L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des institutions

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des institutions

Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le jeudi 15 février 2001 - Vol. 36 N° 111

Consultation générale sur le projet de loi n° 173 - Loi sur la sécurité civile


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-deux minutes)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des institutions reprend ses travaux dans le cadre des auditions publiques et de la consultation générale sur le projet de loi n° 173, Loi sur la sécurité civile.

Tout d'abord, M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gautrin (Verdun) est remplacé par Mme Houda-Pepin (La Pinière); Mme Lamquin-Éthier (Bourassa) par M. Poulin (Beauce-Nord); M. Pelletier (Chapleau) par M. Sirros (Laurier-Dorion).

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. À l'ordre du jour, en ce jeudi 15 février, tout d'abord nous rencontrons les représentants de Noranda inc.; suivront des étudiants au programme de Baccalauréat en administration des affaires, Université de Sherbrooke; ensuite, l'Association des chefs de services d'incendie du Québec; à 11 h 45, M. Patrick Bonin, étudiant au programme de Baccalauréat en administration des affaires, Université de Sherbrooke. Et nous suspendons en principe vers 12 h 15 pour reprendre à 14 heures avec le Centre patronal de l'environnement du Québec; ensuite, les représentants du Bureau d'assurance du Canada; à 15 h 30, Mme Hélène Denis, professeure titulaire au Département de mathématiques et génie industriel de l'École polytechnique de Montréal; ensuite, les représentants de la Communauté urbaine de Montréal; et enfin, ceux du Comité consultatif sur les météorites et les impacts de l'Agence spatiale canadienne. Est-ce que cet ordre du jour est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté.

M. Dupuis: Oui, adopté, M. le Président. Avec votre permission, j'aurais une remarque ou une information à vous transmettre avant qu'on entreprenne les travaux.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Allez-y, M. le député.

M. Dupuis: Je vais devoir m'absenter à 11 heures ce matin et Mme Houda-Pepin me remplacera. C'est à regret que je le ferai mais c'est temporaire, je reviendrai à 14 heures. Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Ça nous fera plaisir de vous revoir à nouveau donc à 14 heures.

Auditions

Bienvenue aux représentants de Noranda inc., dont la directrice aux affaires publiques et corporatives pour le Québec, Mme Gagnon. Nous avons réservé 45 minutes: une quinzaine de minutes pour la présentation. Alors, vous avez la parole, en vous invitant à nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

Noranda inc.

Mme Gagnon (Hélène V.): Merci beaucoup, M. le Président. M. le ministre, Mme, MM. les députés, il me fait plaisir d'être ici aujourd'hui. Je voudrais vous remercier de nous donner l'opportunité de présenter notre mémoire à la commission. Je vous présente les gens qui m'accompagnent: à ma gauche, M. Mario Paquin, qui est surintendant des ressources humaines et de la sécurité à la fonderie Horne de Noranda, et, à ma droite, M. Jean-François Gagnon ? aucun lien de parenté, ha, ha, ha! ? qui est chef du personnel et de la santé et sécurité à l'usine Métallurgie Magnola. C'est Noranda également.

Alors, comme vous le savez, Noranda est une des principales sociétés minières et métallurgiques au monde. Noranda produit du zinc, du nickel, du cuivre, de l'aluminium, du magnésium, du plomb, de l'or, de l'argent, du cobalt, de l'acide sulfurique, et nous recyclons aussi plusieurs métaux en plus naturellement d'avoir plusieurs mines en opération présentement au Québec. On a au Québec près de 4 000 employés.

La raison pour laquelle on a décidé de vous déposer un mémoire, c'est que plusieurs de nos usines, et particulièrement la fonderie Horne et Métallurgie Magnola, ont, je pense, été des pionnières en matière de sécurité civile en allant de l'avant de façon volontaire avec une démarche d'analyse de risques, d'harmonisation de plans d'urgence avec différents intervenants et aussi de communications à la population. Donc, on trouvait que c'était intéressant, pour vous, en préparant ce projet de loi là, de rencontrer des gens qui ont passé au travers de cette expérience-là de façon concrète pour que vous puissiez peut-être élucider certains des points du mémoire avec nous.

Donc, tout de suite, je vais passer la parole à mes deux collègues qui vont vous parler de façon concrète de leur expérience. Ensuite, je vais faire un survol de nos principaux arguments puis on répondra par la suite à vos questions.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien.

M. Paquin (Mario): Alors, bonjour. En 1996, la fonderie Horne de Noranda a décidé d'intensifier son processus d'implantation du programme volontaire qui s'appelle la Gestion responsable. Alors, pour ce faire, pour nous guider, on a, en 1996, fondé un comité consultatif de citoyens qui représente différentes strates de la population alentour de l'usine. Et, immédiatement par la suite, nous avons rencontré la ville pour initier un comité conjoint de planification de mesures d'urgence. Alors, malgré les réticences initiales au niveau de la ville, rapidement ils sont devenus des partenaires stratégiques avec nous et on s'est adjoints la Régie régionale santé et services sociaux, particulièrement la santé, le département de santé environnementale, et aussi la sécurité civile.

Alors, tous ces partenaires-là, ce qu'on a fait aussi, on s'est assurés que nous avions les mêmes valeurs. Et il y a deux valeurs qui ressortaient, qui étaient primordiales pour nous, la première étant la transparence. On devait mettre tout sur table. Et, la deuxième, c'était la conviction que la population a le droit de connaître les risques et les plans d'urgence reliés à ces risques-là et d'être prête à y faire face.

Donc, c'est toujours animé de cette conviction-là qu'on a commencé le processus normal, c'est-à-dire l'analyse de risques, la modélisation. Dans notre cas c'étaient des gaz, donc c'était la modélisation de la dispersion des gaz. Et aussi ? et c'est peut-être une particularité de notre démarche ? grâce à cette conviction-là au niveau de la santé environnementale, on a fait une analyse quantitative de l'impact sur la santé des gens. Et ça finalement, c'était basé sur le scénario alternatif, mais c'était vraiment une analyse quantitative, qui, selon nous, est très rare présentement dans l'industrie. Toujours munis de cette conviction-là, on a continué à travailler au niveau des moyens de prévention et d'atténuation pour finalement aboutir à la communication des risques et des plans d'urgence.

Alors, ce qu'il est important de se rappeler dans tout le processus ? et c'est peut-être pour aider les entreprises du futur à participer ? c'est que Noranda n'était pas toute seule au front. Elle n'était pas seule, elle était accompagnée, on a été accompagnés par des partenaires stratégiques. Même pendant les présentations, c'était le comité qui présentait les résultats de son travail et non pas Noranda toute seule devant la population. Alors, on devait rester unifiés tout au long de la démarche afin de démontrer une crédibilité accrue.

Par contre, on remarque que c'est très difficile pour les organismes de suivre, dans le sens que c'est très prenant en termes de temps et d'énergie. On n'a pas tous le même rythme de travail et on n'a pas tous les mêmes ressources financières et humaines. Le présent projet de loi prévoit que toutes les industries devront être assujetties à cette loi-là. Il faut comprendre que, pour Noranda, ça allait relativement bien parce qu'on était, on est toujours une grosse entreprise qui a les moyens de soutenir la démarche, mais, pour certaines petites entreprises, il va falloir faire attention à ce niveau-là.

n (9 h 40) n

Donc, après 26 sessions d'information, nos grandes conclusions sont évidemment le constat que la population est beaucoup mieux informée, et ça, c'était le but initial de toute la démarche. On a tissé des liens durables avec nos différents partenaires parce qu'on a fait de la concertation tout le long. Il n'y a pas quelqu'un qui venait imposer des choses à l'autre, on a travaillé en concertation tout au long de la démarche, et ça, c'était basé sur une confiance réciproque. Et finalement, à titre d'entreprise, ce qu'on s'est aperçu, c'est que notre image corporative ne s'est pas détériorée, mais, bien au contraire, elle s'est améliorée parce que les gens se sont aperçus qu'on prenait en charge les risques, qu'on communiquait et qu'on avait harmonisé les plans d'urgence.

Alors, en grande conclusion, ce que l'on retire de notre expérience, c'est qu'encore plus important que tout l'aspect technique de modélisation d'un scénario minute par minute ou encore de modèles de dispersion, ce qui est plus important encore, c'est de travailler en concertation et d'avoir tous les mêmes valeurs de transparence, et que la population a le droit de connaître les risques, les plans d'urgence et comment se préparer face à ces risques-là.

Finalement, peut-être un petit avertissement. On doit s'assurer que les ressources vont être en place pour supporter le projet de loi n° 173. Parce que, ce qu'il faut comprendre à la suite de nos expériences, c'est que c'est un processus qui est long, et, même basé sur les recommandations de délais du présent mémoire, sur lesquelles Hélène va revenir tantôt, basé sur notre expérience, les ressources gouvernementales s'essoufflent très rapidement. C'est très exigeant en termes de temps et d'énergie. Merci.

M. Gagnon (Jean-François): Bonjour à tous. Moi, je vais vous parler de l'expérience de Métallurgie Magnola. Mario vous a parlé de l'expérience de la Horne, c'est notre première usine; nous, Magnola, on est le petit bébé de la famille Noranda, donc la dernière usine. Donc, on s'est installé dans un contexte de nouvelle industrie dans une région, une belle région qui est l'Estrie, avec des standards très élevés, avec des standards élevés au niveau de l'environnement, avec des standards élevés aussi en matière de sécurité chez nos employés et chez la population.

Donc, dans ce contexte-là, nous avons pris des engagements, dès le départ, en 1997, à travers des audiences publiques du BAPE, aussi à travers notre engagement à un programme important, qui est le programme de Gestion responsable de l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques. À partir de ces engagements-là, nous avons mis en place aussi, un peu comme on l'a fait à la Horne, un comité conjoint de planification des mesures d'urgence, l'équivalent d'un CMMI. À partir de ce comité-là ? on était 23 intervenants, donc à peu près la même dimension que la salle ici ? les 23 intervenants, qui venaient du monde municipal, qui venaient du monde gouvernemental, des industries, des citoyens, des pompiers, des policiers, des ambulanciers, tous ensemble, nous avions un objectif commun de communiquer les risques et de communiquer nos plans des mesures d'urgence.

Donc, les trois objectifs du comité ? qui en même temps est devenu trois sous-comités ? ont été, le premier, l'analyse de risques à travers une démarche structurée, qui a pris du temps. Donc, aussi un commentaire par rapport au nouveau projet de loi: Ça prend du temps pour faire des analyses de risques sérieuses avec des experts, des experts indépendants, parce qu'on ne veut pas non plus être contesté par la suite avec une méthode aussi reconnue internationalement. Donc, premier comité: analyse de risques.

Deuxième comité, ça a été l'arrimage des plans d'urgence, donc de mettre les intervenants ensemble suite à la connaissance de ces risques-là, puis, à partir de là, qu'est-ce qu'on fait? Donc, il y a eu beaucoup d'échanges, beaucoup de discussions ? il y en a encore actuellement ? pour que chacun de nos plans d'urgence soit bien adapté, revu et corrigé en fonction de la présence de nouveaux risques.

Pour certaines municipalités, on parlait d'un plan d'urgence qui datait des années soixante. Donc, imaginez un peu le travail; ça a demandé énormément de support, de suivi et d'implication de Noranda. Ça a amené aussi plusieurs achats d'équipements pour faire face à cette situation-là, si jamais ça pouvait se produire là, et, comme Mario l'a mentionné, ça a amené aussi une collaboration au-delà des situations d'urgence, à tout instant.

Le troisième sous-comité, ça a été la communication du risque et des plans des mesures d'urgence. C'est peut-être, dans la démarche, ce qu'on appréhendait le plus, d'aller devant les citoyens leur expliquer que cette belle usine là comporte des risques pour eux, même si ces risques-là sont très probables d'arriver. Donc, il y avait des enjeux importants pour Noranda, il y avait des enjeux aussi importants pour les municipalités et les organismes gouvernementaux, et on l'a fait ensemble aussi, sur le même modèle que la fonderie Horne. Donc, avec ces intervenants-là, on a fait des séances d'information publiques, d'information aux citoyens; on en a tenu six. On a eu des séances d'information ciblées dans les garderies, dans les écoles, aux députés, aux corps de police, pompiers des différentes municipalités, etc.

Nous sommes très satisfaits de cette démarche de communication là, nous avons même produit un document qui a été remis à tous les citoyens. Parce que les objectifs de la communication étaient les suivants: de communiquer le risque, de communiquer les conséquences pour la santé et l'environnement ? ce qui a été fait par les représentants gouvernementaux ? de communiquer l'état de préparation de la municipalité à faire face à une situation d'urgence et dire aux citoyens quoi faire si jamais ça arrivait. Parce que, ultimement, ce qui était recherché dans la démarche, c'était ça: Si jamais ça arrive, c'est une démarche de prévention, il faut que les citoyens soient prêts à faire face à la situation. Et, en terminant, dans ces séances d'information, il y a eu un mot du directeur de la sécurité civile régionale, qui s'est grandement impliqué tout au long de la démarche.

Donc, en conclusion, nous croyons aussi sincèrement qu'il est possible, lorsqu'il y a une démarche structurée, d'atteindre ces objectifs-là. D'ailleurs, nous avons réussi, on est très fiers. Ça prend beaucoup de collaboration, ça prend de la transparence du côté de l'industrie, ça prend de l'implication, des ressources et des moyens. Je ne répéterai pas ce que Mario a dit, mais c'est la même philosophie. Ça fait que je vous remercie énormément.

Mme Gagnon (Hélène V.): Merci. Donc, vous voyez que Noranda partage définitivement l'objectif de mieux structurer la sécurité civile au Québec. On s'est permis de vous faire quelques suggestions constructives dans notre mémoire pour améliorer le projet de loi en fonction de notre expérience dans différentes usines. Donc, je vais reprendre peut-être quatre de nos arguments principaux, puis on pourra peut-être revenir sur d'autres dans le cadre des questions.

Une des choses qu'on aimerait vraiment voir améliorer, c'est cette terminologie de «générateur de risques». On n'aime pas vraiment le fait que le milieu industriel soit pointé comme un générateur de risques. Le milieu industriel est un générateur d'activité économique, est un générateur de solution, est un partenaire dans la sécurité civile, et on aimerait beaucoup que cette terminologie-là soit modifiée, parce que, une fois que ça va être dans le projet de loi, ça va rester, et on sait qu'il y a des risques qui émanent d'équipements municipaux, d'équipements gouvernementaux et tout ça. On aimerait bien que cette terminologie soit améliorée. Donc, on porte ça à votre attention.

Un des points aussi, vous avez vu, qui revient constamment dans notre mémoire, c'est la question des délais. Dans le projet de loi, vous prévoyez que, dans les trois mois de l'adoption du projet de loi, les entreprises et tout ça devront déposer une déclaration de risques. La déclaration de risques doit prévoir les mesures d'urgence mises en place et tout ça. Nous, on pense que cet exercice-là doit être bien fait, et c'est pour ça qu'on a pris la peine dans le mémoire de vous détailler, avec des cas concrets, combien de temps ça a pris dans une situation, faire une analyse de risques et faire aussi l'harmonisation des mesures d'urgence avec les différents partenaires. Et c'est long, et on pense que trois mois, ce n'est pas réaliste. Vous prévoyez un délai d'exception de 12 mois, mais il faut à ce moment-là faire une demande, démontrer qu'on devrait avoir droit au délai d'exception et tout ça.

Nous, on pense, en fonction de notre expérience, que ce serait beaucoup plus réaliste de prévoir 12 mois comme véritable délai plutôt que 18 mois comme délai d'exception, et ça, vraiment, ce n'est pas un chiffre qui est lancé dans les airs. Vous avez vu, parfois, même la question de l'arrimage des plans d'urgence a pris au-delà d'un an et tout ça. Donc, je pense que ça serait bien de revoir ce délai de trois mois, qui est vraiment court, bien qu'on comprenne. On imagine bien que votre objectif, c'est de lancer le processus rapidement et donc de faire en sorte que ça bouge. Mais, d'un autre côté, je pense qu'il faut voir que, si on donne seulement trois mois aux entreprises pour faire une déclaration de risques, le processus ne sera pas aussi détaillé qu'il pourrait l'être, et donc on saute des étapes, ce qui fait qu'à long terme on va repayer. Oui, tout à fait.

Un autre argument que vous avez vu dans notre mémoire, c'est la question de la protection des renseignements confidentiels. Il y a beaucoup d'informations qui doivent être divulguées aux différentes autorités municipales et gouvernementales. C'est très important d'être transparent, que ce soit au niveau de l'analyse des risques, des mesures d'urgence et tout ça, et je pense qu'on partage cet objectif-là. On veut juste s'assurer qu'il n'y ait pas de renseignements confidentiels, que ça soit au niveau des procédés ou des produits utilisés et tout ça ? qui sont des combinaisons parfois qui sont des secrets industriels ? qu'il n'y ait pas d'informations de ce type-là qui puissent être divulguées à la population sans le consentement des industries, donc juste prévoir un arrimage avec la Loi sur l'accès à l'information, être sûr que la protection des renseignements confidentiels soit bien visée par les exceptions dans cette loi-là. Il n'y a pas de référence, et puis je pense que ça aurait été bien, peut-être, de référer aux articles d'exception dans la Loi sur l'accès à l'information, comme beaucoup d'informations confidentielles doivent être véhiculées dans le cadre du processus. Donc, sans reprendre l'ensemble des autres arguments, j'imagine que vous aurez des questions là-dessus.

Je voudrais peut-être vous mentionner en terminant qu'on trouve important que, dans votre projet de loi, vous reconnaissiez le travail de pionniers que certaines entreprises ont fait de façon volontaire. Avec votre loi, vous allez donc demander qu'à partir de maintenant des entreprises procèdent à une démarche comme celle-là. Mais, quand des entreprises comme les nôtres, comme la fonderie Horne, comme Métallurgie Magnola, ont déjà entamé le processus de façon volontaire, de toute façon, cette démarche de sécurité civile est un processus continu, les rencontres se poursuivent avec la population, l'analyse de risques est mise à jour en fonction des changements de procédés, des choses comme ça, on n'aimerait pas avoir à reprendre le processus à zéro, bien qu'il faudra sans doute déposer une déclaration de risques et tout ça. Ça, je pense que ça va être rapide, cette fois, cette fois-ci dans notre cas, de pouvoir procéder, mais on aimerait peut-être que vous prévoyiez quelque chose au niveau d'une clause grand-père ou quoi que ce soit pour ne pas nous obliger à reprendre le processus, parce qu'on pense que ça pourrait créer de la confusion, alors qu'on a déjà rencontré les citoyens et tout ça.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, madame, merci, messieurs, pour cette présentation. M. le ministre.

M. Ménard: Bon. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre mémoire qui fait état d'une grande expérience, vous aviez raison de le signaler dès le début. En tout cas, le but que vous aviez de venir nous communiquer des expériences positives qui ont été faites est louable et nous allons certainement en tenir compte, mais je voudrais avoir... Vous avez donné deux expériences de préparation, d'évaluation des risques. Est-ce que c'est un secret d'entreprise que de dire combien ça a pu coûter?

M. Paquin (Mario): Chez nous, à part le temps à l'interne, là, en termes d'équipement acheté suite à l'analyse de risques et tout ça, on l'évalue entre 250 000 $ et 300 000 $.

M. Ménard: O.K. C'est à peu près... Oui, mais en temps puis en ressources mis pour faire l'évaluation de risques, ces choses-là?

M. Paquin (Mario): On peut dire à peu près une ressource plus que la moitié du temps pendant trois ans, donc on peut parler d'à peu près un autre 200 000 $.

M. Ménard: Donc, environ 500 000 $...

n (9 h 50) n

M. Paquin (Mario): Oui.

M. Ménard: ...pour faire l'analyse de risques. Est-ce que c'est la même chose à Magnola?

M. Paquin (Mario): Bien, excusez, juste pour clarifier, ce n'est pas pour faire seulement l'analyse de risques, c'est pour l'analyse de risques et pour implanter les équipements, là, acheter les équipements et tout ça. On parle du processus complet jusqu'à la communication des risques, pas seulement l'analyse de risques.

M. Ménard: O.K. Est-ce que, chez Magnola, c'est à peu près de la même dimension?

M. Gagnon (Jean-François); Chez Magnola, c'est peut-être un petit peu moins mais c'est quand même des centaines de milliers de dollars. C'est sûr, quand on veut faire les choses correctement et atteindre des objectifs élevés, il faut investir. Pour nous, ça a généré, par exemple, l'achat d'une sirène pour avertir la population en cas de fuite de gaz, qui a coûté, exemple, 76 000 $; cette brochure-là nous a coûté 20 000 $. Donc, c'est des sommes qui ont été engendrées pour atteindre ces objectifs-là.

M. Ménard: C'est 400 000 $ environ?

M. Gagnon (Jean-François): Oui.

M. Ménard: Bon. Maintenant, est-ce que je peux demander: C'est un investissement de quel ordre, à la fonderie Horne?

M. Paquin (Mario): Je ne comprends pas bien la question. Est-ce que vous pouvez être...

M. Ménard: L'investissement à la fonderie Horne...

M. Paquin (Mario): Oui.

M. Ménard: ...pour laquelle vous avez fait cette analyse de risques, l'investissement total est à peu près de combien?

Une voix: Le projet.

M. Ménard: Le projet.

M. Paquin (Mario): Ah, pour toute la fonderie au complet? On a un budget annuel de 125 millions et, en termes d'investissement de capital, cette année, on prévoit 25 millions.

M. Ménard: Donc, à peu près 150 millions d'investissement?

M. Paquin (Mario): Oui.

M. Ménard: Moi, je ne calcule pas vite, là, mais ça donne combien en pourcentage?

M. Paquin (Mario): Ah, ce n'est pas élevé, là. Je ne calcule pas vite non plus, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paquin (Mario): ...je sais que ce n'est pas très élevé.

Une voix: Point quelque chose.

M. Paquin (Mario): Point quelque chose pour cent, exactement.

M. Ménard: C'est 0,3 % à peu près?

M. Paquin (Mario): Oui.

M. Ménard: Alors, de demander aux petites et moyennes entreprises, pensez-vous que c'est irréaliste que de demander aux petites et moyennes entreprises, pour faire l'évaluation de risques et la préparation, de demander un pourcentage équivalent de l'investissement qu'ils font?

M. Paquin (Mario): Mais...

Mme Gagnon (Hélène V.): Si je peux me permettre, je pense que l'idée, ce n'est pas nécessairement de faire un débat de chiffres. Puis c'est clair que pour des usines qui sont des usines métallurgiques comme les nôtres, on est conscients aussi qu'avec le nombre de produits chimiques qu'on utilise et tout ça, ça a des répercussions, et donc, ça peut avoir des risques aussi qui sont plus significatifs. Ce qui est peut-être plus difficile pour les petites et moyennes entreprises, c'est l'investissement en temps, ce sont les ressources humaines qui devront être consacrées à ce genre de projet-là. Et donc, c'est peut-être ça qui est le plus difficile, de libérer des personnes et de faire des ressources comme ça, alors que dans une grande entreprise, c'est plus facile de prévoir qu'une personne va devoir passer plusieurs parties de son travail à faire ça. Donc, c'est peut-être ça qui nous inquiète.

Puis l'achat d'équipement qu'on a fait, nous ? je pense, entre autres, et vous l'avez vu dans notre mémoire, à la fonderie Horne qui a acheté des équipements pour aider à ce que les hôpitaux de la région soient mieux équipés et des choses comme ça ? je ne dis pas nécessairement que les petites entreprises auront à faire la même chose.

M. Paquin (Mario): Mais peut-être un point aussi, pour compléter, c'est que le risque ne va pas nécessairement... ce n'est pas directement proportionnel à la grosseur de l'entreprise. Donc, vous pouvez avoir de très petites entreprises qui ont un cylindre d'une tonne de chlore chez eux, et que, s'ils veulent s'équiper, ça va leur en coûter 200 000 $, 300 000 $, 400 000 $ aussi pour se protéger, pour faire le même processus que nous. Et, pour eux, 200 000 $, 300 000 $, 400 000 $, c'est très considérable. Je comprends que, pour nous, ça représente un grain de sable dans l'océan, mais, pour de petites entreprises, ça risque d'être beaucoup plus considérable.

M. Ménard: Sur la plage!

M. Paquin (Mario): Sur la plage, bien sûr.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: Non, c'étaient des farces. O.K. Non, mais je pensais que si Mark Levy, qui est le pire cas du Québec, vous imaginez, le propriétaire de l'entrepôt des BPC, avait mis 0,3 % de ses frais dans l'évaluation de ses risques, il aurait peut-être pris quelques mesures pour éviter le risque. Ha, ha, ha!

Une voix: Tout à fait.

M. Ménard: Non, mais c'est une question de proportion. Je suis très sensible... On ne veut pas augmenter indûment la paperasserie ou les difficultés administratives, mais, si on garde l'idée que normalement, c'est-à-dire à peu près en proportion de l'importance de l'entreprise, et même dans les cas exceptionnels comme les gens qui manipulent du chlore en très grande quantité, il semble que tout le monde serait pas mal d'accord que peut-être que ça représente une plus grande proportion chez eux, mais elle est justifiée par le risque qu'ils courent. D'ailleurs, on va voir ça maintenant dans les entreprises des nouvelles technologies de biopharmaceutique qui vont jouer avec des virus et des... Alors, il faut ce qu'il faut. Ha, ha, ha!

Mme Gagnon (Hélène V.): Si vous pouvez me permettre, aussi, je pense qu'il y a un des éléments qui a été soulevé, pas seulement la question de l'investissement de la part du secteur privé... parce que je pense que, comme on vous le démontre, le secteur privé est prêt à faire sa part, mais c'est aussi l'investissement des ressources gouvernementales. On a vu, nous, avec notre expérience, par exemple, que la santé publique ou l'environnement siègent sur les comités et, dans le cadre des rencontres qu'on a faites avec Magnola, le médecin qui siégeait avec nous nous a dit: Écoutez, ça me prend beaucoup de mon temps de siéger à ce comité-là. S'il fallait qu'il y ait cinq, six comités dans ma région, c'est moi qui est le médecin responsable, ça ne serait pas réaliste. Donc, de prévoir ça aussi, qu'au niveau des ressources gouvernementales, ça va vous demander de faire certains aménagements, parce qu'il nous apparaît que le processus est nettement plus crédible quand on a des intervenants gouvernementaux qui en font partie, que ce soit au niveau de la santé publique, de l'environnement, de la sécurité civile. Et, de votre côté aussi, je pense que ça va demander un investissement, 0,3 %. Ha, ha, ha!

M. Ménard: Peut-être que, si nous avons plusieurs projets Magnola, pour l'économie du Québec, le ministère des Finances croira que ça vaut la peine d'investir ? Ha, ha, ha! ? dans ces cas-là. Là aussi, il y a une question de proportion. Des installations comme celles-là sont quand même très génératrices d'emplois et les régions dans lesquelles vous êtes les accueillent généralement avec grand plaisir, n'est-ce pas, ces investissements-là. Ils sont prêts à mettre toute sorte... Puis j'imagine que, quand vous avez dépensé 125, 150 millions, vous payez des taxes foncières aussi en proportion de la valeur, alors, ça donne des ressources.

Mais c'est pour ça que je... Bon. C'est sûr qu'on pense toujours aux coûts que ça peut coûter, mais c'est une balance par rapport... Et votre expérience, c'est que tout ce qui a été investi finalement dans l'information du public, votre expérience, c'est que ça n'a pas affecté l'image corporative de façon négative mais bien de façon positive.

Et ne prenez pas mes remarques comme voulant discréditer votre rapport d'aucune espèce de façon, il est d'une excellente qualité. Et vous savez que le ministère de la Sécurité publique a travaillé beaucoup en collaboration avec vos entreprises, est très heureux de cette collaboration aussi et en a tiré beaucoup de leçons, puis je pense que ça paraît dans le projet de loi. Je vais laisser les députés de mon groupe parlementaire vous poser d'autres questions.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Drummond.

M. Jutras: Oui. Bonjour. Je trouve intéressant ce que vous nous racontez concernant les expériences que vous avez faites auprès des citoyens. Je regardais le document que vous avez préparé dans le cas de Magnola, et, ce que vous nous dites: Bon, on a voulu faire preuve de transparence et la population a le droit de savoir. Et vous nous dites: Ces séances d'information là, ça a bien été. Vous nous donnez la conclusion, mais, ce que j'aimerais savoir, c'est comment les citoyens réagissaient quand vous les avez rencontrés. Parce que, quand on regarde ça, là, puis on dit: Bon, bien, s'il y a un problème, si vous entendez l'alarme, restez chez vous, fermez les fenêtres, il me semble que les citoyens à qui on présente ça, il doit y avoir peut-être pas de la panique mais, en tout cas, il doit y avoir beaucoup d'inquiétude. Alors, j'aimerais savoir comment ça s'est passé à ce chapitre.

n (10 heures) n

M. Gagnon (Jean-François): Effectivement, je pense que vous touchez un point important. Nous avons rejoint par lettre chaque citoyen pour l'inviter à une séance d'information ? donc, c'était personnalisé ? en lui expliquant l'objectif de cette séance-là. Mais les gens venaient. Puis Magnola est installée à Danville, dans la MRC où la moyenne d'âge de la population est très élevée, on dirait à peu près 55 à 60 ans. Donc, c'est des personnes âgées qui étaient là. Il fallait leur parler aussi pour qu'elles comprennent. Parce que c'est facile de faire une présentation puis que personne n'a compris, puis elles ressortent aussi avec un sentiment que leur quotidien ne changera pas mais qu'elles ont une information de plus: elles ont le savoir, elles ont la connaissance du risque, et on leur donnait l'information, qu'est-ce qu'elles doivent faire. C'était assez simple, c'était une petite consigne de sécurité: «Agir», avec un autocollant qu'ils collaient sur leur frigidaire puis qui leur permettait, si jamais ça arrive, d'avoir des consignes de sécurité. Puis, dans le fond, elles étaient simples, les consignes, c'était de rester à l'intérieur.

Puis, ça a été couvert aussi beaucoup par les médias. Ça fait que les médias se sont chargés aussi de répondre à votre question en allant questionner le citoyen, en lui demandant: Puis, après la présentation, qu'est-ce que vous pensiez de ça? Ce qui est ressorti, c'est la crédibilité des gens qui étaient en avant. Je pense que, si juste l'entreprise avait été en avant, ça aurait été peut-être une démarche différente. Mais le fait qu'il y ait un médecin de la santé publique qui leur explique les choses bien simplement, qu'il y ait une personne de l'Environnement, qu'il y ait une personne aussi de leur municipalité, qu'ils connaissent bien, qui dit: Écoutez, ça fait un an et demi que je travaille, que je siège au sein du comité, j'ai eu accès à l'information, on a travaillé pour arriver à ces résultats-là aujourd'hui, ça a rassuré énormément les gens.

Et on est ressorti très gagnant. On appréhendait cette démarche-là, on dit: c'est une nouvelle entreprise, on est très questionné aussi au niveau de l'environnement, mais on n'a pas eu peur quand même d'y aller, puis on est ressorti gagnant de toute cette démarche-là. Puis, les citoyens, je ne pense pas que, si... demain matin, les pancartes de maison ne seront pas mises: «À vendre».

Par contre, la question a été posée: Si je reste dans le cercle de 2,5 km, qu'est-ce qui arrive? Est-ce que ça va faire baisser la valeur de mes maisons? Bien, une réponse du directeur général, c'est que, si jamais il y a une fuite de chlore à toutes les semaines, oui. Mais, vu que c'est des éléments très peu probables, ça ne changera pas votre quotidien. Mais, si jamais ça arrive, vous savez maintenant quoi faire.

M. Paquin (Mario): Peut-être en complément, pour parler un peu de l'approche qu'on a eue à la fonderie Horne. On arrive à peu près à la même conclusion dans le sens que les gens, à la fin des rencontres, se disaient beaucoup plus rassurés qu'alarmés. Donc, ça, c'était pour nous assez important, et on l'a vérifié, on l'a validé avec plein de gens.

Et peut-être une petite anecdote, c'est que, lors de la conférence de presse, là où on annonçait les séances publiques aux journalistes ? mais on ne voulait pas parler du contenu des sessions, on voulait seulement annoncer la tenue des sessions ? les journalistes ? excusez l'expression ? nous picochaient pour savoir c'était quoi, les risques. Et, à un moment donné, il y a eu une question directe qui m'a été posée, qui était: Quel est le plus grand risque à être voisin de la fonderie Horne? Et, spontanément, j'ai répondu: L'ignorance. Et, essentiellement, c'est ça qui était... Le message qu'on devait véhiculer, c'est: Quand vous serez préparés, vous allez être encore moins à risque que de ne pas le savoir.

Alors, c'est ça qui a été le message, et ça, ça a été le leitmotiv de toute notre... On a pris ça comme le dada et on parlait tout le temps de ça. Après cette intervention-là, on ne parlait... Bien, le danger, c'est l'ignorance; le danger, c'est l'ignorance. Et on l'a véhiculé lors des sessions publiques aussi. Mais, à la fin des sessions, les gens étaient beaucoup plus rassurés qu'alarmés.

M. Jutras: J'aurais une autre question aussi qui s'adresse, celle-ci, à Mme Gagnon. Quand vous nous dites, dans votre mémoire, que, quand on parle de générateurs de risque, on fait référence au milieu industriel, moi, je regarde le chapitre III, puis on ne fait pas référence comme tel au milieu industriel. Peut-être que, vous autres, vous vous sentez visés, mais le projet de loi comme tel ne dit pas ça.

Et j'ai donc deux questions à ce sujet: Pourquoi dites-vous cela, premièrement? Puis, deuxièmement, qu'est-ce que vous suggéreriez? Est-ce que, finalement, vous butez à l'article 8 sur le fait qu'on parle de personnes et vous voudriez que peut-être le terme «personne» soit remplacé en disant, bien, il faudrait que ça... Parce que vous faisiez référence, dans votre déclaration tantôt, de dire: Bien, le gouvernement peut être concerné par ça, aussi une municipalité peut être concernée par ça. Alors, concrètement, vous suggéreriez quoi?

Mme Gagnon (Hélène V.): Écoutez, non, vous avez raison, le milieu industriel n'est peut-être pas le seul visé par ce chapitre-là, mais c'est le chapitre où le milieu industriel est visé dans la loi, parce qu'il y a d'autres chapitres qui couvrent de façon plus spécifique seulement les municipalités, et tout ça. Et comme c'est l'endroit où le milieu industriel est interpellé, ce qu'on craint, c'est que ça demeure, si on veut, comme un stigmate sur le milieu industriel exclusivement puis que les autres parties, les municipalités, et tout ça, soient plutôt vues dans les autres chapitres et qu'on pointe le milieu industriel comme un générateur de risque.

La formulation de l'article 8 comme tel n'est pas si mauvaise, parce qu'on dit: Toute personne dont les activités génèrent des risques, et tout ça, mais c'est le titre du chapitre, Les générateurs de risque... Et cette expression-là est reprise.

Mais je pense que le conseil régional, le CRAIM, vous a suggéré de changer ça pour «gestionnaires de risque». Ce n'est pas tout à fait parfait, «gestionnaires de risque», mais on trouve ça déjà moins pire que «générateurs de risque», parce qu'on ne fait pas que générer des risques, hein? on apporte des solutions, on investit, on achète des équipements, on est là pour faire des plans d'urgence et puis on génère des choses bien plus positives que seulement des risques.

Et cette question de générateur de risque, je pense, laisse une image un peu péjorative, et puis je pense que toute cette démarche de sécurité civile doit être vue comme quelque chose de très constructif pour rassurer la population, faire un processus très transparent. Et on pense que la terminologie doit aussi contribuer à rassurer la population, à ne pas pointer certains secteurs ou le milieu industriel surtout comme un générateur de risque.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: Oui, Mme Gagnon et M. Gagnon, sans lien de parenté, je le répète, bienvenue. M. Paquin aussi. Quant à moi, je dois dire que j'ai été absolument séduit par les actions, dont vous faites état dans le mémoire que vous avez déposé, chez Horne, chez Magnola et ailleurs aussi dans les autres endroits où vous avez des entreprises. Très honnêtement là, c'est remarquable, les efforts que vous avez accomplis. Et, tantôt, lorsque le ministre vous parlait de la proportion de l'investissement par rapport à votre investissement total que vous avez mis dans ces mesures-là, il me venait la réflexion suivante: Au fond, ça a profité aussi à l'entreprise en ce sens que la crédibilité de l'entreprise y a gagné aussi. Je ne dirais pas que c'est du marketing, mais ça fait partie un peu de votre désir d'être un bon citoyen corporatif que d'accomplir ces choses-là. Je ne me trompe pas, n'est-ce pas, Mme Gagnon, c'est bien ça? Bon.

Et, effectivement, je note que vous avez une préoccupation importante sur la communication avec la population et, pour employer une expression que M. Paquin a employée tantôt et que j'ai employé hier avec l'un des groupes intervenants, c'est aussi mon dada, ça, la question d'informer la population. Et vous avez mis des efforts importants pour non seulement communiquer les risques, mais s'il avait fallu que vous vous arrêtiez à communiquer les risques, vous auriez fait peur plus qu'autre chose. Vous vous êtes employés à communiquer aussi un certain nombre d'autres choses.

Les mesures de prévention que vous avez adoptées, les mesures d'atténuation des risques, est-ce que vous diriez que c'est aussi important de les communiquer à la population que de communiquer le risque que la population coure?

Mme Gagnon (Hélène V.): Définitivement. Vous allez me permettre peut-être juste de dire un point général là-dessus là, mais les risques, c'est une chose, mais, de seulement présenter les risques, je pense qu'on ne remplirait l'objectif de rassurer la population. Il faut prévoir la communication par tous les intervenants de façon commune et conjointe des mesures d'urgence, de l'arrimage des plans d'urgence. Puis vous l'avez vu dans notre mémoire, la partie la plus longue, c'est l'harmonisation des plans d'urgence entre les différents intervenants. Et, tant que les plans d'urgence ne sont pas harmonisés, tant que les mesures... tant que tous les intervenants en sont pas au même niveau dans l'achat de leurs équipements, dans leur capacité d'intervention rapide, et tout ça, c'est prématuré d'aller devant la population. Il faut communiquer à la population un état de préparation pur faire face à des risques. À ce moment-là, on présente les risques et on présente les mesures, et c'est comme ça qu'on réussit à rassurer la population que tous les intervenants ont fait leur devoir pour assurer leur sécurité.

M. Dupuis: Vouliez-vous ajouter quelque chose, M. Gagnon?

M. Gagnon (Jean-François): Oui, je voulais ajouter, Hélène a parfaitement raison dans tout ce qu'elle a mentionné. Et le fait de communiquer des mesures de prévention et d'atténuation démontre aussi que l'entreprise est là pour veiller au grain, hein, et que cette situation-là est gérable. Il y a des risques, il y en a dans beaucoup d'entreprises, il y en a dans beaucoup d'organismes. Et ce qui est important lorsqu'on va dans la population, ça force l'industrie et la municipalité à dire: Aïe! là, je n'irai pas juste parler du risque, il faut que je leur dise aussi qu'est-ce que je fais. Ça fait que ça a augmenté la préparation.

M. Dupuis: J'avais une idée derrière la tête en vous posant la question, c'est la suivante: Est-ce que... Vous avez lu le projet de loi, vous l'avez considéré. Moi, je note que, dans le projet de loi... J'espère que ces voix-là ne sont pas entendues parce qu'on va avoir de la misère à s'entendre. Juste deux petites secondes, juste pour finir ma question puis ça va aller après.

M. Ménard: ...gestionnaire.

n (10 h 10) n

M. Dupuis: D'accord. Juste deux petites secondes. C'est parce que j'avais de la misère à suivre mon idée. Et, d'ailleurs, je suis presque à la veille de la perdre. Est-ce que vous trouvez que, dans le projet de loi, on insiste de façon assez claire pour justement qu'il soit fait une obligation à qui que ce soit ? on verra tantôt là, O.K. ? de communiquer non seulement le risque, mais de communiquer aussi les mesures de prévention, les mesures d'atténuation et, éventuellement, si le risque devait aboutir à un événement, d'informer la population sur les mesures d'urgence.

Regardez bien, avant que vous répondiez puis avant que je vous laisse répondre, je vous promets que je vais vous laisser répondre, ce que je note, moi, c'est que le projet de loi fait obligation d'avoir une consultation publique sur le schéma de sécurité civile. Je vais être honnête avec vous, là, les consultations publiques sur le schéma de sécurité civile de la MRC, je ne suis pas sûr qu'il va y avoir beaucoup de monde qui va y aller, je ne suis pas sûr que c'est assez. Et, quand je lis ce qui s'est fait à la fonderie Horne, quand je lis ce qui se fait à l'usine Magnola, je me rends bien compte que je pense que vous êtes de la même opinion que moi: il faut faire plus qu'une consultation publique. Il faut faire plus, à mon avis, que de permettre à la population d'aller consulter des documents à la municipalité; la population ne fera pas ça, ça ne sert à rien de penser ça.

Est-ce que vous croyez que le projet de loi devrait être beaucoup plus précis sur les obligations de communiquer l'ensemble du problème ? non, je n'aime pas ça, employer le mot «problème» ? l'ensemble de la situation? Je vais vous dire pourquoi je vous pose la question. Tantôt, on va revenir en étude article par article de ce projet de loi là, puis peut-être qu'on va suggérer au gouvernement des amendements pour les mettre, ces obligations-là. Je vous écoute, excusez-moi, ça a été long, un long préambule.

Mme Gagnon (Hélène V.): Écoutez, ce n'est pas pour rien si, dans notre mémoire, on a beaucoup insisté sur cet aspect de la communication des risques et des plans d'urgence. Comme on en a fait l'expérience nous-mêmes et qu'on s'est rendus jusqu'à ce niveau-là, on trouvait que c'était important de vous en faire part. C'est sûr que ce n'est pas à une loi de préciser que c'est important d'avoir des documents, de vulgariser, et tout ça, mais on trouvait important quand même de vous le souligner, parce que, quand on est dans une région comme Magnola où l'âge moyen de la population environnante est très élevé, que ce sont des personnes âgées qui vont entendre les présentations, et tout ça, il faut s'assurer qu'on vulgarise au maximum les différents contextes. Donc, on trouvait ça important qu'au niveau de la communication on porte ça à votre attention.

Au niveau de la communication, nous, effectivement, on a relevé qu'il y a peu d'articles qui traitent de la communication dans le projet de loi. On a relevé, nous, les articles 55 et 71. On parle que les autorités locales et régionales doivent contribuer à l'information de la population. On dit, à 71, que le ministre contribue à l'information de la population quant à la vulnérabilité de la population face au risque. On n'aimait pas vraiment, je vous l'avais dit dans notre mémoire, cette façon d'approcher ça parce qu'on pense que ça doit être formulé de façon plus positive.

Et c'est pour ça qu'on a prévu dans notre mémoire différentes suggestions pour dire: Ça ne doit pas être seulement les autorités locales et régionales qui contribuent à l'information; il faut que ça soit idéalement un comité mixte municipal-industrie flexible ? ça, on n'en a pas parlé encore ? pour faire face à différentes réalités. Une réalité rurale où il y a une grande entreprise, ce n'est pas la même chose qu'à Montréal-Est où il y a des dizaines d'industries chimiques, et tout ça. Donc, il faut s'assurer que cette formule-là aussi va être quand même assez flexible.

Effectivement, je pense qu'au niveau de l'information à la population il pourrait y avoir plus de détails pour prévoir qu'il doit y avoir une information transparente à la population pas seulement face au risque, mais définitivement face à l'ensemble de la démarche.

M. Dupuis: Et je dois comprendre, Mme Gagnon ? évidemment, Noranda l'a fait ? que Noranda n'aurait pas d'objection à ce que la loi indique qu'il y a une responsabilité, de la part de l'entreprise dont la production génère un risque potentiel, à participer de façon financière à ces informations-là. Vous n'avez pas de problème avec ça?

Mme Gagnon (Hélène V.): Participer à l'information aussi. Je pense qu'il ne faut pas faire en sorte que ça soit seulement des acteurs externes. L'industrie est un partenaire essentiel, l'industrie investit, oui, de façon spontanée parce qu'elle est consciente, et je pense que les entreprises sont des citoyens responsables et réalisent, surtout quand les risques sont significatifs, que c'est important de se préparer en conséquence. Mais je pense que la responsabilisation, ça va, mais il faut aussi que ça soit un partenariat.

M. Dupuis: O.K.

Mme Gagnon (Hélène V.): Et donc je pense que, au lieu de laisser seulement aux autorités locales et régionales le fait de contribuer à l'information, ce serait bien de prévoir une communication concertée de tous les intervenants, de façon transparente.

M. Dupuis: Je vais entrer sur un autre sujet qui est le sujet des CMMI, mais par le biais d'une remarque que vous avez faite dans votre présentation, lorsque vous avez dit: Il y a des gens qui sont des autorités municipales qui nous ont dit: S'il fallait qu'il y ait autant de comités mixtes dans ma région ? là, 26, je pense ? je n'arriverais pas. Donc, moi, ça me séduit aussi, cette idée des comités mixtes industrie-municipalité, avec flexibilité, bien sûr, parce que, dans certaines régions... On a entendu les gens de l'est de Montréal, en passant là, qui en ont un. Eux autres, il y a une concentration de l'industrie lourde dans ce coin-là. Donc, je pense qu'il faut faire ça.

Est-ce que vous croyez qu'il serait utile que le gouvernement, que le ministère, que le ministre envisage la possibilité, avec flexibilité, d'inclure, soit dans la loi, soit dans ses orientations, soit dans la réglementation, cette structure-là, d'abord reconnaître que cette structure-là est pertinente, très pertinente et encourager la formation d'une structure semblable de façon un petit peu plus volontaire que de simplement laisser les gens s'organiser sur le terrain? Croyez-vous que c'est une structure qui mériterait qu'on s'y penche de façon importante et qu'on essaie d'en reconnaître la pertinence? Est-ce que vous seriez d'accord avec ça?

Mme Gagnon (Hélène V.): Définitivement. Vous avez vu dans notre mémoire, notre expérience démontre que d'avoir une approche concertée, c'est la clé, je pense, qui amène la crédibilité à toute la démarche. Mais je pense que le mot important, c'est le mot «flexibilité». On a vu dans le cas de la fonderie Horne où la fonderie a définitivement pris le leadership de toute la démarche, la fonderie n'a pas nécessairement constitué à l'époque ? ça fait déjà plusieurs années que la fonderie est dans cette démarche-là ? un comité municipal mixte industries ? avec plusieurs industries, et tout ça. Parce qu'elle disait: J'ai des risques importants, j'en suis consciente, je suis dans une démarche volontaire avec la gestion responsable, et tout ça. J'ai pris une responsabilité d'analyser mes risques, de préparer des mesures d'urgence, de les communiquer à la population. Et elle a rassemblé des partenaires autour d'elle pour dire: Je procède, est-ce que vous venez avec moi? je veux votre participation. Donc, un leadership a été pris pour faire avancer les choses.

Des fois aussi, il faut voir que, dans certaines régions, ça va peut-être ralentir le processus d'imposer un comité municipal mixte industries qui ne serait pas flexible, qui obligerait, par exemple, la présence d'absolument toutes les industries, et des choses comme ça. Je pense qu'il faut laisser aussi une certaine latitude pour faire en sorte que, dans certains endroits où il y a un leadership, on puisse avancer avec certains partenaires pour pouvoir procéder à une démarche. La démarche de Magnola a été un véritable succès et puis eux ont procédé avec un comité municipal mixte industries, autorité gouvernementale, présence de citoyens, tout à fait conforme à la lettre à ce qu'est un CMMI.

Donc, je pense qu'il faut prévoir une flexibilité. Mais, définitivement, de parler d'approche concertée entre les municipalités et les industries, les différents partenaires gouvernementaux et les citoyens, c'est, d'après nous, la clé, la solution du succès pour avoir une démarche crédible pour atteindre toujours notre objectif de mieux informer la population et la rassurer que les intervenants sont prêts à faire face aux différents risques.

M. Dupuis: Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Mme la députée de La Pinière, avec à peine un peu plus de deux minutes.

Mme Houda-Pepin: Deux minutes. Merci beaucoup, M. le Président. Mme Gagnon, je vais aller directement à un commentaire que vous avez fait. Vous avez dit que la communication doit être concertée entre tous les intervenants. En situation de crise, ça peut paraître théorique de dire ça. Pour avoir vécu la crise du verglas, je peux vous dire que ce n'est pas facile à opérationnaliser. Et je voudrais, compte tenu de votre expertise, vous demander: En situation de crise, lorsqu'il faut rejoindre la population de toute urgence pour la sécuriser et aussi pour l'informer sur les risques et sur ce qu'il faut faire, quelle est l'autorité la plus habilitée, selon vous, sur le terrain pour rejoindre la population en situation de crise?

n (10 h 20) n

Dans la situation du verglas, nous avons l'organisation de la sécurité civile qui était à Sainte-Foy, mais qui, avec tout le respect que je dois aux gens qui travaillent là, ne connaissait même pas la géographie du terrain où se passait le problème. Nous avons la police. On m'avait dit que les services de police, en tout cas dans certaines régions, avaient développé un équipement qui était capable de se connecter directement aux salles de nouvelles pour donner les informations le plus rapidement possible. Nous avons Hydro-Québec, nous avons les municipalités, le gouvernement évidemment. Mais tout ça, là, pour arriver à ce que vous dites: la communication concertée entre tous les intervenants, parce qu'il faut que les informations concordent, il faut qu'elles arrivent à temps, il faut qu'elles soient efficaces pour donner l'information dont la population a besoin en situation d'urgence.

Mme Gagnon (Hélène V.): Je vais commencer puis Jean-François va rajouter. Comme vous verrez dans notre mémoire, à la page 31, on a fait la...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Le tout en 30 secondes.

Mme Gagnon (Hélène V.): Oui, tout à fait. On a fait la distinction entre la communication dans une situation de prévention puis la communication en situation de crise. Je pense qu'au niveau de la prévention ? et c'était l'essentiel de notre discours jusqu'à présent ? c'est là que l'approche concertée est importante, c'est là qu'il faut bien informer la population avec tous les intervenants, alors qu'en situation de crise les intervenants vont devoir se concerter, mais la municipalité devrait être le maître d'oeuvre.

M. Gagnon (Jean-François): En quelques secondes, j'aimerais juste rajouter que, quand on fait une démarche de planification justement avant de tomber en situation de crise, une fois qu'on est en situation de crise, c'est beaucoup plus facile de communiquer ensemble. Et nous avons établi les moyens en planification: si jamais ça arrive, comment est-ce qu'on rejoint la population? Dans notre cas, c'est la radio. Déjà tout est défini: qui appelle la radio, quel message qui est donné, etc.

M. Paquin (Mario): Même chose chez nous.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, il me reste donc à remercier les représentants de Noranda inc., Mme Gagnon, M. Paquin et M. Gagnon, pour leur contribution à nos travaux. Merci encore une fois.

Nous avons un peu de retard. Aussi, nous allons enchaîner immédiatement avec un groupe d'étudiants du Campus du Fort Saint-Jean, de l'Université de Sherbrooke, représentant les étudiants au programme de Baccalauréat en administration.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, j'en appelle à la collaboration même du ministre pour qu'il contribue à accélérer nos procédures. Ha, ha, ha! Merci encore une fois.

Donc, je disais: étudiants au programme de Baccalauréat en administration des affaires, avec concentration en gestion des dangers et de la sécurité. Donc, je vous inviterais à bien vouloir prendre place. Également pour cette rencontre, nous avons réservé une période de 45 minutes, donc 15 minutes pour la présentation de votre mémoire et nous passerons ensuite aux échanges selon la formule habituelle. Je ne sais qui est le porte-parole. Vous êtes M. Godard?

M. Godard (Martin): C'est exact.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, M. Godard, vous avez la parole et je vous demanderais de nous présenter également les personnes qui vous accompagnent. Quant au micro, nous avons un personnel très vigilant, vous n'avez pas à vous préoccuper de la direction du micro, et tout ça, on peut très bien s'en occuper. Alors, je vous invite donc à y aller de votre présentation.

Étudiants au programme de Baccalauréat
en administration des affaires,
Université de Sherbrooke

M. Godard (Martin): M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. membres de la commission, je voudrais d'entrée de jeu remercier la commission pour l'opportunité offerte d'entendre la voix de la relève. Avant de passer à la présentation du mémoire, laissez-moi introduire mes collègues ainsi que situer notre programme d'étude: à ma droite, M. Jean-Philippe Cantin Cloutier, il occupe le poste de président de l'association étudiante; Mme Julie Dufour, responsable de projet aux affaires internes; et, à ma gauche, M. Maxime Léveillé, vice-président aux affaires pédagogiques du même conseil. Je me nomme Martin Godard et je suis responsable du projet du mémoire.

Vous le remarquerez, l'ensemble des membres du groupe de travail sont des étudiants, la plupart finissants au Baccalauréat en administration des affaires, ayant une concentration en gestion des dangers et de la sécurité, ci-après nommé BAAGDS. Ce programme de premier cycle chapeauté par l'IPGSC est à l'heure actuelle le seul programme crédité formant des professionnels entièrement dédiés à la gestion de la sécurité au Québec. De plus, ce programme s'intègre, et l'importance soulevée par le CPGSC, dans un programme d'administration des affaires, celui de l'Université de Sherbrooke.

Ce programme a été créé en 1997 suite à une étude menée en 1995 auprès de plusieurs intervenants du milieu. Cette étude démontrait un besoin de formation professionnelle et universitaire non équivoque en administration des affaires de sécurité publique et privée ainsi qu'en gestion de crise et des mesures d'urgence.

Exposons aux membres de la commission que les étudiants au BAAGDS ont plus de 1 300 heures de formation théorique et pratique, dont 720 heures spécifiquement en gestion des dangers et de la sécurité et que la plupart d'entre eux ont déjà acquis une expérience dans des milieux publics et privés. Ils y acquièrent des outils afin de comprendre l'environnement complexe des organisations, de gérer efficacement plusieurs ressources et surtout de développer une vision stratégique.

Il est évident que la création d'un programme d'enseignement ou d'une maison d'enseignement visant à former des intervenants techniques en sécurité civile capables de répondre aux divers événements potentiels est une utopie. Nous souscrivons à la formation d'un gestionnaire des dangers et de la sécurité qui aurait comme mandat non pas l'intervention, mais bien la coordination des divers intervenants, soit pompiers, policiers, urbanistes et autres, qui sont déjà en place.

Afin d'asseoir les recommandations de notre mémoire, je vous invite à revoir de façon non exhaustive la situation actuelle dans laquelle s'inscrit le projet de loi n° 173. Ces dernières années, le Québec a eu l'occasion à plusieurs reprises de pouvoir tester en situation réelle la qualité de sa préparation en gestion de sinistre. Des constats positifs et d'autres négatifs en sont ressortis. L'évolution du système de sécurité civile rend indubitable l'appropriation de ces constats pour générer de nouvelles procédures et applications pour une gestion des sinistres plus adéquate. Ce mémoire prend toute sa signification et établit sa pertinence lorsque l'on découvre certaines lacunes en termes d'apprentissage et d'application de recommandations à la suite des divers crises et sinistres auxquels le Québec a dû faire face.

Le projet de loi n° 173 présente un élément-clé de cette évolution et son adoption ne peut que renforcer la situation actuelle. L'objet de notre commentaire vise principalement l'aspect de la formation du personnel appelé à élaborer la préparation et la prévention des sinistres.

Étant donné les conséquences économiques et humaines de tels événements, une préparation adéquate devrait être considérée comme un investissement plutôt que comme une dépense. C'est en consultant quelques rapports remis par certaines commissions d'enquête sur des sinistres que nous avons constaté la fréquence des commentaires soulignant l'importance de la formation des intervenants. Notamment MM. Pierre Cazalis, Aubert Ouellet et Thierry Pauchant évaluèrent la réponse de l'organisation de la sécurité civile du Québec à la suite du déluge du Saguenay. Ils proposèrent notamment la formation uniforme des conseillers en sécurité civile.

Nous reconnaissons l'importance de l'expérience acquise par les intervenants. Or, le manque de notions théoriques constitue selon nous un frein à l'efficacité de la gestion autant avant, pendant et après un sinistre et peut même représenter une niche pour les opportunistes. Il existe une mesure évidente qui permettrait de contrer cette lacune théorique. Elle consiste en la mise en oeuvre de programmes de formation spécifiques au domaine et adressés aux multiples paliers de la structure de sécurité civile. Ces formations dispensées par divers organismes, notamment l'ENAP, Ahuntsic et notre formation de premier cycle spécialisé, sont pertinentes et essentielles si nous souhaitons poursuivre les recommandations de la commission scientifique et technique chargée d'analyser les événements relatifs à la tempête de verglas.

Toutefois, toutes ces formations éparses ne peuvent sainement contribuer efficacement à l'avancement de la culture de sécurité civile sans la création d'un organisme central voué à l'atteinte d'une forme de symbiose entre les diverses disciplines. C'est avec satisfaction que nous constatons que le projet de loi inclut un article sur la formation du personnel travaillant en sécurité civile. La présence de cet article souligne la considération de la formation par le gouvernement. Toutefois, nous croyons que l'article 69 n'est pas suffisamment explicite pour satisfaire les attentes espérées suite à l'application de cette loi. Ainsi, nous considérons comme une lacune importante l'absence de précisions quant aux critères de compétence minimale requise afin d'avoir la possibilité d'être employé à titre de personnel travaillant en sécurité civile.

Ce qu'il convient maintenant d'appeler la commission Nicolet citait dans son rapport sur la crise du verglas, même si cela ne met pas nécessairement en cause la compétence de ses ressources: «La Direction de la sécurité civile ne possède pas de cadres spécifiques pour le recrutement et la formation des membres de son personnel. Il n'existe pas de grille de sélection pour s'assurer qu'ils ont la formation ou les compétences requises. Il n'y a pas non plus de programme de formation continue pour le personnel.»

Par l'absence de critères minimaux de formation, nous craignons la vulnérabilité des municipalités qui ne seront pas en mesure de réaliser adéquatement les travaux exigés par le projet de loi tel que les schémas de couverture de risques. En effet, pour plusieurs raisons, ces municipalités devront engager des consultants afin d'élaborer leur propre schéma de couverture de risques. En excluant de la loi des critères de compétence minimale pour réaliser les schémas, nous pouvons croire que certaines personnes profiteront de l'occasion afin de réaliser des bénéfices sans toutefois livrer un travail adéquat. Nous craignons que cette situation ne se produise suite à l'adoption du projet de loi sur la sécurité civile. Afin d'éviter de pareils dénouements, nous vous proposons une solution adaptée et réaliste qui permettrait d'en réduire les probabilités de façon appréciable.

n(10 h 30)n

Avant de vous faire part de nos recommandations, nous tenons à retenir brièvement les dires de M. Thierry Pauchant lors de son intervention durant le premier sommet québécois sur la prévention et la gestion des sinistres. Il appartient aux professionnels de la gestion des risques dans l'entreprise, les forces de sécurité et les administrations publiques de développer une vision systémique de ces risques et d'acquérir les concepts qui leur permettront de pouvoir les analyser, les anticiper, les gérer et d'en retenir des apprentissages permettant d'en limiter les effets et ceci dans un environnement de plus en plus complexe.

Or, les activités de prévention et de préparation exigent une compréhension des origines complexes des sinistres et des nombreuses interrelations entre les facteurs positifs et d'autres plus négatifs qui surviennent lors des sinistres. On ne peut envisager de pouvoir contrer la croissance quasi exponentielle du nombre de risques que par une augmentation proportionnelle des moyens en sécurité civile.

C'est en appui des considérations jusqu'ici présentées que notre groupe soumet au ministre de la Sécurité publique du Québec les recommandations suivantes.

Considérant les menaces qu'encoure la sécurité du public advenant la prolifération de spécialistes improvisés en mesures d'urgence, le caractère inadéquat ou inapproprié des résultats de travaux de préparation, de prévention, d'intervention et de rétablissement occasionnés par des phénomènes d'empressement, par souci d'économie ou par négligence de certains décideurs municipaux ou supramunicipaux, nous recommandons que les exigences en matière de formation et de certification correspondent à des normes élevées de qualité et de compétence des personnes ayant à oeuvrer dans le domaine de la sécurité civile et que ces standards soient établis par règlement.

Considérant le besoin de standardisation et de correspondance des règles et normes en matière de compétence des gestionnaires, consultants, décideurs politiques, spécialistes, conseillers et agents gouvernementaux, nous recommandons que soit formée une équipe d'experts et de sommités en matière de sécurité publique, civile, industrielle et environnementale provenant tout autant d'agences publiques que de secteurs privés ou d'établissements d'enseignement afin de soumettre au ministre les exigences appropriées quant à l'éventuel règlement régissant les compétences requises. Cette équipe d'experts pourra dès lors favoriser les apprentissages communs, la recherche et l'encadrement des responsables d'activités de formation et de simulation.

Considérant la nécessité d'assurer le respect des normes en matière de certification établies selon l'éventuel règlement mentionné ci-haut, nous recommandons que soit créée une agence de contrôle indépendante qui verra à la coordination et au suivi des activités de certification ou que soit mandatée une agence existante capable de dispenser un tel service. Nous recommandons, de plus, que les membres de cette agence soient investis des pouvoirs appropriés à ce mandat.

Considérant finalement l'importance pour le Québec de détenir des experts et des responsables qualifiés en matière de gestion de la sécurité et de maintenir un tel bassin à des niveaux suffisants, nous recommandons que le ministre soutienne avec toutes les ressources nécessaires les efforts des institutions d'enseignement universitaire et collégial dans la formation des intervenants et gestionnaires en matière de sécurité ainsi qu'au niveau de la recherche universitaire dans ce domaine par l'octroi et l'emploi de mesures incitatives auprès des organisations publiques et privées afin que celles-ci reconnaissent le caractère important de la sécurité et qu'elles s'engagent dans la voie du recrutement de personnes qualifiées provenant de ces institutions. Cette mesure viserait à accroître l'attrait des étudiants envers cette discipline, ce qui assurerait ainsi l'approvisionnement au Québec d'effectifs qualifiés en matière de sécurité.

Concluons que ce n'est qu'avec la création et l'application d'un règlement relatif aux normes de compétence des intervenants et gestionnaires en sécurité civile, visé par le projet de loi n° 173, que nous espérons voir le ministre détenir les outils qui lui permettront d'assurer à la population québécoise un service hautement qualifié en matière de sécurité civile. Nous vous remercions, M. le Président, et nous sommes maintenant disposés à répondre aux questions des membres de la commission.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. Godard, pour cette présentation. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Ménard: Je dois dire que je pense que c'est le mémoire que j'ai lu avec le plus de plaisir. J'ai reconnu là bien des caractéristiques propres à la jeunesse et qui doivent demeurer, l'idéal. Vous vous préparez à entrer dans un monde qui est certainement plus complexe que celui que nous avons à gérer, et je pense que vous vous préparez adéquatement. Aussi, on s'aperçoit tout de suite que les efforts qui ont été faits par l'Université de Sherbrooke pour créer un institut propre à la sécurité civile portent ses fruits. Votre mémoire est un vibrant plaidoyer pour la compétence. Cela ne m'étonnait pas, et c'est ce que nous poursuivons aussi. Il ne faut pas penser, par les questions que je vais vous poser, que je vais... qui seront peut-être un peu critiques, mais j'ai vraiment apprécier l'ensemble.

Il y a un exemple qui m'a beaucoup frappé. Je ne peux pas vous dire où c'est parce que, moi, je lis sur support informatique. Je vous remercie de me l'avoir communiqué de cette façon-ci. C'est à la page 22 de 42 ? je ne sais pas si vous avez 42 pages, mais c'est ça que ça dit ? c'est-à-dire à peu près, donc, à la moitié, quand vous citez l'expérience qui a été faite avec des schémas d'aménagement et l'utilisation des supposés experts. Et je sais qu'il y en a un qui continue d'assister... Ce n'est pas ceux-là qui m'inquiètent. Mais c'est vrai, c'est une des peurs que nous avons que les élus locaux transfèrent leurs responsabilités à des experts et que, par conséquent, les plans qui sont préparés...

Mais je vous lisais, puis je comprends parfaitement... D'ailleurs, les étudiants de l'Institut de protection contre les incendies m'avaient fait la même remarque, puis on a effectivement modifié la réglementation pour qu'on n'engage maintenant au Québec que des pompiers formés. On n'est peut-être pas encore rendu là dans le domaine de la sécurité civile parce qu'on n'a pas l'expérience très longue des diplômes dans ce domaine-là. Mais, quand vous pensez à ce qu'il y ait du personnel spécifiquement dédié à la sécurité civile, vous pensez à une municipalité de quelle dimension?

M. Godard (Martin): C'est une excellente question. Je vais la référer à M. Cantin Cloutier.

M. Cantin Cloutier (Jean-Philippe): Je pense que l'important, c'est d'avoir le monde qui est formé adéquatement pour répondre à des besoins spécifiques. La grandeur de la municipalité... Je pense que, nous, on agirait plutôt comme conseillers. Donc, celui qui gérerait les sinistres, les crises, etc., qui gérerait les risques serait d'abord attitré à l'intérieur de l'organisation même. Je pense que, nous, on serait plutôt quelqu'un qui conseillerait afin que finalement, lui, il prenne ses responsabilités de façon adéquate et en connaissance de tous les facteurs qui tournent autour de ça. Julie.

Mme Dufour (Julie): Si je peux me permettre de compléter un peu ce que disait Jean-Philippe, le conseiller, de la façon qu'on le voit, est quelqu'un qui va travailler en partenariat vraiment avec les municipalités. Donc, la taille de la municipalité, une petite comme une grosse, la différence va surtout mener aux termes de ce partenariat-là. On parle de la nouvelle grande ville de Montréal ou des grandes villes, c'est sûr qu'il va y avoir du personnel, du personnel temps plein qui va n'avoir que ça à faire. Dans les municipalités où on parle d'un maire, un directeur général et un ou deux employés de soutien, c'est sûr que le conseiller qui va conseiller avec les élus en place va travailler en partenariat, donc travaillera pour la municipalité mais de concert vraiment et avec les élus et avec les décideurs.

M. Ménard: Bien, si je vous comprends bien, à partir d'un certain niveau, il devrait y avoir du personnel à temps plein dans les municipalités. En bas de ce niveau, les conseillers, seuls les conseillers formés ? mais alors là reconnus par qui, comment? ? devraient être engagés. Donc, vous proposez essentiellement une espèce de corporation des experts en sécurité civile qui...

Mme Dufour (Julie): C'est ce qu'on... Indirectement, un peu ? et mes collègues pourront répondre un peu plus profondément ? ce qu'on préconise dans notre mémoire, c'est-à-dire la certification d'une manière quelconque et à déterminer des intervenants, à savoir certifier leur compétence, leurs connaissances et leur habilité à gérer.

M. Ménard: O.K. Je pense que... Oui, oui, continue.

M. Godard (Martin): Mais il faut comprendre ici que l'objet de notre mémoire n'est pas de nous assurer, à nous, un travail, étant donné que c'est notre spécialité. L'objet du mémoire, c'est de protéger la population québécoise.

M. Ménard: Faites-vous en pas, il y en a beaucoup ici qui viennent défendre leurs intérêts. Alors, celui-là, il est noble, vous pouvez le défendre sans gêne. Ha, ha, ha!

n(10 h 40)n

M. Godard (Martin): Parfait. Mais il faut comprendre que les supposés spécialistes en sécurité civile qui peuvent proliférer suite à l'application de cette loi vont, jusqu'à une certaine limite, mettre en danger certaines parties de la population. Donc, nous, ce dont on veut s'assurer, c'est que les conseillers soient régis et s'assurer que ces personnes-là aient la vision systémique et comprennent bien l'importance du schéma qui va être tracé pour les diverses municipalités.

M. Ménard: O.K. Alors, je pense que vous avez compris qu'évidemment nous partons de loin. C'est une étape que nous franchissons. Alors, je pense que vous balisez bien pour l'avenir. Mais nous sommes dans un pays aussi très diversifié, avec des très petites municipalités comme une très, très grosse. Et le but de la loi, c'est d'amener un processus qui va obliger les élus municipaux à se sensibiliser, à être conscients de leurs risques, de leurs ressources, à faire la jonction des deux dans un plan qui sera opérationnel, testé à certains endroits, mais qui, dans d'autres, le sera moins. Mais, en tout cas, je vous remercie beaucoup et je vais laisser les questions posées par les autres membres du groupe parlementaire du gouvernement...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Drummond.

M. Jutras: Alors, bonjour. Moi, je veux, en premier, vous féliciter. Je trouve ça toujours intéressant de voir des étudiants, de quelque niveau qu'ils soient, venir en commission parlementaire nous faire des représentations, nous soumettre un mémoire. Je vous félicite pour ça. Je considère que c'est une heureuse initiative.

Une première question quant au cours comme tel que vous suivez. Je comprends que vous faites un Bac en administration des affaires et que vous avez une concentration, qu'il existe une concentration en gestion des risques, comme, par exemple, quelqu'un peut faire un Bac en administration des affaires puis avoir une concentration en marketing. Alors, la concentration que vous avez choisie, c'est celle-là.

M. Godard (Martin): Oui.

M. Jutras: Oui? Bon. Dans votre mémoire, à un moment donné, vous parlez de la création d'un organisme central. Ça, c'était aux pages 10 et 11, la création d'un organisme central pour que... Vous parlez de formation éparse puis que, si on veut donc faire avancer la culture de la sécurité civile, vous dites: «Il y aurait lieu de créer un organisme central». Et, par la suite, dans votre mémoire, quand vous arrivez avec des recommandations concrètes, à la page 16, vous parlez de la création d'une agence de contrôle. Est-ce que c'est ça, que, quand vous parlez de la création d'un organisme central, c'est effectivement cette agence de contrôle?

M. Godard (Martin): Exact.

M. Jutras: Oui. Vous n'êtes pas allés cependant, dans votre mémoire, jusqu'à suggérer qu'au niveau de la formation dans les cégeps il y ait, par exemple, je ne sais pas, moi, un cours de technologues en gestion de risque, de techniques de gestion de risque. Et puis peut-être même qu'éventuellement on pourrait envisager un bac spécialisé dans ce domaine-là, je ne sais pas. Est-ce que vous avez posé cette question-là? Parce que ce dont on s'aperçoit, dans le cadre de la présente commission, c'est que la gestion de risque, elle existe sur plusieurs plans, à bien des niveaux. Tantôt, je ne sais pas si vous avez entendu les représentants de Noranda qui nous faisaient part de leur expérience. Alors, on s'aperçoit qu'il peut y avoir plusieurs créneaux. On peut parler au niveau du gouvernement, des municipalités, dans les entreprises. Alors, est-ce que vous vous êtes penchés sur cette question-là? Et est-ce que vous pensez que ça pourrait aller jusque-là?

M. Godard (Martin): C'est une excellente question. Je vais commencer par vous citer un passage du texte que je vous ai lu. Nous, ce à quoi nous souscrivons, c'est la formation d'une personne qui va coordonner les efforts de sécurité civile. Nous ne croyons pas possible la formation d'une école qui va former un spécialiste technique capable d'intervenir sur les multiples facettes d'un sinistre. Donc, nous, ce que nous préconisons, c'est un gestionnaire qui, lui, sera capable de comprendre les diverses cultures organisationnelles déjà impliquées et qui sont déjà en place, policiers, pompiers, urbanistes, environnementalistes et autres. O.K.?

Quand on parle de formation éparse ? vous nous avez soulevé la formation éparse ? il existe présentement l'ENAP qui dispense des cours auprès des élus, le collège Ahuntsic qu'on a eu la chance d'entendre, il y a notre formation spécialisée, ces formations-là, il n'y a aucune concertation pour arriver à cibler toutes les lacunes ou tous les besoins, je pourrais dire, des municipalités en termes de sécurité civile.

Donc, nous, ce qu'on recommande, c'est un organisme qui va siéger avec divers spécialistes et qui va, dans un premier lieu, établir qu'est-ce que les gens, qu'est-ce que la personne qui devra coordonner doit apprendre et doit connaître afin d'être le plus efficace possible. Et par la suite ce besoin qui sera établi pourra être réparti dans les organismes déjà existants, soit l'ENAP, Ahuntsic et notre formation, afin de rejoindre tous les intervenants à tous les paliers, à savoir les élus, les intervenants, les jeunes qui veulent commencer un nouveau métier spécialisé dans ce domaine-là. Donc, on considère que le gouvernement devrait utiliser les outils, les véhicules déjà en place afin de simplifier la structure et d'alléger les dépenses.

Maintenant, vous nous avez soulevé la formation d'un programme spécialisé. Ce programme existe déjà, et c'est le baccalauréat dans lequel nous sommes. Il est important de comprendre que la formation du coordonnateur passe nécessairement par une formation en administration. Ce fut soulevé par divers intervenants, dont le CPGSC. Donc, cette personne-là doit administrer et avoir une considération en sécurité civile. Donc, le baccalauréat dans lequel nous sommes et qui peut être restructuré de diverses façons doit continuer à avoir ces deux volets-là, administration et sécurité. Est-ce que...

M. Jutras: Mais je... Oui, allez-y.

M. Godard (Martin): J'allais vous demander si vous aviez...

M. Jutras: Oui, bien, je comprends que votre formation est plus sur le plan de l'administration, pour en venir, comme vous dites, à de la coordination.

M. Godard (Martin): C'est exact.

M. Jutras: Jusqu'où va votre formation sur le plan technique des risques, de la gestion des risques?

M. Godard (Martin): Je vais laisser Mme Dufour répondre à cette question.

Mme Dufour (Julie): Si je peux vous dresser un peu un portrait des cours de concentration et des activités de concentration qu'on a, naturellement, il y a le volet pratique qui se fait, comme des stages, des cours-projets. On a des cours de simulation aussi, d'étude de cas. Pour le volet plus théorique, on parle de communication des risques, communication en temps de crise, contexte sociopolitique ? donc, un peu l'environnement de la sécurité civile ? gestion stratégique, gestion de projet. On parle, entre autres, aussi de technologies de la sécurité, donc des cours qui nous donnent un bon aperçu et une bonne connaissance systémique du milieu. C'est sûr que je serai bachelière en avril, je ne sais pas comment éteindre un feu et je ne le saurai pas, mais je peux comprendre ce que le chef pompier me dit de telle situation, je peux comprendre ce que le comptable me dit de telle situation, qu'il y a telles ressources de disponibles ou non. Je comprends un peu les différents intervenants et leur rôle dans notre organisation, et c'est là qu'on se situe en termes de certification.

M. Jutras: Puis est-ce que je comprends de votre mémoire qu'il y a seulement l'Université de Sherbrooke présentement qui donne ce bac-là? L'ENAP donne de la formation, comme vous avez dit, aux élus municipaux, mais, au niveau des chaires universitaires, il y a seulement à Sherbrooke que ça se donne.

M. Godard (Martin): Exact. Notre programme est le seul crédité qui forme des professionnels dans ce domaine.

M. Jutras: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, Mme Dufour, M. Godard, M. Léveillé et M. Cantin Cloutier, merci pour la présentation du mémoire. C'est rafraîchissant d'accueillir des étudiants parmi nous. Et c'est encore plus intéressant quand c'est des étudiants au programme du Baccalauréat en administration des affaires qui viennent nous parler d'un nouveau programme, finalement, qui traite de la sécurité civile.

J'abonde un peu dans votre sens en disant que la formation est un élément essentiel en situation de gestion de crise mais aussi en amont pour la préparation au niveau de la prévention et de la préparation des plans de gestion de crise. Ceci étant dit, je voudrais avoir peut-être une précision. Hier, j'ai cru comprendre, de quelqu'un qui était au micro, que ce programme de l'Université de Sherbrooke était en péril. Est-ce que ce programme va se poursuivre? Est-ce que vous avez des assurances que ce programme-là va se poursuivre?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Mme Dufour.

Mme Dufour (Julie): Présentement, il n'y aucun étudiant qui est entré cette année en première année. Donc, les étudiants présentement sont en deuxième et en troisième année. Le programme, faute d'un soutien adéquat de l'Université de Sherbrooke, est effectivement en déclin. À savoir s'il est mort à jamais ou s'il va revivre, c'est encore en...

n(10 h 50)n

Mme Houda-Pepin: Donc, votre intervention aujourd'hui, c'est un peu un plaidoyer en faveur de donner la respiration artificielle à ce programme-là pour...

Mme Dufour (Julie): Donner le soutien à ces programmes-là, effectivement, oui.

Mme Houda-Pepin: Je vous ai bien compris. Alors, merci beaucoup. Hier, j'ai entendu aussi des gens qui plaidaient pour la création d'un institut spécialisé dans tout ce qui touche la question de la sécurité civile. Vous, vous plaidez plutôt pour le maintien de ce programme à l'intérieur de l'Université de Sherbrooke. Est-ce que vous trouvez que, bien que la formation soit un élément essentiel en gestion de crise, il y a lieu d'avoir un institut spécialisé unique au Québec pour traiter de ces matières-là?

M. Godard (Martin): Certainement. Les deux solutions ne sont pas exclusives. Nous, on prône la continuité de la formation de la relève via notre baccalauréat ou toute autre institution ou forme que cela peut prendre. Et vous remarquerez dans les recommandations aussi qu'on prône cet institut, cette unité centrale qui va, elle, s'assurer du suivi de la formation, de la recherche et du développement, ce qui a été soulevé par beaucoup d'intervenants ici. Donc, l'institut auquel vous faites allusion se retrouve dans nos recommandations.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Là, le directeur de votre programme est venu, je pense, le 13 février présenter un mémoire à son titre personnel. Et ce que je me rappelle de ce qu'il nous a dit, c'est que cette discipline que vous êtes en train d'étudier au niveau de la sécurité civile, c'est un champ d'études qui est nouveau. Et il a dit, selon ses propres termes: Ce n'est pas une discipline, ce n'est pas une science, c'est un champ d'études qui est relativement nouveau.

Ma question par rapport à ce que vous nous dites à la page 11 de votre mémoire, quand vous demandez qu'on établisse des critères de compétence pour cette nouvelle profession de conseiller en gestion de crise, la question que je me pose est de savoir comment on peut établir des critères de compétence dans un champ d'études qui n'est pas établi, qui n'est pas reconnu, qui n'est ni une science ni même une discipline. Est-ce que vous pouvez m'éclairer là-dessus?

M. Godard (Martin): Certainement. L'organisme, à la recommandation 5.2, qui sera chargé de siéger, donc on parle de spécialistes qui oeuvrent déjà dans le milieu, ces personnes-là devront arriver avec un bagage nécessaire pour le futur étudiant ou le futur coordonnateur de mesures d'urgence. C'est à la lumière de ces formations-là et à la lumière des recommandations de cedit comité que devra se baser tout le reste, donc la formation et l'accréditation.

Je suis d'accord avec vous que c'est encore très jeune, d'où la nécessité de faire des projets de loi et d'en parler beaucoup. Mais je crois que, si on met ensemble les spécialistes qui oeuvrent déjà, malgré le fait que ce n'est pas une science ou une profession, il y a quand même des gens qui travaillent dans ce domaine et qui sont extrêmement compétents, donc, si on les met tous à la même table, ils sauront dégager les compétences requises, et, à partir de ces compétences-là, on va pouvoir créer un programme de formation, un programme de soutien, recherche et développement et accréditation.

Mme Houda-Pepin: Toujours sur ce point-là, de conseiller en sécurité civile qui coordonnerait, en fait, les opérations de gestion de crise, plus je l'analyse, en vous écoutant, plus je constate qu'en voulant, en fait, à la fois avoir une reconnaissance quasiment professionnelle de cette nouvelle discipline à laquelle vous adhérez et, en même temps, en plaidant pour la création d'une agence de contrôle et de certification qui va, en fait, travailler à l'intérieur de ces paramètres, je me demande si vous n'êtes pas en train de dédoubler l'organisation de la sécurité civile, qui, elle, a pour mandat, de par la loi justement, de coordonner sur l'ensemble du territoire du Québec toutes les opérations de sécurité civile, y compris la prévention, c'est-à-dire outiller les municipalités, les MRC à établir leur plan d'urgence, outiller les professionnels du milieu à avoir toutes les connaissances et les outils pour pouvoir faire de la prévention de façon efficace et agir de façon efficace en situation de crise. Donc, cette agence de contrôle et de certification vient dédoubler une instance qui existe déjà et qui a précisément le mandat de faire ça.

M. Léveillé (Maxime): Est-ce que je peux me permettre? Notre agence de contrôle, on n'a pas précisé dans notre mémoire qui la chapeauterait, qui la dirigerait. On a plusieurs options à vous proposer par rapport à ça. Évidemment, on pourrait simplement avoir une organisation internationale, comme il en existe déjà. Il y en a présentement une aux États-Unis. On pourrait simplement exiger, en reconnaissant cette accréditation d'une organisation X, exemple, le Specified Emergency Manager, la certification CEN de l'International Manager... Je m'excuse. Peu importe, c'est une certification qui existe déjà, et puis il y a présentement une version qui est en train d'être travaillée pour avoir une version canadienne et québécoise. Cette version-là pourrait être reconnue et on pourrait l'exiger ici à nos coordonnateurs. Ça, c'est une option. Ce serait peut-être un dédoublement, mais vous avez parlé d'outils et, pour avoir des outils, il y a aussi des ressources, des ressources humaines ayant la formation adéquate. Ça, c'est une première proposition, une organisation privée.

On en a plusieurs. Ça pourrait être le ministère de la Sécurité publique qui se charge d'accréditer ces personnes-là. Ça pourrait être aussi une organisation par le ministère de la Sécurité publique qui travaille de concert avec le ministère de l'Éducation du Québec via une université afin d'obtenir des accréditations, de la formation, de la recherche et développement. Ce serait une autre option.

Mme Houda-Pepin: Alors, pour la certification de tous les intervenants en gestion de crise, moi, en tout cas, ça me paraît difficile d'avoir une certification uniforme, compte tenu de l'ensemble des intervenants. On peut peut-être certifier certaines interventions mais pas toutes les interventions de sécurité civile, d'une part. D'autre part, on peut avoir de la certification sans nécessairement créer une nouvelle structure comme l'agence de contrôle. Comme vous l'avez dit si bien aussi, le ministère peut le faire, il peut accréditer une instance existante, notamment l'organisation de la sécurité civile, qui a, en fait, ce mandat-là pour l'ensemble du territoire du Québec, pour le faire.

Je voudrais aussi revenir sur un point que vous avez soulevé à la page 12 et qui me préoccupe parce que vous êtes les seuls à l'avoir soulevé, probablement parce que vous êtes préoccupés par la formation et la reconnaissance de la profession que vous venez défendre, vous êtes des précurseurs. C'est lorsque vous traitez de la question de la vulnérabilité des municipalités face aux consultants. Parce que, bon, vous constatez que les sinistres, c'est un phénomène qui est fréquent, il faut s'en préoccuper et donc ça commence à se développer, et les municipalités pourraient être mises, en fait, devant des situations où elles auraient, par souci d'économie ? c'est ce que vous avez dit ? engagé des consultants qui n'ont pas la formation, qui n'ont pas nécessairement les compétences pour faire des plans de gestion de crise, pour coordonner des opérations ou, en tout cas, pour intervenir dans ce domaine.

Est-ce que c'est un réflexe défensif, parce que vous voulez faire reconnaître votre profession et que vous vous attaquez aux consultants ? parce que vous pouvez être un consultant pour une municipalité, vous-même, avec votre baccalauréat, etc. ? ou est-ce que vous vous basez sur des expériences qui sont vécues, que vous avez des connaissances de ce qui s'est passé dans ce domaine qui ne sont pas des expériences très catholiques puis vous venez nous sonner des sonnettes d'alarme en disant: Faites attention, il y a un danger là?

M. Godard (Martin): Parfait. Madame, si vous me permettez, je voudrais revenir aux points que vous avez mentionnés. Le premier point, il est évident qu'accréditer tous les intervenants, ça peut sembler extrêmement laborieux. Nous ne prônons pas l'accréditation de tous les intervenants mais bien des coordonnateurs. Et là je veux établir la différence. Les pompiers, les chefs de pompiers, les policiers, les urbanistes n'auront pas à avoir cette certification pour oeuvrer en sécurité civile. On parle ici des gens qui devront préparer les plans et coordonner les interventions. C'est le premier point de vue que je voulais clarifier. Il est évident qu'il y a déjà des gens qui travaillent en sécurité civile. On ne veut pas renvoyer ces gens-là sur le banc d'une école, d'où l'utilisation de l'ENAP, d'Ahuntsic et de notre programme afin de rejoindre tous les paliers.

n(11 heures)n

Deuxièmement, vous nous avez parlé du dédoublement de l'agence. Je vous amène en page 13 du mémoire, les deux dernières lignes: «Cette agence de contrôle indépendante verra à la coordination et au suivi des activités de certification ? et là le point très important, je le souligne à votre attention ? ou que soit mandatée une agence existante capable de dispenser un tel service.» Donc, il s'agit de voir si on a déjà un organisme existant qui empêcherait le dédoublement d'une structure.

En troisième point, vous nous avez mentionné en page 12 la vulnérabilité des municipalités. Si je reprends les paroles de M. le ministre, l'intention du projet de loi vise à sensibiliser toutes les régions du Québec, qu'elles soient petites ou grandes, afin que soit développée une culture de la sécurité civile. Et là je vous répondrais: Qui d'autre mieux placé qu'une personne accréditée, formée, qui pourrait aller voir les élus des différentes municipalités, grosses ou petites, afin justement de s'assurer de cette sensibilisation-là?

Parce qu'on peut s'attendre à ce que certains élus déchargent cette responsabilité-là ? et ce n'est pas mentionné dans la loi, il n'y a rien à cet effet ? sur un consultant et que lui le fasse seul pour remettre un document papier qui va finir sur une tablette. Donc, nous, ce dont on veut s'assurer, c'est d'aller dans la même lignée que M. le ministre, à savoir que les élus prennent conscience du processus et de l'importance de la préparation. Et c'est ce conseiller accrédité qui va permettre d'assurer à M. le ministre que tous les élus vont s'arrêter et vont planifier avec le consultant afin d'avoir cette sensibilisation voulue.

Finalement, vous nous avez parlé de défendre notre profession et de vouloir un petit peu ériger des barrières autour des spécialistes afin d'avoir un quasi-monopole sur cette profession. Je vais me permettre d'ajouter que l'équipe de spécialistes qui siégeront et qui décideront des critères d'évaluation en vue de l'obtention de l'accréditation, c'est une agence indépendante. Il n'est même pas garanti que, nous, étudiants dans ce domaine spécifique, en sortant, on nous remette notre diplôme de l'université et cette carte d'accréditation.

Probablement que, nous aussi, à la lumière des formations nécessaires, on va devoir aller chercher des formations spécifiques afin de passer cette accréditation. Donc, il ne s'agit pas de défendre une profession pour laquelle on serait pratiquement les seuls spécialistes mais bien d'exercer un contrôle pour aller dans la même visée de M. le ministre, d'établir cette fameuse culture de sécurité civile. Je vais laisser M. Maxime Léveillé terminer.

M. Léveillé (Maxime): Effectivement, tout ce que mon collègue dit est très vrai. S'il n'y a pas de papier ou d'accréditation qui existe présentement, qui d'autre est mieux placé que nous ici avec un baccalauréat en gestion des dangers de la sécurité pour montrer, pour essayer de valoriser, essayer de vendre nos compétences?

Donc, on n'a pas l'intention de créer un nouveau papier pour se défendre. Il n'y a aucun papier d'accréditation qui existe et le papier qui serait le plus convaincant aux yeux des élus, ce serait bien le nôtre. Alors, on n'est pas là ici pour défendre notre profession. On va se défendre autrement si rien n'est fait.

Par contre, vous avez parlé de sonner l'alarme au niveau des consultants engagés. Effectivement, M. le ministre a parlé tantôt de sa peur que les élus déchargent la conception des schémas de risques à des consultants. D'après nous, il est évident que ça va se faire pour les petites municipalités. Dans les grosses, ça sera des gens à l'interne; pour les petites, ça sera des gens à l'externe, puisque ces petites municipalités n'ont pas les ressources nécessaires.

L'objectif de notre mémoire, c'est de vous convaincre d'instaurer un organisme d'accréditation pour défendre les citoyens et pour assurer que les élus qui vont engager des consultants s'organisent pour que ce soient des consultants compétents.

M. Godard (Martin): Madame, je remarque une lacune à votre question.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Malheureusement, le temps qui nous était imparti est épuisé. Alors, j'aimerais donc vous remercier au nom des membres de la commission pour votre contribution à nos travaux. Merci encore une fois.

Nous allons donc enchaîner avec le prochain groupe. Il s'agit de l'Association des chefs de services d'incendie du Québec, une association qui regroupe quelque 1 000 membres dans différents milieux municipaux, institutionnels, industriels et aéroportuaires, et, donc, qui oeuvre dans le domaine de la sécurité incendie. J'inviterais donc le président, M. Gilles La Madeleine, de même que les personnes qui l'accompagnent, à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, toujours selon la même formule, environ 45 minutes de réservées pour la rencontre, dont une quinzaine pour la présentation proprement dite de votre propos, et nous passerons ensuite à la période d'échanges.

Je rappelle que nous sommes réunis dans le cadre des consultations générales sur le projet de loi n° 173, Loi sur la sécurité civile. Alors, M. La Madeleine, vous avez la parole.

Association des chefs de services
d'incendie du Québec (ACSIQ)

M. La Madeleine (Gilles): Merci, M. le Président. D'abord, merci, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, Mme Pepin, de nous permettre de venir nous exprimer dans le cadre du mémoire sur la commission des institutions... du projet de loi n° 173 sur la sécurité civile. Évidemment, les pompiers, ça nous touche de près, la sécurité civile. D'ailleurs, ça fait depuis toujours, je pense, que, quand vous voyez la population en difficulté, vous voyez les pompiers accourir. Alors donc, on est là pour vous aider. Et, dans ce mémoire-là, ce qu'on a voulu faire ressortir, c'est les points forts du mémoire et comment on pourrait vous aider.

Alors, tout d'abord, je vais vous présenter ceux qui sont avec moi: M. Desrosiers, qui est l'ex-directeur du service d'incendie de Saint-Hyacinthe et qui est maintenant à l'Association comme permanent; à ma droite, vous avez M. Serge Tremblay, qui est directeur du service d'incendie de la ville de Pierrefonds; et M. Luc De Ladurantaye, qui est directeur du service d'incendie de la ville de Hull.

Alors, comme vous l'avez mentionné, M. le Président, l'Association, évidemment, représente 1 000 membres. C'est une association volontaire, donc à but non lucratif. Elle tend à regrouper au sein de son organisation les chefs, et son organisation repose exclusivement sur du bénévolat.

Le mandat de l'Association. Au fil du temps, elle est devenue une interlocutrice du gouvernement évidemment en ce qui a trait au milieu du combat de l'incendie. Dans le cadre de création de la loi et de l'application de normes et réglementations touchant la sécurité incendie, on essaie, nous, de donner la meilleure vision à la population en matière de prévention et de protection des citoyens. L'action de l'Association vise également à susciter auprès du public un climat d'intérêt et une meilleure réceptivité envers les programmes de prévention incendie.

Pour ce qui est du mémoire de la sécurité civile, on a voulu référer d'abord au mémoire de la commission Nicolet. Nous avions présenté un mémoire à la commission Nicolet, et je pense que ce n'est pas le seul fait du hasard si deux de nos recommandations qui avaient été faites à cette commission-là se retrouvent maintenant dans la Loi de la sécurité civile: la première, c'était de confier aux municipalités régionales de comté une responsabilité de supervision et d'aide-conseil en regard des plans de mesures d'urgence, qu'on retrouve dans votre loi; également, que le ministère de la Sécurité publique établisse clairement l'obligation de la municipalité à posséder son plan de mesures d'urgence, dont on a changé l'appellation mais qui demeure tout de même et qu'elle effectue une mise à jour annuelle.

Évidemment, les trois autres recommandations qu'on n'a pas retrouvées dans votre projet de loi mais sur lesquelles on va tabler dans la présentation que je vais vous faire: celle de confier au chef du service de sécurité incendie des responsabilités accrues en matière de préparation et de mise à jour de plans d'urgence dans la municipalité; également, qu'il y ait un lien fort entre le ministère de l'Éducation et le programme de formation en sécurité civile afin qu'il y ait un seul interlocuteur au Québec, et je pense, à l'écoute de ce que j'ai entendu des étudiants qui nous précédaient, que cette volonté-là est claire pour eux aussi; que l'organisation de la sécurité civile supporte les besoins de formation et d'information mis à jour des responsables nationaux dans ces MRC là. Or donc ça s'approche beaucoup de notre loi en sécurité incendie, le modèle qui a été établi en sécurité civile, ce qui nous a flattés, d'ailleurs.

Nous sommes convaincus que la projet de loi en sécurité civile est un pas en avant. Évidemment, il conduira notre société ? et ça, c'est important de le retenir ? vers une culture de sécurité civile. C'est tellement un beau terme que j'ai retrouvé dans votre projet de loi que j'espère qu'on va développer cette culture-là au Québec. Il y a un lien de parenté fort avec la Loi en sécurité incendie, et je pense que c'est un modèle qu'il va falloir privilégier, de stimuler les capacités intellectuelles des gens dans le développement social de cette culture-là au Québec.

n(11 h 10)n

Également, nous vous proposons une implication plus majeure pour les services d'incendie. On est là, on est sur le terrain, on est vos représentants; je pense qu'on est capable de soutenir la population, et on est capable aussi de faire le lien entre le ministère et les municipalités si vous nous confiez cette responsabilité-là. Avec le temps, je pense que les services d'incendie ont développé une polyvalence qui est reconnue auprès de la population. Les pompiers, c'est normal de les voir quand il y a des crises et c'est normal de les voir gérer ces crises-là. Les pompiers interviennent sur les sites d'accidents routiers, les déraillements ferroviaires, il y a également lorsqu'il y a des sauvetages de toute nature. Alors, ce que vous voyez passer, souvent, ce sont les pompiers avec les citoyens qu'ils portent à bout de bras en période de crise. Et, donc, comme ils sont impliqués, ils prennent charge de l'intervention. Vous allez voir un peu plus loin, on va vous proposer des façons de faire nous permettant peut-être d'être plus présents puis de vous donner ce coup de main dont vous avez besoin dans les villes.

On a tiré certains parallèles entre le projet de loi sur la sécurité civile et le projet de loi sur la sécurité incendie, puis on voit que les objectifs d'établir un schéma de risques, de faire le bilan des ressources disponibles sur le territoire, c'est vraiment la façon de faire pour être capable de venir définir quel est le besoin de chacune des municipalités.

On dit aussi: Pour atteindre son objectif ce projet de loi utilise la même voie que celle qui a été tracée lors de la Loi de sécurité incendie. Les deux ouvrages prescrivent l'établissement d'un schéma et déterminent la vulnérabilité, l'identification, l'optimisation des ressources existantes, une planification pour s'associer à d'autres organisations pour être en situation de contrôle pour au moins faire face aux sinistres qui sont prévisibles. Parce que, nous autres, on est convaincu que nul n'est tenu à l'impossible.

On a aussi relevé, dans notre projet de loi, certains articles qui sont parallèles dans la Loi de sécurité incendie, entre autres l'article 16, l'article qui est parallèle avec l'article 8, l'article 18, parallèle avec l'article 10. Alors, donc, ce sont une foule d'articles qui nous amènent... Si cet exercice-là est fait par les services de sécurité incendie, bien, il sera facile de comprendre qu'il sera possible à ces mêmes individus de faire l'exercice de la sécurité civile, en y ajoutant bien entendu les dangers relatifs à la sécurité civile.

Il y a des amendements qui sont proposés à la sécurité incendie dans la Loi de sécurité civile, et nous sommes en accord avec la plupart de ces amendements-là. Ils permettent, et nous le constatons, de modifier les objectifs et d'éviter des ambiguïtés entre les deux lois. D'ailleurs, nous vous en félicitons, M. le ministre, je pense que c'était bien d'éclaircir et de venir scinder les deux lois.

Cependant, on veut attirer votre attention sur l'article 177. D'ailleurs, un petit peu plus loin dans le document, je passerai la parole à M. Desrosiers; il vous expliquera quel est l'amendement qui ne s'appliquerait pas, qui est demandé par la Loi de la sécurité civile, à la Loi de la sécurité incendie.

Maintenant, les modifications qui sont suggérées au projet de loi en sécurité civile. D'abord, nous pensons que la définition du sinistre devrait être repensée, de telle sorte qu'elle devrait se lire comme suit: Un événement dû à un incendie ou une explosion, un accident, une défaillance technologique, un phénomène naturel ? et là voici la nuance ? dont l'importance ou la nature cause une déstabilisation du système ou une déstabilisation sociale. Parce que dans les autres cas déjà, comme service d'incendie, on assume cette responsabilité-là et on est capable de rendre compte.

Il y a également la définition d'incident majeur où on dit que la modification qui devrait être apportée est celle-ci: C'est une situation d'urgence de même nature qu'un sinistre, qui peut nécessiter une mise en oeuvre partielle ou complète du plan de sécurité civile, qui ne cause de préjudice qu'à une ou quelques personnes ou des dommages à leurs biens essentiels. Or, voici deux modifications qu'on vous suggère d'apporter à la loi pour mieux préciser la nature même du plan de sécurité civile par rapport à l'intervention incendie.

Maintenant, on revient à l'article 177 du projet de loi, je vais demander à M. Desrosiers de vous l'expliquer.

M. Desrosiers (Jacques): En ce qui concerne l'article 177, on a un point où on veut attirer votre attention, c'est sur la façon de rendre le climat plus facile entre les employeurs et les pompiers à temps partiel. Moi, je proviens d'un milieu où on avait 60 pompiers à temps partiel dans notre organisation, et, si on se réfère à la crise du verglas dans le temps, il y a eu des problèmes, il y a eu des ambiguïtés sur la façon de réquisitionner les pompiers à temps partiel et la réaction des employeurs qui, dans certaines occasions, n'était pas tellement bienvenue.

Pour cette raison-là, à l'article que vous proposez, l'amendement de l'article 177 qui vient toucher à l'article 155 de la Loi de la sécurité incendie, on demande tout simplement, nous, de maintenir une partie du texte qui existait, de sorte que l'article devrait se lire comme suit: «Commet une infraction et est passible d'une amende de 200 $ à 1 000 $ tout employeur ? on est en accord avec ce que vous suggérez ? sans motif raisonnable dont la preuve lui incombe, qui, par mesures discriminatoires, représailles, modification de ses conditions de travail, déplacement, suspension, congédiement ou autre sanction, empêche un membre de son personnel d'agir à titre de pompier appelé sur une base ponctuelle». Ça, «appelé sur une base ponctuelle» c'était proposé par votre projet de loi, et on est en accord aussi avec cette partie-là.

Mais là, où, exemple, on veut attirer votre attention, c'est qu'on veut que soit maintenu le point «convenu de mesures». On trouve important, nous, que l'employeur et que le pompier à temps partiel puissent se parler avant les événements et qu'ils puissent convenir des protocoles sur la façon de libérer les gens, que ce soit, mettons, pour les mesures d'urgence ou pour le combat incendie normal comme tel. On trouve important de maintenir ce mot-là, «convenu de mesures» autant pour faciliter la tâche de l'employeur que de faciliter la tâche au pompier à temps partiel.

M. La Madeleine (Gilles): Donc, pour la formation maintenant, on croit qu'il serait logique de retrouver dans la loi une volonté forte de normaliser la formation, que la diffusion de cette formation-là soit facile d'approche, et, donc, pour être capable de le faire, il faudrait qu'une institution soit comme mandatée pour le faire. Et nous autres, bien, ce qu'on vous suggère finalement, c'est... Vous venez de créer une École nationale de sécurité incendie, pourquoi ne lui confiez-vous pas le mandat de réorganiser les programmes de sécurité civile?

Alors, voilà, nos recommandations, si j'y vais... on en a quatre tout simplement. D'abord, le ministre devrait s'assurer, tel qu'il l'a fait pour les officiers et pompiers du Québec, d'établir des objectifs des cours conformes aux tâches nécessaires pour assurer la mise en place et le suivi de la Loi sur la sécurité civile.

Également qu'il y ait un partenariat avec les chefs pompiers, confier aux chefs du service de sécurité incendie la responsabilité de la préparation et du suivi de la mise à jour du plan de sécurité civile locale. L'État a besoin d'alliés naturels, nous vous offrons notre aide.

L'article 177 du projet de loi. Nous vous recommandons que cet article-là soit modifié au troisième alinéa et qu'on vienne introduire les mots «convenu de mesures», et les modifications suggérées au projet de loi afin d'enlever toute ambiguïté entre le projet de loi de la sécurité civile et la sécurité incendie.

Nous recommandons de faire la modification du projet de loi tel que nous vous l'avons suggéré, c'est-à-dire de changer les libellés de «mesures d'urgence» et «d'incident majeur». Alors, voilà, ça fait le tour, M. le ministre. Si vous avez des questions, on est prêt à y répondre.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, messieurs, pour cette présentation. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Ménard: Alors, je vous remercie beaucoup de votre mémoire. Je vous remercie aussi beaucoup de votre appui public. Il faut comprendre que dans ce domaine le ministère de la Sécurité publique et votre association poursuivent des buts communs, ont développé au cours des ans une vision commune, et je pense que nous n'avons, nous autres, d'ailleurs qu'à nous féliciter de la réception finalement des lois que nous avons passées à la suite d'une consultation serrée avec votre groupe, qui, je l'ai toujours remarqué, ne pense qu'à l'intérêt public dans ses représentations. Nous prenons bonne note de vos suggestions. Les fonctionnaires pourront vous revoir pour discuter des détails plus tard. C'est entendu qu'on voudrait bien que vous ayez réponse à toutes les suggestions que vous faites.

Et, comme il y a relativement peu de temps, je voudrais solliciter encore votre aide pour certains des problèmes qui ont été soulevés au cours de ces audiences. Notamment, nous avons rencontré au moins une municipalité ? mais j'imagine que ça peut se présenter ailleurs ? dont l'attitude est exemplaire en matière de sécurité civile, je dirais même dans d'autres domaines de sécurité publique, mais qui est incapable d'obtenir la collaboration qu'elle souhaiterait des autres municipalités de la même MRC.

n(11 h 20)n

Il se pourrait donc ? bien que tout le monde soit d'accord que l'idéal, c'est la planification régionale même si l'imputabilité doit demeurer aux municipalités ? qu'il y ait à l'intérieur de certaines MRC des municipalités qui veulent préparer un plan qui couvre mieux les risques de sécurité civile, de type de sécurité civile, mais que d'autres soient plus lentes à réagir ou même carrément en opposition. Avez-vous pensé à une façon de régler ce genre de problèmes, ce genre de conflits à l'intérieur des MRC?

M. La Madeleine (Gilles): Écoutez, évidemment on connaît la dynamique des MRC qui, soit dit en passant, dans certains endroits, fonctionnent très bien, dans certains autres endroits, c'est plutôt accessoire, les MRC, hein?

Nous sommes convaincus que, si le mandat est confié aux chefs de pompiers, ce qui va se passer, c'est que vous allez avoir un allié sur le terrain qui va avoir cette charge-là. Vous savez, quand le bébé vous appartient, là, vous en prenez soin, du bébé. Présentement, dans les municipalités, c'est que le bébé de la sécurité civile, il n'appartient à personne. Il appartient à la municipalité, la municipalité étant une entité, mais il n'y a pas un responsable comme tel.

Oui, il y a les élus, oui, il y a le D.G., mais il y a le D.G. qui confie ça à qui veut bien le prendre, puis par-dessus le reste. Tandis que, quand vous avez quelqu'un à qui vous dites: C'est toi qui s'en occupe, je peux vous dire, il va en prendre soin, du bébé. Puis en plus de ça, c'est que dans les services d'incendie souvent les liens sont déjà depuis longtemps forts avec les municipalités voisines, parce qu'il y a toutes les entraides municipales qui fonctionnent depuis 15, 20 ans. Donc, les chefs se connaissent, ils se rencontrent. Ils se rencontrent également au sein de notre association. Or donc il est facile de faire passer le message qu'il faut qu'ils travaillent ensemble à un dossier unique. D'ailleurs, ça va se faire en sécurité incendie. Pourquoi ne serait-on pas capable d'étendre l'expérience à la sécurité civile?

M. Tremblay (Serge): Pour compléter, M. le ministre, si vous me permettez.

M. Ménard: Oui.

M. Tremblay (Serge): Souvent, dans le passé le rôle qui était dévolu aux services d'incendie, c'était vraiment le rôle d'intervention. Vous connaissez tous les quatre phases, à savoir la prévention, la préparation, l'intervention puis le rétablissement. C'est évident que le fait souvent de n'être relié uniquement qu'à cette phase-là, l'intervention... Puis c'est souvent celle qui est connue. Puis je fais souvent le parallèle avec l'ancienne vocation des pompiers à l'époque où le seul mandat qui était dévolu aux services d'incendie était la suppression des incendies. Et là on sait maintenant ? vous en avez parlé, toutes les commissions qu'il y a eu par rapport à la Loi sur la sécurité incendie ? que le mot «prévention» d'ailleurs est venu s'ajouter. Maintenant, on appelle de plus en plus les services de prévention incendie, parce qu'on a ajouté le volet prévention.

Puis, pour renchérir par rapport à ce que mon confrère Gilles dit, tout est dans la question de la compréhension du rôle qu'on doit jouer. C'est évident que, si les gens ont toujours eu l'impression que ce qu'on s'attend d'eux, c'est uniquement l'intervention, ils ne se préoccuperont pas des autres aspects, qui pourtant sont d'autant plus importants, à savoir la prévention et la préparation. Et je pense que c'est le but de votre loi. Ça vient expliquer que, nous, on est conscient qu'on se doit d'accorder une importance majeure aux quatre phases non pas uniquement à celle de l'intervention où on excelle déjà. On a prouvé par le passé qu'on est capable de les gérer, les interventions, mais maintenant on doit se préoccuper des autres pour être encore plus prêt à les gérer. Et, quand ça, ça va être compris de l'ensemble de nos intervenants, de l'ensemble de nos confrères, de l'ensemble des gens... Puis on ne veut pas voler la place à personne, on veut juste dire qu'on est capable de s'impliquer là-dedans, et je pense qu'à ce moment-là, je vous dirais, on peut développer des liens stratégiques avec les autres intervenants qui ne vont faire que bénéficier à la population dans ce dossier-là.

M. Ménard: O.K. Sur cette question de confier la sécurité civile aux directeurs de sécurité incendie, est-ce qu'il n'y a pas un certain niveau d'importance dans les municipalités où ça doit relever d'un service autonome? Je sais bien qu'à Montréal, comme c'était une responsabilité de la Communauté urbaine de Montréal, la sécurité civile nécessairement est un service différent, avec son directeur, et il mobilise, je pense, beaucoup de ressources, comme la sécurité civile doit le faire, sur l'île. Mais, je ne sais pas, à Québec, est-ce que c'est... la sécurité civile relève de qui?

M. Tremblay (Serge): Bonne question. Je peux vous parler de Montréal parce que je travaille sur la région de Montréal.

M. Ménard: Oui, oui.

M. Tremblay (Serge): En sécurité civile, ce qu'on constate souvent, c'est qu'ils ont un gros mandat mais peu de soldats. Vous parliez de Montréal, ils ont effectivement une organisation à Montréal, à la CUM, mais ils ont quand même juste cinq soldats pour 28 municipalités. Ça va être moins compliqué avec une municipalité, là, mais je vous dirais que c'est quand même quelque chose maintenant qu'il faut... je vous dirais qu'on est à revoir, à repenser, par rapport à tout l'exercice qu'on devra faire pour la création de ce nouveau service-là.

C'est évident que, la sécurité civile prend une place dans nos réflexions pour savoir où on la situe. On la situe où? On la situe à côté? Avec? C'est pour ça que tantôt je parlais qu'à un moment donné il va falloir développer, je vous dirais, des plans stratégiques avec d'autres organisations, la police, parce que tout le monde joue un rôle, c'est un tout.

Le rôle que l'on joue, c'est toujours au niveau intervention, et c'est là que les deux premières étapes de la prévention et de la préparation, il n'y a jamais grand-monde. Ça, on le laissait aux municipalité, mais c'était souvent méconnu parce que les municipalités pensaient que les pompiers s'en occupent, mais c'était toujours la phase d'intervention. Ça fait que les deux premières phases, si votre projet de loi, vous voulez qu'il soit atteint, il faut définir qui doit s'en occuper, des autres étapes qui sont aussi importantes que l'intervention, et à savoir quelle est le lien fonctionnel entre chacun des intervenants. Parce que, si tout le monde se met à travailler au niveau de l'intervention, on oublie des étapes importantes qui sont la prévention et la préparation.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Desrosiers, vous voulez ajouter?

M. Desrosiers (Jacques): Oui, en ce qui concerne certaines petites municipalités des fois qui peuvent avoir une certaine réticence avec les plans d'urgence, ce n'est pas étonnant, parce que dans le passé en tout cas, les plans d'urgence, je m'excuse de l'expression, mais c'était un squelette qu'on sortait de temps à autre d'une armoire puis bonjour la visite. C'est de même que ça se passait dans les municipalités.

Mais avec la loi n° 112 vous allez quand même avoir une qualité de chef de service d'incendie qui, avec le temps, va grandement s'améliorer et une capacité de gestionnaire également à gérer des urgences importantes. Le rôle de chef pompier dans une municipalité pourra être un rôle autant du côté de gestion que du côté support, mettons, des mesures d'urgence.

Pour reprendre tantôt à ce que mon confrère a dit, c'est qu'il peut y avoir une organisation des mesures d'urgence dans laquelle le rôle de planification pourrait être confié aux pompiers, et non seulement le rôle de qualification, mais le suivi également du plan d'urgence, de la mise en place d'exercices, ainsi de suite. Ça serait une façon de s'assurer, mettons, du suivi et de la continuité d'un plan d'urgence, c'est très important.

Et ce qui serait important également, ce serait de faire connaître à la population cette culture-là de sécurité civile, qui veut qu'on utilise le plan d'urgence d'une façon partielle, à l'occasion, et non pas seulement dans des cas de grand sinistre. Je m'explique, c'est qu'il peut arriver des incendies de grande importance ou de moyenne importance dans lesquels on doit héberger des gens, et un désastre ou un sinistre, ça peut varier tout dépendant de l'importance d'une municipalité. Dans certaines municipalités, exemple, un centre d'hébergement pour personnes âgées qui va passer au feu, ça devient quelque chose d'important et ça peut nécessiter une partie du plan d'urgence à se mettre en oeuvre. Et, si on s'habitue à avoir un système qui s'arrime aux interventions courantes, autrement dit aux interventions des pompiers, entre autres, ça va faciliter, mettons, la façon de faire aux gens; ils vont s'habituer à travailler ensemble, ils vont mieux connaître leur plan d'urgence, ils vont en avoir plus confiance, et l'objectif d'avoir notre culture en sécurité civile va être vraiment atteint.

M. Ménard: Je vous remercie. Le temps fuit et je voudrais laisser quelques instants aux membres du groupe parlementaire dont je fais partie. Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Dubuc.

M. Côté (Dubuc): Merci, M. le Président. Messieurs, bonjour. Moi, je voudrais revenir à votre mémoire, au chapitre de la formation. Lorsque vous dites que vous croyez qu'il serait logique de retrouver dans la loi une volonté forte de normaliser la formation, vous en avez parlé tout à l'heure, vous avez dit: Écoutez, on a une école nationale de sécurité incendie. Je voudrais que vous... Mais vous savez qu'il y a aussi l'ENAP qui dispense certains cours. Il y a des grandes industries qui à l'intérieur même de leurs industries font aussi une certaine formation pour des sinistres spécifiques. Comment voyez-vous cette standardisation-là de la formation? Est-ce que vous voulez étendre ça pour tout le monde la même chose? J'ai un petit peu de misère à comprendre. Puis j'aurais peut-être une autre petite question tout à l'heure, là, pour la suite du rapport.

M. La Madeleine (Gilles): ...répondre M. Tremblay là-dessus.

M. Tremblay (Serge): Si vous permettez, je vais faire un parallèle avec la sécurité incendie parce que je dirais qu'on a l'avantage d'avoir connu une réforme qui s'apparente un peu à la loi n° 173 puis qu'il y a quand même un cheminement qui s'est fait. Dans le fond, quand on parle d'arrimer la formation, on est bien conscient qu'il y a plusieurs institutions actuellement, puis on n'est pas contre, c'est correct. Ce qu'on dit, puis on a réalisé ça en incendie, c'est qu'à un moment donné il faut déterminer les besoins de formation puis les associer avec qui en a besoin. Autrement dit, on ne peut pas faire un «one-fits-all» cours pour tout le monde. Je pense qu'il y a des niveaux de formation qui viennent à un moment donné, qui sont nécessaires pour un groupe d'intervenants puis il y a d'autres niveaux...

C'est ça quand on parle à un moment donné de faire un ménage là-dedans, pour que l'élu puisse aller chercher ce dont il a besoin comme formation, puisque... pour que celui qui est mandaté pour gérer, par exemple, la schéma de couverture de risques, autant incendie que sécurité civile, pour que l'intervenant, pour que le bénévole, celui qui est responsable, par exemple, de la phase de rétablissement ou ceux qui sont responsables de l'hébergement puissent aller chercher la formation nécessaire dans l'accomplissement de sa tâche et non qu'il soit noyé dans un dédale de formation où est-ce qu'il a l'impression que finalement plus il en apprend moins il comprend.

Une voix: C'est un peu ça qu'on veut éviter.

n(11 h 30)n

M. La Madeleine (Gilles): Mais il y a aussi toute la notion que ça prend quelqu'un qui est le grand maître d'oeuvre en haut et qui vient dire: Telle institution, elle va s'occuper de cette portion-là de la formation, telle autre institution va venir s'occuper de telle autre portion. On a parlé tantôt de schéma de risques, on a parlé des intervenants, on a parlé également des gestionnaires municipaux. Alors, ils ont tous besoin de formation, mais pas au même niveau. Le maire n'a pas besoin de savoir comment bloquer une inondation, par exemple; les pompiers, c'est important pour eux. Alors donc, tout ça fait en sorte qu'il faut qu'il y ait des niveaux différents de formation, mais ça prend une coordination, une tête dirigeante qui dit: Voici ce que ça prend pour un tel groupe puis voici ce que ça prend pour un tel autre groupe. Pour ça, il faut faire des consultations. Alors, ça prend quelqu'un qui est maître d'oeuvre pour être capable de tout faire ça.

Ce qu'on vous propose, c'est: Il y en a déjà une, il y a déjà la création de l'École nationale des pompiers. Si on lui confiait le mandat? Elle ne donnerait pas la formation, elle s'assurerait que tous les intervenants qui la diffusent la diffusent correctement et qu'il n'y a pas de chevauchement entre ces différentes formations-là.

M. Côté (Dubuc): O.K. Merci. Mais à la formation se joint l'information, et c'est surtout pour les bénévoles, pour le citoyen. Vous dites également: «Diffuser de l'information pour que la société québécoise parle et comprenne le même langage lorsqu'il est question de sécurité civile.» De quelle façon vous voyez ça, cette diffusion d'information là? Vous voyez ça par des comités de citoyens, des réseaux de voisins, des trousses d'urgence à la disponibilité des citoyens? J'aimerais que vous élaboriez peut-être un petit peu dans ce sens-là.

M. La Madeleine (Gilles): Oui. Je vais laisser la parole à Luc là-dessus.

M. De Ladurantaye (Luc): Oui. Les véhicules d'information, évidemment, ils vont être excessivement importants. Un projet de loi comme celui-là... Si on veut s'assurer que la population s'approprie d'une culture en matière de sécurité civile, j'imagine que le plan de communication va devoir être excessivement précis. Actuellement, on voit de toute façon dans les municipalités de plus en plus s'articuler des liens comme ça entre les gouvernements municipaux et les associations, que ce soit avec les personnes âgées, que ce soit avec le milieu des affaires, que ce soit avec les personnes handicapées, et je pense que ces associations-là, on va devoir tabler là-dessus justement pour assurer cet arrimage-là de l'information avec la population qui va en avoir besoin. Ça vient encore plus soulever cette importance-là de voir les municipalités et de voir probablement dans la municipalité un service qui va être capable de faire le filtre entre ce qui doit être transmis vers la population et ce qui vient évidemment des autorités gouvernementales.

M. Côté (Dubuc): Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, M. La Madeleine, M. Tremblay, M. De Ladurantaye et M. Desrosiers, bienvenue. C'est un mémoire très intéressant. Vous êtes un acteur majeur lorsqu'on parle de sécurité civile et de la protection des citoyens même en dehors de situations d'urgence. Vous avez, dans votre mémoire, souligné le parallèle qu'il y a entre le projet de loi n° 173 et la Loi de la sécurité incendie, ce qui fait que, même sur le plan législatif, vous êtes un acteur majeur, puisque les deux lois s'harmonisent assez bien.

Je voudrais d'abord savoir: Combien y a-t-il actuellement de pompiers à temps plein versus les pompiers à temps partiel, les auxiliaires? Il y en a combien actuellement?

M. La Madeleine (Gilles): Actuellement, si vous me parlez des pompiers, il y a 4 000 pompiers permanents qui travaillent à temps plein et il y a 18 000 pompiers à temps partiel au Québec.

Mme Houda-Pepin: Alors, ça, ça me permet de comprendre la préoccupation que vous avez par rapport à l'article 177. J'y reviendrai.

Vous avez soulevé pas mal de points très intéressants dont certains ont été déjà discutés avec les groupes qui vous ont précédés. Mais je voudrais revenir sur le rôle des MRC, des municipalités et des chefs de police, parce que vous réclamez aussi la responsabilité d'intervenir dans la préparation des plans d'urgence, vous estimez que vous avez les compétences, l'expertise. Moi, je voudrais savoir si vous en avez les ressources.

M. La Madeleine (Gilles): Évidemment, il va falloir développer, dans les plus petites municipalités... Ça, c'est déjà une pensée qui a été émise dans le cas des MRC, où là on a un spécialiste, à la MRC, et ce spécialiste-là dans le milieu de l'incendie, les projets-pilotes ? que vous connaissez sans doute, des MRC de Matapédia et de Nicolet ? nous ont prouvé que ce bonhomme-là vient faire la réorganisation, et cette réorganisation, elle repose sur le schéma de risques, repose sur la capacité d'intervention. Et souvent, sans mettre plus d'argent dans le système, juste en réaménageant l'argent qui est là, on réussit à mieux se protéger puis à être plus conscients des risques qu'on a sur notre territoire.

Alors, évidemment, si ce bonhomme-là a fait le plan de sécurité incendie, bien, il est quand même en mesure, avec des nouveaux paramètres, de venir faire le plan de sécurité civile. Parce qu'on sait qu'en matière d'intervention incendie, si on regarde les responsabilités des pompiers dans le guide des interventions, il s'occupe des inondations, il s'occupe des sauvetages en montagne, en forêt, bon, ainsi de suite. Donc, quand vous regardez les risques qu'on a au Québec, qu'est-ce qu'on a vu dans les dernières années? Des inondations. Puis si vous avez écouté les bulletins d'information, qui est-ce que vous voyez qui fait la surveillance des cours d'eau et tout ça? Bien, en région, ce sont les pompiers.

Et je parlais dernièrement avec un D.G. de la ville de Sainte-Brigitte-de-Laval qui me disait qu'eux autres, à cause de l'île Enchanteresse et des problèmes qu'ils ont avec la rivière Montmorency, c'est ces équipes de pompiers qui font ces surveillances-là régulièrement, dans les périodes. Ils sont habitués, ils sont familiers avec ça, ils savent quoi faire. Et dernièrement, quand il y a eu un problème à Beauport, c'est cette gang de pompiers là qui est descendue pour venir aider la gang de Beauport qui n'avait pas d'expérience avec les inondations. Alors, vous voyez qu'est-ce que ça peut être l'entraide inter MRC, là, et c'est ce qu'on veut développer, nous autres, au Québec.

Mme Houda-Pepin: Moi, je ne doute pas un seul instant de la pertinence du travail des pompiers, c'est vital, comme je vous ai dit; la question est de savoir si les chefs de police sont les mieux placés pour votre association, en tout cas, pour ce que vous plaidez pour intervenir dans la préparation des plans d'urgence, avec les MRC ou là où les MRC ne seraient pas opérantes ou ne seraient pas capables de les faire. Précisez.

M. La Madeleine (Gilles): Je voudrais juste bien comprendre. Vous parlez des chefs de police ou des chefs de pompiers?

Mme Houda-Pepin: Des chefs de pompiers, excusez-moi.

M. La Madeleine (Gilles): Ah, bon, O.K., j'étais un petit peu mêlé.

Mme Houda-Pepin: Non, non, on est avec les pompiers, là.

M. La Madeleine (Gilles): Je laisse M. Tremblay répondre.

M. Tremblay (Serge): Déjà, je vous dirais, par la mise en place de la loi n° 112, parce que vous savez ? vous avez parlé tout à l'heure du lien qu'il y a, de la ressemblance des deux lois ? sûrement que déjà nous aurons à compléter ? les orientations ministérielles sont déjà presque prêtes ? sur l'ensemble des territoires des schémas de couverture de risques et des plans de mise en oeuvre. Donc, l'expertise des chefs pompiers sera mise à contribution. Ils auront, sur le terrain, à faire l'analyse de leurs risques. Et nécessairement, dans l'analyse de leurs risques et dans la partie organisation d'analyse de leurs risques, ça vient toucher à leur compétence de définir aussi les risques d'autres natures qu'incendie. Déjà on le faisait, je dirais, de façon indirecte. Tout chef pompier qui, sur son territoire, a une menace, que ça soit industrielle, technologique, humaine ou de quelque nature que ce soit, même si ce n'était pas un incendie, le chef pompier a tendance, pour des raisons humanitaires, pour s'assurer... on n'envoie pas nos pompiers sur un site sans s'assurer qu'on va respecter la sécurité-santé.

C'est pourquoi je vous dis: L'arrimement de la loi n° 173 et de la loi n° 112 va développer chez nos chefs pompiers une expertise, une compétence qui va venir compléter ou, si vous voulez, permettre de faciliter le travail de la deuxième. Je vous dirais que souvent des tâches vont se faire conjointement. C'est pour ça qu'on disait qu'on ne veut pas voler la place à personne, mais déjà il y a un travail sur le terrain qui devrait être fait par nous. Et de faire cette deuxième partie là, qui est la Loi sur la sécurité civile, ça ne sera pas tellement plus demandant, parce qu'on va développer cette expertise là.

Mme Houda-Pepin: Oui. La difficulté, c'est que, comme vous le savez, nous avons une géographie très particulière au Québec, les régions, les régions éloignées en particulier, donc on n'a pas la même organisation des opérations civiles pareille partout. Les tailles des municipalités sont assez inégales. Nous avons dans certains milieux des MRC qui sont actives et qui peuvent intervenir, ailleurs elles sont inopérantes, vous l'avez dit vous-même. Et, par contre, au niveau de l'organisation de la sécurité civile, il faut avoir quand même des répondants qui sont les mêmes partout avec une certaine flexibilité. Et nous avons entendu hier les représentants de l'Union des municipalités du Québec qui sont venus nous dire qu'ils seraient ouverts à une possibilité où ça seraient les municipalités qui mandateraient, le cas échéant, les MRC de s'occuper des plans d'urgence.

n(11 h 40)n

On a, par ailleurs, l'organisation de la sécurité civile ? on l'oublie ? qui a le mandat par la législation de coordonner toutes les opérations de la sécurité civile. Et un des mandats qui est là, c'est d'outiller les autorités locales et régionales, notamment les municipalités et les MRC, à développer des plans d'urgence. Le problème, c'est que l'organisation de la sécurité civile n'a pas les ressources appropriées sur le plan professionnel pour se déployer sur l'ensemble du territoire du Québec, pour outiller ces autorités locales. C'est ça le problème. Et, moi, je pense que si on dotait l'organisation de la sécurité civile des ressources financières et des ressources humaines appropriées pour faire son travail correctement au niveau de la coordination... parce que les schémas, il faut qu'ils soient compatibles, il faut qu'ils s'harmonisent, et cette expertise-là, on ne peut pas l'éparpiller partout, là. On ne peut pas donner un petit bout aux pompiers puis un petit bout aux municipalités, il faut qu'il y ait une unité de commandement qui harmonise les opérations sur l'ensemble du territoire tout en tenant compte des spécificités locales, cela va de soi.

Alors, moi, j'ai comme l'impression que vous voulez prendre une responsabilité qui est quand même assez lourde, que dans le moment présent vous n'êtes pas outillés pour le faire parce que l'organisation de la sécurité civile, elle, n'est pas équipée pour le faire, hein, puis elle est mandatée déjà par la loi pour faire cela. Alors, ça, c'était mon commentaire. Je trouve que c'est louable de votre part de vouloir entreprendre cette responsabilité, là où les MRC ne seraient pas en mesure de répondre, mais je dois vous dire que, moi, je serais davantage favorable à ce qu'on donne les ressources à l'organisation de la sécurité civile pour qu'elle puisse planifier sur l'ensemble du territoire du Québec et coordonner les opérations de façon efficace. Et, sur le plan local, on peut faire intervenir les différents partenaires, notamment les municipalités, les MRC, les services de sécurité publics, notamment les pompiers, la police, etc., et même l'entreprise privée, la société civile aussi, parce qu'il y a des groupes qui se manifestent, les bénévoles, les groupes de bénévoles. Tout ça ensemble sur le plan local pourrait faire toute une différence. Mais, au niveau de la planification, moi, je souhaiterais en tout cas que ça soit assez clair, qui s'occupe de ça, parce que c'est majeur.

L'autre point aussi que je voulais soulever avec vous, vous avez, dans votre mémoire, demandé qu'on précise la notion de «sinistre» et la notion d'«accident majeur». Vous ne voulez pas faire de la sémantique ici, c'est parce que vous avez quelque chose à l'esprit. Pourriez-vous nous dire qu'est-ce qui vous amène à vouloir demander au législateur de préciser la notion de «sinistre» et la notion d'«accident majeur»?

M. La Madeleine (Gilles): Bien, ça, c'est tout à fait clair pour nous autres, la définition qui est donnée dans la loi actuelle représente des actions que l'on pose déjà sans être en mesures d'urgence, sans avoir besoin de l'organisation des mesures d'urgence municipales. Alors, je me dis: Il faut modifier ces définitions-là pour les amener vers une dynamique différente que celle qui est écrite là en ajoutant des mots, et ces mots-là... Par exemple, je prends la première définition, dans le cas de sinistre, déjà, nous répondons à des phénomènes naturels d'ordre technologique, des défaillances technologiques, à des événements dus à des incendies, à des explosions, mais c'est lorsque ça dépasse notre capacité d'intervention, là où ça déstabilise le système même de la municipalité que le plan des mesures d'urgence doit entrer en force et non pas juste dans la définition actuelle, où ça découlait d'une intervention.

Si j'enlève le bout de phrase qu'on a rajouté, nous autres, là, on dit, et je vais relire: «Un événement dû à un incendie, une explosion, un accident, une défaillance technologique ou un phénomène naturel découlant ou non de l'intervention humaine qui cause de graves préjudices aux personnes ou d'importants dommages à leurs biens.» Déjà, quand on a un incendie, ça, ça arrive. On prend un incendie dans un centre d'accueil où il y a 200 personnes, ça arrive, ça, mais est-ce que ça déstabilise le système? Bien, je vous dirai que, si vous êtes à Saint-Amable, où il y a 5 000 personnes puis 20 pompiers, oui, ça déstabilise le système, mais si vous êtes à Montréal, où il y a 400 pompiers, ça ne déstabilise pas le système, un feu dans un centre d'accueil de 100 personnes. Comprenez-vous la nuance qu'il faut apporter?

Mme Houda-Pepin: Oui.

M. La Madeleine (Gilles): Or donc, c'est pour ça qu'on a demandé de faire cet ajout-là. Dans le cas de l'autre définition suggérée, la définition d'un incident majeur, bien, nous autres, on pense qu'il faut rajouter évidemment que ça nécessite la mise en oeuvre partielle ou complète du plan de sécurité civile pour que ça vienne s'appliquer à la définition dans un projet de loi de sécurité civile. Sinon, des incidents majeurs, on en vit en incendie, et on n'a pas nécessairement besoin de la sécurité civile. Alors, c'est pour ça que, nous autres, on demandait d'ajuster ces deux phrases là, pour venir préciser davantage.

Mme Houda-Pepin: O.K. Très intéressant, je pense, parce que votre expérience pratique, elle nous éclaire. Et, comme on va entreprendre l'étude article par article, c'est toujours intéressant d'avoir ces explications enregistrées pour qu'on puisse convaincre le ministre, le cas échéant, d'apporter les modifications. Donc, on prêche un peu pour vous aider.

Enfin, l'article 177 vous cause des problèmes réels, n'est-ce pas? Assez pour que vous puissiez revenir là-dessus puis faire des modifications assez pointues, plutôt assez précises en ce qui touche l'article 154 de la loi.

M. La Madeleine (Gilles): J'aimerais juste... parce que, dans votre mémoire, à la page 8, il y a une erreur.

Mme Houda-Pepin: Oui.

M. La Madeleine (Gilles): Vous retrouvez en bas «117», c'est une erreur de frappe, c'est «177» qui aurait dû se lire.

Mme Houda-Pepin: Bien, c'est bien ça que je vous ai dit. Moi, c'est 177. C'est ça.

M. La Madeleine (Gilles): C'est ça que vous aviez compris? O.K.

Mme Houda-Pepin: C'est l'article 177 qui modifie l'article 154, hein...

M. La Madeleine (Gilles): Voilà. C'est ça.

Mme Houda-Pepin: ...de la loi et qui finalement...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Mme la députée, il nous reste à peine... moins de deux minutes, même.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Moins de deux minutes. Alors, en moins de deux minutes, pourriez-vous élaborer concrètement comment la modification qui est apportée à l'article 177 vous affecte? Parce que, tantôt, vous m'avez dit qu'il y avait 18 000...

M. La Madeleine (Gilles): Pompiers à temps partiel.

Mme Houda-Pepin: ...pompiers à temps partiel. Ce n'est pas pour rien que je vous ai posé cette question, c'est parce que je voulais mesurer l'impact de l'article 177.

M. La Madeleine (Gilles): M. Desrosiers.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Desrosiers.

M. Desrosiers (Jacques): Dans le texte original de la Loi sur la sécurité incendie, à l'article 154, on retrouve, dans les deux dernières lignes, les mots «convenu de mesures». Ils sont déjà là, dans l'ancien article. Et, nous, dans la proposition qui est faite par l'amendement 177, c'est enlevé et c'est remplacé par «qui...» Pour que le devoir, mettons, de l'employeur et du pompier... il faut que le pompier aille aviser. Mais, vous savez, il a plus qu'à aviser, il faut qu'ils conviennent de mesures, ces gens-là. Je pense qu'on veut donner une chance à tout le monde de s'asseoir puis de discuter d'un protocole de départ pour un employé. Quelqu'un qui travaille dans une industrie, sur un travail qui est essentiel puis qui doit quitter son travail précipitamment parce qu'il y a un feu, il faut qu'il convienne avec son patron d'un protocole de départ. Et c'est pour cette raison-là qu'on veut, qu'on insiste, qu'on demande que le mot «convenu de mesures» reste dans l'article 154 comme à l'origine.

M. La Madeleine (Gilles): Et là je vous dirais, juste pour ajouter vite, vite, vite, c'est qu'un pompier peut être permanent dans une municipalité comme celle de Montréal et agir comme pompier temps partiel dans une autre municipalité. Et, s'il n'a pas convenu de mesures au préalable avant de quitter, est-ce qu'il va pouvoir quitter comme ça juste sur l'avis? Je vous donne avis, il y a un feu dans ma municipalité et je m'en vais. Il ne peut pas finalement parce qu'il est aussi important dans son travail à Montréal qu'ailleurs. Alors donc, il faut convenir de mesures avec l'employeur plutôt que de juste l'aviser.

Mme Houda-Pepin: Le président me signale que mon temps est terminé mais je voulais vous poser une question: Il y a combien de femmes chefs pompiers?

M. Tremblay (Serge): Il y en a déjà eu une dans le passé. Maintenant, actuellement, je pense qu'il n'y en a pas. Il y en a déjà eu une par exemple.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): J'aimerais vous remercier, M. le président, de même que les personnes qui vous accompagnent, pour votre contribution à nos travaux.

M. La Madeleine (Gilles): Merci, M. le Président.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Et je vais inviter M. Patrick Bonin, étudiant au programme de Baccalauréat en administration des affaires de l'Université de Sherbrooke, à bien vouloir s'avancer, s'il vous plaît. M. Bonin nous exposera, à titre de citoyen, sa vision de l'orientation que devrait prendre la sécurité civile au Québec, toujours dans le cadre de ces auditions publiques sur le projet de loi n° 173, Loi sur la sécurité civile. M. Bonin, bienvenue. Nous avons réservé une période de 30 minutes pour la présente rencontre. Alors, ça veut dire une dizaine de minutes pour la présentation de votre propos, et nous passerons ensuite à la période d'échanges. Vous avez la parole.

M. Patrick Bonin

M. Bonin (Patrick): Merci. M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, merci d'être ici aujourd'hui pour m'entendre, entendre mes propos sur le projet de loi n° 173 portant sur la sécurité civile au Québec. Mon nom est Patrick Bonin, je suis étudiant en administration des affaires, concentration sécurité et gestion des dangers, à l'Université de Sherbrooke. Je suis ici pour vous exprimer mon opinion à titre personnel et de citoyen.

Je tiens d'abord à féliciter M. le ministre pour son initiative de présenter un nouveau projet de loi qui s'avérait une nécessité au Québec. En effet, notre société évolue rapidement et le gouvernement se devait de suivre la cadence. Plusieurs personnes ont déjà fait mention au cours de cette commission qu'il y avait une augmentation des risques dans la société, et je pourrai vous présenter au cours de la période de questions les faits le justifiant.

n(11 h 50)n

La question a été soulevée à savoir si de récentes études ont été faites sur les changements climatiques. Il faut savoir que le Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat, qui a été mis en place par l'ONU, estimait en janvier dernier, janvier 2001, que l'augmentation moyenne de la température varierait entre 1,4 et 5,8°  au cours des 100 prochaines années. Les conséquences anticipées sont une diminution de l'approvisionnement en eau. Ce matin, LCN marquait: «Cinq milliards d'humains en 2025 vont manquer d'eau.» Il y a également beaucoup de risques qui sont associés à ces changements climatiques et je pourrai élaborer, si cela vous intéresse, lors de la période de questions.

Sans être alarmiste, tous ces risques et les nombreux autres, qu'ils soient naturels, sociaux ou économiques, représentent de par leurs conséquences potentielles une véritable menace pour les citoyens du Québec. Les récents sinistres survenus à l'échelle mondiale ? on pense au Salvador, à l'Inde, aux îles Galápagos ? nous ont d'ailleurs donné un bon exemple des coûts économiques, psychologiques et sociaux qui s'y rattachent.

Ceci m'amène à parler de l'importance d'une culture de sécurité civile au Québec. Il faut, selon moi, conscientiser les citoyens qui, par une implication directe lors des sinistres, sont souvent appelés à jouer le rôle de premiers intervenants. Je ne crois pas qu'il soit utopique d'envisager un virage efficace à ce niveau et d'amener la population à jouer un rôle de première importance en ce qui a trait à sa propre sécurité. La conscientisation des citoyens et le changement de mauvaises habitudes passent inévitablement par l'éducation, et c'est à ce niveau qu'il faut, selon moi, miser. Les programmes d'éducation au Québec, que ce soit au primaire, secondaire ou collégial, n'ont pas encore intégré cet aspect à leur formation et je considère inconcevable de passer outre à cet impératif. Il est par contre important de spécifier que ces programmes ne devraient pas inclure un aspect compétitif, car le but est d'encourager l'entraide au sein de la population.

La divulgation des risques auxquels la population est exposée représente également un danger potentiel si on n'y accorde pas une attention particulière. En effet, une information complète sur les risques doit être accompagnée des comportements adoptés par la population et le tout validé par des professionnels. En ce sens, je recommande qu'à la divulgation des risques soient jointes les actions à entreprendre par la population si ces risques se concrétisent. D'ailleurs, les entreprises ont, selon moi, une grande part de responsabilité à ce niveau. Des campagnes de sensibilisation et de prévention par le biais de la télévision, la radio, les conférences sont également des bons outils de sensibilisation. Je recommanderais d'ailleurs à la sécurité civile de renouveler l'expérience du colloque sur la sécurité civile présenté à Jonquière en novembre dernier, et ce, sur une base annuelle, d'autant plus que de nombreux changements sont à prévoir et sont souhaités au cours des prochaines années.

Viennent ensuite les différents intervenants, soit les bénévoles, policiers, pompiers, ambulanciers, industries, médias, etc., qui sont attitrés aux diverses opérations lors de sinistres. La complexité souvent présente lors de ces événements exige d'eux une compréhension plus globale de la situation, ne serait-ce que pour bien comprendre leurs rôles respectifs et ceux des autres organisations de façon à créer une certaine synergie. Je considère que ces gens se doivent d'être tous familiarisés à la gestion des sinistres, et ce, à l'aide de formation adaptée à leurs besoins.

Ceci m'amène à parler de la formation des gestionnaires de risques. Ces derniers doivent développer une vision systémique et transdisciplinaire, car les sinistres de grande envergure sont souvent caractérisés par leur complexité en plus d'être ponctués de problématiques inattendues où le désordre règne, où la planification est impossible, où l'on est désorganisé et où on doit repenser les possibilités de direction et de contrôle. Cette compréhension des sinistres est essentielle à une gestion efficace en partenariat avec les différents acteurs impliqués. Elle doit s'accompagner de connaissances et aptitudes essentielles qui sont la capacité de concertation, de coordination, de coopération, de non seulement comprendre les risques, mais être capables de les percevoir, de prise de décisions, de gestion de l'information et des communications, du sens de l'éthique, de la connaissance des aspects légaux de l'organisation et des différents enjeux.

Pour s'assurer de cette intégration, je recommande que soient passés en revue la compétence et les niveaux de formation des conseillers et des gestionnaires de sécurité civile, ceci dans le but de s'assurer qu'ils possèdent tous les concepts qui leur permettront de pouvoir analyser les risques, les anticiper et en limiter les effets. De plus, nous serons assurés d'une certaine standardisation et d'une harmonisation au niveau provincial.

Dans le même ordre d'idées, je recommande la création d'une commission permanente sur la gestion des risques. Il est essentiel que siègent à cette commission des gens de divers milieux, des professionnels de la gestion des sinistres pour qu'elle possède l'expertise requise et n'entretienne pas certains mythes qui ne cessent de se perpétuer dans la société. Cette commission viendrait conseiller le comité de sécurité civile du Québec. Ceci permettrait de s'assurer de la compétence des conseillers en sécurité civile ainsi que de celle des divers consultants, l'idée étant d'éviter que le maillon le plus faible de la chaîne ne vienne compromettre la sécurité des populations.

Parmi ces mandats ? et je ne veux pas insinuer que c'est le maillon le plus faible de la chaîne ? figurerait également celui d'évaluer les programmes de formation existants au Québec et d'assurer leur adéquation aux besoins du milieu. Un partenariat avec les établissements d'enseignement est également souhaité pour structurer les divers cours et programmes.

La commission devrait également établir des normes provinciales en ce qui concerne les analyses de risques. Cela permettrait entre autres une standardisation des évaluations sur certains aspects, comme l'établissement des probabilités d'occurrence et des conséquences. Son mandat pourrait même s'étendre à l'approbation des plans d'urgence des différentes municipalités en plus de s'assurer de l'harmonisation de ces derniers. Les analyses, les études postsinistres et l'évaluation des intervenants feraient partie de ses fonctions. Elle ferait également le suivi des recommandations émises à l'intérieur de ses mandats et verrait à ce que leur application soit faite.

Il reste cependant un autre point important à spécifier pour améliorer la compréhension des nombreuses problématiques liées au domaine, il s'agit de la recherche et du développement. La recherche permet entre autres de développer une nouvelle approche, des nouveaux processus, des nouveaux concepts et technologies qui sont essentiels pour appuyer la gestion et la prévention des sinistres. Tout ceci n'est pas fait sans effort évidemment et sans argent. C'est pourquoi il est primordial que le gouvernement soutienne l'organisation de la sécurité civile au Québec en lui accordant les ressources et les moyens nécessaires pour remplir ses mandats.

L'implication du domaine privé est également importante à considérer, son soutien n'en est pas moins. Ainsi, le gouvernement devra trouver les moyens d'inciter les entreprises et organismes à la collaboration. On peut penser à des crédits d'impôt pour les entreprises et les municipalités qui sont des exemples en matière de prévention et de gestion des sinistres. Les compagnies d'assurances sont également un partenaire dont le gouvernement doit absolument se servir. On peut penser à des réductions de primes pour les organisations détenant des plans d'urgence mis à jour et testés annuellement. Il serait même bon de déclarer non assurable toute organisation qui ne respecte pas les principes essentiels à une saine gestion des sinistres.

En terminant, je voudrais rappeler que la sécurité civile est l'affaire de tous, que l'entraide et la coopération doivent régner et que les dimensions économiques ne peuvent prévaloir sur la santé et la sécurité de la communauté. Il est donc primordial de miser sur la prévention de façon à ce que des événements fâcheux qui auraient pu être évités ne se produisent jamais. Je vous remercie et je vous invite à passer à la période de questions.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. Bonin. M. le ministre.

M. Ménard: Oui. Je vous remercie beaucoup, M. Bonin. C'est admirable qu'à votre âge vous décidiez de venir nous présenter un mémoire d'ailleurs très bien structuré. Par les questions que je pose, qui seront peut-être sous les domaines les plus difficiles, ce n'est pas parce que je n'apprécie pas la valeur mais c'est parce que justement on cherche des éclaircissements qui sont nécessaires.

Je voudrais quand même vous signaler que j'ai remarqué avec le temps, n'est-ce pas, qu'il y a deux grands reproches qu'on fait au bon gouvernement: il taxe trop et il ne dépense pas assez; il réglemente trop, il ne réglemente pas assez; il devrait déréglementer mais il devrait réglementer ailleurs. Un des reproches que l'opposition nous fait souvent aussi, c'est: devant un problème, on n'a qu'une réaction, c'est créer une structure.

Une voix: ...

M. Ménard: Oui, oui. Vous voyez? Et pourtant, on nous demande toujours de créer devant les problèmes des structures. Il y a une autre attitude qui est quand même peut-être d'aller chercher dans les structures existantes, de les utiliser au maximum. Et vous avez senti, dans l'ensemble du projet de loi, que notre but est d'amener les organismes en place à prendre leurs responsabilités, à être plus conscients de leurs risques, plus conscients de leurs ressources et de les amener ainsi à prendre des décisions qui vont, d'une part, prévenir certains risques et, d'autre part, optimaliser l'intervention. Et ce processus va amener justement des solutions différentes selon les territoires, selon les densités de population, selon les concentrations d'industries.

n(12 heures)n

Est-ce que vous étiez conscient de ça quand vous avez lu le projet de loi? Parce que je sais que c'est très difficile parfois, le langage juridique puis... Je suis avocat puis j'ai toujours espéré qu'il soit plus clair, mais je m'aperçois que le langage juridique n'est pas nécessairement un langage qui facilite la communication des buts. Mais est-ce que vous avez senti dans l'étude du projet de loi que vous avez faite, et qui est très extensive, je remarque, que l'on cherchait à atteindre... qu'on visait plus un processus qui amènerait que d'imposer des mesures un peu partout à travers le Québec?

M. Bonin (Patrick): En fait, je vais peut-être juste vous parler au niveau du projet de loi. C'est vrai que c'est compliqué à comprendre, un projet de loi; ce n'est pas facile, c'est des gros mots. Donc, tu le relis, tu le relis. J'ai encore à le relire, je crois, d'ailleurs.

Au niveau des intervenants, vous avez mentionné qu'il y a beaucoup d'intervenants qui vont être appelés à être sensibilisés; je comprends très bien ça, étudiant en... Vous avez parlé un petit peu tantôt aux autres étudiants qui vous parlaient de la concentration; on est appelés à apprendre à travailler avec les différents intervenants. Notre formation nous explique justement que chaque intervenant a une façon de voir les choses, une façon de fonctionner, que tout le monde se doit de comprendre, et je comprends que votre projet de loi va inciter les gens à travers du processus, sauf que, d'après moi, c'est une nécessité d'imposer certaines choses.

Donc, jusqu'à un certain point on propose; dans d'autres cas, je crois qu'on doit imposer. Le fait d'imposer des analyses de risques, c'est excellent. Par contre, je crois qu'on devrait peut-être travailler plus sur l'aspect prévention, parce que c'est beau d'avoir des analyses de risques qui vont probablement cibler les risques, diminuer les conséquences en ayant une bonne analyse des risques, en sachant quoi faire pour les risques, sauf qu'on ne travaille pas sur les causes, on ne vise pas à éliminer tout simplement ces causes-là. D'après moi, d'après ce que j'ai pu lire dans la documentation, au cours des dernières années, on a peut-être trop travaillé et investi de moyens dans l'intervention et non au niveau de la prévention, au niveau de la recherche et du développement, au niveau de la formation des gestionnaires. Je ne sais pas si ça répond à votre question?

M. Ménard: Oui. Mais vous êtes conscient que, si on analyse les risques, on en est conscient?

M. Bonin (Patrick): Tout à fait.

M. Ménard: Et on va peut-être trouver des façons de prévenir le risque plutôt que d'avoir à gérer la réalisation du risque.

M. Bonin (Patrick): Par contre, à ce niveau, je renchérirais...

M. Ménard: On nous donne beaucoup des exemples des camions de chlore, qu'il y a encore, ou des wagons de chemin de fer de chlore. Bien, quand on va commencer à gérer la perte de chlore, on va peut-être s'occuper mieux du robinet et des tuyaux... Ha, ha, ha!

M. Bonin (Patrick): Oui, c'est sûr.

M. Ménard: De la tuyauterie.

M. Bonin (Patrick): Je suis tout à fait d'accord avec ça. Par contre, justement vous dites: On analyse les risques; c'est très bien. Je considère que ce n'est peut-être pas les intervenants qu'il y a présentement dans le milieu qui sont les mieux formés pour voir l'ensemble de la problématique et les diverses interrelations qu'il peut y avoir entre les problèmes de façon justement à percevoir ces causes-là.

Je peux vous donner des exemples, un exemple facile comme ça: à la Communauté urbaine de Montréal, on projette de faire une commission pour penser à faire un nouveau pont. Le problème étant peut-être un problème de circulation au niveau de la ville, qu'il y a trop d'automobiles, est-ce qu'on règle le problème de trop de circulation en faisant un autre pont? Est-ce que c'est vraiment la cause qui est réglée? C'est ce genre de problématique là que je me demande si les intervenants du milieu ont l'approche globale, comme je vous ai dit, systémique, qui permet justement de voir ce problème.

M. Ménard: Oui, ça serait plus logique de regarder si le transport en commun ne réglerait pas mieux la circulation.

M. Bonin (Patrick): Ou de changer le transport en commun.

M. Ménard: Ha, ha, ha! Oui? O.K. Bon, plus précisément, vous souhaitez que soient explicitées davantage les obligations qui sont liées à la divulgation des risques.

M. Bonin (Patrick): Pardon?

M. Ménard: Vous souhaitez que soient explicitées davantage les obligations liées à la divulgation des risques. Quels seraient, selon vous, les points à développer?

M. Bonin (Patrick): O.K. En fait, je crois que, lorsqu'on parle des risques, les membres du DRI ont bien cerné un problème qui est le rétablissement, que le rétablissement est une partie du risque, une des conséquences... non est plutôt une des phases à appliquer sur la gestion du risque, qui vient de l'occurrence d'un risque. Quand on parle de rétablissement, je crois que les entreprises ainsi que la société ont intérêt justement à cibler les priorités, à savoir qu'est-ce qu'il faut qu'on rétablisse en premier. Et si on fait ça au niveau peut-être de la province, c'est d'avoir un système qui établit les probabilités et les conséquences sur la même échelle de façon à ce qu'on sache exactement les priorités: si la priorité, c'est un hôpital, si la priorité, c'est les communications à rétablir, de façon à rendre fonctionnelle la société le plus rapidement possible. C'est plus dans ce sens-là, je crois, qu'il faut se mettre certaines balises et avoir un harmonisation, une standardisation au niveau de la province pour que chaque plan d'analyse de risques puisse être, si vous voulez, mis ensemble et avoir la même base comparative.

M. Ménard: O.K. Je vous remercie beaucoup, c'est très éclairant. Vous faites très bien cela. Je sais que c'est énervant, venir ici, puis, des fois, on l'oublie, nous autres, d'ailleurs, qu'on est intimidants. Bien, on ne veut pas l'être mais... Ha, ha, ha! Mais vous faites très bien ça. Je vais laisser une autre collègue du groupe parlementaire... Ça vous appartient.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, M. Bonin, je vous accueille avec grand plaisir. Votre mémoire est très bien structuré, vous défendez des idées extrêmement intéressantes et pertinentes. C'est sûr que vous avez avec vous la lunette à travers laquelle vous vivez cette réalité, c'est-à-dire la formation, et, comme vos collègues qui vous ont précédé tantôt, vous plaidez pour une reconnaissance du conseiller en sécurité civile. Vous amenez cependant une nouveauté, qui est celle de la création de cette commission permanente de gestion de crises. Alors, si vous permettez, il y a beaucoup, beaucoup d'éléments là-dedans avec lesquels je suis entièrement d'accord, notamment la nécessité de former les enfants, les jeunes, dès l'école et de diffuser du matériel scolaire pour les sensibiliser dès la petite enfance à cette culture de la sécurité civile. Moi, j'y adhère, à cette stratégie-là. En Europe, où les gens ont appris douloureusement ce que c'est que la protection civile, notamment à cause de la guerre, c'est un élément qui est introduit dans l'éducation civique dans les écoles.

Vous parlez aussi d'éduquer la population, de l'informer sur les risques inhérents à son environnement. Ça aussi, c'est une question qui est très pertinente, d'autant plus qu'avec tous les changements climatiques ? et vous l'avez bien détaillé dans votre mémoire au début ? la situation s'aggrave de plus en plus à l'échelle planétaire, et on n'a pas beaucoup de contrôle sur ces éléments-là, donc il faut que la population soit informée. Je pense qu'il y a là effectivement une responsabilité qu'il faudrait assumer.

Maintenant, pour revenir à votre page 12, vous dites: «Que les conseillers du ministère de la Sécurité publique soient appuyés par le gouvernement pour répondre au besoin d'expertise spécifique au domaine de la gestion des sinistres et des crises. Qu'ainsi soit standardisé les compétences et le niveau de formation des conseillers en poste à l'heure actuelle.» Je voudrais juste m'assurer que je vous ai bien compris. Quand vous parlez des conseillers du ministère de la Sécurité publique, vous faites référence à qui? Est-ce que vous avez décelé dans ce ministère-là soit un manque de compétence, soit une absence de ressources? Et pourquoi faut-il standardiser les compétences dans un domaine que vous dites vous-même multidisciplinaire?

M. Bonin (Patrick): O.K. Il y a plusieurs points à votre petite intervention, d'ailleurs. Juste, peut-être, pour commencer, vous dites que je propose quelque chose de nouveau, soit la commission. Je ne propose pas quelque chose de nouveau, ça a été en 1996, à la commission Nicolet sur le Saguenay, la table-conseil qui a été mise sur pied a proposé justement cette commission, proposition qui a été secondée par Thierry Pauchant, en 1997, lors du premier Colloque sur la prévention et la gestion des sinistres; le CPGSC a également proposé ça; M. Marcel Belleau, directeur de l'IPGSC, a également proposé ça. Donc, je ne crois pas que ce soit vraiment nouveau. C'est peut-être plus au niveau des termes «commission», «conseil», que ce sera à établir éventuellement.

Mme Houda-Pepin: O.K.

M. Bonin (Patrick): Au niveau de la formation, lorsque je parle de la formation des conseillers, c'est peut-être suite, encore une fois, au rapport... Dans le rapport du verglas, dans le rapport de M. Cazalis, qui en 1997 a fait une étude comparative sur les organisations de sécurité civile à travers le monde, qui mentionne justement certaines... Et vous l'avez, je crois, en page 11 de mon mémoire, je cite: «La Sécurité publique n'a pas les moyens de remplir de façon satisfaisante certaines des responsabilités qui lui sont formellement imparties. Ainsi, il ne peut: exercer pleinement sa fonction de conseiller en planification auprès des municipalités; exercer ses fonctions de conseiller en matière de mise en place des moyens de prévention ou d'atténuation.» Je ne dis pas que les gens de la sécurité civile ne sont pas formés, je dis: Peut-être que les moyens, l'encadrement ? qui est souvent relié à l'aspect économique de la chose ? il y a peut-être un petit problème à ce niveau-là.

Standardiser, dans le sens que moi, si j'habite en région, je crois que j'ai droit aux mêmes services de conseillers, de conseillers qui soient aussi compétents que pour la grande ville de Montréal même si les problématiques sont différentes. C'est tout simplement en ce sens-là.

n(12 h 10)n

Mme Houda-Pepin: Tout à fait. Bon. Alors, pour revenir à cette commission-là, à laquelle vous donnez beaucoup de mandats, en fait, elle est présente en amont et en aval de la crise et de la gestion de crises, est-ce que ça ne vient pas dédoubler la structure existante actuelle de l'organisation de la sécurité civile?

M. Bonin (Patrick): En fait, je ne crois pas. Ce que ça fait, c'est que ça permet de mettre une table-conseil avec des experts. On l'a vu avec M. Doré, hier, qui détient un doctorat en mesures d'urgence, que c'est un champ d'études très vaste, qu'il y a beaucoup de choses qui entrent en ligne de compte, il nous a éclairés sur plusieurs points. Et je crois que ceux qui sont le mieux placés justement pour conseiller en sécurité civile, c'est les experts, c'est ceux qui sont sur le terrain, qui comprennent la problématique. Et le but est de créer une certaine table où les gens peuvent se parler, se concerter, tout en ayant une expertise, faire venir à cette table les différents intervenants de façon à voir leurs besoins divers et d'ainsi améliorer la sécurité civile.

Mme Houda-Pepin: Dans votre mémoire, à la page 16, vous dites qu'il faudrait définir dans la loi le mot «risque». Dans la loi, il y a le terme de «sinistre» mais vous estimez qu'il est nécessaire de définir le terme «risque». Pourquoi ça vous semble si important que le terme «risque» soit défini dans la loi?

M. Bonin (Patrick): En fait, j'ai mentionné le terme «risque» mais je crois qu'il y a plusieurs termes qui devraient justement être explicités parce qu'on sait ? et on l'a mentionné pendant les trois jours de cette commission ? que les divers intervenants utilisent différents termes pour parler de la même chose. Il n'y a pas, au niveau du Québec présentement, une définition explicite et continue de chaque terme. Lorsque je parle du terme «risque», c'est peut-être parce que le mot «risque» est le mot qui prend le plus d'ampleur dans le sens de ce projet de loi là, parce qu'on parle d'analyse de risques. Si on demande aux municipalités, en fait, de faire des analyses de risques et qu'est-ce que le risque, qu'est-ce que le risque acceptable, ce sont tous des termes qui peuvent avoir différentes interprétations dépendamment de la perception des gens.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Alors, je vous remercie. C'est fort instructif, et on va certainement s'inspirer de vos commentaires et recommandations. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): J'aimerais, à mon tour, au nom des membres de la commission, vous remercier, M. Bonin, pour votre contribution. Et, sur ce, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 14 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 13)

(Reprise à 14 h 5)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): La commission des institutions reprend ses travaux et poursuit des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 173, Loi sur la sécurité civile.

Nous avons le plaisir de recevoir, pour cette première période, les représentants du Centre patronal de l'environnement du Québec. J'inviterais les membres représentant le Centre à bien vouloir s'avancer, organisme créé à l'instigation du Conseil du patronat du Québec en 1993. J'ai donc le plaisir de saluer notamment M. Jean Piette, président du conseil d'administration. M. Piette, vous connaissez grosso modo la formule. On a 45 minutes, 15 minutes pour la présentation de votre propos et ensuite on passe aux échanges. Je vous cède la parole en vous demandant de nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

Centre patronal de l'environnement
du Québec (CPEQ)

M. Piette (Jean): Je vous remercie, M. le Président. Je me présente, je m'appelle Jean Piette, je suis président du conseil d'administration du Centre patronal de l'environnement du Québec. Je suis accompagné, à l'extrême droite, ici, par M. André Duchesne, qui est président de l'Association des industries forestières du Québec et qui est également membre du conseil d'administration et du comité exécutif du CPEQ; et également de M. Jules Lauzon, qui est à ma droite immédiate, qui est directeur pour le Québec de l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques.

Alors, je voudrais prendre quelques minutes de votre temps pour vous présenter brièvement le Centre patronal de l'environnement et pour vous faire part des préoccupations et des commentaires du Centre patronal de l'environnement à l'égard du projet de loi n° 173.

Je voudrais tout simplement, en guise de présentation de notre organisation, vous mentionner qu'elle a été constituée en 1993, et ce, à l'instigation du Conseil du patronat du Québec, qui a voulu constituer un organisme dont la mission consisterait à présenter la voie des entreprises du Québec à l'égard de tous les dossiers d'environnement et de développement durable. Le CPEQ rassemble 140 entreprises québécoises, dont, par exemple, surtout des grandes entreprises comme Bombardier, General Motors, Petro-Canada, Shell et autres, et également 18 associations sectorielles, donc des associations qui représentent des secteurs industriels comme, par exemple, les fabricants de produits chimiques, comme, par exemple, les entreprises pétrolières, comme, par exemple, les industries forestières, les fabriques de pâtes et papiers du Québec.

Nous apprécions beaucoup avoir l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui. Et nous voulons vous dire, dans un premier temps, que le Centre apprécie et reconnaît la légitimité et la pertinence de l'initiative du gouvernement de vouloir moderniser et améliorer ses instruments d'intervention en cas de sinistre et de vouloir amener les intervenants privés à se doter eux aussi d'instruments d'intervention appropriés. Vous n'êtes pas sans savoir que de nombreuses entreprises se sont déjà dotées de plans de prévention et d'intervention qui sont mis à jour régulièrement. Ces plans ont, à bien des occasions, fait leurs preuves.

Les entreprises ont pris ces initiatives de leur part, et ce, comme je l'ai mentionné déjà, depuis un certain nombre d'années, pour plusieurs motifs. D'une part, ça représentait la préoccupation des entreprises à l'égard de la sécurité de leurs employés; la sécurité des citoyens dans les communautés où les entreprises sont installées; la sécurité des biens des entreprises; leur réputation d'entreprise responsable dans la société; légalement, les exigences des compagnies d'assurance, qui ont certainement incité des entreprises à prendre des initiatives dans ce sens-là; de même que les exigences de certaines initiatives qui ont cours à l'heure actuelle parmi les entreprises comme, par exemple, les initiatives d'enregistrement ISO, ISO 9000 ou ISO 14000. Il s'agit de recherche pour les entreprises à respecter des standards internationaux en matière d'excellence et en matière de gestion d'entreprise. Et ces efforts, qui se retrouvent à l'échelle mondiale, évidemment, les entreprises québécoises les ont reconnus, les entreprises québécoises y participent. Et souvent, dans le cadre de ces initiatives, il y a évidemment une dimension plan d'urgence, une dimension plan d'intervention, une dimension plan de prévention qui est présente.

n(14 h 10)n

À l'égard du projet de loi n° 173, avant de céder la parole à mes collègues, je voudrais tout simplement partager avec vous peut-être trois préoccupations, trois messages principaux. D'abord, compte tenu du fait que de nombreuses entreprises ont préparé déjà des plans d'urgence et des plans d'intervention, nous souhaiterions que ces plans existants soient reconnus dans le cadre du nouveau régime qui sera mis en place.

La deuxième préoccupation à laquelle nous voulons vous sensibiliser, c'est la question des secrets industriels. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a, pour plusieurs entreprises, des choses, des biens très précieux qu'on appelle secrets industriels, qui doivent être protégés. Et nous souhaitons, là encore, que les initiatives ou les exigences de divulgation qui seront mises de l'avant tiennent compte des secrets industriels et prévoient des aménagements à cet égard.

La troisième préoccupation que nous voulons vous soumettre, c'est la question de la flexibilité. Une des craintes des entreprises, c'est la bureaucratisation, c'est l'installation ou l'instauration d'un régime bureaucratique mur à mur. Et, à cet égard, tout en reconnaissant la pertinence de la préoccupation protection publique, les entreprises souhaitent que le régime et les modalités du régime qui sera mis en place permettent une flexibilité en ce qui concerne le contenu, la confection des plans d'urgence pour éviter justement une bureaucratisation de l'industrie du sinistre et de l'accident majeur.

Nous voulons référer, par exemple, à des initiatives comme celle du CRAIM. Un de mes collègues... Je ne sais pas si tu as le document. Le CRAIM a pris des initiatives en ce qui concerne la confection de plans d'urgence. Et je pense qu'il y a une initiative de la part d'industries agissant collectivement mais en concertation avec les pouvoirs publics aux niveaux municipal, supramunicipal et plus haut encore pour mettre de l'avant des plans ou des critères d'élaboration de plans d'urgence qui reflètent une profonde connaissance de la réalité mais qui peuvent effectivement s'adapter à toutes sortes de situations réelles tout en tenant compte du particularisme de chaque entreprise mais en évitant les systèmes mur à mur.

Alors, c'était ça, les trois messages que nous voulions partager avec vous cet après-midi. Et, ceci dit, je vais céder la parole à mes collègues, qui ont également des commentaires à vous soumettre.

M. Lauzon (Jules): D'abord, en titre, je pense que c'est dans Le Devoir, on parlait de la réponse au rapport Nicolet lorsque le projet de loi a été déposé. Et le projet de loi, à notre surprise, vise beaucoup ce qu'on appelle les générateurs de risques. On pourra en reparler tantôt. On n'aime pas tellement la définition de...

Une voix: ...

M. Lauzon (Jules): Du milieu industriel, oui. On est plus que des générateurs de risques; on ne l'est même pas, en fait. Et, quand on lit l'article, on se rend compte que le projet de loi devait viser en priorité et suite aux problèmes qu'on a connus, de verglas, les désastres naturels. On se rend compte, dans le projet de loi, à l'article 8, qu'on fait une définition relativement large des générateurs de risques. Et, les générateurs de risques, on a compris que c'était le milieu industriel qui était visé par cette définition-là. Il faut se rappeler que, lors de la crise du verglas et lors d'autres crises semblables, les seuls qui ont pu répondre ou se défendre avec un peu d'efficacité, c'était le milieu industriel. Pour une bonne raison, c'est que le milieu industriel, depuis des années, ça fait sûrement au moins une quinzaine d'années que c'est dans la culture des entreprises de développer des plans d'urgence et d'élaborer des différents scénarios qui peuvent affecter d'abord la production, qui peuvent affecter les biens d'entreprise, le personnel et les citoyens de façon générale.

À l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques, on a développé ici un code de pratiques qu'on appelle Gestion responsable. Ça aussi, la commission a dû en entendre parler passablement parce que, ayant vu quelques mémoires, plusieurs mentionnent la gestion responsable comme étant un exemple. Ce n'est pas surprenant. Ce qui a été développé ici est maintenant en application dans 46 pays. Quarante-six pays à travers le monde utilisent le code de gestion responsable développé par l'industrie chimique canadienne comme étant un exemple et particulièrement au niveau de la préparation aux urgences.

Parce qu'il y a un volet extrêmement intéressant qui est Communication des risques à la communauté. Communiquer les risques à la communauté, c'est une activité qui est extrêmement difficile à faire, qui se prépare de longue main et qu'il ne faut surtout pas laisser au hasard. Dire aux citoyens qu'ils vivent à côté d'une usine qui peut exploser ou où il peut y avoir un échappement de gaz toxique, ce n'est pas placer dans le contexte et ce n'est pas placer aussi en expliquant les mesures qui sont mises en place pour éviter des événements comme ça et aussi pour y faire face. C'est extrêmement énervant pour les citoyens et aussi pour un conseil municipal. Donc, dans l'industrie, ça se fait. On a au moins, au Canada, fait 200 communautés actuellement où on les a informées des risques. Puis on a déposé nos plans d'urgence aux municipalités et aux communautés. Ça fonctionne très bien, et ? je pense que M. Piette a fait le point ? on craint énormément que le projet de loi nous demande de refaire ce qui a été fait, et ce qui a été très bien fait. Merci.

M. Duchesne (André): Alors, juste pour conclure, M. le Président. À ce moment-ci, le projet de loi, essentiellement, nous propose une approche en quatre étapes avec laquelle l'industrie est familière. C'est tout à fait adéquat, mais on ne va pas très loin dans le détail de comment ça va fonctionner, tout ça. Nous, dans l'industrie, mes collègues dans l'industrie, on a déjà de l'expérience en prévention, dans la préparation des interventions d'urgence, dans le contrôle des interventions elles-mêmes. On n'est pas trop, trop forts sur le rétablissement par réparation. Mais on espère ne pas aller là souvent, puis c'est souvent plus la responsabilité du gouvernement, de toute façon.

Ce qui nous apparaît important, donc, à ce moment-ci, c'est de renforcer la coordination dans la chaîne de décision, de s'assurer que, quand l'envergure de l'événement dépasse ce qui est sous notre juridiction habituelle dans nos usines puis à proximité de nos usines, il y ait une meilleure coordination entre les différents intervenants. Et, là-dessus, nous, on est ouverts à collaborer à 100 %. Mais on a un peu de misère à déterminer comment le projet de loi vise à combler des lacunes qui existent à ce niveau-là, qu'on a vues survenir lors des grandes catastrophes naturelles qui ont provoqué l'apparition du projet, l'idée de faire le projet de loi puis comment le projet de loi va s'assurer qu'on n'aura pas de dédoublement, qu'on va avoir des chaînes d'autorité claires, des compétences respectives claires, une préparation collective, autrement dit, qui va être efficace et non pas tout simplement un empilage bureaucratique, qui va faire bien l'affaire de l'industrie des pâtes et papiers, si vous utilisez beaucoup de papier. Mais ce ne sera pas très efficace pour la gestion de la crise, de toute façon, beaucoup de papier. Ce qui est efficace, c'est d'avoir des gens qui savent qu'est-ce qu'ils ont à faire. Voilà.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Merci, messieurs, pour cette présentation. M. le ministre, vous avez la parole.

n(14 h 20)n

M. Ménard: Bon, merci. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre mémoire. Je partage la légitimité de certaines de vos inquiétudes. Je pense que vous avez cependant une lecture erronée d'une bonne partie du projet de loi. Vous remarquerez que le chapitre qui est consacré aux générateurs de risques et qui commence effectivement par l'article 8 est plus court que celui consacré au ministre, plus court que celui qui est consacré au gouvernement. Est-ce que c'est parce qu'on considère que le gouvernement est un plus grand générateur de risques que les générateurs de risques? Ce n'est pas tout à fait le cas. Mais disons que, si on peut changer d'attitude puis comprendre que ce que nous cherchons à identifier, ce sont les gens qui sont responsables d'activités qui génèrent des risques, c'est la nature de cette activité de générer des risques, et leur demander de devenir des gestionnaires de risques, de les identifier, n'est-ce pas, de s'y préparer, nous croyons qu'effectivement s'ils ont cette attitude, ils vont eux-mêmes trouver des façons de prévenir les risques, de les atténuer, de se préparer. Croyez-vous qu'un pareil exercice peut être fait avec un budget qui représenterait moins de 0,5 % de l'investissement, si effectivement l'activité à laquelle on se livre peut, de sa nature même, générer certains risques?

M. Lauzon (Jules): Il est intéressant que, M. le ministre, vous ayez changé le terme «générateur de risque» par «gestionnaire de risque». Je pense que c'était une suggestion, et c'est bien accueilli. Ça place mieux dans le contexte le rôle de l'industrie et aussi la façon dont, depuis plusieurs années, on tient compte des risques dans nos activités. Effectivement, pour une entreprise, ce n'est même pas des raisons mercantiles. Préparer des plans de gestion de risques, c'est une question, d'abord, souvent demandée par nos assureurs. Et la prime est en fonction de la façon dont on peut gérer nos risques. Ça, c'est un facteur important. C'est aussi un facteur important de protéger, pour un industriel, ses biens et sa capacité de produire.

Donc, à ce niveau-là, je pense que j'ai peut-être été un petit peu plus loin que ce que je voulais dire. On est d'accord, en principe, sur le projet de loi, et même on le souhaite, ce projet de loi là, cette loi-là, parce que, d'abord, on a parlé des grandes entreprises, des entreprises qui sont organisées, qui sont organisées par association, qui ont des comités de travail sur la préparation de guides, par exemple celui du CRAIM et d'autres. Donc, ça, c'est une partie du secteur industriel du Québec. Il y a des entreprises qui ne sont absolument pas prêtes à faire face à des risques, elles ne connaissent même pas les risques inhérents à leurs activités. Et ces entreprises-là, pour nous, c'est des entreprises pour lesquelles on est souvent appelés à intervenir quand elles ont un incident parce qu'elles n'ont pas de mousse, par exemple, pour les feux importants et elles se fient à la loi du bon samaritain pour que d'autres agissent à leur place.

Si la loi peut amener les entreprises qui n'ont pas déjà des plans d'urgence à avoir des plans d'urgence, on va applaudir, c'est certain. Notre crainte n'est pas nécessairement que la loi oblige de faire à ceux qui n'en ont pas, mais notre crainte, c'est d'être obligés de reprendre et de reprendre d'une façon différente ce qu'on fait déjà très bien. Je pense que...

M. Ménard: Donc, si je vous comprends bien, le fait de communiquer aux autorités locales la nature du risque, les mesures qui sont prises pour l'atténuer ne devrait pas représenter un fardeau bureaucratique trop considérable, puisque vous le faites déjà pour vos assureurs.

M. Lauzon (Jules): Pas tout à fait. C'est que, dans la rapidité avec laquelle les assureurs font une évaluation de nos plans d'urgence et aussi de la façon dont on évalue nos risques, on n'a pas la certitude que les petites municipalités, même regroupées, auront ces moyens-là ou les compétences techniques au départ et les ressources pour recevoir des plans d'urgence ou recevoir une liste de risques, en faire une évaluation rapide et donner une réponse rapide pour qu'un plan d'urgence soit mis en place. Dans les délais prévus par la loi, on parle de... C'est six mois?

Une voix: Trois mois.

M. Lauzon (Jules): Trois mois. Trois mois, ça prend juste... Pour la municipalité, le délai d'approbation, on ne peut pas se fier à trois mois, sûrement, et, pour l'entreprise, on parle d'à peu près un an.

M. Ménard: L'obligation que vous avez, c'est simplement d'informer.

M. Lauzon (Jules): Oui, c'est ça, de déposer la liste des risques. Il faut que ça soit déposé dans les trois mois à la municipalité. Pour déposer la liste des risques, pour une entreprise, il faut faire l'évaluation de ces risques-là, et ce n'est pas une mince affaire. Il faut évaluer les procédés, il faut évaluer les différents scénarios et, à partir de là, établir une liste de risques qui doit être déposée dans les trois mois.

M. Ménard: Bon. On comprend que, selon l'importance de l'investissement puis des travaux, ça peut être plus long. D'ailleurs, on prévoit qu'on peut allonger les délais, qu'on peut discuter de la nécessité, par rapport à certaines expériences antérieures, d'allonger ces délais, s'il le faut. Mais enfin, je voudrais en revenir sur... Je comprends que personne n'aime l'expression, ça a l'air, «générateur de risque», mais personne ne nous en offre une meilleure ou, en tout cas, une qui soit rigoureuse. «Gestionnaire de risque» ne couvre pas ce que l'on veut viser par là. Parce que la municipalité est un gestionnaire de risques, le ministère de la Sécurité publique est un gestionnaire de risques, ils gèrent des risques. Ce que nous voulons, c'est que les gens qui sont responsables d'une activité qui génère des risques, par exemple, un distributeur d'énergie... C'est évident, il n'y a personne qui va reprocher à la corporation de gaz naturel de se considérer comme un générateur de risque puis qui va voir ça... Au contraire. Mais il faut le gérer.

Mais prenez David Lévy qui avait une entreprise de BPC. Était-il un gestionnaire de risque? Non, hein? C'était un générateur de risque qui n'a pas géré son risque, qui ne l'a pas prévu. Alors, c'est ce que l'on veut viser. Si on veut que les risques soient identifiés, on veut, pour la municipalité, que les ressources nécessaires soient identifiées. Et on pense qu'en faisant ces deux exercices, quand ils vont faire leurs plans d'urgence, tout le monde va être assez responsable pour prévenir certains risques, les atténuer dans la mesure du possible et finalement prévoir des mesures si jamais le risque, hélas, se réalise. Ne croyez-vous pas que c'est ça? Et cette politique doit s'appliquer à l'ensemble du Québec, c'est-à-dire à des endroits comme Montréal, où il y a de grandes concentrations d'activités industrielles, mais à des endroits où la population est beaucoup plus dispersée. Et c'est évident que justement les plans de sécurité civile seront aussi diversifiés que la diversification des activités sur le territoire du Québec.

Alors, je suis très sensible à ne pas vous imposer une bureaucratie, mais il y a des entreprises ici qui nous ont dit qu'avec 0,3 % seulement de l'investissement qu'ils ont fait, quand ils ont fait leur opération de transparence, de communiquer les risques, de préparer la gestion de leurs risques, de préparer les mesures d'atténuation, etc., ils s'en sont sortis non pas avec une diminution de l'image corporative, mais avec une plus grande valeur de l'image corporative dans les communautés où ils étaient. Si c'est ça, je crois que c'est un prix bien mince à payer pour une valeur aussi importante qu'être prêt à assumer toutes sortes de risques. Ensuite, vous remarquerez qu'il n'y a pas que les risques industriels qu'on prévoit. Mais, dans la partie Générateurs de risque, oui, dans ce chapitre-là, oui, on parle de générateurs. C'est surtout des activités industrielles, quoique ça pourrait être d'autres choses.

M. Duchesne (André): M. le Président, la règle du... dont vous parlez, de- 1/2 ou de 1/4 de pour cent, pour nous, c'est...

M. Ménard: Ça dépend de la nature...

M. Duchesne (André): Le coût va être fonction de la nature justement du risque géré, de la nature de l'activité. Puis il peut arriver... Si j'essaie de maintenir la sécurité des gens dans une navette spatiale, ma gestion de risque coûte bien plus cher que 0.3 %. C'est ça.

M. Ménard: Oui, que si j'ai un commerce par ligne Internet, n'est-ce pas. C'est sûr.

M. Duchesne (André): C'est ça. Alors, ça tend vers zéro. Alors, il va falloir nécessairement que ça soit proportionnel à l'activité. Puis ça, je ne pense pas qu'on ait de querelles avec ça, je pense qu'on est sur la même longueur d'ondes que vous, ça doit être fait, puis c'est bénéfique pour tout le monde que ça soit fait. La question n'est pas là.

Je pense que le terme «gestionnaire de risque» nous rassure un peu sur la connotation négative que «générateur de risque» risque de nous accoler, un peu comme en forêt, nous autres, on est des bénéficiaires de contrats puis on se sent un petit peu bénéficiaires de l'aide sociale, dans ce temps-là. En fait, on est des contracteurs avec le gouvernement, on a un contrat en bonne et due forme avec le gouvernement. Et je pense que le vocabulaire, des fois, crée des attitudes. Puis on vous demande, je pense, bien humblement d'y songer avant de nous accoler un titre qui risque d'être un petit peu dépréciateur.

M. Ménard: Seriez-vous satisfaits si le chapitre s'intitulait Des activités qui génèrent des risques?

Des voix: Oui.

M. Ménard: Bien là vous comprenez que ce n'est pas un reproche qu'on fait, «générateur de risque», c'est une réalité. Comme je disais tout à l'heure, si j'ouvre un site Internet pour vendre des choses, je ne pense pas que je génère grand risque, tu sais. Mais, si, par contre, je décide de transporter du chlore, bien là c'est une activité qui génère des risques. Alors, je vais laisser mes collègues poser des questions. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Drummond. Ah, vous voulez peut-être répondre à ça, M. Lauzon?

n(14 h 30)n

M. Lauzon (Jules): Le changement de définition, ce n'est pas juste pour le secteur industriel, parce qu'il y a des générateurs de risques et il y aussi les municipalités. Il y a aussi des activités gouvernementales qui génèrent des risques. Et ce n'est pas une intervention que pour le secteur industriel. Je pense que ceux qui ont des activités sont susceptibles de créer des risques éventuellement, et je pense que ce serait une meilleure définition, ce que vous proposez, M. le ministre.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Drummond.

M. Jutras: Juste pour ajouter quelque peu par rapport à ce que vous venez de dire, effectivement, vous n'êtes pas les premiers qui nous soulevez ça, mais quand, à l'article 8, on parle de «toute personne», effectivement, comme vous venez de le dire, ça peut être une municipalité qui génère des risques, ça peut être une MRC, ça peut être un ministère quelconque. Alors, c'est pour ça que ce n'est pas seulement le milieu industriel qui est générateur de risque.

Moi, je voudrais vous entendre, parce que vous n'êtes pas les premiers également à soulever cette question-là, sur la question de la confidentialité et des secrets industriels à préserver. Dans votre mémoire, vous parlez de peut-être conclure des ententes ayant trait à l'obligation de non-divulgation. Par ailleurs aussi, vous nous parlez, dans le même paragraphe, de non-divulgation d'information, d'entente dans ce sens-là et, tout juste après, vous nous parlez de prescriptions claires à cet effet qui devraient être développées dans la loi pour éviter des litiges possibles entre industrie et gouvernement.

Alors, j'aimerais ça que vous nous disiez un peu plus de quelle façon vous voyez ça? Est-ce que vous dites: Bon, bien, ça ira au cas par cas, puis selon que l'entreprise, par exemple, dit: Bien, moi, tel chapitre, je voudrais que ça demeure confidentiel, le reste, c'est ouvert au public ou si vous voudriez qu'on y aille par des amendements à la loi ou dans un cadre réglementaire pour prévoir ces situations-là qui effectivement sont problématiques? Et on comprend bien les entreprises quand elles nous exposent cette situation-là.

M. Lauzon (Jules): Oui. Ça peut être par voie réglementaire. Mais on a un exemple au niveau de la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Dans la divulgation des produits, ce qu'on appelle le SIMDUT, il y a des prévisions pour dispenser des informations. Ces informations-là sont là pour informer les travailleurs de la dangerosité des produits. Mais il y a quand même, à l'intérieur du règlement SIMDUT, une possibilité de soustraire des informations à cause des secrets de fabrication. Et il y a un mécanisme, il y a une commission qui peut vérifier la validité ou la pertinence de considérer ça comme des secrets industriels. Et il y a aussi un panel qui peut vérifier l'information pour savoir s'il n'y a pas une incidence, là, effectivement sur la santé et que ce n'est pas un échappatoire de demander le secret sur ces produits-là.

Donc, il existe, au moins dans ce règlement-là, une façon écrite et convenue d'être capable de taire ou de soustraire des informations qui pourraient avoir une incidence sur la compétitivité des entreprises. Donc, ça existe déjà, et c'est ce mécanisme-là qu'on voudrait voir aussi à l'intérieur du règlement pour l'application de la section VIII, par exemple: qu'il y ait une possibilité qu'un entrepreneur ou qu'une municipalité dise: Bon, écoutez, ça, c'est une information qui est privilégiée et je demande une dispense de divulgation.

M. Jutras: Et, quand vous nous parlez, là, d'un panel qui est constitué pour apprécier cette question-là, si, effectivement, il y a lieu à obligation de confidentialité, si, effectivement, il y a lieu à la protection du secret, dans le cas présent, vous verriez que ce panel-là soit constitué par le ministère ou soit constitué par l'autorité locale?

M. Lauzon (Jules): Ça serait au niveau du ministère, parce que je pense que, au niveau de l'autorité locale, ça demande une certaine expertise pour évaluer si effectivement cette information-là est pertinente pour évaluer le risque ou si c'est une information qui est insignifiante au niveau du risque, mais qui a un contenu de secret industriel à protéger. Donc, je pense que ça serait plus au niveau du ministère d'en tenir compte ou d'avoir un comité ou un panel qui pourrait juger de ça.

Il y a un même panel... Il y a une commission fédérale au niveau de l'importation de produits, par exemple, où on doit divulguer l'information sur les produits, la toxicité des produits et aussi les risques reliés aux produits importés. Et cette dispense-là peut passer par une commission. Il y a une commission fédérale qui existe juste sur ça pour être capable de donner la possibilité d'importer un produit sans divulguer tous les secrets, et ça existe et ça fonctionne, ça coûte cher, mais ça fonctionne bien.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: Oui. Me Piette, M. Duchesne, M. Lauzon, bienvenue. Vous savez, il ne faut pas que vous vous laissiez démonter par le ton du ministre lorsque vous avez eu la discussion des générateurs de risque. C'est rare, moi, que je prenne la défense du ministre. Je dois vous dire qu'hier il a été amplement question de cette question-là de l'appellation «générateur de risque», et je l'ai trouvé particulièrement ouvert à l'idée de trouver une meilleure expression, s'il devait y avoir une meilleure expression, mais qui soit tout de même évocatrice de ce que la loi veut évoquer. Il a été question de «gestionnaire de risque». Ça peut faire injure aussi en certaines occasions, mais j'ai des raisons de penser qu'il va y avoir une recherche importante pour savoir si on ne pourrait pas trouver une autre façon de faire l'appellation.

Et, moi pour un, je m'engage envers vous à lui poser des questions, au ministre, lorsque viendra le temps de l'étude article par article du projet de loi, parce qu'on viendra à cet article-là à un moment donné. Je me ferai fort de lui poser des questions là-dessus, mais je suis certain qu'il va avoir trouvé une solution.

D'ailleurs, si, vous, vous en trouvez une, solution à cette question-là de l'appellation, je vous en prie, faites-la parvenir au ministère, faites-la-moi parvenir si jamais il devait l'ignorer; je la rendrai publique au moment de la commission, étude article par article. Vous n'êtes pas les seuls à l'avoir mentionné, je veux vous rassurer là-dessus.

Pour ce qui concerne les secrets industriels ? vous en avez moins parlé dans votre présentation, mais vous l'avez dans votre mémoire ? il en a été question aussi; tous les gens qui se sont présentés et qui ont un intérêt à ce qu'il y ait une protection des secrets industriels l'ont mentionné. J'ai également noté que le message avait été bien compris par le ministre. Encore là, je vous assure que, lorsque viendra le temps de l'étude article par article du projet de loi, si la protection n'est pas suffisante, vous pourrez faire des représentations au ministre ou à moi-même, et on les fera valoir au moment de l'étude article par article.

J'aurais deux sujets dont je voudrais discuter avec vous particulièrement. Le premier, c'est la communication avec la population. On va parler avec vous de risques industriels ou technologiques strictement. Vos membres, en général, sont des gens qui ont ce genre d'entreprise. Est-ce que vous êtes d'avis qu'il serait de la responsabilité première des entreprises que vous représentez ou qui font partie de votre regroupement d'informer la population non seulement sur le risque, mais également d'informer la population sur les mesures de prévention qui sont prises au sein de l'entreprise pour prévenir que le risque ne survienne ou alors pour en atténuer l'occurrence? Est-ce que vous êtes d'accord avec le fait que la responsabilité première de ce genre de communication devrait revenir à l'entreprise?

M. Lauzon (Jules): Oui. Après en avoir fait 200, présentations dans 200 communautés, c'est une responsabilité de l'entreprise. Par contre, une entreprise qui fait des communications de risque et aussi même des communications de bon voisinage: Je suis en activité dans votre secteur, voici ce qu'on fabrique, par exemple, comme produit, et il y a une visite d'usine: Voici les risques qui sont inhérents à l'existence de l'usine dans votre secteur et les moyens qu'on prend pour que ce risque-là ne se réalise pas et, s'il fallait que ça se produise, voici comment on va intervenir...

M. Dupuis: Exact.

M. Lauzon (Jules): Donc, c'est un mécanisme qui est complet et c'est un mécanisme qui est aussi... Quand on a un nouveau voisin, la première chose, c'est d'aller le rencontrer, ce n'est pas de lui dire: Bien, écoute, je viens d'arriver, n'oublie pas que j'ai un gros chien. Avant ça, il faut préparer la population, lui dire ce qu'on fait, présenter les gens, que les gens puissent voir l'usine, qu'il y ait un comité de citoyens. Nous, on a l'obligation... Chaque entreprise doit avoir un comité aviseur. Ce comité aviseur là, c'est des représentants des groupes socioéconomiques de la communauté, et ça devient un bureau de direction pour l'entreprise en ce qui a trait à l'impact sur l'environnement et même sur la santé et la sécurité des gens, des citoyens.

n(14 h 40)n

Donc, à votre question, oui, c'est une responsabilité première de l'entreprise. Par contre, où ça a moins bien fonctionné, c'est quand on n'avait pas la participation de la municipalité ou une participation faible de la municipalité et même la participation tiède de la sécurité publique. À ces endroits-là, ça ne fonctionnait pas très bien. Où ça a fonctionné très bien, c'est où il y avait des partenaires, soit les représentants des directions régionales, de la sécurité publique, les municipalités, les groupes socioéconomiques et l'entreprise.

Parce que l'entreprise, il y a toujours une méfiance quand le président d'une entreprise va parler à des citoyens, dire: Écoutez, on est ici depuis 20 ans et, maintenant, on vous dit qu'il y a tel risque qui peut se produire dans la communauté. Le premier réflexe de la population, c'est de dire: Bien, écoute, ça fait 20 ans que vous générez ce geste-là puis vous décidez aujourd'hui de venir nous dire ça. D'abord, le maire de la municipalité vient tout croche parce que, lui, la plupart des municipalités n'ont pas de zone tampon là et c'est les citoyens après ça qui viennent voir les conseils de ville pour se plaindre du nouveau risque qu'ils viennent de connaître.

Ça fait que c'est un mécanisme qu'il faut qu'il soit bien préparé. Ce n'est pas une question de camoufler les choses, mais on a des exemples: je pense que la compagnie Noranda a déposé un très bon mémoire et, aussi, ils ont fait mention de l'exemple de Magnola. Ce que Magnola a fait, c'est une perle au niveau de la communication avec la communauté et à travers l'exercice du BAPE. Mais je pense que c'est un exemple qui ne devrait servir pas juste au générateur de risque, ça devrait servir aussi, pour des risques naturels, à préparer la population. Je ne sais pas, moi, si, à Chicoutimi, les gens savent que, si tel barrage saute, c'est 50 pi d'eau qu'ils ont au-dessus de leur cheminée. Ça, ça n'a pas été dit comme ça à la communauté.

Il y a moyen d'informer la communauté sur les risques qu'elle encoure, soit des risques naturels ou des risques industriels, si c'est préparé de longue main, si c'est préparé à travers des CMMI par exemple. Le CMMI, c'est une créature qui est extrêmement efficace. Il reste encore à apprendre à vivre ensemble, mais c'est un organisme qui est extrêmement utile et efficace dans la planification. Et ça devrait être une obligation d'en avoir partout où il y a des secteurs industriels à risque.

M. Dupuis: Vous avez débordé dans le deuxième sujet que je voulais discuter avec vous. Je voudrais revenir au premier qui... Allez-y. Oui, allez-y, je vous en prie.

M. Duchesne (André): Je voudrais juste rajouter, M. le Président, un caveat vis-à-vis de ça. Je ne connais pas de secteur industriel qui ne se croit pas responsable d'informer la population de ce qu'il fait pour protéger des risques. Par contre, si le ministre tombait dans le piège d'essayer de définir comment ça se fait trois réunions par année, avec un minimum de 76 personnes, puis ainsi de suite, là, nous, on va débarquer de ça. Là, je pense que ça ne peut pas se faire de même. Alors, la difficulté donc, c'est, pour le législateur, d'apprécier si la responsabilité de l'entreprise a vraiment été prise au sérieux puis si l'entreprise vraiment a fait l'effort. Puis je n'ai pas de solution à vous donner à ça. Je ne sais pas comment on peut le mesurer, que l'effort a été raisonnable d'informer les voisins puis de vivre en bon voisinage avec, sinon quelque chose qui ne se mesure pas encore: la perception de voisins si ça a bien été fait.

M. Dupuis: Il y a une chose qui m'apparaît être certaine, c'est que, des entreprises qui sont de bons citoyens corporatifs, on en a vu ici et vous en représentez. On n'a pas trop de problèmes avec ces gens-là. Eux, ils font de bonnes analyses de risque; ils font une bonne communication du risque; ils font une bonne prévention; ils ont de bonnes mesures d'atténuation; et ils ont de bons plans de mesures d'urgence.

Mon raisonnement, moi, c'est un peu le suivant, c'est: au fond, je pense qu'une entreprise gagne en crédibilité à bien communiquer avec la population les quatre aspects. Je pense qu'une entreprise y gagne en crédibilité et, aussi, ça a une valeur académique. S'il y avait une obligation dans la loi faite aux entreprises de communiquer le risque, les mesures de prévention qui sont prises, les mesures d'atténuation et éventuellement le plan d'urgence là, mais à moindre degré, je pense, ça obligerait celles qui sont de moins bons citoyens corporatifs en principe à faire l'exercice et donc à rencontrer la finalité de la loi. Je termine là-dessus, à moins que vous ayez quelque chose à ajouter parce que je voudrais déborder dans le deuxième sujet puis j'en ai un troisième vite, vite.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Il vous reste cinq minutes.

M. Dupuis: Il me reste cinq minutes, O.K. Les comités mixtes, on en a beaucoup parlé, on en a beaucoup entendu parler, et on a beaucoup lu, particulièrement lorsque les entreprises de l'est de Montréal sont venues témoigner, lorsque Noranda, bien sûr, est venue témoigner et tous les représentants des entreprises qui ont travaillé avec cette structure-là sont venus en parler. Moi, j'ai déjà dit, là, j'ai eu l'occasion de dire, au cours de la commission, que ça m'avait assez séduit, cette structure-là.

Est-ce que vous croyez ? et là, je rejoins votre recommandation de la reconnaissance des plans; ce n'est pas si éloigné ? que cette structure-là devrait être reconnue de façon officielle, si vous voulez, par le ministère, et non seulement reconnue de façon officielle, mais qu'elle devrait être encouragée, cette structure-là, dans les endroits où elle doit être encouragée, où elle peut être encouragée, avec flexibilité bien sûr? Là, j'ai bien entendu tantôt que vous insistiez sur la flexibilité. Mais est-ce que vous croyez que c'est une structure qui mérite d'être reconnue de façon officielle?

M. Lauzon (Jules): Oui. Il faudrait que ce soit reconnu soit au niveau... On aurait préféré le voir au niveau de la loi, mais éventuellement, si ce n'est pas dans les possibilités, au niveau de la réglementation. C'est une structure qui est extrêmement efficace. Il faut la reconnaître, et aussi, le fait qu'il y a une reconnaissance légale au niveau de la réglementation, ça forcera beaucoup de municipalités et même de régions à développer un CMMI. Partout où il y a eu la possibilité de créer un CMMI, le secteur industriel a toujours accepté l'invitation, a été dans les premiers à participer d'une façon ouverte. C'est la façon de faire.

Gérer des urgences, c'est beaucoup une urgence, c'est beaucoup les communications, prévoir les communications, le partenariat. Il y a beaucoup d'acteurs. On arrive à une urgence: il y a peut-être 50 personnes qui ont un créneau d'activité différent, une compétence différente. La coordination, c'est la clé au niveau des urgences. Le meilleur exemple de coordination, c'est un CMMI où on a des partenaires qui vont, avant que l'incident ne se produise, discuter des différents scénarios, de l'équipement qu'il faut, de la formation qu'il faut: municipale, industrielle et du ministère. Je pense que c'est un outil qui devrait avoir la meilleure reconnaissance possible pour s'assurer que ça va être implanté partout. Et j'irais peut-être un petit peu plus loin: ce qu'on souhaite aussi, c'est qu'il y ait une création d'un comité aviseur au niveau des urgences de façon générale, pas juste les urgences industrielles, mais...

Quand il y a eu la crise du verglas, il y a beaucoup, dans le milieu industriel, de gens qui voulaient faire des choses, des industriels qui voulaient faire des choses, qui avaient des capacités d'intervenir et qui ne pouvaient pas parce qu'il n'y avait pas de coordination ou ils n'ont jamais été impliqués au niveau de la gestion des urgences autres que les urgences industrielles. Il y a des compétences dans le milieu industriel et ces compétences-là pourraient servir au ministère dans un comité aviseur où on pourrait retrouver des universitaires, des spécialistes des urgences, des spécialistes d'intervention et le milieu industriel, le milieu gouvernemental, paragouvernemental. Je pense que la création d'un comité aviseur pour le ministre, ce serait extrêmement important et ce serait un groupe qui serait drôlement apprécié dans un bunker quand il y a une urgence.

M. Dupuis: Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

M. Dupuis: Ça va.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Ça va. J'aimerais au nom des membres... Oui, vous voulez compléter?

M. Piette (Jean): Si vous permettez, simplement pour répondre à la suggestion que le député a formulée tout à l'heure de trouver une formulation alternative ou le remplacement à celle de «générateur de risque», l'expression à laquelle, je crois, le ministre a fait allusion tout à l'heure, «les activités et les biens qui présentent des risques», me semble tout à fait correcte en français, même si elle a malheureusement le défaut d'être plus longue que «générateur de risque». Mais l'expression «générateur de risque», outre le caractère ou l'impression négative que ça crée, je pense que, sur le plan du français, ce n'est peut-être pas également la trouvaille du siècle. Alors, peut-être que simplement le titre Les activités et les biens qui présentent des risques pour le chapitre III pourrait être une solution à examiner attentivement. Voilà.

n(14 h 50)n

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Malheureusement, Mme la députée de La Pinière, il ne nous reste plus de temps. J'aimerais remercier, au nom des membres de la commission, les représentants du Centre patronal de l'environnement du Québec dont son président, M. Jean Piette, pour sa contribution à nos travaux. Merci.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Nous allons enchaîner avec, cette fois, les représentants du Bureau d'assurance du Canada, représenté par M. Louis Guay, vice-président adjoint et Mme Francine Pelletier, conseilleur juridique. J'aimerais inviter les personnes à bien vouloir s'avancer en rappelant que nous sommes toujours à mener cette audition publique dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 173, Loi sur la sécurité civile.

Nous avons également, pour la prochaine période, réservé 45 minutes selon la formule habituelle, c'est-à-dire 15 minutes pour la présentation de votre propos, et nous passons par la suite aux échanges. Alors, vous avez la parole, en vous invitant à nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

Bureau d'assurance du Canada (BAC)

M. Guay (Louis H.): M. le Président, M. le ministre, membres de la commission, mon nom est Louis Guay, je suis vice-président adjoint au Bureau d'assurance du Canada et porte-parole de l'organisation. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Martin-Éric Tremblay, à ma droite, qui est directeur général de L'Union Canadienne, Compagnie d'Assurances; M. François Grenier, qui est vice-président, région de Québec, pour ING-Groupe Commerce; et Francine Pelletier, conseiller juridique pour le Bureau d'assurance du Canada.

Alors, au nom des sociétés d'assurance de dommages membres du BAC, je tiens à remercier les membres de la commission de nous entendre aujourd'hui sur un sujet qui nous préoccupe, celui de la sécurité civile.

Tout d'abord, permettez-moi de vous présenter le Bureau d'assurance du Canada. Le BAC est l'organisme qui représente les assureurs de dommages. Au Québec, le BAC est dirigé par des chefs de direction de sociétés qui ont leur siège social ou par des premiers dirigeants de sociétés qui ont une place d'affaires principale. L'industrie de l'assurance de dommages compte parmi les employeurs les plus importants de la province avec 21 000 emplois directs. Évidemment, comme vous le savez, l'industrie de l'assurance de dommages assume aussi un rôle de premier plan dans l'économie québécoise en permettant à la population de se protéger contre des sinistres qui peuvent avoir un impact dévastateur sur leur patrimoine.

En 1989, à titre d'exemple, les assureurs de dommages ont versé à leurs assurés près de 3,3 milliards de dollars en indemnités par comparaison avec 1998 où on avait versé des indemnités de 4,3 milliards, dont 1,5 milliard environ pour la crise du verglas. C'est des indemnités finalement qui sont reversées, qui sont remises dans l'économie. C'est une répartition de la richesse qui permet aux gens de continuer à pouvoir fonctionner.

Alors, d'entrée de jeu, nous tenons à mentionner que le BAC supporte entièrement l'initiative du ministre de la Sécurité publique d'introduire une législation qui vise la protection des personnes et des biens dans ces principales composantes que sont la prévention, la préparation des interventions et aussi les mesures de rétablissement après sinistre. Depuis quelques années déjà, le BAC a été conscientisé par ses membres à un phénomène qui est la très forte augmentation des coûts reliés aux catastrophes naturelles. Cette prise de conscience, chez nous, nous a amené, le BAC, à élaborer une stratégie nationale pour la réduction des pertes reliées aux catastrophes naturelles.

Or, nous avons constaté avec satisfaction que plusieurs des objectifs de notre propre plan rejoignaient les objectifs principaux du projet de loi n° 173, et nous en sommes très heureux, quoique le projet de loi n° 173 finalement a un champ d'application plus large, incluant les risques de nature anthropique.

Je vais maintenant laisser M. Tremblay vous faire un exposé sur l'augmentation des coûts reliés aux catastrophes naturelles, puisque c'est ce phénomène-là finalement qui nous a amenés, nous, au BAC, à élaborer notre stratégie.

M. Tremblay (Martin-Éric): M. le Président, M. le ministre, membres de la commission, comme Louis m'a présenté tout à l'heure, mon nom est Martin-Éric Tremblay. Je suis directeur général de L'Union Canadienne, Compagnie d'Assurances, qui a son siège social ici, à Québec.

J'aimerais aujourd'hui vous parler de l'impact financier des catastrophes naturelles au niveau mondial et au niveau québécois. En raison du phénomène de la réassurance, l'industrie de l'assurance de dommages est bien positionnée depuis longtemps pour compiler des statistiques sur les dommages causés par les catastrophes naturelles partout dans le monde. La plupart des phénomènes météorologiques violents comme les tempêtes de verglas, qu'on connaît très bien ici, les ouragans, les tornades ainsi que certains conséquences du verglas et des tremblements de terre peuvent être couverts par les contrats standard d'assurance de dommages. Seule l'inondation, à cause de la récurrence de ce phénomène et naturellement de l'impact naturel, est systématiquement exclue des contrats d'assurance de dommages.

L'industrie d'assurance de dommages utilise le terme «catastrophe» lorsque ces phénomènes ont un impact si dévastateur sur les gens et leurs biens que la communauté touchée doit faire appel à une aide extérieure. Or, selon les données disponibles auprès des réassureurs internationaux, depuis 10 ans, le nombre de catastrophes naturelles s'est élevé en moyenne à plus de 80, comparativement à une moyenne de seulement 20 au cours des années cinquante et soixante. Au cours de la même période, soit de 1950 à 1990, les dommages économiques, c'est-à-dire les dommages non assurés, ont explosé, passant de 55,3 milliards de dollars à 778 milliards de dollars canadiens à l'échelle mondiale. Pour faire un petit calcul, rapidement, c'est 14 fois l'impact qu'il y avait au cours des premières années. Quant aux dommages assurés eux-mêmes, ils ont progressé à un rythme presque deux fois supérieur, passant de 10 milliards pour les années cinquante à approximativement 250 milliards pour les années quatre-vingt-dix. Donc, encore ici, le facteur est de 25 fois.

En 1999, la dernière année pour laquelle les données sont connues, le nombre d'événements naturels graves recensé sur la planète a largement dépassé le cap des 700, fracassant ainsi le sommet historique de 702 établi en 1998. Exception faite de l'année 1992, les dommages assurés ont atteint un niveau record en 1999. Les montants totaux déboursés par les assureurs en 1999 sont tout près de 35 milliards de dollars canadiens.

Pour l'année 2000, les données préliminaires ? on dit préliminaires parce que, naturellement, les assureurs prennent quelques mois pour compiler leurs données ? montrent que la situation s'est stabilisée et même quelque peu améliorée par rapport à 1999. Mais on peut se poser la question: Pour combien de temps durera ce répit? Et basé sur les changements de température qu'on a eus en décembre et janvier de cette année, je pense qu'on est repartis vers un autre sommet. Selon nous, ces chiffres nous indiquent sans aucun doute que les dommages reliés aux catastrophes naturelles sont en constante augmentation à l'échelle mondiale.

Maintenant, si on ramène la perspective au niveau canadien et même québécois, même si la plupart des grandes catastrophes naturelles survenues au cours du dernier siècle sont survenues ailleurs, le Canada et le Québec n'ont pas été épargnés non plus par leurs catastrophes naturelles. On a juste à se rappeler les inondations du Saguenay et naturellement le verglas de 1998. Je pense que, depuis ces deux événements principaux, nous commençons à prendre largement conscience de notre vulnérabilité. Tout comme le reste de la planète, les catastrophes naturelles ont frappé le Canada et le Québec de plus en plus durement au cours des 20 dernières années, et il faut prévoir que ces phénomènes se produiront de plus en plus fréquemment.

Selon nous, il faut aussi prévoir que les conséquences économiques et sociales iront elles aussi en s'aggravant. D'ailleurs, les trois catastrophes naturelles les plus coûteuses de l'histoire canadienne sont toutes survenues en 1996 ou après. Les chiffres compilés de l'industrie de l'assurance canadienne montrent que, depuis le début des années quatre-vingt, les dommages totaux liés aux catastrophes naturelles sont passés de quelque 500 millions de dollars annuellement à près de 3 milliards de dollars en moyenne au cours des dernières années. Toujours au début des années quatre-vingt, les assureurs de dommages assumaient la plus grande partie de ces dommages. Mais, depuis cinq ou six ans, les dommages assumés par les divers paliers de gouvernement approchent les 500 millions de dollars annuellement pour l'ensemble du Canada, sauf en l'an 2000 où on est-ce qu'on parle d'une période de calme avant la nouvelle tempête, possiblement.

La cause principale. Mais qu'est-ce qui bouleverse à ce point notre environnement? La majorité des scientifiques s'accordent pour dire que, partout dans le monde, on assiste au réchauffement de la planète, à un réchauffement atmosphérique qui engendre des changements climatiques ayant pour conséquences des intempéries plus violentes et plus fréquentes qu'auparavant. Même si les scientifiques ne s'entendent pas sur la cause du réchauffement, il devient de plus en plus clair que celui-ci engendre des phénomènes météorologiques extrêmes.

Évidemment, le mauvais temps ne peut à lui seul être blâmé pour cette augmentation drastique des dommages. Le phénomène de l'urbanisation, c'est-à-dire la concentration des risques autour des grandes villes, est une autre explication de la hausse du coût des catastrophes. L'urbanisation a effectivement accru notre vulnérabilité.

n(15 heures)n

D'autre part, les infrastructures de certaines villes vieillissent et font l'objet d'une utilisation excessive ou sont carrément insuffisantes pour les besoins d'une population toujours plus nombreuse. Or, ce vieillissement n'est pas surprenant lorsqu'on constate que les dépenses d'infrastructures des divers paliers de gouvernement au Canada ont chuté de 5 % dans les années soixante à environ 2 % à la fin des années quatre-vingt-dix. Évidemment, il n'est pas possible de dominer la nature et d'enrayer complètement les catastrophes naturelles, on est bien d'accord. Toutefois, nous demeurons convaincus qu'avec un peu de prévoyance et beaucoup de planification il est possible d'en atténuer les effets et même souvent d'empêcher les dommages de se produire et surtout sauver des vies humaines.

Sur cela, je vous remercie et je repasse la parole à Louis.

M. Guay (Louis H.): Alors, moi, j'enchaîne en vous parlant un peu de la stratégie d'atténuation des pertes du BAC. Lorsqu'on a élaboré cette stratégie-là, on a été, je crois, un des premiers groupes à s'organiser puis à réfléchir à cette question-là. Et le document qu'on a élaboré avec les principales recommandations ? il y en a trois, je vais en parler ? c'était d'abord et avant tout, pour nous, une façon de sensibiliser les gens, de les renseigner. À cause du rôle de la réassurance, on a l'information, nous, au niveau mondial, au niveau des catastrophes naturelles. Alors, c'était finalement de sensibiliser les gens à cette problématique-là, et les pouvoirs publics, et de les inciter à réfléchir avec nous à la question. C'est un document surtout de discussion. Ce n'est pas une panacée.

Un des premiers éléments de la stratégie, c'est la création d'un fonds pour financer les projets de prévention aux niveaux locaux. On parle d'un montant qu'on voudrait de 175 millions de dollars, qui serait étalé sur une période de cinq ans, soit via un programme d'infrastructures ou non, mais un fonds auquel contribueraient les divers paliers de gouvernement, en raison de leur «exposure», je dirais. Et, selon nous, cette proposition-là rejoint, en tout cas au moins l'esprit du projet de loi n° 173. Il y a un article, entre autres, qui permet spécifiquement, qui donne au ministre le pouvoir de financer, d'apporter une aide financière à des projets de prévention. On aurait aimé, je dois l'admettre, que le projet de loi aille encore plus loin et prévoit la création d'un fonds de façon spécifique. Mais, au moins, on a une porte d'entrée là qui est intéressante. Et, comme j'ai dit, toute chose peut être améliorée, mais c'est un bon début. Il s'agira de voir comment le gouvernement va aborder cette question-là et quelle sera la volonté finalement de débloquer et de rendre disponibles ces argents-là pour procéder aux travaux de prévention tant souhaités.

Le deuxième volet de notre plan est de modifier les programmes de secours aux sinistrés afin de prévoir une aide financière qui serait majorée de façon à permettre la reprise après sinistre, c'est-à-dire, au lieu d'indemniser tout simplement les gens... c'est déjà quelque chose qui est prévu, mais il faudrait que ce soit fait de façon peut-être plus ordonnée et plus concrète, donc allouer aux gens un montant additionnel d'indemnité de façon à ce qu'ils puissent faire les travaux qui permettraient, dans certains cas, aux dommages d'éviter de se répéter, question d'éviter la répétition. Je sais qu'il y a des dispositions dans le projet de loi qui prévoient que les gens ne pourront plus être indemnisés à répétition lorsqu'ils se bâtissent une résidence dans un endroit où il y a des contraintes puis qui sont connues, des contraintes de sol. Mais disons qu'il y a cette façon de faire là aussi qui est possible.

En troisième lieu, le troisième volet de notre stratégie, c'est de créer, de tenter de créer, dans la population et auprès des industries, une mentalité de prévention. Je pense que, là aussi, le projet de loi comporte des éléments très intéressants. Nous-mêmes, avant même que le projet de loi soit déposé, on poursuivait notre réflexion. On a même commandé une étude, dont les résultats ne sont pas encore connus, mais dont on vous fera part lorsqu'on les aura, mais on avait déjà continué à faire un peu de travail à ce niveau-là pour vraiment... Et, encore une fois, il y a des dispositions dans le projet de loi qui prévoient, par exemple, que le ministre doit diffuser de l'information au public, les municipalités aussi ont un certain devoir d'information. Mais comment, efficacement, il peut acheminer... comment on peut acheminer l'information aux citoyens? Parce que l'acheminer et la faire comprendre et la faire appliquer, ce sont vraiment deux choses. Je pense que le projet de loi contient des éléments intéressants, mais il faudra voir dans les faits comment on peut s'assurer que ces mesures-là soient efficaces.

Au niveau de la loi comme telle, il y a deux articles, en fait deux ou trois articles de la loi qui nous causent... qui suscitent surtout des questions, peut-être un, qui est l'article 14, qui suscite plutôt une inquiétude. C'est un article qui oblige les générateurs de risques ? je ne sais pas si on les appellera toujours comme ça. J'ai eu la chance d'entendre les débats avant notre intervention, je ne sais pas si on va changer le nom, mais peu importe ? on obligera les gens qui génèrent des risques à dévoiler un certain nombre d'informations après qu'un sinistre soit survenu. Alors, nous, on regarde cet article-là avec nos yeux d'assureur et plus particulièrement d'assureur responsabilité. Nos entreprises, nos membres assurent la plupart des entreprises qui sont des générateurs de risques. Et il y a le volet, la garantie de responsabilité. Or, si on oblige un générateur de risques à dévoiler un certain nombre d'informations cruciales suite à un sinistre, ça pourrait être une situation problématique pour son assureur-responsabilité. Alors, de la façon dont l'article est libellé actuellement, on ne prévoit pas... on parle d'un intérêt, mais on parle de l'intérêt du générateur de risques. Or, c'est lui... l'intérêt du générateur de risques et de son assureur responsabilité pourrait ne pas être nécessairement concordant et lui pourrait révéler des informations qui pourraient nuire finalement à la défense de son assureur. Il ne faudrait pas qu'il y ait une situation de divulgation d'informations dans la loi qui vienne court-circuiter le processus normal, le processus judiciaire. Il faut assurer un équilibre entre le droit des parties de connaître l'information et le droit des gens de se défendre aussi en justice quand c'est nécessaire.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Seriez-vous prêt à conclure, parce que nous avons...

M. Guay (Louis H.): Oui. Le deuxième article, c'est l'article 75, c'est un article qui impose une divulgation, qui donne au ministre le pouvoir de donner des informations, d'imposer en fait aux assureurs de donner une information de façon générale. Alors, nous, on veut être impliqués, on veut travailler très étroitement avec le gouvernement sur cet article-là de façon à ce que les informations demandées ne soient pas trop onéreuses. On est prêt à collaborer, mais il ne faut pas que la façon dont on nous demande de fournir l'information soit coûteuse et cause problème au niveau des opérations.

Alors, essentiellement, nous sommes en accord avec le projet de loi. Nous félicitons le ministre d'avoir déposé ce projet de loi là. C'est un geste sage et responsable, mais on souhaite que les moyens soient mis en place pour que ce projet de loi là ne reste pas lettre morte. On voudrait qu'il soit adopté, mais aussi on voudrait qu'il soit appliqué. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci de votre présentation. M. le ministre.

M. Ménard: Je vous remercie. Je reconnais que nous poursuivons les mêmes objectifs et je suis heureux que vous soyez heureux principalement.

Je voudrais vous rassurer sur certaines choses cependant. Les articles qui protègent les secrets industriels dans la loi d'accès à l'information... C'est drôle que ce soit dans la loi d'accès à l'information, mais, comme vous savez, la loi d'accès à l'information établit le principe, l'accès à l'information publique pour tous les citoyens, mais aussi protège certains secrets industriels. Rien dans la loi, je crois, n'empêche l'application de cette loi, de sorte que tout renseignement communiqué à un corps public, tel que précisé par la loi sur l'accès à l'information, doit demeurer confidentiel, tout le secret industriel. Enfin, c'est ce que nous disent nos juristes quand on veut leur dire de faire ça: On ne répète pas dans chaque loi les dispositions de la loi d'accès à l'information.

n(15 h 10)n

Mais je voudrais vous parler sur les délais. Vous semblez penser que les délais de trois mois, dans lesquels un générateur de risques doit rapporter les informations comme la nature, les causes probables et les circonstances d'un sinistre, sont trop courts. D'après vous, quel serait le délai raisonnable?

M. Guay (Louis H.): Quand on a regardé cet article-là, M. le ministre, évidemment on l'a regardé avec nos yeux d'assureur, et généralement, pour conclure une enquête quand même assez complète dans un dossier qu'on peut imaginer être un dossier où il y a un sinistre majeur causé par un générateur de risques, je vous lance le chiffre: un an, mais ça pourrait être six mois. En tout cas, c'est certainement plus que trois mois. On parle d'informations comme la nature, les causes probables et les circonstances de l'événement. La nature et les causes probables, enfin je ne sais pas quel niveau de détail on voudra exiger au niveau de ces informations-là, mais c'est certain qu'il ne faudrait pas s'attendre dans les trois mois à ce que ça soit vraiment nécessairement toutes les informations relativement à cet événement-là qui puissent être disponibles. Il y a des situations ou des risques qui se produisent, des accidents en matière de pollution, où les informations, ça peut prendre plusieurs, plusieurs mois. Il faut généralement engager des firmes de consultants, d'ingénieurs spécialisés. Alors, je ne sais pas si ça pourrait être un délai qui soit allongé ou, en fait, l'article qui pourrait être modifié de façon à ce que les renseignements finalement soient transmis lorsqu'ils sont disponibles. Peut-être que l'article est déjà assez... est libellé d'une façon adéquate, mais, nous, en tout cas, c'était notre première réaction quand on a vu cet article-là, que le délai était trop court.

M. Ménard: Que diriez-vous d'un délai de trois mois mais avec possibilité d'extension?

M. Guay (Louis H.): Ça serait peut-être...

M. Ménard: Parce que, vous savez, généralement, quand on fixe un délai, les gens commencent à réagir 15 jours avant l'expiration du délai.

M. Guay (Louis H.): Ça, c'est comme une prescription, M. le ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Guay (Louis H.): On essaie de réagir avant que le délai soit expiré.

M. Ménard: Oui, mais là, c'est plus grave dans le cas des prescriptions. Ha, ha, ha!

M. Guay (Louis H.): Oui, effectivement.

M. Ménard: Parce que là il n'y a pas de... Oui. Bon.

M. Guay (Louis H.): Ça pourrait être une solution acceptable, ce que vous proposez.

M. Ménard: Je vous remercie. Je vais laisser du temps aux autres membres du groupe parlementaire...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Drummond.

M. Jutras: Vous écrivez, à la page 9 de votre mémoire, que vous souhaiteriez qu'«une disposition soit ajoutée au projet de loi afin de permettre aux assureurs de consulter les informations recueillies par le gouvernement, le ministère de la Sécurité publique et les municipalités dans le cadre de l'application de la loi, et ce, sans devoir se plier aux formalités imposées par les diverses lois d'accès à l'information». J'imagine, entre autres, que vous voulez aller consulter ce qu'un générateur de risques ? appelons-le comme ça pour le moment ? déposerait auprès d'une municipalité locale en vertu des articles 8 et suivants.

Alors, j'ai plusieurs questions. Je veux savoir pourquoi vous voulez aller consulter ça. Qu'est-ce que vous voulez aller consulter? Est-ce que vous voulez avoir accès à tout ce qui aura été déposé. Et, par ailleurs, bien, j'imagine que, comme compagnie d'assurances, quand vous avez à assurer un générateur de risques par rapport aux risques qu'il génère, vous demandez déjà certaines informations et probablement des informations qui ressemblent à ce qu'on demande dans les articles 8 et suivants. Alors, pourquoi donc vous nous arrivez avec une demande comme celle-là?

M. Guay (Louis H.): Tout simplement parce que, justement, le principal travail d'un assureur, c'est de bien connaître son assuré et de lui proposer... de lui procurer les garanties, finalement, qui vont le protéger de la façon la plus complète possible. Alors, c'était simplement une demande de mettre en place, finalement. On nous demandait dans la loi de fournir un certain nombre d'informations, de renseignements, et on a approché cette problématique-là en disant: Bien, s'il y a des informations qui sont disponibles, pourquoi les assureurs ne pourraient pas y avoir accès de façon à compléter leur processus d'enquête au niveau de la souscription? Puis, quand je dis «souscription», je ne veux pas utiliser un langage trop technique, mais la souscription d'un risque, c'est quand, justement, l'assureur procède à l'analyse du risque et obtient les informations. Alors, ce serait simplement une façon pour un assureur de compléter les informations qu'il a déjà obtenues, qui peuvent avoir été produites par le générateur de risques, tout simplement.

La raison pour laquelle on demande à ce que ces renseignements-là soient accessibles sans se plier aux formalités, c'est qu'il y a toute une procédure d'obtention de consentement qui est là, dans la loi, qui complique beaucoup, beaucoup le processus. Et, dans d'autres lois, les assureurs ont obtenu la possibilité, quand il y a des banques de données comme ça qui sont constituées sur l'expérience de sinistres des gens, entre autres en assurance automobile... il y a des dispositions qui permettent aux assureurs de consulter ces informations-là sans obtenir spécifiquement le consentement de l'assuré. Évidemment, lorsqu'on consulte, on doit... l'assureur doit informer que la banque de données a été consultée pour que l'assuré le sache, en toute connaissance de cause, mais il n'a pas à obtenir formellement un consentement.

M. Jutras: Savez-vous ce que vos assurés pensent de cela? Est-ce qu'ils sont d'accord avec ça? Parce que, depuis le début de la présente commission, on voit que cet article-là inquiète plusieurs entreprises qui disent: Bon, bien là, nous, il y a une question de protection de secret industriel, on voudrait que ne soient pas divulgués certains renseignements qu'on fournit. Et on voit que leur inquiétude repose sur le fait que, bon, peut-être des compétiteurs ou des concurrents pourraient aller voir ça. Évidemment, il y a ça, Mais là je ne sais pas comment ils réagiraient si, en plus, ils apprenaient que leur assureur va passer par en arrière pour aller revérifier ça.

M. Guay (Louis H.): Je vous dirais que le contrat d'assurance est un contrat qu'on qualifie souvent en droit de la plus haute bonne foi. Il ne doit pas y avoir de secret entre l'assuré et l'assureur. C'est aussi simple que ça. C'est les règles de formation du contrat d'assurance dans notre Code civil qui prévoit que l'assuré doit déclarer à son assureur tous les renseignements dont il dispose qui peuvent influencer son assureur dans justement le processus de tarification puis de fixation de la prime. Donc, nous, l'intérêt d'avoir accès à l'information, c'est justement, si jamais l'assuré ne nous a pas tout déclaré parce qu'il en a oublié, bien, si on a un moyen d'aller contre-vérifier l'information, on se place dans une meilleure situation, tout simplement, et on peut tarifer le risque en toute connaissance de cause. D'ailleurs, en procédant de cette façon-là, c'est la façon la plus équitable pour les assurés de procéder. Parce que plus les assurés sont tarifés en fonction du risque réel qu'ils représentent, plus on atteint un système d'équité puis d'équilibre.

M. Jutras: C'est sûr que vous avez raison quand vous dites que, dans le cas des contrats d'assurance, il faut tout déclarer, il faut dire la vérité, puis il ne faut même pas faire preuve de réticence. En tout cas, je serai curieux, auprès des prochains intervenants, de tester ça parce qu'à date, ce qu'on nous a dit et ce qu'on craignait, c'étaient les concurrents. En tout cas, on le vérifiera. On posera la question.

M. Tremblay (Martin-Éric): Un autre phénomène, juste pour ajouter à la réponse, c'est que, en ayant accès à l'information, ça va nous permettre aussi de mieux tarifer ceux qui font effectivement toute la prévention et qui font ce qu'ils ont à faire au niveau du traitement des catastrophes. Il ne faut pas aller voir dans cette démarche-là une démarche pour pénaliser ceux qui font leur prévention, mais bien pour s'assurer que ceux qui ne la font pas devront la faire. C'est un moyen qui nous permet de mieux contrôler ceux qui ne veulent pas faire de la prévention et qui souvent vont jouer un peu sur la déclaration.

M. Jutras: Maintenant, vous en avez pris connaissance, des articles 8 et suivants, tenant compte de ce que vous demandez à un générateur de risques pour l'assurer, pour évaluer son risque et voir de quelle façon vous pouvez l'assurer, est-ce que les exigences qu'on retrouve aux articles 8 et suivants, ça vous apparaît complet, puis est-ce que vous dites même que, par exemple, un assuré qui vous aurait soumis certaines données, bien, il pourrait tout simplement prendre ces mêmes données-là puis transmettre ça en vertu des articles 8 et suivants, puis il n'y aura pas plus de tracasseries que cela? Avez-vous regardé cet aspect-là?

M. Guay (Louis H.): Nous, quand on a regardé les articles 8 et suivants, on a réalisé que, pour les générateurs de risques, il y avait une problématique au niveau des secrets industriels. On s'est même posé la question, si on devait soulever ce problème-là, parce que... Je crois que la législation qu'on a sur cette question-là, ici devant nous, est inspirée de législation américaine. Ça semble fonctionner assez bien à l'extérieur, en tout cas à notre connaissance. On a préféré laisser aux autres gens, aux autres intervenants, cette question-là. D'après ce que, nous, on voyait, notre compréhension, c'est qu'il n'y avait pas nécessairement une similitude ou, si vous voulez, une répétition identique des renseignements qui sont nécessaires chez l'assureur et qui sont demandés dans la loi. Mais c'est sûr que ce sont des renseignements qui sont complémentaires. Mais on ne l'a pas regardé de façon plus approfondie que ça, je vous dirais.

M. Jutras: Un autre point. Vous nous suggérez, par rapport à l'article 67 qui traite des pouvoirs du ministre, «d'ajouter un autre paragraphe afin de prévoir que le ministre puisse aussi donner un soutien financier aux générateurs de risques, à certaines conditions, pour effectuer des travaux visant la prévention des sinistres». Qu'est-ce que vous voulez dire? Donnez-nous donc des exemples que vous avez en tête pour que le ministre en vienne à donner un soutien financier à des générateurs de risques? Puis ce serait quoi, les conditions auxquelles vous faites référence? Vous dites «à certaines conditions».

n(15 h 20)n

M. Guay (Louis H.): Bien, il pourrait y avoir des situations, des entreprises qui, bien qu'elles veulent... il y a une volonté d'effectuer certains travaux... dans certaines circonstances, il y aurait peut-être des travaux chez des générateurs de risques qui, s'ils étaient effectués et entièrement assumés par le générateur de risques, pourraient mettre peut-être la santé financière de ce générateur de risques là... Alors, ce n'est pas exactement facile pour un générateur de risques d'obtenir de l'aide financière auprès des institutions privées pour financer ce genre de travaux là, à ce qu'on sache. Et on croyait que d'insérer une disposition comme ça dans la loi pourrait permettre, en certaines circonstances, au générateur de risques de faire appel à une aide gouvernementale, surtout au niveau du contrôle de la pollution, des choses comme ça, et de façon à améliorer la qualité de vie des gens, tout en permettant au générateur de risques de faire des choses et de se conformer à la loi, tout en ne mettant pas nécessairement en péril la santé financière de l'entreprise. Si on doit obliger une entreprise à fermer ses portes parce qu'elle est polluante, parce qu'elle ne peut pas effectuer les travaux à ses frais, on pénalise tout le monde aussi. Alors, on croyait que d'ajouter une disposition comme ça, dans le cadre d'une loi comme ça, pourrait permettre dans certains cas, quand il s'agit de travaux qui peuvent être effectués, qui permettront à l'entreprise de continuer à opérer, par exemple, comme condition... il y aurait possibilité de faire une demande d'aide.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: Oui. Mme Pelletier, messieurs, bonjour. M. Guay, on a déjà eu l'occasion de se rencontrer dans le cadre de la commission des institutions qui regardait le projet de loi sur la sécurité incendie. Vous aviez, à l'occasion de cette commission-là, exprimé, avec votre président de l'époque, des soucis en ce qui concerne certains articles qu'il y avait dans le projet de loi sur la sécurité incendie, et il me semble que les représentations que vous faites aujourd'hui sont un peu au même effet; je pense à l'article 14, l'article 52 et l'article 75.

Alors, après midi, je vais vous demander, quant à moi, de me faire... Je vais vous faire une faveur puis je vais vous demander de m'en rendre une en même temps. Si je devais, comme représentant de l'opposition officielle, accepter vos représentations sur les articles 14, 52 et 75, j'aurais à plaider auprès du ministre, au moment de l'étude article par article, que l'article 14 devrait ajouter la notion d'assureur à la protection en cas de procédure judiciaire, que l'article 52 devrait faire la même chose, puis on parlera de l'article 75 après. Mais plaidez-le pour moi. Aidez-moi à plaider votre cause. Mais plaidez-la donc cet après-midi auprès du ministre. Qu'est-ce que vous voudriez voir être ajouté à l'article 14 et à l'article 52? Je comprends que c'est la notion d'assureur, mais pourquoi? Qu'est-ce que ça vous causerait comme difficulté si votre représentation ne devait pas être retenue?

M. Guay (Louis H.): Comme je l'ai un peu expliqué tout à l'heure, et je vais essayer de le réexpliquer pour que ça soit encore plus clair, si un générateur de risques a l'obligation de divulguer des informations qui sont cruciales, comme les causes ? je regarde l'article 14 ? «l'heure, le lieu, la nature, les causes probables et les circonstances de l'événement», ça, là, en matière de responsabilité civile, délictuelle, ce sont des informations qui sont cruciales pour déterminer la responsabilité du générateur de risques. Alors, quand un assureur responsabilité enquête, ce sont les informations principales dont il a besoin pour déterminer si son assuré est responsable.

Maintenant, quand lui les a obtenues via des expertises qu'il a commandées, c'est une information qui, en principe, est privilégiée, confidentielle. Sauf que, si une loi, comme la Loi sur la sécurité civile, exige au générateur de risques de divulguer cette information-là, elle devient... dès qu'elle est divulguée et révélée à un tiers, elle cesse d'être protégée par le secret professionnel ou le privilège de confidentialité. Donc, un tiers pourrait, en vertu de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics, demander à accéder à ces informations-là et possiblement les obtenir.

M. Dupuis: Par le générateur, alors que l'assureur est en cours...

M. Guay (Louis H.): Par le ministère de la Sécurité publique.

M. Dupuis: Oui.

M. Guay (Louis H.): O.K. S'il y a un litige, parce que le ministère de la Sécurité publique dit qu'il ne peut pas révéler ces informations-là parce que ça comporte des secrets professionnels ou quoi que ce soit, il y aura quand même un litige qui va en découler, qui sera éventuellement entendu par la Commission d'accès à l'information, qui pourrait, elle, décider que ce ne sont pas des informations confidentielles et ordonner la divulgation. Eux ne connaissent pas le domaine de l'assurance, de l'assurance responsabilité; ils pourraient très bien considérer que le tiers à droit à ces informations-là pour toutes sortes d'autres raisons. Mais, en bout de ligne, on a un processus qui serait litigieux et coûteux et qui comporte le risque que les informations soient dévoilées dans un processus parallèle à une procédure judiciaire dans laquelle l'assureur et son assuré seraient possiblement engagés.

Imaginons une situation où on parle d'un déversement de produits toxiques. Le générateur est poursuivi à droite, à gauche, au centre et révèle des informations qui concernent les circonstances de l'événement et ces informations-là deviennent publiques. Qu'est-ce qui reste comme défense à ce générateur de risques là et à son assureur responsabilité? Absolument rien. On se trouve donc à court-circuiter le processus judiciaire qui, lui, a... On a adopté un Code de procédure civile qui prévoit toute une procédure technique et sophistiquée pour la divulgation de la preuve et là on met ça de côté puis on peut obtenir les renseignements à côté d'une autre façon. Alors, c'est ce que je disais tout à l'heure, il faut s'assurer de maintenir l'équilibre entre le droit à l'information concernant ces renseignements-là et le droit des parties impliquées dans un sinistre de se défendre dans le cadre d'une action en justice.

M. Dupuis: D'ailleurs, moi...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Mme la députée de...

M. Dupuis: Excusez-moi. J'ai souvenir que, dans les représentations que vous aviez faites lorsqu'on a étudié le projet de loi sur la sécurité incendie, il n'y avait pas, à l'origine, et c'est le ministre qui a accepté que soit incluse dans les articles litigieux la phrase: «Toutefois, un renseignement dont la divulgation risquerait...» Alors, vous faites un pas de plus aujourd'hui et vous demandez d'ajouter l'assureur comme partie..

Une voix: ...

M. Dupuis: Pardon? C'est ça?

Une voix: ...

M. Dupuis: C'est ça, oui, risquerait. Alors donc, dans le fond, vous ne voulez pas protéger le renseignement ad infinitum, mais vous voulez le protéger pendant le temps où la procédure judiciaire est en cours. C'est ça?

M. Guay (Louis H.): Exactement.

M. Dupuis: Est-ce que vous seriez satisfaits que le ministre accepte que vous travailliez cette question-là avec les légistes et qu'éventuellement, lorsque la loi sera déposée pour étude article par article, on pourra voir les amendements qui auront été faits, s'il y a lieu? Ça va?

M. Guay (Louis H.): Oui.

M. Dupuis: Ça vous va? O.K. L'article 75, rapidement.

M. Guay (Louis H.): L'article 75 est un article qui demande des renseignements de façon générale...

M. Dupuis: Voulez-vous que je vous le lise?

M. Guay (Louis H.): Non.

M. Dupuis: O.K.

M. Guay (Louis H.): Je ne le connais pas par coeur, mais presque. On demande au ministre le pouvoir d'exiger des assureurs des statistiques et des renseignements pour l'application de la loi. Or, il faut savoir que, chez un assureur, l'information... La plupart des systèmes, tout est informatisé, la saisie... Là, l'article ne dit pas quelles sont les informations qu'on demande. C'est sûr qu'on va le prévoir par règlement, sauf qu'avant de commencer à travailler là-dessus il faudrait qu'il y ait une consultation qui soit menée auprès de nous, des assureurs en fait, pour savoir quelles sont les informations que vous recherchez parce qu'il est possible qu'on ne les ait pas. Il est possible, en fait, aussi qu'on les transmette déjà à d'autres instances gouvernementales, comme l'Inspecteur général. Et ce qu'il faut savoir aussi, chez les assureurs, nous sommes parmi les entreprises du secteur financier les plus fortement réglementées et encadrées.

Je pourrais vous énumérer une douzaine de lois qui demandent aux assureurs de fournir un paquet d'informations, que ce soit la Loi sur l'assurance automobile, que ce soit la Loi sur les assurances, la Loi sur la sécurité incendie, et je pourrais vous en nommer une kyrielle de lois, et tout ça complique et alourdit considérablement le processus administratif. Et, éventuellement, la saisie de données et d'informations qui seraient demandées par le ministère de la Sécurité publique pourrait engendrer des coûts très importants au niveau des systèmes informatiques chez les assureurs, et des modifications donc. On le sait, quand on commence à toucher les services informatiques ? peut-être que M. Grenier peut témoigner là-dessus chez ING Groupe Commerce ? on sait quand ça commence, mais on sait rarement quand ça se termine. Alors, il ne faudrait pas que... On est prêt à collaborer, parce que c'est de l'information qui est intéressante, peut-être, éventuellement, et même pour nous, mais il ne faudrait pas que ce soit un dédoublement d'une formalité ou de renseignements qui sont déjà disponibles.

n(15 h 30)n

M. Grenier (François): Si vous me permettez d'ajouter. Il faut comprendre qu'on a un portefeuille important de polices d'assurance, il est possible que les informations que vous nous demandiez, on ne les ait pas. Alors, ça nous poserait un important problème.

M. Dupuis: Moi, je vous encourage, là, parce que c'est dans le règlement que, vraisemblablement, ça va se travailler. Moi, je vous encourage fortement à... Vous avez des contacts, je pense, avec le ministère, avec les gens du ministère. J'ai senti que le ministre était réceptif aux représentations que vous faites cet après-midi sur ces questions-là. Moi, je vous encourage à communiquer avec eux. Malheureusement, comme je l'ai toujours déploré, souvent on légifère autant par règlement que par loi, alors on ne sait pas ce qu'il va y avoir dans le règlement. Mais je vous encourage à ne pas faire confiance et à y aller avec prudence et à commencer à en discuter avec le ministère tout de suite.

J'ai beaucoup aimé toute la partie de votre mémoire sur la stratégie d'atténuation des pertes. Je voulais vous le souligner. Je l'ai lu avec intérêt. Mais je vais permettre à mes collègues de vous poser des questions. Ils ont chacun un intérêt. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, madame et messieurs du Bureau d'assurance du Canada, j'ai également lu votre mémoire avec grand intérêt. J'ai constaté que vous avez consacré trois pages de votre mémoire, trois sur 10, pour élaborer sur les impacts et les causes des catastrophes naturelles, et je présume que ce n'est pas étranger au reste de votre mémoire. Vous avez identifié trois causes majeures: le réchauffement de la planète avec les changements climatiques et la croissance des intempéries; le deuxième facteur étant l'urbanisation croissante ? vous dites qu'il y a 20 millions de Canadiens qui habitent dans les villes, donc il y a une source de vulnérabilité ici; et le troisième facteur, c'est le vieillissement des infrastructures, notamment le réseau d'égout, et tout ça. Les dommages donc sont importants.

Ce qui nous amène à votre stratégie qui est en deux temps. Le fonds tripartite de protection contre les catastrophes naturelles, ça, je présume que c'est un souhait, parce que vous émettez le souhait que les trois niveaux de gouvernement puissent constituer un fonds de 750 millions de dollars sur cinq ans essentiellement pour la prévention, n'est-ce pas? C'est bien ça?

Une voix: ...

Mme Houda-Pepin: Et vous arrivez au programme d'indemnisation aux sinistrés. Et là je voudrais vous poser une question. Combien de réclamations ont été reçues en rapport avec le verglas de janvier 1998 par les compagnies d'assurances? Combien ont été refusées et pourquoi? Quelle était la principale cause? Pourquoi ces refus ont-ils eu lieu?

M. Guay (Louis H.): Le nombre de réclamations? Vous avez mentionné le nombre de réclamations?

Mme Houda-Pepin: Oui, combien vous avez reçu de réclamations liées directement au verglas de 1998? Combien ont été refusées et pour quel motif?

M. Guay (Louis H.): Pour le nombre de réclamations, j'ai un blanc de mémoire. Je ne sais pas si mes collègues peuvent m'aider sur le chiffre, le nombre de réclamations comme telles. Ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a à peu près facilement un ou deux millions de gens qui ont été affectés par la crise du verglas dans la région de Montréal.

M. Tremblay (Martin-Éric): Oui, si je peux faire un estimé: à notre compagnie, on a reçu environ 30 000 réclamations à l'intérieur du verglas. Donc, on représente 5 % du marché. On parle donc de 1,5 million, entre 1,5 million et 2 millions de réclamations ont dû être traitées par l'ensemble des assureurs au Québec.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Je veux juste mentionner que, si vous avez, ultérieurement à cette rencontre, des renseignements pertinents, vous pourriez nous les faire parvenir.

M. Tremblay (Martin-Éric): Très bien.

Mme Houda-Pepin: Je serais fort intéressée à savoir le nombre de réclamations et le nombre de réclamations refusées et le motif pour lequel elles ont été refusées. Il y a actuellement des citoyens qui s'organisent ? je ne sais pas où est-ce qu'ils sont rendus ? pour un recours collectif. Tantôt, on parlait, en fait, des générateurs de risques. Moi, quand j'écoute les citoyens, on me dit que les compagnies d'assurances sont des générateurs de risques pour les citoyens quand, des fois, ils contractent des assurances complètes et qu'ils réalisent finalement qu'on leur refuse des indemnisations. Je vous lance ça parce que c'est un commentaire qui vous interpelle et ce serait peut-être l'occasion pour vous de nous éclairer là-dessus.

M. Guay (Louis H.): Je suis certain que nous n'avons pas de chiffres sur le nombre de réclamations refusées comme telles, parce que, à l'intérieur d'une même réclamation, il peut y avoir des indemnités que l'assureur va accepter de payer et d'autres indemnités qu'un assureur va tout simplement refuser. Je pense que vous faites référence, en ce moment, au recours collectif qui a été intenté pour des frais de subsistance supplémentaires.

Mme Houda-Pepin: C'est ça.

M. Guay (Louis H.): Je voudrais peut-être vous rappeler et rappeler peut-être aux membres de la commission qu'il y a environ 100 millions de dollars qui ont été payés aux assurés québécois en frais de subsistance supplémentaires lors de la crise du verglas. Ce que les assurés qui se sont organisés demandent, c'est une indemnisation supplémentaire. Tous les assurés qui ont fait une réclamation pour frais de subsistance ont reçu une indemnisation pour une période de 14 jours, étant donné que la garantie était conditionnelle à ce qu'il y ait eu un ordre d'évacuation de la part d'une autorité civile, le gouvernement. Il n'y a jamais eu d'ordre d'évacuation, mais les assureurs ont quand même accepté de considérer le discours du premier ministre Bouchard, le 13 janvier 1998, comme un ordre d'évacuation informel, si vous voulez, qui enclenchait la garantie des frais de subsistance supplémentaires pour une période de 14 jours.

Alors, je sais que des gens se plaignent de certaines choses, mais je pense que dans la crise du verglas, notamment au niveau des frais de subsistance supplémentaires, on ne peut absolument rien reprocher aux assureurs. C'est certain qu'il y aura toujours des gens qui ne seront pas contents du traitement qu'on leur fait, mais, franchement, celle-là, la critique pour les frais de subsistance, je ne la comprends pas et je trouve ça malheureux.

Mme Houda-Pepin: O.K.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Sur ce, nous allons devoir malheureusement mettre fin à l'échange, puisque...

Mme Houda-Pepin: Déjà?

M. Poulin: C'est parce que j'aurais...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Beauce-Nord.

Mme Houda-Pepin: Oui, une petite question.

M. Poulin: ...une petite question.

Mme Houda-Pepin: S'il vous plaît. De consentement?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Avec le consentement, il n'y a pas de problème.

M. Poulin: De consentement, M. le ministre?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien, allez-y.

M. Poulin: Moi, M. le Président, je voudrais parler du fonds de protection contre les catastrophes puis des programmes de secours aux sinistrés. Moi, je suis d'une région, qui est la Beauce, où on connaît un peu l'humeur de la Chaudière périodiquement, si on veut; à tous les cinq ou 10 ans, on vit des situations un peu malheureuses. En 1991, on avait connu un sinistre de grande importance où il y avait eu des dizaines de millions de dollars de dommages. Je voudrais savoir si votre fonds, c'est un peu à ces événements-là que vous le rattachez. Et quand vous parlez d'un fonds qui pourrait avoir 750 millions de dollars... En 1991, 1992, 1993, il y a eu des études qui ont été faites sur la Chaudière qui nécessiterait peut-être des travaux majeurs de l'ordre d'au-delà de 100 millions de dollars. Ce fonds-là, est-ce que vous attendez ni plus ni moins qu'il soit constitué pour qu'il y ait des demandes? Parce que, actuellement, déjà, il y a une foule de projets ? moi, je parle pour la région de la Beauce, mais il y en a probablement dans d'autres régions ? qui attendent de recevoir ces formes d'aide là pour pouvoir passer à l'action.

Et, quand vous parlez des trois paliers de gouvernement, est-ce qu'à ce moment-là, c'est le milieu concerné qui deviendrait partenaire dans les projets qui seraient réalisés ou si c'est une enveloppe globale? Est-ce que c'est l'ensemble des municipalités qui devraient contribuer à cette enveloppe-là? Le milieu municipal, est-ce qu'à ce moment-là il est ciblé ou tout simplement c'est l'ensemble des municipalités qui pourraient contribuer?

Et une autre question, si vous me permettez. Quand vous parlez des programmes de secours aux sinistrés, on le sait, il y a des décrets qui existent dans des périodes où des gens vivent des malheurs. Par contre, lorsqu'on veut rehausser ou on veut déménager la résidence d'un secteur... parce qu'on le sait, c'est tout le temps dans le même secteur que ces inondations-là arrivent et que bien souvent les gens seraient prêts peut-être à rehausser leur résidence, mais, malheureusement, ils ne sont pas indemnisés pour cette forme d'aide là. Est-ce que c'est bien ça que vous voulez faire apparaître avec les programmes de secours aux sinistrés? Merci.

M. Guay (Louis H.): Je vais répondre en premier à votre deuxième question: Oui, c'est exactement ce genre de projet là. Je crois que le ministère de la Sécurité publique tente déjà ce genre d'intervention là, jusqu'à un certain point, avec un succès mitigé. Est-ce qu'il y aurait lieu de revoir la façon de faire? Parce que ça fonctionne ailleurs, ça fonctionne entre autres aux États-Unis avec ce qu'on appelle le National Flood Program, qui est un programme gouvernemental où on va jusqu'à déménager des résidences. Donc, ça, c'est la première réponse à votre deuxième question.

n(15 h 40)n

Pour revenir à la question du fonds, ce que nous préconisons, ce serait une contribution des trois paliers de gouvernement: municipaux, provinciaux et fédéral, soit qu'il y ait un programme d'infrastructures, mais, effectivement, qui permettrait, selon un certain nombre de modalités et de conditions, de financer des projets, comme peut-être un projet de stabilisation des berges ou de rehaussement des berges sur la rivière Chaudière. Parce que, en matière d'inondations, l'inondation compte pour environ 50 % des dommages causés par des catastrophes naturelles, et plus ? j'ai des chiffres que j'ai pris sur le site Internet du ministère de la Sécurité publique, c'est ce que je voyais, à l'oeil, dans les 10 dernières années. Mais, si on investissait au moins l'équivalent de ce montant-là en prévention, c'est certain qu'on aurait des résultats...

M. Poulin: Efficaces.

M. Guay (Louis H.): C'est ça. Et ça, bien, c'est tout le monde qui en bénéficierait. Effectivement, il faudrait qu'il y ait comme conditions d'acceptation pour les subventions données par le fonds des modalités comme ça. On connaît les endroits où les problèmes surviennent, on connaît plusieurs endroits où les problèmes surviennent à répétition. Arrêtons d'en parler et mettons en place un fonds ou débloquons les argents disponibles pour faire des correctifs au lieu d'indemniser à répétition.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien.

M. Poulin: Mais vous ne m'avez pas répondu.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très brièvement, s'il vous plaît.

M. Poulin: Est-ce que les municipalités seraient appelées à contribuer de façon générale?

M. Guay (Louis H.): Bien, elles pourraient être appelées à contribuer. On n'a pas de précision là-dessus comme tel, ce serait à discuter. Mais il y aurait lieu peut-être que les municipalités... Souvent, quand on a une entreprise commune, il faut que tout le monde y mette la main à la pâte. Alors, la municipalité aurait au moins certainement le rôle de choisir les projets, de présenter les projets qui pourraient être admis selon, justement, un seuil critique de gens qui sont atteints par la problématique. C'est certain que, si on a une rivière qui déborde dans un champ qui inonde trois fermes, peut-être qu'on ne donnera pas priorité à ce projet-là, mais qu'on va plutôt favoriser celui qui...

M. Poulin: Touche les secteurs résidentiels.

M. Guay (Louis H.): ...touche un secteur résidentiel. Est-ce que la municipalité aurait une implication financière? C'est à voir, selon l'enveloppe et le pacte fiscal qui pourrait être conclu avec les gouvernements.

M. Poulin: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): J'aimerais, là-dessus, remercier les représentants...

M. Guay (Louis H.): Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): ...du Bureau d'assurance du Canada pour leur contribution à nos travaux. Je vais suspendre nos travaux jusqu'à 15 h 50 précises. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 42)

(Reprise à 15 h 58)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des institutions reprend ses travaux dans le cadre de cette consultation générale sur le projet de loi n° 173, Loi sur la sécurité civile.

Nous en sommes à recevoir Mme Hélène Denis, professeure titulaire au Département de mathématiques et génie industriel de l'École polytechnique de Montréal. Mme Denis, bonjour. Nous avons réservé pour cette rencontre une période de 30 minutes, donc une dizaine de minutes pour la présentation de votre propos et, ensuite, il nous fera plaisir d'échanger avec vous. Vous avez la parole.

Mme Hélène Denis

Mme Denis (Hélène): Merci. M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs, je vais essayer d'être brève, ce qui, pour un professeur, n'est pas toujours facile.

J'ai essayé, à partir du mémoire que je vous ai présenté et qui comporte beaucoup de points, certains points de détails, des points peut-être plus majeurs, justement, de tirer les points qui m'apparaissaient plus importants, en me disant qu'ensuite, s'il y avait d'autres points de détails... enfin en laissant à vos questions faire la part des choses par la suite.

Le premier point, et là j'ai cru comprendre que je n'étais pas la première à le dire, c'est l'objet des définitions, qu'est-ce qu'on entend et qui va être l'objet de la loi. Qu'est-ce que c'est qu'un sinistre? Pour moi, la sécurité civile, ça touche une collectivité. Et un risque qui ne touche qu'une ou deux personnes, ce n'est pas un risque majeur. Alors, toute cette partie-là, bien sûr, des précisions, le mémoire en parle.

n(16 heures)n

Le deuxième point concerne, d'après moi... Je n'ai pas retrouvé dans le projet de loi l'architecture des pouvoirs publics qu'à la commission Nicolet nous avions pensé qui aurait pu faire partie d'un projet de loi. J'ai oublié de mentionner deux points avant, dans ma présentation. C'est que, bien sûr, j'étais commissaire sur la commission sur le verglas, mais ce n'est pas à ce titre-là, puisque de toute façon la commission n'existe plus et je ne veux pas engager mes collègues commissaires... C'est vraiment à titre personnel que je parle. Par ailleurs aussi, je ne suis pas juriste. Alors, je vais peut-être dire des hérésies sur le plan juridique, mais les juristes s'organiseront avec les conséquences de ça.

Alors donc, l'architecture des pouvoirs publics. On avait recommandé deux points d'ancrage: le conseil municipal et le conseil exécutif, avec des passerelles. Évidemment, si on parle d'un risque que j'appelle, moi, un risque normal, on n'a pas besoin de faire appel au conseil exécutif, auquel cas il ne doit pas être dans la loi. Mais, si on parle d'un risque de catastrophe, ce qui devrait être, je crois, l'objet d'une loi sur la sécurité civile, alors, il serait peut-être bon d'inclure ça.

On donne la responsabilité régionale aux MRC. Vous vous souvenez sans doute qu'à la commission Nicolet on avait vu une levée de boucliers contre ça. Maintenant, je pose tout simplement la question. Ce qui m'apparaît aussi très grave, c'est qu'on n'a pas très clairement les pouvoirs des municipalités et les pouvoirs des MRC, et surtout on n'a aucun mécanisme de résolution de conflits dans tout ça. Alors, je pense que c'est tout simplement de l'angélisme que de penser que deux ou trois municipalités vont toujours être d'accord pour le niveau de risque acceptable, pour le schéma de sécurité civile, et qu'à ce moment-là il faudrait prévoir d'après moi qui va trancher en cas d'opposition.

L'autre point extrêmement important, c'est tout ce qui touche les pouvoirs spéciaux, les pouvoirs en matière d'urgence. Alors là il m'a semblé qu'il faudrait peut-être distinguer trois choses. Distinguer les pouvoirs spéciaux, je dirais, presque normaux entre guillemets, qui sont ceux d'un plan d'urgence. Par exemple, un certain niveau de dépenses spéciales pour les municipalités, de faire des périmètres de sécurité, toutes ces choses-là qu'on ne fait pas en temps normal mais qu'au moment de l'urgence on va faire.

Un besoin également d'annoncer qu'on est en situation d'urgence, donc ce besoin d'une annonce qui est publique. Alors, je parle là à la fois du niveau de la municipalité et du niveau du gouvernement du Québec. Ces deux choses-là peuvent aller ensemble. Là où je pense qu'il faudrait vraiment faire une distinction, c'est dans les pouvoirs d'exception. Ce sont des pouvoirs extrêmement forts qui correspondent pour ainsi dire à une loi des mesures de guerre et des pouvoirs comme ceux par exemple... Même celui d'évacuation ne m'apparaissait pas vraiment clair. Est-ce que, oui ou non, on veut vraiment donner ce pouvoir très fort d'obliger un citoyen à évacuer? Je ne vous dis pas que je suis contre ça parce que, au contraire, le plus grand problème en gestion de catastrophe, c'est que les gens souvent ne veulent pas évacuer. Alors, ensuite on est pris à être obligé d'intervenir. Mais il reste quand même que ce sont des pouvoirs d'exception qui, à ce titre, pour moi, devraient rester uniquement dans des cas extrêmement graves.

J'ai étudié toutes les catastrophes qui se sont produites au Québec. Celles qui étaient avant, disons dans ma jeunesse, j'ai eu accès aux documents de la sécurité civile et je peux vous dire que même le verglas, qui était pourtant extrêmement grave, n'a pas nécessité vraiment ces pouvoirs d'exception. Peut-être que les juristes nous diront que, oui, quand la sécurité civile a par exemple dû rationné l'essence, est-ce que légalement... Mais finalement les gens l'ont fait de bonne foi. Alors, je me dis: Peut-être que ce n'est pas nécessaire de sortir ces pouvoirs d'exception.

Alors, les autres points. On nous parle d'un service de sécurité civile; ce n'est pas clair, ce que c'est. Est-ce que c'est un comité de sécurité civile comme avait parlé la commission? Ce n'est pas très clair. Ce qui a été, me semble-t-il, oublié dans la loi et que je verrais bien dans une loi de sécurité civile, ce sont les valeurs qui doivent présider aux grands choix de société. À la commission, on l'avait mise dans l'approvisionnement énergétique, cette partie-là. Je pense qu'elle aurait peut-être dû aller dans la sécurité civile. C'est vraiment quelque chose qu'il faut faire avant une catastrophe.

On avait aussi étudié la sécurité de l'emploi, et ça, ça n'apparaît pas.

Les abus commerciaux. Je rajouterais ? je ne l'ai pas mis dans mon mémoire ? ma réflexion depuis ce temps-là: Il y aurait peut-être aussi une protection à donner aux sonneurs d'alarme parce que ces gens qui, par exemple, vont signaler des risques devraient, me semble-t-il, être protégés dans la loi.

Le dernier point, c'est sûr la communication du risque. Bon. Bien sûr, jusqu'à maintenant, j'ai soulevé des points pour rendre cette loi-là meilleure. Et, dans cette chose-là, un point que j'aimerais suggérer, ce serait... On a parlé beaucoup de diffusion, il faut que le citoyen soit responsable, ce qui est excellent; que le citoyen soit au courant des risques qui l'entourent. Alors, j'ai proposé un moyen qui me semble, moi, très pratique: ce serait d'abord d'envoyer une copie d'un résumé du schéma de sécurité civile à tous les ménages dans une région donnée et aussi d'obliger, lors d'une transaction immobilière, à fournir ce schéma-là. Alors, la personne, une personne qui achète une entreprise, une maison, n'importe quoi, a pris connaissance de ça avant d'aller chez le notaire, bien entendu, a pris connaissance de ça et, après ça, on ne peut pas lui reprocher de ne pas connaître les risques qui l'entourent, à moins qu'elle plaide de ne pas savoir lire.

Bon. Sur la communication du risque, d'autres petits points, je vais passer rapidement. Mais je m'en voudrais de dire... en dépit de tous ces aspects-là, le projet de loi n'a pas que des lacunes, il est extrêmement courageux. Il y a des points très positifs: celui de l'analyse de la communication du risque, celui de la responsabilisation de la population, celui de la participation, celui de la formalisation de l'aide financière, celui de la protection des bénévoles également. Et c'est un projet qui, avec des éclaircissements, me semble, moi, être, faire au total une très, très bonne loi. J'ai tenu mon temps.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, Mme Denis, pour votre présentation et votre esprit de synthèse, tout autant. M. le ministre.

M. Ménard: Alors, je vous remercie, Mme Denis, de ces efforts supplémentaires que vous avez faits, en plus d'avoir participé à la commission Nicolet. Je comprends cependant que vous n'engagez que votre opinion personnelle dans le mémoire qui est ici. C'est exact?

Mme Denis (Hélène): Oui, monsieur, c'est exact.

M. Ménard: Bon. Effectivement, nous nous sommes préoccupés, pendant les audiences, du problème du désaccord qu'il peut y avoir entre des municipalités à l'intérieur d'une même MRC. Quelle est votre solution, quant à vous? Qui devrait trancher selon vous?

Mme Denis (Hélène): Bien, évidemment, à supposer... Il faut favoriser en premier un consensus. J'irais à un niveau qui est, bon, le niveau au-dessus, tout simplement ? probablement que ce serait vous, donc ? mais il faut qu'il y ait quelque part un mécanisme qui règle ça parce que, autrement... Bon. Ça pourrait être simplement, par exemple, dans les consultations. Les citoyens ne seraient pas d'accord avec ce qui est proposé; à ce moment-là, est-ce qu'on doit laisser au conseil de la MRC le soin de décider malgré l'opposition des citoyens? Il faut qu'en quelque part quelqu'un tranche parce que, sans ça, on peut perdurer dans des situations inextricables.

M. Ménard: Oui, mais est-ce que vous avez une idée du nombre de contestations que nous pourrions avoir et de situations de conflit à arbitrer? Est-ce que ce ne serait pas mieux d'avoir une commission, un tribunal administratif?

Mme Denis (Hélène): Personnellement...

M. Ménard: En fait, vous êtes-vous posée le problème, quand vous étiez à la commission Nicolet?

Mme Denis (Hélène): Oui, oui. Je vous dirais, moi, personnellement, je suis toujours contre des nouvelles structures, à moins qu'elles ne soient vraiment nécessaires. S'il y a des mécanismes actuels qui nous permettraient ça, oui. Vous savez, il se peut que simplement le fait de savoir que le ministre peut trancher peut aider les gens à s'entendre entre eux dans certains cas, peut-être. Je ne suis pas très familière avec la chose municipale, je vous avoue franchement, alors, je ne peux pas savoir combien il y aurait de litiges là-dessus. Et ce serait peut-être une excellente idée aussi que ce genre... peut-être pas de tribunal administratif ou de commission... Là, vous me posez la question à brûle-pourpoint, je n'ai pas de réponse.

n(16 h 10)n

M. Ménard: Oui. Mais je me demandais si justement, pendant les travaux de la commission Nicolet, vous vous êtes posée le problème. Parce que je comprends que vous ne parliez pas de MRC dans la commission Nicolet, mais vous y parliez de planification régionale, d'imputabilité locale, vous parliez d'un forum intermunicipal. Et, honnêtement ? évidemment, c'était long, le rapport Nicolet ? je ne me souviens pas d'avoir lu à un endroit où on se soit posé le problème de conflits entre les MRC. Pas entre les MRC, entre les municipalités.

Mme Denis (Hélène): Non, moi, je soulève ça à partir du projet de loi. Ce que je dis, c'est que... Vous vous souvenez que, au moment donné la commission Nicolet, il y avait eu un avant-projet de loi de la sécurité civile qui est arrivé, qui donnait aux MRC ce pouvoir-là, et nous, dans les audiences que nous avions menées, on avait vu se lever une levée de boucliers de municipalités qui étaient opposées à ça. Je vous répète ce qui avait été à ce moment-là.

Moi, personnellement, qu'on donne le pouvoir aux MRC mais qu'on le définisse très bien, par exemple. Et ce qui m'apparaît délicat dans le projet de loi, c'est qu'on semble dire: Pour les MRC, vous planifiez, mais la responsabilité reste aux villes en matière d'intervention. Donc, il faut vraiment qu'ils...

M. Ménard: C'est ce que vous proposiez. C'est ce que proposait la commission: planification régionale, imputabilité locale.

Mme Denis (Hélène): Planification régionale mais qui pourrait, dans certains cas, être à un niveau même encore plus large que la MRC.

M. Ménard: Oui.

Mme Denis (Hélène): Oui, parce que finalement, la MRC, ça peut être trois ou quatre municipalités ensemble, oui...

M. Ménard: En comprenant aussi que, dans la région métropolitaine, il peut y avoir une planification différente.

Mme Denis (Hélène): Oui, oui, oui. Mais je pense qu'il faut vraiment... C'est un modèle, oui, mais il suppose qu'il faut que les gens soient parfaitement d'accord. Moi, j'ai essayé de prévoir des cas où, s'ils ne sont pas d'accord, on fait quoi?

M. Ménard: Bon. Dans les représentations qui nous ont été faites ici, il y a beaucoup d'organismes qui se sont plaints de la bureaucratie, de la paperasserie inutile, qu'ils voient comme une conséquence néfaste à certaines des mesures qui sont proposées ici. Vous nous suggérez, vous, en plus, d'introduire dans chaque contrat de vente immobilière la communication du schéma de couverture de sécurité civile. Est-ce que vous ne croyez pas que, si nous le faisions, nous ferions l'objet de critiques encore une fois quant à la réglementation inutile, la surréglementation et la bureaucratie inutile que nous ajouterions aux transactions en privé?

Mme Denis (Hélène): Écoutez, je vais être très honnête: ça dépend de ce qu'on veut vraiment. Ce qui est très courageux dans le projet de loi, c'est qu'on semble dire: Il y a des risques et on va avertir la population de ces risques pour qu'elle prenne ensuite ses responsabilités. Et je l'ai dit précédemment: On ne peut pas parler d'une culture de sécurité civile si on ne connaît pas les risques qui nous entourent. Le projet de loi va dans ce sens-là.

Sauf que, pour moi, j'ai essayé de me dire: Bon, bien, oui, mais l'information, ce n'est pas facile. Est-ce que les gens vont aller à la MRC? Est-ce qu'ils vont s'y intéresser? Je parle d'un résumé là, je ne parlais pas de tout le schéma, mais un résumé qui arrive dans les ménages. Alors là, les gens sont informés. Mais, ça, ce n'est pas dans la loi, c'est une modalité qui serait intéressante. Mais, par contre, si on veut s'assurer ? et je faisais référence, je pense, à un des premiers articles de la loi ? que les gens prennent vraiment leurs responsabilités... Voyez-vous, l'article 5 qui dit: Bon, bien oui, les gens sont responsables mais, bien sûr, il faut quand même qu'ils aient été mis au courant des risques.

Il ne faut pas non plus... Les gens peuvent jouer à l'autruche puis dire: Bien, moi, je ne le savais pas, puis moins j'en sais, mieux c'est parce que je vais pouvoir plaider que je ne savais pas. Tandis que là, à ce moment-là...

M. Ménard: Qui a plaidé ça?

Mme Denis (Hélène): Ha, ha, ha! Je ne sais pas. Alors, à ce moment-là, je me dis: Un résumé du schéma, ce n'est peut-être pas quelque chose... un grand document, c'est peut-être une page ou deux. On le fournit avec les choses sur la maison. C'est une idée, hein!

M. Ménard: Bon, d'accord. Il reste peu de temps et je voudrais le laisser aux membres de mon groupe parlementaire.

M. Jutras: Sur la question de l'emploi ? vous y faites référence à la page 11 de votre mémoire ? puis vous nous dites que vous aviez constaté, dans le cadre de la commission Nicolet, l'étonnante disparité entre les travailleurs. Je voudrais savoir à quoi vous faites référence. Puis, quand vous nous dites: Bien, le projet de loi n'aurait-il pas été l'occasion pour tenter de protéger ces travailleurs?, encore là, qu'est-ce que vous suggérez à ce sujet?

Mme Denis (Hélène): La commission avait fait faire une recherche par l'IRIR sur les conditions de travail. C'est d'ailleurs une des parties de notre mémoire qui a été signée littéralement par l'Institut de recherche sur la rémunération. On a vu...

M. Ménard: L'Institut de recherche et d'information sur la rémunération.

Mme Denis (Hélène): Merci.

M. Ménard: Moi aussi, ça m'a pris du temps. Ça va.

Mme Denis (Hélène): On avait constaté, au moment du verglas, qu'il y avait des personnes qui avaient été mises à la porte parce qu'elles ne s'étaient pas présentées au travail, mais elles ne s'étaient pas présentées au travail parce qu'il fallait que quelqu'un garde les enfants. Et, dans ce sens-là, il y avait eu d'énormes disparités entre, par exemple, les travailleurs, je dirais, syndiqués qui ont un emploi régulier et ceux qui travaillaient dans les PME, avec des conditions plus fragiles. Donc, c'était un peu ce qui avait été constaté. Alors, je me demandais s'il n'y aurait pas un moyen ? je soulevais la question ? dans un cas de réelle catastrophe, de protéger ces gens qui n'ont pas beaucoup de protection au travail.

M. Jutras: Et est-ce que vous vous étiez penchée aussi... Moi, je me rappelle que, durant le verglas, il y avait eu le problème des gens qui se retrouvaient sans aucune rémunération. Moi, je pense, chez nous, à Drummondville, par exemple, à l'homme et la femme qui travaillaient tous les deux dans le parc industriel. Le parc industriel a été fermé pendant quelques jours, donc des gens qui n'avaient absolument aucun revenu pendant ces jours-là. On avait demandé à ce moment-là qu'au niveau de l'assurance chômage ne s'applique plus le délai de carence; ça avait été refusé par le fédéral. Est-ce que vous vous étiez penchée aussi sur ces questions-là par rapport à d'autres travailleurs qui, eux, n'ont pas travaillé, mais leur salaire continuait d'entrer de la même façon? Je pense, par exemple, à deux fonctionnaires qui ne travaillaient pas, mais, par contre, leur salaire rentrait de la même façon.

Mme Denis (Hélène): Écoutez, en toute honnêteté, je n'ai pas relu le rapport qui avait été publié, qu'on avait fait faire, récemment ? ça fait quand même deux ans que la commission est finie ? mais je pense qu'il faudrait, ça aussi, considérer ces points-là. Je pense qu'on les a touchés; mais, même si on ne les avait pas touchés, il faudrait considérer ces points-là.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Mme Denis, merci de ce mémoire très fouillé, qui touche un peu à tout quasiment, et on le comprend parce que vous avez siégé, je pense, à titre de commissaire à la commission Nicolet. Alors, ma première question est de vous demander: Par rapport aux travaux de la commission Nicolet, est-ce qu'il y a des recommandations qui vous semblent importantes dans les rapports de cette commission dont vous ne trouvez pas l'aboutissement dans le projet de loi?

Mme Denis (Hélène): Bien, j'ai mentionné certains de ces points: les points sur l'emploi, les points sur les valeurs... Les valeurs. Je comprends, comme je vous le disais, qu'on a mis ça dans la partie sur les approvisionnements énergétiques, mais c'est quand même très important. Pourquoi? Parce qu'on a vu à la commission... la problématique, c'est celle du rétablissement, ça a été le rétablissement de l'électricité par Hydro-Québec. À partir de quelle valeur faisait-on ça? Alors, Hydro-Québec avait une liste, la Sécurité civile a défini une liste pour le verglas avec Hydro-Québec. Mais cette liste-là pourrait aussi servir pour des rationnements, pour différents points. Alors, je pense que c'est un point, ça, qui m'apparaît très, très important, qu'il faudrait préciser: qu'il y a le respect de la vie, de la santé, des personnes en premier, des biens ensuite. On mentionnait peut-être aussi de l'environnement. Bon, alors donc, ces grandes valeurs là, c'est un point important.

n(16 h 20)n

Je n'ai pas retrouvé formellement l'architecture des pouvoirs publics avec les responsabilités du Conseil exécutif. Ça, si vous voulez, quand on parle de catastrophes, il est évident que le gouvernement central va se mobiliser. Et, depuis Saint-Basile... Bon, j'avais été chargée d'une recherche après l'incendie de BPC de Saint-Basile-le-Grand et je m'étais concentrée surtout sur l'aspect administratif. L'aspect Saint-Basile, ça avait été géré par le premier ministre, son chef de cabinet, au niveau davantage... mais le verglas nous a montré qu'il y a eu des comités de formés, des comités ministériels, et je pense qu'il faudrait, avant une catastrophe, se pencher sur ces mécanismes. Et ce ne sont pas que des moyens d'organisation qui vont après ça dans le quotidien, je pense que ça ferait partie, il me semble, d'un projet de loi.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Il y a un point que vous avez soulevé dans votre mémoire, à la page 11, que je trouve très pertinent. Je pense que dans les mémoires qu'on a vus jusqu'à aujourd'hui vous êtes la seule à avoir soulevé ce point, et ça me touche beaucoup, c'est celui des abus commerciaux. Moi, j'ai vécu le verglas et je sais comment les citoyens de la Rive-Sud, ceux qui étaient dans le triangle noir, ceux qui étaient dans la grande Montérégie, ont eu à se débrouiller. Et c'est sûr que les biens de première nécessité comme l'eau, les aliments, les moyens énergétiques de substitution, par exemple ne seraient-ce que les piles... Le bois de chauffage, tout d'un coup, il a disparu et puis ça coûtait cher la petite brique. Alors, c'était quelque chose de dramatique de voir que les gens ne pouvaient pas avoir accès à un certain nombre de biens et que les prix aussi avaient augmenté exagérément.

Et je vous supporte fortement sur ce commentaire que vous faites à la page 11 à l'effet que le projet de loi devrait «statuer sur un gel des prix des biens et services de première nécessité lors des catastrophes ? ou tout au moins des pénalités sévères dans les cas d'abus». Et j'interpelle ici le ministre. Je pense que c'est quelque chose sur lequel il faudrait réfléchir sérieusement par rapport au projet de loi. On aura l'occasion d'y revenir, mais je tenais à le signaler. Puis je pense que c'est un point pertinent que vous avez soulevé.

Par ailleurs, pour revenir à la question de la communication, vous dites qu'il faut communiquer les risques pas seulement aux opérateurs de la sécurité civile mais aussi à la population. Est-ce que vous ne trouvez pas que, tout en communiquant le risque, ce qui est intéressant en soi, il faut également informer la population sur les moyens de prévention, sur les plans d'urgence, sur les outils dont elle peut disposer justement pour se prendre en main?

Mme Denis (Hélène): Ah, tout à fait, tout à fait. C'est évidemment l'étape suivante. Mais ce pourquoi je trouve le projet de loi particulièrement courageux, c'est parce que cette première étape là, on a beaucoup d'hésitation en général à la faire au Canada et aux États-Unis. Aux États-Unis, il y a eu le Right To Know Act qui est parfois appliqué, parfois plus ou moins appliqué. En Europe, ce n'est pas pareil, parce que depuis Bhopal il y a la directive sur les eaux. Mais, même encore là, au début, ça n'a pas été si simple. C'est quelque chose dans la bonne direction. Et ce pourquoi parfois on ne veut pas le faire, c'est parce qu'on sait qu'ensuite, par exemple dans une municipalité, on va se faire poser des questions sur: Maintenant, vous faites quoi? Et maintenant, on fait quoi? Mais je me dis: Si ce premier pas là est posé, c'est vraiment un bon jalon dans la sécurité civile.

Mme Houda-Pepin: Toujours sur ce point des communications ? comme vous le soulignez si bien, c'est vital en situation de crise ? il y a plusieurs intervenants: les municipalités, les MRC, les services de police, les services des incendies, les entreprises génératrices de risques, etc., qui sont impliquées, le gouvernement évidemment, par la voie de la sécurité civile. Pour communiquer avec la population efficacement en situation de crise, quel est le mécanisme ou quel est l'organisme le mieux outillé pour le faire? On parle ici de communication qui fait référence à la protection de la vie des personnes et des biens. Qui est mieux placé sur le terrain pour envoyer la communication, pour rejoindre tout le monde?

Mme Denis (Hélène): Selon moi, c'est toujours le maire; et c'est le maire qui est la première personne responsable. Évidemment, ça dépend, là, de l'ampleur de la catastrophe. Prenons un cas comme la tornade de Maskinongé, la tornade d'Aylmer, c'est le maire. Mais il y a des aspects techniques, alors le maire va avoir autour de lui des gens pour répondre aussi aux questions qui se posent dans les aspects techniques.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Maintenant, pour revenir aussi à la question des plans d'urgence et le découpage de responsabilités entre les MRC et les municipalités, en ce qui a trait à la préparation des plans d'urgence et à leur opération, le projet de loi considère que la planification doit se faire au niveau régional et l'imputabilité au niveau local. Vous semblez souscrire à ce principe-là.

Mme Denis (Hélène): Je vais vous dire très simplement que je ne suis pas sûre de ma compréhension du projet de loi là-dessus. Il y a un jargon juridique... Je suis désolée pour les avocats, là, mais il y a quelque chose qui, moi, ne m'est pas apparu très clair dans ça. Même, je le relisais encore en venant tout à l'heure, puis il me semblait que là je le comprenais peut-être différemment. Et, croyez-moi, j'ai beaucoup travaillé dessus, donc ce n'est pas faute d'avoir essayé.

Je pense que, dans les cas où tout va bien, j'imagine que, bon, chaque municipalité reçoit les risques des générateurs de risques, regarde évidemment ce qu'elle peut faire elle-même puis ensuite, bon, travaille avec la MRC, puis la MRC travaille avec une région. Donc, ensuite, comme c'est fait vraiment en collaboration, c'est relativement facile ensuite de revenir, de dire: Bon, bien, à partir de ces risques-là on fait telle et telle choses, le plan d'urgence qui, au moment de l'urgence, sera la responsabilité d'une municipalité. C'est ce que je vois, c'est comme ça que je comprends, mais je trouve que ce n'est pas vraiment dit clairement comme ça dans le projet de loi.

Mme Houda-Pepin: En fait, on a déjà entendu une municipalité qui est venue nous dire que, elle, elle veut assumer la responsabilité de planification et d'opération sur le terrain. Selon son expérience, c'est la meilleure façon de contrôler le risque. Ils nous ont également dit que ce n'est pas facile nécessairement, à l'intérieur des municipalités, d'amener les autres partenaires à s'impliquer dans la gestion d'un risque pour toutes sortes de raisons; là, je ne veux pas élaborer trop, trop là-dessus. Donc, il y a le facteur humain aussi qui joue. Il y a également des sensibilités qui viennent rendre la chose plus complexe qu'on ne pense, là. Parce qu'on peut dire qu'en théorie ça peut se faire de telle façon, mais, dans la pratique, il y a beaucoup de sable dans l'engrenage.

Mme Denis (Hélène): Ah! bien oui. Et vous parlez d'une municipalité.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Et c'est ainsi que nous allons terminer. Une dernière réponse. Allez-y.

Mme Denis (Hélène): M. le Président...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Non, allez-y. Il vous reste 30 secondes.

Mme Denis (Hélène): Ah! pardon. Vous parlez d'une municipalité, bien sûr. Bon. Écoutez, je pense que, quand les gens ont de la bonne volonté, ils vont faire marcher un projet. Je trouve que le projet est courageux, je le répète, parce que, en général, les gens sont sensibilisés aux catastrophes après une catastrophe. Si le projet de loi était passé tout de suite après le verglas, il y aurait eu foule, tout le monde s'en serait occupé. Et là où est l'avantage du projet de loi actuel, avec des remaniements, ce serait qu'il se pose ces questions-là avant ? je l'espère en tout cas ? la prochaine catastrophe. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, Mme Denis, pour votre contribution à nos travaux.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): J'invite maintenant les représentants de la Communauté urbaine de Montréal, notamment M. Claude Léger, directeur général et coordonnateur des mesures d'urgence, à bien vouloir s'avancer, s'il vous plaît.

Nous avons également réservé une période de 45 minutes ? bonjour, M. Guindon ? pour cette rencontre. Selon la formule habituelle donc on y va, dans un premier temps, d'une présentation qui devrait tenir normalement dans une quinzaine de minutes, et par la suite nous passerons aux échanges. Alors, vous avez la parole.

Communauté urbaine de Montréal (CUM)

M. Léger (Claude): Merci, M. le Président. Alors, merci de nous permettre de venir vous entretenir un peu du point de vue de la Communauté urbaine. Certains pourraient se demander pourquoi la Communauté urbaine se présente devant la commission aujourd'hui, compte tenu que la Communauté urbaine, d'ici la fin de l'année, fera partie de la nouvelle ville de Montréal. Eh bien, si on peut léguer quelque chose de notre enseignement, de nos 13 années d'implication dans le domaine des mesures d'urgence... Vous savez que la Communauté est probablement l'un des seuls corps publics, outre le gouvernement du Québec, à avoir des gens qui sont dédiés à temps complet à la sécurité civile. Donc, ces gens-là ont accumulé une certaine expertise, d'où la présence de M. Guindon ici aujourd'hui.

Alors, c'est dans ce contexte-là que nous allons un petit peu vous faire part bien humblement de ce que nous avons comme remarques concernant ce projet de loi. D'abord, ce que l'on voulait dire en introduction, c'est que c'est quand même un projet majeur dans le domaine de la sécurité civile; c'est colossal comme oeuvre, ça fait des années que c'était attendu. Et, dans ce sens-là, la Communauté salue l'initiative du gouvernement à ce niveau-là.

n(16 h 30)n

Ce qui est intéressant dans le projet aussi, c'est qu'on perçoit clairement l'approche systémique: tous les paliers qui sont impliqués sont articulés entre eux, du local en passant par le régional jusqu'au gouvernemental. Il y a d'autres dispositions qui sont transversales, comme la déclaration d'état d'urgence. Alors, je pense que l'ancienne loi n'avait pas le mérite d'être articulée de cette façon-là et, en ce sens-là, c'est un progrès vraiment majeur. Il y a également aussi un effort pour couvrir les quatre phases de la sécurité civile: la prévention, la préparation, l'intervention et le rétablissement. Donc, ça, c'est remarqué également.

Alors, ce que nous allons faire, on va vous entretenir de notre point de vue sur sept grandes idées qui sont contenues dans le projet de loi. Mon collègue, M. Guindon, traitera les deux premières: la notion de sinistre et d'accident majeur et la responsabilisation du citoyen à l'égard de la sécurité civile. Je vous parlerai des cinq points suivants et M. Guindon reviendra après pour aborder certains thèmes sur lesquels on aurait peut-être souhaité que le gouvernement aille un petit peu plus loin. Alors, on va essayer de tout faire ça en 15 minutes, très rapidement. Alors, je cède la parole à M. Guindon qui vous entretiendra des deux premières idées.

M. Guindon (Jean-Bernard): Alors, M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs, simplement ajouter notre grain de sel sur la question des définitions et des notions. Je pense que c'est une question qui est importante. Plusieurs ont déjà souligné une certaine imprécision dans les notions, particulièrement la définition de «sinistre» et la définition d'«accident majeur». Alors, ce que nous proposons à la réflexion, et peut-être pour amener plus de précisions, c'est d'ajouter quatre éléments qui nous serviraient d'éclairage.

Premièrement, l'impact sur l'environnement, qui a été complètement oublié ou qui n'est pas mentionné en tout cas dans les deux définitions. Et c'est assez évident, quand on voit le ministère de l'Environnement, celui du Québec et même le fédéral, qui sont sur les lieux de n'importe quel sinistre, que la dimension de l'environnement est toujours là. Et ça, ça s'applique aux deux notions: la notion d'«impact sur la communauté», en faisant la distinction que, dans le cas d'un accident majeur, l'impact est vraiment sur la communauté immédiate, alors que, dans le cas d'un sinistre, l'impact touche un ensemble de la société beaucoup plus vaste, et il crée des perturbations sociales et économiques importantes. Et ça serait une distinction qui permettrait de clarifier les deux notions.

L'autre point, c'est les ressources. On définit un sinistre comme étant une situation où, par définition, les ressources de la municipalité sont dépassées ? ou les ressources de quelque organisation que ce soit ? et c'est pour ça qu'on se prépare et qu'on fait des plans, c'est parce qu'on sait qu'on va être dépassés, alors que, dans le cas d'un accident majeur, il y a un haut niveau de ressources qui est requis, mais qui ne dépasse pas nécessairement la capacité de réponse. C'est une manière opérationnelle aussi d'assurer la distinction entre les deux notions.

Et, finalement, l'activation du plan de sécurité civile. Alors que, dans le cas du sinistre, l'activation est automatique, le cas de l'accident majeur peut mettre la municipalité ou l'entreprise près d'activer son plan de sécurité civile ou son plan d'urgence, mais ne le fait pas nécessairement, tout en étant dans une situation où, bien sûr, on est proche d'un sinistre potentiel. Alors, je pense que ces deux notions-là mériteraient, pour l'éclairage de beaucoup d'autres articles du projet de loi, d'être clarifiées dans ce sens-là.

Un deuxième point sur lequel on insiste un petit peu ? puis ça a été abordé hier, donc je vais passer assez vite ? c'est sur la notion de «préparation du citoyen» sur une base individuelle, familiale et même de voisinage pour survivre à trois jours, au moins pendant une période de trois jours pendant un sinistre. On souligne ce point parce que c'est une approche internationale, c'est un point... Dans plusieurs pays, c'est déjà quelque chose qui est mis de l'avant et on ne prône pas que ça doit nécessairement être dans la loi, mais que la loi favorise d'en faire une norme qui pourrait être proposée aux citoyens, pour toutes les raisons qui ont d'ailleurs été bien évoquées hier. Je pense qu'on ne fait que souligner là-dessus ce point-là. Alors, je laisse le soin à Claude de continuer.

M. Léger (Claude): La troisième idée, c'est l'obligation de divulgation des risques. Alors, évidemment, on salue l'initiative du gouvernement ou l'objectif d'obliger les générateurs de risque à divulguer les informations qu'elles possèdent aux autorités locales qui sont responsables de prendre des mesures pour protéger les citoyens. On proposerait une simple modalité. C'est que, si on demande, tel que c'est prévu au projet de loi, aux générateurs de divulguer les probabilités et les conséquences, dans un premier temps, ça représente des analyses assez longues, assez fastidieuses et assez coûteuses. Et la démarche naturelle qui est déjà place dans le milieu sans qu'il y ait de projet de loi, c'est de fonctionner en deux temps. C'est que, dans un premier temps, on demande aux générateurs de risque non pas de nous informer des risques, mais de nous informer des dangers potentiels: quelles sont les sources de danger potentiel? où sont les produits chimiques dans l'industrie? quelles sont les quantités? Et, déjà avec ça, les équipes qui sont chargées de la préparation des plans d'urgence peuvent préparer des plans intérimaires, peuvent commencer à se préoccuper de la question, entreprendre avec l'industrie une procédure d'analyse de risque plus exhaustive qui nécessite temps et argent. Et, après ça, lorsque les résultats sont disponibles, à ce moment-là, on est capable de produire le plan définitif. Alors, on pense que, durant la période intérimaire, si ça prend un an pour faire une analyse de risque sérieuse et exhaustive, on serait mieux protégé avec une déclaration initiale qui serait complétée par la suite.

On insistait également à cet endroit-là sur... Nous, on croit qu'il y a peut-être de la place encore dans ça pour les initiatives conjointes du type comité mixte municipal et industriel. Je ne sais pas si d'autres intervenants vous en ont parlé avant, mais on pense qu'il y a encore de la place dans le processus, entre les deux, pour faire en sorte que, si, après la déclaration initiale des sources de danger, il s'inscrit un processus de dialogue ouvert dans la communauté, à ce moment-là, l'obligation de divulgation devient presque superflue parce que le processus mixte reposant sur une ouverture des partenaires ? villes, industries, citoyens, gouvernement ? bon, il va dépasser ce qui est requis strictement par l'obligation législative.

Le quatrième principe, le schéma de sécurité civile, bien, on appuie ça. Ceux qui vous ont dit que c'était probablement très bureaucratique... Écoutez, on faisait déjà des plans de mesures d'urgence dans les villes; on faisait déjà de la cartographie des risques. Là, ce qu'on aura de plus, c'est qu'on aura des informations précises des générateurs sur les localisations des sources de risques, sur les probabilités et sur les conséquences. Alors, je pense qu'on peut juste être d'accord avec ça. C'est sûr que, pour des municipalités qui ne faisaient peut-être pas ce qu'elles auraient dû faire, évidemment, ça représente une charge de travail additionnelle.

Maintenant, simple modalité, compte tenu de l'évolution de la situation sur l'île de Montréal, la remarque est: l'île de Montréal, la ville de Montréal, devrait ? la nouvelle ? avoir le statut de MRC au sens de la loi au même titre que Laval ou Mirabel, bon. Je pense que ça, c'est une formalité.

Sur la déclaration d'état d'urgence, on était d'accord avec le principe. Peut-être quelques petites modalités encore là facilitantes. La Loi sur les cités et villes est un peu contraignante concernant les modalités de convocation des assemblées: préavis de 24 heures pour une assemblée spéciale, on ne peut pas changer l'ordre du jour si les conseillers ne sont pas d'accord, etc. Vous avez déjà introduit des assouplissements à ces règles-là sur le lieu de l'assemblée. On pense qu'il y aurait peut-être lieu d'assouplir un peu davantage et de la même façon de permettre que la déclaration de mesures d'urgence initiale du maire puisse être de 48 heures plutôt que de 24. Si on n'a pas réussi à convoquer les conseillers en temps utile pour déclarer l'état d'urgence et que ce soit le maire qui doive le faire, il y a de fortes chances qu'on ne réussisse pas à le faire dans un délai de 24 heures. Ça peut être des vacances ou autres raisons comme ça. Et donc, compte tenu des moyens de contrôle aussi dont le conseil dispose sur les agissements du maire, on pense qu'il n'y aurait pas d'inconvénients à ce que le délai soit de 48 heures.

L'information des citoyens, pour nous, c'est vraiment le coeur de ce projet de loi là. Les autorités locales et régionales vont devoir contribuer à l'information des citoyens. On aurait peut-être souhaité que ce soit un peu plus précisé parce que, ce qui est notre perception en lisant le projet de loi, c'est que les générateurs de risque vont devoir s'ouvrir à l'égard des autorités municipales et les autorités municipales, elles, elles devront formater l'information qu'elles voudront bien divulguer aux citoyens sous la forme d'un schéma dans un processus de consultation, et tout ça.

Pour nous, ça soulève deux problèmes. Le premier problème, c'est que ce cadre formel, qui est généralement celui qu'on utilise en aménagement et urbanisme, est moins bien applicable à la question ou à la science de la communication des risques. Les succès qu'on a eus, au Québec et dans le monde, sur la communication des risques, c'est des endroits où on a réussi à établir un partenariat avec la communauté. Je pense à l'expérience de Magnola, le barrage Choinière dans l'Estrie. Il y a l'expérience de l'est de Montréal, le CMMI, aux États-Unis, l'expérience de Kanawha Valley qui est citée à l'intérieur de ça. C'est des endroits où on a bâti des partenariats avec la communauté, une relation de confiance sur une longue période de temps. Ce n'est pas un exercice où on a travaillé en vase clos, la ville avec le générateur de risques, et, au bout d'un certain temps, après un an de travaux, disons, on fait une assemblée de consultation pour présenter les fruits de ce résultat. Ça risque, selon notre expérience, de donner lieu à des confrontations dans le processus de communication des risques plutôt que de bâtir effectivement cette relation de confiance.

n(16 h 40)n

L'autre question qu'on se posait, c'est: Est-ce que les villes et autorités régionales doivent communiquer aux citoyens l'ensemble des informations qu'elles ont ou sont-elles responsables de les filtrer et de les formater? À ce moment-là, le point de vue qu'on soulève, c'est de regarder l'angle de la responsabilité du point de vue de la municipalité. Tantôt, les gens du BAC l'ont soulevé du point de vue, en fait, des clients des entreprises qui sont dans le domaine de l'assurance. Nous, on dit: Si les municipalités doivent formater une information, filtrer une information en quelque sorte, peuvent-elles être tenues responsables, advenant qu'il y ait un sinistre majeur, de ne pas avoir correctement informé les citoyens, etc.? Donc, ça, là-dessus, là, en tout cas, on avait comme une espèce de zone d'inconfort.

L'entraide, là, la septième idée, c'est que, en lisant le projet de loi, on peut avoir la perception, au niveau de l'entraide municipale, qu'on ne peut pas dans le fond prendre en compte les ressources de la ville voisine pour notre planification. Nous, ce qu'on dit, c'est que, quand il y a des ententes formelles entre les municipalités, on pense que ça serait conforme à l'esprit de la loi qu'il puisse y avoir prise en compte de ces ressources-là dans le schéma, et, seulement dans les cas où il n'y a pas d'entente, à ce moment-là, que la municipalité voisine ne soit pas involontairement l'assureur de la municipalité qui aurait inscrit des ressources comme telles dans son plan. Alors, M. Guindon, pour la suite.

M. Guindon (Jean-Bernard): Alors, tout simplement pour faire écho, donner un son de cloche différent au sujet du rôle des MRC à qui on ne confie, dans la loi, qu'une fonction de planification si on lit bien, nous prônons, avec notre expérience, qu'il est possible de leur confier des rôles davantage de coordination et surtout d'intervention possible en cas de sinistre, ne serait-ce que pour canaliser la convergence de tout ce qui peut se passer pendant un sinistre. Et l'expérience du Verglas nous a démontré que, avec les 28 villes qu'il y avait sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal, en canalisant les choses, ça allait beaucoup plus efficacement, et ce, sans aucunement endiguer ou empêcher l'exercice des responsabilités des municipalités, au contraire, en le favorisant, puisqu'on le canalisait et avec beaucoup plus de facilité.

D'autre part, je souligne, sur le plan professionnel, que faire seulement de la planification sans toucher à l'action, ça risque de faire aussi de la planification qui tourne à vide chez des personnes qui n'auraient jamais l'occasion d'être impliquées, là, sur le plan opérationnel.

Je termine aussi avec la dimension de la formation et de la recherche. Ça a été beaucoup soulevé à ce point-ci, à cette table. Et, moi, je souligne surtout l'aspect de concertation qui est nécessaire. On a eu de nombreux projets de partenariat avec des universités. Il y en a un actuellement qui existe avec le Fonds FCAR et où nous collaborons avec le ministère à cet égard-là. Et nous croyons que la recherche est importante, surtout si on dit vouloir faire des analyses de risque, les qualifier correctement. Il nous manque beaucoup d'outils, et le travail qu'on a fait jusqu'à date dans le domaine des tremblements de terre, des inondations majeures, des risques naturels, etc., nous témoigne de l'ampleur du travail qu'il y a à faire et que les commandes devraient pouvoir venir tant du niveau local, régional qu'évidemment du niveau du ministère, du gouvernement comme tel. Alors, voilà pour l'essentiel.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Merci pour cette présentation. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Ménard: Bon. Vous avez touché, vers la fin, un des sujets qui nous préoccupe et sur lequel vous avez une expertise particulière. Avant de vous poser la question, je tiens à vous remercier de votre mémoire qui était excellent, que nous attendions avec beaucoup d'impatience, parce que vous réalisez que vous étiez quand même la plus grande organisation de sécurité civile au Québec peut-être en dehors du ministère.

Et, deuxièmement, vous aviez une expérience de regrouper 28 municipalités de dimensions très diverses, même aux extrêmes, avec des degrés de préparation et de... Par exemple, en sécurité incendie, je pense à ville Saint-Laurent, entre autres, sur le bloc industriel qui est là, l'est... Par contre, il y a des villes résidentielles en amont. Donc, vous aviez une expérience déjà de fonctionnement à plusieurs d'une planification de la sécurité civile. Comment avez-vous résolu les inévitables divergences d'opinions qu'il devait bien y avoir à certains moments donnés entre vos 28 municipalités?

M. Léger (Claude): Écoutez, beaucoup de concertation. Un comité de coordination de la sécurité civile faisait appel à beaucoup d'intervenants de l'extérieur dont des représentants de votre ministère, avec des rencontres périodiques pour justement aplanir ces difficultés-là.

Il faut dire également que la loi de la Communauté urbaine comportait un pouvoir habilitant, et ce pouvoir habilitant ? et on ne l'a peut-être pas très bien souligné dans notre mémoire ? à la Communauté va un peu plus loin que ce qui est dans le projet de loi de façon générale pour l'ensemble des MRC, parce qu'on avait vraiment le pouvoir d'adopter une politique de coordination des mesures d'urgence et le pouvoir d'intervenir dans l'action, dans la coordination des ressources, dans la réalisation d'ententes intermunicipales. Donc, la loi de la Communauté, à ce niveau-là, était quand même assez avancée. Donc, sur la base de cette loi et, dans un deuxième temps, avec des mécanismes de concertation dans lesquels M. Guindon était très actif, on arrivait à aplanir ces difficultés.

M. Guindon (Jean-Bernard): Et, si je me permets de...

M. Ménard: Nous suggérez-vous de modifier la loi dans ce sens-là?

M. Léger (Claude): Pardon?

M. Ménard: Nous suggérez-vous de modifier la loi actuelle dans ce sens-là, dans le sens de ce qu'était la Loi sur la CUM?

M. Léger (Claude): Écoutez, ce que l'on aurait aimé voir, M. le ministre, c'est s'il avait pu y avoir une disposition habilitante, ce qui ne force pas les gens à s'en prévaloir. Mais je sais, pour avoir rencontré beaucoup de MRC suite au verglas ? surtout autour de Saint-Hyacinthe, Granby, dans ce coin-là, beaucoup de collègues de MRC ? qu'il y a des gens qui ont fait des choses spontanément pour lesquelles ils n'avaient pas les pouvoirs législatifs. Il y a des MRC qui ont coordonné des ressources, qui ont servi de point d'échange avec les représentants d'Hydro-Québec. Pour les maires, il y avait des réunions périodiques, ces choses-là. S'il y avait une disposition habilitante, à ce moment-là, les villes qui le veulent et où il y a un dynamisme pourraient se prévaloir de la disposition, se donner une politique de coordination. Les MRC seraient plus interventionnistes. Puis, les autres, celles qui ne le veulent pas, bien, elles se contenteraient du schéma de sécurité civile et d'en voir à l'application.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Guindon.

M. Guindon (Jean-Bernard): J'ai un petit mot simplement pour dire qu'avant que Claude Léger soit directeur général chez nous il y a eu quand même quelques petites périodes où on a pu avoir des difficultés avec nos partenaires, les municipalités ou autres. Et, quand la concertation n'a pas suffi, il y a un pouvoir ultime qui a toujours agi et qui a été extrêmement efficace et qui s'est exprimé, c'est celui des élus, tout simplement. Et il a joué au niveau de la Commission de sécurité publique qui est intervenue à plusieurs reprises dans le dossier, qui a toujours suivi le dossier, qui nous requiert d'ailleurs de façon systématique un rapport à tous les six mois et qui toujours étant saisi des problèmes qu'il peut y avoir, soit nous suggère des choses ou intervient pour régler certains problèmes. Alors, c'est pour ça que, dans le fond, ça s'est presque toujours passé avec beaucoup de facilité.

M. Ménard: O.K. Je voudrais laisser du temps à mes collègues, mais j'ai quand même deux questions à vous poser: Est-ce que vous estimez que... Vous comprenez que la loi doit s'appliquer à l'ensemble du territoire. Donc, on cherche à faire un processus qui va se traduire en pratique par différentes solutions de sécurité civile qui seront, nous l'espérons, optimales dans chaque territoire où elles vont s'appliquer. Mais est-ce que vous trouvez que la loi vous empêche le type de consultation qui a été faite dans les CMMI, dans le CRAIM ou etc.?

M. Léger (Claude): La loi ne l'empêche pas, mais je dirais qu'elle ne le favorise pas nécessairement non plus, le danger étant que, à force de vouloir réglementer la communication sur les risques, on risque de tomber un peu dans l'excès américain. C'est tellement réglementé que tout ce qui n'est pas écrit finalement, on n'a pas à le révéler. Alors, c'est là qu'il y a peut-être à trouver une question d'équilibre, je ne sais pas. Mettons, avant de réglementer ? parce qu'il y aura peut-être une phase de réglementation ? comme je disais, peut-être une phase où les gens sont obligés d'abord, dans un premier temps, d'informer. Ensuite, c'est sûr que, sur le terrain, votre ministère peut continuer à soutenir les initiatives conjointes et volontaires, etc., et évaluer la situation s'il y a besoin de recourir à une réglementation. La loi n'empêche pas, mais la loi ne favorise peut-être pas nécessairement non plus, à notre avis.

M. Ménard: O.K. Une des hypothèses que j'ai toujours eues en défendant ce type de solution, c'est que les élus locaux, si on les place autour d'une table avec des experts qui peuvent les aider à faire des inventaires de risques et de ressources et à préparer, ils y prennent plaisir et ils se montrent d'une très grande responsabilité finalement, et ils rajoutent une certaine expertise, parce que, généralement, je pense que les élus locaux connaissent très bien le terrain, au niveau municipal en tout cas. Est-ce que c'est effectivement une expérience que vous avez faite à ces...

M. Léger (Claude): C'est particulièrement vrai pour les élus qui ont été marqués par un événement. On voit une différence chez l'élu du Saguenay qui a vécu un événement marquant versus un élu ailleurs qui, lui, se croit plus à l'abri. Mais je serais porté à dire que oui.

M. Ménard: C'est comme notre collègue de Brossard. Ha, ha, ha!

M. Léger (Claude): Ha, ha, ha! Oui.

Mme Houda-Pepin: Mais oui!

M. Ménard: Oui, c'est ça.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): De La Pinière.

M. Ménard: O.K. Merci. Alors, je vais laisser le temps aux autres.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): C'est bien. M. le député de Drummond.

n(16 h 50)n

M. Jutras: J'y vais rapidement avec une question, parce que je sais que mon collègue de Dubuc veut en poser une également. À la page 9 de votre mémoire, vous soulevez une question intéressante à l'effet que... ce qu'on retrouve dans le projet de loi, les autorités régionales ou les villes qui doivent informer la population des risques. Par contre, vous soulevez aussi la question de la discrétion. Jusqu'où doit-elle aller? Il ne s'agit pas, comme vous dites, de faire peur au monde, puis de soulever la panique, puis d'inquiéter les gens. Et là, vous nous avez parlé tantôt de zone d'inconfort, quant à vous. Alors, qu'est-ce que vous suggérez à ce niveau-là? Jusqu'où irait l'obligation finalement de renseignement?

M. Léger (Claude): L'approche qui était préconisée dans les démarches volontaires jusqu'à présent, c'est d'amener le générateur de risque à faire sa communication lui-même jusqu'à un certain point plutôt que d'avoir l'intermédiaire ville qui, lui, décide ce qu'il est important de dire et de ne pas dire. Évidemment, le générateur de risque n'est pas toujours perçu comme l'intervenant le plus crédible pour faire cet exercice-là. C'est pour ça qu'il doit y avoir un encadrement et, je dirais, une relation d'établie avec la communauté où cette crédibilité-là peut s'installer.

Dans le cas de Magnola, c'est l'entreprise qui a fait sa communication aux citoyens avant l'implantation de l'usine et, pour ce que j'en sais, ça a été une expérience assez unique au Québec de communication de risque qui va au-delà des obligations législatives avant l'implantation d'un site de cette importance-là. Alors, dans ce cas-là, étant donné que c'est l'usine... Et c'est l'approche américaine. Aux États-Unis, exemple à Kanawha Valley, ce sont les entreprises qui ont rencontré la communauté pour expliquer la nature des produits ? ça faisait suite à Bhopal, et tout ça ? et qui ont divulgué les conséquences des accidents potentiels. Et ça s'est très bien passé également.

M. Jutras: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Dubuc. Oui, M. Guindon.

M. Guindon (Jean-Bernard): Je voudrais simplement ajouter ? et c'est un point extrêmement important ? que, si on veut déclarer des risques et qu'on le fait sans déclarer des mesures de prévention, de litigation ou des plans d'urgence, on risque évidemment beaucoup. Et ça, c'est un phénomène d'équilibre qui peut atténuer énormément de problèmes. Et je pense que, si c'était soit une norme ou une ligne de conduite qui se développait, et ce, tout au long du processus aussi et non pas à la fin d'un processus, temps pendant lequel on a laissé des gens en suspens sur une démarche, mais dès le début d'un processus, si on informe qu'une démarche est en cours et que tout se fait dans un équilibre relatif pendant le déroulement du processus dans le temps, il y a plus de chances que la population réagisse bien et coopère.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Dubuc.

M. Côté (Dubuc): Oui. Alors, merci, M. le Président. Messieurs, bonjour. Moi, je voudrais vous parler un petit peu de votre item, l'entraide, les fameuses ententes que vous préconisez. Vous préconisez que les ententes entre différentes municipalités soient partie intégrante ou soient considérées comme un élément du schéma de la sécurité civile.

Je ne suis pas un spécialiste, mais je vais essayer de vous donner un petit peu des exemples. Vous me direz si je suis correct ou pas. Disons que deux municipalités, c'est évident que, si une possède une échelle aérienne, dans le cas d'un incendie majeur, bon, avec une entente avec la municipalité B, elle peut prêter son échelle aérienne. Il n'y a pas de problème, parce que c'est plutôt rare que deux incendies majeurs aient lieu en même temps dans deux municipalités voisines. Ça, ça va pour ça. Et, moi, je peux aussi, comme autre municipalité, avoir une entente avec la municipalité qui est de l'autre côté de ma municipalité, par exemple avec la municipalité C, pour dire: Écoute, toi, tu possèdes des équipements pour lorsqu'il y a des produits dangereux qui s'écoulent, alors, je peux te prêter mes équipements, on va signer une entente s'il arrive ça. Pas de problème. Alors, on est rendus avec deux ententes. Je peux en signer comme ça avec ma municipalité qui est au nord, ma municipalité qui est au sud. Mais, au moment où il arrive une catastrophe qui touche toutes ces municipalités-là ? et là, je pense à un nuage de souffre qui pourrait contaminer la population ? de quelle façon vous voyez ça? Je pense que vous n'en faites pas mention pour ces choses-là. Mais est-ce que ça ne serait pas préférable que les ententes... Remarquez que, avec le principe, je pourrais ne pas être en désaccord avec vous, mais est-ce que ça serait bien que ces ententes-là, par exemple, soient approuvées par une autorité supérieure, en disant: Oui, dans ce cas-là, on accepte que cette entente-là fasse partie du schéma de sécurité civile, comme vous dites, pour éviter des frais énormes à la municipalité?

M. Léger (Claude): Écoutez, oui, effectivement, si chacun doit se préparer pour l'improbable, c'est comme si toutes les municipalités devaient avoir tous les équipements pour déneiger toutes les rues en 24 heures même s'il tombe un mètre de neige. Alors, c'est impossible. Alors, c'est donc une question de doser l'effort qu'on fait financièrement versus la probabilité.

Maintenant, on pense que les ententes devraient être faites et coordonnées au niveau de la MRC. C'est ce qu'on faisait, chez nous, à la Communauté urbaine. On coordonnait les ententes entre les partenaires en travaux publics, dans le domaine des secours aux sinistrés, ces choses-là, au niveau de la Communauté urbaine.

M. Côté (Dubuc): Ressources également?

M. Léger (Claude): Ressources. Je pense aux ententes... Les ententes d'incendie étaient à l'extérieur parce que les ententes d'incendie étaient faites en vertu de la compétence des villes de régir la question de l'incendie. Mais, comme le schéma est un schéma de la MRC, ces ententes-là pourraient être coordonnées au niveau de la MRC ? vous parliez d'«approbation», moi j'utilise le terme «coordonnées». Il y a également la loi qui ouvre la porte à des collaborations inter-MRC, la possibilité que deux, trois MRC ensemble se coordonnent sur leur schéma de sécurité civile. Et là, à ce moment-là, ça répartit l'investissement sur un territoire qui est plus grand. Mais, à la limite, un sinistre majeur implique, à un certain moment donné ou à un autre, que les ressources de la personne qui intervient vont être dépassées, et c'est pour ça qu'il y a le Québec qui est là avec des ressources pour venir en aide aux municipalités puis, à la limite, il y a l'armée canadienne, et ainsi de suite, là.

M. Côté (Dubuc): Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Saint-Laurent. Oui, M. Guindon, allez-y.

M. Dupuis: Allez-y.

M. Guindon (Jean-Bernard): Je veux simplement formuler un souhait suite à ce que M. Léger vient de dire. On a réalisé des ententes sur le territoire de la Communauté entre les villes, et je dis «on», c'est les villes qui les ont réalisées et on les a aidées et supportées là-dedans, et ça donne des résultats. Ça existe dans la MRC de Blainville, par exemple, où il y a un partage de ressources comme ça. Je pense que le souhait qu'on peut formuler, c'est que le projet de loi permette que ça continue de se faire, puisque c'est une clé fondamentale pour que les choses se réalisent, et que le texte du projet de loi soit clair à cet égard-là pour qu'on puisse vraiment être sûr que c'est confortable de le faire.

M. Dupuis: Alors, M. Léger, M. Guindon, bienvenue. J'ai eu l'avantage, M. Léger, de constater que M. Guindon a assisté aux travaux depuis qu'ils ont débuté, depuis que la consultation a débuté. Donc M. Guindon est bien au fait de mon dada qui est celui de la communication avec la population, la communication des risques et la communication entendue dans un sens large. Et je suis très heureux de vous avoir entendus tous les deux exprimer que vous croyez aussi que la communication avec la population ne doit pas se faire strictement au niveau du risque, mais que la communication doit se faire aussi au sujet des mesures de prévention qui sont prises par, par exemple, les entreprises, des mesures d'atténuation des risques, y compris le corollaire qui est le plan de mesures d'urgence.

Alors, je pense que, là-dessus, on s'entend. J'avais l'intention de vous en parler, mais vous savez, après trois jours, il y a une convergence d'intérêts, une convergence d'idées qui normalement se manifeste en commission ou alors une divergence épouvantable. Mais, dans le cas de celle-ci, je dois dire, je pense qu'on s'entend assez bien sur ces sujets-là.

Les comités mixtes, je pense que vous avez témoigné à l'effet qu'il s'agissait d'une expérience que vous avez particulièrement appréciée. Est-ce que ? et, si vous l'avez déjà dit, c'est parce que ça m'a échappé ? vous croyez que c'est une structure ? M. Guindon vous m'avez entendu poser la question à d'autres, ça va être la même question, mais je pense qu'il faut commencer à le véhiculer mieux ? les comités mixtes? Tout en acceptant l'idée que ça doit être flexible, tout ça, puis que, dépendant des régions, dépendant des circonstances, il faille les adapter. Sûrement. Mais est-ce que c'est une structure qui vous apparaît être tellement performante que soit la loi, soit la réglementation, soit les orientations que le ministre entend publier éventuellement devrait la reconnaître formellement, cette structure-là, et encourager la prolifération de ce genre de structure, tout en s'entendant sur le fait qu'on doit le faire avec flexibilité?

M. Léger (Claude): Écoutez, c'est une excellente question. Quand on a mis en place le premier comité mixte, j'étais à Montréal-Est à l'époque, mais c'était une initiative conjointe avec les gens de l'industrie que vous avez reçus ici d'ailleurs. On n'en a pas fait une structure, c'était volontaire et c'était même la recommandation de M. Guindon d'en faire un processus plutôt qu'une structure. Parce que souvent les choses se gâtent quand on commence à les structurer...

M. Dupuis: O.K. Oui, vous avez raison.

M. Léger (Claude): ...et à les organiser de façon formelle. Et je conçois aisément la difficulté énorme qu'il peut y avoir pour des légistes à écrire des textes de loi sur quelque chose qui est aussi volatile qu'un processus qui repose sur la bonne foi puis sur l'échange, etc. Je pense qu'il faut juste essayer de prendre garde de ne pas tuer ça par trop...

M. Dupuis: De formalisme.

M. Léger (Claude): ...d'obligations pointues de façon législative qui ne portent que sur les générateurs de risques et qui n'amèneront pas un système équilibré.

n(17 heures)n

M. Dupuis: Alors, M. Léger, peut-être une façon de contourner cette difficulté que vous exprimez, avec laquelle je suis d'accord, ce serait de faire en sorte que ? et là je vais rejoindre un peu certaines de vos recommandations ? pour empêcher un dédoublement d'actions, soient reconnus les actions, les résultats que font les comités mixtes et auxquels aboutissent les comités mixtes. Si la loi ou si la réglementation... Moi, honnêtement, je pense que c'est plus une question de réglementation ou même d'orientation, à la limite. Si la réglementation ou les orientations reconnaissaient les actions qui sont posées par les comités mixtes, qui sont assez spécifiques, ça, ça encouragerait le processus. Est-ce qu'on s'entend là-dessus?

M. Léger (Claude): Bien, écoutez, oui, probablement. Et, dans son action, le ministère, je pense, moi, c'est soutenant ce genre d'initiative là. Le ministère a soutenu les municipalités, après les événements de Saint-Basile, pour la préparation, je dirais, des premiers plans d'urgence de nouvelle génération. Parce qu'il y a eu autrefois des plans d'évacuation, mais il y a eu comme un soutien qui s'est installé, puis ça a donné quand même des résultats dans plusieurs municipalités.

Ce qui est sûr, c'est que ce n'est pas mauvais d'avoir une loi. D'ailleurs, quand on avait initié le CMMI de l'est de Montréal, ce que nous avions vendu, en principe, aux industries, c'est de dire: Bien écoutez, avec ce qui se passe aux États-Unis, il va sûrement arriver une loi, prenons de l'avance, soyons proactifs, entreprenons tout de suite nos relations avec la communauté, puis on va commencer, on va s'asseoir, on va parler avec eux, on va parler des risques, etc., puis vous allez en sortir grandis au plan de l'image et au plan de la perception que les citoyens auront que vous êtes des bons citoyens corporatifs. C'était un peu notre angle. La loi n'est pas mauvaise en soi. Ce n'est pas mauvais en soi d'avoir une obligation législative. C'est juste que, je vous dirai, c'est dans le degré d'encadrement de...

M. Dupuis: Dans les comités mixtes auxquels vous avez participé ou dans ceux qui ont été portés à votre attention ? je parle d'attention soutenue ? le ministère de la Sécurité publique était-il impliqué?

M. Léger (Claude): Dès les premiers instants.

M. Dupuis: O.K. C'est beau. Mais... pas à quel titre mais de quelle façon?

M. Léger (Claude): D'abord, soutien technique de par l'expertise. Mais également, comme je disais tout à l'heure, les citoyens qui sont autour de la table, dans ces comités-là, ont besoin d'une référence parfois lorsqu'ils reçoivent l'information des générateurs de risques. Et la référence, c'était les gens du ministère de la Sécurité publique, les gens de la santé publique, et ces choses-là. Alors, le citoyen se tournait naturellement vers ces gens-là, qui sont neutres, impartiaux, etc. puis il obtenait une espèce de deuxième...

M. Dupuis: Validation.

M. Léger (Claude): Une validation.

M. Dupuis: O.K. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Guindon.

M. Guindon (Jean-Bernard): Simplement un complément à ceci. Quand on lit la loi pour la première fois puis qu'on tombe dans le chapitre sur les générateurs de risques et qu'on n'évoque pas du tout cette possibilité de mutualité entre les industries et les municipalités, ça sonne drôle compte tenu du succès de ces expériences-là dans le milieu. S'il y avait moyen que la loi évoque, au moins au niveau du principe, la nécessité de la mutualité entre les municipalités et les industries dans un processus conjoint, sans qualifier ça de comité mixte municipalité-industrie mais plus de parler d'un processus conjoint, ça mettrait la table pour qu'une réglementation ou des orientations soient plus claires et que le ton de la loi signifie davantage un appui à ceux qui ont réussi dans ces initiatives.

M. Dupuis: Si vous permettez, deux petites secondes. En fait, ce que j'ai surtout perçu de la part des gens qui ont participé à des comités mixtes en regard du projet de loi qui est devant l'Assemblée nationale, c'est la chose suivante, c'est: Ne nous demandez pas de refaire ce que nous avons déjà bien fait. C'est un peu ça qui est la préoccupation des gens qui participent aux comités mixtes. Ils regardent le projet de loi puis ils disent: Nous autres, ça va bien, notre affaire, on a un processus qui fonctionne, on a une reconnaissance des risques, on a des mesures de prévention, en tout cas, on a des mesures qui sont bonnes, ne nous demandez pas de refaire le travail, on l'a déjà fait.

Alors, moi, je dis dans le fond: La façon d'éviter ça, c'est justement de reconnaître le travail qui est fait dans les comités mixtes. Comment ça se fait? On verra, mais simplement un plus quand on a un comité mixte, ça pourrait aider.

M. Léger (Claude): Et le comité mixte peut être la cellule qui va préparer le schéma de sécurité civile. Plutôt que d'engager des fonctionnaires...

M. Dupuis: C'est ça.

M. Léger (Claude): ...bien, on met du monde en réseau puis on leur fait préparer le schéma.

M. Dupuis: C'est ce que je veux dire, C'est ça que je veux dire. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, M. Léger, M. Guindon, je veux enchaîner sur ce que mon collègue disait mais en vous demandant: Pourquoi est-ce que vous insistez tant sur la définition des concepts de sinistre et d'accident majeur? Je pense que vous n'êtes pas le seul, mais vous y revenez.

Deuxièmement, est-ce que vous avez pris connaissance des définitions qui nous ont été soumises par l'Association des chefs de services d'incendie du Québec qui propose une définition? Par exemple, le sinistre, ils le définissent comme suit: «Un événement dû à un incendie, une explosion, un accident, une défaillance technologique ou un phénomène naturel ? et ils ajoutent ? dont l'importance ou la nature cause une déstabilisation du système ou une déstabilisation sociale ? c'est ce qu'ils ajoutent, et l'article continue comme suit ? découlant ou non de l'intervention humaine qui cause de graves préjudices aux personnes ou d'importants dommages à leurs biens.» Est-ce que cette définition vous convient? Est-ce qu'on peut trouver un consensus autour de ça? Ça vous va?

M. Guindon (Jean-Bernard): Oui, mais je dois dire que ça reprend en d'autres termes les mêmes idées. Quand on parle de «perturbation sociale ou économique significative», on parle d'un bris dans la continuité de la vie en société qui est tel que les activités économiques ou sociales d'un certain milieu sont vraiment arrêtées ou empêchées de fonctionner, comme on l'a vu, par exemple, pendant le verglas au centre-ville de Montréal, ça illustre bien le propos. Alors que, dans l'autre cas, on parle d'une atteinte à la communauté mais la communauté plus immédiate. Mais que ça s'exprime...

Nous, on n'a pas voulu proposer de textes de définition mais plutôt proposer des idées-clés qui permettent d'arriver à un texte précis parce qu'on savait probablement que beaucoup de gens arriveraient avec chacun son texte. Et c'est plutôt les critères à appliquer pour bien distinguer les termes qui sont importants.

Mme Houda-Pepin: D'accord. À la page 4 de votre mémoire, vous faites une recommandation en deux temps, d'abord une campagne d'information destinée au grand public pour le sensibiliser au projet de loi lui-même, et le deuxième volet, c'est l'obligation pour les citoyen de se préparer sur une base individuelle. Ça, par exemple, j'aimerais savoir quels sont les impacts de ça, d'obliger les citoyens. Ça va s'opérationnaliser comment?

M. Léger (Claude): Bien, le texte, effectivement, du mémoire parle d'une obligation législative, et je vous avouerais qu'on n'a peut-être pas besoin d'aller aussi loin que ça. Je pense que M. Guindon, dans ses propos, a nuancé un peu. Ça rejoint tout simplement l'idée de développer une culture de sécurité civile, tel que ça avait été exprimé par la commission Nicolet. La commission avait constaté que le citoyen en général avait soit le sentiment que rien ne pouvait arriver ou que, si quelque chose arrivait, le gouvernement était pour le prendre en charge, et des gens arrivaient dans des refuges avec pas de brosse à dents, pas de couvertures, rien de ça, toutes des affaires qu'ils avaient chez eux. Alors, c'est un peu pour essayer de sensibiliser le public à sa propre protection, sa propre prise en charge. Et ça, on a des abris potentiels dans chacune de nos résidences, hein, à la limite.

Mme Houda-Pepin: Et, à la page 7, vous parlez de la durée de l'état d'urgence qui peut être décrété par le maire et vous la ramenez à 48 heures au lieu de 24 heures. Mais, en même temps, vous parlez aussi d'une réglementation particulière pour convoquer un conseil municipal en période de crise. Et je vous comprends. Encore une fois, le ministre dit: La députée de La Pinière a été sensibilisée à la question du verglas. C'est vrai, je ne vois plus les pylônes d'Hydro-Québec de la même façon.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Houda-Pepin: Ça, je peux vous assurer. Et puis il y a beaucoup de choses aussi que je ne vois plus de la même façon, depuis. Mais vous avez raison de vous soucier de la convocation du conseil municipal parce que... Mais la réglementation particulière, vous souhaiteriez que le gouvernement y intervienne de quelle façon?

M. Léger (Claude): C'est parce que c'est en relisant les dispositions de la Loi sur les cités et villes qui parlent de la convocation des assemblées spéciales du conseil que j'ai trouvé que c'était peut-être quelque chose qui s'appliquait aux imprévus de la vie normale d'une ville mais qui ne s'applique peut-être pas à une situation d'un sinistre appréhendé ou d'un sinistre qui s'est produit. Donc, sans vouloir aller trop loin, en faisant confiance aux légistes, qui sauront peut-être trouver les mots mieux que moi, je me disais: Bien, c'est peut-être un peu trop contraignant qu'on ne puisse pas ajouter un sujet à l'ordre du jour sans le consentement des membres du conseil. Qu'il faille convoquer 24 heures d'avance, ça, c'était peut-être un peu contraignant.

Mme Houda-Pepin: La Communauté urbaine de Montréal, c'est un organisme important, en situation de gestion de crise. Pour revenir au verglas, comment évaluez votre état de préparation après coup? Et est-ce que vous avez apporté des correctifs, et lesquels, depuis?

M. Léger (Claude): Bien, je vais laisser M. Guindon répondre, puisque c'est lui qui était en charge, aux commandes lors du verglas. Je n'étais pas encore à la Communauté, à ce moment-là.

Mme Houda-Pepin: D'accord.

n(17 h 10)n

M. Guindon (Jean-Bernard): Oui, effectivement, suite à la tempête de verglas, nous avons fait un rapport d'évaluation avec tous les intervenants, une méthodologie systématique de vraiment requérir les opinions de toutes les personnes qui avaient participé de près ou de loin à la gestion, et on a pu faire des recommandations. On a fait un plan d'action qui a découlé de ça. Et, dans le dernier rapport que j'ai fait au directeur général ou à la Commission de sécurité publique à cet égard-là, je peux vous dire que toutes les recommandations qui avaient été faites suite à la tempête de verglas ont été appliquées ou réalisées tel que prévu. Et c'est peut-être le plus bel exemple qu'un sinistre ? ou on a parlé des exercices dans d'autres mémoires, et c'est la même chose ? nous fournit des occasions d'apprentissage qui nous permettent de corriger nos planifications. Et ça rejoint le propos que j'avais tantôt, quand je vous disais que planifier dans une bulle, dans une structure donnée, sans avoir l'ancrage par rapport à une situation de sinistre concrète, c'est vraiment très différent. Alors, je pense que, là-dessus, on a eu quelque chose d'assez extraordinaire.

On a participé aussi au post mortem que les municipalités ont fait, chacune, et je dois vous assurer que l'exercice a été fait avec beaucoup de sérieux dans une grosse majorité de municipalités. Et, dans le bilan de l'état de préparation qu'on fait de nos municipalités à chaque année, qui est déposé au conseil de la communauté, on a pu constater une effervescence dans le travail de préparation des municipalités suite à la tempête de verglas et aussi alimentée par la préparation pour le passage à l'an 2000. Alors, ça a été vraiment très significatif.

Mme Houda-Pepin: Vous ne répondez pas au premier volet de ma question, c'est-à-dire: Quel était le niveau de préparation au moment du verglas?

M. Guindon (Jean-Bernard): C'est un peu...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Guindon.

M. Guindon (Jean-Bernard): Indirectement, je le vous le disais en vous disant qu'il y a eu une grosse amélioration suite à la tempête de verglas. Le niveau de préparation était assez adéquat parce qu'on avait des rapports justement qui étaient faits à chaque année au conseil et qui en témoignaient. Mais je peux dire qu'il y a eu une augmentation significative, là ? ça serait assez difficile d'entrer dans les détails sur le plan chiffré ? suite à la tempête de verglas. Mais on était adéquat dans la majorité des municipalités pour répondre à la situation du verglas.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. J'aimerais remercier les représentants de la Communauté urbaine de Montréal, M. Léger, directeur général et coordonnateur des mesures d'urgence, et M. Guindon, pour leur contribution à nos travaux.

J'inviterais maintenant les représentants du Comité consultatif sur les météorites et les impacts de l'Agence spatiale canadienne à bien vouloir s'avancer, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Je rappelle que la commission est réunie afin de procéder à une consultation générale sur le projet de loi n° 173, Loi sur la sécurité civile. Nous avons, pour cette dernière rencontre de la journée, également prévu une durée de 45 minutes selon la formule habituelle, 15 minutes pour la présentation de votre propos et ensuite nous passons aux échanges.

Alors, je vous cède la parole en vous demandant de vous présenter, s'il vous plaît.

Comité consultatif sur les météorites
et les impacts de l'Agence
spatiale canadienne

M. Bouchard (Michel A.): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs. Oui, je vais d'abord nous présenter. Je vais présenter mon collègue d'abord, M. Damien Lemay. M. Lemay est ingénieur en télécommunications, il est un nouveau retraité, il a fait carrière sur QuébecTel. M. Lemay est un des doyens astronomes amateurs au Québec et même au Canada. Il a présidé la Société royale d'astronomie du Canada. Il a été président du Comité canadien sur les météorites et les impacts et il est ici à ce titre. Quant à moi, je suis géologue de formation, je suis professeur titulaire à l'Université de Montréal. Je suis un spécialiste, un des spécialistes canadiens dans le domaine des impacts météoritiques. Je suis davantage connu pour le travail que j'ai effectué sur le cratère du Nouveau-Québec, le cratère de Pingualuit, pour identifier sa genèse et ses conséquences. J'ai été moi-même directeur de la recherche au Comité canadien sur les météorites et les impacts, et c'est ce comité que nous représentons, ici.

Maintenant, le Comité canadien sur les météorites et les impacts est un comité consultatif de l'Agence spatiale canadienne. Il est constitué d'un réseau de 22 chercheurs professionnels, différentes ressources, astronomes, géologues ou autres scientifiques, réparties à travers le Canada. Il y a six membres du Comité canadien sur les météorites et les impacts au Québec, dont M. Lemay et moi-même, il y a des collègues à l'Université McGill, à l'Université du Québec à Chicoutimi et d'autres au planétarium de Montréal, et ainsi de suite. Le Comité se réunit et fait rapport à l'Agence spatiale. Les gens de l'Agence sont en contact constant avec nous, nous consultent sur un certain nombre d'événements et à chaque fois qu'il y a un événement qui concerne les météorites et les impacts.

Alors, je vais donc assez rapidement vous parler, moi, d'impact, puisque j'en suis le spécialiste, et M. Lemay vous parlera de ce qui produit l'impact, c'est-à-dire les objets qui sont près de la terre, ce qu'on appelle les NEO, les «near earth objects», et les efforts internationaux qui sont faits depuis qu'il y a une conscience internationale qui se fait maintenant sur ces risques de collision, donc sur ces efforts, en particulier les efforts britanniques qui sont faits sur la surveillance des objets proches de la terre en trajectoire de collision.

Alors, nous parlons de météorites, d'impacts météoritiques. J'ai bien apprécié cette discussion qu'il vient d'y avoir sur les définitions de «sinistre», «catastrophe», ainsi de suite. C'est dur à dire, et je ne saurais pas vous dire si effectivement un impact météoritique est un sinistre ou une catastrophe. Je peux vous dire, en un premier temps, que les chutes de météorites, elles sont de deux types, vous savez. Il y a les chutes de météorites qui se produisent au moment où la pierre n'a pas conservé sa vitesse cosmique initiale, en fait elle l'a perdue presque au complet, et ensuite elle tombe en accélérant, en chute libre, tout à fait comme une valise qui tomberait d'une soute à bagages. Bon. Ces impacts sont des impacts que l'on dit balistiques. Ils ne causent pas de sinistre comme tel, mais ils causent de sérieux émois et possiblement la perturbation de la paix civile.

Vous savez, il y a des réseaux de surveillance de ces objets. Il y a eu un effort canadien pendant 11 ans, un effort qui est reconnu internationalement, de caméras dans les prairies canadiennes. C'est quelque chose qu'on ne sait pas très bien, mais il y a un réseau de caméras de surveillance de 1974 à 1985 qui a enregistré toutes les entrées météoritiques au Canada et qui est la base de toutes les statistiques du flux météoritique utilisé par tous les chercheurs, y compris la NASA. Maintenant, selon ce calcul, je peux vous dire, moi, qu'il y a une quinzaine de météorites de 1 kg qui tombent au Québec chaque année. Alors, un kilo, ce n'est pas grand-chose, mais, si ça vous tombe sur la tête, ça vous fait mal. Ça endommage les toits de ferme, ça s'est produit à Saint-Robert, et ainsi de suite. Mais on parle quand même de risque de fatalité qui est, somme toute assez faible.

Cependant, ça pose un émoi. À Saint-Robert, les événements qui ont suivi la chute d'une météorite en 1994, vous savez, ça a été des événements qui ont frôlé la panique: Appeler qui? Appeler l'armée? Appeler la police? Et la police dit quoi? Les questions qui sont posées c'est: C'est-u radioactif? Est-ce que c'est comme tremblement de terre, est-ce qu'il y en a un autre qui s'en vient? Qu'est-ce que je fais avec? Est-ce que je la touche? Je la mets-tu au frigidaire? Est-ce que ça va me transformer? Est-ce que c'est génétiquement... Bon. Et, à ce moment-là, la Sûreté du Québec ne savait pas très bien où se tourner pour répondre à ces questions-là. Alors, nous disons, nous: Le dispositif de sécurité civile du Québec devrait inclure au moins des mécanismes pour pouvoir répondre à ce genre de questions qui se posent.

D'autres perturbations de la paix se sont produites à Saint-Robert, et c'est un événement, enfin, qui est une conséquence, ça a été le piratage, la course, le pillage entre voisins quand la valeur de ces objets a été connue. Enfin, il y a tout ça aussi. S'il en avait eu plusieurs... Et, vous savez, il y en a une qui vient de tomber à Tagish Lake au Yukon, en Colombie-Britannique et qui se vend à 10 000 $ le gramme et qui crée un véritable chaos dans la... Enfin, donc, il doit y avoir une possibilité de pouvoir contrôler les événements immédiatement après la chute d'une pierre météoritique. Donc, ces événements sont fréquents, ils existent, ils produisent des dommages, peuvent provoquer des fatalités. Mais nous pensons que l'intervention de la sécurité civile à cet égard et surtout de l'information...

Maintenant, il y a des événements plus importants qui sont ce qu'on appelle les impacts en hypervélocité, les véritables collisions, celles qui ont, vous le savez bien, éliminé les dinosaures et beaucoup d'autres choses mais qui se produisent régulièrement et pour lesquelles nous avons aussi des statistiques, statistiques qui sont méconnues, mais qui sont pourtant... Je ne veux pas employer le mot «alarmantes», mais de plus en plus on en prend conscience. Les Américains, les Anglais, les Australiens, les Japonais consacrent de plus en plus d'argent ? M. Lemay vous en parlera ? à ce calcul et à cette préparation. Alors, nous parlons de collisions avec des objets célestes qui peuvent provoquer de très sérieuses fatalités.

Les événements de cratérisation. Vous savez, si l'impact du cratère d'Hydro-Québec s'était produit dans le sud du Québec, c'est 8 000 fois la bombe d'Hiroshima en termes d'impact. Il y a eu deux impacts de ce type au XXe siècle: en 1908, à Tunguska qui, s'il s'était produit à Londres, aurait fait, à cette époque, plus de 1 million de morts; en Sikhote-Alin, en 1948, il s'est produit un second impact qui, s'il s'était produit à Paris, aurait fait plusieurs millions de morts à cette époque. Et c'est deux événements pour le XXe siècle seulement. Et ces événements-là ont des fréquences calculables. Et, moi, je peux vous dire que vous avez plus de chance de mourir dans une collision météoritique que de gagner la loterie. Vous avez une chance sur 20 000 de mourir dans une collision météoritique.

n(17 h 20)n

Maintenant, ces statistiques ne veulent pas dire grand-chose, vous savez, parce que la quantité de décès provoqués par un impact météoritique, même à une fréquence de un million d'années, le nombre de morts est tellement grand que, si vous le ramenez à la moyenne, bien, ça vous fait des fatalités qui la situent quelque part entre le tremblement de terre et l'accident d'avion. Vous avez, en moyenne, une prévision d'environ 7 000 morts par impact météoritique par année. C'est la statistique. Mais évidemment ça va se produire une fois à tous les millions d'années. Donc, la probabilité est faible. Mais vous avez une chance sur un million que ça produise dans les prochains 12 mois, ce qui est l'équivalent d'avoir cinq cartes pour une flush royale de poker.

Bon. Alors, tout ça pour vous dire qu'on peut jouer longtemps avec les statistiques, les probabilités, mais ce n'est pas que théorique. Et il y a des pays, donc, qui ont entrepris de poser des gestes très précis de se préparer à ce genre de choses. Il n'y a rien à faire, sinon que d'avoir un estimé du temps. Est-ce qu'on peut avoir un avertissement? Et, si on a un avertissement, la sécurité civile peut-elle le valider auprès de quelqu'un? Et peut-il avoir une idée du scénario qu'il faut envisager? Est-ce que ça vaut la peine d'évacuer ou pas? Et ainsi de suite. Alors, je laisse M. Lemay vous parler de ces initiatives internationales en ce moment.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Lemay.

M. Lemay (Damien): Merci, Michel. Bonjour. D'abord, je ne vous annoncerai pas que le ciel va nous tomber sur la tête aujourd'hui ou demain, là, mais, quand même, j'espère vous éveiller à la possibilité que c'est quelque chose, des probabilités qui existent vraiment et puis qui peuvent nous frapper n'importe quand. Bon.

On a tous vu, je pense, des étoiles filantes, à un moment donné, peut-être des perséides l'été, quoique qu'avec la pollution lumineuse à moins qu'on soit sur un terrain de camping quelque part loin de la ville, on n'en voit moins qu'on en voyait autrefois. Mais ces objets-là ne sont pas dangereux. Ils font des traces de lumière dans le ciel et puis on trouve ça joli. Mais ces grains de poussière là, ils proviennent d'objets beaucoup plus gros qui, eux, pourraient nous ébranler drôlement.

L'atmosphère est capable de bloquer les petits morceaux, des grains de poussière ou des cailloux, même jusqu'à plusieurs tonnes, mais, lorsqu'il y a un objet, quelque chose comme 50 mètres de diamètre, l'atmosphère commence à avoir du trouble, il y a des gros météorites qui se rendent au sol, et ça peut commencer à causer des impacts.

Les objets qui peuvent causer des impacts, leur nom. À venir jusqu'à récemment, à venir jusqu'à il y a quelques dizaines d'années, les astronomes se disaient: Bon, O.K., le système solaire, oui, il a été bombardé, depuis l'invention du télescope Galilée, on voit la lune, il y a des cratères dessus, donc on n'était pas sûr, Galilée n'était peut-être pas sûr qu'il y avait des impacts, mais, depuis, les géologues ont conclu que c'étaient des impacts d'objets. Et, avec l'exploration du système solaire, avec les sondes Voyager et beaucoup d'autres, des impacts, il y en a tout partout. Même des petits objets comme des astéroïdes de quelques kilomètres de diamètre sont saturés d'impacts. Donc, des impacts, il y en a eu beaucoup. Et, à venir jusqu'à il y a peut-être huit, 10 ans, on croyait: Oui, c'est vrai, il y a eu des impacts, mais c'était autrefois, le ménage a été fait maintenant et le système solaire est bien calme, il y a des grosses planètes, et c'est tout, à part quelques astéroïdes. Mais, bon, il y a 200 ans, on a découvert le premier astéroïde, on en a découvert quelques dizaines dans le XIXe siècle et, au XXe siècle, on en a découvert plusieurs milliers, et maintenant il y a des programmes justement qui nous permettent d'en découvrir plusieurs dizaines par jour.

Et, parmi ceux-là, il y a, comme M. Bouchard le mentionnait, les «near earth objects», les objets qui s'approchent de la terre, qui coupent l'orbite de la terre, et, ceux-là, ils sont nombreux également. Depuis le début de l'année 2001 seulement, on en a découvert en moyenne un par jour. Et ces objets-là, la NASA, il y a quelques années, suite à des pressions d'astronomes qui ont pu démontrer qu'il y a encore beaucoup de ces objets-là... Et le problème: on ne sait pas combien. On savait qu'on s'est mis à en découvrir de plus en plus et on a décidé de faire une recherche méthodique. Et, à ce moment-là, la NASA a parti le projet Spaceguard Survey. Et il y a plusieurs groupes qui ont bénéficié des largesses de la NASA pour faire ces projets-là. Il y a entre autres le projet LINEAR, qui découvre des dizaines d'objets chaque nuit, il y a le projet NEAT à HawaÏ, le Spacewatch à l'Université de l'Arizona.

La Grande-Bretagne, l'an passé, le Parlement britannique a mandaté un comité pour faire une étude, pour faire des recommandations à savoir ce que la Grande-Bretagne pourrait faire. Et, parmi les recommandations, c'est de se joindre à des groupes qui font déjà ces recherches-là et également d'étudier les moyens pour dévier ces objets-là. Bon, on n'entrera pas dans les détails, mais on peut calculer, disons, des années, des dizaines d'années d'avance, même des centaines d'années, avec les ordinateurs, les traces de ces objets-là, mais on peut suivre seulement ceux qu'on connaît. Comme on en connaît, on pense, aujourd'hui, peut-être seulement la moitié, le projet de Space Watch est, d'ici une dizaine d'années, de connaître au moins 90 % de ces objets-là qui ont un kilomètre et plus de diamètre, qui pourraient causer des problèmes.

On estime qu'il y en a plusieurs centaines de milles, dont quelques milles vont être des objets proches de la terre, susceptibles d'entrer en collision. Comme je disais au début, il n'y a aucun de ces objets-là présentement connus qui sont sur une trajectoire en collision avec la terre. Mais ces petits objets là subissent l'effet du chaos, si on peut dire, les effets gravitationnels des grosses planètes et, à long terme, leur comportement est imprévisible. Donc, il y a des objets qui ne sont pas qualifiés aujourd'hui d'objets proches puis peut-être dans 10 ans, dans 100 ans, 1 000 ans, ils le deviendront. D'autres objets qui sont proches vont s'en éloigner. Mais, parmi ceux qui sont proches, ceux-là, il faut les suivre parce qu'ils pourraient éventuellement justement devenir sur une trajectoire qui vient en collision avec la terre.

Ceux que l'on connaît, ils ne sont pas trop dangereux. Enfin, au pis-aller, on peut évacuer la région où on prévoit un impact. Comme, par exemple, sur Jupiter, environ un an et demi d'avance, on savait où les morceaux de la comète Shoemaker-Levy allait frapper Jupiter. Et ça a causé des taches noires à la planète ? une planète plus grosse que la nôtre ? de la dimension de la planète terre qu'on pouvait voir dans nos télescopes, de Matane.

Mais il y a beaucoup d'objets entre, par exemple, 50 m ? ça commence à être dangereux ? aller jusqu'à 1 km. La plupart de ceux-là, on ne peut pas les détecter, ils sont trop petits. On les estime à peut-être un million, ceux-là. Il y en a peut-être pour 5 % qui sont des objets proches de la terre. Mais des Tunguska, il va y en avoir d'autres, des Sikhote-Alin, il va y en avoir d'autres. Éventuellement, ça va être dans des régions où il y a du monde. L'événement de Tunguska, par exemple, sur environ 2 000 km², tous les arbres ont été couchés par terre. Et on peut imaginer que, si ça tombait sur une ville, bien, ce ne serait pas les arbres mais les édifices qui s'écrouleraient.

Je pense que j'ai dit l'essentiel. Donc, en résumé, des objets, on en connaît beaucoup, il en reste beaucoup à découvrir, mais il va toujours y en avoir des petits qu'on ne peut découvrir, qui peuvent arriver n'importe quand. Et il va être important, à ce moment-là, de savoir où s'adresser pour avoir une explication aussi sur le phénomène.

Ah! il y a un détail que j'ai oublié de dire. Les militaires, depuis environ 30... une quarantaine maintenant, ils ont des satellites de surveillance et, à leur grande surprise, ils détectent un objet du genre Tunguska environ un aux six semaines. Évidemment, la planète terre a des grandes surfaces d'eau, des grandes surfaces où il n'y a pas de monde qui habite, mais ça veut dire que la probabilité... On sait que, pendant le dernier siècle, il en est tombé deux dans des régions... En fait, la Sibérie a été ciblée les deux fois, mais éventuellement ça va tomber ailleurs. Et le jour où ça se produira, bien, si, par malheur, ça se produit proche de chez nous, espérons que la sécurité civile au Québec pourra faire bonne figure en étant préparée pour y faire face. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, donc, pour cette présentation. M. le ministre.

M. Ménard: J'ai lu avec beaucoup d'intérêt et d'amusement le mémoire que vous avez préparé. Ha, ha, ha! Ça satisfait un peu notre curiosité scientifique sur ces phénomènes. Je ne crois pas qu'on puisse prendre beaucoup de mesures d'atténuation des risques sur le plan local, dans ce cas-là, ni qu'on fasse beaucoup de prévention. Mais c'est sûr qu'on interviendra, ça fera partie des choses imprévisibles, si jamais ça arrive.

Je reçois très favorablement votre suggestion de sensibiliser les autorités de la sécurité civile d'abord à donner de l'information aux intervenants locaux sur les dangers que ça représente ou que ça ne représente pas et pour protéger aussi les recherches scientifiques qui peuvent être faites sur ça. Je pense que ça, on peut l'appliquer. Je ne pense pas que ce soit nécessaire de mettre ça dans la loi. Je suis juste curieux. Je vais vous poser deux questions, vous répondrez dans l'ordre.

n(17 h 30)n

Où est-il, le cratère du Nouveau-Québec? J'en ai déjà entendu parler, mais je ne sais pas au juste où il est. Deuxièmement, je suis vraiment étonné qu'avec toute la quincaillerie qu'on a envoyée autour de la terre depuis une vingtaine d'années il n'y en a jamais un de ces petits objets qui ait frappé un de nos satellites. Mais, si je comprends bien, il faudrait s'attendre à ce qu'à un moment donné un satellite de communication soit frappé par un de ces petits objets, et, que je sache, ils sont assez fragiles, nos satellites. Parce qu'on pense qu'ils ne frappent rien. Ils n'ont même pas de résistance de l'air, ils n'ont pas d'humidité, ils n'ont rien.

M. Bouchard (Michel A.): Je voudrais d'abord répondre à votre seconde question en premier pour vous dire que les satellites et la quincaillerie autour de la terre sont frappés par des météorites et des micrométéorites. Et, vous savez, les vêtements spatiaux, les sorties spatiales, c'est la chose qu'on considère. Il faut protéger l'astronaute, la personne, des micrométéorites. Le vaisseau spatial, quand il revient, la navette, elle revient, elle est poquée de micrométéorites. L'année dernière, à propos des léonides, on a fermé le télescope Hubble et on l'a placé dans une trajectoire pour qu'il rencontre le moins de météorites. Et oui il y aura évidemment des queues cométaires dans lesquelles on aura littéralement des catastrophes spatiales, et avec une fermeture des communications, une perte des satellites. Oui, c'est prévu, ça fait partie des scénarios. Donc, ça arrive. Tout à fait.

Deuxièmement, le cratère au Nouveau-Québec, il est un des huit cratères au Québec. Le Québec est fortuné de ce sens-là, où il est visé des dieux. C'est un endroit où sont atterris des impacts à différents temps. Le cratère du Nouveau-Québec, il est situé dans le Nouveau-Québec, dans le Nunavik. Il porte un autre nom aujourd'hui, il fait l'objet de la création d'un parc par le gouvernement du Québec, qui s'appelle le parc Pingualuit en ce moment. Donc, c'est un petit cratère de 3 km de diamètre. Il est âgé de 1,4 million d'années et il est parmi les mieux préservés sur la planète. Donc, il est relativement connu des spécialistes. Et il représentait, je vous disais, 8 000 fois Hiroshima dans un passé qui n'est pas très ancien. Vous savez, 1,4 million, ça rentre dans la fréquence, puis ça pourrait se produire demain. Ce n'est pas un événement qui est inhabituel.

Donc, il s'en est produit, de ces événements-là. Il y a 20 000 ans, il s'est produit en Arizona, le cratère de Barringer. Là, on parle toujours... Vous savez, 8 000 fois Hiroshima, c'est un impacteur de 120 m de diamètre. C'est la grosseur du stade olympique de Montréal, l'anneau central. Alors, ceci, quand ça frappe à une hypervélocité d'environ 25 km/s, l'énergie cinétique est l'équivalent de la libération de 8 000 fois une bombe atomique.

C'est pour ça que les cratères sont circulaires, vous savez. Ce n'est pas parce que le météorite tombe en ligne droite dessus, c'est parce que... Ça n'a rien à voir. Ce n'est pas balistique, vous ne retrouvez pas la balle, vous ne retrouvez pas le météorite lui-même, hein? C'est un phénomène explosif. Donc, c'est catastrophique si ça tombe. Ça se fait partout.

Maintenant, vous disiez: la sécurité civile... Vous avez parfaitement raison, il n'y a rien à faire pour se prémunir de ça. Ça s'en vient, ça s'en vient. Maintenant, si on parle d'un événement à une hypervélocité, ce qu'il faut savoir, c'est: Avons-nous un avertissement? Et, si on avait un avertissement, est-il sérieux? Vous savez, il y a eu, au cours des deux dernières années, des avertissements lancés par l'Union astronomique internationale de deux ou trois NEO dont on avait calculé qu'ils seraient en trajectoire de collision en 2029, un autre en 2042, et ainsi de suite. Et c'est des objets qui avaient 100 m de diamètre, hein? Donc, on parle à ce moment-là d'une possibilité de catastrophe authentique, avec 29 ans pour s'y préparer.

Bon. Si on a 29 ans pour s'y préparer puis... Est-ce que c'est sérieux? À qui on s'adresse pour vérifier si c'est sérieux? Est-ce qu'on va avoir l'air ridicule? Est-ce qu'on commence à penser à des plans d'évacuation maintenant? Bien, nous disons: La sécurité civile du Québec ne doit pas être hermétique à ces choses-là, elle ne doit pas prendre à la légère ces choses-là et elle doit se donner la peine de valider ces informations ou de chercher à savoir... S'il y a un avis de trajectoire de collision, bien, écoutez, essayons de nous brancher sur le comité ou sur l'agence spatiale puis d'en savoir plus. On se posera bien la question à ce moment-là, je suis d'accord avec vous.

Un impact de 1 km de diamètre, moi, je vous le dis, si vous me demandez d'évacuer, je vais refuser. Je préfère être en dessous et mourir tout de suite que d'être loin et mourir dans un mois en crevant de faim. Alors, on n'aura peut-être pas à se poser la question pour un impact véritablement catastrophique, mais il y a des classes d'impact sur lesquelles la question se posera peut-être, avec des avis de quelques années: Doit-on faire quelque chose, oui ou non?

Pourquoi la Grande-Bretagne attache une si grande importance à ceci puis elle a dégagé 20 millions de livres dans son budget pour déclencher des recherches et pousser l'usage de télescopes pour qu'ils soient dédiés à la surveillance des NEO ? ce que le Canada pourrait faire d'ailleurs avec son télescope Hawaï?France?Canada? Pourquoi la Grande-Bretagne se soucie? Le Québec est un grand pays de 1,5 million de kilomètres et qui offre donc une grande surface de probabilités de recevoir l'impact. Par contre, la Grande-Bretagne, qui est toute petite, ne le recevra pas sur la tête, mais elle a 70 % de chances d'être affectée par un impact, parce qu'il y a 70 % des chances que l'impact soit dans l'océan et qu'il produise un rond dans l'eau qui éliminera ou qui affectera tous les États insulaires. Donc, ils ont plus à craindre littéralement que le Québec dans ce cas-ci.

Les Australiens considèrent la possibilité de dégager un budget de recherche sur la surveillance des NEO. Les Américains le font évidemment depuis longtemps, depuis une dizaine d'années. Les Japonais le font. Les Français le considèrent. Voyez-vous, donc, il y a une mouvance internationale qui dit: Écoutez, commençons à penser que ce n'est pas si ridicule que ça; il faudrait peut-être commencer à avoir nos propres moyens, nos propres experts, nos propres données: ça, c'est-u vrai? C'est-u... Et est-ce qu'il y a vraiment quelque chose qui nous pend sur la tête et qui peut se produire?

Dans le cas d'une chute météoritique, je suis tout à fait d'accord avec vous, la seule chose à faire, c'est une chose d'intervention et une chose de préhension possible aussi, et là on touche à la question de la propriété des biens culturels au Québec: À qui appartient le météorite tombé?

Une voix: ...

M. Bouchard (Michel A.): Non, ça appartient... Écoutez... Bien, enfin, selon le Code napoléonien, il y a de la jurisprudence là-dessus, ça appartient... Si l'objet a une quelconque marque dans le sol, il appartient au propriétaire du sol parce qu'il est devenu un bien... Par contre, si ça tombe sur la neige ou sur la glace d'un lac, je ne sais pas à qui ça appartient. Mais ces échantillons-là, les échantillons de Tagish Lake, l'agence spatiale s'apprête à dégager quelques millions de dollars pour recueillir ces échantillons-là. Une météorite, comme celle qui est tombée à Saint-Robert, vous savez, si vous pouvez l'acquérir pour 10 000 $... Qu'est-ce que ça vous coûterait pour aller la chercher dans l'espace? Ce sont des échantillons qui sont d'une immense valeur et qui peuvent être à l'origine d'un programme spatial, même à l'échelle du Québec.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Une véritable loterie.

M. Bouchard (Michel A.): Pardon?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Vous avez raison, c'est une véritable loterie. Ça peut rapporter gros.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Drummond.

M. Jutras: Vous venez de toucher à la question que je voulais vous poser. Ma question, c'était de savoir: Une météorite ? et vous faisiez référence au cas de Saint-Robert ? à qui ça appartenait? Alors, donc ça appartient au propriétaire du fond?

M. Bouchard (Michel A.): En principe.

M. Jutras: Comme les dispositions qu'on retrouvait dans le Code civil si on trouvait un trésor sur le terrain, là. Donc, ça appartient au propriétaire du fond, et c'est ce que la loi prévoit comme tel? Parce que vous faites référence à la Loi sur les biens culturels du Canada.

M. Bouchard (Michel A.): Il y a la Loi sur les biens culturels du Canada. Elle est utilisée souvent et, en fait, constamment parce que les météorites y sont listées comme telles. Elle ne spécifie pas la propriété, mais elle spécifie le commerce ou l'exportation hors des limites du Canada. Et elle dit ceci: On ne peut pas exporter la météorite hors du Canada avant de l'avoir offert sur le marché canadien ou à des scientifiques canadiens, et ainsi de suite. Mais elle ne protège pas tellement... enfin, il y a toujours eu moyen de sortir une météorite du Canada, mais au Québec, on n'a pas ce genre de protection. La météorite appartient en principe au propriétaire du fond.

Dans le cas de Saint-Robert, vous savez ce qui s'est passé, c'est que les voisins allaient piller chez les autres la nuit pour chercher des météorites chez le voisin puis dire que c'était la leur. Ça nous a créé un problème, parce que, quand nous avons voulu, nous, faire la compilation des météorites, puis même les acquérir... Nous avons acquis des météorites, on les a données au Musée de la civilisation, ici, puisqu'il n'y avait pas de musée de sciences naturelles au Québec, on en a donné au Cosmodôme, ainsi de suite, pour que ce soit préservé ici.

Nous avons eu ce problème d'éthique, c'est que des gens, quand ils nous les vendaient, ne pouvaient pas nous dire ou ne voulaient pas nous dire d'où ça venait, parce que nous exigions de voir la trace, parce que c'était évidemment chez le voisin. Bon. Il y a eu des chicanes de voisins importantes, il y a eu des tiraillements, il reste des séquelles à Saint-Robert de ceci. En plus, des commerçants, des collectionneurs internationaux qui sont venus piller littéralement les choses. Bon. Si la météorite est sur la route, ça appartient à qui? À la municipalité? À la province, si c'est une route provinciale? Et ainsi de suite. Bon.

M. Jutras: C'est quoi ça, un météorite? Ça ressemble à une roche?

M. Bouchard (Michel A.): Oui, c'est une roche effectivement, c'est une pierre, en fait. Les météorites, ce sont des morceaux d'astéroïdes, donc, ils arrivent... Vous avez... C'est très, très intéressant. En passant, vous me posez la question. Vous avez dû suivre cette émission sur l'astéroïde Eros, et la NASA qui vient de décider... enfin, qui a décidé de laisser aller son vaisseau en chute. Pourquoi ceci? Bien, c'est très important, puis ce n'est pas pour rien, c'est qu'on veut savoir à quelle densité puis comment sont faits les astéroïdes dans la perspective... s'il y en a un qui s'en vient on collision, comment on fera pour l'éliminer?

n(17 h 40)n

Alors, on connaît des météorites qui ont des densités qui ressemblent à des morceaux de métal, en fer-nickel, et qui ont des densités très élevées et, si nous avions un astéroïde qui serait constitué entièrement de ça, on a un problème. La masse est suffisante; on ne peut pas le casser, sa cohérence est trop grande, ainsi de suite. On en a qui sont de densité de trois grammes par centimètres cubes, c'est-à-dire des pierres ordinaires, ça va, et on en a qui ont des densités plus faibles et on soupçonne des astéroïdes qui sont littéralement faits comme des éponges. Bon, voilà, on les laissera entrer en collision, eux. Mais c'est important de connaître de quel type les astéroïdes sont, d'où l'importance de la mission sur Éros d'essayer de savoir de quoi il est fait, l'astéroïde, et ainsi de suite.

Mais les météorites, disons qu'ils ressemblent à des pierres, somme toute, banales. Il n'y a rien dans une météorite qui est particulièrement dangereux. Il n'y a pas de métal qu'on retrouve dans une météorite qui ne se trouve pas sur la terre. Il y a de la radiation, mais qui n'est pas dangereuse, mais qui est importante pour nous de saisir parce que... D'où l'importance d'accéder rapidement à une météorite pour l'amener dans un laboratoire où on peut examiner les radiations de très courte vie, les radiations alpha, qui ne se trouvent plus sur les roches terrestres et qu'on veut saisir le plus rapidement possible, pas parce que... ça présente aucun danger.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: M. Lemay, M. Bouchard, sans causer aucun préjudice à aucun des intervenants que nous avons entendus au cours de la semaine, je dois dire que c'est vous autres qui aviez la présentation la plus originale.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dupuis: J'étais peu conscient, comme le commun des mortels, j'imagine, par les phénomènes dont vous nous avez fait part après-midi. Permettez-moi de garder précieusement votre mémoire en ma possession. J'aurai au moins l'air un petit peu plus savant lorsqu'on m'en parlera la prochaine fois.

Et je veux vous dire aussi en terminant que, si j'arrivais à convaincre le ministre de la Sécurité publique de nous organiser un voyage au cratère du Nouveau-Québec, je lui demanderais du même souffle que vous soyez nos guides.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard (Michel A.): Eh bien, nous le ferions volontiers.

M. Dupuis: Une question. J'ai constaté d'ailleurs que vous êtes intarissable sur le sujet.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dupuis: Une petite question toute simple: Est-ce que la chute d'un satellite produirait les mêmes effets que la chute...

M. Lemay (Damien): Non, parce que, au point de départ, le satellite, sa densité moyenne est faible, hein. Un satellite habité, par exemple, ou un satellite de communications, il peut peser 4, 5 tonnes, mais il a plusieurs mètres cubes. Donc, la densité n'est pas grande. Les panneaux solaires, la surface de métal se brûlent, se consument complètement. Ce n'est pas, les satellites, des objets qui sont conçus pour rentrer dans l'atmosphère. À la vitesse de 8 km par seconde, ils se consument presque complètement. Excepté, que certains de ces satellites-là, il y en a... Par exemple, on a vu des satellites russes, il y a quelques années, dans lesquels il y avait du carburant radioactif pour générer l'électricité. Ces parties-là généralement sont bien isolées et ne se consument pas en descendant. Généralement, on prévoit les faire tomber dans les océans afin qu'ils disparaissent. Mais ces objets-là ne sont pas radioactifs comme tels.

Je veux dire, le satellite, par exemple, un satellite de communications qui tomberait ou bien il manque son coup, au lieu d'aller sur une autre orbite gyrostationnaire, il tombe... D'ailleurs, il n'y a pas grand-chose au point de vue de masse qui se rendrait au sol, il n'y en aurait pas beaucoup. Contrairement à un objet qui arrive de l'espace, son énergie cinétique est beaucoup plus grande. À 8 km par seconde, ça peut paraître rapide, un satellite qui tombe sur la terre, mais les objets, les cailloux, enfin, les astéroïdes, la vitesse, au minimum, c'est 11,2 km ? c'est l'attraction de la terre qui veut ça ? et, au maximum, en supposant qu'ils arrivent des confins du système solaire, ça va être 76 km par seconde.

M. Bouchard (Michel A.): Pour référence, une balle de fusil, quand elle sort du canon, elle va environ à 800 m/s. Alors, nous parlons de phénomènes là qui sont...

M. Lemay (Damien): Je vais prendre rien que quelques secondes pour vous amener à l'idée de l'énergie cinétique, ce que cela signifie. À 3 km par seconde, une matière, quelle qu'elle soit ? ça peut être de la glaise, de l'eau, du fer ou de la plume ? une masse de 1 kg, par exemple, qui voyage à 3 km par seconde, l'énergie cinétique représente la même masse en dynamite. À 3 km par seconde, un morceau de fer ? il ne sera pas très gros ? ou de la plume ? ça va faire gros de même ? ça correspond à 1 kg de dynamite. Mais à 30 km par seconde, ce qui est l'ordre de grandeur facilement, c'est 10 fois plus. L'énergie cinétique augmente avec le carré de la vitesse. Donc, à 30 km par seconde, ça devient l'équivalent de 100 kg de dynamite. Imaginez un astéroïde qui a seulement 20 m de diamètre qui arrive à 30 km par seconde, bien là, ça fait des mégatonnes, ce qui fait des milliers de fois la bombe d'Hiroshima.

Donc, l'énergie cinétique, ça, comme Michel a mentionné tout à l'heure, lorsque l'objet frappe, ça fait l'effet d'une explosion. On ne peut pas dire qu'il est arrivé comme ci, il est arrivé comme ça; ça fait comme une explosion, son énergie cinétique est libérée instantanément, et ça fait un cratère, une onde dans l'atmosphère qui va avoir des répercussions à des milliers de kilomètres.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, j'aimerais remercier, donc, les membres du Comité consultatif sur les météorites et les impacts de l'Agence spatiale canadienne pour leur contribution à nos travaux.

J'attire l'attention des membres de la commission. Nous ajournons au 22 février prochain, à 9 h 30, alors que nous aurons l'occasion d'entendre le Directeur général des élections sur ses orientations générales. Suivra l'audition de la ministre des Relations internationales sur le récent rapport de la commission sur les effets politiques et socioéconomiques dans la Zone de libre-échange des Amériques. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 46)



Document(s) associé(s) à la séance