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Version finale

35e législature, 1re session
(29 novembre 1994 au 13 mars 1996)

Le jeudi 23 mars 1995 - Vol. 34 N° 21

Consultations particulières sur la justice administrative


Étude détaillée du projet de loi n° 40 - Loi sur l'établissement de la liste électorale permanente et modifiant la Loi électorale et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Organisation des travaux

Consultations particulières sur la justice administrative

Étude détaillée du projet de loi 40 – Loi sur l'établissement de la liste électorale permanente et modifiant la Loi électorale et d'autres dispositions législatives


Autres intervenants
M. Claude Pinard, président
M. Paul Bégin
M. Thomas J. Mulcair
M. Normand Jutras
M. Normand Cherry
M. Robert Perreault
Mme Margaret F. Delisle
M. Mario Dumont
M. Geoffrey Kelley
*M. Clément Godbout, FTQ
*M. Jean-Pierre Néron, idem
*M. Claude Gingras, CSD
*M. Marc Laviolette, CSN
*Mme Louise Girard, idem
*M. Jean Laframboise, idem
*Mme Andrée Bouchard, idem
*M. Pierre-F. Côté, Directeur général des élections
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix heures sept minutes)

Le Président (M. Pinard): Alors, je voudrais, tout d'abord, souhaiter la bienvenue aux gens au niveau de la commission des institutions. Je voudrais rappeler le mandat de la commission. La commission est réunie afin de poursuivre ses consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur la justice administrative. Alors, je vais demander au secrétaire d'annoncer les remplacements.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques) est remplacé par M. Pinard (Saint-Maurice); M. Simard (Richelieu) par M. Dion (Saint-Hyacinthe); M. Ciaccia (Mont-Royal) par Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François); et M. Sirros (Laurier-Dorion) par M. Gautrin (Verdun).


Organisation des travaux

Le Président (M. Pinard): Merci. Alors, au niveau de l'article 5, je vais vous donner lecture de l'ordre du jour. De 10 heures à 11 heures, nous avons l'occasion d'entendre la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, qui sera représentée par M. Clément Godbout, président, M. Henri Massé, secrétaire général, et M. Jean-Pierre Néron, conseiller juridique. De 11 heures à midi, la Centrale des syndicats démocratiques, qui sera représentée par M. Claude Gingras, président, M. Louis Tremblay, économiste, responsable du service de la recherche, ainsi que M. André Lavoie, avocat au service des lois sociales. À midi, suspension des travaux de la commission. Et, cet après-midi, de 15 heures à 16 heures, nous aurons l'occasion d'entendre la Confédération des syndicats nationaux, qui sera représentée par M. Marc Laviolette, vice-président, M. Jean Laframboise, coordonnateur du service juridique, et Mme Louise Girard, coordonnatrice du service de la défense. À 16 heures, ajournement.

Nous avons reçu, ce matin, une lettre qui a été adressée, le 23 mars 1995, à M. Sylvain Simard, président de la commission des institutions. Objet: avis de modification.

«M. le Président, à la demande du leader du gouvernement, M. Guy Chevrette, je vous avise que les consultations particulières prévues pour ce soir, le 23 mars, de 20 heures à 22 heures, sont reportées à une date ultérieure.

«Veuillez agréer, M. le Président, l'expression de mes sentiments les meilleurs.» Martin-Philippe Côté, attaché politique.

(10 h 10)

Donc, les organismes qui avaient été prévus de 20 heures à 21 heures, soit le Syndicat de la fonction publique, et, de 21 heures à 22 heures, le Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec, ont été avisés de ne point se présenter pour audition de leur mémoire ce soir.

Alors, est-ce que je pourrais avoir une proposition d'adoption de l'ordre du jour amendé?

M. Bégin: Adopté.


Consultations particulières sur la justice administrative

Le Président (M. Pinard): Adopté. Alors, j'appelle maintenant la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Je vous demanderais, tout d'abord, de bien vouloir vous identifier pour fins d'enregistrement. Oui, M. le ministre.

M. Bégin: M. le Président, j'aimerais peut-être, avant de commencer les travaux, souligner que, ce matin, est présent à nos travaux Me Patrice Garant, qui est l'auteur du rapport «Une justice administrative pour le citoyen». Alors, merci.

Le Président (M. Pinard): Alors, personnellement...

M. Bégin: C'est le temps ou jamais de dire des choses. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Pinard): ...il me fait plaisir d'accueillir mon ancien professeur de droit à l'Université Laval. Alors, revenons au début de nos travaux. Je vous demanderais, pour fins d'enregistrement, de bien vouloir vous identifier, s'il vous plaît.


Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

M. Godbout (Clément): Bonjour. Mon nom est Clément Godbout. Je suis le président de la FTQ. Je suis accompagné de Jean-Pierre Néron, conseiller juridique à la FTQ, et de Michel Morasse, qui est le permanent de la FTQ dans la région de Québec.

D'abord, je vous remercie de nous avoir invités à présenter nos commentaires sur le sujet qui est devant nous. On peut vous dire que, lorsqu'on a regardé le rapport, il y a des choses qui sont intéressantes et il y a des choses qui nous préoccupent au plus haut niveau. Tout de suite, entrons dans le vif du sujet. On nous propose une nouvelle forme de tribunal administratif général, une espèce de chapeau qui va chapeauter, dans la structure, si on a bien compris, les cinq divisions où on pourrait avoir une certaine interchangeabilité du juge qui peut faire, je ne sais pas, moi, d'une division à l'autre, du travail, prendre des décisions.

Ça nous semble passablement compliqué de voir quelqu'un qui va être spécialisé dans les impôts fonciers, par exemple, comme juge qui va venir trancher un cas de colonne vertébrale. Il nous semble que, là, on perd une expertise évidente et nous croyons que cette recommandation-là ne vise pas du tout, n'aura pas comme résultat la compétence. Au contraire, on se ramasse avec des problèmes passablement compliqués, étant donné la spécificité de chacun des problèmes qui peuvent être soulevés, surtout en matière de lésions professionnelles, par exemple, dont on va parler plus longtemps ce matin.

Deuxièmement, on propose aussi dans le rapport – ce qui nous préoccupe aussi – que le tribunal administratif général regroupant les instances juridictionnelles d'appel à l'ordre administratif soit créé. Puis, là, on irait devant la Cour d'appel du Québec dans la plupart des cas, y compris les cas d'accidents de travail. Mais, là, il y a des problèmes importants qui se posent parce que, finalement, si on veut déjudiciariser, alléger un peu les dossiers, puis enlever de nos jambes 35 000 dossiers de procédure par année seulement en matière de lésions, ce n'est certainement pas en Cour d'appel qu'on va régler ça.

La Cour suprême a indiqué à de multiples reprises que les tribunaux spécialisés sont les mieux placés pour interpréter les lois et respecter les finalités. Je pense que, ça, ça a été dit à plusieurs reprises. La Cour d'appel du Québec est actuellement à 42 mois de délai. Ce n'est pas tout à fait ce qu'on recherche parce qu'on a déjà assez de problèmes de délais. Les délais font un déni de justice certain et on est pris avec ça. Compte tenu du nombre de juges restreint, peu de causes peuvent être entendues, même si on dit: Bien, écoutez, la Cour d'appel du Québec pourra décider si elle l'entend ou pas. Comment fait-on pour refuser d'entendre un cas de colonne vertébrale ou de maladie pulmonaire? On est qui pour refuser de l'entendre? Et on ne voit pas, non plus, dans les budgets, beaucoup de possibilités d'embauche.

Les recours ne pourraient être exercés que par les membres du Barreau. Ça voudrait dire qu'à toutes fins pratiques c'est un changement de culture important et inacceptable – plaçons les mots tels qu'ils sont – pour le monde syndical. Ça voudrait dire qu'on doit être défendu par des avocats devant toutes les instances. Ça, ça veut dire que les travailleurs et les travailleuses n'y auraient pas accès, dans bien des cas, à cause des coûts. Alors, ce serait prohibitif comme coûts pour les citoyens et citoyennes qui veulent se faire aider par des permanents syndicaux ou d'autres personnes qui donnent un coup de main à certains niveaux d'intervention actuellement.

Les recours en évocation seraient toujours possibles. Donc, ça devient très compliqué. Il faudrait peut-être se rappeler qu'il y a eu le rapport dirigé par Mme Durand, de la CSST, qui a été rendu public et qui a parlé abondamment de la question de la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, la CALP. Cette proposition-là a été dégagée à la suite d'un consensus. On n'en retrouve pas des centaines de consensus dans la société, mais il y avait celui-là où on disait: Il faudrait revoir toute la procédure, déjudiciariser, et la façon de déjudiciariser, c'est d'aller à la CALP avec un tribunal paritaire ou tripartite, où les parties seront présentes, donc paritaire, et de décongestionner au niveau des BRP, des bureaux de révision paritaire.

La question qui est soulevée dans le rapport: on parle de transparence, on parle d'être capable de n'avoir aucun lien, de l'indépendance, comme on l'appelle. Bien, je rappellerai peut-être que, d'abord, dans la loi, il y a déjà un article qui existe; au Code du travail, par exemple, quand arrive la nomination des juges du Tribunal du travail – et les juges du Tribunal du travail rendent des décisions fort importantes, n'est-ce pas? – l'article 113 dit que les parties seront consultées avant la nomination d'un juge, y compris le juge en chef et son adjoint.

Et le fait que les parties soient consultées, le fait que les parties donnent leur avis avant que le ministre les nomme, ça n'a jamais été interprété comme un manque de transparence, ni l'incapacité de juger en toute liberté. Les parties sont consultées. On n'aurait pas d'objection à ce qu'au niveau de la CALP on voie le même mécanisme, c'est-à-dire, avant que les commissaires soient nommés à la CALP ou son président, qu'il y ait consultation auprès d'un organisme comme le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, par exemple. Mais c'est vraiment un problème des parties.

À l'article 371 de la loi 142, non 42 – parce que la 142 est morte au feuilleton depuis le nouveau gouvernement – on dit que, lorsque arrive le temps de nommer, «le gouvernement peut, par règlement, établir une procédure de sélection des commissaires, autres que le président ou les vice-présidents, et notamment prévoir la constitution du comité de sélection à cette fin». Le rapport Garant le passe complètement sous silence, cet article-là de la loi; il est là, mais il n'a jamais été utilisé. On pense que ça vaudrait la peine de s'y pencher et de regarder de quelle façon on peut le rendre opérant, cet article-là qui est le 371, quand arrive le temps de nommer.

La Commission d'appel, finalement, ce qu'on dirait là-dessus, c'est qu'on est inquiets du fait que le rapport ne traite pas de tout l'ensemble du travail. Le fait qu'il n'en traite pas ou à peu près pas... La seule place où il en est traité, c'est avec la CALP et, à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, c'est vraiment le travail qui est impliqué, c'est vraiment les relations de travail et c'est 90 % des dossiers qui sont en relations de travail. Pour nous, à la FTQ, on pense qu'il serait brillant de penser que la Commission d'appel relève du ministère de l'Emploi et non pas de la Justice.

C'est que l'Emploi retrouve sous son chapeau l'ensemble des problèmes ou des situations, ou l'ensemble des mécanismes qui relèvent du travail. Le Tribunal du travail, le service d'accréditation, les griefs, le règlement des différends, les arbitres des griefs, y compris la CALP, tout ça relève du ministère de l'Emploi pour qu'il y ait une certaine cohésion dans tout ça, faisant en sorte que, finalement, on soit capable de démêler un certain nombre de choses là-dedans et d'avoir une certaine cohésion et une espèce d'orientation globale, si on veut déjudiciariser les relations de travail comme on vise à les déjudiciariser.

Dans le cas de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, elle relève du ministère de l'Emploi. Ses mécanismes relèvent du ministère de l'Emploi. L'inspection, la prévention, tous les programmes relèvent du ministère de l'Emploi. Et, quand arrive le temps d'appel, parce qu'on a voulu un appel en dehors de la Commission, bien, là, on se ramasse devant un tribunal, nommé par le ministère de la Justice, qui s'appelle la CALP. Et là, nous, on pense que c'est le temps de regarder le dossier avec attention. Il y a des problèmes importants qui se posent maintenant à la CALP au niveau des nominations, au niveau de son fonctionnement, au niveau de la conciliation des dossiers. Tout ça, c'est des problèmes importants qui peuvent être réglés en autant que les parties puissent être en accord et en coordination avec le ministère de l'Emploi. Le ministère de la Justice ne se sent pas tout à fait toujours très à l'aise dans ce dossier-là.

(10 h 20)

On a parlé aussi de cohérence, mais la cohérence, on peut la rechercher aussi sans chapeauter comme on l'a fait. Par exemple, des recueils de jurisprudence spécialisés, ça se fait, ça; il s'agit de les mettre en place. Les banques de données aussi, ça se fait; il s'agit d'avoir des ressources pour s'acheter des ordinateurs. À un moment donné, on se rend compte qu'ils sont fort mal équipés, souvent, et ça, il faut regarder de quelle façon on peut le faire.

L'autre élément qui est possible aussi, c'est un banc élargi. On a vu, par exemple dans le cas des trop-perçus, la CALP siéger à trois pour rendre une décision. Alors, c'est possible de faire un banc élargi. Et la collégialité. La personne qui dirige un service comme celui de la CALP a cette responsabilité-là. On n'a pas besoin de tout revoir l'ensemble du dossier comme on le propose dans ce sens-là pour amener ces quatre projets-là ensemble, dans le sens qu'on puisse avoir des décisions où on sait où on va. Alors, comme on dit chez nous, on sait un peu mieux où la chatte met ses petits, puis on est capables de s'enligner avec nos dossiers.

Sur l'ensemble des dossiers des tribunaux administratifs, qu'il y ait un certain nombre de choses... Il y a eu la loi 105 qui nous est arrivée dans le temps, par M. le ministre Rémillard, et qui est toujours là; le rapport Garant y a fait suite. Bon, on travaille là-dessus. Nous, on n'a pas tellement discuté et écrit des choses là-dessus parce qu'on s'est surtout attardés au problème des relations de travail et aux dangers inhérents aux propositions Garant quant à la CALP. Ça va être – excusez l'expression – fort compliqué pour les parties de régler le problème, si on va dans cette foulée-là.

À notre point de vue, si on n'a pas parlé, dans le rapport, du Tribunal du travail, si on n'a pas parlé, dans le rapport, des commissaires, des agents d'accréditation, si on n'a pas parlé, dans le rapport, des griefs, des règlements des griefs et des problèmes de l'arbitrage et des différends, il me semble que la CALP doit être placée dans le même tiroir. Ça n'a pas de bon sens qu'on la prenne de côté, puis qu'on décide d'intervenir dans ce rapport-là, en disant: À la CALP, voici ce qu'on va faire. On a un peu oublié, je pense, que c'était une question de relations de travail, dans le fond.

Mais on n'est pas certains que l'objectif visé atteigne ce que nous voyons comme déjudiciarisation: faciliter l'accès, rendre moins compliqué, moins juridique. L'ultrajudiciarisation, c'est devenu fort étouffant. Et, si vous me permettez de faire un parallèle – je ne veux pas aller dans le sens politique parce que je vais présenter un mémoire dans une autre instance, cet après-midi – je voudrais dire que la plupart des commissions régionales ont noté cette lenteur, cette pesanteur, cette atmosphère extrêmement lourde de ne pas être capable de gérer avec l'appareil, entre guillemets, juridique ou autre. Et ça, on n'est pas certain que ça vise et que l'objectif visé... Parce que, avec un chapeau regroupant cinq grands secteurs, puis, là, les juges pourront être assignés d'un secteur à l'autre, nous, on pense qu'on va perdre beaucoup, beaucoup de compétences, beaucoup, beaucoup d'expertise là-dedans. Finalement, on risque de tomber dans des choses beaucoup plus compliquées qui étaient visées dans le rapport, à moins qu'on l'ait mal compris.

Donc, le principal grief qu'on ferait au rapport, je suppose, quand on parle de l'ensemble de ce qu'on a pu voir dans le rapport et de ce qu'on a pu voir, à date, de ce qui a été dit et écrit là-dessus, c'est que l'ensemble de tout ce qu'on appelle les tribunaux administratifs et les tribunaux supérieurs, ça doit être vu, à notre point de vue, beaucoup plus large, ça doit tout englober. Et, vu que ça n'englobe pas tout, ce qu'on propose, c'est que tout ce qui relève du travail, y compris la CALP, soit sorti du débat, soit mis de côté, puis que, finalement, on ait vraiment un débat de fond sur l'ensemble des dossiers qui ont trait aux relations de travail: le Code du travail, le Tribunal du travail, une commission des relations de travail, le cas échéant, la CALP, la CSST, les niveaux de décision, puis comment on fait pour les déjudiciariser, pour rendre des décisions rapidement, pour tuer les délais et faire en sorte que les gens aient des réponses le plus rapidement possible, puis qu'ils sachent où ils vont.

Ça n'a pas de bon sens de voir qu'on utilise toutes sortes de procédures pour retarder des dossiers. Par exemple, il y a 35 000 dossiers par année qui s'en vont à la CALP de contestations d'accidents de travail, en gros; ouvrir l'appel après la CALP... À l'heure actuelle, les cours ont décidé, puis elles ont tranché de façon, à notre point de vue, fort correcte, en disant: C'est seulement dans les cas où il y a vraiment décision déraisonnable, manifestement déraisonnable, puis où la constitution n'est pas... bon, où on a refusé d'appliquer notre juridiction ou qu'on l'outrepasse, que, là, on peut prendre un bref, puis on peut en appeler; sans quoi, c'est sans appel.

Et les tribunaux supérieurs ont dit: C'est sain; ça doit demeurer comme ça et ça doit être ça. Ne venez pas nous achaler quand vous pensez que quelqu'un se trompe. Arrivez-nous avec quelque chose qui est vraiment, manifestement déraisonnable et là on va le constater; sans quoi, l'expertise est là, puis elle doit demeurer là et elle ne doit pas être sujette à appel pour n'importe quelle raison. Si on rouvre, comme on le propose, devant le tribunal du Québec, on va trouver toutes sortes de procédures dilatoires pour en appeler. L'expérience est là. À la CALP, puis à la CSST, par rapport au dossier même, tel qu'on voit la loi, telle qu'elle est faite, les niveaux d'appel sont tellement nombreux et la patinoire juridique est tellement grande qu'il y a beaucoup de monde qui s'amuse là-dedans. Et les travailleurs et les travailleuses, les citoyens en paient la note.

Dans ce sens-là, nous, on pense qu'il y a quelque chose à faire, mais il faudrait le faire au niveau du travail: une commission spécifique au travail dans son ensemble, y compris la CALP. Alors, sortons du dossier le dossier de la CALP. Il doit relever du travail. Les tribunaux administratifs, visons à les alléger, à les rendre plus rapides; que les décisions arrivent vite et se présentent rapidement pour que les gens sachent à quoi s'en tenir. Et, finalement, les tribunaux supérieurs doivent se faire parler également. On n'a rien qu'à regarder le dossier des travailleurs de Singer à Saint-Jean ou de Simonds, puis on le voit, là. La population réclamante va être décédée. Je ne suis pas certain, je n'ai pas trouvé le moyen juridique d'aller mener un chèque outre-tombe. Je pense que, ça, c'est très compliqué. Alors, dans ce sens-là, à un moment donné, si on veut être intelligent un peu et voir ce qui se passe, je pense qu'il faut comprendre que, au bout de quatre ans, ce n'est plus une décision qu'on reçoit, mais on reçoit quelque chose, un papier, puis il est trop tard et ça n'a pas de bon sens.

Dans ce sens-là, le rapport risque de judiciariser les relations de travail, va judiciariser de façon significative la CALP et va enlever à la CALP l'expertise qu'elle avait parce que ça pourrait être un juge, qui vient, je ne sais pas, moi, de l'impôt foncier ou d'autres secteurs, d'autres sections qui n'ont rien à voir avec les accidents de travail, qui viendra traiter et décider d'un dossier pour lequel il n'aura pas l'expertise qu'il faut ou l'expérience. Alors, dans ce sens-là, on est fort préoccupés. Alors, on propose que ça soit sorti complètement du dossier et apporté de côté de façon à ce que tout l'ensemble du travail soit fait.

Dernier point que je voudrais faire, et je termine là-dessus, c'est que le gouvernement fait appel, pour réfléchir là-dessus, à des praticiens et à des gens qui sont spécialisés devant les tribunaux administratifs. Malheureusement, ces réflexions-là sont souvent faites loin de la réalité, loin des problèmes, loin des justiciables. On pense que ce serait important que le monde ordinaire soit un peu consulté dans ces choses-là; ça ne doit pas juste virer autour des juges et autour des avocats. Il faut que ça sorte un peu parce que la réflexion n'ira pas plus loin qu'elle est allée.

Alors, dans ce sens-là, ce qu'on vous dit, la FTQ, c'est que, dans une partie du rapport, on trouve qu'il y a des choses intéressantes, mais il y a un problème important comme celui qu'on vient de décrire. C'est là-dessus qu'on voulait mettre l'emphase, c'est que les relations de travail et le climat des relations de travail, le dossier de la CSST avec la CALP, la représentation devant les tribunaux par des avocats, tout ça ferait en sorte que tout tomberait en morceaux, puis, nous, on va vous le dire franchement: La FTQ se battrait jusqu'aux dernières gouttes là-dessus. Ça n'a pas de bons sens qu'on ne soit pas capables d'aller défendre des travailleurs devant certains tribunaux administratifs, comme on le... En tout cas, on doute que l'approche vise ça parce qu'il y a quelques phrases, dans le rapport, qui nous semblent aller dans cette direction-là.

Le Conseil des services essentiels, vous en parlez, vous voyez notre note dans le mémoire. Les gens qui sont sous les services essentiels ont noté... Bon, vous avez nos notes là-dessus. Je ne sais pas si tu veux rajouter quelque chose sur les services essentiels, Jean-Pierre, parce que tu as travaillé avec les gens là-dessus, chez nous.

M. Néron (Jean-Pierre): Ce qu'on note, dans notre mémoire, sur le Conseil des services essentiels, c'est que, là aussi, normalement, on pense que ça doit relever des relations de travail. Je pense que la CALP et le Conseil des services essentiels, ce sont les deux éléments qui relevaient des relations de travail. Alors, le rapport en traite. On a accepté de faire quelques commentaires. Essentiellement, ce qu'on pense, c'est que, premièrement, on n'est pas certains qu'il y aurait la possibilité d'en appeler des décisions du Conseil des services essentiels puisque le rapport propose de rendre cette décision-là une décision administrative.

Mais, surtout, ce qui nous fatigue, c'est que, pour les décisions qui sont rendues par le Conseil des services essentiels, le Conseil ne regarde que l'application d'une norme, alors que, nous, on pense qu'il doit le regarder d'une manière globale, c'est-à-dire dans la dynamique des relations de travail. Bien souvent, il y a des employeurs, vous le verrez, qui vont utiliser ça juste comme moyen de négociation. Alors, ça ne devrait pas faire l'objet de ça. Donc, on ne pense pas que les recommandations qui sont là sont adéquates. On doit le traiter à l'intérieur soit d'une commission des relations de travail ou de quelque chose de ce type-là.

(10 h 30)

Le Président (M. Pinard): Merci. Je demanderais maintenant au ministre de la Justice... Je lui cède la parole.

M. Bégin: Bonjour, messieurs. Je vous remercie infiniment de votre mémoire. J'ai retenu plusieurs éléments de votre présentation. Je ne suis pas certain d'avoir saisi, par exemple, si vous étiez tout à fait opposés à ce qui était recommandé dans la mesure où des modifications seraient apportées ou bien si, au contraire, vous êtes globalement contre. Et je vais expliquer pourquoi je suis un petit peu ambivalent sur la perception que j'en ai et non pas sur le contenu que vous exprimez.

D'une part, vous avez commencé en parlant de la présence dans un tribunal administratif de personnes autres que des personnes qui seraient des avocats ou des juges. Donc, vous avez mis en question le paritarisme, la présence de personnes qui sont des travailleurs ou des employeurs avec quelqu'un d'autre, cette capacité-là, premièrement. Deuxièmement, vous avez dit que vous verriez mal qu'une personne siégeant dans une des divisions recommandées par le tribunal administratif puisse passer à une autre division du tribunal administratif. Vous avez donné l'exemple d'un accidenté de travail qui serait jugé par quelqu'un qui a siégé, par exemple, au BREF, dans l'autre division.

Troisièmement, vous avez parlé également de la nomination des personnes en référant à l'article 371. En passant, je vous remercie infiniment d'avoir donné ça. C'est vraiment la première fois que je prends connaissance que cet article existe et qu'il permettrait... Et je le lis parce que tout le monde n'en a peut-être pas pris connaissance: «Le gouvernement peut, par règlement, établir une procédure de sélection des commissaires, autres que le président et les vice-présidents, et notamment prévoir la constitution d'un comité de sélection à cette fin.» Alors, c'est une formulation très précise. De quelle année la disposition? La connaissez-vous, la date, l'année?

M. Godbout (Clément): Ah! depuis le début.

Une voix: Oui, oui.

M. Godbout (Clément): Et il y a eu des consensus patronaux-syndicaux de dégagés, intercentrales, là-dessus...

M. Bégin: C'est assez étonnant, hein!

M. Godbout (Clément): ...puis on a dit: Utilisez! Ils ne l'ont pas fait.

M. Bégin: En tout cas, je dois vous dire que ça nous étonne parce que, depuis quand même quelques jours, nous siégeons pour entendre des rapports et, moi, en tout cas, je vous le dis candidement, c'est la première fois que je prends connaissance de cette disposition-là. Et je crois que personne d'autre avant n'en a fait état ni ne la connaît, en tout cas. Donc, vous avez cet élément-là, celui de la nomination des personnes et, finalement, vous dites: Nous croyons... Et c'est pour ça que je parle de perception, je peux m'être trompé, là. Vous dites: En ce qui concerne les questions de travail, d'une part, le rapport Garant n'a pas abordé certains organismes qui existent, n'en a pas parlé du tout, on ne sait pas ce qui en arrive; d'autre part, il a traité de certains autres et envoie ça au tribunal administratif. Nous pensons qu'il serait mieux de prendre ce qui est traité dans le rapport, puis de l'envoyer dans ce qui n'est pas traité, c'est-à-dire l'ensemble des relations de travail, plutôt que de le mettre là.

J'avoue, là, que je ne suis pas sûr où vous vous situez: ou bien dans des corrections à apporter à ce qui est proposé ou bien si vous proposez d'extirper complètement de ce qui serait une réforme des tribunaux administratifs tout ce qui touche aux relations de travail pour en faire un élément global, total qui serait différent et traité différemment. Pouvez-vous m'indiquer, là, de quel côté se situe votre intervention?

M. Godbout (Clément): Notre position, ça a toujours été que l'ensemble des tribunaux administratifs, y compris ceux qui traitent du travail, soit revu, au complet, puis qu'on prenne ça mur à mur, puis qu'on le regarde. On savait, à un moment donné, qu'on arrêterait quelque chose autour du travail en disant: Il faut regarder ça de façon plus spécifique, il faut voir ça avec une lorgnette différente. Parce que, là, il y a le patronat, il y a les gouvernements, il y a les juridictions fédérales-provinciales, il y a les syndicats, il y a les centrales syndicales, il y a tout ça. Bon. Dans le rapport, ce qu'on dit, c'est que, quand le rapport traite des tribunaux administratifs, il en prend un en particulier, qui est la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, la CALP, et là il apporte des suggestions qui se dégagent complètement, puis qui vont à l'encontre complètement de la volonté des parties.

M. Bégin: Paritarisme, transfert d'une division à l'autre.

M. Godbout (Clément): Exact, paritarisme, être capable d'être représenté par des représentants syndicaux devant les tribunaux, etc. Bon. Et on a, nous, le rapport Durand, présidé par Mme Durand, qui s'attaque clairement à ça, à la déjudiciarisation, puis qui va directement dans cette foulée-là, puis qui dit: Voici le consensus possible. Et, moi, je sais, pour un, que, si on veut toucher au paritarisme à la dernière instance, on va avoir une levée de boucliers patronale, ça, c'est évident, parce que eux autres vont s'objecter à mort à ce que le représentant patronal au bureau de révision ne soit pas là.

Deuxièmement, si on enlève la présence des parties à la CALP, là, on risque d'ouvrir, puis c'est vrai, les appels. Et l'entente qu'il y avait, le consensus qui se dégage avec le rapport Garant et le dépôt, en juin dernier, qu'on a fait d'un rapport unanime – il y avait quelques nuances d'une centrale à l'autre, mais c'était, en fait, unanime – on disait là-dessus: La CALP, c'est paritaire et c'est sans appel. Ça, ce morceau-là, sans appel, là, il n'est pas venu gratuitement de la part du monde patronal; il s'était objecté à ça jusqu'à la dernière ressource. Sauf que, étant donné qu'il y avait un représentant, là, au dernier niveau d'appel à la CALP, ils ont dit: O.K., on est capables d'accepter ce principe-là.

Alors, le représentant des parties à la CALP, nous, on est prêts à regarder de quelle façon il peut être nommé, on peut regarder pour qu'il soit nommé par le Conseil consultatif sur recommandation des parties. D'ailleurs, l'article 371 est là et il vous permet de faire un règlement, puis le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre fait déjà la liste des arbitres médicaux, la liste des arbitres de griefs; il est capable de regarder ça aussi. Alors, finalement, je pense qu'il y a tous ces mécanismes-là pour le faire.

Mais, étant donné que le rapport Garant vise à dire: Écoutez, on propose une espèce de chapeau, puis il va y avoir cinq divisions, puis, là, il va y avoir interchangeabilité là-dedans possiblement, nous autres, on dit: Si c'est ça, l'orientation, prenez la CALP, puis sortez ça de là complètement. Laissez ça de côté, c'est aux parties à le regarder; les parties reviendront. On est même prêts à regarder un projet de loi, ce printemps, là-dessus. Le consensus est encore là; il s'agit tout simplement qu'on ait, au niveau central, une discussion à tenir, qu'on est en train de faire. J'en parlais avec M. Larose et Mme Pagé: il n'y a pas de problème pour qu'on se parle là-dessus, on est à peu près unanimes. Et, du côté patronal – ils vont vous le dire certainement, ils ont dû vous le dire, s'ils ne l'ont pas dit encore – ils vont supporter le consensus du temps et l'orientation qu'on a dégagée suite au rapport Durand.

Alors, dans ce sens-là, le rapport Garant va faire mal parce qu'il va déranger, dans le sens large du terme là, un certain nombre de choses du consensus entendu, à cause de l'expérience de 10 ans que nous avons maintenant à la Commission de la santé et de la sécurité du travail où nous nous sommes ramassés, à un moment donné, avec un déficit de 900 000 000 $ qui était dû, en gros, à la «procédurite», puis, là, à un moment donné, ils ont décidé d'administrer un peu autrement, puis on sait qu'il y a des problèmes qu'on peut corriger encore beaucoup en corrigeant à ce niveau-là. L'expérience des parties est mise de côté dans cette partie de rapport là.

M. Bégin: C'est très clair, là. Mais je suis content de voir que c'est éclairci. Par ailleurs, vous parlez de l'appel. Sur ça, je l'avoue, j'aimerais vous entendre un peu plus. Parce que je suis avocat... j'étais avocat, pardon, en pratique privée pendant 25 ans, et une bonne partie de mes collègues dans mon bureau faisaient du droit du travail et en font encore. Moi, ce que j'ai retenu, sans avoir fait une étude là-dessus, c'est que l'évocation a été, en tout cas, pendant plusieurs années, un drame, dans le sens que, même si c'était une décision finale et sans appel, on trouvait tous les moyens possibles et imaginables pour aller en évocation devant la Cour supérieure. Par la suite, on allait en Cour d'appel et on montait jusqu'à la Cour suprême.

J'ai compris de votre intervention, tantôt, que fort probablement les tribunaux avaient serré la vis passablement et que maintenant l'évocation n'est possible que lorsqu'on est devant quelque chose de totalement, mais tout à fait déraisonnable. Donc, ça ne donne plus rien de vouloir aller en évocation, la porte est fermée. Alors, si on ouvrait la porte directement en appel, on recréerait cette ouverture d'y aller à chaque coup, après la décision qui devait être finale et sans appel du tribunal administratif; on irait judiciariser, comme vous le dites là, devant la Cour d'appel. Est-ce que je vous comprends bien, là?

M. Godbout (Clément): Vous avez, M. le ministre, en matière de relations de travail, l'arbitrage des griefs. Sur un grief, la décision d'un arbitre est sans appel, à moins qu'il y ait vraiment une décision, là, vraiment déraisonnable, manifestement déraisonnable, là. Bon, puis ça, on ne changera rien là-dessus, ça s'adonne que c'est constitutionnel, cette affaire-là. Il applique sa juridiction ou il refuse de l'appliquer, puis, là, on peut prendre un bref dans ça. C'est sans appel. Au Tribunal du travail également, hein, il faut qu'on ait... La Cour suprême a déjà tranché là-dessus.

Quand on s'en va à la CALP, les parties – je dirais la partie patronale, mais vous allez me dire qu'on radote pas mal souvent là-dessus, mais, en tout cas – ont été souvent en appel et ont tenté de grafigner là-dessus en disant: La CALP, là, bon... Puis il s'est trompé, puis il n'était pas correct, puis il a été trop loin. Et, dans des décisions rendues surtout il y a une couple d'années où il y a eu cinq décisions de rendues très claires par des cours supérieures, ils ont dit: Un instant! Si ce n'est pas manifestement déraisonnable, ne venez pas nous voir; la CALP est l'organisme compétent pour rendre la décision, et c'est elle. Comme les autres tribunaux, comme l'arbitre des griefs au Tribunal du travail a en main aussi la finalité des objectifs qu'il s'est donnés, puis c'est à eux à trancher ça. Et, nous, nous devons intervenir seulement dans les cas où il y a un problème de juridiction.

Alors, c'est ça qu'on veut protéger et, si on rouvre avec la CALP, comme il est proposé dans le rapport – vous avez raison, vous l'avez décrit très bien – c'est qu'on rouvre, à ce moment-là, en appel. Alors, qu'est-ce qui va arriver? On veut déjudiciariser la première instance en enlevant les bureaux de révision paritaire, en faisant la reconsidération administrative, la conciliation des dossiers, en regardant de quelle façon on peut gérer mieux une meilleure décision en première instance, tout ça mis ensemble pour régler des problèmes. Mais on va se ramasser avec des appels en haut. Et on sait très bien ce qui va arriver. C'est que, finalement, en matière de lésions professionnelles, ce n'est pas évident que les cours pourront toujours dire: Cette permission n'est pas acceptée.

(10 h 40)

M. Bégin: Donc, si j'essaie de bien synthétiser, dans la mesure où il n'y a pas d'appel, comme il est proposé, dans la mesure également où on ne permet pas à quelqu'un de siéger dans une autre division, dans la mesure où d'autres personnes que des avocats peuvent plaider, entre guillemets, devant un organisme comme celui-là, dans la mesure où il y a le paritarisme dans la division qui concerne les matières de relations de travail, je comprends que vous êtes favorables à une réorganisation globale de l'ensemble de la justice administrative. Est-ce que ça résume bien?

M. Godbout (Clément): On n'a pas de problème avec ça. Exactement. Et le rapport Durand traite, de façon très spécifique, le problème de la CALP, puis je pense que ça vaut la peine de le regarder comme il faut.

M. Bégin: Parfait. Merci beaucoup.

M. Godbout (Clément): Il l'a fait avec l'éclairage, puis après consultation avec les parties.

M. Bégin: Mon collègue va continuer probablement, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Pinard): M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Merci, M. le Président. Bienvenue à notre commission. Ça me fait plaisir de vous revoir dans d'autres circonstances. J'espère que le plaisir est réciproque. Je ne parlerai pas de votre mémoire que vous allez déposer cet après-midi. Sans doute que j'aurai l'occasion d'en prendre connaissance par d'autres moyens.

M. Godbout (Clément): Vous allez être certainement d'accord avec. Ha, ha, ha!

M. Fournier: Je vais revenir sur certains points. Évidemment, je vais revenir sur le rapport Durand tantôt; ça m'intéresse particulièrement. Mais je voudrais revenir sur un autre point qu'on a eu l'occasion de discuter avec d'autres intervenants qui sont venus, entre autres, le Barreau et la Chambre des notaires, d'une part, et la FATA, d'autre part; c'est pour revenir sur le concept de la représentation devant les tribunaux administratifs.

Lorsque la FATA est venue – je savais pertinemment que, le lendemain, c'était le Barreau qui revenait et je savais que le Barreau revenait avec sa proposition de son exclusivité du champ de compétence et de représentation – j'ai soumis à la FATA les raisons que le Barreau soulevait pour prétendre à l'exclusivité, et le Barreau les a réitérées le lendemain. En gros, c'est la formation particulière et surtout, peut-être le critère principal que le Barreau soulève, c'est les mécanismes de protection du public qui sont prévus par la Loi sur le Barreau, qui font en sorte que ça permet de dire, au Barreau: Nous, on pense qu'on devrait être les seuls, si on regarde l'intérêt public, à faire les représentations.

Lorsque j'ai posé la question à la FATA, ils m'ont dit: Il y a deux raisons qui nous poussent à dire qu'il y a d'autres choses que des avocats dans la vie; premièrement, il y a le coût des avocats qui fait qu'on développe d'autres choses que des avocats. Et la deuxième chose, le deuxième élément qui est peut-être plus au coeur lorsqu'on parle des tribunaux administratifs, donc de spécialisation, c'est le fait qu'il y avait des spécialistes autres qu'avocats qui connaissaient le terrain et qui étaient plus impliqués.

J'aimerais que vous me fassiez part de vos réactions face, d'abord, au fait qu'il existe des contraintes légales qui assurent une protection du public et qui militent en faveur d'une représentation par des membres du Barreau et, d'autre part, peut-être un mot sur la réponse que le Barreau m'a faite à l'égard des coûts. La bâtonnière m'a dit: Il y a tellement d'avocats maintenant que ça devient très peu cher. Là, il y a beaucoup d'avocats qui peuvent maintenant faire cette pratique-là, développer une spécialité, puis le faire à coût réduit. Finalement, je pense que ça ferait le tour du débat, des éléments qui sont soulevés. S'il y en a d'autres, j'aimerais ça que vous m'en fassiez part, mais qu'on aille un peu plus loin dans cet aspect-là qui contredit les groupes entre eux.

M. Godbout (Clément): O.K. La bâtonnière s'est trompée au moins à une place. C'est vrai qu'il y en a beaucoup, je suis d'accord avec elle, mais que ça ne coûte pas cher, ça, elle se trompe. Elle a fait une erreur là.

Écoutez, d'abord, disons tout de suite une chose, c'est que le travailleur et la travailleuse, le citoyen a toujours le droit de prendre un avocat. C'est son droit à lui ou à elle, ça, et on est d'accord avec ce principe-là. Les syndicats, les employeurs peuvent décider de prendre un directeur en relations de travail ou un permanent syndical. Ils peuvent décider aussi, après consultation, de prendre un avocat. Il arrive régulièrement que des travailleurs et des travailleuses souhaiteraient être représentés par un avocat, et je ne connais pas beaucoup de syndicats qui vont s'y opposer ni d'employeurs. Ça, c'est un droit, d'abord, qui est reconnu, et nous sommes d'accord qu'il continue à être là. On ne dit pas que ça ne doit pas être. On dit que ça peut être d'autres que le profil d'un avocat devant ces tribunaux-là.

Les coûts sont prohibitifs. Écoutez, on ne va pas loin... Je ne sais pas si vous avez déjà utilisé des avocats, mais on ne va pas loin avec 100 $ là-dedans, hein? Quand on vit avec des cotisations syndicales ou des salaires de 14 $ de l'heure et qu'il y en a la moitié qui part en taxes et un autre 30 % qui s'en va en taxes indirectes, il en reste un peu moins pour payer des avocats. Et, quand les gens se donnent des structures comme un syndicat ou des associations ou des corporations, le cas échéant, et qu'ils se bâtissent, qu'ils développent du monde et de l'expertise pour ce faire, ils sont mieux représentés dans bien des cas. Et je pense que, si la Conférence des arbitres se présentait devant vous, elle vous le dirait. Je ne pense pas trahir leur pensée en vous disant que les représentants syndicaux sont souvent mieux équipés, mieux préparés pour défendre mieux leurs dossiers que les avocats.

M. Fournier: L'autre aspect qui était soulevé par la bâtonnière était relatif à la protection du public, à des mécanismes qui sont prévus pour assurer la protection du public. Comment vous réagissez à cet élément-là?

M. Godbout (Clément): Ah! Écoutez, on sait un peu comment ça se passe, le travail de coulisse et les dossiers qui se règlent dans les passages. Je ne suis pas certain que l'intérêt du public est mieux protégé. Et, finalement, lorsque arrivent les dossiers les plus importants où ça implique des choses importantes, on utilise toujours des procureurs pour régler des choses, pour les attacher, comme on dit, de façon juridique, correctement. Nous, à la FTQ, vous les connaissez, c'est Gaston Nadeau, l'équipe de Gaston Nadeau, Mario Létourneau, toute cette gang-là qui travaille avec nous autres. Bon. On les appelle pour leur dire: Écoutez, qu'est-ce que vous pensez de ça? Donnez-nous un avis, venez nous rencontrer. On le fait, ce travail-là. Mais, sur la protection du public, en tout cas, moi, je suis encore à voir, devant les BRP, devant les griefs, devant le Tribunal du travail, si vous avez vu beaucoup de plaintes d'incompétence, de laisser-aller où les gens étaient mal défendus; je pense qu'on n'a pas vu ça souvent.

M. Fournier: Abordons l'autre aspect, qui était la CALP, la CSST, le rapport Durand. Puis, avant de vous rappeler ce que le CPQ nous disait la semaine dernière, j'aimerais ça qu'on aille un peu plus loin. Moi, je vois... Il y a comme plusieurs thèmes, puis il y a, entre autres, deux thèmes que l'on retrouve dans la discussion que nous avons aujourd'hui: il y a la déjudiciarisation et il y a le regroupement pour viser une harmonisation. J'ai l'impression, de ce que vous nous dites, que ces deux thèmes-là peuvent poser problème parfois à la spécialisation que l'on a avec les tribunaux administratifs. J'essaie de voir...

Prenons l'exemple de la déjudiciarisation. Vous et tous les partenaires à la CSST, vous avez fait un exercice, je pense, assez important, spécialisé, je vais vous le dire. C'était vraiment dans le domaine des partenaires. Moi, je n'ai pas l'impression que ça peut être étendu à tout le monde. Chaque spécialité ou chaque secteur va faire son appréciation des mécanismes que les partenaires peuvent accepter. Est-ce que le consensus est toujours là au niveau du rapport Durand, d'une part? Et, si oui, est-ce que vous considéreriez que ce serait une bonne approche pour le gouvernement actuel que de procéder d'abord par une déjudiciarisation dans un secteur, de faire, sans que ce soit un projet-pilote, au moins une première démarche pour voir comment ça fonctionne pour, ensuite, être capables de faire un mécanisme de consultation avec tous les autres secteurs?

M. Godbout (Clément): Ma compréhension, c'est qu'il reste un peu de discussion à tenir entre les centrales quant au BEM, le Bureau d'évaluation médicale. Ça, c'est peut-être à cause des expertises médicales qui sont un peu compliquées; on a besoin de se parler un peu. Mais ça n'attaque pas le fond. Oui, il y a consensus. Il y a un consensus important autour de ce qui a été déposé par la Commission de la santé et de la sécurité du travail auprès du ministre dans le temps suite au rapport Garant... au rapport Durand, je veux dire. Le rapport Durand est arrivé. Le Conseil consultatif a formé un comité spécial qui a travaillé pendant plusieurs mois. Il y a eu des rencontres avec les instances syndicales, les différents conseils. Les centrales syndicales se sont réunies. Il y a eu des réunions régionales, des réunions à Québec. Le patronat a fait la même chose avec son monde. Il y a eu une immense consultation autour de comment on déjudiciarise.

Parce que, soyons très clairs, au niveau du Conseil du patronat et des associations patronales, les grands bureaux d'avocats étaient là, ils étaient très nerveux de cette approche-là et pour cause, on comprend. Sauf qu'à un moment donné les discussions se sont tenues et on est arrivés à un consensus qui est là et qui va déjudiciariser, parce qu'il enlève d'abord, dans un premier temps, le premier bureau de révision paritaire; donc, on va plaider une fois au lieu de 43 fois. Il y a neuf niveaux d'appel. On est en train de regarder ça comme il faut. Donc, on va regarder pour bonifier la première décision. Ça, tout de suite en partant, ça enlève pas mal de judiciarisation, quand on a une bonne décision en partant. Parce que, là, les agents ont besoin de formation, de revalorisation, puis de regarder comment la décision sort. L'encadrement des agents, c'est important.

(10 h 50)

Après ça, quand ça rentre dans la machine à saucisse de la contestation, bien, là, ce qu'on dit, c'est que, là, il y aura de la conciliation, il y aura de la révision administrative, de la reconsidération faite par la CSST. Ils regarderont s'il y a eu des erreurs pour pouvoir corriger leurs propres erreurs, ce qu'ils ne faisaient pas avant. Et, si on ne s'entend pas, bien, finalement, il y aura une instance, qui est la CALP, puis cette CALP-là, c'est paritaire, puis c'est sans appel. On pense que ça va enlever passablement de contestation. Ça va permettre à la Commission de la santé et de la sécurité du travail, aux parties, aux représentants des parties de travailler des dossiers.

Vous savez, si quelqu'un brise ses lunettes, par exemple, dans une entreprise ou brise son dentier parce qu'il s'est fait frapper, puis que, là, il y a une question de 300 $ à régler, ces conciliations peuvent se faire au lieu d'aller devant les tribunaux supérieurs, n'est-ce pas? Quand c'est un cas de dos, un accident de travail, une maladie industrielle, c'est plus compliqué dans ce sens-là, mais on peut développer une expertise pour ce faire. Et on est en train de le faire dans le cas des maladies pulmonaires; ça réussit bien, il y a peu d'appels avec le tribunal à trois, des spécialistes des maladies pulmonaires. Bon. On est en train de regarder ça avec les médecins aussi. Mais déjudiciariser d'abord. Alors, si on ne veut pas qu'une patente marche, il s'agit de mettre 50 avocats, puis 40 docteurs ensemble. C'est justement ce qu'on essaie de faire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fournier: Mais est-ce que je comprends bien lorsqu'on dit... Lorsqu'on parle d'harmoniser par le regroupement, puis de faire en sorte que les gens se retrouvent plus dans tous les tribunaux administratifs, lorsqu'on aborde la question de la déjudiciarisation, on va avoir un certain problème si on fait du regroupement, parce qu'on risque de perdre de vue...

M. Godbout (Clément): L'expertise.

M. Fournier: ...le fait qu'il y a de la spécialisation là-dedans.

M. Godbout (Clément): Écoutez, moi, je n'ai pas répondu à votre deuxième partie; vous faites bien de me le rappeler. Prenons l'expérience chez nous. Je vais vous donner mon expérience. C'est pour ça qu'on dit: Écoutez, sortez donc toute l'histoire de la CALP de là-dedans, dans cette révision-là, puis, si vous voulez faire d'autre chose avec, faites-le. Mais on est inquiets, parce que les raisons pour lesquelles on est motivés à vous demander cette chose-là, à dire: Enlevez ça, c'est qu'il y a de l'expertise, il y a les dossiers qui sont connus, il y a beaucoup de spécialités là-dedans, des spécialistes qui se sont développés à travers les années, qui sont capables, puis qui connaissent la jurisprudence, qui connaissent les tendances après des années. Et ça doit être vrai aussi vis-à-vis les autres questions juridiques.

Alors, si on en fait une espèce, entre guillemets – je ne le dis pas au sens péjoratif – de melting-pot, puis que, finalement, tout le monde se promène là-dedans, on risque de perdre une expertise; notre spécificité va tomber de côté, puis, finalement, on va ouvrir probablement une série d'appels de mécontentement, puis ça va devenir peut-être plus lourd que ce qu'on visait. Alors, si on veut avoir un chapeau, un parapluie, si vous voulez, qui chapeaute les différentes sections, nous autres, on n'est pas contre ça, mais on pense que ce serait prudent de garder les spécificités à chacun, puis de garder les structures où elles sont, dans le sens qu'on est capables de répondre rapidement, vite et comme il faut à un problème en particulier.

M. Fournier: J'ai encore un petit peu de temps. Je vais laisser...

Le Président (M. Pinard): Allez-y, il vous reste encore deux minutes, monsieur.

M. Fournier: ...cette portion-là pour revenir sur le consensus à la CSST. Donc, il reste encore du travail à faire.

M. Godbout (Clément): Notre dossier est prêt.

M. Fournier: Il reste encore un petit peu de travail à faire avec, peut-être, un des partenaires?

M. Godbout (Clément): Le dossier est prêt.

M. Fournier: Le dossier est prêt?

M. Godbout (Clément): Je pense que je ne trahis personne en disant que le dossier est prêt. Quant au BEM, il y a moyen de trouver des solutions. Je vais vous donner un exemple de ce que je veux dire. Sur le BEM, on dit: S'il y a contestation par la CSST, la CSST va proposer au médecin traitant de pouvoir acheminer son travailleur, l'accidenté, vers un spécialiste qui pourra confirmer ou infirmer son opinion qu'il est en train de faire, son diagnostic. Nous autres, on salue ça, parce que ça va aider, ça aussi, sauf qu'on dit: On va te donner...

Une voix: C'est deux ou trois.

M. Godbout (Clément): ...trois semaines, je pense, de délai.

Une voix: Oui, c'est ça, trois.

M. Godbout (Clément): Bien, on connaît un peu l'ordre du jour des médecins: trois semaines, ce n'est pas assez; il faut donc donner plus de temps. C'est des choses comme celle-là qu'on n'a pas eu le temps de discuter à fond, mais ce n'est pas des éléments, ce n'est pas des ancres accrochées au fond de la rivière, qui accrochent, là. Ce n'est pas ça, c'est avancé plus que ça.

M. Fournier: Autant à l'égard de la déjudiciarisation, puis que ça aille de l'avant en termes de projet de loi, un, que pour l'autre proposition que vous faites de dire: Sortons ça de la justice, tout le concept du droit du travail, puis du Tribunal du travail, puis amenons ça à l'Emploi, est-ce que vous avez eu des discussions avec la ministre de l'Emploi actuellement sur ces deux sujets-là?

M. Godbout (Clément): La ministre de l'Emploi nous a rencontrés à quelques reprises, oui, au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, aussi à la CSST et au conseil d'administration, et nous lui avons indiqué nos préoccupations face au rapport. Nous lui avons dit: Nous, nous souhaitons que la CALP relève du ministère de l'Emploi et non pas du ministère de la Justice, parce qu'il faut que ce soit vraiment les parties qui travaillent là-dedans, mais trouvons des mécanismes de nomination pour que les commissaires... Le juge du Tribunal du travail est nommé par le ministère de la Justice; on n'a pas de problème avec ça du tout, ce n'est pas ça qu'on veut toucher, sauf qu'il le fait après consultation auprès des parties; l'article 113 du Code le dit.

Ça pourrait être des mécanismes comme ceux-là qu'on pourrait mettre en place. Mais que ça relève du travail, qu'au niveau de la prévention, de l'inspection, de la réparation, du règlement des différends et de tout ça, y compris de la dernière instance, ça rentre sous un même parapluie.

M. Fournier: Si je comprends bien, vous en avez parlé. Quelle a été la réaction ou avez-vous eu une réaction de la part de la ministre ou du ministère de l'Emploi...

M. Godbout (Clément): Bien, la ministre était...

M. Fournier: ...sur ces deux demandes-là, autant sur la déjudiciarisation que sur la CSST?

M. Godbout (Clément): Nous avons soulevé le problème. Nous n'avons pas placé une demande proprement dite, comme vous le suggérez. Nous avons soulevé le problème, et la ministre a noté notre recommandation. Et nous l'avons fait avec les instances... Les autres centrales syndicales étaient avec nous aussi; la CSN et la CSD, et également le Conseil du patronat et l'Association des manufacturiers étaient présents. Donc, tout le monde a vu la position qu'on a déposée. Et il n'y a pas eu d'objection en disant: C'est intéressant, mais il faut garder ça comme ça. Alors, c'est dans ce sens-là. Mais on le fait toujours avec l'idée, comme je vous ai dit, que, finalement, si on dirige la CALP de la façon dont c'est proposé dans le rapport, à notre point de vue, on va laisser tout tomber ce qu'on essayait de faire sur le plan du consensus, là.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Louis-Hébert.

M. Bégin: Oui. Si vous permettez, je reviendrais, M. Godbout, sur le paritarisme. Prenons, par hypothèse, qu'on garde l'idée du tribunal administratif avec des divisions et qu'on veuille garder le paritarisme; on peut avoir deux modes de paritarisme, c'est-à-dire un président, mettons, un avocat, un représentant de l'employeur, un représentant des salariés. On peut considérer que les trois seront décisionnels ou bien que le représentant de l'employeur et le représentant des employés seront des assesseurs. De quelle manière voyez-vous, là, que ça existerait? Est-ce que c'est le mode assesseur ou décisionnel?

M. Godbout (Clément): O.K. On a pensé à cet aspect-là et ce qu'on vous dit à ce moment-ci, c'est: Regardez l'ensemble des mémoires, M. le ministre, regardez de quelle façon ça s'en va, puis on est prêts à en parler.

M. Bégin: O.K.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Moi, c'est une question un petit peu d'explication. À la page 5 de votre mémoire...

M. Godbout (Clément): À la page 5?

M. Dion: ...ou du résumé que j'ai ici...

M. Godbout (Clément): À la page 5 du mémoire. Oui.

M. Dion: ...je n'arrive pas à discerner exactement ce que vous voulez dire sur la nature des décisions qui sont... si vous êtes en faveur, si vous n'êtes pas en faveur ou si vous êtes mal à l'aise face à ça. Vous dites à la FTQ que, selon les décisions proposées par le rapport Garant, le Conseil des services essentiels rend des décisions administratives et juridictionnelles, et vous semblez être mal à l'aise avec ça. Qu'est-ce qu'il y a derrière cette affirmation-là?

M. Néron (Jean-Pierre): Bien, comme je l'ai dit tout à l'heure, sur le Conseil des services essentiels, il y a eu des décisions, je pense; la Cour d'appel s'est déjà prononcée sur la qualification des décisions qui étaient rendues par le Conseil des services essentiels. Ma compréhension, c'est... La grille d'analyse qui a suivi dans le rapport Garant, c'est celle-ci: premièrement, classifions les décisions. Est-ce que c'est une décision administrative? Si c'est une décision administrative, ça suppose qu'on n'a plus l'obligation d'agir comme un tribunal; on agit simplement d'une manière équitable. Ça peut être très simple, on appelle les parties et on rend une décision. O.K.

Si on comprend la proposition du rapport, ça veut dire que les décisions du Conseil des services essentiels vont être traitées de cette manière-là. Et, déjà, si vous regardez dans le Code du travail, il n'y a pas de grandes obligations à l'égard du Conseil des services essentiels. Alors, ça veut dire que, là, ce Conseil des services essentiels va rendre des décisions sur la base équitable et, éventuellement, on va pouvoir en appeler au nouveau tribunal. Mais ça, ce n'est pas sûr. Quand je fais la lecture, quand on regarde les propositions, ce n'est pas évident qu'on va pouvoir en appeler.

Alors, ce qu'il faut savoir, c'est que le Conseil des services essentiels tel qu'il est au Québec, contrairement à celui qui existe au fédéral, a des pouvoirs exorbitants, très importants de redressement; il peut imposer des pénalités, etc. Alors, nous, on pense que tout ça, ça devrait être regardé dans le contexte des relations de travail; ça ne devrait pas être simplement classé administratif, parce qu'il y a des implications au niveau de la négociation collective, des relations de travail. Donc, on dit: Vous en avez parlé dans le rapport? Parfait. On va dire quelques commentaires, mais sortez ça, puis ramenez ça dans un vrai débat sur les relations de travail. C'est ça qu'on dit essentiellement.

Le Président (M. Pinard): Alors...

(11 heures)

M. Bégin: Je voudrais vous remercier. Je pense que vous apportez beaucoup, vous contribuez beaucoup au travail que l'on fait. Et, d'autre part, j'apprécie énormément la main tendue que vous avez faite concernant les propositions qui pourraient être acheminées et travaillées en commun si jamais on allait dans un sens qui semble rallier beaucoup de gens. Alors, j'apprécie beaucoup et soyez certains que, si on va plus loin dans notre démarche, dans le temps où on le fera, cette main tendue sera rejointe par la nôtre. Merci.

M. Godbout (Clément): Nous aussi, on vous remercie. Et on est désireux d'y participer, bien sûr, puis on remercie tout le monde qui y a travaillé, y compris au rapport, parce qu'on l'a peut-être mal compris. On vous a dit exactement la façon dont on a saisi les implications et les dangers inhérents lorsqu'on va négocier le tournant.

M. Bégin: Merci infiniment.

Le Président (M. Pinard): Messieurs, au nom des membres de la commission, merci. Vous nous avez vraiment ouvert un volet tout à fait nouveau. On va suspendre deux minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 1)

(Reprise à 11 h 6)

Le Président (M. Pinard): MM. les députés, j'interpellerais maintenant... S'il vous plaît! S'il vous plaît! J'appellerais maintenant la Centrale des syndicats démocratiques et je voudrais lui mentionner que les règles du temps sont les suivantes. Vous avez 20 minutes pour l'exposé de votre mémoire; le groupe ministériel a 20 minutes et les gens de l'opposition ont également 20 minutes, incluant les cinq minutes de l'Action démocratique. J'apprécierais, s'il vous plaît, pour les fins de l'enregistrement, que vous vous présentiez, et nous pourrions débuter.


Centrale des syndicats démocratiques (CSD)

M. Gingras (Claude): Alors, merci, M. le Président, membres de la commission parlementaire. M'accompagne, pour la présentation de la position de la CSD, bien sûr, le responsable du Service de la recherche à la CSD, Louis Tremblay. M. le Président...

Le Président (M. Pinard): Vous êtes M. Claude Gingras?

M. Gingras (Claude): Claude Gingras, président de la Centrale des syndicats démocratiques. M. le Président, membres de la commission, l'administration publique a le devoir de faire appliquer les lois et les règlements édictés par le législateur. En cas de désaccord entre les citoyens et l'administration, des mécanismes de révision, bien sûr, et ultimement d'appel devant les tribunaux administratifs sont prévus.

Depuis plusieurs années, un nombre important de travailleuses et de travailleurs ont vu les rapports qu'ils ont avec les administrations se judiciariser, ce qui a nui aux relations entre les administrés et l'administration en les complexifiant et, souvent, en obligeant les gens à multiplier les consultations et les ressources juridiques coûteuses pour s'assurer d'une défense appropriée de leur intérêt. Ces coûts onéreux peuvent difficilement être assumés par les travailleuses et les travailleurs qui, trop souvent, doivent renoncer à réclamer leur droit devant l'incapacité financière de se défendre contre des machines bien rodées. Les tribunaux administratifs doivent utiliser une procédure plus souple et éviter le formalisme juridique.

En somme, il y a lieu de revoir, bien sûr, le processus décisionnel de l'administration publique pour le rendre plus accessible, compréhensible et abordable pour les personnes. La position de la CSD s'inscrit dans ce cadre. Or, nous partageons plusieurs des recommandations du rapport du Groupe de travail sur certaines questions relatives à la réforme de la justice administrative. Cependant, la CSD formule des réserves sur certains aspects et recommande des modifications que le gouvernement doit considérer avant de présenter un projet de réforme de la justice administrative.

La déjudiciarisation du processus décisionnel de certains organismes administratifs passe par l'adoption par ceux-ci d'une approche administrative fondée sur l'équité afin de concilier l'intérêt public et l'intérêt des personnes, ainsi que par la disparition de l'approche juridictionnelle où ils agissent à la façon d'un procès où les relations entre les citoyens et l'administration sont marquées par le formalisme. La mise en oeuvre de pourvois à l'encontre des décisions erronées de certains organismes administratifs passe par l'amélioration de la révision des décisions et la mise en place d'un mécanisme approprié d'appel.

(11 h 10)

La réorganisation et la rationalisation des tribunaux administratifs sont des recommandations importantes du groupe Garant. En fait, il propose la création du Tribunal administratif du Québec formé de cinq divisions. Il s'agit de la division des affaires sociales, la division des lésions professionnelles, la division de l'évaluation foncière, celle du territoire et de l'environnement, ainsi que celle qui devient la division générale de ce même Tribunal. On y stipule également qu'«une telle structure unifiée, contribuant à rehausser le prestige et la crédibilité de la justice administrative, devrait être dotée de ressources humaines, financières et matérielles adéquates».

Certains tribunaux administratifs actuels seraient, selon sa proposition, intégrés au Tribunal administratif du Québec proposé. C'est le cas, notamment, de la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles et de la Commission des affaires sociales. D'autres continueraient d'exister sous leur forme actuelle, notamment le Commissaire du travail et le Tribunal du travail. Il propose également qu'on puisse en appeler des décisions du Tribunal administratif devant la Cour d'appel du Québec sur des questions de droit et sur permission de celle-ci.

La CSD est en désaccord avec l'intégration de la CALP au sein du regroupement que constituerait le Tribunal administratif du Québec, ainsi que sur la recommandation concernant l'appel des décisions de ce Tribunal en Cour d'appel du Québec.

Le rapport Garant est muet sur le processus de nomination des décideurs du Tribunal administratif du Québec. Pourtant, celui-ci est déterminant pour établir sa crédibilité. La neutralité, la compétence et la formation nécessaires pour occuper ces postes doivent être des critères incontournables dans le processus de nomination à établir. Enfin, la mobilité proposée pour les décideurs, c'est-à-dire la mobilité qui est proposée entre les commissaires, entre les différentes divisions, nous apparaît incongrue et inappropriée. Parce que, de plus en plus, on s'aperçoit qu'avec l'établissement de tribunaux administratifs spécialisés on a plus de chances d'avoir l'administration d'une justice équitable dans les décisions. Or, ce n'est pas le cas quand on fait appel à des personnes qui n'ont pas nécessairement la bonne préparation pour agir dans ces domaines.

Le rapport du groupe Garant prévoit que la division des lésions professionnelles du Tribunal administratif du Québec exercerait les attributions de l'actuelle Commission d'appel en matière de lésions professionnelles. On peut y lire, entre autres: «Il faut à cet égard commenter la proposition, avancée dans le rapport du Groupe de travail mis sur pied par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, selon laquelle le tribunal qui devrait remplacer la Commission d'appel serait paritairement composé, en ce sens que certains membres, appelés commissaires, seraient nommés par décret du gouvernement alors que d'autres seraient "choisis et rémunérés" par les employeurs et les travailleurs pour les y représenter à titre de membre et non d'assesseur. Il s'agit là d'un particularisme qui ne saurait être admissible dans la composition de cette division.»

Et le rapport ajoute que cette particularité rendrait discutable l'impartialité de cette division du Tribunal, puisque, pour être crédible, un tribunal doit être absolument indépendant des parties. La CSD est d'avis que les remarques du rapport Garant adressées aux propositions du Groupe de travail sur la déjudiciarisation du régime québécois de santé et de sécurité du travail ne tiennent pas compte du contexte dans lequel évolue celui-ci.

Avant d'aborder les recommandations du Groupe de travail sur la déjudiciarisation du régime québécois de santé et de sécurité du travail, il faut préciser que le système actuel prévoit une révision des décisions administratives de la CSST au bureau de révision paritaire, une évaluation de l'aspect médical par le Bureau d'évaluation médicale, le BEM, une contestation des décisions du BEM devant le BRP et un appel des décisions du BRP à la CALP. La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles prévoit que les décisions de la CALP sont finales et sans appel. Et les décisions de cette même CALP sont soumises au contrôle des tribunaux supérieurs.

Les BRP et la CALP, comme le souligne le Groupe de travail mis sur pied par la CSST, ont sensiblement le même rôle, soit d'entendre les parties dans un débat contradictoire. Les débats devant les BRP sont souvent incomplets, les parties réservant leur argumentation et moyens de preuve pour l'audition devant la CALP. Et c'est le cas. Je pense qu'on doit se rendre compte de cette évidence. Selon les circonstances, on assiste à ce genre de stratégie qui se développe au niveau de cette instance. Il lui est apparu qu'il y avait une instance de trop et qu'une rationalisation s'imposait, de même qu'une déjudiciarisation du processus de décision à l'intérieur de la CSST. De plus, il a constaté que le processus de prise de décision en matière médicale doit être moins formaliste. Il propose l'abolition du BEM et le maintien du rôle prépondérant du médecin du travailleur.

Cependant, le Groupe de la CSST fait ressortir plusieurs aspects positifs des BRP et de l'ensemble du régime. Deux lignes directrices qui ont guidé la réflexion du Groupe de travail méritent d'être soulignées: maintenir un juste équilibre entre les partenaires sociaux dans le respect de la structure paritaire choisie par le législateur et, bien sûr, la simplification de l'ensemble du processus de révision en allégeant sa structure, en la rendant plus compréhensible pour les travailleurs et les employeurs et en permettant la prise de meilleures décisions dans les meilleurs délais et aux meilleurs coûts.

Le BRP profite de sa structure paritaire parce qu'il donne l'assurance à l'employeur et au travailleur qu'un membre du panel est particulièrement sensible à leurs valeurs et à leurs problèmes respectifs. Le Groupe de travail de la CSST ajoutait également: «En effet, le BRP présente certaines caractéristiques, telle la représentation paritaire, qu'il convient de maintenir puisqu'elles sont le gage d'une crédibilité plus grande et qu'elles maintiennent un lien étroit entre le régime et les usagers. La solution passe en partie par l'élimination du nombre de structures en place, mais davantage encore par une réorganisation profonde de l'ensemble du processus et par un changement marqué de la culture organisationnelle.»

C'est pourquoi le Groupe de travail sur la déjudiciarisation du régime québécois de santé et de sécurité du travail garde le caractère paritaire dans sa proposition de remplacement des BRP et de la CALP par la commission paritaire des lésions professionnelles. Or, il citait entre autres, dans son rapport: «C'est pourquoi le nouveau Tribunal administratif devra se comporter comme un comité des sages, dont le mandat premier n'est pas de dire le droit, mais de participer à l'administration de la loi en s'assurant, après enquête approfondie, que celle-ci a été appliquée correctement aux situations de faits propres à chaque cas. La participation de membres patronaux et syndicaux à la décision contribuera à instaurer cette nouvelle mentalité, en plus de maintenir jusqu'à la phase ultime du processus décisionnel le paritarisme, qui constitue un élément fondamental du régime québécois de la santé et de la sécurité au travail.»

La CSD est en désaccord avec la proposition d'une division des lésions professionnelles du Tribunal administratif du Québec en remplacement de la CALP et des BRP. Or, le caractère particulier des dispositions à appliquer, la philosophie générale de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, le fonctionnement général de la CSST, l'expérience des BRP sont autant de raisons pour maintenir la présence paritaire des parties. La CSD est en accord avec la recommandation du Groupe de travail sur la déjudiciarisation du régime québécois de santé et de sécurité du travail pour qu'il y ait fusion, en fait, des BRP et de la CALP pour former une nouvelle commission paritaire des lésions professionnelles.

Or, l'ensemble de la législation en matière de santé et de sécurité du travail donne priorité à la présence des parties patronales et syndicales dans toutes les décisions prises. Or, que ce soit par le comité de santé et sécurité en entreprise, les différents comités formés par la CSST et le conseil d'administration lui-même, le paritarisme demeure une priorité et un mode de fonctionnement. C'est en raison de ce caractère particulier en matière de santé et de sécurité du travail que l'on doit maintenir le caractère paritaire du seul tribunal décideur exprimant et soutenant ainsi toute la philosophie des législations en matière de santé et de sécurité du travail.

Toute réforme administrative doit avoir pour seul but l'amélioration de la compréhension des personnes qui y recourent. Dans cette perspective, les décisions qui sont prises par les organismes administratifs doivent avoir comme première qualité la facilité de compréhension par un texte clair, motivé et exempt de toute expression compliquée. En ce sens, les premières recommandations nous apparaissent pleinement justifiées et essentielles.

Un deuxième critère qui nous guide dans la bonne compréhension des décisions est le souci d'équité dans les décisions rendues. Reconnaître le caractère social des dispositions et leur application en général demande un regard allant au-delà de la simple interprétation législative, mais, bien plus, d'inclure la compréhension équitable en tenant compte de l'objectif général de la législation.

(11 h 20)

La déjudiciarisation des organismes actuels pourrait s'opérer par la création d'un palier de reconsidération ayant une philosophie de conciliation, non soumis aux règles et procédures judiciaires permettant aux parties de se faire entendre sans formalités, toujours dans un souci d'équité évitant l'affrontement. En ce sens, les recommandations, telles que formulées, apparaissent rejoindre les priorités d'équité et de compréhension.

Les décisions ainsi reconsidérées devront faire l'objet d'un appel si l'une ou l'autre des parties n'est pas satisfaite. Il est fondamental de maintenir un organisme d'appel de décisions où le sentiment de justice transpire et où la travailleuse ou le travailleur pourra de façon plus formelle étayer sa preuve sans pour autant tomber dans l'excès de judiciarisation en édictant des règles de preuve plus souples. La commission paritaire des lésions professionnelles devra agir avec équité en respectant le caractère particulier de la loi et l'objectif général de cette législation. Il devrait aussi y avoir une coordination des décisions rendues respectant la cohérence dans les décisions et permettant aux parties de reconnaître les courants de pensée unanimes du tribunal en question. La décision ne sera pas attribuable au décideur, mais au tribunal tout entier.

L'accession au tribunal devra être universelle, de novo et rapide. L'efficacité des décisions sera directement proportionnelle avec la célérité à entendre les parties et à rendre les décisions applicables. Finalement, pour faire ressortir le caractère d'indépendance du Tribunal administratif, il est primordial qu'il relève du ministère de la Justice.

En résumé, la CSD est en accord avec le Groupe de travail sur la déjudiciarisation. Cependant, le paritarisme est le gage d'une transparence du mécanisme de révision et constitue une valeur sûre pour celui-ci. Le contrat social à l'origine du régime québécois de santé et de sécurité au travail est acceptable pour les parties parce qu'il les associe. Cette règle doit également prévaloir dans la composition du Tribunal administratif chargé de réviser les décisions de la CSST.

La CSD émet une réserve au sujet de l'appel des décisions de ce nouveau Tribunal à la Cour d'appel du Québec sur des questions de droit et sur permission de cette même Cour d'appel. En effet, tel que mentionné avec justesse dans le rapport du groupe Garant, le contrôle judiciaire de la Cour supérieure reste une donnée fondamentale de notre régime constitutionnel, qui permet d'établir une certaine sécurité juridique.

Or, à cet égard, le principe de la révision judiciaire offre non seulement une certaine sécurité juridique, mais aussi, en contrepartie, une certaine assurance que les décisions rendues par l'autorité spécialisée et compétente en la matière ne soient pas révisées indûment à la moindre erreur. Il en va du bon fonctionnement de toute la justice administrative. Ainsi, la Cour suprême du Canada a rappelé à plusieurs reprises cette nécessité que les cours de justice traditionnelle respectent l'autonomie décisionnelle et l'expertise des tribunaux administratifs.

Or, cette retenue judiciaire durement acquise mérite d'être protégée et le fait d'assujettir les décisions du Tribunal administratif du Québec à un appel à la Cour d'appel du Québec, même sur permission et sur des questions de droit seulement, constitue, selon la CSD, un recul en termes de portée du recours de révision auquel seraient assujetties les décisions de ce nouveau Tribunal. En effet, en matière de révision judiciaire, il est bien connu qu'un tribunal peut se tromper, même gravement, sans toutefois que sa décision soit automatiquement révisée par une cour supérieure. Ainsi, une décision assujettie à un appel, même sur les seules questions de droit, pourrait très bien être révisée alors qu'elle ne le serait pas dans un contexte de révision judiciaire.

À cet égard, la CSD recommande que le Tribunal administratif du Québec soit protégé par une clause privative similaire à celle prévue à l'article 139 du Code du travail, laquelle aurait pour effet d'assujettir les décisions de ce Tribunal au seul pouvoir limité de contrôle et de surveillance de la Cour supérieure.

Quant au Tribunal du travail, le rapport du groupe Garant recommande que, en ce qui concerne, notamment, le Commissaire du travail, il serait préférable que cet organisme ne soit pas intégré au Tribunal administratif du Québec parce qu'il n'exerce pas une fonction juridictionnelle d'appel de première instance et, surtout, parce qu'il ne l'exerce pas dans des matières administratives, mais plutôt civiles et de nature privée ou, en d'autres termes, entre particuliers. La même recommandation s'applique au Tribunal du travail, lequel, contrairement à tous les organismes qu'il est proposé d'y intégrer, n'exerce pas une fonction juridictionnelle d'appel dans des matières administratives, c'est-à-dire dans des litiges opposant l'administré à l'administration. La CSD, bien sûr, partage cette recommandation.

Quant au Conseil des services essentiels, la CSD ne peut qu'être en accord avec la recommandation du groupe Garant à l'effet qu'un ensemble d'organismes administratifs, dont le Conseil des services essentiels, ne soient plus tenus d'agir à la manière d'un tribunal dans l'exercice de leurs fonctions administratives et que les modifications législatives nécessaires soient adoptées pour déjudiciariser, en fait, le processus. En effet, puisqu'il faut parler du Conseil des services essentiels, qu'il suffise de mentionner que cet organisme doit souvent intervenir en cas d'urgence et que toute initiative susceptible d'alléger sa procédure ne peut que contribuer à l'amélioration de son fonctionnement.

Bien sûr, ces positions sont en étroite relation avec une révision de la façon de nommer les décideurs dans ces organismes qui sont chargés, quand même, de rendre des décisions importantes. Et, si le mécanisme de sélection, de nomination et le contrôle de la formation de ces gens-là est efficace, nous croyons que c'est des tribunaux ou c'est des façons de décider qui peuvent être nettement plus crédibles, nettement plus efficaces que le seraient les tribunaux civils.

Les objectifs du groupe Garant se reflètent très bien dans la plupart de ses recommandations. Dans le cas du régime québécois de santé et de sécurité du travail, il omet de tenir compte de la nécessité fondamentale et essentielle d'assurer à tous les niveaux de ce régime la présence paritaire des parties. Ce caractère particulier prévu dans le régime québécois provient du souci de s'assurer de son accessibilité par les parties et de son acceptabilité également par les parties. Il permet une plus grande transparence et une meilleure information pour les partenaires. Il constitue la base du contrat social et du régime, et écarter cette réalité pourrait amener des conséquences graves quant à sa légitimité et à son avenir.

Or, la CSD revendique que le gouvernement du Québec revoie, en fait, les recommandations concernant la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles et nous considérons que la recommandation du Groupe de travail sur la déjudiciarisation du régime québécois de santé et de sécurité du travail pour la fusion des BRP et de la CALP pour former la nouvelle commission paritaire des lésions professionnelles serait plus appropriée. Or, dans le sens, c'est la position qu'on voulait vous transmettre et, concernant, bien sûr, la nomination des membres des tribunaux administratifs, nous souhaitons qu'on revoie, d'une façon claire, la façon de faire.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. Gingras. J'inviterais maintenant le ministre de la Justice, ainsi que le porte-parole officiel et les autres membres de la commission à échanger. M. le ministre.

M. Bégin: Merci, M. Gingras, pour votre présentation. Elle est d'autant plus intéressante qu'elle a été précédée par une autre qui traitait sensiblement des mêmes questions. Alors, on va pouvoir échanger en comparant peut-être ce qui a été dit. Je vais énoncer généralement et revenir plus pointu vers la fin. Vous avez terminé en parlant du mode de nomination et j'avais noté, moi, qu'à la page 5 vous dénonciez le fait... Vous «dénonciez» est peut-être un mot fort; vous disiez que le rapport Garant n'avait pas proposé quelque chose là-dessus et que c'était important. D'autre part, à la page 11, vous mentionnez que le Tribunal administratif devrait relever du ministère de la Justice. Donc, le mode de nomination, si je comprends bien, devrait procéder de là, et vous ne proposez rien, d'une part. D'autre part, vous avez insisté beaucoup, et je pense que c'est l'essentiel de votre mémoire, sur deux aspects: le paritarisme au niveau du Tribunal administratif quel qu'il soit, et, d'autre part, de renoncer au droit d'appel qui est proposé par le rapport Garant.

Alors, sur la question du paritarisme, j'ai demandé tout à l'heure aux représentants de la FTQ s'ils préféraient qu'au moment du paritarisme... Mettons qu'on a un tribunal composé de trois personnes: un représentant de l'employeur, un représentant des employés et une personne autre; imaginons, pour les fins de la discussion, que c'est un avocat. Il y a deux hypothèses: soit que ces trois personnes-là, collégialement ou majoritairement, décident, ou bien que la décision revienne au président, les deux autres personnes, le représentant de l'employeur et celui du travailleur, agissant comme assesseurs.

(11 h 30)

Mais, l'un dans l'autre, en bout de piste, on en arrive à peu près à la même chose parce que, si un assesseur patronal, mettons, réussit à convaincre le président, alors qu'il agit comme assesseur, d'aller dans son sens, ils sont dans un groupe à trois et ils sont deux, donc ils sont majoritaires et ils vont l'emporter. Même chose si c'est le représentant du syndicat. Alors, si on veut garder – et je pense que c'était l'esprit de la recommandation du rapport Garant – l'esprit de la plus grande impartialité, autrement dit se rapprocher le plus de ce qui est un tribunal sans en être un formellement, est-ce que vous seriez d'accord pour aller du côté du fait que, en ayant le paritarisme, les représentants syndicaux et patronaux soient des assesseurs plutôt que des membres décisionnels?

M. Gingras (Claude): À la question telle que formulée, notre réponse est non parce que «impartialité», ça sous-entend qu'on peut estimer au départ que les trois personnes peuvent agir avec impartialité. Est-ce qu'un assesseur, même s'il a le rôle d'influencer la décision d'un décideur, peut assurer que ce décideur-là va quand même prendre la bonne décision? Ce n'est pas nécessairement évident, alors qu'il joue seulement un rôle d'assesseur. À partir du moment où il joue, lui aussi, un rôle de décideur, à mon avis, l'impact qu'il a vis-à-vis de la troisième personne, qui pourrait être le commissaire désigné, est beaucoup plus important que s'il n'agit que comme une espèce d'assesseur ou de conseiller auprès du commissaire.

Alors, c'est dans ce sens-là que, nous autres, on privilégie la constitution d'un organisme à trois, où les trois décideurs seraient là. C'est probablement assez rare que ça se produise. Il n'y a pas beaucoup de danger que les employeurs essaient de donner une portée plus large à l'application de la loi au détriment, si vous voulez, de la troisième personne qui peut constituer le Tribunal administratif à trois. Il serait assez surprenant qu'à un moment donné les employeurs veuillent interpréter de façon très large la loi et puis que, bon, avec une collusion entre les décideurs syndical et patronal, on puisse arriver à faire déborder l'application de la loi. Ça, je pense que tout le monde est bien conscient que...

M. Bégin: Je suis d'accord avec vous. Ha, ha, ha!

M. Gingras (Claude): ...ce serait assez difficile. Alors, je pense que c'est un peu ça qui se joue. Cependant, c'est trois personnes qui décident et, s'il y en a une qui n'est pas d'accord avec l'essence de la décision, elle a un droit de manifester sa dissidence. Et, souvent, les dissidences qu'on voit dans ce genre de décisions, et la CALP le confirme, devraient être la décision principale. Alors, c'est pour ça que...

M. Bégin: Excusez. Je ne suis pas sûr de vous avoir bien compris. Pouvez-vous me...

M. Gingras (Claude): Oui, oui. Je vais prendre l'exemple des BRP. Dans les BRP, c'est une instance à trois. Alors, il se rend des décisions souvent et, quand on va à la CALP en appel de la décision du BRP, souvent, la CALP confirme...

M. Bégin: Infirme. Infirme.

M. Gingras (Claude): ...infirme la décision du BRP.

M. Bégin: Et confirme...

M. Gingras (Claude): Et confirme la décision de celui qui a été dissident. Alors, c'est pour ça que je vous dis: Écoutez, je pense que ça a une certaine importance.

M. Bégin: L'autre question, c'est sur le mode de nomination. Vous en parlez, mais vous ne proposez pas quelque chose. Tout à l'heure, vos collègues présentaient une proposition qui était de suivre le modèle prévu à l'article 371 – c'est ça, si je me rappelle bien – de la Loi sur les accidents du travail. Je pourrais reciter le passage; c'était une note. Alors, je vous lis l'article suivant: «Le gouvernement peut, par règlement, établir une procédure de sélection des commissaires, autres que le président et les vice-présidents, et notamment prévoir la constitution d'un comité de sélection à cette fin.» Est-ce que vous avez une vision, une manière de faire que vous proposeriez, ou si celle-là vous agrée?

M. Gingras (Claude): Écoutez, ce serait une procédure dans ce sens-là. C'est qu'il y aurait une espèce de procédure neutre de recrutement. En fait, on ouvrirait des postes de commissaires de façon neutre et ça reposerait sur des critères de compétence précédemment définis d'une façon assez claire pour exécuter la tâche qui incomberait à ce décideur-là. Et, bien sûr, il faudrait, après ça, prévoir que, partant des «applications» reçues aux fins de ce Tribunal, il y ait un mécanisme crédible de sélection des personnes en fonction de leurs compétences et des compétences qu'elles ont pour exécuter la tâche à accomplir, et que, bien sûr, on prévoie également que, par la suite, ces personnes-là, on actualise constamment leurs connaissances par un programme de formation approprié. Les termes de ces décideurs-là devraient être pour des périodes initialement assez importantes, d'environ cinq à sept ans, et renouvelables selon l'évaluation qui pourrait être faite par un comité crédible de sélection, à un moment donné, qui aurait à se repencher à la fois sur les renouvellements des mandats de ces personnes-là et sur l'ouverture des postes qui pourrait se présenter.

M. Bégin: Alors, dans les deux cas, c'est-à-dire la nomination et le renouvellement, vous avez arrêté juste au moment où j'attendais avec impatience ce que vous alliez me dire. Votre comité de sélection ayant agi, il faut qu'il y ait, j'imagine, une recommandation...

M. Gingras (Claude): Il faut qu'il y ait une recommandation.

M. Bégin: ...à quelqu'un qui va prendre la décision. Alors, qu'est-ce que vous voyez là? Et, quand vous serez au niveau du renouvellement, ma question sera de dire: Le comité dont vous avez parlé, est-ce que c'est ce comité-là qui prononcera le renouvellement ou non de la personne ou bien si, encore une fois, ça retournera à une autre personne qui prendra la décision? Dans les deux cas, pourriez-vous me dire où vous iriez dans ce sens-là?

M. Gingras (Claude): Écoutez, j'aurais le goût de vous dire qu'après avoir fait cette sélection-là, pour ne pas retomber dans le panneau des nominations qui pourraient être politiques, pour refuser la recommandation prioritaire du comité de sélection, le décideur aurait à fournir une raison explicite et formelle du pourquoi de la décision de ne pas suivre l'ordre de recommandation du comité de sélection. Alors, on ne s'est pas arrêtés d'une façon définitive sur qui devrait prendre la décision, mais, même si c'est le ministre de la Justice, on présume que, s'il refusait les recommandations prioritaires établies, c'est-à-dire la recommandation... Il faudrait s'entendre que la recommandation devrait prioriser un choix et non pas plusieurs choix...

M. Bégin: Cinq.

M. Gingras (Claude): ...pour un poste à occuper. Et, à ce moment-là, si le ministre ne retenait pas cette recommandation, il devrait avoir de bonnes raisons et les rendre publiques.

M. Bégin: Alors, vous seriez plus restrictif que le processus actuel pour la nomination des juges de la Cour du Québec, que tout le monde, à date, a approuvé, à savoir que le comité de sélection fait une recommandation de trois, quatre, cinq, six personnes, autrement dit des personnes qu'il juge aptes à occuper la fonction, et c'est le décideur, en bout de piste, qui choisit parmi les personnes recommandées. Donc, vous seriez, vous, plus sélectif encore, vous iriez à une recommandation que le décideur devrait suivre; sinon, il devrait justifier de son refus. C'est ça?

M. Gingras (Claude): C'est justement ça. C'est qu'on croit que, pour rendre vraiment crédible l'exercice et qu'il n'y ait pas place à interprétation sur la crédibilité des personnes retenues, il faut qu'on mette toutes les chances du côté d'une décision qui soit assez stricte, encadrée par un cadre assez strict et qui ne permette pas quand même, même si, dans l'hypothèse que vous soumettez de plusieurs candidatures, plusieurs personnes pourraient rencontrer les exigences... Mais je pense que l'objectif de toujours rechercher la meilleure personne pour accomplir le rôle devrait rester le guide de ce comité de sélection.

M. Bégin: Mes collègues, peut-être, veulent poser des questions.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Oui. Sur toute cette question du comité de sélection, la question que je me pose, moi, c'est dans quelle mesure ce comité de sélection est permanent et s'autorenouvelle. Son mandat, c'est de combien de temps? Dans quelle mesure il se renouvelle par lui-même, ce comité-là auquel vous pensez?

(11 h 40)

M. Gingras (Claude): Écoutez, je pense que ce comité-là devrait être composé de personnes qu'on pourrait choisir, qui ont les qualités requises, là, pour sélectionner des membres de tribunaux administratifs. Je n'ai pas d'idée sur le comment à ce moment-ci, mais je pense que, si on prend la peine de chercher un peu, on trouvera facilement la façon de faire, on trouvera également la façon de faire pour renouveler constamment les nominations des membres de ce genre de comité de sélection. Alors, on pourrait choisir actuellement, là, des membres crédibles d'un organisme. On pourrait regarder, entre autres, l'exemple du Tribunal du travail, on pourrait regarder l'exemple de certaines autres organisations qui pourraient mettre sur pied littéralement, là, partant de certains de leurs membres, un comité qui pourrait être un comité approprié pour faire cet exercice-là.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour, il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue et de remercier les représentants de la CSD pour leur excellente présentation. Et, tout comme le ministre, je vais me concentrer, dans la première partie, sur cette question des nominations parce que, par toutes les interventions qu'on a entendues jusqu'à date, on se rend compte qu'il y a un consensus, que c'est vraiment là un des points principaux qui accrochent.

Et je ne peux pas m'empêcher de constater aussi que, par le grand nombre d'intervenants venus du monde syndical qu'on a entendus, ça va un peu de soi parce que vous êtes là pour défendre les intérêts socioéconomiques de vos membres. Mais c'est quand même intéressant de constater qu'il y a un endroit où l'ensemble des interventions se concentrent, c'est dans le domaine des lésions professionnelles, des accidents du travail. Et je me demande si on n'est pas... On dirait, en anglais: «Are we just shuffling the deck chairs on the Titanic» lorsqu'on regarde juste ce bout-là du problème ou s'il n'y a pas quelque chose de beaucoup plus profond qu'on ne devrait pas être en train de regarder?

Mais commençons, justement, avec cette question des nominations, parce que je vous écoutais avec beaucoup d'attention et j'ai trouvé que vous aviez une suggestion louable, intéressante. Il y a une couple de questions qui me viennent immédiatement à l'esprit, et je vais y aller en ce qui concerne la représentativité. Vous avez parlé du paritaire, du côté syndical, du côté patronal, du côté des travailleurs et tout ça. Mais il y a un autre élément dans les nominations au gouvernement en général dont on commence à parler depuis plusieurs années et c'est le défaut d'avoir une représentativité adéquate des communautés culturelles.

Vous savez comme moi que vos membres et la population en général sont composés de personnes qui viennent pour environ un cinquième... Au Québec, environ 20 % de la population provient de communautés dites culturelles, des minorités visibles, des minorités linguistiques, et il y a une très faible représentativité de cette partie de la population. Alors, est-ce que ce serait dans votre propos d'étendre cette notion de parité pour inclure une représentativité valable de ces différentes communautés culturelles? Et, si oui, est-ce que ça affecte votre idée de ne proposer qu'un nom?

M. Gingras (Claude): En fait, vous me demandez si on devrait avoir des conditions favorisantes pour intégrer les communautés culturelles dans le cadre de cet appareil. Écoutez, quand on préconise l'objectif d'avoir le meilleur décideur, l'un n'exclut pas l'autre. Moi, à mon avis, écoutez, si on demande que ce soit le meilleur décideur sélectionné qui puisse être retenu, c'est que, si ça s'adonne que c'est un membre des minorités ou des communautés culturelles qui est retenu, bien, à ce moment-là, ce sera lui. Mais, écoutez, je ne pense pas qu'il devrait y avoir un programme favorisant, là, pour faire en sorte qu'on le favorise au détriment du meilleur décideur disponible. C'est dans ce sens-là.

Écoutez, si je veux répondre carrément à votre question, je pense que non. Il faut absolument choisir le modèle du meilleur décideur parce que, à l'intérieur de tout ça, on va ouvrir une nouvelle zone: pourquoi on choisit un tel plutôt qu'un autre et tout ça, et on arrive au même résultat qu'on a actuellement où, vu le choix des décideurs de certains tribunaux administratifs, ils sont plus ou moins crédibles, puis plus ou moins efficaces et puis les résultats de leurs décisions sont de plus en plus contestés et contestables.

M. Mulcair: La notion de «institutional bias» en est une connue en analyse de droit administratif. On a des experts aujourd'hui, comme les auteurs du rapport, M. Garant, M. Pelletier, qui sont ici. C'est une notion assez compliquée, mais qui joue dans ces cas-là plutôt en... La notion réfère bien plus aux gens qui travaillent dans un milieu et qui ont tendance à le voir d'une certaine manière. Je vous soumets respectueusement que ce même genre de manière de voir, basée sur une façon de faire que l'on connaît et avec laquelle on est confortable et familier, joue au moment des nominations. Et ce n'est pas nécessairement demander de favoriser quelqu'un qui n'aurait pas les mêmes compétences. Mais, vu que les membres des communautés culturelles, des minorités ethniques, des minorités visibles, ne sont presque jamais choisis dans ces instances-là, ça a un effet d'entraînement.

Je ne vous apprends rien lorsque je vous dis que, si vous regardez les chiffres dans les cégeps, les universités, tout ça, les membres des communautés culturelles et ethniques, au contraire, ont tendance à peut-être se dépasser, voulant justement pouvoir profiter de tout ce qu'on a ici, dans notre société, bâtir et travailler très fort. Et leurs réalisations en matière scolaire et dans leur carrière sont souvent remarquables. Et, pourtant, à la fin de la journée, il y a une sous-représentation incroyable. Je ne suis pas sûr qu'on est en train de les favoriser au profit de gens plus capables. Je pense qu'on serait capable de faire un petit peu de ménage de ce côté-là et je voulais juste vous laisser avec cette idée-là aujourd'hui.

Tantôt, dans vos remarques, M. le président – il y a juste un M. le Président, ici – M. Gingras, vous avez fait allusion à des problèmes vécus. Je souhaiterais beaucoup que vous précisiez votre pensée là-dessus. Avez-vous connu des problèmes réels avec des gens qui étaient, de toute évidence, des mauvais décideurs? Vraiment, en sortant, vous ou vos conseillers, vous dites: Ça ne se peut pas que cette personne-là ait été nommée à cette place-là! Est-ce que c'est des choses que vous vivez?

M. Gingras (Claude): Bien, écoutez, vous posez la question; je n'ai qu'à rencontrer régulièrement mes gens qui plaident devant ces instances-là et je vais vous dire une chose: Quand ils sortent de là, ils sont à ramasser à la petite cuillère, parce qu'il y en a qui ne comprennent vraiment pas la pensée de certaines personnes qui sont appelées à jouer des rôles déterminants comme ça et qui jouent quand même avec les sentiments. Et c'est toujours des questions fort sentimentales, des questions importantes pour les gens qui sont concernés. Et, quand tu prépares un débat pour aller devant une instance administrative chercher la décision que tu crois juste et raisonnable, et que tu arrives là et que tu es accueilli un peu comme un chien dans un jeu de quilles, et que tu as affaire à un décideur qui se fout carrément de l'équité, mais qui est là pour, un peu, essayer d'être un empêcheur, et que tu sors de là avec l'impression que tu as été nettement fourvoyé tout au long de l'exercice... Non.

Je vous dis que, à l'occasion, il y a des débats très importants qui se font chez nous, parce qu'il y a des gens qui contestent les personnes qui occupent ces fonctions-là et leur façon d'agir dans ces tribunaux-là. Ils se prennent un peu pour des juges de la Cour suprême, qui sont là pour décider de l'avenir du pays et non pas de l'avenir de deux parties qui, à mon avis, ont des intérêts beaucoup plus immédiats et...

M. Mulcair: Terre à terre.

M. Gingras (Claude): ...terre à terre. Et on y perd notre latin, en fait. Et ils exigent des preuves, ils exigent des démonstrations, à mon avis, qui n'ont aucun sens. Et on en parle un peu dans notre mémoire. Il y en a dans lesquels, si tu ne fais pas une preuve très exhaustive avec la présence d'un médecin expert qui nous coûte 1 500 $ la fois, des fois 2 000 $ dans certains cas, pour des expertises, et 3 000 $ – et on peut en additionner, là, des coûts importants – et si tu n'arrives pas avec tout l'arsenal, tu es sûr au départ que tu n'as pas une décision d'équité. Alors, ça, ça existe.

(11 h 50)

Et puis, ça, c'est le sentiment que nos gens nous transmettent, à tel point que ça a fait l'objet d'un débat, entre autres, en santé et sécurité en particulier, chez nous, pour la constitution d'un fonds d'expertise médicale, parce qu'on se dit: Même si on fournit des services de défense des intérêts des gens, si on arrive là mal préparés, on sort de là Gros-Jean comme devant, avec aucune décision en matière d'application des droits des travailleurs. Alors, c'est le soutien constant, par des moyens très onéreux, pour essayer d'obtenir l'application de lois qui, pourtant, devraient s'appliquer de façon naturelle à ces personnes-là.

Alors, c'est pour ça que je vous dis: Dans le cas des décideurs actuels, il faut être bien pourvu de moyens, puis il faut être équipé, comme on dit, pour passer à travers l'appareil, parce que, si on ne l'est pas, bien sûr, on va sortir de là avec l'impression qu'on n'a pas eu l'application d'une justice équitable. Et ça, c'est fréquent. Je vous le dis, c'est très fréquent. Et on n'a qu'à additionner les sommes importantes qui s'investissent actuellement pour faire reconnaître les droits des personnes pour s'apercevoir que ceux qui n'ont pas ces moyens-là ne réussissent même pas à présenter leur cas devant ces tribunaux-là. Ça, c'est clair.

M. Mulcair: Excellent. Merci beaucoup pour ce tour d'horizon basé justement sur une grande expérience. J'aimerais vous demander si vous pouvez... Vous proposez peut-être une réduction du nombre d'instances en matière de CSST. Est-ce que ça va changer quelque chose à ce que vous venez de dire ou s'il ne faut pas procéder, justement, à un ménage plus large?

M. Gingras (Claude): Bon. On croit que c'est un ménage plus large, c'est sûr. C'est qu'il faut revoir la façon de décider. En fait, les décisions contestables au premier niveau doivent être de moins en moins présentes. Alors, on doit revoir la culture organisationnelle de l'organisme pour qu'en fait les décisions qu'il rend soient des décisions de meilleure qualité. Et ça, le décideur de premier niveau, c'est la première décision qui se rend. À mon avis, c'est là qu'est le gros du travail à faire, parce que c'est à ce niveau-là, si on améliore la qualité de la décision première, qu'on va avoir moins de causes qui vont s'en aller dans les instances de révision ou d'appel.

Et, si, malgré tout ça, cet effort de révision des décisions premières, on est encore en situation de litige, bien, à ce moment-là, nous préconisons, nous autres, l'approche de la conciliation. C'est qu'il devrait y avoir une approche souple de conciliation, une approche basée sur la conciliation pour voir si on n'est pas capable de trouver des solutions, puis réexaminer le problème pour voir si on n'est pas capable, sans formalités, sans juridisme, sans moyens extraordinaires... Et, si, malgré ces deux améliorations au niveau de la qualité de la décision première, puis de l'effort de conciliation, on n'arrive pas à un résultat souhaité et souhaitable, là, on passe aux tribunaux administratifs. Mais je ne pense pas qu'on ait intérêt à les multiplier.

C'est peut-être le cas actuellement à la CSST. Il y en a deux, en fait, puis où on est d'accord, c'est qu'on doit les réduire parce qu'on s'est aperçu, puis, ça, c'est vrai, à l'exercice – puis c'est probablement le coût de la représentation qui fait que c'est comme ça, aussi – que, écoutez, des frais d'expertise et puis l'assignation d'un médecin, puis une preuve la plus exhaustive possible, tu ne veux pas la faire deux fois au coût que ça représente. Et, souvent, tu ne l'administreras pas au niveau du BRP; tu prends une chance d'aller la gagner là, sans nécessairement déployer tous les moyens, tu prends une chance d'essayer de la gagner au BRP, avec les moyens du bord. Si tu ne réussis pas, bien, là, tu t'en vas à la CALP, avec un procès de novo, puis tu recommences, tu refais une preuve plus exhaustive. C'est un peu le cheminement actuel.

Alors, nous autres, on dit: Bon, il faut peut-être se discipliner un peu plus. Au lieu d'avoir un BRP devant lequel on n'administre peut-être pas toute la preuve qu'on devrait administrer, pourquoi on n'aurait pas un exercice de conciliation pour voir si on n'est pas capable de régler la problématique sans nécessairement aller devant une instance décisionnelle? Puis, si on doit y aller, bien, qu'on y aille une fois, puis qu'on fasse la preuve et puis qu'on termine l'exercice là. Ça, c'est un peu la pensée actuellement. Après avoir expérimenté, bien sûr, la structure actuelle, c'est le consensus auquel on arrive.

M. Mulcair: Merci beaucoup pour ces explications et pour votre présence ici aujourd'hui.

M. Gingras (Claude): Ça nous a fait plaisir.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Bégin: Oui. J'aurais une autre question, que j'ai posée, d'ailleurs, à vos collègues tout à l'heure. Elle est à peu près dans le même cadre. Vous dites, à la page 9 de votre mémoire: «La CSD est en désaccord avec la proposition d'une division des lésions professionnelles du Tribunal administratif du Québec en remplacement de la CALP et des BRP.» Tout à l'heure, ça se présentait un peu différemment, mais ce que j'ai compris de ce qui précédait cette phrase-là, c'est que vous n'étiez pas d'accord avec la proposition du rapport Garant parce que, d'une part, on n'y proposait pas le paritarisme et que, vous, par hypothèse, vous y tenez. Si le paritarisme était installé dans la division du Tribunal administratif en matière de lésions professionnelles, seriez-vous d'accord, à ce moment-là, avec la proposition du rapport Garant?

M. Gingras (Claude): Écoutez, on dit non, parce que le regroupement des tribunaux administratifs, pour nous autres, ça pose un problème au départ. Je vous avoue qu'on privilégie actuellement la spécialisation de ces tribunaux-là.

M. Bégin: Donc, vous n'allez pas dans le sens qu'il y ait un tribunal administratif qui regroupe l'ensemble des tribunaux administratifs.

M. Gingras (Claude): À mon avis, il faudrait qu'on commence par changer les choses à la base avant d'essayer d'imposer un modèle par en haut parce que, à notre avis, ce n'est pas nécessairement en regroupant les instances dans un tribunal administratif qu'on va nécessairement changer ce qui se passe sur le terrain. Et ça, c'est notre conviction, je vous le dis. C'est qu'il faut commencer le ménage à la base. Il faut le commencer dans les instances où il se prend des décisions, où ces décisions-là sont contestées, et c'est comme ça, je pense, qu'on va arriver éventuellement, peut-être, à regrouper des tribunaux administratifs avec des intérêts qui vont avoir lourdement changé.

M. Bégin: Mais, comprenons que, dans l'hypothèse dont on parle, il y a la décision administrative. Actuellement, il y a le BRP, le bureau de révision paritaire. Mettons qu'on fait un x sur ça et qu'on installe dans le Tribunal administratif la division lésions professionnelles avec paritarisme, quelle est votre réaction? Mon collègue partage la même question. Il ne s'agit pas de savoir si on a la même réponse, mais on a la même question tout au moins. Quelle est votre réaction, à ce moment-là?

Parce que vous nous dites: Moi, je ne suis pas d'accord pour la grande structure, parce qu'on n'a pas réglé le problème. Mais j'ai compris, en lisant le rapport Garant auquel vous faites référence abondamment, qu'on dit: La décision administrative, il faut la laisser telle quelle. Le BRP, on l'enlève. On met plutôt une conciliation entre les deux, qui n'est pas une structure de tribunal, mais une conciliation. Sinon, après ça, il faut qu'on aille à un organe. Vous, vous dites: Ce qu'on a actuellement, c'est bon. Ce que le rapport Garant dit, c'est: Nous, on le mettrait dans un tribunal avec une division spécialisée. Mais j'ai compris qu'il y avait une petite nuance. Vous dites: Non, parce que ce n'est pas le paritarisme, alors que, nous, on veut le paritarisme à cet endroit-là.

M. Gingras (Claude): C'est ça. Puis il semble que, essentiellement, les autres tribunaux vont marcher avec des commissaires uniques et, à cause de la particularité de la santé et sécurité, puis des relations de travail, entre autres, on ne voit pas nécessairement d'un bon oeil le regroupement de cette partie-là avec le Tribunal administratif.

M. Bégin: Mais est-ce qu'on se comprend bien, là? Quand je dis...

M. Gingras (Claude): C'est parce qu'il est proposé également une mobilité des commissaires, hein?

M. Bégin: Ah! Bien, voilà.

M. Gingras (Claude): Et, je vous dis, là-dessus, nous autres, on n'embarque pas du tout.

M. Bégin: Bon, bien, voilà. C'est parce que, là-dessus, tout à l'heure, je demandais à vos prédécesseurs de la FTQ: Si on enlevait cette question de la mobilité interdivisions, qui, je pense, a été peut-être mal perçue, si je me permets? Je pense que les gens croient que cette proposition-là vise à faire en sorte qu'une personne siège aujourd'hui, mettons, en évaluation foncière, le lendemain en lésions professionnelles, le surlendemain en matière foncière. Je ne crois pas que ce soit la proposition. Moi, ce que j'ai compris, c'est qu'à un moment donné, après 10 ans, quelqu'un qui occupe la même fonction, qui entend parler des problèmes de dos, ça fait son deux cent soixante-dix-septième, il acquiert une certaine lassitude.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Par contre, il a une bonne formation, il connaît comment fonctionne quelque chose et il pourrait – moi, c'est ce que j'ai compris, en tout cas – après un passage en formation, d'information, transitoirement, tranquillement, passer, mettons, à l'autre division, sortir un peu du dos pour passer peut-être à des évaluations de bâtisses. En fait, autrement dit, c'est faire en sorte que les gens ne se sclérosent pas et ne deviennent pas désabusés totalement, tout en voulant garder l'emploi qui y est rattaché, puis où ils ont une expertise de fonctionnement. C'est ce que j'ai compris dans l'affaire, et non pas de dire: Un gars se promène d'une division à l'autre pour traiter des problèmes qu'il ne connaît pas.

M. Gingras (Claude): Oui. Bien, en tout cas, je vous avoue que ce n'était pas très clair à ce niveau-là.

M. Bégin: Non, je comprends.

(12 heures)

M. Gingras (Claude): Puis, deuxièmement, celui qui, comme je vous dis, est actuellement dans une situation où il peut proposer de façon avantageuse sa candidature à d'autres postes de décideurs dans d'autres domaines administratifs et qui a les qualifications et les qualités pour le faire, à mon avis, il a encore la possibilité de le faire actuellement, même dans un système où ce n'est pas regroupé. Alors, il a la possibilité d'offrir sa candidature. Alors, on ne voit pas ce que ça vient changer, le fait de les regrouper de cette façon-là. Alors, je pense que, si on applique la volonté qu'on voulait d'aller chercher la meilleure personne, en vertu des tribunaux administratifs spécialisés, disponible pour jouer le rôle, à ce moment-là, même si elle est tannée de faire sa job ailleurs, ce n'est pas suffisant comme critère pour la retenir, non plus, pour aller décider dans un autre secteur d'activité.

M. Bégin: Alors, je ne vous harcèlerai pas plus. Une dernière, là, juste pour être bien sûr. On enlève le BRP, la décision administrative, on instaure la conciliation comme vous en avez parlé, on a la division lésions professionnelles, pas de mobilité, parité, qu'est-ce que vous répondez? Oui? Non? Je ne veux pas que vous privilégiiez un choix, entre autres, là. Je veux savoir ce que vous en pensez.

M. Gingras (Claude): Ça, on est prêts à en discuter, mais l'autre élément que je veux mettre en perspective... On serait probablement prêts à en discuter, d'une proposition comme celle-là où ce serait clarifié de cette façon-là. Cependant, ce qui nous inquiète – et ça demeure une inquiétude, là; peut-être qu'on n'a pas raison d'être inquiets, non plus – c'est que, si on fait ce genre de regroupement là tout à l'heure, j'ai l'impression que les spécificités vont être noyées dans un grand ensemble et puis qu'on risque, à un moment donné, d'avoir plus de difficultés à faire bouger un appareil qui va être plus monstrueux. Ça, je vous le dis au départ, c'est l'appréhension qu'on a.

M. Bégin: Bien, je vous remercie infiniment, au nom des membres de la commission, pour votre témoignage qui est fortement apprécié.

M. Gingras (Claude): Ça a été un plaisir.

M. Bégin: Merci.

Le Président (M. Pinard): MM. Gingras et Tremblay, merci. Et la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures, après la période des affaires courantes.

(Suspension de la séance à 12 h 2)

(Reprise à 15 h 26)

Le Président (M. Pinard): Si vous le permettez, nous constatons maintenant que nous avons quorum. Alors, je déclare la séance ouverte et je voudrais, tout d'abord, rappeler le mandat de la commission: la commission est réunie afin de poursuivre ses consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur la justice administrative. Je suis heureux de constater la présence de la Confédération des syndicats nationaux et j'aimerais, pour les fins d'enregistrement, que chacun se présente, s'il vous plaît.


Confédération des syndicats nationaux (CSN)

M. Laviolette (Marc): Oui. Je suis Marc Laviolette, vice-président de la Confédération des syndicats nationaux.

Mme Girard (Louise): Louise Girard. Moi, je suis coordonnatrice du Service de la défense des accidentés du travail à la CSN.

M. Laframboise (Jean): Jean Laframboise, coordonnateur du Service juridique de la CSN.

Mme Bouchard (Andrée): Oui. Andrée Bouchard, la secrétaire du comité confédéral de santé et sécurité de la CSN.

Le Président (M. Pinard): Merci. Je voudrais rappeler tout simplement, brièvement, les règles du temps de parole. Vous avez droit à 20 minutes pour l'exposé du mémoire, le groupe ministériel a droit également à 20 minutes et, également, l'opposition a droit à 20 minutes. Alors, je vous invite immédiatement à débuter.

M. Laviolette (Marc): D'abord, d'entrée de jeu, je voudrais vous dire que la CSN est heureuse de l'opportunité qui nous est offerte de présenter notre position sur le nouveau projet de réforme de la justice administrative. Il faut voir qu'avec les 231 000 membres et nos 2 100 syndicats on a souvent à se présenter devant les tribunaux de justice administrative pour représenter nos membres. En même temps, on voudrait saluer, je pense, l'excellent travail qui a été fait dans le rapport Garant. Je pense qu'il soulève de façon pertinente les différents problèmes qu'on a rencontrés jusqu'ici devant ces tribunaux-là.

Avant que je commence à présenter le document, il y a peut-être une petite correction, parce que, hier, notre position a été adoptée par le Conseil confédéral de la CSN et on a clarifié la recommandation 34. Ça fait que je vous la corrigerais tout de suite et puis, après ça, je ferais la présentation. C'est la dernière page du mémoire, la recommandation 34. Le deuxième paragraphe deviendrait le premier paragraphe; au lieu d'être en deuxième, on le met en tête de chapitre. Il se lirait comme suit: «En ce qui concerne la représentation, que le gouvernement rende disponibles aux travailleurs et travailleuses les ressources humaines et financières nécessaires à la représentation, et que les ressources financières soient versées à l'organisme qui assure la représentation.» Ça, ça serait le premier paragraphe.

Le deuxième paragraphe demeurerait tel quel, c'est-à-dire: «En ce qui concerne les personnes non représentées, que le nouveau tribunal administratif fournisse sur place l'assistance et les services d'un représentant-e pour que ces personnes puissent se faire représenter au nouveau tribunal.» Ça fait que je ne sais pas si j'ai lu ça trop vite...

Le Président (M. Pinard): Excusez-moi, M. le président...

M. Laviolette (Marc): Oui.

Le Président (M. Pinard): ...est-ce que vous avez par écrit les modifications?

M. Laviolette (Marc): Pas celle-là, non. Je l'ai dans mes notes à moi. Mais je pourrais peut-être, à la fin, vous la...

Le Président (M. Pinard): Est-ce qu'on pourrait en disposer pour en faire une photocopie, s'il vous plaît?

M. Laviolette (Marc): Ah, mon Dieu!

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Laviolette (Marc): On va vous la réécrire, puis on... Je vais faire la présentation. Avant qu'on arrive là...

Le Président (M. Pinard): D'accord.

M. Laviolette (Marc): ...ça va nous donner le temps de la photocopier, O.K.?

Le Président (M. Pinard): Ça va aller, monsieur?

Une voix: Ça va.

(15 h 30)

Le Président (M. Pinard): Merci.

M. Laviolette (Marc): O.K. La façon dont on va faire notre présentation: moi, je vais vous présenter nos commentaires sur les trois premiers blocs: la décision initiale, la révision de la décision initiale, puis le Tribunal administratif du Québec; Jean va vous présenter notre position sur l'appel à la Cour d'appel et Louise va parler du régime d'indemnisation. Et on va terminer avec M. Laframboise sur la position de la CSN sur les relations de travail qui ne sont pas couvertes par la présente réforme, mais on tenait quand même à faire connaître notre position là-dessus.

D'abord, au niveau des tribunaux administratifs, en principe, ce sont des tribunaux qui, de par leur compétence, leur spécialisation et leur procédure, sont supposés permettre à l'administré d'être capable de fonctionner à l'aise et de ne pas se sentir écrasé par la grosse machine bureaucratique. Je pense que les constats qui sont faits dans le rapport Garant sont des constats d'inefficacité et de manque de confiance de l'administré face à cette justice-là. Les délais inacceptables, l'insécurité financière que ces délais-là engendrent, les dossiers complexes, l'inégalité, souvent, des forces en présence sont tous des facteurs qui viennent un peu jouer l'effet contraire de ce que les tribunaux administratifs devraient être.

Pour contrer ça, on pense que la qualité de la décision initiale doit être favorisée par des mesures concrètes. Puis les mesures concrètes qu'on a à suggérer sont bien identifiées à la page 3, au début de la page. C'est-à-dire que, si on veut que la décision initiale ait toute la crédibilité qu'elle devrait avoir et puis, par le fait même, influer sur l'efficacité administrative, ça prend des mesures concrètes. Il faut que l'administré soit vu par le fonctionnaire qui administre la loi pour autre chose qu'un fraudeur potentiel. Et, pour ça, bien, il faut prendre des mesures.

Il faut, d'abord, revaloriser le rôle du fonctionnaire administrateur par l'accroissement de son autonomie, de sa formation, et puis qu'on revoie l'organisation du travail de ces fonctionnaires-là. Il faut implanter des programmes d'entraînement et puis de formation spécifique à chacun des programme gouvernementaux. Ça prend aussi de l'information auprès de la population, surtout de l'administration, quant à l'importance de la résolution non judiciaire des dossiers, puis du rôle du Protecteur du citoyen. Il faut que l'administré soit valorisé en simplifiant le langage utilisé et puis par l'aide apportée par l'administration lors de ses demandes. Il faut avoir une révision régulière et un perfectionnement des outils de travail tels que les manuels de politiques. Et il faut aussi consulter de façon périodique les groupes de citoyens concernés sur l'efficacité administrative du programme.

Je pense que de la façon dont ça fonctionne, à l'heure actuelle – et ça a été dénoncé, entre autres, par le Syndicat de la fonction publique du Québec à propos de la Commission des normes – souvent les fonctionnaires ont des objectifs, des critères quantitatifs à rencontrer dans leurs décisions et non pas des critères qualitatifs, et ça, on pense que ça vient discréditer la décision initiale, puis que ça contribue à judiciariser. Entre autres, il y a une citation d'un des rapports de ce syndicat-là, à la page 4, en haut, sur les critères quantitatifs, puis les quotas de règlements en matière de médiation. Je veux dire, les critères, c'était d'amener les parties à accepter la médiation dans 90 % des cas, puis d'obtenir 80 % des ententes, puis c'est ce seul critère-là qui fait agir celui qui est responsable de l'administration. Ce n'est rien pour améliorer la décision initiale.

Mais, pour ça, pour rencontrer ces moyens concrets là, bien entendu, ça prend les budgets de formation nécessaires à leur réalisation, et puis l'administration devra inculquer le devoir d'agir équitablement et non judiciairement à celui qui prend la décision. D'ailleurs, le Protecteur du citoyen a déjà souligné, puis je cite: «Plusieurs fonctionnaires chargés de rendre une décision ou de faire enquête s'imaginent que l'évaluation de leur rendement dépend d'abord de leur capacité de nier ou de limiter des droits» des administrés.

Je pense que, ça, c'est tout le contraire de ce que le décideur de première instance devrait faire. Il devrait plutôt informer la personne de toute intervention dans son dossier, puis de tout document qui se trouve dans ce dossier-là. Dans le fond, toute la validité de la réforme va reposer sur le décideur de première ligne, sa crédibilité, sa compétence et puis la validité de sa démarche. Donc, les moyens qu'on suggère sont très importants pour renforcer ça, parce que, si on a une décision de première instance qui est valide, il n'y aura pas de judiciarisation qui va s'ensuivre. Pour ça, bien, ça prend les moyens, puis ça prend la formation, puis il faut que le fonctionnaire chargé d'administrer voie l'administré comme étant autre chose qu'un fraudeur potentiel.

L'autre question, puis ça, c'est important parce que, particulièrement au niveau de la CSST, c'est de la juridiction des agents de la CSST: les questions de matière disciplinaire. Ils ont à évaluer ça; c'est l'article 32 de la loi des accidents et maladies du travail. Ça, on pense que ça devrait être transféré à une instance juridictionnelle du travail, que ce n'est pas une bonne chose que le décideur de première instance ait à trancher un conflit de nature disciplinaire entre un patron et un employé; ce n'est pas son rôle. Ça, ça devrait être transféré, parce que, si ça demeure là, ça contribue à donner moins de crédibilité à celui qui administre.

On pense aussi que, toujours dans l'esprit de renforcer sa sécurité juridique, sa cohérence, puis la confiance, par le fait même, que l'administré devrait avoir envers cette décision initiale là, ça prend absolument le droit pour l'administré de la voir révisée, cette décision initiale là, et puis que ça doit être fait, ça, dans une mentalité de bonification de la décision initiale, puis dans un délai raisonnable qui, selon nous, devrait être de 30 jours. Je parle de bonification au sens que ça devrait servir, cette procédure-là, à mieux expliquer, à enrichir encore mieux cette décision initiale là; par le fait même, à renforcer la confiance qu'il doit y avoir entre l'administré et celui qui est responsable d'appliquer la loi. Et le réviseur, qui devrait être une autre personne que celle qui a pris la première décision, je pense qu'il doit considérer aussi les représentations verbales, puis écrites de l'administré, puis offrir les mêmes garanties d'écoute que le décideur initial. Ça, je pense que c'est bien important. C'est ce qui va faire la différence.

Pour ce qui est des interventions du Protecteur du citoyen, on pense que l'article 18 de sa loi constitutive devrait être aboli, d'ailleurs, parce que le Protecteur du citoyen peut aussi aider à ce niveau-là, au niveau de la révision de la décision initiale, et agir auprès de l'administré.

Pour ce qui est du Tribunal administratif maintenant, nous, on pense que c'est une bonne chose que ça soit regroupé, tel que c'est proposé dans ce nouveau tribunal-là, avec des sections spécialisées. Mais on pense que doit être intégré sous la responsabilité du Tribunal administratif un processus de conciliation avant qu'on procède à entendre la cause, si jamais elle est contestée. On pense que ça, à la CSST, ça a donné des résultats significatifs, entre autres à la commission d'appel des lésions professionnelles. Ça contribue à déjudiciariser. Ça vise, dans le fond, à régler en dehors du processus judiciaire. Mais ça doit toujours demeurer un exercice volontaire et puis ça doit se faire, comme je vous le disais, après la décision initiale, puis avant de procéder devant le Tribunal administratif.

Et on pense que, lors du processus de conciliation, aussi, l'administré, s'il désire se faire représenter, devrait en avoir le droit et que, s'il n'y a pas de ressource qui lui est accessible, à cet administré, le conciliateur devrait être en mesure de lui indiquer les organismes ou les personnes qui pourraient lui venir en aide pour procéder au processus de conciliation.

(15 h 40)

Maintenant, pour ce qui est du Tribunal comme tel, on pense que ça doit être le droit à une défense pleine et entière, ainsi que le droit d'interroger, puis de contre-interroger les témoins. On pense que tout devrait être sur la table, que tout devrait être, pour reprendre... Je ne suis pas avocat, là, mais, pour faire un effet de toge, ils appelent ça de novo. Ça paraît bien, c'est en latin. Apparemment, ça veut dire: tout est sur la table.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Ça veut dire qu'on recommence le procès.

M. Laviolette (Marc): C'est en plein ça. C'est ça et c'est de même que ça doit se faire, parce que...

Mme Girard (Louise): De plano.

M. Laviolette (Marc): De plano, qu'elle me dit. Ah bon! Bien, tu vois...

Une voix: Les deux.

M. Laviolette (Marc): C'est les deux.

M. Bégin: Ce n'est pas pareil! Ce n'est pas pareil!

M. Laviolette (Marc): Ah! Bien, c'est les deux. Ça fait que c'est de plano et de novo. Bon! C'est le premier, puis le seul forum qui va entendre les parties sur le fond. Ça fait que c'est pour ça que c'est important qu'on puisse tout mettre sur la table. On pense aussi que les règles de preuve, puis de procédure, ça ne doit pas être les mêmes que celles des tribunaux civils, que ça doit être plus souple, puis que ça doit refléter l'image d'un tribunal spécialisé capable de s'adapter aux diverses réalités. Il doit être maître de sa procédure, puis de la preuve et puis chaque division du Tribunal devrait adopter ses propres règles de pratique. O.K., ça va pour ça.

Pour ce qui est de la représentation maintenant, on pense que la représentation exclusive par des avocats, ce n'est pas souhaitable. On serait plutôt pour maintenir le statu quo sur l'article 128 de la Loi sur le Barreau.

Une voix: Encore du latin.

M. Laviolette (Marc): Bien oui. Mais, celui-là, on le connaît plus, je veux dire...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laviolette (Marc): ...surtout dans le débat qu'on a présentement au niveau constitutionnel, n'est-ce pas? C'est un mot qu'on entend souvent, ça. Je disais que, même si on a à reconsidérer ça, selon nous, on n'est pas obligés d'avoir un avocat pour faire des représentations devant la Commission d'accès à l'information, puis la Commission de reconnaissance des associations d'artistes. Si on a à le reconsidérer, on pense que ça devrait être des exceptions qui se rajoutent.

Pour ce qui est de la CSST, parce qu'on sait que c'est un débat, présentement, au Barreau... Puis, là-dessus, on est bien placés pour parler parce qu'on fait de la défense d'accidentés du travail devant la CALP, devant les bureaux de révision, puis tout ça. Tu n'as absolument pas besoin d'être avocat pour bien défendre ton monde, et on pense que ça devrait rester comme ça.

Pour ce qui est de la nomination – parce qu'à ce Tribunal-là c'est bien important; pour qu'il ait toute sa crédibilité et sa compétence, la nomination est stratégique – on pense que le processus de nomination doit être rigoureux, qu'on doit viser à choisir des gens qui ont de l'expertise dans le domaine et puis qui ont une excellente réputation dans le milieu concerné. La procédure de sélection, ça devrait être sous forme de concours ouverts à l'ensemble des intervenants qualifiés, des concours publics. Et il devrait y avoir un comité de sélection multipartite composé de représentants provenant de la Conférence des juges administratifs, du tribunal administratif de la division concernée, de groupes ou d'organismes concernés et de citoyens et citoyennes. Tout ça est expliqué aux pages 9 et 10. Leur première fonction, ce serait de vérifier la compétence, puis l'intérêt qu'ont les candidats et candidates.

Pour ce qui est des gens qui siègent déjà sur les bureaux de révision – les BRP – et la CALP, on pense qu'eux aussi devraient passer par ce processus de sélection là, la même chose que tout le monde: concours publics, se présenter devant le comité de sélection. Pour donner la pleine crédibilité aux divisions spécialisées, les concours publics sont stratégiques.

En gros, moi, ça terminerait mon bout de présentation. Je me suis permis de grafigner un peu les avocats parce que je n'en suis pas un, mais, là, je vais passer la «puck» à un avocat qui, lui, va grafigner les juges de la Cour d'appel.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laviolette (Marc): Ça, ils ont le droit de faire ça, apparemment, hein? C'est ça, c'est normal. Ça fait que Jean va nous parler de ça.

Le Président (M. Pinard): Excusez-moi...

Une voix: Oui.

Le Président (M. Pinard): ...on m'informe qu'il reste seulement trois minutes sur le temps.

M. Laviolette (Marc): Ah bon, bon, bon!

Des voix: Ah!

Le Président (M. Pinard): Alors, est-ce que vous accepteriez qu'on permette aux gens de prolonger quelque peu leur intervention?

Une voix: Jusqu'à 16 heures?

Le Président (M. Pinard): Mais, là, à 16 heures, on ne peut pas, parce qu'on a débuté déjà en retard. On a commencé à 15 h 30. D'après vous, est-ce qu'en l'espace de cinq minutes chacun vous allez pouvoir passer à travers, à cause du respect de la vice-présidence, bien entendu?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Pinard): Excusez-moi, on suspend.

(Consultation)

Le Président (M. Pinard): Alors, je remercie les députés. Nous allons fonctionner de la façon suivante: vous allez avoir chacun cinq minutes, encore pour 10 minutes, pour terminer l'exposé, et on va céder immédiatement la parole, par la suite, au député de Chomedey, qui va prendre cinq minutes. Par la suite, M. le ministre et les députés présents continueront avec vous pour 10 à 15 minutes. Ça va?

Une voix: O.K.

Une voix: Oui.

M. Laframboise (Jean): Ça va.

Le Président (M. Pinard): Maître.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laframboise (Jean): On a bien aimé...

M. Laviolette (Marc): Tu avais compris quoi?

M. Laframboise (Jean): Mais, là, faites-moi pas perdre mon temps, par exemple.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Pinard): Ça ne compte pas. Ha, ha, ha!

M. Laframboise (Jean): Alors, je veux dire aux membres de la commission que le rapport Garant, dans son ensemble, a été très apprécié, chez nous. On a regardé ça, on a trouvé que c'était effectivement bien intéressant, sauf que le professeur Garant s'est trompé sur la question de l'appel à la Cour d'appel, comme je le lui ai dit déjà. On pense que c'est une erreur que d'aller dans ce sens-là.

Je vais essayer de résumer mon affaire parce que je n'ai pas beaucoup de temps. J'aurais des belles citations de la Cour suprême à vous lire; je ne le ferai pas, mais je vous demande, si ça vous intéresse, de lire les pages 10 à 15. Vous allez voir que ce serait à contre-courant que d'instituer cet appel à la Cour d'appel; la Cour suprême et maintenant la Cour d'appel viennent de commencer à comprendre ça. On commence à respecter l'autonomie, la compétence des tribunaux administratifs; ce n'est pas parce qu'on est un cran au-dessus qu'on a raison, puis que les autres n'ont pas raison.

Moi, je vais vous le dire d'une façon franche, l'argument principal qui nous motive là-dedans, c'est qu'on a peur du saccage des lois sociales par des juges qui interprètent les lois sous l'angle civiliste ordinaire. Vous comprenez ce que je veux dire. Quand il y a des lois sociales qui, normalement, sont généreuses, qui sont faites pour pallier à des problèmes dans la société, et qu'on a la chance d'avoir des experts qui peuvent les interpréter, les mettre en oeuvre, les appliquer, il ne faut pas... Et on a de très mauvaises expériences. En tout cas, un jour, je vous parlerai de CSRO, puis de ce que la Cour suprême a fait avec le Code du travail. Il y a plusieurs expériences mauvaises comme ça. Alors, on pense que c'est mieux que ce soient les tribunaux spécialisés qui aient le dernier mot là-dedans, sauf, naturellement, les excès de juridiction ou les décisions manifestement déraisonnables. Alors, on plaide pour ça, finalement, dans ces pages-là. C'est un résumé rapide.

On a des solutions, par exemple, et là je vous réfère à la page 15, au deuxième paragraphe, parce qu'il y a deux arguments, essentiellement. Premièrement, ce serait une jurisprudence plus éclairée si c'était la Cour d'appel. Mais on s'inscrit en faux là-dedans. On a eu souvent des décisions très restrictives, et ce n'est pas plus éclairé parce que c'est des juges nommés par le fédéral, par exemple. Deuxièmement, il y a le souci de cohérence qui est important, et ça, on pense que c'est un argument important, mais, le souci de cohérence, il y a des façons de répondre à ça.

La collégialité. La Cour suprême a fait passer le test, c'est possible aux différents commissaires d'une commission de discuter entre eux des interprétations à donner à la loi. Ils peuvent siéger en formation, en banc de trois ou même de cinq, avec le pouvoir de révision qu'on permet dans les lois. Si, à un moment donné, des commissaires d'une commission se sont égarés, qu'il y a une requête en révision, on institue un banc de trois ou de cinq et on fait le point sur la façon d'interpréter la loi. Même si ce n'est pas mon habitude, le Conseil canadien des relations du travail a une très belle pratique là-dessus, de remettre les choses en toute cohérence. Moi, je pense que c'est ça, la solution, et non l'appel à la Cour d'appel.

(15 h 50)

En plus de ça, comme dernier point, le législateur peut toujours modifier la loi s'il est convaincu que les tribunaux administratifs l'interprètent mal. Ce n'est quand même pas si compliqué que ça. Alors, il me semble qu'on a toutes les réponses là, puis on n'a pas besoin d'engorger la Cour d'appel. On l'a dit ce matin, c'est quatre ans d'attente. Alors, est-ce qu'on va rajouter des causes à la Cour d'appel du Québec?

Rapidement, sur la dernière partie, tant qu'à avoir la parole, pour deux minutes encore, sur les relations de travail, nous, on pense que c'est très important qu'il y ait une révision complète des relations de travail. La CSN est d'accord avec la création de la commission des relations depuis le rapport Beaudry. Il y a tellement eu de travail fait là-dessus qu'on trouve ça incroyable que ce soit laissé comme ça en plan. Ça devrait être regardé. C'est à partir de la page 19 qu'on parle de ça. Et, surtout, on insiste, le Conseil des services essentiels, ne considérez pas ça comme un organisme administratif, ce serait une erreur. C'est un organisme qui a les deux pieds dans les relations de travail. C'est créé par le Code du travail. C'est un organisme qui impose des condamnations, hein? Rappelons-nous, la Société de transport de la Rive-Sud, 100 000 $, Laval, 25 000 $. Alors, c'est un organisme de relations de travail. Ne considérons pas ça comme un organisme administratif qui pourrait imposer des sanctions sans audition. Je pense que c'est très dangereux.

Alors, ce qu'on vous dit dans notre mémoire, c'est: Le Conseil, regardons ça en même temps que les commissaires, que le tribunal, etc., que la commission des relations de travail; regardons ça ensemble. De toute façon, c'est dans le Code du travail. Ça nous faisait peur, quand on a lu le rapport Garant, ce bout-là; il y avait des allusions à ça, puis on pense que c'est... Surtout le pouvoir de réparation qui existe au Conseil, ça n'a pas sa place dans les organes administratifs. Alors, c'est ça.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, M. Laframboise.

Mme Girard (Louise): O.K. Rapidement sur...

Le Président (M. Pinard): Mme Girard.

Mme Girard (Louise): ...le régime d'indemnisation en santé et sécurité, on avait déjà tracé la voie parce qu'on a rencontré, si on peut le qualifier, le comité des sages – ou le rapport Durand – où on a fait une large réflexion, la dernière année, sur le régime d'indem. Les quatre grands points – parce qu'on nous a posé des questions: Comment on va déjudiciariser le régime d'indemnisation? – bien, on les résume ici. Sur le plan administratif, naturellement – mes deux confrères, Marc et Jean, en ont parlé – c'est la qualité de la première décision, que ça ne soit pas conflictuel, qu'on envisage avec l'accidenté de le voir, puis qu'on ait des garanties, effectivement, de l'écouter et de l'entendre, et que ce ne soit pas un litige entre deux parties.

L'aspect important, aussi, qu'on disait – nous, on prétend qu'il n'y a pas deux paliers d'appel dans la loi des accidents de travail, il y en a trois – c'est l'abolition du Bureau d'évaluation médicale. À plusieurs reprises même, le comité des sages, ou le rapport pas Garant, mais Durand, nous a interpellés en disant: Effectivement, si on abolit ce palier supplémentaire... C'est vrai qu'il ne rend pas la décision, mais c'est lui qui, effectivement... La CSST est liée par son opinion ou son avis. Souvent, c'est un médecin qui a vu l'accidenté 10 minutes ou cinq minutes, des fois sans le dossier, et il n'est même pas nécessaire de le voir. Donc, là, c'est un incubateur à litiges, c'est-à-dire autant de la part de l'accidenté que des employeurs, que de la CSST. C'est une source de judiciarisation majeure qui a été modifiée par la loi 35 et qui a remplacé, en fin de compte, anciennement l'arbitre médical. C'est une source de judiciarisation.

Naturellement, nous, on est d'accord, effectivement, avec le TAQ, le Tribunal administratif du Québec, qu'il y ait une division lésions professionnelles avec sa propre autonomie, son fonctionnement, qu'il n'y ait pas chevauchement ou interchangeabilité. Je pense que, ce matin, les autres centrales en ont parlé, puis Marc et Jean. On trouvait ça important qu'il ait son fonctionnement propre et non pas copié sur la Commission des affaires sociales. Ce qu'on trouvait intéressant aussi ou important de dire, c'est que, oui, on s'adjoint des médecins assesseurs à ce Tribunal administratif là, mais qu'il ne soit pas un décideur; qu'il soit un conseiller et qu'il ne se transforme pas en décideur. Quand un accidenté a à faire valoir son droit au nouveau TAQ, au Tribunal administratif, qu'il le fasse valoir et que lui soit assesseur, mais qu'effectivement ce soit le décideur qui tranche si c'est un accident du travail ou sur tous les autres litiges.

Comme Jean vient de le dire, naturellement, on est en total désaccord avec l'intervention de la Cour d'appel et le fait de favoriser plus un mécanisme de révision, c'est-à-dire que, même actuellement, dans la loi des accidents de travail, il pourrait y avoir un banc de trois commissaires ou de cinq commissaires sur des questions de droit. À notre avis, sur la question des 14 premiers jours qui s'est rendue à la Cour suprême, ça aurait été fort intéressant qu'effectivement trois commissaires, cinq commissaires puissent envisager de regarder les questions de droit à l'intérieur du Tribunal administratif et non pas d'aller interpeller au niveau de la Cour d'appel. Essentiellement, on a ces quatre aspects-là.

L'autre débat qu'on a eu, parce que ça a été une source de débat à l'intérieur de la CSN, c'est sur le paritarisme. On est très heureux de constater que le rapport Garant ne parle pas de paritarisme au Tribunal administratif avec ses sous-divisions. Au niveau des lésions professionnelles, on trouve ça intéressant qu'on abolisse le paritarisme, on est d'accord avec ça. C'est coûteux, c'est formaliste, et les accidentés du travail ne se retrouvent pas là-dedans. Ça ressemble à un procès au bureau de révision, ça ressemble à un procès à la Commission d'appel. Donc, on a dit: Pourquoi alourdir ça? On est d'accord pour abolir le paritarisme au sein d'un tribunal administratif et on trouve ça bien.

L'autre aspect, c'est... Il m'en manque un?

(Consultation)

Le Président (M. Pinard): Il vous reste maintenant une minute. Veuillez conclure.

M. Laviolette (Marc): O.K. Oui. L'autre aspect important sur la question des accidentés de travail, c'est toute la question de la représentation. Il y a plus de la moitié des administrés ou des travailleurs et des travailleuses qui se présentent devant ces paliers-là non représentés. C'est pour ça qu'on est en faveur de l'abolition du paritarisme. Les sommes d'argent économisées, parce que c'est très coûteux, le paritarisme, pourraient servir à rembourser, à financer la représentation. On pense que, dans des périodes de restrictions budgétaires, ce qui est important pour les travailleurs et travailleuses, c'est d'être bien représentés. Qu'il y en ait un ou qu'il y en ait trois qui décident, ils décident selon la preuve entendue. Et, quand tu es représenté, bien, tu as bien plus de chances d'avoir une meilleure preuve, de mieux faire valoir ton point de vue.

D'ailleurs, dans un autre tribunal administratif, qui n'est peut-être pas de juridiction provinciale, à la commission d'assurance-chômage, les gens qui se présentent là représentés gagnent en moyenne beaucoup plus leur cause que lorsqu'ils ne sont pas représentés. Je pense que c'est élémentaire. Là-dessus, c'est la recommandation qu'on corrigeait tantôt.

Mme Girard (Louise): Oui, la 34.

M. Laviolette (Marc): Je ne sais pas si vous l'avez eue, on va vous la donner. Ce qu'on dit, c'est...

Le Président (M. Pinard): Est-ce qu'il y aurait possibilité de conclure?

M. Laviolette (Marc): Oui. O.K. Je disais: La représentation 34, on va vous la donner. Elle explique bien notre point de vue là-dessus. Ça, je pense que c'est important. Ça fait qu'en gros c'est les commentaires qu'on a à faire sur la réforme proposée et puis on est disponibles pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Pinard): Je vous remercie beaucoup et je vais céder immédiatement la parole au député de Chomedey, s'il vous plaît.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Il me fait plaisir d'accueillir les représentants de la CSN et je tiens à les remercier beaucoup pour leur contribution aux travaux de cette commission. Je commencerai en vous posant une question en ce qui concerne cette proposition que vous faites pour l'élimination du paritarisme. J'ai suivi votre argumentation, mais je voudrais juste vous demander si vous étiez conscients que d'autres groupes syndicaux, notamment le SPGQ et la FTQ, proposent le contraire; ils sont en faveur de son maintien.

M. Laviolette (Marc): Ah oui! On est conscients de ça. Mais on pense que la meilleure façon – parce qu'on représente les intérêts des travailleurs, puis des travailleuses – de défendre leurs intérêts, c'est de leur assurer une bonne représentation. Quand la moitié des gens se présentent devant les tribunaux non représentés, tu auras beau, toi, être assesseur, puis essayer de poser des questions pour faire mettre en preuve les trous que tu peux voir, ce qui manque dans ce que tu vas avoir à décider, tu joues par la bande pas mal. Ce n'est pas comme quand tu assumes la défense où tu as ton plan de match de défense, puis où tu sais ce que tu as à prouver, puis où tu entends le prouver, a, b, c, d. On pense que la meilleure façon de faire ça, c'est par la représentation.

M. Mulcair: Vous frappez aussi une des questions qui est au coeur de nos préoccupations dans cette commission: toute la question de la sélection, de la nomination, de la reconduction des membres.

M. Laviolette (Marc): Oui.

M. Mulcair: C'est intéressant. Dans votre mémoire, vous proposez un système par lequel on aurait un comité de sélection qui serait mis en place avec des groupes intéressés dont, je présume, des groupes de défense des intérêts socioéconomiques des travailleurs, comme les syndicats. Est-ce que, selon vous, un tel comité devrait avoir un pouvoir de recommandation ou un pouvoir de nomination?

M. Laviolette (Marc): Ça, c'est une bonne question.

M. Mulcair: Merci.

Des voix: Ha, ha, ha!

(16 heures)

M. Laviolette (Marc): Moi, je pense que ça devrait être un pouvoir de nomination. Si on veut se sortir des amis du régime, peu importent les régimes, il faut faire ça par concours public, moi, je pense. Puis ça a l'intérêt de viser le consensus, donc de renforcer la crédibilité de ce monde-là. Peut-être que le ministre de la Justice n'aimera pas ça parce que c'est lui qui nomme d'habitude, mais je pense que c'est la meilleure façon si ça fait consensus par les gens concernés. Moi, je pense que c'est ce qu'on viserait.

M. Mulcair: Ma dernière question, M. le Président, concerne le rôle de certains intervenants. Je vous ai suivi lorsque vous avez fait votre explication concernant le médecin assesseur; il devrait avoir un rôle consultatif et pas un rôle de décideur. Mais, à un tribunal administratif élargi qui existerait, un peu plus général, à l'instar de ce que vous avez suggéré quand vous avez si bien exprimé, avec beaucoup de gros bon sens, qu'on n'a pas besoin d'être un avocat pour aller défendre les droits des gens – et je partage entièrement votre point de vue là-dessus – est-ce que, selon vous, on peut aussi avoir des personnes autres que des avocats qui siégeraient sur ce tribunal administratif centralisé?

M. Laviolette (Marc): Absolument.

M. Mulcair: Oui. Est-ce qu'on admettrait qu'il pourrait y avoir des médecins?

Mme Girard (Louise): Qui siègent à la Commission d'appel?

M. Mulcair: Oui.

Mme Girard (Louise): Comme assesseurs?

M. Laviolette (Marc): S'ils passent le comité de sélection, tout à fait. Ça n'a rien à voir avec la profession. Ça a à voir avec la compétence, la crédibilité et le consensus des gens qui sont dans ce trafic-là. Ça fait que, que tu sois médecin, que tu sois avocat, ce n'est pas tellement ça qui est important. C'est la réputation et la compétence qui doivent le déterminer, moi, je pense.

M. Mulcair: Merci beaucoup. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Bégin: Merci. J'ai bien aimé votre présentation. Et vous soulevez les points, je pense, qui commencent à apparaître comme étant le noeud ou le coeur du problème, entre autres, le paritarisme. Vous venez d'en terminer avec mon collègue, là. J'ai compris que vous proposiez essentiellement que le paritarisme soit remplacé ou que les coûts du paritarisme, c'est-à-dire les coûts des personnes qui siègent sur les tribunaux actuellement, servent plutôt à payer des gens qui pourraient représenter les gens qui se présentent. Est-ce que c'est bien là...

M. Laviolette (Marc): C'est ça.

M. Bégin: Est-ce qu'il y a eu une étude de coûts qui a été faite à cet égard-là?

M. Laviolette (Marc): Non, mais, si on évalue le nombre de décideurs qu'il y a, grosso modo, en matière de santé et de sécurité, je pense que ça équivaut au total des décideurs sur les autres tribunaux administratifs. Ça fait que je pense qu'en éliminant le paritarisme on va réduire des deux tiers le nombre. On le sait, ils sont payés, quoi, 300 $ par jour ou quelque chose comme ça.

Mme Girard (Louise): Le président, 500 $ et 300 $...

M. Bégin: Mais, essentiellement, je comprends, là. On prend l'argent pour un et on le met sur...

M. Laviolette (Marc): C'est ça.

M. Bégin: ...la représentation. Parce que vous évaluez que les gens ne sont pas représentés, très souvent, c'est 50 %, devant le tribunal. Vous avez soulevé quelque chose d'intéressant, c'est la possibilité de créer, dans certains cas, des bancs plus gros, un peu comme la Cour d'appel le fait.

M. Laviolette (Marc): C'est ça.

M. Bégin: Des fois, elle siège à cinq, des fois à sept. J'ai déjà vu, même, il y a plusieurs années, à neuf, quand des questions importantes lui sont soumises. Je comprends que vous vouliez qu'il y ait une mécanique permettant que, dans certains cas, la Commission dise: Là, vraiment, ça fait trop de fois que ça vient, il faudrait bien qu'on tranche la question, il faudrait bien qu'on se fasse une idée, un modèle qui va servir et qui va faire la jurisprudence. Est-ce que c'est ça?

M. Laframboise (Jean): C'est ça. Et il y a peut-être une autre idée, aussi, importante là-dedans, c'est que, si ça se faisait, ça serait intéressant que ce débat-là soit ouvert à d'autres personnes représentatives, à d'autres organismes représentatifs. On peut imaginer, dans un débat comme ça où, là, on fait un banc de cinq, qu'on invite le Conseil du patronat et la CSN, même si c'est une cause, par exemple, de la CSD...

M. Bégin: Vous pourriez.

M. Laframboise (Jean): C'est ça.

Une voix: À titre de...

M. Bégin: J'ai encore un mot latin, mais disons d'ami de la cour.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laframboise (Jean): ...pour vraiment faire le débat, vider l'affaire.

Une voix: C'est ça.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Bégin: Je reviens encore sur cette dimension-là parce que c'est des facettes qui sont vraiment intéressantes et importantes, je pense. On a parlé de la révision, pas au niveau du bureau de révision paritaire, mais plutôt à la fin du processus. Je comprends que vous ne voulez pas qu'on aille en appel. Vous dites: Il y a eu assez de brefs d'évocation pour que la jurisprudence soit fixée maintenant; ceux qui veulent y aller, il faut vraiment qu'ils soient dans un cas vraiment épouvantable, sinon... La Cour supérieure elle-même est disciplinée, puis elle ferme le couvercle. Donc, il n'y a plus de temps à gagner en allant en évocation.

Mais il y a cette capacité ou cette mécanique qui existe souvent et dans beaucoup de tribunaux administratifs, qui est le pouvoir de révision de ses propres décisions – vous en parlez un petit peu, mais vous n'allez pas au bout de la logique là-dedans – entre autres choses, cette possibilité de faire la révision pour cause. Bon, est-ce que vous avez des idées là-dessus? Comment percevez-vous ça?

M. Laframboise (Jean): J'ai cité l'exemple du Conseil canadien des relations du travail. Je pense que c'est une bonne pratique, c'est une bonne méthode. La loi donne ouverture au Conseil de réviser ses décisions. Il emploie trois ou quatre termes juridiques pour être sûr et, quand il y a quelque chose qui n'est vraiment pas dans la jurisprudence du Conseil, il peut décider de reprendre cette affaire-là, puis de l'étudier comme il faut, de convoquer les parties, puis de rendre une nouvelle décision. Et ça trace la jurisprudence, ça clarifie la jurisprudence et ça donne de la cohérence juridique.

M. Bégin: Une dernière question. Peut-être que mes collègues en auront quelques-unes, mais je vois que les successeurs de l'autre commission sont déjà arrivés. À supposer – je fais une supposition – que votre recommandation à l'effet de substituer des représentants des gens plutôt que d'avoir des assesseurs ne soit pas retenue, mais qu'on garde plutôt l'idée d'avoir du paritarisme, entre le paritarisme où il y a des assesseurs comme vous les avez décrits ou bien un paritarisme où il y a trois représentants qui siègent et décident collectivement, quelle est votre préférence?

M. Laviolette (Marc): Bon, écoutez, moi, je pense qu'avec l'une ou l'autre on ne règle pas le problème. Nous autres, là, la question du paritarisme...

M. Bégin: Je comprends. Ha, ha, ha!

M. Laviolette (Marc): ...on regarde ça du point de vue de la déjudiciarisation. Le paritarisme, il n'a rien à voir avec la judiciarisation, sauf qu'on pense qu'il n'est pas utile. Pour nous autres, ce qui judiciarise, entre autres, c'est le BEM. Ça, c'est un palier qui est au-dessus du... D'abord, ils sont nommés par le ministre du Travail, les gens qui siègent là-dessus. C'est au-dessus du pouvoir discrétionnaire du fonctionnaire et la décision qu'il prend, je veux dire, lie la CSST. Ça, ça judiciarise. C'est ça qui nous préoccupe. Ça fait que, quand on dit un palier, ça veut dire que celui-là, il saute. Pour nous autres, notre ennemi, c'est la judiciarisation; ce n'est pas le paritarisme. Mais ce qu'on dit: Du point de vue de la défense des intérêts des travailleurs, on devrait prendre l'argent du paritarisme, puis mettre ça pour la représentation.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Drummond.

M. Jutras: Oui, merci, M. le Président. Moi, je veux vous référer à la page 8 de votre rapport, là, quand vous parlez du TAQ – on va déjà retenir l'abréviation – et quand on parle des règles qui devraient prévaloir devant le Tribunal administratif du Québec. Vous dites: «Ces règles doivent demeurer fidèles au concept du droit administratif, c'est-à-dire refléter l'image d'un tribunal spécialisé capable de s'adapter aux diverses réalités.» Puis vous dites: «Pour ce faire, il devra demeurer maître de sa procédure et de la preuve. Chaque division du Tribunal devrait d'ailleurs adopter ses propres règles de pratique.»

Moi, je vais vous dire, pour avoir pratiqué le droit, là, quand je me faisais dire par un président de tribunal qu'il était maître de sa procédure et de sa preuve, là, j'en faisais de l'allergie parce que ça m'apparaît tomber dans l'arbitraire, ça m'apparaît tomber dans le discrétionnaire. De sorte qu'on se retrouvait devant un président de tribunal qui, lui, acceptait telle chose et un autre ne l'acceptait pas. Puis les règles, aussi, variaient selon qu'on était à 9 h 30 le matin ou à 16 h 30 l'après-midi. Mais ça fait partie de la pratique, ça. On vit...

M. Laviolette (Marc): Ce n'est pas ça qu'on dit, là.

M. Jutras: Oui, mais vous dites: «Pour ce faire, il devra demeurer maître de sa procédure et de la preuve.» C'est ça que vous dites. Alors...

M. Laviolette (Marc): Oui, mais on parle de la division du travail; qu'il adopte ses propres règles de pratique, là. C'est la division...

M. Jutras: Oui, mais vous dites...

M. Laviolette (Marc): ...ce n'est pas le décideur, là.

M. Jutras: ...après: «Chaque division du tribunal devrait d'ailleurs adopter ses propres règles de pratique.» Là, on parle d'autre chose. Les règles de pratique, c'est différent...

M. Laviolette (Marc): Ah, des... O.K.

M. Jutras: ...entre autres, des règles de preuve. Bon, alors, les règles de pratique, on pourra en parler tantôt. Mais est-ce que vous ne pensez pas qu'il y aurait lieu d'encadrer davantage les règles de procédure et les règles de preuve pour que ça soit toujours la même chose et qu'on procède, autant que faire se peut, de la même façon plutôt que de se faire dire, selon l'heure de la journée ou selon le président devant lequel on est, que, «woops»! là, ce n'est plus tout à fait la même règle?

(16 h 10)

M. Laframboise (Jean): Si on plaide pour l'avocat généraliste qui veut plaider dans tous les tribunaux qui existent, peut-être que ça l'aiderait, lui, à faire son travail, j'admets ça, mais, si on pense à la réalité des différents tribunaux administratifs... Imaginez, je suis là, moi, pour avoir un permis d'alcool ou ne pas me faire suspendre mon permis d'alcool, puis l'autre est là pour son accident de travail. Ce n'est pas la même chose. Il y a des médecins, des experts. Dans l'autre cas, il n'y en aura peut-être pas, ça va plus être des faits. Il me semble que...

Enfin, nous, on vient du travail, on a l'expérience avec les arbitres de griefs et on pense que c'est une bonne formule. Les arbitres de griefs sont maîtres de la procédure, il y a une flexibilité. On n'est pas toujours contents, mais ça permet une justice plus efficace, souple et rapide. Parce que la question des délais, c'est fondamental, ça. Je ne dis pas qu'il ne pourrait pas y avoir certaines règles minimums. C'est clair qu'il faut qu'il y ait une obligation de respect des règles de justice naturelle à ces tribunaux-là, c'est des tribunaux administratifs. Ça pourrait peut-être être codifié, mais est-ce que c'est vraiment nécessaire? Il y a de très bons livres sur les règles de justice naturelle, que vous connaissez tous certainement, et il me semble qu'on a ce qu'il faut avec ça.

M. Jutras: Et j'aurais une autre question aussi. Maintenant, je vais à la page 10, que vous dites, concernant la nomination des membres du Tribunal administratif: «Nous croyons que le statut d'avocat ne devrait pas être un critère exigible pour ces postes.» Tenant compte du fait que, devant ces tribunaux-là, il y a de plus en plus d'avocats qui y vont, entre autres parce qu'on a de plus en plus d'avocats au Québec et que les conditions sont difficiles – il faut dire les choses telles qu'elles sont – qu'il se soulève de plus en plus de questions de droit, qu'on a des lois qui sont de plus en plus complexes, qu'on invoque les chartes, que ce soit la charte québécoise, la charte canadienne, comment vous voyez-ça, à ce moment-là? Quand on voit la situation où, à un moment donné, il y a une question de droit très sérieuse qui se pose et que, de part et d'autre, on plaide une jurisprudence abondante, puis que vous avez un individu qui a une formation – je ne sais pas, moi – comme travailleur social, moi, il me semble que je vois un problème là.

Une voix: Ou en arts plastiques.

M. Jutras: Ou une formation en arts plastiques, comme on le dit.

M. Laviolette (Marc): Oui, mais, là, il ne faudrait pas... C'est parce que, quand on parle de la nomination des membres par concours publics, avec des critères, puis un comité de sélection, avec les gens qui sont là, dont la fonction est de vérifier la compétence, puis l'intérêt, en fonction de la division concernée, des candidats et des candidates, je pense qu'on se protège face au genre d'abus que vous soulignez. Je pense que ces gens-là, dans notre esprit, sont sélectionnés en fonction de leur expertise et de leur crédibilité. Ça fait qu'on n'a pas ce problème-là avec le mécanisme de nomination.

M. Jutras: Oui, mais vous pourriez avoir, comme on l'a mentionné tantôt... Est-ce que vous me permettez, M. le Président?

Le Président (M. Pinard): Très, très rapidement parce que...

Une voix: Ces gens-là sont pour l'autre commission.

M. Jutras: Oui, je le sais. Parce que vous pouvez avoir un médecin qui siège comme président du Tribunal; il peut avoir une très bonne formation en médecine, tout ça, mais, quand se présentent des questions de droit, il y a un problème.

M. Laviolette (Marc): Bien, écoutez, ça, c'est comme la représentation. Ça «prend-u» des avocats ou pas pour la faire parce que c'est des questions de fait, puis de droit? On a le même problème avec ceux qui ont à rendre la décision. Moi, je ne sais pas, la loi des accidents de travail et des maladies professionnelles, je comprends que c'est une loi qui est complexe, mais, je veux dire, ça s'étudie, puis ça s'apprend. Puis tu es sélectionné en vertu de ton expertise, encore là, du chemin que tu as fait. On ne mettra pas des gens qui n'ont pas d'expérience là. Ce n'est pas ça qui est l'esprit. Ça fait que ça peut être un avocat, ça peut être un médecin, comme ça peut être un travailleur qui a fait de la défense pendant de nombreuses années, puis qui a la connaissance sensible du milieu de travail. Des fois, c'est bien utile, ça.

Le Président (M. Pinard): Alors, je voudrais remercier, au nom des membres de la commission, MM. Laviolette, Laframboise, Mme Girard et Mme Bouchard pour leur prestation. Vous avez vraiment soulevé un volet tout à fait neuf au niveau de votre présentation, et je vous remercie infiniment.

M. Bégin: Je vous remercie infiniment. On aurait aimé avoir beaucoup plus de temps. Vous voyez comment c'est intéressant, mais on doit céder la place à d'autres qui ont une commission. Alors, merci infiniment.

Le Président (M. Pinard): Alors, suspension des travaux avant de poursuivre les travaux sur le projet de loi 40 dans quelques minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 15)

(Reprise à 16 h 24)


Étude détaillée du projet de loi 40

Le Président (M. Pinard): Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance ouverte et je rappelle à tous que le mandat de la commission est de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi 40, Loi sur l'établissement de la liste électorale permanente et modifiant la Loi électorale et d'autres dispositions législatives. Alors, à ce stade-ci, je demanderais au secrétaire d'annoncer les remplacements, s'il vous plaît.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Beaulne (Marguerite-Bourgeoys) est remplacé par M. Dion (Saint-Hyacinthe); M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques) par M. Pinard (Saint-Maurice); M. Laurin (Bourget) par Mme Barbeau (Vanier); M. Simard (Richelieu) par M. Perron (Duplessis): M. Ciaccia (Mont-Royal) par Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François); M. Lefebvre (Frontenac) par M. Gautrin (Verdun); M. Mulcair (Chomedey) par M. Cherry (Saint-Laurent); M. Sirros (Laurier-Dorion) par M. Kelley (Jacques-Cartier).

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le secrétaire. Alors, nous en arrivons à l'étude détaillée.


État de la situation

M. Chevrette: M. le Président...

Le Président (M. Pinard): Oui, M. le ministre.

M. Chevrette: ...nous avons, la dernière fois, à la dernière commission la semaine passée, échangé sur des amendements potentiels, sur des procédures à suivre, et on a ajourné sur le fait que le Parti libéral avait un caucus pour discuter de ces amendements qu'on avait à étudier. Et on tenait à ce que les propositions soient faites derrière ces micros-ci pour qu'on sache très bien sur quoi on s'enlignait. Est-ce qu'il est possible, au tout début, de demander, derrière ces mêmes micros, quelle est la position du Parti libéral?


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: En effet, M. le Président, on a eu une rencontre hier et on ne voudrait pas, évidemment, ici, trahir le secret de nos caucus. Néanmoins, on maintient, comme groupe, d'énormes réserves sur ce qui nous a été présenté hier comme étant votre position. Et je vais essayer de synthétiser le mieux que je peux les réserves qu'on peut avoir, et peut-être qu'il y a possibilité, de votre part, de pouvoir y répondre et de pouvoir avancer dans ce sens-là. Le premier problème que l'on voit, ça a toujours été – si vous voulez le maintenir – le principe de l'ouverture des fichiers de la RAMQ. Ça, c'est un problème qui nous reste – on ne voit pas tellement l'utilité... – le danger qu'il peut y avoir de faire appel à un fichier de la RAMQ. Je dois dire néanmoins que, de l'autre côté, on partage votre point de vue d'une liste électorale permanente et, sur ça, je pense qu'au moins on a un point de convergence.

J'ai cru comprendre que vous souhaitez faire, à court terme, une révision de la liste électorale, un recensement pour faire une nouvelle liste électorale. La période du mois de juin, pour beaucoup d'entre nous qui sommes des députés de l'île de Montréal, nous semble la pire période pour faire un nouveau recensement parce que c'est juste avant...

M. Chevrette: Est-ce qu'on vous a dit vraiment que c'était en juin qu'on voulait le faire? Il me semblait qu'on parlait de mai, moi.

M. Gautrin: Mai, juin, si vous me permettez, mais ça reste... Autrement dit, si vous me permettez, M. le député de Joliette, faire un nouveau recensement avant la date des déménagements, le 1er juillet, pose problème. Parce que, comme vous le savez, il y a un bon nombre de personnes qui déménagent le 1er juillet. Et nous ne voyons pas, de notre côté, s'il n'y a pas d'urgence électorale – puis je comprends qu'on n'a pas encore déterminé s'il y a urgence électorale ou non – si c'est pertinent de faire un recensement aussi rapidement.

Maintenant, il y a toute la grande question que vous avez soulevée – on partage le point de vue sur l'objectif que vous avez, mais on a des questionnements sur la manière que vous suggérez – qui est de s'assurer que les gens qui sont sur la liste aient bien le droit de vote. Et ça, je pense qu'il n'y a personne autour de cette table qui peut ne pas vouloir que les gens qui sont sur la liste aient réellement le droit de vote. Si j'ai compris ce qui nous a été présenté – peut-être que je l'ai mal compris et, dans ce sens-là, on est bien prêts ici à en rediscuter – vous avez suggéré de donner plus de pouvoirs aux recenseurs et qu'ils puissent ou qu'ils doivent – on n'a pas bien compris si c'est «peuvent» ou «doivent» – exiger une preuve de citoyenneté des gens qui vont s'inscrire sur la liste électorale. Ça, ça apporte des problèmes, à notre sens, assez importants pour des gens qui, prima facie, ont certainement le droit de vote, mais n'ont pas – si on a compris les trois éléments que vous vouliez amener comme étant les éléments de preuve que les gens sont citoyens canadiens – soit le passeport, soit un certificat de citoyenneté, soit un baptistaire.

(16 h 30)

Je suis prêt à vous dire qu'il y a, dans votre propre comté, un paquet de gens qui sont de bonne foi, des citoyens canadiens parce qu'ils sont nés ici, parce qu'ils ont toujours vécu ici, et qui n'ont dans leur poche ou chez eux ni leur extrait de naissance, ni leur baptistaire, ni un passeport, parce que les gens n'ont pas tous un passeport ni un certificat de citoyenneté. Et, si on va dans la direction que vous suggérez, on risquerait d'éliminer de facto un certain nombre de gens des listes électorales. C'est un danger que nous voyons à ce moment-là.

Deuxième élément, vous disiez que, pour corriger éventuellement ça, les gens peuvent faire une déclaration signée, si j'ai compris ce qui était dans l'élément que vous avez proposé. Là, les objections que nous avions à l'intérieur de notre groupe parlementaire, c'est que, particulièrement chez les personnes plus âgées, il y a une énorme réticence parfois à devoir signer quelque chose. Je ne voudrais pas faire de sexisme autour de cette table, mais c'est une réalité pour les personnes plus âgées surtout du sexe féminin; elles ne veulent pas signer quelque chose sans que leur époux soit présent.

Et, même si on recherchait, à l'heure actuelle, que les gens sur la liste électorale soient réellement des gens qui ont le droit d'être sur la liste électorale, on risque, en ayant la position que vous voulez mettre de l'avant, d'éliminer de facto un certain nombre de gens qui ont de plein droit la possibilité d'être sur la liste électorale. Un autre point de vue. Il existe, et c'est malheureux, je dois le reconnaître, un certain nombre de gens qui sont des analphabètes fonctionnels. Ils ont le droit de vote, mais est-ce qu'ils seraient capables ou auraient une volonté de devoir signer? On se posait un peu cette question-là.

Et, si on va très loin, jusqu'au bout, on arrive à la conclusion, et peut-être que vous l'avez débattue ici, autour de cette commission: Pourquoi vouloir réellement modifier le système qui existe au niveau du recensement alors qu'il y a tout le mécanisme – je vous dirai le terme, sans vouloir être choquant – de dénonciation? C'est-à-dire que quelqu'un peut demander, lorsqu'il reçoit la liste électorale, que son voisin soit radié s'il sait que son voisin est sur la liste électorale et n'est pas citoyen canadien. Ça arrive. Vous le savez si vous avez fonctionné... Vous avez fait des campagnes électorales depuis assez longtemps pour savoir qu'il existe toujours des périodes de révision; un certain nombre de gens sont retirés de la liste électorale par ce mécanisme-là. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'essayer d'explorer cette voie-là plutôt que de donner des pouvoirs supplémentaires aux recenseurs? Parce que donner des pouvoirs supplémentaires aux recenseurs peut de facto avoir un effet inverse de ce qu'on recherche, c'est-à-dire éliminer de la liste électorale des gens qui sont de plein droit des gens qui devraient en faire partie.

Alors, c'est à peu près les éléments qui étaient les éléments de réflexion autour de notre groupe parlementaire. Oui, on est pour une liste électorale permanente. Oui, on veut qu'elle soit faite le mieux possible. Est-ce que cette mécanique que vous voulez mettre de l'avant, celle de donner plus de pouvoirs aux recenseurs en leur donnant l'obligation de demander une preuve de citoyenneté ou une déclaration solennelle, est le meilleur chemin? On avait envisagé, M. le ministre, des pistes. Est-ce qu'il serait concevable, par exemple, que le recenseur ait l'obligation de poser la question, sans nécessairement demander une signature, et que ce soit lui, après, qui arrive en disant: Nous avons bien posé la question à chacun des gens qu'on a mis sur la liste et nous attestons sous serment que les gens nous ont répondu de bonne foi qu'ils étaient citoyens canadiens? Ce serait peut-être une piste qui serait moins rigide que celle que vous avez mise de l'avant.

Alors, je pense synthétiser à peu près les positions. On a un esprit, je crois, d'ouverture, mais on avait un peu de craintes sur la direction dans laquelle vous allez. Je crois que la députée de Saint-François aurait peut-être un point à ajouter ou deux.

Le Président (M. Pinard): Je cède la parole à Mme la députée de Saint-François.


Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Oui, je pense que ce qui est important, c'est que, quand on parle de droit de vote... Je pense que le Directeur général des élections de même que le ministre vont convenir avec moi que, quand on vit dans un pays démocratique, ce qui est important, c'est de s'assurer que le plus de gens possible puissent exercer leur droit de vote. Bon, ça se peut que, dans le passé, certaines personnes aient pu voter illégalement, on le sait. Cependant, je pense qu'il ne faut pas partir de cette prémisse; je pense qu'il faut plutôt présumer que les gens sont de bonne foi, que les gens ont le droit de vote, et ce qui est important dans un pays démocratique, c'est que tous puissent avoir ce droit de vote, en autant, bien sûr, qu'ils sont admissibles, qu'ils sont éligibles.

Et là, on a l'impression qu'avec le projet de loi c'est un petit peu l'inverse. C'est comme si, à un moment donné, on avait l'impression qu'on essayait de viser les fraudeurs au lieu... Parce que le processus devient un processus qui est un peu plus lourd, qui est moins flexible, qui est plus lourd et qui, dans certains cas – parce que je n'entrerai pas dans tous les détails, on pourra peut-être y revenir lorsqu'on en discutera plus en profondeur – pourrait, pour toutes sortes de raisons, par exemple, décourager des personnes de s'inscrire sur la liste ou de faire partie de cette liste électorale qui leur permettrait d'exercer leur droit de vote.

Pensons, par exemple, à des personnes âgées. On peut penser aussi aux communautés culturelles, dépendamment de leur culture. On sait, par exemple, que quelqu'un qui frappe à des portes ou bien, par exemple, à qui on demande de signer... Même tout Québécois d'origine aussi...

M. Chevrette: Je m'excuse. Vous me permettez de vous arrêter?

Mme Gagnon-Tremblay: Oui.

M. Chevrette: Ce que je vous demandais là, ce n'est pas une plaidoirie; c'est de faire rapport, je veux dire. Autrement, je suppose que vous allez répéter ça à chacun des articles après, pendant 20 minutes. Je pense qu'on va s'entendre: c'est un exercice qu'on a tenté de bonne foi, comme la dernière fois. Il y en avait au moins un qui était ici, la dernière fois, c'est le député de Châteauguay, mais, le reste, vous n'étiez pas là, personne. J'ai posé des questions précises, je voudrais avoir un rapport précis, mais pas des successions de 20 minutes, un «filibuster» sur une information, vous comprenez.

Mme Gagnon-Tremblay: Écoutez, je vais être très brève, M. le ministre. Si vous permettez, M. le Président, c'est que, si, au départ...

Le Président (M. Pinard): On pourrait permettre à la députée de Saint-François de peut-être compléter en deux, trois minutes.

Mme Gagnon-Tremblay: Ça va être très bref. C'est que, si, au départ, on prend pour acquis que les gens ont le droit de voter et que ce ne sont pas des fraudeurs – il y a peut-être eu des exceptions là, mais ce n'est pas vrai que la population, que les gens qui vont voter sont des fraudeurs – si on prend ça pour acquis, à ce moment-là, on est capables d'apporter des modifications à ce projet de loi, puis on est capables de s'entendre, puis de l'adopter. Mais, si on n'est pas capables de partir avec ça, qu'on pense que les gens sont des fraudeurs, que les gens vont voter illégalement, à ce moment-là, c'est bien sûr qu'on ne s'entendra pas. Je pense que ça résume assez bien la pensée.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, madame.

M. Chevrette: M. le Président, je veux au moins répondre à ça, moi.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le ministre.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Oui. M. le Président, je vous rappellerai que madame n'était pas ici, puis jamais un député ici n'a maintenu autour d'une table qu'on parlait de fraudeurs, puis qu'on présumait la fraude. Jamais. Au contraire, même la dernière fois, pour ceux qui étaient ici, on se rappellera que les objectifs fondamentaux de ce projet de loi ne sont pas issus d'un gouvernement du Parti québécois, mais sont issus d'un gouvernement libéral. C'est un mandat unanime de l'Assemblée nationale, sur lequel mandat madame a voté pour, monsieur a voté pour, M. le député de Saint-Laurent a voté pour, parce qu'ils étaient à l'Assemblée nationale, puis ils ont voté unanimement pour un mandat donné au président Directeur général des élections de réaliser un projet sur une liste électorale informatisée et permanente. Bon. Non, mais, ça, ça a été unanime à l'Assemblée nationale. Il n'y a personne qui présumait de fraude ou quoi que ce soit; c'est votre propre mandat qui a été réalisé, mais que vous n'avez pas conduit à bonnes fins.

On arrive, on dépose le mandat réalisé sous votre régime. Conformément à ce dépôt-là, qui a été fait à l'Assemblée nationale dans votre temps, au moment où vous étiez au gouvernement – et ça a été remis à M. Marc-Yvan Côté, à part ça – les comités... Et je prends à témoin un observateur qui est ici, qui est derrière Mme la députée de Jean-Talon, qui représentait l'ADQ. On a toujours parlé d'une liste électorale permanente informatisée, en ajoutant même une modification dans le titre pour apporter certains éléments additionnels. Ça a été tout fait de très bonne foi.

(16 h 40)

Les objectifs de ce projet de loi, c'était: un, de faire en sorte qu'on ait un outil moderne, informatisé, avec la possibilité d'avoir un meilleur contrôle sur la qualité des électeurs; deux, d'éviter les doubles inscriptions; trois, d'en arriver avec une économie de 34 000 000 $ ou 35 000 000 $, au niveau du Québec, en faisant un seul recensement devant servir au scolaire et au municipal. Ça, c'étaient les objectifs de fond. Puis tout le monde était d'accord là-dessus, c'était unanime.

On est arrivés, M. le Président, avec la liste du 12 septembre comme outil de départ. C'était «safe», plus sécure, si vous me permettez l'expression, à 92 %; ça a tombé à 88 %. Le Parti libéral est arrivé ici en disant: Ça ne marche pas, la liste du 12 septembre confrontée avec la RAMQ. On a dit: Qu'est-ce que ça prendrait, d'abord, au départ? On a dit: Recensement. Recensement? On accepte le recensement de départ. On le fait, puis on accepte d'enlever les barrières d'un comté à l'autre pour choisir les meilleurs recenseurs qu'il y ait.

C'est à la suite des suggestions de M. Copeman et de M. le député de Laurier qu'on a introduit également la notion des pièces demandées. Relisez vos propres procès-verbaux ici. J'ai dit: O.K., on va demander les trois pièces justificatives que vous voulez, là: certificat de naissance, passeport, ou encore certificat de citoyenneté, ou déclaration solennelle. Ou déclaration solennelle. On prend tout ça, on le met comme amendement et on le dépose ici. Ça ne fait pas encore! Là, ça ne fait plus! On dit: La confrontation avec la RAMQ, ça ne se fait pas. On veut, à tous les trois ans, faire une révision et/ou un recensement, puis sans confrontation avec la RAMQ. Ce n'est plus une liste électorale informatisée permanente, ça; c'est le fait de perpétuer le recensement. C'est ce qu'on ne veut plus.

Vous êtes arrivés avec des amendements en disant: Il y a du monde qui nous barre les portes au nez. Il y a des concierges qui ne veulent pas nous ouvrir des blocs. Il y a du monde qui souffre d'insécurité quand il arrive quelqu'un. Bien, on a dit: Il n'y en aura plus, de ça; ça va être établi, justement, par une liste permanente confrontée au système de la RAMQ et puis les gens vont voir la liste, puis ils vont dire s'ils sont d'accord pour être dessus ou pas. Ils vont le décider. On a dit: Ah non! Il faut aller voir les gens. Là, ce n'était plus le même argument, il fallait aller voir les gens.

M. le Président, mon grand-père appelait ça une «alouette branle-quelque chose», quelqu'un qui tourne sur un dix-cent à tous les deux jours, là. Là, la signature, ça ne fait plus, ça ne fait plus. On peut demander les pièces, mais on ne pourra plus exiger la signature. Après ça, qu'est-ce qui est arrivé, M. le Président? La révision, je l'ai dit. Le recensement, je l'ai dit. Les pièces d'identité, c'est leur suggestion. Le recensement, c'est leur suggestion. Puis, là, on nous arrive. On sort des nues, aujourd'hui, là: Oui, mais il ne faudrait pas un système qui prend pour acquis que les gens sont de mauvaise foi. Ce n'est pas ça qu'on dit, pas une minute.

Je pourrais bien vous demander, moi: Y a-t-il un pays démocratique au monde qui ne s'assure pas de la qualité d'électeur au départ? Nommez-m'en donc un. Il n'y a pas un pays au monde qui n'accepte pas la qualité fondamentale de l'électeur; c'est un minimum, ça. Et on doit prendre tous les moyens pour contrer l'illégalité, à part de ça, dès le départ. On doit prendre tous les moyens pour faire en sorte qu'à une élection générale on ne vote que dans sa circonscription électorale. On sait que notre système est de plus en plus poreux là-dessus, pour toutes sortes de raisons.

Quand je vois ça, moi, le même parti qui ne veut pas aller à la RAMQ pour faire les mises à jour... Parce que la mise à jour de la RAMQ – M. le député de Verdun, vous, vous allez comprendre ça – c'est d'aller voir ceux qui ont 18 ans et qui embarquent, c'est d'enlever les décès et c'est de corriger les adresses. C'est ça, la mise à jour, rien de plus. Vous avez conclu, comme gouvernement, 13 des 14 ententes avec la RAMQ. Vous étiez tout ouverts à ce qu'on «check» les certificats des chasseurs. Vous êtes d'accord pour courir après des jeunes qui ne remboursent pas leurs prêts; là, vous admettez que la RAMQ collabore et courre après ces jeunes-là. Vous êtes d'accord pour courir après les assistés sociaux qui ont des redevances devant le gouvernement, mais vous n'êtes pas d'accord, par exemple, pas pour établir une liste électorale, seulement pour une mise à jour.

On a accepté votre propre suggestion quant au recensement de base, de départ, et là vous nous arrivez: la question de la RAMQ est encore en cause aujourd'hui. Ça fait 60 heures qu'on est ici. On est prêts à discuter. À discuter de quoi, bonne mère! À niaiser et à changer de député quand les autres sont à bout de souffle pour venir à bout d'avoir des 20 minutes successives sur des articles? Il ne faut pas prendre le Parlement pour des cons. On légifère ou on ne légifère pas.

J'ai accepté les arguments de fond sur les articles. Si on ne m'avait pas fait la démonstration que la liste du 12 septembre n'était pas fiable, je n'aurais pas changé pour un recensement; ça coûte 19 000 000 $, cet amendement-là que j'ai proposé aux citoyens québécois. Saviez-vous ça? Et vous voudriez que je répète ça à perpète, alors que j'ai dit que j'acceptais un autre amendement disant que, si dans deux ou trois ans, la révision avec la RAMQ n'était pas valide, via le Directeur général des élections et après consultation avec les partis politiques, on verrait si ce sera des révisions partielles ou une révision totale. On a tout dit ça ici, pendant des heures et des heures. Aujourd'hui, on nous arrive en disant: On serait peut-être ouverts à discuter, en autant que ça ne mette pas en cause les échanges avec la RAMQ.

On veut une liste électorale permanente informatisée. Ça veut dire que ça va être sur informatique, pas par des recensements; ça nous prend donc des moyens. Les moyens qu'on demande sont plus faibles que ceux que vous avez donnés dans 13 des 14 ententes qui sont signées comme échanges avec la RAMQ. Moi, je suis prêt à aller sur la place publique là-dessus, puis on va s'en parler. Ce n'est pas une chasse aux sorcières, ça, comme certains voudraient le faire percevoir encore cet après-midi, dans l'argument de la députée de Saint-François. On a tout expliqué ça ici.

Vous avez tous dit, dans vos discours en Chambre, que vous étiez pour l'amélioration d'un outil moderne qui s'inscrivait dans la modernité. Vous avez tous dit dans vos discours, en vous contredisant à l'occasion, que ça prenait une liste électorale permanente, mais vous proposez tout pour qu'on n'ait pas une liste électorale permanente. Écoutez, on ne peut pas jouer aux fous ad vitam aeternam avec ça; on ne peut pas jouer aux fous avec ça.

Il nous faut un outil moderne de gestion du vote. À mon point de vue, on doit concourir aux objectifs fondamentaux. Pour connaître la qualité de l'électeur, pour éviter les doubles inscriptions, pour éviter qu'il y ait des gens qui viennent en territoire québécois voter alors qu'ils sont de l'extérieur, il nous faut des moyens de contrôle. C'est clair? Il nous en faut d'excellents moyens de contrôle, puis on ne peut pas parler des deux côtés de la bouche en même temps: vouloir le principe et tout faire pour que le principe ne puisse même pas voir le jour. Ça ne marche pas, ça.

Je vous avoue, M. le Président, que je suis prêt à commencer article par article. C'est ça qu'ils veulent, on va le passer.

Le Président (M. Pinard): Oui. Je vais donner encore, si vous me le permettez, un cinq minutes de part et d'autre, et, après ça, on pourra enclencher le processus.

M. Gautrin: Je voudrais quand même répondre au député. C'est vrai que, de ce côté-ci, on fonctionne...

Le Président (M. Pinard): M. le député de Verdun, mais M. le député de Châteauguay avait demandé la parole antérieurement.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: M. le Président, je voudrais quand même répondre à l'argumentation du député de Joliette. Vous ne voyez, j'ai l'impression, qu'un côté du problème et, nous, on voit l'autre. Je vais vous expliquer la différence de points de vue qu'on a à l'heure actuelle et sur laquelle on a de la misère à converger. Et ne prétendez pas qu'on n'est pas de bonne foi.

Vous, vous avez argumenté en disant: Il faut s'assurer que les gens qui sont sur la liste aient tous le droit de vote. Et ça, je crois que c'est un objectif que, moi, je partage et que, de notre côté, nous partageons. Par contre, on a l'autre point de vue qui est de s'assurer aussi que tous les gens qui ont le droit de vote puissent être sur la liste. Autrement dit, que le mécanisme qu'on fait pour confectionner la liste n'ait pas pour effet implicitement d'éliminer de la liste des gens qui auraient le droit de vote.

M. Chevrette: Je «peux-tu» vous arrêter pour vous comprendre? Ça fait deux fois que vous dites ça cet après-midi.

M. Gautrin: Oui.

M. Chevrette: Je m'excuse, le mécanisme, là... Ou bien c'est parce que vous ne le comprenez pas. Si un rapport de doute est inscrit par un recenseur, c'est loin d'exclure l'individu. Tout ce que ça fait – il l'inscrit sur la liste pareil, il est obligé de l'inscrire sur la liste – ce n'est que la révision qui peut le convoquer. On vous a très mal informé, parce que, ça, c'est faux. Ça fait deux fois que vous l'affirmez depuis tantôt. Et, si c'est ça qu'on vous a donné comme rapport, c'est mensonger par rapport à la loi et par rapport aux amendements législatifs. C'est mensonger.

M. Gautrin: Vous permettez que je pose une question?

Le Président (M. Pinard): Oui. Allez.

(16 h 50)

M. Gautrin: Moi, je veux bien comprendre, à l'heure actuelle. On va essayer de faire une simulation. Vous avez un couple de recenseurs qui se présentent, lorsqu'on constitue la première liste, à une porte. Alors, là, qu'est-ce qui se passe? Puis je vous pose la question: Est-ce que vous pouvez me dire ce qui va se passer?

M. Chevrette: Je m'en vais vous le décrire.

M. Gautrin: O.K.

M. Chevrette: Je rentre là et, selon vos propres suggestions, je demande combien il y a de votes.

M. Gautrin: Je n'ai pas... Ne parlez pas de mes propres... Ce sont celles de mes collègues. Moi, je ne suis pas encore intervenu.

M. Chevrette: Non, non. Mais, moi, je vous dis ce qu'on a fait, où on en est rendus dans les amendements.

M. Gautrin: O.K.

M. Chevrette: Quelqu'un rentre, c'est deux par porte. Ils demandent: Combien il y a d'électeurs ici qui sont âgés de 18 ans et plus, qui ont le droit de vote? La personne répond: Cinq. Le premier s'appelle Gautrin. Son nom, son adresse.

M. Gautrin: L'adresse, il l'a, parce qu'il a frappé à la porte.

M. Chevrette: Oui. Il est là, il a frappé à la porte. Son âge, sa date de naissance et: Êtes-vous citoyen canadien ou pas? Si je doute, je te demande: Avez-vous un certificat de citoyenneté ou un passeport? Il dit: Non, puis je ne veux pas vous le donner. Je vous fais une déclaration solennelle. Parfait. Gautrin, je marque: déclaration solennelle. Si je doute, comme recenseur, je t'envoie à la révision, mais tu es sur la liste, c'est clair.

Il en annonce quatre autres qui ne sont pas là. C'est Gautrin qui est là. Bien, Gautrin enregistre les quatre autres et il signe comme quoi les renseignements qu'il te donne sont exacts. Et, si je doute que tu m'en passes deux... que vous m'en passez deux, excusez, eh bien, j'ai le droit de dire: Je doute pour ces deux personnes-là, et la révision passera. C'est ce qui se fait présentement, à part de ça, ça. C'est le certificat de doute qui existe présentement; il n'y a rien de nouveau là.

La différence est qu'il y a plus d'exigences, et ça, à la suggestion des deux partis, ici, dans cette salle. Il y a des exigences de base plus grandes pour la qualité d'électeur. Et la liste est saisie après. Une double inscription ne peut pas avoir lieu parce que, le soir même, ça rentre; tous les noms recensés dans une journée rentrent. Et, avec la date de naissance et le nom, on ne pourra plus s'inscrire dans deux comtés, un seul. Et ça, c'est important.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Verdun, vous continuez?

M. Gautrin: O.K. Je ne voudrais pas faire de débat, ici, pour retarder. Il reste quand même notre crainte, à nous: le côté de l'obligation de signature est quelque chose qui nous inquiète.

M. Chevrette: Bien, êtes-vous d'accord plutôt avec l'exigence des pièces?

M. Gautrin: Attendez un instant.

M. Chevrette: S'il n'y a pas d'exigence des pièces, qu'est-ce qu'il va vous rester? C'est un ou l'autre. La déclaration solennelle? La déclaration solennelle, elle existe s'il ne fournit pas les pièces.

M. Gautrin: La question que je vous pose: Honnêtement, vous gagnez quoi en demandant cette signature? Et l'objection qu'on a – et vous devez le savoir aussi – c'est la réticence que vous avez, particulièrement chez un certain nombre de personnes, à signer. Et pourquoi vous n'êtes pas capable de vous poser la... Excusez-moi, vous faites exactement le même scénario que vous venez de me décrire, qui serait: Un recenseur arrive. Est-ce que vous êtes un citoyen canadien, etc.? S'il a des doutes, il peut demander... Si le gars dit non... Sans signature. Pourquoi vous avez besoin de cette signature à la fin?

M. Chevrette: D'abord, les gens sont habitués aux recensements, comme vous le dites, ici. Ils savent très bien qu'on va les voir pour savoir s'ils ont la qualité d'électeur, puis combien il y en a. C'est une façon de responsabiliser l'électeur, d'abord, et, deuxièmement, de contrôler, d'une certaine façon, les recenseurs qui sont payés à la pièce, pour une bonne partie, aussi. N'oublions pas ça.

M. Gautrin: Je me permets de vous donner le contrepoids, puisqu'on n'a pas repris l'exemple. Prenez la personne relativement insécure qui refuse de signer – si vous avez fait du porte-à-porte autant que vous en avez fait, vous devez savoir que ça existe, ces choses-là – qui a parfaitement le droit de vote, qui n'a pas en sa possession les pièces justificatives, parce que les gens ne les ont pas tous, et qui refuse de faire cette déclaration solennelle.

M. Chevrette: Bien oui, mais, là, écoutez! Écoutez, M. Gautrin... M. le député de Verdun, vous savez très, très bien que tu ne peux pas faire fi de règles minimales. Si tu ne veux pas démontrer tes pièces, tu vas au moins dire...

M. Gautrin: Si tu ne les as pas?

M. Chevrette: Bien, s'il ne les a pas, on l'a expliqué, encore là; on va le réexpliquer pour la dixième fois. S'il ne les a pas, c'est là qu'on dit: Jures-tu solennellement que tu es citoyen canadien, puis que tu as 18 ans, puis que c'est bien ton adresse? Et puis c'est tout. C'est ça.

M. Gautrin: Mais est-ce que ça veut dire...

M. Chevrette: Mais la responsabilisation...

M. Gautrin: Est-ce qu'il y a une signature ou pas?

M. Chevrette: Oui, il y a une signature.

M. Gautrin: Pourquoi?

M. Chevrette: Pourquoi une signature? Bien, voyons! Vous devez savoir, monsieur...

M. Gautrin: Le député de Verdun.

M. Chevrette: ...l'ex-recteur d'université...

M. Gautrin: Je n'ai jamais été recteur d'université, moi.

M. Chevrette: Vous avez rêvé y être, en tout cas.

M. Gautrin: Non, jamais.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: J'ai été président de syndicat, par exemple, mais jamais recteur. Alors, ne commencez pas à faire des choses là-dessus.

M. Chevrette: Blague à part?

M. Gautrin: Non, mais sérieusement.

M. Chevrette: Je pensais que tu avais été recteur. Je m'excuse.

Une voix: Doyen. Doyen.

M. Chevrette: Doyen?

M. Gautrin: Non. Mais, alors, continuons.

M. Chevrette: La signature, c'est la responsabilisation de la personne, c'est clair. Écoutez, je prends la peine de déclarer, moi, que j'ai la qualité d'électeur; je signe. Vous recevez une lettre de Purolator. Vous la signez, bonne mère! Ce n'est pas la fin du monde, ça. Signer que vous avez une qualité d'électeur comme citoyen, c'est minimum, ça. La formule d'impôt, c'est quoi? À moins de donner un mandat à votre...

M. Gautrin: Le nombre de personnes qui ont des réticences à signer quelque chose, bon Dieu! Très honnêtement, vous devriez... On va faire un test. Honnêtement, vous devriez même le tester. On va aller dans une maison de personnes âgées, déguisés comme deux recenseurs.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Pour certains, ils n'ont pas besoin de se déguiser, ils ne seront pas reconnus. Je connais certains ministres qui sont sortis du Parlement moins connus qu'au moment où ils y sont entrés.

M. Gautrin: Non, mais, écoutez, là, sans faire d'humour, on va voir si les personnes ont autant la propension que vous le dites à signer. Et même si, prima facie, de vous à moi, on va aller voir quelqu'un qui a la qualité d'électeur, on va aller voir si elles ont autant de facilité à... Je suis prêt à parier – on ne parie pas, mais enfin – avec vous, ici, que, si on tente l'expérience, il y a des gens qui vont avoir, surtout si on prend les personnes les plus âgées, des réticences à signer. Je vous le dis honnêtement. Et c'est ça, de mon point de vue, en tout cas.

M. Chevrette: À supposer que la personne ne veuille pas signer, ou est incapable de signer – je suis votre raisonnement, M. le député de Verdun – ...

M. Gautrin: Oui, continuez.

M. Chevrette: ...si on a la déclaration solennelle, qui va jurer que la déclaration solennelle a été posée?

M. Gautrin: Bien, voyons donc! Pourquoi les deux recenseurs? Les deux recenseurs sont là. Ils viennent vous voir et vous disent: M. Chevrette, bonjour. Et vous dites: Vous savez, bon, je ne veux pas signer, moi, etc. On vous dit: Est-ce que vous êtes prêt à dire solennellement que vous êtes citoyen canadien? Vous dites: Oui, ça, je suis prêt à l'affirmer. Les deux recenseurs disent: On peut noter et affirmer qu'il a solennellement affirmé qu'il est citoyen canadien. Pourquoi vous voulez le faire signer en plus?

Le Président (M. Pinard): M. le député de Verdun, vous avez terminé votre intervention?

M. Gautrin: J'ai terminé mon morceau d'intervention.

Le Président (M. Pinard): O.K. Merci.

M. Gautrin: Je ne voudrais pas retarder le débat inutilement.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Duplessis a demandé la parole.


M. Denis Perron

M. Perron: M. le Président, ça fait tout de même au moins deux ou trois ans que je suis député à l'Assemblée nationale. J'en ai vu passer, des recensements, puis j'en ai vu passer, des bibites, à l'intérieur des recensements aussi. Puis j'ai même vu des gens, qui étaient de bonne foi, qui se sont inscrits sur la liste électorale, puis qui, justement, ce que vous disiez tout à l'heure, par leur voisin se sont fait rayer. Mais, pourtant, ces gens-là demeuraient là et il a fallu les faire réinscrire en plus. Puis, ça, ça se fait de toutes les façons possibles. Puis, ça, vous le savez très bien; tout le monde le sait. Tout le monde sait comment ça marche actuellement.

Je pense que le projet de loi du gouvernement, en quelque sorte, entre guillemets, vient de vous autres, lorsque vous étiez au gouvernement. Déposé à l'Assemblée nationale, on amène ça en commission parlementaire, puis, tout à coup, les gens d'en face commencent à trouver des bibites à peu près partout. Mais qu'est-ce que ça veut dire que vous ne trouviez pas de bibites dans le temps, puis, là, que vous en trouvez aujourd'hui? Est-ce parce que vous êtes dans l'opposition ou quoi?

Quand on parle des personnes rayées, je l'ai mentionné, ce qui pouvait arriver. Puis je pense qu'avec la confirmation qui pourrait être faite par le fichier de la RAMQ ça pourrait corriger un paquet de problèmes qui existent à peu près pour tous les citoyens et toutes les citoyennes du Québec au niveau d'être rayés de la liste. Deuxièmement, la question des réticences. Tout à l'heure, j'écoutais le député de Verdun. Il parlait comme si une personne qui a le droit de vote pourrait s'abstenir de faire une signature parce qu'elle doit signer. Bien, voyons donc! Ce n'est pas une pétition qu'il signe là; c'est un droit. C'est un droit, puis c'est un pouvoir qu'un gouvernement devrait avoir, puis que tous les partis politiques devraient avoir, justement, pour s'assurer que toutes les personnes...

Le Président (M. Pinard): S'il vous plaît! J'apprécierais que tout le monde écoute l'intervention du député de Duplessis avec beaucoup d'attention.

M. Perron: Le gouvernement a le pouvoir, mais il a le droit aussi, puis il a l'honnêteté de faire en sorte que toutes les personnes qui sont inscrites sur la liste électorale le soient en bonne et due forme, et que ces personnes-là puissent avoir le droit de vote la journée du scrutin. Ça, c'est clair. Mais là on parle de personnes en particulier; on ne dit pas aux recenseurs de partir à courir pour demander des signatures à tout le monde pareil comme si c'était une pétition. Ce n'est pas une pétition, là. C'est que chaque individu a le droit de s'inscrire sur une liste électorale en bonne et due forme en vertu d'une loi existante.

On sait que la loi existante, actuellement, c'est plein de trous. On sait que la loi existante, il faudrait qu'elle soit remodelée, il faudrait qu'elle soit refaite dans son ensemble. C'est ça qu'on essaie de faire actuellement. D'un côté, vous dites que vous êtes d'accord avec une liste électorale permanente et, d'un autre côté, vous mettez assez de bibites à l'intérieur du projet de loi lui-même pour que ça ne se fasse pas. Bien, voyons donc! Il va falloir qu'à un moment donné vous soyez cohérents dans votre discours et dans vos attitudes à ce niveau-là.

(17 heures)

Moi, je pense fortement, M. le Président, que, si on n'arrive pas à régler sur le fond tous les problèmes que nous avons vécus autour de toutes ces périodes électorales que nous avons eues et même au niveau d'un référendum que nous avons déjà eu, et peut-être même au niveau du référendum qui avait été commandé par le gouvernement fédéral qu'on a eu... Vous savez, moi, dans mon comté, là – je vais vous donner l'exemple suivant – j'ai des gens qui demeurent au Labrador par le biais de Wabush et Labrador City, et la ville de Fermont. Il y a des gens, qui demeuraient à Labrador City et à Wabush, lors des dernières élections, qui ont essayé et qui ont réussi même à s'inscrire sur la liste électorale du Québec. Ils n'étaient même pas résidents. C'étaient des francophones et il y avait même des anglophones. C'était carrément illégal; tout le monde le savait.

La frontière du Labrador, dans le bout de Blanc-Sablon, dont vous avez entendu parler, dernièrement, c'est la même chose. Il y a des gens du Labrador, Terre-Neuviens suite au 2 mai 1927 que tout le monde connaît – le Labrador, la partie d'en bas sur le golfe – il y a des gens de Terre-Neuve, des anglophones, très majoritairement, et je ne dis pas que c'est par centaines, mais qui viennent essayer de s'inscrire sur une liste électorale lors des élections du Québec. Voyons donc!

M. Gautrin: C'est vos recenseurs, c'est vous qui les nommez.

M. Perron: Bien oui, mais c'est ça, c'est nos recenseurs.

M. Gautrin: C'est vous qui les nommez.

M. Perron: C'est pour empêcher ça, les moyens que l'on prend au niveau du projet de loi. Les moyens que l'on veut prendre au niveau du projet de loi, c'est pour empêcher tout ça, pour que ce soit le plus démocratique possible, pour que toutes les personnes qui se présentent la journée du scrutin soient des personnes qui ont vraiment le droit de vote. Dieu sait que, si on a une liste permanente à partir d'une loi qui est cohérente, on va arriver à régler un paquet de problèmes comme ça et on va arriver à avoir des élections qui se tiennent debout. Dieu sait combien on a eu de problèmes au cours des 25 dernières années. Moi, après 18 ans et demi, j'ai passé cinq élections, j'ai passé deux référendums.

On voit des élections municipales, très souvent, qui arrivent toutes croches au niveau des personnes recensées. Les listes sont incomplètes; on l'a vu dans la ville de Sept-Îles, dans la ville de Port-Cartier, on le voit aussi dans certaines villes comme Fermont. Il y a des gens qui ne sont pas inscrits parce qu'ils ne peuvent pas aller s'inscrire, mais ils sont tout de même résidents. Ils ne le peuvent pas pour des raisons incontrôlables. Mais, si on a une liste permanente, bout de tabarouette! pour ne pas dire d'autre chose...

Une voix: Christ!

Une voix: On t'a compris, Denis.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Perron: Si on a une liste permanente, on va savoir où on s'en va avec nos skis.

Une voix: On le sait...

M. Perron: Mais, là, personne ne le sait, où on s'en va.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Duplessis...

M. Perron: Je pense que...

Le Président (M. Pinard): ...avant que vous glissiez...

M. Perron: Je conclus en disant, M. le Président, que le leader du gouvernement a toujours été cohérent, de ce côté-ci, par rapport au gouvernement lui-même. Et puis, selon ce que j'ai entendu de mon bureau lorsqu'on écoute les commissions parlementaires – et ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on l'entend – une journée, vous parlez d'une façon et, le lendemain, vous parlez d'une autre façon. Bien, voyons donc! À un moment donné, orientez-vous, vous autres aussi. En tout cas, moi, je ne marche plus là-dedans, là.

M. Gautrin: Je n'ai jamais parlé de manière différente.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Duplessis. Encore pour quelques minutes, je vais prendre deux interventions et, après ça, vous allez comprendre que je vais devoir fonctionner. Alors, M. le député de Châteauguay.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. Je voudrais intervenir dans le débat pour rappeler un peu le rôle et... Le député de Duplessis nous appelait à la cohérence, je vais lui expliquer quelle a été notre attitude et la cohérence que nous avons eue dans le dossier depuis le début. Ce que nous avons tenté de faire – et, ma foi, jusqu'à un certain point, on y a réussi – nous avons tenté, en collaboration avec le gouvernement, de nous questionner, d'essayer de voir comment on pouvait bonifier un système qui, rappelons-le, n'est déjà pas si mauvais que ça, puisqu'il est exporté partout dans le monde. Nous avons bien souvent fait état ici, devant cette commission, d'articles de journaux citant le Directeur général des élections lui-même qui parlait de la qualité et du fait que notre système était bon.

J'en profite pour faire une petite parenthèse pour le député de Duplessis qui prétend que notre système est plein de trous, que nos élections ne sont pas bonnes. À l'entendre, on dirait que toutes les élections qu'il y a eu depuis 1980 ont été illégales ou que le résultat ne serait pas bon parce qu'il y aurait eu trop de trous. C'est étonnant quand on arrive devant cette urgence, aujourd'hui, là, à nous...

M. Perron: Non, M. le Président, je n'ai...

M. Fournier: ...«bulldozer».

M. Perron: ...jamais dit que ce n'était pas bon, là.

Une voix: Oui.

M. Fournier: En tout cas, c'était plein de trous, tout au moins, là.

M. Perron: Il est en train de mettre dans ma bouche des mots que je n'ai pas dits.

M. Fournier: Je vais retirer les mots, M. le Président...

M. Perron: Oui, bien, retire-les comme il faut.

M. Fournier: ...s'ils ne sont pas tout à fait comme ceux-là, mais j'ai très bien compris l'impression que donnait le député de Duplessis...

Une voix: C'est les résultats de 1985 et de 1989 qui n'étaient pas bons.

Le Président (M. Pinard): S'il vous plaît!

M. Fournier: ...qui nous disait que la loi était pleine de trous, laissant entendre qu'il y avait eu beaucoup de problèmes. Alors, je me demande bien ce qu'il pouvait donc dire des résultats qu'il y avait eu. J'ai ici des pourcentages de nombre d'électeurs, la qualité, là, hein. Le ministre, tantôt, parlait qu'à l'époque où il voulait avoir la liste du 12 septembre elle était à 92 % bonne et, lorsqu'il a appris qu'elle était à 88 % bonne, là, il a dit: Ah, je vais dire comme l'opposition. Rappelons quand même que, en mai 1980, le taux était de 88 %; en avril 1981, 89 %; le 25 septembre 1989, 89 %; le référendum du 26 octobre 1992, 93 %. On joue dans ces chiffres-là, hein, on joue dans ces chiffres-là.

Maintenant, on nous dit qu'il y a une crise, qu'il y a urgence, qu'on va modifier de façon précipitée une loi quasi constitutionnelle, puisque c'est ça.

Une voix: C'est exactement ce qu'on veut, monsieur.

M. Fournier: Il s'agit de bonifier le système, et je veux juste...

Une voix: C'est ce que vous ne voulez pas.

M. Fournier: ...qu'on comprenne comme il faut, là, ce qu'on fait ici. Le député de Laurier, en discussion avec le député de Joliette, le ministre responsable, qu'est-ce qu'il cherchait? Il cherchait – et je me souviens un peu de ses paroles, là – un système qui facilite la vie pour le citoyen et qui fait en sorte que le plus grand nombre possible – le député de Duplessis, là, disait: C'est 100 % qu'on vise, bien, nous aussi – de personnes ayant le droit de vote se retrouvent sur la liste. C'est pour ça qu'on a toujours dit qu'on était très hésitants à aller dans un système à l'américaine où nous ne faisons plus de recensements périodiques, où nous n'allons plus de domicile en domicile quérir les gens pour voir s'ils ont les conditions pour être admis, de manière à éviter qu'on se retrouve avec les 63 % qu'on retrouve aux États-Unis, qui est le système qu'on veut nous proposer, là.

Donc, c'est dans cet esprit-là que des propositions de modification, suite à des questionnements qu'on avait, ont été faites. Alors, devant les propositions que l'opposition a amenées... Parce qu'on peut au moins dire une chose: On a été constructifs, on apporte des propositions. Ces propositions-là, à l'évidence, une fois qu'on a consulté d'autres personnes, qu'on regarde un peu comment ça peut fonctionner, par exemple, l'histoire des cartes et l'histoire de la signature...

Le Président (M. Pinard): Je vous inviterais à conclure, s'il vous plaît.

M. Fournier: Je vais conclure là-dessus, mais j'ai besoin encore d'une minute, M. le Président. Ces propositions-là qui ont été faites, lorsqu'on consulte les gens sur le terrain, ils nous disent: Oui, mais ça risque d'engendrer une diminution du taux d'inscription de ceux qui auraient le droit de vote. Alors, nous cherchons, nous cherchons. Je vais prendre 30 secondes de plus, parce que le ministre me pose une question par sa physionomie. Il semble me dire: Pourquoi je dis ça?

M. Chevrette: Je suis tellement expressif, je vous dis quelque chose.

M. Fournier: Il semble me dire: Comment ça se fait? Les gens, sur le terrain, nous disent – et le député de Verdun le disait tantôt – que, s'il doit y avoir une signature de plus donnée à des gens qu'on ne connaît pas à la porte, ça risque de les inquiéter. Alors, bon, une proposition est faite. Si c'était le recenseur que l'on responsabilisait, puisque c'est lui qui est payé pour faire le travail. Ils sont deux, un de chaque parti, et ils vont dire: Oui, nous avons questionné et les déclarations que nous avons obtenues sont celles-là. Et le recenseur fait donc état, par sa signature, à chaque domicile, de ce qu'il a reçu.

Alors, là, ce sont des questionnements que l'on a proposés. Il n'y a pas de manque de cohérence, on essaie de bonifier le système. Et je veux au moins rappeler une chose: Il n'a jamais été question, dans les propositions que nous avons faites, d'accepter que la RAMQ puisse, sans le consentement des personnes, faire de la comparaison. Nous avons suggéré qu'il y ait des autorisations données par les citoyens pour ça, et cela, nous l'avons fait non pas parce qu'on veut «bucker», mais parce qu'il y a des groupes, M. le Président, qui sont venus ici, qui nous ont dit: Aïe! faites attention à ça. Une lumière rouge est allumée, et nous faisons écho à cette lumière rouge. Donc, je veux juste rappeler, et je conclus, que c'est toujours dans un esprit de cohérence et de bonification qu'on fait le travail qu'on fait ici.

Le Président (M. Pinard): Alors, monsieur...

M. Chevrette: Six fois 20 minutes. Aïe! Arrive en ville! Fais-nous pas rire.

M. Fournier: Et c'est comme ça qu'on va continuer de travailler, M. le Président, parce que c'est pour l'intérêt de l'ensemble des Québécois qu'on fait notre travail ici.

M. Chevrette: Ah oui!

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Châteauguay, et pour compléter, parce que, quand même, je crois que, comme président, j'ai fait montre d'énormément de patience...

Une voix: C'est une qualité.

Le Président (M. Pinard): C'est une qualité que nous, les notaires, nous avons.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Le lobby des notaires est ici.

M. Perron: Ta collègue est d'accord avec ça.

Le Président (M. Pinard): Je suis persuadé que ma collègue de Saint-François...

(17 h 10)

M. Chevrette: Tout ce qui se vante s'évente.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Gagnon-Tremblay: Je vais vous dire une chose: S'il n'y avait que les notaires, M. le Président, il y a longtemps qu'on l'aurait réglé.

M. Chevrette: Ah oui! Il y en a pas mal trop pour rien, là.

Le Président (M. Pinard): Alors, je donnerais maintenant la parole, et ce sera le dernier intervenant, au député de Saint-Hyacinthe, qui l'a demandée tout à l'heure.


M. Léandre Dion

M. Dion: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Quelques minutes, s'il vous plaît. Seulement quelques minutes.

M. Dion: Quelques minutes, oui. Moi, je ne parle jamais longtemps, d'ailleurs. M. Gautrin, vous voulez... M. le Président, M. le député de Verdun est très embêté avec la question que certaines personnes puissent signer et il veut savoir pourquoi. Moi, je pense que c'est très, très simple. Quand on signe, on s'engage. Une signature, ça engage. Vous signez vos chèques et puis vous les endossez. Une signature, ça engage. C'est la raison pourquoi on demande, quand ils n'ont pas toutes les preuves, pour être sûr que les gens ne soient pas pris au dépourvu, là, qu'ils aient la possibilité de s'engager. Mais vous dites qu'il y a des gens qui vont avoir peur. Bien, vous avez peut-être un peu raison. Je connais une vieille dame très sympathique, vraiment une belle dame de plus de 80 ans, qui vient d'avoir un arrêt cérébral. Elle est bien entretenue, dans une maison d'accueil, tout le monde prend soin d'elle, tout ça. Elle a perdu complètement contact avec la réalité. Quand ses enfants viennent la voir, elle a peur. C'est vrai que certaines personnes âgées auront peur et certaines personnes plus jeunes aussi auront peur.

Mais ce n'est pas pour ça qu'on modifie la Loi électorale. On la modifie pour que les gens qui ont le droit de voter votent et pour éviter que des personnes qui n'ont pas le droit de vote enlèvent à ceux qui ont le droit de voter leur droit de vote. Quand une personne qui n'a pas le droit de vote vote, quand une personne qui n'est pas citoyenne vote, elle vous enlève le droit de vote, elle annule votre droit de vote possiblement. Et c'est pour éviter ces choses-là, pour respecter le droit de vote des citoyens qu'on demande que les gens fassent la preuve de leur citoyenneté.

Moi, je trouve que c'est un peu, je ne dirais pas méprisant parce qu'il paraît que ce n'est pas parlementaire, mais que c'est un manque de considération très grave pour les personnes âgées que de prendre le prétexte que certaines personnes âgées pourraient peut-être avoir peur de signer pour dire: Non, non, non, il ne faut pas modifier ça. Vous-mêmes, vous vouliez une modification à la liste électorale pour corriger des abus qui sont toujours possibles dans un système qui est relativement bon, mais dans lequel il y a encore des erreurs, il y a encore des limites. Pourquoi voulez-vous avoir des correctifs? Vous voulez que la loi soit meilleure. Vous voulez aller au ciel, mais vous ne voulez pas mourir. Moi, je trouve ça un peu tourner en rond. Et j'ai un peu l'impression qu'on perd son temps sur des niaiseries alors qu'on a des choses importantes à faire.

M. Gautrin: Ça, vous avez raison, on a des choses plus importantes que ça à faire. Ça, je suis bien d'accord avec vous.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Verdun, s'il vous plaît.

M. Gautrin: Excusez.


Étude détaillée

Le Président (M. Pinard): Alors, je vous remercie. Écoutez, nous avons entendu des remarques générales, qui devaient véritablement être des remarques générales, depuis au-delà de 50 minutes. Vous avez eu l'occasion de vous exprimer. Comme président, je me dois de voir à l'avancement des travaux et au bon déroulement du mandat qui est de procéder à l'étude des articles du projet de loi. À cet effet, j'appelle l'article 3...

M. Chevrette: M. le Président...


Loi sur l'établissement de la liste électorale permanente


Constitution du fichier des électeurs (suite)

Le Président (M. Pinard): ...du projet de loi qui se lit comme suit: «Les renseignements saisis relatifs aux nom et adresse de chaque électeur sont comparés aux nom et adresse apparaissant sur une liste transmise, à la date déterminée par le Directeur général des élections, par la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Cette liste contient également la mention du sexe et les renseignements permettant d'établir la qualité d'électeur, au sens de la Loi électorale, de la personne qui y est inscrite.» Alors, j'ai demandé au secrétaire si, effectivement, il y avait eu des amendements; il n'y en a pas eu.

M. Chevrette: M. le Président, moi, je propose un amendement. Étant donné que je veux être cohérent...

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Chevrette: ...avec les amendements qu'on a déposés, je voudrais déposer l'amendement suivant: supprimer les articles 3 à 8 qui font référence à la liste du 12 septembre. Et je vous donne copie de l'amendement. C'est de supprimer de 3 à 8 précisément pour introduire la notion du recensement, qui viendra, de départ.

Le Président (M. Pinard): Alors, nous allons maintenant procéder au débat sur l'amendement qui est de supprimer...

M. Chevrette: C'est supprimer 3 à 8, c'est juste ça.

Le Président (M. Pinard): ...les articles 3 à 8. Alors, M. le ministre, vous avez 20 minutes.

M. Chevrette: Oui, M. le Président, ce sera quelques minutes seulement. Étant donné qu'on a même adopté 1 et 2, puis, pour être cohérent avec l'ensemble des amendements que j'ai déposés, je supprime, bien sûr, les articles 3 à 8 qui font référence à la liste du 12 confrontée au régime de la RAMQ. L'objectif est de faire un recensement de départ, et tout le monde a dit qu'il était d'accord. Donc, je suppose, M. le Président, qu'on n'aura pas droit à un, deux, trois, quatre, cinq, six 20 minutes, puisque ça correspond exactement à la volonté des parlementaires.

M. Gautrin: On peut le faire pour te faire plaisir, tu sais.

M. Chevrette: Je le sais.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le député.

M. Chevrette: Ça va être remplacé par des articles qui vont créer un recensement plus tard, justement.

Une voix: C'est ce qui arrive de la RAMQ.

M. Chevrette: Oui, oui. On vous a tout envoyé la liste des amendements au complet, sans aucune cachette.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: M. le Président, j'interviens dans le débat sur la proposition à l'effet de retirer les articles 3 à 8 qui, comme le ministre le rappelait, nous amenaient à faire la liste permanente informatisée à partir d'un recensement qui avait déjà été fait et par une comparaison avec la RAMQ. Je dois d'abord souligner que nous sommes heureux du fait...

M. Chevrette: Ne prends pas 20 minutes pour le dire.

M. Fournier: Bien, M. le Président, je vais quand même faire part de mon enthousiasme.

Une voix: Même si tu y as droit, prends-le pas, là.

Le Président (M. Pinard): Excusez-moi, messieurs, la personne qui a le droit de parole est le député de Châteauguay.

M. Fournier: Merci, M. le Président. Je voudrais simplement souligner que je pense que c'est une bonne chose que le gouvernement accepte de laisser tomber cette comparaison avec la RAMQ. Il y a le Protecteur du citoyen, la Commission d'accès, il y a des groupes qui sont venus ici témoigner, devant cette commission, pour dire qu'il ne fallait pas faire usage de ces fichiers-là. Et on s'est aperçu, en le présentant au ministre, qu'il serait préférable de réfléchir en termes de recensement comme méthode pour constituer la liste permanente informatisée. Tout le positionnement qu'on a expliqué au ministre était à l'effet que le recensement est un bon moyen non seulement pour constituer la liste permanente informatisée, mais pour continuer sa bonification périodique.

C'est pour ça, d'ailleurs, M. le Président, qu'on a mentionné que le recensement, dans la troisième année suivant une élection, permettait de revoir les gens, de voir si cette liste était toujours bien constituée et de s'assurer d'un bon taux d'inscription à la liste électorale, ce qui n'empêchait pas, entre ces recensements-là qui, soit dit en passant, sont toujours économiques en termes de moyen qui a été mis sur la table... C'est toujours économique ce que nous proposons, parce que la liste qui va être faite sera unifiée; donc, on n'aura plus le problème de la multitude de recensements au cours d'une courte période. Ça, on était toujours d'accord avec ça. Elle sera informatisée; donc, on va continuer de répondre aux besoins que l'on a de s'assurer que les gens sont inscrits à un seul endroit. On est tout à fait d'accord avec ça.

Tout ce qu'on essaie de faire, c'est de bonifier le système. Et, là-dessus, sur les articles 3 à 8, il y a au moins... Bien, peut-être que le ministre s'appuie sur la raison d'un faible taux, dit-il, d'inscription. Imaginez, si 88 %, pour lui, est un faible taux, qu'arrivera-t-il lorsqu'on aura complètement abandonné la méthode de la cueillette porte à porte et qu'on aura accepté d'aller dans un système à l'américaine où on a 63 % de taux d'inscription? On est à 88 %. Il dit: Bon, bien, 88 %, ce n'est pas assez bon. Je l'admets, il faut toujours viser le mieux, et c'est pourquoi on essaie d'aller vers le mieux et de proposer ces recensements périodiques.

Mais une raison excellente pour abroger ces articles-là est celle où il y avait une comparaison de données. Nous avons soulevé tant et tant, devant cette commission, les problèmes qui pouvaient être occasionnés par cette comparaison. Pour des gens qui sont citoyens canadiens, qui ont droit de vote, qui ont 18 ans, il y avait bon nombre de problèmes. Et c'est une bonne raison pour éviter de constituer notre liste permanente informatisée à partir d'un ancien recensement et une comparaison. Faisons un nouveau recensement et faisons-le bien.

(17 h 20)

Mais les raisons qui nous ont amenés à prétendre et à plaider au ministre qu'on ne devait pas partir de la liste du 12 et, après ça, faire des comparaisons, elles se maintiennent. Je me souviens d'avoir soulevé qu'il y avait des problèmes; il y avait des articles de journaux qu'on avait qui établissaient les problèmes des données à la RAMQ, il y avait un certain nombre d'erreurs là-dedans. Et puis, il y a des problèmes de gens qui ne vont pas donner nécessairement leur changement d'adresse à la RAMQ et puis, pire encore, il y a le problème des gens dont l'orthographe de leur nom pourrait constituer un problème.

Par exemple, lors de la saisie, par le recenseur, du nom – et ce qui était vrai pour le 12 septembre risque de l'être aussi pour le prochain – à domicile, il peut y avoir une erreur dans l'orthographe. Lorsqu'il est saisi sur liste informatisée, il peut y avoir une erreur dans la transcription. En tout état de cause, le nom qui se retrouvera sur la liste permanente informatisée pourrait – pourrait – ne pas correspondre à l'orthographe du nom sur la carte de l'assurance-maladie ou dans le registre de la RAMQ, faisant en sorte que, lorsqu'il y aura des comparaisons, on va compliquer la vie du citoyen en lui demandant d'être proactif, c'est-à-dire d'être celui qui a un travail à faire, qui a une responsabilité de s'adresser à l'administration, d'aller quérir, si ce n'est quémander, son droit de vote, alors que le système que nous avons, exporté, exportable, dont le «know-how» est très bon, permet d'avoir un taux d'inscription très élevé. Et c'est ça qu'il faut protéger, M. le Président.

On aura beau essayer de nous faire croire que tout ce qu'on essaie de faire, c'est de retarder le système et tout ça; ce qu'on essaie, c'est de bonifier cette loi-là. Et je me demande, M. le Président, lorsque j'entends les gens du gouvernement venir nous dire: Mais vous bloquez, vous empêchez tout, quelle est donc l'urgence. Mais quelle est donc l'urgence? En troisième période, quelle est donc l'urgence? Qu'est-ce qui se cache devant cette bousculade où on est, là, en train de réfléchir avec le gouvernement, à faire des propositions?

Parfois, dans ces séances-là, on a l'impression que, oui, il y a possibilité de travailler ensemble. Il y a une écoute. On amène des propositions et ça a l'air d'être: Oui, O.K., on va en discuter. Et puis, parfois, c'est le blocage complet. Dans l'opposition, ils veulent bloquer, ils ne veulent rien entendre. Au contraire, on essaie d'amener – et j'espère que je suis convaincant puisque je suis convaincu – le gouvernement à améliorer notre système. S'il y en a, ici, dans cette commission, qui insistent pour que ce soit des citoyens canadiens qui votent, c'est nous, M. le Président. C'est nous, et vous savez pourquoi. Alors, qu'il y ait un transfert de fardeau, j'ai beaucoup de réticence.

Mais, là, on a un bon geste, ici, une preuve que, parfois, lorsque l'opposition amène quelque chose, il y a une écoute. On a une preuve. Et là, je vous le dis, au début de mon intervention: Je suis content, je suis heureux. Je me dis: Tiens, il y a une possibilité, on nous écoute. Et je me dis: Bon Dieu! si on pouvait continuer avec cet état d'esprit. Si on se disait: Il n'y a rien qui nous amène à nous bousculer. Il n'y a pas d'urgence, là. La Loi électorale, c'est la loi qui donne légitimité à nos gouvernants. C'est bien important, ça. Toute la base de notre système, c'est ça. C'est une loi quasi constitutionnelle. Alors, on prend du temps pour regarder comment on peut s'assurer qu'elle fasse consensus et qu'elle soit la meilleure possible, avec le meilleur taux pour assurer cette légitimité-là. C'est excessivement important.

Alors, là, on a un exemple. Les articles 3 à 8 où on avait exposé qu'il y avait des...

M. Jutras: M. le Président, je voudrais soulever une question de règlement.

Le Président (M. Pinard): Oui, M. le député de Drummond.

M. Jutras: Si le député de Châteauguay est d'accord avec l'amendement, pourquoi en discourir aussi longtemps?

M. Fournier: Je vais vous le dire.

M. Jutras: Allons directement...

M. Cherry: Si vous aviez siégé avec le député de Lévis, vous comprendriez que ça prend du temps pour avoir oui ou non.

M. Fournier: Je ne sais pas à quoi...

Le Président (M. Pinard): Excusez-moi, la parole est accordée au député de Drummond sur une question de règlement.

M. Jutras: Alors, c'est ça, M. le Président. Je comprends, du discours du député de Châteauguay, qu'il est d'accord avec l'amendement. Alors, pourquoi ne dit-il pas: Nous sommes d'accord? Ça serait là le meilleur indice de collaboration dont il veut faire preuve et on pourrait passer à autre chose.

Le Président (M. Pinard): Mais vous savez, M. le député de Drummond, M. le député de Châteauguay peut très bien nous expliquer pourquoi il est d'accord, en autant qu'il demeure dans la pertinence, avec beaucoup de pertinence. C'est ce qu'il semble vouloir nous démontrer, n'est-ce pas, qu'il demeure dans le sujet. Alors, M. le député de Châteauguay, il vous reste encore du temps sur vos 20 minutes.

M. Fournier: Merci, M. le Président. J'espère qu'on ne m'empêchera pas de parler.

M. Chevrette: Non, non, même si tu ne dis rien.

M. Jutras: Je veux tout simplement vous donner l'occasion de parler en d'autres temps, sur autre chose, mais, là, on est...

M. Chevrette: Non, non, mais alimente-le pas parce que, si tu lui aides... Il ne sait pas quoi dire.

Le Président (M. Pinard): Messieurs, s'il vous plaît, je ne voudrais pas que ça devienne un dialogue entre les partis.

M. Fournier: M. le Président, je pense que je suis capable... D'abord, comme le député de Drummond, j'ai été élu pour représenter des gens et faire valoir leur point de vue.

M. Chevrette: Question de règlement: pertinence. L'article.

M. Fournier: C'est pertinent dans le débat qu'on vient d'avoir, parce que le député de Drummond vient de m'amener là-dessus. Et ce que je veux faire dans ma présentation, M. le Président, c'est – et j'ai le droit de le faire – faire valoir les raisons qui m'amènent à dire au gouvernement et au ministre qu'on est d'accord avec cet amendement-là, d'abroger ça. Et il y a une raison, j'explique mon appui; il y a une très bonne raison, c'est qu'enlever ces articles-là revient à accepter les raisons... On a pris combien de temps à expliquer au gouvernement pourquoi ce n'était pas bon, ce système-là, pourquoi il y avait des difficultés à faire ces comparaisons et, en plus, à rappeler que les groupes qu'on s'est donné la peine d'inviter, d'écouter, de questionner, ils sont venus nous dire: Il y a une lumière rouge, ne faites pas ça.

Alors, permettez-moi, au moins, de dire qu'on va traiter d'autres articles tantôt. En début de séance, on a discuté d'autres items, d'autres façons de bonifier la loi. Je n'ai pas perdu confiance, j'ai l'impression qu'il sera possible, à l'avenir, de retrouver une écoute attentive de la part du gouvernement qui va dire: Bon, bien, je comprends, l'opposition est là pour faire son travail. Ils essaient de bonifier la loi, ils sont cohérents avec eux. Vous n'êtes pas toujours d'accord. C'est correct, c'est correct. Mais, au moins, on essaie. On fait valoir nos points de vue. Et, dans ce cas-là, on s'aperçoit que ça a fonctionné. Alors, je dis au ministre: Je suis content, ça m'enthousiasme pour la suite des travaux...

M. Chevrette: Merci

M. Fournier: ...et on va continuer d'essayer de bonifier ce système-là. Alors, je voulais dire, M. le Président, quelques mots sur cette proposition du ministre. Alors, je me permets de dire que, maintenant, un nouveau recensement, ce n'est pas mauvais, non plus, quand on y pense, parce que, là, les gens, lorsqu'ils seront recensés pour constituer cette liste électorale permanente informatisée, bien, ils sauront que ce n'est pas un recensement comme ils sont habitués d'avoir et peut-être qu'ils auront la possibilité de faire autre chose, de poser d'autres questions, à ce moment-là. C'est ce qu'on va essayer de voir. Peut-être qu'on aura des recenseurs qui seront meilleurs, mieux formés, avec une période de recensement plus longue pour que tout ça soit une meilleure captation des informations que ce ne l'était pour celle du 12 septembre. Alors, je conclus là-dessus, M. le Président, pour réitérer mon bonheur de voir que ces articles 3 à 8 sont maintenant choses du passé.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Châteauguay. Et je cède maintenant la parole au ministre, qui a cinq minutes de réplique.

M. Chevrette: Il y a une chanson qui dit: Faisons notre bonheur nous-mêmes. M. le Président, c'est clair qu'on ne discute pas, à ce stade-ci, du point particulier qui a été amené par le député de Verdun, à savoir la déclaration. C'est à l'article 40, si ma mémoire est fidèle. Et, à l'article 40, j'aurai peut-être une surprise pour vous, si je peux m'y rendre.

Le Président (M. Pinard): Vous avez complété, M. le ministre? Alors, M. le député de Mercier.

M. Perreault: Oui, bien, simplement, M. le Président, rapidement, avant qu'un autre membre de l'opposition nous explique, en 20 minutes, ses raisons d'être favorable à l'amendement, moi, je veux tout simplement dire que je suis favorable à cet amendement puisque, à mon avis, il exprime la cohérence du ministre dans sa démarche. On s'était quittés, la dernière fois, avec des propositions du ministre suite aux discussions avec l'opposition, et je pense que le ministre fait la preuve, aujourd'hui, qu'il respecte l'esprit de ce qui nous était apparu, à l'époque, comme une volonté d'entente.

Je dois dire, M. le Président, qu'au début j'avais cru un petit peu, de ce point de vue, incohérente la position des membres de l'opposition dans ce débat et je me rends compte, après la dernière intervention du député de Châteauguay, qu'elle est, au contraire, très cohérente, c'est-à-dire qu'on souhaite parler très longuement de choses sur lesquelles, en principe, on s'était, en théorie, entendus, pour se rendre compte, finalement, à chaque fois qu'on approche un terrain d'entente, que de nouvelles oppositions sont formulées. Moi, je veux tout simplement dire, M. le Président, que, s'il y a des gens qui se contentent d'une liste correcte à 88 %, je préfère, et de loin, une liste correcte à 100 %. Et je pense que la meilleure méthode pour y arriver, c'est encore, bien sûr, d'aller de l'avant avec l'esprit et les modalités du projet de loi.

Je veux juste souligner une expérience personnelle. Je ne suis jamais inscrit sur aucune liste électorale par les recenseurs. Je dois constamment faire la démarche de m'inscrire. Ne vous en faites pas, je m'inscris. Je ne vote pas sans être inscrit. Je pense que d'avoir une liste électorale permanente, ce n'est pas juste un moyen de vérifier la qualité des électeurs, mais c'est se donner les conditions pour que tous les Québécois soient inscrits, sans parler des économies. De ce point de vue, M. le Président, conséquemment, je pense que la volonté de retirer des articles, on ne peut être que pour ça dans la mesure où le ministre a annoncé d'autres amendements et que ces amendements-là vont permettre d'avoir une liste correcte. Voilà. C'est ma seule intervention, M. le Président. Je n'en aurai pas d'autre.

(17 h 30)

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Mercier. Nous allons maintenant reconnaître M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Brièvement. Je ne veux pas intervenir... Je veux dire aussi que je suis en faveur du retrait, des amendements, etc. Mais le député de Mercier a soulevé une question que, je pense, il faudrait quand même bien préciser. Vous dites que vous préférez une liste électorale valable à 100 %. Moi, je suis d'accord aussi avec ça, sauf que je vais vous dire que, pour être valable à 100 %, ça veut dire qu'elle inclut l'ensemble des gens qui ont le droit de vote. Vous, vous cherchez surtout à vous assurer que tous les gens qui sont sur la liste ont le droit de vote, et on partage ce point de vue. Nous voulons, nous aussi, que tous les gens qui ont le droit de vote puissent être sur la liste. C'est ça qu'on essaie d'avoir.

M. Perreault: On me prête des motifs que, personnellement, je n'ai pas.

M. Gautrin: J'ai cru comprendre ça.

M. Perreault: Moi, personnellement, ma principale motivation en étant en faveur de ce projet de loi, c'est de m'assurer, au contraire, que tous ceux qui ont le droit de vote soient sur la liste. Mon expérience personnelle dans Mercier est à l'effet que les formules actuelles ont peu d'avenir et qu'il est éminemment plus pratique d'avoir une liste électorale informatisée permanente. Ce que j'entends de la part de l'opposition ne nous y mène pas.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Mercier, vos propos sont très explicites et nous allons permettre au député de Verdun de continuer.

M. Gautrin: J'arrêterai là-dessus. Je partage au moins, si vous l'avez, cet objectif-là. Et, sachant la rigueur qui vous caractérise, M. le député de Mercier, j'ai l'impression qu'on va, au minimum, pouvoir échanger. Parce que, si vous avez comme objectif de faire en sorte de vous assurer que tous les gens qui ont le droit de vote puissent être et soient sur la liste, on partage le même objectif. Je n'avais pas perçu ça dans la première intervention et je m'en excuse. Je vous avais mal compris. M. le Président, je ne parlerai pas plus longtemps sur l'amendement.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Verdun. Est-ce que, M. le ministre, il y a une réplique ou si... Est-ce que, du côté ministériel, on demande la parole? Non plus. Alors, je cède la parole de nouveau au député de Châteauguay.

M. Fournier: Juste un petit point, M. le Président. Le député de Mercier a fait état du fait qu'il ne se faisait jamais recenser; il s'inscrivait lui-même. Il faisait la démarche proactive d'aller s'inscrire. À ce compte-là, le député de Mercier peut donc aussi, durant la période de révision entre deux recensements séparés par trois ou quatre ans, lui-même faire ces révisions sans qu'on ait à passer par la RAMQ. Donc, il établit qu'il y a d'autres moyens que les transmissions interfichiers multiples qui risquent de soulever le danger du «Big Brother». Il y a d'autres moyens. Et, si je comprends le député de Mercier, il est d'accord avec nous. Je suis content. Je suis encore plus content que tantôt.

Le Président (M. Pinard): Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le député de Mercier.

M. Perreault: Très rapidement, M. le Président. On comprendra que je ne suis absolument pas d'accord avec ce qui a été dit.

Le Président (M. Pinard): Autre chose, M. le député de Mercier?

M. Perreault: Je pense qu'on interprète très mal ce que j'ai dit.

Une voix: Il en a assez dit. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Pinard): Alors, s'il n'y a pas d'autres interventions sur l'amendement afin de supprimer les articles 3 à 8, est-ce que c'est adopté?

Des voix: Adopté.


Constitution du fichier des territoires

Le Président (M. Pinard): Adopté. Alors, nous allons maintenant continuer. Si vous voulez passer à l'article 9 dont je vais vous donner lecture: «9. Le Directeur général des élections inscrit au fichier des territoires la description des circonscriptions électorales, des secteurs électoraux et des sections de vote.» Alors, M. le ministre.

M. Chevrette: Cette proposition n'a jamais fait l'objet d'aucune discussion, en ce sens que c'est un pouvoir normal, c'est pour la division, sauf que, pour fins de compréhension, vous pourrez le relier à 10, parce que le 10 complète pour les municipalités et les commissions scolaires, sur lequel j'aurai un amendement pour être plus précis.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Verdun.

M. Chevrette: À 9, je n'ai rien, je n'ai pas d'amendement.

M. Gautrin: Là, vous dites: «Le Directeur général...» C'est périodiquement que vous faites ça, techniquement, lorsqu'il y a des fluctuations de population. Donc, la carte des circonscriptions et des sections de vote – c'est ce qu'on appelle communément les polls – la carte des polls est amenée à changer d'élection en élection. Alors, lorsqu'on dit «inscrit au fichier», est-ce que c'est périodiquement que vous le faites? Quand est-ce que ça se fait, etc.? La manière dont vous rédigez ça...

M. Chevrette: C'est le pouvoir de base, là. C'est l'obligation de base qu'on lui donne, l'obligation juridique d'inscrire au fichier des territoires la description des circonscriptions électorales, des secteurs électoraux et des sections de vote.

M. Gautrin: Et ils peuvent le modifier.

M. Chevrette: Les modifications aux sections de vote, ça, vous le savez, ça dépend des nombres qu'on se fixe.

M. Gautrin: Oui, je sais. Alors, là, il aura...

M. Chevrette: Il y a des chiffres...

M. Gautrin: Implicitement, vous pouvez le modifier. C'est ça.

M. Chevrette: Oui. Vous regarderez dans le bout des articles 40.1 à 40.3, là, ça explique. Le pouvoir est explicité, il est encadré. Mais, ici, c'est l'assise juridique.

M. Gautrin: Parfait.

Le Président (M. Pinard): Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: J'aurais une question, M. le Président, que j'aimerais adresser au ministre ou au Directeur général des élections. Quand on parle du fichier des territoires pour la description des circonscriptions électorales, ce n'est pas les mêmes, évidemment, dépendamment qu'on est au municipal, au scolaire ou au provincial. Il y a quand même une différence. Est-ce que vous avez prévu un mécanisme pour qu'il n'y ait pas de difficulté à bien établir ou à bien circonscrire ces limites-là? S'il n'y a pas de problème, il n'y en a pas, là. Je voudrais savoir, je veux m'assurer qu'il n'y aura pas de problème lorsqu'on va arriver avec la liste et que la municipalité va avoir accès à cette liste-là. J'imagine que vous allez lui sortir, par la même occasion, le fichier des territoires avec les délimitations.

M. Côté (Pierre-F.): Oui, effectivement, Mme la députée. Dans des articles subséquents, on va voir comment le fichier des territoires va être établi. Mais, fondamentalement, il va être établi à partir de paramètres établis par mon bureau, qui vont être communiqués aux différentes instances, commissions scolaires ou municipalités. La description qu'elles vont faire de leur territoire électoral, que ce soit un district, que ce soit un quartier, on l'appellera comme on voudra, sera sur la même base, je dirais, de confection, de sorte qu'une fois que la liste permanente sera en opération et qu'une municipalité voudra avoir la liste électorale de ses électeurs, elle lui sera transmise exactement dans les délimitations que veut ou que peut utiliser la municipalité. Or, ça peut être des districts électoraux municipaux, ça peut être l'ensemble de la municipalité, ça peut varier selon les municipalités. Même à l'occasion d'un référendum municipal, par exemple – prenons un exemple plus pointu – où il y a seulement un secteur...

Mme Delisle: Les zones contiguës.

M. Côté (Pierre-F.): ...oui, seulement un secteur, là, et ça ne comprend pas tout un district électoral municipal, même pour ça, on prévoit pouvoir fournir la liste électorale des électeurs de cette municipalité-là dans la délimitation territoriale que veut utiliser ou que peut utiliser la municipalité ou la commission scolaire.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. Côté.

Mme Delisle: Je voudrais poser d'autres questions.

Le Président (M. Pinard): Oui, poursuivez.

Mme Delisle: Est-ce que vous pourriez me dire si... C'est la ville qui détermine, évidemment, sa circonscription, ses quartiers, la délimitation de ses quartiers, comme la province détermine...

M. Chevrette: On va le voir à l'article 10. Je ne veux pas arrêter madame, mais tout ça, le processus pour définir avec les villes et les commissions, c'est l'article suivant. Ici, ce n'est que l'assise juridique du pouvoir du Directeur général. C'est une obligation juridique de faire. À l'article 10, j'ai un amendement à déposer. Si, pour fins de compréhension, c'est mieux que je le dépose tout de suite, ça ne me dérange pas, là.

M. Gautrin: Non, non. On va rester là.

M. Chevrette: C'est une assise juridique, ça.

Mme Delisle: En fait, moi... Est-ce que je peux compléter ma question?

Le Président (M. Pinard): Continuons avec madame.

Mme Delisle: Je veux juste, même si ça revient à l'article 10...

M. Chevrette: D'après ce que tu peux comprendre, ce n'est pas les députés qui mènent, hein!

Mme Delisle: ...je voudrais savoir si le Directeur général des élections pourrait faire des suggestions, à un moment donné, aux municipalités ou aux commissions scolaires de voir à changer leurs délimitations pour que ça concorde avec une partie des circonscriptions électorales provinciales.

(17 h 40)

Le Président (M. Pinard): M. Côté.

M. Côté (Pierre-F.): M. le Président, si je comprends bien la question de Mme la députée, les délimitations territoriales d'une municipalité sont faites en vertu de la Loi sur les élections et les référendums où elles sont assujetties aux exigences qui doivent soumettre leurs délimitations à la Commission de la représentation électorale, auquel cas, bien, ça suit la procédure, mais c'est d'abord établi par règlement municipal. Et, une fois que le règlement municipal a établi la délimitation des districts électoraux municipaux ou des quartiers, parce qu'il y en a qui ne se délimitent pas, mais qui ont des quartiers... Ça se fait par voie de règlement municipal. Une fois que c'est déterminé, cette délimitation-là, c'est à l'intérieur de ces délimitations-là qu'on se propose, qu'on veut fournir la liste des électeurs qui entrent à l'intérieur de chacune.

Mais je voudrais aussi signaler, si vous permettez, que l'article 9 se rapporte à l'établissement de la liste du ficher pour le provincial, tandis que l'article 10 touche plus spécifiquement au municipal.

Mme Delisle: O.K. Ça va. Merci.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Une question, M. Côté. Le fait que je suis sur le fichier, que ça me permet de voter au provincial et qu'on veut que cette liste serve et au municipal et au scolaire – évidemment, on parle ici de la délimitation des territoires – est-ce que ça fait de moi la même qualité d'électeur? «C'est-u» les mêmes exigences au municipal et au scolaire pour que je puisse apparaître sur la liste comme électeur? Il y a peut-être des villes qui exigent que j'y réside depuis plus longtemps que ce qui est au provincial. Il y a peut-être des conditions au scolaire qui ne sont pas les mêmes.

Ici, je vois qu'on a précisé l'aspect de la délimitation du territoire. De quelle façon cette liste-là va pouvoir être vraiment pratique dans le but de rencontrer le type d'économie dont le ministre parle depuis qu'il a présenté ce projet de loi?

Le Président (M. Pinard): M. Côté.

M. Côté (Pierre-F.): M. le Président, globalement, ce que la loi prévoit, c'est qu'on fournit la liste électorale dans chacune des instances, provinciale, municipale et scolaire, selon les exigences actuelles de la qualification pour être électeur. Par exemple, dans une municipalité, il faut y être domicilié depuis 12 mois. C'est une différence dont on va tenir compte quand on va transmettre la liste électorale municipale sur l'ensemble des municipalités. Ça peut être par sections de vote, par secteurs électoraux, par quartiers, par districts, mais ce sera selon la demande que la municipalité nous fera, après avoir établi ses paramètres pour la délimitation du territoire, et la même chose doit se faire au scolaire.

M. Cherry: O.K. Merci.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Oui, juste...

M. Chevrette: Non, mais, M. le Président, là, il ne faut pas que ça devienne un dialogue; on est article par article. S'ils ont des discours à faire, ils les font. Mais, écoutez, ce n'est plus...

Mme Delisle: On ne peut pas poser de questions?

M. Fournier: On ne peut pas poser de questions?

M. Chevrette: Bien, quand on est article par article, vous posez des questions dans vos discours, mais je pense bien que vous ne commencerez pas le petit jeu qui ne nous mène nulle part où ils conservent leurs 20 minutes. Je m'excuse, mais le fou, chez nous, ce n'est pas moi.

Mme Delisle: Pas du tout.

Le Président (M. Pinard): D'accord. Alors, M. le député de Châteauguay, s'il vous plaît.

M. Fournier: Monsieur...

Mme Delisle: Est-ce que vous préférez qu'on prenne 20 minutes plutôt que de poser juste deux questions, M. le ministre?

M. Chevrette: Non. Vous faites comme d'habitude, madame.

Mme Delisle: Franchement!

M. Chevrette: Vous faites comme d'habitude depuis le début.

M. Fournier: M. le Président, je ne suis pas un spécialiste du règlement, mais j'ai l'impression que l'usage que nous avons eu, ici et dans d'autres commissions jusqu'ici, nous permettait d'échanger, toujours dans un esprit de... Parfois, c'est un petit peu plus long; on exprime nos raisons pour lesquelles on appuie ou on n'appuie pas. Parfois, on pose des questions parce qu'en posant des questions, lorsqu'on a des réponses, on voit que tout le monde vise le même but. Le but, c'est toujours d'essayer d'améliorer un projet de loi que le gouvernement amène.

M. Chevrette: Non, mais vous comprendrez qu'après 50 heures...

M. Fournier: Est-ce que je dois comprendre...

M. Chevrette: ...l'expression du bonheur...

M. Fournier: Est-ce que je dois comprendre, M. le Président... Est-ce que je dois comprendre... Est-ce que je dois comprendre, M. le Président...

M. Chevrette: Aïe!

M. Fournier: Est-ce que je dois comprendre que ce que le ministre nous invite à faire dans une étude article par article, c'est dorénavant de ne plus poser de questions...

M. Chevrette: Non, c'est parce que vous avez bien de la misère à sortir de votre premier rôle.

M. Fournier: ...pour essayer de comprendre, de ne plus essayer de voir quelles sont les avenues qui permettraient d'améliorer les projets de loi qui sont soumis devant nous? Je n'ose même pas poser la question. Ça a l'air qu'on ne peut pas beaucoup poser de questions.

Mme Delisle: On va y aller...

Le Président (M. Pinard): Vous allez comprendre qu'on essaie d'améliorer le mieux possible nos échanges. Il y a eu des questions pertinentes qui ont été posées à M. Côté. Je pense que les réponses de ce dernier ont sûrement dû satisfaire les députés qui ont posé ces questions. Maintenant, il ne faudrait quand même pas s'enfarger dans la «procédurite», mais il faut trouver également le moyen d'avoir une façon de fonctionner qui va faire en sorte qu'on va être en mesure d'avancer et, quand même, à un rythme intéressant pour tout le monde. Alors, M. le député de Châteauguay, je retiens ce que vous nous avez mentionné tout à l'heure. Est-ce qu'il y a moyen de procéder? Parce qu'il vous reste encore quelques minutes de votre temps.

M. Fournier: Écoutez, M. le Président, je vais retenir les propos que j'aurais voulu prononcer. Je vais même prendre un peu de temps pour réfléchir sur la suite des événements, sur la façon dont, personnellement, le député de Châteauguay est traité. Et je vais voir. On a des questions à poser sur des articles. Parfois, on a des argumentations à faire. Et je sens que, pour bousculer, pour faire avancer un projet de loi qui, par ailleurs, comme idée... Je pense qu'on l'a assez dit, comment il faut essayer d'améliorer notre système, pas de problème là-dessus. Mais, comme je le disais tantôt, c'est quoi, l'urgence? C'est quoi, ce «bulldozage»? C'est quoi, l'idée d'essayer de nous dire... Puis il y a le député de Drummond, tantôt, je pense, qui choisissait les mots, qui essayait de parler pour moi. Puis, là, j'ai le ministre qui dit qu'on ne peut même plus poser de questions.

M. Chevrette: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Châteauguay...

M. Fournier: Je suis étonné.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Châteauguay, je crois qu'il faudrait revenir à la pertinence. Nous sommes actuellement au niveau de l'article 9 et je vous demanderais, s'il vous plaît, que votre intervention porte sur l'article 9 pour faire en sorte que nos débats se tiennent dans la plus belle harmonie possible.

M. Chevrette: Question de règlement.

Le Président (M. Pinard): Oui, M. le ministre, question de règlement.

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Quand on se prépare à une commission parlementaire, puis qu'on lit son projet de loi avant, puis qu'on sait que le discours qu'on tient, c'est à l'article 40, puis qu'on végète, puis qu'on s'amuse au niveau d'un article 9 qui n'est qu'une assise juridique, puis que c'est des états d'âme, puis c'est son bonheur, puis, je veux dire... Écoutez, quant à marcher de même, on va marcher selon les règles du Parlement. On va s'en tenir au texte de l'article 9, puis on va discuter sur l'article 9. La majorité des questions qui ont été posées à M. Côté, je n'ai rien contre ça, moi, mais c'est à l'article 10 – on vous le dit d'avance – puis c'est aux articles 40.1 à 40.3. Je suis convaincu qu'il a lu son projet de loi, puis qu'il le sait. Mais pourquoi, à ce moment-là, à l'article 9, prendre du temps? Il y a des limites.

M. Perron: M. le Président, est-ce que je peux vous poser une question, à vous, en tant que président de la commission? Combien ça fait d'heures qu'on siège sur ce projet de loi là en commission parlementaire?

M. Chevrette: Je ne sais pas.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Duplessis, je pense que les gens qui ont siégé depuis le début des travaux de la commission ont sûrement trouvé qu'ils avaient siégé peut-être un peu trop longtemps. Mais il n'en demeure pas moins que, les institutions étant ce qu'elles sont, il faut s'y plier, il faut vivre avec. Et, actuellement, je rappelle à tout le monde que nous sommes à l'article 9.

M. Perron: Bon, bien, est-ce que je peux demander au ministre combien d'heures ça a siégé, cette commission-là?

Le Président (M. Pinard): Bien, je pense, M. le député de Duplessis, qu'on se doit maintenant de retourner à l'article 9 et d'essayer de le terminer, s'il y a lieu, avant de nous rendre à notre souper.

M. Jutras: M. le Président...

Le Président (M. Pinard): Mais chacun, bien entendu, a droit à procéder, a droit à son 20 minutes. Vous pouvez, M. le député de Duplessis, nous entretenir...

M. Perron: Non. Je comprends tout ça, M. le Président. Après 18 ans, je sais comment ça marche.

M. Jutras: M. le Président, est-ce que je peux répondre à sa question? Ça fait plus de 50 heures, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Mon collègue et ami, le député de Joliette, je peux le comprendre, a beaucoup de charges. Des fois, il a un petit peu des gestes d'impatience. Mais il est bien possible que, des fois, certaines questions qu'on pourrait poser, même si elles ne sont pas confinées exclusivement à l'article qu'on a là, nous permettront peut-être de procéder plus rapidement quand on arrivera aux autres. En tout cas, moi, j'ai piloté une dizaine de projets de loi comme ministre, je n'ai pas une expérience aussi longue que d'autres, et, dans des cas, ça a aidé. Mais, là, évidemment, ça dépend de quelle façon on veut que ça fonctionne.

Le Président (M. Pinard): Mais, effectivement...

M. Chevrette: Non, mais vous avez raison. Vous avez raison.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Saint-Laurent, effectivement, vous avez raison. Mais, vous savez, il y a eu beaucoup de questions qui ont été posées.

M. Chevrette: Sauf que c'est la première fois que vous êtes ici, vous. Puis lui, c'est un habitué.

Le Président (M. Pinard): Et, moi, je me dois de demeurer au-dessus du débat et de faire en sorte de ramener tous les députés ici présents à l'article 9, là où nous sommes rendus présentement. J'en appelle à la députation. Est-ce que, M. le député de Châteauguay, vous voulez poursuivre sur l'article 9?

(17 h 50)

M. Fournier: Je voudrais revenir sur un point que le ministre, discutant à propos de l'article 9, a mentionné, en disant que nous venons assister à ces commissions préparés avec notre dossier. Je voudrais d'abord lui rappeler que, moi, j'étais ici, à cette commission, pour les tribunaux administratifs aujourd'hui. J'étais préparé pour les tribunaux administratifs, premièrement. Et, deuxièmement, il y a des documents qui ont été déposés et, moi, je m'attendais qu'on aurait peut-être parlé de l'article 1 parce qu'il y avait une possibilité d'amender l'article 1.

M. Chevrette: M. le Président, je m'excuse, question de règlement.

M. Fournier: Alors, quand on nous dit qu'on n'est pas préparés et qu'il y a un «bulldozage»...

M. Chevrette: Je demande une question de règlement.

Le Président (M. Pinard): Question de règlement. Alors, je cède la parole...

M. Fournier: ...qu'on tasse les tribunaux administratifs et qu'on s'en vient avec ça, ah, je m'excuse!

Le Président (M. Pinard): M. le député de Châteauguay, sur une question de règlement, vous savez, en vertu des règles, je cède la parole à M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, comment pouvez-vous le laisser parler sur les articles 1 et 2? Je sais que j'ai des amendements, je les lui ai envoyés. Mais je ne pouvais toujours pas commencer par le 1, on est rendus à 3. En temps et lieu, je reviendrai sur le 1; c'est aussi simple que ça.

Le Président (M. Pinard): Avec le consentement...

M. Chevrette: Ça aurait été hors d'ordre que de déposer un amendement sur le 1 et le 2. Voyons!

M. Fournier: M. le Président, c'est déposé.

Le Président (M. Pinard): Effectivement.

M. Chevrette: Bien oui, je le sais, mais ça ne dérange rien; c'était pour fins de consultation, pour votre caucus, ce qui vous a permis de connaître votre état d'âme.

Le Président (M. Pinard): Je m'excuse, là. Ça a été...

M. Chevrette: On est rendus à 9.

Le Président (M. Pinard): L'amendement a été distribué, mais non déposé.

M. Fournier: M. le Président, il a été déposé.

Le Président (M. Pinard): Il n'a pas été déposé, selon le secrétaire de la commission.

M. Chevrette: Pas du tout. Il n'a pas été déposé ici. Il a été remis à l'opposition.

Le Président (M. Pinard): Il a été remis, mais pas déposé.

M. Fournier: Bien, M. le Président, je... Si vous me permettez...

Le Président (M. Pinard): Alors, pouvons-nous... Oui?

M. Fournier: Bien, sur le sujet du dépôt, moi, je vais vous... Le «transcript» du 21 mars...

Le Président (M. Pinard): M. le député de Châteauguay, je vous rappelle à l'ordre. Nous sommes actuellement rendus à l'article 9.

M. Fournier: Je vous pose une question.

Le Président (M. Pinard): Oui.

M. Fournier: Est-ce que l'amendement à l'article 1 a été déposé devant cette commission, oui ou non?

Le Président (M. Pinard): Non. Alors, dans le cas...

M. Fournier: C'est peut-être une question de directive.

Le Président (M. Pinard): Le seul... Il y a un amendement qui a été adopté, l'article 1. Alors, je vais vous en donner lecture.

M. Fournier: Non. Ça, c'est correct.

Le Président (M. Pinard): Alors, un amendement à l'article 1 qui était de modifier l'article 1 par l'addition de l'alinéa suivant: «Il doit s'assurer de la confidentialité des renseignements nominatifs nécessaires à l'établissement de la liste électorale permanente.» D'accord?

M. Fournier: Pas de problème, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): O.K. Ça a été adopté, ça.

M. Fournier: Une question de directive. Si, parmi les documents déposés le 21 mars, se retrouvait un nouvel amendement à l'article 1, s'il avait été déposé le 21 mars, est-ce que nous aurions pu croire que nous aurions commencé par l'article 1?

Le Président (M. Pinard): Non.

M. Chevrette: C'est que, le 21 mars, là... Je peux clarifier?

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Chevrette: Le 21 mars, on a déposé globalement des amendements, mais ça n'empêche pas l'obligation de le faire ici article par article. Vous savez très bien que c'était dans un but de dénouer complètement la discussion. Ne faites donc pas exprès, là, arrêtez donc de tataouiner! Passez donc à l'article 9 plutôt que de parler du 1, là.

Le Président (M. Pinard): Alors, je vous demanderais... Je pense qu'on a répondu à vos interrogations, M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Et, de mon côté, M. le Président...

Le Président (M. Pinard): Oui.

M. Fournier: ...je pense que j'ai fait état de mon niveau de préparation pour cette séance, étant prêt pour les tribunaux administratifs, étant prêt pour l'article 1. Nous sommes à l'article 9. Il y a eu des questions qui ont été posées.

Le Président (M. Pinard): Oui. Et...

M. Fournier: Je vais prendre certainement l'heure du souper...

Le Président (M. Pinard): ...je vous demanderais de continuer sur l'article 9.

M. Fournier: Oui. Puisque c'est à propos de l'article 9 que les commentaires ont été faits...

Le Président (M. Pinard): Oui.

M. Fournier: ...je le réitère, je vais certainement prendre les deux heures que j'ai pour souper pour réfléchir sur la façon dont je dois dorénavant intervenir devant cette commission parce qu'il semblerait que les questions doivent être plutôt limitées, puis qu'on doit faire des discussions, puis des débats...

Le Président (M. Pinard): Écoutez, M. le député, il n'y a pas de pertinence.

M. Fournier: ...sans s'enquérir de comment on pourrait bonifier la loi.

M. Chevrette: Ça fait 10 minutes que vous parlez sur autre chose que l'article 9. Voyons!

M. Fournier: Bien oui, mais on parle des débats qui se sont tenus ici.

M. Chevrette: Qu'est-ce que vous avez à dire contre l'article 9 ou pour l'article 9?

Le Président (M. Pinard): Monsieur...

M. Fournier: Pour l'instant, j'en ai contre le fait qu'on essaie de me bâillonner.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre, je crois que... M. le ministre et messieurs les membres, je vous rappelle l'article 211: «Tout discours doit porter sur le sujet en discussion.» On doit continuellement avoir la pertinence. Alors, je vous demanderais de continuer à traiter de l'article 9, s'il vous plaît. Je veux savoir si, effectivement... Au niveau de l'opposition, est-ce que quelqu'un demande la parole? Au niveau du parti ministériel, non plus? Est-ce que quelqu'un demande le vote sur...

M. Chevrette: Adopté.

M. Gautrin: Sur division.

Le Président (M. Pinard): Adopté. Alors, nous allons procéder maintenant à l'article 10.

M. Chevrette: M. le Président, j'ai des copies de l'amendement pour tout le monde.

Le Président (M. Pinard): Merci.

M. Chevrette: Je voudrais le lire. Modifier l'article 10 dans un but de plus grande précision. Il faudrait changer les deux premiers alinéas par les suivants:

«Les municipalités auxquelles s'applique le titre I de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités et les commissions scolaires transmettent au Directeur général des élections, suivant les paramètres qu'il détermine, la description de leurs territoires électoraux respectifs visée aux paragraphes 2° et 3° de l'article 40.3 de la Loi électorale.

«Cette transmission doit être faite au plus tard le 30 juin de l'année au cours de laquelle doit avoir lieu la première élection régulière de la municipalité ou la première élection générale de la commission scolaire, selon le cas, qui est postérieure au 1er juin qui suit le (indiquer ici la date de l'entrée en vigueur de l'article 40.1 de la Loi électorale).»

Le Président (M. Pinard): Est-ce qu'il y a des interventions sur l'amendement? Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: M. le Président, lorsqu'on lit que les municipalités et les commissions scolaires vont devoir transmettre «au Directeur général des élections, suivant les paramètres qu'il détermine», est-ce que ce serait possible de savoir quels sont ces paramètres qu'il va déterminer concernant la transmission?

Le Président (M. Pinard): M. Côté.

M. Côté (Pierre-F.): Oui. En particulier, ça veut dire que – je vais vous donner un exemple très précis – si on utilise l'informatique, il faut que les désignations des lieux, places et rues soient faites de façon uniforme et qu'elles se ressemblent d'un endroit... Prenons un exemple très concret. On a le chemin Sainte-Foy, par exemple, qui traverse deux municipalités. Bien, il faut que, dans la même municipalité, d'abord, il soit écrit de la même façon. Ça, c'est un premier paramètre d'exigence pour l'établissement de descriptions de territoires, qu'elles soient faites sur une même base de compréhension. Le deuxième, c'est la façon d'établir ces descriptions-là. Alors, d'après notre expérience, il y a plusieurs façons de décrire les descriptions de territoires. Ça peut aller, par exemple, jusqu'à dire: Ça va être les deux côtés de la rue, ça va être la rue en entier, ça va être la rue jusqu'à la ligne de transport d'énergie électrique. Il y a beaucoup de façons de décrire que peuvent très bien comprendre les municipalités ou le greffier municipal qui les dressent, mais il faut qu'on ait une certaine règle de base pour l'établissement de ces descriptions de territoires.

Mme Delisle: Est-ce que la définition de tous ces paramètres-là, c'est inscrit à quelque part ou si ça va être transmis aux municipalités?

M. Côté (Pierre-F.): Fondamentalement, les paramètres vont être ceux qui vont avoir été établis à l'article 9. À l'article 9, on établit les descriptions des sections de vote, des secteurs électoraux, des circonscriptions électorales, les grands paramètres, je dirais, d'établissement de ces descriptions pour un fichier du territoire; on devrait retrouver les mêmes principes et les mêmes paramètres dans les descriptions des territoires des municipalités ou des commissions scolaires.

Mme Delisle: Je veux revenir aussi à ces paramètres. Pourriez-vous nous dire dans quel délai vous allez faire parvenir ces paramètres-là aux municipalités et aux commissions scolaires, dans l'hypothèse où, par exemple, demain matin, on donne le feu vert, là, et puis...

M. Côté (Pierre-F.): Oui. Alors, c'est le troisième paragraphe, je pense, de l'article 10 qui le détermine.

Mme Delisle: C'est-à-dire que... Non, je ne parle pas de la transmission par la municipalité ou la commission scolaire au DGE; je parle de vos indications ou de vos recommandations en ce qui regarde la définition des paramètres. Vous allez les envoyer aux municipalités et aux commissions scolaires. Alors, ça va se faire...

M. Côté (Pierre-F.): Dès qu'elles seront prêtes.

Mme Delisle: Mais c'est dans quel délai, ça?

M. Côté (Pierre-F.): Au fur et à mesure qu'elles seront prêtes. Ça, c'est seulement le temps qui va pouvoir nous le dire de façon très précise. Ça va dépendre. Il y a des municipalités qui sont plus en avance que d'autres sur cette façon de travailler. Alors, il va falloir y aller progressivement, au fur et à mesure que les municipalités... Mais, à mon avis, ça peut se faire relativement rapidement. Par exemple, si je ne me trompe pas – mes adjoints pourront me corriger – on envoie aux municipalités ou aux commissions scolaires ce qu'on a appelé les paramètres, les grandes règles de l'établissement du territoire. Et, à partir de là, elles l'établissent. Elles peuvent l'établir, d'ailleurs, avec notre collaboration, s'il y a des éclaircissements à obtenir sur les règles, sur les paramètres, il le faut. Et ça, ce n'est pas un exercice qui est très long, à notre avis. C'est relativement bref parce qu'il y a déjà des gens qui sont au courant, qui sont préparés à ça. Ils le font déjà. Il s'agit qu'ils le fassent de la façon, je dirais, la plus correcte possible.

(18 heures)

Alors, ce qui peut prendre un peu plus de temps, et c'est pour ça qu'il y a des délais de prévus dans la loi, c'est l'établissement de tous ces paramètres-là de notre part. C'est pour ça qu'on a prévu qu'on les transmettrait aux municipalités le plus rapidement possible et qu'on voit que les fichiers des territoires, on les verse le 15 août de la même année...

Le Président (M. Pinard): Alors...

M. Côté (Pierre-F.): ...je m'excuse, pour permettre que cette description des territoires, quand on dit «le 15 août», puisse être utilisée aux élections municipales et scolaires qui, habituellement, ont lieu à l'automne.

Mme Delisle: O.K.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. Côté. Je demanderais maintenant...

Mme Delisle: Je vais poursuivre à 20 heures.

Le Président (M. Pinard): ...la suspension de nos travaux jusqu'à 20 heures. Bon appétit!

(Suspension de la séance à 18 h 1)

(Reprise à 20 h 6)

Le Président (M. Pinard): Je vous demanderais, s'il vous plaît, de prendre place afin que les travaux que nous avions suspendus reprennent. Nous étions rendus à l'amendement à l'article 10, que je vais lire: Modifier l'article 10 par le remplacement des deux premiers alinéas par les suivants.

M. Gautrin: Vous changez quoi?

Le Président (M. Pinard): «Les municipalités auxquelles s'applique le titre I de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités et les commissions scolaires transmettent au Directeur général des élections, suivant les paramètres qu'il détermine, la description de leurs territoires électoraux respectifs visés aux paragraphes 2° et 3° de l'article 40.3 de la Loi électorale.

«Cette transmission doit être faite au plus tard le 30 juin de l'année au cours de laquelle doit avoir lieu la première élection régulière de la municipalité ou la première élection générale de la commission scolaire, selon le cas, qui est postérieure au 1er juin qui suit (indiquer ici la date de l'entrée en vigueur de l'article 40.1 de la loi électorale).»

Sur l'amendement, vous avez le droit d'intervenir, bien entendu, et le droit de parole est de 20 minutes par député. Je reconnais Mme la députée de Jean-Talon.

M. Gautrin: Peut-être nous présenter l'amendement, M. le député de Joliette.

Le Président (M. Pinard): Vous permettez, M. le député de Verdun, je viens de transmettre la parole à madame, de Jean-Talon.

M. Gautrin: Mais j'aurais voulu comprendre le sens de l'amendement. J'aurais demandé au ministre...

M. Chevrette: Bien, là, je ne sais plus où vous vous en allez, moi.

M. Gautrin: Moi, non plus.

M. Chevrette: Vous n'avez qu'à me dire ce que vous voulez.

Mme Delisle: M. Gautrin... M. Verdun... Ha, ha, ha!

Le Président (M. Pinard): Mme la députée de Jean-Talon.

M. Gautrin: M. Verdun, député de Gautrin. Merci!

Mme Delisle: Avez-vous des objections à ce que je poursuive le questionnement que j'avais concernant l'amendement présenté par M. le ministre?

M. Gautrin: Oh, si peu!

Mme Delisle: Bon. Alors, lorsqu'on s'est quittés, M. le Président, j'avais interrogé, avec votre permission, le Directeur général des élections sur quels pouvaient être les paramètres qui devaient être transmis à la municipalité ou à la commission scolaire, évidemment. On en était rendus, je pense, à déterminer de quelle façon ça pouvait être transmis à la municipalité ou à la commission scolaire, lorsque nos travaux se sont terminés, lorsqu'on a suspendu les travaux à 18 heures, ce soir.

(20 h 10)

J'aimerais juste, si vous le permettez, revenir... Bon. J'ai compris de quelle façon se faisait la description d'un territoire. On a parlé de désignation, lieu et place, rue, pour que ça se fasse de façon uniforme. Le Directeur général des élections m'a expliqué que le délai pouvait être différent – c'est ce que j'ai cru comprendre – d'une municipalité à l'autre, dépendamment si la municipalité était déjà bien organisée à l'intérieur de son système informatique pour recevoir ou pour transmettre, finalement, toutes ces données-là sur les lieux, places et la délimitation, évidemment, de la circonscription ou du quartier électoral, dépendamment de comment les municipalités appellent la délimitation de ces territoires. Je présume que c'est la même chose aussi avec les commissions scolaires. Moi, j'aurais aimé savoir, de la part du Directeur général des élections, si, lors de la transmission, il y a d'autres exigences quant aux paramètres qui seront déterminés par la direction générale des élections. Est-ce qu'il y en a d'autres que le lieu, la place, la rue pour la délimitation du territoire ou si ça ne touche que ça?

Le Président (M. Pinard): M. Côté, s'il vous plaît.

M. Côté (Pierre-F.): Oui, M. le Président. Alors, ça touche essentiellement à ça. Ce qu'on a l'intention de faire, c'est de préparer un document de type andragogique, je dirais, pour en faciliter la compréhension par tous les greffiers municipaux ou les présidents d'élections scolaires, de commissions scolaires, et, après leur avoir transmis ces paramètres, de leur offrir également toute l'assistance technique dont ils peuvent avoir besoin, soit pour la compréhension des demandes qu'on va leur faire, soit pour l'exécution de leur travail. Et on n'envisage pas de problèmes majeurs. Les relations qu'on a à date, en tout cas, en ce qui concerne les municipalités, avec les municipalités, elles sont excellentes et on n'envisage pas de difficultés majeures pour l'établissement de ces délimitations.

Mme Delisle: J'aurais une autre question. De toute façon, c'est toujours dans le cadre des 20 minutes qui nous sont allouées. Quant au délai dont vous avez besoin, vous, pour colliger toutes ces informations-là sur informatique, même si le délai diffère d'une municipalité à l'autre, dépendamment de sa connaissance, de son système et tout ça ou de son degré de connaissance, il doit y avoir dans le temps un délai qui vous est nécessaire pour confectionner cette liste électorale permanente informatisée. Une hypothèse que, demain, le feu vert est donné, qu'on a toutes nos données sur informatique, quels sont les délais qui vous sont nécessaires pour que les municipalités rentrent tout ça, pour que vous puissiez finalement la finaliser, cette liste-là?

M. Côté (Pierre-F.): Pour l'ensemble de la liste électorale informatisée, j'ai toujours dit que ça nous prenait, à partir du moment de l'adoption de la loi, une période de six à sept mois pour réaliser la liste électorale informatisée. À partir du moment où, après le recensement, on commence à dresser la liste électorale informatisée, on commence les opérations pour la dresser, en même temps, on a l'intention de travailler sur cet aspect de la délimitation des territoires, de sorte qu'on se dit, par exemple, dans la période de six mois là, que, dans les trois premiers mois de cette période de six à sept mois, on va être en mesure d'effectuer énormément de travail avec les municipalités pour la délimitation de leur territoire.

Mme Delisle: Est-ce que ces paramètres pourraient changer? Je ne cherche pas pouilles là, mais est-ce que, des paramètres, on pourrait en ajouter, on pourrait en retrancher au bon gré, finalement, de l'humeur de l'électorat ou des demandes de municipalités?

M. Côté (Pierre-F.): Bien, il y a des modifications – prenons des exemples – qui vont forcément devoir s'adapter au fur et à mesure: fusion de municipalités, nouvelle délimitation de districts électoraux, passer de six quartiers, par exemple, à huit districts électoraux. Alors, il y a des modifications à l'intérieur de la carte électorale municipale, si on prend cet exemple-là. Mais, ça, c'est la responsabilité des municipalités. Où on va apporter de l'aide, puis ce en quoi va consister le travail de ces paramètres-là, c'est de leur fournir – passez-moi l'expression anglaise – les «guide lines»: comment procéder, comment le faire. Mais ce n'est pas nous qui allons intervenir dans les modifications qui pourraient survenir par la suite; ça demeure toujours la responsabilité du conseil municipal.

Mme Delisle: O.K. J'aimerais vous interroger sur l'hypothèse suivante: Pour s'assurer qu'il y a plus de sécurité, plus de clarté dans toute cette question de paramètres et que tout le monde soit sur le pied d'égalité, est-ce qu'on ne devrait pas, plutôt que de laisser à la direction générale des élections le soin de déterminer ces paramètres-là, demander que ce soit fait par règlement où ce serait vraiment légalement inscrit et où on pourrait...

Le Président (M. Pinard): Excusez, par règlement...

M. Chevrette: Des règlements par qui, là?

Le Président (M. Pinard): ...municipal?

Mme Delisle: Non, le Conseil des ministres.

M. Chevrette: M. le Président, je pourrais peut-être répondre à cette question. Moi, je trouve qu'il y en a trop, de règlements. On va aller plaider tantôt sur une déréglementation, en haut, là, des allégements. Croyez-vous qu'on va se tirer encore pour l'alourdissement? Des paramètres, c'est pour définir un peu les quartiers, les périmètres exacts d'une ville, puis les périmètres de polls de votation à partir des quartiers ou du nombre de candidats à l'échevinage. On n'est pas pour commencer à s'empêtrer encore dans les règlements. Je suis surpris, d'ailleurs, que Mme la députée de Jean-Talon, qui est une adepte de la déréglementation, en soit rendue, à ce stade-ci, à nous proposer des règlements.

M. Gautrin: Par solidarité.

M. Chevrette: Non, mais la question était claire, je crois que la réponse l'est.

Mme Delisle: Ça ne veut pas nécessairement dire que ça me sécurise. Ce n'est pas parce qu'on est pour la déréglementation dans certains domaines qu'il ne faille pas, lorsqu'on change quand même nos moeurs électorales, s'assurer que ces changements-là ne causent préjudice à personne et qu'on ne puisse pas changer, au bon gré des gens qui sont là, les paramètres. Je comprends que ça a l'air bien simpliste, là...

M. Chevrette: Ce sont des outils de travail, ça, madame, puis ça n'a jamais fait l'objet de règlements. Tout au plus, même les partis politiques sont informés, mais, je vous avoue franchement, on fait fausse route sur ces règlements-là. Franchement!

Le Président (M. Pinard): Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: C'est parce que je voyais M. Côté qui voulait répondre.

M. Côté (Pierre-F.): C'est parce que je pourrais peut-être ajouter un élément d'information. En aucun cas dans la détermination de ces paramètres, il n'est question d'intervenir dans la délimitation elle-même.

Mme Delisle: Pardon? Je m'excuse!

M. Côté (Pierre-F.): Il n'est pas question que, nous, on intervienne dans la délimitation elle-même. La délimitation demeure la responsabilité de chacune des instances.

Mme Delisle: O.K.

M. Côté (Pierre-F.): Alors, c'est simplement pour que ce soit compatible, pour que ce soit une utilisation... la même façon de procéder pour tout le monde; c'est uniquement ça, le but des paramètres. Il n'est pas dit, et j'espère qu'on n'aura pas ce pouvoir-là, d'intervenir dans la délimitation même des districts électoraux municipaux ou des quartiers.

Mme Delisle: O.K. Et je terminerai avec une autre question, M. le Président. Si je me souviens bien, les municipalités doivent, par règlement, je crois, déterminer quels sont les quartiers électoraux, s'il doit y avoir des changements. Je me rappelle, en fait, que vous nous aviez, M. le Directeur général des élections, envoyé une proposition, justement, pour essayer de mieux équilibrer, en tout cas, chez nous, les quartiers électoraux, parce qu'ils n'étaient vraiment pas très bien équilibrés. Ça, évidemment, j'imagine que ces procédures-là... Est-ce que ça va continuer, ça? Est-ce que vous allez, comme Directeur général des élections, continuer à promouvoir chez les municipalités ou chez les commissions scolaires une nouvelle délimitation des quartiers, si les municipalités ou les commissions scolaires le veulent, ou bien si c'est coulé dans le ciment, là, ce qui va vous être envoyé comme paramètres?

M. Côté (Pierre-F.): Ce sont d'autres dispositions de la loi qui s'appliquent. Dans la Loi sur les élections et les référendums, il est dit qu'une municipalité de plus de 20 000 habitants doit se délimiter en districts électoraux municipaux. Et les autres municipalités, elles peuvent décider librement, par décision du conseil municipal, de s'assujettir à cette loi. Une fois qu'une municipalité est assujettie, elle fait la détermination de ses districts électoraux municipaux ou de ses quartiers électoraux et elle adopte par règlement la procédure qui est la suivante, très rapidement: soumis au conseil municipal; exposé aux citoyens, s'ils le désirent; puis il y aura pétition de la part des citoyens; audition spéciale du conseil municipal; et, s'il y a mésentente encore, c'est une pétition qui est adressée à la Commission. Il y a un certain nombre de signatures requises. La Commission de la représentation électorale tient des audiences publiques et rend une décision finale.

Mme Delisle: O.K. Mais cette loi-là ne contreviendrait pas, en fait, à cette loi-ci.

M. Côté (Pierre-F.): Elle n'entre pas en ligne de compte avec ceci.

Mme Delisle: Ce sont deux choses complètement différentes. Ça va, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre, avez-vous une réplique là-dessus? Non? Alors, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: M. le Président, d'abord, je rappellerai deux mémoires qui ont été déposés, lorsque vous avez entendu les gens à la fois de l'Union des municipalités du Québec et de la Corporation des officiers municipaux. Alors, je vais intervenir sur un amendement qui n'existe pas encore pour que le 15 août... Mais, enfin, je serais hors d'ordre, je vais réserver ça pour plus tard. Je vais intervenir strictement sur le rapport de l'Union des municipalités du Québec qui voulait être associée à la détermination des paramètres. Le mémoire de l'Union des municipalités, que vous avez entendue – malheureusement, je n'étais pas là – demandait que le Directeur général puisse consulter l'Union des municipalités du Québec.

(20 h 20)

Alors, bon, je suis en train de me poser la question: Est-ce que c'est nécessaire de le mettre dans la loi ou non? Vous allez probablement me dire: Le bons sens doit prévaloir et vous allez, bien sûr, consulter l'UMQ pour déterminer les paramètres. M. le ministre, est-ce que vous pensez que le bon sens doit prévaloir ou qu'il aurait été utile, quand même, de mettre que le président des élections aurait dû consulter, pour la détermination des paramètres, l'UMQ ou l'UMRCQ? C'était une demande de l'UMQ.

M. Chevrette: Mais, dans les faits...

M. Gautrin: Dans les faits, ça devrait se passer.

M. Chevrette: ...il y a beaucoup de collaboration entre les deux unions.

M. Gautrin: Ça, je suis parfaitement conscient de ça. Mais est-ce que ça aurait été préférable de l'inclure à l'intérieur de l'article?

M. Chevrette: Bien, plus on en met dans les lois, vous savez que plus on emmerde tout le monde, si vous me permettez l'expression.

M. Gautrin: Je vais vous citer, hein!

M. Chevrette: Non, non. Puis je suis heureux que vous me posiez la question, parce que...

M. Gautrin: Non, mais je suis heureux que vous me disiez ça, parce que c'est important.

M. Chevrette: ...il s'est développé une excellente relation entre l'UMQ et l'UMRCQ. Si vous avez remarqué, l'UMRCQ est venue dire aussi qu'elle était d'accord en entier avec le projet de loi, mais qu'elle voulait qu'elle soit facultative. On peut les comprendre, parce que parlant des fois au nom d'une population de 119 personnes ou de 90 personnes, vous comprendrez que le recensement se fait vite; il peut se faire sur le coin de la table. Donc, ça, c'est clair. Moi, je pense... En tout cas, j'ai une volonté, M. le député, de déréglementer le plus possible, puis de mettre le moins de carcans possible.

M. Gautrin: Je vous suis là-dedans.

M. Chevrette: Puis, d'ailleurs, je sais que, là dessus, il y en a de votre formation politique qui me suivent beaucoup.

M. Gautrin: Oui, moi-même.

M. Chevrette: Je pense que moins on va en mettre, plus on va obliger le monde à se parler, plus on va trouver des solutions de concertation. Et ça, c'est très technique, entre vous et moi, c'est de décider... Déjà, la loi, d'ailleurs, des cités et villes crée des barrières... pas des barrières, mais des obligations de faire. Il s'agit tout simplement de dire qu'ils doivent transmettre ça. Pour leur permettre de faire un travail intelligent, il faut bien qu'ils leur transmettent des données de base intelligentes. Je ne crois pas qu'on puisse passer quelques heures là-dessus.

M. Gautrin: Moi, non plus!

M. Chevrette: Moi, non plus, hein!

Le Président (M. Pinard): Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Est-ce qu'il me reste un peu de temps? J'aurais d'autres questions à demander. Il me reste du temps? Combien?

Le Président (M. Pinard): Il vous reste encore beaucoup, passablement de temps.

Mme Delisle: Bon. J'aimerais qu'on parle de la date du 15 août.

M. Gautrin: Ça arrive, ça arrive, ça arrive, mais ce n'est pas dans l'amendement. Ça vient après.

Mme Delisle: Ah! c'est après. Bon. O.K.

M. Gautrin: On y arrive après, ne t'inquiète pas.

Le Président (M. Pinard): Est-ce que ça va?

Mme Delisle: Oui, oui, je n'ai pas de problème.

Le Président (M. Pinard): Alors, est-ce que l'amendement est adopté?

M. Chevrette: Adopté.

M. Gautrin: Adopté.

M. Chevrette: Est-ce que...

Le Président (M. Pinard): Est-ce que l'article 10, amendé, est adopté?

M. Gautrin: Non.

Le Président (M. Pinard): Non. O.K.

M. Gautrin: Je pense que Mme la députée de Jean-Talon et moi aussi, on a des questions sur la date du 15 août.

Le Président (M. Pinard): Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Pour reprendre un questionnement que l'UMRCQ avait concernant la date du 15 août, pour la transmission, pour que le Directeur général des élections puisse verser ces données au fichier des territoires au plus tard le 15 août, si ma mémoire m'est fidèle, le déclenchement des élections au niveau municipal se fait le 1er septembre, quand il y a des élections dans une municipalité, et, si ma mémoire m'est fidèle également, l'UMRCQ avait exprimé une très grande réserve...

Non, c'est la COMAQ, je m'excuse, c'est la Corporation, qui avait exprimé une réserve assez sérieuse à l'égard de cette date-là, en signifiant que c'était trop tard. C'était une date qui ne leur permettait pas, par la suite, de recevoir les données à temps. Puis, je vous avoue, M. le Président, que je trouve que c'était une réserve qui était parfaitement justifiée. Je ne sais pas si on ne pourrait pas présenter un amendement pour devancer cette date-là puisque les greffiers, qui, pour la plupart, habituellement, dans les municipalités, sont les présidents d'élection, ne pourraient pas avoir en main les outils pour...

M. Chevrette: Je pense, madame, pour en avoir discuté avec quelques-uns par après, que le 15 août, eux... N'oublions pas, ils se plaçaient toujours dans une conjoncture où ils avaient à faire un recensement. Ils n'ont plus à faire de recensement, ils reçoivent la liste délimitée en fonction des paramètres de l'article 9. Il faut que vous le regardiez par l'article 9. C'est ça.

Mme Delisle: Mais attendez un petit peu. Ce n'est pas tout à fait... Il y a quand même des mesures que les... J'aimerais ajouter à ce que M. le ministre vient de dire. Si c'est vrai que la liste, ils vont l'avoir en main, il n'en demeure pas moins qu'il y a des municipalités qui vont devoir faire faire un recensement à part pour les non-résidentiels, au niveau du commercial. Et ça, ça demande quand même un recensement qui est particulier et que le Directeur général des élections n'aura pas en main.

M. Chevrette: Les propriétaires fonciers et les commerces, effectivement.

Mme Delisle: Les propriétaires fonciers sont là. Les locaux commerciaux...

M. Chevrette: C'est clair.

Mme Delisle: ...ne sont pas dedans.

M. Chevrette: Mais, ça, ils ont un fichier...

Mme Delisle: Je n'essaie pas de faire du temps; je veux juste...

M. Chevrette: Non, mais ils ont un fichier à jour constant, eux.

Mme Delisle: Ce n'est pas si évident que ça. La Ville de Laval a fait une étude justement sur ce point-là, et je peux vous dire que la Ville de Laval a estimé à plus de 25 000 $ ce que lui coûteraient les ajouts qu'ils doivent faire à la liste électorale justement pour tenir compte des éléments que je viens de mentionner. Je ne sais pas si vous êtes allé plus loin dans votre réflexion...

M. Chevrette: Non. C'est parce que...

Mme Delisle: ...suite à ce que la COMAQ avait proposé.

M. Chevrette: C'est une question, aussi, de réception des commandes, ce qui est le 30 juin, je crois. Il faut laisser le temps... Le 30 juin, ça veut dire que, par rapport au 15 août, on a un mois et demi pour réaliser le travail qui est demandé à la municipalité. Il ne faut pas l'oublier.

Mme Delisle: Oui. Bien, est-ce qu'on ne devrait pas devancer le 30 juin?

M. Gautrin: Un instant, là!

Mme Delisle: Excusez-moi, mais... O.K., allez-y, monsieur.

M. Chevrette: Qu'est-ce qui se passe?

Le Président (M. Pinard): Là, il y a une question qui a été posée. Est-ce que c'est dans le même sens?

M. Gautrin: C'est exactement la même question. Attendez un instant, j'essaie de bien comprendre les dates. Alors, si je comprends, le 30 juin, les municipalités transmettent, suivant les paramètres décidés, les éléments au Directeur général des élections et le Directeur, lui, le 15 août, il les transmet à la municipalité – ça va? Bon – et à la commission scolaire. Mais restons sur la municipalité, pour l'instant. Là, la Corporation des officiers municipaux trouvait que le 15 août, c'était un peu tard. Moi, la question que j'ai – puis, là, on n'est pas en train, comme l'a dit la députée de Jean-Talon... – est-ce que ça va, d'après vous, vous prendre un mois et demi pour intégrer les petites modifications qui peuvent être faites par une municipalité? Parce que, entre vous et moi, on ne parle pas de grosses choses. Et transmettre...

M. Chevrette: Non, mais il y a Montréal dans les petites municipalités. Quand on fait un projet de loi...

Mme Delisle: Ce n'est pas toutes les villes en même temps.

M. Chevrette: Non, non, mais je veux dire, on a Montréal, on a Laval, on a quand même des grosses villes comme Québec. Si on ne met pas un laps de temps... Il faut que tu le fasses pour les plus gros; à plus forte raison si c'est plus petit, on va l'envoyer avant.

M. Gautrin: Non, ma question s'adresse... Franchement, je vais me rallier au 15 août, si vous me dites que vous avez besoin d'un mois et demi pour ça, d'après vous.

M. Côté (Pierre-F.): C'est ce que nous croyons. M. le Président, c'est parce qu'il ne faut pas perdre de vue que ça dépend du nombre de municipalités qui sont en élection, aussi.

M. Gautrin: Oui, bien sûr.

M. Côté (Pierre-F.): Par exemple, s'il y a 700 municipalités en élection ou 1 000 cette année-là, ça peut vouloir dire quelques millions d'électeurs. Alors, à partir de la liste électorale informatisée, il faut qu'on puisse fournir à la municipalité la liste des électeurs dans la délimitation. C'est pour ça qu'on dit: Au plus tard le 15 août. Mais je voudrais insister sur un point, si vous me permettez. Quand on dit «au plus tard le 30 juin», puis «le 15 août», il est aussi dans notre intérêt de tout faire pour devancer ces dates-là.

M. Gautrin: Bien sûr.

M. Côté (Pierre-F.): Parce que ça va nous faire moins de travail, par exemple, dans la période estivale, la période d'été.

M. Gautrin: Oui, je comprends.

Le Président (M. Pinard): Autre question, Mme la députée de Jean-Talon?

(20 h 30)

Mme Delisle: Oui. Est-ce qu'il y a une raison pour laquelle la date du 30 juin a été choisie? Pourquoi cette date-là a été choisie? Est-ce que ça aurait pu être le 15 de juin ou le 30 mai? J'essaie de trouver si vous avez besoin d'un mois et demi entre la date où vous recevez ces informations-là de la part des municipalités. Parce que cette date-là est un peu plus difficile pour les municipalités. Les commissions scolaires, leurs élections – voyons, elles ne sont pas plus tard; oui, elles ont trois semaines de plus, habituellement – sont deux ou trois semaines plus tard. Il y a un jeu de deux ou trois semaines, là. Mais, pour les municipalités, est-ce qu'il y a une raison pour laquelle vous avez choisi le 30 juin? Est-ce que ça aurait pu être le 1er juin ou le 30 mai? C'est une date qui a été choisie de cette façon-là ou bien...

M. Côté (Pierre-F.): M. le Président, c'est pour viser à être plus performants, les municipalités et nous, pour les élections d'automne. Alors, pour avoir la délimitation la plus précise et la dernière en date, la plus complète possible, on dit: «Au plus tard le 30 juin», elles nous transmettent ça. Quand on le retourne au plus tard le 15 août, c'est cette délimitation; ce n'est pas la liste, là, qu'on transmet. Parce que la liste électorale est transmise aux municipalités au début de septembre.

Mme Delisle: Alors, vous leur transmettez uniquement pour le 15 août la liste du fichier, ce que sont les territoires, lieux, places, tout ça, là.

M. Côté (Pierre-F.): Absolument.

Mme Delisle: Rues.

M. Côté (Pierre-F.): Oui.

Mme Delisle: Puis ça vous prend six semaines pour faire ça.

M. Côté (Pierre-F.): Bien, c'est ce qu'on évalue, là. On va voir par l'expérience si ça peut prendre moins de temps ou plus...

Mme Delisle: Écoutez, moi, je soulève la...

M. Côté (Pierre-F.): ...mais on croit que c'est ce que ça prend. Mais c'est parce qu'on ne voit pas...

M. Chevrette: Mais, au fur et à mesure qu'on va en avoir de prêtes... Prenez, par exemple, il peut y avoir 200 municipalités, une année. Il y en a qui vont être prêtes deux jours après, dans certaines municipalités. Mais il faut fixer un temps ultime dans la loi. C'est ça qu'on fait. C'est normal.

Mme Delisle: Mais, M. le ministre, vous me permettrez d'être un peu sceptique face au choix de cette date-là. Ce n'est pas pour faire ma difficile, mais, à partir du 30 juin, il y a bien des gens qui sont partis en vacances. Je parle des gens qui sont susceptibles de travailler sur les ordinateurs, là, au bureau de la direction générale des élections. On sait que tout le monde prend ses vacances en juillet. La seule question que je voulais...

M. Chevrette: Sauf au DGE. Ça travaille.

Mme Delisle: La question que je pose, c'est: Pourquoi a-t-on choisi de déterminer que c'était entre le 30 juin et le 15 août? Pourquoi on n'a pas choisi... Vous pourriez me dire qu'on pourrait prendre n'importe quelle autre date, mais pourquoi on n'a pas choisi entre le 30 mai ou le 30 avril, puis le 15 de juin?

M. Chevrette: Oui, mais n'oublions pas, madame, qu'on a le même problème en juillet, les déménagements.

Mme Delisle: Ah oui. D'ailleurs, c'est pour ça...

M. Chevrette: Ne l'oubliez pas, là. Donc, on doit le mettre au 15 août précisément pour ajuster nos flûtes sur la révision des listes. On n'a pas le choix.

M. Gautrin: Je suis heureux que vous en preniez conscience.

Mme Delisle: Mais ça ne change pas le territoire, ça, là.

M. Chevrette: Non. C'est le territoire.

Mme Delisle: Ce n'est pas la liste, là. En tout cas, moi, je trouve que...

M. Chevrette: Accepteriez-vous deux amendements, là? Le 15 juin pour la date d'obligation pour la municipalité et 1er août, mais ça leur donne un mois à ne rien faire.

Une voix: C'est ça, c'est le 1er septembre.

Mme Delisle: Moi, c'était pour aller avec la...

M. Chevrette: Bien, moi, ce n'est pas pour me battre pour le plaisir de me battre.

Mme Delisle: Non, non.

M. Chevrette: Ce n'est pas...

Mme Delisle: Moi, non plus, mais c'était pour aller avec la réserve qu'avait vraiment soulevée – c'est une réserve qui est quand même importante – la COMAQ.

M. Chevrette: Oui. Moi, Mme la députée de Jean-Talon, je pense qu'il est de notre intérêt de laisser une date limite et je suis convaincu de ça. Il en est de l'intérêt des municipalités aussi.

Mme Delisle: On ne discute pas de ça, là.

M. Chevrette: Mais, franchement, là, selon ce qu'on me dit, de toute façon, avant le 1er septembre, il ne se fera pas de liste électorale, le déclenchement se fait le 1er septembre. Donc, ils ont leur délimitation le 15 août. Ils ne peuvent pas commencer la liste avant parce qu'ils ne savent pas... Ils ne donneront pas de commande après pour la confection de la liste s'il peut ne pas y avoir d'élections, à part de ça, vous le savez, dans certaines municipalités.

Mme Delisle: Qu'est-ce que les greffiers font, à partir du 1er septembre, avec ce fameux fichier des territoires, puis tout ça? Ces éléments-là dont on discute, là, est-ce qu'ils en ont besoin avant le 1er septembre?

M. Côté (Pierre-F.): Ils ont le cadre géographique dans lequel vont être versés les électeurs de la municipalité. C'est ça qu'ils vont avoir.

Mme Delisle: C'est juste ça, là.

M. Côté (Pierre-F.): Oui.

Mme Delisle: Puis, en vertu de la loi sur les élections municipales, quand l'élection est déclenchée à partir du 1er septembre, de toute façon, la ville doit avoir, en vertu de la loi actuelle, ces éléments-là qu'elle a elle-même à l'intérieur de ses données.

M. Côté (Pierre-F.): Absolument.

M. Chevrette: Moi, à moins que vous n'y teniez mordicus, je laisserais la loi... Si vous y tenez mordicus, pour ne pas prendre une heure de discussions là-dessus... Nous, on a besoin d'un mois, un mois et demi au niveau d'une date globale. Je ne vois pas ce que ça donne, à ce stade-ci.

Mme Delisle: C'est la COMAQ qui l'a soulevé.

M. Chevrette: Oui.

Mme Delisle: Il faudrait peut-être voir de quelle façon on reçoit les... On a consulté ces gens-là, il me semble qu'on devrait tenir compte de leurs réserves.

M. Chevrette: Bien oui. On en tient compte, mais après explications entre eux. Ce sont les paramètres, là. À partir des paramètres, c'est des informations qui, de part et d'autre, sont reçues.

Le Président (M. Pinard): Sur le même sujet, M. le député de Rivière-du-Loup?

M. Dumont: Oui, s'il vous plaît, M. le Président. Merci. Pour moi, le débat est relativement simple. C'est une question d'avantages et d'inconvénients. On a un groupe qui visiblement y voit des avantages; ils sont venus nous dire ici qu'ils préféraient l'avoir plus tôt. Donc, ça, à date, c'est un à zéro. Pour dire qu'on ne le fait pas, il faut avoir des désavantages de l'autre côté. Dans l'autre colonne, il faut avoir des désavantages. Est-ce qu'il y a des coûts supplémentaires rattachés à ça? Est-ce qu'il y a des groupes qui vont être pénalisés? Est-ce que, pour le DGE, c'est plus compliqué? Je veux juste savoir. Est-ce qu'il y a un désavantage qui nous convaincrait de...

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Chevrette: J'ai fait sortir la réserve. La réserve, ce n'est pas pour eux autres; c'est pour le DGE. Regardez bien la réserve, ce qu'ils ont dit: «La date du 15 août fixée à l'article 10...» Puis, je vous prierais de bien écouter, tout le monde. Vous allez voir que ça change le portrait de place. Bon, grouillez pas, je recommence.

M. Gautrin: Je peux le lire pour vous.

M. Chevrette: Non, je vais le faire. Je me fie plus à moi, à cette heure-là. «La date du 15 août fixée à l'article 10 du projet de loi 40 pour verser des données des territoires électoraux municipaux au fichier des territoires nous semble tardive. C'est vers cette date que la plupart des présidents d'élections commencent à préparer leur liste électorale. Nous craignons qu'il y ait un engorgement et une incapacité de répondre aux demandes des municipalités.»

Bien voyons! Si on dit qu'on en a assez jusque-là, nous autres... On le demande pour le 30 juin, c'est parce qu'on en a assez. C'est le contraire. Si vous nous demandiez d'en faire avant, il faudrait rétroagir avant pour avoir les données. C'est eux autres qui sont inquiets pour eux autres. Ce ne sont pas eux autres qui sont inquiets pour eux. Puis, nous autres, on dit qu'on n'est pas inquiets pour nous, on n'a pas à changer ça.

Le Président (M. Pinard): Ce qui m'apparaît, c'est que l'équipe du Directeur général des élections est confiante.

M. Chevrette: Nous autres, on n'est pas confiants, on est sûrs. Correct?

Le Président (M. Pinard): Alors, autre intervention sur l'article 10 tel qu'amendé ou si on est prêts à prendre le vote?

M. Chevrette: L'article 10, tel qu'amendé, adopté.

Mme Delisle: Moi, M. le Président, si vous voulez, je vais présenter un amendement.

Le Président (M. Pinard): Oui.

Mme Delisle: Je vais proposer que le projet de loi 40 soit modifié par le remplacement, à la deuxième ligne du troisième alinéa de l'article 10, des mots «15 août» par les mots «1er août».

M. Chevrette: Mais, là, j'espère que vous allez être cohérente pour changer le 30 juin.

Mme Delisle: Je m'en viens avec l'autre après.

M. Chevrette: Adopté.

Le Président (M. Pinard): Alors, voulez...

M. Chevrette: On va changer le 30 juin.

Mme Delisle: Absolument. Je m'en viens avec un autre.

M. Chevrette: Adopté aussi, par anticipation.

Mme Delisle: On va...

Le Président (M. Pinard): M. le ministre...

Mme Delisle: M. le Président, est-ce que vous aimeriez présider?

M. Chevrette: Non, mais c'est juste pour démontrer, M. le Président, que, quand on peut faire les choses, on les fait.

Le Président (M. Pinard): Je comprends, M. le ministre, mais il y a un amendement. Est-ce que l'amendement...

Mme Delisle: Le 15 juin.

Le Président (M. Pinard): ...est déposé?

Mme Delisle: Là, je vais vous déposer celui-là.

M. Chevrette: Le 15 juin.

Le Président (M. Pinard): Bon.

M. Gautrin: Je m'excuse, mais il faut d'abord formellement qu'il soit lu, reçu et qu'il soit ensuite voté.

M. Chevrette: Bien, pourquoi on ne le change pas dans le même amendement, là, du 15 août?

Mme Delisle: «Au plus tard le 15 juin de l'année au cours de laquelle...

M. Chevrette: C'est beau.

Mme Delisle: ...doit avoir lieu...» Le 30 juin serait changé pour le 15 juin, puis le 15 août serait changé pour le 1er août.

M. Chevrette: Adopté.

Le Président (M. Pinard): Alors, le texte écrit, s'il vous plaît.

Mme Delisle: Acceptez-vous qu'on vous le...

M. Gautrin: Non, mais je pense qu'il faut un texte.

Mme Delisle: On est en train de vous l'écrire.

Le Président (M. Pinard): Il faut que ce soit fait légalement.

M. Gautrin: Non, mais, écoute, il faut quand même l'écrire. Ça ne change rien.

Le Président (M. Pinard): Je vais suspendre deux minutes, le temps que vous allez...

Mme Delisle: Merci.

Le Président (M. Pinard): ...nous le remettre.

(Suspension de la séance à 20 h 40)

(Reprise à 20 h 42)

Le Président (M. Pinard): Nous allons reprendre les activités de la commission. Je vais vous lire l'amendement qui est déposé par la députée de Jean-Talon: Le projet de loi 40 est modifié par le remplacement, à la première ligne du deuxième alinéa de l'article 10, des mots «30 juin» par les mots «15 juin» et par le remplacement, à la deuxième ligne du troisième alinéa, des mots «15 août» par les mots «1er août». Adopté?

M. Chevrette: Adopté.

Le Président (M. Pinard): Est-ce qu'on peut, à ce moment-là, adopter l'article 10, tel qu'amendé?

M. Gautrin: On vient de me signaler que certaines des municipalités qui sont venues témoigner devant cette commission, particulièrement les petites municipalités, n'avaient pas l'intention d'utiliser la liste électorale permanente. C'étaient des petites municipalités. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de les exempter de l'application de cette norme et d'amender l'article 10 en ajoutant les mots «pour les municipalités et les commissions scolaires ayant conclu une entente avec le Directeur général des élections quant à l'utilisation de la liste électorale permanente»? Alors, je me permets de soulever la question auprès du ministre et du Directeur général des élections. Si j'ai compris, il y avait des petites municipalités qui ne souhaitaient pas utiliser la liste électorale permanente. Les grosses municipalités l'avaient souhaité, bien sûr. Donc, on...

Le Président (M. Pinard): Vous allez sûrement nous définir les mots «petite municipalité», M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Oui, bien sûr. Dans ce sens-là, l'amendement n'utilise pas les termes «petites municipalités» parce que ça ne veut rien dire et...

Le Président (M. Pinard): Excusez, un point d'ordre.

M. Gautrin: Oui.

Le Président (M. Pinard): C'est que, en tant que président, je peux également poser certaines questions.

M. Gautrin: Oui, oui. Non, non. Mais il n'y a pas de problème à ce niveau-là. Je pense...

M. Chevrette: Non. C'est parce que madame a la chair de poule. Elle est fâchée.

M. Gautrin: Non, mais M. le Président est parfaitement correct dans son intervention.

M. Chevrette: Il est correct, je le savais.

M. Gautrin: Non, non. Mais, comme président, vous intervenez là-dedans. Mais j'aimerais déposer l'amendement suivant: Rajouter, à la fin de l'article 10: «pour les municipalités et commissions scolaires ayant conclu une entente avec le Directeur général des élections quant à l'utilisation de la liste électorale permanente». Oui, c'est ça. Alors, je vous demande si cet amendement est recevable.

Le Président (M. Pinard): Vous me demandez si l'amendement est recevable.

M. Gautrin: Je le dépose formellement comme amendement. Et, avant de pouvoir...

Le Président (M. Pinard): Je vous mentionne que ça ne va absolument pas à l'encontre... Donc, c'est recevable.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Si j'ai bien compris la dynamique de ce monde municipal, que je ne connais pas tellement bien, les municipalités de moindre importance... Vous avez eu raison, on va le corriger, M. le Président, quant à l'utilisation...

M. Chevrette: Même d'un universitaire.

M. Gautrin: ...des termes «petites municipalités». Je remercie le député de Joliette quant au choix... Merci, M. le député de Mercier.

À l'heure actuelle, la question de fond est quand même importante, ici. C'est: Est-ce que l'obligation d'utiliser la liste informatisée serait non pas une obligation pour tout le monde, mais seulement restreinte aux municipalités qui souhaiteraient le faire, c'est-à-dire qui auraient passé une entente avec le Directeur général des élections ou, dans le cas des commissions scolaires, qui auraient passé une entente avec le Directeur général des élections? Bien sûr, dans ma tête, sans vouloir les qualifier de petites ou de moyennes ou de municipalités de moindre poids démographique, il s'agissait de ne pas nécessairement obliger le recours à la liste informatisée pour des municipalités qui ont peu d'électeurs à l'intérieur.

Alors, je ne sais pas comment réagit le Directeur général des élections sur cet amendement. J'ai cru comprendre que ça avait été un souhait des gens de l'UMRCQ. Je dis bien: «J'ai cru comprendre» parce que je n'étais pas présent lorsque les gens de l'UMRCQ sont venus témoigner ici.

M. Chevrette: Je peux répondre ceci, M. le député de...

M. Gautrin: De Verdun.

M. Chevrette: ...Verdun. Mme la députée de Jean-Talon, je vais la prendre à témoin. Ce qu'ils sont venus nous dire, c'est une appréhension par rapport aux coûts. C'est de ça qu'ils avaient peur. Parce que, pour une petite municipalité, ils disaient: On «va-tu» avoir une facture salée? Vous devriez nous laisser libres parce que, chez nous, c'est tellement petit ou c'est tellement de moindre importance qu'on n'aurait pas à confectionner de liste.

M. Gautrin: Je fais école, là.

M. Chevrette: Ce qu'ils vont recevoir pour un prix dérisoire, c'est une liste électorale en bonne et due forme de leur municipalité. Puis, dans probablement 15 minutes, dans ces petites municipalités-là, dans bien des cas, ils vont ajouter les 15 ou 20 propriétaires fonciers. C'est tout. C'est ça que ça dit. Mais il y a des municipalités – c'est pour ça que je n'accepterai pas de voter en faveur de votre amendement – qui sont fort petites à certains moments de l'année, mais fort nombreuses à d'autres moments. Exemple, les petites municipalités de villégiature. Je prends Saint-Donat, que plusieurs connaissent ici, dans les Laurentides. Saint-Donat doit quadrupler ou quintupler sa population résidente à temps plein. C'est clair, ça. Notre-Dame-de-la-Merci, qui est une petite municipalité, a sans doute autant de villégiateurs qu'il y a de monde résident à temps plein, sinon plus, peut-être deux fois plus. Je pense que l'outil de base que l'on veut créer...

M. Gautrin: Mais les propriétaires avaient le droit de voter.

M. Chevrette: Oui, je le sais, mais à plus forte raison... Eux, ils vont recevoir leur liste, puis, leur travail, ils le connaissent. Ça ne leur coûtera pratiquement rien. La partie des propriétaires qui ne sont pas inclus dans la liste électorale, ça relève de leur boulot, de toute façon, ça. Je ne vois pas pourquoi on ne dirait pas... On va leur offrir le service de l'envoyer; s'ils ne veulent pas la prendre... Nous, la condition qu'on a ici, c'est de créer une liste électorale permanente dans chacune des municipalités du Québec. Ils n'ont même pas de balises, eux autres, pour les quartiers, dans ces villages-là. C'est la liste électorale, puis ils ont cinq échevins, puis ils se présentent huit, puis c'est les cinq qui prennent le plus de votes, bien souvent, qui sont élus.

Je ne vois pas pourquoi vous m'arrivez avec ça. Je comprends le désir. J'en ai discuté longuement avec Mme la présidente de l'UMRCQ; j'en ai discuté avec son avocate qui a préparé le mémoire. Je leur ai expliqué que l'objectif, c'est d'avoir une liste électorale permanente, puis d'ajouter, selon le scolaire, des dimensions additionnelles, puis d'ajouter, au municipal foncier, pour les propriétaires fonciers, une liste additionnelle dans leur milieu. Mais, nous, on aura un outil de base pour remettre à tout le monde, puis c'est une liste unique informatisée. Je ne vois pas pourquoi on priverait une municipalité de recevoir cela.

(20 h 50)

M. Gautrin: On ne la prive pas. Dans l'amendement qui est devant nous, on lui dit: Elle est transmise si elle a exprimé le désir de la recevoir.

M. Chevrette: Elle est faite, la liste. Je ne vois pas pourquoi...

M. Gautrin: Est-ce que vous avez une idée du coût que vous avez...

M. Chevrette: Ça va être des coûts coûtants parce que, vous savez, ce n'est pas une question de faire de l'argent, ça. Là où il y en a 119, ça peut être deux feuilles de papier, 0,47 $ chaque, imprimées.

M. Gautrin: C'est le coût strictement du papier.

M. Chevrette: Je donne un exemple. Je ne suis pas pour m'amuser à parler de coûts...

M. Gautrin: Non, non, mais on parle...

M. Chevrette: ...mais, pour éviter un recensement de base, par exemple... C'est ça qui est l'objectif du projet de loi, c'est de sauver 34 000 000 $. Je ne vois pas pourquoi on le laisserait facultatif. C'est le citoyen en bas aussi.

M. Gautrin: Bon.

Le Président (M. Pinard): Mme la députée... Excusez, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: C'est juste sur ce point-là. Le ministre m'a reproché plus tôt de ne pas faire mes devoirs. Alors, je suis allé dans les municipalités de mon comté avec le projet de loi, et la chose que les municipalités cherchent, c'est de sauver de l'argent. Alors, si un système va leur sauver de l'argent, ça les intéresse; si ça ne sauve pas d'argent, ça ne les intéresse pas. Sur cette question facultative, moi, je me suis assis avec le maire de Pointe-Claire, une municipalité de 27 000. Il a beaucoup de réserves sur le projet de loi parce qu'il pense qu'avec sa clientèle – c'est beaucoup de personnes locatives qui déménagent et tout ça – pour ses fins à lui, on ne va pas être capable de mettre ça à jour à temps. Alors, il va être obligé quand même de faire peut-être pas un recensement de toutes les maisons, mais des secteurs des appartements, des logements où il y a un taux de changement dans les résidences assez important.

Alors, dans tout ça, est-ce que ce qui est proposé ici à la fois laisse le temps aux municipalités d'agir et, deuxièmement, est-ce que, si c'est facultatif, si la ville de Pointe-Claire ou toute autre municipalité au Québec décide... Parce que, pour eux autres, c'est une question de 35 000 $ chaque quatre ans. Alors, ce n'est pas une énorme dépense qu'ils ont, mais quand même...

M. Chevrette: Je peux répondre tout de suite à une première partie, là. La liste électorale permanente informatisée va être mise à jour sur une base régulière. Les gros changements sont en juillet, août et septembre quand il y a beaucoup de logements locatifs, ces trois mois-là. Donc, ce sera mis à jour. Quand ils vont recevoir la liste, ça va être à jour à l'exception du mois qui suit. Donc, il y a toujours dans la loi une période de révision de quelques jours, au début des élections municipales, pour entrer ceux qui seraient nouvellement arrivés ou ceux qui auront... Mais ils ont le devoir de compléter leur liste pareil pour les commerces et pour les propriétaires fonciers qui n'ont pas nécessairement de résidence, mais qui ont le droit de vote au municipal. Donc, c'est un coût bien moindre qu'un recensement de 35 000 $. C'est de la paperasse qu'ils vont recevoir; ils vont recevoir leur liste électorale mise à jour et le coût est décidé par règlement de l'Assemblée nationale.

M. Kelley: Mais la crainte, c'est juste le temps qu'il faut pour ajouter les noms pour...

M. Chevrette: Ah! c'est prévu dans la loi.

M. Kelley: ...les personnes qui arrivent à 12 mois dans les municipalités, parce que, ça, c'est...

M. Chevrette: C'est prévu dans la loi.

M. Kelley: ...quelque chose... En tout cas, ça, c'est les inquiétudes. Le maire Knox est là depuis, je pense, 20 ans maintenant; il connaît ça beaucoup mieux que moi. Mais, ça, c'est ses inquiétudes. Au bout de la ligne, si on regarde ça sur chaque année, c'est 9 000 $. Alors, il dit que, s'il peut sauver de l'argent, ça l'intéresse, mais avec toutes les questions qui sont soulevées au niveau de la mise à jour, des ajouts de personnes qui, peut-être au niveau des élections provinciales, ne sont pas aptes à voter dans le comté de Jacques-Cartier, mais sont quand même aptes à voter dans la ville de Pointe-Claire parce qu'elles ont des résidences, leur propriété, dans plusieurs municipalités. Donc, elles n'ont pas le droit de vote au provincial, mais elles auront le droit de vote au niveau de la municipalité.

Alors, il se questionne sur ces 9 000 $ par année. Est-ce qu'il va vraiment être capable de faire des économies? Avant tout, ça, c'est le point de départ de notre intérêt dans le projet de loi parce qu'effectivement il y avait ce constat. Moi, je peux dire la même chose. En faisant le porte-à-porte l'été passé – le monde a été recensé pas mal, merci beaucoup, dans les derniers 18 mois ou quelque chose comme ça – ça a été soulevé: Est-ce qu'il y a moyen de sauver de l'argent? C'est ça qui, je pense, demeure toujours le point essentiel dans tout ça.

J'ai des réserves de trois des quatre maires. Le maire de la plus petite municipalité dans mon comté n'a pas soulevé la même inquiétude parce qu'il n'y avait que 58 résidences dans sa municipalité, mais les trois autres, ils ont regardé ça attentivement. J'ai fait la visite avec le directeur de la ville et tout ça, et il y a une grande inquiétude que ça va coûter encore plus cher. Alors, c'est pourquoi... Est-ce que c'est facultatif? Est-ce qu'une municipalité qui ne veut pas embarquer peut s'exempter, peut se désister du processus ou non?

M. Chevrette: Nos évaluations financières, on vous les a données, on les a décortiquées. C'est 35 000 000 $ avant l'amendement, bien sûr, du recensement qu'on a accepté. C'était 35 000 000 $ d'économies aux trois niveaux. 35 000 000 $, c'est de l'argent, ça. Et c'est évident que les mises à jour qu'on propose vont apporter une liste relativement stable à la municipalité. Ce que la municipalité va développer, puis ça ne lui coûtera presque rien... Surtout les nouveaux arrivants, entre vous et moi, maintenant, ils paient presque tous une taxe de bienvenue, vous le savez. Donc, c'est mis à jour assez vite, ça, la question des 12 mois, maintenant. Elles sont toutes informatisées, quasiment, nos villes. Donc, c'est relativement facile et très peu coûteux, et je suis persuadé que la proposition que l'on fait est une économie. Ils peuvent craindre, mais c'est des craintes non fondées.

M. Kelley: Non, non, mais c'est la question...

M. Chevrette: Il y en a qui ne vous diront peut-être pas toujours tous les motifs. Mais je dois vous dire que certains élus municipaux, M. le député de Jacques-Cartier, sont contre le projet de loi, et je sais pourquoi. Ils voulaient garder le système parce que ça leur permet, quand il y a une élection, de faire travailler pour des recensements leurs travailleurs d'élection. Ne nous leurrons pas. Le côté de la pureté, dans ça, moi, j'en prends, puis j'en laisse. Puis j'ai discuté avec beaucoup de monde.

M. Kelley: Moi, je parle d'un maire qui était élu par acclamation depuis 1978.

M. Chevrette: Ah, il ne nous coûtera pas cher, lui!

M. Kelley: Alors, c'est quelqu'un qui est le... La ville de Dorval au complet, c'est les six conseillers, puis... Non, non. Je pense que c'est des motifs qui ne s'appliquent pas dans ce dossier-ci.

M. Chevrette: On ne voulait pas les faire travailler. C'est vous autres qui nous avez dit que ça prenait un recensement.

M. Gautrin: Vous ne les faites jamais travailler, vous autres?

Le Président (M. Pinard): Excusez. M. le député de Verdun, vous allez m'excuser, mais M. le député de Jacques-Cartier avait la parole.

M. Chevrette: M. le Président, vous devez suspendre les travaux parce que, madame et monsieur, on est convoqués en Chambre pour quelques minutes.

Le Président (M. Pinard): Ah oui? Alors, je suspends pour quelques minutes.

M. Chevrette: On s'en va faire la loi 68. Moi, j'en ai pour 15 minutes. Et vous?

M. Gautrin: Pour 45 minutes.

M. Chevrette: Non, non. Un instant, ce n'est pas à vous que j'ai...

Mme Delisle: Moi, c'est 15 minutes.

Le Président (M. Pinard): Alors, est-ce que vous êtes en mesure de me dire approximativement jusqu'à quelle heure?

Mme Delisle: Bien, je voudrais juste signaler quand même à cette commission que, nous autres, on a été convoqués à la commission des institutions pour le projet de loi 40 cet après-midi. Ce n'est pas voulu, ça. J'en ai au moins pour 25 minutes.

Le Président (M. Pinard): Vingt-cinq minutes?

Mme Delisle: Sérieusement.

Le Président (M. Pinard): Ça veut dire 30 minutes plus 15, 45 minutes.

M. Chevrette: Il va nous rester 20 minutes pour le député de Jacques-Cartier. Ça va tomber pile.

Le Président (M. Pinard): Alors, les travaux sont suspendus jusqu'à 21 h 45.

M. Gautrin: Et il restera 15 minutes.

Le Président (M. Pinard): La commission est ajournée sine die.

(Fin de la séance à 20 h 59)


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