(Seize heures une minute)
Le Président (M. Gautrin): Étant donné que j'ai constaté un quorum... M. le ministre, soyez discipliné, s'il vous plaît!
M. Bégin: Je le suis, j'attends depuis une heure.
Le Président (M. Gautrin): Merci, Alors, je déclare la séance ouverte, et je me permets de vous rappeler le mandat de cette commission: Il s'agit de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 54, Loi portant réforme du Code de procédure civile.
M. le Secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Dupuis (Saint-Laurent) est remplacé par Mme Gauthier (Jonquière).
Le Président (M. Gautrin): Merci. Alors, je me permets de vous donner lecture de l'ordre du jour qui est le suivant: à 15 heures, c'est-à-dire avec un peu de retard, nous allons avoir les remarques préliminaires du groupe parlementaire formant le gouvernement; à 15 h 15, mais, évidemment, ça va être... vous avez des remarques préliminaires du groupe parlementaire formant l'opposition. Si l'un et l'autre pouvaient couper un peu sur ses remarques préliminaires, on récupérerait un peu de temps. À 15 h 30, l'Association des avocats en demande de recours collectifs et, à 16 h 15, la Chambre des huissiers de justice du Québec. Et nous devrions ajourner à 17 heures, théoriquement, mais, comme nous ne commençons pas à 15 heures, nous ajournerions probablement un peu plus tard.
Remarques préliminaires
Alors, M. le ministre, quelles sont vos remarques préliminaires?
M. Paul Bégin
M. Bégin: Merci, M. le Président. Ce sera sans coupure. J'aimerais profiter de l'ouverture de cette commission parlementaire ? il m'avait demandé de couper mon texte ? pour réitérer les orientations majeures du projet de loi n° 54 intitulé Loi portant réforme du Code de procédure civile et faire état des travaux effectués depuis sa présentation, le 13 novembre 2001.
Ce projet de loi propose principalement l'adoption de mesures visant la responsabilisation des parties et l'accroissement du rôle du juge. Dans une très large mesure, le projet de loi est conforme aux recommandations du rapport du Comité de révision de la procédure civile, rendue publique en août 2001 et intitulée Une nouvelle culture judiciaire.
Plus concrètement, le projet propose de faire obligation à tous les intervenants de s'assurer que les actes de procédure choisis sont, eu égard aux coûts, au temps et à l'effort exigé, proportionnés à la nature, à la complexité et à la finalité de la demande. À ces fins, une procédure introductive d'instance unique est proposée, laquelle est inspirée des meilleurs éléments des régimes introductifs d'instances actuels. Cette procédure unique permettra d'éliminer certains problèmes liés à la multiplicité des voies procédurales, de simplifier les débats et de mieux informer la partie adverse. Cette procédure introductive et les règles sur le déroulement de l'instance sont au coeur de la réforme.
La durée maximale de la période de 180 jours allouée aux parties pour mettre une cause en état, c'est-à-dire prête pour l'audition au mérite, a fait ses preuves en matière de procédure allégée. Cette mesure, à elle seule, pourrait diminuer de façon importante le délai auquel les justiciables sont actuellement confrontés pour obtenir justice.
Le projet de loi propose également de limiter et d'encadrer l'utilisation des interrogatoires préalables, de regrouper la présentation des incidents et des moyens préliminaires, de permettre une utilisation plus fréquente de la défense orale, d'étendre la possibilité de scinder une instance, d'exiger que l'inscription au rôle ait lieu dans les 180 jours suivant la signification de la demande, ou, lorsque la défense est orale, que la date d'audition de la demande soit fixée dans ce délai.
L'ensemble des mesures proposées, tant en première instance qu'en appel, devrait donc avoir pour effet de rendre le système de justice civile beaucoup plus rapide qu'il ne l'est présentement. En particulier, des mesures sont proposées obligeant à dénoncer les pièces alléguées dès le début des procédures afin de favoriser la transparence des débats, les admissions, la possibilité de circonscrire rapidement les questions en litige et les transactions.
Dans le même esprit, les mesures proposées relativement à la communication et à la production des pièces éviteraient non seulement les coûts d'une production inutile ou trop hâtive, mais également les remises parfois provoquées par une production trop tardive.
Quant à la preuve testimoniale, le projet propose d'allonger le délai d'assignation des témoins, de leur avancer certaines allocations, et, pour éviter des assignations et déplacements, d'élargir la possibilité de recourir au témoignage écrit. Comme je l'ai déjà mentionné, de telles mesures obligent la responsabilisation des parties. Ces dernières devront à l'avenir collaborer à accélérer le déroulement de l'instance.
Mentionnons par ailleurs que le projet maintient la possibilité d'un recours en dommages et intérêts contre le plaideur qui utiliserait abusivement de procédures inutiles et frivoles. Il y a deux principes sous-jacents à l'atteinte de cette responsabilisation: un premier principe veut que les parties soient maîtres de leurs dossiers, tout en étant cependant tenues de respecter les règles de procédure et les délais prévus au Code; le second principe proposé consacre l'exigence de la bonne foi et l'interdiction pour les parties d'agir en vue de nuire à autrui, ou d'une manière excessive ou déraisonnable. Ce dernier principe, que l'on trouve au Code civil, serait aussi introduit au Code de procédure civile pour régir spécifiquement les rapports entre les parties lorsqu'elles exercent leurs recours devant les tribunaux.
Par conséquent, la réforme de la procédure imposerait aux parties l'obligation de tenter de s'entendre, dès le début de l'instance et avant le jour de la présentation de la demande, sur un calendrier des échéances, de s'informer mutuellement des documents dont elles entendent se servir à l'audience, et, le cas échéant, de les transmettre à l'autre partie sur demande.
Dès le début des procédures, les parties devraient également dénoncer les moyens préliminaires qu'elles ont l'intention de soulever et tenter de s'entendre sur différentes questions dont celles relatives aux interrogatoires préalables et aux expertises qu'elles estiment nécessaires.
L'esprit de la réforme veut que les parties et leurs procureurs puissent conduire seuls l'instance à partir de l'introduction de la demande jusqu'à l'inscription, et ce, à l'intérieur du délai butoir de 180 jours. Pour ce faire, elles doivent s'entendre sur le calendrier des échéances, respecter les règles relatives à la communication des pièces, et, enfin, solutionner par elles-mêmes d'éventuels moyens préliminaires.
J'ai mentionné précédemment que la réforme propose d'accroître le rôle du juge. Les parties doivent s'entendre sur le calendrier du déroulement de l'instance, mais il arrivera des situations où elles ne pourront s'entendre. Dans ce contexte, il faudra compter sur une participation accrue du tribunal dans la gestion de l'instance en cas de mésentente. L'introduction de la conférence de gestion, tant en première instance qu'en appel, donne l'occasion au juge de gérer le litige en déterminant notamment le calendrier des échéances et les conditions de l'interrogatoire préalable. Il pourra alors limiter les débats lors de l'audition au mérite, et, éventuellement, inviter les parties à une conférence de règlement à l'amiable ou recourir à la médiation, ce qui leur permettra de trouver, dans bien des cas, une solution permettant d'éviter un procès.
Ces différentes mesures constituent des incitatifs qui devraient contribuer à modifier certains comportements des plaideurs et à modifier, à plus ou moins brève échéance, la culture juridique et le système de justice civile au Québec. La réforme ne saurait atteindre les objectifs poursuivis et produire ses effets bénéfiques sans un changement de mentalité et une franche collaboration des parties et de la magistrature.
En outre, l'augmentation du montant maximal d'une créance admissible à titre de petite créance et l'élargissement du champ d'application des règles de procédure simplifiées que cela implique permettront à plusieurs citoyens de présenter eux-mêmes leur demande au tribunal alors qu'actuellement ils s'en abstiennent. Enfin, en matière de recours collectif, l'admissibilité des petites entreprises comptant au plus cinq personnes à leur emploi permettra à un plus grand nombre d'entre elles d'être parties à un tel recours.
Depuis le dépôt du projet de loi n° 54 à l'Assemblée nationale, j'ai tenu plusieurs rencontres avec la communauté juridique. Lors de ces rencontres, j'ai convenu d'introduire plusieurs amendements proposés par la magistrature et/ou par le Barreau au projet de loi. J'ai déjà transmis à la critique de l'opposition les amendements que j'entends proposer. Ils n'ont pas pour effet de modifier les principes de responsabilisation des parties et d'accroissement du rôle du juge. Ces amendements portent notamment sur les règles régissant l'appel, le délai butoir de 180 jours et particulièrement le critère de l'impossibilité d'agir donnant ouverture à une autorisation du tribunal de proroger ce délai.
Bien que le Comité de révision de la procédure civile ait bénéficié de la participation de quelque 150 juristes lors de ses travaux de réflexion et ait consulté quelque 60 organismes, il est opportun, voire nécessaire, qu'avant de légiférer nous poursuivions cet exercice de démocratie.
Il me fait plaisir aujourd'hui d'entendre vos préoccupations sur l'ensemble du projet de loi, et soyez assurés que je serai attentif à celles-ci. Merci.
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(16 h 10)
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Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie, M. le ministre. Mme la députée de Bourassa.
Mme Michèle Lamquin-Éthier
Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, M. le ministre venant de rappeler les principales modifications qui seront apportées au projet de loi n° 54, Loi portant réforme du Code de procédure civile, je ne reviendrai pas là-dessus. Je crois par ailleurs utile de rappeler que le projet de loi n° 54 est en quelque sorte l'aboutissement de trois années de travaux, des travaux qui ont conduit, en juillet 2001, au dépôt d'un rapport, le rapport du Comité de révision du Code de la procédure civile, lequel était présidé par Me Denis Ferland qui est professeur agrégé à la Faculté de droit de l'Université Laval, et vous le savez, M. le Président, que c'est également une éminent juriste. Alors, le Comité était composé de membres de la magistrature, du Barreau et de représentants du ministère de la Justice. Alors, il va sans dire que nous sommes face à une réforme qui est importante, majeure, complexe, et que le rapport qui a été soumis par le Comité de révision comporte 300 pages et autant de recommandations.
Le 13 novembre dernier, vous vous souviendrez, M. le Président, que le ministre Bégin avait déposé son projet de loi à l'Assemblée nationale, et, quelque sept jours après ? de mémoire, le 20 mai ? il avait appelé ledit projet de loi pour l'adoption de principe. Il l'a appelé sans même qu'il ait fait préalablement, ou voulu tenir préalablement des consultations. Alors, l'opposition officielle réitère qu'elle trouvait ça tout à fait inacceptable pour ne pas dire carrément impensable. Comment, en effet, est-ce que le ministre de la Justice pouvait penser adopter un projet de loi d'une telle envergure ? je le répète ? d'une telle importance et d'une telle complexité sans même que soient entendus, au préalable, tous les groupes, les associations et les personnes intéressées, évidemment, dont l'expertise et l'expérience étaient extrêmement utiles?
Alors, heureusement, je dois mentionner que M. le ministre s'est ravisé, à la demande de l'opposition officielle, et je crois qu'il aura certes compris qu'il lui aurait été difficile d'entreprendre une telle réforme en ignorant ou en voulant ignorer les impacts réels ou encore les impacts potentiels des mesures qu'il entend proposer. En effet, dans le respect de la justice et surtout dans le respect du justiciable, il se devait et nous nous devons tous de travailler ensemble, en concertation avec les représentants de la magistrature, du Barreau et du domaine juridique.
Alors, nous allons bientôt accueillir deux groupes qui vont venir nous apporter des éclairages extrêmement utiles. Avant de les remercier plus formellement, j'aimerais les accueillir. Nous aurons donc l'Association des avocats en demande de recours collectifs et également la Chambre des huissiers de justice. Alors, je veux les assurer que nous apprécions qu'ils prennent le temps et la peine de venir collaborer aux travaux de cette commission parlementaire, et, surtout, de nous fournir un éclairage qui va être extrêmement utile, compte tenu de l'ampleur des travaux qui sont devant nous. Alors, je voudrais également vous saluer, M. le Président, saluer M. le ministre de la Justice, de même que les personnes qui l'accompagnent.
Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie, Mme la députée de Bourassa.
M. Bégin: ...M. le Président, à poser: Est-ce que vous avez reçu les mémoires de ces gens-là? Le secrétaire...
M. Gautrin: Alors, on va régler ces détails. Mais, avant de régler ces détails, je voudrais savoir s'il y a des députés ministériels qui auraient d'autres remarques préliminaires. Est-ce qu'il y a des députés de l'opposition qui ont des remarques préliminaires? Non.
Alors, on me fait valoir que les mémoires n'auraient pas été distribués parmi tout... Est-ce que le Secrétariat, vous avez les mémoires?
M. Bégin: J'ai demandé s'ils avaient été reçus, d'abord. Il ne semble pas.
Le Président (M. Gautrin): Est-ce que le mémoire de la... Oui. Le mémoire de la Chambre des huissiers, nous l'avons. Le mémoire de l'Association des avocats en demande de recours collectifs, est-ce que nous l'avons?
Une voix: Il n'y a pas de mémoire.
Le Président (M. Gautrin): Alors, s'il n'y a pas de mémoire, je vous inviterais, Me Éric McDevitt David, de vouloir vous présenter, s'il vous plaît. Pardon? Est-ce que vous avez des notes pour nous donner? Non.
Une voix: ...
Le Président (M. Gautrin): Ah! vous avez un document à nous remettre.
Mémoire déposé
M. McDevitt David (Éric): Un document, oui.
Auditions
Le Président (M. Gautrin): Oui. Très bien. Alors, je me permets de vous rappeler qu'il y a 45 minutes qui est accordé pour votre présentation: 15 minutes à la présentation de votre mémoire, 15 minutes aux questions des députés ministériels et 15 minutes pour les députés de l'opposition. Alors, Me McDevitt David, vous avez la parole.
Association des avocats
en demande de recours collectifs
M. McDevitt David (Éric): Alors, bonjour, M. le Président et M. le ministre de la Justice. Je vous remercie de m'accueillir aujourd'hui... et les autres membres du comité. Mon nom, c'est Éric McDevitt David. Alors, je représente l'Association des avocats en demande de recours collectifs. C'est un long nom, mais c'est une association très particulière qui a été fondée il y a environ trois ans. Je suis un des fondateurs de cette association qui compte environ 25 à 30 membres du Barreau, des avocats spécialisés en recours collectif. Je pratique également en pratique privée à un cabinet montréalais Sylvestre, Charbonneau, Fafard, qui est spécialisé dans le domaine des recours collectifs. Notre cabinet a déposé quelque 75 recours collectifs depuis le début du recours collectif. Le fondateur du bureau, Pierre Sylvestre, a déposé d'ailleurs un des tout premiers recours collectifs sinon le premier qui est allé jusqu'à la Cour suprême. Alors, on a une certaine connaissance dans ce domaine-là, et nous voulions, nous tenions à vous faire part de certaines remarques concernant le projet de loi sur la question strictement des recours collectifs. On n'a pas de présentation à faire sur la réforme, dans l'ensemble. On vient ici vraiment pour parler de certains articles qui touchent le recours collectif.
J'aimerais commencer par féliciter le ministre de la Justice pour le projet de loi, tel que déposé dans son ensemble en ce qui concerne le recours collectif, et plus particulièrement féliciter le fait qu'on apporte peu de changements majeurs au recours collectif. Et c'était une de nos préoccupations que nous avions d'ailleurs soulignée devant le Comité de Me Ferland ainsi que le comité du Barreau. Ce qui nous inquiétait, c'est que le recours collectif a suscité beaucoup de controverse jurisprudentielle dans les débuts, et on s'est battu beaucoup à la Cour d'appel et même jusqu'en Cour suprême pour établir certaines règles, et on avait une crainte que cette jurisprudence établie allait être chambardée. On est heureux de voir que ça ne sera pas le cas parce que la majeure partie des règles reste pareille.
Deuxièmement, on est aussi très content du fait que le projet de loi maintient l'actuel article 10.10 concernant l'appel sur l'autorisation; c'était également une de nos grandes préoccupations. Le Code actuel prévoit qu'il n'y a pas d'appel du jugement qui autorise un recours collectif mais qu'il y a un appel si jamais l'autorisation n'est pas accordée. On est heureux que cette règle-là, elle est maintenue, elle a fait sa preuve depuis 20 ans et elle ne doit pas être changée, selon nous.
Cependant, nous avons quand même quelques commentaires concernant les aspects du projet de loi que nous aimons moins. Le principal point qu'on aimerait souligner et soulever aujourd'hui, c'est la question, justement, de l'ajout des personnes morales. Alors, le Québec fait exception en Amérique du Nord: c'est la seule juridiction qui ne permet pas aux personnes morales d'être membres d'un groupe d'un recours collectif. Alors, le projet de loi vient évidemment changer cet état jusqu'à un certain point en permettant à ce que des petites entreprises, des entreprises qui ont moins de cinq employés, puissent être membres d'un recours collectif. C'est la définition, finalement, qui est retenue au niveau des petites créances également.
Alors, pour nous, on trouve que cet aspect est problématique et on ne voit pas aucune raison pourquoi toute personne morale ne devrait pas avoir accès au recours collectif. Je vous rappelle la règle générale établie dans le Code civil, les articles 298, 301 et 303 ? je vous ferais grâce de la lecture de ces articles-là ? disent essentiellement qu'une personne morale a tous les droits civils qu'une personne physique peut avoir et a le droit de les exercer, a finalement une pleine capacité juridique. Alors, le principe de base, c'est que les personnes morales devant les tribunaux, c'est comme une personne physique, finalement. Alors, on vient porter exception, maintenant, à ce principe de base en limitant la quantité de personnes morales qui peuvent être membres d'un groupe qui est visé par un recours collectif.
Ça crée plusieurs problèmes pour les avocats qui travaillent dans le domaine des recours collectifs. Le principal problème a trait à un phénomène qu'on appelle, finalement, le recours collectif national. Alors, quand je réfère au terme «national», je réfère évidemment au Canada en entier. Il s'est développé, depuis que l'Ontario et que la Colombie-Britannique ont adopté le recours collectif ? tout récemment aussi, la Saskatchewan l'a adopté ? il s'est développé une pratique chez les avocats en demande, en Ontario principalement, de déposer des recours collectifs qui visent un groupe national, c'est-à-dire auxquels les citoyens de toutes les provinces pourraient participer. Alors, il y a même des juges ontariens qui ont autorisé de tels recours et acceptent l'idée qu'il puisse y avoir des groupes nationaux.
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(16 h 20)
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Nous, on s'y oppose parce que nous croyons que ce n'est pas cohérent avec la Constitution canadienne dans la mesure où la question des réclamations en dommage relève de la juridiction provinciale et est régie par les lois provinciales. Donc, quand on fait une réclamation en dommages-intérêts, on est soumis, au Québec, par le Code civil; on n'est pas soumis, évidemment, aux lois ontariennes. Le problème, c'est que, quand on crée des groupes nationaux et que des citoyens d'autres provinces réclament en vertu d'un recours collectif ontarien, ils sont soumis aux lois ontariennes.
Alors, ce qui arrive aussi ? c'est la raison pourquoi les avocats le font et que les juges l'autorisent ? c'est qu'il y a des citoyens au Canada qui ne sont pas couverts par le recours collectif, qui ne peuvent pas en bénéficier: évidemment les provinces où il n'y a pas de recours collectif, mais, en ce qui concerne le Québec, les personnes morales. Alors, ça crée pour nous des grands problèmes parce que ça fait en sorte que les personnes morales, les compagnies québécoises, qui devraient normalement être représentées par des procureurs québécois en vertu des lois québécoises, sont effectivement représentées par des procureurs ontariens, en vertu des lois ontariennes. Et ça, ça va rester pour toute compagnie qui a plus de cinq employés finalement, en vertu du nouveau projet de loi. Alors, pour nous, c'est inacceptable. C'est quelque chose qui ne devrait pas continuer. On devrait suivre la règle qui existe partout ailleurs en Amérique du Nord. Aux États-Unis, en Ontario, en Colombie-Britannique, les personnes morales, dans leur ensemble, peuvent toujours être membres d'un recours collectif.
J'aimerais vous donner quand même quelques exemples concrets de dossiers que nous avons vécus pour vous illustrer un peu le genre de problème que ça peut créer. J'aimerais vous parler premièrement des dossiers de... Il y a eu des complots de fixation de prix faits par les plus grandes compagnies pharmaceutiques à travers le monde pour fixer les prix des vitamines en gros, de l'acide citrique, du lysine, sorbate et erythorbate.
Bon, je vous fais grâce de tous les détails. Essentiellement, le plus gros complot de fixation de prix de l'histoire de l'humanité qui a duré plus de 10 ans. Ça a mené aux plus grandes amendes aux États-Unis et au Canada: 1 milliard de dollars aux États-Unis, 500 millions au Canada. C'est un énorme complot dans lequel la plupart des majeures compagnies pharmaceutiques ont participé et des recours collectifs déposés à travers l'Amérique du Nord pour compenser les consommateurs qui ont dû payer beaucoup plus cher pour tous les produits, à cause de ça. On en a réglé déjà environ la moitié, de ces recours collectifs là. Ces compagnies ont toutes, par ailleurs, plaidé coupable devant le Bureau de la concurrence du Canada; elles ont payé des amendes. Alors, au niveau de la preuve, ça allait assez bien quand même.
Mais ce qui arrive, c'est que les avocats ontariens ont déposé des recours collectifs nationaux, et, quand est venu le temps de négocier, la part du Québec a été de beaucoup réduite. Je vais vous donner des chiffres concrets. Dans le dossier de l'acide citrique, le règlement national était pour 7,8 millions de dollars. Alors, les consommateurs étaient compensés de ce montant-là qui était basé sur le chiffre d'affaires des compagnies pendant la période du complot. Normalement, la part du Québec devrait être 24 %, selon la population de la province, ce qui équivaudrait à 1,8 million de dollars. Par contre, ce qu'on a réellement obtenu, c'est 725 000. Pourquoi? Parce qu'il y a des expertises qui ont développé la thèse que les personnes physiques ont assumé environ 30 % des pertes; 70 % des pertes ont été assumées par les personnes morales, c'est-à-dire les intermédiaires. J'espère que je ne vous perds pas dans tous les détails, là.
Une voix: Non, c'est très clair.
M. McDevitt David (Éric): Mais le coeur de la question, c'est de dire: Du fait qu'on ne représentait pas les personnes morales dans les recours collectifs québécois, on a été retranché de 70 % des pertes, c'est-à-dire, les justiciables québécois ? personnes physiques, personnes morales ? ont été privés de 70 % de la compensation qu'ils auraient pu obtenir. Qui plus est, des compagnies québécoises sont maintenant forcées de faire affaire avec des avocats ontariens pour obtenir compensation en vertu des lois ontariennes et doivent être informées par des avis publiés par des bureaux d'avocats ontariens au Québec. C'est une situation que nous trouvons inacceptable et très frustrante. Ça, c'est un exemple.
Un autre exemple, c'est les recours collectifs en matière de valeurs mobilières: CINAR, Nortel, Bre-X. Le document que je vous ai distribué, il s'agit d'un jugement très récent ? le 25 février dernier ? d'un tribunal de New York. Je vais vous expliquer. Avant de regarder les passages pertinents, je veux juste vous mettre dans le contexte.
Alors, il y a eu évidemment des recours collectifs déposés contre CINAR pour avoir induit des investisseurs en erreur sur la situation financière de la compagnie. Un recours collectif a été déposé au Québec et un autre aux États-Unis. Ce qui est arrivé, c'est que les avocats de CINAR sont allés aux États-Unis et ont présenté une requête devant le tribunal américain, une requête qu'on appelle de «forum non conveniens», qui disait aux juges américains: Déclinez votre juridiction en faveur du Québec parce que cette cause-ci devrait être entendue au Québec. Parce que les défendeurs sont au Québec, les lois fiscales en question sont toutes des lois québécoises ou canadiennes, le débat devrait se faire au Québec.
Le juge américain a refusé. Il a refusé, parce qu'il a dit: Le forum, c'est-à-dire les tribunaux du Québec, ce n'est pas un forum adéquat parce qu'ils ne peuvent pas représenter les personnes morales. Et je vais vous lire les passages pertinents, si vous permettez. Je vous réfère à la page 33. Je vous ai donné seulement un extrait de jugement; le jugement complet, je l'ai, mais il a environ 70 pages.
Alors, l'extrait pertinent que j'aimerais vous lire, il est à la page 33 de ce jugement américain. Le paragraphe est très bref, quand même. Ça dit: «Plaintiffs next contend ? parce qu'ils ont invoqué plusieurs arguments ? that the various shortcomings of the Canadian system...» Il réfère «Canadian», mais, au fait, il parle du recours collectif québécois parce qu'il y a juste au Québec qu'il y a un recours collectif. Et, à la prochaine page, il réfère au Code de procédure civile du Québec, mais il utilise le mot «Canadian»: «...that the Canadian system will bar suit for many, if not all, of the American plaintiffs or will require procedural mechanisms so cumbersome that it will be effectively impossible to maintain an action there. At this point, the dispute becomes a battle of experts. Plaintiffs' expert raises several concerns over the procedural adequacy of Canadian class actions. First, he claims that Canadian law does not allow non-natural entities ? c'est-à-dire les personnes morales ? to bring class action suits, such that corporate entities like the lead plaintiff in the CINAR class action, The Kaufmann Fund, and individuals holding securities in "street name" will not be included in the class.» Alors, c'est un exemple concret d'un dossier ? c'est un jugement qui n'a même pas un mois ? du problème que ça nous cause. Alors que le recours collectif dans CINAR devrait clairement être entendu au Québec, la réalité, c'est qu'il va être entendu aux États-Unis, et, qui plus est, les compagnies québécoises, là, les compagnies, les fonds d'investissements et les autres, devront s'adresser à des avocats américains et se soumettre aux lois américaines pour obtenir une compensation. C'est ça que nous trouvons inacceptable, les membres du comité.
Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie, maître... Vous avez terminé?
M. McDevitt David (Éric): Non, je n'ai pas terminé, mais...
Le Président (M. Gautrin): Il vous reste très peu de temps. Vous avez épuisé... Il reste une minute, simplement. Je ne voudrais pas vous couper abusivement la parole, mais si vous pouviez synthétiser votre pensée.
M. McDevitt David (Éric): Bon. Alors, je vais aller rapidement, parce que j'avais plusieurs points que je voulais vous soulever. On trouve que ça va être très compliqué à gérer. Parce que l'article 139, le deuxième alinéa dit que c'est des compagnies qui auraient eu cinq employés dans les 12 mois qui précèdent la demande. Or, l'article 10.11 du Code de procédure civile actuel, qui n'est pas amendé, lui, dit que la demande commence seulement après l'autorisation. On sait aussi, de par notre expérience, que l'autorisation peut prendre beaucoup plus de temps qu'on puisse penser, des fois des années.
Alors là qu'est-ce qui va arriver? C'est qu'il y a des personnes morales qui vont acquérir et qui vont perdre le statut de personnes morales pendant la période d'autorisation. Et ce qui est dangereux, c'est que ces personnes morales là vont également peut-être perdre des droits parce que la prescription qui est suspendue par le dépôt de la requête en autorisation ne sera plus suspendue s'ils perdent leur statut, parce qu'ils ne sont plus membres du groupe. Parce que l'article du Code civil réfère à la prescription qui bénéficie au groupe.
La question aussi, c'est: Pourquoi on ne peut pas appliquer la règle des Petites créances aux recours collectifs? C'est que le recours collectif est divisé en trois temps: l'autorisation, le mérite et le recouvrement. À chacune de ces étapes-là, la problématique du statut de la personne morale va être soulevée. Ce qui n'est pas le cas avec les Petites créances où une demande est présentée, elle est entendue immédiatement. Alors, le statut est cristallisé à ce moment-là.
On se pose des questions. Par exemple, est-ce qu'on va compter les employés à temps partiel, les employés saisonniers? C'est une question importante, parce que les fermiers, par exemple, qui ont constitué des personnes morales, les camionneurs qui sont tous maintenant avec des compagnies, les pêcheurs ? c'est toutes des petites entreprises ? ont beaucoup, des fois, des emplois saisonniers, des employés saisonniers. Alors, ça rentre un élément d'incertitude dans la définition du groupe, et nous trouvons que ce n'est pas dans l'intérêt des justiciables. Est-ce que j'ai écoulé mon temps?
Le Président (M. Gautrin): Bien, vous avez écoulé votre temps, mais je ne veux quand même pas vous empêcher de synthétiser votre pensée parce que je pense que c'est assez clair.
M. McDevitt David (Éric): O.K. Bien, j'avais d'autres exemples de dossiers...
Le Président (M. Gautrin): Probablement que vous pourriez donner les exemples après les questions que va vous poser M. le ministre.
n(16 h 30)nM. McDevitt David (Éric): D'accord. Alors, à un niveau général, j'avais aussi des commentaires concernant le fait que les personnes morales ne peuvent pas être représentants en vertu du même article. Ce que nous... Encore une fois, on ne trouve aucune raison pour justifier cela. Le critère finalement de la jurisprudence, c'est que le représentant doit être adéquat. Il y a certains recours collectifs où ce serait la personne morale qui serait la représentante la plus adéquate et non pas la personne physique.
Deuxièmement, ça empêcherait, cette règle-là, qu'un recours collectif puisse être déposé au seul bénéfice de personnes morales. Autrement dit, si le groupe est composé uniquement de personnes morales, il ne peut pas y avoir de recours collectif, parce qu'il faut nécessairement une personne physique pour être représentant.
Sur la question...
Le Président (M. Gautrin): Si vous me permettez, on va peut-être passer...
M. Bégin: ...nos règles, là, parce que, M. le Président, nous aurions pu avoir un mémoire qui aurait exposé les prétentions additionnelles. Je pense que, là, nous avons l'opportunité de poser des questions, et le temps passe, et je voudrais qu'on puisse agir.
Le Président (M. Gautrin): C'est pour ça que j'allais vous donner la parole, M. le ministre.
M. Bégin: O.K. Alors, merci, M. le Président. Est-ce qu'on dit M. McDevitt David ou seulement M. David?
M. McDevitt David (Éric): David.
M. Bégin: David?
M. McDevitt David (Éric): Oui.
Le Président (M. Gautrin): Excusez-moi d'avoir mal prononcé votre...
M. Bégin: Excusez-moi, c'est parce que je ne savais pas si je devais... Bon. Alors, Me David. Bon. J'ai entendu ce que vous dites. Quand on prend une procédure comme celle dont parle CINAR ou autres, vous avez deux groupes de personnes: vous avez des individus et vous avez des entreprises. C'est ça? Est-ce qu'une entreprise quelconque est privée de prendre un recours dans un cas ou un autre? Est-ce qu'elle est privée d'un recours parce qu'elle ne peut pas être dans un recours collectif?
Le Président (M. Gautrin): Me David.
M. McDevitt David (Éric): Absolument pas. Tout comme une personne physique ne l'est pas non plus, parce qu'elle peut s'exclure du groupe.
M. Bégin: Donc, elle peut, dans toutes circonstances, prendre un recours individuel. Est-ce qu'elle peut... Est-ce qu'une entreprise qui a des intérêts qui sont semblables ou qui proviennent du même droit peut utiliser la procédure prévue à l'article 59 du Code de procédure civile?
Le Président (M. Gautrin): Me David.
M. McDevitt David (Éric): Absolument.
M. Bégin: Alors, si je vous comprends bien, des entreprises peuvent se regrouper, s'unir, signer un mandat et donner un mandat à une personne pour représenter 25, 30, 40, 50 entreprises, autant de personnes qui ont le même intérêt. C'est donc possible.
M. McDevitt David (Éric): Tout comme pour les personnes physiques.
M. Bégin: Tout comme pour les personnes physiques. Donc, par ailleurs, lorsqu'un recours collectif est intenté au Québec et qu'il y en a un, comme dans le cas de CINAR, qui a lieu aux États-Unis, est-ce que la décision de la cour américaine empêche le tribunal québécois de procéder?
Le Président (M. Gautrin): Me David.
M. McDevitt David (Éric): Je ne comprends pas votre question.
M. Bégin: Est-ce que... Vous nous dites... Je ne connais pas les faits, là, c'est vous qui avancez le dossier, je ne le connais pas. Est-ce que vous avez... J'ai cru comprendre qu'il y avait un recours collectif qui avait été intenté au Québec et qu'il y en avait un second qui avait été intenté aux États-Unis.
M. McDevitt David (Éric): Tout à fait.
M. Bégin: Bon. Est-ce que le recours collectif qui a été intenté au Québec peut procéder et continuer de procéder...
M. McDevitt David (Éric): Tout à fait, pour les personnes physiques.
M. Bégin: ...indépendamment de la décision rendue aux États-Unis? Oui? Bon. Par ailleurs, vous nous dites que...
M. McDevitt David (Éric): Mais, si vous permettez, ça ne règle pas le problème, parce que ça fait en sorte, quand même, que les personnes morales québécoises qui ont plus que cinq employés doivent s'adresser aux tribunaux américains.
Deuxièmement, la réalité...
M. Bégin: Excusez, excusez. En quoi doivent-ils s'adresser au tribunal américain?
M. McDevitt David (Éric): Bien, s'ils veulent une compensation. Ils ne peuvent pas être membres du recours collectif québécois.
M. Bégin: Non. Mais est-ce qu'ils peuvent intenter un recours individuel?
M. McDevitt David (Éric): Oui, ils peuvent.
M. Bégin: Donc, ils peuvent être indemnisés.
M. McDevitt David (Éric): Oui.
M. Bégin: Ils peuvent s'unir, dans un mandat, en vertu de l'article 59?
M. McDevitt David (Éric): Oui.
M. Bégin: Donc, ils peuvent être indemnisés.
M. McDevitt David (Éric): Oui, tout à fait.
M. Bégin: Alors, c'est un choix qu'ils ont d'aller aux États-Unis. Ils peuvent rester au Québec.
M. McDevitt David (Éric): C'est un choix. Mais, selon notre expérience, ce serait beaucoup plus pratique et probable s'ils bénéficient du recours collectif américain, parce que c'est très onéreux et coûteux pour eux de déposer des actions ici, au Québec, alors qu'ils peuvent tout simplement être membres d'un groupe.
Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.
M. Bégin: Vous avez dit tout à l'heure, si j'ai bien retenu, que c'était un petit peu, même, aller à l'encontre de la Constitution canadienne de ne pas permettre des groupes nationaux. Je ne suis pas sûr si je suis fidèle à votre message. À ma souvenance ? je peux me tromper ? le Québec a été le premier au Canada à permettre le recours collectif. Est-ce que je dois comprendre que, tant et aussi longtemps que toutes les autres provinces n'auront pas un système de recours collectif, elles seront considérées comme allant à l'encontre de la Constitution canadienne?
Le Président (M. Gautrin): Me David.
M. McDevitt David (Éric): Pas du tout, M. Bégin. Je ne comprends pas votre raisonnement du tout quand vous dites ça.
M. Bégin: Bien, c'est parce que je n'ai pas compris le vôtre.
M. McDevitt David (Éric): Bien, le mien, je peux vous l'expliquer si vous voulez.
Le Président (M. Gautrin): Attendez un instant, là. Si vous n'avez pas compris, on va peut-être laisser à Me David la chance de...
M. Bégin: Oui, je ne l'ai pas empêché de parler.
Le Président (M. Gautrin): Non, non, mais est-ce que vous voulez...
Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, est-ce qu'on pourrait avoir un ton peut-être plus propice aux échanges?
Le Président (M. Gautrin): Non, non, mais j'essaie de prendre...
Mme Lamquin-Éthier: On n'est pas à la cour, on est en...
Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de Bourassa, j'essaie d'arriver... de faciliter à notre témoin la chance de pouvoir s'exprimer au maximum. Est-ce que vous voulez qu'il ait la chance de répondre à votre...
M. Bégin: Certainement.
Le Président (M. Gautrin): Alors, est-ce que vous pourriez... Parce que j'ai l'impression que vous interprétez l'un et l'autre la pensée. Alors, peut-être pouvez-vous préciser votre pensée sur le plan constitutionnel?
M. McDevitt David (Éric): Oui. Alors, ce que nous maintenons, c'est que la pratique qui s'est développée en Ontario de déposer et même d'autoriser des recours collectifs dits nationaux n'est pas correcte, parce que ça fait en sorte que des citoyens des autres provinces canadiennes sont soumis aux lois ontariennes qui ont trait au droit civil et à la propriété. En vertu de la Constitution, c'est les lois provinciales qui gèrent ce genre de réclamations là. Alors, la pratique qui se développe actuellement, les recours collectifs dits nationaux qui englobent des citoyens des autres provinces, fait en sorte que des citoyens des provinces sont soumis aux lois ontariennes au niveau du dommage et intérêts. Alors que le Québec, on n'a jamais fait ça, on n'a jamais, nous, essayé de réclamer des groupes nationaux jusqu'à date.
Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.
M. Bégin: En Ontario, si nous faisions un amendement semblable à celui que vous mentionnez et que le Québec ou des avocats du Québec intentaient un recours semblable à celui que vous reprochez à l'Ontario, est-ce qu'eux-mêmes ne seraient pas à l'encontre des pratiques constitutionnelles que vous venez d'évoquer?
Le Président (M. Gautrin): Me David.
M. McDevitt David (Éric): Possiblement, dépendamment comment le recours est monté. Mais le problème, il n'est pas là, M. Bégin, ce n'est pas ça que je suis en train de dire.
Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.
M. Bégin: Je ne vous comprends pas.
M. McDevitt David (Éric): C'est que, dans des dossiers où une partie importante des réclamations est faite par les personnes morales, il y a un problème, parce qu'on ne peut pas les traiter au Québec, ces dossiers-là. C'est ça, le problème. Et il y a aussi la réalité de la pratique, c'est qu'il y a beaucoup de recours collectifs qui se règlent. Il y a des négociations, il y a des transactions, il y a des ententes. Alors, quand... C'est arrivé hier, deux de mes collègues ont rencontré des avocats américains dans le recours collectif de CINAR, et les avocats américains ont dit: Ça va se négocier et ça va se régler aux États-Unis, ce dossier-là, parce que vous ne représentez même pas les personnes morales qui sont, la majeure partie, des perdants là-dedans. Alors, c'est aussi... Si on sort un petit peu du Code et qu'on parle de la réalité de la pratique, ça fait en sorte qu'on n'a pas de pouvoir de négociation. C'est ça qui arrive.
Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.
M. Bégin: Si je comprends bien, les autres provinces qui n'ont pas de recours collectif, même de recours du tout, là, sont dans la même situation?
M. McDevitt David (Éric): Non, parce qu'il y a un arrêt de la Cour suprême, dans l'affaire Western Canada Shopping, qui a dit, par exemple, concernant une cause de l'Alberta, que, si une province n'a pas une législation au niveau du recours collectif, le juge peut la créer. C'est une décision du juge en chef McLachlin. Elle dit: Il n'est pas obligé d'avoir une législation provinciale qui autorise le recours collectif, ça peut être créé de par le pouvoir du juge. Alors...
M. Bégin: Quelle est la décision, s'il vous plaît?
M. McDevitt David (Éric): Western Canada Shopping. C'est une décision, dans la dernière année, du juge en chef McLachlin, unanime, de la Cour suprême.
M. Bégin: Ah, je ne connais pas. En avez-vous une copie ici?
M. McDevitt David (Éric): Je n'en ai pas avec moi, non.
Le Président (M. Gautrin): Mais votre service juridique va le trouver?
M. McDevitt David (Éric): C'est publié dans les requêtes de la Cour suprême. Alors...
M. Bégin: J'imagine. Non, je comprends. Je comprends. Bon. Alors, ce que vous nous dites, c'est que vous...
M. McDevitt David (Éric): Bien, la question que j'aimerais vous poser, M. le ministre, si vous permettez...
M. Bégin: Oui.
M. McDevitt David (Éric): ...c'est: Pourquoi vous voulez limiter ça aux petites compagnies?
M. Bégin: Regardez, ordinairement, les gens ici répondent aux questions nous, on les pose. La raison pour laquelle vous êtes ici, c'est pour nous dire pourquoi il faudrait que nous instaurions le recours collectif pour les personnes morales. Ce que je tente de faire ressortir, c'est que toute personne morale est capable d'intenter un recours individuel lorsqu'elle subit des dommages. Elle est aussi capable d'utiliser d'autres moyens, qui sont prévus dans notre Code de procédure civile, lorsqu'elle pense que d'autres personnes subissent un préjudice ou un dommage ? choisissez le terme qu'on veut ? ou, en tout cas, ils pensent qu'ils ont un recours s'ils ont le même recours. Or, dans le cadre d'un recours collectif, il faut avoir un intérêt commun, une participation à un événement commun. Je ne suis pas un spécialiste, mais il faut qu'il y ait quelque chose, une cause commune.
Alors, si des entreprises, qui sont des personnes autonomes, qui sont des... disons, qui sont là pour faire des profits, ce qui est tout à fait légitime, sont en mesure de se regrouper et que, si elles sont capables de se retrouver dans un recours collectif, elles seraient toujours capables de se retrouver dans un autre type de recours, pourquoi n'utilisent-ils pas ou n'utilisent-elles pas les moyens que la loi met à leur disposition, qui sont des moyens tout à fait corrects et qui sont la règle, plutôt que le recours collectif, qui, en principe, était... en tout cas, on pense qu'il est réservé à des cas particuliers. Alors, pourquoi vouloir faire du cas particulier la règle générale?
Le Président (M. Gautrin): Me David.
M. McDevitt David (Éric): Si je peux répondre. Tous les arguments que vous venez d'invoquer s'appliquent également aux personnes physiques. C'est également vrai des personnes physiques qui peuvent donner un mandat en vertu de 59 et faire une réunion d'actions en vertu de 67. C'est tous des arguments qui s'appliquent également aux personnes physiques, sauf que le législateur a fait le choix, il y a 20 ans, il y a plus de 20 ans maintenant, de dire que nous voulons augmenter l'accès à la justice et nous voulons améliorer l'administration de la justice ? si je peux terminer. L'administration de la justice, ça a aussi trait au fait qu'on n'engorge pas les rôles inutilement. Alors, pourquoi, dans une affaire comme CINAR, vous encouragez des milliers de compagnies ou de fonds à déposer des actions, à occuper des juges, finalement, à créer un imbroglio administratif, alors que tout peut être traité dans une seule procédure et entendu par un seul juge? C'est une question d'efficacité et de bonne administration de la justice et d'accès à la justice. Et les personnes morales, eux aussi, ont droit à l'accès à la justice, M. le ministre.
n(16 h 40)nLe Président (M. Gautrin): M. le ministre.
M. Bégin: C'est pour ça que je vous posais les questions sur... s'ils ont un recours individuel, s'ils ont un recours en groupe, parce que ce sont des accès à la justice. Dans cette même commission, il y a peu de temps, pour vous montrer que, si elles ont des droits, elles n'ont pas nécessairement les mêmes droits qu'un individu, entre autres, par exemple, une personne morale ne pouvait pas avoir fait l'objet de nos discussions lorsque nous parlions de l'union civile, et vous en conviendrez. Il y a certains secteurs ? c'est M. le Président qui me l'a suggéré ? il y a des choses qui ne se font pas pour les personnes morales et qui se font pour les personnes physiques, et ce n'est pas une injustice que de ne pas donner certains droits à des personnes morales que les personnes physiques ont.
Par exemple, à l'article 303 du Code civil, on dit: «Les personnes morales ont la capacité requise pour exercer tous leurs droits, et les dispositions [...] Elles n'ont d'autres incapacités que celles qui résultent de leur nature ou d'une disposition expresse de la loi.» Donc, les personnes morales, oui, ont des droits, mais pas nécessairement tous les droits que les individus ont. Et, dans ce cas-ci, elles ont accès à la justice, elles ont accès depuis longtemps. Et c'est curieux, l'argument que vous invoquez, parce que ça revient à dire que le Québec, qui a créé, les premières fois, un recours collectif individuel, est considéré comme étant ? je ne sais pas le terme exact à trouver, mais... «incorrect», je vais prendre ce mot-là qui, en lui-même est incorrect aussi ? en ne disant pas: Je veux donner le recours collectif aux personnes morales. C'est quand même possible dans une société de ne pas donner le même droit à une personne morale qu'à une personne physique.
M. McDevitt David (Éric): Tout à fait.
Le Président (M. Gautrin): M. David.
M. McDevitt David (Éric): Premièrement, ça, c'est l'opinion d'un juge américain, ce n'est pas mon opinion. Je ne dis pas que... Oui, effectivement, à mon avis, il y a une lacune dans le recours collectif québécois. La réalité, c'est que, alors que normalement, le Québec, on devrait être clairement des têtes de file au niveau du recours collectif, l'Ontario, ça fait juste sept ans qu'ils l'ont, puis la Colombie-Britannique, ça fait moins que ça; la Saskatchewan, c'est cette année; nous, ça fait 23 ans, 24 ans qu'on l'a. Mais la réalité, c'est que, très rapidement, on est en train de perdre notre place de tête de file dans le recours collectif au niveau de la pratique quotidienne. Puis je vais vous donner un exemple, M. le ministre, d'un dossier où justement...
Pourquoi on a créé le recours collectif? C'est que ça permet de traiter de certaines demandes qui ne seraient pas traitées autrement. O.K. Théoriquement, oui, n'importe qui peut déposer une action en justice, tout comme une personne physique. Mais prenons une réclamation qui n'est pas très importante, je ne sais pas, moi, les sécheuses défectueuses. On a fait un recours collectif contre Frigidaire, il y avait des sécheuses défectueuses qui prenaient en feu. Bon. Alors, la sécheuse, ça coûtait, je ne sais pas, moi, 800 $ ou quelque chose du genre. Qui va s'attaquer à une multinationale comme Frigidaire pour aller chercher 800 $? Il n'y a pas beaucoup de justiciables. Donc, on a un recours collectif, on va vous ramasser ensemble et on va le faire parce que ça vaut la peine, parce que, si on est 20 000 à poursuivre, le montant qui est en jeu, etc., va faire en sorte que c'est possible de le faire. Mais le même raisonnement s'applique, par exemple, aux compagnies d'assurances qui ont compensé. Dans le dossier Frigidaire, dans certains cas, il y a eu un feu, la maison a brûlé. Je peux prendre aussi le cas des pellicules radiantes défectueuses où là les compagnies d'assurances ont accepté de remplacer, à leurs frais, des pellicules qui avaient été installées dans les maisons et qui étaient défectueuses.
La réalité, c'est qu'il y a probablement peu de compagnies d'assurances qui vont poursuivre Frigidaire et/ou les fabricants de ces pellicules radiantes parce que ça ne vaut pas le coup, parce qu'ils ont peut-être deux, trois de leurs assurés qui ont été mis dans ce problème-là. Mais pourquoi ces compagnies d'assurances là, par exemple, ne pourraient pas obtenir le bénéfice du recours collectif, puisque le débat va se faire de toute façon pour les personnes physiques? Ils vont tout simplement se greffer au recours collectif qui existe. Alors, ça permet aux personnes morales d'avoir aussi un meilleur accès à la justice et une compensation dans des cas où, probablement, ils ne vont rien faire. C'est ça, la réalité.
M. Bégin: Excusez-moi, mais vous me dites...
Le Président (M. Gautrin): Il vous reste peu de temps, M. le ministre. Alors, concluez.
M. Bégin: Oui. J'essaie de comprendre votre exemple de la compagnie d'assurances qui n'aurait pas poursuivi. Si une compagnie, dans cette circonstance-là, dit: Je ne poursuis pas, c'est bien libre à elle, mais il me semble qu'elle dispose des moyens requis, que ce soit financier ou humain, par le biais des procureurs, pour être en mesure de prendre un recours. Si vous me dites: Les individus physiques peuvent-ils être indemnisés? C'est possible que, effectivement, ils soient un petit peu découragés devant la preuve à faire pour l'indemnisation, quoique, en allant devant les petites créances, je pense que ce handicap disparaît assez rapidement, puisqu'il y a un lien à faire entre la cause du dommage et ce qui s'est passé. Mais il me semble que les individus, on peut facilement penser qu'ils sont plus démunis. Une entreprise qui a des moyens comme ceux dont vous venez de me parler, je vous avoue candidement que je ne vois pas pourquoi ils auraient besoin d'un recours semblable à celui-là pour intenter un recours.
Le Président (M. Gautrin): Me David.
M. McDevitt David (Éric): Parce que, par exemple, comme je vous ai dit, s'il y a seulement quelques assurés puis que le montant en jeu pour la compagnie d'assurances est de quelques milliers de dollars, par exemple, ils vont dire: Ça ne vaut pas la peine, ça va coûter plus cher en frais d'avocat, puis en délais, puis en honoraires, etc. On va oublier, on va tout simplement éponger la perte, puis on va passer à d'autres choses.
M. Bégin: Quoi?
M. McDevitt David (Éric): Je vais vous donner un autre exemple, le dossier vitamines...
M. Bégin: Mais, excusez-moi, je veux comprendre. Si elles évaluent ça comme ça...
M. McDevitt David (Éric): Oui.
M. Bégin: ...comment seraient-elles tout à coup justifiées parce qu'elles seraient plusieurs? Vous me dites: Elle a quelques assurés, mais... Seulement?
M. McDevitt David (Éric): Mais le même argument s'applique aux personnes physiques.
M. Bégin: Non, mais je ne comprends pas pourquoi elle aurait plus intérêt par un recours collectif.
M. McDevitt David (Éric): Autrefois, avant le recours collectif...
M. Bégin: Pourquoi aurait-elle plus de goût ou d'intérêt?
Le Président (M. Gautrin): Parce que ça diminuerait leurs...
M. McDevitt David (Éric): Parce que c'est plus simple, ça ne coûte rien pour eux. C'est aussi...
M. Bégin: Mais qui paie?
M. McDevitt David (Éric): Ça va être payé dans le règlement, s'il y a un règlement, ou bien, donc, du jugement. Si le recours collectif, par exemple, est financé par le Fonds d'aide...
M. Bégin: Ah, bien voilà!
M. McDevitt David (Éric): ...le Fonds d'aide va payer et va être remboursé quand le jugement va sortir; et où il y a un règlement, on rembourse toujours le Fonds d'aide.
M. Bégin: Alors, je comprends que, à ce moment-là, l'entreprise peut bénéficier du Fonds du recours collectif?
M. McDevitt David (Éric): Notre position sur ça...
M. Bégin: Non, mais est-ce que c'est le cas ou pas?
M. McDevitt David (Éric): Non. Actuellement, non, parce que la loi ne le permet pas.
M. Bégin: Non, non, elle le permettrait.
M. McDevitt David (Éric): La Loi sur le Fonds d'aide aux recours collectifs, je ne crois pas que ça le permettrait.
M. Bégin: Non, mais c'est relié à ce qu'on vient de discuter.
M. McDevitt David (Éric): Justement. Sur ça, la position qu'on voulait vous proposer, c'est que...
Le Président (M. Gautrin): Avec tout le respect que je vous dois, votre temps est écoulé.
M. Bégin: Non, mais juste la réponse là-dessus.
Le Président (M. Gautrin): Juste sa réponse, oui.
M. McDevitt David (Éric): Sur la Loi sur le Fonds d'aide aux recours collectifs, on serait d'accord à ce que vous limitiez l'aide aux seules personnes physiques et aux petites entreprises de moins de cinq employés. On serait d'accord à ce qu'il n'y ait aucune aide financière disponible aux autres compagnies. Ça, à notre avis, ce serait tout à fait raisonnable.
M. Bégin: C'est une grosse nuance.
M. McDevitt David (Éric): Pardon?
M. Bégin: C'est une grosse nuance.
M. McDevitt David (Éric): Pourquoi?
M. Bégin: Je ne l'avais jamais entendue.
M. McDevitt David (Éric): Bien, effectivement...
Le Président (M. Gautrin): Mais là vous venez de l'entendre.
M. McDevitt David (Éric): ...on est en train de la proposer pour la première fois.
Le Président (M. Gautrin): C'est ça.
M. Bégin: Je comprends, mais c'est ce que je dis. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gautrin): Alors, Mme la députée de Bourassa, au nom de l'opposition officielle.
Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Je trouve dommage que M. le ministre vienne de dire, après des débats assez corsés, qu'il demande d'ailleurs lui-même, qu'il n'a pas entendu les observations faites par Me David, qui avait...
M. Bégin: ...ce qu'il vient de dire lui-même, c'est la première fois qu'il les fait.
Mme Lamquin-Éthier: Non, non, non, il avait tenté de les exprimer antérieurement, et...
Le Président (M. Gautrin): Un instant, là. Écoutez, vous vous adressez au témoin et pas l'un à l'autre. Alors, adressez-vous au témoin.
Mme Lamquin-Éthier: Non, non, je ne pense pas que les débats ici en commission doivent prendre la tournure d'échanges à la cour...
Le Président (M. Gautrin): On essaie de faire en sorte qu'ils ne la prennent pas.
Mme Lamquin-Éthier: ...ce n'est pas l'objectif. Je pense qu'il faut remercier les groupes qui prennent le temps et la peine de venir rencontrer, mais surtout de nous apporter un éclairage, d'autant que celui-ci repose sur une expertise importante ou encore une expérience qui est appréciable ou appréciée.
Bonjour, Me David.
M. McDevitt David (Éric): Bonjour.
Mme Lamquin-Éthier: Vous dites donc que le Québec devrait être chef de file. Or, ce n'est pas le cas.
M. McDevitt David (Éric): Non.
Mme Lamquin-Éthier: Vous dites également qu'il devrait revenir en tête de file. Or, visiblement, ce n'est pas le cas non plus, parce que... Je ne sais pas... Est-ce que vous avez reçu... Il y a des papillons, dit-on, ici, à savoir une modification qui a été apportée à l'article 139 du projet de loi. Est-ce que vous avez eu copie de ladite...
M. McDevitt David (Éric): Non. Moi, j'ai le projet de loi qui a été déposé à l'automne, le projet de loi n° 54.
Mme Lamquin-Éthier: Est-ce que c'est possible de soumettre, M. le ministre, copie du papillon?
M. Bégin: C'est parce qu'on a une règle, en principe, que les amendements ne sont pas envoyés ? parce que c'est le respect pour l'Assemblée nationale ? avant qu'ils ne soient déposés à l'Assemblée nationale. Exceptionnellement, ce que l'on fait, c'est que, comme je l'ai fait pour vous à l'opposition, on le fait, et à l'exception du Barreau, mais jamais de façon officielle, parce que, autrement, ce serait considéré comme une atteinte aux privilèges des parlementaires de l'Assemblée nationale. C'est pour ça qu'on ne le fait pas.
Le Président (M. Gautrin): C'est bien. Alors, on continue au niveau du temps.
M. Bégin: Mais on peut le dire quand même maintenant, là.
Le Président (M. Gautrin): Oui, oui.
Mme Lamquin-Éthier: Oui. Donc, je peux faire lecture?
M. Bégin: Sans le remettre officiellement, vous pouvez le mentionner.
Le Président (M. Gautrin): Alors, Mme la députée de Bourassa.
Mme Lamquin-Éthier: Bon. Alors, il y a donc un papillon qui a été apporté à l'article 139 du projet de loi, lequel concerne l'article 999, et l'amendement est apporté pour le deuxième alinéa. Alors, le paragraphe se lirait comme suit. Vous avez, là... Ça commence, par l'ajout, à la fin, de l'alinéa suivant:
«La personne morale de droit privé, la société ou l'association ne peut être membre d'un groupe de personnes que si, en tout temps au cours de la période de 12 mois qui précède la demande, elle comptait sous sa direction ou son contrôle au plus cinq personnes liées à elle par contrat de travail et qu'elle n'est pas liée avec le représentant du groupe. Sous réserve de l'article 1048, elle ne peut, en aucun cas, agir à titre de représentant du groupe.» Comment considérez-vous cette modification-là?
n(16 h 50)nM. McDevitt David (Éric): Bien, ce n'est rien de majeur, là. On fait juste mieux préciser ce qui est déjà là. Bien, c'est comme ça. Rapidement, là, je n'ai pas le texte devant moi, là, mais on vient préciser que c'est une personne morale de droit privé et non pas de droit public, donc ça évite que des corporations publiques puissent être membres d'un recours collectif. Et ensuite, sous réserve de l'article 148, ça, c'est logique, c'est parce que 148, c'est l'article qui permet à des OSBL et des coopératives d'être représentants dans un recours collectif. Donc, c'est normal que ça soit sous réserve de ça bien qu'on n'est pas d'accord.
Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de Bourassa.
Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Je vais y aller brièvement, parce que je sais que ma collègue a des questions également à poser. Je ne voulais pas l'en priver. Vous avez dit tout à l'heure, en parlant de la demande, qu'elle commence après l'autorisation. Vous avez dit que l'autorisation, ça prend plusieurs mois, même dans certains cas, je crois, des années. Et, en quelque sorte, ça préjudicie certaines personnes morales, si je comprends bien, qui risquent de perdre leur statut de personnes morales.
M. McDevitt David (Éric): C'est ça. Mais là je ne connais pas les dernières modifications qui ont trait au délai de 180 jours. Je connais la position du Barreau, de novembre. Le 30 novembre, là, le bâtonnier nous avait envoyé un avis disant qu'il était contre qu'on impose le délai de 180 jours, surtout dans le domaine des recours collectifs. Parce qu'il faut être réaliste, des recours collectifs, c'est extrêmement complexe, ça a souvent une portée internationale, la preuve n'est pas toujours évidente. De plus, la Cour d'appel nous a édicté, dans l'arrêt Hotte c. Servier, que c'est le premier déposé qui sera entendu. Ça fait que, quand il y a plusieurs avocats qui étudient la possibilité d'un recours collectif, on doit maintenant, à cause de l'arrêt de la Cour d'appel, se dépêcher pour le déposer sinon on va perdre, au bénéfice d'autres avocats. Alors là on ne pourra pas prendre notre temps pour bien monter notre preuve avant de déposer, eu égard au délai de 180 jours. Il y a une contradiction quelque part, parce que la Cour d'appel nous dit de déposer vite, quelque part, et puis, là, le Code nous imposera des délais qui n'ont presque pas de bons sens dans une affaire aussi complexe.
Je suis d'accord avec le «fast track», moi-même, j'en bénéficie. Je représente plutôt des demandeurs en dehors des recours collectifs, et c'est vrai que les délais de 180 jours, ça aide, parce que ça met fin aux tactiques dilatoires des défendeurs, des compagnies d'assurances, etc. Mais en ce qui concerne les recours collectifs, à mon avis, ce n'est pas très réaliste de penser que des affaires aussi complexes peuvent être traitées en six mois, ça ne peut pas marcher. Là, j'ai oublié votre question, mais c'était relié aux délais.
Mme Lamquin-Éthier: Oui, oui, oui. Parfait.
Le Président (M. Gautrin): C'est correct, Mme la députée de Bourassa?
Mme Lamquin-Éthier: Je vous en remercie. Puis vous avez parlé de la situation de fermiers, vous savez, de petites entreprises, des camionneurs, des pêcheurs qui, eux, ont plus souvent des employés à temps partiel, donc eux aussi.
M. McDevitt David (Éric): Des employés saisonniers. Alors, quand on dit qu'il faut, dans les 12 mois qui précèdent la demande, qu'il n'y ait pas plus que cinq personnes liées par contrat, qu'est-ce qu'on fait des fermiers, là, qui embauchent des gens pour la récolte, des cabanes à sucre qui embauchent du monde pendant la période des sucres, des pêcheurs qui vont embaucher du monde pendant la période d'été? Je peux descendre la liste, si vous voulez. Mais comment on va gérer ça exactement? C'est à quel moment qu'on va évaluer le nombre de personnes liées par contrat? C'est très compliqué.
Et ce qui complique l'affaire dans le recours collectif, contrairement aux petites créances, c'est qu'il y a trois étapes dans le recours collectif. Donc, dans chacune de ces trois étapes-là, ça va créer des complications. Quand viendra le temps de la réclamation, qu'est-ce qui arrive si la personne morale en question a changé son statut? Puis, ce qui est dangereux, c'est que le Code civil dit que, quand on dépose une requête en autorisation, avant même qu'elle soit autorisée, le simple dépôt de la requête suspend la prescription au bénéfice de tous les membres du groupe. Mais là, si la personne morale perd son statut de membre du groupe parce qu'elle a, par exemple, six employés, la prescription va recommencer à courir, mais ces personnes morales là ne le sauront pas, il n'y a pas encore d'avis publié, le recours collectif n'est pas encore autorisé. Ils ne savent peut-être même pas qu'il y a cette réclamation-là qui pend dans l'air.
Alors, il y a plein de personnes morales qui risquent de perdre des droits par prescription sans qu'ils le sachent, et on trouve ça dangereux.
Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de Bourassa, vous avez terminé? Mme la députée de Jonquière.
Mme Gauthier: Bonjour, Me Payne. Moi, j'aimerais vous entendre concernant le fait que vous avez dit, à la toute fin de l'intervention du ministre, là, que vous étiez prêt à regarder la possibilité que les personnes morales soient soustraites à l'aide financière du Fonds.
M. McDevitt David (Éric): C'est-à-dire que la position de l'Association, ce serait de dire que la Loi sur le Fonds d'aide aux recours collectifs devrait préciser que l'aide n'est disponible qu'aux seules personnes physiques et qu'aux seules personnes morales ayant moins de cinq employés. J'utilise le terme «employés», là, mais je sais que le terme exact, c'est des personnes liées par contrat, etc., comme pour les petites créances. On serait d'accord avec ça. On trouve que des personnes morales qui ont plus que cinq employés devraient être capables de se débrouiller sans l'aide du Fonds. Alors, à notre avis, ça serait une position tout à fait raisonnable à adopter au niveau du Fonds d'aide. Mais ça n'empêche pas que, sur le fond de la question, c'est-à-dire sur la possibilité que des personnes morales plus grosses puissent être membres d'un groupe, on maintient notre position que ça devrait être le cas. Le ministre ne m'a pas convaincu, dans les raisons qu'il m'a données ? ceci dit avec respect ? d'écarter la règle générale qui établit, dans le Code civil, qui dit qu'une personne morale doit être traitée comme une personne physique au niveau de l'exercice de ses droits.
Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de Jonquière.
Mme Gauthier: Oui. Une précision. Est-ce qu'à votre connaissance il y a, ailleurs au Canada ou aux États-Unis, des situations où on exclut effectivement les personnes morales du droit de participer à un recours collectif?
Le Président (M. Gautrin): M. David.
M. McDevitt David (Éric): Absolument pas. On est la seule juridiction qui limite ça aux personnes physiques, et même, avec l'amendement proposé, on va être la seule juridiction qui limite ça à des petites personnes morales. Partout ailleurs, c'est toutes les personnes morales qui peuvent être membres d'un recours collectif et qui peuvent être le représentant. On est la seule juridiction, et ça va faire dans la pratique du droit, là... Si on sort un peu de la théorie et du Code, dans la pratique du droit, ça nous enlève un pouvoir de négociation très important et ça fait en sorte que les débats vont se faire dans les autres juridictions et non pas au Québec, même dans des cas où ça devrait être fait au Québec, comme dans les affaires de CINAR. Alors que tous les liens de rattachement au niveau du droit international privé sont au Québec, la réalité de la pratique, c'est que ces dossiers-là vont être traités et réglés aux États-Unis ou en Ontario et que les personnes morales québécoises qui veulent faire des réclamations, tout comme les personnes morales des autres juridictions en font... Alors, c'est une autre réponse au ministre tantôt qui a dit: Qu'est-ce qui les empêche de faire des actions individuelles? Rien. Ils peuvent les faire. Mais la réalité aussi dans les autres juridictions en Amérique du Nord, c'est que les personnes morales bénéficient des recours collectifs largement dans les autres juridictions. Ils ne font pas ce que vous proposez, M. le ministre, dans les autres juridictions. Ils utilisent le recours collectif. Alors, pourquoi les entreprises québécoises seraient différentes? Pourquoi qu'eux n'auraient pas le bénéfice du recours collectif?
Mme Lamquin-Éthier: Est-ce qu'il nous reste du temps, M. le Président?
Le Président (M. Gautrin): Moi, j'ai une question.
Mme Lamquin-Éthier: Ah, allez-y, M. le Président. Pas de problème.
Le Président (M. Gautrin): Parce que, moi, mon temps doit compter sur... Moi, j'ai une question à vous poser, bien simple, pour savoir si j'ai compris; je ne suis pas comme ces savants avocats. Si j'ai compris le problème, si les personnes morales au Québec ne peuvent pas participer aux recours collectifs et si un recours collectif est instruit en Ontario, par exemple, donc les personnes morales vont pouvoir débattre dans la juridiction de l'Ontario, mais au niveau du partage du règlement, si j'ai compris l'exemple que vous avez donné tout à l'heure, la part qui reviendrait aux personnes morales du Québec serait défalquée du règlement. Est-ce que c'est ça qui arriverait?
M. McDevitt David (Éric): Avec une petite correction. C'est que la part qui reviendrait aux justiciables québécois, elle est réduite, O.K., personnes physiques et morales confondues. La personne morale québécoise qui veut réclamer devra le faire en Ontario, en vertu du règlement ontarien. Donc, nécessairement, cet argent-là est canalisé par les tribunaux ontariens et par les avocats ontariens, évidemment.
Le Président (M. Gautrin): Je comprends. Mme la députée de Bourassa.
Mme Lamquin-Éthier: Me David, je voulais voir... Le temps file rapidement. Est-ce que vous avez d'autres préoccupations qui vous importent à l'égard de l'actuelle législation sur la table?
M. McDevitt David (Éric): Oui, j'en ai d'autres. Si vous me permettez, je vais y aller rapidement.
Mme Lamquin-Éthier: Il nous reste cinq minutes, M. le Président?
Le Président (M. Gautrin): Je vais vous le dire tout de suite, madame. Il vous reste trois minutes et demie.
Mme Gauthier: Vous avez pris de notre temps, M. le Président. Il nous restait...
Le Président (M. Gautrin): Pas du tout, madame, vous vous trompez. Mon temps est compté sur le temps de l'opposition parce que je suis un parlementaire de l'opposition.
M. McDevitt David (Éric): Rapidement, la question des contestations orales, l'article 140 du projet de loi qui dit que, dorénavant, il ne peut plus y avoir de contestation écrite, elle doit obligatoirement être orale. Nous, on préfère maintenir le statu quo qui est énoncé dans l'article 88 du Code de procédure civile, qui dit que c'est vrai que c'est oral normalement, mais le juge peut permettre la contestation écrite.
n(17 heures)n La raison qu'on veut cette option-là, c'est que c'est un grand avantage pour les avocats en demande d'avoir les contestations écrites, dans plusieurs dossiers, parce que ça nous permet de voir les arguments de la partie adverse. Ça nous permet également de les interroger quand il y a un affidavit, bien que je réalise, avec le nouveau projet de loi, qu'il y aura moins d'affidavits, là; alors, je mets un bémol sur ça. Ça nous permet donc de s'enligner au lieu d'être pris par surprise, le matin de l'audition, quand les avocats en défense arrivent avec leur plan d'argumentation qui a 46 pages avec trois annexes, qui, au fond, est une contestation, même s'ils l'appellent plan d'argumentation. Alors, eux, ils auront toujours le bénéfice de déposer une contestation écrite, mais, nous, on n'aura pas, au moins, le bénéfice de l'avoir vue avant et de mieux se préparer en demande. Alors, on trouve que le statu quo devrait être maintenu sur ça et que le juge devrait avoir la discrétion, comme il l'a actuellement en vertu de l'article 88 du Code de procédure civile. Ça, c'est un des points.
J'ai déjà parlé du 180 jours. Je ne sais pas c'est quoi, la position du Barreau actuellement, là. Je n'ai pas parlé à personne du Barreau et je ne parle pas au nom du Barreau, mais j'avais vu la note du bâtonnier, le 30 novembre, qui disait qu'il trouvait que c'était dangereux. Alors, on trouve, pour le recours collectif, que c'est effectivement dangereux.
Deux derniers points, rapidement. L'article 147 du projet de loi, qui traite de l'avis, mentionne que l'avis doit donner l'adresse des parties. Alors, on trouve que ça devrait dire «l'adresse des parties ou de leur procureur», parce qu'il y a beaucoup de justiciables qui, peut-être, ne voudront pas que leur adresse résidentielle apparaisse dans tous les journaux du Québec. Il y a, dans des recours collectifs, des requérants qui se font intimider ? et je vous le dis, on en a eu l'expérience ? dans des recours collectifs. Alors, on ne voit pas pourquoi on doit préciser l'adresse personnelle du requérant ou du représentant. Ça devrait être soit son adresse à lui ou celle de son procureur. Et la majorité de nos clients préfèrent qu'on mette, évidemment, notre adresse.
Dernier point, l'article 149 du projet de loi qui crée le nouvel article 1050.2, le registre des recours collectifs, on est très en faveur de ça, c'est une très bonne idée. On ajouterait seulement que le registre devrait non pas seulement inclure la liste des recours collectifs déposés, mais également les avis qui sont publiés dans les journaux. Je vais sortir le texte de loi qui dit ceci: «Un registre central des demandes d'autorisation d'exercer un recours collectif est tenu au greffe de la Cour supérieure.» On devrait juste rajouter: «Un registre central des demandes d'autorisation d'exercer un recours et des avis aux membres», parce que les avis aux membres sont toujours autorisés par les juges.
M. Bégin: Et des?
M. McDevitt David (Éric):«Et des avis aux membres», parce que les avis sont autorisés par les juges. Donc, c'est simple à gérer. Dès qu'un juge autorise un avis, on devrait le mettre dans le registre pour qu'on soit au courant vraiment de tous les avis qui sont publiés. Ce serait utile.
Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie, Me David, de votre présentation et je vais demander maintenant au... Oui, M. le ministre.
M. Bégin: Pour l'article 180, là, il y a eu une rencontre tripartite ? Barreau, magistrature et ministère de la Justice ? et ça a été modifié. On revient à la formulation de la voie accélérée. C'est «impossibilité en fait», mais on va mesurer pendant trois ans de temps le nombre de requêtes, le type de requêtes qui vont être faites pour sortir du système, parce que dorénavant tout sera dans le délai de 180 jours, sauf la possibilité d'en sortir, et on va mesurer le nombre de cas pour voir s'il y a exagération ou pas. Alors, c'est ce qui a été convenu avec le Barreau et ce que l'on va retrouver dans les textes amendés, qui sont remis actuellement mais qui ne sont pas l'objet de discussion aujourd'hui.
M. McDevitt David (Éric): Je pense que c'est une bonne chose parce que, effectivement, M. le ministre, j'aimerais le dire, il y a certains recours collectifs qu'on aimerait traiter dans 180 jours, il y en a certains qu'on serait capable.
M. Bégin: C'est moi qui avais suggéré au Barreau de faire une exception.
Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie l'un et l'autre, sachant que vous pourriez repoursuivre cette discussion en privé.
Alors, je demanderais maintenant à la Chambre des huissiers de bien vouloir se présenter et je passerai la présidence au député de Frontenac parce que je dois aller parler sur le budget.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Boulianne): Alors donc, nous allons reprendre les travaux.
Alors donc, bienvenue à la commission, M. Alan Horic, qui est président de la Chambre et huissier de justice à Chelsea, dans l'Outaouais. Alors, présentez-nous votre équipe, et par la suite vous avez 15 minutes pour présenter votre mémoire, et on aura 30 minutes des deux côtés pour vous questionner.
Chambre des huissiers de justice du Québec
M. Horic (Alan): D'accord. Je vous présente M. Ronald Dubé, directeur général et secrétaire de l'ordre professionnel pour la Chambre des huissiers de justice, ainsi qu'Alain Coulombe, ancien président de la Chambre. Je vais laisser la parole maintenant à M. Ronald Dubé.
Le Président (M. Boulianne): On vous écoute, M. Dubé.
M. Dubé (Ronald): Bonjour. Merci, M. le ministre, merci, M. le Président ainsi que les membres de la commission des institutions de nous avoir invités, premièrement, et, deuxièmement, de nous accueillir à cette consultation particulière.
Nous avons déposé un mémoire, et vous comprendrez que je n'en ferai pas la lecture, quand même, ça peut prendre un bon bout de temps. Et, par contre, j'insisterai sur certains points essentiels du projet de loi n° 54 et j'insisterai également sur certains points qui ne s'y trouvent pas, parce que la loi porte bien le titre Loi portant réforme du Code de procédure civile. Et, à ce titre-là, il y a des éléments que l'on pourrait ajouter pour bonifier cette loi-là. Avant de rédiger notre mémoire, nous avons consulté et nous avons formé un comité d'huissiers qui avons étudié article par article le projet de loi. Et nous avons également, dans le cadre des tournées régionales du président de la Chambre, qui se sont déroulées du mois d'octobre au mois de décembre dernier, nous avons rencontré plus de 250 huissiers de justice un peu partout sur le terrain, de telle sorte que ce que nous reflétons aujourd'hui, c'est un peu leur perception, leur ton ainsi que ce qu'on veut vous soumettre comme suggestion. Alors, le premier point sur lequel j'attirerai votre attention immédiatement, c'est l'article 62 du projet de loi comme tel, qui prévoit l'assignation des témoins à l'article 281.1. Et on propose que l'indemnité de perte de temps, d'allocations, de frais de transport, de repas et d'hébergement soit avancée immédiatement en même temps que l'on signifie le bref de subpoena. Alors, nous, nous croyons que ça risque de représenter des dépenses énormes pour une partie, et ce sont des dépenses qui ne sont pas toujours utiles, de telle sorte qu'à la page 18 nous vous proposons que les allocations pour les frais de transport soient avancées au moment de la signification du bref de subpoena et, lors de la première journée de la présence à la cour, que l'avocat qui a convoqué le témoin lui remette immédiatement l'indemnité pour la perte de temps, les allocations puis les frais d'hébergement, etc., de telle sorte que les sommes qui seront déboursées le seront réellement pour des témoins qui se seront présentés à la Cour. Parce que, dans l'hypothèse où il y a un règlement, où les parties, les témoins ne se présentent pas ou la cause est réglée, ce qui arriverait, c'est que ce serait assez difficile d'aller récupérer les sommes qui ont été avancées.
L'autre point sur lequel nous voulons insister, c'est l'article 64 du projet de loi, qui établit un terme générique, le terme générique «déclaration écrite», pour remplacer tout l'inventaire des rapports qui est prévu à l'article 294.1, des rapports qui sont acceptés comme témoignage. C'est à la page 19 de notre mémoire, et nous disons que cet article-là ne devrait pas être rédigé de cette façon-là, et nous vous proposons plutôt une rédaction qui est prévue à l'article... que nous avons élaboré à la page 21, c'est-à-dire d'ajouter au témoignage, à titre de témoignage... d'une déclaration écrite, et d'ajouter les mots «ou constat de huissiers de justice», parce que, à l'heure actuelle, l'article 294.1 du Code de procédure n'inclut pas le constat d'huissier dans cette courte liste des rapports, et nous croyons qu'une partie ne développera jamais le réflexe d'y recourir si on n'a pas eu l'habitude de l'utiliser présentement. En faisant ça, le législateur va rendre un fier service aux consommateurs, et, si vous avez le temps, un peu plus tard, vous pourrez regarder l'annexe II de notre mémoire, à la page 77, où nous avons inventorié 177 situations potentielles où le constat serait utile aux consommateurs et également nous avons inventorié sept situations, mais il y en aurait une multitude d'autres, où les tribunaux, à la demande de parties, ont autorisé les huissiers à constater.
n(17 h 10)n Alors, nous vous proposons de modifier l'article dans le sens que nous vous le suggérons pour les raisons suivantes: parce que c'est un acte qui est posé en fonction d'un champ professionnel d'exercice qui a été ajouté en 1989. Et à quoi ça sert d'ajouter, de créer un champ professionnel si les champs d'application ne sont pas offerts? Alors, ce qu'on propose au ministre ou ce qu'on propose au législateur, dans le fond, c'est: ajouter des champs d'application, et ensuite les consommateurs, eux autres, ils veulent se faire dire à quel endroit c'est marqué dans la loi qu'un constat c'est bon. Bien, il n'y a pas de place où c'est marqué. Et l'huissier étant un professionnel ? d'ailleurs, il est devenu un ordre le 1er octobre 1995 ? il y a des principes déontologiques qui veulent qu'on prévienne nos clients des limites des actes qu'on pose. Et, si les tribunaux n'ont pas pris et n'ont pas le réflexe de regarder au moins les constats qui sont déposés, bien, c'est assez hasardeux pour un professionnel assujetti à un code de déontologie de proposer cette solution-là à des clients. Et d'autant plus que, dans l'hypothèse où on ajouterait le constat dans le cas de conseillers civils, ça créerait une... ça susciterait un intérêt chez les chercheurs, qui verraient comment le constat pourrait s'insérer dans la législation québécoise, ça éveillerait l'intérêt des juristes sur une question qui est devenue pratique non seulement pour les consommateurs, mais également pour eux, les juristes.
Je vais aller un peu plus loin maintenant, concernant directement les Petites créances, à l'article 138 du projet de loi, à la page 27 de notre document. Nous avons lu que le projet de loi propose 7 000 $ comme seuil des Petites créances et, nous, nous estimons qu'elle ne devrait pas estimer 5 000 $, pour la raison suivante. C'est que 7 000 $, il y a peu de personnes au Québec qui ont le moyen, aujourd'hui, dans le contexte social dans lequel on vit, de perdre cette somme-là. 5 000 $, ça risque de grever leur budget, mais quand même, c'est véritablement une petite créance, c'est une petite somme selon l'esprit de la loi qui a prévalu lorsque la proposition a été faite au début des années soixante-dix.
Ensuite, nous avons remarqué l'énumération des qualités des personnes, c'est-à-dire les personnes morales, des sociétés et des associations qui ont au plus cinq employés au cours de la dernière année, ne pourraient pas se prévaloir des Petites créances. Alors, nous, on se dit: Qui est généralement le débiteur d'une petite créance? Le débiteur d'une petite créance, en règle générale, c'est une personne physique. Et là on doit lui faire faire un parcours de faire référer le dossier au tribunal des Petites créances, s'il est poursuivi devant une autre juridiction. Alors, pourquoi ne pas y aller directement, d'autant plus que ça augmenterait le volume d'activités de la Cour des petites créances et ça rentabiliserait les opérations?
Alors, on souhaite que ce soit porté à 50 employés.
À la page 29, bien, c'est une question d'harmonisation, là, on parle... vous proposez, à l'article 958, que les débiteurs qui résident à une distance de 80 km... Bon. Alors, quelle est la distance? Est-ce que c'est une distance routière ou est-ce que c'est un rayon? Alors, l'article serait beaucoup plus précis si on parlait de rayon, c'est un critère plus objectif, plus facile à préciser.
À l'article 964, on parle de notification. La notification, pour nous, ça ne se compare pas à la signification. Alors, un peu plus loin, on pourra vous faire les nuances entre les deux. Mais je comprends, nous comprenons que, dans le projet de loi, il y aura signification en matière de petites créances: l'huissier interviendra directement à proximité du débiteur. Et d'ailleurs la loi nous imposera des obligations bien précises ? à la page 31, même, nous avons pris la peine de les inventorier ? d'informer le débiteur de certaines des options qui s'ouvrent à lui, de l'informer aussi des conséquences de son défaut. On pourra même accepter des paiements, recevoir une offre de règlement. On pourra même noter l'intention de contester, de demander la médiation, et, nous, nous trouvons que c'est un plus pour la société et c'est un plus également pour la profession d'huissier de justice, qui va jouer son rôle, vraiment un rôle premier d'intervenant, de personnalisation du système de justice dans la maison du citoyen. Et, à cet égard-là, ça va rendre la justice plus accessible.
Et nous nous posons certaines questions en ce qui concerne les sommes d'argent: Devront-elles être déposées dans un compte en fidéicommis? Dans le nôtre? Ou qui va gérer les ententes? Alors, à ce moment-là, ce sont des questions qui... nous avons indiqué nos préférences, il va de soi. Mais ce sur quoi nous voulons rassurer le législateur immédiatement, c'est que la Chambre des huissiers de justice, qui est un ordre professionnel dont l'intérêt est d'assurer la protection du public, va prendre toutes les mesures utiles pour assister, pour aider, pour appuyer nos professionnels sur le terrain dans cette activité professionnelle là. Et à l'article 980, qui est ajouté par le nouvel article 138, 980, 981 et 982, on se rend compte que le juge pourra désigner une personne qualifiée qu'il désigne et déterminer les règles qu'il devra suivre pour rédiger un constat ou une expertise. Alors, nous, on se dit que, si l'objectif c'est de faire en sorte que c'est un constat d'huissier de justice, on est bien d'accord. Sinon, bien, il faudrait bien qu'on le précise pour qu'effectivement ce soit un constat d'huissier de justice.
Bon. Je vais maintenant dans les silences de... ce que j'appelle les silences de la loi. Les silences de la loi portent en règle générale sur l'exécution forcée. Et vous comprendrez que nos références ne sont pas le texte de loi, n'est pas le texte de loi, mais nos références, nous les avons prises au rapport du Comité de révision de la procédure civile. Et nous nous sommes dit que là-dedans on propose que la personne qui vend sous contrôle de justice soit réellement indépendante des parties, et, dans ce sens-là, la vente sous contrôle de justice devait être faite par un huissier de justice. C'est le sens du premier alinéa de la page 47 que nous vous proposons.
Nous savons également qu'il y a des agents de recouvrement ou des officines de recouvrement qui font leurs choux gras de la personnification d'huissier. Le citoyen qui est paniqué s'informe à la Chambre, mais combien il y en a qui se plaignent vraiment? C'est pour ça que la procédure d'exécution doit être souple, efficace, accessible, rapide, pour contrer la mise en place des réseaux privés d'exécution, éviter qu'une décision de justice ne soit bonne qu'à encadrer, puis accroître la confiance du public dans l'efficacité du système judiciaire. Alors, pour être efficace, il faut que l'huissier de justice, l'officier ministériel et public qu'est l'huissier, lorsqu'il agit au nom de l'État, ait accès à certains renseignements, par exemple, les renseignements qui sont reliés à la propriété d'un véhicule routier, deuxièmement, le pouvoir de requérir la date de naissance du débiteur. La date de naissance du débiteur, c'est la clé qui nous permet d'accéder au Registre des droits personnels et réels mobiliers. Pas de date de naissance, on n'accède pas. Pas de date de naissance, on n'est pas capable de remplir les obligations qui nous sont dévolues sous toute peine que de droit par le Code de procédure civile. Alors ça, ça devrait être accessible aux huissiers de justice.
Il y a également des recommandations qui touchent... Et nous prions le législateur de mettre en oeuvre, le plus rapidement possible, toutes les propositions concernant l'exécution forcée des décisions de justice, de les mettre en oeuvre le plus rapidement, tel que ça a été proposé par le Comité de révision de la procédure civile, de telle sorte que, même si ce n'est pas parfait, on est prêt à en discuter pour qu'on présente quelque chose qui soit cohérent, notamment ? notamment ? en ce qui concerne les ventes en justice. Actuellement, le seul moyen de procéder à une vente consiste à des encans, alors que ce n'est pas le meilleur moyen. D'ailleurs, l'exercice des droits hypothécaires a permis de découvrir qu'il y a de meilleurs moyens que la vente à enchères pour réaliser des actifs.
Bon, je comprends aussi que nous sommes là pour répondre à vos questions et je pense que j'ai épuisé le temps.
Le Président (M. Boulianne): Oui. Alors, en conclusion, si vous voulez une phrase de conclusion, il vous reste une minute. C'est beau? Alors donc, merci beaucoup, M. Dubé. Alors, nous allons procéder immédiatement à la période d'échange. M. le ministre, vous avez la parole.
M. Bégin: Merci, M. le Président. Je ne peux pas m'empêcher de me rappeler ce qui s'était passé il y a sept ans quand les premiers contacts qu'on a eus étaient pour me supplier de faire en sorte que les huissiers soient un ordre professionnel. Le ton était légèrement différent. Il y avait beaucoup plus de revendications que des commentaires comme on entend aujourd'hui. Alors, ça fait plaisir de vous revoir après tout ce temps-là. Je vois que l'enfant se porte bien, tout le monde est actif et veut continuer à l'être.
Deuxième remarque. Au-delà de vous remercier d'être ici aujourd'hui pour nous faire part de vos modifications, c'est que ? proposées ? vous demandez qu'on aille plus vite concernant, par exemple, l'exécution forcée. Là, je pense qu'on a, vous et moi, un problème: c'est que la machine ne suffit pas à la tâche. J'ai planifié de faire, de réformer le Code de procédure civile en deux phases, et il y en a qui me disent: M. Bégin, il faudrait au moins que ce soit en trois phases. Et, d'un côté, on me dit: Vous allez trop vite, puis d'autres fois: Pas assez vite. Le Barreau trouve que je vais vite, puis il y a du monde qui trouve que je ne vais pas assez vite. Mon personnel trouve que je vais trop vite. Alors, c'est...
n(17 h 20)nUne voix: ...
M. Bégin: Hein?
Le Président (M. Boulianne): ...Mme la députée, M. le ministre, continuez.
M. Bégin: Je n'ai pas compris.
Le Président (M. Boulianne): Non, alors...
Mme Lamquin-Éthier: Ils ne doivent pas avoir tort.
M. Bégin: Les deux? Ils ne disent pas la même chose. Alors, c'est le contraire.
Le Président (M. Boulianne): Alors, s'il vous plaît, on est... Continuons avec un ton modéré.
M. Bégin: De quel côté ont-ils raison? Lequel a raison ou tort?
Alors, c'est des questions très complexes. On le voit par les débats que nous avons aujourd'hui. Chaque mesure touche des gens directement ou indirectement, affecte des façons de faire que nous connaissions depuis longtemps. Alors, il faut que, en voulant améliorer, on ne se crée pas plus de problèmes qu'on en solutionne. Il faut donc prendre ça par bouchées, et le projet de loi actuellement touche quand même au coeur même de l'ensemble de la procédure, la façon dont les choses se déroulent devant le tribunal. Ce qui ne veut pas dire que ce qui n'est pas là présentement n'est pas important, mais on le prendra dans une deuxième étape. Alors, ça, c'est pour le volet que vous nous demandez d'accélérer. Ça viendra et, je l'espère, le plus rapidement possible.
Vous avez soulevé beaucoup de questions. J'aimerais revenir peut-être sur deux qui sont au tout début de ce que vous avez mentionné: une sur l'avancement ? je ne sais pas si ça se dit comme ça ? l'argent avancé lors de la signification, et la question du constat de 294.1.
Commençons par l'argent avancé. Une des choses que j'ai eu à discuter longuement avec la magistrature et le Barreau dans mon premier mandat, c'était le comportement que nous avions, comme société, à l'égard des témoins, en ce sens que nous les assignions en vrac le matin. On les fait attendre dans le corridor plusieurs heures, on ne leur demande pas s'ils sont d'accord ou pas d'accord. Il y a un subpoena qui est là. On a avancé 2 $ ou... je ne sais plus si c'est encore ça, là, mais on avançait un montant d'argent.
Une voix: ...
M. Bégin: Même plus? Bon. Alors, la personne est là, et, tout à coup, on lui dit: Bien, on ne te fera pas témoigner, tu peux t'en aller. La personne a dû faire cesser toutes ses activités. Bref, on a trouvé, tout le monde, qu'on avait un comportement assez radical à l'égard d'un auxiliaire de la justice essentiel: le témoin. On a donc dit: Il faudrait qu'on change un peu nos comportements à l'égard des témoins. Je pense que cette attitude est saine, est correcte. Et là, quand on dit à quelqu'un: Veux-tu, demain ou dans six... pas demain, mais dans quelques jours, tu devras te trouver une gardienne ou encore tu devras demander à ton employeur de t'exempter de travailler cette journée-là, tu devras prendre un moyen de transport que tu ne connais pas pour te rendre à un endroit que tu ne connais pas, etc. Et là on te dit: Tu viendras, tu ne viendras pas, mets-toi à notre disposition, nous, on a besoin de toi. Et on lui dit: Bien, écoute, tu te débrouilleras pour l'argent, hein. Si tu perds de l'argent, bien, on te remboursera peut-être un jour. Il y a dans ça un comportement un peu cavalier, je pense, et il faut qu'on change cette attitude-là.
Alors, si on a besoin de quelqu'un et qu'on fait venir chez soi quelqu'un, bien, on le paie. Quand je fais venir le plombier, l'électricien chez nous, je le paie. Quand, comme avocat, j'ai besoin de quelqu'un pour venir témoigner, bien, il faut que je prévoie l'indemnisation. Alors, quelle est la façon la plus pratique? Là, on peut s'interroger et se dire: Est-ce que c'est au moment de la remise du bref, du subpoena, ou bien si c'est au moment d'arriver en cour? Moi, je pense que, sincèrement, attendre que le matin du procès on paie quelqu'un, par expérience, là, comme avocat, on a bien d'autres chats à fouetter que celui-là ? bien d'autres chats à fouetter, hein: Ça va être quoi, les témoins, etc? On est préoccupé par notre dossier. Les témoins, là, les payer, avoir de l'argent en cash dans nos poches pour les payer puis se chicaner pour savoir si c'est assez par rapport à son salaire, c'est un travail que je ne pense pas qu'on puisse donner à l'avocat. C'est un travail trop lourd. Par contre, s'il veut en être déchargé, bien, qu'il avance les fonds requis pour que la personne soit indemnisée.
Si on appelle une personne le matin du procès, qui s'est libérée, là, puis qu'on lui dit: On n'a pas besoin de toi, à neuf heures et demie, bien, sa journée est perdue. Alors, pourquoi on ne l'indemniserait pas? Qu'on règle le dossier, c'est à l'avantage des parties. C'est peut-être le fait que l'autre partie a vu sept témoins arriver, là, en ligne, pour dire: whoopelaïe, pour moi, à matin, on va y passer, hein ? parce que généralement on connaît les témoins de l'autre partie ? la preuve, pour moi, elle va être solide à matin, je serais peut-être mieux de régler. Ça, ça ne se dit pas, ces choses-là, ça se pense, mais ça a de l'effet. Alors, la personne n'a peut-être pas témoigné, mais elle a été utile. Alors, pourquoi ne pas l'indemniser, à ce moment-là?
Je vous fais ce tableau-là qui sous-tend l'article. Je vous demande: Est-ce que ça a du sens ou bien on devrait suivre votre recommandation?
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Alors, oui, M. Dubé ou Coulombe? Bienvenue, M. Coulombe. On vous écoute.
M. Coulombe (Alain): On va saluer... M. Paul. Bon. En fait, la question qu'on s'est posée concernant cette partie-là, il n'y a pas de problème, en fait, il n'y a pas de problème sur le principe, là. O.K. On est d'accord? On le fait déjà dans l'assignation des témoins, dans l'avance des déboursés pour le transport aller-retour. À Québec, un exemple, l'autobus, on donne généralement autour de 5 $ à un témoin, là, et aussi on a une tranche additionnelle quand on explique au témoin tout ce qui va avec l'assignation à la cour, là. Bon.
Le problème qu'on pense qu'il va y avoir, c'est qu'on va devenir une banque. Ça va être la banque des huissiers, au profit des avocats, pour avancer toutes ces sommes-là. O.K. En fait, ça aurait pris une mécanique pour obliger l'avocat au moins à avancer des frais. Je ne sais pas c'est quoi, l'équivalent dans une journée, là...
Une voix: Bien, ça, c'est prévu dans le règlement.
M. Coulombe (Alain): Dans le règlement? En tout cas, bon, supposons que c'est 50 $, peu importe, là. Alors, la tendance va faire qu'on devra financer tout ce nouveau système-là, et ça, ça risque éventuellement de causer pas mal de problèmes à l'ensemble des huissiers. Votre bureau est un excellent bureau, on n'avait jamais de problème avec le vôtre, mais il y a d'autres bureaux avec lesquels on pourrait éventuellement avoir des problèmes, et ça, les huissiers, là... Je ne sais pas si mes collègues partagent ça...
M. Bégin: Si je vous comprends bien, vous dites: Il faudrait que l'avocat qui demande au huissier, en lui remettant des subpoena pour dire: Regarde, signifie ça, j'ai sept témoins aujourd'hui, bien, si ça coûte 350 $, il faudrait qu'il avance 350 $ au huissier. Il ne faut pas que celui-ci débourse le montant puis dise à l'avocat, une semaine, 15 jours, un mois après: Hé! tu me dois 350 $. C'est ça?
M. Coulombe (Alain): C'est ça, ou idéalement, un chèque fait à chaque témoin, là. On pourra, nous autres, continuer à avancer les frais de transport, parce que les clients ne le savent pas nécessairement c'est combien. Ça, on peut continuer à le gérer, mais, idéalement, qu'un chèque soit avancé directement au témoin pour cette partie-là.
M. Bégin: Je comprends. Alors, l'intérêt est atteint, la justice est atteinte. O.K.
Le Président (M. Boulianne): M. le ministre, essayez d'être plus concis dans les questions si on veut échanger un peu, là, pas trop long.
M. Bégin: C'est très important ce qu'on vient de déclarer là.
Le Président (M. Boulianne): Oui, c'est important, mais continuez.
M. Bégin: Article 294.1. Les constats. Là, je vous avoue que vous vous êtes entraînés sur un terrain nouveau, en ce sens que 294.1, c'est: «Le tribunal peut accepter à titre de témoignage une déclaration écrite...» Alors, ma déclaration, dans ce cas-ci, c'est celui qui devait être témoin qui la fait. Elle est consignée dans un écrit et qui remplace le témoignage. Là, ce que vous me dites, si je comprends bien, corrigez-moi si je me trompe, vous nous dites: On devrait, on pourrait, nous, comme huissiers ? est-ce que c'est le bon mot? ? recevoir le témoignage, le consigner et dire que celui-ci devient le témoignage. Je vois votre signe de tête et je ne comprends pas. Alors, voulez-vous m'expliquer ce que vous nous dites?
Le Président (M. Boulianne): M. Dubé.
M. Dubé (Ronald): Alors, on va clarifier l'affaire. Si on va à la page 20 de notre mémoire, à la page 20 de notre mémoire, sous l'article 9 là, on dit: «Le constat [...] est un moyen destiné à préserver un droit. C'est une photographie écrite, généralement dans la perspective pour celui qui le demande, d'apporter ou de réserver une preuve en cas de litige.» Les constatations, ça n'a valeur que de simples renseignements.
Alors, ce qui arrive, là... Je vais vous prendre... Le meilleur exemple, là, c'est en matière de baux d'habitation: l'état des lieux à l'entrée et l'état des lieux à la sortie. Dans le Code civil du Québec, on prévoit que la preuve de l'état des lieux à l'entrée peut être faite par des témoignages, des témoignages qui sont faits par des personnes qui peuvent vivre propriétaires, locataires pendant cinq ans, et au bout de cinq ans, ils ne se souviennent pas de la même chose. Alors, il peut y avoir eu une détérioration, il peut y avoir eu de l'usure anormale. Et si, dans la législation, on prévoyait, dans le Code civil, par exemple, ou dans le Code de procédure civile, qu'un constat d'huissier de justice, qui décrirait une situation précise sans la commenter, pourrait être une preuve conservée, si on en a besoin éventuellement. Et, dans ce sens-là, ça donnerait une valeur ajoutée à un lieu d'intervention où le champ d'activité professionnelle, créé par l'article 9, serait applicable.
n(17 h 30)n Je donne ça pour les baux d'habitation. Mais, si nous allons dans la page 77, je crois, de notre mémoire, et je vais vous apporter... Allez à la page 81, 81, Les matières où l'acte de constat s'est déjà avéré ou pourrait s'avérer utile aux clients. Dans les matières locatives: dégât des eaux, inventaire d'un local, lieux vacants ou occupés, non-respect des clauses d'un bail, déguerpissement, accès à un local, négligence du propriétaire. Dans les baux d'habitation: état des lieux à l'entrée et à la sortie. Dans un bail commercial: restaurateur qui s'est enfui sans payer le loyer. Dans le cas d'un crédit-bail: remise d'un véhicule... et son état, remise d'un bien spécifique. Dans des troubles de voisinage: du harcèlement verbal répétitif, abus de droit de voisinage.
Alors, il y a tout un inventaire d'événements passagers qui sont gelés dans le temps, et, si ces événements-là étaient constatés dans un acte rédigé par un auxiliaire de la justice, un officier ministériel et public sous son serment d'office, ça pourrait être un plus pour les consommateurs. C'est dans ce sens-là.
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Dubé. M. le ministre.
M. Bégin: Oui. On me remet ici la Loi des huissiers de justice. À l'article 9, on dit: «L'huissier peut effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter; ces constatations n'ont que la valeur de simples renseignements.»M. Dubé (Ronald): C'est ça.
M. Bégin: Mais, quand vous dites «n'ont que la valeur de simples renseignements», j'avais cru comprendre que ça valait plus, là.
M. Coulombe (Alain): Non, attendez...
Le Président (M. Boulianne): M. Coulombe.
M. Bégin: Excusez, c'est parce que je trouve que, dans ce que vous dites, il y a quelque chose d'intéressant, mais ce qui m'est venu à l'esprit quand vous me parliez... Vous avez dit: Bon, je constate qu'un logement qui va être mis en location, à la fin on ne pourra pas savoir comment il était au début. Soit, vous faites un constat. Mais il y a des gens qui vont penser que certains huissiers vont être plutôt généreux, d'autres plutôt sévères, en ce sens qu'ils vont faire un état des lieux qui ne sera peut-être pas, dans leur esprit, semblable. Est-ce que vous pensez que le locataire qui arriverait devrait signer ce document-là comme étant d'accord? Mais, s'il dit: Mais, c'est pas vrai pantoute, ce n'était pas comme ça, qu'est-ce que vous faites?
Le Président (M. Boulianne): Alors, merci, M. le ministre. M. Dubé.
M. Dubé (Ronald): Ça pourrait être une option, mais je peux laisser M. Coulombe...
Le Président (M. Boulianne): Oui. M. Coulombe.
M. Coulombe (Alain): Dans le cas de... en matière locative, effectivement on fait signer un constat par les deux parties, là, quand c'est un cas d'entrée et de sortie, d'état des lieux. Le constat d'état des lieux ou la majorité des constats sont toujours appuyés de photos, de vidéos, là, qui viennent donner une autre dimension. La valeur de simples renseignements, en fait, ce n'est pas un rapport d'expert qu'on fait, c'est strictement une image de la réalité.
M. Bégin: C'est parce que, quand on dit «simples renseignements» versus le témoignage, vous auriez hypothétiquement un constat qui montrerait une situation, et on dit que ça vaut à titre de renseignements, et, à côté, on aura un témoignage. Lequel des deux, dans la balance de la justice, prévaudrait?
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Alors, M. Dubé.
M. Dubé (Ronald): Bon, rapidement, le constat d'huissier de justice, c'est comme tous les autres procès-verbaux, il y a des éléments essentiels que le constat a mission de constater et qu'on ne peut pas rejeter. Par contre, il y a d'autres éléments qui sont un témoignage. Par exemple, au bas de la page 20, on dit: Le caractère authentique du constat portera sur la date et l'heure des constatations. La même chose qu'une signification pour qu'une saisie... Sur le lieu des constatations, c'est à telle place qu'il est allé, pas ailleurs. Sur la présence ou l'absence des parties, qui était là? Et puis le déroulement des opérations. Ensuite, ça, c'est rapporté solennellement par un huissier sous son serment, et ça pourrait faire foi jusqu'à inscription de faux. En outre, l'huissier ne tire aucune conséquence, aucune considération ni ne livre aucun avis sur les faits qu'il relate, qui sont considérés comme de simples renseignements. Alors, sa mission est limitée aux seuls faits qu'il constate et qu'il décrit en toute objectivité. Il établit une sorte de cliché qui correspond à une situation précise, à un moment tout aussi précis. Ces faits, ce cliché, éclairent ou renseignent le tribunal qui, souverain, jouit de la liberté de les accepter ou non. C'est ça.
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Dubé. Merci, M. le ministre.
Une voix: ...
Le Président (M. Boulianne): Non. On reviendra peut-être s'il y a consentement plus tard. Mme la députée de Bourassa, vous avez la parole.
Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Bonjour, MM. Horic, Coulombe et Dubé. Permettez-moi de souligner, en ouverture, que je suis heureuse de voir que vous bénéficiez d'un ton, de la part du ministre, qui est plus serein que le ton...
M. Bégin: Je trouve que, vraiment, c'est un commentaire déplacé de la part de la députée.
Mme Lamquin-Éthier: Bien, c'est vrai, là, le ton...
Le Président (M. Boulianne): S'il vous plaît, M. le ministre, Mme la députée, on s'en tient, s'il vous plaît, au projet de loi. Alors, on vous écoute, allez-y.
Mme Lamquin-Éthier: Vous avez fait des commentaires en ouverture sur les Petites créances, vous savez que le ministre... Vous ne le savez peut-être pas, là, parce que ça n'a pas été diffusé, le ministre Bégin apporte 100 modifications ou aura apporté 100 modifications au projet de loi n° 54. Parmi les modifications qu'il apporte, il n'y en n'a pas concernant les Petites créances, qui vont demeurer à 7 000. Si j'ai bien compris ce que vous avez mentionné, un, 7 000 $, on ne peut pas penser que c'est une petite créance; et deux, vous entrevoyez, compte tenu de votre vaste expérience, des impacts réels pour les justiciables. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?
Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. M. Dubé.
M. Dubé (Ronald): Oui. 5 000 $, dans la société d'aujourd'hui, c'est acceptable. 7 000 $, d'après moi, là, les membres... la société, ça serait trop. Ça serait trop puis, en plus de ça, ça représente des cas suffisamment complexes, et là c'est intéressant que l'avocat intervienne là-dedans, là. Ça fait qu'on... C'est quelque chose d'un peu plus complexe lorsqu'on dépasse le seuil de 5 000 $, généralement.
Maintenant, le deuxième volet de votre question...
Le Président (M. Boulianne): Mme la députée, vous voulez répéter, s'il vous plaît?
Mme Lamquin-Éthier: Le Barreau avait fait des recommandations de hausser le seuil de 3 000 à 5 000. Vous dites vous-même que 5 000, ça aurait été acceptable. Or, il est dépassé, il est à 7. Je vous disais tout à l'heure, lorsque vous avez parlé de ça: Vous semblez voir des impacts pour les justiciables. Vous dites: 5 000, qui peut se permettre... 5 000 $, c'est déjà beaucoup. Alors, 7 000, c'est encore pire.
M. Dubé (Ronald): Oui, c'est ça, exactement.
Mme Lamquin-Éthier: Donc, ce qui va avoir des impacts sérieux pour les justiciables.
M. Dubé (Ronald): Sérieux, oui. Des impacts sérieux sur le budget d'une personne ou les impacts juridiques, sur la nature du litige. Qui a le moyen... 17 000 $, au moins, supposons que la partie gagne, elle a suffisamment d'argent quand même qui va lui rester, parce qu'elle aura des honoraires à payer, il va falloir payer un conseiller juridique, etc. Et, dans ce sens-là, 5 000 $, qu'est-ce qui reste? Je ne sais pas, là. Moi, je ne connais pas personne qui travaille pour rien. Tandis que, à 5 000 $, quelqu'un peut se défendre lui-même devant un tribunal d'équité puis, bon, il fait la part des choses. Dans ce sens-là, je pense, c'est acceptable. Mais, lorsqu'on dépasse ce seuil-là, d'après moi, c'est beaucoup plus difficile.
Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Dubé. M. Coulombe, vous voulez ajouter quelque chose?
M. Coulombe (Alain): Je ne suis pas du même avis.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Coulombe (Alain): On peut être d'avis différents dans la vie, oui?
Le Président (M. Boulianne): Alors, merci. Mme la députée.
Mme Lamquin-Éthier: Deuxième question, vous bénéficiez tous d'une vaste expérience, au sujet du recours collectif. L'admissibilité d'une personne morale, société ou association ayant plus ou moins de 50 personnes, est-ce que vous seriez favorables à ça?
Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. M. Dubé.
M. Dubé (Ronald): Ce n'est pas de notre compétence.
Mme Lamquin-Éthier: Vous n'avez donc aucun commentaire quant à...
M. Dubé (Ronald): Non, on n'en parle pas, puis ça nous dépasse, ce bout-là.
M. Horic (Alan): Par contre, on a des revendications, un certain nombre...
Le Président (M. Boulianne): Merci. M. Horic, est-ce que vous voulez intervenir?
M. Horic (Alan): Oui.
Le Président (M. Boulianne): Oui. Alors, allez-y.
M. Horic (Alan): Premièrement, on a certaines, quand même, revendications au niveau, justement, de ces dites personnes morales là. Évidemment, dans le projet de loi, on conçoit puis on comprend également que l'on parle de cinq personnes, cinq employés ou moins. Évidemment, aujourd'hui, nous, en tant que huissiers de justice, avec notre expérience de route, il nous a été permis de constater quand même plusieurs gros facteurs importants face à ces compagnies-là.
Une des premières est tout simplement que, pour une créance en bas de 5 000 $, je dois vous dire qu'il n'y a pas beaucoup de personnes morales qui se prévalent de prendre le dossier et de le donner à un avocat pour les raisons que l'on connaît. Je dois être bien honnête avec vous, un dossier de 5 000 $, la compagnie va soit tout simplement le porter aux mauvaises créances ou pratiquement n'en faire rien. Si on pourrait avoir l'accès, pour ces compagnies-là, à partir de 50 personnes ou moins, je dois vous dire que probablement la plupart de ces personnes morales là se prévaudraient justement de cette ouverture d'esprit puis cette ouverture-là à l'accès, justement, à la justice. C'est aussi simple que ça. Ce sont nos revendications. Évidemment, on prétend que ce palier-là, ce volet-là devrait être ouvert aux personnes morales, mais incluant 50 employés ou moins.
Le Président (M. Boulianne): Merci, monsieur...
M. Horic (Alan): M. Coulombe pourrait peut-être rajouter quelque chose là-dessus.
Le Président (M. Boulianne): M. Coulombe, est-ce que vous voulez ajouter quelque chose?
M. Coulombe (Alain): M. le Président, j'aurais besoin juste d'une précision, là. Il y a une chose qui n'est pas claire pour moi dans 953. Avant, l'éligibilité se faisait concernant... On parlait de personnes physiques et morales ? j'imagine qu'on a fait les ajustements avec le nouveau Code civil ? de sorte qu'avant les sociétés de personnes étaient admissibles aux Petites créances, les sociétés de huissiers, d'avocats, de notaires, comptables étaient admissibles comme personnes aux Petites créances. Et, si je comprends le nouveau texte, personnes morales, sociétés ou associations ne pourraient plus se prévaloir des Petites créances. Quand on parle de sociétés, est-ce qu'on parle des sociétés de personnes? Est-ce qu'on pourrait quand même être admissibles aux Petites créances comme on l'était avant? L'esprit du ministre, là, par rapport à ça.
Le Président (M. Boulianne): Non, j'aimerais que l'échange se fasse avec madame...
M. Coulombe (Alain): O.K. Excusez, madame, oui.
Le Président (M. Boulianne): ...la députée, et on reviendra, parce que c'est elle qui a le droit de parole maintenant.
Mme Lamquin-Éthier: Donc, vous avez une interrogation, elle est intéressante. À la lecture du texte, vous voyez qu'il y a une ouverture pour une personne morale de droit privé, etc., mais que c'est limité quand même à cinq personnes ou moins.
Alors, la question que je vous pose: Vous étiez présent lors de la rencontre précédente, est-ce que vous trouvez qu'il y aurait un intérêt que ce soit ouvert beaucoup plus largement qu'à cinq personnes ou moins? Est-ce que ça pourrait aller jusqu'à 50 personnes pour ne pas pénaliser?
n(17 h 40)nM. Coulombe (Alain): Bon. En fait, il y a deux volets. Si les personnes qui étaient admissibles sur l'ancien régime, c'est-à-dire toutes les personnes physiques comprenant celles en société, à l'exception des compagnies de cinq et moins... Ça, c'est une première chose. Ça, je pense, c'est le minimum en partant. O.K.? Bon. Si on s'en va avec 50 employés, là je pense qu'on touche vraiment le domaine de la nature des Petites créances, O.K.? C'est-à-dire que les Petites créances, c'est là que ça se passe. Bon, tantôt, on parlait des 5 000, 7 000, c'est quoi, le montant d'une petite créance? Moi, je vous dis: Environ 10 000. Puis, c'est une opinion qui est personnelle, là, je ne m'engage pas au nom de la Chambre, là. Entre zéro et 10 000, là, maintenant, c'est de la petite créance, peu d'avocats touchent à ces comptes-là maintenant à cause des frais reliés à ça, et la majorité de ces comptes-là sont dans les agences de collection, O.K. Tout se retrouve là, ce n'est plus dans le juridique, le zéro-10 000. La majorité se retrouve dans les compagnies de collection au profit du délaissement du système judiciaire. Le système judiciaire donne des garanties de protection du public, des garanties à l'utilisateur. Alors, si, à un moment donné, cette dimension-là montait à 50, bien ça ramènerait dans un giron judiciaire la petite créance, là, qui est délaissée actuellement à cause des compagnies, principalement, de collection, qui relèvent de la Loi de protection du consommateur, qui n'ont absolument pas les garanties qu'on peut donner au public, entre autres dans le système professionnel.
Et je dois mettre en parallèle, en plus, l'article 966 où on voit que le ministre a travaillé dans un cabinet privé. Et, je pense qu'il a vraiment compris la dimension de l'huissier; nous sommes l'auxiliaire de justice du ministre de la Justice en lui permettant d'aller faire de la perception amiable sur le terrain, le niveau de l'introduction de l'instance. C'est vraiment notre rôle actuel comme huissiers de justice, c'est une des meilleures solutions qui ne peut pas exister, tant qu'à moi, de permettre aux citoyens de... On va aller régler le litige chez les citoyens ? c'est ce qu'on fait à la journée longue comme huissiers ? on va faire un petit peu de médiation de terrain, je vous dirais, et ça va drôlement libérer les tribunaux. L'huissier offre toutes les garanties reliées à la protection du public et aussi à l'utilisateur, entre autres par le fait d'un tarif judiciaire.
Le Président (M. Boulianne): Merci. Mme la députée de Jonquière, vous avez une question? Allez-y.
Mme Gauthier: Oui, moi, je suis comme M. le ministre, ma préoccupation, c'est au niveau des constats. On sait qu'un procès-verbal de signification, le procès-verbal fait preuve de son contenu, c'est un document qu'on n'a pas besoin de vous assigner pour en faire la preuve. Au niveau des constats, je comprends que, là, vous vous ramenez à un témoin idoine? C'est comme ça que je dois le comprendre?
M. Coulombe (Alain): Bien, en fait, au niveau du...
Le Président (M. Boulianne): M. Coulombe.
M. Coulombe (Alain): Excusez-moi, M. le Président...
Le Président (M. Boulianne): Oui, allez-y.
M. Coulombe (Alain): Ça va? Bon, au niveau du constat... En fait, bon, le constat est de souche européenne, qui existe depuis de nombreuses décennies en Europe. On en a la culture au Québec depuis environ 25 ans. Il a progressé tranquillement par l'intégration aux tarifs dans un premier temps, en 1989 il a été inclus dans notre Loi sur les huissiers, et finalement on en est là aujourd'hui, et de sorte que, par la pratique, maintenant, on fait énormément de constats, c'est vraiment le travail actuel, de plus en plus, de l'huissier. En fait, nous sommes un témoin privilégié. Et la raison qui fait qu'il est crédible, je vous dirais que, bon, des centaines de constats se font par année, au Québec, par les huissiers, et rarement l'huissier a à témoigner devant le tribunal pour être contre-interrogé. Il est admis généralement très bien en preuve, sauf qu'il n'a pas la nature d'un acte authentique comme un procès-verbal de signification.
Alors, dans la culture du constat, depuis le nombre d'années qu'on en fait, je pense qu'on est rendu là, il a fait ses preuves jusqu'à maintenant. La Chambre a tout un service de formation continue relié aux constats, et tout ce qui va être développé en collaboration avec le ministère de la Justice le sera, fait, en collaboration aussi avec la Chambre, où la Chambre va toujours donner une garantie morale, entre autres au niveau de l'exécution de la formation. Et on offre toujours nos services pour être un point de chute pour tout ce qui pourrait être fait avec le ministère de la Justice ou d'autres personnes.
Le Président (M. Boulianne): Merci. Mme la députée de Jonquière? Ça va. Mme la députée de Bourassa.
Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Dans votre mémoire, à la page 16, vous parlez de l'article 14, lequel, lui, concerne l'article 148 du Code de procédure civile. Vous dites: «Nous croyons que le délai devrait être exprimé en jours plutôt qu'en heures.» Est-ce que vous pouvez expliciter?
Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. M. Dubé ou monsieur...
M. Coulombe (Alain): Si vous me permettrez...
Le Président (M. Boulianne): ...oui, Coulombe.
M. Coulombe (Alain): Excusez, comme vous avez vu, je suis un ancien président, je m'ennuyais un petit peu. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Boulianne): Alors, allez-y, on vous écoute.
M. Coulombe (Alain): Bon. Dans la computation des délais... Je veux juste vous donner des grandes lignes et vous offrir nos services, éventuellement, au niveau d'un fonctionnaire. C'est juste parce qu'on a le terrain, on a la compréhension.
Dans les délais, on a des délais qu'on appelle en jours ordinaires, O.K., où le jour, le départ ne compte pas, l'arrivée compte; en jours francs où le départ ne compte pas et l'arrivée ne compte pas; et en jours juridiques francs. Bon. Et, dans les expressions qu'on voit au Code, on voit souvent un délai «au moins», O.K., on voit un délai «dans les». Bon. Il faut créer absolument une uniformité dans l'interprétation de ces délais-là, parce que, même avec les règles qu'on a, chaque district judiciaire, des fois, va interpréter différemment les règles.
Alors, le principal délai, je pense, à retenir, c'est quand on parle de jours, O.K., mais de jours entiers, ne pas mettre de délais en heures, O.K., et que, lorsqu'on parle de jours, qu'on utilise la computation régulière des délais, c'est-à-dire que le départ ne compte pas et l'arrivée compte. Cependant, dans les délais courts... Et, je vous donne un exemple de délai, un jour, deux jours, on devra absolument garder la notion de jour juridique franc, et ça, strictement pour être capable de faire le joint avec le rôle, O.K.? Alors, si j'ai une inscription ex parte, un exemple, à l'article 193 au Code de procédure civile, on prévoit un avis de deux jours juridiques francs, alors... Parce que le rôle, là, doit être capable de mettre cette procédure-là sur le rôle d'audience. Alors, si on parle d'un délai de deux jours seulement, on va signifier le vendredi, puis ça va procéder le lundi, puis sans que l'original soit déposé. Ça ne tient pas debout. Alors, le deux jours juridiques francs permet une procédure présentable le lundi, qu'elle soit signifiée le mercredi comme dernier jour. Ça va?
Le Président (M. Boulianne): Oui. Merci, M. Coulombe. Alors, Mme la députée de Bourassa, vous avez encore du temps.
Mme Lamquin-Éthier: Oui. Merci, M. le Président. Vous dites... C'est-à-dire vous ne dites pas, j'ai remarqué, dans le texte, qu'on emploie souvent très côte à côte, «notification» et «signification». Est-ce qu'il vous apparaît que ces utilisations-là sont suffisamment claires pour les gens qui lisent le Code de procédure civile? Moi, je vous avoue qu'honnêtement, des fois, là, j'avais de la difficulté à dissocier ou distinguer «notification» de «signification».
Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée de Bourassa. Alors, est-ce que c'est M. Dubé? Oui? Alors, allez-y, on vous écoute.
M. Dubé (Ronald): Oui. Le Comité de révision de la procédure civile recommande lui-même de clarifier... Nous, ça fait longtemps qu'on le demande, mais il recommande lui-même de clarifier les expressions, réserver l'expression, le substantif «signification» à l'huissier de justice et la «notification» à d'autres formes de transmission qui peuvent être moyens électroniques, télécopieur, etc. Et tout ça, il faut toujours penser dans le contexte où éventuellement les actes seront communiqués par des moyens électroniques. Il faut utiliser des bons termes. Et on recommande même que la signification par huissier soit réservée à tous les actes où le défaut par la partie d'en prendre connaissance risque de lui faire perdre un droit. Quels sont ces actes-là? La signification d'un acte introductif d'instance, le subpoena qui est adressé à un témoin, la demande de se constituer un nouveau procureur, alors le bref de saisie-arrêt signifié au tiers saisi. Alors, ce sont des actes qui doivent être signifiés par huissier, c'est-à-dire qu'ils soient remis à une personne par un officier ministériel et public. Et c'est dans ce sens-là qu'il faut que le Code utilise, chaque fois qu'il veut que ce soit le huissier, qu'il inscrive «signifier», et les autres modes, les autres moyens, qu'il puisse utiliser «notification».
Mais ce sur quoi nous ne sommes pas d'accord avec le Comité de révision, parce que j'ai l'impression que la question pourra venir, c'est qu'on voudrait proposer que la notification soit la règle et les exceptions par huissier dans certaines circonstances, alors que si on... C'est comme si on disait que le sirop d'érable de deuxième catégorie deviendrait catégorie 1, et l'inverse. Alors, il ne sera pas meilleur. C'est toujours meilleur par huissier parce que c'est plus efficace.
Le Président (M. Boulianne): Alors, merci, M. Dubé. Merci, Mme la députée de Bourassa. Alors, merci à MM. Dubé, Coulombe et Horic, M. Coulombe, d'avoir repris du service temporairement.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulianne: Alors donc, la commission ajourne ses travaux à mardi, le 26, à 9 h 30, en cette même salle.
(Fin de la séance à 17 h 49)