(Neuf heures six minutes)
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des institutions est réunie afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le document de consultation concernant le projet de loi fédéral sur le système de justice pénale pour les adolescents.
Avant de procéder, M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Dupuis (Saint-Laurent) est remplacé par M. Sirros (Laurier-Dorion).
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Au niveau de l'ordre du jour, nous avons tout d'abord une rencontre avec M. Marc Lacour; ensuite, à 9 h 45 ou environ, avec les représentants de la Commission des services juridiques; suivront ceux de l'Association des substituts du Procureur général du Québec; ensuite, ceux du Barreau du Québec; et nous suspendrons nos travaux vers midi pour reprendre, après la période des affaires courantes, avec les représentants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse; suivront les représentants de la Centrale des syndicats du Québec; et, vers 17 heures, nous procéderons à la période des remarques finales du groupe parlementaire formant l'opposition officielle; puis, les remarques finales du groupe parlementaire formant le gouvernement; et nous ajournerons vers 18 heures. Est-ce que cet ordre du jour est adopté? Adopté.
Auditions
Alors, nous invitons donc M. Marc Lacour à bien vouloir s'avancer, s'il vous plaît. M. Lacour est directeur en organisation de services à la Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux du Québec.
M. Lacour, je vous remercie encore une fois d'avoir accepté de nous rencontrer ce matin plutôt qu'hier. Ça nous permet, au niveau de la commission, de mieux organiser nos travaux pour la suite. Nous avons réservé, donc, une période de 45 minutes, 15 minutes pour la présentation, et, par la suite, nous passerons à deux blocs de 15 minutes dans les échanges. Vous avez la parole.
Conférence des régies régionales de la santé
et des services sociaux du Québec
M. Lacour (Marc): Merci, M. le Président. Je tiens d'abord à vous remercier d'avoir accepté d'entendre la Conférence des régies régionales relativement à sa position concernant le projet de loi sur la justice pénale des jeunes.
Je me présente, mon nom est Marc Lacour. Je suis, comme vous l'avez mentionné, M. le Président, directeur de l'organisation de services dans une régie régionale, celle de la Mauricie et du Centre-du-Québec, mais j'ai également occupé les fonctions, pendant plusieurs années, de directeur de la protection de la jeunesse et cumulé, donc, par le fait même, des responsabilités de directeur provincial en matière de jeunes contrevenants.
M. le Président, vous avez vu jusqu'à maintenant qu'on était devant un projet de loi qui était assez laborieux, assez complexe, qui comporte, je dirais, beaucoup de tuyauterie. Et, souvent, c'est ce qui nous rend la tâche plus difficile pour pouvoir l'apprécier dans son ensemble. Lorsqu'on rentre dans le détail des dédales de la mécanique de cette loi, parfois on a tendance à en perdre le sens ou la finalité.
Alors, mon propos aujourd'hui va se concentrer davantage sur le fond, la finalité, le sens de cette législation, et j'aimerais, dans un premier temps ? je sais que ce ne sera pas nécessairement utile pour vous, M. le Président ? rappeler aux parlementaires qu'est-ce que c'est, une régie régionale. Par la suite, j'enchaînerai en faisant un bref rappel historique de certains événements qui ont caractérisé l'évolution de la pratique et également l'encadrement légal des jeunes contrevenants au Québec. Et je vous présenterai quelques arguments qui sont à l'appui de la position de la Conférence des régies régionales dans ce domaine-là.
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(9 h 10)
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Donc, les régies régionales, essentiellement, on en retrouve dans chacune des régions du Québec. C'est une instance qui est chargée de planifier, d'organiser et de mettre en oeuvre les politiques, les orientations du ministère en matière de santé et de bien-être de la population. Or, les régies se doivent d'assurer la participation également de la population à la gestion du réseau public et de déterminer les priorités régionales en matière de santé et de bien-être. Elles ont également le devoir d'élaborer des plans d'organisation de services, de répartir les budgets et de s'assurer de la protection de la santé publique. C'est plus particulièrement sous l'angle de l'organisation des services que les régies régionales se sentent interpellées par la Loi sur les jeunes contrevenants qui va être modifiée, d'abord, sur l'angle de l'organisation des services, mais aussi sur l'efficience, l'usage efficient des ressources collectives dont nous disposons. Et, à cet égard-là, les régies régionales ont aussi une sensibilité pour voir à ce que le projet puisse avoir la portée qu'il prétend avoir.
Évidemment, donc, en matière d'organisation de services, les régies régionales ont, tout comme auprès des gens âgés, tout comme auprès des personnes handicapées ou pour les soins médicaux, la responsabilité de voir à l'organisation de ces services pour les enfants, les jeunes et les familles sur l'ensemble du continuum, c'est-à-dire en partant de services de promotion, de prévention et en allant jusqu'à la réadaptation et à l'aide aux jeunes en difficulté.
Je vous rappelle que la Conférence des régies régionales s'est associée à la Coalition de la justice des mineurs dès le début de ses activités et qu'elle est demeurée active tout au long des démarches de consultation. Et elle a également participé, le 15 février 2000, à une audience, comparaissant devant le Comité permanent de la justice des droits de la personne, à Ottawa. Essentiellement, donc, les positions développées par la Coalition rejoignent celles des régies régionales, et nous nous sentons partie prenante de cette plateforme qui a été développée par l'ensemble des partenaires.
Si on revient un petit peu sur l'historique, M. le Président, on est parti, au Québec, au Canada, avec une loi qui s'appelait la Loi des jeunes délinquants, en 1908. Et cette loi-là, on a commencé à vouloir la réformer en 1976. Ça a pris huit ans avant qu'en 1984 il y ait un consensus qui se fasse autour d'une loi sur les jeunes contrevenants. Le changement était pas mince. On était parti d'une vision où l'enfant, le jeune ou l'adolescent était victime d'un environnement malsain et on se devait, comme État, de substituer au rôle des parents et d'entourer ces enfants mal dirigés pour les guider dans la vie.
En 1984, on change complètement le régime et on arrive avec des adolescents qu'on prétend et qu'on veut être d'abord responsables des gestes qu'ils posent. Donc, ce ne sont plus des victimes. Mais, en 1984, M. le Président, on arrive à une situation où le Québec déjà avait une tradition et était reconnu pour une pratique dans le domaine des services aux adolescents qui était différente de ce qu'on retrouvait au Canada. Et je pense ici, entre autres, à tout le réseau des centres de réadaptation qui a maintenant une cinquantaine d'années au Québec, qui est dédié et qui est spécialisé dans ce domaine.
On retrouve aussi au Québec des choix qui ont été faits. On a fait le choix, par exemple, d'appliquer le programme de mesures de rechange. Le programme de mesures de rechange au Québec est appliqué par 42 organismes de justice alternative. Il s'agit d'organismes sans but lucratif qui sont répartis sur l'ensemble du territoire québécois et qui sont chargés d'accompagner des adolescents qui ont commis des délits, qui ont commis des délits dont ils se reconnaissent la responsabilité et le désir de vouloir réparer et corriger la situation.
Or, à ces 42 organismes se sont associées des centaines d'entreprises ou d'autres organismes qui accueillent, à chaque année, environ 13 000 jeunes pour leur faire faire des mesures qu'on appelle de justice réparatrice, c'est-à-dire des mesures qui visent à les responsabiliser et à réparer le tort qu'ils ont causé à la communauté, ou dans leur milieu, ou à des personnes.
C'est un succès, cette formule. C'est un succès parce qu'elle donne des résultats. On retrouve dans ces organismes, par exemple, des mesures de travaux communautaires, mais aussi de réparation, de remboursement, d'excuses aux victimes et, depuis quelques années, de conciliation et de médiation avec les victimes.
Vous savez, un adolescent qui commet un délit à l'âge de 15 ans développe, pour probablement retrouver une sérénité intérieure, une perception qui est parfois erronée quant à la nature de la victime. Le jeune va vous dire: Voler un voleur, c'est pas voler. De toutes façons, il était assuré. C'est pas grave, je le connais pas. Et, quand vous prenez un jeune de 14 ans, puis vous lui présentez la dame qui était propriétaire de l'anneau qui a été volé, et puis qu'il se rend compte que cet anneau-là, même si elle valait juste 125 $, c'était celle que possédait sa grand-mère, et que, depuis qu'elle s'est fait voler, elle craint, la nuit, de dormir, et qu'elle vit dans un état d'insécurité, je vous jure que le jeune prend conscience du tort qu'il cause et développe une image de la victime qui est tout à fait différente. Alors, au Québec, on a donc développé ce genre de réseaux là de façon très correcte, mais on s'est prévalu aussi de d'autres dispositions qui ne sont pas en usage dans les autres provinces. Je pense, entre autres, à la garde discontinue, c'est-à-dire à la privation de liberté durant des périodes de fin de semaine pour des jeunes qui ont commis des délits, mais qui ont encore des acquis d'intégration sociale et puis qui peuvent continuer de fréquenter l'école. Enlever quinze fins de semaine à un ado, je vous dis que ça lui fait mal. Il n'aime pas ça du tout.
On a aussi développé, au Québec, un programme de probation intensive, avec suivi intensif, qu'on retrouve maintenant dans la loi fédérale, mais qu'on avait toute liberté de développer au Québec sans avoir une disposition dans la loi.
Donc, je vous parle de ça parce que je vous parle d'une tradition qui fait qu'on a des résultats. On a des résultats, même que cette loi qu'on veut réformer a déjà fait l'objet d'un examen minutieux par l'honorable juge Michel Jasmin ? vous en avez entendu parler ? qui a présidé les destinées d'un comité chargé d'approfondir l'application de la loi au Québec. Le président de ce comité n'a pas dit que la loi n'était plus bonne. Le président du comité a conclu que la loi était excellente et que, s'il y avait des problèmes avec celle-ci, ils tenaient davantage dans son application que dans sa définition. Alors, souvent, il comparait le Québec en disant: On se promène en Volkswagen, alors qu'on devrait se promener en Cadillac, mais la loi est correcte.
Il a conclu essentiellement que, pour en améliorer les effets, il fallait jouer sur deux choses: un, y rajouter les ressources requises pour obtenir l'intensité recherchée et l'effet; et, également, agir sur les délais, puisqu'il observait que, entre la commission d'un délit et la réponse de la société à ce délit, parfois il s'écoulait plusieurs semaines, même des mois, et que l'efficacité du système tenait dans le fait qu'on puisse donner une réponse rapide au jeune. Vous me faites signe de cinq minutes, je vais essayer d'accélérer.
Essentiellement, je pense que ce qu'on a en avant de nous, M. le Président, c'est qu'on vient de briser un juste équilibre des choses. Il y avait trois principes qui cohabitaient dans cette loi et qui avaient trouvé un équilibre extraordinaire, c'étaient celui de la protection de la société, celui de la prise en compte des besoins des jeunes et celui de la responsabilisation des jeunes. Alors, ces trois principes se trouvent à ce moment-ci dans une loi qui vient débalancer cette chose.
Alors, le projet de loi C-7 vient, comme vous avez vu, banaliser les délits mineurs, criminaliser davantage les délits graves, et on y retrouve une prédominance du caractère répressif et un durcissement. Or, plusieurs mesures qui se sont ajoutées sont inspirées directement du système de justice criminelle des adultes. Il introduit des libérations automatiques, comme chez les adultes; il permet d'imposer des peines identiques à celles que l'on retrouve chez les adultes; il préconise le renvoi; il prévoit des peines pour adultes pour les enfants de 14 ans. Et c'est assez curieux, M. le Président, que, dans notre société, nous ayons jugé que les enfants de 14 ans n'avaient pas la maturité et le développement et qu'ils n'étaient pas achevés pour assurer des décisions éclairées dans leur vie. Assez que cette société leur dit: Vous n'avez pas le droit d'acheter des loteries, vous n'avez pas le droit de voter, puis vous n'avez pas le droit d'acheter des cigarettes, vous n'avez pas le droit de prendre de l'alcool, mais vous avez le droit d'avoir une peine pour adultes.
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(9 h 20)
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Alors, imaginez-vous qu'à 14 ans on va mettre, en fait, des enfants dans des situations de décision pour adultes. On va peut-être avoir l'air, au Québec, d'être plus bonbons ou plus surprotecteurs de nos adolescents. Je ferai simplement remarquer à la commission que les dispositions actuelles concernant le renvoi ont été utilisées à 23 reprises l'année dernière au Québec. Vingt-trois reprises, c'est plus qu'en Ontario, mais 23 sur à peu près 23 000 situations. Parce que nos adolescents qui commettent des délits, souvent, on les perçoit comme étant violents ou on a une presse qui dénature, et avec le sensationnalisme que vous connaissez, dénature la vraie réalité des choses.
Nos 23 000 adolescents au Québec qui commettent des délits à chaque année, qu'est-ce que c'est, notre délinquance? La délinquance, elle est surtout voleuse dans plus de 50 % des cas et elle est surtout par des méfaits. Alors, c'est le garçon qui se promène avec une bonbonne au Sommet des Amériques puis qui commence à faire des graffitis. C'est des méfaits, c'est du vandalisme pour une grande partie. Il reste à peu près 20 % des délits, ce 20 % là, on va en chercher un morceau autour des problèmes de toxico, de vente, de trafic de drogue, et il reste moins de 8 % contre les délits contre la personne. Et, quand on enlève les voies de fait simples, il reste à peu près 3 % pour les délits graves, donc on va parler d'agressions sexuelles, de tentatives de meurtre ou de vols qualifiés. Alors, c'est ça, la réalité. Alors, parfois, on a l'impression qu'on prend le 3 % et on veut régler le 3 % en ayant des mesures qui sont complètement disproportionnées.
Il reste combien de minutes, M. le Président?
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Une.
M. Lacour (Marc): Ah! Merci. Alors, peut-être deux idées en terminant. On a voulu simplifier la loi; on est passé d'une loi de 75 articles à une loi qui en possède 200. Déjà, à 75 articles, si vous connaissez des gens qui sont proches de vous et dont l'adolescent a déjà été impliqué dans des délits, déjà, pour des parents, c'est difficile de comprendre comment toute cette mécanique marche. Juste d'expliquer à un adolescent que ce n'est pas parce qu'il plaide non coupable qu'il vient de dire que c'est pas lui qui a fait la chose, c'est déjà compliqué. Alors, imaginez-vous à 200, maintenant, 200 articles, et imaginez-vous qu'est-ce que l'adolescent lui-même va comprendre de cette chose. Parce qu'il faut quand même que ça ait un sens puis il faut surtout que les procédures judiciaires puissent rouler dans des délais rapides. Mais, ici, je pense qu'on a une manne de travail pour les avocats au Canada. Ils vont être très comblés parce qu'ils ont énormément de travail sur la planche à pouvoir débattre de l'ensemble des dispositions de ça.
Essentiellement, pour terminer, M. le Président, on est devant un problème d'idéologie. Nous assistons, depuis le début des travaux, des échanges, des discussions avec le fédéral là-dessus, à deux visions. Il y en a une qui... Il y en a une, vision qui se confronte à l'autre, qui dit croire que l'aspect dissuasif ou l'aspect punitif va régler le problème de la délinquance. Et cette vision est même pas appuyée sur le fait qu'au Québec, et partout au Canada d'ailleurs, on assiste à une diminution de la criminalité juvénile qui n'a jamais été aussi basse au Québec depuis les 20 dernières années, y compris pour les crimes violents.
Donc, on a une vision de dire: Si on punit plus, on va être plus efficace. Et c'est confronté à une autre vision qui dit: Si on prend compte des besoins, qu'on traite, qu'on aide, qu'on accompagne, il nous semble que, dans l'intérêt de la société, il est préférable, plutôt que d'exclure les adolescents, de travailler à les inclure et à faire qu'ils soient contributifs pour le développement harmonieux de notre société.
Alors, c'est deux visions qui, assez étonnamment au Québec, M. le Président, vont rejoindre un consensus qui est absolument extraordinaire, puisque à la fois les milieux de recherche, les milieux d'enseignement, les secteurs du droit, de la justice, ceux des milieux communautaires ou de la pratique sont unanimes à dire ? même la sécurité publique qu'on entendait hier ? sont unanimes à dire qu'il faille pas mettre en péril cet équilibre de ces trois principes pour l'intérêt de notre société.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. Lacour, pour cette présentation. M. le ministre, vous avez la parole.
M. Bégin: Merci, M. Lacour. J'aimerais savoir de vous comment la nouvelle loi aura un effet sur les relations entre la protection de la jeunesse et les jeunes contrevenants. Parce que je comprends des interventions d'hier qu'effectivement on peut choisir d'aller, dans certaines circonstances, plutôt du côté de la protection de la jeunesse, mais qu'à ce moment-là on judiciarise plus le processus, et inversement. Pourriez-vous nous expliquer, là, quelle influence ou quel effet va avoir la nouvelle loi si elle est appliquée par rapport à celle qui existe présentement à cet égard-là?
M. Lacour (Marc): Oui, vous avez raison, M. le ministre, on assiste à une originalité. L'article 35 prévoit qu'en tout temps le juge saisi d'un cas de situation d'un jeune contrevenant pourra référer cette situation au directeur de la protection de la jeunesse. C'est assez symptomatique, voyez-vous. C'est comme si on disait: À partir du moment où le juge s'aperçoit que l'adolescent a un besoin qui demande des services, il va référer ça à une instance provinciale en disant: Occupez-vous des besoins. D'autant qu'il va y avoir un problème parce qu'il va falloir harmoniser les lois du Québec à celles du fédéral, parce qu'il n'y a aucun automatisme qui permet à ce moment-ci au directeur de la protection de la jeunesse de prendre une référence d'un juge, parce que lui-même, le DPJ, doit exercer sa discrétion et juger s'il est en présence d'une situation qui compromet le développement ou la sécurité d'un enfant.
Alors, évidemment, actuellement, lorsqu'on est avec un ado qui présente, par exemple, des troubles de la conduite, qui est agresseur sexuel, pour dire quelque chose, il va rester dans le système jeune contrevenant, et on va lui aider, et on va lui donner des services spécialisés en fonction de cette difficulté qu'il rencontre. C'est d'autant plus important de le faire, puisque... quand on se rend compte, chez les adultes agresseurs sexuels, 70 % de ceux-ci ont commencé leur carrière autour de 12, 13 et 14 ans. Alors, si on veut avoir une stratégie efficace de prévention des agressions sexuelles, il faut le faire à ce moment-là. Un jeune, un adolescent qui présente des difficultés en toxicomanie ou encore un autre qui présente des difficultés parce qu'il a des comportements incendiaires, bien évidemment, l'article 35 pourrait dire au juge: Bien, écoutez, référez ça à la protection de la jeunesse, c'est les provinces qui vont s'occuper de ça. Et, moi, je vous dis: Ça ne fonctionnera pas parce qu'il n'y aura pas d'automatisme si les lois du Québec demeurent comme elles sont là.
M. Bégin: On parle souvent que la différence entre les deux lois repose un peu sur un esprit de faire porter la chose plutôt sur la sanction que sur le redressement ou la réhabilitation du jeune. Mais ça, c'est, disons, peut-être au niveau de l'idéologie. Mais, au niveau de la procédure comme telle, est-ce qu'il serait pensable de conserver la façon de faire que nous avons sans aller à l'encontre des principes qui sont énoncés dans la loi C-7?
M. Lacour (Marc): Moi, je vous dis, M. le Président, que ça m'apparaît irréconciliable. À ce moment-ci, ça m'apparaît irréconciliable. C'est pas parce que les efforts n'ont pas été faits pour engager le dialogue et tâcher d'influencer le gouvernement du Canada dans sa décision, mais... Même, je vous dirais que, dans sa forme actuelle, je crois que l'Ouest n'en a pas assez puis que le Québec se plaint d'avoir une loi qui est rendue trop à droite. Mais si vous allez dans l'Ouest, ils vont dire: C'est pas suffisant, il faudrait abaisser l'âge à 10 ans, probablement, là, de responsabilité pénale. Il y a des groupes qui recommandent ça, à ce moment-ci.
Alors, moi, je vous dis que la façon dont les assises du projet sont faites, c'est impossible, avec un peu de cosmétiques puis de maquillage, de corriger le biais qui vient mettre en péril l'équilibre des trois principes que je vous mentionnais. Vous savez, c'est des questions tellement sensibles dans l'opinion publique quand on arrive à faire ces consensus-là qu'il faille faire l'évolution de nos cadres judiciaires en tenant compte justement d'une opinion qui est assez convergente. Alors, les réactions sont tellement émotives et sensibles sur ces questions-là qu'il faut prendre le temps de regarder les choses en toute sérénité. Ça m'apparaît nécessaire.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Frontenac.
M. Boulianne: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, M. Lacour. Moi, je veux revenir sur le programme des mesures de rechange. Vous en avez parlé beaucoup. Comment ça fonctionne sur le terrain? Est-ce que l'adolescent est consentant? Est-ce qu'il signe un papier? De quelle façon... Est-ce qu'il y a un programme? Est-ce qu'il y a une reconnaissance, premièrement? Deuxièmement, quel est le pourcentage de réussite de ce succès-là? Et, troisièmement, si ça ne fonctionne pas, qu'est-ce qui se passe, après, avec l'adolescent?
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(9 h 30)
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M. Lacour (Marc): Bon, je vous explique rapidement la mécanique. Un adolescent commet un délit. Il est arrêté par le policier qui porte son élément de preuve à l'attention du substitut du Procureur général. Le substitut examine s'il y a suffisance de preuves et, dans les cas où il y a pas d'antécédents répétitifs et dans les cas où ce sont des délits mineurs, il va référer au directeur de la protection de la jeunesse pour qu'il évalue la situation de l'adolescent et de sa famille et convenir avec le jeune de l'opportunité de prendre des moyens pour réparer le tort qu'il a causé.
Donc, il y a une entente qui est signée, qui est convenue entre l'adolescent et le directeur de la protection de la jeunesse. Ces travaux ou ces choses-là sont accompagnées et supervisées. Il y a souvent aussi des activités de, je dirais, développement des habiletés sociales qui s'accompagnent. En cas de manquement, si le jeune refuse... d'abord, s'il ne reconnaît pas sa responsabilité, s'il collabore pas, s'il refuse, le directeur provincial ? ou le DPJ, si vous aimez mieux ? va retourner au procureur de la couronne le dossier pour qu'il procède en justice. Donc, essentiellement, c'est comme ça que ça fonctionne.
M. Boulianne: Le pourcentage maintenant de réussite, est-ce que c'est élevé ou...
M. Lacour (Marc): Je n'ai malheureusement pas avec moi apporté d'études, là, qui peuvent témoigner de l'efficacité, mais je suis... Ce qu'on en entend dire, c'est que c'est... c'est très efficace. On parle de 85, 95 % de réussite sans récidive.
M. Boulianne: Est-ce que j'ai encore du temps?
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui.
M. Boulianne: Oui? Est-ce que...
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Il y a votre... le député de Dubuc qui désire également poser une question. Allez-y quand même.
M. Boulianne: O.K. Je lisais un article de Mme Isabelle Hachey, dans Le Devoir, Québec s'attaque à la délinquance dès le berceau. Alors, ça commence très jeune, à un moment donné. Et il y a eu justement une demande du ministère de la Santé pour un programme d'enfants de cinq ans et moins. Est-ce que vous êtes au courant de ce programme-là? Et on disait qu'on voulait peut-être étendre cette démarche-là à des personnes ou à des adolescents plus âgés.
M. Lacour (Marc): Je ne suis pas certain de savoir de quel programme vous parlez. Peut-être parlez-vous du programme de soutien aux jeunes parents.
M. Boulianne: Bien, c'était... On disait dans l'article que c'était... Le ministère de la Santé annonçait, l'été dernier, un programme de prévention destiné aux enfants de moins de cinq ans vivant en milieux défavorisés...
M. Lacour (Marc): Oui. Oui, oui, oui. Ça...
M. Boulianne: ...qu'on pensait élaborer ou étendre ce programme expérimental là à...
M. Lacour (Marc): Oui. Oui, tout à fait. C'est un projet qui a été retenu au Sommet de la jeunesse, à Québec, et qui vise à rejoindre 3 % des enfants au Québec qui sont... qui naissent dans des conditions défavorables, c'est-à-dire avec des jeunes mères qui souvent présentent d'autres difficultés, soit qui sont monoparentales, qui présentent de problèmes de santé mentale, d'alcoolisme ou autres. Et on essaie de démarrer un projet donc sur l'ensemble du territoire québécois qui va venir accompagner cette jeune mère et cet enfant-là de façon intensive et soutenue dans les cinq premières années de vie.
On pense que... Selon les recherches, on pense qu'on va avoir là un effet extraordinaire, particulièrement sur le phénomène transgénérationnel où on observe, par exemple, que nos enfants qui ont une plus grande difficulté souvent avaient des parents qui en avaient beaucoup. Alors, c'est ça qu'on veut rompre.
M. Boulianne: Merci. Je vais donner la chance à mon collègue.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Dubuc.
M. Côté (Dubuc): Bon, M. Lacour, bonjour. Je vais être assez court dans ma question, je sais qu'il ne me reste pas beaucoup de temps. Je voudrais revenir un petit peu à ce que M. le ministre vous posait tout à l'heure. Lorsqu'on dit, dans l'article 3, paragraphe (2), de la loi fédérale que «la présente loi doit faire l'objet d'une interprétation large garantissant aux adolescents un traitement conforme aux principes énoncés», ça permet pas, par exemple, au directeur de la protection de la jeunesse d'avoir une certaine latitude, d'avoir... suite à cet article-là?
M. Lacour (Marc): Vous savez, quand on interprète la loi d'une façon large, c'est pas seulement le directeur de la protection de la jeunesse qui l'interprète, c'est les juges, c'est les procureurs, c'est la défense. Et, justement... Et, justement, il me semble que ça laisse toute la place à des interprétations larges et abusives, d'autant que, comme le faisait remarquer, hier, M. Dumais, on est rendus avec quatre déclarations de principes en 35 alinéas, ce qui nous apparaît très difficile à harmoniser et qui laisse ouverture à beaucoup de débats.
Je sais que le renvoi, entre autres, en est un qui soulève beaucoup de passions au Québec. Je vous disais tantôt qu'il y avait 32 ? c'est ça, 32, je crois ? situations dans lesquelles... 23, c'est-à-dire, situations dans lesquelles le Québec s'est prévalu du renvoi. Dans aucun cas, il s'agissait de situations de meurtre ou de choses comme ça, c'étaient des récidivistes. C'étaient des jeunes qui ont récidivé à plusieurs reprises et pour lesquels on croyait qu'on n'avait aucun potentiel de les aider dans le réseau jeunesse.
Le plus drôle, M. le Président, c'est que la plupart des situations sont faites à la demande de l'avocat qui représente le jeune, parce que le jeune va préférer aller dans le réseau adulte parce qu'il va se faire moins achalé, moins poser de questions, puis il n'aura pas besoin de participer à des traitements, à des groupes de thérapie, à des activités thérapeutiques. Il va vouloir faire son temps. Il va être encore davantage content, puisque, chez les adultes, il va en faire moins, parce que, là, il va avoir droit aux libérations conditionnelles. Là, il va avoir droit aux deux tiers, au tiers puis au sixième. Alors, les situations des ados qui ne veulent rien savoir et puis pour lesquelles on pense qu'ils sont difficiles à récupérer, souvent, c'est eux-mêmes qui demandent le renvoi, parce que le système adulte est moins exigeant pour eux.
M. Côté (Dubuc): Merci.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, nous allons passer aux interventions de l'opposition officielle. Mme la députée de Bourassa.
Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Lacour. Merci de votre présentation. M. Lacour, pouvez-vous nous expliquer? Vous avez parlé tout à l'heure plus particulièrement des programmes de mesures de rechange. Qu'est-ce qui arrive avec C-7 à l'égard de ces mesures-là? Est-ce qu'elles sont mises en péril? La notion même, est-ce que ça disparaît? Qu'est-ce qui arrive?
M. Lacour (Marc): Non, non, ça disparaît pas, ça change de terminologie. On parle d'extrajudiciaire. On a vu aussi que ça permet aux policiers, je dirais, d'en demander directement, ce que ceux-ci estiment qu'il n'est pas de leur devoir de faire au Québec, là, parce qu'ils ne veulent pas démêler... il ne veulent pas être à la fois les agents qui assurent la sécurité puis ceux qui déterminent la responsabilité ou la culpabilité des gens qu'ils interceptent.
Alors, non, effectivement, on a des dispositions pour continuer de faire ça, comme d'ailleurs on les avait avec la loi en 1984. Cette loi de 1984, on dit c'est la vieille loi, c'est pas si vieux, là, c'est pas 1908, c'est 1984, qui a été amendée trois fois par la suite, notamment en 1993 et en 1995, justement pour prendre soin de façon plus particulière des adolescents qui faisaient des crimes graves contre la personne ou des crimes violents.
Alors, c'est une loi qui a progressé, elle n'est pas désuète. Elle est pas de 1908 celle-là et elle permet le programme de mesures de rechange, sauf qu'il était discrétionnaire à chacune des provinces de voir à l'appliquer par un arrêté en conseil. Le Québec a choisi de le faire, d'autres provinces n'ont pas choisi de le faire. Le Québec a décider de garder des enfants à l'extérieur des milieux pour adultes. Le Québec a décidé d'avoir une vision éducative et rééducative, et on a les résultats que vous connaissez. Tout ce qu'on demande, c'est de pouvoir continuer.
Mme Lamquin-Éthier: Mais C-7 n'empêchera pas de continuer à l'égard des mesures de rechange.
M. Lacour (Marc): C-7 a plusieurs aspects pervers, si vous me permettez l'expression, notamment la question qu'on va pouvoir invoquer les décisions prises dans d'autres provinces pour des délits comparables. On a centré le «sentencing». Parce que maintenant on parle de «sentencing». Dans la Loi des jeunes contrevenants, vous n'aviez jamais le mot «sentence», vous n'avez jamais le mot «peine». Là, vous avez «sentence», «peine», «sanction» dans la nouvelle loi, et c'est toujours en lien avec la gravité objective du délit, hein? Alors ça, nous, on pense, ça va compromettre l'équilibre des choses.
Mme Lamquin-Éthier: Il m'apparaît qu'il y avait eu une modification en lien avec ce que vous venez de dire. Je pense, si je comprends bien, là, je peux me tromper... est-ce que vous faisiez référence à ce qu'on appelle l'«harmonisation des peines»?
M. Lacour (Marc): Oui, oui.
Mme Lamquin-Éthier: O.K. Il y avait eu une demande, hein, de la part de....
M. Lacour (Marc): Oui.
Mme Lamquin-Éthier: ...pour qu'on tienne compte de l'expertise avant...
M. Lacour (Marc): Oui.
Mme Lamquin-Éthier: ...ce qu'on souhaitait. C-3 disait qu'il fallait harmoniser ça avec l'ensemble des provinces du Canada.
M. Lacour (Marc): Oui.
Mme Lamquin-Éthier: C-7 est venue apporter une modification...
M. Lacour (Marc): Oui.
Mme Lamquin-Éthier: Est-ce que cette modification-là vous apparaît respectueuse de la...
M. Lacour (Marc): Non, parce que... Non, parce qu'elle ne définit pas la portée... On parle d'une harmonisation des peines au plan régional. Qu'est-ce que c'est, une région?
Mme Lamquin-Éthier: O.K.
M. Lacour (Marc): Une région, c'est quoi? C'est-u une province? C'est-u une région administrative? C'est-u l'Est, l'Ouest? C'est...
M. Sirros: C'est ce qu'il manque...
M. Lacour (Marc): Pardon?
M. Sirros: C'est ce qu'il manque, là, une précision.
M. Lacour (Marc): Bien, non seulement une précision, mais je pense que, moi, ça... Vous demanderez tantôt à des experts juristes qui sont plus habilités que moi à vous donner la portée de ce que ça peut représenter comme effet. Mais, à date, c'est sûr que c'est imprécis, là, une région.
Mme Lamquin-Éthier: Vous voulez dire que l'emploi ou la référence dans la région...
M. Lacour (Marc): Oui.
Mme Lamquin-Éthier: ...comparable ou semblable, c'est trop vaste. Ça ne permettra pas de bien savoir...
M. Lacour (Marc): C'est-à-dire... C'est qu'il faudrait définir qu'est-ce que c'est, une région.
Mme Lamquin-Éthier: O.K.
M. Lacour (Marc): Et ça n'enlève pas encore le problème de base, c'est que la décision est en lien avec la gravité objective du délit, alors que, nous, on insiste pour dire: Il faut prendre en compte les besoins du jeune.
Moi, j'ai eu des jeunes, à l'époque, où je demandais une garde fermée même si le délit était mineur, parce qu'ils présentaient un danger pour la société. Mais j'en ai d'autres où le niveau de récidive permettait aux gens d'être en parfaite sécurité, et je n'avais pas besoin de priver la liberté pour le même délit.
Mme Lamquin-Éthier: Monsieur, une dernière question. Je vais laisser la parole à mon collègue qui a beaucoup de choses à vous demander également. M. Lacour, vous avez mentionné, en ouverture, que vous avez participé au Comité permanent, je pense que vous avez fait des représentations. O.K.
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(9 h 40)
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Lorsque vous êtes allé devant ce comité-là, est-ce que vous avez déposé des demandes de modifications à la loi? Et auriez-vous, par exemple, puisqu'on vient de parler plus particulièrement de l'harmonisation, fait une demande quant à cet aspect-là, entre autres? Vous pouvez en avoir fait d'autres, demandes de modifications à C-7.
M. Lacour (Marc): On est... Notre intervention, nous, n'a pas porté sur une liste de demandes d'amendements précis, puisque, je vais vous dire, elle aurait été beaucoup trop longue et fastidieuse, et le temps était limité. Donc, on a essayé d'attirer l'attention des parlementaires sur les enjeux que nous estimions essentiels.
Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. Lacour.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Oui. M. Lacour, bonjour. Il me semble que je vous ai entendu dire, tantôt, quand vous parliez avec le ministre, que la situation actuelle et la nouvelle loi sont deux choses incompatibles ensemble. Est-ce que j'ai bien compris?
M. Lacour (Marc): Oui.
M. Sirros: Qu'est-ce qu'on fait?
M. Lacour (Marc): Écoutez, moi... Ha, ha, ha! Chacun a son métier; j'ai le mien, vous avez le vôtre. Je pense que, quand on vous parle, aujourd'hui, c'est pour vous sensibiliser au fait qu'il me semble qu'au plan politique il faille faire quelque chose, puisque, nous, on a épuisé les discussions qui étaient sur les contenus. On a épuisé ces moyens-là.
M. Sirros: Je vous pose la question parce que je prends pour acquis qu'on est tous sensibilisés. Je pense qu'on a fait la démonstration dans le passé, au niveau des motions unanimes, qu'on a votées par rapport à C-3. On entend très bien l'écho qu'on a sur le terrain par rapport aux intervenants quant à la situation. Je pense qu'on est tous sensibilisés au fait que, si on avait le choix, on garderait ce que nous avons à l'heure actuelle.
Bon, il y a une démarche qui est partie pour toutes sortes de raisons, un peu comme elle était partie, il y a 15 ans. Et, je me rappelle, il y a 15 ans, j'étais vice-président de la commission qui avait été chargée d'examiner la Loi sur la protection de la jeunesse et l'harmoniser avec la Loi sur les jeunes contrevenants. Il y avait à peu près le même genre, pas tout à fait exactement la même chose, mais il y avait beaucoup d'appréhension par rapport à la Loi sur les jeunes contrevenants, des réticences. Il y en a qui disaient à peu près ce que vous dites, mais on a pris la décision à ce moment-là. Nos partisans... On avait établi une commission parlementaire qui a décidé de voir comment est-ce qu'on peut harmoniser les règlements nécessaires ici, au Québec, pour accueillir la nouvelle loi afin d'instaurer le principe de la responsabilisation des jeunes qui était effectivement un principe nouveau sur lequel plusieurs disaient que ça pénalisait les jeunes, etc. En tout cas, il y avait le même genre de choses.
Là, on est dans une situation... Bon, si on avait notre choix, on garderait ce que nous avons puis on évoluerait avec. Peut-être qu'on n'a pas le choix par rapport à la loi C-7 vis-à-vis les jeunes contrevenants. On sait que, en tout cas, à moins que le ministre qui s'est engagé peut-être hier à nous faire la démonstration que c'est possible sur le plan juridique d'avoir deux systèmes de justice dans une administration... Il me semble que c'est pas possible d'avoir la Loi des jeunes contrevenants qui s'applique au Québec puis une autre loi qui s'applique dans le reste du pays, à moins que le ministre nous fasse la démonstration de ce qu'il prétendait hier. Bon.
Et donc c'est pour ça que je pose ma question: Qu'est-ce qu'on fait? C'est une chose de dire, tu sais, on va faire de la politique avec, puis on va aller jusqu'au bout, puis on va laisser le rouleau compresseur arriver puis, en tout cas, crier au meurtre par la suite, sauf qu'il y a des jeunes, puis il y a des enfants, puis il y a un système qui est en marche ici, puis il faut qu'on trouve une façon, en tout cas, d'aider ces jeunes-là, puis de faire tout ce qu'on peut faire dans le cadre de ce qui est réel pour qu'on puisse effectivement faire percer ou faire valoir les valeurs, l'approche, etc.
Alors, est-ce, que selon vous, c'est absolument impossible. Je veux dire, c'est le désastre total? Si ça arrive, est-ce qu'il y a des choses qu'on peut demander comme modifications, davantage? On voit qu'il y a eu une certaine évolution entre C-3 et C-7 ? peut-être pas tout à fait tout ce qu'on aurait souhaité, tout le monde. Est-ce qu'il y a des choses sur lesquelles vous vous êtes attardé pour dire: Si on avait à vivre avec ça, voici ce qu'il faudrait faire.
Et, entre-temps, nous, comme politiciens, on peut continuer à faire notre bataille pour dire, tu sais: Changez, ou arrêtez, ou gardez la Loi sur les jeunes contrevenants. Mais, sur le terrain, les intervenants, est-ce que vous commencez à tourner l'attention sur la nécessité de l'harmonisation que vous avez évoquée tantôt vous autres aussi?
M. Lacour (Marc): Je vous dirais que c'est plus fondamental que ça. Moi, j'attire votre attention sur les fondements mêmes de la loi. Puis, je vous le dis, c'est pas un maquillage qui va harmoniser ce qu'il y a à harmoniser dans l'équilibre des principes qui sont en présence. Par ailleurs, je demande quel est le niveau d'urgence de réformer cette législation. Quel est le problème? Y a-t-il lieu de prendre plus de temps pour qu'ensemble on puisse arriver à trouver les flexibilités nécessaires dans un cadre qui va être harmonisé avec la pratique au Québec?
M. Sirros: Vous vous posez la question sur la nécessité?
M. Lacour (Marc): Bien, d'abord, oui, parce qu'il faut reconnaître que la criminalité juvénile est en baisse. Alors, quand la criminalité juvénile est en baisse, on se demande pourquoi il faut changer une loi. Donc, est-ce qu'il y a une urgence pour réformer ça? Probablement qu'on pourrait voir à l'améliorer. Mais est-ce qu'il y a une précipitation? Est-ce qu'il faut à tout prix forcer des consensus qui ne sont pas là, alors qu'on...
M. Sirros: Disons qu'on répond non, là, tu sais. Je pense qu'au Québec on répond tous ensemble non. On aurait préféré garder la chose ici, on comprend... En tout cas, on peut comprendre... On peut faire toutes sortes d'analyses sur différents plans, là, du pourquoi que c'est fait, peut-être que ça répond à certains besoins dans d'autres situations. Mais, une fois qu'on a dit ça, ça nous avance en quoi, là? Supposons qu'effectivement, là, ça passe, qu'est-ce qu'on fait? C'est la question que je vous pose, comme intervenant, là. Où sont... Avez-vous identifié les points nécessaires pour qu'on puisse tirer profit des ouvertures qui semblent avoir été faites?
Par exemple, si on doit l'interpréter de façon large, est-ce que ça nous permet d'interpréter ça de façon assez large pour qu'on puisse garder quoi à l'intérieur de l'approche que nous avons? Le fait que les principes ont été changés par rapport à la loi C-3, où on parle maintenant de quelque chose qui ressemble à la notion de responsabilisation... «Une responsabilité juste et proportionnelle, compatible avec leur état de dépendance et leur degré de maturité.» Ça ressemble au principe de la responsabilisation du jeune comme priorité par rapport à la pénalité. Est-ce qu'il y a des choses, est-ce qu'il y a une façon d'interpréter ça pour qu'on puisse effectivement ouvrir un champ qui permet de protéger le plus possible ce que nous avons ou...
M. Lacour (Marc): Écoutez, moi, d'abord, je ne connais... Je ne connais pas, disons, les pouvoirs d'une assemblée nationale, c'est quoi, les marges de manoeuvre, que vous avez dans le cadre légal dans lequel on est. Je vous répète: Il nous semble que toute modification ne serait qu'à la marge, accessoire et ne remettrait pas en question le bien-fondé que nous avons actuellement, dans la Loi des jeunes contrevenants, et que cet équilibre des choses, quand même qu'on pourrait passer un petit papier sablé à gauche et à droite, là, l'habit ne changera pas le moine.
M. Sirros: O.K. Et après?
M. Lacour (Marc): Je ne peux pas vous répondre.
M. Sirros: Et après? Vous ne pouvez pas arrêter là.
M. Lacour (Marc): Je comprends votre préoccupation, mais...
M. Sirros: Vous ne pouvez pas arrêter là, parce que vous avez aussi une responsabilité dans ce dossier en tant que quelqu'un qui doit travailler avec une situation qui est décidée par les instances décisionnelles de la société. Et on doit vivre avec. On va trouver une façon de...
M. Lacour (Marc): Bien, on va être obligé, on va être...
M. Sirros: ...et, nous, on vous demande de nous dire: Et après, qu'est-ce qu'on fait?
M. Lacour (Marc): Bien, moi, je vais vous dire: Si c'est ça, on va devoir vivre avec, comme vous dites.
M. Sirros: Par exemple, vous avez mentionné l'article 35, où vous dites: Là, la loi prévoit qu'un juge pourrait choisir de référer un jeune plutôt que, par la voie juridique, vers la voie de la protection de la jeunesse, si je comprends bien...
M. Lacour (Marc): Oui.
M. Sirros: ...ce qui à première vue semble être une bonne chose, non?
M. Lacour (Marc): Mais non, parce qu'on voit maintenant que, par cette disposition-là, un juge pourrait évacuer les réponses aux besoins du jeune en la confiant à une instance provinciale, en disant: Moi, j'arrête...
M. Sirros: Mais il me semble que...
M. Lacour (Marc): Moi, j'arrête de procéder et je donne ça au DPJ. Le DPJ... Il ne sera pas automatiquement pris en charge, cet enfant-là, là. Si sa sécurité puis son développement ne sont pas compromis, il va dire: Je regrette, moi, je ne peux pas répondre à ça.
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(9 h 50)
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M. Sirros: Là, je ne vous suis pas, honnêtement, là. Là, je me demande si on n'est pas dans une situation où on a le nez trop collé dans la vitre, là. Parce que, si je comprends bien, là, comme quelqu'un de l'extérieur qui regarde ça puis tu as une situation où un jeune est amené devant un tribunal pour un délit quelconque ou pour une situation difficile, le juge regarde la situation puis il dit: Il me semble que ce jeune pourrait bénéficier d'une aide...
Mme Lamquin-Éthier: Il demande un avis.
M. Sirros: ...au niveau des services de protection de la jeunesse, je le réfère aux services qui sont là justement pour protéger, puis aider, puis réorienter, puis faire de la thérapie avec les jeunes. Et vous me dites que c'est pas bon. Est-ce que c'est parce qu'on ne serait pas en mesure de l'assumer ou quoi?
M. Lacour (Marc): Non, non. Je vous rappelle, M. Sirros, que...
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): En quelques secondes, s'il vous plaît.
M. Lacour (Marc): ...vous étiez vice-président de la commission qui a révisé la loi.
M. Sirros: Ça fait un bout de temps, par exemple.
M. Lacour (Marc): Et on est devant une loi d'exception, M. le Président. La Loi de la protection de la jeunesse est une loi qui s'adresse exceptionnellement à des enfants qui n'ont pas une satisfaction à des besoins de base. Ce n'est pas une loi de services comme la Loi sur la santé et services sociaux. Donc, ce n'est pas vrai qu'il y a de l'automatisme. Ça va être appliqué dans les cas où la sécurité et le développement est compromis.
M. Sirros: Oui, mais vous avez dit tantôt qu'il faudrait...
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Malheureusement, monsieur...
M. Sirros: ...il faudrait modifier nos règlements à nous.
M. Lacour (Marc): Oui.
M. Sirros: Donc, ce serait une possibilité.
M. Lacour (Marc): Vous pourriez...
M. Sirros: Le président m'arrête là, mais...
M. Lacour (Marc): Vous pourriez le faire. Vous aviez réussi à avoir l'unanimité de l'Assemblée nationale, ici, avec la Loi de la protection de la jeunesse.
M. Sirros: Oui.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, malheureusement, nous avons épuisé le temps qui était prévu pour cet échange. Il me reste à remercier, au nom des membres de la commission, M. Marc Lacour pour sa contribution à nos travaux. Merci encore une fois. J'invite immédiatement les membres de la Commission des services juridiques, ou représentants de la Commission des services juridiques, dont Me Pierre Bélanger, son président, à bien vouloir s'avancer, s'il vous plaît.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Je rappelle, M. le président, que nous avons réservé une période de 45 minutes pour la présente rencontre, dont une quinzaine de minutes pour la présentation de votre propos. Alors, M. Bélanger et ex-collègue, je pense que vous connaissez bien les règles. Ha, ha, ha!
M. Bélanger (Pierre): Oui. On va les respecter, M. le Président.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, je vous... Vous avez la parole.
Commission des services juridiques (CSJ)
M. Bélanger (Pierre): Alors, M. le Président, M. et Mme les ministres, membres de la commission, alors il me fait plaisir de présenter la position de la Commission des services juridiques et du réseau juridique. Au cours de mon allocution, je vous présenterai les gens qui m'accompagnent. Alors, la Commission des services juridiques remercie la commission des institutions pour l'occasion qui lui est offerte d'exprimer ses commentaires relativement au document de consultation concernant le projet de loi sur la justice pénale pour les adolescents, projet de loi C-7 présenté par M. Paul Bégin, ministre de la Justice.
Depuis le dépôt du document de consultation intitulé Stratégie de renouvellement du système de justice pour les jeunes, visant une réforme en profondeur du système de justice pour les jeunes, le Québec s'est mobilisé: Barreau du Québec, policiers, Association des centres jeunesse du Québec, aide juridique du Québec, ministère de la Justice, Coalition pour la justice des mineurs, etc., pour faire valoir de différentes manières, par des mémoires, rencontres avec certains légistes, interventions dans les médias, qu'il fallait arrêter la machine législative et reconsidérer comment, sans déséquilibrer une loi en harmonie avec les meilleurs intérêts de nos jeunes, l'on pourrait apporter des améliorations à la loi existante. Dans ce contexte, la Commission des services juridiques avait produit un mémoire en septembre 1998. Le 14 octobre 1999, la ministre fédérale de la Justice déposait à la Chambre des communes le projet de loi C-3, Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence.
Suite au dépôt du projet de loi, la Commission des services juridiques produisait à nouveau ses commentaires pour ensuite les exposer devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne, le 9 décembre 1999. J'ai apporté avec moi des copies de ce mémoire qui a été présenté à la Chambre des communes. Je l'ai remis, là, à la greffière. Alors, on pouvait lire à la page 2 de notre mémoire ? je vais attendre que le mémoire soit déposé: «Avec tout l'espoir et la confiance d'être entendus et compris dans nos commentaires, nous vous réitérons qu'il faut "arrêter" ce virage en profondeur d'une justice équilibrée, juste et compréhensive de la criminalité juvénile vers une justice d'adulte plus répressive pour les mineurs. Il est fondamental de reconnaître que la criminalité juvénile est différente de celle des adultes. L'aide juridique du Québec est convaincue que la dissuasion du crime pour les jeunes commence par la compréhension du geste déviant et la prise de conscience de ses causes par le jeune, l'éducation à une conduite responsable et constructive et la réhabilitation dans la société.» Bien loin d'arrêter le virage entrepris par le projet de loi C-3, le ministère fédéral de la Justice a déposé le projet de loi C-7, le 5 février 2001. Ce projet de loi a apporté des amendements peu substantiels, loin d'être suffisants pour transformer le caractère répressif de ce projet de loi. Dès 1995, le rapport du comité Jasmin, intitulé Les Jeunes contrevenants: Au nom... et au-delà de la loi, rapport du Groupe de travail chargé d'étudier l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants, énonçait aux pages 5 et 6: «Nous en sommes venus à la conclusion que la Loi sur les jeunes contrevenants est une bonne loi.» Nous avons d'ailleurs été frappés par le consensus qui existe dans les divers milieux d'intervention québécois à ce sujet. Il ressort clairement de nos consultations que les problèmes auxquels il faut s'attaquer en priorité sont de l'ordre de l'application de la loi.
L'aide juridique du Québec a toujours cherché, tant par la promotion de programmes d'information, de prévention auprès des jeunes que par la qualité des services offerts au quotidien par ses avocats salariés, à reconnaître la spécificité et le caractère bien particulier de la jeunesse. L'octroi de services juridiques gratuits aux jeunes, tant en matière civile qu'en matière criminelle, a toujours correspondu à cette volonté du Québec de reconnaître le jeune comme une personne à part entière, en développement de son autonomie, avec des besoins particuliers et des intérêts spécifiques. L'intérêt de l'enfant est donc au coeur même de toute la philosophie de la couverture des services d'aide juridique au Québec.
Dans cette perspective, la Commission des services juridiques et le Réseau d'aide juridique du Québec sont convaincus que la dissuasion du crime pour les jeunes commence, comme je l'ai dit tout à l'heure, par la compréhension du geste déviant, la prise de conscience de ses causes ainsi que l'éducation à une conduite responsable et constructive. La répression ne doit pas être privilégiée pour réformer, dissuader et restructurer l'agir déviant chez les jeunes. Le désir de récidiver et de s'enfoncer dans un style de vie criminalisé ne peut être colmaté par la répression pure et dure, mais par la recherche d'une juste mesure punitive, misant sur l'équilibre entre la réhabilitation du jeune et la protection de la société. Cet équilibre délicat et graduellement acquis a été reconnu d'ailleurs par la Cour suprême du Canada. En fait, ce qu'il faut, c'est rééduquer les adolescents afin de les amener à prendre conscience des causes de leur délinquance et trouver les moyens pour y remédier. À notre avis, la voie vers une meilleure action pour contrer la criminalité juvénile se trouve dans une structure sociale forte et organisée, permettant à la fois d'atteindre cette visée et aussi de protéger le public tout en réhabilitant le jeune.
La loi actuelle sur les jeunes contrevenants est, dans son ensemble, une loi juste et équitable. La formule actuelle d'équilibre entre la protection de la société et les besoins des jeunes Québécois doit être privilégiée. Il est fondamental de reconnaître que la criminalité juvénile est différente de celle des adultes et que les adolescents ne sauraient dans tous les cas être assimilés aux adultes quant à leur degré de responsabilité et aux conséquences de leurs actes, tout en reconnaissant qu'on doive les responsabiliser et qu'ils doivent assumer la responsabilité de leur délit. La Commission des services juridiques et le Réseau d'aide juridique du Québec croient donc qu'il est important de maintenir un régime distinct d'application du droit pénal pour les jeunes. Nous croyons fermement que la loi actuelle sur les jeunes contrevenants doit être la loi régissant le droit pénal de la jeunesse au Québec.
Pour ce qui est maintenant des points particuliers contenus à notre mémoire, je suis accompagné de Me Diane Trudeau, du Service de recherche de la Commission des services juridiques, qui donnera notre position relativement à la déclaration de principes contenus à l'article 3. J'ai aussi à mes côtés Me Mario Gervais, directeur du bureau jeunesse du Centre communautaire juridique de Québec, qui vous présentera nos commentaires relativement à la présomption d'assujettissement à la peine d'adulte, le renvoi... je veux dire ? excusez-moi ? qui vous présentera nos commentaires relativement à la publication de l'identité de l'adolescent et de la libération sous surveillance. Me Benoit Gingras, qui est à mes côtés, à gauche, avocat du bureau jeunesse du Centre communautaire juridique de Québec, vous présentera nos commentaires relativement, cette fois-ci, à la présomption d'assujettissement à la peine d'adulte, c'est-à-dire le renvoi. Ce sont des avocats qui ont présenté le mémoire à la Commission des services juridiques à Ottawa. Mes Gervais et Gingras sont des praticiens d'expérience dans le domaine spécialisé du droit de la jeunesse. Me Trudeau, pour sa part, oeuvre au Service de recherche dans les domaines du droit criminel et de la Loi sur les jeunes contrevenants depuis plusieurs années. Me Trudeau.
Mme Trudeau (Diane): Alors, je vais commencer tout de suite parce qu'on a beaucoup de choses à vous parler. Est-ce que... Oui?
Le Président (M. Côté, Dubuc): Me Trudeau, je vous rappelle qu'il vous reste huit minutes pour les trois interventions. Alors, il faudra faire quand même assez vite.
n(10 heures)nMme Trudeau (Diane): D'accord. Alors, peut-être, à ce moment-là, me poser des questions sur la déclaration de principes après. Ce que je veux dire, c'est que vous avez bien vu que, quand on lit la loi, actuellement, l'article 3, qui est l'article 3 de la Loi de justice pénale pour les adolescents, on s'aperçoit qu'il y a de nettes différences dans la terminologie et dans l'intention du législateur. C'est la façon de la voir, hein, l'intention du législateur, par le texte de loi et par les prononcés de la ministre lorsqu'elle a disposé C-3 et C-7. On parle de perspectives positives. Cependant, dans le texte anglais, on parle de «meaningful consequence». Donc, finalement, la véritable intention du législateur, c'est de faire en sorte qu'on doit... que, lorsque le juge aura à donner une mesure, il tiendra compte de circonstances significatives.
On parle, dans la philosophie, d'analyse de la juste mesure, de protection durable de la société, de peines justes et proportionnelles à deux reprises dans le texte. Et, quand on parle de réinsertion et de réadaptation, ça, c'est un ajout qui a été fait. Mais, au fond, on ne fait que réitérer ce qu'on retrouve dans la justice criminelle adulte à l'article 718, où il est écrit au paragraphe d que le «sentencing», la bonne mesure, la bonne peine, doit favoriser la réinsertion sociale des délinquants.
Alors, ma prétention, c'est que le texte nous indique clairement ? et je pourrai élaborer plus dans les questions ? qu'il y a un virage complet de l'emphase qui est mise sur le crime, alors qu'en ce moment l'emphase est mise sur le délinquant qui commet le crime, en prenant compte de ses besoins et, évidemment, en recherchant des mesures qui vont aider son processus d'éducation et de formation.
Je voudrais juste vous parler d'une décision de la Cour suprême, Delisle contre Canada Deputy Attorney General, une décision de 1999, qui nous dit comment on la recherche, l'intention législative, quand on a à interpréter un nouveau texte. Voici ce qu'il dit: «L'intention législative doit avoir un caractère institutionnel, vu l'impossibilité de connaître la pensée de chaque député. Elle doit refléter ce qui était connu des députés à l'occasion du vote. Elle doit aussi tenir compte du fait que les députés ont été appelés à voter sur un texte en particulier, texte pour lequel une explication institutionnelle a été fournie.» Et voici quelle explication institutionnelle a été fournie: On doit changer la Loi des jeunes contrevenants. On a besoin d'un système qui fait en sorte qu'un adolescent soit assujetti à des conséquences réelles. Les Canadiens et les Canadiennes savent que c'est le moyen le plus efficace d'assurer la protection de la société. Les Canadiens et les Canadiennes veulent un système de justice pour adolescents qui protège la société et inculque des valeurs telles que l'imputabilité, le respect et la responsabilité. Ils veulent que les gouvernements les aident d'abord à empêcher la criminalité croissante chez les adolescents et qu'il y ait des conséquences significatives à leur égard.
Alors, selon moi, c'est impossible, avec un article de déclaration de principes comme l'article 3 de la loi de justice pénale pour les adolescents, pour un juge d'interpréter de la même façon les besoins, d'avoir le même cadre d'analyse, la même philosophie et d'imposer le même type de mesures que la loi actuellement. Je laisse la parole à mon confrère.
Le Président (M. Côté, Dubuc): Je vous remercie. Oui, Me Gingras.
M. Gervais (Mario): Gervais.
Le Président (M. Côté, Dubuc): Gervais, excusez-moi.
M. Gervais (Mario): Alors, je voulais parler succinctement des nouvelles règles qui vont vous guider. Dans un premier temps, la publication de l'identité de l'adolescent. Il faut faire le parallèle avec la Loi sur les jeunes contrevenants actuellement qui comporte des règles qui vont assurer la protection de la vie privée des adolescents, mais qui vont quand même permettre, dans certaines circonstances, la publication de l'identité de l'adolescent. La Loi sur les jeunes contrevenants permet déjà de publier l'identité de l'adolescent lorsqu'il est transféré devant le tribunal pour adultes ou lorsqu'un juge de la chambre de la jeunesse en a autorisé la transmission à des personnes désignées pour éviter la récidive, ou dans un contexte de prévention de l'infraction. La loi actuelle, dans son énoncé de principes, dans le maintien du principe de la confidentialité et dans la certaine souplesse que la loi comporte, c'est déjà un juste équilibre entre la protection de la société et la réinsertion sociale de l'adolescent.
Élargir les règles de publication de l'identité de l'adolescent ou de tout renseignement qui permettrait de l'identifier aura pour conséquence de mettre en péril davantage les perspectives de réinsertion sociale de l'adolescent. Et ça, on le voit à deux niveaux, là: que ce soit au niveau de la stigmatisation de l'adolescent dans son milieu ou de l'étiquette qui va lui être collée, tant auprès des jeunes que de la communauté en général. Mais il y aura aussi des victimes innocentes par rapport à ces événements-là. Quand on aura identifié le jeune, par voie de conséquence, on se trouve à avoir identifié sa famille, ses parents, dans la communauté. Pourquoi est-ce qu'ils devraient en subir le préjudice? Quelle est la préoccupation qui nous guide dans cette considération?
Vous savez, la protection de la société à court terme, là, si on pense court terme, aujourd'hui, pour les 30 prochaines minutes, la mise à l'écart d'un adolescent contrevenant, ça semble la méthode la plus efficace. Quand on pense à la protection de la société à long terme, elle ne peut être mieux servie que par la réadaptation puis la réinsertion sociale de l'adolescent. Alors, stigmatiser l'adolescent, lui donner une étiquette, c'est des éléments qui, au moment de la réinsertion sociale, lors des démarches qu'il fera pour se trouver un emploi, seront susceptibles de mettre en péril ou de saboter tous les efforts qui auront été mis en place pendant des mois, voire les années qui précèdent. Au nom de quoi? Alors, ici, c'est véritablement une démonstration formelle, là, que la publication de l'identité de l'adolescent, ça va même à l'encontre de la protection de la société à long terme, alors qu'on prétend que la protection de la société, c'est ce qui gouverne la publication de l'identité de l'adolescent.
L'autre élément dont je voudrais vous parler succinctement, c'est...
Le Président (M. Côté, Dubuc): Brièvement, Me Gervais, parce que votre temps est presque écoulé.
M. Gervais (Mario): Alors, si le temps est presque écoulé, je vais laisser quand même l'opportunité à mon collègue de faire...
Le Président (M. Côté, Dubuc): Bien, écoutez... Un instant. Comme le temps est écoulé, Me Gingras, il faudrait obtenir peut-être le consentement des membres de la commission pour vous permettre, là, peut-être une couple de minutes, là, puis on diminuera le temps également entre les deux parties. Ça va?
M. Gingras (Benoit): O.K. Je vous remercie, M. le Président. Je remercie l'Assemblée. En fait, ce qui retient mon propos, brièvement, c'est ce que vous avez entendu jusqu'à maintenant pour la partie que je couvre. Alors, c'est la philosophie fondamentale de cette loi-là qu'on estime tout à fait adéquate et appropriée. On parle de protection de la société et de besoins du jeune. Alors, si je vous parle du renvoi, je commence de cette façon-là en faisant une... en vous disant également: Il ne faut pas occulter ce concept-là, comme il ne faut pas occulter le jeune et ne pas punir le crime. Et c'est toute la philosophie de C-7, en fait, que l'on remet en question, avec laquelle on n'est pas d'accord. Alors... Et, quand on...
Dans l'exercice du renvoi, actuellement, quand on est devant un juge, le juge concilie toujours les deux concepts pour rendre une décision, c'est-à-dire qu'on parle de la protection de la société, de la réinsertion sociale du jeune dans l'examen du renvoi d'un jeune devant un autre tribunal, un tribunal pour adultes, ou dans son maintien devant la juridiction compétente, c'est-à-dire le Tribunal de la jeunesse. Et, même si... Si on examine 61, qui permettrait au Québec de procéder par décret, je pense qu'il y a là quelque chose qui pourrait être tentant, mais qui est cosmétique, en ce sens que la philosophie de la loi, les principes fondamentaux qui nous guident ne sont pas amendés, et, en l'occurrence, dans l'examen du maintien du jeune devant le Tribunal de la jeunesse ou devant une autre compétence, c'est-à-dire un tribunal pour adultes, il est clair que c'est le crime qui prend toute l'importance, et on escamote la philosophie avec laquelle on travaille en ce moment.
Alors, je pense qu'il faut se garder ça à l'esprit que, dans ce sens-là, le décret... Et le décret, dans le fond, peut changer avec un autre ministre dans d'autres circonstances, et on n'est pas dans un cadre légal où il y a des discussions, il y a des débats parlementaires, etc. Alors, je pense qu'il faut être très, très prudent avec 61 à cet égard-là.
Le Président (M. Côté, Dubuc): Alors, je vous remercie. Nous allons maintenant procéder à la période d'échange. Alors, M. le ministre.
M. Bégin: Alors, merci, madame, messieurs de la Commission des services juridiques. Je vais peut-être aller de manière un peu pointue, mais je pense que vous avez une connaissance, je dirais, légale qui vous permettrait de répondre adéquatement à une question que je me pose depuis que j'ai vu les propositions d'amendements qui ont été soumises par l'opposition à la ministre fédérale dans son communiqué qu'elle a fait parvenir... pas dans son communiqué, dans sa lettre qu'elle a fait parvenir à Mme McLellan. On parle, en fait, de modifications à l'article 61.2, et l'autre, qui est l'article 39. C'est ça?
Une voix: C'est exact.
M. Bégin: Alors, est-ce que vous avez pris connaissance de ces propositions d'amendement? Et, si oui, est-ce que vous croyez que ceci apportera une solution au(x) problème(s) ? singulier et pluriel ? que l'on peut retrouver dans cette loi?
Mme Trudeau (Diane): Bien, déjà...
Le Président (M. Côté, Dubuc): Me Trudeau.
Mme Trudeau (Diane): Bien, déjà, Me Gingras a commencé à répondre...
M. Bégin: Oui.
Mme Trudeau (Diane): ...à la question du décret, n'est-ce pas, qu'on retrouve à 61. Maintenant, pour ce qui est de la prise en compte, au fond, ce que ça dit, 61.2, là, c'est qu'on prévoirait que ça serait possible, avant d'arriver à... Parce que là il y a toute une échelle de gradation, hein, avant que le juge donne une mise sous garde, il doit passer un avertissement, une probation, une amende, et tout ça. Alors, ce serait de permettre le placement sous garde de la façon dont on le fait en ce moment. C'est toujours le même problème, c'est que, même si on peut faire ça au niveau de la mesure, dans l'évaluation de quelle mesure on va donner a priori, on revient à 3. Puis à 3, c'est: protection durable de la société, où, à ce moment-là, les besoins sont à une étape secondaire, c'est-à-dire on vérifie la gravité du crime, la participation du jeune quant à ce crime-là et, après, on vérifie: est-ce qu'il y a moyen de le réinsérer comme on fait aux adultes? Ça fait que c'est secondaire, c'est pas égal. Donc, même si on donne la possibilité d'un placement sous garde, cette évaluation-là du placement sous garde doit se faire avec l'article 3 qui n'est pas changé.
n(10 h 10)nM. Bégin: Alors, votre prétention...
Le Président (M. Côté, Dubuc): Oui, M. le ministre.
M. Gingras (Benoit): Si vous permettez, M. le ministre, d'ailleurs, dans la proposition d'amendement...
Le Président (M. Côté, Dubuc): Oui, Me Gingras.
M. Gingras (Benoit): Merci. Si vous me permettez...
M. Bégin: C'est toujours le président qui donne les autorisations.
M. Gingras (Benoit): D'accord.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gingras (Benoit): Dans la proposition d'amendement du 2 mai, je pense qu'il y a un reflet, ici, un peu des mécanismes d'évaluation qui seraient faits éventuellement par un juge du tribunal. On parle de... On ajoute «pour objectif de faire répondre celui-ci de l'infraction qu'il a commise par l'imposition de sanctions justes».
Alors, vous comprendrez, d'abord, la sanction. Alors, c'est ce qu'on entend quand on lit cette disposition-là, «assortie de perspectives positives favorisant ? favorisant ? sa réadaptation et sa réinsertion sociale, en vue de favoriser ? je pense que c'est l'ajout ? la protection durable du public». Alors, on a l'impression d'être in muros, si vous me permettez. C'est-à-dire, d'abord, la sanction juste et, ensuite, la détermination de la peine en empruntant en quelque part à la philosophie actuelle de la loi des principes qu'on connaît, alors qu'on travaille actuellement devant la décision en intégrant les concepts dont on vous a parlé tout à l'heure, c'est-à-dire protection de la société et besoins du jeune. Alors, je pense que c'est... dans le même sens que ma collègue quant à sa réponse.
Le Président (M. Côté, Dubuc): Merci, Me Gingras. Mme la ministre.
Mme Maltais: Merci, M. le Président. Bonjour, bonjour, bonjour. Merci d'être ici aujourd'hui, de venir nous éclairer. Et j'avoue que là j'ai bien compris quelque chose qu'on sentait, c'est-à-dire l'explication institutionnelle. Donc, j'apprécie l'expression «cosmétique». Il y a des aménagements cosmétiques qui pourraient nous porter à croire que peut-être le projet de loi finalement on peut réussir à l'amender, à le modifier, mais finalement l'explication institutionnelle devient très importante. Vous parlez de conséquences réelles, vous parlez de protection de la société, et ça, ça va être comme ça qu'on va lire le projet de loi. Donc, ça va au-delà des aménagements cosmétiques.
Mais ce qui m'étonne, c'est que vous ayez dit... Ce que je réalise, vous avez dit que le projet... ses articles, le projet de loi est basé sur des choses comme la criminalité croissante, ce qui est une prémisse fausse ? la criminalité est descendante actuellement au Québec ? et qu'on augmente la responsabilité du jeune, alors que les mesures extrajudiciaires ne demandent pas que le jeune se responsabilise, alors que nos mesures, nous, de rechange demandaient une responsabilisation du jeune. Donc, on a un projet de loi qui est basé sur deux prémisses qui sont fausses, si je comprends bien votre explication.
J'aimerais ça que vous me parliez... La jurisprudence, d'après ce que je comprends, ne va vraiment pas dans un sens... dans le sens de ce qui est préconisé par le projet de loi actuel. Quand on parle de prémisses fausses, là, il y aussi... Notre jurisprudence me semble aller beaucoup plus dans le sens de tenir compte des besoins que de punir.
Mme Trudeau (Diane): La jurisprudence, en ce moment...
Le Président (M. Côté, Dubuc): Oui, Me Trudeau.
Mme Trudeau (Diane): Oui. Merci. Parce qu'on se retrouve avec une déclaration de principes qui est construite de telle façon où on a reconnu qu'un jeune est en processus d'éducation, et tout ça, puis on a des articles clairs, hein? L'article 3 de la Loi sur les jeunes contrevenants dit bien que la responsabilité du jeune n'est pas... la responsabilité du jeune ne saurait être assimilée à celle des adultes.
Et on écrit aussi clairement qu'on reconnaît des besoins spéciaux puis on les mentionne dans la déclaration de principes, ce qu'on ne retrouve pas du tout. Alors, c'est évident. Comme vous dites, vous avez raison de dire que la jurisprudence qu'on a en ce moment ne peut pas du tout s'appliquer à la jurisprudence d'un possible article 3 tel qu'écrit dans la loi de justice pénale pour les adolescents parce que le législateur ne parle pas pour rien dire, parce qu'on a un changement complet de terminologie puis parce que, même avec le rajout, là, au paragraphe 3.(1)c(iii), là, où on parle de perspectives positives tenant compte des besoins, ça se trouve dans un paragraphe où on écrit, au début: «Responsabilité juste et proportionnelle», qui est un principe de droit criminel adulte, ça ? ça, c'est clair ? ou c'est le focus sur le crime et, après ça ? donc on appelle ça le «critère objectif» ? on s'en va dans la subjectivité, mais c'est pas... Ça, c'est a posteriori, alors qu'en ce moment, dans la Loi sur les jeunes contrevenants, c'est en même temps et même, dans certains cas, quand les besoins sont tellement importants... Puis, quand je parle de besoins, je parle de difficultés scolaires, problèmes relatifs aux drogues, les problèmes provenant de problèmes avec les parents, les situations familiales détériorées. Dans ces moments-là, quand les besoins sont si grands, ça va affecter la mesure. C'est ça, là.
Le Président (M. Côté, Dubuc): Merci. Oui, Mme la ministre.
Mme Maltais: Ça va.
Le Président (M. Côté, Dubuc): Ça va. Alors, Mme la députée de Blainville.
Mme Signori: Alors, Me Bélanger ainsi que votre compagne et compagnons, je vous souhaite la bienvenue. Je vais, avant de poser ma question, vous faire un commentaire et lire l'article 3 de la Convention sur les droits de l'enfant qui dit: «Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, quelles soient le fait des institutions publiques ou privées, de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale.» Vous faites comme commentaire dans votre document: «À l'heure où le Canada célèbre les 10 ans de la Convention sur les droits de l'enfant, il serait pour le moins paradoxal que le couronnement de ces festivités soit marqué par l'entrée en vigueur de la loi la plus répressive jamais promulguée par ce pays contre les adolescents.» Alors, je trouve que, dans le contexte, je me devais de le relire. Maintenant, je vous pose ma question. Actuellement, les jeunes sont jugés par un juge de la Cour du Québec qui est rattaché en général à la Chambre de la jeunesse. Comment, vous, de la Commission des services juridiques, entrevoyez-vous le fait que ces jeunes pourraient être maintenant jugés par un juge de la Cour supérieure?
Le Président (M. Côté, Dubuc): Oui. Alors, Me Gervais.
M. Gervais (Mario): J'apprécie beaucoup le commentaire que vous avez fait sur la Convention internationale, parce que c'était déjà une préoccupation que nous avions exprimée en commission parlementaire... au Comité permanent sur la justice à Ottawa, compte tenu, là, du changement de cap majeur qui se faisait. Parce que la remise en question de la déclaration de principes de la Loi sur les jeunes contrevenants, c'est une remise en question qui est très malheureuse, qui part sur des fausses prémisses.
Et, juste en introduction à votre question, il faudrait quand même se souvenir. Voici comment la Cour suprême parle de la déclaration de principes de la Loi sur les jeunes contrevenants. Elle dit que: «Il s'agit d'un effort honnête pour établir un juste équilibre dans la façon d'aborder un problème social complexe.» Et la Cour suprême ajoute que: «Les juges et les autres professionnels travaillant auprès des adolescents qui enfreignent des lois pénales ont besoin d'un ensemble de principes complexes et équilibrés comme celui que l'on retrouve à la Loi sur les jeunes contrevenants.» Alors, je ne sais pas combien il y a de lois de juridiction fédérale qui font l'objet de commentaires aussi élogieux du tribunal le plus important de notre pays, mais je pense que c'est un cas unique de retrouver de tels propos. Et c'est très malheureux qu'on procède à cette remise en question justement où on va occulter davantage l'intérêt de l'enfant, on va occulter davantage les besoins spécifiques des adolescents au nom d'une approche axée sur la gravité de l'infraction uniquement.
Alors, c'est un contexte où on se questionne également en regard des engagements internationaux du Canada au niveau de la Convention internationale qui fait en sorte que la préoccupation institutionnelle doit se manifester dans la recherche, à toutes les étapes du processus judiciaire, de l'intérêt supérieur de l'enfant.
Le Président (M. Côté, Dubuc): Oui, Me Gingras, vous voulez rajouter quelque chose?
M. Gingras (Benoit): Pour ajouter, la Cour suprême, dans une autre décision également, avait traité les deux concepts comme étant une tension entre... On parle de protection et de besoins, et tension parce que, à la lecture même, on comprendra que ça semble paradoxal de faire un jumelage, pour éventuellement rendre une décision concernant un jeune, de ces deux concepts-là.
Je vous dirais qu'en pratique, avec les années, ce concept-là est devenu extrêmement fluide. Et la compréhension que les tribunaux, que la Chambre de la jeunesse, qui est un forum spécialisé, en a, c'est que les besoins du jeune... Quand un juge ordonne une mesure qui correspond aux besoins du jeune, ça n'altère en rien le fait qu'on protège la société également. Alors, c'est pour ça que je vous dis que le concept devient fluide. Les besoins du jeune, par exemple, dans le cadre d'une probation avec des conditions serrées, des conditions strictes concernant l'attitude qu'il doit déployer, c'est aussi une façon de protéger la société. C'est important de travailler avec cette notion-là, alors dans la même veine que mon collègue Me Gervais.
Le Président (M. Côté, Dubuc): Merci. Ça va. Alors, je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Bourassa.
Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Bonjour à tous, bienvenue et merci pour votre présentation. J'aurais une première question à vous poser relativement aux placements sous garde. L'opposition officielle est parfaitement consciente qu'il demeure des préoccupations quant au pouvoir d'intervenir au bon moment et poser le bon geste. L'ex-ministre de la Justice d'ailleurs avait dénoncé son inquiétude à l'effet que les amendements déposés ne permettraient plus, dans le cas d'un jeune qui en était à ses premières... une infraction de moindre gravité, une intervention appropriée.
n(10 h 20)n Est-ce que vous croyez que, si le fédéral étendait les dispositions de l'actuel C-7 relatives au placement sous garde, à des infractions autres que des infractions graves, ça pourrait contribuer positivement à intervenir au bon moment auprès du jeune, et surtout à permettre de poser le bon geste?
Le Président (M. Côté, Dubuc): Oui, Me Trudeau.
Mme Trudeau (Diane): Oui, je vais vous répondre. C'est un peu une suite de la réponse à Me Bégin.
Mme Lamquin-Éthier: Pour préciser davantage.
Mme Trudeau (Diane): C'est ça. C'est que, au fond, quand le juge a... C'est pas simple non plus, hein?
Mme Lamquin-Éthier: Non.
Mme Trudeau (Diane): C'est tout un droit particulier, les jeunes contrevenants. Quand un juge doit imposer la juste mesure, c'est sûr que ce qui est proposé, là, de dire au juge: «Vous devez commencer par l'avertissement, la probation, l'amende», donc regarder juste le crime ou le fait qu'il y a eu ou non récidive sans regarder le jeune, ça n'a pas de bon sens. Même, on n'imposerait même pas ça à la justice criminelle adulte; on n'a même pas ces critères-là pour l'imposition des sentences aux adultes. Bon. D'abord.
Il est vrai qu'en imposant un placement sous garde, en donnant la latitude, la liberté au juge de pouvoir donner un placement sous garde, par exemple pour un jeune qui a commis un délit mineur et parce que lui a des problèmes importants qui peuvent être réglés de telle ou telle façon, dans tel centre de jour, bon, c'est sûr que ça a l'air... Encore là, c'est ça qu'on veut... Quand on dit cosmétique, c'est que ça a l'air mieux, mais sauf que, quand le juge impose une peine, il doit toujours référer à 3.
Mme Lamquin-Éthier: Il y a d'autres principes.
Mme Trudeau (Diane): Puis on revient au problème de 3, qui est toujours l'emphase sur justice proportionnelle, mesure opportune liée au crime. C'est ça, le problème.
Mme Lamquin-Éthier: Lorsque... Juste, M. le Président, une précision.
Le Président (M. Côté, Dubuc): Oui.
Mme Lamquin-Éthier: On était préoccupés évidemment par les observations, les inquiétudes qui prévalaient pour le placement sous garde. C'est bien sûr que, quand on a déposé une proposition d'amendement, on a consulté des juges. Écoutez, on n'est pas allés là de façon irresponsable, on est respectueux des besoins. Les enfants, on veut qu'ils aient de bonnes interventions. On a donc consulté des juges auprès du Tribunal de la jeunesse qui nous ont dit qu'une telle modification pourrait contribuer positivement. Là, je trouve ça...
Mme Trudeau (Diane): C'est sûr que...
Mme Lamquin-Éthier: J'ai toujours l'impression d'être en noir et blanc et je trouve ça difficile.
Mme Trudeau (Diane): Je comprends.
Mme Lamquin-Éthier: Quand on lit la loi... Aucune loi n'est parfaite. Cependant, on peut travailler à l'améliorer. Le juge, avant de rendre une décision ? vous le dites et vous avez raison d'insister sur les besoins de l'enfant ? il va les prendre en considération, les besoins de l'enfant. Au-delà de l'article 3 dont vous parlez, le juge a aussi toute une série de dispositions, de principes qu'il doit prendre en compte pour s'assurer qu'il prendra la bonne mesure et surtout dans le meilleur intérêt de l'enfant.
Mme Trudeau (Diane): ...en matière d'interprétation. Quand un texte législatif change complètement, comme c'est le cas, n'est-ce pas...
Mme Lamquin-Éthier: Oui.
Mme Trudeau (Diane): ...puis qu'on retrouve une terminologie différente avec des préoccupations qui ne sont pas au même niveau qu'elles étaient avant, quand un juge a à évaluer ce changement-là, il doit voir les termes et doit se demander: Mais quelle était l'intention du législateur? Là, on a plein de décisions de Cour suprême qui nous disent ça.
Et, quand on va dans l'intention du législateur, on s'aperçoit que l'objectif de faire cette loi-là de justice pénale pour les adolescents, à part de permettre aux victimes de s'exprimer puis de favoriser les mesures alternatives, c'est de rendre les jeunes responsables, de les responsabiliser davantage et avoir une justice qui apporte une responsabilité juste et proportionnelle pour amener une protection de notre société.
Puis on parle, comme je vous le disais tantôt, dans les énoncés de la ministre fédérale, on parle de... On est préoccupés par la criminalité des jeunes. Donc, c'est ça, la pensée qui explique toutes ces modifications-là. Donc, c'est sûr que, si les juges vous disent: «Oui, c'est une amélioration», c'est sûr que c'est une amélioration au niveau de la possibilité. Au moins, nous aurons la possibilité de le donner, ils n'auront pas à passer toutes ces étapes-là.
Cependant, comme on se retrouve avec un article 3 dans une loi fédérale qui s'applique à tout le monde... Me Gervais vous parlait tantôt qu'on est montés à la Cour suprême dans la décision J.J.M. puis d'autres décisions pour interpréter cet article 3. Mettons qu'on part de la prémisse que, Québec, les juges vont interpréter ça, vont continuer à l'appliquer, bon, je vois mal comment, mais mettons qu'il y a un consensus, et tout ça, ça, là, c'est une disposition d'une législation fédérale, il s'agirait qu'on monte... que ça monte jusqu'à la Cour suprême puis qu'on donne une interprétation au fond conforme à cette nouvelle législation pour qu'on ne puisse plus faire ça. Vous comprenez comment l'importance... Ce que je veux souligner, c'est l'importance d'une déclaration de principes. Et aussi, je voudrais vous souligner aussi que, même si dans le préambule... Voyez, le préambule a été changé. On a écrit, au paragraphe 1: «Que la société se doit de répondre aux besoins des adolescents.» J'aimerais bien vous dire clairement que le préambule n'a pas force de loi, et ça, c'est mentionné dans la doctrine, dans la jurisprudence.
Le Président (M. Côté, Dubuc): Oui, Mme la députée de Bourassa.
Mme Lamquin-Éthier: Sauf qu'il y a des principes... O.K. Vas-y.
Le Président (M. Côté, Dubuc): Oui, M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: En tout cas, il me semble que toute votre argumentation est basée sur... Vous revenez toujours sur l'article 3. Vous dites: Finalement, l'article 3, au niveau des principes, ordonne quasiment un automatisme au juge. Il faut qu'il soit sévère, il faut qu'il soit punitif, etc. En tout cas, je pense qu'il y en a d'autres, commentaires qu'on a eus ou qu'on a vus d'autres juristes aussi qui nous disent ? ou qui vont peut-être nous parler un peu plus tard ? qui nous disent qu'il y a eu effectivement une plus large interprétation de l'article 3. C'est pas sur ça que je veux... Parce que je trouve que... En tout cas, des fois, j'entends des discours qui ressemblent à des discours, à des moments de la vie parlementaire, disons, plus vers la fin des sessions. En tout cas.
Mais, ce que je veux en venir, là, c'est la chose suivante. Hier, le ministre nous a dit que ce serait possible dans le pays d'avoir un système de justice C-7 qui s'appliquerait dans tout le reste du pays et la Loi des jeunes contrevenants qui pourrait continuer de s'appliquer ici. Parce qu'on nous a dit hier qu'il y avait trois possibilités, parce que je posais la question: qu'est-ce qu'on fait? Le ministre m'a lu une opinion, un jugement du juge Dickson, du juge Dickson qui parlait de l'administration de la justice, et il m'a très clairement dit qu'il y avait trois possibilités. Parce que je posais la question, on nous demande de demander au fédéral de se soustraire, de soustraire le Québec de l'application de la loi C-7, je faisais remarquer que la loi C-7 abroge la Loi des jeunes contrevenants. Alors, si on soustrait le Québec de l'application de la loi C-7, ayant abrogé la Loi des jeunes contrevenants, qu'est-ce qui s'applique au Québec? Le ministre m'a dit: Notre position pourrait être que la Loi des jeunes contrevenants pourrait continuer de s'appliquer au Québec. Croyez-vous en cette possibilité-là?
Le Président (M. Côté, Dubuc): Me Bélanger.
M. Bélanger (Pierre): Écoutez, M. le Président, quant à nous, écoutez, nous, devant la commission, on a exposé nos positions relativement aux projets de loi qui sont sur la table, c'est-à-dire le projet de loi fédéral, le projet de loi tel qu'il a été modifié et aussi les modifications qui ont été proposées par l'opposition. Maintenant, qu'est-ce qui peut être fait au niveau politique, au niveau intervention législative, vous comprendrez, je ne pense pas que c'est le rôle de la Commission de se prononcer là-dessus.
M. Sirros: Je pose une question comme avocat, comme juriste, comme président de la Commission des services juridiques. Comme ex-député...
M. Bélanger (Pierre): Non.
M. Sirros: ...je n'en sais rien, là, je ne vous pose pas ça comme ex-député, je vous pose ça...
M. Bélanger (Pierre): C'est pas mon rôle, M. le député.
Le Président (M. Côté, Dubuc): Un instant, s'il vous plaît!
M. Bélanger (Pierre): ...de m'inviter comme ancien député.
M. Sirros: ...et j'attends à ce que vous répondez non plus comme ex-député. Voilà.
M. Bélanger (Pierre): C'est un rôle... Ha, ha, ha!
M. Sirros: Alors, la question que je vous pose est la suivante.
Le Président (M. Côté, Dubuc): M. le député de Laurier-Dorion, un instant. Laissez terminer M. Bélanger, puis vous aurez tout le loisir de répondre ensuite.
M. Sirros: Je veux juste préciser la question, là, parce qu'il m'a répondu en disant qu'il ne peut pas me répondre parce qu'il n'est pas politicien. Je ne lui demande pas de...
M. Bélanger (Pierre): Non, non. Non, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire, M. le député.
M. Sirros: O.K.
M. Bélanger (Pierre): C'est parce que, tout à l'heure, quand vous avez parlé que, dans notre présentation, vous sembliez décoder certaines choses qui ressemblaient à un discours de fin de session, alors je me demandais qui est-ce que vous interpelliez. Est-ce que vous interpelliez l'ancien député? Est-ce que vous interpellez le...
M. Sirros: Non, mais, je ne parlais pas à vous. Ha, ha, ha!
M. Bélanger (Pierre): ...président de la Commission? Non, non, mais vous vous adressez, je crois, aux gens qui sont devant vous, nous sommes quatre. Alors, quand vous parlez finalement de propos, c'est pour ça que je me demandais à qui vous vous adressiez. Alors, moi, je peux vous dire, ancien député, malheureusement ou heureusement, je suis plutôt fier, j'en suis un ancien, député. Mais, maintenant, je suis président de la Commission des services juridiques. Et le mémoire que nous présentons, c'est relativement à notre expertise, et je m'exclus là-dedans, puisque, moi, je suis président de la Commission. Je ne suis pas un expert en droit de la jeunesse ou en droit des jeunes contrevenants; ce sont les trois personnes qui sont ici avec moi.
Alors, écoutez, alors je suis content que vous précisiez votre question et je crois que ça vient aussi préciser peut-être les propos que vous avez dits tout à l'heure. Maintenant, Me Diane Trudeau pourrait répondre.
M. Sirros: Juste pour...
Le Président (M. Côté, Dubuc): Oui, Me Trudeau.
Mme Trudeau (Diane): Alors, ma position, évidemment, comme vient de dire Me Bélanger, c'est une position qui n'est pas du tout politique. Je n'ai aucune opinion sur le retrait, je tiens bien à le dire. Maintenant, je vais vous dire ce que l'article 15 de la Charte canadienne des droits parle. Cet article-là parle de l'égalité du traitement.
M. Sirros: ...
Mme Trudeau (Diane): J'y arrive, monsieur, je vais vous répondre. Je vais juste commencer à répondre à votre question. Vous posez la question à savoir si le retrait, c'est possible, n'est-ce pas?
Mme Lamquin-Éthier: C'est pas complet.
M. Sirros: Qu'est-ce qui va s'appliquer si la loi C-7... Si le Québec est soustrait de l'application de la loi C-7...
Mme Trudeau (Diane): Oui.
n(10 h 30)nM. Sirros: Qu'est-ce qui va s'appliquer sur le territoire québécois?
Mme Trudeau (Diane): C'est ça. Alors, si, la loi C-7, il y avait une disposition pour dire que le retrait s'appliquerait, alors, à ce moment-là, ce serait la Loi sur les jeunes contrevenants qui pourrait continuer à s'appliquer. Maintenant, la question pertinente, peut-être, qu'il s'agit de se poser, c'est: Est-ce que c'est possible d'avoir une application différente d'une région à une autre en droit criminel? Et la réponse, c'est oui, et j'ai à peu près cinq décisions de la Cour suprême à vous mentionner.
Le Président (M. Côté, Dubuc): La députée de Bourassa.
Mme Trudeau (Diane): Alors, j'ai une opinion, là, sur cette question-là, mais, en tout cas, je pense pas que... C'est plutôt théorique.
Le Président (M. Côté, Dubuc): Oui. Merci, Me Trudeau. Mme la députée de Bourassa veut... sur le même sujet.
Mme Lamquin-Éthier: Et ce que vous nous confirmez, somme toute, c'est qu'il y a une certaine discrétion ou latitude... Puis d'ailleurs, M. Lacour, qui vous précédait, avait précisé qu'au Québec on avait choisi de mettre en place un programme de mesures alors que d'autres provinces avaient choisi de ne pas le faire. Alors, il y a donc une discrétion qui peut être laissée quant à l'administration ou à l'application de certaines mesures à l'intérieur d'une loi. Mais mon collègue parle de la loi au complet, on retirerait... la demande du Québec... C'est ça la demande du collègue.
M. Sirros: Vous permettez? Parce que vous avez été assez claire...
Le Président (M. Côté, Dubuc): M. le député de...
M. Sirros: Vous avez été assez claire, vous avez dit que si la loi C-7 ne s'applique pas au Québec...
Le Président (M. Côté, Dubuc): M. le député de Laurier-Dorion, s'il vous plaît...
M. Sirros: Oui.
Le Président (M. Côté, Dubuc): ... vous ne m'avez pas demandé la parole...
M. Sirros: Oui, j'ai demandé la parole.
Le Président (M. Côté, Dubuc): Mme la députée de Bourassa a posé une question à Mme Trudeau. J'aimerais que Mme Trudeau réponde, puis en plus, après, je vous donne la parole.
Mme Trudeau (Diane): Alors, je vous réponds, madame. Ce à quoi vous référez, c'est la décision R. contre S.S., une décision de la Cour suprême sur les programmes de mesures de rechange qui s'appliquaient de façon différente d'une province à l'autre. Cependant, il y a eu une multitude d'autres décisions sur la question. Et plusieurs décisions ont dit que l'inégalité d'application en droit criminel d'une province à l'autre n'est pas une violation à l'article 15. Et on avait une décision où peut-être ? bien, vous allez me dire si je suis trop technique, là ? où on avait... C'était l'article 234.2, en tout cas, du Code criminel, à l'époque, qui permettait de donner une absolution conditionnelle pour les gens qui avaient été accusés de facultés affaiblies, s'ils acceptaient d'aller suivre un traitement pour se désintoxiquer. Des provinces l'ont appliqué, d'autres provinces l'avaient pas, et ça, ça avait rapport avec la mesure, c'était pas juste un programme, et on a considéré que ça ne contrevenait pas à l'article 15.
Et on est même allés, dans certaines décisions, à dire que la division du pouvoir... Bien, c'est dans R. contre S.S. où on dit: La division du pouvoir législatif entre le fédéral et le provincial non seulement permet le traitement différent selon la province, mais encourage la reconnaissance des distinctions régionales.
Le Président (M. Côté, Dubuc): Merci. M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Merci, M. le Président. Vous avez été assez claire tantôt. Vous avez dit que, si la loi C-7 ne s'applique pas au Québec, hein, le Québec sera soustrait de l'application de la loi C-7, c'est la Loi des jeunes contrevenants qui va continuer de s'appliquer ici. Ma compréhension des choses, c'est que la loi C-7 abroge la Loi des jeunes contrevenants. Est-ce que c'est la vôtre aussi?
Mme Trudeau (Diane): C'est-à-dire que ça va dépendre du libellé de la disposition de retrait qui va se retrouver dans C-7, par exemple. Ça, ça dépend. Si on... Ça dépend de la façon dont on va l'écrire, je ne peux pas vous dire, là.
M. Sirros: Donc, selon vous, c'est possible qu'on ait deux lois distinctes au niveau du Code pénal...
Mme Trudeau (Diane): Ce que je peux vous dire...
M. Sirros: Qu'est-ce que... Comment... J'aimerais saisir, là, parce qu'il me semble... En tout cas, je ne suis pas juriste, je ne suis pas avocat, mais ça fait 20 ans que j'entends ici parler de l'application uniforme du Code criminel, du Code pénal, etc., et là j'entends une avocate qui me dit: C'est possible d'avoir deux systèmes pénaux au pays. Comment... Qu'est-ce qu'on fait avec l'égalité du citoyen, la Charte des droits, etc.?
Le Président (M. Côté, Dubuc): Mme Trudeau, moins qu'une minute qu'il vous reste, là. Alors...
Mme Trudeau (Diane): La Charte de droits, quand on parle de l'article 15, ça parle d'équité, hein, et ici il faut, pour contrevenir à la Charte, il faut qu'il y ait de la discrimination. Et ça veut pas dire qu'il y a de la discrimination sur les caractéristiques personnelles de la personne, le fait qu'on discrimine d'une région à une autre région.
Le Président (M. Côté, Dubuc): Merci. Alors, monsieur, il reste deux minutes du côté ministériel. M. le ministre.
M. Bégin: M. le Président, je vais, avec la permission des membres de la commission, plutôt répondre à la question qu'il m'a été posée hier et qu'on vient d'aborder avec les membres de la commission.
J'ai effectivement la confirmation qu'il y a une opinion juridique qui a été écrite au ministère. Cette opinion juridique va dans le sens que j'ai mentionné. Je vais vous distribuer les conclusions de cette opinion juridique respectant ainsi la règle à l'effet que des opinions juridiques ne sont pas remises formellement. Cependant, à l'intérieur de cette opinion, il y a plusieurs décisions de la Cour suprême, auxquelles vient de référer madame, qui n'a pas lu l'opinion bien sûr, mais qui est de connaissance publique.
Alors effectivement, il faut comprendre que ce que le Québec pourrait demander, c'est trois choses. Soit le retrait pur et simple de la loi C-7 ? nous comprenons que ça semble pas être le voeu du gouvernement et qu'il a le droit de légiférer; bon, prenant ça pour acquis, quelles sont les alternatives qui se présentent? ? soit procéder par des amendements qui auraient pour effet d'atténuer, de modifier, d'alléger C-7 dans le sens que nous souhaiterions. C'est la démarche que vous avez entreprise et que l'on retrouve de toute façon dans trois dispositions déjà, et qui constitue par ce fait même la preuve qu'on peut procéder différemment, en justice, à travers tout le Canada.
Il y a trois textes. L'article 88 de la loi dit actuellement... 88 de la loi actuelle dit: Le lieutenant-gouverneur en conseil d'une province peut ordonner ? ordonner ? que la détermination du niveau de garde des adolescents soit effectuée conformément à quoi? À la Loi sur les jeunes contrevenants. Ça, c'est la loi C-7, qui dit ça. Alors, pour éviter tout de suite la question de l'abrogation de la Loi sur les jeunes contrevenants, il est évident que, si nous obtenions, comme disait Me Trudeau, un retrait, bien sûr que le texte sur l'abrogation de la Loi sur les jeunes contrevenants devrait être modifié. Il faudrait penser que le législateur fédéral serait logique en nous donnant la possibilité d'appliquer la loi différemment, mais ne détruirait pas cet amendement-là tout de suite. Donc, il y a cette possibilité-là à 88. L'article 61, par le retrait que l'on peut faire de l'âge de 14 à 16 ans, indique également que la justice peut être différente d'une province à l'autre. L'article 38 fait exactement la même chose.
Ce que les tribunaux nous disent dans R. et S., ici, c'est, d'une façon très claire... Une petite lecture courte, M. le Président, de cette décision-là, puis je pense qu'elle va parler mieux que moi: «En premier lieu, il faut se rappeler que des différences dans l'application d'une loi fédérale peuvent représenter un moyen légitime de promouvoir les valeurs d'un système fédéral ? c'est certainement pas moi, là, qui parle, hein? De fait, dans le contexte de l'administration du droit criminel, les différences d'application sont favorisées par les paragraphes... etc., de la loi constitutionnelle. Le droit criminel et son application sont un domaine dans lequel un équilibre peut être établi entre les intérêts nationaux et les préoccupations locales grâce à une structure constitutionnelle qui permet et encourage à la fois la collaboration du fédéral et des provinces.
«Il ressort clairement d'une brève revue de l'histoire constitutionnelle canadienne que la diversité du droit criminel dans son application dans les provinces a été reconnue de façon constante comme moyen de promouvoir les valeurs propres au fédéralisme. Les différences d'application naissent de la reconnaissance de l'opportunité d'adopter dans différentes régions des façons différentes d'aborder l'administration du droit criminel.»Une voix: L'administration.
M. Bégin: La justice est toujours une administration. Et on cite le juge Laskin qui se prononçait sur la déclaration canadienne, qui dit...
M. Sirros: Quelle page, M. le ministre?
M. Bégin: Page 715. Toujours à la page que je lis: «Comme question de compétence législative seulement, on ne peut mettre en doute le droit qu'a le Parlement de donner des applications ? le Parlement qu'a le droit ? de donner des applications spéciales à ses lois criminelles ou autres, que ce soit en termes d'application locale ou autrement.» Ce principe a été réaffirmé dans le contexte de la déclaration canadienne des droits, et là on cite le juge Wilson dans l'arrêt Turpin: «Je me rends compte qu'en arrivant à la conclusion qu'il n'y a pas de violation de l'article 15 dans l'espèce, je rejette la proposition acceptée par plusieurs cours d'appel au Canada selon laquelle c'est un principe en vertu de l'article 15 de la Charte que le droit criminel s'applique également partout au pays.»Le Président (M. Côté, Dubuc): Merci, M. le ministre. Je dois arrêter ici.
M. Bégin: Alors, je continuerai, M. le Président, tout à l'heure, parce que je veux continuer cette intervention qui nous donne l'opportunité de demander autre chose que l'application la loi. Merci, M. le Président.
n(10 h 40)nLe Président (M. Côté, Dubuc): Alors, je remercie les membres de la Commission des services juridiques pour votre contribution aux travaux de cette commission. J'inviterais maintenant l'Association des substituts du Procureur général du Québec à bien vouloir se présenter.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Côté, Dubuc): Alors, je vous rappelle que le temps alloué pour la présentation est de 15 minutes. Suivront, par après, deux périodes d'échange de 15 minutes, tant pour le côté ministériel que pour le côté de l'opposition. J'aimerais également demander au porte-parole de vous identifier et de nous présenter la personne qui vous accompagne.
Association des substituts du Procureur
général du Québec (ASPGQ)
Mme Murphy (Annick): D'accord. Alors, bonjour, je m'appelle Annick Murphy, je suis procureure de la couronne depuis 1980, j'oeuvre à la chambre de la jeunesse de Montréal depuis cette date, sauf pour une période de deux ans où je suis allée à la chambre criminelle et pénale pour faire des dossiers plus particuliers d'agressions sexuelles. J'ai donc connu l'application de la Loi sur les jeunes délinquants, l'application évidemment de la Loi sur les jeunes contrevenants, et maintenant, nous sommes à l'étude de ce nouveau projet de loi. Je vous présente ma collègue, Me Karen Ohayon, qui est aussi de la chambre de la jeunesse de Montréal. Je vais la laisser vous donner son curriculum.
Le Président (M. Côté, Dubuc): Oui. Alors, Me Ohayon.
Mme Ohayon (Karen): Oui, je suis à la chambre de la jeunesse. J'ai commencé en 1992, je suis à la chambre de la jeunesse depuis, sauf pour une période de six mois où j'ai travaillé en protection de la jeunesse pour les contentieux des services sociaux. Avant de devenir avocate, j'ai également travaillé à titre d'éducatrice dans le réseau des services sociaux jeunesse, dans des foyers de groupes, centres d'accueil, avec des jeunes placés et en vertu de la protection de la jeunesse et en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants.
Le Président (M. Côté, Dubuc): Alors, si vous voulez bien nous présenter votre exposé, nous vous écoutons.
Mme Murphy (Annick): Merci. Alors, disons que d'emblée notre exposé contient quatre points principaux ou disons quatre interventions principales sur lesquelles nous désirons porter votre attention. Le premier point, c'est l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants et ses principes, ça sera très succinct. Le deuxième point sera pour nous le point majeur, qui est la philosophie d'intervention de la loi fédérale. Le troisième point sera des exemples que nous allons vous proposer, des exemples de l'érosion du système de jeunes contrevenants au profit des principes calqués sur le système adulte. Et le quatrième point, si on a le temps, certaines difficultés d'application qui nous semblent majeures dans l'application de cette loi.
Alors, certains commentaires d'ordre philosophique rejoignent ceux qui ont déjà été exprimés par la Coalition pour la justice des mineurs dans le document intitulé Commentaires sur le projet de loi sur le système de justice pénale pour adolescents. Cependant, plus particulièrement à ce chapitre et avant d'aborder les conséquences de l'application de cette loi au plan de l'exercice pratique de nos fonctions de substituts, nous tenons à émettre le commentaire suivant. Nous sommes d'avis que la Loi sur les jeunes contrevenants, bien que perfectible, permet d'assurer efficacement la protection de la société tout en individualisant la mesure en regard de la situation et des besoins des adolescents. Elle permet un juste équilibre entre le poids à accorder à la protection de la société et aux besoins particuliers et spécifiques des adolescents.
J'aimerais vous rappeler un passage de l'arrêt de la Cour suprême qui nous apparaît être tout à fait d'actualité, qui est l'arrêt JJM qui a été rendu en 1993 et dont vous avez certainement entendu parler par d'autres intervenants. J'aimerais simplement vous citer ceci. La Cour dit, sur les principes donc du poids à accorder à la protection de la société et aux besoins particuliers, la chose suivante: «Ces fins ne sont pas nécessairement inconciliables. À long terme, la société est mieux protégée par la rééducation et la réadaptation d'un jeune contrevenant. Pour leur part, les jeunes contrevenants sont mieux servis quand ils reçoivent les conseils et l'assistance nécessaires pour acquérir les aptitudes dont ils ont besoin pour devenir des membres pleinement intégrés et utiles à la société.» Déjà, en février 1995, le groupe de travail Jasmin, dont le mandat confié était celui de procéder à l'évaluation et à l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants, en est venu à la conclusion que la Loi sur les jeunes contrevenants était appuyée sur un large consensus par les intervenants québécois, et, à part quelques ajustements mineurs qui pourraient être apportés à la loi, il ressort clairement de leurs consultations que les problèmes auxquels il fallait s'attaquer en priorité étaient plutôt de l'ordre de l'application de la loi que de la loi elle-même. Et je dois vous dire que notre pratique à la chambre de la jeunesse depuis 20 ans nous amène aux mêmes conclusions.
Le projet de loi fédéral introduit une philosophie d'intervention calquant celle qui existe chez les adultes. Les principes, objectifs et facteurs qui apparaissent à divers chapitres du projet de loi sont à ce titre sans équivoque. Ces principes directeurs commandent aux tribunaux chargés de son application d'axer leurs décisions en fonction de la nature des infractions commises, de leur gravité, des circonstances, des dommages, etc. Les besoins particuliers des adolescents sont évacués.
En ce sens, il est important de mentionner que les besoins ne sont considérés qu'à un stade secondaire dans la déclaration de principe et ne sont pas du tout considérés ? et ça, ça nous semble plus important ? dans la déclaration de principe sur la détermination de la peine. Les critères de réadaptation et de réinsertion sociale restent des principes dilués par l'esprit dominant de la responsabilité juste et proportionnelle en regard de l'infraction. Cette responsabilité juste et proportionnelle, la responsabilité pénale, n'est certainement pas synonyme de responsabilisation éducative et rééducative. Il faut éviter de confondre les sens. Il nous apparaît complètement artificiel de dissocier l'infraction commise des difficultés sociales et de l'immaturité de l'adolescent et des causes de celle-ci.
Ce changement proposé est majeur et les conséquences importantes sur la manière qu'a le Québec de s'occuper de ses adolescents contrevenants. Pourtant, notre pratique devant les tribunaux oeuvrant auprès des adolescents laisse plutôt entrevoir que la responsabilisation de l'adolescent face au geste délictueux qu'il commet est bien servie par une approche qui tient compte de ses besoins et des caractéristiques liées à son âge et qui permet l'application de mesures éducatives et rééducatives qui favorisent la modification des comportements et découragent la récidive.
La ministre fédérale laisse entendre qu'il sera loisible au Québec de maintenir cette philosophie, si tel en est son choix. Il est naïf de penser que nos choix rééducatifs vont s'établir dans le cas par cas, indépendamment des principes directeurs qui orientent chaque décision que les tribunaux vont devoir prendre. Le Procureur général du Québec ne pourra pas s'écarter de cette philosophie basée sur la nature de l'infraction et devra appliquer la loi telle qu'elle sera interprétée par les tribunaux.
Voici ? j'en suis à la deuxième partie de mon exposé ? des exemples de l'érosion du système distinct pour les jeunes contrevenants au profit des principes calqués sur le système adulte. Nous avons fait l'exercice suivant ? je ne reprendrai pas tous les points. Nous avons relevé les objectifs et principes de la détermination de la peine à l'article 38 du projet de loi et nous avons relevé les objectifs et les principes dans le chapitre de la détermination de la peine dans le Code criminel, et nous avons fait des parallèles. Nous avons trouvé qu'en huit points, c'était identique. Et presque tous les principes qui se retrouvent ? presque tous ? dans l'article 38 se retrouvent également à l'article 78 du Code criminel.
J'aimerais simplement souligner l'article 38.(2)b... je m'excuse, 38.(2)b qui dit ceci: «La peine doit être semblable à celle qui serait imposée dans la région à d'autres adolescents se trouvant dans une situation semblable pour la même infraction commise dans des circonstances semblables.» Ce principe est également présent au Code criminel, à 718.(2)b, sauf en ce qui concerne le principe des régions. Je pourrai revenir plus tard sur cette particularité. Le principe également qui se retrouve, qui, à notre avis, est le plus important et celui qui cause le plus de conséquences actuellement sur notre système, c'est le principe de la proportionnalité juste.
L'article 2.(2) du projet de loi nous dit ceci: «Sauf disposition contraire, les termes de la présente loi s'entendent au sens du Code criminel.» Alors, il nous paraît évident que l'interprétation de tous les articles de principe... l'article 3, l'article 38, l'article de principe sur les mesures extrajudiciaires, devront être interprétés au sens des termes du Code criminel. Alors, en ce qui nous concerne, les mots «réadaptation» ou «réinsertion sociale», la jurisprudence a déjà déterminé, en matière d'adulte, ce que ces termes signifiaient. Et, dans le contexte de la loi actuelle, ces termes seront quant à nous interprétés de la même façon.
À l'article 3, le principe de la responsabilité juste et proportionnelle est repris à deux reprises: 3.(1)b(ii), 3.(1)c, d'une façon prépondérante. À l'article 38.(2)c, qui est aussi un article de principe, ce principe de responsabilité juste et proportionnel est repris. Alors, on sent que c'est la philosophie marquante de la loi.
n(10 h 50)n À l'article 39, les placements sous garde. Les situations qui sont décrites à cet article-là sont impératives. Cet article vient remplacer l'article 24 de la Loi sur les jeunes contrevenants. Ces critères sont mandatoires, ce qui, dans la pratique, quant à nous, va exclure l'utilisation d'une mesure de garde comme mesure sociale qui sert actuellement à arrêter d'agir ou, au surplus, l'impossibilité d'obtenir une mesure de rééducation en placement sous garde pour des contrevenants qui vont commettre des infractions qui à notre avis sont aussi graves mais non violentes nécessairement. Je pense à une multitude d'introductions par effraction, les contrevenants qui sont impliqués dans des réseaux de vols d'autos au profit d'adultes criminalisés, les adolescents qui commettent des crimes en regard de la Loi sur les stupéfiants ? à Montréal, par exemple, il est connu qu'il s'agit des écoles des groupes criminalisés ? et évidemment les crimes graves qui ne comportent pas de violence. Alors, à notre avis, il y a ici un vide important qui aura des conséquences majeures dans la vie d'une très grande majorité d'adolescents.
Nous voulons également souligner, à l'article 42, les libertés sous surveillance aux deux tiers. Si les proportions de l'ordonnance qui sont consacrées à la garde et à la surveillance sont les mêmes pour tous, on vise plutôt l'imposition de sanctions uniformes pour tous plutôt que de favoriser une réinsertion sociale individualisée.
Nous constatons également ce que d'autres intervenants ont appelé les sentences en cascades, ce qui exclut carrément la notion de l'application de la bonne mesure au bon moment. Quant aux difficultés d'application, nous en avons relevé certaines; il y en aura certainement d'autres. L'autorisation des plaintes, par exemple, qui est un exemple parfait quant à nous, qui reflète la complexité de l'application de cette loi-là. En ce qui nous concerne, il y a une multitude d'étapes à cette procédure qui seront ajoutées à celles qui existent déjà et une multitude d'intervenants également.
La multiplication des intervenants qui seront appelés à témoigner à la cour. Il y a déjà des périodes extrêmement longues d'audition à la cour parce qu'il y a évidemment le procureur de la couronne, la défense, les experts et les parents. On rajoute les groupes consultatifs, on rajoute certaines personnes additionnelles, et à toutes les étapes des procédures, ce qui va allonger énormément les procédures. Et même si on a ajouté dans les derniers amendements le principe que le temps est important pour les jeunes, quant à nous, ce que ça va faire, c'est que ça va indiquer aux intervenants de faire leur travail rapidement, mais ça ne fait pas en sorte que la multitude de procédures qui sont contenues dans cette loi n'auront plus d'application.
Évidemment, la complexité de la loi, les 150 articles, le nombre impressionnant de paragraphes, ça a pris plusieurs années avant d'aller à la Cour suprême pour faire interpréter les principes de la loi. On s'imagine que ça en prendra beaucoup plus pour avoir une interprétation sur des principes qui seront très importants. À notre avis, il y aura un flottement d'un nombre impressionnant d'années avant de savoir de quoi cette loi-là parle exactement.
Et les étapes avant la judiciarisation. Alors, j'en ai déjà parlé, les procédures seront extrêmement longues et on peut penser que, si actuellement on réussit à faire un procès pour un individu détenu sur une période de trois ou quatre mois, on pense, à la lecture de cette loi-là, qu'on pourrait multiplier par trois et même quatre cette durée des procédures. Alors, il y aurait beaucoup d'autres choses à dire.
Le Président (M. Côté, Dubuc): Je vous remercie, Me Murphy.
Mme Murphy (Annick): Merci.
Le Président (M. Côté, Dubuc): Je vais maintenant suspendre pour environ deux, trois minutes, très, très brièvement.
(Suspension de la séance à 10 h 54)
(Reprise à 11 h 2)
Le Président (M. Côté, Dubuc): Alors, la commission des institutions reprend ses travaux. Suite à l'exposé de Me Murphy, je cède maintenant la parole au ministre.
M. Bégin: Bonjour, madame. Vous avez... vous occupez un poste particulièrement important relativement à cette question des jeunes contrevenants, et j'aimerais savoir s'il y aurait des effets négatifs qui proviendraient, par exemple, de l'application stricte de la nouvelle loi par opposition à celle que nous avons actuellement pour les jeunes délinquants, contrevenants. Vous êtes déjà aux confluents de tout ça. Par exemple, est-ce que le fait que l'âge soit changé ou qu'on soit obligé d'appliquer certaines mesures de manière différente pourrait permettre à des jeunes, je ne sais pas, moi, de passer à travers les mailles du filets ou encore être amenés devant la justice à un moment différent qui serait moins propice à un traitement adéquat? Alors, pourriez-vous... Vous avez sans doute regardé le projet de loi en fonction de cet impact qu'il peut avoir sur les jeunes. Pourriez-vous nous en parler, s'il vous plaît?
Mme Ohayon (Karen): Ce que nous avons constaté, c'est que le nombre de mesures dont un jeune... Il peut être sujet à plusieurs mesures avant de se retrouver à la Cour, des mesures qui ne font pas en sorte qu'il est obligé de reconnaître sa responsabilité. Après ça, il y a des mesures extrajudiciaires où il doit reconnaître sa responsabilité et, finalement, s'il revient, à judiciariser, ce qui fait en sorte qu'on se retrouve avec des jeunes qui, au moment où ils se retrouvent devant un juge, ont déjà une série d'infractions de commises en arrière d'eux, et on ne peut même pas en tenir compte, sauf pour les mesures extrajudiciaires qui impliquent une reconnaissance de leur responsabilité.
On peut même pas tenir compte de toutes les autres mesures qui ont été imposées par les policiers, par exemple, au moment de la décision prise devant la Cour. Ça, c'est important, parce qu'on ne peut pas à ce moment-là traiter justement la situation qui existe. La situation qui existe, c'est un jeune qui a été impliqué dans plusieurs événements, mais on le traite comme un premier dossier, dans le fond.
Mme Murphy (Annick): Je voudrais...
Le Président (M. Côté, Dubuc): Oui, Me Murphy, vous voulez rajouter quelque chose?
Mme Murphy (Annick): Oui, je voudrais rajouter qu'il y a également des principes dans la loi qui vont changer énormément les choses. Je pense, par exemple, à un exemple qui est la détention préventive qui devra dorénavant compter lors de l'imposition de la mesure. Et, compte tenu de l'interprétation des termes de cette loi-là, est-ce que cette détention préventive va compter pour deux, comme chez les adultes, par exemple? Quand le juge aura en tête peut-être une rééducation pour une période de neuf mois, si l'adolescent a une détention préventive de deux mois, quatre mois, combien lui reste-t-il en rééducation en placement sous garde? Et il ne faut pas oublier la surveillance, là, dans la société, la partie de la mesure qui... ce qui finalement va faire en sorte de rendre, à notre avis, complètement illusoire de penser à des périodes de rééducation en placement sous garde dans l'application de cette loi, sauf, évidemment, éventuellement, dans les peines d'infraction grave qui se retrouveront à la chambre de la jeunesse.
Le Président (M. Côté, Dubuc): Merci, madame. Oui, M. le ministre.
M. Bégin: Si je ne m'étouffe pas trop, je devrais être bon pour poser une autre question ? excusez-moi. J'ai entendu parler qu'il y avait des réseaux de criminels adultes qui utilisaient des jeunes adolescents, comme par exemple en matière de trafic. Si c'est le cas, est-ce que, justement, l'apparition de la loi C-7 pourrait changer le rôle que vous avez joué dans le système comme tel?
Le Président (M. Côté, Dubuc): Oui.
Mme Murphy (Annick): Oui. D'ailleurs, nous avons discuté de ça, en regard de l'application de la loi, avec les collègues au bureau, et notre crainte... Quelque chose qui existait il y a quelques années, avant la Loi sur les jeunes contrevenants et au début de l'application de cette loi-là, les jeunes étaient énormément utilisés par les adultes, qui leur disaient: Commettez pour moi ? ils les engageaient, ils commettaient des délits ? et vous n'aurez pas de mesure, si on veut. L'application de la Loi sur les jeunes contrevenants est venue changer ça.
On a vu, à Montréal, disons, beaucoup moins de dossiers de cette nature-là. Les jeunes... Comme les jeunes avaient des mesures de garde et étaient souvent ? entre guillemets ? placés sous garde plus longtemps que l'adulte lui-même, on a vu donc cette possibilité changer. Avec ce qu'on observe, ce que nous nous sommes dit, c'est que l'apparition... l'articulation de cette loi-là va vraisemblablement faire en sorte qu'on va recommencer ce mécanisme-là. Les adultes vont évidemment être au fait de cette loi, et ce sera la même chose. Alors, nous, on est inquiets.
Le Président (M. Côté, Dubuc): Merci. Mme la ministre.
Mme Maltais: Merci, M. le Président. Bonjour, Me Murphy, Me Ohayon. C'est un plaisir de vous rencontrer ce matin. Vous comprendrez évidemment que je suis extrêmement, en tant que ministre responsable de la Protection de la jeunesse, préoccupée par ce qui arrivera dans nos centres de réadaptation, dans nos centres jeunesse, avec l'arrivée de ce changement dans notre façon de juger des contrevenants, parce que l'impact se passe après ça dans les centres de réadaptation, et ma question ira dans ce sens.
L'article 39, qui commence comme suit, indique évidemment un frein sérieux au placement sous garde: «Le tribunal pour adolescents n'impose une peine comportant le placement sous garde en application de l'article 42 [...] que si...» Alors, il y a vraiment un frein, là. Il y a des indications très claires. Et les conditions me semblent très lourdes, c'est-à-dire que je crois qu'il y aura à ce moment-là alourdissement, c'est ce qu'on me dit, alourdissement des cas qui iront en placement sous garde, donc dans nos centres de réadaptation.
Et, quand on parle d'amendement, les informations que j'ai seraient que le fédéral n'ouvrira jamais les critères de placement sous garde parce que c'est un point majeur de la Loi sur la justice pénale pour les adolescents que de limiter le placement sous garde. On sait que ça coûte très cher et que les autres provinces placent trop, comparé à nous et comparé au budget qu'ils veulent lui accorder. Donc, il y a vraiment là un alourdissement potentiel de la clientèle dans les centres jeunesse.
Alors, que pensez-vous que ça va donner, cet alourdissement de la clientèle ? je sais que Me Ohayon a travaillé donc dans des centres de réadaptation ? versus une clientèle qui est là pour être protégée, qui est sous la Loi de la protection de la jeunesse? Il va y avoir là alourdissement de la clientèle d'un côté, et des jeunes qu'on doit protéger qui vont être près de cette clientèle. Qu'est-ce que ça va donner comme impact, d'après vous?
Le Président (M. Côté, Dubuc): Oui. Me Ohayon.
Mme Ohayon (Karen): Je pense que tout va être à revoir avec l'application de cette loi-là, et je n'ai pas les réponses. Ce qui est clair, c'est que, présentement, avec le système qu'on a, on peut, avec le réseau qu'on a, s'ajuster aux besoins du jeune par l'ordonnance et par les programmes qui sont disponibles. Maintenant, quels programmes est-ce qu'on va pouvoir appliquer avec les cas qui vont se retrouver en garde face à ces critères-là? Et les circonstances... Il y a beaucoup de questions à se poser. Je pense pas qu'on va pouvoir faire la séparation et traiter les besoins comme on le fait présentement en appliquant ces critères-là.
n(11 h 10)n On va se retrouver, comme vous avez dit, avec des cas plus lourds, et, à ce moment-là, les dynamiques mélangées vont créer ses propres problèmes. Et comment est-ce qu'on va traiter ça? Je n'ai pas les réponses pour ça. Je pense que c'est justement une des complexités qu'on retrouve avec cette loi-là. Il va falloir qu'on se réorganise au complet, alors qu'on a présentement un système qui fonctionne très bien.
Mme Murphy (Annick): Peut-être...
Le Président (M. Côté, Dubuc): Oui, Me Murphy.
Mme Murphy (Annick): Je voudrais juste rajouter qu'on a une impression qu'il devra y avoir des unités différentes, presque des unités de détention, si on veut, dans certains circonstances, et des unités qui vont traiter plutôt, là, des besoins de la protection. Je pense qu'on... C'est un peu le portrait que ça nous semble.
Le Président (M. Côté, Dubuc): Oui, Mme la ministre.
Mme Maltais: M. le Président, vous venez de répondre à ce que j'avais demandé, c'est-à-dire: Est-ce qu'on ne se dirige pas vers un retour en arrière à ce qu'on a rejeté au Québec, c'est-à-dire les unités de détention pour jeunes des écoles de réforme, ce type de choses là?
Mme Murphy (Annick): Oui, on a ce sentiment-là.
Le Président (M. Côté, Dubuc): Alors, merci. Mme la ministre, ça va?
Mme Maltais: Oui, merci beaucoup.
Le Président (M. Côté, Dubuc): Alors, Mme la députée de Blainville.
Mme Signori: Merci, M. le Président. Alors, Me Murphy, Me Ohayon, merci de votre présentation. Et je vais vous dire aussi merci d'avoir toujours en tête le bien-être des enfants. J'ai oublié de le mentionner à ceux qui vous ont précédés. Mais, dans les présentations que j'ai entendues à date, on a toujours ça en tête, et, pour moi, c'est très important que ce soient eux les premiers... je dirais, les premiers bénéficiaires de tout changement, quels que soient les droits.
Maintenant, ce que j'aimerais savoir, c'est si les assouplissements qui ont été proposés par Mme la ministre McLellan dans le projet de loi C-7, si, pour vous, ça vous permet de croire que désormais ça sera bon pour les jeunes au Québec, les assouplissements apportés ou bien si, pour vous, ce n'est suffisant, ou...
M. Ohayon (Karen): En ce qui concerne les assouplissements proposés, est-ce qu'on peut dire que c'est bon pour les jeunes? Je crois que non. Je crois qu'il y a une amélioration, mais je suis loin d'être convaincue qu'on va pouvoir arriver aux objectifs qu'on veut avec ces assouplissements-là. Est-ce qu'on va pouvoir accomplir la réhabilitation telle qu'on le fait avec la Loi sur les jeunes contrevenants présentement? La réponse est non. On est pris quand même, même avec ces assouplissements. On est pris avec des principes très clairs à travers la loi. Et les assouplissements proposés ne touchent pas aux principes qu'on retrouve à 38, n'améliorent pas suffisamment l'article 3. Ça va nous donner de quoi plaider devant le juge, mais je suis loin d'être convaincue qu'on va pouvoir présenter des arguments qui vont être retenus face à tout ce que la défense va pouvoir plaider sur la proportionnalité de la peine juste, etc. Ça va pas nous permettre d'accomplir la réhabilitation en tenant compte des besoins comme on le fait présentement.
Mme Murphy (Annick): Je voudrais... Si vous permettez...
Le Président (M. Côté, Dubuc): Oui, Me Murphy.
Mme Murphy (Annick): Peut-être un exemple qui illustre que, si on ne change pas les principes, si on ne change pas les facteurs et les critères d'application d'une loi, même si on change l'articulation de la loi, ça a peu d'effets, c'est cosmétique, comme le disait peut-être celui qui est intervenu auparavant.
La Loi sur les jeunes contrevenants, en 1995 ou 1996 ? je ne me rappelle pas des dates ? a modifié l'article 16 sur le renvoi, a modifié les cas où ça pouvait être et a établi l'espèce de mécanisme de ce que... aujourd'hui on parle des infractions désignées, là: le meurtre, tentative de meurtre, etc. ? a mis des présomptions différentes, etc., a instauré, bon, l'enquête préliminaire, etc.
Depuis l'application de cette loi-là, les critères n'ont pas changé, les critères d'application n'ont pas changé, les principes de la loi n'ont pas changé. Et nous n'avons pas utilisé, depuis l'application de cette loi-là, l'enquête préliminaire et procès par jury. Alors, à mon avis, c'est une illustration assez manifeste que, pour avoir des changements majeurs dans une loi, pour permettre une application différente, il faut s'occuper des principes, il faut s'occuper des critères d'application. Il faut pas simplement l'aménager d'une façon différente. Alors, ça ne nous semble pas suffisant.
Le Président (M. Côté, Dubuc): Oui, vous avez encore du temps, Mme la députée de Blainville. Oui, veuillez poursuivre.
Mme Signori: Merci. Oui, s'il vous plaît. Est-ce que vous croyez que le régime actuel, là, permet d'intervenir de façon adéquate dans le cas d'adolescents qui sont impliqués dans des crimes de violence, là, tout en protégeant le public?
Le Président (M. Côté, Dubuc): Me Ohayon.
M. Ohayon (Karen): Oui. Alors, absolument. Je crois que la loi ? on parle bien de la Loi sur les jeunes contrevenants? ? telle qu'elle est appliquée, les principes sont là pour protéger la société. Et il faut regarder à long terme.
Premièrement, au point de départ, on a les mécanismes nécessaires pour réhabiliter un jeune à l'intérieur de la Loi sur les jeunes contrevenants, et c'est ça qui va assurer la protection de la société à long terme. À partir du moment où on est capable, par les outils qu'on a, de travailler avec ce jeune-là et d'effectivement le réhabiliter, c'est-à-dire qu'on peut réduire le risque de récidive d'une façon énorme par l'éducation, la rééducation, oui, on peut assurer la protection de la société à ce moment-là. Il peut y avoir des cas où, après évaluation, on se rend compte qu'on n'est peut-être pas équipé, mais c'est exceptionnel. Et, à ce moment-là, le renvoi existe. Et je pense que c'est pour justement ces cas-là exceptionnels où on arrive à la conclusion qu'on n'est peut-être plus en mesure de traiter ses besoins avec les outils qu'on a pour une foule de raisons: parce qu'il y a déjà eu des multiples interventions qui n'ont rien donné, parce qu'il a un problème de personnalité qui fait en sorte que la réhabilitation au point de départ est déjà minée par ce problème-là... Il peut avoir... Et, pour ces cas-là, on est capable à ce moment-là de faire la demande de renvoi aux adultes pour avoir une protection à plus long terme.
Le Président (M. Côté, Dubuc): Merci.
Mme Signori: Merci, madame.
Le Président (M. Côté, Dubuc): Alors, ça va? Je vais donner maintenant la parole à Mme la députée de Bourassa.
Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Bonjour, Me Murphy, Bonjour, Me Ohayon. Me Murphy, vous avez fait des commentaires relativement au chapitre de la détermination de la peine et vous avez mentionné, entre autres, qu'on évacuait complètement la notion de besoins d'enfant, des besoins de l'enfant. Ce que je comprends de ce que vous me dites, c'est finalement que, l'alinéa 2, ou le paragraphe 2 ? je ne sais jamais la différence, «le tribunal pour adolescents détermine la peine spécifique à imposer conformément aux principes énoncés à l'article 3», vous nous dites que c'est pas suffisant même si ce dispositif-là réfère spécifiquement aux principes de l'article 3. Donc, finalement, ce que vous nous dites, c'est que 3 évacuerait complètement également la notion de besoins de l'enfant.
Mme Murphy (Annick): C'est-à-dire que la notion de besoins de l'enfant est considérée dans la déclaration de principes, dans le contexte des perspectives positives. Et, à notre avis, ça se situe après l'appréciation première des principes que la loi impose, ce qui manifestement, à la lecture de 38 et de 3, nous fait dire que le principe premier, c'est que la peine doit être proportionnelle à la gravité de l'infraction et à la responsabilité de l'adolescent. Et, quand on regarde 38, on regarde à d, on dit même, à d: «Sous réserve de l'alinéa c...» Donc, sous réserve de ce principe que la peine doit être proportionnelle, là, on parle de la moins contraignante possible pour atteindre les objectifs mentionnés au paragraphe (1), et lui offrir les meilleures chances de réadaptation, susciter le sens et la conscience de ses responsabilités.
Alors, tout ça qui s'occuperait peut-être un peu plus des besoins de l'adolescent, qui sont des principes qui sont toujours soumis à le critère de la proportionnalité de la peine, alors... Et, à notre sens, ces critères ont déjà été évalués par les cours, parce que c'est des critères qui sont prévus à 78 du Code criminel et, à notre avis, ces interprétations-là vont dominer. Et c'est dans ce sens-là que la loi sera interprétée. Les besoins de l'adolescent ne sont absolument pas considérés au même titre que ceux de la protection de la société. On ne pourra pas demander à la Cour de les concilier comme elle le fait présentement dans la Loi sur les jeunes contrevenants et, indépendamment de la question de savoir si on a un...
Ce n'est pas même la question de savoir si on aura un placement sous garde ou non, la question est de savoir: Est-ce qu'on a la meilleure mesure à ce moment-ci pour cet adolescent-là, compte tenu de la protection de la société et de ses besoins? C'est ça, la question. Alors, si on doit passer par une cascade de mesures, si on doit avoir des mesures justes et proportionnelles en regard de l'infraction, écoutez, on dilue complètement, à notre avis, cette notion de besoins, même si... C'est pas parce qu'on met le mot... L'exemple que je vous donnerais, c'est: si vous allez acheter un gallon de peinture bleue, puis vous rajoutez une goutte de peinture blanche, ça ne fait pas de cette peinture-là une couleur entre le bleu et le blanc, ça va rester de couleur bleue. Alors, dans ce sens-là, on dit que c'est pas parce qu'il y a le mot «besoins» que les principes sont là, là.
n(11 h 20)nMme Lamquin-Éthier: Une deuxième question, si vous me permettez, Me Murphy. Vous avez parlé tout à l'heure du placement sous garde et vous avez également référé à des infractions qui sont aussi graves, mais qui ne comportent pas de violence. Est-ce que vous croyez qu'on pourrait répondre... Vous avez également dit qu'il y avait un vide important. Je n'ose pas prétendre que celui-ci pourrait être comblé si le fédéral recevait une modification qui ferait en sorte d'étendre les dispositions de la présente loi, qui sont relatives au placement sous garde, à des infractions autres que des infractions graves. Donc, est-ce que vous pensez que ça pourrait... Encore une fois, je n'ose pas dire «combler le vide que vous évoquez», mais est-ce que ça pourrait apporter un changement positif constructif par rapport à la problématique qu'on a actuellement, là?
Mme Murphy (Annick): Écoutez, spontanément, je vous dirais que c'est certainement... c'est mieux que rien. C'est certainement quelque chose qu'on pourrait utiliser dans nos plaidoiries à la cour. Mais je reviens avec l'esprit de la loi, l'esprit de cette loi qui, en nous imposant des mesures en cascade, en nous imposant ce processus avant d'arriver à avoir une mesure de placement sous garde si c'est cette mesure-là qui a... alors, l'adolescent aura, à notre avis, le temps de passer de 14 ans à 18 ans. Alors, il va commettre des délits dont on n'entendra jamais parler avant même que ce jeune-là arrive au niveau des mesures extrajudiciaires. Lorsqu'il sera là, on ne parle évidemment pas de placement sous garde. Et, avant d'en arriver à des placements sous garde, on parle en général d'une multitude d'antécédents. La détention préventive qu'on devra calculer où... on ne parle absolument pas de mesures de rééducation en détention préventive. Le juge... Écoutez, c'est sûr que c'est mieux que rien, comme je vous dis, mais, à notre avis, ça ne règle absolument pas la problématique majeure qui est la philosophie première de la loi.
Mme Lamquin-Éthier: Merci beaucoup, Me Murphy.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, s'il n'y a pas d'autres questions, il me reste à remercier les représentantes de l'Association des substituts du Procureur général du Québec pour leur contribution à nos travaux. Merci encore une fois.
Et, sur ce, j'inviterais les représentants du Barreau du Québec, notamment M. Francis Gervais, bâtonnier, à bien vouloir s'avancer, s'il vous plaît. Alors, nous allons suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 11 h 23)
(Reprise à 11 h 27)
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission des institutions reprend ses travaux dans le cadre des auditions publiques sur le projet de loi fédéral sur le système de justice pénale pour les adolescents. Il s'agit plutôt du document de consultation concernant ledit projet. Nous avons le plaisir de recevoir les représentants du Barreau du Québec, notamment Me Francis Gervais, bâtonnier. Nous avons réservé une période de 45 minutes pour la présente rencontre, dont 15 minutes pour la présentation de votre propos, et nous passerons ensuite aux échanges. Vous avez la parole, en vous invitant à nous présenter les personnes qui vous accompagnent.
Barreau du Québec
M. Gervais (Francis): Je vous remercie, M. le Président de la commission. M. le ministre de la Justice, mesdames, messieurs, membres de la commission des institutions, je me présente, Francis Gervais, je suis bâtonnier du Québec, tout fraîchement en place depuis samedi. C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, entre autres, on vous avait demandé s'il était possible de reporter nos auditions, ce que vous avez accepté. D'ailleurs, je vous en remercie parce que, lorsqu'on fait la transition de la pratique privée au poste de bâtonnier, il nous reste malheureusement certains petits écueils à terminer dans notre ancienne pratique, et j'en avais hier malheureusement. Donc, je vous en remercie beaucoup.
Je suis accompagné aujourd'hui de deux personnes de notre comité en droit criminel, particulièrement Me Normand Marquis, qui est immédiatement à ma gauche, qui était le responsable du dossier, ainsi que Me Carole Brosseau de notre Service de recherche et législation que, je pense, plusieurs d'entre vous connaissez.
Avant d'aller plus loin avec notre présentation, je voudrais simplement, après vous avoir remerciés de nous recevoir aujourd'hui, vous rappeler que, dans le passé, le Barreau du Québec a fait plusieurs interventions dans le dossier concernant les jeunes contrevenants de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
Vous nous permettrez de vous rappeler, pour les fins de notre présentation, que le Barreau du Québec n'est pas un syndicat, comme certains le laissent entendre dans le cadre de certaines campagnes électorales que vous avez pu voir, mais qu'on est un ordre professionnel et qu'à cet effet notre mission principale, c'est de voir à la protection des intérêts du public et des valeurs d'une société libre et démocratique.
Le Barreau, en ce sens, a toujours assumé une responsabilité d'ordre social qui fait en sorte que nous croyons que nous avons le mandat et le devoir de défendre la règle de droit, les principes démocratiques, qui sont à la base de toute législation, et que nous sommes ici, en fait, pour faire valoir la représentation du public, ici ou devant d'autres institutions, à l'égard de textes de lois ou de propositions qui sont faites.
Vous comprendrez que, fort de cette mission, le Barreau du Québec a donc orienté ses positions en analysant de façon détaillée tous les projets de loi qui affectent les droits des citoyens et citoyennes, et ce, dans la poursuite d'une société juste et sécuritaire. C'est dans la même perspective, dans le fond, que nous avons fait effectivement le même examen des dispositions du texte de loi qui nous est soumis.
n(11 h 30)n La Loi sur les jeunes contrevenants a été soumise à des réévaluations de façon très régulière durant les dernières années, et, depuis son adoption, nous avons recensé, chez nous à tout le moins, 11 fois où il y a eu des demandes d'intervention, des demandes de modification de la part du législateur fédéral. Et, à l'occasion de ces 11 présentations, le Barreau du Québec s'est impliqué, s'est intéressé à la question et a fait l'analyse.
Tout a commencé, vous vous en douterez, en 1989, lorsque le ministre fédéral de la Justice amorçait son processus de révision dans un document de consultation qui s'intitulait La Loi pour les jeunes contrevenants ? Propositions d'amendement. Peu après, toujours historiquement, on déposait ? et, quand je parle de «on», je parle du ministère fédéral de la Justice ? déposait le projet de loi C-58 qui contenait des modifications principalement quant au renvoi de la juridiction normalement compétente d'un adolescent, quant à la prolongation de la garde, de même qu'en regard de la libération sous condition. Vous me permettrez ce rapport historique, parce que ça nous permet, je pense, de voir effectivement la position que le Barreau du Québec a toujours prise relativement à la façon dont au Québec on a traité de la question.
En 1991, le ministère fédéral de la Justice poursuivait son processus de modifications et de consultations, déposait un document intitulé Document de travail sur le placement sous garde et l'examen des décisions. Nous avons de nouveau produit un rapport. De nouveau, nous avons fait valoir les positions que nous croyions être les plus saines pour les gens du Québec.
En 1992, cette fois-ci, quatre rapports... quatre documents de consultation, je m'excuse: un premier qui s'intitulait Projet traitant du placement sous garde, de l'examen des décisions et de la réadaptation, un deuxième qui s'appelait Recevabilité des déclarations faites par les adolescents et les personnes en autorité, un troisième, Les dispositions relatives au dossier, puis quatrièmement, un titre neutre, Questions diverses. Tout simplement pour vous dire qu'à toutes les fois qu'il y a eu des demandes qui ont été faites par le législateur fédéral relativement à cette question, nous nous y sommes intéressés. On répondait effectivement avec le rapport qui s'est intitulé tout simplement La Loi sur les jeunes contrevenants.
En 1994, il y a eu dépôt du projet de loi C-37, et la même année nous déposions de nouveau un rapport. C'est la première fois que dans un rapport nous indiquions à ce moment-là que le Barreau faisait un constat, c'est-à-dire que nous percevions que le projet de loi C-37 constituait en fait une réponse à certaines pressions de citoyens qui réclamaient, afin d'accroître leur protection, une lutte plus efficace contre les crimes graves chez les enfants, d'où, ce qu'on vous disait, le premier mouvement vers possiblement les projets de loi devant lesquels on s'est retrouvé.
Le Barreau du Québec encourageait alors le comité permanent de la justice sur les questions juridiques à adopter et promouvoir au sein de la loi une orientation qui permet l'atteinte d'un juste équilibre entre les besoins du jeune afin de faciliter sa réhabilitation, sa réinsertion sociale, d'une part, et, d'autre part, la protection de la société.
En novembre 1995, nous répondions de nouveau à l'invitation de M. le ministre de la Justice et produisions un rapport qui s'appelait, dans le cadre d'une consultation, Le renouvellement de la justice pour les jeunes. Dans son mémoire, le Barreau du Québec réaffirmait encore que la réinsertion constituait encore un élément-clé et que, quelle que soit la répression qu'on voulait exercer sur nos jeunes, nous ne pourrions jamais complètement éliminer les cas extrêmes et odieux.
Suite à ce rapport, le ministre et Procureur général du Canada, Mme McLellan, déposait sa stratégie de renouvellement du système de justice pour les jeunes développée à partir de 1997. De nouveau, nous répondions à cette stratégie par un important mémoire qui réaffirmait que les politiques qui visaient les jeunes doivent favoriser leur intégration à la société et non leur exclusion. Le Barreau du Québec mettait alors en lumière que la question des problèmes d'ordre psychologique, le fait que les jeunes soient exposés à la violence et la pauvreté sont des facteurs qui amènent les jeunes contrevenants dans le système de justice pénale.
En 1999 ? on arrive finalement à la législation qui a déboulé plus rapidement ? la ministre déposait dans un premier temps son projet de loi C-68, dont la teneur et le texte ont été presque intégralement repris dans le dépôt, en octobre 1999, du projet de loi C-3, intitulé Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence.
Il est à noter que pour nous, le projet de loi C-3 ? en fait, le prédécesseur de l'actuel projet C-7, celui qui fait l'objet de la discussion et qui est présentement à l'étape du rapport du Comité permanent à la justice et des questions juridiques... Le Barreau du Québec a déposé un important mémoire relatif au projet de loi C-3, un mémoire de 80 et quelques pages, avec commentaires et recommandations. Là encore, le Barreau du Québec réaffirmait que, dans une société comme la nôtre, le législateur doit viser l'équilibre entre l'objectif de la protection de la société et le droit de l'adolescent d'être traité selon ses capacités de développement et de maturité.
Évidemment, nous avions fait certains constats. Parce que, bien que le préambule du projet de loi C-3 faisait état des besoins du jeune contrevenant, le Barreau du Québec a constaté que les principes et objectifs particuliers qui se retrouvaient à chacun des chapitres déterminants du projet de loi ? comme, par exemple, les mesures extrajudiciaires, la garde et la surveillance, la détermination de la peine ? atténuaient la teneur du préambule. D'ailleurs, l'un des principaux reproches que l'on retrouve dans nos conclusions faites par le Barreau sur le projet de loi était notamment le fait de constater autant d'attention au type de délit commis plutôt que de s'attarder au jeune contrevenant et de s'assurer de sa réinsertion sociale. Si on avait à qualifier notre façon de voir le texte de loi à l'époque, on aurait pu dire tout simplement: Le crime plutôt que la personne.
Bien que le projet de loi améliorait le système à certains égards ? maintien de l'âge de la responsabilité pénale à 12 ans, l'étendue des mesures extrajudiciaires puis l'amélioration de la place dévolue aux parents et aux victimes ? le Barreau du Québec n'était pas moins inquiet par le système proposé, qu'il qualifiait de plus répressif que celui qu'on connaît actuellement. Le Barreau soutenait également qu'une plus grande répression des jeunes irait à l'encontre du courant mondial, qui tente d'assouplir de plus en plus les mesures relatives aux jeunes et qui ont commis des délits et de leur assurer un traitement particulier qui soit plus conforme à leur évolution et à leur réalité.
D'ailleurs, je tire certains extraits de notre mémoire que nous avions déposé en février 2000, à la page 44, et notre conclusion était la suivante: «Compte tenu de ce qui précède, le Barreau du Québec ne peut appuyer la réforme proposée par le projet de loi. En effet, la délinquance des jeunes est un problème complexe que nous devons aborder dans ses diverses dimensions. Or, nous croyons que le projet de loi marque un recul dans le traitement des jeunes au Canada, et, plutôt que de favoriser leur intégration, il risque de résulter en leur exclusion si on ne tient pas compte de leur statut particulier et de leur évolution.» C'est la même philosophie qui nous anime encore aujourd'hui.
Tout simplement pour vous dire que, dans le cadre d'un rapport du Barreau, il est quand même assez peu fréquent que nous procédions également à des analyses plus individuelles. Et il y avait d'autres analyses avec d'autres conclusions qui avaient été faites en annexe aux conclusions principales, et elles allaient toutes dans la même direction. Je ne prendrai pas le temps de toutes les reprendre avec le temps que nous avons. Ce document a quand même été, je pense, assez bien distribué.
Dans le cadre du projet de loi C-7, le Barreau du Québec a constaté qu'il y a des améliorations, particulièrement au préambule ainsi qu'aux principes et objectifs. Je pense qu'on a pu voir dans le texte de loi qu'à tout le moins, par rapport aux critiques que nous avions faites antérieurement, où on avait un préambule qui était attirant, mais pas nécessairement des principes aussi attirants, il semble y avoir eu une correction qui a été faite à l'intérieur du texte de loi, où maintenant il y a une coordination qui se fait entre le préambule et les différents objectifs à l'intérieur du texte.
Force est pour nous de constater que plusieurs des recommandations que nous avons faites dans le cadre de nos recommandations sur le projet de loi C-3 ont été prises en considération parce que plusieurs des amendements sont des amendements qui avaient été proposés ou du moins qui découlent des propositions et des recommandations qui avaient été faites par le Barreau du Québec. En fait, le Barreau du Québec avait longuement expliqué dans son mémoire l'importance de la cohésion que l'on devait retrouver à l'ensemble des énoncés de principe du projet de loi. En fait, le durcissement du projet de loi C-3, donc le premier, à l'égard des jeunes contrevenants était dénoncé justement à cause de l'importance qu'on accordait à la protection de la société au détriment des besoins des jeunes.
L'exercice accompli à l'intérieur du projet de loi C-7 nous permet de croire que les efforts pour mettre l'adolescent au centre de toute la législation et de répondre principalement à ses besoins pourront assurer sa réhabilitation et sa réintégration dans la société. Est-ce que le projet de loi C-7 est parfait? Quant à nous, non. Il y a effectivement des éléments qui demeurent insatisfaisants à plusieurs égards, dont notamment le dossier judiciaire du jeune. Le Barreau du Québec compte, le cas échéant, indiquer au Comité sénatorial certaines modifications à être intégrées au niveau du projet de loi, parce que vous comprendrez que nous avons pris la décision évidemment de ne pas baisser les bras et de continuer la lutte ? et quand je parle de lutte, je parle des représentations que nous faisons ? jusqu'au bout, c'est-à-dire que nous allons nous présenter devant le Comité sénatorial.
Je vais tenter de sauter certaines... Une des premières constatations à la lecture que nous avons faite... du projet de loi C-7 nous permet de croire qu'on atténue l'importance du délit pour favoriser les besoins du jeune. La polarisation, par ailleurs, entre les délits violents et non violents est mal adaptée quant à nous à la situation des jeunes. Lorsqu'on désire appliquer une mesure prise en fonction de la situation particulière du jeune, on doit alors considérer quant à nous l'ensemble du profil du jeune, l'environnement dans lequel il évolue et, pour la protection de la société, favoriser ses chances de réhabilitation. Pour ce faire, la mesure doit s'adapter au profil du jeune. Les stéréotypes, nous ne sommes pas en accord avec ce principe. Cela ne veut pas dire pour autant favoriser, dans le cas d'un délit mineur, une mesure plus sévère. Cependant, cela implique de décider et d'évaluer la mesure la plus juste pour permettre à la société d'être protégée et de répondre adéquatement aux besoins du jeune afin qu'il ne récidive pas.
C'est pourquoi nous croyons que l'équilibre entre les besoins du jeune, sa réhabilitation et sa réinsertion sociale sont des conditions pour s'assurer d'un taux de criminalité plus bas et d'une meilleure sécurité pour le public. Le Barreau du Québec, tout en réitérant ses objectifs, se devait d'analyser en profondeur le projet de loi C-3, qui a mené au projet de loi C-7. Puisque les amendements étaient déjà connus lors du déclenchement, nous pensons que ce sont les mêmes arguments qui doivent se présenter. En ce sens, M. le Président, M. le ministre, vous avez la position du Barreau du Québec relativement au projet de loi C-7.
n(11 h 40)n Nous avons l'intention de continuer les représentations que nous avons faites. Nous avons exposé les grandes lignes qui nous guident. Si vous avez des questions, comme je l'ai mentionné, Me Marquis et Me Brosseau peuvent probablement techniquement, dans les détails, être plus informés que je le suis, et nous sommes à votre disposition.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, Me Gervais, au nom du Barreau du Québec. Il y aura certainement quelques questions. M. le ministre.
M. Bégin: Merci. Permettez-moi, de manière exceptionnelle, de féliciter le bâtonnier pour son élection samedi dernier au congrès du Barreau. Alors, bon bâtonnat, M. le bâtonnier. Alors, maître, chers collègues, là, jusqu'à présent nous avons entendu plusieurs groupes. Je pense que je ne trahirai pas ce qu'ils ont dit en mentionnant que, pour la plupart... Même que tous ont dit ceci: les amendements qui sont apportés améliorent la chose mais ne la changent pas. Le dernier exemple qui a été donné, c'est Mme Murphy, qui, au nom des procureurs de la couronne, a dit: C'est un peu comme un litre ou quatre litres de peinture bleue dans laquelle vous versez une goutte, ou deux gouttes, ou peut-être quatre gouttes de peinture blanche; votre sceau de peinture reste quand même une peinture bleue et n'est pas changée fondamentalement pour autant. Je crois que c'est une image qui montre bien ce que les ? je ne dis pas ce que je pense ? intervenants ont dit.
Oui, il y a eu des améliorations, mais fondamentalement ça n'a pas changé la chose, c'est encore un endroit où on s'occupe du crime et non pas du jeune et qu'on ne fera pas en sorte de s'assurer que c'est le bien-être de l'enfant et de la société par le fait même qui va être pris en compte. En conséquence de quoi les gens ont demandé qu'on garde la Loi sur les jeunes contrevenants en vigueur plutôt que d'adopter la nouvelle loi, jugeant qu'on ne pourrait pas par l'instrument juridique qui pourrait être sorti par le Parlement, satisfaisant pour justement rencontrer les besoins mentionnés.
Est-ce que je crois comprendre que dans l'état actuel, avec les amendements actuels, vous partagez ce point de vue ou bien si vous nous dites: Ce n'est pas fini, j'espère encore faire des changements? Mais, advenant une hypothèse que vous n'obtiendriez pas de nouveaux changements, quelle serait la position du Barreau ou quelle est la position du Barreau?
M. Gervais (Francis): M. le ministre, si vous permettez, j'ai bien aimé votre allusion aux gouttes de couleur dans la peinture. Je pense que c'est une question de nombre de gouttes de couleur. Je pense qu'également notre position, et vous l'avez bien compris, c'est de dire qu'on n'a pas nécessairement tout transformé. Maintenant, est-ce qu'il y a suffisamment de gouttes pour avoir fait un changement? Je pense que c'est une question d'appréciation.
À votre dernière question, j'ai peut-être une petite difficulté, parce que je ne suis pas certain... Quand vous demandez notre position, vous parlez de garder la Loi sur les jeunes délinquants. Ma difficulté est la suivante, M. le ministre, et j'ai vu, effectivement, là, les documents, j'ai vu, là, qu'on réfère à des opinions juridiques que vous avez. Ma lecture du texte de loi, c'est que l'article 199 actuel du projet de loi nous dit que la loi va disparaître. Alors, si vous avez une assise juridique qui est différente, ça amène une dynamique tout à fait différente, puis je dois vous dire que je n'ai pas eu l'occasion de l'analyser parce qu'on a pris pour acquis qu'elle disparaissait complètement.
M. Bégin: Et vous comprenez que, si un article est facile à modifier, c'est bien celui qui dit: La Loi des jeunes contrevenants est abrogée. Vous comprenez que c'est peut-être ce qu'il y a de plus facile, hein, à mentionner.
Ce qui a été émis comme hypothèse, c'est qu'on puisse avoir un système juridique différent en fait de la Loi sur les jeunes contrevenants au Québec et qu'ailleurs il puisse y avoir une loi différente en matière pénale et pour les jeunes contrevenants, référant à une opinion juridique effectivement du ministère de la Justice, mais également des passages nombreux des décisions de la Cour suprême du Canada, qui même dit que c'est un avantage du fédéralisme que de pouvoir avoir une application de loi différente à travers les différentes juridictions. Et également un peu une référence à différents amendements qui ont été apportés, comme celui qui dit, par exemple, que le lieutenant-gouverneur peut, dans une province, dire que cette loi ne s'appliquera pas aux jeunes de 14 à 16 ans, vous comprenez que, ça, ça veut dire deux systèmes juridiques différents. Si le Québec, par exemple, se prévaut de ça puis qu'ailleurs on le fait pas, on a deux systèmes juridiques différents.
Il y en a pour l'article 38, à moins d'erreur de ma part, il y en a à l'article 61, puis il y en a déjà un qui est inclus dans l'article 88 de la loi, qui crée des distinctions très claires sur le fond du droit entre un système et un autre. Donc, ce qui a été dit, c'est que les gens voudraient et je pense qu'effectivement à partir des opinions juridiques que j'ai c'est possible d'avoir un système juridique différent du reste du Canada, ce qui permettrait de résoudre les problèmes que nous avons avec la loi C-7.
M. Gervais (Francis): Alors, en procureur qui est habitué devant les tribunaux, vous allez voir, je vais prendre une position défensive, en vous disant: Je n'ai pas les arguments que vous avez. Je serai certainement heureux de les regarder. On les analysera certainement. Sauf que je pense que vous comprenez que la position du Barreau, c'est que ce qui se passe au Québec actuellement, nous en sommes satisfaits. Comment on y arriverait par la suite dans une proposition? Est-ce que ce serait par le maintien de la Loi des jeunes délinquants, une modification? Ça, je n'ai pas l'argumentation pour ça ce matin. Mais je pense que vous connaissez notre position de base. Et, si c'est fait en fait pour maintenir une situation qui, au Québec, semble satisfaire tout le monde, je pense qu'on adhérerait aux principes, pas nécessairement ce matin aux mécanismes parce que je ne les connais pas.
M. Bégin: Parce que là-dessus... Je suis content d'entendre ce que vous dites, parce que, aussi bien l'Association des jeunes du Barreau que les procureurs de la défense, comme les procureurs de la... les substituts du Procureur sont tous du même avis et vont tous dans ce sens-là. Alors, ce sont des praticiens du droit sur le terrain, donc ils vivent ça de très près et ils pensent qu'effectivement l'idéal serait de maintenir la loi telle qu'elle est actuellement, quitte à la modifier s'il y a des choses à changer. Tout est pas parfait, puis on le sait. Mais c'est une loi fédérale qui fait consensus au Québec de tous les intervenants, des deux côtés de l'Assemblée. Alors, je pense qu'effectivement ça serait une solution heureuse. C'est ça dont on discute avec les intervenants.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Mme la ministre.
Mme Maltais: M. le Président, bonjour. Messieurs, bonjour, maître. Je ne m'y connais pas beaucoup en droit, comme mon collègue a exercé longtemps en droit, mais, en fait de peinture, j'ai un bon passé en culture qui me permet de pouvoir discuter effectivement des principes des couleurs. Alors, on va parler de gouttes d'eau dans ce pot de peinture.
Les gens qui sont venus ici nous ont dit... Et j'ai colligé rapidement. Vraiment, je n'ai pas fouillé le projet de loi, moi, là, j'ai colligé rapidement. Dans tout le préambule, on parle de répression de la délinquance juvénile, de répression. On nous a dit ça. On nous a dit que l'article 3 posait des principes inacceptables au Québec. L'article 4 parlait de mesures extrajudiciaires, et 5, et que ça, comparé à ce qu'on avait avant, ce n'est pas acceptable. Le 6, l'Association des directeurs de police est venue nous dire que les renvois, ils n'étaient pas d'accord. On est venu nous dire que le mot «sanction» était... «peine» était présent partout, c'était inacceptable, qu'il y avait des automatismes partout. Les comités de justice, à partir de l'article 18 et les autres, c'était inacceptable. La détention avant la peine, de 28 à 33, inacceptable. Le renvoi aux organismes communautaires de protection de la jeunesse, ces organismes, qui sont sous ma responsabilité, article 35, sont venus nous dire que c'était inacceptable. La détermination de la peine, à partir de 38, on a eu de grandes discussions sur la proportionnalité, article 38, inacceptable. 39, mise sous garde, inacceptable. À partir de là, on parle des peines, 41 et autres, inacceptable. Bris de confidentialité partout, inacceptable pour nous, en protection de la jeunesse.
Alors, quand on sait que ce n'est pas un changement voulu, que c'est absolument un changement inutile au Québec, qu'il y a consensus, vous voyez le nombre de gouttes d'eau qu'il faudrait apporter pour réussir à atteindre une quelconque couleur acceptable, qui corresponde à nos besoins.
Vous nous avez parlé vous-même d'objectif tout à l'heure, qui est la réadaptation des jeunes. L'objectif au Québec, c'est la réinsertion des jeunes, c'est la réadaptation, et toute la société québécoise le partage. Ce projet de loi, au départ, c'est le crime plutôt que la personne, vous-même l'avez dit. On essaie d'introduire des gouttes d'eau, mais vous avez vu, là. Et je ne suis même pas une juriste, je n'ai rien à voir avec le droit. J'ai écouté simplement ce qui se passait ce matin.
Qu'est-ce que ça voudra dire, ne pas baisser les bras? Est-ce qu'on peut pas penser que la seule façon, la seule et unique façon de ne pas baisser les bras au Québec, c'est qu'il n'y a qu'un seul amendement acceptable. C'est ce qu'on nous a dit. Que pensez-vous de cet amendement? Le Québec, la loi n'est pas applicable au Québec. Vu qu'il y a unanimité, nous conservons le régime de la Loi sur les jeunes contrevenants.
Cette énumération vous apporte-t-elle un éclairage quant à votre position?
M. Marquis (Normand): Écoutez, essentiellement je serais porté à vous dire que sans doute que le gouvernement du Québec a un mandat qui est différent de celui du Barreau du Québec. Notre mandat a toujours été: Si cette loi est pour être adoptée, qu'est-ce qu'on peut faire pour la rendre meilleure? Et je pense que ça a été notre approche depuis le tout début. Est-ce que cette loi est parfaite? Non. Est-ce que la Loi sur les jeunes contrevenants était parfaite? Non plus. Est-ce que cette loi est meilleure que la Loi sur les jeunes contrevenants? C'est difficile à dire parce qu'elle n'a pas été appliquée encore.
n(11 h 50)n Vous vous rappellerez peut-être qu'en 1984, je pense, ou 1985, lorsque cette Loi sur les jeunes contrevenants avait été adoptée, elle avait elle aussi suscité des débats houleux et des interventions catastrophiques qu'elle était censée apporter. Mais je pense que, depuis les 15 dernières années, on a vécu avec cette loi, personne n'en est décédé. Elle n'est pas parfaite, on en conviendra tous. Est-ce que celle-ci l'est? Non plus. Est-ce que celle-ci est meilleure ou pas? Ça, pour le moment, les tribunaux ne l'ont pas interprétée, on ne le sait pas. Ce qu'on peut vous dire, ce que je peux vous répondre à ce que vous disiez spécifiquement, oui, il y a des endroits dans la loi que vous avez désignés, qui constituent encore des endroits où des gouttes d'eau doivent être apportées. D'ailleurs, pour reprendre l'expression de tantôt, je suis étonné que Me Murphy ait utilisé de la peinture bleue plutôt que de la peinture rouge, dans les circonstances. Mais, ceci étant...
M. Bégin: ...vous répondre.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Marquis (Normand): Je lui en parlerai tantôt. Manifestement, il y a encore de nombreux endroits où la loi devrait être améliorée. Bien sûr que certains ont qualifié les changements qui ont été apportés à date entre C-3 et C-7 de nature cosmétique. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec ça. Je pense que ça a été plus que de nature cosmétique. Juste pour référer à ce que vous disiez tantôt, Mme la ministre, c'est relativement, par exemple, au principe et au préambule. Alors, lorsqu'on constate d'un projet de loi à l'autre comment le préambule a changé, comment le premier préambule commençait avec ce qu'il faut faire, c'est sanctionner les jeunes qui font des crimes, alors que le nouveau fait en sorte de dire qu'il faut d'abord les réhabiliter pour protéger la société à long terme, c'est un changement qui est autre que de nature cosmétique, à mon avis. Et on retrouve le même changement dans les déclarations de principe.
D'autre part, si vous constatez, avec la Loi sur les jeunes contrevenants actuelle et le projet de loi C-7 tel qu'il a été et qu'on sait qu'il va l'être encore, amendé, vous constatez que les déclarations de principe sont à toutes fins pratiques similaires, sans bien sûr qualifier les autres dispositions de nature pénologique, qu'on va retrouver vers 38 et suivants, de dispositions parfaites. Mais ça fait en sorte au moins, ces changements qui sont intervenus peuvent nous laisser croire qu'il y a quand même place à faire quelque chose avec cette nouvelle loi. Est-ce qu'on espère qu'on pourra aller plus loin? Absolument.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Mme la ministre.
Mme Maltais: Merci, M. le Président. Simplement, là, vous venez de dire «quelques changements», «quelques gouttes d'eau». C'est des gouttes d'eau dans la mer, là, dont on parle. Je ne suis pas une juriste et j'ai relevé une insatisfaction totale sur ce nombre d'articles du projet de loi. On parle de gouttes d'eau dans la mer actuellement et non pas de quelques gouttes... On parle de gouttes d'eau, vous l'avez bien dit, le mot «gouttes d'eau», gouttes d'eau dans la mer. Ça a pris 15 ans, apprendre à travailler avec la Loi sur les jeunes contrevenants. Qu'en pense le Barreau, du nombre d'années que ça va prendre avant d'en arriver à éclaircir une loi qu'on vient de nous dire absolument très difficile d'application? Vingt ans, 25 ans, 30 ans? Je sais que vous donnez difficilement des évaluations, mais, à tout le moins, on recommence.
M. Marquis (Normand): Absolument.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Frontenac.
M. Boulianne: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue. Moi, j'ai de la difficulté à comprendre, parce que, qu'il s'agisse de C-68, C-3 ou C-7, on a toujours, on retrouve toujours la même philosophie punitive, répressive, que vous avez dénoncée d'ailleurs. En 1998, vous avez émis un communiqué de presse, La réforme de la Loi sur les jeunes contrevenants, dans lequel vous avez dénoncé avec véhémence la stratégie fédérale qui vise une plus grande répression. Alors, aujourd'hui vous nous dites qu'on peut vivre avec ça. Alors, je ne comprends pas ce changement de cap là d'une façon aussi radicale.
M. Marquis (Normand): Il n'y a pas de changement... respect, je vais reprendre pour mes collègues. Il n'y a pas de changement en soi, c'est-à-dire que le principe de fond qui a guidé... Si vous lisez notre mémoire qui a été présenté en l'année 2000, vous constaterez que, dans les premières pages, il est clairement établi que le Barreau du Québec favorisait le maintien de la loi actuelle, mais que, si cette loi devait être abrogée et remplacée par une nouvelle, on supposait et on s'attendait à ce que le gouvernement en fasse des modifications importantes. Si toutes les modifications que le Barreau du Québec suggérait dans ce document avaient été faites par le gouvernement fédéral, probablement qu'on serait arrivé à une loi avec laquelle on pourrait aussi bien travailler que l'ancienne. C'est pas le cas.
M. Boulianne: Vous savez qu'au niveau de la philosophie on ne fera pas d'amendement. La philosophie est complètement différente. On a une philosophie répressive, si vous voulez, alors ça on ne fera pas de changement là-dessus.
M. Marquis (Normand): Bien, manifestement il ne semble pas qu'il va y avoir des changements sur cette question, alors nos commentaires qui apparaissent à ce document demeurent d'actualité.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Mme la députée de Blainville.
Mme Signori: Merci, M. le Président. Alors, moi, je voudrais vous lire l'article 3 de la Convention sur les droits de l'enfant adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies et vous poser ensuite une question: «Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale.» Alors, j'aimerais savoir si le Barreau considère que la réforme fédérale de la ministre de la Justice respecte cette Convention des Nations unies relative aux droits des enfants.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Me Gervais.
M. Gervais (Francis): Simplement vous référer à notre mémoire, et le texte est simple: «Le Barreau du Québec soutient qu'une plus grande répression des jeunes irait à l'encontre du courant mondial qui tente d'assouplir de plus en plus les mesures relatives aux jeunes qui ont commis des délits et leur assurer un traitement particulier qui soit plus conforme à leur évolution et à leur réalité.» Je pense que c'est à l'intérieur de ce qu'on vous présente jusqu'à date, c'est notre philosophie, c'est la façon dont on le voit.
Et, comme on vous a mentionné, nous avons présenté de l'argumentation en soutenant que, dans un premier temps, nous prenons pour acquis que la loi sera effectivement abrogée tel qu'il est mentionné, et qu'en ce sens-là on nous présente des nouvelles dispositions. Nous avons fait des commentaires. M. le ministre nous a posé la question tout à l'heure si la loi n'était pas abrogée. Je dis: Écoutez, on verra le mécanisme rendu là, mais ça ne change pas la philosophie qui est à l'intérieur de notre mémoire. Et sur l'aspect du respect des droits, je pense qu'il y a effectivement une direction mondiale qui se prend, direction à laquelle nous croyons effectivement et avec laquelle nous sommes d'accord.
Mme Signori: Vous considérez, dans le moment, qu'elle respecte la Convention des Nations unies telle qu'elle est présentement? C'est cette question-là que je vous pose.
M. Marquis (Normand): Si vous me permettez, je vous répondrai que non, manifestement, mais je vous dirai que...
Mme Signori: Bon, merci. Vous avez une réponse.
M. Marquis (Normand): ...la Loi sur les jeunes contrevenants non plus.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Nous passons donc à la période réservée à l'opposition officielle, Mme la porte-parole de l'opposition officielle et députée de Bourassa.
Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Permettez les émotions qui sont peut-être un peu trop spontanées, hein? Et je voudrais saluer votre présence et vous en remercier également. Bien, je pense que c'est inacceptable de s'emporter, là, on est tous ici dans le meilleur intérêt de l'enfant.
Vous avez compris que le gouvernement du Québec, le ministre de la Justice d'ailleurs l'a mentionné dans sa déclaration ministérielle, veut que le Québec soit soustrait à l'application de la loi C-7. Deux questions. La première: Est-ce qu'il pourrait, d'une part, y avoir partout au Canada une loi qui serait C-7 et au Québec une loi qui ne serait pas C-7 mais la Loi sur les jeunes contrevenants? Et est-ce qu'on doit faire une distinction, quand on fait référence à l'article 88 du projet de loi C-7, qui permet une discrétion au lieutenant-gouverneur en conseil d'intervenir pour déterminer un niveau de garde?
Est-ce que je peux comprendre que le législateur fédéral peut permettre le respect d'une distinction au Québec quant à certaines mesures, quant à certaines dispositions, mais qu'il en est tout à fait autrement quand on parle du retrait total, pur et simple, global d'une loi?
M. Marquis (Normand): Essentiellement, encore une fois je ne suis pas le seul à pouvoir à cette question-là sans doute, mais, ce que vous nous demandez, c'est un peu une opinion juridique de nature constitutionnelle. Honnêtement, nous ne nous sommes pas penchés, c'était pas notre mandat de le faire. Je sais qu'il existe une opinion, je pense à laquelle M. Bégin avait référé récemment, qui permettrait, semble-t-il, que ça se fasse. Manifestement, c'est hors de mes compétences. Je ne suis pas une constitutionnaliste et je ne pourrais malheureusement pas répondre à votre question.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Mais, si je comprends bien, vous semblez dire que ce n'est pas quelque chose qui est évident.
M. Marquis (Normand): Écoutez, c'est même allé plus loin que ma pensée. C'est vous dire que je ne saurais d'aucune façon répondre à cela parce que ce n'est pas mon domaine de droit.
M. Sirros: Ha, ha, ha! Mais laissez-moi me reprendre autrement.
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: ...
M. Sirros: Hein?
M. Bégin: Je dis: Vous essayez d'élargir l'élastique pas mal. Ha, ha, ha!
M. Sirros: Non, non, je me reprends autrement, là. Mais ça n'a pas été quelque chose qui vous est venu spontanément à l'esprit?
M. Marquis (Normand): Nous y avons pensé, mais ce n'était pas notre mandat de faire une analyse de nature constitutionnelle de cette possibilité.
M. Sirros: Est-ce que c'est quelque chose que le Barreau pourrait décider d'entreprendre après ces audiences? Est-ce que c'est quelque chose que vous pourrez vous donner comme mandat, de fournir une opinion juridique de nature constitutionnelle sur la faisabilité de cette question?
M. Gervais (Francis): De là à fournir, j'en suis pas certain, mais il est certain que je me suis pris des petites notes et je suis certain que la question qui nous a été posée fait en sorte que, nous, on va se poser la question. Alors, j'imagine que ça ne restera pas lettre morte et qu'à un moment donné on va être de nouveau interpellé sur le mécanisme. Et, comme je mentionnais ce matin, le mécanisme, nous, on ne l'avait pas examiné à ce moment-ci, il y a des questions constitutionnelles. Mais il n'est pas interdit pour nous de penser à regarder cette question-là.
n(12 heures)nM. Sirros: Est-ce que ça serait impoli de notre part de vous demander peut-être de partager avec nous dans les plus brefs délais ce genre de possibilité là? Parce qu'on a, semble-t-il, une opinion juridique pour laquelle on ne nous permet pas de la... On nous donne juste les conclusions, on n'a pas le texte puis on ne l'aura pas non plus, d'après ce que j'ai compris. Comprenez que ça nous place un peu dans une situation... On recherche de bonne foi ce qui est dans le meilleur intérêt des enfants, on recherche de bonne foi ce qui peut être le mieux fait pour l'ensemble de la société québécoise, mais on veut le faire aussi de façon responsable. Puis vous n'êtes pas sans savoir non plus qu'on est dans une procédure un peu inusitée, ici. On est en commission parlementaire de l'Assemblée nationale, à entendre des témoins sur un projet de loi du Parlement fédéral sur lequel, nous, on n'a pas de pouvoir de changement, quoi que ce soit. C'est déjà quelque chose d'inusité. Si on le fait, c'est dans le cadre d'une démarche avec une certaine stratégie politique ? vous n'êtes pas sans savoir ça ? et c'est pour ça que je vous demande... Ça serait-u impoli de vous demander de partager avec nous dans les plus brefs délais votre réflexion sur cette possibilité de garder au Québec l'application de la Loi des jeunes contrevenants dans son ensemble?
M. Gervais (Francis): Si vous me permettez, tout simplement, peut-être pour casser un mythe, malheureusement, un bâtonnier du Québec, en vertu de la loi, ça a un pouvoir de représentation, et le pouvoir de décision est pris par des instances qui sont autres. Est-ce que ces instances... On peut transmettre la question. Maintenant, est-ce que ces instances-là prendront une décision de le faire ou pas? Il va y avoir des recommandations, mais je ne peux pas aller plus loin que ça, ce matin.
M. Sirros: Merci. C'est déjà beaucoup pour moi.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Mme la députée de Bourassa.
Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Il y a également l'article 61 qui accorde la possibilité au lieutenant-gouverneur en conseil d'une province d'intervenir par décret pour fixer un âge de 14 ans mais d'au plus 16 ans pour l'application des dispositions de la présente loi relative aux infractions désignées. Est-ce que vous recommanderiez au gouvernement du Québec de se prévaloir de cette disposition-là? Parce qu'on a parlé de 88, on peut également parler de 61 qui accorde un pouvoir important. Donc, recommanderiez-vous au gouvernement de s'en prévaloir?
M. Marquis (Normand): Écoutez, non seulement je le recommanderais, mais j'ai cru comprendre que le gouvernement du Québec a depuis longtemps exprimé son désaccord au fait qu'il y avait un renversement de fardeau sur cette question et qu'il y avait des difficultés pour le gouvernement du Québec à ce que ce soit appliqué au Québec, ce genre de choses. Alors, honnêtement, je n'en sais rien, ce que le gouvernement fera, mais, à vrai dire, je m'attends à ce que le gouvernement se prévale de cette disposition.
Mme Lamquin-Éthier: Et vous avez mentionné votre désir de retourner... Vous avez d'abord mentionné avoir fait des représentations et avoir constaté, en lisant ces faits, que les modifications que vous aviez demandées avaient été apportées. Vous êtes donc encouragé de retourner devant le comité sénatorial pour pouvoir faire de nouvelles demandes de modification. Est-ce que vous pensez qu'il pourrait s'avérer intéressant de recommander également d'étendre les dispositions de la loi C-7 qui sont relatives au placement sous garde à des infractions autres que des infractions graves ou à des infractions autres que des infractions avec violence? Parce qu'il demeure une problématique importante. Et est-ce que vous pensez que ça pourrait contribuer à rendre la situation plus acceptable?
M. Marquis (Normand): Alors, ma foi, vous ne connaîtrez presque que ma voix, ici. Ceci étant, c'est difficile de répondre directement à votre question, et je ne veux pas jouer au politicien, puisque, moi, je suis un avocat. Je réponds aux questions, d'habitude. Ceci dit bien amicalement pour mes collègues politiciens. Premièrement, je pense qu'il y a une mauvaise compréhension de la question pénologique de ce projet de loi. Je pense... Je ne crois pas, personnellement, que ce projet de loi empêche la détention des contrevenants pour des crimes mineurs.
Alors, je pense que ce projet de loi... Vous pouvez le lire à l'article 39, si je me souviens bien par coeur, des dispositions qui font en sorte, qui permettront, dans certaines circonstances, d'ordonner de la garde. Est-ce que ça devrait être amendé et fait différemment? C'est une question d'opinion. Moi, je pense que les juges, comme ils ont l'habitude de le faire, trouveront la façon qu'ils jugent adéquate d'ordonner des détentions lorsque ce sera nécessaire.
Plus spécifiquement à l'article 38, vous verrez, par exemple, qu'un jeune qui aurait déjà commis une infraction pour laquelle il a eu une décision, il a reçu une décision qui ne comportait pas de placement sous garde, pourrait quand même être mis en détention, puisque, en commettant une seconde infraction, il contreviendrait éventuellement à des probations auxquelles il aurait été soumis. Alors, je pense qu'il y a ouverture dans cet article-là à ordonner des mises sous garde. Maintenant, est-ce que ce projet de loi fait en sorte de limiter autant que possible les mises sous garde pour les infractions mineures? Oui. C'est manifestement le désir du gouvernement fédéral de limiter la mise sous garde pour des infractions mineures.
(Consultation)
Mme Lamquin-Éthier: Moi, je n'ai plus de questions, M. le Président. Merci.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors donc...
Mme Lamquin-Éthier: Vous allez nous excuser, parce qu'il faut se rendre à un caucus. Merci beaucoup de votre présence.
M. Marquis (Normand): Vous êtes tout excusée.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, j'aimerais, au nom des membres de la commission remercier les représentants du Barreau de Québec pour leur contribution à nos travaux. Et, ayant complété notre agenda pour ce matin, j'ajourne nos... Non, pardon, je suspends nos travaux jusqu'après la période des affaires courantes.
(Suspension de la séance à 12 h 5)
(Reprise à 15 h 36)
Le Président (M. Côté, Dubuc): La commission des institutions reprend ses travaux. Nous accueillons la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Alors, j'aimerais que le représentant de la Commission s'identifie, de même que la personne qui l'accompagne. Je vous rappelle, avant, que nous disposons de 45 minutes pour l'audience, dont 15 minutes pour votre exposé et un échange de 30 minutes séparé équitablement entre le parti ministériel et l'opposition officielle. Alors, allez-y.
Commission des droits de la personne
et des droits de la jeunesse (CDPDJ)
M. Boies (Claude): Bien, contrairement à ce qui avait été indiqué, nous ne serons que deux représentants de la Commission, cet après-midi. Et, pour ma part, mon nom est Claude Boies et je suis directeur des enquêtes pour la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.
Mme Tessier (Hélène): Je suis Hélène Tessier, je suis la directrice du contentieux de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.
Le Président (M. Côté, Dubuc): Bienvenue à cette commission. Alors, je vous écoute, nous vous écoutons.
Mme Tessier (Hélène): Alors, c'est certain, je m'assure auparavant, avant de commencer, que les documents apportés par la Commission sont bien en votre possession. Vous avez un plan de la présentation de la Commission, de même qu'un tableau comparatif, ainsi que le mémoire que la Commission avait rédigé en décembre 1999 sur le projet de loi C-3.
Je vais d'abord présenter la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse dans le contexte de la présente commission parlementaire. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse est un organisme qui est investi par la Charte des droits et libertés de la personne du mandat de veiller à la protection de l'intérêt de l'enfance et au respect de ses droits.
Et, dans ce contexte, elle est aussi investie en vertu de l'article 23 de la Loi sur la protection de la jeunesse du pouvoir d'enquêter sur les situations où les droits des enfants sont lésés, notamment les droits des enfants qui sont soumis à la Loi sur les jeunes contrevenants.
Le contexte. Aujourd'hui, nous comparaissons devant vous sans mémoire écrit qui concerne le projet de loi C-7. La Commission, pour des raisons internes et de structure législative, ne prend des positions que par la voie de ses commissaires réunis en assemblée générale, et cette position a été prise relativement au projet de loi C-3 dans le mémoire de décembre 1999 que vous avez en votre possession.
Dans le contexte, du fait qu'il y a peu de différence de substance entre le projet de loi C-3 et le projet de loi C-7, nous avons produit un document de travail, un tableau comparatif de différentes dispositions et certains commentaires analytiques qui s'y rapportent. Je cède la parole à Me Boies justement pour la question du tableau.
M. Boies (Claude): Alors, comme Me Tessier vient de vous l'expliquer, en regard du fait que, de par le court laps de temps que nous avions, il était impossible de retourner devant les commissaires. On s'est rappelé et on est revenu aux recommandations que nous avions faites dans le cadre de notre mémoire portant sur le projet de loi C-3.
n(15 h 40)n Et ce qu'on a fait dans le tableau que vous avez, dans le document de travail que vous avez, c'est un peu de reprendre les principaux points, les sujets que nous avions abordés en regard du projet de loi C-3 pour y rappeler les recommandations qu'on faisait en regard de ces points, faire des comparaisons avec ce qu'apporte le projet de loi C-7 de même que des comparaisons avec ce que le document de consultation du ministre reprend pour en arriver, à la dernière colonne que vous avez sur le tableau, à des commentaires, l'objectif étant de voir si, comme certains pourraient le prétendre, il y a des modifications importantes dans le projet de loi C-7 qui font en sorte qu'on devrait modifier ou moduler les recommandations ou les demandes qui avaient été faites dans le cadre, pour ce qui est de la Commission, de notre mémoire sur C-3. Alors, vous voyez dans la première colonne les huit sujets. Je vais appuyer ou m'arrêter à quelques sujets précis qui nous semblent, à la Commission, plus importants. Je vais m'arrêter principalement aux points 2 et 5, mais je vais quand même, pour les fins de la présentation, faire référence aux autres points.
Le premier sujet sur lequel on s'était arrêté était la perception de la population à l'égard de la criminalité juvénile. Ce qu'on soulevait à ce moment-là, c'est l'absence de connaissance de la population de ce qui est vraiment fait; premièrement, de la criminalité juvénile et ce qui est vraiment fait en matière de rééducation. Naturellement, il y avait aucune disposition dans C-3 là-dessus. Notre recommandation était à l'effet qu'on fasse un programme d'information de nature à renseigner la population. Et le projet de loi C-7 a dans son préambule ajouté un élément qui répond de façon partielle à notre demande. Notre demande était à l'égard de la loi actuelle, de la Loi sur les jeunes contrevenants. Ce qu'on aurait voulu, c'est qu'on informe, à partir des dispositions actuelles, la population sur la criminalité juvénile et sur les réussites que permet le système québécois ou le système canadien dans son ensemble. Alors donc, vous voyez qu'il y a une amélioration dans une certaine mesure où il y a une réponse partielle à notre demande. Et, comme vous allez le voir, c'est à peu près le seul endroit où est-ce que, entre C-3 et C-7, il y a des améliorations selon la Commission.
Le deuxième point, deuxième sujet, était l'impact général relatif à l'abrogation de la Loi sur les jeunes contrevenants. C'est un sujet qui nous importe beaucoup parce que, selon nous ? et ce qui étaient les propos dans notre mémoire ? c'est que ça donne une fausse impression que la loi actuelle ne répond pas à l'objectif de protection de la société, ce qui est à notre avis complètement faux, et que ça crée par la force des choses ou ça devrait créer une instabilité législative et judiciaire. Notre recommandation, à ce moment-là, était tout simplement, de façon générale, de ne pas adopter naturellement C-3.
Le document de consultation va dans le même sens. En termes de commentaires, ce qu'on peut dire, c'est que, bien, cette partie de notre mémoire demeure très pertinente parce qu'on maintient l'abrogation de la Loi sur les jeunes contrevenants. On pense que ça va amener une instabilité judiciaire et on considère que c'est une complexification inutile de la loi qui s'adresse à des enfants. D'ailleurs, c'est un des points de notre plan de présentation, le point 3.2, en termes de complexité de la loi. Ce qu'on soulève à la commission, c'est de dire, dans un premier temps, qu'il nous apparaît pour le moins particulier qu'une loi qui s'adresse à des enfants amène une complexité si grande dans son processus et dans son application. C'est vraiment une loi pour le moins technique, et particulièrement lorsqu'on pense qu'elle a une application pour les enfants de 12 à 18 ans. On peut juste s'imaginer, en regard de certaines dispositions, la compréhension qu'en auront les enfants de 12 ans amenés à comparaître devant la chambre de la jeunesse. Je peux juste vous dire que j'ai participé à des rencontres où non pas des enfants étaient autour de la table mais des juristes, des juristes avec beaucoup d'expérience, et, à 10 avocats, ne réussissaient pas à savoir vraiment l'intention du législateur par rapport à certaines dispositions du projet de loi C-3 ou encore C-7.
Instabilité judiciaire nécessairement parce que, en changeant les principes mêmes de la loi, en changeant plusieurs articles de la loi, on considère que la jurisprudence sera difficilement applicable. Et nécessairement, comme ç'a pris 10 ans à la Loi sur les jeunes contrevenants à s'établir, à établir une certaine compréhension, notamment par l'arrivée du jugement de la Cour suprême du Canada, bien, on est en droit de s'attendre à ce qu'il y ait cette même instabilité-là pour minimalement la même période en regard des nouvelles dispositions qui sont, comme on vient de le dire, encore plus complexes que celles qui sont actuellement en vigueur.
Finalement, difficulté de compréhension du système par les adolescents eux-mêmes, par les parents, par les intervenants sociaux et judiciaires. Je le répète, la complexité de la loi fait en sorte qu'on va nécessairement créer des technocrates de la loi plutôt que de créer ou d'atteindre les objectifs nobles de ceux de vouloir protéger la société.
Si on revient au tableau, le point 3 étant un point aussi important mais que ma consoeur va traiter tantôt, qui est celui de la disparition, l'évacuation complète de la notion de l'intérêt de l'enfant ou encore de la réponse aux besoins des adolescents, je pense que c'est un point important qu'on traite dans notre tableau, et on en arrive à la conclusion qu'effectivement on maintient notre recommandation. Mais, au-delà de ça, on aura des commentaires par la suite qui porteront directement sur cette modification importante au projet de loi actuel.
Le point 4 des sujets sur lesquels on était intervenus au moment de C-3 était la décision sur les mesures. Bien, rapidement, vous pourrez lire que ce qu'on demandait à ce moment-là, nous, c'était minimalement le statu quo parce qu'on considérait que c'était plus respectueux des engagements internationaux du Canada en matière de droits des enfants. Et, en regard de la lecture que l'on fait des nouvelles dispositions de C-7 ? et quand je dis «nouvelles dispositions», ce sont exactement les mêmes, ne changent que les numéros d'article ? vous comprendrez aisément qu'on maintient cette recommandation de statu quo plutôt que des nouvelles dispositions qui sont prévues à C-7.
Le point 5, le cinquième sujet sur lequel on s'était attardés alors, était les jeunes contrevenants violents ou récidivistes, ou, en d'autres termes, si on veut, l'assujettissement aux peines adultes. Je passerai vite sur le fait que, bon, C-3 prévoyait un certain nombre de choses. On prévoit sensiblement la même chose au niveau de C-7. Ce qui est important, c'est de considérer qu'on a élargit grandement, qu'importe la possibilité pour les provinces de s'exclure à l'article 61 par rapport à la réduction ou l'abaissement de l'âge. Il n'en demeure pas moins que foncièrement et fondamentalement on a élargi l'application de la présomption d'assujettissement à une peine adulte. Et finalement, le point suivant sur lequel ma consoeur pourra revenir tantôt.
Un autre point sur lequel je voudrais m'arrêter...
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Son discours risque d'être très court, il vous reste quatre minutes.
M. Boies (Claude): Oui, je finis là-dessus. Juste pour vous dire que le point 3.3, étant le glissement vers le modèle adulte, ça nous inquiète beaucoup. On considère que les dispositions de C-7 font clairement référence au système adulte qui est à l'encontre de tout ce qui a été prôné par le Québec jusqu'à maintenant.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Me Tessier.
Mme Tessier (Hélène): Oui, très rapidement sur l'occultation du critère de l'intérêt de l'enfant. On indique bien dans notre tableau sur quels points surtout on peut voir que ce critère a été occulté. Mais, ce qui nous inquiète particulièrement, c'est que l'occultation de ce critère constitue un manquement aux règles du droit international auxquelles a souscrit le Québec.
Je vais simplement revenir sur un point qui était dans le mémoire de la Commission, de décembre 1999. Le Canada, en réponse au Comité des Nations unies sur le droit des enfants, a indiqué que sa façon d'introduire le critère de l'intérêt de l'enfant dans la législation était via l'actuel article 3 de la Loi sur les jeunes contrevenants. Or, le Comité a recommandé au Canada d'y aller avec un peu plus d'ardeur dans l'introduction du critère. Or, on constate que dans le projet de loi qui est présenté, au contraire, le critère de l'intérêt de l'enfant est occulté.
L'intérêt de l'enfant fait partie des droits judiciaires de l'enfant et on doit considérer que dans l'intérêt de l'enfant il y a aussi la question du respect de sa vie privée. Or, le respect de la vie privée aussi subit une érosion dans le cadre du projet de loi C-7 en termes de la publication du nom qui est élargie dans le cas des enfants assujettis aux peines et au système adulte.
Pour rappeler, en terminant ? parce que je pense qu'il ne me reste plus grand temps ? les principales obligations internationales qui sont pertinentes pour l'étude du projet de loi, il y a, outre le préambule de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant, l'article 3, l'article 40 ainsi que les règles minima de l'administration... règles minima des Nations unies concernant l'administration de la justice pour mineurs, qu'on appelle aussi règles de Beijing. Et tous ces documents internationaux insistent de façon unanime sur le caractère primordial qui doit être accordé aux critères de l'intérêt de l'enfant à chaque décision qui doit être prise le concernant.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci pour cette présentation.
Mme Tessier (Hélène): Si je peux me permette une dernière conclusion...
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui.
n(15 h 50)nMme Tessier (Hélène): ...un autre aspect qui préoccupe la Commission des droits de la personne dans le cadre aussi de son mandat qui touche le droit à l'égalité, c'est que le glissement vers la répression s'adresse à une population qui est dépourvue de droits de nature civique. Ce sont des personnes qui n'ont pas le droit de vote, qui ont peu de droits civiques, et, en même temps, on leur impute une responsabilité accrue et répressive pour certains actes subis. C'est une préoccupation qui doit être aussi envisagée sous l'angle du droit à l'égalité.
M. Boies (Claude): Alors donc, vous comprendrez, en terminant, que notre recommandation finale est la même que celle que nous avions à l'égard de C-3, à l'effet que ce soit tout simplement un retrait pur et simple, là, du projet de loi fédéral.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. Boies. Merci, Mme Tessier. M. le ministre, vous avez la parole.
M. Bégin: Merci infiniment, monsieur et madame. J'ai retenu une phrase, un bout de phrase, en fait, qui m'a semblé extrêmement important parce qu'il résume l'ensemble de ce que nous avons eu comme discussion depuis hier autour du projet de loi C-7. Vous avez dit: Il y a peu de changement de substance entre C-3 et C-7. Je comprends que vous n'appuyiez pas C-3. Alors, s'il y a peu de substance, c'est que je comprends que C-7 ne convient pas plus que convenait C-3. Je rappelle que ce matin quelqu'un a utilisé une image qui nous a aidés à cheminer un petit peu. Le procureur de la couronne a mentionné que c'est comme si vous aviez une chaudière de peinture.
Une voix: Bleue ou rouge?
M. Bégin: Elle a dit qu'elle était bleue, ce matin. D'autres auraient voulu qu'elle soit rouge, mais, en tout cas, pour l'exemple, ça va être bleue. Alors, cette peinture-là, vous y ajoutez une goutte de peinture blanche. Elle convenait et nous étions d'accord pour dire que ça ne changeait pas la couleur, ce serait encore de la peinture bleue. D'autres ont dit que peut-être qu'on pourrait mettre plusieurs gouttes dedans et que là ça pourrait changer. Ma collègue a dit: Oui, mais, ces gouttes-là, vous les mettez dans un océan. Alors, là, là, on agrandit, et la dilution était complète.
Mais, trêve d'image, est-ce que je dois bien comprendre que vous dites que malgré les améliorations qui ont été apportées ? et il y en a eues, c'est clair ? vous ne trouvez pas qu'il y a là suffisamment de changements pour que vous soyez d'accord avec cette loi-là?
Mme Tessier (Hélène): Je dois revenir sur ce que j'ai dit au début, c'est-à-dire sur le caractère assez officiel des positions de la Commission, il n'y a pas de caractère... de position officielle de la Commission sur C-7. Le tableau que nous avons fait nous montre que les changements, en effet... Bon, certains ont dit: Ils sont cosmétiques. On pourrait peut-être un peu reprendre l'expression à notre compte. Dans la mesure où il y a certains ajouts, on les indique au tableau, mais ils ne nous paraissent pas de nature à changer les principes directeurs de la loi et à apaiser les inquiétudes que la Commission a exprimées de façon, je pense, assez éloquente dans le mémoire sur C-3.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci.
Mme Maltais: Merci, M. le Président. Bonjour, Me Boies, Me Tessier. Merci de venir partager avec nous vos discussions concernant C-3 qui... et sur C-7, votre analyse de C-7. On a eu beaucoup, au cours de la journée et demie où on a entendu des gens, on a eu effectivement beaucoup de commentaires à l'effet que ? on en a parlé ce matin ? tel article pouvait être amendé, tel article devait être amendé, tel article, les gens en étaient insatisfaits, ce qui finissait par faire effectivement qu'on va tranquillement démolir C-7 pour en revenir à la Loi sur les jeunes contrevenants finalement, puis on sent que c'est ça un peu l'idéal que voient les intervenants du Québec.
Vous êtes... À un seul endroit, vous avez eu réponse partielle, et j'aimerais en discuter, c'est sur le principe 1. Vous êtes partiellement satisfaits de l'amendement au préambule, à l'effet que le public soit mieux informé du système de justice pour adolescents et à l'efficacité des mesures prises.
Est-ce que, dans vos discussions, vous n'avez pas abordé le fait qu'il aurait été intéressant que le fédéral aurait dû voir à cet objectif avant de se laisser influencer par des pressions populaires mal informées? Parce qu'on a dit ce matin que la prémisse de base, que la criminalité était en augmentation, est une prémisse fausse puisque la criminalité, au Québec est en diminution et que ça compromet maintenant un projet de loi basé sur une prémisse fausse, parce qu'une population est mal informée, compromet le système québécois. Alors, vous dites que vous êtes partiellement satisfaits de cet amendement, mais vous ne trouvez pas qu'il arrive un peu tard?
M. Boies (Claude): Bien, un peu tard, oui. Comme je le disais tantôt, nous, ce qu'on aurait souhaité, c'est un peu le sens des propos qu'on tenait dans notre mémoire sur C-3. Et, comme vous venez de le dire, c'est qu'on aurait espéré que l'information auprès de la population porte sur la situation actuelle et non pas sur la situation à venir. Et, au lieu de procéder à des amendements importants, et même aller jusqu'à l'abrogation d'une loi, bien, d'informer les gens sur la réalité plutôt que de laisser, de maintenir des mythes quant au fait que la criminalité, comme vous le dites, chez les jeunes est en hausse. Et aussi laisser croire que la situation actuelle ou la loi actuelle ne permet pas de protéger la population, alors qu'au contraire on peut se rassurer sur le fait que les dispositions actuelles, par les possibilités de renvoyer les délinquants les plus dangereux ou les récidivistes devant la juridiction normalement compétente, donc de subir une peine d'adulte, c'est déjà là, c'est déjà présent, et, sous réserve d'une discrétion judiciaire, on peut se rassurer sur le fait que la population est protégée.
Alors là, sur de fausses prémisses et en laissant croire que la situation ou les dispositions actuelles ne permettent pas de protéger la population, on en arrive à vouloir convaincre que c'est nécessaire de procéder à l'abrogation d'une loi. Alors, oui, on aurait espéré que l'information se fasse à ce moment-ci sans passer par tout ce changement-là et ce branle-bas de combat là en regard d'une politique pour laquelle le Québec s'est bien associé.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui, Mme la députée, vous avez la parole.
Mme Signori: Merci. Bienvenue et merci de votre présentation que j'ai malheureusement manquée en partie, mais j'ai quand même été capable de voir votre résumé. Je suis très heureuse que vous ayez mentionné l'article 3 de la Convention des Nations unies parce que je l'ai rapporté à plusieurs des présentations, c'est ce qui me préoccupait aussi beaucoup. Et je trouvais ça d'autant plus grave qu'on est supposé de fêter les 10 ans de la Convention des Nations unies à laquelle le gouvernement fédéral s'est rallié. Alors, j'étais un peu mal à l'aise par rapport à ça.
Maintenant, j'aimerais ça que vous me disiez ce que vous pensez de la possibilité qui sera offerte au tribunal de permettre la publication de l'identité des adolescents impliqués dans les crimes graves contre la personne. Est-ce que vous croyez que cette possibilité va aider l'enfant ou les parents ou la famille à récupérer ce qu'ils peuvent de cet enfant-là ou croyez-vous que ça va nuire?
Mme Tessier (Hélène): La Commission a d'ailleurs adopté une position officielle qu'on pourrait vous transmettre sur la publication des noms ? ce n'est pas tout à fait sur le même sujet, des noms des personnes coupables de crimes sexuels graves, des adultes, mais des publications... ? et exprimait énormément de réserves quant à la proportionnalité des moyens utilisés.
C'est-à-dire que, au nom d'une logique d'information, est-ce qu'on ne fait pas toutes sortes d'autres atteintes aux droits? Il est évident que ce raisonnement-là s'applique avec encore plus de vigueur quand il s'agit d'enfants et quand il s'agit d'enfants qui sont aussi protégés par différentes lois du Québec, notamment la Charte des droits et libertés de la personne du Québec en matière de discrimination et de respect de la vie privée, mais aussi la Convention. Même les règles minima concernant l'administration de la justice du mineur... L'article 8.1 insiste sur le fait qu'aucune information pouvant conduire à l'identification d'un enfant ne doit être publiée, en principe.
Le développement sur ces questions-là est bien repris dans le mémoire sur le projet de loi C-3, et la Commission est en effet très inquiète de l'érosion du principe de la protection du droit à la vie privée au nom d'une information qui peut-être n'atteindra pas du tout les buts souhaités.
Mme Signori: Merci beaucoup.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): S'il n'y a pas d'autres questions, nous allons passer à la période réservée aux représentants de l'opposition officielle. Mme la députée de Bourassa.
Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Je prends note des commentaires que vous avez formulés au document de travail, tout particulièrement au point 3 où vous insistez sur la réintégration timide de la notion de «besoins». Et vous donnez pour exemple le préambule, les principes. Au niveau du préambule, est-ce qu'on doit dire que cette notion-là a été complètement évacuée ou si on peut considérer que le préambule a été malgré tout... Je sais que c'est insuffisant ou que ça paraît insuffisant pour vous, mais il a à tout le moins été réorganisé, ce préambule-là, pour inciter davantage sur la réadaptation. Et il y a aussi une introduction de l'obligation pour le gouvernement d'informer la population sur le système de justice pour les adolescents. Est-ce que ça vous paraît plus nuancé ou si vous considérez toujours, comme vous l'avez mentionné, que c'est une évacuation complète de la référence à la notion de «besoins de l'enfant» ou...
n(16 heures)nM. Boies (Claude): Pour faire référence à l'image qui a été utilisée par un procureur de la couronne, semble-t-il, je pense que ce sont quelques gouttes de peinture blanche qui ne changent pas l'essence même de l'évacuation de la notion dans les parties de la loi qui sont importantes. On le sait, l'inclusion dans le préambule a peu de portée, sinon pas du tout ou presque pas, en tout cas. Je pense qu'il y a assez de décisions qui vont dans ce sens-là. Alors, c'est pour ça qu'on parle de réintégration timide. On pourrait même parler d'évacuation presque totale, en tout cas de mise à l'écart de cette notion-là qui était la pierre angulaire, une des pierres fondamentales du système actuel en termes d'équilibre entre cette notion-là par rapport à la protection de la société, et, à cet égard-là, c'est ce qui permettait d'avoir une visée beaucoup plus grande de ce qu'est la protection de la société et non pas d'avoir une visée à court terme.
C'est sûr que, en mettant sous garde ou en emprisonnant quelqu'un qui a commis un crime pour une période x, à court terme, c'est rassurant, à court terme, ça donne l'illusion qu'on a une certaine protection en regard des comportements de cet individu-là, mais, par ailleurs, en termes de protection à plus long terme, c'est peut-être questionnable. Est-ce qu'il n'est pas nécessaire de justement en arriver à un équilibre entre, oui, la protection de la société, mais la réponse aux besoins de cet adolescent-là, ce qui va faire en sorte que, éventuellement, il ne recommettra plus ce genre de délit là, et donc assurer une protection à plus long terme? Alors, c'est pour ça qu'on parle de réintégration timide à des endroits qui ont peu ou pas de portée.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci.
Mme Tessier (Hélène): Si je peux me permettre simplement d'ajouter un petit mot là-dessus, à votre question. C'est que la notion d'intérêt de l'enfant a un contenu substantiel, de substance, qui inclut notamment le droit à des services de réadaptation. Alors, que le mot figure dans un préambule, le mot «besoins», ne veut pas nécessairement dire qu'on réintègre le contenu de la notion qui est indissociable des services qu'on offre et du respect des droits.
Mme Lamquin-Éthier: Merci de cette réponse. Votre point 2 quant à l'impact général relatif à la loi, si C-7 est adopté, est-ce que... Bon, vous évoquez... Au niveau de vos commentaires, vous avez parlé tout à l'heure même de l'instabilité judiciaire, de la complexité de la loi. Est-ce que ça fait en sorte qu'on va connaître le chaos ou l'apocalypse en quelque sorte ou si c'est une fausse impression que je perçois?
M. Boies (Claude): Écoutez, c'est difficile de répondre. Nous, on parle d'appréhensions en fonction de l'expérience, ne serait-ce que de la mise en vigueur de la loi actuelle, la Loi sur les jeunes contrevenants. Je donnais l'exemple tantôt que sur, par exemple, l'interprétation à donner aux principes inclus à l'article 3, ça a pris dix ans avant qu'une décision de la Cour suprême, à savoir la cause J.J.M., nous est parvenue puis a permis d'en arriver à une meilleure compréhension et une meilleure application de cette loi-là. Et c'est dans l'ordre des choses qu'une nouvelle législation amène ça. Alors, nous, ce qu'on pense, c'est que, en raison de la complexification d'à peu près toutes les étapes, bien, il est à croire que ça sera encore plus difficile. Et, sans employer les mots que vous avez employés, il nous apparaît qu'il va y avoir une instabilité pendant une certaine période de temps.
Mme Lamquin-Éthier: Bien, je vous remercie infiniment, Me Tessier, Me Boies.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Il me reste donc, aux membres également de la commission, à vous remercier pour votre contribution à nos travaux à titre de représentants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Merci encore une fois.
M. Boies (Claude): Merci de nous avoir entendus.
Mme Tessier (Hélène): Oui. On vous remercie. Au revoir.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Bien. Alors, nous allons enchaîner avec les représentants, ou plutôt les représentantes de la Centrale des syndicats du Québec, et notamment Mme Louise Chabot, vice-présidente.
Une voix: ...
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Et on m'informe qu'un nom s'ajoute à la délégation des représentants: il s'agit de M. Pierre Boily, président de la Fédération du personnel de la santé et des services sociaux.
Alors, je rappelle que nous avons, en principe, réservé une période d'une heure pour la présentation et de même que les échanges. On est un petit peu serré dans notre temps. Enfin, si vous arriviez à condenser votre présentation dans moins de 20 minutes, ça nous peut-être donnerait un peu d'espace pour terminer dans l'ordre cette période d'audition. Alors, vous avez la parole.
Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
Mme Chabot (Louise): Bonjour. D'abord, merci de votre invitation. Ça nous fait plaisir de venir vous présenter le point de vue de la Centrale des syndicats du Québec à l'égard du projet de loi fédéral, que ce soit C-3 ou maintenant C-7 qui, pour nous... Vous allez voir, on partage... En tout cas, l'analyse qu'on a faite, indépendamment de son changement de chiffre, n'a pas changé le fond de notre analyse. On vous a acheminé, je crois... Je veux juste m'assurer aussi que vous avez reçu le résumé et le mémoire qu'on avait présentés à l'époque.
Donc, juste vous dire que la CSQ ? quand même nous situer, nous présenter ? la Centrale des syndicats du Québec, c'est anciennement la plus connue sous le nom de la CEQ. On représente près de 145 000 membres et dans divers milieux de travail dont tant dans les garderies, dans le milieu éducatif, dans le secteur de la santé et des services sociaux, dont les centres jeunesse. Donc, vous comprendrez que les questions liées à la jeunesse nous préoccupent à divers titres. Vous mentionner aussi que nous sommes membres de la Coalition pour la justice des mineurs et que nous avons fait beaucoup de représentations depuis le début de ce débat ? saga, je dirais. Et, même, récemment, on a fait une campagne de lettres aux députés fédéraux pour tenter de convaincre le retrait pur et simple de cette loi-là.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Pouvez-vous nous présenter les personnes qui vous accompagnent?
Mme Chabot (Louise): Oui, Hélène Le Brun, qui est conseillère syndicale à la Centrale, principalement affectée aux dossiers de la santé et des services sociaux, et Pierre Boily, qui est de la Fédération du personnel de la santé et des services sociaux et lui-même travailleur dans un centre jeunesse dans la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien.
Mme Chabot (Louise): Donc, vous savez que, la législation d'un pays, ça reflète, dans une grande mesure, les valeurs et les principes prônés par ce pays et, au premier chef, lorsque ces lois visent à encadrer des clientèles ou des problèmes cibles tels que la criminalité juvénile.
Le rôle d'un gouvernement, à notre avis, n'est pas de suivre aveuglément une opinion répressive teintée de recul idéologique, mais bien d'amener sa population à adopter un jugement basé sur l'éthique, les connaissances scientifiques et l'objectivité. Cela relève de la responsabilité morale et sociale des élus, et un renouvellement législatif doit conduire à du progrès social.
Ce n'est pas la lecture que nous faisons du projet de loi fédéral. La philosophie répressive et légaliste ? pardon ? sur laquelle repose ce projet de loi va à l'encontre des connaissances et des approches actuelles en matière d'intervention jeunesse. L'approche de ce projet de loi en est une directement liée au type d'infractions plutôt que basée sur les besoins des jeunes et donc la mesure la plus appropriée.
Nos fondements idéologiques restent la réponse aux besoins profonds des jeunes, l'amélioration de leur condition sociale, leur adaptation personnelle, sociale et socioprofessionnelle. En matière de délinquance et de criminalité juvénile, cela doit inclure à la fois des préoccupations de sécurité publique, de réadaptation et de responsabilité sociale collective.
Notre expérience québécoise réside sans conteste dans la protection de la jeunesse et l'intervention psychosociale. Notre approche est préventive et fortement centrée sur la réadaptation du jeune. Nos convictions reposent sur l'intervention éducative et la réadaptation, et notre approche n'est pas juridique, mais bien éducative, psychosociale et réadaptative, tout en étant aussi conséquente.
Au regard de la publication ou de la proposition du projet de loi d'élargir les situations qui permettent la publication des noms des jeunes contrevenants mineurs, notre position est très claire: il s'agit là purement et simplement d'une aberration sociale. Non seulement une telle mesure conduirait directement à une destruction en règle du jeune en lui enlevant tout droit et toute chance de s'en sortir, mais cette étiquette entraînerait également avec lui toute sa famille, particulièrement la fratrie la plus jeune, s'il en est. Une telle mesure aurait des retombées familiales et sociales désastreuses sur le plan systémique et doit être absolument rejetée. Je vous dirais que, quand je regarde ça et que j'image ça, il manque juste les photos maintenant dans les journaux. C'est vraiment une aberration qu'il faut à tout prix dénoncer et rejeter.
n(16 h 10)n La loi actuelle sur les jeunes contrevenants permet un renvoi au tribunal pour adultes pour des situations jugées très graves. Ce renvoi est très peu accepté par les juges actuellement et seulement pour des jeunes très proches de la majorité, car le poids éthique et moral d'une telle décision est très lourd. Il subsiste presque toujours un doute sur le potentiel de réhabilitation chez un mineur, potentiel qu'on ne peut risquer de ne pas exploiter sans porter atteinte à son projet de vie futur. Or, c'est dès l'âge de 14 ans pour certains jeunes que le projet de loi établit une présomption d'assujettissement à la peine pour adultes. Un enfant ? parce qu'il s'agit bien d'un enfant dont on parle ? à l'âge de 14 ou 15 ans, c'est un enfant qui est malléable sur le plan psychologique et sur le plan de sa personnalité. À cet âge-là, le travail de réadaptation est tout à faire, et cela, indépendamment du crime commis.
À preuve, au Centre de réadaptation de Boscoville ? qui, je comprends, renaît et qui était autrefois fermé ? il y a eu 28 jeunes homicides qui ont été traités en milieu ouvert entre 1954 et 1992 et qui ont suivi le programme de réadaptation juvénile jusqu'au bout, en réintégrant par la suite la société. Que serait-il devenu de ces jeunes-là dans le futur s'ils avaient reçu une peine pour adultes?
Par ailleurs, certains adolescents récidivistes plus âgés souhaitent parfois être référés aux tribunaux pour adultes et assumer une peine pour adultes. Mais il ne faudrait pas croire par là qu'ils ont un sentiment d'expiation. Ils savent plutôt que c'est beaucoup plus facile de choisir cette voie-là que de choisir la voie de la réadaptation qui est beaucoup plus contraignante et beaucoup plus... Il y a une certaine captivité beaucoup plus engageante dans le changement des comportements et du projet de vie.
Le projet de loi introduit une période de surveillance au sein de la collectivité aux deux tiers de la durée de la peine de placement sous garde, réduisant ainsi d'autant la période d'intervention en unité fermée de réadaptation. Déjà, les ordonnances de placement en unité d'encadrement intensif, en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants, sont de plus en plus courtes et sans obligation de résultat quant au changement de comportement, comme c'est le cas sous la Loi de la protection de la jeunesse. Lorsque le placement d'un jeune se fait en fonction d'un temps préalablement fixé d'une peine à purger plutôt qu'en fonction d'un traitement et de mesures incitatives afin de modifier ses attitudes et ses comportements, le jeune a tendance à adopter une attitude plus passive, moins engageante psychosocialement. Il fait son temps et le fera d'autant mieux s'il sait qu'il pourra ne purger que les deux tiers de sa peine.
Le projet de loi propose également des peines prédéterminées en fonction du degré de gravité de l'infraction plutôt qu'en fonction de l'évaluation psychosociale de l'adolescent. De la même façon, il réserve donc le placement sous garde en dernier recours pour les infractions graves et les récidivistes, quels que soient les besoins évalués chez les jeunes. C'est nier là des principes fondamentaux à la base de toute réadaptation réussie, soit la nécessité d'un programme modulé et adapté aux besoins de l'adolescent délinquant.
Dans certains cas, par exemple, une action plus musclée en unité fermée dès le premier acte contrevenant peut produire de meilleurs résultats que l'application graduelle de sanctions en cascade, comme on le voit dans le projet de loi. Dans d'autres cas, mêmes criminels, au contraire, la mise sous garde fermée peut s'avérer moins efficace que la réadaptation en milieu ouvert, surtout si le crime a une origine psychiatrique ou de violence familiale. Ce qu'on veut dire, c'est que les mesures en cascade prévues au projet de loi ne permettent pas d'ajuster la bonne mesure corrective au bon moment.
Il est clair que le renouvellement d'un système de justice pour les jeunes doit passer par l'élaboration de programmes de réadaptation précoce adaptés et rigoureux à l'intention des jeunes contrevenants et non pas par un durcissement législatif. Dans tous les cas, des plans d'intervention devraient être planifiés rigoureusement dans le but de restaurer le comportement déviant. Les évaluations de suivi et d'évolution devraient également être plus fréquentes et rigoureuses. Et, pour réussir cela, il faut investir davantage en ressources humaines, en places de réadaptation et en outils d'intervention.
Pour certains jeunes plus fortement criminalisés, il y aurait lieu de développer des mesures intermédiaires plus encadrantes de réadaptation, une gamme de services qui pourrait se situer entre la réadaptation et un milieu carcéral. Tout cela, à notre avis, ça peut se faire dans le cadre de la loi actuelle sur les jeunes contrevenants. Les sommes investies seraient certes beaucoup plus efficientes que de les destiner à la mise en oeuvre d'une nouvelle loi et d'une nouvelle jurisprudence.
En conclusion, le projet de loi fédéral sur le système de justice pénal pour les adolescents est inutile et irresponsable socialement. De plus, sa mise en oeuvre serait un gaspillage de ressources humaines et financières, tout en n'améliorant en rien le système de réadaptation. En raison de l'esprit et de la philosophie qui sont à la base même du projet de loi, la recherche d'amendements s'avère une entreprise vaine. Les tentatives de la dernière année le montrent bien, on ne pourra pas en faire une bonne loi.
La rééducation favorise une responsabilisation de l'individu et une meilleure prise en charge de son rôle social. À l'inverse, la criminalisation d'un jeune contrevenant menace la réalisation de ces objectifs. En ce sens, le projet de loi C-7 est inacceptable et doit être retiré. Il n'est pas bon pour la société canadienne de quelque province que ce soit.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci pour cette présentation, Mme Louise Chabot, à titre de vice-présidente ? c'est bien ça? ? de la Centrale des syndicats. Nous passons à la période d'échanges. Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme Maltais: Merci beaucoup, M. le Président. Mme Chabot, Mme Le Brun, M. Boily, bonjour. Un beau bonjour et un gros merci de votre présence ici, aujourd'hui. J'apprécie beaucoup l'angle avec lequel vous avez préparé votre présentation qui est de parler de ...Adrian Le Mineur, 14 ans, ne soit pas, à vie, un criminel. C'est vraiment ce que nous essayons de tenter d'éviter au Québec depuis longtemps et que nous réussissons fort bien par ailleurs sous la Loi des jeunes contrevenants. Associés à cette loi unique que nous avons, loi d'exception à la Loi de la protection de la jeunesse et qui se fait effectivement depuis des années, on réussit à éviter cela. Cet objectif, jusqu'ici, était atteint.
Je lis dans vos conclusions une phrase qui dit: «On ne pourra pas en faire une bonne loi.» C'est un jugement très, très clair, très direct. Ce que nous cherchons ici, depuis deux jours, c'est à essayer de voir s'il est possible que l'Assemblée nationale parle d'une seule voix. Et, pour que cette Assemblée nationale parle d'une seule voix, nous essayons de trouver une voie, c'est-à-dire v-o-i-e, un terrain de passage, un corridor. Beaucoup de personnes nous ont parlé d'amendements possibles, mais, ce matin, j'ai fait le total des amendements demandés, ça signifiait un déchiquetage carrément de la loi ? il faut revenir à la Loi des jeunes contrevenants ? on y allait un par un. Ça donnait quelque chose, je dirais, à la limite, d'un peu loufoque parce qu'il y a beaucoup, beaucoup d'amendements. Chacun... Chaque secteur a amené ses amendements et ça jetait vraiment un nouveau regard sur la loi quand on les additionnait.
Croyez-vous vraiment qu'on ne peut pas faire une bonne loi? Est-ce qu'il est possible de trouver un nouveau cadre, des aménagements, un total d'aménagements ou si vraiment vous êtes péremptoires: Ce n'est pas une bonne loi et, la voie du Québec, ça doit être le retrait du Québec de cette loi?
Mme Chabot (Louise): D'abord, vous dire que nous sommes convaincus que ce n'est pas une bonne loi et même, malgré toutes les représentations qui ont été faites et les amendements qui sont soumis, il demeure ? puis on a juste à lire toujours la déclaration de principe de cette loi-là ? que c'est une loi qui va miser d'abord sur le degré de... sur l'infraction qui a été commise et où on va encore parler de la protection du public, mais sous l'angle de l'infraction commise et de son degré et non plus du tout en équilibre avec le besoin, le contexte et les conditions des jeunes.
Ça, à notre avis, d'entrée de jeu, quand on fait reposer une loi pénale pour des jeunes qui repose sur des critères qui sont beaucoup plus de nature criminelle pour adultes, je pense qu'à notre avis, on aura beau faire tous les amendements, il va demeurer que le fondement de cette loi-là ne changera pas. Donc, c'est une large question.
Que le Québec continue à faire valoir toutes ses pressions pour que cette loi-là ne soit pas adoptée, je pense que c'est tout à fait justifié. Et, si le Québec demande le retrait de la province, de l'application de cette loi-là ? là, je n'entrerai pas dans les détails: est-ce que possible ou pas? ? ce qu'on souhaite surtout là-dedans, c'est que, dans tous les cas, et quelque moyen qu'on prendra pour tenter de s'y soustraire ou qu'elle ne soit pas adoptée, c'est de faire en sorte que les enjeux dans la société soient compris, de bien faire comprendre pourquoi il faut prendre...il faut faire tel moyen de pression, où on pourrait aller jusqu'à demander le retrait pour pas qu'on ? je vais le dire dans mes mots, là ? pour pas que tout ce que les citoyens en retiennent, c'est qu'on fait un guerre de champs de compétences entre le fédéral et le provincial. C'est pas ça que les gens doivent comprendre. Pourquoi on se bat? Pourquoi on dit que c'est pas une bonne loi? Parce que nos préoccupations, c'est les jeunes et leurs besoins. Puis de faire voir qu'un enfant de 14, 15 ans ? puis je dirais même, à la limite, parfois même de 16 et 17 ans.... Ce qu'on a comme responsabilité comme société, c'est de tout mettre en oeuvre pour s'assurer que ce n'est pas à vie qu'on va l'handicaper, même dans des crimes qui seraient très graves. Ça, je pense qu'on a un rôle comme société, puis c'est ça que la population doit comprendre. Si on atteint cet objectif-là, on aura fait des grands pas.
Mme Maltais: Merci.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Ça va? Mme la... Mme la députée de Blainville, pardon.
n(16 h 20)nMme Signori: J'aurais aimé ça vous poser des questions, mais, votre dernière intervention, vous avez comme répondu au préalable aux questions que je voulais vous poser, et je considère que ce que vous nous avez déposé cet après-midi répond très bien à l'article 3 de la Charte des Nations unies et est très respectueux de cette charte-là. Et, comme je disais au tout début de nos auditions hier, notre but premier d'être ici, c'est de vraiment penser à une solution pour le bien-être de nos enfants, ici. Et je suis d'accord avec vous, 16, 17 ans, ce sont encore des enfants, il faut toujours garder ça en tête. Puis ce n'est pas une guerre de territoire ou ce n'est pas une guerre politique non plus. Nous avons à prendre des décisions ensemble, conjointement autant que possible, pour le mieux-être des enfants du Québec qui vivent des difficultés parfois passagères. Si on n'est pas là pour les aider, ça peut s'éterniser. Alors, je vous remercie beaucoup, moi, je n'ai pas de question.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. S'il n'y a pas d'autres questions du côté ministériel, Mme la députée de Bourassa et porte-parole de l'opposition officielle.
Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Chabot. Bonjour, Mme Le Brun. Bonjour, M. Boily. Merci pour votre présentation. Mme Chabot, vous avez mentionné, je crois, avoir fait des démarches ou des rencontres avec des parlementaires fédéraux. Pouvez-nous dire un petit peu sur quoi portaient ces démarches-là, comment elles se sont déroulées, quels en sont les résultats? Et est-ce que vous comptez, dans la mesure où les résultats que vous auriez obtenus sont positifs, revenir à la charge auprès du comité sénatorial, eu égard à ces faits?
Mme Chabot (Louise): Je vais faire un bout, puis Hélène pourra compléter aussi, ayant participé activement à la Coalition. Bien, notre objectif de toutes nos représentations, puis ça s'est fait à tous les niveaux quand on parle du fédéral, c'était pour faire retirer le projet de loi en cause. On n'a jamais été dans une approche d'amendement à cette loi-là ou... Parce que, pour nous, le statu quo actuel de la loi C-7, malgré certaines difficultés ? on en a parlé tout à l'heure ? des fois même dans les programmes de réadaptation qu'on ne peut pas pleinement mettre en vigueur, en application de cette loi-là, mais ça ne venait pas justifier qu'on demandait des amendements. Ça fait que toutes nos représentations ont été dans le but que le fédéral retire ce projet de loi là. Ça a été en vain, comme plusieurs autres, ce qu'on doit convenir, parce que ce qui est ressorti ne nous convient pas. Donc, on maintient la demande. Et, s'il y a lieu d'aller voir le Sénat et, si on a une place pour y aller, je pense bien qu'on ne minimisera aucun effort, mais on doit constater que l'entonnoir se rétrécit beaucoup au niveau des représentations. Hélène, si tu veux...
Mme Le Brun (Hélène): Tout simplement dire un mot sur l'ampleur que cette campagne-là avait prise. Effectivement, nous avons sollicité l'ensemble des syndicats membres de la CSQ. Donc, nous avons couvert, à notre avis, la majorité des territoires québécois, quelle que soit l'allégeance politique. Parce que c'est pas seulement les syndicats de centres jeunesse, mais également les syndicats de l'enseignement qui ont participé à cette campagne-là. En termes de résultats, nous avons reçu des avis de réception de la part des députés bloquistes qui, sans vouloir faire de partisanerie politique, bon, luttaient un peu dans le même sens. Mais nous n'avons pas reçu d'accusé de réception des autres voies d'allégeance politique. Bien sûr, effectivement, nos gens étaient prêts à aller de nouveau devant le Sénat, tel que Mme Chabot l'a dit.
Mme Lamquin-Éthier: Merci beaucoup.
Mme Chabot (Louise): Nous avons dit que la Fédération des enseignantes canadiennes a aussi émis un mémoire, à laquelle nous sommes affiliées au fédéral à ce sujet-là.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Vous me permettrez une question à titre de parlementaire. C'est assez rare que le président de la commission des institutions intervient, préférant garder sa neutralité le plus possible. Alors, c'est toujours un peu délicat, mais quand même. Ce sont des audiences que j'ai suivies avec beaucoup d'intérêt, d'autant plus d'intérêt que je suis un peu profane dans le domaine. J'essayais de me faire une opinion moi-même.
En dehors des raisons qu'on pourrait imputer à, je ne sais pas, des stratégies politiques, par ailleurs légitimes dans le domaine politique, là, comment pouvez-vous expliquer cette détermination, je le qualifierai de cette façon, du gouvernement fédéral à passer cette loi-là ou à l'imposer au Québec, alors qu'il semble y avoir... En tout cas, moi, quand j'y vais avec mon gros bon sens, je trouve que le système dans lequel on est a l'air pas pire, là, tu sais.
En dehors de toute considération politique ou partisane, là, comment, quand vous voyez ça, vous, de l'extérieur, comment interprétez-vous cette situation-là où on semble vouloir nous entraîner dans un système qui manifestement nous apparaîtrait, à tort ou à raison, comme étant pas mal moins bon que celui qu'on a déjà? Y a-tu des arguments rationnels que vous pouvez voir, là, où vous dites: Oui, on peut comprendre au fond un peu leur position pour telle ou telle raison? Je cherche à comprendre.
Mme Chabot (Louise): Bien, moi, je pense qu'il y a une position qui est très liée. J'écoutais la Commission avant nous qui sont très.... Il y a des paradoxes, hein, dans ça. Il y a une idéologie, je pense, très forte par rapport à des crimes graves de répressions qui peuvent pousser des orientations politiques parfois trompeuses qui sont basées sur de fausses perceptions ou sur des mythes. Et, là-dessus, je partage un peu le document de consultation que vous avez fait où les médias sont intervenus beaucoup sur ces questions-là. En tout cas, il y a un genre de pression qui s'exerce à l'endroit d'un durcissement des mesures législatives qui sont très liées, à notre avis, à de la mauvaise information au niveau de ce qui se passe au niveau des jeunes, à de la criminalité.
Et, outre ça, quel est ce renforcement-là qu'on pourrait... sinon que de durcir encore plus ? moi, c'est notre opinion ? par une idéologie de droite, de durcir les positions et de croire que c'est par des moyens comme ça qu'on va réussir finalement, comme société, à ne pas se préoccuper des problèmes. En tout cas, c'est une idéologie qu'on ne partage pas, mais je pense qu'elle est très forte et la population est mal renseignée.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien, Mme la vice-présidente de la Centrale des syndicats du Québec, je voudrais vous remercier de même que les personnes qui vous accompagnent. Vous vouliez ajouter quelque chose, Mme Le Brun?
Mme Le Brun (Hélène): Oui, mais je ne veux pas, là, emprunter trop du temps.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Allez-y.
Mme Le Brun (Hélène): Bon, simplement, effectivement, qu'on est dans un domaine, bon, fort émotif. Nous, ce qu'on a pu observer, c'est qu'il y a comme trois grands courants de fond qui amènent les différentes provinces à s'y engager ou à ne pas s'y engager. Bon, la position du Québec est très claire là-dessus. Ailleurs, il y a effectivement une voie de durcissement pour les criminels très graves, mais qui sont beaucoup plus de l'ordre... C'est comme si le crime adolescent, dans la perception des gens, ça ne se peut pas, c'est des êtres blancs. Donc, s'ils en arrivent, là, c'est qu'ils doivent être terriblement dérangés ou perturbés, alors que c'est pas forcément le cas.
Il y a aussi une ligne de fond qui dit que beaucoup de provinces canadiennes n'ont pas mis en place les programmes de réadaptation et, effectivement, que certaines provinces voudraient passer par cette voie-là pour éviter... Ils se disent que des mesures en cascade obligeront certaines provinces à faire de la réadaptation qu'ils ne font pas. Sauf qu'à notre avis c'est une très, très mauvaise voie de le faire, parce qu'il est vrai qu'il y a beaucoup de variabilité au sein de la société canadienne quant au programme de réadaptation, sauf qu'on le voit, ici, au Québec, faire en sorte que les mesures soient en cascade, ça ne va que produire des effets pervers comme on l'a indiqué dans notre mémoire et ça ne va aussi... Même, à la limite du grand champ, quand on libère des adolescents aux deux tiers, on leur fait faire de la réadaptation aux deux tiers et pas du tout, et ça ne marche pas non plus.
Donc, à notre avis, c'est une mauvaise application de la loi actuelle des jeunes contrevenants, puisque le Québec a très bien prouvé qu'on pouvait faire des bonnes mesures au bon moment, de la réadaptation sans nécessairement être obligé de serrer la vis juste à la fin et sans être obligé de criminaliser non plus de jeunes délinquants fortement plus délinquants. Ha, ha, ha! Alors, voilà!
Moi, à mon avis... À notre avis, effectivement, les provinces canadiennes ne passent pas par la bonne voie. Celles qui disent qu'elles veulent faire ça pour les besoins du jeune ne passent pas par la bonne voie, et tous les scientifiques vous le diront.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, Mme Le Brun. Donc...
Mme Chabot (Louise): On ne pourrait pas conclure...
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): En complément.
Mme Chabot (Louise): ...si vous permettez, sans que M. Boily vous livre un peu un témoignage de comment tant le personnel que les jeunes peuvent vivre en réadaptation.
n(16 h 30)nM. Boily (Pierre): C'est pas bien, bien long. J'ai l'habitude d'être très bref. J'ai travaillé 25 ans dans un centre de réadaptation et je peux vous dire que les jeunes qui sont là ne trouvent pas ça facile. C'est l'opinion publique qui trouve ça facile. Mais, dans un centre de réadaptation, les jeunes, ils trouvent ça dur, les éducateurs sur le dos, de 7 h 30 le matin aller jusqu'à 10 h 30 le soir, qui font des interventions, qui essaient de leur faire faire des changements. C'est pas facile pour un jeune. Ils préfèrent, bien souvent... Moi, j'ai vu des jeunes de 16, 17 ans me dire: Je peux-tu aller finir mon temps ailleurs? C'est comme ça qu'ils disaient, parce que c'est dur. Ils ne font pas du temps dans les centres d'accueil. Ailleurs, ils vont aller faire du temps. C'est rien que ça que je voulais vous dire.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien.
Mme Chabot (Louise): Merci.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, il me reste à vous remercier très sincèrement pour votre contribution à nos travaux. Et nous allons poursuivre, dans quelques instants, avec les remarques des groupes parlementaires, les remarques finales, et nous clôturerons nos travaux.
Remarques finales
À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous allons poursuivre nos travaux. À cette étape des remarques finales, nous débuterons par les remarques finales du groupe parlementaire formant l'opposition officielle, et je cède la parole, donc, à Mme la députée de Bourassa et porte-parole de l'opposition officielle.
Mme Michèle Lamquin-Éthier
Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Alors, mes notes terminales vont être très courtes. D'abord, j'aimerais remercier les groupes qui sont venus aux présentes auditions. Je dois dire que ces groupes-là ont apporté un éclairage et des informations extrêmement pertinents concernant la loi C-7.
Alors, je constate également qu'un consensus semble se dégager à l'effet de maintenir la stratégie d'intervention du Québec auprès des jeunes, et ce, dans le but de leur donner les meilleures chances qui soient au niveau de la réadaptation et au niveau de la réinsertion dans la société. L'opposition officielle considère que le législateur fédéral devra respecter l'expertise qui a été développée au Québec depuis les 15 dernières années en matière d'intervention auprès des jeunes, et ce, au nom du respect du droit du jeune.
Nous avons introduit, après la période de questions, une motion voulant que l'Assemblée nationale du Québec demande au gouvernement du Canada d'aménager, dans le projet de loi C-7, Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, un régime spécial pour le Québec tenant compte pleinement de son modèle d'intervention particulier. Alors, cette motion démontre notre volonté de préserver le juste équilibre qui a été bâti au Québec au fil des ans, un juste équilibre entre le droit de tout adolescent d'être traité selon ses besoins, son degré de dépendance et de maturité et également la protection du public.
Alors, j'espère que cette motion pourra être unanime et qu'elle nous permettra ensemble d'envoyer un message très clair au fédéral à l'effet qu'il doit définitivement respecter la stratégie d'intervention spécifique et particulière au Québec. Merci, M. le Président. Merci également, M. le ministre.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, Mme la députée de Bourassa et porte-parole de l'opposition officielle. Nous passons maintenant aux remarques finales du groupe parlementaire formant le gouvernement. M. le ministre.
M. Paul Bégin
M. Bégin: Merci, M. le Président. Ça va faire bientôt sept ans que j'agis comme parlementaire du côté ministériel. J'ai fait probablement plus de commissions parlementaires qu'à peu près tout autre parlementaire. J'ai fait adopter beaucoup de projets de loi. J'ai donc assisté à toutes sortes de commissions parlementaires, celles où on étudie article par article, celles où on reçoit des groupes sur un aspect général ou encore sur des aspects particuliers de la loi... d'une loi qu'on étudie. Mais je vous avoue que c'est la première fois que j'assiste à une commission parlementaire semblable à celle que nous venons de vivre, une commission où, je dirais, tous les intervenants sont venus dire fondamentalement, au-delà de toutes leurs appartenances personnelles, au-delà de toute allégeance quelconque, en dehors de la question des jeunes, sont venus dire unanimement qu'il y a au Québec une loi qui s'applique actuellement et qui s'applique à travers tout le Canada, une loi fédérale, que cette loi-là, après 15 ans d'utilisation, permet d'atteindre des résultats que, tous et toutes, on partage, c'est-à-dire s'occuper de nos enfants, de nos enfants qui vivent à un moment de leur vie une grave difficulté, une difficulté qui les amène au système de justice, et pas simplement au système de justice, mais je dirais au système de récupération ou de réhabilitation d'aide fondamentalement centré sur la personne qui est devant soi plutôt que devant un système de punition, de sanction adapté non pas à la personne, mais adapté au crime qui aura été commis.
Ce qui m'a frappé, lorsque j'ai lu, l'autre jour, dans une tournée que je faisais en Estrie, où on faisait un simulacre... pas un simulacre, mais un similiprocès en matière de jeunesse, c'était que, au moment de faire la mesure de rechange pour un des intervenants, on disait qu'il fallait que la personne accepte, reconnaisse qu'elle avait commis un crime, qu'elle avait commis un délit important. C'était la première chose qu'il fallait faire. Qu'une fois ça fait, elle pouvait, à l'égard de sa victime, si la victime le voulait, par exemple, s'excuser, s'expliquer tout en admettant qu'elle a commis un crime, mais dire: Je l'ai fait, je le regrette, je ne voudrais pas que tu en portes les conséquences.
Et ça, ça m'a bien frappé de voir à quel point le système pouvait s'adapter à chacun, puisque, tout de suite après, on voyait le coauteur du délit être dans une position tout à fait différente en ce sens qu'il en était à sa troisième intervention personnelle et qu'il avait été déjà mis sous garde, qu'on lui avait donné des chances, mais, comme le disait le juge: Il semble bien que vous ne compreniez pas vite, monsieur. Et, effectivement, le jeune ? évidemment, c'est un rôle ? montrait qu'il ne comprenait pas vite et que, effectivement, il avait besoin à ce moment-là d'une mesure plus serrée, plus ferme qu'autrement.
Par cet exemple, je veux juste dire que nous centrons toute notre action, non pas sur la punition, mais sur la ? je dirais même un mauvais terme en matière de justice ? la guérison. C'est plus approprié pour la santé, mais il y a un peu de ça, c'est quelqu'un qui a été blessé et qui, dans un moment de révolte, de difficulté personnelle, de conflit avec ses parents, de toutes sortes de raisons possibles et inimaginables, à un moment donné, commet quelque chose et il a besoin d'être aidé. Souvent même, c'est un appel au secours.
Pour ceux qui ont déjà vécu des situations semblables, que ce soit pour eux-mêmes ou par leurs enfants... savent à quel point c'est important, l'encadrement qu'on peut leur donner au moment de traverser cette difficulté-là. Je suis de ceux qui ont vécu ça profondément. Et je peux vous dire que, n'eût été de l'aide qui a été donnée, de la compréhension, du support, de la patience et du temps, je serais bien autre chose que je suis aujourd'hui, parce que tous les éléments étaient là pour aller ailleurs. C'était facile. Pourtant, je pense que je n'étais pas un élément difficile. J'étais un élément qui avait besoin d'aide, et, à l'époque, ça a été donné, ça a été fait.
Je l'ai vu aussi pour un de mes enfants qui a eu à un moment donné des difficultés relativement à la drogue et qui s'en allait tout doucement vers la pente glissante d'autre chose. Alors, nous avons été alertés assez tôt; nous avons pu intervenir. Et, banalement, vous allez voir qu'une petite mesure simple a réglé bien des problèmes. On lui a demandé, au sortir de l'école, au secondaire, qu'il soit une demi-heure plus tard au plus chez ma mère, qui était à mi-chemin entre l'endroit où il allait à l'école et chez nous. Et ma mère a fait une chose très simple, parce qu'on lui a demandé comment elle faisait pour l'aider: Eh bien, elle a dit, tu sais, quand il arrive à la maison, je lui fais un bon steak ou je lui offre bien de la nourriture, des choses bien sucrées, qui sont bonnes. Je le laisse se reposer et, à un moment donné...
Une voix: De la tarte aux pommes.
M. Bégin: Oui, de la tarte aux pommes, si vous voulez. Et là je lui dis tout doucement: Penses-tu que tu pourrais faire un petit peu de devoirs ou de leçons? Et, comme ça, sur une année, il a évidemment quitté son groupe, il a quitté ses amis, tout en restant à l'école, et s'est réenligné, et tout a été bien.
Alors, je donne ça à titre personnel pour montrer à quel point c'est fondamental que nous nous souciions comme ça de nos enfants et que nous fassions une action commune. Parce qu'on fait oeuvre essentielle, fondamentale dans notre société. C'est nos enfants, c'est notre avenir qui est en cause. Et, si on en sauve 10 de plus, c'est extraordinaire et on doit le faire.
n(16 h 40)n De là, il faut tirer certaines leçons. Tout le monde ? et le Barreau est peut-être l'exemple le plus typique ? tout le monde a voulu, à un moment ou l'autre, modifier cette loi-là, entraîner des changements de fond, non pas parce qu'ils ont une opinion politique, non pas parce qu'ils veulent avoir raison, mais parce qu'ils croient que, fondamentalement, cette loi-là, telle qu'elle a été élaborée dans le temps, n'apportait pas... n'apporterait pas les résultats escomptés. On a fait témoigner plusieurs personnes qui nous ont dit: Non, malgré les amendements qui ont été apportés, ce n'est pas suffisant, nous ne pouvons pas dire que nous avons maintenant une loi qui va nous permettre d'atteindre les résultats escomptés.
Je tiens à le dire, ce n'est pas partisan que de dire ça, ce n'est pas vouloir nuire ou planter qui que ce soit, c'est juste dire: Nous sommes à la veille de voir une loi adoptée qui va en quelque sorte défaire ce qui a pris tant de temps à faire, à bâtir ensemble. Et on aura des enfants qui ne bénéficieront pas des avantages que la loi doit leur procurer.
Que faire devant ça? Le débat est en cours depuis de nombreuses années. Nous avons fait, tout le monde, des représentations: l'opposition a écrit, a demandé des amendements; le gouvernement, on a adopté une résolution à l'Assemblée en 1999; mes prédécesseurs, Mme Linda Goupil a écrit deux fois à Mme la ministre fédérale Mme McLellan; le premier ministre lui-même a écrit et demandé qu'on fasse des modifications, pas des modifications partisanes, des modifications jugées fondamentales pour l'avenir de nos jeunes.
Malheureusement, force est de constater ? et là c'est pas une opinion personnelle que j'exprime, c'est celle que j'ai entendue de tous les intervenants ? quoi qu'on dise, la loi qu'on s'apprête à adopter ne sera pas la loi qu'il nous faut. Qu'est-ce que l'on fait devant ça? Nous faisons comme le Barreau en disant: Nous allons nous battre jusqu'à la dernière minute; nous allons proposer des amendements; nous espérons les avoir; puis, à la fin, c'est le législateur qui décide et on verra à ce moment-là; donc, fatalement, si les amendements apportés ne sont pas là, on aura une loi incomplète ou bien on se dit: Il y a techniquement une possibilité de changer les choses; il y a des moyens légaux connus, reconnus, qui ne mènent pas au chaos, qui ne mènent pas à l'invraisemblance sur le plan juridique; on peut modifier la loi de sorte que celle que nous avons soit appliquée, continue d'être appliquée au Québec?
Ça demande des ajustements techniques, certainement. Nous engageons des avocats et nous les payons dans nos ministères et, s'il le faut, en dehors de nos ministères, pour trouver des solutions au problème. Si on a été capable d'écrire la loi, on est capable d'écrire des modifications à la loi. Et, moi, si on me dit, par exemple: La loi actuelle ne permet pas... elle abroge la Loi sur les délinquants, alors, on a juste à dire: La présente loi n'est pas abrogée ou elle continue à s'appliquer pour ceux qui optent pour le faire, le choix.
Vous savez, ce que je viens de dire là, le choix, il existe dans plusieurs lois fédérales qui disent, par exemple, qu'une province peut ne pas adopter de législation là-dessus. Ou même il y a des cas où la législation provinciale, parce qu'il y a quand même des secteurs où il peut y avoir compétence conjointe, on dit: Si la loi provinciale s'exprime, la loi fédérale cesse de s'exprimer. Il y a toutes sortes de manières techniquement pour faire arriver et rendre ça possible.
Alors, certainement qu'il faudra faire des modifications, bien sûr qu'il y aura des harmonisations à faire, mais ce n'est qu'accessoire et banal. Mais le fond, la trame de fond... Je vois madame qui fait des gestes en voulant dire que c'est difficile. Vous savez, un avocat, c'est payé pour faire des choses compliquées, pour les rendre simples et compréhensibles par tout le monde. Ça a été mon métier pendant 25 ans. Alors je peux en parler en connaissance de cause, mais c'est pas parce que le défi est grand...
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Ha, ha, ha!
M. Bégin: Ah, je suis obligé de constater que vous avez raison, M. le Président, vous le savez très bien, puisque vous avez été vous-même ministre du Revenu. Donc, c'est très complexe, mais ça se fait, ça se fait par du monde. Et je trouve que la complexité ne pourrait pas être un prétexte ou une excuse, ou une raison pour justifier que nous ne fassions rien. Je pense que nous devons nous exprimer conjointement, unanimement. C'est ce qui nous a été demandé par plusieurs intervenants, et je pense qu'ils ont raison, puis je pense que nous pouvons le faire. Parce que, dans le fond, là, j'ai lu votre motion...
Mme Lamquin-Éthier: Vous allez en discuter entre vous?
M. Bégin: Oui, oui, on va s'en parler, bien sûr, mais, même si le mot à mot n'est pas, comment dirais-je, satisfaisant, même si... il reste qu'il y a une reconnaissance là-dedans que ce que l'on veut, c'est que la loi actuelle continue à s'appliquer, pas le texte technique, là, mais l'esprit, la chose. Alors, probablement que le texte n'est pas acceptable dans sa forme actuelle. Il faudrait qu'il soit amendé. Mais, moi, je pense qu'on doit se dire puis qu'on devrait être capable de se dire en sortant d'ici: Nous nous entendons pour demander au gouvernement fédéral que l'esprit, la lettre de la Loi sur les jeunes contrevenants, puisse continuer à s'appliquer au Québec. Et vous remarquerez là-dedans qu'il n'est même pas question d'argent. Il n'est même pas question ? pourtant, il y a des coûts importants qui découlent de tout ça ? il n'est même pas question d'argent. Ce n'est pas ça, l'enjeu, c'est pas une question d'argent; c'est une question de philosophie d'options de...
Mme Lamquin-Éthier: ...
M. Bégin: Pardon?
Mme Lamquin-Éthier: Valeurs.
M. Bégin: C'est des valeurs fondamentales, c'est celles qui font le fond d'une société. Une société qui n'est pas capable de s'occuper de ses jeunes correctement, bien, c'est une société qui a beaucoup de difficultés. Une société qui a pour principe d'emprisonner ses enfants, même qui ont commis des crimes, oui, même s'ils ont commis des crimes, bien, je trouve qu'il y a un problème. Parce que, quand il y a, dans notre société, un crime, on est capable de faire le pardon.
Il y a une loi fédérale sur le pardon. Ça existe, le pardon. On libère des gens après 15 ans, qui ont commis des crimes évidents, même des fois terribles. Mais, après 15 ans de réhabilitation, ces personnes, dans notre société, peuvent se réinsérer. Bien, si on est capable d'avoir du pardon, on devrait être capable de le donner à un jeune qui a 17, 18 ans ou 15 ans, qui a commis une erreur, qui n'est pas nécessairement dans le même état d'esprit qu'un adulte pour prendre ses décisions. On devrait lui donner toutes les chances possibles et imaginables pour s'en tirer. Alors, je tends la main vraiment parce qu'il ne faudrait pas que, parce que nous ne nous entendons pas, le pire arrive plutôt que le meilleur.
Et c'est... Quand je disais, au début: C'est la première fois que je vois ça, tous les intervenants de tous les horizons, procureurs de la défense, procureurs de la demande ? il faut le faire, hein! ? l'Association des avocats du jeune Barreau, même affaire, pas de partisanerie là-dedans, tout le monde veut la même chose, ils doivent bien avoir une bonne raison. Et, nous, comme parlementaires, il me semble que d'habitude on se chicane un peu pour savoir qui a raison et qui a tort, avec nos valeurs justement. Mais là on a les mêmes, je les sens, on a posé les mêmes questions, on voulait faire sortir les mêmes choses. Bien sûr qu'il y avait l'aspect technique, bon, l'amendement, suffisant, pas suffisant, mais, dans le fond, on est d'accord.
Alors, pourrions-nous trouver une formulation qui sauverait cette loi-là, qui nous éviterait ? nous éviterait à tout le monde ? de devoir travailler pendant 10 ans, pendant 15 ans, à la refaire à notre main avec des batailles épiques jusqu'à la Cour suprême du Canada pour enfin gagner que le paragraphe a puis le paragraphe b se concilient plutôt que d'être irréconciliables, et ça, qu'entre-temps les jeunes subissent les effets néfastes de nos divisions?
Alors, je vous demande que nous nous entendions pour formuler unanimement à l'Assemblée une demande allant dans le sens de conserver l'esprit et la lettre de cette loi-là pour gagner pour nos enfants. C'est rare, mais les deux groupes parlementaires seraient gagnants, mais tous les intervenants et surtout les enfants du Québec seraient gagnants. Merci.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. le ministre.
Mme Lamquin-Éthier: ...
M. Bégin: On sait qu'on l'a, mais on ne sait pas qu'est-ce qui peut leur arriver, à quel moment.
Mme Lamquin-Éthier: Tout à fait. Il faut avoir des enfants pour le savoir.
M. Bégin: Et qu'on aura peut-être besoin, nous autres aussi, de ça.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, sur cette note, nous allons mettre fin à notre...
Une voix: ...
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Vous voulez prendre la parole, Mme la ministre?
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: Elle n'en parle pas, d'habitude.
Mme Maltais: Non, ce n'est pas mon genre. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme Maltais: Merci. S'il me reste un peu de temps, M. le Président.
M. Bégin: Excusez-moi...
Mme Maltais: Non, ça va.
M. Bégin: Je pensais que tu avais autant de temps que moi.
Mme Agnès Maltais
Mme Maltais: Je suis... J'apprécie énormément le plaidoyer que tu as fait, cher collègue, sur cette idée de nous unir autour des enfants. Et j'apprécie aussi la façon dont vous répondez à cela. Je n'en ai pas, malheureusement, mais croyez bien que ça n'empêche pas la sensibilité au fait. Je pense que c'est tous les Québécois et toutes les Québécoises actuellement qui sont interpellés. Évidemment, on parle d'aménagement parce que, effectivement, faut retrouver... Ce que les gens nous ont demandé, c'est de retrouver cette loi qui existe et de ne pas retourner en arrière, de ne pas rebâtir, alors il y aura des discussions sur ça.
Mon collègue a fait un appel à tous les parlementaires membres de l'Assemblée nationale. Moi, hier soir, j'ai travaillé tard à faire un appel aux autres personnes qui sont interpellées, c'est-à-dire que notre demande va être transférée aux gens qui sont assis à la Chambre des communes ainsi qu'au Sénat ensuite. Alors, j'ai écrit, hier soir, une lettre à tous les parlementaires du Québec à la Chambre des communes et au Sénat. Je la leur ai envoyée, je l'ai rendu publique. Je peux en citer quelques extraits, mais je pense que je pourrais vous dire quel... Elle est... Je l'ai, je peux la déposer. Elle répète un peu les... Elle est très, très respectueuse. Elle répète, dans l'ensemble, les arguments qui nous ont été présentés par les intervenants, où je leur dis: qu'ils auront la responsabilité de décider de l'approche et du mode d'intervention qui aura cours auprès de la jeunesse en difficulté au Québec; que, depuis nombre d'années, le Québec s'est adapté sans bouleversements à la Loi sur les jeunes contrevenants; et que, si on y ajoute les dispositions de la Loi sur la protection de la jeunesse, le Québec a su mettre en place un système équilibré, centré sur le parcours du jeune et sur la conscience de ses responsabilités et de ses difficultés, tout en assurant la protection de la population ? cette grande réussite qu'est cette loi donc; et que cet approche place les besoins spécifiques du jeune au coeur du processus décisionnel, qu'il soit judiciaire et de réadaptation; que ce modèle original et efficace fait unanimité au Québec et fait figure d'exemple sur le plan international, j'en suis souvent témoin.
n(16 h 50)n Et je continue ainsi, vous y verrez que c'est extrêmement... C'est simplement les grands principes; il n'y a pas de jugement quant à la décision au Canada d'adopter la loi C-7. Ce n'est que, si vous voulez, une position du Québec. Alors, je l'ai fait parvenir, parce que c'est eux qui vont être debout. Et j'explique pourquoi la réforme fédérale... comment elle banalise la criminalité juvénile, comment elle privilégie de juger les jeunes selon la nature et les caractéristiques des délits plutôt que selon leur parcours ? là, je vais rapidement ? et qu'elle impose des contraintes dans le choix des mesures applicables, ce qu'on nous a dit.
Alors, évidemment, ce que je demande, c'est que... à la fin, c'est ce que nous avons. C'est que Mme la ministre de la Justice McLellan du Canada nous dit que la réforme est assez souple pour permettre des aménagements. Je crois que, à ce qu'on a entendu, ce que je lui dis... «Les aménagements ? et je reprends le terme qui a été utilisé ici ? ne sont que cosmétiques, puisque la réforme adopte pour des jeunes une approche correctionnelle adulte où le délit primera sur le parcours et la réhabilitation.» C'est ça, le fondement, et ce fondement-là ne peut pas être changé au Sénat, hein, parce que la loi ira devant le Sénat. Mais, au Sénat, on sait que ce ne sont que des aménagements à la marge que l'on fait, ce n'est plus sur le fond, c'est là qu'est le problème.
Notre interpellation intervient à un moment où on est presque à l'adoption article... L'adoption est presque terminée. Ça va aller devant le Sénat. Donc, je dirai le dernier paragraphe tout simplement: «Je souhaite vivement que l'ultime message des parlementaires du Québec à la Chambre des communes permette de sauvegarder l'avenir de nos jeunes tout en contribuant à donner une seconde chance à ceux et celles qui, à leur adolescence, ont trébuché et ont espéré notre aide.
Vous voyez que c'est un ton de respect. J'espère que cet appel sera entendu. Ce n'est pas une question de stratégie, nous l'avons dit. Aussi, dans la loi, sur le fond de la loi, ce n'est pas une question de stratégie, c'est une question de vision fondamentale. C'est vraiment une façon dont nous avons pensé notre système au Québec. Alors, voilà, vous avez eu copie de la lettre. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, Mme la ministre. Alors, s'il n'y a pas d'autres interventions, ceci complète nos travaux de consultation et nos auditions publiques. Et, la commission ayant complété son mandat, j'ajourne celle-ci sine die.
(Fin de la séance à 16 h 53)