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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le vendredi 26 mai 2000 - Vol. 36 N° 79

Étude détaillée du projet de loi n° 86 - Loi sur la police


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Table des matières

Journal des débats

heures quarante-neuf minutes)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Je déclare la séance ouverte. Je rappelle que la commission des institutions est réunie afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 86, Loi sur la police.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. le député de Marquette est remplacé par M. Poulin (Beauce-Nord).

Étude détaillée

Normes de comportement

Discipline interne (suite)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Nous venions donc d'adopter l'article 259. Au niveau de l'organisation des travaux, je crois que, d'une part, vous vouliez intervenir sur cet article, et, par la suite, le ministre avait une suggestion à faire pour la poursuite des choses.

M. Dupuis: Oui. En fait, lorsque nous nous sommes quittés hier soir, je pense que nous avions convenu que l'article 259, à toutes fins pratiques, était considéré comme étant adopté. Cependant, j'avais demandé au ministre ? c'est possible qu'il ne puisse l'avoir fait ? de vérifier si... Il a fait une affirmation hier soir à l'effet que la discipline, ça ne se négocie pas. C'est ce qu'il a affirmé. Je reviens en arrière et je fais une petite mise en situation parce que, pour les gens qui suivraient la commission, ils en ont manqué, malheureusement pour eux, je pense, un grand bout hier, puisque nous n'étions pas au salon rouge ? c'est ce que je veux dire.

Donc, on parlait du règlement de discipline qui est adopté par la Sûreté du Québec, on parlait des règlements de discipline qui sont adoptés par les différents corps de police. Et l'article 259 signale que «le règlement de discipline s'applique sous réserve des dispositions de tout contrat de travail au sens de la Loi sur le régime syndical applicable à la Sûreté du Québec et de toute convention collective au sens du Code du travail». Et, moi, je disais au ministre: Ça, dans le fond, ça donne un peu l'impression que la discipline, ça peut se négocier, d'une part, que, d'autre part, la discipline... L'article 257 prévoit que le gouvernement prend un règlement relatif à la discipline pour les membres de la Sûreté du Québec et qu'il prend également un règlement sur la discipline à l'égard des policiers du service de police de la Communauté urbaine de Montréal. Oui, un règlement sur la discipline dans les deux cas mais sous réserve des conventions collectives, sous réserve du contrat de travail des policiers de la Sûreté du Québec.

Dans cet échange-là, le ministre, à un moment donné, m'a dit: Écoutez, dans mon esprit, moi, la discipline, ça ne se négocie pas. Et finalement, en fin de soirée, je lui ai dit: Pourriez-vous vérifier, pourriez-vous nous rassurer sur le fait qu'en matière de discipline, dans les négociations entre les différents syndicats policiers et leur patron, et l'autorité dont ils relèvent, les seules matières en discipline qui sont négociées, c'est la procédure en matière de discipline. C'est-à-dire que je pense qu'on peut s'entendre entre patron et employés sur la façon dont on va traiter, en termes procéduraux, une personne qui est accusée, un policier qui est accusé en discipline, c'est-à-dire: on introduit une instance de telle façon, il faut l'instruire dans tel délai, les règles applicables pour l'audition sont les suivantes, entre-temps toute matière de règles procédurales peut se négocier. Mais ce qui est à l'encontre d'un comportement qui est acceptable de la part d'un policier, ça, à moins d'avoir des exemples qui sont clairs, à première vue, à défaut d'y réfléchir plus avant, il m'apparaît que la discipline d'un policier, ça ne se négocie pas entre patron et employés. Le patron, là-dessus, aurait, à première vue, selon moi, un droit de gérance absolu.

Alors donc, hier soir on avait convenu que le ministre vérifierait auprès de ses collaborateurs si effectivement l'affirmation qu'il a faite à l'effet que la discipline, ça ne se négocie pas, elle se vérifie dans les faits, dans les contrats de travail qui sont intervenus entre les différents syndicats policiers et les autorités dont ils relèvent.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le ministre.

M. Ménard: On a essayé de faire des vérifications, mais, comme, vous savez, on a fini à minuit puis on a commencé, nous, tôt ce matin, on n'a pas réussi à rejoindre la personne qu'on voulait rejoindre. Mais on va essayer de la rejoindre dans la journée puis on va vous le dire.

M. Dupuis: Bon, O.K. Alors, pas de problème. Considérons, M. le Président... Et je vais me remettre entre vos mains pour nous assurer que vous n'oublierez pas que cette question-là est en suspens jusqu'à ce que nos travaux soient terminés. Et ça pourrait être la dernière question qu'on discute à la fin de nos travaux. Mais j'apprécierais qu'on prenne une note de cela. Souvent, l'enthousiasme nous emportant, vers la fin des travaux, on oublie qu'il reste des questions en suspens ? l'enthousiasme évidemment des députés ministériels particulièrement, dans les circonstances. Et je note que le député de Dubuc est aussi intéressé qu'il l'était hier soir à nos travaux. D'ailleurs, je ne voudrais pas le décevoir et les écourter, ces travaux-là, je le sens tellement intéressé. Je ne veux pas le décevoir. Alors, oui, ça va.

Organisation des travaux

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Juste pour se rappeler, dans les articles en suspens, on a actuellement l'article 2, l'article 5, l'article 64 amendé ? et il y a un amendement actuellement en suspens sur cet article ? les articles 79, 87 et 89, 119, avec un amendement également qui est en suspens, 123, 124, 125. Et nous reviendrons donc ? il y a 258 aussi, amendé ? sur 259 dans le contexte qu'on connaît, de même que sur la demande du député de Dubuc, ultérieurement, de revenir au titre du chapitre II en temps et lieu.

M. Dupuis: Le titre du chapitre II. O.K.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): D'accord?

M. Dupuis: M. le Président, dans l'organisation de nos travaux et justement sur certains articles qui ont été suspendus, j'ai eu l'occasion rapidement, avant que vous ne confirmiez que la séance était commencée, il y a quelques instants, de discuter avec le ministre d'un amendement possible à apporter à l'un des articles qui ont été suspendus, qui est l'article 119. Est-ce que vous souhaiteriez qu'on en dispose tout de suite? Moi, je pense que, chaque fois qu'on dispose d'un élément, on avance.

Étude détaillée

Conditions d'exercice de la profession

Incompatibilités (suite)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, allons-y à l'article 119. Nous en étions à considérer un amendement.

M. Ménard: Alors, je pense qu'on ferait une proposition d'amendement que j'ai communiquée à... que nous allons vous présenter.

M. Dupuis: Si vous permettez, M. le ministre, simplement pour... Moi, j'ai toujours le souci des gens qui nous écoutent. Je n'ai pas la présomption de croire qu'on peut battre, en termes de cote d'écoute, les émissions des réseaux réguliers, je n'ai pas cette prétention-là, mais je sais qu'il y a des personnes intéressées à ce genre de commission qui nous écoutent, qu'il y a un certain nombre de personnes qui nous écoutent. Moi, j'ai des appels à mon bureau qui font des commentaires sur un certain nombre de choses qui se disent ici. Alors, il y a des gens qui écoutent. Alors, pour ne pas qu'ils soient perdus, ces gens-là, pour que ça fasse du sens et si on veut que ces gens-là continuent de nous écouter puis peut-être disent à d'autres: Regardez le législateur quand il légifère, c'est intéressant et effectivement ils font un travail constructif, bien il ne faut pas les perdre non plus dans le dédale de nos discussions.

Alors, l'article 119, duquel on va parler, c'est l'article qui prévoit, avant l'amendement que le ministre va maintenant déposer, la destitution automatique ? il perd son emploi ? d'un policier ou d'un constable spécial qui est reconnu coupable d'un acte criminel. Alors, c'est de ce sujet-là qu'on va parler.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le ministre, sur votre amendement.

M. Ménard: Oui, bien, c'est les explications que j'aurais données tout de suite, mais je vous suis reconnaissant de les donner. Alors, l'article 119 effectivement est extrêmement important, mais il a été extrêmement critiqué aussi. Enfin, donnons les amendements tout de suite, puis on dira ce qui les a inspirés et quelles sont les réflexions qui les ont amenés.

Alors, les amendements qu'on propose, c'est:

1° remplacer, dans le premier alinéa, les mots «d'un acte criminel» par ce qui suit: «et par suite d'un jugement passé en force de chose jugée, d'un acte ou d'une omission visé au paragraphe 3° de l'article 115, poursuivable uniquement par voie de mise en accusation.»;

2° remplacer le deuxième alinéa par le suivant:

n(12 heures)n

«Doit faire l'objet d'une sanction disciplinaire de destitution tout policier ou constable spécial qui a été reconnu coupable, en quelque lieu que ce soit et par suite d'un jugement passé en force de chose jugée, d'un tel acte ou d'une telle omission, poursuivable soit sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, soit par voie de mise en accusation, à moins qu'il ne démontre que des circonstances particulières justifient une autre sanction. Il en est de même pour le constable spécial.»

Donc, l'article amendé, pour que tout le monde comprenne, se lirait ainsi ? parce qu'il est quand même assez important, celui-là:

«Est automatiquement destitué tout policier ou constable spécial qui a été reconnu coupable, en quelque lieu que ce soit et par suite d'un jugement passé en force de chose jugée, d'un acte ou d'une omission visé au paragraphe 3° de l'article 115, poursuivable uniquement par voie de mise en accusation.»

Ça, ce sont les infractions les plus graves, celles qui ne sont poursuivables que par acte d'accusation. Dans tous les autres cas, ce qu'on appelle dans le jargon juridique parfois les infractions mixtes, c'est-à-dire les infractions où la couronne a le choix de poursuivre soit par voie de mise en accusation et de demander par conséquent une sentence plus forte parce qu'elle trouve, entre autres, que c'est plus grave soit parce que c'est de la récidive, soit pour d'autres raisons, soit parce que, effectivement, les faits de l'affaire sont plus graves... Et ça, il y en a de plus en plus dans le Code criminel. Ces dernières années, il y en a eu de plus en plus de ces cas-là. Dans ce cas-là, la règle, c'est encore la destitution. Sauf qu'un comité de discipline sera convoqué et que le policier, s'il peut faire valoir que l'acte a été commis dans des circonstances exceptionnelles ou particulières qui justifient une autre sanction que la destitution, il pourra se faire entendre et obtenir un résultat.

Cela, je pense, vient satisfaire presque totalement les critiques qui nous avaient été faites par la Commission des droits et libertés de la personne du Québec, qui nous avertissait que, s'il y avait un automatisme, ça risquait d'être déclaré inconstitutionnel. Ça vient satisfaire aussi les représentations qui nous ont été faites par les associations de policiers, qui disent: Écoutez, c'est terrible, quelqu'un, après 20 ans de carrière, par exemple, peut, dans des circonstances exceptionnelles, comme il peut être dépressif parce qu'un membre de sa famille est gravement malade et puis commettre une infraction qu'il n'aurait jamais commise autrement, une infraction minime comme un vol à l'étalage ou même une conduite avec facultés affaiblies, etc. Bon. Dans ces circonstances-là, il pourra faire valoir ces circonstances particulières qui justifieraient une autre sanction. Donc, je pense que ça satisfait à la fois les critiques justifiées qui étaient faites.

Ensuite, ça satisfait aussi les critiques qui nous avaient été faites quant au choix arbitraire qu'a un procureur de la couronne de poursuivre par voie d'acte criminel ou de poursuivre par procédure sommaire, en disant... Notre réponse à l'époque, c'était: Oui, mais ça va être balisé. Bon. Bien, disons que c'est balisé par des dispositions administratives actuellement. Mais ça pourrait changer. Et ce n'est pas dans la loi. Donc, la protection n'est peut-être pas adéquate. Puis il reste quand même que c'est vrai que les procureurs de la couronne, sur le plan local, jouissent sur ce plan d'une grande discrétion.

De plus, il y a des circonstances procédurales qui vont faire, par exemple, qu'on va décider de poursuivre par mise en accusation des gens que normalement on aurait poursuivis par procédure sommaire. Par exemple, par procédure sommaire, on a un délai de six mois pour poursuivre. Alors, on voudrait poursuivre quelqu'un, mais on estime que la preuve est insuffisante. Et puis soudainement il se présente un témoin ou un élément de preuve qui survient quelques jours après la prescription de six mois. Bien, alors là, on dit: Bien, maintenant, notre preuve est complète, il faut prendre une poursuite. Alors là on est pris pour prendre une poursuite par voie d'acte d'accusation, alors que normalement, si cet élément de preuve était arrivé quelques jours plus tôt, on l'aurait fait par procédure sommaire. Alors, on dit: C'est injuste pour ce policier dont la destitution est automatique. Alors, ce cas-là est réglé parce que justement le policier pourra aller devant un comité de discipline.

Je crois aussi que ça satisfait le public. On a mis dans les notes qui ont été distribuées aux députés... Puis, je pense, aussi il y a des copies de certains éditoriaux qui ont été mis là. Je pense qu'on aurait pu rajouter même certaines copies de certains sondages qui ont été menés. On s'aperçoit que, dans le public en général, les gens pensent effectivement, comme nous, qu'un policier ne doit pas avoir de dossier judiciaire. Mais je pense que, si on leur exposait certains cas exceptionnels, comme l'a fait la Fraternité des policiers de Montréal, ils seraient peut-être ouverts à ce qu'ils en aient. Alors, ça va dans ce sens-là.

Ça corrige aussi quelque chose qui me fatiguait dans la première réaction, à laquelle je m'étais quand même rendu. Je ne voulais pas que l'on estime que la destitution ne serait la règle que lorsque la personne serait accusée par voie de mise en accusation parce que j'estime qu'il y a des comportements qui ont beau être poursuivis par voie sommaire mais qui ont trait à l'honnêteté ou à la brutalité ou à toute forme d'agression sexuelle, qui, à mon avis, discréditent à ce point la fonction policière que je ne vois pas ces gens appliquer la contrainte à des citoyens et que les citoyens aient le respect de ceux qui appliquent la loi. À mon avis, il y a une relation directe avec l'emploi.

Donc, le sens de cet article est clair. La règle, c'est qu'un policier... D'abord, on l'a vu dans l'article que l'on cite, dans l'article 115, la règle, c'est que, pour rentrer dans la police, il ne faut pas de dossier judiciaire. Et, pour rester dans la police, il ne faut pas de dossier judiciaire non plus. Ça, c'est la règle, sauf circonstances exceptionnelles qui peuvent être démontrées devant un comité de discipline. Je pense que c'est comme ça que l'on peut résumer adéquatement l'actuel article 119. Et je crois que là nous donnons les garanties suffisantes aux cas exceptionnels. Nous rejoignons donc, nous satisfaisons donc, je crois, largement les critiques qui nous avaient été faites par la Commission des droits et libertés de la personne, pour laquelle nous devons avoir, je pense, le plus grand respect. Et je l'ai, personnellement. Et j'ai étudié avec soin, je dirais que j'ai lu plusieurs fois d'ailleurs leur avis pour m'en convaincre. Et il est évident que, quand on rédige un article comme celui-là, on veut qu'il soit appliqué. Puis la première raison pour qu'il soit appliqué, c'est qu'il soit jugé constitutionnel. Alors, il ne faut pas manquer notre coup.

Et puis, en plus, je veux dire, c'est une question aussi de justice fondamentale. Alors, c'est vrai qu'on ne se rend pas totalement à leurs suggestions, mais il me semble que la destitution automatique pour les actes criminels, qu'ils puissent être poursuivis pour acte criminel, ça va de soi. Ces actes sont tellement graves qu'il va de soi qu'il y a un lien avec l'emploi, étant donné la nature du travail policier. Et le fait que ce soit la règle aussi, la destitution, a un lien avec l'emploi, parce que le policier est la seule personne dans notre société qui puisse légalement utiliser la force, c'est la seule personne qui a éventuellement un contact physique entre le citoyen et elle dans une relation d'autorité et de contrainte, et ceux qui exercent de pareilles fonctions et qui doivent enquêter les crimes doivent... Si on veut que le système judiciaire ait la crédibilité qu'il doit avoir, que le système répressif de l'État ait la crédibilité qu'il doit avoir, cette fonction importante ne peut être exercée que par des gens dont la moralité est élevée. Et, s'ils ont commis des actes criminels, sauf, comme je l'ai dit tout à l'heure, une circonstance exceptionnelle, je pense qu'ils ne peuvent plus exercer cela.

J'irai un peu plus loin aussi dans les raisons qui m'ont poussé. Et je le dis en toute franchise et en tout respect, parce que parfois je pense que l'on peut, en tout respect, diverger d'opinions avec certaines opinions qui ont été exprimées par des juges et le législateur peut avoir des expressions différentes et, dans le respect de la Charte, chercher à réorienter la législation, à condition évidemment qu'elle reste dans les limites de la Charte.

n(12 h 10)n

Je sais qu'on a l'habitude, et je l'ai vu dans au moins un dernier jugement récent, de comparer le processus d'imposition d'une sanction disciplinaire au processus d'imposer une sentence criminelle. En soi, ces comparaisons ne sont pas mauvaises, mais je crois qu'elles ont une limite importante. Par exemple, les cours, généralement sur sentence, ont dit: La sentence maximum n'est faite, ne doit être donnée qu'au pire des criminels dans le pire des cas. Je crois que cette comparaison a ses limites, avec le droit disciplinaire, parce que, le droit disciplinaire comme d'ailleurs, à mon avis, le droit professionnel, quand on parle de destitution ou de radiation, c'est que l'on estime non pas que, pour être radié d'une profession ou destitué d'une fonction, il faut avoir commis le pire crime possible et être le pire des... non, c'est qu'il faut avoir dépassé un certain niveau de moralité, ou plutôt d'immoralité, qui rend indigne ou inapte à occuper la fonction.

Et j'en veux comme exemple le fait qu'en matière disciplinaire généralement il y a les sentences puis, on le voit dans la déontologie, les sentences peuvent être modulées dans un éventail relativement étroit, et la sentence la plus grave, elle, elle est très sévère. Par exemple, en matière de déontologie la sentence maximum qui peut être donnée, c'est 60 jours de suspension. Après, on estime que la chose est si grave qu'elle doit entraîner la destitution. Si on devait appliquer servilement, je dirais, et en tous points le raisonnement criminel, bien on devrait avoir de la place entre 60 jours et la destitution. Pourquoi il n'y a pas de place? C'est qu'on se dit: Quelque chose qui vaut au-delà de 60 jours, ça rend le policier indigne d'occuper... Ça n'en fait pas le pire criminel qui a commis le pire crime, hein, ou qui a commis l'infraction de la pire façon. Ça veut dire qu'il a dépassé les bornes. Et, dans le cas de la fonction qu'il occupe, bien, les bornes de moralité sont très élevées et, par conséquent, les bornes de l'immoralité sont très rapprochées, il ne faut pas dépasser ce niveau-là.

Alors, je pense que l'article 119 envoie ce message que, quand on a dépassé les bornes du Code criminel, la règle, c'est la destitution ? du Code criminel ou d'une infraction de nature criminelle, parce que, par exemple, les infractions à la Loi sur les stupéfiants ou à la loi sur... ne sont pas prévues au Code criminel mais sont prévues ailleurs, mais elles sont de nature criminelle. Alors, quand on a commis une infraction de nature criminelle, la règle, c'est la destitution, quitte, dans des cas particuliers, exceptionnels, qui doivent être démontrés à un comité de discipline, comme le demandait la Commission des droits et libertés de la personne, à ce que l'on puisse rendre une autre sanction.

Une dernière chose. Je ne crois pas, en mettant le fardeau sur celui qui a été condamné, que j'enfreins des principes généraux de notre droit parce que la condamnation a été acquise à la suite d'un processus où la culpabilité de l'accusé devait être démontrée hors de tout doute raisonnable, il y a donc certitude sur sa culpabilité, et donc, à notre avis, ça devrait entraîner la destitution, mais, s'il y a des circonstances exceptionnelles, c'est à lui de le démontrer. Et je ne crois pas qu'en pratique ce soit si compliqué que ça.

Si on regarde les exemples que nous ont donnés les associations représentatives des policiers, je pense qu'on voit que ces choses-là se démontrent ou ne se démontrent pas. Je veux dire, si quelqu'un, par exemple, c'est à la suite d'une dépression grave, il travaillait encore ou bien même il était en congé sans solde à cause d'un événement malheureux qui s'est produit, bien, je veux dire, il s'est produit ou il ne s'est pas produit, et puis, je veux dire, je crois que ces choses-là, qui sont établies sur sentence... Généralement, je ne crois pas que le fardeau de preuve ait une si grande... Quand ces choses-là arrivent, elles sont facilement démontrables par une prépondérance de preuve plutôt que de soulever un doute.

Mais l'obligation de démontrer, à mon avis, indique la volonté du législateur que nous sommes, si j'ai l'accord des autres députés, des autres députés dans leur ensemble... démontrerait à ceux qui auront à prendre ces décisions dans les comités de discipline que la volonté du législateur, je crois, est en accord avec l'opinion populaire qu'un policier ne doit pas avoir de dossier judiciaire et ne doit pas commettre d'infraction criminelle pour demeurer policier mais que nous sommes ouverts, dans certains cas exceptionnels, à tenir compte du fait qu'une personne est déjà dans une carrière. C'est ça qui distingue le policier qui est en fonction de celui qui aspire à entrer dans la police, c'est qu'on a quelqu'un déjà qui est entré dans un carrière, qui a fait des études, qui a investi une partie de sa vie, qui a acquis une expérience, qui aurait de la difficulté, s'il est congédié, peut-être de se replacer ou qui doit en somme reculer dans la vie pour recommencer à prendre son élan dans un autre domaine. Sa situation à lui est différente de celui qui veut entrer dans la police pour la première fois. Alors, c'est pour ça que, dans son cas à lui, on demande qu'un comité de discipline puisse être saisi, alors que, dans le cas de celui qui aspire à entrer dans la police ? comme on l'a vu à l'article 115 ? c'est un peu automatique, il ne doit pas avoir de dossier judiciaire.

Ces précisions étant faites, je pense que le public pourra comprendre le langage un peu technique dans lequel nous avons dû rédiger l'article 119 mais qui établit un principe qui me semble actuellement jouir d'un support quasi unanime dans la société et qui reflète d'ailleurs, d'un côté de la Chambre comme de l'autre, le respect que nous avons pour cette profession qu'est devenue celle d'agent de la paix. En fait, d'avoir des exigences de moralité à l'égard d'une profession démontre aussi, je pense, le respect qu'on lui porte et l'importance qu'on lui accorde dans une société.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Alors, sur l'amendement, M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: Oui, M. le Président. Je vais, avec votre permission, succinctement, je l'espère, expliquer pourquoi l'opposition officielle va être d'accord avec l'amendement qui a été déposé par le ministre. Je vais tenter de ne pas répéter ce que le ministre a dit parce que je suis en total accord avec les principes qu'il a mentionnés et en total accord avec l'opinion qu'il a exprimée. Mais, je veux dire, pour l'opposition officielle, lorsque nous avons considéré l'article 119...

Vous vous souviendrez que l'interrogation du ministre, quand on a regardé l'article 119 ? et on a arrêté la discussion là, parce que je pense que c'était une interrogation qui était pertinente ? était de se dire: Moi, j'ai un problème avec les infractions moindres et incluses. Quand une personne est accusée d'un acte criminel mais qu'elle est trouvée coupable de l'infraction moindre et que cette infraction aurait pu être poursuivie par voie sommaire plutôt que par acte criminel, là on risque de causer une injustice au policier, compte tenu du deuxième paragraphe de l'article 119 original, qui prévoyait, lui, qu'un policier doit faire l'objet d'une sanction disciplinaire lorsqu'il est trouvé coupable d'un acte ou d'une omission qui est poursuivi par déclaration sommaire de culpabilité. Alors là on a arrêté les discussions à ce moment-là parce que, effectivement, cette interrogation-là était pertinente et il fallait envisager ce problème-là. Et on avait convenu de suspendre l'article pour trouver une solution à ce problème-là. Et donc, ça me permet de dire qu'au moment où nous avons fait l'étude de l'article 119 le problème que l'opposition officielle avait avec l'article 119, c'est qu'effectivement...

Et là on se rejoint, le ministre et moi, là-dessus, par un chemin différent, mais on se rejoint. Moi, je trouvais que la marche entre le premier paragraphe et le deuxième paragraphe était très haute et qu'il était peut-être possible de trouver un moyen terme. J'entends par là, pour les gens qui nous écoutent, la première marche, c'est: destitution automatique d'un policier qui est trouvé coupable d'un acte criminel. Paf! Deuxième paragraphe: sanction disciplinaire pour un policier qui est trouvé coupable d'une infraction qui est poursuivable par déclaration sommaire de culpabilité. On s'entend, mais, pour les gens qui connaissent moins ça, les actes criminels, dans le Code criminel ou dans les autres lois qui créent des actes criminels, ce sont les actes les plus graves. En fait, le législateur considère qu'un acte criminel, c'est un manquement aux lois qui est sérieux, qui est grave, qui est important, alors qu'une infraction qui est poursuivie par déclaration sommaire de culpabilité, c'est également un manquement, c'est également répréhensible, c'est également contraire à nos lois et au Code criminel, mais ce sont des manquements d'ordre mineur.

n(12 h 20)n

Juste l'illustration d'un seul exemple. Tout le monde va comprendre que l'homicide involontaire coupable, c'est un acte criminel. Et tout le monde va comprendre que des voies de fait, une bataille, ça peut être poursuivi par voie sommaire. C'est une voie de fait simple, ça peut être poursuivi par voie sommaire. Des exemples, là, simplement pour illustrer mon propos. Alors, l'opposition officielle trouvait que la marche entre les deux était assez importante, mais j'étais très conscient aussi que...

J'ai exercé, dans une autre vie, dans l'une de mes autres vies, la fonction de procureur de la couronne et, je peux vous dire, pour avoir été confronté à ces situations-là ? je sais que le ministre a exercé aussi en début de carrière ce noble métier de procureur de la couronne ? j'ai souvent été confronté à la décision suivante: Lorsque vient un dossier dans lequel on a des motifs raisonnables et probables de croire qu'un policier a commis une infraction, sans la qualifier, qu'elle soit criminelle ou qu'elle soit une infraction sommaire, comment je vais traiter... Est-ce que je dois traiter plus sévèrement le policier parce que c'est un policier et porter, donc, si j'ai le choix, si c'est une infraction qui peut être poursuivie par acte criminel ou par déclaration sommaire de culpabilité... Est-ce que, parce que c'est un policier et seulement parce que c'est un policier, je dois poursuivre par acte criminel? Et est-ce que la population, est-ce que le public, est-ce que les gens qui doivent avoir confiance dans le système judiciaire vont mal juger les acteurs du système judiciaire si, comme procureur de la couronne, parce que c'est un policier, je porte ? et que ça a des conséquences importantes, les accusations ? par déclaration sommaire de culpabilité... Et le ministre l'a illustré dans son propos, peut-être pas de façon aussi dramatique que je ne le fais, mais effectivement ce sont des décisions auxquelles sont confrontés les procureurs de la couronne à tous les jours, et ce n'est pas facile pour eux de prendre la décision.

Là, avec l'article 119 tel qu'il était rédigé hier, le problème demeurait gordien pour les procureurs de la couronne. Et, encore plus, je pense, on ajoutait à la responsabilité que serait celle, demain matin, d'un procureur de la couronne qui se verrait confronté maintenant à la situation suivante: Si j'accuse par acte criminel et qu'il est trouvé coupable, ce bonhomme-là perd son emploi automatiquement, alors que, si j'accuse par voie sommaire de culpabilité, je lui donne une chance de ne pas perdre son emploi. Et très honnêtement l'effet pervers de cette situation-là aurait pu amener, de la part des policiers, de la part des gens qui scrutent l'appareil judiciaire, encore plus de soupçons à l'égard du travail des procureurs de la couronne. Et ça, moi, donc ? là, évidemment, je parle pour les procureurs de la couronne ? je pense que l'amendement qui est déposé... En tout cas, l'opposition officielle est d'accord avec l'amendement qui est déposé, entre autres, pour ce motif-là.

Maintenant, un procureur de la couronne sera placé dans la position dans laquelle il est placé aujourd'hui, c'est-à-dire de savoir s'il va poursuivre par acte criminel ou par déclaration sommaire de culpabilité mais sans être obligé de se dire: Si je choisis l'un, c'est-à-dire l'acte criminel, je viens presque de donner, s'il est trouvé coupable, une sentence de perte d'emploi. Et ça, là, c'est une responsabilité qui est importante. Alors, aujourd'hui le procureur de la couronne prendra sa décision, et, quand c'est une infraction mixte, qui est poursuivie par acte criminel ou par déclaration sommaire de culpabilité, la loi suivra son cours. Première chose que je veux dire.

La deuxième, c'est la suivante. Et je me souviens... On discute ces choses-là, puis il ne faut pas perdre de vue qu'on en a discuté beaucoup au moment de la consultation générale sur le projet de loi n° 86, puisque, il faut l'évoquer ? je ne veux pas entrer dans les détails ? lorsque nous étudiions ces choses-là, il y a eu le jugement du juge Longtin qui a été rendu dans l'affaire Barnabé, qui a remis... Et vous vous souviendrez du battage médiatique qui a suivi cette décision-là. Nous avons tous été interpellés, particulièrement le législateur, à savoir quelle était notre opinion sur cette question-là, la question de savoir: Est-ce qu'un policier qui est trouvé coupable d'un acte criminel doit être automatiquement destitué?

Moi, ma réaction, lorsqu'on m'a posé la question, ça a été la suivante. Et puis je pense qu'il faut toujours faire ça quand on est législateur parce que, quand on est législateur, dans notre système à nous, on a été élu par des gens, donc on est représentant de la population, il faut toujours se dire: C'est bien beau, ce que le député de Saint-Laurent pense personnellement, ce que le député de Laval-des-Rapides pense personnellement, et je pense qu'il ne faut pas s'empêcher de réfléchir puis il ne faut pas s'empêcher d'avoir des opinions, mais il faut avoir une préoccupation supplémentaire quand on émet des opinions sur des sujets comme celui-là, c'est: Qu'est-ce que la population pense? C'est-à-dire que, quand on est élu de la population, la plus grande qualité, je pense, qu'on doit avoir, c'est celle d'être réaliste et d'être branché sur la population. Si on vote des lois, puis si on émet des opinions, puis si on fait des discours sans être branché sur ce que la population pense, on va manquer le bateau et on va se tirer dans le pied nous-mêmes et puis on ne rendra pas service à la population.

Alors, moi, je pense... Et j'avais émis cette opinion-là, à l'époque, et je vais vous dire où je faisais une nuance dans mon esprit, et la nuance est rencontrée ici. Moi, je me disais, c'est clair que la population qui se rend compte ? celle qui est normalement éclairée, là ? qui réalise qu'on donne à un être humain, le policier, des pouvoirs extraordinaires, des pouvoirs qui sont... de pouvoirs que les citoyens détiennent, des pouvoirs d'intercepter les individus, des pouvoirs d'interroger des gens ? sous réserve des chartes, là, mais pouvoirs d'interroger des gens ? des pouvoirs de priver des gens de leur liberté, des pouvoirs d'arrestation, des pouvoirs d'enquête, la population se dit: Ces gens-là qui sont investis de ces pouvoirs-là à notre endroit, oui, moi, j'exige, comme population, que ces gens-là soit au-dessus de tout soupçon. Et effectivement, je pense qu'il est normal de croire, et j'adhère à ça, que la population ne comprendrait pas qu'un policier qui est trouvé coupable d'un acte criminel, donc les actes répréhensibles les plus graves, continue d'exercer son métier de policier.

n(12 h 30)n

Et là je vous dis tout de suite que je me souviens d'avoir donné une entrevue, après le ministre d'ailleurs, à un poste de radio, dans ces journées-là, et d'avoir dit, parce que j'avais dans mon esprit cette préoccupation-là, et elle est rencontrée ce matin ? le ministre n'en a pas parlé, mais je suis certain qu'il n'en a pas parlé parce qu'il n'y a pas pensé, mais je pense qu'on va s'entendre là-dessus: On légifère, et on légifère pour essayer de faire les lois qui sont les plus justes possible, je pense qu'on met des efforts pour ça, mais, quand on légifère, aussi il ne faut pas légiférer que d'une façon froide, il faut aussi envisager, il faut aussi voir quels sont les effets de nos lois. Or, c'est vrai qu'il y a des policiers, j'en ai vu dans ma pratique parce que j'ai eu l'occasion d'en représenter, des policiers ? le ministre a eu l'occasion d'en représenter devant les tribunaux aussi ? et j'ai eu l'occasion de pratiquer le droit criminel en défense et en poursuite et je répète une chose que j'ai dite dans les jours qui ont précédé, j'ai toujours dit, moi: Oui, il y a des gens qui sont des criminels, qui commettent des actes criminels, on en connaît, mais il y a des gens qui commettent des actes criminels et qui ne sont pas des criminels. Et donc il arrive des situations où il faut réaliser qu'il y a des individus qui commettent des actes criminels pour des raisons qui ne sont pas des raisons qui tiennent de la délinquance primaire ou de la délinquance secondaire, c'est-à-dire pour commettre des crimes pour des raisons de lucre ? souvent, c'est pour des raisons de lucre, c'est pour des raisons d'appât du gain, pour des raisons financières ou pour toutes sortes d'autres raisons objectivement répréhensibles ? mais qu'il y a des gens qui commettent des crimes, parce que, à une occasion ? et le ministre y a fait référence ? en la circonstance, ils ont un problème personnel qui les perturbe au point où leur jugement est altéré et ils accomplissent un acte répréhensible. Quand c'est un acte criminel qui ne peut pas être poursuivi autrement que par voie de mise en accusation, c'est toujours trop grave, l'acte qui a été commis, pour qu'on tienne compte de facteurs subjectifs tels que des problèmes personnels que pourrait avoir un policier.

Je vais vous raconter une petite anecdote. Je me souviens d'un policier que j'ai représenté il y a plusieurs années qui avait un problème d'alcool et qui, à l'heure du dîner, alors qu'il était en devoir, avait été dîner dans un endroit où on vendait des boissons alcooliques et qui a repris sa patrouille après le dîner et qui a intercepté à un moment donné une dame ? je pense que c'était pour un port de sécurité ? et qui a eu à l'endroit de cette dame-là des gestes répréhensibles alors qu'il faisait le constat de l'infraction. Ça remonte à plusieurs années, parce que je vous dirai qu'il a été accusé, à l'époque, d'attentat à la pudeur, maintenant, il aurait été accusé d'agression sexuelle. Alors, ça, là, oui, sur sentence, il a été trouvé coupable sur sentence. Bien sûr, on a fait valoir au juge qui entendait le dossier qu'il avait un problème. Et, entre le moment où il a été arrêté, accusé et le moment évidemment où la sentence est intervenue, il avait réglé son problème. C'était réglé, il ne prenait plus d'alcool, il avait réglé son problème. Mais néanmoins l'action était tellement importante, tellement répréhensible que, malgré le fait qu'il avait un problème personnel, on ne pouvait pas passer l'éponge. Il a perdu son emploi par la suite, dans un régime juridique qui n'était pas celui qu'on connaît maintenant.

Mais, aujourd'hui encore, cette situation-là se reproduirait, et oublions qu'il y a de plus en plus d'infractions mixtes, mais, en hypothèse, s'il était accusé encore de l'acte criminel d'agression sexuelle ? sans que ce soit mixte, là, par fiction ? je pense qu'automatiquement... Mais il y a des circonstances où, effectivement, il y a des gens, et des policiers, qui commettent des actions répréhensibles qui peuvent être poursuivis par choix, soit par acte criminel, soit par déclaration sommaire de culpabilité, où là on va donner la possibilité au policier de faire valoir. Alors donc, cette dimension-là humaine qui peut survenir, moi, c'était une inquiétude que j'avais quand je lisais l'article 119 à l'origine, lorsque je trouvais que les marches étaient hautes. Mais, moi, en tout cas, ça me rassure du point de vue du doute que j'avais relativement à ces situations-là. Ces situations-là pourront être bien réglées.

J'ajoute et je vais terminer en disant: La question du fardeau de preuve, j'adhère totalement à l'opinion que le ministre a exprimée. D'ailleurs, je ne veux pas... c'est toujours difficile de comparer, mais, par exemple, en emprisonnement avec sursis, avant que l'accusé ne puisse bénéficier de l'emprisonnement avec sursis, c'est-à-dire avant qu'un juge ne décide qu'une personne va être, moi, j'appelle ça admise à l'emprisonnement avec sursis, le juge décide: Voilà un crime qui ne comporte pas de sentence obligatoire, une sentence mandatoire, et je donnerais, pour ça, moi, 18 mois de prison. Il décide, le juge, qu'il donne une sentence d'emprisonnement. Mais ensuite l'accusé est admis à lui démontrer qu'il ne représente pas un danger pour la société ? et un certain nombre de critères sur lesquels je ne veux pas épiloguer, on n'est pas en droit criminel. On demande à l'accusé de démontrer qu'il ne représente pas un danger pour la collectivité et qu'il peut être admis à l'emprisonnement avec sursis.

De toute façon, dans les faits ? le ministre a pratiqué, j'ai pratiqué ? lorsqu'on est trouvé coupable d'un crime qui peut être qualifié de grave, même si on ne le dit pas de cette façon-là ? il y a des règles sur sentence, là ? l'accusé a toujours un certain fardeau s'il veut obtenir une sentence qui est clémente. Et, même si toutes les règles disent: Voici le fardeau de preuve, puis c'est bien inscrit en jurisprudence, ne nous comptons pas d'histoire, l'accusé qui veut obtenir une sentence clémente... Celui qui va obtenir une sentence radicale, une sentence sévère, il n'y a pas de fardeau. Mais celui qui veut obtenir une sentence clémente a toujours un fardeau.

Et, moi, je suis d'accord avec le ministre. Vous savez, les cas qui sont clairs, les cas qui sont pathétiques, les cas dans lesquels on peut faire preuve de compassion, les cas dans lesquels on peut faire preuve d'humanisme, en général, c'est clair et ça va de soi. Alors donc, ça ne m'inquiète pas, au contraire, parce que, s'il fallait qu'il y ait une critique formulée à l'endroit de l'amendement parce qu'on impose un fardeau de preuve au policier qui vient d'être trouvé coupable d'une infraction qui était mixte ? mixte, ça veut dire poursuivant par acte criminel ou infraction sommaire ? si on devait faire l'objet de critique pour ça, ça serait facile de répondre: Regardez la rédaction précédente et vous allez voir que, dans le fond, avec la rédaction du nouvel article, la situation des policiers s'en trouve améliorée. Alors donc, l'opposition officielle va être d'accord avec l'amendement pour les raisons que j'ai mentionnées.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député de Saint-Laurent. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Morin: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boulianne): Sur l'amendement?

M. Morin: J'aurais à proposer un sous-amendement.

Le Président (M. Boulianne): Oui. Bien, allez-y.

M. Morin: Au deuxième alinéa, à la fin, la dernière phrase du deuxième alinéa, où on dit: «Il en est de même pour le constable spécial», je proposerais de biffer «il en est de même pour le constable spécial». Pourquoi? Parce que nous le disons déjà dans la première phrase. Et je rappelle la première phrase du deuxième alinéa: «Doit faire l'objet d'une sanction disciplinaire de destitution tout policier ou constable spécial qui a été reconnu», et ainsi de suite. Donc, afin d'éviter d'être redondant, je propose un sous-amendement, que soit biffé «il en est de même pour le constable spécial».

Le Président (M. Boulianne): Très bien, M. le député de Nicolet-Yamaska. Alors donc, le sous-amendement est recevable. C'est une correction technique aussi. M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: J'ai juste une question. On est venu me parler dans l'oreille tantôt, pendant que le ministre s'exprimait sur l'amendement, et j'écoutais le ministre et la personne qui me parlait à l'oreille, mais j'ai retenu plus ce que le ministre a dit que ce que la personne m'a dit à l'oreille. Moi, j'avais compris que le constable spécial, celui dont on parle dans la dernière phrase, c'est celui qui n'est pas soumis à un règlement de discipline. Et là on dit: «Doit faire l'objet d'une sanction disciplinaire tout constable spécial qui a été reconnu coupable.» Ça serait laquelle, la sanction disciplinaire qui serait applicable à lui, celui qui n'est pas soumis à un règlement de discipline? C'est parce que les policiers vont tous être soumis à un règlement de discipline.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député de Saint-Laurent. Alors, est-ce qu'on peut éclaircir cette répétition-là? M. le ministre.

M. Ménard: Oui, oui. C'est pourquoi, après avoir étudié bien des versions, on en est revenu à l'expression «doit faire l'objet d'une sanction disciplinaire de destitution». C'est l'expression la plus large qui couvre toutes sortes de comités de discipline qui peuvent être établis par convention collective. Mais la discipline est une fonction inévitable dès qu'il y a des employés et des supérieurs. Donc, en disant «l'objet d'une sanction disciplinaire», c'est celui qui est responsable de la discipline, c'est-à-dire l'employeur. L'employeur doit destituer le constable spécial. En l'absence d'un règlement sur la discipline, il doit le destituer, à moins que celui-ci ne lui démontre que ça justifie une autre sanction.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: C'est drôle...

M. Ménard: Maintenant, la pertinence du sous-amendement démontre... Boileau disait: Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage. C'est regrettable qu'on l'ait mis juste 99 fois.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: Souvent, vous êtes là pour la centième...

Le Président (M. Boulianne): M. le ministre, merci. M. le député de Saint-Laurent.

n(12 h 40)n

M. Dupuis: Oui. On aurait pu dire aussi, j'imagine: Doit faire l'objet d'une destitution, tout policier ou constable spécial qui... puis ne pas porter à confusion dans le terme «sanction disciplinaire». Mais là c'est du...

M. Ménard: Là, on le voulait comme ça, on l'a écrit comme ça pour bien établir en peu de mots mais clairement que, quand il y a un comité de discipline, ça passe par le comité de discipline. Quand il n'y a pas de comité de discipline, ça peut être autrement. Mais c'est la sanction disciplinaire qui est attachée à la condamnation criminelle.

Le Président (M. Boulianne): Donc, il y a un sous-amendement. Est-ce que le sous-amendement est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Boulianne): Adopté. Est-ce que l'amendement, tel que sous-amendé, est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Boulianne): Adopté. Est-ce que l'article 119 amendé est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Boulianne): Adopté. Alors, nous passons à... M. le ministre, est-ce que vous voulez continuer...

M. Dupuis: La question des élections peut-être?

M. Ménard: Oui, c'est ça. C'est ce que j'allais suggérer.

Restrictions à l'exercice de certaines
activités politiques (suite)

Le Président (M. Boulianne): Alors, ce serait l'article 123?

M. Ménard: Article 123, oui. Oui, c'est ça.

Le Président (M. Boulianne): Alors, allez-y, M. le ministre, on vous écoute.

M. Dupuis: Me permettez-vous de le prendre?

Le Président (M. Boulianne): Oui.

M. Ménard: Alors, les articles 123, 124, 125, ces articles-là, d'abord, ils sont d'addition récente dans la loi actuelle et ils ont été rédigés avec soin, en collaboration, à l'époque, avec le Directeur général des élections et ses officiers. Et, effectivement, ils ne prévoient pas volontairement le cas de celui qui est élu. D'abord, il n'y a aucune loi, actuellement, au Canada, qui prévoit le cas de celui qui est élu. Cela est généralement prévu dans les conventions collectives. Et, en fait, comme vous avez pu le constater peut-être en pratique, le gouvernement du Québec a, dans sa convention collective avec ses employés, des dispositions à l'effet qu'un congé sans solde doit être donné à quelqu'un qui est élu à l'Assemblée nationale tant qu'il est élu. Mais, dans les autres fonctions électives, c'est un mandat seulement. Donc, on avait cru bon, à l'époque, de laisser ça dans le domaine des lois du travail. D'ailleurs, je peux dire que c'est prévu, on nous confirme que c'est prévu généralement dans les conventions collectives de policiers aussi, qu'est-ce qui arrive quand il est élu. Cela nous amène à penser que...

Puis une autre question qui s'était posée, c'est quant à l'article 124. Effectivement, l'article 124, quand il utilise l'expression «en raison d'autres activités politiques que celles visées à l'article précédent», l'on visait d'autres activités politiques le jour de l'élection, qui pouvaient être des activités politiques partisanes ou non partisanes, comme celui qui est nommé scrutateur ou encore ce qu'on appelle le PEMO, le représentant du Directeur général...

Une voix: Le PRIMO.

M. Ménard: Ah! le PRIMO, oui, oui, c'est ça, pas le PEMO. Le PEMO, je mélange avec mon propre ministère. C'est le PRIMO, oui. D'ailleurs, ce n'est pas mauvais qu'un PRIMO soit une police ? ha, ha, ha! ? puisqu'il est responsable de maintenir l'ordre à l'intérieur des... Alors, c'est ça qui était visé par 124. Franchement, après avoir discuté, on peut... Mme Barry, je crois. C'est ça. Jacqueline Barry, je crois?

Mme Barry (Francine): Francine.

M. Ménard: Francine Barry, du bureau du Directeur général des élections, est ici pour répondre à des questions. Mais, honnêtement, après avoir étudié les articles un après l'autre, je pense que la solution la plus sage pour nous, c'est de les accepter tels qu'ils sont parce que nous les prenons, dans la loi actuelle, tels qu'ils sont et tels qu'ils ont été rédigés, avec soin, je m'aperçois, en 1988-1989, si je me fie à ce que je vois sur la Loi électorale.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Laurent, est-ce que vous avez des remarques sur ces articles-là?

M. Dupuis: C'est-à-dire que oui, des interrogations auxquelles on n'a pas répondu, des précisions auxquelles on ne répond pas en ne modifiant pas les articles. Et je vais en citer une, qui est celle dont on a discuté très longtemps et qui venait d'une affirmation que le ministre a faite lorsqu'on a discuté de ces articles-là. Le ministre a dit: L'idée que, moi, je voudrais voir... C'est le ministre qui parle, là. Et, si vous avez un litige avec ce que je vais maintenant énoncer, M. le ministre, vous le direz tout de suite puisque, à l'occasion, vous m'accusez de déformer votre pensée à défaut de le faire avec vos paroles. Mais souvent c'est parce que je suis tellement en désaccord avec ce que vous dites que je...

M. Ménard: ...à chaque fois serait tellement considérable que des fois je m'en prive.

Le Président (M. Boulianne): M. le ministre, voulez-vous laisser terminer M. le député de Saint-Laurent? M. le député.

M. Dupuis: Le ministre a exprimé l'opinion suivante: Lorsque j'ai étudié les articles en question, 122, 123, 124, 125, notamment sur la possibilité pour des policiers d'exercer des activités politiques, je voulais permettre, et c'était le but de ma réflexion ? c'est le ministre qui parle ? à des policiers de participer à des campagnes référendaires pour un camp ou pour l'autre et ne pas les empêcher d'être capables de faire ce travail-là. Bon.

Et là je sais que j'extensionne la pensée que vous aviez exprimée à ce moment-là. Est-ce que ça peut aller jusqu'à: dans votre esprit, vous vouliez permettre que des policiers puissent, lors de campagnes électorales, autrement que le jour de l'élection ? je parle dans une organisation électorale d'un candidat, de quelque parti soit-il ? participer à la campagne électorale d'un candidat, quel qu'il soit? Ça, vous ne l'avez pas mentionné. Je vous pose la question, puis de telle sorte qu'on circonscrive bien la question puis qu'ensuite on pose la question.

Le Président (M. Boulianne): O.K. Juste remarquer, pour éclaircir un peu, nous avons un amendement à 123 fait par le ministre. Et nous pouvons régler 123, par la suite 124, 125. Alors, M. le ministre.

M. Ménard: Juste pour répondre à la question, oui, je sens encore le besoin de vous corriger, mais, je me dis, je ne suis pas pour m'exprimer chaque fois que je sens le besoin de vous corriger, ça éterniserait les débats inutilement. Mais je n'ai pas dit que je voulais donner le droit de participer à un référendum. Il me semble avoir très bien dit que je croyais que les dispositions que nous présentions ne donnaient aucun droit nouveau par rapport à ceux qui avaient déjà été donnés et que, parmi les droits qui avaient été donnés, il y avait le droit de participer à une consultation populaire.

M. Dupuis: Alors, on n'aura pas de litige là-dessus parce que c'est... Ça va. Alors, est-ce que les dispositions qui sont prévues actuellement aux divers articles, mais notamment à l'article 124, permettent ce genre d'activité? Et, si elles permettent ce genre d'activité, est-ce que l'employeur du policier doit accorder un congé sans solde?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député de Saint-Laurent. Alors, bienvenue, madame. Si vous voulez vous identifier, pour des raisons techniques.

Mme Barry (Francine): Francine Barry, de chez le Directeur général des élections. Alors, si j'ai bien compris votre question, finalement, ce que vous voulez que je précise, c'est la référence qu'on fait à l'application des articles de la Loi électorale: Qu'en est-il au juste? Alors, effectivement, c'est ce que disent les articles en question de la Loi électorale, l'employeur est alors tenu d'accorder un congé sans solde à son employé qui en fait la demande pour la durée précise, qui peut être un congé partiel ou total, et il doit, par la suite de ce songé, réintégrer l'employé avec les mêmes conditions d'emploi sans lui faire subir quelque préjudice que ce soit.

n(12 h 50)n

M. Dupuis: Regardez bien. Permettez-vous, M. le ministre, que je m'adresse à Mme Barry directement? O.K. Moi, Mme Barry, en lisant l'article 124 du projet de loi n° 86 ? je vais vous permettre de le prendre, peut-être, pour qu'on puisse suivre ensemble ? mon raisonnement, à l'origine, c'était le suivant, c'était: «Les dispositions de la section II du chapitre IV du titre IV de la Loi électorale ? c'est les dispositions qui concernent le candidat, l'agent officiel, les congés sans solde qui doivent être accordés, ça va? bon ? applicables aux candidats et agents officiels ? effectivement ? s'appliquent, compte tenu des adaptations nécessaires, à tout policier ou constable spécial qui doit obligatoirement prendre un congé en raison d'autres activités politiques que celles visées à l'article précédent.» L'article précédent étant l'article 123 réglant le cas des candidats à une élection municipale, scolaire, provinciale ou fédérale. Jusque-là, est-ce qu'on s'entend?

Mme Barry (Francine): Oui.

M. Dupuis: O.K. J'ai également prétendu, Mme Barry, que «compte tenu des adaptations nécessaires», ça s'appliquait à des gens qui ont une activité autre que l'activité d'être candidat ou d'être agent officiel parce que l'article 124 permet d'accomplir d'autres activités politiques que celles d'être candidat ou agent officiel. Et là entreraient dans cette catégorie toutes sortes d'activités politiques. On peut penser à assister à une assemblée publique de nature politique qui ne constitue pas une activité de nature partisane en vertu de la loi. Mais on peut penser aussi, et ça, c'était la grosse question: Est-ce que l'organisation de cette assemblée publique politique ou l'organisation du bureau des porte-parole du camp du Non ou du camp du Oui, c'est une activité politique autre que celle visée à l'article précédent? Puis, moi, je prétendais que, oui, c'est une activité politique autre que celle qui est prévue à l'article précédent, qui est celle des candidats. Est-ce qu'on s'entend, à date?

Le Président (M. Boulianne): Madame.

Mme Barry (Francine): Ma compréhension, c'est que les articles précédents, 123 notamment, visent les activités alentour ou dans le contexte d'une période électorale ? on s'entend? ? ou auprès d'un parti politique. Quand vous parlez de référendum, on n'est plus dans un contexte d'élection ni dans un contexte de parti politique, on est dans un contexte différent et ce sont donc des activités d'une nature politique mais différentes de celles référées. Donc, effectivement, à votre question précisément, oui, 124 viserait les activités tenues dans le cadre d'une campagne référendaire.

M. Dupuis: O.K. Puis, Mme Barry, ce n'est pas académique, ce qu'on est en train de discuter là, parce que, dans le fond, nous, on pense que ça ne serait pas nécessaire, mais c'est possible qu'il y ait un autre référendum. Et ce genre de question-là est importante, et le ministre l'a admis, parce que combien de policiers, combien de gens qui occupent des fonctions de cette nature-là nous ont dit: Moi, tu me rappelleras quand je serai à la retraite parce que je n'ai pas le droit d'accomplir des activités politiques. Là, ce qu'on dit aujourd'hui, c'est: Oui, les policiers auraient le droit de participer à une campagne référendaire. Ça va, pour le référendum?

Une voix: Oui.

M. Dupuis: Est-ce qu'ils auraient aussi le droit de participer à une campagne électorale dans l'organisation d'un candidat?

Mme Barry (Francine): Non.

M. Dupuis: Non?

Mme Barry (Francine): Non, parce que ça, c'est prévu nommément à l'article 123, en tout cas dans la lecture que j'en fais. Quand on parle de «se livrer à une activité de nature partisane» à l'égard d'un candidat, c'est notamment participer à la campagne électorale d'un candidat comme organisateur ou enfin à quelque titre que ce soit. Le 123 couvre le fait de se porter candidat mais le fait aussi de faire campagne pour un candidat.

M. Dupuis: En vertu de 123, il aurait le droit.

Mme Barry (Francine): Il a le droit de le faire mais selon les règles prévues à 123.

M. Dupuis: Oui, oui. O.K. D'accord. Mais ma question, c'était: Un policier aurait le droit de participer à la campagne électorale d'un candidat.

Mme Barry (Francine): Dans le cadre d'application des règles de 123, tout à fait.

M. Dupuis: O.K.

Le Président (M. Boulianne): Bien, M. le député de Saint-Laurent, continuez.

M. Dupuis: Merci beaucoup. C'est mineur, ce que je vais vous dire, mais simplement pour qu'on s'entende bien. Le ministre et moi, on s'est entendu là-dessus, on va voir si, vous, vous êtes d'accord. Quand on dit, à l'article 124, «à tout policier ou constable spécial qui doit obligatoirement prendre un congé», ça s'applique au policier. «Qui doit obligatoirement prendre un congé», c'est-à-dire, pour être capable d'aller pendant un mois s'occuper de la campagne référendaire ou pour être capable d'aller pendant un mois s'occuper de la campagne du candidat, bien, forcément, il ne faut pas qu'il puisse être en fonction et il ne peut pas être en fonction en même temps. C'est ce que ça veut dire. On s'entend là-dessus?

Mme Barry (Francine): C'est aussi l'interprétation que je donne. Après m'être posé plusieurs fois la question, je n'en vois pas d'autre.

M. Dupuis: Bon. Et la dernière chose... Non, la dernière chose, ce n'est pas à vous que je dois poser la question. La dernière chose, c'est la suivante. Revenons au projet de loi. Là, je pense qu'on a une opinion qui nous dit: Oui, les policiers, dorénavant... Dorénavant, là, parce que j'ai tellement entendu... On ne crée pas de nouveau droit, là. C'est-à-dire qu'on vient ? M. le ministre, je comprends ça ? d'expliquer la situation juridique qui existe, que pas grand monde comprenait, d'après mon expérience. Ça va? O.K.? Bon.

Mais là on vient d'expliciter et on a une opinion à l'effet que, oui, ce n'est pas du droit nouveau, à la prochaine campagne électorale, par exemple ? pour ne pas entrer dans le référendum, pour essayer de garder ça... ? oui, les policiers pourront participer à la campagne électorale d'un candidat, et l'employeur devra ? ce n'est pas «peut», c'est l'employeur «doit» ? accorder le congé sans solde. On s'entend?

M. Ménard: Tout à fait.

M. Dupuis: Parfait. Mais, quand on lit 125 ? là, je reviens à M. le ministre, et vous vous souvenez qu'on a eu cette discussion-là ? est-ce que vous considérez qu'un policier qui participe à une campagne référendaire, à une campagne électorale de façon active, en tant qu'organisateur par exemple, ce qui est la façon la plus active de participer à une campagne politique, en étant l'organisateur... On vient de nous dire que c'est possible. Est-ce que 125 vous cause un problème en regard de ces situations-là, 125, qui prévoit, pour les gens qui nous écoutent... J'ai toujours le souci des gens qui nous écoutent...

Le Président (M. Boulianne): Oui. Allez-y, M. le député.

M. Dupuis: ...parce que, moi, j'ai assez peur que les gens qui nous écoutent pensent qu'on légifère de façon virtuelle, sans penser à eux, que je reviens toujours à ça. C'est les gens qui nous écoutent qui sont importants. On est ici pour eux, pas autre chose que ça.

L'article 125 dit: «Les dispositions du présent chapitre s'appliquent sans préjudice des dispositions du Code de déontologie des policiers du Québec, notamment de celles qui concernent le devoir de neutralité politique dans l'exercice de leurs fonctions, le devoir de réserve dans la manifestation publique d'opinions politiques, le devoir de discrétion, le devoir d'impartialité dans l'exercice de leurs fonctions et les conflits d'intérêts. Elles s'appliquent également sans préjudice des règles de discipline.»

Et on se rappellera qu'on a regardé le Code de déontologie, à l'époque, et qu'effectivement à l'article 9, je pense, on constatait qu'il y avait effectivement un devoir de neutralité politique de la part des policiers. Prenons-le pour acquis. Il y a un but à ma question, hein, c'est que, si... Je veux dire, moi, je pense qu'il faut permettre aux gens d'exercer leurs droits politiques, et ils en ont, on a eu une opinion là-dessus ce matin. Il ne faut pas non plus les mettre, par exemple, dans une position où on a deux dispositions qui sont contradictoires l'une avec l'autre. Moi, 125 m'apparaît à première vue être contradictoire avec l'opinion qu'on entend ce matin.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député de Saint-Laurent. M. le ministre.

M. Ménard: Mais c'est drôle, M. le député de Saint-Laurent, parce que, pour nous, l'importance de 125, c'était justement son utilité à répondre aux inquiétudes que vous soulevez.

Une voix: ...

M. Ménard: Ça va, O.K. Oui, je comprends. Vous voyez, nous croyons que justement 125 était nécessaire pour répondre aux inquiétudes que vous soulevez. Si je vous comprends bien, vous craignez qu'à l'intérieur d'une consultation populaire ou d'une certaine campagne électorale l'esprit partisan laisse des séquelles dans la façon dont la personne va exercer ses fonctions par la suite, des séquelles de partisanerie ou de... Mais nous croyons, au contraire, que, dans une société civilisée, on doit justement être capable de mener des activités politiques, d'exprimer des différences d'opinions en acceptant que le régime dans lequel on vit est assez bien fait pour que les décisions soient prises dans le respect de certaines règles. Et, une fois que les décisions sont prises, quand on reprend nos fonctions, on doit toujours faire preuve d'impartialité.

Certains nous disaient que c'était inutile, au fond, l'article 125, mais nous avons cru qu'il était utile justement pour des raisons pédagogiques, d'une certaine façon. Et je crois qu'on peut atteindre ce niveau-là. Je pense, et c'est évident, qu'un policier peut parfaitement être un libéral convaincu et puis arrêter un député péquiste qui fait un excès de vitesse comme un député libéral qui fait un excès de vitesse, n'est-ce pas, et, je dirais même, faire preuve de la même civilité dans la façon dont il va lui donner son billet puis il va faire l'interception. Et ce que je dis pour les infractions les moins graves, je pense que c'est vrai pour les infractions les plus graves aussi. Parce que, tu sais, ça va de soi qu'on est rendu à un niveau de civilisation où les gens n'ont pas à choisir à chaque élection entre le bien puis le mal, hein. Ils ont généralement à choisir entre des positions qui se rapprochent très souvent. En tout cas, on cherche tous les deux le consensus populaire le plus large.

Mais, moi, écoutez, je pense que les policiers sont capables de garder de la partisanerie ce qui est nécessaire et utile dans une démocratie puis qui est l'expression de points de vue différents pour qu'on en arrive à une décision selon certaines règles que nous acceptons, mais qu'une fois que la décision est prise, nous la respectons, quitte à la faire changer à une autre échéance électorale, comme nous le faisons l'un et l'autre, j'en suis convaincu.

Le Président (M. Boulianne): M. le ministre, étant donné qu'il est 13 heures, alors une suggestion pour peut-être...

Une voix: ...une phrase.

Le Président (M. Boulianne): Consentement, une phrase? Et est-ce qu'on va voter après?

M. Dupuis: Consentement, une phrase, qui est la suivante. Elle peut être longue, mais elle ne durera pas plus que deux minutes. Honnêtement, je pense qu'il faut faire un choix. Moi, je vais suggérer qu'on revienne cet après-midi puis qu'on n'adopte pas les articles tout de suite, qu'on continue la discussion. Moi, je pense qu'il faut faire un choix. Et il faut faire un choix qui est le suivant: ou alors ce qui nous importe, c'est la neutralité, le devoir de neutralité politique des policiers, le devoir de réserve dans la manifestation publique d'opinions politiques, le devoir de discrétion, le devoir d'impartialité dans l'exercice de leurs fonctions et les conflits d'intérêts, ou alors c'est ça qu'on favorise, et, dans ces circonstances-là, il faut défavoriser leur participation dans des débats politiques; ou alors il faut favoriser leur participation dans des débats politiques à cause de leurs droits politiques, et, à ce moment-là, on est obligé de baisser la tête ? et je le déplorerais ? sur le devoir de neutralité politique. Moi, je suggère qu'on se laisse sur cette question-là et je suggère qu'on revienne cet après-midi et qu'on en discute. C'est fondamental, fondamental.

n(13 heures)n

Le Président (M. Boulianne): C'est bien. On vous remercie beaucoup, M. le député de Saint-Laurent.

Alors, la commission des institutions va suspendre à cet après-midi, 15 heures, de 15 heures à 18 heures ici, au salon rouge, et, si nécessaire, de 20 heures à 24 heures. Alors, merci.

(Suspension de la séance à 13 h 3)

 

(Reprise à 15 h 3)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À l'ordre, s'il vous plaît. La commission des institutions reprend ses travaux dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 86, Loi sur la police. Si je comprends bien, nous en étions donc à un débat sur, au fond, l'ensemble des trois articles, 123, 124, 125. M. le porte-parole de l'opposition officielle, député de Saint-Laurent, vous aviez la parole, alors on continue.

M. Dupuis: Oui. Alors, simplement pour, très, très succinctement et brièvement cette fois-ci, replacer dans le contexte ce que nous discutions avant de quitter ce midi, les articles 122, 123 et 124... Et je fais une réserve pour les candidats aux élections dans le commentaire que je vais maintenant faire. On pourra peut-être en discuter en particulier des candidats aux élections, mais je fais une réserve pour ces gens-là. L'économie des articles 122, 123, 124, ça nous a été confirmé ce matin par quelqu'un du Directeur général des élections, est à l'effet qu'un policier qui veut participer en tant que personnel, pas électoral ? je n'emploie pas le mot «électoral», parce que ça... ? mais qui pourrait vouloir participer en tant que personnel électoral, mais qui voudrait pouvoir participer à une campagne électorale ou à une campagne référendaire en tant que partisan d'un candidat ou en tant que partisan d'un côté, que ce soit le Oui ou que ce soit le Non, peut le faire. Non seulement il peut le faire, mais son employeur doit lui consentir un congé sans solde pour être en mesure d'effectuer ce travail électoral, pris au sens large du terme. Mais, pour que tout le monde se comprenne, si vous voulez, on pourrait prendre l'exemple, pour les fins de la discussion, de quelqu'un qui voudrait être l'organisateur du candidat, quel qu'il soit, ou l'organisateur d'un camp ou de l'autre. Alors, on ne peut pas se tromper là-dessus, l'économie des articles 122, 123 et 124, selon ce qu'on nous explique, permet ça.

Par contre, à l'intérieur du même chapitre, l'article 125, lui, indique que ce chapitre-là, qui permet à un policier, moyennant l'obtention d'un congé sans solde, d'être l'organisateur politique de quelqu'un, s'applique «sans préjudice des dispositions du Code de déontologie des policiers du Québec, notamment de celles qui concernent le devoir de neutralité politique dans l'exercice de leurs fonctions, le devoir de réserve dans la manifestation publique d'opinions politiques, le devoir de discrétion, le devoir d'impartialité dans l'exercice de leurs fonctions et les conflits d'intérêts». Et on est allé voir dans le Code de déontologie, et, effectivement, dans le Code de déontologie, un article nous permet de penser que la neutralité politique est exigée. Je résume.

On voit donc clairement qu'il y a une contradiction entre l'économie des articles 122, 123 et 124 et l'article 125, qui, lui, traite de la neutralité. Et, lorsqu'on s'est quittés ce midi, je disais au ministre: Le ministre doit faire son lit, il ne peut pas avoir les deux en même temps. Il y a une expression populaire qui veut qu'on ne puisse pas manger son gâteau puis l'avoir devant soi en même temps.

Alors, le gouvernement a un choix à faire. Ou alors c'est le principe de neutralité politique qui doit prévaloir, et, si c'est ça, la décision, on ne peut pas permettre à un policier d'obtenir un congé sans solde pour exercer une activité de la nature d'un organisateur politique. Mais là ça n'exclut pas toute autre activité partisane. S'il veut passer des pamphlets pour le Oui ou pour le Non, s'il veut passer des pamphlets pour le candidat, tout ça est compris, là. Mais j'ai employé l'exemple de l'organisateur politique parce que c'est celui qui est le plus frappant. Ou alors, donc, c'est la neutralité politique qui prime, et on ne peut pas permettre ce genre de comportement. Ou alors le gouvernement choisit que les policiers pourront exercer des activités politiques, et, à ce moment-là, il va falloir abroger l'article qui concerne la neutralité politique ou alors le baliser dans l'exercice, par exemple, dire: Neutralité politique dans l'exercice de leurs fonctions, puis, quand ils participent à une campagne électorale, ils ne sont pas dans l'exercice de leurs fonctions. Bon.

Mais, moi, je soumets respectueusement, là, que ce serait beaucoup trop facile ? et c'est l'opinion que j'aimerais soumettre ? d'y aller en faisant une fiction de l'esprit et en se disant: Quand il a l'uniforme sur le dos, il doit faire preuve de neutralité politique, mais on lui permettrait, à certains moments donnés de la vie politique, à la condition qu'il s'enlève l'uniforme de sur le dos, d'accomplir des actions, d'accomplir des activités politiques. Pourquoi? Là, moi, je pense que, quand on fait la balance des droits en présence ou la balance de ce qu'on peut exiger d'un policier, il faut pencher du côté de la neutralité politique, il faut garder le principe de la neutralité politique, pour la raison suivante.

n(15 h 10)n

Les policiers exercent des fonctions qui leur permettent d'avoir à l'égard des citoyens, de leurs concitoyens, des pouvoirs qui sont des pouvoirs extraordinaires, c'est-à-dire ? je l'ai répété souvent, mais c'est ça, la réalité ? ils ont le pouvoir d'intercepter des gens, ils ont le pouvoir de faire des enquêtes sur des comportements ? évidemment, tout ça, là, avec des motifs, ils ne peuvent pas faire ça n'importe comment, mais avec des motifs ? ils ont le pouvoir de priver des gens de leur liberté. Ils ont toutes sortes de pouvoirs qui sont extraordinaires, tout le monde le comprend. Et, très honnêtement, quand je réfléchis à la question, je me dis: Ça ne fait pas beaucoup de sens qu'on puisse permettre que, à certains moments donnés au cours de leur carrière, ils participent, ils prennent partie dans la vie publique pour des candidats qui défendent un point de vue plutôt qu'un autre.

Il ne faut jamais oublier que, peu importe ce qui va arriver dans l'avenir de ce qu'on a appelé la carte policière, il y aura toujours des policiers qui agiront dans de petites ou dans des communautés de moyenne importance, ils seront toujours très intégrés dans leur communauté, et non seulement faut-il que la neutralité soit essentielle dans l'exercice de leurs fonctions, mais encore faut-il qu'il y ait, à tous égards et toujours, une apparence de neutralité. Et permettre à des policiers de participer à des campagnes électorales pour un camp ou pour l'autre, permettre à des policiers de participer à des référendums ? évidemment, on pense aux référendums sur l'avenir du Québec particulièrement ? ça fait en sorte que la teinte, si vous voulez ? t-e-i-n-t-e ? qu'ils auraient prise pendant la campagne ne peut pas être effacée une fois que la campagne est terminée puis qu'on remet l'uniforme sur le dos et qu'on recommence à exercer ses fonctions.

Le ministre a dit, et les policiers sont venus le dire en consultation générale, et le ministre a été d'accord avec ça: Il faut maintenir l'indépendance des policiers face à l'autorité politique. Moi, j'ai reproché au ministre, avec son Conseil de surveillance, quelque chose qu'on va voir à l'article 291, de faire une entorse à ce principe-là. Mais on verra quand on arrivera à ça. Mais lui-même, le ministre, dans certaines des dispositions du projet de loi ? on en a discuté cette semaine ? a dit à quelques reprises que le principe de l'indépendance policière vis-à-vis de l'autorité politique, c'est un principe auquel il tient. Et donc, si c'est un principe auquel il tient, normalement il devrait réfléchir avec l'opposition officielle sur cette question-là de la neutralité politique des policiers. Et, dans les circonstances, M. le Président, j'aimerais avoir l'opinion du ministre sur cette question-là. Mais on ne peut pas avoir les deux, on ne peut pas permettre l'activité politique puis exiger en même temps la neutralité, je ne pense pas.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le ministre.

M. Ménard: Écoutez, c'est pour ça qu'on a ajouté «neutralité politique dans l'exercice de leurs fonctions», parce que c'est ça qu'on impose. C'est bien évident que, si on lui permet d'être partisan dans une campagne électorale, on ne lui demande pas d'être neutre politiquement tout le temps. C'est d'ailleurs parce qu'on a reconnu qu'un policier pouvait avoir des opinions politiques et jouir de droits politiques comme tout autre citoyen, dans la mesure où ça n'entrait pas en conflit avec ses fonctions, qu'on a établi les articles qui ont été là. Mais, quand on a voulu rappeler, dans l'article 125... Parce que c'est le but de l'article 125. L'article 125, il va sûrement être lu par n'importe quel officier de police qui va décider de se livrer à une activité politique. Il va lire 123 à 125, qui vont lui rappeler que ça n'est pas parce qu'il se présente...

Je donne un exemple plus simple où on voit l'utilité de la «neutralité politique dans l'exercice de ses fonctions» pendant qu'il mène une campagne électorale. Bien, mettons qu'il se présente comme commissaire à la commission scolaire du lieu où il habite, mais pas le lieu où il exerce ses fonctions, il faut lui rappeler que tous ses devoirs de policier ne cessent pas du fait qu'il a un congé, partiel, dans ce cas-ci, pour mener l'activité, pour lui permettre de mener sa campagne pour se faire élire comme commissaire de la commission scolaire, mais que donc, dans l'exercice de ses fonctions, il doit toujours faire preuve de neutralité politique.

C'est pour lui rappeler aussi quand même les autres devoirs. Le devoir de discrétion ne disparaît pas parce qu'il a un congé sans solde complet. Même les autres, le devoir d'impartialité dans l'exercice de ses fonctions... Quoique, évidemment, s'il ne les exerce pas, ses fonctions, il va nécessairement être impartial, il ne les exerce pas, mais il va falloir qu'il évite les situations de conflit d'intérêts encore. C'est pour lui rappeler qu'il y a des devoirs qui demeurent même s'il a obtenu un congé et qu'il doit lui-même établir un certain équilibre entre son état et les activités politiques que la Charte lui reconnaît.

Mais d'ailleurs vous remarquez qu'on est plus sévère aussi selon le grade. Le degré de neutralité politique que l'on exige du directeur de la Sûreté du Québec et des directeurs généraux adjoints est bien plus élevé que celui que l'on demande de tout policier. Remarquez que, encore une fois, ces articles-là n'ont pas été rédigés pour les fins de cette loi, hein? Ce principe-là avait déjà été adopté...

(Consultation)

M. Ménard: C'est vrai. On me rappelle avec justesse que, le premier alinéa du premier article ? c'est comme ça que ça commence, le Code de déontologie des policiers du Québec ? on dit bien: «Le présent Code détermine les devoirs et normes de conduite des policiers dans leurs rapports avec le public dans l'exercice de leurs fonctions.»

Non, je pense qu'on a bien balisé deux valeurs qui ont à se rencontrer dans une institution démocratique et basées sur une règle de droit puis basées sur une Charte des droits et libertés qui, nous rappellent les juges toujours, le grand critère qui nous permet... On peut toujours enfreindre la Charte. Par exemple, la Charte reconnaît comme un droit fondamental le droit à la liberté, et pourtant nous avons encore des prisons, hein. C'est donc qu'il y a possibilité de mettre les gens en prison même si la Charte reconnaît à le droit à la liberté, mais c'est... De quelle façon on peut enfreindre les droits? Alors, les juges nous ont dit essentiellement: Pour qu'un législateur puisse enfreindre un droit, il faut qu'il démontre qu'il y a une situation urgente et importante et que les mesures qui vont enfreindre ces droits ont été soigneusement conçues pour enfreindre le droit le moins possible par rapport à la poursuite de l'objectif qui est visé.

Alors, dans ce cas-ci, c'est certain qu'on peut imposer à un policier des devoirs plus grands que celui des autres citoyens et qui limitent d'une certaine façon ses libertés, dont sa liberté politique, mais il faut qu'ils soient soigneusement conçus pour enfreindre son droit à la liberté politique et au plein exercice de sa liberté politique dans la mesure la moins grande qui, à la fois, réalise l'objectif... enfin, trouver le juste équilibre entre la poursuite de l'objectif et l'infraction aux droits.

Écoutez, d'ailleurs, je vous le signale, ça fait au-delà de 10 ans que ces dispositions existent, et on me dit qu'il n'y a aucune jurisprudence sur ces articles. Mais nous croyons quand même justement que ce qui permet au policier d'exercer ses droits politiques, à ce moment-là, le policier doit quand même être rappelé... On doit rappeler au policier qu'il a encore certains devoirs qu'il doit respecter. Et c'est ça, le but de l'article 125. L'article 125, c'est vraiment de bien baliser, de rappeler au policier que ce n'est pas parce qu'il a obtenu un congé sans solde puis qu'il n'est plus en fonction, ou un congé partiel, qu'il n'y a pas certaines valeurs qu'il doit continuer à respecter.

M. Dupuis: Alors, je ne veux pas prolonger le débat inutilement, puisque je comprends que le ministre n'est pas prêt à accepter nos représentations là-dessus, mais, avant de clore le débat sur ce sujet-là, je voudrais tout de même ajouter que l'exigence de neutralité dans l'exercice de ses fonctions et la fonction de policier elle-même me semblent être tellement importantes au sein de la société qu'on devrait élargir l'obligation de neutralité à toutes situations dans lesquelles même il n'est pas dans l'exercice de ses fonctions.

n(15 h 20)n

Je donne un exemple pour illustrer, simplement pour qu'on se comprenne. C'est même placer le policier dans une situation difficile que de permettre qu'il puisse être l'organisateur d'un candidat X dans une élection ou l'organisateur pour un camp lors d'un référendum. Imaginez la situation dans laquelle il est lui-même placé si, au terme de la campagne électorale, dans les jours qui suivent la campagne électorale ou la campagne référendaire, il est mis en présence, dans l'exercice de ses fonctions, vis-à-vis une personne qui était dans le cas adverse pour une enquête qu'il est en train de faire, cette personne-là pouvant prétendre, en termes d'apparence et en termes de perception, qu'il s'agit d'une vengeance de la part du policier. Vraiment, c'est une question qui est extrêmement sérieuse et qui est extrêmement délicate.

Moi, je persiste à penser que l'emploi de policier revêt, dans notre société... Les pouvoirs dont il est investi sont tellement importants dans notre société que le fait de participer à une campagne électorale, le fait de participer à une campagne référendaire risque non seulement dans les faits, mais en apparence et en perception, de nuire à la perception que la population peut avoir en regard du métier de policier. Je veux dire que... D'ailleurs, les policiers, dans les faits ? on l'a dit à quelques reprises au cours de cette commission-ci, et je pense que ça peut se vérifier ? se restreignent eux-mêmes en croyant qu'ils n'ont pas le droit de participer à des campagnes électorales ou à des campagnes référendaires. J'ai entendu combien de fois des policiers me dire ou dire à d'autres: Écoute, oui, je suis favorable à votre thèse, ou je suis favorable à votre parti, ou peu importe ? et ça va des deux côtés, là ? mais, quand je serai à la retraite, j'irai. Parce qu'ils ont ce sentiment qu'ils ne peuvent pas se mettre dans cette situation-là. Moi, je dis: Ça, c'est louable, mais il faut que les textes de loi soient conformes à ce qu'on recherche.

Finalement, je n'ai pas eu l'occasion de lire la cause en question, mais je sais que la Cour suprême, dans toute la question de la syndicalisation des policiers de la GRC, a émis certains principes qui nous convainquent que l'emploi de policier, cette fonction, ce métier revêt une importance tellement importante que la Cour suprême a même dit: Ils n'ont pas un droit d'association en vertu de la Charte nécessairement, compte tenu de leur emploi et compte tenu de leur fonction.

D'autre part, les fonctionnaires? Entre vous et moi, les fonctionnaires aussi se restreignent. Les procureurs de la couronne se restreignent face à ça. Puis, je suis sûr que Me Racicot va être d'accord avec moi, on n'aurait pas vu un procureur de la couronne participer dans une campagne électorale pour un camp ou pour l'autre ou dans une élection pour un candidat ou pour l'autre. Pourquoi? Parce qu'ils ont, les procureurs de la couronne, ce devoir de réserve. Ils prennent des décisions qui ne sont pas les mêmes décisions que celles que les policiers prennent mais qui sont de la nature des mêmes décisions que les policiers prennent, c'est-à-dire qu'ils prennent des décisions au sujet de leurs concitoyens, d'accuser ou non des concitoyens, et donc ils ont un devoir de réserve qui vient du fait que, à certains égards, par exemple dans l'autorisation de plaintes, ils doivent être impartiaux, ils doivent être indépendants. Et non seulement doivent-ils l'être, mais ils doivent donner l'apparence de l'être aussi.

Il y a toutes sortes de situations dans lesquelles on peut penser qu'on exige ce devoir d'impartialité, d'indépendance, parce qu'on est placé au coeur dans une société et parce que les pouvoirs desquels on est investi, parce que le métier qu'on pratique font en sorte que, auprès de nos concitoyens, il y a une aura particulière qui fait en sorte qu'on ne peut pas se mettre dans ces situations-là. C'est ce que j'avais à mentionner, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. M. le député... Oui.

M. Ménard: Je pense que la cause à laquelle vous référez, je l'ai, c'est Gaétan Delisle contre le Procureur général du Canada, décidée, je pense... Et je vous signale que justement c'est peut-être avec raison que vous faites des similitudes, d'autant plus que, comme vous le savez, M. Delisle en question était aussi maire de sa municipalité. Ha, ha, ha! Et ça, je n'ai pas la cause qui traite de ça, mais je l'ai souligné à l'époque, quand je l'ai lu: «La liberté d'association garantie par l'alinéa 2d de la Charte ne comprend pas le droit de former un type particulier d'association défini par une loi particulière.» C'est ça, l'essence. «Seuls la formation d'une association indépendante de travailleurs et l'exercice collectif des droits légitimes de ses membres sont protégés par l'alinéa 2d.» Donc, vous voyez, il faisait la distinction, il disait: Oui, ils ont la liberté d'association, et on doit leur reconnaître cette liberté d'association, mais ça ne crée pas une obligation de bénéficier d'un type particulier d'association comme celles qui sont protégées par la LRTFP qui, je crois, est la Loi sur les relations de travail de la fonction publique.

D'ailleurs, il disait plus loin ? c'est ce que j'avais souligné à l'époque: «L'exclusion des membres de la GRC vise simplement à ne pas leur accorder de statut sous le régime de la LRTFP, soit la représentation syndicale et tout ce qu'elle entraîne, ce qui ne viole pas la liberté d'association de l'appelant, et non à les empêcher de former une association indépendante de travailleurs.» Donc, vous voyez bien, je pense que c'est avec raison que vous faisiez la comparaison. Mais la Cour suprême établissait la ligne: Vous êtes policiers, ce n'est pas inconstitutionnel pour le gouvernement de vous empêcher de former un syndicat qui serait protégé par la Loi sur les relations de travail de la fonction publique, mais cependant le gouvernement ne doit pas vous empêcher de former une association indépendante.

Ici, on cherche le milieu. Vous devez avoir la neutralité politique, c'est correct, mais on peut, dans certaines circonstances, vous permettre une activité politique. Puis, nous, on ajoute, comme législateur ? puis là je suis certain qu'on est à l'intérieur de ce qu'on a le droit de faire: Mais on vous rappelle, quand vous allez exercer ce... qu'il ne faut pas que vous oubliiez vos autres devoirs.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Dubuc.

M. Ménard: Puis on pense, très honnêtement, puis je pense que vous le pensez comme nous, que particulièrement la population du Québec a atteint un degré de maturité dans son ensemble qui permet de faire des distinctions pareilles, qui permet d'exposer des points de vue différents. Et je pense que la première caractéristique d'une société civilisée, c'est que les conflits qu'il y a... Parce que, il y aura toujours des conflits, une société qui n'a pas de conflits, c'est une société morte, hein, une société... Ça n'existe pas. Mais ces conflits-là sont toujours solutionnés de façon pacifique.

M. Dupuis: ...là-dessus, si vous permettez, juste une petite remarque...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Brièvement, parce que le député de Dubuc attend déjà depuis quelque temps.

M. Dupuis: ...M. le député de Dubuc, sur la dernière observation...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Allez-y.

M. Dupuis: ... et très, très courte. Oui, je crois fermement que la population du Québec a atteint un degré de maturité qui lui permet de faire la différence entre différentes situations, mais je crois fermement que la population du Québec exige de ses policiers qu'ils soient au-dessus de tout soupçon et que, au-dessus de tout soupçon, ça peut vouloir dire aussi qu'ils soient d'une neutralité à tous égards.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Dubuc.

M. Côté (Dubuc): Oui. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Si vous permettez, là, on...

M. Côté (Dubuc): Oui, ce ne sera pas long, c'est une question d'éclaircissement. C'est qu'au dernier paragraphe de l'article 123 ? c'est afin de mieux comprendre cet article-là ? lorsqu'on dit, dans le dernier bout de phrase, «sauf à être affecté à un poste qui ne comporte aucune incompatibilité avec l'activité politique à laquelle il s'est livré», j'ai de la misère à me trouver un exemple, là, d'un poste qui serait incompatible avec une activité politique. Je ne sais pas si M. le ministre pourrait me donner un cas ou me donner un exemple Il n'est pas facile d'ailleurs à comprendre.

n(15 h 30)n

M. Ménard: Non, je pense qu'il est facile à comprendre, mais la situation est peut-être difficile à imaginer. Mais, vous savez, d'abord, si cette situation se présentait, je pense que nous sommes tous d'accord pour dire qu'il est normal que le chef de police, le directeur du service de police n'assigne pas cette personne à un poste... Mais on me donnait des exemples comme... Mettons qu'il est garde du corps du premier ministre et que, bon, il s'est présenté, il a fait une activité politique, mais il était en désaccord avec le parti du premier ministre. Ça ne l'a peut-être pas empêché d'être fidèle. Mais vous ne pensez pas que serait plus prudent qu'il ne soit plus garde du corps du premier ministre mais qu'il aille ailleurs? C'est dans ce sens-là. Le troisième paragraphe de l'article 123...

M. Côté (Dubuc): Est-ce que votre exemple est...

M. Ménard: ...veut assurer qu'il réintègre de plein droit, sans aucune pénalité, les fonctions qu'il avait auparavant, qu'il ne soit pas puni pour avoir exercé son droit à avoir une activité politique, mais, quitte, par contre, si des motifs d'intérêt public se présentent, à ne pas le mettre exactement dans le même poste, qu'on lui trouve un poste équivalent.

M. Dupuis: L'exemple que vous donnez, ça serait malheureux parce que ça démontrerait que le garde du corps en question a un excellent jugement.

Une voix: Il y a des gardes du corps qui...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dupuis: Non, mais il parlait du garde du corps du premier ministre.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, est-ce qu'on est prêt à considérer maintenant les articles 123, 124 et 125? Commençons par 123. Est-ce qu'il n'y avait pas un amendement?

M. Boulianne: Oui, il y avait un amendement.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Il n'a pas été formellement présenté. M. le ministre.

M. Ménard: Article 123? Je ne l'ai pas. Ah oui, je l'ai. C'est parce que c'est à l'horizontal, je m'excuse. Alors, remplacer la première phrase du premier alinéa par les suivantes: «Le policier ou le constable spécial qui veut se porter candidat à une élection ou se livrer à une activité de nature partisane à l'égard d'un candidat à une telle élection ou d'un parti politique a le droit d'obtenir un congé sans solde, sur demande adressée à la plus haute autorité dont il relève, qui doit être accordé dans les meilleurs délais. S'il s'agit d'une élection fédérale ou provinciale, le policier ou le constable spécial doit être en congé total sans solde.»

Le but, c'est de rendre la disposition applicable tant à un constable spécial qu'à un constable qui se porte candidat à une élection municipale ou scolaire ou à d'autres activités de nature partisane.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Interventions? Ça va. Est-ce que l'amendement est adopté?

M. Ménard: Ça lui donne le droit à un congé total sans solde. C'est ça.

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté. Est-ce que l'article 123, tel qu'amendé, est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté.

M. Dupuis: Ça, c'est le policier qui est candidat à une élection. Adopté.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté. Article 124. Est-ce que l'article 124 est adopté?

M. Dupuis: Sur division.

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté sur division, très bien. Est-ce que l'article 125 est adopté?

Des voix: Adopté.

M. Dupuis: Adopté.

M. Ménard: Adopté sur...

M. Dupuis: Adopté.

M. Ménard: Celui-là? O.K.

M. Dupuis: Moi, je suis pour la neutralité politique.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, l'article...

M. Dupuis: Pour les policiers!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): ...125 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Nous en venons donc, en principe, au chapitre III, Mesures relatives au respect de l'éthique, à moins que...

M. Dupuis: Est-ce que vous voulez revenir sur certains autres articles qui étaient suspendus?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui, c'est ça, à moins que vous ne vouliez revenir sur des articles qui ont été mis en suspens.

M. Dupuis: Qu'on pourrait régler. Non? Ça va?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): O.K. Alors donc, chapitre III, Mesures relatives au respect de l'éthique, article 260, M. le ministre.

M. Ménard: L'article 258, on ne l'a pas...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Non, j'ai posé la question: Est-ce que vous voulez revenir sur des articles en suspens? Vous m'avez dit non. Alors, on s'en va à 260.

M. Ménard: Ah non, celui-là, c'est vrai, vous avez raison.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Moi, ça ne me fait rien, on peut y aller, à 258.

M. Ménard: Article 259, non plus, hein?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): L'article 259 est adopté.

M. Dupuis: Vous n'avez pas la réponse.

Une voix: Oui.

Normes de comportement

Discipline interne (suite)

M. Dupuis: Ah! Est-ce que vous avez la réponse sur l'article 259?

(Consultation)

M. Ménard: Oui, bon, la réponse ne m'étonne pas. Je pense bien qu'elle est de nature à vous rassurer.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Donc, on revient sur 259?

M. Ménard: Oui, bien, enfin, sur la question qui avait été posée. À la Sûreté du Québec, on consulte toujours l'instance syndicale avant de modifier le règlement sur la discipline. Quoique je connaisse au moins une exception dans laquelle on ne l'a pas consultée, c'est Drummondville. Mais disons qu'en principe généralement, on les consulte, mais ça n'affecte jamais la prise de décision sur les éléments essentiels.

Il faut bien comprendre que le règlement sur la discipline prévoit toutes sortes de choses bien diverses, y compris le port de l'uniforme. Puis, vous verrez, il y a une mode, ces temps-ci, dans les corps de police, ils sont tannés du type d'uniforme qu'ils ont, et puis la cravate disparaît. Elle va être remplacée par le t-shirt, l'été, en dessous de la chemise, et puis, en hiver, par autre chose. Remarquez que la cravate n'est pas particulièrement quelque chose de très utile dans un uniforme de police, d'autant plus que, vous le savez peut-être, mais ce n'est pas des vraies cravates que les polices portent, parce que les bandits les accrocheraient par le cou. Alors, il y en a quelques-uns qui s'essaient de même, puis ils restent avec la cravate dans les mains, puis le policier reste debout devant eux.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: Alors, ce n'est pas particulièrement... Alors, s'ils veulent ça, c'est comme si... Il y a la mode, là, je ne sais pas si... Mon fils trouve ça plus beau que moi, les pantalons à poches à la hauteur des cuisses. Mais ça fait partie des règlements de discipline, ces choses-là. Ça fait que ce n'est pas mauvais d'avoir l'opinion des plus jeunes et même des plus vieux. Et surtout il y a des choses importantes qui, je trouve, relèvent vraiment des questions de relations de travail, c'est des discussions qu'il y a sur les cas de suspension, parce que là il y a quand même des choses assez graves. Je sais qu'il y a déjà eu des discussions là-dessus mais... Moi, je me souviens, en tout cas, comme je vous dis, le règlement sur le port de l'uniforme, quoique, à notre avis, le règlement sur la discipline implicitement empêchait le port de l'uniforme dans les manifestations publiques, quand on a voulu le rendre explicite, ça s'est fait, je pense, en 48 heures.

M. Dupuis: Ça va. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Ça va? Alors, à ce moment-là, voulez-vous passer à 260 ou régler 258, si vous avez les informations?

M. Ménard: Non, pas tout de suite, 258, on...

Mesures relatives au respect de l'éthique

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): C'est beau. Alors, l'article 260. M. le ministre.

M. Ménard:«Tout policier doit informer son directeur du comportement d'un autre policier susceptible de constituer une faute disciplinaire ou déontologique touchant la protection des droits ou la sécurité du public ou susceptible de remettre en question le lien de confiance entre l'employeur et le policier en cause, notamment lorsque ce comportement peut constituer une infraction criminelle.

«De même, il doit participer ou collaborer à toute enquête relative à un tel comportement.»

Alors, M. le Président, vous ne serez pas étonné, si vous avez suivi... je pense que vous étiez avec nous lors des auditions publiques, il y a eu beaucoup de représentations sur cet article-ci qui, je pense, est aussi fondamental dans la Loi sur la police, l'article 119, que nous avons adopté à l'unanimité ce matin. Et nous avons estimé qu'il y a des remarques qui étaient pertinentes, de sorte que nous avons effectivement des amendements à proposer sur cela:

1° supprimer, dans le premier alinéa, les mots «remettre en question le lien de confiance entre l'employeur et le policier en cause, notamment lorsque ce comportement peut»;

2° ajouter, à la fin du premier alinéa, la phrase suivante: «Cette obligation ne s'applique pas au policier qui est informé de ce comportement à titre de représentant syndical.»

n(15 h 40)n

De toute façon, le premier amendement ? je trouve bizarre la remarque qu'on m'a faite, mais, en tout cas ? vise vraiment à rassurer les policiers, d'une certaine façon, qui disaient: Mais, bon Dieu! ce qui est susceptible de remettre en question le lien de confiance entre l'employeur et le policier en cause, il y a des arbitres qui délibèrent là-dessus pendant des jours, il y a des audiences qui sont vraiment... Comment voulez-vous qu'un simple policier, devant une action commise par... soit capable de déterminer ce genre de chose? Alors, on l'a remplacé, de sorte que...

Et puis ensuite la dernière, qui est plus facile à expliquer, c'est qu'on a reconnu... Et ce qui nous a particulièrement convaincus d'ailleurs, c'est de voir que, dans beaucoup de codes de discipline de différents corps policiers, tant d'ailleurs au fédéral que dans certaines municipalités, dans les grandes municipalités, on reconnaissait que l'officier syndical, il agit un peu comme un avocat et qu'il va apprendre, dans la préparation des causes qu'il doit plaider devant les comités de discipline, certaines informations, et on ne veut pas l'utiliser pour faciliter le bon déroulement des audiences disciplinaires, on ne veut pas le placer comme un informateur de police. En tout cas, on a estimé que ça, c'était justifié.

Mais, quand on lit l'article après l'amendement, on s'aperçoit que quand même il porte tout son effet par rapport à ce qui avait été dénoncé par la commission Poitras, parce que ça va se lire maintenant comme suit: «Tout policier doit informer son directeur du comportement d'un autre policier susceptible de constituer une faute disciplinaire ou déontologique touchant la protection des droits ou la sécurité du public ou susceptible de constituer une infraction criminelle.» Alors, à notre avis, le devoir du policier, comme on l'a vu, c'est ? et puis c'est eux qui nous ont demandé de le préciser ? non seulement de prévenir le crime, mais de le réprimer. Alors, ça suppose que, quand ils voient un crime commis même par un autre policier, ils ont l'obligation de le dénoncer et de voir à ce qu'il soit poursuivi, ça fait partie de leur devoir. Ensuite de ça, bien, s'ils ne le font pas, qui va le faire? Qui va réprimer le crime si...

En tout cas, c'est le premier article qui, au fond, s'attaque à la loi du silence, qui ? c'est peut-être inutile de le répéter, mais des fois ce n'est pas inutile ? à mon avis, n'a pas été une caractéristique de la Sûreté du Québec seulement, c'est une tentation de bien des groupes humains. Et c'est une tentation de bien des groupes policiers à travers le monde, ça, on l'a vu. Puis je ne peux pas dire qu'au Québec on était pires qu'ailleurs de ce côté-là. Mais ce qui nous distingue peut-être des autres, c'est de prendre les mesures dont aucune ne brisera cette loi, aucune seule, mais un ensemble de mesures qui vont beaucoup atténuer ces tentations que l'on retrouve partout. Mais c'est certain que, par contre, si on résiste à ces tentations, on a un bien meilleur corps policier et un corps policier dont les membres sont beaucoup plus fiers, dont ils sont beaucoup plus fiers de faire partie.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Est-ce qu'il y a des interventions?

M. Dupuis: Sur l'amendement, ça va. Quant à l'ajout du délégué syndical comme étant une exemption à cette obligation qui est faite à 260, je n'ai aucune objection. Au contraire, je pense qu'il était nécessaire de l'indiquer, effectivement; sans ça, on empêche le jeu de bien fonctionner. Alors, ça va.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Est-ce que l'amendement est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté. Sur l'article tel qu'amendé, est-ce qu'il y a des interventions?

M. Dupuis: Oui.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui?

M. Dupuis: Sur l'article tel qu'amendé, je dis tout de suite, d'entrée de jeu, que l'obligation de dénoncer un comportement qui serait de nature à être criminel, ça ne pose aucun problème, ça va de soi. L'obligation de dénoncer un comportement dérogatoire de nature déontologique, ça ne me pose aucun problème parce que, dans ces circonstances-là, c'est toujours une action répréhensible ou susceptible d'être répréhensible à l'endroit du public, que les policiers doivent servir. Donc, ça ne me pose aucun problème.

Je ne suis pas sûr que ça me cause vraiment un problème, l'obligation de dénoncer la faute disciplinaire. Je ne suis pas certain, je suis tout à fait candide avec vous. Mais j'ai reçu beaucoup de représentations de la part des policiers, puis pas seulement des policiers d'un seul corps de police mais des policiers de plusieurs corps de police, le SPCUM, la Sûreté du Québec, de corps municipaux qui ne sont affiliés ni à la Sûreté du Québec, ni au SPCUM...

M. Ménard: Je ne veux pas vous interrompre...

M. Dupuis: Oui, allez.

M. Ménard: ...mais pourrais-je vous faire remarquer que ça n'est pas toute «faute disciplinaire ou déontologique»?

M. Dupuis: Non, non, «touchant la protection des droits ou la sécurité du public».

M. Ménard: Uniquement celle-là.

M. Dupuis: Oui.

M. Ménard: Puis là c'est évident que vous savez de quoi on parle, vous avez pratiqué assez longtemps. C'est à ça que ça restreint.

M. Dupuis: Oui, mais je veux juste, pour être juste à l'égard des représentations qu'on m'a faites, les soumettre publiquement.

M. Ménard: O.K.

M. Dupuis: Je pense ce n'est que justice que les gens qui m'en ont fait part soient convaincus que non seulement je les ai entendus, mais que je les ai écoutés et que j'ai fait valoir leurs représentations auprès du ministre. Je vous avoue que peut-être ils n'avaient pas vu ce que vous évoquez maintenant, parce qu'on m'a toujours parlé... Et, je vais vous dire, leurs craintes, c'est les suivantes. Dorénavant, ça veut dire qu'on va s'asseoir dans la voiture, quand on va patrouiller à deux ou qu'on va aller sur des événements, quand on est appelé à plusieurs policiers, qu'on va couvrir certains événements, et qu'on est tous susceptibles les uns les autres d'être punis parce qu'on n'aurait pas dévoilé une faute de nature disciplinaire qui est commise mais qui, parce qu'elle est disciplinaire, est commise à l'égard de notre employeur. Et évidemment ce n'est pas tout à fait le cas, parce que, oui, c'est une faute disciplinaire qui est commise à l'égard de l'employeur, mais il y a une exigence supplémentaire, c'est qu'il faut qu'elle touche la protection des droits des administrés, des droits des citoyens, ou il faut qu'elle touche la sécurité du public.

M. Ménard: Voilà.

M. Dupuis: O.K. Alors, eux, ils me disaient: Ça déséquilibre... En fait, eux, ce qu'ils me disaient, c'est: Oui, on est tous d'accord, les policiers, on ne peut pas tolérer un collègue qui commet une faute de nature criminelle entendue. Je n'en ai pas un qui m'a dit: On ne devrait pas être obligés de faire ça. Et c'était clair dans les conversations que nous avions, ils n'avaient pas de problème avec l'obligation de dénoncer la faute déontologique, mais ils craignaient tous qu'un certain équilibre soit rompu dans l'ajout de l'obligation de dénoncer la faute disciplinaire qu'eux ils estimaient être une faute mineure par rapport à la faute déontologique et à la faute de nature criminelle, d'une part.

D'autre part, ce qu'ils me disaient ? et je vais terminer ensuite ? c'est: Oui, c'est vrai on exige plus des policiers et on est en droit d'exiger plus de nous qui sommes policiers, mais il ne faut pas que les événements récents des dernières années qui ont fait en sorte que la publicité qui a été faite au sujet de la pratique policière à certains égards nous a nui ? certains incidents, pas besoin de les nommer, on les connaît tous ? fassent en sorte que le balancier aille d'un côté et aille trop loin de l'autre côté. Et, eux, ils me disaient: Peut-être qu'en ajoutant la faute disciplinaire, là, on fait tourner le balancier trop fort.

Honnêtement, je suis obligé de vous dire que j'aurais résisté à des représentations de la part de ces gens-là qui m'auraient amené, en commission parlementaire, à vous dire: Êtes-vous certain que vous voulez obliger la dénonciation de comportements de nature criminelle? Ça, j'aurais résisté de toutes mes forces, si on avait voulu me faire questionner ça. J'aurais résisté aussi de toutes mes forces en ce qui concerne la faute déontologique. Mais je me suis engagé à la soulever, cette question-là, en commission parlementaire, pas nécessairement parce que j'adhère aux représentations qu'on m'a faites, mais parce que j'estime qu'il n'est que justice qu'on les mentionne.

Mais, ceci étant dit, j'estime aussi que le public a le droit de s'attendre à ce que les policiers aient des comportements absolument irréprochables dans tous leurs contacts avec le public et avec les citoyens. Et, moi, je n'ai pas de difficulté à retourner auprès des gens qui m'ont fait ces représentations-là pour faire valoir qu'effectivement il ne s'agit pas de toute faute disciplinaire, mais, par exemple ? et là je vais donner un exemple pour que les gens qui nous écoutent comprennent de quoi on parle ? le policier qui est impoli avec un de ses supérieurs devant son collègue, le collègue n'est pas obligé de le dénoncer. Remarque, le supérieur va dénoncer lui-même. Mais, je veux dire, le public n'est pas impliqué.

n(15 h 50)n

Autrement dit, et je pense que c'est important ? le ministre pourra le préciser lui-même pour qu'on puisse avoir avec les policiers le même échange sur cette question-là ? l'obligation de dénoncer la faute disciplinaire, il y a deux critères, c'est-à-dire l'un ou l'autre, deux critères qui sont disjonctifs qui doivent s'appliquer, c'est qu'il faut que ça soit une faute disciplinaire soit qui touche la protection des droits des citoyens ou soit il faut que ça soit une faute disciplinaire qui mette en péril ou qui touche la sécurité du public. C'est ça?

M. Ménard: Oui. Alors, bon, bien, je suis heureux de voir... Parce que je pense que nous allons devoir les rassurer. Mais je pense que nous avons les moyens de les rassurer. Nous avons tenu compte de leurs représentations. Je pense que ce qui jetait beaucoup d'inquiétude, c'était le fait que c'était mêlé déjà au fait qu'ils devaient porter une appréciation sur ce qui brisait le lien de confiance. Alors là ils ont vu toutes sortes d'infractions disciplinaires. Mais je pense que, comme ça, là, ils voient très bien ce qui...

Touchant la protection des droits, ils savent ce que ça veut dire. Quand on arrête quelqu'un, on doit lui donner ses droits. On ne fait pas de perquisitions illégales. On ne fait pas de détentions illégales non plus. Je veux dire, c'est des choses comme celles-là, ils savent très bien de quoi il s'agit. Ça, ça fait partie de leur formation de base. Quant à la sécurité publique, bien ça, c'est laissé à leur bon jugement, mais, je veux dire, c'est donc des choses graves, mettre en danger la sécurité du public. Il y a des façons de conduire, il y a des manipulations de l'arme, il y a des choses comme celles-là. Puis là, s'ils y pensent, ils vont tous reconnaître que c'est préférable que, si des situations comme ça se développent, elles soient arrêtées dès le début. Mais je serai reconnaissant, enfin nous serons tous reconnaissants, dans la mesure où les gens nous contacterons, de les rassurer là-dessus puis de leur bien faire examiner la portée de chaque mot que nous avons utilisé.

Enfin, une chose, je pense, que ce n'est peut-être pas mauvais que l'on signale, c'est que cet article-là quand même répond à quelques suggestions de la commission Poitras. D'abord, on m'en a donné plusieurs, mais, dans ma préparation, j'en ai souligné quelques-unes. La recommandation 99 nous proposait: «Le gouvernement modifie la Loi de police ou la Loi sur l'organisation policière afin de prévoir expressément le droit pour un policier de dénoncer l'inconduite d'un collègue, d'un supérieur, voire du directeur général, si celle-ci est susceptible de remettre en question le lien de confiance entre le gouvernement et le policier en cause ou de donner lieu à une plainte disciplinaire.» Bon. Vous voyez que ce texte pouvait prêter à confusion, comme on l'a vu... pas à confusion mais à une interprétation difficile dans l'action. Donc, on l'a modifié. Mais il reste que ce que demandait la commission Poitras, c'était de reconnaître le droit; nous allons plus loin, nous imposons le devoir.

Et plus loin, on disait, dans les recommandations 150 et 150.1: «Le gouvernement s'assure que le policier, témoin d'un crime commis par un autre policier, soit obligé de le dénoncer [...] ? alors là on parlait du crime; alors, évidemment l'obligation, nous l'avons faite pour le crime, mais nous l'avons faite aussi pour... ? à toute enquête criminelle et que telle obligation soit énoncée en des termes exprès au nouveau règlement sur la discipline des membres de la Sûreté du Québec appelé à remplacer l'actuel Règlement sur la déontologie et la discipline des membres de la Sûreté du Québec.»

Alors, voilà un autre exemple où nous avons constaté, puis je pense qu'encore là du côté de l'opposition, votre expérience vous amène à penser exactement la même chose, c'est que ce genre de problème, il n'est pas particulier à la Sûreté du Québec. Le terreau dans lequel se développe ce genre de problème existe partout. Et donc, mieux valait faire une disposition générale qui s'appliquait à l'ensemble des corps policiers que de se limiter, comme nous le suggérait le rapport Poitras, pour la bonne raison que le rapport Poitras n'était pas là pour enquêter sur l'ensemble des corps policiers mais uniquement sur la Sûreté du Québec.

De même, à la recommandation suivante, 150.1, on disait que «le gouvernement s'assure que tout membre de la Sûreté du Québec qui a connaissance d'une inconduite criminelle ou d'un acte de corruption ou manquant de probité d'un autre membre soit obligé de le rapporter au directeur des affaires internes ou à un autre officier supérieur et que telle obligation soit énoncée en des termes exprès au niveau du règlement sur la discipline des membres de la Sûreté du Québec appelé à remplacer l'actuel Règlement...» Alors, même remarque, au fond, que tout à l'heure.

Mais, pour le reste, je pense qu'on peut référer simplement à la commission Poitras, aux pages 1565, 1566 et 1572. On verra que nous avons donné à ces recommandations leur pleine application, nous sommes même allés plus loin que ce que la commission Poitras recommandait.

M. Dupuis: Me permettez-vous, M. le Président, d'ajouter une remarque sur l'article 260? Une remarque qui est la suivante. Très honnêtement avec vous, M. le ministre, moi, je doute que... Pour ce qui concerne l'infraction criminelle, non, là, parce que je pense que, moi, j'ai noté... J'ai représenté des policiers dans le cadre de ma carrière, lorsque j'ai été avocat de défense ? vous l'avez fait vous aussi ? et même les représentants syndicaux qui m'appelaient lorsqu'un policier se mettait dans une situation qui était susceptible de faire en sorte qu'il soit accusé d'une infraction ou d'un acte criminel, j'ai constaté, dans mes rencontres avec ces gens-là, qu'ils étaient tout à fait responsables, les représentants syndicaux, lorsqu'une situation comme celle-là arrivait, et que bien sûr ils songeaient à l'intérêt de leur membre ? au singulier ? qui était pris dans cette situation-là. Mais très souvent j'ai noté que les représentants syndicaux prenaient en cause l'intérêt du corps de police en question aussi et l'intérêt de la collectivité aussi. Ce que je veux dire par là, c'est que je n'ai jamais noté, moi, que des représentants syndicaux ni même des collègues cherchaient à cacher, cherchaient à soustraire à une sanction un policier qui commettait un acte criminel et j'ai toujours noté la responsabilité.

Mais, entre vous et moi, j'entretiens des doutes sur le fait que l'article 260 va avoir des effets aussi bénéfiques que ceux que vous espérez sur ce qu'il a été convenu d'appeler la loi du silence. Bon, la loi du silence, là, rapidement, démystifions. Pour ce qui concerne les policiers, ça existe ? pas seulement dans le milieu des policiers ? cette espèce de mentalité qui fait en sorte qu'on protège un collègue qui commet des actes répréhensibles. On n'a pas ça seulement dans le milieu policier, on a ça... C'est un petit peu une tendance naturelle des groupes de protéger les membres de ce groupe-là. Mais ça existe. Ça existe, la loi du silence. La commission Poitras l'a constaté, et je pense que tous, on peut le constater. D'ailleurs, plus souvent qu'autrement, la loi du silence, elle joue, pas tellement pour le policier qui commettrait une action criminelle à l'égard d'un membre du public ou une action criminelle... mais c'est plus dans des instances où il y a des policiers qui pourraient avoir commis des actes répréhensibles pour ? selon leur justification, qui est fausse, qui est illégitime ? le bénéfice de l'organisation. Plus souvent qu'autrement, c'est de cette nature-là. Je ne veux pas m'étendre plus longtemps là-dessus.

Moi, je doute que le fait d'indiquer qu'il est du devoir des policiers de dénoncer les comportements répréhensibles de leurs collègues, à l'exception des infractions criminelles, va vraiment briser ce qu'il est convenu d'appeler la loi du silence. Moi, je pense que c'est l'éducation qui va briser la loi du silence, c'est la formation qu'on va donner, c'est, entre autres, le rehaussement des valeurs que l'institution va véhiculer auprès de ses policiers et que les policiers vont véhiculer eux-mêmes, qu'ils vont véhiculer les uns par rapport aux autres, lorsqu'on va permettre aux policiers d'être capables de s'élever au-dessus du travail quotidien et de regarder au-dessus de leur profession, ce qu'elle est exactement, leur profession. Donc, c'est par l'éducation qu'on va réussir ça. C'est de cette façon-là qu'on va jouer le mieux le rôle qui doit être joué pour que la loi du silence soit brisée.

n(16 heures)n

Ce n'est pas l'obligation de dénoncer. L'obligation de dénoncer, c'est plus une décision que le gouvernement prend d'écrire dans sa loi... C'est-à-dire, c'est correct de le faire, mais je ne crois pas que, dans les faits, ça ait une action aussi importante que ça sur la loi du silence. C'est une indication qu'on donne aux policiers cependant qu'on ne peut pas tolérer, s'il se commet des actes répréhensibles, que les autres policiers protègent cette personne-là. C'est ça, l'indication qu'on donne dans l'article 260: ce n'est pas tolérable. Mais est-ce que, dans les faits, ça va permettre que, demain matin, il y ait plus de dénonciation? J'en doute. On connaît un peu comment ça fonctionne. J'en doute.

Je veux dire ça et je veux dire qu'il ne faudrait pas que le gouvernement se pète les bretelles, en disant: Nous autres, là, le diagnostic qui avait été posé dans le rapport Poitras au sujet de la loi du silence, on se pète les bretelles puis on a adopté l'article 260. Le ministre a eu un petit peu une tendance à faire ça dans les derniers mois: Nous autres, on a agi, on a l'article 260 puis on prend le taureau par les cornes puis on attaque ce problème-là. Il faut être réaliste, le problème de ce qu'il est convenu d'appeler la loi du silence, l'article 260 vient indiquer que c'est intolérable qu'un policier protège un de ses collègues qui a commis un acte répréhensible, mais c'est beaucoup par l'éducation, par la formation, par le rehaussement des valeurs qui sont véhiculées à l'intérieur des corps de police...

Moi, je me souviens, j'avais dit à un jeune avocat qui commençait à pratiquer le droit criminel puis qui s'en venait dans mon bureau: Avant d'aller représenter ton premier client en défense devant les tribunaux criminels, il faut que tu saches toi-même, pour toi-même, au fond de ta conscience à toi-même, ce que tu n'es pas prêt à faire au bénéfice du client que tu t'en vas représenter, parce que, lui, tu ne peux pas lui demander, au client, d'établir la règle pour toi, il faut que la règle, elle soit d'abord établie chez toi. Ton client est accusé d'un acte criminel. Ça peut être un bandit, ton client. Et ton client, lui, il peut te demander n'importe quoi, parce que, lui, il véhicule des valeurs qui ne sont pas les tiennes, et c'est à toi de savoir à l'intérieur de ta conscience ce que tu es prêt ou ce que tu n'es pas prêt à faire. Avant d'aller représenter le premier client, il faut savoir ça. Ça, c'est des affaires qu'il faut savoir avant d'aller pratiquer, la première journée, parce que c'est quelque chose qui se s'apprend pas à l'expérience, quand on est en...

Je donne un exemple ? mais je vais revenir aux policiers. Quand on est en droit criminel, il faut savoir avant d'aller représenter son premier client si on va accepter de présenter devant le tribunal une preuve d'alibi alors qu'on sait que la preuve d'alibi est fausse. Ce n'est pas vrai que ça s'apprend à l'expérience, ça. Ce n'est pas vrai qu'on peut se permettre d'aller devant un tribunal présenter une preuve d'alibi qu'on sait être fausse pour s'apercevoir après le procès qu'on n'aurait pas dû faire ça puis qu'on ne devrait pas le faire à l'avenir. Ça ne s'apprend pas par l'expérience. Il faut savoir, la première journée qu'on rentre dans un palais de justice, quand on est un avocat de défense, si on est prêt à accepter d'aller présenter une preuve d'alibi fausse ou non, il faut savoir ça pour être capable de bien faire son travail puis de le faire en fonction de sa conscience. Je vous rassure tout de suite, M. le Président, moi, cette question-là, elle était résolue avant mon premier client, je savais que jamais je ne ferais ça. Bon.

Les policiers, c'est la même chose. Avant qu'ils aillent s'asseoir dans le véhicule de police, la première journée, en sortant de l'École de police, avant qu'ils aient leur premier contact ? moi, c'est ce que je prétends ? avec un membre de la population, avant qu'ils aillent couvrir leur premier événement, il y a un certain nombre de choses qu'ils doivent savoir. Ce n'est pas le bon forum pour commencer à dire tout ce qu'ils doivent savoir, mais il y a une chose qui est certaine, c'est qu'ils doivent savoir qu'en toutes circonstances ce sont des gens qui font respecter la loi, toutes les lois en vigueur. Il faut qu'ils soient convaincus avant leur première sortie que leur premier devoir, c'est de les respecter eux-mêmes, les lois. Et je pense que le ministre va être d'accord avec ça.

De telle sorte que ? et je reviens à mon propos ? la loi du silence, oui, l'article 260 indique qu'on ne tolérera pas la protection, mais ce n'est pas ça, la solution, et ce n'est pas ça, la panacée. Ce n'est pas ça qui est la solution. La solution, elle est beaucoup plus dans l'éducation, elle est beaucoup plus dans le rehaussement des valeurs, elle est beaucoup plus dans l'explication aux policiers du comportement qu'ils doivent avoir avant même qu'ils commencent à pratiquer.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le ministre.

M. Ménard: M. le Président, je voudrais ajouter certaines choses. Je n'ai jamais dit que cette seule mesure briserait la loi du silence. J'ai toujours répété que ce n'était pas qu'une mesure qui le ferait. Mais, en fait, c'est ça, il y a des gens qui me font le contraire de ce que vous me faites parfois. Je trouve que des fois ? je m'en suis plaint ? vous expliquez mal mon point de vue mais en trop de mots. Il y en a que c'est le contraire. Dans les médias, eux autres, ils sont obligés de condenser, alors, des fois, ils simplifient un peu trop.

Mais, juste à l'oeil, là, j'ai identifié au moins neuf mesures que nous devons prendre si nous devons atteindre l'objectif de briser efficacement la loi sur le silence et de créer les conditions dans lesquelles elle ne se reproduira pas à l'avenir.

La première, c'est la formation, je suis entièrement d'accord avec vous, et la formation dans son double aspect: l'aspect, d'abord, de la sensibilisation des jeunes recrues et de ceux qui sont formés à l'importance de ces règles d'éthique; mais l'autre aspect aussi, c'est la formation dans les bonnes méthodes d'enquête légales qui donnent des résultats. Et cela, nous l'avons obtenu... Par exemple, la formation en interrogatoire, nous avons eu des meilleurs démonstrations de ça quand nous avons commencé à établir la vidéographie des déclarations. Beaucoup de policiers s'étaient habitués à contourner la loi pour obtenir des déclarations, pensant que, si on redonnait les droits à des accusés, etc., on n'obtiendrait jamais de déclarations. À partir du moment où on les a mis en dessous d'une caméra, il a bien fallu qu'ils appliquent les méthodes qu'ils avaient apprises.

Et je me souviens d'un chef de police à qui je l'avais dit, il m'avait dit: Oui, tant mieux, on va les vidéographier, oui, ils vont toujours bien les appliquer, les méthodes qu'on leur apprend! Étonnamment, ils se sont aperçus qu'ils obtenaient autant de déclarations qu'avant ou à peu près et que, bon Dieu! c'était plus facile de faire passer ces déclarations-là en cour, tout était sur film. Donc, il y a des bonnes méthodes de faire des enquêtes qui donnent de bons résultats. Donc, la formation, ce double aspect de la formation.

Deuxièmement, les moyens donnés aux enquêteurs. On le verra dans les articles qui vont suivre, là, on leur donne des moyens qu'ils n'avaient pas avant. Les avocats leur disaient, à leurs clients, quand ils se présentaient à eux, etc.: Tu n'es pas obligé de collaborer. Et ils avaient raison, hein? Et on l'a vu dans l'affaire Matticks, justement. La commission Poitras a bien observé ces choses-là. Mais, à l'avenir, les avocats ne diront plus ça parce que la loi va être différente, alors ils vont être obligés de collaborer.

Troisièmement, les méthodes d'enquête, surtout des grandes enquêtes, et de conservation de la preuve, particulièrement l'instauration du système HOLMES ? H-O-L-M-E-S. C'est des initiales, ça. C'est Home Office... en tout cas, je ne sais pas trop quoi. C'est la méthode anglaise, qui de toute façon est dépassée aujourd'hui. Et nous appliquons... Et la commission Poitras, très justement, avait signalé aux policiers qui croyaient qu'il y avait une simple affaire dans l'affaire Matticks, que, si on avait appliqué la méthode HOLMES, où, en gros, il y a un officier de police qui est désigné au départ d'une grande perquisition pour recevoir tout ce qui a été saisi, numéroter, noter où, par qui et à quelle heure ça a été saisi, imprimer en rouge ou dans une autre couleur, pour que ce soit reproduit dans les photocopies, l'original pour dire où ça a été saisi et noté, bien l'erreur qui a amené, selon un certain policier, l'affaire Matticks, alors que... mauvaise foi, n'aurait jamais été commise. Une bonne méthode d'enquête permet d'obtenir des résultats fiables.

Quatrièmement, l'importance que l'on va accorder dans un corps de police aux affaires internes, la qualité des enquêteurs que nous allons y placer, la formation qui va leur être donnée, l'autorité dont ils vont jouir et leurs capacités. Et on verra plus loin justement, en tout cas, qu'on accorde cette importance maintenant.

Cinquièmement, et qui, en fait, pourrait être dernièrement, le changement de la culture. Et ça, nécessairement, ça prend du temps. Et ça, ça passe par les autres éléments que l'on va passer.

Sixièmement... Attendez. Je l'ai-tu dit, là? C'est parce que je ne les ai pas... Je les avais comptés tout à l'heure. Cinq, six, sept, huit...

M. Dupuis: Vous avez dit neuf, on attend.

M. Ménard: Exactement, neuf, c'est ça. Alors, sixièmement, je pense qu'aussi, quand les premières dénonciations vont sortir des jeunes agents, ça va avoir un effet dissuasif pour commettre ce genre de choses.

n(16 h 10)n

Septièmement, les obligations légales, oui, que nous créons mais qui ne sont pas les seules. Huitièmement, puis on va le voir dans les dispositions qui vont suivre, la protection qui va être accordée à ceux qui dénoncent. Neuvièmement, l'une des mesures qui sont prises par la Sûreté du Québec actuellement, qui est la veille systématique des tribunaux dans les... et de l'analyse des blâmes qui sont adressés par les tribunaux à certains policiers. Et puis je pense que je pourrais même continuer à en avoir d'autres parce que, dans le plan de renouvellement...

Une voix: ...

M. Ménard: ... ? non, mais ce n'est pas là-dedans ? de la Sûreté du Québec, M. Gagné nous en a indiqué un certain nombre. Alors, que personne ne pense que je suis assez naïf pour croire que l'article 260 est le seul outil contre la loi du silence, mais nous verrons à la fin de cette loi que ça prend plusieurs dispositions mais que nous nous attaquons sérieusement au problème.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, est-ce qu'on serait prêt à adopter l'article 260 tel qu'amendé?

M. Dupuis: Adopté.

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté. M. le ministre, article 261. Ah, pardon. Vous souhaitiez qu'on suspende deux minutes?

M. Dupuis: Oui, deux minutes.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien.

M. Dupuis: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, nous suspendons quelques minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 11)

 

(Reprise à 16 h 18)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, nous allons reprendre, avec la collaboration des collègues. Toujours dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi n° 86, Loi sur la police, nous en sommes rendus à l'article 261, toujours dans ce chapitre sur les mesures relatives au respect de l'éthique. M. le ministre.

M. Ménard: Alors, l'article proposé, c'est: «Il est interdit à un policier de harceler ou d'intimider un autre policier, d'exercer ou de menacer d'exercer contre lui des représailles, de faire une tentative ou de conspirer en ce sens au motif:

«1° qu'il a informé ou qu'il entend informer le directeur du service du comportement visé à l'article 260;

«2° qu'il a participé ou collaboré ou qu'il entend participer ou collaborer à une enquête relative au comportement visé à l'article 260.

«Il est également interdit à un policier de tenter de dissuader un autre policier de remplir l'obligation qui lui incombe en vertu de cet article.»

Maintenant, ça aussi, on a cru bon d'apporter des amendements, à la suite des représentations qui nous ont été faites.

(Consultation)

M. Ménard: C'est parce que je les ai sortis tout à l'heure que je ne les trouve plus. Bon. Ah! le voilà. O.K. Alors:

1° supprimer, dans le premier alinéa, les mots «à un policier» et le mot «autre»

2° supprimer, dans le deuxième alinéa, les mots «à un policier» et le mot «autre».

Certains pourraient penser que l'on diminue ainsi la portée de l'article 261, mais c'est tout le contraire, on l'étend. C'est qu'on pense que cette action d'intimidation ou de découragement devrait être interdite à toute personne. Ça inclut les amis, ça inclut les conjoints, les conjointes, ça inclut les employés civils qui seraient dans l'organisation et qui voudraient dissuader un policier de respecter l'article 260 et ça inclut évidemment les policiers.

n(16 h 20)n

D'ailleurs, on le voit, n'est-ce pas, si on lit l'article, qui, s'il était amendé, dirait: «Il est interdit de harceler ou d'intimider un policier, d'exercer ou de menacer d'exercer contre lui des représailles, de faire une tentative ou de conspirer en ce sens au motif», etc., «qu'il a informé ou qu'il...» enfin qu'il a fait son devoir en vertu de l'article 260, au fond.

M. Dupuis: Sur l'amendement?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Sur l'amendement, oui.

M. Dupuis: Sur l'amendement, la question que je me pose, c'est la suivante: Êtes-vous légalement capable de rendre redevables, en vertu de la Loi de police et/ou du règlement sur la discipline, des personnes qui ne sont pas couvertes par la loi ou par le règlement?

M. Ménard: Certainement. Peut-être que, dans le règlement de discipline, on ne pourrait pas, ou quoi que ce soit, mais nous sommes les législateurs et nous pouvons créer des...

M. Dupuis: Non, je comprends, mais vous êtes certain qu'il ne peut pas y avoir une contestation de... Une personne qui serait une personne du public, par exemple, qui aurait harcelé ou intimidé un policier, elle pourrait être accusée d'entrave ? je réfléchis tout haut, là ? ...

M. Ménard: Oui.

M. Dupuis: ...en vertu du Code criminel et elle pourrait être accusée d'une infraction pénale, en vertu de la Loi de police, d'avoir harcelé un policier. L'épouse d'un policier, par exemple, qui fait l'objet d'une plainte et qui fait du harcèlement auprès du policier qui a dénoncé pourrait être accusée d'entrave. S'il y a une enquête qui est en train de se faire, elle pourrait être accusée d'entrave.

M. Ménard: Oui, qui est une infraction criminelle...

M. Dupuis: Qui est une infraction criminelle...

M. Ménard: ...qui est plus grave, qui est plus exigeante à prouver.

M. Dupuis: ...et/ou pourrait être accusée d'infraction pénale, en vertu de la Loi de police, d'avoir harcelé...

M. Ménard: Elle, elle est plus précise. Ça, c'est un peu comme...

M. Dupuis: Ça va.

M. Ménard: C'est ça. Il y a négligence criminelle dans le Code criminel, conduite dangereuse, mais il y a aussi, dans le Code de procédure civile, quelque chose de plus. Ça vous va?

M. Dupuis: Ça va.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Est-ce que l'amendement est adopté?

M. Dupuis: Adopté.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, l'amendement est adopté.

M. Ménard: Adopté.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Sur 261 tel qu'amendé, est-ce qu'il des interventions?

M. Ménard: Je pense qu'on a tout dit sur 260, au fond.

M. Dupuis: C'est ça, exactement.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors...

M. Dupuis: Les mêmes remarques s'appliquent.

M. Ménard: Oui.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): ...l'article 261 est adopté tel qu'amendé?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Article 262. M. le ministre.

M. Ménard:«Tout policier rencontré à titre de témoin relativement à une plainte portée contre un autre policier doit fournir une déclaration complète, écrite et signée.

«Il doit également remettre une copie de ses notes personnelles et de tous les rapports se rapportant à l'examen de la plainte.»

Il n'y a pas d'amendement là-dedans, mais ça, il y avait des recommandations exactement à cet effet-là dans la commission Poitras. Encore une fois, nous avons cru bon de les étendre à tout corps policier. Notamment, c'était prévu dans la recommandation 106 et ça apparaissait particulièrement à la page 1580 du rapport de la commission Poitras.

M. Dupuis: J'attire votre attention, M. le Président, sur l'article 262. Au même titre qu'hier nous avons discuté de cette question-là dans le Code de déontologie policière, sur l'obligation pour un policier qui est considéré comme témoin plutôt que comme intimé, en vertu du régime de déontologie policière, qui lui permet de... Ce qu'on a fait, c'est qu'on l'a obligé hier à participer, à donner une déclaration à l'enquêteur, mais on l'a protégé contre toute déclaration qui pourrait l'incriminer ou qui pourrait donner matière à ce qu'il devienne l'objet de la plainte.

Et la question que je vous pose est: Est-ce qu'il n'y aurait pas... Je crois qu'il y aurait lieu ici de faire le même amendement que celui qu'on a fait dans le régime de déontologie policière, pour les mêmes motifs. C'est-à-dire que c'est exactement la même situation: policier rencontré comme témoin relativement à un événement qui est reproché à un policier, à un autre policier, et on l'oblige à donner une déclaration. Il est possible que, dans le cadre de cette déclaration, il s'incrimine ou il donne des détails qui permettent ensuite qu'il soit incriminé. De telle sorte que, comme c'est la même situation, je suggère, pour couper court, qu'on envisage la possibilité d'apporter un amendement ? ce n'est pas nécessaire de l'apporter tout de suite, là ? qui serait au même effet que celui qu'on a déposé... Mais là je n'ai pas l'article, honnêtement.

M. Ménard: Oui. Je comprends de quoi vous parlez, puis on est prêt à examiner cela.

M. Dupuis: C'est beau. Alors, on va le suspendre.

M. Ménard: Le seul problème légal qu'on se pose, si vous pouvez nous aider à le régler en fin de semaine...

M. Dupuis: Oui.

M. Ménard: ...c'est: Est-ce qu'on peut... Dans l'article dont vous parlez, nous étions en matière d'enquête en déontologie, une matière de juridiction provinciale. Là aussi, ici, est-ce qu'on peut légiférer dans une loi provinciale des dispositions de preuve dans une matière fédérale? Remarquez qu'on l'a fait sur la Loi sur les coroners. Alors, on va regarder un petit peu comment on s'y était pris. Mais je pense que le coroner était quand même un officier public qui assermentait, ce n'était pas un enquêteur. En tout cas, il y a quelques petites dispositions là-dessus, mais on va l'examiner puis on y reviendra.

M. Dupuis: Alors, on va le suspendre?

M. Ménard: Suspendre.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Dubuc.

M. Côté (Dubuc): Merci, M. le Président. Je ne suis pas tellement familier avec ces déclarations relativement à des plaintes, là, mais, lorsqu'on parle de «déclaration complète, écrite et signée», est-ce que ces déclarations-là doivent être aussi assermentées?

M. Ménard: Non.

M. Côté (Dubuc): Non?

M. Ménard: Non. Généralement, les enquêteurs n'ont pas de pouvoir d'assermentation.

M. Côté (Dubuc): Ce n'est pas nécessaire.

M. Ménard: Non.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, l'article...

M. Dupuis: ...

M. Ménard: Elle est obligée de la faire.

M. Dupuis: Ah non, c'est vrai, oui, vous avez raison. Bon, alors, donc on va suspendre l'article 262. Vous prenez note de ça?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): L'article 262 est suspendu. Article 263.

M. Ménard:«263. Lors de l'interrogatoire ou de la réception de la déclaration d'un policier visé par une plainte comportant des allégations de nature criminelle, l'enquêteur doit:

«1° aviser le policier qu'il fait l'objet de la plainte;

«2° lui faire les mises en garde usuelles;

«3° l'informer qu'il n'est pas tenu de faire une déclaration relativement à la plainte dont il fait l'objet.»

Là encore, nous appliquons les recommandations de la commission Poitras et particulièrement celles qui étaient édictées, les recommandations numérotées 153.1 et 153.2. Maintenant, 153.1: «La Sûreté du Québec adopte une directive en s'inspirant de celle qui existe au Metropolitan Toronto Police Service.» On ne l'a jamais trouvée, celle-là, hein?

(Consultation)

M. Ménard: Bon, en tout cas, j'ai demandé d'aller la chercher mais on ne me l'a jamais trouvée. Mais de toute façon on comprenait l'esprit que demandait le rapport Poitras, par l'analyse, puis c'est essentiellement ce qu'on reproduit ici.

M. Dupuis: Est-ce que vous l'avez, effectivement, le...

Une voix: Le rapport?

M. Dupuis: Celle de Toronto?

Une voix: Non.

M. Dupuis: Ce n'est pas ça que Me Brabant est allé chercher?

Une voix: Oui, c'est ça.

M. Dupuis: O.K. Ça va.

M. Ménard: Non, non. Vous êtes dans le rapport Poitras, là.

Une voix: C'est ça, oui, oui.

M. Ménard: Mais la directive elle-même, on ne l'a jamais eue.

Une voix: Non.

M. Ménard: C'est ça que je vous ai demandé.

Une voix: Ils ont dû la prendre quelque part.

M. Ménard: Bien, c'est bien ce qu'on s'est dit. Mais on ne l'a toujours pas, hein? Bon, en tout cas, si on l'a, on va la donner parce que ça fait longtemps qu'on la cherche.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Est-ce que l'article 263 est adopté?

M. Ménard: Je ne pense pas que vous soyez contre ça.

M. Dupuis: Adopté.

M. Ménard: Adopté.

Contrôle externe de l'activité policière

Renseignements à fournir
au ministre de la Sécurité publique

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté. Titre V, Contrôle externe de l'activité policière, chapitre I, Renseignements à fournir au ministre de la Sécurité publique, article 264. M. le ministre.

M. Ménard:«Le directeur de tout corps de police doit transmettre au ministre chaque année, avant le 1er avril, un rapport d'activité qui fait état, notamment, du suivi des dossiers disciplinaires, déontologiques et criminels visant ses membres et, le cas échéant, des mesures correctives qui ont été prises.

«Le directeur général de la Sûreté du Québec doit transmettre ce rapport également au Conseil de surveillance des activités de la Sûreté du Québec.»

n(16 h 30)n

Voilà encore des recommandations de la commission Poitras que nous avons décidé d'appliquer à l'ensemble des corps policiers pour que cette obligation soit un aiguillon, n'est-ce pas, à être sérieux dans l'application de la discipline dans ces corps de police et pour que le ministère, en fait, puisse continuellement faire des analyses, puisse être au fait, puisse observer si effectivement la discipline est prise au sérieux dans ces corps de police. C'est en faisant de pareilles observations sur les années passées que la commission Poitras a pu porter certains jugements sur la qualité de la discipline qui était faite à la Sûreté du Québec. Alors, nous pensons...

M. Dupuis: Sur la qualité des informations qui étaient transmises au ministre à un certain moment donné, souvenez-vous.

M. Ménard: Oui, mais pas tellement là-dessus. Je veux dire, sur certaines enquêtes, oui, c'est évident. Mais, en tout cas, on pense que le terreau pour que le problème se développe existe partout et que mieux vaut prévenir. Et cette obligation, les analyses que nous pourrons faire au ministère pourront sonner des sonnettes d'alarme à l'occasion qui nous permettront d'intervenir. On verra plus loin aussi qu'évidemment la Sûreté du Québec devra aussi avertir le Conseil de surveillance, devra envoyer copie de cela au Conseil de surveillance.

M. Dupuis: En fait, vous voulez qu'il y ait une certaine publicité. Le mot «publicité» n'est pas le bon mot à employer, mais vous voulez que sorte du giron du corps de police le suivi qu'on a donné aux mesures disciplinaires, déontologiques, que sortent du giron du corps de police pour se rendre au ministère ces rapports-là afin que quelqu'un d'indépendant, en principe, puisse les examiner et voir le suivi qu'on a donné pour ne pas qu'il y ait d'arrangement...

M. Ménard: Oui, quelqu'un de l'extérieur.

M. Dupuis: C'est ça.

M. Ménard: C'est sûr qu'on va regarder à ce moment-là le nombre... Bien, en tout cas... Mais une des grandes préoccupations, ça va être d'examiner les délais, qui avaient été observés très, très longs. Enfin, on a des grilles d'analyse qui nous permettent de mesurer objectivement la... Ce n'est pas une grille parfaite. Comme je dis, c'est uniquement des sonnettes d'alarme, des fois, qui vont signaler, mais c'est bon. Puis, deuxièmement, le fait qu'il y ait une pareille obligation amène le directeur de police à se soucier particulièrement de la discipline.

M. Dupuis: Quand vous dites le «suivi des dossiers disciplinaires déontologiques et criminels», est-ce que dans votre esprit ça signifie la procédure suivie et les résultats? Vous n'exigez pas, là, d'avoir tout le dossier pour être... Par exemple, il ne faut pas qu'il y ait de crainte de la part des instances qui prennent les décisions de nature disciplinaire, déontologique ou criminelle qu'il y ait, de la part du ministère, un jugement qui soit porté sur le contenu, sur la substance de l'événement. En fait, c'est pour savoir combien il y en a de plaintes, quel suivi on a donné, est-ce que c'est terminé, comment on l'a terminé, etc., puis le genre de sanction.

M. Ménard: Puis la nature des plaintes.

M. Dupuis: Et la nature des plaintes, oui.

M. Ménard: Alors, il y a toutes sortes de choses. Par exemple, on peut remarquer à un moment donné qu'un corps de police en particulier a des plaintes d'une certaine nature en nombre considérable. Alors, les inspecteurs peuvent être dirigés là-dessus puis aller demander des explications. Des fois, il peut y avoir d'excellentes explications. Comme vous l'avez signalé, vous avez déjà vu que des organisations criminelles décident à un moment donné de porter systématiquement des plaintes pour dissuader les enquêteurs, bon, bien, là on a une bonne explication. Mais, des fois, ça peut être d'autres choses. En tout cas, comme je vous dis, on est capable actuellement de développer une grille d'analyse qui va nous permettre de reconnaître les signaux d'alarme dans ces rapports.

M. Dupuis: Moi, je suis assez favorable à ça, en relation notamment avec l'exemple qu'on s'est donné hier dans le chapitre de la déontologie policière, où j'ai mentionné que certaines bandes criminalisées avaient comme stratégie concertée de porter systématiquement contre des policiers avec lesquels ils font affaire des plaintes de nature déontologique. Ça permettrait donc de détecter ce genre de stratégie là puis peut-être de réagir, notamment en ce qui concerne le processus de conciliation. Donc, je suis assez favorable à cette disposition-là.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Est-ce que l'article 264 est adopté?

M. Dupuis: Adopté.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté. Article 265.

M. Dupuis: Adopté sous réserve. Je veux le dire, mais ça ne changera rien dans le vote, adopté sous réserve que cet article-là contient l'expression «Conseil de surveillance» et que j'aurai des représentations à faire dans ce chapitre-là. Et donc on s'entend?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Article 265, M. le ministre.

M. Ménard:«Le directeur de tout corps de police doit chaque année, avant le 1er avril, transmettre au ministre, en la forme que celui-ci détermine, un rapport faisant état des mandats de perquisition qui ont été demandés.

«Le directeur général de la Sûreté du Québec doit transmettre ce rapport également au Conseil de surveillance des activités de la Sûreté du Québec.»

Voilà encore le genre de suggestion qui a été faite par la commission Poitras et que nous croyons utile d'étendre à l'ensemble des corps de police parce qu'on comprend que les mandats de perquisition, comme les mandats d'écoute électronique, sont des moyens d'enquête exceptionnels et qu'il est bon de savoir comment les corps de police les utilisent. Ça peut donner une idée... Je ne dis pas, encore là, nécessairement que ça va être suivi de correctifs, mais c'est bon que nous ayons ces informations-là puis qu'on puisse comparer, comme la commission Poitras l'a fait, n'est-ce pas, avec ce qui se fait ailleurs. Et parfois on peut tirer des leçons ou demander des explications qui nous éclairent beaucoup, des fois, sur certaines faiblesses des enquêteurs dans un corps de police.

M. Dupuis: Oui, mais, moi, je pense qu'il y a une lacune dans l'article 265. Si, effectivement, vous avez l'objectif de voir, par le biais de ces rapports-là, s'il y a des lacunes dans les corps policiers au sujet de la façon dont les mandats de perquisition sont demandés, il faudrait ajouter... je pense qu'il faudrait que vous soyez en mesure de voir combien de mandats de perquisition ont été demandés à un juge de paix, dont on a demandé l'autorisation à un juge de paix, puis combien ont été consentis par le juge de paix. Il faut être capable de faire la pondération. Ce n'est pas tout de... Qu'est-ce que ça va vous dire, ça, qu'il y ait 1 200 mandats de perquisition qui ont été demandés dans une année si vous ne savez pas combien ont été consentis et combien ont été contestés devant les tribunaux, puis c'est quoi, le résultat? Moi, je pense qu'il faudrait que vous ayez tout ça.

Et là je suis dans l'esprit du rapport de la commission Poitras qui vous suggérait, entre autres, de soumettre à l'approbation... non, l'approbation, c'est un mot trop fort, mais qui vous suggérait que soit soumis à un procureur de la couronne toute demande de mandat de perquisition avant que le policier aille devant le juge de paix. Et je me souviens que le rapport de la commission Poitras disait que, pour pallier à peut-être une espèce de carence qu'il y a au niveau des juges de paix, il faudrait que les mandats de perquisition soient soumis au procureur de la couronne avant que le policier ne soit admis à aller le présenter au juge de paix. J'aimerais ça, d'abord, savoir si cette recommandation du rapport Poitras a été suivie, celle que les policiers doivent soumettre à un procureur de la couronne toute demande de mandat de perquisition avant de la soumettre au juge de paix. Ce ne sera pas long. Et, deuxièmement, je vous suggère que... Je vais laisser le ministre... Je veux juste...

M. Ménard: Une après l'autre.

M. Dupuis: O.K. Une après l'autre. Vous voulez que ce soit moi, une après l'autre, ou le sous-ministre, une après l'autre?

M. Ménard: Non, c'est parce que là on me donne beaucoup d'informations sur plusieurs sujets.

M. Dupuis: Je voudrais savoir si cette... Bon. Et, dans le fond, peut-être que je me trompe, mais, moi, là, je pense qu'il faudrait que vous ayez le nombre de mandats de perquisition demandés, le nombre de mandats de perquisition obtenus, les contestions en certiorari devant la Cour supérieure puis le résultat de ça, et là ça vous permettrait de déterminer si un corps de police a des carences ou non.

(Consultation)

M. Ménard: Nous croyons que l'expression «faisant état des mandats de perquisition qui ont été demandés», ça indique tout ça. On ne demande pas le nombre de mandats de perquisition qui ont été demandés, on demande un état de tous les mandats de perquisition.

M. Dupuis: Ça va.

M. Ménard: Probablement d'ailleurs que nous aurons des formules pour faciliter le travail administratif.

M. Dupuis: Mais, on s'entend, c'est ce que vous voulez, vous voulez être capable de voir, là...

M. Ménard: Oui.

M. Dupuis: O.K. Bon, ça va. La deuxième chose: Est-ce que la recommandation du rapport Poitras qui suggérait que soit systématiquement soumise à un procureur de la couronne toute demande de mandat de perquisition avant que le policier n'aille la soumettre à un juge de paix a été suivie?

(Consultation)

n(16 h 40)n

M. Ménard: Ça, il y a eu une décision du Conseil des ministres à cet effet-là. On croyait qu'on n'avait pas besoin de la loi, mais il y a une décision du Conseil des ministres qui fait qu'il y aura un service 24 heures par jour fourni par la couronne et non pas par le ministère de la Sécurité publique. Par la couronne. Et des instructions sont données aux corps policiers que, pour demander un mandat de perquisition à un juge, il faut qu'ils passent par la couronne, sauf des cas d'urgence, quoique, encore là, on nous garantit qu'il va y avoir un service 24 heures par jour.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Est-ce que l'article 265 est adopté?

M. Dupuis: Adopté.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté. Article 266.

Une voix: ...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oh! excusez-moi...

M. Dupuis: M. le député de Dubuc.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Vous vouliez intervenir, M. le député de Dubuc?

M. Côté (Dubuc): Non, j'avais juste une petite remarque, c'est simplement de ne pas oublier, à l'article 264, «un rapport d'activité». Il me semble qu'«activité» prend un s, non?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): On va apprécier votre suggestion. Le cas échéant...

M. Côté (Dubuc): Ce n'est pas un amendement que je fais, là.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): ...on apportera une correction technique.

M. Côté (Dubuc): C'est ça.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): O.K. Article 266. M. le ministre.

M. Ménard: On est dans 265?

Une voix: Article 266, maintenant.

M. Ménard: Article 266, oui, c'est ça. O.K. «Le directeur général de la Sûreté du Québec doit transmettre au Conseil de surveillance des activités de la Sûreté du Québec et, sur demande, au ministre une copie de tout rapport de vérification interne ou document de suivi de ces rapports.»

(Consultation)

M. Ménard: En tout cas, ça, c'était directement tiré de la recommandation 30.2 du rapport Poitras.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Ça va? Est-ce que l'article est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté. Article 267.

M. Ménard: Bon. «Le directeur d'un corps de police ou l'autorité dont relève un constable spécial, selon le cas, doit, sur demande du ministre, lui soumettre, dans les délais qu'il indique:

«1° des rapports portant sur l'administration et les activités du corps de police ou des constables spéciaux, selon le cas;

«2° des rapports circonstanciés portant sur les situations qui, dans le territoire relevant de sa compétence, sont de nature à perturber l'ordre, la paix et la sécurité publique ou sur la situation de la criminalité et, s'il y a lieu, sur les mesures correctives qu'il entend prendre.»

Cette disposition est inspirée de l'actuel article 173 de la Loi sur l'organisation policière et elle rejoint en ce sens la suggestion n° 34 du rapport de la commission Poitras.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Interventions?

M. Dupuis: Ça va.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Ça va? Est-ce que l'article 267 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté. Article 268.

M. Ménard:«Tout employeur d'un policier ou d'un constable spécial doit, sur demande du ministre lui fournir, en la forme qu'il détermine, les renseignements liés au statut de ce policier ou de ce constable spécial.»

Aussi, ça, c'est prévu actuellement à l'article 171 de la Loi sur l'organisation policière.

M. Dupuis: C'est en relation avec quoi? Mettez-vous dans la peau du policier au sujet duquel le ministre peut demander des renseignements liés à son statut. Mais c'est quoi? En relation avec des accusations auxquelles il aurait pu faire face? Je ne comprends pas, là. Pourquoi le ministre, un matin, se réveillerait-il et demanderait à un directeur de corps de police de lui fournir des renseignements liés au statut d'un policier, de Pierre Tremblay du corps de police de Sainte-Dégelée-de-la-Mer? Je ne comprends pas.

M. Ménard: Bien, c'est parce que, quand même, le ministre de la Sécurité publique demeure responsable de l'ensemble des policiers. Il se peut qu'il ait besoin d'informations, de toutes sortes d'ailleurs, sur son grade, sur son titre, sur son domaine de pratique, sur sa séniorité, sur ses conditions d'emploi et de travail, si on doit faire enquête dessus ou si on doit peut-être le choisir pour une fonction particulière. Il y a toutes sortes de raisons.

M. Dupuis: Je ne veux pas retarder les débats, mais ça m'embête. Honnêtement, ça m'embête. Ça m'embête parce qu'il peut y avoir une espèce de... Et là il n'y a pas de préjudice à l'égard de celui qui occupe la fonction de ministre de la Sécurité publique, au moment où on se parle, et il n'y a pas de préjudice non plus pour ceux qui pourraient occuper cette fonction dans l'avenir, mais il peut y avoir une espèce de forme ? ce n'est pas balisé, là ? d'intimidation que... En tout cas, comprenez-vous ce que je veux dire? Vous vous levez un matin comme ministre de la Sécurité publique puis vous pouvez avoir toutes les bonnes raisons de demander à quelqu'un de vous fournir des renseignements liés au statut d'un policier en particulier. Mais, moi, je ne sais pas, il va rentrer dans son auto ce matin-là puis il va être nerveux un peu, le policier: Pourquoi le ministre s'intéresse-t-il à moi, ce matin? Je veux dire, il y a quelque chose là-dedans qui m'agace. Dans mon esprit, là, c'est... mais ça m'agace. Je lis la disposition, et elle m'agace, la disposition. Il me semble qu'il y aurait moyen de la baliser.

Moi, je pense que le ministre peut s'intéresser à un corps de police, il peut converser avec un directeur de police au sujet d'un corps de police et puis, à l'occasion de ces discussions-là, il peut s'informer peut-être. Mais vraiment, il se lève un matin puis il demande des renseignements sur le statut d'un policier? Ça m'agace. Et je pense aux policiers quand je dis ça. Mais ça m'agace. Je ne la comprends pas, la justification. Peut-être que vous allez me convaincre par une justification que je ne vois pas, mais je ne la vois pas, puis la réponse que vous m'avez donnée ne me rassure pas. Pas dans le sens qu'elle m'inquiète, la réponse que vous m'avez donnée, mais dans le sens que mon agacement reste complet après l'avoir entendue, votre réponse. Mais ça m'agace. Tu sais, c'est comme...

M. Ménard: Alors, c'est...

M. Dupuis: Un ministre qui se lève un matin et qui s'intéresse à un citoyen en particulier, je ne sais pas, moi, si je suis ce citoyen-là, je veux dire... Peut-être que c'est parce qu'il veut me nommer président d'un organisme, là. C'est correct, c'est le fun, mais... En l'absence d'indications meilleures, voulez-vous y repenser?

M. Ménard: C'est drôle, quand on regarde d'où il vient, cet article, il vient de la Loi sur l'organisation policière. Le titre IV était intitulé Contrôle effectué par le ministre de la Sécurité publique, chapitre I, Renseignements à fournir au ministre. Et là le premier article qu'on a adapté ? puis, à l'écoute, vous comprendrez pourquoi on l'a adapté ? 171 disait ceci: «Tout employeur d'une personne qui agit en qualité d'agent de la paix et qui appartient à une catégorie d'agent de la paix déterminée par règlement du gouvernement doit fournir au ministre les renseignements liés au statut d'agent de la paix qui sont prévus par le règlement, en la manière qui y est prescrite.» Il semble qu'on ne l'ait pas utilisé depuis, en tout cas, que...

M. Dupuis: Je comprends cet article-là, par exemple. Ça, je comprends cet article-là, parce qu'il y a différentes catégories d'agents de la paix, puis le ministre, il se renseigne, lui, sur les différents statuts des diverses catégories d'agents de la paix. Exemple, le ministre se lève un matin puis il dit: Les contrôleurs routiers, c'est quoi, le statut? Dans leurs règles de nomination, ils ont des pouvoirs d'arrestation, mais lesquels? En vertu de quelle loi? Ça, c'est une autre affaire.

Mais là, quand on le lit à froid, l'article 268, ça donne l'impression que le ministre se lève un matin puis qu'il rentre au ministère puis il dit: Je pourrais-tu avoir un rapport sur le statut de Pierre Tremblay du corps de police un tel? Ça donne cette impression-là, tu sais, il n'y a pas de balise, il n'y a pas de... Dans le fond, là, c'est agaçant. Puis, je vais vous dire, c'est agaçant pour le député de l'opposition officielle de lire l'article, mais ça va-tu être agaçant pour le policier à qui on dit un matin: Je ne sais pas pourquoi, le ministre a téléphoné, il veut avoir un rapport sur ton statut. Pardon? Un petit peu agaçant. À moins que ce soit parce qu'il veut le nommer sous-ministre aux affaires policières...

M. Ménard: Je n'ai agacé personne à date.

M. Dupuis: ...mais là j'imagine qu'il va avoir des contacts avec lui avant.

M. Ménard: Non, mais ça peut être, je croyais, dans les cas où on nous demande, dans des pays étrangers, pour des missions étrangères ? parce que ça nous arrive ? d'envoyer certains experts. Et il se pourrait qu'on veuille examiner un certain nombre de dossiers avant de décider qui et puis de contacter les personnes pour savoir... Puis c'est vrai actuellement en Haïti, nous avons des ententes avec le Costa Rica, nous avons des ententes avec un certain nombre de pays qui veulent... Généralement, d'ailleurs ils sont prêts à les payer. Vous vous souvenez d'ailleurs, je pense, quand on avait voté des articles de même, ça vous inquiétait de savoir si on deviendrait une agence de voyages. Ha, ha, ha!.

M. Dupuis: À l'École de police, oui. Ça, c'était à l'École de police.

M. Ménard: Vous vous souvenez, à l'École de police?

M. Dupuis: C'est vrai.

M. Ménard: Bon. Alors, on peut avoir entendu parler d'un certain nombre de personnes puis vouloir plus d'informations sur ces personnes.

M. Dupuis: Honnêtement, entre vous et moi, je ne veux pas vous interrompre, mais...

M. Ménard: On peut juste les demander.

M. Dupuis: ...pour décider d'envoyer quelqu'un en voyage dans un forum international de policiers, vous n'avez pas besoin d'un article dans la loi pour vous permettre ça, là.

M. Ménard: Non.

n(16 h 50)n

M. Dupuis: On s'entend-tu là-dessus? Moi, à défaut d'une meilleure justification, je soumettrais la justification, je soumettrais la proposition d'amendement suivante: L'article 268 est abrogé.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Là, vous en faites donc...

M. Dupuis: Oui, une proposition d'amendement.

Une voix: ...

M. Dupuis: Je ne peux pas faire ça? Qu'est-ce que je peux faire?

Une voix: ...

M. Dupuis: Alors, moi, je n'ai pas le droit comme député de l'opposition. Ça fait partie de ce qu'un député de l'opposition officielle ne peut pas faire. Alors, je vais vous suggérer d'être bon prince et de proposer l'amendement suivant ? M. le ministre, il n'y a que vous qui pouvez le proposer, vous êtes le proposeur du projet de loi: L'article 268 est abrogé. Et vous aurez la satisfaction que le député de l'opposition officielle, pour une fois, votera avec vous.

M. Ménard: Bon. Alors, évidemment, devant tant de flatteries et le traitement princier qu'on me prête, je peux difficilement résister. Ha, ha, ha! Non, en fait, disons que vous m'avez rationnellement convaincu. Je sais que vous préférez ça. Alors, on retire...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À ce moment-là, est-ce que l'amendement...

M. Ménard: Alors, ça va compliquer la tâche de la renumérotation, mais on est capable de vivre avec ça.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Donc, l'article 268 est supprimé?

M. Dupuis: Je demande le votre nominal.

M. Ménard: Mais là...

M. Dupuis: Non, mais j'ai promis au ministre qu'il serait satisfait, je vais respecter ma parole jusqu'au bout.

M. Ménard: Bon, ça va. C'est son droit.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, votre nominal, M. le secrétaire.

Le Secrétaire: Alors, sur l'amendement de M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Ménard (Laval-des-Rapides)?

M. Ménard: Pour.

Le Secrétaire: M. Boulianne (Frontenac)?

M. Boulianne: Pour.

Le Secrétaire: M. Morin (Nicolet-Yamaska)?

M. Morin: Pour.

Le Secrétaire: M. Côté (Dubuc)?

M. Côté (Dubuc): Pour.

Le Secrétaire: M. Paquin (Saint-Jean)?

M. Paquin: Pour.

Le Secrétaire: Mme Signori (Blainville)?

Mme Signori: Pour.

Le Secrétaire: M. Dupuis (Saint-Laurent)?

M. Dupuis: Pour.

Le Secrétaire: M. Bertrand (Portneuf)?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Pour.

Le Secrétaire: Alors, l'unanimité, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Une victoire totale. Alors, l'amendement est adopté. Donc, l'article 268, par voie de conséquence, est abrogé.

Inspection et administration provisoire

Nous passons donc au chapitre II, Inspection et administration provisoire, section I, Inspection, article 269. M. le ministre.

M. Ménard:«Le ministre assure un service général d'inspection des corps de police. Ce service assure également le contrôle des constables spéciaux.»

M. Dupuis: Est-ce que je peux poser une question qui va faire référence au rapport de la commission Poitras? Allez-vous le faire?

M. Ménard: Quand j'ai été nommé pour la première fois ministre de la Sécurité publique, cette disposition...

M. Dupuis: Après avoir dit que vous souhaitiez que les policiers soient plus instruits et plus polis?

M. Ménard: Non. Avant.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: Cette disposition existait, et il n'y avait pas de service. J'en ai mis un sur pied. Maintenant, il va falloir lui donner un peu plus d'ampleur. Mais, quand même, on est parti de rien, donc la grosseur a été infinie par rapport à ce que c'était, n'est-ce pas? Ha, ha, ha! Mais il faut comprendre aussi ce que c'est qu'un service d'inspection, hein. On ne cherche pas les infractions dans un service d'inspection, on cherche à aider. On cherche à aider. Et c'est l'inspection administrative ici, hein. Mais c'est sûr que, par exemple, une des choses qu'on va inspecter, c'est les affaires internes, c'est les procédures d'incarcération, les notes qui sont prises, la façon de garder les documents, d'assurer la conservation de la preuve...

M. Dupuis: Si le système HOLMES est instauré ou non, des choses comme ça, dans le service...

M. Ménard: Oui. Là, ça dépend...

M. Dupuis: C'est ça que le rapport de la commission Poitras, dans le fond, souhaitait que le service d'inspection détecte, c'est ce genre de...

M. Ménard: Oui. Maintenant, le service d'inspection qu'on avait mis sur pied, il était nécessairement plus petit que les deux plus grands corps de police du Québec. Et, dans leur cas, on songe à des inspections permanentes, c'est-à-dire qu'il y aura toujours une... On va faire les inspections par service à l'intérieur de ces grands corps de police, parce qu'ils sont tellement grands. Maintenant, on a essayé de faire économique là où il n'y avait rien et qu'on le faisait, nous, pendant qu'on visait le déficit zéro. Alors, on a une structure d'encadrement, mais on se servait de différents inspecteurs qui nous étaient prêtés par les corps de police, et croyant que là on établirait un régime d'amélioration de l'ensemble des corps policiers. Parce qu'un inspecteur qui est un officier d'un corps de police qui va en inspecter un autre, il va peut-être trouver des défauts sur l'autre puis des choses à améliorer, mais il va peut-être trouver aussi dans l'autre des choses qui marchent beaucoup mieux que chez lui. Alors, quand il va revenir chez lui ? et puis c'est ce qu'on a constaté ? il va faire des améliorations dans son propre corps de service de police. Je dois dire que ça va assez bien pour les corps de police qui sont petits et moyens, mais disons que c'est vrai qu'il va falloir l'augmenter pour couvrir les grands corps de police.

M. Dupuis: Donc, votre intention ferme, c'est celle que non seulement le service général d'inspection demeure, mais que le service général d'inspection fonctionne et qu'effectivement des inspections se fassent et que ce soit fait selon les règles de l'art et dans l'esprit de ce que souhaitait la commission Poitras. C'est exact?

M. Ménard: Oui, mais c'est plus large que ça, c'est-à-dire que nous reproduisons là essentiellement ce qui existait depuis un certain temps.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Est-ce que l'article 269 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Article 270.

M. Ménard:«Le ministre fait procéder à l'inspection des corps de police tous les cinq ans.

«Il peut également, à tout moment, de sa propre initiative ou à la demande d'une municipalité, d'un groupe de citoyens ou d'une association représentative des policiers, faire procéder à une telle inspection.»

Ça, c'est appliqué couramment.

M. Dupuis: Ça ne vous cause pas de problème quant à la possibilité d'abus dans les demandes, dans les requêtes...

M. Ménard: Bien, il peut y avoir des motifs...

M. Dupuis: ... ? excusez-moi ? ou pour des motifs obliques?

M. Ménard: Oui, bien, ça, il peut y en avoir, d'ailleurs il y en a eu. On essaie de les distinguer et puis on juge des requêtes. Mais je peux dire que généralement les requêtes qui nous ont été faites étaient nettement dans l'intérêt public. Et beaucoup des rapports qui ont été émis là-dessus ont été généralement suivis d'améliorations, c'est-à-dire qu'on a respecté les recommandations. Mais on va voir dans les articles qui suivent qu'on resserre la loi pour s'assurer que les recommandations qui sont faites par les services d'inspection seront effectivement respectées.

(Consultation)

M. Ménard: ...et peut-être quelques statistiques qui vous intéressent. Vous savez, de janvier 1996 à 1999, il y a eu 54 inspections dans autant de corps policiers municipaux. En 1998-1999 particulièrement, on a fait l'inspection de 20 corps de police municipaux: Brossard, canton de Granby, East Angus, Farnham, Greenfield Park ? on y a été raide dans Greenfield Park, c'est le président de la DPQ, lui-même a été inspecté, mais en tout cas ? Lachute, L'Assomption, L'Île-Perrot, Longueuil, Mirabel, Mont-Saint-Hilaire, Régie des Seigneuries, Repentigny, Rivière-du-Loup ? grosse inspection, celle-là, je me souviens ? Saint-Félicien, Sorel, Uashat-Maliotenam, qui sont les deux réserves dans la région de Sept-Îles, Val-Bélair, Val-d'Or et Vaudreuil-Dorion. Et puis, pour ça... En tout cas, c'est dans notre rapport annuel, ça.

M. Dupuis: Est-ce que je peux me permettre de suggérer de suspendre l'article 270? On en reparlerait dans le chapitre du Conseil de surveillance. Et, je ne vous fais pas de cachette là, peut-être... Mais ce n'est pas le temps d'en discuter tout de suite parce que je pense qu'on devrait avoir une discussion sur le Conseil de surveillance. On pourrait peut-être ajouter, à l'article 270, «à la demande du Conseil de surveillance». Mais je ne veux pas qu'on discute de la pertinence de la demande tout de suite nécessairement. Mais suspendons donc l'article 270, et il revivra dans nos discussions au moment où on discutera de l'article du Conseil de surveillance.

M. Ménard: Je n'ai pas d'objection. Mais je vous signale que le Conseil de surveillance, il n'est fait que pour un seul corps de police.

n(17 heures)n

M. Dupuis: Oui, oui, mais j'aimerais ça peut-être qu'on... En tout cas, on verra, là. Suspendez-le, et puis on verra si... Je ne veux pas le laisser passer, l'article 270, tel quel sans que j'aie envisagé la possibilité de vous soumettre une demande pour que le Conseil de surveillance puisse... pour qu'on discute plus du service d'inspection de la Sûreté du Québec, si vous voulez.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): O.K. Alors, l'article 270 est suspendu. L'article 271.

M. Ménard:«Le ministre peut, par écrit, autoriser une personne autre qu'un membre de son personnel à faire une inspection et à lui faire rapport.»

M. Dupuis: Ça va.

M. Ménard: Je pense que c'est important, ça.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté?

M. Dupuis: Oui.

M. Ménard: Oui.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui, M. le député de Dubuc.

M. Côté (Dubuc): Lorsque vous faites une demande écrite pour une inspection et que vous demandez de faire rapport, est-ce que les délais sont toujours inscrits pour le rapport? J'imagine que oui.

M. Ménard: Non. Généralement, surtout quand on nomme quelqu'un en particulier, comme ça, on nomme quelqu'un en qui on a particulièrement confiance, mais on ne sait pas ce qu'il va trouver ni le temps que ça va lui prendre. Mais on ne prend pas généralement les officiers les plus paresseux pour se livrer...

M. Côté (Dubuc): J'imagine que le rapport doit être fait dans un délai normal.

M. Ménard: Oui.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): L'article 271 est adopté. L'article 272.

M. Ménard:«Tout inspecteur peut, dans l'exercice de ses fonctions:

«1° pénétrer à toute heure raisonnable dans tout poste ou local occupé par des policiers, par des constables spéciaux ou par toute autre personne visée par l'inspection et dans tout véhicule qu'ils utilisent;

«2° examiner et tirer copie des livres, registres, comptes, dossiers et autres documents comportant des renseignements relatifs aux corps de police ou aux constables spéciaux visés par l'inspection;

«3° exiger des renseignements et les explications nécessaires à l'accomplissement de ses fonctions.

«Toute personne qui a la garde, la possession ou le contrôle de ces livres, registres, comptes, dossiers et autres documents doit, sur demande, en donner communication à l'inspecteur et lui en faciliter l'examen.»

M. Dupuis: Ça, j'ai des problèmes.

M. Ménard: Vous avez des problèmes?

M. Dupuis: Oui, j'ai des problèmes avec ça.

M. Ménard: Exposez-nous ça.

M. Dupuis: Pardon?

M. Ménard: Exposez-nous-les.

M. Dupuis: O.K. Regardez, vous dites: «Tout inspecteur peut, dans l'exercice de ses fonctions, pénétrer [...] dans tout poste ou local occupé» par toute personne visée par l'inspection. Moi, je comprends que l'inspection, là, c'est institué pour aller vérifier l'administration ? en tout cas, peu importe, là ? pour aller vérifier... L'inspection, elle se fait à l'égard d'un corps de police. L'inspection, elle ne se fait pas à l'égard d'un individu, je pense. Et là il y a un danger que l'inspection révèle qu'une personne commet des actes répréhensibles, par exemple, et que cette saisie de documents ou que cette pénétration dans le lieu qu'elle occupe ou le fait qu'on ait trouvé des éléments incriminants de cette façon-là, ce soit jugé comme étant illégal. Il y a un problème, là. Vous comprenez, je pense, le sens de mon interrogation.

M. Ménard: Oui. En fait, ce que je suis en train de regarder, c'est l'article 176 de la Loi sur l'organisation policière dont cet article s'inspire.

M. Dupuis: Alors, on peut le lire ensemble. «La personne qui procède à l'inspection peut, dans l'exercice de ses fonctions:

«1° pénétrer à toute heure raisonnable dans tout poste ou local de police de même que dans tout véhicule de police ? pas de problème avec ça;

«2° examiner et tirer copie des livres, registres, comptes, dossiers et autres documents comportant des renseignements relatifs à l'administration des corps de police visés par l'inspection ou relatifs aux activités de ces corps de police ou des personnes visées par l'inspection ? mais les personnes étant prises au sens collectif du terme, à mon avis;

«3° exiger les renseignements et les explications nécessaires à l'accomplissement de ses fonctions ? mais toujours à l'égard du corps de police pris collectivement.

«Toute personne qui a la garde, la possession ou le contrôle de ces livres, registres [...] doit, sur demande, en donner communication à la personne qui procède à l'inspection...» mais toute personne qui a la garde en tant que mandataire du collectif.

Il n'y a jamais, dans l'article 176, le risque qu'une personne fasse l'objet d'une inspection ? à moins que ce soit une personne morale. Il n'y a jamais le risque qu'une personne fasse l'objet d'une inspection. L'article 176, il est clair, c'est un collectif, c'est-à-dire que c'est le corps de police et c'est toute personne qui agit comme mandataire du corps de police qui doit remettre les documents. Comprenez-vous ce que je veux dire? Il y a vraiment une différence entre les deux. Alors que l'article 272 est rédigé de telle sorte qu'on pourrait interpréter qu'une personne peut faire l'objet d'une inspection. Et ça peut arriver qu'une personne qui fait l'objet d'une inspection ait commis des actes répréhensibles et que ce qu'on a saisi dans l'inspection, on l'ait saisi de façon illégale.

M. Ménard: Oui, d'autant plus que, enfin, nous avons dit, c'est évident... Et sûrement qu'un tribunal appelé à juger de la constitutionnalité de cet article prendrait pour acquis correctement que l'inspection est une inspection de nature administrative et qu'elle ne vise pas à démontrer la commission d'un acte criminel. Donc, je pense qu'il faut quand même être respectueux du domicile des personnes. C'est un bon point que vous soulevez.

M. Dupuis: Pour qu'on avance, je vais vous suggérer de le suspendre. Puis peut-être que vos collaborateurs pourraient revenir à une prochaine séance ? il va y en avoir une prochaine ? pour préciser.

(Consultation)

M. Ménard: Je pense que les expressions utilisées sont plus larges que le sens qu'on voulait leur donner. Mais il faut quand même être conscient qu'il y a des corps de police qui sont très petits ou des documents sont parfois gardés au domicile de certaines personnes qui travaillent à temps partiel, comme les secrétaires-trésoriers de petites municipalités, des choses comme celles-là. Mais il est évident qu'on ne veut pas ? vous avez raison de le soulever ? enfreindre les droits de ces gens-là et pénétrer dans les domiciles. D'autant plus que le dernier paragraphe, quand même, nous semble probablement suffisant pour atteindre le but que vise une inspection. C'est que «toute personne qui a la garde, la possession ou le contrôle de ces livres, registres, comptes, dossiers et autres documents doit, sur demande, en donner communication à l'inspecteur et lui en faciliter l'examen».

M. Dupuis: Oui, et là le sens est clair. C'est toute personne qui a la garde en tant que mandataire du corps de police. Tu sais, c'est clair, là.

M. Ménard: Oui.

M. Dupuis: En tout cas, regardez, moi, je vous suggère de suspendre et je vous suggère de vous poser la question, à savoir: Est-ce qu'on avait vraiment besoin de modifier l'article 176? Est-ce qu'on avait vraiment besoin de le réécrire? Peut-être qu'on pourrait tout simplement reproduire l'article 176, qui ne cause pas de problème et qui est clair dans son interprétation. Chaque fois qu'on mentionne la personne, c'est au sens de mandataire du collectif. Et, dans le fond, on n'avait peut-être pas besoin de modifier l'article 176. On pourrait le reproduire tel quel et en faire l'article 272, et, moi, ça me conviendrait.

M. Ménard: Bon, on va le regarder.

M. Dupuis: O.K.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, l'article 272 est suspendu. Article 273.

M. Ménard:«Il est interdit d'entraver l'action d'un inspecteur, de le tromper par réticence ou fausse déclaration, de refuser de lui fournir un renseignement ou tout document qu'il a droit d'exiger ou d'examiner en vertu de la présente loi, de cacher ou de détruire un document ou un bien pertinent pour l'inspection.»

M. Dupuis: Ça va.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Ça va?

M. Ménard: Ça, ça ne pose pas de problème, je pense.

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté. Article 274.

M. Ménard:«Tout inspecteur doit, sur demande, s'identifier et exhiber le certificat signé par le ministre attestant sa qualité.

«Il ne peut être poursuivi en justice en raison d'actes accomplis de bonne foi dans l'exercice de ses fonctions.»

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Il y a un amendement, je crois.

M. Dupuis: Oui.

M. Ménard: Oui, effectivement, on a un amendement. Alors, remplacer le premier alinéa par le suivant:

«Sur demande, tout inspecteur doit justifier de son identité et exhiber le certificat, signé par le ministre, attestant sa qualité.»

M. Dupuis: C'est drôle, hein, parce que, ça, je sens que vous avez eu une crise d'urticaire, un soir, puis que vous avez trouvé que la rédaction n'était pas conforme à votre pensée puis vous avez exigé qu'on le rédige comme vous le vouliez.

M. Ménard: Dans ce cas-ci, j'ai l'impression qu'il y a quelqu'un qui a interprété, comme j'avais déjà eu une crise d'urticaire sur certaines autres expressions, que peut-être j'en aurais une sur celle-là. Mais celle-là, je ne me souviens pas de l'avoir eue. Mais c'est purement rédactionnel.

M. Dupuis: Mais on ne peut pas vous demander de vous souvenir de toutes vos crises d'urticaire.

M. Ménard: Non.

M. Dupuis: Si je comprends bien, ce serait trop long.

M. Ménard: Oui, je n'en ai pas tant que ça. Mais c'est quelqu'un qui en appréhendait une peut-être.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Est-ce que l'amendement est adopté?

M. Dupuis: Oui, adopté.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté. Est-ce que l'article 274, tel qu'amendé, est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Article 275.

M. Ménard:«À la suite d'une inspection, le ministre transmet ses recommandations à la municipalité et au directeur du corps de police ou à l'autorité dont relève le constable spécial, selon le cas, et lui demande de donner suite, dans le délai qu'il fixe, à ses recommandations.

n(17 h 10)n

«Le directeur du corps de police ou l'autorité dont relève le constable spécial doit, dans le même délai, faire rapport au ministre des mesures qui ont été prises.»

Alors, de mémoire, ça, c'est du droit nouveau.

M. Dupuis: C'est de droit nouveau?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Vous avez aussi un amendement, M. le ministre.

M. Ménard: Alors, remplacer l'article par le suivant:

«275. À la suite d'une inspection, le ministre transmet ses recommandations soit au directeur du corps de police et, s'il s'agit d'un corps de police municipal, à la municipalité, soit à l'autorité dont relève le constable et leur demande de donner suite, dans le délai qu'il fixe, à ses recommandations.

«Le directeur du corps de police, la municipalité et l'autorité dont relève le constable spécial doivent, à l'expiration de ce délai, faire rapport au ministre des mesures qui ont été prises.»

Bien, c'est bien ce qu'on me dit, que c'est de droit nouveau. Et il me semblait bien aussi. Ha, ha, ha! Parce que, avant, c'est ça, on n'avait pas de mesures, franchement, pour assurer les suivis. Ça ne nous a pas causé de problème parce que, généralement, les corps de police se soumettaient volontiers, les municipalités aussi. Je me souviens que Rivière-du-Loup, la municipalité, nous a offert une grande collaboration. Ils étaient très heureux que nous ayons été faire une inspection et ils ont trouvé que l'inspecteur avait été absolument remarquable. Mais ce n'est quand même pas mauvais, pour les fois où on aurait un corps de police résistant à s'améliorer, qu'on puisse le lui imposer.

M. Dupuis: Ça va.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Ça va? M. le ministre.

M. Ménard: Ah! c'est Matane, ce n'est pas Rivière-du-Loup. Je m'excuse.

M. Dupuis: Si je comprends bien, le corps de police de Rivière-du-Loup vient de téléphoner?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): O.K. Alors, c'est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté. L'amendement est adopté. Est-ce que l'article 275, tel qu'amendé, est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté. Article 276, dans la section Administration provisoire. M. le ministre.

M. Ménard:«Si, à la suite d'une inspection faite en vertu du présent chapitre ou de la production d'un rapport visé à l'article 267 ou 285, le ministre estime qu'il existe, au sein du corps de police, une situation qui met en péril son bon fonctionnement, il peut nommer, pour la période qu'il détermine, un administrateur chargé de redresser la situation.

«Si le ministre est d'avis que l'intérêt public, la sécurité publique ou la saine administration de la justice l'exige, il peut également ordonner que le directeur du corps de police [...] soit suspendu pour la période qu'il détermine.»

Une voix: Il y a un amendement.

M. Ménard: Oui, il y a aussi un amendement: Remplacer, à la fin du deuxième alinéa, le mot «détermine» par ce qui suit: «fixe; l'employeur détermine les conditions de suspension du directeur».

M. Dupuis: ...la municipalité.

M. Ménard: Et puis avant de prendre l'urticaire parce que... Il y a les articles qui vont suivre qui vont établir la situation du directeur pendant... qu'il est bon de lire avant. Parce que, quand on le lit la première fois, on trouve ça raide.

M. Dupuis: On trouve ça raide dans le sens de ce qu'on a toujours exprimé quand on arrive à ce genre de disposition là sur le respect des principes de justice naturelle, etc.

M. Ménard: C'est ça.

M. Dupuis: Je suis d'accord avec vous, c'est raide. Alors, moi, je vais vous donner...

M. Ménard: Mais, des fois, c'est nécessaire.

M. Dupuis: Pour une fois, je vais vous donner la chance d'aller jusqu'au bout du chapitre avant de soulever les problèmes que j'y vois; peut-être que les problèmes seront résolus.

Une voix: ...

M. Dupuis: Sur la façon dont on procède? Sur la suspension?

M. Ménard: Déjà, vous voyez qu'on ne va pas l'envoyer dans la rue tout de suite, là, avec ce qu'on a ajouté, parce qu'on détermine que l'employeur va déterminer les conditions de suspension du directeur. Mais il y a des conditions, il y a des circonstances dans lesquelles il faut agir de cette façon-là. Puis un directeur de police qui, à un moment donné, est déficient, c'est comme un capitaine sur un navire qui est déficient, il faut que quelqu'un prenne le commandement. Alors, c'est des pouvoirs qu'on n'aime pas exercer mais que parfois il faut exercer. Puis là il faut être juste quand même à l'égard de la personne qu'on déplace. Puis je pense qu'on va voir par les articles qui suivent qu'on cherche à l'être. Si vous voyez qu'on ne l'est pas, vous pourrez nous...

M. Dupuis: Oui.

M. Ménard: Je pense que vous reconnaissez la nécessité, que cette mesure-là peut être nécessaire et qu'elle est quand même balisée au départ à partir d'un rapport qui est soumis au ministre.

M. Dupuis: Oui, je vais vous dire, l'interrogation que j'ai, c'est la suivante. Quand le corps de police en question, c'est la Sûreté du Québec, l'employeur, c'est le ministre.

M. Ménard: Oui, bien là, comme c'est la Sûreté du Québec, les circonstances vont être différentes, la procédure est différente.

M. Dupuis: Bon. C'est ça. Alors, ne parlons pas de la Sûreté du Québec, mais parlons des autres corps de police, O.K.? Pour s'assurer du bon fonctionnement du processus, peut-être une façon simple de le faire, c'est que, si le ministre est d'avis que «l'intérêt public, la sécurité publique ou la saine administration de la justice l'exige», il peut transmettre le dossier à l'autorité dont relève le directeur de police ou le constable spécial pour que le processus de sanction s'enclenche. Là, ce n'est pas un amendement que je fais, c'est simplement une idée que j'émets.

Pourquoi il faudrait que ce soit le ministre qui vienne au bâton dans ces circonstances-là et ne pas demander à l'employeur du directeur de police de prendre ses responsabilités? Comprenez-vous? Pourquoi on ne pourrait pas passer par l'employeur, qui, lui, prendrait ses responsabilités? Et je vais ajouter un argument pour peut-être procéder de cette façon-là. C'est parce que l'employeur, lui, il va avoir le processus. Le processus est établi sur la façon dont il peut sanctionner le directeur de police, soit le suspendre sans ou avec solde, etc. C'est lui qui a les moyens de sanctionner le directeur de police. Ce n'est pas le ministre. Le ministre, il ne les a pas les moyens de sanctionner. C'est-à-dire, il peut se les donner dans la loi, on s'entend là-dessus, mais, sur réserve de ça, c'est l'employeur du directeur de police qui les a, les moyens. Et, dans le fond, peut-être qu'on assurerait une équité dans le système si le ministre transmettait à l'employeur le dossier pour que s'enclenche le processus de sanction. Voulez-vous y penser?

M. Ménard: Non, le but de l'article 276, ce n'est pas un but de punir. Le but de l'article 276, c'est, dans des situations d'urgence, que le ministre puisse agir rapidement pour fournir une direction adéquate à un corps de police qui manque de direction adéquate. Après ça, on verra si on doit le punir ou si on ne doit pas le punir, l'individu, puis qu'est-ce qu'on peut faire.

Et puis, deuxièmement, il y a des circonstances dans lesquelles cela arrive, où il y a des conflits très forts entre l'autorité politique locale et le directeur de police. Dans les circonstances où on pense que l'autorité locale peut résoudre le problème qu'elle a, on va laisser l'autorité locale résoudre le problème qu'elle a. Mais, si ça soulève une question d'urgence, d'intérêt public, je pense que le gouvernement du Québec, qui est responsable de l'ordre à travers tout le territoire du Québec, doit avoir les moyens de pouvoir agir directement et rapidement. Et là on va voir, par contre, quelles mesures on va prendre, si on le faisait de façon injuste, pour que la personne évidemment ait un recours.

M. Dupuis: Mais, au fond, c'est une mise en tutelle d'un corps de police.

M. Ménard: Voilà.

M. Dupuis: O.K. Et donc, vous nommez un tuteur, qui est l'administrateur chargé de redresser la situation. O.K.? La deuxième question, c'est celle de: Qu'est-ce qu'on fait avec le directeur du corps de police qui est mis en tutelle? C'est parce que la mesure, c'est la suspension. C'est ça qui, encore une fois, m'agace. La mesure, c'est la suspension. Est-ce que, automatiquement, lorsqu'on met un corps de police en tutelle, on doit obligatoirement suspendre le directeur?

M. Ménard: Ah non! D'ailleurs...

M. Dupuis: Comprenez-vous?

M. Ménard: Il va y avoir d'autres mesures.

(Consultation)

M. Dupuis: Vous n'avez pas une grosse marge de manoeuvre, là, c'est: suspension.

n(17 h 20)n

M. Ménard: Non, non, on a justement voulu mettre les deux possibilités. Regardez, dans le premier paragraphe, on dit qu'on «peut nommer, pour la période qu'il détermine, un administrateur chargé de redresser la situation». On peut juste faire ça.

M. Dupuis: Oui. Donc, là, il est en tutelle.

M. Ménard: Mais on peut juste faire ça. Mais, «si le ministre est d'avis que l'intérêt public, la sécurité publique ou la saine administration de la justice l'exige, il peut également ordonner». Donc, il n'est pas obligé de le faire. Il peut...

M. Dupuis: Oui, on peut imaginer...

M. Ménard: ...prendre la première mesure ou, s'il estime ? puis c'est quand même relativement grave, là ? que l'intérêt public, la sécurité publique ou la saine administration de la justice l'exige, bien là il peut, en plus, ordonner la suspension.

M. Dupuis: Oui, c'est ça.

M. Ménard: Mais c'est des cas exceptionnels, ça.

M. Dupuis: Bien, c'est-à-dire qu'on peut imaginer une situation où le service de police est mis en tutelle parce qu'il y a une administration qui est tellement laxiste qu'on n'a pas le choix de le faire, et on est convaincu que le directeur de police va faire des problèmes à l'administrateur parce qu'il va l'empêcher d'être capable de redresser la situation. Là, ça, l'intérêt public exige quelque chose. Bon, peut-être que, dans cette circonstance-là, c'est la...

M. Ménard: Vous pouvez imaginer d'autres situations aussi qui sont moins...

M. Dupuis: Moins dramatiques.

M. Ménard: Pas seulement moins dramatiques, mais où le... Bien, le directeur peut être malade et ne pas le reconnaître. Bon. Ça peut être ça aussi.

M. Dupuis: Oui, mais, si c'est le cas, allez-vous le suspendre? Évidemment, il y a une suspension avec ou sans solde, je suis conscient de ça, là.

M. Ménard: Bien, c'est ça.

M. Dupuis: Une suspension avec solde, c'est quand même une punition qui est moins contraignante que la suspension sans solde. Mais, s'il est malade, allez-vous le suspendre ou le relever provisoirement de ses fonctions? Puis ce n'est pas la même chose. Le relevé provisoire puis la suspension, ce n'est pas la même chose.

M. Ménard: Bien, oui. Mais là ce sera aux autorités locales à y voir.

M. Dupuis: Les autorités locales?

M. Ménard: Puis d'autant plus que vous verrez qu'il y a des recours ensuite. Mais, pour le moment, là, la seule chose dont traite cet article, c'est dans des situations exceptionnelles où l'intérêt public est en jeu, où la sécurité du public est en jeu, etc., qui peuvent justifier: un, de nommer un administrateur ou, un, de nommer un administrateur et de suspendre. Est-ce que vous pensez que le ministre va avoir ce pouvoir-là? Il me semble que la réponse, c'est naturellement: Oui, si les circonstances le justifient, on doit pouvoir agir, et rapidement, parce qu'il s'agit de la police, il ne s'agit pas ? je ne le sais pas, là ? d'un greffe ou... Tu sais, la sécurité publique est en jeu.

M. Dupuis: Non, non, moi, je n'ai pas de problème...

M. Ménard: Après ça, on va voir qu'est-ce qu'on fait du monsieur en question, ou de la madame, parce que ça peut être une dame aussi.

M. Dupuis: Bien, c'est ça. Non, moi, je n'ai pas de problème avec le fait que, quand on découvre des lacunes dans l'administration d'un corps de police, l'intérêt public commande que le ministre puisse le mettre en tutelle. O.K.? Prenons cette expression-là, c'est ça, là: que le ministre le mette en tutelle. Là où je m'interroge, c'est: Est-ce que c'est au ministre ? parce que, là, c'est ça que l'article fait ? d'ordonner la suspension ou est-ce que le ministre ne devrait pas nommer l'administrateur, mettre en tutelle le corps de police et ensuite référer, en ce qui concerne le traitement qui doit être fait du directeur de police, à l'autorité dont relève le directeur de police? L'autorité décidera.

M. Ménard: C'est probablement la première mesure que le ministre va envisager, et il ne va utiliser son deuxième pouvoir prévu au deuxième paragraphe que si la situation est plus grave encore et qu'elle commande que l'on suspende. Et là ce qu'on a voulu rajouter, c'est que, s'il prend cette mesure-là, par contre, son employeur voit à assurer sa rémunération.

M. Dupuis: Est-ce que vous avez eu des représentations de l'Association des directeurs de police relativement à cet article-là?

M. Ménard: Je peux regarder ça.

(Consultation)

M. Ménard: Je pense qu'on n'en a pas. Maintenant, il était dans le texte original, l'article 276.

M. Dupuis: Oui, oui. Non, mais est-ce qu'il y a eu...

M. Ménard: Alors, les gens de la DPQ l'ont lu et ils ne nous ont fait aucun commentaire.

M. Dupuis: Il faut présumer...

M. Ménard: Nous, ce qu'on rajoute, au fond, c'est un petit peu plus. On dit: De là, il faut quand même que quelqu'un se préoccupe de sa rémunération.

M. Dupuis: O.K.

M. Ménard: Évidemment, si c'est parce qu'on l'a poigné à jouer dans les fonds publics ou une affaire comme ça, ça sera à l'autorité locale à décider ce qu'ils font avec. Mais, comme je vous dis, ça peut... D'ailleurs, les cas les plus tristes dans lesquels des mesures aussi radicales ont dû être prises sont généralement des cas plus tristes que...

M. Dupuis: Que criminels.

M. Ménard: ...que criminels.

M. Dupuis: O.K.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Est-ce que l'article 276 est adopté?

M. Boulianne: J'aurais une question...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): L'amendement... Oui, je m'excuse, M. le député de Frontenac, vous avez raison.

M. Boulianne: Oui. C'est un peu les mêmes préoccupations que le député de Saint-Laurent. Vous pouvez prendre la première hypothèse de nommer un administrateur. J'aurais deux questions. Bien, la première: D'où vient cet administrateur-là? Est-ce qu'il est nécessairement dans le corps de police ou il vient de l'extérieur? De quelle façon il est nommé? Puis, deuxième chose, si j'ai bien compris, vous pouvez nommer un administrateur sans suspendre le chef de police. Est-ce qu'il n'y aurait pas, à un moment donné, un problème ou un conflit entre les deux qui pourrait se produire?

M. Ménard: Exactement. Mais vous avez très bien compris, ça dépend du problème qu'on a. Alors, ça se peut que la nature du problème qu'on a va nous faire envoyer un comptable ou un expert en je ne sais pas quoi, là, d'autres choses, qui va avoir une fonction précise qui est directement reliée au problème qui s'est présenté alors que le directeur peut continuer à administrer le service. Et, à ce moment-là, on choisit la personne en fonction de sa compétence.

M. Boulianne: C'est beau, merci.

M. Ménard: Ce n'est pas nécessairement un policier, ça peut être un civil.

M. Boulianne: Bien, M. le Président, ça répond...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Ça va? Donc, est-ce que l'amendement à 276 est adopté?

Une voix: Adopté.

M. Dupuis: Sur division, à cause du doute que j'entretiens toujours. Mais je sais que ça ne fera pas faire de crise d'urticaire au ministre là-dessus, ce sujet-là. Sur division.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Donc, adopté sur division.

M. Ménard: Ah, que vous ne soyez pas d'accord avec moi sur certains sujets, c'est quelque chose que j'accepte au départ.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Est-ce que l'article 276, tel qu'amendé, est adopté?

Une voix: Adopté.

M. Dupuis: Sur division.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Sur division évidemment. L'article 277.

M. Ménard:«L'administrateur doit présenter au ministre, dans les meilleurs délais, un rapport circonstancié de ses constatations, accompagné de ses recommandations.

«L'administrateur doit, dès que son mandat est expiré, faire au ministre un rapport complet de son administration.»

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté. Article 278.

M. Ménard:«Les frais, honoraires et débours de l'administration provisoire sont à la charge de l'employeur du directeur du corps de police, à moins que le ministre n'en décide autrement.»

M. Dupuis: Une chance que vous indiquez «à moins que le ministre n'en décide autrement» parce que, au fond, ce que vous allez vous faire plaider à chaque fois que vous allez, ou à peu près, mettre un corps de police en tutelle ou nommer un administrateur provisoire à un corps de police, vous allez vous faire plaider par l'employeur: Écoute, ce n'est pas de notre faute, on ne le savait pas, ou même, c'est nous-mêmes qui vous avons appelé, M. le ministre, pour vous demander une inspection de notre corps de police, s'il vous plaît, ne nous faites pas payer pour notre angélisme. Et là je suis content de voir que vous avez ajouté «à moins que le ministre n'en décide autrement» parce que, dans ces circonstances-là, j'imagine que vous accepteriez d'assumer peut-être les frais ou, enfin, de... Comprenez-vous?

M. Ménard: Je vous rappelle que, depuis le début, je pense qu'on s'entend sur le fait que cette loi devrait même survivre à plusieurs gouvernements. Et, si vous étiez à la place du ministre de la Sécurité publique, quand vous nommez quelqu'un là, vous estimeriez qui est responsable du problème qui vous amène à prendre cette décision-là et, à ce moment-là, qui doit payer pour les frais d'apporter une solution au problème.

M. Dupuis: Mais je ne peux pas répondre à...

M. Ménard: Et sinon, bien, vous... Le ministre de la Sécurité publique n'a pas autorité directe sur tous les corps policiers, mais je pense qu'on juge généralement qu'il doit être le ministre de tous les corps policiers et qu'il doit être responsable, d'ailleurs l'opinion publique le prend comme responsable de la bonne marche de l'ensemble des corps policiers. Alors, il doit avoir les pouvoirs d'exécuter ce qui doit être fait.

M. Dupuis: Alors, puisque, dans votre remarque, vous me mettez dans une position qui ne dépend pas de moi mais qui dépendrait de mon chef, je ne peux même pas commenter sur votre commentaire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: Votre silence est plus éloquent parfois que...

n(17 h 30)n

M. Dupuis: C'est pour ça que je ne suis pas resté silencieux à votre remarque, parce que je ne voulais pas que mon silence soit éloquent.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Donc, c'est une question doublement théorique.

M. Dupuis: Absolument.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): C'est ça. Est-ce que l'article 278 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté. Article 279.

M. Ménard:«Le ministre peut, après avoir pris connaissance du rapport de l'administrateur:

«1° soit lever, aux conditions qu'il détermine, la suspension du directeur du corps de police;

«2° soit ordonner à la municipalité qui l'emploie, le cas échéant, de le soumettre à la procédure de destitution prévue à l'article 87.»

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Vous avez un amendement?

M. Ménard: Oui. 1° remplacer, dans le membre de phrase précédant le paragraphe 1°, les mots «du rapport» par les mots «de l'un ou l'autre des rapports»;

2° ajouter, à la fin du paragraphe 2°, ce qui suit ? en bas du paragraphe 2°, c'était le paragraphe 1° tout à l'heure: «ou, s'il s'agit du directeur du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal, recommander sa destitution au gouvernement, conformément à l'article 192 de la Loi sur la Communauté urbaine de Montréal.»;

3° ajouter l'alinéa suivant:

«Dans ces cas, le ministre peut mettre fin au mandat de l'administrateur.»

La première modification évidemment apporte une précision qui enraye l'ambiguïté quant à celui des rapports visés à l'article 277. La deuxième est de concordance avec l'actuel article 192 de la Loi sur la Communauté urbaine de Montréal, qui prévoit que le directeur du Service de police de la Communauté ne peut être destitué par le gouvernement que sur recommandation du ministre de la Sécurité publique. Et la troisième permet au ministre de mettre fin au mandat de l'administrateur provisoire lorsque, sur rapport de celui-ci, il a pris des actions décrites au présent article.

M. Dupuis: Oui, c'est ça. Regardez, je n'ai pas de représentation à faire sur l'amendement.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, est-ce que l'amendement est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté. Sur 279 tel qu'amendé?

M. Dupuis: Oui, mais je vais vous demander de suspendre l'article 279 pour le motif suivant. Je constate que l'article 87 est suspendu lui-même, parce que je me souviens d'avoir fait des représentations en relation avec l'article 83. Alors, je vais vous demander de le suspendre. Et souvenons-nous ? aïe, aïe, aïe! ? que, lorsqu'on amorcera la discussion sur 279, on devra commencer par une discussion sur l'article 87. O.K. Ça va?

M. Ménard: J'avais encore à l'idée que nous allions voir le processus qui suit la suspension. C'est qu'on ne l'a pas encore réglé.

M. Dupuis: C'est ça.

M. Ménard: O.K.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, l'article 279, tel qu'amendé, est suspendu.

M. Dupuis: Bon. M. le Président, à ce stade-ci, avant d'entreprendre le prochain chapitre, est-ce que je pourrais me permettre de vous suggérer que nous ajournions la séance jusqu'au prochain avis qui pourrait être donné? Parce que, si on entreprend... J'aurai des représentations sur l'article 287 et j'aurai aussi des représentations au sujet de l'article 291, qui concerne le Conseil de surveillance, mais j'apprécierais pouvoir bénéficier de plus de temps qu'il nous reste pour discuter de ces questions-là.

M. Ménard: On peut-u se voir deux minutes?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui, je vais suspendre quelques instants. Très bien. Alors, suspension.

(Suspension de la séance à 17 h 34)

 

(Reprise à 17 h 36)

Enquêtes

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, nous en sommes donc au chapitre III, Enquêtes, Enquête sur un corps de police, article 280.

M. Ménard:«Le ministre, ou la personne qu'il désigne, peut faire enquête sur tout corps de police.»

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Interventions?

M. Ménard: Puis il y a un amendement, je pense, dans ce cas-ci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui, M. le porte-parole de l'opposition officielle, sur 280.

M. Dupuis: Moi non plus, je ne vois pas d'amendement à 287 parce que, effectivement...

M. Ménard: C'est parce qu'on m'a mis une note ici. Un amendement propose l'ajout d'un alinéa à cet article.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Article 280.

M. Ménard: Ça va, O.K.

M. Dupuis: Il n'y a pas d'amendement?

M. Ménard: Non.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Interventions?

M. Ménard: Ça va.

M. Dupuis: Donnez-moi une seconde.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui, pas de problème.

M. Dupuis: Ça va.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Ça va? L'article 280 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Article 281, M. le ministre.

M. Ménard:«Le ministre peut mandater une personne pour faire enquête sur un corps de police municipal, à la demande d'une municipalité qui reçoit les services de ce corps de police ou d'un groupe de citoyens de cette dernière.»

(Consultation)

M. Dupuis: Ça va.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): D'accord, très bien. Alors, l'article 281 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté. Article 282.

M. Ménard: Article 282, là?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui.

M. Ménard: O.K. «Le ministre peut également, soit de sa propre initiative, soit à la demande d'une association représentative des policiers ou d'un groupe de citoyens de la municipalité concernée, mandater une personne pour faire enquête en vue de vérifier si cette municipalité assure des services de police adéquats.»

M. Dupuis: Ah, là, j'ai un souvenir, si vous me permettez, sur cet article-là.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Une intervention? Allez-y.

M. Dupuis: Là, j'ai le souvenir d'un dossier que j'ai vu il y a quelques mois au sujet ? et je ne vais pas la nommer pour les fins de la discussion ? d'une association de policiers qui est en négociation avec son employeur sur la nouvelle conclusion d'un contrat de travail. Ce n'est pas la Sûreté du Québec, c'est une municipalité. C'est un corps de police, c'est une association de policiers dont l'employeur est une municipalité et qui, dans le fond, dans ses revendications, dans les moyens qu'elle... enfin, pour exercer une certaine pression possiblement sur l'employeur dans le cadre des négociations, demande une enquête et signifie au ministre qu'à son avis les services de police fournis par la municipalité ne sont pas adéquats. Je ne veux pas la nommer parce que je ne pense pas que ce soit utile de la nommer. Mais vous êtes au courant, j'imagine, de cette demande-là aussi.

n(17 h 40)n

Manifestement, l'article 282 ne peut pas avoir été rédigé par le législateur pour donner effet à une semblable motivation. On s'entend là-dessus, c'est clair. Mais il risque cependant d'avoir ça comme effet, l'article 282. Aviez-vous pensé à une façon de baliser autrement qu'administrativement... Mais, tu sais, administrativement, quand on fait une loi, là, ce n'est pas... Si vous me dites: Oui, oui, oui, mais, vous savez, administrativement, on balise ça, ces demandes-là, ça ne rassure pas le législateur. Est-ce qu'il y a moyen d'envisager une balise dans cet article-là?

M. Ménard: Bien, la balise, c'est le ministre qui va le voir.

M. Dupuis: Non, non, mais c'est ça que je vous dis...

M. Ménard: Les gens ont juste le droit de demander, ils n'ont pas le droit d'obtenir. Mais ils ont le droit de demander. Et puis on pense aussi que ce droit-là, il peut appartenir à un groupe de citoyens. Alors, on peut recevoir des...

M. Dupuis: Ah, ça va, ça, je n'ai pas de problème avec la demande du groupe de citoyens, à moins évidemment que la demande ne soit faite de mauvaise foi. Je n'ai pas de problème non plus avec la demande d'une association représentative de policiers. Entendons-nous, la seule...

M. Ménard: Bon.

M. Dupuis: Non, non, je n'ai pas de problème avec ça. La seule chose, c'est que je ne pense pas qu'il faut que ces demandes-là soient frivoles ou soient de nature vexatoire ou soient faites pour des motifs obliques. Je veux dire, je pense que, quand effectivement l'intérêt public commande qu'une enquête soit faite sur un corps policier ou sur les services qu'une municipalité offre en matière de sécurité publique, quand ce sont des motifs d'intérêt public qui le commandent, moi, je suis tout à fait d'accord à ce que ça se fasse, mais il ne faut pas que ça se fasse pour des motifs obliques. Et est-ce que le ministre est rassuré que la rédaction de l'article permet de refuser ce genre de demandes lorsqu'on en vient à la conclusion que c'est par motif oblique qu'elles sont faites?

M. Ménard: Bien, c'est ce que dit l'expression «peut». S'il peut...

M. Dupuis: Oui, ce n'est pas qu'il doit.

M. Ménard: ...accorder, c'est qu'il peut refuser.

M. Dupuis: Non, non, ça, je comprends. Ça va.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Est-ce que l'article... Oui, M. le député de Frontenac.

M. Boulianne: Quand on parle, M. le ministre, d'un groupe de citoyens, est-ce que c'est n'importe quel groupe ou il faut qu'il y ait une association ou ça peut être... C'est quoi, un groupe de citoyens?

M. Ménard: C'est un groupe de la municipalité concernée.

M. Boulianne: Oui, de la municipalité, mais, je veux dire, structuré ou des citoyens qui décident à un moment donné de...

M. Ménard: Non, non, c'est ça, il faut que ce soit un groupe de... Non, la seule exigence, c'est qu'ils soient un groupe, qu'ils soient plus qu'un.

M. Boulianne: O.K. C'est beau.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): L'article 282 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté. Article 283.

M. Ménard:«Lorsque le ministre refuse de faire enquête, il en avise par écrit la municipalité, le groupe de citoyens ou l'association de policiers intéressé et donne les motifs.»

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté. Article 284.

M. Ménard:«L'enquêteur est investi des pouvoirs et de l'immunité d'un commissaire nommé en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête, sauf du pouvoir d'imposer une peine d'emprisonnement.»

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté. Article 285?

M. Ménard:«Le rapport d'enquête est remis au ministre et, le cas échéant, à la municipalité qui lui a fait la demande d'enquête. Il expose les constatations de l'enquêteur ainsi que ses recommandations.

«Le rapport ne peut contenir aucun blâme ni recommander que des sanctions soient prises contre qui que ce soit.»

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté. Article 286.

M. Ménard:«Le ministre fixe à la municipalité un délai raisonnable pour corriger la situation, s'il y a lieu.»

M. Dupuis: Adopté.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté. Article 287, dans la section Enquête sur un policier ou sur un constable spécial.

M. Ménard:«Le directeur d'un corps de police doit sans délai informer le ministre de toute allégation relative à une infraction criminelle commise par un policier.

«L'autorité dont relève un constable spécial est soumise à la même obligation.»

Je suis heureux d'avoir en face de moi quelqu'un qui a pratiqué parce que je vous signalerais tout de suite que, contrairement à ce que certains pensent, la commission Poitras ne nous a jamais suggéré de créer une police des polices, mais nous l'avons quand même envisagé pour enquêter toute allégation de comportement criminel concernant un policier. Mais là on s'est demandé: Bon, bien, très bien, combien de personnes on va mettre là-dedans, puis qui, puis comment on va les choisir, puis de quoi vont-ils s'occuper?

Alors, on a cherché à savoir à peu près quel est l'ouvrage qu'ils vont avoir, bon an mal an, sachant que, des années, il pourrait y en avoir plus ou, d'autres années, il pourrait y en avoir moins, pour s'apercevoir qu'il y a environ 350 allégations de comportement criminel en moyenne par année, ce qui, pour un corps humain de 15 000, soit dit en passant, n'est pas beaucoup ? c'est moins que dans la population en général ? mais que, dans la majorité des cas, les allégations de comportement criminel sur des policiers sont des crimes de droit commun et que le corps policier contre qui elles sont faites est généralement très anxieux de se débarrasser du mouton noir qu'il a chez lui et qui affecte sa réputation puis de toute façon qu'il ne veut pas avoir. Et ils sont assez rapides à faire le ménage.

Et on s'est aperçu aussi de la nature des infractions. Généralement, elles sont petites, vol, petite fraude, violence conjugale et chicane entre voisins, et puis des fois quand il y a quelques fraudes, où là véritablement on veut s'en débarrasser. Là, on s'est dit: Évidemment, si on fait une police des polices, on va vouloir y mettre les meilleurs enquêteurs qu'on peut trouver. On va-tu intéresser du monde, des bons enquêteurs, à enquêter de la violence conjugale, des vols à l'étalage, etc., pendant l'année?

Puis, deuxièmement, on regarde comment le système fonctionne. Le système, je veux dire, il fonctionne relativement bien. Même que, généralement, les corps de police demandent un officier d'un autre corps de police pour venir les aider à faire ces enquêtes pour des fins de transparence. Puis, dans les 350, il y en a à peu près rarement plus que cinq, dans une année, puis très souvent en bas de ça qui posent problème, le genre de problèmes qui préoccupent vraiment l'opinion publique, exemple, l'affaire Lizotte, à Montréal, exemple, la mort d'une personne ? mais la mort, ça, c'est déjà réglé par règlement; mais une affaire comme l'affaire Lizotte, même s'il n'était pas mort, ça, ça préoccupe la population ? ou des choses comme celles-là.

Alors, on s'est dit: Pourquoi, d'abord, encore une fois, réparer ce qui fonctionne bien et se créer une obligation budgétaire de plus, créer un corps... Alors, évidemment qu'il y aurait des motifs. L'avantage de la police des polices, c'est un avantage de transparence. Les gens diraient: Bien, c'est enquêté par quelqu'un de différent, puis etc. C'est un avantage qui se perd très vite, avec le temps. Parce que, évidemment que, si on créé une police des polices, on va mettre des enquêteurs dedans, puis des enquêteurs, bien, où est-ce qu'ils ont pris leur expérience puis comment est-ce qu'ils nous prouvent qu'ils sont bons? C'est qu'ils ont grandi dans des corps de police puis ils ont prouvé qu'ils étaient des bons enquêteurs, etc. Mais, à un moment donné, aux relations, on va dire: C'est vrai, il se fait enquêter, mais en fait c'est d'anciens enquêteurs de tel corps de police, puis c'est pour ça que... En tout cas, on s'aperçoit que l'aspect transparence que ça peut créer au début ne jouera pas beaucoup.

L'autre solution, c'était le corps désigné. Dès qu'il y a une allégation de comportement criminel, un peu comme on le fait maintenant lorsqu'il y a mort d'homme au cours d'une opération policière ou dans des cellules de police, on a un corps de police qui est désigné. Par exemple, la Sûreté du Québec enquête sur la police de la CUM, et puis il y a des fois que c'est la Sûreté du Québec... En tout cas, c'est prévu dans des protocoles qui sont approuvés par le ministère. Bien, encore là, l'aspect transparence joue pendant un certain temps, mais des gens qui trouvent que ce n'est pas transparent, ils finissent par dire: Bien, oui, mais c'est évident, la CUM enquête sur la Sûreté du Québec puis la Sûreté du Québec enquête sur la CUM, alors évidemment ils s'entendent avec eux pour ne pas enquêter trop fort, puis etc. Alors, finalement, on ne rejoint pas plus l'aspect transparence.

Alors, on a essayé d'imaginer quelque chose de différent. Puis là vous avez le produit de gens qui ont pratiqué le droit criminel pendant assez longtemps puis été en contact avec des policiers. Je pense bien qu'on en a pour deux générations, entre M. Racicot, moi-même et puis d'autres officiers du ministère. Et on a pensé qu'il faut encourager les directeurs de police à continuer à faire bien ce qu'ils font bien et à pouvoir intervenir de façon imprévue, imprévisible, dans les cas où il y a vraiment lieu d'assurer la transparence de façon différente du corps désigné puis de façon différente de la police des polices.

n(17 h 50)n

Alors, la première obligation est donc celle-ci. Dès qu'il y a une allégation de comportement criminel à l'égard d'un policier, quel qu'il soit ? parce que ça peut être un policier de la Sûreté du Québec qui a fait quelque chose à Montréal, puis l'allégation est faite au corps de police de Montréal, mais comme ça peut être un de leurs propres ? à ce moment-là, le ministre doit être informé sans délai.

Puis, vous allez voir dans les articles qui suivent, après ça, ce qui arrive. Là, le ministre, il peut le laisser... Et, dans des délais très courts ? on les verra ? le chef, le directeur de police doit dire au ministre qu'est-ce qu'il a fait pour enquêter. Et, si l'enquête est très compliquée ? parce que, des fois, ça arrive, ça prend un certain temps ? il doit l'informer régulièrement de ce qu'il fait. Et, à la fin du processus, il ne peut pas disposer du cas, il doit nécessairement le soumettre à un comité de trois procureurs de la couronne qui décident, eux, s'il y a lieu de porter des accusations, de demander un complément d'enquête ou de fermer le dossier. Et à tout moment pendant tout ce processus, le ministre peut nommer un enquêteur qu'il choisit. Donc, il n'y a pas de corps de police désigné qui pourrait donner l'impression que c'est la politique du «gratte-moi mon dos, je vais te gratter le tien après» parce qu'on ne sait pas d'avance qui le ministre va envoyer.

Je pense que le ministre qui a le moindrement un certain flair politique ? puis, normalement, il en a, sinon il ne serait pas élu, mais au moins un minimum, il doit lire les journaux régulièrement puis etc. ? il va sentir très vite les cas problèmes. Puis qui que ce soit, que ce soit un libéral, un adéquiste ou un péquiste, il va sentir qu'un cas comme Lizotte, là, tu ne le feras pas enquêter par la Communauté urbaine de Montréal, tu vas nommer quelqu'un. Tu vas peut-être aller chercher un bon enquêteur qui s'est révélé, par exemple, dans le cadre de l'Association des directeurs de police. Ça peut être, je ne sais pas, moi, comme M. Larose, qui est à Greenfield Park, mais dont, de toute façon, de toute évidence, les qualités pourraient le faire commander un corps de police bien plus important. Ça peut être un enquêteur de la sûreté de Québec, ça peut être un enquêteur de la Sûreté du Québec que le ministre nomme, il peut demander aussi... Alors, on ne sait pas d'avance qui va enquêter, puis il va arriver à... Puis il peut s'adjoindre, des fois, comme ils l'ont fait, si c'est plus efficace, un enquêteur du corps de police concerné pour aller rapidement.

Je crois que ce système est le plus adapté pour obtenir les meilleurs résultats au meilleur coût, le coût n'étant pas d'ailleurs la préoccupation majeure. Mais, pour ça, il faut comprendre comment fonctionnent les corps de police. Mais je crois que ceux qui ont l'expérience des corps de police devraient reconnaître que c'est actuellement le meilleur système que l'on peut imaginer. Parce qu'on en a regardé, des pays où ils ont établi la police des polices, et puis très rapidement il se forme une espèce de barrière, n'est-ce pas, de méfiance entre les corps de police qui sont enquêtés puis la police des polices. On a eu des escouades... À New York, dont le corps de police est à peu près l'équivalent de tous les corps policiers canadiens mis ensemble, ils ont une escouade spéciale, puis les difficultés qu'elle a à enquêter sont considérables parce que, des fois, pour mener des enquêtes, on a besoin d'un enquêteur intérieur et on est beaucoup plus efficace.

Alors, dans la mesure où le processus est toujours à la connaissance du ministre et, donc, du ministère puis il est surveillé, ça veut dire qu'on va recevoir plus que 350 rapports par année ? il va falloir établir notre système pour les suivre, pour les surveiller, pour intervenir rapidement quand il faudra ? et puis plus tous les rapports incidents sur les résultats de l'enquête. Puis n'oubliez pas, à la fin de tout, c'est toujours un comité de procureurs de la couronne qui va juger du résultat. Donc, c'est complètement indépendant, ça, des corps policiers. Alors, je crois que vous l'avez peut-être compris, le système, en lisant les articles qui vont suivre, mais je voulais quand même qu'il soit expliqué de façon claire au début de l'étude de ces articles.

M. Dupuis: M. le Président, il est 17 h 55, et je pense que le ministre avait tout à fait le droit d'expliquer son point de vue sur les articles qu'on est en train d'étudier, mais, moi, je ne voulais pas l'interrompre pendant qu'il exprimait son point de vue. J'ai beaucoup de choses à dire sur ce chapitre-là. Et je vais vous suggérer de suspendre l'adoption de ces articles-là pour me permettre de faire valoir mon point de vue à la reprise, pas de la séance, mais une fois que...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): De nos travaux?

M. Dupuis: ...le prochain avis aura été donné à l'Assemblée nationale. Mais permettez-moi tout de même de dire clairement, parce que les gens qui nous écoutent ne seront peut-être pas là la prochaine fois puis on ne sera peut-être pas dans la même salle non plus, que je suis en profond désaccord avec ce que le ministre a choisi de faire dans son projet de loi relativement aux enquêtes qui sont faites sur des policiers qui sont soupçonnés d'avoir eu un comportement criminel. Je suis donc en profond désaccord avec sa solution et j'apprécierais pouvoir en discuter avec lui à la reprise. Je me sentirais lésé s'il fallait que, dans le temps qui nous est imparti, c'est-à-dire cinq minutes, je sois obligé de faire valoir mes arguments. Mais je veux dire que je suis en total désaccord avec ce que le ministre vient de dire. Ceci étant dit, en total désaccord intellectuel, ça ne veut pas dire en total désaccord personnel, ce n'est pas la même chose. Mais je suis en désaccord avec ce qu'il vient de dire et je vais proposer des solutions à la reprise.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, je mets l'article 287 en suspens et je considère que vous allez présenter une motion d'ajournement de nos travaux?

M. Dupuis: Oui. C'est-à-dire que, écoutez, pour que tout soit fait conformément, je pense que c'est de consentement que nous vous suggérons d'ajourner.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, ce que considérant, s'il n'y a pas d'autres interventions, j'ajourne les travaux sine die. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 57)



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