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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 6 mai 1997 - Vol. 35 N° 80

Étude détaillée du projet de loi n° 89 - Loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative


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Table des matières

Journal des débats


(Neuf heures onze minutes)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Nous allons, mesdames, messieurs, débuter nos travaux. Je rappelle le mandat de la commission: poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 89, Loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative.

M. le secrétaire, est-ce que vous pourriez nous annoncer les remplacements?

Le Secrétaire: Oui, Mme Houda-Pepin (La Pinière) est remplacée par M. Brodeur (Shefford) et M. Mulcair (Chomedey) par M. Fournier (Châteauguay).


Motion souhaitant que le ministre de la Justice dépose la partie publique du mémoire au Conseil des ministres relatif au projet de loi n° 89 (suite)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Alors, nous en étions à l'étude d'une deuxième motion préliminaire qui se lisait ainsi, qui a été déposée par M. le député de Chomedey:

«Que la commission des institutions, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 89, Loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative, souhaite que le ministre de la Justice dépose la partie publique du mémoire au Conseil des ministres relatif au projet de loi n° 89.»

(Consultation)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Chomedey avait la parole au moment où on a suspendu nos travaux. Alors, c'est M. le député de Châteauguay à qui je...

M. Fournier: Le député de Chomedey avait commencé sa pédagogie explicative pendant combien de temps?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Quarante secondes.

M. Fournier: Quarante secondes.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, c'était juste une mise en train pour nous rappeler...


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Formidable! Bien, je vais me permettre de compléter la pédagogie à laquelle il s'adonnait, M. le Président. D'ailleurs, j'étais présent lorsque nous avons entamé les discussions sur le projet de loi n° 89. On a donc pu revenir sur les liens qu'il faut faire entre ce projet de loi et le projet de loi n° 130 qui est maintenant la loi n° 130. On avait expliqué toutes les difficultés que ça posait à l'administré. Je pense qu'on avait assez bien expliqué que l'administration pouvait laisser échapper un grand ouf, parce que les gagnants, c'était l'administration, et les perdants, les administrés. Pourquoi? Rapidement, M. le Président, parce que la loi n° 130 enlève des droits d'appel et que, dans l'application de la loi n° 130, avec le projet de loi n° 89, là, on vient enlever le droit d'être entendu. Alors, on fait table rase des droits des concitoyens que nous représentons, et je pense qu'il n'est que de mise que de pouvoir... Je me demande même si c'était nécessaire, cette motion. Normalement, le ministre aurait dû rendre et déposer la partie publique de son mémoire, d'autant qu'il s'agit d'un projet de loi excessivement important pour l'administré dans cette grande opération de déjudiciarisation qui n'a de vocable utile que de donner l'impression qu'on va assouplir la justice.

Alors, on veut donner l'impression aux citoyens que ça va être plus facile, mais, en fait, ce que les deux projets de loi font, c'est qu'ils rendent ça plus facile en disant à l'administré: Ne te pose plus de questions, tu n'as plus de questions à te poser, tu n'as plus de droits. Et on a tant et tant dénoncé le fait que c'était d'abord une action d'un gouvernement dirigiste qui vise à enlever des droits et que les citoyens ne devraient pas être très heureux du caractère, disons, pour le moins antidémocratique... parce que, lorsque le Parti québécois s'est présenté aux élections, d'abord, il avait promis dans ses engagements électoraux que, si, d'aventure, un tribunal administratif allait être créé, les droits d'appel allaient être préservés, ce qui a été sabordé. Et jamais on avait dit aux citoyens: Vous savez, la déjudiciarisation, pour nous, ça veut dire plus de droits pour vous. Jamais, jamais ça avait été dit, et puis là, tout à coup, c'est ce dont on s'aperçoit avec le projet de loi n° 89.

Alors, le député de Chomedey avait déposé une motion qui demande au ministre de la Justice que la partie publique du mémoire relatif au projet de loi n° 89 soit déposée. C'est tout à fait normal, devant un projet de loi qui enlève des droits, de savoir pourquoi le gouvernement et le ministre de la Justice, qui s'en fait le porteur, ils envisagent la nécessité d'enlever des droits? Qu'est-ce qu'il y a dans ce document-là dont on demande ici non pas la partie confidentielle, mais la partie publique, M. le Président? Ceux qui ont précédé l'actuel ministre de la Justice dans ses fonctions ont toujours rendu public sur demande... Bien, voyons donc, M. le Président, le ministre de la Justice me dit jamais. On prévoit dans le mémoire... Peut-être que c'est important, là. Ça fait deux ans et demi qu'on est ici, mais il me semble que le ministre aurait dû savoir ça. Dans un mémoire, je veux bien comprendre qu'il y ait des parties confidentielles, mais il faut savoir qu'il y a une partie qu'on appelle publique. Ça, public, ça ne veut dire pas juste les membres du Parti québécois qui peuvent le voir, mais la population, le reste du Québec. Tu sais, des fois, il faut faire des gros yahous pour leur dire qu'il y a d'autre monde que les membres du Parti québécois. La partie publique, ça veut dire qu'on a droit de savoir ce qui se passe, et, si c'est public... Puis je m'attends à ce que nos collègues représentant la formation ministérielle aillent sans doute plaider avec nous. Je suis sûr qu'ils vont plaider avec nous, parce que, si c'est public, leurs citoyens dans leur comté vont aussi vouloir savoir pourquoi on leur enlève des droits. En tout cas, une chose est sûre, quand ils vont aller visiter les députés à leur bureau de comté et puis qu'ils vont aller leur dire: Mais pourquoi vous m'avez enlevé des droits... Puis on va le voir tout au long de ce projet de loi. Il y a 111 lois qui sont affectées. Tous les secteurs y passent, M. le Président. Tout y passe: des abeilles au Barreau, des biens culturels au camionnage. Il y en a pour tout le monde. Évidemment que ça touche les Québécois, tout le monde. Alors, les députés de la formation ministérielle vont recevoir des gens, et, moi, j'ai hâte de savoir comment ils vont leur répondre. J'espère qu'ils vont être capables de leur dire: Écoutez, comme députés, avec les députés de l'opposition, on a dit au ministre: On veut avoir la partie publique. Puis le ministre nous a dit: Jamais, on a fait ça, que des ministres de la Justice ont rendu publiques les parties publiques de mémoires. C'est renversant, M. le Président. Alors, si je comprends bien, ce que le ministre nous suggère, nous autres qui sommes pourtant des représentants élus de la population, c'est d'utiliser d'autres mécanismes pour avoir ça, la loi d'accès. C'est peut-être ça qu'il est en train de nous dire: Utilisez la loi d'accès pour venir chercher les parties publiques. Puis, après ça, ils vont nous faire du chichi puis ils vont nous envoyer en révision à la Commission d'accès.

On a vu ça, M. le Président. Je suis dans un processus comme celui-là actuellement. Le député de Châteauguay, qui vous parle, est aux prises, en ce moment, avec le ministère des Finances dans une procédure qui l'amène en révision à la Commission d'accès à l'information. Savez-vous pourquoi? Pour ce qu'il est convenu d'appeler le plan O. Le plan O, c'est tout ce qui a été caché durant la période référendaire pendant que le premier ministre du Parti québécois puis que tout le monde disait: Ça va être le paradis, faire la séparation. D'ailleurs, ils continuent de le dire. Le ministre des Finances actuel, le vice-premier ministre nous dit: Si on avait voté oui, on aurait été tellement riche qu'on n'aurait pas eu assez d'imagination pour inventer des programmes sur lesquels on aurait pu dépenser ces montants-là. Or, il nous répète ça maintenant, le vice-premier ministre. Il le disait avant, et le premier ministre de l'époque aussi. Mais, en cachette, qu'est-ce qu'on faisait? On concoctait le plan O. Le plan O: ponction de 20 000 000 000 $ dans les coffres d'Hydro-Québec, de la Caisse de dépôt, du ministère des Finances. Là, je vais mettre ça en contexte. Ce n'est pas 2 000 000 $, ce n'est pas 20 000 000 $, ce n'est pas 200 000 000 $, ce n'est pas 2 000 000 000 $, c'est 20 000 000 000 $, M. le Président. Pour faire quoi? Pour essayer d'endiguer la chute des titres obligataires québécois suite à un oui à la séparation. On est en demande.

(9 h 20)

D'ailleurs, faut-il rappeler là-dessus qu'on a demandé au ministre des Finances à plusieurs reprises qu'il nous donne, qu'il dépose ce plan, et il nous a dit: Je ne sais même pas s'il existe. Alors que tout le monde en faisait état, alors que c'est au sein de son propre ministère qu'on avait concocté ça. Et il a dit: Je ne sais pas si ça existe. Il y a une règle qui nous force à prendre la parole d'un ministre. Alors, on a pris la parole du ministre, qu'il ne le savait pas, et on s'est arrangé pour qu'il le sache. On a fait une demande en vertu de la loi d'accès, puis le fonctionnaire qui est responsable de ces dossiers d'accès à l'information, il nous a dit à nous autres puis au ministre qu'il y en a un, plan O. Alors, maintenant, le ministre ne peut pas dire: Je ne sais pas s'il y en a un. Son fonctionnaire le lui a dit. On s'est arrangé pour qu'il nous dise la vérité, pure, nette et transparente. Il y a un plan O. Ça existe, et on veut qu'il soit public, de la même façon qu'ici on veut que la partie publique du mémoire soit déposée. Or, le ministre nous met devant le choix suivant: Utilisez la loi d'accès, parce que, moi, ministre de la Justice, ayant signé un mémoire dans lequel il est marqué qu'il y a une partie qui est publique, je ne vous le donne pas. Comment vous appelez ça, un gouvernement comme ça, M. le Président? Comment vous appelez un gouvernement comme ça qui crée des précédents? Parce qu'une partie publique de mémoire, c'est quelque chose qu'on devrait répandre.

Ça, c'est le même gouvernement avec le même ministre, hein, qui nous fait payer pour des lois, pour savoir quels sont nos droits. Vous allez sur le site du gouvernement sur Internet, M. le Président, vous avez une belle petite fenêtre qui s'ouvre: Quels sont les coûts pour savoir vos droits? Puis là vous pouvez avoir l'autre petite fenêtre aussi, là: propagande du PQ. Ça, c'est gratuit. Ça, c'est sur le site du gouvernement. Tout ce qui est de la propagande pour savoir comment on «serait-u» fin d'avoir 20 000 000 000 $ de moins suite à un oui, ça, c'est gratuit. Il n'y a pas de maudit problème, on met ça dans le site du premier ministre lui-même, dans le même site où, pour connaître nos droits, il faut payer.

On est sur une motion déposée par le député de Chomedey qui, normalement, ne devrait même pas être une motion, M. le Président, qui, normalement, devrait être une question au ministre. Le député de Chomedey a beaucoup d'expérience avec le ministre de la Justice et il a compris probablement que, avant même de poser la question, il était aussi bien de faire une motion. Lectures, expériences, des précédents, il s'est dit: On va faire une motion, parce que, à la question, il va probablement continuer... Et puis il ne s'est pas trompé. Lorsque j'ai dit au ministre de la Justice que, de tout temps, les parties publiques de mémoires étaient rendues publiques, parce que, par définition, «public» veut dire «public», à moins que le ministre de la Justice ait de nouveaux mots... On va s'en apercevoir durant tout ce débat-là, la justice administrative, la déjudiciarisation, il y a toujours une espèce de nouveau sens donné aux mots par le ministre de la Justice, mais, dans ce cas-là, «public» veut dire «public». Ça, il n'y a personne qui va le nier.

Alors, le député de Chomedey avait probablement compris que le ministre n'aurait pas accepté, ce qui a amené le député de Chomedey à essayer d'amener avec lui dans ce débat qui est maintenant contre le gouvernement, M. le Président, bien plus un combat pour la transparence pour le droit à l'information... Alors, il s'est dit, le député de Chomedey, il y a des collègues du côté ministériel qui vont bien finir par comprendre que «public» veut dire «public» et qui vont peut-être, si ce n'est pas ici, en commission... Moi, je m'attends à ce qu'ils le fassent ici, en commission, parce que, tantôt, lorsque leurs concitoyens vont aller les voir dans leur bureau de comté, ils vont avoir un petit problème lorsqu'ils vont sortir les transcriptions, avec toutes les opportunités qu'ils ont de plaider auprès du ministre, à visière levée, ici, en commission, publiquement. Je me dis qu'ils vont le faire, mais ça se peut que la ligne de parti, de cachette, de refus de la transparence les amène à faire ça à huis clos. Tantôt, peut-être, vont-ils demander une suspension pour parler à leur ministre, lui dire: Écoute, là, si c'est la partie publique du mémoire, là, on «va-tu» s'enfarger longtemps dans les fleurs du tapis pour empêcher les gens de savoir ce que c'est? Si, de toute façon, les députés de l'opposition utilisent la loi d'accès, ils vont l'avoir. Pourquoi les retarder de 20 jours? Tu sais, moi, je pense que c'est ce qu'ils vont dire au ministre puis je m'attends à ce que le ministre leur réponde: Bien, ça va être 20 jours de gagnés. Faisons-leur perdre du temps. On va passer nos petites lois pendant ce temps-là. Alors, les députés ministériels vont sans doute lui rétorquer: Oui, mais ça n'a pas d'allure, M. le ministre. Lorsque les gens vont venir dans nos bureaux de comté, ils vont nous taper sur les doigts parce qu'on ne les a pas défendus, parce qu'on n'a pas dit que «public», ça veut dire «public», puis que les gens ont droit à l'information. Puis le ministre va peut-être le répéter encore une fois: Ce n'est pas grave, ils ne le sauront pas, ça va être caché. C'est le but de l'affaire.

Alors, moi, je vous le dis, M. le Président, les députés des deux côtés de cette commission, on forme un tout dans cette commission, la commission des institutions, et, si les institutions que les Québécois se sont données ont besoin d'outils, c'est bien le droit à l'information, le droit à la transparence, le droit de savoir pourquoi un gouvernement décide d'aller à l'encontre de ses engagements électoraux, décide de retirer des droits à nos concitoyens que nous représentons dans tous les comtés du Québec, leur retirer des droits en faisant des discours à l'effet que la justice sera plus souple, qu'elle sera plus courte, en faisant poindre l'illusion que les citoyens vont y gagner. Moi, je veux que les citoyens sachent ce qu'il y a dans ce mémoire qui, au contraire de ce discours que le ministre fait, nous amène un projet de loi n° 89, après le n° 130, qui retire des droits. Est-ce qu'on va l'avoir dit assez souvent pour que le ministre comprenne que ça n'a pas d'allure, dans notre société, de donner moins de droits à ceux à qui on a dit que leurs droits seraient protégés? Est-ce que c'est l'objectif de notre société de retirer des droits à nos concitoyens pour les donner à l'administration? Est-ce qu'on en est rendu là? Est-ce que c'était ça, le projet du Parti québécois lors de l'élection? Et, si ce n'était pas ça, on fait quoi de ce mandat qu'ils ont obtenu?

Moi, M. le Président, je vous rappelle que ce qui est sur la table, ce n'est pas une motion pour amener le ministre à déposer la partie confidentielle de son mémoire. Je comprends qu'il y ait des informations qui doivent parfois être de la propriété exclusive du Conseil des ministres. Il y a ici une demande de déposer la partie publique du mémoire. Je le répète encore, c'est en tout respect que cette motion-là est faite, se disant que, à la simple question, le ministre aurait dû dire: Bien oui, c'est dans ma valise, là, je vais vous la donner. C'est la partie publique du mémoire, la voici, je vous en donne des copies. Normalement, c'est comme ça que ça procède lorsque les gens s'inquiètent. On ne les demande pas tout le temps, les parties publiques des mémoires. Pourquoi ne les demande-t-on pas tout le temps? Parce que, parfois, le projet de loi parle par lui-même, qu'on comprend où on s'en va. On n'est pas toujours d'accord avec la destination, on n'est pas toujours d'accord avec les moyens qui sont pris pour se rendre à destination, mais, lorsqu'on est devant un projet de loi qui fait le contraire des engagements électoraux, lorsqu'on est devant un projet de loi qui enlève des droits à nos citoyens, je pense que le minimum, c'est d'avoir le courage de dire aux concitoyens québécois ce qu'on a dans la tête comme gouvernement, pourquoi on fait ça, en vertu de quoi la déjudiciarisation, dans l'esprit du ministre, signifie abandon de droits pour les citoyens.

Je ne pense pas que nos concitoyens avaient eu cette impression. Ils pensaient au contraire, M. le Président, que «déjudiciarisation», ça voulait dire «souplesse de l'administration», «souplesse dans les façons d'opérer de l'administration», mais pas «perte»... Je ne dirai pas ce mot-là, je vais en prendre un autre: «retrait des droits des citoyens». Et c'est ce ministre de la Justice, ses collègues aujourd'hui présents qui ont la possibilité de lui demander une chose aussi banale que de rendre public ce qui est public, supposément, selon le mémoire lui-même, c'est eux qui vont porter le fardeau de cet abandon, et, moi, à ceux qui vont venir dans mon bureau de comté – parce que c'est ça qu'on fait, on est des représentants – et qui vont me dire à propos de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, à propos de la Loi sur le bâtiment, à propos de la Loi sur le camionnage, sur l'expropriation, sur l'immigration – il y a des droits là-dedans, là, je vous en nomme quelques-unes – de la Loi sur le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, sur les mines, l'enseignement privé... Il y en a 111 comme ça, M. le Président. Je l'ai déjà dit, ça va de la page 3 à la page 8. Rarement, on voit des projets de loi d'une ampleur si considérable, toucher à l'ensemble des secteurs de la société pour retirer des droits aux Québécois.

(9 h 30)

Je ne suis pas sûr qu'il y ait un Québécois qui n'est pas affecté par ce projet de loi là. Je ne suis pas sûr. Ce n'est pas juste la Loi sur les abeilles. Si c'était juste la Loi sur les abeilles, on penserait à ceux qui travaillent dans ce domaine-là, qui produisent. Mais on est juste dans les A: acquisition de terres agricoles, agences d'investigation, agents de voyage, aide juridique, allocations d'aide aux familles. Et, lorsqu'on pense à cette partie du débat dans notre société à propos des personnes démunies, tout y passe, des plus riches aux plus démunis. Le ministre va nous dire: Regardez comment on a été fin. Pas de discrimination, on a enlevé des droits à tout le monde. Ça, c'est comme ça que le Parti québécois au pouvoir voit la société. Des droits, on en donne aux ministres. Ah! ça, oui, dans ce projet de loi là, les ministres, dans leurs différents secteurs d'activité, des droits, ils en ont. Ça, prendre des décisions qui affectent les citoyens, à l'égard desquelles les citoyens perdent leur droit d'être entendus, perdent leur droit d'appel, ça, il y en a. Ça, il y en a à la pelletée. Mais des cas où les citoyens gagnent un droit, il n'y en a pas. Des cas où les citoyens perdent des droits, il y en a à la pelletée, M. le Président.

Alors, je pense que la demande que l'on fait non seulement elle est légitime, mais elle est jusqu'à un certain point banale. Normalement, le ministre devrait nous l'apporter. Alors, moi, je vais dire aux gens de mon comté et d'autres, peut-être, qui viendront que, effectivement, la loi a changé si jamais le ministre ne comprend pas tout ce qu'on a à lui dire sur ce projet de loi. Parce que j'ai encore bon espoir qu'on pourra le faire revenir sur sa position. D'ailleurs, jusqu'à un certain point, il y a des signes encourageants. Pas toujours positifs, mais encourageants. J'explique, M. le Président. Lorsqu'il y a eu le projet de loi n° 130, vous souvenez, on avait fait une modification à l'article 5. On était en commission, on a plaidé tant et tant, puis, finalement, le ministre, il a dit: Oui, savez-vous, vous avez raison. Il a dit: On va changer ça, l'article 5. Et toute la commission des institutions, on a voté là-dessus, on a dit: Bon, on amende l'article 5 tel qu'il était formulé par le ministre de la Justice et puis on va adopter ça à l'Assemblée nationale. Tous les représentants des Québécois vont être là, puis on va tenir compte de cette modification-là. C'était négatif, mais le ministre nous avait prouvé qu'il pouvait changer d'idée. Il a effectivement changé d'idée. Après qu'il eut accepté ici une modification à l'article 5, il est revenu en Chambre puis il a dit: Savez-vous, vous m'aviez convaincu ici, en commission, mais, quand j'étais avec trois, quatre de mes collègues dans le climat sombre et feutré de mon cabinet, on s'est dit entre nous autres que ce n'était peut-être pas une bonne idée de redonner des droits aux Québécois. Ça fait que je me suis fait un peu avoir avec vous autres, vous m'avez fait comprendre que c'était bon de laisser des droits aux citoyens, mais mon cabinet, ils m'ont dit que ce n'était pas une bonne idée, que ce n'était pas comme ça qu'on voyait la déjudiciarisation au Parti québécois. Alors, c'est fini même si vous aviez accepté. La commission des institutions avait voté, les députés de la formation ministérielle inclus, le ministre de la Justice inclus, ils ont viré leur capot de bord puis ils ont dit: Ah non! On les enlève, les droits d'appel. Ça, c'est sur le n° 130. Ça, c'est l'exemple qui prouve que le ministre peut changer d'idée dans la mauvaise direction.

Il y a le retour du balancier. Je crois beaucoup à ça, moi, le retour du balancier dans la vie. Je pense qu'on est dû pour le retour du balancier. Je pense que le ministre va nous prouver qu'il peut encore changer d'idée, mais dans le bon sens ce coup-là, dans le sens des Québécois, dans le sens d'une reconnaissance – un mot excessivement important, M. le Président – des droits qu'ont les Québécois devant la machine. Parce que lorsqu'on les regarde, puis j'ai eu l'occasion... C'était dans une autre commission, c'était la sous-ministre au Revenu qui était entendue, et j'avais quelques questions à lui poser à l'égard de la démarche que faisait le ministère du Revenu dans la récolte d'impôts impayés sur les pourboires, et il y a des gens de mon comté qui sont venus me voir puis qui ont dit: Ça n'a pas d'allure, le ministère présume que j'ai eu un pourboire que je n'ai pas reçu et que, de toute façon, non seulement je ne l'ai pas reçu, mais je ne pourrai même pas poursuivre pour l'avoir. Parce qu'un pourboire, par définition, c'est un acte unilatéral, et on ne peut pas poursuivre pour le recevoir. Alors, le ministère allait les voir, les gens à pourboire et disait: Vous avez reçu 11 %. Les gens disaient: Non, on n'a pas reçu 11 %. Qu'est-ce que je fais si j'ai reçu 5 %? Est-ce que je peux poursuivre la personne qui m'a donné juste 5 % vu que vous me demandez de l'impôt sur 11 %? Alors, j'étais à poser des questions à la machine du Revenu, et la machine du Revenu me disait: Il n'y a pas de problème. Ces gens-là ont juste à nous appeler, puis on va régler ça avec eux autres.

M. le Président, ça ne marche pas de même. Ça ne marche pas de même dans notre société. Les gens qui appellent le ministère, ce n'est pas une petite négociation, là, ils se sentent isolés devant la grosseur de la machine, devant les moyens de la machine. Ils se demandent: Mais quels sont nos droits? Alors, lorsqu'on pense aux gens qui viennent nous voir et qu'on rencontre un peu partout – tantôt, avant qu'on ouvre la séance, on parlait des rencontres qu'on peut faire dans différents endroits, dont des clubs d'âge d'or ou d'autres endroits qu'on visite pour essayer d'être en contact avec notre population – bien, ces gens-là, ils nous disent toujours la même chose: C'est gros, Québec. La grosse machine, c'est gros. On se sent démuni face à ça. Et, souvent, à juste titre – et on est là pour ça – ils nous demandent notre aide, puis c'est ce qu'on fait du mieux qu'on peut, on essaie de les aider. Alors, moi, aujourd'hui, je les aide, M. le Président. Moi, aujourd'hui, je parle au sein de cette commission pour les aider. Devant la grosseur de la machine, je demande au ministre d'éviter de revenir sur la décision qu'il a prise de grossir encore plus la machine pour rendre les citoyens encore plus petits devant elle. C'est aujourd'hui et les jours à venir que je vais dire à la formation ministérielle: Il est important de permettre à nos concitoyens de pouvoir défendre leurs droits, de pouvoir se sentir quelqu'un, d'éviter qu'ils soient isolés, tout seuls devant cette grosse machine, cette administration qui aurait tous les droits. Et, avec le projet de loi n° 89, on vient même enlever le droit d'être entendu, le droit de présenter des témoins. Ce n'est pas banal, et on y reviendra lorsqu'on prendra secteur par secteur, parce que je ne veux pas prendre tout le temps pour discuter d'une question comme celle-là.

Le ministre aurait dû me faire signe pour me dire: Oui, public, M. le Président. Je n'en reviens pas, le ministre trouve ça drôle que je demande que soit rendu public un document public, et il me dit non. On s'en va où? On va plaider jusqu'à quand et combien de temps pour avoir public ce qui est public? Ça n'a pas d'allure. Le ministre va me répondre, c'est évident, il va me dire: Quelle est la logique? J'attends du ministre qu'il me démontre quelle est la logique pour laquelle il se refuse à rendre publique la partie publique du mémoire au Conseil des ministres relatif au projet de loi n° 89. Il n'y a personne qui va relire la transcription de ce qu'on se dit aujourd'hui qui va comprendre si le ministre ne donne pas un petit bout d'explication. On va être obligé de tirer la conclusion qu'il rit de cette commission, qu'il rit de nos institutions, qu'il rit des représentants des Québécois, qu'il rit des Québécois qui, je le rappelle, ont le droit d'être défendus et, aujourd'hui, au sein de cette commission, ont le droit d'être entendus.

Le projet de loi n° 89, par miracle, n'a pas touché nos institutions comme cette commission des institutions, et il nous est encore possible de parler pour nos concitoyens pour dire que c'est incompréhensible de refuser de leur dire la logique, de leur expliquer, ne serait-ce un tant soit peu, la logique qui sous-tend le retrait des droits de nos concitoyens dans 111 secteurs d'activité législative, d'activité étatique. Il y en a pour tout le monde là-dedans. Il s'agit de gestes qui sont posés dans des secteurs d'activité de nature souvent économique, petites entreprises qui posent des gestes, qui ont des permis. Dans certains cas, un ministre arrive et dit: Tu n'as plus ton permis. Tu n'as plus ton permis, mais, avant que le projet de loi n° 89 soit en vigueur – il ne l'est pas encore, et j'espère qu'il ne le sera jamais – les gens avaient le droit de contester la décision du ministre, de se faire entendre, de faire entendre des témoins pour dire que ce que le ministre décidait sur la base d'informations qu'il avait, ce n'était pas bon.

(9 h 40)

Demain, après l'adoption du n° 89, il ne sera plus possible pour les citoyens de se débattre contre un ministre comme celui-là. Il ne sera plus possible de vérifier sur la base de quelles informations il a pris sa décision. Il ne sera plus possible de contredire ses informations. Il ne sera plus possible de présenter une preuve, de contre-interroger. Autrement dit – et je ne prends qu'un seul secteur, l'économie – les petites et moyennes entreprises qui ont des permis, qui font de l'activité économique, qui créent de la richesse, qui créent des emplois vont venir se faire couper l'herbe sous le pied par un ministre sur la base d'informations qui vont rester secrètes. Avant d'en arriver là, avant de continuer dans ce secret systématique, on «peut-u» commencer par rendre public ce qui est public. Imaginez-vous, quand le ministre propose un projet de loi comme celui-là qui érige la confidence, la cachette, le secret en système, qu'on en soit rendu à se débattre, à faire un combat de tous les instants, pour faire déposer par le ministre la partie publique du mémoire qui sous-tend le projet de loi n° 89, on pourrait, M. le Président... Et vous m'avez mentionné que mon temps se limitait...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Il reste une minute.

M. Fournier: On pourrait plaider encore longtemps là-dessus, jusqu'à temps qu'on ait un signal de compréhension. Mais je vais réserver le reste de mon temps pour pouvoir réagir, sans doute avec bonheur, à la réponse positive que le ministre me fera à l'effet qu'il va sortir de sa valise la partie publique du mémoire et va vous dire, M. le Président: Je rends publique la partie publique du mémoire. Je m'attends à ça, me réserver un peu de temps pour pouvoir l'en remercier. Sinon, M. le Président, j'ai de la misère à comprendre ce qui se passe.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le député de Châteauguay. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur la motion? M. le ministre.


M. Paul Bégin

M. Bégin: Oui, M. le Président. Je pense que c'est l'occasion rêvée de reprendre les deux points principaux du député de Châteauguay concernant le fait que, en vertu des dispositions qui seraient adoptées dans le projet de loi n° 89, les citoyens ou les administrés ne pourraient plus être entendus et qu'ils auraient perdu leur droit d'appel. Je pense que c'est deux choses extrêmement importantes et je veux profiter des quelques minutes que j'ai à ma disposition pour bien montrer à quel point ces affirmations ne correspondent pas à la réalité, parce que, d'une part, on ne retrouvera nulle part, dans le projet de loi n° 89, des dispositions concernant le droit d'appel. Ces dispositions-là se retrouvent au projet de loi n° 130, maintenant, je pense, devenu le chapitre 54 des lois de 1996, en particulier à l'article 159. On dit – et c'est la prétention du député de Châteauguay, mais c'était celle également du député de Chomedey – que, par la suite de l'adoption de ces projets, il y avait perte de droit d'appel. Je voudrais juste lire l'article 159 qui, je pense, va répondre adéquatement aux prétentions du député de Châteauguay. 159: «Les décisions rendues par le tribunal – le tribunal, dans ce cas-ci, c'est le TAQ, le Tribunal administratif du Québec, que nous avons créé en vertu de cette loi – dans les matières traitées par la section des affaires immobilières, de même que celles rendues en matière de la protection du territoire agricole, peuvent, quel que soit le montant en cause, faire l'objet d'un appel à la Cour du Québec, sur permission d'un juge, lorsque la question en jeu en est une qui devrait être soumise à la Cour.»

Alors, M. le Président, dans les matières traitées dans la section des affaires immobilières, il y a d'abord le Bureau de révision de l'évaluation foncière et il y a aussi le TAPTA. Ce sont deux organismes qui existent actuellement, mais qui seront transférés au Tribunal administratif du Québec lorsque la loi entrera en vigueur. Et on voit qu'il y a des appels qui étaient prévus antérieurement qui s'y retrouvent. Donc, d'affirmer qu'il y une perte de droit d'appel, je m'excuse, mais c'est aller à l'encontre des dispositions mêmes de la loi qui est en vigueur actuellement, qui prévoit justement des appels là où il y en avait antérieurement. Il y avait également le Tribunal de l'expropriation, et c'est également possible et ça sera également possible qu'il y ait appel devant ce Tribunal. Donc, dans les trois cas où il y avait un appel possible, il sera également possible d'en faire un à l'avenir. La nuance, c'est que, au lieu que cet appel soit automatique, il devra être sur permission d'appel, permission d'en appeler de la Cour du Québec. À moins que l'on veuille dire que la Cour du Québec n'exercera pas de façon adéquate son jugement et son bon jugement en vertu des appels, bien, je pense que nous devons croire qu'il s'agit là d'une façon correcte d'assurer que, dans l'avenir, il y aura des appels là où il y avait déjà des appels antérieurement. Cependant, pour filtrer ce qui pouvait être des appels que l'on juge dilatoires ou vexatoires, il y a cette autorisation d'obtenir d'un juge de la Cour du Québec l'autorisation d'en appeler, et, moi, j'ai confiance que la Cour du Québec va rendre des jugements appropriés. Alors, cette question de dire que les gens ont perdu leur droit d'appel est tout à fait inexacte, et je pense qu'il est temps que je le dise, parce que ce n'est pas parce qu'on dit dix fois une chose fausse qu'elle devient vraie. Mais, des fois, certaines personnes peuvent penser qu'elles sont vraies. Donc, je les corrige et je vois que le député de Châteauguay a compris...

M. Fournier: ...pour contredire le ministre.

M. Bégin: ...que c'est inexact de dire qu'il n'y a plus de droit d'appel. Il y a droit d'appel, comme il y en avait un antérieurement en ces matières. Par contre, dans les matières où il n'y avait pas d'appel, par exemple une décision de la CAS, une décision de la CALP, il n'y aura pas d'appel non plus à l'avenir. Donc, on est exactement au même niveau que c'était antérieurement, et je dois faire remarquer que la Cour suprême du Canada, dans plusieurs décisions, comme la Cour d'appel du Québec, a décidé, et ce, de façon de plus en plus convaincante, que l'on doit laisser aux tribunaux administratifs, qui sont des tribunaux spécialisés, le soin de rendre des décisions qui ne soient pas appelables. Même la Cour suprême est allée aussi loin que de dire que, dans le cas où il y a des divergences entre deux écoles devant le tribunal, ce n'est pas aux tribunaux supérieurs à intervenir. Donc, au fur et à mesure que les années ont passé, les tribunaux supérieurs ont dit qu'il n'était pas souhaitable qu'un appel automatique soit créé de toutes les décisions rendues en matière administrative. Entre ces deux éléments, à savoir doit-il y avoir appel et le fait que les tribunaux limitent les appels, il n'y a pas contradiction. C'est simplement que, dans certains cas, il y a un appel qui est au Tribunal administratif et d'autres cas à la Cour du Québec. Et, historiquement, ils étaient présents, ces appels-là et ils sont maintenus.

Dans le cas où il n'y en avait pas, je réfère aux décisions de la Cour suprême et de la Cour d'appel qui disent très clairement que c'est approprié que ce soit ces tribunaux – à l'époque, qui étaient la CAS, la CALP et autres – qui rendent des décisions finales parce qu'ils considèrent que c'est la meilleure façon d'avoir une justice rapide, peu coûteuse et proche des gens. Et c'est non seulement la volonté du législateur dans le passé, mais c'est également perçu comme étant une bonne décision de la part des tribunaux supérieurs. Donc, en ce qui concerne l'appel, c'est le statu quo par rapport à la situation antérieure. Il m'apparaîtrait approprié que le député de Chomedey...

M. Fournier: Il n'est pas là, là.

M. Bégin: ...ne répande pas l'idée qu'il n'y a plus d'appels, alors qu'ils sont encore là. À moins qu'il ne veuille me trouver d'autres appels, on verra à ce moment-là.

M. Fournier: Oui, oui, je vais le dire tantôt.

M. Bégin: Si on revient maintenant sur le droit d'être entendu. Alors, supposément que le projet de loi n° 89 supprimerait le droit d'être entendu. Je pense que, M. le Président, il est bon, encore une fois, de référer aux dispositions du projet de loi n° 130, chapitre 54 des lois de 1996, et on voit que, dans le titre 1, qui commence à l'article 2, on a des éléments qui sont extrêmement importants. Vous avez d'abord l'article 2 et l'article 9 qui sont précédés l'un et l'autre par un titre qui est le chapitre 1. «Chapitre 1. Règles propres aux décisions qui relèvent de l'exercice d'une fonction administrative». Et l'autre, c'est: «Règles propres aux décisions qui relèvent de l'exercice d'une fonction juridictionnelle». Donc, c'est le même titre avec une nuance de taille: c'est fonction administrative et fonction juridictionnelle. Quelle est la différence?

Quand on voit fonction administrative, article 2, on lit ceci: «Les procédures menant à une décision individuelle – donc une décision prise par un administrateur – prise à l'égard d'un administré par l'administration gouvernementale, en application des normes prescrites par la loi sont conduites – et là ce sont les mots clés, les mots qu'il faut retenir – dans le respect du devoir d'agir équitablement.»

M. le Président, à date, il n'y a aucune de ces règles qui n'existe dans un texte de loi. Les savants avocats qui font l'exégèse des textes peuvent dire que, dans telle cause à la Cour d'appel, à la page 227, il y a tel bout qui dit telle chose et que, dans telle autre décision de la Cour suprême qui renversait la décision de la Cour d'appel dans un autre cas, on lit tel paragraphe ou telle phrase qui dit telle autre affaire. Là, on le dit spécifiquement pour que les gens le sachent.

Pour savoir ce qu'est le devoir d'agir équitablement, bien, on va aux articles 4, 5 et 6 où on lit entre autres que «l'administration gouvernementale prend les mesures appropriées pour s'assurer:

«1° que les procédures sont conduites dans le respect des normes législatives et administratives, ainsi que des autres règles de droit applicable, suivant des règles simples, souples et sans formalisme et avec respect, prudence et célérité, conformément aux normes d'éthique et de discipline qui régissent ses agents, et selon les exigences de la bonne foi». Voilà un guide donné à l'administration pour la prise de ses décisions.

On ajoute: «2° que l'administré a eu l'occasion de fournir les renseignements utiles à la prise de la décision et, le cas échéant, de compléter son dossier.» Donc, on permet à l'administré de compléter son dossier et de fournir les renseignements utiles.

«3° que les décisions soient prises avec diligence, qu'elles soient aussi communiquées à l'administré concerné en termes clairs et concis et que les renseignements pour communiquer avec elle – c'est-à-dire l'administration – lui soient fournis.»

(9 h 50)

Enfin, «4° que les directives à l'endroit des agents chargés de prendre la décision sont conformes aux principes et obligations prévues au présent chapitre et qu'elles peuvent être consultés par l'administré».

Voilà, M. le Président, un exemple très clair d'encadrement pour les parties qui se présentent. Mais, vu que vous me dites qu'il reste une minute, je reviendrai plus tard. Allons donc tout de suite à l'article 9. Il me semble qu'il y a 20 minutes, hein?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Trente, si c'est une motion de fond.

M. Bégin: Il me semblait...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, les représentants des groupes parlementaires, vous avez droit à 30 minutes, et les autres, 10.

M. Bégin: Alors, je vais donc, M. le Président...

M. Fournier: M. le Président, le ministre, vraiment, est très loin de m'avoir convaincu encore, puis je vais pouvoir revenir pour démontrer que...

M. Bégin: Vous me donnez donc tout mon temps qu'il faut pour le faire.

M. Fournier: ...tout ce qu'il dit ne correspond pas à la réalité des deux projets de loi et n° 130 et n° 89.

M. Bégin: On verra bien.

M. Fournier: Je veux bien que le ministre essaie de me donner d'autres informations, parce que, pour l'instant, il est complètement à côté de la «track», M. le Président.

M. Bégin: Je vais vous les fournir, M. le député de Châteauguay, vous allez voir.

M. Fournier: J'attends.

M. Bégin: Alors, nous sommes donc à l'article 4 qui donne les mesures que doit prendre l'administration pour rendre une décision équitable. S'ajoute à ça l'article 5 qui dit que «l'autorité administrative ne peut prendre une ordonnance de faire ou de ne pas faire ou une décision défavorable portant sur un permis ou une autre autorisation de même nature, sans au préalable:

«1° avoir informé l'administré de son intention ainsi que des motifs sur lesquels celle-ci est fondée;

«2° avoir informé celui-ci, le cas échéant, de la teneur des plaintes et oppositions qui le concernent;

«3° lui avoir donné l'occasion de présenter ses observations et, s'il y a lieu, de produire des documents pour compléter son dossier.»

Je pense, M. le Président, que ceci indique très clairement que, au niveau de la première décision de l'administration, des règles enfin précises que l'administré pourra connaître et dont il pourra exiger l'application sont maintenant inscrites dans un projet de loi. Fini le temps où seuls les spécialistes, avocats pouvaient énoncer les exigences devant l'administration.

Mais c'est le premier volet. Il y a un deuxième volet qui est aussi important, c'est: Comment se comporte-t-on lorsqu'on n'est pas satisfait d'une décision qui a été rendue? Alors, on s'en va à l'article 9 qui dit: Voici les règles propres aux décisions qui relèvent de l'exercice d'une fonction juridictionnelle. Alors, c'est encore les grands principes.

L'article 9: «Les procédures menant à une décision prise par le Tribunal administratif du Québec ou par un autre organisme de l'ordre administratif chargé de trancher des litiges opposant un administré à une autorité administrative ou à une autorité décentralisée – et là elles sont importantes – sont conduites de manière à permettre un débat loyal, dans le respect du devoir d'agir de façon impartiale.»

L'article 10 ajoute: «L'organisme est tenu de donner aux parties l'occasion d'être entendues.» Au sens où la jurisprudence le dit: être entendues comme devant un tribunal.

«Les audiences sont publiques. Toutefois, le huis clos peut être ordonné, même d'office, lorsque cela est nécessaire pour préserver l'ordre public.»

Alors, M. le Président, quand on voit ces dispositions, on comprend que, à l'égard de l'acte administratif, il y a la possibilité, qui est prévue à l'article 2, d'exiger le devoir d'agir équitablement dans l'administration. Et, lorsque nous allons devant un appel de cette décision de premier niveau devant le Tribunal administratif, les règles sont énoncées aux articles 9 et suivants, c'est-à-dire que, dans un débat loyal, l'administration doit avoir un devoir d'agir de façon impartiale et donner aux parties l'occasion d'être entendues, ce qui est, en clair, la codification de ce que la jurisprudence a établi au fur et à mesure des années dans l'élaboration des règles de droit applicables en matière d'administration.

Alors, M. le Président, comme on peut le voir, c'est très clair. Afin de bien faire comprendre ce dont il s'agit, allons donc voir les deux premiers articles de la loi n° 89.

M. Fournier: Bien oui! Justement, 2.

M. Bégin: Alors, on va à l'article 1 même si on n'en fait pas l'étude, M. le Président. C'est à titre d'exemple. On voit dans cet article une disposition qui permettra à l'administré de présenter ses observations au ministre pour en permettre le réexamen. Ça n'existe pas, actuellement, ce pouvoir. L'article 7.1, en conformité des articles qu'on a lus tout à l'heure, dorénavant: «pourra présenter ses observations au ministre pour en permettre le réexamen». Ça, c'est pour la Loi sur les abeilles qui ne prévoyait aucun mécanisme. On pourra discuter du mérite, si c'est parfait, si on ne devrait pas l'amender, si on ne devrait pas le modifier. Pas de problème, il s'agit de savoir si, oui ou non, le principe qui est là, c'est de permettre à l'administré d'avoir l'exercice d'un droit qu'il n'avait pas antérieurement. Et la réponse, c'est que ça l'accorde comme tel.

Maintenant, regardons l'article 2 qui, celui-là, réfère à l'acquisition des terres agricoles par des non-résidents. Alors, on lit dans le paragraphe 1° de l'article 2: par le remplacement, dans la deuxième ligne du premier alinéa, des mots «se faire entendre» par les mots «présenter ses observations». Alors, «se faire entendre» n'est pas la même chose que «présenter ses observations», et, comme je le mentionnais tout à l'heure, vous avez la possibilité d'avoir, au niveau du premier acte administratif et du second acte, des choses différentes. Le député de Chomedey fait signe...

Une voix: Il n'est pas là.

M. Bégin: Excusez, je suis tellement habitué, le député de Châteauguay. Parce qu'on peut dire beaucoup de choses du député de Chomedey, mais il y a une chose, c'est qu'il est généralement présent. Il est assidu, il est là.

Une voix: Très présent.

M. Bégin: Au sens que vous l'entendez, je n'en suis pas sûr. Ha, ha, ha! Donc, il a habitude d'être présent. Alors, on sait qu'il y a une différence entre «présenter ses observations» et «se faire entendre». Mais – je fais ma parenthèse, comme je la faisais tout à l'heure – il faudrait remarquer que les articles 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8 ont été adoptés. Et on reviendra à votre article 5 plus tard, puisqu'il y a déjà eu une longue motion qui a été discutée ici pendant quelques heures. Ces articles-là ont été adoptés, alors il faudrait que vous soyez conséquents pour comprendre que vous étiez d'accord avec le contenu des articles 2 et 9. Il ne faut pas, maintenant, prétendre qu'on ne le sait pas. Ces articles-là ont été votés parce qu'ils étaient, je pense, des articles de fond importants, qui ont fait l'objet de discussions et sur lesquels on s'entendait.

Donc, on dit «se faire entendre», mais...

M. Fournier: Je veux savoir où on l'a voté, M. le Président?

M. Bégin: Ici, à la commission puis en Chambre.

M. Fournier: En Chambre?

M. Bégin: Ah non, c'est vrai, vous étiez contre, en Chambre, globalement, mais, ici, vous l'aviez voté.

M. Fournier: Mais vous l'aviez changé, c'est pour ça.

M. Bégin: En commission. Alors, cet article dit «présenter des observations». C'est effectivement, au niveau de la première décision, différent de «se faire entendre», parce que «se faire entendre», au sens qu'on a à l'article 9, c'est faire un procès, et nous avons voulu – et là on va retrouver le mot que le député de Châteauguay mentionnait tout à l'heure, la «déjudiciarisation» – déjudiciariser la première prise de décision pour éviter qu'on ait un procès à ce niveau. C'est ce que nous faisons par l'article 2, pour faire en sorte qu'il y ait des observations, cependant, mais pas une audition au sens judiciaire du terme.

Mais on ajoute au deuxième alinéa que la Commission «doit, avant de rendre une décision défavorable, notifier par écrit au demandeur le préavis prescrit par l'article 5 de la Loi sur la justice administrative et lui accorder un délai d'au moins 10 jours pour présenter ses observations». Donc, c'est l'application concrète. Et c'est ce qu'on avait dit, c'est une loi d'application. On dit comment les principes énoncés dans la loi n° 130 vont s'appliquer de manière concrète, palpable dans chacune des lois. Donc, dans la Loi sur les terres agricoles, l'article 5, on le retrouve ici, comment il va être appliqué carrément dans cette loi-là.

Mais là y a-t-il appel? Oui, il y a encore appel, on le sait, devant le TAPTA qui va être au Tribunal administratif du Québec. Donc, on voit très bien l'application. Et les mots «loi d'application», ce ne sont pas des mots vains, ce sont des mots concrets. On dit: Voici, à l'article 2, comment les principes qu'on a énoncés dans la loi n° 130 vont s'appliquer à l'égard de la loi sur les terres agricoles acquises par non-résidents. Comme on le fait à l'égard de la Loi sur les abeilles, on donne un pouvoir, un droit qui n'existait pas dans l'ancienne loi, mais qui est maintenant prévu par la loi n° 130. Donc, on l'insère à l'intérieur de la Loi sur les abeilles.

Et tout le projet de loi d'application, ce n° 89, c'est justement comment introduire dans chacune des lois les principes que nous avons adoptés dans la loi n° 130, les principaux étant bien sûr le fait de pouvoir faire ses observations au niveau de la première décision; le deuxième, c'est d'être entendu devant le TAQ avec – et là on peut revoir toute notre loi qu'on a adoptée ensemble – les règles de preuve, les règles d'appel, la règle de nomination, la possibilité de faire de la conciliation, enfin toute la gestion de ce qu'est la justice administrative ou de ce qu'on veut qu'elle soit à l'avenir.

(10 heures)

M. le Président, il m'apparaît très clair que le droit d'être entendu est parfaitement respecté devant le TAQ et que les appels sont prévus de manière semblable à ce qui existait antérieurement dans les matières où il y en avait à la différence que cet appel devra être autorisé par la Cour du Québec pour éviter que des appels inutiles et dilatoires ne soient entrepris. La Cour du Québec sera capable d'appliquer, d'une manière intelligente, sereine, appropriée, ces dispositions-là et, quand une personne aura un droit à exercer, elle le lui permettra en permettant l'audition. Par contre, si on veut dire qu'il y avait, dans certains cas de droit, au niveau d'une première décision, ce qui semblait être un procès avec tout le barda que ça impliquait, effectivement, nous avons supprimé ça pour le mettre au niveau du Tribunal administratif.

Alors, je pense, M. le Président, que, par ces deux exemples-là, je viens de démontrer au député de Châteauguay que ses affirmations à l'égard du droit d'être entendu et du droit d'appel sont inappropriées et qu'il devrait, en lisant le projet de loi n° 89, faire une nouvelle lecture des articles qui sont prévus dans les 12 premiers articles de la loi n° 130. C'est les principes qui sont énoncés là. C'est des principes de fond, des principes extraordinaires, parce que, avant, le citoyen ne pouvait pas y avoir accès. Il devait nécessairement avoir un avocat, et souvent avoir un avocat surspécialisé dans des domaines. Je peux en parler...

M. Fournier: Plus d'avocat, plus de cause.

M. Bégin: ...puisque j'étais moi-même un avocat surspécialisé dans ces domaines-là, ce qui n'est pas nécessaire, à mon point de vue, parce que même un avocat se demandait, et se demande encore aujourd'hui parce que la loi n'est pas encore appliquée: Mais devant quelle règle de droit je suis? C'est quoi, cet organisme-là? Je n'ai aucun descriptif nulle part qui me permette de comprendre. Je vois, par vos signes de tête, que vous êtes d'accord avec ça.

M. Fournier: M. le Président, je comprends très bien qu'il y a beaucoup plus de clarté maintenant. Tout le monde sait qu'ils n'ont plus de droit et qu'ils n'ont plus de cause. Alors, c'est beaucoup plus clair. Et je vais profiter du message que me lance le ministre...

M. Bégin: Non, non, je n'ai pas terminé.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Châteauguay...

M. Fournier: Non, mais je veux pouvoir compléter, parce qu'on est dans un débat de fond, M. le Président, à savoir la compréhension...

M. Bégin: Vous êtes gardé six minutes. Tout à l'heure, vous aurez l'occasion de parler, M. le député de Châteauguay.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Un instant, M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Je respecte l'instant que vous demandez, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Nous ne sommes pas dans un débat de fond, nous sommes dans un débat de forme. Nous serons au débat de fond lorsqu'on aura terminé les débats préliminaires.

M. Bégin: Lorsque nous procédions à l'étude des articles 2, 3, 4, 5, 6 et 7, le député de Chomedey, qui a quand même travaillé au ministère de la Justice et qui a déjà travaillé dans ces domaines-là, on a vu tout au long de ça qu'il vérifiait constamment si on retrouvait bien, dans les dispositions de la loi n° 130, les principes de «common law» qui lui sont si chers. Et, effectivement – non, non. Je parle pour lui, là, qui lui sont si chers – c'est tellement important pour moi que je les ai introduits dans la loi. Ça vous va?

M. Fournier: À l'article 5?

M. Bégin: Non. Aux articles 2, 3, 4, 5, 6, 7, tous les principes. C'est ça, la beauté, M. le député de Châteauguay. C'est que les principes de «common law», si chers à notre député de Chomedey – et il en a fait la vérification pour s'assurer que c'était bien le cas – ont été introduits dans ce projet de loi là, et c'est l'essence même de la chose. Alors, je pense que, dans ce débat qui était un bon débat, on a pu voir que, justement, on s'assurait que tout ce que l'on retrouvait un peu partout dans des décisions judiciaires était maintenant codifié. Et je me rappelle avoir mentionné que c'était ça un peu, le génie du droit civil, par opposition au génie du droit statutaire. C'est que nous tendons à codifier les choses, à mettre des règles, des règles simples, plutôt que de laisser se bâtir au jour le jour, par interprétation, par juxtaposition, par superposition de passages, de décisions ou d'auteurs ou de décisions de la Cour d'appel contredites quelques années plus tard, en fait, une méthode qui donne des résultats qui sont corrects mais qui n'est pas du tout celle que suivent ordinairement les gens qui travaillent en droit civil... Alors, nous retrouvons tous ces beaux principes de «common law» codifiés dans les articles 1 à 12 ou 13, et je pense que c'est un avantage considérable. Mais, s'ils sont codifiés, c'est parce que les principes sont là, c'est parce que les droits qui en découlent sont également là, parce que les manières de les exercer sont également là, et c'est ça, M. le député de Châteauguay, la beauté de ce projet de loi. Alors, ça, c'est le n° 130.

Si on va maintenant au projet de loi n° 89, qui est l'objet de notre discussion quand même ce matin...

M. Fournier: Commençons par la partie publique du mémoire.

M. Bégin: ...il faut aller là-dessus et dire: Est-ce que l'article 1 respecte les principes qui sont énoncés? La réponse, c'est oui. Quand on regarde l'article 2, est-ce que ça respecte les principes du projet de loi n° 130? La réponse, c'est oui. Et ce sera comme ça tout au long. Si, au cours du débat, on se rend compte qu'on n'a pas bien traduit cette volonté-là, on amendera. J'ai d'ailleurs moi-même plusieurs amendements...

M. Fournier: 130?

M. Bégin: Non, non, pas 130...

M. Fournier: Ah! Bien, c'est ça qui est le problème.

M. Bégin: ...le projet de loi n° 89, pour bonifier ce projet-là.

Alors, c'est ça, l'objet du projet de loi n° 89. C'est ça, l'exercice auquel nous sommes conviés. Pas essayer de reprendre un débat que nous avons tenu en temps et lieu. Parce que le débat, c'est vrai, il a été court, il a été seulement quelque chose comme 150 heures: 130 heures d'audition ici et 17 heures en Chambre, 17 heures. Ils sont rares, les débats de 17 heures.

Il est impatient. Il n'est pas habitué d'être critique. Il est trop fringant. Il veut toujours intervenir, il ne sait pas attendre. Attendez, M. le député de Châteauguay, vous aurez l'occasion tout à l'heure de compléter.

M. Fournier: Merci.

M. Bégin: Alors, il faut, M. le Président, regarder le projet de loi n° 89 comme il est, c'est-à-dire un projet de loi d'application. Ce n'est pas un projet de loi de principes. Ce n'est pas un projet de loi qui donne le pouvoir ou non d'être entendu ou le droit d'aller en appel, ça a été inclus dans le projet de loi n° 130. C'est comment, dans chaque loi maintenant, ces principes-là vont être appliqués. C'est ça, le vrai débat auquel on vous invite. Pas de savoir si, oui ou non, il y a un plan O. Pas de savoir s'il y a ci ou s'il y a ça. C'est comment on peut mettre en application le projet de loi n° 130. Il y a 916 articles dans ce projet de loi. Effectivement, il y a 111 lois qui vont pouvoir bénéficier des principes qu'on a adoptés dans le projet de loi n° 130. C'est extraordinaire! Alors, je pense qu'il serait important que nous commencions nos travaux pour que, au 1er septembre 1997, cette loi-là puisse être mise en vigueur et appliquée et être bénéfique pour les citoyens du Québec.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci.

M. Fournier: M. le Président, comme le ministre m'a...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce qu'il...

M. Fournier: ...laissé entendre qu'il me permettait de compléter...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de...

M. Fournier: ...sur permission...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...Châteauguay...

M. Bégin: Je ne vous donne pas de droit, moi.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...vous n'avez pas droit de parole, puisque...

M. Bégin: Ah!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...vous avez pris vos 30 minutes pour intervenir sur la motion. Alors, est-ce qu'il y a d'autres députés qui veulent...

M. Fournier: Alors, en vertu de 213...

M. Bégin: Ha, ha, ha!

M. Fournier: ...est-ce que je peux poser une question, M. le Président? En vertu de 213, est-ce que je peux poser une question au ministre?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Nous reviendrons après, M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Bien, je viens de faire l'intervention, M. le Président. En vertu de 213...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce qu'il y a d'autres députés...

M. Fournier: ...suite à l'intervention, je voudrais poser une question.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Vous ne pouvez pas poser de questions à cette étape-ci. Alors...

M. Fournier: Ça ne va pas bien. Un règlement qu'on veut flusher...

Une voix: Ha, ha, ha!

Une voix: C'est le PQ, le règlement...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mais c'est le règlement.

M. Fournier: Laissez-moi finir. En vertu de 213, M. le Président, je voudrais juste poser une question au ministre suite à l'intervention qu'il vient de faire.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Vous avez utilisé tout le temps de parole que vous aviez. Alors, est-ce qu'il y a d'autres députés...

M. Fournier: M. le Président, sur la motion, bien sûr que j'ai utilisé le temps pour plaider, mais, sur 213, je peux poser une question au ministre suite à son intervention, parce qu'il a dit des choses qui ne correspondent pas. Notamment, je prendrais juste les articles 9 et 11, les agents de voyages. Alors, M. le Président, j'ai une question à poser au ministre suite à son intervention, puisqu'elle ne correspond pas à la réalité.

M. Bégin: Laissez-moi parler avant, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Un instant! Un à la fois.

M. Fournier: Oui, mais la lumière est rouge, c'est allumé.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Une question très brève. M. le député de Châteauguay, je tiens à vous rappeler, que la lumière soit rouge ou pas, que normalement...

Une voix: Une belle couleur, une belle couleur.

M. Fournier: Une belle couleur, oui.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...c'est moi qui donne la parole.

M. Bégin: On va les mettre bleues, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, ce n'est pas sur cette base-là. Si je donne la parole, à ce moment-là le technicien reconnaît. Mais ce n'est pas parce que votre lumière rouge est automatiquement allumée que ça vous donne le droit de parole.

Alors, je reconnaîtrai à cette étape-ci une brève question, mais pas un plaidoyer.

M. Fournier: Non, non.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Une brève question. Alors, allez avec votre question.

M. Fournier: Je n'ai pas l'intention de faire un plaidoyer.

M. Bégin: Mais, M. le Président, est-ce que c'est le président qui l'autorise ou c'est le ministre?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): C'est le président qui l'autorise...

M. Bégin: Ah! O.K.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...M. le ministre. À cette étape-ci de l'étude d'un projet de loi...

M. Bégin: Je peux accepter de ne pas répondre.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...le ministre est un membre de la commission pour les fins de l'étude du projet de loi. Ça ne change rien à la fonction de la présidence.

Alors, M. le député...

M. Bégin: C'est le droit de répondre que j'ai.

M. Fournier: Très brièvement, M. le...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...de Châteauguay, votre question.

(10 h 10)

M. Fournier: Très brièvement, M. le Président. Le ministre est revenu sur deux aspects: le droit d'appel, le droit d'être entendu. Comme vous m'avez demandé d'être bref, je vais me consacrer seulement à une des lois visées, la Loi sur les agents de voyages, articles 9 et 11 du projet de loi n° 89, où clairement, à 9.2°, on enlève le droit d'être entendu et, à 11.2°, on enlève le droit d'appel. Comment le ministre peut-il faire un grand discours pour dire que c'est bénéfique aux citoyens, alors que c'est un retrait des droits? Et je veux bien comprendre que le ministre prend appui sur le projet de loi n° 130, M. le Président, mais ce projet de loi a été changé, en cachette, pour enlever les droits qu'on avait donnés, à l'article 5, grâce au député de Chomedey, ici, en commission; le ministre les a retirés une fois que le projet de loi a été déposé pour l'adoption finale à la Chambre.

M. Bégin: M. le Président...

M. Fournier: Alors, M. le Président, comment le ministre peut-il vivre avec...

M. Bégin: C'est quoi, la question?

M. Fournier: ...cette contradiction?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): On a compris votre question ou vos questions. Alors, M. le...

M. Bégin: Alors, M. le Président, je trouve que c'est une belle question, à l'article 9. Quand on sera rendu là, ce sera une belle discussion que nous aurons ensemble.


Mise aux voix

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, sur ce, est-ce que la motion ainsi formulée: «Que la commission des institutions, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 89, Loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative, souhaite que le ministre de la Justice dépose la partie publique du mémoire au Conseil des ministres relatif au projet de loi n° 89», est adoptée?

M. Fournier: Nominal.

Une voix: Adopté.

M. Fournier: Vote nominal.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Vote nominal, M. le secrétaire.

Le Secrétaire: Alors, M. Fournier (Châteauguay)?

M. Fournier: Pour.

Le Secrétaire: M. Bégin (Louis-Hébert)?

M. Bégin: Contre.

Une voix: M. Laprise?

Le Secrétaire: Il n'a pas le droit de vote.

M. Bégin: Ah! Ah! Ah! Excusez-moi. Excusez-moi.

Le Secrétaire: M. Beaumier (Champlain), sur la motion de M. le député de Chomedey?

M. Beaumier: Contre.

Le Secrétaire: Mme Leduc (Mille-Îles)?

Mme Leduc: Contre.

Le Secrétaire: M. Landry (Bonaventure)?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Contre.

Le Secrétaire: Une voix pour, 4 contre, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien. Y a-t-il d'autres motions préliminaires? Alors, nous allons maintenant entreprendre l'étude article par article. Nous sommes à l'article 1. M. le ministre.


Organisation des travaux

M. Bégin: M. le Président, je me permettrais, avec votre autorisation, vu que nous sommes maintenant rendus à l'étude des articles, de revenir à la proposition que j'avais faite à mon collègue le député de Chomedey, au lieu de regarder chacune des dispositions, ce qui est la méthode normale, usuelle de fonctionner devant la commission, je le reconnais, d'utiliser, compte tenu du caractère très particulier du projet de loi, qui est un projet de loi d'application, et qui est un procédé qui a déjà été suivi dans d'autres cas semblables, par exemple au moment de l'adoption de la Loi d'application sur le Code civil, de procéder, donc, par une vision globale, avec des documents qui sont préparés par les gens du ministère.

Je veux juste montrer ici un document qui s'appelle Opérer le transfert des compétences de la CAS – la commission des affaires sociales – du BRI – Bureau de révision en matière d'immigration – du BREF , de la Chambre de l'expropriation et du TAPTA au TAQ . On a ici, par exemple, un chapitre qui dit la liste des lois avec les numéros d'articles qui sont modifiés ou... oui, modifiés, changés ou abrogés par une des dispositions en particulier. Alors, exemple, ici, la Loi sur les allocations d'aide aux familles, chapitre A-17, aux articles 16, 18, 19, 20. Je pense qu'on a ici un instrument qui pourrait nous permettre de mieux travailler sur le fond des choses. Ceci n'empêcherait pas que nous devrions quand même, par la suite, adopter selon les règles usuelles, c'est-à-dire article par article, chacune des dispositions.

Moi, je proposerais, M. le Président, que l'on suspende quelques minutes pour donner l'occasion à l'opposition de prendre connaissance d'un premier document. Ce serait seulement un premier, parce qu'il faudrait qu'il y en ait d'autres pour couvrir d'autres secteurs. Mais on a suffisamment de choses ici pour que ça vaille la peine de prendre de 10 à 15 minutes pour que vous regardiez ce qu'il en est.

Moi, je pense que ça éviterait un processus qui ne serait pas efficace parce qu'il ne nous permettrait pas d'avoir une vue globale, si on le faisait article par article, tandis que, là, on voit l'ensemble des dispositions. Si, par exemple, 20 fois, on enlève une phrase ou un mot dans 20 lois différentes, il me semble que ce serait mieux de dire: Voici de quoi il s'agit. Et là, dire: Là, ça s'applique dans 20 cas, et ainsi de suite. Donc, d'avoir une vue plus globale que de procéder article par article.

Maintenant, j'ai déjà parlé de ça. Je n'avais pas déposé de document. Ça avait été refusé par votre collègue, je l'ai dit, le député de Chomedey, mais j'ai cru comprendre, dans une intervention qu'il a faite par la suite, qu'il serait peut-être intéressé à regarder cette proposition, en disant: On pourrait peut-être regarder ce qui avait été proposé par le ministre. Je ne veux pas le faire parler, mais j'avais cru comprendre cette chose-là.

Alors, je me permets de vous faire la proposition ce matin. On prendrait peut-être 15 minutes, M. le Président, si vous êtes d'accord? Dix minutes?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre, je n'ai pas de problème avec votre demande de suspendre les travaux pour quelques minutes, mais ces remarques que vous formulez là auraient pu être formulées aussi à l'étape des remarques...

M. Bégin: Elles l'ont été, M. le Président. J'ai fait une première proposition...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Parce que c'est une proposition de mode de fonctionnement des commissions.

M. Bégin: Oui, mais, M. le Président, je l'ai fait. Elle a été rejetée par l'opposition. On a continué nos débats. Il y a eu des motions par la suite. C'est pour ça que j'ai dit: Je la représente. Je sais que c'était au début qu'il fallait le faire; je l'ai fait au début. Mais la commission peut toujours changer d'idée.

M. Fournier: Je comprends, de toute façon, qu'il y a un élément nouveau qui s'ajoute, à savoir qu'il y a un exemple qui peut être regardé, qu'on a maintenant sous la main. Alors, on pourra le regarder. Ceci étant, je comprends donc que nous n'avons pas encore commencé l'étude, c'est pour ça que le ministre soumet ça. Nous sommes toujours à cette étape qui veut établir comment on devrait fonctionner. Moi, je suis prêt à regarder les documents pour voir de la meilleure façon possible qu'on peut assurer le plus de transparence et que l'ensemble des Québécois sachent de quoi on parle. Alors, si, effectivement, il s'agit d'une méthode qui est meilleure, on va la prendre. Si elle n'est pas meilleure, on ne la prendra pas.

M. Bégin: M. le Président, je voudrais dire que des fonctionnaires seront à la disposition des députés de l'opposition pour expliquer comment le document est bâti, parce que ce n'est pas nécessairement évident en soi. Donc, dans l'intermission, ils pourront vous expliquer, si ça vous intéresse.

M. Fournier: Juste une courte intervention là-dessus, M. le Président. Est-ce qu'il serait possible de demander aux fonctionnaires la partie publique du mémoire déposé au Conseil des ministres, puisqu'elle est publique?

M. Bégin: Il me semble qu'on a déjà entendu ça.

M. Fournier: C'est une question que je pose simplement. Si je peux poser des questions aux fonctionnaires, j'aimerais savoir si je peux aussi poser cette question-là, et ils auront la marge de manoeuvre pour nous la livrer.

Qui ne dit mot consent. Donc, je pourrai poser la question, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mesdames, messieurs, avant de suspendre, j'aimerais qu'on balise un peu le temps nécessaire pour faire cet examen.

M. Bégin: Jusqu'à la demie, M. le Président. Il est 10 h 17. Jusqu'à 10 h 30.

M. Fournier: Ça dépend de l'ampleur du document.

M. Bégin: S'il a besoin, il demandera.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): On convient de prendre 15 minutes pour faire cet examen-là. Si nécessaire, bien, on prolongera. Très bien.

(Suspension de la séance à 10 h 18)

(Reprise à 10 h 40)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Nous reprenons nos travaux. M. le ministre avait fait une proposition de mode d'étude des articles. Alors, je demanderais à M. le député de Châteauguay ses réactions par rapport à cette proposition.

M. Fournier: J'ai survolé – évidemment, ce n'est pas si long que ça à regarder parce que c'est beaucoup des rappels d'articles et de lois visés; on voit que les articles peuvent se reprendre sous l'un ou l'autre thème, parce qu'il y a sept thèmes qui sont développés – j'ai regardé ça attentivement, M. le Président. J'ai quatre remarques, en fait.

La première, c'est de regarder ce document-là et la façon de procéder que propose le ministre à la lumière de la tradition qu'il reconnaît lui-même – l'objet du débat n'est pas là – mais souvenons-nous pourquoi il y a cette tradition d'étudier article par article, dans l'ordre. Pourquoi? D'abord, je pense que c'est un signal à la commission qui a à étudier article par article de respecter la volonté du gouvernement qui a livré son projet de loi de cette façon-là. C'est-à-dire que le projet de loi aurait pu être concocté de différentes façons. Il a été concocté par le ministère, à mon avis, correctement. Le ministère a souhaité qu'on regarde une loi à la fois et qu'on regarde quels sont les impacts à l'égard de cette loi, que ce soit sous le thème I ou le thème VII ou les thèmes III et IV. Parce qu'il y a des articles, donc des lois, qui sont affectés sous plus d'un thème qui sont regroupés dans le papier, ici. Alors, à cet égard-là, je pense que le ministère avait raison. La tradition nous amène à respecter cette volonté exprimée par le Conseil des ministres de nous présenter le projet de loi comme ça.

Il y a un autre élément pourquoi la tradition est faite ainsi: d'abord, une meilleure compréhension par l'ensemble de la députation qui peut toujours être admissible à nos débats sur l'étude article par article. C'est encore plus vrai dans le cas d'un projet de loi comme celui-là. On le comprendra facilement, M. le Président, le ministre l'a dit lui-même, il y a 111 lois, enfin tous les secteurs d'activité étatique sont touchés ici. Il y a des députés qui représentent des régions rurales, d'autres, des régions urbaines, d'autres qui ont des préoccupations, peut-être parce qu'ils sont porte-parole – je pense ici aux gens de l'opposition – en certaines matières, mais c'est vrai aussi pour les députés ministériels qui peuvent avoir, je dirais même, une expertise plus développée que d'autres à cause de leurs antécédents. Et, ma foi, c'est une des raisons pour lesquelles on souhaite avoir une assemblée qui soit la plus diversifiée, pour tirer profit de cette expertise-là.

Donc – et j'arrive à ce propos – l'ordre qui est proposé et le cheminement d'étude dans un ordre chronologique – un après l'autre – amènent l'ensemble de la députation à être au courant quand à peu près va être abordée cette question. Il y a des députés qui vont vouloir venir, et on va en tirer profit, ici, à la commission, que des députés des deux côtés, qui ont des expertises, puissent venir nous dire comment ça les affecte. Je pense ici, notamment, à la nouvelle députée de Prévost qui, lorsqu'on abordera l'article 7 où on parle de la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité, aura peut-être quelque chose à venir nous dire. Si on y va dans l'ordre proposé par le ministre, on se coupe de cette expertise que tous les députés ont et peuvent venir échanger avec nous. Disons que la tradition est bien faite de cette façon-là. Elle nous permet de tirer le meilleur profit de la députation, peu importent les partis représentés. Vous savez, M. le Président, j'ai fait assez souvent des interventions sur l'importance du législatif et son rôle à l'égard de l'exécutif. Je pense qu'ici l'exécutif mérite de se donner et de tirer les fruits de cette expertise qu'a le législatif.

Donc, cette première analyse m'a amené à regarder ça non pas avec suspicion, mais avec attention. On disait: Il y a une raison pourquoi la tradition est faite ainsi. Est-ce qu'on ne va pas se couper de ça avec la méthode?

Le deuxième élément qu'il faut se poser comme question, c'est: Pourquoi le ministère propose cet ordre-là et que le ministre, lui, propose un ordre inversé? Moi, je pense que c'est parce que le ministère souhaite, comme je le disais tantôt, qu'on regarde chacune des lois. Une loi qui est affectée peut avoir deux, trois, quatre articles. On les prend par segment, par secteur d'activité, et c'est comme ça qu'on procède d'habitude. Le ministre a suivi cette façon de faire là, beaucoup plus claire, beaucoup plus pédagogique, je dirais. Elle permet de faire le tour de la question pour un secteur d'activité. L'approche du ministre, il l'a dit lui-même, c'est une approche plus globale. Elle a l'avantage d'être plus courte, mais le désavantage de nous empêcher de faire oeuvre pédagogique, de nous empêcher peut-être de bien voir quel est chacun des effets à chacune des lois où le droit d'appel est retiré. À chacune des lois où le droit d'être entendu est retiré, on pourra regarder quels sont les impacts, notamment. Je le disais tantôt pour la députée de Prévost; il y a d'autres députés qui vont pouvoir venir dire comment, eux, ça les affecte dans leur secteur d'activité.

Donc, je pense que l'approche globale, qui a le mérite de raccourcir les délais pour le ministre, donc de faciliter l'administration, a, encore une fois, le même penchant que le projet de loi lui-même a, c'est-à-dire de pénaliser les citoyens dans le propos pédagogique qui peut être tenu et l'analyse détaillée qui peut être faite en commission. Alors, à cet égard-là, c'est un deuxième élément qui, sans rejeter catégoriquement l'approche du ministre, m'amène à être attentif.

Le troisième élément est véritablement le coeur – et je l'ai couvert un peu en disant les propos que je vais tenir – de la décision: nous demander ce qu'on fait ici et l'approche qu'on peut prendre. Moi, l'approche que j'ai sur ce projet de loi, notamment, et le n° 130 aussi, lorsqu'on a eu à l'étudier, c'est toujours un peu une approche citoyen, c'est-à-dire que je dis: Je suis député. Les gens viennent me voir à mon bureau, comme ils vont voir tous les autres députés, puis ils soulèvent des problèmes. Mais, d'habitude, M. le Président – enfin, d'habitude... je vais faire part de mon expérience; peut-être que d'autres ont eu d'autres expériences – je n'ai pas eu un seul citoyen qui est venu me dire une question du type: Je voudrais discuter avec vous des dossiers de la CAS qui vont maintenant être au TAQ. Ce n'est pas comme ça que ça se présente dans un bureau de comté. Dans un bureau de comté, le citoyen arrive et il dit, au contraire: J'ai un problème d'indemnité en vertu de la Loi sur les allocations d'aide aux familles, ou: J'ai un problème d'indemnité en vertu de la Loi sur l'assurance automobile, ou: J'ai un problème d'indemnité en vertu de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées. Bon, on pourrait faire toute la liste qu'il y a, ici, au premier item.

Autrement dit, l'approche citoyen, c'est l'approche où le citoyen vient voir son député puis il lui dit: Peux-tu régler mon problème? Et, s'il vient me voir, M. le Président, cette semaine ou la semaine prochaine, je vais être obligé de lui dire: Justement, on est en train de parler de ça à la commission des institutions. Il y a un projet de loi qui enlève le droit d'être entendu. Je ne sais pas comment tu trouves ça. Là, il me dit: Oui, mais là vous êtes rendu où? Bien là, je dis: On ne l'étudie plus vraiment sous forme de loi, on l'étudie de façon globale. Ce qui intéresse les députés, ce n'est pas tellement comment les citoyens sont affectés, mais comment la machine est affectée. Donc, moi, je suis vraiment en désaccord avec une approche administration. Je favorise l'approche citoyen. L'approche administration, c'est celle non pas de se préoccuper des droits qui ont été retirés au citoyen, mais de se préoccuper du forum de débat, du forum de décision à l'égard du citoyen. Donc, l'approche qu'on dit globale, du ministre, c'est beaucoup plus une approche machine, une approche administration. Et ça, ça m'amène à repousser, malheureusement, malheureusement, parce qu'il y a des éléments intéressants dans le document qu'amène le ministre... Alors, je suis un peu pris entre l'arbre et l'écorce. Je ne veux absolument pas abandonner l'approche citoyen, l'approche qui tient compte, à l'égard d'une loi et d'un secteur d'activité étatique, de l'ensemble des implications qu'il y a sur le citoyen.

Par ailleurs, à l'occasion de l'étude article par article de notre projet de loi, selon la tradition, il pourrait être utile de faire des concordances auxquelles nous appelle le ministre. Alors, si d'aventure il y avait d'autres documents comme ceux-là qui étaient proposés, je pense que l'opposition, comme les députés ministériels – et là le ministre, lui, a déjà connaissance de l'ensemble de ces documents; c'est lui qui nous les dépose, donc il possède cette matière au bout des doigts, c'est ce qu'il faut présumer – on considère que c'est un document qui peut peut-être servir à orienter les discussions à l'égard de chacun des articles, pour voir l'ensemble des thèmes – on a sept thèmes, ici – qui affectent une loi, un secteur d'activité.

Alors, j'espère que j'ai été assez clair pour démontrer qu'il ne s'agit pas d'un blocage systématique à l'égard de ce que nous propose le ministre pour faciliter les travaux. Ce n'est pas une revanche parce que le ministre refuse de rendre publique la partie publique du mémoire. Ce n'est pas ça qui est le cas. Ce qui est le cas, c'est d'essayer de choisir. Ça, le ministre prend ses décisions. Une décision comme celle-là, il a à vivre avec, ainsi que tous ceux qui ont voté pour ça, de garder privé ce qui est public. Mais ça, ce n'est pas mon problème. Nous, notre problème, c'est de mettre ça en relief. Maintenant, ici, devant la proposition qui est faite, je pense avoir démontré que le document a une certaine utilité. Il pourrait nous aider à orienter nos discussions à l'égard de l'étude article par article. Cependant, choisir ce mode-là irait à l'encontre de la décision du Conseil des ministres de nous présenter le projet de loi sous cette forme-là, empêcherait la commission, l'exécutif lui-même, de tirer profit de l'ensemble de l'expertise de la députation qui peut venir sur un article ou sur un autre. J'ai un de mes collègues qui est avec nous, M. le Président, en ce moment, le député de Shefford, qui a une expertise non seulement en matière économique, puisqu'il s'en fait le porte-parole en Chambre, mais qui a aussi une expertise dans le domaine agricole. Il va être très profitable, de la part de quelqu'un qui connaît, qui a une expérience sur le terrain, qui a vécu des cas concrets, qu'il puisse nous dire, notamment, ce que les citoyens viendraient dire chez nous. Et c'est ça, l'approche citoyen.

(10 h 50)

Devant l'ensemble de ces points-là, j'espère que le ministre comprend bien qu'il ne s'agit pas pour moi de rejeter du revers de la main l'approche qu'il fait, mais simplement de lui dire qu'on peut combiner cette proposition-là avec l'approche traditionnelle, étude article par article, ce qui nous permet de faire bénéficier l'ensemble des citoyens de plus de... de faire oeuvre pédagogique, de plus d'explications, de mieux comprendre d'où on part et où on va. Parce que simplement se dire: On part d'un forum de la CAS et on s'en va au TAQ... Entre vous et moi, M. le Président, il n'y a pas grand monde que ça intéresse de savoir c'est quoi, votre plomberie, c'est quoi, votre machine. Ce qu'on veut savoir, c'est... Lorsque, dans un secteur d'activité, vous avez un permis, notamment – parce qu'il y a des cas comme ceux-là qui se sont présentés – pour travailler, pour faire une activité économique, et que l'administration décide de vous le suspendre, de vous le révoquer, là vous voulez savoir c'est quoi, vos droits, vous voulez savoir qu'est-ce qu'il y a à faire. Vous voulez savoir quelles sont les implications, dans le cas d'un projet de loi comme celui-là, pour votre activité économique: Est-ce que ça entraîner pour vous une inquiétude? Est-ce que ça va vous empêcher de faire un investissement? Est-ce que ça va être un problème à la création d'emplois? Voilà un certain nombre de questions qu'il faut se poser. Parce que peut-être que, dans le domaine économique – et je ne parle que de celui-là – il y a des gens qui vont se poser des questions.

Je le disais tantôt pour les indemnités, on a dans le débat public, M. le Président... et tout le monde, je pense, l'a à coeur lorsqu'on regarde les citoyens qu'on représente, qui sont les démunis... Lorsqu'on regarde ça et qu'on se dit: Qu'est-ce qu'on peut faire? Comment est-ce qu'on peut aider l'ensemble des citoyens, répartir la richesse, s'assurer que les gens ne vivent pas d'exclusion mais soient de plus en plus inclus dans notre société? Lorsqu'on regarde ça à la lumière de ce projet de loi, on dit: Est-ce qu'on fait vraiment le bon geste? Si on fait une vue globale, on s'y perd, finalement. La vue globale, c'est un gros flou artistique autour des problèmes ponctuels que vivent les gens. Vous savez, lorsqu'on veut envoyer un message à quelqu'un qu'il ne fait pas partie de notre gang, on lui dit: Ton petit problème que tu as avec les allocations familiales, ou que tu as avec l'assurance automobile, la question qui se pose, ce n'est pas les droits que tu as, c'est la place où on va les décider. Bien, je ne pense pas qu'on fasse oeuvre utile, je ne pense pas qu'on amène une meilleure prise en compte, considération, chez nos concitoyens, qu'ils sont au coeur de nos priorités.

Je comprends qu'on n'est pas de la même formation politique. Ça, je l'admets; c'est facile à voir. De notre côté, M. le Président, les citoyens sont ceux que l'on sert. Ils doivent être au coeur de nos priorités. Ils doivent être toujours le guide de nos prises de décisions, que ce soit en matière de vote sur un article ou en matière de décision à l'égard d'une approche, d'étude d'un projet de loi pour un article. C'est ce que nous avons comme philosophie et je pense que... Et j'espère être assez convaincant pour convaincre l'autre formation politique de commencer à avoir les citoyens au coeur de ses priorités.

Je ne veux pas lancer le débat, M. le Président. Je sais qu'on n'apprécierait pas, à l'égard d'une proposition sur l'approche, qu'on lance un grand débat sur comment, moi, je vois, je constate l'action gouvernementale. Ce n'est pas la place, ce n'est pas le lieu; on n'a pas le temps, puis vous connaissez déjà ce que j'en pense. Ceci étant, on a ici un bel exemple pour essayer de faire oeuvre utile et commune, ensemble, des deux côtés de cette table.

Utilisons l'approche traditionnelle qui permet à tous les députés... et je le dis en même temps, envoyons le signal à nos députés des deux formations politiques que ce projet de loi là les touche dans leur secteur d'activité. Pour ce qui est des porte-parole de l'opposition, c'est clair. Pour ce qui est des députés ministériels comme des députés de l'opposition, dans leurs expertises, dans leur vécu, dans ce qu'ils connaissent de spécialisé, qu'on leur lance l'invitation, qu'on leur fasse savoir des deux côtés... Je sais, M. le Président, que, nous, on va le faire pour cette étude, s'assurer que les gens qui s'y connaissent puissent venir témoigner de leurs expériences et comment ils voient les implications. Alors, je lance l'invitation au ministre. Qu'il profite de son prochain caucus et, si c'est trop tard, qu'il le fasse devancer pour s'assurer qu'il va inviter les députés. Je pense à la députée de Prévost – je le disais tantôt – mais il y en a d'autres. La députée de Prévost, c'est parce que c'est bientôt; c'est l'article 7. Mais s'assurer que les députés vont venir avec nous, dans cette approche citoyen, nous expliquer les implications. Moi, je pense qu'on va faire oeuvre utile et je vais tirer profit du document. Et, si le ministre, son ministère et ses gens préparent d'autres documents qui peuvent nous aider à comprendre... Je pense notamment à la partie publique du mémoire qui pourrait nous être utile. S'il y a d'autres documents comme celui-là que le ministre peut rendre publics... Je comprends que la partie publique du mémoire, elle, elle peut être rendue publique.

Jusqu'à ce moment-ci, le ministre veut nous aider, mais pas au complet. Là il pourrait nous donner un signal qu'il veut vraiment nous aider. Moi, je lui envoie le signal que je veux l'aider. On veut utiliser les documents pour essayer d'orienter les discussions qu'on aura sur chacun des articles, pour bien prendre en compte les implications, pour ne pas faire de redites, pour ne pas dire des choses dont on a déjà fait le tour, sauf si elles nous permettaient de faire oeuvre pédagogique et de bien toujours expliquer. Parce que, des fois, lorsqu'on revient sur une question, on peut trouver un autre angle. Pour contourner l'obstacle de la partisanerie, parfois il faut prendre plusieurs angles et, lorsqu'on arrive de l'autre côté de la partisanerie, on arrive du côté du citoyen, on arrive du côté de l'intérêt des gens qu'on représente, on arrive du côté de la transparence, de l'objectivité, de l'information.

Je pense que c'est ça qu'on cherche tous à avoir, la meilleure information, la meilleure approche d'étude et d'analyse, et là je pense qu'on a une belle formule, forts de la tradition qu'on a, forts d'un message que, des deux côtés, on fera parvenir à nos députés pour qu'ils viennent... Cent onze lois sont touchées par cette loi-là, alors c'est tout dire. Lorsque ça va du domaine financier au domaine agricole, au domaine social, au domaine de la famille... Il y en a pour tout le monde. Tout le monde est touché. Alors, je pense qu'on peut vraiment tirer profit d'une excellente analyse là-dedans.

Le premier article – un exemple – je ne le sais pas, puis je pense que, chez nous – je connais un peu les gens de notre côté – je ne suis pas sûr qu'on ait des spécialistes d'une Loi sur les abeilles, mais il est possible que, du côté du gouvernement, on en ait, alors ils vont pouvoir parler. Du côté du gouvernement, il y a peut-être des députés aussi qui sont des spécialistes, qui connaissent ça, la Loi sur les abeilles, et qui vont pouvoir venir nous en parler. Moi, je pense que là on vient de démontrer et on démontrerait à la population...

M. le Président, peut-être que le député de Saint-Hyacinthe – moi, je ne le sais pas – est un spécialiste. Si c'est un spécialiste, assurons-nous qu'il sera avec nous lorsqu'on va entamer l'article 1, et il va nous dire... Peut-être, à la grande joie du ministre, va-t-il dire comme lui. Le ministre tantôt nous a dit que l'article 1, c'était un plus. L'administration venait donner un droit, parce qu'on n'enlevait pas le droit d'être entendu, ici, puis on disait qu'on peut présenter ses observations. Moi, ce que j'ai hâte de voir, c'est: Quelle est la vraie situation actuelle à l'égard de cet article 1? Est-ce que c'est un plus ou c'est un égal? Ça, c'est des questions qu'on aura sur l'article 1. Le ministre, évidemment, qui pourra nous donner un avis professionnel sur le sujet, va nous en parler. On pourra peut-être poser des questions à ses fonctionnaires, mais la meilleure personne pour poser ces questions-là, c'est quelqu'un comme le député de Saint-Hyacinthe ou le député de Shefford qui ont des connaissances dans le domaine.

Alors, pour toutes ces raisons, puis je ne veux pas prendre plus de temps, puis je ne veux pas me rendre à la limite d'un temps dont je ne connais même pas la limite que j'ai pour plaider sur la proposition du ministre... Simplement pour dire qu'il ne s'agit pas – et je termine – de rejeter du revers de la main l'approche du ministre. Il s'agit de la reprendre dans l'intérêt des citoyens et de se dire: On pourrait faire une meilleure analyse, forts de la documentation du ministre et de tous les documents publics ou qui sont à caractère public et qu'il a en sa possession, nous amener cette documentation-là qui va nous orienter dans l'étude et l'analyse article par article, traditionnelle, soit, mais pour de bonnes raisons, pour tirer le meilleur de l'expertise de la députation et pour correspondre au choix exprimé par l'exécutif. Le législatif doit le superviser, mais il ne doit pas non plus le faire dévier de sa volonté.

Alors, pour toutes ces raisons, je dis au ministre que nous allons entreprendre l'étude, je crois, dans un climat de grande coopération. J'espère qu'on pourra entendre tous les députés qui sont des spécialistes de chacun des secteurs. On fera le tour de la question par secteur, on verra l'ensemble des conséquences, des implications, des effets. Est-ce que le citoyen, comme je le dis, comme je le crois, comme le démontrent clairement, notamment, les articles 9 et 11 qui concernent la Loi sur les agents de voyages, où c'est très clair, là, ce que je disais tantôt, à savoir que le droit d'être entendu était affecté... Ça ne peut pas être autrement quand on dit qu'on remplace un bout de phrase, dans une loi, qui dit: «donner au détenteur l'occasion d'être entendu». Quand vous enlevez ça, ça veut dire que vous enlevez le droit au détenteur d'être entendu. Pourquoi je dis ça? Parce que c'est marqué de retirer les mots «donner au détenteur l'occasion d'être entendu». Quand on donne aux mots le sens qu'ils ont, on se comprend; quand on donne aux mots le sens qu'ils n'ont pas, on se perd, ça devient confus. C'est pourquoi, notamment, je dis: Rendre public ce qui est public, ce n'est pas une motion qui fait ça, c'est une question, et le ministre le sort.

(11 heures)

Même chose ici. Pour revenir à mon propos, le ministre disait tantôt: Il n'y a pas de droit d'être entendu qui est retiré, il n'y a pas de droit d'appel qui est retiré. Sans faire le tour, juste les droits sur les agents de voyages... Et j'espère qu'on a des gens qui sont spécialistes là-dedans, qui vont pouvoir venir nous dire: Bien, moi, quand je lis 9, 2°, je vois bien qu'on change le droit au détenteur d'être entendu par un droit de présenter des observations. C'est ça qui est marqué ici. Si le législateur dit ça, c'est parce que ça veut dire quelque chose. Vous et moi, M. le Président, comme le ministre, nous savons que ça implique, entre autres, qu'il n'a plus le droit absolu de se faire entendre comme témoin, qu'il n'a plus le droit de contre-interroger, qu'il n'a plus le droit qu'il avait avant.

Même chose à l'article 11, Loi sur les agents de voyages, et c'est marqué ceci: le remplacement des mots «interjeter appel de la décision du président devant trois juges de la Cour du Québec...» Alors, la question, M. le Président, c'est que là on enlève quelque chose qui est pourtant prévu dans le programme du Parti québécois, et le ministre dit: On n'enlève pas les droits d'appel. Bien, je m'excuse, parce qu'à l'article 11 c'est exactement ça qu'on fait et, à l'article 9, c'est ce qu'on fait. Et je prends juste le cas de la Loi sur les agents de voyages.

Donc, l'approche globale nous empêcherait d'avoir un focus et de cibler les conséquences, notamment pour les agents de voyages. Moi, je pense que le ministre va s'apercevoir, avec l'approche qu'on propose, fort de ses documents, que tantôt il ne reflétait pas la réalité des projets de loi n° 89 et n° 130, lorsqu'il disait que les droits n'étaient pas affectés. Il a invoqué l'appui de l'opposition, à l'article 5 du n° 130, M. le Président, et j'ai été obligé de lui demander à quel appui il faisait référence, et il disait: Quand on a voté, ici, en commission. Mais c'est vrai, M. le Président. Lorsqu'on a voté, ici, en commission, on a réussi à faire réintégrer dans le n° 130 les droits reconnus que tous les citoyens ont, et le ministre est parti avec ça, a accepté et, après ça, lorsqu'on est venus en Chambre, il les a retirés. Et puis là il dit: Vous avez changé d'idée. Ce n'est pas nous qui avons changé d'idée, M. le Président. On a beau se dire que l'étude article par article du projet de loi n° 89 va être de vérifier s'il applique valablement le projet de loi n° 130, on ne peut quand même pas oublier ce que faisait le n° 130. On ne peut pas oublier ça. On ne peut pas oublier, si on a une approche citoyen, qu'il a des effets.

Alors, tout ça pour dire... Là, j'ai peut-être été un peu plus long vers la fin, alors que j'avais promis que je terminerais rapidement. Donc, je termine, puisque c'est rapide, pour dire que l'étude article par article va nous permettre de revoir l'ensemble des implications pour chacune des lois, et le ministre saura assez rapidement... À mon avis, on ne se rendra même pas à l'article 12. Lorsqu'on terminera les quatre premiers secteurs d'activité, avant même d'arriver à l'aide juridique, le ministre s'apercevra qu'effectivement, par son initiative du n° 130 et du n° 89, il a choisi de déjudiciariser en enlevant des droits.

Et j'ai compris tantôt ce qu'il voulait dire: les avocats s'y perdent, ils ne savent plus quels droits appliquer. Alors, qu'est-ce que le gouvernement fait? Il a enlevé les droits. C'est plus clair pour tout le monde. C'est évident que l'administré n'a plus besoin d'avocat, l'avocat va lui dire: Tu n'as pas de droits, et l'administré, maintenant, il va découvrir qu'il n'a plus de droits. Alors, c'est simple comme bonjour, mais quelle sorte de société est-ce qu'on bâtit avec ça?

Moi, je vous le dis bien honnêtement, M. le Président, j'étais contre le n° 130, je m'excuse de vous le rappeler, et je suis contre le n° 89 parce que je suis contre le fait qu'on enlève des droits au citoyen. Alors, je me dis qu'il doit bien y avoir quelqu'un de l'autre côté qui partage cet avis-là. Il me semble que c'est juste normal, dans une société, qu'on protège les gens qu'on représente. Ça, c'est la philosophie du Parti libéral du Québec. J'attends de voir si la philosophie du Parti québécois va enfin entendre raison.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre.

M. Bégin: En réplique, M. le Président. Je pense que la proposition que je faisais d'aborder l'ensemble des dispositions de 916 articles, autant que possible, par sept thèmes – comme le premier était Opérer les transferts des compétences de la CAS, du BRI, du BREF, de la Chambre de l'expropriation et du TAPTA au TAQ – cela permettait de procéder de manière plus globale et de voir l'ensemble des dispositions qui étaient affectées à cet égard. Malheureusement, ce que nous invite à faire le député de Châteauguay ne sera pas possible parce que ça ne va pas, effectivement, avec le document qu'on a. Si on arrive, mettons, à l'article 27 du projet de loi, on ne sera pas en mesure, en disant: On va regarder le tableau, où il y a d'autres dispositions comme telles, parce que ça, ça nous obligerait à repasser tous les articles un après l'autre pour le retrouver, ce qui se fait peut-être avec un ordinateur, mais qui ne se fait pas comme ça. Le texte a été fait pour être capable de prendre tous les articles qui touchent un thème, mais non pas l'inverse. Alors, ce n'est pas un vice versa qu'on peut faire. Malheureusement, compte tenu du refus du député de Châteauguay d'utiliser cet instrument-là, il va devenir inutile et on ne pourra pas s'en prévaloir, non pas parce que je ne le voudrais pas, mais parce que, techniquement, ça ne peut pas fonctionner dans le sens qu'il mentionne.

Deuxième chose, je suis un peu étonné qu'il mentionne qu'on va faire parader les députés pour chacun des articles du projet de loi. J'ai une petite expérience de deux ans et demi, comme M. le député de Châteauguay, mais je n'ai encore vu aucune parade semblable s'installer, où chaque député concerné par un secteur vient témoigner, à toutes fins pratiques, ou vient faire un saut pour dire: À 10 h 20, vous allez toucher à l'article 28, et nous venons. C'est intervenir pour dire... Ça n'a aucun sens. À ce que j'ai compris de nos travaux, c'est que, normalement, certaines personnes qui travaillent dans une commission regardent les travaux qu'il y a à faire, regardent le projet de loi. Si elles s'aperçoivent qu'elles ont besoin d'information, elles s'en enquièrent auprès de différentes personnes, soit auprès du personnel du ministre qui présente le projet de loi, soit encore auprès de leurs collègues qui sont spécialisés, soit encore parce que certains de leurs collègues sont préoccupés par certaines questions, et ça, c'est connu. Mais, M. le Président, s'il fallait qu'on fasse parader, à chaque fois, chacun des députés pour parler de ces textes-là, prenons un abonnement pour quelques années parce qu'on n'en finira jamais. Et je ne pense pas non plus que ce soit l'esprit.

Les personnes qui sont à ma droite, qui m'accompagnent, et les députés qui sont ici, à la commission, pour faire le travail, comme, du côté gauche, les gens de l'opposition, sont chargés de faire le travail. S'ils ne le font pas, je ne pense pas qu'on va suppléer à ça en faisant venir, jour après jour, heure après heure, minute après minute, chacun des députés qui pourraient être concernés par, admettons, un thème. Pour le TAPTA: Est-ce qu'on fait venir – comme disait le député de Châteauguay – chacun des députés qui ont une terre agricole dans leur comté? Je serais exempté, étant donné qu'il n'y en a pas chez moi. Mais est-ce qu'on va faire venir chacun des 124 autres députés, parce que, eux, ils en ont une, pour voir qu'est-ce qu'ils pensent de la loi des abeilles ou encore de la loi sur le zonage agricole, et ainsi de suite? Je pense que ce n'est pas tout à fait correct.

Alors, M. le Président, je suis déçu de voir que, après deux reprises où j'ai proposé un mode de fonctionnement qui aurait permis en tout temps – je le souligne et je tiens à le dire – de revenir sur une disposition parce qu'on découvrirait, par exemple, en cours de route, que ce qu'on avait pensé qui était évident à un moment donné, compte tenu de l'éclairage ou d'une nouvelle disposition, ça change peut-être les perspectives, de revenir, évidemment en respectant un certain ordre, et de faire le travail de la manière la plus souple possible et, par la suite, de procéder – une fois qu'on aurait vu cet ensemble-là – à l'étude article par article et, s'il avait fallu, dans quelques cas, prendre plus de temps, bien, on l'aurait pris au niveau de l'article pertinent... Mais, malheureusement, je vois qu'on ne veut pas, de l'autre côté, nous permettre de faire comme ceci. Nous sommes prêts à procéder à l'étude article par article traditionnelle et nous sommes prêts, M. le Président, à commencer à l'article 1.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre, est-ce que c'était une proposition que vous faisiez d'un mode de fonctionnement?

M. Bégin: C'était une proposition d'un mode de fonctionnement, M. le Président, que je faisais. La commission est libre d'en disposer, mais il m'apparaîtrait, en tout cas, à ce stade-ci, correct de revenir aux méthodes traditionnelles, même si je pense que la méthode que je proposais était meilleure et que la majorité ministérielle pourrait l'imposer. Mais il m'apparaît correct de revenir à l'étude article par article. Les députés subiront les inconvénients de cette méthode.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, vous retirez donc la proposition.

M. Bégin: C'est-à-dire que... Oui, je la laisse là, en dépôt.


Étude détaillée


Loi sur les abeilles

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien. Alors, mesdames, messieurs, nous entreprenons l'étude du projet de loi. Article 1.

M. Bégin: Comme vous le verrez, M. le Président, le projet de loi a été bâti selon l'ordre dans lequel les lois se retrouvent dans les Statuts refondus du Québec. Cette méthode consiste à prendre les lois par ordre alphabétique, et c'est comme ça qu'on les retrouve dans nos statuts. Par exemple, si j'ai une préoccupation en matière de justice administrative, bien, je vais retrouver à J, et là le numéro 1, 2, 3, 4, 5, 6. Il y en a même qui auront sept, huit ou neuf lois sous la lettre J. Et c'est comme ça qu'on les retrouve dans les statuts. Donc, ça nous amène, à l'article 1, à traiter d'une loi qui n'est vraiment pas l'objet de spécialité, à ce que je sache, la Loi sur les abeilles. Alors, cette loi, cependant, existe. Elle a son importance, puisque le législateur a jugé à propos de l'adopter, il y a un certain nombre d'années, mais il faut maintenant l'adapter aux principes de la justice administrative, parce que, dans certaines circonstances, il y a des dispositions qui s'appliquent et qui ont un effet à leur égard.

(11 h 10)

Donc, on a, à l'article 7, une disposition qui permettra dorénavant au propriétaire ou au possesseur d'un rucher à qui un ordre aura été donné de détruire son rucher parce qu'il y a des problèmes médicaux ou des maladies contagieuses qui y sont afférentes, donc, ce propriétaire ou ce possesseur de rucher à qui on aura notifié un avis en vertu des articles 6 et 7 de cette même loi sans qu'il ait été informé au préalable parce que, de l'avis du ministre, il y a urgence ou danger de causer un préjudice irréparable, il pourra, dans le délai qui y est indiqué, présenter ses observations au ministre pour en permettre le réexamen. Donc, c'est permettre le réexamen de cette décision.

Cependant, nous avons, M. le Président, découvert que, dans la formulation telle qu'elle y était originairement, il y aurait lieu de la modifier. J'ai ici un texte d'amendement que je voudrais proposer, à l'article 1, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien. J'accepte le dépôt.

(Consultation)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. le ministre, vous le présentez?

M. Bégin: Le 1, M. le Président, c'est pour tenir compte du fait qu'étant donné que nous sommes en présence d'un ordre qui a été donné par le ministre pour détruire et, dans une situation d'urgence... Parce qu'une maladie contagieuse, dans ce domaine comme dans n'importe quel autre – et rappelons-nous ce qui est arrivé en Angleterre, il y a peu de temps, concernant la vache enragée, la vache folle, qu'on a appelé – il faut se rendre compte que c'est quelque chose d'assez inusité, mais, quand ça se présente, c'est un problème majeur.

Alors, la destruction de tout un troupeau, c'est grave. La destruction, pour quelqu'un qui fait l'élevage des abeilles, d'un rucher d'abeilles, c'est extrêmement grave. Donc, il peut arriver aussi que ce soit absolument nécessaire d'agir très, très rapidement. Alors, il peut arriver que, même au moment où la personne constate la chose, il soit trop tard pour pouvoir en appeler. Il faudra donc que cet appel puisse s'exercer dans certaines circonstances, à moins que l'ordre n'ait été déjà exécuté.

Si on constate que le rucher a été détruit dans les deux jours ou les trois jours, bien, il est évident qu'il sera peut-être trop tard pour exercer un recours. Donc, il faut mettre cette soupape pour tenir compte du fait que, dans certains cas, compte tenu de l'urgence, l'ordre aura peut-être été exécuté. Donc, on ne peut pas appeler d'une décision pour la faire renverser si elle est déjà faite. Alors, c'est pour ça que nous apportons cette modification.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Des questions ou des commentaires?

M. Fournier: Peut-être procéder par mode de questions, à cette étape-ci, M. le Président. Je comprends bien qu'on discute de l'amendement en ce moment qui est sur la table. Je peux comprendre, donc, que la différence entre le nouveau 7.1 et le 7.1 original qu'on retrouve dans le projet de loi n° 89, c'est de tenir compte d'une circonstance dans laquelle on n'est pas, dans 7.1, à l'époque, c'est-à-dire... La circonstance, c'est que le ministre a pris une décision. À 7.1, peu importent les conditions qui suivaient la décision, il y avait une possibilité de présenter des observations pour réexamen. Ici, on modifie le texte pour dire: Les observations pour le réexamen seront possibles à la condition qu'on se retrouve dans une circonstance comme celle où l'ordre n'a pas encore été exécuté ou a été exécuté en partie et il y a certaines conséquences qui n'ont pas affecté le citoyen et auxquelles on peut encore remédier. Est-ce que c'est comme ça qu'il faut comprendre la modification?

M. Bégin: Le sens du texte, globalement, c'est, quand un ordre a été donné de détruire un rucher, de permettre au propriétaire de faire des représentations au ministre pour faire modifier sa décision. C'est le projet de base.

M. Fournier: O.K.

M. Bégin: Cependant, même si on veut donner dorénavant, en vertu de l'amendement à la Loi sur les abeilles, cette possibilité qui n'existe pas au moment où on se parle de faire des représentations auprès des ministres, il peut arriver que, dans certaines circonstances, bien sûr, l'ordre ait été déjà exécuté, compte tenu de l'extrême urgence de la situation. Ce qui fait que, si on n'apporte pas l'amendement qu'on mentionne là, il pourrait peut-être paraître curieux qu'on donne un droit de faire réviser une situation, une décision, alors que la décision a déjà été exécutée. À quoi servirait-il de faire dire: M. le ministre, vous ne pouvez pas détruire mon rucher, si le rucher a été détruit trois jours auparavant?

Donc, il s'agissait d'introduire cette nuance que, dans certains cas, bien sûr, de toute évidence, on ne pourra pas le faire, puisque l'ordre aura déjà été exécuté. La vache qui devait être détruite dans d'autres circonstances, pour des raisons de contamination, quand même qu'on dirait: Tu vas en appeler pour faire changer la décision de la détruire, bien, ça ne servirait à rien.

Alors, il faut tenir compte de cette hypothèse, et c'est pourquoi on introduit ce concept «à moins que l'ordre, évidemment, n'ait déjà été exécuté». Mais le sens de l'article, c'est vraiment de donner un recours qui n'existe pas au propriétaire d'un rucher, dans un cas comme celui-là.

M. Fournier: Par contre, de ce point-là – toujours dans cette phase de questionnement; on pourra ensuite argumenter sur le bienfait de 7.1 nouveau ou du 7.1 ancien, on verra – est-ce que je décode bien, là? Et je mets ça sous réserve parce que je voudrais aussi poser des questions sur la situation aujourd'hui à l'égard des ruchers, et d'une décision d'un ministre, et des droits du détenteur du rucher. On verra ça tantôt. Quelle est la situation en droit, à son égard, en ce moment? Quels sont ses recours aujourd'hui?

Juste reprendre la comparaison entre l'amendement et la disposition de l'article 1, au projet de loi n° 89, où le ministre me dit: Ce qu'on fait, au projet de loi n° 89, c'est de donner un nouveau droit qui n'existait pas – on verra ça tantôt – de donner un nouveau droit de présenter ses observations.

Ça, c'est ce qu'il nous disait tantôt, dans le laïus sur le n° 89. Mais il nous dit maintenant: Ce droit-là, je le donne, mais à moitié. Parce que, dans le fond, le nouvel article 7.1 nous fait comprendre que le ministre qui donne un avis pour qu'un rucher soit détruit, par exemple, pourrait donner l'ordre, avec cet avis, qu'il soit détruit dans l'heure qui suit, entraînant de ce fait, ne serait-ce que par ce libellé actuel, l'impossibilité de faire des observations, et non seulement l'impossibilité, mais le refus en droit, l'impossibilité même d'avoir un recours pour présenter des observations. Parce que, ici, le nouveau 7.1 dit: Tu as un droit de présenter des observations si l'ordre du ministre n'a pas encore été appliqué. Donc, c'est un droit qui est bien limité par rapport à celui qu'il y avait à l'article 1 du projet de loi n° 89.

Alors, moi, je dois donc comprendre que c'est une invitation au ministre de donner... Accompagnant son ordre de faire détruire un rucher – pour reprendre cet exemple – que le délai d'exécution soit à ce point court qu'il enlève des droits d'appel de façon purement administrative. C'est simplement le ministre qui décide qu'il va couper les délais pour faire des observations, et donc, ce droit est retiré.

La lecture qu'il y avait avant permettait de couvrir tout le débat, malgré ce que le ministre nous dit. Parce que 7.1, de la façon dont il est fait, disait à peu près ceci: Le ministre peut donner un avis pour détruire un rucher, mais le citoyen a un droit: celui de présenter des observations pour permettre le réexamen. Donc, avec l'ordre de destruction du rucher devait s'accompagner obligatoirement, en respect de l'article 1 qu'on a ici, un délai d'exécution de l'ordre suffisamment long pour permettre de présenter des observations par le citoyen.

Donc, avant même de se poser ici la question, M. le Président, à savoir: Quel est le droit du propriétaire du rucher qui reçoit un ordre d'un ministre basé sur des informations que le propriétaire du rucher n'a même pas pu vérifier, pour lesquelles il n'a pas pu amener une contre-expertise... Quel est le droit du citoyen, lorsqu'on regarde les deux – toujours l'approche citoyen – libellés qu'on a?

Il y en a un qui dit: Vous aurez le droit de faire des observations. Est-ce que c'est plus ou moins? Moi, je pense que c'est égal à ce qu'il y a actuellement, mais peu importe. Vous aurez ce droit-là lorsque le ministre va rendre un ordre. Il est entendu, évidemment, que c'est pour le réexamen, donc que le délai d'exécution accompagnant l'ordre du ministre doit avoir un délai. Dans l'autre cas, on comprend que le législateur, nous-mêmes, on nous demanderait de donner au ministre la possibilité – certains diraient «l'incitation»; je n'oserais pas aller jusque-là – de faire accompagner son ordre d'un délai d'exécution si court qu'il enlève même le droit de présenter des observations.

Dans la tête du ministre, ça ne lui fait rien parce qu'il pense que c'est un plus, mais, dans ma tête, ça me fait quelque chose parce que je pense que les citoyens ont déjà, devant de telles décisions, la possibilité de recours. Et ils peuvent déjà s'élever contre l'administration. Bien sûr, ça va leur prendre un avocat, parce que ce n'est pas facile de se battre contre la machine. Mais, juste à essayer de comprendre ce que fait le ministre ici, peut-être que ça va leur prendre aussi un avocat.

(11 h 20)

Alors, je ne suis pas sûr que l'argument de la facilité, puis de la souplesse, puis de la clarté du libellé soit très, très bon, à tel point, d'ailleurs, qu'il a fallu un amendement au premier article. Alors, on s'aperçoit que l'idée de la clarté puis de la déjudiciarisation plus facile – parce que c'est clair, ça, ça ne tient pas beaucoup – même là, pour moi, il s'agit d'un droit qu'on enlève au citoyen, parce qu'il peut déjà exprimer un recours. Ici, c'est une permission à l'administration d'aller plus vite encore, et le citoyen va aller devant les tribunaux et il va dire: Écoutez, là, on vient de m'affecter, de toucher à mes droits; l'activité économique, on vient de m'empêcher de la faire. J'avais de bonnes raisons à présenter à l'administration, on ne m'a pas permis de le faire, et là je voudrais présenter quelque chose, vous donner ma version de la réalité, puis je n'en ai même pas le droit.

Et l'autorité qui va décider de cette présomption-là va dire: Écoutez, le ministre de la Justice avait déposé un amendement, un nouveau 7.1, puis ça dit clairement que vous n'avez pas de droits. Parce que, si le ministre accompagne son ordre d'un délai d'exécution si rapide, vous n'avez même pas le droit de présenter des observations. Alors, vous n'avez pas de droits du tout.

Alors, ma question au ministre, c'est celle-là. Je ne sais pas s'il a vu cet élément-là dans son amendement, mais j'imagine que non, sinon ça vient défaire toute son argumentation sur des droits qu'il consacre, supposément, dont les citoyens vont bénéficier. Moi, je pense qu'ils en bénéficient déjà, puis je pense que le but, c'est de tout enlever des affaires. Là on le voit encore, c'est pour enlever des droits. C'est clair, clair, clair, là, que c'est moins de droits que ce qu'il y a à 7.1 du projet de loi n° 89, lequel 7.1, dans 89, est déjà la consécration de l'état actuel. Donc, c'est moins, moins. Alors, j'aimerais savoir du ministre: Est-ce que je comprends bien? Est-ce que l'ensemble des citoyens ne vont pas voir là une possibilité pour l'administration d'accompagner l'ordre d'un délai d'exécution rapide?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Châteauguay, avant de donner la parole à M. le ministre de la Justice, peut-être rappeler – je vois ici notre collègue de Shefford – que nous avons déjà eu l'occasion, lors de la révision de la Loi sur la protection sanitaire des animaux, de la Loi sur la protection des plantes, etc., de faire ces débats et ces réflexions-là.

Il faut prendre en considération que, dans certaines situations, des situations de type épidémique, tant au niveau de la protection sanitaire des animaux, ça peut être le cas des abeilles ou certaines maladies ou dégénérescence au niveau des plantes, le délai dont vous rêvez, comme bon avocat, ne peut pas exister parce que les risques au niveau de la santé sont tels qu'il faut absolument agir. Nous avions eu l'occasion, en commission parlementaire, il y a deux ans, de faire de tels débats et, en ce sens-là, oui, dans certains cas, il est effectivement possible d'avoir un délai, mais, dans certains cas, lorsque la situation est critique, où, selon le type d'infestation, il faut absolument, pour protéger le citoyen, le producteur aussi, intervenir de façon immédiate, il faut quasiment le protéger de lui-même, en quelque sorte, à cause des dangers inhérents à certaines maladies ou à certaines infestations. Et c'est ces éléments-là aussi qui sont déjà prévus dans les lois.

Alors, oui, dans certains cas, il peut y avoir le délai que vous souhaitez, mais, dans d'autres cas, c'est impossible. Je pense que la nuance – je n'ai pas à plaider à la place du ministre, sur la pertinence – il y a effectivement des cas où l'ouverture qu'on met là pour présenter les représentations au ministère, elle est absolument impossible. Aussitôt que c'est aperçu, il faut agir.

Alors, M. le ministre.

M. Bégin: Je suis très content, M. le Président, de votre explication, vous qui connaissez bien cette matière, non seulement en matière d'abeilles, mais en matière générale d'agriculture.

Une voix: Une démonstration.

M. Bégin: Je voudrais juste faire une lecture de l'article 6 de la Loi sur les abeilles qui va bien faire comprendre ce que nous faisons. On dit:

«6. Quand une maladie contagieuse – et vous parliez justement de maladies contagieuses – est constatée dans un rucher, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation doit faire prendre les moyens nécessaires pour soumettre les colonies qui composent ce rucher à un traitement approprié et, s'il le juge nécessaire – donc, il y a une discrétion là-dessus – il peut ordonner que les colonies affectées, les ruches qu'elles occupent et tous les accessoires apicoles qui ne peuvent être effectivement désinfectés soient détruits en la présence de l'inspecteur.»

À défaut par le propriétaire de le faire – article 7 – là il y a ordonnance de destruction.

Le député de Châteauguay fait le raisonnement suivant: On ne donne pas de droit, mais on supprime ce droit qu'on vient de donner. C'est à peu près son exercice de tout à l'heure. Parce que l'article 7.1 donne au propriétaire du rucher un droit qu'il n'avait pas antérieurement dans la Loi sur les abeilles. Il lui donne le droit de faire des représentations au ministre qui vient de lui ordonner de détruire.

Prenons deux hypothèses qui peuvent se présenter. Le ministre a jugé la situation tellement grave qu'il ordonne la destruction le lendemain matin. Le lendemain matin, il y a exécution de l'ordre. Le citoyen veut protester en vertu de l'article 7.1 qui lui donne le droit de faire des représentations au ministre. On est devant une situation où l'ordre a été exécuté. Évidemment, les représentations pour dire de ne pas exécuter l'ordre deviennent sans objet. C'est pourquoi nous apportons l'amendement.

Si, par contre, la situation est sérieuse, qu'elle nécessite une destruction mais qu'il n'y a pas eu un délai formel de donné, urgent, urgent, urgent, le citoyen peut s'adresser au ministre – et il a le droit de le faire – pour faire des représentations et, ultimement, peut-être le convaincre de suspendre son ordre ou de l'inverser, en apportant une preuve que le ministre pourrait juger satisfaisante pour ne pas maintenir son ordre.

C'est ce que l'amendement initial prévoyait. M. le Président, il m'apparaît tout à fait cohérent, lorsque l'on dit qu'en vertu de la Loi sur la justice administrative on donne au citoyen, devant une première décision, la possibilité de faire des représentations. C'est ce que nous introduisons dans l'amendement. Mais on se rend compte que, dans certains cas – et c'est très particulier en matière d'urgence – il pourrait arriver que ce droit-là, malheureusement, ne puisse plus être exercé.

Je n'ai pas suivi ça de près, mais j'ai vu récemment, aux nouvelles, qu'il y avait un poulailler qui était infesté, dans la Gaspésie, et que tous les oeufs avaient été saisis. Le poulailler avait été condamné, on avait nettoyé. On faisait l'épuration complète de ça. Pourquoi? Parce que, si on ne le faisait pas, la maladie qui était constatée là pouvait se répandre à tous les poulaillers du Québec, détruire non seulement les poules et les oeufs du producteur, mais ceux de tous les autres du Québec. Dans ce cas-là, on pourrait imaginer que l'ordre donné par le ministre soit exécutable le lendemain matin et que, malheureusement, le droit que nous accordons, de façon générale, ne puisse pas être exercé.

Alors, M. le Président, je pense qu'il y a un équilibre qui est établi à la fois par l'amendement et le projet comme tel. Alors, voilà, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien, M. le ministre. M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Merci, M. le Président. J'ai écouté attentivement ces interventions très intéressantes sur les épidémies, sauf, M. le Président – je suis convaincu que vous le savez – que le pouvoir qui est donné au ministre, dans ce projet de loi, est, quant à moi, excessif parce qu'il n'y a pas eu une épidémie, au Québec – je ne sais pas si vous êtes capable de me donner un exemple – où il a fallu agir dans les 24 heures, où ça pressait tant que ça.

Lorsqu'il arrive des situations où un producteur ou un éleveur quelconque se voit confronté à une maladie, généralement ça a incubé pendant un certain temps. Encore là, on peut toujours aviser cet éleveur-là ou ce producteur-là qu'il y a un problème dans son élevage. Même si c'est des abeilles, on peut toujours les mettre en quarantaine et décider, même dans un délai très court. Dans le cas qui nous occupe, il n'y a aucun délai qui est donné au citoyen. Aucun délai. Tout ce qu'on dit au citoyen, c'est: Oui, tu peux venir en appeler au ministre, mais il est trop tard. Tu m'excuseras, mais il est trop tard.

Donc, M. le Président, quant à moi, ça n'a aucun sens. Vous qui avez une expérience agricole... Je ne sais pas si le ministre a une certaine connaissance agricole. Moi, j'ai quand même une dizaine d'années d'expérience dans ce milieu-là et je n'ai jamais vu, et je ne connais personne qui a vu ça non plus, une épidémie ou une maladie où il fallait agir de cette façon-là. Imaginez-vous les abeilles... Naturellement, je ne suis pas un expert en abeilles, contrairement au député de Saint-Hyacinthe qui devrait être ici. Le ministre dit que ça vole, des abeilles. Justement, on entend souvent parler, dans nos campagnes, des abeilles qui volent d'un rucher à l'autre. Imaginez-vous qu'on détruirait la moitié des abeilles d'un voisin tout simplement sur un ordre, que je considère comme cavalier, de détruire des abeilles pour les détruire, alors qu'on pourrait aussi bien attendre deux ou trois jours. Un délai de trois ou quatre jours d'attente, même, sur une décision de ce genre-là, je pense que ça ne serait pas excessif.

(11 h 30)

Le ministre nous a parlé de la vache folle. Je pense qu'en Angleterre présentement ils n'ont pas encore fini de tuer toutes les vaches folles. Donc, M. le Président, je pense que l'urgence... on peut peut-être créer une panique chez des citoyens, mais l'évoquer de cette façon-là, c'est embarquer dans le jeu de la panique et ça va tout simplement contre le droit qu'on a donné à ces gens-là, qui est le droit d'en appeler d'une décision qui pourrait être arbitraire, parce que souvent, dans des cas comme ça, c'est des décisions qui peuvent être arbitraires. Naturellement, lorsqu'on dit que même le propriétaire pourrait ne pas en avoir été informé préalablement, écoutez, M. le Président, si lui n'en est point informé, qui est-ce qui en est informé? Si le propriétaire même des abeilles ne le sait pas, comment celui qui envoie l'avis peut savoir s'il a eu connaissance que quelqu'un est venu inspecter ses abeilles? Donc, on enlève des droits fondamentaux à des gens, des droits qui vont résulter en une perte sèche, une perte économique et une perte qui pourrait être plus grave pour un producteur de miel, dans ce cas-là.

M. le Président, ce serait peut-être la moindre des choses qu'on prenne un recul. Parce que, comme je vous le disais tantôt, nommez-moi une circonstance au Québec, au Canada, sur la planète, où il a fallu agir dans les minutes qui suivaient, sinon on risquait l'extinction totale d'une race. Donc, je comprends qu'on veuille y aller d'un pouvoir ultradiscrétionnaire, mais, dans un cas comme ça, je pense qu'on charrie carrément. Ce n'est pas parce qu'une abeille aurait poigné une diarrhée. On pourrait toujours attendre pour consommer le miel, mais, quand même, on peut donner quelques jours pour faire une étude sérieuse du cas qui nous occupe. Par expérience, je pense que tout le monde ici, autour de la table, doit convenir qu'il n'y a pas une épidémie sur la planète qui a anéanti une race quelconque dans les 24 heures qui ont suivi. Donc, un délai de quelques jours afin d'en appeler au ministre serait à tout le moins raisonnable. C'est la question que je pose au ministre: Est-ce qu'il serait prêt à modifier cette mesure qu'il vient de déposer et qui est tout à fait arbitraire, à mon sens? J'aimerais savoir du ministre s'il serait prêt à convenir d'une discussion pour donner, entre parenthèses, un délai d'appel de quelques jours au producteur qui agit suivant la Loi sur les abeilles.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Shefford, vous soulevez des interrogations très pertinentes. Mais j'aimerais vous rappeler le cas lorsque la Société protectrice des animaux doit intervenir dans certains cas souvent liés à la négligence, mais, par le constat de certaines maladies, à un moment donné ils n'ont plus le temps d'attendre et de donner des délais. Ils exécutent les décisions. N'étant pas vétérinaire, je ne peux pas vous donner des cas limites, mais je sais qu'effectivement ils doivent intervenir. Dans la très grande majorité des cas, que ce soit chez les abeilles ou chez d'autres espèces, il y a un travail de suivi qui se fait au niveau de la santé animale. Certaines mesures d'isolement, comme vous l'avez soulevé, des mesures de quarantaine, etc., sont prises. Dans certains cas, la destruction est obligatoire. Et, référez-vous à certains domaines que vous connaissez bien, certains bovins d'exportation ont été carrément anéantis, ici, par décision gouvernementale. Je pense à certains élevages qui avaient été introduits dans l'Ouest canadien parce qu'ils étaient porteurs de maladies qui risquaient d'infester le cheptel. On est une des places sur la planète où on a le plus de restrictions en regard de la présence de maladies ou de diverses pathologies qui pourraient affecter les troupeaux. On a aussi réussi à éradiquer complètement certaines maladies, ici, mais à cause de règles très strictes. Évidemment, le problème que l'Europe a vécu est peut-être lié aussi au fait que ses règles étaient un peu moins sévères que celles qu'on a ici. Sauf que, en même temps, pour les agriculteurs et agricultrices québécois et canadiens, il y a des avantages à cette rigueur, parce qu'ils ont aussi l'assurance d'une santé.

On travaille dans des cas qui sont souvent limites. Maintenant, il peut arriver, parce que, dans certaines espèces, on doit importer de la génétique extérieure, qu'on puisse retrouver certaines pathologies. Les mesures normales sont prises, mais, lorsqu'il y a, effectivement, urgence absolue pour éviter que des entreprises soient détruites, il faut parfois décider de détruire, par exemple, un rucher plutôt que de détruire l'ensemble de l'exploitation. Souvent le délai dont on parle, le délai juridique qui serait nécessaire, risquerait de causer à l'exploitant des dommages beaucoup plus sévères si ça atteignait l'ensemble de son exploitation.

Alors, voilà pourquoi il est parfois absolument nécessaire d'intervenir. Habituellement, lorsque ce cas extrême se produit, c'est parce qu'il y a eu auparavant différentes étapes qui ont été suivies, mais, à un moment donné, c'est l'étape de la destruction. Les seuls cas à peu près où une destruction arrive au moment du constat, c'est parce qu'il y a eu, effectivement, une très longue négligence quelque part. Habituellement, il y a les premiers constats qui sont faits par les spécialistes. Après ça, les mesures dont vous parliez – puis, je pense, fort à propos – s'appliquent. Mais, dans certains cas, les gens, ne suivant pas ce qui se passe, font appel au spécialiste, et là le spécialiste dit: Il faut procéder. Alors, voilà. Et là le délai pour faire des représentations n'existe peut-être plus. Parce que, effectivement, il y a des maladies virulentes qui peuvent carrément mettre en danger la santé des gens, la santé animale et la viabilité d'une entreprise.

M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Oui. D'abord, je voudrais simplement faire remarquer – je pense que tout le monde l'a noté – l'utilité de vos interventions, M. le Président, et l'utilité des interventions du député de Shefford qui démontrent – et le ministre, j'espère, va prendre conseil de ce que je lui ai dit tantôt – que la députation, peu importent les partis politiques, nous avons une expérience dans certains dossiers. Ça ne paraît pas, des fois, mais ils viennent de milieux puis ils connaissent ça. Alors là, vous, tous les deux, vous venez d'un milieu où vous connaissez ces choses-là puis vous témoignez de votre expérience.

Moi, je dis: Il y a 111 lois, 111 secteurs d'activité. J'espère que le ministre va faire savoir à ses collègues quels sont les secteurs touchés. Tantôt, il ridiculisait un peu l'affaire en disant: On va faire parader tout le monde. Il ne s'agit pas de faire parader tout le monde, il s'agit que ceux qui sont intéressés, qui connaissent un dossier, viennent en témoigner. Puis je pense que là, en parlant de la Loi sur les abeilles – qui, d'apparence, comme ça, pour ceux qui ne connaissent pas ça, peut avoir l'air banal, mais c'est loin d'être banal – c'est une activité économique et qui peut avoir des conséquences pour la santé s'il y a des débordements – je vous écoute parler puis je prends note. Il faut s'organiser pour essayer d'avoir un équilibre entre l'environnement, la santé publique et les droits qu'ont les citoyens. C'est ça qu'on cherche à faire, là. Moi, je voudrais débattre là-dessus, puis je sais que mon collègue va revenir sur le processus qui amène à la décision.

M. le Président, vous avez parlé de ce qui précède l'ordre du ministre. Je ne suis pas sûr qu'il y ait tant de paramètres avant l'ordre du ministre, dans le cas de la Loi sur les abeilles. Je ne suis pas sûr. Ce que je sais, en tout cas, c'est qu'avec l'amendement qu'on nous a déposé et qu'on voudrait nous faire accepter, là il y a une proposition que le gouvernement, le ministre va pouvoir faire appliquer un ordre dans un délai excessivement rapide qui va empêcher le citoyen de faire des observations – même pas d'être entendu, là, de faire des observations. Alors, je pense qu'il faut avoir ça à l'esprit. Même s'il faut tenir compte de ce que, vous, des spécialistes du domaine, vous pouvez nous dire, il faut qu'on se souvienne qu'il y a des citoyens qui ont des droits.

(11 h 40)

L'autre chose que je veux ajouter là-dessus – puis je vais vous laisser continuer de débattre sur l'application concrète de cet amendement sur les producteurs d'abeilles et de miel – pensons à ce qu'on fait en ce moment. Je regarde le paragraphe introductif des notes explicatives du projet de loi n° 89: «Ce projet de loi a pour but d'assurer la mise en oeuvre, dans les lois particulières, des principes établis dans la Loi sur la justice administrative.» Ça, c'est le trait d'union entre 89 puis 130. Le ministre nous a dit que ce qu'il fallait qu'on fasse, c'était s'assurer qu'on mettait bien en application 130, par le biais de 89, dans les lois spéciales. Il nous dit: C'est ça, notre mandat. Pour nous aider à faire notre mandat, il a déposé un document. J'ai dit qu'il serait utile, eh bien, il est utile. Je regarde ça, le troisième thème – parce qu'on là où on parle de l'article 1, c'est au troisième thème: «Assurer le respect des règles de procédure établies par le chapitre I du titre I de la Loi sur la justice administrative, notamment – intéressant – les articles 5 et 7.» Je réfère le ministre à son propre papier qu'il nous a rendu public – comme quoi des documents publics peuvent être utiles quand ils sont rendus publics – on y cite l'article 5, 1°, 2°, 3°.

Il y a une petite affaire, on a oublié le dernier paragraphe qui n'est pas ici, dans ce document-là. Je ne vous en tiens pas rigueur. Je comprends que c'était le but d'essayer de faire un thème, mais on cite «L'article 5 prévoit que», «L'article 7 prévoit que», mais le dernier paragraphe de l'article 5 du projet de loi n° 130, tel que sanctionné, ajoute ceci, M. le Président – et ne perdons pas l'esprit, c'est ce que le ministre nous demande de faire. On va en faire un petit peu plus. Il veut nous limiter, mais, au moins ça, on s'entend là-dessus, il dit qu'il faut s'assurer que 130 est bien appliqué. Nous, on va essayer de bonifier son 130 par 89, on y arrivera peut-être. Mais revenons à ce qu'il nous dit – l'article 5, c'est les obligations qu'a l'administration. Ici, il s'agit, comme nous le dit le ministre dans son texte, de voir comment ça s'applique en termes concrets. Alors, les obligations de l'administration, mais le dernier paragraphe dit ceci: «Il est fait exception à ces obligations préalables lorsque l'ordonnance ou la décision est prise dans un contexte d'urgence – ah! on arrive avec notre cas sur les abeilles – ou en vue d'éviter qu'un préjudice irréparable ne soit causé aux personnes, à leurs biens ou à l'environnement.» Et là il y a un petit bout qui suit, mais je vais arrêter juste là pour l'instant. Ça, c'est un peu ce qu'on vient de se dire tantôt. L'administré doit avoir des droits – moi, j'espère qu'il va en avoir plus que moins – et il faut aussi tenir compte de la santé publique, de l'environnement, et tout ça.

À l'article 5, M. le Président – et, malheureusement, le ministre voudrait que l'article 5 s'arrête là, mais l'article 5 continue – c'est marqué: «et que, de plus» – ça, c'est le petit bout que je ne vous ai pas lu encore – «peut faire exception aux obligations si urgence ou en vue d'éviter qu'un préjudice irréparable ne soit causé aux personnes, à leurs biens ou à l'environnement et que» – faut-il ajouter ici que le «et», c'est comme un plus; ce n'est pas un «ou», c'est un «et»; j'ai déjà fait un beau 20 minutes là-dessus, M. le Président, entre le «et» et le «ou», je peux le répéter si ça vous tente, pas nécessaire – «et que, de plus, la loi autorise l'autorité à réexaminer la situation ou à réviser la décision.» Alors, si je mets en application, comme m'invite le ministre à le faire dans ses remarques préliminaires tantôt et dans le texte qu'il me dépose, si j'ai à appliquer 130, notamment l'article 5, dans le concret, pour chacune des lois visées par 89 – commençons par la première, la Loi sur les abeilles – je dis que l'amendement qu'on me dépose va à l'encontre du principe identifié à l'article 5 du projet de loi n° 130 tel que sanctionné, parce que cet article dit qu'il est fait exception dans les cas d'urgence, mais que, même s'il est fait exception, la loi doit autoriser le réexamen de la situation ou la révision de la décision.

Je ne disconviens pas que ça doit être fait dans un délai rapide – on pourra parler du délai; je sais que mon collègue de Shefford va en parler tantôt, pas de problème – il faut garder à l'esprit que la santé publique, les dommages aux biens, aux personnes, à l'environnement, c'est important de surveiller ça. J'espère qu'on va tenir ça à l'oeil. Mais le principe du 130, c'était de se dire qu'il devrait y avoir un délai. Là je pense que mon collègue de Shefford avait raison, tantôt, M. le Président, lorsqu'il disait que, lorsque l'ordre arrive, c'est parce qu'il y a eu quelque chose qui s'est passé avant. J'espère qu'on a avisé les détenteurs de droits, les détenteurs du permis d'exploitation qui sont sous surveillance. Parce que, contrairement à vous, M. le Président, je fais bien attention aux cas d'exception où il faut protéger le citoyen contre lui-même. Je dois vous dire que j'aime autant essayer d'aider le citoyen à comprendre la situation plutôt qu'à lui imposer une situation pour laquelle il pourrait peut-être avoir une autre version à donner. Et là, le problème qu'il y a, c'est qu'on voudrait aller à l'encontre du principe du projet de loi n° 130 pour inciter une autorité administrative, notamment un ministre, à enlever un droit de façon rapide, par une mesure très, très rapide, et avec une disposition qui dirait: Vu qu'on l'a fait vite, vous n'avez pas de droit. C'est comme si unilatéralement, par cet amendement-là, on venait enlever un droit que, par ailleurs, on dit vouloir concéder par l'article original – ça, c'est autre chose – mais on vient l'enlever.

Alors, moi, je suis mal à l'aise avec deux éléments, ici. Le premier, c'est de retirer un droit par la simple action rapide – il y en a, M. le Président, qui vous diront que c'est peut-être les seuls cas où l'administration ira rapidement; malheureusement, c'est pour des mauvais usages – mais je suis contre ça parce que c'est une incitation à aller rapidement pour enlever des droits, donc de donner à l'administration la possibilité d'enlever un droit et ensuite de dire: Il fallait qu'on aille vite. Pas toujours dans la transparence puisqu'il n'y a pas de possibilité de se faire entendre.

L'autre élément, M. le Président – et là je pense que je vais toucher le ministre droit au coeur avec ça – c'est que je suis son propre conseil. Il nous dit: Vérifions 89 dans 130. Est-ce qu'on applique concrètement les principes de 130? Moi, je vais vous dire, je trouve que 130 enlève des droits. On va essayer d'en parler pour que chaque cas puisse revoir ses droits, un peu comme on a réussi, en commission, à modifier l'article 5 de 130 pour ensuite se faire avoir en Chambre. Mais là on va essayer de l'expliquer encore mieux pour ne pas se faire avoir en Chambre, et je pense qu'on peut arriver à améliorer. Mais, ici, je ne plaide pas au ministre de bonifier 130 rétroactivement, je plaide au ministre de ne pas enlever encore plus de droits qu'il n'en a enlevé avec 130. Parce que c'est ce qu'il fait avec son amendement: aller à l'encontre d'un principe. Dans les cas d'urgence, il peut y avoir exception au principe de 5, mais c'est bien ajouté «et que la loi autorise l'autorité à réexaminer la situation ou à réviser la situation». Or, ici, la loi autorise l'autorité à donner un ordre rapidement, prohibant à l'administré tout recours. Et je ne parle pas du droit d'être entendu, mais du droit de faire un signal et de dire: Je pense que tu te trompes. Le simple droit de faire des observations est prohibé.

Je pense qu'on dénature le principe même de 5. Ajouté aux éléments que le député de Shefford a dits et à ceux qu'il veut ajouter, j'ai l'impression, M. le Président, qu'on devrait revenir à l'article initial et là regarder quelle est la différence entre cet article initial et la situation actuelle.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Oui. Merci, M. le Président. Suite à l'intervention du député de Châteauguay et suite à mon intervention préalable à ça, je suis convaincu, M. le Président, que, vous aussi, vous êtes sensible à cette chose-là. On se souviendra qu'on a débattu dans le bon vieux temps des projets de loi en ce sens-là, comme je le disais tantôt, et, à mon sens à moi, il n'y a rien qui puisse justifier une urgence de cette façon-là. En plus, on dit qu'au cas où la personne n'aura pas été informée elle pourra toujours en parler au ministre. Imaginez-vous, on est sur le terrain, j'ai des abeilles chez moi et quelqu'un du gouvernement arrive et les détruit. Je ne sais pas pourquoi parce que je n'ai pas été informé avant. J'imagine, M. le Président, dans quel état on peut se trouver à ce moment-là. D'autant plus que, si le producteur ne s'est aperçu de rien, il n'y a rien qui peut démontrer que ces abeilles-là sont en mauvaise santé et rien non plus ne peut démontrer que c'est une maladie qui peut être propagée rapidement.

On a parlé tantôt de toutes sortes de maladies. On semble créer un état de panique. Juste à la lecture de cet article, on voit que c'est plutôt un avocat qu'un agriculteur qui l'a écrit, de toute façon. On aurait pu aussi suggérer au gouvernement de s'associer à au moins quelques personnes qui connaissent, de façon pratique, l'application, ou l'élevage des abeilles ou de n'importe quel genre d'animal ou de plante, pour savoir qu'on ne fonctionne pas de cette façon dans la vraie vie. Donc, ce qu'on introduit, c'est une mesure tout à fait injustifiable pour enlever les droits de ces gens-là.

On a parlé d'un tas de choses, tantôt. On avait l'air à citer énormément la maladie de la vache folle. M. le Président, même cette maladie, laquelle a été énormément publicisée et médiatisée, on a vu tous les jours, à la télé, à un certain moment, des histoires de vaches folles qui tombaient, des vaches qui créaient une panique partout, sauf qu'il faut savoir que, même dans ce cas-là, c'est une maladie qui est attrapée par l'ingurgitation de céréales et qui a un temps d'incubation de cinq ans. Donc, même dans ces cas-là qui semblent très urgents, parce que énormément médiatisés, il n'y a pas d'urgence à scraper le troupeau dans la même journée. Donc, je pense que c'est de toute évidence un cas où on peut facilement, de bonne foi, modifier cet article. On sait que la loi n° 130 enlevait des droits. Dans le même esprit, dans celle-là on en enlève encore un peu plus. Sauf que c'est sans justification.

(11 h 50)

Il faudrait m'expliquer pourquoi on se permet d'agir de cette façon-là lorsqu'on sait que, dans la science moderne, dans les maladies connues, il n'y a rien qui peut se propager aussi vite que ça. Donc, on pourrait prendre au moins la journée ou deux jours pour y penser et puis voir, premièrement, si on a fait erreur, parce que ça, c'est grave. Si on a fait erreur et on détruit une masse d'abeilles, qui est importante du côté économique pour l'éleveur, de façon tout à fait injustifiée, je pense que ce serait une erreur, en fin de compte, qu'il est impossible de réparer.

Donc, M. le Président, moi, je suis convaincu que le ministre – qui est très attentif à nos propos, d'ailleurs – s'est aperçu que cet article-là ou son amendement, du moins, tel que libellé, est injustifiable ou, du moins, pourrait faire en sorte de créer une injustice qui deviendrait irréparable pour des producteurs. Donc, M. le Président, s'il y a une maladie qui peut justifier une telle procédure, qu'on me l'explique, qu'on me donne un exemple concret puis qu'on me le justifie. Ici, M. le Président, tout ce qu'on fait, c'est du blablabla sur quelque chose dont il semble qu'il n'y ait pas beaucoup de gens à l'entour de la table qui en ait un exemple pratique ou qui soit vraiment conscient des conséquences d'une prise de décision aussi arbitraire sur la production d'un agriculteur, donc sur sa survie économique.

Là-dessus, M. le Président, j'avais posé la question tantôt au ministre de la Justice; on n'a pas eu de réponse. Je ne sais pas s'il voudrait plutôt se retirer et aller consulter peut-être son collègue député de Saint-Hyacinthe qui, lui, a déjà été, si je ne m'abuse, président des producteurs de miel du Québec, qui semble... En tout cas, du moins, on l'a vu, M. le Président, vous étiez en commission parlementaire de l'agriculture, il a fait quelques interventions sur l'élevage des abeilles, et, comme le dit mon collègue de Châteauguay, des interventions piquantes et sucrées. Mais, sérieusement, M. le Président, je pense qu'à l'heure où on fait du clonage, où les vétérinaires, la science est très avancée...

M. Bégin: Est-ce que vous parlez de vous, là?

M. Brodeur: M. le Président...

M. Bégin: Parce que je vais m'opposer. Ha, ha, ha!

M. Brodeur: Il faudrait peut-être donner un cours sur le clonage au ministre. D'ailleurs, M. le Président, on clonait déjà les embryons, il y a 10 ans, à ma ferme. Donc, ce n'est pas du nouveau, sauf que, tout simplement pour imager, on devrait s'adresser, ou s'informer, ou prendre connaissance du milieu avant de rédiger un projet de loi. Je comprends que les juristes rédigent les projets de loi, et généralement ils le font bien, sauf qu'ils le font bien lorsqu'ils sont bien informés. Et, pour être bien informés, M. le Président, on devrait retourner faire nos devoirs, aller voir les spécialistes dans ce domaine-là pour nous justifier ou nous donner des raisons pourquoi on agit d'une façon excessivement arbitraire. C'est la première fois, M. le Président.

Et j'imagine, tout comme vous et tout comme mes collègues ici, qu'on en a vu, des projets de loi. Mais des projets de loi qui permettent à un ministre d'utiliser un pouvoir si arbitraire, et je pourrais dire sans la moindre justification, parce que j'aimerais qu'on m'en donne une, justification.... Vous, M. le Président, et moi qui avons oeuvré dans le milieu agricole durant bien des années, je n'ai jamais, au grand jamais rencontré un virus ou une maladie qui permettrait à un ministre de prendre un pouvoir discrétionnaire d'éliminer un élevage même avant que le propriétaire ait été informé. Imaginez-vous si le propriétaire lui-même ne le sait pas, que son élevage est malade. On est rendu loin. C'est ça que ça dit, cet article-là. Ça fait que ça n'a pas de bon sens, M. le Président.

Je pense que, tout simplement, il faudrait retourner faire nos devoirs, consulter les spécialistes. Je pense que, dans un cas comme ça, je ne sais pas si le ministre a consulté des experts du ministère de l'Agriculture au préalable, non pas des maladies, etc., mais des conséquences d'une prise de décision si rapide sur l'effet de tous les jours dans la vraie vie et non pas pour simple discussion à l'entour de cette table-là. M. le Président, vous savez, vous, dans vos bureaux de comté, partout, les agriculteurs passent et posent des questions spécifiques. Ici, on vole dans les nuages, ça n'a pas de sens tel que rédigé là; dans la vraie vie, ça ne s'applique pas. Ça ne s'applique pas, M. le Président, et je pense qu'il serait important, pour que le ministre puisse refaire ses devoirs, qu'il aille consulter le ministère de l'Agriculture, ou des experts, ou, à tout le moins, au minimum, au moins le député de Saint-Hyacinthe afin de nous offrir un délai pour que le producteur puisse, d'une façon valable, d'une façon qui pourrait au moins être efficiente, défendre son point ou faire les études appropriées afin que son élevage puisse être sauvé. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Vous me permettrez, très brièvement, d'intervenir là-dessus, M. le député de Shefford. Je sais que votre expérience en agriculture a été dans un domaine moins volatile que les abeilles, puisque vous...

M. Brodeur: Une chance qu'ils ne volaient pas!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...étiez, à l'époque, dans le boeuf de race. Mais, dans le cas des abeilles, oui, ça peut effectivement arriver que le propriétaire d'un rucher ne soit pas conscient, même, de la présence d'une épidémie ou d'une infestation, puisque souvent nos producteurs de miel disposent leur rucher chez d'autres producteurs, en ayant, entre autres, des contrats de pollinisation. C'est une pratique de plus en plus courante au Québec. Alors, il peut arriver qu'une colonie soit infestée, effectivement.

M. Brodeur: Si je peux juste vous arrêter, M. le Président. On parle du propriétaire ou du possesseur. J'imagine que le possesseur, lui, il aurait au moins une vague idée qu'il peut se passer quelque chose dans l'élevage.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Disons que c'est souvent moins facile d'arriver à diagnostiquer à temps un malaise chez des abeilles que chez un boeuf, par exemple. C'est souvent moins visible.

M. Brodeur: Le boeuf, il vole toujours bas, lui.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Et, lorsque l'infestation est diagnostiquée, il y a évidemment des méthodes de prévention là-dedans, ou de surveillance. Mais, lorsque ça se produit, effectivement ils sont parfois obligés d'avoir une intervention ultrarapide. On la voit, par exemple, chez certains éleveurs de volailles aussi, qui est une tout autre dynamique. Mais on a vu, au cours des dernières années, des producteurs être obligés... Je pense, dans l'Outaouais, ou plutôt dans l'Abitibi, à des producteurs qui ont dû, à un moment donné, détruire complètement. Ce n'est pas le ministre ou le ministère, mais c'est carrément le producteur qui a dû détruire un élevage à cause de la présence de certaines maladies. Et là il faut procéder de façon très rapide. Après ça, il y a des mesures prophylactiques pour désinfection, période de retrait, et tout le kit, qui arrivent là-dedans. Alors, lorsqu'on me dit qu'il n'y a pas de cas, je diffère profondément d'opinion puisqu'on a régulièrement, dans le domaine agricole, des cas qui se posent et qui nous disent qu'il faut, oui, avoir une intervention rapide. Et, dans des cas limites, ça va arriver que le délai qu'on souhaite tous, qui, en passant, est un ajout parce qu'on n'avait pas ça dans les lois auparavant... On a même maintenant un droit de représentation sur ce dossier-là.

M. Brodeur: M. le Président...

M. Bégin: Il reste 30 secondes.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui.

M. Brodeur: Non, mais, si le ministre...

M. Bégin: Bien, je n'ai pas l'intention d'entreprendre une réponse. Il reste 30 secondes, M. le Président, avant l'ajournement. Alors, ça ne donnera rien d'entreprendre...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Sur ce, nous allons donc suspendre nos travaux que nous reprendrons cet après-midi.

(Suspension de la séance à 11 h 59)

(Reprise à 16 h 35)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Nous reprenons nos travaux. Nous en sommes à l'étude de l'article 1, et M. le ministre avait déposé un amendement. M. le ministre.

M. Bégin: Oui, M. le Président. Alors, merci. Lorsqu'on s'est quittés, on était à l'étude d'un amendement que j'avais proposé d'apporter à l'article 1 du projet de loi n° 89. Au cours de nos discussions, le député de Châteauguay a fait remarquer que, si on appliquait cet amendement-là tel quel, il y aurait possiblement un problème à l'égard de la fin du paragraphe 2° de l'article 5 de la loi n° 130, c'est-à-dire le chapitre 54 des lois de 1996, la Loi sur la justice administrative.

J'ai regardé attentivement ces dispositions-là et je crois que, là-dessus, il a raison. C'est-à-dire qu'en introduisant le processus de révision dans la loi, ce qui était la mise en application de l'article 5 de la loi de 1996, chapitre 54, on respectait justement le dernier alinéa de l'article 5, c'est-à-dire que c'était un cas d'urgence et qu'il y avait, dans la loi, une autorisation, pour l'autorité qui prenait la décision, de réexaminer la situation ou de la réviser. Donc, on respectait les deux conditions. Par l'introduction des mots que nous avions ajoutés, on avait pour résultat l'effet contraire de celui souhaité.

Alors, je lui sais gré de m'avoir montré qu'il y avait ce problème et, pour être conséquent avec cette proposition, je vais retirer l'amendement que j'avais proposé, de sorte que nous serions, si vous êtes d'accord, pour discuter sur le fond de l'article où il n'y aurait plus cet obstacle qui avait été ajouté.

Voilà, M. le Président, ce que je voulais déclarer.

M. Fournier: Là-dessus, M. le Président, simplement une remarque très courte. Je ne veux pas entreprendre de débat, surtout quand le ministre constate que le travail qu'on fait est profitable. Simplement pour mentionner que, justement, le travail que nous tentons de faire tous ensemble – et je tiens à le rappeler, ce matin, autant à vous, M. le Président, qu'à notre collègue de Shefford – ajoute à l'explication dans les cas concrets. Je pense que c'est très, très utile qu'on procède ainsi. J'aime à penser que nous sommes capables, comme commission, dans ce que nous sommes comme législateurs, de faire du bon travail. Je suis content de remarquer que le ministre nous donne raison. Je souhaite que nous ayons raison là-dessus jusqu'à l'adoption finale et que nous n'ayons pas de surprise entre les deux, comme c'est déjà arrivé à propos du même article 5 du projet de loi n° 130.

Évidemment, ce n'est pas l'article 5 comme on l'aurait voulu à l'époque, mais nous l'avions lu et on voit bien que nous avons fait nos devoirs. Alors, maintenant que cet amendement a été retiré par le ministre et que nous revenons sur l'article initial, est-ce que je peux comprendre que le ministre avait terminé de faire sa présentation sur l'article initial?

M. Bégin: Je pense qu'on a fait à peu près toutes les représentations qu'on pouvait faire là-dessus.

M. Fournier: Très rapidement, quant à moi, je voudrais poser une simple question au ministre sur le texte tel qu'il est là présentement.

Le ministre disait que le nouvel article 7.1 qu'on veut ajouter à la Loi sur les abeilles est un droit de plus accordé au propriétaire ou au possesseur de rucher. Un droit de plus veut dire qu'en ce moment les propriétaires ou possesseurs de rucher n'auraient aucun droit, aucun recours possible, et qu'effectivement ils n'utilisent aucun recours actuellement lorsque des ordres sont pris. Tout ce que je veux savoir du ministre, c'est: Est-ce exact? Est-il assuré que, dans l'application d'ordres donnés en vertu de 6 ou 7, non seulement n'y a-t-il aucun recours qui existe, soit-il de nature légale ou inspiré de la «common law», en vertu de 6 ou 7, qui a été utilisée...

M. Bégin: La question est de savoir si, oui ou non, les articles 6 et 7 de la Loi sur les abeilles prévoyaient des recours? À ma connaissance, non.

M. Fournier: Non, pas si 6 ou 7 prévoient des recours; si, de fait, lorsque l'ordre est pris, un ordre est donné par... Suite à l'avis du ministre, il y a un ordre qui est donné. On disait ce matin que ça peut être, je ne sais pas, les abeilles qu'il faut sacrifier, ou je ne sais pas trop... Oui, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Si vous me permettez une remarque là-dessus, en termes de procédure régulière, lorsqu'un constat de maladie ou de pathologie est fait, le propriétaire ou le producteur est avisé de procéder lui-même. S'il n'obtempère pas, bien, à ce moment-là ce sont les gens mandatés pour le faire qui le font.

M. Fournier: D'aventure il a pu se produire des cas comme ça dans le passé, j'imagine. La loi n'est pas inutile; il a dû y avoir des cas. Est-ce que, devant un avis comme celui-là, il n'y a pas eu, de la part du propriétaire ou du possesseur, un recours judiciaire pour empêcher que ça se fasse, une injonction prohibant qu'on détruise l'essaim ou le rucher, ou je ne sais pas trop? Est-ce qu'il y avait des procédures qui peuvent être prises à cet égard-là?

(16 h 40)

M. Bégin: L'idée n'était pas de savoir si, historiquement, il y avait une jurisprudence qui permettait de conclure qu'il y avait recours. L'idée était de rendre la Loi sur les abeilles concordante avec le projet de loi sur la justice administrative et d'accorder, de manière spécifique, la possibilité à une personne qui reçoit un ordre du ministre de procéder à la destruction, ou mandaté par d'autres personnes, de pouvoir aller en révision de cette décision-là pour faire des représentations auprès du ministre.

Alors, c'est dans ce sens-là que je disais ce matin que nous ajoutons à la Loi sur les abeilles un recours ou une façon de faire additionnelle à celle qui existe dans la loi ou dans toute autre loi, et la façon de le faire, c'est ce que nous avons mentionné, mais en tenant compte de l'article 5. Alors, c'est un ajout, un recours additionnel qui est prévu à la loi, qui n'existait pas antérieurement. Mais, s'il y a eu des recours antérieurement à la Loi sur les abeilles, je vous avoue honnêtement que ce seraient des recours de droit commun, donc qui n'ont pas rapport, si vous me permettez, avec la justice administrative. Si quelqu'un peut utiliser, dans un cas où il recevrait un ordre, par exemple, pourrait-il utiliser l'injonction? Bon, ça, c'est un recours qui n'a pas besoin d'être écrit dans la loi, mais il est un recours de droit commun qui peut être utilisé. Rien ne l'interdit, mais ce n'est pas nécessairement l'instrument idéal. Ce serait le cas de l'appliquer, là, tuer une mouche avec une massue. C'est peut-être un peu gros.

Une voix: Tuer une guêpe.

M. Bégin: Une guêpe ou une abeille, tuer une abeille. Alors, je pense que le moyen administratif qui est donné là est un moyen approprié et surtout conforme à ce qu'on veut établir dans chacune des lois où de telles décisions sont prises.

M. Fournier: Si je peux...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, allez-y.

M. Fournier: ...à moins que vous ne vouliez respecter l'alternance. Je n'ai pas de problème, je peux revenir plus tard.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Non, non. Allez-y.

M. Fournier: O.K. Donc, à l'égard de ce que vous présentez comme étant un nouveau recours, ce n'est pas un nouveau recours inscrit à la Loi sur les abeilles...

M. Bégin: Il va l'être, maintenant.

M. Fournier: Il sera inscrit à la Loi sur les abeilles si d'aventure le projet de loi était adopté, mais ce n'est pas, comme on pouvait interpréter certains propos, un recours qui n'existait pas. Les propriétaires ou possesseurs avaient des recours, avaient des moyens et ont des moyens...

M. Bégin: Non, ils n'avaient pas...

M. Fournier: ...pour contester un avis.

M. Bégin: En vertu du droit commun, les recours existent. On n'a pas besoin de les prévoir, ils sont là, ils sont connus. Ce que fait l'article 1, c'est ajouter, dans la Loi sur les abeilles, un recours administratif qui n'existait pas, qui pourra s'exercer de la manière qui est prévue. Alors, c'est vraiment un ajout administratif. Ça n'a rien à voir avec les recours de droit commun, et ça, ce sera vrai pour toutes les lois où il existe toujours cette possibilité-là.

M. Fournier: Donc, il n'y avait aucun moyen de se faire entendre avant.

M. Bégin: Administrativement.

M. Fournier: Donc, administrativement, il n'y avait aucun moyen de se faire entendre. Je crois donc comprendre qu'il y avait un moyen de se faire entendre avant, présentement. Juste pour savoir, M. le ministre, je vous pose la question, juste pour...

M. Bégin: Non, non, mais je ne joue pas aux mots, là.

M. Fournier: ...savoir: Est-ce qu'il y a un moyen de se faire entendre?

M. Bégin: Écoutez, actuellement, il n'y a pas de possibilité, en vertu de la loi, de 6 et 7, de dire: Je veux exercer un recours. Est-ce que, dans une telle situation, quelqu'un pourrait prendre le téléphone, puis appeler le ministre, puis dire: Je veux lui parler? Peut-être qu'il pourrait le rejoindre. Peut-être.

M. Fournier: M. le Président, le ministre sait très bien que je ne fais pas référence à se faire entendre par la voie téléphonique, je fais référence au droit d'être entendu, qui inclut le droit de présenter des témoins, de faire des contre-interrogatoires. Cette règle-là. C'est à ça que je fais référence.

M. Bégin: Cette règle-là n'existe pas dans la loi. Elle n'existera pas plus, d'ailleurs. Ce sera le droit de faire des représentations et non pas des observations, mais non pas d'être entendu dans le cadre d'un procès ou l'équivalent d'un procès, comme il est prévu actuellement dans certaines lois. Nous allons, dans certains cas, déjudiciariser ce genre de situation pour permettre l'intervention du type que nous discutons maintenant et, dans d'autres cas, il y aura un appel qui sera dans un cadre beaucoup plus judiciaire, c'est-à-dire beaucoup plus judiciarisé, si vous me permettez l'expression, devant le TAQ, où les gens seront entendus, pourront faire une preuve, faire entendre des témoins, etc.

M. Fournier: La seule différence – c'est ma dernière question, M. le Président – qu'il y a entre la Loi sur les abeilles, ce qu'on propose à 1, et la Loi sur l'acquisition de terres agricoles par des non-résidants, à 2, si je comprends bien ce que le ministre me dit, c'est que les deux lois prévoiront dorénavant la possibilité pour le citoyen ou l'administré de présenter ses observations...

M. Bégin: Ses observations.

M. Fournier: ...sauf que, dans le cas des abeilles, on ne disait rien sur le droit d'être entendu, alors que, pour la Loi sur l'acquisition de terres agricoles, on enlève – parce que c'est ce que je lis ici, à l'article 2: par le remplacement, dans la deuxième ligne, des mots «se faire entendre», donc on va remplacer, à cet article 2 ou à cette loi – le droit d'être entendu en diminuant – ce que vous appelez de la déjudiciarisation – la possibilité de présenter sa version des faits pour l'administré face à l'administration.

M. Bégin: Exact. Dans l'article 7 actuel de la Loi sur les abeilles, il n'y a aucun recours de quelque nature que ce soit. Nous introduisons la possibilité de faire ces observations en révision. C'est nouveau. Dans la Loi sur l'acquisition de terres agricoles par des non-résidants, il y avait la possibilité de se faire entendre devant la Commission.

Ce que nous disons, c'est que, dorénavant, ce ne sera pas des auditions semblables à celles que l'on retrouve en matière quasi judiciaire ou judiciaire, mais on retrouvera la même chose qu'on vient de dire pour les abeilles, c'est-à-dire le droit de faire des observations. Cependant, par la suite, il pourra aller devant un autre organisme, qui est le TAQ, si la décision qui a été prise ne le satisfait pas. Et ce sera fait en vertu d'autres dispositions qu'on va voir par la suite.

M. Fournier: Oui, oui, plus tard. J'étais sur le droit d'être entendu, là. Je comprends que – je ne sais pas si, dans les thèmes que vous avez étudiés, qu'on avait dans les documents – le nombre de cas où on prévoit, dans la loi, comme pour la loi des abeilles, la possibilité de présenter ses observations, alors que ce n'était pas prévu dans la loi – je ne sais pas combien il y en a ici – par rapport au nombre de lois où on réduit la protection du citoyen du droit de se faire entendre au droit de présenter des observations.

M. Bégin: On ne réduit pas. Quand on le fait, comme je viens de le dire pour la loi sur les terres agricoles, on fait des modifications qui ont pour effet de changer ce qui existait. À l'heure actuelle, par exemple, en matière de terres agricoles, la partie ou la personne peut se faire entendre devant la Commission de protection du territoire agricole. Dorénavant, elle pourra faire des représentations; et, si la personne n'est pas satisfaite, elle ira en appel devant le TAQ. Et là on pourra faire entendre des témoins, etc., au sens d'entendre. Donc, les articles 2 et 9 de ce matin, c'était sur une base différente. Puis je pense que c'est important d'y référer parce que, à l'article 9, je le mentionnais, c'est le droit d'avoir un débat loyal, dans le respect du devoir d'agir de façon impartiale, et où les parties ont l'occasion d'être entendues, comme c'est prévu à l'article 10. Mais je pense que vous savez ça, ces choses-là.

M. Fournier: On se comprend, M. le Président. Ce que le ministre nous dit, c'est que le droit d'être entendu à l'égard de la première décision, il est diminué maintenant au droit de présenter des observations.

M. Bégin: Non.

M. Fournier: C'est ça que le ministre vient de me dire. Je vais terminer ma phrase pour qu'on se comprenne comme il faut.

À l'égard de la première décision, il y a actuellement un droit d'être entendu, et ça, ça ne veut pas dire appeler au téléphone. Ça, ça veut dire présenter une preuve, contre-interroger, vérifier la preuve de l'autre, faire entendre sa version des faits. C'est ça que ça veut dire, le droit d'être entendu, pris dans son sens véridique.

À l'égard de la première décision, ce que fait le projet de loi, c'est de dire: Vous n'avez plus le droit de faire ça. Vous avez le droit de nous écrire des observations sur un petit bout de papier, mais pas de faire une contre-expertise, pas de faire entendre des témoins. C'est maintenant juste le droit de présenter des observations.

Je sais bien, là, M. le Président, qu'on est rendus à l'article 2 alors qu'on discute de 1, mais ça me semble important de les mettre en contexte. À l'égard de la première décision, il y a une diminution du droit d'administrer. Évidemment, cette première décision là va partir le bal. Moi, je veux bien qu'on parle de déjudiciariser, mais, si on est en train de rendre une première décision avec un éclairage moins bon à l'égard de la situation, ça va nous amener dans des multiplications d'appel au TAQ et non pas à la Cour du Québec, comme c'est prévu dans le programme du PQ.

Ça, c'est une autre affaire, on y reviendra parce que là je ne veux pas non plus qu'on laisse entendre ici qu'il y a des multiplications de droits d'appel qu'on donne, quand, en fait, M. le Président, on se donne, pour l'administration – puis j'ai compris que c'est ça que le ministre nous dit – on donne à l'administration la possibilité d'être beaucoup plus rapide à l'égard de la première décision parce qu'on enlève des droits à l'administré à l'égard de cette première décision où il n'a plus la possibilité de bénéficier de l'ensemble des moyens qui sont couverts par ce qu'on appelle le droit d'être entendu, remplacé maintenant par le simple droit de présenter des observations.

Ce n'est pas que je veuille passer 22 ans là-dessus, là.

M. Bégin: Est-ce que je peux répondre, M. le Président, à sa question?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui.

M. Bégin: Ce n'est pas une question, je pense que c'est plutôt une série d'affirmations. Mais je les trouve regrettables parce qu'elles ont le don de mêler, alors que c'est plutôt clair. Je pense que le député de Châteauguay le sait très bien. Ce que vise à faire le projet de loi, c'est de déjudiciariser une série de décisions de première ligne qui sont prises par l'administration pour faire en sorte que la première décision soit une décision administrative et non pas une décision quasi judiciaire ou judiciaire.

(16 h 50)

C'est pour ça que nous disons, à l'article 2, que nous voulons que les personnes, l'administration, dans les procédures qui mènent à une décision par l'administration, ce soit conduit dans le respect du devoir d'agir équitablement. Et là je pense que, là-dessus, à moins que les idées ne soient très claires du côté du député de Châteauguay, il serait intéressant d'écouter ces commentaires-là puisqu'ils lui permettraient de faire les distinctions qui semblent utiles. Ou il ne les fait pas parce qu'il ne les comprend pas, ou il ne les fait pas parce qu'il ne veut pas qu'on les comprenne.

Parce qu'il est très clair que la première décision est une décision de l'administration, et nous ne voulons pas un procès dans cette première décision. C'est pourquoi, lorsque – c'était déjà prévu dans le système – il y avait un débat de nature judiciaire, nous allons l'enlever. Non pas enlever des droits. Nous allons faire en sorte que cette première décision se prenne sur une base différente avec la possibilité, comme il est prévu aux articles 4 et 5, de s'assurer que les procédures sont conduites dans le respect des normes législatives, les règles de droit applicables, les règles simples, souples, sans formalisme, avec respect, prudence, célérité, etc.

Deux, que l'administré ait aussi l'occasion de fournir les renseignements utiles, qu'il n'y ait plus possibilité de sa part de compléter son dossier, que les décisions soient prises avec diligence.

Quatre, que les directives à l'endroit des agents chargés de les prendre soient conformes aux principes et obligations prévus. Et vous avez l'article 5 dont on a parlé tout à l'heure.

Donc, on veut que les décisions de première ligne soient des décisions simples. On ne veut pas des procès pour savoir si, oui ou non, on a le droit d'avoir quelque chose. Et ce que l'on veut, c'est que la personne, le citoyen, puisse faire des observations.

Par la suite, s'il n'est pas satisfait de la décision, quelle que soit la raison, on lui permet d'aller devant le TAQ. À ce moment-là, dans ce format-là, on appliquera les articles 9 et suivants où, justement, on sera dans ce que le député de Châteauguay aime mieux et aimerait qu'on garde au niveau de la première décision, mais que, nous, on trouve que ce n'est pas nécessaire ni surtout utile, donc de le faire de manière à permettre un débat loyal, dans le respect du devoir d'agir de façon impartiale, et aussi que l'organisme donne aux parties l'occasion d'être entendues dans des audiences publiques. À ce moment-là, on aura un débat de nature plus quasi judiciaire. Et là il y aura ce que vous entendez par le droit d'être entendu, l'article 23 de la Charte. Parce qu'il faut bien se comprendre, vous savez que le droit d'être entendu, c'est l'équivalent d'être devant une cour ou l'équivalent, alors que l'équité procédurale, ce n'est pas les mêmes obligations.

Et je dis humblement, mais vraiment: Si cette distinction-là n'est pas faite, il y a un grave problème du côté de l'opposition. Parce qu'ils ne comprennent non pas ce que je pense, mais ce qui sont des concepts reconnus par tout le monde, des principes simples qui sont également contenus dans la «common law» et qui sont maintenant transcrits dans des articles. Alors, je pense que ce serait le temps qu'on parte sur une bonne base et qu'on dise: Ça, c'est un côté des règles d'équité procédurale; ça, c'est des règles d'agir de façon impartiale. Et là on va se comprendre. Parce qu'à chaque fois qu'on va arriver on peut reprendre le même débat. S'il le faut, je vais enregistrer une cassette, si vous me permettez, je vais faire une longue intervention et on va la répéter ad nauseam à chaque fois qu'on arrivera dans ce débat-là. Parce que je ne veux pas que, par les interventions que l'on fait ici, on essaie de confondre les gens, de les rendre confus, de ne pas comprendre le débat, en faisant semblant qu'on veut atteindre un autre objectif.

Alors, les concepts sont clairs, sont reconnus par tout le monde. Je pense que ce serait le temps qu'on passe à l'étude d'un autre article.

M. Fournier: M. le Président, seulement pour vous dire que je suis tout à fait d'accord, on va pouvoir passer à l'étude d'un autre article. Je veux simplement mentionner que, lorsque le ministre dit que la première décision, lui, il n'a pas besoin que ce soit une décision qui ait l'éclairage des parties et de l'administré, lui qui dit que c'est juste bon, ça, quand ça va en appel ou quand l'administré prendra des recours extraordinaires à cet égard-là, ce sera assez bon à ce moment-là. Moi, je dis non, ce n'est pas satisfaisant. L'administré a le droit de se faire entendre. L'administré a le droit, lorsqu'une décision est prise, d'avoir été considéré comme quelqu'un et que ce n'est pas l'administration qui a tous les droits.

Alors, ce n'est pas une question d'essayer de confondre ou de ne pas comprendre, c'est simplement une approche qui est différente. Je l'ai dit ce matin, nous, on a une approche citoyen, le ministre a une approche administration. Qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse? Je comprends qu'on ne s'entendra pas tout le temps avec cet écart-là qu'il y a entre nous, mais il faut bien avoir le courage de sa philosophie puis de son approche. Le ministre a une approche administration. Qu'il n'essaie pas de nous dire qu'il donne des droits au citoyen quand, dans le fond, il les enlève à l'égard de la première décision. Ça, on va s'entendre là-dessus. Il faut bien aussi se souvenir, lorsqu'on se met dans les souliers des gens qui viennent nous voir dans nos bureaux, eux autres, quand ils reçoivent la première décision, ils auraient préféré pouvoir dire un mot à l'égard de cette première décision plutôt que d'être pris dans des recours encore plus compliqués. Alors, la déjudiciarisation, ça veut dire, dans la tête du ministre: On te donne moins de droits à l'égard de la première décision; tu vas l'avoir en pleine face, puis, après ça, bien, débrouille-toi donc dans tes procédures, par la suite.

Ce n'est pas une question de compliquer les affaires, mais c'est simplement une question d'approche. Et, moi, je pense encore que l'approche citoyen, c'est celle qui doit nous guider comme législateurs. On n'est pas là pour prendre la défense de la machine, on est là pour mettre la machine au service des citoyens. C'est ça, notre travail. Et, moi, je pense que c'est probablement ce qui va nous séparer, le ministre et nous, pendant encore un petit bout de temps.

Cela étant dit, M. le Président, de notre côté, on a fait ce qu'on avait à faire sur cet article-là.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Adopté?

M. Bégin: Adopté.

M. Fournier: Adopté sur division.


Loi sur l'acquisition de terres agricoles par des non-résidants


Contrôle de l'acquisition des terres agricoles

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Article 2. M. le ministre.

M. Bégin: Alors, on a déjà pas mal abordé cette question lorsqu'on a discuté de l'article 1, M. le Président. Mais l'article 14 où, on le voit très bien, la Commission de protection du territoire agricole pouvait donner au requérant et à tout intéressé l'occasion de se faire entendre au départ, dorénavant, ce sera «l'occasion de présenter ses observations».

Le deuxième alinéa prévoit que, si la Commission est pour rendre une décision qui est défavorable au requérant, il y aura notification par écrit au demandeur d'un préavis qui est prévu à l'article 5 de la Loi sur la justice administrative et pour lui accorder un délai d'au moins 10 jours pour présenter ses observations.

Alors, vous voyez, on voit pour la première fois l'application concrète d'une autre disposition de la Loi sur la justice administrative. C'est donc l'occasion qui est donnée à l'administré, d'une part, de faire ses observations. Et, si on arrive pour rendre une décision négative à son égard, ou à l'égard de sa demande, on devra lui notifier, s'il n'a pas déjà eu l'occasion de le faire, lui donner l'occasion de présenter ses observations.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Je vous remercie, M. le Président. Cette loi-là s'applique sur la Loi sur l'acquisition de terres agricoles par des non-résidants. Je me souviens d'avoir déjà étudié la loi et de l'avoir utilisée. Peut-être pour le bénéfice des membres de la commission, ici, est-ce qu'on pourrait avoir au moins une image? Est-ce que ça fonctionne? Ça consiste en quoi, ces règlements?

On sait que c'est l'acquisition de terres par des non-résidants. Quel genre de décisions ça peut concerner, ça, avant d'aller plus loin? Qu'on nous fasse au moins un portrait, un exemple du fonctionnement de cette loi-là avant qu'on puisse aller plus loin, puis se mettre en situation.

M. Bégin: M. le Président, j'aurais le goût d'être méchant, mais je vais m'abstenir. Je pense que la Loi sur l'acquisition de terres agricoles par des non-résidants dit à peu près ce qu'est la loi, n'est-ce pas?

M. Brodeur: Bien oui. Ça, on est d'accord.

M. Bégin: Alors, je pense que, si une personne n'est pas contente de la décision qui a été prise, parce qu'elle doit obtenir une autorisation et qu'elle ne l'a pas, l'article 14 s'applique. Jusqu'à présent, il y avait...

M. Brodeur: Quel genre d'autorisation?

M. Bégin: Et, évidemment, il pourra se faire présenter ses observations, comme je l'ai mentionné. Quant au reste, j'invite le député, qui a travaillé dans le milieu agricole pendant longtemps, qui est notaire, qui a probablement fait des représentations devant la Commission de protection du territoire agricole. Il en a fait, je le vois. Il sait certainement de quoi il s'agit. Alors, c'est pour ça que je dis que j'aurais le goût d'être méchant, mais je vais m'abstenir.

M. Fournier: M. le Président, je m'excuse, un petit point. Dans la foulée de la question, qui me semble très pertinente, de mon collègue et de la réponse du ministre qui me semblait citer un document qu'il a avec lui pour lui servir d'appoint...

M. Bégin: La loi.

M. Fournier: ...je fais référence à l'autre document qui est avec lui – est-ce qu'il n'a pas en sa possession des documents qui nous permettent – parfois, ça arrive; on a des tableaux – de voir l'article qui est modifié, pour qu'on puisse voir la modification qui est apportée? Alors, ça nous permet d'épargner beaucoup de temps, de dire des choses qui sont logiques puis qui sont conformes au texte de loi qu'on change. Je pense que mon collègue, c'est ce qu'il voulait dire tantôt. Est-ce qu'on peut avoir les outils pour travailler comme il faut?

(17 heures)

M. Bégin: Je fais comme tout le monde, ici, parce que chacune des lois va être visitée. On sait qu'il y en a 111. Alors, pour savoir ce qu'elle contient ailleurs ou à l'extérieur de ce qu'on modifie, c'est d'aller voir le texte de chacune de ces lois-là. J'ai ici le statut, justement, le chapitre A-4.1. J'ai l'ensemble. Je présume que vous avez le même instrument. Il est disponible pour tout le monde. Et je n'ai pas de proposition pour expliquer les lois dans chacun des cas. C'est pour ça que je vous dis: Vous aviez suggéré d'avoir des spécialistes de chacun de vos députés; je pensais que vous en aviez un à côté de vous en matière agricole, mais il semblerait que ce n'est pas le cas. Peut-être que vous devriez aller en chercher un autre qui connaît un petit peu quelque chose là-dedans, pour lui donner la chance de connaître ces choses-là.

M. Fournier: Je suis un peu déçu de la façon dont le ministre aborde d'abord ce qu'on fait comme député à Québec, qu'il trouve ça ridicule de voir que des députés qui ont une expertise, une certaine expérience, puissent faire bénéficier le gouvernement du Québec de cette expérience. Je suis navré de son approche et du peu d'estime et de crédit qu'il donne à la députation. Moi, au contraire, je pense que c'est très utile de bénéficier des lumières de ceux qui ont une expérience. D'ailleurs, ce matin, M. le Président, vous-même et le député de Shefford avez grandement éclairé nos lanternes. J'espère que vous allez continuer de le faire même si le ministre tente de banaliser ce rôle extrêmement important qu'on a et qui fait partie de notre démocratie, qui est au coeur même de notre démocratie.

Ceci étant dit, je ne veux pas m'étendre plus longtemps là-dessus. Il est de coutume, assez régulièrement, qu'il y ait un tableau qui soit remis. J'ai posé la question au ministre. Le ministre m'a répondu: Il n'y en a pas, de tableau, ce coup-là. Sortez vos lois et lisez vos lois. Je comprends le message. C'est le même message qu'avec la partie publique du mémoire au Conseil des ministres: C'est public, mais je ne vous le donne pas. Prenez la loi d'accès à l'information. Je suis déçu, puis, encore une fois, je ne veux pas prendre du temps là-dessus. On a essayé de faire un travail ensemble, de bonifier des projets de loi, et on se fait dire: Écoutez, on ne vous donnera pas des outils pour essayer d'améliorer ça.

M. Bégin: Je comprends que vous n'avez pas le cahier comme celui-là?

M. Fournier: Je comprends que vous comprenez.

M. Bégin: Il y a un tableau, il est prêt. Je pensais que vous l'aviez entre les mains, parce que c'est tellement régulier.

M. Fournier: M. le Président, je suis content de constater qu'à force de plaider pour une deuxième fois on finit par avoir un gain aujourd'hui. Mais là je dois vous avouer que j'étais en train de perdre mon calme.

M. Bégin: M. le Président, il faut dire que, d'une part, j'étais convaincu que les députés l'avaient, puisque, ce matin, j'ai proposé, vous rappelez, de procéder de manière différente de la manière habituelle parce que je croyais que c'était encore la meilleure façon de faire. Je croyais aussi que le document, vu qu'on avait décidé de procéder de la manière habituelle, avait été distribué. Alors, mon cher confrère, vous allez avoir, ce que je prépare avec plaisir pour les fins de nos débats, les cahiers. Ils ne seront pas complets pour cette fois-ci parce qu'on a procédé jusqu'à l'article 49. Mais, en temps voulu, on aura les autres qui suivront.

M. Fournier: M. le Président, je veux bien accepter les excuses silencieuses du ministre de la Justice.

M. Ciaccia: Une question, M. le Président: Est-ce que le ministre ne trouve pas que ce serait plus facile... Vous avez fait une représentation avant pour dire que vous alliez présenter des observations, remplacer «se faire entendre». D'après vous, ça n'enlève pas de droits. Peut-être que ça aurait facilité la réflexion de ce côté-ci si vous pouviez donner un exemple. Quand vous dites «remplacement», dans l'acquisition des terres agricoles, quelle serait l'implication? Est-ce que vous pourriez donner un exemple de ce qui se passe – juste un exemple; pas faire une étude exhaustive de la loi – et nous démontrer qu'en présentant des observations sur l'exemple que vous allez nous donner, ça n'enlève pas de droits et que ça va faciliter les droits de celui qui va être impliqué? Si vous pouviez donner un exemple, sans faire une étude exhaustive de la loi.

M. Bégin: J'ai ici une partie d'une décision rendue dans le dossier de Gauthier contre la commission scolaire de Matane, Cour supérieure de Rimouski, qui doit être datée de 1996 puisque c'est le -962, donc un jugement de 1996, du juge Paul Vézina, de la Cour supérieure.

Je le cite au texte: «Selon l'article 242 de la Loi sur l'instruction publique, une commission scolaire peut expulser un élève pour une cause juste et suffisante après lui avoir donné, ainsi qu'à ses parents, l'occasion d'être entendu. En révision, ils doivent avoir l'occasion de présenter leurs observations – article 11. Ce texte ne crée pas l'obligation de tenir un débat contradictoire conforme à la procédure judiciaire. L'important, c'est que la cause juste et suffisante invoquée pour recommander l'expulsion soit communiquée aux intéressés de façon complète et en temps utile pour leur permettre de réfléchir à la situation et de présenter adéquatement leurs observations aux commissaires afin qu'ils rendent une décision éclairée.»

Alors, c'est ça, toute la question. Il s'agit de savoir si, au moment de prendre une première décision, on va se comporter comme un tribunal ou bien si on va plutôt permettre à l'administré de faire ses représentations ou ses observations et, par la suite, s'il y a une décision qui est rendue, par hypothèse, par l'administration et que l'administré n'est pas satisfait, là on a la possibilité soit d'aller devant le TAQ, dans certains cas, ou, dans d'autres cas, d'aller devant la Cour du Québec, dépendamment des lois et des pouvoirs habilitants. Donc, c'est de ça dont il s'agit.

Quand on dit ça, c'est qu'on réaménage différentes lois parce que, au fil du temps et avant que toutes les interprétations soient données de ce que c'était, le pouvoir d'être entendu... Initialement, c'était bien plus de faire des représentations, mais tranquillement, au fur et à mesure que les causes se sont plaidées, s'est développé de manière sédimentaire... On a maintenant une position qui est très claire: «être entendu» signifie pouvoir agir comme dans un procès.

Alors, on a des lois qui, initialement, ne visaient pas à faire un procès, mais, à cause de ce développement jurisprudentiel, ont amené qu'on se comporte comme devant un tribunal régulier, et on applique l'article 23 de la Charte, et on se retrouve dans un processus quasi judiciaire ou judiciaire alors qu'on est au stade de la première décision administrative.

Donc, c'est ce que nous faisons à l'égard, entre autres, de l'article 14 de la Loi sur l'acquisition de terres agricoles où on dit que ça ne sera plus se faire entendre, au sens de la Charte, mais on va pouvoir présenter ses observations. Quand il sera entendu, ce sera quand il sera devant le TAQ.

M. Ciaccia: M. le Président, je n'ai pas voulu soulever une question de pertinence. Ici, à l'article 2, on parle de l'acquisition de terres agricoles. L'exemple que vous nous avez donné, c'est la loi sur les commissions scolaires. Moi, je ne vous ai pas demandé un exemple des commissions scolaires parce que ce n'est pas de ça dont on discute, on discute de l'acquisition de terres agricoles. Donnez-nous un exemple, si c'est possible. Quelle sorte de droit? Quelle pourrait être la situation à laquelle on fait référence, à l'article 2, sur la Loi sur l'acquisition de terres agricoles, afin que nous puissions juger quelle est la différence, sur cette loi particulière à laquelle on fait référence à l'article 2, entre présenter des observations ou se faire entendre?

Ça se peut que, dans certains cas, présenter des observations ait été justifié par certains – vous avez mentionné un jugement – mais que, dans d'autres, ça puisse enlever plus de droits, ça puisse être encore plus sérieux. Alors, la seule chose que j'avais demandée, c'est un exemple de ce qui pourrait arriver dans la Loi sur l'acquisition de terres agricoles pour voir l'impact de la différence entre se faire entendre et présenter ses observations.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Mont-Royal, un élément d'information. Actuellement, lorsque quelqu'un s'adresse à la Commission de protection du territoire agricole, il soumet sa demande et la Commission rend sa décision. Ce qu'on ajoute maintenant avec cette loi-là, c'est la possibilité, avant de rendre une décision, qu'il ait l'occasion de présenter ses observations. Avant de rendre une décision.

M. Ciaccia: M. le Président, je ne veux pas vous contredire, mais je ne pense pas que vous parliez comme président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Non, non.

M. Ciaccia: Alors, j'ai le droit de...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, oui, oui.

M. Ciaccia: O.K. Ce n'est pas ça, parce que l'exemple que vous nous donnez dit: Maintenant, vous donnez quelque chose de plus qui existe. Non, non. L'article 1 dit: Vous remplacez les mots «se faire entendre». Alors, maintenant, il y a le droit de se faire entendre, et vous dites: Non, on ne veut plus avoir le droit de se faire entendre, c'est présenter des observations. C'est pour ça que je voudrais savoir quel exemple...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Sauf que l'élément que je voulais vous souligner, M. le député de Mont-Royal, c'est que, dans le processus de la Commission, elle rend une décision puis tu as la possibilité de te faire entendre après, actuellement, puis là tu peux aller en révision, puis là tu présentes ton argumentation. Actuellement, on dit: Avant de rendre une décision défavorable. Si elle penche vers une décision défavorable, elle ouvre l'opportunité de se faire entendre ou de présenter, plutôt, des observations, alors qu'avant ça, dans le processus, tu fais ta demande, tu envoies tes justifications, mais elle rend sa décision. Et là on dit qu'on a la possibilité, avant de rendre une décision défavorable, de présenter des observations.

M. Ciaccia: Alors, vous devriez amender l'article 1. Au lieu de dire «par le remplacement», vous devriez dire «par l'ajout des mots "présenter ses observations"». Parce que, s'il n'y a pas ce droit-là de se faire entendre présentement et vous voulez ajouter «de faire des observations», l'article 1 n'est pas bien libellé.

(17 h 10)

M. Bégin: M. le Président, vous permettez? Le député de Mont-Royal n'était pas là au moment où on a eu nos discussions. Mais, à l'égard de l'article 1, je l'ai mentionné, nous donnons ce qui n'existe pas actuellement: la possibilité d'aller en révision d'une décision du ministre. En disant cette chose-là pour l'article 1, ce n'est pas nécessairement la même chose pour l'article 2.

En ce qui concerne l'article 2, nous ne sommes pas en train d'ajouter quelque chose, nous sommes en train de réaménager ce qui existe dans cette loi-là pour faire en sorte que l'esprit de la loi soit le suivant: Lorsqu'une personne fait une demande et qu'on a à prendre une décision à son égard, on ne se comporte pas comme devant un tribunal, mais plutôt qu'il y ait des observations qui soient transmises à la personne chargée de prendre la décision, et, si elle n'est pas négative, donne l'occasion à la personne de faire d'autres représentations que celles qu'elle a pu faire jusqu'à présent, si elle le croit à propos. Quand cette décision-là sera rendue, on aura une décision de premier niveau en matière administrative qui n'aura pas été prise en suivant un processus quasi judiciaire. Deux hypothèses. Le citoyen est content, et là c'est fini. On a eu un processus moins lourd, c'est ce qu'on voulait faire. Nous pensons aussi que nous avons une décision de qualité.

Advenant le cas contraire, la personne aura la possibilité d'aller devant le TAQ pour faire changer cette décision-là, et là, devant le TAQ, on se comportera selon les règles des articles 9 et suivants, où il y aura un débat loyal, où une personne pourra présenter des témoins, faire entendre des gens, et là on aura vraiment une décision quasi judiciaire. C'est ça, tout le processus que l'on fait. Donc, à l'égard de chacun des articles, on ne peut pas penser qu'on additionne. Dans un cas, on ajoute. Dans l'article 2, on modifie, on déplace les choses. Et ce processus-là va se faire tout au long de la loi. Nous avons fait quelque 100 heures d'audition et de discussion autour de ces concepts. Ils sont maintenant assez bien établis. On peut ne pas les partager, j'en conviens, mais il reste une chose qui est claire, c'est que ça a été clairement établi et les concepts sont en ordre. Il ne faut pas les mêler maintenant.

M. Ciaccia: M. le Président, le ministre m'a donné un exemple de l'article 2. Après une décision défavorable, quelqu'un peut présenter des observations. Alors ça, ça ajoute quelque chose qui n'existe pas aujourd'hui. Avant de répondre sur la question d'aller au TAQ et de faire des représentations là, je n'ai pas encore l'exemple du premier alinéa qui dit que, dans la deuxième ligne, on remplace «se faire entendre» par les mots «présenter ses observations». Est-ce que je pourrais avoir un exemple, dans la Loi sur l'acquisition de terres agricoles où l'article 1 maintenant s'applique, pour qu'on puisse juger ou faire une évaluation de notre point de vue, voir quelle est la conséquence? Je ne vous demande pas en général, je vous demande des cas spécifiques dans la loi.

M. Bégin: Alors, essayons-nous. D'abord, l'article 8 nous dit: «Une personne qui ne réside pas au Québec ne peut, sans l'autorisation de la Commission, faire directement ou indirectement l'acquisition d'une terre agricole.» C'est pour ça que je disais tantôt qu'en lisant la Loi sur l'acquisition de terres agricoles par des non-résidants on avait le principe qui était en cause, l'article 8. Donc, quelqu'un qui est de l'extérieur, un étranger, ne peut pas acheter une terre agricole sans l'autorisation comme telle.

L'article 9: «L'acquisition d'un lot ayant pour effet de rendre une personne qui ne réside pas au Québec propriétaire d'une terre agricole est réputée être l'acquisition d'une terre agricole.» On passe par-dessus.

L'article 10: «Une personne qui ne réside pas au Québec est réputée faire l'acquisition d'une terre agricole si elle acquiert des actions d'une compagnie.» Autre technique pour devenir propriétaire indirectement.

L'article 11: «Une personne qui réside au Québec ne peut, sans l'autorisation de la Commission, faire l'acquisition d'une terre agricole au nom ou pour le compte d'une personne qui ne réside pas au Québec.» Autre exemple.

Article 12: «Une personne qui ne réside pas au Québec et qui désire obtenir une autorisation en vertu de la présente loi doit présenter à la Commission une demande accompagnée de tous les documents et renseignements exigés par le règlement du gouvernement et, le cas échéant, du paiement des droits prescrits pour présenter cette demande.» Vous remarquerez que cet article précède de peu celui qui va nous concerner.

À l'article 13, on dit cependant: «Cette demande doit être accompagnée d'une déclaration assermentée mentionnant les motifs de l'acquisition de la terre agricole, son utilisation projetée et, s'il y a lieu, l'intention du requérant de s'établir au Québec.» Voilà.

Donc, une personne étrangère qui veut acquérir une terre agricole au Québec, en principe, elle ne peut pas le faire sans l'autorisation de la Commission de protection du territoire agricole. Pour être capable d'obtenir cette autorisation, elle doit transmettre une demande selon les termes que je viens de lire.

Arrêtons là le film. Qu'est-ce qui se passe? On arrive juste à l'article 14. Qu'est-ce que va faire la Commission? Quelle sorte de forum allons-nous avoir? Est-ce que nous aurons, à ce moment-là, un procès avec avocats, témoins, tout ce qu'il comporte d'interrogatoires, de contre-interrogatoires, ou bien on aura une situation où l'administration, sur la foi de tous les renseignements transmis par celui qui désire faire une acquisition en respectant les règles du Québec, ou bien si on va faire en sorte que la Commission, saisie de toutes les informations, se retrouve dans la situation qu'elle a donné l'occasion à la personne de transmettre tout ce qu'elle croyait important, y compris un texte de 27 pages écrites par la personne qui demande l'autorisation? Et là on aura la situation ou la Commission va décider si, oui ou non, on doit l'accorder.

Hypothèse. Elle donne l'autorisation, pas de problème, tout le monde est heureux, ça a été suivi. Il n'y a pas eu de procès, mais pas de problème.

Arrive cependant – et là je vois qu'on s'entend sur cette hypothèse-là – l'idée que la Commission est pour rendre une décision négative. Deuxième alinéa de l'article 14 que nous introduisons: «Elle doit, avant de rendre une décision défavorable, notifier par écrit au demandeur le préavis prescrit par l'article 5 de la Loi sur la justice administrative et lui accorder un délai d'au moins 10 jours pour présenter ses observations.»

Donc, il a présenté toute sa preuve. Il sait maintenant que la Commission envisage de rendre une décision négative, puisqu'il reçoit un avis comme quoi ça s'en vient et qu'il peut faire ses observations. Est-ce que ça veut dire qu'il peut faire un procès? La réponse, c'est non. Mais il peut dire: Voici ce que je pense qui devrait vous amener à changer d'opinion. Arrive la décision, elle est négative pour le résidant étranger. Donc, il y a une décision administrative qui ne le satisfait pas. Qu'est-ce qui va arriver? Il aura – et on le verra plus loin – un appel devant le Tribunal administratif du Québec où là, s'il le désire, après avoir eu le contenu de la décision négative, il pourra faire valoir, de la manière qu'il jugera à propos, avec les témoins qu'il voudra, avec les avocats qu'il voudra, avec tous les moyens, toute l'artillerie requise à son point de vue.

Donc, on aura une situation où on aura un appel. Alors, l'avantage de tout ça, c'est qu'actuellement la première décision est rendue après un procès. Nous pensons – et c'était l'idée qui prévalait au moment où la plupart des législations ont été adoptées, lorsqu'on utilisait le droit d'être entendu, comme c'est prévu au premier alinéa de l'article 14 – que c'était l'idée de pouvoir dire des choses, mais c'est devenu une façon de faire un procès. Nous pensons que ce n'est pas nécessaire, pour rendre de bonnes décisions, qu'il y ait, dans chacun de ces cas, un procès, mais plutôt qu'il y ait un processus déjudiciarisé où la personne peut faire ses observations ou peut avoir déposé tous ses documents. C'est ça, l'esprit.

Alors, votre cas, il est là. Quelqu'un qui est un étranger a envoyé tout ce qu'il jugeait à propos pour justifier son autorisation ou ce qu'il voulait faire. Il a été averti que, malgré tout ce qu'il avait fourni comme information, renseignements, etc., en particulier, j'imagine, sa solvabilité, que c'est une terre qui peut être acquise parce que la fin pour laquelle il l'acquiert, ce n'est pas une fin incompatible avec le zonage ou avec la Loi sur la protection du territoire agricole. Donc, après avoir fait toutes ses représentations, il se fait dire: On a l'intention de rendre une décision négative. Avez-vous des choses à ajouter? Il a fait ses représentations et la décision lui est défavorable. Alors, on a suivi un processus non judiciaire. À partir de là, s'il veut faire réviser cette décision-là, il aura l'occasion de se faire entendre d'une manière différente.

Je pense que ça, ça explique non seulement ce qu'on vient de discuter, mais tout l'esprit de la loi dont on a discuté pendant 150 heures et tout le projet que l'on veut faire par ce projet de loi là. C'est de rendre ça vivant, correct à l'égard de chacune des lois. Ça, on l'achète ou on ne l'achète pas, mais ça a au moins le mérite d'être très clair.

M. Ciaccia: Je sais, M. le Président, que mes collègues veulent intervenir, puis je ne veux pas prendre trop de temps.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Mont-Royal.

(17 h 20)

M. Ciaccia: J'aurais une couple de remarques à faire sur ce que le ministre vient de dire, quitte à retourner plus tard. Premièrement, quand vous dites «se faire entendre», moi, je n'associe pas avec un système nécessairement judiciarisé pour se faire entendre parce que, pour les faire entendre, et je vois une distinction entre se faire entendre et observation, parce que vous réduisez vraiment la façon dont la représentation peut se faire, numéro un.

Deuxièmement, c'est trop facile à dire: Écoutez, si tu n'es pas satisfait de ma décision, tu iras au TAQ. Mais là, vous mettez l'intervenant dans une position pas mal défavorable. Il y aura déjà un jugement contre lui, il n'aura pas eu la chance de se faire entendre. Ça lui crée déjà une situation défavorable, puis vous dites: Bien, vous pouvez vous faire entendre devant le TAQ. Je pense que ça aurait évité... Efficace, des fois, ce n'est pas nécessairement mieux. Peut-être c'est plus efficace pour l'administration, de le faire de cette façon-là, mais ça peut arriver à prendre des décisions qui vont aller à l'encontre. Parce qu'on peut faire des choses, en se faisant entendre, qu'on ne peut pas faire juste en écrivant des observations. Peut-être qu'on peut revenir sur ces deux sujets-là. Je sais que mes collègues veulent...

M. Bégin: Mais je pense que c'est le coeur du débat. C'est pour ça qu'on est ici. C'est sur ça. Ne vous en déplaise, l'interprétation donnée par les tribunaux aux mots «se faire entendre», ça correspond à l'article 23 de la Charte et c'est vraiment d'une manière judiciaire ou quasi judiciaire. Initialement, je suis d'accord avec vous, quand on a fait notre cours de droit, ce n'était pas ça que ça voulait dire. Ce n'était pas ça, c'était beaucoup plus faire des représentations. Mais, aujourd'hui, qu'on aime ou qu'on n'aime pas, les tribunaux l'interprètent comme étant la possibilité de faire l'équivalent d'un procès, donc témoins, enquêtes, contre-interrogatoires.

M. Ciaccia: Oui, mais vous n'auriez pas pu trouver une façon... au lieu de l'enlever complètement, le droit de se faire entendre, et de dire juste «présenter des observations»? Si vous ne voulez pas avoir complètement un procès judiciaire, vous auriez pu définir la façon de se faire entendre sans que ce soit un procès.

M. Bégin: C'est ce qu'on a fait.

M. Ciaccia: Bien non, présenter des...

M. Bégin: On n'a peut-être pas bien réussi, à votre point de vue, mais c'est ce qu'on a fait.

M. Ciaccia: ...observations. Vous enlevez complètement cet élément de se faire entendre qui, pour moi, va causer certains préjudices. Parce que se faire entendre plus tard, ce n'est pas la même chose. Il a déjà un jugement contre lui, c'est défavorable.

M. Bégin: Mais, M. le député de Mont-Royal...

M. Ciaccia: Là, vous le mettez dans une position, c'est comme deux...

M. Bégin: ...vous êtes un bon avocat, vous avez un bon réflexe d'avocat. On a tous un petit peu...

M. Ciaccia: ...prises contre lui, puis il faut qu'il revienne.

M. Bégin: Permettez? Quand on est un avocat, on a un peu la réaction que vous avez, et je ne peux pas vous blâmer de l'avoir. Spontanément, comme avocat, j'ai un peu la même chose. Sauf qu'on n'est pas dans cette hypothèse-là. Au niveau d'une première décision...

M. Ciaccia: Vous auriez dû écouter votre naturel.

M. Bégin: ...de nature... Écoutez qui?

M. Ciaccia: Suivre votre naturel, votre réaction...

M. Bégin: Non, non. On a actuellement l'état de fait, l'état que tout le monde déplore. Parce qu'il faut se comprendre, ce projet de loi, on peut dire qu'il y a des choses qu'on n'aime pas, mais l'idée de vouloir déjudiciariser, de vouloir faire en sorte que ce soit plus simple, qu'on n'assiste pas à des procès, au sens de se faire entendre, ça, là, tout le monde est venu dire qu'il était d'accord là-dessus, tout le monde nous l'a dit.

Cependant...

M. Ciaccia: Je ne sais pas. Je ne sais pas. Pas tout le monde. Nous autres, on n'est pas d'accord.

M. Bégin: Tout le monde. Tout le monde a dit...

M. Ciaccia: Pas tout le monde.

Une voix: Tout le monde, sauf l'opposition.

M. Ciaccia: Nous autres, on n'est pas d'accord. On fait partie du monde, nous autres aussi.

M. Bégin: Bien, l'opposition, même là-dessus, je pense qu'ils étaient d'accord.

M. Ciaccia: On fait partie du monde. On est du monde.

M. Bégin: L'idée... Ça, je suis convaincu. L'idée qui était derrière ça. Alors, la façon de le formuler, peut-être qu'il y en a qui auraient des façons différentes, sauf que ceux qui ont essayé avant n'ont pas réussi à mener leur réforme à terme. Alors, cette réforme-ci, je pense, a l'avantage – et on bénéficie, pour la faire, de l'expérience du passé – de rendre les choses plus simples, plus claires. Ce concept, c'est Patrice Garant qui l'a apporté, dans le débat de la réforme de la justice administrative, de la déjudiciarisation. C'est ce qui a permis de comprendre les enjeux qu'il y avait dans cette réforme-là. Que ce ne soit pas simplement une réforme de structure, mais une façon de voir et de comprendre les choses. Une approche administrative, au premier échelon, ensuite quasi judiciaire, dans une autre étape. Je dis ça pour les fins de la discussion, pour qu'on se comprenne bien.

Alors, je pense qu'on réussira, en ce faisant, avec cette façon de faire, à s'assurer que la décision de premier niveau ne soit pas un procès. Parce que ça coûte cher, ça demande beaucoup de temps, généralement la décision n'est pas meilleure que celle qui sera rendue par l'administration publique qui aura eu l'occasion d'avoir tous les renseignements que l'administré pourra lui soumettre, y compris même ses observations. Et ça, je pense que c'est suffisant pour rendre une bonne décision dans à peu près tous les cas. Cependant, il va arriver des cas où la décision ne sera pas bonne, c'est clair.

M. Ciaccia: Oui, vous dites que ça va sauver du temps, la décision, mais ça va en prendre plus, de temps, parce que, au TAQ, il va y aller et il va se faire entendre. Alors, faites-le au début; peut-être qu'il n'aura pas besoin d'aller au TAQ après.

M. Bégin: Pourquoi faire 90 procès quand on a besoin d'en faire deux?

M. Ciaccia: Parce que là je pense que vous ajoutez...

M. Bégin: Non. Si...

M. Ciaccia: ...plus de délais. À la fin, vous aurez passé plus de temps.

M. Bégin: Tous les débats judiciaires qui n'auront pas lieu et où on aura une décision qui sera satisfaisante pour l'administré, c'est un gain. Il arrivera des cas où les gens ne seront pas satisfaits, là il y aura un procès; on sera à égalité, à ce moment-là. Donc, il y a toujours un gain pour l'administration. Si on sauve 50 cas ou 50 % des cas, je pense qu'on vient de faire un gain énorme.

M. Ciaccia: En tout cas, je ne veux pas m'éterniser, mais vous ne serez pas à égalité parce que celui qui va avoir le jugement contre lui sans se faire entendre...

M. Bégin: En gain ou en...

M. Ciaccia: ...il a un préjugé contre lui. Mais, M. le Président, je vais laisser la chance à mes collègues et aux autres d'intervenir.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui. Si vous me permettez un élément d'information, M. le député de Mont-Royal. Dans les questions de zonage agricole et d'acquisition de terres agricoles, d'autorisation, je pense qu'il est important de rappeler que, de toute façon, à la première étape, la demande est déposée et il n'y a pas nécessairement... Ça va en révision lorsqu'il y a des décisions défavorables, et il n'y a pas nécessairement un processus judiciaire à cette étape-là. La raison d'être du tribunal d'appel qui en révise et qui accepte quand même un nombre assez important, c'est justement pour permettre de réviser ces décisions-là. Même la Commission peut, dans certains cas très spécifiques, réviser elle-même sa décision de première instance, mais sans que ce soit forcément un tribunal ou un processus judiciaire qui en fasse...

Alors, ça existe déjà comme ça, là. Je pense qu'on ne découpe pas dans du neuf. Le processus de zonage agricole et d'autorisation ou de révision qui a été mis en place va de cette façon-là depuis les débuts, sauf qu'il y a eu l'ajout d'un tribunal d'appel, durant les années quatre-vingt, qui a repris une partie des fonctions que la Commission faisait elle-même, au préalable, dans son pouvoir de révision. Alors, il n'y a pas nécessairement non plus des délais supplémentaires par un processus ou par l'autre, sauf que ce qu'on introduit, c'est quand même la possibilité, avant qu'une décision défavorable soit rendue, de produire des informations. Ça, ça suppose déjà que, dans les faits, les gens aient eu connaissance du mémoire d'intention qui est préparé par les analystes, et tout ça. Donc, ça leur permet en quelque sorte de fournir une argumentation supplémentaire à celle qu'ils ont pu fournir sur la base des renseignements normalement fournis pour une demande.

Je crois que là-dessus, on ajoute effectivement – là, je le dis sans partisanerie, je me réfère plus à l'expérience que j'ai eue antérieurement à travailler avec des gens qui se présentaient devant la Commission de protection du territoire agricole. Moi, je crois qu'on aide en quelque sorte le citoyen, dans ces cas-là, à pouvoir s'assurer, avant qu'une première décision soit rendue, qu'il ait pu donner toute l'information pertinente, alors que, dans le processus actuel, il n'a même pas cette option-là à une première étape.

M. Ciaccia: Là, vous faite référence à l'alinéa 2...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui.

M. Ciaccia: ...où vous ajoutez «présenter ses observations».

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui.

M. Ciaccia: Présentement, ils n'ont pas ce droit-là; là, vous ajoutez quelque chose.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): C'est ça.

M. Ciaccia: Dans le premier, on enlève le droit de se faire entendre et on le remplace. C'est deux situations différentes. Moi, je parlais du premier alinéa. Vous m'avez donné un exemple qui est très bon, du deuxième, de dire: Écoutez, présentement, ils peuvent rendre une décision sans rien demander, et vous ajoutez qu'ils peuvent présenter des observations. Ça ajoute quelque chose qui n'existe pas, je suis d'accord avec vous. C'est bien.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Et ça...

M. Ciaccia: Mais ça n'enlève pas le problème du premier alinéa.

(17 h 30)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mais je pense que ça épargne, M. le député de Mont-Royal, aux gens la possibilité d'avoir une première décision qui soit défavorable. En fait, le processus, c'est que, lorsqu'ils présentent leur demande, ils peuvent être entendus, oui, mais ils ne savent pas si la décision va être défavorable ou pas. Si elle a tendance à être défavorable, là on lui dit: Tu as un délai de 10 jours pour présenter, en quelque sorte, par écrit, tes représentations. Et ça, je considère que ça va améliorer la chance aux gens de fournir tous les éléments à être pris en compte dans la décision qui va être rendue en fonction des terres dont ils voudront se porter acquéreurs.

M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: M. le Président, l'opposition a toujours indiqué au gouvernement et à son ministre de la Justice que les réserves qu'on avait de notre côté, c'était... Oui à un resserrement administratif, à l'allégement du processus puis à l'assouplissement du processus. La déjudiciarisation, on est d'accord là-dessus. Sauf que ce qui l'emporte sur tout ça, c'est qu'on pense que d'aucune façon le justiciable ne doit voir ses droits diminuer. Il s'agit d'avoir parlé avec des gens, peu importe où au Québec, qui ont eu à parader devant la Commission de protection du territoire agricole, sous le gouvernement actuel comme sous notre gouvernement, pour réaliser à quel point souvent ces gens-là reviennent absolument déçus de la façon dont ils ont été traités. Souvent, ils ont l'impression de n'avoir rien compris, de ne pas avoir été entendus, parce qu'ils étaient seuls devant des gens qui sont des experts en la matière.

Moi, je ne fais pas nécessairement reproche aux commissaires; ils coupent les coins ronds, puis ils expédient. Le justiciable en est, en règle générale, à sa première expérience, et souvent il sort de là extrêmement déçu et il a l'impression de ne pas avoir été entendu. Imaginez-vous, maintenant, non seulement ils ne pourront pas se faire entendre, mais ils vont devoir se limiter à faire des observations.

Ce que l'opposition pense, M. le Président, c'est qu'on affaiblit les droits des justiciables de deux façons, avec le projet de loi n° 89. Dans un premier temps, on élimine des droits d'appel devant le tribunal de droit commun qui est la Cour du Québec. Dans plusieurs cas – puis le ministre le sait très bien; il fait semblant d'entendre ça pour la première fois – on lui a dit, d'autres lui ont dit, il y a toute une série de droits d'appel qui n'existeront plus. Des appels qui existent présentement, avant l'adoption de 89, devant la Cour du Québec, ça, c'est une garantie d'impartialité pour l'opposition. Pourquoi? À cause du processus de nomination. Tout le monde s'entend là-dessus, un juge de la Cour du Québec, il est là jusqu'à la fin des temps; il ne peut pas, d'aucune façon, lui, être influencé par le pouvoir politique. Cependant, les juges qu'on va retrouver au TAQ, ils seront toujours sous l'influence, entre guillemets, pas incorrecte du pouvoir politique à cause du processus de nomination.

Donc, la garantie d'impartialité puis d'indépendance est affaiblie. Je pense que le ministre le reconnaît, ça. Il ne nous le dira peut-être pas, mais il comprend qu'il y a une différence entre une audition devant un tribunal de droit commun, qui est la Cour du Québec, puis le TAQ qui s'en vient. Ça ne sera pas pareil. Il le sait très bien, il a déjà plaidé. Il sait c'est quoi, la différence, la nuance.

Dans l'état actuel de la loi dont on parle, M. le Président, de l'acquisition des terres agricoles par des non-résidants, particulièrement à son article 14, est-ce que, lorsqu'un requérant veut être entendu, il l'est devant la Commission de protection du territoire agricole? – Là, j'arrive plus dans des questions que dans des observations, puis je voudrais que le ministre en prenne note; je n'ai pas 28 questions, j'en ai deux ou trois. Actuellement, un requérant qui veut se prévaloir des dispositions de la Loi sur l'acquisition de terres agricoles par des non-résidants, il est entendu devant la CPTAQ, il a droit à être entendu, il a droit à faire sa preuve, puis il a droit à appuyer sa preuve par des témoignages. Est-ce que, en modifiant le texte «se faire entendre» par «faire ses observations» – si je comprends bien, M. le Président, il n'y a rien d'autre de modifié – le requérant pourra toujours appuyer sa demande, dans sa première démarche? Pas dans la démarche prévue à l'article 2.2° du projet de loi n° 89, à savoir si on s'apprête à rendre une décision défavorable. Là il pourra se faire entendre.

À la première étape, M. le Président – c'est la question que je pose au ministre – est-ce que le requérant pourra faire appuyer sa demande par des témoins? Article 2.2° du projet de loi n° 89.

M. Bégin: Là, il y a peut-être un problème, parce qu'il y a eu changement de numérotation. On n'en a plus, de 2.2. Vous parlez de la loi n° 130 ou de 89?

M. Lefebvre: Non, non. Je parle de la loi n° 89.

M. Bégin: Ah! la loi n° 89. Excusez-moi.

M. Lefebvre: Elle doit, avant de rendre une décision favorable... Vous donnerez l'opportunité au requérant, si on s'apprête à rendre une décision défavorable, de se faire entendre. Ce que vous dites, essentiellement, c'est: À la première étape, il ne se fait pas entendre, il n'a pas à se présenter, puis il peut gagner par défaut, puis il est bien heureux – ça, c'est évident – comme il peut être là, comme il peut choisir de ne pas se présenter et ça ne lui cause pas préjudice, puisque, si on s'apprête à rendre une décision qui ne lui est pas favorable, là il va être avisé.

La question que je pose au ministre, c'est: Dans l'état actuel de la loi qu'on veut modifier, la loi traitant de l'acquisition des terres agricoles, le requérant peut soutenir sa demande par des témoignages. Est-ce que c'est oui? Est-ce que c'est non? Je pense que c'est oui, devant la Commission de protection du territoire agricole.

M. Bégin: Actuellement, oui.

M. Lefebvre: Est-ce que ce sera toujours le cas? Est-ce que le requérant pourra appuyer sa demande par des témoignages, à la première étape, et, nécessairement, aussi à la deuxième étape, si, comme vous le prévoyez au paragraphe 2° de l'article 2 de la loi n° 89, vous prévoyez rendre une décision défavorable, puis vous lui dites: Attention, si vous avez des choses à nous dire, monsieur, venez vous faire entendre? Nécessairement, si c'est vrai pour la première situation, c'est vrai pour la deuxième.

Alors, ma question au ministre, c'est: Est-ce que, oui ou non, le requérant pourra faire la démonstration de son droit par une preuve testimoniale dans les deux cas, ou dans un cas, ou dans le deuxième seulement?

M. Bégin: M. le Président, c'est justement ce que je disais tantôt qu'il est bien important de comprendre...

M. Lefebvre: Je m'excuse, M. le ministre. Autrement dit: Est-ce que vous ne faites que modifier «se faire entendre» par les mots «présenter ses observations»? Si on maintient la possibilité de faire entendre des témoins, ce que je pense être le cas, moi, ça m'agace un peu moins.

M. Bégin: Je voulais avoir, pour vous répondre, l'article 23 de la Charte québécoise, mais je vais vous répondre. Les mots «se faire entendre» aujourd'hui veulent dire de manière quasi judiciaire ou judiciaire, c'est-à-dire présence d'un avocat, interrogatoire, contre-interrogatoire.

M. Lefebvre: Dans la loi sur l'acquisition telle qu'écrite aujourd'hui?

M. Bégin: Quand je lis l'article 23 de la Charte, on dit:

«Toute personne a droit, en pleine égalité, à une audition publique et impartiale de sa cause par un tribunal indépendant et qui ne soit pas préjugé, qu'il s'agisse de la détermination de ses droits et obligations ou du bien-fondé de toute accusation portée contre elle.

«Le tribunal peut toutefois ordonner...» Quand on parle de ça, c'est le droit d'être entendu. Ce qui veut dire que, si vous me demandez actuellement devant la Commission de protection du territoire agricole, si vous allez là, vous êtes en présence d'un tribunal, vous avez une table où trois personnes se présentent pour agir...

M. Lefebvre: Un tribunal quasi judiciaire.

M. Bégin: ...et vous avez... autour des gens qui se présentent, qui sont là, il y a des avocats qui interrogent des témoins, il y a des contre-interrogatoires et ça fonctionne de manière quasi judiciaire. Alors là, cette façon-là, au niveau de la Commission, nous ne voulons plus qu'elle se continue. Ce que nous voulons, c'est que la personne puisse déposer ses documents, puisse apporter ses choses, qu'il puisse y avoir, comme on a ici, un échange informel; on échange entre les commissaires, la personne, mais pas de témoins, pas de procès. Et là, à la suite de ça, il pourrait y avoir une décision. On peut ne pas être d'accord, mais ça fait faire la différence entre être entendu et faire ses observations.

Si on n'est pas satisfait de cette décision-là – pas de ce que je viens de dire, mais de cette décision-là – là vous pouvez aller devant le TAQ et vous pourrez à ce moment-là faire valoir de la manière que vous le souhaitez et que vous le dites; ça va être une reprise différente, mais un reprise. Et, si vous voulez, vous pouvez apporter d'autres preuves que vous n'avez pas déposées là. Vous pourrez le faire sous le mode de l'interrogatoire, du contre-interrogatoire. Ce sera une option qui sera là. Mais on veut que la première décision ne soit pas encadrée comme devant un tribunal. Et c'est tout le sens de la démarche. C'est pour ça que, quand on dit «être entendu», je ne veux pas qu'on fasse la confusion, parce que «être entendu», c'est judiciairement, si vous me permettez l'expression.

(17 h 40)

M. Lefebvre: Ce que je comprends du ministre, M. le Président – puis mes collègues également, j'imagine – avant d'être fixé de façon définitive, c'est: que ce soit à l'étape 1, se faire entendre, ou encore à l'étape, paragraphe 2° de l'article 2 de 89, à savoir: Là, venez vous faire entendre parce qu'on s'apprête à rendre une décision défavorable, ni dans l'un, ni dans l'autre cas le requérant ne pourra être accompagné de témoins. La réponse du ministre, c'est non.

M. Bégin: C'est ça.

M. Lefebvre: Bon. Est-ce que le ministre, compte tenu de ce qu'il a lu tout à l'heure, l'article 23 de la Charte, a fait vérifier par ses conseillers, ses juristes, si cette décision qu'il s'apprête à prendre en suggérant l'adoption de 89, avec les conséquences qu'il vient d'admettre, que ça va faire disparaître les témoins – puis, moi, il nous dit; on verra, là; c'est ça que je veux comprendre – est-ce que ses juristes lui disent que ça va résister à l'attaque qui risque de venir de requérants – il va y avoir un «test case» quelque part – en partant de l'article 23 de la Charte?

M. Bégin: Nous avons eu un long débat qui a duré plusieurs heures, relativement; et on était, à ce moment-là, non pas à l'étude article par article, mais sur l'avant-projet de loi. Il y a eu un long débat parce que, dans le projet de loi n° 89 maintenant, il y avait des dispositions concernant l'article 23 et l'article 56, qu'on modifiait. Très long débat: ces articles-là ont été retirés, et je pense que ça clôt le débat.

Il y a eu, de la part des légistes qui sont ici derrière moi, qui travaillent depuis plusieurs années, plus que le temps de brasser ça 50 fois, 100 fois, si vous me permettez l'expression. Ça a été étudié, revérifié, rediscuté, repris. En fait, tout a été évalué. Et je ne pense pas qu'il n'y ait aucun doute, dans l'esprit d'aucun des juristes qui travaillent au ministère, sur la possibilité de le faire. D'ailleurs, c'est ce qui existe dans beaucoup de nos organismes actuellement. On essaie de faire la déjudiciarisation pour nous ramener à ce qui existe dans certains endroits et qui fonctionne très bien.

Donc, il n'y a aucun problème à cet égard. Il n'y a aucun doute quant à la possibilité de faire ça. Mais dire qu'un acte administratif ne sera pas judiciaire, là, aucun problème.

M. Lefebvre: Je comprends, mais, au-delà de la définition, M. le Président, les instances vont rester, la Commission de protection du territoire agricole, devant qui un requérant qui veut soulever des droits qu'il aurait en vertu de la loi sur l'acquisition de terres agricoles par des non-résidants, au-delà de la définition que veut bien donner le ministre à ces modifications, les structures vont rester. Le requérant, la semaine dernière ou l'an dernier, s'est présenté avec des témoins. Il a une autre demande à faire de même type, mais là il réalise que le législateur a modifié plein de choses, au Québec. Il va se présenter et il va se faire dire qu'il n'a pas le droit d'être entendu. Il a le droit de faire des observations; n'a pas droit, en supposant, par hypothèse, que la question soulevée, c'est une personne qui ne réside pas au Québec. La résidence au Québec, c'est une preuve qui peut être faite par témoins, ça.

M. Bégin: Bien non. C'est facile de ne pas être... Je demeure à New York, je ne suis pas résidant.

M. Lefebvre: Non, non. Je comprends, mais le ministre sait très bien qu'il peut y avoir un débat, à savoir: Est-ce que vous êtes résidant ou non-résidant? Puis ça peut être fait par témoins. À tort ou à raison, la Commission de protection décidera.

Mais le ministre nous dit: On élimine la possibilité de permettre au requérant d'être appuyé dans ses demandes par des témoignages qui viendraient de tiers. Puis on n'est pas inquiet. Ça résiste à l'article 23 de la Charte.

M. Bégin: Il aura la possibilité de le faire devant...

M. Lefebvre: Le TAQ?

M. Bégin: ...le TAQ. Tout à fait.

M. Lefebvre: Le fait, pour le ministre, de permettre au requérant d'aller – je n'utiliserai pas le mot «appel», là – devant une autre instance qui s'appelle le TAQ, c'est ce qui rassure le ministre en regard des dispositions de la Charte.

M. Bégin: Bien, non seulement ça, mais c'est un processus tout à fait normal. Mais la Charte n'est pas impliquée au stade d'une décision administrative. Qui peut soutenir que, lorsque je demande, par exemple, de l'aide sociale – prenons une hypothèse – j'ai le droit d'avoir un procès avec témoins pour établir mon point? Il n'y a personne qui va soutenir ça. Pourtant, on est exactement dans la même situation où une personne demande – par exemple, un non-résidant – de pouvoir acquérir un bien au Québec alors qu'il est non-résidant. C'est exactement la même demande qui est faite, et on lui dit oui ou non. C'est peut-être plus complexe dans certains cas que dans d'autres, mais il reste que, quand même, c'est la même décision. Personne ne dira que la personne qui a fait une demande à l'aide sociale a droit d'avoir un procès avec avocat, interrogatoire, contre-interrogatoire. On sait tout de suite par instinct que c'est un non-sens. Pourtant, c'est la même situation à l'égard de la personne qui demande une autorisation de pouvoir acquérir un bien au Québec alors qu'elle est non-résidante. Alors, pour être capable d'avoir droit à l'assistance sociale, il faut dire bien des choses, de la même manière que celui qui est non-résidant et qui veut être acquéreur, il va être obligé de dire bien des choses.

Alors, la décision va être prise. S'il n'y a pas de satisfaction, de la même manière que celui qui veut avoir de l'aide sociale et qui se voit refuser cette autorisation-là peut aller en appel devant le TAQ, celui qui ne sera pas satisfait, le non-résidant, de la décision qui a été rendue ira devant le TAQ.

M. Lefebvre: Sauf que, M. le Président, actuellement le résidant ou le requérant, en vertu de la Loi sur l'acquisition de terres, peut aller en appel devant la Cour du Québec.

M. Bégin: Oui, ça va être maintenu, et vous le savez.

M. Lefebvre: Ça va être maintenu devant le TAQ.

M. Bégin: Non, non, non.

M. Lefebvre: Celui-là, ce n'est pas modifié?

M. Bégin: Mais non. Regardez, on revient à notre affaire. Vous me donnez vraiment une occasion, M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: Je veux juste apprendre, moi.

M. Bégin: Regardez l'article 159. Moi aussi, je l'ai vu.

M. Lefebvre: Je ne cherche pas à prendre le ministre par défaut, je veux juste apprendre des choses.

M. Bégin: Les décisions rendues par le tribunal...

M. Lefebvre: À quel article vous êtes, M. le ministre?

M. Bégin: À l'article 159 du projet de loi n° 130 qu'on a déjà adopté. Dans la matière traitée dans la section des affaires immobilières où se trouvera le BREF et l'ancien TAPTA, Tribunal d'appel en matière de protection du territoire agricole, de même que celles rendues en matière de protection du territoire agricole peuvent, quel que soit le montant en cause, faire l'objet d'un appel à la Cour du Québec sur permission d'un juge. Donc, ce n'est pas exact qu'on a supprimé les droits d'appel. Ils sont maintenus. Tous ceux qui existaient sont maintenus. Il y en avait trois: BREF, TAPTA et l'autre, c'est l'expropriation. C'est maintenu. La nuance – et je le mentionnais ce matin – c'est qu'il devra y avoir une autorisation de la Cour du Québec. Et j'ai dit à votre collègue que j'avais confiance que la Cour du Québec, lorsqu'elle sera devant un dossier nécessitant une question en jeu, une qui doit être soumise à la cour, va se donner juridiction et va entendre l'appel. Je trouve que c'est bien important. Mais vous voyez que la personne qui prend une décision au premier niveau, une décision administrative, il y aura la possibilité d'aller devant le TAQ. Dans ces cas-là, en plus, si elle n'est pas satisfaite, elle pourra aller en appel devant la Cour du Québec. Je pense que c'est pas mal de possibilités. Ça n'enlève pas beaucoup de droits.

M. Lefebvre: C'est là qu'on vous a reproché de maintenir l'appel devant la Cour du Québec pour de l'immobilier et de le refuser pour les droits personnels.

M. Bégin: Mais là, regardez, il faudrait qu'on soit cohérent. Vous m'avez demandé...

M. Lefebvre: Ça fait un bout de temps que je n'ai pas travaillé dans 89. Ça me revient, tout ça. Ça revient.

M. Bégin: Oui, ça revient. Mais vous m'avez demandé...

M. Lefebvre: Je fouille dans mon subconscient. Non, non, mais c'est vrai, on avait eu un débat là-dessus, à tort ou à raison.

M. Bégin: C'est le jeu où je ne gagne jamais. On me le demande; je dis: On ne le donnera pas. On me le demande; je dis: On ne le donnera pas. Et tout à coup, je dis: Je le donne. Ah! On dit: Tu ne l'as pas donné. Et, maintenant que je le donne: Oui, mais vous n'avez pas autre chose? Là, quand même, je ne peux jamais gagner à ce jeu-là.

M. Lefebvre: M. le Président, le ministre comprend qu'il ne faut pas contredire notre collègue de Chomedey en son absence. Je ne veux pas venir dire des choses, moi, qui le contrediraient.

M. Bégin: Non, non. Je parlais de l'opposition en général, pas du député de Chomedey. Son esprit m'a habité toute la journée. Je disais «Chomedey» au lieu de «Châteauguay». J'avais réussi à le surmonter, et là vous le réintroduisez.

Entendons-nous, c'est important. Les appels qui existaient à la Cour du Québec sont maintenus. Non, il n'y en a pas où il n'y en avait pas. C'est vrai. Mais j'ai toujours dit qu'il n'y en aurait pas, depuis le début. Je maintiens les décisions qui avaient été prises par mon ancien gouvernement, par votre ancien gouvernement. En fait, à la CAS et à la CALP, on n'a jamais donné, ni l'un ni l'autre, un droit d'appel. Vous êtes d'accord là-dessus? Alors, au moment de la réforme, on n'en donne pas. Donc, on est cohérent. J'espère que vous ne le direz plus.

(17 h 50)

M. Lefebvre: Pardon?

M. Bégin: J'espère que vous ne le direz plus, tous vous autres, comme vous l'avez fait, au mois de décembre, pendant 17 heures, qu'il n'y avait plus de droit d'appel. L'article 159 était écrit dans le texte, il était là.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Oui, M. le Président. Je pourrais terminer sur l'article en reprenant peut-être les propos du ministre. Une invitation à lui rappeler qu'il peut prendre un article à gauche, à droite pour essayer de nous faire croire que ce sont des droits généralisés, mais c'est très, très partiel, d'une part. D'autre part, il ne pourra pas nous reprocher de lui rappeler les engagements de son propre parti, des engagements électoraux.

Est-ce qu'il se souvient, M. le Président, le ministre, que, dans la plateforme électorale soumise à l'électorat pour remporter le pouvoir, il y avait, écrit en toutes lettres, l'instauration d'un tribunal administratif avec droit d'appel, dans tous les cas, à la Cour du Québec. Alors là, le ministre, il dit: Vous m'avez parlé de ça tout le temps. Allez-vous arrêter? Bien non. Bien non, on ne va pas arrêter parce que, quand quelqu'un ne respecte pas sa parole, il faut lui rappeler pour éviter qu'il ne recommence. Puis je pense que c'est important de rappeler ça. C'était important à l'époque. Notre collègue de Chomedey l'a fait tant et tant, et très bien.

Une voix: Il vous a convaincus.

M. Fournier: Ah oui, convaincus. Puis là on essaie de vous convaincre qu'il faut arrêter de faire ça, il faut éviter de faire ça, puis il faut essayer de respecter un petit peu sa parole, des fois. Je dis «un petit peu» puis «des fois». J'espère que, déjà ça, c'est une marge qui permet au ministre de s'inscrire à l'intérieur de cette marge-là, d'être capable de respecter ça.

Revenons sur le premier alinéa, l'article 2. J'ai écouté ce que le ministre nous a dit tantôt. L'argument qu'il utilise pour nous dire que c'est bien, ce qu'il fait, c'est de dire ceci: Avec le nouveau processus, pour les décisions favorables, on va éviter le procès. Parce que le droit d'être entendu, c'est rendu le procès, alors qu'on sait que, quand même, le décorum est différent, qu'il y a plus de souplesse. On sait tout ça. Qu'il y ait des outils, évidemment, moi, je suis d'accord que les citoyens continuent d'avoir des outils pour se battre contre la machine. Ça, c'est vrai. Je ne veux pas remettre ça sur le tapis. C'est la différence entre nous autres et le ministre, M. le Président: lui, il veut enlever des outils à l'administré; nous, on veut qu'il garde ses outils. Bon. On ne recommence pas cette affaire-là, on l'inscrit tout simplement dans le débat.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Châteauguay, je vous invite à être prudent avec certaines affirmations qui sont à la limite.

M. Fournier: Lesquelles, M. le Président? Précisez-les.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Le 35.6, puisque c'est prêter des intentions malveillantes.

M. Fournier: Mais non. Qu'est-ce qu'il y a de malveillant, là?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Lorsqu'on dit que vous voulez donner des droits et que lui veut en enlever, vous prêtez une intention malveillante.

M. Fournier: M. le Président, je ne suis pas d'accord avec votre appel au règlement, mais je comprends qu'il faut peut-être que je vous le réexplique un peu plus, parce que, tantôt, j'ai écouté une de vos interventions et ça me semble important de mentionner quelque chose. L'article 14, tel qu'il est présentement...

M. Bégin: Il est en train d'être influencé, le député de Châteauguay, par le député de Chomedey. Je trouve que le député de Châteauguay prend le même processus.

M. Fournier: Ah! Si c'est pour parler de l'enthousiasme avec lequel on travaille, le dynamisme qui marque nos interventions pour tenter de vous convaincre, peut-être, peut-être.

M. Bégin: Non. Plutôt style déformation. Mais je vais vous rappeler...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Soyez prudent vous aussi, M. le ministre, parce que là, la déformation, c'est comme prêter des...

M. Bégin: Je vais dire au député de Châteauguay qu'il n'aura jamais le problème qu'il a soulevé parce que, comme ils n'ont pas de plateforme en matière constitutionnelle, on ne pourra jamais lui reprocher quoi que ce soit.

M. Fournier: M. le Président, ça aussi, je peux entreprendre là-dessus, parce que je vais peut-être lui faire parvenir... On a un document excessivement intéressant. D'ailleurs, il y a certains de ses collègues qui essaient de trouver des mécanismes dans ce document, notamment son collègue des Affaires internationales qui a fait un beau... un document constitutionnel sur la reconnaissance et interdépendance qui a été rendu public en décembre dernier, et le collègue des Affaires internationales a dit des choses extraordinaires sur le partenariat. Imaginez-vous, M. le Président, il veut – je n'en reviens pas; on l'a dit à l'étude des crédits – dans ce partenariat, que les Québécois aient moins à dire, que leur force soit moins forte que la démographie, moins de 24 %, 25 %; il veut qu'on descende jusqu'à 22 %.

Il a fait un discours là-dessus; je suis tombé à la renverse. J'ai demandé au ministre des affaires canadiennes, il a dit: Oui, oui, c'est envisageable. Alors, le Parti québécois, aujourd'hui, il veut faire un partenariat, puis on aurait 20 % des votes dans ce partenariat-là. Ça n'a pas d'allure. Alors, je veux bien...

Une voix: ...maîtres chez nous.

M. Fournier: Bien non. Bien, là, il faut faire attention. Dans l'idée, vous n'êtes plus maîtres, vous avez 20 % de la cabane. C'est tout ce qu'il y a. Ceci étant...

Une voix: ...

M. Fournier: Non. Je pense qu'il y a illusion dans la tête de notre collègue, ici.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, je vous inviterais, M. le député de Châteauguay, à revenir à votre propos parce que...

M. Fournier: Oui, oui. Je m'excuse.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Je suis tolérant sur les diversions, mais...

M. Fournier: Je me suis emporté. Simplement mentionner ceci. Avant que je me fasse interrompre tantôt, M. le Président, j'étais sur...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fournier: Bien, c'est vrai que je me suis fait interrompre. J'étais sur le premier alinéa de l'article 2 qu'on nous amène ici et j'étais sur l'argumentation du ministre qui dit: On va éviter les procès pour les cas qui sont favorables.

Moi, je dis ceci: Admettons que vous n'enlevez pas le droit de se faire entendre mais que vous conservez votre nouvel alinéa, le 2° – et on y reviendra un petit peu plus tard; évidemment, je comprends qu'on prend les alinéas un à la fois, je comprends tout ça – on pourrait en arriver, à la limite, qu'il y aurait le droit de se faire entendre lorsqu'il y a une décision défavorable à venir. Et, dans ce cas-là, qu'est-ce qu'on fait? Bien, on fait le meilleur des deux mondes. Le ministre se trouve à bénéficier du fait qu'il n'y a plus de procès, que les gens ne se font plus entendre parce que la décision va être favorable, c'est une possibilité. Et puis, juste quand elle risque d'être défavorable, à la vue du dossier, là le citoyen a l'ensemble des moyens qui lui sont donnés par le droit de se faire entendre, tel qu'il a actuellement en vertu de l'article 14, pour que la première décision soit la bonne. Voilà. C'est la différence entre l'approche que le ministre propose. J'aimerais ça qu'il commente cette façon de voir l'article 14, parce que l'argument central qu'il a dit, c'est pour épargner les coûts et le temps, le délai d'un procès pour une décision qui serait favorable. Ça, c'est son argument majeur qu'il a soutenu tantôt.

Alors, maintenons donc le droit d'être entendu et prévoyons, comme il le fait dans son paragraphe 2° qu'on ajoute, là, à 14, que ce droit d'être entendu sera mis en vigueur lorsque l'organisme va aviser que, à la vue des documents, il s'en va vers une décision défavorable et qu'à cet égard il souhaite avoir l'ensemble de l'éclairage. Lorsque l'organisme dit: On s'en va vers une décision défavorable, pourquoi n'avoir qu'une seule partie?

M. Bégin: Si je veux répondre.

M. Fournier: Il me reste encore une minute et demie. Bien, je vais laisser du temps. Pourquoi est-ce qu'on ne pourrait pas permettre d'avoir l'ensemble de la lumière à l'égard de la première audition, la première instance, et seulement pour les cas où c'est défavorable? Comme ça, on gagne des deux côtés.

M. Bégin: Le député de Châteauguay oublie une chose que j'ai dite il y a bien, bien, bien longtemps, au tout début de nos travaux, mais qui revient. Ce que nous voulons faire, c'est que la première décision soit d'une qualité telle que, même quand l'administré va perdre, il accepte la décision parce qu'il a été correctement traité. Ce qui veut dire que, dans votre cas, entre autres, particulièrement, ce n'est pas dit que, parce qu'on envisage de rendre une décision négative à l'égard d'une personne, qu'on l'informe de cette intention-là, qu'on lui dise: Si tu as des observations à faire, fais-les, que la décision est rendue de manière négative, il n'est pas du tout, du tout acquis qu'il y ait un appel devant le TAQ, loin de là.

Au contraire, la personne peut dire: Bon, voilà, c'est ça, la décision, je perds, et je l'accepte. Alors, pourquoi réintroduire...

M. Fournier: Mais il va l'accepter, justement, d'autant plus...

M. Bégin: Ha!

M. Fournier: ...s'il a eu le droit de se faire entendre plutôt que d'être limité à une présentation très partielle de ses faits, de sa vérité.

M. Bégin: C'est cette lourdeur que nous voulons enlever.

M. Fournier: Bien voyons!

M. Bégin: Et nous ne l'obtiendrions pas en faisant ce que vous voulez faire. Ce serait réintroduire par la porte d'en arrière ce qu'on enlève par la porte d'en avant.

M. Fournier: Bien non.

M. Bégin: Est-ce qu'on adopte l'article 2?

M. Lefebvre: Ça va être devenu tellement extraordinaire, les nouveaux mécanismes du ministre, que les requérants vont aimer mieux perdre avec le gouvernement péquiste que gagner avec le gouvernement libéral.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Tellement ça va être extraordinaire.

M. Bégin: Est-ce qu'on adopte l'article 2?

M. Lefebvre: Non, non.

M. Fournier: Non. Si j'ai encore du temps, je vais continuer ma présentation que j'ai à faire là-dessus, là.

M. Bégin: Bien là, je ne voudrais pas vous priver de votre droit de faire des représentations ou de faire des observations. Ce serait une occasion...

M. Fournier: Je n'ai pas entendu, mais je pense bien faire quelques observations. Alors, j'ai l'impression qu'il est de plus en plus 18 heures.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, nous allons devoir ajourner nos travaux, mesdames, messieurs. Alors, nous ajournons sine die.

(Fin de la séance à 18 heures)


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