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(Dix heures onze minutes)
Le Président (M. Parent): Alors, la commission permanente
des institutions poursuit ses travaux dans le cadre du mandat qui lui a
été confié par l'Assemblée nationale, à
savoir de procéder à une consultation générale et
tenir des auditions publiques sur le régime d'aide juridique et sur le
document intitulé «L'aide juridique au Québec: une question
de choix, une question de moyens».
Alors, cette séance étant ouverte, Mme la
secrétaire, pourriez-vous nous indiquer si nous avons des
remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Paradis
(Matapédia) remplace M. Bordeleau (Acadie); M. Lemire (Saint-Maurice)
remplace M. Hamel (Sherbrooke); M. Gobé (LaFontaine) remplace M.
Maciocia (Viger); M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles) remplace M. Boulerice
(Sainte-MarieSaint-Jacques); Mme Carrier-Perreault (Les
Chutes-de-la-Chaudière) remplace M. Godin (Mercier).
Le Président (M. Parent): Merci, madame. Alors, je vous
rappelle l'ordre du jour aujourd'hui. Nous accueillons, dans un premier temps,
la Fédération des avocats de l'aide juridique du Québec;
dans un deuxième temps, l'Association des techniciens en droit du
Québec.
Nous suspendrons à 12 heures, pour reprendre à 15 heures
en accueillant la Table de concertation des organismes de Montréal au
service des réfugiés inc., qui sera suivie, vers 16 heures
tout dépend de l'heure à laquelle les députés
quitteront l'Assemblée nationale du Conseil canadien pour les
réfugiés et, de 17 heures à 18 heures, du groupe de
travail formé de diverses associations de femmes.
À 18 heures, nous suspendrons pour le dîner et nous
recommencerons notre travail à 20 heures en accueillant deux groupes: en
premier lieu, l'Association des avocats et avocates en droit carcéral du
Québec; et, de 21 heures à 22 heures, le Mouvement action justice
égale pour tous.
Alors, est-ce que l'ordre du jour est adopté?
M. Lefebvre: Adopté.
Le Président (M. Parent): Adopté. Merci. C'est la
façon dont j'aime qu'on adopte les ordres du jour.
Alors, M. le ministre, nous avons devant nous les représentants
de la Fédération des avocats de l'aide juridique du
Québec, dont le premier porte-parole est
M. Paul Faribault, qui sera secondé dans son exposé par Me
Suzanne Dame. Alors, M. Faribault, si vous voulez nous présenter les
autres personnes qui vous accompagnent.
Et je vous rappelle, avant de débuter, que, selon nos
règlements, nous avons une heure à consacrer à votre
groupe et que le temps est réparti également ainsi: un tiers pour
vous, un tiers pour la partie ministérielle et un tiers pour
l'Opposition officielle. Alors, vous avez toute la latitude d'utiliser vos 20
minutes ou de faire une représentation plus succincte ou
résumée de votre mémoire, et, après ça, nous
procéderons à la période d'échange entre les
membres des deux formations politiques.
Dans un premier temps, je demande au ministre de la Justice de faire la
première intervention. M. le ministre.
M. Faribault (Paul): Je m'excuse. Je pense que c'est
peut-être à nous à faire l'intervention, M. le
Président.
M. Lefebvre: Je salue nos honorables invités... Le
Président (M. Parent): M. Faribault.
M. Lefebvre: ...et je leur demanderais de faire maintenant leur
exposé, M. le Président.
Le Président (M. Parent): M. Faribault, c'est la
première fois qu'un avocat ramène le président à
l'ordre, et vous avez raison.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Parent): Vous avez bien raison.
M. Faribault (Paul): Ça commence bien!
Le Président (M. Parent): Je vous écoute
attentivement et sans préjugé.
Auditions
Fédération des avocats de l'aide
juridique du Québec
M. Faribault (Paul): Très bien. Je vous remercie, M. le
Président. Avant de présenter les gens qui m'accompagnent, je
voulais vous préciser un peu comment on voulait procéder. Compte
tenu que nous en
sommes à la sixième journée de cette commission
parlementaire et que beaucoup des propos dans notre mémoire et des
propositions que nous faisons ont déjà été
exposés largement par les intervenants qui nous ont
précédés, on a plutôt choisi de limiter la
présentation qu'on va faire à certains points essentiels ou
à des points qui ont été peu ou pas
développés par les organismes qui nous ont
précédés.
Essentiellement, ce que l'on voudrait vous livrer aujourd'hui, c'est la
vision de praticiens à l'aide juridique, de gens qui, à tous les
jours, sont sur la ligne de feu et ont à rendre des services aux
bénéficiaires d'aide juridique. Et c'est pour ça qu'on
préférait agrandir, si on veut, la période des questions
pour vous livrer cela.
Je vais vous présenter les personnes qui m'accompagnent. Alors,
à ma gauche, il y a Me Gilles Thériault, qui est du bureau d'aide
juridique de Sainte-Anne-des-Monts, en Gaspésie. Ce bureau comporte deux
avocats permanents. Me Thériault pratique environ la moitié de
son temps en droit pénal et criminel, et l'autre moitié,
particulièrement en santé et sécurité au travail et
en droit civil général. Me Suzanne Dame travaille au bureau de
Saint-Michel, à Montréal, qui est un bureau de quatre avocats, et
pratique principalement en droit de la famille et en droit civil.
À ma droite, il y a Me Nicole Kirouac, qui travaille au bureau
d'aide juridique de Val-d'Or, en Abitibi-Témiscamingue, un bureau de
trois avocats. Elle pratique principalement en famille et en droit social avec
une clientèle particulière mais importante, avec des gens qui ont
des problèmes de santé mentale, ce qui implique un certain type
de travail particulier.
Quant à moi, je travaille au bureau d'aide juridique de Magog,
qui est un bureau de trois avocats, et ma pratique est surtout orientée
en droit social, en droit de la famille et en droit civil
général.
Alors, comme on vous dit, le mémoire qu'on vous présente
est un mémoire qui a été préparé par les
syndicats d'avocats, les permanents d'aide juridique. Mais c'est d'abord et
avant tout un mémoire des praticiens qui, comme je l'ai dit,
au-delà de la question des coûts, voulaient vous transmettre la
réalité de la clientèle et des problèmes que nous
rencontrons, de même que vous faire part de notre vision sur l'impact des
changements qui étaient envisagés.
Je voudrais d'abord faire une considération préliminaire
relativement à la question de l'information, de la prévention et
de ce qu'on appelle le «travail communautaire». Beaucoup
d'intervenants ont fait ressortir qu'il se faisait moins de droit de ce
type-là et qu'il y avait moins d'interventions qui étaient faites
par l'aide juridique là-dessus.
Alors, la première constatation, c'est qu'il se fait du travail.
Et, dans le rapport annuel de la Commission, il y a plus de 100 pages
d'activités qui ont été faites par les avocats d'aide
juridique à travers le Québec avec un tas d'organismes. Donc, il
se fait des choses. Par contre, il ne s'en fait peut-être pas assez, et
il y a des raisons à ça. Et une des raisons les plus importantes,
c'est l'importance du «caseload» ou de la charge de travail que les
avocats doivent rencontrer.
On sait que, malgré la non-indexation des critères,
à cause de la crise économique, la clientèle et la demande
d'aide juridique n'a pas diminué. Donc, cette demande-là, on doit
y faire face, et on est en concurrence, en quelque sorte, avec la pratique
privée, donc on doit rencontrer des exigences au niveau de la production
et du nombre de dossiers. Alors, évidemment, ça limite les
possibilités et le temps disponible pour faire des activités d'un
autre type. Alors, évidemment, toutes les mesures de
déjudiciarisation qui pourraient favoriser moins de recours judiciaires
seraient bienvenues de notre part.
D'autre part, au niveau des seuils d'admissibilité, je ne veux
pas répéter tout ce qui a été dit depuis une
semaine, mais ce qu'on peut vous dire, c'est qu'il est urgent qu'ils soient
relevés. Nous, on a à tous les jours à refuser des gens
à l'aide juridique, à lui dire, à la personne qui est en
face de nous, qui travaille et qui dépasse un tant soit peu les
barèmes: Non, monsieur, non, madame, vous n'avez pas droit à
l'aide juridique, alors qu'on sait fort bien et on se fait dire et les
gens ont tout à fait raison qu'ils n'ont pas les moyens de payer
les services au niveau de la pratique privée. La seule chose qu'on peut
vous dire, c'est qu'il est urgent que ce soit fait. (10 h 20)
II y a deux éléments sur lesquels, au niveau des seuils
d'admissibilité, on voulait attirer votre attention davantage. C'est,
premièrement, qu'il nous semble important de maintenir la
discrétion au niveau des seuils d'admissibilité. Parce que, avec
un seuil rigide, au dollar près, vous avez des gens qui, pour toutes
sortes de raisons, à cause de l'importance, de la complexité de
leur recours, etc., ne pourront pas avoir accès aux services, et il faut
avoir une mesure qui va permettre de tenir compte du cas qui sort de
l'ordinaire. Et c'est pour ça qu'on trouve important que la
discrétion soit maintenue.
Deuxième élément, c'est que, quant à nous,
les critères devraient être formulés en termes de revenu
net disponible. Parce qu'on constate qu'il y a une injustice à
fonctionner avec des critères de revenu brut. Parce que, la personne qui
reçoit, par exemple, une rente d'invalidité, elle reçoit
du revenu net. Et on la met sur la base de son revenu net parce que c'est la
seule base qu'on a. Sauf que le travailleur qui a le même revenu net
disponible mais qui, lui, a un revenu brut plus élevé, lui, se
voit refusé. Pourtant, il n'a pas plus de dollars pour payer les
services. Alors, on pense que les critères devraient être
formulés en termes de revenu net disponible pour cette
raison-là.
Dernier élément sur la question des seuils
d'admissibilité. C'est un peu aligné sur la question de la
couverture, que Me Dame va traiter. C'est qu'on s'oppose, évidemment,
à la réduction de la couverture. Mais on voulait vous souligner
que la contribution fédérale, dans le cas des services qui sont
fournis aux bénéficiaires de l'aide sociale ou de la
sécurité du revenu, est de
50 %. or, si, pour ouvrir à davantage de monde, on réduit
les services aux assistés sociaux, on va perdre les 50 % de la
contribution fédérale et on va devoir, à ce
moment-là, fournir des services que le québec va payer à
100 %. donc, il faut y penser avant de réduire la couverture par rapport
à ça. me dame.
Mme Dame (Suzanne): Quant à la couverture, les points
qu'on voudrait souligner... le document ministériel nous demande si,
effectivement, l'aide juridique devrait couvrir des services dits peu
dispendieux. Si on regarde les services couverts, le service qu'on pourrait
considérer le moins dispendieux serait la consultation. Alors, nous, il
nous apparaît essentiel de conserver ce service-là.
Dans un premier temps, il nous apparaît que c'est dans la mission
de l'aide juridique de donner de l'information, donc, de faire de la
consultation. Et, au niveau pratique, pour nous, ça nous permet
d'éviter bien des problèmes.
Ça permet, premièrement, aux bénéficiaires
d'aide juridique de pouvoir nous consulter en temps utile. C'est important que
l'aide juridique soit connue comme un service ouvert et que ce ne soit pas
seulement procédures en main qu'un client puisse nous appeler. Alors,
nous, c'est très important que cette ouverture-là soit
maintenue.
En plus, elle permet souvent de régler des dossiers hors cour.
Parce que le client vient nous voir avec une mise en demeure, vient nous voir
avec des problèmes pratiques, particulièrement
l'insolvabilité, ces temps-ci. Nous, on peut intervenir
adéquatement, rapidement, et on évite à ce
moment-là que le créancier prenne des procédures, vienne
nous voir avec son acte de poursuite. Et on évite ainsi des
procédures supplémentaires inutiles et on permet à ce
moment-là des règlements qui sont plus à l'avantage... ou
moins onéreux pour le client aussi.
Or, le plus souvent, on vient nous voir pour une consultation, et
ça nous permet à ce moment-là d'éclairer le client
sur des recours possibles. Que ce soit en vertu de la Loi sur la protection du
consommateur, en vertu de la Régie du logement, ça nous permet de
les informer et effectivement de sauvegarder leurs droits et de faire valoir
leurs recours. Cet aspect-là serait peut-être moins possible si la
consultation était exclue de la couverture. Alors, ça nous
apparaît important de conserver cet élément-là.
D'autre part aussi, dans le document, on se demande si l'aide juridique
devrait couvrir les cas où il y aurait des poursuites et que
l'emprisonnement ne serait pas une des issues du procès. Il faut
comprendre que, dans notre clientèle, qui est une clientèle
excessivement défavorisée, lorsque ces personnes-là se
font poursuivre sur des lois de nature pénale et qu'elles se voient
condamnées à des amendes minimales de 250 $ ou qui vont aller des
fois jusqu'à 800 $ et 1000 $, c'est une catastrophe financière.
On a à composer avec des gens qui ont des revenus minimes on
parle de salaires de 210 $, 220 $, 198 $ par semaine qui,
déjà, ont de la difficulté à rencontrer les comptes
courants, qui ont des problèmes de paiement d'Hydro-Québec. Et
vous avez par dessus ça le paiement de l'amende, qui est de 800 $ ou
1000 $, qu'ils traînent des années de temps et qui, souvent,
empêche finalement de répondre aux besoins de la famille. Or, pour
nous, l'emprisonnement, c'est sûr que c'est une «issue» qui
est dramatique pour les clients, mais les amendes et les dettes
engendrées par ces dossiers-là sont aussi importantes et
catastrophiques pour nos clients, qui ont des situations financières
très difficiles.
En plus, vous avez, par ricochet, ces gens-là qui ont des amendes
et, s'ils sont incapables de les payer, vous vous retrouvez avec des dossiers
au civil, vous avez des saisies. Or, vous retrouvez des fois la mère, la
soeur, l'ex-conjoint qui viennent vous voir, qui ont été saisis
pour non-paiement d'amende, parce que le contrevenant a l'adresse chez un
conjoint, a demeuré ou a été hébergé pendant
quelque temps là. Alors, vous avez à ce moment-là une
multiplication des procédures parce qu'il n'a pas été
défendu, ou a été mal défendu, ou n'a pas pu
expliquer son point.
Or, il nous apparaît, dans le quotidien de ces personnes, que,
même si elles ne sont pas susceptibles d'emprisonnement, il est aussi
important que ces personnes-là soient défendues. L'autre aspect
de la question, aussi: si ces personnes-là sont accusées de
fraude, ce sont quand même des accusations importantes socialement, et
elles ont droit, je pense, à une défense à ce
niveau-là et à garder leur réputation ou à
conserver finalement leur dossier.
Autre élément, dans la couverture, naturellement, qui est
revenu, c'est la question des tribunaux administratifs. Il est clair pour nous
que la présence des avocats est nécessaire à ce
niveau-là. Le client est souvent dérouté devant le
processus administratif, la multiplication des décisions et il n'est pas
à même, finalement, de se débrouiller dans ces
dédales administratifs là, et la présence des avocats est
nécessaire.
De plus, la couverture de l'aide juridique, la couverture de ces
services-là au niveau de l'aide juridique donne accès à un
élément très important qui est les expertises. On sait
que, devant ces tribunaux-là, on doit nécessairement avoir
recours à des experts pour faire valoir ses droits. Refuser la
couverture de l'aide juridique pour ces dossiers-là, c'est leur refuser
l'accès à l'expertise, et ainsi, ils ne sont pas en mesure de
défendre leurs droits devant les tribunaux administratifs, quand on
parle de santé et sécurité au travail et autres.
La même chose au niveau de la sécurité du revenu. On
intervient régulièrement, quotidiennement, plusieurs fois par
jour, soit pour les régler en dehors des demandes de révision et
autres, et on doit continuellement aller en révision et à la CAS
dans ces genres de dossiers là. Les parties doivent, à ce
moment-là, être représentées par avocat.
Un dernier mot sur l'administration du régime. Il est clair pour
nous que l'on considère que le maintien de
l'indépendance et de la présence des corporations
régionales est nécessaire, d'une part, pour que le client ait un
avocat qui est autonome face au gouvernement et, aussi, parce que chaque
corporation régionale est mieux placée pour déterminer les
besoins de chaque région, qui sont différents. Les besoins d'aide
juridique à Montréal sont différents de ceux de la
Côte-Nord, et c'est les corporations régionales qui sont à
même d'établir et de veiller à ce que ces besoins-là
soient remplis.
Enfin, naturellement, nous sommes toujours partisans du libre choix de
l'avocat et de la concurrence entre les avocats de l'aide juridique et de la
pratique privée.
Le Président (M. Parent): Merci, madame. Est-ce que ceci
met fin à votre présentation?
Mme Dame (Suzanne): Ceci met fin à ma
présentation.
Le Président (M. Parent): Alors, je vous remercie et je
reconnais, dans un... j'allais dire: dans un premier temps, mais c'est
pratiquement dans un deuxième temps, M. le ministre de la Justice.
M. Lefebvre: Me Dame, Me Kirouac, Me Faribault et Me
Thériault, je vous souhaite la bienvenue à cette commission de
consultation sur un sujet que vous connaissez, évidemment, très,
très bien. Je veux vous féliciter pour le contenu de votre
document et également pour votre exposé. Tout à l'heure,
j'aurai l'occasion d'insister sur certains points qui vous concernent
précisément, autant les avocats de la pratique privée que
les avocats permanents à l'aide juridique.
Je pense que je vais vous l'indiquer tout de suite. J'apprécie
énormément que, à la page 14 de votre document, vous nous
suggériez de ne pas intervenir au niveau du système du libre
choix de l'avocat. Et je dois vous rappeler et vous le savez
déjà d'ailleurs que le Barreau nous fait la même
suggestion. Autant les permanents de l'aide juridique que les avocats du
Barreau, de la pratique privée, suggèrent au gouvernement de ne
pas intervenir au niveau du système du libre choix. Alors, ça
nous indique, et, dans ce sens-là, je veux vous féliciter, que
vous êtes capables, et vous le faites moi, je le savais, mais je
suis content de l'entendre dire et de le lire de mettre d'abord et avant
tout l'intérêt du justiciable au-dessus de vos propres
intérêts personnels, que ce soient les permanents de l'aide
juridique ou les avocats du Barreau. Je tenais à vous féliciter
et vous remercier pour nous l'avoir dit aussi clairement. (10 h 30)
C'est vous, Me Faribault, qui répondrez à cette
question-là. À la page 2 de votre document en fait, c'est
une remarque vous dites qu'«il est évident que
l'état des finances publiques impose au gouvernement de
réexaminer la pertinence et l'efficacité de l'ensemble de ces
services». Quand vous nous dites de façon aussi claire que
l'exercice n'est pas facile pour le gouvernement, j'aimerais vous demander:
Qu'est-ce qui vous apparaît être intouchable au niveau du
régime? Quand vous parlez de pertinence, ça laisse entendre qu'on
doive évaluer, pas nécessairement certains services, mais
certains volets de tout ce qui existe à l'intérieur du
régime d'aide juridique. Qu'est-ce qui vous apparaît être
intouchable, fondamental, sur lequel on ne doit pas, d'aucune façon,
intervenir?
M. Faribault (Paul): M. le ministre, le paragraphe que vous citez
faisait référence à la pertinence du réexamen de
l'ensemble des services de l'État.
M. Lefebvre: Oui.
M. Faribault (Paul): Et les services de l'aide juridique font
partie de l'ensemble des services de l'État. Le message qu'on
veut...
M. Lefebvre: Oui, mais je pose ma... C'est ça.
M. Faribault (Paul): D'accord. Le message qu'on veut vous livrer,
c'est qu'il n'est pas évident pour nous qu'il y ait beaucoup de place
pour couper ou pour réduire les services dans l'aide juridique, et que,
peut-être, compte tenu que l'aide juridique est un choix social et que,
en 1972, on a mis ce système-là sur pied parce qu'on jugeait
important que les démunis aient accès à la justice, alors,
il faut aussi se questionner en fonction de la pertinence de cet objectif
social là qui, à notre avis, est encore tout à fait
pertinent. Et, à ce moment-là, ça implique que, si le
régime est performant et qu'il remplit la mission qui lui a
été confiée, bien, il faut peut-être le maintenir
intégralement et même y injecter davantage de fonds, parce que,
pour augmenter la clientèle et ramener ça au taux de 1972, il
faut injecter des fonds, et on en est tout à fait conscients.
Cependant, on vous dit: Bien, il y a peut-être ailleurs, dans
l'organisation de l'État, où on peut regarder également.
L'aide juridique n'est qu'une composante de l'ensemble des dépenses en
matière d'administration de la justice. D'autres groupes qui nous ont
précédés ont parlé de la perception des pensions
alimentaires, ont parlé de développer les médiations,
etc., et d'autres moyens de déjudiciariser en quelque sorte les choses.
Il y a moyen de réduire les coûts d'expertise, je pense, par
rapport à ça, et on y fait allusion un peu plus. Mais, dans la
couverture et dans la clientèle, quant à nous, ça,
ça devrait être intouchable.
M. Lefebvre: Me Faribault, vous avez tout à l'heure
expliqué un peu ce qui se passait là sans aller aussi loin que je
l'aurais souhaité. Un justiciable se présente chez vous, puis il
n'est pas admissible. Je peux l'imaginer, là, assez facilement, mais
j'aimerais vous l'entendre dire: Qu'est-ce qui arrive à ce
justiciable-là, qui est un démuni, souvent et presque toujours,
là? Vous n'avez pas de millionnaires qui vont vous voir, vous?
M. Faribault (Paul): Non, rarement.
M. Lefebvre: Bon, qu'est-ce qui arrive à un
démuni...
M. Faribault (Paul): Bien, il lui arrive...
M. Lefebvre: ...qui n'est pas admissible? Qu'est-ce qui lui
arrive avec sa procédure? Donnez-moi quelques exemples et je me
répète, j'ai une idée des réponses que vous allez
me donner, mais c'est volontairement que je vous pose la question. Je veux vous
entendre là-dessus.
M. Faribault (Paul): La réalité, je pense, est la
suivante. C'est que, dans la plupart des bureaux, on a les informations au
niveau des revenus de la personne et on va déjà avoir une bonne
idée, avant même de rentrer dans le problème de la
personne, si elle est admissible ou non.
Je pense que dans la plupart des bureaux, ce qu'on fait, c'est qu'on
écoute quand même la personne et on essaie au moins de l'orienter
soit vers d'autres ressources du milieu, les comités de travailleurs
accidentés, par exemple, ou alors au moins de lui dire si ça vaut
la peine qu'elle aille voir son avocat avec son problème.
M. Lefebvre: Autrement dit, même si la personne en question
n'est pas, au niveau des ressources financières, au niveau de son
revenu, admissible, vous l'aidez quand même.
M. Faribault (Paul): On essaie de lui donner l'information
maximale qu'on peut faire, de l'orienter vers d'autres ressources et de lui
expliquer au moins les règles du jeu et ce qu'il est possible de faire.
Si vous avez quelqu'un qui arrive avec une poursuite sur une action sur compte,
par exemple, et qui est en défense et qui n'est pas admissible, bien, on
va pouvoir lui indiquer: Écoutez, vous pouvez peut-être vous
référer aux ACEF ou aux services budgétaires populaires
qui existent ou alors, bien, vous pouvez communiquer avec l'avocat de la partie
demanderesse et faire une offre de règlement. Et, à un moment
donné, on arrive à des cas où il y a la
nécessité d'avoir les services d'un avocat, et les gens n'ont pas
les moyens de s'en payer.
Au niveau matrimonial, ça va se produire également. La
personne et ça va souvent être le mari à ce
moment-là, qui a un salaire, à qui on réclame une pension
et qui dépasse les normes et qui a besoin des services d'un avocat, mais
qui n'a pas les moyens de s'en payer de toute façon, eh bien, on va lui
dire: Bien, écoutez, vous pouvez négocier un peu avec l'autre
avocat et, si vous ne parvenez pas à vous entendre, vous n'aurez pas
bien, bien le choix, ça va vous en prendre un.
M. Lefebvre: Alors, vous faites, Me Faribault, de la
consultation.
M. Faribault (Paul): Oui.
M. Lefebvre: Vous donnez de l'information.
M. Faribault (Paul): Oui.
M. Lefebvre: Vous avez, et Mme Dame également, à
juste titre insisté sur le volet de la consultation, de l'information
à l'aide juridique. Vous souhaitez que ce soit maintenu. Ça
m'apparaît évident que ça doive être maintenu. Est-ce
qu'il faudrait même pousser un peu plus l'action du régime d'aide
juridique sur le volet de la prévention, de l'information, de la
consultation, Me Kirouac?
Mme Kirouac (Nicole): Je pense que vous touchez un point
extrêmement important. Peut-être que les situations sont
différentes dans les grands centres. Je parle pour une région
éloignée comme l'Abitibi, où c'est évident que,
chaque jour, on a des demandes d'information. Ça peut être parfois
de l'ordre de 25 à 30 téléphones par jour. Et qu'est-ce
qu'on fait avec ces téléphones-là? Peut-être que
dans les grands centres, ils ont établi un autre type de réseau
ou un système de réseau différent, mais nous, c'est
évident qu'en plus de la liste d'attente et quand on parle des
listes d'attente de nos clients qui tiennent absolument à ce que ce soit
nous, ils sont prêts parfois à attendre deux ou trois semaines
pour avoir tel avocat ou telle avocate de façon spécifique,
même s'ils sont informés qu'ils ont le libre choix à
la fin de la journée ou à l'heure du midi, on a notre liasse de
billets d'information, et, à notre avis, on se doit de le faire.
C'est une pression qui est énorme pour l'avocat et l'avocate de
l'aide juridique, parce que, en plus d'être poussé par tes propres
dossiers où tu es surchargé, tu es surchargé et tu es
poussé par la liste d'attente parce que, là, les gens, tu
sais très bien que ça commence à presser après deux
semaines d'attente et en plus, tes informations quotidiennes, il faut
que tu les donnes.
M. Lefebvre: Est-ce que...
Mme Kirouac (Nicole): Parce que tu peux éliminer, à
travers de l'information, une foule de déplacements.
M. Lefebvre: Vous avez raison.
Mme Kirouac (Nicole): Et quand, moi, j'ai une madame de
Lebel-sur-Quévillon qui m'appelle...
M. Lefebvre: Oui.
Mme Kirouac (Nicole): ...c'est 120 kilomètres. Elle n'a
pas d'auto et il n'y a pas de système d'autobus, c'est inexistant.
Alors, je n'ai pas le choix. Et, si quelqu'un appelle du Grand-Nord, c'est
encore pire. C'est évident qu'il faut que je donne l'information.
M. Lefebvre: Qu'est-ce qu'il faudrait faire, Me Kirouac, pour
régler la situation à laquelle vous faites
référence, là? Une demande incroyable de renseignements,
d'informations, vous n'êtes pas capables de donner...
Mme Kirouac (Nicole): C'est-à-dire qu'on peut les
donner...
M. Lefebvre: ...est-ce que c'est strictement une question
d'effectifs ou s'il y a autre chose?
Mme Kirouac (Nicole): C'est évident qu'il y a des
problèmes d'effectifs aussi. Parce que, si, par exemple... ou on sent
peut-être cette pression-là ou on se dit aussi: Je me sens
pressée, d'une certaine façon, d'avoir des dossiers et de
travailler, etc. Je me sens la permission de donner l'information, mais je me
sens aussi bousculée par la quantité de travail. Alors, si je
sens que j'ai la permission ou la possibilité de donner cette
information, c'est évident qu'un groupe communautaire...
M. Lefebvre: Pourquoi dites-vous la permission? Vous ne vous
sentez pas en droit de le faire?
Mme Kirouac (Nicole): Ah oui, actuellement, j'ai totalement le
droit de le faire.
M. Lefebvre: Oui.
Mme Kirouac (Nicole): Sauf que, comme je suis déjà
débordée par la quantité de dossiers...
M. Lefebvre: D'accord, je comprends.
Mme Kirouac (Nicole): ...qu'est-ce que je vais
privilégier? Là, j'ai deux demandes de la Cour d'appel à
faire rapidement, donc je vais y aller selon mes priorités. Et, comme la
demande d'information, pour le moment, n'est pas encore devenue prioritaire,
parce que je ne sais pas encore ce qu'elle va me demander, c'est évident
que, comme le client, lui... et le dossier est déjà ouvert, je
mets le paquet là-dedans. Alors, si je sens que je peux,
peut-être, ralentir un peu au niveau de certains dossiers, je vais
certainement donner plus de temps et aller donner de l'information. Il y a des
groupes communautaires qui nous en demandent, bien là,
systématiquement, on dit: Ce n'est plus jamais le jour, c'est
évident, c'est...
M. Lefebvre: Est-ce que, de façon générale,
les questions qu'on vous pose doivent être nécessairement
réglées par des avocats?
Mme Kirouac (Nicole): Personnellement, je vous dirais que la
plupart du temps, oui.
M. Lefebvre: Oui?
Mme Kirouac (Nicole): Oui. En creusant avec la personne, souvent,
bon, c'est un problème. Ça peut être un problème
matrimonial, ça peut être un problème en protection de la
jeunesse parce que c'est vraiment la polyvalence dans les régions
éloignées c'est évident qu'il y a une connotation,
une information juridique très pertinente. Parce que, effectivement,
parfois on a le problème, elle a déjà, dans les
régions éloignées, consulté la travailleuse
sociale, et puis les intervenants sociaux vont lui dire: Appelle l'aide
juridique parce que je ne peux plus te répondre.
M. Lefebvre: Souvent, ils aboutissent chez vous, à l'aide
juridique, après avoir consulté à d'autres niveaux?
Mme Kirouac (Nicole): Très souvent. (10 h 40)
M. Lefebvre: Me Faribault, à la page 6 de votre
mémoire, vous discutez, là, au milieu de la page, de la
contribution: «Se pose maintenant la difficile question de la
contribution des bénéficiaires, contribution je saute des
mots [...] contribution proportionnelle au coût du service, mais
échelonnée [...] etc. Notre première réaction est
de considérer qu'il est de l'essence même d'un régime
d'aide juridique [...] qu'il soit gratuit...» Ça, c'est votre
première réaction. Ça serait quoi, votre deuxième
réaction?
M. Faribault (Paul): Notre deuxième réaction est
exprimée un petit peu plus loin, c'est-à-dire que, d'une part, au
niveau du ticket modérateur, on était résolument contre,
compte tenu de l'admissibilité...
M. Lefebvre: Parlez-moi pas de ça. Ce n'est pas ça
que je veux entendre.
M. Faribault (Paul): C'est déjà...
M. Lefebvre: Ça, là-dessus...
M. Faribault (Paul): ...du passé. Voilà.
M. Lefebvre: ...je suis quasiment d'accord avec vous.
M. Faribault (Paul): Au niveau de...
M. Lefebvre: De la vraie contribution, oui.
M. Faribault (Paul): ...de la contribution, on parlait, à
ce moment-là, dans le document de questionnement, d'un volet
contributoire possible. Et on disait: Après, somme toute, avoir
reporté les critères au niveau de 1972, c'est-à-dire 80 %
du MGA, là, on peut envisager ce volet-là et on pourrait,
effectivement, envisager une contribution...
M. Lefebvre: Et, rapidement, parce que je vais
permettre à mon collègue de Chapleau et,
évidemment, à Mme la députée de Terrebonne aussi de
poser leurs propres questions. Très rapidement, qu'est-ce que vous
pensez des suggestions du Barreau? Vos collègues du Barreau du
Québec. La contribution, le plan d'assurance, etc., tout ça en
gros, ç'«a-tu» du bon sens?
M. Faribault (Paul): C'est une idée intéressante.
On fait preuve d'imagination. Et, dans ce sens-là, c'est quelque chose
d'intéressant. Bien sûr, le plan n'est pas précis à
l'heure actuelle. Il se pose des questions. Ça suppose une tarification
précise et qui soit connue des gens. Et ça, c'est essentiel, dans
un programme comme celui-là, que les gens qui y seraient admissibles
sachent c'est quoi le tarif qu'on va leur charger.
Deuxièmement, ça suppose également comment
l'admissibilité à ce plan Barreau là va se faire. Et, sur
ça, le plan n'était pas précis. Mais, à
première vue, ça semble une voie intéressante et qui
n'implique pas de nouveaux déboursés de fonds publics. Et, dans
ce sens-là, c'est une avenue intéressante, comme l'assurance
juridique, qui est aussi une avenue intéressante. C'est ce qu'on peut
vous en dire.
M. Lefebvre: Merci, M. Faribault.
Le Président (M. Parent): Merci. En respectant la
règle d'alternance, je reconnais la députée de Terre-bonne
et, après ça, j'enchaînerai avec le député de
Chapleau. Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, peut-être
simplement rappeler que l'Opposition officielle, la députée de
Terrebonne, a droit à son temps de parole. Elle n'a pas besoin de la
permission du ministre.
Le Président (M. Parent): Nous vous écoutons. M.
Lefebvre: Je m'excuse.
Mme Caron: Alors, Me Faribault, Me Dame, Me Kirouac et Me
Thériault, merci beaucoup de votre participation. Je sais que vous avez
suivi avec beaucoup d'assiduité nos travaux. Vous l'avez dit dans votre
intervention, au début, et c'est pour cette raison-là que votre
mémoire est extrêmement complet. Mais vous avez jugé bon de
nous ajouter, suite à ce que vous avez entendu, certains
éléments importants. Et je pense que vous aviez raison de le
faire de cette façon-là.
Au niveau de l'information et de la prévention, vous avez
rappelé que, effectivement, l'élément qui vous
empêche d'en faire autant que vous le souhaiteriez, c'est
évidemment le nombre de dossiers. Avec le ministre, vous avez
abordé la partie information, consultation, qui est directe aux
citoyens. Mais vous vous êtes aussi donné, et vous avez aussi dans
votre mandat, de l'information et de la prévention qui touchent
l'ensemble des citoyens et des citoyennes de la région. Et, cet
élément- là, c'est évident que, quand on
considère le nombre de dossiers, si on ajoute les consultations
individuelles, l'information que vous devez faire, quand on arrive au volet
d'information et de prévention pour l'ensemble des citoyens d'une
région, c'est évident qu'il ne reste pas vraiment de temps pour
le faire. Est-ce que vous pensez que ce volet de prévention et
d'information plus générales auprès de la population...
Qui devrait remplir ce mandat-là? Est-ce que vous pensez que vous pouvez
le remplir en ayant davantage ou des stagiaires ou plus de personnel? Ou vous
souhaitez que cette mission-là soit une mission qui soit accomplie
davantage par le Barreau, au niveau de l'information en général?
Ou si vous pensez qu'il faut accentuer sur les groupes communautaires, les
cliniques juridiques, pour faire une mission plus globale?
Le Président (M. Parent): Ça s'adresse à Mme
Dame.
Mme Dame (Suzanne): Oui. La question de l'information et de la
prévention, je pense qu'il n'y a personne qui peut revendiquer
l'exclusivité de la tâche. Je pense que l'aide juridique est bien
placée pour en faire, à cause de la clientèle qu'elle
dessert. Je vous dirais que l'idéal, c'est sûr que... La vocation
de l'aide juridique, qui est, d'une part, de remplir des besoins individuels et
de remplir des besoins communautaires... Comme la rentabilité du
système sur mesure à fonction du dossier individuel rend
effectivement notre implication communautaire plus difficile, je vous dirais
que l'aide juridique doit remplir un rôle à ce niveau-là.
Les avocats sont bien placés pour le faire et ils doivent le faire,
d'après moi, avec les groupes communautaires qui sont déjà
dans le milieu, qui ont une connaissance et avec qui on peut travailler ce
qu'il est possible de travailler et, généralement, ça fait
une association très efficace.
Le Barreau, il y a des avocats qui sont en pratique privée qui en
font aussi. C'est un travail qui doit se faire ensemble, mais c'est sûr
que l'avocat d'aide juridique a une expérience privilégiée
à ce niveau-là, et, si on avait plus de disponibilité et
si on était moins pris par les dossiers de la cour, on pourrait à
ce moment-là avoir de meilleurs contacts avec les groupes communautaires
et faire oeuvre plus utile à ce niveau-là.
Mme Caron: Oui, vous avez raison quand vous dites que ce n'est
pas uniquement un groupe, sauf que, dans la pratique, on se rend compte
finalement que, quand on se dit que, 20 ans après le système,
plus de 20 ans, il y a encore des citoyens et des citoyennes qui ne savent pas
que l'aide juridique existe. C'était la même chose au niveau du
Code des professions: 20 après le Code des professions, beaucoup,
beaucoup de citoyens et de citoyennes ne savent pas, ne connaissent pas le
système disciplinaire des professions. Et c'est un petit peu comme si,
quand la mission appartient à tout le monde, finalement, elle
n'appartient aussi à personne.
Parce que tout le monde ayant tellement de tâches
spécifiques à accomplir, et il faut les accomplir finalement, ce
mandat-là, personne n'arrive à vraiment le faire et le faire
d'une manière qui serait plus efficace.
Vous avez dans votre mémoire aussi spécifié, en
page 2, un élément qui est important. On ne l'a pas dit souvent
depuis les premières journées de commission, mais, pour moi,
c'est un élément capital. Quand vous dites: «...comme les
effectifs des avocats permanents augmentent peu et que ceux-ci ne peuvent
augmenter leur nombre de dossiers qu'au détriment de la qualité
du service, il en résulte que l'augmentation de la demande est en grande
partie absorbée par les avocats de pratique privée; le budget
à cet égard n'étant pas plafonné, cela oblige le
réseau à demander régulièrement du financement
supplémentaire.» Si on hausse les seuils d'admissibilité,
automatiquement, pas dans la même proportion, mais on va quand même
augmenter le nombre de demandes, à ce moment-là, est-ce que vous
considérez et êtes-vous capable de nous chiffrer les besoins
d'avocats permanents si on hausse les seuils d'admissibilité aux seuils
de 1972-1973, disons 80 % du MGA? Est-ce que vous considérez qu'il va
falloir hausser d'une manière importante le nombre d'avocats
permanents?
Le Président (M. Parent): M. Faribault.
M. Faribault (Paul): Oui. Je pense que c'est clair que, si on
veut que le réseau public absorbe une partie de cette nouvelle
clientèle-là, il faut hausser le nombre des permanents. Pour
nous, c'est clair, parce que le problème, c'est qu'on a de la
misère déjà à suffire à la demande. Alors,
évidemment, si on ajoute une clientèle supplémentaire,
c'est clair qu'on ne pourra pas en prendre beaucoup plus que ça. Donc,
ça va aller au secteur privé. Je ne veux pas entrer dans le
débat des coûts: Est-ce que ça coûte plus cher l'un
que l'autre? C'est une toute autre question.
Mais il demeure une chose, c'est que ce qui fait la force de ce
réseau-là, c'est l'équilibre entre la permanence et la
pratique privée. Et on est en concurrence, nous, et on est un des rares
organismes gouvernementaux, sinon le seul, qui est directement sur le
marché, en concurrence. Alors, par rapport à ça, je pense
que toutes les études qui ont été faites, c'est que, dans
le passé, quand le nombre de permanents fut haussé, il y a eu une
hausse correspondante du nombre de dossiers, et le nombre de dossiers par
avocat s'est maintenu. Or, ça, je pense que le passé est un peu
garant de l'avenir là-dessus, et, comme vous avez déjà dit
précédemment, on sait quels sont les coûts qu'un permanent
engendre par rapport à l'article 52, qui, lui, est ouvert. C'est la
réponse que je peux vous donner. (10 h 50)
Mme Caron: Vous nous avez parlé de l'importance du pouvoir
discrétionnaire, de le maintenir, ce pouvoir-là. Je pense que
c'est l'élément qui nous permet d'humaniser le système,
parce que, lorsqu'on ne travaille qu'avec des règles précises,
évidemment, on ne tient pas compte de la situation que l'être
humain vit, et ça, je pense, moi aussi, que c'est important de le
maintenir.
Vous avez de très bons exemples aussi sur l'importance des droits
des personnes, en page 10, au début, mais j'aimerais attirer l'attention
à l'avant-dernier paragraphe, lorsque vous nous dites: «Nous
croyons qu'il serait plus opportun d'inclure dans les règlements sur
l'admissibilité de façon claire la possibilité de refuser
l'aide juridique lorsqu'il apparaît que le bénéfice
escompté est futile et ne présente aucun caractère
essentiel pour le requérant.» Donc, vous voulez aussi, par contre,
que les critères soient resserrés sur cet objet-là. Est-ce
que vous pouvez nous expliquer un petit peu cette demande-là?
M. Faribault (Paul): On va vous donner deux exemples.
Mme Caron: Oui.
M. Faribault (Paul): Me Thériault en avait un excellent,
et je vais vous en fournir un, également, concret. Si on prend, en
milieu rural, une question de bornage, quand il s'agit du fond d'une terre
à bois et une chicane de deux pieds de terrain qui ne valent à
peu près rien, est-ce que c'est un service essentiel pour la condition
de vie de la personne? Je pense qu'on peut dire que non.
Le problème, c'est que, actuellement, il y a, d'une part, un
critère économique et, d'autre part, une vraisemblance de droit.
Alors, il peut très bien exister une vraisemblance de droit, mais que la
question ne touche pas aux besoins essentiels de la personne. C'est pour
ça qu'on mettait cette réserve-là, qui nous semble, en
tout cas, éviter les quelques abus qu'il peut y avoir. Je passerais la
parole à Me Thériault.
M. Thériault (Gilles): Peut-être pour vous
raconter... on en parlait hier soir justement de ce point-là. Lorsqu'on
en discutait, je donnais l'exemple d'un individu, un vieux monsieur qui
était venu me voir qui avait 73 ans à peu près
pour récupérer la médaille que son père
avait gagné lors de la Première Guerre mondiale. Lorsque son
père a gagné cette médaille-là, lui, il avait
à peu près trois ans, alors son père est malheureusement
décédé durant cette guerre. Il vient me voir. Alors, il
est évident que, pour lui, c'est peut-être important, mais est-ce
que, véritablement... C'est un monsieur qui est admissible
économiquement. C'est un monsieur qui a une vraisemblance de droit,
c'est-à-dire qu'il prétend que la médaille lui appartient,
mais la fameuse médaille a été prise par sa fille lors du
décès de sa femme, de son épouse.
Alors, j'envoie une mise en demeure à la fille pour lui demander
de rendre la médaille à son père et, malheureusement, la
fille a dit: Non, il n'est pas question que je rende la médaille
à papa. Alors, à ce moment-là, on fait une action en
revendication avec
saisie avant jugement pour récupérer la fameuse
médaille.
Comme je le disais hier, heureusement, ce qui est arrivé, c'est
que la fille, elle, n'était pas admissible à l'aide juridique et
qu'elle s'est retrouvée chez un avocat où elle devait payer de sa
poche. Alors, l'avocat, que je considère intelligent, lui a dit:
Écoute, c'est évident que ça peut te coûter
très cher si on doit se battre pour cette médaille-là.
Alors, deux ou trois jours après la signification de l'action, j'ai
reçu des mains de l'avocat la fameuse médaille. Je pensais que
c'était une petite médaille, mais c'était super gros.
Alors, je comprenais un petit peu pourquoi il y tenait. Mais c'est quand
même un cas où, si l'individu, si la dame avait été
admissible à l'aide juridique, encore une fois, l'État aurait eu
à assumer des coûts d'un praticien à ce moment-là
pour une médaille qui, dans le fond... qu'est-ce que ça changeait
à la sécurité de ce monsieur-là et qu'est-ce que
ça avait comme importance pour lui? C'est sûr que ça avait
une valeur sentimentale, mais lorsqu'on regarde le régime d'aide
juridique, est-ce qu'on est là uniquement pour régler ce genre de
cas-là ou est-ce qu'on ne doit pas s'attarder à des choses un peu
plus peut-être sérieuses?
Mme Caron: Est-ce que le pourcentage... Vous disiez que le
pourcentage n'est pas très élevé; on se parlait de quoi,
quelque 2 %?
M. Faribault (Paul): Ça demeure très minime...
Une voix: Très minime.
M. Faribault (Paul): ...ce genre de cas limites là.
Règle générale, les gens ne courent pas après les
accusations, ils ne courent pas après les procédures.
Mme Caron: Ni après les médailles!
M. Faribault (Paul): Ça leur tombe sur la tête. Il y
a des cas aussi qui vont relever de gens qui ont des problèmes de
santé mentale, par exemple, et qui vont venir chercher une oreille qui
les écoute. Mais ça demeure marginal et vous en avez dans vos
bureaux de comté, effectivement. Ça demeure marginal par rapport
à l'ensemble.
Mme Caron: Oui, je vous avoue que, moi, personnellement, j'en ai
effectivement beaucoup. Je pense que je dépasse même la moyenne.
Je souhaite, en tout cas pour la dame, qu'il va lui laisser la
médaille...
M. Faribault (Paul): À son décès. Une
voix: À son décès!
Mme Caron: ...en héritage. Alors, vous nous avez
parlé aussi, Me Kirouac, tantôt, parce que, bon, vous travaillez
en région éloignée et vous avez parlé du
problème de la distance. Je suis très contente que vous en ayez
parlé parce que je voulais pouvoir revenir là-dessus. Vous nous
avez dit qu'effectivement dans certaines régions, il n'y a pas de
transport, les distances sont extrêmement grandes et vous donnez
l'information au téléphone. Mais quand, pour la personne,
ça doit aussi déboucher sur des procédures et qu'elle a
besoin d'un mandat d'aide juridique, que vous avez à la rencontrer,
à lui faire signer des papiers et tout ça, il y a un
problème au niveau des régions, au niveau de la distance. On en
avait parlé dans Lotbinière et, bon, vous, vous nous dites aussi
que chez vous il y a des problèmes à ce niveau-là.
Mme Kirouac (Nicole): C'est notre réalité et c'est
encore plus criant depuis les dernières coupures, quand on en a eu, des
coupures, parce qu'il y a certains bureaux volants où, personnellement,
on a fait un choix de ne plus aller, compte tenu également des coupures
et des budgets disponibles et du temps. Alors, cette personne-là, si
elle m'appelle, elle n'a pas d'auto, il n'y a pas de circuit d'autobus, je ne
pense pas que ce soit juste le cas en Abitibi. Il y a certainement d'autres
régions éloignées où le transport en commun est
extrêmement déficient.
En général, on va téléphoner à une
intervenante communautaire. Je donne l'exemple de Lebel, je pourrais parler de
Matagami. Moi, j'ai exactement le même problème. Et la
travailleuse sociale, quelqu'un du CLSC ou... C'est vraiment une intervenante
qui va essayer de trouver une amie, un dépannage, mais elle doit
absolument se déplacer et c'est, pour parler en milles, à peu
près 100 milles ou 110 milles qu'elle doit faire pour venir me
rencontrer.
C'est évident que l'accessibilité à la justice,
pour cette personne-là, ça pose des problèmes. Et la
question de l'éloignement, comme vous le soulevez, pose également
beaucoup de problèmes. On en a parlé par rapport au coût
des experts. On a un problème très sérieux en
régions éloignées. Le coût des experts... On les
demande avec peut-être plus de parcimonie même que dans les grands
centres, parce qu'on ne fera pas venir volontiers un expert de Montréal
pour venir chez nous. On va y penser à deux fois, même si la
maladie de la justice par expert est rendue également chez nous, parce
que c'est des coûts astronomiques au niveau de la justice. Et je pense
que ce qu'on souhaitait, on l'a signalé également dans notre
mémoire: on devra, à notre avis, négocier des tarifs avec
les experts parce que ça n'a comme plus de bon sens et ça prend
une ascension au niveau des coûts, là, que c'est vertigineux.
Et ça, c'est encore plus marqué en régions
éloignées. Ne serait-ce que le transport en avion, rajouté
au coût de l'expert, c'est 2000 $, 3000 $. Alors, quand on songe à
ça, et si, par malheur, on ne peut pas procéder ou il y a une
remise ou il y a un pépin pour la journée de l'audition,
ça devient une catastrophe.
Sauf que, pour revenir à la question initiale, effectivement,
l'éloignement... et c'est peut-être pour ça qu'on se
déplace parfois et c'est peut-être pour ça aussi
qu'on donne, qu'on se doit de donner l'information chez nous, ne
serait-ce que, des fois, pour la rassurer, ne serait-ce que, des fois aussi,
pour lui dire: Oui, on va vous prendre dans une semaine; oui, c'est urgent; ou
non, ce n'est pas urgent. Si elle a reçu un papier puis elle ne sait
pas... et les avocats de pratique privée, en général...
Dans ces régions éloignées là, comme... je prends
les zones limitrophes, parfois il y a des bureaux de firmes privées qui
vont y aller une fois par mois, mais une demi-journée. Alors, si la
personne vient de recevoir une saisie, elle ne peut pas attendre un mois. Alors
là, ça devient paniquant. Alors, on n'a pas le choix, nous
autres, d'accorder de l'attention et du temps aux informations
téléphoniques, et on le fait souvent, je le dis, c'est à
16 h 30 ou à midi qu'on retourne ces appels-là.
M. Thériault (Gilles): Ce que Me Kirouac vous expose, en
Gaspésie, chez nous... et c'est peut-être un
élément, je pense, qui est important lorsqu'on parle du maintien,
dans le mémoire également, de la structure des corporations
régionales. On avait ce problème-là également chez
nous, le problème de l'éloignement, et les administrateurs de la
corporation régionale chez nous nous ont demandé de collaborer et
d'instaurer des bureaux volants. Or, ces bureaux volants là ne
coûtent presque rien à l'État. Ils ne coûtent que le
déplacement en automobile de l'avocat qui se rend dans un CLSC.
Ça ne nous coûte absolument rien en location de locaux. Le
personnel du CLSC prend les rendez-vous à l'avance et on se rend sur
place et on donne le service. On amène des demandes d'aide juridique
avec nous autres et on fait le travail à ce moment-là. Lorsqu'on
revient chez nous, on peut compléter. (11 heures)
Alors, je pense que c'est une clairvoyance des administrateurs de nos
corporations là-dedans. Et ces gens-là, je pense... et c'est
là qu'on doit aussi maintenir le système des corporations
régionales parce que ça nous permet de maintenir également
la couleur locale et de satisfaire les besoins locaux de façon beaucoup
plus efficace.
Je pense qu'à ce niveau-là c'est intéressant. Et,
lorsque Me Kirouac nous parle au niveau des expertises également, c'est
vrai que c'est très cher. Moi-même, je reçois des comptes
d'experts, par exemple sur des causes d'ivressomètre où l'expert,
le chimiste, va venir témoigner 10 minutes à la cour et on va
recevoir des factures de 1200 $, et malheureusement, on n'a pas d'experts en
région. Ces experts-là sont à Québec. Alors,
lorsque ces gens-là viennent témoigner, c'est le prix qu'on doit
payer. Et souvent, on tente, par le biais d'ententes avec la couronne, de
déposer des rapports qui, eux, sont beaucoup moins dispendieux, qui vont
nous coûter peut-être 300 $ ou 400 $, mais, tout dépendant
du procureur de la couronne, il en accepte, il n'en accepte pas, il en accepte,
il n'en accepte pas. Alors, je pense que, encore là, c'est
peut-être un point qui devrait être regardé très
sérieusement.
Le Président (M. Parent): Merci.
Mme Caron: Puisqu'il ne me reste qu'une minute, M. le
président me l'a signalé, je vais poser une dernière
question. Si le gouvernement décidait d'ajouter un volet contributoire,
bon, une échelle progressive, du côté de l'administration,
est-ce que vous pensez que vos bureaux seraient en mesure, seraient capables
d'absorber cette administration-là? Et quelles seraient les conditions
pour être capables de le faire?
M. Faribault (Paul): Je vous dirais qu'à première
vue on est intéressés à être, je dirais, dans ce
marché-là, et on n'est pas rébarbatifs à ça,
sauf que, évidemment, si on augmente considérablement non
seulement au niveau de l'accessibilité au volet gratuit, mais
également au volet contributoire, il va falloir mettre des ressources
pour gérer ça. Ça, c'est clair que dans l'état
actuel des troupes, c'est impossible. Mais on est intéressés
à ce volet contributoire et on ne veut pas en être exclus.
Mme Caron: Je vous remercie.
Le Président (M. Parent): Alors, je reconnais maintenant,
M. le député de Chapleau.
M. Kehoe: Merci, M. le Président. M. Thériault,
vous avez mentionné un problème majeur dans le système,
où des coûts sont exorbitants: la question des experts, le
coût des experts, que ce soit dans des endroits éloignés,
que ce soit à Montréal, que ce soit n'importe où, c'est un
coût exorbitant. Je pense que le ministre doit avoir les coûts,
combien ça coûte. Mais, quand vous avez mentionné un expert
qui coûte, dans un cas d'ivressomètre, 1200 $ pour 10 minutes, je
pense que c'est peut-être 10 fois plus que l'avocat qui est dans une
cause A. Il y a beaucoup d'autres exemples que ça où, dans le
même cas, il peut y avoir deux ou trois expertises. Vous savez, le choix
d'un bord, de l'autre, là. Puis, quand il s'agit d'affaires de famille
où il y a un enfant, où l'avenir d'un enfant est en jeu aussi, il
y a une autre expertise, là. Là où je veux en venir dans
ça, je pense que dans ce domaine-là, définitivement, il
faut faire quelque chose.
Je vous pose la question de tarification des experts. Est-ce que vous
avez élaboré sur ça beaucoup dans votre mémoire?
J'aimerais ça entendre vos commentaires sur ça.
M. Faribault (Paul): Je pourrais vous dire la chose suivante. On
dit qu'il faut faire quelque chose. Il faut qu'il y ait une tarification. Moi,
je trouve absolument incroyable la situation suivante: la CSST a un bassin
d'experts, et elle paie environ 150 $ ou 250 $ pour un rapport d'expertise
médicale. Quand nous, notre client est soigné par un de ces
médecins-là et qu'on demande une expertise à ce
médecin-là, c'est 400 $, 500 $ et 600 $.
M. Kehoe: Le même médecin que dans l'autre cas?
M. Faribault (Paul): Le même médecin pour le
même rapport. Mais la CSST a un volume et les médecins sont
intéressés à prendre ces rapports-là à 250 $
parce qu'ils savent qu'ils vont en avoir 10, 12 et 15. Alors, nous, on ne
comprend pas pourquoi, si les médecins les font à 250 $ pour la
CSST, ils ne peuvent pas les faire au même coût pour nous. Alors,
il est clair qu'il faut réduire les coûts, et ça, c'est un
moyen. M. le ministre a parlé, cette semaine, de 5 500 000 $ de frais
d'expertise. Il y a moyen d'organiser les choses, mais il faut qu'il y ait des
ententes qui se fassent avec les regroupements de médecins experts.
M. Lefebvre: Les corporations.
M. Faribault (Paul): Avec les corporations professionnelles, pour
que ça puisse se faire.
M. Kehoe: Autant les avocats sont obligés ils ont
un certain tarif pour chaque acte pourquoi les autres professionnels,
que ce soient des médecins, que ce soient des ingénieurs, que ce
soient d'autres professionnels, pourquoi leur profession n'établit pas
une certaine tarification lorsqu'ils comparaissent devant le tribunal et quand
c'est pour un client de l'aide juridique?
Juste une autre question vite faite, M. le Président, je ne sais
pas si je...
Le Président (M. Parent): Vous avez encore...
M. Kehoe: M. le ministre a parlé, puis la porte-parole de
l'Opposition en a parlé, des personnes qui viennent chez vous et que
vous êtes obligés de refuser. Qu'est-ce que vous faites à
ce moment-là? De l'information, de la consultation, et ainsi de suite?
La personne en charge du bureau a un certain pouvoir discrétionnaire, et
vous demandez que ce soit retenu. J'aimerais avoir plus de détails sur
ça, sur ce pouvoir discrétionnaire. Y a-t-il des balises? Est-ce
que c'est limité? Est-ce que ça dépend de l'importance de
la cause? Est-ce que ça dépend si la personne n'est pas eligible?
Peut-être un peu plus de clarté sur la balise et comment ça
opère en réalité.
M. Faribault (Paul): D'accord. Je vais essayer de vous
préciser des choses. C'est-à-dire qu'il y a des critères
d'admissibilité. Ce qu'on fait, c'est: plus la personne est proche du
barème d'admissibilité, plus ça va être facile de
justifier, en quelque sorte, de l'admettre, même si elle le
dépasse, soit en raison des dettes, soit en raison de l'importance du
service qu'elle veut avoir. Si la personne vient pour un testament, eh bien, on
sait que ce n'est pas très dispendieux comme service. Donc, c'est plus
facile de refuser. Mais, si quelqu'un arrive avec un dossier de divorce avec
une garde d'enfant qui s'annonce contestée, etc., on sait que c'est des
coûts qui sont faramineux.
Donc, l'importance de la cause, l'importance de la défense et la
quantité de dépassement. On va tenir compte également
d'autres situations: les frais de gardienne, par exemple, les frais de
transport pour se rendre au travail dans les régions rurales, tous ces
éléments-là. On essaie de porter un jugement global sur la
situation de la personne en restant dans une application raisonnable des
critères. Mais ça va varier selon chaque individu et chaque
situation.
M. Kehoe: Et c'est la personne en charge du bureau qui
décide ce qui est raisonnable dans un cas ou non, si c'est assez
important et tous ces facteurs, ce sont tous des facteurs subjectifs.
M. Faribault (Paul): Oui.
M. Kehoe: II faut composer avec. Il n'y a pas de règle
comme telle dans le pouvoir discrétionnaire, exactement où on
coupe et où on...
M. Faribault (Paul): C'est effectivement discrétionnaire,
donc c'est difficile de tracer des lignes. Ce qu'on fait souvent, c'est que,
quand on a un cas qui est difficile, on va en discuter, l'ensemble des avocats
du bureau, et on va dire: Bon, eh bien, qu'est-ce que tu en penses? Et on
essaie de considérer l'ensemble de la situation de la personne. Ce n'est
pas facile à assumer, mais par contre il y a moins d'injustice comme
ça qu'avec un critère absolument rigide où, à 1 $
de plus, bonjour et merci, c'est fini.
M. Kehoe: D'accord. Merci beaucoup.
Le Président (M. Parent): M. Faribault, j'aurais une
question, moi, à poser au monsieur à ma droite... M.
Thériault. Est-ce que, parmi les critères que vous utilisez pour
décider si vous acceptez un cas ou pas, la vraisemblance de droit est
mise à partie? Est-ce que vous en tenez compte?
M. Thériault (Gilles): Oui.
Le Président (M. Parent): Et je reviens à l'exemple
que vous avez donné tout à l'heure, votre fameuse
médaille. Est-ce que vous vous êtes posé la question:
Est-ce que la vraisemblance de droit existe pour cette personne de
requérir une médaille à laquelle il croit avoir droit et
d'entraîner par le fait même des frais?
M. Thériault (Gilles): Effectivement, dans la loi, c'est
un des critères qu'on doit regarder, la vraisemblance de droit.
Lorsqu'un individu arrive et qu'il est très clair qu'il n'y a pas de
vraisemblance de droit dans son cas, il est évident qu'à ce
moment-là ça peut même être un motif de refus de sa
demande d'aide juridique. Sauf que, dans le cas que je vous ai
mentionné, effectivement...
Le Présidait (M. Parent): C'est un exemple, le cas.
M. Thériault (Gilles): Dans ce cas-là ou dans
d'autres, la vraisemblance de droit, souvent, elle va nous sauter aux yeux.
Lorsque le monsieur nous dit: C'est à moi, la médaille, ça
m'appartient, carrément, et ça me vient de la succession de mon
père. C'est très clair qu'il y a une vraisemblance de droit
à ce moment-là, ça saute aux yeux. Sauf que, la
vraisemblance de droit, très souvent il faut faire attention, parce
qu'on est quand même là également... on n'est pas des
juges; on est des gens, on regarde la situation. Il y a une demande qui est
faite par un individu, il y a une prétention qui est logée par un
individu et, lorsque ça cadre dans ce qu'on connaît, dans la loi,
est-ce qu'on peut réclamer? Est-ce qu'on ne peut pas réclamer?
S'il peut réclamer, à ce moment-là il y a vraisemblance de
droit et on va regarder également le côté économique
de la chose: Est-ce qu'il est admissible économiquement, oui ou non?
Le Président (M. Parent): Merci. M. le ministre de la
Justice.
M. Lefebvre: II me reste le temps de conclure. J'aurais
aimé évidemment aborder...
Le Président (M. Parent): Je vais être plus
permissif parce que j'ai pris de votre temps. Ce n'est pas mon habitude. (11 h
10)
M. Lefebvre: De toute façon, M. le Président, vous
avez pris à peine une minute. Il me reste le temps qu'il faut pour
conclure. J'aurais aimé aborder avec vous la question des honoraires.
À la page 15 de votre mémoire, vous nous indiquez que, peu
importe que les honoraires, particulièrement en matière
criminelle, soient tarifés, forfaitaires ou à l'acte, il y aura
des abus, et j'aurais aimé aborder la question avec Me Faribault ou l'un
ou l'autre d'entre vous. Merci d'être venus nous exposer votre point de
vue. Ça partait d'un mémoire extrêmement bien fait, et il
n'y a pas de surprise. Évidemment, vous êtes des professionnels de
l'aide juridique et ça apparaît dans votre document, dans votre
exposé.
J'ai apprécié également la franchise avec laquelle
vous nous avez pointé certains éléments. Certains points
de vue ont été abordés avec la franchise dont on s'attend
d'un avocat. Soyez assurés qu'il y a des éléments
là-dedans qu'on retiendra dans l'évaluation de l'action du
gouvernement après que la consultation sera terminée. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Parent): Merci, M. le ministre, merci les
membres de cette commission et merci à nos invités d'être
venus nous aider à cheminer dans notre démarche. Alors, nous
allons suspendre pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 11)
(Reprise à 11 h 15)
Le Président (M. Parent): Alors, j'invite les
députés à prendre place, et la commission va poursuivre
ses travaux.
Merci. Alors, la commission va poursuivre ses travaux en accueillant
notre deuxième groupe ce matin, qui est composé des
représentantes de l'Association des techniciens en droit du
Québec. Alors, je vous rappelle le mandat de la commission qui est de
procéder à une consultation générale et tenir des
auditions publiques sur le régime d'aide juridique et sur le document
intitulé «L'aide juridique au Québec: une question de
choix, une question de moyens.» Et nous avons comme invitée la
présidente, Mme Jocelyne Durand. J'imagine, Mme la présidente,
que c'est vous qui êtes la porte-parole.
Mme Durand (Jocelyne): Exact.
Le Président (M. Parent): Alors, je vous inviterais
à nous présenter les gens qui vous accompagnent et à
débuter la présentation de votre mémoire.
Association des techniciens en droit du Québec
(ATDQ)
Mme Durand (Jocelyne): D'accord. Avant de commencer, je voudrais
indiquer que nous allons prendre les 20 minutes auxquelles nous avons
droit.
Le Président (M. Parent): Oui.
Mme Durand (Jocelyne): Alors, à ma droite, je vous
présente Mme Brouillet, qui est trésorière de
l'Association; à ma gauche Mme Ginette Longpré et Mme Maryse
Groleau, qui sont membres et bénévoles actives au sein de
l'Association des techniciens en droit du Québec. J'aimerais
également ajouter que, en ce qui concerne Mme Longpré et Mme
Groleau, elles travaillent actuellement à titre de techniciennes en
droit au sein de l'aide juridique de Montréal. Quant à Mme
Brouillet et moi-même, nous travaillons actuellement dans le secteur
privé, au sein de cabinets d'avocats, Me Anne Moreau pour Mme Brouillet
et Turcotte, Nolet, Perras, à Laval. Et, en ce qui me concerne, je
travaille dans le domaine du droit commercial, et pour Mme Brouillet, droit du
travail et sécurité et santé au travail.
Le Président (M. Parent): Alors...
Mme Durand (Jocelyne): Ceci étant dit, j'aimerais tout
d'abord remercier tous les membres de cette commission d'avoir accepté
de nous recevoir pour présenter notre mémoire.
Le Président (M. Parent): C'est réciproque, madame.
Nous aussi, nous vous remercions d'avoir accepté de venir nous aider
à parfaire notre travail.
Mme Durand (Jocelyne): Bon, ça fait plaisir aux deux,
c'est beau. Alors, pour nous ici, notre présence est très
significative pour l'Association des techniciens en droit du Québec, nom
que j'abrégerai à l'occasion par les initiales ATDQ pour
alléger le tout.
Alors, en effet, en acceptant de nous entendre, vous nous permettez,
vous nous donnez l'occasion de vous faire connaître ce qu'est le
technicien en droit. L'ATDQ constitue le seul organisme qui représente
les intérêts des techniciens en droit diplômés de la
province de Québec. Mieux faire connaître le technicien en droit,
promouvoir ses intérêts, éliminer la confusion qui
règne actuellement dans la communauté juridique quant à
son titre et établir des relations avec les autres organismes
professionnels, voilà quelques-uns des objectifs principaux poursuivis
par l'ATDQ.
Vous comprendrez donc que c'est dans cette optique que nous
présentons notre mémoire, un mémoire qui se veut sans
prétention, un mémoire aussi qui se distingue peut-être des
autres à l'effet qu'il apporte peut-être une nouveauté que
personne n'a osé aborder à ce jour. (11 h 20)
En fait, comme vous l'avez sans doute remarqué, on ne se prononce
pas sur l'augmentation des seuils de l'admissibilité, bien que nous la
jugions essentielle pour accroître l'accès à la justice. On
n'apporte évidemment aucune solution miracle au financement du
réseau juridique, et on ne parle pas non plus de la privatisation des
services juridiques. Notre recommandation est très simple: favoriser
l'implication plus grande des techniciens en droit au sein du réseau
d'aide juridique du Québec afin d'en accroître l'efficacité
et l'efficience.
Le but ultime qui est visé par le dépôt de notre
mémoire est de s'assurer qu'une place sera faite au technicien en droit
au sein de l'organisation du régime d'aide juridique et de sensibiliser
l'appareil gouvernemental à sa formation académique, qui fait de
lui un collaborateur indispensable. Il est maintenant temps que le
réseau d'aide juridique ajuste son tir pour apprendre à
travailler avec les techniciens en droit, comme le fait actuellement le secteur
privé. Mais, pour ce faire, il importe d'examiner de près quelle
est notre formation académique.
Tout d'abord, comme son titre l'indique, le technicien en droit, ou
encore le technicien juridique car on peut utiliser les deux
appellations est titulaire d'un diplôme d'études
collégiales en techniques juridiques, ou encore plus communément
appelé un D.E.C., diplôme officiellement reconnu par le
gouvernement du Québec, après trois années
d'études. Suite à un besoin criant de personnel qualifié
dans les greffes des palais de justice, le gouvernement a cru bon de mettre sur
pied, en 1972, le programme de techniques juridiques. Le premier collège
à dispenser le cours a été le collège Ahuntsic
à Montréal, programme qui était à l'époque
connu sous le terme «techniques judiciaires». Le cégep de
Rimouski a emboîté le pas, un an plus tard et, en 1987, a
transféré le programme au collège
François-Xavier-Garneau, à Québec. Alors, pendant
plus de 20 ans, deux seuls collèges ont dispensé le cours, mais
il y a deux ans, trois collèges se sont ajoutés à la
liste, soit le collège O'Sullivan à Montréal, le
séminaire de Sherbrooke et le collège de l'Assomption.
Au départ, les finissants étaient surtout formés
pour se diriger vers la fonction publique pour combler des postes qui
répondent à leurs qualifications. Or, comme vous le savez, les
postes de technicien en droit adressés vraiment aux
diplômés sont devenus de plus en plus rares au sein de l'appareil
gouvernemental. Le technicien en droit a dû à ce moment-là
analyser de nouvelles avenues.
C'est ainsi qu'au fil des ans les cours du programme ont
été adaptés aux besoins des employeurs, et plus
particulièrement au secteur privé, de manière à
former des techniciens juridiques polyvalents, autonomes, responsables et
fonctionnels.
Bien que notre formation soit avant tout axée sur la
maîtrise des aspects techniques reliés à la pratique du
droit, il n'en demeure pas moins que les cinq sessions de cours que les
étudiants poursuivent sont consacrées à l'enseignement de
connaissances de base dans plusieurs domaines du droit.
En résumé, l'ensemble des cours dispensés par des
avocats et des notaires permet aux étudiants d'acquérir une
très bonne base de connaissances théoriques, une bonne
méthode de travail et d'analyse, un raisonnement logique et, surtout, un
esprit juridique. Pendant les deux ans et demi que l'étudiant passera au
collège, il consacrera son temps à environ 22 cours de
concentration ou, si vous préférez, 22 cours de droit. Pour bien
saisir l'étendue de sa formation, on se permet de vous les
énumérer. Et on va essayer de faire ça court.
Nous avons: un cours de méthodologie du droit; cinq cours de
droit civil, où l'étudiant passera son temps à analyser et
à décortiquer notre fameux Code civil; deux cours de
procédure civile, destinés à mieux apprivoiser le Code de
procédure civile; un cours de procédures notariales;
fonctionnement des greffes; laboratoire contentieux; droit corporatif; droit
municipal; droit des assurances; terminologie juridique; histoire
constitutionnelle du Canada; recherche juridique informatisée;
laboratoire notarial; législation et procédures ouvrières;
droit criminel; droit administratif; droit commercial.
D'ailleurs, par souci de professionnalisme, les techniciens en droit,
tout comme les avocats, sont retournés sur les bancs d'école pour
la réforme du Code civil. Alors, que ceux et celles qui pensent que,
à ces cours, on ne nous inculque que de simples notions de droit se
détrompent.
Afin de s'assurer que, sur le marché du travail, on retrouvera
des techniciens juridiques polyvalents et autonomes, les professeurs
s'efforcent de fournir aux étudiants un très bon bagage
d'informations et de connaissances, des outils et des méthodes de
travail qui permettront au technicien en droit de se débrouiller dans
toutes sortes de situations.
D'ailleurs, la preuve: notre formation a sûrement
une valeur importante puisqu'en 1989 on la rendait obligatoire pour
l'obtention d'un permis d'huissier. En effet, on s'est aperçu que, dans
l'exercice de leurs fonctions, les huissiers devaient posséder des
notions de droit propres aux techniciens juridiques. Si on apprend aux avocats
à maîtriser la théorie du droit, on apprend aux techniciens
à maîtriser les aspects techniques reliés à la
pratique du droit.
D'ailleurs, pour s'assurer que les techniciens en droit
maîtriseront bien ces aspects techniques, un stage pratique d'une
durée de 15 semaines doit être effectué par
l'étudiant à la fin de son cours. Mais, concrètement,
qu'est-ce que tout cela signifie, tous ces cours? Grâce à son sens
pratique et à son esprit juridique, plusieurs tâches peuvent
être assignées au technicien en droit.
Dans le déroulement d'un dossier, dans le secteur privé
par exemple, le technicien juridique a les compétences
nécessaires pour: veiller à ce que la preuve soit bien
préparée; rencontrer les témoins avant les auditions;
rédiger des ébauches d'opinions; déterminer et
rédiger les procédures appropriées au litige, le tout sous
forme de projet; assister les avocats en audience; effectuer des recherches
jurisprudentielles, doctrinales et législatives; gérer des
banques de jurisprudence, tant informatiques que manuelles; analyser les
dossiers afin de déterminer l'objet du litige; cueillir l'information
nécessaire au bon déroulement du dossier et assurer son suivi
pour, entre autres, voir au bon respect des délais.
Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que l'avocat qui peut être
déchargé de toutes les tâches qui ne sont pas de son
ressort exclusif peut consacrer plus de temps aux autres volets de sa
profession. D'ailleurs, dans le secteur privé, plusieurs bureaux
d'avocats ont compris que leur rentabilité pouvait être
maximisée par l'embauche de techniciens en droit. L'avocat de pratique
privée, assisté d'un technicien en droit, réussira
à plaider beaucoup plus de dossiers dans son année.
Dans le cas qui nous intéresse, une implication plus grande des
techniciens en droit permettrait aux avocats du réseau d'aide juridique
de consacrer plus de temps aux plaidoiries et à la représentation
devant les tribunaux et ils disposeraient également de plus de temps
pour assumer le volet communautaire de leur profession.
Évidemment, l'éventail des tâches que nous venons de
vous énumérer résume de façon très
générale les fonctions que le technicien en droit peut accomplir.
En effet, selon le milieu dans lequel il évolue et ses aptitudes, le
technicien juridique verra lui-même à définir son cadre de
travail, le tout sous la supervision d'un avocat.
En fait, au risque de se répéter, ce qu'il importe de bien
saisir, c'est que le technicien en droit possède toute la formation
académique nécessaire pour assister le juriste dans
l'exécution de ses mandats et que, souvent, il n'en tient qu'au juriste
d'exploiter et de maximiser le potentiel du technicien. Tout comme les
médecins, les ingénieurs et les architectes, qui sont
quotidiennement secondés par des infirmières, des techniciens en
ingénierie et des techniciens en architecture, les avocats doivent
également comprendre que les tâches de nature technique doivent
être déléguées et assumées par un personnel
technique compétent.
Nous sommes bien conscients que le monde juridique est conservateur.
Mais il faut aussi que ce milieu s'adapte au rythme des autres secteurs
professionnels québécois. Le monde juridique actuel compte quatre
intervenants principaux: les avocats, les stagiaires en droit, les techniciens
en droit et les secrétaires juridiques. Chacun a sa place au soleil et
aucun de ces intervenants n'est menacé puisque chacun possède une
formation spécifique.
Un technicien en droit ne deviendra jamais avocat, au même titre
qu'une secrétaire juridique ne peut occuper un poste de technicien en
droit faute d'avoir reçu la formation adéquate. Ce qu'il faut
avant tout développer, c'est un travail d'équipe et une
étroite collaboration entre tous ces intervenants.
D'ailleurs, l'un des premiers pas en ce sens serait probablement de
cesser l'utilisation du terme «paralegal» lorsque l'on nous
désigne. Le terme «paralegal» ne peut en aucun temps
désigner un technicien en droit, puisqu'un paralegal, par
définition, est une personne qui n'a pas de formation académique
pertinente et qui n'a acquis ce titre que par l'expérience dans un
domaine particulier.
Ces quelques précisions étant apportées, nous
pouvons maintenant regarder de près la situation du réseau d'aide
juridique au Québec. Quelle ne fut pas notre surprise de constater que
sur 394 avocats du réseau, on ne compte que 12 techniciens travaillant
au sein des corporations régionales d'aide juridique, et principalement
à Montréal, dont neuf qui ne sont malheureusement pas
utilisés à leur juste valeur et selon leur formation. (11 h
30)
II est à noter que la Commission des services juridiques a
également à son emploi une technicienne en droit. Et pourtant,
dans le mémoire présenté par les corporations
régionales d'aide juridique, on indique clairement que leur gestion
serrée des deniers publics résulte en grande partie de l'emploi
des méthodes administratives généralement
recommandées par le secteur privé. Alors, sachez que dans le
secteur privé le ratio est d'environ un sur 10: un technicien pour 10
avocats. Ce qui est loin du ratio de un sur 32 que l'on retrouve à
l'aide juridique.
Pourquoi l'aide juridique n'a-t-elle pas encore modernisé ses
méthodes de travail? Pourquoi, à l'aide juridique, le traitement
d'un dossier est-il effectué entièrement par l'avocat? Car ce
qu'il ne faut pas oublier de mentionner, c'est que, oui, à l'aide
juridique, il y a 13 techniciens en droit à son emploi, mais,
malheureusement, le potentiel de tous ces techniciens est sous-exploité.
Que leur fait-on faire? Des recherches, des suivis de dossiers, des projets de
procédures? Mais non, on ne leur fait que compléter des demandes
d'aide juridique, à l'exception de trois techniciens. Quel gaspillage de
talent! Nos trois années de cégep nous ont préparés
à plus que cela.
Jusqu'à aujourd'hui cette situation pouvait être
tolérée, mais à partir de ce jour, maintenant que vous
connaissez notre formation, une situation de ce genre ne peut plus être
permise. Le réseau d'aide juridique du Québec se doit de regarder
ce qui se fait dans le secteur privé. Si le technicien en droit
réussit à assister l'avocat de pratique privée de
façon remarquable, pourquoi n'en serait-il pas de même pour
l'avocat permanent des centres communautaires juridiques? Pour notre part, la
réforme du régime d'aide juridique ne doit pas passer par la
suppression de certains services, mais plutôt par la modification de la
manière dont ils sont dispensés.
Soyons réalistes. Si la tendance se maintient, tout porte
à croire que les seuils d'admissibilité seront augmentés.
Cela signifie donc un accroissement de travail pour les avocats permanents du
réseau. La seule façon de s'en sortir pour eux, en gardant la
tête hors de l'eau, est de s'assurer de la contribution exceptionnelle et
disponible des techniciens en droit. Si ces corporations régionales ont
favorisé, au cours des années, des équipes formées
d'avocats et de stagiaires en droit et qu'elles considèrent cette
expérience heureuse, efficace et efficiente, nous ne voyons pas pourquoi
elles favoriseraient également des équipes formées
d'avocats, de techniciens en droit, sans pour autant empêcher une
intervention des stagiaires en droit, contribution toutefois
épisodique.
Il ne faut pas oublier qu'un stagiaire en droit, pour la plupart du
temps, quitte après six mois, tandis qu'un technicien en droit bien
formé peut assurer la stabilité d'une équipe. Lorsque l'on
décidera de faire confiance aux techniciens en droit, il sera alors
possible pour les avocats permanents d'assumer plus de dossiers. Si tout le
réseau d'aide juridique exploite mieux le potentiel du technicien, cela
se traduira indéniablement par des économies significatives, vu
les différences salariales qui existent entre ces deux postes. De toute
façon, avons-nous bien le choix? Les finances publiques sont si peu
florissantes qu'aucune solution ne doit être rejetée du revers de
la main.
De plus, le remaniement interne des tâches que l'on propose ne
constitue pas uniquement une solution à caractère
économique, mais également une solution visant à
améliorer le cadre de travail des avocats, des techniciens en droit et
visant également à améliorer l'efficacité du
réseau. Ne vaut-il pas mieux un technicien en droit heureux d'assumer
des responsabilités répondant à ses qualifications qu'un
avocat démotivé à cause des tâches techniques
devenues routinières pour lui?
Encore là, concrètement, comment devrait-on envisager ce
remaniement des tâches? Permettez une petite seconde.
Premièrement, l'organisation interne du travail effectué
par les avocats permanents doit être revue en profondeur et
modifiée de façon à accroître le rôle du
technicien en droit dans le déroulement des dossiers. Désormais,
il faut que le technicien en droit intervienne au niveau des recherches
à effectuer dans le cadre des dossiers, dans la rédaction des
procédures et dans le suivi des dossiers. Tout ce qui n'est pas du
ressort exclusif de l'avocat, en vertu de l'article 128 de la Loi sur le
Barreau, peut être accompli par un technicien en droit.
Deuxièmement, l'examen de l'admissibilité des
requérants doit être effectué par des techniciens en droit,
tant l'admissibilité économique que la vraisemblance du droit.
À cet égard, nous tenons à vous souligner que des
paramètres précis sont prévus aux fins de
déterminer l'admissibilité économique d'un
requérant et la vraisemblance de droit de sa demande d'aide juridique.
Sachez que notre formation nous permet de comprendre et d'appliquer un article
de loi et les règlements qui s'y rattachent, et plus
particulièrement le règlement sur l'admissibilité à
l'aide juridique et le règlement sur les services couverts par l'aide
juridique et les conditions de paiement des frais d'experts.
Nous croyons, par conséquent, qu'un technicien en droit dont la
tâche est de déterminer l'admissibilité l'assumerait avec
succès. D'ailleurs, dans l'un des départements de l'aide
juridique où l'on a su exploiter à sa juste valeur la formation
d'une technicienne en droit en lui permettant de travailler sous la supervision
d'un avocat, des résultats plus que satisfaisants ont été
constatés. Toutefois, il importe que la tâche de déterminer
l'admissibilité à l'aide juridique ne soit pas confiée
qu'à de simples préposés. Il ne faudrait tout de
même pas passer d'un extrême à l'autre puisque, pour cette
tâche, il est nécessaire de posséder des notions de droit,
tâche qui revient alors au technicien juridique en raison de sa
formation, formation que le gouvernement jugeait essentielle en 1972.
Troisièmement, nous croyons que, pour un meilleur contrôle
des coûts, la facturation soumise par les avocats de pratique
privée devrait être examinée par des techniciens
juridiques, pour déceler les abus et les irrégularités. Un
préposé connaissant peu le processus judiciaire aura de la
difficulté à déceler ces abus et ces
irrégularités.
Quatrièmement, plutôt que d'éliminer la couverture
d'aide juridique lorsque le requérant demande à être
représenté par un avocat devant un tribunal dont la loi
constitutive ne précise pas que la représentation est du ressort
de l'avocat, il y aurait peut-être lieu d'attribuer ce type de mandat aux
techniciens en droit, qui seraient supervisés par des avocats. Cette
solution pourrait être retenue comme un juste compromis.
C'est donc avec ces quelques recommandations que nous terminons notre
exposé, en espérant que ces précisions permettront aux
membres de la commission d'analyser la réforme d'un oeil
différent.
Il y a 20 ans, le milieu juridique ne pouvait aucunement compter sur la
collaboration d'assistants spécifiquement formés et
compétents. Aujourd'hui, le technicien en droit constitue un atout
important dans l'amélioration des services juridiques, de sorte
qu'ignorer sa présence ou dénigrer ses qualifications constitue
une grave erreur. D'ailleurs, chez nos voisins, tant américains que
canadiens, cette façon de travailler est
exploitée au maximum. Il n'est pas interdit de jeter un coup
d'oeil à l'extérieur de nos frontières
québécoises.
Le technicien en droit ne doit pas être vu comme un rival, mais
comme il est, c'est-à-dire un collaborateur qui mérite
d'être mieux connu et mieux utilisé. Le technicien en droit est
une réalité avec laquelle il faut maintenant composer, et ce,
pour le bénéfice de la communauté juridique, de la
population et des finances publiques. Croire en nous, c'est croire au programme
de techniques offert dans les collèges et autorisé par le
gouvernement.
À tous ceux qui nous craignent, nous désirons vous
rassurer. Nous ne voulons remplacer personne, mais nous voulons tout simplement
occuper la place qui nous revient. À cet égard, nous vous faisons
confiance et nous sommes persuadés que vous comprendrez, membres de la
commission, que le technicien en droit est un juste milieu. Merci.
Le Président (M. Parent): Mme Durand, nous vous remercions
beaucoup. Je reconnais immédiatement, comme premier intervenant, M. le
ministre de la Justice.
M. Lefebvre: Mme Brouillet, Mme Durand, Mme Longpré et Mme
Groleau, je vous souhaite, pas au nom de la commission, c'est au
président de le faire, parce que si je m'avançais, on me
reprocherait, du côté de Mme la députée Terrebonne,
d'empiéter...
Le Président (M. Parent): Et du côté de la
présidence aussi.
M. Lefebvre: ...un peu sur votre... Alors, en mon nom personnel
et au nom de mes collègues de la formation libérale, je vous
souhaite la bienvenue à cette commission de consultation. Je vous
remercie du mémoire que vous avez soumis à l'attention de la
commission, à l'attention de chacun des membres de la commission.
Mme Durand, vous avez indiqué, en début d'intervention,
que vous souhaitiez presque exclusivement réserver votre intervention
pour nous expliquer en quoi consiste le travail d'une technicienne en droit ou
d'un technicien en droit, et je pense que c'est de bonne guerre que vous
profitiez de cette occasion pour nous faire bien connaître l'existence de
l'Association des techniciens en droit et exactement en quoi consiste le
travail que vous faites à l'intérieur du système
juridique, du système judiciaire.
Ma première question, c'est la suivante: Est-ce qu'il y a 150 ou
200, ou entre les deux à peu près, membres de l'Association des
techniciens en droit?
Mme Durand (Jocelyne): Actuellement, à l'heure où
on se parle, il y a 196 membres.
M. Lefebvre: II y a 196 membres.
Mme Durand (Jocelyne): Nous avons, à titre d'information,
des membres réguliers et des membres étudiants, mais, à
l'heure où on se parle, on est 196.
M. Lefebvre: Mme Durand, il est exact, selon ce qu'on me dit,
qu'il y aurait à peine 12 techniciens ou techniciennes à
l'intérieur du réseau d'aide juridique. Je dois comprendre que
les 160 ou 180 autres techniciens sont dans la pratique privée.
Mme Durand (Jocelyne): Pas nécessairement. M. Lefebvre:
Non?
Mme Durand (Jocelyne): En fait, je peux vous donner...
M. Lefebvre: Oui.
Mme Durand (Jocelyne): ...des statistiques...
M. Lefebvre: Rapidement. (11 h 40)
Mme Durand (Jocelyne): ...si vous voulez. En fait, il y a des
techniciens qui travaillent dans des contentieux de compagnies; la
majorité se retrouve dans des cabinets d'avocats, ce qui
représente 46 % de nos membres réguliers; 25 % de nos membres
travaillent à l'intérieur de la fonction publique, donc ailleurs
qu'à l'aide juridique, parce qu'il y a tout de même d'autres
organismes qui utilisent nos services.
On en retrouve également chez les notaires, les huissiers,
à cause de la nouvelle loi. On en retrouve aussi au niveau des
municipalités. On a quelques techniciens comme travailleurs autonomes.
Mais le gros, c'est les cabinets privés, 46 % de nos membres qui y
travaillent.
M. Lefebvre: Quel est, Mme Durand, selon vous, selon votre
expérience, votre connaissance et, évidemment, vos... Vous
consultez vos membres, vous vous parlez. Quel est le secteur
d'activité... Vous venez de décrire, là, à peu
près tous les secteurs que vous occupez: le municipal, les entreprises,
la pratique privée, l'aide juridique. Dans quel secteur
d'activité, selon vous, le technicien en droit est-il vraiment le mieux
utilisé, en regard de sa connaissance et de sa formation?
Mme Durand (Jocelyne): C'est le droit civil où il est
vraiment le mieux utilisé.
M. Lefebvre: Oui. Ça va. Mais est-ce que c'est au niveau
de l'aide juridique, au niveau des bureaux de pratique privée,
dans...
Mme Durand (Jocelyne): Au niveau des bureaux de pratique
privée.
M. Lefebvre: C'est la pratique privée qui utilise le mieux
vos talents?
Mme Durand (Jocelyne): Exactement. Vous avez tout compris.
M. Lefebvre: Et vos connaissances? Mme Durand (Jocelyne):
Exactement.
M. Lefebvre: Mme Brouillet, vous semblez impatiente de...
Mme Brouillet (Lorraine): ...mon Dieu!
M. Lefebvre: Non, non. Allez-y. Allez-y. Soyez très
à l'aise. Soyez très à l'aise. Qu'est-ce que ça
fait, un technicien ou une technicienne en droit dans un bureau de pratique
privée?
Mme Brouillet (Lorraine): Ça dépend du secteur
où il se trouve. Moi...
M. Lefebvre: En droit civil. En droit civil.
Mme Brouillet (Lorraine): Personnellement, je fais...
M. Lefebvre: Vous êtes en pratique privée, vous?
Mme Brouillet (Lorraine): Oui.
M. Lefebvre: Allez-y. On va vous écouter.
Mme Brouillet (Lorraine): Je peux difficilement vous parler du
droit civil. Moi, je fais du droit administratif, droit du travail, droit de la
santé et sécurité. Je fais le suivi... On est deux, avec
l'avocate, deux techniciennes. Il y en a une qui fait exclusivement les
recherches de jurisprudence...
M. Lefebvre: Doctrine, jurisprudence.
Mme Brouillet (Lorraine): ...de doctrine, législative.
Elle, elle fait ça. Elle s'occupe de ce niveau-là. Moi, je
m'occupe de tout le niveau plutôt... procédures, témoins,
clients.
M. Lefebvre: Est-ce que vous recevez des clients?
Mme Brouillet (Lorraine): Avec Me Moreau, quand elle les
rencontre. Jamais seule.
M. Lefebvre: Jamais seule.
Mme Brouillet (Lorraine): Jamais seule. Quand elle les rencontre
puis quand elle a besoin d'ajouts, parce que, naturellement, j'ai
travaillé dans le dossier avec elle. Ça fait qu'elle sait qu'il y
a des choses que je peux ajouter, des choses que je peux compléter avec
elle. Mais, non, jamais seule.
M. Lefebvre: Est-ce que vous travaillez à préparer
des dossiers qui sont portés en appel? Des factums là, ce qu'on
appelait dans le temps des factums. Aujourd'hui, c'est très
différent, la procédure. Travaillez-vous sur les dossiers qui
sont portés en appel? Est-ce que vous préparez le dossier pour
l'appel? Vous ou d'autres, à votre connaissance?
Mme Durand (Jocelyne): Oui, parce que, en tout cas, certains
bureaux, souvent, le technicien a été impliqué dès
le départ. Alors, si la cause a été portée en
appel, à ce moment-là...
M. Lefebvre: II va monter le dossier pour l'appel.
Mme Durand (Jocelyne): ...le technicien va poursuivre son travail
au niveau de l'appel, il n'y a aucun problème.
Mme Brouillet (Lorraine): Souvent, ce qui arrive, c'est que le
travail du début pour démêler tout ça est fait par
la technicienne ou le technicien, puis après ça, l'avocat
complète avec elle ou avec lui.
Mme Durand (Jocelyne): Notre intervention se situe beaucoup aussi
au niveau d'éplucher le dossier, d'analyser. On a l'information
nécessaire pour l'analyser. Souvent même, un client de pratique
privée... Bon, moi, personnellement, je ne travaille pas en litige ou en
civil; je fais du droit commercial. Mais, je veux dire, le portrait global d'un
technicien se ressemble un peu, peu importe le domaine.
C'est que, souvent, le client, par exemple, a facilement compris que,
pour un certain type d'information, parce qu'il ne faudrait pas confondre
l'information qui équivaut toujours à de la consultation, pour un
certain type d'information, il n'est pas obligé de s'adresser tout de
suite à l'avocat. Il peut passer par nous. Il y a des informations qu'on
est capables de lui donner. Et le technicien, justement, par son sens des
responsabilités, souvent, si on n'est pas capables de leur
répondre, on va consulter l'avocat. Ça fait que c'est vraiment un
travail d'équipe. Nous, le technicien, au départ, on va analyser
le dossier, on va voir à son suivi, mais tout ça, en
étroite collaboration avec l'avocat.
M. Lefebvre: Vous suggérez dans votre mémoire
d'impliquer plus les techniciens en droit dans différentes tâches,
et il y a un volet là, entre autres, sur lequel je voudrais vous
interroger: le technicien devant le tribunal, devant la cour. Est-ce que vous
croyez que les techniciens en droit ou techniciennes en droit, si on imaginait
qu'ils puissent aller devant les tribunaux, que ça se limiterait aux
tribunaux de droit administratif ou également à des tribunaux de
droit commun?
Mme Durand (Jocelyne): Bon. Notre position, au départ,
à cet égard-là, c'est de maintenir que ce
volet-là soit encore assumé par les avocats, justement
pour ne pas qu'il y ait un déséquilibre de part et d'autre, comme
on connaît.
M. Lefebvre: La poursuite et la défense.
Mme Durand (Jocelyne): Exactement. Sauf que, par contre, on
aimerait tout de même porter à votre connaissance que, souvent, il
y a des regroupements et des organismes à caractère social qui
n'ont aucune... pas nécessairement une formation juridique, qui
représentent ces individus-là. Alors, nous, le premier point,
oui, on veut que ça soit maintenu par les avocats.
Par contre, advenant que le gouvernement voudrait éliminer cette
couverture-là, il y aurait peut-être lieu, à tout le moins,
qu'une structure à côté puisse exister, que le
bénéficiaire à qui on a refusé cette aide-là
soit assisté par un technicien. Ce n'est sûrement pas pire que ces
regroupements sociaux là qui se présentent avec l'individu pour
le représenter. C'est à peu près notre position par
rapport à ça. Mais on veut...
M. Lefebvre: Est-ce que vous sentez, est-ce que vos membres vous
indiquent qu'on sent une résistance à l'arrivée des
techniciennes et techniciens en droit dans le milieu juridique?
Mme Durand (Jocelyne): Oui, parce que, en fait là, pour
l'aide juridique, on regarde un peu tous les mémoires et tout ce qui se
dit, jamais on ne parle de...
M. Lefebvre: Mais, dans le quotidien, là, pas dans les...
Dans le quotidien, dans votre vie de tous les jours, est-ce qu'il y a une
résistance?
Mme Durand (Jocelyne): Ah bien! Nous, on peut parler dans le
quotidien de la vie privée, mon doux! Ça, je peux vous en parler
amplement. Il n'y a aucune résistance.
M. Lefebvre: Non?
Mme Durand (Jocelyne): Absolument pas.
M. Lefebvre: Je parle du milieu. Je parle du milieu: les avocats,
les stagiaires, la clientèle.
Mme Durand (Jocelyne): C'est sûr que, bon, si on aborde le
sujet des stagiaires en droit, ils nous voient comme des rivaux.
M. Lefebvre: C'est ça.
Mme Durand (Jocelyne): Mais ça, à un moment
donné, c'est une question d'éducation à faire, et nous
sommes conscients qu'on est une jeune profession. Même probablement que
certains d'entre vous, c'est peut-être la première fois que vous
entendez parler de nous, et ça, on en est conscients. Mais il y a un
travail encore à faire. Mais, règle générale, bon,
premièrement, les jeunes avocats, je pense, ont compris, pour avoir
travaillé avec nous, c'est quoi, notre formation. Ça fait que,
tranquillement pas vite, la résistance diminue, et on est très
optimistes que, dans les années à venir, cette
résistance-là va disparaître.
Mme Brouillet (Lorraine): Dans des bureaux où les avocats
y croient, naturellement, c'est sûr que, quand le stagiaire arrive puis
qu'il a déjà cette idée-là et cette culture en
tête, parce que les avocats qui sont là y croient, il arrive, puis
il y a moins un conflit entre lui et nous autres, sauf que, naturellement, il y
a des fois où il faut se battre et il faut l'expliquer.
Mme Durand (Jocelyne): C'est parce que, voyez-vous, c'est
ça. C'est que tout dépend de la façon dont on y croit et
dont on exploite le potentiel. Il y a des bureaux, on parlait du ratio de un
sur 10. Ça représente à peu près le bon ratio.
Par contre, il y a des exceptions à ça. Qu'on prenne le
bureau de Mme Brouillet ou de moi-même, nous, chez nous, on est deux
avocats et il y a deux techniciens, une stagiaire technicienne et, quant
à Mme Brouillet, pour une avocate, il y a deux techniciennes.
Donc, c'est que certains bureaux ont saisi l'importance. Il y a encore
beaucoup de travail à faire, mais, règle générale,
on constate que dans des grands bureaux d'avocats qui sont divisés par
départements, ils peuvent compter sur l'aide des techniciens. Et, bon,
les petits bureaux aussi y vont, mais il y a encore beaucoup, là, de
travail à faire. Mais, règle générale,
tranquillement pas vite, on est en train de faire notre marque à ce
niveau-là.
M. Lefebvre: Vous parlez d'information, de consultation. Est-ce
que c'est surtout à ce niveau-là que vous devriez être de
plus en plus impliqués?
Mme Durand (Jocelyne): C'est un des domaines où on peut
être de plus en plus impliqués, parce qu'il y a sûrement un
travail... Au lieu que le téléphone, par exemple, soit tout de
suite adressé à l'avocat, il n'y a rien qui empêcherait que
le téléphone soit avant tout filtré, peut-être, par
un technicien en droit. Il y a de l'information qu'on est capables, comme je le
disais tout à l'heure, de donner sur le champ, alors que si...
Parce qu'il faut faire confiance aussi à notre sens des
responsabilités. On sait qu'on ne doit pas donner des opinions
juridiques, et, en aucun temps, les techniciens ne donnent une opinion
juridique. Donc, si l'information, on la juge trop importante ou qu'elle n'est
pas disponible et qu'on préfère en parler avec les avocats, il
est bien sûr qu'à ce moment-là, dans ces cas-là, il
n'y a rien qui nous empêche de dire: Bien, écoutez, madame,
monsieur, on s'informe et on vous rappelle, ou encore: Me Untel va vous
rappeler. Alors, déjà là, je suis persuadée que
ça déchargerait les avocats permanents.
Le Président (M. Parent): M. le ministre.
M. Lefebvre: Vous dites, entre autres, que c'est surtout au
niveau des tâches de nature technique qu'on devrait évaluer,
là, votre implication. Qu'est-ce que vous entendez par des
«tâches de nature technique»?
Mme Durand (Jocelyne): Bien, c'est un peu, là, tout ce
qu'on disait, soit la recherche de...
M. Lefebvre: La recherche?
Mme Durand (Jocelyne): La recherche, les procédures.
Voyons, si on parle du criminel, le fait que la preuve soit bien
préparée, analyser les faits.
Mme Brouillet voulait peut-être rajouter...
Mme Brouillet (Lorraine): Les listes de témoins, les
requêtes, les défenses, les...
Mme Durand (Jocelyne): On peut facilement préparer
beaucoup, beaucoup de projets, et je peux vous dire par expérience que
lorsque les projets sont bien préparés, qu'un travail est bien
fait derrière tout ça et que l'avocat, ce qu'il fait, c'est de
s'assurer avec son technicien que le travail a été bien
effectué, que les questions pertinentes sont posées, ça
accélère de beaucoup le déroulement d'un dossier.
Je pense qu'il y a lieu, peut-être... c'est à ce
niveau-là qu'il peut y avoir des différences. On a abordé
la question de l'information. On va aussi beaucoup au niveau des bureaux d'aide
juridique, au niveau civil. Je pense que, là, on aurait une très
grande contribution qu'on pourrait apporter. À l'heure actuelle,
à notre connaissance, tout ce qu'on a, c'est que ce sont des stagiaires
en techniques juridiques qui font actuellement leur stage dans deux bureaux
d'aide juridique. S'il y a une place où on doit aller, c'est
certainement là. (11 h 50)
Je peux peut-être même me permettre de vous conter une
anecdote pour vous prouver comment notre formation, on est bien formés
et qu'on veut la mettre en pratique. Actuellement, il y a une stagiaire au
bureau d'aide juridique de Montréal au criminel. Et, comme on le
mentionnait tout à l'heure, plusieurs de ces techniciens-là,
malheureusement, sont confinés à compléter des demandes
d'aide juridique. La stagiaire en question se retrouve dans ce
contexte-là où, pendant ses 15 semaines de stage, on lui a
donné ça. Eh bien, la stagiaire en question, qui ne
possède aucune année d'expérience, a porté plainte
en voulant dire: Eh bien, j'ai été formée pendant trois
ans, je ne peux pas croire que c'est ça, ce qui m'attend dans l'avenir.
Et cette personne-là, vu les tâches qui lui ont été
confiées... En tout cas, on ne sait pas ce qui va arriver un peu avec
elle, elle va peut-être changer de stage, en tout cas, ça, c'est
de la spéculation, mais c'est un peu pour vous montrer que notre
formation nous appelle à effectuer beaucoup, beaucoup de tâches,
beaucoup plus que ce qui est fait actuellement.
Mme Brouillet (Lorraine): C'est un travail d'équipe qui
est à développer avec les avocats.
Mme Durand (Jocelyne): Parce que, dans le secteur privé,
ça fonctionne en travail d'équipe. Et il se développe des
relations aussi avec les avocats avec lesquels on travaille. Il y a une
certaine complicité. Il y a des atomes crochus à un moment
donné dans tout ça. Bon. On connaît la méthode de
travail, on sait que tel avocat préfère travailler de telle
façon, avec des mémos. Ça, c'est l'expérience de
travail qui fait en sorte qu'on se débrouille très bien dans ce
contexte-là. Et on a été formés à se
débrouiller dans ce contexte-là.
M. Lefebvre: Merci, Mme Durand. M. le Président, Mme la
députée de Terrebonne, s'il y a lieu.
Le Président (M. Parent): II y a toujours lieu, M. le
Président. Alors, je reconnais la porte-parole de l'Opposition
officielle, Mme la députée de Terre-bonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Parent): Mme la députée, la
parole est à vous pour 20 minutes.
Mme Caron: Merci beaucoup. Il y a toujours lieu, c'est un droit.
Alors, merci beaucoup d'être présentes parmi nous ce matin, Mme
Durand, Mme Brouillet, Mme Groleau et Mme Longpré. J'ai un seul regret,
dans le fond, c'est que nous vous entendions après le groupe
précédent. J'aurais aimé qu'on inverse. Ça aurait
pu être plus intéressant aussi au niveau de nos questions,
tantôt. Ce n'est pas grave, on va aller quand même questionner
pareil.
Est-ce que, parmi vos membres et je suppose il y a une
majorité, une grande majorité de femmes?
Mme Durand (Jocelyne): Oui, c'est la majorité. C'est la
majorité. Je pourrais même vous dire les statistiques: sur nos
membres, on a 19 % d'hommes et 81 % de femmes; ce qui est à peu
près représentatif de la réalité des techniciens
sur le marché.
Mme Brouillet (Lorraine): La plupart des personnes de sexe
masculin qui suivent le cours en techniques juridiques se dirigent vers les
huissiers. C'est pour ça qu'ils ne restent pas comme techniciens en
droit et qu'on ne les a pas comme membres. Ils suivent le cours dans le but de
devenir huissiers parce qu'ils n'ont plus le choix.
Mme Durand (Jocelyne): Et, malheureusement aussi, ce qui nous
nuit un peu c'est que, souvent, les gens ont confondu technicien juridique,
secrétaire juridique. Alors, quand vient le temps de faire un choix
en
secondaire V: Ah! Je ne veux pas devenir secrétaire juridique.
Faute d'information. Donc, c'est pour ça, en plus, qu'on retrouve une
plus grande partie de femmes dans notre métier.
Mme Caron: Vous avez parlé un petit peu de certaines
tensions qui pouvaient exister quant à l'acceptation. Je pense que ce
que vous vivez, ce n'est pas unique. Je suis aussi porte-parole de l'Opposition
officielle pour les lois professionnelles, et je vous assure que dans n'importe
quelle profession on retrouve toujours ces tensions. Et j'oserais
peut-être même dire qu'on les retrouve encore plus souvent
lorsqu'un groupe est particulièrement représenté,
lorsqu'il y a surtout des femmes. Et je donne l'exemple: dentiste,
hygiéniste dentaire. Les batailles sont épiques, et c'est plus
long, disons. Mais ça, c'est un peu partout. C'est de même dans le
système parlementaire. C'est partout. Alors, nous avons à
continuer le travail. Ce n'est pas seulement le 8 mars que nous avons à
nous rappeler qu'il faut continuer à faire notre place.
Moi, j'aimerais vous questionner sur un point que vous n'avez pas
abordé et je voudrais qu'on aille un petit peu plus à fond
là-dessus. Dans votre mémoire, vous avez parlé de
l'importance des cliniques juridiques communautaires, de l'importance d'en
implanter. C'est sûr qu'en 20 minutes vous n'avez pas eu le temps
d'aborder tous les points, je comprends bien ça. Et, dans vos
recommandations, vous avez deux recommandations, et j'aimerais clarifier sur
ces deux recommandations-là. La recommandation 6, c'est de favoriser
l'implantation de cliniques d'aide juridique et l'embauche de techniciens en
droit pour y travailler, évidemment. Et, le point 2, de modifier la
manière dont sont dispensés les services afin de prévoir
deux volets distinc-tifs: l'un, qui a plus pour fonction d'assurer la
représentation des bénéficiaires devant les tribunaux, et
l'autre, qui est plus de conseiller, d'informer, d'assister.
Est-ce que vous pensez qu'il serait bénéfique de
séparer complètement les deux volets? Mais vraiment les
séparer complètement, c'est-à-dire d'avoir des cliniques
juridiques, des cliniques d'aide juridique où on aurait tout le volet
prévention, information, conseil, etc., qu'on retrouverait dans les
cliniques. Et l'autre volet qu'on retrouverait dans les bureaux d'aide
juridique qui serait uniquement là où vraiment les
bénéficiaires sont éligibles et qu'on a des causes
à défendre.
Mme Durand (Jocelyne): Par rapport à ça, je pense,
ce qu'il est important de noter c'est que, souvent, c'est confus. On
mélange un besoin juridique avec un besoin d'information. Donc, le fait
d'implanter des cliniques juridiques pourrait permettre de distinguer ces deux
volets, de façon, peut-être, à libérer
adéquatement les avocats pour qu'ils puissent se consacrer vraiment aux
besoins juridiques, au stade où, finalement, la personne a reçu
sa mise en demeure, ce n'est plus du «niaisage» d'information. Il
faut que ça accélère le dossier. Donc, ça
permettrait peut-être, à ce moment-là, d'être plus
clair dans l'esprit des gens.
Donc, pour nous, à ce moment-là, l'implantation de
cliniques juridiques devient importante, parce que, comme l'intervenant qui est
passé juste avant nous l'a très bien mentionné, ils ont
beaucoup de demandes qui sont des demandes d'information. Donc, je pense que
l'implantation de cliniques juridiques pourrait répondre à ce
besoin-là.
Les cliniques juridiques aussi, pour s'être un petit peu
informés de ce qui se passe ailleurs, c'est, entre autres, pour
répondre à des besoins d'une collectivité. Ça
permet aussi, peut-être, une plus grande participation de la population.
Donc, c'est vraiment pour répondre aux besoins d'une population d'une
façon différente. Et je pense que c'est une alternative qu'il ne
faut pas négliger.
Et si, justement je me répète ça peut
permettre aux avocats d'être libérés, je ne vois pas
pourquoi on ne pourrait pas implanter des cliniques juridiques et, à ce
moment-là, si c'est de l'information... Évidemment, il y aurait
des avocats dans ces cliniques-là. Je vois peut-être du monde un
peu paniquer. Ne soyez pas sur la panique. On en veut partout des avocats. Sauf
qu'il y a tout de même beaucoup de travail qui pourrait être
effectué par les techniciens, initialement.
Il s'agit, je pense, de bien définir le champ de chacun. On
remarque, par exemple, on a l'article 283 de la Loi sur la fonction publique
qui détermine les fonctions des techniciens en droit. Donc, si ça
peut rassurer des gens, si les gens sont un peu inquiets de notre intervention,
on pourrait peut-être prévoir mieux les tâches d'un
technicien dans, par exemple, les cliniques juridiques.
Donc, à ce niveau-là, c'est un peu notre position par
rapport à ça, et ça répond, à ce
moment-là, à l'effet de séparer les deux volets. Parce
qu'on considère que ça permettrait une plus grande implication de
notre part et ça sécuriserait peut-être les avocats. C'est
sûr qu'il y a beaucoup de travail pour implanter ça. Si c'est le
cas, on aimerait bien peut-être être consultés pour pouvoir
vous donner certaines recommandations. Ce sont peut-être des structures
à mettre en place. Il faut peut-être vraiment bien comprendre
comment le technicien travaille avec l'avocat. Mais c'est faisable et c'est
dans le domaine du possible.
Mme Caron: J'avais une question tantôt, suite à
l'intervention de Mme Brouillet, et je voudrais vous faire clarifier. Dans
certains bureaux d'aide juridique, il y a des techniciens qui sont là et
qui définissent s'il y a admissibilité ou non d'une personne qui
vient se présenter pour recevoir de l'aide juridique. Donc,
évidemment, je suppose que la personne, lorsque qu'elle définit
s'il y a admissibilité, elle rencontre seule la personne. Il n'y a pas
l'avocat à côté pour savoir si l'entrevue se passe bien.
Moi, j'avais l'impression que le travail se faisait tout seul ou, quand on se
parle d'information, que vous pouviez le faire aussi sans être en
compagnie d'un
avocat. Et la réponse de Mme Brouillet, tantôt, au ministre
qui disait: Non, on n'est jamais seul avec la personne, ça me faisait
reposer la question. Parce que, par votre mémoire, moi, j'avais compris
que vous pouviez faire l'information, vous pouviez répondre aux demandes
d'admissibilité, tout ça, seuls, sans nécessairement une
présence... (12 heures)
Mme Durand (Jocelyne): Ça dépend toujours du type
de rencontre qu'on a avec le client. Moi, je peux vous dire, par mon
expérience personnelle, j'en rencontre souvent seule, des clients. Quand
il s'agit de faire signer les documents et d'expliquer comment j'ai
constitué sa compagnie, je regrette, mais ça ne prend pas un
avocat à 140 $ l'heure à côté pour faire ça
et augmenter les frais de son dossier.
Donc, il y a des dossiers, eh oui, pour lesquels nous rencontrons seuls
le client, au même titre que le client qui a compris que ça
coûtait moins cher d'appeler la technicienne que d'appeler l'avocat va
nous appeler directement. Alors, c'est tout simplement, je pense, de faire
confiance au technicien, et on a un sens de responsabilité très
développé à cet effet-là. Quand on n'est pas
sûrs de notre coup ou quand ça dépasse notre juridiction,
on arrête, et ce qu'on dit au client est très clair: On s'informe,
on vous rappelle, ou on donne une parcelle d'information sous réserve de
compléter plus tard.
Donc, oui, on en rencontre seuls, et il n'y a aucun problème avec
ça dans la mesure où il n'y a pas d'opinions juridiques qui sont
émises. Parce qu'il y a tout de même... il faudrait aussi
comprendre que, lorsque l'avocat rencontre le client, ce n'est pas toujours
pouf donner des opinions juridiques.
Il y a une partie des discussions qui sont, bon, sur les revenus, sur
des faits, sur un historique du dossier. Bon. Ce qu'on appelle
«éplucher le dossier», c'est ça. Où ça
devient important que l'avocat intervienne, c'est souvent plus tard, quand
c'est vraiment plutôt d'analyser le droit du dossier. Ce qui fait qu'il y
a vraiment un travail d'épluchage de dossier qui peut vraiment
être fait, et on peut le faire seul et au risque même, si, des
fois, il y a des besoins, c'est immédiat, si le travail est bien
structuré, il n'y a rien qui empêche qu'on se lève, qu'on
aille voir l'avocat. Une question, à un moment donné, c'est une
question d'efficacité et de produire. Il faut arrêter de
s'enfarger dans les fleurs du tapis et prévoir comme il faut une bonne
structure pour travailler en équipe.
Je ne sais pas si ça complète. Mme Brouillet veut
peut-être compléter.
Mme Brouillet (Lorraine): Non, mais ça dépend juste
du genre de pratique c'est ça que je voulais dire de la
façon de procéder de l'avocat et du...
Une voix: C'est ça.
Mme Brouillet (Lorraine): C'est sûr que je fais des choses,
mais c'est téléphonique. C'est au téléphone.
Mme Caron: O.K. J'ai vraiment une question sur l'organisation,
là. Vous nous avez dit tantôt que, du côté des
corporations régionales, il y a 12 techniciens, un technicien à
la Commission des services juridiques et que, bon, sauf exception, trois
où ça semblait fonctionner très bien. Ça
fonctionnait moins bien ailleurs. Est-ce que vous avez entrepris des
démarches auprès de la Commission des services juridiques devant
ce fait-là, d'une non-reconnaissance, peut-être, des
qualifications que vous aviez obtenues par vos diplômes? Est-ce que vous
avez contacté certaines corporations régionales ou la Commission
des services juridiques directement pour essayer d'améliorer la
situation?
Le Président (M. Parent): Ayant obtenu le consentement des
participants pour dépasser l'heure de midi, l'heure
réglementaire, je vous reconnais, madame, pour répondre à
la question de la porte-parole de l'Opposition.
Mme Durand (Jocelyne) La réponse est non, parce qu'en fait
on a été sensibilisés à ça que lorsqu'on a
vraiment décortiqué le problème. En l'analysant de
plus, il faut dire qu'on est chanceux, parce que, parmi nos membres, il y a des
personnes de l'aide juridique. Parce que, le problème aussi, c'est que
nos membres, malheureusement, bon, des fois on connaît certains
problèmes, on peut intervenir, mais on est encore à ce
stade-là. Donc, comme ça ne fait pas longtemps qu'on a
été sensibilisés au problème et qu'on attendait
probablement la commission parlementaire pour savoir ce qui se
dégagerait de ça, on attendait un peu tout ça pour voir
c'est quoi, les étapes subséquentes qui s'en viendraient à
ça.
Probablement qu'on retiendra assez aisément ce que vous venez de
dire, mais à l'heure actuelle, c'est non.
Mme Caron: Moi, je pense que...
Mme Durand (Jocelyne): Parce qu'en fait il ne faut pas oublier
non plus qu'il y en a qui sont peut-être pas trop heureux, mais on en a
tout de même qui sont heureuses, et, bon, c'est un peu dans ce
contexte-là d'intervenir pour, bon, soit des comparaisons de travail...
et c'est ça, mais il y a de l'ouvrage à faire, et je pense que
ça va être fait dans les mois qui suivent.
Mme Caron: Je vous ouvrais la porte pour le faire.
Mme Durand (Jocelyne): Vous êtes d'une gentillesse!
Mme Caron: Sur les 13 techniciens qui sont dans les services
d'aide juridique, il y en a combien qui sont membres chez vous? Est-ce que
vous...
Mme Durand (Jocelyne): Ah, mon doux! Cinq, six environ.
Mme Caron: À peu près la moitié. Une
voix: Six ou sept.
Mme Durand (Jocelyne): C'est à peu près ça.
Parce que, en fait, c'est un peu le même problème qu'on rencontre.
Bon. Il faut toujours prouver la crédibilité, on a de l'ouvrage
à faire. Il y en a qui y croient. Souvent aussi, quand les emplois ne
sont pas en jeu, il y en a beaucoup qui ne voient pas la pertinence d'un
organisme professionnel, mais c'est une bonne moyenne. On a la moitié
qui sont membres et qui travaillent activement.
Mme Caron: Est-ce que vous avez aussi c'est vrai que votre
association est jeune entrepris des démarches afin d'être
reconnus au niveau des corporations professionnelles?
Mme Durand (Jocelyne): On commence. En fait, c'est dommage, parce
que, l'année passée, on a manqué un peu le bateau avec la
commission sur...
Mme Caron: La réforme du Code des professions qui n'est
toujours pas faite.
Mme Durand (Jocelyne): Exactement. Parce que, justement, c'est
une association bénévole. On travaille toutes et, bon, le temps
nous manque; les projets sont nombreux, mais le financement et le temps
manquent un peu. Mais non, à ce niveau-là, on n'a rien entrepris,
sauf que c'est un de nos buts. Est-ce que notre association va résulter
dans cinq à six ans en une corporation professionnelle? On espère
peut-être que oui. Il y a peut-être d'autres façons
d'analyser le tout, pour peut-être réglementer la profession,
justement parce qu'on les sent, ces craintes-là, et on en est
conscients. Ce que le milieu juridique doit bien comprendre, que ce soit le
Barreau ou les différents intervenants, c'est qu'on n'est pas contre
eux, on veut travailler main dans la main et tout ce qu'on veut, c'est arriver
à un terrain d'entente pour mieux définir les tâches
respectives de chacun.
Alors, ce sera-t-il une corporation professionnelle? Ce sera-t-il par la
voie d'une réglementation quelconque? Ce sera-t-il dans la Loi sur le
Barreau, où on pourrait peut-être ajouter certaines dispositions
qui nous toucheraient? On l'ignore encore, mais on y travaille fort parce que,
justement, on sent que ce sera seulement par ça qu'on va pouvoir
atteindre notre degré de satisfaction quant à l'utilisation de
nos services, et, aussi, toutes les luttes qu'on doit mener par rapport
à d'autres intervenants, que ce soient les paralégaux ou les
adjoints juridiques qui s'approprient notre titre, etc., mais c'est un de nos
projets.
Mme Brouillet (Lorraine): Le questionnaire de l'Office des
corporations, c'est un questionnaire d'une quarantaine de pages. On l'a fait
venir, on l'a lu à plusieurs reprises, on a essayé de le remplir
à plusieurs reprises. Il y a énormément de questions
très précises qui demandent plusieurs années d'existence
pour être capables de répondre. Présentement, on est
à peu près à la page 2 sur 40. Ça fait qu'il nous
manque encore quelques années d'existence pour être capables de
donner des statistiques qu'ils demandent puis de répondre à
toutes leurs questions.
Mme Caron: Au niveau de la reconnaissance, il faut dire, et
là je le dis à regret, que dans le domaine des lois
professionnelles, il y a un certain élitisme entre certaines
corporations professionnelles, et c'est évident que cet
élitisme-là se retrouve encore plus lorsqu'il n'y a pas encore
reconnaissance professionnelle. Et moi, je le déplore, parce que je
pense que nous avons besoin de personnes qui ont une excellente formation, et
ça, dans tous les domaines, pour arriver à offrir les meilleurs
services possibles à la population.
Alors, moi, je vous remercie beaucoup de votre participation à
nos travaux. Vous aviez raison de dire que votre mémoire était
différent, mais il avait vraiment sa raison d'être. Merci.
Mme Durand (Jocelyne): Merci.
Le Président (M. Parent): Merci, madame. Je reconnais M.
le ministre pour le mot de la fin.
M. Lefebvre: Alors, Mmes Durand, Brouillet, Longpré et
Groleau. Mesdames, je vous remercie dans un premier temps de nous avoir soumis
un mémoire qui touche un élément très
précis, à savoir l'implication ou le sort de l'Association des
techniciens en droit dans le système juridique, à toutes fins
pratiques, dans tout le régime au Québec, pas seulement à
l'aide juridique, mais également dans le monde judiciaire, dans le monde
juridique. Alors, je l'ai dit tout à l'heure, mon premier commentaire,
c'était que vous aviez l'occasion de nous sensibiliser à votre
sort. Et, il me semble, il apparaît que vous avez une connaissance qui
devrait être utilisée de la meilleure façon possible et qui
est peut-être, au moment où on se parle, sous-utilisée.
C'est l'impression qu'on a des commentaires que vous nous faites. Alors, merci
beaucoup d'être venues nous rencontrer et d'avoir, Mme la
présidente, particulièrement Mme Brouillet, là,
expliqué plusieurs éléments de votre mémoire qui
vont nous permettre de continuer notre réflexion. Je vous remercie
beaucoup.
Mme Durand (Jocelyne): Merci.
Le Président (M. Parent): Merci, mesdames. Sur ce, la
commission permanente des institutions suspend ses travaux jusqu'à cet
après-midi, 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 10)
(Reprise à 15 h 41)
Le Président (M. Parent): J'invite les
députés à prendre place. La commission parlementaire des
institutions va reprendre ses travaux en accueillant comme premier groupe cet
après-midi les représentants de la Table de concertation des
organismes de Montréal au service des réfugiés inc. Le
porte-parole, si mes informations sont justes, c'est Mme Rivka Augenfeld. C'est
ça? Accompagnée de M. Jean-Paul Asselin et de M. Noël
Saint-Pierre.
Mme Augenfeld (Rivka): Merci, M. le Président.
Malheureusement, les deux personnes qui sont inscrites, qui devaient
m'accompagner, ont été retenues, et j'ai demandé à
Me Jean-François Goyette, qui, normalement, va comparaître avec le
Conseil canadien pour les réfugiés, d'être à mes
côtés, juste au cas où j'aurais des questions juridiques.
Je vais essayer de procéder au nom de la Table de concertation.
Le Président (M. Parent): Parfait!
Alors, on s'excuse, madame, pour le retard que nous avons accusé
à cause des travaux de l'Assemblée nationale. Alors, tous et
chacun, nous allons faire un effort, de notre côté, sans
négliger notre travail, pour tâcher de le faire avec le plus de
célérité possible.
Alors, je vous écoute, et vous avez un maximum de 20 minutes pour
présenter votre document. Si vous pouvez le faire dans moins de temps,
étant donné que tout le monde l'a lu, j'imagine, ou je
l'espère, libre à vous d'y aller et, après ça, on
tâchera de faire en sorte que chacun ait la chance de s'exprimer. Nous
vous écoutons, madame.
Table de concertation des organismes de
Montréal au service des réfugiés inc.
Mme Augenfeld (Rivka): Merci, M. le Président, et merci de
nous avoir accueillis ici.
La Table de concertation des organismes de Montréal au service
des réfugiés est un regroupement d'à peu près 70
organismes membres qui inclut des organismes qui s'occupent de
l'établissement des nouveaux arrivants, des réfugiés, des
églises et d'autres institutions et organismes de la
société qui s'occupent de la question des réfugiés
et qui ont un intérêt pour cette question. La plupart de nos
organismes travaillent d'une façon quotidienne avec une clientèle
qui inclut les revendicateurs du statut de réfugié, les
immigrants et des réfugiés sélectionnés à
l'étranger.
Alors, vous avez reçu notre mémoire, et je ne veux pas le
lire, mais je vais juste commenter certaines parties et, ensuite, vous
présenter peut-être un peu comment nous voyons la situation. Dans
toute cette question d'aide juridique, nous tenons à parler des
conséquences pour les revendicateurs du statut de réfugié
et certains autres types d'immigrants, si jamais l'aide juridique leur
était enlevée.
Dans notre mémoire, évidemment, on parle de l'importance
du maintien de la couverture du régime d'aide juridique, parce qu'il
nous semble que, pour les revendicateurs du statut de réfugié qui
arrivent au Canada, qui font face à une procédure très
complexe, sans avocat et sans accès à l'aide juridique, les
personnes ne pourront pas avoir accès à une vraie justice.
C'est vrai que la Commission de l'immigration et du statut de
réfugié est un tribunal administratif, mais c'est très
complexe comme procédure, et, si jamais une personne est refusée
à cette Commission, le prochain recours, qui est à la Cour
fédérale et que vous connaissez probablement mieux que moi... On
ne peut pas procéder sans avocat. Alors, si le cas n'est pas
présenté comme il faut, si le revendicateur de statut de
réfugié qui arrive au Canada n'est pas préparé
comme il faut, les conséquences peuvent être sérieuses et
la personne peut être refoulée ou retournée dans une
situation de danger à sa vie et à sa liberté.
Alors, nous croyons que pour un revendicateur qui arrive, pas toujours,
mais très souvent démuni, qui arrive dans un nouveau pays
où il doit pouvoir exercer ses droits et présenter sa demande
dans un système qu'il connaît très peu, qu'il
maîtrise très peu, l'importance d'un avocat et l'importance de
l'aide juridique est primordiale.
Je voudrais vous dire que je ne vais pas m'attarder sur la question de
la charte québécoise et de la charte canadienne. Je pense que
vous avez entendu des arguments de l'Association québécoise des
avocats et avocates en droit de l'immigration et vous allez entendre d'autres
arguments de Me Goyette tout à l'heure, dans la présentation du
Conseil canadien pour les réfugiés. Mais, évidemment, on
est solidaires de ces arguments-là, on croit fermement que la Charte
canadienne des droits et la charte québécoise couvrent cette
situation, et, si jamais l'aide juridique était retirée des
revendicateurs de statut, ce serait contre les deux chartes; et il faut aussi
se rappeler que le Canada étant signataire de la convention de
Genève et d'autres conventions internationales de droits de la personne,
pour chaque convention internationale que le Canada signe, les provinces sont
d'accord, et puis ça veut dire que le Québec aussi fait partie de
ces obligations internationales.
Déjà, les avocats qui travaillent avec les revendicateurs
sont très peu payés. Déjà, même avec l'aide
juridique, les tarifs actuels ne sont pas assez pour vraiment couvrir les
heures et les heures de travail que ça prend pour bien préparer
une cause, et surtout si un cas doit arriver jusqu'à la Cour
fédérale, on sait d'avance que ça paie à peine le
début du travail. Ça ne couvre pas du tout le travail que
ça prend pour bien présenter un cas à la Cour
fédérale.
Ce que je voudrais faire, M. le Président, c'est vous parler un
petit moment de la vie d'un revendicateur qui arrive. On s'imagine parfois, et
on l'a entendu souvent de personnes de bonne foi, que, si quelqu'un arrive et
si la personne est réfugiée, que c'est très... ce n'est
pas compliqué. On s'assoit, on raconte son histoire, et
puis c'est fini. Et c'est quoi le problème? Il y a beaucoup de
problèmes.
Parfois, les plus vrais des vrais réfugiés et ce
n'est pas un terme que j'aime; on est soit réfugié ou pas
la personne la plus traumatisée, la personne qui était
torturée, la personne qui était persécutée, qui est
parfois démunie devant nos décideurs, ce n'est pas évident
qu'on sait tout de suite comment parler devant les personnes d'une autre
culture, qu'on sait comment raconter son histoire pour que ça soit
compréhensible.
Notre système est conçu d'une certaine façon. On a
des décideurs qui sont là pour écouter, on a une salle
d'audience, parfois, qui est très intimidante, et il faut être
préparé, il faut savoir, pouvoir raconter son histoire,
préparer son histoire selon les normes de la convention, dans un certain
ordre, dans une certaine logique.
Il faut imaginer, M. le Président, que, quand le revendicateur de
statut arrive, il doit faire beaucoup de choses dans très peu de temps.
On arrive, disons, à une porte d'entrée, on passe devant un agent
d'immigration qui décide de la recevabilité de la demande. Il y a
certains critères que je ne vais pas... je ne veux pas m'arrê-ter
là-dessus, mais ce n'est pas automatique qu'on a le droit de faire une
demande de refuge. Il faut passer par une étape de recevabilité.
Pour le moment, la plupart des revendicateurs passent à cette
étape. Mais il y a un rapport qui est fait à ce moment-là
par un agent d'immigration, et, très souvent, certains des faits qui
sont dans ce rapport que... le revendicateur doit passer tout seul avec un
agent d'immigration, sans représentation. S'il y a des petites erreurs
ou des questions qui n'étaient pas claires, ça peut porter
préjudice à la crédibilité de la personne plus
tard.
Ensuite, le revendicateur reçoit une trousse des mains de cet
agent d'immigration, une trousse préparée par la Commission de
l'immigration et du statut de réfugié. La personne doit, dans les
prochaines semaines, faire plusieurs choses. Elle doit, dans les 21 jours,
faire un examen médical; elle doit, dans les 28 jours, préparer
un formulaire de renseignements personnels, FRP, qui est très complexe
et sur lequel va se baser sa demande. Ce formulaire a beaucoup de pages, les
questions sont compliquées, et on conseille fortement au revendicateur
de ne pas compléter ce formulaire tout seul, mais de le préparer
avec l'aide de son avocat.
Alors, dans ces premières semaines, la personne doit se trouver
un avocat. Elle doit en même temps se trouver où habiter, parce
qu'on ne peut pas faire ça pendant qu'on est dans la rue. (15 h 50)
Alors, le revendicateur qui est démuni doit, après avoir
eu son premier papier du gouvernement fédéral, qu'on appelle
l'«avis de revendication», aller se mettre dans une queue au
ministère de l'Immigration du Québec pour recevoir un autre
papier, qui s'appelle l'«attestation d'identité». Ensuite,
avec ce papier, si elle est démunie, il faut convaincre quelqu'un
qu'elle a besoin d'un hébergement; si elle est chanceuse, la per- sonne
est envoyée au YMCA, à Montréal. Ensuite, elle doit aller
au bureau du bien-être social pour avoir de quoi vivre. En même
temps, elle doit commencer à essayer de se trouver un logement parce
que, dès qu'elle va recevoir son chèque de bien-être, le
lendemain, il faut qu'elle quitte le YMCA, il faut qu'elle ait un logement.
Mais imaginons que la personne, même si, dans ces situations
pénibles, elle se trouve un logement, elle n'a pas de meubles, elle n'a
rien du tout. En même temps, elle cherche un avocat, elle essaie de
préparer sa cause et elle espère aussi, cette personne, trouver
un organisme qui va un peu l'encadrer et l'appuyer dans sa demande.
Évidemment, la personne, si elle n'a pas d'aide juridique
disponible, elle va essayer de chercher quelqu'un pour l'aider pareil. Quand sa
vie est en cause, on fait ce qu'il faut faire. Alors, où la personne
prendra-t-elle l'argent pour payer un avocat? Ce n'est pas évident.
Peut-être qu'elle va s'endetter, peut-être qu'elle ne mangera pas,
peut-être qu'elle ne dormira pas, ce n'est pas clair, mais elle va... Le
point central de son existence, c'est de faire passer sa revendication de
statut de réfugié, sans ça, il n'y a rien d'autre qui va
se passer dans sa vie. Alors, si elle ne peut pas avoir une
représentation adéquate, elle est déjà... disons
qu'il y a une situation extrêmement douloureuse.
Dans notre mémoire, qui a été écrit au mois
de décembre, on vous a dit que les revendicateurs n'ont pas le droit de
travailler. Depuis le mois de février, M. Sergio Marchi, le ministre de
Citoyenneté et Immigration Canada, a changé le règlement,
et maintenant, c'est vrai que les revendicateurs ont le droit de travailler,
mais, M. le Président, c'est seulement quand l'examen médical est
fini. Ça veut dire qu'il faut faire sa visite médicale, il faut
que ce soit envoyé à Santé Canada et il faut que le
résultat revienne.
Entre-temps, on arrive aux 28 jours où la demande de
revendication doit être prête pour la Commission de l'immigration
et du statut de réfugié. Si on dépasse les 28 jours, il y
a des conséquences. La Commission peut décider de procéder
à un désistement. Alors, dans ces premières quatre
semaines, la personne doit pouvoir préparer sa demande.
Ensuite, il faut se présenter à la Commission de
l'immigration et du statut de réfugié. Évidemment, il faut
être accompagné d'un avocat. Sinon, c'est vrai qu'il y a certains
consultants en immigration qui sont là, dans les parages, il y a des
gens qui tombent dans les mains de certains consultants et, pour nous, c'est
une situation assez malheureuse, il y a des consultants qui abusent de leurs
clients. Il y en a qui sont corrects, mais il y en a... Et, si jamais on
veut... Il n'y a aucune instance à laquelle on puisse se plaindre d'un
consultant non scrupuleux. Si jamais il y a un avocat qui ne se comporte pas
exactement comme il faut, il y a quand même un Barreau, il y a un code de
déontologie, on a des recours. Ce n'est pas facile de se plaindre quand
on est dans une situation précaire, mais, au moins, il y a
théoriquement un recours. Pour les consultants, il n'y a
aucun recours. On a déjà vécu une période de
consultants non scrupuleux. Il y avait déjà des rapports, il y a
10ans et plus, sur les consultants non scrupuleux; on ne voudrait pas revenir
à cette ère à laquelle on croyait avoir déjà
survécu.
Alors, si le revendicateur passe bien à la CSR, sa demande est
acceptée et il peut procéder à une demande de
résidence permanente. Si jamais c'est refusé, 11 a seulement 15
jours pour aller demander une permission d'aller en appel à la cour
fédérale. et, là aussi, plus tard, me goyette peut vous
l'expliquer, si vous le désirez. mais, sans avocat, on ne peut pas
procéder à la cour fédérale, même si,
théoriquement, à la csr, on peut procéder, on ne peut pas
le faire à la cour fédérale. et, si jamais le cas n'est
pas bien présenté à la csr, c'est difficile de trouver un
recours, parce que, à la cour fédérale, ce n'est pas un
vrai appel sur le contenu, c'est seulement un appel sur les points de droit,
des questions de droit et s'il y a des erreurs de droit. alors, la seule chance
que le revendicateur a, c'est à la csr, c'est là où il
faut prouver s'il est réfugié ou pas, et la bonne
représentation est très, très, très importante.
Je voulais vous dire que, même si on ne parle pas dans notre
mémoire de certains autres points, nous sommes solidaires avec d'autres
groupes qui ont fait des représentations devant vous en ce qui concerne
quatre points essentiels. On est pour la réactualisation des seuils
d'admissibilité à l'aide juridique parce qu'on trouve aussi que
les seuils sont très bas actuellement. On ne veut pas l'imposition de
frais pour l'examen des demandes d'admissibilité. Ça aussi, on
trouve une barrière à l'obtention de justice. On est pour le
maintien de l'étendue de la couverture, évidemment, qui couvre
les revendicateurs mais qui couvre aussi les immigrants qui ne sont pas encore
citoyens canadiens, et on est pour le maintien d'un service public d'aide
juridique.
C'est ironique, M. le Président, qu'en 1989, quand le
système de revendication de statut de réfugié a
changé d'une façon importante, ici, au Canada, l'aide juridique a
mis sur pied un bureau spécialisé en immigration et ils ont
retiré le droit à d'autres bureaux d'aide juridique de faire de
l'immigration. Au début, en 1989, ces bureaux avaient très peu
d'expérience, mais, avec les aimées, ils ont acquis une
expérience intéressante pour, éventuellement, se faire
couper complètement en 1992.
Alors, toute une expérience en immigration à l'aide
juridique, dans les bureaux d'aide juridique, a été
coupée. La seule possibilité pour les revendicateurs était
les avocats en pratique privée. Il y en a un certain nombre qui ont une
bonne expérience, qui sont très compétents et qui sont
très dévoués et, M. le Président, qui travaillent
beaucoup plus que les heures payées par les tarifs qu'ils
reçoivent. Mais on craint beaucoup que, si jamais cette aide juridique
est retirée, les revendicateurs de statut qui nous arrivent, qui
cherchent un asile au Canada, qui sont protégés par la convention
internationale, la convention de Genève, et envers qui on a un devoir
légal et moral, n'auront pas la justice qui est leur droit.
Alors, je vais m'arrêter là pour permettre les
questions.
Le Président (M. Parent): Je vous remercie, madame.
Je reconnais, dans un premier temps, M. le ministre de la Justice, comme
premier intervenant.
M. Lefebvre: Merci, M. le Président.
Alors, Mme Augenfeld, je vous remercie d'être présente cet
après-midi pour nous commenter le mémoire que votre organisme a
soumis à l'attention de la commission des institutions. C'est un
document qui résume très, très bien la situation que vous
nous avez expliquée dans les 20 minutes auxquelles vous aviez droit.
Vous avez probablement compris que, à l'occasion de la discussion
que nous avons eue avec l'Association québécoise des avocats et
avocates en droit de l'immigration, on avait abordé plusieurs points que
vous avez repris vous-même, mais d'une façon un peu
différente, sous l'angle de l'avocat, du travail de l'avocat.
Je voudrais, dans un premier temps, vous demander: Votre organisme,
Table de concertation des organismes de Montréal au service des
réfugiés inc., vous le décrivez comme étant un
organisme qui travaille en collaboration avec près de 70,
c'est-à-dire 69 organismes qui sont membres de la Table de concertation.
Alors, j'aimerais que vous m'expliquiez comment ça fonctionne, c'est
quoi la mécanique. C'est un regroupement, vous représentez un
regroupement des 69 organismes?
Mme Augenfeld (Rivka): Oui, c'est ça. Il y a beaucoup
d'organismes à Montréal et dans les environs et aussi dans
d'autres villes au Québec, mais nous, on s'occupe du Grand
Montréal qui travaillent directement avec les immigrants et les
réfugiés, ça veut dire les organismes
d'établissement qui reçoivent de nouveaux arrivants, qui aident
à leur établissement; il y a d'autres groupes qui sont plus
là pour la défense des droits, par exemple, la Ligue des droits
et libertés ou d'autres; il y a des groupes d'églises qui font du
parrainage des réfugiés; il y a des groupes, des CLSC, qui n'ont
peut-être pas comme première vocation les réfugiés
mais qui ont un intérêt dans la question; il y a le YMCA, qui est
membre de la Table, qui eux vous connaissez tous le YMCA, je n'ai pas
besoin de le décrire ont un intérêt particulier mais
qui hébergent les revendicateurs de statut et qui sont dans le dossier
depuis l'arrivée des boat people dans le temps. (16 heures)
Juste pour reculer un petit moment, la Table de concertation est
née en 1979, au moment de l'arrivée des boat people vietnamiens.
Je pense que tout le monde se rappelle un peu de ce moment euphorique, ici au
Québec et dans le Canada, où toute notre société
s'est mise au parrainage et à l'accueil, à ouvrir bien leur coeur
aux réfugiés. À ce moment-là, il s'est
avéré un besoin de concertation, d'échange d'information
et de
coopération pour recevoir tous ces réfugiés qui
nous arrivaient. De là, on a trouvé que c'était
intéressant et utile de travailler ensemble et on a décidé
de continuer en concertation, mais en élargissant le mandat pour parler
des réfugiés de n'importe où dans le monde. Ce
n'était pas juste le Sud-Est asiatique, mais réfugiés.
Alors, on travaille en concertation. Chaque organisme garde son
identité, évidemment, dans le travail quotidien. Nous avons
aussi, pardon, des organismes complètement bénévoles: les
groupes communautaires, les organismes de différentes communautés
culturelles, tout le monde qui a un certain intérêt pour les
réfugiés. La Table, elle-même, a un bureau qui
reçoit des subventions du gouvernement du Québec, du
multiculturalisme et d'autres. On a quelques personnes qui sont
engagées, qui travaillent pour la Table et beaucoup de
bénévoles. Et notre principale activité était
toujours et continue d'être des réunions mensuelles qu'on
organise, où on présente différents sujets
d'intérêt commun où on essaie de se concerter sur des
actions.
M. Lefebvre: Vous donnez de l'information...
Mme Augenfeld (Rivka): L'information, l'éducation sur les
questions d'établissement, sur les questions de sélection de
réfugiés à l'étranger et, évidemment, sur
les questions de revendicateurs de statut. Et aussi, ce qu'on essaie de faire,
dans notre possible, c'est un travail d'éducation du public. On se fait
inviter à des conférences, à des colloques, à des
sessions de formation et d'information pour parler de la question de
réfugiés, immigration et sensibilisation interculturelle.
M. Lefebvre: J'ai omis, tout à l'heure, de saluer nos deux
autres invités, Sr Langlais et Me Goyette, parce que je sais que, tout
à l'heure, j'aurai l'occasion de le faire, mais j'en profite pour vous
saluer immédiatement. Tout à l'heure, j'aurai l'occasion de
m'adres-ser... Ou vous aurez l'occasion, au nom du conseil
général pour les réfugiés, de faire votre
exposé. J'en profite pour vous saluer, et on répétera la
politesse, tout à l'heure, à nouveau.
Est-ce que, madame, vous avez, à l'occasion des réunions
auxquelles vous faites référence, l'occasion de recevoir de
l'information qui viendrait directement de permanents ou de personnel de l'aide
juridique? Ou si ce sont... parce que j'imagine qu'à l'occasion il y a
des avocats qui viennent discuter avec l'ensemble des organismes. Est-ce que
vous avez eu l'occasion de recevoir la visite d'avocats permanents de l'aide
juridique?
Mme Augenfeld (Rivka): On a déjà eu cette occasion
dans le passé, mais, depuis un bon moment, il n'y a plus d'avocats de
l'aide juridique.
M. Lefebvre: Non, avant 1992. Mme Augenfeld (Rivka):
Pardon?
M. Lefebvre: Avant 1992.
Mme Augenfeld (Rivka): C'est ça. Il y avait le dernier...
l'avocat qui faisait encore de l'immigration, qui travaillait à l'aide
juridique, qui était Me Pierre Duquette, et était nommé
récemment commissaire à la Commission de l'immigration et du
statut de réfugié. Alors, je pense que, depuis là, il n'y
a plus d'avocats qui font vraiment de l'immigration. Peut-être qu'il y en
a un ou deux, mais pas vraiment.
Mais, comme vous le dites bien, en 1992 on a coupé le bureau
d'aide juridique. À l'époque, on a reçu du monde... on a
essayé de travailler ensemble pour garder ces bureaux. Ça n'a pas
marché.
Mais, évidemment, il faut dire que nos clients disons les
clients des organismes membres, dans différents types de recours
ont affaire avec l'aide juridique. Ça veut dire que, si jamais il y a
des cas de parrainage, il y a des cas de famille, évidemment, il y a des
cas, quand même, où les clients des organismes comme celui que
représente Sr Lorette, par exemple, ont affaire avec l'aide juridique
pour d'autres types de recours...
M. Lefebvre: Les organismes qui se retrouvent à
l'intérieur ou autour de votre Table de concertation, est-ce que le
travail que l'ensemble des organismes fait au niveau des revendicateurs de
statut, est-ce que ça se fait surtout à la première
étape? C'est-à-dire venir aider nos revendicateurs de statut
lorsqu'ils arrivent ou si c'est... à cette étape-là, c'est
aussi au niveau de la démarche devant la commission. Est-ce que c'est
également après que le revendicateur ait reçu son statut?
Où sont les interventions majeures des différents organismes que
vous représentez, autrement dit, cet après-midi?
Mme Augenfeld (Rivka): Parce que, comme on a différents
types d'organismes, je pense que c'est un peu partout dans le processus, mais
évidemment, au tout début, c'est essentiel quand les gens
arrivent, pour les guider dans leurs premiers pas, les guider aux services
appropriés, de leur faire connaître leurs droits, de leur
expliquer le processus dans lequel ils vont se retrouver.
Il faut vous dire, M. le député, qu'il n'y a pas... tout
ce travail des organismes est complètement bénévole. Parce
que, même les organismes qui sont subventionnés par le MCC,
maintenant le MAICC, pour faire l'établissement des nouveaux arrivants,
les revendicateurs de statut ne sont pas éligibles aux services, sauf un
seul service. Ça veut dire, notamment, que les organismes
d'établissement sont subventionnés pour référer les
revendicateurs au logement.
Mais, depuis 1992, on a coupé l'éligibilité
à d'autres services. Cela veut dire que tout ce qui est
référence aux avocats, référence à
l'école, référence à n'importe quoi, l'information
sur toutes sortes de choses est complètement bénévole. Ce
n'est pas couvert par le programme de subvention du ministère aux
organismes d'établissement. C'est une chose qu'on essaie de
rétablir, mais, pour le moment, on n'a pas encore réussi.
Les organismes font beaucoup de travail et ils se sentent un devoir
moral d'accompagner le revendicateur dans toutes ses démarches. Ils sont
là aussi si jamais les gens sont refusés, pour les aider avec
leur demande humanitaire, mais c'est dur et c'est parfois très
pénible quand les gens sont démunis et on ne sait pas comment les
aider. Mais ce qu'on ne veut pas faire, c'est se substituer au rôle qui
n'est pas le nôtre. On ne veut pas être les avocats et les
conseillers juridiques de nos clients.
M. Lefebvre: Comment ça va avec les avocats? La
collaboration est bonne?
Mme Augenfeld (Rivka): La collaboration avec un certain nombre
d'avocats est très bonne. Il y a beaucoup d'avocats qui font un travail,
comme je l'ai dit, un excellent travail et aussi au-delà des tarifs
qu'ils reçoivent. Mais il faut dire aussi que les avocats, parfois
aussi, à certains moments, on travaille ensemble, on se
réfère des cas, mais pour le social, ils réfèrent
leurs clients à nous. Mais c'est dur parfois, et moi, j'essaie
personnellement d'encourager les intervenants des organismes à ne pas
essayer d'être des avocats. C'est dangereux pour les clients. Ce n'est
pas notre rôle. On n'est pas compétents pour le faire.
M. Lefebvre: Vous savez, lorsqu'on a reçu les avocats, de
façon... il n'y a pas eu d'indication, selon ce que j'ai compris, selon,
je pense, ce que les membres de la commission ont compris, que les avocats qui
font de l'immigration, du droit de l'immigration, se considéraient,
là, sous-payés, de façon... J'ai cru comprendre que les
avocats qui font du droit de l'immigration se considèrent assez bien
payés quant aux tarifs, et je le comprends un petit peu. Je vais vous
donner quelques chiffres ici, sans vous nommer aucun avocat, des avocats qui
font de l'aide juridique, probablement presque exclusivement, dans leur
pratique. En 1991 et en 1992, il y a des avocats qui ont gagné des
honoraires quand même relativement élevés de 138 000 $, de
136 000 $, de 134 000 $, de 129 000 $. Plusieurs avocats ont gagné
au-delà de 100 000 $, et pas mal plus que 100 000 $, et c'est des
honoraires, j'en suis convaincu, bien gagnés, là. Et je n'ai pas
senti, je vous l'indique à titre d'information, madame, que les avocats
qui font du droit de l'immigration sentaient qu'on doive intervenir au niveau
du tarif. Je ne vous dis pas qu'ils ne seraient pas heureux là, mais
ça n'a pas semblé faire l'objet, de leur côté, d'une
revendication poussée. Merci, madame. M. le Président.
Mme Augenfeld (Rivka): Peut-être que Me Goyette pourrait
répondre, s'il vous plaît.
M. Goyette (Jean-François): Avec votre permission.
M. Lefebvre: C'est parce que vous pourrez intervenir à
l'occasion de votre propre présentation, tout à l'heure, Me
Goyette.
M. Goyette (Jean-François): Oui. Je pourrai le faire plus
tard, si vous le désirez.
Le Président (M. Parent): Je reconnais... M. le ministre,
avez-vous terminé?
M. Lefebvre: Oui, oui, M. le Président.
Le Président (M. Parent): Mme la députée de
Terrebonne et porte-parole de l'Opposition officielle.
Mme Caron: Merci, M. le Président.
Alors, bonjour Mme Augenfeld, Sr Langlais, Me Goyette. Bienvenue
à nos travaux.
Je pense que l'existence de votre Table de concertation des organismes
de Montréal au service des réfugiés est extrêmement
importante, et vous l'avez bien exprimé dans vos commentaires, parce
que, autant les réfugiés que les immigrants parce que
certains de vos organismes travaillent aussi auprès des immigrants
les besoins sont variés. Les besoins ne touchent pas
spécifiquement les besoins juridiques, mais on parle aussi de besoins de
logement, de besoins au niveau de l'éducation, au niveau de la
santé. Donc, ça touche tous les aspects, là, de la vie des
immigrants et des réfugiés. Donc, est-ce que vous avez avec vous
ou vous pourriez nous faire parvenir parce que vous regroupez quand
même beaucoup d'organismes une liste à jour de ces
organismes que vous représentez, de l'ensemble des organismes, ce qui
nous permettrait d'avoir une vision plus intéressante de l'ensemble des
organismes que vous représentez? (16 h 10)
Mme Augenfeld (Rivka): Madame, j'ai avec moi une copie de notre
rapport annuel de l'année dernière que je peux laisser ici. Je
peux vous faire parvenir d'autres copies, si vous voulez. La liste est à
jour jusqu'à mars dernier; depuis, on a eu d'autres membres. Dans notre
mémoire, on a mis 69 organismes, et, depuis ce temps-là, il y en
avait un nouveau. Alors, c'est pour ça que j'ai dit 70. On a tout le
temps des demandes de nouveaux membres, ce qui est intéressant.
Ça veut dire qu'il y a un besoin des organismes de se concerter, de se
joindre à un regroupement pour travailler ensemble. Tout seul, on se
sent très isolé. Il y a beaucoup de problèmes auxquels les
groupes font face, et puis on se sent démuni, avec toute notre
clientèle, si on n'est pas en réseau ensemble. Alors, avec
plaisir, on pourrait vous faire parvenir la liste des membres et le rapport de
nos activités.
Mme Caron: Je vous remercie. M. le Président,
peut-être pour rafraîchir la mémoire du ministre, lorsque
nous avons reçu en audience, mardi à 21 heures, l'Association
québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration, Me
Danielle Arpin, à une question du
ministre pour savoir s'ils étaient effectivement satisfaits des
tarifs, puisqu'ils n'en avaient pas parlé au niveau de leur
présentation, avait clairement exprimé que ce n'était pas
l'endroit, qu'ils étaient venus pour défendre le maintien de
l'aide juridique pour les réfugiés et que la négociation
des tarifs n'était pas terminée, qu'ils étaient toujours
en attente d'un renouvellement, qu'ils avaient vraiment l'intention de demander
des changements au niveau des tarifs, mais que ce n'était pas le lieu
pour le faire. Donc, ils avaient quand même manifesté qu'ils...
ils n'avaient pas manifesté une grande satisfaction. Ils avaient
indiqué...
M. Lefebvre: Je ne suis pas allé plus loin que de
dire...
Mme Caron: ...qu'ils voulaient modifier.
M. Lefebvre: ...que j'avais senti que... pas plus que ça,
là.
Mme Caron: Ah, il était très clair, il était
très, très clair... Ha, ha, ha!
M. Lefebvre: Ha, ha, ha!
Mme Caron: ...si vous vous souvenez. Alors, je voudrais revenir
sur un élément qu'on a entendu dans votre présentation et
qu'on retrouve aussi dans votre mémoire. Dans votre mémoire, vous
nous indiquez, en page 2, que, si on réduisait la couverture du
régime d'aide juridique pour y exclure les services d'immigration,
ça pourrait signifier que le requérant du statut de
réfugié se sentirait faussement mieux représenté
par un conseiller possiblement malhonnête pour décider de son
sort, qui est souvent une question de vie ou de mort, et ça, c'est bien
vrai.
Dans vos propos, vous avez parlé aussi de, parfois, certains
consultants qui pouvaient abuser, et je pense que c'est une
préoccupation que j'ai sentie aussi de l'Association
québécoise des avocats et des avocates. Est-ce que la situation
qui a... et vous avez fait allusion aussi à la situation qui existait il
y a quelques années. Ça ne semblait pas être tellement
intéressant pour les réfugiés; il semblait y avoir...
Est-ce qu'il y avait vraiment beaucoup de consultants qui abusaient, beaucoup
de conseillers malhonnêtes? Est-ce que vous considérez que c'est
encore la situation, même si ça s'est atténué, si on
peut dire, qu'il y a beaucoup de personnes qui tentent d'exploiter cette
situation-là des réfugiés?
Mme Augenfeld (Rivka): Je ne sais pas, peut-être beaucoup.
Il y a trop de consultants, et, le problème, c'est qu'il y en a qui sont
relativement honnêtes, je dirais, sauf qu'il y a une limite à ce
qu'ils peuvent faire. Si un consultant, même si un consultant
défend d'une façon honnête un client à la CSR, si
jamais la personne est refusée, elle ne peut pas procéder avec
consultant à la Cour fédérale.
Et, effectivement, M. le ministre, à la Cour
fédérale, on a tout le temps, comme organisme, on a tout le temps
le problème que nos clients, quand ils cherchent un avocat pour la Cour
fédérale, on se fait dire souvent: Ça ne paie pas, l'aide
juridique, pour ce que ça fait comme travail pour présenter un
cas comme il faut à la Cour fédérale. Alors, on le sent,
parce qu'on a tout le temps cet écho, et, s'il y a certains avocats qui
font du volume et qui font beaucoup de cas parce que c'est la seule... ce n'est
pas avec ces avocats que nous, normalement, on traite. On a une banque
d'avocats avec qui on est en lien, et puis on essaie de référer
nos gens aux gens compétents.
Mais le problème avec ces consultants, c'est qu'il y en a de
toutes sortes. Es sont connus dans le réseau. Malheureusement, il semble
difficile de les amener devant les tribunaux et il semble difficile d'avoir les
preuves nécessaires pour arriver comme il faut devant un tribunal, parce
que, très souvent, les personnes qui sont les victimes de ces
consultants ne sont pas dans une position de se sentir libres de faire une
plainte, comme je l'ai dit tout à l'heure; ils sont très
vulnérables.
On a vu, l'autre jour... finalement, il y a un consultant assez notoire
ici qui s'est fait arrêter en France. Ce monsieur, maintenant qu'il est
porté devant la justice, je peux le dire, est connu depuis des
années, sauf que, semble-t-il, c'était très difficile et
compliqué de faire quelque chose. Il y en a d'autres qu'on a vus. De
temps en temps, il y en a un dont le nom surgit, qu'on arrive finalement...
Mais, pour chacun qui est amené devant les tribunaux, il y a plusieurs
autres qui circulent, qui font leur travail, qui cherchent des clients, qui
envoient des rabatteurs au YMCA, au moment où les gens viennent
d'arriver, parfois, et les gens sont très vulnérables. Au moins,
avec un avocat, on a des recours, il y a un code, il y a un encadrement, et on
ne voudrait pas retourner à une époque sauvage.
Mme Caron: Oui, M. le Président. Et c'est sûrement
ce qui est difficile. C'est que, finalement, ces gens-là
développent des habiletés aussi et ils n'attendent pas que les
réfugiés aient eu l'information pour leur dire de faire attention
à certaines personnes. Ils doivent développer aussi une certaine
facilité d'aller chercher des clients et d'agir.
Toujours dans le même ordre, vous nous avez parlé que, du
côté des avocats, il y a une possibilité de recours, une
possibilité théorique. Et j'ai bien apprécié que
vous spécifiiez le mot, parce que c'est loin d'être
évident, pour la personne qui arrive ici, d'abord, qu'elle connaît
notre système de plaintes, du Code des professions, ni qu'elle souhaite
l'utiliser. Parce qu'on sait très bien que, au Québec, beaucoup
de citoyens puis de citoyennes hésitent à déposer des
plaintes, et ça doit être encore à plus forte raison, je
pense, du côté des réfugiés, d'utiliser ce
système de plaintes là... Vous le disiez vous-même, ce sont
souvent des personnes extrêmement démunies, et non seulement
démunies, mais souvent moins bien préparées que d'autres
personnes pour exprimer
leurs besoins, puis tout ça. Donc, elles n'iront pas en plus
essayer de déposer des plaintes dans un pays où elles veulent
venir résider.
Donc, est-ce que, à votre connaissance, justement parce que
certains considèrent que les tarifs ne sont pas suffisamment
élevés et que les possibilités de plaintes, finalement,
sont quand même assez réduites, des avocats parce que
ça se fait dans d'autres domaines que le domaine de l'immigration
qui ont des mandats d'aide juridique demandent aussi des sommes d'argent
supplémentaires parce qu'ils considèrent justement que la
tâche est plus grande que ce qu'on leur donne, comme des consultants le
font, mais est-ce que, à votre connaissance, des avocats aussi le
font?
Mme Augenfeld (Rivka): Alors, moi, je n'ai pas de clients ces
jours-ci, et, à ma connaissance, je ne sais pas ce qui se passe. Mais,
quand je sais combien d'heures ça prend pour préparer une cause
et ce que ça paie, je me dis que, quelque part, il y a un
problème, parce qu'on ne peut pas préparer une cause dans une
heure ou deux. Juste s'asseoir avec un client et passer à travers le
questionnaire, s'assurer que toutes les questions sont claires et, ensuite, la
dernière question, la plus importante, qui est la base de la demande,
ça prend des heures et des heures de travail, souvent avec
interprète, parce que, n'oublions pas que l'avocat non plus ne parle pas
la langue, souvent, du revendicateur ou de la revendicatrice.
Alors, il y a une question d'interprète, d'interprète qui
peut bien traduire, interpréter, qui est convenable du point de vue...
Parfois, si c'est une femme qui a besoin de me raconter une histoire terrible
de torture ou de viol, ça prend souvent une interprète femme.
Alors, il y a des heures et des heures de travail.
À ma connaissance, les avocats que je connais essaient de
travailler avec ce qui est là, mais, je dirais, ce n'est pas un message
qu'ils m'ont demandé d'amener ici; je le fais parce que je le sens. Moi,
j'ai passé 17 ans en intervention. J'étais conseillère en
immigration dans un organisme d'établissement, et je peux vous dire que,
pour revenir à votre premier commentaire, je vais vous raconter... ce
n'est pas une anecdote, parce que c'est un cas qui en illustre bien d'autres.
(16 h 20)
Une jeune femme d'un certain pays, une jeune femme bien
élevée et puis avec beaucoup d'éducation, avec un
diplôme universitaire ce qui n'est pas le cas, souvent, pour
beaucoup de femmes réfugiées qui a subi une histoire
terrible dans son pays, de viol, torture, etc., qui arrivait ici et qui
était vraiment dans un état émotionnel et psychologique
très compliqué et qui a vu un avocat, le premier avocat qu'elle a
vu qui, justement, essayait de l'amener à raconter une autre histoire
parce que lui, l'avocat, trouvait que son histoire, pour lui, n'était
pas assez bonne. Alors, il a essayé de la «coacher» dans une
autre histoire. Elle, finalement, trouvait que ce n'était pas possible.
Elle a quitté. Elle portait dans son coeur une rage contre cet avocat.
On a réussi quand même à la référer à
une avocate, une femme vraiment compétente qui l'a calmée, qui a
préparé sa cause, sa vraie cause. Mais elle n'était pas
capable, tout de suite, de porter plainte contre l'autre. Elle en parlait tout
le temps. Elle n'oubliait pas ce type qu'elle trouvait... Comment il avait pu
me faire ça? disait-elle. Mais c'est juste après que sa cause fut
finie et qu'elle eut gagné qu'elle a été acceptée
comme réfugiée. Et c'a pris encore plusieurs mois, et, ensuite,
une fois qu'elle se sentait vraiment secure et qu'elle croyait vraiment qu'elle
était là pour rester, c'est là qu'elle est allée
porter plainte. Et c'était long.
Le Président (M. Parent):...
Mme Caron: Oui, M. le Président. Est-ce que vous
considérez que les tarifs des interprètes... est-ce que ce sont
des coûts qui sont très élevés, si on les compare
aux tarifs des avocats?
Mme Augenfeld (Rivka): Mais je ne me sens pas compétente,
parce que je ne connais pas quels sont actuellement les tarifs. Peut-être
Me Goyette pourrait les commenter tout à l'heure.
Mme Caron: D'accord. On va la garder pour tantôt. Selon ce
que vous en avez su, qu'est-ce qui justifiait finalement la fermeture du bureau
d'aide juridique en 1992? Parce que vous l'avez dit vous-même, les gens
avaient quand même développé une expertise extraordinaire.
Bon, quand même... Ils avaient travaillé ensemble, ils avaient des
connaissances qu'ils avaient partagées. Pour les réfugiés
et puis pour les immigrants, c'était intéressant parce que le
bureau était bien identifié. Donc, c'était beaucoup plus
facile. Qu'est-ce qui justifiait cette fermeture-là?
Mme Augenfeld (Rivka): Je ne peux vraiment pas vous dire ce qui a
vraiment justifié... Je sais qu'on pouvait dire qu'il y avait une
coupure de x montant. Mais je pense que j'ai trouvé justement le
communiqué, à l'époque, en 1972... pardon, en 1992, quand
le bureau était fermé. Et il me semble, si on l'a calculé
à l'époque, c'était que c'est vrai que, en fermant le
bureau, il y aura une coupure de x montant. Mais les mêmes volumes de
clients vus par la pratique privée allaient coûter plus. Mais le
bureau allait être fermé. On pourrait dire: le bureau qui
coûtait tant ne va plus coûter ça à l'aide juridique,
à la structure, mais le coût pour... si on calculait les tarifs
d'aide juridique des avocats en pratique privée qui allaient ramasser
tous ces clients, selon notre calcul, ça allait être plus que ce
qui était sauvé de l'autre côté.
Alors, je ne sais pas ce qui a vraiment justifié ça.
C'était à une époque... c'était peu après le
Sommet de la Justice, c'était après d'autres types de
déclarations qui nous laissaient croire qu'on trouvait important de
maintenir l'aide juridique, et il y avait une coupure.
Je ne peux pas vous dire, madame, ce qui était dans la tête
des personnes qui ont pris cette décision.
Mme Caron: Le document de consultation qui a été
déposé par le ministère a quand même donné
beaucoup de mémoires, autant d'associations d'avocats en droit de
l'immigration, votre Table de concertation. Dans les jours où nous
aurons d'autres audiences, nous allons rencontrer plusieurs groupes. On a
vraiment eu beaucoup de présentations de mémoires qui touchent
les problèmes particuliers que vous avez soulevés. Et ça
dénote sûrement que la lecture du document a
inquiété beaucoup votre milieu, parce que, pour avoir
réagi aussi fortement... Et donc, vous n'avez pas perçu que les
questions qui étaient posées dans le document... Vous l'avez vu
vraiment comme des hypothèses qui pouvaient vraiment se réaliser.
Vous ne l'avez pas perçu uniquement comme un questionnement et qu'il n'y
avait aucune inquiétude à y avoir pour les droits des
réfugiés.
Mme Augenfeld (Rivka): Notre expérience, madame, nous
montre que, quand on commence à se questionner sur certaines choses,
ça indique qu'il y a certaines personnes qui voudraient couper. Alors,
il faut évidemment venir à la défense de notre
clientèle, qu'on trouve parmi d'autres clientèles qui vont
être l'objet d'autres mémoires. Mais, si on regarde les
revendicateurs de statut de réfugié, les personnes qui sont les
plus vulnérables des vulnérables, dans le sens qu'elles arrivent
ici en cherchant asile, les personnes qui arrivent pour nous demander la
protection...
Et c'est une question de protection internationale à laquelle le
Canada s'est soumis en signant la convention de Genève et à
laquelle le Québec aussi est signataire, parce que le Québec est
en accord avec toutes les conventions internationales que le Canada a
signées.
Alors, il me semble que, si on dit qu'on a un droit d'asile et que les
gens peuvent arriver et demander la protection, il faut leur donner les moyens
pour avoir un vrai accès à notre système. Notre
système est fait comme il est fait. C'est un tribunal administratif,
mais très compliqué. Et c'est dans un cadre de la loi de
l'immigration. Il y a une Cour fédérale qui suit. C'est
très compliqué. On ne peut pas passer à travers ça
tout seul.
Alors, ça prend des avocats. Ça prend des avocats
compétents, et, si les gens sont démunis, ça prend l'aide
juridique pour qu'ils aient un vrai accès à la justice. Sans
ça...
Mais, pour revenir à votre question, pour nous, dès qu'on
commence à questionner, il faut revenir avec les arguments pour, encore
une fois... Parce que ce n'est pas la première fois qu'on en parle; en
1984, le gouvernement du Québec, à l'époque, dans une
entente interministérielle, a pris charge de ces revendicateurs, a dit:
II y a une obligation morale d'aider les revendicateurs. Même si,
à l'époque, il y avait une question: Est-ce que c'est le
fédéral ou le provincial qui doit payer? Ils ont dit
même si les ministres, à l'époque, croyaient que ça
aurait dû être le fédéral: Mais vu que, eux, ils ne
prennent pas la charge, nous, on a obligation. Alors, on revient aujourd'hui,
ce n'est peut-être pas à la mode de parler de l'obligation morale,
mais c'est ça, il faut en parler, c'est toujours notre obligation
morale. Si c'était le cas en 1984, quand on a pris charge de tout
ça, ça reste toujours pareil, il n'y a rien qui a
changé.
On a acquis toute une expérience avec les revendicateurs, on voit
c'est quoi, les réfugiés, on comprend mieux toute cette
problématique, ce drame. On voit un peu ce qui se passe dans le monde.
On voit que le nombre de réfugiés dans le monde ne cesse
d'augmenter. Il y a une infime proportion de ces gens qui arrivent chez nous,
il ne faut pas s'exciter non plus. Parfois, on essaie de faire croire au monde
qu'on est en train de se faire envahir, ce n'est pas vrai. Il y a vraiment un
pourcentage minimal qui arrive jusqu'à chez nous, et ceux qui arrivent
chez nous ont le droit de protection, et on est là pour les
défendre.
Si nous, les instances, que ce soit gouvernements, organismes et autres,
ne les défendons pas, qui va les défendre? Et est-ce qu'on
pourrait vraiment justifier le fait que même une seule personne serait
retournée à une situation de danger? Je ne pense pas qu'on
pourrait vivre avec ça sur la conscience. C'est pour ça qu'on est
là pour les défendre, et, chaque fois qu'il y a même la
possibilité qu'on enlève des droits à des gens, on est
là pour dire: Ce n'est pas possible.
Mme Caron: Oui, et je pense que vous avez raison de souligner
que, lorsqu'il y a coupure de subvention fédérale, parce que
c'est ce qu'il y a eu aussi en 1992, il y a quand même la
responsabilité du gouvernement du Québec, à ce
moment-là, d'assurer quand même les services et de prendre la
relève. Je pense que c'est important de le dire et c'est important de
dire aussi que, au niveau des droits d'une personne, ce n'est pas juste une
question de statistiques, même si c'est une seule personne, c'est une
question de vie et c'est vrai qu'on ne peut pas passer à
côté.
Alors, moi, je vous remercie beaucoup de votre participation à
nos travaux. Vous avez bien présenté vos demandes, et je vous
remercie beaucoup de votre participation.
Le Président (M. Parent): Alors, je vous remercie
beaucoup, madame, de votre participation à notre commission
parlementaire. Et, étant donné que nos invités sont
déjà en place, nos invités suivants, nous allons
immédiatement procéder à l'audition du Conseil canadien
pour les réfugiés.
Alors, le porte-parole, on me dit que c'est Sr Lorette Langlais, avec
Jean-François Goyette. Me Goyette ou Sr Langlais, qui est le
porte-parole?
M. Goyette (Jean-François): Mme Langlais va
présenter...
Le Président (M. Parent): Ma Soeur.
M. Goyette (Jean-François): ...commencer à
présenter.
Conseil canadien pour les réfugiés
(CCR)
Mme Langlais (Lorette): Bonjour, M. le Président. Je
représente le Conseil canadien pour les réfugiés. Le
Conseil canadien pour les réfugiés est une coalition
pancanadienne regroupant environ 150 organismes non gouvernementaux à
travers le Canada. Alors, il y a des organismes communautaires, des
associations ethniques, des services sociaux, des regroupements d'avocats, des
comités des églises et des centres de recherche.
Le Conseil canadien pour les réfugiés s'implique dans la
défense et la promotion des droits des réfugiés au Canada
et outre-mer et se préoccupe aussi des questions vouées à
la sélection et à l'établissement des
réfugiés. Le Conseil canadien existe depuis environ 17 ans. Il
est une organisation sans but lucratif, avec une charte en vertu de la loi
canadienne sur les compagnies. (16 h 30)
Dans ce cadre, le Conseil canadien pour les réfugiés
s'intéresse, entre autres, aux questions ayant trait à
l'accessibilité des services juridiques pour les personnes revendiquant
le statut de réfugié au Canada. Et, lors de ses trois
dernières conférences, l'assemblée plénière
du CCR a adopté des résolutions ayant trait au maintien et
à l'équité des services d'aide juridique dans les
différentes provinces canadiennes. Vous en avez reçu copie dans
les mémoires.
Alors, le CCR souhaite ardemment que l'accès aux services d'aide
juridique soit maintenu à l'égard des personnes revendiquant le
statut de réfugié sur le territoire québécois.
Plusieurs arguments militent en faveur de cette prise de position. Comme nous
l'avons déjà entendu, un revendicateur de statut de
réfugié, c'est une personne qui fuit un pays à
l'égard duquel elle allègue une crainte bien fondée de
persécution. C'est une personne qui craint pour sa vie et pour laquelle
il existe de sérieux risques d'atteinte à des droits fondamentaux
tels que l'emprisonnement, la torture, l'exécution.
Alors, le système de détermination du statut de
réfugié mis en place par le gouvernement fédéral
prévoit la tenue d'une audience devant un tribunal administratif, la
Commission de l'immigration et du statut de réfugié, où,
à notre avis, la présence d'un avocat n'est pas uniquement
souhaitable, mais nécessaire, surtout lorsque nous considérons
les conséquences possibles d'une décision négative: le
renvoi de cette personne dans le pays où elle craint la
persécution. Et ce n'est pas une vision de l'esprit: dans l'organisme
que je dirige, récemment, il y a eu des cas de Zaïroises qui ont
été déportées, avec des conséquences
très malheureuses. Alors, je pense que c'est très important
qu'elle soient bien défendues.
Outre les conséquences possibles pour le revendicateur, plusieurs
autres raisons militent en faveur du maintien de l'aide juridique, car il faut
considérer la complexité de la Loi sur l'immigration et des
règlements adoptés en vertu de celle-ci, de même que les
règles de pratique adoptées par chacune des trois sections de la
CISR. Ce secteur du droit a su développer au cours des années sa
propre doctrine et sa propre jurisprudence, qui demeureraient inconnues pour un
revendicateur ne pouvant avoir librement accès aux services d'un avocat.
La définition de «réfugié», au sens de la
convention de Genève, amène une complexité
d'interprétation et d'application qui nécessite l'expertise d'un
avocat. Et, outre la nécessité de recourir à l'expertise
légale que représentent les avocats, les revendicateurs ont aussi
besoin de l'expertise qu'ont développée ces mêmes avocats
sur les conditions qui prévalent dans les pays d'origine.
De plus, la Loi sur l'immigration, dans son état actuel,
reconnaît le droit des revendicateurs d'être
représentés lors de leurs audiences, mais ne limite pas ce droit
à la représentation aux seuls avocats, ce qui a mené
à la présence de nombreux conseillers, souvent peu scrupuleux,
pour représenter les revendicateurs, avec les conséquences que
nous savons. Ce phénomène existe déjà à un
moindre niveau, mais tout de même suffisamment pour que les organismes
non gouvernementaux oeuvrant dans le domaine de la protection des
réfugiés puissent se rendre compte des conséquences
souvent néfastes d'une représentation pauvre ou
inadéquate. Et nous tenons à faire remarquer que le Barreau du
Québec a déjà donné des cours de formation pour ses
membres sur le sujet particulier des revendicateurs du statut de
réfugié. Dans ce même ordre d'idées, le Barreau est
à même de sanctionner les membres à l'égard desquels
il reçoit des plaintes si la représentation n'a pas
été faite selon les règles de l'art, alors que le
revendicateur représenté par un conseiller est laissé
à lui-même.
Dans le cas d'une décision négative, la Loi sur
l'immigration prévoit la possibilité pour le revendicateur de
faire une demande de révision judiciaire devant la Cour
fédérale du Canada, où, bien entendu, seuls les avocats
sont habilités à représenter les personnes. Donc,
l'élimination de l'aide juridique aurait pour effet, comme
conséquence pratique, de virtuellement priver les personnes
concernées des recours prévus à la loi.
Nous désirons aussi porter à votre attention la
clientèle que constituent les revendicateurs du statut de
réfugié. C'est une clientèle de gens démunis, qui
souvent ont dû fuir leur pays dans des conditions difficiles et urgentes.
Alors, durant tout le temps que dure le processus, le revendicateur est presque
toujours un prestataire de l'aide sociale ou, s'il a un permis de travail,
c'est souvent au salaire minimum. Alors, ils peuvent difficilement trouver le
conseiller ou l'avocat qui puisse les défendre s'ils n'ont pas
accès à l'aide juridique.
Finalement, il faut considérer les obligations internationales
à l'endroit desquelles le Canada s'est engagé. En étant
signataire de la convention de Genève sur les réfugiés et
de son protocole, le Canada s'est engagé vis-à-vis de la
communauté internationale à assurer la protection des personnes
revendiquant le statut de réfugié sur son territoire. Eu
égard au système de
reconnaissance du statut de réfugié que le Canada a choisi
de mettre en place, la représentation légale des personnes
concernées devient une facette importante du respect de ses engagements.
D'autres conventions internationales peuvent aussi être invoquées
au soutien de cette argumentation. Par exemple, la convention sur la torture,
sur les enfants, la Déclaration universelle des droits de l'homme. Il
importe que le Canada, le Québec et toutes les provinces canadiennes
soient conséquents avec les obligations découlant des engagements
internationaux que nous avons contractés.
Alors, je vais passer la parole à Me Goyette pour terminer le
mémoire.
Le Président (M. Parent): Me Goyette, nous vous
écoutons.
M. Goyette (Jean-François): Oui, merci. Concernant le
mémoire, il y a une autre partie qui porte sur l'accès
équitable et dans laquelle le CCR mentionne, notamment, et fait un
parallèle, si vous voulez, entre les personnes qui sont ni
résidentes ni citoyennes au Canada et qui feraient face à des
accusations au criminel. Je pense qu'il va de soi que cette personne-là
ait droit à un conseiller, c'est-à-dire à une personne
apte à la représenter devant les tribunaux judiciaires. Et le
même parallèle, on le fait également pour les
réfugiés, parce que ces personnes, comme on l'a souligné,
sont des personnes dont la vie, la sécurité et la liberté
sont en péril et sont donc des personnes, également,
protégées par l'article 7 de la charte. C'est une
particularité qui, à notre avis, nous semble des plus importantes
et qui force, à notre avis, également les gouvernements
concernés à faire en sorte que ces personnes soient valablement
représentées.
J'aurais le goût de répondre tout de suite à
certaines questions qui ont été posées et soulevées
par le ministre de la Justice et également par madame je ne me
souviens plus de votre nom...
Le Président (M. Parent): Allez-y, là.
M. Goyette (Jean-François): Concernant... D'abord, je vais
vous... Ça fait 13 ans que je suis avocat en immigration. Dans le milieu
des avocats en immigration de pratique privée, c'est très vieux;
je suis parmi les plus vieux avocats en immigration. Au début, lorsque
j'ai commencé ma pratique, au début des années
quatre-vingt, on était à peu près cinq à 10 avocats
à Montréal qui faisions du droit de l'immigration. Aujourd'hui,
il y a un bassin d'à peu près 150, 175 avocats en
immigration.
À la question: Est-ce qu'on est satisfaits des tarifs d'aide
juridique? je vous dirais un gros non. Je voudrais mettre des pancartes de 45
pieds de haut pour vous l'annoncer. Je pense qu'il n'y a aucun avocat qui peut
décemment dire qu'il est payé, rétribué de
façon équitable pour le travail qu'il fait. Je dois vous dire
également que, dans le cas de représentations de clients comme
telles, de réfugiés à travers tout le dédale des
tribunaux, la partie où on présente notre compte d'aide juridique
et où on est payé est probablement la partie la plus humiliante
qu'un avocat ait à passer. Pourquoi? Parce que la plupart des avocats
qui font du droit de l'immigration, en particulier pour les
réfugiés, croient énormément. Il faut y croire de
toute façon, parce que la clientèle qu'on représente,
c'est une clientèle de personnes qui ne sont pas du tout
appréciées, c'est-à-dire que, autant au niveau de
l'immigration que des agents d'immigration, que même dans la presse en
général, on dénigre les réfugiés pour toutes
sortes de raisons qui n'ont rien à voir, souvent, avec la
réalité. Et on présente un compte d'honoraires qui,
souvent, représente de nombreuses heures de travail pour lesquelles on
est rétribué pour à peu près... pour pas
grand-chose, finalement. (16 h 40)
La deuxième chose et c'est peut-être un peu
choquant, mais je ne me choquerai pas là-dessus lorsqu'on
présente, lorsqu'on lance et... Du côté de la Commission
des services juridiques, on a eu tendance à faire ce genre
d'épandage d'avocats qui travaillent et qui gagnent 138 000 $, 130 000
$, 100 000 $, ces choses-là. Je dois vous dire que ça ne
m'impressionne pas, ces chiffres-là.
M. Lefebvre: Je ne fais pas ça pour vous impressionner.
C'est des chiffres que je donne.
M. Goyette (Jean-François): Oui.
M. Lefebvre: Je n'ai pas du tout l'intention de vous
impressionner. Ce sont des chiffres, ce sont des faits.
M. Goyette (Jean-François): Oui, mais c'est des faits qui
méritent une certaine interprétation.
Le Président (M. Parent): M. le ministre, nous allons
laisser M. Goyette faire son intervention, et, après ça, tout le
monde aura la chance de lui répondre. Mais il n'y a personne ici qui
vous provoque, monsieur, et puis qui tient un discours de façon...
M. Goyette (Jean-François): D'accord.
Le Président (M. Parent): ...pour vous émouvoir,
disons.
M. Goyette (Jean-François): Je dois vous dire que,
personnellement, je ne fais plus de mandats d'aide juridique, ou à peu
près plus, je me sens moins concerné. Et n'y voyez surtout aucune
émotion si... Mais, quand je vous dis que...
Le Président (M. Parent): Allez, nous vous
écoutons.
M. Goyette (Jean-François): ...je ne suis pas
impressionné... Je connais les avocats, en fait. Je pourrais
probablement mettre des noms sur les personnes qui font ces... qui gagnent ces
montants-là.
Ce qu'il faut vous dire, ce qu'il faut savoir également, c'est
que, s'il y a des avocats qui gagnent 138 000 $, qui réussissent
à faire 138 000 $, moi, j'en connais. Mon bureau de pratique
privée comme tel, Goyette, Lanoue, Arpin, qui est un bureau de pratique
privée de huit avocats en immigration essentiellement, il y en a
là-dedans qui travaillent des heures épouvantables. Je veux dire,
moi, j'arrive fréquemment à 8 h 15 le matin, puis il y en a qui
sont au travail depuis 7 heures, des fois 6 h 45, et qui terminent souvent
à 7 heures ou à 8 heures.
D'autre part, beaucoup d'avocats aussi, parmi ceux qui font plusieurs
dossiers, ont des adjoints, ont des personnes qui remplissent certaines
tâches dans l'accomplissement de leur mandat, soit des stagiaires ou
d'autres personnes, une secrétaire supplémentaire. Alors, au bout
du compte, lorsqu'on reçoit ces énormes montants de 138 000 $, il
n'en reste pas tellement plus dans l'avocat qui pratique à ce
niveau-là. Et je suis d'autant plus, ou d'autant moins
impressionné que je pense que les avocats qui pratiquent en droit
criminel... ceux qui sont les meilleurs ou les plus performants retirent
beaucoup plus en droit criminel.
Ce qu'il faut également vous dire au sujet de ce qui se passe
comme tel, je pense que l'aide juridique... Il y a une nécessité
à l'heure actuelle d'avoir des avocats consciencieux et des avocats bien
formés et également des avocats bien
rémunérés pour pratiquer en droit de l'immigration, en
particulier pour les réfugiés.
Le droit de l'immigration et le droit des réfugiés est un
droit qui a connu, ces dernières années... qui s'est
complexifié de façon exponentielle. Depuis l'époque
où j'ai commencé, ce n'est plus le même droit. Il y a
beaucoup d'avocats qui se sont spécialisés, je dirais même
sur-spécialisés, soit dans des régions du monde, pour
certains réfugiés, et dans le droit qui les concerne, soit en
droit international, soit en droit des libertés, ces choses-là.
Ce qui fait que les questions qui sont amenées devant les tribunaux
comme la CISR et la Cour fédérale sont des questions de droit
complexes qui méritent une attention soutenue et qui méritent
aussi beaucoup de recherches.
Et, à ce niveau-là, si je pense... Je pense qu'on doit,
à l'heure où on se parle... on doit faire... Les
réfugiés qui revendiquent le statut de réfugié
doivent, pratiquement obligatoirement, faire affaire avec un avocat s'ils
veulent obtenir la meilleure chance possible pour obtenir le statut de
réfugié.
Il serait également important de souligner que, à mon
sens, c'est l'aspect le plus essentiel, finalement, de toute cette question de
maintien de l'accès au service juridique. Je pense que l'alternative
à considérer... c'est-à-dire que les personnes non
résidentes ou les revendicateurs de statut de réfugié qui
ne pourraient pas obtenir les services de l'aide juridique, à mon sens,
ça m'apparaît comme étant une impossibilité. Ces
gens-là sont totalement démunis. Ils arrivent ici et, s'ils n'ont
pas accès à l'aide juridique, il faut qu'ils trouvent l'argent
d'une manière ou d'une autre. Ça veut dire quoi? Ça veut
dire qu'une mère de famille somalienne va se priver ou va priver ses
enfants de lait ou ces choses-là pour pouvoir payer son avocat. C'est,
je pense, inacceptable. Ça veut dire également que des personnes
qui, autrement, se plieraient à toutes les lois, auraient ou pourraient
éventuellement songer que la seule façon de s'en sortir, ce
serait de se livrer à du vol à l'étalage ou des choses
comme ça pour pouvoir survivre. Je pense que c'est inacceptable. Cette
alternative-là ne permet pas, comme tel, de considérer autre
chose que le maintien des services... l'étendue et le maintien des
services juridiques. Merci.
Le Président (M. Parent): Merci, Sr Langlais, M. Goyette,
je vous remercie beaucoup de votre exposé. Je reconnais maintenant le
ministre. Je reconnaîtrai par la suite le porte-parole de l'Opposition
officielle à l'intérieur des limites de temps qui ont
été convenues. M. le ministre.
M. Lefebvre: Me Goyette, vous avez indiqué tout à
l'heure, et on le savait déjà, qu'il y a plus ou moins 150
avocats, ou à peu près, qui font de la pratique presque
essentiellement en droit de l'immigration. C'est ce que vous avez
indiqué tout à l'heure, et vous avez dit qu'il y a... Parce que
vous en faites, du droit de l'immigration, depuis environ 12, 13 ans. Vous avez
indiqué, et je n'ai pas bien compris, combien il y avait d'avocats il y
a 10, 12 ans. Il y en a 150 aujourd'hui; il y a 10, 12 ans, c'était
à peu près le même nombre d'avocats?
M. Goyette (Jean-François): De cinq à 10
avocats.
M. Lefebvre: De cinq à 10?
M. Goyette (Jean-François): Oui. En 1980-1981.
M. Lefebvre: Quand vous avez commencé votre pratique,
est-ce que, au début de votre pratique, vous avez immédiatement
fait du droit d'immigration, vous?
M. Goyette (Jean-François): Oui.
M. Lefebvre: En parallèle avec d'autres pratiques,
j'imagine.
M. Goyette (Jean-François): Oui, effectivement. Au
début de ma pratique, l'immigration était une partie seulement de
ma pratique.
M. Lefebvre: À l'époque, il y a 10, 12 ans, qui
s'occupait de ces revendicateurs de statut de réfugié? À
défaut d'avocats, parce qu'il n'y en avait à peu près pas,
là. Vous me parlez d'une dizaine d'avocats.
M. Goyette (Jean-François): Oui. Il faut dire que,
à l'époque aussi, le nombre de revendicateurs était...
M. Lefebvre: II y en avait moins.
M. Goyette (Jean-François): ...je pense, moins de 1000
pour tout le Canada, en...
M. Lefebvre: Madame, vous pouvez répondre, à
droite. Il n'y a pas de...
Mme Augenfeld (Rivka): Bien, justement. On...
M. Lefebvre: Comment ça se passait, à
l'époque?
Mme Augenfeld (Rivka): Bien, premièrement, à
l'époque, on était dans un autre système,
complètement, qu'on a presque oublié maintenant. On oublie vite.
Il y avait un système qui était complètement
différent. Il n'y avait pas de Commission de l'immigration et du statut
de réfugié. C'est juste depuis 1989 qu'on a cette Commission. Les
gens comparaissaient devant un officier supérieur d'immigration,
où on faisait une déclaration, souvent accompagné ou
peut-être pas accompagné d'un avocat. Il y avait une transcription
de ce que la personne avait raconté et qui était ensuite
corrigée. C'était pénible et long. Correction de la
transcription, ensuite, il y avait un comité consultatif à Ottawa
qui étudiait les transcriptions, et c'est souvent... et c'était
une de nos grandes plaintes à l'époque, nous, je veux dire tout
le réseau, c'était que la personne ne comparaissait pas devant
les décideurs. Alors, c'était ce comité à Ottawa
qui étudiait les transcriptions et décidait sur papier... qui ne
décidait pas, excusez-moi, qui recommandait, c'était un
comité consultatif qui avait un droit de recommander, et c'était
finalement le ministre qui devait entériner.
Alors, tout un autre système, très inefficace et injuste
en même temps. Ça traînait pendant des mois et ça
accumulait un «backlog». Mais à l'époque, il n'y
avait pas beaucoup de cas à travers le Canada parce que, originellement,
M. le ministre, notre loi n'était pas conçue pour recevoir
beaucoup de revendicateurs. Le Canada se considérait un pays
d'établissement, et la loi ne prévoyait pas beaucoup de
demandeurs d'asile. Je pense qu'on peut le dire, parce qu'il y a des
fonctionnaires fédéraux qui vont encore vous le dire, à
l'époque, la loi était conçue pour l'établissement
des réfugiés sélectionnés. On ne voyait pas le
Canada comme pays d'asile, parce qu'on n'avait pas de frontière avec des
pays... Alors, très peu de revendicateurs. Mais, très vite, dans
les années 1983-1984, il y avait une accumulation de plusieurs, ce qu'on
appelle en bon français «backlogs». On n'a jamais
trouvé le bon mot en français. On disait
«arriérés», mais ce n'est pas le mot non plus. Alors,
je pense qu'avec le temps il y a eu une accumulation de clients et de plus en
plus d'avocats qui pratiquaient.
Le Président (M. Parent): M. le ministre.
M. Lefebvre: Me Goyette ou madame, j'aimerais que vous... Je veux
vous rappeler, dans un premier temps, que le document que le ministère a
soumis ou que le ministre Rémillard a soumis, c'est un document de
réflexion. Ce n'est pas une opposition gouvernementale, je veux vous
rassurer là-dessus. Et je l'ai dit à plusieurs reprises à
à peu près tous les organismes qui se sont
présentés et qui semblaient avoir une inquiétude
là-dessus. C'est un document qui est le résumé de plein de
réflexions qui ont été cueillies à
l'intérieur de l'exercice du Sommet de la Justice, au moment où
on a procédé à l'étude Macdonald, et tout
ça. C'est un document de réflexion. (16 h 50)
Vous avez tous les deux indiqué, et vous l'avez indiqué
à quelques reprises... Si, par hypothèse c'est
vous-même qui l'avez dit, ce n'est pas moi qui parle, là
ils n'avaient plus d'aide juridique, les revendicateurs de statut de
réfugié seraient, à toutes fins pratiques, à la
merci des rabatteurs. J'aimerais que vous me donniez quelques explications. De
qui on parle, là? J'ai une petite idée là-dessus, mais de
qui on parle? Parce que ça existe présentement, hein?
M. Goyette (Jean-François): Oui. Ça existe et c'est
une plaie.
M. Lefebvre: Ces gens qui n'ont aucun scrupule à utiliser
toutes sortes de méthodes et de moyens pour faire de l'argent sur le dos
de ces gens-là. Je voudrais vous entendre là-dessus, Me Goyette,
ou madame.
Mme Augenfeld (Rivka): Mais, M. le ministre, au moins,
actuellement, comme organisme d'établissement, on peut dire à nos
clients: Écoutez, vous n'êtes pas... On leur explique leurs
droits, on leur explique qu'ils ont droit à un avocat et qu'ils
ont...
M. Lefebvre: Mais, s'ils n'en avaient pas, par hypothèse,
qu'est-ce qui arriverait? Je voudrais vous entendre là-dessus.
Mme Augenfeld (Rivka): On serait mal pris. On pourrait toujours
leur dire: Vous avez droit à un avocat, mais vous devez le payer. Et
ensuite... Et peut-être que quelqu'un arrive, qu'il convainc la personne
que, lui, pour je ne sais pas combien, il fera une meilleure job. Les gens sont
très vulnérables. Il y a des rabatteurs.
M. Lefebvre: Je suis conscient de ça, madame.
Mme Augenfeld (Rivka): Mais, vous savez, moi, je ne voudrais
même pas connaître leur nom, aux rabatteurs, parce que ça me
met dans une situation où je devrais faire rapport sur une personne qui
ne sera pas amenée en justice, finalement.
M. Lefebvre: Me Goyette voulait ajouter quelque chose
là-dessus.
Le Président (M. Parent): Je me dois ici de demander
à M. Goyette, qui est le porte-parole officiel du Conseil canadien, s'il
est d'accord avec les propos de madame.
M. Goyette (Jean-François): J'endosse les propos de
madame.
Le Président (M. Parent): Oui, vous travaillez ensemble.
Vous acceptez, d'ici à la fin, d'encore travailler ensemble?
M. Goyette (Jean-François): Tout à fait.
Le Président (M. Parent): Très bien. M. le
ministre.
M. Lefebvre: Est-ce que vous souhaiteriez, Me Goyette, que, en
matière d'immigration, nous revenions à la formule d'avant 1992,
la formule du libre choix? Parce que, au moment où on se parle, depuis
1992, il n'y a plus de libre choix, à toutes fins pratiques. Il n'y a
que des avocats de pratique privée, et c'a été un choix de
la Commission des services juridiques. C'est dû à des
décisions qui ont été prises. Est-ce que vous pensez,
est-ce que vous croyez... De façon générale, tous les
organismes qui sont venus devant nous nous indiquent que le libre choix du
justiciable, en toute matière, est souhaitable. Avocats de pratique
privée, c'est la position du Barreau, c'est également la position
de l'association des permanents de l'aide juridique qu'on maintienne, qu'on
permette la dualité de l'avocat permanent avec l'avocat de pratique
privée. Est-ce que vous seriez d'accord si, par hypothèse, on
revenait à la mise en place d'une structure d'avocats permanents pour
des services d'immigration?
M. Goyette (Jean-François): J'ai toujours
été pour une structure des avocats, c'est-à-dire d'un
bureau spécialisé en immigration pour l'aide juridique.
M. Lefebvre: Parce que vous avez eu l'occasion de travailler avec
eux autres, vous?
M. Goyette (Jean-François): J'ai eu l'occasion de
travailler avec ces avocats-là, peut-être moins avec la direction;
j'ai peut-être une autre opinion de la Commission des services
juridiques. Mais, pour ce qui est des avocats des bureaux, je pense que c'a
toujours été très agréable de travailler avec eux.
Et ça me semble s'inscrire également... Puis là c'est
l'ancien étudiant de sciences politiques qui vous parle. Lorsqu'on a
fait le premier projet de loi sur l'aide juridique, par le ministre Choquette,
on avait, dans un premier temps, dans le premier projet de loi, indiqué
qu'on mettait l'emphase sur les cliniques juridiques comme telles. Et
après, ce sont les centres communautaires qui sont apparus, les bureaux
d'aide juridique sont devenus finalement ce que c'est aujourd'hui.
Mais un bureau d'aide juridique spécialisé en immigration
m'apparaît une solution ou, si vous voulez, quelque chose qui
m'apparaît important. À Toronto, ça existe. Il existe des
cliniques spécialisées également. J'en connais
également aux États-Unis, notamment à Cambridge,
près de Boston, subventionnées par l'université Harvard.
Et finalement, ce que ça a contribué à faire, c'est une
ressource supplémentaire.
M. Lefebvre: Une ressource permanente.
M. Goyette (Jean-François): Permanente et
supplémentaire, stable, qui permet, entre autres, d'assurer une
meilleure protection des réfugiés. Et, à ce
niveau-là, ça va bien.
M. Lefebvre: Je vous remercie.
M. Goyette (Jean-François): Si vous me permettez...
M. Lefebvre: Oui, allez-y.
M. Goyette (Jean-François): ...je voudrais répondre
à votre question précédente concernant les rabatteurs.
Personnellement, je trouve que c'est une plaie, parce que c'a presque toujours
existé, en autant que je suis concerné.
M. Lefebvre: Oui. Pourriez-vous, Me Goyette, nous décrire
le rabatteur type?
M. Goyette (Jean-François): Le rabatteur type provient du
pays comme tel, est également un immigré qui vient du pays pour
lequel il fait du rabattement. Alors, ça peut être des pays qu'on
appelle «producteurs de réfugiés», et ces
gens-là connaissent bien leur clientèle, connaissent bien leur
concitoyens comme tels, ils savent leurs points faibles. Parce que, lorsqu'on
parle de réfugiés ou de n'importe quel immigrant, on parle de
personnes qui sont dans une situation démunie mais également
difficile au niveau de la compréhension de ce qui se passe, des
institutions, ces choses-là.
La plupart des pays producteurs de réfugiés sont des pays
totalement corrompus et où les gens n'ont pas une attirance naturelle
vis-à-vis des institutions ou une confiance naturelle. Donc, il est
facile pour les rabatteurs, finalement, de leur dire: II ne faut pas avoir
confiance. Avec moi, ça va fonctionner, et, si ce n'est pas avec moi, tu
risques de te voir refusé. Donc, ils jouissent d'un certain avantage
à ce niveau-là parce qu'ils sont sans scrupule et aussi parce
qu'ils connaissent bien les gens et réussissent souvent à les
amener dans l'appareil comme tel, à leur faire payer souvent des prix de
fous. C'est des personnes contre lesquelles on ne peut
presque rien parce qu'elles ne sont pas couvertes par un code...
M. Lefebvre: Ds ont une influence énorme,
évidemment, sur...
M. Goyette (Jean-François): Exactement. Le point sur
lequel je veux vous amener, M. le ministre, et vous êtes probablement la
personne la plus concernée, il y a quelques années, à
l'époque où j'étais vice-président, et je le suis
encore, de l'Association du Barreau canadien, section de l'immigration, on a
demandé au ministre fédéral de l'Immigration d'amender la
loi et de faire en sorte qu'on puisse, finalement, bannir des tribunaux
administratifs fédéraux toute représentation qui ne serait
pas celle d'un avocat dûment accrédité.
Or, je peux vous dire qu'il y a à peu près un an et demi,
des gens du ministère de l'Immigration ont envoyé un projet de
règlement, parce que la loi C-55 du projet de loi de l'Immigration
prévoyait, à l'article 114v, qu'une telle chose puisse se faire,
qu'un règlement, qu'un décret du gouverneur général
en conseil puisse faire en sorte qu'on permette à ce que des avocats, et
peut-être d'autres professions également, puissent être
présents pour représenter. Sauf qu'au fédéral on
m'a toujours dit que le ministre, entre autres, que les ministres des provinces
ou les solliciteurs généraux n'ont pas tout à fait
répondu, c'est-à-dire qu'on a consulté les provinces et,
à ce qu'on m'a dit encore récemment, le ministre
québécois n'avait pas encore répondu. Je dois vous dire
que, ça, si on réussissait au moins à faire en sorte que
les tribunaux administratifs fédéraux qui traitent du statut de
réfugié bannissent les personnes qui peuvent conseiller comme
tel, ça aiderait un peu aussi, nonobstant tout le processus...
M. Lefebvre: Merci. Je vous remercie, Me Goyette.
Le Président (M. Parent): Merci, M. Goyette. Je reconnais
maintenant le porte-parole de l'Opposition officielle, Mme la
députée de Terrebonne. Mme la députée.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, je pense que
vous avez exprimé à peu près le même point de vue
que le groupe précédent et que ceux qu'on a entendus à ce
jour là-dessus. Le plus grand danger, finalement, c'est que, puisque la
révision se fait à la Cour fédérale, et que cette
révision-là, elle exige la présence d'un avocat, il y a un
très grand danger si, au point de départ, le formulaire, qui est
extrêmement complexe, est complété par le
réfugié lui-même, qui risque d'indiquer certains
éléments qui pourraient lui nuire, autant à la Commission
de l'immigration et du statut de réfugié qu'en révision,
et c'est aussi extrêmement dangereux qu'à la Commission, s'il n'y
a pas un avocat avec lui, il nuise à sa cause et qu'il se retrouve
finalement en révision et que, là, l'avocat soit quand même
mal pris à cause des déclarations précédentes qui
auront été faites. Le plus grand danger est vraiment là,
si on n'a pas d'avocat tout au long de l'étape.
M. Goyette (Jean-François): II existe effectivement un
grand danger. La tendance aussi, chez les personnes qui sont non avocats ou qui
ne connaissent pas, c'est souvent, malheureusement, de fabriquer des histoires
aussi. Et ça, je dois vous dire qu'une histoire fabriquée, c'est
dur à rattraper après, d'autant plus dur à la Cour
fédérale qu'on ne peut plus rien rattraper, en termes... comme
tel.
Mme Caron: C'est même difficile pour le
réfugié de s'en rappeler aussi.
M. Goyette (Jean-François): Oui, effectivement. Mais c'est
définitivement... Il y a des écueils, à mon sens,
épouvantables, finalement, à se servir des conseillers qui ne
sont pas des avocats à ce niveau-là. (17 heures)
Mme Caron: Selon votre expertise, présentement, le
pourcentage de personnes, de réfugiés qui, finalement, font
confiance... qu'on les appelle, conseillers, consultants ou rabatteurs, le
pourcentage de réfugiés qui font confiance à ces
gens-là...
M. Goyette (Jean-François): moi, je dirais que
probablement près de 90 %, 95 % des personnes qui revendiquent le statut
de réfugié, qui passent à travers le processus, font
affaire, font appel à un avocat, un conseiller juridique comme tel. le
reste, des 10 %, il y en a peut-être 5 % qui y vont seuls et un autre 5 %
qui utilisent des conseillers. mais, encore là, je dois vous donner...
ma perception, c'est celle d'un avocat, je vois des avocats partout,
alors...
Mme Caron: Est-ce que c'est en diminution, comparé
à il y a quelques années?
M. Goyette (Jean-François): J'ai l'impression que c'est
stable.
Mme Caron: C'est stable.
M. Goyette (Jean-François): Tant et aussi longtemps que
l'aide juridique sera accessible, que ce sera un service gratuit, je pense
qu'à ce niveau-là le nombre de personnes qui font affaire avec
des avocats va rester le même.
Mme Caron: Avant de laisser la parole à mon
collègue d'Anjou, je veux revenir à la question que j'avais
posée tantôt au groupe précédent, soit les tarifs
des interprètes. Est-ce que les tarifs sont très
élevés? Parce qu'on s'est questionnés beaucoup, à
la commission, sur les tarifs des différents experts, dans d'autres
dossiers. Vous utilisez souvent des interprètes. Est-ce que les tarifs
sont très élevés? Est-ce qu'il y aurait lieu d'avoir un
tarif précis?
M. Goyette (Jean-François): Idéalement c'est
une opinion personnelle j'ai l'impression qu'on devrait avoir un tarif
précis, qui soit en accord aussi avec l'expertise. Il existe... il
commence à y avoir une corporation des traducteurs interprètes ou
d'interprètes traducteurs...
Mme Caron: Oui...
M. Goyette (Jean-François): J'ai l'impression qu'il faut
faire affaire... parce que, là aussi, c'est un point important dans tout
le processus, si on n'a pas des interprètes compétents, on va
échapper plusieurs cas qui mériteraient d'obtenir un statut de
réfugié.
Maintenant, pour ce qui est du tarif, ça arrive très
souvent que les interprètes gagnent plus que les avocats comme tels, et,
lorsqu'on fait affaire avec d'autres experts, que ce soit le psychologue, bien,
là, c'est sûr et certain qu'ils gagnent plus que les avocats. Et
pourtant, le nombre d'heures consacrées par un expert est moindre que
celui de l'avocat qui prépare son dossier et qui va le plaider.
Ça fait partie de ce que je disais, de l'humiliation, je dirais,
à être avocat à ce niveau-là. C'est assez difficile,
ce n'est pas aisé.
Mme Caron: Je vous remercie. On avait l'information, pour les
experts. Je voulais vérifier s'il y avait lieu aussi, au niveau des
interprètes... Ça répond à ma question. Alors, M.
le Président, mon collègue d'Anjou.
Le Président (M. Gobé): Merci. Alors, M. le
député d'Anjou, vous avez maintenant la parole. Combien de temps
reste-t-il, madame? Dix minutes.
M. Bélanger: Merci. Malgré qu'on nous ait, tout
à l'heure, distribué un organigramme, un genre d'organigramme qui
représente le processus du traitement, finalement, de la demande d'un
réfugié, je voulais savoir: Est-ce que, présentement,
à toutes les étapes, il y a possibilité d'avoir l'aide
juridique?
M. Goyette (Jean-François): Pas tout à fait, au
début.
M. Bélanger: Au niveau de la détermination de la
recevabilité de la demande par l'agent principal? C'est ça? Il
n'y a pas de représentation à ce moment-là?
M. Goyette (Jean-François): Que je sache, non. Ce qu'on
doit dire, c'est que, dans la pratique, la question de la recevabilité
se pose rarement. La plupart des dossiers sont référés
comme tels à la CISR. Donc, c'est administratif. On pose quatre
questions, finalement, et on réfère le dossier. Je ne suis pas
sûr qu'on pourrait avoir un mandat d'aide juridique si on voulait
accompagner un client qui fait face à un agent d'immigration qui
évalue la recevabilité.
M. Bélanger: Je vous pose cette question parce que, tout
à l'heure, on parlait du premier document que doit remplir le
réfugié pour que sa demande puisse être traitée.
Moi, je me demandais, à ce moment-là: À partir du moment
où il y a la détermination de la recevabilité de la
demande, le document est déjà rempli? C'est ça? Le
document a déjà été rempli ou le document est
rempli après cette étape?
M. Goyette (Jean-François): C'est-à-dire, c'est
à une étape ultérieure que le document est rempli.
Cependant, il peut arriver, lorsque... Et là, il y a deux grands canaux,
si vous voulez, c'est-à-dire ce qu'on appelle les points
d'entrée, c'est-à-dire qu'il y a des examens faits par des agents
d'immigration, et la tendance à l'heure actuelle, c'est qu'on utilise
l'examen, ou, si vous voulez, les questions posées par l'agent
examinateur au point d'entrée ou à l'intérieur, pour le
déposer plus tard dans le dossier, ce qui mène à des
situations quelquefois baroques. Si cette situation-là perdurait au
niveau du processus, j'ai l'impression qu'il y aurait des pressions beaucoup
plus grandes pour que les personnes soient accompagnées de leur avocat
au niveau des points d'entrée, au niveau de cet examen-là.
M. Bélanger: Donc, si je comprends bien, c'est un peu
comme un témoignage par affidavit de la première personne, du
premier inspecteur? Est-ce que c'est ça un peu?
M. Goyette (Jean-François): Non. Lorsqu'on parle de
l'examen, soit du point d'entrée ou à l'intérieur, ou de
la détermination de la recevabilité, c'est un agent d'immigration
qui, dans son bureau, a le revendicateur devant lui, peut poser... souvent,
pose des questions qu'il juge appropriées, fait un rapport, et ce
rapport-là va être même pas sous affidavit il
va être déposé.
M. Bélanger: D'accord. Quelle est la force probante de ce
rapport-là? Est-ce que ça a une certaine force probante
importante?
M. Goyette (Jean-François): C'est une question de
crédibilité. Je dois vous dire qu'à l'heure actuelle c'est
contesté à l'intérieur de la CISR, qui est prise avec le
problème. À ce que je sache, il n'y a pas encore de
réponse claire, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de ligne directrice
concernant ces rapports-là. Il y a certains commissaires qui acceptent
de recevoir ces rapports-là; ils leur donnent également une force
probante. D'autres refusent de donner quelque poids que ce soit à ces
rapports-là. C'est une situation qui est ambivalente à l'heure
actuelle.
M. Bélanger: D'accord. Je sais que, présentement,
au niveau des critères d'admissibilité, il y a une liste de pays
où, automatiquement, je pense, en tout cas, prima facie, on se classe
comme étant potentiellement un
revendicateur de statut de réfugié politique si on
provient de ces pays-là, et si on provient, a contrario, d'autres pays,
à ce moment-là, votre demande est presque automatiquement
rejetée. Est-ce que c'est ce genre de critère là qui sert,
à ce moment-là, à déclarer l'irrecevabilité
d'une demande?
M. Goyette (Jean-François): Non. La recevabilité,
celle dont on parle ici... il faut mentionner que, l'année
dernière, il y a eu une réforme comme telle.
M. Bélanger: Oui.
M. Goyette (Jean-François): Avant, il y avait ce qu'on
appelait le «minimum de fondement». On a appelé ça le
«minimum de fondement», c'est-à-dire qu'un revendicateur
avait le fardeau de démontrer qu'il y avait un minium de fondement
à sa revendication. Certains revendicateurs qui venaient de certains
pays très producteurs de réfugiés passaient très
vite cette étape-là, et on posait à peine quelques
questions. Si vous veniez d'un autre pays, bien là, on était
moins susceptible de vous accorder ce minimum de fondement là. À
l'heure actuelle, ce processus-là n'existe plus. Ce n'est plus le
minimum de fondement, c'est la recevabilité. Et la recevabilité
comme telle, par l'agent, l'agent pose des questions concernant la personne
pour savoir si, par exemple, elle est une criminelle de guerre, si la personne
a déjà la protection dans un autre pays que celui dont elle dit
avoir la protection...
M. Bélanger: Ah oui! c'est un nouveau critère.
M. Goyette (Jean-François): ...craindre la
persécution, et des choses comme ça. C'est des questions tout
à fait restreintes par rapport, disons, à la revendication, et la
plupart des revendicateurs passent cette étape rapidement, sans
problème comme tel.
M. Bélanger: Donc, quelqu'un qui, je ne sais pas, ferait
une demande de réfugié politique et qui aurait comme pays
d'origine la Belgique, disons, ne serait pas automatiquement, au niveau de la
recevabilité... ce ne serait pas un critère pour être
automatiquement. ..
M. Goyette (Jean-François): Non, ce ne serait pas un
critère.
M. Bélanger: Ce ne serait pas un critère.
D'accord.
M. Goyette (Jean-François): Ce ne serait pas un
critère.
M. Bélanger: Oui, je pense que vous voulez
compléter.
Mme Augenfeld (Rivka): Justement, cette question de liste des
pays était une grande question pendant le débat sur C-86. Je sais
qu'il y a toujours une certaine volonté de la part du gouvernement
d'amener une liste des pays dits «sûrs». Mais c'était
plutôt l'idée que, si le revendicateur est passé par un
pays, un tierce pays où il aurait pu faire une demande de refuge, et qui
est signataire de la convention, on aurait retourné la personne dans ce
pays en disant: On ne juge pas que c'est un réfugié ou pas, mais
ce n'est pas notre rôle; c'est la responsabilité de l'autre pays.
Jusqu'à date, on a réussi à ne pas avoir de liste de pays,
mais c'est dans la loi et, à n'importe quel moment, si le Canada
réussit à signer une entente réciproque avec un autre
pays... Le pays qui nous concernait le plus, évidemment, c'était
les États-Unis, si jamais on signe... Et il y a un brouillon d'entente
avec les États-Unis qui était presque signé, mais
arrêté par l'élection du président Clinton, et avec
un changement de gouvernement aussi ici, au Canada. Mais c'est là ce
qu'on appelle en anglais, c'est le «memorandum of understanding»
qui est là et qui, vraiment... Il y a plusieurs fonctionnaires, on les a
rencontrés, qui voulaient beaucoup signer cette entente. Alors, il se
peut encore que ça nous arrive.
Le Président (M. Parent): Merci, madame. Monsieur.
M. Bélanger: Me Goyette, je n'ai pas connu, moi, le
nouveau système, comme avocat, le nouveau système de traitement
des demandes de réfugié politique, mais je me souviens que, sous
l'ancien système, il y avait, disons, peu d'écrits, peu de
documents qui étaient impliqués. C'étaient surtout des
représentations et de l'assistance verbale. Est-ce que c'est encore le
cas ou s'il y a de nombreuses procédures à rédiger de la
part d'un avocat pour traiter un dossier de réfugié politique?
(17 h 10)
M. Goyette (Jean-François): C'est devenu très,
très procédurier. Quand je regarde rétrospectivement mes
13 années, à l'époque, au début, c'était un
examen sous serment, c'est-à-dire qu'il y avait un micro, on
enregistrait puis il y avait une transcription. Et là il a fallu remplir
un... Et il y a des règles de plus en plus sévères et
importantes au niveau de la CISR, au niveau de la présentation de la
preuve, de la façon de le faire, ces choses-là. La CISR est le
plus gros tribunal administratif au Canada, canadien, comme tel. C'est devenu
très, très, très procédurier et il y a beaucoup,
beaucoup de choses à connaître si on veut bien présenter un
cas. On ne peut plus le faire comme avant, avec peu ou pas de choses. Il faut
vraiment...
M. Bélanger: Je vous demande ça, parce que,
à l'époque, je me souviens que, souvent, les avocats qui
pratiquaient en immigration avaient une secrétaire pour quatre, cinq
avocats. Alors, je me demandais si c'était encore la même
chose.
M. Goyette (Jean-François): Je serais tenté de vous
dire qu'il y a beaucoup d'avocats... à cause des tarifs, il y a beaucoup
d'avocats qui sont eux-mêmes secrétaires comme tels, parce que le
processus est très exigeant à ce niveau-là. C'est la
même chose au niveau de la Cour fédérale. Et j'attire
peut-être votre attention... je pense que ça m'apparaît
important à ce niveau-là... il n'y a pas de paliers d'appel au
niveau de la décision de la CISR. On réfléchit à
l'heure actuelle, au fédéral, pour repenser le système
afin de permettre un niveau d'appel. Mais à l'heure actuelle, tout ce
qui existe, c'est le contrôle judiciaire à la Cour
fédérale.
Or, à la Cour fédérale, c'est vraiment un endroit
où on ne peut pas fonctionner sans avocat, et les règles de
pratique comme telles et je mets au défi n'importe qui de me
trouver un autre tribunal qui est plus exigeant... Même à
l'intérieur de la Cour fédérale, les règles
relatives à l'immigration sont très exigeantes. On a 30 jours
pour produire un mémoire complet: transcription, affidavit et tout;
ça peut varier de 50 à 155 pages. C'est très, très
procédurier. Pour ma part, je pense qu'il y a peut-être un effort
de décourager les éventuelles personnes qui voudraient faire une
demande de révision judiciaire. Mais c'est très exigeant.
Et en plus, l'aide juridique paie à peu près 150 $ pour
une demande d'autorisation à la Cour fédérale. Ce qui, en
regard de la demande comme telle, c'est-à-dire de l'effort que ça
demande, n'est pratiquement rien et ce qui fait en sorte également qu'on
est virtuellement dans une situation, au niveau des demandes d'autorisation en
Cour fédérale, où à peu près personne,
maintenant et là je parle pour mon bureau, on est quand
même huit avocats en immigration... Mais, à l'heure où je
vous parle, il y a de moins en moins d'avocats qui acceptent des mandats d'aide
juridique parce que c'est plus que faire du bénévolat. C'est
très difficile.
Le Président (M. Parent): Merci. Mme la
députée de Terrebonne, en conclusion.
Mme Caron: Alors, je vous remercie beaucoup, Me Goyette, Mme
Langlais et Mme Augenfeld, de votre présence parmi nous. Vous avez
répondu parfaitement à nos questions. Même à la
dernière question qu'il me restait, vous l'avez abordée; je
voulais l'aborder avec vous. Merci beaucoup de votre présence.
Le Président (M. Parent): Merci. M. le ministre, en guise
de conclusion.
M. Lefebvre: Alors, l'Opposition a la responsabilité, tout
comme moi, d'essayer de pointer les éléments qui doivent
être évalués de façon particulière dans notre
système d'aide juridique. Moi, j'ai l'obligation additionnelle de donner
les faits. Et, cet exercice-là, on s'y prête depuis une dizaine de
jours, Me Goyette. Et c'est dans ce sens-là que, tout à l'heure,
et je l'ai fait à d'autres moments et je vais le faire à nouveau
au cours des prochains jours... j'ai l'obligation d'indiquer à la
population de quelle façon on a dépensé, l'an dernier,
plus ou moins 110 000 000 $ pour le système d'aide juridique au
Québec.
À l'intérieur de cette somme-là, il y a plus ou
moins 41 000 000 $, un peu plus que 41 000 000 $ qui ont été
versés en honoraires aux avocats. Je ne prétends pas que les
honoraires des avocats à la pièce, ce sont des honoraires
faramineux. Je n'ai jamais dit ça et je ne le pense pas non plus. Je
veux cependant vous rappeler et je m'adresse à vous trois et
à tous ceux et celles qui sont venus devant nous, qui nous ont
parlé particulièrement d'immigration que, strictement au
niveau du dossier de l'immigration, on a versé, l'an passé, un
montant de 6 500 000 $. En 1993-1994, 6 500 000 $. Évidemment, pour
chacun des avocats qui font du droit d'immigration à l'aide juridique,
à chaque jour, ce n'est pas beaucoup d'argent, j'en suis conscient. Mais
il faut mettre en perspective l'effort du système d'aide juridique en
cette matière par rapport à l'ensemble, à l'ensemble de
l'opération.
Alors, 6 500 000 $ par rapport à 41 000 000 $, c'est presque 16 %
de la masse d'argent payé en honoraires qui va au dossier de
l'immigration. Et je suis convaincu, je suis convaincu que ces
honoraires-là, Me Goyette, ont été bien gagnés.
Ça, j'en suis convaincu. Vous n'avez pas à insister
là-dessus. J'ai assez d'expérience pour comprendre. Je vois le
tarif; c'est des journées extrêmement difficiles, vous en avez
parlé tout à l'heure avec le député d'Anjou, et
j'en suis bien conscient, sauf que, moi, j'ai l'obligation de donner les faits
ce sont des fonds publics et essayer aussi d'expliquer avec
quelle situation on est pris au gouvernement.
Entre-temps, on a le problème du rehaussement des seuils
d'admissibilité de la clientèle des plus démunis au
Québec. Vous savez, de 1981 à aujourd'hui, ça fait 12 ans,
ça, 13 ans, le seuil d'admissibilité pour la personne seule n'a
pas été touché. Et ça, je dois vous dire que
ça me préoccupe énormément. Le seuil
d'admissibilité pour un couple avec deux enfants n'a pas
été modifié depuis 10 ans. Ça, ça me
préoccupe. Entre-temps, les honoraires d'avocats ont été
rehaussés à trois reprises. C'est vrai que les avocats ne gagnent
pas des honoraires suffisants. Mais je suis extrêmement
préoccupé, je vous le dis clairement, par le seuil
d'admissibilité des plus démunis, ce pourquoi le régime
d'aide juridique a été mis en place en 1972. Et ça,
ça me préoccupe. Je suis préoccupé par les
honoraires des avocats et des notaires, mais je suis également
extrêmement préoccupé par la clientèle, la
clientèle dont on a fait, depuis une dizaine de jours, une
démonstration absolument extraordinaire des problèmes qu'ont les
plus démunis dans notre société, face à des
décisions qu'on n'a peut-être pas prises au cours des 10, 12
dernières années. Ça, je veux que ce soit très
clair...
Le Président (M. Parent): Si vous voulez conclure, M. le
ministre.
M. Lefebvre: Et je comprends que le député d'Anjou
et la députée de Terrebonne, ça les picosse un petit peu
quand je parle des honoraires des avocats.
Le Président (M. Parent): En conclusion.
M. Lefebvre: Mais je vais continuer à le faire, parce
qu'il faut que ces faits-là soient révélés. Il faut
que je le dise, et je vais le répéter. Que les avocats gagnent
138 000 $ par année, pour vous, ce n'est pas beaucoup,
peut-être...
Le Président (M. Parent): M. le ministre.
M. Lefebvre: ...mais qu'un plus démuni, un démuni
à 13 000 $ ou à 14 000 $ par année n'ait pas droit
à l'aide juridique, ça me questionne. Merci.
Le Président (M. Parent): Merci, M. le ministre. Merci, M.
Goyette, Sr Langlais et madame. Merci beaucoup de votre participation à
notre commission parlementaire. Nous allons suspendre pour quelques
instants.
(Suspension de la séance à 17 h 18)
(Reprise à 17 h 20)
Le Président (M. Parent): J'inviterais les
représentants du groupe suivant à prendre place ici, à
l'avant. Alors, nous accueillons, comme dernier groupe avant le dîner, le
groupe de travail formé de diverses associations de femmes. Est-ce
qu'ils sont présents?
(Consultation)
Le Président (M. Parent): Est-ce qu'elles sont là?
Est-ce qu'il y a ici des représentants du groupe suivant, le groupe de
travail formé de diverses associations de femmes? Oui? Ah! On vous
attendait. On vous attendait anxieusement, à part de ça.
Alors, mesdames, je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie
beaucoup d'avoir répondu à l'invitation de cette commission. Nous
accusons plus que quelques minutes de retard, dû à des
impondérables sur lesquels nous n'avons aucun contrôle. Je vous
invite à nous présenter votre mémoire, mémoire que
les membres de cette commission ont eu en leur possession et qu'ils ont lu.
Alors, libre à vous de nous en faire un résumé ou de nous
en faire connaître le contenu dans son entièreté. J'ai
à vous informer que notre commission siège jusqu'à 18
heures et que, passé 18 heures, je me dois de demander l'assentiment des
deux formations politiques pour déroger au règlement. Alors, je
vous suggère d'essayer de prendre 15 minutes, 20 minutes maximum pour
présenter votre projet et, ensuite de ça, de participer aux
échanges avec les membres de cette commission.
Alors, j'ai ici comme indication, comme porte-parole, Mme Fleurette
Boucher.
Mme Boucher (Fleurette): Oui, M. le Président.
Le Président (M. Parent): Ça me fait plaisir.
Est-ce vous qui êtes la porte-parole?
Mme Boucher (Fleurette): Je représente tous les groupes de
femmes qui sont cosignataires du mémoire, avec Mme Marie-Christiane
Carrier.
Le Président (M. Parent): Mme Carrier, de la
Fédération des femmes du Québec.
Mme Carrier (Marie-Christiane): Exactement, M. le
Président.
Le Président (M. Parent): Alors, commencez. Je ne sais pas
laquelle des deux va débuter. Alors, c'est Mme Boucher?
Mme Boucher (Fleurette): Oui.
Le Président (M. Parent): Mme Boucher, nous vous
écoutons.
Groupe de travail formé de diverses
associations de femmes
Mme Boucher (Fleurette): Alors, je vais commencer par
énumérer la liste des groupes de femmes qui sont cosignataires du
mémoire. On retrouve le Regroupement provincial des maisons
d'hébergement et de transition pour femmes victimes de violence
conjugale; le Regroupement des centres d'aide et de lutte contre les agressions
à caractère sexuel; la Fédération des femmes du
Québec; l'Association des collaboratrices et partenaires en affaires;
L'R des centres de femmes; le Conseil d'intervention pour l'accès des
femmes au travail; la Fédération du Québec pour le
planning des naissances.
Le mémoire a quatre volets. On va les prendre à tour de
rôle. Je vais couvrir les volets 1 et 2, c'est-à-dire: la
clientèle et les seuils d'admissibilité, et les recommandations
que nous vous soumettons; et la couverture des services. Je vais couvrir ces
deux volets-là. Mme Carrier va couvrir les volets 3 et 4,
c'est-à-dire: l'organisation et la gestion des services; et le
financement.
Le 18 juin 1992, le ministre de la Justice, M. Gil Rémillard,
rendait public un document intitulé «L'aide juridique au
Québec: une question de choix, une question de moyens». De
même, il annonçait la tenue d'une commission parlementaire sur le
régime d'aide juridique. Conscientes de l'importance de cette
réforme et de son incidence sur les conditions de vie des femmes,
quelques groupes de femmes ont choisi d'unir leurs voix afin de vous
communiquer certains commentaires et suggestions.
Lors de son adoption en 1972, la Loi sur l'aide
juridique avait pour principal objectif de favoriser
l'accessibilité à la justice à toute personne
économiquement défavorisée. Nous souscrivons
entièrement toujours à ce principe. C'est en période de
difficultés économiques comme celle que traverse
présentement le Québec que l'État doit supporter davantage
les plus démunis. Nous croyons donc que le contexte économique
actuel rend indispensable le maintien du financement du programme social de
l'aide juridique.
Toutefois, nous constatons que la clientèle
bénéficiant de l'aide juridique est de plus en plus restreinte.
Si on réfère aux seuils d'admissibilité actuels, la
majorité de la clientèle est composée d'individus sans
revenus ou prestataires d'aide sociale ou d'un montant équivalent
d'assurance-chômage. Donc, les personnes à faible revenu, tel que
défini par Statistique Canada, sont exclues. Il est illusoire de croire
qu'en 1993 cette population ainsi qu'une grande partie de la classe moyenne
peuvent exercer leurs droits sans se priver de besoins essentiels.
Paradoxalement, ces gens gagnent trop d'argent pour bénéficier de
l'aide juridique, mais ne gagnent pas suffisamment d'argent pour payer des
honoraires judiciaires et des frais de cour. puisque les femmes sont les plus
pauvres parmi la population active elles représentent 67 % de
toutes les personnes payées au salaire minimum et 72 % des personnes
occupant un emploi à temps partiel, et deux tiers des femmes sur le
marché du travail gagnent un salaire annuel de 20 000 $ ces
mêmes seuils d'admissibilité affectent grandement leur
accès à la justice. parce que les femmes composent la
majorité économiquement démunie, nous vous soumettons des
propositions qui convergent vers l'élargissement des critères
d'admissibilité et l'amélioration de la mesure sociale qu'est
l'aide juridique. le groupe de travail macdonald et son rapport ont
inspiré plusieurs de nos recommandations. comme je l'ai dit
précédemment, notre mémoire va se diviser en quatre
volets.
Le volet 1, la clientèle et les seuils d'admissibilité. En
vertu de la loi, l'aide juridique signifie «tout avantage accordé
à une personne économiquement défavorisée, ayant
pour objet de lui faciliter l'accès aux tribunaux, aux services
professionnels d'un avocat ou d'un notaire et à l'information
nécessaire sur ses droits et obligations».
Par ailleurs, pour bénéficier de l'aide juridique, la
personne doit satisfaire à des critères économiques.
À cet effet, les seuils d'admissibilité sont
déterminés en fonction du revenu brut hebdomadaire de la personne
requérante. En 1973, ces critères établissent
l'éligibilité, entre autres, des personnes suivantes: les
bénéficiaires d'aide sociale, les gens touchant le salaire
minimum, les gens recevant les prestations de la sécurité de la
vieillesse ainsi que les personnes ayant un faible revenu, établi par
Statistique Canada. Soulignons que la loi prévoit que, par exception et
selon certaines conditions, une personne ayant des revenus plus
élevés que les critères établis pourrait profiter
tout de même de l'aide juridique. Enfin, mentionnons qu'une corporation
à but non lucratif peut profiter de l'aide juridique à la
condition que tous ses membres individuels soient admissibles à l'aide
juridique.
Recommandations. Considérant l'abondance des législations
régissant notre quotidien; considérant que de plus en plus de
situations donnent ouverture à l'exercice de nos droits;
considérant que le pouvoir économique est un facteur
déterminant pour l'accessibilité à la justice;
considérant que les honoraires judiciaires et lès frais de cour
ont subi une énorme inflation au cours des dernières
années; considérant que beaucoup de gens à faible et moyen
revenu sont actuellement inadmissibles à l'aide juridique et qu'ils
n'ont pas les ressources pécuniaires pour faire appel à
l'appareil judiciaire; considérant que, par manque de ressources
financières, bon nombre de personnes à faible et moyen revenu ne
possèdent ni assurance-vie, ni assurance-feu, vol et
responsabilité civile; considérant que beaucoup de femmes font
partie de ces catégories de personnes; considérant que, comme
pour les régimes d'assurance-santé aux États-Unis, de
nombreuses personnes risquent de ne pas avoir les moyens de souscrire à
une assurance juridique; considérant que, pour beaucoup de femmes, il
est indispensable d'entreprendre des procédures judiciaires afin de
mettre fin à une union et ainsi protéger leur vie, notamment dans
les cas de violence conjugale, nous recommandons recommandation 1
que la définition de l'aide juridique soit la même que dans le
présent texte de loi, à savoir «tout avantage
accordé à une personne économiquement
défavorisée, ayant pour objet de lui faciliter l'accès aux
tribunaux, aux services professionnels d'un avocat ou d'un notaire et à
l'information nécessaire sur ses droits et obligations».
Cette recommandation-là, M. le Président, on l'a
trouvée utile et nécessaire de faire partie de nos demandes,
parce que, pour nous, il est indispensable que l'aspect information demeure un
des services offerts aux gens requérant de l'aide juridique, et ce,
parce que pour beaucoup de personnes, l'information pourra éviter
d'entreprendre des procédures légales. Donc, tout l'aspect
prévention peut se raccrocher à l'information et, pour nous,
c'est indispensable que ce type de service là demeure dans les services
offerts par l'aide juridique.
Au niveau de la recommandation 1.2, nous recommandons de modifier la Loi
sur l'aide juridique de façon à rendre admissible la
clientèle visée en 1972. Notamment, on réfère
spécifiquement, évidemment, aux personnes
bénéficiant de l'aide sociale, qui est maintenant devenue la
sécurité du revenu, aux gens travaillant au salaire minimum, aux
gens recevant des prestations de la sécurité de la vieillesse et
aux gens ayant un revenu faible, tel qu'établi par Statistique Canada.
(17 h 30)
Au niveau de la recommandation 1.3.1, nous recommandons de modifier la
Loi sur l'aide juridique plutôt que de favoriser le développement
d'un régime d'assurance frais juridiques, afin de rendre admissible une
partie de la classe moyenne, et ce, en instaurant un mécanisme
progressif, le plus large possible, de participation aux
coûts des services rendus. Le but de la proposition,
évidemment, c'est de garantir l'accessibilité à la justice
pour une partie de la classe moyenne qui, aujourd'hui, n'a pas les moyens
d'assumer les frais judiciaires tels qu'ils sont en vigueur aujourd'hui, et
d'ailleurs, le rapport de la commission Macdonald abondait dans ce
sens-là.
Recommandation 1.3.2. Nous recommandons que le mécanisme
progressif de participation aux coûts des services rendus via l'aide
juridique soit basé sur un mode de calcul facile de compréhension
et d'application et qu'il fixe un montant minimum et maximum de contribution.
Donc, pour les clientèles qui auraient à participer au
mécanisme progressif de participation, il nous apparaît essentiel
qu'elles soient en mesure d'évaluer quels seront les coûts
qu'elles auront à assumer. Compte tenu qu'on sait que les gens ont une
marge de manoeuvre très restreinte au niveau de leur budget financier,
il nous apparaît nécessaire que le calcul de ces
montants-là, au niveau de la participation, soit facilement comprenable
et assimilable.
Recommandation 1.4. Nous recommandons d'exclure les allocations
familiales, le crédit d'impôt pour enfants, le montant reçu
à titre de remboursement d'impôt foncier, les allocations de
Logirente, l'aide financière aux services de garde à l'enfance,
les allocations pour jeunes enfants, les allocations de naissance ainsi que le
crédit fédéral pour taxe de vente dans le calcul des
revenus d'une personne demandant son admissibilité à l'aide
juridique.
Recommandation 1.5. Nous recommandons la révision annuelle des
seuils d'admissibilité suivant l'indexation annuelle au coût de la
vie. Cette recommandation-là vise justement à éviter la
situation que nous vivons présentement. Il a sûrement
été porté à votre attention que les critères
d'admissibilité sont très bas et qu'il n'y a pas eu de hausse ou
d'indexation depuis 1985. Donc, en indexant annuellement les seuils
d'admissibilité, on va éviter la situation qu'on vit en ce
moment.
Recommandation 1.6. Considérant que plusieurs organismes
communautaires, notamment les associations coopératives
d'économie familiale, les associations de consommateurs, les maisons
d'hébergement pour femmes violentées, les centres d'aide et de
lutte contre les agressions à caractère sexuel, les centres de
femmes, travaillent à la promotion et à la défense des
droits des personnes et que la majorité de leur clientèle est
économiquement défavorisée;
Considérant que ces organismes communautaires ne peuvent
présentement bénéficier de l'aide juridique parce que
certains de leurs membres ont des revenus trop élevés;
Considérant que le travail d'éducation et de
prévention de ces mêmes organismes auprès de la population
a pour conséquence de diminuer le risque de recours judiciaire;
Nous recommandons que toute corporation à but non lucratif
bénéficie de l'aide juridique sous deux conditions, à
savoir: la corporation doit avoir pour objectifs la promotion et la
défense des droits des personnes, et le but du service juridique
demandé devra être en relation avec cet objectif. À cet
effet, la teneur de cette recommandation-là correspond à une des
suggestions que l'on peut retrouver dans le rapport Macdonald.
C'était le bloc clientèle et seuils
d'admissibilité.
Maintenant, au niveau de la couverture des services. En 1972, M.
Jérôme Choquette, alors ministre de la Justice, disait, au sujet
du projet de loi sur l'aide juridique: «Les économiquement faibles
doivent pouvoir avoir recours à des avocats spécialisés
dans ce qui a été récemment désigné par les
mots «Poverty Law» ou, en français, «Droit et
Pauvreté», c'est-à-dire à des spécialistes
ayant une connaissance précise des lois et des règlements qui
touchent cette catégorie de personnes dans leur contexte social
spécifique, tout comme d'autres clientèles peuvent avoir recours
à des spécialistes, par exemple, en responsabilité civile,
en droit municipal, en droit fiscal, etc.»
Depuis l'entrée en vigueur de l'aide juridique, la ou le
bénéficiaire obtient les services professionnels d'un avocat pour
recevoir de l'information sur ses droits et obligations ou pour initier une
procédure légale afin de faire valoir ses droits ou pour
s'assurer une défense en cas de poursuite. Ces différents types
de services couvrent le droit criminel et pénal, civil, matrimonial,
administratif et le droit notarial.
Recommandations. Considérant que toute personne
économiquement défavorisée a le droit d'avoir accès
à la justice;
Considérant la complexité de l'appareil judiciaire;
Considérant que la représentation devant les tribunaux
judiciaires et administratifs demande des connaissances précises,
notamment en ce qui concerne les règles de procédure, les
règles de preuve et l'évolution jurisprudentielle;
Considérant que la majorité de la clientèle de
l'aide juridique en droit familial et civil est composée de femmes;
Considérant que les femmes forment une grande partie de la
clientèle en droit matrimonial et que la dissolution d'un régime
matrimonial et le partage du patrimoine familial peuvent impliquer des sommes
d'argent au litige;
Considérant que plusieurs femmes immigrantes sont
parrainées par leur conjoint, et donc particulièrement
dépendantes de ces derniers, et qu'elles ignorent leurs droits et
recours dans leur nouveau pays;
Recommandation 2.1. Nous recommandons que la couverture des services
demeure la même pour les personnes admissibles à l'aide juridique.
Tout ça, pour assurer le principe d'accessibilité à la
justice pour tous et toutes, tant en demande qu'en défense.
Recommandation 2.2: Nous recommandons que les dossiers en matière
matrimoniale impliquant des sommes en litige lors de la dissolution d'un
régime matrimonial ou du partage du patrimoine familial soient couverts
par l'aide juridique.
Poor nous, cette recommandation-là vise à protéger
la clientèle de l'aide juridique, enfin, la clientèle qui forme
majoritairement les dossiers en matière matrimoniale relevant de l'aide
juridique, parce qu'on constate, dans les faits, que ce sont les femmes qui, en
droit civil et en droit matrimonial, sont requérantes pour les mandats
d'aide juridique. Pour nous, c'est important qu'on continue à couvrir ce
type de services là justement à cause de la situation
économique précaire des femmes, et on ne voudrait pas que ce type
de dossiers là soit privatisé. Et c'est d'autant plus important
qu'on veut qu'ils soient couverts toujours par l'aide juridique pour que les
femmes aient la possibilité de choisir si elles veulent avoir recours
à un permanent de l'aide juridique ou un avocat de pratique
privée. Quand on sait que les avocats de l'aide juridique ont
développé une expertise particulière en droit matrimonial,
on considère donc que c'est important que les femmes aient la
possibilité et l'opportunité de faire un choix au niveau de la
mixité pour les représenter devant les tribunaux.
Recommandation 2.3: Nous recommandons que le volet immigration soit
maintenu dans la couverture des services d'aide juridique. Et nous pensons,
notamment, aux femmes immigrantes parrainées par leur conjoint qui ont
besoin d'entreprendre des recours légaux afin de faire valoir leurs
droits. Et, compte tenu que la loi régissant l'immigration est fort
complexe, nous croyons qu'il est essentiel que ce type de service là
demeure dans la couverture des services.
Le Président (M. Parent): Merci, madame. Est-ce que
ça met fin à votre présentation ou si vous avez encore...
Je vous ferai remarquer que vos 20 minutes ont été
épuisées, mais vous pouvez quand même continuer si vous le
jugez à propos.
Mme Carrier (Marie-Christiane): Oui. Alors, au niveau de
l'organisation et la gestion...
Le Président (M. Parent): Allez, madame.
Mme Carrier (Marie-Christiane): ...des services. Les services
d'aide juridique sont présentement dispensés par des juristes
à l'emploi des corporations régionales réparties sur tout
le territoire québécois. De plus, certains avocats de pratique
privée acceptent des mandats d'aide juridique sur une base volontaire.
Il en découle que, pour certains endroits de la province, pour des
raisons pratiques, des raisons d'expertise, de disponibilité ou
d'accessibilité, la clientèle admissible à l'aide
juridique utilisera davantage les services de juristes du réseau d'aide
juridique que les services des avocats de pratique privée. Par ailleurs,
pour d'autres régions, le phénomène inverse se produit.
Les utilisateurs de l'aide juridique auront davantage recours aux services des
juristes de pratique privée.
Recommandations. Considérant que les gens habitant les
régions éloignées des grands centres urbains ont aussi le
droit à des services juridiques accessibles dans leur
localité;
Considérant que les juristes du réseau d'aide juridique
disposent d'un service de recherche et qu'ils ont développé, au
fil des ans, certaines spécialités, notamment en droit
administratif et matrimonial;
Considérant que les juristes du réseau d'aide juridique
ont aussi pour mandat de promouvoir l'éducation et la prévention
auprès de la population;
Considérant que l'éducation est un élément
important dans la prévention des situations donnant ouverture à
l'exercice de recours légaux;
Considérant qu'une meilleure information à la population
diminue le risque qu'elle ait à investir le système judiciaire et
diminue ainsi les coûts de l'aide juridique;
Considérant que la plupart des juristes du réseau d'aide
juridique sont impliqués activement dans leur milieu;
Nous recommandons le maintien du libre choix du juriste pour la personne
bénéficiaire de l'aide juridique. C'est dans le rapport
Macdonald... et aussi du fait qu'à l'aide juridique il y a comme une
expertise autour du droit de la pauvreté aussi.
Nous recommandons que toutes les corporations régionales ainsi
que les bureaux locaux s'y rattachant demeurent opérationnels et qu'ils
continuent d'offrir à la population les services juridiques offerts
présentement.
Alors, quand on pense aux clientèles des régions
éloignées des grands centres urbains, il est bien important que
les services soient accessibles à ces gens-là et les frais de
déplacement peuvent être un empêchement à
l'accessibilité à ces services-là. (17 h 40)
Nous recommandons que les juristes à l'emploi des corporations
régionales augmentent leur activité liée à
l'éducation et la prévention.
Finalement, le financement. Présentement, les gouvernements
fédéral et provincial sont les principaux bailleurs de fonds du
régime d'aide juridique.
Recommandations. Considérant que l'aide juridique est une mesure
sociale fondamentale pour assurer l'accès à la justice aux plus
démunis de la société;
Considérant que le gouvernement doit demeurer le principal
hailleur de fonds du régime d'aide juridique;
Considérant que l'imposition de frais d'ouverture de dossier
rapportera peu à l'État et que, faute de ne pouvoir contribuer,
les plus démunis économiquement n'auront pas accès
à la justice;
Considérant que l'élargissement des seuils
d'admissibilité de la clientèle entraînera des coûts
supplémentaires;
Considérant que le groupe de travail Macdonald soulignait que
certains utilisateurs du système judiciaire entraînent des
coûts importants pour l'État les litiges de 100 000 $ et
plus, par exemple, ont un effet important sur le temps d'audience et sur
l'utilisation des services judiciaires fournis par les palais de justice;
Considérant que, dans d'autres provinces, les fonds
d'études juridiques du Barreau et fonds d'études
notariales de la Chambre des notaires contribuent au financement de
l'aide juridique;
Nous recommandons, à 4.1, que le gouvernement demeure le
principal bailleur de fonds pour le financement du régime d'aide
juridique. Ça, c'est une question de choix de société que
nous devons faire.
Recommandation 4.2. Nous recommandons que les services d'ouverture de
dossier demeurent totalement gratuits. Donc, non au ticket modérateur.
Et on s'est rendu compte qu'au moment de l'instauration de frais à la
Régie du logement il y a eu une baisse des demandes. Donc, ça a
eu un effet.
Recommandation 4.3. Nous recommandons que la clientèle admissible
en 1972 bénéficie gratuitement de tous les services d'aide
juridique.
Recommandation 4.4. Que L'État impose des frais spéciaux
aux utilisateurs du système judiciaire, dont le ou les montants en
litige seraient de plus de 100 000 $. C'est d'ailleurs dans le rapport
Macdonald.
Maintenant, il a été aussi mentionné dans le
rapport... On parlait des corporations, des personnes morales qui
bénéficient de déductions d'impôt, lorsqu'elles
utilisent des honoraires. Alors, il y a peut-être de l'argent à
aller chercher là aussi.
Nous recommandons que l'État demande une contribution annuelle au
fonds d'études du Barreau et au fonds d'études notariales de la
Chambre des notaires, comme ça se fait dans d'autres provinces.
En conclusion, on veut revenir à la clientèle de 1972 et
maintenir l'étendue de la couverture des services.
Maintenant, il y a peut-être aussi moyen d'étudier
c'est un commentaire qu'on fait tous les modes alternatifs de
résolution de conflits en ce qui concerne la médiation,
l'arbitrage. Et la Fédération des femmes du Québec, en
particulier, ça fait plusieurs années qu'elle se bat pour la
perception automatique des pensions alimentaires. Je pense qu'il y aurait
là une économie intéressante à faire en ce qui
concerne l'administration de la Justice.
Le Président (M. Parent): Merci beaucoup, Mme Boucher.
Merci beaucoup, Mme Carrier de votre présentation. Il nous reste 35
minutes à séparer également entre les deux formations
politiques. Vous avez 17 minutes et quelques secondes chacun, et je reconnais
le ministre de la Justice.
M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Mmes Carrier et
Boucher, je vous remercie d'abord de nous avoir soumis un mémoire et
d'être là aujourd'hui pour l'expliciter, le commenter. C'est un
mémoire qui est bien fait, qui touche à peu près à
toute la question du système d'aide juridique et qui est
également extrêmement bien présenté.
J'aimerais, dans un premier temps, l'une ou l'autre de nos deux
invitées, que vous m'expliquiez de quelle façon votre organisme,
qui est un groupe de travail formé de diverses associations c'est
comme ça que vous le décrivez en quelques mots travaille
en collaboration avec tous les groupes qui apparaissent à votre
mémoire, le Regroupement provincial des maisons d'hébergement, le
regroupement des centres d'aide, les fédérations, etc. Est-ce que
vous êtes en communication constante? Comment ça fonctionne?
Mme Bouclier (Fleurette): Je vous dirai que la plupart des
regroupements provinciaux qui sont décrits...
M. Lefebvre: Les organismes qui apparaissent dans votre
mémoire, là.
Mme Boucher (Fleurette): Oui, c'est ça. Les organismes qui
apparaissent là sont membres de la fédération du
Québec. O.K? Oui, la Fédération des femmes du
Québec. D'autre part, sur des dossiers ponctuels, M. le ministre, il
arrive que, oui, on va former des comités de travail, et c'est ce qui
s'est passé quand on a annoncé les travaux concernant la
réforme de l'aide juridique. Ce n'est pas...
M. Lefebvre: Alors, vous vous êtes... Allez-y, madame.
Mme Boucher (Fleurette): C'est beaucoup plus sur une base
ponctuelle qu'on va s'associer en coalition, quand ça touche,
évidemment, les intérêts et les droits des femmes.
M. Lefebvre: Est-ce que vous considérez que le
système d'aide juridique au Québec va bien, de façon
générale? Je pense surtout, là, à la gestion,
à la structure du régime, à l'accessibilité dans
nos bureaux d'aide juridique je ne parle pas des seuils
d'admissibilité, là la collaboration du personnel qu'on
retrouve dans nos bureaux d'aide juridique, la disponibilité des
permanents, des avocats d'aide juridique, tout comme les avocats de pratique
privée qui acceptent des mandats d'aide juridique, de façon
générale, là et, je me répète, sans
tenir compte, évidemment, du seuil d'admissibilité est-ce
que vous trouvez que le système va bien, globalement, en
général?
Mme Boucher (Fleurette): Je vous dirai que, dans l'ensemble, si
on fait, comme vous l'avez mentionné, exception des critères
d'admissibilité, la couverture des services, oui, ça couvre
à peu près tous les domaines qui peuvent toucher les conditions
de vie dés femmes. Et, à ce niveau-là, oui, pour les
femmes, c'est possible d'être représentées, et ce, autant
en matière matrimoniale qu'au niveau du travail. Là, je fais
particulièrement référence aux femmes qui peuvent perdre
un emploi, ou l'assurance-chômage, ou... Dans l'ensemble, la couverture
des services, oui, ça va.
M. Lefebvre: Les avocats travaillent bien.
Mme Boucher (Fleurette): Au niveau des permanents de l'aide
juridique, je vous dirai que, compte tenu
qu'on est en contact... En tout cas, nous autres, au niveau du
Regroupement provincial des maisons d'hébergement, il y a 51 maisons
membres réparties à travers tout le Québec et, dans
l'ensemble, quand les intervenants des maisons d'hébergement demandent
aux permanents du réseau d'aide juridique, dépendamment de leur
localité, des séances d'information ou de formation ou des
rendez-vous, habituellement, il y a une bonne collaboration. Évidemment,
il faut asseoir les bases de collaboration, mais dans l'ensemble, quand les
gens ne sont pas trop débordés par le boulot, parce qu'on sait
que, dans certaines régions, il y a des «caseload» qui sont
énormes, mais dans l'ensemble, ça va, je vous dirais.
M. Lefebvre: Vous venez de faire allusion à l'information,
à des séances d'information avec des avocats, des permanents de
l'aide juridique. Est-ce que vous...
Mme Boucher (Fleurette): Si vous me permettez, M. le
ministre...
M. Lefebvre: Oui, oui, allez-y, madame.
Mme Boucher (Fleurette): ...c'est qu'on se rend compte, au niveau
de certaines régions, que les permanents du réseau d'aide
juridique sont impliqués au niveau des organismes communautaires, et
particulièrement sur les conseils d'administration des maisons
d'hébergement. Ça arrive que, dans plusieurs régions du
Québec, les avocats permanents de l'aide juridique siègent sur
des conseils d'administration.
M. Lefebvre: Est-ce que vous croyez qu'on devrait se pencher sur
la possibilité de pousser plus au niveau de l'information?
Mme Boucher (Fleurette): Moi, je pense que oui, parce que, qui
dit information, nécessairement, parle de prévention. Oui,
ça, je n'ai pas d'hésitation, oui.
M. Lefebvre: Vous avez, une de vous deux je pense que
c'est Mme Carrier, et vous-même, vous l'avez repris, Mme Boucher
insisté sur le libre choix, qu'on maintienne le libre choix...
Mme Boucher (Fleurette): Oui.
M. Lefebvre: ...qu'un justiciable puisse pouvoir choisir entre un
permanent ou un avocat de pratique privée. Vous avez semblé dire,
lorsqu'on parle du matrimonial je m'adresse à vous, Mme Boucher
que les avocats, les permanents d'aide juridique, ont
développé une expertise, là. Je vous écoute
là-dessus.
Mme Boucher (Fleurette): Oui, oui. Je faisais
particulièrement référence à Me Jean-Pierre
Sénécal, qui est permanent de l'aide juridique. On sait qu'il est
rattaché au bureau d'aide juridique de Saint-Hyacinthe, qui, en
matière matrimoniale, est quand même une référence
de taille. Au niveau de certaines régions, comme c'est souligné
dans notre mémoire, M. le ministre, il peut arriver que les femmes
réfèrent majoritairement aux permanents de l'aide juridique.
Mais, par ailleurs, il peut arriver aussi que d'autres femmes
préfèrent faire affaire avec des avocats de pratique
privée.
M. Lefebvre: Un avocat de pratique privée. Mme Boucher
(Fleurette): Oui.
M. Lefebvre: À la page 6 de votre mémoire, à
1.3.1, au milieu de la page...
Mme Boucher (Fleurette): Oui. (17 h 50)
M. Lefebvre: ...vous parlez, là, en un mot, du volet
contributoire «en instaurant un mécanisme progressif le
plus large possible de participation aux coûts des services
rendus». Pourriez-vous m'indiquer à quoi vous pensez, comme
mécanisme? On a eu plusieurs exemples. Le Barreau du Québec,
d'autres groupes, des avocats, des bénéficiaires eux-mêmes
nous ont fait quelques propositions qui, dans certains cas, étaient
différentes, mais qui visaient essentiellement le même objectif,
permettre à plus de gens d'être admis au régime d'aide
juridique, avec une contribution. À quoi vous pensiez, comme
régime, comme système?
Mme Boucher (Fleurette): Là-dessus, M. le ministre, je
vous dirai que le groupe de travail n'a pas vraiment travaillé à
la mécanique comme telle, au niveau du mécanisme progressif de
participation parce que, d'une part, on trouvait plus essentiel et plus urgent
de s'arrêter aux grands principes qu'on aimerait voir maintenus dans la
loi ou mis de l'avant. Toutefois, il y a le groupe de travail Macdonald qui
fait référence au maximum des gains admissibles, qui pourrait
servir de balise, et dans le document de travail qui a été
déposé par M. Rémillard, là aussi, on faisait
référence au maximum des gains admissibles. ceci étant
dit, le groupe de travail ne s'est pas vraiment arrêté à
chiffrer ce qui devrait correspondre au mécanisme de participation.
toutefois, on a discuté autour de 80 % à 100 % du mga, qui
pourrait être le critère de base pour la clientèle devenant
admissible et devant contribuer à certains types de services.
M. Lefebvre: La contribution comme telle, vous ne l'avez pas
évaluée...
Mme Boucher (Fleurette): Non. Ça, là...
M. Lefebvre: ...si c'est une contribution directe?
Mme Boucher (Fleurette): Non, non. M. Lefebvre: D'accord,
madame. Mme Boucher (Fleurette): Non. M. Lefebvre: À la page 9 de
votre...
Mme Boucher (Fleurette): Ce qu'on visait avant tout, M. le
ministre, si vous me permettez...
M. Lefebvre: Oui, madame. Allez-y.
Mme Boucher (Fleurette): ...c'est qu'on veut que les gens soient
informés des coûts précis, tant minimums que maximums,
qu'ils auront à défrayer, mais au niveau de la mécanique
et de la mise en place comme telles, on ne s'est pas vraiment
arrêté à ça.
M. Lefebvre: D'accord, madame. Vous suggérez, à la
page 9 de votre document, à la recommandation 2.2, l'exclusion de
certains services: «Nous recommandons que les dossiers en matière
matrimoniale impliquant des sommes en litige lors de la dissolution d'un
régime ou du partage du patrimoine soient couverts par l'aide
juridique.» Je m'excuse, tout à l'heure, je reviendrai sur
l'exclusion.
Mme Boucher (Fleurette): Oui.
M. Lefebvre: Est-ce que vous ne croyez pas que ce sont des
dossiers qui devraient être laissés strictement aux avocats de
pratique privée? Parce qu'on parle de partage, de
bénéfices à évaluer, à discuter, le partage
du patrimoine, les actifs du couple.
Mme Boucher (Fleurette): Non. M. Lefebvre: Non?
Mme Boucher (Fleurette): On veut que les femmes aient
l'opportunité de bénéficier du choix entre les avocats du
réseau de l'aide juridique et de la pratique privée. On veut que
cette liberté de choix là demeure. Au contraire, on veut
éviter, justement, par cette recommandation-là, de
privatiser.
M. Lefebvre: Supposons qu'une dame qui a été admise
à l'aide juridique je fais une supposition, là
suite à un débat devant la cour, un règlement hors cour,
se retrouve avec une somme de plus ou moins 20 000 $, 25 000 $ à la
suite du partage du patrimoine...
Mme Boucher (Fleurette): Oui.
M. Lefebvre: Est-ce que vous considérez qu'elle devrait
subséquemment payer une partie des honoraires qu'elle a reçus de
l'aide juridique?
Mme Boucher (Fleurette): Non, je vais être claire...
M. Lefebvre: Non?
Mme Boucher (Fleurette): .. .tout de suite, M. le ministre. Pour
nous autres, si madame a fait une demande d'aide juridique, c'est parce qu'elle
était dans une situation économique précaire...
M. Lefebvre: Oui.
Mme Boucher (Fleurette): ...et si, en bout de ligne,
effectivement, suite à la dissolution du régime matrimonial, la
dissolution du patrimoine familial, elle peut en retirer un petit
bénéfice, un petit pécule qui va lui permettre
d'acquérir une autonomie, et ce, dans les plus brefs délais, au
contraire, moi, je pense qu'elle ne devrait pas avoir à
défrayer...
M. Lefebvre: D'accord. À la page 13 là, on
va parler de l'exclusion recommandation 4.4, vous parlez de frais
spéciaux aux utilisateurs du système judiciaire pour les montants
de 100 000 $ et plus.
Mme Boucher (Fleurette): Ça, on a pris la suggestion telle
que décrite dans le rapport Macdonald; c'est textuel.
M. Lefebvre: Oui, mais vous, vous êtes d'accord parce que
vous avez constaté?
Mme Boucher (Fleurette): Non. Écoutez... M. Lefebvre:
Non?
Mme Boucher (Fleurette): ..ça ne fait pas partie de notre
clientèle, là. Ha, ha, ha! Quand on a pris connaissance...
M. Lefebvre: Non, non, non, non, non, je comprends que ce n'est
pas votre clientèle.
Mme Boucher (Fleurette): Ça n'a rien à voir. Quand
on a pris connaissance, en étudiant..,
M. Lefebvre: Vous trouvez que ça a du bon sens. La
recommandation de Macdonald, vous trouvez que ça a du sens?
Mme Boucher (Fleurette): Oui, ça a du sens, dans la mesure
où, effectivement, c'est vrai, j'imagine, que des litiges de l'ordre de
100 000 $ et plus, ça ne doit pas se régler devant le tribunal en
l'espace d'une demi-heure, trois quarts d'heure; j'ai l'impression qu'il doit y
avoir de la procédure qui est produite au dossier, des interrogatoires
avant, production de défense, et tout. Effectivement, j'ai l'impression
que ça doit mobiliser beaucoup de temps, et...
M. Lefebvre: Merci, madame.
Mme Boucher (Fleurette): ...on sait que ça se fait dans
d'autres provinces aussi.
M. Lefebvre: Mme Boucher, Mme Carrier, je vous remercie. M. le
Président.
Le Président (M. Parent): Merci. Maintenant, je vais
reconnaître la porte-parole de l'Opposition officielle, Mme la
députée de Terrebonne. Mme la députée, vous avez la
parole.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, bonsoir, Mme
Carrier, bonsoir, Mme Boucher. J'ai particulièrement
apprécié votre mémoire, la qualité de ce
mémoire, le questionnement que vous faites, et aussi, évidemment,
vos considérants, qui sont extrêmement importants, les
recommandations que vous faites, votre présentation.
Je vais devoir cependant, avant de vous questionner, faire une petite
mise au point. Elle sera brève, mais je pense qu'il faut la faire.
Durant votre brève absence, tantôt, de ces lieux, le ministre de
la Justice a dépassé un peu le temps d'entente qu'on avait
convenu et utilisé ce temps pour faire certains jugements sur le
questionnement des membres de l'Opposition. Donc, c'est important de
rétablir certains faits. Le ministre avait laissé entendre aux
membres de la commission que l'Association québécoise des avocats
et des avocates en droit de l'immigration avait manifesté sa
satisfaction à l'égard des tarifs. Et il m'apparaissait
extrêmement important de ne pas induire les membres en erreur, puisque Me
Arpin avait souligné elle-même qu'elle n'était pas en
accord avec les tarifs et que ce n'était pas le lieu pour le faire.
Donc, je pense que l'Opposition a le devoir de rétablir les faits, et
que ça ne veut pas dire qu'on prend position pour des tarifs, mais
ça veut dire qu'on doit aussi rétablir des faits.
M. Lefebvre: J'ai dit que ce n'était pas une
préoccupation majeure pour eux.
Mme Caron: M. le Président, est-ce qu'on peut respecter
mon temps de parole? Merci, M. le Président. Deuxièmement,
régulièrement, le ministre nous rappelle que son document est un
document de questionnement et qu'on ne doit en aucun cas présumer qu'il
y a des intentions du gouvernement dans ce questionnement. Alors, j'aimerais
qu'il applique le même principe au questionnement des parlementaires, des
deux côtés de la Chambre.
M. le Président, enfin, je pense qu'il est du devoir du
parlementaire de s'assurer que les droits des démunis soient
respectés et que ce ne soient pas des droits uniquement sur papier.
C'est bien beau des droits sur papier, mais il faut que ce soient des droits
dans la réalité. Et quand on constate que, du côté
des services professionnels des notaires, on ne retrouve que 2,5 % de toute
l'enveloppe, c'est qu'il y a un problème et qu'il y a des démunis
qui n'ont pas droit aux services des notaires à cause d'une question
financière. Et quand on nous dit, aussi, dans un document et
c'est ce que nous disait le document précédent qu'au
niveau des révisions judiciaires à la Cour fédérale
il n'y a presque plus d'avocats qui acceptent ces dossiers, et quand on sait
que ce sont uniquement des avocats de la pratique privée, on a à
questionner pour s'assurer que le droit n'est pas un droit uniquement sur
papier.
C'était la mise au point que je voulais faire, M. le
Président, et soyez assurées, mesdames, que nous allons vous
questionner sur votre mémoire et que nous allons être très
heureux d'entendre vos réponses aussi. Et je pense que ces
droits-là, ça concerne autant les femmes que l'ensemble des
citoyens et des citoyennes. vous nous rappelez, dans l'introduction et
c'est important de le faire que les femmes représentent 67 % de
toutes les personnes payées au salaire minimum. on sait qu'actuellement
les seuils ne permettent pas aux citoyennes et aux citoyens qui sont
payés au salaire minimum de pouvoir bénéficier de l'aide
juridique. vous nous rappelez aussi, à juste titre, que 72 % des
personnes occupant un emploi à temps partiel, deux tiers des femmes sur
le marché du travail gagnent un salaire annuel de 20 000 $. donc, il y a
évidemment un besoin urgent au niveau de la hausse des seuils
d'admissibilité, et ça touche particulièrement des
femmes.
Vous rappelez aussi, à juste titre, l'importance d'offrir aussi
des services qui sont autres que l'aide juridique: perception automatique des
pensions alimentaires avec retenue à la source et nous la
réclamons, nous l'avons dans notre programme, nous la demandons nous
aussi depuis longtemps médiation aussi à la source et non
une médiation après ordonnance de la cour. Pour nous, c'est aussi
un moyen important. (18 heures)
Vous avez également abordé une multitude de sujets qui
touchent à l'aide juridique. Ma première question sera sur le
point de la violence conjugale. Dans votre considérant en page 6, vous
nous dites: «Considérant que pour beaucoup de femmes il est
indispensable d'entreprendre des procédures judiciaires afin de mettre
fin à une union et ainsi protéger leur vie, notamment dans les
cas de violence conjugale;». Quelques groupes ils sont peu
nombreux nous ont dit que, du côté de la violence
conjugale, on pourrait se permettre d'utiliser des procédures moins
«judiciari-santes», qu'il pourrait y avoir conciliation,
médiation. Je vous dis, c'est quelques groupes. Mais moi, je
souhaiterais vous entendre là-dessus. Est-ce que vous pensez vraiment
qu'il y des possibilités dans les cas de violence conjugale?
Le Président (M. Parent): Mme Carrier ou Mme Boucher.
Mme Carrier (Marie-Christiane): Bien, le
commentaire que j'ai fait à la fin sur les procédures
alternatives, c'était toujours dans la mesure «si possible».
Le «si possible» recouvrait ces situations-là où,
souvent, ce n'est pas possible. Comme dans la question des perceptions de
pensions alimentaires, il y a des personnes, il y a des individus... C'est
très très difficile de pouvoir faire une perception automatique,
parce que c'est des travailleurs autonomes ou... peu importe, là. Alors,
ce «si possible» recouvrait c'est tout ce que je veux dire
ces situations-là.
Mme Boucher (Fleurette): Je peux peut-être
compléter, si vous me le permettez, comme je suis membre de
l'exécutif du Regroupement provincial des maisons d'hébergement
et de transition pour femmes victimes de violence conjugale. Relativement
à la médiation familiale dans les cas de violence conjugale, le
Regroupement provincial a adopté une position qui est claire. Nous
considérons que ce n'est pas souhaitable de forcer les femmes à
participer à une médiation familiale quand elles sont victimes de
violence conjugale. D'ailleurs, à cet effet-là, en
assemblée générale, on a adopté une proposition
à l'effet que les cas de violence conjugale devraient être exclus
d'une médiation obligatoire dans le cadre de procédures
légales au niveau matrimonial. Est-ce que je réponds à
votre question?
Mme Caron: Parfaitement. Lorsqu'on nous a fait cette
proposition-là, j'avoue que, moi aussi, j'avais certaines...
Mme Boucher (Fleurette): Non.
Mme Caron: ...inquiétudes, certaines
réticences.
Mme Boucher (Fleurette): Oui.
Mme Caron: Je me disais... Dans le fond, je voyais mal,
là...
Mme Boucher (Fleurette): Oui.
Mme Caron: ...comment une femme victime de violence conjugale
pouvait se retrouver dans un processus de médiation.
Mme Boucher (Fleurette): Non. C'est clair que, pour nous, les
prérequis essentiels à l'application d'une médiation... Si
on veut vraiment que ce soit une vraie médiation, il faut que les deux
parties soient consentantes et disponibles à. Donc, si on se
réfère à la dynamique à l'intérieur du
couple en matière de violence conjugale, la relation fait en sorte que
c'est impossible.
Le Président (M. Parent): Je m'excuse une seconde. Je me
dois, selon nos règlements, de demander le consentement des deux partis
pour dépasser 18 heures. Je prends pour acquis que j'ai le consentement.
Madame, je vous reconnais.
Mme Caron: Consentement, M. le Président.
En page 10, dans vos recommandations, vous commencez par un premier
considérant: «Considérant que les gens habitant les
régions éloignées des grands centres urbains ont aussi le
droit à des services juridiques accessibles dans leurs
localités;». Est-ce que vous avez ajouté ce
considérant-là parce que, à votre connaissance... ou parce
que certains de vos groupes vous ont fait part qu'il y a un problème,
dans certaines régions, d'accessibilité physique aux services
juridiques?
Mme Boucher (Fleurette): Pour le moment, comme tel,
l'accessibilité physique, au niveau des bureaux d'aide juridique dans
les différentes régions du Québec, tout est sous
contrôle, c'est-à-dire que tous les bureaux, à notre
connaissance, sont demeurés opérationnels. Toutefois, ce qu'on
sait, c'est que, dans certaines régions, compte tenu qu'il a fallu
réaménager et faire des coupures budgétaires on
pense à des postes de stagiaires qui auraient été
coupés, donc un personnel réduit, donc un service
évidemment réduit pour la clientèle... Là, je fais
particulièrement référence au
Bas-Saint-LaurentGaspésie, où on sait que le nombre de
stagiaires a diminué. Il reste peut-être un poste ou un poste et
demi, mais à ma connaissance, on sait que le nombre de stagiaires a
diminué pour la corporation Bas-Saint-LaurentGaspésie.
Mme Caron: Ce qui les a amenés aussi à
réduire, ou même, dans certains cas, à éliminer les
bureaux volants, qui permettaient de se rapprocher de...
Mme Boucher (Fleurette): Bien, à notre connaissance...
Ça n'a pas été porté à notre attention qu'il
y a des bureaux volants qui ont été fermés. Ça a
été dans l'air à un moment donné, mais dans les
faits, en tout cas, les bureaux volants seraient toujours fonctionnels.
Mme Caron: II semble qu'il y a une région où ils
ont eu des problèmes avec...
Mme Boucher (Fleurette): C'est possible. Bon, vous m'apprenez
quelque chose, à moins que ce soit... C'est peut-être
récent, mais c'est possible. À un moment donné, on a
entendu parler oui, effectivement de fermeture. On a
discuté très fort de la fermeture potentielle, effectivement, de
bureaux volants, c'est-à-dire de bureaux qui, au niveau des petites
localités, vont offrir des services juridiques, du permanent, à
raison d'une ou deux journées-semaine.
Mme Caron: C'est ça. D'autres ont réduit le nombre
de jours, le nombre d'heures, etc.
Mme Boucher (Fleurette): Oui, c'est ça.
Mme Caron: Vous nous avez dit aussi, en page 11, à votre
recommandation 3.3, qu'il fallait augmenter les activités liées
à l'éducation et à la prévention. Je suis
parfaitement d'accord avec l'importance de cette
recommandation-là. J'ai seulement un petit peu de difficulté...
Compte tenu du personnel, actuellement, dans les corporations
régionales, compte tenu du nombre de dossiers qui sont traités
par les avocats, est-ce que vous pensez que l'éducation, la
prévention pourraient se faire avec certains groupes communautaires,
certaines cliniques juridiques? Est-ce que vous pensez qu'on pourrait utiliser
aussi on a entendu, ce matin, les techniciennes en droit
davantage les services des techniciennes en droit pour éliminer
certaines tâches...
Mme Boucher (Fleurette): Oui, moi, je pense que...
Mme Caron: ...des avocats et faire un peu plus d'éducation
et de prévention?
Mme Boucher (Fleurette): Oui, la collaboration entre organismes
communautaires et bureaux du réseau, en tout cas, est souhaitable. Oui,
effectivement, pourquoi pas? Les techniciennes et les techniciens juridiques
feraient très bien l'affaire. On ne parle pas c'est ça,
là d'opinions légales, on parle de séances
d'information dans un cadre très général. Pourquoi pas?
Ça risque d'avoir un impact bénéfique sur la population.
On va démystifier. Ça va peut-être replacer c'est
ça les choses dans leur contexte un peu plus terre à
terre. Non, on n'a rien contre, au contraire.
Évidemment, l'idéal... Il faudrait peut-être qu'on
pense c'est ça à injecter ou à ajouter des
fonds supplémentaires pour alléger ou engager du nouveau
personnel professionnel. Mais les techniciennes ou techniciens en droit peuvent
le faire aussi.
Mme Caron: C'est ça, parce que les techniciens et les
techniciennes... Je le voyais aussi dans le sens que, si on leur fait accomplir
certaines tâches qu'ils pourraient faire, ça libère aussi,
pendant ce temps-là, les avocats qui pourraient, eux autres aussi,
travailler au niveau de l'éducation et de la prévention.
Mme Boucher (Fleurette): Bien oui, vous avez tout à fait
raison.
Mme Caron: Je sais que ma collègue...
Le Président (M. Parent): M. le député
d'Anjou? Est-ce que le député...
Mme Caron: Non, c'était ma collègue des
Chutes-de-la-Chaudière, M. le Président.
M. Lefebvre: M. le Président, je suis prêt à
consentir tout le temps qu'il faut pour permettre à nos invités
et à mes honorables collègues de s'exprimer.
Mme Caron: Ma collègue des Chutes-de-la-Chaudière,
M. le Président.
M. Lefebvre: Cinq, 10, 15, 20 minutes, il n'y a pas de
problème pour moi.
Le Président (M. Parent): Mme la députée des
Chutes-de-la-Chaudière.
Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, M. le Président.
Je serai très brève.
Le Président (M. Parent): Par contre, étant
donné que...
Mme Carrier-Perreault: Je suis toujours très brève,
de toute façon.
Le Président (M. Parent): Non, mais étant
donné qu'avec le groupe précédent le ministre a
excédé son temps de quatre minutes, soyez bien à votre
aise de reprendre le temps qui vous est imparti. Allez-y, Mme la
députée.
Mme Carrier-Perreault: Écoutez, moi, personnellement, j'ai
regardé le mémoire. Effectivement, je trouve qu'il est
très réaliste, en tout cas, par rapport au dossier que j'ai
à défendre ici à l'Assemblée nationale, le dossier
des femmes. Les statistiques que vous mentionnez dans ce
mémoire-là sont tout à fait justes, donnent un excellent
portrait de la situation.
J'aurais une petite question, par exemple, par rapport à la
recommandation 1.4. Dans la recommandation 1.4, vous nous donnez une liste de
montants à exclure, si on veut, du calcul des revenus d'une personne
pour avoir l'admissibilité à l'aide juridique. On voit les
allocations familiales, plusieurs allocations, Logirente, l'aide
financière, etc. J'ai été un petit peu surprise. Je
m'attendais de retrouver aussi les montants de pensions alimentaires. Est-ce
que c'est un oubli ou si c'est volontaire? J'aimerais ça avoir une
explication.
Mme Boucher (Fleurette): C'est un oubli. Malheureusement, ce
matin, j'en discutais avec ma collègue, puis effectivement, c'est un
oubli. Oui, puis d'ailleurs, j'aurais dû le souligner tout à
l'heure, puis je l'ai encore oublié! Ha, ha, ha! C'est gros, vous me
direz, mais l'erreur est humaine. Effectivement, les pensions alimentaires
devraient être incluses dans la recommandation, donc exclues pour
calculer les revenus d'une personne demandant un mandat d'aide juridique.
Mme Carrier-Perreault: Bon! Je suis contente, on va pouvoir
l'ajouter. Ça fera maintenant partie de la recommandation 1.4, les
pensions alimentaires. C'est parce que j'étais un petit peu
étonnée. Je suis très contente de voir que c'est un oubli.
On sait comment on peut insister sur le fait, justement, que ces pensions
alimentaires, c'est le droit aux aliments pour les enfants dont on a maintenant
la responsabilité.
Mme Boucher (Fleurette): Pour les enfants, oui.
Mme Carrier-Perreault: Par rapport aussi à votre
recommandation 1.6, quand vous parlez de la possibilité d'avoir le
service pour les organismes communautaires. Je sais, Mme Boucher, que, dans
votre cas, ça doit avoir un impact et que ça peut être
très important, les membres des conseils d'administration, je
présume, faisant partie des organismes. Alors, c'est bien
évident. Vous nous disiez qu'il y avait déjà des avocats
de l'aide juridique à plusieurs endroits qui étaient membres de
vos conseils d'administration. Donc, quand on parle de revenus trop
élevés, c'est bien évident que, là, on est en
contradiction. J'aimerais quand même avoir, peut-être pour
comprendre un petit peu mieux l'impact... Vous n'êtes pas les seuls
à avoir demandé ça, il y en a d'autres qui sont venus le
dire aussi. Est-ce qu'il y a moyen d'avoir des exemples de cas où vous
pourriez avoir des besoins précis, concrets? (18 h 10)
Mme Boucher (Fleurette): Bon, pour le Regroupement provincial des
maisons d'hébergement, je peux vous dire qu'on aurait besoin
d'obtenir... Un exemple qui me vient en tête, c'est au niveau de la
responsabilité civile d'une maison d'hébergement. Au niveau de la
responsabilité, quel est le degré de responsabilité auquel
une maison d'hébergement est tenue par rapport... Compte tenu qu'on doit
assurer les services 24 heures sur 24, sept jours par semaine, ça engage
quoi et ça implique quoi au niveau de la responsabilité, advenant
le cas où une femme pourrait se blesser, ou un enfant, à
l'intérieur de la maison? Bien là, je vous dis ça comme
ça, c'est ce qui me vient le plus vite en tête.
Le Président (M. Parent): Est-ce que ça
répond à votre question, madame?
Mme Carrier-Perreault: Oui. Bien, disons que c'est un
exemple.
Mme Boucher (Fleurette): Ou des causes types qui feraient en
sorte, aussi...
Mme Carrier-Perreault: J'essaie de voir.
Mme Boucher (Fleurette): ...qu'on pourrait mettre de l'avant ou
répondre de façon plus adéquate aux femmes, sauf que,
là, malheureusement, je n'ai pas d'exemple.
Mme Carrier-Perreault: À brûle-pourpoint, ça
ne vous vient pas? Ha, ha, ha!
Mme Boucher (Fleurette): Ça ne me vient pas. Mme Caron:
D'accord, je vous remercie. Mme Boucher (Fleurette): Je
m'excuse.
Le Président (M. Parent): Est-ce que ça
répond à votre question? Terminé? Oui, madame.
Mme Caron: Oui, j'aimerais peut-être compléter sur
la même question. Les associations de consommateurs sont venues nous dire
que, parfois, elles avaient des menaces. Elles avaient des menaces de
poursuites et elles ont eu aussi... certains groupes ont eu des poursuites.
Dans les groupes que vous connaissez, est-ce que, aussi, il y a...
Mme Boucher (Fleurette): Directement, à ma connaissance,
des menaces de poursuite? Non. Mais par ailleurs, je pourrais vous dire qu'il y
a certaines maisons membres du Regroupement provincial des maisons
d'hébergement et de transition pour femmes victimes de violence
conjugale qui ont déjà eu maille à partir avec des agences
de détectives privés qui ont retracé les conjointes de
leurs clients. Ça, ça pourrait être un bon exemple.
Mme Caron: Oui, c'est un très bon exemple. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Parent): Alors, il reste cinq minutes
pour le parti ministériel. D'autres intervenants du parti
ministériel? M. le député de LaFontaine.
M. Gobé: j'avais une question, m. le président.
j'ai sursauté tout à l'heure lorsque mme la députée
de terrebonne a fait sa petite mise au point. elle a évoqué le
fait, si j'ai bien compris vous me reprendrez, madame que
seulement 2,5 % des gens, des démunis c'est votre mot
avaient accès à l'aide juridique en ce qui concerne les
notaires.
Mme Caron: non. il y a eu 2,5 %... M. Gobé:c'est
ça que vous avez...
Mme Caron: ...2,5 % de dossiers qui ont été
traités...
M. Gobé: ...par un notaire. Est-ce que vous voulez...
Mme Caron: ...pour l'ensemble de tous les dossiers. C'est tous
des dossiers d'avocat, et il y a très peu de dossiers de notaire parce
que les tarifs n'ont pas été modifiés depuis 1977 et qu'il
y a très... Il n'y a pas de notaires permanents, il n'existe pas de
notaires permanents. Donc, ce n'est que de la pratique privée, et ils ne
sont pas obligés d'en faire.
M. Gobé: Parce que la question que je me pose,
c'est...
Le Président (M. Parent): Alors, M. le
député de LaFontaine, vous avez...
M. Gobé: Non, c'est...
Le Président (M. Parent): ...la parole. Après
ça, s'il y a réaction, je reconnaîtrai la
députée de Terre-bonne.
M. Gobé: Je pense que j'ai de la difficulté
à comprendre en quoi un démuni au sens du mot, quelqu'un
qui reçoit des prestations d'aide sociale ou autres peut avoir
besoin d'un notaire. Dans quel genre de...
M. Bélanger: Testament.
M. Gobé: Est-ce que c'est pour des conseils
juridiques?
M. Bélanger: Testament.
M. Gobé: Est-ce que c'est pour acheter des maisons?
Mme Caron: Testament. M. Bélanger: Testament. M.
Gobé: C'est un testament? C'est quoi?
Mme Caron: Testament. Besoin de réhypothéquer sa
maison; le cas qu'on avait amené à l'Assemblée
nationale.
Le Président (M. Parent): Ça va?
M. Gobé: S'il réhypothèque, c'est qu'il a de
l'argent. Il me semble que...
Le Président (M. Parent): Bien...
M. Gobé: ...ce n'est plus de l'aide juridique,
là.
Le Président (M. Parent): Ha, ha, ha!
Mme Caron: Non, non, c'est parce qu'il n'en a pas,
justement...
M. Bélanger: Ha, ha, ha!
Mme Caron: ...qu'il réhypothèque.
M. Gobé: Alors, à ce moment-là, il n'aurait
pas d'hypothèque. À ce moment-là, il n'aurait pas
d'hypothèque.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gobé: À ce moment-là, il n'aurait pas
d'hypothèque, madame. Il me semble que...
Mme Caron: Ils ont le droit d'avoir des... Tu as beaucoup
d'assistés sociaux qui ont une maison. Bien oui, tu en as beaucoup qui
ont une maison, qui l'avaient avant, et c'est beaucoup moins dispendieux qu'un
logement...
Le Président (M. Parent): II faudrait garder la...
M. Bélanger: ...en région. Mme Caron: ...en
région.
Le Président (M. Parent): C'est plus avantageux de garder
la maison que de s'en aller en logement, dans ce cas-là. M. le ministre,
vous avez la parole.
M. Lefebvre: je voudrais faire la mise au point suivante pour
qu'on se comprenne bien. ce que mme la députée de terrebonne
souligne, c'est un fait que les dossiers d'aide juridique traités par
les notaires, c'est relativement marginal par rapport à l'ensemble de
l'activité de l'aide juridique, mais ça a toujours
été comme ça. aujourd'hui, c'est plus ou moins 2,5 %
à 2,6 % de l'ensemble des activités, alors qu'au départ,
en 1972 en principe, c'est un régime, au niveau des tarifs,
satisfaisant pour tout le monde ça commençait.
l'activité notariale, pour la première année, ça a
été à peine de 6 %. ça n'a pas bougé
beaucoup, hein. ça ne veut pas dire cependant qu'il n'y a pas lieu,
également à ce niveau-là, de se questionner sur les
ajustements financiers.
C'est toujours la même question, et là, je m'adresse
à Mme Carrier et à Mme Boucher, que je veux saluer et remercier
pour être venues expliquer le contenu de leur mémoire, qui
présente plusieurs points de vue assez particuliers et
intéressants. Vous avez soulevé des questions, pour certaines,
qu'on n'a pas vues dans d'autres mémoires.
Le système d'aide juridique, on le sait, là... On retrouve
à l'intérieur de ce système-là des dispensateurs de
services que sont les notaires, que sont les avocats. On retrouve
également des gens qui sont assez bien traités à
l'intérieur du régime d'aide juridique, ce sont les experts.
Quand Mme la députée de Terrebonne disait tout à l'heure
que le ministre insiste pour dire que c'est un document de questionnement,
effectivement, c'est un document de questionnement qui a permis à des
gens de bâtir des rapports, des mémoires extrêmement
intéressants, et s'ajoute à ça la consultation. C'est
à l'intérieur de cette consultation qu'on apprend des choses
aussi questionnables que ce qu'on a appris ce matin avec des avocats de l'aide
juridique, qu'un expert en matière de droit criminel, pour un
ivressomètre, facture, à l'intérieur du régime
d'aide juridique qui est en place pour les plus démunis, pour une
demi-heure à la cour, 1200 $. Alors, il faut se questionner
là-dessus. Il y a des notaires, des avocats, des experts, puis il y a
des démunis. Alors, c'est un questionnement qu'il faut faire
tous
ensemble. Moi, je suis prêt à reconnaître qu'il n'y a
pas un intervenant qui peut se dire satisfait des sommes d'argent qu'il retire
directement ou indirectement du régime. On est bien conscient de
ça, sauf que, comme gouvernement, on est confronté à des
choix extrêmement difficiles. C'est avec des témoignages comme les
vôtres, qui nous donnent un éclairage sur certains points
très particuliers...
Vous avez insisté particulièrement sur le droit
matrimonial, le choix de l'avocat, l'expertise particulière de l'avocat
permanent à l'aide juridique en matière de droit matrimonial.
Le Président (M. Parent): Vos conclusions, M. le
ministre.
M. Lefebvre: Alors, je conclus en vous remerciant puis en vous
souhaitant un bon retour à la maison. Merci beaucoup, mesdames.
Le Président (M. Parent): Merci. Avant de suspendre nos
travaux, je demanderais s'il y a consentement parmi les membres de cette
commission à ce que nous débutions nos travaux à 19 h 45
au lieu de 20 heures.
M. Lefebvre: Consentement.
Le Président (M. Parent): On va tâcher de rejoindre
les gens qui sont ici. S'ils ne sont pas ici, il n'y a pas de problème,
on commencera à 20 heures. Mais on va tenter de les rejoindre ici, parce
qu'on peut avoir un vote vers 21 h 45, puis ça peut être
difficile.
Merci beaucoup, mesdames, de votre présence. Merci beaucoup, les
membres de cette commission. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 19 h
45.
(Suspension de la séance à 18 h 18)
(Reprise à 19 h 46)
Le Président (M. Parent): Alors, j'invite les
députés à prendre place à leurs sièges
respectifs, pendant que j'accueille en leur nom nos invités, qui sont
les représentants de l'Association des avocats et avocates en droit
carcéral du Québec, et qui sont représentés
à la table par Me Stephen Fineberg, président, Mme Jacinthe
Lanctôt, vice-présidente, et Me André Lortie, qui est un
membre actif de l'Association.
Alors, je vous informe que nous commençons à 19 h 45;
c'est que nous sommes assez serrés dans le temps à cause d'un
imprévu dans le travail parlementaire, qui prévoit un vote durant
la soirée, et on ne voudrait pas être obligés de priver
personne de son droit de parole. Alors, je vous invite à nous faire un
résumé de votre mémoire, qui a été lu et
assimilé, j'imagine, par les membres de cette commission. Et,
après ça, nous verrons à dialoguer ensemble, entre les
membres du côté ministériel et les membres du
côté de l'Opposition officielle. Alors, j'imagine que le
porte-parole, c'est M. Stephen Fineberg?
M. Fineberg (Stephen): Non. Le Président (M. Parent):
Non? M. Fineberg (Stephen): Ha, ha, ha! Le Président (M.
Parent): Éclairez-moi.
Association des avocats et avocates en droit
carcéral du Québec (AADCQ)
M. Fineberg (Stephen): D'abord, j'aimerais juste exprimer la
grande satisfaction de l'Association des avocats et avocates en droit
carcéral d'être ici ce soir, d'avoir la chance de vous exposer
notre point de vue et d'échanger avec vous autres. Mais je vais passer
la parole à ma collègue, Me Lanctôt.
Le Président (M. Parent): Alors, Me Lanctôt, encore
une fois, moi, je vous accueille et vous remercie, pour ma part, d'avoir
répondu à notre invitation pour nous aider dans notre cheminement
et nous éclairer dans notre cheminement sur l'étude de la loi de
l'aide juridique. Me Lanctôt, nous vous écoutons.
Mme Lanctôt (Jacinthe): Merci. En fait, mon objectif, ce
soir, sera, premièrement, de vous présenter brièvement
l'Association c'est une association quand même relativement jeune;
deuxièmement, de vous familiariser quelque peu, dans la mesure où
le temps nous le permet, avec le champ de pratique qu'est le droit
carcéral; troisièmement, de vous démontrer la
nécessité de la représentation par avocat dans ce champ de
pratique; et quatrièmement, également, la nécessité
de la couverture, bien entendu, de l'aide juridique sur ce champ de
pratique.
L'Association des avocats et avocates en droit carcéral est une
association qui regroupe des membres qui, vous vous en doutez, pratiquent dans
ce champ de pratique, mais qui regroupe à la fois également les
avocats qui acceptent les mandats d'aide juridique et ceux qui n'acceptent pas
les mandats d'aide juridique. C'est une association qui a été
créée, en fait, en mai 1992, et nos objectifs sont les suivants,
c'est-à-dire, entre autres, travailler à l'avancement de cette
pratique du droit carcéral et à la défense des
libertés individuelles et des droits fondamentaux des personnes
détenues.
D'ailleurs, l'Association, à ce titre, est déjà
intervenue à plusieurs reprises, soit devant les instances mêmes
du service correctionnel, soit devant la Commission québécoise
des libérations conditionnelles. Nous avons participé à
certaines consultations publiques sur le droit correctionnel; nous avons
proposé l'adoption de règles et de pratiques appropriées
sur les lois et les règlements rattachés au régime
carcéral.
En fait, il nous importe un peu de vous familiariser avec la nature et
les fonctions de l'avocat qui pratique cette spécialisation juridique.
Il faut d'abord préciser que les avocats qui pratiquent en droit
carcéral sont mandatés par les détenus
fédéraux et provinciaux qui... en fait, dans les
pénitenciers à la fois fédéraux et provinciaux, et
pour les représenter devant les différentes instances
administratives, ce qui signifie... En fait, les instances administratives se
retrouvent soit devant le tribunal disciplinaire, soit devant la Commission
nationale des libérations conditionnelles ou la Commission
québécoise des libérations conditionnelles. En fait, nous
plaidons devant ces différentes instances à chaque fois que les
droits des personnes détenues sont en jeu. Ces audiences se tiennent
dans les pénitenciers, dans chacun des pénitenciers; c'est
à l'intérieur, ce n'est pas au palais de justice, ce n'est pas
dans les cours. Donc, ça cause d'ailleurs, on pourrait vous en
reparler un petit peu plus loin une certaine difficulté dans la
pratique. Ça demande donc une disponibilité assez importante pour
les avocats. (19 h 50)
Le droit carcéral est très peu connu, mais il a connu
quand même une évolution assez rapide ces dernières
années, et ce n'est pas étranger, c'est intrinsèquement
relié, je dirais même, à l'évolution du droit
carcéral, du service correctionnel lui-même. En fait, le service
correctionnel, le système québécois correctionnel,
finalement, à la fois provincial et fédéral, a connu un
développement assez important au cours des dernières
années. Je veux également vous faire un petit rappel historique.
Lorsque a été créée la Commission nationale des
libérations conditionnelles, en 1958, le Canada ne comptait, à
cette époque, que huit pénitenciers. Dans certaines statistiques,
on retrouve maintenant que, dès 1988, on en comptait déjà
60, et semble-t-il que ça ne cesse d'augmenter. Et aussi, on peut
ajouter à cela de nouvelles maisons de transition, de nouveaux champs
aussi qui se recréent, qui sont rattachés, finalement, au service
correctionnel. On ne doit pas oublier non plus que le Québec compte
près du tiers des détenus canadiens, en plus des détenus
provinciaux.
Donc, à ce développement assez important du service
correctionnel au cours des dernières années, s'est greffée
nécessairement une évolution aussi dans la sensibilisation des
droits des personnes détenues, dans la reconnaissance de leurs droits,
finalement, et de leurs options juridiques. En fait, je pense que ce qu'il est
important de souligner, c'est qu'il ne faut pas oublier que
l'incarcération n'est pas un état qui prive la personne
détenue de tous ses droits. Encore là, depuis 1992 en fait, la
notion de «mort civile» découlant de l'emprisonnement a
été abolie au Canada.
Il y a d'autres événements marquants qu'il est important
de souligner dans l'évolution, également, à la fois de la
pratique en droit carcéral et du service correctionnel. Je vais vous
rappeler le rapport MacGuigan; probablement que, peut-être, certains ici
sont familiers avec ce rapport, sinon je peux vous en expliquer un peu,
rapidement, le contenu. Ce rapport, qui date de 1977, déjà,
recommandait justement l'implantation de la règle de droit à
l'intérieur des murs en fait, la «rule of law» de la
«common law» voyant là, en fait, la
nécessité de soumettre tout ce qui est activité
administrative, décision administrative, au contrôle
judiciaire.
Aussi, en 1978, on a commencé à voir apparaître les
comités de détenus, qui ont contribué également
à la sensibilisation aux droits des personnes détenues. On peut
maintenant affirmer sans aucun doute que, dans presque tous les
pénitenciers, on retrouve les comités de détenus.
Il y a certains arrêts, aussi. Je pense qu'il est important de
souligner que cette évolution du droit carcéral a
été marquée par des décisions importantes par la
plus haute cour de ce pays, la Cour suprême du Canada, et qui, à
chaque fois, venaient confirmer l'importance de reconnaître les droits
des personnes détenues. Je vous rappelle, entre autres, en 1979,
l'arrêt Solosky, où la Cour suprême venait confirmer que,
durant leur détention, les personnes détenues conservent les
droits qui ne leur ont pas été enlevés par la
législation expresse ou par nécessité implicite.
D'ailleurs, tout récemment, cette position a été
concrétisée dans la législation, lors de l'entrée
en vigueur de la nouvelle loi, le 1er novembre 1992, la nouvelle Loi sur le
système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Il
existe maintenant une nouvelle disposition assez claire qui vient
reconnaître ce fait. Et je vais quand même vous le mentionner, je
vais vous le souligner, c'est le sous-paragraphe e de la loi qui stipule ceci:
«Le délinquant continue à jouir des droits et
privilèges reconnus à tout citoyen, sauf de ceux dont la
suppression ou restriction est une conséquence nécessaire de la
peine qui lui est infligée.»
En fait, il y a eu d'autres décisions importantes
également. Je pense à l'arrêt Nicholson, en 1979, qui est
justement venu confirmer que des décisions purement administratives,
souvent difficiles à différencier de situations quasi
judiciaires, sont sujettes elles aussi au devoir d'agir avec
équité, ce qu'on appelle le «duty to act fairly» de
la «common law». En fait, il y a la célèbre cause
Martineau aussi, en 1980, où la Cour suprême reconnaissait encore
que les décisions des tribunaux disciplinaires pénitentiaires
pourraient être contrôlées judiciairement par le biais de
principes d'équité et par voie de certiorari sous l'article 18 de
la Loi sur la Cour fédérale.
On ne peut pas passer sous silence non plus l'arrivée de la
Charte canadienne, en 1982. Et, en fait, le droit des personnes détenues
d'avoir recours aux avocats spécialisés en droit carcéral
pour les représenter devant les démarches administratives et pour
défendre leurs droits, je crois, a été acquis, donc
reconnu, depuis quand même plusieurs années par les tribunaux.
Il y en a une autre, tout récemment encore, qu'il m'importe de
vous souligner. En 1993, c'est la Cour fédérale, cette fois-ci,
qui, dans la cause William Head
Institution contre la reine, a désavoué carrément
la position du service correctionnel qui refusait aux détenus de
participer au processus décisionnel affectant leurs
intérêts. C'est, encore là, un trait assez important, parce
qu'il se retrouve maintenant une disposition, également, dans la loi sur
le service correctionnel qui indique que le service correctionnel doit
consulter les détenus lorsque leurs intérêts sont en
cause.
De très grandes parties du travail des avocats qui pratiquent le
droit carcéral concernent... en fait, tout ce qui touche les statuts,
les règlements, les politiques, la jurisprudence qui se plaide à
l'intérieur du cadre administratif des institutions
pénitentiaires, tout ce travail, finalement, juridique des avocats en
carcéral porte à la fois sur la législation, les
jurisprudences. On constitue des dossiers, et devant les différentes
instances du milieu carcéral, incluant également les cours, on
doit finalement faire nos représentations.
En ce sens, je pense qu'il nous apparaît, nous, évident que
les personnes détenues doivent pouvoir recourir aux avocats. Elles sont
confrontées, non seulement à une abondante jurisprudence, mais le
régime carcéral lui-même est encadré d'une
législation abondante, comme je le disais tout à l'heure, de
toutes sortes de lois, de directives internes qu'il devient très
difficile pour les détenus de pouvoir connaître et assimiler, et
présenter des arguments ou une défense à rencontre de
toutes ces dispositions ou pour faire valoir leurs droits qui sont reconnus
dans ces dispositions.
En fait, l'étendue et la diversité des lois sont tellement
importantes que le service correctionnel lui-même, de même que les
différentes commissions de libérations conditionnelles,
c'est-à-dire provinciale et fédérale, se sont, quant
à eux, dotés d'un service de contentieux juridique, d'avocats qui
leur permettent de les conseiller dans leurs démarches et de les
représenter devant les différentes instances, le cas
échéant. En fait, nous pensons qu'une seule, une personne
vraiment versée en droit administratif va être en position de
faire des représentations adéquates dans les différentes
instances administratives.
La nouvelle Loi sur le système correctionnel consacre d'ailleurs
le principe selon lequel, lorsque la liberté est en péril, la
représentation par avocat devient un droit, ce qui n'était pas
clairement identifié dans l'ancienne loi. Ça l'est maintenant,
à l'article 31 des règlements, où on vient confirmer que
le détenu qui fait face à une infraction disciplinaire et qui
doit passer devant un tribunal disciplinaire à l'intérieur du
pénitencier a droit d'avoir recours à l'avocat, et non seulement
le droit d'avoir recours, mais on doit l'informer de ce droit lorsqu'il fait
face à une infraction disciplinaire grave.
Au niveau de la commission de libérations conditionnelles, ce
droit aussi a déjà été reconnu par les tribunaux,
en 1980. Je pense, entre autres, à la cause Dubeau, où, en fait,
la cour a confirmé... En fait, un détenu avait été
révoqué de sa libération conditionnelle, et ce
détenu s'est... un recours en certiorari, et on a effectivement... Il
s'était fait refuser, lors de cette au- dience, le droit d'être
représenté par avocat, alors que la commission de
libérations conditionnelles le questionnait notamment sur des causes
juridiques pendantes. Et la cour est venue confirmer que ce détenu avait
le droit d'être représenté par un avocat devant la
commission de libérations conditionnelles. C'est encore une preuve que
la reconnaissance des droits... le droit d'être entendu comprend
effectivement le droit d'être représenté par avocat.
Il y a plusieurs dispositions également qui démontrent,
qui prouvent qu'un détenu sans avocat peut difficilement s'en sortir
devant certaines... Comme, par exemple, je pense aux dispositions concernant
l'appel des décisions de la commission. Je vais vous en lire quelques
extraits. C'est l'article 147 de la loi qui nous dit que: Le délinquant
visé par une décision de la commission peut interjeter appel
à la section d'appel de la commission, et les motifs invoqués
sont ceux-ci: «a) la commission a violé un principe de justice
fondamental; «b) elle a commis une erreur de droit en rendant sa
décision; «c) elle a contrevenu aux directives établies aux
termes du paragraphe 151.2 ou ne les a pas appliquées; «d) elle a
fondé sa décision sur des renseignements erronés ou
incomplets; «e) elle a agi sans compétence, outrepassé
celle-ci ou omis de l'exercer.» (20 heures)
Alors, je pense que cet article parle de lui-même. L'importance
d'être représenté, d'avoir une représentation
adéquate pour défendre ces principes juridiques nous
apparaît, encore une fois, incontestable. Ce qui nous apparaît
incontestable aussi, c'est que le déni ou le refus de permettre aux
détenus d'être représentés par avocat
équivaut finalement à les priver de véritables recours
adéquats ou d'une défense pleine et entière.
La mise en application des mesures pour protéger la
liberté et la sécurité des personnes détenues,
c'est devenu une nécessité, comme nous l'avons dit plus
tôt, avec le développement des lois et des règlements. En
fait, je peux vous donner quelques exemples d'incidents dans le milieu
carcéral qui touchent et qui ont un impact direct sur le degré de
jouissance de la liberté de la personne. Je vais vous parler, entre
autres... Il y a, notamment, des transferts involontaires de détenus qui
sont détenus dans des pénitenciers à
sécurité moindre, et on les transfère dans les
pénitenciers à sécurité maximum, par exemple. Il y
a aussi l'isolement de certains détenus qu'on maintient dans des
cellules d'isolement pour raisons administratives ou punitives,
c'est-à-dire que les détenus sont maintenus dans les cellules 23
heures sur 24 pendant un certain nombre de semaines, de jours, d'heures, voire
de mois. Il y a également les actions en cour disciplinaire, il y a les
fouilles à nu, les tests d'urine, l'octroi de semi-libertés,
d'absences temporaires, de libérations conditionnelles, les audiences
relatives, également, à la perte de cette libération
conditionnelle.
Il y a d'autres choses, aussi, qui peuvent vous paraître un peu
moins évidentes, comme, par exemple,
l'obtention de soins médicaux, de soins psychologiques,
psychiatriques, de diètes spéciales. En fait, ce qui est pris
pour acquis par les citoyens en liberté ne peut l'être dans les
institutions pénitentiaires. Dès que des intérêts
importants sont en cause, je pense que le devoir d'agir avec
équité s'impose aux décideurs. Ces décideurs
je parle des instances, des directeurs des pénitenciers, des directeurs
des services régionaux du service correctionnel, et
fédéral, de même que des décideurs au niveau de la
commission de libérations conditionnelles ont un énorme
pouvoir discrétionnaire. La loi leur confère de tels
pouvoirs.
Donc, je pense qu'ils n'ont, par contre, souvent, malgré tout,
aucune formation juridique. Ce ne sont pas nécessairement des avocats.
Même les membres de la commission de libérations conditionnelles,
les directeurs des pénitenciers, n'ont pas nécessairement une
formation juridique. Et donc, le danger d'ériger en système des
décisions administratives arbitraires et déraisonnables, ou mal
fondées légalement, nous apparaît évident. Il
devient d'autant plus important d'assurer aux personnes détenues la
possibilité d'avoir recours aux avocats; donc, comme garde-fous. Parce
que les détenus, justement, à cause de la condition
inhérente à leur détention, à la vie
carcérale, n'ont pas nécessairement la capacité
d'accomplir tout ce qu'un citoyen libre peut faire, quant à lui, pour se
représenter ou pour présenter sa cause ou se défendre. On
pense, entre autres, qu'un détenu n'a pas accès à une
bibliothèque juridique, il n'a pas souvent accès à ses
effets personnels lorsqu'il vient d'être suspendu d'une libération
conditionnelle; donc, il n'a même pas ses documents, son dossier
carcéral, il ne peut pas avoir recours à ses effets, ses appels
téléphoniques sont limités, ils ne peuvent être
faits qu'à des personnes qui acceptent les frais. Et sans compter que le
climat carcéral lui-même ne favorise pas nécessairement la
concentration pour faire une bonne préparation d'un dossier. En fait, la
personne détenue n'est vraiment pas en position de force pour contester
certains faits ou présenter certains arguments. Et c'est pour tous ces
motifs, en fait, que nous croyons que les services d'un avocat
spécialisé dans les sciences juridiques, dans le droit
administratif carcéral, nous apparaissent essentiels.
Je vais essayer d'abréger. Nous pensons donc que la
nécessité que l'aide juridique couvre les mandats des actes
juridiques des avocats en carcéral est évidente, parce qu'il y a
un lien direct entre la pauvreté et la population carcérale.
Comme nous l'avons mentionné plus tôt, aussi, la majorité
des détenus sont issus de milieux défavorisés, n'ont pas
les moyens de s'offrir les services d'un avocat, ou encore, ont englouti tous
leurs revenus dans les paiements des honoraires d'un avocat au criminel qui les
a représentés dans leur défense au criminel. En
institution, bien entendu, ils ont à peine de quoi payer leur cantine.
Alors, s'ils ne bénéficient pas de l'aide juridique, c'est
carrément les empêcher de se représenter, de faire valoir
leurs droits, et c'est faire deux justices, finalement, parce que c'est
seulement ceux qui sont les plus fortunés qui vont pouvoir se faire re-
présenter par avocat. Et les plus fortunés, bien entendu, pour la
majorité, font partie du crime organisé. Alors donc, il nous
apparaît important, ce soir, de vous mentionner que, également, il
faut collaborer avec les avocats de pratique privée pour continuer
à faire cette pratique... et ceux qui acceptent les mandats d'aide
juridique, et pour différentes raisons.
En fait, je ne sais pas si, ici, les membres sont au courant qu'il n'y a
pas de tarification, actuellement, en droit carcéral. Nous subissons
effectivement la discrétion de la Commission des services juridiques
quant à l'émission des mandats et quant aux barèmes
à être payés pour les avocats. Donc, notre recommandation
va également, aujourd'hui, dans ce sens, lorsque, dans notre
mémoire, nous en parlons à la conclusion. Il devient donc
important que cette commission se penche sur l'évident besoin
d'assistance juridique pour les personnes détenues soumises au
régime carcéral, sur l'utilité de recourir aux avocats et
aux avocates en droit carcéral et en pratique privée pour la
défense des personnes détenues, sur l'indispensable couverture de
frais d'assistance juridique en matière carcérale et sur
l'élaboration, bien entendu, d'une grille de tarification uniforme pour
les honoraires des actes juridiques.
Et, peut-être, lors de la période des questions et des
réponses, nous pourrons également vous informer
concrètement, dans la pratique, ce que ça signifie cette
discrétion quant à l'émission et à la couverture de
nos honoraires juridiques.
Le Président (M. Parent): Merci, Me Lanctôt. Vous
nous avez présenté les gens qui vous accompagnaient. Je vais vous
présenter aussi des gens qui forment cette commission. D'abord, le
ministre de la Justice est avec nous, le porte-parole de l'Opposition
officielle, la députée de Terrebonne, le président de la
commission de l'aide juridique, Me Pierre Lorrain, qui accompagne le ministre,
M. le député de LaFontaine et M. le député de
Hull.
Et je reconnais le ministre de la Justice.
M. Lefebvre: Merci, M. le député de Sauvé,
président de la commission des institutions. Je vous remercie. Je veux
vous saluer, Me Lanctôt, Me Fineberg, Me Lortie, vous remercier pour nous
avoir, dans un premier temps, au nom de l'Association des avocats et avocates
en droit carcéral, soumis un mémoire, et aussi,
évidemment, de venir le discuter avec nous en commission, ce soir.
Vous n'êtes pas le premier groupe qui soumettez un mémoire
qui touche une activité très précise du droit à
l'intérieur du système d'aide juridique, et je trouve que c'est
bien, parce que ça permet à la commission d'avoir un
éclairage très professionnel, très précis, par ceux
et celles qui sont impliqués directement dans l'activité, sur des
volets de notre système d'aide juridique.
Me Lanctôt, vous dites, dans votre présentation, ça
apparaît dans votre mémoire, que l'Association des avocats et
avocates en droit carcéral existe depuis mai
1992. Ça regroupe plus ou moins 25 à 30 avocats. Avant mai
1992... je devrais peut-être poser la question autrement: Pourquoi
avez-vous trouvé souhaitable de vous regrouper en association? Parce que
le droit carcéral n'a pas commencé en 1992, j'imagine?
Mme Lanctôt (Jacinthe): Non. Non. Et peut-être que je
peux laisser à mon confrère, qui est beaucoup plus
expérimenté que moi en droit carcéral, vous
répondre exactement à cette question.
M. Lefebvre: Oui, Me Fineberg, on vous écoute.
M. Fineberg (Stephen): Oui. Merci beaucoup. On constate que, au
Québec, on vit une évolution importante en droit carcéral,
et on aimerait le situer dans le contexte de l'évolution globale du
droit administratif et des droits de la personne, depuis les années
soixante. Je pense qu'il n'est pas inexact de prétendre que, aux
États-Unis, le droit carcéral s'est développé
peut-être 10 ans avant qu'il se produise au Canada. Mais depuis, mettons,
1970, les détenus commencent à s'adresser aux cours. (20 h
10)
La Cour fédérale a été créée
en 1971, et je peux vous dire que, selon l'expérience de mes
collègues un peu plus âgés que moi, qui ont
présenté les premiers cas à la Cour fédérale
en 1971, la Cour fédérale, au début, né s'attendait
pas à ce que les détenus fédéraux du pays
présentent leur cause à la Cour. Les juges ont eu un choc, et au
début, les avocats, ils ont trouvé très dur de convaincre
les juges que les détenus avaient le droit de déposer une
procédure à la Cour. Mais, avec le temps, les juges, ils
s'habituaient; aujourd'hui, c'est quelque chose qui est très
courant.
Le droit carcéral évolue au Québec, tout comme
à l'extérieur du Québec. À un moment donné,
on trouve qu'il y a maintenant plusieurs personnes qui travaillent en droit
carcéral. Pour la première fois, on est en mesure de regrouper,
de créer une association. À un moment donné, au
Québec, je peux dire que, quand j'ai commencé en droit
carcéral, il y avait peut-être deux avocats qui travaillaient
à temps plein, spécialisés en droit carcéral.
M. Lefebvre: Vous en faites depuis combien d'années, Me
Fineberg? Vous en faites, du droit carcéral, depuis combien
d'années, à peu près?
M. Fineberg (Stephen): Ah, depuis 1985, à temps plein.
M. Lefebvre: 1985.
M. Fineberg (Stephen): Mais je suis dans le milieu depuis 1982,
parce que, pendant 10 ans, je militais presque à temps plein avec
l'Office des droits des détenu-e-s; je faisais mon
bénévolat avec l'Office. Et, au Québec, on constate que
c'était l'Office des droits des détenu-e-s, un groupe de
pression, qui a formé les premiers avocats en droit carcéral.
À un moment donné...
M. Lefebvre: C'est la question que j'allais justement vous poser,
Me Fineberg. Vous travaillez je vous interromps, je m'excuse, c'est
parce que ça va peut-être nous permettre de bien situer ce que je
voudrais évaluer avec vous en collaboration avec des gens
préoccupés du sort des détenus, hein?
M. Fineberg (Stephen): II faut absolument, en droit
carcéral; il n'y a pas d'autre façon de le faire.
M. Lefebvre: L'association à laquelle vous faites
référence...
M. Fineberg (Stephen): Je peux vous donner des exemples.
M. Lefebvre: ...protection et droit des détenus, de quelle
façon travaillez-vous en collaboration avec ces bénévoles?
Comment ça fonctionne? Est-ce que ce sont eux qui vous
réfèrent certains cas à l'occasion?
M. Fineberg (Stephen): Ah, non. M. Lefebvre: Comment
ça fonctionne?
M. Fineberg (Stephen): Non, les détenus s'adressent aux
avocats, aux individus. Les détenus ne s'adressent pas à
l'Association, parce qu'il faut respecter les règles de la pratique du
Barreau.
M. Lefebvre: Oui, oui.
M. Fineberg (Stephen): Et, selon le Barreau, le client est le
client d'un individu et pas d'une association.
M. Lefebvre: D'accord.
M. Fineberg (Stephen): Mais, par contre, l'Association essaie
d'intervenir à plusieurs étapes. L'Association, bien qu'elle ne
puisse pas représenter un individu, essaie de s'impliquer dans plusieurs
forums. À titre d'exemple, nous avons déjà assisté
au groupe d'étude du gouvernement fédéral sur la
législation qui s'en vient, sur les offenseurs dangereux. Nous avons
assisté aux consultations publiques, du côté parlementaire,
à la Chambre des communes fédérale, sur le projet de loi
C-36, qui est devenu la loi du pays, qui contrôle les
établissements correctionnels et la mise en liberté sous
condition. Nous avons adressé des arguments au bureau national de la
Commission des libérations conditionnelles et aussi au service
correctionnel à Ottawa pour essayer d'améliorer le sort des
détenus, de convaincre le pouvoir de certaines choses, sans obliger le
détenu, l'individu à prendre le fardeau et d'aller à la
cour.
Mais aussi, les membres individuels de l'Association collaborent avec
divers organismes. Si vous
prenez, par exemple, mon exemple: je travaille gratuitement dans les
dossiers carcéraux de la Fédération internationale des
droits de l'homme; je suis au comité d'orientation d'un regroupement
national des avocats. Notre association est actuellement en cours d'organiser
une conférence nationale sur le droit carcéral, qui va se faire
à Montréal, en juillet. Alors, dès le début, nous
avons essayé de nous impliquer à plusieurs étapes, selon
les situations qui arrivent.
Je m'excuse. Je disais tout à l'heure qu'à un moment
donné tous les avocats en droit carcéral de la province
étaient formés par l'Office des droits des détenu-e-s,
tout le monde militait à l'Office, tout le monde a fait son stage
à l'Office des droits des détenu-e-s. Mais depuis un certain
temps, on trouve qu'il y a des avocats qui ne sont pas passés par l'ODD.
Il existe maintenant un certain nombre d'avocats en droit carcéral qui
sont spécialisés, et on est assez nombreux maintenant on
serait peut-être 30, 31, à cette heure-ci pour faire une
association. Et on est beaucoup plus efficaces aujourd'hui si vous me
permettez mon commentaire personnel on est plus efficaces, on est plus
organisés qu'auparavant.
M. Lefebvre: Me Fineberg, vous savez que, dans notre
système d'aide juridique, il faut, dans un premier temps, établir
la vraisemblance du droit avant qu'un bénéficiaire puisse obtenir
les services du système d'aide juridique. Comment, en droit
carcéral strictement au niveau du processus, de la
procédure comment procède-t-on pour évaluer la
vraisemblance du droit?
M. Fineberg (Stephen): Est-ce que vous demandez comment l'aide
juridique est en mesure d'évaluer...
M. Lefebvre: Comment l'avocat...
M. Fineberg (Stephen): ...ou nous autres, les avocats?
M. Lefebvre: Oui, vous, ou un de vos collègues, ou une de
vos collègues. Comment évaluez-vous la vraisemblance du droit?
Qui décide de la vraisemblance? Est-ce que c'est une rencontre que vous
avez avec le détenu? Me Lanctôt?
Mme Lanctôt (Jacinthe): O.K. Il s'agit, en fait, comme
j'expliquais tout à l'heure, de procédures... Ce sont des
instances, c'est du droit... ce sont des auditions. À partir du moment
où on reconnaît à un détenu ou à une personne
le droit d'être entendu, je pense que doit être
intrinsèquement relié à ça le droit d'être
représenté, le droit de pouvoir avoir quelqu'un qui les conseille
au niveau juridique et qui va défendre leurs intérêts.
C'est intrinsèquement relié. Je pense que ça va de soi
que, quant à moi, lorsqu'un individu doit être
présenté devant la commission de libérations
conditionnelles et que c'est sa liberté qui est en jeu, c'est quand
même... Déjà, la nature même de l'audience, le fait
que ce soit sa liberté qui soit en jeu, l'apparence de droit
m'apparaît évidente. Et le fait qu'il y ait audience, eh bien,
ça nous semble évident, également, qu'il doit être
représenté...
M. Lefebvre: Mais, maître...
Mme Lanctôt (Jacinthe): Si vous me permettez... Au niveau
du tribunal disciplinaire, c'est la loi elle-même qui le permet, qui
indique que le détenu, lorsqu'il fait face à une infraction
grave, a le droit d'être représenté par avocat, et non
seulement ça, mais on doit lui fournir l'information et l'aviser de ce
droit-là.
M. Lefebvre: Évidemment, lorsque vous faites
référence à des questions aussi fondamentales que la
liberté comme telle des remises de sentence, des sorties après un
certain nombre de mois ou même d'années d'emprisonnement,
ça m'apparaît évident que la vraisemblance, elle est
acquise. Dès le moment où on pose la question, je suis d'accord
avec vous: le client, même s'il est derrière les barreaux, a droit
aux services d'un avocat. C'est ce que vous prétendez, c'est ce que vous
demandez à l'État du Québec de continuer à donner
comme services.
Et j'ajoute que la vraisemblance de la demande d'intervention de l'aide
juridique, elle est, dans certains cas, évidente. C'est parce que j'ai
une liste ici; on est dans la couverture des services, hein?
Mme Lanctôt (Jacinthe): Oui.
M. Lefebvre: Appel des décisions de la Commission.
Demandes devant le tribunal disciplinaire: ça, ça
m'apparaît évident. Mais, lorsque, par exemple... et je veux vous
entendre là-dessus. Vous savez, en 1990, il y a eu 2640 dossiers qui ont
été traités par le biais de l'aide juridique dans le droit
carcéral. 2600 dossiers en 1990. Et, en 1993, à peine trois ans
plus tard, on a traité 4700 dossiers. Alors, de 2600, on est
passé à 4700. Je n'ose pas parler des honoraires; j'ai peur de me
le faire reprocher. Mais j'ai les chiffres sous les yeux.
Je voudrais que vous m'indiquiez comment on établit la
vraisemblance du droit en regard de demandes comme: réclamation d'effets
personnels, par exemple; demande de... cas de... permissions de toutes natures,
sorties de fin de semaine, etc. Comment évaluez-vous la vraisemblance?
Vous comprenez ce que je veux dire, Me Lanctôt?
Mme Lanctôt (Jacinthe): Oui. Comme j'ai dit tout à
l'heure...
M. Lefebvre: Je ne vous dis pas qu'il y a des abus. Je veux avoir
des explications.
Mme Lanctôt (Jacinthe): Oui. La personne détenue...
ce qui peut paraître pour acquis, finalement,
pour un citoyen ordinaire, ce ne l'est pas à l'intérieur
des institutions pénitentiaires. Vous savez, les demandes d'effets
personnels, comme je vous expliquais tout à l'heure, un détenu
qui vient d'être suspendu de sa libération conditionnelle n'a pas
accès à ses effets personnels. Des choses importantes peuvent s'y
trouver, notamment son dossier carcéral, des documents qu'on a besoin de
se procurer. C'est très compliqué, très complexe de
pouvoir se procurer ces documents à l'intérieur des institutions
pénitentiaires. On ne nous les fournit pas automatiquement. Donc,
ça prend des démarches administratives pour arriver,
effectivement, à obtenir ces documents pour contester cette
décision, par exemple, de lui refuser ses effets. C'est un exemple. Les
exemples d'autres, comme je vous dis... Il y a, entre autres, les contestations
de transfert. C'est un domaine qui touche directement la privation... le
degré de jouissance de liberté de l'individu détenu.
Lorsqu'on prend un individu, et, sous la foi de soupçons, uniquement de
soupçons qu'il aurait commis une infraction, ou soupçons qu'il
aurait fait, par exemple, du trafic institutionnel, on décide de le
transférer dans un établissement à sécurité
maximum; ça représente, ça...
M. Lefebvre: Oui.
(20 h 20)
Mme Lanctôt (Jacinthe): ...une perte de jouissance de sa
liberté. Et même les cours, telles que les cours
supérieures, vont accepter même d'entendre et de réviser
ces décisions.
M. Lefebvre: Vous savez, Me Lanctôt, je vous pose ces
questions-là, ce n'est pas pour pointer de façon
particulière le droit carcéral. Il y a des questionnements autant
dans cette activité du droit qu'il y en a dans toutes les autres
activités, que ce soit le droit matrimonial, que ce soit le droit
criminel et pénal pour des clients qui sont en liberté, que ce
soit le droit administratif dans son ensemble. On essaie ensemble de se
questionner sur certains services à l'intérieur de la couverture
globale des services.
Est-ce que...
M. Fineberg (Stephen): Est-ce que je pourrais ajouter quelque
chose?
M. Lefebvre: Oui, Me Fineberg.
M. Fineberg (Stephen): Merci beaucoup. Ce qu'il est important de
comprendre, c'est que, dans les établissements, toutes les
décisions qui portent sur les activités des détenus, sur
la vie de l'individu, ça provient du pouvoir. C'est l'État qui
prend la décision, par le biais de ses effectifs: les gardiens,
l'administration des pénitenciers, les commissaires de la commission des
libérations conditionnelles; c'est l'État qui détermine
tous les mouvements, tout ce que les détenus peuvent faire. Et, selon la
Cour suprême, dans Martineau contre Matsqui, qui date de 1980, toutes ces
décisions-là sont sujettes à la révision des cours,
parce que, dans chaque cas, il faut que l'administrateur prenne sa
décision avec équité. C'est son devoir comme
administrateur. C'est maintenant bien établi à la Cour
suprême que chacune des décisions des administrateurs
fédéraux ou provinciaux sont sujettes au contrôle de la
Cour. Et on peut invoquer des principes du droit pour faire évaluer les
décisions qui sont prises. Ça, c'est très évident
pour nous autres.
Il y a même des cas peut-être pas beaucoup
mais il y a un certain nombre de cas de jurisprudence maintenant qui portent
sur les conditions de détention prises globalement. Par exemple, il y a
l'arrêt Maltby, qui date... je ne sais pas, ça fait des
années déjà que ça existe à la cour de
Saskatchewan. Dans l'arrêt Maltby, la cour a accepté d'examiner
les conditions de détention globales des détenus dans une prison
spécifique et a décidé que les conditions de
détention étaient l'équivalent de traitements cruels et
inusités, qui vont contre la Charte canadienne. Alors, toutes les
décisions que vous venez de mentionner à titre d'exemple,
priver quelqu'un de ses effets personnels ça fait partie des
conditions de détention.
Un autre exemple serait l'arrêt McCann, à la Cour
fédérale, de 1976. Dans cet arrêt-là, la Cour
fédérale a décidé que les conditions qui
régnaient en Colombie-Britannique, dans le pénitencier à
sécurité maximale, étaient cruelles et inusitées,
encore une fois. Et pourquoi? Entre autres, parce que la lumière
était toujours ouverte dans les cellules. Est-ce que c'est quelque chose
qui est sujet au contrôle des cours? La réponse est oui. Et il est
possible que ça vous apparaisse peut-être anodin, innocent, le
fait que la lumière soit toujours ouverte. Mais, selon la Cour
fédérale, dans McCann, c'est quelque chose que la Cour peut
examiner, c'est une décision légale prise par les
administrateurs, et on a le pouvoir de faire examiner ces
décisions-là, toutes ces décisions-là.
M. Lefebvre: Merci, Me Fineberg. M. le Président.
Le Président (M. Parent): Me Fineberg, je vous remercie.
M. le ministre de la Justice, je vous remercie.
Je reconnais maintenant, comme deuxième interlocuteur, le
porte-parole officiel... le porte-parole de l'Opposition officielle, pardon,
Mme la députée de Terrebonne. Vous êtes porte-parole
officielle quand même!
Mme Caron: Oui, merci, M. le Président. Me Lanctôt,
Me Fineberg, Me Lortie, bonsoir! Merci de votre mémoire et de votre
présentation.
Est-ce que les détenus sont véritablement informés
de leurs droits ou des services que vous pouvez offrir? Je me pose la question,
parce que je me dis: C'est un peu comme la plupart des citoyens et des
citoyennes; souvent, ce sont ceux qui en ont le plus besoin qui n'ont pas
l'information. Et est-ce que l'information,
elle est là? Et est-ce qu'il y a une certaine facilité
à pouvoir vous rejoindre? Du côté pratique, là,
est-ce que c'est possible?
Tantôt, vous donniez certains exemples. Par exemple, un
détenu qui se retrouve dans une cellule spéciale 23 heures sur
24, ce n'est pas évident qu'il peut vraiment vous rejoindre pour essayer
de vérifier au niveau de certains droits, alors, au niveau de
l'information et au niveau du contact qui s'établit avec vous.
Mme Lanctôt (Jacinthe): Effectivement, dans certains cas,
comme je le mentionnais tout à l'heure, les téléphones
sont limités. Bien entendu, pour téléphoner aux avocats,
en principe, on ne compte pas le nombre de téléphones, mais c'est
quand même limité dans le temps, c'est-à-dire qu'ils n'ont
pas le droit ou la permission, la possibilité de s'adresser ou de
téléphoner aux avocats quand ils le veulent. Il y a des heures
précises, des moments précis dans la journée pour ce
faire. Ça, c'est un des facteurs qui, effectivement, rendent plus
difficile l'accès à l'avocat.
Il y en a d'autres également. Il y a des délais
administratifs. Quand le détenu est maintenu dans la cellule d'isolement
pour raisons administratives ou punitives et qu'il a 48 heures pour contester
son transfert dans un pénitencier à sécurité
maximum, effectivement, là aussi, ça devient assez difficile.
C'est beaucoup du bouche à oreille, finalement. C'est comme ça
que se répand... C'est entre détenus. C'est vraiment un
système clos, le système pénitentiaire, et c'est comme
ça que se fait, finalement, l'information de bouche à oreille, et
qu'ils sont au courant de l'accès ou de la possibilité d'avoir
accès à un avocat.
M. Fineberg (Stephen): Est-ce que je peux ajouter quelque
chose?
Mme Caron: Oui, certainement.
M. Fineberg (Stephen): Merci beaucoup. Vous avez demandé
si les informations sont disponibles, si les détenus ont accès
aux informations. Ils ont accès au fait qu'il existe des avocats
à l'extérieur; ça, ils le savent tous. Mais il y a des
informations sur la loi et sur les règlements, sur les politiques, sur
les programmes qui existent, il y a des informations qui circulent dans les
prisons. Puis on trouve que les informations qui circulent, les rumeurs qui
circulent, c'est effrayant comment les informations sont erronées. Il y
a toutes sortes de rumeurs qui circulent, et une partie de notre tâche
est de corriger ces informations-là. Il y a des informations qui
proviennent des lois qui n'existent plus. Et les anciens détenus
retournent en prison, ils apportent avec eux les informations qui ne sont plus
valables, ils partagent leurs informations avec leurs pairs; une rumeur
commence, et tout le monde croit qu'il existe une certaine situation qui n'est
pas la réalité. Ça fait partie du décor dans les
prisons.
Mme Caron: Vous avez parlé, dans votre mémoire, en
page 1, que vous aviez une certaine difficulté... Bon, vous dites que
c'est en raison du manque d'intérêt, du manque d'orientation dans
le système d'aide juridique, que l'aide juridique, finalement, est
décidée souvent de façon arbitraire, qu'on coupe dans
l'émission de certains mandats et que, pour vous, c'est souvent
très arbitraire comme décision. Est-ce que vous pensez qu'il y
aurait lieu de définir plus précisément le type de mandat
qu'il faudrait accepter, parce que ça semble être variable aussi
d'un bureau à l'autre?
Mme Lanctôt (Jacinthe): Oui. C'est que certains types de
mandats que, par exemple, on prend pour acquis qu'ils sont émis, c'est
souvent aussi des actes juridiques qui doivent être faits dans des
délais assez rapides. C'est souvent des situations d'urgence. Et, du
jour au lendemain, on peut apprendre que, tout à coup, l'aide juridique
décide de ne plus émettre de mandats dans ce champ
d'activité juridique. Ça se produit assez fréquemment. Et
souvent, on va changer également il y a d'autres exemples
changer de barèmes, des honoraires, des avocats, et ce, même
rétroactivement. Alors, on nous a émis des mandats, on a
accepté de nous les émettre, et on prend pour acquis que
ça va être le même barème qu'habituellement. Et,
après coup, après qu'on ait fait la facturation, c'est lorsqu'on
reçoit notre chèque qu'on s'aperçoit qu'ils ont
décidé de faire un changement dans les tarifs, et ce,
rétroactivement. C'est des choses qui se produisent assez
régulièrement. (20 h 30)
M. Fineberg (Stephen): Nous avons un peu le même point de
vue que les avocats qui travaillent à l'immigration. Pour nous autres,
les mandats constituent un contrat avec l'aide juridique. L'aide juridique
engage les services des avocats en pratique privée pour faire des
choses. Et ensuite, dans le dos des avocats, sans les aviser, ils changent les
règles du jeu, ils changent les termes du contrat. On trouve ça
incroyable qu'un système d'aide juridique qui se compose d'avocats
puisse se permettre de changer un contrat dans le dos de l'avocat. On ne peut
même pas avoir les informations. Il faut se demander entre nous,
continuellement, quelles sont les conditions qui existent, est-ce que telle et
telle corporation de l'aide juridique émet des mandats pour faire telle
et telle chose aujourd'hui, ou est-ce que ça n'existe plus? Est-ce que
ça existe à Trois-Rivières? Est-ce que ça existe
toujours à Cowansville? On ne sait jamais. On ne peut pas savoir. Nous
avons même adressé des lettres à l'aide juridique.
Moi-même, j'ai écrit à l'aide juridique, en 1990, pour
demander: Qu'est-ce que vous allez payer pour aller à la Cour
fédérale? Parce que c'est ça, souvent, le dernier recours
en droit carcéral, si vous ne pouvez pas persuader le pouvoir de changer
sa décision, il faut aller à la Cour fédérale,
normalement, quand il s'agit d'un détenu fédéral, pour
contester la décision. C'est un grand ouvrage, ça!
Intéressant de savoir à l'avance si on sera payé ou non.
Et j'ai écrit, en 1990, à l'aide juridique pour savoir combien on
serait payé, et si
l'aide juridique voulait payer pour toutes les étapes de la Cour
fédérale; parce que ça risque d'être long, des fois.
Aucune réponse! Alors, neuf, dix mois plus tard, j'ai écrit une
deuxième fois à l'aide juridique à Montréal
je parle toujours de Montréal pour savoir combien ça va
payer. On estime qu'on a le droit de savoir si on signe un contrat pour faire
quelque chose. Au moins, qu'on ait les termes du contrat! L'aide juridique ne
pouvait pas répondre.
Alors, je me suis adressé au syndic du Barreau. Le syndic m'a
écrit pour dire: Ça ne relève pas de mon bureau; vous
devrez vous adresser à la Commission des services juridiques. Ce que
j'ai fait. Et, enfin, la réponse de l'aide juridique: l'aide juridique
répond ou explique certaines choses, mais écarte
complètement la question de la Cour fédérale. La
Commission des services juridiques était prête à me dire
par écrit ce qu'ils voulaient payer pour faire certaines choses, mais
pour la Cour fédérale, aucun mot, strictement rien. À
cette heure-ci, on ne peut pas encore savoir ce que l'aide juridique est
prête à payer systématiquement pour aller à la Cour
fédérale. Vous voyez la situation qui existe au Québec? Il
n'y a rien là pour encourager les avocats qui sont prêts, des
fois, à travailler pour des montants minimes, d'aller à la Cour
fédérale, parce qu'on ne peut même pas savoir...
Et le Barreau dit aux jeunes avocats qui commencent en droit: Faites
très attention, ne faites pas une faillite! Il faut faire attention
à votre business, il faut gérer votre business comme il faut. On
ne peut même pas savoir combien on sera payé pour quelque chose
qu'on est prêt à faire. Et voici les conséquences: il faut
souvent citer les jurisprudences qui proviennent des autres provinces, les
jurisprudences qui sont créées par les avocats en droit
carcéral, nos collègues, avec lesquels nous sommes en contact, en
Colombie-Britannique et en Ontario. Parce que, au Québec, il est presque
impossible d'avoir des informations et des paiements satisfaisants ou
réalistes pour s'adresser aux cours de la justice. On est obligés
de se servir des jurisprudences créées par d'autres provinces
comme si on n'était pas compétents ici, à cause du
système d'aide juridique qui existe à peine. L'aide juridique,
peut-être, ne sera pas d'accord, mais nous avons notre propre voix, et on
se sert de notre voix, ce soir, pour vous aviser que le système d'aide
juridique qui existe en droit carcéral, existe d'une façon
très mitigée.
Le Président (M. Parent): ...madame.
Mme Caron: En fait, le problème, il est double. Vous le
retrouvez autant au niveau des mandats, qui sont variables d'une corporation
à l'autre, et autant au niveau des tarifs, qui sont variables d'une
corporation à l'autre, aussi selon certains actes, puisque, finalement,
il n'y a pas un tarif précis. Ce qui fait qu'au niveau de la gestion des
finances publiques ça pose aussi un problème, parce que vous
pouvez vous retrouver avec certaines corporations qui sont plus ouvertes que
d'autres. Et le pouvoir, c'est presque un pouvoir discrétionnaire,
autant au niveau des mandats que pour les tarifs.
Le Président (M. Parent): Me Fineberg.
M. Fineberg (Stephen): Oui, oui, c'est ça, la situation.
C'est très discrétionnaire, c'est très flou comme
situation. Il serait intéressant d'avoir un système de
tarification en droit carcéral; nous l'avons proposé, il n'existe
pas encore. Les règles du jeu changent tout le temps dans notre dos, et
d'une corporation à une autre. Ça rend la situation très,
très difficile, et il y a des avocats qui, de bonne foi, sont
prêts à embarquer. Ils aimeraient faire des choses. On fait
beaucoup, beaucoup de bénévolat, mais il est difficile de faire
beaucoup de choses en droit carcéral. Les audiences en libération
conditionnelle sont payées; ça, c'est bien établi. Alors,
les avocats font des audiences en libération conditionnelle. On aimerait
faire beaucoup plus, mais à chaque fois, dans certaines régions
de la province, à chaque fois qu'on veut contester un transfert, il faut
le faire de notre poche, ou si on veut contester d'autres décisions
d'ordre administratif. L'aide juridique prétend qu'il ne s'agit pas d'un
travail légal. Ce qu'on n'accepte pas.
Je vous donne un exemple. À Montréal, impossible d'avoir
un mandat de l'aide juridique pour contester une décision par rapport
à la diète spéciale d'un détenu. J'ai un client qui
dit: Mon médecin à l'extérieur m'a dit: II faut absolument
telle et telle diète. Le médecin du service correctionnel ne veut
rien savoir. Alors, je me trouve sans ma diète spéciale, ce qui
met en question ma santé. J'ai besoin d'aide. Je demande le mandat de
l'aide juridique. Aucune question, aucune vraisemblance de droit; pour l'aide
juridique, c'est une question médicale. Mais ce qu'il faut, c'est des
gestes juridiques pour forcer les services correctionnels de permettre au
détenu d'avoir sa diète, parce qu'il n'est pas à
l'extérieur, il n'a pas l'opportunité de ramasser sa propre
nourriture. Il est contrôlé par l'État.
Et dans une telle situation, si je vais plus loin, je le fais à
mes propres frais. Mais j'aimerais savoir combien de dossiers on peut monter
à nos propres frais avant de faire faillite?
Mme Caron: À l'extérieur du Québec, en droit
carcéral, est-ce que la tarification est précise? Est-ce que les
mandats sont précis?
M. Fineberg (Stephen): Je m'excuse, je n'ai pas...
Mme Caron: À l'extérieur du Québec...
Le Président (M. Parent): On vous demande si les mandats
et les tarifs sont précis.
M. Fineberg (Stephen): Vous voulez savoir, dans les autres
provinces, est-ce que la situation... La situation n'est pas pareille partout.
Il y a des
régions où l'aide juridique, pour les détenus,
existe à peine. Il y a d'autres régions où tout le monde
dit que l'Ontario, c'est la Cadillac du système. En Ontario, les avocats
qui travaillent en droit carcéral sont beaucoup plus payés que
nous autres. En Colombie-Britannique, l'autre endroit où les
détenus sont concentrés parce que, au Québec, il y
a presque le tiers des détenus fédéraux du pays, et en
plus, la population provinciale, dans les prisons provinciale en
Colombie-Britannique, il y a aussi une concentration des détenus, et en
Ontario.
Alors, ce sont les trois endroits les plus importants. Les
détenus sont là. Alors, ils font un système d'aide
juridique convenable, là. Alors, en Colombie-Britannique, il y a une
clinique d'aide juridique. Ça fait partie de l'aide juridique à
temps plein, qui s'appelle «Prisoners Legal Services», qui rend de
très, très bons services, très importants aux
détenus. Et les avocats de ce service-là ne sont pas
obligés de courir après des mandats, parce qu'ils sont des
salariés de l'aide juridique. De plus, la province est
intéressée à permettre à ces avocats-là de
cette clinique-là de prendre des causes à la cour, contrairement
à la vision de l'aide juridique au Québec. Et je pense que
l'exemple de Me Lanctôt serait utile.
Mme Lanctôt (Jacinthe): Oui. Récemment, j'ai
contesté, donc, c'était une question d'interprétation de
la loi. C'est une histoire de calcul de sentence qui touche tous les
détenus qui sont révoqués de leur libération
conditionnelle au Canada. Il y a une erreur qui s'est glissée dans cette
loi. J'ai gagné à plusieurs reprises devant la Cour
supérieure. Maintenant, la Cour fédérale, la couronne
fédérale a porté en appel une des causes que j'avais
gagnée, et en appel, j'ai perdu. Mais dans la décision de la Cour
d'appel, vraisemblablement, il y avait une grande ouverture pour pouvoir aller
plus haut à la Cour suprême.
Mais là, l'aide juridique de la région où
résidait mon client parce qu'il avait été
libéré suite à mes procédures, notamment a
refusé l'émission du mandat en disant que mon client, sa sentence
était terminée. Il n'avait plus d'intérêt direct,
donc, bien que la Cour suprême, on le sait, a juridiction et entend les
causes, même s'il s'agit, finalement, d'une question purement
théorique ou d'une question d'intérêt public, a juridiction
pour entendre ces causes-là. Parce qu'on sait très bien que la
longueur que ça prend, des procédures, avant qu'on puisse arriver
à la Cour suprême, bien souvent la situation qui était
à la base n'existe plus. Ça devient souvent une question de
principe.
C'était le cas. C'est une question qui touchait tous les
détenus au Canada qui ont été révoqués; une
question, donc, de jours, de calcul de sentence. C'est important. Et on m'a
refusé l'émission de mandat pour ce motif-là. Et donc, je
veux bien essayer de faire jurisprudence comme ailleurs dans les autres
provinces du Canada, mais il semble qu'ici ce soit très difficile de le
faire.
Mme Caron: Est-ce que, bon, en Ontario, par exemple, puisque vous
avez dit que c'était la Cadillac, les mandats sont vraiment
définis? Est-ce que les tarifs sont vraiment définis? Les actes?
Est-ce que tout ça est défini?
Mme Lanctôt (Jacinthe): Dans les autres provinces?
Mme Caron: En Ontario, par exemple.
M. Fineberg (Stephen): Oui, en Ontario, si je ne me trompe pas,
les choses sont tarifées et les avocats sont payés à
l'heure, en Ontario. Et c'est possible qu'il y ait des paramètres, mais
les avocats sont payés à l'heure.
Mme Caron: Et les mandats sont aussi définis là?
M. Fineberg (Stephen): À ma connaissance. Mme Caron:
O.K.
M. Fineberg (Stephen): J'espère que je ne vais pas vous
induire en erreur, mais, à ma connaissance. (20 h 40)
Mme Caron: O.K. Il ne me reste que quelques minutes; donc, une
autre question, peut-être. Vous avez fait allusion, Me Lanctôt,
à un moment donné, au crime organisé. Vous disiez,
finalement, bon: II y a comme deux justices: ceux qui sont démunis et
qui n'ont pas nécessairement la possibilité de se
défendre, et ceux qui font partie du crime organisé et qui,
finalement, ont l'argent pour se payer des avocats et se défendre.
Est-ce qu'il y a quand même une certaine vérification qui se fait?
Est-ce qu'il y a des membres du crime organisé qui se retrouvent parfois
à avoir des mandats d'aide juridique et que vous devez
défendre?
Mme Lanctôt (Jacinthe): Ce n'est pas nous qui avons la
discrétion pour émettre ou non les mandats, mais l'aide
juridique, je peux vous dire, oui, fait une enquête, vérifie. Et
il y a des détenus qui ne sont pas admissibles, par exemple, parce que
leur conjoint travaille. Les mêmes barèmes, les mêmes tarifs
qui sont établis pour les autres citoyens sont appliqués pour les
détenus. Alors, s'il y en a qui fraudent l'aide juridique, là, je
ne le sais pas, je ne peux pas vous dire. Comme il y en a probablement dans la
société, oui, peut-être. Mais, en général, je
peux vous dire que la grande, grande majorité des détenus sont
totalement démunis, souvent sans personne-ressource à
l'extérieur, sans biens. Et, s'ils en avaient, ils l'ont perdu, comme je
vous ai dit, en l'engloutissant dans les honoraires d'avocats lors de leur
défense au criminel.
M. Fineberg (Stephen): Et on peut ajouter qu'en
général les membres du crime organisé sont fiers du fait
qu'ils n'ont pas besoin de l'aide juridique. Ils sont fiers du fait qu'ils ont
réussi comme criminels.
Le Président (M. Parent): Merci, M. Fineberg.
Mme Caron: Ha, ha, ha! Une dernière question,
peut-être. Comment vous expliquez l'augmentation importante du nombre de
dossiers de 1990 à 1993? Est-ce que vous l'attribuez, finalement,
à une meilleure connaissance de droits de la part des détenus, ou
si vous l'attribuez à ce que vous expliquiez un petit peu tantôt,
une évolution différente dans la société de voir
les droits des détenus, le nombre important de dossiers? Parce qu'il y a
quand même eu une augmentation assez importante.
M. Fineberg (Stephen): Si vous demandez si admettons, en
1985 nous avons acquitté notre devoir, la réponse est
carrément: Non! On n'a pas fait grand-chose, on n'est pas assez
nombreux. Pour nous autres, il n'est pas surprenant que les coûts de
l'aide juridique pour les détenus, les coûts ont augmenté
dernièrement, parce qu'il existe maintenant des avocats, il existe
maintenant des droits qui sont reconnus. Les détenus sont conscients du
fait qu'ils possèdent des droits. Et je ne pense pas que la situation
peut retourner à l'intérieur. Les détenus savent
maintenant qu'il existe certaines lois. Et la nouvelle loi
fédérale je parle pour l'instant des établissements
fédéraux qui est entrée en vigueur le 1er novembre
1992, confirme noir sur blanc certains droits qu'on avançait auparavant,
qu'on prétendait exister auparavant. Maintenant, c'est confirmé
noir sur blanc dans la loi elle-même. Les détenus sont très
conscients de ça et ils se servent de la loi. C'est pourquoi la loi est
là, si je ne me trompe pas. Il y a maintenant beaucoup de choses dans la
loi, qu'on peut confirmer ou qu'on est en mesure de mettre en application, tant
qu'on peut s'adresser à la cour.
Au niveau de la commission des libérations conditionnelles,
à un moment donné, quand le juge Bora Laskin était le juge
en chef de la Cour suprême, il a bien dit dans une cause: Le pouvoir
tyrannique de la commission des libérations conditionnelles ne se trouve
pas ailleurs dans la situation canadienne; ainsi a dit le juge Laskin, à
un moment donné. Il y a des choses qui ont changé depuis. La
commission des libérations conditionnelles commence à comprendre
qu'il existe des contrôles, il existe des limites, il existe des
jurisprudences de la Cour d'appel fédérale et de la Cour
suprême qui agissent comme lignes directrices. Les détenus sont au
courant, et les avocats aussi, et il n'est pas surprenant que le monde embarque
et que le monde veuille se défendre, que le monde veuille se
protéger. Dans le passé, ils étaient sans aucune
défense: la loi existait à peine; l'interprétation de la
loi n'existait pas encore. Les avocats n'étaient pas là. Alors,
il n'est pas surprenant pour nous qu'il y ait beaucoup d'activité
maintenant. C'est tout à fait normal.
Le Président (M. Parent): Et sur ce,
M. Fineberg, je dois vous aviser que le temps est
écoulé depuis quelque temps déjà. Et je demande
à la porte-parole de l'Opposition officielle de conclure au nom de sa
formation politique.
Mme Caron: Je vous remercie beaucoup de vos informations. Votre
association était la seule capable de nous informer aussi bien sur le
droit carcéral. Merci beaucoup!
M. Fineberg (Stephen): Merci bien.
Le Président (M. Parent): Alors, je reconnais, pour le mot
de la fin, le ministre de la Justice.
M. Lefebvre: Me Lanctôt, je voudrais vous poser une
question, et, vous et moi, on n'a pas le choix, M. le président est
extrêmement sévère. Il me reste à peine deux
minutes.
Le Président (M. Parent): Oui.
M. Lefebvre: Je voudrais vous entendre sur le libre choix. Est-ce
qu'il vous apparaît possible que des permanents de l'aide juridique
fassent du droit carcéral? Parce qu'on sait, là, que vous nous
exposez que c'est à peu près rien que de la pratique
privée.
Mme Lanctôt (Jacinthe): II y en a eu pendant un certain
temps. Il y a eu quelques postes de permanents d'aide juridique...
M. Lefebvre: Oui.
Mme Lanctôt (Jacinthe): ...qui faisaient du travail en
droit carcéral. Ces postes ont été abolis, et, moi,
j'endosse la position du Barreau, à l'effet je pense que je peux
me permettre de parler au nom de l'Association nous sommes d'accord avec
la mixité du...
M. Lefebvre: Vous n'auriez pas d'objection, évidemment,
à ce qu'on...
Mme Lanctôt (Jacinthe): Non. Et je peux vous donner un
exemple, peut-être, qui a été soulevé par d'autres
associations ou groupes, un exemple de ce en quoi ça consiste, parce
que, bien sûr, nous ne voulons pas que ça se fasse au
détriment de la pratique privée.
M. Lefebvre: Non, je comprends.
Mme Lanctôt (Jacinthe): Nous pensons que c'est
extrêmement important que la pratique privée demeure, pour
différents motifs, dont certains sont exposés dans notre
mémoire. Mais je peux vous donner l'envers de la médaille,
c'est-à-dire les conséquences graves de la privation d'avocats
d'aide juridique, de permanents d'aide juridique dans certains secteurs. Entre
autres, la
Commission des services juridiques a coupé les permissions d'en
appeler des sentences et des culpabilités au niveau criminel. Il n'y a
plus d'avocats qui, maintenant, travaillent, qui acceptent d'avocats
salariés de l'aide juridique il n'y en a plus qui sont
mandatés pour pouvoir faire ce type de travail, et c'est
catastrophique...
M. Lefebvre: Merci.
Mme Lanctôt (Jacinthe): ...c'est-à-dire, donc, que
la majorité des détenus, des gens qui ont été
condamnés ne peuvent plus se pourvoir de ce droit d'appel. C'est
carrément leur nier ce droit, parce qu'on sait les honoraires qui sont
généralement demandés pour aller en appel par les avocats.
Et, donc, c'est catastrophique!
M. Lefebvre: Merci, Me Lanctôt. Me Lortie, Me Fineberg, Me
Lanctôt, je vous remercie. Comme l'a dit mon honorable collègue,
députée de Terrebonne, vous nous avez donné un
éclairage sur une activité de droit assez particulière, et
c'a été très bien expliqué et
apprécié par les membres de la commission. Je vous remercie
beaucoup.
Le Président (M. Parent): Merci. Nous allons suspendre
quelques instants, et j'invite immédiatement le groupe suivant à
prendre place.
(Suspension de la séance à 20 h 47)
(Reprise à 20 h 48)
Le Président (M. Parent): J'invite les
députés à prendre place. Et nous accueillons, comme
dernier groupe, aujourd'hui, le Mouvement action justice égale pour
tous. Ce mouvement est représenté par M. Abdelhak Guessous,
coordonnateur, qui est accompagné par M. Sion Counio, M. Lionel Eymard
et Mme Lucille Périer. C'est bien ça? Alors, je vous informe que
chacun d'entre vous, vous pouvez prendre la parole à votre choix. Mais
vous avez... on a 60 minutes, normalement, pour faire une audition comme la
vôtre. Mais, ce soir, il peut arriver qu'on ait un vote.
Une voix: Nous avons...
Le Président (M. Parent): Alors, si on avait un vote ce
soir, on serait obligé d'ajourner. Alors, je vous conseille, je vous
suggère, pardon soyez bien à votre aise, je ne veux pas
brimer vos droits mais, peut-être, d'être concis dans la
présentation de votre document, que nous avons tous lu, et, après
ça, que nous puissions passer à la période de questions ou
d'échanges avec les membres, les deux formations politiques.
Et, sur ce, M. Guessous, je vous invite à débuter.
Ça va s'ouvrir automatiquement, votre micro.
Mouvement action justice égale pour
tous
M. Guessous (Abdelhak): Mmes, MM. les membres de la commission,
les représentants de la population auprès du gouvernement
provincial, M. le député titulaire du ministère de la
Justice et Procureur général, M. le Président. Le
Mouvement action justice égale pour tous, qui se présente devant
vous aujourd'hui, prend une minute de silence à la mémoire d'une
femme inconnue de Laval qui s'est présentée au palais de justice,
au 5e étage, et qui a mis fin à sa vie. Nous connaissons, en tant
que mouvement, cette femme qui s'est tirée deux balles de chevrotine,
une fois qu'elle eut laissé tous ses documents, incluant les
enregistrements. Et l'ancien titulaire du ministère de la Justice nous a
promis une enquête, à l'Assemblée nationale, et nous
l'attendons toujours. Alors, nous prenons la minute de silence à la
mémoire de la femme inconnue de Laval. (20 h 50)
Merci, M. le Président et les membres. Le Mouvement action
justice égale pour tous a déposé, auprès de vous,
plusieurs documents. Premièrement, le mémoire ainsi qu'une
étude qui a été faite à travers tout le
Québec et que nous avons déposée le 15 juin au Parlement
fédéral, et que nous avons adressée à tous les
chefs des partis politiques, étant donné que nous avons fait ce
travail en commençant par un forum sur la justice, en 1991, au
SaguenayLac-Saint-Jean et que nous avons continué à travers
toute la province de Québec. Malheureusement, à partir du
SaguenayLac-Saint-Jean, nous avons été obligés que
tout notre travail soit fait vraiment dans la clandestinité
jusqu'à ce que nous ayons publié et diffusé l'ensemble de
nos documents.
Action justice égale pour tous a publié également
un document qui a été distribué... un livre, plutôt,
de droit, qui a été distribué à 2000 exemplaires et
qui s'appelle «La rétractation du jugement», et qui a
été utilisé par plusieurs personnes, qui sont des
personnes qui n'ont pas accès... parce que la loi nous interdit d'avoir
accès à la bibliothèque du Barreau, et les
bibliothèques dont la responsabilité de droit, dans toutes les
facultés, n'acceptent que les étudiants. Alors, ce document, qui
s'appelle «La rétractation du jugement», qui a
été distribué gratuitement, notamment parmi beaucoup
d'avocats qui utilisaient l'aide juridique, a été envoyé
à toutes les bibliothèques, à tous les juges, et a
été épuisé, et nous n'avons reçu aucun
centime de qui que ce soit.
Au moment où nous avons commencé à distribuer ce
travail, le nombre de rétractations du jugement, dans les cours du
Québec, était de 440. Nous ne parlons pas de combien elles sont
aujourd'hui, parce que vous êtes un ministère et vous êtes
une administration qui peut le savoir.
Alors, je vais donner immédiatement la parole à Mme
Lucille Périer, pour qu'elle vous définisse exactement quel est
le but du Mouvement action justice égale pour tous.
Le Président (M. Parent): Mme Périer.
Mme Périer (Lucille): C'est d'étudier des
préoccupations populaires par des gens ordinaires qui ont vécu
des problèmes avec la justice. Connaître les problèmes
populaires avec les systèmes judiciaires. Identifier les sources des
problèmes. Analyser les correctifs proposés et leur
faisabilité. Organiser le forum «Justice égale pour
tous» 1991-1992, dans toutes les régions du Québec.
Proposer des textes de loi à l'Assemblée nationale du
Québec et au Parlement fédéral, à Ottawa. Organiser
des campagnes d'information et d'éducation dans le cadre des structures
judiciaires existantes. Sensibiliser les membres de la société
canadienne à leurs droits, obligations et responsabilités.
Travailler de toutes manières légales et/ou légitimes
à faire respecter tels droits, obligations et responsabilités.
Travailler de toutes manières légales et/ou légitimes
à la reconnaissance de la dignité de la personne humaine.
Combattre tout ce qui s'oppose aux objets mentionnés dans les
paragraphes précédents.
M. Guessous (Abdelhak): Et maintenant, je vais donner la parole
à M. Lionel Eymard.
M. Eymard (Lionel): Bon, alors, mon nom c'est Lionel Eymard,
comme M. Guessous vient de le dire. Je suis, dans le Mouvement, le seul qui a
une formation juridique. Je suis avant tout un civiliste. J'ai pratiqué
le droit à Montréal pendant 21 ans, avec une
spécialisation en responsabilité plutôt civile,
responsabilité à la fois contractuelle et délictuelle.
Alors, l'aspect du droit qu'on a couvert, puisque je suis le seul avec
une formation juridique, est surtout l'aspect civil. Mais je pense que, pour
bien définir notre position, il y a lieu de redéfinir, si vous
voulez, la façon dont nous avons compris cette commission
d'enquête. Autrement dit, nous l'avons vue comme une commission
d'enquête sur l'accessibilité à la justice, et non pas
nécessairement une commission d'enquête à
l'accessibilité au domaine judiciaire, strictement. Alors, ce que je
veux dire, c'est que notre mémoire a été conçu en
fonction de l'évolution de la pensée du Québec.
Le Québec, au cours des années cinquante et soixante, les
Québécois étaient formés, si vous voulez, à
la pensée orientale, en ce sens qu'on croyait dans les maîtres, on
croyait dans une autorité. C'était, si vous voulez,
jusqu'à un certain sens, la formation religieuse qu'on avait eue. Alors
que, au cours des années, on a cessé de croire à
l'autorité, puis on en est venu à la connaissance de
l'autorité, ce qui a changé complètement... Pas
connaissance de l'autorité, mais on a voulu connaître tout ce
qu'on pouvait connaître. Alors, ça a entraîné un
changement, et il semble que les personnes qui ont conçu le droit ne se
sont pas adaptées à ce changement complètement, en ce sens
qu'on a tout de même formé le Small Court Act, qui donnait le
droit aux gens d'intervenir dans le processus judiciaire. Mais, par contre, au
niveau même des tribunaux judiciaires, on n'a pas donné aux
citoyens la chance de connaître leurs droits.
Alors, moi, ce que j'ai conçu dans le système judiciaire,
qui pourrait changer du tout au tout l'allure des tribunaux, c'est qu'il
devrait y avoir un centre d'information qui donnerait l'information vraiment
légale. Autrement dit, toute la jurisprudence est déjà sur
ordinateur, on a une technologie extraordinaire, et les individus devraient
avoir accès à ce centre d'information, dans une première
étape. Et ce centre d'information devrait également être
joint à un centre de médiation, pour que non seulement
l'information serve à... c'est surprenant, quand on nous dit les
minutes ce centre d'information là serve à ce que la cause
soit limitée. En ce sens que, dans une cause au civil, il y a un paquet
d'éléments qu'on place devant le tribunal qui ne devraient
même pas être devant le tribunal, il y a un paquet de choses qui
sont admises des parties, mais on ne fait pas la lumière aux parties.
Puis les avocats c'est vrai que j'ai été avocat pendant
longtemps mais les avocats, je dois dire qu'ils sont en conflit
d'intérêts quasiment tout le temps avec le client. S'ils sont sur
l'assistance juridique, ils sont en conflit d'intérêts parce qu'il
faut qu'ils se déchargent de leurs obligations au plus sacrant pour que
ce soit payant. Puis, s'ils ne sont pas sur l'aide juridique, si le gars paie,
ils sont en conflit d'intérêts avec le client parce qu'ils ont
intérêt à ce que ça dure le plus longtemps. Alors,
ce que je dis, moi, c'est que le centre d'information devrait faire partie de
la première étape, d'une étape préliminaire dans le
processus judiciaire. Pourquoi est-ce qu'il devrait faire... Parce que les gens
veulent savoir, je l'ai dit. Us ne croient plus à rien, ils ne croient
plus au système judiciaire; alors, ils veulent savoir. Ils veulent
savoir leurs droits, puis ils sont tannés d'être dans
l'obscurité. Ils veulent qu'on leur fasse la lumière sur leurs
droits. Alors, qu'on fasse un centre d'information où auraient
accès toutes les parties, puis que ça soit un système
obligatoire. Qu'on fasse un centre de médiation, puis qu'on
débroussaille les causes, puis qu'on laisse devant le tribunal,
strictement, les questions qui sont en jeu, les questions de droit, et puis
j'ai l'impression que vous allez avoir des surprises sur le rendement des
tribunaux puis sur la question de critiques des tribunaux. (21 heures)
Pourquoi est-ce que vous allez avoir... Regardez les tribunaux des
petites créances, vous n'avez pas de critiques contre eux. Regardez la
régie des loyers, vous n'avez pas de critiques. Pourquoi? Parce que les
gens veulent savoir, puis ils veulent exprimer, et ils veulent... Si vous les
placez en période de réflexion, je vous dis que vous allez avoir
des changements importants.
Écoutez un peu! Nous autres, notre mouvement est né en
1988, on s'est restructuré en 1991. On n'est pas un gros mouvement: on a
une section dans les Laurentides, on a une section anglaise, on a une section
à Montréal, on en fait un peu partout dans la province. Mais, ce
que je vous dis, c'est que les gens qui viennent nous voir, c'est des gens qui
sont insatisfaits, insatisfaits de l'aide juridique telle qu'elle est parce que
les mandats ne sont pas définis et ils sont pris entre l'arbre et
l'écorce.
Alors, c'est un peu ça que j'ai exprimé dans mon
mémoire, mais je ne pensais pas avoir... Quand j'ai vu que vous aviez lu
tous les mémoires et que vous les aviez épluchés, et que
vous posiez des bonnes questions, je me suis dit: Ces gens-là sont
sérieux! Mais, nous autres, je dois vous dire qu'on a été
traités comme des chiens dans un jeu de quilles chaque fois qu'on a
essayé de coopérer avec le gouvernement.
On a fait un forum à Chicoutimi je ne vous conterai pas
tout ce qui nous est arrivé, mais on y a goûté. Mais, tout
ce qu'on voulait faire, c'est que, étant un mouvement populaire, on
voulait savoir les problèmes du peuple et on voulait essayer d'apporter
quelque chose. Et aujourd'hui, bien, je vous ai vu opérer et je me suis
dit: Ces gens-là... j'ai de l'admiration pour vous autres parce que vous
faites un travail constructif et vous voulez savoir. Alors, moi, je suis venu
ici et j'ai dit: Va leur dire ce qui se passe! Et c'est ça que je fais.
Alors, si vous avez des questions, maintenant, je vais répondre.
Le Président (M. Parent): Très bien, monsieur, on
vous remercie. M. Guessous, allez-y, soyez bien à votre aise.
M. Guessous (Abdelhak): Oui, M. le Président, avec la
permission des membres, je voudrais donner la parole à M. Sion et je
voudrais également la permission de... Parce que c'est un
bénéficiaire de l'aide juridique. Il va vous raconter
approximativement ce qui est arrivé. Et, le résumé de sa
cause, si vous m'autorisez, je voudrais le déposer auprès de
votre commission pour qu'elle puisse en prendre connaissance.
Le Président (M. Parent): M. Guessous, nous allons
reconnaître M. Sion dans son exposé. Je regarderai votre document
et je verrai s'il est recevable comme dépôt.
M. Guessous (Abdelhak): C'est très bien, mais il faut
quand même qu'il fasse un petit peu son exposé.
Le Président (M. Parent): Allez-y! Soyez bien à
votre aise! Le temps vous appartient, c'est vous qui décidez de quelle
façon vous le gérez. On est ici pour vous écouter. On est
ici pour se renseigner. On est ici à l'écoute des gens qui vivent
des problèmes, et c'est pour ça que nous sommes ici.
M. Guessous (Abdelhak): Merci beaucoup.
M. Sion (Counio): Mon nom est Sion Counio. Je suis père de
famille, seul soutien. Je suis marié. Ma femme, qui est
âgée de 50 ans, suit des soins psychiatriques depuis 10 ans, et
j'ai une fille de 18 ans qui est étudiante. À n'importe quel
moment, la Banque Toronto-Dominion peut me mettre dans la rue, à cause
d'un jugement par défaut de se présenter de l'avocat
assigné par l'aide juridique.
Il y a eu une dation en paiement. Il y a eu com- parution de Me Howard
Abrams. Il y a eu une inscription ex parte. Il y a eu le jugement par
défaut de se présenter par Me Abrams. À noter que le
jugement a été rendu avant même la fermeture officielle du
dossier de la faillite par le syndic. Quand j'ai confronté Me Abrams
avec la copie du jugement, il m'a carrément mis à la porte de son
cabinet. J'ai demandé certains documents par la suite, et il en a
profité pour m'infor-mer que ma femme avait refusé... J'avais
signé un... Il a rédigé et écrit à la main
et suggéré à ma femme comme quoi elle avait retiré
le mandat.
J'ai donc demandé la restitution du dossier au syndic du Barreau,
qui m'a remis le document, et j'ai eu accès à l'aide juridique
avec un nouvel avocat qui s'appelait Me Neuer. Au bout d'à peu
près une semaine, Me Neuer a décidé de clôturer le
dossier. Et c'est là où on est rendu, à date.
M. Eymard (Lionel): Alors, dans ce problème-là,
l'aide juridique... L'intervention qu'on a faite, c'est simple, c'est qu'on
étudie, nous autres... Ce qu'on regarde, c'est justement le mandat de
l'aide juridique, et c'est ce qu'on trouve qui est malheureux. Vous avez un
exemple, là, du genre de clients qu'on reçoit dans notre
mouvement. C'est qu'on essaie de les aider, compte tenu des circonstances,
mais, ce qu'on trouve, c'est que les mandats de l'aide juridique placent
souvent la personne entre deux chaises, en ce sens que le mandat de l'aide
juridique n'est pas toujours très précis, puis le client, d'un
autre côté, n'a pas de mandat... ne peut pas donner un mandat
lui-même à son avocat de diriger... Autrement dit, M. Sion, ce
qu'il a compris, c'est qu'il ne pouvait pas demander à l'avocat de faire
une défense, alors que, dans une relation ordinaire, le client demande
à l'avocat de faire ce qu'il veut qui soit fait.
Document déposé
Le Président (M. Parent): Merci. Alors, pour votre
information, je déclare comme document déposé le jugement
par défaut de se présenter de l'avocat assigné à
l'aide juridique, Me Howard Abrams, dans le cas de M. Sion Counio. Merci.
M. Guessous (Abdelhak): Merci, M. le Président. Je
voudrais simplement corriger une petite chose, parce que Me Eymard a
mentionné qu'au SaguenayLac-Saint-Jean on a eu beaucoup de
problèmes. Mais je voudrais simplement dire que le forum devait
être présidé, à partir du 14 juin 1991, par M. le
lieutenant-gouverneur en personne, et que nous avons collaboré avec le
secrétariat de M. le ministre de la Justice, et qu'on nous a même
donné par écrit la possibilité d'utiliser le palais de
justice de Chicoutimi. Et puis, en fait, c'est arrivé, et on nous a
demandé de tout arrêter, et nous n'avons rien arrêté
et nous avons fait notre forum, qui a eu lieu.
L'autre chose que je voulais ajouter avant qu'on
passe aux questions parce que c'est ce qui nous intéresse
le plus je voudrais simplement vous dire que vous avez entre vos mains
un sondage d'opinion publique que j'ai fait moi-même et que j'ai
payé, en 1991, et dans lequel le public disait que 51 % étaient
en faveur de l'aide juridique. Et notre forum sur Chicoutimi, pendant une
journée, nous n'avons parlé que du problème de l'aide
juridique. Mais, dans les autres provinces, nous avons décidé
d'aller chercher les bénéficiaires de l'aide juridique et leur
demander exactement quelle est leur situation. Et, sur 640 personnes que nous
avons interrogées individuellement dans tous les coins du Québec,
nous avons un résultat qui est vraiment frappant.
Et vous avez, à la dernière page de notre mémoire,
«La justice remise en question»; c'est un livre qui paraîtra
au mois de septembre. Il y a un chapitre qui s'appelle «Combat pour la
justice». Il est réservé exclusivement aux victimes du
système de l'aide juridique. (21 h 10)
Alors, voilà, nous avons beaucoup de choses. Vous avez
reçu notre mémoire, que nous avons déposé. Vous
avez reçu le sondage d'opinion publique, où il y a vraiment tout
le système judiciaire, les questions qui ont été
posées, allant de l'école des hautes études de la
magistrature à l'enfant kidnappé par l'un de ses parents. Vous
avez également «La justice remise en question»,
conférence de presse du 15 juin 1993, qui a été d'ailleurs
donnée au Parlement fédéral, puisque la justice est
fédérale et provinciale. Et nous sommes prêts à
répondre à vos questions. Mais, avant de clôturer, je
voudrais vous dire que j'ai vendu trois propriétés, dans les
périodes où nous avons opéré, pour financer la
plupart de toutes ces opérations moi-même. Je ne le regrette pas
et je suis très heureux de l'avoir fait.
Le Président (M. Parent): Merci, M. Guessous. Alors,
est-ce qu'il y a d'autres interventions de la part de nos invités?
M. Guessous (Abdelhak): Absolument pas. On est en temps, M. le
Président.
Le Président (M. Parent): Dans un premier temps, je vais
reconnaître M. le ministre de la Justice. M. le ministre.
M. Lefebvre: Merci, M. le Président. M. Guessous, Mme
Périer, M. Counio et M. Eymard, je veux vous saluer, vous remercier pour
nous avoir soumis un mémoire qui traite d'un sujet extrêmement
global, c'est-à-dire vous traitez de façon plus ou moins
précise, plus ou moins... Ce n'est pas nécessairement de l'aide
juridique que vous nous parlez. Vous nous parlez du système judiciaire
dans son ensemble et à l'intérieur du système, et c'est
une présentation qui, pour nous, est importante parce que... Vous savez,
c'est une commission de consultation sur notre système d'aide juridique
au Québec. Mais on comprend très bien qu'on ne peut pas
nécessairement isoler la question, sauf pour certains groupes
précis.
Moi, pour un, je considère qu'au Québec on a un
système judiciaire très comparable à tout ce qu'on peut
vérifier ailleurs dans le monde. Évidemment, je l'ai
déjà dit à d'autres groupes, c'est un système qui
est perfectible, où on peut, à l'occasion, constater que des
erreurs se produisent, pour une raison évidente: c'est que c'est un
système qui est administré par des humains qui, en toute bonne
foi et je parle autant des avocats que du personnel qu'on retrouve
à l'intérieur de l'appareil judiciaire, que des juges
eux-mêmes il peut y avoir des erreurs règle
générale, des erreurs de bonne foi et cependant, dans
certains cas, il y a des erreurs plus reprochables. M. Counio a
déposé une décision, et moi, j'ai encore mon
réflexe d'avocat qui veut que, tant et aussi longtemps que je n'ai pas
la version des deux parties, je réserve mon jugement. Cependant, votre
jugement est déposé, et je pense que c'est ce que vous
recherchiez, entre autres choses, que la commission des institutions puisse
vous entendre et vous permettre de vous exprimer.
Vous dites, à la page 7 de votre document: Les «tribunaux
populaires devraient toujours être formés de trois personnes.
L'avantage se situe surtout au niveau de la participation du public en
général». Ce que vous dites à la page 7
j'essaie de résumer c'est que vous suggérez qu'on remette
au peuple le jugement des faits. J'ai envie de vous demander ce que vous
pensez, en matière criminelle, du procès par jury, où
c'est exactement la règle qui s'applique: le jury est maître des
faits; le juge est maître du droit. Et vous savez que c'est un
système qui est critiqué, dépendamment de la
décision qui peut être rendue dans certaines circonstances. C'est
ce que vous souhaitez, dans votre document; c'est ce qu'on a au Canada, c'est
ce qu'on a au Québec, exactement le système que vous souhaitez.
Le jury est maître des faits. Me Eymard, je voudrais vous entendre
là-dessus.
M. Eymard (Lionel): Vous avez raison jusqu'à un certain
point de dire que... Moi, pour un, en fait, je crois que le système par
jury est excellent, même s'il est critiqué.
Le Président (M. Parent): MM. les députés,
s'il vous plaît! On a de la difficulté à entendre les gens,
ici. Allez, M. Eymard, je m'excuse.
M. Eymard (Lionel): Ce que je dis, c'est que, vous savez, quand
on fait la critique contre les jurys, ça n'a pas la même virulence
que quand on critique un juge comme Mme Verreault, par exemple; juste pour un
exemple. Le poids de la critique est réparti sur un nombre de personnes.
Et on dirait qu'il y a beaucoup moins d'animosité dans la critique qu'on
loge contre un jugement d'un jury qu'on croit déraisonnable. Et moi,
pour un...
M. Lefebvre: Mais pourquoi... C'est important, ce que vous dites
là, et c'est un éclairage qui m'intéresse beaucoup, ce que
vous dites là, et c'est très pertinent.
M. Eymard (Lionel): Pourquoi est-ce qu'on croit...
M. Lefebvre: Pour quelle raison la critique est, selon vous,
moins sévère?
M. Eymard (Lionel): Parce que, justement, il y a participation du
public au système judiciaire. Et je dis en matière civile,
surtout je dis: On exclut le public du processus judiciaire. Et je dis:
C'est mauvais. C'est pour ça, tantôt, que je suggérais
qu'on les amène à participer au processus d'information...
M. Lefebvre: En matière civile.
M. Eymard (Lionel): En matière civile, pour que... Vous
savez, il y a toute une éducation populaire à faire...
M. Lefebvre: Est-ce que, M. Eymard, vous êtes satisfait de
notre système judiciaire en matière criminelle?
M. Eymard (Lionel): En matière criminelle, je trouve qu'on
a un excellent système. Personnellement, je n'ai pas de critique
à loger contre la façon... pas la façon criminelle, mais
le processus...
M. Lefebvre: Comment pouvez-vous imaginer que, en matière
civile, un jury, formé un peu comme celui qu'on retrouve en
matière criminelle, pourrait interpréter les faits? Vous savez
qu'en matière civile la preuve des faits est extrêmement
importante, en regard de la conséquence qu'elle a sur le droit, les
présomptions, tout le jeu des présomptions...
M. Eymard (Lionel); M. le ministre, je dois vous dire que j'ai
assisté à des procès dans la province du
Nouveau-Brunswick, où l'on procède à faire la preuve des
faits devant le jury, et je dois vous dire qu'il y a une réception de la
part du jury et une étude des faits qui sont surprenantes. Pour des
avocats qui sont formés à notre droit, c'est tout à fait
différent, mais ça vaut la peine de s'y rendre pour voir comment
ça procède dans les provinces de «common law».
M. Lefebvre: Vous dites, à la page 8 de votre
document...
M. Eymard (Lionel): Mais, est-ce que je peux
compléter?
M. Lefebvre: Oui, oui, allez-y. Je pensais que vous aviez
terminé.
M. Eymard (Lionel): Ce que je peux vous dire, c'est que, au
Nouveau-Brunswick en particulier, il n'y a à peu près pas de
critique du processus judiciaire. Vous ne retrouvez à peu près
pas de critique dans les journaux. Pourquoi? Parce que le monde participe
à l'administration de la justice.
M. Lefebvre: À la page 8 de votre document, vous indiquez,
en haut de la page 8: «L'assistance juridique ne donne qu'un mandat
général et non spécifique. Elle devrait, dans son mandat,
forcer l'avocat à une étude préliminaire du cas, et
lui-même rédiger un état détaillé des
services qu'il entend rendre dans ce mandat, en donner une copie au client et
l'exécuter tel que détaillé.» Je ne sais pas si je
m'adresse...
M. Eymard (Lionel): Oui.
M. Lefebvre: Peut-être encore à vous, Me Eymard.
Vous demandez plus au système d'aide juridique, qui est un
système public, que ce qui existe dans le privé...
M. Eymard (Lionel): C'est que, effectivement...
M. Lefebvre: ...alors que le système d'aide juridique
serait précurseur de ce qui n'existe pas encore dans le privé.
Ça peut avoir du bon sens, ce que vous proposez, remarquez bien!
M. Eymard (Lionel): Remarquez bien que ce dont j'ai parlé,
moi, c'est d'accessibilité à la justice, mais, vu que je suis
devant une commission d'enquête sur l'aide juridique, je suis bien
obligé...
M. Lefebvre: Ah oui! Ça peut avoir du sens, ce que vous
proposez là.
M. Eymard (Lionel): Ce que je dis...
M. Lefebvre: Un peu comme le garagiste qui doit faire avec son
client l'inventaire de ce qu'il entend faire au niveau de la réparation
du véhicule.
M. Eymard (Lionel): Voyez-vous le problème? C'est que,
quand le client n'engage pas l'avocat, c'est l'aide juridique qui l'engage; la
relation qui se crée n'est pas la même, et je l'ai vécue,
moi. Pourquoi elle n'est pas la même? C'est qu'en fait le gars dont c'est
l'aide juridique qui paie son «bill» d'avocat, il peut faire
à peu près tout ce qu'il veut à l'avocat.
M. Lefebvre: Mais c'est l'avocat, Me Eymard, qui
décide.
M. Eymard (Lionel): C'est l'avocat qui décide.
M. Lefebvre: Et, parlons particulièrement d'un avocat
permanent à l'aide juridique. Je pense que le
problème ne se pose pas, j'imagine, pour vous, de la même
façon? Pour un avocat permanent?
M. Eymard (Lionel): Non, il ne se pose pas du tout de la
même façon.
M. Lefebvre: D'accord.
M. Eymard (Lionel): Mais ce qu'on voit, nous autres, c'est que
les cas qui nous viennent au Mouvement, c'est des cas qui ont eu des
difficultés, que si le mandat avait été précis, le
client aurait compris. Et vous en avez un exemple, là: le mandat
était flou, l'avocat a négocié au lieu de faire une
défense, et il n'a jamais dit au client qu'il n'avait jamais fait de
défense. Je vous ai apporté ce cas-là exprès pour
vous montrer les difficultés. Puis ça pourrait être la
même chose, vous savez, dans le domaine strictement ordinaire, dans la
relation entre l'individu et l'avocat.
M. Lefebvre: Est-ce que, selon vous, de façon
générale, cette pratique-là relation client et
avocat existe au niveau de la pratique privée?
M. Eymard (Lionel): Non. M. Lefebvre: Non, hein?
M. Eymard (Lionel): Non. Je suis d'accord avec vous.
M. Lefebvre: II faudrait peut-être l'examiner.
M. Eymard (Lionel): II faudrait que ce soit
précisé, que les avocats soient obligés de préciser
le mandat qu'ils entendent rendre à leur client. (21 h 20)
M. Lefebvre: Vous dites, toujours à la page 8, M. Eymard,
et là, je vous trouve un peu sévère, qu'il «y a un
laisser-aller inexcusable dans l'exécution des mandats d'aide juridique.
Il faut un redressement». Je voudrais vous dire que, moi,
personnellement, j'ai beaucoup de respect pour les avocats permanents à
l'aide juridique. Les intervenants qui sont venus devant nous depuis une
dizaine de jours semblent, de façon générale, nous
indiquer que les avocats permanents à l'aide juridique sont des avocats
dévoués, compétents, qui travaillent avec toute
l'énergie qu'il faut pour bien remplir leur mandat. On dit
également et ça, c'est une évaluation qui a
été faite par des agents extérieurs au régime
d'aide juridique que le système d'aide juridique au
Québec, toutes proportions gardées, est... le
système est bâti autour de ces professionnels, les avocats, entre
autres on dit que c'est un des bons régimes au Canada. Je vous
trouve un peu sévère lorsque vous nous indiquez être...
qu'il «y a un laisser-aller inexcusable dans l'exécution des
mandats».
M. Eymard (Lionel): Écoutez un peu. Moi, je vais vous dire
l'expérience que j'ai, et je ne veux pas mettre plus de pression sur le
gouvernement qu'il ne le faut. Mais, nous autres, dans notre mouvement, ce
qu'on reçoit, c'est des gens qui sont en difficulté avec le
système. Alors, j'ai jugé d'après ce que, moi, je vois.
Mais M. Guessous aimerait prendre la parole et parler là-dessus.
M. Lefebvre: II y a 350 avocats et un peu plus à l'aide
juridique qui reçoivent des...
M. Eymard (Lionel): Ah! Je le sais.
M. Lefebvre: ...dizaines de clients par semaine qui sont heureux.
Peut-être que ceux-là ne vous appellent pas, mais il faut l'avoir
à l'esprit. Oui, M. Guessous.
M. Guessous (Abdelhak): M. le ministre, premièrement, nous
ne sommes pas contre l'aide juridique ni les avocats de l'aide juridique.
M. Lefebvre: Non, je n'ai pas dit ça. Je trouve...
M. Guessous (Abdelhak): Non, non. Et nous n'avons pas
été sévères, mais c'est un rapport de la commission
qui est collégial et nous l'avons discuté avec tout le monde. Me
Eymard fait partie des gens qui ont vraiment rédigé la base.
Il ne faut pas oublier, M. le ministre, que j'ai assisté, le 1er
mars, le 2, le 3 et les autres jours. Nous avons toujours un
représentant d'une région qui était là,
discrètement...
M. Lefebvre: Oui, oui.
M. Guessous (Abdelhak): ...pour savoir ce qui se passe.
M. Lefebvre: Je vous ai vu souvent, d'ailleurs. M. Guessous
(Abdelhak): La plupart...
M. Lefebvre: Je l'apprécie, j'apprécie que vous
soyez là.
M. Guessous (Abdelhak): Bien, M. le ministre, nous avons 650
interventions de personnes qui ont reçu l'aide juridique, qui sont
insatisfaites. Nous envisageons, au mois d'avril de l'année prochaine,
de faire une journée pour que nous puissions vraiment montrer quelle est
la situation.
En plus de ça, la plupart des gens qui sont venus dire qu'ils
étaient très, très heureux de l'aide juridique, c'est des
avocats qui sont liés avec l'aide juridique, comme vous-même, M.
le ministre, vous avez... Quand le bâtonnier du Barreau a fait sa
présentation, il a dit: Moi, je représente les
intérêts du public. Vous avez, dans votre réponse,
répété la même chose, en disant:
oui, vous représentez l'opinion publique. or, m. le ministre et
mm. les membres de cette commission, nous avons un sondage d'opinion publique
où 80 % des gens ordinaires il est fait scientifiquement par deux
grandes maisons, pas par nous seuls nous disent que le barreau ne
représente que l'intérêt des avocats et qu'il ne
représente absolument pas les intérêts du public.
Si vous voulez que je dépose des documents, depuis 1988, qui ont
été déposés auprès du Barreau pour faire des
enquêtes qui n'ont jamais été faites, les causes sont
devant le tribunal des droits de l'homme de l'Organisation des Nations unies,
M. le ministre. Vous devrez aussi écouter notre point de vue. Nous
sommes sévères, ni contre les gouvernements ni contre l'aide
juridique, mais nous, on a un mandat, indirectement, parce que, après
avoir donné le souffle de notre vie à la cause, nous sommes
à ce stade actuellement: On donne notre vie à la cause.
C'est la raison pour laquelle, M. le ministre, nous ne pensons pas...
Et, en plus de ça, si on va un peu plus loin, l'ancien titulaire du
ministère de la Justice, il nous a fait un Sommet de la justice. Je lui
ai parlé personnellement cinq ou six fois, et on a demandé de
regarder la base où sont les problèmes. Ce que nous proposons
aujourd'hui, quand on parle d'un centre qui va s'occuper vraiment du
problème, c'est le dialogue, c'est de résoudre les
problèmes avant d'arriver devant la justice. Nous l'avons fait, parce
que nous avons consulté dans une zone, qui est Côte-des-Neiges, 19
organismes multiculturels; nous avons consulté les prêtres, les
imams des mosquées puisqu'il y a 300 000 familles musulmanes
à Montréal nous avons parlé à la
communauté juive. Tout le monde était tout à fait d'accord
pour qu'il y ait un centre ou plusieurs centres pour parler des choses de
l'aide juridique.
Essayez, M. le ministre, on vous conjure, vous et votre commission,
d'installer une commission d'arbitrage, de discussion afin que ces
problèmes puissent vraiment... Il y a des problèmes qui peuvent
être résolus.
M. Lefebvre: M. Guessous, j'ai, évidemment... Je n'ai
aucune difficulté, et c'est un exercice auquel je me soumets avec les
membres de la commission depuis une dizaine de jours. Vous êtes le 33e
organisme que nous recevons, et nous le faisons avec beaucoup d'ouverture
d'esprit. Vous avez la liberté totale de vous exprimer, et moi, avec
toute la connaissance que je peux avoir de l'institution qu'est l'aide
juridique au Québec, en compagnie de mes collègues, en temps et
lieu, on se fera une opinion sur le régime.
Et, là-dessus, on a eu devant nous... et, encore aujourd'hui,
j'ai posé et, à plusieurs reprises la question qui
est à peu près là suivante: Est-ce que, de façon
générale, globalement, le système d'aide juridique au
Québec fonctionne bien? Et c'est presque unanime: Oui, il faut corriger;
oui, il faut améliorer, peut-être, les seuils et ça
m'apparaît évident, même d'admissibilité.
Mais, de façon générale... et il y a eu des sondages qui
ont été faits, au québec, au cours des dernières
années, et ça dépasse les 50 %, le taux de satisfaction du
régime.
M. Guessous (Abdelhak): C'est moi-même qui ai fait ce
sondage, M. le ministre.
M. Lefebvre: M. Guessous, vous parlez de plus ou moins 650
plaintes. Je veux vous rappeler qu'au cours de la dernière année
on a traité, à l'aide juridique, 300 000 dossiers. Votre sondage
ou inventaire, quant à moi, nous amène à être
très prudents sur une conclusion que vous tirez, à savoir que le
système est déficient. 650 par rapport à 300 000, ce n'est
pas beaucoup! Je ne vous dis pas que ça n'existe pas, des gens qui se
plaignent. Vous savez, il y a des gens qui se plaignent de la qualité
des plombiers. Est-ce qu'il faut condamner toute la confrérie des
plombiers? Il y a des gens qui se plaignent parce qu'un chauffeur de taxi a
allongé le parcours. Est-ce qu'il faut condamner toute la
confrérie des chauffeurs de taxi? Je vous trouve sévère
par rapport au système d'aide juridique au Québec, et
particulièrement quant aux permanents. Dites-moi qu'il faut
l'améliorer: Oui.
M. Guessous (Abdelhak): Bien, M. le ministre, je vous
répète ce que j'ai dit.
M. Lefebvre: Oui.
M. Guessous (Abdelhak): en 1991, quand le ministre de la justice
a décidé qu'il fallait faire un sommet, on a fait un sondage
d'opinion publique, et on a sorti 51 % qui sont satisfaits. nous avons fait le
forum de chicoutimi. et, à partir de ce moment-là, on n'a pas eu
que des gens qui sont vraiment insatisfaits. on a été les
choisir, mais la majorité des gens que nous avons choisis dans des
choses de la cour, ils nous disent qu'ils étaient insatisfaits, ou
ça n'a abouti nulle part. je ne dis pas par là qu'il faut
démolir l'aide juridique. je ne sais pas...
M. Lefebvre: Non, non. Je vous pose une dernière question,
afin de permettre...
M. Guessous (Abdelhak): Oui.
M. Lefebvre: Pas permettre... c'est une expression qu'il faut que
je corrige!
M. Guessous (Abdelhak): Oui.
M. Lefebvre: Afin de laisser la parole à mes
collègues...
Si vous pouviez, vous, en quelques jours, améliorer le
système d'aide juridique et je m'adresse à vos
collègues et à madame quels sont les premiers gestes qu'il
faudrait poser? Je ne vous dis pas que vous avez totalement tort. Je vous
exprime mes réserves sur
certains éléments de votre mémoire. Où il
faudrait commencer? Le libre choix de l'avocat? La formation des avocats?
L'amélioration ou le rehaussement du seuil d'admissibilité? Il y
a plein de choses qu'il faut corriger, mais je ne pense pas qu'il faille
et vous l'avez dit, vous venez de le dire condamner le régime de
façon globale. Quels sont les premiers gestes qu'il faudrait poser?
M. Guessous (Abdelhak): Bien, je commencerais
immédiatement par doter chaque centre de l'aide juridique d'une
région d'un certain nombre de personnes pour faire la médiation
et essayer vraiment de régler les problèmes; au lieu de 300 000
cas, si on peut résoudre, mettons, 20 000 ou 30 000 cas par ce
système. Je n'ai jamais dit ou mentionné même si
vous avez senti que c'était un petit peu sévère
nous n'avons jamais dit que l'aide juridique, il ne faut pas la garder. Nous
disons qu'il faut la garder.
M. Lefebvre: Je ne l'ai pas pris comme ça, M. Guessous.
Non, je veux vous rassurer, là; je veux vous rassurer. Ce n'est pas ce
que j'ai compris. J'ai dit que je vous -avais trouvé un peu
sévère, pas plus que ça. D'accord?
M. Guessous (Abdelhak): Bon. Alors, peut-être, on
était sévère.
M. Lefebvre: Non, non, je n'ai pas compris que vous aviez dit
qu'il fallait tout condamner, là. Je n'ai pas compris ça comme
ça.
M. Guessous (Abdelhak): Quand vous donnez un mémoire
à une trentaine de personnes pour le lire... Je l'ai envoyé au
Barreau...
M. Lefebvre: D'accord.
M. Guessous (Abdelhak): ...pratiquement cinq semaines avant de le
déposer. Quand, de toutes les régions, ils nous disent:
Voilà notre position, nous ne sommes pas payés pour, ni par le
gouvernement ni par qui que ce soit, nous n'avons jamais reçu un cent de
qui que ce soit. Même au moment où le Barreau dit que l'institut
de recherche du Barreau fait appel aux gens qui font des recherches pour qu'ils
puissent participer, nous déposons nos documents. Puis, nous avons
déposé nos documents quand le ministère a dit que tous les
organismes populaires, il faut qu'ils déposent leurs dossiers. Nous
n'avons jamais reçu de réponse.
Mais, ce n'est pas à cause de ça qu'on était
sévère. C'est parce qu'on a trouvé des cas vraiment
déplorables, M. le ministre. Et je ne dis pas, étant donné
qu'il y a ces cas déplorables, qu'il faut vraiment... qu'on est contre
l'aide juridique. Au contraire, on voudrait que l'aide juridique reste
là, mais qu'elle soit bien structurée et basée sur le
dialogue, et régler les problèmes, et éviter,
peut-être, les tribunaux.
Le Président (M. Parent): M. Guessous, je vous remercie.
Je vous fais remarquer que vous n'êtes pas ici devant le gouvernement;
vous êtes ici devant une commission parlementaire, devant les membres de
l'Assemblée nationale, et vous discutez avec un représentant du
gouvernement. Il n'a pas à partager vos vues, comme vous n'avez pas
à partager les siennes. On est ici pour échanger et se
renseigner. (21 h 30)
Et, sur ce, je me dois de donner la parole à la
représentante de l'Opposition officielle, Mme la députée
de Terrebonne.
M. Guessous (Abdelhak): Merci beaucoup, M. le
Président.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, M. Guessous et
Mme Périer, M. Counio, Me Eymard, merci de votre participation à
nos travaux, participation assidue, puisque, effectivement, vous avez eu des
représentants qui ont suivi l'ensemble de nos travaux.
Il y a, dans votre sondage, certains chiffres qui sont importants
à retenir. Je pense qu'ils donnent un signal quand même assez
clair. Quand on parle de 84.2 % de personnes qui considèrent que la
justice a un impact important sur l'avenir du québec, 84,2 %, c'est un
chiffre important, quand on sait que le budget du québec qui est
consacré à la justice, c'est 1,2 % du budget global de
l'état. 91,3 % qui demandent d'importants changements; on demande
d'améliorer le système juridique, l'ensemble du système
juridique actuel. alors, 91.3 %, je pense que c'est un chiffre
extrêmement significatif. du côté de l'aide juridique, le
chiffre est un peu plus intéressant, évidemment, avec 51,8 % de
satisfaction.
Vous parlez beaucoup, dans votre mémoire, de l'importance de
réduire la lourdeur du processus judiciaire, et ça, je pense que
c'est ce que les citoyens et les citoyennes pensent, en général,
de rendre le service plus efficace. Quand vous parlez que les personnes
à revenu moyen éprouvent des difficultés face à ce
système-là, je pense que vous avez parfaitement raison aussi.
L'importance de la médiation. L'importance d'ajouter des
solutions alternatives pour améliorer notre système, pour
réduire la lourdeur, c'est important ça aussi. C'est sûr
que 650 plaintes que vous avez, ou dossiers, sur 300 000, c'est sûr qu'on
peut faire des statistiques, des pourcentages. Ce qui est difficile, c'est que,
dans chacun de ces cas-là, ce n'est pas une statistique, c'est une
personne qui vit une situation difficile et pénible. Et ça, c'est
toujours difficile de traduire ça en statistiques, parce que ce sont des
vies on a un exemple, ici, avec M. Counio ce sont des vies qui
sont brisées, hein? Bon. Ça, ça ne peut pas juste
s'évaluer en termes de statistiques. Mais, là, c'est toujours
pour ça que c'est difficile. C'est évident que le nombre nous
fait, à un moment donné, qu'on ne veut pas remettre en question
tout un système, sauf qu'il faut s'assurer qu'il arrive le moins
possible d'erreurs, parce que chacune de
ces erreurs est extrêmement grave pour chacune des personnes.
Vous avez suivi nos travaux; donc, vous savez que beaucoup de groupes
sont venus nous dire qu'ils souhaitaient que les personnes puissent être
représentées par des avocats, en nous disant que la personne qui
devait se représenter seule n'avait pas l'information, les
connaissances, et souvent, se sentait démunie pour se défendre.
Elle n'avait pas les capacités de le faire, et vous, vous
préconisez, dans votre document, sur les résolutions qui ont
été faites, en page 4, vous accentuez beaucoup sur la
possibilité que des personnes puissent se défendre seules, mais
en leur donnant des outils, évidemment, parce que vous proposez tout un
nombre de recommandations: l'accès à la bibliothèque du
Barreau, la possibilité d'aider une personne qui voudrait se
représenter seule, qu'elle ait droit à l'assistance juridique; de
l'aide technique, finalement.
Moi, j'aimerais que vous m'expliquiez davantage pourquoi vous souhaitez
que la personne puisse se représenter seule; parce que beaucoup de
groupes nous disaient vraiment le contraire: que la personne, même avec
de l'aide, même avec l'assistance, elle ne pourrait pas arriver, ce
serait inéquitable par rapport à l'autre partie.
M. Eymard (Lionel): Je vais répondre à votre
question, si vous me permettez. Pourquoi la personne doit se représenter
seule, dans plusieurs cas? C'est qu'elle est insatisfaite des services des
avocats, elle a l'impression que l'avocat défend mal sa cause, et
ça, je l'ai vécu.
Tantôt, vous me parliez de 650 cas sur 300 000 cas, je pense. Si
on élimine, mettons, tout le secteur criminel, peut-être qu'il ne
reste rien que 150 000, mais c'est déjà énorme
comparativement au petit peu qu'on a. Mais, moi, je regarde les critiques, je
regarde ce qui se passe chez nous et je me dis: Le monde a une soif de savoir.
Ils veulent participer, ils veulent en arriver à quelque chose, et puis,
je me dis: C'est vrai qu'ils ne sont pas formés pour aller là. Je
le sais, moi; j'étais spécialiste en responsabilité, comme
je vous ai dit.
Alors, ce que je dis, c'est qu'on fasse une première étape
dans le processus judiciaire où l'information est nécessaire.
C'est pour ça que je dis qu'on devrait avoir un centre d'information
avec toutes les données sur les ordinateurs pour qu'ils puissent y
accéder. Puis, la deuxième méthode, c'est qu'on les
habitue, si tu veux, à un processus judiciaire par la médiation
puis qu'on débroussaille la cause, de sorte que, quand ça arrive
devant le juge, que le juge ne soit pas obligé d'entendre pendant trois
jours un paquet de choses qui n'ont même pas leur raison d'être,
mais que les juges endurent, parce que, aujourd'hui, avec la justice naturelle,
il faut quasiment écouter la dernière fois que le gars a eu une
relation avec son épouse, ou je ne sais pas trop quoi.
Alors, c'est rendu que, devant les tribunaux, il y a une perte de temps
absolument incroyable, puis on se demande si c'est la faute des avocats ou si
c'est la faute du client. Puis, je ne sais pas... M. le ministre, lui, il a
été avocat pendant longtemps, il doit savoir la même chose.
On perd un temps fou avec des questions qui n'ont pas leur raison
d'être.
Mme Caron: Oui, M. Guessous.
M. Guessous (Abdelhak): Oui. La deuxième chose que je
voudrais ajouter, c'est que le système d'aide juridique, tel qu'il est,
il doit avoir des fichiers chez lui pour l'ensemble des causes qui ont
été faites; et là, d'abord, toutes les causes. Et il peut
vraiment les sortir facilement, en nous disant dans combien de causes,
vraiment, les gens, ils ont obtenu satisfaction. Qu'il y ait un fichier du
client, que ce soit vraiment comme une information disponible, en disant: Nous
avons traité 150 causes, mettons 100 000 causes. Sur les 100 000 causes,
il y en a 10 000 où il y a eu vraiment un jugement par défaut,
parce que l'avocat n'était pas là, qu'il y a telle chose et telle
chose et telle chose. Et ça, c'est le ministère de la Justice, et
c'est primordial avant d'aller vraiment, et dire: Bon, maintenant, il faut
augmenter de 30 000 000 $, 50 000 000 $. je vous avoue que, moi, j'ai
assisté à tous les congrès et les colloques des barreaux,
que ce soit à l'échelon du québec ou des autres provinces.
vous avez un document qui date de 1993 le mois de juin où
il est clairement mentionné que pratiquement 52 % des avocats qui sont
formés, ils sont sur l'aide sociale et ils sont sur le bien-être
social, et il faut leur trouver du travail. je suis tout à fait
disposé qu'il faut leur trouver du travail, mais je suis aussi
disposé à poser la question: est-ce qu'il ne faut pas commencer
à restreindre un petit peu, tous ces 600 avocats qui sortent par
année? et le juge steinberg lui-même, dans son livre «les
dessous du palais», il mentionne que 33 % des avocats, ce sont des
avocats compétents, qui font leur travail; le reste, ce sont des
paresseux, ce sont des parasites, ce sont des gens qui ne font absolument rien,
ni pour les causes, ni pour la justice, ni pour les clients.
Alors, vous savez, si vous n'avez pas l'étude exhaustive qui
était faite, du Barreau, où il est mentionné le nombre
d'avocats qui sont sur le bien-être social et ceux qui n'ont pas de
travail, qui n'ont rien du tout, que le gouvernement leur donne 50 000 000 $ ou
100 000 000 $, ça ne me dérange absolument pas. Mais si on veut
vraiment aider les gens, il faut faire des structures pour nous aider. Parce
que, dans la masse de la population du Québec, il y a
énormément de gens qui viennent de l'extérieur, qui
viennent de l'étranger, et, M. le ministre et je m'adresse
surtout, quand je dis «le ministre», aux membres de cette
commission. (21 h 40)
Parce que, je l'ai mentionné à quatre reprises, vous avez
aujourd'hui des tribunaux populaires de quartier où les gens ne
s'adressent plus, absolument plus, aux tribunaux, parce qu'ils n'ont absolument
pas confiance. Ils n'ont pas les moyens. Parmi les trois personnes qui devaient
venir, mais qui ne sont pas
venues, parce qu'on devait faire un tirage au sort: qu'elle est la
personne qui parle, parce que M. Counio, on ne l'a pas choisi, c'était
un tirage au sort de six personnes. Bien, quand vous trouvez une dame qui vous
dit qu'elle est de la Roumanie, et que, vraiment, elle était
obligée de donner ses bijoux à l'avocat de l'aide juridique,
bien, écoutez, vous vous posez des questions.
Quand on parle vraiment de harcèlement sexuel... et vous avez une
Africaine, dans l'office, qui a été kidnappée par le
père, et qu'elle était obligée, vraiment je
m'excuse de l'expression de s'allonger au bureau de l'avocat pendant six
mois, avec l'espoir que l'enfant va retourner, et qu'il faut faire un paiement
de nature. Je vous assure que, quand vous avez entendu ces choses-là,
vous commencez à dire: Est-ce que vraiment il y a quelque chose qui
cloche dans le système?
Alors, nous, ce qu'on demande, on demande simplement... D'ailleurs, le
Code civil, l'article 6 dit qu'on ne devrait pas du tout présenter une
affaire en matière de famille devant les tribunaux
peut-être que c'est l'article 7 qui dit qu'il faut d'abord faire
la médiation. Combien de batailles ont eu lieu sur des familles qui sont
déchirées? Leurs fortunes qui sont disparues de a à z, et
je fus l'une des victimes de ce système en 1983, parce que la
médiation n'a jamais eu lieu.
Tout ce que nous vous demandons, c'est simplement, au moins, de
respecter les parties des lois et de donner à l'aide juridique tout
l'argent que vous possédez, mais la structurer pour qu'elle soit
efficace et rentable, parce que vous êtes responsables vis-à-vis
ceux qui vous ont élus: la population.
Mme Caron: Quand vous parlez de certains avocats, je pense que,
moi, en tout cas, j'ai toujours cru qu'on ne peut pas faire de
généralités, que ce soit avocat, que ce soit professeur,
que ce soit prêtre, que ce soit député, que ce soit
médecin, que ce soit menuisier, peu importe le travail qu'on effectue,
il y a effectivement des gens qui le font bien, il y a des gens qui le font
très bien, et il y a des gens qui le font mal. Et ça,
malheureusement, ça fait partie de la nature humaine.
Votre recommandation de vérifier au niveau des dossiers à
l'aide juridique, ça correspond à une des recommandations du
rapport Macdonald, la recommandation 22, qui demande effectivement une
étude de l'évolution des besoins de la clientèle, un
niveau de connaissance des services, le taux d'utilisation et le degré
de satisfaction. Ça fait partie des recommandations du rapport
Macdonald.
M. le Président, mon collègue d'Anjou souhaitait poser une
question; alors, est-ce que vous pouvez lui donner la parole?
Le Président (M. Parent): Oui, avec plaisir, madame. M. le
député d'Anjou.
M. Bélanger: Je vous remercie, M. le Président. Mme
Périer, M. Eymard, M. Counio, M. Guessous, ça me fait plaisir de
vous accueillir à la commission.
Au niveau de votre mémoire, à la page 4, quand vous parlez
de la bibliothèque du Barreau, j'aimerais peut-être porter
à votre attention... Bon, je connais bien la bibliothèque du
Barreau, et je connais aussi bien celle de l'Université de
Montréal. Vous savez, toutes les universités qui ont des
facultés de droit ont des bibliothèques qui sont publiques, qui
sont gratuites et qui sont ouvertes au public et qui sont, je peux vous le
dire, beaucoup plus complètes que la bibliothèque du Barreau.
Alors, c'est peut-être quelque chose à savoir, je pense, qui est
intéressant pour vos membres.
Quant à la bibliothèque du Barreau, elle est payée
entièrement par les cotisations des avocats alors, c'est un autre
point, je pense, qui est intéressant à savoir et non pas
par les contribuables, ni par le public en général. Et ça
inclut aussi le loyer, qui est payé par le Barreau du Québec au
palais de justice pour la bibliothèque du Barreau. En tout cas, je pense
que c'est un point que je tenais à vous dire. Et, d'ailleurs,
près du palais de justice de Montréal, en particulier, il y a la
bibliothèque de droit de l'Université du Québec à
Montréal, qui, elle aussi, est assez, je pense, complète, et qui
est ouverte au public, et qui est gratuite. Il y a aussi celle de
l'Assemblée nationale, qui est ouverte au public.
Quant à moi, il y a un point que je trouve intéressant
dans votre sondage Léger & Léger. M. Guessous, on
s'était rencontré à mon bureau, et vous m'aviez, à
ce moment-là, fait part de votre sondage Léger &
Léger, et je vois qu'il y a un accord de 74 % relativement à la
création d'un comité permanent consultatif sur le système
judiciaire. Je pense que, M. Guessous, vous êtes un observateur
avisé des travaux de notre commission et de nos travaux à
l'Assemblée nationale. Vous savez que le présent gouvernement a
fait adopter une loi créant l'institut permanent de réforme du
droit, à laquelle a concouru l'Opposition officielle. Pour nous,
c'était essentiel d'avoir un tel instrument pour faire une
réforme permanente de notre droit, surtout avec notre nouveau Code civil
qui est maintenant en vigueur et qui, comme toute nouvelle chose, crée
certains remous, un certain changement d'habitudes. Et ça,
c'était prévisible, et on le savait. Alors, malheureusement,
comme vous le savez aussi, le Conseil du trésor a refusé
d'autoriser tel projet.
Cependant, le ministre m'a rassuré et m'a dit que le projet
n'était pas encore enterré de sa belle mort, et que nous devions
nous attendre, dans un avenir rapproché, à avoir sous une forme
peut-être modifiée, peut-être même
améliorée, un projet d'institut de réforme du droit. Je
pense, quant à moi et je pense qu'on se rejoint là-dessus
que c'est tout à fait essentiel d'avoir un instrument qui voit
à ce que nos lois puissent évoluer en même temps que notre
société, et Dieu sait que notre société
évolue rapidement! Je me souviens que dans notre code criminel,
d'ailleurs, il existait encore jusqu'à il y a quatre ans, le crime de
séduction de passagère pour un capitaine. Mais c'était un
crime au code criminel pour un capitaine que de séduire une
passagère! Alors, c'est pour vous dire comme quoi il y a certains
crimes ou certaines choses dans notre droit qui n'évoluent pas
aussi vite que notre société. C'est pourquoi j'ai toujours
pensé que l'institut de réforme du droit, nous y avons concouru,
nous y croyons toujours et nous espérons que le gouvernement saura aussi
y donner suite. Mais je suis rassuré par les intentions du ministre de
la Justice. Alors, c'est pour vous dire que j'étais tout à fait
d'accord avec cette constatation.
Maintenant, l'abolition de l'immunité des juges. Moi, je me pose
la question, j'aimerais entendre vos commentaires là-dessus. Je me
demande si ce ne serait pas plus sage de donner une certaine immunité
aux juges, parce qu'un juge, quand il rend jugement, s'il se sait à la
merci d'une poursuite de la part d'une partie qui ne sent pas que le jugement a
été rendu en accord aux principes, vous ne pensez pas que
ça peut être dangereux quant à la sécurité
que doit avoir un juge quand il rend un jugement? J'aimerais vous entendre
là-dessus.
M. Guessous (Abdelhak): Bien, je vais donner à Me Eymard
pour qu'il réponde à votre première question, et puis, je
vais répondre également, si on a le temps, parce que j'entends
les cloches pour le vote. Elles ont commencé à sonner.
Le Président (M. Parent): Alors, je vous invite à
répondre rapidement.
M. Eymard (Lionel): Bon! Alors, il y a deux choses. Avant de
répondre à votre question, je dois dire que je connais aussi bien
la bibliothèque de l'Université McGill, de l'Université de
Montréal, de l'UQAM, Saint-Sulpice; je les connais toutes. Mais ce que
je dis, et j'invite le gouvernement à y penser, c'est que dans le palais
de justice lui-même, même si la bibliothèque appartient au
Barreau, que le gouvernement l'acquière et que le public ait le droit de
s'en servir, parce que c'est là que ça se passe. Ça, c'est
la première chose, et c'est dans le palais de justice.
Deuxième chose, pour ce qui est de l'immunité des juges,
nous autres, on préconise, vous le voyez, la question de la
création d'une école de la magistrature pour avoir une
transparence de la justice. Je ne critique pas les juges, et je ne voudrais pas
que notre intervention soit prise... Mais, dès qu'il y a quelque chose
qui se passe, on est porté à blâmer celui qui donne le coup
de bâton. Mais si vous avez des juges qui ne peuvent avoir aucune
relation avec aucun des avocats, vous n'aurez pas ces
problèmes-là. Mais je dis que si on a le processus d'information
au tout début, ces questions-là vont être bien moins
importantes. Est-ce que ça répond à votre question?
M. Bélanger: Tout à fait.
Le Président (M. Parent): Messieurs, on vous remercie, et
la commission permanente des institutions ajourne...
M. Lefebvre: M. le Président...
Le Président (M. Parent): Rapidement.
M. Lefebvre: ...quelques minutes pour remercier. M. Guessous, Mme
Périer, MM. Eymard et Counio, je vous remercie de votre visite. Vous
êtes venus plaider avec beaucoup d'élan votre point de vue, et
soyez assurés que, même si on peut exprimer certains
désaccords je m'adresse particulièrement à vous, M.
Guessous c'est avec beaucoup de sympathie que j'ai reçu votre
message. Il y a plein de choses là-dessus qui font
référence à des problèmes, effectivement, qu'il
faut essayer de corriger dans notre système judiciaire. Je vous remercie
beaucoup.
Le Président (M. Parent): Alors, les travaux sont
ajournés au 29 mars, 10 heures.
(Fin de la séance à 21 h 49)