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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 24 septembre 1996 - Vol. 35 N° 39

Consultation générale sur l'avant-projet de loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative


Vérification des engagements financiers du Secrétariat aux affaires autochtones


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Table des matières

Auditions


Autres intervenants
M. Roger Paquin, président
M. Marcel Landry, président suppléant
M. Paul Bégin
M. Guy Chevrette
M. Normand Jutras
M. Thomas J. Mulcair
Mme Fatima Houda-Pepin
M. Christos Sirros
M. Roger Lefebvre
M. Jean-Marc Fournier
*M. François Léger, ACAIQ
*M. Serge Cayer, idem
*M. Robert Nadeau, idem
*M. Claude Filion, CDPDJ
*M. Pierre-Yves Bourdeau, idem
*Mme Nicole Duplé, idem
*M. André Magny, Secrétariat aux affaires autochtones
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix heures huit minutes)

Consultation générale sur l'avant-projet de loi sur

l'application de la Loi sur la justice administrative

Le Président (M. Paquin): Nous avons quorum. Je déclare la séance des travaux de la commission des institutions ouverte. Nos travaux portent sur une consultation générale et des auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative.

Ce matin, nous recevrons: immédiatement, l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec; par la suite, vers 11 heures, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse; et enfin, Me Marc Bellemare. Les travaux de cette séance seront ensuite repris seulement demain. Cet après-midi, notre commission siégera, mais sur un autre objet.

Est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Il n'y a aucun remplacement, M. le Président.

(10 h 10)

Le Président (M. Paquin): Alors, il n'y a pas de remplacement.

Alors, l'Association des courtiers et agents immobiliers veut bien prendre place. M. François Léger, président du conseil d'administration – lequel d'entre vous? – vous disposez d'environ une vingtaine de minutes pour présenter votre propos. Par la suite, 20 minutes de chaque côté de cette table seront allouées à une période de questions où vous pourrez compléter votre point de vue. Et je vous demanderais, avant de commencer, de bien vouloir, s'il vous plaît, nous présenter, pour les fins de l'enregistrement, les personnes qui vous accompagnent.


Auditions


Association des courtiers et agents immobiliers du Québec (ACAIQ)

M. Léger (François): D'accord. Bonjour. M. le Président, M. le ministre, chers membres de la commission, permettez-moi de nous présenter. Mon nom est François Léger, je suis le président du conseil d'administration de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec. Je suis accompagné, à ma droite, de M. Serge Cayer, directeur général de l'Association, et, à ma gauche, de Me Robert Nadeau, directeur du service des Affaires juridiques de notre Association.

L'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec est constituée en vertu de la Loi sur le courtage immobilier. Elle a pour principale mission d'assurer la protection du public par l'application des règles de déontologie et l'inspection professionnelle de ses membres. L'Association est responsable de l'encadrement professionnel du courtage immobilier au Québec et elle veille à ce que les activités de ses quelque 9 500 membres soient poursuivies conformément à la loi et aux règlements.

Concernant le projet de loi, nos commentaires sont les suivants. Concernant l'appel des décisions disciplinaires, l'Association a étudié avec intérêt l'avant-projet de loi, et en particulier certaines dispositions touchant la procédure d'appel des décisions de son comité de discipline devant la Cour du Québec. L'entrée en vigueur de la Loi sur les intermédiaires de marché en 1989 et ensuite de la Loi sur le courtage immobilier, en 1991, donnait à certaines associations professionnelles une vocation identique à celle des ordres professionnels et leur accordait, par le fait même, les mêmes pouvoirs de réglementation, d'inspection, de surveillance et de discipline. L'entrée en vigueur de ces lois marquait également l'établissement d'un système professionnel parallèle au Code des professions.

Actuellement, la Loi sur le courtage immobilier de même que la Loi sur les intermédiaires de marché se réfèrent déjà au Code des professions en ce qui concerne le processus disciplinaire de première instance. Par contre, l'appel des décisions du comité de discipline de l'Association est entendu par la Cour du Québec plutôt qu'au Tribunal des professions, ce qui crée deux processus d'appel différents pour un même processus déontologique et disciplinaire de première instance.

Comme votre avant-projet de loi confirme le maintien sous la juridiction de la Cour du Québec de l'appel des décisions de première instance de son comité de discipline, l'Association ne peut donner son appui à une telle proposition. L'Association craint que le maintien des deux instances différentes pour entendre l'appel des décisions des comités de discipline, soit le Tribunal des professions et la Cour du Québec, n'établisse une disparité dans l'application des règles propres au droit disciplinaire. Le manque d'uniformité et d'homogénéité en matière d'appel des décisions disciplinaires affectera tôt ou tard négativement la crédibilité des deux systèmes.

L'Association déplore que certaines recommandations du rapport Garant, produit en 1994 et intitulé «Une justice administrative pour le citoyen», n'aient pas été retenues dans l'avant-projet de loi. On y proposait justement que les appels des décisions de première instance en matières déontologique et de discipline soient regroupés pour être entendus par le Tribunal des professions, dont la désignation aurait pu être modifiée. On y recommandait spécifiquement que l'appel des décisions du comité de discipline de l'Association soit entendu par le Tribunal des professions, dont la principale fonction est d'entendre les appels en matière disciplinaire. À cet égard, la jurisprudence du Tribunal des professions est établie depuis 1974, alors que le secteur professionnel du courtage immobilier ne compte aucune jurisprudence stable en matière d'appel depuis la création du processus disciplinaire.

M. le Président, à ce stade-ci, si vous permettez, j'aimerais céder la parole au directeur général de l'Association, M. Cayer.

M. Cayer (Serge): Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, dans l'éventualité où les deux processus d'appel des décisions disciplinaires actuels étaient maintenus, l'Association tient, malgré tout, à formuler certains commentaires.

Dans un premier temps, la question du renvoi législatif et de la limitation du droit d'appel. L'appel des décisions du comité de discipline de l'Association est présentement entendu par la Cour du Québec en vertu de l'article 136 de notre loi, de la Loi sur le courtage immobilier, lequel se réfère, par ailleurs, aux articles 366 et suivants de la Loi sur les assurances. Cette procédure d'appel ne vise que les décisions prises par l'Inspecteur général des institutions financières en matière de délivrance ou d'annulation de permis à des assureurs et n'est aucunement adaptée aux particularités du droit disciplinaire tel que ça existe. Le professionnel jugé peut donc être privé d'un droit d'appel dans certaines circonstances, parce que la procédure d'appel de la Loi sur les assurances n'a pas été conçue en fonction des décisions pouvant être rendues par un comité de discipline, mais bien des décisions purement administratives rendues par l'Inspecteur général. À cet égard, des décisions contradictoires ont déjà été rendues par les tribunaux de droit commun en la matière.

Ce mécanisme de renvoi à une autre loi cause d'importantes difficultés d'interprétation, par ailleurs, et, à ce titre, l'Association a dû s'adresser aux tribunaux pour déterminer l'étendue du droit d'appel conféré par certaines de ces dispositions de la Loi sur les assurances. Elle souhaite que le gouvernement puisse régler définitivement cette problématique par des dispositions explicites à cet effet.

Par des dispositions de l'avant-projet de loi, le législateur propose un nouveau droit d'appel en vertu de la Loi sur les intermédiaires de marché, c'est-à-dire que l'avant-projet prévoit une modification de la Loi sur les intermédiaires de marché et, par ailleurs, prévoit une référence dans la Loi sur le courtage immobilier, une référence, donc, à cette modification à la Loi sur les intermédiaires de marché – alors, on voit là que c'est de a à b à c – pour toutes les décisions qui sont rendues par les comités de discipline créés par cette loi ainsi que par le comité de discipline de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec.

L'Association s'interroge sur l'opportunité de modifier la Loi sur le courtage immobilier par le biais de modifications apportées à la Loi sur les intermédiaires de marché alors même que le gouvernement, au moment où on se parle, s'apprête à apporter des changements à cette loi dans le cadre de la révision quinquennale. D'ailleurs, la commission du budget et de l'administration siège aujourd'hui sur la question. Des modifications devraient plutôt être prévues directement à la Loi sur le courtage immobilier. Et, à cet égard, l'Association soumet une fois de plus qu'il serait plus conséquent que le droit d'appel auquel se réfère la Loi sur le courtage immobilier soit exactement celui prévu au Code des professions, et ce, à l'intérieur de la Loi sur le courtage immobilier.

Le droit d'appel prévu à la Loi sur les intermédiaires de marché, tel qu'indiqué à l'avant-projet de loi, constitue un appel par voie de nouveau procès devant la Cour du Québec. Selon l'Association, cela est contraire aux principes du droit professionnel et, plus largement, aux garanties juridiques fondamentales prévues dans la Charte des droits et libertés de la personne ainsi que dans la Charte canadienne des droits et libertés. En effet, on y prévoit une enquête et une audition devant la Cour du Québec où chacune des parties peut interroger les témoins et exposer ses arguments. Chacun peut donc recommencer sa preuve et, au surplus, y combler des lacunes. L'audience en appel prend ainsi la forme d'un nouveau procès, d'un procès où les parties tenteront inévitablement de parfaire leur preuve, contrairement à un appel jugé en fonction d'un dossier où seul un mémoire est présenté et débattu par les parties.

L'Association craint donc que cette procédure d'appel n'entraîne une judiciarisation à outrance du processus disciplinaire et redoute que le véritable procès ne se déroule plus devant le comité de discipline de l'Association, mais bien devant la Cour du Québec qui a donc tous les pouvoirs pour s'instruire à nouveau de la preuve au fi de la preuve qui a déjà été faite en première instance. Ceci sans compter tous les inconvénients qu'entraîne la tenue d'un nouveau procès au chapitre de la disponibilité des témoins, des procédures, des coûts des ressources allouées et, évidemment, des distances, puisque, par exemple, le Tribunal des professions a pour habitude de siéger principalement à Montréal et à Québec, alors qu'à la Cour du Québec, nécessairement, on se retrouverait un peu partout dans la province de Québec.

(10 h 20)

En droit pénal, l'appel par voie de procès nouveau est une mesure exceptionnelle où le principe général est à l'effet que l'appel est jugé en fonction d'un dossier constitué. Si l'appel par voie d'un nouveau procès constitue une exception dans un domaine où les infractions peuvent être autrement moins graves, force est de reconnaître qu'il n'est pas opportun d'introduire ce type de procédure en droit disciplinaire. Le droit disciplinaire des ordres professionnels n'a jamais adopté une telle procédure d'appel. Pourquoi en serait-il ainsi du droit disciplinaire du courtage immobilier? L'appel par voie d'un nouveau procès devant un juge de la Cour du Québec est d'ailleurs incompatible avec le principe du droit professionnel selon lequel l'intimé doit être jugé par ses pairs. La présence majoritaire des pairs sur les comités de discipline a été voulue par le législateur en raison de leur connaissance précise de la pratique professionnelle. La procédure d'appel au Tribunal des professions, sur présentation de dossiers constitués, tient compte de cette finalité, contrairement à l'appel proposé dans l'avant-projet de loi.

Par ailleurs, la Cour suprême du Canada s'est déjà penchée sur la question de l'appel par voie de nouveau procès. Cette Cour avait déclaré, en matière de droit disciplinaire et professionnel, que ce type d'appel était contraire à la Charte canadienne des droits et libertés dans le cas où il était exercé par la poursuite puisque le défendeur se voyait ainsi privé du droit garanti par la Charte de ne pas être jugé de nouveau pour une infraction dont il avait déjà été acquitté. Comme certaines dispositions de la Charte ont été jugées applicables, dans le passé, au droit disciplinaire, l'invalidité de l'appel par voie de nouveau procès pourrait être alléguée par un intimé à l'encontre d'une décision de non-culpabilité d'un comité de discipline qui serait portée en appel par le syndic. Afin de maintenir l'égalité des droits de chacune des parties, l'Association propose en conséquence que l'audition de l'appel soit faite uniquement sur présentation de dossiers constitués, à l'instar de ce qui est prévu au Code des professions.

Par ailleurs, l'article 160.10 de l'avant-projet de loi permet au juge de confirmer ou d'infirmer toute décision qui lui est soumise. Il ne peut, par contre, à l'instar du Tribunal des professions, modifier la décision du comité de discipline, ce qui entraîne la nécessité d'une nouvelle audience disciplinaire pour la détermination des sanctions, le cas échéant. Il paraît difficile à comprendre que la Cour du Québec doive entendre de nouveau toute la preuve sans être explicitement habilitée à corriger la décision de première instance. L'Association recommande donc que l'avant-projet de loi prévoie cette possibilité, à l'instar du Code des professions.

En ce qui a trait aux décisions purement administratives ou principalement administratives qui se retrouvent à la Loi sur le courtage immobilier, nous aimerions soulever un dernier point. Les articles 164 à 166 de l'avant-projet de loi proposent des modifications aux dispositions de la Loi sur le courtage immobilier concernant toute ordonnance que peut rendre l'Inspecteur général des institutions financières dans le cadre de son pouvoir de surveillance à l'égard de l'Association. L'Association constate toutefois que ni le projet de loi portant sur la Loi sur la justice administrative ni l'avant-projet de loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative ne prévoient la possibilité pour l'Association de contester ces décisions devant le Tribunal administratif du Québec. Il n'y a pas une mention spécifique concernant un appel par notre organisme au sens de notre loi. Dans ces circonstances, l'Association suggère au gouvernement de prévoir un tel recours devant le Tribunal administratif à l'encontre des décisions administratives de l'Inspecteur général rendues en vertu des dispositions de la Loi sur le courtage immobilier.

M. Léger (François): En conclusion, M. le Président, en résumé et pour conclure, l'Association demande au gouvernement de ne pas adopter les dispositions de l'avant-projet de loi concernant l'appel des décisions de son comité de discipline à la Cour du Québec, mais plutôt de prévoir un droit d'appel de ces décisions devant le Tribunal des professions. L'Association croit que l'harmonisation des procédures d'appel en matière disciplinaire est essentielle en vue d'offrir aux justiciables un système cohérent permettant la mise en oeuvre d'une justice de qualité au moindre coût possible. Dans l'éventualité où le gouvernement opte pour le maintien de deux processus d'appel différents en droit professionnel, l'Association suggère que le droit d'appel soit modifié afin de permettre uniquement un appel sur présentation de dossiers constitués.

Nous tenons à remercier le ministre de la Justice ainsi que les membres de la commission des institutions d'avoir donné à l'Association l'occasion d'exprimer ses commentaires à l'occasion du dépôt de cet avant-projet de loi. Merci.

Le Président (M. Paquin): Merci, M. Léger. Alors, du côté de la formation gouvernementale, M. le ministre.

M. Bégin: Alors, merci infiniment, M. Léger, M. Cayer et M. Nadeau, pour votre mémoire. Je pense qu'il aborde, justement dans le sens d'un avant-projet de loi, des questions très spécifiques qui concernent votre Association et qui nous permettent d'avoir un éclairage différent de ce qu'on peut avoir eu jusqu'à aujourd'hui. Et je voudrais vous remercier parce que vous apportez des belles questions, entre autres certaines qui m'ont toujours préoccupé mais auxquelles je n'ai pas eu de réponses parce que ce n'était pas nécessairement dans la mouvance des travaux que je faisais. Mais cette question d'avoir choisi, en 1989 et en 1991, ou 1987, 1989, un système parallèle au système professionnel m'a toujours posé un point d'interrogation, et je n'ai pas encore eu la réponse. Peut-être que je devrais suivre les travaux d'une autre commission, mais, à date, je n'ai jamais compris pourquoi, avec autant de similitudes dans les procédés, on n'a pas utilisé ce qui existait déjà et qu'on a jugé à propos de le faire. Peut-être y a-t-il une bonne raison, et je ne l'ai pas. Mon collègue le député de Chomedey, qui a été président de l'Office, sera peut-être en mesure de nous éclairer là-dessus. Mais je prends vos commentaires comme étant un bon questionnement à cet égard.

Par ailleurs, vous soulevez deux problèmes très précis, à savoir celui que l'appel devrait être non plus devant la Cour du Québec, mais bien plutôt devant le Tribunal des professions parce que, là, il y a une jurisprudence bien établie en ces matières. Et vous nous dites, en fait: Pourquoi devoir reprendre tout le cheminement qui a été franchi par le Tribunal des professions? Il ne s'agit pas de savoir si on gagnerait ou on perdrait dans telle cour, il s'agit de savoir qu'il y a des critères, qu'il y a des principes qui ont été énoncés. Pourquoi recommencer ce qui a déjà été fait et généralement bien fait? Je pense que, là-dessus, c'est difficile de vous dire que vous avez tort. Moi, je pense qu'on devra regarder très attentivement. Et je peux quasiment vous dire d'avance que je suis très sympathique à ce que vous nous dites là-dessus.

Quant à la question de savoir si, dans le contenu de l'appel, il devrait y avoir, comme vous soulevez: que l'exécution de la décision soit suspendue – je ne prétends pas être exhaustif en disant ça, mais, quand même – que l'appel soit effectué sur présentation de dossiers et non par voie de nouveau procès, que la Cour du Québec puisse modifier – là, ce serait le Tribunal des professions, j'imagine – la décision du comité de discipline et non uniquement la confirmer ou l'infirmer, je pense que, effectivement, ce qui a été conçu dans votre cas est plus de la nature de l'administration que de la matière disciplinaire. Alors, c'est compréhensible, me semble-t-il, à première vue, de dire: Oui, effectivement, on peut se comporter différemment dans ces matières-là si on va, selon la logique que vous nous proposez, devant le Tribunal des professions en appel et que, à ce moment-là, bien, on se situe en matière disciplinaire et non plus en matière carrément administrative, donc que les règles soient légèrement différentes.

Alors, je pense que, en disant ça, j'ai couvert à peu près le sens de votre mémoire. Il m'apparaît qu'on devra modifier les dispositions qui vous concernent là-dessus, sans répondre – et là j'espère que le débat permettra de le comprendre – pourquoi il faudrait qu'on ait deux systèmes parallèles. Mais il n'y a pas des auditions qui ont cours sur une autre commission parlementaire et qui portent là-dessus, sur les intermédiaires de marché? Vous avez dit, quelque part dans votre mémoire, qu'au bout de cinq ans il devait y avoir une révision. Je lisais ça tout à l'heure. Malheureusement, je n'ai pas indiqué... On me dit qu'aujourd'hui même – c'est ça – il y a des travaux. En tout cas.

M. Cayer (Serge): Oui. C'est-à-dire que la Loi sur le courtage immobilier prévoyait effectivement une révision quinquennale cinq ans après son entrée en vigueur, qui s'est faite le 21 septembre 1991. Mais, par ailleurs, les travaux du ministre des Finances portent présentement sur la révision de la loi n° 134, c'est-à-dire celle sur les intermédiaires de marché qui, elle, était prévue à l'origine pour 1989. Alors, il y a un certain retard dans le processus.

Le Président (M. Paquin): Merci, M. Cayer. M. le ministre.

M. Bégin: Alors, voilà. Je pense que, en vous disant ce que j'ai dit, j'ai pas mal répondu à vos interrogations, et je ne le fais pas pour ne plus échanger avec vous, mais il m'apparaît que vous avez été suffisamment convaincant pour que j'arrête de vous questionner là-dessus. Merci.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Drummond.

M. Jutras: Moi, justement concernant le système parallèle en matière de droit disciplinaire que vous dénoncez dans votre mémoire, je savais que ça existait, ça, mais, moi aussi, je me posais la question: D'où c'est venu? En quel honneur on a procédé comme ça il y a quelques années? Est-ce que vous le savez? Peut-être que vous étiez là, en commission parlementaire. Quelle justification on a apportée pour arriver avec un système à deux vitesses ou à une justice, je dirais, à deux têtes dans ce domaine-là?

M. Cayer (Serge): Bien, en fait, c'était tout simplement une question d'opportunité au moment où la Loi sur le courtage immobilier a été révisée, en 1990 et 1991. Est-ce que, oui ou non, ça devait s'en aller à l'Office des professions ou pas? Il pourrait y avoir un long débat sur la question. Mais, en dernier ressort, il a été choisi par le législateur, à l'époque, de prévoir un système parallèle, similaire à celui de la Loi sur les intermédiaires de marché. Et, ce faisant, ils ont par contre décidé de ne créer qu'un seul organisme, contrairement à la Loi sur les intermédiaires de marché, où on a la notion d'un conseil qui établit les règlements et, d'autre part, une association qui est chargée d'en faire l'application.

Chez nous, on a préféré combiner les deux comme étant une chose plus efficace. Mais, dans les faits, ce qu'on a fait, c'est créer effectivement un ordre professionnel avec les mêmes attributs et essentiellement les mêmes pouvoirs, mais sans utiliser l'expérience directement acquise dans le Code des professions. Ce faisant, évidemment, il fallait prévoir un processus disciplinaire; ce qu'on a fait, c'est qu'on a copié celui qui apparaissait au Code des professions. D'ailleurs, notre loi l'indique, pour ce qui est de la première instance, ce sont les articles 126 à 160 du Code des professions qui s'appliquent. Par contre, tout en adoptant cette logique, on a omis d'adopter la logique suivante, subséquente à l'effet que l'appel devait se faire exactement selon celui qui est prévu au Code des professions.

(10 h 30)

M. Jutras: Et puis savez-vous s'il y a d'autres corporations comme la vôtre qui vivent avec ce système-là?

Une voix: Les courtiers d'assurances.

M. Jutras: Oui. Vous parlez des courtiers d'assurances, oui, c'est vrai.

M. Cayer (Serge): Il y a les gens en assurance qui ont un système un peu similaire mais pas tout à fait aussi identique que le nôtre. Dans le cas des assurances, par exemple, on n'a pas un syndic; on a la notion d'un comité de surveillance qui reçoit des plaintes, qui les étudie, qui décide de porter plainte devant un comité de discipline. Et là ça redevient similaire. Et l'appel, bien, il se fait à nouveau devant la Cour du Québec, comme dans notre cas. Chez nous, on a un syndic, on a l'inspection professionnelle, on a exactement les mêmes choses que dans un ordre professionnel.

M. Jutras: O.K. Maintenant, vous demandez, dans votre mémoire, que la décision, que l'exécution d'une décision qui est rendue, puis qu'on va en appel, ce soit suspendu. C'est ce que vous demandez, hein?

M. Cayer (Serge): C'est-à-dire qu'on croit qu'il est pertinent de le prévoir. Dans le passé, il a fallu s'adresser aux tribunaux de droit commun pour venir clarifier cet aspect parce qu'il y avait une incompatibilité entre les dispositions de première instance prévues au Code des professions et les dispositions d'appel qui étaient prévues, elles, à la Loi sur les assurances. Évidemment, la Loi sur les assurances, s'il s'agissait essentiellement, comme M. le ministre le précisait, d'un appel d'une décision surtout administrative, donc, où il n'y avait pas véritablement eu une audience comme telle. Du moins, pas de la même nature. Or, dans notre cas, oui, il y en a un. Il y en a, une audience, pardon.

M. Jutras: Oui, c'est ça. Mais là vous demandez que l'exécution de la décision soit suspendue. Présentement, c'est le cas, mais en vertu d'un...

M. Cayer (Serge): D'une jurisprudence qui a été établie.

M. Jutras: Pas nécessairement... En vertu du jugement de la Cour d'appel.

M. Cayer (Serge): Voilà.

M. Jutras: Ce n'est pas en vertu du texte de loi comme tel.

M. Cayer (Serge): Du texte lui-même, qui gagnerait à la clarification puisque, par exemple, les avocats qui représentent les parties se retrouvent, à un moment donné, perdus, et tous n'ont pas accès à tout le corps jurisprudentiel.

M. Jutras: Ça va. Je vous remercie.

Le Président (M. Paquin): Alors, du côté de l'opposition, M. le député de Chomedey et critique.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, à notre tour, ça nous fait plaisir d'accueillir les représentants de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec: M. Léger, Me Nadeau, M. Cayer.

Je dois vous dire, pour avoir assisté depuis le début de cette commission, à quel point je suis heureux de vous avoir là pour faire cette explication, brève mais très claire, de votre position dans le dossier, de votre positionnement de l'Association dans le dossier.

Effectivement, vous avez raison de mentionner qu'il y a un danger énorme qui se présente si on commence à créer de la jurisprudence en matière disciplinaire à deux endroits différents: un spécialisé, le Tribunal des professions; l'autre d'ordre général, la Cour du Québec.

Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de suivre justement les échanges qui ont eu lieu au tout début de l'étude, mais plusieurs des professeurs d'université, et tout, qui sont venus, qui étaient eux-mêmes moins spécialisés dans la chose professionnelle et disciplinaire, avaient quand même constaté ce danger dès le départ, et ils rappelaient le terme qui était employé souvent par les tribunaux pour parler du droit disciplinaire, que c'est un droit sui generis, c'est un droit qui existe en soi, qui doit avoir sa propre logique et sa propre manière de fonctionner. Donc, ils expliquaient, à sa face même, que le projet de loi comportait des dangers.

C'est pour ça que j'étais très heureux d'entendre mon collègue le ministre de la Justice dire ce matin: Écoutez, message reçu, puis vous avez une double chance là-dedans, c'est le ministre qui présente le projet de loi sur le Tribunal administratif du Québec et l'avant-projet de loi qu'on regarde aujourd'hui, en même temps qu'il est le ministre responsable de l'application des lois professionnelles, et il peut s'enquérir justement auprès de l'Office des professions pour avoir la petite histoire de la création de cette bête à deux têtes qu'on a aujourd'hui.

Je peux, pour les fins de cette commission, vous donner une version vraiment courte de tout ça parce que je l'ai vécu de très près lors de la création, et je peux vous dire que l'Office des professions n'a ménagé aucun effort, à l'époque, dans ses discussions et, pour le dire en clair, dans ses disputes avec l'Inspecteur général des institutions financières d'alors, Jean-Marie Bouchard – si ma mémoire est bonne, c'est comme ça qu'il s'appelait – et on lui disait: Écoutez, c'est un non-sens de venir calquer le Code des professions. Vous allez créer de la jurisprudence ailleurs, et d'un, et, de deux, comment vous allez faire pour suivre les modifications au Code qui sont adoptées, il va vous manquer des morceaux?

C'est ce qui existe à l'heure actuelle. Une des pièces maîtresses de la réforme récente du Code des professions était la création d'un comité de révision des plaintes, puis, si je ne me trompe pas, ce n'est pas dans les articles qui se réfèrent automatiquement à vous autres. Est-ce que vous avez un comité de révision des plaintes automatiquement?

M. Nadeau (Robert): Non, on n'en a pas. Actuellement, on n'en a pas.

M. Mulcair: Non, c'est ça. Et c'est une des choses qui a été créée pour aider le public, pour dire: Écoutez, c'est vrai que, pour le public, ça fait un peu dur de se faire dire: Bien, écoutez, inquiétez-vous pas, vous allez vous adresser à des membres de notre profession, puis on va déléguer un des membres de notre profession pour enquêter votre plainte, puis, après, des membres de notre profession vont vous dire si on porte plainte ou non contre les autres membres de notre profession. Le public disait: Wo! Wo! Wo! Wo! Ce n'est pas très transparent et, en 1996, ce n'est peut-être pas la manière de procéder.

Il y a ce comité qui existe maintenant avec des représentants du public et, depuis que ça existe, ça marche bien. Les gens sont rassurés. Ils reçoivent parfois un refus, mais c'est beaucoup plus accepté parce qu'ils n'ont pas l'impression que tout est cuisiné à l'interne par des membres d'une profession parmi eux. C'est le problème qui était prévisible avec un renvoi externe comme celui-là. Ce n'était pas sa loi.

La question qui se posait à l'époque, et je peux vous dire que c'est connu, c'est un fait public... L'Office avait offert à l'époque d'aménager un espace à l'intérieur du Code des professions justement pour les courtiers et agents immobiliers, pour les courtiers et agents d'assurances et les autres. La logique était fort simple, c'était: Si c'est à ce point-là mûr et semblable au système professionnel qu'on veut même calquer le Code des professions, bien, allons jusqu'au bout, incluons-les dans le Code des professions.

Il y avait un problème intrinsèque au système professionnel à l'époque, c'était le fait que, pour les professions reconnues aux termes du Code, ça prenait un diplôme reconnu donnant accès. Ça, c'était le prétexte qui a souvent été servi. Mais le ministre a fait preuve d'ouverture et oeuvre vraiment d'innovateur là-dedans quand il a fait intégrer dans le Code des professions l'Ordre professionnel des huissiers. Parce qu'il a dit: Écoutez, plutôt que de commencer à calquer à l'externe, oui, il y a un problème de diplôme, ce n'est pas évident, parce que la plupart n'en ont pas, mais ça va se créer peut-être, un cours au cégep, etc. Maintenant, les huissiers sont reconnus comme un ordre professionnel. C'est ce genre de flexibilité que ça aurait pris pour éviter le problème que vous êtes en train de décrire aujourd'hui.

Et je ne peux que répéter ce que nous disons depuis plus d'un an dans ce dossier-là, que c'est une erreur d'avoir deux sites où on va développer et dire le droit administratif. C'est une erreur qu'on a l'occasion de corriger maintenant parce qu'on a le ministre responsable de l'application des lois professionnelles. Vous allez avoir l'appui de notre formation politique là-dedans. Ça, on le dit depuis plus d'un an. Et, très publiquement, du temps que j'étais le président de l'Office des professions du Québec, on a dit que c'était la voie de solution là-dedans. Il fallait aménager un espace pour ces professions-là parce que, au sens propre, même si ce n'est pas dans le Code des professions, ce sont des professions au sens très propre du terme.

On ne peut qu'offrir notre collaboration au ministre et dire à quel point on est satisfait de l'entendre dire ce matin qu'il a l'intention de donner suite à votre demande.

Mais il n'y a qu'une partie qui serait réglée si on vous envoie au Tribunal des professions. On est en train d'aggraver, si on veut, le problème, parce que, si on ne vous intègre pas dans le système professionnel régi aux termes du Code des professions... Ce n'est même pas une solution de vous renvoyer au Tribunal des professions, c'est juste continuer à calquer sans vous donner le reste, alors qu'il n'y a aucune raison, surtout avec l'adhésion de l'Ordre des huissiers de justice maintenant, aux termes du Code, il n'y a aucune raison logique ou législative, à mon sens, qui pourrait militer contre votre inclusion dans le Code des professions. Bon. Notre collaboration est acquise là-dessus.

Je dois vous dire que votre point principal concernant le manque d'homogénéité, c'est, à mon sens, si on est en train de parler d'un système qui se veut logique, le plus gros problème, et vous l'avez extrêmement bien cerné.

Je vous remercie pour votre présentation, et message reçu de notre côté, puis on offre notre collaboration au ministre à cet égard. Merci beaucoup.

(10 h 40)

Le Président (M. Paquin): Est-ce qu'un autre député de l'opposition désire intervenir à ce moment-ci? Est-ce qu'un député désire poser une question ou faire un commentaire? Alors, on dispose encore d'un peu de temps, est-ce que vous aimeriez adresser un propos de clôture?

M. Bégin: Ce n'est pas drôle d'être trop clair comme ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Léger (François): M. le Président, M. Mulcair a fait état d'une situation et il disait: Dans le fond, vous corrigez une partie du problème, mais la correction totale du problème – corrigez-moi si je me trompe – c'est de faire en sorte que le courtage immobilier se retrouve un peu comme l'Ordre des huissiers, les huissiers, à l'Office des professions. C'est ça? C'est ça que vous vouliez dire?

M. Mulcair: Oui. C'est ça notre propos et notre suggestion. Si on veut avoir un système qui régit l'activité professionnelle, bon, 42, 43, 46 professions... Vous savez, au Québec, on est très parcimonieux là-dessus par rapport au reste de l'Amérique du Nord. Alors, l'inclusion de quelque chose qui calque déjà le Code des professions, on ne vient pas se heurter à quelque question de principe que ce soit, sauf la résistance prévisible et peut-être, il faut l'avouer, normale des professions qui sont déjà en place, qui veulent toujours garder un certain standing et limiter le plus possible le nombre de membership dans le club. Mais, à part ça, il n'y a aucun principe qui milite contre votre inclusion dans le Code des professions.

Le Président (M. Paquin): M. le ministre.

M. Bégin: Permettez-moi. Est-ce que je dois comprendre que vous seriez favorables à devenir un ordre professionnel? Je ne suis pas sûr, j'ai peut-être été distrait, mais c'est ça, la question?

M. Léger (François): Je posais la question sans vouloir nous compromettre.

M. Bégin: Ah, ah!

M. Léger (François): Brièvement, si vous permettez...

M. Bégin: Mon collègue me souligne que les politiciens sont de ce côté-ci de la table.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Léger (François): Brièvement, si vous permettez, pour répondre à cette question-là, c'est que je n'ai pas l'autorité actuellement de vous dire un gros oui. Unanimement, la profession, les courtiers agents immobiliers du Québec désirent le faire. Le sujet est d'actualité présentement; définitivement d'actualité. Ça a fait l'objet d'une discussion en assemblée générale au mois d'avril dernier. Il y a eu une résolution qui a été présentée et, finalement, le sujet n'a pas été refusé. Le point en question, qui est l'accès, une demande formelle, officielle, d'accéder à l'Office des professions n'a pas été refusé, mais il y a eu une résolution à l'assemblée qui a demandé qu'on étudie plus profondément la question. Et là je fais allusion, à l'interne, nous autres, qu'on fasse une étude complète des avantages et désavantages que ça peut représenter pour le milieu du courtage immobilier d'accéder à l'Office des professions.

Donc, à ce stade-ci, oui, il y a une ouverture d'esprit, mais on a encore à consulter à l'interne avant de vous dire unanimement qu'on souhaiterait y aller.

M. Bégin: Merci beaucoup.

Le Président (M. Paquin): J'ai une question. Est-ce qu'un avocat ne peut pas d'office agir à titre de courtier actuellement?

M. Léger (François): Oui, la loi prévoit qu'il peut le faire, mais dans certaines circonstances bien précises. En résumé, et mes collègues pourront intervenir si je me trompe, c'est dans l'exercice de ses fonctions seulement.

Le Président (M. Paquin): Donc, il y aurait un arrimage à prévoir, le cas échéant, de ce côté-là.

M. Nadeau (Robert): Mais, en réalité, ce qui arrive, c'est que l'article 2 de la Loi sur le courtage immobilier dit qu'il y a une exclusion: la loi ne s'applique pas à l'avocat qui pose un acte de courtage mais dans l'exercice de ses fonctions. Il ne peut pas en faire sa fonction principale. À partir de ce moment-là, il devra aller se chercher un certificat de courtier. Mais, exemple, s'il est en train de régler une succession – tout comme le notaire, parce que l'exception s'applique aussi aux notaires – puis qu'il y a un immeuble à vendre, ils se font rétribuer pour vendre l'immeuble, bon, ça va, pas besoin de certificat, mais, s'ils en font une occupation principale, comme certains cabinets d'avocats, surtout en courtage d'entreprises, il faudrait, à ce moment-là, qu'ils viennent chercher un certificat de courtier immobilier. Donc, il n'y a pas un arrimage très difficile.

Il y a déjà des actes partagés entre les notaires, les avocats et les courtiers, c'est-à-dire la rédaction d'avant contrat, promesse d'achat, c'est des actes qui sont, chez les ordres professionnels, réservés aux notaires et avocats, puis, chez nous, de par la loi, ça existe. Alors, c'est déjà des actes qui se partagent très bien entre professions.

Le Président (M. Paquin): Merci, Me Nadeau. Il y a M. Cayer qui veut ajouter quelque chose.

M. Cayer (Serge): En fait, Me Nadeau a fait le rajout que je prévoyais.

Le Président (M. Paquin): Alors, d'autres interventions autour de cette table?

M. Léger, M. Cayer et Me Nadeau, je vous remercie de votre présentation.

M. Léger (François): Merci, M. le Président; merci bien, mesdames, messieurs, M. le ministre.

Le Président (M. Paquin): Je voudrais profiter du moment qui nous est donné pour informer les membres de cette commission que le secrétaire, M. Alain Major, a été opéré ce matin pour une appendicite, qu'il récupère bien et que tout va bien. Alors, au nom...

M. Bégin: Est-ce qu'on pourrait envoyer, au nom de la commission, un prompt rétablissement?

Le Président (M. Paquin): Alors, c'est ça. Au nom de la commission, je pense qu'on peut lui adresser nos meilleurs voeux de prompt rétablissement. On lui acheminera ce message de notre part.

Maintenant, le groupe suivant, la Commission des droits de la personne, est convoqué pour 11 heures...

M. Bégin: ...

Le Président (M. Paquin): Ha, ha, ha! Ça pourrait arriver.

Une voix: Mon médecin va me le dire...

Le Président (M. Paquin): Alors, compte tenu que nos invités suivants sont convoqués pour 11 heures, je pense qu'il est de mise de les attendre et, en conséquence, je suspends jusqu'à 11 heures.

(Suspension de la séance à 10 h 46)

(Reprise à 11 h 4)

Le Président (M. Paquin): Alors, la commission des institutions reprend ses travaux sur la consultation générale et auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative. Nous recevons maintenant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, représentée par Me Claude Filion, président, que je prierai de nous présenter tantôt les personnes qui l'accompagnent. Comme c'est un habitué de cette commission... Je pense que vous l'avez déjà présidée, sauf erreur...


Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ)

M. Filion (Claude): Oui.

Le Président (M. Paquin): ...la commission des institutions?

M. Filion (Claude): Ça a été un grand plaisir, effectivement, pendant environ cinq ans.

Le Président (M. Paquin): Alors...

Une voix: ...alors président de cette commission.

M. Filion (Claude): Est-ce vrai? Vous m'en voyez honoré. Bien, ça a toujours été une commission, je pense, qui a eu un niveau de discussion, même antérieurement, qui était toujours considéré comme s'élevant assez souvent au-dessus des considérations parfois et normalement partisanes – ça fait partie de la vie. Et, historiquement, la commission des institutions, donc, a cette tradition, cette culture de savoir élever les débats. Ce que j'ai pu en lire, d'ailleurs, dans vos travaux – je parle de la commission qui siège maintenant, cette session-ci – est tout à fait conforme à ce qui existait auparavant.

Le Président (M. Paquin): Alors, vous êtes donc familier avec le fait que vous disposez d'une vingtaine de minutes et qu'on a 20 minutes de chaque côté de cette table pour vous aider à préciser certains éléments. Sans plus tarder, je vous cède la parole.

M. Filion (Claude): Je vous remercie, M. le Président. M. le ministre, Mme et MM. les députés, je voudrais d'abord vous introduire les personnes qui m'accompagnent: à ma droite, commissaire à la Commission des droits de la personne, d'une façon discontinue mais pendant de très nombreuses années déjà, Me Nicole Duplé, et, à ma gauche, de la Direction de la recherche de la Commission des droits, Me Pierre-Yves Bourdeau. Alors, sans plus tarder... Je crois qu'on vous a remis une copie des notes qui vont servir de base à mes propos de ce matin.

Alors donc, dans le cadre du mandat dévolu à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, qui est celui d'analyser les lois du Québec et de s'assurer de leur conformité avec la Charte des droits et libertés de la personne, la Commission désire formuler à cette commission des institutions les commentaires suivants portant sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative présenté à l'Assemblée nationale le 19 juin 1996 par le ministre de la Justice, M. Paul Bégin.

La Commission a déjà formulé ses commentaires sur le projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative. Elle y énonçait – et je les répète ce matin – deux préoccupations majeures: d'abord, l'amélioration de la justice administrative de première ligne par un respect accru du devoir d'agir équitablement et, deuxièmement, l'accessibilité à un processus de contestation des décisions de l'administration qui soit conforme à l'article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne.

Le projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative, énonce ses objectifs à l'article 1. Vous le connaissez fort bien, je ne le répéterai pas ce matin. Mais, pour atteindre ces objectifs, le législateur a cru bon de modifier la nature des règles applicables aux décisions individuelles prises à l'égard d'un administré dans les différentes lois sectorielles de même que le processus de contestation, et ce, afin de les rendre conformes aux règles générales énoncées par le projet de loi sur la justice administrative.

La Commission a donc examiné l'avant-projet de loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative comprenant 643 articles et modifiant 75 lois particulières – quel travail colossal! – afin de vérifier si les modifications apportées assurent, à une étape ou à une autre du processus décisionnel, le respect des droits judiciaires garantis au chapitre III de la Charte de même que la conformité avec les autres droits et principes de la Charte.

Alors, je vais donc faire deux remarques d'ordre général avant d'aborder des remarques sur des sujets spécifiques, des remarques particulières. Quant aux deux remarques d'ordre général, la première porte sur les délais de contestation. La Commission tient à souligner la disparité des délais de contestation de décisions rendues par l'administration gouvernementale devant le Tribunal administratif du Québec. On sait que l'article 113 du projet de loi sur la justice administrative énonce comme règle de base que le recours au Tribunal est formé par une requête déposée dans les 60 jours suivant la notification de la décision contestée. Or, les différentes lois sectorielles prévoient des délais de 10, 15, 30, 45 et 60 jours pour déposer un recours en contestation au Tribunal, selon que la décision défavorable porte sur une indemnité, une prestation, un permis ou une autre autorisation.

Nous avons cherché ici à comparer des comparables, des pommes avec des pommes. Alors donc, nous avons choisi le domaine de l'émission des permis. Les délais de contestation dans ce domaine-là diffèrent grandement selon le secteur d'activité. Dans le cas, par exemple, d'un recours en contestation d'une décision de la régie des alcools, courses et loteries portant, bien sûr, sur un permis: délai de 10 jours. Dans le cas d'un recours en contestation d'une décision de la Régie du cinéma et recours en contestation d'une décision de l'Office de la protection du consommateur, délai: 15 jours. Dans le cas d'un recours en contestation d'une décision de la Commission des transports du Québec, délai: 30 jours. Recours en contestation d'une décision en matière de matériaux de rembourrage: 45 jours. Recours en contestation d'une décision de l'Office des services de garde à l'enfance, délai: 60 jours.

(11 h 10)

La Commission considère donc que ce manque d'harmonisation dans les délais de contestation ne facilite pas l'accès au Tribunal lorsqu'il s'agit de la détermination des droits et obligations d'un administré. À notre avis, cette disparité risque en quelque sorte de créer de la confusion là où l'objectif du projet de loi est de simplifier et de rendre... et d'emmener la clarté. Cette confusion-là peut même, dans certains cas, affecter l'exercice des droits. Pensons particulièrement à ceux qui pourraient manquer, par exemple, un des délais mentionnés.

Deuxième remarque d'ordre général mais qui porte quand même sur un point mineur, en ce qui concerne la Loi sur la sécurité du revenu, la Commission s'étonne que l'avant-projet de loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative ne modifie pas la Loi sur la sécurité du revenu, alors que l'article 17 du projet de loi n° 130 précise que la section des affaires sociales du Tribunal sera chargée des recours portant sur des matières de sécurité du revenu. Au surplus, l'article 138 de l'avant-projet de loi abroge la Loi sur la Commission des affaires sociales. Or, cette Commission détenait la compétence d'attribution en matière de recours sur les matières de sécurité du revenu.

Passons maintenant à ce qui est peut-être le coeur de notre intervention ce matin, qui est une remarque d'ordre particulier mais portant sur la modification à la Charte des droits et libertés de la personne. L'article 113 de l'avant-projet de loi modifie l'article 56.1 de la Charte. Le terme «tribunal» inclurait dorénavant, aux fins des articles 9, 23, 31 et 34 de la Charte, une personne ou un organisme de l'ordre administratif lorsqu'il exerce des fonctions juridictionnelles. Auparavant, ce mot englobait, comme vous le savez, un coroner, un commissaire-enquêteur sur les incendies, une commission d'enquête et une personne ou un organisme exerçant des fonctions quasi judiciaires. Ainsi, étaient garantis, entre autres, le droit à une audition publique et impartiale de sa cause – c'est l'article 23 – de même que le droit à la représentation par avocat – l'article 34 – devant toute personne ou tout organisme exerçant des fonctions quasi judiciaires. Et l'on sait que la jurisprudence, du moins au niveau des cours supérieures, et la doctrine n'étaient pas particulièrement claires quant au type d'organismes exerçant de telles fonctions.

La modification aurait donc pour conséquence que le droit à une audition publique et impartiale de sa cause devant un tribunal indépendant et qui ne soit pas préjugé en matière de détermination des droits d'une personne – et je viens de citer l'article 23 – ne pourrait plus être invoqué dans le cadre de procédures menant à une décision individuelle prise par l'administration gouvernementale. En effet, le chapitre I du projet de loi sur la justice administrative énonce que les décisions individuelles prises par l'administration gouvernementale à l'égard d'un administré relèvent de l'exercice d'une fonction administrative. De même, le droit à la représentation par avocat et le droit à une audition impartiale devant un coroner, commissaire-enquêteur sur les incendies ou une commission d'enquête ne seraient plus garantis même lorsqu'ils exercent des fonctions quasi judiciaires.

La Commission constate que cette modification de la définition du terme «tribunal», à l'article 56.1 de la Charte, est sans doute cohérente avec un des objectifs principaux de la réforme de la justice administrative qui est de déjudiciariser le processus décisionnel de certains organismes administratifs chargés de prendre des décisions de nature administrative et de limiter l'application du chapitre III de la Charte aux seules instances appelées à trancher un litige opposant des parties.

Cependant, dans un premier temps, la Commission considère néanmoins nécessaire de maintenir les protections accordées par les articles 9, 23, 30, 31 et 34 de la Charte devant un coroner, un commissaire-enquêteur sur les incendies et une commission d'enquête. En effet, plusieurs enquêtes de ce type sont de nature à affecter les droits des personnes faisant l'objet de l'enquête, et il importe que les citoyens visés puissent se prévaloir des droits judiciaires garantis par la Charte.

Également, dans un deuxième temps – et c'est là une matière importante pour nous – la Commission s'interroge sur l'effet réducteur que pourrait avoir le remplacement de l'expression «quasi judiciaires» par «juridictionnelles». En effet, par cette modification, le citoyen devra s'en remettre à la bonne volonté du législateur de lui assurer, dans chaque législation sectorielle, l'accès à un tribunal lorsque ses droits et obligations sont en litige. En d'autres mots, la mise en oeuvre des garanties judiciaires prévues au chapitre III de la Charte serait dorénavant soumise aux aléas du processus législatif sectoriel.

Par hypothèse, si le législateur décidait de limiter le recours en contestation devant un tribunal d'une décision de l'administration en matière de sécurité du revenu – on sait d'ailleurs que la loi n'a pas été touchée par l'avant-projet de loi – les garanties judiciaires offertes par la Charte deviendraient inapplicables en cette matière. La Commission est consciente que l'objectif, qu'elle partage, de déjudiciariser le processus décisionnel en matière administrative pourrait possiblement nécessiter, aux yeux du législateur, une modification du terme «tribunal», à l'article 56.1 de la Charte. Cependant, pour la Commission, il apparaît dangereux de définir, dans un texte fondamental et prépondérant comme la Charte, le terme «tribunal» dans un sens trop étroit. Rappelons que, sauf aux fins du contrôle judiciaire, à la jurisprudence consacrée, il n'est plus de mise de distinguer entre les actes dits administratifs et les actes dits quasi judiciaires. En effet, le juge appelé à trancher une telle question s'intéresse plutôt au contenu de la décision, à ses effets, au contexte législatif et aux faits l'ayant occasionnée aux fins de la qualification.

Ainsi, pour qu'une décision soit qualifiée de quasi judiciaire, la jurisprudence examine principalement la présence de deux éléments: d'abord, une atteinte aux droits et libertés d'un administré, cette atteinte se vérifiant, entre autres, par l'application d'une règle de droit préétablie et par l'effet décisif de la décision sur les droits de l'administré, et, deuxièmement, une obligation d'agir judiciairement pour l'organisme rendant la décision, cette obligation se vérifiant, entre autres, par la reconnaissance expresse du droit à l'audition, par la présence d'un débat contradictoire et par l'application de règles de preuve et de procédures déterminées.

Or, le législateur, en prévoyant, au chapitre I du projet de loi sur la justice administrative, que l'administration gouvernementale, en rendant des décisions, ne sera soumise qu'au devoir d'agir équitablement, a-t-il implicitement soustrait les ministères et organismes gouvernementaux de l'obligation d'agir judiciairement? Si oui, la personne ou l'organisme rendant de telles décisions ne serait probablement plus visé par la définition actuelle du terme «tribunal», à l'article 56.1 de la Charte. En conséquence, il n'apparaît pas opportun d'utiliser l'expression «fonctions juridictionnelles» à l'article 56.1 de la Charte des droits et libertés de la personne.

Deuxièmement, quelques mots sur la loi sur l'accès aux documents des organismes publics. L'article 29.1 de cette Loi est modifié par le remplacement des mots «quasi judiciaires» par le mot «juridictionnelles». Ainsi, seules les décisions rendues par un organisme public dans l'exercice de fonctions juridictionnelles seront publiques. Cette modification pourrait signifier, par exemple, que les décisions rendues par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse en vertu des articles 77 et 78 de la Charte, suite, par exemple, au dépôt d'une plainte pour discrimination, ne seraient pas publiques. De même, toutes les décisions rendues par les ministères et organismes gouvernementaux, au sens de l'article 3 du projet de loi sur la justice administrative, n'auraient pas un caractère public. On peut penser, entre autres, aux décisions rendues en révision d'une décision administrative dans le cadre d'un programme de prestations ou d'indemnités. Cette modification apparaît difficilement conciliable avec l'article 44 de la Charte des droits et libertés garantissant à toute personne le droit à l'information, de même qu'avec le principe du droit d'accès énoncé à l'article 9 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

Puisque l'expression «fonctions juridictionnelles» apparaît plus circonscrite que l'expression «fonctions quasi judiciaires», la modification apportée à l'article 29.1 constitue, à nos yeux, un recul quant au droit du public à l'information. La Commission tient donc à manifester sa préoccupation face à une modification qui pourrait restreindre encore davantage le droit d'accès aux documents d'un organisme public.

(11 h 20)

Troisième remarque de nature particulière sur la Loi sur l'aide juridique. La définition du terme «tribunal» prévue à l'article 3 de la Loi sur l'aide juridique serait modifiée par le remplacement des mots «comprend tout organisme qui exerce une compétence judiciaire ou quasi judiciaire» par les mots «inclut, outre un tribunal judiciaire, une personne ou un organisme de l'ordre administratif lorsqu'il exerce des fonctions juridictionnelles». On sait que l'article 4.4 de la Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique prévoit que l'aide juridique est accordée «pour les affaires dont un tribunal – je cite, là – est ou sera saisi». De façon générale, le droit à l'aide juridique est donc préservé pour les affaires dont un tribunal judiciaire est saisi de même que pour les instances devant une personne ou un organisme de l'ordre administratif chargé de trancher un litige entre des parties dont les intérêts sont opposés.

Par ailleurs, la Commission s'interroge sur la nature du comité de révision de l'aide juridique chargé de réviser les décisions du directeur général en matière d'admissibilité à l'aide juridique. En effet, la Commission des services juridiques ne semble pas répondre à la définition d'«organisme gouvernemental» prévue à l'article 3 du projet de loi sur la justice administrative. Or, elle aura l'obligation de former un comité chargé d'effectuer des révisions en matière d'admissibilité à l'aide juridique. L'article 74 de la Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique indique qu'une demande de révision est décidée par trois membres. Ainsi, le comité de révision de l'aide juridique apparaît comme un organisme de l'ordre administratif institué pour trancher un litige entre une personne à qui l'aide juridique est refusée ou retirée et le directeur général d'un centre régional d'aide juridique, d'autre part. Il répondrait donc à la définition d'«organisme administratif exerçant des fonctions juridictionnelles».

En conséquence, il y aurait lieu de modifier l'article 77 de la Loi sur l'aide juridique afin de le rendre conforme à l'article 9 du projet de loi sur la justice administrative quant à l'obligation d'entendre les parties. Nous recommandons donc une modification en ce sens. Vous allez retrouver, aux pages 9 et 10, d'autres items, M. le Président, M. le ministre et MM. les députés, sur la Loi sur le Barreau, le Code de la sécurité routière, la Loi sur la Régie du gaz naturel, la Loi sur les services correctionnels. Il s'agit là de remarques particulières que nous soumettons à l'attention des légistes mais qu'il ne vaut pas la peine – à moins que vous n'ayez des questions là-dessus, auquel cas il nous fera plaisir d'y répondre – de s'y étendre.

En conclusion, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse constate que les lois sectorielles ont été modifiées, de façon générale, en accord avec les principes du projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative, et en conformité avec les droits et principes énoncés dans la Charte des droits et libertés de la personne. Cependant, pour les raisons énoncées précédemment, la Commission a beaucoup de réserves par rapport à une modification du terme «tribunal», à l'article 56.1 de la Charte des droits et libertés de la personne, qui restreindrait la portée de ce mot à une personne ou un organisme exerçant des fonctions juridictionnelles. La Commission tient aussi à rappeler à la commission des institutions les réserves formulées dans son mémoire sur le projet de loi n° 130 qui portaient principalement sur le processus de nomination et de renouvellement des membres du futur Tribunal administratif du Québec. Pour la Commission, la réforme de la justice administrative n'apparaîtra complète que dans la mesure où les individus responsables de rendre cette justice détiendront tous les attributs de l'indépendance quasi judiciaire.

Alors, je vous remercie de votre attention, et nous sommes à votre disposition pour répondre aux questions.

Le Président (M. Paquin): Merci, Me Filion. Alors, du côté de la formation gouvernementale, M. le ministre.

M. Bégin: Merci infiniment, M. le Président. Je voudrais vous remercier, M. le président, madame et – excusez, j'oublie toujours – Me Bourdeau, de votre mémoire et de la présentation que vous venez d'en faire. Je pense que vous avez soulevé des questions extrêmement importantes et je tiens à échanger avec vous sur ces questions-là. Pour certaines, ce sera relativement bref, parce que vous avez fait ressortir, à la page 3, entre autres, sur la question des délais, quelque chose que je n'aurais pas voulu lire mais que je suis obligé de constater. C'est qu'effectivement, alors qu'on visait à avoir une cohérence, à avoir une uniformité, à simplifier les choses, on a réussi, avec cinq lois, à recréer ou à continuer de maintenir ce qu'on voulait changer. Alors, soyez assurés... Je ne sais pas quels sont les délais qu'on choisira, là – «c'est-u» 30, 15 ou 45? – mais il m'apparaît essentiel... puis je ne vois aucun motif qui justifie une disparité semblable entre les délais. Alors, merci pour ça, il y aura une modification qui sera faite. Je sais que ça ne fera pas toujours plaisir à certains organismes, mais je pense qu'on doit d'abord avoir à l'esprit le citoyen qui, lui, doit s'y retrouver le plus facilement possible. Donc, sur cette question-là, bravo!

La Loi sur la sécurité du revenu, elle sera introduite... la loi d'application n'est pas complétée. Il y aura encore... Quelques lois qui n'ont pas été abordées le seront, mais dans le même esprit et dans le même cadre que les autres. Donc, ce sera à venir.

Arrive le point le plus important, celui que vous avez soulevé sur la Charte des droits et libertés de la personne. J'aimerais relire un paragraphe de votre mémoire qui m'apparaît fondamental. Il explique effectivement, je pense, toute la problématique. On dit: «Or, le législateur – c'est celui qui est au bas de la page 6 – en prévoyant, au chapitre I du projet de loi sur la justice administrative, que l'administration gouvernementale, en rendant des décisions, ne sera soumise qu'au devoir d'agir équitablement, a-t-il implicitement soustrait les ministères et organismes gouvernementaux de l'obligation d'agir judiciairement? Si oui, la personne ou l'organisme rendant de telles décisions ne serait probablement plus visé par la définition actuelle du terme "tribunal", à l'article 56.1.»

La déjudiciarisation, il faut que ça s'explique dans quelque chose, et les dispositions des articles 1 à 6 ou à 7 visent justement à déjudiciariser le processus décisionnel de l'organisme administratif, dans un premier temps. On ne voulait pas, et on ne veut plus qu'on se retrouve avec un processus judiciaire ou quasi judiciaire à ce niveau-là, mais qu'on le retrouve là où il doit être – c'est dans un deuxième temps, si jamais on doit reprendre un débat – ce qui fait que la motivation de toucher à l'article 56 et à l'article 23 découle de cette volonté de s'assurer qu'on ne retrouvera pas l'obligation d'agir judiciairement là où on voulait déjudiciariser. C'était le raisonnement qui était à la base du travail qu'on a fait.

Après avoir entendu l'ANCAI, après avoir entendu Me Pierre Lemieux, après avoir entendu le Protecteur du citoyen et vous autres, je pense qu'il découle de manière très claire que les craintes appréhendées ne seront peut-être pas aussi importantes qu'on le soupçonne et qu'il n'est pas nécessaire de toucher quelque chose qui est aussi fondamental que l'article 56 de la Charte. C'est pourquoi, même si, moi, initialement, je voulais m'assurer qu'on atteignait ce but-là, et c'était ce but-là qui était visé – c'est pour ça que j'apprécie votre paragraphe, il dit très clairement ce qu'est l'enjeu – il m'apparaît qu'on peut faire en sorte qu'on n'ait pas besoin de toucher à l'article 56 comme tel, ni à l'article 23.

Et, je vous le dis, je vais renoncer à l'article 113 qui est dans le projet de loi. Je pense que ça va... Maintenant qu'on a eu ce débat, qu'on sait les enjeux, qu'on sait l'objectif qui est visé, il n'est plus nécessaire, à mon point de vue, de le faire. Bien sûr que si, éventuellement, ce qu'on craignait se produit, bien, à ce moment-là, il sera toujours temps de revenir pour dire: Voilà une déviation qu'on ne voulait pas voir se produire, et on la corrige. Mais, entre-temps, compte tenu des inquiétudes que ce débat, que cet amendement soulève, je crois que c'est bon, sage et prudent, comme législateur, de renoncer à une telle modification.

Alors, je tenais à le dire devant la Commission des droits de personne, parce que ça fait depuis le début du débat que je me questionne. Je demandais à Me Lemieux: Oui, mais si on l'enlevait, qu'est-ce que ça aurait comme effet? Et j'ai obtenu une réponse. Quand j'ai entendu le Protecteur du citoyen, il m'a dit: Vous pourriez garder un seul mot changé, dans l'article 56, et «juridictionnelles» plutôt que «quasi judiciaires», parce que, contrairement à ce que certains prétendent, disait-il, ce n'est pas si clair que ça, le concept de quasi judiciaire, tout le monde se réfère à Coopers & Lybrand. Mais il a dit: Tout le monde peut y puiser, y trouver son compte, dans la théorie inverse. Donc, il disait: Ce n'est pas si clair que ça. Donc, moi, je vivrais bien avec «juridictionnelles», mais on arrive ce matin, vous avez votre mémoire, il pointe du doigt la problématique, et on se dit, tout le monde: Ce n'est pas nécessaire de faire ça. Alors, je pense que ça ne donne rien d'aller plus loin, de maintenir la position qui avait un objectif légitime, mais on verra avec le temps ce qui se produira.

Donc, moi, j'annonce ce matin que l'amendement va être apporté, on va retirer l'article 113 pour que ça clarifie la situation. Je pense qu'à ce moment-là plus personne n'aura... J'aurais pu dire: On va garder «juridictionnelles», mais j'aime autant une position qui est claire, pour dire: Laissons les joueurs sur le terrain jouer la partie comme il se doit.

Ce qui veut dire que, concernant la loi sur l'accès aux documents des organismes publics, l'article 29.1, moi, mes notes me disaient qu'en vertu de l'article 9, de toute façon, toutes ces décisions-là seraient, de toute manière, accessibles. Admettons que le raisonnement que vous élaborez soit exact, en vertu de l'article 9 de la loi sur l'accès, ces décisions-là ou ces actes-là seraient rendus publics, seraient admissibles en vertu de la loi d'accès. Mais, encore une fois, même chose, si on atteint le même résultat, pourquoi toucher à quelque chose qui fonctionne et qui assure une garantie? Donc, sur celui-là, encore une fois, je pense que, malgré le fait que je suis certain qu'on pourrait obtenir la même sécurité juridique à l'égard de l'accès à ces documents, à ces décisions-là, pourquoi le modifier quand ce n'est pas nécessaire? Donc, ce matin, comme vous pouvez voir, c'est... Ha, ha, ha!

M. Filion (Claude): Ça va bien.

(11 h 30)

M. Bégin: ...ça va bien. Quant à la Loi sur l'aide juridique, là je suis... ce n'est pas aussi clair, parce que je dois vous dire, honnêtement, qu'au mois de juin c'était une des questions que j'avais à trancher, et, malheureusement, pour une raison ou pour une autre, ma réflexion ne s'est pas complétée et le texte est resté tel quel. J'entends ce que vous dites, je comprends le raisonnement, mais j'aimerais me garder encore un moment de réflexion pour trancher dans le sens d'y aller ou de maintenir le texte tel quel. Mais l'argumentaire est très précis. Quant au reste, bon, il faudrait que j'aille voir un peu plus précisément. Concernant le Code de la sécurité routière, c'est des questions très techniques, et on verra à faire ce qu'il faut.

Donc, dans l'ensemble, je dois dire que ce que vous avez soumis comme représentation est extrêmement pertinent et essentiel, et la Commission des droits de la personne joue un rôle que je calcule et que je qualifie d'essentiel. Je vous remercie de votre mémoire. Quant au reste, les membres de la commission pourront échanger avec vous, mais je pense avoir dit l'essentiel de ce que je voulais vous livrer.

Le Président (M. Paquin): Me Filion.

M. Filion (Claude): Oui. Je voudrais remercier le ministre pour ses propos, d'abord pour la sensibilité qu'il exprime à l'égard des délais. Pour beaucoup de citoyens québécois, citoyens et citoyennes québécois, le contact avec la justice se fait – je n'ai pas de statistiques, vous en avez peut-être – surtout par, dans le fond, le biais de la justice administrative. On va faire un tour à la Régie du logement, bon, il y a un problème de permis, etc. Le nombre de justiciables qui se retrouvent devant les tribunaux proprement dits reste, à mon sens, important, bien sûr, mais, comparé à ce qui se passe au niveau de la justice administrative, c'est vraiment... la proportion va plutôt... Alors, dans ce sens-là, la sensibilité que vous manifestez à la simplicité des règles pour les citoyens et citoyennes, c'est très important pour nous. Et, en ce sens-là, l'uniformisation des délais, je prends bonne note de vos propos.

En ce qui concerne l'annonce que vous nous faites de votre intention de retirer la modification à la Charte, je vais vous dire, ça nous remplit évidemment de satisfaction, parce que la Charte est un document fondamental. Vous savez, on vit dans une société où la recherche de consensus est extrêmement importante. Partout, dans à peu près tous les secteurs d'activité, on recherche le consensus. La Charte des droits adoptée en 1975 représente, historiquement, un consensus important au sein de la population québécoise, au sein des différents membres de la société québécoise. Cette prudence que vous manifestez devant des modifications possibles à la Charte, selon la Commission, est une prudence de mise et de bon aloi. On ne doit pas modifier ce texte sans être absolument convaincu, persuadé, avec preuves à l'appui, des conséquences des modifications qu'on apporte.

Je trouve particulièrement sage d'avoir le réflexe de dire: Bien, écoutez, on fait une réforme extrêmement importante. Et nous en sommes. Vous savez, en ce qui concerne la justice administrative, les débats remontent à 1970. Le premier groupe de travail qui s'est réuni, c'est en 1970, et, par la suite, il y a eu tous ces longs rapports que vous connaissez, ce long historique et cette chronologie de rapports que vous connaissez. Et là on arrive, en 1996 – ou peut-être 1997, je ne le sais pas – vous arrivez, comme législateur, à offrir aux Québécois une plomberie compréhensible et simplifiée en matière de justice administrative. C'est extrêmement important pour la Commission, ça constitue l'aboutissement de beaucoup de travaux. Et la Législature actuelle, qui adoptera vraisemblablement la loi et la loi qui donnera suite à ces modifications-là, mérite, au sens de la Commission et aux yeux de la Commission, d'être saluée. Et le fait que la Charte ne soit pas modifiée, encore une fois, nous remplit d'aise.

Sur la question de la loi d'accès, je vais laisser la parole à Me Bourdeau. Je pense que Me Duplé, qui m'accompagne, voudrait peut-être intervenir sur la question de la Charte. Donc, Me Bourdeau sur la question de la loi d'accès.

M. Bourdeau (Pierre-Yves): Écoutez, sur la loi d'accès, finalement, c'est un petit peu les mêmes inquiétudes, c'est le même raisonnement, un petit peu, qu'on tenait au niveau de la Charte. Je pense que le principe de la loi d'accès, c'est que tous les documents émanant d'organismes publics doivent être accessibles. Maintenant, malgré les hésitations qu'on peut avoir, nous, on demeure convaincus, à la Commission, que la définition du terme «juridictionnelles» est plus étroite que «quasi judiciaires», et je pense que ça, ça va constituer une restriction qui va être imposée aux justiciables quant à l'accès à des documents d'organismes publics. Conséquemment, je ne vois pas la nécessité, absolument pas, de modifier cette définition-là pour la restreindre à un terme qui, bon, est précis mais qui est en même temps, je pense, plus restreint que «quasi judiciaires». «Quasi judiciaires» permet encore une interprétation, laisse une liberté aux tribunaux d'interpréter à quel moment un document émane d'un organisme qui exerce des fonctions quasi judiciaires. Et ça, je pense que c'est quelque chose qui est important, je pense que ça doit être préservé.

Le Président (M. Paquin): Me Duplé.

Mme Duplé (Nicole): Je voudrais dire que je suis très, très satisfaite qu'il soit question de retirer l'article 113... pour ne plus affecter la Charte. Je crois que ce serait un très mauvais message que l'on enverrait à la population, aux administrés, que de toucher la loi des lois québécoises par une loi d'application d'une loi qui, finalement, peut administrer, est une loi d'organisation du processus administratif. Alors, en ce sens, je suis très satisfaite.

Je suis aussi satisfaite de constater que la procédure qui va s'attacher aux actes que la loi n° 130 qualifie d'actes administratifs, a fortiori pour les actes dits juridictionnels – au passage, j'aime bien le terme – eh bien, je suis satisfaite de constater que c'est même plus généreux, très souvent, que la «common law» ne pourrait le reconnaître. Donc, je suis satisfaite. Même si ça englobe des actes qui sont de nature judiciaire, qui pourraient techniquement être qualifiés d'actes de nature judiciaire, je crois que la modulation des critères de «common law» qui sont enchâssés dans 23 ferait que, de toute façon, cette procédure serait correcte.

Alors, évidemment, il peut y avoir des petits cas que l'on ne prévoit pas, comme vous l'avez si bien dit, M. le ministre, à l'heure actuelle, mais je pense que l'article 23, qui restera prépondérant, sera là pour régler la question. Voilà. Comme c'est le cas maintenant, finalement, hein. Quand il y a un problème à l'heure actuelle, c'est 23 qui confère la poignée à laquelle on peut se raccrocher.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Drummond.

M. Jutras: Ma question aurait trait à ce qui est contenu dans votre conclusion à la page 11. Vous faites référence au processus de nomination et de renouvellement des membres du futur Tribunal administratif, bon, puis vous soulevez la question de l'indépendance quasi judiciaire. Est-ce que vous pourriez, pour le bénéfice des membres de cette commission, nous rappeler ce que vous proposiez, là, au niveau de la nomination et du renouvellement de ces membres-là? Parce que je comprends que les modifications qu'on a apportées au projet de loi n° 130, à date, quant à la nomination des membres, ça ne vous satisfait pas, vous voulez qu'on aille plus loin que ça.

M. Filion (Claude): Juste, avant de laisser la parole à Me Bourdeau, rappeler que, dans notre mémoire de janvier 1996, la Commission faisait le tour de cette question-là, particulièrement au niveau du renouvellement des membres. Alors, ce n'est pas un sujet nécessairement facile à trancher, compte tenu de la jurisprudence puis compte tenu aussi du fait qu'on doit demeurer à l'intérieur des limites du raisonnable, je dirais. Bon, idéalement, on pourrait avoir une cour suprême pour tout, passez-moi l'expression, entre guillemets. Quand je dis cour suprême, une cour avec des... Si on vivait dans une société où il y a du pétrole en dessous du fleuve Saint-Laurent, le ministre de la Justice aurait un budget probablement suffisant pour faire en sorte d'avoir de véritables juges – passez-moi l'expression, encore une fois, entre guillemets – dans tous les secteurs. Mais évidemment que, bon, en matière administrative... C'est pour ça que je dis qu'il y a deux critères importants, je suis convaincu qu'ils font partie des préoccupations du législateur: le caractère raisonnable, mais aussi la jurisprudence et les garanties d'audition devant un tribunal impartial.

Alors, là-dessus, donc, je laisserais la parole à Me Bourdeau qui pourrait vous rappeler les grandes lignes de ce que notre mémoire de janvier 1996 mentionnait.

M. Bourdeau (Pierre-Yves): Oui. Nous avions souligné en janvier ce qui nous chicotait un petit peu, à la Commission, c'était l'ampleur du pouvoir discrétionnaire que le gouvernement conservait en matière de renouvellement des mandats. Je pense que l'ampleur de ce pouvoir-là n'est pas conforme aux enseignements de la Cour suprême en matière d'indépendance quasi judiciaire. Et je pense qu'on doit assurer aux décideurs en matière de justice administrative une indépendance qui, quoiqu'elle n'a pas à être de la même nature que celle que possèdent les juges de tribunaux judiciaires, je pense qu'on doit quand même leur assurer une indépendance qui est relative. Il y avait des lacunes importantes au niveau du processus de renouvellement. Je pense qu'on avait déposé à l'époque un avant-projet de règlement qui élaborait un peu des règles qui seraient applicables en matière de renouvellement. Nous avions fait des commentaires à cet effet-là, que, nous, ça ne nous satisfaisait pas et ça ne satisfaisait pas non plus, selon nous, les enseignements de la Cour suprême.

(11 h 40)

Conséquemment, ça m'apparaît encore aujourd'hui la lacune majeure du projet de loi. Je souhaite, et la Commission souhaite effectivement que le législateur prenne les moyens pour assurer une indépendance qui soit conforme, finalement, au statut important des membres qui siègent sur ces tribunaux-là.

Le Président (M. Paquin): Ça va?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Paquin): Alors, du côté de l'opposition, M. le critique et député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui, merci, M. le Président. Alors, c'est la première occasion qu'on a de souhaiter la bienvenue au nouveau président, M. Filion, à Me Duplé, nouvelle commissaire, et M. Bourdeau est un peu plus connu des membres de cette commission, on a eu l'occasion de le rencontrer à plusieurs reprises auparavant, et on lui souhaite également la bienvenue.

M. le Président, une première remarque va concerner justement la Commission peut-être dans des termes un peu plus larges que le débat qui nous concerne plus particulièrement aujourd'hui. Je me permettrais de dire dès le départ que j'ai été très content d'entendre le nouveau président, M. Filion, expliquer qu'il avait l'intention d'être un peu plus présent sur la place publique en défendant la Charte des droits et libertés de la personne, et le mandat et le rôle, et les décisions de la Commission. Je pense que c'est quelque chose que beaucoup de gens ont regretté au cours des dernières années. Chacun a son style en présidant un organisme, mais le prédécesseur de M. Filion n'a pas toujours été très présent, justement, dans des dossiers qui étaient pourtant très importants pour la population à de très nombreuses reprises.

Pour ce qui est du document dont on est saisi aujourd'hui, M. le Président, je tiens juste à souligner que, malgré de légères différences, le document qui a été, dans un premier temps, déposé ici et ce qui a été lu par le président aujourd'hui, malgré ces légères différences, ça demeure sensiblement la même chose. Mais je suis content aussi de constater qu'on a, en première page du mémoire déposé, une référence au fait que ça a été adopté à une séance de la Commission tenue le 6 septembre 1996. Pour nous aussi, c'est très important. On a déjà eu l'occasion, au cours des dernières années, de remarquer que ce n'était pas normal que quelque organisme gouvernemental que ce soit se voie substitué par sa permanence dans des rôles qui étaient attribués aux termes de la loi. A fortiori, ce n'était pas normal qu'un organisme dont les nominations relevaient non pas d'un ministre ou d'un ministère, mais de l'Assemblée nationale voie ses attributions et ses rôles, ses fonctions prises en charge, en quelque sorte, par la permanence.

D'où notre surprise, et ceci dit, vraiment, avec égard pour l'excellent travail continu de Me Bourdeau, notre préoccupation de voir que, à la fin du document, ça revient néanmoins à la page 12 du texte présenté ici en commission parlementaire, texte préparé par Me Pierre-Yves Bourdeau, conseiller juridique, Direction de la recherche. S'il s'agit d'un document de la Commission, malgré le fait qu'il est tout à fait normal, voire même souhaitable et nécessaire, que les membres de la permanence aident à la préparation d'un texte, il n'est pas, à notre sens, du moins dans l'opposition officielle, normal qu'une telle mention apparaisse dans une décision qui devient, à ce moment-là, la décision de la Commission. C'est ou la décision de la Commission ou ça ne l'est pas.

Que des services internes aient pu participer, voire même présider à l'élaboration d'un texte qui est par la suite soumis aux membres pour adoption, c'est correct aussi. Mais c'est plus qu'une question de forme qui est en cause ici, je pense que c'est vraiment une question de la confiance, dans vos deux cas, qu'unanimement les deux côtés de la Chambre vous ont témoignée. Parce que ce n'est pas la même chose dans d'autres commissions, je vous ferai remarquer. Il y a eu parfois de petites questions qui se sont posées, mais, dans vos deux cas à vous, ça a été unanimement que vous avez été mis là. C'est important que cette confiance soit mutuelle et qu'on se dise que ce sont les personnes qu'on a mises là qui président à cette prise de décision là, que c'est eux autres.

Dans le texte lui-même, vous avez eu comme centre d'intérêt, du moins pour les travaux de cette commission, quelque chose qui est revenu à plusieurs reprises, notamment les articles 56.1 et 23 de la Charte qui seraient éventuellement chambardés par le projet de loi d'application. Et je retiens deux phrases en particulier dans votre texte. Vous dites, dans le texte d'aujourd'hui, je cite le texte d'aujourd'hui à la page 7: «En conséquence, il n'apparaît pas opportun d'utiliser l'expression "fonctions juridictionnelles".» Par la suite, vous dites, à la page 11, que vous avez «beaucoup de réserves par rapport à une modification du terme "tribunal"», etc.

Le ministre vient de vous dire, un peu comme il nous l'a laissé entendre déjà la semaine dernière, que, pour lui, c'était chose accomplie, il allait faire le changement qui s'imposait en enlevant la proposition de modification à la Charte des droits. On peut tous se réjouir à cet égard-là, mais, à notre sens, il peut demeurer un certain nombre de problèmes. J'aimerais peut-être, par le biais d'un exemple hypothétique, voir quelle est votre réaction là-dessus. Le ministre a fait référence à la présentation du professeur Lemieux, et, moi, je vous réfère, pour votre édification, au mémoire de Me Lemieux de janvier 1996, pas seulement son mémoire de la semaine dernière, mais du mois de janvier, notamment aux pages 18 et suivantes, où il explique que le problème n'est pas seulement terminologique. Et je vais tenter, par le biais d'un exemple, d'illustrer ce que je comprends avoir été son propos alors.

Vous dites, avec raison, dans votre analyse de la définition de «quasi judiciaires» – vous le dites à la page 6 du document d'aujourd'hui – qu'il y a deux fonctions principales, deux éléments principaux, quoi: une atteinte aux droits et libertés de l'administré – vous donnez un peu plus d'explications là-dessus: règles de droit, effet décisif, etc. – et une obligation d'agir judiciairement pour l'organisme rendant la décision. Deux choses, donc, classiques ressortant de la jurisprudence. Je vais vous donner un exemple qui, je crois, pourrait correspondre à ça, et on va voir comment ça pourrait marcher concrètement aux termes de la loi telle que proposée.

Prenons l'exemple d'un retrait de permis, un retrait de permis qui, on va présumer pour les fins de notre exemple, rencontre les deux premiers points ici, c'est-à-dire que admettons que ça affecte vraiment la capacité d'une personne de gagner sa vie, admettons un permis pour... On a eu des exemples, pour exploiter un réseau d'autobus privé, on a eu des exemples de personnes qui avaient besoin d'un permis pour faire – vous me passez l'expression – l'élaboration de vin, de produits vinicoles ici, au Québec, des choses comme ça qui vous permettent de gagner votre vie. Donc, ça rencontre la définition ici pour les fins de notre discussion. On retire, comme le propose ce matin et comme le répète le ministre, le changement législatif proposé. Donc, les garanties de la Charte, 23, s'appliqueraient à une telle décision.

Notre question est la suivante: Qu'advient-il en cas de conflit entre la procédure prévue aux articles 4 à 12 du projet de loi n° 130, qui prévoient sa propre structure, sa propre procédure, ses propres garanties procédurales, par rapport à l'article 23, qui peut être plus large? Alors, la seule chose que, nous, on voit comme étant possible, c'est qu'une personne qui se sentirait brimée dans ses droits aurait comme seul recours la possibilité d'embaucher un avocat et d'aller dire: Oui, ils m'ont retiré mon permis conformément aux articles 4 à 12, je n'ai rien à dire là-dessus, mais, à mon sens, les garanties de 23 sont plus larges et, à tel, tel, tel égard, on n'a pas respecté «my Charter rights», mes droits en vertu de la Charte. Et donc, son seul recours, c'est d'aller arguer devant les tribunaux que ses droits en vertu de la Charte n'ont pas été respectés.

Ce que l'on craint, de notre côté – et c'est pour ça qu'on profite de votre présence et de vos lumières là-dessus aujourd'hui – c'est qu'éventuellement il y aurait un conflit possible entre les deux lois. Lequel, entre les articles 4 à 12 de la loi n° 130, s'ils sont adoptés, et 23 de la Charte – qui, à notre sens, dans certaines circonstances peut être plus large – prévaudra et comment faire valoir l'un ou l'autre, 23 par rapport à 4 à 12, dans l'exemple qu'on vient de vous donner? Alors, j'aimerais vraiment avoir votre avis là-dessus.

(11 h 50)

Mme Duplé (Nicole): La réponse, très courte, c'est l'article 23. Dans le cas éventuel d'un conflit entre la procédure prévue par l'article 4 et l'article 23, c'est bien évidemment l'article 23 qui va prévaloir. Mais je dois faire remarquer, comme je l'ai mentionné précédemment, que la procédure qui est prévue aux alinéas 1° jusqu'à... la procédure qui est prévue, d'accord, elle est parfaitement respectueuse des exigences qui s'attachent à l'acte de nature judiciaire également. Elle est respectueuse pour la plupart des décisions qui seront rendues. Même en matière de retrait de permis, on donne à l'administré la possibilité de se faire entendre. On lui donne la possibilité de faire valoir ses moyens. Par conséquent, les exigences de l'acte de nature judiciaire sont remplies.

Il peut se présenter des cas – et vous avez raison de le mentionner – qui sont hypothétiques, puisqu'on n'est pas capable de mettre le doigt sur un cas bien précis – on raisonne dans l'abstrait à l'heure actuelle – il pourrait se présenter un cas où effectivement la loi, si vous voulez, la procédure prévue pour les actes administratifs ne serait pas tout à fait conforme aux exigences de 23, mais ce serait 23 qui prévaudrait puisqu'on n'a pas modifié la Charte. On ne l'a pas modifiée. Elle a toujours prépondérance. Dieu merci, c'est encore la loi des lois au Québec.

M. Mulcair: On est d'accord là-dessus.

Mme Duplé (Nicole): Oui.

M. Mulcair: Vous dites que, oui, c'est hypothétique dans la loi n° 130, mais je crois que ça commence à se concrétiser justement dans le projet de loi d'application...

Mme Duplé (Nicole): Oui.

M. Mulcair: ...de la Loi sur la justice administrative. Et c'est à cet égard-là que, de notre côté, on se préoccupe toujours de ce qui pourrait être une sorte de conflit éventuel entre les deux règles de droit. Vous avez raison de dire que, par définition, la Charte aurait prépondérance. Mais, nous, on n'est pas persuadés que c'est l'idéal que d'avoir cette énumération-là, malgré le fait que vous le jugez assez complet en regard de la Charte. Si c'est la Charte qui s'applique, peut-être, on est en train de se créer une situation potentielle de conflit entre les deux lois. C'est pour ça qu'on dit que ce n'est pas le fait même d'enlever la proposition de modification de la Charte qui va tout résoudre, parce que ça repose toute la question: Si tout était résolu pour ça, pourquoi est-ce qu'on a prévu, dès le départ, de limiter l'application de 23, alinéa 1°?

Mme Duplé (Nicole): Parce que je pense que, dans la plupart des cas, des situations qui vont se présenter, cette classification des décisions et cette différence dans les procédures se justifient par l'objectif d'assurer la viabilité du projet de réforme de la justice administrative. Moi, là-dessus, si je dois comparer les bienfaits par opposition aux méfaits et même si je retenais qu'il peut y avoir un conflit avec l'article 23, dans la mesure où l'article 23, dans cette situation exceptionnelle, prévaudrait, je ne suis pas certaine qu'il faille sacrifier toute une procédure, toute une loi qui me paraît bénéfique dans son ensemble pour quelque chose qui peut se présenter dans des cas hypothétiques ou marginaux, disons marginaux, d'accord, et qui seraient réglés de toute façon par la prépondérance de l'article 23.

M. Mulcair: Moi, je vous soumets respectueusement, Me Duplé, que c'est précisément pour ça qu'on a une Charte des droits.

Mme Duplé (Nicole): Oui.

M. Mulcair: Votre perception qu'il ne faille pas mettre en péril la viabilité d'un projet de réforme administrative pour des raisons comme celle-là, j'ai l'impression... j'espère que, après quelques années à la Commission des droits de la personne, vous aurez changé d'avis là-dessus, parce que je trouve assez choquant le propos que vous venez de tenir ici devant cette commission.

Mme Duplé (Nicole): Ah oui? Je viens de...

M. Mulcair: Oui.

Mme Duplé (Nicole): Pardon.

M. Mulcair: Parce que je trouve que, justement, en termes de hiérarchie, vous êtes en train de bien situer votre position comme étant celle d'un bon prof de droit, en disant: Écoutez, c'est une belle réforme, c'est le genre de chose dont on rêve depuis longtemps. On va le faire et on ne va pas laisser ça être mis en péril...

Mme Duplé (Nicole): Non, monsieur, je ne dis pas ça.

M. Mulcair: ...par une Charte des droits qui va venir nous embêter.

Mme Duplé (Nicole): Je regrette. J'insiste, j'ai bien dit que, dans les cas extrêmes, ce serait l'article 23 de la Charte qui prévaudrait. En conséquence, c'est encore à la Charte que j'accorde la prépondérance. Alors, voilà.

M. Mulcair: On a l'avantage, dans une commission parlementaire, Me Duplé, d'avoir la transcription, et je me ferai un plaisir de vous envoyer la transcription du propos que vous avez tenu tout à l'heure.

Mme Duplé (Nicole): J'en serais ravie.

M. Mulcair: Vous allez vous rendre compte de ce que je viens de vous dire.

Mme Duplé (Nicole): Je me lirai avec plaisir.

Le Président (M. Paquin): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, Me Filion, Me Duplé et Me Bourdeau, merci pour l'excellente présentation que vous nous avez faite. Nous avons eu aussi à entendre d'autres groupes qui vous ont précédés, notamment le Barreau du Québec.

Je suis rassurée de constater que vous plaidez en faveur de l'article 56 de la Charte. Le ministre vous a donné une réponse que, nous, nous avons déjà entendue, suite à la présentation du Barreau, à l'effet qu'il entend retirer l'article 113 qui touche à la Charte. Cependant, je suis un petit peu – c'est un commentaire que je fais – surprise de voir qu'un groupe comme le Barreau est venu défendre la Charte avec beaucoup de force et beaucoup de conviction et exprimer ses inquiétudes à l'effet que, par une simple loi sur l'application d'une loi sur la justice administrative ou sous prétexte de déjudiciarisation du processus de justice administrative, on puisse toucher à la Charte. Et ça a été vraiment un argument très, très fort, c'était un message qui est sorti de la présentation du Barreau.

Vous êtes le président, vous représentez la Commission des droits de la personne qui est, en fait, l'institution qui doit veiller à l'application de la Charte et, d'une certaine façon, à sa protection. Votre argumentation par rapport à cette incursion, à cette attaque sur la Charte me semble très timide – ça, c'est un commentaire que je fais – et vous vous êtes exprimé en réaction à la réponse du ministre à l'effet qu'il va retirer l'article 113, en disant qu'il ne faut pas modifier la Charte sans être persuadé de l'impact qu'elle pourrait avoir. Est-ce que cela veut dire qu'on peut modifier la Charte, et dans quelles conditions?

M. Filion (Claude): D'abord, je pense que nous avons été suffisamment clairs dans l'ensemble de nos mémoires. La Commission a considéré et considère toujours que l'objectif d'une réforme de la justice administrative doit être poursuivi, mais, en même temps, que cet objectif-là peut être rencontré sans modifier la Charte. Le ministre, dans ses propos de ce matin, confirme qu'il retire les modifications à la Charte, donc ce dont nous sommes pleinement satisfaits.

Il est possible de modifier la Charte, ce n'est pas une table de Moïse, mais c'est un document, c'est un texte extraordinairement bien fait, très équilibré, très progressiste si on le compare aux autres chartes, et c'est un texte qui doit être traité avec beaucoup d'égards. Avant de le modifier, on doit donc être particulièrement vigilant, comme vous l'avez fait, et s'assurer que la modification entre d'abord dans l'objectif poursuivi et, deuxièmement, ne met pas en péril les garanties obtenues par les Québécois et les Québécoises en 1975, lors de l'adoption de la Charte. Mais, à plusieurs reprises, la Charte a été modifiée. J'ai personnellement, suite à des travaux à cette commission-ci, travaillé pendant quelques mois avec d'autres législateurs et législatrices à modifier, mais en profondeur, la Charte. Alors, la Charte peut être modifiée, mais on doit le faire avec beaucoup de prudence, beaucoup de réserve et avec beaucoup d'intelligence, dans le sens général du mot.

Alors, je ne sais pas si... Et, encore une fois, je pense que la Commission, dans le passé, a toujours défendu avec beaucoup de vigueur la Charte, et j'ai l'intention de continuer de le faire. En reprenant peut-être les suggestions du porte-parole de l'opposition officielle, je dois le dire, c'est la Charte qu'il faut mettre en avant dans la société québécoise. J'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, même depuis à peine cette semaine, que ce soit aux états généraux de l'éducation ou dans d'autres commissions, la Charte est un texte équilibré, très bien fait. Comme législateurs, soyez prudents avant d'intervenir, et nous y serons à chaque fois que vous allez vouloir exprimer l'intention de la changer, vous allez nous rencontrer sur votre chemin.

(12 heures)

Mme Houda-Pepin: Je suis très ravie de vous entendre réaffirmer que la Charte doit être défendue. Justement, à cet effet, il fut un temps où la Commission des droits de la personne exprimait sur la place publique et réaffirmait les droits des citoyens, les droits des individus. Elle s'exprimait avec une certaine autorité morale. J'ai eu le plaisir de travailler avec deux de vos prédécesseurs, notamment avec M. Jacques Lachapelle, et on avait mis de l'avant, dans la Commission, un certain nombre de mesures justement pour que la Commission puisse, le cas échéant, exprimer sur la place publique un certain nombre de valeurs, de valeurs consensuelles et fondamentales. On a lu dernièrement dans les journaux des articles touchant les déclarations et les écrits de M. Raymond Villeneuve concernant la communauté juive, et je ne vous ai pas entendu – à moins que vous l'ayez déjà fait, et, dans ce cas-là, je retire mes commentaires – en tant que président de la Commission des droits de la personne, vous exprimer sur cette situation-là.

M. Filion (Claude): Mme la députée, je suis convaincu que vous saisissez fort bien que, lorsqu'une personne en société québécoise, ou un groupe, ou un individu, ou peu importe, sensibilise la Commission à un état de fait, ce qui est important pour la Commission, c'est de saisir des faits, de recueillir les véritables faits entourant une situation et, par la suite, lorsqu'elle est saisie d'une plainte, d'en disposer conformément à la Charte. Alors, dans le cas précis que vous soulevez, encore une fois, selon les informations obtenues rapidement, il semblerait qu'une plainte a été déposée ou sera déposée à la Commission que je préside. Alors, à ce moment-là, les mécanismes prévus à la Charte seront mis en place. Nous allons d'abord étudier la recevabilité de cette plainte, nous allons faire enquête et nous allons en disposer – non pas le président lui-même dans son bureau – conformément à la procédure mentionnée à la Charte, c'est-à-dire à l'intérieur d'un comité des plaintes qui réunit trois commissaires.

Par contre, lorsqu'il n'y a pas de plainte de portée par des citoyens... Et j'ai eu l'occasion de le faire récemment à l'occasion du code vestimentaire, par exemple, où la Société Radio-Canada a demandé à la Commission d'intervenir. Ce n'est pas la fin du monde comme problème, les codes vestimentaires dans les écoles, il y a 99 % de ces cas-là qui se règlent localement. J'ai eu l'occasion publiquement d'énoncer les grands principes qui, de l'avis de la Commission, doivent guider les intervenants locaux pour régler les problèmes.

Je ne sais pas si je réponds bien à votre question: dans le cas où une plainte est déposée à la Commission, la Commission continuera d'examiner les plaintes de la façon prévue à la Charte; dans les autres cas, la Commission va tenter... Encore une fois, c'est la Charte qu'on va mettre de l'avant, ce n'est pas nécessairement la Commission, c'est la Charte, pour nous. C'est un texte, encore une fois, admirable qui a fait consensus il y a 20 ans au Québec. C'est la Charte qu'il faut mettre à l'avant. Mais la Commission continuera, avec ses moyens, à mettre de l'avant, dans la société québécoise, les principes qui guident cette Charte.

Mme Houda-Pepin: On est à court de temps, le président le signale. Un de vos commissaires s'est déjà prononcé par rapport à ce cas-là.

M. Filion (Claude): Je vous écoute.

Mme Houda-Pepin: Alors, comment se fait-il qu'un commissaire puisse se prononcer, dénoncer de tels propos et que le président de la Commission reste silencieux?

M. Filion (Claude): Soyez assurée d'une chose – je ne sais pas à quels propos vous faites allusion, il faudrait m'en dire un peu plus: il n'y a rien qui empêche, évidemment, la Commission d'énoncer de façon générale certains principes qui sous-tendent la Charte. J'ai l'intention de le faire. Mais, lorsque la Commission est saisie d'un dossier, ce dossier-là doit suivre la procédure prévue par la Charte. Et que ça soit, Mme la députée... Et ceci étant dit, parce que la Charte est au-dessous de tout au Québec, en ce sens que c'est un texte fondamental qui, encore une fois, est un texte beaucoup plus équilibré que ce que l'on croit, donc qui est en mesure de régler un grand nombre de situations. Alors, soyez assurée que la Commission, donc, fera son travail avec énergie et enthousiasme.

Le Président (M. Paquin): Le côté gouvernemental dispose de deux minutes, quelqu'un voudrait... Oui, M. le ministre.

M. Bégin: Je ferais juste deux commentaires simples. D'une part, oui, la Charte est celle qu'on vient de décrire, je partage ce qui a été dit, mais, à l'occasion, elle doit être modifiée, et j'étais particulièrement fier de la modifier pour enlever trois discriminations qui s'y trouvaient: c'est le projet de loi n° 137. C'est un exemple typique qu'on peut... C'est le projet de loi n° 133, mais ça modifie l'article 137. Donc, ça m'apparaît important, à l'occasion, de modifier la Charte. Donc, c'est positif.

Deuxièmement, je crois, Me Duplé, que vous n'aurez pas à rougir de ce que vous avez dit tout à l'heure et qu'on semblait vous reprocher. Je pense que ce que vous avez dit est parfaitement conforme à la Charte et parfaitement conforme à ce qu'on doit concevoir comme système. Alors, je voulais vous dire que vous aurez effectivement beaucoup de plaisir à lire ce que vous avez dit. Merci beaucoup.

Le Président (M. Paquin): Alors, ça complète notre travail. Je vous remercie beaucoup, Me Filion, Me Duplé et Me Bourdeau.

Je prierais Me Marc Bellemare de prendre place, s'il vous plaît.

Alors, en vertu de l'article 144 qui nous permet une modification à l'horaire, j'aurais besoin du consentement des gens de cette table pour nous permettre de dépasser, le cas échéant et si nécessaire, l'heure prévue de 12 h 30 de façon à ce que nous puissions permettre à Me Bellemare de compléter sa présentation d'une demi-heure complète en un seul coup.

Est-ce qu'il y a une opposition à cette demande que je vous adresse?

M. Bégin: Non.

Le Président (M. Paquin): Ça va? Alors, merci beaucoup. Me Bellemare, la parole est à vous. Vous disposez d'une dizaine de minutes qui seront suivies, donc, de questions de part et d'autre: 10 minutes de chaque côté.


M. Marc Bellemare

M. Bellemare (Marc): Alors, Merci, M. le Président. C'est la troisième fois que j'ai la chance d'être entendu par la commission des institutions sur la réforme des tribunaux administratifs. J'ai présenté un mémoire au mois de mai 1995 sur le projet de loi... en tout cas, le rapport Garant, au départ, et j'ai présenté un mémoire également en février 1996, dont certaines recommandations ont été retenues, d'autres pas. Alors, évidemment, quand je me suis présenté ici les deux premières fois, c'était dans le but de suggérer des amendements. Je n'avais pas l'impression que toutes les propositions que j'allais faire allaient être retenues – mais je crois que certaines l'ont été, c'est déjà un bel effort – mais il y a certaines recommandations que j'ai faites au début qui m'apparaissent devoir être réitérées et réexpliquées à cette commission sur un point qui m'apparaît tout à fait fondamental, sur une question qui m'apparaît tout à fait fondamentale, qui est l'abolition souhaitable des instances de révision, qui sont toujours en place au moment où on se parle, au sein des organismes gouvernementaux, dont les décisions pourront être contestées devant le Tribunal administratif du Québec, division affaires sociales.

Évidemment, le mémoire que je présente ne porte pas sur les autres divisions, il ne porte que sur la division des affaires sociales, là où, évidemment, se retrouvent les instances de révision: la Société de l'assurance automobile, Régie des rentes, CSST, IVAC et aide sociale.

Alors, ce que je dis, brièvement, c'est que je n'ai pas entendu tous les mémoires qui ont été présentés devant cette commission depuis un an et demi, mais je sais que les gens qui ont eu à s'exprimer sur le bien-fondé du maintien des bureaux de révision ont, dans tous les cas, proposé ou émis des opinions qui allaient dans le sens de leur abolition. Je n'ai pas entendu de groupes ou d'organisations particulières devant cette commission qui ont demandé le maintien et justifié le maintien des instances de révision.

Il faut comprendre que, dans la division des affaires sociales, nous allons nous retrouver, si le projet de loi est adopté tel quel, avec un système à trois paliers, c'est-à-dire l'organisme qui décide en première instance, une structure de révision de l'organisme en question qui décide en seconde instance lorsqu'il y a contestation et, finalement, en troisième instance, le Tribunal administratif du Québec qui entendrait les causes des citoyens insatisfaits. Il m'apparaît que c'est là une marche longue et pénible pour le justiciable qui est insatisfait d'une décision de l'administration. Je crois qu'il serait souhaitable sinon nécessaire que deux seuls paliers d'appel, ou deux seuls paliers décisionnels existent, c'est-à-dire l'organisme qui décide en première instance, qui dit non, et le Tribunal administratif du Québec qui décide en seconde instance. Alors, on atteindrait ainsi des objectifs de célérité et d'efficacité et on diminuerait les coûts qui sont quand même importants pour le justiciable lorsqu'il a à s'adresser à deux niveaux d'appel, comme c'est le cas actuellement et même depuis, quoi, une vingtaine d'années devant les tribunaux administratifs du Québec.

Alors, j'explique dans mon mémoire comment fonctionne chacun de ces bureaux de révision. Évidemment, à la Régie des rentes, il y a une petite différence parce qu'il n'y a pas d'audition systématique, contrairement à ce qui existe devant tous les autres bureaux de révision. Sauf que, à la Régie des rentes, on a un délai d'attente, avant d'obtenir une décision de réexamen, de 171 jours. En tout cas, c'est ce qu'on retrouve dans l'annexe que j'ai produite avec le mémoire, un délai de 171 jours.

(12 h 10)

À la SAAQ, à l'heure actuelle, c'est à peu près six mois, même si on ne demande pas d'audition devant le bureau de révision de la SAAQ. C'est long, très, très, très long pour obtenir, en bout de piste, une décision négative dans la majorité des cas et, lorsqu'elle est positive, on a toujours la conviction qu'elle aurait de toute façon été positive si on avait pu s'adresser dans un premier temps à un tribunal détaché de l'organisme qui est contesté.

Alors, à partir du moment où on a la certitude que toutes les décisions, les quelques décisions qui sont infirmées en révision le seraient de toute façon devant un tribunal plus élevé, plus détaché de l'organisme en question, on se demande à quoi bon maintenir les structures de révision.

J'explique également dans mon mémoire comment fonctionne chacun des organismes de révision. Il y a de petites nuances, de petites différences pour chacun des organismes de révision, mais, dans tous les cas, on s'aperçoit que ce sont des instances, si on veut, de deuxième niveau, entre l'organisme et le tribunal d'appel, qui ont été créées depuis les années soixante-dix. Les premiers bureaux de révision au Québec ont été créés au début des années soixante-dix par la CSST, à l'époque, c'était la Commission des accidents du travail, et, à ce moment-là, la Commission avait décidé de mettre sur pied un tribunal administratif interne, finalement, qui s'appelait le Bureau de révision, pour canaliser les mécontentements des employeurs et des travailleurs accidentés. Mais, à l'époque, on n'avait pas la Commission des affaires sociales. Alors est arrivée la Commission des affaires sociales, en 1975, et, à partir de ce moment-là, on a commencé à s'interroger sur l'opportunité de maintenir les instances de révision qui devenaient désormais plus ou moins utiles compte tenu qu'on avait de toute façon déjà un tribunal indépendant de l'organisme contesté qui pouvait entendre le grief du citoyen.

Alors, à plus forte raison, si le projet de loi n° 130 ici introduit le Tribunal administratif du Québec, des mécanismes de sélection de membres, des mécanismes qui assurent non pas l'indépendance des juges administratifs... Ça, je le dis également que, c'est évident, ce n'est pas le projet de loi qui garantit l'indépendance des juges administratifs, mais il demeure que c'est une structure qui est au moins aussi détachée de l'organisme contesté que la Commission des affaires sociales ne l'est actuellement. Alors, on se demande pourquoi maintenir des structures qui sont coûteuses, qui ralentissent considérablement le grief ou la contestation du citoyen et qui coûtent cher à bien des niveaux.

Alors, je dis qu'il y a les instances de révision au sein des cinq organismes contestables devant le Tribunal administratif du Québec, ça coûte des sous, il y a des gens qui travaillent là-dessus, qui reçoivent les plaintes des accidentés en deuxième instance; il y a également tous les frais d'avocats qui sont financés par l'État, notamment à même le réseau d'aide juridique, qui sont de 1 500 000 $ par année, pour présenter des argumentations, des représentations devant un organisme qui n'a pas le moindre critère ou qui n'a pas la moindre garantie d'indépendance et d'impartialité.

Alors, à partir du moment où chacun des organismes contestés, Régie des rentes, CSST, SAAQ, IVAC, possède déjà un très large pouvoir de reconsidération, qui peut être utilisé même lorsqu'il y a une contestation qui est en place et qui est en cours, et à partir du moment où le projet de loi d'application introduit des mécanismes de conciliation au sein du Tribunal administratif du Québec, je pense que le pouvoir de reconsidération ainsi que la mécanique de conciliation peuvent fort bien suppléer à l'absence des bureaux de révision. Et on va très certainement obtenir de meilleurs résultats par la conciliation qu'on en a actuellement par le bureau de révision. Alors, là, on se trouve à maintenir les bureaux de révision, on introduit une mécanique de conciliation qui s'ajoute, qui n'était pas là avant, le Tribunal administratif du Québec, sans compter qu'il y a souvent de la conciliation qui se fait entre l'organisme en première instance et le stade de révision.

Alors, on veut atteindre des objectifs d'efficacité et de célérité, mais on ne les atteint pas véritablement parce qu'on n'enlève pas de structure à la verticale qui ferait en sorte que le justiciable obtiendrait plus rapidement un règlement satisfaisant ou une décision sur sa cause. C'est la raison pour laquelle je demande que les bureaux de révision soient abolis. Il en est question dans la loi d'application, notamment au chapitre de l'assurance automobile, et je pense que, tenant compte des modifications apportées par la loi n° 130, il n'y a pas matière à maintenir ces instances de révision, qui sont source de délais considérables à tous les niveaux. On attend longtemps avant d'avoir une décision, on ne sait pas trop pourquoi, mais on s'aperçoit, à raison ou à tort, que les bureaux de révision sont devenus, au fil du temps, des espèces d'outils de dissuasion utilisés par les organismes pour ralentir le règlement des causes. Parce que si les bureaux de révision se prononçaient dans un délai beaucoup plus rapide, une semaine ou deux, ou trois, un mois maximum après la contestation, on n'aurait pas ce genre de problème d'encombrement et de retard qu'on constate au niveau de la révision.

Alors, dans la division des affaires sociales, je réitère devant cette commission ce que j'avais déjà dit l'année passée, que les instances de révision devraient toutes être abolies et que l'appel devrait être logé directement au Tribunal administratif du Québec à partir de la décision de première instance.

Le Président (M. Paquin): Merci, Me Bellemare. Alors, du côté ministériel...Oui, M. le ministre.

M. Bégin: Merci infiniment, Me Bellemare, de ce que vous venez de réitérer, parce que, effectivement, vous l'avez déjà dit devant cette commission. Cependant, on a entendu également d'autres points de vue qui étaient à l'effet que, malgré ce qu'on en pensait et ce que vous dites, beaucoup de litiges se réglaient au niveau des bureaux de révision et que, dans ce sens-là, c'était extrêmement utile au processus. Je ne voudrais pas arbitrer ce que vous venez de dire, entre les deux, le projet de loi ne va pas aussi loin que d'abolir les bureaux de révision.

Mais vous avez aussi, il me semble, ouvert une porte en mentionnant, vers la fin de votre intervention: Si les décisions étaient rendues dans un délai très court au bureau de révision – vous avez parlé de trois semaines ou même, à la limite, quatre semaines – j'ai compris que, peut-être, votre point de vue pourrait être différent. Est-ce que je vous ai mal interprété ou bien c'est ce que vous avez dit?

M. Bellemare (Marc): Le problème qu'on retrouve au stade de la révision, c'est qu'on a l'impression que les dossiers piétinent, parce qu'en réalité on demande à l'organisme de réviser sa décision. L'organisme a déjà le dossier; on s'adresse, par exemple en assurance automobile, à la SAAQ, on leur dit: On n'est pas d'accord, vous avez refusé de payer monsieur pour telle ou telle période, donc changez d'idée. Ça prend six mois avant qu'on ait une décision de deuxième instance. On n'a même pas d'audition, on renonce à l'audition, puis ça prend six mois. J'ai les décisions de ce matin, que j'ai reçues, c'est six mois, le délai. Alors, si on recevait la décision au bout d'un mois...

M. Bégin: Excusez, Me Bellemare, c'est parce que vous donnez une chose importante, ceux qui sont habitués aux tribunaux se comprennent bien, mais quand vous dites que, même en renonçant à l'audition, ça a pris six mois, pourriez-vous dire ce que ça implique? Parce que ce n'est pas tout le monde qui est familier avec ce que vous venez de dire.

M. Bellemare (Marc): Bon, c'est que, pour tous les bureaux de révision, sauf à la Régie des rentes, lorsqu'on conteste, en principe, on est convoqué devant le bureau de révision. Exemple, à l'aide sociale, on conteste une décision d'un agent d'indemnisation qui n'est pas d'accord, qui coupe le prestataire, on conteste dans le délai, et là on nous convoque à une audition, en principe. Mais on peut renoncer à l'audition en disant dans la contestation: Moi, ça ne m'intéresse pas d'être entendu, je veux une décision sur dossier.

Moi, je le fais depuis des années devant les instances de révision parce que, dépendant de la nature de la contestation, dépendant du sujet traité, je sais si je vais avoir des chances de succès en révision ou si je n'en aurai pas. Comme, dans la plupart des cas, je n'en ai pas, je demande une décision sur dossier, laquelle décision sera contestée à la Commission des affaires sociales sans délai.

M. Bégin: Donc, en principe, ça devrait raccourcir les délais, le fait de ne pas demander d'être entendu. Mais, malgré tout, vous dites que ça a pris six mois pour des décisions.

M. Bellemare (Marc): Exactement, ça a pris six mois pour obtenir une décision, sans audition.

La Régie des rentes, j'ai eu une décision ce matin, un monsieur qui est venu me consulter: décision de la Régie des rentes du 16 janvier 1996 et décision du comité de réexamen du 30 août 1996. Sept mois d'attente à la Régie des rentes pour avoir une décision du comité de réexamen, alors qu'il n'y a jamais d'audition en comité de réexamen.

Alors, je suis convaincu que, si cet individu-là avait pu se présenter devant la Commission des affaires sociales dans un premier temps, bien, il aurait sauvé six mois, sept mois, puis il serait entendu quelque part à l'automne. Mais là il va être entendu à l'été 1997.

M. Bégin: Alors, vous proposez quoi? Soit l'abolition... Mais il y a peut-être moyen de faire en sorte que les délais soient respectés d'une manière plus stricte.

M. Bellemare (Marc): Actuellement, il n'y a pas de délai, sauf en matière d'accident de travail, devant le bureau de révision paritaire. puis on sait que, maintenant, toute la question des lésions professionnelles a été retranchée, malheureusement, de la loi. Mais en ce qui concerne les bureaux de révision dont je parle ici, les cinq bureaux de révision, il n'y a pas de délais. Alors, la plaie, c'est le délai, au fond, c'est le temps que ça prend avant d'avoir une décision de révision.

M. Bégin: Et si il y avait un mécanisme qui prévoyait... Vous avez dit tantôt – c'est pour ça que j'interviens là-dessus: S'il y avait un délai de trois ou quatre semaines, il n'y aurait pas de problème à ce moment-là.

M. Bellemare (Marc): Ça serait un moindre mal. Ça serait un moindre mal parce qu'on aurait une décision rapidement, quand on ne veut pas d'audition, quand on est sûr de perdre. Par exemple, si vous défendez une cause d'invalidité totale à la Société de l'assurance automobile, ne perdez pas votre temps en révision, vous ne gagnerez pas. Ça fait des années que la SAAQ, en révision, n'a pas rendu de décision reconnaissant un accidenté de la route invalide total. Ils ne connaissent pas ça, un invalide total, ça n'existe pas. Alors, il faut toujours aller en appel. Alors, quand on sait ça, on demande à la SAAQ de rendre une décision sur dossier puis on va en appel.

(12 h 20)

Évidemment, l'obstacle de la révision actuellement, c'est son existence, mais aussi le temps que ça prend, les énergies et l'argent qu'on doit y investir quand on ne connaît pas le système. Le justiciable qui paie un avocat et un médecin qu'il amène témoigner au bureau de révision, ça lui coûte 1 000 $, 2 000 $, 3 000 $, puis il perd au bout de la ligne. S'il avait su avant, il ne serait pas allé.

Mais, si le gouvernement maintient les bureaux de révision, forcément qu'il faudrait que le travail de ces bureaux de révision là soit très bien encadré et qu'ils soient tenus de rendre une décision dans un délai strict, le plus rapide possible. Ça, c'est sûr. Parce que, par exemple, en assurance automobile, on a 60 jours pour contester. Si le citoyen a 60 jours pour se décider, pourquoi ça prend six mois à la SAAQ pour se décider en révision? Alors, normalement, si on donne 60 jours au contribuable, au justiciable, pour se présenter en révision, pour décider de contester par écrit, etc., la SAAQ, elle ne devrait pas prendre plus que 60 jours avant de décider en révision si on ne demande pas d'audition. Puis il y a de plus en plus de gens qui ne demandent pas d'audition parce qu'ils s'en vont en appel directement.

M. Bégin: Donc, je comprends qu'un délai de 60 jours serait un délai raisonnable pour dire que l'organisme, en révision, prenne sa décision, faute de quoi il n'a plus juridiction, si je comprends bien ce que vous dites.

M. Bellemare (Marc): Effectivement, s'il y avait un délai strict... Par exemple, tous les bureaux de révision dont on parle, les cinq, si la loi disait: Vous avez 60 jours en révision pour statuer, bien, il faut prévoir une mécanique qui s'appliquerait au cas où le délai ne serait pas respecté. Parce que, si le délai n'est pas respecté, qu'est-ce qu'on fait?

On l'a vécu en accident de travail, le bureau de révision paritaire a le dossier depuis quatre mois, ils ont 30 jours pour décider, qu'est-ce que tu fais? Tu appelles le commissaire puis tu lui dis: Aïe! Dépêche-toi. Ce n'est pas trop, trop correct et puis ça augmente tes chances de perdre.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Bellemare (Marc): Ou bien tu t'en vas en Cour supérieure pour le forcer à décider, puis, là, bien...

Une voix: Ce n'est pas beaucoup mieux non plus.

M. Bellemare (Marc): ...disons que tu es encore moins bien placé pour gagner. Alors, il faudrait qu'il y ait un délai, mais il faudrait qu'au terme de ce délai-là il y ait une mécanique qui fasse en sorte que ça équivaille à un refus pour qu'on puisse en appeler.

M. Bégin: Donc, je comprends que vous dites: S'il y a un délai puis que la décision n'est pas rendue à l'expiration de ce délai, quel qu'en soit le motif, c'est comme s'il y avait eu une décision négative de l'organisme et, en conséquence, le droit d'appel au Tribunal existerait à ce moment-là. Est-ce que c'est bien ça?

M. Bellemare (Marc): Il faudrait prévoir une mécanique, s'il y avait un délai maximal, un délai de 60 jours par exemple, pour que le citoyen ne soit pas face à un délai tout à fait théorique et qu'il ne soit pas obligé de prendre d'autres procédures pour forcer l'organisme à statuer. Bon, il n'existe pas de telle mécanique, à ma connaissance, au Québec, en droit administratif, sauf – et là on me corrigera au besoin – dans la loi sur l'accès aux documents publics, la loi qu'on appelle communément la loi d'accès à l'information, à laquelle j'ai eu recours à quelques reprises, dans les cas de CSST et de SAAQ. Cette loi prévoit qu'on fait une demande à l'organisme... Par exemple, j'ai besoin de documents publics, je fais une demande à la SAAQ...

M. Bégin: Elle est réputée avoir rendu une décision négative.

M. Bellemare (Marc): ...je lui dis: Vous m'envoyez le détail de vos coûts sur la criminalité routière, par exemple – ce que j'ai fait il n'y a pas longtemps – alors, la SAAQ, si elle ne me répond pas dans les 20 jours, elle est réputée avoir refusé de me transmettre la documentation. Alors, je peux...

M. Bégin: Et là vous avez un droit d'appel.

M. Bellemare (Marc): ...le vingt et unième jour, contester ce refus implicite devant la Commission d'accès à l'information. Alors, on ne m'obligera pas à attendre six mois avant d'avoir la réponse qui, elle, me permet d'en appeler. Ça existe déjà à un endroit.

M. Bégin: Bien, je connais, effectivement... Elle est réputée avoir rendu une décision négative. À ce moment-là, vous avez votre appel.

M. Bellemare (Marc): Mais je ne sais pas si ça existe ailleurs, mais je sais que... L'exemple me vient à l'esprit...

M. Bégin: Intéressant.

M. Bellemare (Marc): ...parce que j'ai fait exactement ce que je viens de dire, là, en matière d'accès à l'information; je l'ai fait la semaine dernière en assurance auto. Je n'ai pas eu la réponse dans les 20 jours, j'avais à l'agenda la date de refus, j'ai contesté le vingt et unième jour, et la cause est actuellement inscrite devant la Commission d'accès à l'information.

M. Bégin: Je trouve ça intéressant, ce que vous soulevez.

M. Bellemare (Marc): On n'est pas obligé... Ils ne nous retardent pas, là, puis ils ne nous...

M. Bégin: C'est intéressant.

Le Président (M. Paquin): Alors, du côté de l'opposition, M. le critique, député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, ça fait effectivement plusieurs occasions...

Le Président (M. Paquin): Trois fois.

M. Mulcair: ...qu'on a eues d'entendre Me Bellemare depuis le début et c'est toujours aussi intéressant, surtout que ça nous démontre, M. le Président, à quel point il est primordial, dans ces commissions-là, d'entendre les gens qui ont de l'expérience sur le terrain, qui peuvent venir témoigner non pas d'une théorie, non pas d'une idée, non pas de quelque chose qu'ils ont lu, mais de quelque chose qu'eux et leurs clients vivent tous les jours.

On a eu la même chance la semaine dernière avec des représentants de différents domaines, comme le transport par autobus ou autres, qui sont venus nous expliquer vraiment comment la structure qu'on est en train de proposer allait affecter des droits pour les permis, par exemple, pour leurs clients, et tout ça. C'était, pour nous, très utile.

J'aimerais profiter de la présence de Me Bellemare, M. le Président, pour lui demander, dans un sujet connexe, par rapport à la remise en cause actuelle du principe du «no fault», s'il pourrait dire aux membres de cette commission s'il est d'avis que cette remise en question profiterait ou pourrait être améliorée... si l'analyse qui en est faite à l'heure actuelle sur le projet de loi n° 12 pourrait tirer avantage de la présence du ministre de la Justice sur l'autre commission parlementaire. Est-ce que vous pensez qu'à la lumière de tout ce qu'on est en train d'étudier ici ça pourrait être utile?

M. Bellemare (Marc): J'espère que tous les ministres seront là, théoriquement. Mais je pense que, si on regarde, eu égard aux chartes... Est-ce que c'est par rapport aux chartes?

M. Mulcair: Exact.

M. Bellemare (Marc): Non, je pense que le problème de chartes, il existe à l'heure actuelle, mais il serait réglé si la Loi sur l'assurance automobile était modifiée pour permettre aux victimes d'actes criminels sur la route de bénéficier des mêmes droits et des mêmes recours que les autres victimes d'actes criminels. Maintenant, je pense que ça intéresse très certainement la plupart des ministres du gouvernement du Québec, le ministre des Finances aussi, parce que la proposition qu'on avance, de modification au Code de la sécurité routière et à la Loi de l'assurance automobile, permettrait au gouvernement de sauver probablement 30 000 000 $ à 40 000 000 $ par année. Alors, ça intéresserait aussi le ministre des Finances, c'est une bonne idée.

M. Mulcair: C'est bien. On pourrait le remettre dans l'aide juridique et faire d'une pierre deux coups.

Est-ce que, par ailleurs...

M. Bellemare (Marc): Mais on pourrait faire des économies à l'aide juridique en abolissant les bureaux de révision, parce que vous savez que ça coûte 1 500 000 $ – et ça, c'est des chiffres de 1995. La Commission des services juridiques a dépensé 1 500 000 $ de frais d'avocat pour l'instance de révision. On n'a pas le taux de succès, mais ce n'est probablement pas plus élevé que les statistiques des bureaux de révision, puis ça tourne autour de 15 % à 20 %, 25 % de taux de succès. Si ces gens-là étaient allés en appel directement, ils auraient eu le même taux de succès. C'est pour ça que c'est inutile.

C'est sûr qu'il y a des gens qui gagnent en révision, M. le ministre disait: Il y a des gens qui vont en révision puis qui gagnent. C'est certain qu'il y en a qui gagnent, à la SAAQ, 15 % à 20 %, mais, de toute façon, ces gens-là auraient gagné s'ils étaient allés à la Commission des affaires sociales.

M. Mulcair: C'est ça.

M. Bellemare (Marc): Alors, à quoi bon les maintenir si, de toute façon, ceux qui perdent doivent aller en appel puis ceux qui gagnent auraient gagné ailleurs de toute façon.

M. Mulcair: Alors, écoutez, M. le Président, il ne nous reste qu'à remercier Me Bellemare pour sa présentation. Ces documents vont faire l'objet, j'en suis convaincu, d'une attention particulière de la part du ministre et de ses proches collaborateurs. Merci beaucoup.

M. Bellemare (Marc): Merci.

Le Président (M. Paquin): Est-ce qu'un autre député de l'opposition désire poser des questions? Alors, merci, Me Bellemare.

La commission suspend ses travaux pour le présent objet à demain... C'est à 10 heures, demain?

Une voix: Dix heures, oui, oui.

Le Président (M. Paquin): Demain, 10 heures. Et je rappelle que, cet après-midi, sur un autre objet, nous siégeons à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 29)

(Reprise à 14 h 22)

Vérification des engagements financiers du

Secrétariat aux affaires autochtones

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, je déclare la séance ouverte. Je rappelle le mandat de la commission: de procéder à la vérification des engagements financiers du Secrétariat aux affaires autochtones contenus dans les listes des mois de janvier 1994 à juillet 1996 inclusivement.

Alors, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Sirros (Laurier-Dorion) remplace M. Ciaccia (Mont-Royal).

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien. Merci. Alors, nous disposons d'une période de trois heures pour l'étude de ces engagements, soit de 14 heures à 17 heures.

Réponses déposées

Alors, je dépose les réponses obtenues aux questions laissées en suspens lors de la séance de vérification du 4 novembre 1993. Ces réponses ont été expédiées aux membres de la commission le 23 novembre 1993.

Est-ce qu'il y a des demandes de renseignements ou de documents sur des engagements financiers déjà vérifiés antérieurement? Il n'y a pas de demande à cet effet-là? Très bien. Alors, nous allons passer immédiatement à l'étude des engagements du Secrétariat aux affaires autochtones, et nous commençons avec l'étude des engagements financiers de janvier 1994.

M. Sirros: M. le Président, juste avant de poursuivre, est-ce qu'on pourrait s'entendre sur le fonctionnement comme tel? Je constate qu'on a...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui.

M. Sirros: Je suggérerais qu'on partage le temps moitié-moitié. On a des engagements qui datent de 1994 jusqu'à maintenant, alors je fais ce genre de suggestion, en étant un peu large dans la discussion qu'on peut avoir avec le ministre sur la question autochtone. Je ne sais pas si ça convient aux collègues d'en face?

Une voix: Tout à fait.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Tout à fait. Ça va.

M. Sirros: Donc, discussion générale partagée moitié-moitié à partir des engagements, puis d'autres préoccupations qu'on peut avoir.


Discussion générale

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien. Alors, on convient d'un mode de fonctionnement sur la base d'une discussion générale où le temps est partagé équitablement.


Développement économique du Nord québécois

M. Sirros: Alors, on pourrait peut-être... M. le Président, à partir de l'engagement sur les Montagnais de Schefferville, je sais qu'il y a deux mois à peu près le ministre annonçait la tenue d'une commission itinérante, en quelque sorte, dans le Nord québécois, qui serait composée d'autochtones et de non-autochtones pour regarder un peu le développement économique du Nord québécois. Je pense qu'il avait même parlé à un moment donné de la participation des autochtones au sein du comité. Est-ce qu'il peut juste faire le point, rapidement, sur... Est-ce que le comité a commencé à siéger? Quel est l'état de participation des autochtones? Est-ce qu'il avait consulté au préalable, par exemple, le Grand Conseil des Cris et Makivik? Est-ce que ça... Comment ça... Où ça se trouve?

M. Chevrette: Oui. Si ma mémoire est fidèle, c'est en juin...

M. Sirros: Il me semble.

M. Chevrette: ...que j'ai annoncé cela, effectivement.

M. Sirros: Le 4 juillet, je pense.

M. Chevrette: Pardon?

M. Sirros: Le 4 juillet.

M. Chevrette: Juillet, c'est ça, juste avant les vacances d'été, là. Et, oui, il y a eu des contacts avec les Inuit, avec les Cris, avec les Montagnais. Mais c'est surtout avec les Cris qu'il y a eu une discussion; il y a même eu des lettres. Le problème, c'est que j'avais rencontré M. Billy Diamond, dans un premier temps, en début de juin. Également, j'ai rencontré M. Blacksmith, je pense que c'est en juin également, au début ou au tout début de juillet, mais c'était préalable à l'annonce que j'ai faite dans le Nord, quand je suis allé à Chibougamau puis à Radisson.

M. Sirros: Ce que j'essaie de comprendre... Parce que, moi, j'ai eu des échos à l'effet que le ministre n'avait pas consulté le Grand Conseil des Cris, il n'était pas au courant de la tenue de cette commission. Là, le ministre me parle de quelques noms de personnes qui sont quelque part dans le décor. Est-ce qu'il y a eu des échanges formels? Est-ce qu'il y a eu une entente quant à la création de ce genre de comité? Est-ce que les modalités de participation avaient été convenues? Et est-ce que ce comité fonctionne? Qui sont les membres? Est-ce que les audiences ont commencé ou est-ce que ça a été juste une annonce pour faire une annonce?

M. Chevrette: Non, il n'y a pas eu rien que des mots. Il y a eu une participation, d'abord, au colloque sur le développement économique des autochtones au Québec. On a participé; il y a même trois ministres du gouvernement, je pense, qui y ont assisté. Par la suite, il y a eu des rencontres formelles les 11 avril puis 13 juin avec M. Billy Diamond en particulier, parce que les hommes d'affaires cris m'ont rencontré au moins à deux reprises antérieurement, voulant que les Cris embarquent dans des projets de développement économique. Donc, j'ai rencontré M. Diamond et, ensuite, M. Blacksmith, au tout début de juillet. Par la suite, il y a eu une suspension des pourparlers parce qu'ils étaient dans le processus électoral et ils nous demandaient de leur répondre. À chaque fois, M. Blacksmith appelait, voulait avoir une lettre de confirmation, M. Coon Come appelait pour avoir une lettre de confirmation, et, précisément, je n'ai pas voulu faire aucune démarche, sauf de situer le débat.

Dans la lettre du 7 août, je situe le débat pour bien dire: Bien, arrêtez de vous servir de moi dans votre processus démocratique, là, je ne ferai rien jusqu'à la fin. Mais voici ce que j'ai dit et voici ce que j'ai fait. Et je pourrais vous déposer la lettre ici, qui a au moins quatre pages, qui explique à M. Matthew Coon Come les démarches qui avaient été faites auprès de sa communauté – et tous les chefs en ont eu copie le 9 – et qui refaisait le point des discussions antérieures, qui faisait le point avec M. Diamond et M. Blacksmith. Mais je pourrais la déposer, effectivement, pour les membres de la commission.

M. Sirros: Puis, juste pour faire le suivi sur le comité comme tel, est-ce que les membres ont été nommés? Est-ce que le comité fonctionne?

M. Chevrette: Ils ont commencé...

M. Sirros: Parce qu'ils s'étaient...

M. Chevrette: ...à faire le tour, me dit-on, au moment où on se parle. Moi, je n'ai même pas eu un accusé de réception de M. Coon Come. Donc, j'attends toujours de voir s'il a un intérêt à cela, parce qu'il m'a dit qu'il n'avait jamais eu de contact avec sa communauté, alors que – je suis très surpris – lui-même a été avisé avant même son élection. Après son élection, il dit qu'il n'a eu aucun contact, alors qu'il en exigeait une, position, avant. Le 7 août, ça a été reçu par l'ensemble des chefs de la communauté crie. Et je me suis même offert à le rencontrer. En septembre, je souhaiterais rencontrer – je disais ça le 7 août – le Grand Conseil afin d'échanger avec les représentants de la nation crie et d'examiner divers moyens visant à assurer une démarche plus efficace, s'il y a lieu, dans le cadre du protocole d'entente ou à l'égard de dossiers plus spécifiques. Et je n'ai même pas eu un accusé de réception.

M. Sirros: Ça, je m'excuse, c'était au mois d'août?

M. Chevrette: Le 7 août.

M. Sirros: Le 7 août. Mais, ça, donc, c'est après l'annonce qui est faite. Ce que j'essayais de comprendre, c'était, au niveau des relations avec les Cris, est-ce que le ministre s'en tient à une relation par le biais du Grand Conseil des Cris, minalement, avec d'autres personnes, mais tout en se tenant au courant avec le Grand Conseil, ou est-ce qu'il...

M. Chevrette: Non. Billy Diamond...

M. Sirros: ...le court-circuite en choisissant des hommes d'affaires comme Billy Diamond ou d'autres?

M. Chevrette: Non. Billy Diamond est le représentant désigné des négociateurs du Grand Conseil des Cris.

M. Sirros: Dans quelles négociations?

(14 h 30)

M. Chevrette: Je pense que c'est un gars qui doit être assez... MOU, dans le suivi du MOU. Donc, on l'a rencontré à deux reprises.

M. Sirros: Mais, ça, c'est... Donc, le comité est dans le cadre du suivi de la Convention de la Baie James?

M. Chevrette: Et aussi dans le cadre de... On a même suggéré que, s'il le voulait, on tiendrait une conférence sur le développement économique spécifiquement pour le Nord. MOU, c'était sur cinq points où il voulait rediscuter le respect ou l'irrespect de l'entente.

M. Sirros: Donc, ça, ça rentre là-dedans.

M. Chevrette: Oui. Bien, il en avait discuté. Donc, on n'a pas...

M. Sirros: Donc, ça a été discuté au niveau des rencontres avec les représentants du Québec et...

M. Chevrette: Avec M. Diamond puis M. Blacksmith.

M. Sirros: Dans le cadre des discussions sur le Memorandum of Understanding qu'on avait conclu.

M. Chevrette: Mais j'en ai discuté à deux reprises avec M. Diamond: le 11 avril puis le 13 juin. Au tout début de juillet, M. Blacksmith m'a reposé à peu près les mêmes questions, puis je voudrais bien que vous vous doutiez... C'est que M. Blacksmith était aussi dans la course, puis M. Diamond. Donc, on a convenu, à compter du 4 juillet, nous autres, que c'était dangereux de continuer des discussions avec un ou avec l'autre puisqu'ils s'en servaient au niveau de leur processus démocratique. Le 7 août, quand M. Coon Come a demandé ce qui s'était passé puis qu'il voulait, lui aussi, avoir des confirmations, j'ai donc adressé une lettre à M. Coon Come avec copie aux neuf chefs, de sorte qu'il ne pouvait plus interpréter ce qu'il voulait de ma part. Voici ce que j'ai fait, voici ce que j'ai l'intention de faire, voici ce que j'ai discuté avec M. Diamond, avec M. Blacksmith, et voici ce que j'offre, puis je vous offre de vous rencontrer quand vous aurez fait vos élections. C'est à peu près ça que je scande...

M. Sirros: Ce que j'essaie de comprendre, M. le Président, c'est... Cette offre, le ministre me dit qu'elle a été faite dans le cadre de la mise en application du MOU...

M. Chevrette: Et de l'offre de discussion de tout projet à caractère économique. Parce que...

M. Sirros: Donc, dans le cadre du MOU et autre chose. Et il discute avec le négociateur désigné des Cris dans le cadre du MOU. Est-ce qu'on pourrait avoir, par exemple, je ne sais pas, moi... J'imagine, donc, que ça a été discuté à des rencontres formelles des négociateurs dans ce cadre-là. Est-ce qu'on pourrait avoir, je ne sais pas, les ordres du jour où ça a été soumis comme tel? Parce qu'il y a une démarche qui concerne, de façon générale, tout le monde qui vit dans le Nord puis il y a une démarche qui concerne, de façon bilatérale, les Cris et le Québec dans un cadre précis. Le ministre me dit que c'est dans ce cadre précis que ça a été discuté avec les autochtones. Les autochtones disent qu'on n'a pas d'écho réel. Le ministre annonce quelque chose au mois de juillet. Au mois de septembre, ce n'est toujours, en tout cas, pas ficelé. J'aimerais juste qu'on ait le portrait, de ce côté-ci, de qu'est-ce qui s'est passé vraiment.

M. Chevrette: Pas ficelé, mais, que ce soit le député Sirros, ministre Sirros, ou le député Chevrette, ministre Chevrette, je ne suis toujours pas pour aller signer un accusé de réception à leur place puis aller leur demander de me demander une rencontre, je leur ai fait. Je leur ai offert, avec beaucoup de transparence, de les rencontrer tous, en leur disant: Moi, je souhaite qu'on discute très correctement de l'application du MOU et, plus que ça, je vous offre la préparation d'une conférence socioéconomique pour le Nord québécois. Parce que le Nord québécois, dans l'esprit de René Lévesque, devait être un Nord occupé, où il y avait des êtres humains qui avaient des activités économiques, et qui pouvait être partagé dans son développement entre les trois communautés. C'est dans cette optique-là que je leur ai offert une approche très pragmatique. S'ils avaient des projets de développement économique, je serais très heureux, à part de ça, puis je serais très heureux qu'ils aient des projets concrets pour les amener même au sommet économique de l'automne. Ça ne peut pas être bien, bien plus clair que ça. Et c'était exactement l'item 3 du MOU.

M. Sirros: Est-ce que je pourrais demander au ministre s'il consentirait à déposer les ordres du jour et les dates des rencontres qui ont eu lieu avec les représentants du Québec et des Cris dans le cadre du MOU, où on pourrait voir la discussion autour de ce sujet?

M. Chevrette: Dans ma lettre, vous allez tout retrouver. Donc, je vais la déposer.

M. Sirros: Oui, mais est-ce qu'il consentirait à déposer les ordres du jour puis les dates des rencontres entre les représentants du Québec...

M. Chevrette: Bien, ça débutait quand j'ai rencontré... Le 11 avril, quand j'ai rencontré M. Diamond, c'était précisément pour bâtir un cadre de discussions, comment on s'enlignait. On a parlé... Il nous parlait du MOU, mais il nous parlait aussi de problèmes criants qu'il y avait dans chacune des réserves, des problèmes communautaires, m'a-t-il dit. Donc, on regardait cela. On a regardé également la notion de projets économiques, de discussions concrètes sur des projets économiques. On avait consenti, à ce moment-là, que lui retournait dans son milieu. Nous, de notre côté, on voyait à clarifier un peu plus notre position. Le 13 juin, on s'est rencontrés et c'est là qu'on a tout mis sur la table, y compris la conférence économique. On a mis sur la table l'engagement d'une personne à Chibougamau, une personne à Radisson, une personne à Kuujjuaq, des professionnels qui aideraient à la préparation de tout ça. On a mis sur pied un comité où M. Michel Clair, sous-ministre au MRN, est venu expliquer toutes les possibilités de collaboration avec les nations autochtones, dont les Cris, dans le domaine forestier, minier, énergétique; c'étaient les volets du MRN. M. Clair a passé quelques heures avec eux à leur expliquer cela en plus.

Pas longtemps après, eh bien, c'est M. Blacksmith qui a voulu avoir le même «setup», puis on a passé une soirée entière avec M. Blacksmith à expliquer cela avec les gens du ministère. Et là on a senti que le jeu politique s'en venait bien gros. Ou bien il fallait être très naïf pour ne pas le voir, et c'est là que j'ai décidé, le 7 août, de dire: Voici ce qui s'est passé à date, voici ce qu'on offre pour discuter de tout cela. Mais on comprend bien que je le ferai au mois de septembre, lorsque les élections seront terminées chez vous. C'est aussi clair que ça, ce que ça voulait dire. Mais, quand M. Matthew Coon Come dit qu'il n'a rien eu de moi, il y a quelqu'un... Ce n'est pas moi qui vais faire les rapports dans leur structure; je n'ai pas à juger de leur fonctionnement. Je vous dis qu'au moment où je vous parle je n'ai pas eu d'accusé de réception, alors qu'on voit des déclarations dans les journaux puis dans les médias disant qu'on ne les a pas rencontrés, on n'a rien dit. Les neuf chefs ont ça dans les mains. Et je vais le déposer ici, je pense que vous avez droit à ça.

M. Sirros: Si je concluais que ce n'est pas loin d'un... «fiasco» est peut-être trop fort, là... Mais comment est-ce que le ministre jugerait le succès de son annonce du mois de juillet jusqu'à date?

M. Chevrette: Bien, je peux vous dire que, déjà, sur le terrain, il y a des choses qui se font, il y a des projets qui s'élaborent. Il y a même eu une rencontre... Même, tout ce qu'on avait semé au niveau du sommet économique, les autochtones ont accepté d'embarquer. Il y a déjà des projets qui ont été préparés. Du succès ou de l'insuccès, j'en connais qui sont passés là puis qui n'ont jamais rien fait de leur vie. C'est déjà pas si mal, nous autres, le bout qu'on a de fait avec des projets économiques qui se sont construits, qui se sont bâtis, qui seront déposés au sommet économique de l'automne par ces communautés-là. Parce qu'ils ont compris une chose: au lieu de parler exclusivement de grandes négociations globales, on parle de problèmes concrets pour la communauté autochtone, de leur participation au développement économique de leur coin. Puis ils veulent déposer des projets de façon très concrète, très pragmatique. Et le groupe de M. Jean Coutu était à Kuujjuaq la semaine dernière, avec M. Magny. Ils ont rencontré les gens sur place. On a rencontré également M. Picard, des premières nations, vendredi passé. Il y a des projets concrets qui sont à être élaborés. Je pense que, de ce côté-là, c'est un franc succès.

M. Sirros: Le succès, M. le Président, est souvent sujet à interprétation.

M. Chevrette: Oui.

M. Sirros: Mais peut-être que mes collègues...

M. Chevrette: Si on avait à juger les succès passés de certains bonshommes qui ont passé à ma place...

M. Sirros: Peut-être que les collègues de l'autre côté ont des questions, M. le Président, sur ça.

M. Chevrette: ...ils seraient pâlottes en maudit.

M. Sirros: O.K.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. le député de Saint-Jean.


Violence conjugale et situation des femmes autochtones

M. Paquin: Oui. Je sais qu'une des démarches importantes qui ont été faites auprès des communautés autochtones, et en particulier dans les milieux en réserves, ça a été une démarche à l'encontre de la violence conjugale, une meilleure qualité de relations, notamment pour les femmes, au niveau de leur vécu. On sait qu'il y a aussi un problème avec la jeunesse, beaucoup de désarroi dans les communautés autochtones. Je voudrais centrer peut-être mes questions sur la situation familiale, la situation des femmes et, en particulier, le dossier de la violence conjugale.

En juin 1994, il y a 126 000 $ qui ont été accordés à... je crois que c'est à... je vais vérifier... donc en...

M. Chevrette: Vous avez dit juin 1994?

(14 h 40)

M. Paquin: Oui. En juin 1994, il y a eu les Femmes autochtones du Québec inc., 126 000 $. C'est le numéro de séquence 1, l'élément 3. Et puis, à d'autres moments, notamment en août 1994 aussi, l'engagement 2, des engagements pour 1994-1995: 27 500 $; 1995-1996: 55 000 $; 1996-1997: 56 000 $; et, pour l'année de 1997-1998, 28 500 $. C'est donc dire qu'il y a beaucoup de... et je pense que c'est correct. On est d'accord avec le fait d'accorder une importance à ça. Je pense que ces sommes-là reflètent aussi une problématique qu'il faut prendre en compte.

Alors, moi, j'aimerais que vous dégagiez les grandes lignes des pas qui ont été franchis dans le domaine de la condition des femmes en territoire autochtone, si vous êtes en mesure de nous donner des renseignements à ce sujet-là, et sur tout l'ensemble de la question de la violence en milieu familial.

M. Chevrette: Oui. Je serai prudent dans le dossier parce qu'il y a aussi des groupes qui craignent des représailles pour leur action. Donc, si vous trouvez que je suis réticent, là, ce n'est pas parce que... Je dois respecter un peu ce qui m'a été livré par certains groupes de femmes.

En règle générale, celles qu'on a subventionnées, c'est parce qu'elles sont structurées, elles sont organisées puis elles sont en mesure de poser une défense assez correcte. Le problème dans certaines communautés – puis je dis bien «certaines» à dessein – la crainte y est tellement forte qu'elles n'osent même pas s'afficher ou elles y vont par le biais de personnes ou d'institutions à l'extérieur des réserves, en ce qui regarde les femmes et les enfants dans certaines réserves. J'ai personnellement rencontré un chef d'une réserve pour lui demander d'organiser un genre de... pas de police au sens des ententes de police que l'on a avec les communautés autochtones, mais un genre d'agence de sécurité communautaire pour protéger, pour qu'il y ait une protection minimale dans certaines réserves. Ça devrait commencer à se faire dans une réserve où je me suis permis d'intervenir, parce que j'ai rencontré le chef, puis c'était à la demande d'un groupe de femmes qui voulaient l'anonymat, d'ailleurs, quand elles me l'ont demandé. Elles me demandaient de soutenir financièrement une cause. Et vous comprendrez que je ne peux pas, comme ministre, aller subventionner un groupe, à l'intérieur d'une réserve, qui traite du fonctionnement politique, entre guillemets, ou démocratique à l'intérieur de leur réserve.

Mais là où les groupes sont structurés – et je pense qu'il se fait un travail assez intéressant, d'ailleurs, comme vous le dites – on a subventionné pour près de 200 000 $ à date, quand vous comptez tout, là, le 27 000 $, le 126 000 $ à une place, 51 000 $ à l'autre. Mais, annuellement, on subventionne également... Au fonctionnement... C'est 81 000 $ qu'on a pour le fonctionnement, pour les femmes autochtones, et 51 000 $ pour la violence conjugale comme telle. Et on est sur le point d'aboutir, on travaille avec elles pour une campagne qui déborde les cadres du Québec, nettement, à part ça, pour l'ensemble de tout le Québec, sur une campagne avec elles contre la violence conjugale.

M. Paquin: Mais je pense que l'importance des sommes qui sont allouées, aussi la circonspection avec laquelle vous parlez du sujet pour éviter d'éventuelles représailles, et tout ça, soulignent encore davantage l'acuité de cette problématique.

Alors, ça fait maintenant depuis 1994, on est en 1996. Donc, il y a une démarche soutenue commencée en collaboration avec les gens du milieu. J'entends que vous vous êtes rendu sur place et que vous avez parlé de ces questions-là avec les intéressées, et que vous faites une approche prudente...

M. Chevrette: Mais il y a des groupes de l'extérieur... L'approche prudente, c'est qu'il y a des groupes de l'extérieur qui interviennent pour et au nom des femmes autochtones, en particulier sur la violence conjugale, et qui ont des appuis de taille dans la société québécoise puis qui voudraient qu'on soutienne soit des causes devant les tribunaux ou qu'on subventionne des actions très concrètes qui relèvent d'une décision politique de leur conseil.

Donc, c'est ça qui est... Vous savez que c'est difficile à trancher. On ne peut pas s'ingérer dans la vie démocratique...

M. Paquin: On ne doit pas.

M. Chevrette: ...de leur prise de décisions. On ne doit pas, justement. Donc, je ne l'ai pas fait, tout en étant extrêmement sympathique à certaines causes, d'autre part. Il y en a qu'il va peut-être falloir qu'on incite plus fortement qu'on ne l'a fait publiquement à date. On ne l'a pas fait avec tambour et trompette, mais on a parlé à certains chefs ou... en leur disant quel type de remarques nous avions de certaines personnes à l'intérieur qui se sentent fort insécures dans leur façon de s'exprimer. Et non seulement par rapport aux femmes, mais également aux enfants.

M. Paquin: Votre prédécesseur s'était déjà fortement intéressé à ces questions-là; vous-même, vous y accordez beaucoup d'importance. Donc, pour revenir à la question que j'allais poser tantôt, compte tenu de la situation actuelle, des sommes qui sont engagées là-dedans, de l'importance de la question et du sérieux des enjeux, comment est-ce que vous qualifieriez l'évolution sur les deux dernières années? Est-ce que c'est bien parti? C'est satisfaisant? C'est bien engagé? Comment vous qualifieriez la situation?

M. Chevrette: Bien, moi, je pense qu'on est en train de voir naître dans plusieurs communautés – pas toutes, mais dans bon nombre de communautés – une prise en main par des groupes de femmes de leur situation, puis elles veulent s'en sortir. Elles se sont structurées. C'est dans ce sens-là, par exemple, qu'on travaille sur une campagne nationale. Dans d'autres communautés, c'est plus difficile. Ça dépend toujours de l'ouverture des chefs et des conseils vis-à-vis de cela. Il ne faut pas se leurrer, il y a des communautés qui se sentent beaucoup plus «squeezées», si vous me permettez l'expression, que d'autres. Mais, dans l'ensemble, il y a un éveil. Il y a eu un colloque l'an passé, vous l'aurez remarqué, sur la violence, justement.

M. Paquin: Il reste que, pour des sociétés qui, traditionnellement, ont été, de façon séculaire, des sociétés matriarcales, je pense que les législations qui ont pris cours à la fin du siècle dernier pour contrôler les autochtones et leur attribuer des territoires et, aussi, leur imposer un mode patriarcal puis des conseils qui ne correspondaient pas à leurs politiques ont eu des influences extrêmement perverses sur le vécu de ces communautés-là qui, compte tenu de leur isolement, très souvent, et de leur positionnement géographique, des conditions difficiles dans lesquelles elles vivent et forcées, donc, à des règles qui n'étaient pas celles de leurs coutumes et celles de leurs façons d'être d'une manière séculaire, ont conduit à des situations extrêmement dommageables.


Situation des jeunes autochtones

Vous avez parlé de cette situation des femmes. J'aimerais peut-être enchaîner avec la situation des jeunes, si je peux, si j'ai toujours du temps. Ça va? Sur la situation des jeunes. On sait qu'il y a des détresses extrêmement importantes, un taux de suicide très élevé, mais aussi cette espèce de schizophrénie entre deux mondes: un monde auquel ils sentent qu'ils appartiennent puis un monde auquel ils sont conviés par la modernité de notre société en même temps, et toutes les difficultés de vivre qu'ils ont dans les communautés. Avant de parler des efforts qui sont faits et des éléments qui sont mis en place dans vos politiques, j'aimerais peut-être que vous me brossiez aussi, dans ce cas-là, un tableau de la situation des jeunes.

M. Chevrette: Oui. Moi, je dois vous dire que ça a été probablement... Le point le plus fort dans mon engagement dans ce dossier, c'est de constater que, d'abord, les populations autochtones sont formées à 50 %, 60 % de jeunes en bas de 30 ans. Et puis le taux de chômage est dramatique. Il y a de plus en plus de jeunes, en plus de ça, qui se scolarisent, qui s'instruisent, puis ils retournent chez eux sans lueur d'espoir, sans capacité de mettre à profit le fruit de leurs études. Ce n'est pas toutes les communautés qui ont réussi à se bâtir des projets économiques. Si vous regardez aux Escoumins, où ils sont propriétaires de cinq pourvoiries, qui sont entrepreneurs, qui ont des projets... Moi, c'est là que j'ai carrément dit, depuis six mois: S'il vous plaît, vous pouvez avoir des prétentions légales. On a nos prétentions légales, mais les seuls qui en bénéficient, de ces prétentions-là, c'est les hommes de droit, où on s'amuse à négocier... Quand j'ai constaté que le Conseil des Atikamekw et des Montagnais, depuis 1981, avait englouti 55 000 000 $ dans la négociation puis que je regarde la situation des jeunes dans les communautés autochtones, ma priorité est devenue tout autre: c'était celle de bâtir avec eux, dans la mesure du possible, des projets d'ordre économique pour tâcher de faire travailler ces jeunes-là.

(14 h 50)

C'est ce que j'ai essayé de faire avec les Attikameks à Obedjiwan. C'est ce que j'essaie de faire avec les Algonkins dans le bout de Lac Barrière. On a parlé d'un projet avec Rémy Kurtness, des Montagnais du bloc du centre – parce qu'ils sont divisés maintenant... du centre – on a parlé avec plusieurs communautés de projets très concrets, et c'est là-dessus que j'ai essayé de les emmener depuis le début, y compris avec M. Norton, à Kahnawake, des projets économiques légaux. C'est clair que j'ai essayé de faire ça.

À mon point de vue, on se doit d'encourager cela parce que – j'utilisais l'expression qui n'était peut-être pas bonne, mais, moi, je me disais, je disais, dans mon jargon à moi et dans mon langage que tout le monde comprend, de toute façon – on est condamnés à vivre ensemble, qu'on le veuille ou pas. On est là, on doit trouver un modus vivendi, essayer de vivre ensemble en harmonie. Puis vous avez le droit à du développement économique, comme les Blancs ont le droit à du développement économique. Arrêtons de se chicaner puis regardons ce qu'on peut faire, dans un milieu, à partir des richesses naturelles qui sont la forêt, dans un coin, ça peut être l'eau dans l'autre coin, ça peut être des projets de serres, des projets de tourisme, des projets de pourvoiries, des projets touristiques comme tels.

Avez-vous des projets? On va les regarder puis on va essayer de donner cette lueur d'espoir à nos jeunes. C'est de même que je l'ai abordé, le dossier autochtone, de façon plus concrète que de nager dans les éternels concepts dans lesquels s'amuse le fédéral comme des petits fous, pour venir ici prêcher la partition du territoire devant les communautés autochtones plutôt que de travailler sur des projets de développement économique pour le mieux-être de ces mêmes communautés là. C'est clair de même. Puis je n'ai pas honte de ce discours, je suis prêt à le crier très haut. Et je laisse aux partitionnistes le soin de s'amuser de façon imbécile là-dessus.

M. Paquin: Si je comprends bien, dans le dossier de la jeunesse, vous n'avez pas l'intention d'aller plus loin dans le peaufinement des statistiques, et tout ça. C'est une situation que vous prenez en compte. Et vous n'allez pas du côté de la justice?

M. Chevrette: Oui. C'est tellement dramatique. Oui, mais quand un père de famille, à Sept-Îles–Maliotenam, vient me dire que ses deux jumelles de 21 ans se sont suicidées, ou qu'un autre me dit: Bon, bien, mon petit-fils, il est décédé la semaine passée, il en avait plein le dos, il n'a pas eu de job, il a 19 ans, puis il s'est suicidé. Puis tu regardes le taux de suicide chez les jeunes autochtones par rapport à la communauté blanche, c'est du simple au double, quand ce n'est pas le triple dans certaines communautés.

Mais, ça, on peut s'amuser dans les grandes négociations globales, mais si on n'a pas le courage de s'attaquer à la racine du mal, qui est l'emploi, qui est la perspective de travail... Un jeune autochtone est aussi brillant qu'un jeune Blanc, puis il a le droit à une perspective d'avenir, puis, à mon point de vue... En tout cas, s'il y a certains chefs qui ne veulent pas prendre ce tournant-là, c'est leur problème, mais l'opportunité que je leur offre, en tout cas, comme ministre responsable des Affaires autochtones, c'est d'emprunter cette voie-là, parce que ça urge de faire quelque chose dans ce sens-là.

M. Paquin: Comment c'est reçu?

M. Chevrette: C'est reçu... Je vous dirai que, quand ce n'est pas des grands conseils puis qu'on rencontre chaque chef, il y a une adhésion à 100 %. Quand on est grand chef ou bien qu'on a d'autres objectifs, on s'amuse dans les négos globales et on essaie de faire miroiter qu'on ne fait rien alors qu'on offre des opportunités concrètes.

Et des projets, je pourrais vous en donner. Des projets, il y en a en masse: l'implantation d'une usine de sciage à Obedjiwan, demande de communautés de Weymontachie, pour un volume de bois de 75 000 m, qu'on est en train de travailler; chez les Cris, on a inauguré un centre de formation professionnelle, où c'est le Québec qui a payé, à Akwesasne; on travaille sur un projet d'aquaculture à Akwesasne. Et le Québec est prêt à débourser, déjà, par le ministère de l'Agriculture, un montant assez substantiel d'argent pour faire l'élevage de la perchaude à l'intérieur de la rivière Outaouais. Ensuite, il y a des projets également pour un volume de bois à Restigouche. Il y en a en masse, des projets.

M. Paquin: Il y a un élément, dont le député de Châteauguay a peut-être entendu parler aussi, dont on parle sur le terrain: à Kahnawake, il y aurait une levée de fonds, ou je ne sais pas trop, pour la jeunesse. Est-ce que c'est une initiative réelle, ça? Non, non, je ne parlais pas du casino. Je parlais d'une levée de fonds pour aider les jeunes à Kahnawake. Moi, j'en ai entendu parler sur le terrain.

M. Chevrette: C'est que le casino de Kahnawake, le casino de huit semaines – qui a trois semaines de faites, quelque chose du genre – c'était un casino, disaient-ils, en tout cas disent-ils, pour les programmes jeunesse, sports, loisirs, alors qu'ils disent que c'est parce que le fédéral les a coupés. C'est leur prétention devant les médias d'information. Ce qu'on a offert à M. Norton et à son groupe, c'est que... il y avait peut-être des argents, à l'intérieur de certains programmes fédéraux, qu'on pourrait aller chercher avec eux. Effectivement, j'avais mandaté M. Magny pour aller rencontrer son vis-à-vis d'Ottawa. La rencontre a eu lieu. Il était à la recherche. Mais tout ça était conditionnel, bien sûr, à l'arrêt d'un acte illégal. Comme ils n'ont pas arrêté, la police, nous, continue son travail. Elle a arrêté, comme vous le savez, des gens. Et la police affirme que ce sont des gens qui sont reliés au crime organisé. C'est la police qui l'a dit. Donc, j'invite M. Norton à être aussi inquiet que moi devant la situation. Moi, je ne discuterai pas, en aucun temps, avec un chef politique, si légitime soit-il, qui agit dans l'illégalité par rapport aux lois du Québec. Il ne peut pas y avoir deux codes criminels québécois. Ce n'est pas vrai.

M. Paquin: C'est ça. Et je ne voulais pas aborder l'autre volet. Je voulais savoir s'il y avait vraiment une problématique au niveau de ce dossier de la jeunesse, et on me confirme que oui.

M. Chevrette: Bien oui, il y a une problématique. Et on leur a offert, précisément, d'être leur porte-parole, avec eux, pour aller rencontrer le fédéral sur tout ce projet-là et d'envisager d'autres projets, à part ça. Pourquoi faut-il que M. Norton et son groupe se marginalisent toujours dans l'illégalité alors que d'autres communautés pensent à des projets tout à fait corrects, tout à fait concrets, tout à fait légitimes dans leur communauté? Moi, c'est clair, à deux reprises à date j'ai refusé de rencontrer M. Norton. Tant et aussi longtemps... Je l'ai rencontré une fois et je lui ai dit que je serais prêt à des discussions sérieuses, mais dans un cadre d'une légalité.

M. Paquin: Ça, c'est le 4 septembre?

M. Chevrette: Tant qu'ils vont rester dans l'illégalité, vous aurez beau me questionner si vous voulez, moi, je ne discuterai pas dans ce cadre-là.

M. Paquin: Vous faisiez allusion à la réunion du 4 septembre?

M. Chevrette: J'en ai eu une le 12 juin. M. Norton? On lui avait offert cela. Je l'ai rencontré le 4 septembre. Depuis, il m'a demandé des rencontres et je les ai refusées parce que je ne discuterai pas dans un contexte d'illégalité. Et je pense que vous feriez tous comme nous.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien. Maintenant, M. le député de Frontenac.


Casinos autochtones

M. Lefebvre: Oui, M. le Président. Dans le même ordre d'idées, M. le Président, c'est le dossier que je voulais aborder avec le ministre, les casinos autochtones. Le président de la Régie des alcools, des courses et des jeux nous disait, il y a plus ou moins trois semaines... En fait, il nous rappelait, sur des questions qu'on lui posait, que c'est la Régie qui a la responsabilité de recevoir les demandes, d'évaluer et d'accorder, s'il y a lieu, les permis de casino temporaire. Pas les casinos d'État, évidemment – on ne parlait pas des Casinos de Montréal, de Charlevoix et de Hull – les casinos forains temporaires. Je pense que le ministre va être d'accord avec moi que le président de la Régie, il avait raison. C'est non pas le pouvoir politique, mais l'organisme mandaté à cette fin par la loi qui doit évaluer les demandes. J'avais cru comprendre que le ministre, en septembre, au début de septembre, lorsque j'ai lu ses commentaires dans les journaux, était d'accord avec ce principe-là, puisqu'il disait: Québec pourrait bientôt voir apparaître des casinos autochtones légaux, a indiqué hier le ministre responsable des Affaires autochtones, M. Chevrette. Si le ministre a été mal cité, eh bien...

M. Chevrette: C'est de l'article du Soleil dont vous parlez?

M. Lefebvre: Oui.

M. Chevrette: Correct.

(15 heures)

M. Lefebvre: Et, dans le même texte, M. le ministre nous indiquait, M. le Président, qu'il n'était pas question de négocier dans l'illégalité. Quand j'ai lu ça, j'ai pris pour acquis que le ministre allait suivre cette ligne-là et j'étais content. Et je n'ai pas été surpris. Venant du ministre Chevrette, M. le Président, je dois vous avouer que je n'ai pas été surpris qu'il s'en tienne à la légalité de la démarche imposée aux autochtones. Cependant, ce que je n'ai pas compris, c'est que j'ai appris, comme plein de Québécois, que le ministre, à peu près dans cette même période, a négocié avec Joe Norton. Au moment où il négociait, le casino des Nuits de Las Vegas, pour bien le situer, M. le Président, situé à Kahnawake, opérait. Il avait déjà opéré une semaine, une fin de semaine, et on s'apprêtait, sauf erreur, peut-être même que la deuxième fin de semaine d'opération avait eu lieu, à opérer les six autres fins de semaine décidées par Joe Norton et les Mohawks. Le ministre a négocié, selon les informations qu'on a eues, il a échoué. Il a laissé entendre que les Mohawks avaient perdu une sacrée belle occasion, comme il vient de l'indiquer, M. le Président, de respecter les lois du Québec. Et le ministre a même indiqué que c'était, quant à lui, quelque chose d'assez pénible, particulièrement pour les jeunes autochtones.

Alors, je voudrais qu'il nous indique si ce qu'on nous a rapporté est exact. Si oui, M. le Président, sachant qu'on opérait dans l'illégalité, que c'était commencé, pas qu'on s'apprêtait à le faire, pourquoi le ministre est-il tombé dans le piège? Contrairement à ce qu'il nous avait indiqué, qu'il n'avait d'aucune façon l'intention de négocier dans l'illégalité. C'est ma première question, j'aurai évidemment des sous-questions après ça.

M. Chevrette: D'abord, le ministre, il n'a jamais négocié. Il est allé dire et réitérer à M. Norton quel était le cadre de discussion qu'on s'était donné le 12 septembre, le 12 juin, excusez, parce que, le 12 juin, on les avait rencontrés, avec Billy Two-Rivers puis d'autres, au ministère de l'Énergie et des Ressources, ou des Ressources naturelles.

Ce que j'ai réitéré à M. Norton ce soir-là, c'est tout simplement de dire: Notre conversation du 12 juin, elle ne vaut que dans la mesure où, si vous voulez entreprendre de véritables discussions et un véritable dialogue, il va falloir que vous soyez dans un contexte de légalité. Et je dis dans ma lettre ceci – le lendemain, je lui ai confirmé par lettre...

M. Lefebvre: Excusez, est-ce que cette lettre-là a été déposée, M. le Président?

M. Chevrette: Non, elle n'a pas été déposée, mais, s'il le faut, ce n'est pas une cachette.

«Enfin, et ceci est très important, je vous rappelle également que ce processus d'échange et de discussion entre le gouvernement du Québec et votre communauté, plus précisément en regard des points 1, 2 et 3 – et je vous les dirai tout de suite après – ne saurait s'amorcer tant que n'auront pas cessé les opérations illégales de casino en cours.»

Donc, les points 1, 2 et 3:

1° que nous poursuivions le dialogue amorcé lors de la rencontre du 12 juin, dialogue destiné à convenir des modalités entourant l'exercice de responsabilité par le Conseil des Mohawks de Kahnawake et par le gouvernement du Québec;

2° d'amorcer, à court terme, la mise au point d'un plan de travail précis afin d'identifier une liste de projets à caractère économique au bénéfice de la communauté de Kahnawake;

3° d'examiner à court terme des hypothèses d'activités de levée de fonds au bénéfice de la jeunesse de Kahnawake. Et c'est tout.

Dans cette lettre-là, vous aurez remarqué que je disais: «De la poursuite par le gouvernement du Québec de sa réflexion concernant la question des casinos autochtones». Ça veut dire quoi, ça? Ce n'est pas nécessairement pour Kahnawake, parce que, depuis six mois... Et même de vos collègues députés, M. Lefebvre, savent très bien que certaines communautés autochtones voudraient avoir des casinos avec Excelsior, des Américains, sur le modèle américain; il y en a d'autres qui veulent un casino style Ontario, où c'est une communauté mais les retombées sont sur l'ensemble des nations ou des diverses communautés autochtones. Oui, c'est vrai qu'on réfléchit à l'interne, mais on n'est pas arrivé à la fin de notre réflexion.

Ce que j'ai dit à M. Norton ce soir-là, c'est, clairement: Je ne négocierai jamais avec vous tant que vous serez dans l'illégalité, mais voici ce que je suis prêt à faire: établir le cadre de discussion, établir les listes de projets et établir des moyens d'aider votre jeunesse. Mais pas dans un contexte d'illégalité. Et, depuis lors, M. Norton a appelé à plusieurs reprises. Il y a eu une demande du casino de Kahnawake de me rencontrer. La réponse, ça a été: «No way», pas question. Il y a une association quelconque aussi qui m'a écrit, et j'ai dit non. Il y a du monde qui nous téléphone pour dire: On voudrait un casino local. Ça ne finit plus. C'est comme s'il y avait seulement les casinos comme remède à tous les maux.

M. Lefebvre: M. le Président, le ministre, tout à l'heure, a indiqué – ce qui est public d'ailleurs – que, le 14 septembre, on a procédé à l'arrestation, la Sûreté du Québec, de quatre ou cinq individus en regard de l'exploitation d'un casino illégal. Cependant, M. le Président, tout le monde sait que ça n'a absolument rien changé quant aux activités du casino. En fin de semaine dernière, le casino de Kahnawake a opéré dans l'illégalité totale. Il avait opéré la fin de semaine précédente puis il va opérer encore la fin de semaine qui vient. D'ailleurs, M. le Président, comme ça s'était produit dans le dossier des combats extrêmes, on est dans l'illégalité, tous les Québécois le savent, y compris les autochtones corrects. Je vous dis tout de suite, avant d'aller plus loin, lorsqu'on parle de l'illégalité ou de gestes illégaux en territoire autochtone, M. le Président, on parle d'individus qui s'adonnent à des activités illégales. On ne vise pas les communautés autochtones, qui sont, j'en suis convaincu, dans leur très grande majorité, aussi choquées que les Québécois en général qu'il y ait des activités illégales au vu et au su de tous les Québécois sur leur territoire.

Je veux savoir du ministre... Je comprends que ce n'est pas lui qui est ministre de la Justice et Procureur général, ce n'est pas lui qui est ministre de la Sécurité publique, mais il a son mot à dire...

M. Chevrette: Aujourd'hui, je suis ministre de la Sécurité publique.

M. Lefebvre: Oui, c'est vrai, jusqu'au 30 septembre. Je l'oubliais. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Alors, M. le Président, je dis au ministre de la Sécurité publique par intérim jusqu'au 30 septembre qu'il a le pouvoir, aujourd'hui même, de faire ce que ses prédécesseurs, le député de Laval-des-Rapides et le ministre de la Sécurité publique en poste actuellement, n'ont pas osé, n'ont pas eu le courage de faire.

À date, qu'est-ce que le ministre dit à son gouvernement? Et, demain, s'il n'était plus ministre de la Sécurité publique, quand le ministre de la Sécurité publique pour vrai va revenir de ses vacances – bien légitimes – qu'est-ce que le ministre responsable des autochtones va lui recommander, M. le Président, en regard des activités illégales? Puis, là, on parle rien que des casinos, on ne parle pas de la culture de la marijuana, on ne parle pas des bingos illégaux, on ne parle pas de la contrebande.

M. Chevrette: On a appris beaucoup de vous autres, quand vous...

Des voix: Ha, ha, ha!.

M. Lefebvre: Non, non, je n'ai pas fini. M. le Président, je n'ai pas fini...

M. Chevrette: Je vais vous expliquer ça, moi.

M. Lefebvre: Je ne veux pas qu'il me pose des questions, je veux qu'il me donne une réponse.

M. Chevrette: Je vais vous en donner une.

M. Lefebvre: Qu'est-ce que le ministre responsable des affaires autochtones a l'intention de faire en regard du casino illégal de Kahnawake?

M. Chevrette: Actuellement, la police joue son rôle très correctement en périphérie...

M. Lefebvre: La Sûreté du Québec.

M. Chevrette: ... – Oui, monsieur – et a posé des gestes très concrets. Et je «peux-tu» vous dire que, si vous regardez les effets sur le casino, vous allez vous en rendre compte vous autres mêmes. Je pense bien que... surtout un bon libéral doit comprendre que, quand tu es en perte, après trois semaines, de 50 000 $ pour un casino, c'est parce qu'il ne marche pas trop.

Il y a des façons de faire, effectivement. On a jugé, puis c'est mon prédécesseur... pas mon prédécesseur mais l'actuel ministre de la Sécurité publique qui a laissé libre cours à la Sûreté du Québec de poser ces gestes pour faire appliquer la loi...

M. Lefebvre: Mais vous?

M. Chevrette: ...et, à date, il y a six ou sept arrestations en tout. Je ne sais pas le nombre précis...

M. Lefebvre: Quatre.

M. Chevrette: Je sais qu'il y en a eu quatre, mais un cinquième aussi qui a été arrêté parce qu'il avait... je crois qu'il est le fournisseur d'équipement ou quelque chose du genre. Mais, peu importe, mettons cinq. J'ignore le chiffre précis. Et la Sûreté du Québec continue d'accumuler de la preuve pour agir en conséquence.

M. Lefebvre: Mais, M. le Président, sur ce volet-là, ma dernière question. Est-ce que le ministre est en train de me dire que le casino illégal de Kahnawake va opérer toutes les fins de semaine jusqu'à ce que Joe Norton ait décidé de le faire, c'est-à-dire encore quatre ou cinq fins de semaine? Est-ce que c'est ça qu'il faut que je comprenne de la réponse du ministre?

M. Chevrette: Non, écoutez, comme ministre de la Sécurité publique – puis vous avez été proche de ça – je ne vous dévoilerai pas ici les plans stratégiques qu'a la Sûreté pour accumuler sa preuve ou sa façon d'agir. Non, monsieur. Je pense que, s'il y en a un qui doit comprendre ce que je veux dire, c'est vous.

M. Lefebvre: Alors, ce que, vous, vous me dites, et ce que je dois comprendre de la réponse du ministre, M. le Président, c'est que lui ne sait pas ce que son gouvernement va décider.

(15 h 10)

M. Chevrette: Non, ce n'est pas le gouvernement. Dans le cadre de l'application d'une loi... Vous avez été ministre de la Justice, vous savez très, très bien qu'il y a un corps policier qui est mandaté pour faire respecter les lois. C'est ce que la Sûreté a fait en périphérie de façon correcte, et elle a d'autres moyens de cumuler de la preuve que je ne divulguerai sûrement pas. Mais les rapports que j'ai, personnellement, comme ministre par intérim de la Sécurité publique, c'est que la Sûreté du Québec sait où elle va, elle a des effectifs qui travaillent, des effectifs qui accumulent des preuves, des effectifs qui vont en temps et lieu déposer des plaintes devant le procureur de la couronne. Moi, je dois vous dire que... Puis si on regarde les résultats nets, je pense que je dois féliciter, à ce moment-là, par exemple, savez-vous qui? Les clients. La population en général qui ne s'est pas présentée puis qui respecte la légalité de cela. Et c'est à leur avantage aussi parce qu'il était passible, effectivement, de poursuites, même le client.

Vous savez, il y en a, dans certains cas, il s'agit de dire que c'est illégal pour que...

M. Lefebvre: M. le Président...

M. Chevrette: ...ça soit bon. Je dois féliciter la population en général.

M. Lefebvre: Oui, oui. M. le Président, j'espère que le ministre n'en est pas rendu à féliciter les Québécois parce qu'ils respectent la loi. Respecter la loi, ça ne mérite pas d'être félicités, lorsqu'on respecte la loi.

M. Chevrette: Oh non! Mais je «peux-tu» vous dire que mon discours passe aussi bien que le vôtre.

M. Lefebvre: Ah! Non, non! Non, non, non!

M. Chevrette: Il y a des Québécois qui aiment ça se faire dire de temps en temps qu'ils font bien les choses. Vous auriez été mieux de leur dire plus souvent, vous auriez peut-être été plus longtemps au pouvoir.

M. Lefebvre: Non, non, mais, M. le Président, moi, je... Non, non! Ça, on peut jouer à ça jusqu'à 17 heures, mais on ne sera pas plus avancés. Respecter la loi, M. le Président, c'est une règle, ça. Je pense qu'on doit s'entendre là-dessus. Respecter la loi, là... Ce n'est pas surtout des joueurs qu'il faut s'occuper, c'est des tenanciers. Ceux qui, au vu et au su de tout le monde... Puis ils le disent, M. le Président, c'est ça qui est malheureux, M. le Président. Joe Norton ne se gêne pas pour le dire, puis le ministre, tout à l'heure, y a fait référence: Personne ne va m'arrêter, je suis dans l'illégalité, ça ne me dérange pas, j'opère.

M. le Président, dernière question sur ce volet du questionnement au ministre, questionnement général: Est-ce que le ministre sait où en sont les demandes? Je devrais, dans un premier temps, lui demander: Est-ce que, à sa connaissance, il y a eu des demandes déposées à la Régie en regard des casinos autochtones, à la Régie des alcools, des courses et des jeux?

M. Chevrette: Temporaires ou bien permanents?

M. Lefebvre: Les casinos dont on parle, les casinos des bandes autochtones, des Abénakis d'Odanak, les Micmacs, les Algonquins – temporaires, M. le Président, temporaires – Mohawks de Kahnawake, Akwesasne et Kanesatake. Est-ce que le ministre peut me dire si, à sa connaissance, il y a eu des demandes de déposées?

M. Chevrette: Non. À ma connaissance, il n'y a pas eu de demandes. Il y a eu des échanges avec nous, effectivement, mais, à ma connaissance, il n'y en a pas de déposées.

M. Lefebvre: Pas de demandes formelles?

M. Chevrette: Il y a eu beaucoup de discussions, par exemple. Même un de vos collègues a accompagné un groupe pour une demande de casino permanent dans le cadre d'échanges. Mais, à ce que je sache, il n'y a pas eu de demandes, du moins ils ne nous ont pas...

M. Lefebvre: On parle des temporaires, M. le Président.

M. Chevrette: Non, non, mais, même les temporaires. J'en ai eu, des discussions...

M. Lefebvre: Non, non, ça, ça va.

M. Chevrette: ...mais je n'ai pas eu de demandes de dire, là: Est-ce qu'ils sont allés déposer cette demande devant la Régie? Je ne crois pas. J'ai eu hier des téléphones en disant: Si on présentait une demande... Bien, il faut qu'ils la présentent. Tu sais, il y a des gens qui disent: Oui, mais, nous autres, on voudrait, dans un cadre de légalité, déposer une demande. On leur dit comment procéder, à ce moment-là: Allez devant la Régie, effectivement.

Mais ça fait partie de la réflexion – entre vous et moi, par exemple – globale là-dessus. La réflexion qu'on fait, nous, à l'interne, sur les casinos, va probablement nous amener à revoir l'octroi de permis, même des casinos...

M. Lefebvre: Casinos forains. Y compris les casinos forains.

M. Chevrette: ...temporaires. Bien oui. Parce qu'il pourrait y avoir de nobles objectifs derrière la tenue de casinos forains, effectivement. Je ne nie pas ça, là. Sauf qu'on ne peut pas avoir deux traitements. Il va falloir qu'on... Ou bien on suit tous la même méthode, comme vous le disiez tantôt, pour l'obtention des permis, ou bien on fait fi de ça puis on nage dans l'illégalité. Moi, je pense qu'il ne peut pas y avoir, vous le savez très bien, deux codes criminels sur un même territoire. C'est impossible, à moins qu'il y ait une négociation puis qu'elle l'octroie.

Moi, ce que je suis à regarder comme ministre responsable des Affaires autochtones, c'est les expériences américaines, les expériences de certaines provinces canadiennes. On a toutes les données présentement, on regarde ce qu'on peut faire avec cela. Et quel sera l'aboutissement de notre réflexion? Bien, le Conseil des ministres en sera saisi à un moment précis. Mais, pour l'instant, on est encore à analyser tout cela. Parce que tu ne peux pas placer non plus des casinos en concurrence à côté d'un autre. Je veux dire, c'est une question de gros jugement et de gros bon sens. S'il y a eu une répartition sur le territoire, c'est en fonction des potentiels de développement, vous le savez très, très bien. Je ne suis pas sûr que ça a toujours été aux meilleurs endroits. Ce n'est même pas de ça dont je veux discuter. Il y en a eu un à Hull, un à Montréal puis il y en a un dans Charlevoix. Les gens de Québec m'ont dit: Ça aurait été mieux si ça avait été à Québec, puis, etc.; les gens de Charlevoix ont dit: Bravo, c'est chez nous. Vous savez comment ça marche.

Mais, ceci dit, il y en a trois d'octroyés, et ça, ça fait vraiment l'objet d'une décision politique, l'octroi d'un quatrième. Et selon quelle philosophie? Parce qu'il y a des demandes. Savez-vous combien il y a de réserves autochtones qui m'en demandent, des casinos permanents? Je crois que c'est cinq: j'ai Kahnawake, j'ai Akwesasne, j'ai Kanesatake, j'ai Odanak, dans le bout de Trois-Rivières, puis j'ai les Micmacs de Restigouche.

Une voix: Puis il y a aussi Kitigan Zibi, là, Algonquins.

M. Chevrette: Bon, bien, c'est rendu à six. Les Algonquins m'en ont demandé.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): On a 18 minutes de faites, là. Alors, on va poursuivre les échanges. Je vous reviendrai par la suite. M. le député de Saint-Jean.

Une voix: Sur le même sujet?

M. Paquin: Bien, moi, j'avais une question pointue sur le même sujet, mais je pense qu'il s'est trouvé à y répondre sur la question... Parce que je pense que, en réponse à la question du député de Frontenac, vous avez mentionné que vous n'aviez pas eu de demande formelle ou qu'il n'y avait pas eu de demande formelle de déposée.

M. Chevrette: Pas à ma connaissance.

M. Paquin: Oui, c'est ça. Ma question portait sur les Micmacs, justement, s'il y avait une demande formelle.

M. Chevrette: Adressée à la Régie, là, je ne crois pas.

M. Paquin: O.K. Alors, ma question pointue sur le même sujet, c'était celle-là.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): O.K.

M. Sirros: ...de questions, je pense, qu'il nous reste, sur le volet Kahnawake...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Sur le même sujet.

M. Sirros: ...si on pouvait peut-être terminer ça. Moi, c'est quelque chose que le ministre a dit qui m'a... Le ministre a dit: Moi, je ne négocierai pas avec un chef autochtone qui endosse l'illégalité. Bon, là, on a un chef autochtone qui endosse ouvertement l'illégalité. Non seulement il l'endosse, mais il continue d'opérer ouvertement un casino illégal. Le ministre parle d'un même code criminel mais, en tout cas, fait le genre de distinction qui a déjà été faite et qu'il a déjà dénoncée vigoureusement. Dans le temps qu'il était critique de l'opposition, il dénonçait ce genre de situation en blâmant le ministre Ryan, le ministre Sirros, le gouvernement, en tout cas...

M. Chevrette: Ce dernier-là, je ne le connais pas.

M. Sirros: ...toutes sortes de choses. Je suis très heureux de voir qu'il a appris depuis ce temps-là. L'erreur... «the error of his ways», comme on dit, dans le temps, et qu'il est plus sage aujourd'hui.

Par contre, il dit qu'il ne négociera pas avec les autochtones tant et aussi longtemps qu'ils endossent l'illégalité. Les casinos vont terminer, une fois leur cours terminés, les quelques semaines, ça aurait été endossé, ça n'aurait jamais été renié. Est-ce que ça veut dire que le ministre ne pourra plus jamais négocier avec les autochtones parce qu'il s'est mis dans une situation où il dit: Moi, je n'accepterai pas de négocier avec quelqu'un qui ne renonce pas à l'illégalité, ou est-ce que c'est juste pour consommation politique, cette déclaration-là? Parce que le fait qu'il n'y ait pas de casino illégal une fois les six prévus terminés ne veut pas dire que les gestes illégaux ont été renoncés par les autochtones, donc par les Mohawks, dans ce cas-ci, par Joe Norton en particulier. Alors, comment est-ce qu'il va négocier par la suite et qu'est-ce qu'il va négocier? Est-ce qu'il devra normalement, logiquement au moins, attendre qu'il y ait des condamnations ou, en tout cas, que le geste soit expié d'une façon ou d'une autre?

M. Chevrette: D'abord, la police fait son travail présentement, la Sûreté cumule des preuves et accumule des preuves, il y aura des actions de posées. De quelle nature? Vous savez comme moi... Je ne connais pas la nature de la preuve au moment où on se parle. Je sais qu'il y a un détachement à la Sûreté du Québec qui surveille de très près ce qui se passe, qui a utilisé des stratégies, qui a d'autres stratégies. Mais...

M. Sirros: Non, mais ma question, ce n'est pas celle-là, si vous me permettez.

M. Chevrette: ...je ne dévoilerai en rien les stratégies de la Sûreté.

M. Sirros: Non, ma question est très simple, c'est: Comment est-ce que le ministre va négocier avec un chef autochtone qui continuera d'appuyer la tenue de gestes illégaux dans l'avenir, comme il l'a prouvé dans le passé?

(15 h 20)

M. Chevrette: Ça, vous posez la question, effectivement, puis elle est en débat précisément à l'interne; elle est en débat à l'interne au gouvernement, cette question-là.

Il est évident que, par exemple, moi, si je sais que je peux rendre service à la réserve de Kahnawake dans un contexte tout à fait légal, où les lois sont respectées, ils se sont rangés et puis ils veulent négocier un projet d'ordre économique autre que le bingo et le casino – je vous dirais que c'est devenu l'apanage, le règlement de tous les maux, ça, le bingo et le casino – je ne refuserai pas, dans un contexte où il n'y a plus d'illégalité sur la réserve, de discuter avec quelque chef que ce soit.

Quant à la partie... Parce que la question est posée de la façon suivante: Qu'est-ce que vous allez faire, parce qu'ils ont été dans l'illégalité? D'abord, il y a un report de toute discussion, au moment où on se parle, un report, donc, de plusieurs projets qui pourraient être en marche.

M. Sirros: En attendant que les gestes illégaux se terminent.

M. Chevrette: Je vous ai dit que c'est en discussion, M. le député...

M. Sirros: En tout cas. Je n'ai plus de question.

M. Chevrette: ...puis il y a une surveillance policière qui se fait. Vous serez peut-être surpris de ce qui va ressortir des discussions à l'interne. Il y en a qui ont des orientations claires. Mais c'est un Conseil des ministres qui discute, qui prend la décision ultime, ce n'est pas moi tout seul.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Châteauguay.

M. Chevrette: Je vous rappellerai, M. le Président, que tous les... M. le député doit connaître ça, ce dossier-là, autant que moi, il a été deux ans, je pense, à la tête des autochtones?

M. Sirros: Quatre.

M. Chevrette: Quand le Parti libéral était au pouvoir et qu'il a négocié l'entente de la police, toute la police amérindienne qui existait avant, c'était illégal. Ça ne vous a pas empêché de négocier une entente de la police pour les placer dans la légalité, qu'on a complétée.

M. Sirros: Aïe, aïe, aïe!

M. Chevrette: Ah oui! Bien sûr! Bien sûr!

M. Sirros: Aïe! Il ne faut pas charrier. Il y a une différence...

M. Chevrette: C'est loin d'être charrié.

M. Sirros: ...fondamentale entre des actions sous le Code criminel, qui est le cas actuel, et la constitution d'un corps de police autochtone qui n'était pas... en tout cas. Il ne faut pas retrouver vos anciennes habitudes du temps de l'opposition, vous charriez pas mal.

M. Chevrette: Je n'ai encore rien signé.

M. Sirros: Vous êtes bien parti, là.

M. Chevrette: Je n'ai rien signé avec un Mohawk masqué, moi, encore. Je n'en suis pas rendu là. On discute visière levée. J'ai donné mes couleurs par rapport au présent dossier.

M. Lefebvre: On n'a jamais détenu de preuve, en tout cas.

M. Chevrette: Et ça, c'est clair que la police continue à accumuler des preuves.

M. Sirros: Moi, j'ai fait ma question. Je pense que le député de Châteauguay a des questions très pertinentes.

M. Fournier: M. le Président, je vais, d'entrée de jeu, relever une remarque. Le ministre disait qu'il avait appris en regardant le précédent gouvernement.

M. Chevrette: À ne pas faire des choses.

M. Fournier: Je lui dirais que, nous, de notre côté, nous n'avons pas suivi les mauvais exemples qu'il nous avait enseignés alors qu'il était dans l'opposition. Et c'est la seule façon dont on peut sauver la paix sociale. Je le dis, je viens du comté de Châteauguay, M. le ministre, et je peux vous dire que, à chaque fois où il y a du radicalisme qui s'exprime, ce n'est pas très sain pour la paix sociale. Je suis très content que, de notre côté, nous n'ayons pas suivi le chemin que vous nous aviez tracé pour partir tous azimuts, comme vous l'avez encore commencé tout à l'heure, à essayer de lancer des polémiques. Ce qu'il est important de faire, dans le cas des autochtones, puisque vous en êtes responsable, c'est de faire en sorte que nous réussissions à cohabiter ensemble. Et ça ne se fait pas en se lançant des polémiques. À l'occasion, ça peut être agréable en politique, et je sais que vous en êtes maître, mais ce n'est pas dans ce dossier-là qu'on peut vraiment le faire.

Ceci étant, j'ai une seule question. Je ne veux pas relever le fait que vous dites que la police accumule des preuves présentement. J'aviserais le ministre, M. le Président, que, lorsque nous avons entendu la Sécurité publique et le directeur de la SQ, ils ont accumulé les preuves longtemps sur le bingo de Kahnawake, à tel point que le directeur de la police nous a dit que la preuve était maintenant complète. Ce n'est pas parce qu'ils ont accumulé des preuves que le bingo de Kahnawake a cessé ses opérations. Je parle du bingo ici, pas du casino. Je passe devant le bingo et le casino assez régulièrement puisque c'est le chemin qu'on prend pour traverser le pont Mercier, je sais de quoi je parle lorsque je dis que les actes illégaux se poursuivent.

M. Chevrette: Le bingo, vous l'avez arrêté comment?

M. Fournier: J'insère... Pardon?

M. Chevrette: Le bingo, vous l'avez arrêté en périphérie en bloquant les autobus.

M. Fournier: Mais le bingo continue, M. le ministre. Effectivement, nous l'avions arrêté, mais, depuis que le gouvernement dont vous êtes membre est là, le bingo continue avec ses illégalités, avec des prix qui sont au-delà des règles, sans aucun permis. Le directeur de la SQ, M. le Président, est venu ici dernièrement – c'était, je pense, en janvier dernier – nous dire que la preuve était complétée et qu'on attend toujours. Alors, simplement pour dire qu'on a beau accumuler des preuves, encore faut-il les utiliser.


Accès au pont Mercier par voie réservée

Le point que je veux faire concerne quelque chose de beaucoup plus positif. Je pense que c'est important d'arriver dans le côté positif. Le ministre fait état de discussions qu'il a eues et qu'il aura peut-être un peu plus tard avec M. Norton, avec le conseil de bande de Kahnawake en tant que responsable des Affaires autochtones. Nous savons tous que le ministre de la Sécurité publique a eu, doit avoir encore et aura sans doute encore des discussions concernant les Peacekeepers. Je tiens à dire au ministre que la communauté environnant Kahnawake – qui n'est pas seulement dans le comté de Châteauguay, il y en a une dans le comté de La Prairie aussi – a aussi des problématiques concernant le territoire de Kahnawake et qui concernent le ministère des Transports et le ministère de la Métropole.

On est donc rendu à quatre ministres dans un dossier bien particulier, celui de l'accès à Montréal, celui du pont Mercier, celui d'une voie préférentielle pour autobus, qui date depuis très longtemps et qui implique, pour ce qui est de la communauté environnante et du comté de Châteauguay, directement le ministre des Transports et le ministère de la Métropole.

Sauf que le problème qu'on a, c'est que, comme le gouvernement ne coordonne pas vraiment ses activités, on ne réussit pas à avoir une véritable négociation multisectorielle qui ferait en sorte que, si il y a une problématique mohawk qui est mise sur la table du ministre des Affaires autochtones et que le ministre de la Sécurité publique, lui, il amène une problématique d'ordre et, bon, de gardiens de la paix, il y a aussi la problématique des gens qui sont dans l'environnement de Kahnawake et qui ont besoin du gouvernement, du travail coordonné du gouvernement.

Alors, ma question est la suivante: Au ministre qui se fait fort d'être le porte-parole de la communauté mohawk à Ottawa pour aller chercher des fonds, peut-il accepter de participer à une table multisectorielle avec la Sécurité publique, avec les Transports, avec le ministère de la Métropole, de manière à ce que non seulement on s'intéresse aux problématiques de Kahnawake – qu'on s'y intéresse, oui, tout à fait, 100 % – mais qu'on s'intéresse aussi à la problématique de la communauté environnante, notamment celle de Mercier, du comté de Châteauguay, qui a besoin de l'apport gouvernemental pour faire débloquer une simple voie préférentielle pour autobus et débloquer un point d'accès qui est le pont Mercier? Est-ce que le ministre est consentant à participer à une telle table?

M. Chevrette: Non seulement consentant, ça travaille présentement sur le dossier. Même qu'il y a eu une rencontre entre M. Norton puis M. Ménard. Cette rencontre-là touchait le fait que la réserve de Kahnawake était dans le territoire de la région métropolitaine de recensement. Ça, c'était un problème.

Au niveau des transports, la discussion... Il m'apparaissait que, si ce n'était pas réglé, il y avait une entente au niveau...

M. Fournier: Non, non, juste pour mettre un contexte...

M. Chevrette: Oui.

M. Fournier: ...je ne veux pas faire un débat ici...

M. Chevrette: Non.

M. Fournier: ...juste faire un point. Parce que c'est important, j'ai la chance – c'est à ça que ça sert, des commissions – d'avoir le ministre responsable devant moi, alors je vais passer mon message.

Lorsque le conseil de bande de Kahnawake rencontre le ministre de la Métropole, ça ne concerne pas du tout l'accès au pont Mercier. Au contraire, c'est justement pour éviter que Québec ait rien à voir dans le territoire de Kahnawake, notamment en termes aussi de transport. C'est pour éviter ça.

Lorsqu'il y a eu d'autres discussions avec la Sécurité publique, il n'était pas question de voie préférentielle. Ici, il était question de ceci au ministère des Transports, avant qu'on invente la Métropole. Maintenant, je sais que c'est mélangé entre les deux. Peu importe, on a besoin des deux ministères, là. Tout est prêt pour un prolongement de la voie préférentielle, et on en a besoin parce que la file s'étire à tel point que, en ce moment, ça crée une problématique pour les gens de Kahnawake eux-mêmes, qui demandent que la route 207 soit libérée pour eux, les gens de Kahnawake, parce que, là, il y a des gens d'ailleurs qui viennent. Mais, si la voie préférentielle était continuée, il y aurait moins de monde qui attendrait en ligne vers le pont Mercier.

Ce que je dis, c'est ceci: Pendant que vous négociez d'une main des choses concernant Kahnawake comme ministre des Affaires autochtones, la Sécurité publique règle d'autres choses de son côté avec les Peacekeepers. Pendant ce temps-là, nous qui avons besoin de passer sur la réserve... Le chemin existe déjà, il s'agit de l'utiliser comme voie préférentielle, de le paver. Est-ce que le gouvernement peut accepter d'avoir une relation multisectorielle avec le conseil de bande de Kahnawake pour que celui-ci comprenne qu'il y a des usagers qui ont besoin de cette voie-là et qu'il faut aussi les écouter? C'est ce que j'essaie...

M. Chevrette: Est-ce que c'est la voie qui passe sur la réserve, ça?

M. Fournier: La voie qui passe sur la réserve. Pour les gens de Châteauguay, il faut passer sur la réserve pour aller sur le pont Mercier, c'est un chemin incontournable.

Alors, en ce moment, il y a une voie préférentielle – il y a un projet qui est adopté, accepté par tout le monde – qui doit être prolongée. Parce que, qu'est-ce que vous voulez, vous êtes dans un autobus. Vous incitez le monde à prendre l'autobus, il attend en ligne. Les voies préférentielles, c'est pour que ça aille plus vite, ça les incite. C'est bon pour tout le monde, même pour les gens de Kahnawake. Sauf que, à Québec, il n'y a personne qui prend le dossier, qui concerne d'autre monde aussi, les gens qui environnent la situation de Kahnawake.

Alors, c'est pour ça que je pense que un des moyens de faire avancer les dossiers de tout le monde, c'est de dire: Il y a aussi des dossiers des gens...

M. Chevrette: Mais, je pensais que c'était réglé au niveau des transports.

(15 h 30)

M. Fournier: Pas du tout réglé, et ça ne le sera jamais tant que Québec n'acceptera pas de mettre sur la table la problématique des gens qui environnent Kahnawake.

Moi, je suis pour qu'on règle le dossier. Vous avez parlé du dossier économique de Kahnawake, qu'il faut les inciter à faire des activités légales. J'en suis à 100 %, que ce soient des projets communs avec les gens qui environnent Kahnawake pour que les gens se connaissent. Parfait.

M. Chevrette: Combien ça fait de temps que ça traîne dans le décor, ça?

M. Fournier: Les voies préférentielles, j'ai su des fonctionnaires du Transport que j'ai rencontrés il y a presque 10 mois maintenant que le conseil de bande voulait rencontrer le ministre. Je ne veux pas embarquer là-dedans, là, mais ça fait certainement un an que le dossier est prêt du côté du Transport, du côté du CITSO, qui est l'organisme de transport de la Rive-Sud, tout ce qui me manque, c'est que, à Kahnawake, on dise: Oui, ça ferait aussi notre affaire d'avoir une voie préférentielle parce qu'on va dégorger 207 et peut-être parce que Québec va nous aider dans nos projets de développement économique. Là-dedans, il ne faut pas viser à ce qu'il y en ait juste un qui gagne, il faut que les deux gagnent. Moi, je pense qu'on a raison d'aider le développement économique licite de Kahnawake, mais, si on veut que la paix sociale revienne, il faut aussi que les gens qui environnent Kahnawake y trouvent leur compte. En ce moment, on est bloqué totalement et Québec ne semble pas être disposé à prendre les moyens pour débloquer tous les côtés.

C'était le sens de ma question. Je ne vais pas faire un grand exposé, mais on a besoin d'une action conjointe des ministres responsables qui touchent au dossier de Kahnawake. Je demande au ministre s'il accepte de partager cette approche.

M. Chevrette: Oui, je vais regarder avec les Transports immédiatement, parce que je pense que c'est plutôt les Transports, effectivement.

M. Fournier: C'est les Transports, c'est Montréal, mais vous parlez d'autre chose...

M. Chevrette: Mais, Montréal, c'est à son avantage qu'il y ait un décongestionnement.

M. Fournier: C'est parce que je veux juste expliquer au ministre. C'est évident que les Transports savent de quoi il en retourne, et Métropole aussi. Ce que je dis, c'est que, pour gagner le point avec le conseil de bande, on a besoin, parce que vous négociez d'autres problématiques avec eux autres, que la Sécurité publique en négocie aussi. Est-ce que, lorsque vous en négociez, vous pouvez vous souvenir des besoins des transports et que ce soit un des éléments pour que tout le monde y trouve son compte? C'est simplement ça. Le développement économique de Kahnawake va bien se faire aussi lorsque les gens d'ailleurs et des alentours vont sentir qu'il y a échange là-dedans, qu'il y a une réciprocité. Voilà un des éléments qui vont nous rapprocher, faire en sorte qu'il y ait un déblocage.

M. Chevrette: C'est beau. J'ai pris note.

M. Fournier: Je comprends du ministre qu'il accepte cette approche et je l'en remercie.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Saint-Jean.


Subvention de fonctionnement au Conseil mohawk d'Akwesasne

M. Paquin: Pour rester avec la même nation, j'ai remarqué, en tout cas, sauf erreur, qu'un des plus importants engagements du gouvernement a été justement à l'égard du Conseil mohawk, mais celui d'Akwesasne, c'était en mars de cette année et il s'agissait d'une somme de 751 179 $ de subvention de fonctionnement au Conseil mohawk d'Akwesasne. Alors, de quoi s'agit-il?

M. Chevrette: Je cherche le...

M. Paquin: C'est dans mars 1996, c'est derrière la feuille frontispice qui indique avril.

M. Chevrette: Oui, oui, elle donnait le détail.

M. Paquin: Et c'est la seule subvention de cette page.

M. Chevrette: C'est 1996 qu'il a dit?

M. Paquin: Oui. C'est avril 1996, numéro de référence, numéro de décret, etc., c'est 188552.

M. Chevrette: C'est le centre de formation d'Akwesasne.

Une voix: Oui, c'est le centre de formation.

M. Chevrette: C'est le centre de formation d'Akwesasne. C'est qu'il y a eu une entente sur neuf projets entre le Canada, l'Ontario, le Québec et le Conseil d'Akwesasne. Nous, un des projets qu'on avait pilotés de façon plus autonome, presque seul d'ailleurs, c'est la construction d'un centre de formation professionnelle pour adultes et jeunes qui va nous coûter, en tout, 2 101 000 $. C'est un des chèques, une des tranches, une des trois tranches. J'ai apporté avec moi le dernier chèque, la semaine passée, qui concluait le dossier du centre de formation. Il y a eu une inauguration la semaine dernière.

Au total, sur 25 000 000 $, cette entente sur neuf projets coûtera au Québec 6 600 000 $, à l'Ontario, 5 400 000 $, et le Canada mettait 13 000 000 $. Et là c'est fini. Notre part, le Québec, est payée. Je pourrais vous dire partout où on a payé. On a payé au centre récréatif de Saint-Régis, 650 000 $, au centre récréatif Chenail, 650 000 $, au foyer pour personnes âgées, 924 926 $; on a payé un centre de soins de longue durée, pour 1 800 000 $, et le centre de formation, 2 101 179 $, pour 6 126 105 $.

M. Paquin: Alors, merci, là-dessus. J'aimerais aborder, à moins que vous ayez d'autres questions sur le même sujet...


Enquêtes sur la culture de cannabis à Akwesasne et à Kanesatake

M. Sirros: Oui. Est-ce que le centre de formation n'a pas été autorisé à donner des cours de récolte agroalimentaire à Akwesasne?

M. Chevrette: Non, non, j'ai compris la «joke».

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sirros: La «joke» étant comprise, c'est quand même embêtant, dans le sens qu'il y a là une situation un peu différente de celle de Kanesatake, où le pot qui poussait à Kanesatake poussait sur des terrains non occupés. Ici, il s'agit de réserve proprement dite.

M. Chevrette: Non, non.

M. Sirros: Oui. Akwesasne, oui.

Une voix: Akwesasne, oui.

M. Sirros: Akwesasne, c'est une réserve proprement dite. Ce que je trouve embêtant dans ce dossier-là, c'est que là nous avons une situation où il y a une preuve hors de tout doute, même reconnue par les Peacekeepers, mais, dans d'autres endroits de la réserve, que des terrains de la réserve sont utilisés pour la culture du cannabis, de la marijuana. Il y a dans la réserve, sur la réserve, une autorité dûment constituée, le conseil de bande, qui a la responsabilité légale pour le territoire de la réserve. Je fais cette distinction parce que, dans le cas de Kanesatake, le ministre de la Sécurité publique nous disait que le cannabis se cultivait sur des terrains non occupés. Kanesatake n'est pas une réserve constituée, donc on pourrait prétendre qu'il n'y avait pas d'autorité responsable sur ces terrains-là. Ici, on ne peut pas faire ça.

Je veux savoir du ministre, qui a souvent, d'ailleurs, répété tout à l'heure qu'il y a une loi pour tout le monde, etc., à la lumière des informations dans le journal qu'il n'y aura pas d'accusation portée contre personne, ce qu'il entend faire. Il y a une ferme qu'on voit qui est occupée, il y a une autorité dûment constituée sur la réserve qui a la responsabilité du territoire et il y a de la marijuana qui pousse sur le territoire québécois de la réserve. Est-ce que le ministre peut commenter, s'il vous plaît?

M. Chevrette: Bien, moi, ce que j'en sais, c'est qu'il y a trois corps policiers d'impliqués dedans qui poursuivent même une enquête. Mais, vous savez, tout ce qu'on a su, c'est que la GRC était là-dedans, les Peacekeepers étaient là-dedans et la Sûreté du Québec était avisée également et doit être là-dedans. Ça, c'est de un.

De deux, chaque fois qu'il se produit quelque chose en territoire autochtone, c'est monté en épingle. Vous savez que, présentement au Québec, la Sûreté en découvre partout à la grandeur du Québec, des gens qui font pousser du cannabis. Vous savez ça? Puis, comme par hasard, c'est toujours quand c'est en territoire autochtone que ça perce. Que ce soit dans le milieu d'un champ de blé d'inde ou que ce soit dans le milieu d'un champ de tabac ordinaire, je ne nierai pas ça, il y en a partout, puis la police fait des razzias souvent, mais c'est moins monté en épingle, effectivement, c'est moins croustillant, sans doute, que quand c'est en territoire autochtone. Je ne sais pas pourquoi, mais on en fait une montagne à chaque fois.

Moi, je ne peux pas vous dire quels seront les résultats des enquêtes des trois corps policiers dans cela. Je souhaite que la lumière soit faite. Vous avez raison de dire qu'il y a des autorités constituées, même si ce n'est pas... parce que, à ce moment-là, ça appartient à la communauté, effectivement. Mais, quand il y a des policiers qui sont sous enquête, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise, je ne suis pas pour condamner le conseil de bande, il ne le savait peut-être pas. C'est grand, ce territoire.

M. Sirros: Mais là ils le savent. Moi, ce que je veux savoir, c'est s'il y a effectivement des enquêtes en cours, si le ministre de la Sécurité publique, qui a une entente policière avec les Peacekeepers qui sont reconnus par le Québec, a l'intention de s'assurer que cette affaire continue son chemin, que des accusations soient portées, en tout cas que tout soit fait pour que des accusations soient portées contre les responsables et qu'on puisse faire ça en collaboration avec le conseil de bande, normalement.

M. Chevrette: Mais on me dit même qu'il y a des échanges entre les corps policiers.

M. Sirros: Pardon?

(15 h 40)

M. Chevrette: On me dit même qu'il y a des échanges entre les corps policiers présentement. Est-ce qu'on doit conclure, à ce stade-ci, qu'on devrait condamner le conseil de bande? Quand il y a un champ de pot dans une municipalité, est-ce qu'on condamne le maire? Est-ce qu'on se rabat sur le maire de la municipalité ou s'il n'y a pas des gens qui, à l'intérieur d'une communauté, peuvent se marginaliser de par eux-mêmes puis qui posent des gestes illégaux? Il y a des enquêtes, on verra qui est responsable de quoi.

M. Sirros: On veut juste avoir l'assurance que l'enquête va continuer. Juste un aparté. La comparaison avec une municipalité n'est pas tout à fait exacte, parce que la municipalité, il peut y avoir de la propriété privée, et c'est le propriétaire privé qui est responsable. Dans ce cas-ci, il ne s'agit pas de propriété privée. Une réserve peut octroyer, pour l'utilisation de quelconque... une propriété, mais ce n'est pas la propriété de la personne.

M. Chevrette: Comme quelqu'un peut usurper son droit d'utiliser un terrain.

M. Sirros: Tout à fait, mais, à ce moment-là, le conseil conserve le pouvoir de réviser...

M. Chevrette: Exact.

M. Sirros: ...l'utilisation qui est faite, pouvoir que le maire n'a pas.

M. Chevrette: Parce que je dois vous dire qu'il y a des gens qui sont installés sur les terres publiques tout à fait illégalement...

M. Sirros: Oui, tout à fait.

M. Chevrette: ...vous le savez, donc il faut... Mais je comprends l'esprit que vous y mettez. C'est que, s'il y a une responsabilité... Si ça a été l'octroi à partir de bonne foi pour un type de culture, par exemple, puis que ça aurait été utilisé pour d'autres fins, il faudrait au moins que le conseil de bande, dans les circonstances, révoque les autorisations données à quelqu'un qui utilise faussement...

M. Sirros: Puis pas de cours de récolte dans le centre de formation.

M. Chevrette: Ah oui!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: M. le Président, sur le même sujet.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: M. le Président, sur le même sujet, on se souvient, on en a tellement parlé, qu'en juillet 1995, à Kanesatake, l'ex-ministre de la Sécurité publique du temps, le ministre Ménard, est allé faire un spectacle. On en a parlé. Il a admis publiquement avoir en réserve toute la preuve qu'il fallait pour qu'il y ait poursuite. Que les terres ne soient pas la propriété d'une personne bien identifiée, ce n'est qu'un élément. On peut poursuivre quelqu'un pour culture sur un terrain qui ne lui appartient pas. De toute façon, dans le dossier de Kanesatake, finalement, parce que l'opposition a harcelé les ministres de la Sécurité publique, finalement, le ministre de la Sécurité publique actuel, pas vous, le ministre Perreault a, si mes informations sont bonnes, bien fait comprendre à la Sûreté du Québec que ça devait suivre son cours. Finalement, le dossier a abouti sur le bureau d'un substitut du procureur général en juin, par hasard, à la toute fin de la session. Et on verra la décision du substitut du procureur de la couronne. Ça a pris pas mal de temps, de juillet 1995 à juin 1996, ça a pris un an. Ça, c'est très questionnable. En temps et lieu, on en reparlera.

Le ministre a dit tout à l'heure, le ministre de la Sécurité publique au moment où on se parle, jusqu'au 30 septembre, qui l'était la semaine dernière... Le 19 septembre, au moment où il remettait aux autochtones d'Akwesasne une subvention de plus ou moins 500 000 $, TVA faisait un reportage. C'est plate pour le ministre, je conviens que c'est ennuyant pour lui. Mais il nous disait tout à l'heure que c'est assez bizarre que, lorsqu'on parle de culture de mari chez les autochtones, on fait beaucoup de spectacle et que, ailleurs au Québec, on est beaucoup plus réservé.

Je lui rappellerai ce qui s'est passé à Rimouski à la fin du mois d'août, début septembre, où il y a eu un reportage de la télévision, mais plus modéré. Il n'y avait pas de ministre puis il n'y avait pas de destruction de preuves; on a pris des photos, des caméras de télévision, et ainsi de suite. Le lendemain, M. le Président, le lendemain, il y avait... Il y a eu des arrestations sur les lieux le jour même et, le lendemain matin, comparutions, accusations. Il y a eu des accusations de portées dès le lendemain, M. le Président, à Rimouski. Kanesatake: on attend, ça fait 12 mois. Akwesasne: rien. Ça s'est produit le 19 septembre, tous les Québécois ont vu ce qui se passait ou ce qui s'était passé. On est quoi? Une semaine plus tard ou presque. Rien, pas d'accusations, pas de commentaires de la Sûreté du Québec.

Et là j'ai le ministre devant moi qui est responsable de la Sécurité publique jusqu'au 30 septembre et je lui demande: Pour quelle raison y a-t-il des différences aussi fondamentales, spectaculaires, questionnables entre des infractions du même genre, de même nature, à peu près de même ampleur? M. le Président, ce n'est pas de la culture de marijuana avec trois petits pots de fleurs sur le bord de la fenêtre, c'est gros dans les trois cas. Kahnawake: il a fallu qu'on se batte pas à peu près pour que le processus suive son cours. Rimouski: arrestations le jour même, accusations le lendemain, comparutions devant les tribunaux au vu et au su de tous les Québécois. Puis Akwesasne: étrangement, ça va ressembler à Kahnawake, M. le Président.

Je m'adresse au ministre de la Sécurité publique jusqu'au 30 septembre: Pourquoi, M. le Président, deux façons de faire dans des situations, des infractions semblables? Je ne comprends pas. Et est-ce qu'on n'envoie pas un signal, là, un signal pas mal clair aux autochtones de bonne foi que les lois du Québec ne s'appliquent pas aux criminels autochtones qui sont sur nos réserves? Deuxième signal aux Québécois en dehors des réserves – vous savez, j'ai entendu le ministre, à l'époque dans l'opposition, le dire souvent: Il y a deux justices. Qu'est-ce que je réponds, moi, M. le Président, aux Québécois qui me posent les questions: pourquoi, Kahnawake, on ne procède pas ou...

M. Chevrette: Comme ex-ministre de la Justice, vous savez...

M. Lefebvre: Je ne comprends pas.

M. Chevrette: Bien, vous devriez au moins comprendre ceci, ce que je vais vous dire. C'est beaucoup plus facile de constituer une preuve sur un terrain privé qui appartient à un individu qui est le propriétaire puis qui sait ce qui pousse dans son champ parce que c'est lui qui l'a planté, c'est lui qui le cultive, c'est lui qui en fait la récolte, puis c'est lui qui en fait l'usage. Vous savez très, très bien, par exemple, que Kahnawake, c'est sur les terrains fédéraux, sur les terres fédérales, puis c'est beaucoup plus difficile de constituer une preuve parce que, un, c'est motus et bouche cousue de la part de tout témoin. Il n'y a personne qui a vu planter quelque chose, il n'y a personne qui a vu récolter quelque chose, ce n'est pas sûr qu'il y a eu quelqu'un qui a vu quelqu'un qui a vu pousser quelque chose. Donc, pour constituer une preuve, je pense qu'un ancien ministre de la Justice doit savoir que ce n'est pas du même acabit de preuve, que c'est beaucoup plus long à constituer, une preuve, d'abord le ouï-dire, puis, après ça, recueillir des preuves visuelles puis des preuves, des témoignages de gens qui l'ont vu planter des choses.

Accoler le nom d'un propriétaire ou d'un responsable d'un geste sur des terres qui n'appartiennent à personne, c'est le fruit d'avoir flanqué du monde dans certaines réserves avec aucune propriété foncière, soit dit en passant. Si on n'avait pas parqué les autochtones dans certaines réserves au Québec et à la grandeur du Canada puis si on avait pensé qu'au départ il faudrait peut-être responsabiliser l'individu en le dotant d'un lopin de terre qui lui appartienne de plein droit, je vous garantis que, au point de vue justice, ce ne serait pas le même fardeau de preuve à faire, à constituer. Combien de preuves... Et lui, le député de Frontenac, qui a été ministre de la Justice, combien il y a de preuves ou d'éléments de preuve qui ont été déposés devant des substituts du procureur général, puis que les gens disaient: Ça ne se tient pas, c'est du ouï-dire? Deux, trois, apparemment! Moi, je ne suis pas avocat, je ne me traîne pas devant le substitut du procureur de la couronne, mais on me dit qu'un avocat qui a fait vraiment du droit, là, sait très bien que, pour constituer une preuve devant le substitut du procureur général, il faut que la preuve soit suffisamment consistante pour y donner suite. Puis on n'intente pas des poursuites de façon farfelue, en l'air, quand on n'a pas suffisamment de preuves pour être à peu près certain, pour conduire un procès qui a de l'allure. Autrement, ce serait ridicule et dérisoire.

Il est évident que c'est plus difficile d'oeuvrer dans ces cas-là, et ça, je ne pense pas que ça soit un mystère pour personne. Parce que je donnais l'exemple de Kanesatake qui était sur des terrains fédéraux, mais, quand c'est sur des terrains appartenant à peu près à personne... Puis vous savez qu'il y a des coins... Je l'ai visité, moi, Saint-Régis, là. Je peux vous dire qu'il y a des étendues de terre, puis je «peux-tu» vous dire que, à portée de vue, si c'est au bout du champ, je ne sais pas ce qui pousse là, moi. Puis je n'étais pas tout seul, j'avais des témoins avec moi, là. Quand tu regardes le long de la route puis que c'est à perte de vue, une étendue, tu «sais-tu» s'il y a un «spot» de pot là?

Il y a des spécialistes, maintenant, de la Sûreté qui se promènent puis qui détectent. Quand c'est un particulier, c'est vite fait, comme à Rimouski, puis ça pourrait être vite fait à Saint-Thomas-de-Joliette, ou bien à Sainte-Mélanie, ou si quelqu'un faisait ça sur ses propres terrains. Mais ce n'est pas facile. Si l'opposition, en l'occurrence, avait de bons tuyaux pour constituer une preuve rapide, rapide, rapide puis l'identification rapide, rapide de celui qui a planté, qui a cultivé puis qui s'apprêtait à cultiver, ça serait aussi vite là qu'ailleurs. Mais, quand la notion de propriété n'est pas là, essayez de comprendre un peu la difficulté de la preuve par rapport à d'autres. Et ça, je ne pense pas inventer les boutons à quatre trous quand je dis ça, c'est une question de GBS...

(15 h 50)

M. Lefebvre: M. le Président.

M. Chevrette: ...gros bon sens.

M. Lefebvre: Le gros bon sens, M. le Président, c'est d'abord de respecter les processus puis les systèmes. Le ministre, député de Joliette, essaie de faire comme l'ex-ministre de la Sécurité publique, là, nous donner des cours de droit puis évaluer la preuve.

La police a la responsabilité de ramasser tout ce qu'il y a de disponible comme preuve, et ça, c'est fondamental dans notre système. Puis ce n'est pas vrai que le ministre ne le sait pas, M. le Président, il fait semblant de ne pas le savoir. Il sait ça. Il faut soumettre la preuve au substitut, à moins que ce soit carrément à peu près nul comme élément de preuve. Dès le moment où la Sûreté du Québec en a, à première vue, suffisamment, elle a l'obligation, c'est même prévu dans la déontologie des policiers, de soumettre la preuve au substitut qui, lui, si nécessaire – on l'a fait, d'ailleurs, dans Kanesatake – va demander un complément de preuve. Bon. C'est ça, le système, puis le ministre le sait, M. le Président. Il a trop d'expérience pour ignorer ça.

D'ailleurs, la plus belle preuve, M. le Président, du respect du système est que le substitut du procureur n'exige pas toujours une preuve blindée de la part de ces policiers, sinon souvent il ne pourrait pas bouger. Ça équivaudrait à avoir tellement de preuves qu'il serait à peu près certain d'avoir un plaidoyer de culpabilité. La plus belle preuve, c'est Carcajou, M. le Président. Le ministre le sait. Il y a plein de dossiers, malheureusement, qui sautent rendus devant la cour parce qu'il manque un élément de preuve, il en manque un bout. Les policiers de la Sûreté du Québec n'hésitent pas à soumettre le dossier au substitut, puis le substitut – puis il le réalise avant d'aller devant le juge – même s'il arrive à la conclusion qu'il lui en manque un peu, il porte l'accusation puis il laisse la cour décider, le tribunal décider. Ça aussi, le ministre de la Sécurité publique jusqu'au 30 septembre le sait.

Ce que je reproche – le 30 septembre – au ministre aujourd'hui, c'est de faire comme l'ancien ministre Ménard, ce que n'a pas fait le ministre Perreault, M. le Président, c'est d'évaluer la preuve. Ce n'est pas votre responsabilité, ce n'est pas la responsabilité des politiciens d'évaluer la preuve, c'est la responsabilité de la Sûreté du Québec et ultimement du substitut du procureur général. C'est ce que le ministre de la Sécurité publique Perreault a compris, M. le Président, puisqu'il a accepté, lui... Il a sûrement envoyé un signal à son directeur de la Sûreté du Québec dans Kanesatake: La propriété des terrains, ce n'est qu'un accessoire, soumettez le dossier au substitut du procureur général.

Alors, dans ce sens-là, est-ce qu'on peut espérer que le ministre responsable des autochtones, de la Sécurité publique encore pour quelques jours, va envoyer un signal pour qu'on respecte les mêmes règles en regard des infractions présumées d'Akwesasne que ce qui s'est fait à Rimouski, M. le Président? Je lui rappelle qu'on a considéré la saisie de cannabis à Rimouski comme étant la plus grosse jamais effectuée au Québec, puis ça s'est fait vite. Le système n'a pas bloqué, là. Il n'y a pas eu d'intervention pour bloquer le système. Je me répète: arrestations sur les lieux, plaintes, comparutions le lendemain, puis là ça va suivre son cours. Est-ce qu'on peut espérer, M. le Président, que, pour les autochtones eux-mêmes, qui de façon très majoritaire sont corrects, les mêmes règles vont être respectées, M. le Président?

M. Chevrette: Bien, moi, je voudrais remercier M. le député du cours de droit...

M. Lefebvre: Non, non.

M. Chevrette: ...qu'il vient de nous donner aussi sur la séparation du pouvoir juridique et politique. C'est tellement vrai, ce que vous dites...

M. Lefebvre: Ce n'est pas juste une théorie, il faut le faire.

M. Chevrette: C'est tellement vrai, ce que vous dites, que je suis surpris que vous demandiez au politique d'intervenir dans le juridique. Une police qui fait son travail, on prend pour acquis qu'ils font leur travail, que ce soit une police amérindienne, une police de la SQ ou une police de la gendarmerie, c'est le pouvoir juridique. Et encore faut-il un prévenu avant de se présenter devant le substitut de la couronne pour pouvoir porter une plainte. Parce que je vous ai dit... Écoutez bien une minute, il y a un suspect, il y a quelque chose. Puis quand je vous ai dit... Quand on entend dire du pouvoir juridique ou policier qu'il ne faut surtout pas s'en mêler, mais qu'ils nous disent qu'il y a de la difficulté à accoler un nom ou un suspect, je suppose que c'est ça qui explique que le pouvoir juridique prend du temps avant d'en arriver à déposer une plainte devant le substitut. Je ne sais pas.

Mais, comme on ne peut pas intervenir comme pouvoir politique puis qu'il faut laisser faire le juridique correctement, on n'est pas pour commencer à faire des pressions. Il y a quelque chose qui ne marche pas, là. On ne peut pas être en même temps pour et contre quelque chose. L'interférence du politique dans le juridique, vous le savez, c'est qu'on vit dans une société de droit – et, moi aussi, je veux me permettre de donner mon cours. Dans une société de droit, quand on a des institutions, on doit laisser aux citoyens nantis de pouvoir, en l'occurrence les policiers, le soin de faire leur travail correctement et laisser au substitut du procureur général le soin d'analyser les éléments de preuve présentés par les corps policiers. Et ça suppose qu'il ne doit pas y avoir d'ingérence ni dans la façon de mener l'enquête ni dans le temps pour mener l'enquête, mais que ce soit fait de façon non frivole, sérieuse et correcte. Quand le pouvoir politique n'a pas de preuve du contraire que ça s'est fait correctement, le pouvoir politique doit s'abstenir de tout commentaire, qu'il soit du pouvoir ou de l'opposition.

M. Lefebvre: M. le Président, le ministre responsable des autochtones, puis, moi, je ne le ferai pas, ce n'est pas ma responsabilité, j'imagine cependant, je soupçonne qu'il sait. Le ministre de la Justice, Procureur général, tout comme le ministre de la Sécurité publique, ils ont un statut assez particulier par rapport aux autres membres de l'Exécutif, ils ont des pouvoirs particuliers. Le ministre de la Sécurité publique, c'est même son devoir parce qu'il est la police des polices, il sait ça, le ministre de la Sécurité publique a le droit et même le devoir de s'asseoir avec sa Sûreté du Québec et d'évaluer des dossiers, tout comme le Procureur général, ministre de la Justice, pourrait théoriquement aller plaider, s'il voulait, demain matin. Théoriquement, ça va jusque-là.

Alors, ce sont des pouvoirs pour la protection des institutions, puis où je suis d'accord avec le ministre, c'est que c'est dangereux parce qu'il y a, jusqu'à un certain point, une espèce de conflit: on est des membres de l'Exécutif... vous êtes membres de l'Exécutif, vous êtes un politicien puis, en même temps, un responsable de la police, tout comme le Procureur général. Je pense que, là-dessus, on s'entend. Mais le ministre de la Sécurité publique, M. le Président, a non seulement le droit, mais il a le devoir de s'assurer que sa police fait son travail. Alors, moi, je lui répète ma question – à moins qu'il me réponde: Bien, l'autre, le vrai ministre de la Sécurité publique verra à régler le dossier: Est-ce que Akwesasne va être réglé, traité de la même façon qu'à Rimouski? C'est ça, ma question, M. le Président.

M. Chevrette: Mais, comment dirais-je? Je veux peser mes mots, mais je dois vous dire qu'il y a des circonstances... Et, s'il y a une formation politique et des hommes et des femmes politiques qui doivent comprendre que ce n'est pas toujours facile dans certaines situations, c'est bien vous autres. Quand vous avez eu à gérer la crise d'Oka, ça a pris une enquête publique, puis des gros sous puis des millions pour essayer de découvrir un coupable. Pourtant, la police était sur les lieux, pourtant, la police était en devoir, était en travail. Vous savez pertinemment, au-delà de la politique avec un petit «p», qu'il n'est pas facile, dans certains cas, d'identifier un suspect, d'identifier un coupable, d'identifier un présumé coupable en tout cas, pour aller devant un substitut de la couronne pour demander une mise en accusation, parce que la première question qu'un substitut du procureur de la couronne te demande: Où sont tes éléments de preuve contre tel individu ou tel autre? Les éléments de preuve, c'est: Bien, j'ai rencontré quelqu'un qui m'a dit qu'il croyait bien que c'était bien lui qui était probablement là. Bien, ça, ils vont dire: Ouï-dire, puis ça ne fait pas sérieux puis c'est frivole. Mais, si t'as cinq, quatre, trois témoins qui disent: On l'a vu planter des choses, on l'a vu récolter des choses, là ça constitue des éléments de preuve.

Mais il est vrai que c'est plus difficile, je le reconnais, surtout sur du territoire qui n'appartient à personne. Ça, c'est un fait indéniable, il peut y avoir violation de territoire aussi, comme on disait – je pense, c'est le député, M. Sirros, tantôt en discutant avec – il y a des gens qui s'arrogent des droits de propriété temporaires pour des fins personnelles. Mais, règle générale, il est beaucoup plus facile de conduire des preuves quand c'est l'individu propriétaire de terrain, puis c'est évident. Mais ça n'en demeure pas moins que, sur le principe même, je suis parfaitement d'accord avec le député de Frontenac, il ne doit pas y avoir deux types de justice, il doit y en avoir rien qu'une, c'est clair.

(16 heures)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Saint-Jean.


Subventions à diverses associations d'autochtones

M. Paquin: Je voudrais aborder une question différente relative aux autochtones hors réserves, et plus particulièrement à l'Alliance autochtone du Québec. Traditionnellement, cette association a regroupé l'ensemble des autochtones hors réserves et a entretenu avec le gouvernement des relations plutôt positives, même très saines. D'ailleurs, je mentionnerais qu'au coeur même du programme du Parti québécois il y a la reconnaissance, comme interlocuteur pour les autochtones hors réserves sur les questions qui concernent l'ensemble des autochtones, de l'Alliance autochtone du Québec comme étant l'interlocuteur auquel s'adresser. Il y a plusieurs dossiers actuellement qui comportent des irritants, pour ne dire que cela. Moi, j'aimerais poser un certain nombre de questions sur un certain nombre d'aspects.

D'abord, je constate que, que ce soit en 1994, au mois de juin, ou en 1995, au mois de juin, il y a eu à peu près les mêmes sommes qui ont été consacrées comme soutien au Conseil d'Akwesasne, par exemple, aux Femmes autochtones du Québec, au Regroupement des centres d'amitié, à l'Association des Métis et Indiens hors réserves et également à l'Alliance autochtone du Québec. Bien que la subvention aux cinq sous-régions ait été de 90 000 $ en 1994, 81 000 $ en 1995, néanmoins, c'est le même ordre de grandeur quand on compare aussi les compressions budgétaires qui ont eu lieu un peu partout. Donc, c'est le même ordre de grandeur.

M. Chevrette: C'est un peu moins cette année. Je pense que c'est 20 000 $ de moins.

M. Paquin: Bien, la question que j'allais poser... Cette année, c'est que je ne l'ai pas trouvée au mois de juin...

M. Chevrette: Oui, mais...

M. Paquin: ...et les autres ont reçu leur subvention soit en mai ou en juin.

M. Chevrette: Sur cinq bureaux régionaux... La modification, c'est que ce n'est pas plus octroyé à l'Alliance, là, comme structure nationale, c'est à chacun des chapitres régionaux. L'an passé, ça a été 16 000 $ par chapitre: Val-d'Or, Mont-Laurier, Trois-Rivières, Saguenay, Sault-au-Mouton. C'est cinq fois 16 000 $. Cette année, c'est cinq fois 12 000 $. Mais il y a une entente qui n'est pas signée, puis je pense que c'est avec Val-d'Or, je ne sais pas pour quel motif. Les quatre autres sont versées.

M. Paquin: O.K. Donc, ça a été fait au mois d'août?

M. Chevrette: Ça a été fait cet été.

M. Paquin: O.K. En tout cas, ça a été fait après... La dernière date... On a les chiffres jusqu'en juillet 1996. Donc, ça a été fait soit en août, soit en septembre. Donc, c'est 60 000 $ cette année et ça a été réparti dans l'ensemble. Maintenant, les autres regroupements ont reçu des sommes quand même comparables. Si on compare, là...

M. Chevrette: Le Regroupement des femmes, c'est 80 000 $.

M. Paquin: Oui, le Regroupement des femmes a reçu plus que ça cette année. Puis c'est correct, on n'a pas de problème, je n'ai pas de problème du tout, du tout avec ça. Cette année, en mai 1996, ça a été 110 000 $. Il y avait eu, en juin 1995, 113 400 $, puis les autres sommes que j'avais mentionnées tantôt. Ça, il n'y a pas de problème de ce côté-là. En fin de compte, je voudrais savoir la hauteur des budgets qui ont été accordés cette année au Regroupement des centres d'amitié du Québec puis à l'Association des Métis et Indiens hors réserves.

M. Chevrette: Amitié, c'est 80 000 $.

M. Paquin: C'est ça, donc c'est maintenu.

M. Chevrette: Métis, c'est 12 000 $.

M. Paquin: O.K. Donc, l'Association des Métis et Indiens hors réserves a subi le même sort que les autres. Cependant, le Regroupement des centres d'amitié du Québec a eu à peu près...

M. Chevrette: Ils ont baissé de 14 500 $.

M. Paquin: Le Regroupement...

M. Chevrette: Ils étaient à 94 500 $ puis ils sont tombés à 80 000 $.

M. Paquin: Moi, j'avais 85 050 $...

M. Chevrette: C'est de juin 1994 dont tu parles?

M. Paquin: Moi, je suis en juin 1995.

M. Chevrette: Oui.

M. Paquin: Alors, le quatrième dans la séquence...

M. Chevrette: Ah! c'est possible. Je me basais sur 1994. Vous avez peut-être raison; 1994, c'était 94 500 $, puis 1996 – donc, l'année 1995, je ne l'ai pas devant moi, là – c'est 80 000 $.

M. Paquin: De toute façon, deux choses là-dessus. La première, c'est que, effectivement, c'est mieux d'aller dans les chapitres locaux, là, pour toutes sortes de raisons. Je pense qu'au niveau du vécu il y avait des demandes de la base à cet effet-là, des demandes que j'avais moi-même véhiculées, de un. Deux, il y a également le support du fédéral qui est très important pour le groupe, et je pense que ça va de ce côté-là. Donc, je voulais valider, là, au niveau des chiffres, savoir si ça avait été versé. C'est versé, je connais l'ordre de grandeur...

M. Chevrette: Sauf Val-d'Or, mais je ne le sais pas, comme je vous ai dit. On verra les raisons. Mais on pourra vous les donner.

M. Paquin: Ça, c'est la un, ça, c'est la région 01?

M. Chevrette: Oui.

M. Paquin: O.K. Alors, voilà pour le premier volet. Le deuxième volet, c'est le vécu avec la Waskahegen, la Waskahegen qui s'occupe du logement autochtone hors réserves. Ils ont maille à partir à plusieurs occasions avec la Société d'habitation du Québec.

Une voix: ...

M. Paquin: Oui. Bien, en tout cas. La maille à partir existe, en tout cas.

M. Lefebvre: Retournez la maille de bord.

M. Paquin: Oui.

M. Lefebvre: Détricotez.

M. Paquin: C'est ça. Une maille à l'endroit, une maille à l'envers. Alors, il reste qu'il y a eu plusieurs contentieux et, chaque fois, sans exception – et j'ai l'ensemble de la documentation qui concernait ces éléments-là; je ne l'ai pas ici mais je l'ai à ma disposition – il n'y a pas une fois où, finalement, on a pu remettre en cause le fonctionnement de la Waskahegen. En tout cas, en cour, le tribunal leur a donné raison chaque fois. Maintenant, on est revenu avec un début de projet de loi ou l'ébauche d'un projet de loi générique mais qui, au bout du compte, est perçu dans nos communautés comme étant dirigé, encore une fois, à l'endroit de la Waskahegen, où on permet à la Société de prendre le contrôle des conseils d'administration où on a un doute sur la qualité de leur fonctionnement. Alors, question de doute, ce qui est très clair, c'est qu'ils en ont, à la Société, à l'endroit de la Waskahegen, puisqu'à toutes sortes d'occasions ils ont pris des démarches, des poursuites, et ainsi de suite, à l'endroit de la Waskahegen.

Alors, moi, je voudrais savoir l'opinion du ministre sur cette situation-là et qu'est-ce qui advient des législations. Est-ce qu'il partage mon point de vue, que c'était dirigé contre la Waskahegen, ou pas? Et, si c'est le cas, j'aimerais son opinion générale là-dessus.

M. Chevrette: Bien, d'abord, moi, ça ne m'a pas été présenté comme une loi qui était dirigée vers une communauté autochtone. Je suis président du Comité de législation, puis ça nous a été présenté comme une loi de portée générale pour l'ensemble des OMH ou des offices d'habitation à la grandeur du Québec. C'est de même que ça nous a été présenté. Ça ne nous a jamais été présenté comme étant dirigé contre une communauté. Ça, c'est clair.

M. Paquin: Y «a-tu» des problèmes avec d'autres OMH?

M. Chevrette: On me dit qu'il y a des enquêtes dans certaines OMH, effectivement. Mais je ne peux pas vous donner de détails, ça relève du ministère des Affaires municipales. Donc, moi, je ne suis pas au fait du problème, mais, comme président du Comité de législation, moi, ça n'a pas été une loi d'exception, ça a été une loi de portée générale. C'est de même que ça nous a été présenté.

M. Paquin: Pour employer une formule que vous utilisez souvent: Je «peux-tu» vous dire que, dans notre milieu, c'est...

M. Chevrette: Bien, tu peux me dire ce que tu veux, mais, moi, je vous dis...

M. Paquin: Non, non. C'est ça.

M. Chevrette: Et, un, je serai prudent sur le fond du dossier parce que, s'il reste des causes pendantes devant les tribunaux... Il y en a. On me dit qu'il y a des causes pendantes...

M. Paquin: Il y a des causes pendantes actuellement?

M. Chevrette: ...devant les tribunaux. Donc, je m'abstiendrai de tout commentaire.

M. Paquin: Ah! D'accord. S'il y a des causes pendantes devant les tribunaux, j'éviterai de parler de la relation directe entre les deux intervenants et j'utiliserai plutôt le fait qu'il y ait comme une démonstration que les perceptions dans le milieu autochtone, que je fréquente beaucoup – je suis membre de l'Alliance autochtone du Québec – ne sont pas sans fondement et qu'effectivement il y aurait lieu, au niveau de cette législation-là, quant à moi, de mettre ça sur la glace – et plutôt une glace polaire – et pour une période très prolongée. Alors, je n'irai pas plus loin sur la question si vous me dites qu'il y a des causes pendantes.


Relations entre le gouvernement et l'Alliance autochtone du Québec

Par contre, on pourrait peut-être revenir à un élément d'actualité. C'est que l'Alliance autochtone réclame actuellement une injonction permanente sur la déclaration d'indépendance du Québec, et je pense que c'est un des...

M. Chevrette: Je suppose que le droit à la dissidence existe dans votre Alliance.

(16 h 10)

M. Paquin: C'est ce que j'allais vous dire. Tout le monde ne pense pas la même chose à l'intérieur de l'Alliance, bien sûr. Dans une alliance, il s'agit d'un regroupement très large. Il y a dans l'Alliance des gens qui sont métis, il y a des gens qui appartiennent à des nations reconnues au niveau du Québec, il y a des gens qui appartiennent à des nations qui ne sont pas ici, au Québec, qui sont ailleurs, d'ailleurs aux États-Unis, en Ontario, dans les Maritimes. Mais il reste que, actuellement, le climat est absolument dégénéré entre les deux instances, entre le gouvernement, je pense, et l'Alliance. Je crois que le cas de la Waskahegen y est pour quelque chose. Je pense que le fait d'aller maintenant faire le financement directement aux régions, c'est une bonne chose, ça joue dans l'autre sens. Mais je voudrais savoir, là, au niveau des relations actuellement: comment ça fonctionne et qu'est-ce que vous entendez faire pour ôter les irritants et rétablir les ponts entre la communauté constituée par l'Alliance autochtone du Québec et le gouvernement?

M. Chevrette: Bien, moi, je suis tout à fait surpris de la réaction de son président, parce qu'on a participé à leur assemblée annuelle. Il y avait des représentants du SAA. On a discuté avec eux des projets d'ordre économique, la même chose qu'on a faite avec chaque communauté que j'ai rencontrée depuis le début. Mais je suis surpris, moi, c'est tout ce que je peux vous dire. Quant au pourquoi de cette attitude qui ne serait basée que sur une législation visant à donner un pouvoir d'intervention ou de tutelle, qu'on soit autochtone, non autochtone, métis, blanc, anglophone, tout ce que tu voudras, il est tout à fait normal, pour un gouvernement qui gère des sommes d'argent, qu'ils aient les moyens, puis à tort ou à raison, d'intervention s'ils jugent que. Et si ça n'en était que la cause, je dois vous avouer que je trouverais ça bien, bien faible, parce que, qui que nous soyons, là, quand on utilise des sommes d'argent, qu'il y ait des erreurs ou pas... Puis je ne veux pas discuter du fond, pas du tout, parce que j'en ai vu, des offices municipaux d'habitation, moi, qui n'aménageaient que le beau HLM proche de la mairie, qui ne touchaient pas aux autres, jamais. C'est un pouvoir d'intervention, dans ce projet de loi là, qui vaut autant pour ça que pour d'autre chose. Donc, je trouverais ça faible comme motif exclusif, le changement d'attitude.

M. Paquin: Est-ce que je dois comprendre qu'à ce moment-là vous pensez qu'il peut y avoir d'autres motifs, dans les relations entre le gouvernement et l'Alliance, pour expliquer cela?

M. Chevrette: Ah! je ne vous cacherai pas... Souvent, c'est dans les individus, des individus qui acceptent de collaborer très, très bien parce qu'ils ont des objectifs à court terme pour leur communauté. C'est le cas de la très, très grande majorité des chefs de bande. Je peux vous dire que, quand je suis allé voir les Cris, en septembre 1995, par exemple, et qu'ils m'ont dit, les neuf ensemble, ils étaient tous là: Nous autres, là, ce qui nous intéresse à court terme, c'est de régler les problèmes ici, ce n'est plus votre négo, là, pour l'instant. Quand j'ai rencontré M. Adams, de Kuujjuaq, puis d'autres chefs inuit et qu'ils nous ont dit: Nous autres, là, les négociations Nunavik, pour l'instant on aimerait mieux discuter avec vous de règlement précis de tel et tel dossier... Quand tu rencontres les chefs montagnais, qui se sont divisés en trois blocs, puis qui ne sont même plus avec le CAM, puis qui nous disent: Nous, on aimerait mieux travailler sur des projets de développement économique très concrets pour notre communauté, puis que tu vois un chef supérieur qui se tire sur les négociations puis sur des grandes tirades anti-Québec, profédérales, ou l'inverse, là, ou qui nous envoie paître tous les deux, ça ne semble pas être la préoccupation des chefs de bande qui veulent travailler pour leur communauté à court terme. Moi, en tout cas, c'est la perception que j'ai. Je ne prétends pas que j'ai la science infuse, je peux me tromper, mais ça se... Comme par hasard, ça tombe souvent dans des événements où il y a plutôt la globalisation des choses.

M. Paquin: Hormis les deux contentieux, donc, qui sont identifiés à ce moment-ci, celui de la Waskahegen et celui de l'injonction qui est demandée, est-ce que le ministre considère toujours l'Alliance autochtone du Québec, pour l'ensemble des questions qui concernent les autochtones hors réserves, comme l'interlocuteur privilégié avec qui entretenir des relations?

M. Chevrette: Bon, écoutez bien, il y a aussi le Regroupement des centres d'amitié autochtones que je considère comme valable puis comme interlocuteur privilégié également, l'Alliance également. La preuve, c'est qu'on les subventionne à chacun des chapitres. Sauf que si on a décidé, nous, de dire que, dans la cause de Bertrand, pour ne pas le nommer, le seul tribunal ou le seul juge, c'était le peuple, vous comprendrez que même les alliés de Bertrand, pour nous, ça ne nous fait pas modifier notre position.

M. Paquin: Et vous comprendrez également qu'il y a, à l'intérieur de l'Alliance, des gens qui partagent ce point de vue.

M. Chevrette: C'est ce que j'avais compris.

M. Paquin: Alors, ça va pour ce sujet.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Laurier-Dorion.


Financement des Peacekeepers de Kahnawake

M. Sirros: Merci, M. le Président. J'aurais le goût de commencer à parler aussi des Attikameks et des Montagnais, mais, avant ça, je réfléchissais à certaines choses que le ministre a dites. J'aimerais ça revenir sur le dossier de Kahnawake deux secondes et, plus précisément, sur la question du financement qu'on a pour les Peacekeepers et l'entente qui a été signée et pour laquelle on a même adopté une loi à l'Assemblée nationale il y a à peu près un an, un an et demi.

L'entente prévoit la résiliation possible de l'entente sur avis de 90 jours d'une des parties, l'une ou l'autre. C'est-à-dire qu'on peut résilier, si on veut, l'entente sur avis de 90 jours. On a le chef Norton qui a congédié l'ancien chef des Peacekeepers parce qu'il avait aidé la Sûreté du Québec à faire une arrestation. On a une situation où les Peacekeepers, dans la réserve, refusent... en tout cas, n'appliquent pas la loi du Québec quant à l'opération de façon flagrante et illégale de casinos.

Tous ces éléments amènent nécessairement la question suivante: Comment on peut continuer à financer un service de police qui n'applique manifestement pas les lois qui doivent être appliquées, appuyé par un chef de bande qui congédie un chef de police qui faisait sa job, en quelque sorte? Et est-ce que cette hypothèse est actuellement évaluée au sein du gouvernement?

M. Chevrette: Elle fait partie d'une évaluation, comme élément.

M. Sirros: L'entente vient à échéance aussi...

M. Chevrette: L'entente a été renouvelée pour un an. L'entente qui avait été signée il y a...

M. Sirros: Oui.

M. Chevrette: ...deux ans, là, près de deux ans, a été renouvelée pour un an, jusqu'au 31 mars...

M. Sirros: 1996.

M. Chevrette: ...1997.

M. Sirros: 1997. C'est ça. Et, entre-temps, il y a aussi une clause de résiliation. Vous me dites que cette clause de résiliation est examinée actuellement et vous évaluez la pertinence de ne plus financer.

M. Chevrette: Ce n'est pas la clause de résiliation comme telle. C'est-à-dire que la question, nous, on se l'est posée exactement comme vous la posez, de la même façon, de la même nature: Est-ce que le gouvernement doit payer ou pas pour une police qui refuse de participer à l'application d'une loi alors que l'entente dit qu'elle est responsable de l'application de la loi? C'est aussi simple que ça comme question. Et c'est évalué, bien sûr, par le ministre de la Sécurité publique. À son retour, il devra faire des recommandations qui s'imposent au Conseil des ministres. Mais... Parce qu'en général ils font le travail... Là, je veux essayer de nuancer le... parce que je sais que vous connaissez le dossier, de toute façon, de la police amérindienne. Dans l'ensemble, depuis qu'on a signé cette entente, il y a deux ans ou un an et demi, ou à peu près, là – plutôt un an et demi – il y a eu... le nombre de plaintes est passé, croyez-le ou non, de centaines à une ou deux ou trois, maximum. Je pense que c'est infime, les quelques plaintes qu'il y a eu à la suite de la signature de l'entente, effectivement.

Dans le cas actuel, l'ensemble des responsabilités policières sont encore assumées, à l'exception d'un refus sur un point bien précis qui est le casino, et la base juridique de leur argumentation, c'est la loi du ministère des Affaires indiennes qui leur permet d'avoir leurs organismes, disent-ils – prétention juridique, vous savez ce que ça veut dire autant que moi – qu'en fonction de la loi sur les affaires indiennes ils ont le droit, par leur... l'équivalent de la Régie ici, de se donner des possibilités de faire. Donc... Et c'est ce qu'ils auraient fait. Ils disent donc: Le tout a été conforme à la loi du... Parce qu'on applique la loi du ministère des Affaires indiennes, on est déclarés illégaux par le Québec qui, lui, se base sur des articles du Code criminel, mais le Code criminel, dans le cas du ministère des Affaires indiennes, ne devrait pas être illégal. En tout cas, peu importe le juridique, la question qu'on se pose, c'est: Est-ce que c'est de nature à dénoncer toute l'entente ou si on ne doit pas avoir une formule de mitigation qu'on aurait à évaluer?

Il n'y a pas de décision de prise en ce qui nous concerne. Je vous dirai qu'actuellement il reste des argents à être versés à la communauté mohawk puis que la décision suivra. Je ne suis pas en mesure aujourd'hui de vous dire quelle sera cette décision.

(16 h 20)

M. Sirros: Sur l'argumentation de l'assise juridique, en quelque sorte, c'était vrai, à un moment donné, mais la Cour suprême a tranché tout récemment.

M. Chevrette: Exact. Mais, ça, je...

M. Sirros: Ils ont dit: C'est fini, ça. Il n'y a pas d'assise. On ne peut plus prétendre qu'il y a une assise juridique quelconque.

M. Chevrette: Non, non.

M. Sirros: À un moment donné, on pourrait dire: Oui, peut-être, dépendant.

M. Chevrette: Non, non.

M. Sirros: Mais, ça, ça a été tranché. Donc, c'est clairement dans un no man's land, puis ils agissent clairement...

M. Chevrette: C'est-à-dire que je pense que ça a été clair pour le gouvernement actuel, comme pour ceux qui nous ont précédés. Pour nous, c'est carrément illégal.

M. Sirros: Maintenant, surtout avec la décision de la Cour suprême...

M. Chevrette: Avec l'arrêté de la Cour suprême.

M. Sirros: ...il n'y a plus de doute.

M. Chevrette: Exact. Mais, eux, leur assise... Mais, pour eux autres, leur assise, c'est toujours la Loi sur le ministère des Affaires indiennes. C'est ça.

M. Sirros: C'est ça que la Cour suprême a rejeté.

M. Chevrette: Oui, et à l'ouverture... Ça...

M. Sirros: En tout cas. Mais... bon. Ça étant dit, vous me dites que finalement vous examinez effectivement la suite qui doit être donnée quant aux argents qui restent à être donnés. J'en déduis qu'une des hypothèses qui sont examinées, c'est de ne plus verser ces fonds-là. Parce que ça doit être nécessairement une problématique qui est examinée.

M. Chevrette: Non. J'ai dit que l'évaluation politique et très serrée qui doit être faite, c'est pour l'ensemble des actes accomplis par les Peacekeepers présentement dans tous les domaines de la circulation interne, des arrestations contre la violence faite aux femmes ou autre...

M. Sirros: Vous avez fait un calcul au pro rata des tâches accomplies?

M. Chevrette: Ce n'est pas ce que j'ai dit.

M. Sirros: O.K.

M. Chevrette: Il ne faudrait pas qu'ils me paient avec les bénéfices du casino, parce que...

M. Sirros: O.K. Cela étant dit, on va se souvenir... Le ministre a dit, sur un autre volet, quand il parlait des Attikameks et des argents dépensés pour les négociations: Quand j'ai vu ça, ma priorité est devenue tout autre. Textuellement, tantôt. Je l'ai noté parce que ça m'a surpris.

M. Chevrette: Priorité. Et tu peux avoir cinq priorités dans ton travail. Mais ma première priorité, effectivement, je ne me cacherai pas pour le dire... J'ai mis beaucoup d'énergie dans le dossier autochtone en ce qui regarde les projets d'ordre économique.

M. Sirros: Ce n'est pas un blâme, là. J'ai...

M. Chevrette: Je pense que c'est une chance d'être à la fois ministre des Ressources naturelles, ministre responsable du Développement des régions et ministre responsable des Affaires autochtones, parce que ça me permet de travailler en fonction de cette priorité-là dans les deux autres ministères. Ça, il n'y a pas de cachette.

M. Sirros: Tout ce qui manque, c'est l'Environnement. Volet faune.

M. Chevrette: Dans le procès-verbal...

M. Sirros: On va regarder ça.

M. Chevrette: Dans le procès-verbal, il n'y a pas de réponse.

M. Sirros: Ça étant dit, est-ce que le ministre peut faire le point un peu...

M. Lefebvre: La Sécurité publique pour tout le temps.


Négociations avec les Attikameks et les Montagnais

M. Sirros: Ça, non. Est-ce qu'il peut faire le point sur les négociations avec ce qui était antérieurement le CAM? Je sais qu'on a... En tout cas...

M. Chevrette: Pour toutes les communautés?

M. Sirros: Non. Les Attikameks et les Montagnais.

M. Chevrette: Bon. Là, les Montagnais, vous savez qu'ils sont en deux blocs: il y a le bloc du centre et le bloc de l'est. J'ai rencontré les deux blocs. Le bloc de l'est, on a convenu de faire un exercice. Parce que, à chaque séance, c'était une contreproposition globale qui arrivait. Alors qu'il y a une série de points sur lesquels, manifestement, ils s'entendaient à la table, mais c'était reviré tout à l'envers chaque fois, je leur ai proposé de faire un exercice qui est à peu près le suivant: Voulez-vous, on va lister les points sur lesquels on s'entend et, ceux-là, on va arrêter de les changer d'une séance à une autre – parce qu'on présente des propositions globales – et on va faire la liste des points discordants? On va peut-être pouvoir progresser à ce moment-là. Sinon, les échanges de propositions globales chaque fois, ça ne mène nulle part. Un mois ou deux mois, il se présente une proposition globale et tu ne reconnais plus la proposition globale de l'autre. Ils ont accepté de faire cet exercice et on me dit qu'elle avance très, très sérieusement et qu'il devrait y avoir un rapport.

Quant au bloc du centre, j'ai plutôt l'impression qu'ils sont plus préoccupés par des projets très concrets actuellement. M. Kurtness nous a présenté des projets auxquels il tient beaucoup. Et puis, de son côté, il est prêt à regarder à des ententes spécifiques. Et il y a M. Ross dedans, qui a l'agrandissement de la réserve, dans son dossier, et des projets de développement économique. Mais il n'y a pas eu de grande discussion avec le bloc du centre sur les négociations globales. Ils ont plutôt voulu présenter des dossiers sur lesquels ils voulaient avoir des réponses, dans lesquels, par exemple, Hydro-Québec... Et, dans le cas de M. Kurtness, c'est sur la Péribonka, pour un projet très spécifique au niveau hydroélectrique. Donc, on n'a pas discuté tellement de négociations globales. Pour les Attikameks... Les Attikameks, on les a rencontrés à plusieurs reprises, on a parlé aussi de projets d'ordre économique surtout. Parce que celui d'Obedjiwan, c'est vraiment une scierie, puis il reste un problème à régler, c'est avec Hydro-Québec pour la fourniture d'hydroélectricité. Pour la Manouane, c'est plutôt un projet routier, une liaison routière importante pour la communauté, puis Weymontachie, c'est une microcentrale puis un peu de forêt; on travaille là-dessus.

On n'a pas discuté de grandes négociations globales, malgré les... Ils veulent en parler. Ils veulent parler d'éducation, ils veulent parler de dossiers spécifiques, mais on discute de vrais problèmes qu'ils vivent, et puis, moi, je vous avoue que ça me plaît. Si on peut en débloquer quelques-uns, je trouve qu'on rendrait service aux collectivités.

M. Sirros: J'en déduis donc que la possibilité de l'entente globale réglant la question territoriale, dans le moule de ce qui a été négocié en Colombie-Britannique, est pas mal écartée. C'est-à-dire que c'est sur la glace?

M. Chevrette: Bien, écoutez, on n'a pas dit qu'on abandonnait... Je n'ai jamais dit que j'abandonnais les négos.

M. Sirros: Est-ce que le ministre reconnaît au moins que les nations attikameks existent?

M. Chevrette: Je peux vous dire qu'on n'a rien à tirer du Parti libéral là-dessus...

M. Sirros: Oui, oui, vous en avez. Sur ça, vous en avez. Sur ça, vous en avez pas mal à tirer.

M. Chevrette: ...parce que le seul gouvernement qui a reconnu, par une motion à l'Assemblée nationale, la reconnaissance des nations, c'est en 1983 puis en 1985, par le gouvernement Lévesque. Et c'est la base, ça va demeurer notre base. Parce que vous avez été 10 ans après nous autres et, à ce que je sache, il n'y a pas eu l'ombre du début d'une motion semblable, qui s'apparentait à ça. Ce qu'on a voulu... Moi, je dis: Oui, c'est vrai que j'ai mis un temps fort, beaucoup plus fort sur des règlements de dossiers ponctuels que sur la négociation.

Mais, moi, personnellement, M. le député, quand j'ai vu 55 000 000 $ de dépensées dans des négociations globales, le Conseil des Attikamekw et des Montagnais seulement, juste pour eux autres, 55 000 000 $ depuis 1982, je «peux-tu» vous dire, depuis 1982, si j'avais injecté pour les Attikameks et les Montagnais 52 000 000 $, que le taux de chômage serait probablement, dans leur communauté, à moitié moins. Moi, je pense qu'il y a des prétentions juridiques de part et d'autre. Ça a été mon approche, ça, que je qualifie, en tout cas, de pragmatique, dans mon cas. Je pense qu'on se doit de travailler à se trouver des modus vivendi. Si on attend que les tribunaux tranchent des questions aussi contentieuses que des prétentions de part et d'autre, on n'en finira jamais, alors que durant ce temps-là il y a du monde qui, lui, a des besoins bien précis.

Oui à une négociation, mais pas tous les oeufs dans le même panier de la négo. Mettre des oeufs aussi dans la qualité des citoyens puis dans des lueurs d'espoir de travail, c'est de même que j'ai réagi, et qui...

M. Sirros: Sauf qu'en contrepartie, si vous permettez, M. le ministre, jamais les relations entre les autochtones et les autres qui vivent sur le territoire québécois ne se normaliseront, à moins qu'on ne réussisse à s'entendre sur les grands principes, à partir d'une entente globale, au niveau du territoire en particulier, de l'hypothèque sur le territoire qui peut exister, etc.

M. Chevrette: Oui. Ça, je suis...

M. Sirros: À moins qu'on ne réussisse ça, jamais on ne normalisera nos relations, peu importe le nombre de projets qu'on réglera pour les communautés. Ça, j'en conviens. Ça peut être utile...

M. Chevrette: Oui, mais je «peux-tu»...

M. Sirros: Je veux juste terminer. Ça peut être utile pour le ministre de s'entendre directement avec les chefs en réglant les dossiers ponctuels et spécifiques et sectoriels, un peu comme le ministre le décrivait, mais il demeure que le dossier global doit aussi être mené, puis ce serait... En tout cas, ça me déçoit d'entendre le ministre dire d'opposer les deux. Il ne faut pas opposer les deux. Il ne faut pas dire: Écoutez, 55 000 $, ça a été englouti dans cette affaire-là...

M. Chevrette: 55 000 000 $.

M. Sirros: ...si je l'avais pour autre chose, on aurait fait des choses, laissant entendre que c'est de la foutaise.

M. Chevrette: Non. Je m'excuse, M. le Président, je n'ai jamais dit que c'était de la foutaise.

M. Sirros: O.K. Correct. Dites au moins que c'est important.

(16 h 30)

M. Chevrette: J'ai même pris la peine de dire que, le bloc de l'est, on faisait l'exercice précisément, à partir de l'entente globale, sur ce qui marche et sur ce qui ne marche pas. La différence, c'est que, moi, je ne laisserai pas crever des jeunes autochtones, je ne laisserai pas crever les populations qui veulent s'en tirer sous prétexte que je veux une négociation globale. Ça peut amuser des avocats à 150 $ l'heure, mais ça ne donne pas une lueur d'espoir aux jeunes autochtones, ça. Puis je ne mettrai pas les oeufs dans le même panier. Ça ne veut pas dire que ce n'est pas important, je n'en disconviens pas, mais, quand je regarde les sommes faramineuses qui ont été injectées, par rapport aux projets d'ordre économique qui auraient pu avoir des injections, je pense qu'il y a un partage raisonnable à faire. C'est ça que je dis. Oui, il va y avoir des négociations globales, mais ce n'est pas vrai qu'à partir de concepts diamétralement opposés qui pourraient prendre cinq ans et 10 ans on va laisser pourrir tous les autres dossiers sous prétexte qu'il y a de la négociation globale et des droits inhérents, puis qu'il y a des ministres fédéraux qui viennent prêcher la partition aux autochtones sur le territoire québécois.

S'il vous plaît, on va se parler, oui, ça va être clair, il n'y aura pas d'ambiguïté, il va avoir beaucoup de transparence au niveau de ce discours-là. Je pense que les chefs ont compris ça de mon message depuis six mois.


Entente concernant le Lac Barrière

M. Sirros: En parlant, M. le Président, de chiffres faramineux, je suis extrêmement surpris de voir que, depuis octobre 1994, on a injecté 1 100 000 $, me dit-on, dans l'entente avec le Lac Barrière.

M. Chevrette: Ah, mais attends un peu...

M. Sirros: L'entente qui aurait dû avoir pris fin, si ma mémoire est bonne, dans sa deuxième phase d'implantation, en avril 1996.

M. Chevrette: Quelle date vous dites?

M. Sirros: Entre octobre 1994 et mai 1996, on a injecté 1 100 000 $. Bon. Et ça continue, parce que les argents qui ont été donnés, c'est l'entente qui avait été signée, qui aurait dû avoir pris fin dans sa deuxième phase complète et finale, en avril 1996. D'après ce que je peux comprendre, c'est extensionné et ça risque d'être extensionné de nouveau. Est-ce que vous pouvez faire le point sur Lac Barrière? Parce que les montants... pas seulement les montants, mais l'échéancier semble s'étirer pas mal.

M. Chevrette: Non, l'échéancier a été reculé de cinq mois; l'échéancier est allongé. Ça devait finir en avril 1996, ce sera fini en septembre 1996.

Pourquoi ça s'est étiré? C'est fort simple. Depuis le fait que le fédéral a démis le conseil, ça a été une problématique additionnelle. Tu composes avec qui sur place, là? Ça, ça a été une des difficultés, alors que M. Paul, le juge Paul, est à essayer de reconstituer un conseil à partir des traditions ancestrales d'élection ou par un mode électif quelconque. Mais ça a été une des grandes difficultés.

Personnellement, j'ai écrit à M. Irwin deux fois au moins là-dessus me disant inquiet un peu que le fédéral démette un conseil. Avec qui je vais traiter, moi? «C'est-u» avec une tutelle qui peut être jugée illégale par les tribunaux par la suite? Pourquoi je signerais un document avec quelqu'un qui est imposé par un gouvernement sans savoir si, juridiquement, la tutelle est légale? À supposer que la cour décide que l'ancien conseil était juridiquement correct sur ses sièges, je ne sais pas, moi.

M. Sirros: Si c'est ça, j'avais vu, moi, 1997 ici, puis je pensais que ça s'étirait au-delà de...

M. Chevrette: Non.

M. Sirros: Si c'est juste au mois de septembre, là...

M. Chevrette: 1996.

M. Paquin: Il y a 25 000 $, 1996-1997, seulement.

M. Sirros: Non, 100 000 $.

M. Chevrette: Non, non, c'est parce que...

M. Sirros: Il y a un virement de crédits de 100 000 $ supplémentaires pour 1996-1997, puis, moi, j'avais compris...

M. Chevrette: O.K.

M. Sirros: ...que ça s'étirait jusqu'à la fin de 1997, en me disant que ça risque donc de continuer. Et c'est de là la question. Si c'est juste...

M. Chevrette: Non, le plan, il doit être déposé, mais ça n'en demeure pas moins que j'aurai une certaine difficulté, sans savoir, là... J'ai qui comme interlocuteur pour signer? Des Algonquins, il n'y en a pas.

M. Sirros: Leur conseiller, semble-t-il...

M. Chevrette: On aurait un plan, mais...

M. Sirros: ...travaille maintenant pour le grand chef.

M. Chevrette: Oui, mais c'est parce que... C'est ça. Je sais que vous comprenez la situation. On va avoir un petit problème qui peut en devenir un gros.

M. Sirros: Est-ce que, au moins, le ministre peut faire le bilan de l'entente au niveau des... On était supposé revoir des règles d'aménagement de territoire qui découlaient de l'entente pour s'assurer que, ultimement, les coupes forestières, les activités traditionnelles de chasse et de pêche des autochtones, des non-autochtones puissent s'harmoniser. Est-ce que c'est en bonne voie? Est-ce que les représentants du Québec et des autochtones à la table, techniquement tout au moins, ont... Est-ce que l'entente a été une bonne chose?

M. Chevrette: Je vais demander à M. Magny de vous faire le point, là, parce que c'est très pointu.

M. Magny (André): M. le Président, moi, je pense que l'entente a été une bonne chose. Si on se rappelle les événements qui ont prévalu à la signature de cette entente-là, je pense que ça a été une bonne chose. Ça a pris beaucoup de temps puis d'efforts, puis beaucoup d'argent aussi. Mais, pendant qu'on négociait, en quelque sorte, on discutait d'un plan d'aménagement intégré des ressources qui peut avoir un bon impact sur l'exploitation forestière ailleurs aussi.

Pendant ce temps-là, il y a des mesures d'harmonisation qui ont été convenues avec les industries forestières, qui permettaient justement de tenir compte, en attendant que le plan d'aménagement intégré des ressources soit produit, que, finalement, il y ait des mesures d'harmonisation pour respecter ou tenir compte de la présence des autochtones, des Algonquins, dans une bonne partie de la réserve faunique de La Vérendrye et de leurs pratiques d'activités plus traditionnelles.

M. Sirros: O.K.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Saint-Jean.


Développement économique du Nord québécois (suite)

M. Paquin: On a fait allusion plusieurs fois à ce qui devient, quand on les compile, une tournée des chefs et des communautés que le ministre est allé rencontrer dans toutes sortes de contextes, pour toutes sortes de raisons. Au bout du compte, ça aurait été une tournée que ça aurait été aussi complet. Notamment, le 26 mars, vous vous êtes rendu à Inukjuak et vous avez rencontré Zebedee Nungak, de la Société Makivik, et Jean Dupuis, de la société Kativik, et vous avez, je pense, assisté à la réunion annuelle. Finalement, vous avez toujours votre préoccupation de développement régional en dessous de ça et vous ne vous séparez pas de votre chapeau de ministre du Développement des régions, je pense, y compris dans cette région un peu éloignée.

On sait qu'en 1994 ont commencé des discussions sur le gouvernement du Nunavik et on sait aussi que, quelques mois avant votre visite, quatre mois avant à peu près, au mois de décembre 1995, je pense, d'un commun accord, le gouvernement du Québec et également les Inuit ont décidé de suspendre les discussions sur la question du gouvernement du Nunavik et, centralement, sur, si j'ai bien compris, des questions de développement régional, de façon à ce que, au moment de reprendre ces négociations-là et de continuer à les poursuivre, vous ayiez une vision claire de l'orientation en termes du développement régional. Est-ce que...

M. Chevrette: Il y a un peu plus que ça.

M. Paquin: Il y a plus que ça? J'aimerais ça que vous nous en parliez.

M. Chevrette: Je pense que les deux parties étaient conscientes que les négociations ne menaient nulle part, d'autant plus que la commission scolaire Kativik ne voulait pas être intégrée à un futur gouvernement nunavik. Ça faisait leur affaire de faire un point d'arrêt, eux aussi.

Entre-temps, on travaille sur un paquet de dossiers. Par exemple, il y a la commercialisation du caribou, qui est un dossier majeur présentement sur le plan du développement économique, où le MAPAQ est interpellé, naturellement; il y en a un avec la Justice; il y en a un dans le tourisme, un projet; il y en a un dans le transport, il y a toute la question des aéroports; il y a aussi un problème majeur d'approvisionnement pour une coopérative régionale dans le pétrole, qui est un problème où, entre Inuit, on n'est pas sur la même longueur d'onde, parce qu'il y a une société qui attribue les terres, l'émission de terres, mais pour cinq ans.

C'est très complexe sur le plan juridique, parce que, en vertu de la Convention de la Baie James, il y a une société qu'on appelle Corporation foncière qui a le droit d'attribuer des terres pour fins d'exploitation commerciale, puis, à un moment donné... On sait qu'il y a des immobilisations très sérieuses de faites par les groupes, puis il y a un conflit entre la coopérative et la Corporation foncière, assez majeur. Ils demandaient de l'expansion dans la construction pour avoir une capacité de stockage beaucoup plus grande. Ils sont venus à deux reprises nous rencontrer. Nous avons, comme ministère, essayé de favoriser... avec les chefs de la place. Puis le ministère des Ressources naturelles aussi travaille là-dessus de façon très sérieuse. Mais c'est assez complexe. Il y a des menaces d'enlever les terres puis de transmettre ça à la communauté, ce qui fait que la coopérative, qui sont aussi des gens de la place... Il y a véritablement une confrontation interne là-dessus. Même s'il y a des Blancs qui travaillent pour eux, il reste que les dirigeants sont des Inuit des localités.

(16 h 40)

Il y a la question des aéroports qui est un problème assez majeur pour eux également. Il y a toute la cession de l'aéroport qui est en discussion. Il y a beaucoup, beaucoup de projets.

M. Paquin: Donc, ils sentaient eux-mêmes le besoin de faire la pause à ce moment-ci et de faire le point entre eux.

M. Chevrette: C'est drôle, j'ai senti personnellement... Je peux me tromper, là, c'est une question d'évaluation, mais mes rencontres à date m'indiquent qu'il y a une volonté de régler des choses concrètes. On sent ça, là... Quand tu rencontres, par exemple, le maire de Kuujjuaq, parce que, eux autres, c'est un maire, M. Adams, il va dire: Voici, moi, j'ai tel projet, puis c'est ça qu'il m'intéresse de discuter. Ce n'est pas la question de Nunavik, là, c'est ça. Je suis confronté dans ma communauté à tel projet. C'est ça que je veux discuter. Si vous avez de l'argent à mettre, mettez-le donc là-dessus au lieu d'ailleurs.

C'est que j'essaie de faire le point aussi, c'est qu'on a réglé un gros cas, là, pour l'éducation: le remboursement par le fédéral de tout près de 100 000 000 $, je crois, pour l'éducation crie. Mais on s'aperçoit, autant le gouvernement antérieur que le nôtre, que quand on veut régler des choses avec les communautés autochtones, souvent on paie pour des juridictions qui ne sont pas les nôtres parce qu'on veut régler des problèmes. Et ça, c'est un malaise. J'espère, en tout cas, qu'on aura une tribune pour en discuter très sérieusement. Parce que, quand le Québec veut régler des choses très ponctuelles, bien souvent on n'est même plus dans nos juridictions. Ça devrait être le gouvernement fédéral qui doit s'occuper de telles juridictions, c'est très clair. Par contre, il y a d'autres juridictions où c'est très précis que c'est nous. Là, on peut injecter sans problème des sous. Mais il y a un pont qui ne s'est jamais établi. Quand on regarde l'ensemble des dossiers, que ce soit avec la meilleure volonté du monde du Secrétariat aux affaires autochtones, quel que soit le ministre – je n'essaie pas de faire de politique là-dessus – on se rend compte qu'on serait prêt à régler des choses mais que ça n'aboutit pas bien souvent parce qu'on n'est pas sur la même longueur d'onde avec le fédéral là-dessus. Ça, ça constitue un problème assez important pour qu'on refasse le point bien comme il faut.

La deuxième chose, c'est qu'en parlant de négociation globale tantôt il est assez surprenant de voir que le fédéral, par exemple, pour des ententes quasi similaires à la Colombie-Britannique, qui a un appui du fédéral sur à peu près tout ce qui s'est négocié, et, quand tu regardes les principes, ils sont à peu près identiques partout, partout, partout, puis que ça ne marche pas ici, tu te demandes pourquoi. Il y a des choses qui ne marchent pas; il y a des choses qui ne fonctionnent pas.

Une voix: Oui, pourquoi?

M. Chevrette: Je ne le sais pas, je m'en doute en maudit, mais je ne le sais pas.

M. Sirros: Moi, je pense que les raisons pour lesquelles ça fonctionne moins ici, c'est la méfiance qui s'est installée entre le Québec et les autochtones. Traditionnellement, dans le reste du Canada, ça a été négocié vraiment entre le fédéral et les autochtones. Ici, c'est le Québec qui, dès le début, a eu la pôle, en quelque sorte, dans les négociations.

M. Chevrette: Mais je ne parle pas de la méfiance des autochtones, là...

M. Sirros: Pardon?

M. Chevrette: ...je parle de la méfiance du gouvernement central qui appuie une entente similaire avec les autochtones...

M. Sirros: C'est parce que c'est lui qui négocie, là.

M. Chevrette: ...de la Colombie-Britannique, puis il ne l'appuie pas ici.

M. Sirros: C'est lui qui la négocie. Ici, c'est le Québec qui la négocie; le fédéral observe, en quelque sorte. Il n'observe pas, là, mais...

M. Chevrette: Oh non! Non, non.

M. Sirros: En tout cas, le «lead»...

M. Chevrette: Non, non, là-dessus, vous n'avez pas raison. Non, non. Je m'excuse, vous n'avez pas raison là-dessus. C'est faux, ce que vous dites.

M. Sirros: Qu'est-ce qui est faux?

M. Chevrette: Ils étaient avec nous, les autochtones.

M. Sirros: Que le Québec n'a pas le «lead» dans les négociations avec les autochtones?

M. Chevrette: Le fédéral était à la table avec nous autres.

M. Sirros: Oui, oui.

M. Chevrette: Bon.

M. Sirros: Je ne dis pas qu'ils ne sont pas à la table, je dis que...

M. Chevrette: Comme il était à la table en Colombie-Britannique.

M. Sirros: ...les négociations sont menées et ont toujours été menées, dans le cas du CAM par exemple, par les différents gouvernements du Québec. En Colombie-Britannique et ailleurs dans le Canada, ça a été mené par le fédéral. La différence entre les deux situations, c'est qu'au niveau des négociations directes entre le fédéral et les autochtones il y a peut-être une tradition beaucoup plus longue entre les autochtones et le fédéral. C'est inusité, ce que le Québec a fait au niveau des négociations territoriales avec les autochtones. À ma connaissance, ce n'est pas la même chose ailleurs au pays. C'est peut-être un des facteurs qui peut expliquer...

M. Chevrette: Mais pourriez-vous m'expliquer...

M. Sirros: ...le fait qu'il y a des résultats différents, un des facteurs. En tout cas, c'est une discussion un peu philosophique à ce moment-ci...

M. Chevrette: Oui, philosophique, mais...

M. Sirros: ...puis on arrive à la fin et il y a encore des questions des collègues.

M. Chevrette: Pourquoi les principes d'une entente à Nishga seraient bons puis que les mêmes principes ne sont plus bons avec le Québec, de la part du même gouvernement fédéral?

M. Sirros: Mais, ça, c'est le ministre du Parti québécois qui le dit à l'heure actuelle. Moi, je ne suis pas certain que présenter... qui d'ailleurs n'a jamais rencontré son homologue fédéral...

M. Chevrette: Bien, je ne peux pas aller le chercher de force.

M. Sirros: ...depuis qu'il a été nommé. Ce serait peut-être une bonne chose de commencer à entretenir des relations entre Canadiens avec le ministre fédéral et ne pas le traiter de «crackpot» comme il l'a fait.

M. Chevrette: Oui, mais le «Canayen», il ne veut pas voir le Québécois, parce que ça fait 20 fois que je l'invite.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Laurier-Dorion, j'aimerais vous rappeler...

M. Chevrette: Moi, je n'ai pas l'habitude de...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...que c'était le député de Saint-Jean qui avait la parole.

M. Paquin: Il était quand même intéressant d'avoir des hypothèses d'explication à la question que posait le ministre. Moi, je pense que c'est très sain que le Québec veuille, dans une perspective de développement régional et d'harmonisation avec les différents occupants du territoire, les différentes missions du territoire, mener les discussions lui-même, surtout que le Canada est toujours bienvenu à la table.

Mais je pense que ce qu'il y a de fondamental et qui fait la situation particulière du Québec par rapport à ce qui se passe dans les autres provinces, c'est surtout que, nous, on a reconnu qu'il s'agissait là de nations et qu'on a positionné toute une série de droits qu'à titre de nations les différentes communautés possèdent. Je pense que, à ça, les différents partis adhèrent.


Participation du fédéral aux négociations avec les autochtones

On faisait allusion tantôt au fait que le Parti québécois avait mis en place la reconnaissance de plusieurs nations, ce que le ministre n'a pas nié d'ailleurs, qu'il supportait toujours le fait que les Attikameks étaient une nation. C'était dans la position qu'on avait adoptée. Mais je voudrais rappeler que nos amis d'en face ont eux-mêmes complété ça avec l'ajout des Malécites en 1987, sauf erreur. Donc, il y a un consensus ici, au niveau du Québec, sur le fait que ce sont des nations. Ils ont des droits et c'est à nous de mener avec ces gens-là, dans un esprit cordial, le mieux possible, les négociations sur les différents enjeux. Et je pense que, ça, c'est très positif.

Mais, avant d'aller à la sous-question que j'avais sur ce thème-là, ça m'amène à poser une question, parce que j'ai écouté ce que nous disait tantôt le député de Laurier-Dorion, à ce moment-ci, vous avez de la difficulté – je poserai ma question comme ça – à rencontrer votre homologue fédéral sur ces questions-là?

M. Chevrette: Bien, écoutez, je pourrais vous donner accès à mon courrier. Ça ne me gênerait pas. Depuis six mois, je ne sais pas combien de fois j'ai montré mon... Le 4 septembre, il me répondait: Malheureusement, le ministre Irwin... Ce n'est pas lui qui m'écrit, à part ça, alors que, moi, c'est moi qui signe. Il répond par un M. Plouffe qu'il est dans l'impossibilité de rencontrer son homologue.

M. Paquin: Oui, c'était pour que la lettre soit en français.

M. Sirros: Il peut aussi faire référence aux demandes de rencontre de l'année passée. Ça, c'est une demande de rencontre que vous avez faite, je pense bien, en fonction de Kahnawake.

M. Paquin: M. le député de Laurier-Dorion, j'aimerais...

M. Chevrette: Non, non, j'ai demandé des rencontres depuis le mois de janvier.

M. Paquin: ...pouvoir poursuivre quand même...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de...

M. Chevrette: D'ailleurs, M. Plouffe est très gentil. Il répond. Il a appris au Québec comment répondre poliment.

M. Paquin: Et en français.

M. Sirros: Il a bien appris.

M. Chevrette: Il a bien appris, mais ça ne me donne pas de rencontre, ça.

M. Paquin: Reste que, de mon point de vue, pour clore sur cet aspect-là, ce qui a été négocié en Colombie-Britannique, peu importe qui était le négociateur, et ce qui est proposé ici, c'est la même chose. En tout cas, ça se ressemble étrangement. Alors, je ne vois pas pourquoi le principe A, sur un papier à quelque part, puis le principe A sur un autre papier ailleurs, pour des équivalents, ça ne serait pas acceptable.

Mais je voudrais revenir à...

M. Chevrette: Me permettez-vous juste un commentaire là-dessus?

M. Paquin: Bien oui!

M. Chevrette: Sur la présence du Québec, de façon intensive, aux tables de négos: oui, on l'est; puis, oui, on va l'être; puis on va l'être tout le temps. Parce que le Québec a toujours été, et ce, en toute transparence, et ce, depuis 1983 et 1985, a toujours parlé de négociations basées sur des principes, mais dans le respect de l'intégrité du territoire québécois. Et ça, c'est une des raisons fondamentales pour lesquelles le Québec ne peut pas être un spectateur; il doit être un acteur.

(16 h 50)

M. Paquin: Mais, à cet égard-là, il faut voir que la suspicion dont vous parlez de la part du gouvernement fédéral par rapport au fait que c'est le Québec qui mène les discussions, elle n'est pas partagée par les communautés autochtones. Parce que, là-dessus, je pense que le Québec a fait ses preuves au cours des années antérieures.


Régionalisation et décentralisation en territoires nordiques

Je voudrais revenir à la dimension des paroles que vous avez prononcées à Inukjuak et qui concernaient le dossier que j'avais abordé précédemment. Elles sont rapportées dans la revue Rencontre , on dit: «M. Chevrette a indiqué qu'il reste au gouvernement à compléter sa réflexion – on parle toujours du moratoire – notamment dans la perspective de la régionalisation et de la décentralisation.» Alors, moi, je voudrais savoir quelles sont les réflexions, ou l'état des réflexions du ministre à ce moment-ci sur la question de la régionalisation et de la décentralisation en territoires nordiques.

M. Chevrette: C'est le 5 juillet 1996 que j'écrivais une lettre au président de la Société Makivik lui proposant une rencontre exploratoire, préalable à toute reprise formelle de négociation, effectivement. Cette rencontre permettrait de voir l'évolution des parties depuis juin 1995 puis de vérifier les positions actuelles de chacun sur les éléments déjà discutés à la table de négos.

C'est que, après avoir rencontré le bloc de l'Est, je crois, je me suis rendu compte que, de la façon dont on négociait ou qu'on négocie aux tables, ça s'échange des briques d'une fois à l'autre. C'est une grande séance, puis là il se dépose un bouquin plein de revendications; l'autre part avec le bouquin et il répond par un autre bouquin.

Moi, j'ai négocié toute ma vie. J'ai appris qu'à s'échanger des bouquins il y a nécessairement des choses sur lesquelles... J'ai dit: On «pourrait-tu» faire un exercice autre? On «pourrait-tu» prendre les points qui reviennent toujours, on va les sortir, on va mettre nos initiales à côté – ce qu'on appelle le paraphe – puis on va parler de ce qui ne marche pas. Mais si on s'échange des bouquins chaque fois... Un, vous savez qu'on paie des négociateurs, tout le monde sait ça, puis eux aussi, que ce sont des argents, à mon point de vue, qui sont assez... c'est des sommes d'argent assez faramineuses. On n'a rien qu'à regarder les engagements financiers pour le savoir, vous voyez, c'est 110 000 $ pour six, sept mois de négociations, ou 50 000 $, ou 25 000 $, dépendant des individus, et que les tarifs normaux que l'État paie... On arrive à des situations aberrantes.

C'est un peu le point que je voulais faire avec M. Zebedee Nungak, puis je n'ai pas eu de... Actuellement, ils sont préoccupés beaucoup plus par d'autres choses que par la négociation globale. Ça, on peut se dire ça.

M. Paquin: Néanmoins, sans aller précisément sur des objets précis, je voudrais savoir, dans votre réflexion sur la régionalisation et sur la décentralisation au Québec, quelle est votre vision en territoires nordiques?

M. Chevrette: Bien, pour la région du Nord, moi, je demeure convaincu qu'il y a un potentiel de développement économique assez extraordinaire. Ce que je voulais, c'est que chaque communauté... parce qu'on sait très bien qu'il y a trois communautés bien identifiées: les Cris, les Inuit, les non-autochtones, et elles ont une procédure, elles ont une genre de conférence annuelle où se réunissent... pas une conférence annuelle, mais une assemblée générale qui leur permet... Puis il y a une rotation dans la présidence. Elles se rencontrent une fois ou deux par année pour faire le point sur les différents dossiers, mais sans plan stratégique de développement.

Je pense que c'est venu du fait que la Radissonnie a eu un grand colloque d'une fin de semaine, puis quand ils ont vu que les allochtones avaient un plan stratégique, ils ont dit: Wo, les moteurs! Comment ça se fait qu'on n'a pas été associés? On ne le savait même pas, nous autres, que la Radissonnie voulait se bâtir son propre plan stratégique. On a rencontré, donc, les Cris puis on a dit: Bien, il faudrait peut-être... Puis là Billy Diamond achetait cela à l'époque, d'avoir un plan de développement stratégique, et on a voulu faire la même chose avec les Inuit, pour avoir un plan de développement stratégique du Nord, comme toutes les régions du Québec ont été amenées à se bâtir un plan de développement stratégique et une entente-cadre.

Puis on a reconnu la région – je pense que c'est 10 qu'elle porte comme numéro – la région 10, il y a à peu près huit, neuf mois; on a mis un comité de travail sur pied pour bâtir une permanence du SDR dans la région Nord, Secrétariat au développement des régions; on a formé un comité avec Hydro-Québec pour voir comment Hydro-Québec peut maximiser sa présence dans la région Nord. Parce qu'il y en a qui disaient: Bien, si Hydro arrêtait de négocier des conventions collectives 8-6, huit jours en haut, six jours en bas. Si on donnait l'opportunité, sur une base volontaire, par exemple, à des travailleurs de vivre là, il y aurait une activité économique dans le Nord puis ça pourrait contribuer à son développement d'infrastructures: la pourvoirie, le tourisme, etc. Ça, tout ça est en marche. Moi, j'avais toutes les raisons au monde de croire que tout le monde y participait. M. Diamond avait manifesté son intérêt, M. Blacksmith avait manifesté un grand intérêt. Quand j'ai vu que c'était en compétition probablement à cause de leur processus démocratique, j'ai fait le point clairement avec M. Coon Come pour ne pas qu'il se mette à dire: Il a dit ci, il a dit ça. Je l'ai envoyé à tout le monde, de façon très claire pour ce qui est des Cris.

Quant aux Inuit, il a eu de multiples rencontres avec eux autres. Je pense que le dialogue est excellent avec toute la... Les Inuit, actuellement, avec Kativik, ça fonctionne bien. M. Dupuis participe régulièrement aux rencontres, il est même à la Table Québec-régions présentement. M. Dupuis assiste à la Table Québec-régions, donc...

Moi, je trouve que ça va assez bien. Il y a un ou deux personnages qui ne veulent rien savoir du Québec. Ça, c'est leur problème. Moi, je veux continuer avec ceux qui veulent travailler. Vous comprendrez que je ne peux pas m'arrêter là.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Frontenac, j'aimerais vous rappeler que, dans votre échange, il ne faut pas que ça dure plus de trois minutes parce qu'on a les points techniques à faire avant 17 heures.


Inclusion de Kahnawake dans l'entente sur les transports

M. Lefebvre: Ça ne sera pas long, M. le Président.

M. le Président, dans la mise en place de l'Agence métropolitaine de transport en janvier dernier et dans la mise en place de l'éventuelle commission de développement de la métropole, on a inclu le territoire de Kahnawake. La semaine dernière, sauf erreur, Joe Norton a rencontré le ministre de la Métropole pour lui demander d'exclure le territoire. Je veux savoir du ministre responsable des autochtones, est-ce qu'il est d'accord avec la démarche de Kahnawake?

M. Chevrette: Bien, moi, oui. Le 12 juin, M. Norton m'avait soulevé ce cas-là, et j'avais demandé à M. Ménard de...

M. Lefebvre: D'y aller dans ce sens-là.

M. Chevrette: ...d'aller lui expliquer quelles étaient les possibilités, parce qu'il me disait que ça pénalisait la communauté. Et il craignait cela, à part ça. M. Ménard les a rencontrés le 5 septembre dernier, je crois, et ils ont eu une discussion... On m'a dit que ça a été une discussion très positive. Et c'est M. Ménard qui va plutôt piloter le dossier parce que ça fait partie de la grande agglomération métropolitaine.

M. Lefebvre: Mais, vous, comme ministre responsable des autochtones, vous appuyez la démarche de Kahnawake? Vous êtes d'accord avec cette...

M. Chevrette: Non, c'est-à-dire que, moi, je...

M. Lefebvre: ...évaluation qu'ils ont faite, à savoir qu'ils considèrent ne pas...

M. Chevrette: Non, je ne pense pas que j'aie à dire que j'appuie ou que je n'appuie pas. Il y a une entente globale au niveau des transports avec la communauté, bon. Moi, je croyais que toute cette discussion-là faisait partie d'une modification à l'entente de transport ou, du moins, en tout cas, qu'il y avait des pourparlers avec les deux communautés. Mais je ne suis pas rentré dans le détail de l'entente.

M. Lefebvre: Parce qu'ils considèrent ne pas être une municipalité au sens...

M. Chevrette: Oui.

M. Lefebvre: ...de la définition québécoise. C'est pour ça. C'est l'argument, entre autres, de Joe Norton.

M. Chevrette: Mais le problème, c'est qu'il y a peut-être de la maladresse dans ça. Je vais vous expliquer pourquoi, en tout cas, ma perception, puis prenez-en, lâchez-en. J'ai l'impression que les autochtones ont été plutôt vexés du fait que du certain papier à lettre les appelait la municipalité de Kahnawake. Ils ont dit: Ils nous considèrent une municipalité, puis on n'est pas une municipalité. On veut avoir notre réserve, notre organisme, notre conseil, puis on n'est pas un organisme municipal. Ça, c'était un volet très clair dans ses revendications.

Pour bien conclure qu'il y en a qui ont dit «municipalité», mais, dans le fond... Mais ils sont identifiés, dans ce que j'ai compris par la suite, comme un organisme vraiment...

M. Lefebvre: Une réserve.

M. Chevrette: ...pas au même titre qu'une municipalité, effectivement.

Quant au quantum dans une entente du genre, là, je ne suis pas assez en mesure, je ne connais pas assez le dossier techniquement pour pouvoir vous répondre. «C'est-u» correct, l'entente qu'il y a là? «C'est-u» pas correct? Ça «pourrait-tu» être revu à l'intérieur du cadre de l'entente globale sur les transports? Possible.


Vérification de l'ensemble des engagements financiers

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien, messieurs, mesdames. Alors, les engagements financiers du Secrétariat aux affaires autochtones contenus dans les listes de janvier 1994 à juillet 1996 inclusivement sont donc vérifiés.

Alors, je vous remercie de votre excellente participation, et nous ajournons nos travaux à demain, 25 septembre 1996, à 10 heures.

(Fin de la séance à 17 heures)


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