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Version finale

35e législature, 1re session
(29 novembre 1994 au 13 mars 1996)

Le mercredi 15 mars 1995 - Vol. 34 N° 17

Consultations particulières sur la justice administrative


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Table des matières

Remarques préliminaires

Auditions


Autres intervenants
M. Guy Lelièvre, président
M. Claude Pinard
Mme Céline Signori
M. Geoffrey Kelley
*M. Pierre Delisle, CIQ
*M. Claude Lalonde, idem
*M. Claude Beauregard, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Seize heures dix-neuf minutes)

Le Président (M. Lelièvre): Donc, je déclare ouverte la séance de la commission des institutions. Dans un premier temps, je désire constater le quorum – nous avons quorum – et, également, rappeler le mandat de cette commission qui est de procéder à des consultations particulières et de tenir des audiences publiques sur la justice administrative.

Maintenant, M. le secrétaire, pourriez-vous faire l'appel des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques) est remplacé par M. Pinard (Saint-Maurice) et M. Ciaccia (Mont-Royal) par M. Kelley (Jacques-Cartier).

Le Président (M. Lelièvre): À ce stade-ci, je vais faire maintenant lecture de l'ordre du jour. De 16 heures à 17 heures, les remarques préliminaires: le ministre de la Justice, 15 minutes; le porte-parole de l'opposition officielle, 15 minutes; le député de Rivière-du-Loup, 15 minutes. Ensuite, nous entendrons le Conseil interprofessionnel du Québec, pour la période de 17 heures à 18 heures, donc une heure. Est-ce que l'ordre du jour est adopté?

Des voix: Adopté.

(16 h 20)

Le Président (M. Lelièvre): Alors, M. le ministre, vous avez la parole.


Remarques préliminaires


M. Paul Bégin

M. Bégin: Alors, merci, M. le Président. La commission des institutions entreprend aujourd'hui, et ce, pour la première fois, des consultations publiques sur la justice administrative. Depuis bientôt 25 ans, divers groupes de travail ont examiné la question et consulté autant les organismes qui l'exercent et l'appliquent que leurs membres et ceux qui y interviennent. Pour l'Assemblée nationale, il s'agit toutefois d'une première. À cette fin, 34 organismes et associations ont été invités. Est-il besoin de dire que non seulement le ministre de la Justice, mais également tout le gouvernement est particulièrement concerné par ce projet.

Je me réfère au discours du premier ministre lors de l'ouverture de la Trente-cinquième Législature de l'Assemblée nationale, le 29 novembre dernier. M. Parizeau soulignait alors que le lien de confiance entre le citoyen et la justice est à la base du système démocratique dans un véritable État de droit. Dans sa distribution des mandats, le premier ministre insistait sur le retour à la clarté et sur le rétablissement du lien de confiance. Il annonçait alors, et je cite, que le ministre de la Justice «proposera aussi, sous peu, une loi de réforme des tribunaux administratifs pour mettre fin à cet interminable débat» que nous connaissons depuis de trop nombreuses années.

Dans l'application des lois, le législateur confie aux représentants du pouvoir exécutif l'autorité et la responsabilité de prendre des décisions à caractère particulier et personnel qui ont un impact sur l'administration publique elle-même et sur les citoyens. Pour ce faire, à l'instar de nombreux autres États, il a institué divers organismes et tribunaux administratifs. Ces organismes doivent respecter les droits des administrés et, de façon à rendre l'exercice de ces droits plus accessible, répondre à des objectifs de célérité et de simplicité quant à la procédure, et de réduction des coûts.

Au Québec, la justice administrative, c'est d'abord une quarantaine d'entités créées par autant de lois. L'armature de la justice administrative au Québec est très complexe. Elle est présente dans tous les domaines ou secteurs d'activité où l'État a décidé d'intervenir ou encore dans les domaines où les citoyens lui ont demandé d'intervenir. Chacune de ces entités compose, à des degrés divers, un milieu unique où le décideur et le citoyen se sont aménagé des façons de faire souvent sur mesure. Plus de 250 personnes exercent, à l'intérieur de ces organismes, des fonctions de décideur à titre de présidents, de commissaires, de régisseurs ou de membres selon les diverses appellations.

Par ailleurs, la justice administrative est d'une extrême importance. En effet, c'est par dizaines de milliers que des décisions de portée individuelle, de nature administrative ou juridictionnelle, impliquent chaque année les Québécois et les Québécoises. Enfin, compte tenu des objectifs de clarté, de simplicité et de réduction des coûts déjà mentionnés, cette justice devrait avoir la vertu d'être plus accessible. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la vertu n'a pas été pratiquée avec un égal bonheur dans tous les cas.

Les chartes québécoise et canadienne ont remis en question non seulement la façon de rendre la justice administrative, mais, à l'occasion, l'existence même de certains organismes. Les recours judiciaires nombreux et importants qui ont été engagés ces dernières années, particulièrement ces derniers mois, et qui ont donné naissance à une jurisprudence élaborée illustrent on ne peut mieux la situation. Diverses tentatives pour améliorer la façon dont la justice administrative est rendue au Québec ont été entreprises. Les difficultés rencontrées à cet égard durant toutes ces années ont fait de la réforme un rêve quasi mythique pour nombre de juristes, mais aussi des ministres de la Justice qui s'y sont rivé le nez. J'aborde donc ce dossier avec toute la prudence requise pour faire en sorte qu'on aboutisse enfin. Je vous le dis immédiatement, cette réforme ne devra pas desservir le citoyen face à l'État.

C'est dans cette optique que fut mis sur pied le groupe de travail présidé par le professeur Patrice Garant et dont le rapport, rendu public l'automne dernier, s'intitule à juste titre «Une justice administrative pour le citoyen». Ce groupe fut chargé d'examiner les fonctions, les pouvoirs et le processus décisionnel, de même que la pratique de 38 organismes. Le groupe de travail devait, entre autres, déterminer si les pouvoirs accordés à un organisme pour exercer ses fonctions sont adéquats et identifier dans quels cas le devoir d'agir à la manière d'un juge est justifié. Il devait également préciser dans quelle mesure il serait possible et souhaitable de déjudiciariser le processus décisionnel de ces organismes.

Pour y arriver, le groupe a rencontré les autorités de ces organismes et a pu ainsi vérifier la manière utilisée par chacun d'eux pour mettre en oeuvre les dispositions de la loi. Les droits de révision et d'appel inscrits dans leur loi constitutive et dans les autres lois qu'il leur appartient d'appliquer ont aussi été examinés. Dans chacun de ces cas, le groupe a questionné l'opportunité de maintenir ces droits d'appel et de révision. Il s'est également questionné sur le choix de l'instance devant laquelle il serait approprié de les entendre, de les transférer et, même, sur l'à-propos de les maintenir.

Le rapport Garant a remis en question le processus décisionnel auquel les décideurs sont tenus; il a relevé les incohérences et le manque d'uniformité des règles qui régissent ce processus. Il a pu, à partir de cette analyse, inférer des propositions de rationalisation visant, à la fois, à déjudiciariser ce processus et à favoriser l'accessibilité des citoyens et la protection de leurs droits. Sur ces bases, il recommande:

Un, que, parmi les 38 organismes, 18 ne soient plus tenus d'agir à la manière d'un tribunal dans l'exercice de leurs fonctions administratives;

Deux, que les fonctions juridictionnelles confiées à titre accessoire à certains de ces organismes soient transférées à un tribunal;

Et trois, que les modifications législatives nécessaires soient adoptées pour rendre effective cette déjudiciarisation.

Le groupe de travail propose, par ailleurs, certaines mesures visant à assurer la protection des droits des citoyens, dont l'amélioration du régime de révision des décisions et la mise en place d'un régime approprié d'appel. À cet égard, il propose qu'un droit d'appel des décisions administratives à portée individuelle, notamment celles prises par les organismes déjudiciarisés, soit accordé devant un tribunal de l'ordre administratif pour des questions de droit ou, même, en certains cas, pour des questions mixtes de droit et de fait. Les considérations d'opportunité reliées aux exigences de l'intérêt public ne pourraient pas être réexaminées par ce tribunal.

Le groupe de travail propose également qu'un tribunal administratif général, désigné sous le nom de Tribunal administratif du Québec, soit institué et qu'il reflète les caractéristiques générales de la justice administrative, c'est-à-dire la spécialisation et la multidisciplinarité, l'accessibilité et l'économie des coûts, la simplicité, la flexibilité et la célérité. Le tribunal exercerait sa fonction juridictionnelle selon des règles de preuve et de procédure adaptées aux impératifs de ces caractéristiques.

Pour définir le statut de ses membres, leurs devoirs, leurs pouvoirs et leur déontologie, pour établir le fonctionnement de ce tribunal et énoncer les règles de preuve et de procédure qu'il devrait suivre, le groupe de travail propose de s'inspirer des dispositions inscrites au projet de loi 105. Le rapport formule 42 recommandations qui font présentement l'objet d'un examen approfondi. Leur contenu constitue, que l'on soit d'accord ou non avec celui-ci, une analyse qui était essentielle à cette réforme.

Je me sens un peu comme l'architecte qui a l'idée de la construction qu'il entend réaliser. Il doit tenir compte des contraintes de toutes sortes. Il ne peut passer outre à l'expérience des praticiens de la construction. Il sait qu'entre le plan préliminaire et le devis final les retours à la table de dessin risquent d'être multiples. Ce qui complique encore le dessin, c'est que cet architecte est conscient que d'autres avant lui ont eu la même volonté et ont, eux aussi, esquissé des plans. Ce qui le guide, toutefois, c'est l'idée première, sa foi dans l'oeuvre à réaliser et la confiance qu'il accorde à ceux qui sont disposés à l'aider.

Ma démarche implique de nombreuses consultations avec les diverses instances concernées par la justice administrative: citoyens, membres d'organismes ou groupes d'intervention. J'ai tenu une ronde de consultations auprès des représentants des organismes intéressés par le rapport Garant, près d'une quarantaine. Ces consultations ont eu lieu du 20 au 28 février dernier. J'insiste pour vous dire ici toute l'importance que j'attache à ces consultations. La démarche que l'on s'est donnée se doit d'être empreinte de la plus grande rigueur possible et marquée de la plus grande transparence.

Cet exercice de consultations internes a révélé quelques bonnes pistes. Ces consultations nous ont permis d'obtenir des commentaires et des avis fort intéressants, lesquels, dans bien des cas, abondent dans le sens des recommandations du rapport Garant, en y ajoutant des nuances tirées de leur réalité quotidienne. La consultation de 40 organismes, allant de la Régie du cinéma à la CSST, en passant par la Commission des affaires sociales, permet cette première évaluation.

À propos de l'objectif de déjudiciarisation, il n'est pas hasardeux d'affirmer qu'il existe un assez large consensus. Plusieurs intervenants ont d'ailleurs démontré, à l'aide d'exemples nombreux et très concrets, que non seulement ils souscrivent à cet objectif, mais que, bien plus, leur pratique quotidienne était déjà orientée en ce sens. Ils favorisent, en effet, le dialogue informel, évitent le débat contradictoire et insistent sur la qualité des décisions rendues pour que celles-ci soient susceptibles d'être comprises par les administrés. Somme toute, en dépit des termes de leur loi constitutive, bon nombre d'organismes ou de tribunaux administratifs utilisent des procédures allégées. Certains entendent les intéressés davantage à la manière d'un administrateur que d'un tribunal.

(16 h 30)

Selon les avis obtenus, la réforme doit non seulement se concrétiser dans les textes législatifs, mais avant et surtout s'appuyer sur un changement des mentalités tant au niveau des décideurs qu'à celui des personnes qui recourent aux services des organismes et des tribunaux administratifs. Certains ont, en effet, souligné au passage que la procédure se formalise davantage à l'instigation des représentants des parties qu'à l'initiative des décideurs. Le monde juridique sera donc convié à exercer un leadership important à cet égard.

Sur les aspects structurels de la réforme tels que proposés par le rapport, les intervenants se montrent en général intéressés au principe d'un regroupement des compétences dans un tribunal général appartenant à l'ordre administratif. Toutefois, des bémols ont été apportés et ils appellent nécessairement une réflexion additionnelle. La spécialisation des organismes et des tribunaux administratifs constitue une qualité fondamentale de la justice administrative. Tous les organismes entendus, sans exception, ont plaidé leur caractère unique et l'importance de le maintenir. Cette spécialisation amène certains intervenants à se demander s'il ne serait pas préférable de regrouper des instances apparentées par crainte que la création d'un seul tribunal général ne conduise à une structure trop lourde pouvant porter atteinte à son efficacité.

À tout le moins, selon ce propos, le fonctionnement du Tribunal administratif du Québec devrait être résolument fondé sur la spécificité de ses divisions. Dans cet ordre d'idées, la recommandation no 29 du rapport, selon laquelle les membres du tribunal pourraient, à l'occasion, être appelés à siéger dans une division autre que celle où ils sont habituellement affectés, est remise en question. Pour d'autres, cette flexibilité est positivement perçue puisqu'elle permettrait au tribunal de réagir avec promptitude aux afflux importants et soudains des dossiers dans un secteur particulier.

Les intervenants concernés par les matières disciplinaires et déontologiques appuient la proposition selon laquelle les appels en cette matière seraient regroupés devant un seul forum, c'est-à-dire le Tribunal des professions. À l'instar de la recommandation du rapport, plusieurs intervenants ont insisté sur le fait que les appels ne devraient pas porter sur les appréciations faites par les spécialistes quant aux exigences de l'intérêt public, de la tranquillité publique ou d'autres notions de même nature. Bien qu'ils ne soient pas les seuls à manifester cette inquiétude, les organismes de régulation économique sont particulièrement sensibles à cette question.

Quoiqu'il n'ait pas été au centre des représentations, l'institution d'un conseil de la justice administrative est accueillie très favorablement. La plupart des intervenants ont, bien sûr, abordé la question du statut des membres, de leurs pouvoirs, de leurs devoirs et des conditions matérielles qui les concernent. Si la sélection et la nomination des membres ont été discutées, c'est le renouvellement et la durée des mandats qui ont suscité les commentaires les plus nombreux à ce chapitre.

Enfin, la recommandation no 40 selon laquelle il serait possible d'appeler des décisions du Tribunal administratif du Québec devant la Cour d'appel du Québec sur des questions de droit et sur permission de cette Cour a fait l'objet de nombreux commentaires et d'avis partagés. Selon certains, la réserve manifestée par les juges des tribunaux supérieurs eux-mêmes à l'endroit de l'activité spécialisée des tribunaux administratifs ne milite pas en faveur de l'instauration d'un tel droit d'appel. Pour d'autres, le recours à la Cour d'appel aura le mérite d'établir le droit sur des questions d'importance et d'amener la formulation d'un cadre de référence qui servirait avantageusement l'ensemble des décideurs en matière administrative. Enfin, le recours à la Cour d'appel assurerait une certaine sérénité aux décideurs des tribunaux administratifs en ce sens qu'il limiterait le nombre de ces appels et, partant, accorderait une importance marquée à leurs décisions.

À ces commentaires s'ajouteront ceux des organismes invités à participer à la consultation publique que nous entreprenons maintenant. Au terme de cette démarche, j'aurai rencontré les représentants et travailleurs du monde municipal, des producteurs agricoles, des facultés de droit, du patronat, des assistés sociaux, de divers groupes de pression et de défense des citoyens. Donc, non seulement ceux qui oeuvrent au sein de ces organismes, mais également ceux qui font appel à leurs services.

À la lumière de ces commentaires, il sera possible d'élaborer un nouveau projet de loi dont l'objectif principal serait d'assurer davantage la qualité, la célérité et l'accessibilité de la justice en matière administrative. Un second objectif serait d'établir de façon claire des distinctions en prévoyant des façons de faire différentes selon qu'il s'agit d'une décision à portée individuelle prise par l'administration dans l'exercice d'une fonction administrative ou dans l'exercice d'une fonction juridictionnelle.

Je vous souligne l'intérêt qu'a suscité chez moi la proposition d'instituer un tribunal administratif général. Je suis, toutefois, sensible à la crainte exprimée par certains de voir ce tribunal apporter lourdeur et inefficacité ou mettre en danger la spécificité souhaitée des organismes d'appel.

La réflexion devant conduire à l'élaboration d'un projet de loi devrait nécessairement s'attacher à la question du statut des membres et de l'exercice de leur responsabilité, notamment en regard de leur indépendance et de leur impartialité. Le mode de nomination devrait-il être semblable à celui prévalant à la Cour du Québec? Devrions-nous prévoir des mandats de cinq ans ou sept ans renouvelables, s'il y a lieu, une seule fois? Devrions-nous faire de ceux qui sont nommés dans ces organismes des décideurs de carrière? Mon intention à ces sujets n'est pas encore arrêtée.

Par ailleurs, le Conseil de la justice administrative, en outre de ses activités déontologiques, devrait-il avoir un droit de regard sur le renouvellement des mandats? Serait-il à propos de lui confier un pouvoir de recommandation à cet effet? Là aussi, les choix restent à faire. Comme vous le constatez, l'entreprise est d'envergure. Malgré tout, je vous réaffirme qu'à ce sujet, comme dans d'autres où le gouvernement se propose d'agir, je maintiens le cap et mon horizon demeure l'année 1995.

Je me permets de solliciter votre collaboration. Je ne pourrai arriver au parachèvement de cette réforme qu'avec votre concours. Je suis convaincu que, pour chacun et chacune de vous, la réforme de la justice administrative représente tout un défi, mais également vous tient grandement à coeur. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lelièvre): Je vous remercie, M. le ministre. Alors, j'inviterais maintenant le porte-parole de l'opposition officielle, M. le député de Chomedey.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, à l'instar du ministre de la Justice, je constate qu'effectivement cela fait 25 ans que l'on étudie le problème sous tous les angles, et problème il y a. On a devant nous un important document de travail, justement, qui a été préparé par trois personnes. Je tiens, dans un premier temps, à les remercier et à les féliciter parce qu'il s'agit d'un excellent document, parce que ça résume très bien l'ensemble de la problématique à laquelle on va avoir à faire face. Il s'agit de Me Patrice Garant, qui est, comme on le sait, professeur à la Faculté de droit de l'Université Laval, de Me Sylvie Lachance, du Secrétariat à la réforme administrative et aux emplois supérieurs du ministère du Conseil exécutif, et de mon ami et collègue, Gaston Pelletier, de la Direction des études et orientation de la Direction générale des affaires législatives au ministère de la Justice, avec qui j'ai eu l'immense plaisir de travailler pendant mon séjour à cette direction générale, oserais-je le rappeler, aux années soixante-dix.

Le ministre, dans son introduction, M. le Président, nous rappelait l'importance du réseau des tribunaux administratifs et il a donc expliqué que nous allions procéder à ces dernières consultations, espérons-le, avant le dépôt d'un projet de loi qui viserait à apporter la réforme tant souhaitée par tant d'intervenants. Je tiens, dès le départ, à souligner que notre formation politique est quelque peu préoccupée par une tendance qu'on décèle de l'autre côté, qui est celle qui consiste à tenir justement, d'une manière très régulière, des consultations dites particulières et de les faire sur invitation.

Dans le cas présent, je suis confiant qu'il y a eu un travail très honnête et relativement complet de fait pour s'assurer que les intervenants principaux soient invités, puissent être présents et être entendus. Mais le principe même est que les consultations dans une commission parlementaire sont un peu le point de contact entre les législateurs et les électeurs. C'est vraiment la tribune du peuple, ici, et des groupes et de leurs porte-parole. Et je m'inquiète un peu, M. le Président, de voir qu'on a cette tendance, avec le nouveau gouvernement qui a été élu au mois de septembre, à tenir des consultations particulières plutôt que de procéder par voie d'annonces dans les journaux; dans le monde moderne dans lequel on vit, cette façon de faire des communications de masse permet d'atteindre le plus grand groupe possible. Mais, ceci étant dit, je suis néanmoins très sensible à la préoccupation du ministre lorsqu'il nous rappelle, effectivement, que cela fait très longtemps que l'on tourne le problème sous tous les angles et qu'il faut, à un moment donné, arriver avec des solutions plutôt que de continuer à étudier à n'en plus finir.

(16 h 40)

Ces tribunaux administratifs, dont nous proposons une réforme par le biais de ces consultations et éventuellement, nous le souhaitons, à brève échéance, un projet de loi, constituent un service de première ligne à la population et, pour bon nombre de justiciables, c'est le seul contact qu'ils vont jamais avoir avec le monde de l'administration de la justice. Il y a eu, comme on le sait tous, une augmentation très importante du nombre de tribunaux administratifs depuis les années soixante-dix. Cette augmentation est due, en large partie, au fait qu'on a augmenté énormément les lieux d'intervention de l'État dans la vie de tous les jours, que ce soit auprès des particuliers ou auprès des entités incorporées. Ça, c'est un phénomène que l'on connaît. Et, aussi, le fait que ces organismes ont été créés dans des domaines très différents et souvent à des époques différentes fait en sorte que la manière de s'y prendre peut varier énormément d'un domaine à un autre alors que le but recherché peut être quasiment identique.

Le document de travail souligne quelques exemples. Il y en a un qui était très intéressant. Lorsqu'il s'agit, par exemple, de mise en tutelle d'un organisme, dans la manière de procéder, est-ce qu'on donne un droit d'être entendu? Est-ce que c'est obligatoire de l'entendre? Est-ce que c'est institutionnalisé et formalisé ou est-ce que ça peut être fait hâtivement? L'approche peut varier énormément d'un endroit à l'autre. C'est ce genre d'harmonisation qui peut être très important et tantôt, quand on aura l'occasion d'entendre les représentants du Conseil interprofessionnel du Québec, ils pourront sans doute nous expliquer un peu leur expérience récente avec certaines approches aux termes de la réforme du Code des professions du Québec.

On constate donc qu'à l'origine l'objectif de la justice administrative était de simplifier le processus décisionnel et de le rendre plus rapide, efficace et facile d'accès. Puisque c'est le citoyen qui est le premier touché, il est grand temps donc de s'y attaquer et d'apporter des correctifs qui répondent à des besoins des contribuables et des justiciables. C'est pourquoi, M. le Président, pour ma part, j'offre toute ma collaboration et la collaboration de notre formation politique au gouvernement, s'il est sincère et sérieux dans son désir de procéder à une réforme de la justice administrative afin de rendre cette forme de justice plus proche du justiciable et surtout libre de toute intervention politique.

La pierre angulaire de toute réforme de la justice administrative serait sans doute la mise en place d'un processus de sélection, de nomination et de reconduction qui soit clair et transparent. D'ailleurs, du temps où son parti formait l'opposition, c'était justement la principale réclamation de l'autre côté de cette Chambre, M. le Président. Cependant, aussitôt arrivé au pouvoir, ce parti s'est empressé de faire ce que d'aucuns appellent, à mon sens, avec raison, une purge sans précédent dans la haute fonction publique. On a vu, par exemple, pour ne citer que ceux-là, Jean-Paul Arsenault à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre; Jean-Marc Bard, de la Régie de l'assurance-maladie du Québec; Françoise Bertrand, présidente de Radio-Québec; Renaud Caron, sous-ministre à l'Industrie et Commerce; Claude Dauphin, délégué à Boston; Jean-Claude Delorme, Caisse de dépôt et placement; Pierre Desjardins, chez Domtar; André Dufour, secrétaire associé aux Affaires canadiennes; Raymonde Folco, présidente du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration; Wilbrod Gauthier, délégué à Toronto; Clermont Gignac, sous-ministre aux Transports; Hermann Girard, adjoint aux emplois supérieurs; Paul Gobé, chez Domtar également; Alain Gourd, délégué à Ottawa; Jocelyn Jacques, Conseil exécutif; Serge Labine, Affaires régionales, Outaouais; Mario Lagüe, délégué régional du Québec au Mexique; Georges Lalande, président de la Société de l'assurance automobile du Québec; Jean Lambert, sous-ministre adjoint à la Sécurité du revenu; Michel Laporte, Affaires régionales de Montréal; Robert Lavigne, directeur de la Sûreté du Québec; André Maltais, secrétaire aux Affaires autochtones; Jocelyn Pitre, au Conseil exécutif; Ronald Poupart, également au Conseil exécutif; Norman Riddell, sous-ministre aux Affaires internationales; Jean-Marie Rodrigue, président de Rexfor; Paul Rolland, aux Affaires régionales de la Montérégie; Jean-Claude Rondeau, Office de la langue française.

Intéressant de noter ça, M. le Président! L'Office de la langue française rend des décisions en vertu de la loi et est une instance qui doit être saisie d'un certain nombre de décisions. Par exemple, pour déterminer si un emploi a été affiché en exigeant la connaissance d'une langue autre que le français et pour déterminer si cette connaissance était nécessaire à l'exécution de la fonction, c'est l'Office de la langue française qui entendait les parties et rendait des décisions.

Ça fait partie de cette purge dont j'étais en train de parler, M. le Président. C'est intéressant, parce que ça démontre que, malgré ses protestations antérieures, le gouvernement n'est pas en train de laisser ces organismes-là libres de rendre leurs décisions. Quand ça ne fait pas son affaire, il change les gens qui doivent rendre les décisions, et c'est ça ne pas être à l'abri de l'ingérence politique. Je termine brièvement la liste, M. le Président. Il y avait également Pierre Sarault, au ministère du Conseil exécutif; Gabriel Savard, à la SDI; Guy Savard, à la Caisse de dépôt et placement; André Scott, secrétaire adjoint à la SDI et, finalement, Reed Scowen, délégué général du Québec à New York. Cette attitude met fortement en doute, donc, les intentions dans le domaine des nominations politiques et la réforme du mode de nomination des membres des tribunaux et organismes administratifs.

Quoi qu'il en soit, il y a fort à parier qu'il n'y aura pas grand-chose de fait avant le référendum. C'est comme tout le reste, M. le Président. Tout semble être en attente de ce grand événement. Mais j'aurais souhaité – et c'est pour ça qu'on offre notre collaboration – qu'on puisse avoir un projet de loi qui puisse être justement l'objet d'une consultation de fond pour qu'on procède enfin avec cette importante et tant souhaitée réforme des tribunaux administratifs. De toute façon, la réforme du droit administratif arrivera sans doute à un moment où le gouvernement aura déjà eu le temps de faire le ménage que le premier ministre nous avait promis, le temps – c'est son terme – de mettre ses «gars» – ce n'est pas moi qui le dis; c'est lui qui parle des «gars» – en place et de récompenser ses amis.

Je réitère donc, en terminant, mon intention de donner au gouvernement toute la collaboration nécessaire, mais aussi je le mets en garde contre toute réforme qui serait insuffisante ou, à l'autre extrême, mise en place trop tard. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Lelièvre): J'inviterais maintenant le député de Rivière-du-Loup à faire ses remarques préliminaires, s'il en est.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui. Merci, M. le Président. D'abord, mes premiers mots seront pour remercier les membres du groupe de travail sur certaines questions relatives à la réforme de la justice administrative, son président, le professeur Garant, de la Faculté de droit de l'Université Laval, pour le travail qui a été accompli sur un sujet qui est éminemment important, même s'il n'est pas nécessairement au coeur du quotidien des gens. Mais, pour ceux qui ont besoin de référer à ces organismes de justice, c'est un sujet qui est éminemment fondamental.

Évidemment, les consultations qu'on entreprend sur la justice administrative vont nous permettre d'entendre les commentaires, les préoccupations d'un nombre important de groupes, de représentants gouvernementaux, de spécialistes, de représentants de citoyens, tous des gens préoccupés par l'efficacité et l'amélioration de la justice administrative au Québec. Ce sera certainement une occasion d'améliorer un des processus importants de l'administration publique québécoise, mais, en même temps, de l'ensemble de ce qu'on pourrait appeler la justice ou des processus reliés à la justice au Québec.

Évidemment, compte tenu de la présence de l'État un peu partout dans la vie des gens, compte tenu de l'importance qu'a pris, au fil des années, particulièrement depuis la Révolution tranquille, l'appareil administratif gouvernemental dans le quotidien des citoyens du Québec, il est fondamental de se remettre toujours en question sur notre capacité, comme gouvernement, sur la capacité de l'État de mettre tout en oeuvre afin d'éviter que des citoyens, qui sont dans leur juste droit et qui ont agi dans leur juste droit, soient lésés par le système lui-même ou soient lésés dans la livraison des services par l'État.

D'entrée de jeu, et ce, avant même d'écouter les groupes, il y a trois paramètres, qui vont guider toute réforme de la justice administrative, qui apparaissent fondamentaux pour l'Action démocratique du Québec que je représente à l'Assemblée nationale. D'abord, le premier mot-clé, c'est simplification. On parle d'un gouvernement au service du citoyen. On veut que le citoyen soit capable, dans ses rapports avec l'État, de se retrouver, soit capable de ne pas sentir qu'à la première démarche il est déjà le perdant.

(16 h 50)

La seule façon, comme législateurs, et la seule façon pour l'État de permettre au citoyen de ne pas se sentir écrasé, de se sentir capable, dans ses démarches avec la justice administrative, de faire les démarches nécessaires, c'est la simplification. Ce sera certainement un mot d'ordre autour duquel nos réflexions vont s'articuler et sur lequel on sera le plus intéressés à entendre les groupes, et sur lequel les recommandations, déjà, sont, pour certaines, intéressantes: simplification et rationalisation.

La rationalisation, c'est le deuxième mot-clé. Le gouvernement doit mettre de l'ordre dans ses propres affaires. Ce n'est rien d'inhabituel qu'au fur et à mesure que, dans un gouvernement, on met en place des structures, on veut améliorer des choses, on répond à de nouveaux besoins, il arrive, après la mise en place de tout ça, qui n'a pas nécessairement été faite avec un plan d'ensemble qu'on voyait sur une période de 30 ans, mais qui était faite quand les besoins arrivaient et de bonne foi par chacun des ministres, de bonne foi par chacun des gouvernements, bien, qu'il y ait des chevauchements là-dedans, qu'il y ait des enchevêtrements, qu'il y ait des possibilités de rationalisation qui sont là, qui sont devant nous et, si on ne prend pas le temps de s'asseoir, d'analyser, de consulter les groupes, on les laisse passer.

Je pense que, dans l'état actuel des finances du gouvernement, dans l'état de fragilité du lien de confiance entre le citoyen et le gouvernement, dans l'état de fragilité du lien de confiance entre le payeur de taxes et le gouvernement et surtout avec l'ombre qui plane sur le Québec depuis quelques jours de nouvelles augmentations de taxes et d'impôts, il est encore plus important pour les législateurs de l'Assemblée nationale d'être très rigoureux dans la réforme de tous les processus administratifs, dont la réforme de la justice administrative à laquelle le ministre de la Justice nous convie, et je l'en remercie.

Troisième paramètre essentiel, le député de Chomedey en parlait tout à l'heure: le processus de nomination aux tribunaux administratifs doit être revu pour assurer davantage la neutralité des organismes. On est bien placé, comme commission, pour aborder ce thème-là parce que, suite à certaines questions que l'opposition officielle posait lors de la dernière session parlementaire où elle mettait en valeur un certain nombre de principes de démocratie qui lui sont chers depuis longtemps sur les nominations partisanes, il y a une motion qui a été votée de façon unanime, à ma proposition, par tous les membres de l'Assemblée nationale, une motion voulant qu'on réforme le mode de nomination, de façon générale, des hauts fonctionnaires, des dirigeants de sociétés d'État. Et je pense qu'on pourrait difficilement engager une réforme de la justice administrative sans sentir que l'Assemblée nationale, en votant unanimement cette motion-là, bien, par extension, donnait à d'autres commissions ou à d'autres organes de l'Assemblée, comme cette commission, le mandat aussi de repenser la façon de faire les nominations.

Je ne ferai pas la liste de tous les organismes dans le domaine de la justice administrative, je ne ferai pas le procès des records de nominations qui ont été accomplis par le gouvernement depuis le 12 septembre. Il n'en demeure pas moins que notre réflexion doit se pencher là-dessus et que, compte tenu de l'importance de certains de ces organismes-là, compte tenu du genre de décisions délicates qu'ils ont souvent à prendre, le lien de confiance entre le citoyen et les institutions, les organismes de justice administrative, bien, ne pourra qu'être accru par un mode de nomination qui soit le plus transparent et le plus large possible. Je serais tenté de dire aussi, après le plus transparent et le plus large, le plus branché possible sur l'Assemblée nationale, qui est l'Assemblée des élus du peuple.

Quelques éléments certainement fort intéressants dans les constats qui ont été faits par le groupe de travail sur les questions relatives à la réforme de la justice administrative. D'abord, le rapport du comité insiste sur le désir exprimé par les citoyens d'une justice administrative plus accessible, plus rapide et moins coûteuse, et sur l'indépendance et l'impartialité de ses membres. Dans cette simple petite phrase du rapport, on ramasse tout de suite les éléments des trois grands paramètres que j'ai énoncés, d'entrée de jeu: rationalisation, simplification et mode de nomination plus simple.

D'autres problèmes, d'autres constats auxquels on doit s'attaquer, qui ont été très clairement identifiés par le comité: le manque d'uniformité et de cohérence entre les mécanismes et les organismes gouvernementaux. On sait que le législateur a confié non seulement à des organismes autonomes, mais également à des ministres et des ministères de prendre un certain nombre de décisions, je pense, dans le cas d'une trentaine de lois, ce qui engendre la confusion pour le citoyen, en plus de rendre l'administration plus complexe en elle-même.

Autre problème: la judiciarisation de l'exercice de la fonction administrative. On a implanté dans l'administration publique des inconvénients du processus judiciaire, mais en y traînant aussi, malheureusement, la lourdeur, vous comprendrez les délais – et ça, les délais, c'est probablement là que le bât blesse le plus dans bien des cas – et le formalisme que ça implique. Il y a une citation assez intéressante du rapport à ce chapitre-là où on parle des délais et des coûts qu'ils entraînent qui ont été maintes fois dénoncés. Par exemple, la complexité, la longueur et le formalisme d'une audition devant le Comité de déontologie policière prendraient quelquefois des proportions comparables à celles des procès criminels. Le rapport du groupe de travail mis sur pied par la Commission de la santé et de la sécurité du travail constatait d'ailleurs que ce processus finit par créer ou entretenir un climat d'affrontement et qu'en bien des cas un délai de trois à cinq ans s'est écoulé avant qu'un dossier ne soit réglé.

Si on retournait aux fondements mêmes de la mise en place même de la notion de justice administrative, des motifs qui ont amené la mise en place d'organismes de justice administrative dans la relation qu'on y voulait par rapport aux tribunaux, je pense qu'on en est un peu loin dans certains cas et ce n'est pas anormal. Je ne pense pas qu'il y ait des personnes à pointer du doigt, mais il faut simplement être satisfaits de voir qu'on se retrouve présentement dans un forum où on va pouvoir écouter les groupes et chercher ensemble des solutions à ces problèmes-là.

Il faut rationaliser certains organismes. Il faut faire le ménage, évaluer la pertinence et le nombre des organismes qui ont été mis sur pied au fil des ans. J'en ai parlé. Ce sont donc des constats, ceux du rapport, que largement je partage. On ne le répétera jamais trop et il faut toujours le garder à l'esprit: on vit dans l'Assemblée nationale, on travaille comme parlementaires constamment à l'intérieur de la machine gouvernementale, on finit par la bien connaître. Il faut toujours se souvenir néanmoins que l'administration publique doit avoir comme objectif d'être seulement et toujours au service du citoyen, et cela doit également se refléter au sein des tribunaux administratifs en simplifiant et en allégeant leur structure.

Le groupe de travail nous propose un certain nombre de recommandations, une quarantaine de recommandations, afin de réformer en profondeur la justice administrative. On entame aujourd'hui des consultations pour aller chercher un éclairage approfondi. Plusieurs organismes ont déjà accepté de venir enrichir le débat, ici, à l'Assemblée nationale, et d'amener leur contribution à la réforme de la justice administrative que nous entreprenons. Je pense que notre rôle, comme parlementaires, est de leur laisser la parole en étant toujours attentifs aux besoins des citoyens que nous représentons à l'Assemblée nationale, d'entendre ce que chacun a à dire particulièrement lorsqu'il s'agira de rendre un service plus complet, un service plus facile, un service plus accessible aux citoyens du Québec, lorsqu'il s'agira d'offrir un service meilleur à des moindres coûts aux citoyens du Québec, de sorte qu'on en arrive à réformer à l'avantage du citoyen la justice administrative et à éviter que, dans n'importe quel cas, il puisse en être non pas le bénéficiaire, mais la victime. Merci, M. le Président.


Auditions

Le Président (M. Lelièvre): Merci, M. le député de Rivière-du-Loup. Nous sommes déjà rendus à la deuxième partie de ces audiences. J'inviterais maintenant les représentants et représentantes du Conseil interprofessionnel du Québec à prendre place à l'avant ici, à la place des témoins.

Permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue devant la commission. Pour les fins d'enregistrement, j'inviterais chacun d'entre vous à s'identifier, s'il vous plaît, pour que nous puissions avoir vos noms dans le Journal des débats .

Conseil interprofessionnel du Québec (CIQ)

M. Delisle (Pierre): D'abord, je me présente: Pierre Delisle, président du Conseil interprofessionnel du Québec. J'ai à mes côtés M. Claude Lalonde, le syndic de l'Ordre des opticiens d'ordonnances du Québec, et, à ma droite, M. Claude Beauregard, directeur général du Conseil interprofessionnel.

(17 heures)

Le Président (M. Lelièvre): Simplement pour vous rappeler que les règles du temps de parole sont les suivantes: 20 minutes pour l'exposé; il y aura 20 minutes pour le groupe ministériel et 20 minutes pour le groupe de l'opposition, y incluant le député de Rivière-du-Loup, le cas échéant. Alors, j'inviterais maintenant le Conseil interprofessionnel du Québec à présenter son mémoire.

M. Delisle (Pierre): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs de la commission des institutions, puisque, personnellement, je ne suis qu'un président à temps très, très partiel, c'est-à-dire que je n'ai que quelques heures par-ci, par-là pour le Conseil, j'ai jugé bon de me faire accompagner par les personnes que je vous ai présentées tout à l'heure afin de pouvoir être plus en mesure de répondre à vos questions.

Le Conseil interprofessionnel du Québec, organisme établi par une loi du Québec, existe depuis 1965 et est une corporation au sens du Code civil, et il est investi des pouvoirs généraux d'une telle corporation et des pouvoirs particuliers que lui confère le Code des professions. Le Conseil interprofessionnel regroupe obligatoirement les ordres professionnels reconnus à ce titre et régis de ce fait par le Code des professions. Le Conseil interprofessionnel regroupe actuellement 41 ordres professionnels, bientôt 42, comptant collectivement plus de 250 000 professionnels.

En répondant à l'invitation de la commission de se faire entendre dans le cadre de la présente consultation, le Conseil interprofessionnel estime s'acquitter d'une responsabilité de caractère général que le Code des professions l'habilite à exercer, à savoir «formuler des avis sur toute question relative à la protection du public que doivent assurer les ordres». Ainsi, la capacité de réagir sans délais indus à ce qui porte atteinte à la protection du public et le souci de donner davantage satisfaction aux citoyens dans leurs réclamations auprès des ordres professionnels motivent notre intervention devant votre commission aujourd'hui.

Leur mission de protection du public, les ordres s'en acquittent en vérifiant la compétence du professionnel au moment de son admission à la pratique, notamment en vertu des diplômes détenus, puis en s'assurant par la suite que cette compétence est maintenue et mise à jour au cours des ans par des visites d'inspection professionnelle et par l'organisation d'activités de formation. L'ordre, enfin, sanctionne sans complaisance les professionnels fautifs au plan de la compétence ou de l'éthique. Aussi pénible que ce puisse être, on n'a pas intérêt à épargner, entre pairs, ceux qui portent atteinte à l'honneur et à la réputation de la profession. Les ordres doivent cependant s'en remettre, pour cet aspect de leur activité, aux décisions des comités de discipline qui fonctionnent à l'intérieur d'un cadre juridique précis.

La Charte des droits et libertés et la justice élémentaire exigent d'ailleurs que le professionnel accusé devant le comité de discipline par le syndic de son ordre, au terme de son enquête suite à une plainte, dispose d'une défense pleine et entière. Contrairement aux règles qui prévalent en matière de droit criminel, le syndic n'a toutefois pas à établir la preuve de culpabilité hors de tout doute raisonnable. Une preuve de haute qualité, adéquate sans doute, mais moins exigeante que la première, peut être admise par le comité et entraîner la condamnation. C'est qu'il s'agit ici de protection du public.

Il reste que le professionnel accusé, souvent défendu par un avocat, peut se prévaloir de divers recours qui peuvent faire traîner l'affaire en longueur, comme il arrive aussi devant les tribunaux civils et criminels. Ces longs délais, trop fréquents, dus à une judiciarisation prononcée du régime disciplinaire des ordres professionnels, constituent une source certaine d'insatisfaction et entraînent parfois des situations pénibles et inacceptables. C'est ce qui amène le Conseil interprofessionnel et les ordres à chercher des solutions et à soutenir que certaines exigeront sans doute de nouvelles modifications au Code des professions, et donc par voie de législation. La réforme de la justice administrative pourrait également amener certaines améliorations et c'est justement pour ça que nous sommes ici aujourd'hui.

Le document intitulé «Une justice administrative pour le citoyen», le rapport Garant, obtenu de la commission sur demande, a été la seule source documentaire considérée. On peut lire, à la page 6 de ce rapport, et je cite: «Une première décision a été prise lors d'une réunion au ministère du Conseil exécutif, selon laquelle le groupe de travail procéderait à l'étude des organismes suivants...» Et on cite, entre autres: «comité de discipline de chacune des corporations professionnelles». Le Conseil interprofessionnel en déduit donc qu'une telle étude a été effectuée.

Ainsi, le rapport établit explicitement que les comités de discipline prennent des décisions juridictionnelles dans le cadre d'un régime disciplinaire interne. Le fait qu'il n'en dit pratiquement rien d'autre porte à croire que ses auteurs estiment que le comité de discipline d'un ordre est une instance utile dont le fonctionnement ne cause pas particulièrement problème, de telle sorte qu'il n'y avait pas lieu de faire de recommandation à ce sujet. Nous y reviendrons.

Le rapport, par contre, comporte une recommandation spécifique visant le Tribunal des professions, une instance dont les auteurs reconnaissent en ces termes, dans le corps du texte, l'expertise de ses membres, et je cite: «En matière déontologique et disciplinaire où les appels sont actuellement entendus soit par la Cour du Québec, le Tribunal des professions ou la Commission municipale du Québec, il serait avantageux qu'ils soient regroupés devant un seul forum et, compte tenu du droit disciplinaire original et de qualité qu'il a développé et de l'expertise acquise par ses membres en la matière, que ce forum soit le Tribunal des professions dont la désignation devrait être remplacée, pour mieux refléter cette nouvelle mission, par celle de Tribunal des professions et de la déontologie ou, mieux encore, Tribunal de la déontologie et de la discipline.»

Enfin, en d'autres passages du rapport, on traite de la déjudiciarisation de la fonction administrative des organismes à caractère nettement plus administratif que juridictionnel. Les ordres professionnels participent de façon significative de l'une et l'autre fonctions, administrative et juridictionnelle, de telle sorte que certaines considérations du rapport pourraient inspirer une mise en oeuvre à la fois plus audacieuse et judicieuse de certaines dispositions nouvelles du Code des professions, notamment celles qui touchent à la conciliation faite par les syndics.

D'autres mesures de nature à alléger la fonction juridictionnelle telle qu'exercée par un comité de discipline pourraient requérir une modification du Code des professions ou des règlements qui en découlent. Outre que cette commission n'est vraisemblablement pas le lieu d'en débattre, le délai dans lequel nous devions produire notre mémoire ne nous a pas permis d'explorer adéquatement le sujet et, encore moins, de déterminer une position correctement fondée et plus documentée.

Il reste que notre présence devant vous nous aura permis de signaler que le régime disciplinaire des ordres professionnels, récemment amélioré, demeure perfectible. En fait, certains ajustements paraissent devoir s'imposer à relativement court terme. À titre d'exemple invitant considération, faire d'une réprimande ou d'un blâme du syndic une pièce à porter au dossier d'un professionnel et qui soit produite devant le comité de discipline en cas de récidive pourrait constituer une alternative à la comparution devant le comité de discipline, eu égard, bien entendu, à la gravité de la faute ou du manquement. Ce faisant, on donne satisfaction plus rapidement, et on évite de banaliser la comparution en discipline en y amenant des manquements qui justifient difficilement un tel déploiement de procédures onéreuses et, souvent, très longues.

À l'opposé, des situations graves, qui appellent les sanctions les plus sérieuses en vue d'assurer la protection du public, demeurent hors de contrôle. Ainsi, les ordres professionnels déplorent de ne pas être en mesure de mettre rapidement à l'écart de l'exercice professionnel, hors d'état de nuire, un professionnel qui devrait l'être, compte tenu de la nature de l'acte commis et reproché, et de la preuve dont dispose le syndic de son ordre. Dans un tel cas, le syndic devrait pouvoir s'adresser au président du comité de discipline et obtenir de lui la suspension immédiate d'un individu qui, dans l'exercice de sa profession, constitue un danger en matière de protection du public. Cette procédure d'exception pourrait forcer l'audition de la plainte sur le fond, ceci dans des délais très courts, et limiterait les recours dilatoires devant les tribunaux de surveillance et d'appel.

Mais il y a plus. Au Conseil interprofessionnel, à l'instar du Barreau du Québec, nous en sommes venus à la conclusion que le libellé actuel de l'article 55.1 du Code des professions permet à un professionnel fautif d'éviter la condamnation et la sanction du comité de discipline de son ordre, y compris la radiation qui pourrait s'imposer, en démissionnant du tableau de l'Ordre. Or, dans bien des cas, l'individu en question pourra continuer à offrir ses services ou des services apparentés, et ce, même s'il s'agit de l'ex-professionnel d'un ordre à pratique exclusive. Le Conseil interprofessionnel, qui n'est pas vraiment en mesure de proposer la solution en termes techniques, a toutefois logé une requête auprès de l'Office des professions, lui demandant de faire le nécessaire pour colmater la brèche, en quelque sorte, par le biais d'une emprise adéquate du bureau ou, encore, du comité de discipline d'un ordre, voire de tout autre dispositif.

Je conviens que certaines des considérations qui précèdent ne constituent pas précisément l'objet de la consultation que vous menez, mais nous croyons justifié de les avoir soulevées parce qu'elles relèvent de la préoccupation de l'honorable Louis-Philippe Pigeon que le rapport Garant cite en page 104. Et je cite: «Je ne suis pas de ceux qui trouvent souhaitable que l'autorité administrative soit toujours astreinte au processus quasi judiciaire lorsque sa décision touche les droits d'un citoyen.» Fin de la citation.

(17 h 10)

Tout en observant ici que le rapport Garant nous paraît bien viser principalement, voire essentiellement, le fonctionnement des juridictions administratives, les considérations évoquées à leur sujet en page 105 cernent une approche empreinte de sens commun de nature à réduire les délais et à amener plus de satisfaction dans la résolution d'affaires dont les citoyens estiment avoir lieu de se plaindre dans leurs rapports avec les administrations.

Si le rapport Ouellette recommandait la voie de la déjudiciarisation pour les véritables tribunaux administratifs qu'il avait retenus pour étude, il semble dès lors d'autant plus justifié de la proposer pour les organismes chargés d'exercer une fonction administrative. Certains objecteront peut-être que la déjudiciarisation de la fonction administrative mettra en péril les droits individuels. Pourquoi en serait-il ainsi si les administrés obtiennent des décisions dans des délais plus courts, à moindres coûts et selon une procédure plus simple et plus souple fondée sur le respect du devoir d'agir équitablement selon lequel l'administration doit, en tenant compte des circonstances, communiquer avec la personne concernée, la rencontrer, discuter avec elle, l'informer et écouter ses remarques et ses observations?

Déjudiciariser le processus décisionnel des organismes chargés de prendre des décisions administratives consiste à faire en sorte que leur fonctionnement et leur procédure s'inspirent du modèle administratif et non du modèle judiciaire, mais n'implique pas que les citoyens soient laissés sans recours. La loi pourrait, en effet, octroyer un droit d'appel de ces décisions qui soit non seulement adéquat, mais également débattu devant une instance appropriée.

En adoptant en juin dernier les nouvelles dispositions du Code entrées en vigueur au mois d'octobre 1994, le législateur a clairement manifesté son assentiment à l'orientation proposée par le rapport Garant visant à déjudiciariser certains processus qui peuvent affecter les droits d'un individu, notamment en ce qui a trait aux conditions d'émission d'un permis. Ainsi, le bureau d'un ordre peut maintenant limiter ou refuser l'émission d'un permis ou l'inscription au tableau d'une personne ou d'un professionnel présentant des antécédents judiciaires ou disciplinaires, ce qui était antérieurement la responsabilité exclusive du comité de discipline dans le cas du professionnel.

Il est enfin cette recommandation du rapport Garant qui vise directement et nommément le Tribunal des professions. À l'instar des auteurs du rapport, le Conseil reconnaît l'expertise du Tribunal des professions et, de manière générale, la diligence avec laquelle il entend les causes, les longs délais qui peuvent survenir dans le cheminement d'une cause étant le plus souvent attribuables aux étapes et procédures antérieures. Une certaine accélération résulterait tout de même si le Tribunal siégeait plus fréquemment.

L'expertise avérée et précieuse de ce Tribunal fait que, de l'avis du Conseil interprofessionnel, il devrait aussi être celui qui entend les causes de pratique illégale et d'usurpation de titre. La familiarité du Tribunal des professions avec le régime professionnel apporterait dans l'audition de ces causes une compréhension particulièrement pénétrante des pratiques contestées et du contexte dans lequel elles ont lieu.

Bien que les appels qu'entendrait le Tribunal des professions aux termes de la recommandation 38 du rapport Garant seraient tous d'ordre déontologique et disciplinaire, l'élargissement horizontal en quelque sorte des responsabilités de ce Tribunal amènerait, à notre avis, une certaine dilution non souhaitable de son expertise axée sur le système professionnel du Code des professions. À tout événement, si la recommandation 38 allait être retenue, il y aurait certainement lieu de prendre quelques précautions à cet égard, notamment en ce qui regarde le degré de parenté des organismes et de leur régime disciplinaire actuel avec le système professionnel du Code des professions.

Le rapport Garant donne peu d'indications sur la façon dont s'aménagerait le fonctionnement du Tribunal des professions suite à l'adoption de la recommandation 38. Le Conseil interprofessionnel propose, pour sa part, le maintien de la spécialisation de ce Tribunal, en y ajoutant l'audition des causes de pratique illégale et d'usurpation de titre, plutôt que l'élargissement horizontal du mandat proposé par le rapport Garant. Il faudra enfin prendre les dispositions voulues pour éviter un engorgement du Tribunal des professions au moment de répartir autrement qu'à l'heure actuelle les charges des divers tribunaux. Les délais encourus dans la résolution des litiges, on le sait, sont au nombre des causes majeures d'insatisfaction et de critique des parties en cause et des observateurs, voire d'un certain public. Plus grave encore, c'est une question de justice.

Nous en arrivons aux recommandations. Concernant la recommandation 38, le Conseil interprofessionnel du Québec est d'avis que la recommandation 38 du rapport Garant est contre-indiquée et recommande plutôt que la spécialisation actuelle du Tribunal des professions soit maintenue et qu'on y ajoute la responsabilité d'entendre les causes de pratique illégale et d'usurpation de titre.

Concernant d'autres dispositions à prendre: afin d'assurer une meilleure protection du public en mettant rapidement à l'écart de l'exercice professionnel, hors d'état de nuire, un professionnel qui devrait l'être compte tenu de la nature de l'acte commis et reproché, et de la preuve dont dispose le syndic, le Conseil interprofessionnel recommande que le syndic d'un ordre professionnel puisse s'adresser au président du comité de discipline et obtenir de lui la suspension immédiate d'un individu qui, dans l'exercice de sa profession, constitue un danger en matière de protection du public.

Afin d'éviter qu'un professionnel fautif échappe à la sanction du comité de discipline en démissionnant du tableau de l'Ordre, le Conseil interprofessionnel recommande enfin que l'Assemblée nationale soit appelée à modifier l'article 55.1 du Code des professions de façon telle qu'un professionnel fautif ne puisse échapper en cette matière à l'emprise de son Ordre ou de toute instance appropriée.

M. le Président, mesdames et messieurs de la commission des institutions, nous vous remercions de nous avoir entendus et espérons que l'apport du Conseil interprofessionnel, limité aux stricts aspects évidemment qui touchent le système professionnel, aura été de quelque utilité à vos travaux. Je vous remercie.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, merci, M. Delisle. J'inviterais maintenant M. le ministre de la Justice à prendre la parole.

M. Bégin: Alors, bonjour, messieurs. Merci infiniment de votre contribution. Elle est appréciable et j'apprécie particulièrement les deux dernières recommandations que vous faites sans porter un jugement de fond définitif. Mais, au moins, l'approche que vous y mettez, je pense que ça correspond à un problème qui est réel et c'est peut-être une voie de solution importante.

Cependant, j'ai compris de votre mémoire que vous ne vouliez pas qu'on élargisse la compétence du Tribunal des professions pour entendre des appels provenant, en matière disciplinaire et déontologique, d'autres groupes que ceux qui sont des ordres soumis au Code des professions. Et vous avez pourtant dit que le Tribunal n'avait pas de délais indus et que peut-être il ne siégeait pas souvent. Mais, probablement, s'il n'y a pas de délais et qu'il ne siège pas souvent, c'est qu'il n'y a pas un volume d'affaire tel que ça demande plus de temps. Je me demande quel est le sens, pourquoi vous vous objectez à ce qu'on regroupe au Tribunal des professions les appels de même nature même s'ils ne viennent pas d'ordres professionnels.

M. Delisle (Pierre): Mais, la crainte qu'on y voyait, c'était justement le fait que ça devienne plus engorgé et, en plus, qu'il y ait une dilution de l'expertise, à savoir que le système professionnel a quand même ses particularités. Le Tribunal des professions a des juges qui ont quand même développé une expertise dans le domaine. Notre crainte est qu'en élargissant de façon horizontale la juridiction d'un tel tribunal on puisse souvent arriver devant des juges qui auront peut-être la connaissance moins pointue de notre système. Peut-être que, Claude, tu peux compléter là-dessus, si tu as des...

M. Lalonde (Claude): En autant que le Tribunal des professions, évidemment, a certainement réajusté le tir par rapport aux délais, ça, j'en conviens. Mais c'est une question technique. Si le Tribunal des professions voit sa structure augmenter, voit, au niveau de ses moyens, d'autres possibilités, j'imagine qu'on peut y voir la greffe d'autres juridictions. Mais, évidemment, déjà, greffer les recours en matière d'exercice illégal et d'usurpation de titre au niveau du Tribunal des professions, ça vient, encore là, alourdir son fardeau. Rendre le recours plus efficace, évidemment, en utilisant le Tribunal des professions, ça peut peut-être permettre aux corporations, qui aujourd'hui le trouvent lourd, de l'exercer un peu plus.

Alors, je ne vous dis pas que les corporations hésitent à ce point-là à exercer des recours en matière pénale pour l'exercice illégal, mais ce n'est pas toujours aussi évident lorsqu'il faut convaincre un juge qui n'a peut-être pas toute la notion ou toute l'expertise en matière de services professionnels, du contexte, de l'environnement des services, un juge qui est de bonne volonté, un bon juge, mais qui fait aussi beaucoup de choses dans sa journée. Il va traiter d'infractions au Code de la route, il va traiter de différents aspects et on va le transposer dans une situation d'exercice professionnel comme ça, et on doit évidemment faire une preuve assez éloquente, là. Donc, c'est peut-être ça qui ferait en sorte que le Tribunal des professions deviendrait probablement un tribunal plus habile, plus efficace en matière de recours pour exercice illégal.

C'est aussi important, en matière de protection du public, d'utiliser ce recours-là que contre les professionnels parce qu'il y a autant de danger dans l'illégalité que dans le circuit ordinaire. Alors, on n'est pas plus rassurés lorsqu'un charlatan est dans le circuit et offre des services. C'est déjà quand même un fardeau d'obtenir une injonction. Le Procureur général, généralement, a beaucoup de réticence à accorder l'injonction en vertu de 191. On a approuvé les condamnations antérieures. On a, à la fin, épuisé des recours et, pendant tout ce temps-là, bien... Si on le compare à la radiation provisoire, c'est encore plus efficace du côté des professionnels, mais ça ne l'est pas du côté de l'exercice illégal.

(17 h 20)

M. Bégin: Mais je crois comprendre, de ce que vous dites, là – peut-être que je me trompe – que le Tribunal deviendrait, entre guillemets, moins spécialisé si on élargissait son champ de compétence.

M. Lalonde (Claude): Non.

M. Bégin: Est-ce que je vous comprends mal ou bien si c'est...

M. Lalonde (Claude): Non, le Tribunal ne deviendrait pas moins spécialisé. Au contraire, ce serait un tribunal spécialisé en matière...

M. Bégin: De déontologie.

M. Lalonde (Claude): ...d'exercice...

M. Bégin: Oui.

M. Lalonde (Claude): ...illégal parce qu'il connaît bien le fonctionnement du système professionnel québécois, puis qu'il voit souvent, dans ses dossiers en appel, des cas de professionnels. Le Tribunal des professions traite de ces questions-là. Alors, si on va exercer notre recours au pénal devant le Tribunal des professions, on pense qu'on a un tribunal qui est plus éclairé, qui a une conscience plus éclairée par rapport à ce qu'on vient plaider devant lui. On vient de parler d'une infraction à l'article 32 pour avoir exercé la profession de médecin, avocat, dentiste. Il en voit, des causes de dentistes en appel.

M. Bégin: Il y a peut-être de mes collègues, là, qui voudraient intervenir.

Le Président (M. Lelièvre): M. le député de Saint-Maurice.

M. Pinard: Oui. Vous mentionnez, dans le rapport que j'ai ici, là, que le syndic pourrait avoir... Vous demandez que le syndic puisse avoir la possibilité de s'adresser strictement et uniquement au président pour obtenir rapidement la suspension d'un des membres. Et vous mentionnez aussi que cette procédure-là forcerait l'audition de la plainte dans des délais relativement courts. Quelles garanties on peut avoir comme professionnels à ce moment-là?

M. Delisle (Pierre): Bien, il pourrait y avoir...

M. Pinard: Parce que, dans certaines corporations, il y a quand même des délais, là, relativement longs, puis je ne voudrais pas en citer.

M. Delisle (Pierre) : Oui, une telle mesure d'exception serait assortie, évidemment... s'apparenterait peut-être à une injonction où tu dois, à l'intérieur de 10 jours, par exemple, entendre la cause, là, et non pas la laisser traîner, justement. En voulant éviter un délai, on ne veut pas en générer d'autres. Mais ça permettrait de pouvoir mettre hors circuit le professionnel qui constitue un danger pour le public parce qu'il est en dérogation par rapport à son code d'éthique.

M. Pinard: C'est seulement sur la recommandation du syndic au président que cette décision de suspension pourrait avoir effet face à un des membres de la corporation?

M. Delisle (Pierre): Après...

M. Pinard: Est-ce que vous ne jugez pas ça un peu trop arbitraire?

M. Delisle (Pierre): Mais on pense qu'après avoir eu une première étude de faite de la plainte, s'il y a des raisons de croire que c'est vraiment un cas où il y a un danger évident pour la protection du public, le syndic devrait avoir ce pouvoir-là, mais en autant que c'est assorti d'un délai – ça peut être un 10 jours, comme je disais tout à l'heure – à l'intérieur duquel on doit procéder à l'étude au fond du dossier. On pense que ce serait une façon efficace d'éviter ce qui se passe souvent aujourd'hui, malheureusement, où des plaintes sont portées et, à cause de la procédure et de toutes sortes pas de formules, mais de procédures, justement, qui sont intentées, qui sont mises de l'avant, on n'arrive jamais à entendre le dossier sur le fond. Et, pendant tout ce temps-là, le professionnel continue à demeurer un danger pour le public.

M. Pinard: Je trouve que, surtout dans le domaine professionnel, c'est donner énormément de pouvoir – puis je considère que c'est presque un pouvoir discrétionnaire – au syndic, parce que, en tant que président de votre ordre professionnel, ou un autre président de quelque ordre professionnel, que ce soit le Barreau, que ce soit la Chambre des notaires, que ce soit le Collège des médecins et autre, on sait pertinemment que le président n'est pas à temps plein dans la plupart de ces formations. Par contre, le syndic détient, à ce moment-là, un pouvoir presque absolu face au professionnel. Et Dieu sait que, si un professionnel a une suspension de pratique pendant un délai... Là, vous me parlez de 10 jours, mais on sait pertinemment que, habituellement, il faut quand même bâtir le tribunal qui va entendre la cause, et 10 jours c'est relativement... Je dirais même que c'est très court. Et, pendant ce temps-là, le professionnel peut subir un préjudice sérieux au niveau de sa réputation, sans avoir eu droit aux égards qu'on va confier, par exemple, dans les tribunaux de droit commun.

M. Lalonde (Claude): Je comprends votre crainte par rapport au pouvoir que le syndic exercerait, mais il faut comprendre qu'il y a déjà une surveillance sur l'agir du syndic. Il y a un contrôle judiciaire par le Tribunal des professions. Il y en a un par la Cour supérieure. Il y en a un dans sa prise de décision, notamment le comité de révision. Il y en a un aussi au niveau administratif dans les corporations, c'est-à-dire le pouvoir de surveillance générale du président. Donc, le syndic qui utiliserait le recours de radiation provisoire avec des motifs pas sérieux, avec une mauvaise preuve, je ne pense pas que le président, premièrement, du comité de discipline lui accorderait ses 10 jours. Et, en principe, il ne pourrait pas répéter l'expérience souvent, parce que certainement que le professionnel reviendrait avec une poursuite de l'autre côté après pour avoir été poursuivi.

Il faut comprendre que la radiation provisoire, ce n'est pas un recours qui est exercé par les 41 corporations professionnelles de façon répétée. C'est les corporations à risque, les corporations où le risque de préjudice pour le public est présent. On parle des médecins, on parle des dentistes, avocats. Pour les corporations plus économiques, les corporations plus administratives, on va se contenter du recours disciplinaire normal. Mais rencontrer le président du comité de discipline et, dans un délai normal, obtenir une radiation provisoire pour 10 jours seulement, ça permet d'éviter que le professionnel dangereux soit dans le circuit le lendemain matin.

M. Pinard: En complémentaire? Vous mentionnez également que...

Le Président (M. Lelièvre): En vertu de la règle de l'alternance, à moins que l'opposition consente à votre dernière question.

M. Mulcair: Il peut terminer.

Le Président (M. Lelièvre): Oui.

M. Pinard: Je veux, tout simplement... C'est qu'il y a quelque chose qui me chicote un peu. C'est que, si la corporation reçoit une plainte face à un de ses professionnels, elle transmet le dossier au syndic et, si le dossier s'avère exact, vous mentionnez qu'à la première offense, c'est une réprimande ou un blâme, parce que ce serait une alternative à la comparution devant un comité de discipline et que ça accélère le processus. Quelles sont les balises pour déterminer qu'à la première offense, c'est strictement une réprimande ou un blâme versus une deuxième offense qui pourrait être plus insignifiante que la première, mais qui pourrait, à ce moment-là, donner lieu soit à une suspension ou, tout simplement, à une radiation de la profession? Parce que Dieu sait que, dans le domaine professionnel, le degré de responsabilité ou le degré de faute peut sûrement s'établir à des indices différents à l'échelle de Richter. Alors, vous nous stipulez qu'à la première offense, c'est une réprimande ou un blâme. Je ne comprends pas.

(17 h 30)

M. Lalonde (Claude): Ça dépend, effectivement, de la gravité. Maintenant, il faut comprendre que ce recours n'existe pas. On pense, de façon générale, que les syndics le font couramment. On va régulièrement rencontrer les professionnels, émettre des commentaires. On va leur faire de petits reproches, on va les aviser de ne pas recommencer, on va surveiller leur pratique. On peut demander une inspection professionnelle, de visiter le bureau, mais, ça, ce n'est pas déposé au dossier disciplinaire et ça ne peut pas être déposé devant le comité de discipline lors d'une prochaine audition dans une prochaine plainte, en disant: Ce professionnel-là a déjà, dans son dossier, deux avis du syndic. Donc, là, le comité de discipline commence à considérer que ce n'est pas la première fois, qu'il y a comme une répétition des gestes.

M. Pinard: C'est la feuille de route que vous désirez avoir.

M. Lalonde (Claude): Effectivement, peut-être que ça peut ressembler au Code de la route, aux points de démérite. Écoutez, ça peut être ça, mais, en principe, le comité de discipline est encore là pour analyser les faits, et il a droit à une défense. Alors, il va aussi dire qu'il a peut-être essayé de s'amender. Ça ne lui enlève pas ses droits par rapport à une première plainte, c'est évident, mais c'est une façon de déjudiciariser l'activité du syndic. La conciliation est permise actuellement, mais ce n'est pas tellement encore sur des questions de fautes déontologiques, parce que, si elles sont graves, on n'a pas le choix, il faut aller devant le comité de discipline. C'est une avenue pour...

M. Beauregard (Claude): J'aurais aimé ajouter, à l'égard de la préoccupation exprimée par monsieur tout à l'heure, qu'on y a pensé beaucoup, au moment de rédiger ce rapport, à cette question d'une sanction immédiate, d'une suspension immédiate. On y a pensé beaucoup, mais, dans l'équilibre du système, il faut voir qu'est en jeu aussi un élément de justice appréciable, au sens où, post facto, on pourrait se rendre compte que le défaut d'avoir appliqué une suspension immédiate va amener des préjudices extrêmement graves aux personnes affectées, que ce soit au niveau de leur sécurité physique ou de circonstances familiales ou personnelles et autres de tous ordres. Alors, il faut reconnaître qu'il y a cet élément, effectivement: c'est une décision sérieuse pour le professionnel en cause. Je ne crois pas, cependant, que ça entraîne nécessairement – on me corrigera si je me trompe – une atteinte à la réputation de l'individu, parce que ce n'est pas encore en processus devant le Tribunal, à ce moment-là.

Donc, je pense qu'il y a un certain jugement ou discrétion qui peut être exercée en la matière, mais voyez la situation d'un syndic qui dispose d'une preuve forte, qu'il estime adéquate pour entraîner une condamnation devant le Tribunal, et qui va laisser courir le professionnel en question qui peut causer des préjudices très graves. Alors, c'était ça, la nuance. Et le président, néanmoins, auquel on fait appel est, lui aussi, un juriste qui est sans doute en mesure d'apprécier un peu si ce danger-là est vraiment matériel. Alors, c'est cet équilibre-là qu'on tentait de préserver par cette procédure qu'on reconnaissait exceptionnelle.

Le Président (M. Lelièvre): Alors, maintenant, j'inviterais... Vous avez terminé, M. Beauregard?

M. Beauregard (Claude): Oui.

Le Président (M. Lelièvre): J'inviterais le porte-parole de l'opposition officielle, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour, il me fait très plaisir de souhaiter une cordiale bienvenue à des gens, pour deux sur les trois en tout cas, avec qui j'ai eu le plaisir de travailler pendant plusieurs années. Alors, bienvenue, M. Delisle, et bienvenue, M. Lalonde. Je dois signaler, en passant, M. le Président, que, si tous les syndics faisaient leur travail avec autant de compétence que M. Lalonde, je pense qu'on aurait un système professionnel au Québec qui aurait connu beaucoup moins de difficultés que ce qui a été le cas au cours des dernières années. Et il me fait plaisir également de souhaiter la bienvenue au nouveau directeur général du Conseil interprofessionnel du Québec, M. Beauregard.

Je voudrais dire, dans un premier temps, que je suis très heureux que le Conseil interprofessionnel du Québec ait pris du temps pour formuler son avis devant cette commission. Son expérience, certes, mais aussi ce qu'il a vécu récemment avec la réforme du Code des professions avec ses membres va sans doute pouvoir nous aider dans la démarche qu'on entreprend aujourd'hui. Je dirais que, sur la question de savoir si, oui ou non, il faut changer les dispositions actuelles du Code lorsqu'il y a une faute commise ou, du moins, présumée de la part d'un professionnel, qui, si elle état répétée, risquerait de compromettre gravement la protection du public, c'est une question importante, mais qui ne touche pas directement la question de la réforme des tribunaux administratifs. C'est une question, sans doute, qui intéresse le Procureur général et ministre de la Justice dans son rôle également de ministre responsable de l'application des lois professionnelles, mais on s'écarte un peu trop...

Vous me pardonnerez si je ne m'attarde pas trop là-dessus, sauf pour dire que je partage votre préoccupation. Mais, pour l'avoir vu exercer par le passé, c'est peut-être plus un fignolage ou, comme on dirait en anglais, «a fine tuning» dont ça a besoin, parce qu'il ne faut pas oublier, évidemment, comme le député de Saint-Maurice l'a signalé tantôt, qu'il y a aussi des droits en question. Et, pour avoir été dans une situation peut-être un peu privilégiée à titre de président de l'Office des professions du Québec, parfois, dans certaines corporations, j'ai vu que, quand la présidence changeait, on changeait le syndic et parfois, lorsqu'on faisait certains changements, le nettoyage commençait, pour ne pas dire les règlements de comptes. Il ne faudrait pas, non plus, que les gens disposent d'un pouvoir discrétionnaire trop large qui risquerait d'être transformé justement en batte de baseball qu'on pourrait utiliser sans tenir compte des droits de toutes les parties, parce que tout le monde a des droits là-dedans. Il ne faut pas présumer justement de la culpabilité.

J'ai également apprécié beaucoup le propos du député de Saint-Maurice, tout à l'heure, lorsqu'il a parlé des balises nécessaires pour déterminer si effectivement on ne pourrait pas de se permettre, dans certains cas délimités, d'avoir une manière un peu plus légère de traiter ces cas-là. Je vous avoue que c'est une préoccupation avec laquelle je suis entièrement en accord. Il est insensé que l'on soit obligé de sortir les gros canons pour tuer les moustiques, mais, par le libellé même de la loi, parfois, s'il y a insistance, s'il y a une infraction, comme il y a une disposition infraction et preuve, on doit procéder. Parfois, effectivement, cela alourdit le système.

C'est pour ça que je félicitais M. Lalonde tantôt pour son gros bon sens et sa compétence dans l'exécution de ses fonctions parce qu'il le mentionnait bien: il y a déjà à l'intérieur du système une certaine flexibilité qui existe tant qu'on donne justement satisfaction au client, au membre du public qui s'est plaint d'un comportement ou d'un problème souvent dans le domaine justement des opticiens d'ordonnances dont vous faites partie... Ils vendent un produit; donc, il y a prestation d'un service et vente d'un bien en même temps; parfois, ces difficultés sont presque de l'ordre de la protection du consommateur autant que de la protection du public au sens d'une déontologie qui affecterait sa personne.

Ceci étant dit, la préoccupation est valable et ça va au coeur même de tout notre débat ici: est-ce qu'il y a moyen de s'assurer que les vrais cas importants soient traités correctement? Et, lorsqu'il n'y a pas de raison de sortir toute l'artillerie, que l'on puisse justement alléger, déjudiciariser et faire en sorte que ça marche mieux et plus vite lorsque le besoin se fait réellement sentir. Je trouve ça extrêmement important et je trouve, effectivement, que c'est ici qu'il faut en débattre: ici, à l'Assemblée nationale, en commission parlementaire, bien sûr, aujourd'hui, mais éventuellement par le biais d'un projet de loi.

On a eu dernièrement un exemple du contraire où le ministre de la Justice et son collègue à la Sécurité publique nous offraient publiquement leurs idées sur le fait qu'il fallait déjudiciariser. Ils y sont allés d'une manière assez spécifique pour dire que, lors d'une première infraction dans des choses pas graves, on pourrait jouer au Monopoly et donner une carte «sortir de prison gratuitement». Mais, attention, cette question-là n'a jamais été débattue par les élus, par les parlementaires. Il existe des lois. On ne peut pas passer outre à des lois par le biais d'une directive administrative. Il n'en est pas question; ce serait beaucoup trop dangereux d'accorder ce genre de discrétion parce que qui dit «dispense de poursuite», dit aussi «discrétion de poursuivre». À qui voudrait bien le relire, j'invite à relire le jugement de la Cour suprême de 1959 dans l'affaire de Roncarelli contre Duplessis pour savoir où ces discrétions mènent inévitablement.

Il y a même un modèle de lettre d'avertissement qui est utilisé, à l'heure actuelle, par les procureurs de la couronne et qui dit justement: Nous sommes d'avis que votre dossier peut être traité dans le programme de non-judiciarisation et que vous ne ferez pas l'objet de poursuites criminelles de la part du Procureur général. Toutefois, nous vous avisons que nous devrons tenir compte de la présente décision en cas de récidive de votre part. Comment peut-il y avoir récidive s'il n'y a jamais eu de condamnation? Il y a présomption d'innocence dans notre société. C'est pour ça que le député de Saint-Maurice a raison lorsqu'il dit que ça prend des balises; ça prend une définition établie par le législateur.

Je suis très sensible à votre préoccupation. C'est un travail important qu'il va falloir entreprendre, sans doute en consultation avec vos membres, pour essayer de délimiter, de définir les cas où une lettre d'avertissement, pour reprendre l'exemple de M. Lalonde tantôt, pourrait être versée au dossier. Évidemment, ça présume une sorte d'acceptation de la part de l'autre, parce que l'autre dit: Écoutez, moi, je n'ai pas été averti, je n'ai rien fait. Il pourrait quand même avoir le droit de se défendre, il faut comprendre ça aussi.

(17 h 40)

Mais, encore une fois, c'est au Parlement de décider de la facture de ces lois, de les sculpter aux réalités au fur et à mesure que la société change. Et c'est pour ça que je tiens, encore une fois, à offrir notre collaboration dans cet important effort de déjudiciarisation, tout en rappelant au ministre de la Justice, Procureur général et ministre responsable de l'application des lois professionnelles que ça appartient à l'Assemblée nationale de décider de ces choses-là et non pas à des bureaucrates qui édicteront des directives qui viendraient soi-disant contourner la volonté clairement exprimée de la part du législateur.

J'aimerais profiter de votre présence ici aujourd'hui pour vous poser quelques questions brèves, mais très précises pour pouvoir justement profiter de votre vaste expérience dans le domaine des professions. La première concerne la nomination des présidents de comités de discipline. À l'heure actuelle, il y a une sorte d'appel qui est fait par la voie des journaux, mais la nomination est absolument à l'abri de tout regard de la part des corporations professionnelles, de la part du Parlement; c'est une décision purement du lieutenant-gouverneur en conseil. Est-ce qu'à votre avis il y a lieu de changer le mode de nomination des présidents de comités de discipline des corporations professionnelles du Québec, M. Delisle?

M. Delisle (Pierre): Ce que vous avez mentionné d'abord, c'est exact; c'est qu'on n'est pas du tout, actuellement, consultés et ce n'est peut-être pas si mauvais en soi. Disons que je ne parlerai pas du processus comme tel, mais je parlerai de la non-participation du Conseil et des ordres à ce choix. Ça donne, je pense, encore plus de distance aux présidents de comités de discipline par rapport aux ordres dans lesquels ils sont appelés à agir comme présidents de comités de discipline. Quant à la deuxième partie – parce que je présume qu'il y a aussi l'autre partie de votre question qui vise la nomination elle-même qui est faite, en vertu de quels critères, par qui et qui recommande, etc. – sur cette partie-là, peut-être qu'il y aurait des améliorations à apporter, mais on ne s'est pas penchés là-dessus. Nous, on s'est contentés d'accepter d'être à l'extérieur de ça pour une plus grande transparence et une meilleure distance entre les présidents de comités de discipline et les ordres professionnels.

M. Mulcair: Mais, à votre sens – et vous avez bien deviné qu'il y avait cet aspect-là également dans ma question – est-ce qu'il y a lieu de procéder à une forme de consultation auprès des intervenants? Est-ce qu'il y a une manière de soupeser la valeur de ces gens-là? Parce que je me souviens du temps de mon passage à l'Office des professions du Québec. On avait surtout reconduit des gens, des gens même qui avaient été casés là par un gouvernement antérieur. À l'heure actuelle, les présidents des comités de discipline, que ça soit des vétérinaires ou du Barreau, ou des médecins, ou des infirmières, des dentistes, ce sont toutes des personnes qui étaient en place avant 1985. Et c'est une indication donc qu'il y a une bonne stabilité là-dedans, qu'on a réussi à garder ça relativement neutre. Mais, tout est perfectible. Alors, ma question est essentiellement de savoir: Est-ce que, dans la manière de faire, au sens le plus large, il y a des choses que vous aimeriez changer?

M. Delisle (Pierre): Évidemment, vous ne m'amènerez pas sur la question politique des nominations. Mais, sur l'aspect, par exemple, du profil des gens qu'on retrouve sur ces comités, évidemment, ce qu'on a pu constater au contact de certains ordres, c'est que souvent c'est une question de disponibilité de ces présidents de comités de discipline là. Et, aussi, si on avait à être consultés – peut-être pas nous – je pense qu'on devrait tenir compte, entre autres, de la connaissance évidemment de ces avocats-là du système disciplinaire des corporations professionnelles – ça va de soi, mais ce n'est pas toujours évident au départ, lorsqu'ils sont nommés la première fois – et, deuxièmement, de la disponibilité qu'ils auront. Parce que, souvent, malheureusement, là, une partie des délais est due au fait qu'il n'y a jamais de disponibilité de la part de tel ou tel président de comité de discipline, qui est aussi président dans quatre, cinq ordres, et ça peut adonner, à un moment donné, que c'est en même temps qu'il y a des cas problèmes dans chacun de ces ordres-là. Donc, ce sont deux critères, selon moi: une bonne connaissance du système disciplinaire professionnel et aussi une disponibilité pour pouvoir adéquatement et rapidement répondre aux demandes des ordres sur lesquels ils seront appelés à siéger.

M. Mulcair: Si on peut dire, l'autre côté de la médaille de la nécessaire indépendance des gens qui sont impliqués dans tout le processus décisionnel, c'est le fait que, justement, par le fait même, c'est un pléonasme, mais il n'y a pas, justement, de contrôle sur leurs activités. Il fut un temps, par exemple, où, en vertu des décrets de nomination, le président de l'Office des professions du Québec pouvait exiger des explications lorsque l'on dépassait cinq heures de délibérés et de rédaction. Vous vous souvenez de ça sans doute. Ça a été déclaré anticonstitutionnel par les tribunaux, mais – ça ne me dérange pas du tout d'en parler, je ne nommerai pas de noms – j'ai vu, peu de temps après, le nombre d'heures de délibérés et de rédaction, parce qu'ils sont payés à l'heure, ces gens-là, augmenter d'une manière incroyable. On était rendus parfois avec des causes qui pouvaient... La cause elle-même avait duré huit ou 12 heures d'audience, mais ça prenait une centaine d'heures de délibérés et de rédaction pour faire le jugement.

Ma question, et vous l'aurez deviné, M. Delisle, est de savoir: Est-ce qu'à votre sens il y aurait lieu de prévoir dans ces domaines-là une méthode d'encadrement des gens, s'ils vont être rémunérés à l'heure?

M. Delisle (Pierre): La question que vous posez est très large parce que, quand on dit le temps requis pour l'audition et pour les délibérés, parlons simplement du temps requis pour les auditions, souvent ça découle du fait qu'il y a énormément de procédures qui sont, je dirais, accessoires au fond même, mais qui sont amenées souvent devant le comité de discipline et qui amènent à se réunir pour simplement prendre en considération une requête préliminaire sur tel ou tel aspect, alors qu'on ne va jamais au fond. Donc, ça amène évidemment un nombre accru d'heures avant d'en arriver vraiment au fond du sujet. Et le nombre d'heures de délibérés, évidemment, ça, chaque juge ou chaque personne qui a à faire des délibérés est maître de ça. C'est difficile de dire: Pour deux heures d'audition, tu vas avoir cinq heures de délibérés. Je pense que ça devient difficile d'avoir de telles règles, je dirais, quantitatives.

M. Mulcair: Vous êtes toujours vice-président de la Commission municipale?

M. Delisle (Pierre): Oui.

M. Mulcair: Alors, vous vous y connaissez justement en délibérations – en plus de vos fonctions comme président du Conseil interprofessionnel du Québec – vous parlez en connaissance de cause.

M. Delisle (Pierre): C'est-à-dire que je suis président du Conseil en plus de mes fonctions à la Commission. Il ne faut pas mêler...

M. Mulcair: O.K. L'autre question que j'avais pour vous, justement, était en rapport avec cette notion de la conciliation faite par les syndics, parce que ça a soulevé des sourcils quand les gens ont commencé à parler de ça au début. Quelle a été l'évolution plus récente dans cette pensée? Parce que ça a été d'abord essayé dans le cadre de la loi policière, cette notion d'une conciliation en cas de plainte éthique. Est-ce qu'il y a eu une évolution de votre pensée là-dessus? Est-ce que le CIQ a produit des rapports ou des études plus récemment là-dessus?

M. Delisle (Pierre): D'une part, comme vous le savez, dans la réforme du Code, c'est maintenant consacré que le syndic peut... Je ne sais pas s'il doit, mais il peut, en tout cas, recommander, suggérer la conciliation lorsque c'est un cas qui se prête à ça aussi. Encore là, il y a des cas où...

M. Mulcair: Mais ça ne fait pas longtemps que c'est en vigueur. Alors...

M. Delisle (Pierre): Ça ne fait pas longtemps, non. Ça n'a pas été tellement utilisé encore parce que ce n'est pas en vigueur depuis longtemps.

M. Mulcair: Pas beaucoup d'expériences récentes.

M. Delisle (Pierre): Évidemment, vous connaissez les balises. C'est sûr qu'il faut que les deux parties soient d'accord avec ça et c'est pas n'importe quel dossier qui peut être amené en conciliation. Parce que le fait que, par exemple, des gens acceptent de retirer leur plainte ou d'aller en conciliation, ça n'enlève pas, peut-être, la gravité déontologique de la faute. Donc, c'est pour ça qu'il ne faut pas mêler ça. Il y a vraiment un jugement à porter, d'abord, si on doit amener ça, si on doit suggérer la conciliation dans tel ou tel cas compte tenu de la gravité relative de l'acte reproché et, ensuite, il faut que les parties l'acceptent. Et ça n'exclut pas l'autre processus qui existe. Si jamais le syndic avait décidé, dans un autre temps, de ne pas apporter le dossier en discipline, il y a le nouveau mécanisme du comité de révision qui peut toujours s'appliquer dans les délais prévus.

M. Mulcair: Dernière question, M. le Président, pour les représentants du Conseil interprofessionnel du Québec. Vu votre expérience dans le domaine justement des questions compliquées concernant l'éthique et le comportement des professionnels, j'aimerais que vous jetiez un peu de lumière pour nous autres sur une question apparentée qui est la suivante. Est-ce que, à votre sens, il pourrait être opportun de prévoir la création d'une instance formelle de traitement des plaintes à l'égard des membres des tribunaux administratifs?

M. Delisle (Pierre): Vous parlez du tribunal qui est suggéré dans le rapport Garant...

M. Mulcair: Ça pourrait être celui-là.

M. Delisle (Pierre): ...qui aurait à se prononcer sur la conduite des membres des tribunaux et aussi – c'est suggéré quelque part – qui pourrait même être consulté lors du renouvellement des mandats et tout ça, c'est une des possibilités, là?

M. Mulcair: Exact.

M. Delisle (Pierre): En soi, je pense que l'idée n'est pas mauvaise. Je ne sais pas quel chapeau je porte, à ce moment-là, quand je réponds à cette question-là. Je vous avoue qu'au niveau du Conseil interprofessionnel on ne s'est pas arrêtés à cette question. Moi, je vous réponds plutôt pour l'avoir connue par l'autre facette de mes préoccupations.

M. Mulcair: Merci beaucoup. On aura d'autres questions, de ce côté-ci, pour terminer, tout à l'heure, M. le Président.

Le Président (M. Lelièvre): Je rappellerais qu'il reste trois minutes et demie pour le côté de l'opposition, incluant les cinq minutes. Donc, si le député de Rivière-du-Loup veut poser des questions ou intervenir, il reste trois minutes et demie. Alors, M. le député de Rivière-du-Loup, est-ce que vous aviez des questions?

M. Dumont: Non.

Le Président (M. Lelièvre): Non? C'est beau. Mme la députée de Blainville.

(17 h 50)

Mme Signori: Messieurs, à la page 7 de votre mémoire déposé, vous mentionnez, en parlant du Tribunal des professions, que «l'élargissement horizontal en quelque sorte des responsabilités [...] amènerait [...] une [...] dilution». Alors, puisqu'il s'agirait également de plaintes disciplinaires, en quoi cet élargissement entraînerait-il une dilution?

M. Delisle (Pierre): D'abord, nous, ce qu'on propose, c'est que la spécialisation actuelle du Tribunal des professions l'amène aussi à être impliqué dans les dossiers d'usurpation de titre et de pratique illégale. Donc, on demeure dans le même volet vertical, si vous voulez, de ses préoccupations. Évidemment, des questions d'éthique, il y en a un peu partout, c'est évident. Le dénominateur commun serait peut-être les questions d'éthique, mais, nous, on parle de spécialisation dans le domaine des services professionnels et aussi de tout ce qui relève du Code des professions et des lois professionnelles, des 500 et quelques règlements qui existent, etc.

Donc, il y a énormément de choses, dans ça, qui sont assez complexes en soi. On a, actuellement, un tribunal qui a une connaissance et une spécialisation dans ce domaine, et on trouverait dommage que, d'une fois à l'autre, ce soient d'autres personnes qui soient appelées à juger sous prétexte que c'est de la déontologie, en général, c'est de l'éthique qui est prise en considération. Donc, évidemment, il y a un point commun qui serait l'éthique, mais il y a la spécialisation, je pense... Quand je parle des spécialisations, je parle du système professionnel québécois et de ses nombreuses lois et règlements qui en font partie. C'est dans ce sens-là qu'on dit qu'on craint que ce soit dilué.

Mme Signori: Ça va.

M. Delisle (Pierre): Avais-tu à ajouter là-dessus?

Mme Signori: Oui, vous aviez quelque chose à ajouter? Ça paraissait, le non-verbal était assez fort.

M. Beauregard (Claude): Le non-verbal l'emportait. On regardait, par exemple, parmi les codes de déontologie qui pourraient être en question, ce serait celui, entre autres, de la déontologie policière, disons. Alors, on n'a absolument rien contre les policiers comme professionnels, mais c'est que non seulement pour la connaissance de l'aspect déontologie, mais pour le champ d'application qui fournit le contexte dans lequel on a à prendre une décision, on pense qu'en amenant plusieurs autres titres de formation professionnelle, qui ne sont pas sous l'empire du Code, ça amènerait des champs d'expertise que les juges de ce Tribunal-là n'ont pas alors qu'ils ont déjà très bien la connaissance du contexte dans lequel se produisent les actes qu'ils sont appelés à juger. Alors, c'est un peu ça quand on parle de dilution, là, d'amener des trucs comme la déontologie policière ou la déontologie dans certains domaines qui sont couverts, le domaine municipal ou d'autres. C'est une zone d'expertise qu'on redoute être moindre. Alors, c'est essentiellement ça.

Mme Signori: Merci beaucoup.

Le Président (M. Lelièvre): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: M. le Président, juste une question sur toute la notion de la protection du public et tout ça. Le bureau du député est souvent le dernier recours; c'est les personnes qui sont lésées par les professionnels, qui ont eu recours au comité de discipline de la corporation et qui n'ont pas eu satisfaction de la décision qui frappent à la porte de leur député. Alors, peut-être que l'échantillon avec quoi je travaille n'est pas le meilleur parce que je ne vois jamais les personnes qui sont satisfaites des décisions qui sont prises.

Ceci étant dit, est-ce que le Conseil s'est penché sur un rôle élargi pour les citoyens? On parle du Comité de déontologie policière; on a ajouté un rôle pour les civils. Ce n'est pas uniquement les policiers qui jugent les actes des autres policiers, mais il y a un rôle pour les civils aussi. Mais, dans le contexte soit des médecins, des avocats, des notaires, trop souvent, les personnes qui arrivent dans mon bureau vont me dire que les médecins se protègent. On n'a pas eu satisfaction parce que les médecins vont protéger un de leurs collègues et tout ça. Alors, je comprends la notion de dilution – le travail d'un policier est très compliqué – d'avoir des personnes qui comprennent très bien la spécialité en question. Est-ce qu'il y a un rôle plus large pour les citoyens? Parce que je pense qu'il y a un manque de confiance dans le système actuel et il faut prévoir soit des comités mixtes ou un rôle quelque part pour les citoyens dans le système.

M. Delisle (Pierre): D'une part, je dois admettre que ce que vous mentionnez, c'est malheureusement exact. Il y a une certaine perception dans le public qu'on entend; il ne faut pas faire la sourde oreille à ça. Semble-t-il, dans l'esprit de plusieurs, les professionnels se protègent entre eux et le principe de l'autogestion est souvent questionné. On ne fera pas la démonstration de ça aujourd'hui, mais on a déjà quand même suffisamment mentionné qu'étant donné la spécialisation qui caractérise chacune des professions et le fait que les professionnels ne sont pas intéressés à ce que des gens qui agissent à l'encontre de la crédibilité de leur propre profession continuent à exercer, donc, il y a quand même, je pense, une surveillance très étroite qui est faite et les comités de discipline sont, généralement, assez sévères envers leurs propres membres.

Je dois quand même mentionner, sur votre aspect de la participation du public, qu'il y a, dans chacun évidemment des bureaux, c'est-à-dire des conseils d'administration des ordres professionnels, des représentants du public qui sont nommés par l'Office des professions à la suite d'une consultation qui se fait même par la voie des journaux, M. Mulcair, vous le savez, et aussi au sein des comités administratifs, ainsi que sur les comités où ils veulent bien participer. Ça c'est au niveau de la décision, c'est-à-dire du bureau.

Pour ce qui est de l'aspect disciplinaire, il y a maintenant, depuis octobre dernier, un nouveau mécanisme qui est le comité de révision des plaintes où le public est représenté et où, lorsqu'une plainte n'est pas amenée en discipline par le syndic, celui-ci doit motiver sa décision, et une personne peut aller en appel de cette décision devant ce comité de révision. Et, si jamais c'est ramené, bien, là, évidemment ce n'est pas le syndic qui va porter la cause, mais ça va être un syndic adjoint parce que, lui, ayant déjà dit que ça ne valait pas la peine de la porter, évidemment il serait mal placé. Donc, c'est quand même des pas en avant qui se font dans le sens d'une meilleure participation du public à la gestion des ordres professionnels.

Le Président (M. Lelièvre): On serait rendus, M. Mulcair, à moins que vous ayez une autre question... On serait rendus, M. le député de Chomedey, au mot de la fin.

M. Mulcair: Oui, avec la permission – merci beaucoup, M. le Président – une dernière courte question à M. le président du Conseil interprofessionnel du Québec. Je voudrais savoir si votre objection à l'égard de la recommandation 38 du rapport serait maintenue advenant le cas que les courtiers d'assurances, les intermédiaires de marché en assurance de personnes, les courtiers en immeubles – les exemples que vous donnez, là – qui, rappelons-le, ont vu récemment leur loi modifiée pour être quasiment calquée mot à mot sur le Code des professions du Québec... Est-ce que vous maintiendriez votre objection si on les intégrait dans le Code des professions du Québec?

M. Delisle (Pierre): Bien, ce n'est pas une question de marchandage, là.

M. Mulcair: Non, mais c'est une...

M. Delisle (Pierre): Je comprends ce que vous voulez dire, mais, quand on parle de généraliser... Disons, la réponse, non, ce n'est pas relié à ça du tout. S'ils sont intégrés au Code des professions, je veux dire, ça va être parce qu'ils auront rencontré les cinq critères élémentaires pour ça, c'est-à-dire nécessaires pour ça.

M. Mulcair: Non, mais comme le...

M. Delisle (Pierre): Ce que j'allais dire, si vous me permettez de compléter ma réponse, c'est que, quand on parle d'élargir ça de façon horizontale à beaucoup plus d'autres organisations, on pense, par exemple, aux appels qui sont logés devant la Commission municipale pour ce qui est des officiers municipaux, etc. Donc, tu es rendu pas mal loin, là, du système professionnel.

M. Mulcair: Je vous comprends bien, mais l'objection...

Le Président (M. Lelièvre): M. le député de Chomedey, excusez-moi...

M. Mulcair: Oui, pardon.

Le Président (M. Lelièvre): ...mais le temps avance et j'aimerais, j'apprécierais que vous concluiez sur cette...

M. Mulcair: D'accord. Je vais conclure, M. le Président, tout simplement, en disant que je suis d'accord avec mon collègue, le député de Jacques-Cartier, lorsqu'il dit, par exemple, que le travail d'un policier est trop loin. Mais, lorsqu'on voit des lois qui sont quasiment identiques, j'ai quand même l'impression qu'il y a un peu plus de marge de manoeuvre pour faire un regroupement. Et c'était mon seul propos et c'était ce que je visais en posant la question.

Le Président (M. Lelièvre): Je vous remercie beaucoup. Maintenant, j'inviterais le ministre de la Justice à conclure.

M. Bégin: Alors, il me reste à vous remercier de votre mémoire et de la collaboration que vous avez apportée à cette oeuvre qu'on est en train d'entreprendre. Vous êtes les premiers. Évidemment, peut-être qu'il y a certaines questions qui sont abordées de manière différente, mais vous avez lancé les dés sur la table. Alors, je vous remercie infiniment. Ils vont rouler pendant un certain temps. Ha, ha, ha!

M. Delisle (Pierre): On vous remercie, puis je pense qu'autour de la table, des deux côtés, il y a eu des suggestions intéressantes. On va sûrement discuter du suivi de certaines de celles-là avec, entre autres, l'Office des professions qui pourra aussi en parler à son ministre responsable qui aura déjà entendu parler de la question.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lelièvre): Alors, au nom de tous les membres de la commission, je vous remercie d'être venus ici et la commission est ajournée à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 17 h 59)


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