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Version finale

35e législature, 1re session
(29 novembre 1994 au 13 mars 1996)

Le mercredi 24 mai 1995 - Vol. 34 N° 45

Étude détaillée du projet de loi n° 79 - Loi sur la Commission des droits de la personne et de la protection des droits de la jeunesse


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Table des matières

Auditions

Organisation des travaux

Commentaires sur les auditions

Organisation des travaux (suite)

Motion proposant d'entendre la Ligue des droits et libertés de la personne

Remarques préliminaires (suite)

Commentaires sur les auditions (suite)

Organisation des travaux (suite)


Autres intervenants
M. Sylvain Simard, président
M. Guy Lelièvre, président suppléant
M. Christos Sirros
M. Rémy Trudel
Mme Marie Malavoy
M. Robert Perreault
M. Geoffrey Kelley
M. Roger Paquin
M. Robert Middlemiss
*M. Louis Borgeat, comité Borgeat
*M. Daniel Jacoby, Protecteur du citoyen
*Mme Danielle-Maude Gosselin, SFPQ
*Mme Sylvie Paquerot, idem
*M. Robert Caron, SPGQ
* Mme Madeleine Beaudoin, Syndicat des employées et employés
de la Commission des droits de la personne
*Témoins interrogés par les membres de la commission
    Note de l'éditeur: Le titre du fascicule 44 de la commission aurait dû se lire ainsi: Étude détaillée du projet de loi 79 – Loi sur la Commission des droits de la personne et de la protection des droits de la jeunesse.

Journal des débats


(Dix heures vingt-six minutes)

Le Président (M. Simard): La séance est ouverte. Nous sommes réunis – je rappelle le mandat de la commission – pour procéder à des consultations particulières dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi 79, Loi sur la Commission des droits de la personne et de la protection des droits de la jeunesse.

M. le secrétaire, pouvez-vous annoncer les nouveaux remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques) est remplacé par M. Paquin (Saint-Jean); M. Ciaccia (Mont-Royal) par M. Bergman (D'Arcy-McGee); Mme Delisle (Jean-Talon) par M. Parent (Sauvé); M. Fournier (Châteauguay) par M. Kelley (Jacques-Cartier); M. Lefebvre (Frontenac) par M. Middlemiss (Pontiac); et M. Mulcair (Chomedey) par Mme Bélanger (Mégantic-Compton).

Le Président (M. Simard): Alors, à ce moment-ci, nous allons rapidement organiser nos travaux. Nous allons écouter le comité Borgeat, M. Borgeat et les membres de son comité, dans un premier temps. Nous aurons ensuite, vers 11 heures, le Protecteur du citoyen qui sera avec nous.

Une voix: ...

Le Président (M. Simard): Oui, vous avez raison, plutôt vers 11 h 15. Ensuite, le Protecteur du citoyen et les autres, c'est tous une demi-heure. Nous aurons ensuite une représentation conjointe des deux syndicats de la fonction publique, SFPQ et SPGQ. Et, finalement, le Syndicat des employées et employés de la Commission des droits de la personne. À la fin de tout cela, nous statuerons sur la façon de poursuivre nos travaux, notamment pour l'audition du Barreau.


Auditions

Alors, la façon la plus simple de fonctionner, je pense, à ce moment-ci, c'est d'écouter, sur le projet de loi, ce que M. Borgeat a à nous dire et, ensuite, de procéder comme nous fonctionnons habituellement, sous forme de questions, réponses et commentaires.

Alors, voulez-vous d'abord nous présenter la personne qui vous accompagne? Merci d'être avec nous. Je sais qu'il y a eu des changements d'horaire. Vous arrivez directement de Montréal. Merci de vous être déplacés de façon aussi rapide. Alors, M. Borgeat.


Comité Borgeat

M. Borgeat (Louis): Merci, M. le Président. Alors, la personne qui m'accompagne est l'un des membres du comité que l'on a pris l'habitude d'appeler le comité Borgeat, du nom de son président. Il s'agit de Mme Judith Sauvé, du ministère de la Justice, qui est celle qui a travaillé plus particulièrement sur les projets de modifications législatives qui constituent le rapport d'étape que nous avons remis au ministre hier.

Alors, on m'a dit que j'avais peut-être une quinzaine de minutes pour faire une présentation, qu'après quoi on aurait l'occasion d'échanger. Je dois d'abord vous dire que, bon, c'est toujours un peu stressant de se retrouver sur la place publique, comme ça, pour quelqu'un qui a plus une expérience universitaire. Alors, je considère malgré tout que c'est un honneur d'être accueilli par cette commission. Je ne sais si je dois vous remercier. Je vais plutôt attendre de voir le sort que vous allez...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Borgeat (Louis): ...réserver à notre présentation. Mais sachez que c'est un honneur d'être ici.

Alors, quelques mots d'abord sur le comité de mise en oeuvre. Le comité a été créé à peu près au moment où le projet de loi 79 était déposé à l'Assemblée nationale, au début du mois d'avril. Et ce comité est composé de sept personnes: il y a deux représentants des employés de chacune des deux commissions actuelles, deux vice-présidents des deux commissions actuelles, deux fonctionnaires du ministère de la Justice, dont Mme Sauvé et M. Pierre Dion qui est avec nous aussi, à l'arrière, qui était secrétaire et qui l'est toujours, et il était composé aussi d'un président neutre et objectif, de l'extérieur des cadres des deux organismes et même de la fonction publique, qui était moi-même, moi qui suis, je le souligne au passage, professeur de droit administratif à l'École nationale d'administration publique depuis déjà une quinzaine d'années, après avoir été dans la fonction publique pendant sept ans, dont au ministère de la Justice.

(10 h 30)

Le mandat du comité, je pense, est assez connu. On a coutume de l'appeler, nous, intimement, les membres du comité, le comité de l'harmonie. C'est le comité qui est là pour faire en sorte que la fusion se fasse dans le respect des deux mandats des commissions. Et notre objectif, c'est de faire des recommandations au ministre pour aplanir les difficultés qui pourraient se présenter dans la réalisation, la mise en oeuvre de la fusion.

De façon plus particulière, notre mandat nous demande de s'assurer de façon très claire que le traitement des plaintes se fasse dans le respect des clientèles spécifiques des deux commissions, également dans le respect des employés des deux commissions – parce qu'on sait qu'il y a des employés qui devront transférer d'un statut de fonctionnaires vers un statut hors fonction publique – et dans le respect, également, je le souligne, des objectifs budgétaires du gouvernement, qui ont été annoncés à l'occasion des crédits, qui imposent, bien sûr, un certain nombre de contraintes dans l'opération et dont il nous fallait être constamment respectueux.

Donc, essentiellement, la volonté du gouvernement étant clairement affichée par le projet de loi 79, notre mandat était de s'assurer que cette fusion-là, que la mise en oeuvre se fasse de la façon la plus harmonieuse possible, et c'est dans ce contexte-là qu'on a commencé nos travaux, il y a exactement un mois, le 21 avril dernier. Nous avons tenu jusqu'ici cinq réunions hebdomadaires, agrémentées de travail, évidemment, entre chaque réunion, cela va de soi. Et nous avons remis, comme je vous le disais, M. le Président, hier au ministre un rapport d'étape qui concernait le morceau relatif au projet de loi 79, soit un ensemble de propositions de modifications.

Quelles étaient les préoccupations qui ont immédiatement habité notre comité, au moment où on s'est réuni le 21 avril? Bien, je pense que ce sont les mêmes qu'on retrouve autour de cette table, dont j'ai eu évidemment quelques échos. Deux préoccupations: Comment garantir que le mandat jeunesse, au sein d'une nouvelle commission où domineraient numériquement, il faut le reconnaître, les employés en provenance de la Commission des droits de la personne, puisse être respecté, intégralement respecté, et conserver sa spécificité au fil des années? Et deuxièmement: Que signifie ce genre d'opération pour les employés de la Commission de protection des droits de la jeunesse qui quittent la fonction publique et qui ont des droits dont il faut s'occuper du respect?

Plus particulièrement, ces droits, dans le contexte, ont un rapport avec la première préoccupation. La présence des employés de la Commission de protection des droits de la jeunesse est essentielle au sein de la nouvelle Commission pour assurer l'équilibre des deux mandats. Alors, la question des employés, pour nous, n'était pas qu'une question de protection des droits des employés, en vertu de la Loi de la fonction publique et des conventions collectives, mais, aussi, on s'est beaucoup préoccupé du fait que la fusion devait faire en sorte que le transfert amènerait suffisamment d'employés pour que la vocation jeunesse ne soit pas au départ handicapée par le fait que le tiers, la moitié ou les deux tiers des employés décident de rester dans la fonction publique.

Alors, ces deux préoccupations ont mobilisé, je vous dirais, à peu près l'essentiel de nos premières réunions, et une partie de nos énergies a été immédiatement consacrée, les membres du comité, à nous sensibiliser les uns les autres – parce qu'il y avait des représentants de chacune des deux commissions – à ce que sont les modes de fonctionnement particuliers, les spécificités de chacune des deux commissions. Bien sûr, ce travail de sensibilité visait aussi le président, qui est de l'extérieur des deux commissions, ainsi que les représentants du ministère de la Justice.

Alors, une des premières choses que nous avons faites, ça a été d'identifier, de saisir ce que devrait être, grosso modo, la mission d'une nouvelle commission comme celle proposée par le projet de loi 79. Et, là-dessus, on est rapidement arrivé à un consensus à l'effet que cette Commission aurait une mission commune: la mission de cette Commission, c'est la protection des droits, la protection de certains droits, des droits que notre société juge fondamentaux à des titres différents et qui peuvent être compromis par l'ensemble des acteurs sociaux, dans différentes circonstances, et qu'il était opportun qu'un organisme s'occupe de la promotion et du respect de ces droits. Donc, si vous voulez, en quelque sorte, c'était le tronc commun, le dénominateur commun de cette nouvelle Commission, la protection de droits jugés au-dessus de certains autres par une société démocratique.

Cela dit, on a vite conclu, cependant, qu'une commission comme celle proposée par le projet de loi 79 comportait deux mandats qui étaient différents à plusieurs égards. Alors, les différences entre les deux mandats nous viennent, bien évidemment, de la loi, des deux lois elles-mêmes: Charte des droits et libertés de la personne et Protection de la jeunesse. Par exemple, si on regarde l'objectif même d'une intervention en matière de protection de la jeunesse, on sait que la Protection de la jeunesse est là pour intervenir pour assurer le respect des enfants et qu'elle prend souvent fait et cause pour les jeunes qui sont en difficulté, alors que, du côté de la Commission des droits de la personne, il s'agit plutôt d'une plainte pour réparer la lésion d'un droit, ce qui est une dynamique en soi différente.

Les différences au niveau de la loi se répercutent au niveau de la pratique, il faut le reconnaître. Quand on a regardé – et c'est un travail que Mme Sauvé a aussi complété de façon plus particulière – la pratique, comment se concrétisent les modes d'intervention et d'enquête dans les deux commissions, on s'est aperçu qu'au-delà de ce que la loi prévoyait comme distinction fondamentale, peut-être en conséquence de la loi, mais peut-être aussi en conséquence des cultures qui se développent de toute façon dans une organisation, les pratiques étaient différentes au niveau de la tenue même des enquêtes. Et cela nous a amenés rapidement à réaliser que la fusion ne devait pas être le lieu ni l'occasion d'une intégration des processus d'enquête propres à chacune des deux commissions.

Le mandat du comité nous posait la question d'essayer d'examiner dans quelle mesure il pourrait y avoir des rapprochements, et je peux vous dire que, dès le départ, les premiers constats qui ont été faits de part et d'autre de la table nous ont amenés plutôt à dire: On s'en va plutôt vers un constat que les divergences, en ce moment, sont manifestes, priment et l'emportent, et nous amènent plutôt, au contraire, dans notre rôle, à viser à garantir et à sauvegarder la spécificité de l'un et l'autre plutôt que d'essayer de fusionner des réalités distinctes.

Alors, on s'est, à ce moment-là, attaché à regarder si le projet de loi, tel que déposé, était suffisant pour assurer cet objectif de sauvegarde des deux mandats. Et c'est effectivement le but de notre premier rapport, le rapport d'étape remis hier, comme je le disais, au ministre, d'examiner le projet de loi 79 et certaines modifications. On l'a fait à partir d'un certain nombre de principes. J'en ai identifié quatre ici.

Premièrement, la fusion ne devait pas être l'occasion de modifier la philosophie d'intervention des deux lois et des deux commissions, par exemple en ajoutant des responsabilités nouvelles additionnelles à l'un ou l'autre des deux comités – sur le fond, des modifications substantielles de mandat à l'une ou l'autre des commissions – et ça ne devait pas être l'occasion, je l'ai déjà dit, de forcer l'uniformité des méthodes d'enquête et des procédures de traitement des demandes.

Deuxièmement, on a cherché à introduire des amendements qui donnaient une meilleure parité entre les deux mandats, dans leurs aspects accessoires. Les deux lois existent depuis une vingtaine d'années et se sont développées dans des contextes particuliers. Il y avait des petits décalages, je dirais, surtout du côté de la protection de la jeunesse. Il y avait certains pouvoirs qui, lorsqu'on les comparait à ceux de la protection des droits de la personne, donnaient l'impression que le mandat jeunesse aurait peut-être un peu moins de puissance, un peu moins de pouvoir, un peu moins d'impact. Alors, on a quelques modifications qui vont dans ce sens-là.

Troisièmement, renforcer l'intégrité des deux missions dans leur mode actuel de fonctionnement. Il y avait, dans le projet de loi 79, certains glissements qui pouvaient donner à penser que la procédure d'enquête utilisée en matière de droit de la personne serait bienvenue, utile, en matière de protection de la jeunesse. Et, nous, on a estimé qu'il fallait faire une légère marche arrière là-dessus et qu'il fallait, pour sauvegarder l'intégrité des deux mandats, éviter de faire des renvois à la Charte des droits en ce qui concerne la protection de la jeunesse.

Et, quatrièmement, on a examiné les conditions de transfert et de gestion de retour des employés de la protection de la jeunesse au sein de la nouvelle Commission, pour tenter d'éliminer les irritants qui auraient pu les rendre plus hésitants à faire le saut dans la nouvelle Commission, dans l'optique que je vous mentionnais tout à l'heure. Et, là-dessus, on propose des innovations législatives par rapport aux clauses typiques que l'on retrouve dans les lois, lorsqu'on prend des morceaux de la fonction publique et qu'on les envoie dans des organismes qui sont en dehors de la fonction publique.

Alors, c'est l'essence, M. le Président, de notre rapport d'étape, sachant que l'adoption du projet de loi, pour nous, permettrait de considérer les aspects plus administratifs, maintenant. On a déjà commencé à travailler sur des aspects comme les ressources matérielles, la possibilité d'un organigramme, mais nos travaux sont à l'état d'ébauche à ce stade-là, alors que, sur le projet de loi 79, la réalité du calendrier parlementaire nous a forcés à faire une réflexion accélérée pour en arriver à des propositions.

(10 h 40)

Le comité est aussi au fait que d'autres propositions de modifications proviennent du ministre, en ce moment, à la suite de pressions dont il a été l'objet. On a eu l'occasion de donner un avis, le comité s'est penché sur ces modifications-là et a donné un avis favorable. Et on sait que le Protecteur du citoyen, aussi, a des propositions dont nous avons eu vent, qui vont dans le sens des préoccupations de notre comité, des représentations faites auprès du ministre. Disons qu'il y a une sensibilité générale sur la problématique qui entoure ce projet de loi. Et le comité pense que l'ensemble de ces modifications, les siennes, celles qui sont dans l'air et celles du Protecteur du citoyen, sont des améliorations qui offriront des garanties meilleures, suffisantes, pour notre objectif de respect des deux mandats.

En terminant, j'ajouterais que, à ces efforts qui touchent la loi, il ne faut pas oublier que – et, moi, je peux vous dire que, comme président, j'ai été en mesure de le constater, dans le mois de travaux que nous avons derrière nous – la force de la culture organisationnelle des deux boîtes est immense. Lorsqu'on entend les représentants de la Commission de protection des droits de la jeunesse qui nous parlent du mandat qu'ils ont à l'égard des enfants, les murs vibrent dans l'enceinte du comité, et même chose au niveau des droits de la personne. Vous avez là un engagement absolument remarquable des deux organismes pour le mandat qui est le leur. Et je pense que, dans le cadre d'une fusion comme celle-là, c'est un atout d'avoir des cultures organisationnelles qui soient fortes dans chacune des deux organisations; ça risque de sauvegarder l'objectif qui nous préoccupe tous. Alors, je pense que c'est un atout important, aussi, ce que vivent les employés des deux commissions. Et je pense donc, comme commission, que la Commission peut se faire dans le respect des deux grandes préoccupations de protection des droits qu'on trouve dans la Loi sur la protection de la jeunesse et dans la Charte des droits et libertés de la personne.

Alors, voilà, je m'arrête là-dessus. Je suis prêt à répondre à vos questions.

Le Président (M. Simard): Je vous remercie beaucoup, M. Borgeat.

J'invite maintenant les membres de la commission... Le député de Verchères m'a fait signe...

M. Charbonneau (Borduas): Ancien député de Verchères.

Le Président (M. Simard): ...Mme la députée de Mégantic-Compton, ensuite.

M. Charbonneau (Borduas): Borduas...

Le Président (M. Simard): Pardon!

M. Charbonneau (Borduas): ...anciennement de Verchères.

Le Président (M. Simard): Excusez!

M. Charbonneau (Borduas): Écoutez, je pense que ce que vous venez de dire rejoint en bonne partie les propos qui viennent de nous être tenus, dans une séance de travail, par les trois anciens présidents de la Commission de protection des droits de la jeunesse. Sauf qu'il faut être cohérent, là.

Vous nous dites qu'il y a des cultures organisationnelles très fortes, institutionnelles très fortes. Vous nous dites qu'il ne faut pas forcer l'uniformité des enquêtes, qu'il faut une meilleure parité dans l'approche des deux mandats, qu'il faut même renforcer l'intégrité des deux missions dans leur mode de fonctionnement, qu'on ne doit pas modifier les philosophies d'intervention, que les pratiques des deux organismes sont différentes au plan des enquêtes et qu'on doit maintenir ces pratiques différentes là, qu'il ne peut pas y avoir d'intégration des processus d'enquête, et qu'il y a des divergences manifestes qui priment et qui l'emportent, et qu'il faut garder et garantir les deux spécificités.

Quand on vous écoute, on comprend que vous n'aviez pas le mandat de questionner l'objet principal du projet de loi, qui était la fusion même. Mais, à partir de ce moment-là, est-ce qu'on peut convenir que, sur un plan organisationnel, puisque vous n'êtes pas un spécialiste des questions des droits de la personne ni des droits de la jeunesse, mais que vous êtes un spécialiste des questions organisationnelles, on pourrait avoir une fusion de deux organismes qui ont des cultures différentes, des pratiques différentes qu'on reconnaît et qu'on veut préserver, tout en faisant en sorte que, au plan fonctionnel – puisqu'il y en a qui ont une préoccupation fonctionnaliste – ça opère bien, qu'on fasse les économies désirées, mais qu'en même temps on ne compromette pas les cultures, que non seulement on ne les compromette pas, mais qu'on capitalise sur leur existence et leurs différences pour créer une synergie qui va faire en sorte que le nouvel organisme va fonctionner à deux vitesses et va se renforcer de ces deux vitesses, à des moments donnés différents? Est-ce que c'est possible, au plan organisationnel?

Est-ce que vous avez regardé le problème fondamental qui se pose, de savoir si, oui ou non, on ne devrait pas avoir une structure organisationnelle qui garantisse l'étanchéité, d'une certaine façon, des deux approches, des deux philosophies, des deux modes d'intervention, des deux pratiques professionnelles différentes?

M. Borgeat (Louis): Bien, alors, écoutez, je vous dirais... D'abord, je ne suis pas un spécialiste des questions organisationnelles. Je vous disais que je suis un professeur de droit administratif. Le droit administratif nous amène à nous intéresser nécessairement aux droits de la personne assez directement à cause de leur impact sur l'appareil. Les droits de la jeunesse, j'en étais peut-être un peu moins familier, mais j'ai eu l'occasion de m'y frotter passablement. Donc, je ne voudrais pas que vous me perceviez, parce que je viens de l'École nationale d'administration publique, comme un spécialiste organisationnel; ma spécialité est plus en droit.

Lorsque vous résumez mes propos, vous dites: Bien, il y a deux mandats, il y a une distinction. Oui, tout ça, tout ce que j'ai dit, vous l'avez bien repris, je pense que c'est une réalité. Mais, cela dit, je ne pense pas que tout ça soit fondamentalement immuable. C'est sûr qu'il y a, dans la loi, des distinctions entre la nature des problématiques d'intervention. Il y a des clientèles qui sont différentes. Il y a plusieurs points qui distinguent les deux procédures d'enquête. Mais, quand même, il faut reconnaître que les modes d'enquête vécus par les deux organismes sont des modes non contradictoires qui peuvent, dans les deux cas, aboutir par une saisine ou une requête devant un tribunal spécialisé, de sorte qu'il est difficile de dire que, pour toujours et jamais, il n'y aura pas d'harmonisation possible, qu'il n'y aura pas de rapprochement possible à l'intérieur des deux mandats et des façons de faire des deux commissions.

Il est certain qu'il y a des distinctions assez fondamentales qui proviennent de la loi, qui demeureront sans doute, je dirais – il ne faut jamais dire toujours non plus, parce que les lois peuvent être modifiées – mais qui sont inscrites dans la nature des lois qui sont là. Au niveau de la pratique des organisations, il y a l'influence des valeurs qui sont propres à chaque organisation. Il y a les structures régionales qui ont varié beaucoup, aussi. On sait que la Protection de la jeunesse a une structure qui a été beaucoup plus décentralisée que celle de la Commission des droits de la personne. Donc, il ne faut pas dire jamais à une possibilité qu'une commission fusionnée avec deux mandats, après voir vécu ensemble un an, deux ans, trois ans, dise: Écoutez, la première année de la fusion nous a permis de mettre en commun un certain nombre de services – des services administratifs, secrétariat, recherche, services juridiques, de contentieux – on a vécu dans une période d'acclimatation les uns les autres, par rapport à nos mandats qu'on voyait au départ comme étant extrêmement étanches les uns par rapport aux autres, et savez-vous que, avec cette promiscuité, cette vie commune, on en arrive à penser, après quelques années, qu'il est peut-être possible d'harmoniser davantage, au niveau des pratiques, nos procédures d'enquête.

La culture, vous parlez de la culture, également. Je dis que c'est un atout d'avoir deux cultures fortes, à court terme, pour l'intégration, compte tenu que l'une des commissions représente un tiers par rapport à deux tiers d'effectifs dans l'autre, en termes de personnel. Alors, je pense que c'est bon, pour la période où il y aura la fusion, qu'il y ait du militantisme des deux côtés pour assurer la parité des mandats. Mais deux organismes qui fusionnent, il n'est pas dit que la culture, à un moment donné, ne se modifiera pas assez fondamentalement et qu'on n'arrivera pas, dans quelques années, à avoir une culture mixte, à avoir une culture de personnes qui pensent à dualité de mandat, protection des droits de la personne, protection des droits de la jeunesse, avec des spécificités, des modes d'intervention différents, et que cette culture unique soit l'apanage d'un personnel qui partage plus largement ces préoccupations-là.

Alors, moi, ce que je vous dis, c'est que je ne pense pas qu'il soit nécessaire – je ne sais pas ce qui va arriver dans trois à cinq ans – que tout le personnel actuel de la protection de la jeunesse, dans cinq ans, ne fasse encore que de la protection de la jeunesse et que, de l'autre côté, aux droits de la personne, on soit encore exclusivement orienté vers les droits de la personne. J'ai l'impression qu'une organisation qui vit une expérience comme celle-là aurait tout intérêt – là, je parle en mon nom plus qu'au nom... on n'a jamais discuté de toutes ces questions-là – à développer une nouvelle culture commune qui serait mixte, qui intégrerait droits de la personne et droits de la jeunesse, à moyen et à long terme, dans la mesure où ça sera conforme aux volontés de chacun.

M. Charbonneau (Borduas): Qu'est-ce que vous faites quand des anciens présidents vous disent que, cette osmose que vous pensez possible, certains d'entre eux pensent que non seulement elle n'est pas possible, mais qu'elle pourrait peut-être être même dangereuse, dans le mesure où elle pourrait faire en sorte que, finalement, au bout du compte, c'est le parti pris des jeunes qui est prévu par la Loi sur la protection de la jeunesse qui prendrait le bord et qui serait finalement dévalué ou mis de côté d'une façon qui serait dangereuse?

(10 h 50)

M. Borgeat (Louis): Je vous dirais, là-dessus, que je pense que les mécanismes qui doivent être prévus dans le projet de loi 79 doivent permettre que ceux qui vivront dans cette nouvelle Commission là, les commissaires, les employés, soient en mesure de décider de ce qui sera le mieux pour la nouvelle Commission. C'est-à-dire que, s'il y a osmose possible vers une culture plus intégrée, bien, que ça soit non pas la décision d'une personne ou de l'autorité, mais que ça soit le milieu même de la nouvelle Commission qui dise: Écoutez, on vit dans des bureaux régionaux avec des collègues qui font de la protection de la jeunesse ou ont fait des droits de la personne, et on pense qu'il y a certains aspects qui pourraient être mis en commun, ou on pense que non. Peut-être que, dans trois ans, ils vont dire: Écoutez, non, on pense que l'étanchéité des deux mandats doit être maintenue, et il n'est pas question de nous demander de faire quoi que ce soit pour aller dans ce sens-là. Je pense que c'est une question que la nouvelle Commission devra aborder...

M. Charbonneau (Borduas): Mais vous ne trouvez pas que ce serait aux législateurs de décider si, oui ou non, ce serait étanche?

Le Président (M. Simard): M. le député de Borduas, je pense que, d'abord, vous devez vous adresser à la présidence pour prendre la parole...

M. Charbonneau (Borduas): M. le Président...

Le Président (M. Simard): ...et, deuxièmement, il y a le principe de l'alternance, ici. Je vous laisse une dernière question, mais, ensuite, il y a M. le député de Laurier-Dorion qui a demandé depuis longtemps de poser une question.

M. Sirros: Peut-être, pour poursuivre dans exactement la même veine. Moi, si je comprends bien, M. le Président, nous avons ici le responsable d'un comité qui a été créé par le ministre, dont le mandat spécifique n'est pas de dire si ça devrait se faire, mais d'identifier au ministre comment ça devrait se faire. Moi, ce que je retiens de la présentation que vous nous avez faite, c'est que le responsable a allumé une série de lumières jaunes, parce que ce n'est pas dans son mandat d'allumer des lumières rouges. Mais, en dépit de ça, il nous allume une série de lumières jaunes, en disant: Bon, il faut faire attention à ci, il faut faire attention à ça, il faut faire attention à l'autre chose, et ça ne me semble pas, M. le Président, de prime abord, quelque chose de très naturel, cette fusion, à tel point où, à la fin, j'ai cru déceler, comme le député de Borduas, un genre de contradiction, où on nous dit: Il y a deux cultures fortes, et c'est tout à l'honneur de chacun des organismes, des commissions qui seront fusionnées, mais en nous ayant dit au préalable que les deux mandats ne sont pas nécessairement de la même nature.

Là, je me pose la question: Comment est-ce que le fait que les deux cultures soient fortes, comment est-ce que le fait que les deux mandats ne soient pas de la même nature... Et ayant eu ce qu'on a eu ce matin, au niveau des anciens présidents de la Commission de protection des droits de la jeunesse qui nous disent: Bon, il y en a une qui a une approche un peu plus objective, basée sur l'application rigoureuse de la Charte des droits et libertés, et une autre qui a un parti pris au départ pour les enfants et, donc, nécessairement un genre d'approche subjective, qui doit traiter avec des mineurs, des gens qui ne peuvent pas prendre leur propre parti pris, dans le cas qui les concerne, quand on sait qu'on va passer de 14 commissaires à quatre, qu'on va, en tout cas, les fusionner, que ça devient, pour quelqu'un qui le regarde de l'extérieur, un genre d'addendum qui est fait à la Commission des droits de la personne, on y raccroche... Moi, j'ai de la difficulté à comprendre comment est-ce qu'on peut... Et surtout quand, à la fin, on nous dit que, peut-être, après trois ans, on va dire que, non, il faudrait que ça reste séparé.

Mais il me semble qu'on est en pleine improvisation. Et ça n'enlève rien au travail qu'a fait le comité. Parce que je pense qu'avec le mandat que vous aviez vous avez identifié les choses auxquelles on doit faire attention. Mais, en dépit de ça, vous ne donnez aucune garantie, si je comprends bien, et c'est le but de ma question: Est-ce que vous avez vu des garanties à l'effet que c'est une fusion qui est naturelle, qui est du domaine du bon sens, qui va de soi, ou est-ce que vous n'êtes pas en train de dire au ministre: Oui, vous pouvez faire certaines économies, mais attention à ci, attention à ça?

Deuxième volet de ma question: Est-ce que vous avez pu identifier, peut-être, des économies qui pourraient être faites sans nécessairement chambarder les deux commissions? Par exemple, est-ce qu'il pourrait y avoir un service de recherche juridique mis en commun, est-ce qu'il pourrait y avoir un service de secrétariat mis en commun, mais sans abolir la spécificité de chacun des organismes et sans entacher, en fin de compte, les cultures fortes de chacun des organismes, pour espérer qu'un genre d'hybride sorte peut-être, à un moment donné? C'est le but de ma question.

Le Président (M. Simard): M. Borgeat.

M. Borgeat (Louis): Oui, alors, c'est une question à plusieurs volets...

M. Sirros: Oui.

M. Borgeat (Louis): ...je vais tenter de couvrir ça. Dans un premier temps, moi, je vous dirais qu'évidemment, lorsque le ministre de la Justice m'a approché pour dire: Bon, M. Borgeat, vous êtes de l'extérieur, on a besoin de quelqu'un pour piloter un comité qui n'aurait pas partie ni avec les deux commissions ni la fonction publique, il s'agirait de fusionner deux commissions, tel que ça avait été essayé au cours des années quatre-vingt, en 1986 en particulier, il va de soi que j'ai dû me poser la question, à partir d'une connaissance générale, et je ne dirais pas intuitive, parce que, bon, je suis dans le domaine du droit, je connais les deux commissions: Est-ce qu'il y a suffisamment d'analogies entre ces deux commissions-là pour penser, en toute «raisonnabilité», qu'on puisse les fusionner? Et je peux vous dire que ma réponse spontanée a été oui. Je pense qu'effectivement la chose est faisable, la chose est réaliste, parce qu'il y a un élément commun dans les deux commissions qui est la protection des droits, de certains droits particuliers, et ça, pour moi, ça crée un dénominateur commun.

Bien sûr, il y a des spécificités dont j'ai parlé. Et, lorsque les travaux se sont amorcés et que, là, on a eu à vivre avec les constatations, les préoccupations des deux commissions, je dois vous dire qu'on s'est tous interrogés sur la meilleure façon de réaliser la fusion – mais, quant à moi, je n'ai jamais eu de doute sur le fait qu'elle puisse être réalisée – et qu'on a surtout travaillé dans l'optique de dire: Compte tenu de la volonté gouvernementale, comment pourrait-elle être faite aux meilleures garanties possibles?

Donc, moi j'ai la conviction, je l'avais au départ et elle s'est renforcée, que la chose est faisable. Vous dites: Est-ce que ça porte le bon sens, est-ce que c'est le bon sens, la rationalité? Vous savez, il y a beaucoup de degrés là-dedans. Je pense qu'on ne serait pas ici à en discuter de façon aussi approfondie si c'était quelque chose qui allait complètement de soi. Il y a une préoccupation, il y a une distinction qu'on peut faire sur la réalité spécifique des mandats, mais il y a une rationalité administrative fondée, derrière un tel projet de loi, à mon point de vue.

Quant aux garanties, vous dites: Est-ce que vous pouvez donner des garanties? Bien, je peux vous dire qu'au cours des quelques semaines qu'on a travaillé, on a tenu cinq réunions, ça a été notre grande préoccupation de dire: Comment est-ce qu'on peut essayer de resserrer ça à droite et à gauche dans l'organisation de la Commission pour que ça se fasse? Et je sais que vous avez abordé aussi la question de l'étanchéité, de dire: Il y a l'intégralité des deux mandats, mais est-ce que l'étanchéité va être totale entre les deux mandats? Et, bon, hier soir, quand on me disait que je devais venir vous voir, je me disais qu'il est difficile de saisir cette notion d'étanchéité. L'étanchéité, c'est un peu l'intégralité qu'on recherche dans la loi, dans l'action. Alors, c'est difficile pour le législateur, dans tout domaine, d'avoir des lois qui soient à ce point serrées sur tout qu'on puisse avoir des garanties absolues sur des réalités de gestion. De sorte que, moi, je pense que l'étanchéité réelle... Ce que la loi peut sauvegarder, c'est l'intégralité, la parité entre les deux mandats, et la question de l'étanchéité réelle dépend de ce que seront les règles de fonctionnement de la Commission, en partie. La loi joue un rôle déterminant, mais il y a une partie qui va faire partie de la vie organisationnelle qui, j'allais dire, échappe au législateur, en quelque sorte.

Peut-être qu'il y a moyen d'y aller encore plus fermement, mais, à un moment donné, la vie d'une organisation et la législation, il y a un décalage nécessaire entre ce que les individus peuvent faire, surtout lorsqu'on pense à des organismes que l'on veut autonomes, qui sont détachés de la fonction publique et dont les membres sont rattachés... en fait, sont nommés par l'Assemblée nationale. Il y a là un contexte d'autonomie qui fait en sorte que le législateur peut donner ses intentions au départ, et, ensuite, il y a un certain geste de confiance qui doit venir à partir des balises, des garanties qu'on a introduites. Alors, je pense que c'est dans cette optique-là, nous en tout cas, qu'on a tenté de travailler.

Le Président (M. Simard): Merci. M. le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue.

(11 heures)

M. Trudel: Bien, il ne faut pas se surprendre, je pense, des conclusions que vous nous donnez, parce que les prémisses sur lesquelles on vous a demandé d'élaborer une proposition de fusion, c'est à partir de la notion de similarité entre les missions de la Commission des droits de la personne et de la Commission de protection des droits de la jeunesse. Or, je pense qu'on peut reprendre l'expression, là, vous allumez un feu jaune: il n'y a pas similarité. Il ne m'apparaît pas y avoir similarité entre les deux mandats. Et on est obligé, me semble-t-il, de dire: Il va falloir gérer par acte de foi, en disant: Il y a une telle spécificité dans les deux mandats qu'il va falloir se fier, évidemment, sur les personnes, pour espérer qu'il y ait à la fois fusion...

Il m'apparaît qu'il y a comme une impossibilité quelque part, là. Je ne veux pas être borné par ça, mais il m'apparaît qu'il y a comme une impossibilité qu'il y ait à la fois fusion et maintien des spécificités des missions et des mandats, étant donné que les missions sont différentes. Parce que, au niveau des droits de la personne, on est en termes d'arbitrage, de conciliation, de médiation, tandis qu'au niveau des droits de la jeunesse, c'est de l'«advocacy», c'est de l'intervention, le marteau «interventionnel» étant l'appel au tribunal. On peut se servir du tribunal.

Est-ce que vous pensez qu'on pourrait en arriver à avoir le modèle de la Cour du Québec, par exemple, c'est-à-dire, la Cour du Québec: la chambre civile, la chambre criminelle, la chambre de la jeunesse – trois et demie, là – la Chambre de l'expropriation? Est-ce qu'on pourrait en arriver à avoir des bancs distincts pour administrer deux lois distinctes, avec des objectifs distincts, avec des finalités qui sont distinctes? Est-ce que vous avez examiné ça sous cet angle-là?

M. Borgeat (Louis): Non, pas vraiment. Mais je vais revenir...

M. Charbonneau (Borduas): Vous ne l'avez pas examiné? C'est ça que vous dites?

M. Borgeat (Louis): Cette question-là, non, on ne l'a pas examinée. Mais je reviens, si vous me permettez, au début de votre question, lorsque vous parlez de la similarité. Je ne veux pas jouer sur les mots, mais il faut reconnaître que les deux mandats ne sont pas semblables, ils ne sont pas identiques. Cependant, de dire qu'ils sont complètement différents, c'est aussi, à mon avis, grandement exagéré. Parce que, si vous regardez la législation, il reste que l'essence des interventions, c'est la protection de droits privilégiés dans une société, et ça se fait, dans les deux cas, sur la base, généralement, d'un processus d'enquête non contradictoire qui subit des modalités différentes.

Vous parlez, dans le cas des droits de la personne, oui, effectivement, qu'on essaie de chercher un règlement; dans l'autre cas, on est plus au nom de l'enfant, puis on intervient. C'est vrai que ce sont des modalités différentes, mais il reste qu'on est dans un cadre où on enquête sur des événements, sur un processus non contradictoire, puis on essaie de solutionner des problèmes qui sont relatifs à des droits. Et, au bout du processus, quelles que soient les tentatives que l'on fait, de façon intermédiaire, pour en arriver au respect des droits, dans les deux cas, lorsque ça ne fonctionne pas, on saisit un tribunal qui, lui, en arrivera à trancher les droits des parties. Alors, il y a là, vous avez raison, on peut parler de similarité, dans le sens qu'il y a des éléments semblables, avec des distinctions. Mais il ne faut pas négliger, non plus, les éléments semblables et, je pense, aller à l'extrême pour dire que ceci est incompatible.

Quant à l'hypothèse des chambres, je vous dis que nous ne l'avons pas considérée parce que ça ne faisait pas partie de notre mandat. Et on n'a pas étiré, si vous voulez, à ce point de dire: Bien, est-ce qu'on ne pourrait pas avoir une commission où il y aurait une spécialisation? Écoutez, c'est une hypothèse, là, qu'il faudrait sans doute regarder, qui peut être regardée. Je n'ai pas d'autres commentaires à faire là-dessus.

Le Président (M. Simard): Merci. Mme la députée de Mégantic-Compton.

Mme Bélanger: Merci, M. le Président. Me Borgeat, vous dites que, quand on vous a confié le mandat, votre premier réflexe, vous avez dit: Oui, c'est faisable de fusionner les deux commissions. Mais, comme le disait mon collègue, vous avez allumé, dans votre exposé, plusieurs lumières jaunes, pour ne pas dire des lumières rouges. Vous avez dit qu'il fallait le respect des plaintes, le respect des objectifs budgétaires, et on sait que les budgets sont de beaucoup diminués. Vous avez dit aussi que cette Commission devra avoir une mission commune, alors qu'on sait très bien que les missions de la Commission des droits de la personne et de la Commission de protection des droits de la jeunesse, ce sont des mandats très différents. Parce qu'on sait que la Commission de protection des droits de la jeunesse a un parti pris pour les enfants qui sont très vulnérables. On sait que ces enfants-là ne sont pas capables de se défendre seuls, et il faut avoir quelqu'un pour les défendre.

Vous avez aussi constaté, dans l'analyse, dans votre comité, vous avez fait un constat de la divergence des deux mandats et puis vous avez dit aussi qu'il faudrait modifier l'intégrité des deux mandats et éviter le renvoi à la Charte des droits. Parce qu'on revient souvent à des articles de la Charte des droits, dans le projet de loi, et vous dites qu'on doit éviter le renvoi à la Charte des droits en ce qui concerne la protection des droits de la jeunesse.

On sait que la fusion de ces deux organismes, la seule raison pourquoi on veut fusionner ces deux organismes, c'est une question d'économies. On a beau chercher ailleurs la raison pourquoi on diluerait la Commission de protection des droits de la jeunesse, quand on sait que c'est une commission avec des contraintes budgétaires, les anciens présidents nous en ont fait part aujourd'hui, on sait que les enfants sont d'une vulnérabilité... Il y a beaucoup de plaintes qui se font. On n'est même pas capable de répondre à tout ça. Puis, là, on dilue ça avec la Commission des droits de la personne dont, pour moi, le mandat est très différent.

Alors, étant donné que la raison de cette fusion-là est économique, est-ce qu'il n'y aurait pas une possibilité, par exemple, de partager les locaux, partager les services administratifs, partager les communications, mais tout en conservant l'intégrité de chacune des commissions, avec chacune leurs lois? Moi, je n'ai pas de formation d'avocate et je sais quand même fort bien qu'entre la pratique et la théorie il y a toute une différence. Moi, j'aimerais que vous me donniez un exemple où, en pratique, on pourrait donner les mêmes services qu'on peut donner, qu'on donne aujourd'hui, malgré qu'avec les contraintes budgétaires on sait qu'il y a des lacunes. Mais, moi, ce qui m'inquiète, c'est qu'il va y en avoir beaucoup plus après la fusion.

Le Président (M. Simard): M. Borgeat.

M. Borgeat (Louis): Écoutez, je vous ai dit, lorsque j'ai fait ma présentation, qu'on avait mis l'accent sur les propositions de modifications législatives, à cause du calendrier. Je vous ai dit, en terminant: Si un jour cette question se règle et que le projet de loi va de l'avant, on va regarder les questions administratives: Quel est l'impact de la fusion sur l'organisation administrative, et comment pourrait être structurée, organisée une nouvelle commission? Et je peux vous dire que, même si nos travaux ne sont, à cet égard, qu'à l'état d'ébauche, tout ce qui est le support administratif...

L'optique dans laquelle on a travaillé lorsqu'on s'est interrogés sur ce que pourrait être la nouvelle Commission, c'est la mise en commun de ce qui constitue les supports administratifs et la préservation de ce qu'est l'ensemble des opérations des deux commissions dans leurs bureaux régionaux. Alors, à ce moment-ci ce qui est envisagé... Et j'essaie de répondre indirectement à votre question: Avez-vous pensé que des mises en commun pourraient être possibles? Je peux vous dire que l'effet immédiat de la fusion, dans notre esprit, serait essentiellement celui-là, c'est-à-dire de permettre la mise en commun de services administratifs qui sont communs à l'intérieur des deux organismes, ne serait-ce que les sièges sociaux, à Québec et à Montréal. Les services administratifs – ressources humaines et financières, informatique, secrétariat, services juridiques, recherche – pourraient éventuellement, à très court terme, être amalgamés, fusionnés à l'intérieur d'une même commission.

À votre question – enfin, ça, c'est une hypothèse qu'on considère, puis je me permets, là, compte tenu d'une convocation à l'Assemblée nationale de vous le dire, que ceci habite nos réflexions à l'état d'ébauche: Est-ce que ceci pourrait être concevable en évitant de faire une seule commission, en gardant deux commissions et en ayant des services administratifs communs? écoutez, peut-être, mais je peux vous dire que ce n'était pas dans notre mandat, non plus, d'examiner les alternatives possibles à ce qu'était le projet de loi 79, de sorte qu'on ne s'est pas aventuré dans des pistes comme celles-là.

Le Président (M. Simard): Mme la députée de Sherbrooke.

(11 h 10)

Mme Malavoy: Me Borgeat, d'abord, j'apprécie beaucoup ce que vous avez réussi à faire dans le peu de temps que vous avez eu. Je pense que c'est un mandat certainement difficile, et je suis certaine que vous faites ça avec la préoccupation d'en arriver à la meilleure solution possible.

Pour moi, la question qui me préoccupe, elle se ramène, dans le fond, à peu de chose. Au-delà de, je dirais, toutes les questions administratives, la question qui me préoccupe, c'est la suivante: Est-ce que les mandats des deux lois ne sont pas suffisamment distincts pour craindre que, en mettant tout le monde autour d'une même table, on n'en arrive à des prises de position contradictoires, autrement dit que ces cultures que vous avez constatées comme étant fortes, chacune de leur côté, ne se nuisent une fois rassemblées autour de la même table?

C'est-à-dire que, par exemple, il arrive des cas où, au nom de la défense du droit des enfants et de ce rôle qui est un rôle assimilable à celui d'ombudsman – je pense que c'est un terme qui a souvent été utilisé au Comité de protection de la jeunesse devenu Commission, depuis – au nom, donc, de ce rôle d'ombudsman, on en vient à être en contradiction avec d'autres valeurs qui, dans notre société, recoupent le concept de protection des droits de la personne. Je ne veux pas prendre d'exemples précis, parce que je veux vous donner surtout du temps pour répondre, mais j'en aurais, éventuellement. Pour moi, ça se ramène à ça, dans le fond, une inquiétude qu'autour de la même table les gens n'en arrivent à ce que leurs cultures soient contradictoires et se nuisent l'une l'autre.

M. Borgeat (Louis): Plutôt que d'être un lieu où on pourra, effectivement, réaliser l'harmonie des droits qui seraient confrontés, vous le voyez plutôt dans une perspective de crainte dans l'optique contraire de dire: Bien, effectivement, on aurait une commission bien équipée sur le plan des droits de la jeunesse, des droits de la personne, donc, par hypothèse fort plausible, on peut penser qu'effectivement il y a des situations où les droits de l'enfant pourraient se heurter aux droits de la personne, que la Commission soit en meilleure posture... Vous pensez que la Commission serait en moins bonne posture qu'en meilleure posture, étant donné qu'elle aurait les deux mandats, si j'ai bien compris votre question.

Mme Malavoy: C'est-à-dire que je crains que la culture protection de la jeunesse ne soit soumise ou ne soit... ou que la culture droits de la personne n'interfère avec la culture protection de la jeunesse, alors que, jusqu'ici, on a deux mondes séparés qui font chacun leur travail, avec des mandats spécifiques. Je crains qu'elles ne se nuisent l'une à l'autre et que, à certains moments, on ait du mal à prendre des décisions rapides dans des situations d'urgence, souvent des situations non volontaires, parce qu'on aura affaire à des arguments éventuellement contradictoires, de part et d'autre.

M. Borgeat (Louis): Je comprends la question. Je pense que l'interférence existe en soi, potentiellement, en vertu de notre seul régime juridique où, d'un côté, on reconnaît des droits de la personne, de l'autre, des droits à la jeunesse, et qu'il y a forcément, potentiellement, des situations où les uns vont être en conflit avec les autres. Et j'imagine – enfin, j'ai eu l'occasion d'en parler au comité à quelques reprises, et avec la vice-présidente – que, effectivement, des situations existent où les droits de l'enfant peuvent se trouver en opposition avec les droits de la personne. Et, à cela, on me disait, en tout cas Mme Giroux me disait qu'au cours des cinq dernières années il n'y a pas eu de situations où on a dû affronter ces situations-là qui ont amené des interventions, disons, des parents ou d'intervenants visés par la protection de la jeunesse, du côté de la Commission des droits de la personne, de sorte qu'il faut penser que... Je pense que ce qu'on peut conclure, c'est que, oui, il peut y avoir des interférences, il peut y avoir des confrontations entre ces droits-là. Mais je pense qu'elles existent déjà, c'est une situation qui existe sans doute depuis qu'on a introduit ces deux législations-là, en 1975, et que la réalité du vécu de la protection de la jeunesse fait en sorte que les choses se font et se règlent comme elles doivent l'être, dans l'harmonisation des lois, puisqu'on n'a pas eu l'occasion, même, d'aller devant la Commission des droits de la personne.

Et prenons même l'hypothèse où on aurait un cas, là, très conflictuel où, pour protéger un enfant, on se heurte à quelqu'un qui invoque la Charte des droits et libertés et qui se retrouve devant la Commission des droits de la personne, bien, moi, je suis porté à penser que, bon, effectivement, la Commission va avoir une décision à prendre. Il va y avoir deux intervenants qui plaident des droits qui sont en opposition. Et, pour moi, je vous dirais spontanément que je pense que c'est un plus d'avoir, plutôt qu'un organisme qui pense strictement dans un sens ou strictement dans un autre... D'avoir un organisme qui a la responsabilité d'examiner ça en harmonie, en équilibre risque d'amener une solution plus harmonieuse entre des valeurs contradictoires que si on a un organisme qui tire constamment d'un côté ou qui tire de l'autre. Et je ne crois pas que la Commission soit en difficulté pour faire ça, il y a des organismes qui le font.

Lorsque, par exemple, devant la cour de la jeunesse, en Cour du Québec... Vous savez, les juges qui siègent là, ils appliquent les droits de l'enfant, mais la charte, ils ne la mettent pas dans le dernier de leurs tiroirs, la Charte des droits et libertés, lorsqu'ils règlent ces questions-là. La charte s'applique, c'est un éclairage qui est présent pour tout le monde, et ils doivent en tenir compte, même chose au Tribunal des droits de la personne, même chose devant n'importe quel tribunal. La charte est un éclairage constant qui doit guider tout le monde.

Alors, la Commission devra prendre position en disant: Oui, là, on a deux lois qui sont peut-être, à certains égards, difficiles à concilier, mais on va faire ce qu'on peut, puis, on est peut-être mieux placé que quiconque pour le faire précisément, parce qu'on a des intervenants qui connaissent à la fois très, très bien un aspect et à la fois l'autre. Et, si la Commission, ensuite, décidait d'aller devant un tribunal pour faire entériner sa position, bien, le tribunal serait obligé de reprendre le même raisonnement et de dire: Oui, vous savez, d'une part, j'ai des droits de la jeunesse ici et j'ai une charte, puis il y a des règles qui visent à assurer la conciliation et l'harmonie de tout ça, qui s'appliquent pour tout le monde.

Ça commence au niveau de l'enquêteur qui arrive dans le champ et à qui on dit: Aïe, attention! j'ai ma Charte des droits ici, qui essaie de négocier la situation. Ça peut être ensuite au niveau de la Commission. Ça peut ensuite aller devant l'un des deux tribunaux spécialisés. C'est notre système démocratique qui veut qu'il y ait des conflits de lois, de valeurs à arbitrer par les fonctions publiques, les organismes autonomes, les cours de justice. Je suis plutôt porté à penser qu'une commission avec les deux mandats serait précisément en meilleure posture pour dire: Écoutez là, qu'est-ce qu'on fait? Attention!, et prendre une position qui soit conforme aux droits de chacun.

Le Président (M. Simard): En fonction de nos très grandes difficultés d'horaire, je vais accepter une dernière question du député de Laurier-Dorion à qui je demanderais d'être bref, et la réponse également, de façon à ce que nous puissions continuer.

M. Sirros: De façon très brève. Tout repose sur l'évaluation que vous faites, au bout de la ligne, en disant: Moi, je crois que ça va être mieux. Sur quoi vous vous basez? Sur quoi vous vous basez pour dire que ce serait mieux d'avoir, dans une commission, les deux aspects plutôt que sur les deux... Je veux dire...

M. Borgeat (Louis): Sur le dernier point...

M. Sirros: ...n'est-ce pas là du domaine d'un jugement de valeur que vous portez? Vous dites: Moi, je pense que, pour la conciliation éventuelle des choses, c'est mieux que ça s'opère à l'intérieur d'une commission plutôt que deux, où chacune, avec sa culture forte, tire de son côté et le système le règle, au bout de la ligne.

M. Borgeat (Louis): Oui. Si vous référez à ce que je viens de dire particulièrement sur des cas possibles de conflits d'une loi par rapport à l'autre, je dois vous dire que ce n'est même pas un avis, là, c'est une hypothèse que je lance comme ça, par rapport à une question où quelqu'un me dit: Ça pourrait être une situation de grandes difficultés. Moi, je dis: Peut-être pas, qu'au contraire c'est une occasion d'un meilleur équilibre entre des valeurs opposées dans une société.

M. Sirros: ...de penser que ça pourrait l'être, un cas de conflit.

M. Borgeat (Louis): Ça pourrait l'être aussi. Ça pourrait être difficile à gérer, comme ça pourrait être une source d'enrichissement pour les décisions de la Commission et ses perspectives d'évolution.

Le Président (M. Simard): Comme vous avez été très brefs, l'un et l'autre, j'autorise le député de Borduas à une dernière petite question.

M. Charbonneau (Borduas): Juste un petit commentaire, un peu, M. le Président. Quand vous dites que la charte va inspirer tout le reste, bien justement, c'est ça, l'approche qui n'est pas ce qu'on souhaite. Quand vous parliez, tantôt, de l'intention du législateur et que, par la suite, la Commission va s'organiser, je m'excuse, le législateur ne fait pas juste donner des intentions, il donne la direction, il donne ce qui doit être. On n'est pas juste ici pour émettre des voeux pieux et des intentions. On est ici pour faire la loi et dire comment ça doit fonctionner. Et, si on se trompe, je veux dire, on revient ici, puis c'est le Parlement qui a l'autorité suprême pour faire ça.

Et, dans ce contexte, ce qu'on dit, c'est qu'il y a deux lois, et chacune a son économie particulière, sa pratique particulière, son approche particulière. Si on n'avait pas voulu que les droits de la jeunesse soient distincts des droits de la personne et qu'il n'y ait de spécificité, on n'en aurait fait qu'une seule loi, une charte qui aurait englobé tout, tous les types de droits. Mais, dans le cas des jeunes, il y a non seulement les droits, mais il y a les intérêts qui sont pris en considération, ce qui n'existe pas dans la Charte des droits et libertés de la personne.

Et, moi, je reviens, en terminant, au constat que vous avez fait, à cet aveu, c'est que, finalement, même à l'égard du mandat qui vous a été donné par le ministre, il y a des hypothèses que vous n'avez pas regardées, comme si ce n'était pas regardable ou que vous n'aviez pas à les regarder. Mais, au plan fonctionnaliste, vous ne nous avez pas convaincus, en tout cas moi, en particulier, que ce ne serait pas possible de faire fonctionner une commission avec deux mandats qui administrent deux lois d'une façon étanche, en faisant des économies d'échelle. Il y a des mandats qui sont évidemment conciliables – promotion, éducation, recherche, ça, ça peut se faire, le contentieux – toute une série de choses qui peuvent se faire en commun, puis, en même temps, avoir des bancs de commissaires qui siègent d'une façon distincte, sur des matières distinctes, qui ont à appliquer deux lois distinctes qui ont leurs économies, et leurs philosophies particulières, et leurs traditions particulières. Mais, si vous n'avez même pas exploré ces possibilités-là...

Le Président (M. Simard): En conclusion, s'il vous plaît.

M. Charbonneau (Borduas): ...on a un problème, là.

Le Président (M. Simard): Vous avez compris que c'est davantage un commentaire qu'une question, mais vous pouvez commenter sur le commentaire.

(11 h 20)

M. Borgeat (Louis): Je dirais que ce n'était pas notre mandat de le faire et qu'en plus, avec le délai qui nous était imparti, on estimait que, simplement bonifier le projet de loi 79, assurer une fusion qui serait harmonieuse, dans le respect des missions, le respect des employés, on avait déjà passablement de quoi s'occuper pour les cinq ou six semaines qui venaient. Alors, dans ce contexte-là, on n'a pas sauté la barrière, si vous voulez, de la loi en disant: Bon, examinons si, idéalement, le gouvernement aurait pu penser à autre chose. Ce n'était pas notre mandat, très clairement. Je pense qu'on aurait été...

Le Président (M. Simard): Une dernière petite question, Mme la députée de Mégantic-Compton, qui m'a promis d'être brève.

Mme Bélanger: Je veux vous demander, Me Borgeat, comment on peut sérieusement étudier un projet de loi qui, pour nous autres, est très, très sérieux, alors qu'on n'a même pas évalué d'une façon pratique les impacts sur les conséquences de cette fusion?

M. Borgeat (Louis): Eh bien, je vous dirais que, là-dessus, notre point de vue a été clair. On s'est dit: On n'a pas de réticence à examiner tout ça, parce que, des impacts sur le processus d'enquête, le processus de traitement des dossiers, il n'y en aura pas dans la facture même du projet de loi. Et nos recommandations sont précisément là pour nous assurer que le traitement, à ce moment-ci, se fera conformément à ce qui se faisait à l'intérieur des deux autres commissions, sans changement spectaculaire.

Là où on pense que des changements peuvent être faits, c'est au niveau des supports administratifs, des services «staff» qui sont, je ne dirais pas redondants parce que ce serait péjoratif, mais qui sont existants en double dans deux organismes et qui seront mis en commun. Et, dans ce sens-là, nous, on pense que l'approche est réaliste.

Le Président (M. Simard): Là-dessus, M. Borgeat... Pardon, je m'excuse, il y a une question d'organisation de notre temps. Il y a déjà un considérable retard par rapport aux invités qui suivent.

M. Trudel: ...M. le Président, parce que...

Le Président (M. Simard): Non, mais tous les éléments sont importants. Nous nous sommes donné, en organisation, un certain nombre d'heures. Nous avons 25 minutes de retard. Il y a déjà eu une heure de consacrée à cette audition. Alors, je me dois, à ce moment-ci, de remercier M. Borgeat et Mme Sauvé et d'inviter immédiatement le Protecteur du citoyen, M. Jacoby, à se joindre à nous pour une demi-heure de présentation et de réponse aux questions.

Alors, nous recevons maintenant le Protecteur du citoyen, M. Daniel Jacoby, que nous saluons et que nous remercions de bien vouloir à nouveau venir éclairer cette commission sur un projet de loi; ce n'est pas la première fois et, il le sait, ce n'est sans doute pas la dernière. Nous avons malheureusement très peu de temps à notre disposition. Si tout le monde est bien d'accord, puisqu'il s'agit bien d'une demi-heure qui avait été prévue, nous laisserons Me Jacoby, pendant une dizaine de minutes, 10, 15 minutes, faire valoir un certain nombre de points qu'il veut mettre en lumière et, ensuite, il répondra aux membres de la commission. Nous avons, par la suite, à entendre un certain nombre d'autres intervenants, et je remercierai tout le monde de sa collaboration. Alors, M. Jacoby, à vous la parole.


Protecteur du citoyen

M. Jacoby (Daniel): Merci, M. le Président. J'ai pris position sur le projet de loi 79, la semaine dernière, en indiquant que, d'un côté, je n'étais pas en désaccord avec l'intégration des deux mandats, parce que j'y vois des avantages certains à plusieurs points de vue, mais que, par ailleurs, ce serait extrêmement risqué de procéder à l'intégration de ces deux mandats si, d'un côté, on réduit les budgets de la nouvelle Commission. Et je considère que c'est prendre beaucoup de risques lorsqu'on fait des intégrations de ce genre, alors que l'on sait que ça prend une certaine période.

Il ne suffit pas d'élaborer des processus organisationnels, des procédés et méthodes, il faut aussi un peu s'attendre à des chocs de culture, par rapport à certains employés, les uns oeuvrant traditionnellement en protection de la jeunesse et d'autres oeuvrant en protection des droits de la personne. Et je pense qu'il faut, lorsqu'on fait des opérations de cette envergure, maintenir ou susciter des conditions très favorables pour que l'intégration se fasse de la manière la plus harmonieuse possible.

Et c'est pour ça que, dans un premier temps, je recommande que les budgets du nouvel organisme ne soient pas amputés par rapport aux budgets de l'année précédente, qui, à eux deux, déjà, l'année passée, avaient subi des compressions budgétaires de l'ordre de 400 000 $. Et, si on rajoute à ça une compression budgétaire de 1 000 000 $, quand on regarde l'ampleur des mandats, je me dis que les choses non seulement ne vont pas s'améliorer, mais que ça va compromettre véritablement la réalisation des deux mandats. Je pense que, dans ce dossier, l'argent est un peu le nerf de la guerre. Ça, c'est une chose.

L'autre condition favorable réside dans le fait que ma préoccupation, c'est le risque de dilution d'un mandat dans l'autre. Et, tel que le projet de loi est libellé, sans considérer que c'est absolument inévitable, je considère qu'il y a des risques, de par la répartition ou la composition du nouvel organisme, que le mandat jeunesse soit dilué ou, en tout cas, ne soit pas aussi efficace qu'il ne l'est actuellement. Et c'est pour ça que je pense qu'il est très important que la tête de l'organisation représente clairement un certain partage des mandats qui sont tous les deux très importants, le mandat de la Commission des droits de la personne, au moment où on se parle, axé principalement sur les questions de discrimination et aussi d'éducation aux droits fondamentaux, et la mission de la Commission de protection des droits de la jeunesse, qui en est une de développement et de sécurité de l'enfant. Ce sont deux missions qui sont tout aussi importantes. Je pense que ça devrait se refléter au niveau de la composition de l'organisme, au niveau des décideurs de l'organisme, en tout cas pour un temps, à tout le moins. Et ça réduit les risques de dilution d'un mandat dans l'autre, selon moi.

Le dernier point sur lequel je suis intervenu, c'est pour faire remarquer au Parlement que, ce faisant, en faisant cette fusion, le Protecteur du citoyen perd complètement compétence sur la mission protection de la jeunesse. Vous savez que la compétence du Protecteur du citoyen est rattachée au fait que les employés d'une organisation soient ou non des fonctionnaires. Si ce sont des fonctionnaires, le Protecteur du citoyen a compétence. Si ce sont des employés publics mais non fonctionnaires, le protecteur du citoyen n'a pas compétence. C'est unique au monde, ce genre de division là, c'est un peu dépassé, selon les auteurs modernes, mais, ceci dit, c'est la réalité. Ce qui veut dire qu'en pratique, malgré le nombre d'interventions que nous faisons au niveau de la Commission de protection des droits de la jeunesse, du côté jeunesse, on perd aussi un autre élément de protection qui est l'intervention du Protecteur du citoyen.

Et, là-dessus, je me suis permis de rappeler qu'il y a quelques années, lorsque la commission des institutions de l'Assemblée nationale a étudié le mandat du Protecteur du citoyen, il y a eu une recommandation unanime de l'ensemble de la députation de toutes les formations politiques, recommandation à l'effet de donner au Protecteur du citoyen compétence sur la Commission des droits de la personne. Il n'y a pas eu de suite, pour différentes raisons, mais la problématique est sur le fait que, déjà, avec les craintes que peut légitimement inspirer une intégration de cet ordre-là, je pense que, si, en plus, on enlève la compétence du Protecteur du citoyen, ça ne fait qu'aggraver ou augmenter le risque.

Alors, c'est le résumé de mon intervention, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Merci beaucoup. La parole est au ministre.

(11 h 30)

M. Bégin: Merci, M. Jacoby. Je vous remercie pour la lettre que vous nous avez transmise. Vous avez très brièvement résumé le contenu de cette dernière. J'aimerais quand même vous poser deux questions.

Dans votre propos, vous dites que vous perdez juridiction à l'égard de la nouvelle Commission, alors que vous aviez déjà, à l'égard de la CPDJ, cette juridiction, mais que vous ne l'aviez jamais eue à l'égard de la CDPQ. Est-ce que vous ne craignez pas que, si on accédait à votre demande de faire en sorte que tous les employés de la future Commission soient sous la juridiction du Protecteur du citoyen, l'indépendance qu'invoque, jusqu'à ce jour, la Commission des droits de la personne, pour, justement, qu'il n'y ait pas ce contrôle... Est-ce que vous ne pensez pas qu'on irait justement empiéter sur cette indépendance souhaitée jusqu'à date, aujourd'hui, de la Commission des droits de la personne, à l'égard même soit de l'Assemblée nationale, soit du Protecteur du citoyen?

M. Jacoby (Daniel): L'indépendance d'une organisation ne veut pas dire qu'elle est à l'abri de contrôles. Ainsi, le Protecteur du citoyen est assujetti à la compétence du Vérificateur général. Je pense qu'indépendance ça ne veut pas dire mettre des murs autour de soi, en termes d'organisation. On a une imputabilité et des comptes à rendre, que ce soit tant sur la gestion, l'utilisation des crédits, que sur la manière de traiter la clientèle. Je pourrais vous dire que, dans les autres provinces canadiennes, la question ne se pose même pas, puisque toutes les commissions des droits de la personne sont assujetties à la compétence des ombudsmans canadiens, et c'est la réalité à travers le monde.

Alors, la question d'indépendance, moi, je vois beaucoup plus l'indépendance absolument nécessaire de la Commission à l'égard du pouvoir politique, et c'est une des raisons principales pour lesquelles on a fait de cette organisation... on lui a donné un statut d'indépendance, pour éviter ou prévenir les ingérences possibles. Est-ce que ça répond à votre question?

M. Bégin: Oui. Deuxième question. À moins d'erreur de ma part, je n'ai pas trouvé la proposition formelle que vous feriez à l'égard de la représentation de la CPDJ, en tout cas, dans la nouvelle Commission. Est-ce que vous visez l'équilibre exact ou proportionnel? De quelle manière verriez-vous la composition de la nouvelle Commission, en termes origine CDPQ, origine CPDJ?

M. Jacoby (Daniel): Disons que, idéalement... Oui, je n'ai pas fait de recommandation numérique, mais, idéalement, je favoriserais la parité de représentation. Ça veut dire que, si on maintient la Commission à 11 membres, incluant le président et les deux vice-présidents, je pense qu'on pourrait avoir parité, et le président n'interviendrait qu'en cas de partage. Je pense que ce serait la solution idéale, au moins pour un temps, à moins que... Une autre possibilité, c'est d'augmenter aussi, de revoir le nombre des membres de la Commission. Parce que, quand même, on passe d'organisations qui, à elles deux, ont, je pense, en tout – 14, plus sept – 21 commissaires à 11. Ça pourrait être aussi regardé sous cet angle-là. Est-ce que ce n'est pas non plus une coupure un peu drastique? Je ne sais pas, mais c'est à examiner.

M. Bégin: Merci. Je laisse mes collègues...

Le Président (M. Simard): Mme la députée de Mégantic-Compton.

Mme Bélanger: Oui, merci, M. le Président. Me Jacoby, bonjour et merci, dans un délai aussi court, d'être présent ici ce matin.

J'ai lu avec intérêt votre lettre que vous avez adressée au ministre. Et, bon, vous dites, dans ce document, que vous n'êtes pas en désaccord avec le principe de la loi, mais, par contre, vous apportez beaucoup de réticences soit sur la composition des commissaires, soit sur la mission différente des deux commissions et, aussi, sur le fait que, de diminuer les budgets, depuis certaines années, c'est très inquiétant pour arriver à résoudre tous les problèmes à l'intérieur de ces commissions-là.

Moi, la question que je voudrais vous poser: Est-ce que vous ne trouvez pas paradoxal qu'on adopte un projet de loi qui a pour effet de restreindre l'importance du mandat de la Commission de protection des droits de la jeunesse, par exemple en réduisant le nombre de commissaires qui sont, dans le moment, au nombre de 14 et qu'on réduit à quatre, et, les deux commissions, ça va faire 11 commissaires seulement, comparativement à 21?

Je ne sais pas si vous avez lu le dernier rapport Jasmin. Les opinions sont très différentes là, puisque le groupe de travail recommande, dans son second rapport, non pas de diminuer la mission, mais qu'on élargisse le mandat de la Commission de protection des droits de la jeunesse. Et puis ce groupe de travail réaffirme également l'importance de maintenir un organisme spécifique pour la protection des droits et des intérêts des jeunes.

M. Jacoby (Daniel): Alors, c'est sûr que j'ai de sérieuses réserves sur la manière dont on aménage cette intégration. Ce que je disais tout à l'heure, c'est qu'il faut créer les véritables conditions que j'appellerais favorables pour empêcher que le pire n'arrive, c'est-à-dire: maintien des budgets pour un temps et également meilleur équilibre dans la composition. Je ne pense pas, en tout cas à première vue, que, si on corrigeait, à tout le moins, ces deux aspects-là, et peut-être d'autres sur lesquels je n'ai pas réfléchi, ça ait pour effet de réduire le dynamisme et la présence de la Commission de protection des droits de la jeunesse.

Parce que je ferais quand même une nuance, une nuance qui m'apparaît importante. Il faut réaliser que la Commission des droits de la personne est une organisation de première ligne, c'est-à-dire qu'elle reçoit des plaintes des citoyens, notamment, et qu'elle agit en première ligne en matière, par exemple, de discrimination, de personnes âgées exploitées, de harcèlement sexuel. Ce n'est pas un organisme de contrôle, c'est un organisme de première ligne.

La Commission de protection des droits de la jeunesse, elle, à elle seule, n'assume pas toute la protection de la jeunesse au Québec, parce que toute la protection de la jeunesse au Québec, en première ligne, est assumée par le réseau de la Direction de la protection de la jeunesse, et c'est là que se fait la première ligne. Et je ne pense pas que l'intégration que l'on fait compromette l'efficacité du DPJ; ça ne lui enlève rien et ça ne lui donne rien de plus, il vit avec ses grandeurs et ses vicissitudes. Mais le DPJ est quand même là pour voir à la protection des enfants. Et ce n'est que dans les cas où, par exemple, une personne, des parents ou des tiers ne seraient pas d'accord avec une prise de position ou une mesure volontaire du DPJ, que le dossier peut être porté devant la Commission de protection des droits de la jeunesse. Alors, c'est véritablement un organisme de deuxième ligne.

Donc, il n'a pas d'impact quotidien sur la protection et le développement de la jeunesse. Cependant, son rôle est fondamentalement important parce qu'il joue, d'une certaine manière, le rôle d'ombudsman, et, dans ce sens-là, je pense qu'il faut éviter à tout prix de réduire d'une manière ou d'une autre ses possibilités d'intervention. Et, même si c'est une organisation qui relève du ministère, du ministre de la Justice, il n'en demeure pas moins que le réseau du DPJ a une philosophie à lui, relève de Santé et Services sociaux et qu'il faut respecter tout ça. Mais on a vu parfois la Commission de protection des droits de la jeunesse intervenir de manière efficace dans bien des dossiers, et c'est ça qu'il ne faut pas perdre comme expertise et capacité d'intervention.

Mme Bélanger: Une autre petite question.

Le Président (M. Simard): Merci. Une autre question, Mme Bélanger?

Mme Bélanger: Alors, on sait, M. le Protecteur du citoyen, que le seul but de cette fusion, ce sont des raisons économiques. Et on sait que, depuis 1982 que ce projet est sur la table, toujours – en 1985, il y a eu un projet de loi qui a été déposé par le ministre de la Justice, M. Herbert Marx – à chaque fois, il y a eu une opposition drastique contre la fusion de ces deux organismes parce qu'on trouve que les mandats sont tellement différents et qu'on ne doit pas faire d'économies sur le dos des jeunes. On sait que le mandat est très différent et que la Commission de protection des droits de la jeunesse a des pouvoirs que la Commission des droits de la personne n'a pas.

Comme, par exemple, comment, selon vous, peut-on concilier le pouvoir de la Commission de protection des droits de la jeunesse qui peut saisir le tribunal pour protéger des jeunes, si, par exemple, un signalement d'un enfant n'est pas retenu par la DPJ, avec la Commission des droits de la personne qui n'a pas ce pouvoir? Comment, dans la fusion des deux commissions, avec l'intégration de ces deux commissions par une loi, on peut avoir... La Commission, est-ce qu'elle va avoir ces pouvoirs-là?

(11 h 40)

M. Jacoby (Daniel): Il y a beaucoup d'éléments dans votre question. Je pense que je vais d'abord... Ce serait peut-être intéressant que je prenne quelques minutes pour expliquer pourquoi je ne vois pas d'incompatibilité entre les deux mandats. C'est très simple, c'est que, quand on regarde l'économie de la Charte des droits et libertés de la personne, déjà, au point de départ, on réalise qu'une foule de dispositions touchent directement ou indirectement à la question de l'intégrité de la personne, de son développement et de sa sécurité.

Je fais, par exemple, référence à l'article 1 qui dit: «Tout être humain a droit à la vie, ainsi qu'à la sûreté, à l'intégrité et à la liberté...» Le mot «sûreté», ici, j'imagine, est employé dans le sens de sécurité. C'est sûr que la Commission des droits de la personne n'a pas de pouvoir d'enquête par rapport à l'article 1, à moins qu'il y ait des questions de discrimination, mais elle touche à des questions de sécurité de la personne. La sécurité de la personne, c'est un droit fondamental, comme la sécurité de l'enfant est un droit, à toutes fins pratiques, «fondamentalisé» par la charte.

L'autre chose. Il y a une disposition qui dit: «Tout être humain dont la vie est en péril a droit au secours.» Il peut y avoir des situations qui s'apparentent à ça en matière de protection; il y a un lien de connexité. Si je poursuis, l'article 9.1 de la Charte des droits et libertés de la personne dit: «Les libertés et droits fondamentaux s'exercent dans le respect des valeurs démocratiques, de l'ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec.» Or, que veut dire l'article 9.1? Ça veut dire qu'il permet de concilier, il montre que les droits ne sont pas absolus, que les droits sont limités par d'autres droits, et c'est toujours la problématique de toutes les chartes des droits internationales et pactes des droits et des chartes nationales. On dit ici: Si vous avez des droits fondamentaux, n'oubliez pas que ces droits-là doivent s'exercer dans le respect des valeurs démocratiques, de l'ordre public et du bien-être général des citoyens, et ça, ça comprend toute la philosophie et la facture de la Loi sur la protection de la jeunesse.

Quand on parle de harcèlement, sur lequel la Commission des droits a compétence spécifique, il peut y avoir, à l'intérieur d'une famille où il y a des sévices sexuels sur des enfants, des questions de harcèlement sexuel. L'article 24 dit: «Nul ne peut être privé de sa liberté ou de ses droits, sauf pour les motifs prévus par la loi...»

Et je tomberais maintenant dans les droits économiques et sociaux pour montrer qu'il y a une affinité. «Tout enfant a droit à la protection, à la sécurité et à l'attention que ses parents ou les personnes qui en tiennent lieu peuvent lui donner.» Si j'applique cette disposition à la protection de la jeunesse, ça s'applique aux parents. Les parents doivent la sécurité. «Les personnes qui en tiennent lieu», ça peut être les familles d'accueil, ça peut être toutes les formes de mesures volontaires, et ainsi de suite. Il n'y a pas d'incompatibilité. Je dirais même que l'article 39, d'une certaine manière, assoit la Loi sur la protection de la jeunesse.

Alors, c'est pour ça que je n'ai pas de problématique, je ne vois pas de problème majeur à intégrer les deux missions. Mais ce qui me préoccupe, et je le répète, c'est qu'il ne faut absolument pas... Il faut donner toutes les chances aux deux coureurs pour que ça fonctionne, et c'est ça qui m'apparaît très grave. Parce que vous disiez tout à l'heure que l'objectif de la loi, c'est d'économiser. Je présume, par les temps qui courent, que les intégrations, les fusions et tout ça ont pour objectif de réduire les coûts, mais je ne suis pas d'accord avec cette approche parce qu'il faut faire très attention. On assiste actuellement, au Québec et au Canada, à des choses assez étranges, en matière de protection des droits, et j'en parle dans ma lettre. Notamment, on réalise que la Commission canadienne des droits va abolir tous ses bureaux régionaux à travers le Canada. L'Inspecteur général a perdu énormément de crédits, de ressources au niveau du service à la clientèle et de la protection des gens contre les entreprises. L'Office de la protection du consommateur subit aussi une coupure assez drastique; on fait sauter des mécanismes de justice douce comme la conciliation, et ainsi de suite.

La problématique des droits, je pense qu'elle devrait être envisagée d'une autre manière. Autant il faut, je pense, dans un contexte de rareté des ressources, maximiser et mettre en commun les ressources, non pas dans le but de réduire – si ça réduit les coûts, bien sûr tant mieux – mais dans le but de maximiser les forces et les énergies...

Moi, je crois beaucoup à la synergie d'organisation de protection des droits, comme les deux dont on parle ce matin. Je pense que ça ne peut être que profitable que la culture d'enquête de protection de la jeunesse ait un effet de synergie sur la culture de la Commission des droits, et réciproquement. Il faut regarder que tout ça devrait avoir pour objet de maximiser les droits. La protection des droits est en perte, actuellement, est en déficit, au Québec. Et devant deux organisations aussi fondamentales pour nos droits démocratiques au Québec que sont la Commission des droits de la personne et la Commission de protection des droits de la jeunesse, je ne pense pas que, là, on doive faire de très gros compromis en termes budgétaires. Ça, ce sont des lois que j'appellerais des lois, des piliers démocratiques, et il faut que le gouvernement, je pense, trouve d'autres façons d'économiser. On ne peut pas prendre deux organisations comme ça, aussi importantes, et dire: Je sabre 1 000 000 $, comme ça. Ça n'a aucun sens.

Mme Bélanger: Moi, M. Jacoby, bon, je pense que je suis d'accord avec vous quand vous dites qu'il n'y a pas incompatibilité entre le respect des droits des personnes et des enfants, mais est-ce qu'il n'y a pas incompatibilité quant au processus de traitement des dossiers via la Commission des droits de la personne et la Commission de protection des droits de la jeunesse?

M. Jacoby (Daniel): Écoutez, ça dépend comment on organise le fonctionnement. Vous savez, par analogie – je dis bien par analogie, et c'est peut-être la forme la plus vicieuse de raisonnement... Mais si je compare, par exemple, ce que nous faisons au Protecteur du citoyen, est-ce qu'il y a une compatibilité apparente et des modes d'organisation qui sont très différents lorsque nous recevons, par exemple, une plainte d'un assisté social qui se voit amputer son chèque à la fin du mois, sa prestation, et d'un autre côté, une multinationale qui s'adresse à nous parce qu'elle a des problèmes avec l'impôt? À première vue, on pourrait dire: C'est incompatible, il s'occupe des gens qui sont en situation économique difficile par rapport à des multinationales. Non, c'est toute une question d'organisation du travail. Et, chez nous, j'ai dû développer des modes d'organisation qui fassent en sorte qu'il n'y ait pas d'incompatibilité entre les différentes compétences que je peux avoir et qui, apparemment, sont aux antipodes.

Alors, je pense que, fondamentalement, c'est une question d'organisation du travail. Je ne pense pas, personnellement, qu'il serait sain, dans un premier temps, de fusionner, par exemple, les services d'enquête. Il faudrait, pour un temps, les laisser fonctionner de la manière qu'ils fonctionnent, d'une manière relativement autonome. Comme chez nous, j'ai des enquêteurs qui s'adressent particulièrement à l'aide sociale et d'autres qui s'adressent particulièrement aux droits des compagnies ou au ministère du Revenu. Pour un temps, je pense que, tenter de fusionner ça... Dans un premier temps, je pense qu'il faut d'abord voir les choses aller.

Maintenant, au niveau du tribunal. C'est sûr que les deux organisations ont des recours aux tribunaux: un, devant un tribunal administratif, le Tribunal des droits de la personne, dans certaines situations précises, et l'autre, la Commission de protection des droits de la jeunesse, devant la chambre de la jeunesse de la Cour du Québec. Je n'ai pas examiné ces aspects-là, je dois vous dire, sur un plan technique et s'il y a des problèmes techniques au niveau de qui va-t-on saisir.

(11 h 50)

Je vois très bien la problématique, par exemple dans l'exemple suivant – et je ne sais pas si on y répond dans le projet de loi: une situation où une personne se plaint à l'organisme d'atteinte aux convictions religieuses parce qu'un enfant a fait l'objet d'une intervention du directeur de la protection de la jeunesse sur un signalement à l'effet que, vivant dans telle secte religieuse, ça compromet son développement et sa sécurité. D'un autre côté, les parents, qui ne sont pas d'accord, vont déposer en même temps une plainte au même organisme. À ce niveau-là, je n'ai pas de problème parce que, quand on regarde l'économie des deux lois, il faut savoir, et la Commission le fait régulièrement, comment concilier des droits fondamentaux; il n'y a pas de droits fondamentaux qui sont dans l'absolu. Il est évident qu'on doit prendre en compte que la sécurité et le développement de l'enfant sont des valeurs premières et que les commissaires, lorsqu'ils devront trancher, devront trancher... Si on ne fait pas la preuve, par exemple, que, véritablement, l'enfant, dans cette secte-là, voit son développement compromis parce qu'on lui fait faire des travaux qui n'ont pas de bon sens ou parce qu'il est isolé, et ces choses-là, et que, d'un autre côté, on invoque la liberté religieuse... Vous savez, ce sont des questions qui sont d'actualité tous les jours, concilier des valeurs fondamentales, et c'est évident que ces choses-là se répètent tous les jours, au niveau d'un tribunal, par exemple, qui doit apprécier des conflits de valeurs entre différentes lois.

Et, la Commission de protection des droits de la jeunesse, elle fait ce même travail là. Par exemple, lorsque quelqu'un n'est pas satisfait de la décision du DPJ parce que le DPJ, par exemple, a retiré l'enfant de la famille, la famille va se plaindre à qui? À la Commission de protection des droits de la jeunesse. Et la Commission de protection des droits de la jeunesse devra trancher entre le droit de l'enfant de vivre dans sa famille et l'obligation de retirer l'enfant de la famille pour des raisons de développement. On est déjà avec deux valeurs qui s'opposent, et c'est une question d'appréciation, compte tenu des circonstances.

Maintenant, au niveau des tribunaux comme tels, je n'ai pas examiné ça, s'il y a des conflits entre le Tribunal des droits de la personne et... Je ne l'ai pas examiné sur un plan technique. Je suis désolé.

Le Président (M. Simard): Nous sommes à l'intérieur d'une quasi-course infernale, et je ne devrai laisser qu'une dernière question au député de Borduas. On a déjà dépassé.

M. Charbonneau (Borduas): M. le Président, une question commentaire. Dans le fond, on disait, tantôt, que les principes, ils doivent s'incarner et la volonté du législateur doit s'incarner à la fois dans des moyens et dans la structure organisationnelle. Alors, vous avez mis en cause, fondamentalement, la question des moyens, en disant que, économiser 1 000 000 $ sur ces matières-là, ce n'est peut-être pas... ça n'a aucun sens. C'est les propos textuels que vous venez de dire.

Par ailleurs, vous dites, au plan des structures organisationnelles: Ça dépend comment on s'organise au niveau du fonctionnement. Et, dans votre lettre, vous dites: Les mandats des deux commissions, «quoique apparentés, ont chacun leurs spécificités et sont exercés à partir de textes juridiques et de traditions différentes».

Et vous avez indiqué, un peu plus tôt aussi, que vous pensiez important qu'à la tête de la Commission on s'assure du souci de préserver l'équilibre et l'intégralité et que la composition de l'organisme – c'est ce que vous avez dit tantôt – devrait refléter ce souci d'équilibre là.

Est-ce que, à ce moment-là, on ne devrait pas s'inspirer, par exemple, du modèle de la Cour du Québec et avoir une commission où il y a deux bancs: un banc de commissaires qui sont spécialisés et affectés exclusivement – surtout s'ils sont moins nombreux qu'actuellement, en plus – à l'application de la Loi sur la protection de la jeunesse, avec en plus – et vous étiez d'accord, pour au moins un certain temps, qu'on laisse les enquêteurs fonctionner d'une façon différenciée – un banc qui s'occupe exclusivement de l'application de la loi de la protection des personnes, et que, à la limite, fonctionnellement parlant, on se retrouve à faire les arbitrages au plan administratif et la gestion, des choses qui peuvent être en commun, au niveau du président et deux vice-présidents qui ont chacun une responsabilité particulière?

Est-ce que ce modèle-là ne pourrait pas être un modèle organisationnel fonctionnel qui ferait en sorte que l'ancien sous-ministre de la Justice que vous étiez à une époque, et qui était en faveur de la fusion des deux organismes, à une époque où les compressions budgétaires étaient moins dans l'air... Je vois que vous restez cohérent mais, en même temps, que vous considérez qu'effectivement il peut y avoir des problèmes là.

M. Jacoby (Daniel): Oui, je suis un ancien sous-ministre de la Justice. Et je suis Protecteur du citoyen, aujourd'hui.

M. Charbonneau (Borduas): C'est ça. Je sais très bien.

M. Jacoby (Daniel): Je n'ai pas examiné les modalités. Je veux dire, il y a certainement des avantages et des inconvénients. Si je pense tout haut, je dirais que c'est sûr qu'on pourrait fonctionner presque parallèlement, et les questions administratives devraient se régler. Mais je pense que, de toute façon, on a beau fonctionner parallèlement, quand vient le temps de répartir le budget à l'intérieur d'une organisation, vous allez avoir le tiraillage, hein, je veux dire, même dans les ministères. Les directions générales se tirent les unes sur les autres pour garder des budgets; on va vivre la même chose à la Commission, même s'il y a deux bancs sur le fond des dossiers.

D'un autre côté, je pense que, faire ça, je ne suis pas convaincu qu'on réussisse à maximiser la protection des droits, parce qu'on n'a pas cette mise en commun de ressources et d'expériences au niveau de la protection des droits. À ce compte-là – je réagis toujours d'une manière très, très première, là – je dirais: À quoi sert-il d'intégrer les vieux organismes?Qu'on les coupe chacun, un de 300 000 $, l'autre de 700 000 $, puis, laissons les choses comme ça. Moi, je crois beaucoup à ça, dans l'hypothèse où... Même si un des effets escomptés est la recherche de l'économie, je crois beaucoup à ça parce que je pense qu'il peut y avoir là une synergie extraordinaire au niveau de l'approche protection des droits dans l'ensemble.

Et n'oubliez jamais qu'un enfant, un jour, devient un adulte et qu'ensuite c'est le guichet unique. Au niveau de la protection, au niveau des droits, vous savez, le guichet unique, c'est aujourd'hui considéré comme quelque chose de fondamental, en termes de protection des droits et de recours aux services gouvernementaux. On favorise le guichet unique parce que, du point de vue du citoyen... Vous devriez voir le nombre de plaintes ou de demandes de renseignements que je reçois chez moi sur la Commission des droits de la personne, la Commission de protection des droits de la jeunesse, c'est le monde à l'envers, et l'Office de la protection du consommateur. Le monde ne s'y retrouve pas, très souvent, et même les initiés, parfois, ne s'y retrouvent pas. Je pense que le guichet unique permet d'avoir une seule voie d'entrée, un, et, à l'intérieur, d'augmenter l'efficience de l'organisation par la synergie des expertises qui sont là, de fonctionnaires, de professionnels et de gestionnaires. Et c'est pour ça que je dis qu'une opération comme ça devrait normalement aboutir à une maximisation – je ne dis pas demain matin – dans la mesure où le gouvernement ne sabre pas 1 000 000 $ et dans la mesure où on crée un équilibre au niveau de l'organisme, au niveau de la tête dirigeante.

Le Président (M. Simard): Je dois vous remercier, à ce moment-ci, M. le Protecteur du citoyen, d'avoir bien voulu, presque au pied levé, venir nous rencontrer. Je m'excuse du temps qui est laissé pour les questions, mais nous avons déjà une demi-heure de retard et, par délicatesse pour les autres, nous devons mettre fin à cette rencontre. Merci à nouveau.

J'invite maintenant les représentants du Syndicat de la fonction publique du Québec et du Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec à bien vouloir venir nous retrouver.

Alors, nous connaissons tous bien Mme Danielle-Maude Gosselin et M. Caron. Bienvenue, et merci d'avoir collaboré, à si brève échéance, aux travaux de cette commission. De façon à fonctionner dans le respect à la fois de vos individualités syndicales et pour permettre à la commission de fonctionner, je vais proposer que vous preniez à tour de rôle de sept à 10 minutes d'intervention et, ensuite, il y aura une période de 20, 25 minutes, à la commission, pour vous interroger. Je pense qu'ainsi il y aura union, mais distinction. Mme Danielle-Maude Gosselin.


Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ) et Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ)

Mme Gosselin (Danielle-Maude): Alors, je vous remercie, M. Simard. C'était exactement la demande que nous entendions vous formuler, et ce, considérant que nous avons appris, ce matin uniquement, qu'on nous demandait d'effectuer une présentation qui est conjointe. Et nous voulions vous demander un petit peu de temps, aussi, en sachant que nous sommes les seuls groupes qui ne sont pas des institutions formelles, qui seront entendus par cette commission, de par le choix qui a été fait par la commission, et qu'en ce sens-là nous sommes là pour représenter non seulement les gens qui travaillent au niveau de la Commission de protection des droits de la jeunesse, qui sont nos membres, mais aussi pour représenter un ensemble de groupes, et que nos questionnements sont ceux de nombreux groupes. Je pense notamment aux 16 organismes, qui ne seront pas entendus ici, qui se sont prononcés contre la fusion des deux organismes.

Alors, M. Caron va commencer la présentation. Il est accompagné de Mme Johanne Roy, du SPGQ. Je suis accompagnée de Mme Sylvie Paquerot, du service de recherche du Syndicat de la fonction publique. Vous excuserez si nous faisons des répétitions, nous tenterons que non, mais comme on a fait ça rapidement, en termes non seulement de présentation, mais de jumelage, on va essayer de ne pas se répéter, autant que possible.

M. Caron (Robert): Alors, bonjour. Je dois vous dire – et je vais essayer de parler le plus franchement possible...

M. Charbonneau (Borduas): C'est ce qu'on souhaite.

(12 heures)

M. Caron (Robert): Bon, merci. Ça va me faciliter la chose. Alors, nous, dès le départ, on veut vous dire qu'on s'est prononcé, comme le disait Danielle-Maude, contre la fusion, comme pour les gens à l'interne, d'ailleurs – on a rencontré nos membres, tout ça, on a discuté de ça – parce que, selon nous, ça relève de l'improvisation. Ça semble être un jugement de valeur, mais ce n'est pas un jugement de valeur – et je vais répéter ce qui a déjà été évoqué ici ce matin, j'ai entendu ça tout à l'heure – parce que le déterminant de la fusion, c'est l'impératif budgétaire, soit une coupure d'une trentaine de millions, au ministère de la Justice, 1 000 000 $ avec la fusion de la CDPQ et de la CPDJ, et ça peut représenter entre 300 000 $ et 400 000 $ si on parle seulement de la partie CPDJ, finalement, la Commission de protection des droits de la jeunesse.

Pour parler un peu plus clairement, il y a des secteurs qui sont, qui nous semblent intouchables, au ministère de la Justice, ce qui fait que c'est le domaine de la protection des droits qui écope ou qui risque de faire les frais, justement, de cette improvisation-là. Quand je dis que c'est le domaine de la protection des droits, tantôt, le Protecteur du citoyen lui-même a fait référence à l'Office de la protection du consommateur, on pourrait parler de l'aide juridique et, aujourd'hui, on est là pour parler de la Commission de protection des droits de la jeunesse.

Selon nous, la fusion est contre-indiquée. Vous savez qu'elle a été envisagée il y a neuf ans précisément, qu'elle a été décriée, à l'époque, par la Ligue des droits de la personne, même il y a eu de l'opposition de la part de l'opposition péquiste, à l'époque, qui parlait d'ailleurs d'économies de bouts de chandelles, qui disait que c'était impensable, compte tenu du caractère incompatible des mandats de chacun des organismes. Et, vous le savez, ça n'a pas été réalisé, en 1986, avec cette opposition.

La fusion est contre-indiquée, d'abord, pour incompatibilité de mandats, au niveau des lois, notamment, mais aussi au niveau du fonctionnement des deux entités. Moi, je ne vous parlerai pas du fonctionnement, Danielle-Maude va vous en parler. Au niveau des lois, la Commission de protection des droits de la jeunesse veille à l'application de deux lois, la Loi sur les jeunes contrevenants, la loi sur la protection des droits de la jeunesse, lois qui sont spécifiques, avec une mission particulière et une approche, aussi, qui est particulière, qui est quelque peu différente de celle de la Commission des droits de la personne, au niveau des interventions, mais aussi au niveau du traitement des dossiers. Ce sont des lois qui jouent un rôle préventif qui se résume à faire cesser les lésions ou les abus de droits à l'encontre des droits des jeunes. Alors, il ne faudrait pas que cette mission soit noyée ou occultée par une fusion dont on n'a manifestement pas analysé les impacts à tous égards. C'est ce que j'ai entendu ce matin de la part de M. Borgeat, à la suite des questions qui sont venues des deux côtés. Je pense que la démonstration n'a pas été faite d'analyse d'impact de cette fusion-là.

La CDPQ veille à l'application d'une loi quasi constitutionnelle, son mandat est différent. Je ne m'étendrai pas beaucoup là-dessus, d'autres avant moi vous en ont touché mot. Le fonctionnement est différent. Je vais laisser Danielle-Maude, d'ailleurs, vous en parler.

M. Gosselin (Danielle-Maude): Alors, pour reprendre quelques arguments de mon collègue, en termes de fusion, je pense qu'on voit une levée de boucliers sans précédent pour beaucoup de mesures qui ont été annoncées par M. le ministre de la Justice, qu'on pense à l'OPC, à l'aide juridique et, maintenant, à la CDPQ et à la CPDJ. Je pense que c'est tout à fait particulier parce que c'est le genre de services qui relèvent d'abord et avant tout de la mission fondamentale de l'État. C'est un type de services qui, de toute façon, ne peut pas se sous-traiter ou se privatiser; nécessairement, il relève de la mission de l'État. Ça ne veut pas dire qu'on soit d'accord avec d'autres types de sous-traitance ou de privatisation, mais, dans ce cas, précisément, si l'État ne prend pas ces dossiers à sa charge, qui le fera? Ce ne sera, nécessairement, personne. On se base, pour faire cette fusion, sur une étude, entre autres – parce qu'il n'y a pas eu d'étude d'impact récente – de 1986, et notre société a fortement évolué depuis 1986. Conséquemment, nous croyons que ça sent l'improvisation.

Vous savez, le gouvernement s'était engagé, en campagne électorale, à faire cesser les coupures aveugles de 2 %, 3 %, 4 % pour tout le monde, et nos deux organisations avaient suffisamment dénoncé, je crois, les coupures «tout le monde fait pareil» du gouvernement précédent. Mais on revient tout à fait au même type de fonctionnement, quant à nous. Il n'y a pas eu de questionnement global et fondamental sur les rôles et les missions. Et cela, pour sauver 1 000 000 $.

Je voudrais vous rappeler certains procès-verbaux du comité de fusion qui a fait la démonstration que, simplement en fusionnant l'utilisation de certains locaux, en regroupant les services, il serait déjà possible d'aller chercher des économies de plus de 400 000 $. Nous ne sommes pas opposés au fait qu'on puisse partager des locaux ou certains services de soutien administratif; les deux organismes le font déjà à Hull, Trois-Rivières, Rouyn, Sept-Îles et Sherbrooke, et on pourrait continuer dans le même sens.

Nous estimons aussi qu'une fusion de cette nature, si rapide, va à l'encontre de tous les principes de l'entente que nous avons signée sur l'organisation du travail. Parce que nous nous sommes engagés fermement, tous les syndicats de la fonction publique ou presque, à revoir l'organisation du travail, de façon à voir s'il est possible de dégager d'autres types d'économies. Et, lorsque j'entends le Protecteur du citoyen recommander qu'il n'y ait pas de modification de budget pour les deux prochaines années parce que ça pourrait comporter certains dangers, est-ce qu'on ne pourrait pas garder les organismes séparés et utiliser le temps pour voir ce qu'on pourra dégager de supplémentaire dans l'organisation du travail? En vous rappelant que, dans certaines questions de locaux, il serait déjà possible d'aller chercher au-dessus de 400 000 $, et ça, sans même parler de l'organisation du travail.

M. le ministre a aussi dit que, la Commission de protection des droits de la jeunesse, lorsque fusionnée, on pourrait profiter de l'expertise du service de recherche et du service au niveau de l'éducation de la Commission des droits de la personne. La Commission des droits de la personne ne suffit déjà pas à la demande. Certaines demandes d'opinion juridique ou de recherche peuvent attendre pendant deux ans, deux ans et demie. Je crois qu'il est illusoire de penser que ces services-là pourront donc être rendus au niveau de ce qui proviendra de la Commission de protection des droits de la jeunesse.

Je pourrais vous dire aussi, de source généralement bien informée, comme on dit, et je dirais même généralement très bien informée, que les commissaires de la Commission de protection des droits de la jeunesse estiment que la fusion serait faisable si on réserve la présidence à quelqu'un qui provient du secteur de la jeunesse, s'il y a parité au niveau des commissaires et s'il y a étanchéité des mandats. En ce sens-là, pourquoi fusionner si c'est exactement ce qui serait nécessaire pour protéger les droits des jeunes? Robert, mon collègue, tout à l'heure, vous a fait part, et je pense que ça a été mentionné souvent, des deux mandats qui sont fondamentalement différents.

Nous différons également d'avis de M. Jacoby qui estimait qu'on pouvait faire certaines fusions en complémentarité des mandats. Mais, à ce moment-là, pourquoi n'aurait-on pas fait le choix, par exemple, de fusionner avec le Protecteur du citoyen? Je ne vous dis pas que je suis d'accord plus, mais on aurait pu se poser la question. Si on veut jumeler l'ensemble des protections, est-ce qu'on devra aussi jumeler avec le Curateur public parce qu'on est tous susceptibles un jour de devenir incapables de remplir nos mandats? Est-ce qu'on devra fusionner avec l'Office des personnes handicapées parce qu'on peut devenir aussi handicapés, tout le monde ensemble? Je pense qu'avant de procéder à la pièce – et Dieu sait si on l'a reproché au gouvernement précédent – on devrait possiblement se poser une question globale sur tout ce qui a trait aux recours: Comment doit-on, globalement, appliquer nos recours? Et, s'il y a des fusions ou des compatibilités de mandats, que ça soit fait, tout ça, tout ensemble. Ce serait un questionnement beaucoup plus intéressant.

Il faut dire aussi... Vous savez, je suis bien placée pour vous parler d'un projet de société. Et les Québécoises et les Québécois veulent le projet d'une société qui soit égalitaire, qui garantisse des droits à chacun et à chacune. Et ce type de projet à la pièce, pour faire – et je suis persuadée que ce que le PQ disait en 1986 est toujours vrai – des économies de bouts de chandelles, est inacceptable, dans de telles conditions.

Je voudrais aussi tenter de faire un peu de projection dans le futur, pour un projet qui est cher au gouvernement et qui m'est cher aussi, à l'effet que, si nous devenions un Québec indépendant, il faudra constitutionnaliser notre charte. Comment un organisme pourra-t-il appliquer et les recours sur une charte constitutionnalisée et aussi faire respecter les droits des enfants? Je pense que c'est aussi un problème sérieux que l'on pose. Savoir aussi que nous irions, en jumelant les mandats, à contresens du droit international qui a prévu, effectivement, deux chartes spécifiques de protection, tant des droits des enfants et des jeunes que de protection des droits de la personne. Et, en ce sens-là, nous vous demandons instamment d'abandonner ce projet de loi et de maintenir les deux organisations séparées, en sachant qu'il y a des possibilités, déjà, d'économies, en termes de locaux, et en vous répétant l'engagement formel de nos deux organisations, par la réorganisation du travail, à voir où il est encore possible de faire des économies. Et, s'il est possible de faire 400 000 $ d'économies, allons-nous prendre le risque de jumeler ces deux organismes pour 600 000 $ par année, avec tous les inconvénients que ça peut comporter, si on se rendait compte, par exemple, dans deux ans ou dans trois ans, que c'est une erreur que nous avons faite et qu'il faut à nouveau séparer les mandats?

La protection des enfants, c'est quelque chose qui est sérieux, qui est important. Ils n'ont pas d'autre recours. Et, en ce sens-là, nous vous en prions instamment, laissez de côté ce projet de loi.

(12 h 10)

Le Président (M. Simard): Je vous remercie. Vos interventions ont eu deux mérites: elles ont été brèves, elles ont été claires. Alors, maintenant, c'est aux membres de la commission de vous poser des questions. M. le ministre.

M. Bégin: Alors, merci infiniment d'être venus aussi rapidement, à notre demande de faire vos présentations devant la commission. Je pense que vous avez eu l'occasion d'entendre ce que M. Jacoby, le Protecteur du citoyen, avait à dire. J'ai retenu, principalement, vers la fin, une note très importante ou un commentaire très important où il faisait ressortir trois aspects qui étaient favorables à la fusion: d'une part, guichet unique, deuxièmement, synergie et, troisièmement, maximisation des ressources. Et il voyait ça de manière très positive, la fusion des deux. Il faisait des réserves sur les questions financières.

Vous soulevez, et je pense que vous avez raison, que, le seul fait de regrouper dans un même local les deux commissions, il y a là une économie entre 400 000 $ et 500 000 $. Par ailleurs, il y aurait aussi économie substantielle au point de vue administratif, en fusionnant les deux organismes. Est-ce que ce n'est pas là deux bons motifs, justement, pour favoriser la fusion, d'une part, une économie substantielle sur le plan économique et, d'autre part, ce que le Protecteur du citoyen disait, non un inconvénient, mais un avantage... Et il disait que, dans la mesure où, économiquement, il n'y avait pas d'impact... Et je pense que, quand on sauve sur des locaux, il n'y a pas d'impact au niveau du fonctionnement et que, quand on sauve sur la question de l'administration, on ne peut pas dire qu'il y a un impact sur les mandats, la réalisation des mandats.

Est-ce que vous ne croyez pas que, dans ces circonstances-là et si on augmentait le nombre ou on mettait la parité au nombre des membres de la Commission – et, d'ailleurs, je vous informe, à cet égard, que j'ai l'intention de déposer un amendement qui va aller dans ce sens-là, d'équilibrer le nombre de personnes au niveau de la Commission – on a justement une bonne raison ou de très bonnes raisons de faire la fusion?

Mme Gosselin (Danielle-Maude): Sur le plan administratif, M. le ministre, il y a toujours moyen de voir si on peut simplifier les processus, et ça, l'organisation du travail va vous permettre d'y répondre. Mais, pour ce qui est du nombre de membres de la Commission, il faut savoir que les membres de la Commission de protection des droits de la jeunesse, les 14 personnes qui sont là actuellement s'impliquent de façon très active dans les dossiers, n'attendent pas nécessairement que le dossier leur soit amené. Et le travail qui est effectué par ces personnes-là, en diminuant le nombre, en les ramenant notamment à quatre, dans la nouvelle Commission, ne sera plus effectué. Alors, qui le fera? Ce sera soit d'autres personnels ou, encore, vous aurez une perte de services.

En termes de parité, à moins que vous ne créiez une commission avec un nombre de membres extrêmement grand, ça pose d'autres problèmes au niveau des droits de la personne, parce que chaque groupe doit être représenté pour un minimum, à savoir les femmes, les personnes provenant des communautés culturelles, les personnes handicapées et autres groupes susceptibles d'être discriminés, en vertu des dispositions de notre charte. Alors, comment ferez-vous pour respecter la représentativité de ces groupes, si vous donnez la parité à la jeunesse, versus l'ensemble de la représentativité nécessaire pour le reste des groupes qui sont visés par la Charte des droits et libertés?

En termes de guichet unique, vous pouvez facilement le faire via l'information. Et, si, peut-être, les services de Communication-Québec et le service d'information du Québec étaient plus connus et plus publicisés, vous pourriez sûrement améliorer l'efficacité de réponse, en termes de l'ensemble des services rendus par le gouvernement.

Pour ce qui est de la synergie, ces gens-là sont déjà tellement débordés et dans un contexte de restrictions très grandes des ressources qu'on risque de créer beaucoup plus un climat de rivalité entre les deux groupes que de synergie, quant à nous.

M. Caron (Robert): Très rapidement, M. le Président. On peut trouver avantage à tout. On dit bien qu'à quelque chose malheur est bon. Sauf que la démonstration n'a pas été faite, ce matin, qu'il y avait compatibilité des mandats. Si on s'entend pour dire que l'impératif est d'ordre budgétaire, si on prend pour acquis, justement, qu'il y a déjà de l'administration qui est partagée par la CDPQ et la CPDJ, je pense qu'on peut trouver des solutions aux problèmes budgétaires sans que cette fusion-là soit faite. Et je pense qu'on ne peut pas se permettre de risques.

Je veux juste vous souligner, en passant, qu'il y a des efforts qui avaient été faits par la CPDJ, suite à une commission parlementaire et suite à des recommandations du Protecteur du citoyen. Il y a des améliorations très importantes, au niveau des interventions, qui ont fait que, même, la CPDJ a été considérée pour un prix d'excellence de l'administration publique. Alors, je pense que, ça, il faut considérer ça aussi. Il y a toujours possibilité d'améliorer les choses, et c'est ce qu'on propose, plutôt qu'un risque.

Mme Gosselin (Danielle-Maude): Mme Paquerot va rajouter...

Mme Paquerot (Sylvie): Je rajouterais, pour le bénéfice des parlementaires présents ici, parce que ça va se poser aussi dans d'autres dossiers sous la responsabilité du ministre Bégin, que, quand on travaille à réorganiser le travail pour arriver à faire plus avec moins, à donner une meilleure efficacité, quand on pose la question de la synergie, on doit prendre le temps de se poser la question d'un seuil optimum entre la polyvalence et l'expertise. Je pense que c'est un cas très illustratif de ce problème-là que l'on va retrouver quand on étudiera, probablement à l'automne, la question des tribunaux administratifs. Il faut se poser la question à chaque fois et prendre le temps de l'examiner: Où est le seuil où de mettre ensemble des expertises différentes améliore l'expertise et où de mélanger tellement l'expertise, à un moment donné, il n'y a plus personne qui est spécialiste de rien et on n'est plus capable, comme société, de se donner les services spécialisés dont on a besoin?

En matière de protection de la jeunesse, on voit, entre autres, que les gens qui interviennent ont une expertise très spécifique, en matière d'intervention sociale, qui n'a aucun rapport avec le travail que fait la Commission des droits de la personne.

Le Président (M. Simard): M. le ministre. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci, M. le Président. Moi, je crois que c'est l'exemple patent, que nous avons ici, d'une autre tentative de faire des économies en fonction d'un discours qui, en théorie, pourrait se vendre – et on a eu l'exemple tantôt avec le Protecteur du citoyen – mais qui, dans les faits, va avoir des conséquences désastreuses.

J'aimerais revenir, poser une autre question au Protecteur du citoyen sur les commentaires que le ministre vient de dire, quant aux raisons que lui voit maintenant dans ce que le Protecteur du citoyen disait pour promouvoir la soi-disant fusion: guichet unique, synergie, maximiser les ressources. Et c'est peut-être plus un commentaire que je fais que des questions, mais j'aimerais avoir vos réactions, par la suite. Je trouve ça assez spécial qu'on puisse avoir devant nous un projet de loi qui, de toute évidence, est présenté pour faire des économies de 1 000 000 $ – des économies que vous aviez, dans le passé, qualifiées de bouts de chandelles et que vous reprenez aujourd'hui – et que, suite à l'intervention du Protecteur du citoyen, on nous dise: Ce serait bon, peut-être, parce qu'il va y avoir un guichet unique, de la synergie, puis toutes sortes de choses, en faisant abstraction du fait que le Protecteur du citoyen dit que ces bénéfices pourraient survenir si on maintenait les ressources telles quelles, finalement. C'est ce qu'il a dit, si j'ai bien compris. On pourrait avoir une certaine synergie, dans son optique à lui, si on maintenait toutes les ressources là et, en fait, on jumelait les deux choses.

Mais, si au moins le projet de loi avait été présenté véritablement, s'il avait véritablement raison, pour qu'il y ait une fusion, pour que ce soit au bénéfice des droits des jeunes ou des droits des personnes, ça aurait été présenté de cette façon dès le départ. Il me semble que c'est assez inusité d'essayer, en cours de route, de le rattraper pour promouvoir la synergie, entre guillemets, qui pourrait en découler.

Vous avez parlé, et c'était une autre question que j'avais ce matin, d'une économie possible, sans toucher aux mandats, de 400 000 $. C'est presque la moitié de ce que le ministre espère aller chercher en chambardant les mandats. Je ne pense pas que vous ayez parlé de la mise en commun des services de recherche ou autres. Quels sont les services qui, en les mettant en commun, pourraient résulter en 400 000 $ d'économies et dans quelle échéance de temps?

Mme Gosselin (Danielle-Maude): C'est parce que je fais référence au procès-verbal au niveau du comité de fusion. Alors, on a parlé au niveau de l'intégration des employés du siège social de la CPDJ au siège social de la CDPQ, parce que le bail est à renouveler, actuellement, c'est un bail mensuel. On pourrait faire une économie de près de 30 000 $ par mois, parce que ce qui se passe, c'est que, le bail, actuellement, ils le renouvellent aux 30 jours. Donc, ils pourraient très rapidement déménager, les autres locaux étant suffisamment grands pour accueillir l'ensemble du personnel, comme tel.

M. Sirros: C'est-à-dire qu'on le paie déjà. C'est de l'argent qui pourrait accommoder un autre organisme en annulant un bail.

Mme Gosselin (Danielle-Maude): C'est ça.

M. Sirros: Donc, sans rien toucher au mandat ou quoi que ce soit...

Mme Gosselin (Danielle-Maude): Absolument pas.

M. Sirros: ...on a tout de suite 360 000 $, au minimum, d'économies.

Mme Gosselin (Danielle-Maude): C'est ça. Alors, en tenant compte du loyer de la CPDJ, on pourrait faire, globalement, en regroupant les deux, une économie de 250 000 $. Alors, c'est un ensemble de regroupements comme ça, où on parle de certaines améliorations locatives. Il y aurait aussi une économie au niveau de certains bureaux de Québec. Actuellement, les bureaux, un étant au palais de justice et l'autre au carré d'Youville, on pourrait regrouper les deux, on aurait suffisamment d'espace, et, à ce moment-là, on pourrait faire des économies. On pourrait aussi économiser sur la location de photocopieuses, par exemple, 3 500 $ par année, parce que les deux organismes pourraient utiliser les mêmes appareils, des choses comme ça. Alors, on pourrait aller chercher, et là je suis sur le procès-verbal, près de 438 000 $ par année. Alors, je dois mettre, mettons, 400 000 $. Peut-être qu'il y a un 38 000 $ qui n'est pas...

M. Sirros: Et ça, si je comprends bien, c'est sans vous consulter, en tant que syndicat.

(12 h 20)

Mme Paquerot (Sylvie): On ne parle absolument pas de l'organisation du travail, c'est simplement de regrouper dans des lieux physiques.

M. Sirros: C'était ma question. Est-ce qu'on vous a consultés, quant à l'organisation possible du travail, pour voir si on peut dégager des économies?

Mme Gosselin (Danielle-Maude): Non.

M. Sirros: Aucune consultation faite de ce côté-là?

Mme Gosselin (Danielle-Maude): Non.

M. Sirros: Estimez-vous qu'il y a des économies possibles qui pourraient être faites en réorganisant, peut-être, le travail? Est-ce que vous offrez au ministre la possibilité de discuter avec lui pour dégager d'autres économies possibles?

M. Bégin: Je vois un grand sourire. Ha, ha, ha!

Mme Gosselin (Danielle-Maude): Oui, parce que M. le ministre sait très bien que je lui offre régulièrement cette possibilité-là, dans la mesure de ce qu'on fait, mais ça prend du temps pour le faire. Ça ne prend pas 10 ans, mais il faut s'asseoir à une même table. Et vous comprendrez que ce n'est pas dans un contexte de fusion que les gens sont capables de s'asseoir et de dire... Actuellement, les énergies ont été mises, par les organismes, sur la question de la fusion. Mais on peut sûrement voir, quoiqu'il y ait déjà eu de grands efforts de faits – Robert en a parlé tout à l'heure – à la CPDJ, pour améliorer le traitement des plaintes, le délai de réponse... Il y a sûrement encore moyen de faire des choses.

Alors, c'est sûr que vous allez me dire: Il faut sauver peut-être 300 000 $ ici, 400 000 $ là. Mais on risque de mettre en péril la protection des droits de nos jeunes. Je ne répète pas ce que plusieurs organismes vous ont dit tout à l'heure. C'est des mandats qui sont complètement différents: un de faire appliquer une charte des droits qui est, dans les faits, une défense d'interdire, l'autre, d'agir, quand on parle des jeunes, de façon très active pour solutionner des problèmes, et parfois de façon très rapide. La CPDJ reçoit actuellement plus de 30 000 demandes d'information par année, en termes de droits des jeunes. On ne parle pas de ses dossiers d'intervention, c'est un autre nombre. Mais est-ce qu'on peut prendre ce risque-là?

Et je vous répète, créer des guichets uniques, c'est à quel prix et comment? Est-ce qu'on va regrouper l'ensemble des organismes? Ne peut-on mettre un moratoire, regarder s'il est possible de jumeler certains mandats qui seraient plus compatibles, ne pas le faire à la pièce et regarder l'ensemble des recours et ce qu'on peut faire avec ça, versus, aussi, toute la question des tribunaux administratifs, toute cette question-là, plutôt que de fonctionner de manière improvisée? Et je vous le rappelle, même si le Protecteur du citoyen semble en accord, il demande que les budgets soient maintenus pour les deux prochaines années. Alors, ne peut-on maintenir les budgets, faire un effort du côté des locaux et essayer de voir ce qu'on pourra faire pour avoir vraiment un projet global où on s'assurera, on prendra le temps de s'assurer que les droits de toutes les composantes de notre société sont respectés?

Le Président (M. Simard): M. le député de Borduas.

M. Charbonneau (Borduas): Merci, M. le Président. J'ai retenu, parmi les propos que vous avez tenus, ceux de Mme Paquerot qui parlait de la polyvalence versus l'expertise. Est-ce qu'on n'a pas devant nous un choix de société qu'on a fait déjà depuis une vingtaine d'années, c'est-à-dire de choisir l'expertise plutôt que la polyvalence, en ces matières? Et est-ce qu'à cet égard-là, de remettre en question un choix de société qui a été reconfirmé par l'Assemblée nationale unanimement, à plusieurs reprises, à la suite de commissions parlementaires spéciales, de projets de loi qui ont été présentés ici et finalement retirés parce qu'on ne respectait pas ce principe-là, est-ce qu'on n'est pas au coeur d'un problème fondamental qui est... Est-ce que, dans certaines matières, on ne doit pas, avant de choisir de s'embarquer dans une dynamique de polyvalence, se demander si on n'a pas fait le bon choix, il y a un certain temps, il y a plusieurs années, de privilégier plutôt une approche différente qui est une approche d'expertise, de spécialisation, une approche plus fine, de travailler au scalpel? Parce qu'on travaille sur des matières qui sont des matières délicates, c'est-à-dire des humains et en particulier des enfants qui sont en situation de danger et ont besoin de protection. C'est ma première remarque, et peut-être un commentaire qui pourrait peut-être appeler à une réaction de votre part.

Deuxièmement, si jamais on était contraints d'aller de l'avant, en tout cas, est-ce qu'on doit absolument tenir au principe de l'étanchéité des deux mandats? C'est-à-dire, est-ce qu'on doit absolument, à votre avis, faire en sorte que, s'il n'y a qu'une seule commission, il y ait des commissaires qui se spécialisent, uniquement pour garder cette approche d'expertise plutôt que de polyvalence, pour l'application d'une loi et d'autres qui seraient pour l'application de l'autre loi, étant entendu qu'au plan administratif, outre les économies dont vous parlez, il y a peut-être moyen de créer une dynamique intéressante pour certains types de services: recherche, éducation du public, etc., sans compter les services administratifs comme tels? Mais, à l'égard du fonctionnement de la commission, c'est-à-dire des commissaires et du personnel qui est directement branché sur eux, c'est-à-dire ceux qui alimentent, par leur travail professionnel, les commissaires dans l'exercice de leurs responsabilités, est-ce que, là, on doit tenir ou pas à cette idée, à ce principe de l'étanchéité?

Mme Gosselin (Danielle-Maude): Alors, je crois que, même au niveau de la fusion de services administratifs, nous ferions de graves erreurs – je vous l'ai expliqué tout à l'heure – à moins d'ajouter sensiblement des ressources parce que, déjà, la Commission des droits de la personne qui a le service, notamment, de recherche et d'éducation, ne suffit mais absolument pas à la demande. Donc, on risquerait beaucoup plus des conflits entre les deux groupes.

Si, malgré tout, le gouvernement allait de l'avant, il faudrait nécessairement conserver l'étanchéité des mandats, parce que, nous vous le répétons, ce n'est pas du tout le même type de mandats. Et, en ce sens-là, si on veut les remplir de façon correcte et adéquate, il n'y aura sûrement pas d'économies ou, autrement, si on maintient l'idée de diminuer le nombre de postes disponibles pour effectuer les tâches, nécessairement, il y aura détérioration de services des deux côtés.

Je vais digresser un peu, aussi. Je vous dirais, actuellement, au niveau de la Commission des droits de la personne, qu'on est en renouvellement de mandat pour à peu près tout le monde. Les mandats sont échus, et il n'y a toujours aucune nomination de faite, ce qui nous inquiète aussi passablement un peu, parce que nous sommes également, en tant qu'organisation syndicale, des usagers de la Commission des droits de la personne pour des cas de discrimination. À savoir: Est-ce qu'il y a une grande préoccupation, de la part du gouvernement, pour la Commission et le bon fonctionnement de la Commission?

Le Président (M. Simard): M. le député de Mercier.

M. Perreault: M. le Président, très rapidement, je veux moins intervenir sur la question de fond du choix et de la pertinence de fusion des deux institutions. J'ai entendu les commentaires, je ne suis pas un spécialiste de ces questions, mais je comprends également que, parmi les objectifs du gouvernement, il y a un problème d'économie de moyens. Et les droits, dans notre société, vont continuer d'exister dans la mesure où, globalement, comme société, nous prendrons les dispositions pour en avoir les moyens. Je pense que vous êtes sensibles au fait que ce n'est pas parfaitement acquis et évident. Donc, de ce point de vue là, et sans entrer dans les autres considérations qui sont peut-être plus fondamentales, je veux quand même revenir sur cet aspect des moyens.

On a parlé du loyer, on a parlé de choses comme celle-là. Puisque ces problèmes de moyens sont bien réels, est-ce qu'il vous semble possible – et, là, je reprends une question, tantôt, du député de Laurier-Dorion – de regarder si, oui ou non, au-delà de la pertinence de fusionner, il y a, au niveau des services, de l'administration, de la promotion, des efforts possibles à faire? Vous avez parlé de moratoire. Évidemment, c'est toujours plus – je vais essayer d'utiliser un mot qui n'est pas méchant – simple de reporter à plus tard des décisions difficiles. On préfère toujours avoir une vision globale, totale et infernale et, souvent, dans ce temps-là, on ne pose pas les gestes pour avancer.

Moi, je me souviens, à Montréal, au transport adapté, évidemment dans un domaine éminemment sensible, le transport adapté des personnes handicapées, je me souviens qu'on avait, à l'époque, l'obligation d'avoir, dans ce service comme dans d'autres, toute la duplication de toutes les fonctions administratives, de toutes les fonctions de communication, de toutes les fonctions, jusqu'à temps que, devant des obligations financières bien réelles, on se pose la question de la pertinence de tout ça et de l'efficacité, de la productivité de tout ça, qu'on remette des choses en cause, pour se rendre compte, au bout de la ligne, que, finalement, on avait réussi à augmenter les heures de services, même si on n'avait plus deux responsables des communications internes, deux responsables... Bon.

Moi, dans le fond, ce que j'essaierais de vous poser, c'est: Plutôt qu'un moratoire qui nous renvoie peut-être très loin, qui nous renvoie dans une réforme globale des institutions, est-ce qu'il n'y a pas, à beaucoup plus court terme, puisque l'objectif qui semble être le vôtre, en tout cas la compréhension que vous avez de la nécessité de maintenir la spécificité des deux mandats vous semble, effectivement, très importante, d'autres gens l'ont dit, est-ce qu'il n'y aurait pas, de ce point de vue là, à plus court terme, des possibilités de permettre au gouvernement d'atteindre ses objectifs financiers par-delà le loyer?

Parce que, le loyer, entre vous et moi, ce n'est pas très exigeant pour un syndicat. Je ne dis pas que ce n'est pas nécessaire, je ne dis pas que ce n'est pas une évidence, je n'ai pas signé les contrats. Tant mieux si on peut économiser là-dessus. Mais, dans l'aspect de l'organisation du travail, est-ce que, vraiment, il faut se renvoyer à ce que j'appellerais des choses qui peuvent parfois ressembler aux calendes grecques?

(12 h 30)

M. Caron (Robert): Si vous avez remarqué, on n'est pas venus vous parler de notre «membership» et puis de l'impact sur notre «membership», là. On est venus vous parler, justement, de la mission de la CPDJ, eu égard à la mission de la CDPQ. Je pense qu'on vous parle en même temps de la qualité des services qui sont donnés à la clientèle des jeunes. On n'a fait que ça, là, jusqu'à maintenant. Si on avait à choisir entre une question d'économies et une question de services à donner à la population, je dirais que, là, on aurait un choix difficile à faire. Sauf que, tout à l'heure, Mme Danielle-Maude Gosselin vous a fait la démonstration très claire à l'effet qu'on pouvait faire des économies sans faire de fusion. Il y a déjà un vécu au niveau des relations entre la CPDJ et la CDPQ parce qu'il y a déjà des frais partagés, en région, au niveau du service de secrétariat. Et on est capable d'en faire, ce n'est pas nous qui le disons, c'est le comité de – comment on l'appelle? – ...

Une voix: De fusion.

M. Caron (Robert): ...le comité de fusion qui a écrit qu'il pouvait y avoir des économies. Évidemment, le comité de fusion n'est pas allé jusqu'à dire que ça peut se faire sans la fusion, mais je pense qu'il n'y a là qu'un pas à faire.

Moi, pour résumer, finalement, un peu tout ça, je pense qu'on pourrait dire qu'on n'en est pas à faire un débat d'opinions sur la compatibilité des mandats. On en est peut-être plus, par exemple, à trancher une question d'opportunité. Et il y a une partie, là, par exemple, où on n'a pas eu beaucoup de réponses ce matin, et on n'en a pas plus aujourd'hui: Quels seraient les impacts de la fusion? On a même parlé, dans la fusion, des mandats de confrontation possibles, entre guillemets. Et puis on disait: On n'est pas sûr s'il n'y aura pas des conséquences dommageables – on ne l'a pas dit comme ça, mais c'est ce que ça voulait dire. Ça pourrait être de l'enrichissement aussi; ça, j'ai compris ça. Mais est-ce qu'on peut se payer le moyen de risquer de donner un service moins bon que ce qu'il est actuellement, pour la clientèle des jeunes? Je pense que c'est la question à laquelle on doit répondre. Moi, je pense qu'on ne doit pas prendre ce risque-là, surtout si on est capable de générer les économies que le gouvernement veut faire pour ces organismes-là.

Mme Gosselin (Danielle-Maude): J'aimerais ajouter que nous sommes en question de droits fondamentaux...

Le Président (M. Simard): En conclusion rapide, s'il vous plaît.

Mme Gosselin (Danielle-Maude): ...et pas en transport en commun, malgré tout le respect que je peux avoir pour les personnes handicapées. Cette fusion-là représente, dans notre cas, une perte de 13 postes, et je vais vous dire – parce qu'on en a 2 000 annoncés pour cette année – pourquoi on intervient, parce que, sans ça, on passerait notre temps à intervenir partout, c'est parce que c'est des missions fondamentales. Et Mme Paquerot aimerait rapidement vous ajouter quelque chose sur les groupes populaires et sociaux.

Mme Paquerot (Sylvie) : Pour répondre directement à la question du député, oui, il est possible d'en faire. La meilleure preuve, c'est celle qu'on a déjà faite. Les commandes de compressions qui ont été déjà faites à date, à la Commission de protection des droits de la jeunesse notamment, ont été livrées non avec des pertes de services, mais avec une amélioration des délais. Je pense que le personnel, dans le cas de la protection de la jeunesse en tout cas, en a fait la preuve – je pense que le fardeau de la preuve, à l'heure actuelle, est au niveau politique. Il a fait la preuve qu'il était possible de rentrer dans des exigences budgétaires sans toucher à la mission et au mandat.

M. Perreault: M. le Président, très rapidement, ce que je vais dire, c'est juste que, tantôt, on disait qu'il y avait des économies à faire. La fusion ne semblait pas être le meilleur moyen. Et, dans le fond, la question que je posais, puisque Mme la présidente avait souligné qu'elle souhaitait plutôt qu'il y ait un moratoire, c'était de dire: Est-ce que ces... Parce que les moratoires envoient souvent très loin dans le temps, et donc je posais la question: Est-ce qu'il y avait, à plus court terme, des possibilités? C'est dans ce sens-là que je la posais. Pour ce qui est du transport adapté, je peux vous assurer d'une chose, c'était bel et bien vu par les intervenants comme des droits assez fondamentaux, mais enfin.

Le Président (M. Simard): Je dois, à ce moment-ci, je m'excuse, vous remercier, Mme Gosselin, M. Caron, Mme Paquerot et Mme Roy. Je dois mettre fin à notre dialogue parce que nous avons un autre groupe à entendre avant 13 heures. Je vous remercie d'avoir accepté, avec un si court délai, de venir nous rencontrer, de la concision, de la précision de vos réponses et de vos interventions. Merci et à bientôt. À bientôt, sûrement, d'ailleurs.

Alors, j'invite le Syndicat des employées et employés de la Commission des droits de la personne, maintenant, à se joindre à nous. Mme Madeleine Beaudoin, présidente du Syndicat des employées et employés de la Commission des droits de la personne, bienvenue à cette commission. Merci d'avoir accepté au pied levé de venir nous rencontrer. Nous disposons de 25 minutes. Donc, je vais vous demander de présenter votre point de vue, et j'ouvrirai ensuite le dialogue.


Syndicat des employées et employés de la Commission des droits de la personne

Mme Beaudoin (Madeleine): Merci de l'invitation à venir présenter notre point de vue concernant ce projet de fusion. Il nous semblerait que l'histoire se répète; 1986 revient. Je serai brève. D'une certaine façon, je pourrais beaucoup élaborer sur l'évolution de la pensée et de la position syndicale du Syndicat des employés de la Commission. Je résumerai en mettant des points forts, enfin les éléments les plus forts au niveau de notre position. Au départ, le Syndicat des employés de la Commission est contre la fusion proposée à cause du processus qui a été utilisé.

Premièrement, la Commission semble être considérée comme n'importe quel autre ministère, organisme, et on la traite de cette façon, on l'intègre dans un processus, alors que, nous, comme employés, nous maintenons que la Commission est totalement indépendante de tout ministère, tout organisme. D'autre part, on parle aussi d'un processus où un projet de loi n'est pas encore adopté et on met en oeuvre un comité de mise en oeuvre de fusion pour, justement, examiner et, enfin, soi-disant faire des recommandations sur tout un processus de transfert des employés, de mécanismes de fonctionnement d'une nouvelle commission. Alors, l'impression que nous avons, la conviction, même, que nous avons, comme syndicat, c'est qu'on met la charrue avant les boeufs. D'autre part, on discute déjà, actuellement, d'un projet de loi, alors qu'à notre connaissance l'assemblée des commissaires de la Commission des droits de la personne ne s'est pas encore prononcée sur son accord ou non à une telle fusion.

Concernant le comité de mise en oeuvre, nous avons transmis notre position sur le mandat, le rôle de ce comité. Nous considérons que, de fait, le comité de mise en oeuvre n'a nullement remis en question le bien-fondé ou les raisons d'une telle fusion, et, déjà, au niveau de ce processus, c'est le point le plus fort auquel nous nous objectons.

Un autre élément auquel on s'objecte nécessairement, c'est toute la question de la précipitation à réaliser, enfin, une mise en oeuvre de fusion, la précipitation à discuter de modifications législatives à des lois, autant la Loi sur la protection de la jeunesse que, de façon indirecte, la Charte des droits et libertés. Aucune étude, aucune analyse de faisabilité ou d'impact n'est examinée au niveau d'une fusion. Ce n'est certainement pas le mandat du comité de mise en oeuvre de l'avoir fait, tandis que, nous, nous considérons que le comité de mise en oeuvre discute de contenant, alors que, nous, nous nous sommes préoccupés au niveau du contenu.

De fait, comment deux mandats distincts peuvent vivre ensemble? Comment une commission, qui a un mandat de défendre des valeurs et un choix de société, par sa Charte des droits et libertés, comment une telle commission peut ensuite devoir se pencher et examiner, critiquer même, une loi qu'elle serait forcée d'appliquer dans le cadre d'un nouveau mandat?

On parle beaucoup de l'impact sur l'organisation du travail, d'une telle fusion. De fait, c'est le discours syndical, autant au niveau de la fonction publique que des syndicats indépendants comme nous sommes. De fait, l'organisation du travail, c'est un élément de réflexion. Mais nous maintenons que ce n'est ni un comité de mise en oeuvre ni des personnes, des intervenants autres que les personnes impliquées dans ce travail qui peuvent se pencher sur l'organisation du travail et examiner la faisabilité d'une telle fusion. Nous maintenons que c'est à la Commission des droits de la personne, si, de fait, elle se voit élargir son mandat de quelque façon que ce soit, c'est le mandat de l'assemblée des commissaires, des commissaires et de la Commission des droits de la personne, avec les protocoles et les mécanismes qui sont prévus dans les conventions collectives – on parle vraiment de questions de relations patronales-syndicales, à ce moment-là – nous considérons que c'est à la Commission de se pencher et d'examiner les tenants et les aboutissants d'une modification de mandat et toute autre chose.

(12 h 40)

L'autre élément sur lequel, aussi, nous sommes beaucoup préoccupés, c'est toute la question, nécessairement, que les économies sont les seules raisons énoncées. Et je ne répéterai pas ce qui a été dit par d'autres personnes. Il est évident que, pour nous, des économies ne sont pas la seule raison valable pour se dire qu'on risque de modifier en profondeur les mandats respectifs de la Charte des droits et libertés et de la Commission de protection des droits de la jeunesse.

Notre position, c'est une position... Nécessairement, nous avons des intérêts syndicaux. Nos intérêts syndicaux, en 1986, étaient qu'on refusait l'intégration à la fonction publique. Maintenant, en 1995, on est préoccupé par l'intégrité de l'organisation dans laquelle nous travaillons. Pour nous, il est fondamental que tous les mandats de la Commission des droits de la personne du Québec soient maintenus à égalité. Pour nous, les enquêtes, la recherche, les communications, la promotion, l'information, les programmes d'accès à l'égalité sont des mandats fondamentaux, et nous sommes convaincus que l'intégration d'un autre mandat de protection des droits de la jeunesse affaiblirait le mandat premier de la Charte des droits et libertés de la personne. Cet affaiblissement peut se voir au niveau du jumelage de certaines tâches, dans les régions entre autres, ou du fait qu'on parle aussi de coupures, encore de réduction d'effectifs et de coupures dans le budget de fonctionnement qui ont un impact considérable sur la réalisation du mandat. On a mentionné auparavant que, de fait, la Commission, au niveau de la recherche ou des documents de fond, ne répond pas à la demande; je peux vous le confirmer aussi. La recherche fondamentale est un outil fondamental pour le développement des principes ou l'application de la Charte des droits et libertés de la personne. Et, si on met davantage l'accent, à l'avenir, sur la promotion des droits des enfants et des droits de la jeunesse, tout le domaine de la Charte des droits et libertés de la personne sera fondamentalement banalisé et diminué.

C'est sûr qu'à brûle-pourpoint, un peu comme ça, c'est un peu difficile de ramasser toutes nos réflexions en quelques instants. Je pense que je serais ouverte à des questions qui nous permettraient d'élaborer davantage sur notre position.

Le Président (M. Simard): Je vous remercie beaucoup, madame. M. le ministre.

M. Bégin: Merci, Mme Beaudoin, d'être venue aussi rapidement nous rencontrer. Vous avez partagé avec d'autres membres les travaux du comité qu'on appelle le comité Borgeat, et vous êtes la représentante du Syndicat des employées et employés de la Commission des droits de la personne, et vous étiez avec le vice-président de la Commission des droits de la personne. De l'autre côté, il y avait la représentante, je crois, du Syndicat de la fonction publique ou de la Commission de protection des droits de la jeunesse et la vice-présidente de la Commission de protection des droits de la jeunesse. J'arrive un peu difficilement à réconcilier ce que vous venez de dire avec ce que les représentants des syndicats, tout à l'heure, ont dit. D'un côté, on nous dit: Il n'y a pas de consultation, il n'y a pas de discussion sur la manière de faire, et, d'un autre côté, vous nous dites: Nous nous retirons du comité auquel nous avons participé depuis un mois parce que nous trouvons que le comité se mêle d'organisation du travail, et nous considérons que ce n'est pas la juridiction d'un comité, mais que ça devrait – j'ai compris là, je peux me tromper sur l'interprétation, j'ai compris – relever des membres du personnel de chacun des deux organismes.

Je vous avoue honnêtement que j'ai un peu de difficultés à réconcilier cette attitude qui, à la fois, dit: On n'est pas consulté, on ne peut pas y participer et on l'a fait pendant un mois, puis, d'autre part, on nous dit: Ce n'est pas à un comité où se retrouvent des représentants des employés des deux organismes, les vice-présidents des deux organismes, ce n'est pas à eux de discuter comment on pourrait organiser le travail, suite à une fusion qui pourrait se réaliser dans la mesure où, évidemment, l'Assemblée nationale vote une telle loi. J'avoue, là, j'ai un peu de difficultés à réconcilier les deux choses. Pourriez-vous m'expliciter votre point de vue, si j'ai mal compris?

Mme Beaudoin (Madeleine): Premièrement, au niveau de ma participation en tant que représentante syndicale des employés de la Commission des droits de la personne, déjà, au niveau du processus, il y a eu différentes façons de procéder. Lorsque le président nous l'a annoncé comme chose acquise, M. Lafontaine nous l'a annoncé, à l'exécutif du Syndicat pour commencer et ensuite à l'ensemble des employés de la Commission, il était évident que la représentation syndicale au sein de ce comité de mise en oeuvre, c'était soit la présidente du Syndicat ou quelqu'un de délégué par la présidente du Syndicat, mais qui représentait les employés syndiqués de la Commission des droits de la personne du Québec.

Au niveau de la Commission de protection des droits de la jeunesse, l'approche a été différente. Ça leur a sans doute été présenté de façon différente, mais le représentant des employés de la Commission de protection des droits de la jeunesse n'est pas un représentant syndical. Il représente autant les employés syndiqués, non syndiqués que les cadres. Déjà, la dynamique joue de façon importante, à ce niveau-là.

D'autre part, le mandat du comité de mise en oeuvre... L'approche que nous avons eue, par rapport à notre participation au comité de mise en oeuvre, c'est que, de fait, on se rendait compte, à la lecture du projet de loi, que la situation de 1986 ne se répétait pas de la même façon. En 1986, il était évident qu'on parlait d'intégration des employés de la Commission des droits de la personne dans la fonction publique, il était évident que le Syndicat, à l'époque, était contre cette intégration, donc les règles du jeu étaient claires. Par rapport à la présentation du projet de loi 79 actuel, il y avait beaucoup de questions, d'interrogations et beaucoup de questionnement au niveau du mandat de ce comité de mise en oeuvre: quel était son pouvoir, entre guillemets, quel était son rôle, quel objectif on recherchait par ce comité de mise en oeuvre.

Donc, de bonne foi, «syndicalement», les membres réunis en assemblée générale m'ont donné le mandat de les représenter sur ce comité de mise en oeuvre là pour aller voir de quoi il en retournait et voir exactement où on s'en allait avec ce comité de mise en oeuvre. Au fur et à mesure qu'on avançait dans les discussions du comité de mise en oeuvre... Je crois que M. Borgeat vous a quand même raconté, vous a présenté tout le processus qui a été suivi au fil des réunions, des réunions qui se sont suivies à un rythme effarant. Au fil des discussions, ma présence a toujours été claire comme quoi, premièrement, j'avais des comptes à rendre à mes membres en assemblée générale. Je ne parlais pas en mon nom personnel mais au nom de mes membres en assemblée générale.

Les comptes rendus que je présentais à mes membres concernant les discussions sur la mission de la nouvelle Commission, les discussions sur un organigramme avec répartition des effectifs, ce sont des éléments qui ont mis une grande inquiétude auprès de mes membres.

On parle de la mission. On a toujours spécifié, il semblerait, qu'il était entendu que les mandats restaient spécifiques, qu'on ne remettait pas en question les mandats, mais, dans les discussions qui se faisaient au sein du comité de mise en oeuvre, il restait toujours cette préoccupation d'analyse, de mise en commun de certaines tâches, de mandats communs, en utilisant des mots qui veulent peut-être dire la même chose, comme les mots «enquête», «information», «éducation», «recherche», mais qui, en réalité, représentent des réalités totalement différentes. Donc, ce langage, ce message qu'on recevait, au niveau du travail du comité de mise en oeuvre, mettait la puce à l'oreille de mes membres. Ce qui fait que, de fait, comme syndicat des employés, nous avons affirmé qu'à notre avis toute ces discussions sur un mandat, sur les organigrammes, sur la répartition des effectifs, ça devait être le mandat, le travail de la nouvelle Commission ou d'une commission des droits de la personne, indépendamment du nom. Nous avons toujours été très dissidents pour le changement du nom de la Commission. C'est un autre débat important, d'ailleurs.

(12 h 50)

Mais, au niveau de mon rôle au niveau du comité, alors nous avons toujours mentionné que, pour nous, c'était fondamental que les missions, les mandats restent distincts et aussi que toute cette réflexion sur mission-mandat devait se faire par l'assemblée des commissaires, par les éléments dirigeants d'une commission, et non être le fait d'un comité de mise en oeuvre où trois personnes représentent le ministre de la Justice, des personnes qui sont sans doute expertes dans leur domaine mais qui n'ont quand même pas l'expertise très poussée, nécessairement, au niveau des mandats ou des spécificités et des réalités propres à la protection des droits de la jeunesse et des droits de la personne.

Au sein du comité de mise en oeuvre, à cause du manque d'études, à cause de la précipitation, à cause du non-examen des impacts et des conséquences d'une telle fusion, on catégorise, on va rapidement, on catégorise des fonctions, des mandats en se disant: Bien, ça se ressemble, donc ça devrait peut-être aller ensemble, et vraiment avec précipitation, sans aller en profondeur, ce sont les raisons pour lesquelles, comme assemblée, de mes membres, j'ai eu le mandat de me retirer du comité de mise en oeuvre, parce que, nous, on se rendait compte que le comité de mise en oeuvre décidait du contenant, alors que la question de fond, au niveau du contenu, n'avait jamais été abordée, n'avait jamais été approfondie.

Le Président (M. Simard): Merci, madame. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci, M. le Président. Juste, peut-être, une question à deux volets. J'étais un petit peu étonné de voir le témoin précédent, Mme Maude Gosselin parler d'économies potentielles de 438 000 $ par année sans changer les mandats, sans fusionner les deux organismes, qu'on puisse prévoir des économies de cette ampleur. À l'intérieur de vos réflexions, comme syndicat, est-ce que vous avez regardé la possibilité d'économies potentielles sans aller à la fusion des deux commissions? Est-ce qu'il y a des choses qu'on peut faire pour répondre aux besoins du ministre, pour faire des économies?

Également, je regarde la lettre que M. Jacoby a écrite au ministre, concernant la question des délais à la Commission des droits de la personne. Il constate qu'il semblerait que la question des délais demeure un problème constant à la CDPQ.

Une question à deux volets: Est-ce qu'il y a des économies potentielles que votre groupe a regardées? Et, également, c'est quoi, le lien avec la pénurie des ressources et les délais qu'on constate dans le travail qui est fait par la Commission des droits de la personne?

Mme Beaudoin (Madeleine): En réponse à votre première question, le Syndicat ne s'est pas penché, lui-même, sur les économies: économies de loyers, ou de photocopieurs, ou de télécopieurs. Nous nous sommes davantage préoccupés au niveau du contenu, donc au niveau de l'intégrité, de l'intégralité du mandat de la Commission des droits de la personne et du mandat de la charte. Donc, au niveau des économies matérielles, on ne s'est pas du tout penché sur la question. Il est évident, comme les représentants des deux autres syndicats l'ont mentionné, qu'au niveau de l'organisation du travail, nous-mêmes, nous sommes en approche auprès de notre employeur pour discuter d'économies concernant l'organisation du travail. Donc, il n'y a pas d'incohérence de ce côté-là, et, de fait, je pense qu'on peut, qu'on doit se pencher sur cet élément d'économies. Donc, tout le travail reste à faire de ce côté-là.

Concernant les délais, c'est que les délais, au niveau de la Commission des droits de la personne, les délais les plus tangibles concernent le traitement des plaintes. De fait, il y a de plus en plus de plaintes qui sont présentées à la Commission des droits de la personne, des plaintes qui deviennent de plus en plus complexes à traiter au niveau des difficultés de faire les preuves et, enfin, de toute la démarche. Il y a certainement des éléments du processus de traitement des plaintes qui devraient être réexaminés sans doute encore. Il y a quand même une opération de réorganisation du travail, de ce côté-là, depuis 1990-1991, qui a quand même donné des résultats intéressants. Il n'en reste pas moins que le traitement des plaintes, les enquêtes et les décisions, les présentations de causes devant le Tribunal des droits de la personne, ce n'est qu'une facette du mandat de la Commission des droits de la personne. Il y a le volet recherche, le volet information, promotion, qui sont aussi primordiaux, au niveau du mandat de la Commission des droits de la personne.

Et, de fait, plus la Commission des droits de la personne est sur la place publique, plus on connaît ses services, plus on sensibilise, on éduque les gens au niveau de leurs droits, que ce soit dans le domaine du travail, du logement, dans le domaine de la discrimination, du harcèlement sexuel ou du harcèlement racial, que ce soit au niveau des interventions de la Commission auprès des jeunes dans le cas de violence dans les écoles ou dans les quartiers, plus il est évident que la Commission est de plus en plus sollicitée au niveau de la présence et au niveau de la participation à des comités ou de prises de positions officielles.

On pense à la consultation sur la violence contre les gais et lesbiennes, qui a quand même représenté un travail considérable; la même chose pour les relations police-minorités. Donc, le traitement des plaintes n'est pas le seul volet. Et l'ensemble des autres volets sont aussi importants et font que la Commission devient enrichie de plus en plus de plaintes parce que les gens sont de plus en plus conscients de leurs droits et aussi de leurs obligations. La même chose pour les employeurs, enfin tous les intervenants.

Le Président (M. Simard): Je vous remercie beaucoup, madame. Une dernière question au député de Borduas. Ensuite, ce seront les conclusions de cette période d'auditions que la porte-parole de l'opposition fera et le ministre.

M. Charbonneau (Borduas): M. le Président, je suis intervenu souvent. Je vois que mon collègue de Saint-Jean voulait poser une question, alors je peux permettre...

Le Président (M. Simard): Je suis très, très heureux que vous ayez cette initiative, M. le député. M. le député de Saint-Jean.

M. Paquin: Deux petites questions. Est-ce que je peux poser les deux ou je pose l'une, puis l'autre?

Le Président (M. Simard): Rapidement.

M. Paquin: Alors, vous avez indiqué, tantôt, que, le fait de travailler spécifiquement à la défense des jeunes n'était pas directement compatible avec le fait de travailler à la défense des personnes, au niveau des droits. Et, au bout du compte, les droits des jeunes procèdent de droits qui leur sont conférés par le fait qu'ils sont des personnes et qu'ils sont inscrits dans la Charte des droits et libertés de la personne, et le législateur a choisi de créer la CPDJ, dans le fond, pour cette mission-là. Moi, je me pose la question: Comme professionnels de la défense des droits de la personne, vous n'êtes pas mal à l'aise avec le fait qu'il faille une autre commission pour la défense spécifique des droits spécifiques de la jeunesse?

Mme Beaudoin (Madeleine): La charte met de l'avant des principes, des droits fondamentaux qui s'appliquent à tout citoyen, que ce soient des jeunes, des personnes âgées, des personnes handicapées, les femmes, les minorités, etc. C'est aussi mentionné dans la Charte, et on l'a soulevé, qu'il y a certains éléments où la Commission des droits de la personne s'est penchée, sur des éléments propres à la Loi sur la protection de la jeunesse, parce que la Commission avait son mot à dire concernant le huis clos, concernant les droits économiques, concernant – je regarde mes notes – le secret professionnel, des choses comme ça. Mais la Charte, la Commission est là pour défendre globalement les intérêts de tout citoyen et de tout jeune, tandis que la Commission de protection des droits de la jeunesse a un mandat spécifique de voir au respect de l'application de la Loi sur la protection de la jeunesse. On parle de deux choses totalement différentes.

Le Président (M. Simard): Dernière rapide question.

M. Paquin: Ma deuxième question, rapidement: Pourquoi trouvez-vous anormal qu'un comité évalue l'organisation du travail d'un organisme éventuel fusionné, alors que, sur ce comité-là, il y a les vice-présidences des deux organismes qui sont présentes, des représentants des syndicats et qu'on examine justement la question de l'organisation du travail, alors qu'il y a des gens, même, qui s'opposent à la fusion des deux organismes, en particulier à cause de l'organisation du travail, dans la Commission à laquelle vous appartenez, qu'on accuse d'être trop lente ou taponneuse et que, finalement, la défense des droits des jeunes, s'ils étaient confondus avec la défense des droits de la personne, dans l'organisation du travail, tel qu'il est là, serait même, disons, menacée? Alors, moi, je pose la question: Pourquoi serait-ce anormal que quelqu'un de l'extérieur évalue l'ensemble de l'organisation du travail, dans une éventuelle fusion, en vue de respecter les deux missions?

Mme Beaudoin (Madeleine): Au risque de me répéter, je répète que, au niveau du comité de mise en oeuvre, la personne qui représentait les employés de la Commission n'était pas le représentant syndical des employés de la Commission de protection des droits de la jeunesse. Il n'y avait aucun autre représentant syndical, que ce soit un représentant du syndicat des professionnels ou du syndicat des fonctionnaires.

(13 heures)

Donc, il y a quand même toute la question de

l'organisation du travail. Nous, comme syndicat indépendant, nous maintenons que toute cette réflexion sur l'organisation du travail d'une nouvelle commission, d'une commission fusionnée ou même de la Commission des droits de la personne telle qu'elle existe actuellement, n'a pas à être discutée avec des personnes qui sont hors juridiction, si je peux employer ce terme, de la Commission des droits... enfin d'une commission quelconque. Dans notre convention collective, nous avons des mécanismes qui sont prévus pour discuter de l'organisation du travail dans un contexte de négociations, dans un contexte de relations patronales-syndicales, dans un contexte de réorganisation. Nous avons des mécanismes où c'est des représentants de la partie patronale de l'employeur et des représentants des employés syndiqués de la Commission, de l'organisation, qui discutent de cet élément-là. Nous remettons en cause le travail du comité de mise en oeuvre, non pas sur cette question de l'organisation du travail seulement, mais sur le principe même que, premièrement, la fusion est chose acquise, alors qu'elle n'est pas remise en question, qu'à notre avis le comité de mise en oeuvre pouvait examiner les mécanismes de transfert des employés syndiqués d'un tel syndicat vers un autre syndicat, se pencher sur cette question, voir peut-être les économies administratives ou autres. Mais les questions fondamentales, de fond, si elles n'ont pas été discutées à ce comité de mise en oeuvre, doivent être discutées à une autre instance, l'instance que, nous, nous reconnaissons.

Le Président (M. Simard): Je dois, à ce moment-ci, madame, vous remercier...

Mme Bélanger: Un instant, j'ai des commentaires finals à faire.

Le Président (M. Simard): Oui, oui, je...

M. Sirros: Peut-être que je pourrais demander le consentement des membres de la commission pour qu'on puisse prolonger d'une dizaine de minutes afin de conclure, d'abord, et peut-être aussi d'aborder une question qui, pour moi, est restée en suspens... Pardon?

M. Bégin: Il faut que j'aille ailleurs, vraiment.

M. Sirros: Parce que, en tout cas, il reste une question en suspens, pour moi, c'est toute la question du Barreau, puis, les autres, suite à la motion qu'on a adoptée hier...

Le Président (M. Simard): Alors, M. le député de Laurier-Dorion, là-dessus, d'abord, je vais laisser la parole, telle qu'elle me l'a demandée depuis un bon moment, à la députée de Mégantic-Compton, pour conclure sur l'ensemble. Par la suite, je dirai quelques mots sur la convocation possible, cet après-midi, et sur le Barreau.

Madame, à ce moment-ci, je dois vous remercier. Je m'excuse de la rapidité. Je vous remercie d'avoir fait, à l'invitation de la commission, cette prouesse de venir nous rencontrer aussi rapidement et avec efficacité.

Alors, je demande maintenant à la députée de Mégantic-Compton de bien vouloir faire ses remarques de clôture.

Mme Bélanger: Alors, ce sont des commentaires...


Organisation des travaux

M. Charbonneau (Borduas): M. le Président, si la députée de Mégantic-Compton me le permet, est-ce qu'il ne serait pas préférable, pour elle et pour l'ensemble des membres de la commission, d'attendre? Peut-être que, si on entend le Barreau, on complétera notre exercice et, à ce moment-là, les commentaires finaux pourraient se faire après le processus...

Mme Bélanger: Mais, moi, j'aimerais que les gens qui sont ici entendent mes commentaires.

M. Sirros: Non, mais ce n'est pas fini, là.

Mme Bélanger: Non, mais ça ne fait rien. Eux autres, ils ne seront peut-être pas là, cet après-midi.

Le Président (M. Simard): Je dois vous informer que le Barreau, et je le fais à ce moment-ci peut-être pour éviter toute question qui serait à côté de la réalité, n'a pas arrêté de position et ne peut pas se présenter cette semaine devant cette commission. Il nous fera parvenir, au cours de la semaine prochaine, vraisemblablement, ses commentaires, mais, pour l'instant, il ne peut pas, n'ayant aucune position d'arrêtée sur le projet de loi, prendre position à ce moment-ci. Alors, c'est pour ça que Mme la députée de Mégantic-Compton jugeait bon, à ce moment-ci, de faire ses remarques de conclusion. Je pense que nous devons l'écouter.

M. Sirros: Si j'ai bien compris la députée de Mégantic-Compton, ce ne sont pas des remarques de conclusion qu'elle veut faire. M. le Président, j'aimerais ça que vous clarifiez si le Barreau vous a dit qu'il est en train de faire valider sa position, donc il ne peut pas avoir de position avant de la faire valider, ou qu'il ne veut pas se prononcer parce qu'il n'a pas de position.

Le Président (M. Simard): À ce moment-ci...

M. Sirros: Parce qu'il reste toute une nuance entre ces deux choses-là, et ça peut être déterminant pour la suite de nos travaux.

Le Président (M. Simard): Pour être bien sûr qu'il n'y a pas de problème de communication et d'interprétation et qu'aucune correspondance ne soit échangée par la suite, je demanderai au secrétaire, qui a été en contact avec le Barreau...

M. Sirros: Très bien.

Le Président (M. Simard): ...de nous résumer l'essentiel de ses rapports avec ledit Barreau.

M. Sirros: Très bien.

Le Secrétaire: Comme je vous ai dit hier, le Barreau m'a informé qu'il n'était pas en mesure d'être présent aujourd'hui à la consultation parce que sa position n'avait pas été arrêtée, à ce stade-ci. Ils m'ont dit qu'il y aurait peut-être un comité de formé qui pourrait préciser leur position d'ici vendredi...

M. Sirros: Cette semaine, après-demain.

Le Secrétaire: ...et qu'on me communiquerait par écrit, aujourd'hui, une confirmation de ce que je vous dis.

Le Président (M. Simard): À ce sujet, mentionnons, et c'est important de le dire, que, même si nous avons fait cette invitation, nous ne sommes pas liés à l'audition du Barreau pour commencer l'étude du projet de loi. C'est de la volonté de la commission de le faire ou pas.

Mme la députée de Mégantic-Compton m'a bien précisé, il y a déjà 25 minutes, qu'elle entendait faire des remarques de clôture. Nous avons dépassé très largement notre temps, mais je pense qu'il est très important de permettre à la députée de faire ses remarques, quitte à ce que, d'ailleurs, le ministre puisse aussi avoir quelques minutes de conclusion. Alors, nous vous écoutons, madame.

M. Trudel: Quoique, M. le Président, j'insiste...

Une voix: Non...

M. Trudel: Ce n'est pas formel, au plan du règlement. Pourquoi faire ça à la hâte, courir? Vos notes de clôture, elles sont prêtes. Est-ce que nous revenons à 15 heures, pour les travaux de la...

Le Président (M. Simard): Le leader est actuellement au Conseil des ministres, une décision se prend là-dessus, et nous serons ou pas convoqués lors de la période de questions...

Mme Bélanger: Ce n'est pas évident qu'on va être convoqués cet après-midi.

Le Président (M. Simard): Ce n'est ni évident ni incertain; actuellement, nous ne le savons pas.

M. Trudel: Ça va, ça va.


Commentaires sur les auditions


Mme Madeleine Bélanger

Mme Bélanger: Bon, enfin! C'est un peu un résumé de ce qu'on a entendu ce matin que j'aimerais faire. D'après les interventions de chacun des côtés de la table, on peut constater, autant du côté ministériel que du côté de l'opposition, que nous sommes très préoccupés par cette fusion. Les syndicats de la fonction publique et des professionnels du gouvernement sont contre le projet de loi, le Protecteur du citoyen, d'accord avec les principes, mais avec beaucoup de réticences. Bon, il dit que c'est une possibilité de guichet unique, c'est un idéal, et que la condition, c'est de maintenir le budget et la parité des commissaires. Or, cela n'est pas envisageable, puisque l'objectif premier du ministre, c'est d'effectuer des économies d'environ 1 000 000 $.

Nous avons reçu ce matin les trois ex-présidents de la Commission de protection des droits de la jeunesse, dont un avait une expertise sur la Commission des droits de la personne. Eux aussi ont de sérieuses craintes quant à la fusion.

Quant au comité Borgeat, lui, il confirme qu'il recommande que le fonctionnement demeure intégral pour chacun des organismes, mais qu'on puisse économiser au niveau du partage des bureaux de l'administration, et tout ça. Il n'a pas établi qu'il n'y a pas de problème au niveau pratique.

Le ministre n'a pas consulté les syndicats sur l'organisation du travail, là où on pourrait faire de sérieuses économies qui répondraient aux objectifs du ministre, si le ministre veut économiser. Le comité Borgeat, de fusion, propose lui-même des économies qui peuvent se réaliser sous la fusion.

Alors, si on fait le résumé de tout ça, on peut conclure que la logique serait de retirer ce projet de loi, puisque l'objectif du ministre, qui est d'économiser de l'argent, peut se faire sans la fusion. Je ne sais pas si ça résume bien.

Le Président (M. Simard): Je m'excuse, Mme la députée. Alors, vos remarques étant terminées, j'invite le ministre à faire lui aussi ses remarques.

Mme Bélanger: C'est simplement un résumé de ce qu'on a entendu.

Le Président (M. Simard): Un résumé.


M. Paul Bégin

M. Bégin: Alors, M. le Président, j'ai compris, particulièrement après avoir entendu le témoignage de M. Jacoby, que non seulement il est possible de maintenir les deux mandats et de fonctionner correctement, mais que le fait de fusionner permettrait, et je reprends les mots qu'il a utilisés et que j'ai déjà repris en parlant à la représentante syndicale de la Commission des droits de la personne: ça entraînerait une synergie profitable aux deux organismes. D'autre part, c'est un avantage que d'avoir dorénavant un guichet unique. Et j'ai compris, sans qu'il l'ait formulé, qu'il penserait même à ce que ce genre d'exercice soit élargi à d'autres, y compris, peut-être, à l'institution qui s'appelle le Protecteur du citoyen, et, d'autre part, qu'il y avait maximisation des ressources en faisant une telle fusion.

D'autre part, il mentionne deux éléments en particulier: d'une part, qu'il ne doit pas y avoir de coupures – je fais référence au fait que, d'après les premières études qui sont reconnues, il y aura, au minimum, une économie de quelque 400 000 $, au niveau simplement des locaux et des équipements techniques – et, d'autre part, en regardant du côté des économies qu'on peut faire au niveau des ressources, quand on rejoint, sur le plan administratif, certaines données, qu'il est possible de faire les économies dont il s'agit et que le projet de loi permet de faire.

Alors je comprends, M. le Président, que nous pouvons aller de l'avant et être rassurés, dans la mesure où, par exemple, il y aura – et, là-dessus, j'ai annoncé tout à l'heure qu'il y aurait une proposition de modification – un nombre égal de personnes qui émaneraient du milieu jeunesse qui composeraient le bureau des commissaires; d'autre part, il pourrait être augmenté légèrement pour rencontrer ses exigences. Et, finalement, il y aura, et je l'annonce immédiatement, d'autres modifications qui seront proposées, de manière à s'assurer que le mandat ou les mandats respectifs de chacun des organismes puissent continuer à s'exercer totalement, en permettant, par ailleurs, à la commission de fonctionner dans le sens d'une amélioration future, ce que le Protecteur du citoyen souhaitait pour l'avenir, à moyen et à long terme, et ce que le président du comité, M. Borgeat, a également exprimé, en d'autres termes, au préalable.

Alors, je pense, M. le Président, que nous pouvons envisager l'adoption de ce projet de loi et en faire l'étude article par article rapidement, cet après-midi ou demain, dépendamment des disponibilités du leader.

(13 h 10)

Le Président (M. Simard): À ce moment-ci... Un instant! J'ai reçu une communication de la Ligue des droits et libertés. Il y a un organisme que nous avions invité, le Barreau, qui n'est pas prêt. Par contre, il y a un organisme que nous n'avons pas invité et qui, lui, regrette de ne pas avoir été invité. Et je me dois, à ce moment-ci – chacun se fera sa religion sur le sens de cette lettre – d'en faire lecture. Je pense que ce serait pertinent.

«La Ligue des droits et libertés, ayant appris la décision de la commission des institutions de tenir une consultation publique aujourd'hui sur le projet de fusion de la Commission des droits de la personne du Québec et de la Commission de protection des droits de la jeunesse, demande à être entendue par la commission.

«La Ligue des droits et libertés a été l'un des premiers organismes à demander publiquement la tenue d'une consultation publique sur le projet de loi 79. Elle a diffusé sa position sur ce projet de fusion et a fait des représentations directement au ministre de la Justice du Québec. La position de la Ligue a été endossée par une quinzaine d'organismes syndicaux et communautaires directement concernés par le projet de fusion. Qui plus est, la Ligue des droits et libertés a joué un rôle majeur dans l'adoption de la Charte des droits et libertés du Québec et la création de la Commission des droits de la personne du Québec. Par la suite, elle a continué à jouer un rôle de premier plan dans toutes les consultations de l'Assemblée nationale concernant la charte et la Commission des droits.

«La Ligue des droits et libertés a appris qu'elle avait été délibérément écartée de cette consultation publique et considère cette attitude inadmissible. Elle demande aux représentants des deux partis de reconsidérer cette décision arbitraire. La Ligue des droits et libertés, tout comme les autres organismes communautaires préoccupés par le respect des droits et libertés, a une contribution à apporter aux travaux de la commission des institutions sur le projet de fusion. Ignorer les organismes communautaires pour n'entendre que les représentants syndicaux des travailleurs concernés ou les porte-parole des institutions reflète une bien étrange conception du débat démocratique sur l'avenir des organismes gouvernementaux de défense des droits.»

Et c'est signé: Lucie Lemonde, présidente de la Ligue des droits et libertés.

Je pense qu'il était important, à ce moment-ci, d'informer la commission de cette lettre.

M. le ministre, suivi du député de Laurier-Dorion.


Organisation des travaux (suite)

M. Bégin: Je voudrais faire remarquer que, d'une part, dans la liste des personnes ou des groupes que l'opposition avait demandé d'entendre, il y avait effectivement la Ligue des droits et libertés. D'autre part, je dois dire que, lorsque nous avons discuté avec les représentants de l'opposition des groupes que nous entendrions, j'ai suggéré que nous entendions la Ligue des droits et libertés de la personne plutôt que le Barreau qui n'avait pas fait de représentation dans ce sens. Initialement, il avait été convenu que c'était la Ligue des droits et libertés qui serait ici. On a insisté pour que ce soit plutôt le Barreau et, à ce moment-là, la commission a décidé que c'était le Barreau. Alors, je dois vous dire simplement que ce n'est pas une décision d'écarter la Ligue des droits et libertés. Au contraire, je l'ai proposée pour qu'elle soit entendue en cette commission.

Par ailleurs, compte tenu que la Ligue des droits est prête à être entendue et que, d'autre part, le Barreau n'a pas adopté de position – c'est ce qu'on nous dit – au moment où on se parle, je suggérerais qu'on le remplace, qu'on entende la Ligue et que le Barreau exprime peut-être par écrit et envoie à la commission, au moment où il le jugera opportun, une position qu'il pourra adopter dans les prochains jours, mais que les travaux de la commission puissent fonctionner en entendant plutôt la Ligue des droits et libertés que le Barreau. Ça m'apparaîtrait correct.

Le Président (M. Simard): La réaction du député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Oui, je pense que, dans un premier temps, on serait d'emblée heureux d'entendre la Ligue des droits et libertés, parce qu'on voulait entendre et la Ligue et le Barreau, et c'est à l'insistance du ministre de limiter ça à cinq qu'on a été mis devant la situation. Je pense qu'on pourrait peut-être faire amende honorable, aujourd'hui, et entendre les deux. Parce que les communications que nous avons eues avec le Barreau nous amènent à pouvoir dire que le Barreau serait prêt, effectivement, avec une position, d'ici vendredi. Ils n'ont pas été consultés jusqu'à maintenant quant à la fusion possible. Ils souhaitent pouvoir envoyer tout au moins une position à la commission et seraient également prêts, d'après ce que je peux en conclure, à venir nous en témoigner.

Étant donné que la Ligue des droits et libertés insiste pour être entendue, étant donné qu'elle faisait partie des groupes qu'on voulait entendre, de part et d'autre, je suggérerais qu'on puisse entendre la Ligue des droits et libertés et inviter, par le même coup, le Barreau, qui sera prêt d'ici vendredi, à venir témoigner à un moment que la commission choisira de l'entendre, avant de débuter l'étude article par article, M. le Président.

Comme la motion que nous avons adoptée l'indique, si la discussion qu'on a eue hier... En tout cas, si ma mémoire est bonne, c'est ce qu'on avait dit. On avait dit que le comité de travail ne devrait pas avoir comme effet de retarder les travaux de la commission, mais que, avant de débuter l'article par article, la commission voulait entendre les groupes, en débutant à partir de 10 heures, mais sans mettre de limite de temps, M. le Président, et en étant clair que c'est avant l'adoption article par article.

Vous avez raison de dire que c'est à nous de décider si on veut entendre le Barreau, oui ou non. Je ne sais pas si la Ligue peut être ici à 16 heures cet après-midi ou cet après-midi pour que ça soit fait. Ça me semblerait assez pressé. En tout cas, si j'étais à leur place, je trouverais un peu difficile, après ne pas avoir été convoqué, d'être convoqué à 13 heures pour être ici à 16 heures. Alors, peut-être qu'on pourrait jumeler les deux pour les entendre à un moment approprié, dans le respect du temps pour les organismes et dans le respect aussi de l'importance du projet de loi. Entre-temps, le ministre pourrait en profiter pour décanter un peu ce qu'on a entendu aujourd'hui pour peut-être mieux penser son projet de loi qui, à la lumière de ce qu'on a entendu, nous semble ne pas être très approprié, à ce moment-ci.

Le Président (M. Simard): Sans reprendre à mon compte vos commentaires de la fin, moi, je suis ici, et nous sommes ici, je pense, pour organiser les travaux de la façon la plus efficace possible. Il était entendu, je crois, qu'il y avait cinq groupes qui étaient invités à participer aujourd'hui. Ils l'ont fait, à l'exception du Barreau qui ne pouvait pas le faire. Nous pourrions en effet consentir à demander à la Ligue des droits et libertés de venir peut-être même cet après-midi, puisque leur position est déjà prête, nous disent-ils. Mais est-ce que cela veut dire l'arrêt de l'étude du projet de loi, alors que rien ne nous indiquait, dans la proposition qui avait été acceptée ici, autre chose que le début de l'étude article par article, immédiatement après l'audition des groupes invités?

M. Charbonneau (Borduas): M. le Président, sur cette question-là, je pense que les membres de la commission, s'ils souhaitent, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi, entendre aussi la Ligue des droits de la personne, je crois que, dans la cohérence de ce qu'on a à faire comme travail législatif, c'est le minimum qu'on pourrait faire, surtout si, du côté du ministre, on est d'accord pour entendre les gens. Et, encore là, il n'y a pas une urgence à ce point en la matière qui fasse qu'on doive débuter l'article par article aujourd'hui. Je ne pense pas que le gouvernement va tomber si quoi que ce soit ne se passe pas aujourd'hui. Par ailleurs, j'apprécierais, M. le Président, avoir quelques instants pour, moi aussi, faire des commentaires, pour un peu...

M. Bégin: M. le Président, rapidement. Il y a encore une personne, semble-t-il, de l'opposition qui n'a pas fait ses remarques préliminaires. Il y a monsieur... J'oublie son nom.

M. Williams: Williams.

M. Bégin: Williams.

Le Président (M. Simard): M. le député de Nelligan.

M. Bégin: Le député de Nelligan. Par ailleurs, il pouvait être possible et il est possible de travailler à partir de 16 heures, cet après-midi. Quant au Barreau, je pense qu'il serait sage que je rappelle le Barreau lui-même pour être capable d'avoir un document qui atteste de ce qu'il a l'intention de faire. Par ailleurs, je ne pense pas qu'il serait approprié, advenant le cas où ils penseraient que c'est vendredi qu'ils peuvent se faire entendre, de reporter l'étude article par article jusqu'à ce qu'ils se soient fait entendre.

Je pense que nous pourrions procéder. Les remarques finales ont été faites après les groupes; Mme la députée de Mégantic-Compton vient de le faire, je viens de le faire de mon côté. Nous pourrions faire les remarques préliminaires cet après-midi, ensuite, demain, si le leader le prévoit comme tel, commencer les travaux. Et, quand le Barreau sera disponible, nous l'entendrons à ce moment-là, selon le rythme où nous serons rendus à ce moment-là. Je pense que c'est possible. Je crois que nous devrions utiliser le temps qui est là, qui est prévu pour les travaux de la commission, pour faire cette étude du projet de loi et entendre le Barreau lorsqu'il sera prêt à être entendu.

Le Président (M. Simard): Alors, j'ai d'abord une situation qui n'est pas inédite mais qui nous force à prendre une décision très rapide. Nous avons dépassé largement le temps pour lequel nous sommes convoqués. Nous devrons ajourner, donc, sine die jusqu'à convocation du leader.

Mme Bélanger: Le député de Borduas a demandé de...

Le Président (M. Simard): Oui. Je pense qu'à ce moment-ci, s'il y a d'autres commentaires à faire, il faudrait les faire en début de la prochaine séance. Je ne vois pas comment on peut faire autrement. D'ailleurs, cette salle sera occupée dans cinq minutes par un caucus spécial...

M. Charbonneau (Borduas): Je m'excuse, M. le Président, je veux que ça soit clair. D'abord, je veux avoir la possibilité de faire ces commentaires.

Le Président (M. Simard): Vous aurez la possibilité de faire ces commentaires...

M. Charbonneau (Borduas): ...d'une part, et, deuxièmement, je crois qu'on doit trancher sur la question de la Ligue. Est-ce que, oui ou non, on reçoit les gens de la Ligue?

Le Président (M. Simard): Il y a d'abord une vérification à faire sur la possibilité de cette rencontre. Il y aura un téléphone de fait immédiatement. Et, le cas échéant, le leader nous convoquera cet après-midi pour entendre la Ligue des droits et libertés. Ajournement sine die.

(Suspension de la séance à 13 h 20)

(Reprise à 16 h 18)

Le Président (M. Simard): À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez vous asseoir. Je demanderais aux membres de la commission de prendre place.

Je vais demander un premier consentement, avant même le début de nos travaux, lors de cette séance. Je vais demander si l'ensemble de la commission est d'accord pour que le député de Nelligan siège avec nous, puisqu'il faut un consentement unanime. Tout le monde étant d'accord, voilà qui est fait.

Avant de passer à l'ordre du jour et au fonctionnement de cette séance et à celui de demain, permettez-moi de vous lire une télécopie que je viens de recevoir du Barreau du Québec, qui statue, effectivement, sur les interrogations que nous avions ce matin et pour lesquelles nous voulions des réponses claires.

«Aux membres de la commission des institutions. Mesdames, messieurs, hier, en fin d'après-midi, le Barreau du Québec recevait un appel téléphonique requérant sa présence en commission parlementaire ce matin à 10 heures pour donner sa position sur le projet de loi mentionné en rubrique.

«J'ai le regret de vous informer qu'il nous sera impossible d'être présent devant vous aujourd'hui, le Barreau n'ayant pas encore pris position officiellement sur le projet de loi, sans compter que le délai de convocation – moins de 24 heures – ne nous permet pas d'assurer une représentation adéquate sur ce projet de loi.

«Toutefois, le Barreau du Québec procède actuellement à l'étude détaillée du projet de loi. Ainsi, nous serions disposés à vous rencontrer ou à vous transmettre notre position écrite au cours de la semaine prochaine, à votre convenance.

«Dans l'intervalle, je vous prie d'agréer», etc.

Alors, nous avons, ici, ainsi qu'on nous l'avait indiqué, un Barreau qui n'a pas encore pris position, mais qui entend le faire dans les prochains jours.

Mme Bélanger: Pas officiellement. Il n'a pas pris position officiellement.

Le Président (M. Simard): Ici, ni officieusement ni officiellement. On nous écrit...

Mme Bélanger: Pas officiellement, que vous avez spécifié dans votre lettre.

Le Président (M. Simard): Oui, officiellement. Alors, on nous annonce que, la semaine prochaine, on serait prêt à nous faire parvenir, soit par écrit, soit directement, la position. Moi, je me permets de vous suggérer ici, puisque nous allons indiquer tout à l'heure que nous procéderons à d'autres auditions, que, la semaine prochaine, nous prendrons connaissance du point de vue du Barreau: Est-ce qu'il est nécessaire de faire une audition ou est-ce que leur position écrite ne nous suffirait pas? Je pense que ça ajouterait sans doute une heure d'audition. Mais est-ce que ça nous avancerait vraiment, par rapport à l'argumentation et aux éléments de force qui sont sur la table? C'est à vous d'en décider. Vous acceptez de...

(16 h 20)

Mme Bélanger: Vous pourriez déposer la lettre, peut-être.

Le Président (M. Simard): Pardon?

Mme Bélanger: Déposer la lettre?


Documents déposés

Le Président (M. Simard): Donc, on va déposer... Évidemment, j'accepte le dépôt de la lettre du Barreau devant la commission, mais je veux aussi demander qu'on en distribue des copies, tout comme celle de la Ligue des droits et libertés.


Motion proposant d'entendre la Ligue des droits et libertés de la personne

Mme Bélanger: Avant de commencer, M. le Président, j'aimerais faire une motion: «Que, conformément à l'article 244 du règlement de l'Assemblée nationale, la commission des institutions, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi 79, Loi sur la Commission des droits de la personne et de la protection des droits de la jeunesse, tienne des consultations particulières sur tous les articles du projet de loi et qu'à cette fin elle entende la Ligue des droits et libertés de la personne.»

J'aimerais, si c'est possible, une fois que vous allez juger cette motion recevable, qu'elle soit sans débat, puisque le député de Nelligan, qui a un 20 minutes à faire ici, doit aller faire une intervention en Chambre aussi, après.

Le Président (M. Simard): Alors, je pense qu'il y a eu accord préalable. Elle est manifestement recevable, remplie selon les formes habituelles. Est-ce que vous voulez prendre la parole? Est-ce que c'est...

M. Bégin: Je voulais savoir, M. le Président, quand on pourrait entendre la Ligue, parce que j'ai entendu que...

Le Président (M. Simard): Demain, à 10 heures.

M. Bégin: Demain, à 10 heures?

Le Président (M. Simard): Ils sont disponibles, et nous communiquerions immédiatement avec eux pour qu'ils soient là. D'ailleurs, le leader, en Chambre, a convoqué la commission des institutions demain, à 10 heures, à cette fin.

Mme Bélanger: Et, quant à la discussion sur l'audition du Barreau, j'aimerais que ça se fasse après que le député de Nelligan aura fait son intervention.

Le Président (M. Simard): J'y consens. M. le ministre.

M. Bégin: Je voulais savoir, M. le Président, d'abord, s'il y avait d'autres interventions que celle du député de Nelligan, en remarques préliminaires. Et, par ailleurs, sur le Barreau, je voudrais savoir si la formulation de la motion...

Le Président (M. Simard): Nous allons disposer...

M. Bégin: O.K. Sur la motion...

Le Président (M. Simard): Vous permettez, M. le ministre? Nous allons disposer, dans l'ordre, des propositions. Il y a une motion déposée par la députée de Mégantic-Compton...

M. Bégin: ...j'ai une question.

Le Président (M. Simard): ...qui est jugée recevable. Je demande si elle est acceptée, et, ensuite, nous passerons aux autres éléments.

M. Bégin: J'aurais une question à poser. Est-ce que ceci veut dire qu'on devra attendre que le Barreau ait soit envoyé sa lettre ou été entendu avant de commencer article par article? Je voudrais savoir la réponse à cette question.

Le Président (M. Simard): Alors, pas dans mon esprit, mais Mme la députée de Mégantic-Compton me dit que oui.

Mme Bélanger: Oui. Avant de...

Le Président (M. Simard): Ça veut dire un retard d'une semaine possible.

Mme Bélanger: Avant d'entreprendre l'étude article par article.

Le Président (M. Simard): Alors, ça, c'est à la commission d'en débattre. Je voudrais que l'on règle le problème de la motion qui est devant nous, d'abord. On passera au deuxième facteur et, ensuite, on donnera la parole.


Mise aux voix

Pour ce qui est de la Ligue des droits et libertés, son audition demain matin, à 10 heures, est-ce que vous êtes d'accord?

M. Bégin: Si c'est inclus dans la proposition, je le...

Le Président (M. Simard): C'est tout ce qu'il y a dans la proposition...

M. Bégin: Ce n'est pas inclus.

Le Président (M. Simard): La date n'est pas incluse, mais le leader est prévenu.

M. Bégin: O.K.

Le Président (M. Simard): Alors, voulez-vous le modifier pour que ce soit demain, à 10 heures, puisqu'il y a acceptation?

M. Bégin: Oui.

Mme Bélanger: Si on s'entend, on peut...

M. Bégin: Demain, à 10 heures.

Mme Bélanger: ...le rajouter, mettre un amendement.

Le Président (M. Simard): Ça n'a même pas besoin d'être amendé. Si c'est adopté, on le laisse tel quel. Il y a une entente, de toute façon...

M. Bégin: O.K.

Le Président (M. Simard): ...et nous allons travailler sur l'entente, de bonne foi. Donc, premier point de réglé.

Deuxième point, c'est la question du Barreau. On me dit, à ma gauche, du côté de l'opposition, qu'il faudrait attendre de recevoir le Barreau qui devrait nous faire venir ou nous envoyer, à un moment quelconque la semaine prochaine, ses commentaires, ou par sa possible présence. Mme la députée de Mégantic-Compton prétend qu'on ne peut pas commencer l'étude article par article avant. J'imagine que, de ce côté-ci, il y a des gens qui ne sont pas d'accord avec cette vision des choses.

Mme Bélanger: Là, M. le Président, vous suggérez les réponses.

Le Président (M. Simard): Non, non. J'avais déjà une demande d'intervention en ce sens.

Mme Bélanger: Bien oui, mais...

M. Bégin: Je peux la formuler, M. le Président.

Mme Bélanger: ...vous semblez être... Écoutez, là! Vous semblez faire des remarques, dire: Bon, bien, il semble que, de l'autre côté... Moi, je n'ai pas entendu de manifestation, dire: On est contre ça.

Le Président (M. Simard): J'ai vu trois personnes qui m'ont fait des remarques.

Mme Bélanger: Bien, là...

Le Président (M. Simard): Alors, je m'excuse d'avoir lu sur leurs visages et lu le langage gestuel, Mme la députée de Mégantic-Compton.

Mme Bélanger: Mais, là, je trouve, M. le Président, que votre façon de faire est très suggestive.

Le Président (M. Simard): Non, je n'aime pas du tout, là... Je m'excuse. On va arrêter quelques secondes, là. Il est extrêmement difficile de travailler, vous le savez bien, dans des sujets délicats comme ceux que nous abordons depuis quelques jours, dans cette commission qui en a vu d'autres et qui, probablement, en six mois, a fait plus de rencontres que dans les six dernières années. Et, lorsque je donne la parole à l'une ou l'autre partie, c'est toujours en ayant soin de protéger la parole de chacun des membres de cette commission. Et je pense que, de ce côté-ci comme de ce côté-là, personne n'a eu à s'en plaindre, jusqu'à maintenant.

On m'a fait des signes me disant que ça ne pouvait pas être accepté tel quel. Je leur passe la parole en disant simplement qu'il semble qu'il y a ici des gens qui veulent s'y objecter. Je n'ai pas été suggestif, et je vous prierais, Mme la députée de Mégantic-Compton, d'être un peu indulgente à l'égard de la présidence, dans une situation comme celle-là. Merci.

Mme Bélanger: Si vous me permettez, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Je vous permets à peu près tout, madame.

Mme Bélanger: Est-ce qu'il y aurait possibilité d'entendre l'intervention du député de Nelligan, avant de discuter sur l'acceptation de recevoir le Barreau oui ou non?

Le Président (M. Simard): Oui, alors, ce que vous demandez, c'est qu'on reporte simplement la discussion après.

Mme Bélanger: C'est ça.


Remarques préliminaires (suite)

Le Président (M. Simard): Il y a des remarques, donc, préliminaires. Le député de Nelligan a demandé à les faire. Il y aura ensuite le député de Borduas qui s'est inscrit pour en faire aussi.

Alors, nous écouterons maintenant le député de Nelligan, sans plus tarder.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais juste faire remarquer que j'ai apprécié beaucoup votre souplesse et la souplesse des deux côtés d'avoir une chance de participer à cette commission, parce que je suis membre d'une autre commission et j'ai apprécié l'opportunité d'être ici, ce matin, aussi. Effectivement, je voudrais faire quelques remarques préliminaires. Je ne sais pas si je vais prendre les 20 minutes, mais je voudrais juste cibler quelques-unes de mes questions, parce que c'est une loi assez importante, la loi 79, qui est en train de fusionner la Commission des droits de la personne et la Commission de protection des droits de la jeunesse.

Je voudrais aussi mentionner, avant de commencer, que j'ai apprécié beaucoup le geste que les trois anciens présidents ont fait ce matin. Ce n'est pas un commentaire sur l'efficacité du travail de la commission. Je pense que nous avons décidé de faire ça à 16 h 30, 16 h 45. Ils ont été contactés à 18 h 30, plus ou moins, hier soir, et les trois, unanimement, ont accepté de participer. Le seul commentaire que j'ai besoin de mentionner, c'est que, malheureusement, nous avons eu juste 60 minutes pour profiter de l'échange. Parce que je pense que nous avons tous profité de leur expérience. Ils ont clarifié beaucoup de choses, mais aussi, je pense, ils ont dressé les autres questions qu'on doit poser pendant l'étude de ce projet de loi.

Nous sommes en train d'abolir un établissement québécois qui a joué un rôle assez important. Et MM. Tellier, Dowie et Saville, je pense, ont démontré que nous étions très bien servis par le Comité de la protection de la jeunesse qui a été nommé après la CPDJ. Et, avant d'abolir ça, je pense qu'on doit être certains que nous ne sommes pas en train de faire une erreur. Je me souviens que nous avons eu ce même débat en décembre passé et que, sur une sagesse politique, le projet de loi a été retiré.

Pendant toutes nos discussions, M. le Président, j'ai appris que tous les députés... je m'excuse, les députés des deux côtés – je ne veux pas parler pour tous les députés – ont des préoccupations, ont des questions sur cette fusion. Il y en a certainement de notre côté, mais j'ai entendu beaucoup de questions de l'autre côté. Et, ce matin, j'ai entendu beaucoup, encore une fois, de mes questions pour lesquelles je n'ai pas encore une réponse. Je pense qu'il n'y a pas un député, à l'Assemblée nationale, maintenant, qui ne cherche pas une façon de sauver de l'argent. Je pense qu'il n'y a personne qui met ça en doute. Mais on doit être prudents et, avec cet objectif louable, on doit toujours protéger un établissement, une institution québécoise assez importante. Et peut-être qu'on peut sauver un peu d'argent, mais à quel prix!

(16 h 30)

Il me semble que la question que j'ai entendue ce matin, qui m'a vraiment touché, est la question que j'ai demandée moi-même, depuis le dépôt de ce projet de loi: Comment on peut protéger et maintenir l'expertise de la Commission des droits de la personne et l'expertise de la Commission de protection des droits de la jeunesse? Parce que ce n'est pas évident. Ces deux institutions québécoises, ça touche des lois tellement spécifiques. Ça touche les lois sur la discrimination mais aussi sur la protection de la jeunesse. Et ce n'est pas nécessairement évident qu'on peut avoir la même expertise, sur le même conseil, et toujours être au courant de toutes les nuances de chaque loi. Et il me semble, sans dire qu'une est plus importante que l'autre – parce que je ne l'ai pas entendu pendant les débats, ici – mais, respectant l'importance des deux, qu'on peut trouver une façon, toujours avec l'objectif de sauver de l'argent, de protéger, de maintenir l'expertise qui a été bel et bien établie dans les deux commissions. Parce que, souvent – je voudrais juste parler de la Commission de protection des droits de la jeunesse – ça prend une certaine urgence, une urgence de répondre. Une fois qu'il y a un appel à cette institution québécoise, il y a déjà des problèmes dans le réseau, et je pense que ça prend certainement une réponse plus vite que souvent elles ne sont disponibles à la Commission des droits de la personne. Et je pense que, souvent, les questions de discrimination prennent des études, prennent du temps, et ce n'est pas nécessairement les mêmes réactions dont nous avons besoin avec la question de la jeunesse.

J'ai aussi entendu ce matin – et je ne nommerai pas les personnes qui ont suggéré ça – que peut-être que ce n'est pas le temps nécessairement de fusionner, mais que c'est le temps de retourner à la base. Est-ce que nous avons besoin de plus d'énergie, de plus de créativité, de plus d'argent pour protéger les droits dans les régions du Québec, pour protéger la recherche? Parce que, souvent, on cherche des solutions et, sans avoir un bon système de recherche pour chercher l'information, on peut prendre des décisions qui ne sont pas bien fondées.

Il y a un autre point. J'ai été membre d'un conseil régional de la santé et des services sociaux avant d'être député. Il y a une autre idée qui m'a frappé quand nous avons discuté ce matin, que, s'il y a trop d'expertise avec la permanence, ça va être difficile pour les membres des conseils d'administration, les membres des conseils de prendre les décisions eux-mêmes. Mais, actuellement, j'ai entendu une foule de commentaires, que les membres des conseils peuvent être en otage, aux permanences. Et je pense qu'on doit être prudent avant de prendre des décisions comme ça, parce qu'il me semble que... Je ne veux jamais donner l'image que j'ai pensé que la Commission de protection des droits de la jeunesse était parfaite. Mais il me semble que le système qu'ils ont établi, d'avoir un groupe de bénévoles formés dans les questions des droits de la jeunesse, toujours avec l'appui d'un groupe de permanents et d'experts, jusqu'à maintenant, rend des services excellents à la population du Québec.

Jusqu'à maintenant, avant de commencer le projet de loi, M. le Président, nous avons entendu, comme je l'ai déjà mentionné, que plusieurs députés ont des questions. J'ai entendu que la fonction publique a des questions sur ce projet de loi. J'ai aussi entendu que le Protecteur du citoyen a eu certaines réserves et, pour la question du guichet unique, qu'il trouve ça... Je ne veux pas mettre les mots dans sa bouche, mais j'essaie de faire un sommaire. Le guichet unique, c'est intéressant, mais on doit toujours protéger les deux systèmes, une façon de protéger les droits humains et les droits de la jeunesse.

Comme je l'ai mentionné, M. le Président, déjà, les trois présidents de la CPDJ démontraient, dans mon opinion, qu'il mérite de trouver une façon de maintenir et protéger l'expertise pour notre jeunesse. La fusion telle que proposée dans le projet de loi 79, avant de faire l'étude article par article, me donne des doutes qu'on puisse faire ça d'une façon efficace. Et je vais questionner, pendant l'étude article par article, le ministre, comment on peut, effectivement, trouver une façon de maintenir cette expertise distincte que nous avons établie à la CPDJ.

Si le but, dans ce projet de loi, M. le ministre, était de sauver de l'argent, il me semble que nous sommes en train de prendre une décision un peu draconienne d'abolir pour sauver de l'argent. Peut-être que c'est le temps de réfléchir. Si on veut sauver de l'argent – j'ai entendu un chiffre de 438 000 $, ce matin – peut-être qu'on peut s'asseoir ensemble pour trouver une façon de sauver de l'argent, mais aussi sauver la Commission des droits de la personne et aussi la Commission de protection des droits de la jeunesse. Il me semble qu'on doit... Et j'ai dit la même chose lors du débat – je ne change pas de sujet, je fais juste un petit commentaire, M. le Président – sur la fermeture des hôpitaux. Avant d'abolir quelque chose, on doit faire toutes les choses, on doit chercher toutes les alternatives pour essayer d'en garder l'essence et toute l'expertise que nous avons établie.

And, Mr. President, Bill 79, that has the object to entrust to the Commission des droits de la personne the functions and powers currently devolving upon the Commission de protection des droits de la jeunesse, I think, has to be studied very carefully. I think it has to be studied, and the people of Québec should ask the question as: How do we maintain the expertise that our young people's rights will be protected? I think it is a question that is fundamental in 1995 and one that must be answered in a clear and unequivocal way before this bill is allowed to pass. This type of bill was presented 10 years ago and, with the political wisdom of the party in power at that time, it was withdrawn. Nobody is debating the concept of trying to save money; everybody wants to do that. But we want to make sure that we do it in a way that is effective, creative and respects the rights of people.

M. le Président, cette année – pas juste cette année – pendant les dernières quelques années, nous avons vu une augmentation des problèmes avec la jeunesse. J'ai entendu, des personnes qui travaillent dans le réseau – et je ne travaille pas dans le réseau de santé et de services sociaux – que de plus en plus il y des cas lourds, de plus en plus il y a des listes d'attente. Je sais que tout le monde fait son possible pour corriger ça, mais, souvent, nous avons vu, dans le système, qu'il y a des lacunes. Je pense que, plus que jamais, nous avons besoin d'une institution québécoise, qu'elle s'appelle la Commission de protection des droits de la jeunesse ou qu'elle s'appelle autre chose, qui a une expertise unique, distincte pour protéger nos jeunes, pour, dans le moment que la société est en train d'essayer de travailler avec nos jeunes, s'assurer qu'ils sont bel et bien protégés. Et, dans mon opinion, M. le Président, je ne suis pas convaincu qu'une fusion telle que proposée par la loi 79 est la bonne direction.

Je vais demander plusieurs questions pendant l'étude article par article. Mais j'ai voulu profiter de votre générosité, aujourd'hui, parce que je ne suis pas un membre de cette commission, pour mettre mes questions sur la table, parce que je ne veux pas arriver avec des surprises pendant l'article par article. J'ai des questions sérieuses. Je vais demander des questions pendant l'étude article par article. Je voudrais m'assurer, avant qu'on fusionne, avant d'abolir un établissement québécois aussi important que celui dont nous avons discuté, il me semble qu'on doit être certain que, après ça, les droits de la jeunesse vont être protégés.

Merci. J'arrête là, M. le Président, parce que je pense qu'il y a d'autres personnes qui veulent faire des commentaires. J'espère que je ne vais pas avoir de conflit d'horaire avec toutes les autres commissions et avec tous les autres projets de loi, parce que j'ai l'intention de participer à tous les débats, rigoureusement, pour s'assurer que nous aurons les réponses aux questions, tel que je l'ai demandé. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Lelièvre): Merci beaucoup, M. le député de Nelligan.

M. Charbonneau (Borduas): J'avais demandé la parole, aussi.

Le Président (M. Lelièvre): Oui. Est-ce que nous sommes au niveau des remarques préliminaires?


Commentaires sur les auditions (suite)


M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau (Borduas): Non, c'est-à-dire qu'il y avait des remarques préliminaires, mais il y a eu chevauchement, ce matin, c'est-à-dire à la fois des remarques préliminaires et des commentaires à la suite des mémoires ou, en fait, des présentations qu'on a attendues. Moi, ce que je voulais faire, c'est ce qu'un peu la députée de Mégantic-Compton et le ministre ont fait ce matin, c'est-à-dire apporter quelques commentaires à la suite des auditions qu'on a faites ce matin. Les remarques préliminaires, je les ai déjà faites...

(16 h 40)

Le Président (M. Lelièvre): Oui, hier, c'est ça que j'allais vous faire remarquer, oui.

M. Charbonneau (Borduas): ...hier. C'est ça. Non, moi, c'était plutôt, et c'est ce que j'avais dit au président, tantôt, de la commission, que je voulais... Et on m'avait donné l'assurance que je pourrais les faire cet après-midi, là.

Le Président (M. Lelièvre): Oui. Ça, c'est au niveau de l'organisation de nos travaux. Parfait! Je vous cède la parole.

M. Charbonneau (Borduas): Alors, merci, M. le Président. Écoutez, moi, c'était juste pour faire un peu la synthèse de ce qu'on a entendu. Chacun fait la synthèse qu'il veut bien. Je pense que ce qu'on a entendu, en tout cas, devrait nous amener à travailler, je l'ai déjà dit et je le répète, dans ces matières-là, au scalpel et non pas à la grosse hache. On est dans des matières délicates, importantes, qui concernent les droits et les intérêts des enfants en besoin de protection, en situation de difficulté, et ça nécessite, donc, de faire un travail qui tienne compte des signaux d'alarme qui nous sont envoyés.

On a entendu, d'abord, les trois anciens présidents de la Commission, et je regrette qu'on n'ait pas eu plus de temps avec eux parce que je pense que, finalement, de tous ceux qu'on a entendus, c'étaient sans doute ceux qui avaient la plus grande expertise à communiquer aux membres de la commission. Quand on a devant nous un président qui, sous deux gouvernements, a dirigé la Commission de protection des droits de la jeunesse pendant 11 ans, de 1975 à 1986, et ses deux collègues qui ont suivi, je crois que les propos que ces gens-là tiennent, et les commentaires, et les mises en garde qu'ils font doivent être pris en considération autant, sinon plus, que ceux du Protecteur du citoyen qui a été sous-ministre de la Justice à une époque où le sous-ministre et l'appareil du ministère de la Justice suggéraient de s'engager dans la voie dans laquelle on veut s'engager actuellement. Ça n'enlève rien à la valeur des propos du Protecteur du citoyen qui a mis des bémols, d'ailleurs, sur ses propos positifs en les «contextant» en fonction des moyens financiers qu'on mettrait à la disposition. C'est-à-dire que les avantages que le Protecteur du citoyen y voyait, c'était à la condition qu'on ne fasse pas de coupures budgétaires. Comme l'essentiel du projet de loi a été justifié parce qu'on avait besoin d'une économie de 1 000 000 $, alors, là, il y a comme un problème de cohérence.

Mais, quand on met ça en balance avec l'expérience des trois anciens présidents, par exemple, en ce qui concerne M. Jacques Tellier qui a été 11 ans à la tête de la Commission, et qu'il nous dit qu'il ne croit pas que l'osmose que certains pensent possible pourrait se réaliser et qu'il craint fortement que le résultat de ça soit une perte pour le parti pris qu'on doit avoir pour les enfants, qu'il doute que ce soit avantageux pour les enfants, en fait qu'il pense que ce sera désavantageux, le mécanisme, le système qui est proposé, on ne peut pas, en conscience, faire abstraction de ces commentaires-là, ne pas en tenir compte et ne pas les relever. C'est des propos qui sont au coeur du dilemme qui est devant nous et au coeur du débat dans lequel on est engagés. Et, à cet égard-là, M. le Président, j'espère que, de part et d'autre, on fera le nécessaire pour prendre en considération les propos de M. Tellier et de ses collègues qui nous ont rappelé qu'il y avait des cultures organisationnelles différentes, qu'il y avait des approches différentes et surtout que, même s'il pouvait y avoir certains avantages, il y avait, en ces matières-là, quelque chose de tellement délicat que, s'il doit y avoir un préjugé et si on doit prendre un risque, on doit le faire en fonction des intérêts des enfants et des intérêts des personnes qui sont directement concernées par l'organisme ou les deux organismes qu'on voudrait regrouper et fusionner.

À cet égard-là, il y a le comité qui a été mis en place par le ministère pour, dans le fond, préparer la fusion. Lui-même a été obligé de reconnaître, le président de ce comité, M. Borgeat, qu'il y avait un certain nombre de questions qui posaient problème, en tout cas, qui faisaient en sorte qu'on était justifiés... Je pense à la députée de Mégantic-Compton ou à son collègue de Laurier qui ont utilisé l'expression «lumières jaunes». Donc, il y a eu un certain nombre de signaux d'alarme qui nous ont été lancés, si on veut bien les écouter et les voir.

On a reconnu aussi, à une question que j'ai posée, qu'on n'avait pas fait les évaluations structurelles qui, par exemple, en ce qui me concerne, assureraient l'étanchéité. Quand j'ai demandé si on avait évalué ce que ça pourrait avoir comme conséquences fonctionnelles ou, en termes d'efficacité organisationnelle, si on prévoyait une commission qui fonctionnerait d'une façon étanche à l'égard des mandats des commissaires qui auraient à administrer les deux lois – donc, si, en fait, par exemple, on avait deux bancs de commissaires qui, chacun, administreraient une loi séparément, sous la juridiction d'un vice-président, et qui formeraient un trio avec le président, pour l'administration – on nous a dit: Bon, on n'a pas regardé ça. À partir du moment où on ne regarde pas ça et que c'est une de mes préoccupations, un des principes que certains d'entre nous, en tout cas, en ce qui me concerne, que, moi, j'ai mis de l'avant et que d'autres aussi ont mis de l'avant, c'est-à-dire le respect de l'étanchéité des mandats, bien il y a un problème.

Et mon collègue de Rouyn-Noranda– Témiscamingue a parlé, à la suite de cette intervention du comité Borgeat, d'une espèce d'obligation de gérer par acte de foi. Moi, je veux bien faire des actes de foi, mais je veux que... Dans ces matières, où encore une fois il est question d'enfants qui sont en situation de danger, où leur sécurité, où leur développement peut être compromis, il y a encore une fois une attention très particulière qui doit être mise. Et il y a un élément qui a été mis sur la table par les gens du milieu syndical et, à mon avis, c'est peut-être l'élément qui était le plus important, au-delà des économies qui nous étaient proposées, c'est la question, dans le fond, qui revient aussi à la notion d'étanchéité et de parité, mais surtout d'étanchéité, c'est-à-dire: Est-ce qu'on veut et est-ce qu'on pense que c'est possible d'avoir une commission qui va fonctionner de façon polyvalente, alors qu'on peut passer d'un mandat à l'autre, ou si on doit plutôt penser que, dans ces matières, la meilleure chose qu'on puisse faire, c'est de fonctionner d'une façon plus spécialisée?

Et, le problème, il est bien posé parce que c'est clair que, si on veut et on pense qu'il y a possibilité avantageusement de faire de la polyvalence, on peut militer en faveur, à ce moment-là, d'une structure différente. Mais, si, au contraire, on croit que la spécialisation a plus d'avantages et est plus efficace à l'égard des droits des personnes qui sont en cause, on va peut-être plus tenir au principe d'étanchéité, parce que la spécialisation est portée par cette notion d'étanchéité. Et, moi, jusqu'à preuve du contraire et pour le moment, je n'ai pas été convaincu que, dans les propos qu'on a entendus de la part de nos invités, la polyvalence fonctionnerait bien, donnerait les résultats qu'on voudrait, même si le Protecteur du citoyen peut y voir une synergie intéressante. Il peut y avoir des synergies positives, mais il peut y avoir aussi des risques.

Et je pense que, encore une fois, et je termine avec ça, quand je mets en balance cette opinion-là avec celle de Jacques Tellier qui a été 11 ans président de la Commission et qui nous dit: Faites attention, je ne crois pas, moi, que l'osmose soit si facile, si simple et si profitable que ça et je crains, au contraire, qu'elle ait des effets pervers et négatifs à l'égard des droits des enfants. Si j'ai à tenir compte de deux opinions, mon préjugé va être en faveur de l'opinion de M. Tellier qui a été 11 ans président de cette Commission-là et qui s'inscrit dans la tradition et dans la lignée de ce que tous les législateurs ont voulu, en cette Chambre, depuis 1975, c'est-à-dire une approche spécialisée, spécifique à l'égard de la protection des droits des jeunes.


Organisation des travaux (suite)

Le Président (M. Lelièvre): Merci, M. le député de Borduas. Alors, je dois comprendre que toutes les remarques préliminaires et les remarques de conclusion...

Mme Bélanger: Bien, c'est-à-dire que, pour le moment, oui.

Le Président (M. Lelièvre): ...sont terminées.

Une voix: Pour le moment.

Mme Bélanger: Mais là, après, s'il y a d'autres membres de la commission...

M. Charbonneau (Borduas): On est ici, là...

Le Président (M. Lelièvre): Là, on est au stade...

Mme Bélanger: Oui, mais...

Le Président (M. Lelièvre): ...des remarques préliminaires. Les remarques préliminaires sont terminées. Maintenant, s'il n'y a plus d'autres personnes qui veulent s'exprimer, qui sont membres de la commission... Est-ce que vous êtes membre de la commission?

M. Middlemiss: Je suis membre aujourd'hui, sans ça je ne serais pas ici, M. le Président.

Le Président (M. Lelièvre): Je vais suspendre deux minutes, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 16 h 49)

(Reprise à 16 h 50)

M. Middlemiss: Si j'ai bien compris le président de la commission, tantôt, lorsque Mme la députée de Mégantic-Compton a fait une motion, il a dit: On va laisser le député de Nelligan faire son 20 minutes de remarques préliminaires, le député de Borduas a des remarques à faire, et, à la suite de ça, on procédera à la motion, et, après ça...

Le Président (M. Lelièvre): À la motion... Quelle motion? Il n'y a pas de motion.

Mme Bélanger: La motion a été adoptée, mais la discussion...

M. Middlemiss: La discussion...

Mme Bélanger: ...sur le Barreau...

M. Middlemiss: ...oui, oui, sur le Barreau.

Mme Bélanger: Mais, par contre...

M. Middlemiss: Mais il n'avait jamais dit qu'après ça il n'y aurait pas de possibilité d'avoir des gens qui pourraient faire des remarques préliminaires.

Mme Bélanger: Non, mais, si vous voulez faire des remarques préliminaires...

Le Président (M. Lelièvre): C'est-à-dire qu'il n'y a plus de membres qui ont à s'exprimer. Hier, Mme la députée de Mégantic-Compton a remplacé le député de Frontenac et, aujourd'hui, vous remplacez le député de Frontenac, si j'ai bien compris. Le député de Frontenac s'est déjà prononcé, par l'intermédiaire de Mme la députée de Mégantic-Compton, il ne peut pas s'exprimer deux fois, puisque Mme la députée remplaçait, hier, le député de Frontenac.

Mme Bélanger: Là-dedans, depuis presque 10 ans que je suis présidente de commission, j'apprends ça, que, si, d'une journée à l'autre, tu remplaces le même député, tu ne peux pas...

Le Président (M. Lelièvre): Non, mais au niveau des...

Mme Bélanger: Deux députés différents ne peuvent pas remplacer un député. Alors, moi, j'ai parlé au nom du député de Frontenac. Si, demain, le député de Frontenac... ou si le député de Frontenac était ici aujourd'hui, parce que, moi, je ne remplace pas le député de Frontenac aujourd'hui, il n'aurait pas le droit de parole.

Le Président (M. Lelièvre): Ce n'est pas ça que j'ai dit, c'est qu'au niveau des remarques préliminaires, les remarques préliminaires étant faites, il ne pourrait plus faire des remarques préliminaires, mais il a le droit de parole, de s'exprimer sur les articles, article par article, ça, c'est évident. Mais on est au niveau des remarques préliminaires.

Mme Bélanger: Comme je vous le dis, après 10 ans de présidence, j'apprends ça aujourd'hui.

Le Président (M. Lelièvre): Ah! vous savez, on apprend tous les jours, dans la vie.

Donc, au niveau des remarques préliminaires, c'est terminé au niveau des remarques préliminaires et des remarques complémentaires, à la suite des... Ce que j'ai appris, c'est qu'il y avait eu des remarques complémentaires, à la suite des audiences.

Mme Bélanger: ...

Le Président (M. Lelièvre): On me dit également que c'est inhabituel, que ce n'est pas prévu à la procédure, mais, de consentement, on peut faire beaucoup de choses.

Mme Bélanger: Depuis le début qu'on fonctionne d'une façon inhabituelle.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la députée, je ne porterai pas de jugement de valeur sur le fonctionnement de cette commission.

Mme Bélanger: C'est avec l'accord des deux côtés.

Le Président (M. Lelièvre): C'était avec l'accord des deux côtés. Maintenant, nous en sommes, semble-t-il, à l'organisation de nos travaux.

M. Bégin: On peut ajourner, M. le Président, à demain, 10 heures, pour entendre la Ligue des droits?

Mme Bélanger: Non, non, il faut régler le cas du Barreau avant.

M. Bégin: Je pensais qu'on attendait demain pour régler ça.

Le Président (M. Lelièvre): Le cas du Barreau... On m'a dit que, le cas du Barreau, on peut toujours en discuter aujourd'hui ou demain, si vous voulez. Mais, aujourd'hui, si vous voulez en discuter, moi, je suis prêt à continuer le travail au niveau de l'organisation des travaux. On m'a dit que, demain matin, à 10 heures, il y a une motion qui a été adoptée pour que la Ligue des droits et libertés soit entendue et, bon, la Ligue va être entendue demain matin, à 10 heures.

M. Bégin: Je suggère, M. le Président, qu'on en parle demain matin, après avoir entendu la Ligue des droits et libertés.

Le Président (M. Lelièvre): Le ministre suggère que nous discutions de l'audition du Barreau après avoir entendu la Ligue des droits et libertés, demain.

M. Charbonneau (Borduas): Oui, je pense que c'est une suggestion acceptable, ça.

Une voix: C'est correct, ça.

Le Président (M. Lelièvre): Oui, M. le député de Saint-Jean.

M. Paquin: Moi, j'ai une opinion légèrement différente sur ce sujet-là. Je pense qu'il est important que les gens du Barreau sachent à quoi s'en tenir, s'ils ont une lettre à nous envoyer ou une démonstration à nous faire, d'une part; deuxièmement, que nous organisions nos travaux en fonction de nos objectifs de commission et non pas en fonction d'éventuels groupes qui seraient intéressés à témoigner. Et, troisièmement, je constate, de l'ensemble des dimensions qu'on a dégagées ce matin, tant dans les propos liminaires que de conclusion qui ont été apportés des deux côtés de cette table, que l'ensemble des points, l'ensemble des lumières jaunes, le répertoire des lumières jaunes est maintenant établi et que les données supplémentaires sont bienvenues, bien sûr, mais je pense qu'on est en mesure, maintenant, d'être efficaces et constructifs dans nos travaux.

C'est pourquoi, moi, je suggérerais qu'effectivement demain nous rencontrions à 10 heures le groupe, tel que la motion de la députée de l'opposition le demandait, d'une part, et, ensuite, que nous commencions nos travaux, étant entendu que nous souhaitons recevoir la lettre du Barreau qui nous permettra d'en prendre connaissance et d'étayer nos propos par la suite. Advenant...

Le Président (M. Lelièvre): Est-ce que vous permettez une remarque, à ce stade-ci?

M. Paquin: Juste un détail encore. Advenant que les députés d'un côté ou de l'autre de cette Chambre considéreraient, au moment d'adopter un article, que, sur ce sujet-là, il serait bon d'attendre la lettre, eh bien, on pourra, à ce moment-là, surseoir à son adoption, tout simplement.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, en ce qui a trait à la Ligue des droits et libertés, il y a une motion qui a déjà été décidée pour demain. Donc, on n'a pas à rediscuter du sujet. Demain, la commission va siéger pour entendre la Ligue des droits et libertés et poursuivre ses travaux. D'autre part, la lettre du Barreau, elle est arrivée, et je pense qu'elle a été lue, ici, aux membres de la commission.

Une voix: Elle a été déposée.

Le Président (M. Lelièvre): Elle a été déposée. Donc, moi, pour décider... On a une motion qui a été votée hier, qui a été adoptée...

Une voix: ...

Le Président (M. Lelièvre): Si vous permettez. Il y a une motion qui a été adoptée hier, concernant l'organisation de nos travaux, qui prévoyait... Et je pense que, pour la bonne compréhension de la motion qui a été adoptée, on dit: «Que, conformément à l'article 244 du règlement de l'Assemblée nationale, la commission des institutions, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi 79, Loi sur la Commission des droits de la personne et de la protection des droits de la jeunesse, tienne des consultations particulières sur tous les articles du projet de loi et qu'à cette fin elle entende le Protecteur du citoyen, le Syndicat de la fonction publique conjointement avec le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec, le Syndicat des employées et employés de la Commission des droits de la personne, le Barreau du Québec et le comité Borgeat;

«La durée de la présentation de chaque organisme soit de 10 minutes et l'échange soit d'une durée de 20 minutes partagées également entre le groupe parlementaire formant le gouvernement et l'opposition;

«La durée de la présentation du comité Borgeat – ça a été fait ce matin – soit quant à elle de 20 minutes, alors que l'échange avec la commission soit d'une durée de 40 minutes partagées également entre le groupe parlementaire formant le gouvernement et l'opposition;

«Ces consultations particulières – et c'est ça qu'il est important de retenir – soient tenues demain à compter de 10 heures.» Ça, c'est le sens de la motion, aujourd'hui.

M. Paquin: C'est ça, ça a eu lieu ce matin. Et, ce matin, nous avons pris acte aussi du fait que le Barreau n'était pas présent. Et cet après-midi, on nous a lu, tantôt, la présidence a lu la lettre en provenance du Barreau. Et que nous dit cette lettre, M. le Président? Elle nous dit qu'ils n'ont pas pris officiellement position sur le projet de loi; deuxièmement, qu'ils sont actuellement à étudier le projet de loi, donc qu'ils n'ont pas terminé, et leur calendrier n'est pas nécessairement le nôtre; troisièmement, qu'ils sont disposés soit à nous rencontrer, soit à nous transmettre une proposition écrite, au cours de la semaine prochaine.

C'est à cela que je référais, tantôt, en vous disant: Compte tenu que nous avons maintenant une vision assez d'ensemble sur les préoccupations des deux côtés de la table concernant l'ensemble du projet de loi, il m'apparaît opportun que nous entendions, comme convenu, le groupe qu'on doit entendre demain matin et qu'on avise dès maintenant le Barreau qu'on est intéressé à recevoir sa lettre, mais qu'on continue à procéder normalement à l'étude article par article à compter d'après le moment où nous aurons entendu la dernière audience particulière.

Le Président (M. Lelièvre): Mme la députée de Mégantic-Compton.

Mme Bélanger: M. le Président, je pense que le député de Saint-Jean est en train de faire le débat que nous avions convenu de faire demain.

Le Président (M. Lelièvre): Est-ce qu'il y avait eu entente entre les parties, entre les deux groupes parlementaires, à ce moment-là?

Mme Bélanger: Non. Écoutez, je pense que vous avez lu la motion, là...

Le Président (M. Lelièvre): Oui.

Mme Bélanger: ...qui ne dit en rien qu'on doit commencer à étudier l'article... On dit qu'on ne commencera pas à étudier le projet de loi article par article tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas entendu ces groupes-là. Bon, il y a des groupes, malgré l'invitation tardive, qui ont pu se présenter ici ce matin, mais le Barreau n'a pas pu se présenter. Bon, je veux bien croire qu'il peut nous donner un avis par écrit, mais, nous, les membres de la commission, de l'opposition, nous voulons questionner le Barreau. Alors, je pense que, si on prend en compte la motion qui a été déposée, qui dit bien: À compter de 22 heures, hier... Mais il n'y a jamais eu de délai précis pour la fin des auditions.

Alors, je pense que, si on veut, on peut attendre à demain pour faire le débat, parce que c'est le ministre lui-même qui l'a demandé, que, sur le débat du Barreau, on puisse le faire demain. Alors, je pense qu'on devrait terminer le débat, ajourner à demain matin, 10 heures, et, après l'audition de la Ligue des droits et libertés, on pourra reprendre le débat sur si, oui ou non, on doit recevoir le Barreau.

Le Président (M. Lelièvre): Bien, écoutez, je suis prêt à prendre les suggestions pour l'organisation des travaux. S'il y a un consensus qui se dégage et que tout le monde est d'accord pour qu'on reporte ça à demain matin, le débat sur la présence du Barreau, on reprendra demain matin. Et, demain, en fin de compte, à la lumière de toutes les représentations qui auront été faites sur la présence ou l'absence du Barreau, et le sens, et la portée de la motion qui a été adoptée hier, à ce moment-là, on décidera, la présidence décidera, à ce moment-là, de ce qui arrive avec l'absence ou la présence du Barreau.

Des voix: D'accord.

Le Président (M. Lelièvre): La commission ajourne donc ses travaux à demain, 10 heures, ici même.

(Fin de la séance à 17 heures)


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