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Version finale

35e législature, 1re session
(29 novembre 1994 au 13 mars 1996)

Le jeudi 22 février 1996 - Vol. 34 N° 71

Consultation générale dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 131 - Loi modifiant la Loi sur le ministère du Conseil exécutif concernant l'éthique et la déontologie


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Table des matières

Auditions

Remarques finales


Autres intervenants
M. Christos Sirros, président
M. Claude Pinard, président suppléant
M. Jean-Marc Fournier
M. Normand Jutras
M. Thomas J. Mulcair
M. Guy Lelièvre
M. Joseph Facal
Mme Marie Malavoy
* M. Éric Gourdeau, Hydro-Québec
* M. Gilles Marchand, idem
* Mme Francine Bousquet, CSN
* M. Marc Laviolette, idem
* Mme Martha Bishop, Comité de bénéficiaires de l'hôpital Douglas
* M. François Vaudreuil, CSD
* Mme Catherine Escojido, idem
* M. André Garon, MACM
* M. André Barnard, MQ
* M. Guy Boivin, Musée de la civilisation
* M. Ghislain Dufour, CPQ
* M. Jacques Béchard, idem
* M. Bernard Cliche, idem
* M. Robert Caron, SPGQ
* Mme Isabelle Albernhe, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix heures cinq minutes)

Le Président (M. Sirros): Étant donné que nos premiers invités sont déjà ici, on pourrait peut-être les inviter à prendre place. Je pourrais déclarer la séance ouverte, avec le consentement de tout le monde, et vous indiquer aussi que l'agenda que nous avons devant nous est l'agenda définitif. Donc, on ajournera à 19 h 30, après les remarques finales à 19 heures, en suivant le reste de l'horaire tel que prévu.

Je vous rappelle le mandat de la commission, qui est de procéder à une consultation générale et de tenir des audiences publiques dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 131, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Conseil exécutif concernant l'éthique et la déontologie.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Charbonneau (Borduas) est remplacé par M. Facal (Fabre); M. Ciaccia (Mont-Royal) par M. Bordeleau (Acadie); et Mme Delisle (Jean-Talon) par M. Gautrin (Verdun).

Le Président (M. Sirros): Merci. Alors, on pourra peut-être vous demander de vous identifier pour les fins du Journal des débats et vous indiquer que vous avez 20 minutes, par la suite, pour faire votre présentation, suivies d'une quarantaine de minutes d'échange avec les deux partis représentés ici. Alors, on vous écoute, et bienvenue.


Auditions


Hydro-Québec

M. Gourdeau (Éric): Merci, M. le Président. Je suis Éric Gourdeau, je suis un des 17 administrateurs d'Hydro-Québec et j'ai avec moi M. Gilles Marchand, qui est chef du contentieux, ou avocat en chef d'Hydro-Québec.

M. le ministre, M. le Président, MM. les membres de la commission, au nom du conseil d'administration et de la direction d'Hydro-Québec, permettez-moi d'abord de remercier la commission des institutions de l'Assemblée nationale de nous avoir invités à exprimer notre avis sur le projet de loi modifiant la Loi sur le ministère du Conseil exécutif ainsi que sur le projet de règlement sur l'éthique et la déontologie des administrateurs publics.

Les deux projets examinés ici sont importants pour Hydro-Québec, ses administrateurs et ceux de ses filiales. Les valeurs et les objectifs qui y sont proposés rejoignent directement les préoccupations de l'entreprise que je représente. Les administrateurs et les dirigeants d'Hydro-Québec sont en effet soumis depuis 1994 à un code d'éthique et de déontologie. Il en va de même de tous les employés de l'entreprise, à qui s'appliquent des règles d'éthique édictées en 1988 ainsi qu'un code de conduite soumis tout récemment au conseil et actuellement en cours de diffusion dans l'entreprise.

Hydro-Québec partage entièrement les valeurs que le législateur entend consacrer chez l'administrateur public, soit la probité, la loyauté, la discrétion, la transparence, la discipline et la rigueur. Nos administrateurs et nos hauts dirigeants y réfèrent fréquemment dans leurs interventions et s'emploient à faire régner dans l'entreprise un esprit que l'on peut résumer en deux mots: intégrité et imputabilité. Nous sommes par conséquent heureux d'apporter notre contribution à une initiative à laquelle nous souscrivons entièrement quant au fond. Les remarques que je m'apprête à soumettre à la commission visent surtout à clarifier certains aspects des projets de loi et de règlement et à faciliter leur application dans le contexte propre aux activités d'entreprises telles qu'Hydro-Québec.

En guise d'introduction, j'aimerais rappeler très brièvement la situation d'Hydro-Québec en ce qui concerne sa structure d'ensemble. Ainsi que le détaille le mémoire que vous avez devant vous, nous devons considérer quatre cas différents. Il y a, premièrement, Hydro-Québec comme telle, société appartenant entièrement à l'État. Il y a, deuxièmement, les filiales à part entière d'Hydro-Québec, comme Hydro-Québec International, Nouveler et la Société d'énergie de la Baie James. Vous avez ceci devant vous, M. le Président, à l'Annexe 1 dans le rapport que vous avez devant vous, où on a fait un tableau représentant l'organigramme d'Hydro-Québec et de ses filiales. Troisièmement, le cas des entreprises n'appartenant pas entièrement à Hydro-Québec, qui y détient cependant une participation variant de 34 % à 50 %. Enfin, il y a le cas des sociétés dans lesquelles nos filiales à part entière détiennent des participations. Par exemple, Hydro-Québec International détient dans huit entreprises des participations variant de 30 % à 100 %. Quant à Nouveler, elle participe au capital de 27 entreprises dans des proportions variant entre 12 % et 100 %.

(10 h 10)

Ce rappel aide à mettre en lumière le fait qu'il faut distinguer les situations où l'État exerce un contrôle direct ou indirect sur les entreprises Hydro-Québec et ses filiales à part entière de celles où l'État n'a pas le contrôle. Il s'agit des entreprises que ne contrôlent pas Hydro-Québec ou ses filiales, mais où siègent des administrateurs nommés par Hydro-Québec ou ses filiales. Ces administrateurs acquièrent, selon le projet de loi qui est devant vous, le statut d'administrateur public. Concrètement, on pourra donc retrouver à la fois dans un même conseil d'administration des administrateurs publics régis par les règles d'éthique du présent projet de loi et des administrateurs qui n'y sont pas soumis.

Cette mise en situation faite, voici maintenant quelques observations sur les projets de loi et de règlement. Le mémoire d'Hydro-Québec contient des recommandations ou propositions. Sans les passer toutes en revue, je soulignerai certaines d'entre elles et formulerai quelques commentaires d'ordre général. Tout d'abord, comme l'indique le rapport du Groupe de travail sur l'éthique, la probité et l'intégrité des administrateurs publics, le rapport Côté, il y a une raison fondamentale pour laquelle les pouvoirs publics créent des sociétés d'État plutôt que d'assumer directement les responsabilités qu'ils leur délèguent: l'État veut, en octroyant à ces sociétés un important degré d'autonomie, leur permettre de poursuivre la mission qui leur a été confiée. Il en résulte, en quelque sorte, un équilibre à rechercher entre la nécessité de la confiance et celle de l'efficacité. On exige à juste titre la probité de l'administrateur public. Il faut également que les sociétés où il siège aient la latitude nécessaire pour accomplir le travail que l'on attend d'elles. Cette remarque vaut tant pour les sociétés d'État et leurs filiales que pour les autres sociétés dans lesquelles l'État, une société d'État ou une de ses filiales possèdent une participation minoritaire.

Une autre considération tout aussi importante doit être prise en compte. Lorsque l'on recherche, à bon droit, les conditions visant à favoriser au mieux l'honnêteté, on doit également se soucier de ne pas compromettre d'autres valeurs auxquelles le public accorde de plus en plus d'importance, notamment celle du droit à la vie privée et à la liberté d'expression.

En ce qui concerne la vie privée, les projets à l'étude devraient éviter, pensons-nous, de s'immiscer indûment dans la gestion des comportements individuels. Par exemple, nous nous demandons si l'article 4 du projet de règlement, qui contraint l'administrateur public à, je cite, «organiser ses affaires personnelles d'une manière telle qu'elles puissent résister à l'examen le plus minutieux» – fin de la citation – ne crée pas une obligation de contrôle allant à l'encontre de la Charte des droits et libertés de la personne. Cet aspect devrait, à notre avis, être examiné attentivement.

Pour ce qui est de la liberté d'expression, il nous apparaît important de distinguer entre l'administrateur à temps plein et celui à temps partiel. La notion de réserve aurait avantage à être précisée de manière à ce que la liberté d'expression des administrateurs à temps partiel ne soit pas indûment restreinte. Comme ils remplissent souvent plusieurs autres mandats publics ou privés, le risque est bien minime qu'ils soient perçus comme des porte-parole de l'État. Toujours en ce qui concerne les administrateurs à temps partiel, Hydro-Québec estime qu'il y a lieu de rétablir pour eux un mode de rémunération par jetons de présence, assortie éventuellement d'une rémunération forfaitaire de base.

Revenons maintenant à la structure d'Hydro-Québec et de ses filiales, en considérant le cas des entreprises qui ne sont pas sous le contrôle direct ou indirect de l'État. La question qui se pose ici est celle du champ d'application du projet de loi et du projet de règlement. De manière générale, les deux projets ne font pas la distinction entre les entreprises contrôlées par l'État et celles qui ne le sont pas. Dans un cas comme dans l'autre, le législateur se propose d'imposer les mêmes règles et obligations. Or, les conseils d'administration des entreprises non contrôlées par l'État comportent des membres de toute provenance, publique ou privée. Faudrait-il appliquer aux administrateurs publics de ces conseils des normes et des règles qui ne s'appliqueront pas aux administrateurs désignés par les autres actionnaires du domaine privé?

Les projets à l'étude auraient comme conséquence de créer deux catégories d'administrateurs, chacune gouvernée par un corpus de normes distinctes. Cette situation pourrait mener, en cas de poursuite, à ce que seuls les administrateurs publics d'un même conseil d'administration soient poursuivis pour une décision prise par l'ensemble des membres de ce conseil. Hydro-Québec est par conséquent d'avis que le projet de loi et le projet de règlement devraient être révisés de manière à ne pas augmenter indûment la responsabilité des administrateurs nommés ou désignés dans les entreprises qui ne sont pas sous le contrôle du gouvernement ou d'une société d'État. C'est plutôt l'entreprise en question qui devrait régir le comportement de tous ses administrateurs et, dans l'éventualité où cette entreprise n'aurait pas encore adopté un code d'éthique ou de déontologie, la société d'État ou sa filiale pourrait l'inviter à le faire.

Voilà esquissée très rapidement la position d'Hydro-Québec sur les projets de loi et de règlement sur l'éthique et la déontologie des administrateurs publics. Le mémoire d'Hydro-Québec contient quelques autres observations, qui visent, par exemple, à éviter la judiciarisation des procédures de discipline, à préciser ou éclairer certains points et à éviter quelques situations difficiles, comme le fait, notamment, de placer les administrateurs publics dans la situation d'avoir à révéler des renseignements confidentiels appartenant à une entreprise non contrôlée par l'État.

Les deux projets sont pleinement justifiés. Les observations contenues dans le mémoire d'Hydro-Québec visent essentiellement à faciliter la mise en oeuvre de la réforme proposée dans le respect et l'autonomie des sociétés d'État, de leurs filiales et des autres entreprises dans lesquelles l'État détient une participation minoritaire. Nos recommandations sont également guidées par le respect des valeurs fondamentales que sont le droit à la vie privée et à la liberté d'expression.

Au nom d'Hydro-Québec et de son conseil d'administration, je remercie la commission des institutions de l'Assemblée nationale de nous avoir fourni l'occasion de commenter le projet de réforme. Je vous remercie également de votre attention.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup, M. Gourdeau. M. le ministre.

M. Bégin: Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais vous remercier, M. Gourdeau et M. Marchand, du mémoire que vous avez fait et de la présentation que vous venez de nous livrer, M. Gourdeau.

Vous avez soulevé dans votre présentation, même si c'est brièvement, mais beaucoup plus longuement dans votre mémoire, la question des administrateurs à temps partiel et à temps plein, et ça se pose sur plusieurs facettes, mais j'aimerais l'aborder sous un angle bien particulier qui a été soulevé par différents chroniqueurs et qui revient aussi dans certains mémoires. L'article 6 du projet de règlement fait référence à deux situations, celles de la neutralité politique dans l'exercice de ses fonctions et de réserve dans la manifestation publique de ses opinions politiques. Ce texte-là a posé, et je pense avec raison, des questionnements importants chez des gens, et je réfère, par exemple, au président de la FTQ, qui dit: J'ai toujours fait de la politique et je ne m'arrêterai pas d'en faire. Je pense qu'il a tout à fait raison d'exprimer ses opinions, que ce soient politiques, syndicales ou autres; c'est son droit, et je pense que personne ne doit interpréter la volonté du gouvernement d'aller dans le sens de ne pas continuer, au contraire.

Je pense cependant qu'il faut qu'on prévoie un texte différent pour faire en sorte que quelqu'un, dans l'exercice de ses fonctions, quand il est en train de siéger, ne doive pas être un partisan politique, doive être un administrateur qui prend une décision dans le meilleur intérêt de l'entreprise ou de l'organisme dans lequel il travaille, et ça, je pense que c'est reconnu par tout le monde. Je vous vois opiner, je comprends que vous êtes d'accord avec cette affirmation-là. Mais, dans le sens que, la personne qui est à temps partiel – par exemple, prenons M. Godbout pour fins de démonstration – c'est bien sûr que, le lendemain matin ou une heure après la fin d'une séance du conseil d'administration, elle a toute sa liberté de s'exprimer politiquement et de la manière qu'elle le veut, complètement.

Par contre, on arrive à l'autre volet, et là je pense qu'on vient de voir que l'administrateur à temps plein et celui à temps partiel, au niveau de la neutralité politique dans l'exercice de leur fonction, sont sur le même pied. Mais, quand ils sortent du conseil, il y a un traitement qui doit être différent. L'administrateur public ne doit pas manifester ouvertement ou, en tout cas, dans le sens d'un homme politique ou d'une femme politique, alors que l'autre, qui est à temps partiel, retrouve toute sa liberté, évidemment.

Par contre, quand on arrive à «de réserve dans la manifestation publique de ses opinions politiques», bien, je pense qu'on ne peut pas demander à celui qui est à temps partiel d'avoir une réserve dans ses opinions politiques. Il est ce qu'il est, puis il est là, souvent, sur le conseil d'administration, à cause de ce qu'il représente. Alors, ce serait bête de lui enlever cette capacité en sortant parce qu'il a été nommé. C'est ce qui l'a amené là, on ne veut pas le lui enlever quand il en sort.

(10 h 20)

Par contre, celui qui est un administrateur public à temps plein a droit à ses opinions politiques comme tout le monde et il peut les exprimer aussi, mais dans un sens très différent, je pense. Et là il faudrait qu'on balise pour dire que cette personne, tout en conservant sa liberté pédagogique, d'expression, etc., peut continuer à le faire, mais qu'elle ne peut pas faire de la politique partisane; et ça, je pense que l'administrateur à temps plein est dans une situation différente de l'autre.

Alors, je trouve que vous me donniez l'occasion de soulever ça, mais ça revient comme sous une autre facette – et là on pourrait en parler – c'est l'administrateur qui est nommé à temps partiel, au niveau de la rémunération. Vous nous soulevez, et je pense qu'on pourrait aborder le débat un peu par là, parce que, après ça, ça va découler: Est-ce que, oui ou non, il devrait y avoir une rémunération à temps partiel? Je rappelle que, avant 1986 ou 1987, il y avait des jetons de présence, ça a été enlevé. Vous proposez qu'ils soient réintroduits. Le Groupe de travail, à la page 59, fait effectivement la même recommandation que vous. On dit que «le Groupe de travail recommande que, lorsqu'une personne siège au conseil d'administration d'une société mixte ou privée à la suite d'une désignation par une société d'État ou sa filiale, du fait de leur participation financière dans cette société, la rémunération [...] se limite à la rémunération forfaitaire ou directe du travail effectué et n'inclue pas la possibilité de toucher, à titre personnel, des avantages financiers...»

Là, on fait une distinction entre le jeton dont vous parlez et la possibilité de toucher des avantages financiers, et c'est là-dessus que je voulais vous interroger. Est-ce que vous êtes d'avis que celui qui siège et qui recevrait, je dis bien, un jeton de présence pourrait avoir d'autres rémunérations, des avantages directs ou indirects, des primes, soit participation dans le capital-actions, l'achat d'actions, d'options, etc.? Est-ce que vous pensez que ça devrait être inclus?

M. Gourdeau (Éric): Là, je ne sais pas si je dois répondre – ha, ha, ha! – en mon nom personnel ou au nom du conseil d'administration. Je pense que, du côté du conseil d'administration, il n'y a pas eu de restriction concernant ce que vous mentionnez, c'est-à-dire que, si l'intention du législateur, c'est que celui qu'il nomme ou qu'il fait nommer par une de ses filiales ou par une de ses sociétés comme administrateur... Si l'intention du législateur, c'est que cet administrateur-là, pour que sa contribution soit vraiment celle de quelqu'un que l'État choisit, suppose qu'il n'a pas à recevoir, qu'il n'a pas à avoir de mécanisme d'intéressement qui lui profite, je pense qu'il n'y a pas de restriction là-dessus du côté des administrateurs d'Hydro.

Sur l'autre question que vous avez mentionnée, il faut bien dire que c'est vrai qu'actuellement les administrateurs font un travail bénévole, sauf que ce n'est pas tout à fait vrai, dans le sens que, après 24 demi-journées de réunion – la réunion ne dure jamais plus qu'une demi-journée – après 24 réunions d'une demi-journée pendant l'année, pour les demi-journées additionnelles, on peut avoir, je pense, 50 $ ou 100 $ par demi-journée additionnelle. Donc, ce n'est pas complètement gratuit. Ha, ha, ha! Ce qui est mis en doute un petit peu par... Ce n'est théoriquement pas nécessairement gratuit; je veux dire, il y a une possibilité qui est ouverte que de l'argent soit versé, mais cela n'arrive jamais.

Je pense que ce que les administrateurs mettent en doute, c'est peut-être le mécanisme d'intéressement des administrateurs, qui doivent dépenser beaucoup de leur temps – la situation des administrateurs n'est pas la même pour tous – et de mettre, à toutes fins pratiques, une barrière à franchir. D'une part, ça peut peut-être incliner les gens à ne pas éventuellement accepter d'être administrateurs, mais ça peut aussi avoir comme conséquence de ne pas inciter suffisamment les administrateurs à étudier les dossiers qui leur sont transmis. C'est ça qui semble être la principale chose chez les administrateurs.

M. Bégin: J'aimerais maintenant passer à un autre sujet. En particulier, je prendrais les recommandations 5 et 10 conjuguées. Il y en a peut-être une autre qui m'échappe, mais, fondamentalement, le principe est posé à ces deux recommandations. C'est à la page 18 de votre mémoire. Vous nous dites, si je comprends bien, qu'il ne serait pas souhaitable que la personne qui est nommée, par exemple dans une filiale soit assujettie et que cette personne, qui est un administrateur public, ne soit pas soumise, lorsqu'elle est là, aux règles d'éthique de la maison mère, mais soit plutôt soumise à la compagnie ou à l'organisme qui est créé.

Pour prendre un exemple simple, il y a une filiale qui est créée, ou une sous-filiale; là-dessus, il y a trois personnes qui siègent ou qui sont là, vous avez un programme, je pense, de recherche et de développement et vous avez de la mise en application de ces recherches-là par la création d'organismes chargés de faire la promotion et même le développement de ces choses-là. Vous nous dites, si je comprends bien – et vous me corrigerez si je me trompe: On voudrait que les règles d'éthique, de déontologie soient celles de cette filiale plutôt que d'être celles de la maison mère, sous le motif, si j'ai bien compris également, qu'il pourrait arriver que, sur le même conseil d'administration de cette filiale, il y ait deux types d'administrateurs: un qui vient de l'État, ou de l'administration publique, et l'autre qui vient de l'entreprise privée. Est-ce que c'est ça que vous demandez?

M. Gourdeau (Éric): Oui. Ce qu'il y a, c'est qu'il n'y a pas tellement de problème, à première vue, à ce que quelqu'un, un administrateur qui est nommé par l'État, ait une éthique ou une déontologie plus exigeante que celle des autres administrateurs, si on regarde, par exemple, la question des jetons. Bon, quelqu'un peut bien, s'il est nommé, être obligé de les remettre à l'État ou de les remettre à la compagnie privée sur laquelle il siège en tant qu'administrateur. Il peut bien, donc, y avoir une espèce de déontologie qui n'appartient qu'à lui parmi les administrateurs, sauf que le cas que ça pose, apparemment, c'est que c'est sur le plan de la justice. Supposons que l'ensemble de ces administrateurs-là a pris une décision. Alors que les autres administrateurs ne pourraient pas être appelés à se défendre en vertu de leur code de déontologie, qui permet ce qu'ils ont fait, l'autre, lui, à qui ce ne serait pas permis et qui vient de l'État, pourrait être poursuivi à titre individuel.

M. Bégin: Mais est-ce que ce n'est pas courant, dans la vie, de dire que les règles qui s'appliquent à l'entreprise privée ne sont pas les mêmes que celles qui s'appliquent à l'État? Ayant participé pendant toute ma vie à l'entreprise privée, je sais que j'avais des comportements que je pouvais avoir...

M. Gourdeau (Éric): Oui, oui.

M. Bégin: ...et que je ne peux plus avoir, maintenant que je suis député et particulièrement ministre, et ça m'apparaît tout à fait correct d'avoir des règles. Mais pourquoi y aurait-il incompatibilité qu'une personne sur un même conseil puisse éthiquement et déontologiquement avoir des règles différentes? C'est un peu comme un avocat qui siège quelque part: il a son code d'éthique d'avocat, et ceux qui ne sont pas avocats ne l'ont pas; et, pourtant, les personnes se comportent selon les règles qui les régissent.

M. Gourdeau (Éric): Oui. On a discuté pas mal de cette question-là, M. le ministre, et je pense que, le problème, on peut très bien l'écarter en disant: Bon, c'est entendu qu'on peut avoir une éthique qui soit plus exigeante, et puis on s'en va avec les autres qui l'ont moins exigeante; donc, on n'acceptera pas de participer à certains mécanismes d'intéressement, etc. C'est correct. Le problème, ce n'est pas ça. Le problème, c'est: à supposer qu'il puisse y avoir une poursuite... Bien, là, je vais laisser la parole à mon collègue...

M. Bégin: Je veux bien être certain de comprendre. Vous me dites que, parce qu'on a un code de déontologie différent, on pourrait être responsable dans un cas et ne pas l'être dans l'autre sur le plan civil?

M. Gourdeau (Éric): Oui. C'est-à-dire pas parce qu'on a un code nécessairement, mais parce qu'un certain article de notre code de déontologie pourrait nous avoir empêchés d'être en faveur de ce qui a été décidé par la compagnie privée en question. Alors, moi, si je suis administrateur d'État là-dessus, je pourrais apparemment être poursuivi personnellement, alors que les autres qui sont avec moi ne pourraient pas être poursuivis.

M. Bégin: Ah! là, on parle de droit.

M. Gourdeau (Éric): Mais je laisse la parole à notre avocat, si vous voulez.

M. Bégin: D'accord.

M. Gourdeau (Éric): Il va peut-être expliquer pourquoi on est arrivé à ça.

M. Bégin: J'aimerais ça, l'entendre.

(10 h 30)

M. Marchand (Gilles): Oui. Ce qu'on soulève, c'est qu'il y a la possibilité, à ce moment-là, de poursuites judiciaires contre un administrateur en fonction des gestes qui sont posés, où des actionnaires minoritaires, ou, en tout cas, des individus quelconques, pourraient, à ce moment-là, trouver une faute dans le comportement de l'administrateur public, la lui reprocher et l'exposer à une responsabilité que d'autres administrateurs sur le même conseil d'administration n'auraient pas. On pense que...

M. Bégin: Vous me permettrez de ne pas être d'accord avec vous.

M. Marchand (Gilles): ...il existe, à ce moment-là, à cet égard-là – et on se dit qu'il y a une problématique, que l'on vous présente...

Pensez, entre autres, à des décisions judiciaires récentes, dans le cas de Gemini et toute la controverse entourant l'objet commun que les deux compagnies aériennes devaient avoir, et les jugements que les tribunaux ont rendus, avec le devoir imposé aux administrateurs et les obligations qui en découlent de rendre disponibles, en termes d'information et de comportement, les informations qu'ils détenaient même dans les compagnies qu'ils représentaient au niveau du conseil d'administration de l'entreprise Gemini en question et la responsabilité qui découle des actes qu'ils ont faits. C'est ce qui nous a inspirés à dire: Vous avez une problématique avec laquelle il faut que vous regardiez ces éléments-là. C'est dans ce sens-là que nous l'avons soulevée.

M. Bégin: N'êtes-vous pas d'accord que les gens, la population en général, ont, de la part des administrateurs qui agissent au premier, au deuxième ou au troisième niveau, des attentes particulières, différentes de transparence, qu'ils n'ont pas nécessairement – et ils le reconnaissent, ils ne disent pas d'être incorrect – qu'ils n'exigent pas de ceux qui ne sont pas des administrateurs publics? Et, quand vous dites ça, est-ce que, indirectement, vous ne dites pas: Nous voudrions qu'on n'ait pas les mêmes exigences à l'égard des administrateurs publics siégeant dans une filiale?

M. Marchand (Gilles): Ce que l'on dit, c'est qu'il y a une problématique sur laquelle il faudrait que le législateur ou le ministère de la Justice se penche. On n'a pas de solution et on n'a pas mis d'avant de solution pour dire que ça ne doit pas être. On dit: Ça nous apparaît un régime où vous allez avoir un double statut, et ce double statut, vous devez, à ce moment-là, trouver une façon de faire qui fait en sorte de ne pas exposer indûment les administrateurs qui, comme vous dites, pour les principes que vous mettez de l'avant, iraient là, mais qui, d'autre part, se trouveraient assujettis dans le régime de responsabilité plus lourd que d'autres administrateurs qui seraient nommés au même titre qu'eux autres. C'est dans ce sens-là qu'était la remarque de M. Gourdeau et qui résulte de notre mémoire.

M. Bégin: Est-ce que la recommandation 11 de votre mémoire ne serait pas une réponse à votre demande? Parce que je l'assimile très bien à ce que nous avons comme députés, c'est-à-dire la possibilité de consulter un jurisconsulte. Vous l'exprimez autrement, mais vous dites: «Le règlement pourrait prévoir un mécanisme d'avis préventif permettant à l'administrateur public de soumettre au comité d'éthique», etc. Je vous fais grâce de la lecture. Mais ce que j'en comprends, c'est que, placé devant un choix qui implique l'éthique ou la déontologie, l'administrateur public qui est embarrassé, ne sachant pas exactement ce qui va arriver, soumettrait son problème – comme un député qui s'apprête à poser un geste, il se demande s'il n'y a pas un problème, demande au jurisconsulte... Évidemment, ce n'est pas une exemption totale de toute responsabilité, mais ça le met à l'abri, en tout cas, à supposer qu'on accepte ce que vous disiez concernant la cause Gemini, ça met de côté ces problèmes de responsabilité.

M. Marchand (Gilles): Nous, on avait soulevé le point en disant évidemment qu'il y a d'autres mécanismes. Il pourrait y avoir des mécanismes tels que des clauses de non-responsabilité, comme on retrouve à l'intérieur d'une loi comme la Loi sur Hydro-Québec, par rapport aux administrateurs qui sont déjà là. Mais je pense qu'il existe effectivement des formules juridiques, si je peux employer l'expression, qui permettraient de solutionner ou de trouver une contrepartie. C'est ce qu'on voulait soulever et qui nous apparaissait important.

M. Bégin: Je comprends que vous seriez prêts à accepter qu'il y ait les mêmes règles, à la condition, cependant, qu'il y ait des mécanismes de protection juridique pour que, justement, quelqu'un ne soit pas indûment traité suite à l'observation de règles d'éthique ou de déontologie. C'est ça?

M. Gourdeau (Éric): Oui, c'est ça. Justement, on a même pensé, s'il y avait moyen de faire une suggestion, d'avoir dans la loi, suggérer qu'il y ait dans la loi ou dans la réglementation, dans la loi probablement, une espèce de clause qui préviendrait que quelqu'un puisse être poursuivi dans un cas comme ça, mais ça demeurerait une clause peut-être interprétative, finalement, devant les tribunaux. Alors, finalement, on a simplement décidé de vous soumettre le problème qui nous semble possible.

M. Bégin: Je passe ça, parce qu'il reste peu de temps. À la recommandation 14, vous dites: «L'administrateur public à temps partiel devrait être autorisé à exercer des activités caritatives ou philanthropiques qui n'entrent pas en conflit avec la mission de l'entreprise.» Est-ce que vous ajoutez que ça soit gratuit, bénévole? Et «philantropique», est-ce que ça couvre «philosophique», «religieux»?

M. Gourdeau (Éric): Bien, on veut être sûr que l'exemption qui a été faite au point de vue pédagogique, des activités pédagogiques qui sont permises, bon, bien, si jamais la situation se présentait pour des activités caritatives, que ça puisse aussi faire l'objet d'une exception.

M. Bégin: Mais vous n'avez pas tout à fait répondu à ma question sur le philanthropique. C'est large ça, philanthropique.

M. Gourdeau (Éric): Ah oui!

M. Bégin: Par exemple, religieux...

M. Gourdeau (Éric): Oui, ça, c'est...

M. Bégin: ...est-ce que ça couvre ça? Non, mais la question n'est pas banale, vous le savez.

M. Gourdeau (Éric): Non, non. Mais je pense que vous avez bien raison, M. le ministre, quand on emploie un mot comme «philanthropique», l'amitié envers l'être humain, c'est quelque chose de compliqué et probablement qu'il faudrait des normes plus sévères qu'un mot général comme celui-là. Du côté caritatif, peut-être que, là, c'est plus restreint, d'une manière, oui.

M. Bégin: C'est plus facile, là. Le soin, on connaît ça assez bien, mais en autant que ça ne soit peut-être pas le soin de l'âme.

M. Marchand (Gilles): Si je peux me permettre.

M. Bégin: Oui.

M. Marchand (Gilles): Si je peux me permettre une remarque, M. Gourdeau.

M. Gourdeau (Éric): Oui, oui.

M. Marchand (Gilles): M. le ministre, ce qu'on voulait souligner aussi, c'était l'expression assez restreinte dans laquelle le texte de règlement, à ce moment-là, semble avoir été rédigé. Donc, on s'était dit: Il faudrait que ça s'ouvre à autre chose, quitte à ce que, comme vous dites, la balise, à ce moment-là, puisse être déterminée. Mais le texte comme tel souffrait...

M. Bégin: Alors, on se comprend. Il faudrait l'ouvrir un peu, mais peut-être pas autant que ce que vous dites. C'est ça?

M. Marchand (Gilles): C'est-à-dire qu'on vous a invité, à cet égard-là...

M. Bégin: O.K. Globalement, là, il y a plusieurs réserves que vous mentionnez. Mais je comprends qu'Hydro partage les objectifs, à l'égard des administrateurs publics, d'avoir des normes d'éthique et de déontologie qui amènent la transparence dans les comportements et que, par ce biais-là, on arrive à redonner confiance au public, de façon générale, à ce qui se passe partout; que ce soit au bureau des sous-ministres, au bureau des organismes, ou des filiales, ou des entreprises, partout, à l'égard d'un administrateur public, qu'on retrouve cette confiance. Est-ce que c'est exact?

M. Gourdeau (Éric): C'est exact. Je pense que ce qu'on a essayé aussi de souligner – j'ai essayé de le faire un petit peu dans ma présentation – c'est qu'il faut, en même temps, que l'État ne se mette pas dans une espèce de situation où tout le contrôle devient quelque chose de harassant ou devient quelque chose qui crée des obstacles sérieux et qui ne sont pas nécessaires pour les administrateurs publics. Alors, ce qu'on suggère, c'est qu'à l'intérieur des sociétés d'État ou des filiales il y ait une confiance qui soit placée dans l'organisation elle-même, y compris par son comité de déontologie, qui devrait donc avoir des comptes à rendre et qui ne devrait pas être court-circuité peut-être, au départ en tout cas.

Le Président (M. Sirros): Merci. M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui. Merci, M. le Président. Alors, je tiens également à vous remercier pour votre présentation. Je pense que ce qui est intéressant dans la présentation de votre mémoire, c'est un petit peu la situation particulière dans laquelle vous vous trouvez, disons, dans un marché quand même où la concurrence est une règle importante. Vous êtes à la limite du public et du privé. Dans ce sens-là, je pense que vous apportez un éclairage qui est important et dont il faudra tenir compte, évidemment.

Je veux juste peut-être enchaîner d'abord avec ce que le ministre mentionnait tout à l'heure. Ce que vous nous avez confirmé, au fond, c'est que vous êtes évidemment d'accord, comme tous les groupes qui sont venus hier, avec le fait qu'un administrateur public, qu'il soit à temps plein ou à temps partiel, doive respecter certaines règles de déontologie et certaines valeurs éthiques. Je pense que, là-dessus, tout le monde s'est entendu hier, tout le monde qui est passé. Il n'y a personne qui nous a dit: On est contre ça. Alors, je pense que, là-dessus, vous confirmez que votre position est également la même.

(10 h 40)

Par contre, tout le monde nous a dit que le moyen que le gouvernement semblait vouloir favoriser n'était pas nécessairement le bon. Et on nous a mentionné à plusieurs reprises que les lois qui régissent chacun des secteurs, je pense à la loi sur la santé et services sociaux, la Loi sur l'instruction publique, le Code des professions – on vous donne de mémoire, un peu, les groupes qui sont passés hier – contiennent des règles déontologiques qui pourraient être complétées, modifiées, améliorées. Mais ils souhaitaient – comme vous l'avez fait un peu, si j'ai bien compris votre dernière intervention – que les codes d'éthique et règles de déontologie soient incluses dans ces lois-là qui existent déjà. Vous nous faites référence, ici, à la Loi sur Hydro-Québec, où il existe déjà certaines règles, et au fait que, comme de nombreuses autres organisations publiques ou parapubliques, vous vous êtes vous autres mêmes donnés un code d'éthique. C'est caractéristique, je pense, des administrateurs publics qui sont passés, d'avoir été sensibles quand même aux exigences normales du public et de s'être eux-mêmes responsabilisés et donné certaines règles, encore là qui peuvent être complétées, modifiées.

La question que je veux vous poser, c'est: Est-ce que vous auriez besoin nécessairement d'une loi n° 131 pour améliorer ou compléter certaines règles au code de déontologie?

M. Gourdeau (Éric): Je pense que notre réaction là-dessus, en tout cas, ça a été une réaction très positive. Alors, je pense qu'on peut en conclure que, pour ceux qui avaient regardé ce qui existait un peu partout, il était quand même une bonne chose de consolider, dans une loi importante comme celle-là, certains aspects essentiels, de façon à ce que ça ne puisse pas être tout un chacun qui décide, au point de vue des administrateurs d'État, en disant: Moi, j'ai telle sorte d'activités, donc je peux avoir telle sorte de code de déontologie, etc.

Il y a aussi que, dans la question du choix des administrateurs par l'État, il est important que l'État puisse nommer pas seulement des gens qui ont bien réussi en affaires ou qui ont une certaine notoriété à toutes sortes de points de vue, mais aussi des gens dont la déontologie, l'éthique personnelle est une éthique qui rencontre celle que l'État attend de ses administrateurs. Donc, si vous avez une loi comme celle-là, je pense que ça peut inciter le gouvernement à être d'autant plus prudent dans la nomination, l'assignation des administrateurs d'État.

Je voudrais dire aussi à ce sujet-là que, quand vous dites: Les autres organismes ont trouvé que la loi n° 131 est de même, que, ça, ce n'était pas bon, pour ce qui est de l'Hydro en tout cas, on fait une distinction entre bon, très bon et parfait. On pense que c'est très bon d'avoir cette loi. On ne pense pas qu'elle est parfaite dans sa réglementation, c'est pour ça qu'on a fait des commentaires là-dessus. On ne sait pas toujours comment ça pourrait être amélioré, mais on pense qu'il y a certains obstacles qui peuvent se présenter, si c'était adopté tel quel, alors on les souligne. Mais, pour nous, ce n'est pas une question que le projet n'est pas bon ou qu'il ne serait pas opportun de le présenter. Cette opinion-là n'a pas été émise du tout par mes administrateurs.

M. Bordeleau: Mais est-ce que vous n'auriez pas pu atteindre le même objectif d'intégrité, au niveau de la gestion, par le biais de vos lois qui sont déjà existantes?

M. Gourdeau (Éric): Peut-être, sauf que, avec une loi comme ça qui est passée... Comme je dis, d'abord, c'est au point de vue du choix des administrateurs. C'est évident que le gouvernement a choisi uniquement d'excellents administrateurs pour l'Hydro; c'est certain actuellement, mais, dans le futur, il pourrait y avoir un danger, s'il n'y a pas une loi qui est faite comme ça, que les exigences soient moins fortes.

Les comités de déontologie qui, en vertu de la loi, vont devoir fonctionner à l'intérieur des entreprises où l'État nomme des administrateurs, dans les sociétés d'État, ça, c'est quelque chose de très important. Parce que, pour ce qui est des comités de déontologie – moi, je suis président du comité d'éthique du conseil d'administration d'Hydro-Québec, et on a siégé une première fois à la fin de janvier, puis ça n'avait pas siégé depuis les premières réunions, en 1994 – je pense qu'il n'y a pas d'obligation qui est faite d'observer, de façon régulière, comment la déontologie se comporte et tout ça. Alors, je pense que le fait qu'il y ait une loi pour ça, ça peut probablement entraîner des effets très bénéfiques à l'intérieur des entreprises d'État.

M. Bordeleau: Je vais passer à un autre sujet, parce que le temps avance, aussi. Je voudrais revenir sur la question de la rémunération. On sait qu'il y a des administrateurs qui agissent à temps partiel, comme administrateurs, à Hydro ou dans les filiales. Vous avez fait référence tout à l'heure au fait qu'après 24 réunions, en fait...

M. Gourdeau (Éric): Demi-journées.

M. Bordeleau: Vingt-quatre demi-journées, oui, pour être plus précis. En fait, à toutes fins pratiques, je pense que les gens qui vont mettre du temps là, c'est bénévole: 50 $.

M. Gourdeau (Éric): Oui, oui.

M. Bordeleau: Alors, c'est quoi, votre idée pour qu'on mette les jetons de présence? Parce que ça ne me semble pas être quelque chose d'extrêmement important, monétairement parlant, pour les personnes qui siègent sur ces conseils-là. Je pense que ces gens-là ont du travail à l'extérieur et ils gagnent généralement assez bien leur vie, et le travail qu'ils font, ils le font plus pour rendre service à l'État et à l'ensemble des concitoyens. Alors, c'est quoi, le...

M. Gourdeau (Éric): Bien, la raison, une des raisons, en tout cas, c'est celle que vous venez de mentionner, M. le député. C'est que, justement, au départ, si le gouvernement se dit: Moi, je nomme des administrateurs d'État qui sont indépendants de fortune parce que je veux qu'ils travaillent pour rien, il y a bien des chances que des tas de gens intéressants qui ne sont pas indépendants de fortune ne seraient pas nommés administrateurs, mais pourraient faire de bons administrateurs, dans la mesure où l'État considère important le rôle que les administrateurs ont à jouer.

Quand on prend quelqu'un qui a une petite entreprise par exemple... Alors, il y en a de mes collègues sur le conseil d'administration qui ont une petite entreprise, qui partent de Chicoutimi ou de Rouyn pour venir siéger une demi-journée; ça leur prend quand même au moins une journée, une journée et demie. Pendant ce temps-là, leur petite entreprise, qui n'est pas une entreprise florissante extraordinairement, c'est une petite entreprise... C'est vraiment des gens qui sacrifient du temps. Le cas est différent, c'est bien sûr, pour plusieurs d'entre nous, là; ce n'est pas la même chose.

Mais, pour les administrateurs, les discussions qu'on a eues là-dessus, c'est que... L'ensemble des administrateurs disaient: Bon bien, la façon de corriger, c'est qu'il faut rétablir ce système-là. Comment le rétablir? En posant quelques exigences. J'ai parlé de 24 demi-journées. Peut-être que le nombre de demi-journées pourrait être plus petit un peu, il y a peut-être toutes sortes de façons de procéder. Mais le principe chez les administrateurs – puis là ce n'est pas du tout le principe de celui qui vous parle, je veux dire, c'est celui de l'ensemble des administrateurs – c'est que cette question-là devait être apportée devant vous, même si le projet de loi puis le projet de réglementation n'empêchent pas ça. C'est des décrets qui font ça. Les administrateurs tenaient à ce que, à cette occasion-là, ce soit mentionné parce qu'ils trouvaient ça important.

M. Bordeleau: Pouvez-vous préciser un petit peu plus? Vous avez fait référence, dans votre présentation, au rétablissement des jetons de présence et d'une rémunération forfaitaire. À quoi vous faites référence, de façon plus précise, quand vous parlez... Puis à quel type d'administrateur ça s'appliquerait?

M. Gourdeau (Éric): Bien, vous savez, par exemple, s'il y avait quelque chose de forfaitaire, c'est tant par année ou tant par mois, mettons. Normalement, quand quelqu'un accepte un forfaitaire, ça veut dire qu'il va accepter d'être sur le conseil d'administration, disons, d'Hydro ou d'une filiale, mais qu'il n'acceptera pas, normalement, d'avoir un forfaitaire aussi sur une autre compagnie comme ça. Je veux dire, ça va le limiter dans ses choix. Alors, ça permettrait de concentrer ses activités, à l'extérieur de ses activités directes, de les concentrer davantage sur son rôle comme administrateur d'Hydro-Québec. C'est ça qui est l'idée. Les jetons, c'est un peu, comme vous dites, pour inciter les gens à être vraiment présents aux réunions puis à participer; le forfaitaire, c'est pour encourager les gens à donner les heures qu'il faut donner en dehors, mais sans rémunérer à l'heure toutes les heures qui sont données en dehors. Je peux bien vous dire que, moi, je passe au moins 50 heures par mois pour Hydro-Québec, mais c'est parce que ça m'intéresse puis que j'ai le temps de le faire. Ce n'est pas la même chose pour tous les administrateurs; on n'a pas tous le même temps.

(10 h 50)

M. Bordeleau: Un autre point qui n'est pas mentionné dans le projet de loi, le projet de règlement, c'est celui d'avoir une procédure d'appel des décisions disciplinaires qui pourraient être prises. Est-ce que c'est quelque chose sur lequel vous vous êtes penchés? Parce qu'on risque quand même de se retrouver dans une situation où un gestionnaire peut être, au fond, remis en cause, et ça peut avoir des incidences quand même importantes sur sa carrière professionnelle à l'intérieur, disons comme administrateur, mais aussi à l'extérieur quand il s'agit d'une personne à temps partiel. On n'a prévu aucune façon, dans tout le mécanisme qui nous est présenté par le gouvernement, d'assurer que ces personnes-là seront traitées de façon équitable parce qu'elles auront la chance de contester une décision qu'elles trouveraient injuste.

M. Gourdeau (Éric): Bien, nous, on se s'est pas penchés là-dessus, sauf que ce qu'on a dit, comme vous le verrez dans le rapport, c'est que... Je comprends que bien d'autres organismes puissent se préoccuper d'une chose comme celle-là, mais, dans le cas d'Hydro, ce qu'on a suggéré, c'est que des compagnies comme la nôtre, on devrait davantage faire confiance au comité de déontologie même et à l'organisme, et, en somme, l'espèce d'appel qu'il y aurait, à ce moment-là, ce serait au secrétaire général du gouvernement. On n'a pas dit ça comme ça, mais ça revient un petit peu à ça, parce que, finalement, on dit: Le rôle du secrétaire général ne devrait pas être de s'immiscer dans toutes les affaires, etc. Il devrait y avoir une première étape franchie au niveau de l'entreprise, de la corporation, une étape sérieusement franchie, puis là, comme la sanction devrait venir, à ce moment-là, du secrétaire général du gouvernement, bien ce serait comme un appel qui pourrait être fait au secrétaire général du gouvernement. Mais, autrement que ça, on n'a pas parlé de procédure d'appel. Non, on ne s'est pas penché là-dessus.

M. Bordeleau: Vous dites que la sanction devrait venir, à ce moment-là, du secrétaire général.

M. Gourdeau (Éric): Oui.

M. Bordeleau: Et l'appel au secrétaire général.

M. Gourdeau (Éric): Bien, je dis: Pour qu'il y ait une sanction, il faudrait qu'il y ait comme un appel, là. On ne l'a pas dit comme ça, mais ça voudrait dire ça, à toutes fins pratiques. En tout cas, pour être bref, on ne s'est pas penché sur la procédure d'appel.

M. Bordeleau: Ce que vous...

M. Gourdeau (Éric): Peut-être que M. Marchand pourrait rajouter.

M. Marchand (Gilles): Dans le mémoire, ce que l'on dit, c'est que vous devriez... Excusez l'expression, mais le projet de loi, à ce moment-là, devrait envisager que ce serait au niveau des conseils d'administration que devraient être la responsabilité et l'imputabilité des choses. Dans le cas des sociétés d'État comme Hydro-Québec, à ce moment-là ça serait à ce niveau-là que seraient réglées ces situations-là, et non pas avoir recours au secrétaire général de la province – aussi en vertu du principe que, quand même, il y a une certaine autonomie qui est constituée par les lois en vigueur en fonction d'Hydro-Québec. C'est ce qu'on a soumis à l'intérieur du mémoire.

Et l'autre aspect qu'on avait soulevé un peu, M. Gourdeau et M. le député, c'était l'aspect de la façon dont le projet était conçu. On y voyait une certaine judiciarisation de ce processus-là, parce que chacun des intervenants va vouloir certainement faire valoir ses droits. Donc, on attirait l'attention là-dessus en disant: Bien, c'est peut-être quelque chose qui devrait être aussi... qui nous semblait un peu problématique et qui pouvait entraîner, à ce moment-là, certaines conséquences.

M. Bordeleau: Je vais juste poser une dernière question, je laisse la parole à mon collègue, pour clarifier ce point-là. Vous parlez, bon, que les décisions, au fond, se prendraient au niveau du conseil d'administration, je pense à tout le mécanisme disciplinaire. Mais, à la page 16 de votre rapport, vous nous dites aussi... Bon, vous commencez à la page 15 et vous énumérez une certain nombre d'inquiétudes au niveau, justement, de la judiciarisation dont vous avez fait état, et, en haut de la page 16, vous dites: «Au-delà de ces inquiétudes – et là vous concluez, à la fin de votre paragraphe – [...] plusieurs membres du conseil devront se récuser puisqu'ils connaissent personnellement ou professionnellement l'administrateur sous enquête.» Alors, est-ce que vous pourriez clarifier ça? Vous nous dites que ça devrait être à ce niveau-là et, en même temps, vous nous dites que ça peut compliquer la vie de bien des administrateurs d'avoir à se prononcer sur des comportements de collègues.

M. Marchand (Gilles): Non, ce à quoi on référait là-dedans, c'est, je pense, à certains articles du projet de règlement, lesquels prévoient qu'un administrateur public, lorsqu'il quitte son poste, ne peut plus faire affaire avec l'administration, ou la corporation, ou avec l'État, pendant un certain temps. Ce qu'on se demandait, en regard surtout de décisions qui impliquent les associés – par exemple, je vais prendre le milieu judiciaire parce que c'est le milieu peut-être que je connais le plus, mais je pense que ça s'applique aussi dans d'autres professions – c'est: est-ce que quelqu'un qui a siégé comme administrateur public ne peut plus faire affaire avec, mettons, Hydro-Québec? Quelqu'un qui serait dans cette situation-là et qui joindrait un cabinet d'avocats, ça veut dire que l'ensemble du cabinet d'avocats ne peut plus faire affaire avec Hydro-Québec? Ce qu'on se disait, c'est qu'il ne faudrait pas que la norme aille jusque-là; le projet de règlement pourrait laisser croire à une interprétation qui irait jusque-là. On disait, à ce moment-là, qu'il serait peut-être important de souligner cet aspect-là.

M. Bordeleau: Ce n'est pas ce que je lis du tout. On est dans le paragraphe des mécanismes et procédures de discipline, en haut de la page 16, dans la première version – je ne sais pas exactement, on a eu une nouvelle version révisée ce matin – on dit: «Au-delà de ces inquiétudes – et on parle des mécanismes – on doit se demander si les administrateurs publics à temps partiel ou à temps plein ont la formation nécessaire pour exercer les tâches confiées. De plus, il est permis de penser que, dans bien des cas, plusieurs membres du conseil devront se récuser puisqu'ils connaissent personnellement ou professionnellement l'administrateur sous enquête.»

M. Marchand (Gilles): Oui, bon. On référait à ce moment-là, M. le député, aux articles 32 à 36, relativement à cette partie-là. C'est le sens qu'il faut accorder aux commentaires que l'on a faits à cet égard-là.

M. Bordeleau: O.K., ça va. Alors, je laisse mon...

M. Marchand (Gilles): C'est en relation avec ces articles spécifiques du projet de règlement.

Le Président (M. Sirros): M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Merci, M. le Président. Bonjour et bienvenue, Me Marchand, M. Gourdeau. Je suis content de pouvoir poser une question à M. Gourdeau en tant que président du comité d'éthique.

Enfin, j'ai une question à deux volets qui m'est inspirée par certains recoupements qu'on peut faire dans votre mémoire. Par exemple, à la page 8, lorsque vous parlez de l'article 6 du projet de règlement, je crois comprendre qu'Hydro-Québec, aujourd'hui, devant nous, en cette commission, nous dit qu'elle est d'accord à ce que l'administrateur public fasse preuve de neutralité politique et de réserve dans les manifestations publiques de ses opinions politiques. Alors, je crois comprendre que Hydro-Québec nous dit aujourd'hui que cet article 6 – et c'est ce que je vois à la page 8 – est valable. Il y a une réserve concernant le statut à temps partiel ou non, là, mais, au niveau du fond, c'est quelque chose qui est valable pour l'administrateur public, tout au moins à temps plein.

Je note aussi, à la page 12 de votre rapport – bon, chez vous, il y a un comité d'éthique – cet intérêt manifesté, et je lis, à la dernière phrase de cette page: «Plutôt que de laisser au président du conseil d'administration le soin de veiller là-dessus, qu'il y ait plutôt une dévolution vers un comité de surveillance – donc un comité d'éthique, peut-être le vôtre, M. Gourdeau – qui permet au conseil d'exercer une surveillance et un contrôle sur son président.»

Par ailleurs, je lisais le code d'éthique qui vous gouverne et je constatais qu'il y avait une bonne marge de manoeuvre au niveau du comité d'éthique, qui pouvait y aller avec une espèce de pouvoir d'initiative, qui pouvait même regarder des cas hypothétiques. Tout ça m'amène à vous poser une question à deux volets: Quelle était la position du comité d'éthique lors de la prise de position du P.D.G, Me Martineau... On se souvient, dès sa nomination, d'ailleurs, qui a fait dire à un journaliste, le 17 février, il y a quelques jours: «Le cas le plus patent – et je cite, ce ne sont pas mes paroles, ce sont celles de Michel David, dans Le Soleil – d'un administrateur public versant dans la partisanerie est peut-être celui du P.D.G d'Hydro-Québec, Yvon Martineau, qui a fait ouvertement campagne en faveur de la souveraineté, avec la bénédiction du premier ministre Parizeau»...

Alors, question que je me pose, donc: Quelle était votre position en tant que comité d'éthique à ce moment-là? Et, deuxième volet: Quelle est votre position aujourd'hui? Est-ce que le comité d'éthique entend soumettre des représentations au conseil d'administration pour rappeler à l'ordre le P.D.G, puisque, maintenant, avec le mémoire que vous nous soumettez, vous semblez d'accord avec un devoir de réserve qui, selon un journaliste, n'a pas été respecté? Alors, deux volets, donc: À ce moment-là, quelle a été la position du comité d'éthique, et, aujourd'hui, quelle est la conduite qu'entend prendre le comité d'éthique?

M. Gourdeau (Éric): Alors, sur la première question, je vous dirais que je trouve que c'est bien intéressant, ça me reporte aussi à la question que votre collègue posait précédemment. C'est que le comité d'éthique, je vous ai dit, s'est réuni pour la première fois le 30 janvier. Donc, c'est bien après les événements que vous avez mentionnés. Mais ce que je peux vous dire, c'est que, s'il y avait eu la loi qui est là, qui est proposée, je sais bien ce que le comité d'éthique aurait dit.

Le deuxième point, c'est: Est-ce qu'il est question de faire des blâmes là-dessus? Non, ce n'est pas venu. Si quelqu'un nous proposait... Mais, de notre propre initiative, on ne fera pas ça, non.

M. Fournier: Si je peux reprendre la première partie de votre réponse: Si le projet de loi avait existé, vous sauriez bien ce que le comité d'éthique aurait dit. Qu'aurait-il dit?

M. Gourdeau (Éric): Bien, il aurait dit ce que la loi va nous dire de dire, hein. Bon. Il aurait été obligé de se conformer à la loi. C'est ça que je répondais tantôt. Ça peut être utile d'avoir une loi et une réglementation qui vont indiquer, qui vont donner des balises au comité de déontologie et accorder une importance à ce comité-là à l'intérieur de l'entreprise.

(11 heures)

M. Fournier: Je crois comprendre que ce que vous me dites, c'est que, si la loi et le projet de règlement étaient en vigueur, le comité d'éthique serait forcé d'y donner effet et serait obligé de rappeler à l'ordre son P.D.G. qui agit en dehors de...

M. Gourdeau (Éric): Il ne serait pas appelé à le ramener à l'ordre: il ne le ferait pas, le P.D.G. en question.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fournier: C'est un souhait qu'il faut lui formuler et lui rappeler. Mais je comprends que c'est la réponse à la deuxième question que vous me dites, c'est la conduite que vous montrez.

Mais je peux peut-être vous rappeler la page 8 de votre mémoire, peut-être la page introductive aussi, où vous nous dites que c'est Hydro-Québec qui nous présente ce rapport-là. Donc, je crois comprendre qu'Hydro-Québec se donne, par ce mémoire et par la réflexion qu'elle a faite, comme ligne directrice, chez Hydro-Québec, de mettre en vigueur dès aujourd'hui cet article 6, puisque vous nous dites à la page 8 que vous êtes d'accord, à Hydro-Québec, avec ce devoir de réserve dans les manifestations publiques. Je vous repose donc la question, puisque Hydro-Québec fait une manifestation publique aujourd'hui de son désir de se forcer et de s'obliger à un devoir de réserve: Est-ce que le comité d'éthique peut nous dire que, pour l'avenir, il est clair, que la loi soit adoptée, que le projet de règlement soit adopté ou ne le soit pas, qu'Hydro-Québec et son comité d'éthique sont en train de nous dire aujourd'hui que plus jamais le P.D.G. d'Hydro-Québec ne peut maintenant faire de telles manifestations de ses opinions politiques?

M. Gourdeau (Éric): Quand vous dites: Plus jamais il ne peut, c'est qu'il ne pourrait pas le faire en étant d'accord avec la politique qui est indiquée ici, c'est sûr; il y a des sanctions pour des choses comme ça, etc. Mais c'est certain, comme vous dites, l'engagement qui est là, Hydro-Québec s'engage. Ce n'est pas une décision spécifique qui a été prise par le conseil d'administration, mais c'est sûr que le comité d'éthique – peut-être que ça s'appellera le comité de déontologie – un coup la loi adoptée, va proposer au conseil d'administration l'approbation d'un certain nombre de choses qui vont devenir officielles à ce moment-là.

M. Fournier: Vous avez déjà des règles qui ont été adoptées. Vous avec un code, qui est ici d'ailleurs, où on prévoit certaines choses...

M. Gourdeau (Éric): Oui, oui.

M. Fournier: ...concernant le comité. Vous avez un comité d'éthique et tout ça, et il n'y avait pas de loi qui gouvernait.

M. Gourdeau (Éric): C'est ça.

M. Fournier: Hydro-Québec s'est astreinte à ce genre d'obligation, et aujourd'hui on découvre qu'Hydro-Québec, par la voie de son mémoire, nous dit: Nous sommes prêts à aller plus loin et on est d'accord avec l'essence de l'article 6 du projet de règlement.

C'est ce qui m'amène à vous poser la question: En termes, vous, de président du comité d'éthique, qui avez, comme je le vois dans le code d'éthique, un pouvoir d'initiative et une marge de manoeuvre assez ample, est-ce que ça vous amène à penser que, dans les actions «comité d'éthique» que vous allez apporter dans les jours et les mois qui viennent, vous allez faire comprendre à l'ensemble du conseil d'administration, son P.D.G. aussi, que voilà une nouvelle obligation à laquelle le comité d'éthique va porter attention, qu'il y ait ou pas de loi ou de projet de règlement, puisque vous avez déjà déposé un mémoire qui est l'engagement d'Hydro-Québec? Autrement dit, quelle est la force du mémoire?

M. Gourdeau (Éric): Vous savez, la question de... Le comité d'éthique ne fera pas adopter, par le conseil d'administration, de nouvelles règles, qui diront des choses plus précises, en s'attaquant juste à un individu ou à quelqu'un en particulier. Alors, ma réponse à votre question, c'est non. Il n'est pas question que le comité d'éthique dise: On va courir après quelqu'un qui, il y a quatre mois, a fait une déclaration; on ne courra pas non plus après ceux qui, il y a deux ans, en ont fait dans l'Ouest canadien et que l'autre a imités par après. Il arrive de nouvelles règles, bien, on va se conformer aux nouvelles règles.

Le Président (M. Sirros): En conclusion, M. le député.

M. Fournier: Oui, en conclusion. Qu'on se comprenne bien, il ne s'agit pas ici de dire: Est-ce que le comité va faire des choses pour ce qui s'est passé il y a quatre mois, ou six mois, ou huit mois? Qu'on se comprenne bien: la question, c'est pour l'avenir. Et, si le comité d'éthique, qui est devant nous, dont vous êtes le président, venait ici...

M. Gourdeau (Éric): Vous l'avez là, il est là pour l'avenir.

M. Fournier: Alors, ce que vous nous dites, c'est donc: Oui, Hydro-Québec, maintenant, accepte de se gouverner par de nouvelles règles, par la force de son mémoire, sans tenir compte du projet de loi. Ce que le mémoire nous dit, c'est qu'Hydro-Québec accepte et trouve normal qu'il y ait un devoir de réserve, et, donc, on peut comprendre, peu importe à quel administrateur on parle, qu'on peut s'attendre à ce qu'on ne retrouve plus, à Hydro-Québec, d'administrateur public, à moins qu'il soit à l'extérieur de l'obligation du mémoire, qui fasse de telles déclarations comme celles auxquelles on a référé.

M. Gourdeau (Éric): Quand votre phrase arrive à «on peut s'attendre à», je pense qu'on peut s'attendre à ce que, si quelqu'un contrevenait à ça, il y aurait sûrement une sanction qui serait exercée. Je pense que c'est ça qu'il faut comprendre.

Le Président (M. Sirros): Merci M. le député. M. le ministre, vous m'avez demandé une petite intervention?

M. Bégin: Oui. Très simplement, vous avez fait des représentations relativement à l'article 6, et plusieurs m'en ont fait. Je voudrais profiter de l'occasion pour dire que, oui, il y a des nuances qui devront être apportées, des modifications qui devront être apportées à l'article 6, et elles vont l'être bien sûrement. La teneur exacte n'est pas formulée, mais c'est certain qu'on va tenir compte... Entre autres, premier élément, phénomène à temps plein et à temps partiel, il y a des règles différentes, et jamais on n'a voulu aller dans le sens inverse. Mais là on voit bien, par les mémoires, qu'il faut changer ça, et ce sera changé. Merci beaucoup.

Le Président (M. Sirros): C'est tous les membres de la commission qui vous remercient, M. Gourdeau et celui qui vous accompagne, M. Marchand.

Alors, on va suspendre nos travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 6)

(Reprise à 11 h 30)

Le Président (M. Sirros): Est-ce que je pourrais avoir votre attention, la commission va reprendre ses travaux. Je pense que Mme Francine Bousquet va faire la présentation du mémoire de la CSN. Par la suite, on essaiera de comprimer un peu dans le temps les échanges. Alors, sans plus tarder, on vous écoute.


Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Mme Bousquet (Francine): Merci. D'abord, je tiens à m'excuser pour le retard imposé...

Le Président (M. Sirros): Très compréhensible.

Mme Bousquet (Francine): ...M. Laviolette devait être ici, en principe; il va peut-être se joindre un peu plus tard, l'avion a été retardé. Alors, je ne sais pas, il est peut-être en route. On va peut-être le voir rebondir tantôt.

Alors, la CSN, dans un premier temps, a très peu de remarques à faire concernant le projet de loi sous étude. On va prendre le train pendant que ça passe. D'habitude, on est beaucoup plus volubile que ça, mais vous comprendrez...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: On ne vous reconnaît pas, là.

Mme Bousquet (Francine): ...que ce projet de loi nous touche effectivement...

Le Président (M. Sirros): Ce n'est pas la présidence qui a parlé.

Mme Bousquet (Francine): ...un petit peu par la bande, j'oserais dire. Dans son ensemble... Ah bon! Alors, voilà M. Laviolette.

Le Président (M. Sirros): M. Laviolette, qui...

M. Laviolette (Marc): Le ciel a été ma limite, ce matin.

Le Président (M. Sirros): On se demandait si vous étiez parti de Mirabel ou de Dorval.

M. Laviolette (Marc): Excusez-moi.

Le Président (M. Sirros): Alors, nous avons, effectivement...

Mme Bousquet (Francine): ...coupé l'inspiration. J'étais sur une envolée.

Le Président (M. Sirros): Vu le retard, et par équité pour les prochains intervenants et pour les membres de la commission, nous avons décidé d'essayer de comprimer un peu dans le temps, alors on vous prie de commencer, en essayant de restreindre le plus... À peine, à peine.

M. Laviolette (Marc): Mon nom est Marc Laviolette, je suis vice-président de la CSN. Les remarques qu'on a à faire sur le projet de loi n° 131 et l'avant-projet de loi, le règlement, bien, d'abord, on pense que l'opération comme telle est tout à fait louable, que de vouloir faire en sorte que les administrateurs publics aient plus de transparence, pour rétablir la confiance des citoyens envers ces gens-là. C'est parfait.

Le problème qu'on a, c'est avec l'avant-projet de règlement, à l'article 6 entre autres, sur la neutralité politique et le devoir de réserve particulièrement. Pas pour les administrateurs à temps plein, ça, on comprend ça, mais pour ceux qui sont à temps partiel et qui sont bénévoles, comme moi-même, par exemple, où je siège au C.A. de la CSST, où on siège à la Caisse de dépôt, où on siège à la SDI, puis, aussi, ça s'étend à tous les conseils d'administration d'établissements publics. On a beaucoup de militants et de militantes qui sont impliqués à ces niveaux-là. Il me semble que vouloir restreindre les opinions publiques et la réserve par rapport à... On pense qu'on est une contribution qui se veut critique positive, mais quand même critique, par rapport aux décisions qui sont prises par les organismes, et il faudrait absolument que le règlement en tienne compte. Parce que la façon dont c'est là, on pense que ça peut être dangereux pour notre liberté d'expression.

Bien entendu, pour ce qui est de la discrétion puis de la confidentialité pour les organismes dont le fonctionnement efficace dépend de ces qualités-là, je pense entre autres à la SDI et tout ça, qu'on soit à temps partiel ou à temps plein, ça, ça ne nous pose pas de problème. Mais tous les administrateurs qui sont soit désignés par processus de délégation ou qui sont élus, par exemple, par des collèges électoraux, on pense que ça devrait être même dans leurs devoirs de faire rapport pas seulement des décisions qui ont été prises, mais de l'interprétation de la qualité de ces décisions-là, qu'elles soient positives ou négatives, et on ne voudrait pas que ça soit brimé par un projet de règlement ou de loi qui se veut le contraire, dans le fond. Parce que ça fait partie du débat public, et on représente, ceux qui sont à temps partiel et les bénévoles, le caractère de distance critique par rapport à ces administrations-là. C'est ces deux aspects-là du règlement qui nous préoccupent.

Tout le reste, le projet de loi, on est tout à fait d'accord, même qu'on pense que c'est louable, à ce moment-ci, que d'en arriver là. Compte tenu des débats publics qu'il y a eu dans le passé, je pense que ça vient mettre de l'ordre et ça rend les gens imputables par rapport à l'organisme au sein duquel ils siègent. Donc, c'est nos deux principales remarques.

Le Président (M. Sirros): Étant donné qu'on a déjà eu le rapport, on pourrait peut-être aller directement aux questions à ce moment-là. M. le ministre.

M. Bégin: Merci infiniment. Je peux vous dire tout de suite que j'ai mentionné, préalablement à votre arrivée ce matin, que l'article 6 va être modifié pour tenir compte d'abord de la question du temps partiel ou du temps plein, pour permettre d'avoir des règles différentes.

D'autre part, on va baliser encore plus. Je ne peux pas dire exactement de quelle façon au moment où on se parle, mais j'ai déjà un texte de deux pages qui m'a été remis sur cette question-là, parce que j'avais réagi préalablement. On va donc tenir compte des remarques qui ont été faites. Jamais on n'a voulu arriver à ça. Mais, comme tout le monde a la même compréhension, on ne se chicanera pas longtemps. On va le régler, le problème, une fois pour toutes. Donc, ça sera modifié.

Votre remarque à l'égard du deuxième paragraphe de 9 touche à peu près la même chose, finalement, et vous êtes les premiers à le soulever. Je pense que l'idée n'est pas de museler les gens, n'est pas de les empêcher de transmettre à leur organisme ce qu'ils ont eu là, mais c'est de ne pas utiliser indûment une information qu'ils auraient obtenue, par ailleurs, à cause de leur présence là. On comprendra, tout le monde, que quelqu'un qui siégerait à un conseil d'administration où il apprendrait l'équivalent de ce qu'on appelle un secret d'État ne pourrait pas l'utiliser pour soi-même, à son avantage personnel. On le comprend tous. Alors, c'est dans cet esprit qu'il faut comprendre ce qui est là.

Mais je comprends de votre remarque qu'il y a peut-être une réflexion qui devrait être faite sur le deuxième volet, là, «ou au profit de tiers les informations obtenues», parce que je comprends que, vous autres, vous dites: Mon propre organisme est un tiers, donc ce texte-là s'appliquerait à lui. Ce n'est pas l'esprit dans lequel on l'a rédigé, donc on va modifier ça aussi pour l'adapter à cette préoccupation-là. Parce que l'idée n'est vraiment pas ça. La CSST, par exemple, quelqu'un siège là, s'il faut qu'il ne soit pas capable de parler à son instance de ce qu'il a dit là, je ne comprends plus rien, on est tout à fait à côté de la coche.

M. Laviolette (Marc): On aurait eu des problèmes sur la loi n° 130 entre autres...

M. Bégin: Entre autres.

M. Laviolette (Marc): ...s'il avait fallu ça.

M. Bégin: Non, mais c'est bon que vous le souligniez, parce que l'esprit n'est pas là. Mais, quand on le rédige, à un moment donné, on ne voit pas toujours ces choses-là, et c'est le but d'une commission parlementaire, c'est d'apprendre de ces commentaires-là. Alors, essentiellement, c'est ce que j'avais à dire, et je n'aurai pas de questions à vous poser, parce qu'on partage votre point de vue. Merci.

Le Président (M. Sirros): À moins que vous ayez un commentaire, on passera au député de l'Acadie.

M. Jutras: M. le Président.

Le Président (M. Sirros): Ah! Je m'excuse. M. le député de Drummond.

M. Jutras: Vous avez dit, M. Laviolette, tantôt, par rapport à l'article 6, que vous faisiez une distinction entre les administrateurs à temps partiel et ceux à temps plein. On comprend bien ça, et je vous suis là-dessus. Mais vous avez dit aussi les bénévoles. Advenant le cas où il y aurait dorénavant des jetons de présence, est-ce que vous feriez toujours la même distinction? Puis vous dites qu'il n'y a pas d'affaire à y avoir de réserve, de neutralité, même si les gens ont des jetons de présence – pour les temps-partiels, j'entends, là.

M. Laviolette (Marc): Oui. Bien, pour moi, c'est parce que «temps-partiels» inclut dans notre notion ceux qui ont des jetons de présence; «bénévoles», c'est ceux qui n'en ont pas. Parce que ce n'est pas tous les conseils d'administration qui ont cette politique-là. Ça fait que nos remarques s'appliquent autant aux gens qui ont des jetons de présence, qui sont par le fait même à temps partiel, et ceux qui n'ont aucune compensation économique aussi.

M. Jutras: O.K. Alors, votre distinction, c'est surtout ceux qui sont à temps plein.

M. Laviolette (Marc): C'est ça.

M. Jutras: Vous dites: D'accord la réserve, mais, par contre, les autres, laissons faire la réserve.

M. Laviolette (Marc): C'est ça.

M. Jutras: Ça va. Merci.

M. Laviolette (Marc): Bien, la réserve... Il faut toujours être réservé dans la vie; sans ça, ce n'est pas poli. Vu qu'on est des gens polis et civilisés...

M. Jutras: Oui, on s'entend.

Le Président (M. Sirros): Oui. Dans toutes sortes de circonstances, je dirais.

M. Laviolette (Marc): Oui.

Le Président (M. Sirros): Toutes les circonstances. Alors, M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, je vous remercie pour votre présentation. Je pense que vous venez quand même, comme l'a mentionné le ministre, appuyer des points de vue qui ont déjà été énoncés de façon assez manifeste par plusieurs organisations.

J'aimerais juste, d'abord, revenir sur un point, à la page 3 du mémoire. Le Protecteur du citoyen, avant-hier, mentionnait que lui voyait la réglementation dans la loi. Ici, vous autres, vous faites référence à quelque chose qui est un peu spécial. Vous ne faites pas référence à la réglementation dans la loi, vous faites référence aux modifications que vous souhaitez voir apparaître, que ces modifications-là soient incluses dans la loi. Est-ce que vous pourriez nous expliquer un petit peu plus? Ce que je comprends, au fond, c'est que la liberté d'expression, en gros, vous ne voudriez pas qu'elle soit reconnue seulement dans le règlement, vous voudriez qu'elle soit reconnue dans la loi. Est-ce que c'est ça, votre point de vue?

(11 h 40)

M. Laviolette (Marc): Tout à fait. À cause qu'il y a une différence entre un règlement et une loi. Quand il y a une loi, il y a toujours un débat public. Donc, les principes doivent être, de façon claire, protégés dans la loi, pour ne pas que... Si c'est seulement dans le règlement... C'est le point C de notre mémoire...

M. Bordeleau: C'est ça.

M. Laviolette (Marc): ...pour être sûr que c'est clair pour tout le monde. Ça fait que c'est ça, l'idée. On ne veut pas que ce soit juste au règlement.

M. Bordeleau: Maintenant, par rapport à la remarque que faisait le Protecteur du citoyen, qui, lui, souhaitait, en cas de... Son point de vue, c'est qu'il se demandait si on ne devait pas regarder pour que l'ensemble de la réglementation soit inclus dans le projet de loi. Comment est-ce que vous vous situez par rapport à cette remarque-là du Protecteur?

M. Laviolette (Marc): Écoutez, je n'ai pas vu les commentaires du Protecteur du citoyen. Sauf que j'ai lu tout le règlement. Moi, il me va, ce règlement-là. Si on veut en faire une loi...

M. Bordeleau: O.K. Vous n'avez pas de...

M. Laviolette (Marc): ...je n'ai pas de problème avec ça. Mais ce qu'on voulait surtout s'assurer, par les deux remarques qu'on fait sur le règlement, c'est que ces principes-là soient garantis dans la loi. Je n'ai pas de problème avec ça. Parce que l'ensemble du règlement, on est d'accord avec, et tout le reste, là.

M. Bordeleau: Une information que j'aimerais avoir – je ne sais pas si vous l'avez, comme ça, rapidement: Il y a combien de personnes à la CSN qui siègent à des conseils d'administration?

M. Laviolette (Marc): On a recensé ça, si on inclut les gens qui sont dans les commissions scolaires, dans le réseau public, on en a pas mal, je dirais un bon 150 personnes. Il y a beaucoup de monde. Il faut voir que, en 1984, le congrès de la CSN a adopté ce qu'on a appelé une politique de présence, c'est-à-dire tous les lieux où les intérêts des travailleurs et des travailleuses qu'on représente... qu'on peut occuper, on les occupe. Mais c'est beaucoup de monde.

M. Bordeleau: Dans les mémoires qui ont été présentés, il y a quelques oublis qui ont été signalés. Je fais référence à des oublis par rapport au document de travail présenté par le groupe Côté, qui avait eu comme mandat de regarder toute la question de la probité, de l'intégrité dans l'administration publique, et le projet de loi n° 131 découle du travail que le comité avait fait, le comité Côté. Quand le comité s'est penché sur toute la question de l'éthique et de la déontologie, il avait fait référence à un certain nombre de points qu'on ne retrouve pas dans le projet de loi. J'aimerais, là-dessus, avoir votre point de vue, comme, par exemple, toute la question de protection pour les gens qui feraient des dénonciations au niveau de comportements administratifs inacceptables. Alors, on sait que certaines personnes, au fond, peuvent faire des dénonciations, dans l'intérêt public général, mais il peut y avoir aussi des représailles. Alors, le groupe mentionnait qu'on devrait, à ce moment-là, s'organiser pour avoir ce qu'on appelle le «whistle-blowing», pour protéger ces personnes-là. Alors, j'aimerais savoir comment vous vous positionnez par rapport à cet oubli-là, qu'on ne trouve pas dans le projet de loi?

M. Laviolette (Marc): Je ne suis pas au courant du rapport du comité Côté. Mais la question de la protection de la dénonciation, bon, c'est une question qu'on a souvent abordée, nous. Mais, là, parlez-vous pour les administrateurs publics ou pour les fonctionnaires? Parce que je sais que les fonctionnaires, c'est un droit qu'ils ont revendiqué. Est-ce que le rapport... C'est parce que je ne le connais pas le rapport Côté. Est-ce qu'il est...

M. Bégin: Excusez, je ne veux pas contredire mon collègue, mais, à ma connaissance, il n'est pas question de ça dans le rapport. J'ai une personne qui était membre du comité ici qui me dit également qu'il ne se souvient pas qu'il en ait été question. Peut-être que, de manière tout à fait incidente, une remarque là... mais il n'y a pas de proposition, à notre connaissance, qui porte là-dessus.

Le Président (M. Sirros): Je vous répète que la parole est au député de l'Acadie.

M. Bordeleau: De toute façon, indépendamment, je ne veux pas... Ce que je voulais savoir: Au fond, c'est quoi, la position par rapport à ça, essentiellement. Parce qu'il y a d'autres points sur lesquels je veux revenir qui ne sont pas dans le rapport. Alors, c'est dans ce sens-là, je n'ai peut-être pas fait les nuances nécessaires.

M. Laviolette (Marc): Mais que cette question là, par rapport à la protection du public... Je sais que c'est des questions que, nous, on a abordées, même qui ne sont pas couvertes dans la loi de l'environnement. Quelqu'un qui dénonce, par exemple, un problème d'environnement dans une entreprise, il n'a pas de protection prévue par rapport à ça. Moi, je n'ai rien contre ce principe-là, mais la façon dont je reçois votre question, c'est surtout pour le monde qui est à temps partiel qui est au courant de... Si, nous, comme administrateurs à temps partiel, on est au courant de pratiques qui ne sont pas correctes, c'est justement pour ça qu'on veut avoir le droit... on ne veut pas être limités par le droit de réserve et on veut être capables de brasser des affaires. Parce qu'on sait que, quand tu es administrateur, si tu ne veux pas être tenu conjointement et solidairement avec le conseil d'administration, il faut que tu dénonces, si tu ne veux pas être responsable de quelque chose que tu as constaté qui était illégal ou qu'il y a du monde qui... Mais cette protection-là, nous autres, on se l'assure à travers notre revendication du règlement.

Je sais pertinemment bien, par exemple, que, dans la fonction publique, il y a du monde qui revendiquait ce droit-là pour être capable de dénoncer... C'est pour ça que je vous posais la question. «C'est-u» le monde à temps plein? «C'est-u» les fonctionnaires ou les administrateurs?

M. Bordeleau: Non, non, je pense que le problème peut exister au niveau des fonctionnaires, c'est évident.

M. Laviolette (Marc): Oui.

M. Bordeleau: Mais est-ce que le problème peut exister aussi pour des gens qui ne sont pas couverts par la Loi sur la fonction publique, qui seraient des administrateurs à temps plein et qui seraient couverts par le cas dont on parle actuellement? Bon, dans une organisation, il peut théoriquement y avoir plusieurs administrateurs à temps plein, et un administrateur qui, au fond, dénoncerait une pratique avec laquelle il n'est pas d'accord, qui s'est passée dans son environnement et dont il a eu connaissance, pourrait risquer d'être congédié ou...

M. Laviolette (Marc): Moi, là-dessus, je ne sais pas, là. En tout cas, nous autres, ce qu'on demande, il me semble qu'on se protège là-dessus. S'il y a un administrateur qui est au courant de choses, dans un dossier sur lequel le conseil d'administration a à se prononcer – on est en réunion – qui ne sont pas correctes, je suppose qu'il va le dire au conseil d'administration. S'il ne le dit pas, il y a un problème. On est entre nous, on est en processus décisionnel. À ce moment-là, si lui, vraiment, il est lié par le devoir de réserve et tout ça, je l'entends, moi; si je ne suis pas d'accord avec ça, on va pouvoir intervenir. Je ne sais pas, là.

M. Bordeleau: Mais il y a une certaine indépendance que l'administrateur temps partiel peut avoir par rapport à un administrateur temps plein, aussi.

M. Laviolette (Marc): Oui, c'est ce qu'on demande, nous autres.

M. Bordeleau: C'est ça, mais la situation de l'administrateur temps plein peut être un peu différente de celle d'un administrateur temps partiel qui sort et qui, lui, peut... Parce que, dans les hypothèses, au fond, que j'ai cru comprendre de la part du ministre – le ministre a posé des questions là-dessus, je ne sais pas si c'est dans ce sens-là qu'il ira – il pourrait y avoir des différences au niveau de la neutralité entre les administrateurs temps plein et les administrateurs temps partiel. Alors, si...

M. Laviolette (Marc): Mais, regardez, si un administrateur temps plein, qui voit, je ne sais pas, qu'il y a un conflit d'intérêts, mettons, d'abord le règlement et la loi prévoient que, tout ça, il faut que ce soit dénoncé, il faut que tu te distancies par rapport à ça. Mettons qu'il est conscient de ça. S'il ne le dit pas, il va être responsable lui-même, ça fait qu'il a intérêt à le dire à la réunion du conseil d'administration, il me semble, à ce moment-là. Sans ça, il va être responsable lui-même. Ça fait qu'il faut qu'il le dénonce, selon moi, à la réunion du C.A. Après, comment on va traiter ça? Les administrateurs décideront, je pense.

M. Bordeleau: Est-ce que l'administrateur temps plein qui serait assujetti à une certaine neutralité ou confidentialité, à ce moment-là, aurait l'opportunité d'aller à l'extérieur et de le dénoncer à l'extérieur s'il n'est pas d'accord avec ce qui aurait pu être décidé majoritairement au conseil d'administration?

M. Laviolette (Marc): Écoutez, là, il faut au moins qu'il y ait une décision qui se prenne avant qu'il aille à l'extérieur.

M. Bordeleau: Oui.

M. Laviolette (Marc): Parce que, même s'il a raison, s'il va à l'extérieur et qu'il n'en a pas parlé au C.A., je peux vous dire qu'on va lui tomber sur la carcasse, tu sais, je veux dire...

M. Bordeleau: Non, ce n'est pas...

M. Laviolette (Marc): On est un conseil d'administration ou on n'en est pas un.

M. Bordeleau: Non, non, mais je ne dis pas qu'il n'en a pas parlé au conseil d'administration, je dis qu'après en avoir parlé au conseil d'administration, malgré une décision qui aurait pu être prise et avec laquelle il n'est pas d'accord, s'il est lié par des règles de neutralité et de confidentialité, à ce moment-là, quel sera son sort s'il va le dénoncer à l'extérieur? C'est dans cet esprit-là que je demande, au fond, comment vous voyez la question des mécanismes de protection des gens qui pourraient être appelés à faire des dénonciations.

(11 h 50)

M. Laviolette (Marc): Je vais vous dire bien franchement, pour moi, j'avais l'impression de protéger ça, pour ce qui est de notre point de vue à nous autres, par les remarques qu'on fait. Je sais aussi que le règlement et la loi prévoient que, si tu es en conflit... Première des choses: tu n'as pas le droit toi-même. Et, si tu es en conflit, il faut même que tu te retires. Il me semble que les protections sont là. Et, pour dénoncer un agissement d'une corporation, il faut qu'il y ait eu une décision de prise ou qu'il y ait un fonctionnement qui n'est pas conforme à la décision qui a été prise; il doit le dire au conseil d'administration, je pense. Et, si la décision, une fois qu'elle est... si, dans le processus où on la prend, il fait sa dénonciation, tous les administrateurs vont en tenir compte. Bien, là, s'il y en a qui aiment mieux mettre le couvert là-dessus et faire semblant qu'ils n'ont rien entendu, c'est une chose. C'est justement pour ça, dans la composition, qu'il y a du monde à temps plein et du monde à temps partiel dans les conseils d'administration. Ça permet, ça donne une sécurité de plus pour être capable que les décisions se prennent dans le respect de l'éthique et de la déontologie, je pense. Il me semble, comme on est là, moi, je...

M. Bordeleau: Je comprends que, pour vous autres, pour ce qui concerne la CSN, ce que vous demandez, ça vous protège...

M. Laviolette (Marc): C'est ça.

M. Bordeleau: ...et vous êtes satisfaits avec ça.

M. Laviolette (Marc): Exactement.

M. Bordeleau: Ça, je comprends ça aussi. Un autre point sur lequel j'aimerais avoir votre point de vue: On sait que, dans le projet de réglementation, il y a toute une série de mécanismes au niveau disciplinaire, si on veut, s'il y a des comportements qui sont...

M. Laviolette (Marc): Oui.

M. Bordeleau: On connaît bien les conséquences que ça peut avoir, là. Si un administrateur est mis en cause dans ses comportements, ça peut avoir une incidence importante sur sa carrière à l'intérieur comme administrateur, mais aussi à l'extérieur, dans sa vie professionnelle, à l'extérieur comme tel du rôle qu'il joue comme administrateur public. Le projet de réglementation ne prévoit rien en termes de processus d'appel d'une décision qui pourrait aller jusqu'à la révocation. Est-ce que c'est quelque chose que vous croyez qui devrait être inclus dans un tel projet de loi ou dans des règles de déontologie?

M. Laviolette (Marc): Bien, ce qui est prévu, c'est qu'il peut se faire entendre. C'est ça qui est prévu dans le...

M. Bordeleau: Oui, mais je parle d'un processus d'appel.

M. Laviolette (Marc): Bien, écoutez, oui, c'est ça, c'est parce que, c'est sûr, un processus d'appel, on repart, on judiciarise encore plus. Moi, je ne le sais pas. S'il y a quelque chose qui est dénoncé, s'il y a un administrateur qui se fait prendre à être en conflit d'intérêts, bon, à ce moment-là, il y a un responsable de l'application du code ou un comité qui va faire ses recommandations. Quand il s'agit de révocation, s'il est nommé par le gouvernement, c'est le gouvernement qui va prendre cette décision-là. Bon. Il n'y a pas de processus d'appel comme tel, mais on sait tous la portée politique de telles décisions quand ça part. Ça fait qu'un gouvernement, dans les décisions qu'il prend, il doit avoir une bonne raison, là. Tu sais, ça ne se fait pas... et le conseil d'administration a à... le comité ou celui qui a la responsabilité de l'application doit faire rapport au conseil d'administration. Je ne sais pas. Parce que, sans ça, ça... Tu sais, on veut rendre les choses transparentes, on ne veut pas qu'il y ait de conflit d'intérêts. S'il y a quelqu'un, la personne se fait entendre, les gens ont rapport de ça... En tous les cas, de notre point de vue, je ne voyais pas de problème avec ça. Mais ce ne serait pas mauvais non plus qu'il y ait une procédure. C'est juste qu'on... Hein? Elle n'est pas là. C'est ça, il faudrait que ça soit... Bien, parle, vas-y.

Mme Bousquet (Francine): Bien, on ne serait pas en désaccord, je pense, avec un processus d'appel, du moment... Mais on ne peut pas... C'est difficile de se prononcer à cette étape-ci, parce qu'il faudrait voir ce que c'est, le processus d'appel. Parce qu'on sait aussi que des fois, par la pratique, en tout cas, des processus d'appel, ça nous reporte un peu aux calendes grecques, ça dilue les affaires. Si on est dans un contexte contradictoire, bon, comment il va s'articuler, ce processus d'appel là. Je dirai que l'idée même d'un processus d'appel, nous, on n'est pas nécessairement en désaccord. On aurait une réserve, par exemple, si ce processus d'appel là devient une lourdeur administrative telle que, finalement, au bout de la ligne, ça deviendrait plus problématique que résolutoire.

M. Bordeleau: Ça va.

Le Président (M. Sirros): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Je vais tenter de revenir un peu sur le sujet du «whistle-blowing» et tenter d'expliquer un peu la notion. Ça existe aux États-Unis. Dans certains journaux, ici, on a appelé ça des sonneurs d'alarme. L'idée, en gros, est la suivante: Si on a des règles d'éthique, si on a des règles de droit commun, si on a des règles dans le Code criminel et que ces règles-là sont enfreintes, un employé qui dénonce les faits et gestes qui seraient illégaux ou contre ces lois ou ces codes-là se verrait protégé d'une sanction de l'employeur.

Laissez-moi l'illustrer par un exemple concret. Vous vous souviendrez peut-être qu'au printemps dernier, à l'hôpital Champlain de Verdun, il y a eu plusieurs questions qui ont été posées, même que c'est allé assez loin en conseil d'administration. Les employés en question – ils sont au total quatre, si ma mémoire est bonne, au moins trois, peut-être quatre – ont été congédiés; il y en a trois du moins qui ont été congédiés. Le ministère enquête là-dessus à l'heure actuelle, donc je ne veux pas aller trop dans le détail du bien-fondé ou pas de ce qui a été dit. Mais l'idée même est que, si une personne dénonce ce qu'elle considère être une illégalité, est-ce qu'elle ne devrait pas, du moins le temps que l'enquête se fasse pour vérifier la véracité ou le bien-fondé de l'accusation, avoir quand même une certaine protection? Parce que, sinon, il y a un effet de refroidissement qui s'effectue.

Un autre exemple que je peux vous donner: dans le cas des contrats du célèbre ministre Le Hir, les seules personnes qui ont été sanctionnées là-dessus, ce sont les personnes qui ont dénoncé ce qu'elles considéraient être des pratiques illégales. Alors, si c'est vraiment ça, la notion du «whistle-blowing», est-ce que, à votre sens, sur la base de votre expérience, il pourrait être intéressant de pousser plus loin notre réflexion là-dessus?

Je termine en disant que Daniel Jacoby, le Protecteur du citoyen, a fait pas mal d'études là-dessus vraisemblablement parce qu'on lui a posé la question il y a quelques semaines, puis il est revenu. Il exprime de plus en plus une ouverture parce qu'il considère que c'est nécessaire.

M. Laviolette (Marc): Ce que vous dites, je suis tout à fait d'accord avec ça. Vous parlez d'un employé. C'est pour ça, tantôt, que je demandais: Est-ce que c'est un fonctionnaire? Est-ce que c'est au niveau d'un fonctionnaire ou d'un administrateur? Moi, je suis d'accord avec ça. On a ces problèmes-là. Il y a ceux que vous soulevez. Mais, souvent, qu'est-ce qui arrive avec un employé qui dénonce une pratique polluante d'une entreprise, par exemple, qui a pour effet que l'entreprise se fait condamner, etc.?

M. Mulcair: On l'a vu, par exemple, avec l'ingénieur à la ville de Montréal – vous ne vous en souviendrez peut-être pas – pour la carrière Miron. Il y a eu ce fameux cas, oui.

M. Laviolette (Marc): Moi, je suis d'accord qu'il y ait une procédure comme ça, mais il me semble que, là, on ne parle pas de la même affaire.

M. Mulcair: Non, mais, s'il y a des règles d'éthique régissant les administrateurs, c'est-à-dire les gens sur le conseil d'administration, et que les employés, même si c'est des cadres, des personnes qui ont connaissance ou croient avoir connaissance de faits et gestes qui vont à l'encontre d'une loi quelconque, êtes-vous d'accord, donc, si je vous interprète bien, qu'il faut avoir une manière de les protéger?

M. Laviolette (Marc): Tout à fait. Parce que la compréhension que j'avais de l'exercice, c'était un code d'éthique et de déontologie pour les administrateurs.

M. Mulcair: O.K.

M. Laviolette (Marc): Je suis d'accord. Ça, ça fait longtemps que ça devrait exister, entre autres dans la fonction publique.

M. Mulcair: Mais oui!

M. Laviolette (Marc): C'est au nom, justement, du devoir de réserve et de neutralité politique que, souvent...

M. Mulcair: On étouffe l'affaire.

M. Laviolette (Marc): Oui, oui, on soude le couvert.

M. Mulcair: C'est ça.

M. Laviolette (Marc): C'est ça, et ça finit toujours par couler quelque part; il n'y a pas de soudure étanche, ç'a l'air. Des fois, on lit les journaux et on voit ça. Mais ça refroidit jusqu'à un certain niveau. Je suis d'accord avec ça. Mais vous parlez d'employés, moi, je m'en venais parler de... Moi, je venais m'assurer de mon droit comme administrateur d'être capable de dénoncer des affaires.

M. Mulcair: Oui, oui. D'ailleurs, je vous félicite pour la clarté de votre propos dans votre mémoire quand vous parlez, justement, du fait qu'il est nécessaire d'avoir le moins de limites possible. Vous dites: «Il ne faut surtout pas tenter d'éviter les débats publics en muselant les membres des conseils d'administration. Ceci fait partie du débat public, donc de la démocratie.» C'est deux courtes phrases très claires mais très puissantes, et vous avez complètement raison, à mon sens. Merci.

Le Président (M. Sirros): Alors, avec ça, les membres vous remercient de votre présentation. Et je pense qu'on a pu rattraper le temps que l'avion vous avait fait perdre, sans nuire à la qualité de nos échanges.

M. Laviolette (Marc): Je n'ai pas fait perdre de l'argent à mon organisme pour rien. Ça, je n'aurais pas aimé ça. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

(12 heures)

Le Président (M. Sirros): Non. Je pense que la qualité de nos échanges était intéressante. Merci.

J'invite le prochain intervenant, qui est le Comité de bénéficiaires de l'hôpital Douglas. Est-ce que je peux vous demander... S'il vous plaît! Merci. Alors, le prochain intervenant représente le Comité de bénéficiaires de l'hôpital Douglas, qui est représenté, je crois, par Mme Martha Bishop, qui est secrétaire-trésorière.


Comité de bénéficiaires de l'hôpital Douglas

Mme Bishop (Martha): Oui, je suis aussi sur le conseil d'administration de l'hôpital Douglas, une des deux représentants du comité des usagers, qui est le mot officiel, et je siège aussi dans un comité de perfectionnement, pour les membres du C.A., de la Régie régionale de Montréal-Centre. Alors, j'ai beaucoup d'opportunités. J'ai de l'information, je parle avec les autres membres des conseils d'administration. Et, ça, c'est un peu la base de notre «brief» que nous avons soumis.

Le Président (M. Sirros): On vous écoute, madame.

Mme Bishop (Martha): Nous avons eu l'expérience d'écrire un code d'éthique pour les droits des patients, couvert par l'article 233 de la loi sur la santé et les services sociaux. Et, ça, c'est une bonne expérience pour beaucoup de gens, de travailler ensemble. Quand vous travaillez ensemble pour faire quelque chose de nouveau comme un code de déontologie, vous avez un temps pour la réflexion, vous avez plus de «commitments» à ce code, et ça clarifie les obligations. Ça, c'est une chose qui est primordiale. Je pense que, s'il y a un code pour les administrateurs, ça clarifie les obligations des administrateurs. Parce que les administrateurs, ce n'est pas comme les membres de l'Assemblée nationale, qui prennent beaucoup de temps pour lire les lois, le Code civil, des choses comme ça. Je pense que, ça, c'est une façon pour comprendre tous les articles et les obligations dans la loi.

Un autre point que nous avons fait... S'il y a des règlements pour ce code... J'ai entendu la discussion: Est-ce que c'est nécessaire d'avoir ça dans la loi ou dans les règlements séparés? La seule chose que nous disons: On doit avoir des règlements – je ne sais pas si c'est sur la presse, ou sur la loi, ou quelque chose – aussitôt que possible après que la loi est complétée et approuvée. Parce que nous avons l'expérience, avec la santé et les services sociaux, que nous attendons la grande réglementation qui... je ne sais pas où elle est.

Le dernier point que je vais faire dans notre «brief», après mon expérience et l'expérience des autres administrateurs qui allaient à la formation, pour beaucoup de personnes dans, comme vous le savez, la dernière élection pour les membres dans les établissements de santé et de services sociaux, il n'est pas clair ce que c'est, les obligations. Il y a des vieux membres qui représentent des corporations – en anglais, le «old boys network», je ne sais pas s'il y a une traduction en français – mais il y a une histoire que l'administration donne les idées et les membres du conseil disent: Oui, oui, oui. Par exemple, dans notre conseil d'administration, nous avons eu une petite formation avec des avocats, l'année passée, pour les nouveaux articles dans le Code civil. Je ne sais pas s'il y a des avocats ici. Moi, je ne suis pas avocate, mais c'est très intéressant de lire les lois.

Pour peut-être un morceau des membres du conseil, ce n'est pas très clair. Pour les autres membres qui comprennent ce que c'est, les obligations dans le Code civil, leurs yeux s'agrandissent. Ceci est très sérieux. Et, ça, c'est la raison, je pense, pour laquelle la personne propre ou le groupe propre... C'est au gouvernement d'essayer d'avoir un dépliant qui serait donné à toutes les personnes qui veulent être nommées ou élues pour siéger à un conseil d'administration. Qu'est-ce que c'est, les obligations? Qu'est-ce que c'est, les devoirs? Une autre chose: Qu'est-ce que c'est, le temps qui est nécessaire? Est-ce que c'est deux heures, chaque fois, par mois? Est-ce qu'il y a des comités? Est-ce qu'il y a des choses à lire? Je pense que, quand vous devenez membre de la Législature, vous ne savez pas le nombre d'heures de travail qui sont nécessaires. Je ne vous pose pas la question: Est-ce que vous feriez la même chose encore quand vous avez l'expérience? Je pense que ce dépliant et aussi le code de déontologie de l'établissement pourraient être donnés ensemble à chaque candidat. Alors, il verrait les obligations dans la loi et il verrait aussi que l'établissement a un code de déontologie et que les membres sont supposés le respecter. J'espère que mon français est assez clair.

M. Bégin: Excellent, madame.

Mme Bishop (Martha): Il y a des fois où ce n'est pas clair pour moi.

Le Président (M. Sirros): Je pense que tout le monde saisit...

M. Bégin: Ah, oui.

Le Président (M. Sirros): ...exactement ce que vous voulez dire. Et, si vous avez terminé votre présentation...

Mme Bishop (Martha): Oui, oui.

Le Président (M. Sirros): ...nous allons passer au ministre pour une première question.

M. Bégin: D'abord, avant de poser des questions, j'aimerais vous remercier, madame, vous remercier à plusieurs titres. D'une part, d'avoir accepté de changer votre horaire pour être ici, maintenant, plutôt que demain, je vous en remercie. Deuxièmement, d'avoir pris la peine de rédiger un mémoire comme celui-là, qui est très sensible à des situations vécues, qui nous apporte un éclairage extrêmement intéressant et qui nous dit que, oui, il faut faire quelque chose. Et ça vient de personnes qui vivent des situations, et, juste à ce titre-là, ça mérite des remerciements. Troisièmement, je pense qu'il y a une chaleur... un souci de vouloir non seulement parler du projet de loi, mais même de l'améliorer de manière substantielle en disant, par exemple, cette recommandation que tous les membres du conseil d'administration, une fois qu'un code d'éthique aura été lu, soient saisis, au moment même où ils posent leur candidature, des exigences d'éthique et de déontologie. Je vous remercie, madame, c'est extrêmement apprécié, ce que vous faites là.

Écoutez, vous faites ressortir ce qu'on n'a peut-être pas vu hier, entre autres que, pour les établissements de santé, on nous parlait hier qu'il y avait un code de déontologie, mais vous nous montrez très bien, par l'article 233, que ce code, c'est à l'égard des employés, des stagiaires, des résidents à l'égard des usagés. Mais, évidemment, vous aviez compris que, nous, on parle du conseil d'administration, des administrateurs publics. Je pense que vous convenez qu'il faut qu'il y en ait et pour un et pour l'autre, et non pas seulement pour les uns. Et vous nous montrez très bien, là, que le code dont on parle dans la loi ne vise qu'une partie et qu'on doit effectivement l'élargir. C'est ça que je comprends? Oui.

Mme Bishop (Martha): Oui. Et nous avons, à l'hôpital Douglas, les membres du conseil d'administration, approuvé d'être aussi sur le même 233. Mais, ça, c'est seulement la bonne foi des membres du conseil d'administration d'être sur le même code pour les droits des usagers.

M. Bégin: Écoutez, madame, je pourrais vous poser des questions, mais ce que vous dites est tellement positif et va tellement dans le sens d'encourager... Ce que nous tentons de faire ici, aujourd'hui, c'est de bonifier le texte de notre loi et le règlement. Ce que je peux vous dire, cependant, madame: Peut-être n'avez-vous pas perçu que le texte de 41 articles, c'est le règlement en question. Alors, vous avez devant vous tout de suite le projet de règlement. Certains nous ont dit que ça devrait peut-être être inclus dans une loi plutôt que dans un règlement. Je vous demanderais: Qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Bishop (Martha): Malheureusement, ou heureusement, je ne suis pas avocate. Je pense que c'est plus simple de changer les règlements que les lois, mais les lois ont plus de force. Je me tiens sur deux côtés: est-ce que c'est bon...

Le Président (M. Sirros): Ça prouve qu'on n'a pas besoin d'être avocat pour bien saisir les choses.

(12 h 10)

M. Bégin: C'est très juste, madame, comme observation.

Mme Bishop (Martha): Je ne sais pas si vous... Commencez avec des règlements et, quand vous trouverez que, ça, c'est juste et propre, vous écrirez ça dans la loi. Je ne sais pas.

M. Bégin: Madame, vous êtes d'une sagesse remarquable. Merci. Peut-être que mes collègues ont des questions.

Le Président (M. Sirros): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci. Alors, je veux également vous remercier, Mme Bishop, pour votre présentation. Je pense que vous avez fait... en fait, vous êtes la première qui soulignez, en commission parlementaire, le point que vous avez fait ressortir, qui est très important, c'est la question de l'information. On adopte des codes, on adopte des règlements, des lois et, malheureusement, on ne se préoccupe peut-être pas suffisamment du fait que les gens à qui ça doit s'appliquer soient bien informés des lois ou des règlements qui sont appliqués, qui ont été approuvés. Évidemment, je pense que ça doit faire partie d'un volet de préoccupations, au niveau du gouvernement, de s'assurer que toute l'information soit bien comprise, soit bien, d'abord, disponible et remise aux personnes concernées – je pense à toutes les personnes qui siègent sur les conseils d'administration... et également soient bien sensibilisées à tout ce que ça implique en termes d'obligations et aussi de droits et de devoirs, au fond, parce que je pense que c'est des deux côtés, là. Évidemment, on demande à ces gens-là un certain nombre de... une contribution et on doit, par contre, aussi leur donner des droits ou certaines garanties.

Donc, je pense que le point que vous avez fait ressortir, qui me semble avoir été mentionné ici pour la première fois, est un point important. Et je pense que ça prend quelqu'un qui est peut-être sur le terrain pour être bien conscient du problème que vous avez soulevé. Alors, je veux vous remercier de votre contribution à ce niveau-là, je pense qu'elle est importante.

Maintenant, j'aurais peut-être juste une question générale à vous poser. Bon, vous avez eu le projet de loi, vous avez eu le projet de réglementation et, bon, vous avez probablement eu l'occasion de lire le projet de réglementation qui était proposé...

Mme Bishop (Martha): Les choses qui...

M. Bordeleau: Non, je fais référence... Ça, c'est la loi.

Mme Bishop (Martha): Oui, oui.

M. Bordeleau: Je fais référence au document qui était... ce document-là.

Mme Bishop (Martha): Non.

M. Bordeleau: Ah! vous n'avez pas eu la réglementation.

Mme Bishop (Martha): Non, non, je ne l'ai pas reçue.

M. Bégin: Ah, vous n'aviez pas ça, madame?

M. Bordeleau: O.K., c'est parce que, dans le projet de loi, on réfère à une réglementation qui est toute décrite ici.

Mme Bishop (Martha): O.K., O.K.

M. Bordeleau: Alors, voyez-vous, il faudrait...

Mme Bishop (Martha): Parce que nous avons seulement reçu celui-là quand nous... contactés.

M. Bordeleau: Alors, voyez-vous, c'est une preuve de ce que vous avez avancé, c'est qu'on devrait s'assurer que tous les documents qui vous concernent vous soient remis pour que vous puissiez... Alors, je regrette, je voulais tout simplement vous demander... mais, là, je comprends que vous ne pourrez pas...

M. Bégin: Elle l'aura même en anglais.

M. Bordeleau: Ah! c'est excellent.

Une voix: Fine.

Mme Bishop (Martha): Alors, je... promesse.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bordeleau: Non, j'aurais aimé...

Mme Bishop (Martha): Ah! O.K.

M. Bordeleau: ...savoir, au fond, après la lecture de ce règlement-là, qui décrit de façon très précise comment un administrateur devrait se comporter, si, dans votre expérience, ça collait à la réalité, si ça s'appliquait ou s'il y avait des choses qui fonctionnent plus ou moins. Alors, évidemment, vous ne l'avez pas eu, mais, si, éventuellement, vous avez l'occasion de le lire, à partir de votre perspective de personnes qui sont impliquées...

Mme Bishop (Martha): O.K.

M. Bordeleau: ...sur le terrain, si vous avez des commentaires, éventuellement, à nous remettre suite à cette lecture-là, ça sera intéressant de les avoir, et, à ce moment-là, vous pourrez toujours les faire parvenir à la commission, qui nous les remettra.

Mme Bishop (Martha): Et envoyer ça à la commission?

M. Bordeleau: Oui, c'est ça.

Mme Bishop (Martha): O.K., oui, oui.

M. Bordeleau: Parce que, là, c'est un projet de réglementation et c'est ça qui s'appliquerait. Est-ce que ça correspond, là, à ce que vous vivez? Est-ce que c'est applicable ou est-ce que ça ne l'est pas? Alors, c'est dans ce sens-là que j'aurais posé la question. Mais, si vous avez des commentaires, ils seront les bienvenus. Alors, je vous remercie.

Mme Bishop (Martha): Et je vous remercie d'avoir fait ça assez vite.

Le Président (M. Sirros): Bien, ça semble répondre à un souhait que vous avez, d'avoir à la fois la loi et les règlements.

M. Bégin: Ce n'est pas M. Bordeleau qu'il faut remercier, c'est moi, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bordeleau: ...savoir s'il y avait tous les documents, voyez-vous? C'est là qu'on doit commencer.

Le Président (M. Sirros): Alors, là, un exemple parfait de la coopération: quelqu'un qui découvre le besoin et quelqu'un d'autre qui le comble. Parfait. Alors, ce n'est pas toujours de même. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. I also wanted to thank you, Mrs. Bishop, because your presentation was very clear and you have raised a couple of very interesting points, as the Minister said before.

I did want to ask you some questions, and, without knowing the detail of the regulation that is before us, that regulation is going to apply to some parts of the government as a standard way. But for hospitals and school boards and a few other things, they can maybe use that as an inspiration, but they are going to have to come up with their own code of ethics. So my question to you is – and it's based a little bit on what you have in here – you have given us the example of the charters of rights that every hospital was supposed to come up with...

Mme Bishop (Martha): Yes.

M. Mulcair: ...after the 1991 reform, a lot of them still haven't done that, is that right?

Mme Bishop (Martha): Yes. L'hôpital Douglas est le premier. Droits et obligations des patients, c'est en 1978, et nous faisons toujours des – qu'est-ce que c'est? – revivals, renewals, and we are on our fifth, right now.

M. Mulcair: O.K.

Mme Bishop (Martha): Ça, c'est un document vivant.

M. Mulcair: Comme règle générale, donc, à ce moment-là, est-ce que vous pensez que ça serait mieux, justement, qu'il y ait des éléments de base communs à tous les hôpitaux ou est-ce que ça devrait être laissé entièrement à la discrétion de chaque hôpital?

Mme Bishop (Martha): Je pense que... Nous avons, par exemple, un «ethicist» à l'hôpital Douglas. Quand j'ai dit que je venais ici, aujourd'hui, il a dit: Ah! j'ai écrit un code de déontologie pour le C.A. Je pense que les membres du C.A., il est nécessaire qu'ils soient impliqués. Il est nécessaire qu'ils aient des «guidelines». Et, quand il finit le code déontologie, envoyer ça peut-être à la régie régionale ou à une personne pour voir si ça inclut les choses adéquates. Peut-être qu'il aurait de nouvelles idées ou qu'il aurait une raison pour laquelle une phrase ne serait pas bonne pour cet organisme. Mais je pense que le travail ensemble, ça, c'est une belle partie de faire quelque chose comme ça, but there needs to be a policeman.

M. Mulcair: In your brief to us, you have a very interesting idea, and the Minister agreed also that it was a good idea, that you actually get people to sign a little document saying that they have read their code of ethics. I think it is a really interesting idea. In French, there is an expression that says «nul n'est censé ignorer la loi». In English, I guess, we would say that ignorance of the law is no excuse. So, even though you are supposed to know your code of ethics, a lot of people won't know what's actually in it.

Mme Bishop (Martha): Yes, yes.

M. Mulcair: So, I think that's a good idea. It's like signing a receipt, you know, you have actually seen it.

You go on to say that there should be a brochure that says that you're going to have to devote a certain amount of time and thought to your work on the board, and, you know, depending on the board, you can give a precise idea of how much time and thought that would have to be. That general idea – I like the idea of the brochure, but it doesn't have a force of law – that someone should have an ethical responsibility to have the time and availability before going on to the board, do you think that might be something included in the code of ethics itself? Do you think that would be worthwhile?

Mme Bishop (Martha): Yes. I think, in the law, there are phrases about prudence, diligence, honesty... Comme je dis, les personnes qui veulent siéger sur un conseil d'administration, elles ne savent pas les choses qui sont là. I think diligence is a very strong thing. Une formation... Il y a un homme qui dit «vigilance», «courage». Ça, ce ne sont pas des choses dans la loi, mais, ça, c'est une caractéristique. Mais je pense que, s'il y a «diligence» ou un mot semblable, ça, c'est très important dans une «public position».

M. Mulcair: Good. Et la dernière question que j'ai, c'est justement pour revenir à cette question des chartes qui peuvent être différentes d'un établissement à l'autre – les règlements pourront donc l'être. Est-ce que vous craignez que la disparité d'un établissement à un autre – ou même à l'intérieur de l'établissement, si on a certaines règles de déontologie dont vous avez parlé que votre «ethicist» a mises en place pour le C.A... Est-ce que, à un moment donné, avec les chartes des droits et tout ça, on commence peut-être à avoir trop de règles, qu'il risque d'y avoir des conflits entre ces règles-là, qu'il faut peut-être avoir une vision d'ensemble, ou est-ce que vous voyez que c'est deux choses différentes, la charte des droits puis le code d'éthique?

Mme Bishop (Martha): I think that it's... A big challenge is to make something simple and it's... beaucoup de temps, c'est impossible. I'm right now trying to make the rights of the users in user-friendly language and it's... it's still «hold the law». I think... Un établissement crée... Dans le dépliant du ministre, le code de déontologie, il est possible de donner plusieurs brefs résumés: Nous avons ici certaines obligations; notre conseil d'administration a des réunions chaque mois; vous êtes «expectés» d'être sur un comité-conseil; vous êtes «expectés» de lire tous les documents, des choses comme ça.

M. Mulcair: Ça vous fait sourire...

Mme Bishop (Martha): I don't know whether that is a code of ethics, mais c'est une nécessité.

M. Mulcair: Ha, ha, ha! Merci beaucoup, Mme Bishop.

Mme Bishop (Martha): Je vous remercie.

Le Président (M. Sirros): Alors, je pense que les membres de la commission vous remercient également pour nous avoir permis de puiser dans votre expérience et votre sagesse pour améliorer un peu nos lois. Et, avec ça, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures.

M. Bégin: Merci beaucoup, madame.

(Suspension de la séance à 12 h 20)

(Reprise à 15 h 10)

Le Président (M. Pinard): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je déclare la séance ouverte. Je rappelle le mandat de la commission, qui est de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 131, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Conseil exécutif concernant l'éthique et la déontologie.

Alors, j'invite la Centrale des syndicats démocratiques à venir nous présenter son mémoire. Mais, tout d'abord, pour les fins du Journal des débats , j'apprécierais que vous vous présentiez.


Centrale des syndicats démocratiques (CSD)

M. Vaudreuil (François): Merci, M. le Président. Alors, mon nom est François Vaudreuil, je suis vice-président de la Centrale des syndicats démocratiques, et, cet après-midi, je suis accompagné de Mme Andrée Corriveau, à ma gauche...

Le Président (M. Pinard): Bonjour, madame.

M. Vaudreuil (François): ...de M. Robert Légaré, qui est secrétaire...

Le Président (M. Pinard): Enchanté.

M. Vaudreuil (François): ...de la Centrale, et de Catherine Escojido, qui est directrice du service de recherche à la Centrale.

Le Président (M. Pinard): Bonjour, madame.

Mme Escojido (Catherine): Bonjour.

Le Président (M. Pinard): Alors, les règles du jeu sont les suivantes: vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire; par la suite, l'opposition a 20 minutes pour en discuter avec vous, et la partie ministérielle également.

M. Vaudreuil (François): Alors, c'est bien.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le vice-président.

M. Vaudreuil (François): Je vous remercie, M. le Président. Alors, mesdames, messieurs, la Centrale des syndicats démocratiques se réjouit du dépôt du projet de loi n° 131, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Conseil exécutif concernant l'éthique et la déontologie, et du Règlement sur l'éthique et la déontologie des administrateurs publics.

L'objet de ces pièces législatives, tel que défini à l'article 1 du règlement, rencontre parfaitement les vues de la CSD. En effet, préserver et renforcer le lien de confiance des citoyens dans l'intégrité et l'impartialité de l'administration publique, favoriser la transparence au sein des organismes et des entreprises du gouvernement et responsabiliser les administrations et les administrateurs publics constituent autant de buts à atteindre sur le chemin de la restauration de la crédibilité tant du gouvernement que de ses organismes et de la fonction publique.

À tort ou à raison, au fil des récentes années, l'image du gouvernement et de ses organismes s'est passablement détériorée dans l'opinion publique, phénomène que nous avons constaté notamment chez nos membres. Or, si les institutions gouvernementales ne sont plus valorisées, voire respectées, par un nombre croissant de nos concitoyens, c'est toute la notion de collectivité qui finira, elle aussi, par être remise en cause. Ce n'est pas par hasard si l'on constate dans certains milieux une montée de l'individualisme. Cela est dû en partie à une perte de confiance d'une part importante de la population face à la façon dont l'État et les autres institutions collectives s'acquittent de leurs responsabilités envers elle. Il n'y a qu'à se rappeler le vaste mouvement de contestation de la taxation, notamment sur les produits du tabac, pour bien saisir l'ampleur de la situation.

En effet, à partir du moment où les citoyens deviennent convaincus de l'injustice d'une situation, ils sont fortement tentés de ne plus respecter le pacte social sur lequel notre système est basé. Dans ce cas, c'est par le biais d'un recours au marché noir que s'est traduite l'insatisfaction de la population face à une taxation qu'elle jugeait injuste. Cela nous démontre simplement l'importance des consensus sociaux et le fait que les actions et décisions des gouvernements doivent être empreintes d'équité, de justice et de crédibilité.

Le sociologue Guy Rocher fournit, quant à lui, une autre lecture qui complète parfaitement notre propos: «On assiste depuis quelques décennies à un intérêt croissant pour les droits de la personne et les libertés fondamentales. Mais la tendance est de les interpréter dans un sens individualiste. Il y a lieu d'élargir la perspective, en replaçant la lutte pour les droits et libertés dans le contexte de la montée de la démocratie et des droits sociaux et collectifs qui l'ont accompagnée. On doit alors reconnaître que la société démocratique est un lieu de tensions nécessaires entre droits individuels et droits collectifs. Une véritable éthique doit à la fois reconnaître ces tensions et chercher les modes de complémentarité entre ces deux ordres de droits. Une telle complémentarité n'est cependant jamais acquise; elle est le fruit d'une éthique active, dynamique, essentiellement prudentielle.»

Le désengagement appelle le désabusement. Un des motifs de la baisse du niveau de crédibilité des gouvernements tient au fait qu'à force de se désengager d'un ensemble de champs d'intervention au profit du secteur privé, quand ce n'est pas carrément sur le dos des particuliers, l'État s'est forgé une image passablement négative. Dans un tel contexte, un scandale du type M3i, un «party» onéreux à Hydro-Québec ou les déclarations mensongères aux fins budgétaires d'une commission scolaire prennent la valeur de symbole et alimentent un virulent discours anti-État où, finalement, nous risquons d'être collectivement perdants, car, si l'État n'opère pas un sérieux redressement, il risque d'être de plus en plus perçu comme un percepteur de taxes et d'impôt qui ne nous retourne en échange qu'une flopée de règlements, tous plus tatillons les uns que les autres. C'est le type de perception malheureusement alimenté par les tenants d'un certain discours incendiaire, tenu notamment par la nouvelle droite américaine. Et comme tous les modèles, même les plus bêtes, traversent les frontières, vaut mieux être prudent.

Des difficultés budgétaires sans précédent entraînent des coupures elles aussi inédites, une fiscalité de plus en plus lourde, une réglementation malgré tout assez présente. Bref, tous les éléments du cocktail pourraient être réunis au Québec et n'ont besoin pour éclore que de quelques manifestations criantes de manque d'éthique et de déontologie de la part des administrateurs publics. C'est pourquoi la CSD, qui croit plus que jamais au rôle de l'État dans l'édification d'une société meilleure, est en faveur d'un accroissement des règles forçant l'éthique et la déontologie dans les pratiques gouvernementales.

La crédibilité de l'État, c'est aussi la nôtre. Si, dans les grandes années de fierté de la Révolution tranquille et de «Maîtres chez nous», les Québécoises et les Québécois étaient collectivement fiers de l'avancée foudroyante de l'État et de ses agences et sentaient en faire partie, que cela leur appartenait, c'est parce qu'il s'agissait d'un projet collectif auquel il était facile d'adhérer. Tout était à bâtir, le Québec était intelligent et innovateur, tous les espoirs étaient permis.

Le réveil est brutal au tournant du siècle. L'État est en faillite, le beau rêve s'est, à plusieurs égards, cassé les dents. Il a, à tout le moins, coûté cher et nous n'avons pas fini de le payer que, déjà, les post mortem d'échec s'accumulent dans les domaines de la santé, de l'éducation, etc. Il s'en trouve même pour remettre en cause la nationalisation de l'électricité. Inutile de dire que les citoyens veulent que les taxes et les impôts qu'ils versent soient utilisés à fournir des services de qualité sans que personne ne se place en situation de conflit d'intérêts ou même puisse être soupçonné d'y avoir pensé, sinon, la vindicte populaire sera vive et sans appel.

Selon la CSD, un coup de barre s'imposait donc, et le premier ministre Parizeau, fidèle à la vision de l'État et des services gouvernementaux qu'il a défendue pendant plus de 30 ans, s'en est fait le promoteur pour le mieux-être collectif. C'est pourquoi, pour l'essentiel, nous appuyons tant le projet de loi que le projet de règlement.

L'éthique et la déontologie font grandir l'État en sagesse. La CSD considère que la loi et les règlements doivent s'appliquer à tous, y compris aux fonctionnaires régis par l'article 4 de la Loi sur la fonction publique, même si s'appliquent déjà à eux certaines dispositions d'éthique. C'est pourquoi la CSD revendique que soit amendé le projet de règlement à l'article 2, par la suppression des mots «lorsqu'elles occupent des fonctions d'administrateur public». Ainsi, les fonctionnaires verraient les règlements s'appliquer à eux dans tous les cas, ce qui est fondamental à une application la plus étendue possible des dispositions du règlement, qui sont beaucoup plus fortes que celles contenues dans la Loi sur la fonction publique.

Selon nous, l'application des projets de loi et de règlement concernant l'éthique et la déontologie doit être la plus large possible. En ce sens, nous sommes tout à fait d'accord avec la définition d'«administrateur public» telle que libellée à l'article 2 du projet de règlement. Le fait d'y ajouter les secteurs de l'éducation et de la santé et des services sociaux nous semble également approprié.

(15 h 20)

Une réserve sur le devoir de réserve. La CSD demande cependant que soit amendé le projet de règlement afin de ne pas appliquer à l'administrateur public le devoir de réserve prévu à l'article 6. Ce dernier se lirait alors comme suit: «L'administrateur public est tenu de faire preuve de neutralité politique dans l'exercice de ses fonctions.»

Car la Centrale croit en effet qu'il est requis de la part des administrateurs publics, dans l'exercice de leurs fonctions d'administrateurs publics, qu'ils fassent preuve de neutralité politique. Comment pourraient-ils, autrement, servir adéquatement la collectivité via les divers mandats qui sont confiés aux organismes sur lesquels ils siègent, en travaillant en concertation avec les représentants des divers gouvernements qui se succèdent à la tête de l'État?

Par contre, la neutralité politique requise d'un administrateur public ne doit en aucun temps bâillonner un porte-parole d'organisme ou d'association lorsqu'il exerce ses fonctions de dirigeant de cette association ou organisme. L'article 6, tel que libellé, équivaut à museler la grande majorité des membres des conseils d'administration, notamment les partenaires socioéconomiques qui siègent à divers organismes, telles la CSST, la SQDM, la CCQ, la conférence permanente de la main-d'oeuvre, et d'autres encore. Cela est tout à fait inacceptable dans une société démocratique et non respectueux des mandats qu'ils assument au sein de leurs organismes respectifs. Voilà pourquoi la CSD demande que soient retirés dudit article les mots «et de réserve politique dans la manifestation publique de ses opinions politiques». De toute façon, la réserve politique s'applique déjà aux fonctionnaires avec l'article 11 de la Loi sur la fonction publique, ce qui est parfait. Il ne nous semble pas opportun d'en étendre l'application aux autres administrateurs publics.

Préciser le cadre de la discrétion. Concernant l'article 5 du règlement, la CSD considère important de le nuancer, toujours dans l'optique de ne pas brimer la liberté d'expression des partenaires socioéconomiques qui agissent à titre d'administrateurs publics. En effet, il faudrait l'amender pour limiter l'obligation de discrétion sur ce dont il a connaissance dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions. À titre d'exemple, cela pourrait se faire par l'ajout, à la fin de l'article 5, des mots suivants: «à la condition qu'une mention de confidentialité soit émise». Une telle précaution suffirait, à notre sens, à mieux cerner les informations à circulation restreinte et à garantir le droit pour les administrateurs publics de représenter leurs membres tout en respectant les principes d'éthique et de déontologie auxquels ils sont soumis en tant qu'administrateurs publics.

Un après-mandat moins contraignant. Selon la CSD, toujours dans l'optique de ne pas exercer de pressions indues sur les administrateurs publics, particulièrement ceux qui cumulent cette responsabilité avec d'autres fonctions de porte-parole de leur organisation respective, il est nécessaire d'amender l'article 16 du règlement. En effet, il nous semble abusif d'interdire aux administrateurs publics de traiter avec un administrateur qui a cessé d'exercer ses fonctions dans l'année où celui-ci a quitté ses fonctions, car le fait de traiter n'implique aucunement que l'administrateur en question se place en conflit d'intérêts. Le conflit d'intérêts pourrait provenir plutôt de la notion d'«information non disponible au public», ce que couvrent déjà les deux premiers alinéas de l'article 16. La CSD demande donc que soit complètement radié le troisième alinéa de l'article 16.

En terminant, nous nous permettons de citer à nouveau le sociologue Guy Rocher, qui résume à merveille les tenants et aboutissants de l'éthique et en précise de façon générale le fonctionnement. Mentionnons que nous partageons son constat à l'effet que les questions d'éthique sont l'apanage quasi exclusif des juristes. Nous irons plus loin en formulant le souhait qu'il en soit autrement dans l'avenir, l'éthique étant une valeur qui régit tant les droits individuels que les droits collectifs. Alors: «En matière d'éthique, [...] je crois plutôt qu'il nous faut chaque jour découvrir et faire le juste, le vrai, le bien au milieu des accidents et des contingences de l'action, de la vie quotidienne, en nous interrogeant sans cesse sur nos motivations, sur les fins que nous poursuivons et les moyens que nous utilisons. Dans cette perspective, l'option entre les droits individuels et les droits collectifs ne doit avoir un caractère ni absolu ni définitif, mais faire plutôt l'objet d'un jugement prudentiel dans chaque situation, chaque conjoncture. Tout ce qu'on peut affirmer d'une manière absolue, c'est que la société est faite pour la personne, non la personne pour la société. Une telle vision éthique fait pleinement confiance à l'être humain, à son autonomie morale en même temps qu'à sa capacité à s'orienter d'une manière morale. Elle incarne le vrai défi de l'humaine condition.»

La CSD considère un tel projet législatif d'un très bon oeil et le croit essentiel à la restauration de l'image positive de l'État dans l'opinion publique et à la nécessaire amélioration de sa crédibilité. Cependant, cela constitue un élément d'un ensemble à mettre en place. En effet, d'autres mesures sont requises pour atteindre nos objectifs quant à la confiance des citoyens face à leur État.

La répartition équitable de la richesse, notamment par la fiscalité et le financement des services publics, est également cruciale. Pour que la population améliore sa vision de l'État, ce dernier doit s'acquitter en toute équité de son mandat à cet égard. La fiscalité comporte depuis trop longtemps des inégalités flagrantes qui minent à juste titre la confiance des contribuables. Les débats qui s'en viennent sur la fiscalité et le financement des services publics doivent viser en outre à générer de nouveaux consensus largement partagés. Il est aussi important de revenir, dans le discours et dans les faits, aux bases de la justice sociale et d'égalité des chances tant dans les fonctions de l'État que dans la façon dont les administrateurs publics s'acquittent de leurs responsabilités, soit selon des règles d'éthique et de déontologie. La confiance naît du respect: respect des grands principes de démocratie, d'équité et de justice qui caractérisent notre société et respect des personnes, qu'elles soient contribuables, salariées de l'État, en position d'exercer quelque fonction que ce soit dans l'administration publique. Alors, je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le vice-président. Alors, M. le ministre.

M. Bégin: Merci, Mmes et MM. de la CSD, pour ce mémoire. Je dois dire que, dans l'ensemble, je partage pas mal ce que vous avez dit. Déjà, nous avons mentionné que l'article 6 serait modifié pour tenir compte de certains aspects qui n'étaient pas voulus, mais qui atteignaient de manière inacceptable certains droits qu'on considère aussi importants que ceux qui l'ont critiqué. Donc, on modifiera l'article 6, particulièrement pour une distinction première entre celui qui agit à temps partiel et celui qui agit à temps plein, et d'autres modifications qui tiendront compte de diverses situations qui ne sont pas envisagées...

Cependant, il y a deux points sur lesquels je pense qu'il y a peut-être méprise, et j'aimerais qu'on parle en particulier de l'article 16, troisième alinéa. Vous proposez de l'enlever. En toute franchise, je crois que c'est peut-être une des plus belles trouvailles de ce texte-là, de l'ensemble du projet, que ce troisième alinéa, parce que, si vous me permettez, dans les deux premiers alinéas, on dit qu'il est interdit à quelqu'un qui a cessé d'être administrateur public d'agir pour le compte d'autrui – et je saute des bouts, là – à partir d'informations qui sont non disponibles au public, donc des renseignements ou de l'information qu'il a pu acquérir lorsqu'il était en fonction.

Le deuxième alinéa dit qu'on ne peut donner des conseils à son client à partir de renseignements non disponibles au public. Donc, encore comprendre que, lorsqu'il était en fonction, il a pu obtenir de l'information. Donc, pendant une année, on présume qu'il ne devrait pas le faire.

(15 h 30)

Cependant, le troisième alinéa – et c'est là où je pense qu'on se comprend mal – dit que les personnes qui sont encore des administrateurs publics et qui ont les mêmes informations, elles, et qui savent que la personne qui est partie les a, ces informations-là, on lui dit: Si, toi, sachant ça, tu fais affaire avec quelqu'un qui est parti, bien, tu te mets dans une situation tout à fait inacceptable et on te sanctionne. Autrement dit, on ne veut pas faire reposer simplement sur celui qui est parti le fardeau de ne pas utiliser les renseignements qu'il a pu acquérir pendant qu'il était en fonction, mais sur ceux qui sont encore des administrateurs publics et qui savent aussi ces choses-là, pour ne pas qu'ils puissent dire: Bien, écoutez, nous, ce n'est pas notre problème, hein, c'est lui qui a un problème d'éthique; nous, on est bien corrects. Je pense que c'est le sens qu'on doit donner à ce texte-là.

Est-ce que, à la lumière de ce que je viens de dire, vous gardez toujours la même opinion ou si vous pensez que ça peut bonifier la situation?

M. Vaudreuil (François): Bien, écoutez, si la notion d'information non disponible au public est assurée et couverte, parce que... En tout cas, à la lecture ou quand on a fait l'analyse du règlement, ça ne nous apparaissait pas aussi évident. Alors, si cette notion-là apparaît, à notre avis, à ce moment-là, ça nous convient.

M. Bégin: Regardez à la dernière ligne du premier alinéa, on dit: «et sur lequel il détient de l'information non disponible au public»; et, là, c'est d'agir là-dessus. Et, quand on va au deuxième alinéa, à la première ligne, on dit: «Il ne doit pas non plus donner des conseils à ses clients fondés sur des renseignements non disponibles...» Donc, le premier alinéa, c'est de l'information non disponible; l'autre, c'est les renseignements non disponibles. Peut-être qu'on devrait harmoniser, là...

M. Vaudreuil (François): Oui, c'est parce que...

M. Bégin: «Information» et «renseignements» devraient peut-être être le même mot dans les deux ou les deux mots dans les deux paragraphes...

M. Vaudreuil (François): Oui, c'est ça.

M. Bégin: ...mais c'est toujours ce qui n'est pas disponible au public, donc un privilège, un avantage. Et la sanction vient pour l'administrateur qui est encore en fonction. Alors, je comprends qu'on...

M. Vaudreuil (François): Parce qu'à la lecture, en tout cas, il subsistait, à notre avis, là, un doute sur ce sujet. Alors, effectivement, si cette notion apparaît, ça nous convient.

M. Bégin: O.K. Sur l'article 5, je vous avoue que j'ai eu un peu de difficulté à comprendre à quel point ça pouvait être un problème, la formulation qui était là. J'ai entendu ce que vous avez dit, mais disons que ça ne me convainc pas. Pouvez-vous peut-être reprendre d'une autre manière, à votre façon, ce texte-là?

M. Vaudreuil (François): Écoutez, moi, comme je suis... Bon, évidemment, j'agis comme administrateur public et aussi comme représentant de la CSD. Et, au titre du projet de loi, ce sur quoi nous sommes d'avis, c'est que, effectivement, si la notion de confidentialité y est clairement définie, à ce moment-là il n'y a pas de problème, mais, autrement, il faut que je puisse revenir, moi, dans mon organisation, il faut que je puisse faire des débats, il faut que je fasse... Alors, il ne faut pas... Et la nuance qui s'établissait à cet égard-là, c'était uniquement sur la portée, effectivement, à la condition qu'une mention de confidentialité soit émise. Remarquez bien que, si on ajoutait le même libellé de l'article dont on vient de discuter à l'article 16, à savoir l'information non disponible au public, la même notion, à ce moment-là on pourrait effectivement très bien vivre avec ça. Mais, moi, ma préoccupation... Puis je vous donne un exemple concret: comme administrateur public, je veux effectivement avoir une liberté, à l'intérieur de mon organisation notamment, qui est essentielle dans notre fonctionnement démocratique. Alors, à mon avis, à cet égard-là, il nous apparaît y avoir... En tout cas, il aurait dû y avoir une mention qui ajoutait la notion, là, qu'une...

M. Bégin: Je comprends le sens de votre démarche, mais, là, on aurait peut-être la situation suivante, où, dans la première ligne, on parlerait de discrétion et, à la fin, on parlerait de confidentialité. Là, c'est deux concepts qui ne sont pas tout à fait exacts. Mais je comprends le sens de ce que vous dites, là. Comment réagissez-vous en fonction du deuxième alinéa de l'article 9? Je veux simplement...

Le Président (M. Pinard): Je m'excuse, madame...

M. Bégin: Vouliez-vous ajouter quelque chose?

Mme Escojido (Catherine): Non, non, ça va.

M. Bégin: Le deuxième alinéa, dont certains nous ont parlé ce matin, est dans la même veine, je dirais, quand on dit: «...il est en tout temps tenu de respecter le caractère confidentiel des informations ainsi obtenues.» Vous voyez encore le concept. D'une part, la discrétion ne veut pas dire que vous n'en parlez pas; vous êtes quand même discret, vous faites attention pour ne pas lancer sur la place publique... Parler, dans son organisation, de ce qu'on a entendu à une séance de conseil d'administration... En tant que membre, vous êtes représentant d'un organisme, vous avez certainement, et il faut que vous l'ayez, la capacité d'en parler, sinon, ça ne sert pas à grand-chose. Mais, d'un autre côté, discrétion veut-il dire confidentialité? La réponse, pour moi, c'est non. Est-ce qu'on doit quand même permettre à un administrateur qui discute à une table, qui apprend des choses, qui brasse des idées avec d'autres... Est-ce qu'on peut lui permettre ou est-ce qu'on doit accepter qu'il puisse dire n'importe quoi sur la place publique, ou dire: Soyez discret, quand même? Ça ne veut pas dire d'être confidentiel à l'égard de votre organisme. Est-ce que ce n'est pas des critères...

M. Vaudreuil (François): Dans ce sens-là, M. le ministre, ça nous convient. Dans ce sens-là, avec les explications qui sont fournies. Sauf qu'à la lecture du règlement ça ne nous apparaissait pas aussi limpide et aussi clair, et, à cet égard, il y avait sûrement lieu de réviser...

Mme Escojido (Catherine): Parce que, dans l'exercice...

Le Président (M. Pinard): Mme Escojido.

Mme Escojido (Catherine): Dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, c'est très large. Ça veut dire que des choses qui ne se disent peut-être même pas à la table du conseil, mais autour de la table, ou etc., pourraient être visées par une discrétion qui pourrait devenir, en tout cas, difficile à appliquer pour les gens qui ont à siéger là-dessus.

M. Bégin: Avez-vous une suggestion pour resserrer un peu le texte dans le sens que vous mentionnez?

Mme Escojido (Catherine): Nous, on y allait via les informations non disponibles au public. On essayait de jouer avec ça, mais on n'est pas...

M. Bégin: Oui.

M. Vaudreuil (François): ...et la mention de confidentialité, comme je vous disais au départ.

Mme Escojido (Catherine): Mais, là, je comprends le problème de la confidentialité aussi.

M. Bégin: O.K.

M. Vaudreuil (François): Discrétion et confidentialité.

M. Bégin: O.K.

M. Vaudreuil (François): Alors, on comprend la problématique.

M. Bégin: Question?

Le Président (M. Pinard): Du côté ministériel, est-ce qu'il y a d'autres questions? Alors, M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui, merci. Alors, je veux d'abord vous remercier pour la présentation de votre mémoire et souligner, peut-être, le fait aussi que, dans votre mémoire, vous avez attaché beaucoup d'importance, avec raison, à toute la question de la perception et des attentes de la population à l'égard de l'administration publique. Vous avez plusieurs pages. Je pense que c'est un des mémoires qui a développé le plus toute la problématique reliée autour de cet aspect-là, qui, évidemment, je pense, comme société, ne nous fait pas avancer et pose des problèmes importants. C'est évident qu'il faut rétablir une meilleure confiance entre la population et l'administration publique de façon générale.

Alors, juste peut-être pour enchaîner avec le point que le ministre vient d'apporter, celui de la discrétion et de la confidentialité. Est-ce que ça vous semble clair, la distinction qu'il y a entre les deux? Discrétion... Si, par exemple, au niveau d'un organisme sur lequel vous siégez, bon, il y a une discussion de fond sur l'orientation ou des décisions administratives qui impliquent des choix d'orientation importants, et on vous dit: Vous devez être discret, ça vous permet quand même de partir, et d'aller sur la place publique, et de faire le débat sur la place publique si vous n'êtes pas d'accord avec les décisions qui sont prises, qui impliquent des... Souvent, ce n'est pas toujours des décisions administratives au jour le jour; il y a souvent des décisions qui traduisent des orientations, des débats de société, au fond, qui peuvent être importants. Si on vous dit: Vous devez être discret, est-ce que ça vous autorise... est-ce que vous vous sentez à l'aise avec ça pour partir puis aller sur la place publique et refaire le débat à ce niveau-là, publiquement, de ce qui a été fait, par exemple, au conseil d'administration?

M. Vaudreuil (François): Bien, écoutez, ce qui posait un problème dans les échanges que nous avons eus quand nous avons préparé notre réaction concernant ce volet-là, c'est toutes les nuances qui doivent exister, par exemple, entre la discrétion et la confidentialité à un certain égard. Et, comme le disait préalablement Mme Escojido, jusqu'où ça doit aller? Est-ce que ça va aller, par exemple, comme dans l'exemple qu'elle citait, à des échanges qui ont lieu entre différents administrateurs publics, dans un corridor, par exemple? Est-ce que ça peut aller jusque-là? Pour nous, cet élément-là nous préoccupe grandement, parce que, à notre avis, il n'atteint pas les objectifs qu'on avait souhaités. Ce qu'on aurait préféré, c'est effectivement qu'on puisse inscrire, comme on vous l'avait suggéré, là, qu'à condition qu'une mention de confidentialité soit émise ou que l'information soit non disponible au public... tel que libellé à l'article 16.

M. Bordeleau: Ce que vous nous dites, au fond, c'est que, quand on parle de discrétion et de confidentialité, ça demeure encore vague un peu, et vous autres, vous souhaiteriez plus qu'on précise de façon spécifique ce qui est confidentiel et ce qui ne l'est pas, et c'est dans ce sens-là que vous seriez plus à l'aise de fonctionner.

M. Vaudreuil (François): Oui, oui, définitivement.

(15 h 40)

M. Bordeleau: À partir d'un moment où la distinction est claire, et non pas de dire: Bien, c'est confidentiel, mais, en même temps... C'est confidentiel; on ne vous empêche pas d'en parler, mais faites preuve de discrétion.

M. Vaudreuil (François): C'est ça. C'est ça.

M. Bordeleau: Opérationnellement, ça veut dire faire quoi, ça, exactement? Est-ce que c'est dans ce sens-là?

M. Vaudreuil (François): Ça va être des zones de litige qui... Ça risque, en tout cas, d'être des zones de litige qu'on voudrait éviter, là.

M. Bordeleau: O.K.

M. Vaudreuil (François): On voudrait avoir une situation beaucoup plus claire que ça.

M. Bordeleau: Ça va. À la page 7 du mémoire, il y a deux points sur lesquels j'aimerais revenir. C'est la dernière ligne de la page 7: «Le fait d'y ajouter les secteurs de l'éducation et de la santé et des services sociaux nous semble également approprié.» Ces groupes-là – je pense ici aux commissions scolaires, au Conseil scolaire de l'île de Montréal, à la confédération des régies ou le conseil des régies régionales – tous ces groupes-là sont venus nous dire que, oui, ils étaient d'accord sur le principe d'avoir des codes de déontologie, et tout ça. Là-dessus, ils sont à 100 % derrière l'objectif recherché, mais ils sont venus nous dire que ce n'était pas nécessairement par le biais d'un projet de loi comme celui qui nous a été présenté par le gouvernement que ça devait se faire, qu'il y avait, entre autres, à l'intérieur de leur loi constitutive, déjà des principes ou des règles déontologiques et qu'ils pouvaient aussi, à l'intérieur de leur loi constitutive, préciser, compléter, développer, si on veut, les codes d'éthique et de déontologie.

Alors, ce que je me demande, au fond... C'est que vous nous dites: Oui, c'est approprié. Comment vous mettez ça en relation avec le fait que les gens du milieu viennent nous dire: Non, ce n'est pas approprié de le faire de cette façon-là? On est d'accord sur le principe, on cherche le même objectif, excepté que ce n'est pas approprié de le faire dans le cadre qui est proposé par le projet de loi n° 131. Il vaudrait mieux le faire à l'intérieur, au fond, de la loi sur la santé et les services sociaux, à l'intérieur de la Loi sur l'instruction publique, à l'intérieur du Code des professions pour ce qui est de l'Office des professions et tous les organismes qui gravitent autour de ça. Alors, c'est un peu la position qu'ils nous ont dite. Alors, eux, qui viennent du milieu, nous disent: Non, ce n'est pas approprié. Vous, vous dites: Oui, c'est approprié. Alors, j'aimerais avoir votre réaction à ce niveau-là.

M. Vaudreuil (François): Bon, écoutez, là-dessus...

Le Président (M. Pinard): M. le vice-président, on vous écoute.

M. Vaudreuil (François): Merci. Nous, notre position à cet effet-là est très claire. Nous avons fait des consultations à l'interne, à la CSD, et nous prétendons que cette loi doit avoir une application universelle. En somme, c'est quelque chose qui est au-dessus, effectivement, de quelque structure que ce soit, des régies régionales ou autres, à l'intérieur de différents secteurs. Ça doit être au-dessus – un peu comme les chartes le sont, si on veut – parce que ça réfère avant tout à des valeurs, et des valeurs, on doit les transmettre, tout le monde doit y souscrire dans notre société, ça doit faire partie de notre pacte social. Et, parmi les membres avec qui nous avons échangé avant de venir ici cet après-midi, il y a des gens qui, notamment, agissent dans le secteur de la santé et qui partageaient, à cet égard, notre opinion. Donc, nous, ce qu'on prétend, c'est que le gouvernement doit l'appliquer à l'éducation, à la santé, aux services sociaux. Il s'agit d'une valeur fondamentale. Il y a une philosophie qui doit effectivement être omniprésente dans notre société concernant l'administration publique.

Le Président (M. Pinard): M. Bordeleau, en complémentaire?

M. Bordeleau: Oui. À la page 7 aussi, je veux juste bien comprendre. Au premier paragraphe de la page 7, vous dites: «La CSD considère que la loi et le règlement doivent s'appliquer à tous, y compris aux fonctionnaires...» Et, à la fin de ce paragraphe-là, vous dites: «...ce qui est fondamental à une application la plus étendue possible des dispositions du règlement, qui sont beaucoup plus fortes que celles contenues dans la Loi sur la fonction publique.»

Vous faites référence, à ce moment-là, à la suppression, dans l'article 2, des... bien, en tout cas, d'une partie du paragraphe, où on dit: «Les personnes déjà régies par des normes d'éthique ou de déontologie en vertu de la Loi sur la fonction publique ou de la Loi sur les tribunaux judiciaires sont de plus soumises aux normes prises en application de la section I.1 de la Loi sur le ministère du Conseil exécutif lorsqu'elles occupent des fonctions d'administrateurs publics.» Vous dites: On devrait enlever «lorsqu'elles occupent des fonctions d'administrateurs publics» et que les fonctionnaires soient assujettis dorénavant...

M. Vaudreuil (François): Aux mêmes règles.

M. Bordeleau: ...à ce projet de loi là et à ces règles-là.

M. Vaudreuil (François): Oui, oui. C'est une...

M. Bordeleau: La même chose que les tribunaux judiciaires? Vous ne vous prononcez pas là-dessus: je vous pose la question.

M. Vaudreuil (François): On ne s'est pas prononcé, mais c'est une question de philosophie. Comme je l'ai dit tantôt, c'est une question de valeurs dans notre société, et, si on veut que nos institutions y aient toute leur crédibilité, le projet de règlement qui nous est soumis sur la table devrait s'appliquer de façon universelle...

Le Président (M. Pinard): Même au...

M. Vaudreuil (François): ...aux fonctionnaires. Pardon?

Le Président (M. Pinard): Même au judiciaire?

M. Vaudreuil (François): Au judiciaire, je vais vous dire bien honnêtement, on n'a pas échangé là-dessus, mais, a priori, je ne verrais pas pourquoi ça ne s'appliquerait pas. A priori, c'est surtout la fonction publique pour laquelle nous avons réfléchi, et nous sommes d'avis que la fonction publique devrait être assujettie à ces règles-là. Et je ne verrais pas pourquoi le judiciaire ne le serait pas, a priori.

M. Bordeleau: Ça veut dire qu'il faudrait étendre la portée du projet de loi n° 131, qui devrait normalement s'appliquer aux administrateurs publics et qui exclurait la fonction publique quand les gens agissent en tant que fonctionnaires publics qui sont régis par la Loi sur la fonction publique.

M. Vaudreuil (François): Effectivement, c'est ce que nous souhaitons.

M. Bordeleau: Vous demanderiez, à ce moment-là, des amendements à la Loi sur la fonction publique?

M. Vaudreuil (François): C'est ce que nous souhaitons.

M. Bordeleau: À la page 9 du mémoire, le premier paragraphe complet, vous dites: «De toute façon, la "réserve politique" s'applique déjà aux fonctionnaires avec l'article 11 de la Loi sur la fonction publique, ce qui est parfait. Il ne nous semble pas opportun d'en étendre l'application aux autres administrateurs publics.» Alors, là, dans ce cas-là, vous nous dites: Il faudrait garder...

M. Vaudreuil (François): C'est la seule exception. C'est la seule nuance qu'on fait, effectivement, comparativement à la question que vous m'avez posée au préalable.

M. Bordeleau: Oui, mais c'est pour ça que... Oui.

M. Vaudreuil (François): Donc, comme il faut lire le document dans son ensemble, ça s'interprète les uns par les autres, en donnant le sens qui résulte à l'ensemble. Alors, c'est effectivement l'exception de l'application qui serait faite de notre demande que nous formulons d'étendre le projet de règlement à la fonction publique.

M. Bordeleau: Et que les administrateurs publics, en conséquence, ne soient pas assujettis à une neutralité politique.

M. Vaudreuil (François): C'est ça.

M. Bordeleau: Peu importe que ce soit des administrateurs publics à temps plein ou à temps partiel?

M. Vaudreuil (François): Écoutez, ça aussi, c'est un autre débat. Ça m'a grandement étonné qu'on fasse des distinctions entre du temps partiel et du temps plein. C'est ça. Je veux dire, on a beaucoup de difficulté à comprendre ça, parce que l'éthique, la déontologie, c'est avant tout une valeur dans notre société. On ne peut pas avoir une valeur à demi ou une valeur entière, on la partage ou on ne la partage pas. Moi, j'agis effectivement à temps partiel, mais il faut que... Oui, je souscris au projet de règlement d'éthique et de déontologie, mais je ne peux pas y souscrire à moitié. Comment peut-on souscrire à moitié?

Alors, je trouve que le débat de temps partiel, de permanent, à mon avis, est un faux débat, parce que, ce dont il faut faire la promotion, ce sont les valeurs, c'est la philosophie qui est derrière ce projet de loi là, laquelle il faut élargir au plus grand nombre de personnes. Et c'est pour ça qu'on ne souscrit pas puis qu'on n'adhère pas à des administrateurs à temps partiel par rapport à des administrateurs permanents.

Le Président (M. Pinard): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: C'est parce que, dans la discussion qui a été faite, souvent, bon, on a peut-être fait à tort un parallèle entre ces notions-là de public temps plein et public temps partiel versus des personnes qui viennent, par exemple – comme ce à quoi vous avez fait référence – d'autres organismes, mais qui ne sont pas des administrateurs qui travaillent à la semaine longue dans l'organisation; ils viennent au conseil d'administration. Je pense, par exemple, au mouvement syndical, au mouvement patronal, qui vont sur différents conseils. Alors, on a fait à plusieurs reprises, des organismes qui sont venus, une espèce de parallèle entre ces deux contextes-là, qui sont différents: le temps partiel et le temps plein, au fond. Et vous dites: Je ne comprends pas cette distinction-là, temps plein, temps partiel. Mais, à partir du moment où vous voulez que la neutralité politique ne s'applique pas aux administrateurs... Je reviens à la page 8 du mémoire, et c'est là que je voudrais...

M. Vaudreuil (François): Je vous demande pardon, c'est aux employés de l'État. Pour la neutralité politique, la différence, la distinction, c'est aux employés de l'État.

M. Bordeleau: Mais vous dites: «Il ne nous semble pas opportun d'en étendre l'application aux autres administrateurs publics.» À la page 9 de votre mémoire.

M. Vaudreuil (François): Oui, mais c'est parce qu'on parle des fonctionnaires.

M. Bordeleau: Ah! Quand vous parlez d'administrateurs publics, vous parlez des fonctionnaires?

M. Vaudreuil (François): Oui, oui.

M. Bordeleau: O.K.

M. Vaudreuil (François): Pour la neutralité politique.

(15 h 50)

M. Bordeleau: O.K. Et vous êtes d'accord, à ce moment-là, que les administrateurs publics qui ne sont pas couverts par la Loi sur la fonction publique, que ces gens-là, ceux... que la neutralité politique existe, excepté pour les gens qui sont décrits un peu, là, au dernier paragraphe de la page 8, où on dit: Les porte-parole d'organismes ou d'associations...

Le Président (M. Pinard): M. Vaudreuil, il y aurait peut-être lieu de refaire, là, le plan des distinctions qui s'imposent...

M. Vaudreuil (François): Bon, O.K.

Le Président (M. Pinard): ...pour que ce soit clair dans l'esprit de tout le monde.

M. Vaudreuil (François): Bon, O.K. Alors, la neutralité politique s'exerce, pour les administrateurs qui ne sont pas de la fonction publique, dans l'exercice des fonctions. Alors, ça, ça va? Et pour ce qui est des... Effectivement, là où c'est différent, ce qu'on dit, c'est que – dans un premier temps, dans le premier paragraphe de notre document – l'application du règlement concernant l'éthique et la déontologie, ce qu'on demande, c'est qu'effectivement elle soit élargie à la fonction publique. Et, là où on fait une distinction, une nuance, c'est qu'au niveau de la réserve politique on dit déjà que ça s'applique aux fonctionnaires avec l'article 11, ce qui est parfait. Et ce qu'on dit, c'est que ça ne nous semble pas opportun d'en étendre l'application aux autres administrateurs publics, qui ne sont pas des fonctionnaires.

Le Président (M. Pinard): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui. À la page 8, vous dites: «Car la Centrale croit en effet qu'il est requis, de la part des administrateurs publics, dans l'exercice de leurs fonctions d'administrateurs publics, qu'ils fassent preuve de neutralité politique.» Est-ce que c'est les administrateurs publics ou les fonctionnaires?

Le Président (M. Pinard): Mme Escojido.

Mme Escojido (Catherine): Bon. C'est qu'on propose de le scinder en deux. Il y a deux affaires là-dedans: il y a la neutralité politique puis il y a la réserve politique dans la manifestation publique de ses opinions politiques. La neutralité politique, on est d'accord pour tout le monde: fonctionnaires, administrateurs publics. Tout le monde. La réserve politique dans la manifestation publique de ses opinions politiques, on dit: Ça ne doit pas s'appliquer aux administrateurs publics. Par contre, que ça s'applique aux fonctionnaires de l'État, aux salariés de l'État, qu'eux soient tenus d'avoir de la réserve politique, oui, on est d'accord, mais on ne veut pas que ça s'applique aux administrateurs publics.

M. Bordeleau: Même si c'est un administrateur qui est administrateur d'une entreprise ou d'un organisme gouvernemental à temps plein?

Mme Escojido (Catherine) C'est ça.

M. Bordeleau: O.K. Alors, moi, ça...

Mme Escojido (Catherine) Mais il est fonctionnaire.

M. Vaudreuil (François): Il est visé par la...

Mme Escojido (Catherine) Je veux que ça s'applique aux fonctionnaires.

M. Bordeleau: Oui, les fonctionnaires. Bon, vous voulez qu'il y ait une neutralité au niveau de la manifestation.

Mme Escojido (Catherine) Pas la neutralité. La neutralité et la réserve.

M. Bordeleau: Non, non. Réserve dans la manifestation des activités politiques. Chez les administrateurs publics, vous voulez qu'il n'y ait pas de contrainte au niveau de la manifestation des opinions politiques...

M. Vaudreuil (François): C'est ça.

Mme Escojido (Catherine) C'est ça.

M. Bordeleau: ...y compris pour le... prenons, je ne sais pas, moi, le président d'un organisme qui occupe cette fonction-là à temps plein.

Le Président (M. Pinard): Si vous le permettez, pour les fins du Journal des débats , on va essayer de parler à tour de rôle, parce que je n'aimerais pas être celui qui doit enregistrer vos propos. Alors, M. le député de Châteauguay? M. le député de Chomedey?

M. Mulcair: Non, ça va, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui. Juste une question, en terminant. On n'a pas fait référence dans le projet de loi, en nulle part, à un processus de protection pour les gens qui dénonceraient des pratiques administratives inacceptables, ce qu'on appelle le «whistle-blowing». Est-ce que vous avez une position par rapport à ça? Est-ce que vous pensez que c'est quelque chose qui devrait être en place? Si on veut, au fond, que toute cette question-là des normes d'éthique et de déontologie soit appliquée puis existe dans la réalité, est-ce qu'il ne faudrait pas aussi qu'on prévoie des mécanismes qui protégeront les personnes qui feront des dénonciations sur certaines pratiques inacceptables?

M. Vaudreuil (François): On n'a pas réfléchi à ça, mais, a priori, ce que je vous dirais, c'est que ça pourrait très bien, ces dispositions-là, être référé aux comités de déontologie qui seront appelés à être mis sur pied dans les différents organismes.

M. Bordeleau: Vous ne verriez pas ça au niveau d'une politique générale, au même titre que les... Ce ne serait pas une valeur, ça, de dire: On doit protéger les personnes qui voudront coopérer en dénonçant des choses inacceptables? Ce ne serait pas au niveau des grandes valeurs auxquelles vous avez fait référence tout à l'heure?

M. Vaudreuil (François): A priori, non. A priori, non.

M. Bordeleau: Vous laisseriez ça dans chaque organisme, à décider de...

M. Vaudreuil (François): Oui, oui. Oui. Chaque comité définira, dans le fond, ses règles, et ça pourra faire l'objet des dispositions d'un règlement.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. Est-ce que je vous ai bien compris? Pour les organismes dont les gens sont des administrateurs publics bénévoles, exemple, qui sont nommés par le gouvernement au Conseil du statut de la femme, au Conseil des affaires sociales, vous leur demandez d'avoir également une réserve politique?

M. Vaudreuil (François): Une neutralité...

M. Lelièvre: Une neutralité, oui.

M. Vaudreuil (François): ...dans l'exercice de leurs fonctions, mais pas une réserve politique. La réserve politique, c'est pour les fonctionnaires...

M. Lelièvre: Donc, autrement dit...

M. Vaudreuil (François): ...qui agissent comme administrateurs publics.

M. Lelièvre: Et qui ne sont pas rémunérés.

M. Vaudreuil (François): Qu'ils le soient ou non, je ne le sais pas, mais ils ne le sont pas, là.

M. Lelièvre: Autrement dit, dans toutes les administrations publiques, vous dites que les personnes qui ne sont pas fonctionnaires ne devraient pas avoir le droit de... d'avoir de réserve politique.

M. Vaudreuil (François): C'est en plein ça.

M. Lelièvre: Dont, entre autres... Tout à l'heure, on parlait d'Hydro-Québec.

M. Vaudreuil (François): C'est ça.

M. Lelièvre: Pour ne citer que celle-là. Merci.

Le Président (M. Pinard): Autres questions? Alors, Mmes Escojido, Corriveau, merci; MM. Vaudreuil et Légaré, merci infiniment de vous être déplacés pour venir rencontrer les membres de la commission.

M. Vaudreuil (François): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Alors, j'appellerais maintenant le Musée du Québec, le Musée d'art contemporain de Montréal, le Musée de la civilisation et le Musée des beaux-arts de Montréal, par leurs représentants, bien entendu. Ce serait trop lourd.

Bonjour, messieurs. Je vous prierais de vous identifier, pour les fins du Journal des débats , s'il vous plaît.


Musée du Québec (MQ), Musée d'art contemporain de Montréal (MACM), Musée de la civilisation et Musée des beaux-arts de Montréal (MBA)

M. Garon (André): On va commencer de quel côté? André Garon, Musée d'art contemporain.

Le Président (M. Pinard): Enchanté, monsieur.

M. Barnard (André): André Barnard, bénévole.

Le Président (M. Pinard): Bonjour.

M. Boivin (Guy): Guy Boivin, Musée de la civilisation.

Le Président (M. Pinard): Bonjour, messieurs. Alors, les règles du jeu sont les suivantes: vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire; par la suite, l'opposition va s'entretenir avec vous pendant 20 minutes, et la partie ministérielle également. Alors, sans plus tarder, on va vous céder la parole.

M. Barnard (André): M. le Président, M. le secrétaire, mesdames et messieurs, membres du gouvernement, je suis André Barnard. Est-ce en raison des nombreuses années où j'ai siégé au conseil d'administration du Musée du Québec ou en raison de ma participation, avec plusieurs autres administrateurs bénévoles, au développement exceptionnel du Musée du Québec, sous la présidence de l'architecte Jean-Marie Roy, que j'ai l'honneur de vous présenter le mémoire de quatre grandes institutions muséales du Québec sur le projet de loi n° 131, soit le Musée de la civilisation, le Musée du Québec, le Musée d'art contemporain de Montréal et le Musée des beaux-arts de Montréal? J'ai accepté de remplacer à pied levé M. Jean-Marie Roy, qui devait faire cette présentation, mais qui a dû s'excuser pour des raisons de santé. Je suis accompagné de M. André Garon, directeur de l'administration du Musée d'art contemporain de Montréal, et de M. Guy Boivin, à ma gauche, directeur de l'administration et de la commercialisation ainsi que secrétaire général du Musée de la civilisation. Les représentants de ces quatre musées ont donc travaillé à la préparation d'un mémoire dont vous devez avoir préalablement reçu copie et dont je vais, au cours des prochaines minutes, vous souligner les faits saillants.

(16 heures)

Le premier point de notre mémoire: l'introduction. Les quatre musées désirent, en premier lieu, remercier la commission des institutions de leur offrir l'occasion de faire part de leur analyse et de leurs commentaires au sujet de cette réforme importante qui vise à régir l'éthique et la déontologie des administrateurs publics. Les quatres musées souscrivent aux objectifs poursuivis par le projet de loi n° 131 et par le projet de règlement sur l'éthique et la déontologie des administrateurs publics. Ils notent avec satisfaction que ces projets législatifs et réglementaires suivent, dans une large mesure, les recommandations formulées par le Groupe de travail sur l'éthique, la probité et l'intégrité des administrateurs publics, dont le rapport a été rendu public en avril 1995.

Les musées s'interrogent cependant sur l'opportunité de leur imposer un cadre juridique aussi rigide qui, en bout de piste, risque d'écarter des candidatures intéressantes aux postes d'administrateur. Ils se demandent en outre si les normes proposées sont bien adaptées à leurs réalité et contexte propres. Le présent mémoire a donc pour but de répondre à ces questions.

Je passerai au deuxième point de notre rapport, soit la page 2. L'article II, Les musées régis par des lois-cadres, vous fait part de renseignements spécifiques concernant leur constitution et leur conseil d'administration. Je soulignerai certains passages de ce texte. Comme on peut le constater, les quatre musées en question évoluent dans un cadre juridique similaire en plus d'exercer des activités de même nature. Aussi les quatre musées ont étudié le projet de loi et le projet de règlement présentement soumis à la consultation et ont jugé opportun de présenter un mémoire conjoint dans le but de faire part au législateur de leurs préoccupations. Ce mémoire contient notamment des pistes de solution aux problèmes et difficultés identifiés.

Du point III, Les musées, l'éthique et la déontologie, je vous lis deux courts extraits. Étant fréquemment appelés à prendre des décisions importantes, notamment des décisions financières, les musées sont conscients de l'importance de soumettre leurs administrateurs et dirigeants aux normes d'éthique et de déontologie les plus strictes. Les administrateurs des musées, qu'ils soient nommés ou non par le gouvernement, sont assujettis aux dispositions du Code civil du Québec qui prévoient notamment des règles de comportement précises en matière de conflits d'intérêts et d'utilisation indue des biens et des informations mis à leur disposition dans l'exercice de leurs fonctions.

À la page 3, du quatrième point, intitulé Commentaires généraux au sujet des normes d'éthique et de déontologie proposées, j'ai retenu les commentaires suivants, les plus importants. Reconnaissons-le d'emblée, le contexte économique dans lequel évoluent les musées est difficile, voire même précaire. C'est pourquoi la nomination au sein de leur conseil d'administration et de leurs comités de personnes issues de différents milieux, notamment du monde des affaires, est aujourd'hui plus essentielle que jamais. Certains de ces administrateurs sont nommés par le gouvernement, d'autres par cooptation ou selon d'autres mécanismes établis par règlement. Ils exercent tous leurs fonctions bénévolement, et ce, en dépit des exigences parfois très lourdes des fonctions qui leur incombent. Loin de nous l'idée de soustraire ces administrateurs au respect des règles les plus strictes d'éthique et de déontologie.

Haut de la page 4. Nous croyons néanmoins que les normes prescrites par le Code civil du Québec ainsi que les règles du Code de déontologie du Conseil international des musées répondent adéquatement aux exigences de ces situations, quoiqu'elles pourraient être reprises et complétées dans des codes adoptés par chacun des quatre musées. À l'inverse, l'imposition aux administrateurs nommés par le gouvernement du cadre juridique et des normes déontologiques mentionnées dans le projet de loi et dans le projet de règlement sous étude risquerait sérieusement d'imposer à ces administrateurs bénévoles un fardeau démesurément lourd et irritant susceptible de démobiliser les personnes en place ou de décourager les candidats éventuels. À cet égard, les musées se demandent si leurs administrateurs issus du secteur privé accepteront de voir leurs affaires personnelles étalées sur la place publique, de s'exposer à des plaintes et à des enquêtes déontologiques frivoles, de dénoncer systématiquement les moindres marques de reconnaissance ou de gratification reçues ou de voir leur liberté d'expression compromise.

M. le Président, le cinquième point de notre mémoire porte sur des commentaires spécifiques des musées au sujet du projet de loi n° 131 et du projet de règlement. Avec votre permission, je passerais directement à la page 8, au point VI, Constats et recommandations, lequel point résume les commentaires spécifiques du point V tout en offrant les recommandations proposées par les quatre musées. Si vous me le permettez, j'irai à la page 8, au point VI, Constats et recommandations.

Alors, le Musée du Québec, le Musée d'art contemporain, le Musée de la civilisation et le Musée des beaux-arts de Montréal souscrivent aux objectifs poursuivis par le projet de loi n° 131 et par le projet de règlement sur l'éthique et la déontologie des administrateurs publics, mais s'interrogent sur l'opportunité de leur imposer un cadre juridique aussi rigide qui risque de nuire à la poursuite de leur mission et de leurs activités.

Deuxième paragraphe. Plus particulièrement, l'imposition, aux administrateurs de musées nommés par le gouvernement, de certaines normes déontologiques mentionnées dans le projet de loi et dans le projet de règlement risquerait sérieusement d'imposer à ces administrateurs bénévoles un fardeau démesurément lourd et irritant susceptible de démobiliser les personnes en place ou de décourager les candidats éventuels.

Le troisième point, à la page 9. Telle que proposée, la définition d'«administrateur public» a pour conséquence de créer au sein d'au moins un des conseils d'administration des musées, celui du Musée des beaux-arts de Montréal, deux types d'administrateurs: d'une part, ceux qui sont assujettis aux normes et aux règles très strictes prescrites par le projet de règlement et, d'autre part, les administrateurs soumis aux dispositions du Code civil du Québec et du Code d'éthique du Conseil international des musées. Cette situation apparaît incongrue et difficile d'application et pourrait avoir pour conséquence d'imposer aux premiers une responsabilité civile plus lourde qu'à leurs pairs.

Le quatrième point. Les musées soumettent que, en imposant à un administrateur public l'obligation de contribuer à la réalisation de la mission de l'État, l'article 3 du projet de règlement risque de placer les administrateurs de musée dans une situation intenable, alors que leur premier devoir devrait être de représenter et de défendre les intérêts des institutions au sein desquelles ils siègent. Il y aurait, en conséquence, lieu de remplacer, dans cet article, les mots «mission de l'État» par «mandat de l'organisme ou de l'entreprise».

Cinquième point. Les musées se demandent si l'obligation imposée aux administrateurs publics d'organiser leurs affaires professionnelles d'une manière telle qu'elles puissent résister à l'examen le plus minutieux ne porte pas atteinte d'une manière excessive au droit à la vie privée des personnes concernées. Il y aurait donc lieu de retrancher la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article 4 du projet de règlement.

Sixièmement, les musées craignent que l'obligation de réserve, prévue à l'article 6 du projet de règlement, muselle les administrateurs qui pourraient être appelés à faire part de leur dissension à l'égard des positions et décisions prises par le gouvernement au sujet des institutions qu'ils sont appelés à représenter et à défendre. De plus, cette obligation est susceptible d'entrer en conflit avec la nécessaire indépendance dont doivent jouir les institutions muséales à l'égard de l'État. En conséquence, nous soumettons que cette disposition devrait être retranchée.

Septièmement, l'obligation faite aux administrateurs publics de dénoncer tout intérêt susceptible de donner lieu à un conflit est susceptible d'imposer aux administrateurs de musée issus du secteur privé une tâche extrêmement lourde et fastidieuse, sans compter le fait que, telle que libellée, cette obligation est peu adaptée au contexte muséal. Il y aurait donc lieu de retrancher du deuxième alinéa de l'article 7 du projet de règlement les mots «indiquant, le cas échéant, leur nature et leur valeur», ainsi que la dernière phrase de cet alinéa.

(16 h 10)

Huitièmement, les musées craignent que l'obligation de divulguer tout avantage reçu, même les cadeaux, marques d'hospitalité ou autres avantages d'usage de valeur minime, ajoute un irritant de plus qui, par sa lourdeur bureaucratique, contribuera à éloigner les candidats prestigieux des conseils d'administration de musée. Il y aurait donc lieu de retrancher, au premier alinéa de l'article 12 du projet de règlement, les mots «ou d'une valeur minime» et d'enlever le deuxième alinéa de cette disposition.

Neuvièmement, les musées croient que les mesures de divulgation proposées pourraient être avantageusement remplacées par une obligation imposée à l'administrateur, en cas de doute quant à la valeur de la gratification qui lui est offerte et à l'opportunité de l'accepter, de soumettre la question au conseil.

Dixièmement, à l'article 14 du projet de règlement, l'obligation imposée à l'administrateur nommé par le gouvernement de dénoncer les offres d'emploi qu'il a reçues et qui risquent de le placer dans une situation de conflit d'intérêts devrait être abolie. De plus, l'article 18, qui prévoit une interdiction pour l'administrateur public de traiter avec l'organisme dans l'année qui suit la fin de ses fonctions, ne devrait pas s'appliquer à l'administrateur bénévole.

Onzièmement, le régime proposé risque d'alourdir indûment le fonctionnement des institutions muséales et d'éloigner les administrateurs issus du secteur privé, qui craindront de devenir les cibles des groupes de pression. À défaut de l'assouplissement de ces règles, le législateur devrait inviter les musées à adopter des codes de déontologie qui répondent aux exigences et aux contraintes propres au milieu muséal, et tels codes de déontologie pourraient être rendus publics et assortis de mécanismes d'application souples.

Mesdames et messieurs, membres de la commission, je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. Barnard. Alors, M. le ministre.

M. Bégin: Oui. Je vous remercie infiniment pour votre mémoire. Cependant, je dois vous dire que, à sa lecture, même si j'ai eu moins de temps pour le lire que d'autres, j'ai eu un sentiment: indirectement, vous demandiez, à toutes fins pratiques, de ne pas être assujettis à ce code. Ce n'est pas dit comme ça, c'est dit délicatement, mais ça revient à ça.

Je vais prendre un exemple en commençant à la page 7, L'adoption d'un code d'éthique et la mise en oeuvre d'une procédure d'application de ce code. Actuellement, en vertu de la loi, vous êtes assujettis directement au règlement qui est là. Vous nous dites: Faites-nous donc passer dans la catégorie de l'article 3.0.3, c'est-à-dire laissez-nous adopter un code d'éthique avec comme schéma général le règlement comme tel. Je ne pense pas me tromper en disant que c'est l'interprétation du texte que vous avez là. En soi, il n'y aurait rien là, mais c'est une première indication. Mais, quand j'écoute ce que vous dites et que je lis les paragraphes un par un lentement, je me dis: Non, on ne veut pas être assujetti.

Vous n'êtes pas les premiers à parler de l'article 6, et je vais passer au-dessus de celui-là. Mais les autres, c'est très particulier. Vous ne voulez pas être impliqués pour les cadeaux, vous ne voulez pas être impliqués pour la dénonciation d'un intérêt susceptible de donner lieu à un conflit d'intérêts, vous ne voulez pas être interdits d'accorder, de solliciter ou d'accepter une faveur ou un avantage indu sous le motif, dans tous les cas, que vous seriez obligés de dénoncer ou de divulguer au secrétaire général du Conseil exécutif, par exemple, les offres d'emploi et tout ça. Or, ce n'est pas au secrétaire général du Conseil exécutif que ça doit se faire, c'est au comité de déontologie de chaque organisme. Alors, on dénonce au comité de déontologie d'un organisme certains conflits d'intérêts qu'on peut avoir, certains cadeaux qu'on a reçus ou qu'on envisage de recevoir ou des avantages qu'on peut avoir. Partout, vous parlez comme si le gouvernement, par le biais de son secrétaire général, voulait être informé de tout ce que chacun des administrateurs publics fait.

Je vous réfère à la page 7, lorsque vous dites: Les articles 14 et 16 du projet de règlement interdisent à l'administrateur public de profiter directement ou indirectement de ses fonctions ou d'en faire profiter des tiers. Si ces règles paraissent justifiées, les musées doutent qu'il soit opportun d'obliger l'administrateur public nommé par le gouvernement à divulguer au secrétaire général du Conseil exécutif les offres sérieuses d'emploi qu'il a reçues. Une telle mesure, en plus d'être administrativement fastidieuse, ne respecte pas l'autonomie et l'indépendance dont doivent jouir les musées. Ce n'est pas au secrétaire général que vous devez les confier, c'est au responsable de la déontologie.

Paragraphe suivant, la même chose. Vous dites: D'autre part, les musées soumettent qu'il serait injuste d'interdire aux administrateurs qui exercent leurs fonctions bénévolement au sein du conseil d'une institution muséale de traiter avec cette institution pendant un an du simple fait qu'ils ont pu, en vertu de mandats, prendre connaissance de certaines informations relatives aux activités du musée en question.

Ce n'est pas ça que le texte de loi dit, c'est des informations non disponibles au public. Ce n'est pas la même chose. Ce n'est pas des informations générales. Autrement dit, les secrets d'État que vous avez appris, ça, ça peut vous mettre dans une situation de conflit d'intérêts.

Le Président (M. Pinard): La commission est anxieuse de vous entendre.

M. Bégin: Oui, et je vais venir...

Le Président (M. Pinard): Est-ce que vous voulez vous garder d'autres questions pour ultérieurement, M. le ministre?

M. Bégin: Non, je veux dire ça et je vais vous dire honnêtement que j'ai été particulièrement étonné de lire, à la page 7, le deuxième alinéa, parce que je retrouve pratiquement mot à mot le même paragraphe dans le mémoire d'Hydro-Québec.

Une voix: Le mémoire de...

Le Président (M. Pinard): Hydro-Québec.

M. Bégin: Mot à mot dans le mémoire d'Hydro-Québec. Alors, est-ce que c'est le même avocat qui a préparé les deux mémoires ou bien c'est une personne qui siège sur les deux conseils d'administration? Je peux vous le lire, c'est mot à mot. Il y a le début et la fin qui ont deux mots de différence, mais le reste – «que les mesures de divulgation proposées pourraient être avantageusement remplacées par une obligation imposée à l'administrateur, en cas de doute quant à la valeur de la gratification qui lui est offerte et à l'opportunité de l'accepter, de prendre l'avis du comité de déontologie ou du conseiller en déontologie de l'organisme de l'entreprise, un tel mécanisme reposant principalement sur le bon jugement» – c'est, mot à mot, ce que je retrouve dans votre mémoire, si je lisais celui d'Hydro. J'avoue honnêtement...

Le Président (M. Pinard): À ce stade-ci...

M. Bégin: Non, je dis que ceci est une chose importante. On est en face de deux textes analogues qui critiquent un aspect du projet de loi et on a deux fois le même texte de deux organismes, entre vous et moi, qui n'ont rien en commun. Hydro-Québec et puis...

Le Président (M. Pinard): Les musées.

M. Bégin: ...les musées, ce n'est pas trop, trop dans la même famille, ça. S'il y avait deux musées qui disaient la même chose, je dirais: Bien, O.K., c'est correct, on se parle, c'est normal. Mais, quand on voit une critique comme ça mot à mot, j'avoue honnêtement que ça m'inquiète: on est en matière d'éthique et de déontologie.

Je vous avoue honnêtement que je suis déçu de la lecture de votre texte qui, en mots très gentils, dit, en fait: Laissez-nous donc tranquilles faire ce qu'on veut faire comme on veut le faire, puis, votre code d'éthique et de déontologie, on n'en veut pas. C'est dit plus élégamment, mais c'est exactement ce que je comprends en lisant votre texte. Est-ce que je vous interprète mal?

M. Barnard (André): Je vais demander à M. Garon, qui a participé...

Le Président (M. Pinard): Comme président de la commission, suite aux propos du ministre, j'apprécierais recevoir les commentaires des trois personnes qui sont devant moi, et je pense que les membres de la commission également aimeraient avoir les commentaires des trois individus qui sont devant nous. M. Barnard.

M. Barnard (André): Pour ma part, M. le Président, je n'ai pas participé à la rédaction de ce texte. Je suis ici à titre de représentant de M. Jean-Marie Roy, qui, lui-même, à ma connaissance, est aussi un ancien président du Musée du Québec, qui n'a pas lui-même participé non plus à la rédaction de ce texte-là. Ce texte-là a été rédigé par les représentants des quatre institutions en question, dont ni M. Roy ni moi-même ne faisons partie. Alors, probablement que M. Garon ou monsieur...

Le Président (M. Pinard): Est-ce que, M. Garon, vous pouvez donner suite?

M. Garon (André): Oui. En fait, M. le ministre, vous lisez dans le mémoire...

Le Président (M. Pinard): Oui, mais, moi, je le demande comme...

M. Garon (André): Un souhait? Ce que les musées disent, c'est qu'on est des organisations relativement petites. On est des organisations qui subissent, dans le contexte actuel, les mêmes contraintes budgétaires que le reste de l'appareil, et toute tâche additionnelle qui est imposée, que ce soit au niveau du rapport ou au niveau de mandats, a pour effet de taxer nos ressources. Et, effectivement, c'est un conseiller juridique qui a examiné le dossier pour nous et qui nous a fait des commentaires en disant qu'il se peut... Le mot qui est utilisé le plus souvent dans le mémoire, c'est «craignent». Les musées craignent, les musées s'inquiètent. On est nerveux, mettons. Ha, ha, ha! Mais la réalité, c'est qu'on ne s'objecte pas à des règles de déontologie; on les pratique, à toutes fins utiles.

(16 h 20)

Les conditions d'opération d'un musée et les matières à conflits sont très différentes, en tout cas de notre point de vue, de ce qu'on pourrait trouver, en termes quantitatifs ou en termes de lourdeur, dans des entreprises qui ont une vocation plus économique. Je veux dire, les réelles situations de conflit dans un contexte de musée sont très souvent liées à la question d'acquisition d'oeuvres d'art, de don d'oeuvres en échange de considérations fiscales et de choses semblables. Les musées sont construits une fois, puis, une fois qu'ils sont construits, ils sont là, puis ils sont là pour un sacré bout de temps. Et, au niveau des investissements, disons, dans le béton, c'est des choses qui reviennent, si on regarde l'histoire récente, aux 50 ans.

Les conditions d'opération d'un musée, c'est très particulier, et ce qu'on craint... Effectivement, on a compris qu'on avait plus de responsabilités vis-à-vis du secrétaire du Conseil exécutif que ce que vous semblez dire. On va partir d'ici probablement très rassurés, puisqu'on était craintifs. Mais c'est qu'il y a des choses qui nous semblent aller très loin au niveau de l'aspect contrôle. Et les sociétés que sont le Musée du Québec et le Musée d'art contemporain étaient des sociétés qui existaient comme directions de ministère, à une certaine époque tout à fait récente. On a créé des sociétés d'État pour qu'ils échappent, pour des fins de fonctionnement et d'efficacité, à la lourdeur de fonctionnement des ministères. Et là on a l'impression qu'on revient avec une série de contrôles, de rapports et de contraintes qui vont alourdir nos opérations quotidiennes. Encore une fois, les mots les plus fréquents sont les mots «crainte» et «inquiétude».

Nous dépendons énormément, dans le contexte actuel, de la qualité des administrateurs qui acceptent de siéger comme bénévoles sur nos conseils d'administration. Si on veut faire une levée de fonds, si on veut faire une commandite, c'est des questions de réseau, tout le monde sait ça. Et, si les administrateurs se sentent piégés dans un système s'ils débarquent quelque part, nous, on pense qu'on va perdre des joueurs valables et importants pour nous.

Le Président (M. Pinard): M. Boivin.

M. Boivin (Guy): Il y a deux points généraux qui ont été faits par M. le ministre, tout à l'heure. Le premier, c'est au point de vue de la rédaction et de la coïncidence. Je peux dire que, pour ce qui est du Musée de la civilisation, nous avons pris connaissance d'un texte qui nous a été envoyé et qui a été préparé par d'autres. Donc, on a fait des commentaires là-dessus.

Sur l'autre point, sur votre impression que les musées ne voulaient pas avoir de code d'éthique, vous avez raison quand vous lisez le quart du texte. Cependant, si vous vous en tenez aux recommandations, je pense que cette impression-là n'y est plus. Ce que disent les recommandations au dernier point, c'est que, s'il n'y a pas d'amendement sur trois ou quatre articles qui nous apparaissent absolument importants, à ce moment-là, oui, on demanderait de ne pas être assujettis.

Et les trois ou quatre points majeurs qui nous préoccupent nous semblent effectivement assez fondamentaux. Je pense qu'il y en a quatre, et c'est peut-être ça qu'on voulait faire ressortir. Le premier, c'est la question de la mission d'État, qui nous apparaît très large, pour un administrateur de musée, à suivre. D'ailleurs, je me demande qui pourrait le faire; ce n'est pas facile. Nous, on croit qu'un administrateur doit d'abord s'assurer que l'organisme pour lequel il travaille, pour lequel il siège au conseil d'administration... C'est d'abord ça, son mandat.

L'autre point, c'était, on l'a mentionné, la question des affaires personnelles, à l'article 4, qui nous apparaît un point fondamental; l'article 6 sur lequel il ne semble plus avoir de problème; l'article 7, en particulier la partie de phrase qui dit «en indiquant, le cas échéant, leur nature et leur valeur», nous apparaît fondamental.

Et, effectivement, sur l'article 12, on a peut-être un peu mal interprété à qui ça devait être dénoncé, mais, à la suite des précisions de M. le ministre, je pense que c'est un peu abusif. Nous, on est d'accord avec le principe. On croit cependant que ça devrait s'arrêter à «que ceux d'usage», parce que, si on prend le mot «minime»... Je vais vous donner un exemple. On a un peu raisonné selon ce qui se passe normalement dans un musée. Il est de pratique établie, selon les usages, qu'on remet à tous les administrateurs les publications de ce musée-là. Nous avons, dans nos publications, et particulièrement les musées d'art, des albums qui valent 100 $, 125 $ au prix du marché. Là, si on prend l'expression «minime» et qu'on l'applique un peu à ce qui s'applique au point de vue déontologie dans la fonction publique, où on parle de 35 $, 40 $, on serait allé en dehors. Ça ne serait plus acceptable qu'un membre du conseil d'administration reçoive les publications de son organisation. Ça nous apparaît un peu fort. Ça nous apparaît aussi un peu fort que quelqu'un qui recevrait une plaquette de 10 $ soit obligé de le déclarer au comité de déontologie, ou s'il a un lunch dans le cours ordinaire des affaires. C'est un peu ça. C'est l'exagération, à l'article 12, plutôt que le principe qui nous préoccupe.

Pour nous, ces quatre points-là sont effectivement assez importants, et on croit que, sur ces quatre points-là en particulier, ça viendrait nous rendre plus difficile le recrutement. Bien, écoutez, ils sont nommés, d'ailleurs, par le gouvernement. Ça rendrait, pour le gouvernement, plus difficile le recrutement de membres de conseils d'administration valables.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Bégin: Oui. Sur les cadeaux ou autres avantages, vous savez qu'on a à observer également un code d'éthique important à cet égard-là, qu'on doit dénoncer les cadeaux qu'on reçoit, et ça n'empêche pas le fonctionnement.

J'aimerais juste revenir sur un point, les affaires personnelles. Je vous lis un texte qui vient du Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d'intérêts et l'après-mandat, de juin 1994. Ça vient du Canada. «Examen public. Le titulaire d'une charge publique doit se conformer aux principes suivants: il doit exercer ses fonctions officielles et organiser ses affaires personnelles d'une manière si irréprochable qu'elles puissent résister à l'examen public le plus minutieux. Pour s'acquitter de cette obligation, il ne lui suffit pas simplement d'observer la loi.»

Est-ce que vous pensez que ceci n'est pas une règle encore plus raide que celle que nous retrouvons et que l'on a maintenant? Ça ne semble pas poser de problèmes forts, au Canada, concernant les titulaires de charge publique.

Le Président (M. Pinard): M. Boivin?

M. Boivin (Guy): Écoutez...

Le Président (M. Pinard): Ou M. Garon.

M. Boivin (Guy): ...ce n'est pas parce qu'on a ça ailleurs que ça devient automatiquement... Écoutez, on tombe dans des affaires personnelles et, à l'examen le plus minutieux, je ne suis pas certain qu'on accepte ça pour une charge bénévole, où les gens dépensent du temps, ne reçoivent rien et qu'ils soient sujets à une telle investigation. Moi, vraiment, je pense que c'est en demander beaucoup. Si on me demande ça, à moi qui suis payé par le musée, je vais l'accepter, mais il faut comprendre que tous ces membres de conseils d'administration là de musées sont des bénévoles qui dépensent du temps, et je ne vois pas pourquoi leurs affaires personnelles pourraient être soumises à l'examen le plus minutieux. Honnêtement, je trouve ça exagéré. C'est ce qu'on a exprimé, d'ailleurs.

M. Garon (André): Disons que...

Le Président (M. Pinard): M. le député de Fabre.

M. Garon (André): ...d'une certaine manière... Vous permettez?

Le Président (M. Pinard): Oui? Excusez, monsieur. Excusez.

M. Garon (André): D'une certaine manière, pour appuyer ce point-là, on a l'impression que c'est avec un canon qu'on attaque une mouche. La réalité du quotidien des musées est, j'imagine, fort différente – vous avez donné l'exemple d'Hydro-Québec – de celle qu'on peut avoir à Hydro-Québec ou à ses filiales. Les occasions ou les objets sur lesquels on peut se retrouver dans un conflit d'intérêts majeur sont relativement limités et circonstanciés, et de devoir... En tout cas, la préoccupation, elle est claire en début de mémoire, elle est claire en fin de mémoire, c'est: nous, on veut préserver la qualité du bassin de membres de conseils d'administration qui nous est actuellement disponible et on a l'impression que ça va effrayer de bons éléments.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Fabre.

M. Facal: Merci, M. le Président. Je ne connais pas beaucoup le milieu muséal autrement que comme amateur du dimanche, occasionnellement, alors vous m'excuserez si ma question est un peu profane. Est-ce que vous pourriez m'expliquer les différences qu'il convient de faire entre les musées privés et les musées d'État? Car il me semble que, de cette différence, découle toute une série de conséquences. Il m'apparaît qu'il est logique qu'un musée privé, dont les budgets d'acquisition proviendraient de fondations privées ou de dons philanthropiques, se dote de son propre code d'éthique. Mais, si un musée d'État reçoit la plus grande partie des sommes requises à son fonctionnement de l'État, et, donc, du payeur de taxes, qu'il soit, dans ces circonstances-là, assujetti à un code d'éthique que lui impose le législateur ou à l'obligation faite par le législateur de s'en doter d'un, il me semble que ça tombe sous le sens. Est-ce qu'il ne convient pas de faire une distinction selon la nature du musée?

Le Président (M. Pinard): M. Garon.

M. Garon (André): Tout le monde va être d'accord pour dire que le Musée des beaux-arts est un musée privé, à l'origine. Il n'en demeure pas moins que le Musée des beaux-arts voit 40 %, 12 ou 13, de ses administrateurs nommés par le gouvernement, en vertu de la dernière loi qui a révisé ses statuts autour des années quatre-vingt. On y fait référence dans le mémoire. Dans ce contexte-là, c'est un musée qui demeure privé, mais avec des administrateurs désignés par l'État. En vertu de quoi? En vertu de la subvention de fonctionnement qu'on verse. Mais, si on regarde la valeur de la collection du Musée des beaux-arts et si on regarde son origine, vous allez voir, c'est une collection qui est essentiellement le résultat de dons privés.

(16 h 30)

Si vous regardez le cas du Musée d'art contemporain de Montréal, c'est la première société d'État dans le monde des musées à qui on a fait l'obligation, au moment de la construction, d'aller chercher 3 300 000 $ en fonds privés, sous forme de levée de fonds, pour achever la construction d'une institution publique. Le processus dans lequel on est embarqué au niveau du financement, dans le cas des musées publics, c'est: Augmentez votre participation privée au financement, parce que l'État ne peut plus suivre. Et on accepte cette règle du jeu là. Mais, pour aller chercher 3 300 000 $ pour une société publique dans les fonds privés, bien, il faut que vous ayez des partenaires privés. Il faut que vous ayez des gens qui s'occupent de la gestion du Musée, qui s'impliquent dans la gestion du Musée.

Depuis que le Musée est au centre-ville – 1992 dans le cas du Musée d'art contemporain – la portion des dons pour l'augmentation de la collection publique est supérieure en dons privés à celle pour les acquisitions à partir des budgets de fonctionnement. Depuis 1992, c'est autour de 1 000 000 $, en moyenne, de dons, annuellement, en valeurs reconnues par les instances accréditées à cet effet pour reconnaissance en termes de reçus pour fins fiscales, qu'on a en acquisitions, alors que notre budget d'acquisitions, formellement, cette année, est de 100 000 $. On va éventuellement terminer l'année avec plus de fonds publics engagés dans les acquisitions, mais la source d'acquisitions, maintenant, pour le Musée d'art contemporain, c'est les dons privés.

Alors, si on a des partenaires privés, on leur fait, nous, dans le contexte du Musée d'art contemporain, une place au conseil d'administration comme membres cooptés. On a fait modifier la réglementation en conséquence. Et c'est le donateur de 500 000 $ pour la construction du Musée, dont on a mis le nom sur une plaque à l'entrée de la salle, à qui on peut offrir de venir siéger au Musée. Est-ce qu'il va venir si on lui demande d'afficher tout ce qu'on comprend du texte du règlement plus que du texte de la loi? Nous n'en sommes plus certains. Et c'est ce qu'on veut faire savoir à la commission à ce moment-ci. On n'en a pas contre la déontologie, on en a contre la limite à laquelle c'est poussé.

Le Président (M. Pinard): Complémentaire, M. le député de Fabre?

M. Facal: Oui. Le deuxième paragraphe de votre page 5 est en fait un prolongement de ce que vous venez de tenter de m'expliquer. J'aimerais vous entendre nous expliquer un peu mieux une phrase que je crois comprendre, mais je n'en suis pas sûr. Vous dites: «L'administrateur nommé pour siéger au conseil d'un musée ne doit-il pas d'abord et avant tout contribuer à la mission de ce musée et en défendre les intérêts? Qui plus est, dans le contexte de restrictions budgétaires que l'on sait, il n'est pas impensable que la défense des intérêts du musée soit, à l'occasion, en porte-à-faux avec la mission de l'État. L'administrateur devra-t-il alors privilégier une mission, celle de l'État, au détriment de l'autre?» Je comprends ce que vous voulez dire au plan théorique, mais, au plan pratique, comment se sortir de cet imbroglio? Si la personne est nommée par l'État dans un musée dont une partie des fonds sont de provenance publique, il est normal qu'il exerce sa tâche avec un certain sens de l'État et qu'il veuille peut-être mettre la pédale douce sur certaines acquisitions un peu onéreuses, dans les temps que l'on connaît. La solution serait quoi?

M. Garon (André): On a fait une recommandation, si je peux vous y référer, mais la réalité, c'est qu'il n'est pas impensable qu'un administrateur conclue qu'à un moment donné on a dépassé le seuil de tolérance et souhaite l'exprimer. Nous, on conclut que, dans le contexte actuel, il est muselé. Alors, on dit: La mission de l'organisme... Il y a une loi qui encadre la mission de l'organisme. Alors, on dit: Référez-en au développement ou à ce que prévoit la mission de l'organisme plutôt que la mission de l'État. L'État crée des sociétés pour qu'elles soient autonomes et pour qu'elles mènent la mission muséale dans le contexte des lois qui créent les musées. Laissez-nous travailler, là, c'est le message.

Le Président (M. Pinard): Merci. Dernière question du côté ministériel, Mme Malavoy, députée de Sherbrooke.

M. Boivin (Guy): Oui, excusez, est-ce que je pourrais juste préciser là-dessus? Écoutez, on n'est pas contre ça...

Le Président (M. Pinard): Très brièvement, parce que le temps...

M. Boivin (Guy): C'est parce que je voudrais dire... Ce qu'on veut dire, là, ce n'est pas qu'on est contre la mission de l'État, mais ce qu'on dit: La mission de l'État, et c'est bien, ça nous apparaît beaucoup plus large que le mandat d'un administrateur de musée. Et je ne comprends pas le rapport, de même que n'importe quel administrateur. On n'est pas là pour travailler contre l'État. C'est évident, on est des sociétés d'État. Mais la mission qu'on lui donne là me paraît trop large. C'était ça, le sens de l'intervention.

Le Président (M. Pinard): Merci. Expirez, M. le député de Fabre. Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Merci. La recommandation 3, j'aimerais que vous me la précisiez un petit peu. Vous partez du principe... Je crois comprendre que les administrateurs, dans un même conseil, devraient être soumis à des règles semblables, qu'il n'y en ait pas qui aient des responsabilités ou des devoirs plus lourds que d'autres. Mais, comme on est allé vite, quand même, dans ces recommandations, j'aimerais que vous m'expliquiez, en m'illustrant ce que ça veut dire, cette crainte d'avoir deux catégories d'administrateurs qui se retrouveraient à avoir des responsabilités civiles plus lourdes d'un côté que de l'autre.

M. Garon (André): Si on réfère particulièrement au cas du Musée des beaux-arts, où j'ai indiqué tantôt qu'il y avait, je pense, une douzaine de membres sur 21 qui étaient nommés par l'État en vertu du statut de corporation privée – donc qui échappe à la vérification du Vérificateur, donc qui n'est pas tout à fait dans la même catégorie que les sociétés que sont les musées d'État – à la limite, c'est théorique. Mais, à la limite, le conseil d'administration, majoritairement issu de la société, donc des membres qui forment la corporation du Musée, pourrait refuser d'adopter un code d'éthique qui va aussi loin, alors que les administrateurs nommés, eux, seraient assujettis, et on pourrait se retrouver pendant une période de temps où on aurait effectivement deux situations pour les membres d'un même conseil d'administration. Et là on était moins certain si ça s'appliquait dans le cas des membres cooptés, par exemple, au Musée d'art contemporain, où on a neuf membres nommés qui ont droit de vote et 11 membres, à l'heure actuelle, qui sont des membres cooptés.

Mme Malavoy: Votre recommandation, c'est d'ajuster la définition d'administrateur?

M. Garon (André): Oui, quelque part.

Mme Malavoy: O.K. Merci.

Le Président (M. Pinard): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, d'abord quelques remarques avant d'aborder certains points de votre mémoire. Bon, contrairement peut-être à, en tout cas, la perception que j'ai cru voir chez le ministre, moi, je n'ai pas perçu votre mémoire comme étant un refus de vouloir fonctionner en fonction de certaines règles d'éthique et de déontologie, puisque, déjà, vous adhérez au code d'éthique du Conseil international des musées. Bon, je pense qu'on peut diverger sur ce que devraient être les règles et tout ça, mais, du côté de l'opposition officielle, on ne prétend d'aucune façon que vous avez une attitude négative vis-à-vis de la nécessité d'encadrer les activités des administrateurs de musée par un code de déontologie.

Je pense que tout le monde reconnaît aujourd'hui que, pour tout ce qui touche à l'administration publique ou parapublique ou aux fonds publics qui peuvent être remis à certaines organisations, la population est en droit d'être exigeante et de s'assurer qu'il y ait une certaine rigueur au niveau de l'administration de ces fonds-là et que les gestionnaires qui acceptent d'aller représenter le public à un titre ou à un autre sur des conseils d'administration le fassent de bonne foi, et, dans ce sens-là, qu'ils soient prêts à rendre des comptes de leur gestion à la population, ou au gouvernement si c'est le cas. Alors, dans ce sens-là, je pense bien que l'ensemble des musées, évidemment, est assujetti un peu à ces mêmes exigences là de la part de la population, en bout de ligne. Et je n'ai pas perçu, personnellement, qu'il y avait une réticence de votre côté à adhérer comme tel à un code de déontologie ou d'éthique.

(16 h 40)

Bon, vous avez émis des points de vue sur certains aspects particuliers du projet de loi – et je pense que le projet de loi qui nous est présenté n'est pas nécessairement la seule vérité possible et la seule vision de ce que pourrait être un code d'éthique et de déontologie – vous n'êtes pas les seuls à l'avoir fait. Mardi toute la journée et aujourd'hui, on a eu de nombreux groupes qui sont venus faire des représentations sur certains points qu'ils ont portés à l'attention des membres de la commission comme étant plus ou moins bien adaptés à leur milieu, à leur réalité. Dans ce sens-là, je pense, par exemple, moi, j'ai perçu qu'il y avait beaucoup de similitudes entre les commentaires que vous avez apportés concernant le milieu des musées et ce qu'on a entendu, par exemple, venant du milieu des commissions scolaires, du milieu de la santé et des services sociaux. Alors, il y a beaucoup de ces points-là pour lesquels on nous a dit: Écoutez, chez nous, ça s'appliquerait difficilement, il faudrait modifier ça de telle ou telle façon. Tous s'entendent pour dire qu'il doit y avoir des codes d'éthique et de déontologie. Alors, dans ce sens-là, je veux bien que ce soit clair que ma perception n'est pas celle que le ministre a énoncée tout à l'heure.

Alors, peut-être un point... Ce que je comprends aussi... Et, dans ce sens-là, je pense, moi, que le message que vous envoyez est le même qu'on a reçu à de nombreuses reprises, c'est celui que vous nous envoyez un peu aux dernières recommandations, en nous disant: Le législateur devrait inviter les musées à adopter des codes de déontologie qui répondent aux exigences et aux contraintes propres au milieu muséal, et que de tels codes de déontologie pourraient être rendus publics et assortis de mécanismes d'application souples. Je pense que le milieu de l'éducation nous a dit la même chose: Écoutez, on a déjà des règles déontologiques à l'intérieur de la Loi sur l'instruction publique. Le milieu de la santé et les régies régionales nous ont dit: On a déjà des règles déontologiques à l'intérieur de la Loi sur la santé et les services sociaux. Les groupes nous ont dit: On a déjà développé nous-mêmes des codes de déontologie. Et il y a une manifestation évidente, là, depuis qu'on entend les mémoires, de dire: Écoutez, faites donc confiance aux administrateurs. Oui, l'État et la population sont en droit d'exiger qu'il y ait des codes d'éthique et de déontologie, mais essayez donc de permettre aux organismes ou aux milieux de développer des codes qui leur sont propres et qui sont bien adaptés à leur réalité.

Je ne sais pas, c'est comme s'il y avait une crainte – qu'on n'a pas verbalisée depuis le début – que, si on demande ça, les gens ne seront pas assez responsables pour encadrer suffisamment leur comportement avec des règles exigeantes. En tout cas, moi, c'est mon interprétation que je vous donne, là, c'est comme s'il fallait que l'État impose un cadre rigide pour que ce soit la seule façon d'assurer qu'il y aura des règles déontologiques précises et rigoureuses qui seront adoptées. Ça me met mal à l'aise, personnellement, de penser que ça peut être ça qui sous-tend un peu la démarche telle que nous la présente, en tout cas, le gouvernement.

Alors, je pense que ce que vous nous dites, si j'ai bien compris, et je veux que vous me le confirmiez, c'est que vous n'avez pas nécessairement besoin d'un projet de loi pour mettre en place un code d'éthique et de déontologie et que vous pourriez le faire si le gouvernement exprimait, d'une façon ou d'une autre, à l'ensemble des organisations la nécessité de se doter de codes d'éthique et de déontologie.

Le Président (M. Pinard): Vos commentaires, M. Garon.

M. Garon (André): Je peux commenter, oui. En fait, la position des musées, elle est claire à l'article 11, c'est que, si la commission, l'Assemblée nationale et le gouvernement ne se sentent pas capables de faire les modifications qu'on demande, on suggère qu'ils nous laissent produire nos codes d'éthique. C'est clair. Mais on ne s'objecte pas à ce que la même règle s'applique à tout le monde, pourvu qu'on soit à l'aise dedans, et on a expliqué pourquoi on ne l'était pas.

Vous parlez de rendre des comptes, il faut peut-être qu'on sache que, comme société d'État, par exemple, et je parle pour mon Musée et je suis sûr que le Musée de la civilisation est dans le même cas, on fait l'objet d'une vérification, en vertu de la Loi sur les musées, par le Vérificateur général. Je ne sais pas si les membres de la commission le savent, mais, chez nous, on passe entre 800 et 850 heures-personnes à vérifier nos livres. On a un budget d'à peu près 8 500 000 $ pour l'année courante. Là-dessus, il y a à peu près 50 % des dépenses qui sont des dépenses salariales, qui sont l'application stricte des conventions collectives acceptées par le Conseil du trésor, et les autres choses, c'est des éléments qui sont des dépenses fixes d'immeubles, ce qui fait que la partie sur laquelle on peut vraiment travailler et qu'on aurait comme objet de contrôle, qui n'est pas déjà préalablement contrôlée, ça représente peut-être 2 500 000 $ d'un budget de 8 500 000 $. Et on prend 800 heures pour vérifier ça. Alors, au niveau de la vérification, permettez-moi de dire qu'on a donné. Et, à la décharge du ministre, j'ai retenu de son intervention tantôt qu'il avait lu rapidement notre mémoire. Mais j'imagine qu'il va pouvoir le relire.

Le Président (M. Pinard): M. le député de l'Acadie, en complémentaire?

M. Bordeleau: Oui. À la page 9 du mémoire – je pense que la députée de Sherbrooke, tout à l'heure, y a fait référence un peu – la question de la situation incongrue, là, où il pourrait y avoir des administrateurs qui seraient assujettis et d'autres qui ne seraient pas assujettis à un code déontologique, vous nous avez expliqué c'était quoi, la conséquence de ça. Maintenant, ce que j'aimerais plutôt savoir, c'est: Ça serait quoi, la solution à ce problème-là?

M. Garon (André): Bien, en fait, la solution, c'est l'adhésion de cette corporation particulière qu'est le Musée des beaux-arts à ce qui sera proposé, parce que, à la limite, les membres autonomes, donc non nommés par le gouvernement, sont majoritaires sur ce conseil d'administration et, s'il les refusait, les membres nommés par le gouvernement, eux, seraient assujettis. C'est quelque chose de théorique...

M. Bordeleau: Oui.

M. Garon (André): ...mais ça pourrait aller jusque-là.

M. Bordeleau: Mais est-ce qu'il y aurait une autre façon de procéder pour qu'il y ait un code et que...

M. Garon (André): Elle se développe...

M. Bordeleau: ...cette situation-là ne se retrouve pas, là...

M. Garon (André): Bien...

M. Bordeleau: ...que tout le monde soit assujetti au même code de déontologie?

M. Garon (André): Là, je suis appelé à parler pour le Musée des beaux-arts, qui n'est pas représenté ici, mais j'imagine que, si on établissait clairement qu'il doit adopter son propre code, la position serait moins difficile à tenir. Mais c'est une hypothèse.

M. Bordeleau: Moi, ça va.

Le Président (M. Pinard): Alors, MM. Barnard, Garon et Boivin, merci de vous être déplacés pour venir entretenir les membres de la commission.

J'appellerais maintenant le Conseil du patronat. À l'ordre, s'il vous plaît! Les travaux de la commission reprennent. On voit que les directeurs de musée manquent de discipline. À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour, messieurs, rebonjour...

M. Dufour (Ghislain): Rebonjour.

Le Président (M. Pinard): ...devrais-je plutôt dire. Alors, pour les fins du Journal des débats , j'apprécierais que vous vous identifiiez.

(16 h 50)


Conseil du patronat du Québec (CPQ)

M. Dufour (Ghislain): Alors, merci, M. le Président. Ghislain Dufour, président du Conseil du patronat; mes deux collègues, à ma gauche, Me Jacques Béchard, qui est le président de la Corporation des concessionnaires d'automobiles du Québec – il y a beaucoup de ses membres qui siègent sur plusieurs organismes d'État – et Me Bernard Cliche, qui est chez Flynn, Rivard.

Alors voilà, beaucoup de choses ont été dites, M. le Président, depuis le début, mardi matin. Notre mémoire touche un bon nombre des problèmes qui ont déjà été touchés depuis mardi matin. Je vais essayer de résumer en essayant de pointer ce qui, nous, nous préoccupe le plus dans ce projet-là. Bien sûr, c'est un projet dont on a pris connaissance avec beaucoup d'intérêt. Pourquoi? Parce que beaucoup de nos membres sont impliqués dans le milieu, donc sont, pour plusieurs, nommés, désignés par le gouvernement à des postes d'administrateurs publics, évidemment d'administrateurs publics à temps partiel, et seraient donc couverts par les propositions gouvernementales qui sont actuellement mises de l'avant.

Nous voudrions dire, d'entrée de jeu, que, si l'application du projet de loi et du règlement qui l'accompagne nous est tout à fait acceptable lorsqu'il s'agit des gestionnaires, lorsqu'il s'agit des administrateurs, des fonctionnaires de l'État, ce que l'on interrogera, nous, ce n'est pas ce volet-là, c'est l'application de la loi et des règlements pour les administrateurs publics.

Le tout nous est présenté avec deux documents. D'abord, un projet de loi et un projet de règlement cadres. Donc, le projet de loi n° 131, pour nous, d'entrée de jeu, il nous apparaît inapplicable et inacceptable pour l'ensemble des administrateurs d'État, mais, entendons-nous bien toujours, à temps partiel. Certains nous objecteront que le projet de loi n° 131 propose une loi-cadre, dont on parlera, et que chaque administration publique sera responsable de rédiger son propre code d'éthique et de déontologie et de le soumettre à son conseil d'administration. C'est vrai, c'est exprimé très clairement. Mais il y a l'article 3.0.2, quand même, qui dit, et je le cite: «Les codes d'éthique et de déontologie sont établis après que le conseil d'administration de l'organisme ou de l'entreprise, ou ce qui en tient lieu, a obtenu du secrétaire général du Conseil exécutif un avis de conformité du code aux règlements pris en application dans la présente sous-section.» Donc, ils pourraient difficilement sortir du grand cadre général. D'ailleurs, c'est carrément un projet de loi cadre.

C'est donc au projet de règlement cadre, là, auquel on s'attarde et non pas au projet de loi comme tel. On a relevé un certain nombre d'articles qui ont été relevés par plusieurs des intervenants devant cette commission. Le premier qu'on relève, c'est l'article 5, celui qui dit que «l'administrateur public est tenu à la discrétion sur ce dont il a connaissance dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions». Pour bon nombre d'administrateurs, c'est une norme, une règle qui serait inapplicable, notamment pour les administrateurs patronaux et syndicaux qui doivent consulter leurs commettants avant de prendre une position au conseil d'administration. D'ailleurs, c'est pour ça qu'on les nomme là, pour qu'ils avisent le gouvernement de façon correcte. Alors, une fois qu'ils ont reçu l'information, ils retournent chacun dans leur milieu, consultent, reviennent, et c'est là que se fait finalement la meilleure réglementation, les meilleures politiques, les meilleurs outils de contrôle.

On est d'accord, par ailleurs, pour dire qu'il y a peut-être des distinctions à faire. Évidemment, quelqu'un qui siège à la SQDM n'a pas nécessairement d'information très privilégiée de ce temps-là. Mais ce n'est pas la même chose à la Caisse de dépôt. À la Caisse de dépôt, il peut peut-être prendre de l'information qui pourrait le mettre mal à l'aise dans l'exercice de ses fonctions personnelles. Même chose à la CSST, on n'apprend pas grand-chose là qui peut être compromettant, ce qui n'est peut-être pas le cas à la SGF. Donc, il y a toute l'activité commerciale qu'il faut distinguer de l'activité communautaire, de l'activité sociale, si on s'embarque là-dedans. Quant à nous, on ne devrait pas, mais, si on s'embarque là-dedans, il y a sûrement des distinctions à faire.

L'article 6 a fait l'objet de beaucoup de débats au cours de la semaine: «L'administrateur public est tenu de faire preuve de neutralité politique dans l'exercice de ses fonctions et de réserve dans la manifestation publique de ses opinions politiques.» Pour nous, c'est l'article qui illustre très clairement que les rédacteurs du projet de loi n° 131 et du règlement-cadre ont confondu administrateur et gestionnaire. Si les dispositions de cet article s'imposent dans le cas des gestionnaires, et on est totalement d'accord avec l'application de cet article-là dans le cas des gestionnaires, elles sont inacceptables dans le cas des administrateurs. Il y a beaucoup d'administrateurs nommés par ce gouvernement, notamment, qui devraient démissionner si on appliquait ça de façon très intégrale. Je ne vais pas plus loin. À sa face même, je pense que tout le monde comprend les limites qu'imposerait un tel article.

Article 9. L'administrateur public est tenu en tout temps de respecter le caractère confidentiel des informations obtenues. On ne voit pas tellement c'est quoi, la différence entre l'article 5, où là on parle de discrétion et ici de confidentialité. En tout cas, c'est du pareil au même pour nous, c'est de ne pas utiliser l'information qui est donnée pour des fins personnelles. Ça, nous, on s'est toujours opposés à ça et on va continuer à s'y opposer comme administrateurs publics de l'extérieur à cause du caractère d'organisme que l'on est. Quand on est là, c'est pour prendre de l'info à la SQDM, à la Conférence permanente sur l'adaptation de la main-d'oeuvre, à l'Institut de recherche en santé et sécurité du travail, etc., pour aller, après, animer notre milieu, prendre de la consultation, etc.

Mais il y a des modes de fonctionnement qui peuvent se faire à l'interne pour éviter ce que vous poursuivez, parce qu'on peut comprendre l'objectif. Je vais vous donner simplement l'exemple que l'on a adopté à la CSST, où on dit... On écrit toujours au ministre, quand on est nommé, en lui disant deux choses: Ce n'est pas parce qu'on est nommé à la CSST, comme exemple, que ça va nous empêcher de chicaner contre la CSST; et, deuxièmement, l'information que tu nous donnes, donne-nous-la pas. Si tu penses qu'elle est confidentielle, donne-nous-la pas. Alors, quand on arrive au conseil d'administration, on dit: Bien, écoute, c'est confidentiel. Si c'est marqué «confidentiel», bien, retire-le, le document, après, parce que, sinon, il s'agit que tu mettes «confidentiel» sur un document, par définition, pour qu'il fasse le tour du Québec. Si tu veux attirer l'attention sur un document...

Alors, on l'a vécu, ce matin, à la SQDM. La ministre, Mme Harel, est venue nous voir – et on a ces règles-là à la SQDM aussi, des règles de fonctionnement tout à fait correctes – et nous a déposé un projet de négociation avec son homologue fédéral, demain après-midi, 15 heures, pour nous faire réagir à ça. Bien, c'est évident que Mme Harel a récupéré son document avant de partir. C'était confidentiel. Donc, évidemment, ce qui est là est là, mais, si elle ne voulait pas nous consulter, elle avait juste à ne pas le faire. Mais elle a dit: Je consulte mon conseil d'administration. Elle n'a jamais demandé la confidentialité, mais elle a dit: Le document, je ne veux pas le voir dans Le Devoir demain. Alors, elle l'a retiré. Et, ça, c'est les règles du jeu, nous autres, qu'on accepte partout où l'on siège.

Bon. L'article 14. Oui. Ça, 14 nous a amusés beaucoup, nous autres. Je ne sais pas combien on a de monde qui siège un peu partout, là, mais... L'administrateur public «doit divulguer par écrit au conseiller en déontologie et au comité de déontologie toutes les offres sérieuses d'emploi qui risquent de le placer dans une situation de conflit d'intérêts. L'administrateur public [...] doit de plus faire la même divulgation au secrétaire général du Conseil exécutif». Oui. Bien là, il faudrait qu'il s'engage au moins un adjoint, parce qu'il va y en avoir, de ces offres-là. Mais ce n'est pas ça qui est visé ici. On le sait que ce n'est pas ça que le législateur vise. C'est le gestionnaire de l'État, qui, lui, peut être en conflit lorsque... Bon, il est intéressé au Conseil du trésor puis il est... Les exemples sont tout à fait... Il est à la Régie des rentes. C'est important, parce que, là, il y a des conflits d'intérêts possibles, mais pas pour nous qui siégeons partout. Ça n'a pas de sens qu'on nous applique ça, à nous. Essayez de vous mettre dans une entreprise puis de vous appliquer ça, puis vous allez comprendre vite que ça n'a pas de bon sens.

(17 heures)

Article 16: «Il est interdit, sous peine des sanctions prévues par la loi, à l'administrateur public qui a cessé d'exercer ses fonctions d'agir, dans l'année qui suit la fin de ses fonctions, au nom ou pour le compte d'autrui relativement à une procédure, à une négociation ou à toute autre opération à laquelle l'organisme ou l'entreprise est partie et sur lequel il détient de l'information non disponible au public.» Il ne doit pas non plus donner des conseils à ses clients fondés sur une telle information.

Ça, ça veut dire que vous – je sais que vous n'irez pas loin avec ça – si vous alliez loin, vous venez de bloquer tous les professionnels pour aller siéger aux conseils d'administration. Parce que, même si les professionnels aujourd'hui sont au service d'une institution quelle qu'elle soit, un avocat, un médecin, un actuaire, un comptable, il risque de se retrouver le lendemain dans un bureau de comptables, un bureau d'avocats, un bureau de... Et là il va être pris par cette information-là dont il aura eu, dans l'exercice de ses fonctions, une connaissance normale.

Je vais vous donner simplement un exemple. En ce qui me concerne, à la CSST, dans notre délégation patronale, on a deux professionnels: on a un médecin, qui a son bureau privé, et on a un actuaire, puis ils sont spécialisés en santé et sécurité. Ce n'est pas pensable qu'un an après avoir laissé la CSST – ce n'est pas eux autres qui se nomment, hein, c'est le gouvernement qui les nomme, alors ils ne sont jamais sûrs d'être renommés – ils accepteraient un code de déontologie qui les empêcherait de pratiquer parce qu'ils ne pourraient pas utiliser l'information qu'ils ont reçue à la CSST. Donc, ce n'est pas pensable. Puis je vous mets au défi d'appliquer ça. C'est une loi inapplicable dans un article comme celui-là. M. le ministre de la Justice vient d'un très gros bureau d'avocats, s'il fallait que ces gens-là soient tous assujettis à ça, ça ferait peut-être de la clientèle pour Flynn, Rivard, je ne sais pas, mais...

M. Bégin: Ou le frère de Me Richard.

M. Dufour (Ghislain): Oui. Alors, vous avez vu que, à venir jusqu'ici, il n'y a pas grand article qui nous satisfait.

La rémunération, les articles 18 à 23 du règlement-cadre. Bon, là, nous autres, on a un peu de problèmes avec la politique actuelle des jetons de l'État. Je ne sais pas si vous êtes au courant, là, on avait, en 1986, chicané la politique du Parti libéral, qui avait mis fin aux jetons à l'époque. Bon, le débat, il a été fait. Sauf que, M. le ministre, vous avez reçu, au printemps 1995, le rapport Côté qui vous recommandait de rétablir le principe de la rémunération. Et la raison qu'il invoquait était bonne quant à nous, c'était celle qu'on avait débattue en 1986 avec les libéraux: il s'agit là – une forme de jeton – d'un facteur de responsabilisation, d'une garantie de désintéressement et de probité.

L'absence de rémunération est susceptible d'entraîner par effet pervers une concentration des nominations parmi un bassin réduit de personnes qui peuvent se permettre une telle contribution. Ce n'est pas tout le monde qui peut laisser, quand il est en consultation privée, son bureau une journée, puis s'en aller. Et ça a l'effet pervers suivant, M. le Président: l'arrêté en conseil ou, en tout cas, le décret gouvernemental, à l'époque, permettait que, si tu perdais du salaire, tu pouvais réclamer, tu pouvais facturer. En fait, ce qui arrive, puis souvent tu as des conseils d'administration de 12 personnes, on leur donnait 200 $ de jetons, ça faisait quoi, ça, 2 400 $. Mais, là, tu as certains professionnels qui facturent. Vous savez, la facturation dans certains bureaux, ils ont le droit de faire ça parce qu'ils perdent du temps. Alors, ça coûte plus cher dans certains conseils ou dans certains comités où moi je siège actuellement que quand il y avait le système des jetons. Je ne sais pas si vous me suiviez bien, là, comme exemple.

Une voix: On vous suit.

M. Dufour (Ghislain): Bon, alors, on connaît les problèmes des finances publiques, on sait tout ça, là, mais on aimerait bien savoir si, éventuellement, le ministre de la Justice se propose de regarder ce rapport-là, ou si ç'a peut-être été fait à ce jour, et voir s'il n'y a pas eu des visions différentes.

Finalement, M. le Président, l'article 25: Les règles de déontologie doivent notamment traiter des règles relatives à la déclaration des intérêts détenus par les administrateurs publics. Évidemment, de quels intérêts est-il question? S'il s'agit d'exiger de tous les administrateurs publics qu'ils déclarent, comme le font par exemple les ministres, tous les intérêts qu'ils détiennent dans les activités financières ou commerciales, par exemple, bien, on exagère, et on se privera sûrement d'un important bassin d'administrateurs potentiels.

Donc, en conclusion, M. le Président, bon nombre de dispositions du projet de loi n° 131 et du règlement-cadre – et ça reprend un peu une des interrogations qu'avait le député de l'Acadie tout à l'heure – peuvent être applicables aux administrateurs à temps partiel. Il y en a. Quand on parle d'une éthique pour les administrateurs publics, bien oui; d'un code de déontologie que peut faire un organisme, bien oui; mais, de façon générale, les propositions essentielles du projet de règlement-cadre ne conviennent absolument pas aux administrateurs à temps partiel. Quant à nous, elles doivent être entièrement réexaminées pour distinguer clairement les obligations des gestionnaires, les obligations des administrateurs. Sans ces distinctions essentielles, l'État risque, d'une part, de voir beaucoup d'administrateurs abandonner leurs fonctions et, d'autre part, de voir son bassin de recrutement grandement rétréci. Alors, voilà. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. Dufour. M. le ministre.

M. Bégin: Merci beaucoup aux membres du Conseil du patronat et au procureur qui l'accompagne. Vous êtes sans doute au courant que, depuis ce matin, j'ai mentionné, et j'avais commencé auparavant à le dire, que l'article 6 devait être modifié, parce que, dans les faits, après analyse, et surtout les commentaires entendus, il atteignait peut-être la cible qu'on ne voulait pas atteindre. En conséquence, l'article serait modifié pour faire, d'une part, dans un premier temps, une distinction entre l'administrateur public à temps partiel et celui à temps complet, ce qui est une première catégorisation, et, par ailleurs, sans être en mesure au moment où on se parle d'avoir toutes les nuances et toutes les balises qu'il faudra faire, elles seront faites. Déjà, j'avais un papier de deux pages allant dans ce sens-là, que j'ai reçu ce matin, mais que je ne suis pas prêt à déposer pour le moment parce que ce n'est pas encore suffisamment resserré.

Alors, ce qui veut dire que, quand je regarde l'ensemble de vos remarques, qui portent généralement sur cette distinction que l'on ne fait pas, mais qui sera faite, je comprends que ça améliorerait sensiblement le projet, comme tel, à vos yeux. Est-ce que je dois comprendre que ce serait ça, M. Dufour?

M. Dufour (Ghislain): Tout à fait. Vous avez remarqué que, nous, on n'a pas demandé le retrait du projet de loi.

M. Bégin: Non, d'accord. Ha, ha, ha! Oui, on avait noté ça. Réexaminer en profondeur, avez-vous dit.

M. Dufour (Ghislain): Est-ce qu'il y en a qui l'on demandé? Mais, des fois, réexaminer conduit à le scraper, et on recommence.

M. Bégin: Pour le moment, M. Dufour, on pense que vous avez une remarque qui est pertinente. Elle a été faite par plusieurs, et, effectivement, c'est sensiblement ce sur quoi les remarques négatives ont été faites à l'égard du projet de loi. Il y en a eu d'autres, mais c'étaient des bonifications, des petits changements ou, encore, dire qu'on veut être rattaché ou moins directement rattaché. Mais, fondamentalement, les gens acceptent l'ensemble des dispositions.

L'article 16, même si vous en avez parlé longuement, me semble ne pas être tout à fait dans le sens que vous venez de mentionner. Si vous me permettez, je vais essayer de vous dire comment je le vois, peut-être que le texte ne le dit pas bien, mais on verra. Ce que je comprends de l'article, c'est qu'une personne qui a eu de l'information non disponible au public quand il siégeait – on parle d'information au paragraphe 1, c'est la dernière ligne, et la deuxième ligne, on parle de renseignements, peut-être y aurait-il lieu de dire «renseignements et information», mais l'idée, c'est de l'information et des renseignements non disponibles au public... Quelqu'un siège comme membre, comme administrateur public, il a des renseignements publics. Ce qu'on dit à l'égard du premier, c'est qu'il ne pourra pas agir au nom d'autrui ou pour le compte d'autrui à partir de ces renseignements-là. Ça m'apparaît être correct, c'est un peu comme un secret qu'on apprend en travaillant dans une entreprise. D'autre part, le deuxième paragraphe dit: Donner des conseils à partir de renseignements qui ne sont pas disponibles, donc utiliser une information privilégiée pour s'en servir. Ça ne veut pas dire que l'avocat ne peut pas pratiquer, que le professionnel ne peut pas pratiquer, qu'il ne peut pas avoir des relations contractuelles, mais il ne doit pas s'en servir à l'égard de tiers pour bénéficier d'avantages qu'il a appris à l'intérieur de l'entreprise. Le troisième paragraphe vise à faire en sorte que l'administrateur public qui est resté dans l'administration publique et qui sait que celui qui a quitté a des renseignements privilégiés, si, lui, l'administrateur public fait affaire avec lui, il sera sanctionné.

(17 h 10)

Alors, je pense qu'à partir de ce moment-là, je peux me tromper, M. Dufour, mais il me semble que ce que vous craignez n'est pas là. À moins que vous ne me disiez qu'il serait correct qu'une personne qui a un renseignement privilégié ou, à la limite, un secret, en sortant puisse s'en prévaloir à l'encontre de celui qui le lui a donné dans l'exercice de ses fonctions antérieures.

Le Président (M. Pinard): M. Dufour ou Me Béchard.

M. Dufour (Ghislain): Me Béchard.

M. Béchard (Jacques): Est-ce que je peux répondre? Avec votre permission, je répondrai, M. le ministre, que, par déformation professionnelle, je comprends que vous ayez voulu nous expliquer l'esprit. J'aimerais vous parler de la lettre, qui me semble un petit peu problématique au niveau de l'information non disponible au public. C'est que, si l'on tient compte des autres dispositions, notamment celles de l'article 5 où on parle de discrétion, celles de l'article 9 où on parle de caractère confidentiel des informations obtenues, il n'y a pas grand information qui est non disponible au public. Ça a pour effet de bâillonner complètement la personne. C'est ma crainte.

M. Bégin: Je comprends que vous pouvez avoir une interprétation, là. À l'égard de l'article 5 et de l'article 6, l'idée est sensiblement la même. Dans 5, ce que vous avez, c'est un renseignement. On ne dit pas confidentialité, on ne dit pas de se taire, et je reprends l'article, on dit: Discrétion. Ne criez pas sur la place publique ce que vous apprenez dans l'exercice de la fonction. Ça ne dit pas de ne pas parler. Quand M. Dufour parlait tantôt, par exemple, d'une information obtenue, je ne parle pas sous le sceau de la confidentialité, d'une information qui est propre, ou interne, ou qui est particulière, on dit: Soyez discrets. Ça ne veut pas dire de ne pas parler à l'instance d'où vous venez. Ça dit: Ne soyez pas un haut-parleur. Je vous donne une nuance. Article 6, on en a parlé...

M. Dufour (Ghislain): Mais, M. le ministre, l'article commence: «Il est interdit...»

M. Bégin: Mais oui.

M. Dufour (Ghislain): Je veux dire: «Il est interdit...»

M. Bégin: Excusez, de quel article, là? J'étais à 5.

M. Dufour (Ghislain): Ah! vous, vous êtes à 5. Moi, je suis toujours à 16.

M. Bégin: Moi, j'étais à 5: «L'administrateur public est tenu à la discrétion», c'est différent. À 16, oui, vous avez raison, c'est: «Il est interdit...» Mais est-ce que la question... Admettons qu'on puisse la reformuler, la resserrer – et là on va à la lettre plutôt qu'à l'esprit, mais l'esprit, pour le moment commençons par ça... Est-ce qu'on accepte qu'une information, mais vraiment de nature privilégiée, non connue par personne et qui est à l'avantage ou au détriment de l'administration qu'on représente, est-ce qu'on peut divulguer une information de cette nature, s'en servir au bénéfice d'un tiers contre l'administration d'où on vient? Moi, c'est drôle, c'est comme un gars qui travaillerait sur un brevet dans une compagnie, qui apprendrait un renseignement, puis qui sortirait de l'entreprise puis irait conseiller l'entreprise adverse, l'autre côté, en lui donnant ce secret. Je pense que tout le monde va accepter que ça ne se fait pas. C'est l'esprit de l'article 16.

Le Président (M. Pinard): Me Béchard.

M. Béchard (Jacques): Effectivement, M. le ministre, je comprends bien l'esprit à partir de l'exemple que vous venez de donner, mais, compte tenu du libellé très, très large de l'article... et je dois revenir aux distinctions que M. Dufour a voulu faire dès le départ. On parlait d'informations à caractère financier, qui souvent, effectivement, sont confidentielles, alors que d'autres informations le sont moins. On parlait de la SQDM tantôt. Il faudra penser à faire ces distinctions-là, dans ce cadre-là. Parce que, moi, j'ai des concessionnaires qui siègent aux conseils d'administration de commissions scolaires, d'hôpitaux, et, si j'avais à leur donner une opinion sur l'article 16, je ne suis pas convaincu qu'il y en aurait beaucoup qui iraient siéger, compte tenu de cet aspect-là.

Le Président (M. Pinard): Complément de réponse, M. Dufour?

M. Dufour (Ghislain): Non, mais, regardez, je vous ai mentionné, M. le ministre de la Justice, tout à l'heure, que, chez nous en tout cas, il y a de plus en plus de professionnels, de consultants de bureau d'avocats, de comptables, etc., qui siègent, parce que c'est devenu tellement compliqué dans les machines maintenant.

Bon, je vais vous donner simplement un exemple, je pense, qui va illustrer très bien ce que nous, on veut dire. Dans notre délégation patronale à la CSST, c'est tellement compliqué, il nous faut un actuaire, O.K., il nous faut un actuaire. Par définition, il a toute une série d'informations privilégiées – parce que, quand on fait la tarification, nous autres, on demande toute l'information sur la CSST, enfin, il en a – il n'est pas renommé par le gouvernement, il est dans un très grand bureau et il gagne sa vie en santé et sécurité du travail. C'est là, l'information. Il ne pourrait pas en profiter pour donner de l'information, pour conseiller des clients? C'est angélique que de penser l'inverse.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Bégin: Mais, M. Dufour, ce que vous me dites, puis je pense qu'on s'entend, là, sur le sens des choses, ça voudrait dire que quelqu'un qui apprend un renseignement privilégié, une statistique que personne ne connaît et qu'il a connue parce qu'il était administrateur public, cet administrateur public, qui a cet avantage, pourrait s'en servir à son profit?

M. Dufour (Ghislain): C'est parce qu'on ne donne pas la même définition de l'information privilégiée. On a des tonnes d'informations privilégiées partout où on siège. Si c'était un brevet, pour revenir à votre exemple de tout à l'heure, bien, oui, je pourrais comprendre, ça ne serait pas correct. Mais ce n'est pas ça; ce n'est pas ça, notre vécu à nous, nulle part. C'est une série d'informations, des tonnes de documents, pour chaque réunion du conseil. Et là je vois Me Archambault, quand on fait la Loi sur les décrets de convention collective au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, des tonnes d'informations confidentielles, sur tous les décrets. Moi, je suis un avocat dans un bureau et je ne pourrais pas – c'est-à-dire que ce n'est pas que je ne pourrais pas, il ne faudrait pas – il faudrait que j'aie un lavage de cerveau quand je sors de là? Je ne peux pas oublier tout ça, ce que j'ai su. C'est ça que nous autres... Évidemment, dans le cas précis d'une information qui ferait mal, qui n'est pas...

M. Bégin: Dans une tentative de baliser, auriez-vous des suggestions à faire?

M. Dufour (Ghislain): Dans le?

M. Bégin: Dans une tentative de baliser ou de resserrer, si vous me permettez...

M. Dufour (Ghislain): Ah oui! Nous autres, la suggestion est très claire. Dans le cas des administrateurs publics à temps partiel, vous l'enlevez. Ça ne se balise pas.

M. Bégin: O.K. Je comprends. L'article 18, la rémunération.

M. Dufour (Ghislain): Oui.

M. Bégin: Effectivement, dans le rapport Côté, il y avait une recommandation. Et je comprends bien l'esprit dans lequel vous le dites, à savoir que la personne qui reçoit une rémunération sous forme de jetons de présence est rémunérée adéquatement pour sa présence, qui exige une perte de temps ailleurs qui, pour certains, est normalement rémunérée par un gagne-pain, soit un professionnel, soit un entrepreneur ou n'importe qui qui fait quelque chose qui rapporte de l'argent avec le temps, et qu'en conséquence elle serait, je dirais, plus objective dans sa façon d'être. Cependant, vous comprenez que, dans les temps qu'on traverse, je ne suis pas sûr qu'on irait très loin sur la place publique avec une telle proposition.

M. Dufour (Ghislain): C'est moi-même qui vous ai donné l'ouverture de me dire ça.

M. Bégin: Pardon?

M. Dufour (Ghislain): C'est moi-même qui vous ai donné l'ouverture de me dire ça, en parlant des finances publiques.

M. Bégin: Oui, oui, je comprends.

M. Dufour (Ghislain): Mais, remarquez bien, en tout cas, on a tous siégé, ce n'est jamais des jetons de présence impressionnants.

M. Bégin: Non, non. Je comprends.

M. Dufour (Ghislain): C'est 200 $. Je me rappelle du problème que les libéraux voulaient...

M. Bégin: M. Dufour...

M. Dufour (Ghislain): C'est mieux que vous, mais, en tout cas, ça dépend de vos salaires.

M. Bégin: Vous savez, M. Dufour, ce n'est pas le montant... M. Dufour.

Une voix: C'est le principe.

M. Bégin: Vous savez comme moi, M. Dufour, que ce n'est pas la question de l'argent qui est en cause là-dedans. Moi, je pense que... Écoutez, vous l'avez dit tout à l'heure, j'ai pratiqué toute ma vie dans un bureau de pratique privée et j'ai envoyé des factures substantielles à mes clients, qui les ont gentiment payées. Il n'y a pas de problème. Je comprends très bien l'esprit dans lequel vous le dites. Et, oui, c'est normal, en principe, que ça se fasse. Et, oui, compte tenu des finances publiques, mais compte tenu aussi, je pense, d'une façon de voir actuellement, une question que le public traduit par le mot «transparence». Il n'est pas bien de concevoir que quelqu'un qui est amené à travailler comme administrateur public, et qui vient d'ailleurs, soit rémunéré. C'est un peu comme si la population disait: On demande une contribution de cette personne, qui a reçu beaucoup, qu'elle vienne nous aider, mais il n'y a pas de contrepartie monétaire. Je comprends ce que vous dites; le rapport Côté le mentionne. Mais il y a aussi ce que je vous dis, qui est un élément qui est intangible, mais qui est quand même réel.

M. Dufour (Ghislain): Si vous me permettez, on ne fera pas un long débat là-dessus.

M. Bégin: Non.

M. Dufour (Ghislain): Nous, on en parle, parce que c'est dans le rapport. On a senti le besoin de dire ce qu'on pense. Et je veux dire aussi, quand les libéraux, en 1986, ont fait ce qu'ils ont fait, c'est qu'il y avait un problème. C'est qu'il y avait bon nombre de gestionnaires à plein temps de l'État qui siégeaient à des organismes d'État, donc qui étaient payés, et qui allaient se chercher en plus un jeton. C'était ça, le point de départ que voulait régler le Parti libéral. Il l'a réglé, et on était d'accord avec ça. Mais ils sont allés trop loin, comme fait votre projet de loi aujourd'hui.

Le Président (M. Pinard): Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: J'aimerais revenir sur le fameux article 5...

Une voix: Article 5.

Mme Malavoy: Oui. On l'a évoqué, le ministre l'a évoqué tout à l'heure, mais autant je comprends que vous vouliez peut-être des nuances à l'article 16, autant il me semble que, questionner l'article 5, c'est excessif. La loi, de toute façon, ne peut pas se substituer au bon sens. Il faut supposer que les gens sont capables de bon sens dans l'exercice de leurs fonctions. Or, de demander aux gens de la discrétion – qui n'est pas du mutisme – c'est simplement faire preuve de bon sens, pour être capable de juger qu'il y a des choses qu'on ne rapporte pas et qu'il y en a qu'on peut effectivement discuter avec des collègues pour avoir leur opinion. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus parce que, honnêtement, l'article 5, qui est au niveau des principes généraux, il me semble que c'est justement le genre d'article qu'il faut mettre, qu'il faut poser, dès le début d'un projet de réglementation, simplement pour s'assurer qu'on se comprend bien. La discrétion, c'est quelque chose de relativement nuancé et qui laisse place à la capacité de jugement de chaque administrateur.

Le Président (M. Pinard): M. Dufour.

(17 h 20)

M. Dufour (Ghislain): Alors, voyez-vous, avec 1 600 administrateurs, comment chacun va définir la discrétion. C'est un concept qui est laissé à la discrétion, justement, de chacun. Et ce n'est pas possible. Si, ça, c'était dans la loi, ça voudrait dire que, demain, on siège à la CSST, on va avoir trois, quatre gros documents sur la tarification qui s'en vient, là, je serais assujetti à la discrétion, ne pas répandre ça tant et aussi longtemps qu'on n'a pas, au C.A. comme tel, convenu d'une orientation. Bien non. Je vais aller consulter un concessionnaire d'automobile, moi, puis notre conseiller, qui est Bernard Cliche, n'importe qui qui voudrait appliquer ça à la lettre, va dire: Tu ne fais pas preuve de discrétion beaucoup, Dufour, tu sais, c'est rendu... C'est ça qui nous fait peur. Et, nous, on ne siégerait pas dans un organisme... Puis, on ne pourrait pas. Vous nous nommez pour ça; vous nous nommez pour qu'on aille chercher le feedback des employeurs, comme vous nommez les syndicats pour qu'ils aillent chercher le feedback des travailleurs, et on met ça ensemble, puis on négocie, puis on arrive à des consensus des fois, des fois à des affrontements.

Mme Malavoy: Mais il me semble que, si vous refusez cet article, vous refusez le projet de loi. Enfin, vous dites que vous l'acceptez, mais...

M. Dufour (Ghislain): Oui, oui, mais, ça, c'est clair. On le refuse, le projet de loi pour les...

Mme Malavoy: Ah! Mais, tantôt, j'avais cru comprendre que vous l'acceptiez.

M. Dufour (Ghislain): Non, non. On refuse le projet de loi...

Mme Malavoy: Ah bien! J'en étais d'ailleurs étonnée, mais...

M. Dufour (Ghislain): Non, non, attention! On refuse le projet de loi dans sa forme actuelle pour les administrateurs à temps partiel, pas pour les gestionnaires. Même, on va plus loin que ça: on dit que, s'il était épuré d'un paquet d'articles comme ça, il pourrait être acceptable. Mais, tant et aussi longtemps que ces articles-là sont là, je veux bien qu'on se comprenne, Mme Malavoy, non, on ne pourrait pas être d'accord avec ça. Les syndicats ne le seront pas. Puis, si vous continuez à nous nommer, on va continuer pareil à consulter. Je vous le dis tout de suite. Vous faites de nous des hors-la-loi, puis vous le savez.

Une voix: Vas-y! Vas-y!

Mme Malavoy: Ne me pointez pas du doigt en disant ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Béchard (Jacques): Est-ce que je peux apporter un complément de réponse?

Le Président (M. Pinard): En complément de réponse, Me Béchard.

M. Béchard (Jacques): Merci. Peut-être pour vous rassurer, madame, si vous permettez. La notion de discrétion, qui est trop subjective pour nous, comme l'a expliqué M. Dufour, est quand même englobée dans les critères de l'article 3, lorsqu'on mentionne, au deuxième paragraphe: «Leur contribution doit être faite au mieux de leur compétence avec honnêteté, loyauté, prudence, diligence et assiduité.» Lorsqu'on parle de loyauté et de prudence, ce sont des termes très généraux et ce sont des principes qui guident l'ensemble, qui peuvent même englober la discrétion, mais de façon moins subjective. Dans ce sens-là, les critères de l'article 3 peuvent peut-être répondre à votre appréhension.

Le Président (M. Pinard): Merci. Il reste trois minutes du côté ministériel. M. le ministre.

M. Bégin: C'est parce que je veux leur réitérer, pour ne pas qu'on revienne sur ça... Considérez, ce que j'ai dit tantôt pour l'article 6, que tout ce qui pose problème, le même conflit d'intérêts, en quelque sorte, que vous soulevez à l'égard de l'article 6 où ça se pose ailleurs, la même chose va être faite. Il n'a jamais été question de faire en sorte qu'une personne qui est invitée à siéger quelque part pour l'expertise qu'elle a soit dans l'impossibilité d'utiliser par après son expertise dans le milieu d'où elle vient. Ce serait un non-sens. Je comprends qu'on a pu peut-être arriver à faire dire ça, mais il ne faut pas s'enliser là-dedans, parce que, dans les faits, ça va être modifié pour ça. Alors, il y a peut-être des nuances qui existeront – je ne sais pas, sur l'article 16, par exemple – mais, partout ou ailleurs où on peut faire la distinction, on va la faire sur le temps partiel et le temps complet. Je l'ai dit et je le répète, il y aura aussi d'autres balisages pour refermer, même encore pour l'administrateur public, pour qu'il n'y ait pas d'équivoque.

Alors, je pense qu'il faudrait qu'on ne reprenne pas ce débat-là, parce que c'est déjà admis. On se comprend.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre. M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui, je vous remercie, M. Dufour et les personnes qui vous accompagnent, pour votre présentation. Je veux juste enchaîner avec ce que le ministre mentionnait à la fin de son intervention. Je pense que, là où il faut être clair, et le ministre a parlé à plusieurs reprises de la nécessité peut-être de toucher à l'article 6 pour l'adapter à un certain nombre de situations qui ont été mentionnées. Mais je veux bien que ce soit clair: c'est beaucoup plus que l'article 6, là, pour ce qui est des temps-partiels. Il y a l'article 5, l'article 6, l'article 9; l'article 14, au sujet des offres sérieuses d'emploi; il y a l'article 16, sur la cessation; il y a l'article 25, sur les intérêts détenus. C'est tous ces articles-là qui concernent la situation des administrateurs à temps partiel. Comme vous l'avez mentionné, M. Dufour, c'est des amendements qui sont majeurs dans l'optique du projet de loi, et, à la limite, ce que vous disiez, c'est qu'on devrait exclure les administrateurs à temps partiel de ce projet-là. Alors je veux bien qu'il soit clair, là, qu'il ne s'agit pas de toucher à quelques points et que ça répondrait à vos besoins. Alors, je veux juste rendre ça clair. C'est un commentaire que je fais.

Je veux juste poser une question, et mes collègues vont poser d'autres questions par la suite. Au niveau de la rémunération, il y a une suggestion qui a été faite, mardi, par le Protecteur du citoyen. Le Protecteur du citoyen nous dit: Écoutez, toute la question de la rémunération, vous devriez retirer ça complètement du projet de réglementation. Ça devrait faire l'objet d'une étude approfondie et, éventuellement, d'une politique gouvernementale face à la rémunération. Qu'on ne commence pas à entrer dans un sujet aussi complexe, parce qu'on parle de la double rémunération, on parle ici d'un certain nombre... des allocations de départ, de toutes sortes de choses. Le Protecteur nous disait: Retirez donc ça du projet de réglementation. Que le gouvernement se penche là-dessus, fasse une consultation, clarifie les positions et en fasse éventuellement une politique et possiblement un projet de loi, si c'est nécessaire en bout de ligne. Comment vous réagissez à...

Le Président (M. Pinard): M. Dufour.

M. Dufour (Ghislain): Bien, il y a plusieurs choses dans ce que vous dites, plusieurs éléments. La double rémunération, bon, j'ai vu ce matin que ça a été confié à un comité du Conseil exécutif, on est d'accord avec ça, on trouve que ça a pris de l'ampleur, actuellement, de façon pas correcte, je veux dire, ça n'a pas de bon sens, ce qui se passe actuellement, là. Ce n'est pas parce que le premier ministre a décidé de le retourner à l'État...

Le Président (M. Pinard): Excusez-moi, pouvez-vous augmenter le son, je ne l'entends pas.

M. Dufour (Ghislain): Ce n'est pas parce que le premier ministre a décidé de retourner à l'État sa rente gagnée que tout le monde doit le faire. En tout cas, on est très heureux qu'il y ait un comité là-dessus.

Tout ce qui touchait le rapport fait au ministre de la Justice au mois d'avril, donc tout ce qui s'appelle rémunération d'administrateurs à temps partiel, oui, je pense qu'on devrait faire une bonne étude de ça. On en parle parce que c'est là, mais on n'est pas en demande plus qu'il faut là-dessus. C'est vrai qu'il y a une image publique qu'il faut conserver là-dedans. La balance s'applique plutôt aux administrateurs gestionnaires à plein temps, et c'est vrai que c'est après, c'est... Il n'y a pas grand-chose là-dedans. Beaucoup plus compliqué que ça, le problème. Mais, si le Protecteur du citoyen l'a proposé, pourquoi pas. Mais ça, je veux dire, pourquoi c'est là, cette portion-là, dans ce rapport-là? Nous, on s'est demandé pourquoi.

Permettez-moi de faire un commentaire sur votre premier commentaire, pour bien comprendre le ministre de la Justice. Moi, ce que j'ai compris du ministre de la Justice – ça va l'amener à me dire si c'est ça ou si ce n'est pas ça – il n'y a pas juste l'article 6. Moi, j'ai compris du ministre de la Justice que, sur les autres articles, 5, 16, 25...

M. Bégin: 14.

M. Dufour (Ghislain): Pardon?

M. Bégin: 14.

M. Dufour (Ghislain): ...qu'il ferait la distinction entre l'administrateur à temps partiel et le gestionnaire. C'est ça? Donc, pas purement sur 6.

Le Président (M. Pinard): M. Bordeleau?

M. Bordeleau: Non, ça va, je vais laisser la parole à...

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Chomedey.

(17 h 30)

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue aux représentants du Conseil du patronat. La semaine dernière, quand on était avec un des adjoints du Protecteur du citoyen, il m'avait mentionné qu'il était très occupé de ce temps-ci parce que c'était la saison des commissions parlementaires et qu'il devait venir souvent. Alors, je crois comprendre que vous êtes également très occupé de ce temps-ci, parce qu'on a souvent le plaisir de vous entendre. Et on vous remercie, cette fois-ci, pour l'attention particulière que vous avez apportée au projet de loi et au projet de règlement. Je dois vous avouer que vous n'êtes pas le premier groupe à venir ici pour expliquer avec beaucoup de politesse et de diplomatie que ça manque de fini, qu'effectivement le projet de loi et le règlement n'ont vraiment pas reçu l'analyse rigoureuse à laquelle on est en droit de s'attendre avant que quelque chose soit envoyé en consultation publique, et vous apportez, comme beaucoup, beaucoup, beaucoup d'autres groupes avant vous, des exemples clairs dans le domaine qui vous est propre.

Le sujet que je voulais aborder avec vous a été soulevé avec plusieurs autres groupes, et le terme employé est un terme anglais, on parle de «whistle-blowing». Si on veut, on peut parler, en français, peut-être de «sonneur d'alarme». Je vais vous citer un extrait d'un éditorial d'Agnès Gruda, paru dans La Presse l'année dernière. Elle expliquait que ça existait aux États-Unis, et maintenant en Ontario, et elle disait qu'il s'agit essentiellement de mécanismes visant à protéger... À l'heure actuelle, des règles comme celles qu'on voit ici visent à protéger l'État contre les individus, et non le contraire. Elle dit: Qui plus est, le code d'éthique des fonctionnaires québécois impose une obligation de discrétion aux employés de l'État. Cette obligation vise à prévenir la diffusion d'information susceptible de nuire à l'intérêt public – jusque-là, ça va – mais aussi à l'autorité constituée. Toute critique, même justifiée, risque de nuire à son propre sujet. Est-ce là ce que l'on veut prévenir? Le devoir de discrétion doit-il primer sur la responsabilité sociale d'un employé d'État?

Elle parle ensuite du projet de loi ontarien. Elle mentionne que, comme la législation américaine, ça stipule clairement que la première loyauté d'un fonctionnaire doit aller à la population qu'il dessert. C'est une nuance essentielle, dit Mme Gruda, qui mériterait d'être précisée à tous les niveaux de l'appareil public canadien et québécois.

Ma question pour vous est de savoir si, sur la base de votre expérience, il ne faudrait pas, justement, si on veut vraiment s'assurer que ces règles-là soient respectées et si on veut s'assurer que des déboires comme on en a vus avec les contrats du ministère de Richard Le Hir, que ce ne soit pas les personnes qui dénoncent les illégalités et les irrégularités qui fassent l'objet de représailles, mais bien les personnes qui les ont commises. Donc, est-ce qu'il faut, à votre sens, que l'on protège quelqu'un qui dénonce une illégalité et qu'on le fasse aussi clairement que ce qu'on est en train de faire ici pour protéger le gouvernement?

Le Président (M. Pinard): M. Dufour.

M. Dufour (Ghislain): Habituellement, quand on réagit à un projet de loi, à un règlement-cadre, on réagit au projet de loi et au règlement-cadre. On a réagi à ce qui est là-dedans. Ce phénomène dont vous parlez, là... Autrement dit, vous allez chercher l'inverse, là. Dans le cas de Richard Le Hir, si je comprends bien, vous voulez dire que ce n'est pas nécessairement les personnes qui ont servi d'intermédiaires qui auraient dû être déplacées, peut-être d'autres. La législation ontarienne n'est pas... Il n'y a pas de législation encore, si je suis bien informé, on est en projet.

Mais, en tout cas, nous, on n'a pas regardé cette question-là, mais ça ne nous répugne pas qu'on regarde ça dans une approche gouvernementale globale, je veux dire pas purement au niveau du gouvernement du Québec, là, ça peut se faire aussi dans ses grandes institutions. Les problèmes peuvent se présenter à Hydro, ils peuvent se présenter ailleurs. Il y a des grosses boîtes, là, dans l'appareil étatique. Alors, il faudrait une politique qui déborde le gouvernement comme tel pour aller chercher la CSST, Hydro. Nous, ça ne nous répugne pas, loin de là, mais on serait très mal venus d'en critiquer le contenu. Ce n'est pas présenté, puis, là, je pense qu'on pourrait avoir chacun nos définitions de ce phénomène-là. Je ne sais pas si les juristes veulent ajouter.

Le Président (M. Pinard): Me Béchard? Me Cliche?

Une voix: Pas de commentaires.

Le Président (M. Pinard): Non? O.K. Alors, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui. Merci, M. le Président. Une autre question que j'aimerais poser aux représentants du Conseil du patronat concerne la notion d'une information non disponible au public. Je sais que vous avez déjà mentionné qu'il y a certains aspects du règlement qui sont difficiles à saisir – je vous rejoins là-dessus – et j'aimerais juste vous poser, peut-être sous forme... la question suivante: Si quelqu'un siège à un conseil d'administration et qu'effectivement il a des informations privilégiées, en ce sens que ça ne circule pas publiquement, mais qu'au terme d'une demande d'accès à l'information un membre du public pourrait y avoir accès, if he knew it existed, est-ce qu'on parle d'informations non disponibles au public? Moi, c'est un point qui, il me semble, doit être clarifié.

Le Président (M. Pinard): M. Dufour.

M. Dufour (Ghislain): Il y a de l'information à la tonne dans les conseils d'administration, et, nous, elle nous apparaît ici être identifiée comme une information non disponible, parce qu'elle n'est pas mise à la disposition de tout le monde, là, elle est mise à la disposition des administrateurs pour fins de décision d'une orientation. On me demande, en plus, d'être discret sur ce que j'ai obtenu comme information, et, moi, je dis: Ce n'est pas possible, je ne peux pas faire ça. Je ne peux pas faire ça, parce que j'ai besoin de cette information-là, ne serait-ce que pour aller appeler le bureau d'avocats qui est dans ce dossier-là. Pothier, Bégin, je l'appelle, là, puis je dis: Écoute, tu penses quoi...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: C'est Delisle, maintenant.

M. Dufour (Ghislain): C'est Delisle, oui, mais, à l'époque, ou Jean-Marc... J'appelle un juriste là-dessus. Alors, je suis obligé d'aller à l'extérieur. Alors, c'est pour ça que, nous, on dit: Pas besoin de se rendre à la Commission d'accès à l'information pour l'avoir, on va l'exiger comme administrateurs, on en a besoin pour rendre une décision. Et, à ce moment-là, c'est une question de jugement. C'est évident que, si je suis à la SGF puis que j'apprends... je suis dans une entreprise X puis j'apprends qu'il y en a une autre qui est à vendre à 3 $ de moins l'action, là, je viens d'avoir une information privilégiée...

M. Mulcair: «Insider trade».

M. Dufour (Ghislain): ...et, là, si l'administrateur utilisait ça, là, bien, je pense que, de toute façon...

M. Mulcair: Les règles de la Bourse vont venir le chercher.

M. Dufour (Ghislain): ...il ne serait pas administrateur longtemps.

M. Mulcair: C'est ça.

M. Dufour (Ghislain): Mais, moi, je me refuse à embarquer, qu'on puisse avoir, comme administrateurs, de l'information parce qu'on fait appel à la Loi sur l'accès à l'information. Si on procédait comme ça, en tout cas, dans les conseils où je suis, il n'y a personne qui siégerait là, parce que ça veut dire qu'il n'y a aucune solidarité d'administrateurs, qu'on ne se fie pas les uns aux autres. Non. Alors, elle est trop théorique, votre question, pour que je puisse y répondre vraiment.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Pinard): En complémentaire, M. le député?

M. Mulcair: Oui, en principale, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: Je voulais savoir si vous aviez une... J'espère que vous ne la considérerez pas théorique, parce que c'est un problème qui a été soulevé, notamment par les représentants d'un autre pouvoir décentralisé qui existe dans notre société, qui sont les commissions scolaires, qui sont venues dire: Écoutez, ça ne devrait pas s'appliquer à nous, on est des élus, il y a d'autres sanctions pour les élus, etc. Un de leurs points était: Si ça devait s'appliquer aux commissions scolaires, il faudrait inclure dans ce qui est prévu ici également les municipalités. Le Protecteur du citoyen opinait dans le sens inverse, mais en plaidant la même uniformité. Le Protecteur du citoyen disait: Qu'on embarque les municipalités là-dedans aussi, à ce moment-là. Je voulais juste savoir si vous aviez une opinion là-dessus également.

Le Président (M. Pinard): M. Dufour.

M. Dufour (Ghislain): Oui, on en a jasé; je vais risquer un premier élément de réponse et Bernard va ajouter. On connaît très bien la position de la Fédération des commissions scolaires, qui, évidemment, est venue débattre... Ce n'est pas des gens nommés par le gouvernement ou nommés par un ministre, c'est des élus. Donc, il y a des règles, déjà, qui s'appliquent à eux. Est-ce que, pour assujettir les commissions scolaires, il faut assujettir les municipalités? Dans notre tête, non, parce que ce sont des élus aussi, qui vivent avec leurs propres règles, leurs propres normes. Alors, si j'avais à dire oui ou non au mémoire de la Fédération des commissions scolaires, je dirais: Oui, je le connais, leur mémoire. Et ce qu'ils disent, eux: Pourquoi vous nous placez à part des municipalités? Mais les municipalités ont déjà leur code d'éthique. Et c'est ça dont on veut vous parler un peu actuellement, des codes d'éthique que se sont donnés les corporations et qu'on applique beaucoup dans les conseils d'administration. Alors, Bernard...

Le Président (M. Pinard): Me Cliche.

M. Cliche (Bernard): Oui, peut-être ajouter quelques mots qui rejoignent votre question. C'est vrai que beaucoup de gens qui siègent à ces conseils-là ont déjà des codes d'éthique, sont régis par des codes d'éthique. Il y a des gens à mon bureau, il y en a un qui siège au conseil de l'Université du Québec, par exemple, et il est régi par un code d'éthique. Des hôpitaux ont déjà des codes d'éthique, certains hôpitaux, les commissions scolaires également. Alors, c'est vrai que, même sans légiférer, ces gens-là sont tenus par leurs propres règles professionnelles.

M. Mulcair: Sans parler du fait qu'il y a une sanction par l'électeur, qui, quand même, définit la différence même qui existe entre ces pouvoirs-là et quelqu'un qui est simplement nommé.

M. Cliche (Bernard): Oui.

M. Mulcair: O.K. Merci beaucoup.

(17 h 40)

Le Président (M. Pinard): M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Juste une courte question, M. le Président, si...

Le Président (M. Pinard): Allez, allez.

M. Fournier: ...je peux me permettre. On parlait tantôt de question théorique, je vais en poser une qui est très, très pratique et, compte tenu de... Pas vraiment une question sur le projet de règlement ou le projet de loi. Je crois comprendre avec vous, de toute façon, qu'il faudrait peut-être même qu'on recommence les consultations puisqu'on va reprendre le texte à plusieurs niveaux. Alors, je ne veux pas aller trop loin là-dedans, mais j'ai compris des échanges qui ont eu lieu qu'il y aura des modifications qui feront en sorte que les préoccupations que vous avez à l'égard des administrateurs, et faire la différence avec les gestionnaires de manière à ce que vous puissiez continuer d'avoir votre liberté de pensée et de parole... Et je vous entendais tantôt vous exprimer en disant: Moi, la discrétion, on ne peut pas me forcer à cette discrétion-là; je dois pouvoir communiquer, je dois pouvoir dialoguer. Alors, je m'en voudrais de ne pas profiter de l'occasion pour vous demander, suite à votre rencontre à la SQDM hier: Mais qu'est-ce qu'il y avait donc dans le document de Mme Harel? Quelle était donc la discussion que vous aviez? C'est un beau cas pratique pour savoir ce que vous pouvez nous dire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dufour (Ghislain): Alors, voilà exactement ce que ça devrait être, un bon administrateur. Discrétion, confidentialité, juger dans chaque cas. Je n'ai rien à vous dire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fournier: Merci. On voit que ça marche. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Pinard): Alors, vous respectez en tous points la pertinence. Alors, Me Béchard, un complément?

M. Béchard (Jacques): Un très court commentaire. Ici, M. Dufour vient de respecter le principe à l'article 3: beaucoup de prudence et de diligence.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci infiniment. Merci, Me Béchard et Me Cliche. M. Dufour, merci beaucoup. Je suspends les travaux de la commission pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 42)

(Reprise à 17 h 51)

Le Président (M. Pinard): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre, votre cour est dissipée. Alors, les travaux de la commission se poursuivent, et j'inviterais maintenant le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec à se présenter. Pour la plupart, nous vous reconnaissons, nous vous disons bonjour, mais, pour les fins du Journal des débats , s'il vous plaît, voulez-vous vous identifier?


Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ)

M. Caron (Robert): Oui, rebonjour, M. le Président. On s'est vus il n'y a pas si longtemps. Alors, à ma gauche, la première vice-présidente, Isabelle Albernhe, et, à ma droite, le troisième vice-président du SPGQ, Rénald Desharnais. Je n'ai pas de document à déposer cette fois-ci, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Ha, ha, ha! Vous avez la mémoire longue, monsieur.

M. Caron (Robert): Bien, il faut apprendre de nos expériences. Alors...

Le Président (M. Pinard): C'est ça.

M. Caron (Robert): ...j'ai bien pensé que, si j'avais à redéposer des documents, on vous le signifierait avant.

Le Président (M. Pinard): Merci.

M. Caron (Robert): Alors, je vous remercie de nous donner l'occasion, encore une fois, de donner notre point de vue sur le projet de loi modifiant la Loi sur le ministère du Conseil exécutif concernant l'éthique et la déontologie. Je tiens à vous le dire tout de suite que, quand on a écrit notre mémoire, nous n'avions pas le projet de règlement. C'est la raison pour laquelle on émet des critiques assez générales. Évidemment, depuis ce temps-là, on s'est procuré le projet de règlement – on pensait qu'il n'était pas disponible. Des fois, je vais sortir un peu de mon texte – ne vous surprenez pas, évidemment, vous avez reçu le mémoire – pour aborder des points particuliers du projet de règlement.

Alors, même si nous ne sommes pas directement touchés par le projet de loi, la question de l'éthique et de l'intégrité de l'administration publique nous préoccupe depuis longtemps. Il faut dire quand même que ça nous concerne au plus haut point, puisqu'on est conscients que la perception que la population a de son administration publique déteint sur tout le personnel.

La question de l'éthique et de l'intégrité des administrateurs publics nous interpelle encore plus dans le contexte difficile que nous connaissons actuellement dans la fonction publique. Même si le gaspillage des fonds publics ne se justifie en aucun temps, il faut convenir que la médiatisation de certaines situations, par exemple des conflits d'intérêts, la double rémunération – vous allez voir que ça nous préoccupe – les doubles standards, le favoritisme dans certains cas, cette médiatisation de certaines situations les rend encore plus scandaleuses et commande que l'État intervienne pour appliquer le plus rigoureusement possible, par lois et règlements, les plus hauts standards touchant l'éthique, la probité et l'intégrité des administrateurs publics. Nous pensons que le législateur semble avoir compris cette préoccupation. Voilà pourquoi nous appuyons la démarche générale entreprise dans le projet de loi n° 131.

Le SPGQ entend faire devant cette commission une critique constructive du projet de loi, espérant ainsi contribuer activement à la mise en place d'une plus grande transparence et imputabilité des administrateurs publics ainsi que de l'ensemble du personnel de la fonction publique. C'est avec cette préoccupation, mais aussi sous l'angle du service à la population que le SPGQ va contribuer au présent débat. Voilà pourquoi nous amènerons des propositions originales, qui visent à mieux servir l'intérêt public.

Nous croyons aussi pouvoir enrichir le débat du fait de notre statut professionnel. Dans la fonction publique, comme vous le savez, nous sommes encadrés nous-mêmes par la Loi sur la fonction publique et ses règlements, et parfois par des règlements des corporations professionnelles qui régissent les conditions d'exercice du travail professionnel de certaines professions. De plus, de par notre position privilégiée dans l'appareil d'État, nous sommes étroitement impliqués dans des projets majeurs gouvernementaux et assez près des centres de décision gouvernementale. À ce titre, nous sommes à la fois des acteurs et des observateurs des actes de l'administration publique et de la gestion gouvernementale. C'est pourquoi, d'ailleurs, à maintes reprises et de diverses manières, nous avons alerté l'opinion publique sur des questions qui touchent l'éthique, la probité et l'intégrité des fonctionnaires fédéraux – excusez, c'est un autre débat, ça – provinciaux dans l'appareil d'État. C'est riches de cette expérience que nous entendons témoigner devant cette commission.

D'une certaine manière, on peut dire que le syndicat, le SPGQ, prend partie aussi pour la population, qui demeure exigeante à l'égard des services publics et qui s'attend à ce que les fonctionnaires, à tous les échelons de l'administration publique, soient de la plus grande probité et d'une intégrité sans faille au service de la collectivité.

Malgré l'évolution de l'État québécois ces 30 dernières années, évolution qui a fait de notre fonction publique une des plus modernes dans le monde, le gouvernement n'a pas encore cru bon d'instituer un code d'éthique et de déontologie qui s'applique à tous les administrateurs d'État et à l'administration publique. Ces dernières années, l'absence de règles claires pour l'administration publique a conduit à des situations que nous n'hésitons pas à qualifier d'abus dans le contexte budgétaire difficile que l'on connaît, non seulement dans l'administration publique, où il ne se passe pas une semaine, finalement, sans qu'on annonce des coupures majeures, mais aussi dans la société québécoise, où la précarité et l'exclusion constituent le lot de plus en plus de personnes et de groupes sociaux. Comme le souligne avec beaucoup de pertinence le Groupe de travail sur l'éthique, la probité et l'intégrité des administrateurs publics – et, là, je cite une partie du rapport du Groupe de travail: «On ne peut ignorer la présence de symptômes clairs qui témoignent d'une crise de confiance des citoyens envers l'administration publique. Cette crise de confiance est exacerbée par la médiatisation occasionnelle de certains comportements dérogatoires.» Le groupe souligne, de plus, que «les attentes [sont] plus grandes à l'égard des gestionnaires de biens publics dans des contextes difficiles».

Alors, à l'instar du Groupe de travail, nous croyons que l'administration publique n'est pas une administration comme les autres et qu'un contrat social impose un lien de confiance particulier entre l'État et les citoyens. Ce contrat social doit être reflété dans les lois qui encadrent le travail des administrateurs publics, notamment pour tout ce qui touche l'éthique, la probité et l'intégrité des administrateurs d'État. Malheureusement, le projet de loi, et le projet de règlement aussi, occultent, à notre avis, des parties importantes du rapport du Groupe de travail sur l'éthique. Notre propos, en plus d'amener un point de vue critique des articles du projet de loi, portera sur les aspects du rapport qui ne se retrouvent pas dans le projet de loi et aussi dans le projet de règlement, et sur d'autres questions qui concernent le même sujet.

Les objectifs du législateur dans le projet de loi n° 131 sont certes louables, mais les moyens proposés manquent de rigueur et ne vont pas assez loin. On ne peut pas dire ça, quand même, de toutes les questions qui sont abordées. Quand on a pris note du projet de règlement, on s'est aperçu que, sur des questions comme l'indemnité de départ, dans le projet de loi, bien, on ne voyait pas des indications précises; dans le projet de règlement, là, on voit, par exemple, que c'est pas mal plus clair, et je pense que ça couvre à peu près toutes les situations.

Mais on tient à le répéter quand même: la pertinence d'une législation visant à établir un cadre institutionnel spécifique à la haute fonction publique s'impose. De toute évidence, ce cadre institutionnel doit comprendre un certain nombre de règles strictes à l'intérieur desquelles les administrateurs publics devront s'acquitter de leurs responsabilités. Nous sommes d'avis que, dès lors que les fonds publics sont en cause, les administrateurs publics, quel que soit le réseau d'où ils proviennent, doivent être soumis aux mêmes règles, et à des règles strictes. Il ne doit pas y avoir de modulation en fonction du financement complet ou partiel, par exemple, à même les fonds publics.

(18 heures)

Finalement, ce qu'on souhaiterait, c'est faire échec aux doubles standards. Il existe un certain nombre de modèles, et on voit, de toute façon, que dans le projet de règlement on a tenu compte de ces modèles-là, en particulier la Loi sur la fonction publique, dans les articles 4 à 12. D'ailleurs, la Loi sur la fonction publique nous semble plus précise que le projet de loi lui-même. Autrement dit, il y en a plus dans la Loi sur la fonction publique qu'il peut y en avoir dans le code d'éthique et de discipline qui en découle, tandis que, dans le modèle qu'on étudie, il y en a très peu dans le projet de loi, et tout est dans le projet de règlement. C'est ça qu'on a constaté, finalement. C'était la critique qu'on a posée au point de départ. Quand on a vu le projet de loi, on s'est dit: Bien, là, on ne sait pas vraiment ce que ça veut dire, on ne sait pas vraiment quelle est l'intention du législateur. Sur la rémunération, où s'en va le gouvernement en termes d'éthique? Sur les indemnités, la même chose.

À titre d'exemple, la Loi sur la fonction publique détermine les conditions du service en édictant les normes d'éthique et de discipline applicables à tous les fonctionnaires. Alors, dans la loi, on parle de la loyauté, de l'impartialité, de la discrétion, des conflits d'intérêt, de la neutralité politique ainsi que des cas d'abus de confiance. Et, si je ne m'abuse, même dans la Loi sur la fonction publique, on précise les sanctions possibles. Alors, dans le cas qui nous préoccupe, pour les fonctionnaires, ces dispositions sont applicables à l'ensemble des fonctionnaires et elles s'appliquent également aux administrateurs d'État nommés en vertu des articles 55 à 63 de cette loi. Ces administrateurs d'État sont également des administrateurs publics au sens du projet de loi n° 131. Or, il nous est difficile de comprendre pourquoi le projet de loi établit un double standard en assujettissant les administrateurs d'État qui se qualifient comme étant des administrateurs publics aux normes d'éthique prévues par la Loi sur la fonction publique en plus de celles qui seront édictées en vertu du projet de loi n° 131, sans que les autres administrateurs publics ne soient soumis aux mêmes règles.

En outre, le fait de laisser le soin au gouvernement de décréter, par règlement, les normes applicables aux administrateurs publics sans que la loi ne puisse établir un régime général et applicable à tous nous semble dangereux. En effet, dans notre système de démocratie parlementaire, les principes sont généralement établis par le législateur et les normes d'application sont laissées au soin du pouvoir exécutif. Ainsi, une loi habilitante autorisera le gouvernement à déterminer les normes qui s'appliquent en fonction des règles qui auront été établies par loi.

Je reviens au projet de loi n° 131. Le projet de loi donne au gouvernement une latitude complète quant à l'établissement de normes d'éthique et de déontologie, lesquelles pourront faire l'objet de modifications au gré du Conseil des ministres. Il nous apparaîtrait plus transparent que la loi établisse les conditions du service d'une façon analogue à celles prévalant dans la fonction publique. Si ces règles d'éthique et de discipline sont applicables aux administrateurs d'État en vertu de l'article 63 de la Loi sur la fonction publique, il nous apparaît difficile de comprendre pourquoi ces mêmes règles ne pourraient pas être également enchâssées dans une loi pour être applicables à l'ensemble des administrateurs publics, puisque ces derniers sont aussi appelés à gérer des fonds publics. Je pense qu'on l'a dit précédemment, ce qu'on souhaite, c'est un même régime pour les autres secteurs de l'administration publique. Alors, on fait référence, évidemment, à ce qui est prévu dans le projet de loi et qui touche les secteurs de la santé, de l'éducation et des universités. Je passe rapidement sur cette question-là.

Le respect des règles à l'expiration du mandat. Le projet de loi contient des dispositions qui ne se retrouvent pas dans la Loi sur la fonction publique et qui, mis à part la critique générale que nous avons formulée précédemment sur la portée générale de la loi, sont intéressantes. Par exemple, à l'article 3.0.2, deuxième alinéa, le législateur prévoit que les administrateurs publics seraient tenus de respecter les règles édictées après l'expiration de leur mandat pour une durée prévue au règlement. Nous appuyons là l'intention du législateur. Selon nous, la loi devrait prévoir, en toute transparence, les modalités d'application de cet article. Après avoir écrit le mémoire, on a vu que, dans le projet de règlement, on prévoit beaucoup de situations. Ce qu'on pense, c'est qu'il serait possible d'inclure ça dans la loi.

Sur la question de la rémunération, le projet de loi prévoit, à l'article 3.0.2, troisième alinéa, que des règlements pourraient «régir ou interdire certaines pratiques reliées à la rémunération des administrateurs publics». Là encore, le gouvernement est tenu à la plus grande transparence pour éviter des abus. Là, on note aussi que, dans le projet de loi, sur cette question-là, il y a des dispositions qui sont assez précises. Mais on pense que ça pourrait – on se répète un peu, mais je pense que c'est important pour ce qu'on a dit précédemment – se retrouver dans la loi.

Le Groupe de travail sur l'éthique, la probité et l'intégrité des administrateurs publics fait des propositions fort pertinentes sur la rémunération. Il recommande, entre autres, que le gouvernement cesse d'utiliser la technique de l'allocation de départ au terme du contrat d'un administrateur public à temps plein. Sans trop élaborer sur la question, précisons qu'une indemnité de départ peut se justifier dans certains cas – et je pense que le projet de règlement en fait état – sauf que nous nous opposons à une indemnité de départ automatique prévue dans les conditions du contrat, ce que le Groupe de travail appelle, à juste titre, une rémunération oblique, qui constitue, somme toute, une rémunération supplémentaire déguisée.

Je ne rentrerai pas dans les détails du projet de règlement, parce qu'on prévoit toutes sortes de situations. Je pense qu'on prévoit, entre autres, un délai d'un an si la personne ne revient pas à un emploi dans l'administration publique. Écoutez, on n'a pas réfléchi longtemps à la question, mais je vous soumets quand même qu'on pourrait appliquer la même règle qu'on applique pour les cas de retraite, appelons ça, même, de préretraite, dans les cas où les personnes acceptent une indemnité de départ par laquelle on les oblige à ne pas revenir dans la fonction publique dans les deux ans qui suivent, finalement, le versement de cette indemnité de départ. Alors, la règle du deux ans, même s'il n'est pas question nécessairement de retraite permanente dans le cas des personnes qui quittent la fonction publique ou qui quittent la fonction, cette règle-là, en tout cas, pourrait peut-être être étudiée par le législateur.

Je ne veux pas entrer trop dans les détails sur cette question-là, mais il y aurait peut-être lieu, par exemple, malgré tout, de se poser la question de l'opportunité de donner une indemnité de départ pour, je dirais, des administrateurs publics qui, le plus souvent, même quand ils retournent dans le secteur privé, n'ont pas tant de difficultés que ça à se trouver des emplois. Je pense que ça concerne l'éthique. On n'a pas étudié suffisamment la question pour avoir une position tranchée et dire: Bien, écoutez, on voudrait abolir toute indemnité de départ. Ce qu'on dit, c'est que la rémunération oblique est à proscrire, et, pour ce qui est des indemnités, bien, là, il faudrait peut-être faire un débat qui tient compte du contexte actuel – je pense qu'on en a déjà parlé – un contexte qui est difficile, où on demande à tout le monde de se serrer la ceinture, où on doit donner l'exemple, aussi, dans la fonction publique.

Il est question aussi de doubles standards. D'ailleurs, sur cette question-là, pensons qu'il y a... Et, là, je pense qu'on touche en même temps au phénomène de la double rémunération ou du «double-dipping», en anglais. Mais, là, il est question, vraiment, de doubles standards du point de vue du salaire, de la rémunération, puis du point de vue, aussi, de la retraite, parce que, pour les cas qui font peut-être beaucoup les choux gras des journaux de ce temps-là, ce qu'on entend le plus souvent, c'est que c'est des personnes qui touchent soit leur pleine pension, soit la moitié, c'est-à-dire la partie pour laquelle ils ont contribué, mais à des conditions qui ne sont pas celles du régime public de retraite, le Régime de rentes du Québec, ou même des régimes complémentaires. Et ça veut dire que, à ce point de vue là, même si aujourd'hui on ne peut plus nécessairement parler de retraite permanente même avec le régime public, il reste qu'on ne devrait pas, quand même, encourager ce qu'on pourrait appeler des doubles standards en matière de retraire ou en matière de rémunération dans la fonction publique ou dans l'administration publique.

Par ailleurs, je vous soumets aussi qu'il faut se demander s'il est normal que certains administrateurs, en additionnant leur pension ou leur demi-pension à leur traitement, soient rémunérés beaucoup plus généreusement que le premier ministre et ses ministres, puis, à la rigueur, je dirais, que...

Une voix: Que les députés, vous pouvez le dire.

M. Caron (Robert): ...les députés en cette Chambre...

Mme Malavoy: N'hésitez pas, n'hésitez pas.

M. Caron (Robert): On ne passera pas un vote là-dessus, mais je sens qu'il y aurait peut-être...

Une voix: Unanimité.

M. Caron (Robert): ...unanimité.

Le Président (M. Pinard): Je vous rappelle la pertinence des débats.

(18 h 10)

M. Caron (Robert): Oui, je vous remercie. À ces coûts-là, il serait peut-être plus justifié de recruter du sang neuf parmi les fonctionnaires de carrière et de laisser la place à la relève. Le législateur doit mettre fin à ces avantages qui entretiennent le cynisme de la population à l'endroit non seulement des administrateurs publics, mais aussi de toute la fonction publique. Et il faut penser aussi que l'administrateur public aura toujours à choisir entre relever un nouveau défi ou prendre une retraite même temporaire. C'est possible aujourd'hui de partir en retraite pour une période déterminée et de revenir au travail. Il y a plus de souplesse maintenant dans le système, on pourrait dire, qu'il y en avait il y a une dizaine, ou une quinzaine, ou une vingtaine d'années. Étant donné que la rémunération et les indemnités de départ sont la partie la plus visible des conditions de travail des administrateurs d'État et des administrateurs publics, nous proposons que des règles précises et d'application universelle soient définies dans la loi.

Finalement, aussi, on veut appliquer le principe, qui est connu en droit, du non-enrichissement sans cause. Le projet de loi prévoit enfin à l'article 3.0.4 que «quiconque reçoit un avantage comme suite à un manquement à une norme d'éthique ou de déontologie établie en application de la présente section est redevable envers l'État de la valeur de l'avantage reçu». On est d'accord avec cette disposition qui respecte le principe déjà énoncé.

Nous considérons aussi qu'il y a des oublis importants. L'avant-projet de loi omet d'inclure des éléments majeurs qui font partie des recommandations du rapport du Groupe de travail sur l'éthique, la probité et l'intégrité des administrateurs publics. Une première recommandation est à l'effet que le gouvernement rende publiques ses modes de sélection des administrateurs publics occupant un poste d'administrateur d'État. Cette recommandation, quant à nous, est pertinente quand on sait qu'une grande partie des administrateurs publics sont soit choisis de façon discrétionnaire, soit nommés par le pouvoir politique, donc soustraits au régime général prévu par la Loi sur la fonction publique. Sous le dernier gouvernement, plus de 300 personnes associées de près au parti au pouvoir ont été nommées à des postes stratégiques de l'administration publique québécoise. Parmi ces personnes, on comptait 64 ex-députés ou candidats, 140 ex-attachés politiques et 43 sous-ministres. Il ne semble pas que l'actuel gouvernement ait mis fin à cette pratique, et le projet de loi sous étude est muet sur le mode de recrutement des administrateurs d'État.

Comme vous voyez, il y en a pour tout le monde et on ne fera pas de politique sur cette question-là.

Une voix: C'est ça.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le président, je vous inviterais à conclure.

M. Caron (Robert): Oui, je vous remercie. Parce que je suis au bout de mon temps, c'est ça?

Le Président (M. Pinard): Oui.

M. Caron (Robert): D'accord.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Caron (Robert): Je pensais que c'était parce qu'on dérangeait.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Pinard): Voyez-vous, M. le président, je vous ai donné beaucoup de latitude.

M. Caron (Robert): Vous êtes bien gentil.

Le Président (M. Pinard): Je me suis même permis de vous donner plus de temps que prévu.

M. Caron (Robert): Bon, d'accord. Alors, écoutez, je vais passer très rapidement sur la clause de non-concurrence, qui est assez bien étayée, d'ailleurs, dans le projet de loi, et dans le projet de règlement surtout, d'ailleurs avec lequel on est d'accord, pour aborder la dernière question importante, c'est-à-dire la divulgation publique d'actes illégaux ou injustifiés, pour vous rappeler qu'il y a un projet de loi qui a déjà été déposé en 1992, à l'Assemblée nationale, sur cette question-là, par le député Bélisle, si je ne m'abuse, un projet qui, malheureusement, ne s'est pas rendu à terme. On pense que, quand il est question de fonds publics, il serait nécessaire qu'on puisse permettre la divulgation d'actes injustifiés ou d'actes illégaux. Le projet de loi était assez clair, d'ailleurs, sur les dispositions se rapportant à cette question-là. On pense que c'est une question aussi de transparence et que c'est une question très importante, et je pense que le Protecteur du citoyen, si je ne m'abuse, en a fait la proposition dans cette commission.

Alors, en conclusion, nous croyons avoir démontré que le législateur doit être plus précis dans les dispositions qu'il entend soumettre en amendement à la Loi sur le ministère du Conseil exécutif. Il y aurait peut-être lieu de ramener des éléments qui sont dans le projet de règlement dans le projet de loi. Alors, je serai disponible. Merci.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le président. Alors, M. le ministre.

M. Bégin: Je vous remercie infiniment pour votre mémoire. Je comprends que vous avez eu un peu plus de difficultés que d'autres, puisque, n'ayant pas le projet de règlement, évidemment, vous étiez placés devant une difficulté, c'est l'absence de texte à commenter. Je suis heureux de voir que le projet de règlement répond en bonne partie aux questions que vous aviez quand vous avez rédigé. On le voit maintenant, parce que, souvent, c'est des questions que vous avez soulevées qui trouvent réponse dans le règlement, peut-être pas une réponse à chaque fois satisfaisante à votre goût, mais au moins les éléments que vous vouliez voir s'y trouvent.

Vous avez parlé du fait, en particulier, que vous ne vouliez pas avoir un double standard au niveau des gens qui sont soumis à ça. Vous référiez à des financements en haut de 50 % ou en bas de 50 %, ou de majorité nommée ou pas nommée. Cependant, ça pose quelques problèmes, et je vais vous en soumettre un qui vient instantanément. Les commissions scolaires sont financées à 90 % ou à peu près, alors que les municipalités sont autofinancées par leurs propres taxes au même niveau, mais dans le sens inverse. Alors, les deux sont élus, mais dans un cas les fonds viennent directement du gouvernement, dans l'autre pas. D'autre part, dans certains cas, il y a des gens qui sont nommés qui viennent du privé et qui agissent à temps partiel, d'autres qui agissent à temps plein. L'administrateur public, il agit à temps plein. Alors, quand vous parlez de ces doubles standards là, est-ce que c'est à ces concepts que je viens d'énoncer que vous vous référez ou à autre chose?

Le Président (M. Pinard): M. le président.

M. Caron (Robert): Oui. Bien, écoutez, la population, elle, ne fait pas de distinction entre les administrateurs d'État qui proviennent d'un secteur ou qui proviennent d'un autre secteur. Ce qu'on dit, même si on est conscient qu'il est possible qu'il y ait plus d'une loi qui s'applique aux administrateurs d'État, c'est-à-dire que la Loi sur la fonction publique va s'adresser plus aux administrateurs d'État qui sont dans le giron de la fonction publique, il reste qu'on devrait avoir des règles communes et des règles strictes qui s'appliquent à tous les administrateurs d'État, quitte à ce que – puis, ça, on peut en convenir – dans les projets de règlement qui font état de cas de déontologie qui peuvent s'appliquer, évidemment, plus dans des secteurs particuliers, bien, là, on prévoie des distinctions. Mais, pour ce qui est de règles communes – et vous en faites état dans le projet de règlement – qui touchent, je dirais, les clauses de non-concurrence, les liens avec l'externe d'une certaine manière, la rémunération, il nous semble que ça pourrait aller dans un projet de loi qui s'applique à tous les administrateurs d'État.

M. Bégin: O.K. Vous avez pu voir, effectivement, par le règlement, que, à peu près ce que vous retrouviez dans la Loi sur la fonction publique – parce que c'est un commentaire important que vous faisiez, là – il y avait absence totale, puis je comprends votre surprise... On retrouve, je pense, même plus, dans le règlement actuel, qu'il y en a dans la Loi sur la fonction publique. Et, entre autres, vous avez mentionné, concernant les sanctions... Pourtant, je ne sais pas si ça vous a échappé, mais, dans le projet de règlement, il y a des sanctions qui sont prévues suite à des manquements au code de déontologie. Est-ce que ces sanctions vous apparaissent appropriées ou si vous pensez qu'on devrait être plus sévère ou moins sévère, je ne sais pas? Parce qu'on parle de réprimandes, on parle de congédiements et on parle de suspensions sans solde trois mois. Il y a trois alternatives, là.

M. Caron (Robert): Oui, ça, ça va. Mais, sous toutes réserves, je vous le dis, c'est que je pense qu'on devrait prévoir ces sanctions-là dans la loi.

M. Bégin: Ah!

M. Caron (Robert): Et c'est la différence, je pense, avec la Loi sur la fonction publique. Et vous avez raison quand vous dites que le projet de règlement prévoit plus de situations que la Loi sur la fonction publique n'en prévoit, et, d'ailleurs, à ce titre-là, on pourrait souhaiter que la Loi sur la fonction publique soit...

M. Bégin: On reprenne.

M. Caron (Robert): ...comme on dit, mise à jour, pour, justement, prévoir toutes les situations.

Je veux vous dire aussi qu'il y a une chose qui a attiré notre attention, c'est là où on parle de conseillers en déontologie et aussi des comités de déontologie, parce que, là, on n'en propose pas un en particulier. On aurait tendance à proposer un comité de déontologie qui soit extérieur à l'organisme. Évidemment, vous prévoyez, dans votre projet, que, quand c'est l'administrateur – comme, on va dire, le président de l'organisme – qui est en cause, c'est le secrétaire du Conseil exécutif qui agit. Ça, ça va, mais il me semble qu'on devrait appliquer le plus possible cette règle-là d'un comité de déontologie externe à l'organisme qui est sous étude, appelons ça comme ça.

M. Bégin: Vous connaissez cette possibilité, pour le député, d'avoir recours aux jurisconsultes dans des cas qui sont justement des cas d'éthique, là, pour savoir si on ne se met pas en conflit d'intérêts. Qu'est-ce que vous pensez de cette formule qui pourrait exister si on la prévoyait dans les administrations à l'égard des administrateurs publics?

Le Président (M. Pinard): Mme Albernhe?

M. Bégin: Est-ce que vous avez une idée là-dessus ou...

Le Président (M. Pinard): Mme Albernhe.

M. Bégin: Pas vraiment?

Mme Albernhe (Isabelle): Non. Pourriez-vous nous expliquer un petit peu plus la formule?

M. Bégin: C'est simplement que, avant de poser un geste qui, pour l'administrateur qui s'apprête à le faire, pose un problème – est-ce que je peux vraiment le faire ou ne pas le faire? – à ce moment-là, avant de poser le geste, il peut demander l'avis de ce qu'on appelle un jurisconsulte. C'est généralement, ici, un juge à la retraite qui donne une opinion, compte tenu des faits qui lui sont exposés, disant: Non, vous ne devez pas y aller, parce que vous avez tel et tel problème; ou, inversement, oui, vous devez y aller. Cependant, ce n'est pas à toute épreuve, là...

M. Caron (Robert): Oui.

M. Bégin: ...mais ça donne une très bonne indication. Est-ce que quelque chose de ce genre-là vous apparaîtrait...

(18 h 20)

M. Caron (Robert): Bien, je pense que, vous le dites vous-même, ce n'est pas à toute épreuve. Dans les situations qui touchent l'éthique, la probité, l'intégrité, il pourrait y avoir ce qu'on pourrait appeler un service-conseil, comme vous dites, là. Mais ce qui est important, c'est que la transparence soit dans le processus. Quand il y a une situation réelle ou potentielle de conflit d'intérêts, où on prévoit, dans le projet de règlement, qu'on peut faire un relevé provisoire de la personne, il faudrait qu'il y ait un comité externe qui analyse la situation, qui puisse même recommander une sanction. Et une idée avec laquelle on est tout à fait d'accord, d'ailleurs, dans votre projet de règlement, c'est que vous dites même que, dans le rapport annuel des organismes, on doit faire état des situations qui ont existé en cours d'année, qui touchent... Ça, on appuie ça à 100 %.

M. Bégin: Je ne voudrais pas vous faire dire ce que vous ne voulez pas dire, mais, compte tenu du fait que vous n'aviez pas le texte, est-ce que je dois dire que, de façon générale, maintenant que vous avez pris connaissance du projet de règlement, dans l'ensemble, ça vous convient, que, cependant, vous avez encore quelques observations spécifiques que vous voulez faire? Je ne veux pas vous faire dire que vous êtes d'accord. Mais c'est parce qu'on est dans une situation particulière, dans votre cas, puisque...

M. Caron (Robert): Oui.

M. Bégin: ...vous n'aviez pas le texte. Maintenant vous l'avez.

Le Président (M. Pinard): M. Caron.

M. Caron (Robert): Oui. J'ai quand même pu regarder comme il faut le projet de règlement, le comparer avec la Loi sur la fonction publique, ce qui nous permet de faire une critique de certains aspects assez pointus. De façon générale, pour ce qui est dans le projet de loi, mais surtout dans le projet de règlement, il y en a une bonne partie, vous avez compris, qui devrait être dans la loi. Ça va. Mais c'est quand même important de vous rappeler qu'il y a des choses importantes qui ne sont pas là. La partie du rapport Côté qui touche la sélection, pour des parties qui peuvent se trouver dans une loi ou dans un règlement, ça devrait être là. Ce n'est pas là. Et, ce qui touche la double rémunération, c'est un sujet qui est très actuel, ça, il faudrait que...

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Bégin: Là-dessus, vous savez que M. Bouchard a déclaré qu'il y avait un comité portant sur cette question qui avait été formé. C'est pour ça qu'on n'en parle pas, et ce rapport doit être déposé, je pense, le 15 mars au plus tard, ce qui fait qu'on n'a pas abordé spécifiquement cette question, mais ça fera l'objet d'une vision plus globale que simplement... Alors que, il y a quelques mois, ça ne faisait pas l'objet de critiques ou de discussions, bien, là, maintenant c'est devenu un problème. Je pense qu'il faut qu'on le regarde dans sa globalité, et on traitera de ce problème-là après coup. Alors, je vous remercie.

M. Caron (Robert): Est-ce que vous me dites en même temps que ça va être intégré dans la loi?

M. Bégin: Je ne dis pas ça. Pas nécessairement, peut-être que ça le sera, peut-être que ça ne le sera pas. Mais il est évident qu'on va avoir une vision plus globale et, là, on avisera s'il faut faire quelque chose de particulier. Je ne peux pas vous dire le rattachement. Va-t-il être fait par rapport à la loi sur l'éthique, à la loi sur l'Exécutif, une loi plus générale, une politique gouvernementale? Je ne sais pas, je ne peux pas conclure, mais sachez que ce n'est pas évacué, c'est simplement reporté à deux, trois semaines.

M. Caron (Robert): En tout cas, ce qu'on comprend, c'est que c'est une question incontournable pour le moins.

M. Bégin: Contournable?

M. Caron (Robert): Incontournable.

M. Bégin: Oui, oui, tout à fait.

Le Président (M. Pinard): J'espère, M. le président, que votre photographe ne vous dérange pas trop.

M. Caron (Robert): Pas du tout, je suis habitué.

Le Président (M. Pinard): Et, de la façon qu'elle procède, on va espérer que ce n'est pas un 36 poses.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Je vous avais dit, madame, qu'il faudrait que vous posiez le président avant.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: On peut vous offrir ce service-là si vous voulez.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Pinard): Vous savez, on a beaucoup de respect pour vous parce que vous êtes les seuls à qui la commission a permis d'avoir une illustration, qu'on va probablement avoir le plaisir de voir dans votre prochaine revue. Alors, du côté ministériel, est-ce qu'il y a d'autres questions? Merci. Alors, M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. Je veux juste peut-être revenir... D'abord un point. Tout à l'heure, le ministre mentionnait, disons, qu'on n'en parle pas, de la question de la double rémunération, parce que le premier ministre a fait un groupe de travail. Je veux juste signaler que, quand le projet de loi a été déposé, le 15 décembre, il n'était pas question non plus du groupe de travail, et on n'en parlait pas non plus dans le projet de loi. Alors, c'est la décision du gouvernement. Là, on nous a annoncé, il y a deux jours ou trois jours, qu'il y aura un groupe de travail qui se penchera sur cette question-là, mais, si on n'en parle pas dans le projet de loi, c'est que le gouvernement, le premier ministre, à ce moment-là, qui avait déposé le projet de loi, n'avait pas jugé opportun d'en discuter. Et ce n'est pas parce qu'il y a un groupe de travail qu'on n'en discute pas. Je veux juste rectifier ce point-là.

Je veux d'abord signaler aussi que vous êtes un des groupes qui avez peut-être attaché le plus d'importance aux oublis qu'on retrouve dans le projet de loi par rapport au rapport du Groupe de travail. Vous avez signalé plusieurs questions, entre autres, à la page 7, toute la question des modes de sélection et de renouvellement, les critères. À la page 6, vous faites... bon, le problème de la rémunération, du «double-dipping». Vous faites également référence, à la page 9, à un autre aspect, qui est celui de la divulgation d'activités injustifiées.

Encore là, je ne sais pas pourquoi le gouvernement n'a pas jugé opportun, dans son projet de loi, de tenir compte des recommandations que son Groupe de travail lui avait faites sur ces points-là. Je suis content de voir que vous avez attiré l'attention sur ces manquements-là, qui sont importants et qui, je comprends, devraient, dans votre esprit – et j'aimerais avoir une confirmation de votre part – faire partie du document, d'une politique, là, où il y aurait un code d'éthique et des règles de déontologie pour l'administration publique. Est-ce que c'est bien le cas, ça devrait être inclus, tous ces points-là, dans cette politique-là?

Le Président (M. Pinard): M. Caron.

M. Caron (Robert): Oui, tout à fait. Mais le premier commentaire à partir de ce que vous avez dit au début concernant la double rémunération et le fait qu'on ne retrouve pas ça à ce moment-ci, en tout cas, ce qu'on réalise, c'est que les choses évoluent rapidement. Cette question-là, on en parlait très peu il y a peu de temps, et puis il est arrivé que, à un moment donné, on en a parlé pour la raison qu'on sait, et, dans le fond, ce qui est bon, on se dit: Vaut mieux tard que jamais. Mais c'est, je le répète, une question incontournable et, en même temps, ça lance un signal, je pense, concernant ce qu'on appelle les doubles standards, parce qu'aujourd'hui on parle de la double rémunération, mais il y en a d'autres doubles standards. Et, là, je ne veux pas être hors d'ordre, M. le Président, j'ai bien vu que vous sourcilliez, mais il y en a d'autres doubles standards qui s'appliquent aux administrateurs d'État. Et on le voit dans les contrats qu'on a l'occasion de voir dans la Gazette officielle , par exemple, et, nous, nous croyons qu'il ne devrait pas y en avoir, dans le contexte actuel d'autant plus.

Évidemment, vous avez raison, sur la question de la sélection des administrateurs d'État, le processus n'est pas clair. Le rapport Côté va très loin, je pense, sur cette question-là, et il me semble que le projet de loi et même le projet de règlement devraient tirer profit de ces recommandations-là qu'on ne peut peut-être pas toutes inclure, j'en suis conscient, dans le projet de règlement, mais, autant que possible, il faut que le système soit beaucoup plus transparent qu'il ne l'est présentement.

Sur les activités injustifiées, là, on peut se montrer surpris que, sur cette question-là, on n'ait pas, je dirais, évolué au cours des années. Le projet de loi qui a été déposé, c'est en 1992, et il n'y en a jamais été fait mention par la suite, et pourtant ce n'est pas faute – nous-mêmes, le SPGQ, mais d'autres groupes – d'avoir soulevé des problèmes éthiques au niveau de la fonction publique et au niveau de toute l'administration publique.

M. Bordeleau: O.K.

Le Président (M. Pinard): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui, juste pour terminer la question de la rémunération, je veux juste avoir votre avis sur une opinion qu'a émise le Protecteur du citoyen. Il mentionnait que, dans le projet de règlement, il y a une section qui touche à la rémunération. Ce que le Protecteur du citoyen a recommandé, au fond, c'est peut-être d'extraire ça du projet de réglementation et de faire un débat beaucoup plus large sur toute la question de la rémunération. Bon, ça pourra déboucher sur des projets de loi ou autres, là, mais la position du Protecteur du citoyen disait: C'est une question complexe, et il y a toutes sortes d'éléments. On parlait des indemnités de départ, des allocations, du «double-dipping», etc. Il devrait y avoir un travail de réflexion fait, une consultation faite sur ce point-là et, éventuellement, une politique générale au niveau de la rémunération, et qu'on extraie ça de la question d'éthique et qu'on le traite avec toute l'importance que ça doit avoir, par la suite, pour arriver à quelque chose de concret aussi. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Caron (Robert): Bien, écoutez, moi, je suis d'accord avec le principe du débat public sur cette question-là, sauf que j'ai l'impression que le débat, il est déjà fait. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de voir Droit de parole sur cette question-là, où il y a eu un sondage – c'est un sondage qui n'est pas scientifique – mais je pense que l'opinion publique, là, s'est fait une tête très rapidement sur la question du «double-dipping». Je pense que, dans le contexte actuel, où on demande à tout le monde de se serrer la ceinture, ce n'est pas justifiable, la double rémunération. Et on peut le prendre au sens large, pas seulement les pensions de retraite ou les demi-pensions de retraite, mais toutes les conditions particulières qui sont différentes, les conditions qu'on donne aux employés du secteur public ou aux employés dans la société.

(18 h 30)

Alors, moi, je pense que le débat, pour répondre rapidement à votre question, il est déjà fait. C'est parce qu'on ne voudrait pas que ce soit une mesure dilatoire pour ne pas inclure, dans la législation, des dispositions claires qui interdisent le «double-dipping».

M. Bordeleau: Je voudrais juste revenir sur un point. Vous avez mentionné dans votre exposé, évidemment, toute la question des règles d'éthique qui sont incluses, pour les fonctionnaires, dans la Loi sur la fonction publique. Vous avez mentionné qu'il y avait quand même une certaine rigueur à ce niveau-là, qu'il y avait des règles très, très claires, très précises. Il y a d'autres organismes qui sont venus nous dire qu'il y avait aussi, par exemple dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux, des règles de déontologie, la Loi sur l'instruction publique, il y a des règles de déontologie. Alors, il y en a dans différents secteurs, et ça a été fait de façon à s'adapter, disons, aux réalités différentes, aux spécificités des différents contextes. Bon, évidemment, ça n'a peut-être pas toute la même rigueur partout, ça. Peut-être que ça devrait être encadré et approfondi, mais il y aurait possibilité de développer des codes de déontologie dans ces lois constitutives, comme ça a été le cas un peu pour ce qui est de la fonction publique. Alors, j'aimerais avoir votre réaction là-dessus, et aussi sur une autre chose.

C'est qu'il y a la CSD qui est venue aujourd'hui nous dire qu'elle était d'accord un peu avec l'approche du gouvernement, avec le projet de réglementation qui est soumis, et qu'eux autres souhaitaient que les fonctionnaires soient assujettis à ça et non plus aux dimensions de règles déontologiques incluses dans la Loi sur la fonction publique. Ils disent: Il devrait y avoir une seule règle, et les règles déontologiques pour les fonctionnaires ne devraient pas être celles qui sont dans la Loi sur la fonction publique, mais tout le monde, toute l'administration publique serait assujettie à ça. Je ne sais pas comment vous réagissez à cette proposition de la CSD.

M. Caron (Robert): Oui, bien, ça nous apparaît une question de modalité, parce qu'on peut prévoir que ça soit dans différentes lois. Encore que je pense qu'on devrait prévoir que ce soit dans une loi qui s'applique – on le répète, là – à tous les administrateurs d'État.

Mais je reviens sur votre question qui fait référence à la Loi sur la fonction publique, pour préciser que la Loi sur la fonction publique est quand même claire sur la question de l'impartialité, la discrétion, le conflit d'intérêts, la prohibition, c'est-à-dire le fait d'accepter de l'argent, là, quand on est fonctionnaire ou administrateur d'État, et aussi sur toute la question des règles qui concernent la réserve que doit avoir... la neutralité politique aussi, bon. Puis, en même temps, on prévoit aux articles 16 et 17 la mesure disciplinaire. Alors, dans le fond, ce qu'on pourrait dire pour résumer: le projet de règlement est plus clair dans celui qui est devant nous, qui est associé au projet de loi n° 131, sauf qu'il est plus mince dans la loi. Alors, on devrait inclure ça, vraiment, dans la loi.

Le Président (M. Pinard): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Ce que vous nous dites, au fond, c'est ça, c'est que la réglementation est plus développée là; malheureusement, elle n'est pas dans la loi. Et, vous autres, vous avez pu, au niveau de la fonction publique, le mettre dans la Loi sur la fonction publique. Alors, la même chose que les autres organismes nous ont dit aussi, c'est-à-dire qu'eux aussi ils l'ont mis dans leur loi constitutive et ils peuvent le développer là, le compléter. Et vous semblez dire, au fond: Ce qu'on a déjà, nous, là, c'est quand même bien, c'est dans la loi, ça a une certaine solidité, alors pourquoi ça ne serait pas la même chose pour les autres milieux, notamment le milieu de la santé et des services sociaux, les commissions scolaires, ces milieux-là, où ils l'auraient, ils développeraient, ça serait dans la loi, ça aurait plus de poids que dans la réglementation et ça serait fait en fonction de leurs caractéristiques à eux, ça serait leur code d'éthique, leurs valeurs bien adaptées à leur milieu, plutôt que d'arriver avec une loi, là, générale comme on a là et une réglementation à côté, où, là... Parce que vous semblez – je ne sais pas, à moins que j'interprète mal – être d'accord pour conserver la Loi sur la fonction publique comme elle est là, vous êtes satisfaits avec ça, la dimension éthique à l'intérieur. Par contre, vous dites: Bien, dans les autres milieux, les lois constitutives, ça devrait être une seule loi qui s'applique à tout le monde.

Le Président (M. Pinard): M. Caron.

M. Caron (Robert): Bien, je vais être un petit peu plus précis. Je pense que la Loi sur la fonction publique pourrait tirer profit des aspects développés dans le projet de règlement qui touchent l'éthique. Autrement dit, elle devrait, elle aussi, être mise à jour. Bon. Et, sur les éléments qui sont dans le projet de loi, qui sont assez complets sur la question de rémunération, conflit d'intérêts, indemnités de départ, on pense que ça devrait se retrouver dans la loi.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui, M. le Président. Alors, je tenais à souligner à quel point j'étais content et heureux de constater que vous avez abordé la question du «whistle-blowing» dans plus de détails que plusieurs autres intervenants. Le Protecteur du citoyen, lors de sa présentation, a également abordé le sujet, et c'était très intéressant, car, lorsqu'il est venu devant cette commission, il y a deux ou trois semaines, on regardait son rapport annuel, puis il était plutôt froid à l'idée, il avait des réticences, mais il nous expliquait qu'il avait une rencontre prévue avec plusieurs autres ombudsmans de partout en Amérique du Nord et qu'il nous reviendrait là-dessus. Et on était fort contents de constater que sa pensée avait évolué à ce sujet et qu'il trouvait effectivement que ça méritait maintenant une étude appropriée.

Je vais me permettre de lui signaler l'excellent article paru dans le numéro de décembre 1995 de votre revue, parce que vous faites vraiment un excellent survol de la question. Vous venez de mentionner certains aspects, mais il y a un petit aspect là-dedans que je vais me permettre de souligner à mon collègue, le ministre de la Justice.

«Plus récemment, en mai 1994, le député bloquiste, Pierre de Savoye, déposait à la Chambre des communes le projet de loi C-248 afin de modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne, le Code canadien du travail et la Loi sur l'emploi dans la fonction publique pour protéger les dénonciateurs de fautes graves dans leur emploi.

«En protégeant les employées et employés qui agissent de bonne foi, le projet de loi reconnaît que l'intérêt du public exige parfois que l'on encourage les employées et employés à vendre la mèche, notamment quand la santé et la sécurité du public sont en jeu.

«Rejeté en première lecture par les libéraux, ce projet de loi n'aura pas de suite. Pourtant, on se rappellera que, lors de la dernière campagne électorale, le Parti libéral du Canada avait lui-même promis un projet de loi pour protéger les dénonciateurs. Les bloquistes ont toutefois l'intention de déposer un nouveau projet de loi, dans le but, cette fois-ci, de rallier la majorité.»

Maintenant que celui qui était le chef du Bloc québécois à l'époque est le patron du ministre de la Justice, peut-être qu'il va avoir un peu de suite dans les idées. Comme on dit en anglais: «What is sauce for the goose is sauce for the gander.» Alors, j'ai hâte de voir si M. Bouchard et ses nouveaux collègues, ici, dans la Vieille Capitale, ont toujours à l'esprit les mêmes grands et nobles principes qui ont présidé à leur présentation du projet de loi C-248, à Ottawa. Et, au cours des prochaines semaines, sans doute, on va avoir l'occasion de voir si le ministre de la Justice a trouvé ça suffisamment intéressant pour l'inclure dans son projet de loi.

Je voulais juste vous demander: À propos de cette notion de «whistle-blowing», il y a différentes nuances qui sortent. Dans l'exemple qu'on vient de donner, on mentionnait surtout la santé et sécurité du public. Dans d'autres cas, aux États-Unis, le «whitle-blowing» est utilisé surtout pour le gaspillage de fonds publics. Dans d'autres versions qu'on a vues, on parle surtout d'actes illégaux. Est-ce que, à votre sens, ça devrait aller jusqu'à inclure des jugements d'opportunité sur la manière que c'est dépensé, si la dépense est légale?

M. Caron (Robert): Évidemment, on ne souhaite pas tomber trop facilement dans des jugements de valeur, mais, dans le contexte budgétaire dans lequel on se situe, on n'a pas voulu aussi restreindre aux activités illégales. On pense que, parce qu'il est question de fonds publics, on parle d'activités injustifiées. Alors, quand il est question de gaspillage et que c'est facilement démontrable qu'il y a eu gaspillage, il me semble que ça doit être porté à l'attention de la population, et je pense que c'est l'objectif qui doit être couvert par un projet de loi de ce type-là.

M. Mulcair: Maintenant, une dernière question. Vous l'avez effleurée un peu dans votre présentation, mais je ne pense pas qu'on soit arrivé à une réponse définitive là-dessus, puis je voulais juste avoir un peu votre sentiment là-dessus. Vous avez mentionné que vous avez plusieurs membres qui sont obligatoirement membres d'un ordre professionnel pour exercer leurs fonctions. On peut penser aux ingénieurs... ils ne sont peut-être plus avec le SPGQ, les ingénieurs?

M. Caron (Robert): Il y en a encore.

M. Mulcair: Il y en a encore, O.K. Les arpenteurs-géomètres...

M. Caron (Robert): Oui.

M. Mulcair: ...font partie de votre syndicat, des groupes comme ça.

M. Caron (Robert): Oui.

M. Mulcair: Vous citez bien les règles qui existent déjà dans la Loi sur la fonction publique; on s'apprête à légiférer à nouveau avec des règles qui vont se trouver dans la Loi sur le Conseil exécutif; on va avoir les règles issues des ordres professionnels. Est-ce qu'il n'y a pas un risque, avec tout ça, qu'il y ait une éventuelle confusion et conflit des règles qu'on est en train de mettre en place?

M. Caron (Robert): Je sais que je parle à un spécialiste des professions, alors...

Des voix: Ha, ha, ha!

(18 h 40)

M. Caron (Robert): ...moi, je ne pense pas qu'il y ait un problème de juridiction entre des règlements qui s'appliquent à ce qu'on pourrait appeler les... qui s'appliquent aux professions, les codes de déontologie et puis les lois qui encadrent, quand même, toute la question de l'éthique, la probité et, surtout, l'intégrité. Dans ce cas-ci, on parle des administrateurs publics; on peut parler aussi des fonctionnaires en général.

M. Mulcair: O.K.

M. Caron (Robert): Alors, je ne crois pas que... En tout cas, ça ne doit pas être un frein qui ferait en sorte qu'on ne prévoirait pas de dispositions qui ne s'appliqueraient pas dans le cas d'activités injustifiées.

M. Mulcair: Je ne sais pas si vous vous souvenez de ce cas, à Montréal, voilà deux ans environ, où on avait un ingénieur responsable du dépotoir Miron qui avait dit que c'était dangereux pour le public, de la manière que c'était fait là. Il s'est fait relever de ses fonctions, muter. Il a combattu avec l'aide... d'une manière intéressante, l'Ordre des ingénieurs l'a aidé, disant que non, non, ce gars-là, il tenait son bout, c'est dans son code de déontologie, il doit respecter les règles concernant la santé et la sécurité du public. Et je pense que, peut-être, effectivement, dans des cas comme ceux-là, si on avait des règles comme ce que le gouvernement nous propose ici, éventuellement il y aurait un effet de refroidissement vis-à-vis de quelqu'un qui aurait pu, normalement, s'appuyer sur son code de déontologie professionnel pour dire: Non, non. Ça, là, je ne ferai pas ça, je n'ai pas le droit, ce n'est pas correct. Je...

M. Caron (Robert): Et d'autant plus que, nous, on...

Le Président (M. Pinard): Brièvement, M. le président.

M. Caron (Robert): Oui. On va plus loin, nous, que les codes de déontologie qui s'appliquent aux professions. On a beaucoup de professions, nous, où les professionnels n'ont pas de corporation...

M. Mulcair: O.K.

M. Caron (Robert): ...les sociologues, par exemple.

M. Mulcair: Oui.

M. Caron (Robert): Bon. Et les questions, ce ne sont pas toujours des codes d'éthique se rattachant à la profession. Souventefois, ça peut être des cas de gaspillage, purement et simplement. Et je pense qu'on ne doit pas restreindre aux questions qui touchent les professions comme telles.

M. Mulcair: O.K. Merci beaucoup.

M. Caron (Robert): Merci.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Chomedey. En terminant, M. le ministre, brièvement.

M. Bégin: Oui, M. le Président. Mon collègue de Chomedey vient de nous inviter à être cohérents, entre le premier ministre et moi-même, concernant le «whistle-blowing». Je voudrais juste faire remarquer que les libéraux fédéraux et les libéraux provinciaux s'entendent au moins sur une chose, c'est qu'ils sont contre ça au fédéral, puis, au Québec, ils retirent le projet de loi qu'ils ont déposé le 18 décembre 1992, qu'ils n'ont jamais adopté, et qui se lit comme suit, M. le Président:

«Ce projet de loi a pour but de favoriser la divulgation de toute activité injustifiée d'un organisme public ou d'une entreprise liée par contrat à cet organisme public par toute personne qui est à l'emploi d'un organisme public ou qui est engagée par contrat par cet organisme public, ainsi que par toute personne qui est à l'emploi d'une entreprise liée par contrat avec un organisme public.

«Le projet prévoit aussi des règles pour préserver l'anonymat de la personne qui divulgue une telle activité injustifiée ainsi que la confidentialité des renseignements qu'elle a fournis. Le projet prévoit en outre, par ailleurs, qu'il sera interdit à un organisme public d'imposer une sanction à une personne à son emploi pour le motif qu'elle aurait divulgué une activité injustifiée.»

Ça, ça a été déposé le 18 décembre 1992, volume 32, n° 68, page 4966. Voilà les gens qui nous font la morale.

Le Président (M. Pinard): M. Chomedey...

M. Bégin: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Pinard): ...M. de Chomedey.

M. Mulcair: M. le Président, j'avais effectivement en main le projet de loi, et je le trouve intéressant, et, si le ministre veut le reproposer, je vais me faire un plaisir...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: ...de me lever en Chambre pour le seconder. Mais je comprends qu'étant de sa formation politique il comprend à quel point ça peut être délicat, ces questions-là, parce qu'il y a un ancien membre de sa formation politique qui a démissionné parce qu'il trouvait que ça allait à l'encontre de son code de déontologie de l'Ordre des comptables agréés de signer des faux états financiers qui étaient préparés par son gouvernement.

Une voix: Oh! Oh!

Le Président (M. Pinard): Alors...

M. Caron (Robert): M. le Président, s'il vous plaît, est-ce que je peux... Un dernier souhait: Est-ce qu'on...

M. Bégin: ...condamné par la cour. Ha, ha, ha!

M. Caron (Robert): Est-ce qu'on peut espérer savoir quel gouvernement va oser adopter un tel projet de loi?

Une voix: Bon.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Pinard): Alors, M. Desharnais, Mme Albernhe et M. Caron, merci infiniment d'être venus déposer devant cette commission. Et, M. le président, avec toute la séance de photos dont vous avez bénéficié...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Pinard): ...on va vous souhaiter nos meilleurs voeux de succès dans votre prochaine campagne.

Des voix: Ha, ha, ha!


Mémoires déposés

Le Président (M. Pinard): Alors, juste avant...

Alors, à l'ordre! À l'ordre! Avant de procéder aux remarques finales, je dépose les mémoires de deux organismes qui n'ont pas été entendus, soit celui de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec ainsi que celui de la Caisse de dépôt du Québec. M. le secrétaire...

Alors, nous sommes maintenant rendus à l'étape finale, soit de procéder aux remarques de clôture, et j'inviterais le député de l'Acadie à bien vouloir débuter.


Remarques finales


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, effectivement, nous sommes déjà rendus à l'étape des remarques finales à l'issue de la consultation générale concernant le projet de loi n° 131 portant sur l'éthique et la déontologie dans l'administration publique.

Tout d'abord, j'aimerais profiter de l'occasion pour remercier mes collègues, membres de cette commission, pour leur travail durant ces deux jours de consultation. La qualité de leurs interventions a certainement permis de mettre en relief les nombreuses questions soulevées par une lecture attentive du projet de loi et du projet de règlement qu'a reçus en héritage le ministre de la Justice.

J'aimerais aussi remercier sincèrement tous nos invités, qui ont témoigné à leur manière de l'intérêt qu'ils manifestent à l'égard de leur responsabilité quant au rétablissement de ce lien de confiance nécessaire entre l'État et les citoyens. Nous avons entendu plus d'une quinzaine de groupes provenant de différents horizons. Nous avons écouté les représentants du milieu de la santé et des services sociaux, du milieu de l'enseignement, des commissions scolaires, du secteur universitaire, du milieu professionnel et du milieu des musées nationaux. Nous avons également été fortement impressionnés par le témoignage des représentants du patronat et du monde ouvrier, qui, pour une rare fois, semblaient être sur la même longueur d'onde quant à l'analyse de la proposition gouvernementale. Nous avons également entendu des commentaires très intéressants de la part du Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec et du Protecteur du citoyen. Le témoignage d'Hydro-Québec a permis aux parlementaires de mieux comprendre toutes les subtilités que suppose une loi sur l'éthique et la déontologie applicable aux sociétés d'État et à leurs filiales. Ce n'est pas tous les jours qu'on peut prendre connaissance de l'organisation corporative d'une société d'État comme Hydro-Québec et des intérêts qu'elle détient dans plusieurs compagnies, filiales de toute nature dont les activités ont certainement un impact sur le développement économique du Québec. Permettez-moi, M. le Président, de suggérer que le mémoire soumis devant cette commission par Hydro-Québec aurait avantage à être transmis à son président, Me Martineau, afin qu'il puisse en prendre connaissance et prendre connaissance des principes que son entreprise défend et se comporter dorénavant en conséquence.

À l'issue de cette consultation, il se dégage une impression assez juste d'une mise en forme d'un encadrement législatif mal rédigé et confus relativement aux valeurs d'éthique et de déontologie. Un projet fait à la sauvette, en vitesse, sans l'évidence d'une réelle volonté. Je le dis sans méchanceté, mais nous avons l'impression que le projet de loi visait davantage la galerie, en permettant au premier ministre de déposer un testament politique constitué plus d'intentions pieuses que de réalisations concrètes.

Rappelons, M. le Président, que le Groupe de travail mis sur pied par le ministre de la Justice, soit le Groupe de travail sur l'éthique, la probité et l'intégrité des administrateurs publics, a déposé un rapport très bien fait, qui devait servir de fondement à la rédaction de ce projet de loi. Or, M. le Président, il s'avère que, tout en dégageant un consensus quant à l'objectif poursuivi, le produit législatif de cette réflexion suscite des réserves généralisées de la part des partenaires du gouvernement, et ce, pour plusieurs raisons que nous tenterons de décrire succinctement.

On s'explique d'abord très mal que le gouvernement, voulant céder probablement à de faux impératifs d'urgence, n'ait pas fait appel à l'expertise des différents organismes dans la conception et la rédaction d'une proposition législative cohérente ainsi que respectueuse de l'apport et de la provenance des administrateurs, de leurs fonctions et des domaines particuliers dans lesquels ils oeuvrent, parfois à temps plein, parfois à temps partiel, parfois bénévolement et parfois avec rémunération. Nous nous retrouvons essentiellement avec un projet de loi et de réglementation tout à fait inapproprié, car il ne reconnaît pas la réalité complexe et diversifiée de l'administration publique et parapublique.

(18 h 50)

Deuxièmement, on s'explique mal, tout comme de nombreux intervenants l'ont fait également, certains oublis, volontaires ou non, dans la mise en place d'un encadrement législatif efficace et équitable visant l'éthique et la déontologie dans l'administration publique. En effet, il y a certains écarts importants entre les recommandations du Groupe de travail et le produit décevant que nous présente le gouvernement. Qu'il suffise de souligner le silence entourant la transparence du processus de sélection et de renouvellement des administrateurs publics, les règles et les compétences minimales pour postuler sur un poste nominatif et l'absence d'une politique gouvernementale claire de rémunération touchant les questions aussi sensibles que celle de la double rémunération. Le premier ministre Bouchard a récemment mis sur pied un groupe de travail sur le sujet, qui doit remettre un rapport le 15 mars prochain. L'opposition officielle surveillera de près le gouvernement dans le respect de ce délai et les suites qui y seront données.

Qu'il suffise aussi de souligner l'absence d'un dispositif protégeant la personne employée dans l'administration publique qui dénonce une situation inadmissible dont elle est témoin. Cette personne, M. le Président, en dénonçant une situation qu'elle considère contraire aux règles élémentaires d'éthique, de déontologie et de probité, risque des représailles de la part de son employeur, pouvant aller de la mise à l'écart jusqu'au congédiement, ce qui a malheureusement été le sort d'un certain nombre de gestionnaires du Secrétariat à la restructuration suite à leur dénonciation de la magouille caractérisant l'octroi de nombreux contrats, mise en évidence dans l'affaire Le Hir.

Il faudrait aussi que les sanctions et les réprimandes, qui peuvent être très radicales, suite à un comportement présumément fautif de l'administrateur visé soient associées à l'existence d'un forum dans lequel la réputation de la personne concernée ne soit pas mise en doute avant que la culpabilité ait été débattue dans le respect des règles élémentaires de justice naturelle. Certains, dont le Protecteur du citoyen, proposent l'ajout d'une procédure indispensable d'appel d'une décision disciplinaire.

On s'explique mal aussi la tentative du gouvernement d'avoir voulu limiter abusivement le pouvoir des administrateurs à temps partiel, et généralement non rémunérés, provenant du monde patronal et syndical, de parler publiquement des grandes questions à l'ordre du jour des organismes publics sur lesquels ils siègent. Les contraintes au niveau de la confidentialité et de la neutralité politique risquent de les empêcher de consulter leurs membres et de prendre position parfois publiquement sur les débats publics. Le gouvernement aurait dû au contraire favoriser les débats publics sur des questions aussi importantes que la santé et la sécurité des travailleurs et des travailleuses, le développement de la main-d'oeuvre, la formation professionnelle et même certaines questions qui concernent, par exemple, la Caisse de dépôt et placement. Les représentants des travailleurs et des employeurs qui siègent sur ces organismes doivent pouvoir, s'ils le jugent opportun, s'exprimer publiquement sur les grandes orientations, sur la performance et sur le rendement des sommes gérées ou dépensées par ces organismes gouvernementaux ou paragouvernementaux. Nous serons attentifs aux engagements que semble avoir voulu prendre le ministre sur cet aspect du projet de règlement lors des auditions.

En résumé, M. le Président, tout en étant d'accord avec l'objectif recherché de transparence et d'éthique dans la gestion publique, nous sommes déçus de la proposition gouvernementale. Nous nous questionnons sur les véritables intentions du gouvernement derrière le projet de loi n° 131. Encore une fois, le gouvernement risque de complexifier inutilement en superposant une loi additionnelle à de nombreuses lois et codes de déontologie déjà existants, notamment dans les secteurs de la santé et de l'éducation. Cette multiplicité des règles de conduite risque d'aboutir à des incohérences, à de l'incompréhension et à des difficultés dans l'application de règles élémentaires que tous les administrateurs publics devraient respecter.

De plus, nous avons raison de nous interroger et d'avoir des doutes sérieux sur la véritable intention du gouvernement péquiste quant à sa volonté d'encadrer l'éthique et la déontologie dans les secteurs public et parapublic. Comment croire un gouvernement qui, dans sa vision législative, va jusqu'à inscrire dans un projet de loi la neutralité politique de ses administrateurs publics, limoge les délégués du Québec à l'étranger qui n'acceptent pas de vendre la séparation du Québec et confie la Délégation du Québec à Bruxelles à celui qui accepte de faire allégeance publique à la cause? Comment croire un gouvernement qui, tout en disant rechercher la neutralité politique de ses administrateurs, récompense celui qui a accepté de présider une des fameuses commissions régionales sur la séparation en lui confiant le prestigieux poste de délégué du Québec à Paris? Comment croire, M. le Président, le premier ministre actuel, qui, tout en présentant un tel projet de loi favorisant la neutralité politique des hauts gestionnaires, se sent tout à fait à l'aise de se retrouver, lors de la récente élection dans La Prairie, aux côtés de sa candidate et du nouveau président de l'Office des personnes handicapées du Québec pour serrer des mains et faire campagne en faveur de la candidate péquiste?

Enfin, comment peut-on expliquer que le gouvernement, qui dit avoir confiance en ses administrateurs, vouloir leur donner plus d'autonomie dans la gestion et les responsabiliser davantage, puisse vouloir en même temps leur imposer un cadre éthique par voie législative, qui ne tient pas compte de la bonne volonté maintes fois démontrée à l'égard des valeurs éthiques et des particularités de leur milieu d'action respectif? Où est donc la cohérence de ce gouvernement et quel est son intention réelle quand nous sommes témoins de telles incompatibilités entre les gestes et le discours?

Si le gouvernement souhaite avoir l'appui de l'opposition officielle dans sa tentative de rétablir le lien de confiance entre l'État et le citoyen, il devra démontrer qu'il est lui-même capable de moralité et qu'il priorise les intérêts réels de tous les contribuables dans la gestion des affaires publiques. Il doit rejeter d'abord catégoriquement tout comportement, déjà observé dans le passé, qui démontre que tous les moyens lui sont permis, en dépensant les fonds publics quand il s'agit d'atteindre un objectif politique partisan.

Le gouvernement actuel devra faire sérieusement son propre examen de conscience quant à ses modes de fonctionnement, retirer ce projet de loi bâclé et en présenter un nouveau plus complet, après avoir consulté largement ses partenaires. Il devra préciser l'objectif réel visé par cette démarche, préciser quelles sont les clientèles concernées, expliquer clairement pourquoi il est nécessaire de passer encore par une autre mesure législative. Sinon, M. le Président, nous devrons conclure que ce gouvernement n'est pas sérieux, qu'il improvise et qu'il tente de faire de la diversion législative dans le seul but de faire oublier ses propres manquements à l'enseigne de la transparence et de la rigueur administrative dans la gestion des fonds publics. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le député de l'Acadie. Je cède maintenant la parole au ministre de la Justice.


M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, je retire de ces deux journées de consultation un bilan extrêmement positif, puisque je pense que tous les groupes et toutes les personnes qui sont venus devant nous reconnaissent la nécessité d'encadrer, au niveau législatif, l'éthique et la déontologie.

L'éthique et la déontologie sont des domaines peu fréquentés. Peu de gens ou de groupes ont véritablement rédigé et soumis des projets complets sur cette matière, même s'il en existe dans les faits. Mais, comme je dis, c'est un domaine peu fréquenté. Le but de la consultation de ces deux derniers jours était justement d'aller chercher l'apport et l'expertise de ces personnes et de ces groupes. L'opposition nous dit: On aurait dû les consulter avant. Je pense que nous avons fait nos devoirs en préparant un projet de loi ainsi qu'un projet de règlement très complexe, très complet. Et nous l'avons soumis à l'étude, à l'évaluation, à la critique – et c'est le but même de l'opération – pour que, effectivement, on puisse adopter par la suite et un projet de loi et un règlement qui soient satisfaisants et complets.

Tout ça, l'éthique, la déontologie, c'est d'abord de redonner confiance aux citoyens dans l'administration publique. Je pense que c'est une opération extrêmement importante, et les citoyens nous surveillent, et il faut qu'on donne un coup de barre à l'égard de certains comportements qui, dans le passé, n'ont peut-être pas toujours été adéquats. Et je pense que vouloir corriger la situation, c'est la bonne façon d'agir.

Certains groupes nous ont dit qu'ils préféreraient que l'éthique et la déontologie soient encadrées par leur propre loi plutôt que par une loi-cadre. En particulier, je réfère à la Fédération des commissions scolaires, qui voyait un rattachement inapproprié à l'ensemble des administrateurs publics, voyant dans ce rattachement une critique ou un blâme à l'égard de leur comportement, ce qui n'était absolument pas le cas. Et je pense qu'on a compris, tous et toutes, que, quand on leur a expliqué, ils étaient entièrement satisfaits.

(19 heures)

D'autres, comme le Protecteur du citoyen, ont préconisé le contraire, c'est-à-dire une loi-cadre, comme nous avons proposée et qui est sous étude depuis deux jours. C'est, je pense, aussi l'avis de la très grande majorité des gens ou des groupes qui sont venus nous parler à l'effet qu'on devait avoir une législation, une réglementation qui s'applique à tout le monde. Peut-être que la juste mesure entre la loi et le règlement... Parce que plusieurs sont venus nous dire qu'on devrait peut-être avoir une loi plus large, qui comprend plus de choses, et une réglementation qui en contiendrait moins, parce qu'elle migrerait de la réglementation au projet de loi. Et peut-être qu'on devrait écouter la sagesse de Mme Bishop, qui est venue nous parler et qui nous a dit: Dans un premier temps, dans les choses nouvelles, peut-être que c'est mieux de commencer pas un règlement, et, quand tout est bien ajusté, qu'on est certain que tout est bien, on l'inscrit dans la loi. Peut-être que c'est la sagesse, Mme Bishop.

Il est évident que certains aspects du projet de loi vont mériter un examen attentif, pour lesquels j'entends informer les collègues du Conseil des ministres. Par exemple, le cas de l'Université du Québec et de ses composantes, un traitement particulier par rapport aux autres universités ne s'avère pas justifié, sinon par le biais d'un rattachement, et nous pourrions donner tout à fait satisfaction sans un grand changement au projet de loi. Il faudrait regarder le statut particulier des commissions scolaires, étant donné ce que j'ai dit tout à l'heure, celles-ci voyant dans le rattachement une manière indirecte de les blâmer, alors qu'elles seraient tout à fait satisfaites d'avoir les même règles si elles étaient incluses dans la Loi sur l'instruction publique.

Aussi, j'ai déclaré aujourd'hui que j'entendais faire en sorte que soient clarifiées et balisées les questions de neutralité politique et du devoir de réserve, notamment en assurant aux administrateurs à temps partiel qu'ils ne seront pas assujettis au même devoir de réserve que les administrateurs à temps plein. Je pense que je l'ai dit à plusieurs reprises, la chose est très claire. Mais le même principe, et je l'ai dit aussi, et je le répète afin que ce soit clair, s'appliquera aux articles 5, 9, 14 et 16 du projet de règlement. Quant on fait la somme, d'ailleurs, M. le Président, de l'ensemble des critiques qui ont pu être faites à l'égard du projet de loi ou du règlement, vous remarquerez – je dirai un chiffre qui pourrait être critiqué à 5 % ou 10 % près... Je pense que, pour 80 % des gens, ça a porté sur l'article 6, l'article 5, et, quant au reste, ça se disperse dans l'ensemble de la réglementation. Ce qui me fait dire que, fondamentalement, il y a un problème, c'est l'article 6 et ceux qui touchent le même aspect, mais c'était non pas une volonté, mais une rédaction qui s'avère, à l'expérience et à la critique, insatisfaisante et qu'on devra corriger.

Je pense que, ça, c'est le bilan global du projet de loi. Les gens en sont satisfaits, ils trouvent qu'il devrait y avoir, à l'égard, entre autres, de l'article 6, des modifications importantes, qui vont être faites, et, quant au reste, c'est des ajustements qu'on va faire en tenant compte des critiques. Moi, je considère ça comme étant extrêmement positif. Le but, je le rappelle, ce n'est pas d'adopter le projet de loi ou d'adopter le projet de règlement, c'est de leur soumettre et d'entendre les critiques. Alors, quand quelqu'un vient proposer une modification ou dire que tel article ou tel autre article n'est pas satisfaisant, je ne vois pas ça comme étant un blâme, je vois ça comme étant un apport qui nous est fait pour bonifier un texte. Et qu'est-ce qu'on peut dire de mieux que merci à ces gens-là qui sont venus nous aider à travailler?

Alors, je remercie donc toutes les personnes et tous les groupes qui sont venus devant nous. Je remercie les membres de la commission qui ont travaillé de manière assidue et assez, comment je dirais, satisfaisante pour bonifier le projet de loi. Je remercierais aussi le personnel qui nous a accompagnés dans toute notre démarche, et je dis qu'on sera en mesure d'avoir un projet de loi et un projet de règlement qui seront un jalon important au Québec, puisque ce sera la première fois qu'on légiférera de manière complète sur l'éthique et la déontologie. Je pense qu'on pourra être fier de ce qui aura été fait. Alors, merci tout le monde et à bientôt.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le ministre. Alors, en terminant, moi aussi, pareillement, je tiens à remercier le critique officiel ainsi que le ministre et tous les députés qui ont participé aux deux jours de consultation, et merci infiniment, Alain, pour le support donné, ainsi qu'au personnel de soutien.

Alors, sur ce, la commission ayant complété son mandat, j'ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 19 h 5)


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