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(Dix heures cinq minutes)
Le Président (M. Parent): J'invite les
députés à prendre place. Les travaux de la commission vont
débuter incessamment, dès que les joueurs seront en place. La
commission des institutions continue ses travaux ils ont
débuté la semaine dernière dans le cadre du mandat
qui lui a été confié par l'Assemblée nationale,
à savoir de procéder à une consultation
générale et de tenir des auditions publiques sur le régime
d'aide juridique et sur le document intitulé «L'aide juridique au
Québec: une question de choix, une question de moyens». Alors,
dans quelques secondes, lorsque tous les membres de la commission seront
arrivés, nous allons débuter pour de bon et officiellement nos
travaux et considérer la séance comme ouverte. Mme la
secrétaire, est-ce que nous avons quorum?
La Secrétaire: Non, M. le Président.
Le Président (M. Parent): Nous n'avons pas quorum. Alors,
Mme la secrétaire, faites sonner les cloches. Les députés,
comme les gens qui vous ont précédés hier soir, ont
siégé jusqu'à 22 heures; ils ne sont peut-être pas
allés au lit immédiatement après. Je ne sais pas ce qui se
passe.
La séance va débuter immédiatement. Je vous ai
rappelé le mandat de la commission au tout début.
Mme la secrétaire, est-ce que, aujourd'hui, nous aurons des
remplaçants?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Paradis
(Matapédia) remplace Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata); M.
Lemire (Saint-Maurice) remplace M. Hamel (Sherbrooke); M. Gobé
(Lafontaine) remplace M. Maciocia (Viger).
Le Président (M. Parent): Merci. Alors, je vous fais
lecture de l'ordre du jour, c'est le menu de nos travaux pour la
journée. Ce matin, dans un premier temps, la commission accueille la
Fédération nationale des associations de consommateurs du
Québec; de 11 heures à 12 heures, la Fédération des
ACEF du Québec. Alors, j'imagine que l'ordre du jour est adopté.
Il est adopté. De 12 heures à 13 heures... Ah oui!
Accès-Justice, excusez-moi. Accès-Justice, de 12 heures à
13 heures. Nous avons trois groupes ce matin.
Auditions
Alors, l'ordre du jour étant accepté, j'invite le
porte-parole de la Fédération nationale des associations de
consommateurs du Québec à nous présenter la personne qui
l'accompagne et à nous faire connaître le contenu de son
mémoire. Je veux d'abord le remercier aussi d'avoir répondu
à l'invitation de la commission à venir aider les membres de
cette commission dans la poursuite de leur recherche de l'amélioration
de notre système d'aide juridique.
Comme vous le savez, les travaux de la commission sont répartis
sur environ une heure séparée entre un tiers, un tiers, un tiers.
Vous avez entre 15 et 20 minutes pour présenter votre rapport, et la
même chose pour les membres de la commission parlementaire. Alors, nous
vous écoutons, dans un premier temps. M. le porte-parole, j'imagine que
c'est M. Giroux... M. Beaudoin, pardon, qui est le porte-parole, et il est
accompagné de M. Giroux. Alors, M. Beaudoin, bienvenue et, encore une
fois, le micro vous appartient.
Fédération nationale des associations de
consommateurs du Québec (FNACQ)
M. Beaudoin (Roger): Merci, M. le Président. M. le
ministre, mesdames, messieurs, je vais céder pour tout de suite la
parole à M. Giroux, qui pourra se présenter, et, ensuite, je
reprendrai la parole.
M. Giroux (Michel): Je suis un membre du conseil d'administration
de l'ACEF de Québec. On est ici au nom de la FNACQ parce que l'ACEF de
Québec travaille en lien, et plus qu'en lien, je dirais, responsable de
dossiers nationaux par la participation de nos permanents à la FNACQ.
Moi, je suis sur le conseil d'administration depuis trois ans. Je suis un
syndiqué de l'enseignement mais je m'intéresse beaucoup à
l'action des groupes populaires pour la défense des droits des personnes
démunies, et l'ACEF rencontre les objectifs, tout au moins les miens. Et
je suis un bénévole qui accompagne ce matin un permanent que je
considère un de nos meilleurs permanents à l'ACEF de
Québec et à la FNACQ.
Le Président (M. Parent): Remarquez bien que lui me disait
qu'il avait le meilleur bénévole avec lui.
M. Giroux (Michel): Parfait. On s'entend bien. (10 h 10)
M. Beaudoin (Roger): Alors, c'est que, voyez-vous, il y a
différentes personnes impliquées dans nos groupes, qui sont
effectivement bénévoles la plupart du temps, et ce n'est pas tout
le monde qui pouvait venir ici aujourd'hui, mercredi à 10 heures le
matin. Alors, les personnes qui sont bénévoles et qui connaissent
le dossier de l'aide juridique ne pouvaient pas être
présentes,
donc ça va être plus moi, au niveau de la permanence, qui
vais prendre la parole aujourd'hui au niveau des explications.
Alors, notre mémoire, en fait, est un mémoire très
succinct, comme vous l'avez remarqué, parce que je vous dirai bien
franchement qu'on avait certains objectifs fondamentaux qu'on poursuivait et
une priorité que vous allez sentir dans mes propos, mais, d'abord,
j'aimerais commencer notre présentation par un petit préambule
qui est un extrait du rapport du Groupe de travail sur l'accessibilité
à la justice, «Jalons pour une plus grande accessibilité
à la justice». Vous ne trouvez pas ça dans notre
mémoire, mais ça nous semble important.
On disait, dans l'introduction du rapport, ceci: «II va de soi que
la personne qui a les moyens de s'assurer les services d'un avocat afin de voir
à ce que soient respectés ses droits conserve une bonne longueur
d'avance sur celle dont les besoins primaires ne sont même pas assouvis.
Ainsi, l'individu qui arrive difficilement à se payer un logement ou un
repas convenable n'aura certes pas comme premier souci de faire valoir ses
droits dont, au surplus, il ignore parfois même jusqu'à
l'existence. D'ailleurs, il convient ici de rappeler que l'accessibilité
à la justice ne constitue qu'une des composantes des problèmes
socio-économiques rencontrés par les gens les plus démunis
de la société. De ce fait, l'efficacité des mesures
suggérées pour une meilleure accessibilité à la
justice dépendra en grande partie de l'amélioration des
conditions de vie de ces personnes.»
Ça nous semble important de rappeler que l'aide juridique en tant
que telle est un des outils pour une meilleure justice dans la
société ou un plus grand accès à la justice mais
que nos gouvernements et l'ensemble de la société doivent aussi
se donner comme priorité parmi d'autres, mais une des plus
grandes priorités de notre société et de nos gouvernements
la lutte à la pauvreté, à l'exclusion, au
chômage et au développement des inégalités sociales.
Parce qu'on vit malheureusement une situation, depuis plusieurs années,
d'appauvrissement de la population un peu partout au Canada et au
Québec. Et, nous, comme association de consommateurs orientée
beaucoup d'abord vers les gens a faibles et modestes revenus, on vit
très durement cet accroissement de pauvreté, soit par la pression
sur nos services directs, et aussi pour représenter les
intérêts des gens, et aussi tout simplement parce que, parmi nous,
parmi nos membres, parmi nos familles, nous-mêmes dans bien des cas, on
vit un phénomène d'appauvrissement très dur.
Donc, quand les gouvernements prennent des décisions comme, par
exemple, au niveau fédéral, de couper dans
l'assurance-chômage, dernièrement, et, en plus, d'amener une
partie des gens qui pouvaient continuer sur F assurance-chômage
antérieurement mais qui maintenant vont être obligés de
faire affaire avec l'aide juridique, bien, on augmente la pauvreté et on
augmente aussi la pression sur les finances publiques dans les programmes qui
s'adressent aux personnes à faibles revenus.
Alors, comme je le disais tout à l'heure, notre mémoire
est bref, notre fédération n'a pas l'intention de traiter tous
les sujets qui tournent autour de l'aide juridique. Par contre, si vous avez
des questions que nous n'avons pas touchées, nous tenterons d'y
répondre dans la mesure de nos réflexions.
Brièvement, la FNACQ, en termes de présentation, c'est une
fédération qui existe depuis 1978, une fédération
qui maintenant compte cinq organisations de consommateurs et de consommatrices,
les ACEF de l'Estrie, de Granby, de Québec, de la Rive-Sud de
Montréal, à Longueuil, ainsi que l'ACEF du Haut-Saint-Laurent,
à Valleyfïeld. On intervient dans différents domaines comme,
par exemple, l'agro-alimentation, la téléphonie,
l'électricité, l'endettement, le crédit, la
fiscalité, etc., et sur différents dossiers d'actualité
touchant de près les intérêts des consommateurs et des
consommatrices. D'autre part, quatre de nos groupes membres fournissent
également des services de consultation budgétaire à la
population de leur région. À titre indicatif, mentionnons que la
FNACQ était représentée parmi les associations de
consommateurs présentes au Sommet de la Justice en février
1992.
D'après nous, la grande urgence au niveau du régime d'aide
juridique, c'est de rétablir l'accès gratuit à l'aide
juridique pour les personnes et les familles à faibles revenus. Et,
selon nous, c'est ça qui est la priorité, c'est ça qui est
l'urgence, une urgence qui doit entraîner qu'on rétablisse
l'accessibilité de la population à faibles revenus à
l'aide juridique. Écoutez, on n'est pas les seuls à en parler,
mais rappelons que le Groupe de travail sur l'accessibilité à la
justice qui a fait un travail très important et qui était
composé d'éminentes personnes de différents milieux, dont
le milieu de la magistrature et du droit et d'autres milieux, allait lui aussi
dans ce sens dans son rapport, en juin 1991, et c'était une de ses
principales recommandations.
Rappelons aussi que la Commission des services juridiques, qui est bien
placée pour sentir les besoins de la population et l'évolution du
régime d'aide juridique, de nombreuses fois a demandé un
rétablissement des barèmes. Le rétablissement, c'est un
rétablissement important et, à notre avis, ça devrait
être rétabli à la valeur réelle en tenant compte
d'une inflation de 1973 ou, si vous préférez, que les gens qui
vivent sous le seuil de pauvreté du Conseil national du bien-être
social aient accès à l'aide juridique.
Et, ce qu'on pense, c'est que, si le gouvernement laisse encore pourrir
la situation parce que depuis de nombreuses années il n'y a pas
eu d'indexation des seuils d'admissibilité de plus en plus de
personnes vivant sous le seuil de la pauvreté ne pourront correctement
se défendre face à d'autres disposant d'une meilleure situation
financière ou face à des corporations ou compagnies qui peuvent
plus facilement se défendre, et même, dans un certain nombre de
cas, face à l'État lui-même. Alors, c'est l'urgence. C'est
clair, le gouvernement doit absolument procéder à une
bonification de l'accès à ce régime à très
court terme et on parle
d'accès gratuit, en termes d'urgence et lui permettre de
revenir à une accessibilité réelle du même type
qu'en 1973 quand il a été créé.
Si le gouvernement considère que la marche à gravir est
trop haute et trop coûteuse à court terme, qu'il procède
par étapes, mais rapidement. Un rétablissement en deux ou trois
ans, mais avec un échéancier bien établi, pourrait
possiblement faire l'affaire pour répondre, entre autres, au fait que
ça pourrait coûter plus cher.
La pertinence du régime d'aide juridique en 1993-1994, on est
tout à fait d'accord pour dire que c'est tout à fait pertinent.
On rappelle que le Groupe de travail sur l'accessibilité à la
justice lui aussi évaluait de façon très positive le
régime. Nous sommes tout à fait d'accord. Ce qu'on dit aussi,
c'est: Nous, comme association de consommateurs, on rencontre des gens qui
auraient un dossier solide à faire valoir en termes de défense de
droits, la plupart du temps absolument pas pour obtenir des avantages indus,
comme le croiraient certains, mais bien pour faire valoir leurs droits
essentiels. Bien souvent, ces gens abandonnent leurs démarches faute de
moyens face aux moyens plus importants des professionnels, des compagnies et
parfois de l'État. S'il était plus accessible, moins de ces
gens-là renonceraient à la défense de leurs droits.
À notre avis, l'indexation annuelle des critères
d'admissibilité selon l'indice de la protection de la consommation ou
selon l'évolution des seuils de pauvreté du Conseil national du
bien-être social s'imposerait pour éviter des situations qu'on a
connues de non-indexation pendant de nombreuses années. Il faudrait
conserver l'indexation annuelle des critères d'admissibilité.
En ce qui a trait aux frais modérateurs, il a été
question à différentes reprises de frais modérateurs de 20
$, de 30 $, de 40 $ pour l'ouverture d'un dossier. Nous nous objectons
absolument à cela car il faut bien comprendre que, pour des personnes
qui ont des revenus très faibles ou faibles, 40 $, 30 $, 20 $, c'est un
véritable empêchement d'aller plus loin. Pour des gens qui gagnent
50 000 $, si c'était le cas, ça serait petit. Pour des gens qui
doivent dépenser l'ensemble de leur argent pour subvenir à leurs
besoins essentiels de base, c'est une barrière difficilement
franchissable.
En ce qui a trait au pouvoir discrétionnaire, à notre
avis, actuellement, il est possible, dans certains cas, d'obtenir de l'aide
juridique même si on n'est pas admissible, par exemple selon les
critères d'admissibilité, les barèmes. Ça nous
semble important de maintenir ce pouvoir discrétionnaire qui est
actuellement utilisé. Et, utilisé judicieusement, ce pouvoir peut
aider des gens directement impliqués, mais, dans certains cas, aider
aussi la défense d'un cas type.
En ce qui a trait au réseau d'aide juridique, il nous semble que
ce réseau est très utile et qu'il ne serait pas avisé de
l'abolir ou de le diminuer de façon très importante, même
si ça s'est fait, parce que, à notre avis, de différentes
façons, ce réseau est utile entre autres par sa fonction
d'information et d'animation des milieux. Évidemment, cette
fonction-là est remplie de façons diverses suivant les
localités et les régions, mais plusieurs centres jouent un
rôle dynamique dans leur milieu, et c'est très important. (10 h
20)
En ce qui a trait à l'admissibilité des organismes
à but non lucratif défendant les droits des personnes
défavorisées, nous appuyons complètement, encore
là, une des recommandations du Groupe de travail sur
l'accessibilité à la justice, c'est-à-dire que l'aide
juridique soit accordée à un groupe de personnes ou à une
corporation sans but lucratif lorsque, d'une part, les ressources
financières de ce groupe ou de cette corporation sont insuffisantes, et
ce, sans égard aux ressources financières de ses membres, et que,
d'autre part, l'objectif poursuivi par ce groupe ou cette corporation est de
venir en aide aux personnes économiquement défavorisées et
de défendre leurs droits, ainsi que si le but du service demandé
est en relation avec l'objectif poursuivi.
En ce qui a trait à l'étendue actuelle de la couverture
des services, il faut dire que nous, comme association de consommateurs, on
n'est pas familiers avec l'ensemble des services couverts. Par exemple, ce
n'est pas nous qui allons aider des gens à se défendre devant la
CSST, par exemple. On ne peut pas tout faire, comme association de
consommateurs; donc, on n'est pas familiers avec tous, tous, tous, tous, tous
les services qui, actuellement, sont couverts par l'aide juridique.
Ceci dit, nous pensons qu'il serait dangereux de remettre en question
des pans de cette couverture car cela serait remettre en question
l'accès à la défense de ses droits dans notre
société où l'arbitraire du plus fort et de
l'administration doit être limité afin de permettre des recours
adéquats. Ceci dit, dans les cas où les gens peuvent être
défendus de façon à peu près égalitaire
entre deux parties, par exemple au niveau de la Cour des petites
créances, si on évalue que les deux parties n'ont pas le droit
d'utiliser les services d'un avocat il peut y avoir une certaine forme
d'inégalité dans le sens que les gens ne sont pas toujours bien
préparés de part et d'autre à passer à la Cour des
petites créances, mais il y a la manière de faire,
c'est-à-dire moins procédurière, et l'attitude d'un juge
qui se veut moins procédurier et à l'écoute des deux
parties de façon moins complexe que s'il y avait des avocats dans
les cas où il y a une véritable situation qu'on peut
évaluer, grosso modo, d'égal à égal, à ce
moment-là, c'est possible de penser que l'aide juridique ne couvrirait
pas certains types de défense, par exemple.
Mais, dans la plupart des cas, une des deux parties utilise les services
d'un avocat et, si on enlevait des pans de couverture de l'aide juridique
actuellement couverts, si ça voulait dire que des gens se ramasseraient
devant un tribunal administratif, par exemple, face à une administration
défendue par un avocat ou face à des fonctionnaires qui
connaissent énormément la loi et les dossiers en cause, à
ce moment-là, la personne qui n'aurait plus droit à l'aide
juridique pour faire défendre
son point de vue par un avocat serait désavantagée. Face
à cette situation, nous avons tendance, nettement, à favoriser le
maintien complet des services actuellement couverts par le régime d'aide
juridique.
En conclusion, il nous apparaît que l'accès à la
justice est une nécessité vitale dans une société
comme la nôtre et, d'autre part, il est clair que l'accès n'est
pas possible pour les personnes et familles à faibles revenus s'il
n'existe pas des outils collectifs comme le régime
québécois d'aide juridique. Cet outil demeure utile et essentiel,
mais il faut qu'il soit accessible à la population qui en a le plus
besoin, soit les personnes et familles à faibles revenus. Donc, à
notre avis, l'urgence est de rétablir l'accessibilité de l'aide
juridique au niveau de son instauration en 1973, ou à peu près,
à tout le moins d'entreprendre le plus rapidement possible un rattrapage
en ce sens.
J'ajoute deux éléments. Par rapport aux coûts que
ça implique, à notre avis, c'est tellement important, ce
dossier-là, c'est tellement important pour la défense des gens
que l'État devrait aller de l'avant même si ça implique des
coûts de plusieurs dizaines de millions de dollars
supplémentaires. Il faut choisir ses priorités au niveau fiscal,
au niveau des dépenses; à notre avis, cette dépense
devrait être prioritaire.
Deuxièmement, dans les travaux du groupe d'accès à
la justice et dans les travaux du Sommet de la Justice, il y a eu bien des
propositions qui débordent l'aide juridique pour essayer, justement, de
contrôler les coûts et, dans certains cas, il y a eu des
décisions qui ont été prises, dans d'autres cas il n'y en
a pas eu. Par exemple, rappelons que les groupes de femmes qui passaient
dernièrement devant la commission, ici, ont dit, entre autres choses,
que, s'il y avait un mécanisme automatique de perception des pensions
alimentaires, bien, les femmes dans la plupart des cas, c'est des
femmes, bien sûr auraient moins besoin d'aide juridique pour aller
défendre leur dossier devant la cour et que, donc, même si
ça coûtait de l'argent de mettre en place une perception
automatique des pensions alimentaires il y aurait des économies à
d'autres niveaux, dont au niveau de l'aide juridique.
Et, dernièrement, j'assistais au Forum sur la fiscalité
des familles, à Montréal, et des personnes de groupes de femmes
disaient qu'en Ontario il y avait eu un mécanisme de perception
automatique des pensions alimentaires qui avait été mis en place,
qui avait coûté 25 000 000 $. Mais, parallèlement à
ça, il y a eu des économies de 28 000 000 $ au niveau de l'aide
sociale en Ontario. Alors, il y a des moyens de contrôler les coûts
ou de diminuer les coûts, qui ne sont pas nécessairement seulement
de rendre plus difficile l'accès à l'aide juridique pour les gens
qui en ont besoin.
Autre exemple. J'en parlais tout à l'heure, quand le
fédéral coupe dans l'assurance-chômage, il y toutes sortes
de phénomènes qui entrent en ligne de compte. Un des
phénomènes, c'est qu'il va y avoir plus de monde sur l'aide
sociale, donc plus de monde qui va avoir droit à l'aide juridique. Bien,
arrangeons-nous donc pour qu'il y ait moins de gens pauvres dans notre
société. Ça coûterait peut-être moins cher au
niveau de l'aide juridique.
Dernier point, la réforme de l'aide sociale au Québec, en
multipliant les types de situations apte, non apte, etc., toutes sortes
de situations complexes a complexifié le régime, ce qui a
amené, évidemment, une augmentation des cas de révision,
ce qui a amené, évidemment, une augmentation des coûts de
l'aide juridique. Est-ce que ces coûts supplémentaires d'aide
juridique n'auraient pas dû être facturés au
ministère de la Sécurité du revenu d'où provenait
la réforme? Une réflexion, en passant.
Alors, bref, pour nous, la priorité est claire et nous sommes
disponibles pour échanger avec vous. Même sur quelques aspects
qu'on a moins touchés, on répondra avec plaisir, dans la mesure
du possible. Merci beaucoup de votre attention.
Le Président (M. Parent): Je vous remercie beaucoup, M.
Beaudoin, de nous avoir présenté votre mémoire, et je
reconnais immédiatement le premier intervenant, le ministre de la
Justice. M. le ministre.
M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Alors, M. Beaudoin et
M. Giroux, je veux vous souhaiter la bienvenue en mon nom et au nom des membres
de la commission, des parlementaires membres de la commission des
institutions.
J'ai indiqué que j'ai pris connaissance de votre mémoire
qui est repris, M. Beaudoin, ce matin, par votre intervention, votre
exposé qui touche, évidemment, les points essentiels. Et vous le
dites, d'ailleurs, dans l'introduction de votre mémoire, que vous avez
décidé de ne pas tout couvrir ce qui apparaissait dans le
document de questionnement dont vous vous êtes inspiré. Alors,
c'est volontairement, et je trouve ça bien qu'on... D'ailleurs, vous
n'êtes pas le premier organisme qui insiste sur certains points
très précis, très particuliers.
J'aimerais, dans un premier temps, vous demander de quelle façon
la Fédération nationale des associations de consommateurs du
Québec intervient avec, en même temps, parallèlement les
ACEF de l'Estrie, de Granby, etc.? Vous l'indiquez dans votre document,
à la page 3, lorsque vous présentez la FNACQ, que vous travaillez
en collaboration avec des ACEF. De quelle façon, là,
techniquement, ça fonctionne tout ça?
M. Beaudoin (Roger): Oui. Alors, écoutez, le modèle
fédératif, disons... En passant, on est quasiment dans des
questions constitutionnelles quand on parle de fédération, de
confédération, etc. Dans le milieu des organismes à but
non lucratif ou des organismes coopératifs on pense, par exemple,
au Mouvement Desjardins pour prendre un exemple, ou dans le domaine syndical
aussi, souvent vous avez des associations locales, et, à ce
moment-ci, la FNACQ a donc cinq associations locales. Ces
associations-là, sur une base
locale et régionale, fournissent des services à la
population de la région. Et on a des membres; chaque ACEF a des membres,
chaque ACEF a un personnel, etc. Mais une partie des énergies, assez
importante, est orientée vers les services directs à la
population. (10 h 30)
D'autre part, quand on travaille à défendre les
intérêts des consommateurs, on ne peut pas se contenter seulement
d'aider les individus à essayer de régler leurs problèmes.
On se rend compte, chemin faisant, bien sûr, qu'il n'y a pas que des
problèmes individuels et familiaux, il y a aussi des problèmes
sociaux. Et, pour régler ces problèmes-là, il y a
différentes façons d'agir. Une des façons d'agir, c'est
d'essayer de faire des représentations pour améliorer les
régimes de certains services publics ou améliorer certaines lois.
Et je rappelle en passant que le mouvement des ACEF, dans les années
soixante, qui s'est mis en place dans les années soixante, a
été un des mouvements les plus revendicateurs pour la mise en
place d'un régime d'aide juridique au Québec; également,
il a été un des mouvements d'associations qui ont
été en bonne partie responsables du fait qu'aujourd'hui on a une
loi de la protection du consommateur au Québec et un office de la
protection du consommateur. Alors, c'est des exemples un peu anciens, mais
c'est des exemples de la nécessité d'agir aussi au niveau plus
collectif.
Techniquement, par exemple, il y a des groupes qui travaillent plus dans
certains domaines que d'autres et il y a des porteurs de dossiers. Exemple:
dans le domaine de la protection de la consommation et des rapports qui ont
à voir plus avec l'aide juridique ou les questions judiciaires ou
juridiques, l'ACEF Estrie et l'ACEF de Québec sont plus présentes
dans ce genre de dossiers là.
M. Lefebvre: M. Beaudoin, vous avez dit à plusieurs
reprises dans votre exposé, ce qui apparaît d'ailleurs dans votre
document, qu'il faut «prioriser». Vous le dites et vous nous
demandez de «prioriser» au niveau de notre démarche. Vous le
dites également d'une façon un petit peu différente
lorsque vous nous suggérez de rehausser le seuil d'admissibilité
à 80 % du MGA, mais, en même temps, vous nous dites: Si, par
hypothèse, vous arrivez à la conclusion que financièrement
ce n'est pas possible, au moins enclenchez un processus de rattrapage. J'essaie
de résumer un petit peu ce que vous dites, là. C'est presque
textuellement ce que vous nous suggérez. En même temps, je
constate que votre suggestion, votre position par rapport au rehaussement du
seuil d'admissibilité est ramenée à 80 % du MGA alors
qu'au Sommet de la Justice vous suggériez un rehaussement jusqu'à
100 % du MGA.
Cependant, ce matin, je constate que dans votre exposé vous le
reprenez; alors que vous ramenez la suggestion à 80 %, vous ajoutez
cependant qu'on devrait en même temps admettre les corporations sans but
lucratif comme entités, les personnes morales. D'ailleurs, vous
n'êtes pas le seul groupe qui lé suggère, et je vous soup-
çonne de vous être consultés, d'avoir discuté entre
vous, ce qui serait une démarche, quant à moi, très,
très correcte, parce que ça revient à plusieurs reprises,
cette suggestion-là. est-ce que vous ne voyez pas une espèce de
contradiction, là, dans cette démarche? ramener de 100 % à
80 %, suggérer aujourd'hui d'accepter la corporation comme
requérante ou requérant au niveau des services d'aide juridique
tout en étant en même temps conscient.. parce que vous le dites,
je me répète: si vous ne pouvez pas intégralement,
à tout le moins... alors, vous êtes conscient qu'on ne pourra pas
tout faire.
Vous intervenez en même temps sur la couverture des services et
vous semblez comprendre qu'on a des choix à faire. Si on élargit
les services, ça pourrait être au détriment du rehaussement
du seuil d'admissibilité pour votre clientèle, les personnes
physiques, ceux qui, quant à moi, à première vue, doivent
être... C'est à eux particulièrement qu'on doit penser
lorsqu'on réévalue le système du régime d'aide
juridique au Québec. Alors, j'aimerais vous entendre sur tout ça,
comment vous en êtes arrivé à vous positionner comme
ça aujourd'hui.
M. Beaudoin (Roger): Oui. Alors, M. le ministre, je vous ferai
remarquer que dans notre mémoire, qui, comme je le disais tout à
l'heure, est très succinct, et vous vous en êtes rendu compte
aussi, il n'est question nulle part des barèmes du MGA. Je vous avoue
très franchement que ce mémoire a été fait
très rapidement et qu'il manque peut-être une couple de
précisions. Quand on fait référence au seuil
d'admissibilité de façon précise, on parle de deux
manières d'en parler de façon précise, on parle de
rétablissement des seuils d'admissibilité de façon
compatible avec ce que c'était en 1973 mais avec l'évolution de
l'inflation.
M. Lefebvre: C'est ça, qui est 80 %, plus ou moins,
monsieur.
M. Beaudoin (Roger): Ça dépend des
interprétations. Il y a des gens qui avaient estimé que
c'était plutôt 100 % du MGA qui était ça.
M. Lefebvre: Alors, s'il y a une confusion, M. Beaudoin et
je ne vous en fais pas le reproche, moi, j'essaie de comprendre...
M. Beaudoin (Roger): Oui.
M. Lefebvre: ...s'il y a eu un cheminement ou pas alors,
s'il y a eu une confusion dans ma pensée à moi...
M. Beaudoin (Roger): Je vais rajouter, je vais vous
expliquer.
M. Lefebvre: D'accord, d'accord.
M. Beaudoin (Roger): Premièrement, je vous
avoue très franchement que l'utilisation du MGA, pour nous,
c'était un peu compliqué.
M. Lefebvre: Vous avez raison, vous avez raison.
M. Beaudoin (Roger): Ça, c'est une chose.
Deuxièmement, nous, on préférait parler de
rétablissement de l'accès gratuit, n'est-ce pas, alors valeur
réelle par rapport à 1973. Et le Groupe de travail sur
l'accessibilité à la justice, lui, il parlait de conditions
d'accès compatibles avec les seuils de pauvreté en 1973.
L'autre élément de détail technique important...
Malheureusement, les chiffres ne sont pas là, mais on peut se
référer au seuil de pauvreté du Conseil national du
bien-être social. Et, si on prend les seuils de pauvreté de 1993,
qui, malheureusement, ne sont pas joints à notre mémoire
évidemment, c'est pancanadien l'étude de l'estimé
des seuils de faibles revenus du Conseil national du bien-être social
pour une famille de quatre personnes dans un secteur urbain de population de
500 000 et plus, c'est 30 767 $ en 1993. Ça me fera plaisir de vous
donner une photocopie de ça.
M. Lefebvre: Je vous rappelle tout de suite que, pour ce
même client, couple avec deux enfants c'est ce à quoi vous
faites référence lorsqu'on parle de 100 % du MGA, c'est 33
400 $. Vous avez...
M. Beaudoin (Roger): D'accord. Alors, on pourrait dire
qu'on...
M. Lefebvre: ...je pense, un peu raison. Vous avez un peu
raison.
M. Beaudoin (Roger): ...doit être dans le coin des 90 %,
j'imagine.
M. Lefebvre: D'accord. Ça va.
M. Beaudoin (Roger): Alors, voilà. Pour répondre
à l'autre question...
M. Lefebvre: Oui.
M. Beaudoin (Roger): Bon, écoutez, donc, on avait moins
tendance à diminuer l'accès aux personnes physiques, dont vous
parliez tout à l'heure...
M. Lefebvre: Oui.
M. Beaudoin (Roger): ...une fois qu'on a précisé
ça. Deuxièmement, concertation entre les groupes sans but
lucratif. Bien, écoutez, il y a des échanges dans
différentes fédérations...
M. Lefebvre: Je ne fais pas de reproches quand je vous dis
ça.
M. Beaudoin (Roger): Non. D'ailleurs, si on l'avait fait, je vous
dirais que ça ne me dérangerait pas de le dire non plus.
M. Lefebvre: Non, non, bien sûr.
M. Beaudoin (Roger): Mais, dans les faits, on se parle des fois
et on dit: Es-tu d'accord avec ça? Oui, ça a de l'allure. Mais,
en fait, beaucoup d'associations à but non lucratif qui se battent avec
les gens pour défendre les droits des gens démunis et à
revenus modestes savent très bien que cette proposition-là fait
notre affaire sans nécessairement qu'on se réunisse autour d'une
table pour clarifier si ça fait notre affaire.
Mais, ceci dit, je ne prends pas ça comme un reproche.
M. Lefebvre: Mais, mais...
M. Beaudoin (Roger): C'est juste qu'il n'y a pas eu
nécessairement de concertation avec 20 associations alentour de la table
pour ça.
M. Lefebvre: D'ailleurs, M. Beaudoin...
M. Beaudoin (Roger): II y a eu des contacts informels des
fois.
M. Lefebvre: ...je vous dis tout de suite que je ne suis d'aucune
façon placé pour vous faire des reproches sur quoi que ce
soit.
M. Beaudoin (Roger): Ce n'est pas des reproches; je ne prends pas
ça comme des reproches.
M. Lefebvre: D'accord.
M. Beaudoin (Roger): C'est juste que j'aime autant le dire que
ça ne s'est pas tout à fait passé comme ça, tout
simplement.
M. Lefebvre: Pour quelle raison, M. Beaudoin, arrivez-vous
à cette conclusion qu'il faudrait évaluer la possibilité
d'admettre les corporations?
M. Beaudoin (Roger): Oui...
M. Lefebvre: Ou je pourrais poser la question autrement: Quel
genre de services les corporations pourraient requérir auprès du
système d'aide juridique, alors que, souvent, ce service-là
devrait être donné directement à une personne physique
concernée par cette même corporation?
M. Beaudoin (Roger): Oui. Écoutez, d'abord, il faut dire
que, dans la loi actuelle, il y a une possibilité...
M. Lefebvre: Oui.
M. Beaudoin (Roger): ...que les corporations à but non
lucratif aient accès à l'aide juridique, mais à des
conditions plus serrées, plus restrictives que la proposition qu'on fait
là, qui est une proposition...
M. Lefebvre: Vous voulez qu'on l'élargisse un peu.
M. Beaudoin (Roger): C'est ça. Alors, ce n'est pas souvent
utilisé actuellement. À notre avis, ça pourrait être
utilisé un peu plus, mais pas beaucoup plus. Il n'y avait pas 150 cas de
plus par année de corporations, là. C'est dans certains cas, des
cas types qui pourraient advenir, qui sont déjà advenus dans
certains cas. Ça donnerait un moyen, d'ailleurs, sur deux points: un
moyen, éventuellement, de faire évoluer la jurisprudence dans
certains cas, sans nécessairement, dans tous les cas, essayer au niveau
du recours collectif, qui est une autre possibilité mais qui a aussi ses
limites, et qui pourrait amener à la défense de droits de cas
types, ce qui pourrait, d'ailleurs, diminuer des cas individuels. Parce que,
une fois qu'un cas type aurait cheminé, dans certains cas, il pourrait
même y avoir des économies au niveau des dossiers individuels.
Mais l'idée, ce n'est pas d'empêcher des personnes physiques
d'avoir accès à l'aide juridique si elles ont besoin de l'aide
juridique et si elles sont admissibles à l'aide juridique. (10 h 40)
M. Lefebvre: Est-ce que vous vous êtes questionné un
peu? En fait, dans votre mémoire, vous dites que ce n'est pas le cas,
mais je vous pose la question: Qu'est-ce que vous pensez de l'ensemble de la
couverture? Votre clientèle particulièrement, votre
clientèle, c'est une catégorie de services très
précise que le régime d'aide juridique lui fournit. C'est en
matière de droit social surtout, en regard du droit administratif. Ce
n'est pas tellement, j'imagine, le criminel ou le pénal. Le droit
matrimonial également. Quel est le service juridique qu'on vous rend et
que votre clientèle utilise surtout?
M. Beaudoin (Roger): Alors, là, ça dépend un
peu des régions. Dans certaines régions, il n'y a pas partout des
associations d'assistés sociaux, il n'y a pas partout des associations
de chômeurs, etc. Dans certaines de nos associations, on donne un coup de
main, si vous voulez, à des gens qui doivent se défendre au
niveau de l'aide sociale, du chômage et à d'autres niveaux, un
petit coup de main, mais on les oriente s'ils ont droit à l'aide
juridique. Donc, effectivement, les tribunaux administratifs, les
comités de révision prévus dans la loi de l'aide sociale,
dans la loi de l'assurance-chômage, une partie de notre clientèle,
tout dépendant des régions, doit utiliser l'aide juridique ou les
services d'un avocat pour ça.
Pour ce qui est de l'autre volet, la protection de la consommation, une
partie des gens qui ont besoin de se défendre, ça s'en va pas mal
à la Cour des petites créances. Et, en passant, l'augmentation
à 3000 $ des réclamations possibles à la Cour des petites
créances, c'est une décision intéressante.
M. Lefebvre: Trouvez-vous que ça fonctionne bien, la Cour
des petites créances, rapidement, là? Est-ce que les gens qui
vous consultent, qui vous parlent de la Cour des petites créances vous
indiquent qu'ils sont à l'aise devant le tribunal des petites
créances?
M. Beaudoin (Roger): Ça va assez bien, je dirais.
Écoutez, c'est toujours perfectible, là, mais disons que ce qui
est intéressant, c'est effectivement que ce soit moins
procédurier et que les avocats ne soient pas là. Les gens se
sentent un peu plus à l'aise et ils savent que ça va être
assez rapide et que ça va coûter moins cher. Par contre, il y
aurait peut-être des choses à améliorer. Ceci dit, on n'a
pas posé des questions précises aux gens sur ce qu'ils voudraient
exactement qui soit amélioré.
M. Lefebvre: D'accord.
M. Beaudoin (Roger): II y a un autre volet. En termes
précis, à l'ACEF de Québec, c'est des personnes qui ont
des plaintes par rapport à des possibles erreurs ou négligences
médicales, et c'est là qu'il y a trois possibilités: il y
a la possibilité d'une plainte à la corporation professionnelle,
il y a la possibilité d'une plainte à un établissement de
santé et il y a la possibilité de poursuites en dommages et
intérêts pour erreur médicale ou dommages.
Évidemment que cette clientèle-là, si vous voulez...
Aujourd'hui, je vous avoue qu'on n'a pas nécessairement de propositions
très précises à faire là-dessus dans le cadre de
l'aide juridique parce que, ce qui est clair, c'est que la plupart des gens,
incluant les gens qui ont les moyens, se sentent absolument démunis
devant ce genre de dossier là. C'est très, très,
très rare que même les gens qui ont de l'argent pour essayer de
faire une démarche devant les tribunaux, qui va durer 10 ans, 15 ans,
aboutissent à quelque chose de satisfaisant pour les gens. Mais
ça, c'est un autre problème.
Par rapport à l'aide juridique, les personnes qui voudraient
demander à l'aide juridique de les aider dans une démarche devant
les tribunaux là-dessus, il y a un article de la loi qui permet à
l'aide juridique quelque chose d'un peu ambigu, c'est-à-dire de dire
qu'ils n'ont pas accès à l'aide juridique mais qu'en même
temps, plus tard, si jamais ils ont un service d'un avocat et qu'ils perdent
leur cause, l'aide juridique pourrait rembourser les coûts suivant les
tarifs. Mais je vous dirai que, dans la plupart des cas que, moi, j'ai su, les
gens reculent parce que, pour eux, c'est très difficile d'utiliser cet
article-là, ce système-là pour aller dans ce
sens-là. Mais...
M. Lefebvre: Vous dites...
M. Beaudoin (Roger): ...le problème est beaucoup plus
large que l'aide juridique.
M. Lefebvre: M. Beaudoin, je suis obligé de vous
interrompre parce que je veux poser une dernière question...
M. Beaudoin (Roger): D'accord.
M. Lefebvre: ...et mon temps s'écoule. À la page 5,
vous dites...
M. Beaudoin (Roger): Oui.
M. Lefebvre: ...en haut de la page, là: «Le
régime d'aide juridique pourrait les aider s'il était plus
accessible.» Est-ce que vous faites référence strictement,
là, au seuil d'admissibilité, ou si vous parlez de
l'accessibilité du régime au niveau de sa gestion, de la
structure comme telle, ou si c'est strictement au niveau du seuil
d'admissibilité que vous parlez?
M. Beaudoin (Roger): C'est au niveau du seuil
d'admissibilité.
M. Lefebvre: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Parent): Merci, M. le ministre. Je
reconnais maintenant la porte-parole de l'Opposition officielle en
matière d'aide juridique, Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Parent): Mme la députée,
nous vous écoutons.
Mme Caron: Merci. Alors, M. Beaudoin, M. Giroux, merci beaucoup
de votre participation à nos travaux. Je pense que vous avez bien fait
de souligner, M. Giroux, qu'effectivement M. Beaudoin est un permanent
extraordinaire qui fait un travail... Parce que j'ai eu la chance aussi, comme
porte-parole de la protection du consommateur, de le rencontrer sur plusieurs
dossiers et de l'entendre en commission régulièrement sur les
différents projets de loi, et je pense que vous pouvez dire, oui, que la
FNACQ fait un excellent travail et que M. Beaudoin la représente
très bien. Mais je suis convaincue que c'est vrai aussi pour les
bénévoles qui travaillent avec lui.
M. Beaudoin, vous nous avez dit que votre mémoire était
court, mais je pense que vous avez quand même exprimé l'essentiel
de ce que vous souhaitez et vous avez complété ce matin en
rappelant des principes qui réapparaissent fondamentaux.
Oui, l'État doit avoir une vision globale; oui, l'État
doit faire des choix, il y a des priorités. Un gouvernement qui va
travailler à la lutte contre la pauvreté, qui va travailler
à enrayer le chômage, qui va améliorer les conditions des
citoyens, c'est évident qu'automatiquement il y a des
répercussions sur le reste du système et aussi sur l'aide
juridique, par conséquence.
Oui, il faut penser à mettre en place des propositions qui ont
été retenues au Sommet de la Justice, que ce soit la perception
automatique des pensions alimentaires avec retenue à la source, que ce
soit la médiation dès la première étape et non
après ordonnance du juge, améliorer au niveau de la Cour des
petites créances; je pense que ce sont des moyens, des outils. Aussi
davantage, peut-être, de cliniques juridiques, qui sont des associations
qui permettent de faire un excellent travail de prévention,
d'information et qui évitent aussi des frais au niveau de l'aide
juridique.
Et, au niveau d'un budget, il y a certains choix à faire. Si on
pense et je l'ai dit à quelques occasions, puis, pour moi, c'est
capital que sur le budget complet de l'État nous avons 30,4 %
dans le secteur de la santé, qui est un secteur prioritaire, je le
reconnais et je maintiens ça; l'éducation, parce que, aussi, si
on veut faire de la lutte à la pauvreté, il faut aussi y aller
par la prévention, puis l'éducation est l'outil principal, et
là on se parle de presque 20 % du budget, et, lorsqu'on arrive à
la justice, c'est 1,2 % du budget de l'État, et la justice est un
principe fondamental. Lorsque vous faites une demande pour revenir au seuil de
1973, je pense que c'est parfaitement légitime et que, compte tenu du
budget de l'État actuel, ce n'est pas quelque chose d'irréaliste,
surtout si on l'accompagne de l'ensemble de mesures, là, qui pourraient
compléter.
J'aimerais vous entendre un peu sur... En page 5, vous nous parlez des
gens que vous rencontrez et puis qui auraient, souvent, un dossier solide
à faire valoir et ce sont des droits essentiels, hein, ce n'est
pas des avantages indus qu'ils veulent obtenir mais vraiment des droits
essentiels puis qui sont obligés d'abandonner faute de moyens.
Pourriez-vous nous donner un ou deux exemples, là, où vous pensez
qu'actuellement les gens ne peuvent vraiment pas faire valoir ces droits
essentiels?
M. Beaudoin (Roger): Bien, les exemples qui me viennent à
l'idée sont des exemples qui sont un petit peu à
côté de la protection des consommateurs, mais je vais revenir
à un exemple là-dedans aussi, là, au niveau de la
défense de ces droits au niveau du monde du travail. Ça
m'apparaît clair parce qu'il faut dire qu'à l'ACEF de
Québec on ne s'occupe pas de tout, mais il y a des gens qui nous
téléphonent pour à peu près tout. Alors, ce qui
m'apparaît clair, c'est qu'il y a un certain nombre de personnes qui ont
des problèmes au niveau des normes du travail et au niveau de
problèmes, par exemple, de congédiement, des choses comme
ça, qui ne sont pas assez pauvres pour l'aide juridique mais qui n'ont
pas assez d'argent pour avoir un avocat. Bon, heureusement, jusqu'à un
certain point, il y a la FATA qui existe, par exemple, mais, encore là,
ils font un travail important mais avec peu de moyens, et il y a une partie de
ces gens-là qui défendent des dossiers qui m'apparaissent, sans
être un spécialiste, très solides et qui ne
réussissent pas toujours à se faire défendre ou à
se défendre de façon convenable. Et ça, c'est une chose.
(10 h 50)
Deux exemples, là, qui peuvent un petit peu... Bon. Je vais vous
donner un exemple au niveau de ce qu'on pourrait appeler protection de la
consommation: une femme qui est venue à l'ACEF, qui avait
été hospitalisée d'urgence, et qui avait passé un
bon nombre de semaines dans un hôpital, et qui, par la suite, pendant de
nombreux mois, avait été malade gravement, et qui avait
été victime de ce qu'on appelle le choc toxique par rapport
à l'utilisation d'un tampon hygiénique. Et cette
personne-là... Bon, ça, c'est une histoire qui a
déjà fait boule de neige dans les années quatre-vingt aux
États-Unis, sauf que, ça, ça se passe en 1989-1990,
à peu près, ici, au Canada. Cette personne-là, je vous
avoue que, nous, on avait peu de possibilités de l'aider de façon
juridique, on n'a pas d'avocat non plus, etc. Alors, cette personne-là,
qui était juste un peu en haut de l'aide juridique, ne pouvait pas avoir
droit à l'aide juridique. D'ailleurs, si elle avait eu droit à
l'aide juridique, elle y aurait eu droit de la façon très
restrictive dont je parlais tout à l'heure, l'article 56.1 ou, en tout
cas, je pourrais vous trouver le nom de l'article. Mais, dans un cas de
poursuite en dommages et intérêts comme demandeur ou demanderesse,
l'appui de l'aide juridique est là mais pas de la même
manière, et c'est plus compliqué, et, d'habitude, on laisse faire
dans bien des cas. Mais cette personne-là aurait pu avoir droit à
l'aide juridique si ça avait été selon les termes de
l'année 1973, disons, en les appliquant en 1989-1990, mais, de toute
façon, de façon restrictive.
Cette personne-là, elle trouvait que, de bonne foi, elle avait
été victime d'un produit fabriqué par une compagnie et
elle voulait poursuivre cette compagnie-là, mais elle ne voulait pas
dépenser 50 000 $. Alors, elle a quand même fait une approche avec
une avocate. Elle a dit: Écoute, moi, j'ai à peu près 750
$ que je peux dépenser là-dessus, y a-t-il moyen que tu fasses de
quoi? L'avocate a dit: Oui, je vais faire une mise en demeure, je vais faire
certains éléments. Très rapidement, l'argent a
été dépensé. L'avocate communique avec la personne
qui est lésée et elle lui dit: Bien, écoute, pour aller
plus loin, il faudrait vraiment y aller, plus loin, et il faudrait mettre plus
d'argent. La personne n'avait pas bien, bien d'argent et elle n'avait pas droit
à l'aide juridique. Alors, elle a arrêté et elle s'est dit:
Bien, coudon, ma seule manière d'obtenir une forme de compensation
financière mais il ne faut pas oublier que, dans des cas comme
ça, ce n'est pas juste une compensation financière qui est
recherchée, c'est une reconnaissance du tort causé; ce n'est pas
seulement financier la seule possibilité que je peux avoir, c'est
d'aller à la Cour des petites créances et de demander 1000 $ de
réparation à la compagnie. Elle a déposé une
demande à la Cour des petites créances, et la compagnie, sans
qu'il y ait d'audition à la Cour des petites créances, lui a
envoyé un chèque de 1000 $ mais avec un formulaire à
remplir comme quoi elle renonçait à toute intervention future,
etc.
Cette personnel, au fond, elle a vécu quelque chose de grave.
C'est sûr que la preuve était à démontrer dans son
cas parce que, à la limite, la compagnie pouvait dire: Vous avez mal
utilisé le tampon. Mais, elle, elle avait des arguments très
sérieux, et elle a failli en mourir. Alors, ce n'est pas des petites
choses. Cette personne-là, concrètement, elle a eu très,
très peu d'outils, finalement, qu'elle a pu utiliser pour se
défendre.
J'ai d'autres cas où, en regardant le rapport médical ou
en regardant leur situation, c'est sûr que ce n'est pas encore à
l'étape d'une expertise médicale, mais des personnes qui ont
été victimes d'erreur médicale ou de négligence
médicale constatent qu'elles ne peuvent pas aller plus loin dans leur
démarche, et, dans certains cas, elles vont déposer une plainte
à la Corporation professionnelle des médecins ou dans d'autres
corporations professionnelles. Mais, ceci dit, je vous avoue que, comme je
m'occupe aussi du dossier santé, bien, j'ai eu plus affaire à des
gens victimes soit d'erreurs de jugement, soit d'erreurs médicales,
ça dépend de ce qu'on appelle. Mais ces gens-là doivent,
à toutes fins pratiques, renoncer à essayer de faire quelque
chose.
Comme je vous le dis, dans la plupart des cas, ce n'est pas
nécessairement d'avoir des millions de dollars que ces gens-là
recherchent, ce n'est pas nécessairement ça, c'est d'avoir une
forme de compensation financière pour les aider à passer à
travers les problèmes graves qu'elles ont vécus et une
reconnaissance de ces problèmes-là et du tort causé. Une
partie de ces gens-là, j'en suis sûr, seraient ouverts à la
possibilité qu'il existe au Canada et au Québec une forme de
fonds de compensation «no fault», à la limite.
Mais, comme je le disais, on déborde un peu la question de l'aide
juridique, mais pas tout à fait. Parce que, ce qu'il faut souligner,
c'est que ces gens-là, même s'ils ont droit à l'aide
juridique, n'y ont droit que de façon complexe, administrativement, et
que très peu d'avocats vont embarquer dans cette forme d'aide juridique,
d'une part, et, d'autre part, il y a des gens qui pourraient être
admissibles actuellement à l'aide juridique selon des barèmes
qu'on identifie au niveau des seuils de pauvreté du Conseil national du
bien-être social et qui ne l'ont pas, qui ne peuvent pas vraiment
défendre leurs droits actuellement.
Mme Caron: merci, m. beaudoin. m. beaudoin, comme vous rencontrez
quand même beaucoup de citoyens et de citoyennes, vous en rencontrez
aussi dont les revenus dépassent le seuil d'admissibilité,
même celui de 1973, et ce sont quand même des citoyens qui n'ont
pas nécessairement les moyens de se défendre aussi. alors, moi,
j'aimerais vous entendre un petit peu, parce que vous avez beaucoup
d'expérience, sur les assurances juridiques comme possibilité. je
sais très bien que, votre urgence, c'est vraiment de rétablir
l'accès comme en 1973. ça, c'est clair, c'est compris. mais, pour
les autres qui dépassent et qui ont aussi des droits à
défendre, qu'est-ce que vous pensez des assurances juridiques et
qu'est-ce que vous pensez aussi du plan du barreau qui nous parle de 25 % des
honoraires? j'aimerais vous entendre sur ce sujet-là.
M. Beaudoin (Roger): Oui. Alors, écoutez, je vais vous
dire... Puis vous avez remarqué aussi qu'on ne se positionne pas sur la
possibilité que l'aide juridique soit accessible à des personnes
qui seraient en haut des seuils d'admissibilité pour la gratuité
mais qui seraient amenées à payer, en pourcentage, les frais. Je
vais vous dire pourquoi ce n'est pas dans le mémoire et pourquoi je n'ai
pas encore parlé de ça, avant de parler de vos deux autres
questions. C'est qu'au Sommet de la Justice, en février 1992, ce qui
nous a été proposé par le ministre Rémillard comme
une proposition, c'était quelque chose qui améliorait
jusqu'à un certain point l'accès à l'aide juridique, de
façon non gratuite, pour une partie des gens non couverts, mais aux
dépens de l'accès gratuit de la population. Non seulement on ne
rétablissait pas le niveau d'accès d'avant, mais, en plus, dans
certains casj'ai les documents, ici enfin, dans la proposition qui
avait été soumise, on diminuait les seuils d'admissibilité
au niveau gratuit. Alors, c'était absolument inacceptable.
Et, nous, on voulait éviter, pour des motifs peut-être un
peu électoralistes dans certains cas etc., de jouer les gens à
revenus faibles contre les gens à revenus modestes. Et ça nous
apparaissait dangereux. À notre avis, l'urgence, c'est l'accès
pour les gens à revenus faibles. Bon. mais, si l'accès gratuit
aux gens à revenus faibles est mis en place, on serait ouvert à
la possibilité que l'aide juridique serve, à toutes fins
pratiques, d'intermédiaire, d'espèce de courtier, l'avantage
étant la détermination des tarifs, beaucoup, et l'avantage
étant un paiement partiel de ce que ça coûte. donc, c'est
intéressant. c'est juste qu'on a vraiment peur que le gouvernement
introduise ça mais en continuant de rendre disponible l'aide juridique,
comme actuellement, aux gens à très faibles revenus. c'est pour
ça qu'on n'en a pas parlé. mais, là, je vous dis quand
même qu'on serait ouvert à ça à certaines
conditions, l'autre condition étant, bien sûr, qu'il ne faudrait
pas que, dans les bureaux d'aide juridique, on en vienne à donner des
quotas de clientèle au niveau gratuit pour privilégier un peu
plus de monde qui va payer 20 %, ou 40 %, ou 60 % parce que ça va
être plus payant. parce que, là, on va avoir le même
problème pour les gens à revenus faibles.
Les assurances. Bien, écoutez, oui, on est ouvert au fait qu'il
se développe des assurances privées dans ce domaine-là
pour les gens à revenus moyens, moyens élevés. Ça
existe un petit peu; ça pourrait exister un peu plus. Le groupe de
travail dont on parlait dont je suis sûr que plein de monde parle
parce que, au fond, c'est l'étude la plus poussée qui ait jamais
été faite, à ma connaissance, sur ça trouve
que c'est une bonne chose. Par contre, il indique, en page 60 du rapport
synthèse: «Que des paramètres soient établis afin
d'assurer la qualité des services offerts par de tels régimes
notamment par l'adoption d'une réglementation appropriée et par
l'établissement, le cas échéant, de contrôle ou de
surveillance par des organismes publics comme l'Office des professions du
Québec ou le Surintendant des assurances.» Autrement dit, c'est
une voie intéressante, mais elle doit être balisée. Et il
nous semble qu'il y a des choses intéressantes dans le rapport
synthèse par rapport à ça.
La proposition du Barreau, bien, écoutez, c'est
intéressant que le Barreau fasse une proposition d'ouverture. Nous ne
l'avons pas examinée en détail et pas vraiment discutée en
comité ou auprès de gens qui pourraient avoir des choses à
dire là-dessus. Disons, première impression, que c'est
intéressant qu'il y ait des idées sur la table. C'est une chose.
D'autre part, compte tenu que les tarifs des avocats sont, évidemment,
dépendants de multiple facteurs la localité où
l'avocat demeure, l'expérience de l'avocat, sa notoriété,
etc. les 25 % ne sont pas clairs. C'est basé sur quoi,
exactement? Il faudrait qu'il y ait des précisions au niveau des tarifs,
il faudrait s'assurer que ces tarifs-là n'augmentent pas de façon
désordonnée, mais disons qu'il y a une ouverture, sans dire que
nous l'appuyons parce qu'on ne l'a pas assez examinée. (11 heures)
Mme Caron: Donc, dans les deux cas, et même dans les trois
cas, si c'est une échelle progressive, il faut des balises, il faut des
paramètres, il faut des règlements bien précis pour
s'assurer que ça fonctionne bien.
M. Beaudoin, lors du Sommet de la Justice, il y avait eu aussi l'annonce
d'un programme de subvention qui serait mis sur pied pour les organismes
à but non lucratif qui s'occuperaient des dossiers de justice. Le
programme a été mis sur pied avec moins de budget
qu'annoncé; les critères ont varié un petit peu. Je sais
que, dans ma région je ne sais pas si c'est la même chose
dans la région de Québec certaines ACEF souhaitaient
présenter et voulaient présenter, avaient mis sur pied un projet,
qui était de l'aide au niveau juridique, et se sont vu refuser
l'accès parce qu'on disait que les associations de consommateurs
n'étaient pas éligibles à ce programme spécifique
là parce qu'elles étaient déjà
subventionnées pour le programme de consommateurs.
Est-ce que, chez les ACEF, chez vous, ou votre pensée
là-dessus, est-ce que vous croyez qu'il faudrait faire une ouverture
aussi aux groupes de consommation qui désirent offrir un volet
particulier à ce niveau-là?
M. Beaudoin (Roger): En février 1992, quand M.
Rémillard avait annoncé ça, la plupart des organismes
à but non lucratif autour de la table il n'y avait pas seulement
des organismes à but non lucratif, mais il y en avait
n'étaient pas contents. Ils n'étaient pas contents, pourquoi? On
pourrait dire qu'on aurait dû trépigner de joie. Mais c'est que le
ministre nous annonçait ça alors qu'un grand nombre d'organismes
communautaires au Québec étaient dans l'incertitude par rapport
à l'avenir du Programme de soutien à l'éducation populaire
autonome et, enfin, qu'ils luttaient contre l'abolition de ce
programme-là ou encore sa diminution continuelle en termes de
budget...
Mme Caron: ...
M. Beaudoin (Roger): Bien oui, tu sais, ce n'est pas
réglé tout à fait encore, cette affaire-là. Et, en
plus, à l'époque on en parlait un peu moins, mais le niveau de
financement de l'Office de la protection du consommateur, à
l'époque, n'était pas non plus intéressant, était
gelé, à peu près; l'enveloppe, depuis un certain nombre
d'années ou, en tout cas, en termes réels, elle diminuait,
même s'il y avait des efforts, un peu, de consentis. Alors, autrement
dit, il y avait ça qui pouvait être intéressant, mais, en
même temps, il y avait d'autres problèmes ailleurs. Alors, ce
n'était pas, au total, vraiment intéressant. ceci dit et depuis
ce temps-là, au niveau de l'office de la protection du consommateur, on
le sait, et m. le ministre aussi, responsable de la protection du consommateur,
le sait, il y a eu des coupures de l'enveloppe de soutien des associations de
consommateurs, à l'office de la protection du consommateur, de 15 %
à la dernière année fiscale, et on nous annonce qu'il y
aura d'autres coupures. évidemment, on se bat contre ça. alors,
on comprend, à ce moment-là, le niveau relatif, là, de...
un accueil froid, finalement, vis-à-vis de ça.
D'autre part, oui, je crois que les associations de consommateurs ont un
rôle à jouer en termes d'information juridique et qu'elles
devraient avoir accès à ce programme-là, comme d'autres
associations, ou encore qu'on considère que les associations de
consommateurs jouent ce rôle-là et que ça mériterait
une bonification du budget de l'Office de la protection du consommateur dans ce
sens. Je veux dire, l'endroit d'où ça vient, ça
dépend. Il y a différentes façons de voir ça, la
protection des consommateurs. On peut aller chercher de l'argent dans à
peu près 10 ministères différents, ou bien on peut dire:
L'Office de la protection du consommateur, bien, c'est l'Office de la
protection du consommateur, puis, donc, les budgets aux associations de
consommateurs pourraient venir beaucoup de l'OPC pour leurs différentes
fonctions. Mais, à ce moment-là, il faut une reconnaissance des
différentes fonctions des associations de consommateurs.
Mme Caron: Je vous remercie beaucoup, M. Beaudoin. On m'a avertie
que mon temps était terminé, alors je vous remercie beaucoup de
votre participation et de toutes les informations supplémentaires,
là, que vous êtes venu nous donner en commission, et vos
informations vont être très précieuses. Merci beaucoup.
Le Président (M. Parent): M. le ministre, je vous
reconnais pour un bref mot de la fin.
M. Lefebvre: M. Beaudoin, je veux vous rappeler, à titre
d'information, que les sommes d'argent ou les crédits affectés au
système d'aide juridique l'an dernier, là, ça a
été plus ou moins 110 000 000 $, sur des montants affectés
à l'ensemble du ministère de la Justice d'environ 465 000 000 $.
De sorte que, évidemment, on peut prétendre jusqu'à un
certain point qu'il n'y a pas assez d'argent là, pour l'ensemble des
affaires de la justice au québec, 465 000 000 $, ça pourrait
toujours être plus ça pourrait être plus
également, à la santé, à l'éducation tout
comme à la justice mais je pense qu'il faut reconnaître que
23,7 % affectés à l'aide juridique, c'est quand même un
effort un peu plus que raisonnable, là, et tout ça parce qu'on
considère, à la justice, que le régime et le
système d'aide juridique, c'est extrêmement important,
particulièrement pour la clientèle avec laquelle vous travaillez
à tous les jours, la clientèle pour laquelle, comme vous venez de
le dire il y a tout juste 60 secondes, on se bat. et vous avez raison, et c'est
comme ça que ça fonctionne dans notre système. vous avez
le droit et même le devoir de vous battre dans certaines situations, dans
certaines circonstances, contre des intentions gouvernementales. et, moi, je ne
me sens pas du tout, là, agressé si je réalise qu'il y a
des groupes qui défendent les intérêts de leur
clientèle.
Vous avez fait allusion tout à l'heure à l'Office de la
protection du consommateur. Est-ce que vous considérez que
l'affaiblissement de l'Office, par hypothèse, a un effet direct sur
l'augmentation des problèmes qui, éventuellement, se retrouvent
chez vous et qui, dans certains cas même, se judiciarisent? On peut se
retrouver devant les tribunaux. Est-ce que ça a un effet direct,
ça? Est-ce qu'il y a une relation directe entre l'Office, et votre
clientèle, et le système d'aide juridique?
M. Beaudoin (Roger): Bien, moi, je pense effectivement que la
diminution des points de services, par exemple, de l'OPC, entre autres, peut
entraîner un peu plus de demandes d'information ou d'autres interventions
au niveau de différentes associations de consommateurs qui, elles,
voient leurs moyens diminuer dans bien des cas. Alors, ça pose
problème; ça veut dire qu'il y a un certain nombre d'informations
ou d'aides qui ne pourront pas être accordées à des gens
qui, des fois, ont besoin peut-être juste d'une bonne information.
Et, dans certains autres cas, n'ayant pas véritablement la bonne
information ou ne sachant pas exactement où s'adresser pour faire
avancer quelque chose de façon simple, une partie de ces
personnes-là pourraient, si elles sont admissibles à l'aide
juridique, être tentées par des recours juridiques ou judiciaires.
Évidemment, ça pourrait avoir ça comme un des effets,
oui.
M. Lefebvre: Merci, M. Beaudoin, M. Giroux. Je veux vous
remercier pour la qualité de votre mémoire, votre exposé,
et aussi j'en profite pour vous remercier pour ce que vous faites, autant
permanents que bénévoles, dans des organismes comme le
vôtre qui n'ont comme seul objectif que de s'occuper de la défense
des plus démunis. Dans ce sens-là, je vous invite à
continuer. Soyez assurés d'une chose, c'est que mon objectif, c'est de
tenir compte de ce qui apparaît dans un mémoire comme le
vôtre et également des commentaires que vous nous avez fournis ce
matin. Merci beaucoup.
Le Président (M. Parent): Merci, M. le ministre, M.
Beaudoin, monsieur, merci. Nous allons suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 11 h 8)
(Reprisée 11 h 10)
Le Président (M. Parent): La commission va reprendre ses
travaux. J'invite immédiatement la corporation de l'économie
familiale du Québec à prendre place, s'il vous plaît.
J'invite aussi, par le fait même, les députés membres de
cette commission.
Alors, l'association coopérative d'économie familiale du
Québec, représentée par Mme Louise Blain,
présidente de la région Nord de Montréal, et Mme Monique
Émond, de l'ACEF de la Mauricie. Ce sont bien ces personnes-là
que nous avons le plaisir d'accueillir ou...
Fédération des ACEF du Québec
(FACËF)
Mme Blain (Louise): Oui. Monique Émond va revenir dans
quelques minutes.
Le Président (M. Parent): On va attendre. On va attendre,
d'abord, qu'elle soit ici.
Mme Blain (Louise): Ça va.
Le Président (M. Parent): Soyez bien à votre aise.
Approchez-vous de la province.
Alors, madame, je vous souhaite la bienvenue, au nom des membres de
cette commission, et je vous remercie aussi d'avoir répondu à
notre invitation en manifestant le désir de vous faire entendre et en
venant aider les membres de cette commission et aussi les représentants
du gouvernement à améliorer ou à cheminer dans
l'actualisation de notre programme d'aide juridique au Québec.
Alors, nous avons une heure devant nous pour procéder à
l'écoute et au dialogue concernant le menu de votre mémoire. Le
temps sera réparti également: un tiers, un tiers, un tiers, entre
vous et les deux formations politiques.
Je vous informe immédiatement, Mme Blain et Mme Émond, que
les membres de cette commission ont pris connaissance de votre mémoire.
Donc, ils l'ont lu, ils le connaissent. Alors, ne vous sentez pas
obligées de le lire au complet. Si vous voulez en faire une
synthèse ou un résumé, soyez bien à votre aise. Et,
après ça, bien, on répartira le temps entre les deux
membres des formations politiques.
Alors, qui est la porte-parole? C'est Mme Blain, j'imagine.
Mme Blain (Louise): C'est les deux.
Le Président (M. Parent): C'est les deux? Alors, on
commence par qui?
Mme Blain (Louise): Bon. Par moi. Le Président (M.
Parent): Mme Blain.
Mme Blain (Louise): Je vais commencer un petit peu par vous
présenter les principales orientations de notre mémoire...
Le Président (M. Parent): O.K.
Mme Blain (Louise): ...et, ensuite, Monique entrera plus dans les
détails.
Le Président (M. Parent): Très bien. Maintenant,
là, on écoute Louise Blain. Mme Blain.
Mme Blain (Louise): Bonjour.
Le Président (M. Parent): Bonjour.
Mme Blain (Louise): La Fédération des ACEF regroupe
neuf ACEF qui travaillent dans le domaine du budget familial, de l'endettement
et de la consommation dans le but d'améliorer les conditions de vie de
l'ensemble de la population.
Rappelons d'abord, comme ça a été fait tout
à l'heure aussi, que la FACEF, la Fédération des ACEF, a
travaillé à la création de l'aide juridique dont
l'objectif premier était de rendre la justice accessible aux personnes
qui n'avaient pas les moyens financiers de faire valoir leurs droits. Rappelons
également qu'un autre objectif de l'aide juridique était
l'information et l'éducation de la population, objectif qui semble avoir
été passablement délaissé, sinon oublié
à travers les ans. Nous sommes toujours en accord avec la poursuite de
ces objectifs. Nous croyons toujours que notre société doit
maintenir un tel service. L'accessibilité à la justice doit
demeurer sous la responsabilité de l'État et être
assumée par l'ensemble de la collectivité.
L'aide juridique, aujourd'hui, dessert une clientèle très
réduite. Les seuils d'admissibilité sont tellement bas qu'un
très grand nombre de personnes n'y ont pas accès. Comme ces
personnes n'ont pas non plus les moyens de recourir aux services d'un avocat de
pratique privée, elles se trouvent ainsi exclues du système
judiciaire. Nous croyons donc qu'il faut non seulement conserver une
alternative au secteur privé mais encore élargir les
critères d'admissibilité à l'aide juridique.
Par contre, nous sommes conscients que notre société
développe des tendances judiciarisantes, qu'il y a un engorgement
certain des tribunaux et que plusieurs avocats souffrent de
«procédurite» aiguë. Comment défendre le
principe de la déjudiciarisation tout en rendant plus accessibles les
services de l'aide juridique? Nous tenterons de résoudre en partie cette
contradiction
par des propositions qui viseront à faciliter l'accès
à la justice à un plus grand nombre de personnes tout en
favorisant l'adoption de mesures de déjudiciarisation et de
contrôle des procédures.
Nous allons donc vous faire part de nos propositions quant aux
conditions d'admissibilité à l'aide juridique, quant au
financement et à la couverture du programme d'aide juridique et nous
terminerons par des propositions d'alternatives à la
judiciarisation.
Le Président (M. Parent): Madame.
Mme Émond (Monique): Alors, pour commencer, je pense que
tout le monde est d'accord pour dire que l'accessibilité, aujourd'hui,
à l'aide juridique n'existe quasiment plus. Donc, c'est un
problème. D'autre part, nous, en tout cas, depuis le Sommet de la
Justice, on le dit de toutes les façons possibles, les coûts
juridiques en soi sont tellement élevés que les gens n'ont pas
les moyens d'utiliser des recours juridiques; et ça, vous allez voir,
c'est une marotte, ça va revenir souvent, mais c'est tellement important
comme élément dans le dossier de l'aide juridique que, nous, on
trouve important de continuellement le ramener. Donc, compte tenu de ces deux
aspects-là, il est clair que, pour nous autres, il y a un paquet de
monde, dans le fond, au Québec, qui n'a pas du tout accès
à des services juridiques et qui n'a pas accès non plus à
des moyens pour défendre ses droits. donc, nous, dans notre
mémoire, nous avons recommandé trois, quatre
éléments dont la nécessité de modifier les
critères d'admissibilité pour augmenter l'accès au service
d'aide juridique. on veut qu'on élargisse aussi
l'éligibilité par l'adoption d'une échelle progressive des
seuils d'admissibilité. puis, pour cette échelle-là, on ne
s'est pas non plus enfargé dans un calcul de mga de 80 % à 120 %,
etc. dans notre mémoire, on parlait des seuils de statistique canada. on
est ouvert, mais, ce qu'on veut, c'est que cette échelle soit la plus
large possible, quitte à ce que des gens dont les revenus sont
supérieurs aient à redébourser l'ensemble de leurs frais.
donc, nous, on n'arrivera pas ici avec des calculs scientifiques,
mathématiques, mais on veut quand même qu'il y ait une
réflexion sur cet aspect.
On veut surtout, et ça, c'est suite au Sommet de la Justice, que
la base de calcul pour l'éligibilité des personnes soit simple,
facile à comprendre, facile d'application, et surtout, et c'est l'une de
nos préoccupations, que les coûts d'administration d'entrée
dans le régime ne soient pas élevés à un point tel
qu'on perde de l'argent rien qu'à savoir si les gens sont oui ou non
éligibles. Et ça, c'est aussi une préoccupation de groupes
de consommateurs parce que, quand on réfère des gens, on aime
bien aussi savoir si ces gens ont effectivement accès au régime
ou non. Donc, il faut vraiment aller dans un sens de faciliter l'accès
mais faciliter la compréhension aussi des critères
d'éligibilité.
En ce qui concerne la question des groupes et des associations, nous* en
tout cas, à la Fédération des ACEF, on est
extrêmement préoccupés, et ce, depuis des années,
que les groupes de consommateurs ou les autres associations à but non
lucratif aient accès aussi au service d'aide juridique. Actuellement,
les critères sont tellement restreints que, nous, en tout cas, comme
association, généralement dans toutes les régions, on n'a
pas accès à ce service-là. La raison, c'est que, souvent,
on défend des causes qui mettent en jeu, entre autres, des compagnies,
des professionnels, etc., et, dès qu'on ouvre la bouche pour
dénoncer des situations, on a soit des poursuites ou des menaces,
immédiatement, de poursuite, ce qui fait qu'à un moment
donné on est obligé d'aller non pas vers l'aide juridique
puisqu'on n'y a pas accès mais d'aller voir des proches avocats pour
essayer de nous défendre. Donc, on est toujours pris avec une situation
comme celle-là et, comme on n'a pas les moyens financiers pour se
défendre et qu'on n'a pas d'avocat à nos services, directement,
donc, évidemment, on a des problèmes. Donc, ça, c'est une
recommandation qui est essentielle pour nous.
La question du financement du régime. On a dit tantôt qu'on
veut que les utilisateurs puissent participer au régime selon une
échelle large. Dans le document du ministère, entre autres, on
parlait beaucoup de faire participer les dispensateurs, étant
évidemment beaucoup les avocats, principalement. Nous, on trouve que
c'est une mesure qui ne rejoindrait pas, dans le fond, les objectifs qu'on
souhaiterait. Le risque qu'on prend encore et là, je
ramène la marotte c'est que, pour compenser les montants que les
avocats ou les notaires devront verser, donc, ce qu'ils vont faire, on le sait,
ils vont augmenter les procédures, ils vont augmenter leurs tarifs.
Donc, on tourne en rond. Nous, on s'est positionné sur cette question et
on rejette complètement une mesure de ce type-là. (11 h 20)
L'autre élément, en ce qui concerne la question de la
couverture du régime, il y a beaucoup d'hypothèses dans
l'ensemble des documents qui ont circulé. Nous, la première
recommandation qu'on fait, c'est que l'aide juridique, en ce qui concerne
principalement la question de défense, soit couverte
complètement. On se rendait compte, en tout cas, qu'il y avait des
préoccupations de dire: Est-ce qu'on doit tout couvrir? Bon. Il y avait
ce débat-là. Nous, on a proposé, comme recommandation, de
former un comité de travail sur cette question-là et de faire des
propositions ou des recommandations; après ça, on pourra
émettre une opinion. Mais, pour l'instant, on trouvait qu'on n'avait pas
d'éléments suffisants pour pouvoir faire tout le ménage de
ça. Mais, en attendant, nous, on propose le statu quo en attendant que
ce travail ou ce ménage-là soit fait et qu'on ait des
propositions claires sur la table.
L'autre préoccupation, c'est que, nous autres, on parlait des
coûts juridiques. On parle aussi beaucoup, et ça, on l'a
apporté beaucoup au Sommet de la Justice, de la préoccupation de
déjudiciariser. Dans le fond, si on regarde les coûts de
l'ensemble du régime, ce n'est pas juste l'aide juridique qui
coûte de l'argent, c'est la justice en général et, donc,
comment on peut faire, dans le
fond, pour arriver à aller plus vers une
déjudiciarisation, contrairement, dans le fond, au... Je dirais que le
vent actuel, et ça depuis quelques années, le vent est plus
allé vers la défense de nos droits individuels et vite en
justice, etc. Donc, une de nos préoccupations, c'est de dire quels
moyens on aurait pour aller vers la déjudiciarisation des conflits.
Je rappelle qu'une de nos propositions au Sommet était de dire,
par exemple, dans le domaine matrimonial et ça, j'aimerais que le
ministre de la Justice ait une opinion là-dessus aujourd'hui
c'est qu'on disait: Pourquoi ne pas promouvoir la médiation familiale,
par exemple, partout à travers le Québec? Et, là, le
ministre Rémillard nous est arrivé avec la loi de la
médiation, c'est-à-dire celle qu'on a actuellement. C'est que,
dès qu'on entreprend des procédures juridiques, on a le droit
à la médiation. Et, nous, notre proposition, c'est de dire:
Pourquoi faut-il entreprendre des procédures juridiques avant d'avoir
accès à une médiation familiale gratuite? Et ça, on
a toujours eu un débat avec M. Rémillard sur cette
question-là parce que, lui, il disait: C'est, dans le fond, l'affaire
des services sociaux, ce n'est pas la mienne. Nous, on pense que c'était
la sienne, alors, monsieur, j'aimerais bien vous entendre là-dessus.
Donc, pour nous autres, c'en est une façon de déjudiciariser et
de baisser les coûts de la justice.
L'autre élément, pour les personnes plus
âgées, comme moi, j'ai connu l'aide juridique dans son meilleur
peut-être pas vous mais, moi, oui dans le fond, dans tout
un côté d'un travail social, je dirais, d'information, de
prévention et d'éducation. Depuis quelques années, et
ça, quand on travaille dans les associations de consommateurs, on peut
vous dire que, dans plusieurs régions, en tout cas, c'est quasiment
inexistant, ce rôle d'information là auprès des gens et de
la population. Nous autres, on dit: Ça, c'est un moyen aussi de diminuer
les coûts de la justice quand les gens sont informés. Pour nous
autres, revenons à ce rôle-là ou intensifions ce
rôle-là.
L'autre élément aussi, c'était une proposition
qu'on avait aussi apportée au niveau du Sommet de la Justice, qui
était la question de la prise en charge du milieu. Nous, on proposait un
conseil d'administration d'usagers et d'usagères dans les bureaux locaux
d'aide juridique, dans le sens suivant. On disait: Ce n'est pas parce qu'un
bureau est situé à Trois-Rivières ou qu'il est
situé à Sherbrooke que la préoccupation, les besoins de la
population sont les mêmes. Donc, on se disait qu'une façon de se
rapprocher des besoins du milieu et d'axer notre travail d'information et
d'éducation, c'est aussi de créer ce genre de structure là
qui fait que les avocats et la direction des bureaux locaux savent au moins les
besoins de la population et comment y répondre. Donc, c'étaient
des façons pour nous autres de dire: Oui, l'aide juridique, il faut
augmenter l'accessibilité, mais, oui, il faut réfléchir
aussi en disant que l'ensemble de la justice doit avoir une
préoccupation de diminuer les coûts aussi. Donc, en fait, ce qu'on
demande, c'est: on se débranche un peu et on essaie de
réfléchir un petit peu autrement, d'une façon un petit peu
plus large.
C'est ça, en gros, les préoccupations de la
Fédération des ACEF qu'on a apportées dans notre
mémoire en septembre dernier. Donc, évidemment, s'il y a des
questions ou des choses qu'on n'a pas touchées, on est prêtes
à y répondre ou à préciser des affaires, parce
qu'il y a quand même eu une évolution, de septembre 1993 à
février, dans nos réflexions aussi.
Le Président (M. Parent): Merci, Mme Émond. Alors,
comme premier intervenant, il me fait plaisir de reconnaître M. le
ministre de la Justice.
M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Mme Émond et
Mme Blain, je vous salue, je vous remercie de nous avoir, dans un premier
temps, soumis un mémoire qui fait le tour de toute la question. Votre
mémoire a 12 pages, 13 pages, mais il est concis, il est bien fait puis
il fait le tour d'à peu près toutes les questions qui touchent au
régime d'aide juridique.
Je vais vous parler tout à l'heure, rapidement, Mme Blain et Mme
Émond, de la médiation à travers autre chose. Je voudrais,
dans un premier temps, vous entendre sur ce que vous avez indiqué comme
étant un problème. Vous avez parlé non pas de
l'admissibilité je pense que c'est comme ça que je dois
vous comprendre non pas au niveau des seuils d'admissibilité
seulement ça, on va en parler tout à l'heure mais
également de l'admissibilité au niveau de la procédure, si
je vous ai bien compris, là. Ou, si ce n'est pas ça, je vous pose
la question: Est-ce que votre clientèle, est-ce que les gens chez vous,
ceux pour qui vous travaillez quotidiennement, se plaignent, ont des
problèmes quant à l'admissibilité, la démarche
auprès du bureau d'aide juridique, le questionnement quant à leur
recours à l'admissibilité financière mais également
la vraisemblance du droit? Est-ce qu'ils ont des problèmes avec
ça?
Mme Émond (Monique): Ce n'est pas du tout ce qui ressort,
ça, cet aspect-là.
M. Lefebvre: Non?
Mme Émond (Monique): L'aspect, c'est qu'on est pris, dans
certains cas, dans le travail concret, il faut que la personne... On
espère tout le temps que la personne ait, soit... Parce que, si on
regarde financièrement, il faut que les gens soient vraiment, entre
guillemets, dans la dèche, quasiment, pour avoir droit à l'aide
juridique. Il faut que tu sois pauvre et malade, c'est mieux.
Puis tu as l'autre aspect, qui est... On espère que le contrat ou
le litige est en bas de 3000 $. Puis, là, quand ça ne rentre pas
dans ce critère-là, qu'est-ce qu'on fait? Là, c'est le
travail d'une association de consommateurs pour essayer de se démerder
avec ça parce que c'est ça, la situation. On va essayer de
négocier, mais, quand on négocie, souvent, c'est toujours
à
perte. Donc, le problème, il est vraiment au niveau des
critères d'admissibilité des gens qui en ont réellement
besoin. Donc, c'est plus ça que l'effet de la porte d'entrée et
est-ce que ça accroche à ce niveau-là.
M. Lefebvre: La structure, la gestion du régime,
là, l'approche, ça, c'est correct. En gros, c'est ce que vous
nous dites?
Mme Émond (Monique): Oui. Mais la réaction qu'on
avait par rapport à la procédure, c'est suite à plusieurs
préoccupations qui disaient: Si on regarde les seuils
d'admissibilité, c'est tellement complexe, ce qui avait
été proposé au Sommet de la Justice par le ministre, qu'on
se rendait compte que ça aurait pris une armée de fonctionnaires
pour voir si la personne était eligible ou pas. Et c'est
là-dessus qu'on avait une réaction.
M. Lefebvre: Moi, c'est là-dessus, justement, que je
voulais vous entendre, madame. Vous parlez de prévention, vous parlez
d'information, de judiciarisation, de déjudiciarisation, de
non-judiciarisation, de médiation. Tout ça, ça va
ensemble, hein, on s'entend là-dessus.
Est-ce que vous considérez que le régime d'aide juridique
donne suffisamment, est assez actif au niveau de la prévention, au
niveau de l'information avant l'étape de la procédure? Et vous
savez, Mme Émond, que la loi du divorce oblige, non seulement
suggère mais oblige les avocats qui ont devant eux une dame, un homme
qui s'informe sur les procédures de divorce, vous savez que la loi
oblige les avocats à tenter la réconciliation. Non seulement on
suggère aux avocats de le faire, mais, de par la loi elle-même, la
loi fédérale, les avocats ont l'obligation de vérifier
s'il n'y a pas une possibilité de réconciliation. Et, lorsqu'on
parle de médiation c'est de ça qu'on parle les
premiers concernés par l'approche de la médiation, ce sont les
avocats eux-mêmes. Est-ce que vous avez l'impression que c'est
respecté, cette obligation-là?
Mme Émond (Monique): À l'étape actuelle?
M. Lefebvre: Oui.
Mme Émond (Monique): Non, pas du tout. Puis c'en est un,
problème, ça, parce que... En tout cas, on a le même
problème dans un autre dossier, qui n'est pas celui des avocats mais
celui des syndics, mais on rentre par le secteur privé aussi. Et
ça, quand on rentre dans le secteur privé, on rentre dans le
secteur lucratif. Tu sais, le rôle du jeu de la réconciliation,
malheureusement, on est obligé de dire que ce n'est pas
nécessairement payant.
M. Lefebvre: On judiciarise tout de suite. (11 h 30)
Mme Émond (Monique): Oui, parce que... C'est de valeur,
mais moi, je ne connais pas les cours qu'il y a au Barreau il ne
doit pas y avoir grand cours de psychologie, je ne le sais pas, mais, souvent,
les avocats s'en vont vers la... Je veux dire, ils sont je ne sais pas
dire le mot en français, mais en tout cas
«mindés» procédure. Et ça, c'est un
problème d'éducation qu'il y a à faire au niveau de la
population mais aussi au niveau de nos amis les avocats.
D va falloir qu'il se passe quelque chose parce que, ça, c'est
vrai, les gens... Et même plus: dans certaines régions, il y a des
bureaux ou des avocats d'aide juridique ou du privé qui alimentent
même... Des fois, on se demande, on dit: Mon Dieu! c'est donc bien rendu
loin, cette histoire-là, et on se rend compte que c'est alimenté.
Mais ça, je pense que c'est une conception ou une philosophie qui est
à changer au cours de...
M. Lefebvre: Est-ce que vous constatez, Mme Émond, la
même attitude au niveau des avocats, soit en pratique privée, soit
comme permanents à l'aide juridique?
Mme Émond (Monique): Au niveau matrimonial?
M. Lefebvre: La même attitude au niveau matrimonial comme,
également, aux niveaux pénal et criminel.
Mme Émond (Monique): Au criminel, j'aurais de la
misère à répondre à ça.
M. Lefebvre: Vous n'en faites pas du tout. Bon. Mais, est-ce que
vous... Oui.
Mme Émond (Monique): Au niveau matrimonial, je pense que
oui, mais je pense que ça dépend des bureaux, de certains...
M. Lefebvre: Alors, dans un premier temps, les permanents d'aide
juridique, les avocats d'aide juridique, est-ce que vous avez l'impression que
ces avocats-là ne sont pas assez portés également sur
l'information, sur la médiation, sur...
Mme Émond (Monique): Bien, moi, je ne suis pas sûre
que c'est la responsabilité de l'avocat qui travaille dans un bureau.
Mais, moi, je pense que c'est une philosophie de bureau ou de direction qui
doit amener vers ça. Parce que, nous autres, on a travaillé avec
des bureaux d'aide juridique où la direction était
extrêmement ouverte.
M. Lefebvre: Oui.
Mme Émond (Monique): Je pense, entre autres, à la
région de Lanaudière où moi j'étais, où il y
avait une ouverture, puis il y a encore une ouverture aujourd'hui. Donc, je
veux dire, ce n'est pas de faire porter l'odieux sur les épaules des
avocats comme tels mais plus sur une philosophie de la direction.
Dans ce sens-là, nous, on veut qu'on l'intensifie parce que
ça existe encore dans certaines régions. Dans d'autres, c'est
complètement inexistant. Et même, il y a des endroits où on
ne travaille même pas en collaboration avec des groupes parce qu'on fait
du juridique ou de la procédure, si on veut.
M. Lefebvre: Là, vous dites qu'il y a un engorgement des
tribunaux, que plusieurs avocats souffrent de «procédurite»
aiguë. Vous parlez de tous les avocats en général,
là, vous, sans viser personne.
Mme Émond (Monique): Oui. Bien voyons! Entre nous
autres.
M. Lefebvre: Pardon?
Mme Emond (Monique): Entre nous autres.
M. Lefebvre: Oui. Parce qu'il y a un honorable membre du Barreau
du Québec qui...
Le Président (M. Parent): Attention, attention, madame!
C'est entre vous... Il y a beaucoup plus d'avocats qu'il y a de non-avocats
ici.
Mme Émond (Monique): Je sais. Je suis très
consciente de ça.
M. Lefebvre: II y a un honorable membre du Barreau qui est tout
juste à votre gauche, qui vous écoute. Je le vois prendre des
notes depuis le début de votre... Je trouve ça bien.
Mme Émond (Monique): Je n'ai aucun problème avec
ça.
M. Lefebvre: Ça, c'est correct, ça, madame.
Vous dites, à la page 6, que vous seriez d'accord pour qu'on
évalue la possibilité de mettre en place le volet contributoire.
Puis vous n'allez pas plus loin dans votre mémoire, ni non plus dans
votre exposé, que de dire que vous seriez d'accord avec le principe;
vous ne donnez pas de suggestions quant à la structure.
Comment, Mme Émond, en êtes-vous arrivée à
cette conclusion? Et pourquoi nous suggérez-vous d'ouvrir, possiblement,
sur le volet contributoire? Vous ne le dites pas de cette
façon-là, mais c'est ce que je comprends que ça veut dire
dans votre mémoire. Comment en êtes-vous arrivée à
cette conclusion-là? Ou Mme Blain?
Mme Blain (Louise): Oui. Bon. Premièrement, on appuie ce
que disait la FNACQ tout à l'heure, c'est-à-dire qu'il y ait un
accès gratuit pour la partie de la population en bas du seuil de
pauvreté, ou peu importe comment on le calcule, ça, ça
prend ça au minimum.
Par la suite, ce qu'on dit, c'est: plus l'échelle va être
large, plus on élargit l'échelle, plus on donne accès
à des revenus qui s'élèvent un peu. À ce
moment-là, si on élargit d'avantage l'échelle, on est
prêt à accepter que les gens puissent contribuer pour une partie
des frais et, même si les plus hauts revenus admissibles devaient
être obligés de payer même en entier ce que ça
coûte, on pense que ce serait déjà moins que d'aller voir
un avocat de pratique privée. Donc, ce qu'on demande, c'est
d'élargir le plus possible l'échelle d'admissibilité,
quitte à ce que de plus en plus les gens paient une partie qui serait,
d'avance, moins chère, d'après nous.
M. Lefebvre: Mme Blain, la... Oui, excusez. Si vous avez autre
chose.
Mme Blain (Louise): C'est ça. On n'a pas les moyens, nous,
d'arriver avec des calculs, comme on l'a dit tout à l'heure.
M. Lefebvre: Non, non. Je vous comprends, madame. Je ne vous
demande pas ça, d'ailleurs. Cette contribution-là, du
bénéficiaire au système d'aide juridique, à quoi
pensez-vous? Est-ce que ce serait une contribution versée directement
aux bureaux d'aide juridique, qui pourrait varier de 3 $ à 300 $, peu
importe le montant? Est-ce que ce serait une somme d'argent versée
directement?
Mme Blain (Louise): Bien, comment ce serait administré, je
ne le sais pas, mais probablement qu'ils paieraient le bureau d'aide juridique
qui le... Je ne sais pas si ça irait dans un fonds commun ensuite, ou
peu importe, là, on ne sait pas.
M. Lefebvre: Mais ce serait versé directement. Une
contribution directe, là?
Mme Blain (Louise): Oui, oui. Il n'y en a pas, de crédit
d'impôt, pour tout ça. Non, non, ce serait une contribution...
M. Lefebvre: Je vais, M. le Président, laisser mes
collègues, maintenant, procéder à leur propre
questionnement.
Le Président (M. Parent): Merci, M. le ministre. Alors, la
porte-parole de l'Opposition officielle, Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, Mme Blain, Mme
Émond, merci beaucoup de votre participation. Je pense que vous posez la
bonne question dès le départ dans votre présentation quand
vous dites: «Comment défendre le principe de la
déjudiciarisation tout en rendant plus accessibles les services de
l'aide juridique?» C'est la grande question et, tout au long, vous avez
essayé de présenter des mesures pour déjudi-ciariser, des
mesures pour mieux contrôler, pour éviter la
«procédurite». En passant, je suis porte-parole du dossier
mais je ne suis pas avocate. Et c'est aussi de
rationaliser les dépenses pour avoir un meilleur service mais
pour pouvoir en même temps parce qu'on n'éliminera pas
toutes les procédures, c'est évident permettre
l'accessibilité à l'aide juridique à ceux qui en ont le
plus besoin. Et ça, vous l'avez défini aussi sans faire de calcul
de seuil, mais ça se situe à peu près à la
clientèle de 1972-1973.
Ma première question serait sur l'admissibilité des
groupes, des associations sans but lucratif. La plupart des groupes qui nous
ont adressé cette demande-là nous disaient que c'était
pour obtenir de l'information, pour pouvoir consulter, pour pouvoir aussi
défendre certaines personnes et faire valoir certains droits. Ça
pourrait être des genres de causes types. Presque à chacun de ces
groupes-là, j'ai posé la question, à savoir: Est-ce que
les groupes avaient aussi à se défendre? Est-ce que les groupes
aussi en avaient besoin, si parfois il y avait des poursuites, si parfois on
leur faisait des menaces de poursuites? La plupart des groupes nous disaient:
Bien, pas vraiment. Ça, on n'est pas au courant. Mais, vous, vous avez
vraiment dit clairement tantôt que vous aviez, comme groupe, des menaces
de poursuites. Et, moi, j'aimerais vous entendre un petit peu là-dessus
parce que, si, effectivement, les associations ont un besoin de se
défendre, ça aussi, je pense qu'il faut le considérer.
M. Blain (Louise): Je peux vous donner un exemple très,
très concret, qui peut-être éclairerait aussi M. le
ministre, par rapport à la question qu'il a posée tout à
l'heure, c'est que je vais vous donner un exemple concret qui est là
présentement, qu'on vit présentement, c'est que l'ACEF du Nord,
qui fait partie de la Fédération des ACEF, a
dénoncé un commerçant qui s'appelle Michel Sainte-Marie, a
dénoncé des pratiques abusives. C'est notre rôle de
dénoncer les pratiques abusives quand les consommateurs viennent nous
voir. Et, ce qui est arrivé, c'est qu'aussitôt que ces
pratiques-là ont été dénoncées le
commerçant a levé une injonction contre nous. Qu'est-ce qu'on
fait si on n'a pas droit à un avocat? À ce moment-là, on
est obligé de prendre un avocat pour lever l'injonction. Ensuite, il
nous poursuit pour 250 000 $; c'est peut-être deux, trois fois le budget
annuel qu'on a. Qu'est-ce qu'on fait pour se défendre? Et on pense que
notre cause est bonne. De toute façon, on est sûrs, même,
que notre cause est bonne, que probablement on gagnerait. La poursuite est
encore là. Il faut se défendre, il faut prendre un avocat.
Alors, si on n'a pas cette possibilité-là, qu'est-ce qu'on
fait? Même si on gagne au bout de cinq ans, il faut le payer, l'avocat.
Si on n'a pas droit à l'aide juridique, on s'empêche, à ce
moment-là, de dénoncer les pratiques abusives, et les
commerçants ont le beau jeu parce que, eux autres, ils ont les moyens de
prendre des avocats et de prendre des injonctions, d'envoyer des mises en
demeure, de nous intenter des procès même s'ils sont dans leur
tort. Si les groupes n'ont pas les moyens de se défendre, alors c'est
inutile de penser qu'on peut défendre les droits des consommateurs.
Comme groupe, nous, à l'ACEF du Nord, entre autres, c'est
ça dans le moment. Ça fait cinq ans qu'on a une poursuite de 250
000 $. Ça n'a pas évolué encore; elle est encore
là, la poursuite. Alors, on a besoin d'avoir accès à
l'aide juridique, sinon on ne peut pas se défendre et on laisse aller le
commerçant. Je ne sais pas, moi, il gagne en cour et on lui doit 250 000
$; c'est notre survie, c'est fini.
Alors, ça veut dire qu'à chaque fois qu'on a une cause
comme ça on se dit: Est-ce qu'on la dénonce? parce que le risque
est qu'on ait une poursuite et qu'on n'ait pas les moyens de se
défendre. Pour nous, ça devient essentiel d'avoir accès
à l'aide juridique. (11 h 40)
Mme Caron: Je trouve votre exemple très, très
pertinent, parce que jusqu'à maintenant on n'a pas eu d'exemple
précis. Je sais que, dans un dossier du côté de la vente
itinérante des préarrangements funéraires, il y a eu aussi
des poursuites; il y a même eu des poursuites contre l'Office de la
protection du consommateur. L'Office peut quand même, avec l'argent de
l'État, arriver à se défendre, mais l'ACEF, qui avait
dénoncé elle aussi des gens, s'est retrouvée avec des
poursuites. Et je sais que, dans le dossier, toute l'étude qui a
été faite sur les deux pour un au niveau des lunettes, il y a eu
aussi des menaces suite à la première étude qui a
été faite, et il y a même eu des retards à publier
parce qu'il y avait des menaces de poursuite. Alors, je trouve ça
important que vous nous ayez clarifié ça.
Peut-être une autre question parce que je sais que mon
collègue d'Anjou a quelques questions à vous poser
concernant l'échelle progressive des seuils d'admissibilité. Je
vous dis bien, bien simplement mon inquiétude. À partir du moment
où on le fait par un bureau, donc il va falloir qu'il y ait des
personnes qui déterminent s'il y a admissibilité, il va falloir
collecter, bon. Au niveau de la procédure, et tout ça, j'ai peur
que cette structure-là coûte de l'argent et qu'on en ait moins,
là, pour ouvrir davantage à la population. je ne sais pas si vous
avez eu le temps d'examiner la proposition du plan du barreau, la proposition
du plan du barreau qui nous dit, bon: 25 % des coûts des honoraires.
mais, si on arrivait à définir avec le barreau, comme en parlait
un petit peu la fnacq tantôt, à faire préciser des tarifs,
des honoraires, premièrement parce que 25 % des honoraires
seulement, là, quand il n'y a pas d'honoraires de définis, on
risque d'avoir le même problème que vous souleviez tantôt,
que, finalement, on va augmenter les coûts et puis on va arriver au
même point si on pouvait arriver à faire préciser
les honoraires, à avoir des tarifs qui reviendraient à ce qu'on
peut retrouver au niveau de l'aide juridique, là, et à faire
préciser ces choses-là, est-ce que ce serait moins coûteux,
et plus facile, et aussi accessible, ou si vous souhaitez vraiment que
ça relève de l'aide juridique?
Mme Blain (Louise): On ne le sait pas. On n'a pas eu le temps de
se pencher sur la question des assu-
ranees, mais on a des craintes quand même. Probablement que, ce
que propose le Barreau, c'est autre chose que ce qui existe dans le moment. Il
y en a, dans le moment, des assurances, et on a des craintes par rapport
à ça parce que, pour nous, ça augmente la
judiciarisa-tion. Au lieu de déjudiciariser, on judiciarise. Si on a une
assurance, bien, pourquoi ne pas s'en servir? Donc, allons-y gaiement. Et c'est
le contraire de ce que, nous autres, on propose. Est-ce que ce n'est pas faire
vivre les avocats? C'est quoi, ce qu'il y a en dessous de ça, aussi,
là?
Je ne le sais pas, mais de remettre ça au privé, on sait
aussi que, aussitôt qu'il y a des assurances privées, ça
augmente les coûts, souvent. Bon. Il y a des augmentations
exponentielles, souvent, d'année en année, du coût des
assurances. Qui a accès à ces assurances-là? Qu'est-ce que
ça couvre exactement? On ne le sait pas exactement. Souvent, dans les
assurances qui sont proposées, on enlève tout le
côté du matrimonial, alors que la plupart des gens, quand ils ont
besoin d'un avocat, c'est surtout pour le matrimonial. C'est assez rare au
criminel, c'est moins fréquent.
Alors, on se pose des questions par rapport à ça. On n'est
pas en mesure, là, de se prononcer clairement, sauf qu'on a peur de la
tendance à la judiciarisation. À partir du moment où je
peux me payer un avocat, bon, alors, pour un oui et pour un non, je peux assez
facilement procéder. On a des craintes par rapport à
ça.
Mme Caron: Je sais que vous n'avez vraiment pas eu le temps de
voir toute la proposition, mais il y a deux parties: il y a la partie assurance
et il y a la partie plan du Barreau...
MmeBlain (Louise): 25 %.
Mme Caron: ...au niveau du pourcentage des honoraires. Je pense
qu'on pourrait peut-être vous faire parvenir...
Mme Blain (Louise): Je l'ai.
Mme Caron: ...le document, parce que je sais que votre expertise
est intéressante et j'aimerais ça, là, que vous
puissiez...
Mme Blain (Louise): Oui...
Mme Caron: ...la regarder de près pour voir quelles
conditions et quels critères il faudrait y associer. Alors...
Mme Blain (Louise): Oui.
Mme Caron: ...M. le Président, je...
Mme Émond (Monique): Mais la question des 25 %...
Mme Caron: Oui.
Mme Blain (Louise): ...dont vous parliez, on l'a, le plan du
Barreau, là. C'est qu'effectivement la question de base, c'est: De quoi
on parle quand on parle des honoraires? Parce que c'est tellement fluctuant
qu'on ne saurait même pas de... Il faut savoir de quoi on parle avant
même de décider si, oui ou non, on est d'accord avec ça.
Dans ce sens-là, on est prêt à y réfléchir,
là, dans un laps de temps assez court, à regarder ça plus
en profondeur.
Mme Caron: Merci beaucoup.
Le Président (M. Parent): Mme Émond...
Mme Caron: M. le Président, mon collègue
d'Anjou.
Le Président (M. Parent): M. le député
d'Anjou, nous vous écoutons.
M. Bélanger: Merci, M. le Président. J'aimerais
revenir sur un point qui est mentionné à la page 9 de votre
mémoire. Quand vous parlez de la formation d'un comité de
surveillance et de contrôle des procédures utilisées dans
le cadre du système d'aide juridique, pour bien comprendre, le
comité que vous voyez, est-ce que c'est un comité qui devrait
surveiller en général ou qui fonctionnerait sur une base de
plaintes seulement, de la part des usagers ou des
bénéficiaires?
Mme Émond (Monique): Nous autres, on voyait, dans un
premier temps, plus un comité permanent qui ne fonctionne pas...
M. Bélanger: Mais...
Mme Émond (Monique): ...nécessairement... qui fait
des... Comment on dit ça? On donnait l'exemple du tirage au sort,
là, comme on fait pour les médecins; oups! on en pige un,
là, ou l'impôt qui en pige 10 de temps en temps, un sur 10. Donc,
nous autres, on voyait plus un comité qui aurait le mandat de le faire
non pas sur plainte mais de ses propres initiatives, quoi.
M. Bélanger: À la page 10 de votre mémoire,
vous mentionnez: «Nous proposons que la couverture de l'aide juridique
pour les personnes admissibles englobe tous les cas de défense.>
Est-ce que vous proposez, disons, que quelqu'un qui est poursuivi par la
ville de Montréal relativement à un ticket de stationnement ait
droit à l'aide juridique?
Mme Émond (Monique): Non, ce n'est pas...
M. Bélanger: C'est un cas de défense, on est
poursuivi.
Mme Emond (Monique): Non, non, non. Un cas de défense dans
les critères de l'aide juridique. Mais la personne doit...
M. Bélanger: Dans les critères, donc dans les
services qui sont présentement couverts.
Mme Émond (Monique): Dans le cadre du régime.
M. Bélanger: Vous ne demandez pas un élargissement
de la couverture actuelle, parce que ce sont des services qui ne sont
présentement pas couverts. C'est ce que je voulais comprendre.
Mme Émond (Monique): Ah! Dans ce sens, si c'était
ça, la question, oui.
M. Bélanger: Oui. Vous ne voulez pas un
élargissement? C'est dans le cadre des services qui sont
présentement couverts...
Mme Émond (Monique): Oui.
M. Bélanger: ...que vous voulez le maintien
automatique.
Mme Émond (Monique): En tout cas, c'est ce qu'on pensait,
oui. Mais on a dit aussi qu'on voulait que ça soit
réexaminé, les plans de...
Mme Blain (Louise): C'est surtout pour la poursuite qu'il faut
que ce soit réexaminé. Mais c'était suite aux questions
qu'il y avait dans le document, qui supposaient que, s'il n'y a pas de peine
d'emprisonnement, peut-être qu'on pourrait ne pas avoir... Si tu es
condamné à payer 100 000 $, je pense que ça vaut la peine
de te défendre quand même. Tu sais, il y avait toute une
série de questions qui donnaient des exemples: Est-ce qu'on peut donner
l'aide juridique s'il n'y a pas de peine d'emprisonnement au bout, ou d'autres
choses comme ça. Alors, on se disait: Non, on a droit à une
défense, peu importe la peine au bout, peu importe...
M. Bélanger: Dans le paragraphe qui suit, vous proposez la
formation d'un comité de travail qui serait chargé d'analyser en
profondeur les domaines devant faire l'objet de la couverture de l'aide
juridique et ceux qui pourraient en être exemptés. Je veux dire,
je suppose que, par cette proposition, vous voulez un comité qui serait
différent de celui qui va être formé, j'en suis certain,
par le ministère de la Justice. Parce que, suite à cette
commission, je suis certain que le ministère de la Justice va examiner
la possibilité de modifier la couverture ou de la maintenir telle
quelle. Alors, je suppose que c'est un comité différent, qui
serait extérieur, où il y aurait des membres du public que vous
voudriez avoir?
Mme Émond (Monique): Un comité ad hoc, oui. Mais,
ma préoccupation, c'est parce qu'on le sent dans tous les documents que
c'est remis en cause. Il y a des choses qui sont remises en cause, et, nous
autres, on ne se sentait pas aptes à le trancher, en septembre 1993,
à une vitesse rapide, et à dire: On tranche là-dessus.
Mais on s'est dit: Je pense qu'il y aurait nécessité,
effectivement, qu'il y ait un comité ad hoc qui travaille sur cette
question-là, qui fasse des propositions et des recommandations, et qu'on
puisse aussi, c'est très important, pouvoir émettre notre opinion
ensuite.
M. Bélanger: Ça va, je vous remercie.
Le Président (M. Parent): Je vais reconnaître M. le
député de Chapleau.
M. Kehoe: Merci, M. le Président. Dans une de vos
suggestions dans les critères d'admissibilité, vous parlez
d'instaurer un volet contributif. Ça, c'est contraire à la
plupart des autres associations comme la vôtre qui ont comparu devant la
commission, des associations concernant des travailleurs, des travailleuses.
Enfin, c'est quelque chose qu'on n'a pas vu tellement souvent dans les
différents mémoires que nous avons à étudier. Vous
mentionnez dans votre mémoire: instaurer un volet contributif dont le
niveau serait le plus élevé possible, quitte à ce que les
plus hauts revenus remboursent en entier les frais encourus. J'aimerais
ça entendre exactement ce que vous voulez dire par ça.
«C'est-u» une espèce de ticket modérateur?
«C'est-u» une contribution pour ouvrir un dossier? Exactement,
qu'est-ce que vous voulez dire par ça?
Mme Blain (Louise): Bon, ça a peut être
été un petit peu expliqué tout à l'heure. Non, ce
n'est pas un ticket modérateur, ce n'est pas des frais pour ouvrir le
dossier. Ce qu'on demande, c'est qu'il y ait une partie de la population, qui
est couverte maintenant, indexé depuis 1973, qui y aurait droit si on
avait indexé le montant depuis 1973, que cette partie-là soit
exemptée de tous frais. Mais ce qu'on aimerait, c'est élargir une
échelle, mettre l'échelle d'admissibilité plus large et
permettre à plus de monde d'avoir accès. Le problème,
c'est que, quand on met, par exemple: 15 000 $ et moins, vous y avez droit; 15
000 $ et plus, vous n'y avez pas droit, à ce moment-là, si je
gagne 16 000 $, je n'ai pas les moyens d'avoir un avocat de pratique
privée mais je n'ai pas accès à l'aide juridique.
Donc, aussitôt qu'on dépasse le seuil
d'admissibilité, c'est fini. Mais, ces gens-là ça
peut être une question de 5 $, bon ont aussi droit à la
justice mais n'ont pas plus les moyens de se payer des frais d'avocat. Donc, si
on met une échelle progressive qui fait que, à partir d'un
certain seuil, plus on augmente en revenus, plus on paie une partie des frais,
à ce moment-là, il y aurait plus de personnes qui auraient droit
à l'aide juridique, quitte à payer un certain montant. (11 h
50)
M. Kehoe: Mais avez-vous fait un estimé
quelconque de ce que ça peut coûter, ça? Est-ce que
vous voulez dire que tout le monde devrait avoir droit à l'aide
juridique, puis les personnes qui ont plus de revenus devraient acquitter,
rembourser les frais en entier?
Mme Blain (Louise): On n'a pas dit tout le monde, on a dit
d'élargir l'échelle d'admissibilité jusqu'à un
certain revenu, qu'on n'a pas fixé, mais qu'il y ait plus de monde qui
ait accès, parce que c'est très arbitraire quand on donne un
montant et qu'au-dessus de ça on n'a pas le droit et, en bas de
ça, on a le droit; ça devient très arbitraire, et on
exclut encore toute une couche de la population des services juridiques. Alors,
si on y va graduellement, si j'ai un certain montant qui ne me permet pas
d'avoir le service gratuit mais qui me permet d'y avoir accès à
coût moindre que dans le service privé, à ce
moment-là, il y aurait plus de personnes qui auraient accès
à la justice, quitte à payer un montant qui reviendrait, de toute
façon, à beaucoup moins cher que si on faisait affaire avec le
privé.
M. Kehoe: D'accord. Mais vous n'avez pas fait un estimé du
coût que ça peut représenter...
Mme Émond (Monique): Non, non.
M. Kehoe: .. .cette suggestion?
Mme Émond (Monique): L'impact, non.
Mme Blain (Louise): On n'a pas les moyens de faire un
estimé comme ça.
M. Kehoe: D'accord, merci.
Le Président (M. Parent): Ça répond à
vos questions, M. le député de Chapleau?
M. Kehoe: Merci.
Le Président (M. Parent): Alors, je vais reconnaître
la députée de Terrebonne. Mme la députée.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Vous avez
insisté beaucoup, et c'est votre première recommandation dans la
déjudiciarisation, sur le rôle de l'information, de
l'éducation et de la prévention. Je suis parfaitement d'accord.
Vous avez aussi parlé d'une inégalité à ce
niveau-là, dépendamment des régions. J'étais
très heureuse que vous citiez la région de Lanaudière
comme une région qui avait offert de très bons services; c'est ma
région, ça m'a fait plaisir.
Mais je pense que l'élément important... Vous dites que,
finalement, ils se sont tranquillement délestés au fil des
années pour se concentrer plus sur le service, et je dois dire que, dans
certains cas, on n'a vraiment pas le choix parce que le nombre de dossiers
qu'ils ont à traiter... Parce qu'on sait qu'en région il n'y a
pas beaucoup d'avocats de la pratique privée qui acceptent des mandats
d'aide juridique; il y en a, mais il y en a moins qu'à Montréal
où il y a beaucoup plus d'avocats. Alors, automatiquement, quand vous
avez un nombre important de dossiers, au niveau de la prévention, c'est
plus difficile. C'est ce qui a donné naissance aussi, je pense, à
plusieurs cliniques juridiques, des associations à but non lucratif
aussi qui se vouent davantage à cette cause-là. Je pense qu'il va
falloir faire un choix au niveau de la prévention, de l'éducation
et de l'information, que ce soit par les associations à but non lucratif
qui seraient subventionnées par les programmes ou en ajoutant du
personnel dans les bureaux d'aide juridique, parce qu'il faut remplir cette
mission-là; elle est importante, elle permet de
déjudiciariser.
Sur la médiation familiale, nous sommes parfaitement en accord
avec vous, nous étions contre la loi qui a été
votée. Je veux juste vous faire faire une petite précision, parce
que nous sommes convaincus de l'importance de la médiation familiale,
qu'il faut axer sur cette médiation-là. Par contre, certains
groupes sont venus nous dire qu'il faudrait peut-être mettre certaines
balises, qu'il faudrait peut-être certains critères parce que,
souvent, et surtout les femmes qui se présentaient pour de la
médiation n'avaient pas autant d'agressivité dans leur demande et
étaient défavorisées en partant lorsqu'elles se
retrouvaient en médiation familiale. Est-ce que, à votre
connaissance, avec les gens que vous rencontrez, et tout ça, vous pensez
qu'il faudrait qu'on mette certaines balises pour assurer une meilleure
égalité des chances, disons, au niveau de la médiation
familiale?
Mme Émond (Monique): moi, je sais à quoi vous
référez. entre autres, les femmes victimes de violence, on disait
que la médiation n'avait vraiment pas de place là. aussi, moi, je
pense que le rôle du médiateur ou de la médiatrice... il
est super important d'essayer de voir que les deux parties sont
égalitaires dans une certaine mesure. mais, nous, notre
préoccupation, c'était surtout de dire que, les problèmes
d'ordre matrimonial, c'est plus des problèmes à caractère
social, et c'est pour ça que, nous, indépendamment des balises...
parce que, moi, je pense que, oui, il faudrait en mettre, des balises, mais,
avant de mettre des balises, il faudrait accepter le principe de la
médiation, donc de la médiation hors cadre juridique, qui fait
qu'effectivement... c'est pour ça que je n'ai pas eu ma réponse.
avant d'aller dîner, on voudrait avoir la réponse de notre
ministre. qu'est-ce qui arrive avec ça? est-ce qu'il y a une ouverture
de la part du ministre de la justice pour dire effectivement d'ouvrir la
médiation familiale en dehors de la procédure juridique, si on
veut? ce qui aurait l'effet de diminuer grandement les coûts de la
justice, à mon avis.
Le Président (M. Parent): 11 reste encore du temps au
ministre de la Justice pour vous répondre après qu'on aura
entendu Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Alors, merci, M. le Président. Oui, je savais
que vous n'aviez pas eu votre réponse, alors,
pour moi, c'était important de revenir sur la médiation
familiale.
Mme Émond (Monique): Je vous remercie de m'y avoir fait
penser.
Mme Caron: Vous avez aussi parlé vraiment de l'importance
d'associer la population et, à plusieurs reprises, qu'il fallait que les
citoyens du milieu se retrouvent sur les différentes instances. Et vous
souhaitez suivre le modèle des CLSC, c'est-à-dire que vous
souhaitez que ce soit une élection sur le même principe que le
CLSC ou comme les commissions scolaires?
Mme Émond (Monique): Oui, oui, un conseil d'administration
dûment élu. C'est vraiment la préoccupation de dire... Ce
n'est pas vrai qu'une région c'est pareil comme une autre, que les
préoccupations sont les mêmes, qu'ils ont les mêmes besoins
juridiques, les même besoins de connaissance, mais il faut toujours avoir
aussi à l'esprit de déjudiciariser ou d'informer les gens. Donc,
le rôle de l'aide juridique... Si en plus on met autour de cette
structure-là des gens qui viennent de la communauté et qui
disent: Écoute, c'est clair qu'il y a un besoin x auquel il faut
répondre ou qui va nous entraîner moins de cas individuels,
peut-être même, jusqu'à ce niveau-là, donc, pourquoi
ne pas avoir, dans le fond, des antennes dans la région, dans la
communauté? Je pense que c'est un plus.
Le Président (M. Parent): Mme la
députée.
Mme Caron: Je vous remercie beaucoup, et puis j'ai bien
hâte d'entendre la réponse du ministre sur la médiation
familiale.
Une voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Parent): M. le ministre, sur ce, nous
vous écoutons.
M. Lefebvre: Mme Émond, j'apprécie beaucoup
l'insistance avec laquelle vous revenez sur ce qui est important pour vous et
votre organisme, et pour Mme Blain, évidemment, également. Vous
semblez nous indiquer, et dans votre mémoire et dans vos propos, que
dans certains cas vous pourriez vous passer d'avocat. Je vous vois travailler,
là, et je réalise que vous pourriez vous-même
représenter plein de clients devant les tribunaux avec de très,
très bonnes chances de succès.
La médiation, parce que, au-delà du compliment, vous
voulez une réponse. Alors, au printemps dernier, en 1993, on a
déposé, effectivement, une loi modifiant le Code de
procédure civile pour implanter le principe de la médiation en
matière familiale. Évidemment, le principe et la mise en place de
la structure, c'est différent. On est présentement, au
ministère de la Justice, à discuter avec des collègues qui
sont concernés par la médiation Santé et Services
sociaux particulièrement,
Condition féminine du processus pour la mise en place de
la médiation en matière familiale. La mise en place, ça
veut dire des effectifs, ça veut dire, évidemment, des budgets,
ça veut dire aussi l'accréditation des médiateurs, entre
guillemets. Alors, c'est là-dessus qu'on discute
présentement.
Moi, je vous dis, ma position personnelle, c'est oui à la
médiation. Je l'ai dit tout à l'heure, la médiation,
ça fait partie d'un ensemble de gestes qu'on doit poser. Ça
rejoint ce que vous disiez tout à l'heure et ce que plein d'organismes
nous ont indiqué, qu'on a besoin d'information. Vous parlez beaucoup
dans votre mémoire de la non-judiciarisation, et vous avez raison. Vous
avez raison là-dessus. D'ailleurs, j'en profite pour vous indiquer qu'en
matière criminelle il faut se pencher sur la possibilité
d'éliminer le processus de l'enquête préliminaire.
Ça, évidemment, ça relève du gouvernement
fédéral parce que c'est le Code criminel, c'est de juridiction
fédérale, mais éliminer l'enquête
préliminaire maintenant qu'on a le processus de la communication de la
preuve. Alors, tout ça, ça va ensemble, l'information, la
médiation. Et je vous dis: Oui, la médiation, pour moi, c'est
important. C'est pour ça, tout à l'heure, que j'ai insisté
beaucoup.
Et je vous incite à rappeler aux avocats, et je vais vous lire
textuellement ce qui existe dans la loi du divorce, au paragraphe 9:
«Devoirs de l'avocat. Il incombe à l'avocat qui accepte de
représenter un époux dans une action en divorce: b) de discuter
avec son client des possibilités de réconciliation».
Ça, c'est le texte français. Le texte anglais, c'est: «Duty
of legal adviser». «Duty». (12 heures)
Et, vous savez, la médiation, ça commence là. C'est
volontairement que je le répète, parce que c'est important pour
vous autres, et je vous invite à le rappeler aux avocats que vous
côtoyez, que vous connaissez, qu'ils ont l'obligation, ou presque
je vous lis textuellement la prescription de l'article 9 de la loi du
divorceà tout le moins morale, sinon plus, de travailler à
réconcilier les couples. C'est ça, de la médiation. Et
s'ajoute à tout ça le processus auquel j'ai fait
référence tout à l'heure, qui est en marche. Il y a une
législation qui a été passée, et je suis convaincu
à l'avance que l'Opposition va nous aider à concrètement
mettre en place ce régime, ce système de médiation, en
même temps qu'on travaille également sur la perception des
pensions alimentaires, le système de perception des pensions
alimentaires.
Il y a plein de choses dont on pourrait discuter jusqu'à 15
heures après-midi, mais ce n'est pas simple. Ça demande un
changement d'attitude, puis c'est là-dessus que vous avez
insisté, vous avez raison, puis ça demande aussi,
évidemment, la mise en place de structures puis des crédits
budgétaires additionnels.
Je vous remercie de la qualité de votre mémoire et je vous
remercie aussi d'être venues ici toutes les deux, Mme Blain et Mme
Émond, pour défendre votre point de vue et celui de ceux et
celles pour qui vous travaillez à tous les jours.
Le President (M. Parent): Merci, M. le ministre. Merci, Mme la
porte-parole de l'Opposition officielle. Merci, mesdames.
Nous allons suspendre quelques instants pour accueillir dans quelques
minutes Accès-Justice.
(Suspension de la séance à 12 h 2)
(Reprise à 12 h 4)
Le Président (M. Parent): Alors, j'invite les membres de
cette commission à prendre place. Et nous allons procéder
à la dernière audition de notre journée de travail en
accueillant les représentants d'Accès-Justice.
Les représentants d'Accès-Justice. J'invite Mme Lorraine
Gauthier, Mme Debbie Yacoulis et M. Normand Filiatrault à bien prendre
place aux sièges devant moi.
Excusez, madame. Vous distribuez quoi, là? Madame?
Accès-Justice Une voix: Oui, oui, oui...
Le Président (M. Parent): Qui est le porte-parole
d'Accès-Justice?
Mme Gauthier (Lorraine): C'est moi.
Le Président (M. Parent): Oui? Alors, quel est le bon
document, celui que vous nous avez fait parvenir ou celui que vous nous
distribuez aujourd'hui?
Mme Gauthier (Lorraine): Non. C'est parce que c'est quelqu'un
d'autre qui vous l'a remis. C'est celui que je vous ai fait parvenir. Et
celui... Ah! vous l'avez eu, tout le monde? Parce que je ne pensais pas que
vous l'aviez eu. C'est celui-ci.
Le Président (M. Parent): Alors, le document officiel,
là...
Mme Gauthier (Lorraine): C'est celui-ci.
Le Président (M. Parent): ...c'est celui-ci,
«Accès-Justice», avec la couverture verte.
Mme Gauthier (Lorraine): Bien, ils ont tous les deux des
couvertures vertes, mais c'est la grosse photo.
Le Président (M. Parent): Est-ce que c'est le même
contenu que le mémoire que vous nous avez fait parvenir?
Mme Gauthier (Lorraine): Oui, c'est le même contenu que le
mémoire.
Le Président (M. Parent): Pourquoi est-ce qu'il est
changé?
Mme Gauthier (Lorraine): Pardon?
Le Président (M. Parent): Pourquoi est-ce que vous nous en
donnez un autre?
Mme Gauthier (Lorraine): II n'a pas changé, je ne savais
pas qu'ils en avaient donné une copie à tout le monde. Elle
m'avait dit d'en rapporter 25, alors j'en avais conclu...
Le Président (M. Parent): Alors, ça, c'est la
même copie, exactement, sans aucun changement, que celle que vous avez
fait parvenir à la commission des institutions avant de vous
présenter devant nous.
Mme Gauthier (Lorraine): Ah! je ne le savais pas. Alors, à
ce moment-là... c'est parfait, c'est la même.
Le Président (M. Parent): Alors, c'est la même, pas
de problème. C'est juste pour l'information des membres de la
commission.
Alors, Mme Gauthier, Mme Yacoulis, M. Filiatrault, bienvenue. On vous
remercie d'avoir accepté l'invitation de la commission des institutions
à venir nous aider à cheminer dans l'amélioration ou
l'actualisation, selon le cas, de notre service d'aide juridique.
L'audience prévue avec votre groupe est prévue pour une
heure 60 minutes répartie également entre vous et
les membres des deux formations politiques. Qui est le porte-parole officiel de
votre...
Mme Gauthier (Lorraine): C'est moi, Lorraine Gauthier.
Le Président (M. Parent): C'est Mme Gauthier. Alors, Mme
Gauthier, vous êtes accompagnée de Mme Yacoulis?
Mme Yacoulis (Debbie): Oui.
Le Président (M. Parent): Et de M. Filiatrault. Est-ce
qu'il est ici, M. Filiatrault?
Mme Gauthier (Lorraine): Bien, M. Filiatrault est ici.
Le Président (M. Parent): Vous pouvez prendre place, si
vous voulez, M. Filiatrault, en avant. Soyez bien à votre aise.
Alors, nous vous souhaitons la bienvenue et nous vous écoutons,
madame.
Mme Gauthier (Lorraine): Moi, vraiment, je ne suis pas avocate et
puis je n'ai pas non plus... Je représente Accès-Justice, qui est
vraiment une association
pour des gens qui sont victimes de l'aide juridique. En ce sens, c'est
pour ça que j'aurais voulu changer la terminologie. J'aurais même
proposé qu'au lieu d'appeler ça l'aide juridique on appelle
ça accès-justice ou accès à la justice, parce que
je trouve que ce serait plus équitable. Parce que ce n'est pas une aide,
ça, c'est payé par les contribuables pour les contribuables, et
ça ne devrait pas être une aide, ça devrait être des
moyens d'accès à la justice. Alors, c'est pour ça que...
En préambule, la première de mes idées, c'est
celle-là. Je parle trop fort? C'est parce que j'entends...
Le Président (M. Parent): Non, non, ça va, madame.
Ça va très bien. Mais sentez-vous bien à votre aise si
vous voulez demeurer assise, hein!
Mme Gauthier (Lorraine): Non, je préfère être
debout...
Le Président (M. Parent): Oui? D'accord.
Mme Gauthier (Lorraine): ...parce que je ne suis pas
habituée de parler en public, puis ça m'intimide un peu,
m'asseoir.
Le Président (M. Parent): Ah! vous allez voir, on n'est
pas intimidants, hein!
Mme Gauthier (Lorraine): Non, mais c'est quand même un peu
difficile pour moi.
Aussi, la clientèle. La clientèle, bien, c'est vraiment la
classe moyenne du Québec, vraiment la classe moyenne. C'est pour
ça qu'aide juridique ça a toujours une relation avec les gens qui
n'ont pas les moyens de payer, et tout ça. Mais qui paie ce
système juridique là au Québec? C'est la classe moyenne,
c'est les travailleurs, et ce sont ces gens-là qui n'ont pas
accès. Parce que, quand on dit 9000 $ ou 23 000 $ avec deux enfants, je
regrette, moi, j'ai payé des avocats ha, ha, ha! et je
faisais beaucoup plus de salaire que ça, et c'est impossible de payer un
avocat avec ces salaires-là. Ce n'est pas de la classe moyenne,
ça, c'est de la pauvreté; 23 000 $ avec deux enfants, monsieur,
je ne sais pas comment vous pourriez arriver, mais c'est de la pauvreté,
ce n'est pas de la classe moyenne. Alors, on ne rend pas du tout l'accès
à la classe moyenne, à ce moment-là. On continue, encore
une fois, à s'occuper des gens, finalement, qui sont vraiment, vraiment
sans moyens et on ne s'occupe encore pas des gens qui paient pour le
système, c'est-à-dire les travailleurs qui paient avec leurs
impôts pour le système.
Alors, mon deuxième point, c'était ça, la
clientèle, mais par ricochet. Après que vous aurez compris le
fonctionnement de ma pyramide, vous allez voir, quand je dis «par
ricochet», ce que ça veut dire. (12 h 10)
Maintenant, l'évaluation de la situation actuelle. À la
page 3, vous avez une pyramide. Ce n'est pas la première fois que le
gouvernement reçoit, que les politiciens reçoivent des
mémoires et font des consultations. Il y a eu le Sommet de la Justice
où il y a eu plusieurs personnes, de grands chercheurs, qui ont
apporté plein, plein d'idées innovatrices. On ne sait pas ce que
ça a donné à date. Ça n'a pas donné
grand-chose, d'après le point de vue de la classe moyenne, quand c'est
le temps de payer des avocats. Moi, ce que j'ai fait, j'ai simplement repris
plusieurs de ces documents-là et puis j'ai essayé d'être
plus pratique que théorique, c'est-à-dire de trouver des moyens
concrets pour mettre ça en marche en diminuant le budget, pas en
l'augmentant, parce qu'on n'a plus d'argent. La classe moyenne, on ne veut plus
payer d'impôt. On n'a plus d'argent pour ajouter au système de
justice actuel. Alors, qu'est-ce qu'il faut faire? C'est qu'il faut
répartir l'argent autrement.
Si vous regardez à la page 3, pour moi, la pyramide, c'est
qu'elle fonctionne à l'envers, présentement, c'est-à-dire
que tout l'argent de la classe moyenne, les besoins de la classe moyenne sont
en haut, et, tout ça, ça s'écoule, et c'est le tribunal,
finalement, l'administration de la justice traditionnelle, c'est-à-dire
les juges et les avocats, qui bénéficie de tout cet
argent-là, et tout le monde en haut a l'impression d'avoir
été lésé ou de ne pas pouvoir y avoir accès;
ou ça dure trop longtemps ou on se ruine la santé. Alors,
vraiment, la classe moyenne, en haut, les gens qui sont vraiment là,
tout le budget est écoulé et passe à travers
comment on appelle ça un entonnoir, si vous voulez, et ça
retombe tout le temps, tout le temps sur les avocats qui font de l'argent, les
juges qui font de l'argent, les gens qui font des expertises, le système
en tant que tel, et les gens qui paient pour ce système-là n'ont
aucune possibilité de vraiment se faire défendre. C'est
très, très difficile. En tout cas, moi, je peux parler
d'expérience, et il y a plusieurs personnes qui ont parlé
d'expérience et qui m'ont parlé de leur expérience.
Et aller au bout d'une cause dans le système actuel, surtout
quand, l'autre côté, ce sont des spéculateurs ou des
municipalités ou des sociétés d'État, c'est
très, très difficile. Je veux dire, oubliez ça, là,
parce que, pour la classe moyenne, c'est pratiquement impossible, même
avec les meilleurs avocats, et ce ne sont pas les hommes là-dedans,
hein? Moi, je ne blâme pas les avocats parce que je sais que j'ai eu
d'excellents avocats. Mais c'est les coûts, les coûts mirobolants
qu'ils peuvent se permettre de charger, des frais, alors ce qui fait que, nous,
comme on ne peut pas payer ça, bien, ils sont à la disposition
des corporations ou des gens qui, vraiment, vraiment, ont plus d'argent pour
les payer. Alors, ça, moi, j'ai l'intention... Et, quand on en a
discuté ensemble, c'était ça, l'idée,
c'était de redistribuer les budgets pour que la pyramide soit vraiment
une pyramide, c'est-à-dire retournée sur sa base.
Alors, je ne le sais pas, est-ce que je peux prendre point par point
rapidement, maintenant?
Le Président (M. Parent): Madame, vous avez 20
minutes...
Mme Gauthier (Lorraine): Parfait.
Le Président (M. Parent): ...pour présenter...
Mme Gauthier (Lorraine): Alors...
Le Président (M. Parent): ...libre à vous de les
utiliser, oui ou non.
Mme Gauthier (Lorraine): Alors, notre service de justice actuel,
là, il souffre d'un cancer généralisé, selon mes
membres et selon moi, entraînant avec lui la désintégration
du tissu social. Et ce n'est pas des mots, parce qu'on voit aujourd'hui la
contrebande, on voit le travail au noir, on voit plein, plein de gens qui se
passent de la justice. On voit aussi des gens qui tirent à bout portant
pour se faire justice eux-mêmes de plus en plus. Alors, il est de
notoriété publique que la confiance envers les gouvernants et la
justice est érodée. Ça, je ne vous apprends rien, puis je
n'apprends rien à personne.
Des gens se suicident parce qu'ils se sentent impuissants à faire
valoir leurs droits ou leurs revendications face à la machine juridique,
qui est devenue mercantile. «Mercantile», ça, ça veut
dire: c'est une «business». D'autres tuent de rage seulement,
souvent, pour être entendus. Et ce ne sont pas des exceptions, hein! Les
familles se déchirent, les évaluateurs et les experts de toutes
les disciplines, outrageusement, gonflent les factures. Faites-vous faire des
expertises, ça coûte très, très, très cher.
Les municipalités, les sociétés d'État, les
compagnies ne respectent plus leurs ententes, car elles n'ont pas force de loi.
Alors, elles savent que les citoyens sont pris au piège des coûts
juridiques, et c'est vraiment David contre Goliath. Alors, même si elles
ne respectent pas leurs ententes, le citoyen, lui, qu'est-ce qu'il peut faire
contre ça? Il ne peut pratiquement pas se défendre, il n'en a pas
les moyens, et elles le savent.
Les travailleurs sociaux, psychologues, psychiatres et médecins,
ils reçoivent de plus en plus d'éclopés du système
juridique dont les nerfs n'ont pas su résister aux assauts du stress
créé par d'interminables conflits, d'interminables délais,
des procédures et des dépenses pécuniaires et
émotives outrageuses. Et des milliers de mères et d'enfants se
retrouvent sur le bien-être social suite au refus du père de payer
des pensions. Et c'est tellement compliqué pour la mère ou pour
même les enfants d'avoir recours à la justice, ça
coûte tellement cher, il y a tellement de stress et de déchirement
dans les familles qu'il y en a plusieurs qui abandonnent carrément.
Alors, ça fait du bien-être social, ça, ça retombe
sur les payeurs de taxes encore.
Des millions de dollars sont consacrés en frais d'avocat, de
cour, d'expertises diverses, argent de familles à revenus faibles ou
moyens, argent qui devrait servir aux besoins et à l'éducation
des enfants. Quand ça coûte 100 000 $ pour divorcer, et que
ça coûte des fortunes, et que ça prend cinq ans et plus,
les enfants sont déchirés. Et toutes ces personnes-là que,
moi, j'ai rencontrées, et en trois ans, M. Bélanger, j'en ai
rencontré plusieurs je le reconnais parce que je suis
allée déjà le voir pour ça j'ai
rencontré beaucoup, beaucoup de personnes et il n'y a personne qui n'est
pas tombé dans la médication, chez les travailleurs sociaux, qui
n'a pas eu affaire à des psychologues. Tout le monde a eu des
problèmes de santé, et les enfants sont entre ça. Alors,
ça, je trouve que c'est inadmissible que de payer si cher et puis d'en
venir à des résultats comme ça.
Alors, mon idée, c'est de renverser la pyramide, que vous allez
voir à la page 8. C'est la même pyramide, mais elle est
renversée. Parfait? Puis, moi, je l'ai appelée... Et ça,
ce n'est pas ma pyramide. Moi, je lui ai ajouté une tête et des
pattes, là, mais, la pyramide, c'est Jacques Dufresne qui l'avait mise
dans son annexe lors du Sommet de la Justice. Il y a beaucoup
d'Américains à San Francisco, Mme Grillo, par exemple, avait fait
quelque chose d'à peu près pareil. Ce n'est pas nouveau,
ça. C'est pour ça que, moi, je voudrais être plutôt
pratique, parce que je pense que, des idées, tout le monde en a. Mais
là c'est le temps d'être pratique pour répondre, pas aux
besoins du Barreau, pas aux besoins des avocats je n'ai rien contre ces
gens-là mais il faut répondre aux besoins de la classe
moyenne. Il faut tourner la pyramide parce que, maintenant, ce sont les
travailleurs qui paient la machine, qui servent la machine. Voyons! Ça
devrait être la machine qui sert les travailleurs. Et ça, quand
vous me parliez de budget, tout à l'heure je suis entrée
juste quelques minutes avant, mais j'entendais parler de budget
ça coûterait beaucoup moins cher, beaucoup moins cher, et beaucoup
plus efficace.
Maintenant, l'autorégulation vient à la base, le droit
préventif, les alternatives et le tribunal en haut seulement. Ça
veut dire qu'on commence avec une justice par la base, pour la base, pour
commencer. Après, tu as des moyens alternatifs, puis, après, tu
peux aller au tribunal. C'est sûr que des causes de meurtre, il y a des
choses, voyons, des choses qui ne se régleront pas, jamais, par la
médiation.
Je voudrais revenir, tout à l'heure, sur la médiation,
là, suite à ce que j'ai entendu. Mais j'aimerais juste
très, très rapidement lire ça, parce que sinon je n'aurai
pas le temps.
Alors, il faut favoriser les règlements à l'amiable en
s'assurant, par un code d'éthique, que les droits de chacune des parties
sont respectés. Parce qu'un règlement à l'amiable, comme
ça se passe présentement, là, ça, ce n'est pas un
règlement à l'amiable vraiment parce que ce ne sont pas vraiment
les parties impliquées qui passent. C'est toujours entre avocats. Donc,
le citoyen a l'impression qu'il a perdu; il a perdu le contrôle de sa
vie. Il a perdu le contrôle de même sa propre médiation,
souvent.
Et, tout à l'heure, j'entendais, je pense, M. le ministre, si je
ne me trompe pas, qui parlait de médiation, du devoir, que ça
ressemblait au premier devoir de l'avocat. Mais vous n'avez pas parlé de
médiation. Vous
avez parlé, pas de conciliation, mais de réconciliation.
C'est la dernière chose que les gens veulent, se réconcilier.
Mais ça n'a rien à voir. Moi, si je décide de divorcer, je
ne veux pas me réconcilier avec mon mari, voyons! Je veux qu'il y ait
une conciliation. Et, si j'ai bien entendu, tout à l'heure,
c'était «réconciliation». Alors, on reviendra
à ça, là, mais je pense que c'était ça, le
texte. En tout cas, de toute manière, vous pourrez me corriger, je ne
suis pas une experte. J'ai seulement cru entendre ça.
Inventorier d'autres solutions de règlement de conflit avec
d'autres intervenants. Les familles concernées, ce sont les
premières personnes, c'est les familles concernées. Les
ressources communautaires. Les bénévoles. Mais, quand on parle de
bénévoles, si j'ai cru bien entendre, là, la position du
Barreau là-dessus, pour lui, le bénévole, c'est aux
comités d'administration qui sont situés dans les bureaux d'aide
juridique. Mais ce n'est pas ça. Ça, ce n'est pas des
bénévoles qui vont à l'hôpital et puis qui disent:
Bonjour, monsieur, comment ça va? C'est des bénévoles qui
sont près de la famille, près des gens en conflit, comme
ça se fait dans plusieurs États américains, surtout en
Californie. Mais ça se fait en Finlande, ça se fait en
Norvège aussi. Et ce sont ces gens-là qui connaissent les deux
parties et qui peuvent, dans un état d'entente, vraiment, vraiment,
à ce moment-là, aider à une compréhension des deux
parties.
Parce qu'il faut que les deux... L'agresseur avait ses raisons. Quoi
qu'on en pense, ils ont des raisons. Puis la victime aussi a ses raisons.
Alors, les deux s'obstinent à n'en plus finir. Si on met un
médiateur qui est habitué, qui a toute sa formation pour
régler des litiges et que la confrontation le paie, c'est sa vie, c'est
sa source de richesse. Alors, si on met des avocats qui sont habitués
à la confrontation à ce stade-là, bien on passe à
côté complètement.
Quand on dit des bénévoles, moi, quand je dis des
bénévoles et que la classe moyenne parle de
bénévoles, on ne veut pas parler d'un conseil de
bénévoles qui sont attachés à un comité
d'administration au bureau d'aide juridique. On parle de, quand il y a vraiment
des problèmes et ça se fait même au niveau des
écoles primaires et secondaires à San Francisco, un peu partout
c'est les gens qui sont autour qui se trouvent à...
À qui je parle? À qui je dois m'adresser quand je
parle?
Le Président (M. Parent): Toujours au président,
madame.
Mme Gauthier (Lorraine): Toujours au président? Parce que
là je ne savais pas... (12 h 20)
Le Président (M. Parent): Et ça me fait plaisir de
vous entendre, de vous écouter.
Mme Gauthier (Lorraine): Mais c'est parce que je parle fort,
parce que, tout à l'heure, je n'entendais rien. Alors, là, j'ai
dit: Au moins ils vont m'entendre. S'ils ne sont pas intéressés,
tant pis. Ha, ha, ha!
Donc, ces bénévoles-là, c'est très,
très important que ce soient des gens qui connaissent déjà
les parties en conflit. Pas des étrangers, là, qui ont le mandat
d'être bénévoles. Ça, c'est du «cheap
labour», puis ce n'est pas ça qu'on veut.
Aussi, il faut inventorier d'autres solutions de règlement de
conflit avec d'autres intervenants, mais, aussi, on a des programmes
d'informatique. On est à l'an 2000. Alors, aujourd'hui, vous avez toutes
les lois et la jurisprudence. Ça, c'est tout entré sur
réseau. Présentement, c'est les avocats et les notaires qui ont
accès à ça. Ça a été fait par la
Chambre des notaires. On m'a dit que c'était avec des subventions, donc
ça a été payé beaucoup par les contribuables, et
c'est déjà entré. Donc, un programme informatisé,
cinquième génération, très simple, qu'on appelle
«Users friendly», peut très, très bien, par
thèmes, avec un bon conseiller technique, un bon technicien
légal, juridique qui est payé au salaire d'un technicien
juridique, c'est-à-dire pas plus cher qu'une infirmière puis pas
plus cher qu'un professeur ou un enseignant pourquoi plus? pourquoi
profiter du malheur des gens? il y a comme une limite à ça
alors, ce qu'on pense, c'est qu'il pourrait très, très bien
utiliser, sortir toutes les données de l'ordinateur, les jurisprudences,
tout ce qui a rapport à son cas, très simplement
ça, c'est très simple de faire ça pour un programmeur
et, comme ça, au lieu d'aller voir cinq, six avocats pour te
faire donner trois, quatre réponses différentes, bien, tu vas
être sûr, hein, que tu as tes bonnes réponses, les bonnes
jurisprudences concernant ça, et ça a pris au maximum une heure.
Puis c'est déjà entré dans les réseaux, c'est
déjà entré sur cassette, sur disquette, pardon.
Alors, vers l'an 2000, là, il faut commencer à vraiment
utiliser la technologie moderne. C'est fini, des paperasses; ça
empêcherait beaucoup, beaucoup de paperasses à n'en plus finir,
des huissiers, des pertes de ci, des pertes de ça. Les informations
pourraient nous arriver, et on est sûr que ce sont les bonnes
informations, ce qui n'est pas toujours le cas avec des avocats. Moi, j'ai
déjà vu des avocats; sur quatre, là, pour un litige
municipal, j'ai eu trois réponses différentes. Ça fait que
ça aussi, là... Même si on paie, on n'est même pas
sûr qu'on a la bonne réponse, alors, parce que les gens sont plus
ou moins spécialisés dans plus ou moins de choses, ont plus ou
moins d'expérience avec ce cas-là, puis je ne blâme pas les
individus, mais je dis: Pourquoi, nous, on continuerait à
perpétuer à payer pour rien, tu sais?
Encourager les intervenants et la communauté en
général à prendre conscience de leur degré de
responsabilité parce que ce qu'on est en train de faire, c'est
ça, là, le degré de responsabilité des gens, on
l'oublie parce que c'est légal, c'est légal, là, tu peux
tout faire en mettant à leur disposition des moyens
éducatifs vidéo ou autres. Fixer des paramètres pour les
délais, pour les procédures, pour les coûts. Aussi, rendre
les
recours collectifs plus faciles d'accès. Les recours collectifs,
je les ai mis dans l'alternatif.
Le régime d'assurances mixte État-particulier. Mais je
n'ai pas du tout la même idée que le Barreau ou que la position du
Barreau, puis j'ai cru entendre parce que je ne suis même pas
sûre que c'est la bonne, là, c'est seulement ce qui m'a
été reflété par les journaux qu'ils veulent
un système d'assurances mixte État-particulier. Parce que
l'État, je veux ça en dernier ressort, parce que toute la base,
ça ne coûte rien. Les mesures alternatives, ça ne
coûte pratiquement rien non plus. C'est important que les gens paient
pour leur responsabilité, aussi, comme on le fait présentement
aux petites créances ou des choses comme ça, même si c'est
plus élevé. Mais les assurances, ça pourrait être
seulement une fois qu'on se rend au tribunal. Parce que, si on ne se rend pas
au tribunal, là, à quoi ça sert d'avoir des
assurances?
Le Président (M. Parent): Sans vouloir vous brimer,
madame, je vous informe que votre temps est à peu près
terminé.
Mme Gauthier (Lorraine): Mon temps est terminé?
Le Président (M. Parent): Mais si vous pressez... Oui.
Mais si vous voulez...
Mme Gauthier (Lorraine): J'ai commencé à 12 h 15,
il est 12 h 25!
Le Président (M. Parent): Remarquez bien... Vous n'avez
pas commencé à 12 h 15, je regrette. Si vous voulez continuer, je
vous... Non. Je veux vous informer, moi, que, si vous voulez continuer, je n'ai
aucune objection.
Mme Gauthier (Lorraine): Oui.
Le Président (m. parent): c'est que vous aurez moins de
temps pour... ^
Mme Gauthier (Lorraine): Pour les questions. Le
Président (M. Parent): ...dialoguer entre...
Mme Gauthier (Lorraine): Alors, je vais faire ça vite.
Le Président (M. Parent): Bien, allez-y, soyez bien
à votre aise.
Mme Gauthier (Lorraine): II y a différentes formes...
Le Président (M. Parent): Je vous donne le choix de
continuer ou de dialoguer plus longtemps avec les membres de la commission.
Mme Gauthier (Lorraine): Je vais aller vite. Le
Président (M. Parent): Non, non.
Mme Gauthier (Lorraine): Le téléphone juridique. Il
existe présentement, en France, depuis peu, un téléphone
juridique qui permet d'être en ligne avec des juristes
spécialisés dépendant de différents
ministères et qui prennent le temps de répondre aux questions des
citoyens en toute confidentialité. Ça, ce ne serait pas cher, ce
serait excellent aussi.
Rendre les contrats exécutoires. Favoriser la prévention
de conflits ultérieurs en mettant à la disposition des deux
parties impliquées les contentieux et les recherchistes qui,
présentement, sont exclusivement au service des organismes publics et
gouvernementaux. C'est-à-dire que, nous, les payeurs de taxes, nous
payons pour les contentieux, les avocats, les recherchistes des
sociétés d'État, des municipalités, de tout ce
monde-là quand on signe un contrat avec eux, et, nous, on est seuls,
comme des caves, on n'a personne pour nous rendre service, pour nous aider,
excepté qu'il faut payer des avocats, des évaluateurs. Et c'est
notre argent, là, qui a servi à payer l'autre côté.
Et c'est supposé être un service de justice pour le monde, pour la
classe moyenne, pour les citoyens.
Alors, ce qu'il faut faire, à mon avis, c'est que, tous ces
gens-là de contentieux et les recherchistes, ils devraient faire une
conciliation. Avant de signer un contrat, ils devraient informer si on a
à faire... Moi, si j'avais voulu, avant de signer, par exemple, un
certain contrat, j'aurais pu téléphoner à une
recherchiste. Elle aurait pu me rendre le même service qu'elle va rendre
à la personne du bon côté, hein, de l'autre
côté, mais qui est quand même payée avec mes
impôts aussi. Aussi, ce serait plus équitable et puis ça
empêcherait aussi les lourds honoraires qui vont suivre, après,
pour les expertises, et tout ça.
Alors, les membres d'Accès-Justice ont multiplié les
suggestions de propositions et... Attendez un peu. Il faut que j'aille vite;
ça, ça m'énerve.
Le Président (M. Parent): Alors, madame, si vous voulez
bien, on va procéder à la période de dialogue avec les
membres de cette commission.
Mme Gauthier (Lorraine): Mais je ne veux pas. Est-ce que je peux
continuer?
Le Président (M. Parent): Écoutez, madame...
Mme Gauthier (Lorraine): Vous m'avez dit que je pouvais, tout
à l'heure, continuer.
Le Président (M. Parent): Madame, moi, je vais vous dire
une chose, vous avez manifesté votre intention de venir
témoigner, nous sommes ici pour vous entendre, et je me dois quand
même de vous rappeler que le temps que vous prenez, vous le prenez
aux deux formations politiques. Et, si vous voulez dialoguer avec eux,
leur poser des questions et avoir des réponses, c'est à vous de
prendre la décision. Ce n'est pas à moi.
Mme Gauthier (Lorraine): Bon, bien, ça va, mais il me
restait une page, puis ça ne m'a pas pris 20 minutes à lire
ça, je ne pense pas.
M. Bélanger: M. le Président... Le
Président (M. Parent): Oui.
M. Bélanger: ...moi, je pense qu'on est ici avant tout
pour écouter les gens.
Le Président (M. Parent): Oui, pour écouter. Ah! je
suis d'accord avec ça, moi aussi.
M. Bélanger: Quant à moi, je suis prêt
à donner mon temps de questions pour que madame puisse exposer ce
qu'elle a à dire.
M. Lefebvre: S'il vous reste une page, allez-y, madame.
Mme Caron: Oui, oui.
Le Président (M. Parent): Ah oui!
M. Lefebvre: Allez-y, allez-y, allez-y.
Le Président (M. Parent): Moi, c'est une mise en garde que
je vous ai faite; ce n'est pas une directive.
Mme Gauthier (Lorraine): Vous m'avez fait une mise en garde et
j'ai décidé de passer outre. Je passerai moins aux questions. Je
préfère dire ce que j'ai à dire.
Le Président (M. Parent): Allez! On vous
écoute.
Mme Gauthier (Lorraine): D'accord.
Le Président (M. Parent): Bon, prenez votre temps,
là.
Mme Gauthier (Lorraine): Maintenant, si on retourne la pyramide,
il va y avoir des économies en conséquence. Alors, à mon
avis, il n'y a besoin d'aucune augmentation de budget. Ça se fait
ailleurs, ça coûte beaucoup moins cher. D'abord, la base,
ça ne coûte rien. Ce sont les familles impliquées, la
communauté après.
Et j'avais une chose très, très importante aussi je
ne sais plus où c'est rendu, ça là. Vous allez trouver que
je vais loin dans mon affaire. Mais, moi, je pense que c'est une approche
évolutive, ça, selon moi.
Ce n'est pas alternatif, c'est évolutif, et je ne voudrais pas
qu'on oublie la philosophie de ce projet de justice évolutif que, nous,
on suggère. C'est redonner aux citoyens la responsabilité de
leurs actes, à long terme. Il est prouvé que ce n'est pas par la
répression qu'on atteint ce but-là à long terme, parce que
la répression, c'est pire, mais bien par l'éducation et la
compréhension profonde des motifs qui mènent à la
déviance et à la délinquance, quel que soit le type de
délinquance.
Alors, que ce soit par passion, que ce soit par avidité ou un
autre motif, l'être humain, lui, il dépend de son
éducation, puis il dépend de la société en
général. Si c'est un «free-for-all», si c'est
l'anarchie, si la personne n'a pas de famille, alors c'est facile de la
blâmer, puis de dire: Tu as fait ça, tu as fait ça, tu as
fait ça.
Alors, ce que je pense, c'est qu'on pourrait s'inspirer un peu,
peut-être, de la manière des autochtones. On pourrait
peut-être s'inspirer de la manière très organisée
mais animée d'un grand esprit communautaire, de la manière dont
les autochtones géraient leurs conflits internes avant l'arrivée
des Blancs. Il n'y avait pas d'avocat ou de quoi que ce soit et leurs conflits
internes étaient réglés justement par un comité
comme ça, si vous voulez, de sages ou de personnes qui connaissaient les
gens, et ils réglaient comme ça. Et le gars, il ne pouvait pas se
lever et partir, comme c'est le cas présentement pour la
médiation ou la conciliation. Et c'est pour ça que la
conciliation devrait être obligatoire, parce que, s'il peut sortir... Et
ça, je peux vous envoyer beaucoup, beaucoup de témoignages de
ça, quand ce n'est pas obligatoire, la personne qui est très
enragée, très fâchée, si ce n'est pas comme elle
l'entend, elle va sortir. Mais il ne faudrait pas qu'elle puisse sortir
à ce premier stade là. Après, il y aura d'autres stades.
Mais, celui-là, il faudrait vraiment qu'elle passe à travers.
Pour l'aider à passer à travers cette première instance
là, à mon avis, il faudrait faire autre chose. (12 h 30)
Et ça, je vais vous le lire pour ne pas perdre de temps. Je n'ai
jamais vu une chose comme ça. J'ai travaillé tellement fort
après ça, puis j'ai 15 minutes pour l'expliquer. Si la
conciliation devait être obligatoire en première instance, je
crois qu'avant même d'entamer cette étape là, vous
allez peut-être tous rire de moi, mais, à mon avis, c'est la plus
importante il faudrait une courte thérapie de quelques heures,
par quelqu'un qui est habilité à le faire, quelqu'un qui est
objectif, qui est empathique, en toute confidentialité, pour donner
autant aux victimes qu'aux agresseurs, la chance d'exprimer leurs motifs et
leurs sentiments profonds, leur rage, leur impuissance, leurs regrets, leur
haine. Parce que là ils sont toujours enragés, puis tout ce que
vous voulez; ils n'ont pas eu le temps d'évacuer ça. Mais, si
avant même d'entreprendre une médiation...
On les emmène en médiation comme ça. Voyons donc!
Ils ne veulent rien savoir! Tandis que, si on pouvait... Et beaucoup, beaucoup
de gens me l'ont dit,
ça, et surtout des agresseurs me l'ont dit: Si j'avais eu la
chance avant, si j'avais été arrêté, puis si j'avais
eu une personne qui m'avait écouté, que j'avais sentie
empathi-que, avec laquelle j'avais senti que c'était en toute
confidentialité que j'aurais pu exprimer mes émotions, j'aurais
pu essayer d'exprimer mes conflits. Ça lui aurait donné la chance
de savoir les motifs pourquoi, lui, il a fait ça les trois quarts
du temps, ils ne le savent même pas et ça donnerait aux
victimes aussi la compréhension de l'autre. Donc, on revient vraiment
dans la restructuration du tissu social qui est en train complètement de
s'éroder.
Donc, au lieu d'avoir tout un paquet de trous, là, on a des gens
qui sont ensemble et qui essaient de se comprendre les uns les autres,
premièrement. Ça, ça ne veut pas dire: On laisse la porte
ouverte à tous les abus, puis ils ont rien qu'à me comprendre,
puis je vais voler 100 000 $, comme ça je vais me ramasser avec 50 000 $
avec la conciliation «half-and-half». Ce n'est pas ça que
ça veut dire. Il est quand même responsable de ses actes. Mais,
pour qu'il réalise qu'il est vraiment responsable de ses actes et qu'il
accepte de payer le prix, il faut d'abord qu'il soit conscient de l'acte qu'il
a posé, et il faut aussi j'achève, monsieur, là
qu'il ait vidé sa rage et que les deux parties essaient d'avoir
un effort de compréhension de part et d'autre avant même
d'entreprendre la médiation et la conciliation qui un point
très important, à mon avis devraient être faites par
des conciliateurs spécialisés, pas par des avocats, parce que
toute leur formation est faite en vue de confrontations pour créer des
litiges.
Donc, à moins qu'il y en ait qui veuillent vraiment embarquer
là-dedans, mais à un salaire de technicien et un salaire
de technicien, ce n'est pas le salaire d'un avocat alors peut-être
qu'il y en a qui sont intéressés... J'ai parlé à
plusieurs jeunes, ils sont emballés par ça. Mais il faut vraiment
une discipline personnelle et il faut aussi un niveau de moralité assez
élevé, que ce soit au-dessus du mercantilisme, et au-dessus des
profits, et au-dessus de l'homme d'affaires.
Quand la justice est devenue une «business», moi, j'ai
l'impression qu'on passe à côté, et c'est très,
très, très dangereux. Je ne suis pas la seule. Je dis
«moi», mais tous les gens qui m'ont contactée, je suis
sûre que vous le savez aussi, tout le monde le sait. Alors, ce n'est pas
une question de budget.
Ce n'est une question de mauvaise volonté de personne, c'est une
question de système qu'il faut remettre à la bonne place, sur la
tête. A la base, qu'ils règlent leurs problèmes. S'ils ne
peuvent pas, ils vont après à la communauté. Ils vont
peut-être même à un tribunal, à un juge, à une
personne comme ça, comme on fait aux petites créances, et,
après, au juge.
Le Président (M. Parent): Je vous invite à
conclure, là, madame. Vous approchez les 30 minutes.
Mme Gauthier (Lorraine): J'ai conclu. C'est tout.
Le Président (M. Parent): Merci! Ça me fait
plaisir. M. le ministre de la Justice.
Mme Gauthier (Lorraine): Mais je me suis sentie très
pistonnée, monsieur. Ça ne me faisait rien qu'il n'y ait pas tant
de questions. J'aurais préféré finir mon...
Le Président (M. Parent): Oui, mais, par contre...
Écoutez, madame...
Mme Gauthier (Lorraine): Merci, merci.
Le Président (M. Parent): ...je comprends qu'on vous a
invitée ici pour vous écouter, on vous a
écoutée...
Mme Gauthier (Lorraine): Je suis partie de Montréal et
j'ai...
Le Président (M. Parent): ...mais il faut aussi...
Oui.
Mme Gauthier (Lorraine): Ça va. Merci. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Parent): II y a des gens, aussi, qui
veulent dialoguer avec vous.
Mme Gauthier (Lorraine): Ah oui! D'accord. Allez-y.
Le Président (M. Parent): M. le ministre.
M. Lefebvre: Mme Gauthier, Mme Yacoulis, M. Filiatrault, je veux
vous saluer. Je veux, Mme Gauthier, vous indiquer très clairement que
et le président vous l'a mentionné le
président de la commission, les membres de la commission, y compris le
ministre responsable de l'aide juridique au Québec, sont contents de
vous accueillir ce matin. Je pense qu'on a, et c'est avec grand plaisir qu'on
l'a fait, dû ajouter une heure pour vous recevoir ce matin.
Vous avez soumis un mémoire qui est un constat de ce qu'on vit
présentement, au Québec, dans notre système judiciaire. Et
il y a plein de choses là-dedans qui sont vraies, puis il y en a
très peu avec lesquelles, sur l'essentiel, je ne suis pas d'accord. Vous
dites plein de choses qui sont vraies.
La question qu'il faut se poser, et je me la pose, moi, cette
question-là, pas seulement depuis que je suis ministre de la Justice,
c'est: Comment se fait-il qu'on en soit arrivé à une telle
situation au Québec, hein? Ça nous a tous échappé,
au cours des ans, ça.
Mme Gauthier (Lorraine): Est-ce que vous me posez la
question?
M. Lefebvre: Non. C'est une réflexion, puis tout
à l'heure vous pourrez répondre parce que je vais vous...
Comment se fait-il qu'on en soit arrivé à une situation semblable
au Québec? C'est que probablement plein d'intervenants, au cours des
ans, y compris les politiciens, y compris les dirigeants, ont vu la situation
leur échapper graduellement, tous ces gens-là étant de
bonne foi.
C'est vrai, ce que vous dites, qu'on se retrouve présentement
dans une situation, au niveau de la justice, où on a l'impression que
c'est un système d'affrontements, et d'affrontements seulement. Mais il
faut bien comprendre que l'État ne peut pas tout, hein. Peu importe qui
est à la tête de la province de Québec, peu importe le
gouvernement qui est en place, ça prend la collaboration des citoyens et
des citoyennes. On ne peut pas imposer, surtout en matière de justice,
nos vues. Il faut avoir autant que possible la collaboration du citoyen, et,
dans ce sens-là, les réflexions que vous faites, pour plusieurs
de vos réflexions, ça rejoint ce que plein d'autres intervenants
nous disent.
Vous ne parlez à peu près pas, sinon dans le sens
contraire de bien d'autres, cependant, d'argent, vous ne parlez pas de budget.
Vous parlez d'une remise en question puis d'une réflexion globale. C'est
ça que vous dites, essentiellement.
J'ai indiqué, tout à l'heure, volontairement, aux
intervenants qui vous ont précédée... J'ai voulu rappeler
la disposition qui est contenue dans la loi du divorce, et vous avez raison,
c'est clair que la réconciliation puis la médiation, c'est
complètement différent; c'est même contradictoire.
Lorsqu'on parle de médiation, c'est qu'on est rendu dans le processus
judiciaire; lorsqu'on parle de médiation, hein, il y a une
procédure qui est enclenchée. Cependant, pour avoir fait du
divorce, moi, comme d'autres, il y a des jeunes couples qui se retrouvent
devant les tribunaux sans trop savoir comment ils en sont arrivés devant
la cour. Il y a des jeunes couples qui auraient eu intérêt
à se faire parler de réconciliation.
Mais on n'en parle plus, de ça, ça a été
oublié, ça, alors que le législateur l'a inscrit dans la
loi elle-même. Et c'est encore vrai aujourd'hui, en 1994, que le
législateur, en principe, ne parle pas pour ne rien dire. S'il y avait
un peu plus, quant à moi... puis si on insistait un peu plus, je pense,
sur la possibilité de réconciliation, on n'aurait pas à
parler de la médiation. C'est une théorie, là, hein! La
médiation, c'est en cours de procédure. C'est que le processus
judiciaire est enclenché.
C'est vrai que la médiation, c'est extrêmement important,
et je l'ai indiqué tout à l'heure.
Mme Gauthier (Lorraine): Excusez-moi, mais votre question est
tellement longue que, moi, je vais me perdre dans ma réponse, puis j'ai
des réponses à tout ça.
Le Président (M. Parent): Alors, s'il vous
plaît!
M. Lefebvre: Non, non, non. Je vous ai écoutée tout
à l'heure. Là, moi, je fais une réflexion globale...
Le Président (M. Parent): S'il vous plaît, madame!
S'il vous plaît!
Mme Gauthier (Lorraine): Ah!
M. Lefebvre: Je fais une réflexion globale parce que je
peux utiliser 20 minutes.
Le Président (M. Parent): La parole est au ministre,
madame.
M. Lefebvre: Vous pourrez commenter, madame, et c'est avec grand
plaisir que je vais vous écouter, tout à l'heure, Mme
Gauthier.
Parce que je ne peux pas identifier, dans votre document et dans votre
réflexion, seulement certains points. Vous soumettez un document qui
invite à une réflexion globale, et j'essaie de résumer en
quelques minutes votre propre document. Vous passez sous silence,
évidemment, volontairement ou pas, certaines actions du gouvernement qui
existent présentement, qui visent à aider les justiciables, en
matière matrimoniale particulièrement.
Je veux vous rappeler aussi que le droit, ce n'est pas une science
exacte, hein? Quand vous disiez, tout à l'heure, que vous avez
consulté trois ou quatre avocats, c'est évident qu'il peut y
avoir des opinions différentes. C'est pour ça, d'ailleurs, qu'il
y a des procès. Il y a un avocat qui représente le demandeur,
l'avocat qui représente le défendeur, et il y a des points de vue
différents, et ça prend un système judiciaire, ça
prend un système de tribunaux pour entendre les parties lorsqu'il n'y a
pas possibilité de règlement hors cour. Ça, c'est
inévitable.
Vous dites, à la page 6 de votre document... Mais je vais vous
laisser, cependant, je vais vous laisser, là... Partant des commentaires
que je viens de vous faire, je vous invite à me répondre,
à qualifier ou pas, à dire si vous êtes d'accord ou pas sur
ce que je dis de façon générale. Et, tout à
l'heure, je vous poserai des questions très précises sur certains
points de votre document.
Le Président (M. Parent): Alors, Mme Gauthier, si vous
voulez réagir aux réflexions du ministre.
Mme Gauthier (Lorraine): Oui. Moi, je sens une grande
incompréhension parce que mes réflexions n'étaient
vraiment pas globales. C'était très, très précis.
C'était une diminution du budget en le démocratisant et en
l'étendant aux gens qui ont affaire à se faire faire justice; pas
à la machine en haut qui va prendre leurs services. Et,
présentement, le gros du budget, c'est là que ça va. C'est
pour ça que c'est répartition, répartition du budget,
faire une justice pour la base, par la base, au départ. (12 h 40)
Et, quand vous parliez, tout à l'heure, de médiation, vous
disiez que c'est juridique. Non, justement, on ne voulait pas. Vous avez dit:
Quand on est en médiation, on est déjà dans le judiciaire,
hein?
M. Lefebvre: C'est ça.
Mme Gauthier (Lorraine): Non. Moi, je pense que non, ça ne
devrait pas.
M. Lefebvre: C'est-à-dire...
Mme Gauthier (Lorraine): On devrait avoir une médiation...
une conciliation c'est pour ça que je n'appelle même pas
ça «médiation» une conciliation. C'est
ça que vous vouliez dire, une médiation, c'est différent
d'une conciliation? C'est ça?
M. Lefebvre: Là on parle, au Québec, de mettre en
place un processus de médiation très technique...
Mme Gauthier (Lorraine): C'est ça.
M. Lefebvre: ...avec des experts, des gens qui ont la
compétence reconnue d'ailleurs, vous y avez fait allusion tout
à l'heure des psychologues, des «psychos», etc.
Ça, c'est un système très précis qui répond
à des règles prévues au Code de procédure
civile.
Mme Gauthier (Lorraine): Donc, ça, ça arriverait
dans le cadre, déjà, de la judiciarisation.
M. Lefebvre: Oui.
Mme Gauthier (Lorraine): Ah! moi, j'avais pensé à
autre chose, hein. J'avais pensé, justement, que ce serait en dehors de
la judiciarisation.
M. Lefebvre: Ça ne contredit pas ce que vous dites, Mme
Gauthier. Alors, allez-y sur ce que vous dites, sur ce que vous
suggérez.
Mme Gauthier (Lorraine): Ce que j'ai parlé, cette
espèce de rencontre avec les gens, ça devrait se faire au niveau
d'un CLSC, pas au niveau de la judiciarisation en tant que telle. Ça
devrait se faire comme ça se fait ailleurs, d'ailleurs. Il y a tellement
de gens qui le font déjà partout. Je n'innove pas, ici, hein,
ça se fait dans plusieurs pays nordiques.
M. Lefebvre: Ça existe, ça, Mme Gauthier,
peut-être pas autant que vous le souhaiteriez.
Mme Gauthier (Lorraine): J'ai une personne, ici, qui a
vécu ça. Elle pourrait peut-être vous en parler.
M. Lefebvre: Oui.
Mme Gauthier (Lorraine): Ça a coûté quand
même 100 000 $, son divorce, tu sais, puis ce n'est pas
réglé. Puis j'en ai beaucoup, beaucoup, des cas comme ça.
Et puis ce genre de médiation là, quand la personne qui n'est pas
d'accord est déjà bien enragée, puis qu'elle peut se lever
puis sortir, puis que c'est fait par...
M. Lefebvre: Là vous ne parlez pas de médiation;
vous parlez de...
Mme Gauthier (Lorraine): Conciliation.
M. Lefebvre: ...conciliation. Ce n'est pas pareil, ça.
Mme Gauthier (Lorraine): Oui, mais ça ne fait rien, la
personne peut se lever puis partir «anytime», tu sais.
M. Lefebvre: Oui.
Mme Gauthier (Lorraine): Puis là ça tombe tout de
suite dans le juridique.
M. Lefebvre: Oui.
Mme Gauthier (Lorraine): Mais, cette conciliation-là,
ça devrait être vraiment obligatoire, au départ, pour que
la personne... Mais, on ne peut pas forcer le monde. Alors, ce qui arrive,
c'est que... C'est pour ça que c'est important, avant, qu'il y ait une
phase d'espèce de thérapie pour qu'ils aient le temps de sortir
leur agressivité, leur rage et tout ce que vous voulez. Puis on devrait
aussi les mettre au courant de leurs droits d'une façon très
simple sans passer par des avocats. On n'a pas besoin d'avocat, c'est
déjà tant informatisé, cette affaire-là. Qu'est-ce
que c'est que de peser sur deux, trois pitons pour sortir ses droits des deux
côtés? Et une espèce de compréhension des deux. Si
la personne a attaqué, elle a une raison pour le faire, elle a un
vécu, elle a un passé, elle a toute une société
autour d'elle. Alors, c'est ça.
Moi, je me sens très incomprise parce que je n'ai pas
parlé du tout, du tout de budget, parce que je savais que ça
coûterait beaucoup moins cher, à la longue, faire ça comme
ça. Et les gens, au lieu d'avoir de la rage, au lieu de se passer du
système, au lieu de tomber malades... Et, moi, j'en parle en
connaissance de cause, j'ai détricoté le système pendant
12 ans. Alors, je sais ce que c'est. Je l'ai vécu de
l'intérieur.
M. Lefebvre: Mais, Mme Gauthier, ce que vous dites, là, on
est tous d'accord avec ça.
Mme Gauthier (Lorraine): Ça, il n'y a rien à voir
avec le système de justice actuel, tel qu'on l'entend, par exemple,
là, hein?
M. Lefebvre: Non. C'est-à-dire, oui, je comprends. Le
constat que vous faites, il est vrai. Mais, concrètement, qu'est-ce
qu'il faut faire pour répondre aux questions que vous soulevez?
Qu'est-ce qu'il faut faire?
Mme Gauthier (Lorraine): C'est ce que j'ai dit tout à
l'heure.
M. Lefebvre: Concrètement, là.
Mme Gauthier (Lorraine): Concrètement? Bien, je pensais
vous l'avoir dit.
M. Lefebvre: Les conseillers matrimoniaux, ça existe!
Ça existe, des conseillers matrimoniaux, vous savez.
Mme Gauthier (Lorraine): Non, non. M. Lefebvre: Non?
Mme Gauthier (Lorraine): Un conseiller matrimonial, ça
existe pour régler des petites crises au niveau du ménage. Mais,
quand les gens sont rendus à vouloir s'entretuer, là, puis qu'il
y a plein de choses qui sont vraiment graves là-dedans, ce n'est plus un
conseiller matrimonial. Mais je pense qu'un conseiller matrimonial pourrait
très, très bien, par exemple, servir de personne-ressource au
niveau de la communauté lors de cette première approche
là. Mais je ne pense pas que les gens la... Moi, je le sais parce que
les gens me disent: Ah! je ne veux pas me réconcilier, je ne veux rien
savoir, je ne veux rien savoir. Alors, il faudrait que ce soit un
procédé indépendant. On ne rencontre pas les gens
ensemble, on les rencontre séparés pour qu'ils essaient vraiment
de passer, là... C'est très, très pratique. C'est
ça!
M. Lefebvre: Qui fournirait ces services-là? Qui
fournirait? L'État?
Mme Gauthier (Lorraine): Les CLSC. M. Lefebvre: Les
CLSC.
Mme Gauthier (Lorraine): Oui. Moi, je pense que ça ne
devrait pas être judiciarisé. Ça devrait être les
CLSC, des personnes compétentes qui fassent ça. Les gens se
sentent en confiance, et ce n'est, pas des choses qui prennent des
éternités. Et puis, si le gars, il est tellement violent, et tout
ça, qu'il a besoin vraiment d'être forcé pour le faire,
bien, à un moment donné, je pense que les juges le font. Ils
forcent des gens à des thérapies, à un moment
donné, tu sais. Alors, c'est mieux de les forcer à des
thérapies avant.
M. Lefebvre: Mais ça existe, ça.
Mme Gauthier (Lorraine): Bon! Alors...
M. Lefebvre: Ça existe.
Mme Gauthier (Lorraine): Alors, ils le font pour des crimes
passionnels, et tout ça, mais ça devrait être fait à
tous les niveaux. Et la chose sur laquelle j'insiste beaucoup aussi, c'est au
niveau de toutes les sociétés d'État, de toutes les
municipalités et de tous les ministères. Les contrats ne sont pas
exécutoires. Alors, c'est terrible parce que les gens signent des
contrats, et ils savent très, très bien...
Moi, j'ai eu des expériences autant comme autant. Ils ne vont pas
respecter leur contrat, puis ils vont dire: Ah bien, ça dépend du
contracteur. Ce n'est pas moi, c'est le contracteur. Si ce n'est pas le
contracteur, c'est la municipalité. Si ce n'est pas la
municipalité...
M. Lefebvre: Ah! mais, là, c'est tout un autre
problème, ça.
Mme Gauthier (Lorraine): Non, non, mais ça finit que c'est
encore David contre Goliath. La personne ne peut pas se défendre. Alors,
à ce niveau-là, des municipalités et des
sociétés d'État, on devrait vraiment avoir d'abord droit
aux recherchistes et aux contentieux. On devrait d'abord signer le contrat en
conciliation, au départ. Ça devrait se faire comme ça. Pas
le gros d'un bord puis le petit qui n'a rien.
M. Lefebvre: Mais, madame, la liberté absolue de
contracter pour un majeur, là, c'est...
Mme Gauthier (Lorraine): Non, non. Un instant. J'en ai fait, des
contrats, moi...
M. Lefebvre: Oui, oui, mais écoutez...
Mme Gauthier (Lorraine): ...puis je peux vous dire que j'avais
pris toutes les... Mais j'y vais seulement avec ma connaissance à moi.
C'est ça, le problème. C'est qu'on n'a pas des contentieux, on
n'a pas des recherchistes. On les paie, mais on n'y a pas accès. Alors,
l'autre côté, eux, ils ont tout ça, la liberté.
C'est Mme Payette qui disait ça, hein? Quand on a
l'information... Pour avoir la clé de sa liberté, il faut d'abord
l'information.
M. Lefebvre: C'est évident, ça.
Mme Gauthier (Lorraine): Si on n'a pas d'information, comment tu
veux être libre? Alors, on a la liberté d'avoir accès, on
devrait avoir la liberté d'avoir accès aux contentieux, d'avoir
accès aux recherchistes avant de signer quoi que ce soit avec un
ministère, ou une société, ou une compagnie, quelque chose
de multinational. Je pense que ce serait très préventif.
Et les contrats devraient être exécutoires. On signe des
contrats, aujourd'hui, puis il faut aller en cour pour les faire
exécuter, puis on n'a pas d'argent pour aller en cour. Eux ont tout
notre argent pour y aller, tu sais. On fait quoi avec ça?
Le Président (M. Parent): Merci. M. le ministre, vous
voulez réagir?
M. Lefebvre: Vous dites, à la page 6 de votre document,
qu'il faudrait «favoriser les règlements à
l'amiable en s'assurant par un code d'éthique que les droits de
chacune des parties sont respectés», et je voudrais vous entendre
là-dessus. Les codes d'éthique, ça existe, ça,
madame.
Mme Gauthier (Lorraine): Oui.
M. Lefebvre: Ça existe. Les corporations professionnelles
surveillent leurs membres, le Barreau du Québec.
Mme Gauthier (Lorraine): Vous allez m'enten-dre là-dessus
parce que... Ha, ha, ha!
M. Lefebvre: Non, non, mais la perfection, ça n'existe
pas.
Mme Gauthier (Lorraine): Non, non, non, non, non.
M. Lefebvre: La perfection, ça n'existe pas.
Mme Gauthier (Lorraine): II va toujours y avoir des
problèmes. C'est sûr.
M. Lefebvre: Mais les corporations professionnelles imposent
à leurs membres, à juste titre, d'ailleurs, des codes
d'éthique. Les avocats fraudeurs, ils se font ramasser s'ils sont
dénoncés.
Mme Gauthier (Lorraine): Wo! Wo! Wo! C'est très,
très difficile. Je m'excuse, mais, moi, je le sais parce que j'ai
beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup de gens qui viennent me le dire. Ce
n'est pas seulement de la fraude.
M. Lefebvre: Je lisais encore ce matin...
Mme Gauthier (Lorraine): Ce n'est pas toujours de la fraude.
M. Lefebvre: Je lisais encore ce matin un texte sur...
Mme Gauthier (Lorraine): Oui, mais ce n'est pas toujours de la
fraude.
Le Président (M. Parent): S'il vous plaît! Essayez
d'éviter le dialogue, hein! Moi, je veux bien être permissif,
là...
Mme Gauthier (Lorraine): Bon!
Le Président (M. Parent): ...mais je vais demander au
ministre et à notre invitée de s'adresser au président.
Sans ça, on ne se comprendra pas.
M. Lefebvre: Le code d'éthique, Mme Gauthier. Vous parlez
de quoi là? Le code d'éthique.
Mme Gauthier (Lorraine): Le code d'éthique, là,
pour que ce soit un code d'éthique, il faut être hautement moral.
Il ne faut pas qu'on ait notre richesse qui provienne des litiges. Pour avoir
un code d'éthique et pour l'appliquer vraiment, il ne faut pas que ce
soit notre revenu qui passe par la multiplication des litiges, la
multiplication des délais, la multiplication des procédures. Il
faut être hautement moral. Il ne faut pas être trop businessman. Il
ne faut pas être mercantile. Et, moi, je vous dis en toute
honnêteté: c'est du mercantilisme, présentement, ce qui se
passe au niveau des professions comme vous dites, là, et au niveau de
tous les processus qu'on enclenche, judiciairement parlant.
M. Lefebvre: II me reste quelques minutes avec vous, Mme
Gauthier. Je vais permettre à mes collègues de l'Opposition
officielle, M. le Président, de poser leurs propres questions. Merci,
Mme Gauthier.
Le Président (M. Parent): Merci. Mme la porte-parole de
l'Opposition officielle, Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Mme Gauthier, Mme
Yacoulis, M. Filiatrault, je vous remercie d'être présents parmi
nous. Vous nous présentez un mémoire qui est vraiment très
différent de ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant, très
différent parce que vous proposez... Vous ne vous prononcez pas sur un
point précis de l'aide juridique, vous nous présentez un
changement de société. Vous nous proposez des changements
axés sur les relations humaines, finalement, pour que notre
système ne soit plus un système qui maintient, entretient,
encourage la confrontation, mais un système qui se retourne vers les
vraies valeurs humaines, ce qui évite, évidemment, à ce
moment-là, beaucoup de coûts au niveau des confrontations.
Ma première question, ce n'est pas véritablement une
question. J'ai senti, tantôt, que vous étiez un peu
bousculée parce que vous aviez le goût d'exprimer davantage. Ma
première question, ça serait tout simplement: Est-ce qu'il y a
des éléments que vous souhaitiez absolument nous présenter
puis que vous n'avez pas eu le temps d'exprimer, même si ce n'est pas des
éléments qu'on retrouve dans votre mémoire, des
éléments que vous trouvez bien importants, dans ces
changements-là que vous proposez, puis que vous n'avez pas eu le temps
d'exprimer?
Mme Gauthier (Lorraine): Alors, quand vous me dites: C'est une
philosophie, c'est une philosophie qui est quand même...
Mme Caron: Je n'ai pas dit «une philosophie», j'ai
dit «un changement de société». (12 h 50)
Mme Gauthier (Lorraine): Oui, c'est un changement, puis c'est un
changement au niveau de la moralité. C'est parce que, maintenant, c'est
toute la légalité, la
légalité, alors, tout ce qui est légal, on essaie
de trouver des trous ou failles. On essaie d'agresser les gens qui sont sans
moyens. Puis il va toujours y en avoir, de la classe moyenne sans moyens. Vous
aurez beau augmenter ça à 23 000 $, je veux dire, ça ne
changera rien, il va toujours y en avoir. Et c'est une mentalité. Puis
il devrait même y avoir de la prévention au niveau des
écoles primaires et secondaires, des ateliers comme ça existe
ailleurs, d'ailleurs, beaucoup, surtout aux États-Unis, en Finlande et
en Norvège.
Là, pour vous dire très, très franchement, ce que
je trouve, c'est qu'il fallait absolument changer l'affrontement qui est cause
de litige, essayer de garder ça en dernier ressort, dernier ressort,
puis de créer, de faire de la conciliation, mais ne pas remettre
ça dans les mains des gens qui ne sont pas formés pour le faire.
Il faut vraiment que ce soient des vrais conciliateurs, des gens qui sont
formés pour faire ça, et par thèmes. Se baser aussi, pour
connaître les droits de chacun, ce qui ne se fait pas toujours aux
États-Unis... Pour connaître les droits de chacun avant la
conciliation, il faut aussi avoir affaire à toutes ces lois
informatisées là, où on n'a qu'à peser sur un
bouton et ça nous arrive.
Je le sais que, la justice, ce n'est pas parfait et puis que ce n'est
pas des mathématiques. Mais, quand les protagonistes sont là,
avec des personnes qui peuvent leur expliquer leur valeurs... Et ça ne
veut pas dire non plus, ça, la porte ouverte ou même entrouverte
à tous les abus. Ça veut dire pouvoir fermer la porte parce qu'on
redonne à l'individu sa part de responsabilité. Les gens qui sont
là, quand on va dans les conseils autochtones j'étais avec
les Maoris en Nouvelle-Zélande ils font vraiment un constat de
responsabilité des deux côtés, et les personnes qui ont
déjà déchargé leur agressivité, elles vont
être d'accord qu'elles ont commis telle chose. Mais souvent elles n'ont
jamais réalisé les conséquences objectives de l'acte
qu'elles ont posé et puis elles sont déjà
dépassées, souvent, par les événements. Alors,
ça, ça permet de régler les situations très,
très rapidement.
Et, souvent, moi, j'ai vu, je l'ai expérimenté, puis il y
a des gens que je connais qui l'ont expérimenté, qu'après
ils sont amis. J'ai vu, par exemple, des secrétaires qui avaient
volé un patron, une secrétaire qui avait volé son patron
pour des gros montants, un gros montant c'est juste un exemple,
ça et le patron, au lieu de faire une poursuite et puis de lui
tomber... Ils ont décidé de se mettre ensemble, le bureau, elle a
demandé le conseil d'un psychologue, et tout ça, et elle a
décidé de payer selon ses moyens. Puis, lui, il m'a dit que,
même si elle ne payait plus aujourd'hui, ils sont devenus tellement amis,
là, que ça ne le dérangerait pas du tout. Et c'est comme
ça que ça se passe. Et ça, je pourrais vous en donner, des
cas, j'en connais autant comme autant.
Mais on ne parle pas de judiciarisation. Ça ne veut pas dire
qu'il ne restera pas 10 % des cas pour aller dans les tribunaux, ça,
mais ça veut dire qu'un petit cas ça ne deviendra pas un gros
cas. Mais, pour les gros cas, les causes de meurtre, et tout ça, c'est
sûr et certain qu'on a besoin des tribunaux. Mais les causes civiles,
moi, je dis: À 95 %, si les contrats sont exécutoires, on ne
devrait pas avoir besoin des tribunaux.
Mme Caron: Vous avez sûrement l'impression que de cette
façon-là on éviterait aussi beaucoup de
récidives.
Mme Gauthier (Lorraine): Bien, exactement! Parce que la personne
est «facée» à sa conduite, est
«facée» aux conséquences de ses actes, et puis elle
réalise qu'il ne s'agit pas juste d'envoyer ça de toute
façon, ils ne les payent même pas, les avocats, les trois quarts
du temps dans les mains de la légalité, puis ils
s'arrangeront avec. Puis ce que ça coûte, ce que ça
coûte en toutes sortes de frais impensables... Puis, même si la
personne ne paie pas, nous, on paie, les payeurs de taxes.
Moi, j'en reviens toujours à ça, puis je suis ici pour
ça, pas pour représenter nécessairement les gens qui sont
sur le bien-être social, je suis ici pour représenter la classe
moyenne qui est écoeurée de payer des fortunes en frais
médicaux. On ne peut pas faire ça avec les médecins parce
que, je veux dire, des chirurgiens, on ne peut pas remplacer ça par un
ordinateur, quoique ça se fasse beaucoup, maintenant, là, avec
des rayons laser, des ordinateurs, mais ils sont déjà là
avec une espèce de monopole. Ils ont le monopole du malheur, le monopole
de la santé. Et ça, quand tu prends le monopole du malheur des
gens, je veux dire, tu sais que tu vas toujours faire bien de l'argent avec
ça. Mais c'est aux gens de se lever debout puis de faire quelque chose
pour que ça change.
Maintenant, j'avais sûrement beaucoup d'autres choses à
dire, là, surtout concernant des choses très, très
pratiques, par exemple que les juges ne devraient pas être... Ça,
ça s'est dit beaucoup, hein? La nomination des juges devrait se faire
par concours, par compétence, non pas par choix politique. Ces derniers,
étant donné qu'ils seraient maintenant en haut de la pyramide,
ils devraient surtout se consacrer à des causes types qui serviraient de
guides pour les intervenants des paliers de base.
Puis une réglementation claire devrait être adoptée
afin que les intervenants, aussi bien que les juges, et les avocats, et les
experts, le fassent rapidement et à bon compte, avec des frais fixes si
nécessaire. Et la magistrature ainsi que le Barreau devraient
régulièrement être tenus de mettre à jour leurs
connaissances, et de traiter de cas qu'ils connaissent. Pas d'immobilier
à côté de divorces, à côté de violence
conjugale. On ne peut pas les blâmer, mais, à un moment
donné, je pense qu'il faudrait peut-être leur en mettre moins sur
les épaules, puis leur donner la chance de se recycler et puis de faire
des... Comme ça, ils auraient un jugement plus
éclairé.
Et puis les avocats ne devraient pas être payés à
l'acte, avec carte blanche pour multiplier les procédures,
multiplier les délais, multiplier les repas au restaurant, les
hôtels luxueux, les taxis, les frais de photocopie abusifs.
Écoutez, j'ai payé, à Chicoutimi, moi, jusqu'à deux
piastres la feuille. Il y a quand même comme une limite, tu sais! Des
téléphones rémunérés, mais royalement. Tu
parles trois minutes, puis ça te coûte... Je veux dire, qui va
s'embarquer là-dedans? Puis, quand on s'embarque, ils nous disent:
Ça va vous coûter...
Moi, je le sais, ils m'ont dit: Ça va te coûter 20 000 $.
C'est un excellent avocat, je n'ai rien contre lui, c'est le meilleur. Il est
très bon. Mais, quand c'est rendu, à un moment donné, que
ça fait cinq ans, là, puis que tu es rendu à 45 000 $,
puis que tu n'as pas encore été en cour, là, tu sais...
Puis ce n'est pas de sa faute à lui, là. Il y a comme une limite
avec le système, tu sais. Parce que, lui, il voudrait bien se
débarrasser de ces causes-là aussi. Ce n'est pas ça, le
problème. les intérêts sur les honoraires aussi. parce que,
quand on reçoit des comptes d'honoraires, j'ai l'impression que ces
intérêts-là devraient partir à courir quand la cause
est terminée. ce serait peut-être une motivation, là, pour
que les procédures aillent plus vite. maintenant, ils se font payer au
fur et à mesure, avec des intérêts qui courent
continuellement, puis même sur les montants que tu as déjà
payés, et des intérêts que j'appellerais usuraires parce
que, aujourd'hui, les taux d'intérêt dans les banques, c'est 3 %,
5 %, et ils sont encore à 16 % ou 18 %. alors, ils sont montés
jusqu'à 24 %, ça ne fait pas longtemps, là. alors,
écoutez, quand ça court pendant cinq ans avant que même
ça passe en cour, ce n'est pas notre faute, ça. pourquoi est-ce
qu'il faut qu'on paie tous ces frais-là?
Je trouve ça exagéré et c'est pour ça que je
me dis: Une fois rendu en haut, au tribunal seulement, parce que, avant, on n'a
même pas besoin de ça, mais, même au tribunal, il faudrait
quand même légiférer. Puis un avocat ne devrait pas avoir
le droit de se retirer d'un dossier après que des sommes
considérables eurent été investies, puis sous peine de
perdre leurs honoraires. Après quatre, cinq ans de bataille, il
déménage ou bien il fait quoi que ce soit, je ne sais pas, il
change de métier ou bien il ne t'aime plus la face en tout cas,
j'entends toutes sortes de choses, moi puis là il décide
qu'il se retire du dossier, puis tu n'as rien à dire. Tu as
déjà payé 30 000 $, 40 000 $ pour ça, puis tu ne
peux rien dire. Elle a payé jusqu'à 100 000 $. Je veux dire, tu
ne peux rien dire puis rien faire. Écoute, ça se fait, je le
sais, j'ai l'expérience de ça.
Il demande une requête pour se retirer pour manque de... En tout
cas, ça s'est réglé avec le syndic du Barreau tout
simplement, là, mais il avait des raisons pour se retirer, dans un sens,
parce que, lui, c'étaient des raisons matérielles qui n'avaient
rien à voir avec moi dans un sens, mais moi non plus... Je trouve que
c'est grave, recommencer à tout expliquer des affaires à une
autre personne. Recommencer, c'est très compliqué et c'est
très stressant, surtout quand on sait qu'on a le meilleur puis qu'on
veut le garder.
Maintenant, tous les agissements, dans le cadre de leurs fonctions, des
membres de la magistrature et du Barreau devraient être soumis à
un organisme «supervisionnel» externe, indépendant et
à nomination non partisane, formé d'individus provenant des trois
paliers de la base de la pyramide. Parce que, quand ils arrivent en haut, il ne
faudrait pas qu'ils tombent des nues, là. Tout ce qui a
été fait à la base, là, ça devrait leur
être soumis, et aussi il devrait y avoir les agissements des personnes
qui sont en haut. Us ne devraient pas être au-dessus de tout
soupçon dans le cadre de leurs fonctions. Je ne parle pas de commencer
à tomber dans leur vie personnelle, là, moi, je n'ai rien
à voir avec ça, hein?
Enfin, il faudrait faire attention que le nombre d'avocats formés
dans nos universités n'excède pas la demande. Ça, c'est
très important. Qu'on forme des conciliateurs aussi, au lieu de mettre
tout le monde dans le même pot. Surtout si la pyramide est ce qu'elle
devrait être, il reste très peu de place en haut pour la
magistrature, l'avocat, la judiciarisation proprement dite.
Et, moi, tout à l'heure, je pense que j'ai eu un problème
avec monsieur parce que, quand je parle de judiciaire, là, je parle
d'avocats et de magistrats. C'est pour ça que je ne mettais pas, moi,
dans «judiciaire» tout ce qui est conciliation, médiation,
alternatif, comme je ne mets pas de l'acupuncture puis de la... Et je pense
qu'il faut faire très, très attention parce que, si la
santé est aujourd'hui très anarchique, c'est peut-être
parce qu'on a investi beaucoup, beaucoup dans la machinerie, qu'on a investi
beaucoup, beaucoup dans les techniciens, dans les techniques et qu'on a
oublié la base. Et les gens sont allés à droite, à
gauche, sans aucune réglementation.
Le Président (M. Parent): Je m'excuse, Mme Gauthier...
Mme Gauthier (Lorraine): Oui.
Le Président (M. Parent): ...nous approchons 13
heures...
Mme Gauthier (Lorraine): C'est correct.
Le Président (M. Parent): ...et, pour dépasser
l'heure limite, je me dois d'avoir la permission des deux formations
politiques. Alors, il reste... D'accord que l'on dépasse? Allez.
Très bien. Permission accordée. Continuez, madame.
Mme Gauthier (Lorraine): Merci. Donc, l'idée de tout
ça, c'est... Oui?
M. Filiatrault (Normand): J'aimerais, avant qu'on termine...
Le Président (M. Parent): M. Filiatrault.
M. Filiatrault (Normand): ...quand madame
aura terminé, que je puisse avoir juste une question à
formuler pour terminer, lorsque madame aura terminé.
Mme Gauthier (Lorraine): Tu peux la... (13 heures)
Le Président (M. Parent): Question à qui,
monsieur?
Mme Gauthier (Lorraine): Tu peux la poser, ta question.
Le Président (M. Parent): À l'Opposition ou bien au
parti ministériel?
M. Filiatrault (Normand): C'est à M. le ministre.
M. Lefebvre: Oui.
M. Filiatrault (Normand): Parce qu'il y a...
Le Président (M. Parent): Un instant, là.
Actuellement, la période de temps est réservée au parti de
l'Opposition.
M. Filiatrault (Normand): Bon, bien, d'accord. C'est tout
simplement pour dire que je crois que, tout à l'heure, monsieur a
avancé... Je vais dire «monsieur», vu que je ne peux pas...
vous m'avez dit qu'il fallait que je parle à l'Opposition.
Le Président (M. Parent): Allez, allez!
M. Filiatrault (Normand): Bon, bien, d'accord.
Le Président (M. Parent): Ha, ha, ha!
M. Filiatrault (Normand): Monsieur a dit que, justement, il
était conscient que la justice, effectivement, il y aurait des
changements à y apporter, qu'effectivement, bon, ce n'est pas sur une
base solide. Bon. Ce que je voulais simplement dire, c'est que j'aimerais
savoir la différence qu'il y a entre «justice» et
«immunité diplomatique». Est-ce que vous saisissez bien ma
question?
Le Président (M. Parent): Non. Je ne connais pas... Je ne
vois pas la pertinence, là, mais...
M. Filiatrault (Normand): Bien, la pertinence, c'est parce que
c'est ça. Comment voulez-vous que les gens croient à une certaine
justice lorsque certaines personnes se protègent avec l'immunité
diplomatique?
Le Président (M. Parent): Ha, ha, ha!
M. Filiatrault (Normand): Est-ce que vous comprenez ce que je
veux dire?
Le Président (M. Parent): Oui, oui. Je comprends ce que
vous voulez dire...
M. Filiatrault (Normand): Bon, bien, c'est juste ça.
Le Président (M. Parent): ...mais il y a une loi.
M. Filiatrault (Normand): Pourquoi est-ce que ces gens-là
on le droit...
Le Président (M. Parent): Parce que la loi le leur permet.
Parce que la loi le leur permet.
M. Filiatrault (Normand): Oui, mais c'est...
Le Président (M. Parent): Et la loi est juste. La loi est
juste tant qu'on ne prouve pas qu'elle n'est pas juste.
M. Filiatrault (Normand): Mais pourquoi, d'abord, ils peuvent,
mettons, faire certaines choses? Si vous voulez que je prenne un exemple,
là, bon, comme le Watergate, bon, il y a eu un paquet d'affaires qui
s'est passé, d'argent, puis, bon...
Le Président (M. Parent): Bon, si vous voulez,
là...
M. Filiatrault (Normand): La CECO aussi.
Le Président (M. Parent): Là je vais vous ramener
à la pertinence. Je regrette, M. Filiatrault, là, vous allez trop
loin. Ha, ha, ha! Vous dépassez complètement, complètement
l'intérêt de cette commission permanente.
Je redonne la parole à Mme la députée de
Terre-bonne.
Mme Caron: M. le Président, comme, moi, il me restait
uniquement quelques minutes, à ce qu'on m'a dit, il y a mon
collègue d'Anjou, là, qui souhaiterait poser une petite
question.
Le Président (M. Parent): Allez, M. le
député d'Anjou.
M. Bélanger: Merci, M. le Président. Bon, Mme
Gauthier, Mme Yacoulis, M. Filiatrault, je vous salue. Je comprends tout
à fait, Mme Gauthier, l'intervention que vous faisiez tout à
l'heure relativement à la médiation. Je pense, d'ailleurs, qu'on
s'en était parlé quand on s'était rencontrés, que,
quand on a étendu la médiation judiciaire, c'est-à-dire en
cours de procès, à l'ensemble des palais de justice du
Québec, le prix qu'on a eu à payer, c'est l'abolition d'un
système de médiation avant procès, avant procédure
judiciaire, qui existait à Montréal et à Québec et
qui avait des résultats extraordinaires.
Vous avez tout à fait, aussi, raison quand vous parlez que, dans
les coûts de la justice, ce n'est pas uniquement le coût
judiciaire, mais c'est le coût social qu'il faut prendre en
considération dans toute intervention et dans toute réforme qu'on
veut faire. Parce que je pense que c'est le message, un peu, que vous voulez
nous donner. Il y a un coût social aussi, il y a un coût de la
justice, et, là-dessus, en tout cas, je peux vous dire que je suis
entièrement d'accord avec vous.
Et, aussi, au niveau de la médiation qui se faisait au service de
médiation de Montréal, en particulier, c'est vrai que ce
n'étaient pas nécessairement des avocats qui faisaient la
médiation, mais, souvent, c'étaient des psychologues ou des
travailleurs sociaux avec une formation spécialisée en
médiation qui faisaient le travail, et qui le faisaient d'une
façon excessivement efficace. Alors, je pense que c'était
uniquement pour vous dire à quel point, sur ce point-là
précis, je suis tout à fait en accord avec vous, et aussi sur le
fait qu'évidemment il va falloir, je pense, mettre l'emphase, dans toute
réforme de la justice, sur les modes de règlement alternatif des
conflits. C'est vrai que le système est comment on pourrait dire
empêtré et surchargé. Et je pense
qu'évidemment c'est dans cette optique-là qu'il faut le
considérer pour vraiment avoir un système de justice
peut-être plus efficace relativement aux citoyens.
Le Président (M. Parent): Merci. D'autres interventions?
Mme la députée de Terrebonne, en conclusion.
Mme Caron: Alors, en conclusion, Mme Gauthier, Mme Yacoulis, M.
Filiatrault, je vous remercie beaucoup de votre participation. C'est
évident que votre mémoire suscite une grande réflexion
parce que c'est vraiment une proposition d'un changement très profond.
Je pense que, ce matin, vous nous amenez à faire une réflexion
qui devra être continuée, évidemment, dans les mois
à venir, et je pense qu'il y aura certaines décisions à
prendre. Je vous remercie de cette participation.
Le Président (M. Parent): M. le ministre, je vous invite
à prononcer le mot de la fin et je vous rappelle qu'il vous reste trois
minutes à votre temps de parole.
M. Lefebvre: Merci, Mme Gauthier, de nous avoir, dans un premier
temps, soumis un mémoire et de l'avoir explicité,
expliqué, ce matin, et, Mme Yacoulis, M. Filiatrault, d'être venus
à cette commission.
Vous savez, Mme Gauthier, dans une société
civilisée comme la nôtre, ça prend des systèmes,
ça prend des structures. On ne peut pas y échapper à
ça, là. Quand mon collègue d'Anjou dit qu'on a
éliminé la médiation extrajudiciaire, ce n'est pas tout
à fait le cas. Il y a encore des conseillers matrimoniaux qui font...
Non, non. Non, non, ça existe encore, et j'en connais je pourrais
vous en nommer qui font un excellent travail, qui ne sont pas parfaits,
qui n'ont pas toutes les sciences, qui ne règlent pas tout, puis qui ne
coûtent rien. Je peux vous en nommer un, Marcel Nadeau, de Thetford
Mines.
Une voix: ...
M. Lefebvre: Ah non, non! S'il y en a un à Thetford, il y
en a ailleurs. Ça existe encore.
Vous savez, j'aime bien qu'on parle de ce qui ne va pas, mais j'aime
aussi parler de ce qui va dans notre régime, dans notre système.
Tout est perfectible. On peut toujours faire mieux, mais on a au moins
l'avantage d'en avoir un, régime judiciaire, qui permet à un
justiciable de se faire entendre, avec toutes les imperfections que le
régime comprend. Il faut être prudent. Les imperfections, les
failles qu'ils ont dans le régime et dans le système ne tiennent
pas toujours et nécessairement aux professionnels du régime et du
système. Il faut pousser la réflexion, hein! Il faut bien
évaluer ce qui se passe dans un procès, dans un affrontement
entre les parties. Et, d'ailleurs, vous y avez fait référence
à de multiples reprises, l'agressivité, la rage, il n'y a pas de
système qui contrôle ça, Mme Gauthier. Ce n'est pas si
simple que ça, là, ce à quoi vous faites
référence. Alors, vous faites une réflexion
extrêmement large sur le comportement de l'humain lui-même. Puis
ça, c'est vrai en matière de justice, c'est vrai également
en matière de santé et d'éducation. C'est vrai partout,
ça. C'est vrai partout. Avant de condamner le système, il faut
avoir une solution de rechange. Avant de le condamner en bloc, il faut se
demander par quoi on va le remplacer.
Vous savez, la nomination des juges, elle est faite justement en partant
d'un concours, une structure à laquelle le citoyen est invité. Je
parle des juges de la Cour du Québec. Ça existe, cette
protection-là, pour le grand public. L'ensemble des juges de la Cour du
Québec, au Québec, y compris les juges de la Cour
supérieure, traite des dizaines de milliers de cas de façon
très correcte. Il s'agit qu'il y ait une erreur humaine, parce que notre
système, il est administré par des humains, il s'agit qu'il y ait
une erreur de bonne foi pour que certaines personnes je ne dis pas que
c'est votre cas, Mme Gauthier condamnent le système tout en bloc.
Il faut être prudent avec ça, où il y a de l'humain, y
compris dans cette matière-là, la justice. Et, en passant, le
droit, ce n'est pas une science exacte, je l'ai dit tout à l'heure. Il y
a de la marge pour l'erreur.
Quand vous faites référence aux avocats...
Le Président (M. Parent): Si vous voulez conclure, M. le
ministre.
M. Lefebvre: ...quand vous faites référence
à des avocats qui facturent des honoraires exorbitants, je vous
rappellerai que ça n'a rien à voir avec le ministère de la
Justice. Ça n'a rien à voir avec le ministère de la
Justice, tout comme un médecin, tout comme un plombier. Il n'y a pas de
différence, vous savez. Le ministère de la Justice n'est pas
concerné par l'abus, si c'est le cas, d'un avocat quant à ses
honoraires.
Ceci étant dit, moi, je vous remercie de nous avoir soumis une
réflexion qui, pour plusieurs points de vue, est semblable à
celle qui nous a été soumise par d'autres intervenants.
Le Président (M. Parent): Merci, M. le ministre.
M. Lefebvre: Et, quant au reste, je vous dis, Mme Gauthier
je termine là-dessus qu'on essaiera, on essaiera, dans notre
réflexion qui suivra la fin de cette commission-là,
d'améliorer les choses.
Le Président (M. Parent): Alors, je vous remercie.
M. Lefebvre: C'est ce à quoi on se convie à tous
les jours.
Le Président (M. Parent): La commission permanente ajourne
ses travaux à demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 13 h 9)