de réseau de tout ce qui se dit et se fait sur la mondialisation pour que l'Observatoire devienne, comme je l'avais dit tantôt, un genre de centre de référence incontournable et que... Dans le fond, ce n'est pas ? on l'a dit et redit ? un organisme décisionnel. On sait bien qu'on ne pourra pas arriver... Si on peut avoir des consensus, si le conseil d'administration peut arriver à un certain nombre de consensus... Je donne un exemple, qui me semble facile, sur la culture, sur la diversité culturelle: je ne vois pas pourquoi ? il y en a déjà un consensus dans la société québécoise ? qu'on ne pourrait pas, ce consensus-là, le maintenir. Il va devenir de plus en plus important. Et quand je pense au rôle de l'Observatoire, je le vois beaucoup comme ça.
Il y a une coalition sur la diversité culturelle au Québec, dont Robert Pilon et Pierre Curzi sont les principaux promoteurs ? je prends l'exemple toujours le plus facile ? et qui regroupe tout ce que le Québec compte dans le milieu culturel. Là, vous le savez, les négociations de la ZLEA, surtout celles de l'OMC, en tout cas, celles de l'OMC sur les services, là, c'est clair et net, les Américains ont dit à l'avance: Nous, on veut libéraliser tout le secteur culturel. C'est là, c'est dit, puis il y a des grandes feuilles qu'on a regardées, chaque pays, quelle était la position de chacun des pays. Les Américains, là, ils l'ont dit. Ils ont mis des X partout, le cinéma, le livre. Bien vite, ça va être le théâtre puis... je ne sais pas, là, le théâtre, la danse contemporaine ou je ne sais quoi, mais, en tout cas, tout. Bon. Tout devient une marchandise. Bon.
Écoutez, le gouvernement du Québec, puis, je crois, avec l'appui de l'opposition officielle, a pris une position très claire là-dessus. Donc, la société civile va devoir en quelque sorte, si elle est d'accord, bien sûr... Via l'Observatoire, on peut parler haut et fort et unanimement sur une question comme celle-là ? société civile, citoyens québécois et gouvernement du Québec, enfin les différents partis politiques, etc. ? pour qu'il n'y ait pas d'offre de libéralisation de la part non seulement du Canada ? ça commence par évidemment le Canada ? mais, disons, de l'Union européenne, des pays d'Amérique latine, etc.
Alors, il est clair que ce réseautage... Puis vous dites que l'Observatoire ? c'est M. Fahey qui le disait, mais je présume aussi, là, que vous le croyez ? va avoir une influence considérable, j'espère, sur le plan international. Alors donc, vous autres, par rapport à ce que vous faites, puis vous avez des activités internationales non seulement parce que vous êtes membres de la CISL, mais aussi d'autres activités internationales, vous êtes consultés, vous l'avez dit, par le gouvernement canadien en ce qui vous concerne, etc.
Enfin, l'Observatoire, qui aura une vision globale, espérons qu'il pourra en effet influencer les négociations à venir, puis, comme on est en plein dedans, puis comme je l'ai dit tout à l'heure, jusqu'à 2005, là, c'est le temps, là, hein! c'est le temps de dire ce qu'on pense puis d'essayer d'avoir le maximum de rayonnement possible par rapport à ce qu'on croit, comme société, puis espérons-le, même si ce n'est pas ? on l'a dit, on le répète ? un organisme décisionnel, mais qu'au moins l'Observatoire fasse entendre en effet la voix des Québécois, et la voix la plus consensuelle possible, disons.
Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la ministre. Un commentaire, M. Roy.
M. Roy (René): Bien, la composition du conseil d'administration démontre bien ce que vous voulez faire. On est habitué de travailler dans ce système de collège là. On l'a à la Commission des partenaires du marché du travail, à peu près de la même grosseur. Je ne sais pas si... L'Observatoire, on avait toujours souhaité, on souhaite toujours qu'il demeure mince et flexible, que ce ne soit pas un monstre administratif et qu'on ne lui confie pas toutes sortes de missions, mais qu'on le garde sur le focus de la mondialisation.
Il y avait juste la question, dans une loi, qui nous achalait un peu, c'est de parler de l'âge, la question de l'âge des représentants. Quand on parle de l'âge, du sexe, de la couleur de la peau, de l'orientation sexuelle, ça nous fatigue tout le temps. On devient des adultes à 18 ans et puis on meurt adulte. Alors, c'est souhaitable. On est d'accord que le souhait soit là. C'est un souhait louable mais, pour le mettre dans une loi, c'est un peu délicat.
Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. M. le député de La Peltrie, alors vous avez deux minutes et demie, trois minutes maximum.
M. Côté (La Peltrie): Merci, M. le Président. Alors, pour la réussite de ce projet, notre gouvernement trouve essentiel l'établissement de passerelles avec la société civile, et c'est spécifié à l'article 4 du projet de loi, où on parle de mise en oeuvre, dans les différentes régions du Québec, d'activités de sensibilisation puis d'éducation. Est-ce que vous souhaitez nous faire, peut-être, quelques suggestions spécifiques pour valoriser ou bonifier cette dimension-là? Est-ce que vous avez examiné un peu plus de façon pointue cet...
Le Président (M. Boulianne): M. Leclerc.
M. Leclerc (André): Oui. On y fait allusion à un moment donné, parce que, nous, on a vécu ça, disons, avec nos partenaires communautaires et syndicaux d'autres centrales. On a eu une volonté, à un moment donné, de faire un travail de formation et de sensibilisation aux effets de la mondialisation dans les milieux de travail puis aux façons de remettre en... un peu de réfléchir sur nos stratégies syndicales. Et, dans un premier temps, il y avait une volonté qui s'exprimait de faire un blitz de formation, mais en front commun puis en mettant tout le monde dans le même sac. Et c'est un phénomène tellement complexe, et les intérêts et les façons d'aborder ce phénomène sont tellement divers qu'on s'est rendu compte que ce n'était pas très efficace de faire... à moins de vouloir faire tout simplement une propagande simpliste, ce n'était pas tellement efficace de faire un truc qui s'adresse à tout le monde.
Et, nous, en tout cas, à la FTQ, tout en travaillant en collaboration, en utilisant les mêmes instruments, en participant à des tables de réflexion, en fabriquant des manuels communs et tout ça, on a souhaité faire notre propre démarche parce que, pour travailler, par exemple, avec les gars de General Motors ? avant que l'usine ferme ? sur le phénomène de la mondialisation, on ne le fait pas de la même façon que si on est avec un groupe du secteur public. Et ce n'est pas parce que ces gens-là ne comprennent pas les mêmes choses, mais on s'est rendu compte que plus c'est spécifique, ce travail de formation, de sensibilisation, de réflexion, de remise en question, et plus c'est efficace. Les gens partent de leur réalité, voient comment leur milieu de travail a évolué depuis 10 ou 15 ans, ils voient les effets que ça a sur le rapport de force et, après, ils peuvent, par déduction, mettre en place aussi qu'est-ce qui, dans l'environnement général, affecte leur milieu et comment ils peuvent, eux, à partir de leurs conditions concrètes, intervenir sur le phénomène.
Le Président (M. Boulianne): Alors, merci beaucoup, M. le député. Merci beaucoup, M. Leclerc. Alors, je vais passer la parole à M. le député d'Outremont qui a demandé, depuis le début... Alors, je reviendrai à vous après, Mme la députée de Jean-Talon. M. le député.
M. Laporte: Merci, M. le Président. M. Roy, j'aimerais entendre vos vues sur un sujet que vous n'avez pas abordé dans votre mémoire, à savoir la participation de trois députés au conseil d'administration de l'Observatoire. La raison... Tantôt, on a entendu des propos là-dessus qui m'ont un peu étonné, parce que... Enfin, je ne veux pas préjuger de vos points de vue, mais il me semble que, s'il y a un observateur de la réalité locale non médiatisée et silencieuse, n'est-ce pas, c'est le député. Et il me semble que, dans un organisme qui vise à la fois un objectif de cognition, de comprendre, et de faire comprendre et d'informer, le député me paraît être un acteur à ne pas négliger. Alors, vous, de votre point de vue, est-ce que vous avez des opinions sur la contribution spécifique du député au conseil d'administration de l'Observatoire?
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député d'Outremont. M. Roy.
n(11 h 20)nM. Roy (René): Oui. D'ailleurs, on a rencontré M. le ministre ? voyons, j'oublie son nom, l'ancien président de la Chambre...
Une voix: Charbonneau.
M. Roy (René): ...Charbonneau; excusez-moi ? M. Charbonneau, Jean-Pierre Charbonneau, sur le sujet du rôle des députés, et la FTQ va intervenir prochainement sur la revalorisation du rôle des députés. Alors, pour nous, c'était directement en ligne avec ce qu'on pensait qui devait être fait, et on était bien heureux de voir qu'on impliquait les députés finalement dans des organismes d'administration. On ne voit pas, dans les députés, le gouvernement. Dans les députés, nous, on voit les représentants du peuple, les gens qui sont élus par le peuple. Et de venir à l'Observatoire, c'est très bien, même qu'on les verrait à certains autres endroits comme à la Commission des partenaires ou à d'autres organismes qui siègent et qui ont un rôle important dans la société. Alors, ça faisait notre affaire de voir cela.
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Roy. M. le député d'Outremont.
M. Laporte: Bien, je voulais savoir si... C'est un mémoire très positif que vous avez présenté. Est-ce qu'il y a des manques ou des carences dans ce projet de loi là qui vous sont apparus et que vous souhaiteriez voir corriger?
Le Président (M. Boulianne): Merci. M. Roy.
M. Roy (René): On avait peur au début que ça devienne... On a toujours des craintes lorsque le gouvernement bâtit des nouveaux organismes qu'ils deviennent trop gros, qu'ils soient mobilisés dans une administration trop complexe. Alors, on maintient notre souhait que ce soit flexible et même, comme organismes, qu'ils soient faits en complémentarité avec les partenaires sociaux. C'est surtout notre grand souhait, qu'il ne dédouble pas les autres travaux qui sont faits au Canada, mais qu'il les ramasse pour l'informer et, dans ce sens-là, ça allait directement dans notre souhait. As-tu quelque chose à rajouter là-dessus?
M. Leclerc (André): Non. Je pense que le projet de loi est quand même assez... déclare des intentions qui nous paraissent correctes. Maintenant, il faut voir à l'usage comment ça va se concrétiser. Mais je ne pense pas qu'on ait eu de... Il n'y a rien qui nous a bloqués dans sa formulation.
Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Merci, M. le député. Alors, Mme la députée de Jean-Talon.
Mme Delisle: Merci, M. le Président. Messieurs, bonjour, bienvenue. Moi, je dois vous dire que je suis restée sur mon appétit quand j'ai vu votre mémoire et, pour poursuivre un petit peu dans la même veine que la dernière question posée par mon collègue d'Outremont, vous donnez votre appui inconditionnel avec évidemment certains commentaires, là, mais votre appui inconditionnel au projet de loi. Vous ne faites aucune proposition d'amendement, entre guillemets, par rapport aux articles que l'on retrouve dans le projet de loi n° 109, et je reviendrai par contre à la question concernant le soutien que vous souhaiteriez voir accorder à certains organismes.
Mais, pour ce qui est de la structure comme telle, celle qui est proposée dans le projet de loi de l'Observatoire, vous faisiez référence tout à l'heure au fait... ce que vous souhaitez, vous autres, c'est quelque chose de simple, pas compliqué, flexible, en complémentarité avec tout ce qui se fait actuellement au sein de la société, là, qu'elle soit universitaire ou autre.
À partir du moment où on s'entend, tout le monde, pour dire qu'on veut développer cette expertise puis qu'elle doit émaner à partir de chez nous, au Québec, et qu'on veut être le moteur de cette dynamique-là pour les citoyens pour qu'ils puissent finalement s'y retrouver, vous l'auriez vu comment, cette structure simple et pas compliquée et peu coûteuse?
Parce que vous faites référence aussi ? et je termine là-dessus ? ...qu'il faut éviter évidemment la duplication dans les mandats de recherche, dans tout ce qui se fait actuellement. D'ailleurs, la ministre vous a posé la question tout à l'heure. Est-ce qu'il y aurait eu une autre façon de faire ces choses-là?
Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. M. Roy ou M. Leclerc? M. Roy.
M. Roy (René): La structure comme telle, comme je le disais en réponse à Mme la ministre, la structure comme telle nous convient parce qu'elle fait appel aux partenaires qui sont dans le milieu social, le milieu des affaires, le milieu patronal, syndical, le milieu communautaire; ils sont là. Dans un conseil d'administration qui se réunit trois fois par année, bon, ce n'est pas trop lourd comme manière d'opérer. Pour nous, l'Observatoire est absolument essentiel à l'heure actuelle. D'ailleurs, on trouve que c'est beaucoup trop silencieux après tout le bruit qu'on a fait à Québec voilà un an et quelques mois, au mois d'avril. Actuellement, on a peu ou presque pas d'information provenant des gouvernements fédéral et provincial. On en a un peu à travers nos organisations syndicales parce qu'on fait des réunions, on fait des réunions parallèles et on se déplace en Amérique pour comprendre un peu les choses, mais, actuellement, c'est très silencieux.
Alors, l'Observatoire, s'il peut se mettre en marche le plus rapidement possible, ne peut qu'être positif pour l'ensemble des Québécois et Québécoises. Et c'est absolument nécessaire, je crois, qu'on se préoccupe, et je suis certain que vous êtes du même que moi là-dedans, qu'on se préoccupe de la mondialisation, des échanges et négociations sur les accords internationaux ou de tous les autres accords. Comme on le voit cette semaine, il y a certains accords qui ne font pas l'unanimité. Alors, ces accords-là méritent toujours beaucoup d'attention. Et je trouve que, maintenant, actuellement, on n'a pas assez d'information ou de formation sur ces accords-là.
Alors, la structure comme telle, on n'a pas de problème. On a exprimé notre souhait sur cette structure-là, qui comprend un P.D.G. évidemment, et sur le personnel, on dit: Écoutez, n'enterrez pas cette machine-là de personnel, avec des objectifs tous azimuts, qui va finir qu'il va y avoir beaucoup trop de personnes, puis qu'on va perdre le but premier de cet Observatoire-là.
Le Président (M. Boulianne): Merci. Mme la députée de Jean-Talon.
Mme Delisle: Vous faites référence dans votre mémoire, à la page 9, que vous souhaitez qu'une importante... Je vous cite, là: «Nous croyons qu'une partie importante des ressources mises à la disposition de l'Observatoire devrait être consacrée au soutien d'organismes qui oeuvrent sur le phénomène de mondialisation.» Un petit peu plus loin, vous dites: «Enfin, pour nous, la mission d'information et de formation de l'Observatoire devrait évidemment être accomplie en coopération étroite avec les partenaires sociaux... L'Observatoire aura intérêt à les accompagner, à favoriser des coordinations, voire des débats entre eux.» Je finis de vous citer là-dessus.
Moi, j'aimerais que vous soyez davantage explicite sur votre notion de soutien. Est-ce qu'on parle de ressources financières, on parle de ressources humaines? Vous parliez d'éviter la duplication tout à l'heure. Donc, est-ce que vous souhaitez finalement que les sommes qui seraient dévolues à une recherche x, par le biais de cet Observatoire-là, suivent un chemin différent qui se rende finalement pour davantage vous soutenir dans des recherches que votre organisme ou d'autres, finalement, font dans le domaine de la mondialisation?
Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. Oui, M. Leclerc.
M. Leclerc (André): Bien, oui, effectivement, c'est ce qu'on pense. Par exemple, il y a des choses que la FTQ fait, mais on sait aussi que nos collègues syndicaux en font de leur côté, et il y a des coalitions aussi. Il y a le Réseau québécois sur l'intégration continentale qui va se présenter devant vous cet après-midi, dont la FTQ fait partie. Le Réseau a été un lieu d'échange, de réflexion et aussi d'action au cours des dernières années. Il a été précédé d'autres coalitions. Il a changé de nom à mesure que les accords commerciaux s'élargissaient. Il y a d'abord eu un accord sur les négociations Canada-États-Unis avec une coalition là-dessus, après le Canada, États-Unis et Mexique, et maintenant au niveau de la ZLEA. Des organismes comme ça, par exemple, qui tiennent à un moment donné un colloque qui réunit des partenaires de l'Alliance sociale continentale partout à travers l'Amérique, doivent continuer d'être soutenus. Déjà, le gouvernement québécois a soutenu assez sérieusement le RQIC dans d'autres sortes de coopération aussi. Alors, c'est un peu comme ça.
n(11 h 30)n Maintenant, de vous dire, ce n'est pas tout le budget évidemment de l'Observatoire qui devrait être consacré à ça, mais il devrait y avoir une ouverture à ça, d'abord, pour éviter le dédoublement mais aussi pour avoir des effets beaucoup plus spécifiques sur des secteurs. Par exemple, nous, à la FTQ, on fait un travail avec nos syndicats affiliés pour qu'ils consolident davantage leurs liens avec des collègues des mêmes entreprises ou des mêmes secteurs industriels à travers le monde. Il existe déjà des fédérations syndicales mondiales, qu'on appelle maintenant des «global unions», qui regroupent les gens de la métallurgie, par exemple, les gens du vêtement, les gens du secteur public. Il y a un congrès la semaine prochaine, un congrès international, à Ottawa, de l'Internationale des services publics dont font partie nos syndicats comme ceux de la CSN, et ces organisations-là, de plus en plus, vont jouer un rôle très, très important, par exemple, face aux multinationales, et ça, les Québécois doivent être soutenus pour y être très présents et pour un peu imprimer leur marque. Ils le font déjà, et ça, je pense que l'Observatoire pourrait être ouvert au soutien, de quelconque façon, soit à des projets de recherche ou soit des projets d'accueil de délégations, etc., parce que ça fait partie aussi, à notre sens, de cette façon d'assurer une présence québécoise là où se jouent les enjeux de la mondialisation.
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Leclerc. Mme la... Oui?
Mme Delisle: Ma dernière question, puisqu'il nous reste très peu de temps. Vous regrettiez tout à l'heure que, depuis avril 2001, on ait très peu entendu parlé de la mondialisation. Il y a quelque chose que vous avez dit qui m'a étonnée. Vous faisiez référence que finalement, bon, cet Observatoire-là aurait un conseil d'administration, probablement deux à trois réunions par année. Je voudrais vous entendre sur comment justement on va faire pour entendre parler de la mondialisation si vous ne voyez qu'un rôle peut-être plutôt effacé au conseil d'administration et... Oui, c'est ça.
Le Président (M. Boulianne): Oui, alors M. Roy.
M. Roy (René): Bon, on ne s'attend pas, nous, que l'Observatoire va être l'organisme qui va intervenir publiquement pour prendre position. Les partenaires qui vont être à l'Observatoire, y compris le gouvernement du Québec, vont avoir leurs propres positions et vont intervenir publiquement sur leurs positions. L'Observatoire, pour nous, va être un lieu d'échange où est-ce qu'on va aller recevoir l'information, où est-ce qu'on va aller recevoir la formation aussi. Et, s'il y a lieu, j'imagine que les partenaires pourraient confier une certaine mission d'information générale au public. Je veux dire, on ne voit pas du tout que l'Observatoire va prendre la place du gouvernement pour prendre des positions officielles ou encore signer des accords. Alors, nous, on voit parfaitement, dans le conseil d'administration, un conseil d'administration des partenaires recevoir l'information et demander que telle et telle action soit poursuivie ou prise pour nous permettre de connaître et de prendre position publiquement en faveur de telle ou telle chose. Et j'ai l'impression, moi, que c'est le gouvernement qui va en avoir le plus besoin, parce que, finalement, à la fin des travaux des négociations, c'est lui qui doit signer les accords.
Le Président (M. Boulianne): Oui, M. Leclerc.
M. Leclerc (André): Peut-être une nuance qu'on pourrait apporter, c'est un peu dans le sens que la ministre l'évoquait tout à l'heure. C'est évident que les partenaires qui vont se retrouver au sein de l'Observatoire, à la lumière des informations qui vont y être concentrées, peuvent arriver à certains consensus entre eux. Mais là ce n'est pas des fonctionnaires de l'Observatoire qui deviendraient des espèces d'experts qui pourraient se prononcer sur tout et sur rien. Les partenaires eux-mêmes au sein de l'Observatoire pourraient trouver en l'Observatoire le lieu d'une expression publique de certains principes.
Le Président (M. Boulianne): Alors, merci beaucoup, M. Roy, M. Leclerc. Merci, donc, à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec pour ce mémoire. Oui?
Mme Houda-Pepin: Il reste du temps?
Le Président (M. Boulianne): Non, il ne reste plus de temps à personne.
Mme Houda-Pepin: Non? C'est fini. O.K.
Alors donc, la commission suspend ses travaux pendant cinq minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 34)
(Reprise à 11 h 38)
Le Président (M. Boulianne): Alors, la commission va reprendre ses travaux. Alors, je demanderais donc à la Fédération étudiante universitaire du Québec de s'approcher. Je veux tout simplement vous rappeler que le temps alloué pour la période de présentation et d'échange est de 45 minutes. Vous avez 15 minutes de présentation, il y aura par la suite échanges. Alors donc, je demanderais au porte-parole de s'identifier et de présenter celui qui l'accompagne.
Fédération étudiante universitaire
du Québec (FEUQ)
M. Brisson (Nicolas): Alors, bonjour. Mon nom est Nicolas Brisson. Je suis président de la Fédération étudiante universitaire du Québec. Je suis accompagné de Benoît Riopel, vice-président de la FEUQ.
Le Président (M. Boulianne): Alors, bienvenue. Alors, allez-y, présentez votre mémoire.
M. Brisson (Nicolas): Donc, pour commencer, je vais vous présenter la FEUQ, une organisation qui regroupe 18 associations étudiantes à travers le Québec, presque sur tous les campus universitaires, représentant plus de 140 000 étudiants. Notre mission, évidemment, est de défendre les droits et intérêts des étudiants, mais plus encore c'est de permettre une accessibilité à une éducation publique de qualité avec des conditions de réussite égales pour tous. Et, c'est très important, dans le cadre de ce mémoire, vous allez comprendre que, pour nous, la mondialisation peut avoir des impacts sur notre mission.
Tout d'abord, on tient à saluer l'initiative du gouvernement du Québec en ce qui a trait à la création de l'Observatoire de la mondialisation. Comme vous avez pu le constater dans notre mémoire, on n'a pas vraiment élaboré sur la structure ou sur certains aspects de la loi. En général, on pense que la structure est ? ce qui nous importait surtout ? représentative de la société civile. Elle est suffisamment souple, et ce qui est important pour nous, c'est qu'elle fait place aux jeunes. Tantôt, on a vu la FTQ qui a souligné cet aspect-là, pour nous, c'est important qu'il y ait des jeunes de présents. Je pense que vous avez constaté au Sommet des Amériques le nombre de jeunes qui, très bruyamment, même parfois violemment, contestaient le fait que les chefs d'État étaient enfermés dans une salle pour négocier la ZLEA.
n(11 h 40)n Mais pourquoi on salue aussi l'initiative du gouvernement du Québec? Ce qu'il y a de plus important, c'est que la mondialisation est un enjeu qui touche, selon nous, directement la vie quotidienne des citoyens et des citoyennes du Québec, et c'est ce qui est très important. Pour la jeunesse, c'est un enjeu auquel on devra faire face au cours des prochaines années. C'est un des enjeux du XXIe siècle, comment nous allons dessiner le monde de demain. Et, évidemment, il y a déjà des choses qui se font à cet égard-là. Depuis une dizaine d'années, il y a des accords internationaux qui se signent, et ce qu'il y a de plus déplorable encore... Et, pour nous, on va vous parler plus spécifiquement de la ZLEA, de l'AGCS et de l'ALENA, mais, dans à peu près tous les accords, à part peut-être l'Union européenne, on constate qu'il y a un manque de transparence, qu'il n'y a pas beaucoup de diffusion de l'information et qu'il y a un manque de compréhension aussi de la population, et principalement parce qu'il y a un manque d'information qui est diffusée aux citoyens. Par contre, ce qu'on entend beaucoup parler par rapport à ces accords-là, c'est la contestation des jeunes notamment, mais aussi de la société civile en général de la façon dont se négocient ces traités-là, mais aussi des conséquences néfastes, selon certains, que pourrait avoir la mondialisation. Un peu comme la FTQ, la FEUQ n'est pas l'apôtre de l'antimondialisation, mais elle a un discours très élaboré sur ce qu'on appelle maintenant l'«altermondialisation», donc une autre façon de construire le monde.
Donc, pour nous, il est clair que l'Observatoire vient combler un vide à cet égard-là, comme je vous l'ai dit tantôt. Et, je le répète, parce que c'est ça qui est important, c'est l'enjeu. Et parlez à la plupart des jeunes... Et, nous, quand on rencontre les étudiants sur les campus, c'est un enjeu qui revient constamment. Il vient combler un vide pour informer la population, pour faire des recherches objectives sur les conséquences des négociations ou de la ratification des accords internationaux, et pour mieux comprendre finalement, et que les citoyens puissent mieux comprendre les impacts que peut avoir la ratification de certains accords internationaux de la mondialisation des marchés.
Comme vous l'avez constaté, on a une annexe à notre mémoire qui est une étude sur les impacts de la ZLEA et de l'AGCS sur l'éducation, et ce qui ressort vraiment, c'est qu'on s'en va vers une privatisation de l'éducation si l'AGCS et la ZLEA se signent tels que négociés actuellement. Pour nous, ce qu'on dénonce surtout, c'est qu'on parle souvent, on entend souvent dans les journaux... Certains acteurs économiques prétendent que le libre-échange, c'est une bonne chose, ça crée des emplois par l'augmentation des exportations pour nos entreprises. Soit, c'est une réalité. Effectivement, si nos entreprises arrivent à exporter leurs produits, eh bien ça peut certainement créer des emplois. Mais ce n'est pas juste ça, la mondialisation. Ce n'est surtout pas juste ça, la ZLEA, l'AGCS, l'ALENA, ça peut aussi remettre en question la capacité du gouvernement du Québec, des gouvernements légitimement élus, leur capacité de légiférer en matière de services publics, et c'est ce qui nous inquiète, parce qu'on pense ? et c'est ce sur quoi on s'est penché cet été dans notre étude ? que ça peut remettre en question l'accessibilité à des services publics aussi essentiels que la santé et l'éducation, et des services publics auxquels, nous sommes persuadés, les Québécois sont profondément attachés.
Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, allez-y, M. Riopel, nous vous écoutons.
M. Riopel (Benoît): Oui. Donc, pour compléter, M. le Président, nos préoccupations découlent du fait que, selon l'UNESCO, l'éducation représente un marché de 2 000 milliards de dollars dans le monde. Je ne sais pas si vous le savez, c'est un vingtième du PIB planétaire. Il ne faut donc pas se surprendre que l'éducation soit un secteur tant convoité par les entreprises privées, et c'est tout à fait normal, et des événements comme le Marché mondial de l'éducation, tenu à Vancouver en mai 2000, sont des parfaits exemples de cette volonté du monde de l'éducation de créer un nouveau partenariat pour assurer le développement et parfois même la survie de l'éducation dans les pays industrialisés.
Dans un tel contexte, M. le Président, ce qu'il y a de vraiment inquiétant, ce sont des clauses comme le chapitre XI de l'ALENA et qui se retrouvent également dans le projet de la ZLEA. En effet, le chapitre XI accorde le droit à un investisseur étranger de poursuivre un État qui, selon lui, applique une politique qui limite sa liberté de commerce ou, si vous préférez, lui fait une compétition déloyale. En guise d'exemple, je citerais le cas de UPS qui, actuellement, poursuit le gouvernement fédéral du Canada parce que ce dernier lui fait une compétition déloyale du fait qu'il finance Postes Canada et non les autres entreprises étrangères offrant des services équivalents sur le même territoire.
M. le Président, nous croyons que la population du Québec est d'accord avec nous sur ce point, le financement des services publics est la pierre angulaire de notre système d'éducation. C'est un choix de société, car, en misant sur la jeunesse, ce choix représente l'investissement du Québec dans son avenir. Si des clauses comme le chapitre XI s'appliquaient à l'enseignement supérieur, les établissements étrangers pourraient exiger d'avoir accès aux mêmes subventions. On parle donc carrément de privatisation des services publics, et, à long terme, une dilution de l'enveloppe de financement signifie la fin du système public. En instaurant un système universitaire à deux vitesses, le principe d'accessibilité à une éducation de qualité avec des chances de réussite égales pour tous ne tient plus.
Il y a d'autres dangers qui guettent notre système d'éducation en ce qui a trait aux traités de libre-échange. On peut en citer quelques-uns seulement: l'inégalité des valeurs des diplômes, l'exode des cerveaux, la hausse des frais de scolarité et la perte de contrôle de la formation.
Alors, avant de céder la parole à Nicolas pour conclure, je citerais Marc Lee, du Centre canadien de politiques alternatives, en disant que l'enjeu que nous portons à votre attention aujourd'hui, c'est carrément la remise en question de «la capacité de la population de faire des choix démocratiques au sujet de la structure de son économie et de sa société».
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Riopel. Alors, M. Brisson.
M. Brisson (Nicolas): Oui. En guise de conclusion, donc, deux défis sur lesquels la FEUQ va se pencher d'ici 2005: s'assurer que l'éducation ne soit pas incluse dans aucun accord de libre-échange ou aucun accord à caractère commercial; et, deuxièmement, que soit aboli le chapitre XI et qu'il ne soit pas reporté dans aucun autre accord de même nature, c'est-à-dire dans la ZLEA ou, peut-être même, dans l'AGCS.
En ce sens-là, il faut être inquiet de la marge de manoeuvre du gouvernement fédéral de négocier les accords de libre-échange qui impliquent des services publics qui sont sous la juridiction du gouvernement du Québec, de l'Assemblée nationale. La position du Canada en matière d'éducation, selon M. Pierre Pettigrew, est celle de ne pas négocier l'enseignement public ? on ne parle pas d'éducation, on parle d'enseignement public ?alors que l'ambassadeur du Canada à l'OMC, lui, prétend que non, l'éducation, c'est une industrie comme les autres, et elle doit être traitée comme les autres. Et on a des citations à l'appui dans notre étude. Donc, on peut douter de la volonté réelle du gouvernement fédéral de ne pas inclure l'éducation dans les accords internationaux tels la ZLEA et l'AGCS, surtout que, comme vous pouvez le constater dans notre étude, lorsqu'il y a présence d'une université privée, ce qui est le cas au Canada, ça a un effet domino sur les autres provinces, parce que, à partir de ce moment-là, d'autres universités étrangères peuvent venir s'installer et exiger le même traitement que les universités privées.
Et je vous rappelle aussi que, selon la Cour suprême du Canada, les universités à charte, telles l'Université Laval, l'Université de Montréal, l'Université de Sherbrooke, l'Université McGill, l'Université Concordia, sont des universités privées. Donc, à partir de ce moment-là, même si on exclut l'enseignement public, il reste que l'éducation se retrouve quand même dans ces accords-là. Et, en vertu du chapitre XI, une université étrangère pourrait exiger le même traitement que l'Université de Montréal, l'Université Concordia, l'Université McGill, l'Université de Sherbrooke, et ça ferait en sorte une dispersion du financement public, et pourrait même exiger, même, une déréglementation des frais de scolarité.
Pour la FEUQ, il n'est pas question que l'entreprise privée remplace le ministre de l'Éducation. D'ici 2005, vous n'avez pas idée de tous les moyens dont on entend utiliser pour forcer le gouvernement fédéral à d'abord consulter la population, à tenir un référendum avant de ratifier ces accords-là et de s'assurer que les services publics essentiels au bon développement économique, social et culturel du Québec ne soient pas négociés dans ces accords-là, et c'est en ce sens-là qu'on a créé... Bien, on a créé, on a travaillé à fonder une coalition pancanadienne des étudiants qui se penche notamment sur la ZLEA et l'AGCS pour s'assurer que l'éducation ne soit pas incluse, également sur le déséquilibre fiscal et la nécessité de réglementer les frais de scolarité.
Mais, encore plus, on va aller se promener en Amérique du Sud. On va aller voir nos frères et soeurs militants du mouvement étudiant d'Amérique latine, des États-Unis, d'un peu partout, pour s'assurer qu'il y ait la plus grosse coalition possible d'étudiants pour réaffirmer que l'éducation est un droit et qu'en ce sens-là elle doit être accessible à tous. Et c'est là-dessus qu'on doit travailler et non un vulgaire produit commercial et que les étudiants soient considérés finalement comme de simples consommateurs. Je vous remercie beaucoup.
n(11 h 50)nLe Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, M. Brisson. Merci, M. Riopel. Alors, nous allons procéder à la période d'échange. Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme Beaudoin: Oui, bonjour. Quelques commentaires, effectivement, puis peut-être une question. C'est très intéressant, là, l'étude que vous avez fait faire ? j'aimerais ça que vous nous en parliez encore un peu plus ? sur les menaces, donc, concrètes qui pèsent sur le secteur de l'éducation dans le cadre de ces négociations. Je me sens très... Je suis très sensible à cette question-là, donc j'aimerais qu'on y revienne. Mais, dans un premier temps, je voudrais vous dire que, en effet, quand vous dites que «l'Observatoire donnera ? et je vous cite ? les outils nécessaires à la réflexion et à une meilleure compréhension de ce que sera notre monde dans un proche avenir», c'est vraiment ça qu'on veut faire, là. Vous avez tout à fait bien compris, en tout cas, tout au moins, les intentions. Comme chacun le disait tout à l'heure, on verra dans la réalité. Il faudra s'assurer que, dans la réalité, ça se concrétise de la manière dont on le souhaite, tout le monde. Et vous dites aussi que ça permettra de faire oeuvre d'éducation populaire ? en effet ? et répondra aux besoins d'une société civile informée et vigilante. Alors, c'est tout à fait ça que l'on vise.
Alors, il faut prendre les moyens, en effet, pour y arriver. Ce sera une structure légère, c'est bien évident. Je parlais de réseau tantôt et de tête de réseau, il faudra que tout le monde travaille d'une certaine manière, donc, ensemble tout en conservant... Je le sais bien que ce n'est pas possible d'obtenir des consensus et de forcer des consensus, parce que ce sera d'ailleurs le plus petit commun dénominateur si on y arrivait sur certains dossiers, mais peut-être est-il pensable que, sur un dossier comme celui que vous traitez, qu'il y ait vraiment des convergences à l'intérieur de l'Observatoire et que ce ne soit pas que les étudiants dans la plus grande des coalitions mondiales possible, mais aussi d'autres acteurs sociaux. Et, en tout cas, en ce qui concerne le gouvernement, l'exclusion de ce secteur, en effet, des accords commerciaux internationaux... Et, pour nous, on est très ferme dans cette affirmation, nous voulons exclure pour les raisons que vous expliquez. Mais je trouve intéressant que vous expliquiez, parce qu'il faut faire comprendre ça. C'est justement, faire comprendre ce serait quoi, le problème si.
Alors là vous nous expliquez qu'à cause du traitement national, si je comprends bien, la nécessité du traitement national qui est imposé quand on signe un accord du genre, que les universités étrangères se retrouveraient sur le même pied que les universités québécoises. Alors donc, ça poserait quel genre de problème? Peut-être, vous nous l'aurez expliqué le plus simplement possible. Et, aussi, vous dites: Bon, la déréglementation, ça amènerait ça, des frais de scolarité. Or, là aussi, on sait qu'on tient, en tout cas jusqu'à maintenant, collectivement à ce que les frais de scolarité demeurent le plus bas possible. Et, à ce que je sache, ils sont parmi, sinon les plus bas, disons, au Canada.
On s'en rend compte, parce que quand... Vous savez qu'avec plusieurs pays ? ça, c'est le ministère des Relations internationales qui s'en occupe ? il y a des exemptions des frais de scolarité majorés, par exemple avec les pays de la francophonie, des pays d'Afrique, des pays d'Amérique latine aussi, et il y en a peut-être... Je ne sais pas, là, on doit avoir 1 000 bourses de ce genre gérées par le ministère des Relations internationales, et on sait que ça coûte au ministère, donc aux contribuables québécois, probablement 6 500 à 7 000 $ par bourse alors que ce que ça coûte, l'éducation, la réalité des chiffres, c'est ça, et que, dans les autres provinces canadiennes, ce n'est peut-être pas la totalité de ces montants-là qui sont assumés par les étudiants comme frais de scolarité, mais c'est certainement à ce que je sache... En tout cas, je ne suis pas une spécialiste de ça, mais plus important que les frais de scolarité au Québec, et donc c'est toute la question de l'accessibilité, en effet, qui est en cause.
Alors donc, j'aimerais que vous reveniez même si vous prenez pour acquis, j'imagine, qu'on a tous lu attentivement l'annexe à votre mémoire... Mais, puisque cette commission parlementaire est télédiffusée, pour le bénéfice, en tout cas, du plus grand nombre, vous nous réexpliquiez exactement, là, ce serait quoi, les impacts, les conséquences, et là vraiment sur la vie quotidienne de nos familles, puis des... des parents peut-être, mais surtout des étudiants.
Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la ministre. Alors, M. Brisson.
M. Brisson (Nicolas): Oui. Alors, la principale conséquence est reliée directement à des clauses semblables à celles du chapitre XI, donc, qui permettent à un investisseur, là, de poursuivre un État s'il se voit offrir un traitement qui, selon lui, est discriminatoire du fait qu'il a son siège social à l'étranger. Et, à ce titre-là, bien ce qui peut arriver tout simplement, c'est que parce qu'il y a une université privée qui existe au Canada... Il y en a même plus qu'une. Même, on pourrait, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, faire état que la Cour suprême reconnaît les universités à charte comme des universités privées. Je vous rappelle que les universités à charte bénéficient de subventions gouvernementales, donc elles sont financées en grande partie par des fonds publics. Alors, une université étrangère qui commencerait sûrement par de la formation à distance... Je veux dire, ce n'est pas demain matin qu'on va voir des universités s'installer un peu partout au Québec, mais exigerait un financement, sa part du financement public, parce qu'elle se jugerait en situation qui n'est pas concurrentielle. Et le gouvernement, s'il refusait, pourrait se voir poursuivi pour ne pas donner la même proportion, si vous voulez, du financement public à ces universités-là. Et ça, c'est même si M. Pettigrew ? parce qu'il y a juste cinq pays, semble-t-il, qui, eux, tiennent cette ligne-là ? prétend que l'enseignement public ne sera pas intégré à la ZLEA ou l'AGCS. Même si ça, c'est à l'intérieur, il reste qu'il y a quand même des services privés éducatifs au Québec et au Canada et qui sont financés par l'État, et c'est ce qui ferait en sorte que les universités étrangères exigeraient leur part de financement public.
La conséquence à plus long terme, évidemment, une déréglementation des frais de scolarité, la dilution de l'enveloppe de subvention, bon, exerceraient une pression énorme sur l'université pour hausser les frais de scolarité. D'autres pourraient remettre en question la réglementation des frais de scolarité. On peut aller très loin. Il y a d'autres conséquences sur l'aide financière aux étudiants. Est-ce que ces universités-là poursuivraient le gouvernement pour exiger que les étudiants qui y sont acceptés puissent bénéficier aussi de l'aide financière aux étudiants? À terme, ça pourrait causer un double réseau universitaire, en fait ce qui existe aux États-Unis, c'est-à-dire des universités privées avec des coûts de formation excessivement élevés pour les étudiants, très peu accessibles si vous n'en avez pas les moyens, et des universités publiques de moindre qualité, il faut le dire, parce qu'elles n'ont pas autant de moyens d'aller chercher des professeurs, elles n'ont pas autant de moyens d'avoir des grandes bibliothèques, de favoriser l'encadrement académique. Donc, la conséquence à terme, ce serait une éducation à double vitesse, et nous, c'est clair qu'on va se battre contre ça.
Donc, je terminerai en vous disant aussi qu'il y a... On en fait état aussi dans notre mémoire, par rapport à la propriété intellectuelle, les universités, pour les étudiants chercheurs notamment, il y a quand même des protections en ce qui a trait à la propriété intellectuelle, et là on irait-u vers un nivellement par le bas dans ces accords-là? Parce qu'il y a quand même des gains que les étudiants ont faits, là, et il y a un ensemble de facteurs qui peuvent être remis en question si, d'une part, l'éducation est incluse, ça, ce serait terrible, mais si le chapitre XI est maintenu dans l'ALENA et une clause semblable est reportée dans la ZLEA et l'AGCS.
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Brisson. Mme la ministre.
Mme Beaudoin: Oui. Donc, est-ce que dans votre perspective la seule solution pour éviter tout ce que vous venez d'expliquer, c'est d'exclure totalement, donc, puis il faut formuler les choses correctement, de telle sorte que ça couvre l'ensemble du secteur de l'éducation? Est-ce que c'est ça, là, que vous recommandez très formellement?
M. Brisson (Nicolas): Il y a d'abord ça, mais aussi, comme vous l'avez dit, là, il y a aussi d'autres enjeux. Il n'y a pas juste l'éducation qui est remise en question, il y a aussi d'autres enjeux, la démocratie par exemple. Donc, l'abolition du chapitre XI de l'ALENA, mais aussi qu'aucune clause semblable à celles du chapitre XI ne soit négociée par le gouvernement fédéral dans les autres accords sur lesquels il est en train de travailler.
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Brisson. Mme la ministre.
Mme Beaudoin: Oui, rapidement, une question puis un commentaire. La question: Qui a fait pour vous ? est-ce qu'on peut vous le demander? ? cette étude, cette annexe, là?
n(12 heures)nM. Brisson (Nicolas): Oui. Nous, nous utilisons évidemment les étudiants à la maîtrise. Donc, c'est un étudiant à la maîtrise de la Polytechnique qui fait sa thèse sur la formation à distance, je crois, là. Donc, il était déjà très ferré dans ce dossier-là et il a fait un bon travail, là, pour nous à cet égard-là. Il avait déjà... Le problème qu'on a rencontré, c'est qu'il y avait très, très peu d'études sur les impacts concrets sur l'éducation de la ZLEA et de l'AGCS. Même des gens... Dorval Brunelle, le professeur à l'UQAM, va commencer à travailler là-dessus, les impacts sur l'éducation. Et pourquoi on le présente ici? Bien, évidemment, on veut que l'Observatoire, ce soit une question qui soit jugée prioritaire. Les services publics, c'est quoi, les conséquences sur les services publics, et surtout les principes d'accessibilité à ces services-là.
Mme Beaudoin: Oui, parce que ce que vous dites est très vrai, il n'y a pas... C'est pour ça que ça nous intéresse, nous aussi, beaucoup, là, parce qu'on imagine, en effet, les conséquences que pourrait avoir une libéralisation dans ce secteur-là. Mais il y a peu d'études qui ont été faites. Alors donc, l'Observatoire, sur un dossier comme celui-là qui importe beaucoup, donc, à l'ensemble de la société québécoise ? je pense, en effet, que c'est quelque chose de très pertinent ? devrait pouvoir s'y pencher.
J'ajoute tout simplement... Vous savez qu'on a pris position sur le chapitre 11. On avait fait un communiqué, là, qui était en date du 10 juin dernier, donc, qui va un peu dans le sens de ce que vous dites. C'est sûr qu'on est très, très préoccupé par ce recours investisseurs-État et que le gouvernement canadien a dit, par la voix de M. Pettigrew, qu'il demanderait des éclaircissements, qu'on n'a pas vu venir d'ailleurs, à ma connaissance, en tout cas, et il ne s'est rien passé sur ce front-là.
Mais, quant à nous, en tout cas, on a dit que le gouvernement du Québec était très préoccupé et qu'on voulait ne pas mettre en péril justement ce que vous dites très clairement, on l'a dit nous aussi, la capacité de légiférer du gouvernement du Québec dans l'intérêt public, que ce soit dans le secteur de l'environnement, parce que c'est ça beaucoup qui a été mis en cause, mais aussi dans d'autres secteurs considérés comme des biens publics, et que cette capacité de l'État, il ne faut pas que ça soit... que la mondialisation devienne le gouvernement des multinationales. C'est pour ça que l'AMI a été torpillé, n'est-ce pas? Voilà.
Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la ministre. Alors, merci. Alors, Mme la députée de La Pinière, vous avez la parole.
Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Brisson et M. Riopel, bienvenue. Merci pour la présentation. C'est rafraîchissant de vous entendre. Vous avez dit que la mondialisation touche directement les citoyens. J'ajouterai que ça touche plus particulièrement les jeunes, parce que la mondialisation, c'est pour vous, votre avenir, vous allez évoluer là-dedans. Vous avez le monde pour horizon, finalement. Et votre mémoire est assez bien étayé, bien documenté, ainsi que l'annexe qui l'accompagne.
Moi, je vous écoute, et j'ai écouté aussi les groupes qui sont venus nous exprimer les mêmes commentaires concernant tout ce qui touche le volet des services, c'est-à-dire l'ouverture des services et leur inclusion dans les accords internationaux, notamment celui de la ZLEA. Vous, vous êtes particulièrement concernés par le domaine de l'éducation, et je peux bien vous comprendre. Cependant, moi, je regarde aussi... À côté des accords, il y a une réalité, hein, parce qu'on vit dans notre monde, et cette réalité, c'est tout ce qu'on appelle le «e-learning», l'enseignement à distance ou l'enseignement en ligne.
Actuellement... Et vous avez exprimé une préoccupation pour dire: Il faut faire attention à ne pas privatiser l'enseignement si on rend l'éducation comme un objet commercialisable. Mais la réalité de la mondialisation, au moment où on se parle, c'est qu'il y a déjà des programmes entiers qui sont offerts en ligne par des universités. On peut faire sa maîtrise, son doctorat en ligne avec une université sans jamais y mettre les pieds. Et ça, c'est à la disposition des jeunes d'aujourd'hui. Alors, ça, c'est mon premier commentaire. Je voudrais vous entendre là-dessus. Je sais que vous avez présenté une recommandation dans votre document sur les enjeux de la ZLEA. Vous l'avez fait, c'est à la page 26 de l'annexe au mémoire que vous nous présentez, et vous dites que la Fédération étudiante universitaire recommande que l'éducation ne soit pas considérée comme un service commercialisable dans les accords commerciaux internationaux.
Mais une fois qu'on a dit ça, une fois qu'on a fait des pressions pour que, dans la ZLEA, on ne puisse pas inclure l'éducation, par exemple, comme objet de commercialisation, c'est quoi, le contrôle que nous avons comme parlementaires, comme société, comme pouvoir public, sur Internet, pour l'empêcher de mettre en ligne des programmes entiers d'enseignement?
Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, M. Brisson.
M. Brisson (Nicolas): Bien, vous ne pouvez pas vraiment empêcher que l'Université Harvard ou l'Université de Phoenix, comme ils le font déjà de toute façon, offrent de la formation à distance puis que les Québécois veuillent payer ces cours-là à 20 000 $ ou à 15 000 $, qu'ils le fassent, mais on ne peut pas empêcher ça vraiment. Par contre, ce qu'on ne voudrait pas, c'est que ces entreprises-là demandent au gouvernement du Québec de financer leur offre de cours à distance. C'est ça, l'enjeu, parce qu'effectivement la formation à distance, je veux dire, on ne peut pas l'arrêter puis, si des gens veulent faire une maîtrise sur Internet à l'Université Harvard ou Phoenix, ils peuvent le faire, mais, par contre, qu'ils paient pour. L'État n'a pas à subventionner, d'une part, l'étudiant qui choisit cette voie-là de formation et surtout pas, encore moins, l'université étrangère en question.
Mme Houda-Pepin: Bien, cela pose un autre problème que vous n'avez pas soulevé dans votre mémoire et que peut-être je voudrais vous soumettre pour réflexion, c'est toute la question de la qualité de l'enseignement, parce que l'ouverture du marché de l'éducation, notamment via Internet, pose un problème au niveau de la compétition. Les programmes qui vont être sur Internet vont être les programmes les plus compétitifs, les plus adaptés, les plus à jour, parce que, vous, comme jeune, votre génération, sur le marché du travail, elle n'est pas seulement en compétition avec les jeunes du Québec, avec les jeunes du Canada, vous êtes en compétition avec les jeunes du monde entier, parce que le marché du travail est aussi internationalisé. Mais alors là, est-ce que cela ne suggère pas une réflexion sur comment on peut assurer une survie et un rayonnement notamment de nos institutions universitaires, de nos institutions de recherche dans le cadre de la compétition internationale que pose le phénomène d'Internet et de l'enseignement à distance ou l'enseignement en ligne?
Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. Oui, M. Brisson.
M. Brisson (Nicolas): Bien, nous, on ne se voit pas en compétition avec nos amis étudiants à travers le monde, là. Par contre, bon, sur la qualité de la formation, bien, écoutez, s'assurer que les universités ici aient les moyens d'offrir une formation de qualité, et ça, ça passe par le financement accru de l'État. Je rappelle que le gouvernement fédéral a coupé 10 milliards depuis 1993-1994 en éducation postsecondaire. En bout de piste, c'est 16 milliards de moins dans le réseau de l'éducation postsecondaire. Le gouvernement du Québec a, entre 1994 et 1998, coupé 800 postes de professeurs dans les universités, et là, avec les contrats de performance qui, selon nous, n'atteignent pas des résultats de performance, mais plutôt de réduction des déficits d'université, bien, ils n'ont en fait que permis aux universités de simplement respirer. Mais, encore là, on ne parle pas de développement des universités, donc ça passe par le financement accru de l'État.
Sur la formation à distance comme telle, bien, écoutez, si... À travers le monde, nous, on peut penser aussi qu'il y a d'autres solutions, c'est-à-dire que le Forum social mondial... le forum continental sur l'éducation a amené diverses solutions: un fonds de développement pour construire des écoles en Amérique latine; la mobilité des professeurs qui pourraient aller enseigner dans les pays en voie de développement; rendre l'éducation accessible finalement partout à travers le monde, et c'est des alternatives à favoriser l'ouverture sur le monde, à favoriser aussi l'accessibilité à une éducation de qualité un peu partout à travers le monde. Il y a d'autres alternatives, là. Mais ce qu'on ne veut pas, c'est que ce soit considéré comme un commerce et que les étudiants soient vus comme des consommateurs qui peuvent acheter des cours un peu partout à travers le monde, surtout par le biais de l'Internet.
n(12 h 10)n Et je vous dirais que je ne suis pas un de ceux qui... Là, je parle personnellement, parce que je ne veux pas juger les étudiants qui utilisent la formation à distance pour obtenir un bac ou une maîtrise, mais, franchement, la qualité de la formation, ça passe d'abord et avant tout par une présence, par des cours magistraux dans les universités, pouvoir aller voir son professeur après le cours, avoir une bibliothèque, la vie de campus, quoi. C'est ça, les études universitaires. Et la communauté universitaire, je veux dire, ça se passe à l'université, pas chez vous dans votre salon, sur Internet. Il y a des principes qui ont été mis en place, ce qu'on appelle la «communauté universitaire», qui existent depuis 800 ans, qui sont ceux des débats d'idées, de vivre ensemble ces débats-là, de les favoriser et qu'il y ait une interaction entre des étudiants de médecine, des étudiants de sciences politiques, de sciences humaines. Et, nous, bien, on ne se le cachera pas, ça passe aussi par l'implication étudiante dans les associations étudiantes. Toute cette interaction-là... Vous avez sûrement, plusieurs parmi vous, passé à l'université; c'est des expériences extraordinaires de vie, la vie de campus. Et donc, on n'est pas des très grands amateurs, la FEUQ, de favoriser la formation à distance quand on parle de qualité de la formation.
Le Président (M. Boulianne): Alors, merci, M. Brisson. M. le député d'Outremont.
M. Laporte: Merci, M. le Président. Ma compréhension de la mission de cet Observatoire, parce qu'il faudrait peut-être qu'on y revienne à cet Observatoire, c'est d'abord une mission éducative, ce n'est pas un institut de recherche, ce n'est pas un conseil comme on en a beaucoup, c'est d'abord et avant tout un organisme dont la mission est d'éduquer, éduquer dans le but d'éclairer, de faire comprendre, mais éduquer aussi peut-être dans le but de faire baisser un peu le niveau d'angoisse, parce qu'il y a beaucoup d'angoisse au sujet de la mondialisation. Bon.
Et je voudrais avoir votre opinion là-dessus. Il me semble qu'il y a une carence dans ce projet, à l'article 4, dans la réalisation de sa mission. Je pense qu'on devrait nommément faire savoir à ceux qui en auront la responsabilité de gestion que cet Observatoire devra utiliser au maximum Internet, en particulier, pour pouvoir mieux assurer sa fonction éducative. Par exemple, tantôt, on... Si vous regardez la composition du conseil d'administration, eh bien, c'est très corporatif, la composition du conseil d'administration. Évidemment, on prévoit la présence de députés, n'est-ce pas, qui... Je l'ai dit tantôt, je le répète, nous sommes les dépanneurs locaux par excellence, nous sommes les observateurs locaux par excellence de l'angoisse locale, et, de ce point de vue là, les députés ont un rôle à jouer là-dedans.
Mais, est-ce que vous ne croyez pas qu'il devrait y avoir dans l'article 4 une mention explicite, je ne parle pas des nouvelles technologies d'information, là, je parle spécifiquement de l'usage d'Internet dans le but d'assurer une communication, une démocratisation de la fonction éducative? Et, avec évidemment les années, ça va devenir de plus en plus puissant, cette technologie-là. Il me semble qu'il y a une carence, là. Peut-être que la ministre va nous répondre: Évidemment, c'est une question administrative, la direction, le conseil d'administration décidera de prioriser, disons, le recours aux nouvelles technologies ou technologies d'information. Mais, moi, je pense que ça serait peut-être une bonne idée ? enfin, je veux avoir votre opinion là-dessus ? dans la réalisation de sa mission, de faire obligation d'utiliser ces technologies pour pouvoir éduquer de la façon la plus démographique le grand public qui va devenir de plus en plus un public utilisateur, d'autant plus que tantôt... Écoutez, si vous regardez le nombre de sites de discussion qui existent sur Internet actuellement sur la question de la mondialisation, il y en a un nombre considérable. Et j'ajoute aussi qu'il y a, à mon avis, dans ce conseil d'administration un certain nombre de groupes québécois que je connais qui sont préoccupés au plus haut point par la mondialisation, mais dans une perspective, par exemple, qui est plus anarchique ou qui est plus révolutionnaire, et j'ai vraiment hâte de voir leur présence au conseil d'administration de cet Observatoire, n'est-ce pas.
Le Président (M. Boulianne): Alors, M. le député...
M. Laporte: Il y a eu, dans Le Devoir de la semaine passée ou d'il y a deux semaines, des débats là-dessus avec la jeune Mme Legault, par exemple, ou avec l'Union paysanne. J'ai hâte de voir où est-ce qu'ils vont être là-dedans. Donc, pour les rejoindre, ces gens-là, il va falloir faire autre chose que de créer un conseil d'administration qui veut représenter, disons, tous les milieux organisés. Je n'ai rien contre ça, les syndicats puis les milieux étudiants, mais je voudrais avoir votre opinion là-dessus.
Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Alors donc, oui, M. Brisson.
M. Brisson (Nicolas): Bien, je pense que vous avez tout à fait raison, là. La première mission, c'est celle d'éduquer. Donc, éduquer, d'abord et avant tout, c'est faire connaître. Et Internet, ce sont des outils essentiels notamment pour les jeunes. Si on veut que les jeunes de 15, 16, 17 ans... si on veut les sensibiliser, les informer sur la réalité des accords internationaux, de la mondialisation, à mon avis, il va falloir absolument qu'ils aient des outils Internet et, en ce sens-là, vous avez tout à fait raison. Est-ce qu'il était justifié ici de le dire à la commission ou de l'inscrire dans la loi? Ça, je ne suis pas certain. Et d'ailleurs, ce qui est intéressant, et c'est là où je ne vous rejoins pas, c'est qu'il y ait des gens issus de différents groupes, de différents milieux qui vont justement, parce qu'ils représentent des particularités de certaines gens, dire au conseil d'administration: Bien, il faudrait utiliser Internet. Il faudrait utiliser tel moyen pour tel type de travailleur, comme la FTQ l'a expliqué tout à l'heure. On vous remercie.
Le Président (M. Boulianne): Alors, merci beaucoup, M. Brisson. Merci, M. Riopel, de votre présentation. Alors, la commission va suspendre ses travaux jusqu'à 14 heures, cet après-midi, pour les reprendre en cette même salle. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 16)
(Reprise à 14 heures)
Le Président (M. Boulianne): Alors, étant donné que nous avons quorum, je déclare donc la séance ouverte pour la commission des institutions. Alors, je demanderais donc aux personnes de fermer leur appareil, leur sonnerie. Et je veux rappeler le mandat pour cette commission qui est procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 109, Loi sur l'Observatoire québécois de la mondialisation.
Alors, l'ordre du jour pour cet après-midi si vous me le permettez. Alors, dans quelques minutes, nous entendrons le Conseil du patronat du Québec; à 14 h 45, la Fédération des femmes du Québec...
Une voix: Ce n'était pas la bonne...
Le Président (M. Boulianne): La Fédération québécoise des professeures...
Une voix: ...
Le Président (M. Boulianne): Oui. Alors, je m'excuse. Donc, je reprends: La Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université; 14 h 45 ? vous savez, il y a de ces changements à la dernière minutes ? alors, le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement; nous entendrons, à 15 h 30, l'Association québécoise des organismes de coopération internationale; à 16 h 15, la Centrale des syndicats du Québec; et, à 17 heures, le Réseau québécois sur l'intégration continentale.
Alors donc, je demanderais à la Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université de s'approcher, s'il vous plaît. Bienvenue. Alors, j'aimerais que vous présentiez votre équipe et, par la suite, votre mémoire.
Fédération québécoise des professeures
et professeurs d'université (FQPPU)
M. Hade (André): M. le Président, merci. Mon nom est André Hade. Je suis vice-président de la FQPPU. Je suis en compagnie de mes collègues, Mme Cécile Sabourin, qui est conseillère à la Fédération, et M. Daniel Cluis, qui est conseiller à la Fédération.
M. le Président, Mme la ministre, MM., Mmes les députés, merci de nous recevoir. Et je vous prie d'excuser l'absence de notre présidente, Mme Arpi Hamalian, qui aurait bien aimé être en séance aujourd'hui.
Notre présentation portera principalement sur cinq points et elle reprend les idées qui ont été émises dans le mémoire que nous avons présenté. D'abord, nous présenterons la Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université. Nous donnerons le point de vue de la Fédération sur le projet de loi n° 109. Nous traiterons de la FQPPU et de la mondialisation. Nous rappellerons quelques démarches entreprises par les gouvernements du Canada et du Québec en matière de mondialisation. Et nous terminerons en rappelant quelques recommandations qui sont faites par la FQPPU.
La Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université regroupe 20 syndicats et associations rassemblant quelque 8 000 professeures et professeurs du milieu universitaire au Québec. La Fédération agit comme porte-parole sur toutes les questions touchant l'enseignement supérieur et la recherche, l'université et son développement et le rôle des professeurs tant dans leur milieu de travail que dans la société en général. Depuis sa fondation, en 1991, la FQPPU entretient des liens de coopération et de solidarité avec les syndicats de professeurs et le mouvement syndical aux niveaux national et international ainsi qu'avec des organismes qui, dans le domaine de l'enseignement supérieur en particulier, poursuivent des objectifs analogues aux siens. Elle est aussi présente sur la scène internationale comme partenaire d'autres syndicats et associations où elle intervient dans les grands forums mondiaux en faveur du renforcement des solidarités, de l'avancement des connaissances, de la libre diffusion du savoir et de son partage... du partage équitable entre les peuples.
Notre présence dans le processus d'étude de la loi n° 109 témoigne de la sensibilité des professeurs d'université aux enjeux majeurs contenus dans le concept de mondialisation, tant en ce qui concerne ses incidences sur la vie des peuples à travers le monde en général que sur la société québécoise en particulier. À cet égard, nous entendons profiter du lieu exceptionnel que représente l'université pour exercer encore une fois notre devoir de critique en formulant quelques commentaires assortis de recommandations sur le sujet qui nous intéresse ici.
La Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université accueille très favorablement le projet de loi sur l'Observatoire québécois de la mondialisation. Elle se réjouit des objectifs ainsi poursuivis par le gouvernement du Québec. En particulier, la Fédération souligne la volonté exprimée de bien comprendre la mondialisation pour mieux la maîtriser dans tous ses aspects, surtout du point de vue social et humain, et elle apprécie le souci démontré pour donner à l'Observatoire un caractère hautement représentatif de la société québécoise et lui assurer une large autonomie par rapport au pouvoir politique.
Nous sommes d'avis qu'un choix judicieux à la présidence et, surtout, une composition soignée du comité scientifique représentent des éléments-clés en matière de crédibilité et d'impact de l'Observatoire. Mais le facteur déterminant du succès de cette heureuse initiative demeure l'assurance d'un financement à la hauteur des besoins de l'entreprise.
Dès 1997, le congrès de la FQPPU adoptait un document intitulé L'université comme service public qui énonce les principes du plan d'action de la Fédération en matière de mondialisation. Déjà, à cette époque, c'était un lieu commun de constater que la logique du marché se confondait avec la logique tout court. C'est ce que rappelle, entre autres, le document de la FQPPU qui énonce: «Au nom de la révolution du "bon sens", les gouvernements se sont désengagés de l'éducation publique. Ils ont privatisé, et là où la privatisation s'avérait socialement plus difficile ou impossible, ils ont comprimé, coupé, réduit, sous-contracté.» Fin de la citation.
Dans ce texte, il ne s'agissait pas pour la Fédération de se prononcer sur les avantages ou les inconvénients de cette conception de l'économie, mais d'en souligner les modes opératoires, à savoir la baisse du coût de la main-d'oeuvre, réduction des dépenses publiques, fragmentation du travail et privatisation, qui produisent un impact majeur dans les institutions à caractère public. Dans le monde universitaire, par exemple, ces mesures se sont traduites par un gel des salaires, des coupures de postes et le recours massif aux chargés de cours payés à la tâche.
Comprendre aujourd'hui en quels termes se pose le problème de la production, de la diffusion et de l'utilisation du savoir est un enjeu culturel et politique de taille qui mérite d'être discuté publiquement. À cet égard, l'université représente un immense acquis pour la société. Elle fait partie de notre patrimoine collectif. C'est pourquoi plus que jamais nous recommandons la création d'un observatoire provincial, satellite de l'Observatoire québécois de la mondialisation, chargé de promouvoir l'étude des orientations et du développement de l'ensemble du réseau universitaire québécois face à la mondialisation pour préserver l'intégrité de l'institution et garantir le respect des principes qui la fondent. Parmi les valeurs mises en cause, mentionnons, en particulier, la liberté académique, l'autonomie institutionnelle, la propriété intellectuelle, le statut des étudiants et des professionnels. Cet observatoire ferait office de baromètre face aux changements et aviserait le gouvernement et les autres décideurs du milieu universitaire sur toute question relative à l'enseignement, à la recherche, aux programmes d'études et au financement du système de l'éducation.
Il n'est pas rare d'observer qu'en vertu d'une perception largement répandue du concept de mondialisation la démarche politique se réduit à de simples processus de gestion technique. Cette façon de voir le monde conduit à imposer des normes indiscutables, fondées avant tout sur des considérations économiques et mercantiles, au détriment d'objectifs collectifs légitimes ou de valeurs sociopolitiques solides. À cet égard, la Fédération demeure convaincue qu'il appartient à l'État de veiller à ce que tout changement d'ordre sociopolitique repose sur des principes et des critères démocratiquement acceptés afin que les services publics, dont l'université, puissent continuer de répondre aux attentes et aux besoins de la collectivité.
Au sens plus large, la mondialisation fait référence au processus d'internationalisation des échanges de biens, de personnes et de services. Aussi, la FQPPU applaudit à la vision incluse dans la mission de l'Observatoire québécois de la mondialisation visant à favoriser une mondialisation maîtrisée et équilibrée, respectueuse des droits humains. Pour atteindre cet objectif, il importe donc de décider collectivement quels changements en cours nous semblent acceptables et ce que nous pouvons et voulons changer, et dans quelle direction, dans le contexte qui est le nôtre.
n(14 h 10)n Nous sommes d'avis que la mise sur pied de l'Observatoire québécois de la mondialisation est un appel lancé à chacun et chacune des membres de la société québécoise pour relever un défi commun non seulement pour l'avenir de notre société, mais pour l'avenir de l'humanité. La mise en oeuvre de ce projet sera l'occasion d'opposer aux concepts de privatisation et de commercialisation des concepts de solidarité, de bien public, de dignité et d'égalité d'accès pour lesquels les membres d'une société, en particulier les jeunes de tous les milieux, rêvent de se mobiliser. Nous formulons de plus le souhait que d'autres thèmes importants soient inclus dans l'agenda de l'Observatoire comme la question des femmes et la situation des autochtones. Ce sujet fait d'ailleurs l'objet de propositions de changement énoncées plus loin.
En matière de relations extérieures, le gouvernement du Canada s'est notamment engagé dans des processus de libéralisation des marchés par le biais de traités de libre-échange, ALE, et les négociations de la ZLEA, de l'OMC et de l'AGCS. En ce faisant, le gouvernement fédéral se trouve à avoir modifié son attitude à l'égard de certains programmes sociaux nationaux. Ce désengagement se traduit, entre autres, par la diminution des transferts aux provinces, avec des incidences directes sur les programmes d'éducation, de santé et d'autres services sociaux. Le gouvernement du Québec aussi s'est souvent laissé guider par les mêmes considérations mercantiles dont les effets se font sentir principalement dans le domaine des services sociaux en général et des universités en particulier. À plusieurs occasions, la FQPPU a insisté auprès du gouvernement québécois pour qu'il change ses décisions de désengagement en faveur du secteur public et, en particulier, qu'il démocratise le débat au sujet de l'université.
Aujourd'hui, il est encourageant de constater une nouvelle prise de conscience du gouvernement du Québec pour s'impliquer plus directement et assumer son rôle légitime de protecteur des acquis sociaux, culturels, économiques et politiques de la société québécoise. De telles attitudes pourront, jusqu'à un certain point, contribuer à diminuer le lourd impact provoqué par son désengagement au cours de la dernière décennie. Dans ce processus de la relance du rôle légitime de l'État, nous voulons souligner en particulier l'adoption de la loi n° 52, la prise de position du gouvernement québécois sur le chapitre XI de l'ALENA, la présentation du présent projet de loi n° 109 visant à créer l'Observatoire québécois de la mondialisation. Cette dernière initiative procure aux Québécois un lieu de recherche, d'échange et de réflexion ouvert et indépendant pour saisir, comprendre et évaluer les multiples facettes de la mondialisation. Le gouvernement et les citoyens seront ainsi mieux en mesure d'évaluer les conséquences de ce phénomène sur la société québécoise, d'apprécier la valeur des liens à travers le monde et d'imaginer des formes différentes d'une mondialisation à visage plus humain.
Ainsi, c'est dans un esprit de collaboration et dans une perspective d'appui que la FQPPU formule quelques recommandations de changement au projet. Et, ici, nous avons quelques éléments de recommandation qui sont contenus dans notre mémoire, dont la plupart consistent à inscrire dans le projet de loi des notions qui ont été présentées par Mme la ministre ou par les députés et qui, à notre avis, mériteraient d'être précisées à l'intérieur du projet de loi.
Donc, à la section I, notamment, au niveau de la constitution, on pourrait ajouter que l'Observatoire, au-delà d'une personne morale, est indépendante et est multipartite.
À la section II, Mission et fonctions, donc, nous attirons votre attention sur le fait que, au point 4, premièrement, donc, il recueille et analyse des informations sur la mondialisation dans les domaines, entre autres, des services publics; ensuite, en fin de ce paragraphe, le secteur de l'enseignement et de la recherche universitaire qui sont, à notre avis, de véritables baromètres des incidences de la mondialisation.
Nous sommes d'avis que, pour la première année, le rapport qui serait présenté par l'Observatoire devrait, dès la première année, identifier les secteurs particulièrement vulnérables qui devraient faire l'objet d'études et de suivi systématique et détaillé, de sorte que cette identification étant faite, on pourrait ainsi alerter ou sensibiliser les organismes ou les entreprises, là, qui sont visés par ces retombées de la mondialisation, identifier les acteurs politiques aux niveaux local, régional, national et international et préciser leurs champs de compétence respectifs.
Nous suggérons, sixièmement, la mise sur pied, dès la deuxième année de sa création, d'un observatoire satellite voué entièrement à l'étude et au suivi des incidences de la mondialisation dans le domaine universitaire.
Quant à l'organisation, nous proposons que chacune des instances de l'Observatoire compte dans ses rangs au moins une professeure ou un professeur d'université; qu'on inclue donc, parmi les 15 membres du conseil d'administration, quatre personnes issues de domaines particulièrement concernés par la mondialisation, principalement du secteur des services publics; deuxièmement, deux personnes de l'extérieur du Québec, dont au moins une du secteur de l'enseignement postsecondaire.
Le Président (M. Boulianne): Alors, M. Hade, je vous demanderais de conclure, s'il vous plaît.
M. Hade (André): En conclusion, M. le Président, la Fédération appuie cette démarche. Elle rappelle l'intérêt et l'importance impérieux de créer cet Observatoire pour servir la société québécoise. Et nous rappelons également que la valeur de toute l'opération va être considérablement rattachée aux budgets qui seront affectés à cet Observatoire. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Alors, nous allons procéder à un échange de 15 minutes avec... Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme Beaudoin: Oui. Bonjour, madame, messieurs. Alors, merci d'être venus nous présenter votre mémoire. Quelques questions, en effet, à partir de vos recommandations. Vous avez probablement entendu... Étiez-vous là ce matin quand la Fédération étudiante universitaire, bon, nous a présenté son mémoire? Est-ce que, vous autres, vous avez fait faire ou fait des études concernant les impacts, donc, de la libéralisation, par exemple, du secteur de l'éducation sur ce secteur justement? Dans le sens que, bon, les étudiants nous ont dit ce matin... Ils avaient annexé à leur mémoire un rapport supplémentaire, et ce n'était pas inintéressant, en tout cas, de constater quelles étaient leurs conclusions. Dans le fond, ma question, c'est: Est-ce que vous en arrivez aux mêmes conclusions qu'eux? S'il y a libéralisation du secteur de l'éducation, quelles en seront les conséquences pour le secteur éducatif au Québec?
Deuxièmement, deuxième question, peut-être, puis après ça on pourrait revenir. Quand vous proposez, là, dès la deuxième année, la création d'un observatoire satellite voué entièrement à l'étude et au suivi des incidences de la mondialisation dans le domaine universitaire, j'aimerais ça que vous me précisiez... Vous en avez un peu parlé, mais que vous me précisiez votre point de vue, parce que j'estime... En tout cas, on peut au moins se poser la question que l'ajout d'une structure de ce genre dans un délai, je dirais, aussi rapproché pourrait enclencher une spirale de demandes similaires de d'autres secteurs, alourdissant d'autant considérablement, je dirais, le fonctionnement de l'Observatoire et réduisant d'autant son efficacité. En tout cas, c'est au moins une question qui se pose, parce que vous dites: Il faut faire ça pour le secteur de l'éducation, mais j'imagine que le secteur de la santé, ou le secteur culturel, ou d'autres secteurs pourraient, avec autant de légitimité probablement, nous faire la même demande. Alors donc, j'aimerais que vous m'expliquiez davantage votre point de vue là-dessus et sur les conclusions, donc, du rapport déposé par la Fédération étudiante ce matin.
Le Président (M. Boulianne): Alors, merci, Mme la ministre. M. Hade, est-ce que vous voulez répondre?
M. Hade (André): M. le Président ? merci de la question, Mme la ministre ? je vais tenter de répondre brièvement à la première partie de la question, et la deuxième question, je passerai la parole à ma collègue Mme Sabourin.
En ce qui concerne une étude qui aurait été faite par la Fédération sur le sujet de la mondialisation, la Fédération ne s'est pas consacrée à une étude particulière à ce sujet-là. Cependant, nous disposons de plusieurs documents et nous avons eu l'occasion de participer à des échanges formels qui ont été faits sur ces sujets-là, notamment à l'intérieur de colloques qui se sont tenus récemment à Montréal. Il y a eu un colloque sur l'enseignement à distance et l'enseignement par des moyens électroniques. Alors, les conclusions et les énoncés, là, d'avantages, d'inconvénients et de risques qui existent en matière d'enseignement à distance et d'insertion d'universités étrangères par ce biais-là sont exactement celles qui ont été énoncées par nos collègues de la FEUQ ce matin.
Nous avons également tenu au printemps un colloque auquel était associée l'Internationale de l'éducation, dont la FQPPU est membre, et ces questions de mondialisation dans le domaine de l'éducation ont fait l'objet d'une partie de ce colloque de trois jours, et les conclusions auxquelles nous en venons sont tout à fait analogues, donc l'énoncé qui a été fait par nos collègues de la FEUQ à l'effet que la privatisation de l'éducation est une menace qui existe véritablement, la question de l'introduction de l'enseignement à distance dans l'enseignement, donc, par le biais d'Internet, c'est un fait que l'on doit constater. Et le choix appartient aux étudiants qui peuvent s'intéresser à ça, mais nous appuyons la position de la FEUQ à l'effet que l'État ne doit pas intervenir pour soutenir de telles démarches.
n(14 h 20)n Quant à l'autre volet de la question posée par Mme la ministre, je passe la parole à ma collègue Mme Sabourin.
Le Président (M. Boulianne): Oui. Alors, merci, M. Hade. Alors, Mme Cécile Sabourin, vous avez la parole.
Mme Sabourin (Cécile): Sur la question concernant l'observatoire satellite de l'éducation, les documents sur lesquels la Fédération s'est penchée... Nos discussions ont souvent porté sur l'importance de la relation recherche et enseignement au sein des universités et sur l'université comme un service public où se retrouvent des chercheurs et des professeurs dans des domaines aussi diversifiés que l'ensemble des activités humaines. À ce propos, nous considérons que les universités, c'est le lieu en ce moment où se retrouvent des personnes dans l'ensemble des domaines ou des secteurs d'activité et où se font la recherche et l'enseignement de pointe le plus en accord ou le plus reliés à ce qu'on appelle la société du savoir. Dans ce sens-là, nous considérons que l'université est un baromètre pour connaître quels seront les développements de la société du futur parce que c'est là que se font et la recherche et les enseignements des futurs professionnels dans notre société.
De plus, on pourrait peut-être ajouter que plus personne ne doute du rôle-clé des universités dans le développement et dans le développement des connaissances, dans la transmission des connaissances et aussi dans le développement des activités innovatrices de notre société. Dans ce sens-là, nous considérons que connaître ce qui se pratique dans les universités, la qualité des programmes, la diversité des programmes, l'accessibilité des étudiants dans les différents champs d'étude et la gamme et la variété des recherches tout autant fondamentales et libres que des recherches qui ont une utilité plus immédiate dans le développement économique et social de la société, c'est connaître déjà l'avenir de notre société. Donc, je ne sais pas si ça répond à votre question, mais il nous semble qu'on pourrait, avec un observatoire de l'éducation, avoir le pouls du développement dans l'ensemble des secteurs de la société.
Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme Sabourin. Mme la ministre.
Mme Beaudoin: Oui, d'accord, je comprends mieux votre point de vue à cet égard. Alors, je reviendrais sur un point aussi, une de vos recommandations. Quand vous dites une représentation équitable des femmes, des autochtones, des jeunes, donc, au conseil d'administration, au comité exécutif, au comité scientifique, alors vous avez dû le constater quand même qu'à l'article 6, au deuxième paragraphe, il est dit... Ce n'est pas à l'article 6... On dit, en tout cas, que le conseil d'administration doit refléter... C'est ça, donc, à la fin de l'article 6, «doivent assurer une représentation la plus équitable possible des régions du Québec et refléter la composition démographique de la population du Québec; notamment, au moins trois membres doivent être âgés de moins de 35 ans lors de leur nomination». Alors, est-ce que vous ne pensez pas que c'est suffisant justement de l'inscrire de cette façon-là dans le projet de loi ou est-ce que vous en faites une recommandation qu'on aille encore plus loin et qu'on soit encore plus précis?
Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la ministre. Mme Sabourin.
Mme Sabourin (Cécile): Je pense que c'est peut-être l'expérience passée de dire que, quand on inclut l'ensemble de la population dans toute sa diversité, on ne prend pas nécessairement toujours en considération les populations qui sont, je dirais, plus vulnérables dans notre société où les rapports de pouvoir sont, on ne peut que le constater, assez inégaux. C'était l'intention, pour nous, de préciser qu'il y a des groupes de la société qui, tout en étant majoritaires, sont souvent moins présents dans les lieux de pouvoir et dont les préoccupations sont moins prises en compte quand on s'interroge sur les meilleurs indicateurs des effets de la mondialisation. Et on a mentionné évidemment les femmes et on a mentionné les populations autochtones qui vivent des conditions, je dirais, particulières et qui sont affectées de façon souvent plus négative par les orientations dominantes, si on veut, de la mondialisation actuelle.
Le Président (M. Boulianne): Merci. Mme la ministre.
Mme Beaudoin: De toute façon, je pense que, entre autres, en tout cas, la Fédération des femmes du Québec doit venir nous rencontrer. En ce qui concerne, en tout cas, les femmes, on sera très attentif à cette dimension-là. Et aussi on avait, avant, donc, de décider de présenter ce projet de loi, parlé aussi à un certain nombre de groupes autochtones, parce que, bon, vous avez raison, là, il y a des dimensions qui doivent être prises en compte pour les raisons que vous avez évoquées.
En terminant, je vous demanderais tout simplement... Bon, vous avez bien compris ? je vois que vous n'avez pas de remarques particulières à cet égard ? que nous serons très branchés, si je puis dire, sur tous les chercheurs universitaires, sur tous les centres de recherche qui, au Québec, s'occupent de ces questions-là. Je n'ai pas fait encore l'inventaire exhaustif de tous les chercheurs universitaires qui s'intéressent d'une façon ou de l'autre à la mondialisation ou qui suivent les négociations de l'OMC et de la ZLEA, mais, en tout cas, il y en a certains qui sont très connus. Et, vous savez, de toute façon, déjà ? et on a bien fait la distinction ? le gouvernement du Québec, le ministère des Relations internationales subventionne un certain nombre de ces centres de recherche. Je pense ici à l'Université Laval, à l'École des hautes études en affaires internationales, là, dont M. Bélanger est le directeur, Louis Bélanger. Et, après le Sommet des Amériques, comme ça avait été le cas à Miami et au Chili, on a décidé de créer, donc, un centre pour qu'il puisse, en réseau, examiner toutes ces questions, donc une espèce de centre interaméricain et auquel, donc, l'Université Laval, maintenant, participe très activement. La même chose avec l'Université du Québec à Montréal et avec le groupe de chercheurs qui est là-bas, l'Université de Montréal, bon, McGill. Alors, je crois que...
Alors, oui, j'ai rencontré, c'est vrai, aussi dans la préconsultation, des universitaires, non pas la Fédération, donc le syndicat qui les réunit tous... Je pense que j'ai compris que vous avez combien, 8 000...
M. Hade (André): 8 000 membres, c'est ça.
Mme Beaudoin: 8 000 membres. Alors, c'est impressionnant, en effet. Mais j'avais rencontré un groupe d'universitaires, de professeurs d'université à Montréal regroupant, en tout cas, tous ceux que je connaissais et, à Québec, j'ai fait la même chose. Donc, il y a eu deux moments où, pendant la consultation, avant de décider, donc, de présenter ce projet de loi, où on a rencontré les professeurs d'université. Alors, il est certain, certain qu'il va y avoir nécessairement non seulement via le comité scientifique et le conseil d'administration... Mais, je veux dire, tout ça va être irrigué par des recherches universitaires, il est sûr et certain.
Je leur ai demandé à ce moment-là: Est-ce que vous ne pensez pas que c'est une bonne idée d'augmenter le volume, en quelque sorte? Parce qu'on vous lit, je leur disais, souvent dans La Presse ou enfin dans les journaux, dans Le Devoir, etc., à la page Idées, mais on croit vraiment que, si on veut, comme le disait si bien le député d'Outremont ce matin, vulgariser, diffuser... Bon, ce mot d'«éducation populaire» est peut-être un peu daté ou je ne sais pas quoi, mais moi, je l'aime bien parce qu'il dit ce qu'il veut dire, c'est qu'au bout de la ligne on veut que les citoyens soient responsables, assument leurs responsabilités. Donc, pour comprendre, il faut qu'ils sachent. Alors, tout ça, je crois qu'il y aura, entre les universitaires en général et les chercheurs dans ce secteur-là, certainement énormément d'échanges et de relations et que, bien sûr, il y en aura de présents à l'intérieur de la structure. Voilà.
n(14 h 30)nLe Président (M. Boulianne): Merci, Mme la ministre. Un commentaire, M. Hade?
M. Hade (André): On s'est bien entendu et il est certain que nous souhaitons vivement que le monde universitaire soit présent dans les activités de l'Observatoire, mais, au-delà des sujets de recherche qui pourraient être abordés, nous sommes d'avis que le monde universitaire devrait être également présent dans les orientations qui seront définies et dans la validation des sujets qui seront abordés. C'est dans ce sens-là que nous insistons pour que des représentants universitaires se retrouvent dans la composition des instances de l'Observatoire.
Le Président (M. Boulianne): Merci. Merci, Mme la ministre. Alors, nous allons passer à la représentante de l'opposition officielle. Alors, Mme la députée de Jean-Talon.
Mme Delisle: Merci, M. le Président. Pour faire suite un petit peu à l'échange que vous avez eu avec la ministre, un commentaire puis, ensuite, je passerai aux questions. Il est quand même intéressant qu'on reconnaisse que la recherche universitaire dans le domaine de la mondialisation et de ses effets quels qu'ils soient... Bon, on reconnaît ça. Et la réflexion que je me fais, c'est: Est-ce qu'on n'aurait pas dû penser, à quelque part, à peut-être donner des mandats plus précis à ces chaires, ou à ces professeurs, ou à ces chercheurs plutôt, en tout cas, que de mettre sur pied une nouvelle structure? Je vous pose la question, là, parce que vous avez quand même fait l'exercice de revoir plusieurs articles du projet de loi et d'y apporter quand même des corrections intéressantes, puis j'aimerais revenir là-dessus après. Mais, est-ce que, pour vous, cette idée de créer un Observatoire, on aurait peut-être plus dû le passer par le biais d'un mandat donné à la recherche, aux chercheurs universitaires?
Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. M. Hade.
M. Hade (André): M. le Président. Merci de la question, madame. À notre avis, l'Observatoire est tout à fait dans l'ordre et sa création répond à un besoin qui nous apparaît évident et criant présentement. La différence que nous voyons entre l'existence de l'Observatoire et les travaux qui sont poursuivis au niveau universitaire, c'est que l'Observatoire va être un lieu de regroupement et de coordination pour rassembler l'ensemble des données, l'ensemble des éléments qui sont impliqués par la notion de mondialisation, et ces éléments-là sont très nombreux et très diversifiés. Vous rencontriez ce matin, par exemple, des personnes représentant le milieu des PME. Alors, le milieu des PME, ils vivent au quotidien des situations qui sont passablement différentes de ce que l'on vit à l'intérieur des universités bien que le sujet des PME fasse l'objet d'étude en milieu universitaire. Alors donc, il nous apparaît important que les personnes directement impliquées par le phénomène de la mondialisation trouvent un lieu de rencontre, d'échange pour coordonner les sentiments qui sont véhiculés et vécus à l'intérieur de cette notion-là.
Pour ce qui est de la recherche universitaire, c'est vrai qu'il se fait beaucoup de démarches, de recherche et de travaux de diverses natures sur un sujet comme la mondialisation, mais, compte tenu du fonctionnement du milieu universitaire, plusieurs de ces démarches ou de ces activités sont le résultat d'initiatives propres des personnes concernées. D'autres démarches sont le résultat de commandites ou de contrats ou de commandes qui sont passés et, à mon avis, ce fonctionnement universitaire doit être maintenu. Et, généralement, ce que l'on observe, c'est que la recherche dite libre, c'est-à-dire celle qui est initiée par les professeurs eux-mêmes, se situe généralement à l'avant-garde des sujets qui sont développés, alors que les contrats correspondent plutôt soit à du travail de terrain, soit à la solution de problèmes qui ont déjà été vécus, de sorte que les deux démarches sont complémentaires et, de l'avis de la Fédération, la création de l'Observatoire nous apparaît une excellente chose pour la société québécoise.
Mme Delisle: Merci. Je continue?
Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Mme la députée de Jean-Talon.
Mme Delisle: Oui. J'aimerais revenir sur les observations et les corrections que vous suggérez pour les articles qui se retrouveront dans le projet de loi. À l'article 2, vous y avez ajouté que l'Observatoire est une personne morale, et je cite ce que vous avez ajouté, «indépendante et multipartite». Est-ce que le choix d'ajouter «indépendante et multipartite», c'est parce que vous avez des craintes à l'égard de cette fine ligne qui pourrait être traversée ou qui ne doit pas être traversée, finalement, entre le gouvernement et l'Observatoire? Ou avez-vous d'autres explications à l'égard de ce choix, du choix de ces deux termes-là, surtout «indépendante»?
Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. Alors, monsieur.
M. Hade (André): M. le Président, nous avons inscrit le terme «indépendante et multipartite» pour refléter les intentions telles que nous les comprenons par le projet de loi. Alors, il est énoncé, dans le préambule et dans les remarques de la ministre, qu'il s'agit bien d'un organisme indépendant. Alors, nous avons confiance que la structure qui est proposée va procurer cette indépendance à l'Observatoire. Et, comme c'est une intention qui est manifestée par tout le monde, nous sommes d'avis que ça mérite d'être inscrit à l'intérieur du projet de loi. Alors, c'est une précision que nous ajoutons non pas par crainte qu'elle ne se réalise pas, mais pour s'assurer qu'elle est bien comprise et incluse dans les textes de définition.
Mme Delisle: Dans l'article 3, l'alinéa 3 de la section II, vous avez remplacé... Je vais d'abord citer ce qu'on retrouve dans le projet de loi: «L'Observatoire a pour mission de [...] comprendre le phénomène de la mondialisation sous tous ses aspects et de fournir à la nation québécoise des informations fiables», etc. Vous avez choisi de nous proposer de remplacer «de fournir à la nation québécoise», de le changer pour «de fournir au gouvernement et à la société québécoise des données». Est-ce qu'il y a une raison particulière pour ce choix de mots?
Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, M. Hade.
M. Hade (André): Non, pas fondamentalement, madame. C'est un choix que nous avons fait en fonction des intervenants principaux. Alors, dans la mesure où l'Observatoire est indépendant du gouvernement, le gouvernement devient un interlocuteur par rapport à l'Observatoire; il n'en fait pas partie intégrante. Et donc, il s'adresse au gouvernement à titre de représentant de la nation et il s'adresse à la nation québécoise au même niveau en quelque sorte.
Mme Delisle: J'aurais une autre question qui concerne la proposition suivante. Vous proposez de mettre sur pied, dès la deuxième année de sa création, un observatoire satellite voué entièrement à l'étude et au suivi des incidences de la mondialisation dans le domaine universitaire. Dans la mesure où on souhaite un organisme qui est souple, flexible, est-ce que vous voyez cet observatoire satellite comme quelque chose... je ne sais pas, comme un genre de sous-comité? Est-ce que ce ne serait pas préférable de penser à avoir, peut-être, un conseil d'administration qui serait plus allégé, mais de confier à des sous-comités certaines recherches? Je vous pose la question parce que vous avez certainement fait la réflexion, puisque vous avez choisi de nous proposer cet alinéa-là, qui n'était pas du tout dans le projet de loi.
Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, M. Hade.
M. Hade (André): M. le Président, depuis plusieurs années, la Fédération s'intéresse à la création d'un observatoire pour le milieu de l'éducation en général et le milieu universitaire en particulier. Alors, en prenant connaissance du projet de loi n° 109 créant l'Observatoire de la mondialisation, nous avons voulu profiter de l'occasion pour insérer cette volonté qui s'est exprimée par la Fédération à plusieurs reprises. Et, dans notre esprit, il s'agirait, comme le suggère l'appellation que nous avons utilisée, d'observatoire satellite, d'une espèce de sous-comité, comme vous le suggérez également dans votre énoncé, qui traiterait du sujet particulier de l'enseignement supérieur et de l'effet de la mondialisation.
Et ça nous apparaît d'autant plus pertinent que nous sommes convaincus que des effets de la mondialisation vont d'abord se faire sentir à ce niveau-là et vont d'abord être perçus par le milieu universitaire en fonction de l'activité même du milieu universitaire, c'est-à-dire l'activité de recherche. Et la répercussion de ces effets-là va ensuite se répandre, en quelque sorte, largement par le biais de la formation. Donc, le lien enseignement-recherche qui est vécu en milieu universitaire nous apparaît tout à fait propice à l'étude de la mondialisation. Et le fait d'avoir un observatoire comme ça, ça nous apparaît comme une occasion de créer un baromètre qui donne la possibilité à l'Observatoire de la mondialisation de voir venir, en quelque sorte, le vent.
n(14 h 40)nMme Delisle: On conclurait donc de ce que vous venez de nous dire que ce sous-comité serait pour le domaine de l'enseignement, de l'éducation, mais que vous ne seriez pas opposés à ce qu'il y ait des sous-comités ? vous me corrigerez, là ? mais en santé, en culture ou pour tout autre domaine, là. Sans élaborer trop, trop, je veux juste, par un oui ou un non... Est-ce que c'est uniquement un sous-comité qui toucherait... il n'y en aurait qu'un seul ou vous en voyez d'autres au fil des ans, au fil des problématiques aussi? Si on veut une souplesse, c'est sûr qu'on ne veut pas tous les créer tout de suite, là, mais...
Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée, en vous rappelant que votre collègue a demandé la parole.
Mme Delisle: Je sais, je suis au courant. Ha, ha, ha!
Mme Houda-Pepin: Non, non, elle peut y aller.
Le Président (M. Boulianne): Alors, M. Hade.
M. Hade (André): M. le Président, nous représentons le milieu universitaire. Nous expliquons la nature de notre démarche et la conviction que nous avons sur l'utilité de la création d'un tel observatoire satellite. Il est possible que d'autres secteurs puissent avoir des observations semblables. Ce que nous maintenons, par contre, c'est que le secteur public doit être pris en compte d'une façon particulière pour couvrir l'ensemble des retombées qui concernent la population du Québec.
Le Président (M. Boulianne): Merci.
Mme Delisle: Un dernier commentaire. Je voudrais juste vous signaler que, si toutefois votre article 18 était accepté par l'Assemblée nationale, «l'Observatoire constitue un comité exécutif formé de membres du conseil d'administration, en respectant les critères de représentation équitable des jeunes, des femmes, des autochtones», il vous manque une large composante de la société que sont les aînés. Alors, si on veut asseoir tout le monde à cette table-là, je pense que c'est majeur de retenir ? puis je passe le message ? les hommes, les aînés... bon, peu importe. Ça fait très corporatif, là, je comprends, mais il n'en demeure pas moins qu'il ne faut pas les oublier non plus, si toutefois c'était accepté.
Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée de Jean-Talon. Un commentaire, M. Hade?
M. Hade (André): M. le Président, tout oubli dans ce sens-là est parfaitement involontaire de notre part.
Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, Mme la députée de La Pinière, vous avez deux minutes et demie.
Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Je vais relever le défi. Je vais relever le défi. Alors, Madame, MM. les représentants de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université, merci pour le mémoire. Je voudrais revenir à l'idée qui vous a été soumise tantôt par ma collègue de considérer peut-être la possibilité de confier des mandats aux universités, aux centres de recherche qui existent déjà, au niveau de la mondialisation, au lieu de créer une nouvelle structure qui s'appelle l'Observatoire québécois de la mondialisation, et vous êtes bien placés pour peut-être réfléchir avec nous là-dessus. Moi, pour ma part, je vois des avantages à cette approche-là. D'abord, il existe déjà des chercheurs, des professeurs, des universitaires, des lieux, des réseaux qui ont développé une expertise dans différents aspects touchant la mondialisation.
Deuxièmement, je trouve que le milieu universitaire est peut-être le lieu le plus crédible sur le plan intellectuel pour mener des recherches que je qualifierais à caractère impartial. Je trouve aussi que ça créerait une certaine compétitivité saine et positive entre les universités pour performer et développer des approches novatrices. Je trouve que ça serait plus efficace que de s'encrasser dans une bureaucratie qui pourrait peut-être alourdir le processus et même, d'une certaine manière, je dirais, entraver l'innovation et la recherche qui nécessitent une certaine liberté d'action. Et, de plus, ce serait moins coûteux.
Alors, tout cela fait que le ministère existe, le ministère des Relations internationales existe, et il y a des délégations du Québec à l'étranger. On a un personnel qui se déploie et ici, au Québec, et sur le terrain pour faire le suivi, par exemple, des accords internationaux, que ce soient des accords bilatéraux ou multilatéraux, dans lesquels le Québec est impliqué avec, bien entendu, le Canada aussi qui est dans le portrait. Et ce qu'il resterait peut-être à faire, c'est une certaine veille, comme on a fait une veille technologique à la veille de l'an 2000, où les universités ont développé une veille technologique. Ce serait peut-être intéressant d'avoir une cellule de veille au niveau du ministère mais que, au niveau de la recherche, les mandats soient donnés aux universitaires, aux centres de recherche où il y a l'expertise et où il y a la liberté d'action pour pouvoir faire ces recherches-là et, encore une fois, à moindre coût. Est-ce que ce n'est pas quelque chose sur lequel vous pouvez éventuellement réfléchir?
Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée de La Pinière. M. Hade.
M. Hade (André): M. le Président. Merci de votre question, madame. C'est un peu le sens de notre intervention en insistant pour que le milieu universitaire soit davantage présent à l'intérieur de l'Observatoire. Mais vous me permettrez de diverger légèrement d'opinion par rapport à ce que vous avez énoncé en reconnaissant, selon nous, que le mandat de l'Observatoire comporte plusieurs dimensions: des dimensions de recherche, certes, mais également des dimensions de sensibilisation, de diffusion de l'information, des dimensions d'échange et de coordination. Alors, le travail en milieu universitaire, essentiellement, c'est enseignement, recherche et services à la collectivité. Donc, les travaux de recherche en milieu universitaire se répercutent principalement dans la fonction enseignement et dans la fonction communication, se répercutent également auprès de la société par les services à la collectivité, mais il manque la dimension coordination des divers intervenants, il manque la diffusion large à l'égard de la population en général et il manque le lieu d'échange pour favoriser la solidarité et la démocratie à l'intérieur de ce processus. Donc, c'est complémentaire, à notre avis, madame.
Le Président (M. Boulianne): Alors, merci beaucoup, M. Hade. Merci, Mme la députée. Merci, Mme Sabourin, M. Cluis.
Alors, je demanderais maintenant au Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement de s'approcher pour présenter son mémoire.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Boulianne): La commission continue ses travaux. Alors, bienvenue, donc, au Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement. Alors, je veux juste vous rappeler que le temps alloué pour la période de la présentation est de 45 minutes: vous avez 15 minutes pour présenter votre mémoire, il y aura 15 minutes d'échange avec la ministre et 15 minutes d'échange avec l'opposition. Alors donc, je demanderais au porte-parole de s'identifier et de présenter son collègue et par la suite son mémoire.
Regroupement national des conseils régionaux
de l'environnement du Québec (RNCREQ)
M. Lessard (Guy): Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les membres de la commission, je constate que la région de Chaudière-Appalaches est bien représentée autour de la table. Ça va nous permettre de nous sentir un petit peu plus à l'aise. C'est la première occasion qu'on a de se présenter devant une commission. Habituellement, nous, notre champ de bataille, c'est plutôt les audiences publiques du BAPE ou quelques commissions parlementaires de la commission des transports et de l'environnement. Alors, ça nous fait plaisir de vous rencontrer.
Tout de suite, on voudrait excuser l'absence de M. Marc Turgeon, qui est notre ex-président du Regroupement national. Alors, il ne pouvait être présent, étant donné qu'il nous représente au Sommet de la terre à Johannesburg. Quant à moi, mon nom, c'est Guy Lessard, je suis l'actuel président du Regroupement national; et, à ma droite, Philippe Bourke, qui est notre directeur général.
Le Président (M. Boulianne): Alors, bienvenue, et, si la commission me permet, une bienvenue spéciale à M. Lessard, un concitoyen de la grande nouvelle ville de Thetford Mines du grand comté de Frontenac et de la région Chaudière-Appalaches. Alors, M. Lessard, vous avez la parole.
Mme Houda-Pepin: ...il y a des gens qui ont des privilèges ici. Soyez les bienvenus.
M. Lessard (Guy): Bien, vous êtes de Lotbinière, madame.
Le Président (M. Boulianne): Non, madame est de La Pinière. Alors, allez-y, M. Lessard, on vous écoute.
M. Lessard (Guy): Alors, écoutez, le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec, c'est un organisme qui est reconnu par le ministère de l'Environnement qui lui confie le mandat d'être le porte-parole des orientations communes des régions. Nous assumons un rôle de concertation, d'animation et d'information et nous offrons des ressources et un soutien aux conseils régionaux du Québec. Les conseils régionaux de l'environnement, quant à eux, ils ont le mandat de contribuer au développement d'une vision régionale de l'environnement et du développement durable et de favoriser la concertation de l'ensemble des intervenants régionaux en ces matières. Au cours de la dernière année, 2001-2002, ils comptaient parmi leurs membres 230 organismes environnementaux, 167 gouvernements locaux, 49 organismes parapublics, 250 corporations privées ainsi que plusieurs membres individuels.
n(14 h 50)n Alors, si vous permettez, je laisserais immédiatement la parole à M. Bourke pour entrer dans le vif du sujet.
Le Président (M. Boulianne): Alors, M. Philippe Bourke, nous vous écoutons.
M. Bourke (Philippe): Merci. Je vais d'abord faire, en fait, une entrée en matière en précisant c'est quoi notre intérêt, nous, les organismes de l'environnement, pour un dossier comme celui-ci. Je vais d'abord, au nom du Regroupement, saluer l'intérêt que porte le gouvernement du Québec aux questions liées à la mondialisation. Donc, c'est, pour nous, quelque chose de très important à souligner. On s'entend aujourd'hui sur le fait que la mondialisation a largement débordé le secteur économique pour toucher des secteurs plus nationaux comme la langue et la culture, et il ne faut pas aussi négliger ses répercussions sur des secteurs sensibles comme l'environnement et la santé.
Dans un rapport de l'OCDE, qui date de 1997, on mentionne qu'on ignore à peu près tout de la capacité à long terme de l'environnement à supporter les pressions associées à l'activité économique, même à l'échelle actuelle, et, à plus forte raison, au niveau de l'activité qui pourrait être atteint une fois l'économie mondialisée. La mondialisation pourrait donc faire peser de nouvelles contraintes sur les ressources de l'environnement. Et on peut déjà imaginer ce que cela pourrait représenter pour une ressource aussi vitale et sensible qu'est l'eau. D'ailleurs, ce matin, encore dans les journaux, on rappelait à quel point cette question de l'eau est problématique. Déjà plus de 1 milliard d'êtres humains sur la planète n'ont pas accès à l'eau potable. Donc, c'est très important de s'attarder à cette grande problématique-là.
Heureusement, la mondialisation des efforts pour s'attaquer globalement aux crimes contre l'humanité ou pour contrer certaines maladies a fait ses preuves. La création du Tribunal pénal international est un grand moment pour l'humanité et le début d'une réelle conscience planétaire en la matière. Il faut qu'il en soit de même pour l'environnement. Nous ne pouvons continuer à consommer et à modifier notre patrimoine écosystémique sans prendre toute la mesure des répercussions sur l'ensemble du système. Il nous faut donc arriver à un système international de gouvernance démocratique et représentatif qui serait en mesure de mettre en place des principes connus de tous qui ont reçu, au Sommet de Rio, en 1992, un fort appui, comme celui du développement durable, des principes qui devraient un jour permettre à 8 milliards de personnes d'être des citoyens capables de satisfaire les besoins de base en eau potable, en logement, alimentation, énergie, santé, éducation, information, transport, communications, expression artistique, participation à la gestion de la communauté.
Oui, il faut observer la mondialisation afin de la comprendre et de pouvoir empêcher ses erreurs, mais il nous faut aussi proposer ce que nous pensons bon pour le Québec, pour le continent et pour l'ensemble de la planète. Les Québécois et les Québécoises peuvent jouer un rôle important dans la mise en place d'une gouvernance mondiale et ils pourront le faire par l'Observatoire. C'est pourquoi le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement appuie la création de l'Observatoire québécois de la mondialisation et propose son entière collaboration.
Donc, voilà pour l'entrée en matière. Je termine simplement en insistant sur quelques remarques que nous avons signifiées dans notre mémoire relativement au texte ou aux articles du projet de loi n° 109.
Première remarque, à la section II sur la mission et les fonctions de l'Observatoire, l'article 4, paragraphe 3. Le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement aurait souhaité que soit confié à l'Observatoire le mandat de faire connaître sur la scène internationale, en collaboration avec le gouvernement du Québec, les principes devant guider la mise en place de la mondialisation.
Un peu dans le même ordre d'idées, c'est-à-dire sur le mandat de l'Observatoire, on aurait aussi souhaité, au niveau du Regroupement national, que soit octroyée à l'Assemblée nationale du Québec la possibilité de demander des avis à l'Observatoire. Donc, que ce soit un peu plus interactif comme mandat, c'est-à-dire que, au lieu de seulement observer, l'Observatoire puisse répondre à des demandes et aussi puisse intercéder sur la scène internationale.
Autre point maintenant concernant l'organisation, la section III du projet de loi, l'article 6, 1°. Bien évidemment, on aurait souhaité voir le secteur environnement clairement identifié comme secteur autour du conseil d'administration de l'Observatoire. Peut-être que ce secteur-là est déjà pressenti lorsqu'on a introduit la mention «domaine particulièrement concerné par la mondialisation», on l'espère. Donc, c'est une chose qu'on aurait voulue, souhaitée, que d'avoir un siège réservé aux organismes environnementaux.
Et enfin, section IV, l'article 21, seul commentaire, on dit: Comme la mondialisation interpelle l'ensemble des champs d'étude, le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement comprend que le terme «scientifique», en rapport aux comités scientifiques, inclut tant les sciences sociales que les sciences pures. Et ça, ça relève le caractère englobant aussi des questions environnementales. Là-dessus, c'est nos principaux commentaires sur le projet de loi. Je vous remercie.
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Bourke. Alors, M. Lessard, est-ce que vous avez d'autres commentaires?
M. Lessard (Guy): On est prêts à répondre aux questions.
Le Président (M. Boulianne): Bon, alors c'est très bien. Je vous remercie beaucoup. Alors, Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme Beaudoin: Oui, merci. Oui, M. Bourke, M. Lessard, bonjour. Je veux rassurer tout de suite, M. Bourke, quand vous disiez: J'espère qu'à l'article 6, au premier alinéa, quand il est dit «quatre personnes issues des domaines particulièrement concernés par la mondialisation», l'environnement est incontournable. Vous l'avez expliqué vous-même, c'est une fonction horizontale, bon, ça touche toute la vie en quelque sorte humaine et la biodiversité, enfin, etc. Alors, je pense qu'il est évident, pour nous, qu'on n'a pas voulu... Vous savez, c'est toujours la même chose: Est-ce qu'on doit être plutôt général ou plus spécifique, etc., dans un projet de loi, commencer à identifier? Déjà, je trouve qu'on l'a fait quand même à l'article... au tout début, quand on dit «recueille et analyse», donc c'est dans l'article 4, premier alinéa, «recueille et analyse des informations sur la mondialisation dans les domaines, entre autres, culturel, économique, éducatif, environnemental». Là, l'environnement est nommément indiqué.
Mais, quand on dit des domaines particulièrement concernés par la mondialisation, bien sûr que ça inclut l'environnement. Je ne vois pas comment un conseil d'administration d'un Observatoire québécois de la mondialisation pourrait exister sans que le secteur de l'environnement... Parce que vous avez compris, je crois bien, que ce ne sont pas des représentants officiels d'organismes que nous souhaitons ? on pourra en parler d'ailleurs ? mais, a priori, ça nous semble plus intéressant d'avoir des gens issus de votre milieu, du milieu justement de l'éducation, du milieu culturel, etc., et non pas des gens ex officio qui représentent des lignes d'organismes, parce que, là, la flexibilité ne serait pas très grande s'il faut que chacun retourne devant ces instances régulièrement avant justement de pouvoir prendre quelque position ou quelque décision que ce soit comme membre du conseil d'administration. Ça va être ingérable complètement. C'est pour ça que j'ai dit, dans mes remarques préliminaires ce matin, que ça ne peut pas être un sommet socioéconomique permanent, là, chacun n'est pas là pour représenter son organisme, mais ce sont des gens qui ont une expertise, qui sont reconnus par le milieu. Et j'ai dit d'ailleurs ? et c'est dans le projet de loi ? qu'on va consulter, je ne sortirai pas ça de mon chapeau. Il est évident que, si la loi est adoptée, nous consulterons tous les organismes impliqués, intéressés, particulièrement ceux qui sont venus devant nous en commission parlementaire, pour qu'on ait des listes, les listes les plus adéquates possible puis pour nommer les personnes enfin les plus intéressées puis, en même temps, je dirais, qui vont permettre que la dynamique du conseil d'administration soit réelle. Alors donc, je pense que là-dessus, sur la présence du secteur de l'environnement en général dans les préoccupations de l'Observatoire, vous n'avez pas à vous en inquiéter.
Je voudrais que vous reveniez un petit peu plus, un petit peu mieux peut-être sur deux choses, quand vous dites, en effet, page 11, que votre Regroupement aurait souhaité que soit confié à l'Observatoire le mandat de faire connaître sur la scène internationale, en collaboration avec le gouvernement du Québec, les principes devant guider la mise en place de la mondialisation. Vous avez vu quand même que, dans le projet de loi, on a indiqué qu'il fallait donc en mesurer les conséquences de la mondialisation et agir de façon éclairée en vue de favoriser une mondialisation maîtrisée, équilibrée, respectueuse des droits humains. C'est sûr que c'est des principes très larges, mais déjà ça donne une orientation et une direction au type de mondialisation que l'on souhaite qui n'est donc pas la mondialisation, disons, néolibérale débridée, là. Donc, ce n'est pas la nôtre. C'est quelque chose de régulé auquel on croit, et je pense que c'est pour ça qu'on a voulu quand même l'inclure dans le projet de loi. Et, donc, j'aimerais ça que vous me disiez qu'est-ce que vous voulez dire encore plus précisément.
n(15 heures)n Et, la deuxième chose, quand vous dites aussi, à la page 8, qu'il faut donc en «arriver à un système international de gouvernance démocratique et représentatif qui serait en mesure de mettre en place des principes [...] comme celui du développement durable», est-ce que vous pensez qu'une proposition comme celle de la France, qui voudrait créer une organisation mondiale de l'environnement, est une bonne idée? Ou comment est-ce que vous voyez justement cette gouvernance mondiale? Pour l'instant, il y a le FMI, la Banque mondiale et l'OMC. Qu'est-ce qu'on fait pour le secteur de l'environnement? Au-delà de Kyoto, là.
Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, Mme la ministre. Merci. Alors, M. Lessard, vous avez la parole.
M. Lessard (Guy): Je vais laisser la parole à Philippe.
Le Président (M. Boulianne): O.K. Alors, M. Bourke.
M. Bourke (Philippe): Oui. Bien, je vais commencer par la deuxième question. Je pense que ça serait une excellente chose qu'il y ait une organisation internationale sur l'environnement. Ça ne pourrait pas remplacer notre proposition, par contre, c'est encore trop sectorisé, l'environnement, c'est encore trop pris comme... Idéalement, nous... Si c'était une organisation du développement durable, peut-être, mais là l'environnement est trop sectorisé puis il ne pourrait pas englober toute la mondialisation. Mais évidemment que d'avoir une telle organisation pour essayer de... comme en santé ou en climat, ou tout ça, ça serait très intéressant, mais je pense que ce qu'on regarde là, là, c'est quelque chose d'encore plus englobant qui irait chercher vraiment des consensus au niveau économique aussi puis social, non pas seulement au niveau environnemental qui est trop, encore, sectorisé.
Pour ce qui est de la première question, évidemment qu'on comprend que la mission, déjà, de l'Observatoire est basée sur des principes, là, qui sont intéressants puis qui sont bien défendus. Ce qu'on voulait dire tout simplement, c'est qu'on voulait que l'Observatoire puisse faire pas nécessairement seulement de la vulgarisation et de la promotion au Québec, mais aussi se tourne vers l'extérieur. Voici ce qu'on constate, voici ce qu'il faudrait améliorer, puis on en fait la promotion ailleurs pour que ça profite à tous, en fait. Donc, c'est un peu l'esprit de cette proposition qu'on faisait.
Le Président (M. Boulianne): Alors, merci, M. Bourke. Mme la ministre.
Mme Beaudoin: Ça va pour moi.
Le Président (M. Boulianne): Ça va? Oui? Alors, M. le député de La Peltrie, vous avez la parole.
M. Côté (La Peltrie): Merci, M. le Président. Alors, M. Lessard, M. Bourke, bonjour et bienvenue à cette commission. Alors, dans votre mémoire, vous citez l'OCDE, à la page 7 de votre mémoire, qui déclare que la mondialisation pourrait faire peser de nouvelles contraintes sur les ressources de l'environnement, à moins de mettre en place de nouvelles mesures pour prévenir ces risques-là. Est-ce que vous pourriez nous apporter quelques... peut-être donner quelques exemples sur ce que pourraient être ces nouvelles mesures qui pourraient être mises en place?
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député de La Peltrie. Alors, M. Bourke.
M. Bourke (Philippe): On ne s'est pas attardé effectivement aux mesures qui pourraient être mises en place, là. D'abord, c'est sûr qu'il y aurait une meilleure compréhension des problématiques, là. Déjà, on voit que les gens qui sont à Johannesburg ont beaucoup de difficultés à s'entendre sur les problèmes et la façon de les régler, mais on s'entend, tout le monde, qu'il y a d'abord surtout des erreurs à ne pas répéter ailleurs. Il y a des pays en voie de développement, puis on ne voudrait surtout pas qu'ils répètent les erreurs que, nous, on a faites, notre modèle de développement qui consomme énormément d'énergie.
Donc, si on se dit: La mondialisation, il faudrait qu'elle permette à tout le monde d'être équitable puis qu'on voudrait que tout le monde ait une auto, tout le monde ait une maison en banlieue, et tout ça, ça, c'est sûr que ça n'a pas de sens, ça va faire peser sur les ressources... En fait, ça serait insupportable pour la planète que tous les 6 milliards d'êtres humains aient notre mode de vie. Donc, c'est une des choses qu'il faut voir. Il faut revoir notre mode de vie à nous puis éviter que soient répétées partout nos erreurs. Donc, c'est une formule... À savoir comment mettre en place ou quelles mesures précises mettre en place, je ne pourrais pas vous les donner aujourd'hui, là, je...
M. Côté (La Peltrie): C'est d'être attentif et d'être vigilant à ce qui se présente.
M. Bourke (Philippe): Oui, c'est ça, effectivement.
M. Côté (La Peltrie): J'aurais peut-être une autre question, M. le Président.
Le Président (M. Boulianne): Oui, allez-y, vous avez encore du temps, M. le député de La Peltrie.
M. Côté (La Peltrie): Je vous réfère à la page 11 aussi de votre mémoire, là où vous dites que pour promouvoir une réelle équité entre les régions du Québec... qu'«il faut promouvoir une réelle équité entre les régions du Québec». Est-ce que vous pourriez un peu plus développer comment s'établirait cette équité-là? Est-ce que c'est du mur-à-mur ou c'est... Chaque région a ses spécificités quand même, là.
M. Bourke (Philippe): ...dans ce sens-là, c'est-à-dire que, dans la mission de sensibilisation, il faut comprendre que, à différents chapitres, les régions ne sont pas toutes... Ils n'ont pas les mêmes préoccupations. Nous, on le vit. Les enjeux urbains, ce n'est pas la même chose pour le CRE de la Côte-Nord que pour le CRE de Montréal. Alors, quand on va vouloir vulgariser les enjeux mondiaux, ça va être la même chose, il ne faudra pas s'adresser à toutes les régions de la même façon, mais, par contre, avec le même objectif équitable que tout le monde comprend les enjeux à la fin. Donc, il va falloir changer les approches ou les exemples pour que tout le monde les saisisse bien, mais en étant conscient que les régions sont différentes, mais toujours avec le même effort pour que tout le monde participe et...
M. Côté (La Peltrie): Comment l'Observatoire québécois de la mondialisation pourrait contribuer encore peut-être davantage à atteindre cet objectif-là? Est-ce que vous avez des recommandations à faire dans ce sens-là?
M. Bourke (Philippe): Déjà, on a vu dans le projet de loi qu'il y avait un souci de s'assurer que, au sein de la représentation, il y ait... d'abord qu'on respecte, là, une équité par rapport aux régions, c'est-à-dire que des gens viennent de partout. Ça, c'est une excellente chose. Je pense que c'est une chose importante, il faut que les gens... Même s'ils sont dans des régions éloignées, on a besoin de les avoir là, dans toutes nos organisations nationales, pour qu'ils viennent contribuer puis apporter leurs choses à eux. Mais il faudra peut-être aussi, s'il y a d'autres mandats ou d'autres... comme un comité scientifique, peut-être avoir le même souci d'aller chercher des gens qui sont aussi issus des régions puis toujours garder cet aspect-là pour préserver l'équité.
Le Président (M. Boulianne): Vous vouliez ajouter quelque chose?
M. Lessard (Guy): Tout à fait, si vous permettez. C'est certain que, quand on regarde ce qui se passe présentement à Johannesburg, on voit la difficulté non seulement de s'entendre sur les données, on met en doute, on s'autocritique sur les données qu'on utilise pour faire les analyses. C'est certain qu'à l'échelle du Québec la capacité de l'Observatoire d'aller recueillir, de faire les analyses de données, d'avoir une meilleure compréhension des problématiques de chaque région, à mon sens, c'est un préalable à pouvoir émettre une opinion à l'échelle mondiale. L'équité qu'on voudra prôner à l'échelle mondiale, on devra d'abord la pratiquer chez nous, sinon ça diminue beaucoup la force de notre discours.
Et ça permet aussi, quand on parle d'équité... Vous savez que, si vraiment on aborde le travail dans le sens du développement durable, par exemple ? ce que, nous, on prône ? c'est certain que ça facilite beaucoup le respect des besoins de chacune de nos régions. L'équité pour la région de l'Abitibi-Témiscamingue, ça ne se traduira pas de la même façon que celle de la Capitale-Nationale. Mais, si on travaille avec des concepts comme celui du développement durable, c'est bien certain qu'on va essayer d'exploiter les ressources de chacune des régions de façon durable, dans le respect des gens qui y habitent et dans la protection de leur environnement. Et, dès ce moment-là, on ne peut pas faire autrement que de travailler dans le sens d'atteindre une meilleure équité.
Le Président (M. Boulianne): Merci. M. le député, ça va? Alors, c'est bien. Alors, nous allons passer à Mme la députée de Jean-Talon.
Mme Delisle: Bienvenue, messieurs. J'ai l'air de toujours vouloir continuer dans la même veine que la personne qui m'a précédée, mais je dois vous dire que, lorsque j'ai lu votre proposition pour l'article 4, auquel faisait référence tout à l'heure notre collègue du comté de La Peltrie, moi, j'ai un peu sursauté. Et je sursaute encore quand j'entends les réponses que vous lui avez données, mais ce n'est pas un procès ici, on va s'entendre, je veux juste bien saisir ce que vous avez voulu dire.
Lorsque vous parlez: «Il faut promouvoir une réelle équité entre les régions du Québec»... Et là vous avez explicité davantage en disant: Bien, il faut qu'il y ait la région de l'Abitibi, la Gaspésie, bon, toutes les régions qui périclitent. Il y en a plusieurs qui périclitent actuellement pour toutes sortes de raisons, mais, si on parle de cette équité-là et des mesures à prendre, on est rendu dans les politiques gouvernementales, là. Je veux dire, je pense qu'on a comme un peu débordé. Vous me pardonnerez de vous le signaler. Peut-être que j'ai mal compris ce que vous avez voulu dire, mais si on est rendu à... si l'Observatoire de la mondialisation, pour vous, signifie également, lorsqu'on parle du développement durable... Parce que le développement durable, ça peut toucher la santé, l'éducation, ça touche plusieurs éléments, là, de la dynamique quotidienne, mais là, si vous pensez que ces gens-là vont pouvoir faire des recommandations au gouvernement, là on est rendu dans des politiques puis on verse peut-être aussi un peu dans la partisanerie. Je ne veux pas exagérer, mais ça peut être ça aussi.
Donc, ça me fait peur quand je vous entends dire ça, parce qu'une des craintes que nous avons, mais qui est exprimée à plusieurs endroits dans plusieurs des mémoires, c'est qu'il faut absolument qu'en aucun temps il y ait, de façon partisane, un lien qui existe entre l'Observatoire et le gouvernement, là. Alors, je voudrais que vous m'expliquiez davantage réellement, là, peut-être plus concrètement ce que vous souhaitez rendre comme idée, là, lorsque vous nous dites qu'il faut promouvoir une réelle équité entre les régions du Québec.
n(15 h 10)nLe Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. M. Bourke.
M. Bourke (Philippe): En fait, c'est sûr que, nous aussi, on prône l'indépendance entre la structure de l'Observatoire puis le gouvernement. On parle d'avis à l'Assemblée nationale. Ce qu'on a souligné, c'est qu'on souhaitait qu'il y ait des avis qui soient donnés, là, on n'a pas l'intention qu'il y ait de l'interférence, là, directe entre les deux. Je ne sais pas si j'ai bien compris votre question.
Mme Delisle: Autrement dit, il y a une recherche qui est faite, à titre d'exemple, les conclusions sont rendues publiques, et vous souhaiteriez qu'il y ait des avis qui soient donnés plus concrètement par rapport aux régions. C'est ça que vous dites?
M. Bourke (Philippe): Non, je m'excuse, là, ce n'est pas ça que j'avais...
Mme Delisle: Bon. Alors, peut-être qu'il y aurait lieu, à un moment donné...
M. Bourke (Philippe): De clarifier, là, mais...
Mme Delisle: ...de m'expliquer davantage. Je vais revenir avec une autre question si vous permettez. Excusez-moi, je vais retrouver ma page. À la page 9 de votre mémoire, vous parlez de... Et je vous cite: «Il nous faut certes observer la mondialisation afin de la comprendre et de pouvoir empêcher ses erreurs, mais il nous faut aussi proposer ce que nous pensons bon pour le Québec, pour le continent et pour l'ensemble de la planète.» Moi, j'aimerais vous entendre sur ce que je conçois ici, dans vos propos, être un rôle de conseil. Est-ce que c'est ce que je lis bien, là, un rôle de conseil auprès du gouvernement? Est-ce que vous souhaitez que ce soit davantage proactif que passif, cette intervention-là?
M. Bourke (Philippe): Oui. Cette section du mémoire là, là, c'était l'introduction, ce n'était pas par rapport à l'Observatoire. On dit: L'Observatoire, c'est une chose, on va observer, mais aussi que le... Là, je m'adresse au gouvernement du Québec, c'est-à-dire qu'il faudrait aussi que le gouvernement fasse la promotion d'une meilleure mondialisation sur la base sans doute aussi de ce qu'aura observé l'Observatoire. Si on voit qu'il y a des choses, des aberrations qui se créent, des erreurs à ne pas faire, bien, voici, on constate ça, et là le gouvernement reprend ça et fait la promotion de changements ou de modifications à l'échelle internationale.
Mme Delisle: C'est toujours dans le contexte où il y a des effets pervers à la mondialisation?
M. Bourke (Philippe): Par exemple. C'est ça.
Mme Delisle: Merci.
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Bourke. Mme la députée de Jean-Talon, ça va?
Mme Delisle: Oui, je vais céder...
Le Président (M. Boulianne): Alors, Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour, M. Lessard, M. Bourke, bienvenue. Merci pour la présentation. Le mémoire est assez parlant, vous êtes des gens qui défendez le développement durable, et c'est quelque chose qu'on partage à prime abord. Mes deux collègues vous ont questionné sur la question d'équité entre les régions. Et, effectivement, ça peut paraître bizarre d'avoir une recommandation comme ça dans un domaine où on parle de l'Observatoire sur la mondialisation, mais je ne veux tout de même pas vous laisser partir sur une fausse note. J'imagine, ma compréhension, puis peut-être que vous me corrigerez... Je sais que les régions sont impliquées aussi dans la mondialisation beaucoup, que ce soit via les exportations, via un certain nombre de groupes aussi de solidarité internationale qui oeuvrent à l'étranger, ailleurs. J'imagine qu'il faut promouvoir une réelle équité entre les régions du Québec. Elle pourrait vous amener à dire au gouvernement: Bien, avec ou sans Observatoire, il faut que les régions soient aussi participantes, partie prenante dans ce développement international et pas seulement... tout en gardant à l'esprit votre priorité qui est du développement durable qui doit toujours être présente.
Mais je veux quand même vous questionner sur une recommandation que vous faites quand vous dites que vous auriez «souhaité que soit confié à l'Observatoire le mandat de faire connaître sur la scène internationale, en collaboration avec le gouvernement du Québec, les principes devant guider la mise en place de la mondialisation». Là, je trouve que c'est très ambitieux, ce que vous demandez à cet Observatoire qui, finalement, est une instance qui relève du Québec. On est dans le Canada, et le Canada et le Québec sont dans le monde. Et je sais que, même au niveau des Nations unies, lorsqu'on veut promouvoir certains principes à l'échelle internationale, il y a bien du monde qui se casse la gueule là-dessus. Et pourtant c'est une instance dans laquelle siègent les représentants des différents pays, et puis on n'arrive pas souvent à avoir des consensus minimaux sur certains principes. Mais je comprends toujours que vous êtes préoccupés par les valeurs du développement durable. Il va sans dire que, nous, je pense, des deux côtés de la Chambre, on partage cet objectif sans aucune hésitation, mais je crois que c'est un peu une grosse bouchée que vous voulez faire avaler à ce nouveau-né, là. Si jamais il voit le jour, ça risque de l'étouffer. Alors, je veux juste vous amener peut-être à nuancer. Je vous donnerai la chance de nuancer vos propos à cet effet.
Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée de La Pinière. M. Bourke ou M. Lessard? Oui?
M. Lessard (Guy): Oui, je vais prendre cette question-là qui est peut-être un petit plus politique. Écoutez, d'une part, je vous dirais que, si on se réfère à la section II du projet de loi où on définit mission et fonctions et où on voit particulièrement que, «dans la réalisation de sa mission, l'Observatoire ? c'est un petit peu ce qu'on disait tout à l'heure ? recueille et analyse des informations sur la mondialisation dans les domaines, entre autres, culturel, économique, éducatif ? et le reste ? [...]et porte une attention particulière aux effets de la mondialisation sur la dynamique des langues» et sur les autres aspects, bien sûr, si je prends, par exemple, le domaine de l'agriculture, c'est certain que les débats, qui se font présentement à Johannesburg ? en tout cas, si on a suivi un petit peu les rapports qu'on a eus hier et aujourd'hui ? on questionne les politiques gouvernementales du Canada, du Québec et des autres parties du monde nord-américain, européen de financer, entre guillemets, d'une certaine façon, l'agriculture. Bien, tout changement à ce niveau-là a des impacts sur les régions très agricoles que nous avons au Québec, et Dieu sait si l'agriculture est importante sur le plan économique. C'est dans ce sens-là que, nous, on dit: L'Observatoire doit jouer un rôle dans le sens d'être présent le plus possible au niveau mondial, mais elle doit aussi être l'antenne qui éclaire... la lumière qui éclaire les gens de nos régions quant à l'impact de ces débats, de ces discussions-là. C'est un petit peu dans ce sens-là que nous le voyons.
J'ajouterais peut-être un autre élément qui est à la fois politique et aussi fonctionnel, c'est que le Regroupement national, nous avons de plus en plus de contacts avec d'autres groupes environnementaux, que ce soit à l'échelle du continent nord-américain ou même européen, et c'est certain que quand on vient pour décrire la position du Québec, bien ce n'est vraiment pas la position du Québec, c'est la position du Regroupement national, parce que, nous, on n'a pas une reconnaissance de fait du gouvernement de prendre des positions pour le Québec. Je vous donne l'exemple de cette semaine où il y avait la conférence, à Québec, des premiers ministres et des gouverneurs de l'Est, eh bien, nous, on a été pendant quelques jours en discussion avec les gens de... Je vais vous les nommer rapidement, je pense que ça vaut la peine pour vous donner un peu une idée de l'envergure. Nous étions en discussion avec les gens du Rhode Island, du Maine, du Connecticut ? pour parler des États-Unis ? du Massachusetts, du New Hampshire. Et aussi, au niveau des gens du Nouveau-Brunswick, nous avons même fait une conférence de presse conjointe, et là c'était un petit peu difficile pour nous autres de dire: Bien, voici la position du Québec. Alors, ce qu'on leur dit, c'est: Voici la position des organismes environnementaux du Québec. Bien, le jour où on sera davantage branché avec un organisme comme celui que le projet de loi n° 109 fera naître, j'en suis sûr, on sera davantage cohérent dans nos propos, on parlera davantage au nom des citoyens et des citoyennes du Québec.
Alors, c'est ces deux volets-là, je pense, là, qui sont à l'origine de notre position dans le mémoire. Je ne sais pas si c'est plus clair, madame...
Le Président (M. Boulianne): Oui, merci.
Mme Houda-Pepin: Oui. Bien, merci beaucoup, parce que...
Le Président (M. Boulianne): Alors, vous avez encore du temps, Mme la députée.
Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup. C'est toujours intéressant d'avoir l'éclairage des gens, parce que c'est vous qui avez rédigé ce mémoire, vous savez qu'est-ce que vous voulez soutenir, et nous, on est là, on vous lit, on veut vous comprendre et puis on veut s'inspirer aussi de ce que vous nous proposez. C'est un exercice très intéressant.
À la fin de votre mémoire, à la page 12, vous souhaitez «que soit octroyée à l'Assemblée nationale du Québec la possibilité de demander des avis à l'Observatoire» et vous voyez dans cette recommandation quel type de rapport avec... Parce que, quand vous dites l'Assemblée nationale, vous voulez que l'Observatoire soit en relation avec les parlementaires, et, en fait, un des débats auxquels j'ai participé au niveau de la commission parlementaire des institutions sur la ZLEA, la Zone de libre-échange des Amériques, c'est qu'on est très préoccupé par le rôle des parlementaires dans tout le processus de l'intégration des Amériques et de la mondialisation. Et, de plus en plus, il y a des voix qui se lèvent pour dire que les députés, entre autres, n'ont pas beaucoup de pouvoir, n'ont pas beaucoup de mots à dire face à cette grosse vague qui s'en vient de la mondialisation qui est portée par les multinationales, par les grosses entreprises. Et, autrement, les citoyens élisent des députés pour les représenter pour défendre leurs intérêts, mais la vague est tellement haute que les députés sont comme écrasés là-dessus, et vous, vous êtes en train de nous dire qu'il faut que, quelque part, cette instance qui s'appelle l'Observatoire québécois de la mondialisation fasse rapport à l'Assemblée nationale. Est-ce que vous irez assez loin pour dire que cet Observatoire doit relever de l'Assemblée nationale?
n(15 h 20)nLe Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. M. Bourke.
M. Bourke (Philippe): Non, c'est comme je disais tantôt, en fait, ce qu'on dit, c'est une possibilité d'avis pour donner de la souplesse. Si justement les députés en question veulent se prononcer sur une question via la mondialisation, ils n'ont pas l'information, ils n'ont pas le nouveau regard sur les choses, bien, qu'ils puissent se tourner vers l'Observatoire, demander un avis sur une question précise. Tel aspect qui n'a pas été couvert encore parce que vous venez de commencer les travaux, par exemple, bien on aurait besoin d'un éclairage pour telle décision ou... Alors là, bien, l'Observatoire pourrait remettre un avis qui pourrait éclairer l'Assemblée nationale sur des débats, ou des choses comme ça.
Mme Houda-Pepin: Merci.
Le Président (M. Boulianne): Alors, merci, Mme la députée. M. Lessard, M. Bourke, alors ceci met fin à votre témoignage, et on demanderait maintenant à l'Association québécoise des organismes de coopération internationale de se présenter, s'il vous plaît, pour présenter son mémoire.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Boulianne): ...donc, continue ses travaux. Nous souhaitons la bienvenue à l'Association québécoise des organismes de coopération internationale. Alors, je veux vous rappeler la procédure. Le temps alloué pour la période d'échange est de 15 minutes... Alors, 15 minutes pour présenter et 30 minutes d'échange avec le gouvernement et l'opposition. Alors donc, je demanderais au porte-parole de s'identifier et de présenter ceux qui l'accompagnent.
Association québécoise des organismes
de coopération internationale (AQOCI)
Mme Néméh (Francine): Bonjour...
Le Président (M. Boulianne): Oui. Vous n'avez rien à toucher, tout est automatique. Alors, vous avez juste à parler.
Mme Néméh (Francine): Non? Ça va. O.K. Alors, bien, merci de cette invitation à venir vous présenter nos positions. Merci à Mme Beaudoin et vous tous ici. Je voudrais... Tout d'abord, mon nom est France Néméh. Je suis directrice de l'AQOCI, l'Association québécoise des organismes de coopération internationale. Je voudrais vous transmettre les excuses du président de l'AQOCI, M. Gervais L'Heureux, qui aurait beaucoup voulu être ici, mais qui n'a pas pu se libérer. Et c'est Mme Sylvie Dunn, du conseil exécutif de l'AQOCI, qui le représente aujourd'hui, qui est tout de suite ici, à ma gauche. Je vous présente aussi Mme Micheline Jourdain, qui est membre du comité de l'AQOCI qui traite de l'intégration continentale, et M. Brian Barton, qui a longtemps été membre du conseil, qui est sur ce même comité et qui est aussi président du Comité de solidarité tiers-monde de Trois-Rivières. Alors...
Le Président (M. Boulianne): Alors, nous vous écoutons.
Mme Néméh (Francine): Je vais, pour commencer, donner la parole à Mme Dunn qui va un peu vous introduire l'Association. On va se relayer dans notre présentation.
Le Président (M. Boulianne): C'est bien. Mme Dunn, on vous écoute.
Mme Dunn (Sylvie): Alors, bonjour. Bien sûr, au nom des membres de l'AQOCI, on remercie la commission des institutions pour son invitation à participer à ces auditions publiques et on remercie aussi Mme Beaudoin pour la rencontre de consultation précédant le dépôt du projet de loi.
Brièvement, pour vous présenter l'AQOCI, bon, Francine l'a dit tout à l'heure, l'Association québécoise des organismes de coopération internationale, c'est une association qui a été fondée en 1976 et qui regroupe aujourd'hui 53 organismes de coopération et d'éducation à la solidarité internationale. Donc, ces 53 organismes là rayonnent à travers tout le Québec et dans plus de 150 pays du Sud et de l'Est. Ses membres comptent des centaines de coopérants et de volontaires dans le monde et des centaines de milliers de donateurs et de membres actifs.
L'AQOCI, c'est une association qui travaille depuis des années sur la question de la mondialisation. Même avant le mot «mondialisation» ou même avant qu'on en parle, les membres de l'AQOCI, les organismes de l'AQOCI travaillaient sur ces questions-là de droits humains, de droits sociaux, de droits économiques et de droits politiques. On travaille depuis des années sur ces questions-là, donc il y a là, on pense, au sein de ces organismes, tout un bassin et toute une expertise d'organisations qui ont mené des actions et qui ont écrit des choses en lien avec la mondialisation. D'ailleurs, ce matin, j'étais en réunion avec un député du Bloc québécois qui faisait remarquer que, bon, au Québec, les gens, la société civile s'intéressaient de plus en plus et étaient de plus au courant sur la question de la mondialisation, et on lui faisait remarquer: Oui, mais il y a tout un travail qui a été fait par les organismes membres de l'AQOCI sur cette question-là. Ça n'arrive pas par magie aujourd'hui que la population a des antennes par rapport au phénomène de la mondialisation.
Je voudrais juste aussi dire que l'AQOCI est un membre fondateur du Réseau québécois sur l'intégration continentale qui s'est impliqué au niveau du Sommet des peuples des Amériques. Et, sur la question de la mondialisation comme telle, je laisserais la parole à Francine Néméh pour donner un peu la couleur ou la place qu'a prise l'AQOCI sur cette question-là. Merci.
Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, Mme Néméh.
Mme Néméh (Francine): Oui. Bon, brièvement, pour prendre le temps d'aller au fond aussi, puis j'imagine que les questions pourront clarifier. Donc, comme disait Sylvie, on travaille depuis 25 ans ? et même les membres fondateurs de l'AQOCI avaient commencé ce travail-là avant ? à faire connaître les enjeux des... ce qui cause, en fait, la pauvreté, les injustices dans le monde. Donc, l'AQOCI a pour mission de travailler sur les causes de la pauvreté. Donc, ça fait 25 ans qu'on parle d'échange inégal, et les choses ne font que se détériorer finalement. On a vu que la croissance... Même si on s'était fait promettre que la croissance économique permettrait une amélioration des conditions de vie des populations pauvres, dans la réalité, ce n'est pas ça qui se passe, il n'y a pas de mécanisme de redistribution, et donc ce sont des enjeux qui nous ont toujours préoccupés jusqu'à aujourd'hui. On est très impliqué au Réseau québécois sur l'intégration continentale, on se préoccupe du nouveau partenariat pour le développement en Afrique, on suit de près ce qui se passe à l'OMC, et tous ces enjeux se relient.
Je voudrais peut-être dire que, à cause de toute cette histoire, on applaudit, on salue ce projet d'Observatoire pour la mondialisation. Ça fait vraiment l'unanimité chez nous et ça crée, ça suscite beaucoup d'espoir. C'est un peu, d'ailleurs, ce qu'on demandait, d'une certaine façon, il y a deux ans, devant cette même commission, quand on disait qu'il fallait faire un bilan des effets et des impacts de l'ALENA avant de signer un accord de Zone de libre-échange des Amériques. Donc, ce serait l'occasion même, un tel observatoire, d'aller plus loin, de ne pas se limiter aussi aux accords économiques, mais de se préoccuper du politique, du social. Pour nous, bon ? l'intervention qui était juste avant nous, vous en traitiez, Mme Pepin ? la question aussi du rôle des Parlements, des députés est très importante, et nous croyons que le Québec devrait faire en sorte aussi que son aide internationale ? bon, avec le peu de moyens qu'on a, mais au moins on s'en donne un petit peu ? puisse servir à appuyer les pays du Sud, les aider à prendre leur place et à défendre leur population contre les effets de la mondialisation.
Alors, je vais donner la parole à Micheline Jourdain pour le fond du projet de loi.
Le Président (M. Boulianne): Oui. Alors, merci beaucoup. Alors, allez-y, on vous écoute.
n(15 h 30)nMme Jourdain (Micheline): M. le Président, merci. Je vais regarder rapidement, survoler, je devrais dire, les pages 6, 7 et 9 qui sont sous forme de tableaux et qui renvoient au texte du projet de loi et vous préciser quelques éléments. Il me semble que les commentaires, même s'ils sont très brefs, parlent, mais disons que notre préoccupation autour des premiers articles, dont le 3, le 4, sur la mission et le sens du travail de l'Observatoire, avec lequel on est d'accord certainement dans l'ensemble, nous amène à vous suggérer des précisions: «respectueuse d'une mondialisation maîtrisée et équilibrée ? ça rejoint certainement nos préoccupations ? «respectueuse des droits humains», mais on pense qu'il faut y aller un peu davantage dans la précision des droits humains au sens des chartes et des pactes. On parle beaucoup des droits individuels, des droits des investisseurs, des droits du commerce, mais tout l'impact social de la mondialisation est souvent manifesté dans des préoccupations qui sont dans des annexes, des accords parallèles et des clauses en dehors, dans d'autres conventions internationales. Mais il me semble qu'on doit d'entrée de jeu, puisque ça n'apparaît pas dans les accords commerciaux, dire que nos préoccupations au sein des travaux de l'Observatoire doivent avoir cette portée dans la dimension... préoccupés par la dimension du développement humain intégral.
Sur la question des sujets sur lesquels l'Observatoire devra observer et devra analyser, certainement qu'ils sont très nombreux. On sait que la loi prévoit des liens avec d'autres groupes, puis on va ramasser des données, et non pas que la langue ne constitue pas une préoccupation qui ne soit pas présente dans nos esprits, la diversité culturelle nous apparaît englober cela, le domaine culturel nous apparaît englober cela, et on pense que la conjoncture ? on va être à trois ans de l'accord de la ZLEA ? va donner au conseil un menu. On pense que la sagesse du conseil va faire en sorte qu'il va s'intéresser aux sujets qui sont les plus pertinents, liés à cette conjoncture, et qu'il y a par ailleurs des organismes au Québec autour de la langue qui peuvent eux-mêmes contribuer à faire des travaux et à alimenter le débat au Québec. C'est dans ce sens-là qu'on fait les commentaires autour de l'article 4, alinéa 1.
Sur la question de... Étant ce qu'on est, des anciens coopérants ou des gens de comités de solidarité très préoccupés par la situation du Sud... Parler des intérêts du Québec, c'est sûr que ça va de soi pour la population québécoise, mais on aimerait aussi y ajouter la préoccupation des peuples du Sud. Il y a une tradition d'ouverture au monde au Québec. Donc, on voudrait que ce soit présent et que la loi ne parle pas exclusivement des intérêts du Québec. Qu'on parle des intérêts du Sud ou qu'on reformule autrement l'article en biffant, peu nous importe, mais on veut cette ouverture au Sud, et c'est dans ce sens-là qu'un peu plus loin, dans un des alinéas portant sur la composition du conseil d'administration, nous croyons qu'il serait fort intéressant de donner une place à un représentant du Sud; probablement pour des raisons financières, on n'ira pas le chercher le plus loin possible, mais quelqu'un de la société civile du Sud dans nos partenaires. On n'a pas d'idée en tête pour un nom, ou une personne, ou un groupe, actuellement, mais on imagine que, dans les consultations au moment de la création du conseil d'administration, la composition du comité scientifique de l'Observatoire, on pourra certainement vous faire des suggestions là-dessus.
Il y a aussi, dans nos commentaires, des commentaires qui sont plus des questions pour comprendre la différence entre la mission et le conseil d'administration qui devra donner des orientations et des objectifs généraux. Est-ce qu'on ne pourrait pas simplement parler uniquement du plan d'action et s'en tenir à la mission générale de l'Observatoire? La description des composantes du conseil d'administration de l'Observatoire nous apparaît comme devant ne pas être figée nécessairement à 15, mais de devoir rechercher un bon équilibrage de la société civile québécoise. Devons-nous vous le rappeler, qu'il y a de nombreux forums pour le monde des affaires? Ils sont souvent dans la chambre d'à côté des négociations de l'OMC ou même, plus près, des négociations de la ZLEA, sur les nombreux comités de préparation des différents aspects de cette négociation-là. Donc, nous vous disons que la composition devrait faire place largement à cette société civile, puisqu'on parle, par exemple, de gens originant des secteurs préoccupés par la mondialisation. Mais d'où viennent-ils? Donc, une attention qui vous est suggérée là-dessus.
Et l'autre niveau de questionnement... C'est sûr qu'on ne peut pas mettre le budget en annexe à un projet de loi, mais nous nous demandons... nous nous interrogeons sur la portée de devoir financer l'Observatoire, qu'on voudrait financer évidemment le mieux possible, mais d'un observatoire qui soit financé à même le fonds consolidé plutôt qu'à même un fonds de ministère. On était un peu ignorants de ces dimensions de l'administration publique, mais ce qu'on cherche, ce qu'on voudrait, c'est qu'il y ait un financement assuré, garanti, qu'il y ait une pérennité. Voilà.
Et, dans le suivi, deux éléments que je veux remettre sur la table, sans enlever les prérogatives du conseil d'administration de déterminer le menu, l'agenda, les travaux à faire. Vous le disiez vous-même dans votre rapport de commission qui avait porté sur les effets de la ZLEA: Il faut un bilan de l'ALE et de l'ALENA. Il faut un bilan des effets, des implications du chapitre XI sur l'ALENA. Il nous apparaît que cela reste toujours valable. Et ensuite, nous nous interrogeons finalement et nous vous mentionnons que nous aimerions participer à la consultation qui suivra, si c'est comme ça que ça fonctionne, qui suivra l'adoption du projet de loi, quant à la nomination des différentes instances de l'Observatoire. Merci beaucoup.
Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme Jourdain. Alors, ça termine votre présentation. Merci, Mme Néméh, Mme Dunn et M. Barton. Alors, nous allons procéder à un échange. Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme Beaudoin: Oui. Bonjour, rebonjour. Vous l'avez dit tout à l'heure, Mme Néméh, ce n'est pas par génération spontanée que les Québécois s'intéressent de plus en plus à cette question de la mondialisation et à ses effets, c'est beaucoup parce que, en effet, l'AQOCI, et je vous en félicite, depuis très longtemps a sensibilisé les Québécois dans toutes sortes de forums et de toutes sortes de manières à ces questions-là.
Et ça s'est reflété, ça m'a beaucoup frappée, dans un sondage, que vous avez dû voir récemment, un sondage pancanadien. Et là on voyait la société distincte apparaître dans toute sa splendeur. On posait des questions sur l'aide au développement, sur l'annulation de la dette, sur des questions comme ça, et c'était au Québec que les gens étaient les plus favorables à l'annulation de la dette, à l'augmentation de l'aide au développement. C'était dans les Prairies qu'ils étaient... il y avait peut-être un écart de 20 points à ce moment-là entre les Prairies, qui étaient les Canadiens, donc, les moins favorables à tout ça, et les Québécois qui étaient les plus favorables. Alors donc, il y a vraiment, en effet, une tradition ici de générosité, de solidarité internationale qui, donc, se manifeste même, donc, dans des sondages comme ça.
Alors, on travaille ensemble, effectivement, ministère des Relations internationales et AQOCI. Vous avez fait référence à notre petit budget. C'est vrai, mais vous reconnaissez, je le sais, que le Québec est la seule province du Canada à avoir... au-delà de ce que l'ACDI fait avec nos taxes à tous nous autres, à tous les Québécois et les Canadiens, que l'on fait, donc, quand même un effort particulier. Et ça aussi, ça découle de ce qu'on disait tout à l'heure.
Et vous savez qu'on est très fiers de ce Secrétariat à l'aide humanitaire internationale qui a quand même, donc, un budget cette année d'autour de 3 millions. Et celui de Québec sans frontières, qui est notre programme pour les jeunes qui accompagne les organisations québécoises de coopération internationale sur le terrain depuis déjà, donc, quelques années, il est de 3,8 millions. Alors donc, ça nous fait quand même 7 millions de dollars qui auront été consacrés à l'aide internationale cette année sur un budget, je vous le rappelle, qui est minuscule, de 107 millions, je crois, à peu près.
Alors, les relations entre l'AQOCI et le ministère des Relations internationales sont excellentes, ce qui... Et vous gardez, vous le savez, toute votre indépendance, toute votre autonomie. Vous faites tout ce que vous voulez sur le terrain. Vous nous présentez des projets. Ils sont acceptés ou refusés selon des critères et non pas selon le bon vouloir et l'arbitraire de la ministre ou de quiconque, mais par des fonctionnaires qui étudient tous ces projets-là. Alors, je voulais le signaler parce que je crois que c'est un exemple, en tout cas, de bonnes relations et de bon fonctionnement entre un organisme de la société civile, qui a ses opinions, qui a ses convictions très fortes, comme on vient encore de l'entendre, et le gouvernement. On en souhaite la pérennité, bien sûr, et même l'augmentation des budgets, comme vous le savez.
n(15 h 40)n Alors, maintenant, sur un certain nombre de questions, j'aimerais que vous m'expliquiez encore un peu mieux ? ce n'est pas simple ? sur un certain nombre de choses que vous nous avez proposées, parce que quand vous nous dites, si je reprends certains de vos amendements, par exemple, qualifier après les droits humains, individuels et collectifs, moi, je veux bien regarder ça, là, très franchement, je n'ai pas de... je veux bien l'examiner puis regarder ça avec... je regarde ça avec intérêt.
Sur la langue, là, vous me posez un vrai problème. Je comprends mieux ce que vous voulez dire, là, avec les explications de Mme Jourdain. Vous dites: D'autres instances s'intéressent à la langue et peuvent agir en ce sens. C'est vrai, pas plus tard qu'hier soir la députée de La Pinière et moi-même étions dans un séminaire interaméricain sur la question de la gestion, donc, de la diversité linguistique, organisé par le Conseil de la langue française, qui va durer quelques jours ici, à Québec. Il y avait une ministre du Paraguay qui était là, il y avait des députés mexicains et puis il y avait des gens d'un peu partout, donc, dans les Amériques. Il y avait même une dame, qui est très intéressante, de Washington, qui est venue nous expliquer pourquoi les Américains ne ressentaient pas le besoin, disons, urgent d'apprendre le français.
Une voix: ...
Mme Beaudoin: Et d'autres langues. C'est une blague que je faisais, oui, parce que ce n'était pas que le français, c'était même l'espagnol, bon. Alors donc...
Une voix: ...
Mme Beaudoin: Bon. Oui, mais, en même temps, en tout cas, je veux dire, je veux bien aussi m'interroger là-dessus, disons, m'interroger là-dessus. Là où j'ai plus de difficultés, je dois vous dire ? puis on est en commission parlementaire, donc on se parle franchement puis on se pose des questions, puis j'ai dit que c'est avec une grande ouverture que j'abordais la commission parlementaire ? c'est quand vous me parlez, là, de biffer «et porte un intérêt particulier aux intérêts... porte une attention particulière aux intérêts du Québec». Alors, ça, on retrouve ça, je crois, deux fois, dans notre projet de loi, à l'article 4, effectivement. Bien, c'est ça. Alors donc, on dit: «suis principalement ? c'est le paragraphe 2° ? les négociations multilatérales, qu'elles soient mondiales ou régionales, qui sont d'intérêt pour le Québec» et... Est-ce qu'il y avait un autre endroit?
Une voix: ...
Mme Beaudoin: 5° aussi. Quand on dit, au cinquième paragraphe, «collabore...» Ah, non. 4°, bon, paragraphe 4°: «rend public annuellement un état de la situation sur la mondialisation au regard des intérêts du Québec». La difficulté que j'ai... Je comprends, là, il faut une ouverture sur le Sud. Ce qui est d'intérêt pour le Québec peut aussi être d'intérêt pour le Sud, là. Je veux dire, on s'entend bien qu'on est justement dans un monde mondialisé, on est sur la planète Terre, tous ensemble, puis on est interdépendants de plus en plus, puis les relations nord-sud, bon, vous l'avez expliqué, les échanges sont inégaux, il y a beaucoup de questions qui se posent, il y a, bon, des difficultés à faire en sorte que la redistribution de la richesse... enfin, en d'autres termes, que la croissance économique favorise ou enfin soit utile pour chacun et favorise donc la prospérité de l'ensemble des êtres humains, donc des 6 milliards d'êtres humains. Alors donc... Mais de biffer les intérêts du Québec en regard des intérêts du Québec, ça me poserait un vrai problème, et je dirais aussi quasiment concrètement ou très techniquement, parce qu'on ne peut pas demander à l'Observatoire de ne pas se concentrer quand même sur quelque chose, là, hein. Bon. Alors, on a dit sur les négociations multilatérales qui sont d'intérêt pour le Québec, il faut quand même un peu préciser, cibler, si on veut que l'Observatoire soit efficace et pertinent. Il y a ça aussi qui me préoccupe, que, si c'est trop vaste, que, si on embrasse trop grand, eh bien, c'est ça, si on étreint trop grand, on va perdre, je le crois enfin, énormément de pertinence par rapport à l'existence même de l'Observatoire.
En tout cas, je vous pose la question, ce qui ne veut pas dire que je ne suis pas sensible à cette ouverture sur le Sud et surtout à cette interdépendance entre le Nord et le Sud.
Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la ministre. Alors, qui est-ce qui veut répondre? Mme Néméh? Mme Jourdain?
Mme Jourdain (Micheline): Je suis très consciente, et nous étions très conscients et conscientes, Mme Beaudoin, de la dimension que vous soulignez. Peut-être faudrait-il le reformuler en disant «les intérêts du Québec» et avoir quelque chose dans la formulation et d'autres petits pays. On est une petite économie, on est un pays de petite dimension, avec un niveau de développement, cependant, qui n'est pas comparable à d'autres pays, par exemple, de l'hémisphère. Mais un de nos membres a récemment publié, avec ces composantes internationales, un rapport sur le commerce mondial, et le dernier rapport du PNUD fait mention de cela. Ce qui est donné par le Canada en aide publique au développement: 56 milliards.
Une voix: ...
Mme Jourdain (Micheline): Par le monde, par le monde, 56 milliards. Bien, les petites économies du Sud perdent deux fois plus à voir leurs produits entrer dans nos économies, à cause de toutes sortes de barrières tarifaires et autres. Bon. C'est sûr que ça vient chambouler nos intérêts, même des emplois, mais on ne peut pas, on pense, faire fi de cela, et on pense que l'Observatoire, qui a un rôle d'animation, de formation, d'observation de données, devrait pouvoir avoir, dans son temps, le temps de faire cela pour être capable d'éclairer les défis de l'entraide. C'est beau d'avoir un discours humaniste de coopération, de compréhension internationale qui s'est, au Québec, souvent transformé dans des gestes très concrets, mais la mondialisation nous met devant des défis qu'il va être plus difficile d'affronter. Et il nous semble qu'on pourrait les regarder puis les mettre sur la table et en débattre.
Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme Jourdain. Mme la ministre.
Mme Beaudoin: Écoutez, je suis tout à fait sensible à ça. Je vais vous donner un exemple à partir duquel, enfin, on va tous comprendre que, en effet, il va y avoir des décisions difficiles à prendre si on veut vivre selon un certain nombre de valeurs, de principes de solidarité, d'entraide, bon, et vous le savez très bien, c'est la question des brevets pharmaceutiques. Il y a eu tout un débat à Doha sur cette question-là, il y a eu d'abord, dans un premier temps, vous savez, bon, la poursuite intentée par un certain nombre d'entreprises pharmaceutiques contre le Brésil et l'Inde en particulier ? ça concernait le sida et le vaccin ou, enfin, les trithérapies, et on sait très bien jusqu'à quel point au Québec on profite de cette recherche pharmaceutique et du fait que les brevets, justement, durent je ne sais combien d'années, 10 ans ou 20 ans, et que la région de Montréal, un de ses moteurs économiques, avec l'aérospatiale, etc., c'est le biopharmaceutique. Vous imaginez bien. On ne sera pas tout seuls à décider de ça, mais ça va être sur la table, ça, à un moment donné. Comment une question comme ça va-t-elle se régler? Est-ce que des pays en développement comme le Brésil et l'Inde vont pouvoir produire des médicaments génériques pour faire face non seulement à des pandémies comme celle du sida, alors qu'on dit que l'Afrique va être décimée par le sida d'ici 20 ans, mais aussi à d'autres situations, là, peut-être pas aussi dramatiques ou aussi spectaculaires ou aussi visibles, mais qui sont aussi graves, probablement?
Donc, il faut qu'on en parle, il faut que la société québécoise discute de ça et sache, dans le fond, dans quoi on va s'embarquer si ça... Ça va être sur la table, on le sait, là.
Une voix: ...
Mme Beaudoin: C'est ça. Alors, comment ça va se conclure? On ne le sait pas encore. On ne sait pas comment, mais on sait que ça pourrait faire mal à l'économie du Québec. Mais là il faut que tout le monde en prenne conscience et qu'on soit responsables, et quand on fera des choix collectifs, bien, c'est des choix collectifs difficiles, ça, des choix collectifs difficiles. Alors, je vois bien ce que vous voulez, mais ça va venir de toute façon, puisque, dans les négociations de l'OMC, ça va être là, les intérêts du Québec vont être touchés directement mais ceux du Sud aussi. Donc, tout ça va être pris en compte par l'Observatoire. Mais ça, c'est un beau débat. Je donne cet exemple-là, il y en a d'autres.
n(15 h 50)nLe Président (M. Boulianne): Merci, Mme la ministre. Oui, M. Barton, vous voulez répondre?
M. Barton (Brian): Oui, merci, monsieur. Premièrement, aussi, parce que je n'ai pas parlé. Je suis très content du projet qui est mis de l'avant. C'est vraiment une primeur pour l'Amérique du Nord et c'est excellent. Je félicite la ministre et tous ceux qui étaient impliqués.
Sur cette question des intérêts du Québec, je comprends bien le point de vue. Je m'excuse de mon accent. Je suis un immigrant et j'apprécie beaucoup la culture québécoise. Donc, c'est pour ça que je suis ici. Je suis bien reçu ici.
Donc, je pense qu'un des problèmes principaux avec la mondialisation, ce n'est pas simplement une question de négociation entre les gouvernements, bilatérale ou multilatérale, mais ce qui arrive au niveau économique, la domination des multinationales, la possibilité de plus en plus avec le libre-échange et surtout les mouvements faciles des investissements ? on voit un bon exemple là avec General Motors ces temps-ci ? c'est que ça met des pressions de toutes sortes sur les populations, sur les gouvernements au point de vue des structures des impôts, au point de vue du niveau des services sociaux qui viennent sous pression parce qu'il y a de la compétition, de la concurrence. Toutes ces choses-là arrivent un peu en dehors des gouvernements et restreignent l'espace politique, et c'est ça, une question fondamentale, je crois, que l'AQOCI souligne, que la possibilité pour les gouvernements d'agir pour que la mondialisation soit maîtrisée et équilibrée ? dans votre très belle phrase ? ça devient de plus en plus restreint et, pour moi, un des objectifs principaux de l'Observatoire devrait être de fournir des informations, de faire des recommandations, de faire des analyses pour pouvoir élargir cet espace-là.
Comment peut-on ne pas être passif devant ces forces économiques, technologiques, etc., très fortes? Qu'est-ce qu'on peut faire comme population pour diriger cette mondialisation qui, au fond, est bonne? Il y a bien des choses qui bénéficient aux populations du Québec et des autres pays parce que, vraiment, la mondialisation, c'est une question internationale, et on ne peut pas la faire tout seul. Malheureusement, le Canada ne fait pas assez avec les autres pays pour faire des accords qui pourraient aider à protéger l'espace politique. Mais je pense que, dans les situations pas toujours faciles, c'est sûr, bien, je pense que, ça, c'est un objectif de l'Observatoire et ça touche aussi cette question des intérêts du Québec, ou les intérêts de la population du Québec, qui est fondamentale, je crois.
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Barton. Merci, Mme la ministre. Alors, Mme la députée de Jean-Talon.
Mme Delisle: Merci. Alors, bienvenue. Je dois vous dire que j'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre mémoire. Il y a beaucoup de rigueur et surtout beaucoup de travail. Vous avez certainement facilité, par les commentaires que vous nous avez donnés sur chacun des articles, l'étape suivante qui sera l'étude article par article en commission parlementaire.
Ceci étant dit, moi, je vais passer à l'étape un petit peu plus pratico-pratique, c'est celle de revenir sur la composition du conseil d'administration. Vous ne remettez pas en cause, d'après ce que je peux voir, le nombre de personnes sauf que vous vous questionnez sur les différentes composantes. Je simplifie. Je ne veux pas vous mettre des idées dans la tête que vous n'avez pas, là, mais vous vous questionnez quand même sur les «représentants des divers domaines ? je vous cite, là ? concernés par la mondialisation».
Vous soulevez également, à l'article 9, la pertinence de nommer les administrateurs pour cinq ans au lieu de trois. Et vous vous questionnez aussi sur la pertinence, à l'article 6... Et je cite en fait l'article 6. L'actuel article 6 dit: «Les affaires de l'Observatoire sont administrées par un conseil d'administration composé, au fur et à mesure de leur nomination, des membres suivants...» Donc, vous vous questionnez sur l'expression «au fur et à mesure».
J'aimerais vous entendre sur la composition du conseil d'administration. Est-ce que, pour vous, c'est un petit peu trop arbitraire? Je ne cherche pas nécessairement pouilles ici. J'ai entrepris ces travaux également avec beaucoup d'ouverture d'esprit et dans la perspective où on aurait un conseil d'administration, parce que c'est ce que l'ensemble des gens cherchent, là, flexible, pas trop lourd, mais efficace. Donc, j'imagine que vous avez fait une réflexion là-dessus, puisque vous vous êtes prêtés à l'exercice. Je ne sais pas si quelqu'un veut répondre à ma question ou à mes questions.
Le Président (M. Boulianne): Alors, merci, Mme la députée de Jean-Talon. Alors, qui est-ce qui veut répondre? Mme Jourdain, oui.
Mme Jourdain (Micheline): Peut-être quelques commentaires, puis mes collègues compléteront. Bon. C'est à 15, mais, pour nous, le 15 n'est pas absolument un chiffre magique. Il y a des groupes, il y a beaucoup de groupes dans la société québécoise qui s'intéressent à la mondialisation. S'il faut en mettre un peu plus, on ne pense pas que ça va briser la formule. Prenons le Conseil supérieur de l'éducation, il me semble qu'il est à... Bon. On ne peut pas comparer du comparable exactement, là, mais prenez le Conseil supérieur de l'éducation, il est bien à 22 membres, je pense ? en tout cas, j'ai regardé le site, là. Puis, il n'y a pas personne, je pense, qui doute de l'efficacité du Conseil supérieur de l'éducation ? en tout cas, aux journaux puis aux déclarations que je lis, je ne pense pas. Donc, on se dit: Pour rééquilibrer l'affaire, qu'il y ait un peu plus de monde, ça ne nous apparaît pas un problème.
Mais on dit: Bon, des représentants du milieu syndical, des représentants du milieu patronal et des représentants du milieu communautaire, bon, ça fait les trois; puis il y a des gens du gouvernement. Bon. Après ça, on ajoute des personnes issues des domaines concernés par la mondialisation. Ce qu'on questionne, c'est comment ça va être déterminé, cela. Est-ce que ça va reprendre l'équilibrage des quatre premières tranches que je viens de décrire? Parce que, pour nous, c'est important qu'il y ait un équilibrage, mais cet équilibrage-là doit quand même bien refléter la société civile.
Les gens d'affaires, on ne l'a peut-être pas écrit assez clairement, ils sont très présents dans le monde de la négociation des ententes commerciales. Et on dit: Bien, essayez de donner une plus grande place à la société civile d'en bas dans la composition de l'Observatoire, si on veut lui donner une préoccupation qui dépasse la préoccupation «économiciste», une préoccupation à dimension sociale. Donc, on pose des questions parce que l'article 6 ne définit pas comment vous allez procéder, par secteur, et... Bon. C'est un peu cela, là. Je ne sais pas votre autre question.
Le Président (M. Boulianne): Est-ce qu'il y en a qui ont d'autres choses à ajouter? Mme Néméh?
Mme Néméh (Francine): Bien, moi, je voudrais préciser une omission qui n'est pas voulue, c'est qu'il faut un équilibre hommes-femmes aussi sur ce conseil. C'est vraiment une grave omission de notre part. J'espère que cela complète. Non, ça va, tout à fait...
Le Président (M. Boulianne): Mme la députée de La Pinière, vous aviez une question. Merci, Mme la députée de Jean-Talon.
Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Mme Jourdain, Mme Dunn, Mme Néméh, M. Barton, de l'AQOCI, soyez les bienvenus, merci pour votre mémoire. On reconnaît votre sensibilité pour la solidarité internationale; ça transparaît dans chaque page. Je voudrais saluer à travers vous les centaines de coopérants volontaires qui travaillent sur le terrain et qui font un travail extraordinaire et tous les bénévoles qui les supportent ici.
Je voudrais revenir sur l'échange que vous avez eu, tantôt, avec la ministre en rapport avec l'article 4, sur la formulation «au regard des intérêts du Québec». Et, si j'ai bien compris votre message et votre préoccupation à cet effet, c'est que, vous, vous êtes préoccupés par les impacts de la mondialisation pas seulement sur le Québec, mais aussi sur les pays du Sud, qui sont finalement... qui représentent le terrain sur lequel vous travaillez. Puis vous avez une vision globale, une vision de justice sociale. Vous voulez que le Québec soit présent mais qu'il soit présent à partir des valeurs de développement durable, de l'équité, du respect de la démocratie et tout ça.
Si je regarde l'article 4, le terme «au regard des intérêts du Québec», il est à deux places: au paragraphe 2° de l'article 4... et on lit ceci: Dans le mandat de l'Observatoire québécois de la mondialisation, il aurait, entre autres, pour fonction de suivre principalement les négociations multilatérales ? vous ajoutez aussi bilatérales ? qu'elles soient mondiales ou régionales, qui sont d'intérêt pour le Québec. Dans ce contexte, moi, je trouve tout à fait légitime que l'on puisse marquer «d'intérêt pour le Québec», parce que c'est ça qui nous préoccupe, c'est les accords qui ont un impact sur le Québec.
n(16 heures)n Puis, dans le quatrième point, «rend public annuellement un état de la situation sur la mondialisation au regard des intérêts du Québec», c'est là où vous, vous dites: Ce n'est pas juste au regard des intérêts du Québec, c'est au regard, finalement, des autres réalités dans lesquelles il faut intervenir. Et il y a peut-être là une nuance à faire, je pense, parce qu'on ne peut pas analyser les effets de la mondialisation sur le Québec sans regarder l'autre côté de la médaille. Et l'exemple que la ministre a donné tantôt, celui du biopharmaceutique, tantôt, quand on va commencer à faire ce débat-là, ça va faire mal partout. Ça va faire mal chez nous, ça va faire mal dans les pays du Sud où ça fait déjà mal, la mondialisation.
Donc, je pense que c'est un défi collectif, là, mais la suggestion qui est faite mérite d'être considérée. Et ça serait peut-être intéressant, lorsqu'on abordera l'étude article par article, de faire cette différence, parce que ça correspond à une sensibilité réelle. Alors, je m'adresse surtout à la ministre pour plaider pour qu'elle reçoive la proposition pour qu'on puisse l'analyser en temps opportun.
Vous avez aussi, dans votre mémoire, à la page 8, suggéré que le rapport d'activité peut comprendre des avis et des recommandations au gouvernement. Certains nous disent que cette instance, que l'Observatoire québécois de la mondialisation doit être indépendant du gouvernement, mais vous, vous voulez qu'il fasse des rapports et des recommandations au gouvernement. Pourriez-vous élaborer davantage là-dessus?
Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée de La Pinière. Oui, Mme Néméh.
Mme Néméh (Francine): Oui. Bien, pour nous, c'est même déterminant, en fait. C'est que c'est un observatoire qui va étudier, analyser les causes, les impacts, qui va essayer... En fait, on souhaiterait qu'il permette d'indiquer des voies alternatives pour avancer dans ce monde, donc d'identifier des pistes de politique à adopter. Donc, si l'Observatoire ne peut pas donner son avis au gouvernement du Québec, il va rester quelque chose comme une organisation de la société civile comme on fait, nous, on a beau... On donne nos avis, mais le gouvernement n'est pas tenu d'en tenir compte, ça reste un peu du lobbying, tandis qu'à partir du moment où il peut donner des avis il va éclairer les députés, les parlementaires. Et, pour nous, c'est une des choses qui est très importante, c'est que les parlementaires puissent être saisis des grands enjeux et puissent éclairer leurs choix et leurs décisions en fonction de ces analyses-là.
Le Président (M. Boulianne): Merci. Oui, Mme Jourdain, vous voulez ajouter quelque chose?
Mme Jourdain (Micheline): Je ne sais pas, j'ai lu quelques-uns des mémoires qui circulent, mais je ne voudrais pas y faire référence par respect à votre commission, là. Vous allez en discuter en temps et lieu, mais je pense qu'il y a des gens qui parlent de permettre à l'Observatoire d'avoir ses coudées franches, d'être assez indépendant et autonome. Je pense que Mme Beaudoin, dans la conférence au CORIM du mois de juin... devant le CORIM au mois de juin, vous avez utilisé des propos ? vous me corrigerez, là, je n'étais pas là, j'ai lu vos notes ? des propos qui allaient un peu dans ce sens-là, mais je ne pense pas que les gens remettent en cause que le gouvernement ou que le ministère nomme le président et les membres. Donc, déjà, il y a un rattachement au gouvernement. Je prenais l'exemple du Conseil supérieur de l'éducation tantôt, mais prenons l'exemple du Conseil du statut de la femme, ces Conseils-là peuvent être fort critiques devant les politiques gouvernementales. Je n'ai pas suivi leurs derniers rapports, mais ils bénéficient de beaucoup de marge de manoeuvre, je pense, et c'est des organismes qui sont crédibles.
Donc, tout en disant: Il faut qu'il y ait des marges de manoeuvre, il faut qu'il y ait une autonomie et qu'il y ait cette indépendance, on reconnaît quand même que le gouvernement a une prise au sein de cette structure-là. Et, pour que les travaux soient sérieux, crédibles, on peut bien les diffuser dans les journaux, dans d'autres centres de recherche, mais on pense que, quand c'est l'Assemblée, les élus qui, jusqu'à maintenant, ont souvent... Vous l'avez dit dans le rapport de la commission de l'an 2000, n'ont pas eu de prise sur les débats, n'ont pas... Le débat ne s'est pas fait de façon transparente. Pour nous, rien de mieux que l'Assemblée nationale pour qu'elle soit formellement sensibilisée et qu'on puisse lui faire quelques recommandations. Mais, c'est un observatoire, ce n'est pas son rôle de conseiller mur à mur le gouvernement, mais de lui donner des éclairages, comme il donnera des éclairage au public. Mais, au premier chef, on pense que l'Assemblée nationale devrait se prêter à l'exercice.
Mme Houda-Pepin: En précisant cependant qu'il y a une différence entre gouvernement et Assemblée nationale. Donc, faire un rapport aux parlementaires, c'est une chose. Ce que vous proposez, vous, c'est des recommandations au gouvernement. Alors, il y a une nuance importante là, mais je vous ai comprise, le message est saisi.
À la page 5 de votre mémoire, vous dites évidemment que vous êtes, d'entrée de jeu, très favorables à l'Observatoire québécois de la mondialisation, mais, à la page 5, vous dites qu'il y a de l'imprécision, il y a des ambiguïtés dans la façon dont le projet de loi n° 109 est rédigé et, un peu plus loin, vous soulevez la question que je trouve pertinente, par ailleurs... Vous vous posez des questions sur la nature de cet Observatoire: Est-ce que c'est un organisme non gouvernemental, un ONG? Comment ça va fonctionner? J'aimerais bien que vous puissiez peut-être nous donner votre point de vue là-dessus parce que vous êtes un regroupement d'ONG vous-mêmes, vous savez ce que c'est qu'un organisme non gouvernemental, comment il est financé, comment il fonctionne, etc. Et, en partant de votre expérience, comment vous voyez l'Observatoire québécois de la mondialisation au niveau de sa structure et de son fonctionnement? Dans le monde idéal, il serait comment?
Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme le député de La Pinière. Oui, alors qui est-ce qui répond? Mme Néméh?
Mme Néméh (Francine): Moi, je vous dirais que c'est une création du gouvernement, ce n'est pas une organisation... Une ONG, c'est une initiative qui vient de la base et qui, après, va chercher de l'appui auprès des gouvernements. Mais, dans ce cas, c'est une création, et on peut admettre aussi... on est d'accord avec le fait que ce soit le gouvernement qui nomme, quoiqu'on souhaite que ce soit suite à des consultations. Évidemment, on veut pouvoir recommander les personnes, mais, vu qu'il faut un certain équilibre, on se dit: Il ne faudrait pas que ce soit x nombre d'organisations qui délèguent quelqu'un. Et là c'est beaucoup plus difficile d'assurer un certain équilibre hommes-femmes, Nord-Sud, différentes composantes. Ce n'est pas, donc, pour nous tout simplement un OSBL ou une ONG, c'est une création gouvernementale. Mais c'est une institution à qui on assure une autonomie, une liberté, une indépendance, mais qui rend compte et à la population, et au gouvernement, et aux parlementaires.
Le Président (M. Boulianne): Alors, merci, Mme Néméh, Mme Dunn, Mme Jourdain, M. Barton. Merci, Mme la députée de La Pinière.
Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à 16 h 15.
(Suspension de la séance à 16 h 8)
(Reprise à 16 h 18)
Le Président (M. Boulianne): La commission poursuit ses travaux et souhaite la bienvenue à la Centrale des syndicats du Québec. Alors, permettez-moi de vous rappeler la procédure. Alors, vous avez 15 minutes pour présenter votre mémoire. Il y aura un échange de 30 minutes par la suite avec les deux partis. Alors donc, veuillez vous identifier et présenter celle qui vous accompagne.
Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
Mme Richard (Monique): Alors, merci, M. le Président. Donc, Monique Richard, présidente de la CSQ. Je suis accompagnée de Mme France Bernier, qui est ressource au sociopolitique à la Centrale.
Alors, ça me fait plaisir d'être là. Je vous remercie de nous offrir l'opportunité d'intervenir sur ce projet de loi n° 109 que nous accueillons bien sûr avec beaucoup de satisfaction. Tous et toutes, nous avons pu constater les effets de la mondialisation sur l'économie, combien elle accroît les incertitudes, la vulnérabilité des travailleurs et des travailleuses, de leurs familles, des communautés locales. Et, donc, ces enjeux majeurs nous amènent à nous donner des outils pour une compréhension de ces enjeux posés par la mondialisation, et je pense qu'il est important que le Québec se dote d'un observatoire de recherche et d'information qui permette de mieux saisir les multiples évolutions de ce processus qui constitue, je pense, cet Observatoire, une avancée et répond à des demandes répétées de la société civile.
Aujourd'hui, la CSQ, nous allons partager avec vous des réflexions sur la mondialisation néolibérale et soumettre un certain nombre de commentaires sur le projet de loi n° 109.
La représentativité de la CSQ. Bien sûr, depuis plus de 25 ans, nous travaillons au niveau de l'international, que ce soit dans différentes instances internationales qui nous amènent à assumer ce mandat de représentation de nos membres, tant en éducation, en santé, en communication que dans différents secteurs, compte tenu de la diversité de notre membership, mais aussi dans des projets importants de coopération entre les peuples.
La CSQ est membre aussi du Réseau québécois sur l'intégration continentale, et on travaille bien sûr à l'élaboration, avec cette organisation et les organisations qui la composent... l'élaboration d'alternatives pour la renégociation de l'ALENA, un nouveau projet d'intégration des Amériques en parallèle avec les négociations sur la Zone de libre-échange des Amériques.
n(16 h 20)n La CSQ a participé aussi très activement au deuxième Sommet des peuples dans le cadre du Sommet des Amériques. Ça a été un sommet fort important d'information, de mobilisation et de sensibilisation. Et, nous avons tenu les engagements que nous avions pris, nous avons donc créé le Secrétariat continental de l'éducation avec la Fédération canadienne des enseignants, et, pour nous, c'est un plus dans lequel nous nous investissons beaucoup et qui a d'ailleurs pignon sur rue dans la ville de Québec.
La mondialisation, c'est conséquent, bien sûr, à un processus historique. Elle s'inscrit dans un processus où le commerce extérieur a toujours été très présent. C'est une réalité, le commerce extérieur, qui est incontournable, qui est essentielle à la vie et même à la survie des populations du globe. De tout temps, ce commerce a fait l'objet de négociations, s'est développé par l'établissement de règles et de normes négociées et liées à l'expression de rapports de force économiques, sociaux et politiques, et ça a pris un essor très important après la Seconde Guerre mondiale, ce qui a amené l'ouverture à la mondialisation de l'économie.
La mondialisation néolibérale nous oblige à une réflexion ? je pense que ça, c'est une dimension qui est très claire ? une réflexion qui ne doit pas être de pure rhétorique et qui nous amène à la nécessité de mieux comprendre les changements auxquels nous sommes confrontés afin de mieux cerner le sens des actions et des luttes que nous avons à mener.
C'est à la page 12, la société-monde du tout économique. Partout ? je pense qu'on est à même de le constater, on a qu'à lire les journaux à tous les matins ? partout sur la planète, la déréglementation et la privatisation en tout ou en partie des services publics devient la règle. La mondialisation néolibérale est la recherche rapide de rendements sur le capital qui circule allègrement et sans règle d'un pays à l'autre. Dans ce contexte, on peut mieux comprendre le sens des traités dits de libre-échange, des traités qui n'ont rien à voir avec le libre commerce. Il s'agit plutôt de libérer tous les secteurs des contraintes à la marchandisation.
Pour nous, on se réfère bien sûr au directeur général de l'Organisation internationale du travail qui disait avec beaucoup de justesse que la mondialisation devra répondre à ce à quoi aspirent les travailleurs et leurs familles où que ce soit dans le monde: un travail décent, la sécurité et être entendus dans le processus de décision. Les individus veulent que la mondialisation ait pour eux d'autres retombées que ce qu'elle leur a laissé jusque-là. Ils veulent de véritables possibilités d'accès à un travail décent, un développement basé sur la justice sociale dans un contexte d'économie ouverte et de société ouverte.
Pour ce faire, le gouvernement canadien, bien sûr... Le gouvernement canadien, on doit dire qu'il s'est engagé de plain-pied dans le processus de mondialisation néolibérale. Il s'est désengagé de façon significative à l'égard des programmes sociaux, que ce soit par les réformes à la Loi de l'assurance emploi ou par la diminution des transferts aux provinces qui ont un impact direct, certain, qu'on est à même de constater sur les programmes d'éducation, de santé et de services sociaux. Nous ne pouvons que nous inquiéter de l'absence de transparence sur le contenu et le déroulement des différentes négociations entourant des accords à être signés exclusivement par le gouvernement canadien malgré nos demandes répétées ? vous en avez été témoins à plusieurs reprises ? qui ont été faites à cet égard.
Pour ce qui est du gouvernement québécois, tant au fédéral qu'au provincial, les gouvernements ont puisé dans le paradigme néolibéral le modèle de gestion étatique du déficit zéro qui a entraîné le désengagement ou l'affaiblissement de l'État dans des secteurs stratégiques pour le développement de la société. Nous reconnaissons que le gouvernement actuel a fait des efforts certains et pris des décisions qui ont répondu aux préoccupations portées par nos différentes organisations. Cependant, le gouvernement doit prendre la mesure des conséquences que risque d'avoir une mondialisation pouvant conduire à une remise en cause des acquis sociaux, culturels, économiques et politiques de la société québécoise et ainsi engendrer une augmentation de l'exclusion sociale.
Nous tenons toutefois à souligner les efforts du gouvernement du Québec pour démocratiser les débats autour du processus de mondialisation et des négociations commerciales internationales. Nous tenons à mentionner notre appréciation des efforts faits par ce gouvernement pour développer le débat démocratique au Québec. Dans notre mémoire déposé en septembre 2000, nous avons explicité certaines orientations que le gouvernement du Québec devrait faire siennes à l'égard des négociations commerciales internationales. Nous recommandions alors la primauté du principe du développement humain intégral sur celui de la libéralisation des échanges. Deux ans plus tard, nous n'avons pas changé d'idée et nous maintenons cette recommandation plus que jamais importante. Et nous accueillons favorablement la proposition défendue par Mme Beaudoin en regard du chapitre XI de l'ALENA et de son inclusion éventuelle dans un accord sur la ZLEA du fait que ce chapitre limite les capacités d'agir des États.
L'Observatoire québécois de la mondialisation. Le gouvernement, par cette proposition, ce projet de loi, répond favorablement à notre demande de mettre en place cet Observatoire dans le cadre du processus législatif. Nous accueillons aussi avec beaucoup de satisfaction le fait de voir affirmer l'autonomie de cette organisation et d'y retrouver les garanties de sa pérennité par l'octroi d'un budget spécifique. Il est aussi, pour nous, très intéressant de voir l'inscription dans ce projet de loi d'un comité scientifique au sein de l'Observatoire, ce qui constitue, à notre avis, une balise importante permettant d'espérer la tenue de travaux de recherche indépendants.
Pour nous, cet Observatoire doit permettre le renforcement du processus démocratique et la réhabilitation du pouvoir citoyen dans l'espace politique québécois. Conséquemment, nous croyons qu'il est important d'indiquer explicitement l'objectif démocratique auquel doit répondre cet Observatoire afin de garantir la plus grande transparence possible des travaux de l'Observatoire et d'assurer ainsi la participation citoyenne dans les débats sur la mondialisation.
Il nous semble tout aussi important que cet Observatoire se préoccupe d'étudier les conséquences sociales de la mondialisation. Il ne peut y avoir de mondialisation maîtrisée et équilibrée, respectueuse des droits humains si elle ne porte pas une attention privilégiée à la dimension sociale de la mondialisation. C'est pourquoi nous considérons comme incontournable d'inscrire dans la mission de l'Observatoire l'étude de la dimension sociale de la mondialisation.
Il y a une formulation actuelle que nous jugeons trop timide et qui devrait prendre clairement parti... Il y a une faute, enlevez le «e» à «partie» avant que vous me le disiez. Ha, ha, ha! Alors, vous corrigez la faute. Alors, la formulation actuelle, je disais, elle est trop timide et elle devrait donc prendre clairement parti pour une mondialisation dont l'objectif est le développement durable qui donne la primauté au développement humain intégral.
Nous aimerions aussi suggérer l'emploi de l'expression «société québécoise», au lieu de «nation québécoise», en cohérence avec le processus d'intégration sociale induit par la mondialisation. Et, à notre avis, ça donne un caractère plus englobant compte tenu de la pluriethnicité que nous vivons au Québec et du milieu de la nation autochtone qui est aussi chez nous.
Les fonctions de l'Observatoire. Quant aux fonctions de l'Observatoire, nous reprenons, pour l'essentiel, une recommandation soumise à l'effet de réaliser un bilan social et économique des effets des accords de libre-échange pour le Québec et, prioritairement, du traité de l'ALENA.
Nous suggérons également d'ajouter à l'alinéa 1° de l'article 4 les domaines de la santé et des services sociaux, des services publics, des nouvelles technologies de l'information et des communications qui sont des domaines aussi très touchés par toute cette question de la mondialisation.
Pour le suivi des négociations auquel fait référence l'alinéa 2° de l'article 4, il ne devrait pas être exclusif aux négociations multilatérales mais s'étendre aussi aux négociations bilatérales.
De plus, l'importance que l'Observatoire collabore avec les organisations de la société civile concernées par la mondialisation... Il nous semble donc opportun d'ajouter ce point à l'article 4, puisque, d'après nous, c'est une donne incontournable au niveau de l'efficacité, pour atteindre l'efficacité.
Nous nous interrogeons également, quant aux fins des activités d'éducation et de sensibilisation, sur la possibilité pour l'Observatoire de s'assurer de la collaboration de certains organismes de développement et de concertation régionale existant dans l'ensemble des régions du Québec, par exemple les CRD, qui pourraient être des lieux privilégiés d'élargissement, d'adhésion et de pénétration des réflexions dans les différents milieux.
n(16 h 30)n Au niveau de l'organisation de l'Observatoire, nous rappelons notre préoccupation pour le choix d'une personne à la présidence de cet organisme qui doit renforcer la crédibilité de l'Observatoire. Par ailleurs, la représentativité des quatre centrales syndicales québécoises devrait être assurée en tenant compte de l'expertise et des champs d'intervention particuliers de chacune. On convient que ce n'est pas un mandat de représentation, mais, en même temps, on sait comment, dans tout le processus de discussion autour de la mondialisation, la société civile a été exclue, et on trouve important d'assurer le plus large éventail possible à l'intérieur de l'Observatoire.
En terminant, il nous semble intéressant de donner comme mandat à l'Observatoire de présenter, après ses trois premières années d'activité, un rapport faisant le bilan des fonctions qui lui ont été assignées dans lequel son conseil d'administration pourrait recommander toute modification pertinente à la réalisation de sa mission, ce qui ne remet absolument pas en question le rapport annuel. Et on recommanderait, pour une première étape, un premier bilan sur deux ans compte tenu des objectifs et de l'importance de ces années autour de ce dossier-là.
En conclusion, nous avons la conviction qu'une mondialisation des échanges reposant sur les valeurs universelles de justice, d'égalité et de développement durable constitue la seule voie pour l'émergence de la démocratie.
Et vous avez en pages 20 et 21 les recommandations. J'attire particulièrement votre attention sur la première. Les autres ont été présentées, mais, dans la première, nous vous recommandons un texte au niveau de la définition de la mission: «L'Observatoire a pour mission de faire comprendre le phénomène de la mondialisation sous tous ses aspects, notamment sur ses dimensions sociales, et de fournir à la société québécoise des informations fiables qui lui permettent d'en saisir les enjeux, d'en mesurer les conséquences, de participer aux débats démocratiques sur ces questions et d'agir de façon éclairée en vue de favoriser la participation citoyenne et de favoriser une mondialisation dont l'objectif central est le développement durable qui, seul, peut garantir le développement humain intégral.» Merci.
Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme Richard, vous rentrez dans votre temps. Alors, Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme Beaudoin: Oui. Merci, Mme Richard, Mme Bernier. Alors, on prend bonne note, en effet, de toutes vos recommandations, mais j'aurais peut-être quelques questions d'éclaircissement concernant ce que vous dites. Par exemple, en page 17, vous dites: «Conséquemment, dans l'énoncé de la mission présenté dans le projet de loi n° 109, la CSQ croit important d'indiquer explicitement l'objectif démocratique auquel doit répondre cet Observatoire afin de garantir la plus grande transparence possible des travaux.» Où est-ce que vous situeriez ça, là, s'il y avait un amendement à faire à cet égard?
Le Président (M. Boulianne): Oui. Alors, Mme Richard.
Mme Richard (Monique): On situerait cet élément-là dans la définition de la mission. Quand vous allez placer... C'est ce qu'on voit d'ailleurs dans la première recommandation. On reprend l'essentiel qui est là dans le texte de la première recommandation pour vous éviter du travail d'écriture. Si vous preniez ce libellé, ce serait bien parfait.
Le Président (M. Boulianne): Alors, c'est bien, merci. Mme la ministre.
Mme Beaudoin: ...copier, coller, c'est ça que vous nous proposez. Bon. Quand vous dites, dans le paragraphe suivant: «De plus, si nous adhérons à l'idée de faire comprendre le phénomène de la mondialisation sous tous ses aspects, il nous semble tout aussi important que cet Observatoire se préoccupe d'étudier les conséquences sociales de la mondialisation», je pense quand même qu'on peut dire qu'on l'a inclus, peut-être pas suffisamment clairement dans votre esprit, mais quand on dit même dans la mission justement «qui lui permettent d'en saisir les enjeux, d'en mesurer les conséquences». Vous, vous dites les conséquences sociales précisément, là, quand on parle... Nous, c'est à l'article 3, là, évidemment, quand on dit «en saisir les enjeux, d'en mesurer les conséquences et d'agir de façon éclairée». Bon, vous voulez préciser «sociales».
Quand on parle de la réalisation, donc, de la mission à l'article 4, 1°, «recueille et analyse des informations sur la mondialisation dans les domaines, entre autres...», «entre autres», le social est là, hein? Le social est nommément exprimé. Mais, si je vous comprends bien, ce n'est pas suffisant, là, vous voudriez que l'on dise «les conséquences sociales».
Mme Richard (Monique): Oui, on voudrait le voir plus que «entre autres», on voudrait le voir vraiment précisé comme principe, comme étant un engagement.
Le Président (M. Boulianne): Oui. Alors, c'est une autre suggestion, ça, Mme Richard.
Mme Richard (Monique): C'est ça.
Le Président (M. Boulianne): Oui, Mme la ministre.
Mme Beaudoin: Très bien. Maintenant, «société», «nation». Vous me dites, bon, les nations autochtones. C'est vrai, vous avez raison, il y a les nations autochtones, il y a la nation québécoise et... Bon. Mais, sinon, je... Pour les nations autochtones, j'accepte, en tout cas, d'emblée ce que vous dites. Il faut, en quelque part, peut-être reconnaître donc leur existence, même dans un projet de loi comme celui-là. Et, quand on dit la «nation québécoise», est-ce que ça les exclut? En tout cas, eux ne se sentent pas, comme tels, partie de la nation québécoise. Et, depuis 1985, cette Assemblée, je crois bien même à l'unanimité, a reconnu l'existence de 11 nations autochtones. Alors là je peux, en effet, accepter votre argument. Mais vous aviez un autre argument pour dire que «société», c'était mieux que «nation québécoise» ? et là je ne vous ai pas suivi dans votre raisonnement ? en dehors, donc, des nations autochtones.
Le Président (M. Boulianne): Alors, Mme Richard ou Mme Bernier.
Mme Bernier (France): C'est parce quand on retrouve le concept, théoriquement, de nation, ça réfère habituellement à l'utilisation d'une langue commune, d'une identité culturelle, le fondement, etc., et je pense qu'au Québec le débat, quand même, a évolué, entre autres suite au rapport de la commission Larose, toute la question de la citoyenneté. Bon, c'est clair qu'il n'y a pas eu nécessairement des prises de position gouvernementales, des lois qui ont institué une citoyenneté québécoise, mais je pense qu'on tend à reconnaître une diversité au Québec et mettre à contribution l'ensemble des cultures, l'ensemble des langues. Conséquemment, effectivement, il existe une nation québécoise, sauf que, au niveau de l'État du Québec, je pense qu'on essaie de se positionner de façon plus largement et de façon de plus en plus englobante sans nier l'ensemble des diversités culturelles. Dans le cadre du processus de mondialisation, je pense que c'est tout à propos, effectivement, de tenter d'utiliser un terme qui laisse la place à l'ensemble de ces diversités culturelles et qui montre que la société québécoise est une société ouverte sur l'ensemble des cultures et qui reconnaît aussi l'existence de nations qui sont d'origine au Québec. Alors, c'est pour ça qu'il nous semblait plus approprié dans ce contexte d'utiliser le terme «société» que «nation», qui nous semblait plus exclusif.
Mme Beaudoin: Intéressant, parce que là-dessus je suis en désaccord avec vous. Je reconnais comme vous bien évidemment la diversité ethnique et culturelle interne au Québec, mais toutes les nations aujourd'hui... Et je pense bien que les Américains se considèrent comme une nation. Or, y a-t-il plus divers que la nation américaine? Et quand le Canada... Je ne sais pas, est-ce que c'est dans le préambule de la Constitution de 1982, «one people, one nation»? Enfin, je ne sais pas, on retrouve... Je pense que le mot «nation», aujourd'hui, que ce soit en France, aux États-Unis ou ailleurs, recouvre l'ensemble des individus qui la composent et qui peuvent être en effet et qui sont d'origine très différente, mais qui forment une nation.
Pour les nations autochtones, comme je vous dis, là, j'accepte cette partie de l'argument, mais, sur l'autre raisonnement, je ne suis pas une spécialiste, là, mais spontanément je crois qu'au contraire ce qui est le plus inclusif, ce qui est le plus englobant, c'est le mot «nation» qui inclut justement tous les Québécois de toutes les origines, c'est la «nation québécoise». Mais enfin c'est un sujet dont on pourrait discuter longuement, mais je n'avais pas très bien compris votre argument là-dessus.
Alors, quant aux fonctions, donc, de l'Observatoire, quand vous dites, là: «La production d'un bilan social et économique des effets des accords de libre-échange pour le Québec et, prioritairement, du traité de l'ALENA», simplement vous dire que ça sera au conseil d'administration. On n'est pas pour mettre ça dans une loi, quand même, c'est au conseil d'administration qui sera formé, qui va déterminer les orientations et puis les priorités de l'Observatoire. Alors, si justement et majoritairement le conseil d'administration décide qu'il faut faire ça... Mais vous savez que c'est très compliqué. J'ai demandé à plusieurs chercheurs s'ils avaient ces bilans-là, ça n'avait pas l'air évident, là, que ça existait. Si ça n'existe pas, il y a peut-être une raison. Je ne le sais pas, là, je vous pose la question: Pourquoi ça n'a pas été fait jusqu'à maintenant?
Mme Richard (Monique): Bien, peut-être qu'il y a des bilans sur le terrain qui ne s'écrivent pas dans des documents, mais, nous, en tout cas, on évalue qu'il serait important qu'au niveau de l'Observatoire cette analyse-là se fasse. On est engagé comme société ou comme nation ? peu importe le terme qu'on choisira ? on est engagé dans une démarche où, de plus en plus, on est en interaction avec d'autres pays, avec des populations d'ailleurs, et il faut faire des bilans à un moment donné si on veut se relancer et faire en sorte que les conséquences soient positives pour nous et pour les autres, d'ailleurs, aussi. Parce qu'on est bien sûr au Québec, on a regardé les affaires pour chez nous, pour le Canada, et pour les Amériques, et pour ailleurs aussi, et je pense qu'on a l'obligation... Souvent, on avance sur différentes pistes de travail ou de réflexion sans prendre ce temps de bilan et d'évaluation. Et peut-être que ce ne serait pas dans le projet de loi, mais on le souhaite bien sûr. Mais je pense que ça doit être dans le mandat de faire ces évaluations-là et de faire en sorte qu'on sache comment se relancer, en termes de perspective, à partir des gestes qu'on a déjà posés et qui ont amené des conséquences, peut-être certaines positives, sûrement d'autres négatives. Et je pense que, dans ce sens-là, on doit faire l'exercice.
n(16 h 40)nLe Président (M. Boulianne): Merci. Oui, Mme Bernier.
Mme Bernier (France): En tout cas, nous, on l'a mis là parce qu'on pense qu'effectivement on doit donner le mandat au conseil d'administration et non pas laisser, dans la première année, le conseil d'administration décider si, oui, c'est pertinent. Effectivement, il n'y a pas... Il y a des bilans, je pense, qui sont faits, on en entend parler, qui commencent à sortir. Entre autres, l'an passé, pour avoir participé à une rencontre internationale au niveau du Mexique, ils ont commencé à faire le bilan de l'Accord, de l'ALENA, pour se rendre compte que ce qu'on avait annoncé dans les premières années, qu'il y avait des effets intéressants pour l'économie mexicaine, a des effets maintenant beaucoup plus négatifs à long terme sur la société mexicaine et sur l'ensemble de son économie. Il y a des données qui commencent à sortir là-dessus, et je ne pense pas qu'on puisse... Si on parle de mondialisation, on parle aussi de ZLEA, on parle de traités de commerce qui vont se mettre en place de plus en plus, et le modèle de référence, c'est l'ALENA. Alors, comment se dispenser, dans un premier temps, de faire le bilan du traité de l'ALENA si on veut poursuivre et étudier le processus de la ZLEA, étudier la mondialisation, étudier ce qui se fait au niveau multilatéral puis l'OMC, d'autant plus qu'on sait que l'ALENA constitue un modèle auquel on puise présentement pour développer le reste? Alors, je pense que c'est important de le mettre là et de ne pas laisser à l'arbitrage du conseil d'administration, dès sa première année, qu'il procède à ce bilan-là.
Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme Bernier.
Mme Beaudoin: Très bien. Tout simplement, en terminant, avant de laisser la parole à mes collègues, je vous ferai remarquer, Mme Richard, Mme Bernier, que vous êtes à l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Boulianne): Oui. Alors, M. le député de La Peltrie.
Mme Beaudoin: Nationale, nation.
Mme Bernier (France): J'ai compris...
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: ...la tête dure. Ha, ha, ha!
Mme Bernier (France): Mais c'est un débat fort intéressant. Moi, j'entends plus le mot «société française», «société québécoise» que «nation» par les temps qui courent.
Le Président (M. Boulianne): Alors, c'est très bien. M. le député de La Peltrie, s'il vous plaît.
M. Côté (La Peltrie): Merci, M. le Président. Alors, Mme Richard, Mme Bernier, bienvenue à cette commission. Merci de la présentation de votre mémoire.
Des voix: ...
Le Président (M. Boulianne): S'il vous plaît. Alors, s'il vous plaît, on fera les échanges après. Alors, M. le député de La Peltrie.
M. Côté (La Peltrie): Alors, vous avez exprimé la possibilité, pour l'Observatoire, là, de collaborer avec les CRD au niveau des régions pour faire la sensibilisation puis la promotion, mais j'aimerais que vous expliquiez davantage peut-être comment on pourrait faire le lien entre l'Observatoire et les CRD, les CRD et les régions, pour qu'ils puissent justement assurer une collaboration. Est-ce que vous voulez que ce soit dans le projet de loi? Est-ce que c'est une proposition que vous faites ou si c'est simplement une suggestion? Parce que le conseil, le C.A., quand même, aura à décider quels organismes pourraient collaborer pour faire la promotion de la mondialisation.
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. Oui, Mme Richard.
Mme Richard (Monique): Oui. Peut-être que là-dessus... France pourra compléter par la suite. Nous, ce qui est important, c'est que la mise en place de l'Observatoire, ça doit générer quelque chose de positif sur le terrain et répondre à son mandat, bien sûr, de recherche, mais aussi d'éducation, de sensibilisation et de débat. Et, ça, si on ne réussit pas à trouver un relais d'enracinement dans les régions, bien ça va rester du discours au niveau national où, au niveau national, les organisations vont intervenir, mais où on sera incapable de faire en sorte que les régions sentent qu'elles ont une prise aussi sur ce débat-là.
Et les gens dans... Ce n'est pas tout le monde qui se retrouve un peu partout dans des organismes nationaux, et il faut que ces tentacules-là soient présentes et efficientes. Et on dit: On ne doit pas multiplier non plus les organismes, il y en a déjà, organisons-nous pour que les CRD ou un autre organisme déjà existant regroupent à peu près la même diversité de personnes qu'on retrouverait au niveau de l'Observatoire en termes de représentation. On est déjà là comme organisation syndicale, la société civile est présente dans les CRD, et donnons-nous des outils. C'est une suggestion qu'on fait.
Et tant mieux si, dans le projet de loi, il y a quelque chose qui crée une espèce d'obligation ou un cadre pour faire pénétrer ce travail-là de réflexion, d'éducation et de sensibilisation dans les différents milieux, parce qu'ils sont concernés au plus haut chef aussi, et je pense qu'on doit donner les moyens. Ce n'est pas un discours, ça, la sensibilisation, et l'Observatoire, pour être efficace et répondre à sa mission, doit avoir des moyens de pénétration sur le terrain. Et je pense que, par le biais d'organismes déjà en place qui ne demandent pas mieux que de continuer à s'investir... Je pense qu'on a là une clé pour faire en sorte que notre population puisse être partie prenante de ces débats-là.
Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme Richard. M. le député, c'est beau?
M. Côté (La Peltrie): Peut-être un autre petit commentaire, M. le Président.
Le Président (M. Boulianne): Une minute, oui?
M. Côté (La Peltrie): Oui. C'est parce que le lien, je crois, est que lorsqu'on regarde la composition qui est proposée dans le projet de loi pour le C.A., c'est quand même à peu près les mêmes organismes ou le même milieu qui va être représenté. Il y a déjà un lien qui se fait, là. Alors, quand on parle des associations syndicales, patronales, communautaires, associatives, et autres, bien je pense qu'il y a déjà un lien qui se fait. Mais vous voudriez, vous, que ça aille plus loin que ça, c'est-à-dire...
Mme Richard (Monique): Bien, c'est parce que c'est le meilleur moyen pour que la réalité régionale soit prise en compte et que les gens se sentent à l'aise chez eux de faire les débats sur des questions qui les interpellent. Bien sûr qu'au niveau national, nous, on est présents dans tous les villages du Québec, on est capables de faire un certain travail. D'autres organisations sont capables de le faire aussi. Mais, à partir de nos préoccupations comme organisation nationale, on va se faire alimenter, puis ça n'a pas la même couleur quand on ramasse ça au niveau régional puis qu'on donne des lieux de discussion. Et, nous, on dit: Ce qui serait intéressant, c'est que le projet de loi mette en place cette contrainte d'enracinement régional. On n'a pas à mettre nécessairement le nom d'un organisme. Moi, j'ai donné un exemple, ça peut être tout autre chose, mais je pense qu'on n'a pas non plus à tout réinventer la roue, là.
Le Président (M. Boulianne): Alors, merci, Mme Richard. Merci, M. le député. Alors, Mme la députée de Jean-Talon.
Mme Delisle: Merci. Alors, bienvenue, mesdames. Moi, je voudrais vous amener sur la composition du conseil d'administration. Ce matin, on a entendu la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante qui souhaitait... Tout en reconnaissant, là, évidemment que les effets pervers de la mondialisation touchaient à la fois, évidemment, tout le volet social, mais ils reconnaissaient, là, que le patronat ne pouvait pas être tout seul à siéger là, là, qu'il fallait que tout le monde soit là. Mais eux autres souhaitaient évidemment davantage d'analyses commerciales. Vous, vous mettez l'importance et l'emphase sur les analyses sociales. Il y a un autre groupe qui vous a précédés qui parlait de développement durable et d'environnement puis, évidemment, qui a prêché pour sa paroisse, puis c'est bien correct comme ça aussi, je n'ai pas de problème avec ça, sauf que j'aimerais que vous nous...
Puis je le sais que vous avez de l'expérience, parce que votre organisme siège sur de nombreux organismes, on vous retrouve partout et on peut bénéficier de votre expertise également, mais comment pouvez-vous concilier la demande que vous faites que les quatre centrales syndicales puissent être assurées d'une place au sein du conseil d'administration lorsqu'on retrouve trois représentants par groupe cible si l'on veut? Qu'on pense au patronat, qu'on pense aux groupes sociocommunautaires, qu'on pense aux groupes syndicaux. Et est-ce que vous voyez un déséquilibre finalement si jamais cette demande-là était faite? Est-ce que vous souhaitez que ça devienne paritaire, donc qu'on augmente le conseil d'administration? Je voudrais vous entendre là-dessus, parce que, s'il est vrai qu'il y a de l'expertise et des champs d'intervention qui peuvent être différents dans chacune de vos organisations, il n'en demeure pas moins que je pense bien que ça se recoupe aussi, là. Alors, je voudrais vous entendre, parce que tout le monde s'entend pour dire que l'Observatoire québécois sur la mondialisation doit être un organisme souple, flexible, efficace. J'insiste sur le mot «efficace». Alors, j'aimerais vous entendre.
Le Président (M. Boulianne): Alors, merci, Mme la députée. Mme Richard.
Mme Richard (Monique): Oui. Bien, écoutez, là-dessus, nous, c'est sûr que quand on dit les quatre centrales syndicales, c'est qu'on prend pour acquis qu'il y a une diversité entre les organisations, qu'il y a un éventail de connaissances aussi, et de travaux qui ont déjà été faits, et d'engagements autour de ces débats-là, et qu'on voudrait être en mesure de contribuer. Bien sûr, on sait pertinemment que ce n'est pas un mandat non plus de représentation, c'est la contribution d'une personne qui va là comme individu, à partir de son expertise, faire valoir son point de vue.
n(16 h 50)n Et on n'a pas d'objection... Bien, on ne veut pas provoquer de disproportion entre la place du mouvement syndical et la place des autres groupes, donc il y a des ajustements qui pourraient se faire. En même temps, bien sûr, ça a comme conséquence d'augmenter le nombre, mais j'ai presque envie de vous dire que tout ce débat-là autour de la mondialisation a pignon sur rue depuis bien longtemps, que la société civile en a été exclue et que maintenant on veut, on veut être partie prenante, on veut s'engager, on veut dire les choses, on veut participer à la réflexion, et, dans ce sens-là, je pense qu'il est important que cet Observatoire puisse, sans s'arroger une compétence démesurée... puisse bénéficier de la connaissance et de l'expertise des différentes organisations syndicales qui ont quotidiennement à manoeuvrer avec les conséquences de la mondialisation au niveau des travailleurs et des travailleuses, de l'impact dans le cadre des services, au niveau des familles. On le sait pertinemment de plus en plus, les conséquences de ça, et je vous dirai que si, dans la population, il y a encore plein de gens qui pensent que la mondialisation, c'est pour ailleurs dans le monde, de plus en plus, on est en mesure d'en mesurer les conséquences et, à ce moment-là, de demander d'avoir la capacité d'être présent au niveau de cette organisation.
Le Président (M. Boulianne): Oui. Est-ce que...
Mme Delisle: ...vous n'avez pas d'objection à ce qu'on...
Le Président (M. Boulianne): Mme la députée, je pense que Mme Bernier voulait rajouter quelque chose.
Mme Delisle: Excusez-moi.
Mme Bernier (France): Non, ça peut aller, là. Je reviendrai.
Le Président (M. Boulianne): O.K.
Mme Delisle: C'est que si c'est quatre représentants du milieu syndical, ça pourrait être quatre du milieu patronal puis quatre du milieu... Bon.
Une autre question. Vous avez proposé un ajout à l'article 4, et je vous cite à la page 18 de votre mémoire, dans le bas de la page, vous dites: «De plus, tant dans le recueil et l'analyse des informations que dans ses activités de sensibilisation et d'éducation, nous vous avions signalé, lors de la précédente consultation, l'importance que l'Observatoire collabore avec les organisations de la société civile concernées par la mondialisation. Il nous semble donc opportun d'ajouter un point à cet effet à l'article 4.» Moi, j'aimerais que vous m'expliquiez la différence qu'il y a entre ce que vous proposez et ce qu'on retrouve déjà dans l'article 4 du projet de loi.
Le Président (M. Boulianne): Merci. Mme Richard ou Mme Bernier?
Mme Bernier (France): Parce que dans l'article 5 on parlait d'organismes, de façon générale, intéressés par la mondialisation, notamment les institutions universitaires et les centres de recherche, sauf que des organisations de la société civile, de façon générale, c'est beaucoup plus large que ça. Et je pourrais répondre en même temps à une question où ils disaient pourquoi faire une emprise, aller développer des liens dans les régions en mentionnant que les gens qui siégeaient au conseil d'administration, c'est déjà des organismes qui avaient des liens dans le milieu. Sauf qu'il faut être cohérent, l'esprit de la loi veut que ces gens-là ne représentent pas les organisations qui sont dans le milieu. On convient qu'il va y avoir différentes limites à la capacité et au nombre de personnes qu'on peut mettre sur le conseil d'administration si on veut le rendre efficient. Alors, il ne faudrait pas négliger la plus large participation et consultation de l'ensemble des organisations de la société civile. Je vous dirais que tout le processus de mondialisation... Justement, vous disiez que les gens prêchent pour leur paroisse pour définir ou pour dire qu'on doit se préoccuper de telle ou telle chose, je pense qu'il faut reconnaître qu'il y a difficulté de faire consensus sur une définition de la mondialisation. Alors, il y a un défi intéressant qui se pose à l'Observatoire, c'est de mettre en interaction des gens qui ont des points de vue différents, et c'est pourquoi c'est important de favoriser la participation la plus large, sans restriction, pourquoi, nous, on mentionne les quatre centrales syndicales, entre autres.
Mais ça ne veut pas dire qu'on exclut qu'il devrait... On est d'accord avec le principe de parité aussi, mais on renforce cette idée-là de se lier avec les autres organisations de la société civile. Ce ne sont pas que les syndicats, que les centrales syndicales, ce ne sont pas que les organisations qui pourront siéger au conseil d'administration qui sont représentatifs de l'ensemble de la société civile, et je pense qu'au niveau de la démocratie il faut faire un pas en avant là-dedans, il faut déborder la représentation normalement reconnue à certaines organisations plus institutionnalisées et aller voir sur le terrain, travailler avec l'ensemble de la population. Et je pense que, là-dedans, il y a eu effectivement une volonté de la ministre de faire en ce sens-là, et les amendements vont pour confirmer ces intentions-là qui, à notre avis, ne sont pas explicites dans le projet de loi.
Mme Delisle: Ce n'est pas un peu implicite lorsqu'on parle de colliger l'information, de consulter, d'analyser? Il me semble que, si je siégeais au sein d'un tel conseil, mon premier réflexe, ce serait d'essayer de ratisser le plus large possible et d'aller chercher évidemment les informations qui sont sur le terrain, que je ne recevrais pas nécessairement de la bouche de gens qui siègent sur le même conseil que moi. Mais il me semble que l'expérience ou la somme des expériences assises autour de cette table-là fait en sorte qu'il y a quelqu'un qui va dire: Bien, il faut aller consulter l'organisme X qui ne siège pas ici.
Mon interrogation, en fait ? je ne veux pas en faire un plat ? c'est juste que, à mon avis, à vouloir être trop précis, souvent on passe à côté du bateau, là, il y a des gens qui vont se sentir exclus. La collaboration, à mon avis, elle est implicite à partir du moment où on analyse, on corrobore, on recueille, on fait de la veille, on fait du monitoring. C'est un commentaire, finalement, que je vous fais. Puis, ce n'est pas une critique, c'est simplement par curiosité que je me demandais pourquoi vous sentiez l'obligation d'ajouter ça dans un projet de loi. Je vous remercie.
Le Président (M. Boulianne): Mme la députée de La Pinière, vous avez quelques minutes.
Mme Houda-Pepin: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Très brièvement, je ne voudrais pas relancer le débat sur la nation, mais j'avais envie d'intervenir, sauf que l'ordre de parole étant ce qu'il est, lorsque la ministre avait référé à la nation américaine... Je voudrais lui suggérer une lecture fort intéressante qui m'a été imposée comme lecture obligatoire à l'université. C'est un ouvrage qui s'intitule Les mythes fondateurs de la nation américaine, chez Maspero...
Une voix: ...bon livre.
Mme Houda-Pepin: ...et très intéressant, parce que vous allez voir que les nativistes, les porteurs de la nation américaine, s'opposaient, entre autres, à ce qu'un catholique soit porté président aux États-Unis parce qu'ils considéraient le catholicisme comme une menace à la cohésion de la soi-disant nation américaine. Je fermerais la parenthèse là-dessus, puis on continuera le débat entre nous.
Cependant, je voudrais saluer Mme Richer puis Mme Bernier...
Une voix: Richard.
Mme Houda-Pepin: Richard et Mme Bernier, les représentantes de la Centrale des syndicats du Québec. Mon premier commentaire sur votre mémoire, qui est fort bien documenté, j'ai été surprise que vous ne vous soyez pas préoccupés de l'impact de la mondialisation sur l'éducation, sachant que vous êtes une centrale syndicale dont 100 000 membres sont du milieu de l'éducation. Parce que, ce matin, on a entendu les représentants des étudiants, des professeurs universitaires, et je me suis dit: Vous, dans votre mémoire, vous allez aussi peut-être toucher à ça. Donc, est-ce que c'est volontaire? Est-ce que c'est parce que vous ne voyez pas d'enjeux pour le secteur de l'éducation ou parce que vous allez nous enrichir de votre réflexion à un autre moment?
Le Président (M. Boulianne): Merci. Mme Richard.
Mme Richard (Monique): Cette dimension est déjà présente dans le projet de loi, et je vous dirai que, non, on voit effectivement des enjeux majeurs pour le secteur de l'éducation, que ce soit au niveau universitaire, que ce soit au niveau collégial. On sait comment, déjà, ces secteurs-là sont interpellés et comment, déjà, il y a des conséquences de cette mondialisation. Et on sait aussi que, dans certains choix gouvernementaux, il y a l'influence aussi d'une certaine mondialisation dont on ne veut pas, et c'est pour ça... Non, on n'y est pas revenu parce qu'on a regardé les choses plus largement, plus globalement, quand on parle des services publics, et ainsi de suite, et que, déjà, dans le projet de loi, c'était présent, bien sûr.
Mme Houda-Pepin: Dans votre mémoire, à la page 17, vous dites que vous considérez «qu'il est incontournable d'inscrire dans la mission de l'Observatoire l'étude de la dimension sociale de la mondialisation». Moi, quand je regarde l'alinéa 1° de l'article 4, la dimension sociale est déjà inscrite. Est-ce que vous trouvez que ce n'est pas assez explicite, ce n'est pas assez fort, puisque le mandat de cet Observatoire, sa mission serait, entre autres, de recueillir, analyser «des informations sur la mondialisation dans les domaines, entre autres, culturel, économique, éducatif, environnemental, financier, politique, social et du travail», et on ajoute un petit peu plus loin également linguistique? Est-ce que vous trouvez que le libellé de la mission dans l'alinéa 1° de l'article 4 n'est pas assez suffisant et qu'il faudrait peut-être l'inscrire avec plus d'emphase dans le projet de loi?
Le Président (M. Boulianne): Merci. Mme Bernier.
Mme Bernier (France): En tout cas, il y a peut-être quelque chose sur lequel on ne s'entend pas, c'est sur la définition du «social» tel qu'il est mentionné là, parce que là il est traité comme étant un secteur. Alors, est-ce qu'on réfère aux secteurs sociaux, services sociaux, est-ce qu'on réfère à des mesures sociales particulières? Nous, ce à quoi on réfère, c'est à l'ensemble des effets sociaux sur la population, et le social englobe les effets au niveau de l'éducation, au niveau de la santé, au niveau économique, au niveau de la diversité culturelle. Si vous voulez, on le met en parallèle avec ce qu'on entend, sur les effets économiques, entre autres. Bon, ce que pourrait souhaiter l'Association canadienne des manufacturiers indépendants en disant: Il faut faire une analyse commerciale, donc on veut connaître les effets commerciaux et économiques, particulièrement, des échanges. Nous, on dit: On veut, sur les échanges, les traiter, connaître les effets sociaux, donc, qui ont des impacts sur l'ensemble des secteurs nommés à l'article 1.
n(17 heures)n C'est cette dimension sociale là à laquelle on fait référence. Au même titre d'ailleurs que l'OIT, si je ne me trompe, et l'OCDE travaillent sur les effets sociaux de la mondialisation, prise dans son sens large, conceptuellement parlant, comme un secteur d'activité particulier.
Mme Houda-Pepin: D'accord. Donc...
Mme Richard (Monique): C'est pour ça qu'on le verrait aussi dans... on le verrait surtout dans l'article 3. Il faudrait qu'il soit précisé là.
Mme Houda-Pepin: D'accord. Vous, vous voyez le social comme plus englobant, avec les différentes dimensions de la société. On a terminé. Merci beaucoup, M. le Président. Merci, Mme Richer... Mme Richard.
Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. Merci, Mme Richard, Mme Bernier. Alors, je demande maintenant au Réseau québécois sur l'intégration continentale de bien vouloir se présenter.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Boulianne): La commission continue ses travaux. Alors, j'invite donc le Réseau québécois sur l'intégration continentale, leur rappeler que le temps alloué est de 45 minutes; vous avez 15 minutes pour présenter votre mémoire. Alors, je demanderais au porte-parole de s'identifier et de présenter les personnes qui l'accompagnent. On en connaît déjà.
Réseau québécois sur l'intégration
continentale (RQIC)
M. Brunelle (Dorval): Oui. Mon nom est Dorval Brunelle. Je suis professeur et chercheur à l'Université du Québec à Montréal, mais membre actif, peut-être même membre fondateur, du Réseau québécois sur l'intégration continentale. Je suis entouré de mes collègues et camarades Micheline Jourdain, de l'AQOCI, France Bernier, de la CSQ, et Mathieu Bonsaint, du SGPQ, qui sont trois des 22 membres du Réseau. Je me suis trompé?
Une voix: SPGQ.
M. Brunelle (Dorval): SPGQ.
Le Président (M. Boulianne): Alors, allez-y, on vous écoute.
M. Brunelle (Dorval): M. le Président, pardonnez ça, c'est la sénilité. Je voulais peut-être commencer par, comme l'ont fait les autres, féliciter la commission des institutions de la tenue de ces auditions. Je ne vous présenterai pas le Réseau québécois autrement qu'en disant qu'on est dans le dossier de la mondialisation plutôt sous l'angle critique depuis déjà au moins une dizaine d'années. Le Réseau est présenté dans le document.
Je vais passer tout de suite à quelque chose qui ? étant donné que le temps m'est compté ? quelque chose qui m'apparaît peut-être un peu plus difficile et puis qui n'a probablement pas été abordé jusqu'à maintenant, qui est toute la question de... On parle toujours de mondialisation, il est bien question d'un observatoire sur la mondialisation. Je voudrais peut-être envoyer un pavé dans la mare et parler deux secondes de globalisation, parce qu'il s'agit, à mon avis, de deux choses complètement différentes. Maintenant, ce que je vais dire, il ne s'agit pas de penser, à travers mes remarques, que je voudrais qu'on change l'intitulé, ce n'est pas ça du tout, mais je voudrais seulement attirer l'attention sur le fait qu'il ne faudrait pas que l'Observatoire soit en retard d'une coche.
On désigne comme «mondialisation» quelque chose d'assez classique qui repose sur une distinction entre l'international et le national, le privé et le public, un modèle qui a été bien construit au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, à l'intérieur duquel, ce modèle, l'État nation jouait un rôle fort, entre autres, au niveau de la gestion de l'économie nationale.
La globalisation n'a pas grand-chose à voir avec ça. Et ça, la plupart des auteurs s'entendent là-dessus, la globalisation, comme disent joliment nos collègues de l'autre côté de l'Outaouais, «is a bird of a different color». La globalisation, comme oiseau d'une différente couleur, est fondée essentiellement sur une préoccupation fondamentale qui est la préoccupation de décloisonner, décloisonner l'économie nationale, décloisonner les secteurs publics, décloisonner, décloisonner. Son maître mot, sa vision, c'est essentiellement la vision de privatiser, de déréglementer. C'est de ça qu'il est question et c'est ça qui fait qu'on parle... On peut toujours appeler ça la «mondialisation», des fois on appelle ça la «mondialisation néolibérale», avec raison, la libéralisation extrême des marchés, il y a toutes sortes de synonymes, là, mais il devrait être clair que, si on met sur pied un observatoire, l'Observatoire, il va faire quelque chose qu'on n'a pas fait et pour lequel on a besoin d'avoir des instruments, parce que ce n'est pas évident du tout que l'Observatoire va pouvoir faire ce qu'il va vouloir faire. Pourquoi? Parce qu'une des difficultés qu'on a avec cette globalisation, et la première chose à laquelle on est confronté, c'est le secret, c'est la clandestinité, c'est la connivence entre les gouvernements ou certains gouvernements et les milieux d'affaires. Et ça, ce n'est pas facile d'essayer de lever le voile là-dessus.
En amont, la globalisation, elle est fondée sur des nouveaux partenariats entre les milieux d'affaires et les gouvernements. Bien sûr, ça concerne directement les milieux d'affaires québécois, ça, non pas dans une vision un peu complaisante de savoir comment il faudrait faire des analyses commerciales pour savoir quels créneaux les entrepreneurs québécois devraient ouvrir du côté des exportations, mais essentiellement parce que la négociation de la globalisation se fait sans eux. J'ai l'impression qu'à part quelques grands acteurs comme Bombardier, GM... GM, je m'excuse, ils s'en vont. Alors, je recommence le raisonnement. J'ai l'impression qu'à part certains grands acteurs économiques comme Bombardier, GE, General Electric ou autres, là, ou Bell, peu d'entrepreneurs québécois savent ce qui se passe et savent les conséquences de la globalisation sur leur propre milieu économique. Alors, il ne faudrait pas que cet Observatoire devienne le lieu dans lequel on essaie de trouver des créneaux, il faudrait peut-être prévoir autre chose pour ça, il faudrait au moins que l'Observatoire serve à savoir comment on n'est pas dans le coup.
Et soyons sérieux, là. L'Observatoire, il devrait avoir un rôle très polémique pour faire ça, et, finalement, sa première cible, de l'Observatoire, ce seront les mécanismes de négociation de la libéralisation des marchés et bien sûr ? j'espère que ça va faire plaisir jusqu'à un certain point ? le gouvernement fédéral qui met en place ces mécanismes-là. Est-ce que les intérêts québécois, des entreprises, hein ? je ne parle même pas de ceux des syndicats, vous voyez à quel point je fais des compromis ? est-ce que ça veut dire... est-ce qu'ils sont à la table, est-ce qu'ils savent ce qui se passe? Et c'est là qu'est la question la plus litigieuse. Ma réponse, pour le moment, c'est que, non, on ne sait pas ce qui se passe.
Alors, c'est pour ça que j'avoue être un peu mal à l'aise avec... ? c'est comme ça que le mémoire a été rédigé, au fond ? un peu mal à l'aise avec l'article 3, «faire comprendre». Et c'est pour ça qu'on a cité d'autres exemples de définition d'observatoire. Je pense qu'on risque d'être un peu complaisant avec cette idée de faire comprendre. Il faudrait peut-être passer en mode un peu plus actif, proactif ? pour prendre un terme affreux mais qui est à la mode ? et définir une mission très claire de ce que l'Observatoire devrait faire, il devrait essayer d'avoir accès à cette information-là, il devrait essayer de l'avoir, l'information, c'est la première chose, c'est la clé de sa compréhension.
Et je veux tout de suite vous dire une chose, pour l'avoir essayée au niveau de certaines équipes de recherche: ce n'est pas évident du tout qu'on va y parvenir et ce n'est pas évident du tout qu'on est capable d'ouvrir ce que j'appelle parfois ces «boîtes noires» des négociations. Le Québec n'étant pas à la table, on ne sait pas ce qu'il ferait s'il y était. Il n'est pas à la table, c'est peut-être l'occasion d'essayer de voir ce qui se passe à ces tables et de savoir comment les entités politiques comme le Québec sont coincées dans un processus comme celui-là. De dire, du coup, d'autant que ça s'annonce assez... pas dans un avenir prévisible... Il faudrait que le Québec soit assis ? c'est effectivement, peut-être, un voeu ? mais il n'est pas sûr du tout, s'il était assis, qu'il jouerait le jeu qu'il peut jouer, ne l'étant pas. Ça, c'était ma première chose, ma première remarque donc concernant cette idée de globalisation comme étant quelque chose d'assez différent de ce à quoi on pense quand on renvoie à l'idée de mondialisation.
n(17 h 10)n Deuxième question, très rapidement, mais en lien avec la première. C'est la raison fondamentale pour laquelle on ne comprend pas la globalisation, la raison fondamentale pour laquelle on ne voit pas ce qu'est la globalisation qui explique, à mon avis, la montée des mouvements contre la mondialisation. Il y a quelque chose d'assez intéressant entre l'un et l'autre, là. Et là aussi, l'Observatoire ne pourra pas régler ce problème-là, puis on ne peut pas, surtout, penser que la mise en place d'un observatoire va attiédir les ferveurs contre la mondialisation néolibérale, ce n'est pas vrai.
C'est intéressant de voir que, dans la dernière année ou à peu près, les grands coups qui ont été portés contre cette mondialisation extrême, c'est essentiellement les mouvements sociaux qui les ont portés, ce ne sont pas les assemblées parlementaires, et ça, je trouve que c'est un peu tragique, jusqu'à un certain point. Par exemple, c'est à la suite de la dénonciation du déficit démocratique dans la négociation de la Zone de libre-échange des Amériques qu'on a, finalement, obtenu les textes de la négociation. Je ne veux pas me prononcer sur l'état de la négo, mais c'est quand même assez extraordinaire. Ce n'est pas des Parlements qui ont demandé ça, qui auraient dû être les premiers concernés par le fait qu'ils ne savaient pas ce qui se passait, c'est les mouvements sociaux qui l'ont obtenu.
L'autre est encore beaucoup plus étonnante. On est entrés dans le Sommet de Québec, le troisième Sommet des Amériques. On nous a dit: Les mouvements sociaux, ne parlez donc pas de démocratie. Nous sommes tous élus; après tout, vous, vous n'êtes pas nécessairement dans les groupes que vous représentez. Et, finalement, donc, ils avaient parlé de commerce, mais ils ont fait un cadeau auquel on ne s'attendait pas: ils sont sortis de là avec une charte démocratique interaméricaine. On ne leur en demandait pas tant, mais toujours est-il qu'ils nous l'ont donnée. Là encore, cette charte, elle n'est pas venue d'aucun des Parlements des Amériques; elle est venue essentiellement comme une réponse de la pression qui a été exercée par les mouvements sociaux, surtout parce que c'est des engagements qui avaient été pris par les chefs d'État au moment du premier Sommet des Amériques.
Je mentionne ça parce que ? on le voit maintenant à Johannesburg, on va le voir de plus en plus, puis on va le voir parce que le mouvement contre cette globalisation, cette mondialisation néolibérale prend de l'ampleur ? c'est là qu'il y a une partie de la solution à la difficulté dans laquelle on se trouve. Alors, ce point 1 et le point 2 m'amènent à tomber dans le sujet, c'est-à-dire à parler vraiment de cet Observatoire.
On a utilisé un certain nombre d'exemples dans le mémoire ? je ne vais pas y revenir: Est-ce que l'Observatoire devrait être une passerelle pour les acteurs sociaux? Dans le contexte européen, ça passe bien, cette idée-là, parce que le projet européen est très différent du projet américain, hein, ou panaméricain. Le projet européen vise la construction et l'implication des acteurs dans une construction de ce qu'on appelle joliment une «maison commune». Le projet américain dans lequel sont compromis les gouvernements du Canada et des États-Unis, ce n'est pas une maison commune, c'est vraiment une espèce de gare ouverte à l'intérieur de laquelle... ? je ne sais pas quelle métaphore prendre, là. En tout cas, c'est quelque chose qui n'a rien à voir avec une maison commune; c'est quelque chose qui vise davantage le démantèlement des maisons plutôt que la construction; le décloisonnement, si vous voulez ? je ne sais pas, ce qu'il reste d'une maison quand on a enlevé toutes les cloisons. Enfin, je ne sais pas, là. Donc, l'idée de passerelle me semble difficile, et c'est un peu ça que je vois dans le projet qui est ici. Ce qui n'est pas mauvais, mais il faudrait voir quelles sont les limites d'une institutionnalisation comme celle-là dans le contexte québécois.
Deuxièmement, je ne voudrais pas ? je pense que je voudrais partager ici un souci peut-être plus polémique ? je ne voudrais pas que l'oiseau qui va sortir de cette législation sur l'Observatoire québécois sur la mondialisation ne se trouve pas de plain-pied avec les autres observatoires sur la mondialisation dans le monde, qu'il ne soit pas aussi critique que l'Observatoire sur la mondialisation qui est dirigé par Mme Susan George, peut-être pas, mais il ne faudrait pas qu'il soit très loin en arrière non plus.
Ce que je veux dire c'est qu'il ne faudrait pas que l'Observatoire, en utilisant le terme, on atténue un peu sa fonction polémique, sa fonction critique, cette idée d'aller chercher de l'information, cette idée un peu de bousculer les idées reçues. Et je trouve, pour ça, que l'initiative de l'Observatoire est magnifique. Parce que je suis tout à fait conscient que certaines assemblées législatives, certains Parlements sont un peu coincés par le secret, coincés par la nature des négociations en cours. Et, en créant un observatoire, on pourrait peut-être parvenir, là, à avoir quelque chose qui pourrait aller chercher cette information, qui pourrait être critique sur ce qui se passe; critique, ça ne veut pas dire démolir, hein. Ça ne veut pas dire ça du tout, là, mais ça veut dire au moins, en tout cas, casser cette idée du secret, casser cette idée de connivence un peu trop forte entre certains milieux autour du dossier de la mondialisation.
Alors, peut-être pour terminer ? parce que je vois que mon temps s'écoule, là ? peut-être pour terminer, le souci central, ce serait de voir à ce que cet Observatoire fasse de la veille, qu'il soit comité de veille. Ça, on l'a mentionné dans les recommandations du rapport, du mémoire. Comité de veille, ça veut dire qu'il suit les négociations et, parmi les négociations, il ne faut surtout pas oublier celles de l'ALENA. Nous, on a déjà le chapitre XI. On a déjà l'AMI. Mais on n'a pas seulement l'AMI, on a aussi le chapitre XX, les chapitres XIX et XX. On a tous ces comités de négociation qui négocient du libre-échange à la pelle au moment où on se parle. Qui sait ce qui se passe dans ces comités?
Donc, je pense que c'est très important de bien centrer sur ce qui nous concerne ici. La ZLEA n'est pas encore négociée. La ZLEA n'est pas encore signée. Ça va aller mieux maintenant que le président des États-Unis a obtenu ce «Trade Promotion Authority».
Mais, quoi qu'il en soit, on a déjà, nous, quelque chose qui est carrément nouveau, qui est de loin le document commercial le plus innovateur. Il faudrait peut-être qu'on sache ce qu'il fait, ce document-là. Il y a bien des intuitions qu'on a sur l'effet de l'ALENA sur la politique d'éducation, l'effet de l'ALENA sur la politique de santé, qui auraient besoin de très peu d'effort pour que les liens entre les deux soient établis de manière très forte et qu'on sache davantage, au Québec, comment imputer le virage qu'on a connu dans certains secteurs, comment l'imputer à des engagements auxquels on a souscrit dans le contexte de l'ALENA. Voilà. Je pense que je vais terminer là-dessus.
Le Président (M. Boulianne): Alors, merci beaucoup, M. Brunelle. Alors, pour procéder maintenant à la période d'échange, Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme Beaudoin: Oui. Mesdames, messieurs, M. Brunelle, alors j'ai trouvé... très, très, très intéressant et très stimulant. J'aimerais ça avoir une vraie discussion de fond, mais qu'on aura peut-être à un autre moment, parce que vous nous avez beaucoup interpellés. Mais, aujourd'hui, je suis d'accord avec vous sur certains points.
Moi, quand j'ai commencé à réfléchir à cette question-là, c'était au moment du Sommet des Amériques, donc il y a ? quoi? ? un an et demi maintenant, puis le Sommet des peuples qui s'est tenu en parallèle. Puis on avait beaucoup discuté avec le Réseau à ce moment-là. Même peut-être un an avant que le Sommet se tienne, j'avais eu mes premières rencontres avec le Réseau, avec certains représentants donc du Réseau. Et je suis allée, après tout ça, à Pôrto Alegre. En tout cas, donc, cette réflexion-là, moi aussi, elle m'est venue du fait qu'on ne sait pas ce qui se passe.
Ce secret dont vous parlez, il est évident que c'est à partir de là où on s'est dit... peut-être, ce n'est pas utopique, mais il me semble que c'est raisonnable de penser que chacun peut avoir un certain nombre d'informations dans son secteur. Ce matin, par exemple, la FTQ nous a dit que, tout récemment, c'était tout récent, ça faisait très longtemps qu'elle le demandait... Parce que je pense qu'il y a un «business forum», en effet, qui est consultatif auprès du gouvernement canadien, mais que les syndicats, en tout cas la FTQ, n'étaient pas partie prenante à cette consultation mais que, là, c'était le cas depuis je ne sais pas quand mais, en tout cas, récemment et que ça fait longtemps qu'ils le demandaient, etc.
Alors donc, si chacun, dans les secteurs concernés, qui va se retrouver autour de la table du conseil d'administration a des informations privilégiées, soit par son réseau international, soit par des consultations avec le gouvernement canadien... Mais, en tout cas, tout le monde doit être plus consulté que le gouvernement du Québec; ça, je vous l'assure. Quiconque doit être davantage consulté que le gouvernement du Québec. Parce que, moi, j'ai écrit ? je vous le dis, là ? deux fois à M. Graham récemment, tout récemment, pour lui dire, suite à sa nomination: J'aimerais vous rencontrer pour discuter de l'ensemble des questions internationales qui concernent le Québec. Alors, j'ai eu une première réponse où il m'a dit de rencontrer Denis Paradis. Je lui ai dit: Je rencontrerai M. Paradis sur le Sommet de la francophonie, puisqu'il est secrétaire d'État à la Francophonie, mais les relations internationales du Québec vont bien au-delà, justement, ne sont pas réduites à la francophonie. On fait beaucoup d'autres choses et depuis très longtemps.
Puis je terminais en lui disant, en faisant appel à lui en lui disant: Bien, un homme de votre qualité ? puisqu'on me dit que c'est un homme de qualité ? devrait comprendre ça et me rencontrer. Et, cette fois-là, je n'ai pas eu de réponse. Ça fait au moins ? quoi, trois mois? ? deux, trois mois que je lui ai écrit. Donc, je ne désespère pas. Mais, vous voyez, il n'y a personne de moins consulté que nous. Alors donc, par conséquent, on ne sait pas ce qu'il se passe. En effet, il y a des fonctionnaires du MIC qui peuvent avoir des rencontres ponctuelles avec leurs homologues et tout. Mais, comme tel, le gouvernement du Québec ne l'est pas.
Donc, toute cette question du secret, question d'accès à l'information, vous me dites: Ce ne sera pas simple; ce ne sera pas facile; c'est peut-être même impossible. Mais je veux au moins qu'on essaie puis qu'on mette tous ensemble ce qu'on sait, puis ce qu'on a appris, puis ce que chacun connaît. Et ça va peut-être, à ce moment-là, nous permettre d'avoir quand même une vision plus globale, en effet, de ces négociations-là. Alors, l'accès à l'information, c'est une des raisons premières et profondes de la création de cet Observatoire. Si on veut la diffuser, il faut en effet aller la chercher. Bon.
n(17 h 20)n Deuxièmement, vous me dites: Les parlementaires... Je veux revenir un peu là-dessus, parce que, bon, les documents, les fameux documents pré-ZLEA, qu'est-ce qui s'est passé? Nous, quand on les a eus, au gouvernement du Québec, j'ai bien pensé... vous imaginez bien que la tentation était énorme et la pression d'ailleurs, parce que Jean-Pierre Charbonneau, président de l'Assemblée nationale, a dit: Oui, oui, il faut les rendre publics. Vous imaginez bien que plus jamais le gouvernement du Québec aurait... parce qu'il y avait eu comme une entente que c'étaient des documents confidentiels et que, si on les rendait publics, le robinet, qui déjà coule goutte à goutte, bien là il aurait été fermé, puis à triple tour. Alors, ce que j'ai fait, vous le savez, j'ai permis aux membres, aux parlementaires de cette commission d'en prendre connaissance. Puis, il y en a, en tout cas, des deux côtés de la Chambre, qui l'ont fait de façon très attentive et très studieuse. Mais c'est vrai qu'on ne les a pas rendus publics à ce moment-là pour les raisons que j'indique. Mais je n'en ai pas eu d'autres depuis, là. Bon.
Alors, vous me dites par ailleurs... Bon. Et je veux ajouter là-dessus qu'on a quand même décidé... puis on a passé à l'unanimité récemment la loi n° 52. Vous savez, dorénavant, que tous ces accords commerciaux importants vont venir devant l'Assemblée puis avant que le gouvernement les ratifie, en ce qui concerne ses propres juridictions et ses propres compétences, l'Assemblée nationale se sera prononcée. Il y aura eu un débat à l'Assemblée nationale et, éventuellement, c'est prévu par la loi n° 52, des audiences comme celle que l'on fait aujourd'hui. Donc, on discutera carrément sur des textes à ce moment-là. Bon.
Et vous me dites: Ça n'attiédira pas. Ce n'est pas du tout mon objectif, vous imaginez bien, d'attiédir quoi que ce soit, les convictions des uns et des autres, les miennes non plus d'ailleurs, hein, bon. Alors, ce n'est pas pour ça qu'on fait ou qu'on crée cet Observatoire. L'objectif, c'est vraiment le choc des idées, le débat, que cet espace public, je veux dire, d'expression des différents points de vue soit le mieux entendu et le plus entendu possible à travers tout le Québec. Voilà, c'étaient les commentaires que je voulais vous faire en réponse à votre cours non pas 101, mais au moins 102. C'était très intéressant.
Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, monsieur, est-ce que vous avez des commentaires suite à l'intervention de la ministre? D'autres personnes veulent intervenir? Ça va? Est-ce que, du côté ministériel, il y a des questions? Très bien. Alors, M. le député d'Outremont, vous avez la parole.
M. Laporte: Merci, M. le Président. Enfin, sur la distinction que vous faites entre globalisation et mondialisation, je trouve que c'est tout à fait pertinent parce que finalement les gens qui réfléchissent à ce problème-là, comme Soros, Stiglitz, ils ne parlent pas de mondialisation ? évidemment, il y a un problème terminologique ? mais ce dont ils font, c'est la critique, c'est largement la critique des problèmes dont vous avez parlé vous-même. Enfin, dans certains cas, c'est beaucoup plus pointu que ça.
Moi, je veux vous poser une question parce que je trouve que vos commentaires ont pour effet de soulever beaucoup d'ambiguïté dans ce projet de loi là. Parce que je lis ce texte-là et je trouve que c'est un peu inhabituel. Je veux dire, ce qu'on crée ici, si j'ai bien compris, c'est un organisme d'éducation nationale. Là, on dit: Faire comprendre, diffuser des informations et ainsi de suite, et c'est un organisme d'éducation nationale. Il n'y en a pas beaucoup d'organismes d'éducation nationale comme ça au Québec qu'on appelle des «observatoires». Il y en a peut-être d'autres, mais je n'en connais pas. Et c'est un organisme qui relève d'un ministre, donc qui est imputable à un ministre.
Et la question que je me pose, c'est: Si c'est un organisme d'éducation nationale, est-ce que cet organisme-là ne devrait pas relever de l'Assemblée nationale plutôt que d'un ministre et, à ce moment-là, avoir... en particulier en ce qui concerne la question que vous avez soulevée, à savoir, celle du secret des négociations et du mécanisme de ces négociations... À ce moment-là, cet organisme-là aurait une marge de manoeuvre beaucoup plus grande parce que, quels que soient ses propos, quels que soient ses conseils, ses recommandations, quels que soient les messages qu'il voudrait lancer ? on dit ici à la nation québécoise, mais ça pourrait être au public québécois ? il aurait une marge de manoeuvre beaucoup plus grande que s'il relève d'un ministre ou d'un ministère qui, par ailleurs, peut avoir des positions déjà prises, qui sont arrêtées et contraignantes là-dessus.
Donc, dans un premier temps, la question que je vous demande, c'est: Est-ce que vous trouvez que cet organisme devrait relever de l'Assemblée nationale ? et, à ce moment-là, ça voudrait dire que les députés n'en feraient pas partie parce que ce serait un peu contradictoire ? plutôt que de relever d'un ministre ou d'une ministre ou d'un ministère? Est-ce que ça ne lui donnerait pas une marge de manoeuvre à débattre des questions auxquelles vous avez fait référence qui serait supérieure à la marge de manoeuvre d'un organisme qui relèverait d'un ministère ou d'un ministre ou d'une ministre? Vous comprenez ma question?
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. M. Brunelle, ou Mme Bernier.
Mme Bernier (France): Je peux tenter une réponse dans la mesure où je comprends bien, puis aussi Mme Beaudoin pourra clarifier le sens de la loi, puis je pense que les débats qu'on a eus sur ce que devait être cet Observatoire-là, ce qu'on a dit... Je comprends que c'est la ministre des Relations internationales qui va nommer les gens sur recommandation de, mais cet organisme-là est autonome du gouvernement, donc, est autonome de la ministre, et ce n'est pas un organisme consultatif de la ministre. Alors, on ne voudrait pas... on ne cherche pas à deviner... En tout cas, la position qu'on a défendue, c'est que ce ne soit pas un organisme consultatif du gouvernement pris à faire des recommandations puis à chercher un consensus dans cette représentation multicatégorielle ou d'intérêts multiples. Alors, là, c'est la meilleure réponse que je peux faire pour l'instant.
Le Président (M. Boulianne): Oui, madame...
Une voix: Jourdain.
Le Président (M. Boulianne): Oui, allez-y.
Mme Jourdain (Micheline): Il faudrait faire des comparaisons, puis on n'est pas capable de tout aligner ici. Mais, plus tôt, je vous parlais du Conseil supérieur de l'éducation puis d'autres conseils. C'est sûr qu'on n'est pas exactement sur le même terrain, là, mais, en même temps... ils sont inscrits dans un ministère, prenons le Conseil supérieur de l'éducation, mais il y a une loi, qui a créé un Conseil supérieur de l'éducation, qui est différente de la loi qui a créé le ministère de l'Éducation. Et je pense que, par cela, on a voulu consacrer une forme d'autonomie à cette créature-là qui reste nommée par le gouvernement sur suggestion. Je ne me rappelle plus comment le Conseil supérieur de l'éducation est nommé, créé, consulté, puis toutes les autres commissions, mais il me semble que ça doit rester un peu en logique avec nos institutions puis nos habitudes administratives, là, des différents organismes.
Et quand on dit que le rapport annuel est déposé à l'Assemblée nationale, il me semble que ça donne aussi une autre dimension que celle que vous apportez dans votre question, là. En tout cas, on pourra regarder ça plus attentivement suite à vos questions puis on pourra peut-être vous refaire des commentaires là-dessus, mais, en même temps, je ne comprends pas votre préoccupation, là.
M. Laporte: Bien, c'est-à-dire que le Conseil de l'éducation, c'est un organisme qui relève d'un ministre ou d'une ministre, dans un domaine très particulier, et qui n'a pas comme mission, à ma connaissance, de fournir à la nation québécoise des lumières sur un phénomène d'éducation, non. C'est un organisme qui est imputable à une ministre ou à un ministre parce que c'est un organisme qui s'occupe spécifiquement d'un domaine. Dans ce cas-ci, on n'est pas en présence d'un Conseil de l'éducation, ou d'un Conseil de la langue française, ou d'un conseil de ce que vous voudrez, on est en présence d'un organisme d'éducation nationale. Donc, l'interlocuteur est la nation québécoise. Alors, écoutez, ce n'est pas de la tarte aux pommes, ce dont on parle maintenant, là. Et je me dis, à ce moment-là, est-ce qu'il n'y a pas une ambiguïté entre cette mission d'éducation nationale et d'information à la nation québécoise et le fait que ce soit un organisme, un peu comme d'autres organismes, qui... Et, dans ce sens-là, je voudrais peut-être avoir les lumières de M. Brunelle qui, lui, connaît ça beaucoup mieux que moi, c'est-à-dire: C'est quoi, le statut des autres observatoires de la mondialisation qu'on trouve, disons, un petit peu partout dans d'autres pays ou dans d'autres États du monde? Est-ce que ce sont des organismes qui ont un statut comparable à celui-là ou si ce sont des organismes qui ont des statuts beaucoup plus... des statuts qui sont définis par rapport à une Assemblée nationale ou par rapport à un gouvernement? Ça pourrait être le Sénat aux États-Unis ou ça pourrait être la Maison des représentants, ou ainsi de suite. Donc, il me semble que vous avez soulevé des ambiguïtés, là, et, là-dessus, vous devriez nous apporter des lumières.
n(17 h 30)nLe Président (M. Boulianne): Alors, merci, M. le député. M. Brunelle.
M. Brunelle (Dorval): La première chose, c'est que je ne comprends pas tellement l'enjeu, là, de l'organisme d'éducation nationale, là. C'est peut-être ça qui...
M. Laporte:«Faire comprendre le phénomène de la mondialisation sous tous ses aspects et de fournir à la nation québécoise...» Ce n'est pas ça, de l'éducation nationale?
M. Brunelle (Dorval): Oui, mais en l'appelant organisme d'éducation nationale, là, peut-être qu'on dévie. Il faudrait peut-être préciser le... C'est un peu le sens de mon intervention, préciser cette idée, de faire comprendre, parce qu'il me semble que ce n'est pas seulement ça et ce n'est pas de ça surtout qu'il devrait être question. Dans la mesure où l'Observatoire lui-même a à aller, dans un premier temps, quérir de l'information, chercher de l'information sur ce qui se passe, peut-être que la question de faire comprendre devient une question plus secondaire, là. Il aurait lui-même à suivre les négociations. C'est pour ça que, nous, dans les mémoires qui ont été présentés, on parle plutôt de comité de veille. Maintenant, je suis tout à fait d'accord, ce n'est pas suffisant de ne faire que de la veille. Mais c'est pour ça que l'expression «organisme d'éducation nationale» m'a fait un peu dévier. Je pense qu'il y aurait peut-être à retravailler l'idée de la mission de l'Observatoire.
Alors, pour aider ça, il y a trois ou quatre exemples dans le mémoire du Réseau. Il y a la définition, à la page 9, de l'Observatoire social européen. L'Observatoire social européen est créé par la Commission européenne, hein? Donc, la Commission européenne a elle-même créé un observatoire qui a pour mission de critiquer la Commission, et il faut voir que ça... Bon, peut-être qu'on peut être aussi précis que ça, mais ça s'inscrit dans un processus qui est le processus européen d'une intégration, avec l'implication des acteurs sociaux, qui est un modèle... Je nous mets en garde contre ce modèle-là, parce que le modèle nord-américain, si on peut exagérer, c'est le modèle inverse. C'est justement le modèle où il n'est pas question d'impliquer des acteurs sociaux, il n'est même pas question d'impliquer des parlementaires. C'est un modèle qui fonctionne avec une harmonisation à la base, sur le terrain, par les acteurs. Donc, c'est un modèle très différent du modèle européen.
Et, d'ailleurs, c'est intéressant, parce que, juste en passant, il y a eu Francis Fukuyama, si célèbre à propos de l'expression de La fin de l'histoire, qui, dans un article récent du New York Times, oppose de plus en plus le modèle européen et le modèle des Amériques, si on veut. Parce que, effectivement, il y a quelque chose de très différent dans les deux, le modèle américain, disons-le platement et très clairement, il produit une richesse, dans la meilleure des hypothèses... produit une richesse colossale, ce modèle américain. Bien sûr, il y a certains qui peuvent toujours penser que cette richesse-là leur revient, là. Ça a été l'été des cleptocrates...
M. Laporte: ...Enron, là, qui ont perdu toutes leurs pensions.
M. Brunelle (Dorval): Voilà, c'est ce que j'allais dire, ça a été l'été des cleptocrates, là, mais c'est vrai que ce modèle produit énormément de richesse. Le modèle européen en produit moins, hein, parce qu'il a davantage ce souci public. Alors, peut-être qu'il faudrait adapter la définition de l'Observatoire davantage au contexte dans lequel on est, qui n'est pas celui de l'Europe. C'est pour ça que j'ai utilisé d'autres comparaisons.
Bon, la comparaison avec... Je ne pense pas que l'Assemblée nationale soit particulièrement emballée par la définition de l'Observatoire latino-américain qui se définit simplement comme une... qui définit le mandat de l'Observatoire comme étant la réflexion critique sur le capitalisme latino-américain. Bon, peut-être qu'on peut laisser faire l'idée d'avoir une réflexion critique sur le capitalisme nord-américain, mais, entre les deux, il y a peut-être moyen de préciser que sa mission s'inscrit dans un contexte où on a des déficits. On a un déficit d'information, on a un déficit démocratique. Alors, je ne sais pas s'il faut le mettre, mais il faudrait peut-être que l'Observatoire ne se contente pas de faire comprendre comme s'il y avait quelque chose à expliquer simplement. Il y a quelque chose qu'on ne comprend pas non plus. Ça fait 15 ans que je recherche là-dessus, puis je ne suis pas sûr que je comprends tout le temps ce qui se passe. C'est quelque chose qui est, en tout cas, pas transparent. Alors, peut-être qu'avant de comprendre il faudrait qu'il puisse relever le défi de l'accès à l'information, et ce serait peut-être ça qui devrait être sa première mission.
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Brunelle. M. le député d'Outremont, est-ce que ça va?
M. Laporte: Bien, j'aimerais ça, savoir... Je ne veux pas vous pousser au pied du mur, là, mais vous pourriez préciser sur cette question ? parce que vous y revenez continuellement ? la question du secret, d'avoir accès? Vous avez dit: Casser l'idée de secret. Mais ça, on s'y prend comment pour casser l'idée du secret? Dans le cas, on devient vice-président de la Banque mondiale puis là... ou vice-président du Fonds monétaire international puis, après ça, on écrit un livre qui s'appelle Globalization and Its Discontents, puis là, à ce moment-là, il n'y a pas de problème? Mais comment on s'y prend?
M. Brunelle (Dorval): Bon, je pense qu'il y a une information qui est disponible... Bon, ce n'est pas une plaisanterie, hein, mais le pays qui est le plus transparent là-dessus, qui l'est passablement plus que le Canada, le Mexique et la Barbade, croyez-le ou non, c'est les États-Unis d'Amérique. Les Américains, eux, avant de négocier le libre-échange, ont fait des masses de consultations. Ils n'ont évidemment pas fait des consultations auprès des environnementalistes puis de nos camarades syndicalistes, ils n'ont pas fait de consultations auprès des fédérations de femmes ou des autres, ils ont fait des consultations auprès des gens d'affaires, de telle sorte que, quand on ouvre la frontière, hein, une fois qu'on ouvre la frontière commerciale, derrière l'expression «libre-échange», les Américains savent immédiatement, les secteurs économiques américains savent immédiatement non pas avec qui échanger, mais qui acheter. C'est ça, leur obsession, hein, ils veulent échanger avec eux-mêmes des deux côtés de la frontière: Ford Canada, Ford USA; GM Canada, GM USA. C'est ça, leur truc. Alors, bien sûr, dans un jeu comme ça, de deux choses l'une, ou bien on fait les innocents et on fait comme si tout était mieux dans le meilleur des mondes ou on joue le jeu puis on va chercher l'information où elle est, on va là.
M. Laporte: Vous me permettez encore une...
Le Président (M. Boulianne): Oui, encore une dernière, M. le député.
M. Laporte: J'aimerais ça que vous... Parce que je suis tout à fait d'accord avec vous, c'est-à-dire les observatoires, habituellement, ça a une fonction de veille, de vigie, n'est-ce pas? Mais ce n'est pas ça, là, qui est... On n'est pas dans la vigie ici, là, on est vraiment dans l'éducation populaire. O.K.? On est presque dans l'éducation au sens de l'âge des lumières, à part de ça, là. O.K., là?
Une voix: ...quoi?
M. Laporte: Au sens de l'âge des lumières, tu sais, on veut faire comprendre, c'est-à-dire on veut éclairer la nation sur des enjeux qui sont primordiaux pour elle, n'est-ce pas? C'est à peu près ça que vous avez comme idée, là. Vous, vous pensez qu'il y a des préalables à ça. Est-ce qu'on pourrait avoir votre définition de ce que devrait être la mission de cet Observatoire?
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. M. Brunelle.
M. Brunelle (Dorval): À brûle-pourpoint? La mission de l'Observatoire devrait être de comprendre et d'expliquer la mondialisation, peut-être. Ce serait ça qui serait la... comprendre la mondialisation, donc d'aller chercher... Je ne sais pas s'il faut l'indiquer tout de suite dans l'idée de comprendre, là. C'est pour ça que c'est peut-être le «faire comprendre» qui est embêtant. Et, pour la comprendre, il faut qu'il ait accès à l'information, qui lui permettrait de faire l'analyse.
Bien sûr ? je ne veux pas non plus avoir l'air angélique de mon côté, là ? il y a une certaine part de cette information qui est secrète et qui doit ou qui devrait sans doute demeurer secrète, là. Une des raisons pour lesquelles les négociations commerciales se font au secret, c'est qu'il y a là des intérêts d'entreprises et que les entreprises veulent protéger leurs moyens de production, etc.
Le Président (M. Boulianne): Alors, merci. Merci, M. le député. Alors, il restait un petit peu de temps pour la ministre. Une question?
Mme Beaudoin: Oui, une question qui va être un peu une réponse au député d'Outremont. Je le vantais tout à l'heure, parce que je l'ai eu, vous savez, comme critique en matière linguistique pendant cinq ans, et on avait, pendant ces commissions parlementaires, des débats épiques toujours de très bon niveau. Alors, je le retrouve tel qu'en lui-même aujourd'hui et j'en suis très heureuse.
Mais, là il vient de caricaturer notre projet de loi, je ne peux pas laisser ça sans réplique. Alors, je pense qu'il y a quelque chose de très original dans ce que l'on veut faire et qui est probablement assez inédit, parce que notre situation est aussi inédite, bon, alors de faire en sorte que l'ensemble, disons, de la société civile organisée se retrouve autour d'une même table pour justement faire tout ce qui est inscrit là, et que je vais relire pour que ce soit quand même bien clair qu'on ne peut pas, là, caricaturer totalement le projet de loi. Parce que comprendre et expliquer, moi, j'en suis tout à fait; comprendre et expliquer le phénomène de la mondialisation, oui. Est-ce que c'est utopique de penser ? et je le disais dans mes remarques préliminaires ce matin ? que les citoyens québécois puissent être les mieux informés éventuellement des enjeux pour qu'ils soient des citoyens les plus responsables possible? Il me semble que c'est... J'espère que vous n'êtes pas contre cette vertu.
M. Laporte: ...
Mme Beaudoin: C'est ça, l'âge des lumières. C'est ce que je dis. Vous m'avez fait un compliment tout à l'heure, j'espère que vous ne pensiez pas m'insulter.
M. Laporte: ...
Mme Beaudoin: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Boulianne): ...il ne reste plus grand temps. Alors, allez-y.
Mme Beaudoin: Non. Alors donc, quand même, la fonction de veille, elle est là, «recueille et analyse des informations sur la mondialisation», puis là on donne les domaines, entre autres, mais «suit ? justement, donc, une fonction de monitoring et de veille des négociations ? principalement les négociations multilatérales, qu'elles soient mondiales ou régionales ? donc ? qui sont d'intérêt pour le Québec». Et c'est vrai qu'il y a une fonction ? et j'y tiens beaucoup ? diffusion des travaux, vulgarisation dans les différentes régions du Québec, puis on nous a fait quelques bonnes recommandations pour incarner dans les régions du Québec cette diffusion, donc des activités de sensibilisation, d'animation, d'éducation. Et puis ce rapport annuel qui sera remis à l'Assemblée nationale du Québec, donc l'Assemblée s'en sera saisie, pourra en discuter et puis collaborer, évidemment, d'être en réseau puis d'être un peu la tête de réseau au Québec, avec un portail Internet qui sera un centre de référence, souhaitons-le, pour tous ceux qui s'intéressent à la mondialisation.
n(17 h 40)n Alors, je pense que c'est ça. C'est peut-être beaucoup. En effet, c'est un grand défi. On en est très conscient, mais, en tout cas, moi, ça m'enthousiasme et puis ça me... ? comment dire? ? ça me rend heureuse de constater justement qu'on puisse, au Québec, penser à faire quelque chose comme ça tous ensemble et puis que, dans le fond, le gouvernement, gardant ses distances et remettant cet outil-là à la société civile pour que celle-ci en fasse... je veux dire, fasse ce qu'elle peut le mieux possible pour les citoyens québécois. Alors, il me semble que c'est une belle aventure que l'on propose à cette commission, M. le Président, puis à l'Assemblée nationale, ultimement, lors du vote sur la loi.
Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, Mme le ministre. Vous avez une phrase de conclusion, M. Brunelle ou Mme Bernier?
Mme Bernier (France): Oui. Bien, en tout cas, ce que je voudrais dire, c'est sur la question de comprendre et d'informer. On a rappelé la nécessité du point de vue critique et de la polémique, je pense que c'est sous-tendu dans l'ensemble des mémoires des membres du RQIC à différents niveaux. Il y a des interventions sur justement ce qui manque, c'est d'insister sur ce point de vue critique là. Et je pense qu'il ne faut pas... Moi, je m'inscrirais en faux contre une tentative de rabaisser effectivement l'objectif de l'Observatoire à une mission d'éducation nationale. Et, aussi, il ne faut pas réduire non plus puis minimiser l'importance de cet aspect de l'éducation nationale sur les questions de mondialisation, parce que je vous dirais que, quand on regarde ce qui se fait dans le quotidien dans les secteurs de l'éducation, de la santé, au niveau de la privatisation, au niveau... quand on parle de performance, de possibilité de privatisation... Ce qu'on rencontre quand on regarde ce qui se passe au niveau des tables internationales et des traités, c'est que c'est là que ça se décide, et, par ailleurs, on décide des normes qui, tranquillement, deviennent des politiques que les gouvernements reprennent sans s'en rendre compte. Ou ils s'en rendent compte à différents niveaux, à différents... Je parle des municipalités, etc. On reprend des modèles qu'on a développés dans des traités de commerce internationaux, des concepts qui sont là pour développer des politiques sociales et économiques au Québec, et on ne se rend pas compte de tout ça.
Alors, comprendre ça, c'est déjà faire un pas et ça permet aux gens aussi d'être éduqués puis de faire le lien et de leur donner des capacités pour intervenir et faire pression sur les gouvernements pour que, dans les négociations au niveau international, ces choses-là ne soient pas introduites. Alors, ça doit être en ce sens-là que l'Observatoire doit jouer pleinement son rôle comme un outil de développement de la société pour les prochains enjeux qui s'en viennent, là...
Le Président (M. Boulianne): Alors, merci, Mme Bernier. Merci, M. Brunelle, à votre équipe. Alors donc, la commission ajourne ses travaux à mercredi, le 4 septembre 2002, à 14 heures, dans cette même salle. Merci, bonsoir.
(Fin de la séance à 17 h 43)