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Version finale

35e législature, 1re session
(29 novembre 1994 au 13 mars 1996)

Le mercredi 7 février 1996 - Vol. 34 N° 65

Consultation générale dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 130 - Loi sur la justice administrative


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Table des matières

Journal des débats


(Quinze heures sept minutes)

Le Président (M. Pinard): J'inviterais les députés à prendre place. Alors, je rappelle le mandat de la commission, qui est de procéder à une consultation générale et de tenir les auditions publiques dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative.

Alors, M. le secrétaire, voulez-vous, s'il vous plaît, annoncer les remplacements.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Malavoy (Sherbrooke) est remplacée par M. Côté (La Peltrie); Mme Signori (Blainville) par M. Laprise (Roberval); et M. Ciaccia (Mont-Royal) par M. Kelley (Jacques-Cartier).


Mémoire déposé

Le Président (M. Pinard): Alors, l'ordre du jour. Nous allons débuter nos travaux par l'Ordre des évaluateurs agréés du Québec, suivi à 16 heures par l'Association des évaluateurs municipaux du Québec. Je vous avise qu'Air Canada nous a expédié une lettre à l'effet qu'elle ne sera pas présente. Toutefois, vous avez reçu son mémoire. Alors, est-ce que vous êtes d'accord pour...

Une voix: Son mémoire vaut toujours?

Le Président (M. Pinard): Il vaut toujours, oui. Alors, l'adoption de l'ordre du jour.

Une voix: Oui.


Auditions

Le Président (M. Pinard): Merci. Alors, j'inviterais immédiatement l'Ordre des évaluateurs agréés du Québec à s'identifier tout d'abord et à identifier, Mme la présidente, les gens qui vous accompagnent. Par la suite, nous allons procéder de la façon suivante. Vous avez 20 minutes pour nous livrer votre mémoire. Par la suite, 20 minutes seront accordées au parti ministériel et 20 minutes à l'opposition officielle. Madame.


Ordre des évaluateurs agréés du Québec (OEAQ)

Mme Guérin (Francine): M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, je vous remercie. Je vous présente l'équipe qui est avec moi aujourd'hui. J'ai, à ma gauche, Mme la secrétaire générale, Mme Céline Viau, M. Mathieu L'Écuyer, qui a présidé le comité pour la rédaction du mémoire, et Me Jacques Tremblay, qui est consultant pour l'Ordre des évaluateurs agréés. Alors, je voudrais vous remercier du privilège que vous donnez à l'Ordre de venir présenter ici notre avis sur le projet de loi n° 130 concernant la loi sur les tribunaux administratifs.

L'Ordre des évaluateurs agréés du Québec regroupe un peu plus de 1 000 membres, dont certains sont en évaluation municipale, d'autres sont en pratique privée, qui font de l'expertise ou qui sont témoins experts devant des tribunaux judiciaires et administratifs, et on a aussi d'autres membres qui sont des membres et assesseurs devant ces tribunaux.

(15 h 10)

L'Ordre est ici pour deux raisons aujourd'hui: une, parce qu'on est un organisme qui est là pour la protection du public; et, la deuxième, parce qu'un peu plus de la moitié de nos membres sont touchés par ce projet de loi. Alors, nous avons, comme vous avez vu, à l'intérieur de l'Ordre, des évaluateurs qui oeuvrent dans divers domaines. On a des intérêts qui sont divergents et nous pensons que nous sommes autorisés à défendre une vision de l'appareil administratif qui est concertée. J'ai, en tant que présidente, le privilège de vous faire part de nos accords et je laisserai à M. L'Écuyer la part de faire part des désaccords de l'Ordre sur le mémoire.

Alors, l'Ordre est heureux de voir revenir à l'intérieur d'un tribunal administratif les recours en matière d'expropriation. Nous sommes aussi parfaitement d'accord avec le principe de multidisciplinarité. Nous sommes aussi d'accord avec les objectifs qui ont trait à l'accessibilité et à la transparence du fonctionnement des tribunaux administratifs. Nous sommes aussi en accord avec tout ce qui concerne la transparence, la célérité du traitement des plaintes.

Par contre, vous avez sans doute pu prendre un peu connaissance de notre mémoire et voir que l'Ordre est en désaccord avec certains points qui sont, à notre avis, tellement majeurs qu'on ne peut adhérer au projet de loi sans certaines modifications à ces points. Alors, je vais laisser la parole à M. L'Écuyer pour vous faire part un peu plus de nos désaccords.

M. L'Écuyer (Mathieu): Alors, merci, M. le Président, MM. les députés. J'ai agi, évidemment, dans le cadre de mon ordre professionnel, comme président d'un comité qui a mené une consultation sur les questions qui vous intéressent. Permettez-moi de vous rappeler que notre ordre professionnel s'intéresse à l'évolution de la justice administrative depuis plus de 10 ans. Nous étions présents devant le groupe de travail Ouellette, qui s'intéressait aux questions qui sont maintenant débattues et pendantes législativement devant vous. Nous avions déjà exprimé des positions, même antérieurement à cela, au moment où le tribunal administratif qu'était le tribunal de l'expropriation a été ramené au sein de l'ordre judiciaire par législation, il y a bientôt 10 ans, ce que nous avions déploré, et nous ne pouvons évidemment qu'applaudir à l'intention gouvernementale maintenant entretenue de ramener au sein de l'ordre administratif ces rapports qui sont définitivement de l'ordre des rapports entre l'administration et des administrés. Alors, je ne vous embarrasserai pas de l'historique des représentations de l'Ordre, cela apparaît dans notre mémoire. Vous vous rendrez compte évidemment que, même si notre voix n'a pas toujours été entendue, nous avons fait des représentations sur ces questions-là depuis plus de 10 ans.

Permettez-moi d'abord de faire certains énoncés de principe qui seront des valeurs défendues par l'Ordre avant de voir quelles seraient les applications qu'on devrait retrouver dans la législation aux articles particuliers du projet de loi n° 130. L'un des premiers principes qu'énonçait la présidente est celui de multidisciplinarité. Au cas où ce ne serait pas bien connu, nous aimerions vous indiquer que des membres de notre ordre professionnel agissent comme adjudicateurs au sein de l'une des divisions, entre autres, qui est prévue au projet de loi, la division de l'évaluation foncière, à titre de décideurs depuis plus de 10 ans, en fait depuis la création du Bureau de révision de l'évaluation foncière. Cette coexistence-là en multidisciplinarité existe, et nous estimons que ce modèle devrait être privilégié plutôt que, comme nous l'expliquions d'ailleurs devant cette même commission en 1995, celui des affaires sociales, qui est un mode d'organisation qui est légèrement différent de celui qui existe actuellement au sein de la division de l'évaluation foncière.

Nous sommes tout à fait d'accord avec l'objectif de déjudiciarisation et nous estimons que cet objectif-là est rencontré, entre autres ne serait-ce qu'en ramenant la juridiction de l'expropriation au sein de l'ordre administratif. Ce avec quoi nous avons plus de difficultés et ce sur quoi porteront en bonne partie nos représentations, c'est sur une certaine hiérarchisation des professions qui est encore favorisée au sein de la division foncière et puis, en fait, qui est une hiérarchisation qui a été introduite par le biais d'un modèle dans lequel on réserve des fonctions, où on réserve des modalités de fonctionnement des membres à certaines professions plutôt que de reconnaître, comme c'est le cas actuellement au sein du Bureau de révision de l'évaluation foncière à tout le moins, que les membres ont une parité juridictionnelle et peuvent agir aussi bien comme président de division ou comme gestionnaire du Tribunal. Alors, évidemment, dans la mesure où le projet de loi entamerait ces questions-là, ça nous semble problématique.

Si vous me permettez maintenant de procéder directement au sein des éléments, des articles qui seraient visés par nos interventions, vous allez comprendre que nous allons nous intéresser particulièrement à la section de l'évaluation foncière et que nous ne prétendons pas avoir d'expertise à vous offrir en particulier dans la division des affaires sociales. Ce n'est évidemment pas là que notre profession est la plus active.

Quant aux titres de fonctions, j'attirerais votre attention sur le libellé actuel de l'article 34 qui prévoit que les recours, ceux qui sont instruits et décidés par un membre seul, le sont par un membre qui est avocat, notaire, et on a ici une longue circonlocution qui dit: «une personne qui, en vertu de l'article 22 de la Loi sur la fiscalité municipale, a le droit d'agir comme évaluateur d'un organisme municipal». Nous aimerions attirer votre attention sur le fait que cette personne-là, c'est un évaluateur agréé.

Historiquement, avant que l'Ordre n'obtienne ses lettres de créance – en fait, l'Ordre n'existe que depuis 25 ans et il décerne des permis d'évaluateur depuis le 1er janvier 1976 – cette fonction-là était exercée par un autre organisme qui est la Commission municipale. Maintenant, c'est l'Ordre qui est devant vous qui s'assure de la qualité des membres qui sont habilités à dresser des rôles d'évaluation foncière. Et c'est cette même qualité qui a été retenue par le législateur pour décider de qui est habile à agir au sein d'une division de révision ou de la présider. Nous vous soumettons respectueusement qu'il serait maintenant temps qu'on appelle la profession par son nom et que l'on indique tout simplement que les recours sont instruits et décidés par, dans le cas d'un membre seul – si c'est la volonté évidemment que l'on a – un notaire, un avocat ou un évaluateur agréé. Nous sommes conscients qu'il y a peut-être encore quelques personnes qui exercent en qualité d'évaluateur municipal en vertu de permis qui sont antérieurs à ceux que nous décernons. Par ailleurs, évidemment, nous recommandons que des dispositions transitoires de concordance soient prises. Notre propos n'est pas d'évincer ces personnes-là de leur gagne-pain, évidemment, mais simplement d'identifier correctement la profession par son nom. En fait, en révision d'évaluation foncière, il y a des avocats, des notaires et des évaluateurs agréés, et c'est la réalité actuelle. On aimerait évidemment que la législation reflète cette réalité-là.

M. Bégin: Accordé.

M. L'Écuyer (Mathieu): Merci.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: C'est tout ce que vous allez gagner, comme hier avec les évaluateurs.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: On peut te faire mentir.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Pinard): À l'ordre, messieurs.

(15 h 20)

M. L'Écuyer (Mathieu): Alors, fiers de cet acquis rapide, on va maintenant s'aventurer sur des terrains plus glissants. Sur les modalités, il y a eu des remarques. J'ai suivi les travaux de la commission, et il est évident que, au niveau de la confection de l'article 34, au moment où on indique quelles sont les divisions qui sont habilitées à décider de certaines affaires, les modalités ont été empruntées simplement à la Loi sur l'évaluation foncière. Il faut qu'il y ait une concordance qui soit faite pour l'attribution de juridictions au niveau de l'expropriation, si c'est bien le désir du gouvernement de transférer cette juridiction-là, et nous suggérons que la règle à établir soit... Je vais éviter le mot «paritarisme», parce que, quand on parle de paritarisme, nous autres, on parle de parité juridictionnelle entre des avocats et des notaires, ça n'a rien à voir avec une autre notion qui emprunte le même nom. Je vais plutôt peut-être emprunter le terme d'un autre intervenant qui parlait de dualité, hier, soit que... En fait, ce qui existe, au niveau de la révision administrative, c'est qu'il y a une synergie entre les professions juridiques et la profession d'évaluateur pour mener à un éclairage et à une décision plus éclairée de la matière. Alors, ce que l'on recommande en fait... Et, quand on veut promouvoir la notion de multidisciplinarité, notre propos est de promouvoir que des formations de jugement soient formées d'évaluateurs et de juristes de façon à assurer le meilleur éclairage des débats et la décision de meilleure qualité possible.

Alors, la suggestion que nous avons faite, de modification, à l'article 34 est d'instaurer comme règle: Plutôt que les recours soient instruits par un membre seul et qu'à défaut ils puissent être instruits par une division de deux membres, c'est que la règle générale soit que les recours soient instruits par une division de deux membres et que, pour des choses qui seront possiblement de moindre importance, comme c'est le cas actuellement dans la juridiction du BREF, elles puissent être instruites par un membre seul, selon les dispositions, par exemple, qui pourraient être prises par règlement pour identifier la nature des recours qui pourraient être adressés à un membre seul et la nature des recours qui pourraient être adressés à deux membres. Nous croyons, en tout cas nos consultations nous amènent à croire, par exemple, qu'en matière d'expropriation il serait opportun que les divisions soient formées de deux membres, de façon à assurer justement cette multidisciplinarité-là, sous réserve peut-être de certaines questions qui pourraient être des questions incidentes ou de beaucoup moindre importance.

Alors, je n'ai pas l'intention de vous lire le libellé de l'article 34 qui apparaît dans notre mémoire. C'est essentiellement... Ça devrait refléter les valeurs qu'on vient d'indiquer.

Peut-être une précision. À la fin du deuxième alinéa de l'article 34, on indique, par exemple, que «les questions de droit sont alors décidées par le président de la formation qui est avocat ou notaire». Dans la mesure où l'on voudrait indiquer – on sait qu'il s'agit là d'une compression de certains articles de la loi sur la fiscalité – que les divisions devraient toujours être présidées par des avocats ou notaires, nous estimons que ce serait inopportun que l'on insère cette nouvelle règle là qui est en fait un emprunt de la règle d'organisation de la Commission des affaires sociales, qui est inexistante actuellement au sein du Bureau de révision de l'évaluation foncière du Québec, parce que, même pour un banc multidisciplinaire, les membres évaluateurs agréés sont habilités à présider des bancs.

Et, c'est une réalité quotidienne, il y a des centaines sinon des milliers de révisions qui ont été sur des bancs multiples, dont les formations de jugement étaient présidées par des membres évaluateurs. Alors, nous voulons vous mettre en garde contre le fait de s'enferrer dans un modèle qui empêcherait cette souplesse-là. Et cette souplesse-là est dictée, en fait, par un autre... Cette souplesse-là permettrait, si vous la conservez, de solutionner un problème que vous allez trouver aigu, tout à l'heure, à l'article 103 du projet de loi, qui prévoit que... Évidemment, sur des divisions de deux, lorsque l'on n'est pas d'accord les uns avec les autres, il faut faire trancher par un tiers la question.

Ce qui se produit dans les faits, actuellement, en révision d'évaluation foncière, c'est que, lorsque l'on détermine la formation de jugement d'un banc de deux membres, on décide qui devra la présider en fonction de la matière qui devra être instruite ou décidée. Et la règle de la loi sur la fiscalité prévoit que, en cas de division, de désaccord entre les commissaires, les décideurs sur une question, la question est tranchée par le président de séance, ce qui permet de résoudre un différend par la personne qui a entendu la cause plutôt que de l'envoyer en référé et de se retrouver dans une discussion où on va se demander: Est-ce qu'il est conforme aux règles de justice fondamentale qu'un tiers dispose d'un différend entre deux décideurs? Et ça fonctionne, ça existe actuellement, ça fonctionne depuis 20 ans. Puis on vous soumet que, si la législation était à l'effet qu'il faudrait que les séances soient toujours présidées par un juriste, ce qui n'est peut-être pas même la sagesse de votre propre commission – il est possible quelquefois que des présidents de séance ne soient pas des juristes – il est vraisemblable qu'on se priverait d'un certain apport pour décider de certaines questions. Alors, on vous soumet qu'il n'y a pas lieu, à l'occasion d'une tentative d'uniformisation, de faire entrer ce régime-là, qui appartient, actuellement en tout cas, au domaine du droit social, à l'intérieur de la révision de l'évaluation foncière, sans que des complications n'apparaissent.

Ce qui nous amène à notre propos selon lequel les professionnels au sein d'un tribunal devraient avoir la même valeur. Ils devraient avoir la même voie délibérative. C'est ce que nous espérons retrouver, entre autres, en décidant des questions d'expropriation au sein de l'ordre administratif où nos membres ont une voix délibérative à ces questions-là, et il semble que cette expertise-là, à notre avis, serait davantage présente au niveau de la prise de décision.

J'aimerais maintenant attirer votre attention sur l'article 42 relatif à la nomination des membres. Il est prévu, à l'article 42, un quota – si vous me permettez l'expression – de représentation de membres médecins ou travailleurs sociaux au sein de la division des affaires sociales du Tribunal administratif du Québec. Permettez-nous de vous indiquer qu'il serait opportun, dans la mesure où les questions qui seront débattues devant la division de l'évaluation foncière portent de façon très générale – et nous avons la conviction que pas moins que, neuf fois sur 10, elles portent sur des questions de révision d'évaluation foncière, et dans le cas des fixations d'indemnité les questions de valeurs sont inévitables dans au moins 75 % des cas – que, à la section de l'évaluation immobilière, on retrouve pas moins que les deux tiers des membres qui soient des évaluateurs agréés.

Au niveau du mandat administratif, ça recoupe un peu un élément que je vous indiquais tout à l'heure au niveau des présidents de séance. J'ai attiré votre attention sur l'article 64, qui prévoit que le gouvernement désigne, parmi les membres du Tribunal qui sont avocats ou notaires, un président ou des vice-présidents. Nous vous soumettons respectueusement qu'actuellement il se trouve en exercice au sein du Bureau de révision de l'évaluation foncière des évaluateurs agréés qui sont gestionnaires à titre de vice-présidents et qui se verraient évincés de ces fonctions-là si la législation était prise telle que proposée. Nous croyons que les professionnels qui sont habiles à être nommés membres d'une division devraient être considérés comme étant tout aussi habiles à exercer des charges de président ou de vice-président de ces tribunaux ou de ces organismes-là. Si le gouvernement décidait dans sa discrétion de ne pas nommer, par exemple, un médecin à la division des affaires sociales ou un évaluateur agréé à la division de l'évaluation foncière, nous croyons tout de même qu'on ne devrait pas décider d'avance que ces autres professionnels là sont inéligibles à ces fonctions. Si on veut discuter de cette question au mérite, nous croyons que nos membres, qui ont une formation, d'abord, en administration, seraient certainement habiles à exercer les mandats administratifs qui sont prévus au sein du Tribunal.

Le Président (M. Pinard): Je vous demanderais de conclure, monsieur.

M. L'Écuyer (Mathieu): Très bien. Alors, je vais passer rapidement sur la durée de renouvellement des mandats. Le ministre a déposé hier, en début de séance, des projets de règlements qui, évidemment, rendent un peu caduques certaines des représentations que nous avons faites avant de connaître la réglementation projetée. Simplement quelques éléments. J'attire votre attention sur l'article 88 prévoyant que les services devront être rendus dans chacune des municipalités locales en matière de révision d'évaluation foncière. Ça veut dire plus de 1 400 points de services par opposition à actuellement 25 points de services dans la province.

Nous voulons simplement attirer votre attention sur le fait qu'il est possible qu'il y ait des coûts qui se rattachent à une modification d'opération à cet égard-là et qu'il faudrait évidemment que, si c'est la volonté ministérielle d'aller de l'avant en élargissant le champ dans lequel les services sont ouverts, il y ait des budgets pour que cela puisse se réaliser.

(15 h 30)

La question de l'article 116, la copie du dossier. Bien, je pense que les gens qui vont nous suivre vont en parler. Il n'est pas opportun qu'on en discute ici.

J'attirerais votre attention sur l'article 140, qui n'aurait plus d'objet si les représentations que nous vous avons faites précédemment étaient retenues, soit que l'on puisse décider dans une formation de jugement que ce soit l'un ou l'autre des professionnels qui sera président de séance. À ce moment-là, on pourrait retenir la règle d'un vote prépondérant d'un président de séance, et ça élimine cette difficulté-là.

Quant à la composition du Conseil de la justice administrative, nous estimons que, si des professionnels doivent être nommés au sein de ce Conseil – et nous voyons qu'on a choisi de nommer deux ordres de professionnels – nous devrions aussi nous y trouver même si ce n'est pas notre choix que l'on nomme à partir de bassins d'ordres professionnels.


Document déposé

Le Président (M. Pinard): Merci beaucoup, M. L'Écuyer. Avant de céder la parole au ministre, je voudrais faire une correction à l'annonce des remplacements qui a été faite plus tôt. Alors, le député de La Peltrie remplace le député de Borduas plutôt que la députée de Sherbrooke. Alors, M. le ministre, vous avez également un dépôt.

M. Bégin: Merci, M. le Président. Oui, avant de m'adresser aux membres qui sont devant nous, j'aimerais déposer une nouvelle page 5 qui remplacerait celle d'hier dans le règlement. Donc, il s'était glissé des erreurs au moment de la formulation. Ça va permettre aux membres d'avoir un règlement plus complet.

Le Président (M. Pinard): Est-ce qu'on accepte le dépôt?

Une voix: ...

M. Bégin: Bon, vous remarquerez particulièrement que c'était à l'article 25. On lit «dans les quatre mois précédant», parce que je pense que c'était marqué «dans les mois». Alors, il y avait un lapsus. Vous verrez qu'ailleurs dans le règlement on parle d'un avis de trois mois et, au moins dans les quatre mois précédant ça, il doit y avoir formation d'un comité suivant les règles prévues aux articles 5 à 10.

Alors, bonjour aux membres de la corporation des évaluateurs agréés et à mon ex-associé, Me Tremblay. D'abord, je voudrais vous remercier infiniment pour votre mémoire. Je pense que vous soulevez des questions différentes mais extrêmement intéressantes, particulièrement sur la composition des bancs. Par contre, on pourrait revenir là-dessus. Mais j'aimerais d'abord vous entendre concernant la compétence que des évaluateurs auraient pour être en mesure de siéger en matière d'expropriation, puisque, si j'ai bien compris ce que le juge Dorion disait hier, outre les avocats, peu de gens avaient la formation pour être capables de rendre des décisions. Je vous vois sourire, est-ce que vous partagez cette opinion?

Mme Guérin (Francine): Je vais laisser la parole à M. L'Écuyer.

M. L'Écuyer (Mathieu): Merci, Mme la présidente. M. le ministre, avant de gagner ma vie comme réviseur en évaluation municipale, j'ai pratiqué comme évaluateur. Il m'est arrivé de me commettre sur quelques dizaines ou centaines de rapports d'expertise prévoyant quelles étaient les valeurs des indemnités à offrir en matière de ventes forcées par l'État et des dommages qui y étaient relatifs. S'il fallait s'en remettre à ce que vous avez entendu hier, il faudrait croire que, malgré l'habilitation que les membres de l'Ordre des évaluateurs agréés ont en vertu du Code des professions de mesurer des droits mobiliers en matière de ventes forcées, nous étions, moi et des dizaines et des centaines de mes collègues, complètement en dehors des attributions qui nous étaient réservées à l'intérieur de notre profession. Il est clair pour nous que c'est un champ d'expertise dans lequel... En tout cas, peut-être que la secrétaire de l'Ordre pourra donner quels sont les chiffres exacts, combien il y a de dizaines ou de centaines de nos membres qui gagnent leur vie à faire précisément ce travail-là. Évidemment, ils ne le font pas à adjuger des dommages parce qu'ils ne sont pas en position d'en décider, bien que certains d'entre eux l'aient été alors que c'était un tribunal administratif. Mais il est clair, quant à nous, que c'est précisément la façon dont les évaluateurs agréés, au Québec, gagnent leur vie, et c'est aussi simple que cela. Peut-être aussi qu'un praticien pourrait nous parler de ce qu'il retrouve dans un rapport d'expertise d'évaluateur. Évidemment, je ne vous ferai pas... Je pense, quant à vous, M. le ministre, que vous devez en avoir vu quelques-uns.

M. Tremblay (Jacques): Ça appuie, je pense, la recommandation qu'on fait à l'article 34 d'avoir un groupe de deux membres pour entendre les questions à la fois en matière d'évaluation foncière et en matière d'expropriation, ce qui serait la suite des choses telles qu'elles existent actuellement, c'est-à-dire un travail d'équipe et de complémentarité entre le point de vue de l'évaluateur et le point de vue de l'avocat. Je ne pense pas que ni l'un ni l'autre ne soient incapables de bien comprendre les principes de base de l'autre profession, et je pense que, dans le domaine de la justice administrative, ça doit être encore plus évident qu'on travaille en complémentarité et en équipe professionnelle là-dessus.

M. Bégin: Ça m'amène tout de suite, d'ailleurs, au deuxième point que je voulais soulever, c'est-à-dire cette composition d'un banc de deux en tout temps. Je ne me rappelle pas, au Bureau de révision de l'évaluation foncière, la règle c'est quoi. Est-ce que c'est toujours deux ou bien il y a des cas de un? Je ne me rappelle plus, effectivement. Et, le vlume, il se trouve où? Parce qu'il faut bien être clair, il y a une question de coûts là-dedans, qu'il faut ne pas négliger non plus. Mais, si la règle est inversée mais que, dans le fond, ça ne change rien parce qu'on exclut les causes relativement simples et qu'on les fait entendre par une personne, on peut changer la règle et mettre: deux, sauf dans les cas où il y aura une seule personne, qui sont les cas suivants. Alors, c'est...

M. Tremblay (Jacques): Le problème de l'article 34 tel que rédigé actuellement... Parce que cette possibilité-là, pour des cas de faible valeur foncière, elle est maintenue dans le projet de loi actuel, comme c'est actuellement la pratique au niveau du Bureau de révision. Sauf que ce qu'on a omis de traduire, c'est la possibilité d'avoir, au niveau de la Chambre de l'expropriation ou de ce que sera le volet expropriation d'une nouvelle section...

M. Bégin: D'avoir deux personnes.

M. Tremblay (Jacques): ...la possibilité d'avoir deux personnes, parce que l'alinéa 1 l'exclut automatiquement.

M. Bégin: O.K. Donc, un réaménagement de l'article pourrait, sans coûts additionnels, rencontrer les objectifs que vous visez?

M. Tremblay (Jacques): Définitivement, je crois.

M. Bégin: Parfait, O.K. J'ai bien d'autres questions, mais il y a un de mes collègues qui voulait poser...

Le Président (M. Pinard): On pourrait revenir...

M. Bégin: Je vais peut-être laisser la chance à...

Le Président (M. Pinard): On pourrait vous revenir, M. le ministre?

M. Bégin: Oui, je...

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. Alors, M. L'Écuyer, je pense que vous avez assisté hier soir à la présentation des mémoires de deux personnes, M. le juge Dorion et d'autres personnes, qui soulevaient le niveau d'indépendance que requiert, en fin de compte, la Chambre de l'expropriation pour adjuger sur les indemnités qui sont versées à des expropriés. Alors, j'aimerais entendre vos commentaires là-dessus, sur ce que le juge Dorion disait hier par rapport à tout cet aspect-là, que, étant donné qu'un juge administratif pourrait être nommé, selon le projet de loi, pour une durée déterminée, avec un renouvellement, par la suite, ça pourrait peut-être influencer ou sembler influencer une décision.

M. L'Écuyer (Mathieu): Évidemment, là, vous comprenez, M. le député de Gaspé, que je suis ici en ma qualité de membre d'un ordre professionnel et... Évidemment, je suis membre aussi d'un tribunal administratif depuis plus de 15 ans, ce qui voudrait dire, enfin, que ce serait... Enfin, les...

M. Lelièvre: Parce que M. le juge Dorion disait: Laissons ça aux tribunaux dits judiciaires au lieu d'un tribunal administratif.

M. L'Écuyer (Mathieu): Vous, vous voulez considérer cette question-là seulement du point de vue de la tenure, pas de la matière, là...

M. Lelièvre: Bien, c'est-à-dire que...

M. L'Écuyer (Mathieu): ...la tenure des décideurs.

M. Lelièvre: ...il extrapolait en disant: Bon, on ne fait pas véritablement une évaluation de la valeur marchande, on évalue un ensemble de données, etc.

M. Bégin: Est-ce que c'est possible de parler plus fort?

Des voix: On n'entend pas.

M. L'Écuyer (Mathieu): Je pense qu'il ne faut pas...

Une voix: C'est un avocat.

M. Bégin: Ha, ha, ha!

Une voix: Il faudrait le payer plus pour qu'il parle plus fort.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Gaspé, on va vous demander d'augmenter votre volume personnel.

M. Lelièvre: M. le Président, là...

M. Bégin: Pourriez-vous parler un peu plus fort?

M. Lelièvre: ...je vais augmenter le volume, M. le ministre n'a pas compris. Alors, avez-vous compris le début de la question?

M. Bégin: Non.

Le Président (M. Pinard): Non plus.

M. Lelièvre: Non plus. Alors, j'ai demandé à M. L'Écuyer par rapport à ce qui avait été dit par M. le juge Dorion, hier, en ce qui a trait à l'indépendance du juge administratif par rapport à un juge qui préside un tribunal judiciaire, sa capacité ou le malaise qui pourrait s'installer s'il avait à décider, par exemple, d'une forte indemnité, alors que celui qui le nomme, c'est lui qui demande qu'on procède à une expropriation et qui fixe déjà une indemnité de départ, et qu'on doit tenir compte d'un ensemble de facteurs.

M. Tremblay (Jacques): Il faut faire attention. C'est que la...

Le Président (M. Pinard): Alors, vos commentaires, s'il vous plaît.

(15 h 40)

M. Tremblay (Jacques): La notion d'indépendance ne réside pas tout simplement dans la question du mode de nomination, il y a aussi la façon dont on recrute les gens. Les critères qu'on élabore, le soin aussi qu'on porte à ce choix du candidat font en sorte qu'il a l'indépendance morale ou personnelle pour prendre des décisions équitables dès le début de son mandat jusqu'à la fin. Je ne pense pas que ça soit le fait du 15 ans ou du renouvelable qui mette en péril totalement toute indépendance du tribunal à ce propos.

Ça nous amène peut-être à souligner un passage de notre mémoire qui n'a pas, jusqu'à maintenant, été mentionné, sur la question de la terminaison du mandat d'un membre à la fin du 15 ans. Ce qu'on vous suggère de considérer compte tenu de l'expérience importante d'une personne qui exerce des fonctions judiciaires pendant 15 ans – l'expérience, justement – c'est de ne pas nécessairement fermer la porte à un renouvellement par le biais d'un comité de sélection additionnel. Qu'est-ce qui empêcherait une personne qui a exercé pendant 15 ans la fonction de se représenter à un comité de sélection et de réobtenir dans la même section, le même tribunal, une nomination à nouveau, si elle est en mesure de performer adéquatement encore selon les critères en vigueur à ce moment-là?

La deuxième chose que l'on vous suggère également, c'est de maintenir des mesures de suivi face à la personne qui verrait son mandat se terminer, que ça soit au bout de cinq ans, 10 ans ou 15 ans. Je pense que les gens abandonnent un certain nombre d'avantages lorsqu'ils postulent sur des postes comme ceux-là. Le retour à la vie professionnelle n'est pas évident, surtout pour ceux qui seraient en pratique privée, et, en conséquence, il faudrait certainement que le projet de loi prévoie des mesures de reclassement ou de facilitation de primes de service ou de réintégration dans la fonction publique d'une certaine façon. Et, ça aussi, je pense, que ça assure l'indépendance, en plus des critères de choix.

Le Président (M. Pinard): Bon, je vais vous demander, comme il y a beaucoup de questions, et que le temps file, et qu'on doit respecter notre horaire, d'être brefs au niveau de vos questions et, si possible, des réponses également.

M. Lelièvre: Je vais être très bref, M. le Président. À la page 4 de votre mémoire, vous exprimez votre satisfaction à la perspective que l'achat d'expropriation revienne dans le réseau des tribunaux administratifs et vous soulignez que c'était décidé dans un contexte nettement judiciaire. Quels sont les avantages que vous voyez à amener la Chambre de l'expropriation ou le domaine de l'expropriation dans le réseau des tribunaux administratifs?

M. Tremblay (Jacques): Si vous me permettez, je pense que, pour les évaluateurs – parce qu'on est ici pour représenter d'abord les évaluateurs – comme professionnels, tant les évaluateurs qui sont actuellement au niveau de la Chambre, qui sont deux ou trois, que ceux qui sont au niveau du Bureau de révision de l'évaluation foncière, le projet de loi qui vous est présenté permet une mobilité professionnelle plus grande. Ils vont pouvoir échanger avec plus de collègues qui font de l'évaluation foncière sous une autre forme. Je pense que ça, déjà, au point de vue professionnel, au point de vue qualité judiciaire, c'est un atout important.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Drummond.

M. Jutras: Présentement, quand on porte une plainte au niveau de l'évaluation municipale, c'est au BREF, et l'appel se fait à la Cour du Québec, chambre civile, c'est ça?

M. L'Écuyer (Mathieu): Exact.

M. Jutras: Oui. Je vois dans votre mémoire que vous vous prononcez favorablement sur ce qu'on appelle la déjudiciarisation. Cependant, vous n'émettez pas de commentaires sur le fait qu'au Tribunal administratif il n'y aura plus d'appel, que ça va être une décision finale et sans appel. Alors, tenant compte du fait qu'avant il y avait un appel devant une cour de justice, devant un tribunal judiciaire et que, là, il n'y a plus d'appel, quelle est votre opinion là-dessus?

M. L'Écuyer (Mathieu): Peut-être deux choses. Il y a eu des représentations que vous avez entendues, hier soir, de Me Huot sur cette question-là. Essentiellement, il y a peut-être deux éléments. On s'assure d'une décision, évidemment, de qualité en première instance. Vous me permettrez d'exprimer avec respect que la performance en appel, en première instance des décisions du BREF à la Cour du Québec, on a souhaité, par modification législative, la faire disparaître pour des raisons que j'ignore, l'an dernier, et ça n'a pas été sanctionné. On prévoyait, je crois, un droit d'appel limité à la Cour d'appel sur les questions de droit, en particulier en matière de révision d'évaluation foncière. Ici, on instaure l'ordre administratif avec un emprunt, aussi, aux affaires sociales sur un pouvoir de révision ou de reconsidération de la décision. En fait, évidemment, je ne sais pas comment... C'est nouveau, ça, ça existe en droit social, mais on n'a pas d'expertise là-dedans, on ne peut pas vous dire comment ça fonctionne. On sait que ça existe. Jusqu'à quel point ça va permettre... Je n'ai pas le numéro d'article, mais il y a un pouvoir de révision, là, qui...

Une voix: Un bref d'évocation.

M. L'Écuyer (Mathieu): Non, non, il y a un pouvoir de révision qui est...

M. Jutras: Mais ce n'est pas un appel, ça.

M. L'Écuyer (Mathieu): Le Tribunal administratif du Québec peut reconsidérer ses propres décisions. Alors, j'imagine que ce mécanisme-là va au moins permettre de peut-être, s'il y a des erreurs évidentes, là... Ce n'est pas comme un contrôle judiciaire, des erreurs à la face même du dossier. Mais, en tout cas, minimalement, certaines erreurs vont sans doute pouvoir être corrigées à cet égard-là. Même s'il y a une clause privative, il y aura toujours, comme n'importe quel tribunal, l'assujettissement au pouvoir judiciaire qui va exister. Même s'il y a une clause privative, il y aura toujours possibilité de faire réviser judiciairement une décision la plupart du temps en disant: Écoutez, cette décision-là est erronée sur le plan du pouvoir judiciaire. C'est un droit.

Écoutez, on ne peut pas vous indiquer si ces équilibres-là sont suffisants, mais il y a des nouveaux équilibres qui sont prévus dans la législation. Évidemment, il y a des emprunts à une section. Est-ce qu'il serait opportun qu'il y ait une soupape en certaines matières, qu'il y ait des droits d'appel sur permission ou des choses qui permettraient quand même de contrôler, mais sans engorger les tribunaux judiciaires? Là, c'est peut-être une décision que vous devrez prendre, mais une chose est certaine...

Le Président (M. Pinard): En conclusion.

M. L'Écuyer (Mathieu): ...c'est que, si on s'assure d'une qualité de bonnes décisions au départ puis d'une révision dans le secteur spécialisé, on ne peut pas vous dire que ça va régler tous les problèmes, mais on peut prendre pour acquis, en tout cas, que ça devrait minimalement empêcher que des erreurs grossières ou des choses facilement identifiables ne soient pas identifiées.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. L'Écuyer. Alors, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Jutras: J'avais une autre question, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Le temps est écoulé, M. le député de Drummond. Alors, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Hier soir, l'ancien juge Dorion a parlé, particulièrement sur le dossier de l'expropriation, que c'est vraiment quelque chose où ça prend un avocat pour trancher là-dessus, parce que c'est presque le droit civil qui est impliqué dans un dossier d'expropriation. Comment répondez-vous, parce que vous étiez là, hier soir, à l'argumentation du juge Dorion sur la question? Mais, surtout l'expropriation, je laisse de côté... Parce que son argument, c'était que, pour établir la valeur du terrain, établir la valeur de la maison, etc., ça peut être un évaluateur, effectivement, mais que, au niveau des dommages qui découlent d'une expropriation, vraiment, ça tombe dans le droit civil et ça prend un avocat pour démêler tout ça.

M. L'Écuyer (Mathieu): Bien, ce propos-là a été un petit peu tenu en début de séance, on peut peut-être revenir là-dessus. Est-ce qu'on dirait qu'un comptable est inhabile à dresser des états financiers en matière commerciale s'il est habile à en dresser pour des individus, par exemple? Il est clair que les principes comptables généralement acceptés vont être les mêmes, mais il est clair que la dictée du droit statutaire pour mesurer les revenus ou les dépenses ne sera pas la même pour une entreprise que pour un individu. Alors, nous avons cette expertise-là.

Il existe actuellement au sein, par exemple, du Bureau de révision de l'évaluation foncière, des avocats, des experts évaluateurs, qui ont déjà pratiqué abondamment dans ce champ-là. Nous espérons que, entre autres, les assesseurs évaluateurs agréés à la Chambre de l'expropriation seront éventuellement associés à la division de l'évaluation foncière. Nous estimons, peut-être à tort, mais nous sommes intimement convaincus de détenir une expertise suffisante pour régler ces questions-là, et je vous rappellerai que ces questions-là étaient décidées, jusqu'en 1976, par un tribunal administratif où il y avait des membres, entre autres, membres de notre corporation professionnelle, qui avaient une voix délibérative dans ces questions-là. Alors, ce n'est pas une invention qu'on propose ici. C'est simplement un retour à une chose qui a déjà existé.

Le Président (M. Pinard): Complément de réponse, Mme la secrétaire.

Mme Viau (Céline): Oui, j'ajouterai qu'il y a au-delà de 150 évaluateurs agréés, membres de l'Ordre, dont c'est un des trois champs de pratique prioritaire et que, dans les normes de pratique de l'Ordre, il y a des normes de pratique spécifiques en matière d'expropriation. C'est donc un élément qui est important, c'est un élément important dans l'examen d'admission.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Juste une deuxième question. Un des buts recherchés, c'est d'avoir une certaine économie dans tout ça. Est-ce que, dans votre opinion, remplacer le système existant par un TAQ avec des appels, ça va changer grand-chose? Est-ce qu'il y a des possibilités de faire des économies en transformant le système comme ça?

Le Président (M. Pinard): M. L'Écuyer.

M. L'Écuyer (Mathieu): Écoutez, évidemment, ce serait très facile si on pouvait regarder, par exemple, quel est le budget d'opération d'un organisme, actuellement, d'une chambre de la Cour du Québec, par rapport à un volume de dossiers. On pourrait faire, je ne sais pas, moi, des ratios d'opérations et voir cela. Évidemment, nous n'avons pas ces... Ces informations-là existent au sein de l'État, je ne sais pas si elles sont colligées ou analysées, mais nous avons tout lieu de croire que... Évidemment, on prend pour acquis que, ramener au sein de l'ordre, par exemple, administratif, la compétence en matière d'expropriation, ça ne devrait certainement pas judiciariser ou compliquer le processus. Nous avons des raisons de croire que le processus devrait être simplifié. Évidemment, s'il y a d'autres dispositions dans la loi qui disent: Écoutez, les affaires doivent être entendues en dehors des heures ouvrables, elles doivent être entendues dans 1 400 points de services plutôt que 32, ça se peut que... ça, c'est une chimie qui a tendance à faire hausser les coûts, mais ce sont des choix que vous devrez faire en fonction des ressources qui sont disponibles. Mais le plan de jeu, oui, n'est certainement pas de nature à augmenter les frais d'opérations, nous semble-t-il.

M. Kelley: Merci.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Alors, M. le président, M. L'Écuyer et mesdames, Me Tremblay, tout à l'heure, nous aurons l'occasion d'entendre l'Association des évaluateurs municipaux qui sont, pour plusieurs d'entre eux, membres de la corporation des évaluateurs agréés. Les évaluateurs municipaux, à la page 4 de leur mémoire, suggèrent que, dans le projet de loi, à son article 10, on fasse disparaître les paragraphes 2 et 3, mais particulièrement le paragraphe 2 de l'article 10, qui dit qu'«il n'est pas tenu de suivre les règles ordinaires de la preuve en matière civile». Alors, les évaluateurs municipaux suggèrent qu'on s'en tienne, au niveau de la preuve à être faite devant les tribunaux administratifs, aux règles qui prévalent devant les tribunaux de droit commun, ce qui m'apparaît être une recommandation extrêmement importante, qu'on resserre les règles de preuve, qu'on resserre le débat. Et, je voudrais, M. le président L'Écuyer, vous entendre sur cette proposition de vos collègues, les évaluateurs municipaux, parce que, sauf erreur, ni dans votre mémoire ni non plus dans votre exposé vous n'avez commenté le paragraphe 2 de l'article 10. Je voudrais vous entendre là-dessus.

M. L'Écuyer (Mathieu): Oui. Bien, voici...

M. Lefebvre: Dans un premier temps, si vous êtes d'accord, et sinon, pourquoi.

M. L'Écuyer (Mathieu): Bien, il est clairement... Écoutez, vous allez comprendre que, nous, on ne peut pas répondre des motifs qui ont amené une association...

M. Lefebvre: Oui.

M. L'Écuyer (Mathieu): ...en partie parmi nos membres et...

M. Lefebvre: Je vous comprends.

M. L'Écuyer (Mathieu): ...intéressant d'autres gens à faire...

M. Lefebvre: Je veux votre point de vue sur leur suggestion. À toutes fins pratiques, c'est ça que je vous demande.

M. L'Écuyer (Mathieu): Écoutez, si vous voulez mon point de vue, parce que je pense que l'Ordre n'a pas fait de réflexions là-dessus, je peux vous donner le mien en roue libre, mais évidemment la présidente pourra toujours me désavouer si elle estime que ce que je dis n'a pas de bon sens.

M. Lefebvre: Ça me surprendrait qu'elle vous fasse ça ici.

M. L'Écuyer (Mathieu): À mon sens, il y a...

Mme Guérin (Francine): Dites toujours, M. L'Écuyer. Ha, ha, ha!

M. L'Écuyer (Mathieu): Alors, je plonge. À mon sens, il n'y a définitivement pas lieu d'introduire les règles de preuve de matière civile au sein de l'ordre administratif. Je ne sais pas ce que mes confrères et autres collègues voulaient dire ici, mais il est clair que, si on est assujetti à la façon de faire, par exemple, à la division de l'évaluation foncière, à la façon de faire du code de procédure administrative, on n'est définitivement pas assujetti à la règle de preuve du Code civil en matière administrative. Et, ça, il est tout à fait étonnant... Et je ne peux pas vous dire pourquoi on a demandé que ce soit là, mais, en ce qui me concerne et en ce qui concerne la révision de l'évaluation foncière, je pense que c'est inopérant.

(15 h 50)

M. Lefebvre: Mais peut-être que Me Tremblay pourrait commenter. Je pense qu'on s'entend tous pour reconnaître que les règles de preuve, d'un organisme à l'autre, sont un peu différentes. Entre autres, à la CSST, à la Régie de l'assurance automobile, je ne pense pas exagérer si j'avance que les règles sont beaucoup plus larges, alors qu'à la Commission de protection du territoire agricole, à titre d'exemple, la preuve exigée, elle est beaucoup plus sévère. On ne permettra pas, à titre d'exemple, le ouï-dire à la Commission de protection du territoire agricole, alors qu'à la CSST le ouï-dire, jusqu'à un certain point, un peu comme à l'Assemblée nationale, d'ailleurs... À l'Assemblée nationale, on peut faire la preuve en partant de l'article d'un journaliste, on peut faire la preuve en partant du propos d'un collègue. C'est accepté à l'Assemblée nationale, et, quant à moi, ça devrait être resserré un petit peu, ça obligerait les ministériels à être plus rationnels et objectifs dans leurs commentaires.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Ha, ha, ha! Ceci étant dit...

Le Président (M. Pinard): L'avocat de la pertinence du débat.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: ...la proposition de votre collègue, à toutes fins pratiques, c'est de resserrer la preuve et d'amener une ligne – je voudrais entendre Me Tremblay – qui obligerait les justiciables à se préparer de façon à peu près semblable devant chacun des organismes. Et, peu importe le sujet que l'on traiterait sous le couvercle du TAQ, ce serait la même preuve, le même cadrage de preuve qui serait exigé. C'est ça, la proposition des évaluateurs municipaux.

M. Tremblay (Jacques): Moi, je pense qu'il faut que les gens sachent d'avance à quoi ils doivent s'attendre et quel fardeau de preuve...

M. Lefebvre: C'est ça.

M. Tremblay (Jacques): ...ils doivent rencontrer, peu importent les sections du tribunal qu'ils vont avoir à présenter. Le problème que nous avons comme représentants de l'Ordre des évaluateurs agréés, c'est que ce n'est pas à nous de nous prononcer sur la question de savoir si les règles ordinaires de preuve doivent être les mêmes qu'en matière civile et lesquelles doivent être mises de côté. Ce qu'on comprend de l'article 10, c'est qu'il y a une volonté de rendre ça plus souple, plus accessible et probablement plus facile pour le citoyen en général. Là-dessus, l'Ordre est d'accord. L'Ordre adhère à ce principe de déjudiciarisation, d'accroissement de la souplesse. Là-dessus, on peut se rendre jusque-là comme représentants de l'Ordre, mais, pour ce qui est des règles ordinaires de la preuve en matière civile, il faudrait distinguer ça certainement des règles de procédure. Je ne pense pas que la déjudiciarisation comme telle signifie dans notre esprit qu'on n'aura plus de règles d'ordre, de preuve et que chacun parle à son tour, etc. Je pense que les règles du traitement correct, devant les tribunaux, d'une question vont continuer à prévaloir.

M. Lefebvre: Une deuxième question. À la page 10 de votre mémoire, lorsqu'on parle de la nomination du président et des vice-présidents à l'article 64 du projet de loi, vous dites – c'est à M. le président à ou votre voisin de droite que je demande de commenter – au milieu de la page 10 de votre mémoire: «L'évaluateur agréé est donc un professionnel dont la spécialité est pour le moins pertinente à la fonction et qui se double d'un gestionnaire qui possède des notions de droit. Peu de professionnels peuvent prétendre à une telle polyvalence!» Alors, ce que vous proposez à M. le ministre, c'est qu'un évaluateur puisse postuler... être reconnu dans ses capacités d'être président ou vice-président. Je pose la question à Me Tremblay. À l'inverse, est-ce qu'il n'est pas également vrai qu'un avocat puis un notaire ont également des qualités de gestionnaire, en plus d'avoir évidemment des notions de droit? C'est essentiellement...

M. Tremblay (Jacques): Vous me donnez la réponse que...

M. Lefebvre: Et aussi on va s'entendre sur le fait qu'il y a pas mal d'avocats et de notaires aussi qui ont des notions en matière d'évaluation foncière...

M. Tremblay (Jacques): Voilà.

M. Lefebvre: ...et en matière d'évaluation quant aux dossiers qui touchent les expropriations. Alors, je ne vois pas la pertinence de votre argument, là, sinon – puis ça je le comprendrais, M. le président et Me Tremblay – que vous voulez protéger, évidemment, l'accessibilité à la présidence et à la vice-présidence pour vos membres, les évaluateurs, ce qui est de bonne guerre.

Le Président (M. Pinard): Mme la présidente.

Mme Guérin (Francine): Oui.

(16 heures)

M. Lefebvre: Mais, il m'apparaît que, un tribunal administratif, ça doit être, autant que faire se peut, dirigé par des juristes à cause de l'ensemble des opérations, et, dans ce sens-là, moi, je suis d'accord avec la proposition du ministre de limiter, à l'article 64, à la présidence et à la vice-présidence, les nominations aux avocats et, à la rigueur, aux notaires.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Frontenac, si vous le permettez, Mme la présidente aurait certainement des commentaires à livrer.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Guérin (Francine): Oui, le but de notre intervention à l'article 64 n'était pas de dire que les avocats ou les notaires n'étaient pas aptes à gérer, au contraire. Mais je pense que tout le monde... C'était plutôt de dire...

M. Lefebvre: Le président est inquiet, là.

Mme Guérin (Francine): ...puisque c'est un mandat administratif, je pense que l'important, c'est de le laisser ouvert à tous les membres, que ce soient des médecins, que ce soient des travailleurs sociaux, que ce soient des évaluateurs agréés, des avocats ou des notaires, que ce soit ouvert à tous les membres, la possibilité d'être président ou vice-président, et que ce soit laissé à la compétence de ces membres-là. Puisqu'on veut faire aussi un tribunal administratif, je pense qu'on ne se doit pas de copier la structure de la Cour du Québec et provinciale. Je pense qu'il y a matière à innover et que la compétence est le point qu'il faut cibler quand on parle d'un mandat administratif.

Le Président (M. Pinard): Merci, Mme la présidente. Oui, Mme la secrétaire, complément de réponse?

Mme Viau (Céline): Vous avez employé le terme qui était tout à fait approprié. C'était le terme «discriminer». Alors, si tant est que tout ce beau monde – avocats, notaires, évaluateurs agréés – est apte à le faire, notre propos est justement de ne pas discriminer qui que ce soit, et, tel que le projet de loi est libellé à cette étape-ci, il est discriminatoire pour nous.

M. Lefebvre: Sauf qu'au nom de la non-discrimination, on ne pourrait, d'aucune façon, baliser les compétences nécessaires. Si on part du fait qu'il ne faut pas discriminer, ça voudrait dire que le législateur ne peut, d'aucune façon, baliser les compétences nécessaires. Puis, ça, ça m'apparaît extrêmement dangereux.

Mme Viau (Céline): Mais c'est à partir des compétences qu'on a fait notre analyse pour dire que l'évaluateur agréé était tout aussi compétent.

M. Lefebvre: Mais, moi, je ne suis pas d'accord avec Mme la présidente qui, en toute bonne foi, prétend que n'importe qui peut être président d'un tribunal administratif, qu'il soit médecin, qu'il soit vétérinaire, qu'il soit avocat, qu'il soit notaire, qu'il soit évaluateur. Je ne suis pas d'accord avec vous, madame, là-dessus, moi, en toute déférence pour votre opinion.

M. L'Écuyer (Mathieu): Si vous me permettez...

M. Lefebvre: Oui.

M. L'Écuyer (Mathieu): Un complément de réponse sur cette question-là. J'attire votre attention sur l'article 25 du projet de loi 105 de 1993, loi devant réformer la justice administrative, et qui se lisait comme suit: «Le président et un vice-président d'un tribunal administratif sont désignés parmi ses membres.» Alors, il semble que, en tout cas, à un moment donné d'une réforme qui n'a peut-être pas vu le jour, mais à une époque où on avait envisagé de réformer ce secteur-là, on avait jugé opportun, à tort ou à raison, de ne pas discriminer. Notre propos n'est pas de dire que vous devez nommer un évaluateur agréé président du Tribunal ou vice-président de la division de l'évaluation foncière.

M. Lefebvre: Vous voulez que ce soit possible.

M. L'Écuyer (Mathieu): Notre propos...

M. Lefebvre: Je comprends.

M. L'Écuyer (Mathieu): Et, à cet égard-là, je vous dirai que notre propos est important sur le plan des valeurs de l'institution, parce que des membres spécialistes à deux niveaux, là, on a connu ça aussi bien dans l'ordre administratif que dans l'ordre judiciaire. Des assesseurs à voix non délibérative dont on peut tout simplement mettre le rapport ou l'opinion dans le dossier et l'oublier, c'est une chose. Ne pas avoir une voix délibérative, ne pas avoir le droit de présider une division, c'est une autre chose. Ne pas avoir le droit d'accéder à certaines fonctions à l'intérieur de l'ordre administratif, c'en est une autre. Alors, il faut comprendre que, dans l'institution que vous voulez mettre en place, les rôles que vous allez réserver aux personnes, si vous établissez des catégories de membres... Vous pourriez, par exemple, de la même façon, au sein de la commission des institutions, instituer qu'un président de séance ne peut pas être autre qu'avocat ou notaire, et ça régirait les façons dont vous devez opérer. Vous pourriez décider aussi que ce serait un critère essentiel – vous devez d'ailleurs réfléchir à cette question-là actuellement – pour nommer le président de l'Assemblée.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. L'Écuyer.

M. Lefebvre: Le dernier, il n'était pas avocat, hein?

Le Président (M. Pinard): M. L'Écuyer, pour compléter les travaux avec votre groupe, je demanderais au ministre...

M. Bégin: Ça me permettrait peut-être d'apporter quelque éclairage, là. Vous avez, à la page 8 de votre mémoire, proposé un remplacement à la dernière phrase de l'article 34: «Les questions de droit sont alors décidées par le membre de la formation qui est avocat ou notaire.» Moi, ça m'apparaît tout à fait approprié, et, pour faire mentir mon collègue, là, oui, ça va faire la deuxième chose qu'on leur concède. Ha, ha, ha! Mais ça nous ramène aussi à la présidence et à la vice-présidence. Admettons qu'on accède à votre demande. Lorsqu'il y a un vice-président, et qu'il y a des bancs où il n'y a pas d'avocat, et qu'il y a une question de droit à trancher, il faudrait qu'on trouve une formule pour dire que, si, par exemple, le vice-président n'est pas un avocat, il faudrait qu'il y ait un autre avocat qui puisse trancher, au minimal, là, minimalement.

M. L'Écuyer (Mathieu): M. le ministre, cette question-là est déjà résolue à l'article 105 de la Loi sur la fiscalité municipale, parce qu'il est prévu, à ce moment-là, que, sur la question de droit, le président de la section de révision de l'évaluation foncière peut décider lui-même de la question ou encore la référer à celui qu'il désigne parmi les membres du...

M. Bégin: À un avocat.

M. L'Écuyer (Mathieu): ...bien, là, il faudrait lire du TAQ ou de la section du TAQ, qui sont avocats ou notaires.

M. Bégin: En tout cas...

M. L'Écuyer (Mathieu): Et je vous dirai que cette législation-là a déjà subi l'épreuve du feu et est valide.

M. Bégin: O.K. C'est pour vous dire qu'il faudrait prévoir ça si jamais on allait dans le sens que vous soulignez. Je réserve, là, d'entendre plusieurs autres commentaires sur cette question-là avant de me prononcer. Je voudrais rappeler que, dans le débat de tout à l'heure concernant l'article 10, deuxième alinéa, et le troisième, parce qu'ils sont interreliés, il y a aussi tous les articles 132 et suivants qui parlent de la preuve et du contenu de la preuve. Et, ça, on ne peut pas le dissocier de cet article-là. Entre autres: «Le Tribunal peut subordonner la recevabilité de la preuve à des règles de communication préalable»; «Outre les faits dont la notoriété rend l'existence raisonnablement incontestable, le Tribunal doit», etc. Donc, il y a toute une série de règles qui encadrent quand même le fonctionnement. Mais, ce qui est visé par là, c'est de ne pas avoir tout le bagage du Code de procédure civile avec les systèmes d'objection, d'appel, etc., qui rendent le débat beaucoup plus complexe, et de ramener ça à une procédure plus simple, plus souple pour le citoyen, mais tout en respectant des règles de base, fondamentales pour un débat honnête, correct entre les parties qui contestent quand même des droits importants.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci beaucoup, M. le ministre. Merci également à Mme Guérin, Mme Viau, M. L'Écuyer et Me Tremblay, de votre prestation. J'inviterais maintenant l'Association des évaluateurs municipaux du Québec à venir prendre place.

Alors, bienvenue. Je vous inviterais maintenant à vous identifier, s'il vous plaît, avant de débuter les travaux.


Association des évaluateurs municipaux du Québec (AEMQ)

M. Mercier (Jean-Guy): Mon nom est Jean-Guy Mercier. Je suis le président de l'Association des évaluateurs municipaux du Québec. Je suis accompagné, à ma droite, de M. Benoît Roy, qui est le vice-président, et à ma gauche, de MM. Gilles Racicot et Guy Geoffrion, qui sont membres de notre conseil d'administration. Alors, tout d'abord, permettez-moi de remercier la commission pour le privilège qu'elle accorde à notre Association de l'entendre sur ses commentaires à l'égard de l'étude du projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative. Merci.

Notre Association a été créée en 1959. Elle compte près de 400 membres qui oeuvrent dans le domaine de l'évaluation municipale au Québec. Elle regroupe des évaluateurs, des avocats, des agents de taxe, des gestionnaires et aussi des techniciens. Notre travail consiste à confectionner des rôles d'évaluation, à voir à leur mise à jour et aussi à leur révision, ce qui nous amène à nous présenter, à titre de témoins experts, devant le BREF, et le BREF est directement touché, évidemment, par le projet de loi n° 130.

Maintenant, nous gérons sur l'ensemble du territoire québécois un total de 2 900 000 unités d'évaluation, pour une valeur globale de 337 000 000 000 $. À partir de ces rôles d'évaluation, les villes perçoivent 6 500 000 000 $, ce qui représente en tout 72 %, environ, de toutes leurs sources de revenus.

(16 h 10)

Maintenant, l'AEMQ est consciente des préoccupations gouvernementales à l'effet d'améliorer le système de l'administration de la justice administrative. Elle ne peut donc que souscrire à une volonté d'assurer la qualité, la célérité et l'accessibilité aux citoyens dans l'exercice de leurs droits.

Il convient de préciser dès maintenant que l'AEMQ a toujours été en étroite communication avec le ministère des Affaires municipales dans sa recherche d'amélioration du système d'évaluation foncière municipale de même que dans le traitement des contestations. Qu'il suffise ici de mentionner le mémoire que nous avons soumis en 1995 au ministre des Affaires municipales d'alors, M. Guy Chevrette, mémoire dans lequel nous évoquions diverses problématiques reliées aux contestations d'évaluation et leur traitement par le Bureau de révision. Nous proposions alors diverses solutions visant à déjudiciariser et à accélérer le processus du traitement des plaintes, notamment par la diminution des coûts, l'accélération du processus, une meilleure satisfaction des contribuables, et ensuite je pense qu'il y a une chose qui est vraiment importante, c'est l'incertitude financière des municipalités qui vient, elle, de la masse de contestations à l'ensemble du Québec.

Notre Association a donc pris connaissance du projet de loi n° 130 et elle soumet dans le présent mémoire des exemples concrets de certains articles qui, dans leur rédaction actuelle, risquent de créer préjudice aux divers intervenants de l'évaluation foncière. Nous ajouterons des commentaires et des suggestions visant à assurer que l'exercice du mandat de l'évaluateur municipal, qui est défini dans la Loi sur la fiscalité municipale, puisse s'accomplir dans l'intérêt de la justice.

Tout d'abord, nous désirons soumettre que la démarche visant à encadrer à l'intérieur d'une loi générale les activités de cinq organismes exerçant des mandats aussi différents dans leur définition et les intérêts des citoyens visés crée des complications pouvant engendrer des préjudices pour les clientèles concernées. Il faudrait donc, nous suggérons, dans la loi qui sera adoptée, apporter les précisions qui permettront de faire des distinctions utiles. Nous croyons également utile de préciser que, compte tenu des divers souhaits visant à la plus grande déjudiciarisation possible du processus de révision des évaluations, cette démarche est non seulement souhaitable, mais elle est essentielle à l'atteinte des objectifs exprimés dans le premier paragraphe des notes explicatives du présent projet de loi, lorsqu'on parle de célérité, d'accessibilité, etc.

Maintenant, compte tenu du temps alloué pour la présentation du mémoire et dans le but de toucher aux points essentiels de ce mémoire, nous allons, si vous le permettez, M. le Président, vous entretenir des articles qui nous semblent les plus susceptibles de susciter des doutes soit par leur interprétation, soit par les conséquences financières ou autres pour l'évaluateur municipal et ses clients – il ne faut pas l'oublier – les municipalités et leurs contribuables.

Vous remarquerez, à la lecture du mémoire, que nous référons à plusieurs reprises à des articles de la Loi sur la fiscalité municipale. Nous croyons que les buts visés par l'adoption du projet de loi sous étude peuvent être réalisés tout en conservant aux différents tribunaux administratifs impliqués les articles de la loi qui les gouvernent et qui ont fait preuve d'efficacité et de justice pour tous les intervenants. C'est ainsi qu'en annexe – si vous allez voir en annexe au mémoire, les annexes 1 et 2 – nous avons réuni et cité ces articles de loi auxquels nous référons dans le mémoire.

Maintenant, nous allons passer, si vous permettez, article par article pour vous donner nos commentaires. À l'article 2, on dit que les intervenants des différents secteurs d'activité visés par le présent projet de loi peuvent avoir des interprétations très différentes d'expressions telles que «l'Administration» avec un grand A, «une décision» – il y a plusieurs fois où on va entendre le mot «décision» – «l'autorité administrative» et «l'organisme». Alors, afin d'assurer une bonne compréhension, nous croyons utile d'introduire un article qui définirait ces termes.

Maintenant, nous allons passer à l'article 10. Alors, on le suggère et on en a entendu parler avec le groupe qui nous a précédés, nous suggérons d'éliminer les deuxième et troisième alinéas. Nous sommes d'avis, on le répète, que le Tribunal devrait s'en tenir aux règles ordinaires de la preuve en matière civile, en ce qui concerne l'évaluation foncière. Pour ne pas alourdir le débat à ce moment-ci, on serait peut-être mieux d'attendre à la période des questions et des échanges pour qu'on vous explique un petit peu en profondeur ce qu'on voulait dire par là. On attend votre question.

Alors, maintenant nous allons passer à l'article 11 qui dit à l'alinéa 3°, et je vais le citer: «L'organisme dans l'exercice de sa fonction juridictionnelle est tenu:

«3° si nécessaire, d'apporter à chacune des parties, lors de l'audience, un secours équitable et impartial si nécessaire.»

Alors, on suggère que l'alinéa 3° ne s'applique pas en matière d'évaluation foncière. À cet effet, on réfère à un autre mémoire présenté par l'AEMQ en août 1991 qu'on avait cité et dans lequel on avait dit: «Il est notoire que le BREF a développé un préjugé favorable au contribuable et qu'il l'aide souvent à faire sa preuve lorsqu'il est mal préparé, de manière à "équilibrer le débat". Ceci a souvent pour effet de renverser le fardeau de la preuve et de forcer l'évaluateur municipal à démontrer la justice de la valeur déposée,» même dans le cas où il suggère de maintenir la valeur au rôle.

Alors, je pense que le Bureau de révision s'est donné une mission sociale. On considère qu'il la remplit très bien. Alors, on ne voit pas pourquoi on devrait introduire, dans cet article de loi, cette chose-là. Nous croyons même que, si c'était inclus, il pourrait y avoir un genre de perception à l'effet qu'il manque de crédibilité au niveau du Tribunal.

À l'article 14, tout à l'heure, nous parlions des différentes fois où on utilise le mot «décision». Alors, nous, on dit qu'il y aurait peut-être ambiguïté sur la réalité que cela couvre. Il peut, en effet, s'agir d'une décision d'un tribunal ou d'un organisme inférieur en hiérarchie – le Bureau de révision en est un, la CSST ou la CALP – alors qu'en matière de fiscalité municipale il n'y a pas eu de décision dans un sens judiciaire du terme, mais une action de l'évaluateur de choisir de porter au rôle une unité d'évaluation à une valeur donnée.

Alors, on suggère donc de définir une hiérarchie du mot «décision» dans la rédaction du texte de loi, et on suggère qu'une décision, une première décision, c'est celle qui est prise par un fonctionnaire ou par l'administration. Si on transpose ça dans le domaine de l'évaluation municipale, ce pourrait être le propriétaire qui demande à l'évaluateur de réduire sa valeur, et, à ce moment-là, la décision de l'évaluateur municipal est non ou oui, selon le cas. Mais, si c'est non, alors, là, il y a une décision de prise de ne pas bouger, et on réfère à une première instance et on dit: La décision de première instance serait celle rendue par le Tribunal administratif en révision d'une décision prise par un fonctionnaire ou par l'administration. Et, troisièmement, on pense à l'appel qui serait la décision rendue par le Tribunal en révision d'une décision de première instance.

Maintenant, au titre II, chapitre II, section III, où on parle de la section de l'évaluation foncière, on se rend compte beaucoup qu'on parle d'immobilier à l'intérieur de la section évaluation foncière. Alors, on suggère uniquement que cette section-là soit appelée «section de l'évaluation immobilière» au lieu de «section de l'évaluation foncière».

Passons à l'article 34. Alors, on dit, dans le libellé de cet article, que seul un avocat ou un notaire peut agir comme président de la formation chargée d'instruire les recours. On en a parlé avec le groupe précédent. Alors, dans le cadre actuel de la Loi sur la fiscalité municipale, particulièrement l'article 105, un évaluateur peut agir à titre de président de l'audition. Il doit, le cas échéant, référer les questions de droit au président du BREF qui en dispose ou désigne un membre du Bureau qui est avocat ou notaire. Les évaluateurs municipaux n'ont pas de problème avec ça au moment où on se parle. Environ 85 % de toutes les causes entendues devant le Bureau de révision sont pour de la petite plainte, des propriétés évaluées en bas de 500 000 $. C'est quand même la masse de tout ce qu'on peut posséder au Québec. Alors, les questions soulevées à propos du droit, il n'y en a pas tellement. Je ne dis pas que ça n'arrive jamais, mais ça n'arrive pas souvent. Alors, nous croyons que, dans un souci d'efficience, le droit des évaluateurs de présider une audition, ça doit être maintenu.

À l'article 42, et là on revient encore un petit peu... On est deux associations. L'Ordre et l'Association des évaluateurs municipaux, on tire un petit peu dans le même sens, parce que, nous autres mêmes, étant évaluateurs agréés, on a des vues qui se ressemblent évidemment. Alors, on parle des quotas au niveau des affaires sociales et, ici, on dit: Si vous avez des quotas au niveau des affaires sociales, pourquoi il n'y en aurait pas, des quotas, au niveau d'un tribunal aussi spécialisé que le Bureau de révision, en ce qui concerne les valeurs? On dit que 90 % des révisions d'évaluation foncière et des fixations d'indemnité portent sur des questions de valeurs. Alors, on dit: Pourquoi pas 75 %... J'ai entendu tout à l'heure 66 %, c'est les deux tiers. Alors, je pense que l'important, c'est que la représentativité des évaluateurs doit être prépondérante.

À l'article 64, le deuxième alinéa introduit la possibilité qu'un vice-président du Tribunal puisse être responsable de plus d'une section, et ça nous apparaît non recommandable. Cependant, si, pour des raisons organisationnelles, il était nécessaire de nommer un ou des adjoints à un vice-président, on n'a pas vu de disposition du présent projet de loi qui pourrait y pourvoir. Alors, on pense qu'il faudrait prévoir qu'une telle disposition précise que ces adjoints devraient être nommés à même les membres dont la profession est analogue à l'activité exercée. Et, là, on parle d'évaluateurs agréés.

(16 h 20)

L'article 80, maintenant, c'est celui qui affecte un membre à une autre section. Alors, nous sommes aussi en désaccord avec cet article. Si la révision des évaluations a justifié jusqu'à ce jour l'existence d'un tribunal administratif, donc un groupe de commissaires spécialisés, la complexité et la spécificité des litiges, tels qu'on les connaît aujourd'hui, commandent que l'on n'assigne que des personnes dûment qualifiées à l'audition de ces causes. Et on disait tout à l'heure que la majorité des plaintes sont de la petite plainte. Évidemment, il y a des grosses plaintes. Il y a des plaintes de centaines de millions de valeurs portées au rôle qui nécessitent quand même un bon traitement et une vision des choses en fonction d'un évaluateur agréé.

L'article 88, maintenant. Alors, on dit, à l'article 88 qu'il y aurait lieu de conserver l'actuel libellé de l'article 108 de la Loi sur la fiscalité municipale qui convient tout à fait bien en matière d'évaluation foncière, puisqu'il assure la souplesse nécessaire selon la volonté des parties. Alors, on pense que le texte – en tout cas, vous pourrez le lire – de l'article 108 de la Loi sur la fiscalité municipale est explicite. Ça convient bien, et on pense qu'il devrait être maintenu. Je vais accélérer, si vous permettez, pour aborder quand même des points plus importants un petit peu plus loin.

Alors, à l'article 94, on peut supposer que l'intention du législateur est d'éliminer les recours prévus devant les tribunaux judiciaires en appel des décisions du Tribunal et du BREF, en l'occurrence. Donc, les pièces et documents pourraient, à ce moment-là, être détruits après un an. Alors, en évaluation foncière, nous croyons que certains recours prévus à la Loi sur la fiscalité municipale doivent être maintenus à l'égard des appels. Alors, nous abordons, aux articles 149 et suivants, certaines modalités que nous voudrions voir incluses. Et, à ce moment-là, on parlera des appels.

À l'article 103, nous croyons que les dispositions de l'article 142 devraient être transposées intégralement dans le présent projet de loi en ce qui concerne l'évaluation foncière afin que le Tribunal continue de rejeter la plainte dans les cas d'absence du plaignant dûment convoqué à une audition.

Maintenant, nous vous référons à l'article 109. Nous croyons qu'en matière d'évaluation foncière les provisions de l'article 134 de la loi devraient être transposées dans le présent projet. Alors, c'est celui qui demande d'être relevé d'un défaut. Ça arrive souvent qu'une plainte... Il y a des délais de plainte qui sont vraiment prescrits par la loi, et quelqu'un peut porter plainte en dehors de ces délais-là. Il peut, sur demande devant le Tribunal, être relevé de ce défaut d'avoir porté plainte dans les bons délais. Ça peut être une raison comme: J'étais en Floride et je n'ai pas pu porter plainte. Ou encore, j'ai acheté la maison il y a un an, puis, nous, on est en période de rôles triennaux. Alors, le rôle triennal est dans sa troisième année. Donc, qu'est-ce qu'on fait avec ça? Il faut toujours penser aussi que, à l'intérieur de ça, la fiscalité de la municipalité est en ligne de compte. Et, vous savez, les villes budgètent en fonction d'être très serrées, et ce jeu-là peut amener des distorsions.

Maintenant, à l'article 114, on dit que l'AEMQ, c'est vrai, elle a toujours et maintes fois préconisé que les motifs invoqués et les conclusions recherchées soient clairement indiquées sur les formules de plainte. À cet effet, elle se permet de suggérer que les règlements fixant les règles de procédure de la section évaluation foncière soient édictés en conséquence. Alors, c'est donc que, sur les plaintes, ce soit marqué pour quel motif je porte plainte. Et, ce qu'on constate actuellement, et ça, c'est peut-être un petit peu de la facilité pour le plaignant... Je conteste parce que la valeur est trop élevée, trop cher de taxes, et on en fait un débat. Alors, si on pouvait clarifier clairement pour quel motif on conteste notre évaluation, je pense que ça éclaircirait auprès du Tribunal, du Bureau de révision et de l'évaluateur municipal.

Maintenant, l'article 116. On va en traiter, je pense que c'est ici qu'on trouve quelque chose de majeur en ce qui concerne le projet de loi. C'est peut-être celui qui a le plus de conséquences pour les municipalités, autant que pour leurs évaluateurs municipaux et pour les contribuables. Alors, à cause de la lourdeur administrative et du volume des documents impliqués, on pense que les dispositions de cet article sont totalement inapplicables en matière de contestation d'évaluation foncière.

À titre d'exemple, la Communauté urbaine de Montréal a reçu 42 000 plaintes à l'encontre du rôle 1992. Alors, si on lit bien l'article de loi, on dit que, dans les 30 jours de réception de cette plainte-là, la CUM aurait eu mandat d'envoyer 42 000 copies du dossier au tribunal, le Bureau de révision, et 42 000 copies aux différents plaignants, alors que même le Bureau de révision ne peut pas gérer une telle avalanche de dossiers. Ça prendrait des entrepôts pour être capable de les classer, ça rentrerait à pleines portes. Ça serait incroyable. Je vous donne juste un exemple. Ici, on est à Québec. Un des gros dossiers qu'on a dans la région, c'est Place Laurier, et le dossier de Place Laurier, c'est environ 10 boîtes d'archives mises une à côté de l'autre. Alors, s'il y a une plainte sur Place Laurier et qu'on envoie copie des dossiers, ça ne finit plus.

Maintenant, si le législateur ne retient pas les présents commentaires, il y aurait lieu, à tout le moins, de préciser ce que devrait comprendre un dossier à la lumière non seulement de la définition qu'en donne le ministère des Affaires municipales, parce que le ministère, dans son règlement, donne c'est quoi, le dossier de l'évaluateur, mais de la jurisprudence établie notamment par la Commission d'accès à l'information qui a été plus loin que la définition du MAM. Alors, le fait d'envoyer des copies de dossiers un peu partout, ça amène un engorgement incroyable. Et, à titre d'exemple, le Bureau de révision, pour les années 1990, 1991, 1992, 1993 et 1994, les statistiques que nous avons obtenues sur toutes les plaintes qui ont été portées, retraits et défauts de comparaître: donc, le plaignant qui laisse tomber sa plainte représente 40 % de l'ensemble de toutes les plaintes; recommandations acceptées et adjudications sommaires, donc il y a eu une rencontre avec l'évaluateur et le plaignant, on se parle et on cadre un petit peu la situation et le litige et on règle les problèmes à 36 %. On est rendu à 76 % de l'ensemble des plaintes traitées de cette façon-là. Et les plaintes auditionnées, 24 %. Et, dans ces 24 % là, 22 % le sont pour des propriétés qu'on appelle, nous autres, de la petite plainte, où on est en bas d'une valeur de 500 000 $, 500 000 $ et moins. Alors, envoyer des copies de dossiers, là, pour 76 % des propriétés qui sont, à toutes fins pratiques, réglées hors cour, avec des échanges entre les évaluateurs et les contribuables... On pense que l'article 116 ne devrait pas s'appliquer. On est allé même jusqu'à dire qu'on s'interroge s'il ne s'est pas glissé une erreur dans le libellé du deuxième alinéa par rapport à l'intention du législateur. Est-ce qu'on n'aurait pas plutôt voulu dire: La municipalité locale dont une unité d'évaluation apparaissant au rôle d'évaluation est contestée est tenue de respecter cette règle? Alors, je vous laisse sur cette réflexion. On en parlera peut-être un peu plus tard.

Alors, à l'article 125, l'état actuel de la pratique en matière d'évaluation foncière s'avère satisfaisant. Maintenant, si on va en dehors des heures normales de travail, pour nous autres, les conventions collectives de nos employés, c'est du temps et demi, et ça amène aussi des remises. L'instabilité financière de la municipalité est en conséquence.

Maintenant, je vais passer immédiatement à l'article 149 qui était la révision du Tribunal par le Tribunal. Alors, on dit: Compte tenu de la volonté déjà exprimée de déjudiciariser et d'accélérer le processus de révision, nous souscrivons à la proposition d'autoriser la révision d'une décision de première instance par le Tribunal. On est d'accord avec ça. Mais, en évaluation foncière municipale, la pratique actuelle du droit en matière d'appel devant les tribunaux judiciaires engendre des coûts et des retards qui peuvent être éliminés. Alors, on dit toujours que c'est un outil supplémentaire de négociation et on pense que ce serait opportun d'éliminer la Cour du Québec pour entendre ces causes-là. Maintenant, on devrait assortir le recours à la Cour d'appel d'une demande de pourvoi.

Le Président (M. Pinard): M. le président, je vous demanderais maintenant de procéder à votre clôture.

M. Mercier (Jean-Guy): Ma clôture? Alors, je vais vous dire premièrement que, au niveau de l'Annexe 3, des articles mentionnés aux cinquième et sixième alinéas n'existent pas, au moment où on se parle, dans la Loi sur la fiscalité municipale, et je termine là-dessus. On vous remercie de nous avoir fourni l'occasion d'exprimer notre avis et on se permet toutefois de vous demander, en terminant, de vous faire part de notre fervent désir d'être à nouveau consultés lors de l'étude de la loi qui assurera son application. Si vous avez besoin de notre réflexion, ça nous fera plaisir d'y participer. Merci beaucoup.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le président. M. le ministre.

M. Bégin: Oui. D'abord, je voudrais vous remercier de votre mémoire qui est très, très, très utile et très étayé. Entre autres, vous soulevez une question qui n'avait pas encore été abordée et qui tourne autour des définitions qu'on retrouve au début de la loi. Je vous avoue que, personnellement, j'ai déjà demandé qu'on apporte certaines définitions. Comme, par exemple, on retrouve à l'article 3 la définition d'«organisme gouvernemental», mais on ne trouve pas une définition d'«organisme administratif». Au deuxième alinéa de l'article 2, ça serait intéressant de le savoir, surtout qu'aux articles 8 et suivants, jusqu'à 12, on utilise le mot «organisme». On peut toujours s'y retrouver, mais, comme on parle d'«organisme», d'«organisme administratif» et d'«organisme gouvernemental», il est avantageux d'avoir une définition pour bien s'entendre. Il y a aussi d'autres mots comme ça qui auraient avantage à être précisés. Alors, je trouve que c'est une bonne observation que vous nous apportez.

Par contre, je ne vous suis pas tellement sur la disposition du secours équitable et impartial. Je sais que c'est frustrant. J'ai été avocat et je sais que c'est frustrant, mais ça reste un rôle important, qu'on aide le citoyen qui n'est pas capable, nécessairement, de connaître toutes les finesses des structures de la loi, qui, généralement – souvent, en tout cas – n'a pas de connaissances d'aucune manière. Il essaie de dire le mieux qu'il peut ce qu'il ressent. Et ça rejoint aussi la question de la plainte motivée. Vous savez, demander à un citoyen qui dit: Moi, je ne suis pas content... Il sait à peu près pourquoi il n'est pas content, mais toute la technicalité, là, de réécrire un texte, je pense que ce serait mettre un fardeau assez lourd, parce que, dans le fond, on le sait très bien ce qu'il demande: c'est une révision de son évaluation pour en diminuer la valeur. En dehors de ça, les questions de droit, pour les individus, sont relativement rares.

Donc, 114. Attendez un peu. Vous nous parlez de l'article 64, «qu'un vice-président puisse être responsable de plus d'une section». Effectivement, l'article 64 parle dans les termes que vous mentionnez. Mais quel est le problème que vous voyez, entre autres, à ce qu'il y ait plus d'une section?

(16 h 30)

M. Mercier (Jean-Guy): Alors, lorsqu'on parle des sections, on en compte cinq: les affaires sociales, lésions professionnelles, évaluation foncière, territoire et environnement, et affaires économiques. Alors, on pense que la personne qui devrait représenter une section devrait avoir une expertise supérieure pour cette section, et non pas... Exemple, on pense que l'évaluateur agréé devrait avoir une place importante au niveau de l'évaluation foncière, mais on ne demande pas qu'un évaluateur agréé puisse être déplacé vers les affaires sociales, on ne connaît pas ça. Mais peut-être que quelqu'un des affaires sociales ne connaît pas le domaine de l'évaluation municipale aussi, là. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on le dit.

M. Bégin: Maintenant, vous parlez de quotas. Je vous avoue honnêtement, j'ai entendu vos collègues préalablement mentionner – je ne l'ai pas relevé... Vous parlez de quotas et vous référez tous les deux à la section des affaires sociales où il y aurait un nombre de travailleurs sociaux et de médecins. Est-ce que ce n'est pas déshabiller l'un pour habiller l'autre que de dire qu'il faudrait qu'il y ait plus d'avocats quand on sait qu'il y a à peu près deux genres: notaires et avocats, et évaluateurs? Quand vous parlez de quotas comme ça, est-ce que ce n'est pas justement dire: Il y a trop d'avocats – c'est une manière élégante de le dire – et on voudrait avoir plus d'évaluateurs?

M. Mercier (Jean-Guy): On pense que les...

Une voix: Plus de notaires.

M. Bégin: Ah, les notaires sont décomptés. Ha, ha, ha! Excusez, M. le président.

M. Mercier (Jean-Guy): C'est parce qu'on croit qu'il n'y pas, actuellement, suffisamment d'évaluateurs. Les notaires et les avocats qui sont au Bureau de révision, on est prêt, tout le monde, à en convenir, sont des gens de haute qualité avec qui on est capable d'échanger. Et, ces gens-là, ça fait des années qu'ils sont là, et, avec le temps, ils ont réussi à obtenir cette expertise-là. Maintenant, on pense que l'évaluateur agréé a peut-être plus de facilité à embarquer immédiatement dans une audition pour comprendre ce qui se passe au niveau de la valeur, autant au niveau des techniques qu'au niveau des prises de décision. C'est dans ce sens-là qu'on le dit.

M. Bégin: O.K.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Beaulne: Oui. Vous avez fait allusion au volume de paperasse et puis de transposition de dossiers que les contestations exigent et vous mentionnez l'exemple de la Communauté urbaine de Montréal. Est-ce que vous avez une idée des coûts que ça peut représenter pour les municipalités en termes d'acheminement de ces dossiers, parce que je suppose que ça se fait par courrier plutôt que par télécopieur? Est-ce que vous avez des solutions ou des suggestions qui pourraient permettre de réduire cet échange massif de paperasse, dans le but de rationaliser un peu, pour le bénéfice des contribuables, à la fois le fonctionnement des municipalités et, de façon générale également, l'ensemble des frais que le système doit encourir dans ce genre de contestation?

M. Mercier (Jean-Guy): Bon. Au départ, on est contre l'idée de donner copie des dossiers. Ça va aussi loin que ça lorsqu'on regarde le libellé de l'article 116. On est contre le fait de remettre copie des dossiers. Et, si on lit bien l'article 116 et qu'on essaie de l'interpréter, un contribuable – n'importe qui d'entre vous – a le droit pour certains motifs de contester l'évaluation de son voisin. Vous avez le droit de prendre... Exemple: J'ai un édifice à bureaux, j'ai un voisin qui a un édifice à bureaux, et je vais porter plainte dessus. Je suis le plaignant. L'article 116 me dit: Toi, évaluateur, tu vas envoyer immédiatement, dans les 30 jours, copie du dossier de son voisin au Bureau de révision et, lui, il va avoir copie du dossier de la maison sur laquelle il a porté plainte, alors qu'il y a tellement de fragilité au niveau de la confidentialité.

Pour donner un exemple, devant le Bureau de révision, et il y a des gens ici qui vont en convenir, l'évaluateur municipal, pour faire son travail, a besoin de beaucoup d'informations. Lorsqu'on demande à un centre d'achat, à un édifice à bureaux, à un hôtel de nous fournir ses états financiers, on y va sur le bout des pieds. On leur garantit que tout ce qu'ils vont nous donner va être confidentiel. Et, si on va devant une audience où il y a entente de cette cause-là, lorsqu'on va traiter puis on va amener les comparables en fonction des loyers payés, les superficies, les clauses des baux et les revenus et dépenses de cet immeuble-là dont on a besoin pour faire l'évaluation, on va demander d'abord aux gens qui ne sont pas de la cause ou qui ne sont pas nécessaires de sortir de la salle du tribunal et on va demander au président du banc: Mettez sous scellés ces choses-là, on ne veut pas que ça sorte. Ça causerait un préjudice incroyable à tous ceux qui administrent des biens immobiliers où ils ont des locataires, des cédules de baux. Il n'y a personne qui veut voir sortir ça.

Et, si on dit: Envoyez le dossier, eh bien, là, c'est quoi le dossier d'abord? Si on envoie un dossier, est-ce que c'est de A jusqu'à Z? Un dossier, c'est une fiche technique. Ça peut être la photographie, avec les dimensions de la propriété, les matériaux, les charpentes, la finition intérieure, la plomberie, le chauffage, l'électricité, les ventilations, mettez-en. Mais, aussi, là-dessus on va avoir des volets qui vont parler du traitement du revenu brut de la propriété et du traitement du revenu net de la propriété. Donc, il y a une partie en revenu total, une partie en dépenses, pour dégager de ça un revenu net. Et on part du principe, toujours, en évaluation: Dis-moi ce que je vais retirer d'un immeuble, et je vais te dire combien il vaut. Alors, l'évaluateur doit faire ce cheminement-là. Alors, si on donne copie des dossiers à tous les plaignants, la confidentialité est perdue, et là on a peur, on a peur... En tout cas, on vous le souligne, là, il ne faut pas y toucher, en ce qui nous concerne.

M. Beaulne: Oui. Mais, au-delà de la confidentialité, en termes de coûts, avez-vous un estimé de ce que ça pourrait faire encourir?

M. Mercier (Jean-Guy): Malheureusement, non. Je sais que c'est beaucoup, mais quantifier ça, impossible. Pour le moment, au moment où on se parle, on n'a pas fait cette recherche.

M. Beaulne: Mais ce serait beaucoup.

M. Mercier (Jean-Guy): Bien, ce serait énorme, énorme, énorme.

M. Beaulne: Merci.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Drummond.

M. Jutras: Moi, je reviens sur la question de l'appel. Vous dites dans votre mémoire, à la page 9: «En évaluation foncière, nous croyons que certains recours prévus à la Loi sur la fiscalité municipale doivent être maintenus à l'égard des appels.» Alors, je sais qu'il y a le BREF. Après ça, c'est la Cour du Québec, chambre civile, et il y a possibilité à la Cour d'appel. Alors, quand vous dites ça ici, «nous croyons que certains recours prévus à la Loi sur la fiscalité municipale doivent être maintenus», je voudrais savoir lesquels, et de un. Ça, c'est ma première question, elle est à deux volets, M. le Président. Et, par la suite, je vous réfère à la page 12 de votre mémoire, où vous éliminez le palier de la Cour du Québec, chambre civile. Ça, je comprends bien ça. Et, là, vous suggérez, je comprends, qu'il y aurait appel du Tribunal administratif à la Cour d'appel du Québec avec demande de pourvoi. Alors, je comprends que, ce que vous voulez dire, c'était avec requête pour permission d'appeler.

M. Mercier (Jean-Guy): Exactement.

M. Jutras: Et, à ce moment-là, est-ce que ce serait sur tout ou seulement sur des questions de droit?

M. Mercier (Jean-Guy): Je pense qu'on peut aller sur tout, parce que, à un moment donné, on pense que les... En tout cas, ce qui a été entendu en Cour d'appel ces dernières années n'a pas touché uniquement à des questions de droit. Je pense que, à un moment donné, on va plus loin. Il y a un assesseur qui est inscrit au dossier, et on revoit un peu le processus de l'évaluation. Et on pense que ça doit être ça, pas nécessairement en ce qui me concerne, mais au niveau du droit.

M. Jutras: Mais, présentement, pour partir de la Cour du Québec, chambre civile, pour aller à la Cour d'appel, vous n'avez pas besoin de requête ou de permission d'appeler, je pense, hein? C'est un appel...

M. Bégin: C'est automatique.

Une voix: C'est ça, c'est un automatisme.

M. Jutras: ...de plein droit, qu'on appelle. Est-ce que, si vous y allez avec requête pour permission d'appeler, vous ne craignez pas qu'on se retrouve avec la situation actuelle – à savoir que la Cour d'appel, je pense que c'est un appel sur 100 qu'elle permet, sur requête pour permission d'appeler – de vous retrouver dans un goulot d'étranglement et que ça veuille dire pratiquement qu'il n'y en a plus d'appel?

M. Mercier (Jean-Guy): Écoutez, il faut se mettre dans le contexte de la façon qu'on l'a vu. On sait que vous voulez accélérer le processus. Vous avez un projet de loi qui veut améliorer les choses. Alors, il y a des compromis qu'on doit faire, et, ce compromis-là, après réflexion avec les gens qui ont déposé le mémoire, discussions avec nos collègues, on pense qu'on est capable de vivre avec ça. M. Racicot veut ajouter quelque chose en supplément de réponse.

M. Racicot (Gilles): Si vous me permettez, à vos deux questions... D'abord, si on suggère d'éliminer le recours à la Cour d'appel et de reconnaître plutôt le bien-fondé de ce qu'on voit maintenant dans le projet de loi n° 130, c'est-à-dire une révision de la décision même du Tribunal administratif, c'est parce qu'on s'est rendu compte au cours des années qu'à la Cour du Québec, de toute façon, il n'y a pas de décision qui se prenait là, c'était bien reconnu. Si c'était une question de droit, parfait, on révisait. Sinon, on ne se prononçait pas sur le fond du litige comme tel et on se retrouvait finalement à la Cour d'appel.

(16 h 40)

À la Cour d'appel, vous soulevez avec raison, je pense bien, qu'il y a les délais. Par contre, lorsqu'on regarde, traditionnellement, les causes qui se sont rendues à la Cour d'appel... On s'est rendu compte que, dans la majorité des cas, ce sont des questions de droit qui étaient soulevées, et non pas les techniques d'évaluation. Donc, on pense que de maintenir ça, parce que, inévitablement, il risque peut-être d'y avoir des situations... Les dossiers les plus connus, c'est, bon, Baie-Comeau, Ciment Québec, etc. C'est des questions qui doivent être tranchées, selon nous, devant des tribunaux judiciaires. Donc, qu'on conserve un minimum de, entre guillemets, droit d'appel au niveau des tribunaux judiciaires pour trancher ces questions litigieuses au niveau du droit et qu'on se limite, au niveau du fond comme tel, à la révision des bureaux de révision.

M. Jutras: Ça va.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Châteauguay.

M. Mulcair: De Chomedey.

Le Président (M. Pinard): De Chomedey, excusez-moi.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Je tiens...

Le Président (M. Pinard): Vous n'avez pas de problème d'inondation chez vous.

M. Mulcair: Je touche du bois.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: C'est vrai, on est quand même collé entre deux rivières. Alors, je tiens à remercier les membres de l'Association des évaluateurs municipaux d'avoir fait cette présentation et je vous remercie tout particulièrement pour les observations que vous avez faites, les explications fournies concernant l'article 116. Je pense que votre propos nous est utile à plusieurs niveaux. Évidemment, dans les faits, l'explication que vous fournissez, en donnant un exemple que tout le monde peut comprendre, qu'un seul dossier peut constituer 10 boîtes d'archives, c'est un excellent exemple, mais ça illustre aussi à quel point il est important, dans ce genre de processus, effectivement, de consulter les gens qui – ce n'est pas une figure de style – littéralement, savent de quoi ils parlent. Et, de toute évidence, les rédacteurs de l'article 116 n'ont pas pris la peine de consulter les gens compétents en la matière et ils se sont permis de rédiger un article sans savoir de quoi ils parlaient. Et je pense évidemment que cet article-là a besoin d'être revu et corrigé en conséquence, mais c'est quand même la raison principale pour laquelle on se livre à cet exercice d'audience en commission parlementaire.

J'aurais voulu avoir votre impression aussi... C'est un sujet qui a été abordé par l'Ordre tantôt en partie, mais, comme praticien, comme les gens sur le terrain, j'aurais aimé aussi savoir votre opinion sur la fameuse question de l'indépendance et de l'impartialité. Vous savez, on en a parlé au cours de la présente commission. Vous avez sans doute vu dans les articles qui ont été écrits là-dessus que ça fait partie des préoccupations majeures de cette commission, et hier des praticiens ont parlé de la très grande importance, en matière de droit immobilier et d'expropriation, de préserver l'indépendance et l'impartialité. Est-ce que vous partagez cette préoccupation et, quoi qu'il en soit, est-ce que vous pouvez partager votre avis?

M. Mercier (Jean-Guy): Malheureusement, je n'ai pas pu, hier, assister à la présentation de ce que vous venez de me dire. Maintenant, c'est évident que l'impartialité doit être à tous les... tout tribunal doit avoir des décisions qui sont impartiales. Alors, jusqu'où ça peut aller... Je pense que c'est la base de notre système, l'impartialité: la décision est juste, la décision est impartiale, aucun favoritisme nulle part, si c'est bien dans le sens où vous me posez votre question.

M. Mulcair: Oui, effectivement, parce que, avec la rédaction proposée du projet de loi, on peut aisément concevoir qu'une personne qui est dans la quatrième année de son premier mandat, qui a une décision à rendre qui risque d'affecter négativement les intérêts financiers de l'État qui serait appelé à la nommer à nouveau, risque d'être influencée. Est-ce que vous partagez cet avis-là?

M. Mercier (Jean-Guy): J'ose croire que les gens... En tout cas, ceux avec qui on fait affaire actuellement ne nous donnent pas l'impression que ce sont des gens qui subiraient cette pression-là au point de devenir partiaux ou quoi que ce soit.

Nous, on a fait notre intervention en fonction d'un évaluateur municipal. On s'est rattaché un petit peu à ça. Lorsqu'on parle de mandat, on s'est retiré un petit peu, parce qu'on dit que l'évaluateur municipal, même s'il peut, un jour, avoir accès à un poste dans un tribunal administratif, par exemple le BREF... Ce n'était pas notre préoccupation. On est allé plus terre à terre. Comme vous le disiez tantôt, on est des gars de terrain, des femmes de terrain et on s'en est tenu à ça, ce qui nous touche présentement. Maintenant, au niveau des mandats et de la pression que peut engendrer une dernière année de mandat, moi, j'ose croire que les gens qui sont en place actuellement ne subiraient pas cette pression-là d'une façon négative pour l'ensemble de nos contribuables.

M. Mulcair: Est-ce que le fait qu'à l'heure actuelle certaines fonctions soient assumées par des juges nommés à vie ou du moins jusqu'à un âge de retraite assez avancé et qui bénéficient donc de cette garantie-là... Est-ce que, à votre sens, le fait de perdre cette sécurité-là risque d'affecter négativement leur position pour l'avenir si c'est remplacé par des gens qui ne bénéficieraient pas d'une telle garantie?

M. Mercier (Jean-Guy): Écoutez, je suis peut-être un naïf qui s'ignore, je ne sais pas, mais je fais confiance aux gens. Et, pour répondre à votre question, si j'avais un exemple qui me faisait dire: Oui, attention à ça, ils peuvent devenir un petit peu partiaux parce qu'ils ont une certaine crainte quelque part, je vous le dirais, mais je n'ai aucune raison de croire ça. Je ne sais pas si mes collègues ont des choses à ajouter là-dessus, mais, moi, en ce qui me concerne, je n'ai jamais...

M. Mulcair: C'est une réponse très honnête, et je l'apprécie beaucoup, surtout comme vos remarques sur l'article 116. C'est avec de l'expérience et des gens qui viennent de différents milieux qu'on va pouvoir parfaire le projet de loi, et je respecte énormément votre position, même si mes craintes sont partagées par d'autres intervenants. Si vous ne les partagez pas, ce n'est pas un tort. C'est...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: ...pour avoir votre opinion et pas pour être renfoncé dans la nôtre.

M. Bégin: Mais pas par eux, Tom.

M. Mercier (Jean-Guy): Non.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Alors, M. le président Mercier, je vais vous permettre, comme vous l'avez suggéré tout à l'heure, d'expliciter votre suggestion d'éliminer les deuxième et troisième alinéas de l'article 10 pour que s'appliquent, en matière de justice administrative, les règles de preuve en matière civile, en ajoutant cependant que vous êtes bien conscient que votre suggestion imposerait une rigueur extrêmement serrée au débat. Ça peut vouloir dire, entre autres, la communication de l'expertise, parce que, si vous souhaitez que ce soit la preuve civile, ce n'est pas seulement au niveau du débat, il y a tout ce qui précède le débat, et il faut que vous ayez aussi à l'esprit que souvent... Et vous l'avez noté tout à l'heure, c'est-à-dire à un autre chapitre de votre mémoire, lorsque vous souhaitez que le Tribunal ne puisse pas intervenir. Je vous demande aussi d'avoir ça à l'esprit dans la réponse que vous allez me donner. Souvent, l'exproprié, c'est-à-dire le citoyen, il est seul. Il n'est pas toujours accompagné d'un expert, d'un avocat, il est souvent seul face à des gens avisés comme vous et les membres de votre Ordre. Alors, je voudrais que vous me commentiez votre suggestion, mais en ayant à l'esprit ces exigences que vous imposeriez à partir de l'acceptation de votre suggestion, là.

M. Mercier (Jean-Guy): Si vous le permettez...

M. Lefebvre: Oui.

M. Mercier (Jean-Guy): ...je vais passer le micro à M. Racicot, qui a une réflexion sur ce sujet.

Une voix: M. Racicot.

M. Racicot (Gilles): Merci. Je pense qu'on ferait d'abord une distinction. Si on parle du citoyen qui se présente devant le Tribunal, je pense que, l'argumentation de dire que les règles de preuve soient le moins rigides possible, on souscrit à ça. Mais les citoyens ne sont pas les seuls qui se présentent au Bureau de révision ou devant le futur Tribunal, il y a aussi tous les contribuables propriétaires d'immeubles industriels, d'immeubles commerciaux.

Vous avez certainement déjà entendu parler de l'expression «l'industrie de la contestation». Il faut reconnaître que l'industrie de la contestation existe. Or, si on n'a pas de règles bien établies pour régir la façon dont les causes vont être entendues – ces causes importantes là – le Tribunal risque de devenir une espèce de tribunal d'équité paritaire. Mais ce n'est pas vraiment ce qu'on recherche, par exemple, si on entend la cause de la Place Ville-Marie ou la cause, bon, de gros immeubles. C'est dans ce sens-là qu'on fait la remarque. On veut s'assurer qu'il y ait des règles rigides qui prévalent lorsqu'on parle d'audition de causes importantes où il y a des avocats au dossier, des experts au dossier, de façon à ce que les municipalités ne soient pas les perdantes en bout de ligne.

(16 h 50)

M. Lefebvre: Quand vous suggérez d'éliminer 11.3°, de ne pas permettre, «si nécessaire, d'apporter à chacune des parties, lors de l'audience, un secours équitable et impartial», que le BREF ne puisse pas venir en aide à un justiciable qui est seul, vous admettrez avec moi, M. Racicot, que cette coutume existe déjà devant les tribunaux de droit commun. Lorsqu'un justiciable se présente seul devant la Cour du Québec, entre autres en matière de droit pénal, face au procureur de la couronne, le juge, d'instinct, va protéger les droits du prévenu qui est seul au nom du principe fondamental de l'équité – pas de l'équité – de la justice, de la vraie justice. Alors, même si, en conclusion, 11.3° n'existait pas et même si, au moment où on se parle, 11.3° n'existe pas, je suis convaincu que vous vivez régulièrement l'expérience. C'est pour ça, d'ailleurs, que vous en parlez. Est-ce que vous ne considérez pas qu'ultimement c'est le devoir du tribunal – droit commun ou justice administrative – d'intervenir pour que le droit et la justice fondamentale soient respectés et, dans ce sens-là, de venir en aide, de supporter le citoyen qui est devant ce Tribunal administratif? Et, que ce soit écrit ou pas, ça va se faire quand même, ça va continuer quand même, M. Racicot, sauf que 11.3° a le mérite peut-être de préciser une situation qui, dans les faits, existe déjà.

M. Racicot (Gilles): Je partage votre affirmation...

M. Lefebvre: Moi, c'est mon interprétation que je donne, là.

M. Racicot (Gilles): ...mais sans partager le raisonnement en arrière. Notre raisonnement est dans le sens contraire. C'est de dire que, présentement, ça se fait. Tout le monde le sait ici que ça se fait, nous le savons aussi.

M. Lefebvre: Devant les tribunaux de droit commun également.

M. Racicot (Gilles): Oui. Nous aussi, on le sait que ça se fait. Mais ça va se faire dans une limite, entre guillemets, acceptable, parce qu'on dit: Oui, le contribuable, le citoyen qui est vraiment démuni, bravo! si le tribunal l'aide à comprendre ce qui se passe et à lui faire comprendre comment bien défendre sa cause. Mais, si on va plus loin que de dire que c'est déjà toléré et accepté de tout le monde, bien, là, on donne le pouvoir comme tel. Là, on craint qu'il y ait des abus, parce que, je m'excuse, l'une des parties intéressées dans les dossiers, c'est aussi les municipalités, et il ne faut les oublier. Et, comme nous le disions dans le mémoire que nous avons déposé en août 1991, lorsque, par les agissements, entre guillemets, exagérés d'aider le citoyen, on nuit à la municipalité, là, il y a une des parties intéressées qui est lésée dans l'administration de la justice, et c'est ça qu'on veut éviter.

M. Lefebvre: Ce que vous souhaitez, c'est que ça soit resserré, balisé.

M. Racicot (Gilles): Voilà, encadré.

Le Président (M. Pinard): Excusez-moi. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Juste une question rapide. Vous avez soulevé la question de l'article 88, sur l'obligation que le Tribunal siège dans le territoire de la municipalité locale. C'était soulevé également dans le mémoire précédent, et vous avez proposé de changer ça de la même façon qu'on voit ça dans la Loi sur la fiscalité municipale. Si on ne change pas ça, c'est quoi les conséquences? Est-ce que ça va coûter beaucoup plus cher ou est-ce que c'est plutôt que ça va prendre beaucoup plus de temps? Au lieu de regrouper toutes les audiences sur l'île de Montréal, au Complexe Desjardins, si on est obligé d'en faire trois à Baie-d'Urfé, cinq à Kirkland et sept à Pierrefonds, etc., est-ce que ça va ajouter du temps et des coûts? C'est quoi qui est le plus problématique des deux?

M. Racicot (Gilles): Je pense que vous avez tout à fait raison. C'est là le problème qu'on voit. C'est évident sur les territoires comme les communautés urbaines, quoique, encore là, normalement le nombre de plaintes soit suffisamment élevé pour qu'on ait une audition pour les gens de Kirkland. Donc, qu'on la tienne à Kirkland ou qu'on la tienne au Bureau de révision, au Complexe Desjardins, les coûts ne seraient pas différents. Mais, lorsqu'on s'éloigne en région, par exemple, parce qu'il y a un peu plus que 90 MRC présentement... Et je prends toujours le nom d'une ville qui me vient parce que je le trouve tout à fait typique, intéressant puis beau à voir, Rivière-au-Renard, en Gaspésie. Bien, s'il y a deux plaintes à Rivière-au-Renard puis qu'on est obligé d'avoir une audition à Rivière-au-Renard, puis qu'il y a une plainte dans le village suivant puis qu'on est obligé d'avoir une audition dans le village suivant, là, on va multiplier le nombre d'auditions et on va augmenter les coûts, alors que la règle, présentement, de l'article 108 dit que, dans les petites causes – non seulement dans les grandes causes, mais aussi dans les petites causes – on peut regrouper régionalement l'audition des plaintes de différentes municipalités locales. Donc, c'est par souci d'économie.

M. Kelley: Et, dans le système actuel, ça ne pose pas énormément de problèmes...

M. Racicot (Gilles): Absolument pas, à ce que je sache.

M. Kelley: ...avec une limite de 100 km? Même à ça, on est capable de faire les regroupements?

M. Racicot (Gilles): Absolument.

M. Kelley: Deuxièmement, c'est juste pour revenir sur la question des délais et les chiffres que... Je ne sais pas le nom, mais vous avez dit dans la présentation que, sur 100 plaintes qui arrivent au BREF, il y en a 40 % qui sont retirées ou que la personne ne poursuit pas, si j'ai bien compris.

M. Mercier (Jean-Guy): Évidemment, c'est ça.

M. Kelley: Et 36 % sont réglées après une rencontre de conciliation avec un évaluateur.

M. Mercier (Jean-Guy): Exactement.

M. Kelley: Ça prend combien de temps avant d'arriver à l'étape d'aller au BREF, règle générale, pour une plainte? Moi, je ne suis pas satisfait, je dépose une plainte au début de janvier, mettons. La conciliation aura lieu après un délai de quelques semaines, quelques mois, règle générale?

M. Mercier (Jean-Guy): Je vais vous demander de préciser. Lorsque vous parlez de conciliation, est-ce que vous parlez du Bureau de révision ou si on parle de la première conciliation, celle qui se fait entre le plaignant et l'évaluateur? Parce qu'on ne va pas... En tout cas, notre mode de fonctionnement se fait... On va discuter avec le plaignant pour être capable de cadrer un petit peu le débat. Alors, est-ce que vous parlez de celle-là?

M. Kelley: Non, non, juste...

M. Mercier (Jean-Guy): O.K.

M. Kelley: ...donnez-moi un cas typique pour me familiariser avec les délais qui sont dans le système actuel.

M. Mercier (Jean-Guy): O.K. Je pense qu'il y a engorgement au niveau de la CUM. Et, dans la région de Québec – et, moi, je suis évaluateur à la Communauté urbaine de Québec – les délais nous semblent très acceptables au moment où on se parle. Alors, quand vous parlez de temps, je pense qu'on est en train d'entendre actuellement des plaintes qui auraient été déposées pour le rôle 1995, et on est en 1996.

M. Kelley: 1996.

M. Mercier (Jean-Guy): Alors, ça a déjà été pire que ça, on a vu des deux ans. Mais, pour le moment, on est en train, là, je pense, de faire un nettoyage, dans la région de Québec, important. Ça demande l'effort autant de l'évaluateur municipal que du Bureau de révision, mais je pense que c'est important. Et, ça, on revient toujours à ça, parce que notre client premier, qui est la municipalité, souffre énormément de l'instabilité financière. Lorsqu'on budgète en fin d'année sans savoir ce qui nous pend au bout du nez l'année suivante... Alors, on pense que le Bureau de révision, avec tous les outils dont il pourra bénéficier, puisse avoir des décisions rapides pour faire bénéficier la ville d'une fiscalité qui est plus précise que ce qu'on voit présentement.

M. Kelley: Merci.

Le Président (M. Pinard): Du côté ministériel?

M. Jutras: Bien, moi, je veux peut-être revenir, là, sur l'article 11.3°, quand on parle d'apporter à chacune des parties, lors de l'audience, un secours équitable et impartial. Moi, il me semble que le fait que cet article-là soit là, c'est même une bonne chose pour vous autres. Je comprends que, parfois, quand un contribuable n'est pas représenté par avocat, le président du tribunal, à un moment donné, va très loin et prend fait et cause, en quelque sorte, pour ce contribuable-là, de sorte que, comme avocats, on se retrouve avec un adversaire, là. C'est le président du tribunal qui devient vraiment notre adversaire, et ça arrive fréquemment, ça. Il se prend à son propre jeu, finalement. Moi, je me dis «un secours équitable et impartial», bien, vous aurez toujours l'argument de dire qu'il faut qu'il demeure impartial, et non pas qu'il devienne partial, comme on le voit parfois quand le président du tribunal prend trop fait et cause pour le contribuable, parce que, comme dit le député de Frontenac, en fait, ça se passe dans les faits. Alors, est-ce que ce n'est pas un article qui balise le secours que le Tribunal doit apporter à une des parties?

M. Mercier (Jean-Guy): Moi, je respecte votre opinion de ce côté-là. Nous, notre réflexion était à l'effet contraire, comme M. Racicot l'a dit tout à l'heure, mais votre opinion est valable, et je la respecte.

M. Jutras: Puis une toute...

Le Président (M. Pinard): En complémentaire, M. le député de Drummond.

M. Jutras: ...dernière petite question. Quand vous dites que l'article 108 vous permet d'aller siéger, somme toute, dans les municipalités qui sont plus régionales, là, ça veut dire que, chez vous, vous allez dans combien de municipalités? Parce que tantôt on a parlé de 25, tantôt on a parlé de 32, je ne sais pas si c'étaient des chiffres qui étaient avancés au hasard ou si ça correspond à la réalité. C'est quoi? Le savez-vous?

M. Mercier (Jean-Guy): Sur le territoire de la Communauté urbaine de Québec, tout se passe au Bureau de révision de Québec.

Une voix: Un an?

M. Jutras: Non, non, mais, moi, c'était le nombre d'endroits où vous allez siéger.

M. Mercier (Jean-Guy): Un seul.

M. Jutras: Non, mais à travers la province.

M. Mercier (Jean-Guy): Évidemment, moi, je ne le sais pas.

M. Jutras: Il y en a un qui lève la main en arrière. Je ne sais pas si...

Une voix: C'est L'Écuyer.

M. L'Écuyer (Mathieu): Écoutez, je suis membre du Bureau de révision de l'évaluation foncière, et on siège généralement, en région, dans les palais de justice. Alors, écoutez, je ne suis pas capable de les dénombrer, mais il est clair que la proportion, c'est... S'il y a 1 400 municipalités locales, ça veut dire 1 400 points de services, puis je ne sais pas si c'est... 30 à 40...

M. Bégin: Il y a 43...

M. L'Écuyer (Mathieu): ...points qu'on...

M. Bégin: ...palais de justice.

M. L'Écuyer (Mathieu): ...dessert actuellement.

Le Président (M. Pinard): Merci.

M. Jutras: Ça va.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Gaspé et de Rivière-au-Renard.

M. Lelièvre: Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lelièvre: Rivière-au-Renard fait partie de Gaspé. Moi, je vous écoutais tout à l'heure, et ça m'accrochait quand vous disiez, par exemple, que la municipalité, c'est votre client et qu'il faut protéger les intérêts de la municipalité. Mais comment on peut concilier tout ça? Moi, j'ai de la misère avec le bon Samaritain qui s'en va trouver quelqu'un puis qui va l'aider à comprendre ou à préparer son affaire et ce que vous disiez tout à l'heure, par exemple, que, dans le fond, vos actions pourraient causer des préjudices à la municipalité. J'ai de la difficulté à concilier ce qu'on discute...

M. Mercier (Jean-Guy): O.K.

M. Lelièvre: ...et les commentaires que vous avez apportés.

M. Mercier (Jean-Guy): Bon. Alors, pour nous...

M. Bégin: Est-ce qu'on peut répéter plus fort?

M. Mercier (Jean-Guy): ...lorsqu'on parle de...

M. Bégin: M. le député de Gaspé ne parle pas fort.

M. Lelièvre: Vous êtes loin, M. le ministre. Alors, je disais que j'avais un peu de difficulté à concilier que certains commentaires qu'ils ont faits, que les municipalités pourraient subir un préjudice et, d'autre part, que les municipalités sont leurs clients. Et, là, on parle également du contribuable qui, lui, doit avoir accès à une justice administrative qui lui permettrait de faire régler son dossier de façon simple, souple, efficace et de façon peu coûteuse, alors qu'on sait que les municipalités disposent d'évaluateurs, d'avocats, si nécessaire, alors que le citoyen, lui, n'a pas les moyens de faire cette procédure-là. Bon, bien, il va être seul.

M. Mercier (Jean-Guy): Ce n'était pas dans le sens où, en tout cas, je vous l'entends l'expliquer que notre intervention s'est faite. Lorsqu'on parle de client, c'est évidemment que la municipalité est propriétaire de son rôle d'évaluation. La municipalité engage son évaluateur et elle dit: Tu as la gestion de notre rôle d'évaluation. Donc, le client, c'est la municipalité. Et, la municipalité, elle aussi, par le biais du mandat qu'elle donne à son évaluateur te dit: Mon client à moi, c'est le contribuable, alors prends-en soin. Mais, aussi, il y a un cadre. C'est la Loi sur la fiscalité municipale qui nous le fait faire, le rôle d'évaluation. Il faut le faire dans ce cadre-là. Alors, je ne pense pas qu'il y ait de préjudice de causé au contribuable par le fait que notre client est la municipalité. Et je pense que les évaluateurs municipaux au Québec – et je pense qu'on les connaît depuis de nombreuses années – n'ont pas tendance à utiliser la force ou le trop fort pour être capables d'écraser un contribuable.

M. Lelièvre: Non, mais vous me parliez d'éviter un préjudice à la municipalité. Alors, c'est ça que je ne comprenais pas.

M. Mercier (Jean-Guy): Oui. M. Racicot va rajouter, si vous permettez.

M. Racicot (Gilles): Le préjudice dont on vous parlait tantôt, c'était lorsque le membre du Tribunal, le président, celui qui entend la cause, intervient de façon telle qu'il renverse le fardeau de la preuve, puisque, dans la loi, il est prévu que le citoyen a le fardeau de la preuve, c'est-à-dire de prouver que son évaluation n'est pas juste. Dans certains cas, le membre du Tribunal peut intervenir tellement en faveur du citoyen qu'il renverse le fardeau de la preuve, et, dans ce sens-là, ça crée préjudice à la municipalité qui a le droit, elle aussi, de voir à ce que le droit s'applique pour défendre sa valeur, la valeur de la municipalité. C'est dans ce sens-là que je disais qu'il pourrait aller jusqu'à y avoir un préjudice pour la municipalité.

Le Président (M. Pinard): Alors, MM. Mercier, Roy, Geoffrion et Racicot, merci infiniment de vous être présentés devant les membres de cette commission, l'échange a été plus que fructueux. Alors, je vous avise que les auditions publiques sont maintenant ajournées à demain, 10 heures. Cependant, je vous informe que la commission se réunira en séance de travail demain à 9 heures, afin de déterminer l'ordre du jour des auditions du jeudi 15 février 1996. Merci infiniment.

(Fin de la séance à 17 h 3)


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