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(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Parent): J'invite les
députés à prendre place à leur siège. La
commission permanente des institutions poursuit ses travaux en regard de
l'étude de la Loi sur l'aide juridique. Les travaux ont
débuté il y a déjà une semaine. Nous avons
déjà entendu plusieurs groupes. Une cinquantaine d'organismes
encore restent à être entendus. Alors, nous allons poursuivre nos
travaux ce matin. Avant de débuter, Mme la secrétaire,
pourriez-vous nous dire si nous avons quorum?
La Secrétaire: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Parent): Alors, si nous avons quorum, je
déclare ouverte cette séance de travail et je vous rappelle
à chacun, à toutes et à tous, le mandat de cette
commission, qui est de procéder à une consultation
générale et tenir des auditions publiques sur le régime
d'aide juridique et sur le document intitulé «L'aide juridique au
Québec: une question de choix, une question de moyens».
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Paradis
(Matapédia) remplace Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata); M.
Lemire (Shawinigan) remplace M. Hamel (Sherbrooke); M. Gobé (LaFontaine)
remplace M. Maciocia (Viger); M. Ménard (Laval-des-Rapides) remplace M.
Godin (Mercier).
Organisation des travaux
Le Président (M. Parent): Je vous remercie. Je vous
propose immédiatement l'ordre du jour pour la journée. Ce matin,
à 10 heures, l'Assemblée des travailleurs et travailleuses
accidenté-e-s du Québec; de 11 heures à midi, la Fondation
pour l'aide aux travailleuses et aux travailleurs accidenté-e-s;
à midi, nous allons suspendre, pour reprendre après la
période des affaires courantes pour entendre la
Confédération des syndicats nationaux, la CSN; de 16 heures
à 17 heures, en principe, s'il n'y a pas de décalage dans
l'horaire, le Réseau des avocats UTTAM et l'Association des
avocats de pratique privée en matière de santé
sécurité du travail; de 17 heures à 18 heures, SOS Fonds
juridique; suspension à 18 heures, pour reprendre de 20 heures à
21 heures pour entendre Au Bas de l'échelle; et, de 21 heures à
22 heures, l'Association québécoise des avocats et avocates en
droit de l'immigration. Est-ce que quelqu'un veut proposer l'adoption de
l'ordre du jour? Adopté? Merci, M. le député de
Chapleau.
Alors, j'invite le premier groupe, l'Assemblée des travailleurs
et travailleuses accidenté-e-s du Québec, à prendre place
à l'avant. Et on me dit que les porte-parole sont Mme Liane Flibotte et
M. Philippe Poisson. C'est bien ça?
Mme Flibotte (Liane): C'est bien ça.
Le Président (M. Parent): Madame, monsieur, bienvenue et
merci beaucoup d'avoir répondu à l'invitation de la commission
parlementaire pour venir aider l'Assemblée nationale à mieux
connaître vos préoccupations concernant l'aide juridique.
Alors, je vous rappelle les règles qui régissent cette
commission. Vous avez une heure. On a une heure pour dialoguer entre nous:
environ 20 minutes réservées à votre présentation
et 20 minutes aussi qui seront réservées aux
députés ministériels et aussi aux députés de
l'Opposition. Je pense que l'important d'une commission comme celle-là,
ce n'est peut-être pas de s'asseoir sur les règles de
procédure, mais de tâcher de discuter et de dialoguer d'une
façon franche entre nous de façon à ce que les travaux de
la commission progressent.
Alors, nous allons procéder comme ceci. Je vais vous inviter dans
quelques minutes, madame ou monsieur, à faire votre présentation.
Après ça, je vais inviter le ministre de la Justice, responsable
de ce dossier, à faire son intervention et, après ça,
bien, on ira avec le porte-parole de l'Opposition officielle. J'en profite
aussi pour souligner parmi nous la présence de M. le président de
la Commission des services juridiques, qui est avec nous.
Alors, madame, nous vous écoutons.
Auditions
Assemblée des travailleurs et travailleuses
accidenté-e-s du Québec (ATTAQ)
Mme Flibotte (liane): Merci. Alors, évidemment, notre
mémoire étant relativement volumineux, on vous présente ce
matin un résumé et on pourra aller, comme vous le disiez, un peu
plus loin lors des échanges dans la deuxième et la
troisième partie de cette séance-là.
Alors, l'Assemblée des travailleurs et travailleuses
accidenté-e-s du Québec est un regroupement qui existe depuis
1981 et qui regroupe une douzaine d'associations de victimes de lésions
professionnelles à travers le Québec, et ce, dans
différentes régions. Alors, on a des groupes qui proviennent de
la région de Montréal, de l'Estrie, de la Mauricie, du Centre du
Québec, de Jolimont, Petit-Brandon, la Matawinie, le
SaguenayLac-Saint-Jean, la région du Grand Gaspé, la
région de l'Amiante, etc. Donc, on est des groupes là... On
regroupe des groupes qui sont dans différentes régions du
Québec.
Les organisations qui sont membres de l'ATTAQ sont en contact
régulier avec des travailleurs et des travailleuses qui doivent
abandonner ou même sacrifier les droits qui leur sont pourtant reconnus
dans différentes législations, mais, parce que ces
personnes-là n'ont pas droit à l'aide juridique, elles doivent
les abandonner, et surtout parce qu'elles n'ont pas non plus les revenus leur
permettant d'avoir recours aux services d'un avocat. De plus, on assiste depuis
quelques années à l'accroissement du nombre de citoyens et de
citoyennes qui doivent aussi abandonner leurs droits pour les mêmes
raisons, parce qu'il leur est impossible de les faire valoir et de les faire
respecter.
Alors, face à ce triste constat-là, on ne peut
qu'approuver le ministre de la Justice de vouloir réviser le
régime d'aide juridique, et ce, particulièrement sous son angle
d'accessibilité. On doit toutefois souligner que cette volonté du
ministre survient, à notre avis, fort tardivement et que la lecture du
document «L'aide juridique au Québec: une question de choix, une
question de moyens» ne nous a pas convaincus de l'intention du
gouvernement d'opérer cette réforme-là dans le meilleur
intérêt des citoyens et des citoyennes du Québec. Alors, on
profite évidemment de la présente commission parlementaire pour
vous faire valoir notre point de vue sur les différentes questions. On
ne prétend pas répondre à toutes les questions qui ont
été «adressées» dans le document du ministre
de la Justice. Cependant, on pense qu'à l'intérieur de notre
mémoire on jette les balises principales et les principes fondamentaux
sur lesquels un régime d'aide juridique digne de ce nom devrait
reposer.
Évidemment, quand on regarde la question du régime d'aide
juridique, il est assez difficile de ne pas parler des clientèles
admissibles et des bénéfices accordés. Je pense que, avec
tous les travaux qui ont été faits autour du régime d'aide
juridique, on n'a plus besoin de disserter très longuement sur le fait
que l'état actuel de notre régime d'aide juridique fait en sorte
que l'accès à la justice est compromis pour un nombre grandissant
de citoyens et de citoyennes. En effet, le nombre déjà restreint
de personnes qui avaient accès à l'aide juridique en 1972, lors
de la création du régime, n'a cessé de diminuer depuis ce
moment-là. Alors, une telle régression dans la possibilité
qu'ont les citoyens et citoyennes de faire valoir et respecter leurs droits
est, selon nous, indéfendable dans une société qui
prétend vouloir défendre les intérêts des moins bien
nantis. Alors, on doit, dans cette perspective-là, aborder
nécessairement l'incontournable question des seuils
d'admissibilité.
Alors, compte tenu du peu de personnes encore admissibles à
l'aide juridique et, aussi, compte tenu du fait qu'on accueille positivement la
possibilité de rendre une plus large partie de la population admissible
à l'aide juridique, nous demandons au ministre d'agir rapidement afin
d'augmenter substantiellement les seuils d'admissibilité au
régime. À ce chapitre-là, nous retiendrons
l'hypothèse de 120 % du MGA qui constitue, à notre avis, dans le
document du ministère, un plancher acceptable. On comprend qu'avec ce
critère-là retenu on ferait en sorte qu'une personne seule qui
aurait des revenus qui ne seraient pas supérieurs à 20 000 $ par
année soit admissible à l'aide juridique. On comprendra qu'une
personne seule avec un revenu brut de 20 000 $ par année, une fois
logée, nourrie, transportée, vêtue, n'a pas les moyens de
recourir aux services des professionnels du droit.
En plus de cette augmentation substantielle au niveau des seuils
d'admissibilité, on pense qu'on doit réinstaurer le principe
injustement abandonné, à notre avis, de l'indexation annuelle des
barèmes d'admissibilité. Donc, on pense qu'il est important qu'on
retourne à cette formule-là et qu'elle soit maintenue pour le
futur.
Cependant, on ferait une exception aux principes généraux
qu'on vient d'établir au niveau des seuils d'admissibilité, et ce
serait en matière d'accidents et de maladies du travail. Vous
comprendrez que c'est notre domaine d'intervention spécifique. On
soutient que la seule augmentation des seuils d'admissibilité en cette
matière serait insuffisante et on réclame du gouvernement du
Québec la formation d'un régime où on aurait un
accès universel et gratuit à tous les services juridiques
nécessaires au règlement des litiges en matière
d'accidents et de maladies du travail. (10 h 20)
Les coûts de ce programme-là devraient, bien sûr,
être, à notre avis, assumés par les employeurs. Cette
revendication-là repose sur trois éléments fondamentaux,
le premier étant, comme vous le savez tous et toutes dans vos bureaux de
comté, l'inégalité des forces en présence dans un
combat autour de la question d'un accident de travail ou d'une maladie
professionnelle. Je pense que n'importe qui qui fait un examen honnête de
la question se rend compte que les travailleurs et les travailleuses ont des
moyens un peu moins importants que ceux dont disposent la CSST et leurs
employeurs.
Deuxièmement, il faut comprendre qu'en matière de
lésions professionnelles, le combat qui est mené par les citoyens
et citoyennes est souvent un combat à deux contre un,
c'est-à-dire que la CSST, lorsqu'elle intervient en matière
d'indemnisation, intervient habituellement devant les tribunaux pour
défendre les intérêts de l'employeur, ce qui est normal
parce que, au fond, elle partage les mêmes intérêts que cet
employeur-là, c'est-à-dire celui de ne pas payer. Donc,
l'accidenté se retrouve souvent devant le tribunal face à deux
parties, bien souvent représentées par avocat.
Et, troisièmement, on pense que cette revendication repose sur le
principe fondamental voulant que les employeurs doivent être responsables
des conséquences des lésions professionnelles. Et une des
conséquences des lésions professionnelles, dans le régime
d'indemnisation qu'on s'est donné, est la nécessité d'une
représentation devant les tribunaux. On aura l'occasion de revenir un
peu plus sur cette question-là, mais il est important de
savoir qu'on n'est pas en tram d inventer la roue en
présentant une chose comme ça. C'est des choses qui existent,
entre autres, en Colombie-Britannique, au Manitoba, en Ontario et au
Nouveau-Brunswick. Donc, c'est peut-être une chose à laquelle on
n'est pas habitué, mais c'est quelque chose qui existe. On n'a pas
inventé la roue avec cette revendication-là bien qu'on la porte
depuis 1981.
Au niveau des facteurs à considérer lors de
l'analyse de l'admissibilité c'était une question qui
était abordée dans le document du ministre on
considère que l'ensemble de la situation économique d'une
personne doit être considéré. On ne tient pas ici à
faire une liste exhaustive de toutes les choses qui doivent être
considérées, mais, pour illustrer un peu notre pensée,
prenons l'exemple d'une personne qui a des frais de médication
très importants à cause d'une maladie ou des frais de transport
très importants à cause d'un handicap. On considère que,
lors de l'admissibilité, ces différents facteurs-là
devraient être tenus en compte.
Au niveau de la période de référence
à retenir pour savoir si une personne est admissible à l'aide
juridique ou pas, le ministre, dans le document, semblait examiner deux
possibilités, soit la situation actuelle du réclamant au moment
où il demande accès à l'aide juridique ou la question du
revenu annuel. Ce qu'on demande au ministre, c'est qu'il retienne concurremment
ces deux critères-là et qu'on fasse en sorte qu'on déclare
une personne admissible à l'aide juridique si elle rencontre un de ces
deux critères. On juge aussi, finalement, que le pouvoir
discrétionnaire des corporations d'aide juridique doit être
maintenu dans cette matière-là parce qu'il a été
très utile par le passé et il nous a aussi permis de
défendre des dossiers types qui ont pu profiter à plusieurs
citoyens et citoyennes engagés dans des combats similaires.
On voudrait terminer cette partie sur le principe de la
gratuité des services pour les personnes admissibles. Dans le document
du ministère, on était à même de constater que le
ministre de la Justice semblait tenter d'exiger des bénéficiaires
de l'aide juridique une contribution sous une forme ou sous une autre. Alors,
à ce point de vue là, on veut être très clairs; on
pense qu'il est de l'essence même du régime que les services
accordés aux bénéficiaires le soient à titre
gratuit.
On s'oppose également à l'imposition d'un
ticket modérateur et on veut ici réfléchir sur la chose.
C'est-à-dire qu'un ticket modérateur est quelque chose qui vise,
par définition, la modération des abus, et je pense qu'il faut
comprendre qu'il n'y a pas d'abus en matière d'aide juridique et que le
mécanisme d'analyse d'admissibilité vérifiant s'il y a
apparence de droit est d'ailleurs là pour s'en assurer. Donc, on pense
que l'idée d'un ticket modérateur dans le régime d'aide
juridique est une idée à abandonner. De plus, on pense que
l'imposition d'un tel ticket modérateur ou de frais d'ouverture de
dossier pourrait nuire au travail de prévention qui est fait par des
bureaux d'aide juridique et qui est, à notre sens, utile et
pertinent.
M. Poisson (Philippe): Je vais continuer pour la suite du
document, pour les deux prochaines parties du document. Alors, on a...
Le Président (M. Parent): M. Poisson.
M. Poisson (Philippe): Oui. On a abordé la
question de l'admissibilité. A notre avis, une autre question qui est en
lien direct avec l'admissibilité, c'est la question de l'étendue
de la couverture de l'aide juridique. En effet, l'étendue de la
couverture des services d'aide juridique, à notre avis, est une question
tout aussi importante que celle de l'admissibilité. À quoi il
servirait d'élargir l'admissibilité à l'aide juridique si
ce régime même devenait une coquille vide et si
l'élargissement de l'admissibilité dont ont besoin les citoyens
et les citoyennes n'était plus couvert?
À notre avis, il n'y a pas de petits et de grands
droits et, si le législateur a jugé bon de les créer,
c'est qu'ils ont tous leur utilité. Et tout régime d'aide
juridique qui se respecte doit minimalement viser à ce que toute
personne admissible puisse exercer chacun de ses droits.
Actuellement, la Loi sur l'aide juridique garantit aux
personnes admissibles tous les services requis afin que celles-ci puissent
faire valoir leurs droits, quel que soit le domaine du droit touché.
Nous croyons nécessaire de maintenir cette couverture
intégralement. Les personnes moins bien nanties doivent avoir
accès à tous les services juridiques nécessaires à
l'exercice et au respect de leurs droits, et ce, dans tous les domaines du
droit. Nous sommes donc d'avis que la valeur du service juridique
demandé, tout comme la valeur du droit revendiqué, ne devrait
jamais être invoquée comme motif pour exclure une personne des
bénéfices du régime d'aide juridique.
Comme ma collègue le disait tout à l'heure,
il y a un volet prévention au régime d'aide juridique. La loi
actuelle prévoit la couverture de services d'information et de
consultation juridiques, et nous sommes d'avis qu'il faut les maintenir. Ces
services de prévention sont aussi utiles et nécessaires que les
mesures préventives en matière de santé publique, de
sécurité publique ou de santé-sécurité au
travail, et il faut que ce soit maintenu afin qu'on se retrouve devant les
tribunaux pour régler les litiges.
Une autre question qui, à notre avis, est
très importante, c'est le droit d'être représenté
par un avocat ou par une avocate. Alors, le droit à la
représentation par un avocat ou une avocate devant tout tribunal est
reconnu par le droit québécois depuis fort longtemps, notamment
par la Charte des droits et libertés de la personne. Nous trouvons
outrageant que le ministre de la Justice se questionne sur l'opportunité
de maintenir ce droit pour certains bénéficiaires de l'aide
juridique.
Le ministre remet en cause le droit de
bénéficier de l'aide juridique lorsque la personne est
présumément en mesure d'assurer sa défense et de faire
valoir ses droits elle-même. Comment peut-on s'assurer qu'une
personne peut se défendre elle-même quand on sait qu'il est
fortement recommandé aux juristes, et ce, par les facultés de
droit et par le Barreau du Québec, de ne pas assurer leur propre
représentation lorsqu'ils sont parties à un litige? Comment
peut-on expliquer qu'une personne n'ayant aucune formation juridique puisse
assurer sa propre représentation alors qu'une personne possédant
une telle formation ne le serait pas? Dans un litige à caractère
juridique, qui peut prétendre pouvoir assurer sa propre défense?
On vous le demande. La seule personne pouvant répondre à cette
question, à notre avis, c'est la personne elle-même, et il est
donc indispensable qu'il en revienne à la personne en cause de choisir
si elle a besoin ou non d'un avocat ou d'une avocate.
Une autre des question abordées par le ministre nous touche de
façon très particulière. Il s'agit de la
représentation devant les bureaux n'exigeant pas que le procureur soit
membre du Barreau du Québec. En effet, en matière de
lésions professionnelles ou de santé-sécurité au
travail, une partie peut se faire représenter par la personne de son
choix. Bien qu'il ne soit pas nécessaire d'être
représenté par un avocat ou une avocate devant les tribunaux
administratifs ayant juridiction en ces matières, il est rare de voir
des auditions où il n'y a pas d'avocats et d'avocates impliqués.
Face à l'accidenté, il y a à peu près toujours soit
l'avocat ou l'avocate de l'employeur, soit celui ou celle du contentieux de la
CSST, soit les deux.
Bien sûr, comme c'est le cas pour les accidentés, la loi
n'oblige pas l'employeur et la CSST à se faire représenter par un
avocat ou une avocate, mais, dans les faits, les juristes sont
omniprésents devant ces tribunaux. Dans ce contexte, refuser aux
victimes d'accidents et de maladies du travail le droit à l'aide
juridique sous prétexte que la représentation par des
non-juristes est permise équivaudrait,à un déni de
justice. En effet, les employeurs et la CSST continueraient, comme ils le font
déjà, à se payer des juristes spécialisés
des grands bureaux afin d'écraser les victimes d'accidents et de
maladies du travail. Comme le disait ma collègue,
l'inégalité des parties en présence est déjà
assez grande sans qu'on diminue encore davantage le peu de moyens dont
disposent les travailleurs et les travailleuses.
En respectant la Charte des droits et libertés, nous croyons
fermement que le régime d'aide juridique doit absolument continuer de
couvrir toute personne admissible devant tout tribunal. (10 h 30)
Nous sommes aussi favorables au maintien de l'article 69 de la Loi sur
l'aide juridique tel qu'il est actuellement. Une personne admissible à
l'aide juridique doit pouvoir continuer de bénéficier du
régime d'aide juridique lorsque l'objet principal du litige vise
l'obtention d'un montant d'argent. Toutefois, nous nous opposons à tout
élargissement du champ d'application de cet article-là qui
pourrait viser et y inclure tous les cas où une somme d'argent peut
être associée au litige. Dans une grande partie du droit social
comme, par exemple, l'aide sociale, l'assurance-chômage, l'assurance
automobile et les accidents du travail, la reconnaissance d'un droit donne
souvent accès à une prestation monétaire. Refuser à
ces personnes qui répondent aux critères d'admissibilité
le droit de se faire payer les frais des services juridiques requis uniquement
parce qu'elles peuvent toucher un montant d'argent si elles gagnent leur cause
nous semble contredire l'objectif du régime qui, rappelons-le, vise
à assurer l'accessibilité à la justice aux personnes
à faible revenu.
Au niveau de l'organisation du régime actuel, l'Assemblée
des travailleurs et travailleuses accidenté-e-s du Québec
constate que le régime d'aide juridique québécois est
fondé sur le libre choix par les bénéficiaires d'un avocat
ou d'une avocate, ce qui comprend la possibilité de choisir entre des
juristes provenant soit du réseau public d'aide juridique, soit des
cabinets privés, et nous croyons que ce principe-là doit
être maintenu.
Au niveau de la structure même de l'aide juridique, il semble que
les questions du ministre ne sont pas très explicites à cet
égard, et nous percevons, dans plusieurs d'entre elles, une remise en
question du réseau public d'aide juridique. Et, afin d'éviter
toute ambiguïté, nous serons clairs. L'Assemblée des
travailleurs et travailleuses accidenté-e-s du Québec est contre
tout démembrement, à plus ou moins long terme, de notre
réseau public d'aide juridique au profit des cabinets privés. Le
réseau public est un acquis sur lequel les moins bien nantis de notre
société doivent pouvoir compter. Nous sommes aussi d'avis que les
structures décentralisées actuelles des corporations
régionales d'aide juridique doivent être maintenues car ces
structures respectent davantage la spécificité de chaque
région et elles permettent aux citoyens et citoyennes de faire valoir
leurs préoccupations.
On croit que la structure actuelle du régime fonctionne et,
à notre avis, de façon convenable. Évidemment, rien
n'empêche d'y apporter des modifications visant à
l'améliorer. Si la volonté du ministre de la Justice est de
créer deux volets à l'intérieur du réseau public
d'aide juridique actuel, en maintenant la qualité du service, nous ne
nous y opposons pas. Si le ministre désire plutôt créer,
parallèlement au réseau public actuel, qui serait maintenu, un
nouveau réseau public spécialisé dans le domaine du droit
social, par exemple, qui serait formé des cliniques juridiques
communautaires où des avocats ou des avocates pourraient travailler avec
des travailleurs et des travailleuses juridiques communautaires, comme il
existe en Ontario, nous n'avons rien contre. Cependant, une chose est claire:
quelle que soit la structure retenue, le droit d'être
représenté par un avocat ou une avocate doit être
maintenu.
Le questionnement du ministre laisse aussi place à une
troisième formule, et notre impression est qu'il est dans son intention
de privilégier cette approche. Cette formule consisterait en une
structure formée par les cliniques d'aide juridique actuelles, qui
auraient la tâche de s'occuper de tous les domaines du droit où la
représentation est de juridiction exclusive des avocats et avocates,
accompagnée d'une structure parallèle formée
d'organismes communautaires et populaires, qui seraient chargés
d'informer, de conseiller, d'assister les bénéficiaires dans
leurs démarches auprès des tribunaux où la
représentation n'est pas du ressort exclusif des membres du Barreau. En
somme, il y aurait création d'une espèce de réseau
parapublic formé d'organismes communautaires redevables à la
Commission des services juridiques.
Le Président (M. Parent): Je vais vous prier
d'accélérer un petit peu. On va prendre une minute et demie, deux
minutes. On n'est pas à cheval trop, trop sur ça, mais il s'agit
de...
M. Poisson (Philippe): O.K.
Le Président (M. Parent): Très bien.
M. Poisson (Philippe): Cette dernière formule-là,
pour les associations d'accidentés du travail, on se sent très
concernés par cette formule car notre champ d'intervention se situe
justement dans un domaine du droit où la pratique, la
représentation, n'est pas du ressort exclusif des avocats ou
avocates.
On croit nécessaire de rappeler que le fondement des associations
d'accidentés du travail n'est pas d'offrir des services, mais
plutôt de promouvoir, de défendre les intérêts et les
droits des victimes d'accidents et de maladies du travail. Bien sûr, ces
associations-là offrent certains services d'information, de conseil et
de représentation aux membres et aux travailleurs non syndiqués,
services qui sont d'excellente qualité. Toutefois, nous tenons à
signifier clairement que nous ne sommes pas disposés à voir nos
organisations se joindre à un réseau parapublic communautaire
d'aide juridique. Nous n'avons jamais été, nous ne serons pas et
nous ne désirons pas devenir des bureaux d'avocats populaires.
Mme Flibotte (Liane): Peut-être la dernière chose
qu'on pourrait...
Le Président (M. Parent): Dépêchez-vous, Mme
Flibotte.
Mme Flibotte (Liane): Oui.
Le Président (M. Parent): Allez.
Mme Flibotte (Liane): Pardon. Peut-être que la
dernière chose qu'on pourrait aborder ensemble, c'est la question de la
tarification. Certaines personnes pourraient être portées à
croire que la question de la tarification des services juridiques, c'est,
finalement, une question exclusivement économique, une question de
revenus pour les avocats et les avocates de pratique privée et une
question de dépenses pour l'État. On pense, à l'ATTAQ, que
c'est, au contraire, un aspect déterminant pour les
bénéficiaires de l'aide juridique. En matière de droit
administratif particulièrement et c'est le domaine du droit dont
nous discuterons maintenant les honoraires versés aux avocats et
aux avocates de pratique privée sont très peu respectueux du
travail exécuté.
À titre d'exemple, en matière d'accidents de travail et de
maladies professionnelles, un avocat ou une avocate qui se présentera
devant le Bureau de révision paritaire, soit le premier palier d'appel,
recevra un montant total de 262 $, et ce, pour tout le travail
exécuté depuis le début du dossier. La tarification a donc
des conséquences sérieuses parce qu'elle affecte le nombre
d'avocats et d'avocates qui sont disposes à représenter les
victimes de lésions professionnelles sur des mandats d'aide juridique.
Elle remet également en cause l'abandon des services juridiques
charitables qui a eu lieu en 1972, lors de la naissance du régime, parce
que, de demander à des professionnels du droit de travailler à
ces tarifs, c'est, au fond, leur demander de faire la charité.
Et le principe aussi qu'on risque d'attaquer, c'est qu'un client sur un
mandat d'aide juridique doit voir son dossier recevoir autant de soins et
d'attention qu'une personne solvable dans la pratique privée, et,
évidemment, à ces tarifs-là, même avec la meilleure
volonté du monde, on peut douter de la qualité à long
terme du travail. Et, en plus, on pense que cette approche-là met en
péril la gratuité des services reçus. Alors, on estime
que, pour les victimes, une situation comme ça est intenable et qu'elle
doit être corrigée rapidement. Alors, dans ce contexte, on ne peut
qu'appuyer la revendication des avocats et avocates de pratique privée
d'être mieux rémunérés pour les services juridiques
qu'ils et elles rendent aux bénéficiaires d'aide juridique en
droit administratif. Il s'agit là de revendications justes et
légitimes des avocats et avocates et qui vont également dans le
sens des intérêts des bénéficiaires, comme nous
l'avons dit. Nous voulons que ce litige entre les juristes de pratique
privée et l'Etat soit réglé rapidement afin que les
bénéficiaires d'aide juridique que le régime
prétend servir évitent d'en faire les frais.
Le Président (M. Parent): Alors, je vous invite à
conclure, là.
Mme Flibotte (Liane): Oui. Alors, on invite le ministre, sur
cette question-là, à agir rapidement de façon à
augmenter substantiellement les tarifs versés en matière de droit
administratif.
Alors, on salue positivement la volonté du ministre d'agir dans
le cadre de la loi de l'aide juridique de façon à bonifier le
régime. On s'oppose cependant à ce que ça se fasse en
sacrifiant la couverture actuelle ou les personnes admissibles actuellement, et
on pense que la réforme n'a pas besoin d'être aussi gigantesque
que toutes les questions qu'on a regardées dans le document du
ministère, mais qu'on doit se concentrer principalement sur une
augmentation substantielle des seuils d'admissibilité et sur une
augmentation substantielle de la tarification en matière de droit
administratif.
Le Président (M. Parent): Merci, madame. Et,
sur ce, je reconnais M. le ministre de la Justice. M. le ministre.
(10 h 40)
M. Lefebvre: Merci, M. le Président, député
de Sauvé, tout nouveau président de la commission des
institutions, que je veux saluer. M. le Président, Mme Flibotte, M.
Poisson, je veux, dans un premier temps, vous saluer à mon tour, vous
souhaiter la bienvenue à cette commission parlementaire qui en est une
de consultation. Vous remercier, dans un premier temps, d'avoir soumis un
mémoire qui touche une question qui est fondamentale, évidemment:
le recours des accidentés du travail. Et je crois que c'est vous, tout
à l'heure, Mme Flibotte, qui avez fait référence au fait
que des députés, quotidiennement ou presque, ont effectivement
rencontré des accidentés du travail qui sont en discussion avec
la CSST. Vous avez raison, on en rencontre régulièrement. Je
pense qu'il n'y a pas une journée de bureau dans nos comtés
particulièrement dans les régions rurales, mais
également dans les grands centres urbains où on n'a pas
devant nous un travailleur qui est en butte à la très difficile
démarche qu'on doit faire à la CSST. Vous avez raison
là-dessus, madame. Et je veux vous remercier d'avoir soumis un
mémoire qui, essentiellement, votre mémoire... pas se limite,
mais, essentiellement, porte sur le problème du travailleur en
discussion avec la CSST. Vous traitez évidemment d'autres sujets qui
touchent le régime, mais votre point de vue sur certains aspects du
régime est moins précis, et je comprends. D'ailleurs, je dois
vous indiquer que la plupart des intervenants se limitent, pour l'essentiel,
aux points de vue qui touchent leur organisme. Et merci d'être là
aussi, ce matin, pour expliciter ce qui est contenu dans votre
mémoire.
Je voudrais, dans un premier temps, vous rappeler, et c'est fondamental
et extrêmement important, que le document qui a été soumis
par mon prédécesseur, M. Rémillard, en est un de
questionnement. C'est un document de questionnement; ce n'est pas la position
de l'ex-ministre de la Justice. Ce n'est pas non plus la position du
gouvernement du Québec ni la position de celui qui vous parle. Vous
savez, de façon globale et générale, on reconnaît
que le système d'aide juridique au Québec est un des meilleurs,
sinon le meilleur au Canada. Si on met en parallèle la couverture des
services versus la gestion, la structure du régime, on reconnaît
que c'est à peu près le meilleur régime d'aide juridique,
au Québec. Il y a évidemment un questionnement qui
m'apparaît être extrêmement légitime sur le seuil
d'admissibilité. Mais, quant au reste c'est d'ailleurs à
peu près ce que vous dites dans votre document on a un bon
régime d'aide juridique, mais tout est perfectible.
Vous savez, le régime, il est en place depuis 1973, et, jamais
à date, il a été, depuis, questionné à fond
quant à l'ensemble du régime d'aide juridique, et c'est à
cet exercice-là qu'on a convié les différents
intervenants. Ça, je veux que vous soyez rassurés
là-dessus: ce n'est pas, le document, une position du gouvernement.
Cependant, il faut s'interroger sur la couverture des services. Il faut
s'interroger également sur la judicia-risation qu'on a, au cours des
années, développée au Québec quant à la
démarche de différents intervenants au niveau des tribunaux de
droit commun comme des tribunaux de droit administratif. On a peut-être
trop judiciarisé la démarche, et il faut se questionner
là-dessus. Plusieurs intervenants nous ont dit: Mettez un peu plus...
Axez votre démarche de réévaluation du régime,
entre autres, sur l'information. On nous dit qu'il y a peut-être un
problème d'information au niveau des justiciables. Parce qu'il y a un
problème d'information, ça débouche souvent sur une
procédure de judiciarisa-tion, avec la conséquence que ça
comporte: Fembourbe-ment de nos tribunaux, que ce soit au niveau pénal
ou criminel ou en toute autre matière. Il faut également
s'interroger sur des points, quant à moi, assez importants que sont les
frais d'expertise et le coût du régime dans son ensemble. la
proposition que vous nous faites quant au rehaussement du seuil
d'admissibilité à 120 % du maximum des gains admissibles,
j'imagine que vous avez fait un calcul, ne serait-ce que global, mais sans,
évidemment, avoir une évaluation professionnelle. mais,
globalement, si vous l'avez évaluée en gros, ça voudrait
dire une augmentation, quant au coût du régime, de plus ou moins
68 000 000 $. c'est énormément d'argent, lorsqu'on sait... et je
regardais ce matin dans le journal de québec, il y a eu une
conférence de presse dont vous faisiez partie, je crois, votre groupe...
peut-être pas, peut-être pas, mais il y a des... alors:
«l'aide juridique devrait être davantage accessible», selon
des groupes de pression devant la commission parlementaire. alors, il y avait
des organismes tels que la ligue des droits et libertés, la csn, le
mouvement action-chômage, etc. il y a beaucoup d'éléments,
qui apparaissent dans le texte, que vous avez soulevés de façon
différente ce matin. dans le texte du journaliste roberge, on l'indique:
le système d'aide juridique a coûté plus ou moins, l'an
passé, 110 000 000 $ là. alors, votre suggestion de hausser le
seuil d'admissibilité, ça déboucherait sur une
dépense de plus ou moins 68 000 000 $. vous suggérez, en plus,
d'augmenter les honoraires des avocats. alors, ça s'ajouterait,
évidemment, aussi aux coûts additionnels.
Ces remarques préliminaires étant faites, je voudrais,
dans un premier temps, vous demander votre avis sur les frais d'expertise,
parce que, en matière de... lorsque vous êtes confrontés,
au nom de vos travailleurs, à la CSST, vous avez, vous le savez, besoin,
presque toujours, pour des cas graves et sérieux, d'avoir des expertises
médicales. Est-ce que vous considérez qu'on devrait
évaluer la possibilité de tarifer, tout comme on le fait à
l'intérieur du régime d'aide juridique... Les avocats, les
notaires ont des tarifs très, très précis. Est-ce qu'on
devrait se pencher sur cette proposition qui nous est faite par certains
organismes de tarifer l'expertise, qu'elle soit médicale ou de tout
autre ordre?
Mme Flibotte (Liane): Sur cette question-là... Comme vous
avez remarqué, dans le mémoire de l'ATTAQ là, on n'a pas
abordé la question. Je pense qu'il serait intéressant de se
pencher sur la question, ce qui ne veut pas dire que j'appuie, par mon propos,
l'idée que ce soit une bonne idée. Mais je pense que,
effectivement, c'est une question qui mérite réflexion et qui
mérite qu'on l'explore. Ceci dit, bon, une fois l'exploration faite,
l'ATTAQ pourra se prononcer à sa faveur ou à sa défaveur,
mais je pense que c'est une question qui mérite d'être
explorée.
M. Lefebvre: Je vous rappelle, Mme Flibotte, que, l'an
passé, à l'intérieur du régime d'aide juridique, on
a consacré, là, plus ou moins S 500 000 $ aux coûts
d'expertises. À la page 7 de votre document, vous indiquez clairement
que vous êtes contre toute contribution du bénéficiaire.
Alors, vous avez, en même temps également, dans votre
exposé c'est vous, M. Poisson indiqué qu'il y avait
des suggestions émanant du Barreau du Québec. Avez-vous fait
référence au Barreau du Québec? Vous savez que le Barreau
du Québec a une suggestion qui se divise en trois ou quatre volets
là, mais qui parle, entre autres, de permettre au citoyen à
revenu moyen de pouvoir bénéficier du régime d'aide
juridique, mais pas au même titre que le plus démuni. Le Barreau
du Québec suggère, et d'autres organismes également, qu'on
puisse, à partir de certains niveaux, demander aux
bénéficiaires de contribuer financièrement au
régime. Est-ce que vous avez une opinion là-dessus? Je comprends
que, dans votre document, vous dites: On est...
Mme Flibotte (liane): Bien, c'est la même opinion que je
vais vous répéter. Je pense que le mémoire est assez
clair: on s'objecte à toute contribution des bénéficiaires
de l'aide juridique pour les services qu'ils reçoivent. On pense que
c'est de l'essence même du régime que les services fournis soient
gratuits. Maintenant, la question du seuil d'admissibilité, vous serez
le mieux placé pour en décider et en assumer les
conséquences, mais la position du mémoire de l'ATTAQ est
très claire: nous nous opposons à toute contribution des
bénéficiaires du régime d'aide juridique.
M. Lefebvre: Est-ce que vous en faites une question de
principe?
Mme Flibotte (Liane): Oui, absolument.
M. Lefebvre: Mais, au point de vue strictement pratique, si on
voulait permettre à plus de monde, particulièrement la classe
moyenne, d'avoir accès au régime, est-ce que vous ne pensez pas
qu'on devrait l'évaluer de façon différente pour un
travailleur qui serait à 37 000 $, 38 000 $ par année puis
je ne suis pas en train de vous dire que c'est un salaire extraordinaire,
là un revenu de 37 000$ ou 38 000$ par année versus le
travailleur qui, lui, gagnerait beaucoup moins, c'est-à-dire plus ou
mois 18 000 $ ou 19 000 $, est-ce qu'on ne devrait pas imaginer une
possibilité d'une approche différente et, entre autres, le volet
contributoi-re, une participation financière quelconque du
bénéficiaire à revenu moyen?
Mme Flibotte (Liane): Je vais vous répondre la même
chose. C'est une question que vous pouvez explorer, mais la question, pour
nous, c'est vraiment une question de principe et on pense que la pratique doit
parfois se conformer au principe. On s'objecte à toute contribution.
M. Lefebvre: Ça, c'est une réponse d'avocate,
ça. C'est une bonne réponse.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Flibotte (Liane): Je ne suis pas avocate.
M. Lefebvre: Alors, vous en faites une question de principe, mais
vous seriez...
Mme Flibotte (Liane): Voilà!
M. Lefebvre: Ce que je comprends, c'est que vous ne seriez pas
rébarbative à ce qu'on l'évalue?
Mme Flibotte (Liane): Ce n'est pas ce que j'ai dit. Je dis qu'on
s'y oppose, en principe, mais que vous êtes responsable de ce que vous
décidez d'évaluer ou pas...
M. Lefebvre: O.K.
Mme Flibotte (Liane): ...et de vivre avec après. Ha, ha,
ha! (10 h 50)
M. Lefebvre: D'accord. D'accord. Vous insistez beaucoup sur la
représentation par avocat. Est-ce que vous croyez que l'avocat doit
être impliqué dans la démarche et on parle toujours
d'un cas de CSST du début à la fin de la démarche
du bénéficiaire, c'est-à-dire à partir des
premières discussions avec la CSST jusqu'à la
représentation, s'il y a lieu, devant les commissaires? Est-ce que vous
considérez que l'avocat doit être impliqué du début
à la fin?
Mme Flibotte (Liane): Je pense que, quand on revendique le
maintien du droit à l'avocat, ça ne veut pas
nécessairement dire qu'on prône que toutes les victimes de
lésions professionnellement soient nécessairement
représentées par un avocat ou une avocate. On pense qu'il y a des
gens qui n'ont pas nécessairement une formation en droit, mais qui ont
une expérience en matière de représentation depuis des
années et qui peuvent faire un travail de toute aussi bonne
qualité qu'un membre du Barreau ou qu'une membre du Barreau.
Cependant, ce dont on se rend compte dans les
cas d'accidents et de maladies du travail, c'est qu'un dossier qui est
mal parti devient de plus en plus compliqué. Alors, à cet
égard-là, je pense qu'il est important que ce soit un avocat ou
que ce soit une personne du choix de l'accidenté...
M. Lefebvre: Qualifiée, une personne qualifiée.
Mme Flibotte (Liane): ...une personne qualifiée, qui est
en mesure de bien conseiller et de bien supporter le travailleur ou la
travailleuse dans ses démarches. Je pense que, effectivement, oui, c'est
utile que la personne soit là des le début parce que, quand on
part mal, habituellement, on ne finit pas très bien dans ces
dossiers-là.
M. Lefebyre: À la page 11 de votre mémoire, Mme
Flibotte, vous discutez de l'application de l'article 69 et vous semblez
être inquiète sur l'intention qu'on aurait de modifier
l'application de l'article 69. J'aimerais que vous donniez quelques
explications sur votre inquiétude là.
Mme Flibotte (Liane): Bien, c'est un peu ce qu'on présente
dans le mémoire. C'est-à-dire que, en matière de droit
social, quand on voit un droit reconnu, ce droit-là est souvent
matérialisé dans une prestation monétaire. Alors, on
reconnaît qu'on a eu un accident de travail, cela nous donne droit
à une indemnité de remplacement de revenu. Donc, c'est une
indemnité monétaire. Et, ce dont on voulait s'assurer, c'est que
le ministre n'étende pas le champ d'application en disant: Bon, bien,
maintenant, tout le droit social qui donne accès à une prestation
monétaire...
M. Lefebvre: Oui, je comprends. Je comprends, madame.
Mme Flibotte (Liane): Alors, c'était le... M. Lefebvre:
D'accord.
Mme Flibotte (Liane): C'était le but de notre
préoccupation.
M. Lefebvre: Je vous interromps parce que je veux garder encore
quelques minutes pour vous revenir avec M. Poisson tout à l'heure. Et je
laisse à mes collègues de l'Opposition officielle le soin,
maintenant, de vous poser leurs propres questions.
Le Président (M. Parent): Merci, M. le ministre. Je ne
sais pas si c'est à titre de président de la commission des
institutions ou membre d'une famille où je suis le seul homme, ou
père d'une avocate, mais je vous souligne que, aujourd'hui, c'est le 8
mars, Journée internationale des femmes. Alors, je pense que la
commission des institutions se doit de souligner l'effort des femmes et leur
implication dans le système de justice et juridique du Québec.
À cet effet, j'ai reçu, il y a quelques instants, une proposition
de Mme la députée de Terrebonne que je juge recevable et que mes
collègues acceptent aussi, et je vous demande de nous en faire part, Mme
la députée.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, je souhaite que
soit faite la motion suivante: Qu'en cette Journée internationale des
femmes, nous soulignions de manière particulière le travail des
femmes qui oeuvrent, d'une façon ou d'une autre, à promouvoir une
plus grande accessibilité à la justice et de toutes celles qui,
par leurs actions quotidiennes, contribuent à instaurer une justice
égale pour tous et toutes.
Le Président (M. Parent): Merci. Mme la
députée. Bravo, madame! Mme la députée de
Terrebonne, je vous reconnais.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, Mme Flibotte, M.
Poisson, merci beaucoup pour votre présentation. Comme votre
mémoire est effectivement très précis sur un sujet
particulier, nous allons profiter de votre présence pour questionner
davantage sur ce sujet particulier.
Dans le document de travail du ministère, on retrouvait qu'en
1991-1992, du côté des accidents du travail, il y avait eu 2649
dossiers, 2649 dossiers admis. Et ça, c'est uniquement les dossiers
admis au niveau de l'aide juridique. Quand on pense à l'ensemble des
dossiers qu'on retrouve dans ce secteur, c'est assez impressionnant. Et, pour
moi, l'objectif du gouvernement doit être toujours de judiciariser le
moins possible, c'est-à-dire d'essayer de prévenir et de
régler, le plus possible, les problèmes à la source. C'est
aussi une façon d'économiser de l'argent et d'obtenir, souvent,
une satisfaction plus grande aussi de la part des personnes qui... le processus
étant tellement long avant d'arriver au bout du processus du tribunal
administratif que la personne, même si, en bout de compte, ses droits
sont reconnus, a eu le temps de perdre, effectivement, beaucoup avant d'en
arriver là. Est-ce que vous pensez qu'il y aurait des efforts à
faire, compte tenu que vous connaissez bien le domaine, pour une meilleure
application de la loi? Est-ce que vous pensez que la loi n'est pas suffisamment
bien appliquée directement quand les décisions sont prises
à la source, ou si c'est, finalement, des changements importants qui
doivent être apportés à cette loi-là pour que,
justement, il y ait une meilleure justice qui soit rendue dès le
départ?
Le Président (M. Parent): Madame.
Mme Flibotte (Liane): Alors, on parle de la Loi sur les accidents
du travail et les maladies professionnelles?
Mme Caron: Oui.
Mme Flibotte (Liane): O.K. Je pense que, en
tout cas, pour les personnes qui étaient là en 1985, quand
la loi a été adoptée, ces personnes-là se
souviendront que l'ATTAQ n'était pas très chaude à
l'idée de l'adoption d'une telle loi. Je pense qu'il peut y avoir
certaines choses très mineures organisées sur le plan
administratif de l'appareil, mais je pense qu'il y a des choses à
questionner fondamentalement dans cette loi-là qui nécessiterait,
pour une transformation de la réalité, des amendements
législatifs sérieux, des amendements législatifs qu'on
réclame depuis des années, d'ailleurs, entre autres, que les
employeurs n'aient plus le droit de contester en matière
médicale. Évidemment, cela ferait en sorte qu'il y aurait un
petit peu moins d'appels et de chicanes juridiques sur ces questions-là.
C'est quelque chose qu'on a défendu à l'époque et qu'on
est prêts à redéfendre n'importe quand, mais ce serait un
des moyens par lesquels on pourrait éventuellement régler, en
tout cas, au moins un aspect important de la judiciari-sation sur toutes les
questions médicales dans le cadre de la LATMP.
Mme Caron: Je vous remercie. Donc, sur les deux plans... Parce
que, ce qui se passe, autant pour la CSST, on le retrouve dans les autres
tribunaux administratifs aussi, et je pense que, là aussi, il y aurait
des changements à apporter: autant des choses mineures, comme vous
dites, au niveau de l'organisation, mais aussi des changements sérieux
au niveau des lois.
Est-ce que vous croyez, Mme Flibotte ou M. Poisson, quand vous avez
dit... Bon, j'ai bien compris là: gratuité, donc gratuité
des services, d'ouverture, et tout ça. Lorsqu'il y a de l'argent en
cause, par exemple, lorsqu'on utilise l'article 69 là, est-ce que,
lorsqu'il y a des montants d'argent qui sont obtenus, est-ce que vous croyez
qu'à ce moment-là ce serait correct de réclamer le
remboursement des frais de l'aide juridique quand les sommes sont
considérables?
Mme Flibotte (Liane): c'est justement ce à quoi on
s'oppose dans notre mémoire, c'est de dire: on ne veut pas qu'en
matière de droit social le champ d'application de l'article 69 soit
étendu. et on pense que, bon, les gens qui... dans le fond, ce qu'il
faut comprendre, c'est que, quand les gens se retrouvent devant les tribunaux,
c'est des droits qu'ils se voient reconnaître et ce n'est pas des
montants d'argent. on se fait reconnaître le droit à
l'indemnité de remplacement de revenu et non pas le montant qui s'y
rattache. on se voit reconnaître 3 % d'atteinte permanente et non pas le
montant qui s'y rattache. et je pense que c'est ça qu'on essaie de bien
définir dans le mémoire, c'est que, en matière de droit
social, ce que les gens vont faire reconnaître, c'est des droits et non
pas des montants d'argent, et, dans cette logique-là, il nous semble
incongru qu'on pense élargir le champ d'application de l'article 69.
Et je comprends la préoccupation, bon, que nos élus
peuvent avoir concernant la question des coûts. Le ministre me demandait
tantôt si on avait fait une analyse des coûts globaux de la chose.
Bien, effectivement, on l'a fait, mais on l'a fait de l'autre
côté. On a pris une personne qui gagne 20 000 $. Puis là,
on a dit: Combien ça lui coûte, se loger? Combien ça lui
coûte, se nourrir? Combien ça lui coûte, se transporter?
Combien ça lui coûte, se vêtir? Alors, on l'a faite,
l'analyse globale, mais en partant plus des citoyens et des citoyennes que de
l'appareil gouvernemental et on s'est rendu compte que, à 120 % du MGA,
c'était quelque chose qui représentait un plancher pour nous. On
comprend aussi que les coûts sont importants, et, dans ce sens-là,
la création d'un service de représentation pour les travailleurs
et les travailleuses dont le financement serait assumé par les
employeurs serait, bon, cet aspect-là, cette partie de la tarte
là de coûts à l'aide juridique serait évidemment
assumée ailleurs, ce qui pourrait peut-être nous permettre, sans
engager trop de coûts supplémentaires au niveau des services du
régime d'aide juridique comme tel, d'assurer de meilleurs services et
une meilleure tarification de même qu'une meilleure
accessibilité.
Le Président (M. Parent): Merci, Madame.
Mme Caron: Deux points avant de vous poser une autre question. Au
niveau des coûts, bon, moi, je fais partie de celles qui croient qu'il y
a aussi des décisions à prendre à un moment donné,
des priorités. Le budget global de la Justice, c'est 1,2 % de tout le
budget de l'État. Ce n'est pas énorme, il faut le dire. Le budget
de l'aide juridique non plus, ce n'est pas l'ensemble de la Justice. (11
heures)
Je vous ai fait préciser pour les remboursements parce que
certains avocats de l'aide juridique nous avaient dit que certains
accidentés du travail, certains accidentés de la route
étaient même mal à l'aise lorsqu'ils obtenaient gain de
cause. Puis ils se disaient: Bon, bien, il me semble que je pourrais vous
remettre les coûts qui m'ont été chargés. Et, quand
même, ce n'est pas beaucoup pour le montant vous le disiez
vous-même, la tarification est faible obtenu. Ces gens-là
se sentaient mal à l'aise. Alors, c'est dans ce sens-là que je
vous posais la question, pour voir si, chez vous, vous sentiez que cette
préoccupation était là.
Mme Flibotte (Liane): Pas vraiment, mais je pense que ça
s'explique par l'ensemble de la conjoncture et de l'effritement du tissu
social. À un moment donné, on est tellement traités, quand
on revendique des droits, comme des privilégiés, d'obtenir des
choses qui sont finalement des droits les plus légitimes, qu'on peut
sentir cette culpabilité-là qui, à mon sens, n'est pas
nécessairement très bien placée et pas adéquate. Je
pense qu'on n'a pas à se sentir coupables de voir nos droits reconnus
quand on a été victime d'une lésion professionnelle.
Mme Caron: En page 6 de votre mémoire, vous nous dites que
vous souhaitez, finalement, un accès universel et gratuit à tous
les services juridiques nécessaires au règlement des litiges en
matière d'accidents et
de maladies du travail. Ma question, ce serait: selon vous, qu'est-ce
qui justifie qu'on le fasse dans ce domaine précis et pas dans d'autres?
Pourquoi ce droit-là précis par rapport aux maladies du travail
devrait être reconnu et non d'autres droits, par exemple?
Mme Flibotte (Liane): Je pense qu'il faut remonter dans
l'histoire un petit peu on va retourner au début du siècle
pour comprendre que nos régimes d'indemnisation en matière
de lésions professionnelles sont, finalement, d'anciens régimes
de responsabilité civile. Il faut se souvenir qu'au début du
siècle les employeurs étaient poursuivis par leurs
employés lorsqu'ils étaient blessés; l'employé
devant, bien sûr, prouver la faute, le dommage et le lien entre les deux.
À ce moment-là, si c'était démontré et
accepté par le tribunal, l'employeur devait compenser la victime.
Alors, il faut se souvenir que notre loi d'indemnisation, ce n'est pas
une loi sociale; c'est, dans le fond, un régime de responsabilité
sans faute. Il y a eu un compromis à un moment donné dans
l'histoire. Les travailleurs et les travailleuses ont dit: très bien, on
accepte de ne plus avoir le droit de poursuivre les employeurs dans la mesure
où les employeurs reconnaissent leur responsabilité des lieux de
travail et des conséquences des lésions professionnelles.
Alors, la raison pour laquelle on va de l'avant avec cette
revendication-là, c'est qu'on se dit: Si les employeurs, dans la logique
et l'histoire de ce régime-là, doivent être responsables
des conséquences d'une lésion professionnelle, dans le
régime que nous avons présentement, une des conséquences,
dans l'état de judiciarisa-tion où le régime se trouve,
est la nécessité d'être représenté devant les
instances d'appel. Et, comme je vous disais, ces services-là existent
déjà en Ontario, en Colombie-Britannique, au Nouveau-Brunswick,
au Manitoba. Donc, c'est sûr qu'au Québec on n'a jamais vraiment
eu l'occasion d'examiner cette chose-là en profondeur, mais on n'invente
pas la roue en vous présentant quelque chose comme ça. J'ai eu le
privilège aussi de lire le mémoire de la FATA, qui sera en mesure
aussi de développer là-dessus, et je pense qu'on appuie, en
principe, la revendication que la FATA met de l'avant dans son
mémoire.
Le Président (M. Parent): Merci madame. Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Oui, M. le Président, je vais poser une
dernière question avant de laisser la parole à mon
collègue d'Anjou, qui a quelques questions à poser.
Vous avez parlé amplement de la représentation des
avocats, et je pense que vous avez parfaitement raison de souligner que les
employeurs ont toujours des avocats. On sait que c'est extrêmement
difficile de se représenter, ce sont des dossiers complexes pour
en avoir traité amplement au bureau de comté, autant comme
attachée politique que comme députée. On sait aussi que
c'est quand même un système où la personne doit faire des
preuves, des véritables preuves, que c'est vraiment très,
très difficile pour la personne de se représenter, et qu'il y
aurait vraiment un déséquilibre si on enlevait ce
droit-là. Et votre exemple de dire qu'on conseille aux avocats de ne pas
se représenter eux-mêmes, je pense que c'est un bon exemple. Une
avocate me disait tantôt que c'est parce que les gens sont trop
émotifs quand c'est leur propre cause, et tout ça. Alors, c'est
la même chose pour n'importe quelle personne que pour un avocat; quand
c'est sa cause, il y a de l'émotion et on a des choses à
défendre.
Est-ce que vous pensez qu'au niveau du tribunal administratif... Parce
que, moi, je ne peux pas penser une proposition qui ferait qu'on enlève
les possibilités d'aide juridique, on enlève la
possibilité d'avocat, finalement, juste d'un côté. Est-ce
que vous pensez que, dans ces tribunaux administratifs, il faudrait enlever
complètement les avocats dans un tribunal administratif ou si vous
pensez que, cette solution-là non plus, ce n'est pas possible et qu'il
faut vraiment maintenir le système tel quel?
Mme Flibotte (Liane): Ce qu'il faut comprendre, comme vous l'avez
dit à l'introduction de votre question, c'est que, devant ces
tribunaux-là, les justiciables ont une preuve à faire. Alors,
qu'on ait les services d'un avocat ou qu'on n'en ait pas, il reste qu'on a une
preuve à faire. Il faut connaître la loi et il faut
connaître ce qui est susceptible de faire en sorte qu'on rencontre son
fardeau de preuve. Il faut connaître la jurisprudence pour être en
mesure d'articuler et d'appuyer la preuve qu'on met de l'avant. Alors, de
penser qu'on peut se retrouver devant ces tribunaux-là dans une parfaite
absence d'avocats ou de personnes, de représentants avec
expérience et compétence pertinentes, ça me semble un peu
impossible. Je ne vois pas comment on pourrait arriver à ça parce
que, bon, ça reste des tribunaux, il faut faire une preuve, il faut
connaître la loi, il faut connaître les outils, les moyens de
preuve qu'on peut faire valoir. Alors, je pense que c'est un peu illusoire de
penser qu'on pourrait se retrouver avec un régime de droit administratif
d'où les avocats ou les procureurs autres, avec compétences, sont
complètement exclus.
Mme Caron: Je vous remercie.
Le Président (M. Parent): Merci, madame. Je reconnais
maintenant M. le député de Chapleau. M. le député
de Chapleau, je vous rappelle que la formation ministérielle a encore un
crédit de trois minutes. Je vous écoute.
M. Kehoe: je serai très court, m. le président.
madame, dans votre mémoire, vous prévoyez trois choses
fondamentales, quand vous parlez des critères d'admissibilité. le
premier concernant l'hypothèse de 120 % du mga. ça, ça va
coûter, vous l'avez mentionné dans vos commentaires, 68 000 000 $
ça, tout seul si je ne me trompe pas.
Mme Flibotte (Liane): C'est ce que le ministre nous disait.
M. Kehoe: Et, ajoutée à cela, la question
d'indexation. Ça, c'est un autre... Je ne sais pas le chiffre exact.
Mais la troisième chose que vous proposez, c'est d'étendre la
couverture dans d'autres domaines. Est-ce que la couverture que vous allez
étendre... De maintenir et d'étendre la couverture. Dans votre
mémoire, vous dites: Nous réclamons du ministre l'accès
universel et gratuit à tous les services juridiques nécessaires
au règlement des litiges en matière d'accidents et de maladies du
travail.
Je comprends que l'employeur va payer ça, si je ne me trompe pas,
d'après votre mémoire, mais ça peut se chiffrer à
combien? Vous parlez... Avez-vous fait des estimés du coût que
ça peut représenter?
Mme Flibotte (Liane): Évidemment, on peut se servir de
quelques exemples qu'on a, mais je pense qu'avant... Vous allez voir que je
suis assez réfractaire à discuter de coûts parce que je
suis un peu lasse qu'on aborde toutes les questions de justice et les questions
de droit social par cette avenue-là. Ce qu'on peut voir, c'est qu'en
Ontario, par exemple, l'Office of the Worker Advisor, qui existe là-bas,
a eu un budget, l'an passé, de 8 000 000$.
M. Kehoe: C'est 8 000 000$ que des employeurs seront
appelés à payer.
Mme Flibotte (Liane): Oui, qui seront facturés à la
CSST de l'Ontario et que les employeurs paient par là.
M. Kehoe: Et, en ce qui concerne la couverture, mettons, dans le
domaine de l'immigration, dans le domaine pénal ou dans le domaine des
cours municipales, êtes-vous d'avis que ça devrait continuer?
Mme Flibotte (Liane): Ce qu'il faut comprendre, c'est que la
revendication qu'on met de l'avant, au niveau d'un service universel et
gratuit, ça vise l'unique question des lésions professionnelles.
C'est la seule question que ça vise, reposant sur les arguments que je
donnais à Mme la députée, tantôt.
Alors, pour les autres questions, on ne préconise pas, comme vous
semblez le dire, l'étendue de la couverture actuelle,
c'est-à-dire qu'on ne veut pas que la couverture actuelle soit
effritée; on veut le maintien intégral de la couverture telle
qu'elle existe actuellement.
Alors, la création de cet autre service, qui serait aux frais des
employeurs, est complètement en dehors du reste de l'argumentation qui
vise la généralité du régime.
M. Kehoe: Merci, madame.
Le Président (M. Parent): Votre temps est terminé.
Madame, je vous remercie. Je reconnais maintenant l'honorable
député d'Anjou. M. le député d'Anjou.
M. Bélanger: Je vous remercie. Après cette
présentation... Je voudrais que vous m'expliquiez un petit peu votre
raisonnement relativement à l'article 69. Vous savez,
présentement, en vertu de l'article 69, si on prend l'exemple de deux
voisins qui se querellent, et disons qu'un des voisins subit des dommages
physiques, avec même un DAP qui pourrait lui être fixé
un déficit anatomophysiologique s'il veut réclamer
une compensation pour une indemnité suite à un dommage physique,
en vertu de l'article 69, si c'est une réclamation d'argent, il va
falloir qu'il paie son avocat avec le montant qu'il va réclamer.
D'accord? (11 h 10)
Alors, vous me dites que vous êtes en faveur du maintien de ce
principe-là qui existe présentement, qui est l'article 69 tel
qu'on le connaît. D'accord? Mais, d'un autre côté, vous vous
opposez à toute forme de participation de la part d'un accidenté
de travail qui, finalement, peut réclamer la même chose,
c'est-à-dire un déficit pour un dommage qu'il a subi, avec un
pourcentage aussi de déficit anatomophysiologique qui lui est
attribué. Donc, pour moi, c'est le même genre d'argent, c'est le
même genre de dommage, c'est le même genre de reconnaissance de
droits qui sont impliqués aussi, et le traitement de l'article 69, pour
les cas de droit civil, est beaucoup moins généreux que celui que
vous demandez qui soit maintenu pour les accidentés du travail. Moi, je
me serais attendu à ce que vous demandiez un élargissement de
l'article 69, à ce moment-là, dans votre logique, à toute
demande d'indemnité d'argent pour un déficit physique, un dommage
physique.
Mme Flibotte (Liane): Quand je parlais des déficits
physiques, c'était à titre d'illustration. Je pense que ce qu'il
faut comprendre, c'est que, en matière de droit social, il y a des
choses qui ne sont pas nécessairement rattachées à un
montant forfaitaire, là. Le droit à l'indemnité de
remplacement de revenu, ou le droit à des prestations, quand on a
été refusé à l'aide sociale...
M. Bélanger: Oui, mais quand c'est relié à
un montant d'argent uniquement. Parce que j'en ai fait pendant 10 ans, moi
aussi, de la CSST. La plupart du temps, c'était pour une
indemnité, pour se faire fixer un DAP, ou soit contester un DAP, ou se
faire fixer une indemnité forfaitaire ou une rente suite au
déficit qui était attribué au bénéficiaire.
La plupart du temps, c'était ça. En tout cas, la plupart des
causes que, moi, je faisais, c'était ça. Alors, pour ces
causes-là, vous vous objectez à toute forme de participation ou
de remboursement de la part du bénéficiaire?
Mme Flibotte (Liane): Dans l'ensemble du droit social, on
s'oppose à ça. Ce qu'on dit, c'est que les gens vont faire
reconnaître des droits...
M. Bélanger: Oui.
Mme Flibotte (Liane): ...et non pas des dommages. Les gens vont
faire reconnaître des droits.
M. Bélanger: Mais comment le justifiez-vous par rapport
à mon exemple de personnes, de voisins qui se querellent et qui aussi
demandent finalement que leur soit reconnu un dommage, une compensation pour un
dommage physique qu'ils ont subi? Comment justifiez-vous la différence
dans le traitement des deux cas?
Mme Flibotte (Liane): Bien, c'est qu'il y a un domaine qui est du
droit social alors que l'autre est de la responsabilité civile. Je veux
dire, je pense qu'on peut examiner la question à savoir si, dans ces
cas-là, l'article 69 serait pertinent.
M. Bélanger: Oui.
Mme Flibotte (Liane): Ce dont on voulait s'assurer, je ne pense
pas qu'on ait jamais dit: nous sommes en faveur de l'article 69; voilà
la trouvaille! Ce qu'on vous dit, c'est qu'on veut s'assurer que cet
article-là, qui est déjà utilisé, ne voie pas son
champ d'application étendu. Je pense que c'est ça qu'il faut
comprendre de notre message. On ne veut pas que le champ d'application de
l'article 69 soit étendu au domaine du droit social.
M. Bélanger: D'accord. Non, c'est parce que je regardais
votre mémoire, à la page 11, et vous dites: «Nous sommes
favorables au maintien de l'article 69 de la Loi sur l'aide juridique tel qu'il
est actuellement.»
Mme Flibotte (Liane): C'est-à-dire qu'on ne veut pas qu'il
soit étendu.
M. Bélanger: Et, actuellement, il est comme ça, tel
que je vous l'ai expliqué.
Mme Flibotte (Liane): C'est ça. On ne veut pas qu'il soit
étendu.
M. Bélanger: D'accord.
Le Président (M. Parent): M. le député
d'Anjou, merci. J'inviterais maintenant la porte-parole de l'Opposition
officielle à remercier nos invités au nom de sa formation
politique.
Mme Caron: Alors, au nom de ma formation politique, M. le
Président, je veux vous remercier, Mme Flibotte et M. Poisson, pour
votre contribution à nos travaux, surtout que c'était
extrêmement pertinent parce que vous nous permettez aussi d'aller
beaucoup plus à fond au niveau des dossiers d'un tribunal administratif.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Parent): M. le ministre, en
conclusion.
M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Alors, Mme Flibotte
et M. Poisson, encore une fois, je vous remercie d'être venus
défendre votre point de vue ce matin. Je retiens de votre exposé,
Mme Flibotte, et vous l'avez indiqué tout à l'heure, ça
apparaît dans votre mémoire, que, sur l'ensemble du régime,
vous êtes satisfaite. Vous questionnez surtout l'admissibilité du
régime. Vous voulez vous assurer que vos travailleurs... Et je vous
répète que vous n'avez pas tort lorsque vous nous indiquez qu'un
travailleur doit être représenté de façon
compétente face à la CSST; vous avez raison là-dessus.
Vous avez raison. On discute avec des experts, donc il faut être
organisé, équipé pour discuter avec des experts. C'est ce
que vous nous dites et, essentiellement, là-dessus, je vous donne
raison. Quant à l'aménagement de tout ça, ça, c'est
notre problème, c'est ce que vous nous avez dit.
Votre conclusion, les trois dernières lignes, sont les suivantes:
S'il est vrai que la réforme du régime d'aide juridique au
Québec est une question de choix, etc., le ministre doit comprendre que
c'est avant tout une question de volonté politique. Vous savez que la
volonté politique, elle est confrontée à
différentes questions. Il faut évidemment tenir compte, et
ça apparaît dans le mémoire, de la capacité de payer
de l'État. L'État ne redistribue que ce qu'il perçoit et
collecte de l'ensemble de nos concitoyens et concitoyennes.
Alors, moi, je veux conclure en vous disant qu'on évalue tout
ça avec réalisme, en étant le plus rationnels possible,
mais votre point de vue en est un de professionnels, et c'est comme ça
que je le prends. Je vous remercie d'être venus faire vos
représentations aujourd'hui. Merci, madame, merci, monsieur.
Le Président (M. Parent): Merci, M. le ministre. Mme
Flibotte, M. Poisson, les membres de cette commission vous remercient. Nous
allons suspendre quelques minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 15)
(Reprise à 11 h 18)
Le Président (M. Parent): Alors, j'invite les
députés à prendre place. La commission va poursuivre ses
travaux et, par le fait même, j'invite les représentants de la
FATA, la Fondation pour l'aide aux travailleuses et aux travailleurs
accidenté-e-s, à prendre place devant le président, en
l'occurrence, moi-même.
MM. les représentants et Mme la représentante de la FATA,
on s'excuse pour le retard. Nous nous excusons. Nous allons tâcher, tous
ensemble, dans un esprit de collaboration, de rattraper le temps que nous avons
perdu de façon à ce que les travaux de cette commission puissent
se dérouler tel que prévu.
Alors, nous accueillons la Fondation pour l'aide aux travailleuses et
aux travailleurs accidenté-e-s du Québec, connue sous le nom de
la FATA. Le porte-parole sera M. Robert Bouchard, président. M.
Bouchard, bonjour; Mme Colette Legendre, directrice générale; M.
Claude Petelle, coordonnâtes des conseillers à la défense.
C'est bien ça?
M. Petelle (Claude): Oui. Bonjour.
Le Président (M. Parent): Alors, madame, messieurs,
bonjour. Je vous rappelle que le temps qui vous est alloué est d'environ
20 minutes et que le temps réparti aux deux formations politiques est du
même ordre. Alors, nous vous invitons à nous présenter
votre mémoire et, durant le dialogue, de respecter la règle, de
s'adresser au président. Ça évite des quiproquos et
ça flatte mon ego. M. le président, madame.
Fondation pour l'aide aux travailleuses et aux
travailleurs accidenté-e-s (FATA)
M. Bouchard (Robert): M. le Président, merci. MM. et Mmes
les députés, mes deux collègues pourront échanger
avec vous lors de la période de questions, et je vais me contenter de
présenter le résumé de notre mémoire. La FATA se
présente ici pour répondre, d'une part, à certaines
questions que soulève le document publié par le ministère
de la Justice et pour faire connaître, d'autre part, ses recommandations
pour l'amélioration du régime. Et surtout, deuxièmement,
de demander au gouvernement du Québec d'instaurer un régime
public financé par les employeurs, intégrant les CLSC, les
organismes communautaires et syndicaux, l'aide juridique, de pair avec un
organisme paragouvernemen-tal chargé de la défense gratuite des
victimes des accidents et maladies du travail. L'organisme qu'on souhaite voir
naître au Québec s'appellerait l'office québécois
pour la défense des victimes de lésions professionnelles. Ce
n'est pas coulé dans le béton, on le sait, mais on s'est dit: il
faut donner un nom à ce qu'on souhaiterait voir naître. (11 h
20)
Pour répondre à une question cruciale que pose le document
gouvernemental, la FATA affirme, à prime abord, que la couverture du
régime d'aide juridique doit être maintenue lorsque le
requérant demande à être représenté par un
avocat devant un tribunal dont la loi constitutive ne précise pas que la
représentation est du ressort exclusif de l'avocat, notamment la CSST,
la Régie du logement ou la Commission des affaires sociales. Et c'est ce
motif-là qui nous a amenés à faire cette
présentation à la commission des institutions de
préférence à une autre commission, parce qu'on estime que
notre collaboration avec des avocats en pratique privée qui ont fait de
l'aide juridique chez nous est telle que le débat pourrait être
soulevé ici initialement, parce que c'est une question qui touche
à la fois le travail, la santé et le droit. Or, notre
expérience avec les avocats et avocates en pratique privée qui
sont chez nous depuis 1983 a été très valable.
Nous sommes un organisme sans but lucratif, dirigé
démocratiquement par un conseil d'administration élu parmi le
monde syndical et communautaire, incorporé il y a plus de 10 ans selon
la troisième partie de la Loi sur les compagnies. Il a son siège
à Montréal et nous avons des bureaux à Québec et
à Val-d'Or. En 10 ans, 8200 victimes de lésions professionnelles
environ ont pu bénéficier de l'aide apportée par nos
services d'information et de consultation, nos services médicaux et nos
services de défense. Comme je l'ai dit tantôt, deux avocats en
pratique privée, responsables de l'aide juridique, sont
présentement rattachés à ces services de défense.
Et, si l'on comptabilise les demandes de renseignements faites par
téléphone, la FATA prend connaissance de plus de 5000 cas par
année, et on parle, en fait, d'à peu près 20 à 25
appels de demandes de conseils par jour à nos bureaux.
La FATA connaît un succès indiscutable. En 1991, le
pourcentage des décisions favorables aux accidentés rendues par
les bureaux de révision de la CSST était de 42 %. Pendant la
même période, le pourcentage de décisions favorables aux
victimes représentées par la FATA s'élevait à 69 %.
Pour l'année 1991-1992, les proportions étaient respectivement de
61 % et de 74 % devant la Commission d'appel en matière de
lésions professionnelles. Et nous avons aussi des données pour
les années subséquentes, que nous avons faites tout
récemment.
Nos constats, et c'est important: la FATA a illustré la
nécessité d'un soutien efficace pour que les victimes de
lésions professionnelles puissent assumer leur défense pleine et
entière et démontrer jusqu'à quel point un grand nombre
des décisions prises par les agents d'indemnisation de la CSST, par le
système de l'arbitrage médical de l'époque et les bureaux
de révision, furent erronées.
La source de l'efficacité en défense de la FATA tient
à son mode de traitement des dossiers. Il s'agit d'une démarche
multidisciplinaire s'appuyant sur la présence de diverses
compétences, les unes, médicales, les autres, légales,
communautaires et syndicales, agissant en synergie lorsque le réclamant
en a besoin. Elle repose surtout sur l'interaction entre le bureau
médical, d'une part, sous la direction d'un médecin de CLSC, le
médecin Roch Banville, du CLSC Centre-ville et de son équipe de
médecins stagiaires et, d'autre part, l'équipe de conseillers,
d'avocats et du personnel administratif. Il faut savoir que le Dr Banville est
affecté au bureau de la FATA dans le cadre d'un programme de soutien aux
organismes communautaires de cet établissement public qui s'appelle le
CLSC Centre-ville et qui, comme vous le savez, est situé aux environs de
la rue Sanguinet. mais il est anormal que la fata soit obligée d'exiger
des frais nominaux à sa clientèle, en majorité non
syndiquée, pour assurer la grosse part de son financement environ
60 % alors que le contrat social veut que tous les coûts
économiques d'une lésion professionnelle soient à la
charge de l'entreprise. ceux-ci doivent obligatoirement inclure les coûts
de la réclamation.
Gratuits jusqu'en 1987, les services de la FATA ne le sont plus
complètement, les réclamants devant suppléer au soutien
financier venant du milieu subventions gouvernementales, dons des
syndicats, de communautés religieuses, de caisses populaires,
d'individus, de femmes et d'hommes politiques, et j'inclus aussi d'organismes
comme Centraide, qui nous ont drôlement appuyés en
Abitibi-Témiscamingue.
Le document de consultation ministériel rapporte que l'aide
juridique s'est occupée de 2649 cas d'indemnisation d'accidents du
travail au Québec en 1991-1992. Il est bien sûr que ceux de la
FATA sont du nombre. voici, brièvement, nos recommandations quant
à certaines questions que soulève le document de consultation. la
fata est en faveur du maintien d'un système d'aide juridique autonome et
mixte, c'est-à-dire de la cohabitation des avocats en pratique
privée et des avocats permanents des bureaux d'aide juridique. la fata
est contre la privatisation de l'aide juridique et pour le maintien d'un
régime démocratique, c'est-à-dire le maintien des
corporations régionales de l'aide juridique. la fata est pour le
rétablissement de l'accessibilité que procurerait la reprise de
l'indexation des seuils depuis 1985 afin que ceux-ci soient relativement
comparables à ceux de 1973. ici, nous voulons apporter une correction
à notre mémoire parce qu'on a obtenu, tout récemment, les
dernières données de statistique canada quant au seuil de faible
revenu, base 1992, et nous apprenons que le seuil, pour une personne seule, en
1992, pour une ville de 500 000 habitants et plus, s'établit à 16
186 $ par année, tout juste collé sur le 16 667 $, qui est
l'équivalent de 100 % du maximum des gains admissibles selon
l'échelle de la régie des rentes du québec. c'est donc
dire que nous aurions tendance maintenant, compte tenu des nouvelles
données que nous avons pu obtenir, à nous aligner davantage sur
le 120 % suggéré par le groupe qui nous a
précédés, l'attaq.
La FATA est pour le maintien des services juridiques présentement
offerts, surtout dans les causes qui concernent les tribunaux administratifs.
La FATA est contre l'imposition de frais aux citoyens et citoyennes pour
l'ouverture de dossiers ou de contributions de la part des avocats pour aider
à financer le régime. La FATA propose que l'aide juridique au
Québec devienne, de pair avec les organismes communautaires et syndicaux
de défense, l'un des partenaires d'un régime universel d'aide
gratuite aux victimes de lésions professionnelles, un régime
financé par les employeurs et coordonné par le futur office
québécois pour la défense des victimes de lésions
professionnelles.
La FATA propose que tous les frais assumés par les avocats de
l'aide juridique pour la défense des travailleuses et travailleurs
accidentés soient dès maintenant dès maintenant
absorbés par la CSST en attendant la création de l'OQDVLP.
Je tiens à souligner dès maintenant que nous ne
préconisons pas que les services aux accidentés soient rendus
exclusivement par des avocats non plus exclusivement par des conseillers ou des
conseillères spécialisés.
Y ayant échappé jusqu'à ce jour, les employeurs
québécois doivent désormais, comme conséquence de
leur obligation d'absorber les frais de la totalité des coûts
économiques reliés aux lésions professionnelles, assumer
le coût de la défense de leurs employés accidentés.
Les frais liés à la gestion des contestations, qu'ils proviennent
des employeurs ou de décisions mal fondées de la CSST, sont
très élevés lorsque l'on cumule les coûts de la
représentation et ceux des experts des parties en cause, les salaires
perdus par les victimes et les témoins.
Le combat est plus inégal que jamais. La FATA estimait que, en
septembre 1992, en dépit des efforts déployés par le
mouvement syndical, les organismes de défense comme le nôtre, par
l'aide juridique dans son encadrement actuel et par tous les autres bons
samaritains, environ la moitié des travailleurs et travailleuses qui
portent leur cause en appel ou qui doivent se défendre contre leur
employeur se présentent seuls devant le Bureau de révision
paritaire, la Commission d'appel en matière de lésions
professionnelles ou la Commission des affaires sociales. Cette situation est
encore vraie en 1993, selon les nombreux sondages qu'on a pu faire, et il y a,
selon les derniers rapports annuels de la CSST et de la CALP, quelque 34 928
cas en appel. On a appris qu'il y a une légère diminution en
1993, selon les données fournies par le président de la CSST ici
même au salon rouge, le 2 février dernier. Outre les milliers de
victimes qui se retrouvent seules pour se débrouiller devant l'arsenal
combiné de la CSST et de l'employeur, il y a des centaines de victimes
qui ne s'y rendent même pas faute d'un réseau de consultation et
de représentation gratuites qui leur permettrait de bien comprendre
leurs droits et d'aller en appel sans se ruiner financièrement et
moralement.
Les recours sont de plus en plus insurmontables depuis que la Loi
modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles,
la Loi sur la santé et la sécurité du travail
c'est-à-dire la loi 35 a fourni une panoplie de nouveaux
contrôles aux mains des employeurs et de la CSST. Pour aider à
rétablir l'équilibre, le gouvernement doit créer l'office
québécois pour la défense des victimes de lésions
professionnelles.
Le système ontarien dont on a parlé tantôt
de défense des accidentés en est un dont la
société québécoise peut s'inspirer pour mettre en
place son organisme paragouvernemental. Le Bureau des conseillers des
travailleurs fut créé en Ontario en 1985. Il dispense des
services gratuits de défense depuis des bureaux situés dans 13
villes différentes, dans cinq régions du territoire, et ce, avec
un personnel de 115 personnes. Là, je cite le dernier organigramme pour
1992-1993 que m'ont fait parvenir les gens du Office of the Worker Advisor. De
ce nombre, il y a 69 conseillers et conseillères, dont la
majorité est affectée à la représentation devant
les mécanismes de révision et d'appel à la Commission des
accidents du travail de l'Ontario. (11 h 30)
Le budget total pour l'année fiscale 1992-1993 du BCT s'est
élevé à 8 906 000 $, et la facture est refilée
à la Commission des accidents du travail de l'Ontario, donc
réglée par les employeurs à même leurs cotisations
au fonds. Son rythme de croisière atteint environ 22 000 dossiers par
année. Cette même CAT règle la note du Bureau des
conseillers du patronat, dont les programmes rejoignent environ 10 000
employeurs par année. Les deux bureaux sont indépendants l'un de
l'autre. Évidemment, nous croyons, nous, que le monde patronal aurait
intérêt à se créer ce type de bureau.
Le BCT est un organisme de catégorie 1 du gouvernement, et son
directeur agit en consultation avec un conseil consultatif de 10 membres dont
la composition fut arrêtée par décret du Management Board
of Cabinet, c'est-à-dire le comité exécutif du cabinet.
Les membres du conseil représentent les syndicats, les associations
d'accidentés, les cliniques de santé au travail de la centrale
syndicale ontarienne et les organismes communautaires. La barre
démocratique est haute, puisque le décret veut que la
majorité des membres soient des réclamants actuels ou
passés.
Son mandat inclut l'évaluation du fonctionnement du
système d'indemnisation de l'Ontario et l'élaboration de
propositions de changement, lesquelles sont soumises au ministre du Travail et
à l'Assemblée législative. Les cliniques juridiques
populaires, au nombre de 71 en Ontario, aident les victimes de lésions
professionnelles qui se présentent à leurs bureaux, mais le
ministère du Procureur général de l'Ontario n'est pas
dédommagé par la CAT pour ce travail de représentation.
Comme on a pu le lire, au Québec, l'Office québécois pour
la défense des victimes de lésions professionnelles ferait
parvenir à la CSST la note pour les frais encourus par le régime
de l'aide juridique pour s'occuper des cas d'indemnisation pour lésions
professionnelles.
La FATA propose donc au gouvernement du Québec la création
de l'OQDVLP, un organisme para-gouvernemental financé par les
employeurs, assurant le bon fonctionnement des services de défense
dispensés par les quatre composantes du réseau dont il aurait la
responsabilité, c'est-à-dire ses propres bureaux, les cliniques
communautaires et syndicales et les bureaux ou cliniques de l'aide juridique,
ce réseau intégrant les services médicaux des CLSC.
Elle propose aussi que l'existence juridique, la composition
démocratique, les pouvoirs, le mandat, l'organisation professionnelle et
matérielle de l'OQDVLP soient conformes aux principes et
modalités décrits dans ce mémoire.
Voyons-les brièvement. En vertu de la loi consacrant son
existence, l'OQDVLP se rapporterait directement à l'Assemblée
nationale, comme le fait le Protecteur du citoyen. Le conseil d'administration
de l'OQDVLP serait formé en majorité de représentants et
de représentantes des organismes communautaires et des centrales
syndicales. Les autres représentants: l'aide juridique, les CLSC et la
santé publique. Son mandat serait d'informer l'accidenté, de le
conseiller, de le représenter, le cas échéant, et
d'oeuvrer de concert avec ses partenaires pour assurer la défense pleine
et entière des victimes de lésions professionnelles, de
conseiller l'Assemblée nationale, le ministre, la CSST et la CALP
à propos de la gestion des politiques et pratiques en matière
d'indemnisation.
Parmi ses pouvoirs, l'OQDVLP aurait celui de négocier le mode de
remboursement par la CSST, par son intermédiaire, des coûts de la
défense y compris les services médicaux et les expertises
et le coût des témoins effectués par ses
partenaires, y compris les CLSC.
Le personnel de l'OQDVLP et celui de ses propres points de service
seraient intégrés à la fonction publique, tandis que le
personnel des autres partenaires serait rémunéré par leur
employeur respectif à même les subventions distribuées par
l'intermédiaire de l'Office québécois pour la
défense des victimes de lésions professionnelles.
La FATA, en outre, propose que la santé au travail du
réseau de la santé publique, tant au niveau provincial qu'au
niveau des régies régionales, fasse de la défense des
victimes de lésions professionnelles un programme reconnu et participe
à certaines tâches, comme le dépistage, la recherche et la
documentation, en collaboration avec l'OQDVLP et les CLSC. Elle propose au
gouvernement du Québec, par ses ministères de la Justice, du
Travail et de la Santé et des Services sociaux, de créer
immédiatement un groupe de travail réunissant les partenaires
déjà mentionnés et dont le mandat serait d'élaborer
le plan de mise en oeuvre de l'Office québécois.
Elle propose au gouvernement, enfin, comme mesure intérimaire,
afin d'alléger dès maintenant le fardeau financier des
travailleurs et travailleuses accidentés, d'adopter le règlement
prévoyant le remboursement des frais d'expertise par la CSST,
règlement dont l'absence est dénoncée depuis des
années par le Protecteur du citoyen. En effet, si vous vérifiez
l'article 116.7 de la Loi sur la santé et la sécurité du
travail, vous découvrirez qu'il est prévu qu'un règlement
soit adopté pour prévoir de tels remboursements de frais. Mais le
gouvernement ne l'a pas encore adopté.
Les effets bénéfiques de l'OQDVLP nous apparaissent
évidents du côté des syndicats, dont les ressources sont
taxées à la limite. On aurait enfin trouvé ce financement
restitué par les employeurs, leur permettant à la fois de
financer intégralement l'aide aux accidentés et de s'attaquer
avec plus d'efficacité encore à la tâche de la
prévention et de la réadaptation.
Il me fera plaisir tantôt de commenter les tout derniers
développements annoncés par la CSST, décrits, d'ailleurs,
par le président Shedleur ici-même, au début du mois de
février, en rapport avec la démarche du maintien en emploi et de
la réadaptation avant consolidation, parce que ce sont des
démarches qui vont ajouter aux difficultés qu'éprouveront
les non-syndiqués sans représentation.
L'Office, indépendant de la tutelle de la CSST et
agissant dans l'intérêt strict de la victime, favorisera,
avec l'usage, le règlement équitable plus fréquent des
réclamations au stade de l'agent d'indemnisation et fera la
démonstration de l'inutilité de plusieurs des mécanismes
de judiciarisation qu'on a vu naître avec la loi 35. Et je pense, en
particulier, à ce processus de conciliation établi par le
législateur avant la tenue des audiences du bureau paritaire de
révision. Un travailleur pris dans cet engrenage sans
représentation, quant à nous, peut s'exposer à la
fermeture de son dossier alors qu'il n'est pas réglé
adéquatement. Nous avons des doutes très sérieux sur
l'efficacité de cette procédure, du moins, en tout cas, sans que
le travailleur soit représenté. Et, nous, chez nous, les dossiers
que nous traitons viennent de personnes qui, à raison d'à peu
près 75 %, sont non syndiquées.
Par-dessus tout, la travailleuse ou le travailleur victime d'un accident
ou d'une maladie du travail ne sera plus obligé de subir les coûts
économiques du processus de règlement de ses réclamations,
coûts qui appartiennent, comme nous l'avons dit, à l'employeur,
comme le veut notre interprétation du contrat social.
Le Président (M. Parent): Merci, Monsieur. Est-ce qu'il y
a d'autres intervenants? Il vous reste quatre minutes. Ça va?
Terminé. M. le ministre.
M. Lefebvre: Oui, merci, M. le Président. Alors, MM.
Bouchard, Petelle, Mme Legendre, je vous remercie d'être là ce
matin, aussi de nous avoir soumis un mémoire qui, un petit peu comme le
groupe qui vous a précédés, touche à un volet
très précis de la question, qui touche un volet très
précis de ce qu'on doit discuter à l'intérieur de cette
commission-là, à savoir l'intervention de l'aide juridique pour
des travailleurs qui sont en discussion pour les besoins de la
discussion, parlons de discussion, effectivement avec l'appareil
gouvernemental, les différents services du gouvernement et,
particulièrement, la CSST.
Alors, c'est un point de vue très professionnel que vous nous
soumettez. Vous parlez abondamment, évidemment, de votre organisme, de
son rôle, de son intervention. Puis ça m'apparaît être
extrêmement important qu'on sache dans le détail ce que vous
faites, et, précisément, c'est ma première question, M. le
président: Quel est... D'où vous vient... Vous disiez tout
à l'heure que votre clientèle en est une qui, globalement, n'est
pas une clientèle de travailleurs syndiqués. Quel est le portrait
type du travailleur que vous représentez dans vos démarches
auprès, entre autres, de la CSST?
M. Bouchard (Robert): Alors, M. le ministre, il me fait plaisir
de passer le crachoir à mon collègue, Claude Petelle, qui est un
délégué syndical de la GM en congé sans solde, qui
est notre coordonnateur des conseillers et conseillères et qui a contact
quotidiennement avec notre clientèle.
M. Lefebvre: D'accord, je vous écoute.
Le Président (M. Parent): M. Petelle.
M. Petelle (Claude): Ce qu'on voit de façon très
régulière à la FATA, c'est des personnes qui ont à
peu près 50 années d'âge, moitié femmes et
moitié hommes. C'est des personnes qui ont quasiment terminé leur
vie de travail et qui se retrouvent avec un accident du travail ou une maladie
professionnelle et qui en ressortent difficilement. Et c'est facilement
compréhensible que des personnes rendues à un certain âge
récupèrent plus difficilement. Et c'est la grande
majorité, si vous voulez, de notre clientèle qui est surtout pas
syndiquée, donc pas représentée et qui a
développé, au cours du temps... parce qu'on pense que les
travailleurs qui sont représentés sont moins agressés, si
vous voulez, dans chaque jour de leur tâche de travail, pour toutes
sortes de raisons, là, c'est... Disons que le contrat social, dans
chaque usine, est plus surveillé, mais les gens qui ne sont pas
représentés ou mal représentés, c'est la
majorité des gens qui viennent nous voir.
M. Lefebvre: Des travailleurs et des travailleuses qui viennent
de toutes sortes de secteurs d'activité, mais c'est des entreprises de
service, du secteur manufacturier?
M. PeteHe (Claude): Non, surtout du secteur manufacturier.
M. Lefebvre: Vous dites dans votre document, à la page 2,
alors, je pense qu'on est dans le résumé du document: «Deux
avocats en pratique privée responsables de l'aide juridique sont
présentement rattachés à ses services de défense.
Si l'on...» Je voudrais, dans un premier temps, savoir de quelle
façon se fait l'arrimage des avocats chez vous avec les services d'aide
juridique. Comment ça fonctionne?
Mme Legendre (Colette): Bon, bien... Le Président (M.
Parent): Mme Legendre. Mme Legendre (Colette): Oui.
M. Lefebvre: Oui, Madame. Oui, Mme Legendre, on vous
écoute.
Mme Legendre (Colette): Les avocats sont... Nous, la FATA, on
fournit les services d'appoint à ces deux avocats-là. Les
dossiers qui nous arrivent sont évalués dans le sens que: Est-ce
que ce sont des dossiers de personnes qui ont droit à l'aide juridique
ou pas?
M. Lefebvre: Je m'excuse, madame. Mme Legendre (Colette):
Oui.
M. Lefebvre: Alors, je comprends que, dans un premier temps, le
travailleur ou la travailleuse se présente chez vous.
Mme Legendre (Colette): Oui.
M. Lefebvre: Vous faites un premier examen.
Mme Legendre (Colette): Une analyse rapide pour savoir s'ils ont
droit à l'aide juridique.
M. Lefebvre: D'accord.
(11 h 40)
Mme Legendre (Colette): S'ils ont droit à l'aide
juridique, ils sont dirigés vers les deux avocats. Nous, on fournit,
à ce moment-là, les bureaux, le téléphone, la
papeterie, les timbres, bon, tout l'appui qu'il faut, le personnel aussi, le
secrétariat et... Alors, les dossiers sont traités de la
même façon que les dossiers que la FATA traite, ceux qui n'ont pas
droit à l'aide juridique. Et ce tout forme une équipe, et
ça devient un élément assez important, avec le bureau
médical qu'on a, comme l'expliquait... Il y a une synergie qui se fait,
et on discute et les dossiers sont discutés, traités avec cette
synergie-là des différents services médicaux, aide
juridique et même, conseillers. Il arrive des discussions sur un dossier
entre un conseiller qui n'est pas avocat, mais qui a quand même toute la
connaissance voulue...
M. Lefebvre: Une expertise.
Mme Legendre (Colette): ...l'expérience voulue. Et c'est
comme ça que le travail s'effectue.
Le Président (M. Parent): M. le ministre.
M. Lefebvre: Vous dites aussi dans votre document que la FATA a
en outre un service de formation, formation de ceux et celles qui sont
impliqués dans votre structure pour...
Mme Legendre (Colette): C'est-à-dire que, à ce
moment-là, c'est des gens qui vont nous venir souvent, à
l'occasion, du monde syndical, des gens qui sont intéressés
à pouvoir, dans leur syndicat, arriver à faire de la
défense. Alors, nous, on a un système de formation qui n'est pas
académique, bien sûr, c'est dans le jus quotidien qu'ils
apprennent en passant aux différentes sortes de travail qu'il
faut faire dans un dossier à faire leur expérience pour
pouvoir éventuellement faire de la défense. Comme je vous dis,
très souvent, ça nous vient... Et on a aussi des étudiants
en droit qui viennent faire des stages, étant donné qu'on a des
avocats qui sont sur place qui peuvent les superviser. Alors, on a
également... Il y a une partie... soit de l'UQAM, qui sont en train de
faire des techniciens juridiques ou des choses comme ça, ils viennent
faire un stage à la FATA qui est reconnu par les universités.
M. Lefebvre: M. Petelle m'expliquait tout à l'heure
d'où provient, en général, globalement, en gros, votre
clientèle. Est-ce que, de façon générale, les gens
qui arrivent chez vous savent que ça existe, l'aide juridique au
Québec? De façon générale.
M. Petelle (Claude): Disons que les gens qui viennent nous
voir...
M. Lefebvre: Parce que, vous savez, on prend pour acquis...
M. Petelle (Claude): Ils ne le savent pas
nécessairement.
M. Lefebvre: On prend pour acquis que tout le monde sait que
ça existe, le régime d'aide juridique.
M. Petelle (Claude): Non. Non. Non.
M. Lefebvre: J'aimerais vous entendre là-dessus, M.
Petelle.
M. Petelle (Claude): Non. Notre système... On a une
téléphoniste qui reçoit les appels, parce que la porte
d'entrée, c'est des appels téléphoniques à 99
%...
M. Lefebvre: Oui.
M. Petelle (Claude): ...et je dois vous avouer qu'on informe
souvent les travailleurs qu'ils ont droit à l'aide juridique.
M. Lefebvre: Pour certains, c'est une découverte.
M. Petelle (Claude): Absolument. Absolument. Parce qu'il y a une
discussion qui se fait sur les revenus au moment de l'appel
téléphonique, et, à ce moment-là, ils
découvrent qu'ils n'auront pas à payer s'ils sont poignes sur le
B.S. ou d'autre chose. Donc, l'aide juridique est un apport pour eux parce
qu'ils n'auront pas à payer leur défense aussi bien
médicale que légale.
M. Lefebvre: Mais, pour plusieurs, ils l'apprennent en vous
contactant.
M. Petelle (Claude): Disons que je ne pourrais pas vous donner un
pourcentage, mais il y en a plusieurs qui l'apprennent au contact de la FATA,
absolument.
M. Lefebvre: Aux pages 9, 13 et suivantes, 9 et suivantes, vous
parlez de la suggestion que vous faites de créer l'Office
québécois pour la défense des victimes de lésions
professionnelles. Vous donnez pas mal d'explications, M. le président,
sur cette suggestion de la mise en place d'un tel organisme. J'aimerais que
vous me résumiez comment vous en êtes arrivés à
penser, avec tout ce qui existe déjà de services aux travailleurs
et tout ce qui n'existe pas, aussi, remarquez bien comment vous
en êtes arrivés à la conclusion qu'un organisme comme
celui-là serait nécessaire? Ça, c'est ma première
question.
Deuxième question, peut-être de façon assez rapide
et résumée: Qu'est-ce que ferait l'organisme de plus que ce que
vous faites, que d'autres organismes semblables au vôtre, mais un peu
différents, font, et que ce que fait déjà l'aide
juridique? En quoi ça serait vraiment utile, la mise en place d'un
organisme comme celui-là?
Le Président (M. Parent): M. Bouchard.
M. Lefebvre: Et ma troisième question, ça serait le
financement aussi.
M. Bouchard (Robert): M. le ministre, il y a beaucoup de choses
qui tiennent au financement, justement.
M. Lefebvre: J'aurais peut-être dû commencer par
celle-là. Ha, ha, ha!
M. Bouchard (Robert): II y a bien des raisons pour
lesquelles...
M. Lefebvre: Dans l'ordre ou dans le désordre, je vous
écoute.
Le Président (M. Parent): M. Bouchard, je vous invite
à vous adresser à la présidence. Je vous l'ai dit,
ça flatte mon ego et ça évite les quiproquos et les
dialogues.
M. Bouchard (Robert): Ça va, M. le Président.
Alors, il y a un peu d'histoire là-dedans. Ça fait un bon moment
que, par nos contacts... Moi, je viens du mouvement syndical, de la FTQ. J'ai
été directeur du service de la santé et de la
sécurité du travail pendant huit ans à la FTQ. Donc, on
s'est penché sur la question de l'aide aux travailleurs et travailleuses
accidentés à maintes reprises. On a même
créé, à l'intérieur de notre centrale syndicale, un
service d'aide aux travailleurs et travailleuses accidentés, en
collaboration avec le CLSC Centre-Sud, et on a offert certains services
spécialisés, toujours, évidemment, financés
à même les deniers de la centrale syndicale, du moins pour ce qui
est des salaires des permanents et des conseillers de la centrale.
On s'est dit, à un moment donné, que, pour arriver
à fournir des services qu'on souhaiterait fournir à l'ensemble
des travailleurs et travailleuses du Québec, y compris les
non-syndiqués, il faudrait mettre en place un organisme beaucoup plus
imposant que celui qu'on a, et c'est à ce moment-là qu'on a
commencé à regarder de très près ce qui se passe en
Ontario. On a même rencontré l'équipe complète, pas
l'équipe complète, mais la direction du Bureau des conseillers
des travailleurs. On a fait venir M. DiSanto, qui était le directeur
fondateur, à Montréal, en décembre 1989, avec son
directeur de la recherche. On a fait le tour de la question. Moi et Claude
Petelle avons visité des bureaux en Ontario pour voir comment ça
se passe, et c'est à partir de ces démarches qu'on a pu
comprendre la nature du travail qui se fait et puis l'excellente structure de
conseillers qu'on avait réussi à mettre sur place au plan de
l'ensemble du territoire.
Maintenant, on s'est aussi rendu compte... Et, d'ailleurs, c'a
été la réaction des gens du Office of the Worker Advisor
quand on leur a parlé de nos CLSC, l'existence des CLSC au
Québec, qui n'existent pas en Ontario. Justement, c'est un plus pour
nous au Québec, l'existence des CLSC, parce qu'il y a bien des
médecins du travail dans ces établissements publics. Eux ont dit:
Si on était capables d'arrimer notre propre Bureau des conseillers des
travailleurs à un système comme vous avez pour la prestation de
services de première ligne en médecine du travail, on serait
drôlement heureux, et, d'ailleurs, les quelques initiatives qui ont assez
bien réussi au plan de la qualité des services et de la synergie
des services auprès des accidentés sont dus
précisément à la présence des médecins des
établissements publics. On a même tenté l'initiative
à Sherbrooke pendant une certaine période de temps. Mais,
à chaque fois ou presque ce n'est pas le cas de la FATA, mais
ça pourrait arriver c'est notre manque de ressources
financières qui est venu à bout de nos initiatives. Bon. alors,
on le dit dans notre mémoire, il y a 60 % de nos revenus, maintenant,
qui viennent de cotisations fixes qu'on demande aux victimes des lésions
professionnelles qui viennent chez nous. et là on s'est posé
très sérieusement la question qu'on aurait dû se poser il y
a bien longtemps: comment se fait-il que le législateur au québec
n'ait pas pensé avant aujourd'hui à ce principe de fond
qui a été énoncé, d'ailleurs, par l'attaq
tantôt qu'étant donné que le processus de la
réclamation est une conséquence de la lésion
professionnelle une conséquence économique, justement,
quand il s'agit de faire des frais pour défendre sa cause comment
se fait-il qu'on n'a pas défendu ce principe que les employeurs doivent
payer la note?
C'est d'ailleurs ce principe de fond qui est à l'origine de la
création du Office of the Worker Advisor en Ontario. C'est une
commission d'étude assez bien connue, qui a déposé un
rapport en 1980, qui a établi ce principe-là, et, en 1985,
l'Assemblée législative est passée aux actes et a
adopté un premier article de loi donnant naissance à ce
régime financé par les employeurs.
Et, par la suite aussi, afin qu'il y ait apparence de justice pour les
travailleurs et les travailleuses accidentés en Ontario, le Bureau des
conseillers des travailleurs s'est graduellement détaché de la
tutelle du ministère du Travail parce qu'on considérait que
c'était encore trop proche de la Commission des accidents du travail
pour devenir un organisme de catégorie 1. Exactement ce que c'est, je ne
le sais pas trop, mais, en tout cas, ce qu'on nous assure quand on rencontre
ces gens-là, c'est que, là, on est beaucoup plus responsable
à l'Assemblée législative qu'on ne l'est au
ministère du Travail. Bon. Et il y a du financement qui est maintenant
adéquat.
Mais, nous, on veut aller plus loin. C'est un
modèle, ça. On peut sûrement adapter, au
Québec, un modèle qui respecte ces principes de fond, qui soit
différent, mais, comme je vous dis, nous, on en propose un et on se dit:
II faut l'étudier. C'est à retenir ou à rejeter ou
à modifier. Et, par exemple, quand nous avons conversé avec la
directrice du centre juridique communautaire de Prescott-Russell, situé
à Hawkesbury en Ontario, de toute cette question-là, elle nous
raconte, elle: II y a 25 % des dossiers que je reçois à mon
bureau, ici à Hawkesbury, qui sont des dossiers d'indemnisation. Alors,
je me rends compte qu'à Hawkesbury il n'y a pas de point de service du
Bureau des conseillers des travailleurs, il est à Ottawa. Je peux
comprendre qu'un travailleur à Hawkesbury aille à sa clinique
locale et obtienne des services. S'il se qualifie selon les barèmes de
l'aide juridique, bien sûr, ce travailleur a droit à des services
quasi gratuits. En Ontario, il y a des modalités qui diffèrent
d'ici, semble-t-il. (11 h 50)
Mais, ce qui arrive en Ontario, et ça, j'ai pu en venir à
cette conclusion, c'est que le ministre du Procureur général ne
refile pas les frais encourus par les 71 cliniques juridiques populaires qui
font de l'indemnisation à la Commission des accidents du travail de
l'Ontario, de telle sorte que, nous, évidemment, le système
qu'on... si on intégrait l'aide juridique dans un réseau
québécois, il faudrait que la totalité des frais de l'aide
juridique aux accidentés soit refilée à la Commission des
accidents du travail. Mais, nous, on ne propose pas un modèle ayant un
monopole. On se dit: Le citoyen doit avoir le choix. Mais, même avec
toutes les cliniques syndicales existantes, les cliniques ou les points de
service des associations d'accidentés, la nôtre et les avocats de
l'aide juridique dans les bureaux régionaux et ainsi de suite,
malgré tous les services fournis, nous, quand on interroge les
réviseurs qui sont dans les bureaux paritaires de révision, quand
on regarde les statistiques fournies par les centrales syndicales FTQ,
CSN et les autres sur le nombre de cas représentés et
traités dans une année, on doit en venir à la conclusion
que notre donnée de base n'est pas fausse: il n'y a que la moitié
des travailleurs qui se présentent devant la CSST, dans les
mécanismes d'appel, qui sont représentés.
M. Lefebvre: Merci.
M. Bouchard (Robot): Et, nous, on se dit: Le besoin est
là.
M. Lefebvre: Merci, M. Bouchard. Je me garde quelques minutes
pour vous revenir tout à l'heure. Merci, M. Bouchard.
Le Président (M. Parent): Merci. Mme la porte-parole de
l'Opposition officielle, Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors,
Mme Legendre, M. Bouchard, M. Petelle, merci beaucoup de votre
présence. Votre mémoire, évidemment, nous amène
à nous interroger non seulement sur le système d'aide juridique,
mais à examiner toute la problématique des accidents de travail.
Et je pense qu'on retrouve, dans votre mémoire, des recommandations
précises concernant l'aide juridique, en page 3, mais le reste de votre
mémoire, c'est vraiment de nous présenter toute la
problématique qui est vécue au niveau de la Commission des
accidents du travail et surtout pour les accidentés du travail. les
chiffres sont particulièrement impressionnants. quand on regarde en page
2 que, du côté des bureaux de révision de la csst, il y a
quand même 42 % des décisions qui sont rendues, après le
bureau de révision, en faveur des accidentés, presque la
moitié, finalement, des décisions. ceux qui sont
représentés par la fata, là, le pourcentage est plus
élevé, 69 %, mais, même en regardant le chiffre de ceux qui
ne sont pas représentés par chez vous, c'est presque la
moitié des dossiers. du côté... lorsqu'on se retrouve
devant la commission d'appel, c'est 61 % des dossiers qui sont jugés
favorables là aux victimes d'accidents de travail, et 74 % dans le cas
où ils sont représentés chez vous. quand on regarde le
nombre d'appels, si je pense à 1993, 34 928 appels, c'est interrogeant
sur notre système. et il y a sûrement certaines lacunes pour que
les pourcentages soient si élevés, rendus en faveur des
accidentés du travail tant au niveau du bureau de révision qu'en
appel. il faut s'interroger comment les décisions sont rendues
directement dans nos bureaux, parce que c'est des coûts qui sont beaucoup
plus dispendieux que si les décisions étaient rendues au premier
niveau. et, si on se retrouvait devant un système où il y avait
toujours, toujours gain de cause pour l'employeur ou la csst, bien, là,
on se dirait: les décisions sont vraiment bien rendues. mais, là,
ce n'est pas ça qui se produit. donc, il y a un problème au
niveau des décisions, et je pense qu'il faut aller voir le
problème de toute la csst d'une manière beaucoup plus
globale.
Vous nous faites une proposition précise d'un modèle d'un
organisme paragouvernemental. Avant de vous questionner sur ce
modèle-là, j'aurais peut-être trois petites questions un
petit peu pointues. Vous nous dites, en page 3, il y a eu effectivement en
1991-1992, à partir des chiffres du ministre, 2649 cas d'indemnisation
d'accidents du travail qui ont été traités par l'aide
juridique. Ceux de la FATA sont du nombre. Est-ce que vous pouvez nous donner
un chiffre approximatif du nombre de vos dossiers qu'on pourrait comptabiliser
dans ce nombre-là?
M. Bouchard (Robert): Très rapidement, entre 8 % et 10 %,
sûrement.
Mme Caron: Entre 8 % et 10 %. O.K. Vous nous dites aussi
une autre petite question pointue en page 2, que la FATA est
obligée d'exiger des frais nominaux à sa clientèle, que ce
n'est pas normal,
mais que vous devez le faire. Et vous avez une clientèle en
partie non syndiquée. Vous devez allez chercher votre financement,
à peu près 60 %. Le coût que vous demandez aux
travailleurs, est-ce que c'est établi en fonction de leurs revenus ou
selon la difficulté du dossier? Et ça peut s'échelonner
sur combien?
M. Bouchard (Robert): Ma collègue, Colette, va vous
répondre.
Mme Legendre (Colette): Les taux qu'on a établis
étaient plutôt en fonction des problèmes financiers de la
FATA. Parce que, on le dit dans le «chose», jusqu'en 1987,
ça a été gratuit. Et, en 1987, on était dans le
déficit, dans le rouge très foncé. Alors là, on
n'avait pas le choix, il fallait prendre une décision. Alors là,
on a établi un montant. Ça a commencé, je pense que
c'était 125 $ ou 200 $; 125 $ pour un bureau de révision
paritaire, en 1987, et c'était 200 $ pour une commission d'appel.
Maintenant, on est rendu à 350 $ pour un bureau de révision
paritaire et 450 $ pour une commission d'appel. Ça, ça veut dire
qu'on prend le dossier du début à la fin, jusqu'à
l'audition, tout ça. Comme vous voyez, ce sont des tarifs qui sont
très raisonnables. Plus que raisonnables, c'est que ça nous donne
des problèmes, des maux de tête, pour que le budget puisse...
Alors, c'est le personnel qui fait des sacrifices beaucoup. C'est très
difficile de faire balancer les budgets dans des conditions comme ça.
Mais on essaie toujours de tenir ça le plus bas possible, pour permettre
au plus grand nombre d'accidentés d'être aidés. Parce qu'il
y a des gens qui, entre l'aide juridique et payer 450 $ pour une commission
d'appel, ils ont des difficultés financières. Alors là, il
faut les aider, nous, du mieux qu'on peut, avec des modalités de
paiement échelonnées sur six mois, huit mois, pour 50 $ par mois.
En tout cas, il y a tous les problèmes qui en résultent.
Mme Caron: Donc, vous êtes même obligés de
charger, en fait, plus cher que le tarif de l'aide juridique, au niveau de la
révision, qui est de 262 $. C'est un tarif fixe. Donc, vous ne pouvez
pas tenir compte de la condition des revenus des personnes, que ce soit un
travailleur à faible revenu ou à revenu plus élevé.
C'est fixe.
Mme Legendre (Colette): C'est ça.
Mme Caron: Je voulais vous questionner aussi... Vous avez
abordé, un petit peu surtout au niveau verbal, ce n'était
pas écrit dans votre mémoire en page 6, vous abordez la
loi 35, mais vous avez fait un petit aparté pour nous parler de la
conciliation et nous dire que, depuis l'adoption de la loi 35
peut-être rappeler que nous nous opposions à l'adoption de la loi
35 que les procédures de conciliation, vous êtes
particulièrement inquiets. Vous avez l'impression que cette
étape-là de conciliation, finalement, les accidentés du
travail sont pénalisés, sont portés, peut-être,
à accepter un règlement alors qu'ils auraient une cause qui
pourrait être défendue jusqu'à l'appel et qu'ils pourraient
avoir gain de cause. Ça ne fait pas tellement longtemps qu'elle a
été adoptée, mais est-ce que vous avez pu, dans votre
pratique quotidienne, avoir un petit peu plus d'information sur les gens qui
pouvaient se plaindre de ce mode-là? (12 heures)
M. Bouchard (Robert): M. le Président, une réponse
en deux temps: j'aimerais que notre conseiller commente la question parce que
lui a vécu certaines expériences. Je ne dirai que ceci, c'est
que, quand une personne accidentée dit oui à un arrangement qui
peut être suggéré par le conciliateur, sa décision
est finale et son dossier n'est plus appelable. C'est fermé. Bon. Moi,
j'irais jusqu'à soutenir, personnellement, que c'est probablement ultra
vires de la loi elle-même, qui dit et c'est son principe de base
un travailleur doit toujours être indemnisé pour les
dommages réels qu'il a subis, les dommages par accident de travail ou
maladie de travail. Ça, c'est un autre débat. Mais, si son
dossier est fermé, Q est extrêmement difficile, à partir de
ce moment-là, de le remettre en marche si, après un retour au
travail, il y a rechute, aggravation, et tout le reste. Bon. Et, si le
travailleur est seul avec le conciliateur et, laissez-moi vous dire que
nous savons qu'il y a des gens très compétents et, je pense, qui
travaillent dans l'intérêt des accidentés, mais ils sont
quand même sous la tutelle de la CSST, qui est l'assureur, qu'en
dépit de tout ça, il peut arriver des bavures, et des bavures
sérieuses, et, nous, on se dit: II faut de la représentation.
Maintenant, on se demande aussi s'il ne s'agit pas d'une machine
à désistement. Dans les statistiques données par M.
Shedleur, le 2 février dernier, il a fait état de 1808 cas
traités par la conciliation en 1992. Il y a eu quelque 300
désistements. Puis, lui, il appelle ça des réussites. Moi,
je voudrais voir chacun des dossiers un par derrière l'autre pour savoir
si, oui ou non, il s'agit d'une réussite. C'est peut-être une
réussite au plan de l'assureur, évidemment, parce qu'il ne
débourse pas s'il y a un désistement, mais c'est autre chose,
quant au mérite du cas, la justice et l'équité du cas, et
ce sont ces critères qui doivent présider à toute
décision de la Commission, comme vous le savez, à la lecture de
la loi. Alors, je cède la parole à Claude.
Le Président (M. Parent): M. Bouchard, avant de
reconnaître M. Petelle...
M. Bouchard (Robert): Oui.
Le Président (M. Parent): ...je dois recevoir le
consentement unanime des membres de cette commission pour pouvoir poursuivre
nos travaux. Consentement? Merci. M. Petelle, nous vous écoutons.
M. Petelle (Claude): II faut comprendre que,
dans le processus de conciliation, il doit y avoir une entente entre le
travailleur et l'employeur. L'employeur, dans la plupart des cas, est
représenté. Dans la plupart des cas, il faut comprendre que
l'employeur, ce n'est pas lui qui vient lui-même; il est
représenté soit par avocat ou par quelqu'un de son
«staff» au niveau du personnel. Donc, il faut comprendre que ce
sont des personnes compétentes, qui ont manipulé des dossiers
avant celui-là, premièrement. Deuxièmement, au niveau de
la CSST, c'est souvent le contentieux de la CSST qui pilote ces
dossiers-là. Donc, il faut comprendre encore que c'est des personnes
compétentes, puis ce n'est pas le premier dossier qu'elles ont. Vous
avez, dans le coin opposé, le travailleur qui, lui, n'est pas
représenté, dans la grande majorité des cas. Ça
fait que, là, tu as un paquet de bonhommes ou de bonnes-femmes qui
roulent alentour de lui, puis qui l'étourdissent de façon assez
inconvenante, pour employer un terme que tout le monde comprendrait ici. Mais,
moi, je vous dis que je suis absolument époustouflé d'entendre
des téléphones, des fois, de personnes qui me demandent: Est-ce
que je devrais me désister? Pour répondre à la question
soulevée, les désistements, ça ne règle pas les
problèmes, ça ne règle pas les cicatrices, les
désistements. Le bonhomme est poigne avec, la même chose.
Donc, c'est un processus qui est mis sur pied. Pourquoi? Pour diminuer
les coûts, mais au détriment de qui? Qui paie ces
coûts-là? C'est le travailleur accidenté qui n'est pas
représenté. Nous autres, on pense que si ces gens-là
étaient représentés, on ne dit pas que ça
n'arriverait pas à la même conclusion, mais s'il y avait des
désistements, ce serait avec une bonification du résultat de ce
désistement-là. C'est ce qu'on dit, nous autres. Quand on parle
de représentation, on parle de gens qui connaissent leur métier
puis qui défendent les intérêts de la personne qui est en
conflit. C'est ce qu'on dit. Et on ne peut pas penser qu'un système de
conciliation, tel qu'il est à l'heure actuelle, soit efficace pour le
bien-être des travailleurs accidentés, de la façon qu'il
est là. C'est impensable, c'est incompréhensible que quelqu'un
laisse fonctionner ça. Puis, je dis «quelqu'un», c'est le
gouvernement, ici. C'est eux autres qui peuvent intervenir. Nous autres, on
vous dénonce une situation, puis, si vous ne faites rien, on n'a pas le
pouvoir. On vous le dénonce, puis on vous dit ça. C'est de
même que ça se passe.
Le Président (M. Parent): Merci, M. Petelle. Madame.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Je vous remercie
beaucoup. Je sentais tantôt que vous aviez des choses à nous dire
sur la conciliation, ça fait que je voulais vous permettre de
l'exprimer. Mon collègue, M. le Président, aurait quelques
questions. S'il nous reste un petit peu de temps après, je
reviendrai.
Le Président (M. Parent): M. le député
d'Anjou.
M. Bélanger: Merci, M. le Président. J'aurais
uniquement une question à poser: Est-ce que j'ai bien compris que toute
personne qui se présente devant la FATA avec un dossier, peu importe son
admissibilité ou pas à l'aide juridique, va avoir à payer
les frais que vous avez mentionnés tout à l'heure? Non? Ou
uniquement, c'est les...
M. Bouchard (Robert): Bien non! S'il est à l'aide
juridique, il ne paie pas de frais... Aucun frais.
M. Bélanger II n'y aura pas de frais d'ouverture de
dossier en...
M. Bouchard (Robert): Absolument. Aucun frais.
M. Bélanger: Donc, les frais ne s'appliquent qu'aux gens
qui se présentent et qui ne sont pas éligibles à l'aide
jurdique. C'est ça?
Une voix: Bien sûr, bien sûr. M. Bouchard
(Robert): C'est ça. M. Bélanger: D'accord.
Le Président (M. Parent): Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Votre proposition
d'organisme, elle s'appuie évidemment sur ce qui existe à
l'extérieur, donc sur des... Est-ce que vous pouvez nous dire ce qui se
passe au niveau de l'Ontario, finalement? Est-ce que vous avez l'impression
qu'il y a moins de judiciarisation à partir de cet
établissement-là et... Puis, l'objectif, je pense que vous l'avez
exprimé aussi au niveau de la conciliation, ce n'est pas juste qu'il n'y
ait pas de judiciarisation, il faut que les gens aient justice quand
même, là. Est-ce que vous pensez qu'il y a moins de
judiciarisation, mais qu'il y a une meilleure justice qui est rendue aussi, au
bout du compte?
M. Bouchard (Robert): C'est une question, M. le Président,
qui est très difficile. À savoir s'il y a une meilleure justice
en Ontario qu'ici, ça, c'est peut-être...
Mme Caron: Non, non. Cette façon de travailler...
M. Bouchard (Robert): C'est très difficile à
quantifier, oui. Mais...
Mme Caron: ...est-ce que ça apporte une meilleure justice
ou pas?
M. Bouchard (Robert): Moi, je pense que si on
inclut les cliniques juridiques populaires syndicales de Toronto et le
réseau syndical avec le Bureau des conseillers des travailleurs et des
travailleuses, oui, il y a... quant à moi, les chances sont meilleures
pour avoir justice au niveau d'un accidenté. Maintenant, le
système est manifestement moins judiciarisé qu'ici et... Nous
n'en faisons pas une proposition, là, des mécanismes ontariens,
mais il n'y a pas de bureau paritaire de révision en tant que tel.
À l'intérieur de la Commission des accidents du travail de
l'Ontario, il y a deux paliers. Il y a, en quelque sorte, une service de
révision et ce qu'on appelle en anglais un «hearing
officer», c'est-à-dire un agent d'appel, et il y a ces deux
paliers à l'intérieur de la Commission des acccidents du travail
où on peut faire des représentations pour essayer de
régler les dossiers favorablement. Il n'y a donc pas de système
qu'on pourrait assimiler à un procès en bonne et due forme dans
ce mécanisme-là. Il s'agit de représentations souvent ex
parte. Dans ce système-là, je pense qu'on perd moins de temps,
ça, c'est clair, et il y a toujours, à la fin, le TAAT, le
Tribunal d'appel des accidents du travail de l'Ontario, qui va entendre la
cause au complet et puis... À ma connaissance, il y a, au niveau des
commissaires, des gens du monde syndical également, en Ontario.
Ça, c'est à peu près la meilleure réponse que je
peux vous donner. Mais quand on visite un bureau, on se rend compte que,
à bénéficier de cette structure avec l'apport qu'on
pourrait y ajouter ici, c'est-à-dire notre forme de mesures
interdisciplinaires, d'actions interdisciplinaires, synergie, médecins
du travail des réseaux d'établissements publics avec avocats de
l'aide juridique et conseillers qui viennent, pour la plupart chez nous, du
monde syndical et certains du monde communautaire, on a la formule gagnante.
Évidemment, s'il y avait moins de blocages à l'intérieur
de la CSST, ça irait drôlement mieux, mais il y a une histoire
à ça. C'est peut-être trop long de tout repasser ça,
mais, dès la fin de 1986, début de 1987, la haute direction de la
CSST avait délibérément décidé de bloquer
tout le système de l'indemnisation, toutes les réclamations. Les
employeurs ont été incités par le service d'inspection
à contester systématiquement les réclamations, et on est
encore en train de vivre les séquelles de ça. On s'est
peut-être imaginé que le monde syndical ne se battrait pas et que
le monde communautaire au Québec ne se battrait pas. On s'est battus et
on l'a bloqué, le système, à notre tour aussi, pour
obtenir justice pour le monde. Maintenant, il semble y avoir un changement
d'attitude, mais on verra. Nous, on se dit que, dans tout ça, la grande
leçon, ça nous prend un bon système de
représentation, le droit à la représentation surtout pour
le non-syndiqué. On n'en sort pas. Sans ça, il n'y a pas... C'est
deux contre un, comme le disait Mme Flibotte tantôt.
Le Président (M. Parent): Une dernière question,
Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Une dernière?
Le Président (M. Parent): II vous reste deux minutes. (12
h 10)
Mme Caron: Merci, M. le Président. Avant la
création de cet organisme que vous souhaitez, et que vous exprimez
très bien dans votre mémoire, vous proposez, en page 3, la
septième recommandation, que tous les frais qui sont assumés par
les avocats de l'aide juridique pour la défense des travailleurs et des
travailleuses accidentés soient immédiatement absorbés par
la CSST. Est-ce que vous pensez que cette proposition-là pourrait
et là, je vous demande d'étendre, pas de vous limiter juste chez
vous toucher d'autres organismes? Est-ce qu'on pourrait l'étendre
à d'autres organismes?
Le Président (M. Parent): M. Bouchard.
M. Bouchard (Robert): On a pensé à ça, puis
on s'est dit: Est-ce qu'on va aborder cette question-là dans notre
mémoire? Parce qu'on s'est penchés un peu, avec nos deux avocats
en pratique privée, sur la question, par exemple, des accidents
d'automobile. Et puis, on s'est dit: Les services devraient être gratuits
pour tous aussi là, en ce sens que les frais soient
intégrés à la prime d'assurance. Mais on s'est dit: Si on
ouvre ce débat-là en commission parlementaire, M. le
Président, on va ouvrir un autre débat qui est vraiment celui
qu'on veut soulever.
Le Président (M. Parent): Ça peut aller loin.
M. Bouchard (Robert): Alors, on y a pensé, on a des
idées là-dessus, mais pas absolument arrêtées. On
n'en a pas fait une question politique chez nous là. Ce qui est
approuvé par le conseil d'administration de la FATA, c'est
évidemment le mémoire qu'on a déposé
aujourd'hui.
Le Président (M. Parent): Merci.
Mme Caron: Alors, il me reste, évidemment, Mme Legendre,
M. Bouchard et M. Petelle, à vous remercier beaucoup de votre
participation. Vos explications nous ont permis de comprendre davantage vos
propositions, et je vous en remercie.
Le Président (M. Parent): M. le ministre de la
Justice.
M. Lefebvre: Avant de conclure, j'aurais une question à
Mme Legendre. Lorsque, Mme Legendre, votre client ou cliente puis vous
en parliez tout à l'heure comme quelqu'un qui, évidemment, a un
revenu extrêmement modeste doit prendre des ententes, des
arrangements avec votre organisme pour le paiement des honoraires ou des frais
que vous devez charger... si, par hypothèse, le
bénéficiaire arrive en bout de course avec un résultat qui
est zéro, perd sa cause, comment vous
entendez-vous avec lui pour le paiement des honoraires et de vos frais?
Ça doit être un problème.
Mme Legendre (Colette): C'est-à-dire que, oui. C'est plus
difficile de se faire payer. Bien sûr qu'on n'a pas de système
de... Comment est-ce qu'on appelle ça, là?
M. Bouchard (Robert): De recouvrement.
Mme Legendre (Colette): De recouvrement, Household Finance,
là, je ne sais pas quoi. On discute avec, on essaie de lui faire
comprendre qu'on l'a aidé puis que, lui, en nous payant, ça nous
permet d'aider d'autres travailleurs mal pris, mais ça s'arrête
là.
M. Lefebvre: C'est une situation difficile.
Mme Legendre (Colette): Nous avons un item dans le budget qui
s'appelle «créances douteuses».
M. Lefebvre: D'accord. D'accord, madame. Je comprends, je
comprends.
Mme Legendre (Colette): C'est tout ce qu'on fait.
M. Lefebvre: Alors, Mme Legendre, M. Bouchard et M. Petelle, je
vous remercie de votre... D'abord, dans un premier temps, je veux vous
féliciter pour la qualité de votre mémoire
ça touche des points qui sont extrêmement importants et
aussi de vous être présentés ce matin pour venir le
défendre. M. Petelle, vous avez touché, quant à moi,
quelque chose qui est fondamental. Quand vous parliez des désistements,
dans certains cas, c'est malheureux effectivement pour certains travailleurs
à qui on laisse entendre, pour toutes sortes de raisons, qu'ils
devraient abandonner. Moi, j'arrive à la conclusion que le
problème de l'information en général, la faiblesse au
niveau de l'information, provoque deux conséquences malheureuses: le
désistement, dans certains cas... Parce qu'il y en a qui se
désistent sans vous consulter, hein, sans vous appeler. Puis ça
provoque également, cette faiblesse au niveau de l'information, du...
C'est quoi, un débat judiciaire? Qu'est-ce que la procédure que
vous avez sous le nez, messieurs et madame, veut dire? etc., ça provoque
un autre problème, qui est aussi pire, quant à moi: c'est la
judiciarisa-tion, souvent, non nécessaire.
Il y a plein de cas qui pourraient être réglés avant
l'étape de la procédure, que ce soit dans votre domaine
très précis qui est le vôtre, les accidentés de
l'automobile. Mais on a eu des témoignages semblables en matière
de droit matrimonial, en matière de droit criminel et pénal, la
judiciarisation des cas à cause d'un problème d'information et
aussi ce que vous disiez, M. Petelle, que ça provoque, malheureusement,
chez certains bénéficiaires et justiciables l'abandon de bonnes
causes parce qu'ils sont mal informés.
Alors, ça, c'est préoccupant, cette situation-là.
Je retiens aussi je conclus là-dessus, M. le Président
que, de façon générale, vous semblez nous indiquer
que le régime est bien géré. La gestion du régime,
dans votre mémoire, on ne voit pas d'intervention de votre part ou de
suggestion quant à la remise en question du régime, le libre
choix de l'avocat, les différents paliers du fonctionnement du
régime. On semble comprendre que vous êtes d'accord avec
l'ensemble de l'opération du régime d'aide juridique au
Québec.
Alors, merci d'être venus témoigner ce matin, de nous avoir
donné un éclairage, suite au document que vous nous aviez soumis.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Parent): Merci, M. le ministre. Je vous
informe que la commission des institutions reprendra ses travaux
immédiatement après l'annonce des travaux des commissions en
Chambre, qui se fera avant l'annonce des motions. Alors, M. Bouchard et les
personnes qui vous accompagnent, merci beaucoup. Nous suspendons les travaux
jusqu'à cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 15)
(Reprise à 16 h 18)
Le Président (M. Parent): Alors la commission des
institutions reprend ses travaux et accueille la Confédération
des syndicats nationaux. Mesdames les représentantes de la
Confédération des syndicats nationaux, je dois, au nom des
membres de cette commission, m'ex-cuser du retard auquel nous avons dû
faire face.
L'agenda étant prévu pour normalement une période
des questions des affaires courantes à l'Assemblée nationale qui
dure une heure, une heure et dix d'habitude... À cause de situations
imprévues, la rentrée de trois nouveaux députés
à l'Assemblée nationale, alors, tout l'horaire a
été perturbé. Soyez certaines que nous nous en excusons.
Par contre, votre temps d'intervention ne sera pas diminué pour autant;
nous allons le respecter. Alors, normalement, vous avez une période de
20 minutes. C'est-à-dire, vous avez droit à jusqu'à 20
minutes pour présenter votre mémoire. Mémoire que je
prends pour acquis que tous les membres ont déjà lu. Alors,
d'habitude on ne lit pas le mémoire, on en fait un résumé.
Après ça, alternativement, le temps sera réparti
équitablement entre les deux formations politiques qui forment cette
commission.
Alors, si je suis bien informé, la Confédération
des syndicats nationaux est représentée par Mme Céline
Lamontagne, la vice-présidente Mme Lamontagne, bonjour Mme
Franchie Bousquet, service juridique de la CSN ça me fait
plaisir, Mme Bousquet Mme Franchie St-Pierre, représentante de la
Fédération des employées et employés des services
publics vous êtes ici, Mme St-Pierre? et Mme Simone
Santerre. Est-ce qu'elle est ici? Madame, bonjour. Alors, nous vous souhaitons
la bienvenue et je vous invite immédiatement...
Je ne sais pas qui est le porte-parole officiel. C'est vous, Mme la
vice-présidente?
Mme Lamontagne (Céline): Oui.
(16 h 20)
Le Président (M. Parent): Nous vous écoutons.
Confédération des syndicats nationaux
(CSN)
Mme Lamontagne (Céline): Merci, M. le Président. Je
voudrais remercier les membres de la commission d'accepter de nous entendre
aujourd'hui. Vous êtes tous excusés pour le retard, et j'ai pris
bonne note que ce n'était pas comptabilisé dans notre temps,
alors tout va bien.
Nous sommes heureuses, donc, d'être ici et de donner notre point
de vue sur le régime d'aide juridique. Je dois vous dire cependant
que... Je pense qu'on a beaucoup à coeur l'avenir du régime
d'aide juridique parce que, comme beaucoup d'autres groupes, on a l'impression,
aujourd'hui et pendant tout le déroulement de cette commission, de
redire des choses qu'on a déjà entendues dans d'autres
consultations. Comme ça a été dit hier dans les journaux,
je pense que le tour du jardin a été fait. C'est clair. La
volonté des groupes et des utilisateurs de l'aide juridique est claire
et les demandes sont claires aussi. On pourrait même aller jusqu'à
dire, en étant un petit peu démagogique, si on nous le permet,
que tous les coûts qu'ont engendrés ces multiples consultations
auraient pu nous permettre de nous payer la hausse des seuils
d'admissibilité à l'aide juridique. Nous sommes pour la
démocratie, vous le savez très bien, et on demande souvent des
consultations, mais là, disons qu'il y a surconsultation, surtout que
tout le monde s'entend à peu près sur les mêmes
demandes.
Alors, oui, la volonté des utilisateurs est claire. Le
système d'aide juridique au Québec, c'est un système
efficace, qui a rempli sa mission et qui n'est pas l'objet de critiques
importantes, sinon une critique majeure, c'est qu'on constate qu'au cours des
années le système d'aide juridique, au lieu d'être un
système d'aide pour la population plus défavorisée
économiquement, s'est transformé en système d'assistance
juridique. Encore aujourd'hui, en 1994, un trop grand nombre de personnes
à faible revenu, qui sont au seuil de la pauvreté, et en bas des
seuils de pauvreté souvent, n'ont plus accès au système
d'aide juridique au Québec. alors, comme beaucoup d'autres groupes, au
risque de nous répéter, nous demandons que les seuils
d'admissibilité à l'aide juridique reviennent à ce qu'ils
étaient aux origines de la création ou de la formation du
système, c'est-à-dire ceux qui prévalaient en 1973,
c'est-à-dire qu'on couvre la même population. nous sommes d'accord
avec ce qui a été dit dans maints rapports, entre autres, dans le
rapport macdonald, que ceux qui sont en bas de 80 % du mga aient accès
gratuitement au système d'aide juridique. on est conscients, par
ailleurs, que cet étalon-là, parce que c'est un étalon,
crée certaines distorsions. entre autres, pour la personne seule, ce
n'est pas tout à fait ce qu'il y avait en 1973, indexé aux
chiffres de 1994, mais il demeure que si on s'entend sur ça, ça
permet une indexation automatique du système d'aide juridique, ce qui
est, à notre avis, fondamental puisque, si les seuils avaient
été indexés, peut-être qu'on ne serait pas là
aujourd'hui pour parler du régime d'aide juridique.
Nous pensons aussi que si on couvre une plus grande population, il y a
deux éléments qu'il faut se rappeler. Nous l'avons dit hier aussi
lors de notre conférence de presse. Il ne faut pas croire que,
même si on double la population qui aurait accès au régime
d'aide juridique, on va doubler aussi le nombre de dossiers. On sait que le
taux d'utilisation, dans toutes les études qui ont été
faites, pour la nouvelle population, serait moindre. Nous, on pense que si on
en couvre plus large, si on accueille une plus grande population, on pourrait
aussi peut-être diminuer le volume de dossiers qui est admis actuellement
par pouvoir discrétionnaire. On comprend que, comme il faut être
vraiment très, très démuni pour avoir accès,
actuellement, au régime, c'est que le nombre de dossiers admis par
pouvoir discrétionnaire risque d'augmenter puisque c'est les situations
très dramatiques, souvent, qu'on admet par ce
règlement-là.
Alors, nous, on pense que... Sur les seuils d'admissibilité, je
pense que je ne m'étendrai pas plus longtemps sur les raisons qui
militent pour augmenter les seuils d'admissibilité, mais, nous, on pense
que les devoirs sont à faire par le gouvernement et qu'on devrait
légiférer dans ce sens-là très rapidement,
même si on sait qu'on est dans une période, disons, de fin de
régime, etc. Mais on pense que, là, il y a un devoir important
qui est à faire par le gouvernement, qui est dit depuis plusieurs
années par plusieurs groupes.
Un autre aspect qui nous apparaît majeur aussi, dans les questions
qui étaient posées dans le document du ministère de la
Justice, c'est toute la dimension de la couverture. Nous, nous croyons que la
couverture doit demeurer inchangée. Je vais parler de deux aspects,
particulièrement: tout l'aspect du criminel et du pénal. Il nous
apparaît assez difficile de déterminer, comme on le laisse
sous-entendre dans le document du ministère, si un préjudice est
grave, moins grave ou si c'est un préjudice léger. Ce serait
là une lourde responsabilité pour ceux qui doivent admettre les
personnes. Comme on le dit aussi dans notre mémoire, 100 $, ce n'est
peut-être pas grave pour plusieurs d'entre nous qui sommes assis dans
cette salle, mais pour quelqu'un qui vit de l'aide sociale, c'est un montant
important et c'est une question, souvent, de pain et de beurre. Donc, on pense
qu'on devrait garder intacte la couverture au criminel et au pénal et
qu'on ne devrait pas cataloguer les préjudices en termes de gradation de
gravité, si on veut.
L'autre aspect, je pense qu'on en a beaucoup parlé durant cette
commission, c'est toute la question des tribunaux administratifs, où
l'avocat ou l'avocate n'est pas requis pour défendre une personne. Nous,
on pense que, d'abord, les tribunaux administratifs doivent continuer
d'être couverts par l'aide juridique. Il faut se
rappeler que, lorsqu'on parle de tribunaux administratifs, c'est souvent
l'essentiel de la vie des personnes qui est en jeu. C'est des droits de base.
C'est, par exemple, avoir droit, oui ou non, à
l'assurance-chômage; c'est avoir droit, oui ou non, à une
indemnité en vertu de la loi sur les accidents du travail; c'est des
congédiements devant la loi des normes ou devant le commissaire du
travail; c'est le logement. Donc, c'est vraiment la vie quotidienne des
personnes qui est en jeu. Donc, on pense que, oui, ça devrait continuer
à être couvert par l'aide juridique. Un autre aspect qu'on peut
ajouter à ça, c'est que si, par exemple, les personnes ordinaires
n'ont pas envie finalement d'avoir droit ou de pouvoir être en contact
avec un avocat au criminel, ça, ce n'est pas le commun ou le quotidien
de la vie des personnes, mais perdre un emploi, avoir un accident de travail,
ça, c'est la vie quotidienne de beaucoup de travailleuses et de
travailleurs.
Ce qu'on doit comprendre aussi, et c'est important en droit
administratif, c'est que, depuis ces dernières années, les
procédures se sont lourdement judiciari-sées. Il y a des
procédures qu'on voulait simples, qui sont devenues souvent de
véritables procès où on fait des preuves par
témoignage, des preuves par expert. Ça n'a jamais
été le choix des travailleuses et des travailleurs, jamais
été le choix des bénéficiaires, jamais
été le choix des organisations syndicales de rendre, par exemple,
un bureau de révision à la CSST compliqué, de rendre les
tribunaux d'arbitrage compliqués, de rendre une audition devant le
commissaire du travail compliquée. Je pense que c'a été
d'abord et on doit le dire un choix qui s'est fait graduellement
au cours des années, où, de plus en plus, les employeurs se font
représenter par des avocats, avec des avocats de pratique privée,
souvent des avocats de grands bureaux très connus de pratique
privée. On peut donner des exemples. Par exemple, dans des
établissements du secteur public, si on prend les hôpitaux, il y a
certains hôpitaux qui ne se présentent devant aucun tribunal, que
ce soit en arbitrage de griefs ou que ce soit en accidents du travail, sans
utiliser les avocats et sans que ça devienne des procès qui n'en
finissent plus, avec toute la série de procédures qu'on
connaît.
Donc, c'est l'argent des contribuables qui est utilisé. Nous, on
pense que, oui, on pourrait avoir des procédures plus simples, mais,
compte tenu que la partie adverse, dans bien des cas pour les travailleuses et
les travailleurs, est bardée d'avocats, je pense que ce serait un
préjudice très grave que de réduire la couverture de
l'aide juridique et d'enlever les tribunaux administratifs de cette couverture.
Je pense que, comme société, on a un travail à faire pour
déjudiciariser tout le droit administratif, mais il ne faudrait pas le
faire aux dépens des personnes qui sont les plus démunies. (16 h
30)
Un autre aspect, toujours dans la couverture, c'est toute la question
incidente des frais d'expertise. On en a parlé un peu devant cette
commission. Effectivement, il y a une inflation importante des frais
d'expertise, pas seulement pour ceux qui recourent à l'aide juridique,
mais pour l'ensemble aussi des tribunaux administratifs, même si tu n'as
pas droit à l'aide juridique. Nous, à la CSN, par exemple, on
paye beaucoup de frais d'expertise pour les accidentés du travail.
Alors, on pense qu'il serait aussi important que le gouvernement
réglemente ou négocie avec les fédérations
représentant certains types de professionnels, entre autres, les
médecins, les psychologues, etc., pour qu'on réglemente toute la
question des expertises. Parce que, effectivement, ça coûte
très cher, et à l'aide juridique... mais ça coûte
très cher, en général, au bénéficiaire qui
va partout, même dans les tribunaux administratifs. Alors, on me dit que,
par exemple, à l'aide juridique, c'est 4 500 000 $ d'expertises
professionnelles que ça a coûté au système. Donc,
c'est une facture très élevée, et je pense qu'on pourrait
améliorer le service avec cet argent-là, et sans
préjudicier des droits des bénéficiaires. Alors,
ça, c'est une question aussi qui nous tient à coeur. Il y avait
des propositions, dans le rapport Macdonald, sur la question des expertises, et
je pense que ce serait simple de négocier avec les
fédérations professionnelles sur cette question-là.
Un autre aspect qu'on touche dans notre mémoire, c'est toute
l'organisation et le fonctionnement de l'aide juridique. D'abord, on trouve
important de maintenir la structure actuelle, de conserver, entre autres, le
statut juridique des corporations régionales, donc, des corporations qui
sont incorporées, qui ont leur conseil d'administration qui est
représentatif de la communauté, qui administrent leur budget. On
pense aussi qu'il y a là une question d'indépendance face au
gouvernement parce que, souvent, les bénéficiaires, les personnes
d'aide juridique, la partie adverse est souvent le gouvernement. Donc, je pense
qu'il y a une question d'indépendance, mais aussi, c'est important pour
toute la dimension de l'insertion dans la communauté locale et la
communauté régionale. Je pense que le rapport annuel de la
Commission des services juridiques démontre l'intervention, dans la
communauté, des différentes corporations et des salariés
de l'aide juridique.
Un autre aspect dans l'organisation et le fonctionnement du
régime, c'est toute la question du régime mixte. Je pense que
tous s'entendent pour louanger, actuellement, les qualités du
régime mixte québécois d'aide juridique, à savoir,
avoir des salariés permanents et aussi de référer à
la pratique privée. Le libre choix de son avocat, c'est un droit,
à notre avis, fondamental. Donc, je pense que tout le monde est d'accord
avec ça, tous ceux qui se sont présentés devant cette
commission, même si, dans le rapport du ministère, il y avait des
questions tendant vers la privatisation du régime.
Je voudrais en profiter, puisqu'on parle de salariés permanents
et de pratique privée, pour rappeler à la commission
parlementaire que, parmi les salariés de l'aide juridique, il y a,
certes, des avocates et des avocats qui ont une expertise, une expertise
très grande en droit, entre autres, de la pauvreté, qui
connaissent bien les besoins des personnes avec qui elles travaillent, mais il
y a aussi, et on n'en a pas parlé du tout depuis le
début de cette commission, il y a aussi des employés de
soutien. Ils sont plus de 500 et ce n'est pas parce que c'est le 8 mars
que j'en parle aujourd'hui ce sont particulièrement et
très majoritairement des femmes. On en parle peu parce que, comme
beaucoup d'emplois féminins, ce sont des emplois qui sont
effacés. Mais il faut se rappeler qu'ils donnent un service direct
auprès des bénéficiaires de l'aide juridique, qu'ils sont
là, à l'accueil, qu'ils font souvent de la
référence, qu'ils sont souvent, aussi, des personnes, des points
de référence aussi pour les personnes qui viennent à
l'aide juridique, parce qu'elles sont toujours là, elles sont
disponibles, elles ne sont pas... Donc, souvent, plus faciles à
rejoindre que l'avocat ou l'avocate. Donc, sans ces plus de 500
personnes-là, je pense que le régime d'aide juridique ne serait
pas ce qu'il est au Québec. Donc, c'est important de se le rappeler.
Comme je le disais, on l'oublie souvent.
Alors, si on admet et je reviens à mon point de
départ qu'il doit y avoir un équilibre entre les
salariés permanents et entre la référence à la
pratique privée, on doit constater que le régime dérive
vers une plus grande utilisation de la pratique privée. Et on le
constate dans le rapport, au 31 mars 1993, de la commission d'aide juridique,
où on est passé de 42,8 % à 44,9 % d'utilisation des
avocats de pratique privée.
On constate également et ça, ce sont nos membres
qui nous le disent que la charge des avocates et des avocats
salariés de l'aide juridique augmente et qu'on diminue le nombre de
postes. Donc, on pense qu'il faudrait cesser l'hémorragie et, oui,
peut-être, se donner les moyens d'augmenter la permanence de l'aide
juridique. Nous, on pense, on parle beaucoup de coûts ou de
contrôle des coûts. Je pense que le meilleur moyen de
contrôler les coûts, c'est par une structure permanente, parce
qu'on sait combien on paie les gens, on peut prévoir les coûts,
faire de bonnes prévisions. Alors que, quand on envoie en
référence à la pratique privée, c'est plus
difficile de prévoir les coûts que ça va nous coûter
au bout d'un an, au bout de deux ans. Et je rappelle le Barreau en a
parlé également que la rémunération à
l'acte entraîne, veut, veut pas, des distorsions ou des tentations, et
qu'on ne peut pas toujours contrôler. Donc, c'est important d'avoir une
bonne base de salariés permanents à l'aide juridique si on veut
établir l'équilibre, si on veut qu'il y ait un véritable
choix pour la clientèle entre un avocat de pratique privée et un
avocat de pratique salarié.
Ceci dit, je termine sur ça. Nous, on croit que l'aide juridique,
c'est un des moyens importants et, peut-être, qui a été
privilégié par la société québécoise
pour rendre la justice plus accessible à tous et à toutes.
Cependant, on ne croit pas non plus que ça fasse le tour de tous les
moyens pour rendre la justice accessible. Il y a plusieurs propositions qui ont
été faites dans le rapport Macdonald qui n'ont pas
été reprises; très peu ont été reprises par
le gouvernement. Mais on pense qu'il y a une urgence de procéder, non
pas pour diminuer le régime d'aide juridique, mais pour
l'améliorer dans le sens qu'on l'a dit aujourd'hui et dans le sens
où plusieurs groupes l'ont dit depuis plusieurs années. Je vous
remercie.
Le Président (M. Parent): C'est moi qui vous remercie, Mme
Lamontagne. Et je reconnais immédiatement, pour ses commentaires, M. le
ministre de la Justice. M. le ministre. (16 h 40)
M. Lefebvre: Mme St-Pierre, Mme Lamontagne, Mme Bousquet et Mme
Santerre, je vous souhaite la bienvenue. J'en profite pour vous souhaiter bonne
fête à vous et à toutes les femmes du Québec et du
monde entier. Ça tombe bien que vous soyez là aujourd'hui, au
moment où, effectivement... Et, à plusieurs reprises, c'a
été souligné ce matin par Mme la députée de
Terre-bonne, tout à l'heure, au salon bleu: c'est aujourd'hui la
Journée internationale des femmes. On ne vous écoute pas plus,
mais on ne vous écoute sûrement pas moins en ce jour du 8 mars. De
toute façon, quant à moi, ça ne change rien: j'ai une
femme puis j'ai deux filles à la maison, et je suis extrêmement
sensibilisé à ce que c'est de vivre entouré de femmes. Et
le premier ministre le disait tout à l'heure: II faut viser
essentiellement à ce qu'il n'y ait plus de journée
spéciale, mais que, en tout temps et partout, et de toutes sortes de
façons, les femmes soient traitées de la même façon
que les hommes, idéalement, et c'est ce vers quoi il faut tendre. ceci
étant dit, mme la vice-présidente, vous disiez, en introduction:
assez parlé, il faudrait agir. parce qu'il y a un consensus. vous savez,
il y a au-delà de 50 mémoires qui nous ont été
soumis, et il y a effectivement un consensus au niveau d'un
élément qui est le rehaussement du seuil d'admissibilité,
rehaussement qui, pour plusieurs organismes, varie. pour certains, c'est 80 %
du maximum des gains admissibles; c'est votre position. pour d'autres, c'est
100 %; pour d'autres, c'est 120 %; pour certains, c'est même 130 % du
mga. alors, on s'entend, oui. mais, même sur cet
élément-là, il y a des positions différentes, pas
contraires, mais différentes. il y a également... et, avant
d'aller plus loin sur les contraires qu'on retrouve dans certains
mémoires, je veux vous indiquer que le document sur lequel vous avez
travaillé je l'ai dit à d'autres groupes ce n'est
pas une position de l'ancien ministre de la justice, ni non plus du
ministère de la justice ou du gouvernement du québec, ou de celui
qui vous parle. c'est un document de questionnement, un document qui
soulève différentes questions, lesquelles questions ont
été pointées à l'occasion, entre autres, du sommet
de la justice, et également à l'occasion de l'étude qui a
été faite par le groupe macdonald, par différents
intervenants.
Je veux vous rappeler que certains groupes proposent aujourd'hui des
solutions qui ont évolué dans le temps. Et, d'ailleurs, la CSN en
est un. Vous aviez une position et remarquez bien que je ne vous en fais
pas le reproche là, c'est un constat que je fais au niveau du
volet contributoire. Rehaussement du seuil d'admissibilité, aujourd'hui,
jusqu'à concurrence de 80 % du MGA. Vous ne faites pas de proposition
au-delà du
80 % du mga alors que, au sommet de la justice, vous suggériez
à ce moment-là la possibilité... et là, je n'irai
pas plus loin que de vous rappeler que vous parliez d'un volet contributoire,
peu importe que ce soit au-delà de 80 % ou de 100 %, mais sur le
principe de la possibilité, pour un bénéficiaire, de
contribuer au régime d'aide juridique. vous sembliez le souhaiter alors
qu'aujourd'hui et, en fait, c'est une question que je vous pose: est-ce
que c'est complètement éliminé, chez vous, la
possibilité... un peu comme d'autres organismes le proposent, le conseil
du statut de la femme, le barreau du québec, plein d'autres organismes
qui suggèrent, qui nous disent: évaluez la possibilité
d'une contribution, contribution directe, contribution par le biais de la
fiscalité, peu importe, là. est-ce que, là-dessus, votre
position a évolué au point où ce n'est plus une solution
possible pour, évidemment, permettre à plus de citoyens de
pouvoir utiliser le régime d'aide juridique, mais de façon un peu
moins généreuse, si on veut, que nos plus démunis? est-ce
que votre position, là-dessus, elle est ferme, mme lamontagne?
Mme Lamontagne (Céline): Je suis un peu surprise que vous
disiez qu'on a évolué dans notre position au Sommet de la
Justice...
M. Lefebvre: Là-dessus, sur cette question-là.
Mme Lamontagne (Céline): Bon. Alors, il y a une position
qui est très, très, très claire, c'est que l'urgence, pour
nous, c'est d'agir pour que ceux et celles la même
clientèle qu'il y avait en 1973 puissent aujourd'hui avoir
accès à l'aide juridique, et cela, gratuitement; gratuitement
dans les services et sans ticket modérateur ou frais d'imposition
d'ouverture de dossier. nous ne sommes pas fermés à regarder un
système qui permettrait au-delà pas pour ceux qui sont en
bas de 80 % du mga mais au-delà de ce 80 %, de permettre d'ouvrir
un peu le système d'aide juridique et qu'il y ait une contribution
partielle ou une contribution plus grande, dépendant du niveau de revenu
des personnes...
M. Lefebvre: C'est ce que...
Mme Lamontagne (Céline): Ça, on n'est pas
opposés à ça, pas du tout...
M. Lefebvre: C'est ce que vous suggériez, d'ailleurs, au
Sommet.
Mme Lamontagne (Céline): Et, en tout cas, moi, j'ai
participé, comme individu...
M. Lefebvre: Oui.
Mme Lamontagne (Céline): ...au groupe Macdonald.
M. Lefebvre: Oui, oui.
Mme Lamontagne (Céline): ...c'était... J'ai
signé le rapport, je suis en accord personnel...
M. Lefebvre: D'accord.
Mme Lamontagne (Céline): ...avec le rapport, mais je ne
veux pas dire que tout ce qui est dans le rapport est une position de mon
organisme, là.
M. Lefebvre: D'accord.
Mme Lamontagne (Céline): II faut comprendre...
M. Lefebvre: Oui, oui, je comprends, madame.
Mme Lamontagne (Céline): ...mais on n'est pas en
désaccord du tout avec ça.
Je voudrais rappeler aussi que, au Sommet de la Justice, le
colletaillage qu'il y a eu parce qu'il y en a eu, à la table de
l'aide juridique c'était assez... C'est que ce qui nous
était proposé par l'ex-ministre et votre gouvernement, c'est de
dire: On va en prendre dans ceux qui sont les plus démunis pour donner
accès à ceux qui sont en haut de 80 % du MGA. Alors, ça,
on n'était pas d'accord avec ça. On veut couvrir ceux qui
étaient couverts en 1973, et, après, on est toujours ouverts
à regarder que ceux qui sont je ne dirais pas
«riches» qui ne sont même pas dans la classe moyenne,
en haut de 80 % du MGA, puissent avoir accès à des services
d'avocat et de notaire par un système public d'aide juridique. On n'est
pas du tout fermés à ça. Mais qu'on ne prenne pas d'une
main pour le donner à l'autre: non.
Le Président (M. Parent): M. le ministre.
M. Lefebvre: Est-ce que, Mme Lamontagne selon ce que vous
pouvez constater au niveau de tous ceux et celles avec qui vous travaillez,
là, la clientèle vous considérez que le
régime d'aide juridique, au Québec, il est bien compris et connu
par les plus démunis qui, souvent et on le constate
pourraient peut-être avoir accès au régime d'aide juridique
et, pour des raisons de méconnaissance du régime, n'ont pas
accès au régime en question? Est-ce que c'est votre perception de
la situation, actuellement, au Québec, ou si, de façon
générale, on comprend bien le régime, on sait qu'il
existe, puis on le comprend bien?
Mme Lamontagne (Céline): Moi, je ne le penserais pas. Je
n'ai pas fait d'enquête ni de sondage. C'est évident que le
régime d'aide juridique est moins bien connu que les services de
santé ou les services d'éducation. C'est un régime, d'une
part, aussi, qui n'est pas universel; donc, c'est un peu normal. Nous, si je
regarde et Mme Santerre pourra répondre en ce qui concerne plus
le quartier dans lequel elle travaille en
ce qui concerne les membres, chez nous, d'une part, il y a beaucoup de
services que, nous, on donne; donc, ils ne vont pas à l'aide
juridique.
Ça arrive aussi que de nos membres qui sont sans revenu
parce qu'il faut être sans revenu pour avoir droit à l'aide
juridique on les réfère; ils ne connaissent pas,
effectivement, le système d'aide juridique. Donc, je pourrais vous dire,
sans avoir fait de sondage, que si je regarde juste nos membres à la
CSN, il y a plusieurs personnes encore qui ne connaissent pas le système
d'aide juridique. Peut-être que Me Santerre...
M. Lefebvre: Oui, madame.
Mme Santerre (Simone): Simone Santerre. Je travaille à
l'aide juridique; je fais du droit criminel. Je peux vous dire que,
malgré la publicité qui est faite sur l'aide juridique, il arrive
très souvent que les gens ne connaissent pas le fonctionnement de l'aide
juridique, ne connaissent pas les critères d'admissibilité. Il
faut souvent leur expliquer. Il faut souvent aussi leur expliquer le libre
choix, ce que ça veut dire, le libre choix, et ce que les services
d'aide juridique couvrent. Je pense qu'il se fait beaucoup de publicité.
Il y a eu beaucoup d'information donnée sur l'accessibilité
à l'aide juridique, mais je pense qu'il y a aussi une grande partie de
la population qui ne l'a pas assimilée, ne l'a pas comprise. Il faut
souvent donner des explications.
M. Lefebvre: Est-ce que, Mme Santerre, les responsables de
l'exercice du régime d'aide juridique je pense aux avocats
permanents, je pense au personnel de soutien, et tout cela est-ce qu'on
est... Je veux discuter de la judiciarisation, et d'ailleurs, Mme la
présidente en a parlé tout à l'heure. Est-ce qu'on ne
devrait pas être un peu plus attentifs, plus vigilants pour donner de
l'information, donner des conseils, régler des dossiers à
l'amiable à la première étape plutôt que de laisser
le processus suivre son cours et déboucher, finalement, sur une
judiciarisation du cas?
Est-ce qu'on ne devrait pas réévaluer tout ça, se
pencher là-dessus, à savoir le phénomène, le
phénomène incroyable de dossiers qui, finalement, aboutissent
devant les tribunaux, que ce soit en matière civile, que ce soit en
matière criminelle? Et là, je parle du dossier qui, devant les
tribunaux en matière pénale et criminelle, pourrait se
régler, peut-être, à l'étape de la comparution.
Alors que si on n'est pas suffisamment attentifs je pense à
certains avocats, qu'ils soient de la pratique privée, permanents
pas vigilants, bon, on peut traîner le dossier jusqu'à la toute
fin alors que ça pourrait se régler à la première
étape.
Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'intervenir là-dessus, de
réfléchir là-dessus en regard de tout l'exercice qu'on
fait présentement au ministère de la Justice qui parle de la
déjudiciarisation et de la non-judiciarisa-tion, de la médiation?
J'aimerais vous entendre là-dessus, Mme Santerre. Qu'est-ce qu'on
pourrait faire? (16 h 50)
Mme Santerre (Simone): Oui, moi, je peux vous parler plus du
droit criminel parce que je n'ai jamais pratiqué en droit civil. Mais je
crois, d'après ce que je vois parmi mes collègues qui pratiquent
en droit civil, que de la conciliation, ça se fait. Ça se fait
déjà. Je pense qu'on essaie déjà d'arranger les
dossiers avant d'aller demander l'aide des tribunaux. C'est mon opinion, mais
je vous dis ça comme ça.
Maintenant, en droit criminel, je crois qu'il y aurait de
l'amélioration. Je pense qu'il y a une partie des actes criminels qu'on
judiciarise, qui auraient intérêt à passer par un service
de conciliation. Je sais qu'il en existe en droit de la famille, mais en droit
criminel, il existe un système à la Cour municipale de
Montréal, mais il n'en existe pas ailleurs; en tout cas, pas à ma
connaissance. Et je crois que, dans les cours provinciales, il pourrait y avoir
certainement une façon de réfléchir à
déjudiciariser. Exemple: les voies de faits simples...
M. Lefebvre: Le petit vol à l'étalage.
Mme Santerre (Simone): Le vol à l'étalage, les
violences conjugales, qu'on a voulu judiciariser. Je ne veux pas faire le
procès des décisions politiques...
M. Lefebvre: Non.
Mme Santerre (Simone): ...qui ont été prises
à ce moment-là. Mais je pense que c'est des... On règle
souvent, maintenant, les dossiers de violence conjugale. Je pense qu'il y
aurait peut-être intérêt à établir un
système de conciliation où les gens pourraient se concerter, et
qu'on pourrait régler pour des ordonnances, comme on le fait d'ailleurs
souvent. Je pense que je suis d'accord avec vous. Il faudrait
réfléchir là-dessus.
M. Lefebvre: Avez-vous une opinion, Mme Santerre, sur le
«block fee»? Vous savez, l'honoraire forfaitaire en matière
criminelle suggéré par certains organismes?
Mme Santerre (Simone): Bon. Oui.
M. Lefebvre: Pour, justement, peut-être, éviter les
abus.
Mme Santerre (Simone): Moi, mon opinion, évidemment, quand
je pense à ça, ça serait pour moi déplacer le
problème. Et vous avez entendu Me Cour-noyer qui est venu ici vous dire
que c'est difficile d'évaluer, quand on regarde un dossier criminel, si
on a besoin d'une enquête préliminaire ou si on n'a pas besoin
d'une enquête préliminaire. Vous savez que c'est la poursuite qui
doit prouver que notre client est coupable.
Est-ce qu'on fait une enquête préliminaire
élaborée? Est-ce qu'on en a besoin? Est-ce qu'on n'en a pas
besoin? C'est très difficile à décider. Je ne pense pas
qu'on puisse comme ça prendre position, en disant...
malgré que vous savez maintenant qu'on a accès à la
divulgation de la preuve...
M. Lefebvre: La communication de la preuve.
Mme Santerre (Simone): À la communication de la preuve, et
ça se fait très bien en tout cas, dans le milieu où
je travaille à Montréal, ça se fait très bien: on a
une belle divulgation de la preuve. Mais vous comprenez que, avoir des
témoins et avoir la divulgation de la preuve, ce n'est pas pareil.
Alors, c'est difficile de dire un «block fee», à mon avis.
Est-ce que... C'est de la manière que c'est utilisé, c'est
toujours... Je n'ai pas vraiment d'opinion arrêtée
là-dessus.
M. Lefebvre: Merci, madame. Alors, M. le Président, pour
le moment, moi, je vais laisser la parole à mes collègues.
Le Président (M. Parent): Merci. Alors, je reconnais
maintenant Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, Mme Lamontagne,
Mme Bousquet, Mme St-Pierre, Mme Santerre, je suis très heureuse de vous
accueillir au nom de ma formation politique et très heureuse de
constater qu'à la CSN il y a des femmes en nombre important qui sont
là pour venir représenter les intérêts sur le
dossier de l'aide juridique. Et je pense que c'est beau de souligner la
Journée internationale des femmes, mais il faut souligner aussi le
travail que ces femmes font partout, dans tous les domaines, et la place
qu'elles occupent de plus en plus. Et je pense que vous le démontrez
très bien.
Oui, vous avez raison de dire qu'il y a des consensus, et depuis
longtemps. Quand on relit les propositions, les recommandations du rapport
Macdonald, on retrouve, dans la très grande majorité de nos
mémoires, on retrouve les mêmes éléments qui
reviennent. Qu'on parle de seuil je pense qu'il y a consensus pour dire
qu'il faut au moins se rendre au seuil de 1972. C'est évident que
certains vont demander plus, mais ça, c'est normal; on s'y attend. Mais
il y a vraiment un consensus pour dire qu'il faut au moins se rendre là.
Tout le monde s'entend aussi pour dire qu'on a un régime mixte et qu'il
faut le maintenir, que la structure de nos services juridiques, elle doit
être maintenue, elle aussi. Alors, il y a consensus sur beaucoup,
beaucoup de points, et, moi, je vais surtout... Il y a aussi consensus, je
pense dernier point sur le fait que l'aide juridique, qui est une
voie qui doit permettre l'accessibilité à la justice, on ne peut
plus accepter ça fait trop longtemps que ce soit une voie
à l'injustice.
Et là, je m'explique: Actuellement, c'est ça, c'est une
voie à l'injustice. Et vous le dites bien dans votre mémoire, en
page 32, quand vous rappelez que s'il fallait considérer uniquement les
revenus, il y a de nombreuses familles qui sont bénéficiaires de
la sécurité du revenu qui ne seraient pas éligibles. Mais,
en même temps, on a des travailleurs et des travailleuses qui sont au
salaire minimum et qui ne sont pas éligibles à l'aide juridique.
Et ça, c'est une injustice. Et on a aussi des retraités qui ont
de l'argent, un montant qui est moins élevé que ce qui est
donné à l'aide sociale, parfois, et qui ne sont pas
éligibles. Et ça, c'est une injustice, c'est un système
qui donne accès à l'injustice; ils maintiennent ça, je
pense qu'il faut qu'on le dénonce. Et ça fait longtemps qu'on le
dénonce, et c'est vrai qu'on est rendu à agir.
Vous avez parlé beaucoup, beaucoup de l'augmentation de la
judiciarisation, et j'aimerais vous questionner. Tantôt, il y avait ma
collègue de la Condition féminine, qui a posé une question
au ministre de l'Emploi, et qui disait que, finalement, aux normes du travail,
on retrouve un nombre impressionnant de congédiements qui sont
reliés à la grossesse, donc, et qui touchent aussi les retraits
préventifs, et tout ça. Par votre expérience à
vous, est-ce que, effectivement, du côté des employeurs,
systématiquement, on enclenche un processus de judiciarisation lorsqu'il
y a des demandes de retrait préventif, dans toutes les causes,
là, qui ont trait à la grossesse?
Mme Lamontagne (Céline): Bon. Effectivement, il y a
certains employeurs et, pour ne pas les nommer, exemple: dans les
hôpitaux qui contestent les retraits préventifs
malgré toutes les décisions qui ont eu lieu, par exemple, que les
décisions de la Commission d'appel, et que, à notre avis, le
droit est bien campé au niveau du retrait préventif. Donc, on
conteste, et quand on conteste en retrait préventif, c'est une longue
procédure parce que ça peut équivaloir à deux
procès complets: alors, un procès au bureau de révision et
un autre à la Commission d'appel. Et je donnais l'exemple, tout à
l'heure, des hôpitaux qui utilisent systématiquement des bureaux
d'avocats, et pas des bureaux... des bureaux de renom, comme on dit, alors, qui
vont, pour un simple retrait préventif, avoir une avocate pour contester
le retrait préventif. Des fois, ça se transforme en
quasi-scène d'humiliation de la travailleuse, parce qu'ils sont
là, non pas pour reconnaître le droit, mais pour faire en sorte
qu'on ne demande plus; donc, dissuader, finalement, les personnes. Donc,
ça, on retrouve ça systématiquement.
Vous parlez du retrait préventif de la travailleuse enceinte,
mais ce qu'on peut dire, c'est qu'il y a, disons, sept, huit ans, on pouvait
régler des cas d'accident de travail ou des cas de... Bien, le retrait
préventif, depuis qu'il existe, très, très facilement, des
fois, par des coups de téléphone, des lettres, des
problèmes, là, de droit pour les travailleuses et travailleurs...
Actuellement, beaucoup de cas, et les statistiques parlent d'elles-mêmes,
s'en vont en procès ou on fait des causes, et c'est très,
très long. Donc, il y a eu une judiciarisation, là,
évidente dans ce domaine-là. Et, je le répète
souvent, ça se fait avec l'argent des contribuables puisque c'est
souvent des gros employeurs du secteur public qui agissent de cette
façon-là.
Mme Caron: Je trouve ça intéressant de vous
entendre là-dessus parce que, quand on parle d'abus, autant dans le
système d'aide juridique que dans le système de santé, on
est porté, toujours, à penser à la personne qui serait
eligible, par exemple, à l'aide juridique ou à la personne qui
serait bénéficiaire, bon, de l'aide sociale. Et la personne
serait portée à abuser du système parce que le
système est gratuit. Mais on se rend compte, par votre intervention,
qu'il y a aussi des abus de la part d'employeurs, qui sont parfois des
employeurs de l'État, et qui augmentent tous les coûts de notre
système de justice, aussi; et ces abus-là, on en tient rarement
compte, on n'en parle pas. On est porté plutôt à chercher
les abus du bénéficiaire, directement, là. Je trouve
ça intéressant que vous l'ayez précisé. (17
heures)
Vous nous avez parlé aussi, évidemment, des abus du
côté des frais d'expertise, et je suis convaincue que, de ce
côté-là, il faudrait effectivement qu'il y ait des
négociations qui se fassent, parce que les coûts sont
particulièrement élevés. Il y a aussi un certain
questionnement, je pense vous l'avez fait en page 21 sur
certaines pratiques. Il y a, évidemment on en parlait un petit
peu tantôt la tarification et le nombre de procédures qu'on
ajoute souvent dans le système pour avoir un montant plus
intéressant. Il y a aussi certaines pratiques, et vous dénoncez,
en page 21, certains avocats, là, qui abusent carrément du
système d'aide juridique et qui vont se chercher des montants assez
impressionnants en accumulant des mandats d'aide juridique; un nombre
très, très impressionnant. Est-ce que vous pensez qu'il y aurait
lieu de mettre un plafonnement pour éviter que, justement, certaines
personnes et ce n'était pas un nombre très
élevé, mais ça entraîne des abus, puis, au niveau de
la qualité des services qui sont donnés aussi... qu'un
plafonnement serait nécessaire pour éviter ces
abus-là?
Mme Lamontagne (Céline): Bon. On n'a pas fait de
proposition dans ce sens-là. Je voudrais faire remarquer que les
chiffres, premièrement, qui sont dans notre mémoire sont tous
tirés du rapport ce n'est pas la position du ministère
mais du rapport de questions déposé par le
ministère de la Justice. Donc, effectivement, on ne se prononce pas sur
le fait si... On se questionne plus, voir si un avocat de pratique
privée a plusieurs clients, un matin, disons, la même
journée, 40 clients, on peut s'interroger sur la qualité du
service. Mais on ne pose pas de jugement.
Je sais que le Barreau a proposé de plafonner les honoraires, et,
moi, je pense que je suis sympathique à cette proposition-là.
Ça permettrait peut-être une meilleure qualité du service
donné par les avocates et les avocats de pratique privée et
aussi, finalement, quand on sait que, bon, il y a beaucoup d'avocats,
là, actuellement au Québec, peut-être une meilleure
répartition des mandats d'aide juridique.
Mais il est évident également que, s'il y a plafonnement,
c'est qu'il va falloir aussi peut-être réviser les tarifs qu'on
donne à la pratique privée, parce que, même si, nous, on
est vraiment en faveur du régime de salariés permanents à
l'aide juridique, on est d'accord avec le libre choix. Et tout le monde se
plaint que les tarifs sont très, très bas, donc c'est
peut-être un encouragement implicite à multiplier certaines
procédures. On ne le sait pas, là, on n'a pas fait
d'enquête exhaustive, mais ça peut être un encouragement
à multiplier des procédures dans certains secteurs de droit.
Ça ne peut pas se faire partout, parce que les tarifs sont bas.
Alors, si on fait un plafonnement, il va falloir peut-être
augmenter les tarifs, et on sait déjà que, selon les chiffres qui
ont été donnés, un dossier de pratique privée
coûte environ 44 $ ou 45 $ plus cher qu'un dossier qui est traité
par des avocates ou des avocats permanents. Alors, ça va augmenter
l'écart entre les deux. Mais je pense que le libre choix, c'est un droit
important aussi.
Mme Caron: Tout en respectant ce libre choix, dans
l'éventualité où le gouvernement accepterait de hausser
les seuils jusqu'au taux de 1972, c'est-à-dire 80 % du MGA, il y aurait
évidemment augmentation du nombre de dossiers, pas une augmentation
aussi forte que certains pourraient le dire, mais quand même une
augmentation, il faut se le dire. Et, compte tenu du dernier argument que vous
venez d'avancer sur les coûts des dossiers, est-ce que vous seriez
favorables à une augmentation du nombre des salariés
permanents?
Mme Lamontagne (Céline): Bien, nous, on ne pense pas que,
si on augmente la population qui serait admissible à l'aide juridique,
on doit tout confier ces mandats-là à la pratique privée.
Si on veut garder un équilibre, là on est rendu à peu
près à 44 % de pratique privée et le reste en pratique...
fait par les salariés, on pense qu'il faut garder au minimum le
même partage ou répartition des dossiers. Donc, à notre
avis, ça veut dire l'embauche de salariés permanents. Et aussi,
c'est sûr qu'il va y avoir une partie des dossiers qui vont aller en
pratique privée. Mais on devrait maintenir cet
équilibre-là toujours, même si la clientèle
augmente.
Mme Caron: Peut-être aborder un point que nous n'avons pas
abordé souvent on l'a abordé au début de nos
travaux est le fait que vous ayez mentionné tantôt qu'il y
a quand même, dans notre système d'aide juridique, 500
employés de soutien, et qu'on n'en parle pas beaucoup, et c'est vrai.
Vous êtes favorables au fait d'augmenter, finalement, la
possibilité que les décisions, l'étude des dossiers, la
décision, les critères d'admissibilité, soient rendus par
certains employés de soutien plutôt que par des avocats. On nous a
dit que, dans certains services juridiques, on essayait au maximum de faire
rendre ces décisions d'admissibilité là par du personnel
de soutien et que ça ne se fait pas partout. Est-ce que vous seriez
favorables à ce qu'on étende obligatoirement cette
pratique-là dans les services juridiques?
Mme Lamontagne (Céline): Bon. Mes collègues
pourront ajouter, là, puisqu'ils sont dans la pratique et sur le
terrain. Bon. D'une part, nous, on est intervenus un peu, dans notre
mémoire, sur cette question-là parce que, d'ailleurs, au Sommet
de la Justice, il avait été question de faire des super-agents
d'admissibilité là qui seraient un peu en dehors du réseau
et qui viendraient contrôler l'admissibilité. Ça, on s'y
était opposés. D'une part, ça alourdissait et ça
bureaucratisait davantage le système, et c'étaient des
coûts.
Deuxièmement, quand on parle... Effectivement, actuellement, il y
a des employés, des techniciens ou des employés de soutien, des
employés de secrétariat qui font de l'admissibilité. Mais
ça se fait surtout, actuellement, en droit criminel parce que, en droit
criminel, on prend les cas quand la personne est accusée. Donc, il n'y a
pas d'étude de cas de regarder s'il y a une apparence de droit, une
vraisemblance de droit, puisque la personne est accusée. Et, si elle
rencontre les critères, elle est admissible à l'aide
juridique.
Dans les autres secteurs du droit, c'est plus compliqué parce
que, quand c'est les avocats qui admettent une personne, c'est qu'en même
temps qu'Us admettent la personne ils regardent s'il y a une cause ou non. Et
est-ce qu'on peut étendre ça à tous les droits, que
ça soient d'autres personnes que les avocats qui fassent
l'admissibilité? Oui, ça peut se faire. On n'est pas
fermés à ça. Mais il faut toujours avoir en tête la
question qu'on doit aussi regarder la vraisemblance du droit quand on admet une
personne à l'aide juridique.
Je ne sais pas, Francine ou Simone, si elles ont des choses à
ajouter. Non? Tout va bien? Elles sont d'accord avec ce que je viens de
dire.
Mme Santerre (Simone): Je vais peut-être juste rajouter un
point. C'est évident qu'en civil la vraisemblance de droit est souvent
plus difficile à décider, parce qu'en droit criminel on arrive,
on a une accusation. C'est sûr que l'apparence de droit est là.
Alors, les techniciennes peuvent le faire.
Et, pour répondre à M. le ministre, tantôt, on
disait aussi que, si l'avocat reçoit et décide de la
vraisemblance de droit, il peut peut-être se faire une espèce
de... déjà commencer une conciliation ou voir le dossier et
orienter la personne.
C'est ce que je voulais rajouter.
Le Président (M. Parent): Merci.
Mme Lamontagne (Céline): Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Parent): Alors, j'invite Mme la
députée de Terrebonne à conclure au nom de sa formation
politique.
Mme Caron: Oui, M. le Président. Alors, je vous remercie
beaucoup de votre présentation, des compléments d'information que
vous nous avez donnés.
C'est évident que les principaux points que vous avez
relevés, qui font consensus, devraient probablement nous amener à
déterminer une réforme, et nous souhaitons qu'elle soit dans les
plus brefs délais. Merci beaucoup.
Le Président (M. Parent): Merci, madame. M. le ministre de
la Justice.
M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Alors, mesdames, je
vous remercie, dans un premier temps, de la qualité du mémoire
que vous nous avez soumis. Je pense que vous touchez à peu près
à tous les aspects de la question. Je retiens essentiellement, là
mais il y a d'autres éléments qui sont importants
que vous êtes, à la CSN, satisfaits de la gestion du régime
en général. Globalement, vous êtes, et c'est Me Santerre
qui l'a... suite aux questions que je vous ai posées, là, vous
êtes sensibilisés au problème de la judiciarisation et vous
souhaiteriez qu'on l'évalue ensemble. Aussi, vous pointez le dossier de
l'expertise. Comme d'autres organismes, vous souhaiteriez qu'on intervienne
là-dessus. Et il y a plein d'autres suggestions que vous faites.
Mme la présidente, Mme Lamontagne, quand vous disiez, en
introduction, que vous souhaitiez qu'on agisse, vous n'avez sûrement pas
tort de nous le suggérer. Et je conclus en vous disant qu'on fera
l'impossible pour, dans un premier temps, faire l'inventaire de tout ce qu'on
aura entendu suite à cette commission extrêmement importante, en
essayant subséquemment de poser le plus rapidement possible les gestes
qu'il faut pour finalement aider ceux pour qui on travaille tous, hein, les
plus démunis de notre société; c'est pour ça
qu'existe le régime d'aide juridique. (17 h 10)
II y a certains avocats qui ne l'ont peut-être pas compris,
là, les avocats dont vous parlez à l'intérieur de votre
mémoire vous reprenez nos propres notes, là
à 250 000 $, puis à 300 000 $, puis 400 000 $ par année,
là. Ce n'est pas ce qu'on voulait faire en 1972 lorsqu'on a
institué l'aide juridique. Merci beaucoup, mesdames.
Le Président (M. Parent): Merci. Alors, mesdames, au nom
de la commission permanente des institutions, je vous remercie de votre
présentation, et j'invite immédiatement à vous remplacer,
sur le siège de nos invités, Me François Parizeau et Me
Jean-Paul Proulx représentant le Réseau des avocats de l'UTTAM et
l'Association des avocats de pratique privée en matière de
santé sécurité du travail.
Messieurs, je vous accueille et je m'excuse encore une fois, pour les
raisons que vous connaissez, que j'ai énoncées
précédemment. Nous accusons un retard d'une heure et quart
environ. Alors, on a tâché, là, avec une entente libre
entre les deux formations politiques, de travailler le plus efficacement
possible, sans minimiser l'importance de notre travail.
Alors, les membres de cette commission ont reçu
votre mémoire et ils en ont pris connaissance. Alors, je vous
invite à le résumer et à participer, après
ça, avec nous à la période du dialogue. Alors, le
porte-parole, c'est M. Parizeau?
M. Parizeau (François): On est deux, là.
Le Président (M. Parent): Vous êtes deux, M.
Parizeau et M. Proulx? Alors, que le premier... Que le meilleur gagne!
Réseau des avocats - UTTAM et
Association des avocats de
pratique privée en matière de
santé sécurité du travail
M. Proulx (Jean-Paul): Que le meilleur gagne, comme on dit. Ha,
ha, ha! Alors, je vais commencer, MM., Mmes les députés, par, un
peu, nous présenter, parce qu'on est des regroupements d'avocats et
d'avocates qui travaillent en pratique privée en matière de
santé et sécurité au travail. Ça veut dire qu'on ne
fait pas juste des mandats en santé et sécurité au
travail, mais nous travaillons principalement en matière de santé
et sécurité au travail.
Nous avons une expérience qui est de, François, 16 ans, et
moi, 10 ans en matière de représentation de victimes d'accidents
de travail. On n'est pas des personnes qui représentent des employeurs.
On n'a rien contre qu'il y en ait qui les représentent, sauf que nous
représentons essentiellement des victimes d'accidents de travail.
Ces victimes d'accidents de travail là sont bien souvent aussi
des victimes d'autres systèmes au niveau de l'État, et nous y
reviendrons tantôt. Ce que je veux dire, c'est qu'on représente
des gens à travers la province, c'est-à-dire qu'on est des
avocats de Québec. À matin, j'étais dans le comté
du ministre, j'étais à Thet-fbrd Mines, devant un tribunal qui
s'appelle la Commission d'appel en matière de lésions
professionnelles, sur un mandat d'aide juridique.
M. Lefebvre: ...
M. Proulx (Jean-Paul): Pardon?
M. Lefebvre: Avez-vous gagné votre cause?
M. Proulx (Jean-Paul): J'ai gagné ma cause sur le banc ce
matin, alors... Ha, ha, ha!
M. Lefebvre: Alors, je comprends que c'est un électeur de
Frontenac qui est satisfait.
M. Proulx (Jean-Paul): C'est probablement ça. Des voix:
Ha, ha, ha! M. Lefebvre: Bravo!
M. Proulx (Jean-Paul): C'est une électrice de Frontenac
qui est satisfaite.
M. Lefebvre: Une électrice. Ah! Bravo!
M. Proulx (Jean-Paul): Bon. Alors, ce qu'on veut vous dire aussi,
c'est qu'on travaille dans d'autres domaines. On ne travaille pas juste en
santé et sécurité au travail, même si la
majorité de notre temps est en santé et sécurité au
travail. C'est-à-dire qu'on travaille aussi dans l'ensemble du droit
administratif, c'est-à-dire les gens qui ont des problèmes avec
la SAAQ, avec la Régie des rentes, avec l'aide sociale et avec le
chômage.
Alors, en gros, c'est la présentation des gens qu'on voulait
faire ici aujourd'hui. Et François va vous dire pourquoi on est ici
spécifiquement.
M. Parizeau (François): Alors, on a lu le document du
ministre avec beaucoup d'intérêt et on a été
agréablement surpris de voir qu'on se penchait sur la réforme de
la loi de l'aide juridique après un silence de plusieurs dizaines
d'années, sauf qu'il y a plusieurs interrogations qu'a soulevées
le document, et on a plusieurs réserves à certains égards,
en regard principalement de trois questions.
Il y a une question, il y a une proposition qui a été
formulée dans le document du ministre, à savoir l'exclusion de
certains domaines de droit du programme d'aide juridique, et on a
spécifiquement nommé les accidents de travail. C'est
évidemment une position avec laquelle nous sommes en parfait et total
désaccord.
Le deuxième point, c'est et c'est directement lié
à une préoccupation omniprésente de la
société québécoise et de la société
canadienne en général le manque d'argent et une phrase
plus ou moins sibylline du ministre de l'époque, qui disait qu'il
n'avait pas d'argent à mettre dans le programme; de nouvel argent,
j'entends. Et on a soulevé aussi, en corollaire avec ça, une
position qui, quant à nous, nous a insultés, la question de la
contribution des organismes ou des membres qui bénéficient des
programmes d'aide juridique, à savoir les avocats. Et nous reviendrons
sur ces deuxième et troisième points qui m'apparaissent
totalement marquer une incompréhension du système actuel.
M. Proulx (Jean-Paul): Alors, je vais y aller, dans un premier
temps, avec la proposition d'exclusion. C'est que le ministre se pose... Le
ministère de la Justice, à tout le moins, se pose la question
à savoir si, oui ou non, on ne devrait pas exclure les services en droit
administratif. Bon. On va peut-être nous dire: Écoutez, c'est
votre domaine de pratique, on comprend que vous n'êtes pas contents qu'on
veuille enlever ça. Nous, on le regarde un peu d'un autre
côté. Sans être machiavéliques, on se pose la
question à savoir: Est-ce qu'on règle juste la question du budget
de la Commission des services juridiques lorsqu'on pose la question de
l'exclusion en droit administratif?
Parce que c'est certain que, si une personne ne
peut pas contester une décision de la CSST parce
qu'elle n'en a pas les moyens, parce qu'elle est admissible à l'aide
juridique et que ses moyens l'empêchent d'avoir droit de pouvoir se
représenter, ça va avoir un impact aussi sur le budget de la
CSST, ça peut avoir un impact sur le budget de la SAÂQ et
ça peut avoir un impact sur le budget de l'aide sociale. Alors, on ne
veut pas être machiavéliques, on ne veut pas penser que le
ministre Rémillard, à l'époque, était
machiavélique, sauf qu'on est tout à fait conscients que ce
choix-là, le choix d'exclure la défense des gens en droit
administratif, donc des gens qui ont un conflit avec FÉtat-payeur...
Alors, à partir de ce moment-là, ça règle aussi
d'autres problèmes. Alors, on est conscients de cette question-là
et on se demande si ce n'est pas là, par en arrière, un des choix
qui ont été faits.
C'est qui, les bénéficiaires de ces
organismes-là? Parce que, c'est important. Et je n'aime pas le terme
«bénéficiaires», mais c'est le terme qu'on entend le
plus souvent. C'est bien souvent des gens non organisés. Nous, ceux
qu'on représente...
J'écoutais Mme Lamontagne tantôt. Mme
La-montagne a fait un excellent mémoire, sauf qu'eux travaillent aussi
dans un milieu syndical, c'est-à-dire un milieu qui est organisé.
Nous, on travaille avec des gens qui ne sont pas organisés, et
ça, ça fait toute la différence au monde. Des gens qui ne
sont pas organisés, c'est des gens aussi qui, bien souvent, de par
l'impact d'une décision, sont carrément au bas de
l'échelle. Au bas de l'échelle, ça veut dire qu'ils n'ont
pas d'argent. Suite à un accident de travail, ils n'ont plus d'argent
pour assurer leur revenu minimum et, bien souvent, ils s'en vont à
l'aide sociale.
Troisièmement, je ne voudrais pas que vous le
compreniez mal, mais c'est des gens qui ne comprennent pas le système.
Et, ces gens-là, je les comprends qu'ils ne comprennent pas le
système parce que, moi-même, j'ai de la misère à le
comprendre, le système. Ça fait 10 ans que je fais des accidents
de travail, ça fait 10 ans que je représente des gens en
matière d'accidents de travail, et je constate que ce
système-là est à peu près incompréhensible.
Je ne dis pas qu'on ne peut pas le travailler. Ce que je vous dis, c'est que,
après deux, trois mois d'absence, on se pose des questions, on dit:
C'est rendu où, dans les directives internes à la CSST, etc.?
Alors, la personne qui comprend ça, la personne qui a ce
problème-là, d'accident de travail a de la difficulté
à comprendre le système, puis on le comprend.
Le problème qu'il y a, c'est que le
législateur a fait un choix de complexifier les lois d'indemnisation. Et
ça, ce n'est pas nous autres qui avons fait ce choix-là. En 1985,
le législateur a fait le choix de faire une nouvelle loi qui s'appelle
la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, qui est
une loi de 595 articles, par rapport à une loi de 155 articles. C'est un
choix que le législateur a fait, mais l'impact, c'est que le monde, il
ne comprend plus ce qui se passe.
En 1992, on a voulu modifier la loi, on a fait la loi 35,
qui a encore une fois voulu supposément déjudi-ciariser le
système, mais on a passé peut-être de trois niveaux d'appel
à une dizaine de niveaux d'appel. Alors, les gens reçoivent des
lettres, puis c'est marqué: Si vous n'êtes pas content de ci, vous
contestez ça à telle place; si vous n'êtes pas content de
ça, vous contestez ça à telle place. Ils viennent nous
voir, ils ne comprennent pas, puis c'est normal, à un moment
donné, aussi, qu'ils ne comprennent pas.
Qu'est-ce qui est en litige en matière d'accidents
de travail? Ça me semble essentiel qu'on comprenne que c'est des
questions de droit qui, qu'on le veuille ou pas, sont très
compliquées la plupart du temps. Qu'on regarde simplement le niveau de
requêtes en évocation qui ont été
présentées avec la Loi sur les accidents du travail et les
maladies professionnelles, c'est énorme. Et ça, qu'est-ce qui
arrive si la personne ne peut pas être représentée? Il n'y
aura personne qui va défendre ses intérêts en cours de
ligne? C'est ça qu'on se pose comme question, comme impact.
En plus, il y a eu un développement scientifique au
niveau médical que, peut-être, d'autres gens ont traité,
mais c'est rendu aussi que, nous autres, on nous demande d'êtres des
experts, les gens qui représentent les accidentés du travail; on
nous demande d'être des experts en matière médicale. (17 h
20)
Peut-être une question sur laquelle je veux venir
pour apporter un peu plus d'éclaircissement aussi: Ça touche
quoi? Et ça, je pense que c'est l'essentiel, ça touche
l'intégrité de la personne. L'intégrité de la
personne, là, c'est qu'un accident de travail, ça touche un
travailleur ou une travailleuse accidenté; c'est un doigt qui est
coupé, c'est un bras qui est brisé, c'est un dos qui ne
fonctionne plus. Ce n'est pas n'importe quoi, ça. Et, qu'on le veuille
ou pas, la Cour suprême nous l'a rappelé souvent, les montants en
litige sont bien souvent beaucoup plus importants que ce qu'on retrouve devant
la Cour du Québec, c'est-à-dire que, suite à une
réclamation, un accidenté du travail dont la réclamation
est refusée, s'il gagne au bout de cinq ans, le montant en litige, c'est
un montant qui peut jouer de 20 000 $, 30 000$, 40 000$, 50 000$ à 100
000$. Donc, ce n'est pas des questions qui ne sont pas importantes, des
questions de santé et sécurité au travail; ça
touche l'intégrité physique de la personne et ça touche
aussi son intégrité financière. Et ça, on dirait
qu'à travers les propositions du ministre on ne le voit pas.
Donc on constate, en conclusion, que, par rapport à
cette question-là, la proposition d'exclusion qu'il semble y avoir... En
tout cas, on se questionne à savoir si on ne devrait pas exclure les
plus démunis sur l'objet même de la loi, des différentes
lois sociales, pour leur dire: Vous autres, vous n'aurez plus le droit,
à l'avenir... Ces lois sociales là vont être là,
mais vous n'aurez plus de droit de contester, de vous poser des questions sur
ces lois-là. Dans ce sens-là, je pense que le questionnement du
ministère doit être contesté de façon très,
très, très précise.
(Consultation)
M. Parizeau (François): Sur la question de l'accès,
j'avais juste un point sur la question de la complexifi-cation. C'est que c'est
une réalité que le droit, à travers les dernières
années, s'est complexifié. Les exigences des tribunaux en
matière de preuve ont augmenté d'une façon
considérable, le fardeau de preuve qui est exigé en
matière de preuve scientifique. Et là, il faut comprendre une
chose. C'est que, si vous avez un fardeau de preuve au niveau de l'exigence
scientifique qui est important, vous devez connaître de quoi vous allez
parler. Si on parle d'un problème de dos, puis qu'on parle d'un
spondylolisthésis ou de n'importe quel terme médical et que vous
ne savez pas de quoi vous parlez, vous ne serez pas capable de choisir votre
expert, vous ne serez pas capable de poser les bonnes questions, vous n'aurez
pas les bonnes réponses et vous allez perdre votre cause. Ça fait
partie de la réalité. Les tribunaux sont maintenant rendus
à un point où on exige des preuves qui sont complexes, qui sont
difficiles, qui sont pointues.
Mais, comme l'a dit Me Proulx tout à l'heure, le
législateur a fait un choix, en 1985, de se ramasser avec une loi qui
est excessivement judiciaire.
J'ai vu une cliente, hier après-midi, elle est venue me voir,
elle avait sept décisions. Sept décisions, sept décisions
en dedans d'un mois. Elle est allée voir je ne sais pas comment
on appelle ça, là l'attaché d'un
député dans un... Pardon?
Une voix: L'attaché politique.
M. Parizeau (François): Non, pas l'attaché
politique. Celui qui est dans le bureau de comté, là.
Des voix: ...
M. Parizeau (François): Un attaché politique? Bon.
L'attaché politique. Et l'attaché politique, en toute bonne foi,
lui a dit: Vous contestez telle décision, telle décision. Pour le
grand malheur, cette personne-là, qui voulait bien faire, lui a
donné des instructions qui n'étaient pas nécessairement
erronées, mais elle lui a fait contester les mauvaises décisions.
Et les quatre autres décisions n'ont pas été
contestées, et là, je me ramasse à faire une demande
d'extension de délai en plaidant que cette personne-là a
été induite en erreur par une personne tout à fait de
bonne foi.
Alors, quand on laisse supposer que quelqu'un est en mesure de se
défendre seul devant le bureau de révision ou devant la
Commission d'appel, comme je l'ai écrit dans mon mémoire, c'est
de l'inconscience ou c'est de la malhonnêteté. C'est l'un ou c'est
l'autre. Je mets au défi certains avocats qui sont ici présents,
puis Me Hargreaves, qui représente l'aide juridique, en arrière,
doit en connaître un bout, un avocat qui ne connaît pas la Loi sur
les accidents du travail et les maladies professionnelles va avoir de la
difficulté, pour ne pas dire qu'il ne sera pas capable de se
débrouiller.
Alors, quand on dit que quelqu'un va aller se défendre seul,
c'est incroyable. Ça démontre, de la part des rédacteurs
de ce document-là, une incompréhension du domaine du droit. Et,
s'il y en a qui pensent le contraire, je vais les écouter, je suis bien
humble, mais ça fait 16 ans que je pratique dans ce domaine-là,
il y a des causes qui sont plus faciles que d'autres, mais c'est un domaine de
droit où les décisions s'entremêlent, où les gens
arrivent en disant: J'ai contesté la bonne décision, parce que
c'est la décision qui dit qu'on vous coupe. Mais il y a deux autres
décisions antérieures qui sont la base de la troisième
décision. Les gens arrivent puis disent: Je n'ai pas d'affaire à
être coupé.
Ça s'est complexifié. Les volumes de la Cour
supérieure en matière d'évocation sont fort
éloquents là-dessus. La CSST et les accidents de travail
constituent, à l'heure actuelle, un des terrains de prédilection
des avocats, qui déposent des requêtes en évocation
101 et, je préciserais, patronales.
(Consultation)
M. Proulx (Jean-Paul): La question de la contribution des
avocats. Écoutez, bien honnêtement, je ne suis pas quelqu'un de
paresseux. J'aime ça, peut-être, prendre la vie du bon
côté, mais je ne suis pas paresseux.
Le Président (M. Parent): Ça, on n'en doute pas,
monsieur.
M. Proulx (Jean-Paul): Non, non. Ha, ha, ha! Merci.
M. Lefebvre: C'est plutôt...
Le Président (M. Parent): La preuve, c'est que vous
êtes ici.
M. Lefebvre: C'est toujours mieux que ce soit quelqu'un d'autre
qui le dise que vous-même.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Proulx (Jean-Paul): Oui, je le sais.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Proulx (Jean-Paul): Mais c'est là que je vois que vous
avez été un bon avocat, probablement, avant.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Proulx (Jean-Paul): C'est-à-dire, c'est toujours mieux
de le faire dire par les autres, mais ça ne fait rien.
M. Lefebvre: Je vais vérifier ça, ce que vous venez
de dire là.
M. Proulx (Jean-Paul): Je n'ai aucun problème avec
ça.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Proulx (Jean-Paul): Je peux vous dire que, si je suis capable
de faire 150 dossiers par année, 150 fois des représentations
devant les tribunaux en matière d'accidents de travail dans une
année, je ne suis pas sûr que je ne pourrais pas faire une
réclamation pour «burnout» à la CSST à la fin
de l'année. C'est à peu près le maximum que je suis
capable de faire, parce que vous le savez, ce que c'est qu'un accidenté
du travail, vous le voyez dans vos bureaux, c'est du monde qui vous appelle,
c'est du monde qui vient vous voir, c'est du monde qui a de la
difficulté à comprendre le système.
Le document de l'aide juridique me dit pas le document de l'aide
juridique, je veux dire le document du ministère que la moyenne
des montants qu'on reçoit, à la CSST, c'est 275 $. Si je ne fais
que des mandats d'aide juridique et Dieu sait que ma clientèle
est en bonne partie une clientèle d'aide juridique, mais, une chance que
j'en ai d'autres, et je remercie les gens qui nous ont
précédés auparavant calculez rapidement: 275 fois
150 dossiers, ça me donne 41 250 $ par année. Ma
secrétaire n'est pas payée, mon bureau n'est pas payé, mon
téléphone n'est pas payé, ma cotisation au Barreau n'est
pas payée.
Le Président (M. Parent): Vous devenez admissible à
l'aide juridique.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Proulx (Jean-Paul): Je deviens probablement admissible
à l'aide juridique. Dieu merci, je n'en ai pas eu besoin encore.
M. Parizeau (François): Pas réellement parce que,
au niveau des barèmes actuels, on serait encore en haut.
M. Proulx (Jean-Paul): Oui. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Parent): Je m'excuse, monsieur.
M. Proulx (Jean-Paul): Alors, j'ai un peu de difficulté
à admettre que c'est moi qui vais payer, en plus, pour l'aide juridique.
Si je me ramasse avec théoriquement, là, parce que c'est
une théorie, parce que, une chance que j'ai des clients qui me payent ou
que j'ai les syndicats qui me donnent des mandats; si je n'avais pas eu
ça, j'aurais un revenu d'à peu près 11 250 $ par
année. Et ça, c'est si je n'ai pas tenté de régler
à l'amiable, parce que la nouvelle mode, c'est la médiation et la
conciliation. Et, si j'ose faire ça pour mon client ou ma cliente,
l'aide juridique va me pénaliser, parce qu'elle va me dire: Tu n'as pas
plaidé devant le tribunal. Alors, elle va couper mes honoraires. Au lieu
de me donner 459 $ pour que je représente quelqu'un devant la Commission
d'appel, elle va me donner 300 $ ou 200 $ parce qu'on va avoir résolu le
problème plus rapidement pour le client.
Alors, ce que je veux vous dire, c'est que je ne sens pas que je suis
capable d'aller plus loin dans ma contribution au gouvernement du
Québec. Je l'aime bien, mon gouvernement du Québec, je suis
Québécois, j'en suis fier, mais je ne suis pas capable d'aller
plus loin. Alors, c'est un peu le message qu'on voulait vous dire sur la
contribution des avocats du réseau. Et je veux juste vous dire que, si
je veux dire, les avocats de notre association j'étais
avocat à l'aide juridique, je ne serais pas capable d'en faire plus que
150 par année. Si j'étais avocat fonctionnaire, là
et je n'ai rien contre eux autres, je trouve qu'ils font une bonne job
j'aurais probablement un salaire de 60 000 $ ou 65 000 $ par année,
alors que là, il m'en reste, à moi, 11 250 $ par année.
Alors, dans ce sens-là, j'ai de la difficulté à comprendre
qu'on me demande, à moi, de donner encore plus au gouvernement du
Québec pour qu'il puisse y avoir un meilleur système d'aide
juridique, qui soit plus ouvert.
C'est la section que j'avais à vous dire là-dessus. Je
vais laisser François conclure.
M. Parizeau (François): J'aimerais juste...
Le Président (M. Parent): Sur ce... Je regrette, mais, sur
ce, c'est...
M. Parizeau (François): C'est tout.
Le Président (M. Parent): ...la fin de la période
de temps qui vous était allouée, ha, ha, ha! et je reconnais M.
le ministre de la Justice. (17 h 30)
M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Me Proulx et Me
Parizeau, je vous salue. Je vous remercie de nous avoir soumis un
mémoire qui touche un des volets de la question lorsqu'on parle du
régime d'aide juridique, les honoraires des avocats. Je vous remercie
aussi d'être là cet après-midi pour défendre votre
dossier.
À la page 6 de votre document, quand vous dites: «Conflits
d'intérêts et paranoïa. Soyons un instant paranoïaque.
Cette suggestion d'exclure les services juridiques devant les tribunaux
administratifs a-t-elle pour but de réduire parce que, là,
vous parlez des intentions présumées du ministre de la Justice en
partant d'un document que vous avez consulté, qui est un document de
questionnement et non pas une position ferme, ni de près ni de loin, du
ministre de la Justice du temps, ni de celui qui vous parle cet
après-midi, ni du ministère de la Justice ou du gouvernement du
Québec; c'est un document de questionnement les coûts
d'aide juridique ou les coûts des régimes sociaux sur le dos des
plus démunis en les empêchant d'être
représentés auprès des tribunaux administratifs par des
procureurs spécialisés qui ont
encore une conscience et la générosité d'accepter
des mandats d'aide juridique.»
Savez-vous, lorsque vous arrivez à des questionnements
semblables, que vous mettez de côté et je m'adresse
à vous, Me Parizeau le grand principe, qui existe toujours dans
le nouveau Code civil, qui est la bonne foi qui est présumée.
Vous avez 16 ans de pratique, alors, j'imagine que vous allez concéder
que ce principe-là, que la bonne foi est présumée, existe
également pour le législateur et pour l'État. De penser
qu'on aurait imaginé un scénario semblable! Vous le qualifiez de
«paranoïa», mais ça m'inquiète. Je voudrais vous
entendre là-dessus ou, sinon, je dois le prendre comme étant une
espèce de boutade à l'intérieur de votre document.
Ça pourrait être le cas.
M. Parizeau (François): Alors, comme Me Proulx en a
parlé tout à l'heure, c'est un questionnement, pour commencer, ce
n'est pas nécessairement une position ferme, et nous l'espérons
très clairement, que ce n'est pas l'intention du gouvernement. Mais il
n'en demeure pas moins que la proposition d'exclure du programme d'aide
juridique certains domaines de droit parle spécifiquement des organismes
payeurs, du droit où l'État est un organisme payeur. Alors, vous
comprendrez, quelque part, que je me suis posé cette question-là,
à savoir quel est le lien entre les deux. Et, dans ce cadre-là,
je pense que ce qui est important...
M. Lefebvre: Mon propos, Me Parizeau, ce n'est pas sur...
M. Parizeau (François): Je suis prêt à donner
le bénéfice du doute au gouvernement. Il n'y a pas de
problème avec ça, sauf qu'il n'en demeure pas moins qu'il y a une
proposition qui était sur la table... Je suis d'accord que c'est un
questionnement, mais ce questionnement-là fait qu'on soulève une
partie du droit, et que cette partie du droit là, c'est lorsque
l'État est payeur. Alors, moi, j'espère et je n'attends que
ça, qu'une déclaration à l'effet que telle n'est pas
l'intention du gouvernement, et j'espère bien que ça ne l'est
pas.
M. Lefebvre: Me Parizeau, vous indiquez à la page 2 de
votre document que vous constatez avec effroi la fin de non recevoir
émanant du ministre d'augmenter la tarification des honoraires. À
la page 6 de votre document, vous parlez à nouveau des honoraires, et
c'est ce à quoi je faisais référence tout à
l'heure, les honoraires des avocats qui sont... Et ça, vous le dites
à la page 7, en bas de page; vous parlez des honoraires ridicules
payés présentement par l'aide juridique. Vous indiquez que le
programme d'aide juridique est à mourir d'inanition. Finalement,
à la page 9 de votre document, vous parlez du programme d'aide juridique
comme étant dans un état de mort vivant.
Lorsque, Me Parizeau, dans un système comme celui de l'aide
juridique, les citoyens du Québec, à même leurs
impôts et leurs taxes, ont dû verser plus ou moins, l'an dernier,
110 000 000$, avec une progression constante depuis sept, huit ans, est-ce que
vous ne considérez pas que c'est un effort, à tout le moins
modeste, de l'État pour aider nos plus démunis et que, lorsque
vous nous indiquez que le programme d'aide juridique serait à mourir
d'inanition, vous ne trouvez pas que c'est un peu gros, là, comme
constat?
M. Parizeau (François): Je ne suis pas sûr. M.
Lefebvre: Non?
M. Parizeau (François): Je vais vous expliquer pourquoi.
Et là, je comprends que vous n'aimez peut-être pas le style de mon
mémoire, mais il n'en demeure pas moins qu'il y a une
réalité, et cette réalité, c'est que depuis 1985
les barèmes ne sont pas indexés et que, techniquement parlant,
s'il n'y avait pas la présomption à l'effet que toutes les
personnes qui sont admissibles à l'aide sociale sont admissibles
à l'aide juridique, certaines personnes qui sont sur l'aide sociale
pourraient être exclues en vertu des barèmes actuels. Ça,
c'est une réalité à laquelle il faut faire face. Et on se
retrouve actuellement avec un système d'aide juridique qui vise à
protéger ceux qui sont sur l'aide sociale. C'est la
réalité du programme actuellement, et je pense, tout comme le
document du ministère le faisait souligner, qu'il faut casser ce
carcan-là pour étendre un peu la protection et l'accès
à la justice.
Dans un deuxième temps, vous avez souligné à deux
ou trois reprises qu'on était ici pour défendre nos honoraires.
Je vous...
M. Lefebvre: Je n'ai pas dit ça. C'est vous qui dites
ça, là.
M. Parizeau (François): O.K. O.K.
M. Lefebvre: Je n'ai pas dit ça, à date, moi.
M. Parizeau (François): Parce que je veux juste vous dire
qu'on ne serait pas ici si c'était pour défendre les honoraires
d'aide juridique des avocats de pratique privée. Ils sont ridicules, je
le maintiens, ils n'ont pas été augmentés depuis 1984.
Lors de l'augmentation de 1989, on a augmenté tout le monde sauf ceux
qui font du droit administratif. Pourquoi? Je ne le sais pas...
M. Lefebvre: Comment... Comment... Comment. ..
M. Parizeau (François): ...mais, ceci étant dit
je vais juste finir ma réponse ça fait partie du
problème. Quant à moi, c'est bien secondaire. La raison pour
laquelle on est ici et c'est important c'est que je pense qu'il
est important qu'on n'exclue pas l'aide juridique du domaine du droit du
travail et des accidents de travail.
La position qui avait été émise dans le document,
c'est qu'il n'y avait pas d'obligation d'être représenté
par avocat et qu'on pouvait avoir des représentants. Historiquement,
l'existence de représentants autres qu'avocats vient d'une situation du
droit du travail, de représentants syndicaux, etc., et de gens qui sont
compétents pour représenter les justiciables. Et ce n'est pas
parce que le domaine de droit ne mérite pas une certaine
spécialisation, tout au contraire.
M. Lefebvre: Vous savez, maître Parizeau, je pense que ce
n'est pas évident, mais je pense qu'on peut effectivement
prétendre que les honoraires payés à l'aide juridique aux
avocats de pratique privée ne sont pas faramineux sauf que et
vous le savez en 1992-1993, il y a de vos confrères qui ont
gagné entre 50 000 $ et 100 000 $ à l'aide juridique. On ne parle
pas de la balance de leur pratique qui peut s'ajouter à ces honoraires,
là, de 50 000$ à 99 999$. De 50 000$ à 100 000 $, il y en
a 151. Il y a 41 avocats au Québec qui, en 1992-1993, ont gagné
entre 100 000$ et 200 000$.
Alors, je comprends que les honoraires peuvent être ridicules,
mais à empiler des dossiers, ça finit par faire quelque chose qui
est assez intéressant. Il y a 11 avocats, 11 avocats au Québec
qui, en 1992-1993, ont gagné au-delà de 200 000 $. Et, si je
prenais, tout à l'heure, le raisonnement de maître Proulx quant
à sa capacité de travail... Et, dans ce sens-là, je vous
félicite et je vous crois, que vous donnez tout l'effort
nécessaire pour rendre de bons services à votre client ou
à votre cliente; peu importent les honoraires auxquels vous avez droit,
je vous crois. Dans ce sens-là, je vous félicite. On parle de
plus ou moins, là, 200 avocats qui ont gagné entre 50 000 $ et
200 000 $ et plus. Au rythme où un avocat doit travailler pour donner un
bon service, Me Proulx, j'imagine que ça doit vous questionner un petit
peu, des chiffres comme ceux-là. Un. (17 h 40)
Et, deuxième commentaire que je veux vous faire: Oui, des
honoraires ridicules... pas oui, mais peut-être. Mais, comment
expliquez-vous qu'il y ait de plus en plus d'avocats? Parce qu'en 1991-1992 il
y en avait 93 qui avaient gagné entre 50 000 $ et 100 000 $, et 150
l'année suivante. Il y a 36 avocats qui ont gagné entre 100 000 $
et 200 000 $ en 1991-1992, 41 avocats ont gagné autant d'argent
l'année suivante. En 1992, il y a deux avocats qui ont gagné 200
000 $ et plus, l'année suivante, 11 avocats. C'est 200 professionnels,
hein!
M. Parizeau (François): O.K. C'est sûr que...
M. Lefebvre: J'imagine que vous devez vous questionner sur des
chiffres semblables.
M. Parizeau (François): Je dois vous dire que j'ai eu
l'occasion de converser avec Me Hargreaves à de nombreuses reprises
là-dessus. Je pense que, effectivement, il y a un problème dans
certains domaines de droit, et je pense que les exemples que vous me nommez
sont bien pointés. Us sont dans des domaines très particuliers,
et il n'en existe pas en accidents du travail. Et je suis sûr de mon coup
sur ce point-là. Un dossier d'accident du travail, vous ne pouvez pas
avoir quatre dossiers le même matin, c'est impossible. En criminel, je
peux le concevoir, mais en accident du travail, c'est impossible.
Au niveau de l'aide juridique, je pense qu'il y a une proposition, qui a
déjà été mise sur la table, d'un plafond salarial.
C'est une chose à laquelle...
M. Lefebvre: D'accord.
M. Parizeau (François): ...moi, je n'ai strictement...
M. Lefebvre: Maintenant, eux autres...
M. Parizeau (François): ...aucune objection, et je pense
que ce serait effectivement sain.
M. Lefebvre: Je vous interromps, avec beaucoup de politesse,
parce qu'il me reste seulement trois ou quatre minutes. Je voudrais avoir votre
avis sur le plan Barreau. J'imagine que vous êtes un petit peu au courant
de ce que le Barreau propose, le rehaussement du seuil d'admissibilité
jusqu'à un certain niveau, volet contribu-toire pour le salarié
moyen, si on veut, et également la participation de l'assureur.
Qu'est-ce que vous pensez de ça? Rapidement, s'il vous plaît.
M. Parizeau (François): Bon. Je dois vous dire que je n'ai
pas lu...
M. Lefebvre: Non?
M. Parizeau (François): ...le plan du Barreau, donc j'ai
de la difficulté à le commenter de façon intelligente. Ce
que je vous dirais, c'est que je pense que, effectivement, il faut tendre vers
une augmentation des barèmes et, dans ce cadre-là, il va falloir
trouver effectivement des solutions.
M. Lefebvre: Le volet contributoire, Me Parizeau, qu'est-ce que
vous pensez...
M. Parizeau (François): Le volet contributoire... M.
Lefebvre: ...de cette proposition-là?
M. Parizeau (François): ...c'est que, à l'heure
actuelle, le volet contributoire, la façon dont je le vois, c'est que
j'ai de la difficulté à l'entrevoir dans le cadre de l'aide
juridique actuelle. Dépendant de la hausse des barèmes, je vous
dirais que la question des assurances, ou des choses comme ça, pourrait
devenir quelque chose qui pourrait être pensé, mais je vous dirais
que, fondamentalement, la clientèle d'aide juridique, en accidents du
travail, à l'heure actuelle, c'est des gens qui sont sur
l'aide sociale; oubliez les assurances, oubliez un plafond
contributoire.
Donc, jusqu'à quel point on va hausser les barèmes pour
permettre de tomber dans une situation où on va pouvoir faire jouer des
hypothèses qui pourraient être regardées? Mais, à
l'heure actuelle, mon problème, c'est que, même avec les
propositions qui ont été faites dans le cadre du document du
ministre, même à 120 %, ça veut dire quoi, 120 %? Il faut
regarder...
M. Lefebvre: Ça veut dire beaucoup plus de monde.
M. Parizeau (François): Oui, ça veut dire beaucoup
plus de monde; ça veut dire énormément d'argent, et
ça, c'est clair. Sauf que, ce qu'il faut voir, c'est que, dans ce
cadre-là, c'est: Est-ce que c'est des gens qui, effectivement, ont des
assurances? Est-ce que c'est des gens qui vont en prendre, compte tenu des
sommes d'argent qui sont en cause? Et je pense qu'il faut faire une analyse
sociologique à ce moment-là pour voir les habitudes de ces
gens-là. Je sais que le Barreau a parlé de crédit
d'impôt, etc., pour essayer... Bon.
M. Lefebvre: Une dernière question, Me Parizeau.
M. Parizeau (François): Je suis désolé, je
prends trop de temps.
M. Lefebvre: On nous suggère, pour certains intervenants,
d'évaluer la possibilité, d'évaluer la solution
d'honoraires forfaitaires, «block fee», en matières
pénale et criminelle. Est-ce que vous croyez que ce serait possible dans
votre secteur d'activité, en droit du travail... c'est-à-dire,
pas en droit du travail, réclamations, accidents, etc?
M. Parizeau (François): Est-ce que vous pouvez m'expliquer
un peu...
M. Lefebvre: Avec les honoraires forfaitaires, vous auriez droit
à un certain montant...
M. Parizeau (François): Oui.
M. Lefebvre: ...pour le traitement du dossier, du début
à la fin; un montant forfaitaire.
M. Parizeau (François): C'est ce qu'on a
présentement.
M. Lefebvre: Mais vous avez droit à des montants
additionnels dans certains cas.
M. Proulx (Jean-Paul): Non. M. Parizeau (François):
Non.
M. Lefebvre: Dans aucun cas?
M. Parizeau (François): Bien, écoutez, on peut
toujours aller...
M. Lefebvre: Vous avez droit à des considérations
spéciales.
M. Parizeau (François): Spéciales, oui. M.
Lefebvre: Oui.
M. Proulx (Jean-Paul): Mais ça, c'est théorique, ce
n'est pas pratique.
M. Lefebvre: Non, non, mais, techniquement, vous avez droit
à la considération spéciale.
M. Parizeau (François): Dans les cas très
spéciaux.
M. Lefebvre: Est-ce que la considération spéciale
devrait être éliminée pour donner des honoraires
peut-être supérieurs, de façon générale?
M. Parizeau (François): Je vais vous donner des exemples.
Je pense que non, parce qu'il y a des dossiers qui demandent une ampleur
considérable et, quand on tombe dans des honoraires fixes, même si
on doublait ou on triplait les honoraires actuels, si vous tombez dans une
cause à la Cour d'appel qui met en cause des aspects constitutionnels...
Je vais vous donner un exemple. J'ai un travailleur qui est dans un
hôpital du fédéral, et, à l'heure actuelle, la
question qui se pose, c'est: Est-ce que l'article 32 de la loi en
matière de congédiement s'applique...
M. Lefebvre: Alors...
M. Parizeau (François): ...à un organisme? Alors,
vous allez parler de juridiction, vous allez parler de constitution, etc.
M. Lefebvre: Alors, la considération spéciale,
c'est important de garder ça.
M. Parizeau (François): C'est très important.
M. Lefebvre: Le droit matrimonial, en faites-vous un peu?
M. Proulx (Jean-Paul): Non.
M. Parizeau (François): Moi, je n'en fais pas, mais je
dois vous dire que j'ai l'impression que, des cas exceptionnels, il y en a. La
façon dont on va juger les cas exceptionnels, je pense que je fais
confiance à la Commission des services juridiques.
M. Lefebvre: Merci.
Le Président (M. Parent): Merci.
M. Proulx (Jean-Paul): M. le ministre, je voudrais vous
demander...
Le Président (M. Parent): Oui. Excusez, monsieur...
M. Proulx (Jean-Paul): ...pourquoi pénaliser...
Le Président (M. Parent): Allez, M. Proulx, oui. Allez-y
rapidement.
M. Proulx (Jean-Paul): Pourquoi rapidement
pénaliser si on est capable de réussir à arriver à
une entente? Ce matin, j'étais avec votre électrice, là.
J'ai essayé de négocier une entente avec l'employeur, avant.
Ça n'a pas fonctionné, pour une raison d'ordre technique. Mais,
si j'avais réussi, là... J'ai négocié pendant deux
heures et demie de temps, après ça, on a plaidé, ça
a pris une demi-heure pour plaider le dossier. Mais, les deux heures et demie
de temps que j'ai négocié, parce que j'aurais
négocié, on m'aurait coupé de moitié.
M. Lefebvre: Non, non. C'est des questions que je vous pose,
là. Merci.
Le Président (M. Parent): Merci de votre réponse,
M. Proulx. Je reconnais maintenant la porte-parole de l'Opposition officielle,
Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, Me
Parizeau, Me Proulx, nous sommes très heureux de vous entendre.
Personnellement, je n'ai pas vraiment de problème avec le style de votre
mémoire. Disons que j'ai trouvé que ça dénotait que
vous aviez effectivement beaucoup d'expérience, beaucoup
d'expérience sur le terrain. Et c'est évident qu'à partir
du moment même si on a dans les mains un document de
questionnement à partir du moment où la question est sur
la table, c'est que quelqu'un y a pensé et qu'il a pensé que
c'était possible de pouvoir le faire. Et, quand vous nous dites que les
tarifs n'ont pas été changés du côté de ceux
qui travaillent dans les tribunaux administratifs, c'est une
réalité, là, ce n'est pas seulement un questionnement.
C'est une réalité.
Quand vous parlez des contributions des avocats, j'avoue que je partage
entièrement votre argumentation. Je vais même plus loin, dans le
sens que les avocats permanents, même si la moyenne de salaire est un
petit peu plus élevée que ce qu'on se disait tantôt,
traitent quand même en moyenne 435 dossiers. Alors, donc, on ne peut pas
dire que ce sont des gens qui chôment. Alors, je trouve ça
difficile de les appeler aussi des bénéficiaires du
système, et je me dis: Si on décidait d'appliquer une
contribution pour les avocats, il faudrait, au même titre, appliquer une
contribution pour les médecins qui vivent du système
d'assurance-maladie. Je veux dire, si on veut être équitable, on
pourrait les considérer et encore plus parce qu'ils ont tous
l'assurance-maladie des bénéficiaires du système
d'assurance-maladie, donc ils devraient contribuer. Et puis, jamais on ne s'est
posé cette question-là. Alors, je pense que, moi, je ne vois
vraiment pas de raison pour appliquer un principe à une corporation ou
deux dans le cas des notaires aussi pour ce
système-là.
Vous avez parlé d'une augmentation importante et, là, vous
n'avez pas vraiment élaboré, sur les requêtes en
évocation. Et, là, vous aviez l'air à avoir pas mal de
matière là-dessus. J'aurais aimé ça vous entendre
là-dessus.
M. Proulx (Jean-Paul): Là-dessus, je veux juste vous dire,
madame, que... Juste un point. Je vais laisser parler François sur
l'évocation, mais je peux vous dire une chose: Honnêtement,
impossible de faire 430 dossiers. Vous dites que les avocats...
M. Parizeau (François): C'est en
général.
M. Proulx (Jean-Paul): Je comprends que c'est en
général...
Mme Caron: Mais Us ne font pas juste des dossiers de CSST,
là.
M. Proulx (Jean-Paul): Je comprends que c'est en
général, mais, nous, on vous parle du monde qui travaille en
CSST. C'est impossible d'en faire plus que... Peut-être te rendre
à 200 là, si tu es fou un peu sur les bords là, mais c'est
impossible de se rendre à 450.
Mme Caron: Non, non. Ce n'est pas 435 dossiers en accidents du
travail, là. C'est général.
M. Parizeau (François): C'est ça. Mais c'est
important de le noter parce que, quand on nous dit une moyenne... On nous dit
toujours: En moyenne, les avocats à l'interne, ils font tant, donc
ça coûte tant. Mais, dans notre domaine à nous autres, en
tout cas, ce n'est pas vrai qu'un avocat à l'interne peut faire 450
dossiers par année. Je voulais juste préciser ça.
M. Lefebvre: ...droit, hein.
M. Parizeau (François): C'est ça. C'est
évident qu'en criminel, si vous avez 20 comparutions dans la même
matinée, c'est faisable, mais, en dossiers d'accidents de travail,
ça ne Test pas parce que, de toute façon, vous n'êtes pas
entendus à ce rythme-là, même pas à quatre la
matinée, vous êtes entendus, votre dossier.
Maintenant, pour répondre à votre question, c'est
que... Écoutez, c'est un domaine... Ce qu'on a vu
apparaître à partir de 1985, c'est une situation dans laquelle les
employeurs, qui étaient plus ou moins présents, la CSST, qui
était plus ou moins présente, ont pris énormément
de place. Et je vous dirais que, maintenant, quand l'employeur n'est pas
présent, la CSST est présente, et ce, tant au niveau de la
Commission d'appel qu'au niveau des bureaux de révision. Avec le
résultat qu'on assiste à une contestation beaucoup plus ouverte,
et c'est pour ça aussi que les fardeaux de preuve ont augmenté.
(17 h 50)
Et, si on regarde la loi, il y a quelque 500 articles. Bon, ils ne
donnent pas nécessairement tous origine à des litiges en
évocation, sauf que, quand on regarde cette loi-là, il y a
énormément de procédures, il y a énormément
de points. Et, si vous regardez les volumes de la Cour supérieure, je
n'invente rien là, c'est plein de causes en accidents du travail, en
santé et sécurité et en accidents du travail, etc. Et les
points légaux se sont multipliés de façon exponentielle
depuis 1985. Ça commence à ralentir, mais c'est énorme. Et
ça, c'est le pointe de l'iceberg, parce que l'évocation,
évidemment, c'est 10 % des cas, 8 % des cas, même pas.
Mais les objections qu'on a en Cour supérieure, en Commission
d'appel, ça commence toujours par: objection préliminaire de la
partie patronale, objection préliminaire de la partie du travailleur ou
syndicale si on représente un syndicat. Et c'est comme ça. Et on
tombe sur le fond. Et, comme on se ramasse toujours à la Commission
d'appel sur un, deux, trois et, potentiellement, quatre appels, bien, ça
débloque. Alors, les sources de litiges légaux sont importantes.
Et, comme l'a dit Me Proulx, au niveau scientifique, il faut aussi être
blindé si vous voulez aller quelque part.
M. Proulx (Jean-Paul): Et je peux vous dire qu'il y avait trois
avocats à la Commission d'appel quand la Commission d'appel a
commencé, en 1985; je pense qu'ils sont rendus sept ou huit
actuellement. Alors, eux autres, ce qu'ils font, c'est de l'évocation.
Alors, c'est une indication, quand même.
Mme Caron: Je vous remercie beaucoup. M. le Président,
j'avais d'autres questions...
Le Président (M. Parent): Oui, oui. Allez, allez.
Mme Caron: ...mais mon collègue d'Anjou souhaite vraiment
questionner. Alors, je vais lui laisser...
Le Président (M. Parent): Alors, l'honorable
député d'Anjou.
M. Bélanger: Merci, M. le Président. Me Parizeau,
j'étais content que vous répondiez au ministre relativement aux
honoraires des avocats relativement à faire les différences entre
dossier criminel puis dossier de la CSST. Parce que je pense que tout le monde
qui pratique le droit est d'accord avec un consensus à l'effet qu'il n'y
en a pas, de problème au niveau des honoraires en matière
criminelle et en matière d'immigration. Tout le monde s'entend qu'en
matière criminelle et d'immigration le tarif est en
général acceptable. En tout cas, il n'y a pas beaucoup de
plaintes de la part d'avocats quant au bas tarif à ce niveau-là.
Il y en a très peu. Et même, je pourrais dire qu'à chaque
fois qu'un avocat parle, qu'il a le malheur de dire que peut-être les
honoraires sont trop bas, le ministre sort ses millions qui sont versés,
le nombre d'avocats qui participent au réseau d'aide juridique et
surtout le petit nombre d'avocats qui facturent, il faut le dire, un montant
très considérable à l'aide juridique.
Et je pense qu'il est assez évident, si le ministre faisait une
certaine ventilation de ces dossiers-là, qu'on verrait que plus de 90 %
de ces avocats-là qui facturent un certain montant font du droit
criminel et du droit de l'immigration, essentiellement. Moi, en tout cas, je
n'ai jamais entendu parler d'un avocat qui pratique soit en matière
familiale ou en matière de la CSST qui soit capable de facturer les
montants d'honoraires qui ont été mentionnés par le
ministre. Mais, cependant, le ministre, à chaque fois qu'on parle
d'honoraires de pratique privée, il ressort ces chiffres-là. Je
pense qu'il faut faire la distinction. C'est uniquement, à peu
près, en matière d'immigration et en matière criminelle
qu'on assiste à ce phénomène-là, de facturation
assez volumineuse. Je pense que c'est important et je pense que vous l'avez
mentionné.
Maintenant, au niveau de la considération spéciale, une
autre chose qui a l'air de beaucoup impressionner le ministre, c'est que la
demande de considération spéciale pour les honoraires existe dans
la facturation. Dans votre expérience, pour quel pourcentage de vos
dossiers, à peu près, vous obtenez une considération
spéciale? Est-ce que vous pouvez me donner ça?
M. Parizeau (François): Je...
M. Bélanger: En gros.
M. Proulx (Jean-Paul): En gros, là, sur 100 dossiers que
je facture, je peux demander... Je pouvais demander, parce que je n'en demande
plus. Mon problème est réglé, là, je n'en demande
plus de considérations spéciales parce que, sur les cinq dossiers
que je demandais, on me disait non d'un bout à l'autre.
M. Bélanger: Pourtant, vous y tenez.
Le Président (M. Parent): S'il vous plaît...
M. Proulx (Jean-Paul): Pardon?
M. Bélanger: Pourtant, vous voulez qu'on garde le
principe.
Le Président (M. Parent): M. le ministre, s'il vous
plaît.
M. Proulx (Jean-Paul): On veut laisser la porte ouverte.
M. Parizeau (François): Écoutez, je ne serai pas
aussi catégorique que Me Proulx, parce que Me Hargreaves, qui est ici,
pourrait en témoigner.
M. Proulx (Jean-Paul): Lui, il est à Montréal.
Le Président (M. Parent): M. Parizeau, je vous invite
à répondre au député d'Anjou.
M. Parizeau (François): Oui. Alors, au niveau des
considérations spéciales, je pense que c'est important dans la
mesure où, effectivement, il y a des cas exceptionnels. Et, si vous
embarquez dans un dossier qui va vous demander 35 à 40 heures de
préparation parce qu'il s'agit d'un problème de maladie
professionnelle complètement rare, dans lequel on risque de
dépenser peut-être 5000 $ ou 6000 $ en expertise médicale
parce qu'on fait venir quelqu'un de très loin, je veux dire, quelque
part, le temps, il est là. Et c'est nécessaire...
M. Bélanger: Je ne remets pas ça en cause,
là, Me Parizeau, moi.
M. Parizeau (François): ...sur la proportion...
M. Bélanger: Ce que je veux faire comprendre au ministre,
c'est que c'est vraiment exceptionnel, les considérations
spéciales.
M. Parizeau (François): C'est très exceptionnel. Je
vous dirais que j'y vais peut-être...
M. Bélanger: Ce n'est pas une panacée à des
honoraires d'aide juridique qui sont bas.
M. Parizeau (François): Je me ramasse en conciliation
à Montréal peut-être une fois, deux fois, trois fois, gros
maximum, par année. Alors, c'est trois dossiers par année.
M. Bélanger: On pourrait presque appeler ça des
«considérations exceptionnelles».
M. Parizeau (François): C'est comme ça que l'aide
juridique... L'aide juridique nous dit toujours...
M. Bélanger: Exceptionnelles.
M. Parizeau (François): Quand on se présente devant
l'aide juridique, il vont nous demander deux choses. Il vont nous demander,
bon, combien de temps, mais ils vont nous demander en quoi c'était plus
complexe qu'un dossier ordinaire. Donc, la porte d'ouverture à une
considération spéciale, c'est: Est-ce que, oui ou non, c'est un
dossier dont la complexité dépasse un dossier qui, normalement,
est entendu? Et, en matière d'accidents de travail, je vous dirais que
ça m'est... Je ne me rappelle pas, en 16 ans de pratique... C'est
possible que je me trompe, mais je ne me rappelle pas avoir été
en conciliation en matière d'accidents du travail. J'y ai
déjà été en matière de mandamus, dans un
procès très connu qui était le procès des garderies
à Montréal, des dossiers qui dépassaient l'envergure de
procès tout à fait...
M. Bélanger: Me Parizeau, on a déjà
parlé avec d'autres intervenants du problème, des fois, pour des
bénéficiaires, de trouver preneur au niveau d'avocats
expérimentés sur l'aide juridique qui acceptent d'être
payés avec des mandats d'aide juridique. Est-ce que, dans votre domaine,
qui est quand même spécialisé, vous avez constaté si
c'est facile pour un bénéficiaire de retenir les services d'un
avocat expérimenté qui accepte d'être
rémunéré sous la forme d'aide juridique?
M. Parizeau (François): Écoutez, le reste de ma
pratique, ma pratique privée subventionne ma pratique en matière
d'aide juridique. C'est aussi simple que ça. J'ai des syndicats, j'ai
des clients privés, puis c'est ça qui subventionne. On est
payé 262 $ pour un bureau de révision paritaire. Un dossier
facile, parce que vous êtes expérimenté, etc., c'est un
minimum d'à peu près six heures. Faites le calcul, là. Il
y a beaucoup d'avocats qui vont refuser de façon systématique de
prendre de tels dossiers. Alors, on le fait parce qu'on trouve le dossier
intéressant, parce que, au niveau scientifique, au niveau du point de
droit ou quoi que ce soit, c'est un dossier dans lequel je m'excuse de
l'expression on va triper et on va jouer.
M. Proulx (Jean-Paul): Et l'autre considération, c'est
qu'on est obligé de se dire... Puis, qu'on le veuille ou pas, c'est
qu'on constate que, si on ne le fait pas, il n'y a personne qui va le faire.
Ça, c'est une réalité. Je ne vous dirai pas... Parce qu'il
y a des gens, vous le savez, ils vont dans vos bureaux, mais les gens, ils nous
supplient, nous autres aussi, et nous disent: Écoutez, faites-le donc,
mon mandat. Je vous supplie, faites-le, j'ai une maladie, je ne suis plus
capable de travailler. Alors, peut-être qu'on se laisse avoir pour des
considérations du genre humain, mais, moi, je suis capable de vivre avec
ça, puis je vis avez ça, sauf qu'on en paie le prix en bout de
ligne. Mais c'est une réalité. Vous le savez, les gens y vont,
dans vos bureaux. Puis je suis persuadé qu'ils vont dans le bureau du
ministre il est député puis dans le bureau des
autres députés aussi. Les gens vont dans le bureau. C'est des
gens qui sont très insécures et qui ne comprennent pas ce qui se
passe. Parce qu'il faut penser que le délai là, il est rendu
de... Si vous recevez une décision, avant que vous n'ayez la
décision finale de la Commission d'appel en bout de ligne, c'est quatre
ou cinq ans. Alors, pendant ces quatre, cinq ans là, les personnes vont
venir vous voir.
Sauf que je me dis: On n'est pas plus fins que les autres; on a fait un
choix, on vit avec. O.K, là, on a fait un choix. Sauf qu'on
s'inquiète de se faire dire qu'en plus on devrait payer encore plus pour
ce choix-là. C'est ce que le ministère nous dit dans son...
Le Président (M. Parent): Merci, M. Proulx. Mme la
députée de Terrebonne. En conclusion.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, nous sommes
déjà rendus à la conclusion. Je vous remercie beaucoup de
votre participation. Je pense que vous avez très bien exprimé les
principaux points que vous aviez à défendre, et je peux vous dire
que, de notre côté, on comprend très bien votre
argumentation. Merci beaucoup.
Le Président (M. Parent): Merci. M. le ministre.
M. Lefebvre: Alors, Me Proulx et Me Parizeau, vous êtes des
avocats plaideurs, vous êtes habitués à défendre vos
dossiers, et, des bons plaideurs comme vous deux, vous n'avez pas la peau aussi
délicate que le député d'Anjou. Alors, vous avez
très, très bien compris l'exercice que j'ai fait avec vous cet
après-midi.
S'inspirant d'un document qui émane de l'ex-ministre
Rémillard et du ministère de la Justice, ce n'est pas une
position du gouvernement du Québec, d'aucune façon. Je n'ai fait
que pointer des questionnements qui nous sont soumis par le Barreau du
Québec, qui dit, à la page 34 de son propre document: «La
structure même du tarif en matière criminelle nous apparaît
inefficace et injuste. D'une part, elle oblige l'avocat à multiplier les
procédures pour obtenir un honoraire moyen décent et, d'autre
part, elle pénalise les avocats qui doivent procéder au
fond.» Alors, c'est le Barreau, auquel vous appartenez et auquel
j'appartiens, qui pointe le problème de la tarification en
matières criminelle et pénale qui provoque des abus de certains
avocats plus ou moins consciencieux. Et c'est le Barreau du Québec qui
le dit. (18 heures)
Et pour démontrer que c'est vrai, il faut en faire la preuve,
comme je l'ai fait tout à l'heure, avec un document qui indique que des
avocats à l'aide juridique facturent jusqu'à 250 000 $, 300 000 $
et 350 000 $, ce qui m'apparaît, quant à moi, extrêmement
questionnable. Et je n'en fais pas un cas de généralité.
Vous disiez, et vous dites dans votre document, à la page...
Le Président (M. Parent): M. le ministre, je vous invite
à conclure, telle l'entente qui avait été prévue
entre les deux formations.
M. Lefebvre: Ce ne sera pas long. Alors, vous dites, à la
page 6 de votre document, «lorsque le requérant est en
mesure»... Bon. «Il est bien connu que "l'avocat qui se
représente seul a un fou comme client".» Je dois vous dire que ce
n'est pas votre cas, vous avez extrêmement bien défendu votre
point de vue. La remarque que j'ai faite en début d'intervention, tout
à l'heure, était à l'effet que vous traitez beaucoup du
problème des honoraires de l'avocat, et c'est légitime que vous
en parliez. Et aussi, j'ai moi-même indiqué que, quant à la
tarification des avocats, je le sais, j'en suis conscient, ce n'est pas
exorbitant, et il faut également se questionner sur ce point de vue
là.
Merci d'avoir soumis votre mémoire à la commission des
institutions. Merci d'être venus le défendre cet après-midi
avec autant d'ardeur.
Le Président (M. Parent): Merci, M. le ministre, et je
demande le consentement à cette commission pour procéder
passé 18 heures. Est-ce que j'ai le consentement?
Une voix: Consentement.
Le Président (M. Parent): Consentement. Alors, j'invite M.
Grégoire, du groupe SOS... Merci, messieurs. Je m'excuse, on semble
précipités, mais on tâche, enfin, de le faire dans les
meilleures conditions possibles.
S'il vous plaît! J'invite les députés à
prendre place. Nous accueillons M. Grégoire, M. Benoit Grégoire,
représentant du mouvement SOS Fonds juridique. M. Grégoire, je
vous rappelle brièvement, le plus brièvement possible, que nous
sommes déjà en retard sur la marche de nos travaux. Vous n'en
êtes point responsable, nous non plus; sont arrivés des
impondérables que nous ne pouvions pas corriger. Alors, les deux partis
politiques se sont entendus ensemble pour, dans un souci d'efficacité,
collaborer. Je vous invite à nous présenter votre mémoire.
Votre mémoire, tous les gens l'ont reçu, tous les gens l'ont lu.
Alors, quitte à vous de le présenter, de le résumer ou de
l'expliquer. Nous vous écoutons.
SOS Fonds juridique
M. Grégoire (Benoit): Je vous remercie, d'abord,
d'accueillir notre regroupement ici. SOS Fonds juridique, c'est un regroupement
dont vous avez vu la liste des membres en annexe du mémoire. C'est un
regroupement dont les organismes membres viennent en aide plus
spécialement aux travailleurs et travailleuses non accidentés.
Aujourd'hui, ça a été pour vous la journée pour
entendre plusieurs mémoires concernant les travailleurs. Nous, ici, on
vient vous sensibiliser à la situation particulière, à
notre avis, que vivent les travailleurs et travailleuses non syndiqués
en regard des lois que chacun des organismes membres de notre regroupement est
appelé à rencontrer. D'ailleurs, vous avez vu, au début de
notre mémoire, la liste des lois qui forment les préoccupations
des organismes qui nous composent et vous avez compris, donc, qu'en
matière de travail et en matière d'indemnisation il y a beaucoup
de lois qui
peuvent faire en sorte de créer des recours à
gauche et à droite.
Quand on avait présenté, dans un premier
temps... Notre démarche remonte à loin, quand même. On
avait rencontré, dans un premier temps, le Groupe de travail sur
l'accessibilité à la justice. À cette
époque-là, la position de notre regroupement était de
dire: II faut donner à tous les non-syndiqués l'accès
à l'aide juridique; à défaut de pouvoir se syndiquer, se
regrouper, il faut pouvoir protéger les travailleurs non
syndiqués, les travailleuses non syndiquées.
Au Sommet de la Justice, nous avons abordé plus
particulièrement le mémoire, le rapport Macdonald, et la position
qu'on avait défendue à l'époque, c'était de dire:
Si vous tracez une ligne à 100 %, rendons admissibles les gens en bas de
ça. Puis on n'avait pas vraiment de position. Même si on avait
dit: Participons jusqu'à 120 %, pour l'analyse de ce
régime-là, on n'a pas d'actuaires au sein de notre organisation,
on dispose de peu de moyens. je suis ici représentant d'organismes qui
sont pauvres et qui informent les gens. ce sont pour la plupart des groupes
d'éducation populaire qui ont des mandats du ministère de
l'éducation pour informer les gens sur leurs responsabilités, sur
les règles du jeu dans cette société. c'est un peu dans ce
sens-là qu'on vient présenter le mémoire aujourd'hui, pour
dire: bien sûr, on est conscient qu'il y a des déficits, mais on
est conscient que l'état doit se retirer, mettre moins d'argent, sauf
que, au niveau des règles du jeu dans la société, on pense
qu'il faut, là, mettre de l'argent. c'est pour ça que nous avons
fixé comme seuil d'admissibilité les 120 %, aujourd'hui, en
disant: 120 %, en dessous de ça, on est admissible. et on a
écarté la formule de participation au régime et qui nous
semblait très complexe, de commencer à faire des statistiques sur
combien fait telle personne. et là, en tout cas, toute la structure, qui
a été dénoncée, d'ailleurs, sur laquelle des
personnes semblent avoir... certains intervenants ont reculé.
Il est important de comprendre qu'en matière de
travail, comme vous l'avez entendu toute la journée ou à quelques
occasions, on ne fait pas juste face, ici, à un employeur. Il y a
souvent l'État, qui doit gérer et qui doit éduquer les
gens sur les lois que les gens doivent respecter. Ça crée des
situations, à l'occasion, comme Me Parizeau le disait tout à
l'heure: Une personne peut s'adresser à la Commission des normes du
travail en lui demandant: Je viens d'être congédié,
là; qu'est-ce que je fais? La personne lui répondra, lui a
déjà répondu, c'est un dossier qu'on a déjà
vu dans le passé: Ça fait combien de temps que vous travaillez,
madame, pour cette place-là? Elle dit: Ça fait un an et demi. Ah!
désolé, madame, la loi ne vous protège pas; ça
prend trois ans de service continu. Sauf que, si on avait gratté
puis est-ce que c'est le mandat de la Commission des normes? si on avait
gratté, on aurait pu voir peut-être que c'est un dossier de
retrait préventif, de femme enceinte ou qui allaite. On aurait pu aller
fouiller quelque chose d'autre. Et, à ce moment-là, quand la
personne arrive dans nos bureaux ou dans les bureaux d'un avocat, on est
obligé de demander une extension de délai, comme on vous l'a
expliqué déjà. (18 h 10)
Il faut que l'état se responsabilise dans les
règles du jeu. il faut que les gens... le mandat d'éducation,
c'est absolument important. ça ne date pas d'hier, la
responsabilité. on en a parlé au sommet de la justice, beaucoup,
mais il ne s'agit pas de se retirer tout partout en même temps. on
comprend que les sommes d'argent qui pourraient être impliquées en
poussant le seuil jusqu'à 120 %... on nous a dit ce matin que ça
pourrait représenter 68 000 000 $. nous soumettons que c'est très
peu. c'est très peu, 68 000 000 $. on voyait récemment un
document qu'on nous dit... quelle est la cause de l'augmentation de la dette?
évidemment, on est au niveau fédéral. le parallèle
pourra se faire au niveau provincial. on dit que, et c'est statistique canada
1991, le coût des programmes sociaux est responsable de 6 % de
l'augmentation de la dette; les taux d'intérêt, 50 %; les abris
fiscaux, 44 %. il y en a de l'argent à quelque part. on n'est pas plus
pauvres aujourd'hui, en 1994, qu'on l'était en 1970. c'est impossible.
alors, c'est dans ce sens-là qu'on vous a fait part, dans notre
mémoire, un peu du cheminement ou de l'instauration de certains
programmes sociaux. on aurait pu être encore plus détaillés
que ça, mais on remonte à loin pour dire que, quand même,
c'est en lien avec l'instauration de programmes qui touchaient aussi des gens
qui travaillaient et qui devenaient sans revenu du jour au lendemain. et on en
voit beaucoup des travailleurs ou des travailleuses qui, après avoir
perdu leur emploi, doivent faire toutes sortes d'acrobaties; du jour au
lendemain, ils se retrouvent avec rien. et ces gens-là exerçaient
les recours qui sont prévus par les lois. surtout quand on ne
connaît pas la loi au départ, bien, ça, ça devient
problématique.
On est dans une société de droit, je ne vous
apprends rien là-dessus. Est-ce qu'il n'est pas du ressort du
gouvernement de s'assurer que la majorité, qu'une plus grande proportion
de ses citoyens... Parce que, à 120 % du MGA, on n'est pas riche encore,
on ne se pète pas les bretelles, là. Alors que les personnes,
quand elles sont privées de leurs revenus, perdent leur maison
rapidement, puis, là, ça engendre des procédures de
huissier, ça engendre toutes sortes de choses... On lance les gens vers
l'assurance-chômage, on lance les gens vers l'aide sociale, finalement.
Puis la roue continue.
Je pense qu'une réforme de l'aide juridique,
ça ne doit pas se faire aussi sans interpeller d'autres champs de la
société au complet, finalement. Alors, il y a toutes sortes de
personnes qui sont appelées à intervenir auprès des
personnes qu'on appelle «justiciables» quand il y a un recours ou
il y a un droit qui a à être exercé. Et il n'y a pas d'abus
dans ça. Il n'y en a pas eu, d'abus de la part des personnes qui doivent
se faire défendre. Le système d'aide juridique prévoit
qu'on doit faire apparence de droit. Alors, il n'y a pas de... ce n'est pas les
personnes qui, au départ, disent: Je m'en vais aller
chercher quelque chose. C'est: Je suis dans une situation
problématique; qui va m'aider?
Et on a été sensibles, on a pris connaissance, par le
biais des journaux surtout parce que, dans nos organismes respectifs, nous
sommes débordés de travail, peut-être un peu parce que les
critères d'admissibilité à l'aide juridique sont si bas...
Quand les députés, dans leurs comtés respectifs,
reçoivent des accidentés ou des personnes qui ont des
problèmes avec le travail, une des ressources qu'ils utilisent
souvent... Bien sûr, on essaie de faire un bout de chemin. Mais qui les
réfère dans des organismes comme le nôtre? Ce sont des
députés, c'est Communication-Québec, c'est Bell Canada,
c'est des syndiqués... c'est des syndicats: II connaît quelqu'un.
Mais tu n'es pas syndiqué, je ne peux pas te représenter, mais il
y a des organismes. Alors, les organismes, beaucoup d'organismes...
C'est une occasion pour nous, aujourd'hui, de vous rappeler que nous
allons prendre toutes les tribunes possibles pour dire: Le travail qu'on fait,
il faut le reconnaître parce qu'on fait partie du système de
justice. C'est ce qu'on avait dit à l'époque au Sommet de la
Justice. Le ministre avait présenté un petit programme pour aider
les organismes qui interviennent dans le système de justice. Le
programme du ministère de la Justice, cette année,
spécifiait que ne seraient pas considérés les projets qui
touchaient les accidents de travail et les maladies professionnelles.
après ça, on prend connaissance du mémoire... pas du
mémoire, mais plutôt des questionnements du ministère en
regard de l'aide juridique, une question de moyens. puis, nous aussi, ça
nous touche, ça nous touche directement, certains organismes, si la
représentation des personnes dépend du fait qu'on reconnaisse
l'exclusivité de cette représentation-là devant un
tribunal comme la csst. alors, à notre sens, il faut que le
gouvernement, malgré le fait... je comprends qu'on est en période
de restrictions. le ministre rémillard avait, à l'époque,
tenté de dire: pour une vraie réforme, il faut sortir de
l'argent, il faut mettre de l'argent. nous pensons que c'est la position que le
ministre doit défendre encore aujourd'hui pour, au nom de la
cohésion sociale qu'on souhaite, rejoindre des personnes. ces
personnes-là vont être rejointes par des avocats qui font un
travail important dans différents bureaux à travers la province,
puis en pratique privée également. alors, ces gens-là vont
devoir quand même voir des professionnels du droit. bien sûr, on
étend la couverture jusqu'à une limite plus importante que ce
qu'on vous a présenté aujourd'hui: 80 %, le barreau, entre
autres. alors, pensons donc qu'au nom de cette cohésion qu'on souhaite,
tout le monde, autant le gouvernement, de chaque côté de la
chambre, tous les partis, on veut que ça se passe bien. alors,
assurons-nous de pouvoir rencontrer les personnes qui gagnent jusqu'à
120 % du revenu étalon que le gouvernement a décidé de
retenir pour cet exercice. parce qu'on aurait pu prendre d'autres genres de
revenu étalon. c'est pour ça qu'on a demandé 120 % du
mga.
Le Président (M. Parent): Est-ce que...
M. Grégoire (Benoit): Oui, je terminerai en disant:
Écoutez, je ne vous apprends rien des drames humains qui se vivent. En
matière de travail, ça va très mal présentement.
Ça va très mal. Les travailleurs, et on l'a vu avec la
réforme de l'assurance-chômage qui nous est promise, la pression
que ça va mettre non seulement sur le dos des travailleurs, mais sur le
dos du gouvernement... Déjà qu'on sait que les gens qui sont sur
l'aide sociale bénéficient de programmes d'employabilité
qui sont discutables, et ce n'est pas l'occasion d'en discuter, sauf qu'on met
des travailleurs en contact avec des milieux de travail. Lorsqu'un accident de
travail survient, par exemple, en cours de projet, bien, ces
personnes-là, parce que les prestations qui sont données en cours
de projet, ce sont des petites prestations... Bien sûr, on veut que les
gens développent leur employabilité, sauf qu'à partir du
moment où tu as un accident de travail, malheureusement trop souvent, tu
es discriminé à l'embauche. Les formulaires d'emploi qu'on voit
disent: Avez-vous été accidenté de travail? Si on
répond oui, on a une chance que notre formulaire soit mis de
côté; si on répond non, et qu'on le découvre, c'est
découvert, il y a un lien de confiance qui est brisé puis c'est
un motif pour l'employeur de congédier la personne. On est dans un cul
de sac, pour beaucoup de travailleurs qui se retrouvent sur l'aide sociale, qui
ont perdu leur maison. Ce n'est pas parce qu'ils faisaient 50 000 $ par
année qu'ils n'ont pas perdu leur maison aujourd'hui. Ils l'ont perdue.
Et on en voit trop de ça, puis c'est triste.
Nous, on est des organismes qui avons des moyens très
limités, sauf qu'avoir des contacts avec les travailleurs et les
travailleuses et essayer de leur dire: Bon, bien, écoute, on va essayer
de faire, puis il faut que tu te prennes en main en plus, il faut que tu te
responsabilises... parce que c'est le dada présentement que tout le
monde doit suivre. Alors, on pense que c'est pour ça que le regroupement
que je représente aujourd'hui vous demande d'avoir une vision plus
large, plus éclairée et de reconnaître qu'il faut aller
adresser le problème auprès de la majorité des personnes.
Ça n'empêche pas qu'il y a beaucoup de personnes qui se situent
au-delà des 120 % du MGA et qui pourront participer à toutes
sortes de régimes, ou payer privément, comme ça se fait
déjà.
Le Président (M. Parent): Ça termine votre
présentation, M. Grégoire? Alors, je vous remercie d'être
venu informer les membres de cette commission et de nous aider dans notre
cheminement dans la recherche ou l'amélioration de l'actualisation de
notre régime d'aide juridique. Je vais maintenant reconnaître le
ministre, en rappelant aux membres de cette commission le respect des ententes
concernant le temps prévu pour chaque formation politique. M. le
ministre.
M. Lefebvre: M. Grégoire, je veux vous remercier et je
vous demande de saluer tous ceux et celles qui
ont travaillé avec vous à la rédaction du
mémoire que vous nous avez soumis et que vous venez de discuter devant
nous. C'est un mémoire qui touche plein de volets de la question du
système d'aide juridique au Québec, un document qui est bien
fait, et vous avez touché des points qui sont extrêmement
importants et pertinents. (18 h 20)
Je veux vous dire tout de suite, ou répéter ce que j'ai
dit à d'autres, et je suis très à l'aise, moi, pour le
dire, je n'étais pas là à ce moment-là, mais je
fais miens les commentaires qui ont été faits à
l'époque par M. Rémillard: c'est un document de réflexion,
de questionnement, et il fallait dans ce document-là oser mettre sur la
table tout ce qui a été dit au cours des dernières
années quant au régime, au système d'aide juridique. Il
n'y a pas là-dedans d'indication quant à la position du
gouvernement du Québec. Et pour ceux et celles qui pensent que la
consultation à laquelle on se livre depuis une dizaine de jours
n'était pas nécessaire, il faudrait, à ce
moment-là, prendre le temps de lire tous tes mémoires où
on retrouve des propositions, toujours de bonne foi, mais dans certains cas,
contradictoires, très différentes l'une de l'autre. Chacun et
chacune cherchent à améliorer le régime et le
système. Et, si on connaissait, au gouvernement, la solution magique, il
n'y en aurait pas eu de commission de consultation. Si on avait tous les fonds
publics capables de régler toutes les questions qui sont
soulevées, il n'y aurait pas de commission de consultation. Mais il faut
pousser l'exercice d'une façon plus sérieuse, rationnelle. Il
faut tenir compte que les sommes d'argent qu'on met à l'intérieur
du régime, ça ne tombe pas du ciel. On prend cet argent-là
dans les poches des concitoyens et des concitoyennes, des
Québécois et des Québécoises. Ça, il faut
avoir ça à l'esprit. C'est un service public, l'aide juridique,
et c'est payé avec des fonds publics.
Alors, dans ce sens-là, M. Grégoire, je veux vous
interroger, dans un premier temps, vous questionner sur ce qu'est votre
organisme SOS Fonds juridique. On décrit un peu ce que c'est,
évidemment, dans le sens que vous regroupez une dizaine d'organismes qui
touchent à tout ce qu'il y a de difficultés, et vous l'avez bien
dit tout à l'heure. Je comprends de ce que vous nous dites que la
clientèle avec laquelle vous travaillez, c'est vraiment la
clientèle la plus démunie, ceux qui ont vraiment quotidiennement
toutes sortes de problèmes. Alors, j'aimerais que vous me donniez
quelques détails. Comment ça fonctionne, votre organisme? Vous
êtes un lien à travers une dizaine d'organismes; pour certains,
c'est des problèmes de chômage, pour d'autres, des
problèmes de santé. Ça touche un peu à toute
l'activité humaine. J'aimerais vous entendre là-dessus, M.
Grégoire.
Le Président (M. Parent): M. Grégoire.
M. Grégoire (Benoit): Le regroupement est né en
1986, puis il se veut, au départ, un fonds. C'est pour ça qu'on
l'appelle SOS Fonds juridique. C'est un fonds qui vise à permettre
à des travailleurs et des travailleuses non syndiqués de pouvoir
exercer des recours, malgré le fait qu'ils n'ont pas les moyens de le
faire. En ce sens-là, c'est un fonds qui est très pauvre puisque
c'est des organismes pauvres qui s'occupent de ramasser l'argent. Alors, un
groupe peut demander...
M. Lefebvre: Ils passent par... ils s'adressent à...
M. Grégoire (Benoit): On doit s'adresser directement
à un groupe qui est membre de SOS Fonds juridique. Et SOS ne parle pas
aux citoyens comme tels, ou aux citoyennes. SOS est en relation avec ses
groupes. Un groupe va nous dire: J'ai besoin d'une expertise médicale
pour permettre à ce monsieur, qui est dans telle situation, d'exercer un
recours. On a eu des recours en discrimination avec le groupe Action Travail
des femmes, notamment des luttes avec Gaz Métropolitain, pour
l'accès à des emplois non conventionnels pour les femmes.
M. Lefebvre: Est-ce que, M. Grégoire, je dois comprendre
que SOS ne reçoit pas, n'est pas en contact direct avec la
clientèle ou le bénéficiaire présumé
à l'aide juridique?
M. Grégoire (Benoit): Exactement. De toute façon,
ça part d'un fonds. Mais, à un moment donné, à
donner de l'argent pour juste une cause comme ça, tu vas au bout de ta
cause, puis il n'y a rien qui a changé au niveau politique ou il n'y a
rien qui a changé dans la façon dont on traite un dossier devant
une commission ou devant un tribunal. Alors, ça ne peut pas être,
pour un fonds, le but en soi, que de donner de l'argent, tout simplement. C'est
pour ça qu'on a deux volets à notre organisme, donc un fonds qui
est très pauvre et qui donne très peu d'argent, et aussi, une
instance de réflexion, les organismes qui s'assoient, tout le monde
ensemble, pour discuter, réfléchir et s'adresser aux instances,
au gouvernement.
M. Lefebvre: II y a deux questions fondamentales auxquelles on
est confrontés à peu près à chaque fois qu'on Ut un
mémoire ou qu'on entend un intervenant, M. Grégoire, c'est le
rehaussement des seuils d'admissibilité et, également, un certain
questionnement sur l'éventail des services qu'on retrouve à
l'intérieur de l'aide juridique. Certains organismes nous
suggèrent de réévaluer certains services. La plupart
suggèrent, et j'oserais même dire, tous suggèrent un
rehaussement du seuil d'admissibilité. Très peu nous demandent de
donner des services additionnels. Il y en a quelques-uns, mais très peu,
parce qu'on fait l'équation suivante: il y a déjà des
services, de façon générale... De façon
générale, on reconnaît que les services donnés par
le système d'aide juridique au Québec sont pas mal complets par
rapport à ce qu'on peut vivre ailleurs au Canada, et on
comprend aussi que, si on discute de services additionnels, c'est
peut-être au détriment du rehaussement du seuil
d'admissibilité, parce qu'on prend pour acquis qu'on ne pourra pas,
compte tenu de la situation des finances publiques, faire les deux.
Vous suggérez, à la page 11, et vous n'êtes pas le
seul organisme qui nous demande de l'évaluer, de rendre admissibles
à l'aide juridique les corporations sans but lucratif sans tenir compte
des revenus des membres qui forment l'organisme en question. Est-ce que vous ne
croyez pas que ce serait, si on vous donnait raison, au détriment de la
clientèle quant au seuil, quant au rehaussement du seuil
d'admissibilité? Puis là, je parle des personnes physiques. Il va
falloir faire des choix, là. Ça ne vous inquiète pas un
peu de nous faire une suggestion comme celle-là?
Le Président (M. Parent): M. Grégoire.
M. Grégoire (Benoit): Oui, merci, M. le Président.
Jusqu'à présent, je crois que les sommes impliquées, parce
que ça a été accordé à quelques occasions
dans le passé, ce n'est pas des sommes qui sont très importantes,
à mon avis. Évidemment, il faut comprendre comment nos structures
fonctionnent pour se rendre compte que, d'abord, la majorité de nos
membres sont démunis effectivement, mais on ne peut pas analyser chacune
des personnes. Si tu as 1000 membres dans ton organisme, on ne peut pas aller
analyser la situation financière de chacun et exclure un groupe parce
qu'une des personnes ferait trop d'argent ou aurait trop d'argent ou serait
propriétaire de deux, trois édifices. Alors...
M. Lefebvre: Mais vous savez... M. Grégoire (Benoit):
Oui.
M. Lefebvre: On ne pourrait pas faire d'exception pour SOS, ce
serait le principe qui serait consacré, qu'un organisme à but non
lucratif...
M. Grégoire (Benoit): Mais SOS a une dizaine de
membres.
M. Lefebvre: D'accord. L'autre question que je voulais poser
avant de passer la parole à mes collègues de l'Opposition
officielle. Vous dites, à la page 12, que vous souhaiteriez qu'on ne
tienne pas compte du salaire, des revenus des parents quant à
l'admissibilité d'un enfant mineur. Est-ce que vous ne croyez pas que
c'est aller à rencontre du principe qu'on retrouve dans le Code civil,
du principe naturel qui veut que les parents aient des responsabilités
vis-à-vis les enfants?
M. Grégoire (Benoit): Certainement, sauf que...
M. Lefebvre: À tout le moins au niveau des aliments, des
besoins essentiels. Vous ne trouvez pas que c'est un peu dangereux ce que vous
suggérez?
M. Grégoire (Benoit): C'est une proposition qui ressort du
document qu'on a déposé au Sommet de la Justice. À
l'époque, on avait illustré la cause; c'est un petit gars qui est
mort dans un convoyeur de dépanneur; il a 12 ans, le petit gars. Alors,
il y a des problèmes; à un moment donné, ça peut
dépasser l'entendement des parents.
M. Lefebvre: Oui, oui.
M. Grégoire (Benoit): Je veux dire, là, il ne faut
pas non plus qu'un paquet de personnes qui sont mineures, qui ont un statut de
travailleur un peu étrange quand on travaille dans un
dépanneur... Le dépanneur c'est de la livraison chez une
personne, c'est placer les commandes à l'intérieur. Il y a des
jeunes qui se font mal. Il y a des jeunes qui voient des agressions
armées. Il y a des jeunes qui peuvent être victimes d'actes
criminels, et...
M. Lefebvre: Est-ce que le pouvoir discrétionnaire contenu
dans la loi vous... En fait, je vous pose la question: Est-ce que ça ne
répond pas un petit peu, en partie, à la préoccupation
légitime que vous soulevez? Le pouvoir discrétionnaire ne
répond pas à cette question-là qu'a le permanent à
l'aide juridique d'accepter?
M. Grégoire (Benoit): Bien, il faudrait voir comment
analyserait peut-être...
M. Lefebvre: La considérer comme admissible, la demande
d'aide juridique...
M. Grégoire (Benoit): Comment... À ce
moment-là, comme ça devient l'enfant d'un citoyen ou d'une
citoyenne, qui va faire la demande pour avoir le service d'aide juridique? Qui
a le litige si quelque chose lui est refusé? C'est l'enfant, quand
même. Qui va être convoqué à l'audition? Je comprends
qu'il peut y avoir quelqu'un de responsable.
M. Lefebvre: Votre questionnement est au niveau de la
minorité, hein, parce que, techniquement et légalement, ça
cause un problème.
M. Grégoire (Benoit): Oui.
M. Lefebvre: Si le requérant est mineur, il y a même
un problème au niveau de la procédure comme telle. Intenter des
procédures lorsqu'on est mineur, ce n'est pas possible; ça prend
un tuteur, etc. Alors, votre question, c'est là-dessus, entre
autres.
M. Grégoire (Benoit): On voulait s'assurer, par cette
proposition, également d'aborder le fait que les travailleurs mineurs
avaient droit aux mêmes conditions que prévoient d'autres lois en
matière de travail. Comme on a abordé cette question-là en
regard de l'aide juridique, c'est pour ça qu'on lui a indiqué.
(18 h 30)
M. Lefebvre: M. Grégoire, à la page 20 de votre
mémoire, paragraphe 12, vous faites référence aux frais
d'expertise: «Que les intervenants de la justice considèrent
diverses mesures afin de limiter ou de réduire les frais d'expertise
comme les suivants: contrôle des tribunaux, tarification obligatoire
...» etc. Comment en arrivez-vous à cette suggestion-là?
Est-ce que vous avez constaté qu'il y a des abus au niveau de la
tarification des experts? Pourquoi nous suggérez-vous de nous pencher
là-dessus?
M. Grégoire (Benoit): Encore une fois, c'est une
proposition qui ressort de notre document présenté au Sommet sur
la Justice. Ce commentaire est inscrit là parce que plusieurs avocats
sont appelés à prendre des dossiers parce que des personnes
deviennent admissibles à l'aide juridique et... Les dossiers leur
étant référés, ils nous faisaient des commentaires
à l'effet qu'il n'y avait pas de tarification pour les experts. C'est
une préoccupation qui a été soulevée par des
avocats et des avocates près de nous. Si un mandat d'aide juridique pour
un bureau de révision donne 262,50 $, dans ces eaux-là, et qu'on
va payer 1000 $ à un médecin expert, et jusqu'à
1500$...
Une voix: Oui. Oui.
M. Grégoire (Benoit): ... bien, le commentaire des
professionnels du droit était à l'effet de... Je suis bien
prêt à faire mon effort, mais est-ce qu'il n'y aurait pas lieu que
les experts qui sont appelés à intervenir sachent... C'est une
cause, c'est l'aide juridique, là, qui paie. C'est pour des personnes
qui sont démunies et c'est aussi pour rendre justice. Alors, toutes ces
notions-là qui... Je ne suis pas prêt à dire que ça
échappe aux différents experts, parce qu'il y a des experts qui
sont sensibles à ces questions-là. Mais, à ce
moment-là, c'est considérant le fait qu'il y avait une grille
pour les professionnels et pas de grille pour les experts. C'est aussi dans cet
esprit-là qu'on a fait part de ce commentaire. Il faut asseoir ces
gens-là, évidemment, pour... Alors, il faut que ce soit... Ce
n'est pas à nous à déterminer quel serait le plafond.
M. Lefebvre: Est-ce que...
Le Président (M. Parent): Rapidement, M. le ministre.
M. Lefebvre: Est-ce que vous avez tenté une approche avec
les experts dans votre groupe, en partant de SOS avec les organismes avec
lesquels vous travaillez, pour établir des espèces de tarifs chez
vous?
M. Grégoire (Benoit): Non.
M. Lefebvre: Est-ce que vous l'avez essayé, ça, M.
Grégoire?
M. Grégoire (Benoit): Non. Puisque les dossiers
référés deviennent sous le contrôle...
M. Lefebvre: Oui.
M. Grégoire (Benoit): ...de l'avocat, c'est lui qui en
décide. Si SOS a à payer une expertise médicale, SOS
négociera avec l'expert, s'il y a lieu, ou essaiera de faire en sorte
qu'il comprenne que c'est pour une bonne cause et que...
Une voix: ...
M. Lefebvre: Merci, M. Grégoire. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Parent): D'accord. Je pense qu'on a
bien... Merci. Alors, je reconnais madame la porte-parole de l'Opposition
officielle, Mme la députée de Terrebonne.
Mine Caron: Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup,
M. Grégoire, de votre participation. Je dois dire que votre
mémoire est particulièrement étoffé. Vous avez
vraiment touché l'ensemble des points qui étaient abordés
dans le document de questionnement du ministre et vous avez vraiment aussi, je
dirais, ajouté des points qui sont particulièrement
intéressants. Les questions vont être sur deux plans: questions un
petit peu plus poussées sur votre organisme comme tel, et questions,
aussi, sur le mémoire.
Les fonds que vous allez chercher, vous allez les chercher à
partir des 10 organismes qui font partie de votre mouvement. Le budget est de
combien, à peu près, comme fonds d'aide aux causes juridiques?
Et, est-ce que vous allez aussi chercher de l'argent ailleurs ou uniquement
à partir de ces organismes-là, qui sont à l'annexe?
M. Grégoire (Benoit): Les fonds ne proviennent pas des
organismes, mais bien... SOS a une structure, un conseil d'administration qui
est formé de délégués de ces organismes, et SOS
assure lui-même les campagnes de financement. Alors, on fait des
campagnes auprès des communautés religieuses, des syndicats,
chaque groupe faisant une contribution, comme membre, qui est plutôt
symbolique. Alors, pour ce qui est des sommes dont on parle, elles sont
symboliques également. Il n'y a pas une année où on a
donné plus de 10 000 $, et il n'y a pas une année où on a
ramassé plus de 10 000 $. Les dernières années, c'est
plutôt de l'ordre de 2000 $ à 3000 $. Alors, on choisit les causes
et on... C'est ça.
Mme Caron: O.K. Ma question, c'était que, quand,
tantôt, vous nous avez dit: L'argent qu'on va chercher auprès des
organismes communautaires, ce sont des organismes pauvres, donc, c'est la
contribution que vous leur demandez, un petit peu, comme à titre de
membre?
M. Grégoire (Benoit): C'est les ressources, en fait. Il
faut bien comprendre que si un organisme décide de faire une campagne de
levée de fonds alors qu'il est composé lui-même
d'organismes qui font des campagnes de levée de fonds, on s'adresse aux
mêmes bailleurs de fonds qui sont, pour nous, les communautés
religieuses, les organismes syndicaux et des donateurs. Alors, bien sûr,
une campagne auprès des communautés que SOS fait pourrait
être, si elle ramassait beaucoup d'argent, au détriment des
organismes qui demandent aux mêmes places. Alors, c'est quand même
un petit regroupement qui réfléchit sur de grandes questions. Au
niveau de l'argent qu'on est capables de donner pour exercer des recours, c'est
symbolique, pour nous. On essaie de prendre des causes qui font avancer la
jurisprudence ou qui viennent la renforcer ou qui viennent vraiment permettre
à quelqu'un... Dans le cas d'une expertise médicale, on ne fait
pas avancer la jurisprudence en faisant reconnaître une maladie
professionnelle, un mal de dos; c'est plein de maux de dos. il faut voir
ça dans une proportion au niveau du fonds. au départ, c'est un
fonds, mais ce n'est pas assez, pour nous. c'est de venir dire à ceux
qui font les lois, au gouvernement: c'est le bordel, dans le monde du travail;
c'est le bordel, dans le monde de l'indemnisation; c'est à gauche et
à droite qu'on se garroche. puis il faut se rembourser, après.
ça, ça fait intervenir beaucoup, beaucoup de monde dans une
structure qui pourrait se dégraisser, peut-être, et redonner aux
citoyens, en élargissant comme on le propose, les seuils
d'admissibilité. même si ça a l'air un peu... quand on
compare ça à la position du barreau, par exemple. mais on ne
pense pas qu'on puisse faire de la crème fouettée avec du lait
écrémé; on n'y arrivera pas avec du lait 1 % non plus.
alors, il va falloir qu'on en mette.
C'est notre prétention de base qu'on aimerait que vous reteniez:
que la cohésion va passer par l'éducation. En matière de
justice, ça va se faire comment? C'est en s'assurant qu'il y ait des
professionnels du droit qui vont pouvoir rencontrer les personnes qui sont aux
prises avec des problèmes de la vie quotidienne. Puis, en matière
de travail, c'est des gros problèmes, souvent.
Mme Caron: de toute façon, votre mémoire
démontre très bien que vous êtes, effectivement, un groupe
de réflexion et que vous êtes vraiment allés au fond des
principaux problèmes. lorsque vous nous avez dit tantôt que la
comparaison avec la dette au niveau du fédéral, quand on compare
que, finalement, les programmes sociaux comptent pour 6 % de cette
dette-là et que les abris fiscaux comptent pour 44 %, en fait, vous
exprimez clairement qu'un gouvernement a des choix à faire. c'est vrai
que c'est une question d'argent, mais c'est une question de choix d'abord et
avant tout, donc une question de volonté politique. où on le met,
cet argent-là? parce qu'il est là. donc, qu'est-ce qu'on fait? on
s'en sert comment? c'est quoi, nos priorités? et vous nous
établissez bien les vôtres. quand vous parlez de
prévention, d'information, vous avez parfaitement raison, c'est la base.
vous dites, en page 29, que le programme de soutien financier aux organismes
oeuvrant dans le domaine de l'administration de la justice, que ce
programme-là, finalement, n'est pas conforme à l'engagement
formel qui avait été pris par le ministre de la Justice. (18 h
40)
Je trouve ça important de vous entendre là-dessus, parce
que le nouveau ministre va avoir à administrer ce programme-là
aussi. Vous nous dites, dans le document, qu'il n'est pas conforme, au niveau
de l'argent qui avait été promis, mais j'ai cru comprendre aussi,
tantôt, dans votre intervention, que ce n'est pas conforme non plus
à vos attentes, quand vous disiez que, par exemple, les groupes qui
traitent avec les accidentés du travail, ça, ce n'était
pas couvert par le programme. Est-ce qu'il y a d'autres points qui seraient
importants et qui n'apparaissent pas dans ce programme de soutien financier?
Les points qui ont été négligés.
M. Grégoire (Benoit): Au départ, le programme ne
pouvait pas répondre aux attentes des groupes. Au départ,
même l'analyse des demandes qui ont été faites quand on a
publicise ce programme qui avait été annoncé lors du
Sommet de la Justice, un budget de 1 100 000 $, on a reçu des demandes
pour quelque 8 000 000 $. De toute façon, les organismes se battent sur
d'autres tribunes pour faire reconnaître les actions qu'ils font et pour
faire reconnaître du financement conséquent avec les
responsabilités qu'on veut que ces organismes-là aient. Demain
matin, si ces organismes étaient appelés à réduire
leurs services ou à référer vers les députés
les cas d'accidentés du travail puisqu'on apprenait en Commission
parlementaire, récemment, que c'était l'intention de la CSST de
mettre une ligne privilégiée pour les députés...
Enfin, pour revenir à l'essentiel de votre question sur le programme, le
programme a été de 500 000 $ la première année. Les
informations qu'on a eues cette année nous disent que ça va
être la même chose. Les demandes vont avoir encore
dépassé 1 000 000 $, peut-être que ce sera dans les 8 000
000 $ à 10 000 000 $, mais les organismes... Et ce n'est pas
donné seulement aux organismes en matière de travail, mais
à toutes sortes de champs d'action dans la vie de tous les jours. Il
faut arrêter, de la part du gouvernement ou des instances parapubliques,
de dire: C'est bien, on a ça. Les gens sont référés
directement chez nous et chez d'autres organismes par toute la structure, par
Communication-Québec, par les députés, je vous le
rappelle, et même par les instances. Alors, la Commission des normes, les
centres d'emploi réfèrent certains travailleurs dans les
mouvements Action-chômage. On a vu ça en matière de CSST
également, les tribunaux, parce qu'ils voient que, nous, on n'a pas
d'intérêt pécuniaire dans l'histoire. Si on
référait un dossier à un avocat directement, si un
tribunal ou un officier du tribunal référait à un avocat
directement, on pourrait l'accuser d'avoir un conflit d'intérêts,
ce qui ne peut jamais être le cas dans le cas de nos organismes puisqu'on
n'a aucun intérêt pécuniaire à intervenir ou
à assister une personne.
Donc, le programme, cette année, n'excluait pas seulement les
travailleurs accidentés, les problèmes reliés aux
accidents, mais il excluait des personnes qui doivent faire des
représentations auprès des tribunaux dans le cadre d'une aide
bénévole qui est faite pour les justiciables. Et cette
proposition... De toute façon, c'est en ajout, c'est dans la partie que
nous avons intitulée «Autres mesures visant à soutenir
l'accessibilité». Si on avait été capables de vous
représenter le même mémoire qu'on a présenté
au Sommet de la Justice, on aurait parlé des tribunaux administratifs,
on aurait parlé de la conciliation, qui est à la mode
présentement, mais qui, à certains égards, a des allures
plus de statistiques que de résultats concrets. On n'est pas capables de
tirer de leçon des statistiques qu'on nous sert. Si on conteste, on
conteste, on conteste puis qu'on se rend compte qu'un conciliateur, qu'un
patron et qu'un travailleur, on se désiste, on fait des ententes... On a
participé, nous, personnellement, à des activités de
conciliation, et ça ne fonctionne pas très bien. En tout cas, on
a des réserves, et on en avait à l'époque, dans quel cadre
ça doit se faire. Il y a des problèmes, là aussi.
Mme Caron: dans votre mémoire, vous avez touché
peu de mémoires l'ont fait aux services
préacquittés, au régime d'assurance juridique. votre
position est très claire là-dessus. ça ne doit en aucun
temps légitimer le désengagement de l'état, il n'en est
pas question. il faut que ce soit un complément de régime. vous
ne pouviez pas vous prononcer là-dessus à ce moment-là
parce que ce n'était pas dans le document. mais le plan barreau, qui
préconise, pour une plus grande ouverture, par exemple, une
réduction de 25 % des frais d'honoraires pour une certaine partie de la
population, est-ce que vous avez pu, depuis que le plan est sorti,
réfléchir un peu là-dessus?
M. Grégoire (Benoit): Je vais vous faire une
réflexion personnelle. Le Barreau n'avait pas besoin de nous ici, de
personne d'entre nous pour proposer ce plan-là. Qu'il prenne la tribune
de l'aide juridique pour venir nous dire: On va même demander au
gouvernement de sensibiliser les gens... En fait, on n'a pas besoin de nous,
ici, pour dire: II faut que les gens... De la façon dont je vois
ça, ce que j'ai cru comprendre, c'est que ça se colle à
une assurance qu'on pourrait avoir: maison, auto ou, je ne sais pas quoi,
assurance-salaire. Ce qu'on a, nous autres, comme regard sur les assurances? On
voit que les assurances sont en train de prendre, en matière
d'assurance-salaire notamment parce que lorsque tu n'es pas
accidenté du travail, tu serais malade, mettons, normalement. Si ton
médecin te dit que tu es incapable de travailler...
C'est la même chose qui se passe de plus en plus dans le milieu
des assurances, sans compter l'accès au dossier, parce que, là,
l'assurance veut avoir accès au dossier de la CSST et, souvent, on est
en train d'utiliser, avec les mêmes procédures, le fait de donner
à une personne ce que l'assurance devrait lui donner. On dit:
Non, non, c'est un cas de CSST. Ou bien, la CSST, elle dit: Là,
tu étais apte à exercer le travail, au sens de la loi des
accidents du travail. Sauf que la personne est encore dite invalide par son
médecin. Elle se retourne vers son assurance-salaire. Ce n'est pas
simple, avoir de Fassurance-salaire. Il faut que les gens, au niveau de
l'assurance, constatent que, là aussi, il y a une réclamation qui
est faite et que l'assurance, elle, fait un travail d'épuration pour
couper les bénéfices que donne l'assurance.
Le plan Barreau prévoit déjà des exceptions. Puis,
la journée, peut-être, où on va savoir ce qu'implique
défendre des accidentés du travail... Est-ce que ça va
faire partie d'une exception écrite en petit sur un contrat? Les
personnes qui ne sont pas couvertes par une assurance de domicile, elles
n'auront pas droit au plan Barreau? Les rabais de 25 %... En fait, c'est un
position personnelle. Nous autres, on a seulement dit: C'est 120 %.
Le Président (M. Parent): Si vous voulez conclure, M.
Grégoire.
M. Grégoire (Benoit): Oui. Alors, à ce
moment-là, il ne faut pas... Ça doit se faire en
complément. Nous n'appuyons pas la position. On ne sera pas, nous,
consentants; on ne viendra pas chercher notre assentiment aujourd'hui, ici, en
matière d'aide juridique. On espère que le gouvernement ne
donnera pas là-dedans, même si les commentaires, jusqu'à
présent, semblent aller vers ça.
Le Président (M. Parent): Merci.
Mme Caron: Je vous remercie beaucoup, M. Grégoire.
M. Lefebvre: Alors, M. Grégoire, je vous remercie pour
je l'ai indiqué en introduction tout à l'heure la
qualité du mémoire de votre groupe. Vous avez fait
référence à la structure, qu'il faudrait
dégraisser, à la cohésion par l'éducation.
Ça a été souligné par d'autres avant vous, et vous
avez parfaitement raison: l'information, l'éducation à la
population en général. Votre interrogatoire sur l'expertise, les
frais, les coûts d'expertise, vous l'avez présenté en
partant d'une expérience que vous vivez quotidiennement.
Alors, vous avez démontré une excellente connaissance de
l'ensemble du système d'aide juridique, et je veux vous dire que votre
point de vue, celui soulevé par votre mémoire, est
extrêmement utile, parce que votre clientèle... La
clientèle pour laquelle vous travaillez, c'est pour ces gens-là
que le système d'aide juridique a été mis en place en
1972. Je vous remercie.
Le Président (M. Parent): Merci, M. le ministre.
Merci, Madame la porte-parole de l'Opposition officielle. Merci, M.
Grégoire. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension des travaux à 18 h 49)
(Reprise à 20 h 3)
Le Président (M. Parent): Alors, j'invite les
députés à prendre place. Si vous pouviez fermer la porte
à l'arrière, s'il vous plaît, j'apprécierais, s'il y
avait un bénévole. Merci. Un généreux
collaborateur. Merci.
Alors, la commission permanente des institutions continue son travail
amorcé la semaine dernière et, ce soir à 20 heures, la
commission a le privilège, je dis bien le privilège, d'accueillir
le groupe Au bas de l'échelle. Le groupe Au bas de l'échelle est
représenté par Mme Lucie Nadeau, présidente du conseil
d'administration et par Mme Anick Druelle, responsable du dossier
«Accès à la justice».
Alors, mesdames, en cette journée de la femme, bienvenue tout
particulier. Nous vous accueillons avec plaisir, et tous nos remerciements pour
avoir accepté de venir rencontrer les membres de cette commission
permanente pour nous aider à mieux cheminer dans notre dossier, qui a
pour but d'actualiser, d'améliorer et de rendre plus à la
portée de la population en général notre système
d'aide juridique.
Alors, je vous rappelle de quelle façon on fonctionne. Vous
avez... Le temps est séparé également: un tiers, un tiers,
un tiers entre vous et les deux formations politiques. Une audition dure entre
55 minutes et une heure à peu près. Tous les gens ont lu votre
dossier, Us en ont pris connaissance. Alors, libre à vous d'en faire un
résumé ou un exposé complet, comme vous voudrez, en autant
que vous respectez le délai, que vous faites ça à
l'intérieur des 20 minutes. Alors, madame, nous vous écoutons
religieusement.
Au bas de l'échelle
Mme Nadeau (Lucie): Merci bien. Merci, d'abord, de nous recevoir
ce soir malgré l'heure un peu tardive, après votre journée
de travail. On vient aujourd'hui vous parler du point de vue d'un organisme
communautaire, Au bas de l'échelle. Je suis accompagnée d'Anick
Druelle, qui est une permanente du groupe, qui est responsable du dossier
«Accès à la justice», et moi, je suis là
à titre de présidente du conseil d'administration. C'est un
groupe qui travaille à la défense des droits des travailleurs et
des travailleuses non syndiqués et qui, depuis 1975, fait un travail
d'information, de référence, de plaintes par des cliniques
juridiques, des sessions d'information, des brochures auprès des femmes,
auprès des jeunes, auprès des gens des commumautés
culturelles, mais qui regroupe toujours le point de vue des travailleurs non
syndiqués. Ces gens-là font appel à nous soit parce qu'ils
ont été congédiés, soit parce qu'ils ont
été victimes de pratiques contraires à la Loi sur les
normes du travail, ce qui fait que, évidemment, Au bas de
l'échelle est très préoccupé par l'accès
à la justice pour ces gens, économiquement
défavorisés dans la très grande majorité des cas.
On a été associé à la démarche, je dirais,
depuis le début. On avait été consulté lors de la
rédaction du rapport Macdonald, on a participé assez
intensivement, malgré nos faibles ressources, au Sommet de la Justice et
on a jugé important, dans cette continuité-là, de venir
vous présenter notre point de vue aujourd'hui.
Même si, depuis 20 ans, le contexte juridique a changé,
notamment avec l'apparition d'un nombre important de tribunaux administratifs,
il y a une donnée qui, elle, demeure, c'est le contexte des personnes
qui vivent dans la pauvreté. Le document préparé par le
ministère le fait déjà ressortir, mais, quand on parlait,
en 1972, lors de la création du régime, de droit et de
pauvreté, de droit social, de droit du travail qui était
particulier à cette clientèle-là, nous, ce qu'on constate
dans la pratique, quotidiennement, avec les travailleurs non syndiqués,
c'est que ce droit-là est toujours important pour eux parce que,
souvent, et je vais y revenu-plus longuement quand je vais vous entretenir des
tribunaux administratifs, c'est leur seul droit du travail. Ils ne
bénéficient pas d'une convention collective, de recours à
ce niveau-là. Leur norme minimale, c'est la Loi sur les nonnes, c'est
aussi la Loi sur les accidents du travail, la santé et
sécurité, et tout ce qui est leurs droits et tous leurs recours
se retrouvent à ce niveau-là. Donc, pour ces gens-là, et
c'est important au Québec, c'est des droits et des recours qui sont,
pour eux, les seuls à leur disposition. Et c'est de ce point de vue
là qu'on veut vous entretenir ce soir. On n'a pas l'intention ni la
prétention de pouvoir répondre à toutes les questions qui
sont soulevées dans le document du ministre. On a mis l'accent sur ce
qui part de notre expérience et du point de vue de ces gens-là
avec qui on travaille.
Je vais d'abord vous entretenir des objectifs du régime d'aide
juridique qu'on souhaite voir maintenus et, principalement, de
l'admissibilité au service de la clientèle visée et de
l'étendue des services qu'on souhaite voir se continuer.
J'ai dit que le contexte juridique s'était modifié, mais
il ne s'est pas pour autant simplifié. Je dirais même qu'au
contraire il s'est complexifié. Je vais y revenir aussi avec un exemple
précis d'une travailleuse qu'on a élaboré dans notre
mémoire.
Et, pour ces gens-là, la perte d'un droit ou renoncer à
l'exercice d'un recours, ça a des conséquences importantes en
termes de droit du travail, mais ça a souvent aussi des
conséquences importantes en termes d'appauvrissement. Parce que,
souvent, c'est la perte d'un revenu d'emploi, en matière de
congédiement, ou c'est la réclamation d'une indemnité. Et,
si ces gens-là n'ont pas les moyens d'exercer leur recours, ils vont
s'appauvrir davantage, et je ne pense pas que personne va y gagner. (20 h
10)
Notre premier constat, c'est, finalement, de reprendre le constat qui
avait été fait par le rapport du groupe de travail sur
l'accessibilité à la justice un constat qui fait assez
l'unanimité que, dans son ensemble, le système est bon,
fonctionne relativement bien. Là où le bât blesse, c'est au
niveau des critères économiques d'admissibilité, et on
souhaite que les gens
qui étaient couverts initialement par le régime d'aide
juridique le soient également en 1993, ce qui n'est plus le cas
actuellement.
Donc, on veut réitérer que le principe fondamental du
régime d'aide juridique est de rendre la justice accessible aux
personnes économiquement défavorisées. Et, avant de
chercher à modifier de quelque façon que ce soit le régime
actuel, je pense que le gouvernement a le devoir de s'assurer que ce principe a
une application pratique et réelle dans les faits.
De manière concrète, la clientèle admissible, je
l'ai dit, on souhaite que les seuils d'admissibilité soient
haussés de façon à ce que les personnes qui étaient
admissibles en 1972 aient de nouveau accès à l'aide juridique et
soient de nouveau admissibles. Le critère qu'on a retenu, qu'on vous
soumet dans notre mémoire pour l'élaboration du seuil
d'admissibilité, c'est le critère du salaire minimum. Quant
à nous, un travailleur ou une travailleuse qui travaille au salaire
minimum, à 44 heures par semaine, conformément à la Loi
sur les normes, fait partie des gens économiquement
défavorisés. Puis vous allez voir, avec les chiffres
précis, que c'est même en deçà des seuils de faible
revenu. Et on vous soumet que, sur cette base-là, du travailleur ou de
la travailleuse au salaire minimum, ces gens-là devraient avoir
accès à l'aide juridique de manière gratuite.
Le salaire minimum, au moment où on se parle, est à 5,85
$. À 44 heures de travail, ça nous donne un revenu annuel brut,
pour une personne seule, de 13 384 $. Le seuil de faible revenu est à 15
000 $, 16 000 $, pour une personne seule. Donc, pour nous, c'est évident
que ces travailleurs-là doivent bénéficier de l'aide
juridique. Et ce qu'on vous recommande, c'est que le reste de l'échelle
soit établi proportionnellement, compte tenu de la taille de la famille,
c'est-à-dire du nombre de personnes visées, sur la base de ce
critère-là, du revenu au salaire minimum. Parce que,
c'était une des hypothèses qui étaient soulevées
dans le document préparé par le ministère: même
à ce niveau-là, les gens, au niveau du revenu au salaire minimum,
les gens sont imposables, actuellement, dans le régime fiscal actuel.
Donc, il est évident pour nous que, de retenir comme seuil, pour
l'échelle d'admissibilité, le niveau de revenu imposable, c'est
nettement insuffisant parce que ça ne rencontre pas notre objectif de
couvrir les gens qui travaillent au salaire minimum. Donc, ce
critère-là, d'admissibilité sur les seuils où
l'État exige l'impôt, n'est pas suffisant. Ce qu'on recommande,
c'est le revenu annuel équivalant à 44 heures de travail au
salaire minimum.
De manière, je dirais, un petit peu plus précise, on
recommande que ces barèmes-là soient établis sur la base
de la taille de la famille, c'est-à-dire sur le nombre de personnes
plutôt que sur la catégorie de famille, c'est-à-dire qu'on
constate que, pour les familles monoparentales, ça pourrait être
désavantageux si on y va par catégorie de famille, et on croit
que, lorsqu'on est trois ou quatre personnes, qu'elles soient adultes, enfants
ou adolescents, les coûts peuvent être équivalents et que
ça ne justifie pas de désavantager les familles monoparentales,
et que les crédits, ou les allocations, ou les pensions alimentaires qui
sont versés ne devraient pas être pris en considération
dans ce calcul du revenu annuel brut parce que ces crédits, ces
allocations visent à répondre à des besoins qui sont
essentiels pour ces gens-là. Ce qu'on leur donne d'une main ne peut pas,
d'autre part, leur être enlevé de l'autre pour les priver des
recours à l'aide juridique.
Il était aussi posé comme question la possibilité
d'une participation progressive aux coûts. Là-dessus, notre
position est, je dirais, relativement simple, c'est-à-dire que ce qu'on
demande, c'est une admissibilité complète et des services
gratuits pour la clientèle que je viens de vous décrire, les gens
au salaire minimum. Que, par la suite, il y ait une échelle progressive,
en autant qu'elle soit sur une base proportionnelle, pour que ce soit le plus
égalitaire possible, on ne s'y oppose pas. Ce dont on veut s'assurer,
par contre, c'est que ça ne visera pas les gens économiquement
défavorisés, mais que ça va commencer en haut de cette
échelle-là.
Pour éviter de répéter ce qui s'est produit dans
les dernières années, depuis 1985, il nous apparaît
essentiel que l'indexation des critères d'admissibilité soit
prévue à la loi elle-même de manière annuelle et, en
ce sens-là, que la loi soit amendée pour le prévoir
explicitement afin qu'on ne soit pas dépendant d'un règlement et
qu'on se retrouve plusieurs années sans indexation et qu'on se retrouve
dans une situation qui génère la tenue même de la
commission aujourd'hui, c'est-à-dire un constat qu'une bonne
majorité des gens à qui on voulait offrir l'aide juridique ne
sont plus couverts par ce système.
Au niveau de la période de référence et du
contrôle de la déclaration des revenus, on retient la
recommandation no 16 du rapport Macdonald à l'effet que, effectivement,
ce soit sur une base annuelle. Toutefois, il nous apparaît important
qu'il y ait toujours place à tenir compte de changements significatifs
dans la situation des requérants à l'aide juridique. C'est, de
notre point de vue, facile à comprendre: quelqu'un qui perd son emploi
peut se retrouver... Bon, s'il se retrouve sur le chômage, avec 57 % de
son revenu, ce qui est un changement plus que significatif, surtout quand on
est au salaire minimum ou pas loin 57 % de ça, je vous prie de me
croire qu'il ne reste pas grand-chose ou qu'on se retrouve
carrément sur l'aide sociale, en attente de notre dossier au
chômage. Donc, les gens qui nous consultent, les gens avec qui on
travaille se retrouvent souvent dans ce type de situation là et,
évidemment, dans le calcul de leur admissibilité à l'aide
juridique, il faut prendre en compte ces changements importants qui peuvent
survenir dans une année et, évidemment, donner un revenu beaucoup
moindre que l'année précédente, là, qui pourrait
être une année de référence.
On a également une recommandation à l'effet qu'aucun frais
modérateur ou frais d'ouverture de dossier ne soit imposé, et ce,
pour deux motifs: d'une part,
en raison de la nature des services qui sont offerts, et je pense que,
ça, d'autres mémoires l'ont souligné avant nous, dont
celui du Barreau. Il n'y a pas de preuve d'abus de procédure et, quand
on a un droit à faire respecter, c'est difficile de concevoir qu'on
tente de modérer cet exercice-là, et il y a quand même des
moyens de contrôle par l'aide juridique elle-même, soit dans
l'émission des mandats, soit en accordant les services, pour
éviter, là, cet abus de procédure.
Et, d'autre part, même des frais modérateurs qui
peuvent apparaître, pour certains, minimes de 10 $, 20 $ ou 40 $,
pour des travailleurs au salaire minimum, ce sont des frais qu'ils ne peuvent
pas s'offrir et qu'ils ne peuvent pas se payer. Là-dessus, on a fait, en
collaboration avec une association, l'ACEF, l'Association coopérative
d'économie familiale, un budget mensuel d'un travailleur au salaire
minimum que vous retrouvez en annexe b de notre mémoire. Regardez-le
attentivement, vous allez voir qu'il n'y a pas beaucoup de place, même
pour ajouter ce qu'on pourrait appeler un «petit» 40 $. Au salaire
minimum, on a un revenu net de 898 $ par mois, et l'exemple qui vous est
donné, avec un loyer de 340 $, qui n'est rien d'exorbitant, quelqu'un
qui n'a aucune dépense d'auto, qui prend le transport en commun et qui
paie vraiment les dépenses de base et les besoins essentiels, se
retrouve, même à ça, avec une difficulté à
équilibrer son budget, puis avec un petit déficit de 40 $ par
mois. Donc, il n'y a pas de place ni pour acquitter une prime d'assurance
juridique, ni pour acquitter des frais modérateurs, pour les gens qui
sont dans cette situation économique là. Pour ces deux
motifs-là, on recommande donc qu'il n'y ait pas de tels frais à
l'ouverture du dossier. (20 h 20)
Dans ce qui nous apparaît important de maintenir comme acquis du
système actuel, c'est le pouvoir discrétionnaire qui est
prévu aux articles 3 et 4 du règlement sur l'admissibilité
à l'aide juridique. À deux niveaux, au niveau de
l'admissibilité, parce qu'il nous semble qu'en aucun temps on puisse
uniquement, sur une base strictement mathématique, sans qu'il y ait
place à aucune discrétion, compte tenu de situations
particulières, pouvoir accepter quelqu'un et le déclarer
admissible à l'aide juridique. Les critères, que ce soit le
nôtre, que ce soit celui du MGA, celui du seuil du faible revenu, sont
toujours relatifs et sont un indicateur. Nous croyons qu'il faut maintenir une
marge d'appréciation à ce niveau-là pour permettre de
tenir compte de situations particulières. Et ce pouvoir
discrétionnaire là nous apparaît également important
au niveau de la possibilité pour la Commission des services juridiques
d'accorder des mandats pour des causes ou des recours qui pourraient viser un
ensemble de citoyens et de citoyennes, c'est-à-dire ce que, dans le
jargon des avocats, on va appeler une cause type, sur un point de droit qui
peut toucher beaucoup de personnes et où, évidemment, le
travailleur ou la travailleuse, lui, n'aurait ni la capacité,
probablement pas l'intérêt, de faire toute une bataille seul, mais
de certaines causes, et il n'y en a pas par milliers. Mais on trouve que c'est
une opportunité qu'il faut maintenir, la possibilité d'avoir de
l'aide juridique pour certains dossiers dont la nature a une incidence sur
beaucoup de personnes.
On souhaite également qu'il y ait la possibilité de
reconnaître l'admissibilité à l'aide juridique pour des
corporations sans but lucratif qui n'ont pas les ressources financières
suffisantes pour exercer des recours, évidemment pour des organismes
sans but lucratif qui visent à venir en aide aux personnes
économiquement défavorisées et lorsque le but du service
pour lequel on requiert un mandat d'aide juridique est en relation avec cet
objectif-là, de défense des personnes économiquement
défavorisées, et ce, sans égard aux ressources
financières de ses membres. En pratique, on a vu des organismes sans but
lucratif qui s'occupent de défense d'assistés sociaux ou qui
travaillent dans des quartiers défavorisés à
Montréal se voir refuser des mandats parce qu'un ou l'autre de leurs
membres, lui, avait des ressources suffisantes. Sauf que ce n'est pas parce que
des gens donnent du temps bénévolement et qui ont,
individuellement, un peu plus de ressources que ces groupes-là devraient
être privés de l'accès.
Le Président (M. Parait): Mme Nadeau. Je vous rappelle,
Mme Nadeau, que le temps imparti à cette rencontre est d'une heure,
soixante minutes. Vous avez déjà dépassé vos 20
minutes, mais je ne veux pas vous presser.
Mme Nadeau (Lucie): O.K.
Le Président (M. Parent): Par contre, vous aurez moins de
temps pour dialoguer avec les membres.
Mme Nadeau (Lucie): Parfait. Alors, je vais terminer sur...
Le Président (M. Parent): Vous pouvez y aller quand
même. Soyez bien à votre aise. Je veux seulement vous avertir.
Mme Nadeau (Lucie): O.K. Alors, je vais terminer sur le dernier
point de notre mémoire, qui m'appa-raît peut-être un des
éléments importants.
On avait, dans le document du ministère, des questions à
l'effet de savoir: Est-ce qu'on doit maintenu-la couverture du régime
d'aide juridique pour tous les services? Et on faisait des hypothèses:
lorsque la valeur du service est minime ou lorsque l'issue de la cause risque
de ne pas entraîner des conséquences sérieuses, notamment
l'emprisonnement. Ce qu'on vous soumet dans notre mémoire, c'est que,
pour les gens avec qui on travaille, il y a des conséquences très
sérieuses à l'issue de leur dossier, et la représentation
de ces gens-là devant les tribunaux administratifs nous apparaît
essentielle. Je l'ai souligné au début: souvent, c'est leur seul
droit du travail, l'ensemble de ces lois qui s'appliquent en droit du travail
et en droit social, et c'est essentiel,
l'exercice de ces recours-là, et on croit que ces gens-là
ont besoin d'être représentés. D'une part, parce que, la
plupart du temps, ils font face à des procureurs patronaux. Les
employeurs sont, la plupart du temps, représentés même
devant les tribunaux administratifs. Et on conçoit mal qu'un travailleur
ou une travailleuse qui, déjà, a souvent une difficulté de
connaître l'ensemble de ses droits, puisse faire face à un
procureur qui va lui soulever une objection préliminaire en
matière de juridiction, en matière d'admissibilité d'une
preuve ou en matière de délai. Donc, il nous semble que cette
seule voie d'accès au droit du travail pour ces gens-là doit leur
être assurée. Et déjà, il y a un rapport de force
qui est inégal; si, en plus, ces gens-là n'ont pas les moyens de
se faire représenter, on vient d'alourdir la balance.
Et je vous donne, à titre d'illustration, un exemple qui est loin
d'être farfelu, le cas de Maria, qu'on a reproduit en annexe A,
travailleuse non syndiquée, ce à quoi elle peut faire face. Elle
est Chilienne, elle est enceinte et elle peut avoir un recours à la
Commission des normes du travail, elle peut en avoir un à la CSST, avec
trois paliers d'appel; elle peut en avoir un à la Commission des droits
de la personne pour grossesse, et elle devra en avoir un au chômage parce
qu'on lui a remis une cessation d'emploi pour inconduite, et elle devra,
là aussi, aller faire valoir... et vous l'avez vu, on l'a
illustré, dans chacun des cas, il y a des délais
différents devant des instances différentes.
Évidemment, ce n'est pas pour prétendre qu'elle doit
nécessairement exercer tous ces recours-là, mais comment un
travailleur ou une travailleuse peut-il se retrouver dans cet exemple-là
si ça ressemble un petit peu à un labyrinthe? Quand je disais que
ça s'était com-plexiflé, ça en est une bonne
illustration. Et il y a un besoin d'information et un besoin de
représentation devant l'ensemble de ces organismes-là en
audition, mais également, on souligne, dans notre mémoire, dans
tout ce qu'on appelle, parce que ça s'est développé devant
tous ces tribunaux-là, les modes alternatifs de règlement des
conflits, c'est-à-dire que, même en conciliation ou en
médiation, peu importe le terme qu'on retient, là aussi, les
employeurs sont représentés. Et, pour savoir, ne serait-ce que
pour une consultation ou pour être carrément
représenté à une démarche de conciliation et savoir
si le règlement que je vais accepter est bon pour moi puis si je dois
l'accepter ou pas, il y a un besoin de représentation et d'accès
aux avocats. Et, je l'ai dit, c'est essentiel pour cette
clientèle-là.
Le Président (M. Parent): Alors, merci Mme Nadeau. Je
rappelle aux membres des deux formations politiques qu'il leur reste 16 minutes
chacun à leur disposition, et je reconnais le ministre de la
Justice.
M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Mme Nadeau et Mme
Druelle, je vous souhaite une bonne fin de journée en cette
journée de la femme au niveau international. Je vous souhaite une bonne
fin de journée. J'espère que vous avez passé une bonne
journée à date, particulièrement ici, au Parlement, au
salon rouge. Vous avez eu, j'imagine, connaissance d'interventions d'autres
groupes avant votre propre intervention. Vous avez probablement
réalisé que plusieurs groupes soulèvent les mêmes
problèmes, et, quant au reste, il y a des points de vue qui peuvent
varier, là, et dans certains cas, fort différents.
Vous concluez, dans votre document, qui est bien fait... vous indiquez
que vous êtes étonnées de l'ampleur de la remise en
question entamée par le ministère alors que la majorité
des opinions soumises visaient particulièrement le seuil
d'admissibilité. Mme Nadeau, à l'intérieur même de
votre propre document, je pense que vous pouvez trouver la réponse
à cette question-là, que vous soumettez en conclusion, lorsque
vous dites ça, c'est une question que vous posez en conclusion,
ou un commentaire mais, dans l'introduction même de votre document, je
pense qu'on peut trouver la réponse lorsque vous dites que le contexte
juridique «Bien que le contexte juridique ait changé depuis
les 20 dernières années et que la création des tribunaux
administratifs ait modifié quelque peu le portrait du droit social, il
n'en demeure pas moins...» etc. Je pense que c'est une partie de la
réponse à la question que vous posez, à savoir qu'il faut
questionner un régime qui est en place depuis 1972. Quant à moi
et quant à celui qui m'a précédé, M.
Rémillard, et quant au gouvernement de façon globale, pas
seulement sur un volet, qui est et vous avez raison de le dire
probablement la question la plus difficile, la plus pointue, la plus
sérieuse: le rehaussement du seuil d'admissibilité, il faut
également, je pense, se questionner sur plein d'autres choses.
Votre organisme existe depuis 1975. Vous et Mme Druelle, vous êtes
présentes à l'intérieur de cet organisme-là depuis
combien d'années? Plus ou moins, plus ou moins.
Mme Druelle (Anick): Je suis permanente du groupe depuis trois
ans...
M. Lefebvre: Depuis trois ans?
Mme Druelle (Anick): ...et, avant, j'étais membre depuis
six ans.
M. Lefebvre: Et vous, Mme Nadeau?
Mme Nadeau (Lucie): Moi, je suis membre du C.A. depuis deux ans.
Avant, j'avais eu des collaborations ponctuelles depuis deux, trois autres
années. (20 h 30)
M. Lefebvre: En fait, est-ce que votre expérience
professionnelle vous permettrait de me dire ce qui a évolué? Si
vous m'aviez dit: On est là depuis 10, 12, 13 ans, ça m'aurait un
petit peu surpris, là, parce que vous me semblez toutes jeunes toutes
les deux, là. Il s'est passé des choses, depuis 15, 20 ans, vous
le dites dans votre document. Comment, sur le terrain, ça se constate,
cette évolution-là? Il y a plein de gens qui nous ont dit
que le système d'aide juridique, pour pas mal de
Québécois, même après 20 ans, on ne sait même
pas, pour certains, que ça existe. C'est assez surprenant, et je vous
pose la question: Qu'est-ce qui a changé beaucoup depuis 10, 12 ans,
quant au système, au régime d'aide juridique, qui fait
qu'aujourd'hui c'est plus difficile que ça l'était dans le temps,
au-delà du seuil d'admissibilité?
Mme Druelle (Anick): Ce que je peux vous dire ce que je
pense que Mme Nadeau a illustré en présentant le mémoire
ce qu'on remarque, nous autres, c'est vraiment la complexification du
système judiciaire. On dit: Oui, bien sûr, le contexte a
changé. Même avec la venue des tribunaux administratifs, en fait,
le résultat n'a pas été de simplifier les choses, mais de
complexifler les choses.
M. Lefebvre: De sorte que... Oui, madame.
Mme Nadeau (Lucie): En plus du fait que, évidemment, la
bonne partie, la grande majorité des gens qui font appel à nos
services se retrouvent dans la situation où vraiment ils n'ont pas
accès à l'aide juridique et ils n'ont pas, mais pas du tout, les
moyens de se payer un procureur. Ils se retrouvent dans un système qui
est plus complexe. C'est peut-être le principal changement.
M. Lefebvre: vous suggérez le rehaussement du seuil
d'admissibilité jusqu'à concurrence de 80 % du mga, en nous
indiquant que vous considérez vous n'êtes pas les premiers
à nous le dire, je pense que vous avez raison que ça
serait à peu près rattraper ce qui était, en 1972, le
seuil d'admissibilité reconnu.
Mme Druelle (Anick):je vous demanderais juste de corriger. on ne
parle pas du tout de mga dans notre mémoire. on parle vraiment d'une
personne qui est au salaire minimum pendant 44 heures. et, malheureusement, on
arrive à moins de 80 %... 80 % du mga égale à moins que ce
qu'on demande dans notre mémoire.
Mme Nadeau (Lucie): C'est un petit peu...
M. Lefebvre: Un petit peu, mais ce n'est pas loin comme...
Mme Druelle (Anick): Ça fait une différence.
M. Lefebvre: Vous dites, à la page 6, que... Et vous ne
suggérez pas, sinon de façon très prudente, un volet
contributoire. À la page 6, vous dites: si une participation progressive
était retenue par le gouvernement.
Mme Nadeau (Lucie): C'est-à-dire que, pour nous, le volet
contributoire devrait être applicable au-delà de ce
seuil-là.
M. Lefebvre: Oui, madame.
Mme Nadeau (Lucie): Parce que, pour nous, ce qui est en bas de ce
seuil-là, il n'y a pas de possibilité de volet contributoire.
M. Lefebvre: Oui, je l'avais compris comme ça. Je l'avais
compris comme ça. Pour quelle raison considérez-vous qu'on
devrait évaluer la possibilité de permettre à un nombre
additionnel de citoyens et de citoyennes du Québec de
bénéficier de l'aide juridique, au-delà du seuil minimum?
Pour quelle raison considérez-vous qu'il faudrait le faire, même
si on devait, pour y arriver, mettre en place un régime contributoire?
Parce que, vous, comme d'autres et d'ailleurs, votre mémoire
l'indique vous n'êtes pas emballés lorsque vous nous
suggérez une contribution. Mais, quand même, vous le faites. Je
voudrais vous entendre là-dessus, Mme Nadeau.
Mme Nadeau (Lucie): Sur la raison pour laquelle on
considère qu'il devrait y avoir cet élargissement?
M. Lefebvre: C'est-à-dire que vous suggérez, sur le
bout des pieds, dans votre mémoire, au delà de la
clientèle qui serait admise gratuitement, totalement gratuitement...
Mme Nadeau (Lucie): Oui.
M. Lefebvre: ...rattraper 1972. Vous suggérez, à la
page 6, d'évaluer. Vous dites, textuellement: «Si une
participation progressive devait être retenue par le gouvernement, nous
recommandons qu'elle ne soit pas établie au détriment de la
clientèle...», etc. Vous nous le proposez, mais de façon
extrêmement prudente.
Mme Nadeau (Lucie): Bien, c'est que, pour le seuil...
M. Lefebvre: Ce que je veux savoir, c'est: Pour quelle raison,
quand même, nous invitez-vous à l'évaluer, alors que
d'autres nous disent: C'est la gratuité totale, puis ça
s'arrête là? Vous allez un petit peu plus loin, vous autres.
Mme Nadeau (Lucie): C'est qu'il reste qu'il y a encore une bonne
partie des gens avec qui on travaille qui... Admettons que ce seuil
d'admissibilité totalement gratuite est atteint, il y a encore, au
delà de ce seuil-là...
M. Lefebvre: Au delà du salaire minimum multiplié
par 44 heures.
Mme Nadeau (Lucie): ...oui, au delà du salaire minimum
des gens pour qui l'accès à la justice n'est pas facile et
qui auraient probablement besoin d'aide. Est-ce que l'aide peut être
contributoire? C'est, comme vous dites, ce qu'on soulève sur le bout des
pieds...
M. Lefebvre: Avec prudence.
Mme Nadeau (Lucie): ...avec prudence, mais parce qu'on est
conscient, avec les gens avec qui on travaille, qu'il y a encore là des
besoins d'accès à la justice entre les gens qui sont admissibles
à l'aide juridique et ceux qui ont la possibilité d'acquitter les
honoraires d'un avocat. Il y a une bonne partie de gens pour qui c'est loin
d'être facile.
M. Lefebvre: C'est parce que ce n'est pas facile d'établir
la ligne où s'arrête l'accessibilité gratuite puis plus du
tout. C'est à ça qu'on est confrontés. C'est à
cette réflexion-là que vous vous êtes livrées,
à savoir que 44 heures, au salaire minimum, vous êtes admissible;
44 heures, salaire minimum plus 0,10$ l'heure, vous n'êtes plus
admissible.
Mme Nadeau (Lucie): Exactement. Et ça permet
d'éviter, peut-être, cette ligne...
M. Lefebvre: Cette ligne...
Mme Nadeau (Lucie): ...si oui ou non...
M. Lefebvre: ...extrêmement dure.
Vous avez dit, Mme Nadeau, tout à l'heure, que votre
priorité numéro un ça apparaît dans votre
mémoire, vous l'avez indiqué c'est le rehaussement du
seuil d'admissibilité. Je ne veux pas vous arracher d'aveux, là.
Est-ce que ça peut vouloir dire qu'on pourrait évaluer la
couverture des services, rehausser... D'abord, dans un premier temps, vous nous
invitez, d'abord et avant tout, à rehausser le seuil
d'admissibilité. Est-ce qu'on pourrait imaginer qu'on
récupère un certain montant au niveau de la couverture des
services pour rehausser le seuil d'admissibilité? Est-ce qu'on pourrait
questionner certains services, selon vous, que ce soit en matière
matrimoniale, en matières criminelle et pénale, en matière
du droit social, peu importe? Est-ce qu'on pourrait se pencher un peu
là-dessus?
Mme Druelle (Anick): Si vous me permettez... M. Lefebvre:
Oui, madame.
Mme Druelle (Anick): ...je pense que, justement, dans le
mémoire, on spécifie, justement, qu'on est pour le maintien de la
couverture totale et on n'a pas évalué la possibilité de
couper.
M. Lefebvre: Vous êtes pour le maintien de la vertu
totale?
Mme Druelle (Anick): Oui.
M. Lefebvre: Je vous comprends! Ha, ha, ha! Est-ce que, selon
vous... Quelle est l'activité dispensée par nos services de
l'aide juridique? Vous savez, je n'essaie pas de vous piéger, j'essaie
d'avoir de l'information de gens qui sont sur le terrain tous les jours. Vous
êtes un groupe d'action et d'information. Est-ce que c'est le droit
matrimonial, est-ce que c'est le droit criminel et pénal, est-ce que
c'est le droit social? Parce que, là, on touche les tribunaux de droit
commun, le droit administratif. On touche souvent des activités qui
peuvent se limiter à de l'information plutôt que de l'intervention
au niveau du judiciaire. Si on devait réévaluer ou se pencher sur
un volet, lequel est absolument essentiel, qu'il ne faut pas toucher d'aucune
façon, selon vous deux, selon l'une ou l'autre de vous deux?
Mme Druelle (Anick): Oui, si vous permettez... On est un groupe
de défense des droits des travailleurs non syndiqués. Donc, c'est
évident que, pour nous, ce qui prime avant tout, c'est des questions de
travail. Donc, on est très mal placé pour se pencher sur toutes
les autres questions. Malheureusement, on ne pourra pas répondre.
M. Lefebvre: Alors, vous autres, c'est votre clientèle,
que vous...
Mme Druelle (Anick): Oui. M. Lefebvre: Je comprends.
Mme Nadeau (Lucie): Ce qu'on constate, évidemment, c'est
que les gens nous consultent, font appel à nos services pour des
problèmes de droit du travail. Évidemment, le travailleur ou la
travailleuse qui participe à une clinique juridique va peut-être,
à la fin, nous dire: Écoutez, je suis en train de divorcer, ou
j'ai une accusation criminelle. On est conscient que ces gens-là n'ont
pas uniquement des problèmes de droit du travail, mais notre
réflexion ne...
M. Lefebvre: Oui, votre activité, c'est en droit du
travail.
Mme Nadeau (Lucie): C'est ça.
M. Lefebvre: Je comprends, madame. Alors, M. le Président,
je vais laisser mes collègues de l'Opposition.
Le Président (M. Parent): Merci, M. le ministre. Je
reconnais maintenant la porte-parole de l'Opposition officielle, l'honorable
députée de Terrebonne. Madame.
Mme Caron:merci, m. le président. alors, mme nadeau, mme
druelle, merci beaucoup de votre participation. votre mémoire est
complet. le seuil d'admissibilité, il y a effectivement une petite
différence avec le 80 % du mga. une personne seule, le 80 %, ça
donne 13 334 $, alors que, dans votre mémoire, avec 44 heures, le
salaire minimum, on se parle de 13 384 $. il
y a une différence de SO $ et une différence qui suit,
aussi, si on ajoute avec famille et tout ça.
Vous nous recommandez, et plusieurs groupes l'ont fait, en page 8,
l'admissibilité des corporations sans but lucratif, donc, de ne pas
tenir compte des revenus des personnes. Est-ce que vous pensez qu'on retrouve
les besoins surtout à ce niveau-là, surtout au niveau de la
consultation, au niveau de l'information juridique ou s'il y a quand même
un nombre important de causes qu'on pourrait retrouver ou si c'est surtout le
besoin, pour les corporations, c'est surtout des besoins de consultation
juridique, d'information? (20 h 40)
Mme Nadeau (Lucie): Les deux besoins sont là. Il y a
beaucoup de besoins d'information, mais il peut aussi y avoir l'exercice de
recours, et ça peut peut-être recouper l'autre point qu'on
soulevait dans le cas de causes types qui peuvent toucher un ensemble de
personnes. Ça peut être aussi des groupes ou des organismes qui
vont prendre sur eux de piloter un recours qui a une ampleur, là, pour
les gens avec qui ils travaillent.
Mme Caron: Et, à votre connaissance, est-ce qu'il y a des
groupes qui ont à se défendre, et non seulement à
défendre?
Mme Nadeau (Lucie): Oui. J'ai déjà eu connaissance,
là, par la pratique, de groupes qui avaient eu à se
défendre, là, pour des difficultés impliquant leur
corporation sans but lucratif, effectivement. C'est peut-être moins
fréquent, mais ça existe.
Mme Caron: Vous avez relevé, dans votre mémoire,
que vous êtes convaincus que la privatisation totale du régime ne
permettrait plus de répondre aux besoins des personnes
économiquement défavorisées. Je pense que cette
inquiétude, elle est parfaitement justifiée, quand on regarde le
système juridique du côté des notaires. Finalement, c'est
un système privé puisqu'il n'y a pas de notaires permanents, et,
comme il n'y a pas eu d'augmentation des tarifs depuis 1977, on se retrouve
avec très peu de dossiers qui sont acceptés. Le ministre va vous
donner des chiffres, mais c'est 2,5 %, là, de tout l'ensemble des
dossiers d'aide juridique, alors, même pas 2 000 000$ sur 110 000 000$.
Alors, ce n'est vraiment pas beaucoup, là, donc il n'y en a presque pas.
Et on sait que, à Montréal, la situation est différente
qu'en région, c'est-à-dire que, à Montréal, il y a
quand même beaucoup plus d'avocats, donc il y a plus d'avocats du
privé qui acceptent des dossiers d'aide juridique. Mais, en
région, il y a moins d'avocats, et vous avez moins d'avocats qui
acceptent des causes dans le privé. Alors, votre inquiétude, je
pense qu'elle est justifiée.
Moi, j'aimerais vous entendre un petit peu plus sur une possible
participation donc, en page 5 une possible participation... Il
faudrait qu'elle soit totalement, vous nous dites, là, proportionnelle.
Vous vous opposez vraiment à une échelle de participation qui
serait par paliers. Est-ce que vous pouvez nous expliquer un petit peu plus
pourquoi vous vous opposez, là, à une participation par paliers?
Et, en deuxième question, est-ce que vous seriez prête à
examiner une possibilité de crédit d'impôt, aussi,
là, qui pourrait être regardée pour élargir le
groupe accessible?
Mme Druelle (Anick): Le processus par paliers fait en sorte qu'on
peut avoir à rembourser beaucoup plus; même si on dépasse
juste de 5 $ la nouvelle grille là, on devrait rembourser quand
même le maximum. Alors, c'est ce genre de choses qu'on voudrait
éviter, et on se dit: Avec la proportionnelle, on aurait plus de chances
d'y arriver. Il faut bien comprendre qu'on l'a vraiment mis au conditionnel,
parce qu'il nous semblait que, dans ce qui était soumis dans le document
du ministère... On pensait que c'était vraiment ça, la
nouvelle voie qu'allait adopter le gouvernement, et c'est pour ça qu'on
mettait les réserves en disant: Écoutez, si, vraiment, il devait
y en avoir une, là, s'il y en a une là, on veut que ça
soit proportionnel et qu'on respecte au moins que ceux qui étaient
admissibles en 1973 le soient de nouveau, totalement gratuitement. Alors, c'est
ça, nos deux priorités. Sinon, on n'a pas pensé outre
mesure à la question de la participation progressive aux
coûts.
Pour les crédits d'impôt, c'est bien sûr que,
déjà, au niveau fédéral, on a droit à une
déduction fiscale si on veut récupérer des sommes d'argent
liées à un emploi à la suite d'un congédiement
injustifié, par exemple. C'est sûr que, au niveau provincial, ce
serait souhaitable de l'avoir aussi.
Mme Caron: Je vous remercie. Vous abordez aussi, en page 9, les
conséquences sérieuses, et peu de personnes... On n'est pas
revenu souvent, au niveau du questionnement, là-dessus. Il y a deux
questions qui revenaient dans le document, et c'est des questions, je pense,
qui sont importantes: si on doit maintenir la couverture lorsque la valeur du
service juridique demandé par le requérant est minime, lorsque
c'est un service qui est peu dispendieux, et, l'autre question, lorsque
ça n'entraîne pas des conséquences sérieuses. Et
là, on note, comme conséquence sérieuse,
l'emprisonnement.
Vous êtes en relation constante avec des gens qui sont en
difficulté, qui ont des besoins particuliers, et votre opposition,
finalement, le maintien que vous voulez de l'étendue des services est
sûrement, par votre pratique quotidienne, de se rendre compte que,
finalement, pour des gens, la valeur d'un service, c'est très,
très relatif. Si on se parle d'un coût de service qui est peu
élevé, c'est évident que, pour une personne qui a des
revenus très élevés, ce n'est pas très grave. Mais
pour une personne qui est un travailleur ou une travailleuse au salaire
minimum, ça peut être effectivement extrêmement important.
Même si la valeur du service, elle n'est pas grande, elle peut avoir des
conséquences extrêmement sérieuses, et des
conséquences sérieuses, ce n'est pas seulement
l'emprisonnement.
Donc, dans votre pratique quotidienne, est-ce que vous avez quelques
exemples à nous donner de conséquences sérieuses, au
niveau des travailleurs et des travailleuses, et des exemples de valeurs de
services qui ne seraient pas élevées, mais qui auraient une
valeur extrêmement importante pour vos travailleurs à salaire
minimum?
Mme Druelle (Anick): Pour une personne qui vit sous le seuil de
pauvreté, quelques centaines de dollars, une centaine de dollars, c'est
beaucoup. La conséquence sérieuse, c'est le pain quotidien, comme
le soulignait même Mme Lamontagne aussi, plus tôt cet
après-midi. Des exemples pour nous aussi, c'est la perte d'un revenu
d'emploi; pour nous, c'est très sérieux comme conséquence.
Pour moi, ça illustre tout. C'est la différence entre être
à un niveau décent ou se retrouver sur l'aide sociale.
Mme Caron: Dernière question. Vous abordez, en page 13, le
droit des personnes qui ne résident pas au Québec ou qui n'ont
pas la citoyenneté canadienne. On l'a peu abordé au cours de nos
travaux, mais nous allons l'aborder probablement avec les prochains
intervenants que l'on va entendre, et on va l'aborder aussi au cours des
prochaines journées.
Vous parlez des droits qu'on retrouve dans la Charte canadienne des
droits et libertés, et qui ne fait vraiment pas d'exception. Est-ce que
vous avez, par votre organisme communautaire... Est-ce que vous rencontrez,
vous donnez des services souvent à des personnes qui n'ont pas la
citoyenneté, qui ne résident pas au Québec et qui vous
questionnent sur leurs droits? Est-ce que c'est par d'autres groupes
communautaires que vous êtes arrivés à prendre cette
position-là?
Mme Druelle (Anick): À Montréal, comme vous savez,
il y a beaucoup d'immigrants, il y a beaucoup d'immigrants qui travaillent et
qui ont aussi souvent des problèmes au travail. Je dirais que, avec le
problème de la langue, leurs problèmes sont encore plus
difficiles, plus pointus. C'est pour ça qu'on a vraiment sursauté
quand on a vu ce genre de question sur la table. On trouvait que le
gouvernement allait loin, à poser, même, ce genre de question
là. À ce niveau-là, on trouvait même que
c'était inacceptable.
Mme Nadeau (Lucie): On a un contact assez direct avec ces
gens-là parce qu'on fait de nombreuses sessions d'information dans les
COFI sur le droit du travail, mais les immigrants qui arrivent et qui sont
à apprendre le français dans les COFI, on en fait plusieurs
dizaines par année, ce qui fait qu'on est souvent confronté avec
la réalité difficile des gens qui n'ont pas encore leur
citoyenneté canadienne.
Mme Caron: Plusieurs personnes nous ont dit que l'aide juridique
était peu connue des citoyens et des citoyennes en
général. Donc, est-ce que vous diriez que, du côté
des non-résidents, la connaissance doit être encore moins grande
de notre système d'aide juridique? Et est-ce qu'il y aurait lieu
d'accentuer au niveau de l'information?
Le Président (M. Parent): Mme Druelle.
Mme Druelle (Anick): Je pense que, d'une façon
générale, même la population en général,
qu'elle soit québécoise ou immigrante, on constate le manque de
connaissance de leurs droits, que ce soit par rapport au droit du travail, que
ce soit sur l'existence même d'un régime d'aide juridique. Alors,
c'est très généralisé. Pour moi, il y a beaucoup de
personnes qui ignorent leurs droits, d'une façon générale,
et c'est encore plus marqué pour les personnes immigrantes.
Mme Caron: Est-ce que vous avez remarqué c'est ma
dernière question la même chose que les
représentantes de la CSN, qui nous disaient que, presque
systématiquement, de la part de certaines institutions, même
gouvernementales, du côté des retraits préventifs, on
s'opposait systématiquement à chacun des retraits
préventifs qui étaient demandés, automatiquement,
ça se retrouvait devant les tribunaux? Est-ce que vous avez pu constater
la même remarque? (20 h 50)
Mme Druelle (Anick): Par rapport aux retraits préventifs,
on réfère souvent ces cas-là aux groupes que vous avez
rencontrés tout à l'heure, qui sont spécialisés en
santé et sécurité au travail, donc je ne pourrais pas vous
parler des institutions qui s'opposent systématiquement. J'en ai souvent
entendu parler, mais, personnellement, je n'ai pas vécu ces
cas-là, je n'en ai pas vu.
Mme Caron: Chez vous, pour vos travailleuses, les retraits
préventifs, est-ce que c'est une partie importante des dossiers?
Mme Druelle (Anick): Le fait d'être congédié
à la suite d'avoir demandé un retrait préventif, on a
aussi un recours en vertu de la Loi sur les normes du travail contre un
congédiement pour cause de grossesse, et les femmes, encore, sont
majoritairement congédiées pour cette cause-là, pour cause
de grossesse, encore en 1994. Alors, je pense que c'est dramatique, là,
on peut le souligner pour la Journée internationale des femmes, c'est un
fait.
Mme Caron: On l'a souligné en période de questions.
C'est ma collègue des Chutes^e-la-Chaudière, responsable du
dossier, qui a posé la question, mais on n'a pas eu de réponse
sur les moyens concrets...
Mme Druelle (Anick): Je peux vous dire...
Mme Caron: ...à prendre pour régler le
problème.
Mme DrueUe (Anick): La Commission des nonnes du travail a
confirmé encore les chiffres que la majorité des femmes,
lorsqu'elles sont congédiées injustement, c'est pour cause de
grossesse.
Mme Caron: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Parent): D'autres intervenants? Alors,
Mme la porte-parole de l'Opposition officielle, si vous voulez conclure, au nom
de votre formation politique.
Mme Caron: Alors, M. le Président, je veux remercier Mme
Nadeau, Mme Druelle pour leur participation à nos travaux. Je pense que
vous avez abordé les principaux points qui touchent le mémoire,
et moi, je vous remercie de votre participation. Ça vient confirmer, je
pense, ce qu'on entend depuis plusieurs jours sur les points qui font
consensus, et je pense que ce n'est pas pour une différence de 50 $, au
niveau d'une personne seule, qu'on va dire qu'il n'y a pas de consensus. Vous
rejoignez l'ensemble des groupes, et je pense que le message, il est clair, il
nous reste à avoir l'action maintenant. Merci.
Le Président (M. Parent): Merci, madame. M. le ministre de
la Justice, je vous reconnais.
M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Mme Nadeau et Mme
Druelle, je veux vous rappeler ce que j'ai dit à d'autres intervenants
et intervenantes, que le document que vous avez évalué en est un
de réflexion. Et si, Mme Druelle, certains éléments du
document vous ont fait sursauter, prenez-le, ce document-là, même
dans ses volets les plus surprenants, comme en étant un qui veut
susciter la réflexion. Et ce n'est pas nécessairement le ministre
du temps, ni celui d'aujourd'hui, ni le gouvernement, qui parlent dans le
document. C'est des réflexions qu'on a ramassées un petit peu
partout à l'intérieur de différents exercices qui ont
été faits par le ministère de la Justice.
Vous avez raison, Mme Nadeau, de nous dire que l'aide juridique doit
tendre à rendre la justice accessible à tous. Lorsqu'on parle
d'aide juridique, évidemment, on parle, idéalement, de la
gratuité totale pour toute la clientèle. La difficulté, et
vous l'avez tout à l'heure je me répète avec
prudence cernée assez bien. On sait où ça commence,
la gratuité totale, mais mettre la barre où ça
s'arrête, ça, c'est un peu plus difficile. Et si on
arrêtait, par hypothèse, si on mettait la ligne à 30 000 $,
pour celui qui gagne 30 000 $, ou le couple qui gagne 30 300 $, ou 30 200 $ par
année, c'est 4 $ à peine, et ce couple-là ne serait plus
admissible à l'aide juridique. Il pourrait prétendre qu'il y a
une injustice. C'est là qu'est toute la difficulté. Plusieurs
intervenants suggèrent, et c'est un peu ce que vous dites à la
page 6 de votre document, en haut de la page, que la solution à ce
problème extrêmement difficile, c'est la contribution. Je ne vous
l'ai pas fait dire, là.
Merci beaucoup, c'est un document extrêmement bien fait, et j'ai
apprécié beaucoup votre présentation. Merci beaucoup.
Le Président (M. Parent): Alors, mesdames, au nom des
membres de la commission, je vous remercie et je vous souhaite un bon retour
dans vos foyers. On va suspendre quelques secondes.
(Suspension de la séance à 20 h 54)
(Reprise à 20 h 59)
Le Président (M. Parent): À l'ordre, s'il vous
plaît! J'invite les députés à prendre leur place
respective. Nous accueillons, comme dernier groupe aujourd'hui, le 8 mars,
l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de
l'immigration. Leurs porte-parole sont Me Danielle Arpin et Me Denis Buron.
Alors, Mme Arpin, M. Buron, nous vous souhaitons la bienvenue. Nous vous
remercions de nous faire le plaisir de votre visite à cette heure
tardive. Ça montre de votre part un intérêt plus
particulier en ce qui regarde notre projet de bonification de notre
système d'aide sociale.
Je vous rappelle notre façon de procéder. La
période de temps qui vous est dévolue, c'est un tiers, un tiers,
un tiers, pour une heure. Ça veut dire 20 minutes. Mais personne n'est
obligé de prendre ses 20 minutes. Ça, soyez bien à votre
aise. Chacun des membres de cette commission a lu votre dossier, en a pris
connaissance. Alors, vous avez jusqu'à 20 minutes pour nous l'expliquer,
puis si ça prend 22 minutes, on ne vous chicanera pas, mais on va vous
le signaler, par exemple.
Alors, je ne sais pas qui est le porte-parole. (21 heures)
Association québécoise des avocats et
avocates en droit de l'immigration
Mme Arpin (Danielle): Disons que je vais faire un mot
d'introduction, et mon collègue, Me Buron, va vous expliquer plus en
détail le mémoire que nous vous avons soumis.
Alors, dans un premier temps, bonsoir à tous. L'Association
québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration est
un regroupement d'avocats qui s'est créé en novembre 1991, dont
les buts principaux sont, à la fois, de regrouper les avocats pratiquant
dans le domaine de l'immigration, aussi de défendre nos clients
auprès des instances appropriées et, aussi, naturellement, de
faire valoir notre représentativité comme groupe. Nous regroupons
environ 75 avocats, principalement à Montréal, pour la simple
raison que bon nombre des dossiers touchant les problèmes d'immigration
sont actuellement traités à Montréal.
Parmi ces personnes qui ont des problèmes avec
l'immigration, les dossiers que nous touchons principalement et qui sont
l'objet d'émission de mandats d'aide juridique sont principalement des
revendicateurs au statut de réfugié, des personnes
économiquement défavorisées lorsqu'elles arrivent en sol
canadien et qui font face principalement à deux facteurs importants,
c'est-à-dire un facteur d'intégration, des problèmes
d'intégration au niveau de la société
québécoise, et ces gens sont souvent aidés par des ONG,
des organismes non gouvernementaux qui travaillent au niveau communautaire. Par
contre, il y a l'autre facette à laquelle ils font face,
c'est-à-dire les problèmes reliés au caractère
juridique de leur situation en sol canadien, ce caractère qui
amène à la fois des actes juridiques qui doivent être
posés et des documents ou des démarches qui doivent être
faites par eux, démarches et actes qui ont des impacts ou des
conséquences juridiques grandes, ce qui est, comme tel, l'objet du
mémoire que Me Buron va vous présenter.
M. Buron (Denis): Les questions qui sont soulevées par le
document de consultation ne sont pas toutes d'intérêt pour nous.
Il y a trois préoccupations seulement qui ont attiré notre
attention, nommément, les questions de couverture par rapport aux
conséquences sérieuses pour les personnes visées;
deuxièmement, les problèmes de couverture lorsque le tribunal
n'est pas un tribunal à représentation exclusive de la part des
avocats; et, troisièmement, la couverture par rapport à des gens
qui sont non-résidents au Québec ou qui sont non-citoyens. Dans
les trois cas, notre conclusion est que la couverture doit être maintenue
telle quelle, qu'il n'y a aucune raison, aucune justification, en
matière d'immigration à tout le moins, pour que la couverture
soit diminuée dans ces trois situations.
Par rapport aux conséquences sérieuses dans le domaine de
l'immigration, il faut tenir compte de façon nécessaire qu'un
immigrant ou un nouvel arrivant au Canada, qu'il soit officiellement immigrant
ou non, c'est un individu qui est à risque d'être renvoyé
hors du Canada, qui est à risque d'être retourné dans son
pays. Ce risque de renvoi a déjà été jugé
par les tribunaux comme étant de la nature d'une détention. Cette
détention-là, je pense que, dans tous les cas, on doit
considérer que c'est un risque sérieux, de la même
façon que c'est un risque d'emprisonnement pour un individu qui fait
face à l'appareil criminel, de la même façon qu'un individu
qui est détenu pour des raisons d'immigration, à savoir qu'il est
passible de renvoi, qu'il soit formellement restreint physiquement ou non,
cette personne-là fait face à un risque sérieux par
nature.
Lorsque cet immigrant-là, en plus, est un revendicateur au statut
de réfugié, il se crée un risque supplémentaire,
à savoir la possibilité que, en cas de renvoi, il soit sujet
à persécution dans son pays de citoyenneté ou son pays
d'origine. Cette conséquence potentielle là, bien qu'elle ne soit
que potentielle, a été jugée déjà par la
Cour suprême, dans l'affaire Singh, en 1986, comme étant une
conséquence sérieuse, ce qui fait que, en matière
d'immigration, même s'il n'y a pas formellement d'emprisonnement comme
possibilité de conséquence, ce que nous vous soumettons, c'est
qu'il y a nécessairement une conséquence sérieuse dans
tous les cas et que, en conséquence, on ne pourrait réduire la
couverture au motif que, en matière d'immigration, la conséquence
ne serait pas sérieuse. C'est un domaine de pratique qui est plus
sérieux qu'à première vue, lorsqu'on ne fait que penser
que, bien voyons! ce ne sont que des gens qui arrivent au Canada.
La deuxième question, la couverture, lorsque la
représentation n'est pas de compétence exclusive des avocats. Je
pense qu'il faut premièrement détailler un peu le contexte de
l'immigration, pour savoir de quoi on parle. Il n'y a pas plusieurs tribunaux,
en matière d'immigration, présentement, il en existe deux: un, au
niveau provincial, qui a une compétence extrêmement
limitée, le Bureau de révision en immigration, et un, au niveau
fédéral, qui a une compétence beaucoup plus importante, la
Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
En matière d'immigration, la représentation ne pourrait
probablement pas être exclusive, c'est-à-dire qu'il y a des
questions qui se posent, qui ne sont même pas de nature litigieuse, qui
n'ont pas à être présentées devant aucun tribunal.
Cette représentation peut certainement être exercée,
parfois de façon extrêmement efficace, par des gens qui ne sont
pas des avocats, mais qui sont en mesure quand même d'assister leurs
clients d'une façon valable. Je pense en particulier aux gens qui sont
des investisseurs ou des entrepreneurs, qui peuvent avoir besoin beaucoup plus
d'un bureau de comptables que d'un bureau d'avocats. C'est pour cette
raison-là que la compétence n'est pas exclusive ou n'est pas
réservée aux avocats, en matière d'immigration.
La loi ne fait pas de distinction, que ce soit au niveau provincial ou
au niveau fédéral, entre la représentation litigieuse et
la représentation non litigieuse. C'est là, peut-être,
qu'il y a une distinction importante à faire pour nos fins. Lorsque la
représentation est litigieuse, et c'est le cas devant le BRI, c'est le
cas devant la CISR, la représentation, à notre avis, se doit
d'être assurée par avocat, et ce, pour plusieurs raisons, y
compris le sérieux des conséquences qui ont déjà
été mentionnées, mais y compris également pour des
raisons de nature purement juridique.
Si, comme je l'ai mentionné, la représentation, lorsque ce
n'est pas une matière litigieuse, peut être exercée avec
profit par des gens qui ne sont pas avocats, en matière litigieuse, il
me semble que la Loi sur le Barreau elle-même assure l'exclusivité
même en matière d'immigration. Je souligne, en passant, que le
Barreau est présentement saisi de cette question et, à notre
demande, enquête sur le sujet pour déterminer si, effectivement,
la pratique des non-avocats devrait être purement et simplement interdite
en matière litigieuse dans le domaine de l'immigration.
À toutes fins pratiques, je mentionne que 98 % de
représentations litigieuses est fait, en la matière, par des
avocats. C'est donc un domaine qui, contrairement à d'autres tribunaux
administratifs, bénéficie d'une
représentation quasi complète par des professionnels du
droit, ce qui apparaît une situation à préserver à
tout prix.
Encore une fois, et si, au départ, je mentionnais d'une
façon très brutale, presque, que les conséquences
sérieuses devaient empêcher la diminution de couverture, dans le
cas de la représentation non exclusive par avocat, je pense que la
conclusion pourrait être quand même plus modérée et
s'exprimer de la façon suivante: il n'y a pas de raison de limiter la
couverture, dans le domaine de la représentation litigieuse, par avocat,
en matière d'immigration. Les matières non litigieuses sont en
général non couvertes déjà, pour différentes
raisons, des raisons pratiques. Par exemple, on imagine mal qu'un investisseur
puisse avoir besoin d'aide juridique. Généralement, s'il est en
mesure de faire des investissements, il a très facilement les moyens de
se payer les professionnels pour l'assister.
Les autres domaines, ceux qui peuvent être intermédiaires,
les domaines du conseil, sont plus délicats, sont parfois couverts,
dépendant de la situation économique des clients, bien sûr,
et ils sont parfois non couverts. Lorsque l'avocat agit comme conseiller, il
peut, à ce moment-là, se référer aux règles
usuelles, je pense, de l'aide juridique, et son client pourrait être
couvert, selon qu'il rencontre les barèmes ou selon qu'il ne les
rencontre pas, purement et simplement. Et je ne vois pas pourquoi il y aurait
une distinction à faire en matière d'immigration. (21 h 10)
La troisième question, le troisième sujet de
préoccupation, à savoir la couverture par rapport aux
non-citoyens. Je ne ferai pas de distinction entre les non-citoyens et les
non-résidents de la province puisque, en matière d'immigration,
il m'apparaît que cette distinction-là serait inutile. Dès
lors qu'un individu ne réside pas au Québec, à savoir
résiderait dans une autre province, personnellement, je ne m'y
intéresse pas. Dès lors qu'il réside au Québec,
s'il est un individu sujet à la loi de l'immigration, il n'est
probablement pas un citoyen non plus. Alors, la question de citoyenneté
est beaucoup plus importante que la question de la résidence au
Québec.
Cette question-là nous apparaît soulever une
illégalité que je qualifierais d'épouvantable. La
possibilité que la couverture d'aide juridique ne soit pas
étendue aux gens qui ne sont pas encore citoyens vise beaucoup plus que
les gens qui sont face à la machine de l'immigration. Cette
possibilité-là couvre tous les gens qui arrivent au Canada et qui
ne sont pas encore citoyens, pour des raisons de ne pas rencontrer les
conditions prévues par la loi sur la citoyenneté.
En pratique, ça signifie deux possibilités. La
première, la plus évidente, il n'y a personne qui peut devenir un
citoyen au Canada avant trois ans de résidence. Alors, ça
voudrait dire que tous les immigrants n'auraient aucun droit à l'aide
juridique pendant trois ans.
Une voix: Minimum.
M. Buron (Denis): C'est un minimum, effectivement. Ça
m'apparaît être une discrimination flagrante, qui est contraire
à la Charte canadienne des droits et libertés, et plus
précisément à l'article 15 de cette Charte. Comme je l'ai
spécifié dans notre mémoire, il y a déjà des
décisions jurisprudentielles qui permettent très facilement d'en
arriver à cette conclusion-là. Les non-citoyens ont
été déterminés, dans l'affaire Andrews, comme
étant des personnes contre qui on ne peut pas discriminer, au sens de
l'article 15 de la Charte.
Les personnes qui sont revendicateurs du statut de réfugié
ont été jugées, dans l'affaire Singh, comme étant
des personnes qui ont besoin de la protection juridique de la Charte. On
recoupe les deux décisions et on en arrive à l'évidence
suivante: la Charte canadienne des droits et libertés de la personne
protège complètement un immigrant qui se trouve en sol canadien.
Qu'il soit citoyen ou non, il a tous les droits garantis par la Charte, comme
n'importe quel autre résident de notre province.
J'ai mentionné deux possibilités de citoyenneté
litigieuse. La première, c'était, bien sûr, la personne qui
n'est pas encore citoyenne. La deuxième, c'est plutôt la personne
qui se prétendrait citoyen, peut-être dès son
arrivée au Canada, qui dirait, par exemple: moi, mon père
était Canadien, et n'a que des difficultés pour le prouver
puisque la documentation n'est peut-être pas si évidente que
ça. Il faut penser à cette possibilité-là aussi. Il
faut penser à la possibilité d'une personne qui se déclare
Canadien et qui doit en faire la preuve devant les autorités. Cette
personne-là, si on retire la couverture d'aide juridique au non-citoyen,
elle se verrait dans l'éventualité de devoir se défendre
seule alors qu'elle aura potentiellement tous les droits d'un citoyen canadien.
Priver cet individu-là arbitrairement de son recours à l'aide
juridique est inacceptable.
L'article 15 de la Charte, dernier élément à
mentionner, garantit non seulement des droits, des droits égaux, mais
garantit également les mêmes privilèges. La loi ne peut pas
discriminer non seulement dans les droits qu'elle accorde, mais elle ne peut
pas non plus discriminer quant aux privilèges qu'elle confère.
L'aide juridique, ce n'est peut-être pas un droit, mais c'est
sûrement un privilège qui doit être garanti de façon
égale à tous, y compris, bien sûr, les non-citoyens.
Nous avons cru déceler, à travers du document de
consultation et, en particulier, à travers certaines données
numériques qui y sont contenues, un sous-entendu que, s'il fallait
couper à quelque part, il fallait peut-être couper là
où ça coûte le plus cher et que, si on regarde les
chiffres, le domaine de l'immigration est un domaine fort coûteux.
Ce que nous avons voulu souligner, à travers l'addendum en
particulier que nous avons produit lorsque cette commission a été
retardée, c'est que les chiffres qui étaient contenus au document
de consultation ne sont absolument plus vrais. Nous avons pu vous produire des
chiffres plus récents. Et j'ai apporté un nombre de copies
suffisant, je pense, des chiffres qui m'ont
servi d'inspiration, et que je pourrais remettre à la
commission.
Il y a plusieurs phénomènes qui expliquent cette
montée de l'immigration et cette descente actuelle de celle-ci qui, je
pense, pourrait être considérée stabilisée aux
données de 1993. Premièrement, bien sûr, il y a la
situation internationale qui évolue tout le temps. Le Canada, le
Québec, sont plus ou moins intéressants, selon le contexte
international. L'immigration est plus ou moins attirée pour venir ici,
selon les circonstances. Deuxièmement, il y a le phénomène
des modifications qui ont été apportées à la loi
fédérale sur l'immigration. Il y a eu une montée
importante du nombre de revendicateurs au statut de réfugié
jusqu'en 1987-1988. Lors de ces années-là, le Canada était
perçu, de plus en plus, comme étant l'endroit par excellence, et
le système n'était tout simplement pas prêt à faire
face à la demande. Une accumulation extraordinaire des dossiers a suivi
jusqu'au moment où le fédéral a décidé que
c'en était assez, qu'il fallait absolument modifier la loi et
prévoir un système plus efficace. L'arriéré des cas
qui a été créé a été absorbé
par le nouveau système, ce qui fait que tous les cas qui
s'étaient accumulés se sont représentés dans le
cadre du nouveau système. Les chiffres qui ont été fournis
englobent les cas qui se sont présentés plus d'une fois et qui se
sont donc présentés devant la machine d'immigration lors de leur
arrivée, et lorsque la machine a été ajustée pour
revoir la situation.
Cette situation-là est maintenant terminée. En fait, en
pratique, le gouvernement fédéral vient de prolonger son
règlement sur le règlement de l'arriéré des cas,
puisqu'ils disent: il demeure au pays entre 300 et 500 cas non
réglés. On parle donc de cas très épars, qui
n'auront plus d'effets sur le système.
D'autre part, compte tenu de la lourdeur de la nouvelle machine qui
avait été créée en 1989, le gouvernement
fédéral a également décidé que sa nouvelle
machine n'était pas suffisamment efficace. De clients qui pouvaient
demander des avocats pour deux paliers d'intervention, donc, qui pouvaient
demander des mandats d'aide juridique à deux reprises, à toutes
fins pratiques, pour deux différentes étapes, ou qui pouvaient
demander à être servis par un même avocat, pour deux
étapes d'intervention, on se retrouve maintenant avec un système
qui ne comporte qu'une seule étape, où les avocats font,
autrement dit, tout le travail d'un coup. Cette situation-là
également est de nature à alléger la couverture par
elle-même de l'aide juridique, à savoir que les dossiers
procèdent plus rapidement, procèdent de façon, je dirais,
simple plutôt que double, purement et simplement, et le nombre de
dossiers, qui a déjà diminué, pourra être
traité de façon plus efficace.
Encore une fois, les chiffres peuvent facilement tromper, et il faut
faire extrêmement attention. Dans les chiffres de 1992, se retrouvaient
les demandeurs qui étaient devant les deux paliers, indistinctement.
Dans les chiffres de 1993, les gens qui n'avaient pas nécessairement
passé le premier palier ont été expédiés
devant le second. Les chiffres de 1993 sont peut-être encore un peu
élevés par rapport à la réalité à
venir, mais les derniers mois, qui sont relativement stables et qui
apparaissent dans le document que je pourrai remettre, permettent de conclure
qu'une diminution de 60 % par rapport aux chiffres de 1992 est plus
réaliste pour l'avenir. si les coûts de l'aide juridique
demeuraient stables, ça signifierait 60 % de diminution, sans que
personne n'ait levé le petit doigt. l'aide juridique, ça ne
coûte pas cher, ou pas plus cher qu'un autre domaine en matière
d'immigration, et il n'y a aucune raison de faire des entraves importantes, des
conséquences sérieuses, au principe de la représentation
ou au principe de la couverture des citoyens ou non-citoyens, pour
peut-être sauver quelques dollars. merci.
Le Président (M. Parent): Je vous remercie, M. Buron, et
je reconnais immédiatement le ministre de la Justice pour une
première intervention. M. le ministre. (21 h 20)
M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Me Buron et Me Arpin,
je vous remercie de venir nous exposer votre point de vue en partant d'un
document que vous avez déjà soumis à l'intention de la
commission. Ça touche, évidemment, un secteur d'activité
très précis, l'immigration, et c'était extrêmement
important, évidemment, qu'on vous entende. Votre document, d'ailleurs,
résume très bien les questions qui touchent le secteur
d'activité quant au régime d'aide juridique en matière
d'immigration.
Ma première question. On nous indique qu'il y aurait plus ou
moins 125 avocats, ou à peu près, qui font du droit en
matière d'immigration et, comme vous l'avez indiqué, presque
essentiellement à Montréal. Est-ce que la plupart des avocats...
La question que je devrais poser: J'imagine que la plupart des avocats ne font
pas que du droit d'immigration.
Mme Arpin (Danielle): C'est la réalité,
effectivement.
M. Lefebvre: Alors, la plupart font autre chose.
Mme Arpin (Danielle): On va être plus précis, si
vous me le permettez.
M. Lefebvre: Oui, madame.
Mme Arpin (Danielle): Parmi ce nombre, entre 75 et 125, parce
que, justement, il y a un certain nombre de gens qui font cette pratique, un
faible pourcentage, si l'on veut... Il n'en demeure pas moins qu'en pratiquant
dans ce domaine quotidiennement, moi, je suis de ceux et celles qui travaillent
avec les revendicateurs au statut de réfugié...
M. Lefebvre: Oui.
Mme Arpin (Danielle): ...de façon journalière,
et on est assurément... Je pense qu'un chiffre de 40 à 50
avocats à Montréal, faisant essentiellement des dossiers
d'immigration et principalement de refuge, serait relativement près de
la réalité.
M. Lefebvre: Me Arpin, en quoi consiste, essentiellement,
votre... Évidemment, vous avez à vous débattre devant les
institutions, les organismes, les tribunaux, etc., mais est-ce qu'une bonne
partie de votre pratique consiste en de l'information? Comment partagez-vous le
volet que je vais qualifier, pour qu'on se comprenne, de «tribunal et
information»? Comment ça se partage, votre travail auprès
de la clientèle?
Mme Arpin (Danielle): J'aurais une question, par contre, à
vous retourner. Dans l'information, vous entrez quoi, là?
M. Lefebvre: Bien, c'est-à-dire que vous ne les accueillez
pas nécessairement. Je pourrais poser également une question plus
globale. Vous travaillez avec des officiers.
Mme Arpin (Danielle): Nous travaillons avec des officiers de
l'immigration et nous avons à faire...
M. Lefebvre: Des officiers du ministère. Je
pourrais...
Mme Arpin (Danielle): ...des représentations devant les
instances.
M. Lefebvre: Racontez-moi une de vos journées ou un cas
type.
Mme Arpin (Danielle): Disons que, dans un premier temps,
naturellement, comme je suis de ceux et celles qui travaillent avec les
revendicateurs au statut de réfugié de différents pays,
depuis plusieurs années, donc, souvent, à la fois les personnes
nous sont référées par d'anciens clients ou par les ONG,
les organismes non gouvernementaux qui accueillent en sol canadien des nouveaux
arrivants qui ont ou revendiqué le statut de réfugié dans
ce qu'on appelle les points d'entrée, c'est-à-dire...
M. Lefebvre: Oui, oui.
Mme Arpin (Danielle): ...les aéroports, ou les points
frontaliers, ou le port comme tel, ou des gens qui, lorsqu'ils sont
déjà en sol canadien, revendiquent dans ce qu'on appelle les
centres d'immigration intérieurs, ce qui est aussi une
possibilité, comme telle, de revendiquer le statut de
réfugié. Alors, il y a un premier contact
téléphonique, la plupart du temps. On rencontre le client pour
prendre des informations très factuelles, genre: Quand êtes-vous
arrivé? De quel pays venez-vous et, de préférence, quelle
langue parlez-vous? Parce que nous sommes dans une pratique où nous
avons à faire face à une multiplicité linguistique. Alors,
le volet purement information, c'est peut-être 30 minutes, 60 minutes, ce
volet-là, sur la prise de données primordiales. Par la
suite...
M. Lefebvre: Vous montez votre dossier comme...
Mme Arpin (Danielle): Oui, mais ça, ce n'est pas monter le
dossier, 30 à 60 minutes. C'est simplement, genre, bonjour monsieur,
bonjour madame, de quel pays êtes-vous, et je suis Me Unetelle.
M. Lefebvre: Ce que je veux dire, Me Arpin, vous faites une
démarche pour ramasser tous les éléments pertinents.
Mme Arpin (Danielle): Oui. Mais ça, c'est primordial. Par
la suite, nous avons à remplir ce que nous appelons «un formulaire
de renseignements personnels», qui est un outil qui va servir tout au
long du dossier devant les instances de l'immigration. Ce formulaire est un
formulaire constitué de 12 pages, contenant 42 questions. Parmi ces
questions, il y en a 36 qui sont des données personnelles: les noms, les
origines, les lieux où les personnes ont étudié, les
membres de leur famille, les frères, les soeurs. Ça peut
paraître simple, comme ça...
M. Lefebvre: Non.
Mme Arpin (Danielle): ...mais, de certains pays, de trouver les
noms des membres de toute la famille, c'est plus difficile aussi parce qu'il
n'y a pas nécessairement les mêmes systèmes de collection
des informations qu'ici, comme les bureaux d'état civil. Ceci est la
première étape.
Il y a aussi, dans ce formulaire, une question qui demande à ce
que soient relatés, de façon chronologique, les
événements qui ont amené la personne à quitter son
pays pour venir revendiquer le statut de réfugié,
c'est-à-ilire la personne qui, dans son pays d'origine ou dans le pays
où elle avait la dernière résidence, craint pour sa vie en
raison de la race, de la nationalité, les opinions politiques,
l'appartenance à un groupe. Ce sont des éléments qui sont
relativement difficiles, quand même, à aller chercher parce qu'on
travaille quotidiennement avec la terreur, la frayeur, la crainte, la crainte
aussi de la personne qu'ils rencontrent devant eux parce que, souvent, ils ne
savent pas trop, trop jusqu'où on peut les aider. Parce qu'ils
viennent...
M. Lefebvre: II y a une question de confiance à
établir.
Mme Arpin (Danielle): Tout à fait, question de confiance.
Parce que, en plus, on est face à des gens qui n'ont pas la même
culture que nous, on est face à des gens qui ont souvent subi un
traumatisme tel que nous devons aussi, par la suite, les acheminer vers des
psychologues pour qu'il y ait des rapports psychologiques de faits. Nous
sommes souvent face à des gens qui ont des symptômes
post-traumatiques, que nous appelons, à cause de la persécution,
de la torture qu'il ont eues. Nous sommes aussi souvent face à des gens,
surtout des femmes, qui ont été violées, violées
par l'appareil gouvernemental représenté par des policiers ou
représenté par différents groupes qui sont, en quelque
sorte, tolérés par les autorités dans leur pays.
Alors, toute cette démarche, qui est beaucoup à
caractère psychologique, à caractère social, demande
beaucoup de temps avec les revendicateurs au statut de réfugié,
et aussi, entre autres, par la nature même de la revendication du
dossier, mais aussi parce que, souvent, nous avons à travailler avec des
interprètes. Donc, la même préparation, le même genre
de questions, on double le temps, étant donné la barrière
linguistique.
Alors, concrètement, la partie préparation du formulaire,
qui est très importante parce que ce formulaire va suivre le
revendicateur tout le long du processus, peut facilement représenter de
quatre à huit heures, seulement la confection la plus conforme et la
plus sérieuse possible.
Par la suite, nous aurons à rencontrer le client pour
préparer l'audition devant l'instance appropriée, qui s'appelle
la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, ce qu'on
appelle la CISR. Alors, cette préparation veut dire expliquer
clairement, dans un premier temps, ce à quoi la personne doit s'attendre
devant un tribunal qui est un tribunal administratif, et encore, de nouveau, il
faut expliquer que, bien qu'il s'agisse d'un tribunal administratif, de ne pas
avoir peur des autorités. On est souvent avec des gens qui ont subi des
interrogatoires sous la torture. Alors, ce n'est pas évident en soi. Il
faut donc préparer le client dans le contexte qu'il va vivre, il faut
préparer le témoignage de la personne, comme ceci se fait dans
toute autre pratique, que ce soit en civil ou en pénal, et il faut aussi
faire une préparation à caractère politique;
C'est-à-dire que, comme nous sommes face à des situations de
différents pays, il y a à constituer à la fois de la
doctrine, par rapport à la jurisprudence de certains pays, mais aussi de
la documentation politique. Il faut donc se constituer des dossiers complets
par rapport au pays et par rapport aux différentes facettes que l'on
peut rencontrer par rapport à ces pays d'origine.
Cette partie-là est aussi, finalement, simplement
préparation avec le client et préparation du dossier,
minimalement, une dizaine d'heures. Et, par la suite, on se retrouvera devant
l'instance appropriée pour l'audition à la CISR.
M. Lefebvre: II y a déjà eu des avocats de l'aide
juridique, des permanents de l'aide juridique qui faisaient du droit en cette
matière. Depuis 1992, vous le savez...
Mme Arpin (Danielle): Oui, nous sommes au courant.
M. Lefebvre: ...il n'y a que des avocats de pratique
privée.
Mme Arpin (Danielle): Oui.
M. Lefebvre: Alors, j'imagine que, lorsque l'intervention de la
Commission des services juridiques, en 1992, a eu comme conséquence
d'éliminer les avocats permanents, ça n'a pas dû vous faire
pleurer, là.
Mme Arpin (Danielle): Ce n'est pas...
M. Lefebvre: Remarquez bien, je vois Me Buron rire, là.
Ha, ha, ha!
Mme Arpin (Danielle): Ah, il rit souvent. Ha, ha, ha!
M. Lefebvre: Et, maître, c'est légitime, là.
Si vous me disiez: Non, on regrette que les permanents de l'aide juridique
aient disparu... (21 h 30)
Mme Arpin (Danielle): Non. Nous ne vous disons pas que nous avons
regretté, à l'époque. Par contre, ce que nous vous disons
et ce que nous avons dit, à l'époque, c'est que c'est une coche,
si vous me permettez, à l'accès à l'avocat de son choix,
par rapport à des revendicateurs qui arrivaient en sol canadien. Ces
avocats, qui étaient au bureau de l'immigration, sur la rue Berri,
à Montréal, avaient eu...
M. Lefebvre: Une expertise.
Mme Arpin (Danielle): ...une expertise, de 1989 à 1992, et
avaient fait accepter, naturellement, comme l'ensemble de nous tous, un certain
nombre de clients qui étaient satisfaits de leurs services, tout comme
ils avaient perdu certains autres dossiers, ceci étant la situation
quotidienne. Mais ces gens qui avaient été
représentés par ces avocats pouvaient très bien les
référer par la suite c'est ce qu'on appelle «la
référence» et ça faisait un problème,
au niveau du libre choix de l'avocat, par rapport au revendicateur du statut de
réfugié. C'était notre position quand même dans ce
contexte-là.
M. Buron (Denis): Je pense que ce qu'il ne faut pas oublier dans
cette question-là, c'est l'expertise, justement. Ma collègue a
longuement extrapolé sur la question, je dirais, de confiance qui doit
être créée avec le client, sur la connaissance de la
situation objective, tant de la personne elle-même que de l'endroit
d'où elle provient, mais je pense aussi qu'il ne faut pas oublier
l'expertise juridique, purement juridique. On fait affaire avec un domaine de
nature internationale. On interprète une définition qui est
appliquée dans plusieurs autres pays. On doit, en tant que pays,
être constant avec la situation ou l'interprétation
internationale. On doit être respectueux, bien sûr, des
décisions de nos propres tribunaux supérieurs. Le concept de
persécution, ce n'est
pas si facile que ça à interpréter, ni dans les
faits ni en droit, et le concept de crainte de persécution, il est
encore plus difficile. Je pense que c'est tout ça qu'il faut garder en
mémoire lorsqu'on travaille, comme le disait ma collègue, avec
des gens qui ont une crainte des autorités, qui ont souvent
été traumatisés et qui doivent trouver un moyen de faire
confiance et de répondre à des questions.
M. Lefebvre: Si, par hypothèse, Me Buron, on agissait de
telle sorte, on posait des gestes, à la Commission des services
juridiques, qui auraient comme conséquence de recréer le bureau
d'avocats permanents à l'aide juridique, j'imagine que votre expertise
serait disponible pour nos permanents de l'aide juridique, toute votre
connaissance? Vous seriez disposés à nous aider?
M. Buron (Denis): Je comprends mal votre question.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lefebvre: Vous êtes un bon avocat! Vous êtes un
bon avocat!
M. Buron (Denis): Est-ce que vous me dites que nous serions
disponibles pour leur formation?
M. Lefebvre: Oui.
M. Buron (Denis): Je vous dirais: Sûrement.
M. Lefebvre: Pour aider vos collègues de...
M. Buron (Denis): D'ailleurs, on l'a déjà fait,
à la demande du Barreau, depuis quelques années. Et je devrais
dire: II y a quelques années, on a collaboré. Plusieurs des
avocats les plus compétents...
M. Lefebvre: Je n'en doute pas.
M. Buron (Denis): ...ont collaboré pour faire des cours de
formation.
M. Lefebvre: Vous avez compris que c'était plus une
boutade qu'autre chose. Je laisse, M. le Président, mes collègues
de l'Opposition officielle...
Le Président (M. Parent): Merci. Alors, je reconnais Mme
la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Me Buron, Me Arpin,
merci beaucoup de votre participation. Je vous remercie pour votre
mémoire qui nous a donné un excellent éclairage du
dossier, et vous êtes d'ailleurs les premiers à aborder ce sujet.
Nous en aurons dans les jours qui viennent, mais vous êtes les premiers.
Merci aussi pour l'addenda que vous nous avez aussi fait parvenir et qui
apportait certaines précisions intéressantes.
Je pense que vous avez clairement démontré, autant dans
vos réponses, dans votre présentation que dans votre
mémoire, à quel point la couverture en matière
d'immigration est essentielle, que ce sont des services particuliers, des
services de nature assez complexe et qu'il faut des personnes
spécialisées pour bien connaître ces dossiers-là,
que c'est, effectivement, un droit et qu'on ne devrait même pas se poser
la question à savoir si on doit enlever ce droit-là. Je pense que
votre mémoire est très clair.
Je vous poserai une seule question, parce que mon collègue
porte-parole de la justice, le député d'Anjou, souhaite vous
questionner, et aussi, on demandera le consentement, M. le Président,
tantôt, pour mon collègue de Pointe-aux-Trembles, qui est
porte-parole en matière d'immigration chez nous.
Alors, ma question est évidemment... Vous disiez tantôt que
vous devez avoir une connaissance du pays et de la culture, et ça
m'apparaît bien, bien, bien normal. Compte tenu que vous êtes quand
même peu nombreux une cinquantaine et qu'il y a quand
même beaucoup de pays, et que vous devez aussi établir certains
contacts avec des membres d'une communauté pour que les nouveaux
arrivants puissent vous connaître, et tout ça, est-ce que les
avocats ne sont pas portés à se spécialiser pour un
certain nombre de pays restreint, chacun, se donner un peu une
spécialité pour un nombre plus restreint de pays ou si tout le
monde ne se donne pas de spécialité, traite pour l'ensemble?
M. Buron (Denis): Comme dans plusieurs autres domaines, la
réponse, ça serait: Ça dépend. Ça
dépend des individus, bien sûr, ça dépend de chaque
avocat qui peut se sentir plus ou moins confortable ou non. Ça
dépend des affinités naturelles qu'il peut y avoir.
Mme Arpin (Danielle): Et il y a un autre «ça
dépend»: ça dépend des conflits
internationaux...
Une voix: Oui.
Mme Arpin (Danielle): ...qui évoluent en soi.
M. Buron (Denis): D'une part, je pense que la plupart de nos
collègues, effectivement, ont une certaine spécialisation par
pays. Parfois, simplement par affinité personnelle, un avocat qui a une
origine ethnique particulière, souvent, s'intéressera aux gens
qui ont la même origine que lui. D'autre part, il y a des avocats qui
vont aussi se spécialiser selon un type de problème. Il y a
certains avocats en matière d'immigration, par exemple, qui vont
traiter, qui vont faire souvent affaire avec des gens qui ont été
torturés ou qui vont faire souvent affaire avec des femmes qui ont
été violées. C'est une forme d'expertise également
qui est extrêmement importante, et, ça aussi, ça se
produit.
Je pense que la majorité de nos collègues se
spécialisent selon les régions du monde et non pas selon les
pays, pour des raisons parfois évidentes. Exemple,
l'Amérique latine, c'est la même langue. D'accord? Exemple,
les pays arabes, même raison. Souvent, les problèmes se
répètent. De toute façon, ils sont très semblables
dans les pays d'une même région. L'Amérique latine, c'est
souvent des problèmes de guérillas à long terme; les pays
arabes, c'est parfois des problèmes religieux ou ça peut
être des problèmes, je dirais, d'exagération de religion,
si vous me permettez de simplifier de cette façon. Alors, c'est de cette
façon-là que, souvent, les gens se spécialisent.
Mme Caron: Je vous remercie beaucoup. Alors, moi, je terminerais,
avant de céder la parole à mon collègue d'Anjou, en vous
disant que vous nous avez vraiment bien exprimé les besoins et aussi
parfaitement convaincus des conséquences sérieuses des
décisions qui sont rendues dans ces dossiers. Merci beaucoup.
Le Président (M. Parent): M. le député
d'Anjou.
M. Bélanger: Merci, M. le Président. Me Arpin, Me
Buron. L'an dernier, alors que j'étais porte-parole de l'Opposition en
matière d'aide juridique, j'avais découvert qu'il existait un
programme fédéral qui assurait la défense des
revendicateurs du statut de réfugié politique qui arrivaient au
Québec et qui faisaient la demande, à ce moment-là,
d'être représentés par un avocat du gouvernement
fédéral. C'était un programme qui était
administré par une firme de comptables je pense que
c'était Price Waterhouse ou RCMP, je ne me souviens pas exactement
et c'était un service qui était très, très,
très peu utilisé. Je pense qu'il y avait des crédits
périmés, chaque année, par millions, qui étaient
dans ce programme-là. Est-ce que ce programme existe encore?
M. Buron (Denis): Non. Premièrement, ça n'existe
plus parce que ce programme, qui était administré par Peat,
Marwick...
M. Bélanger: Par Peat, Marwick?
M. Buron (Denis): ...et les autres, ce programme n'existait que
lors de la première étape. J'ai mentionné que la loi a
été remodifiée, en vigueur en date du 1er février
1993, éliminant la première étape du processus. Alors,
cette représentation qui était assurée par le
fédéral dans les cas nécessaires n'était accessible
qu'au niveau de cette première enquête. Alors, en éliminant
la première enquête, le restant du programme disparaissait du
même coup, de toute manière. Les articles qui se rapportaient
à cela dans la loi ont été abrogés.
Deuxièmement, ce programme qui était, je dirais, une
couverture de dernier recours, ne s'appliquait pas à tous les cas de
demande, à tout événement. Il y a deux grandes situations
de demande de refuge qui se produisent: il y a la personne qui demande le
refuge au moment où elle entre au Canada, que ce soit, par exem- ple, en
descendant de l'avion ou que ce soit en arrivant en voiture à la
frontière, et il y a le cas de la personne qui est entrée au
Canada, parfois très légalement, avec un visa de visiteur, par
exemple, et qui, un jour, se présente au bureau de l'Immigration et
demande le statut de réfugié. Ce programme fédéral
ne s'adressait qu'aux gens qui demandaient le statut de réfugié
au point d'entrée, seulement. Tous les gens qui demandaient le statut de
réfugié après être entrés au Canada
n'étaient pas éligibles à ce programme. J'ignore pourquoi,
mais c'était la façon dont c'était fait.
Dans les statistiques que j'ai j'ignore comment je vous les
transmets on mentionne les différents points d'entrée, on
mentionne les différentes circonstances. Vous trouverez les colonnes
R-20, R-27, ça fait référence aux articles 20 et 27 de la
loi fédérale. Les rapports 20, comme on les appelle dans notre
jargon, qui sont présentés par des gens qui arrivent aux points
d'entrée de façon légale, c'est ceux-là qui
étaient éligibles auparavant au système de couverture
je l'appellerais l'aide juridique fédérale, pour les fins
de discussion alors que les gens qui faisaient une demande à
l'intérieur n'étaient pas éligibles. Dans les
dernières statistiques, on pourrait constater que c'est environ 50 %
d'un cas et de l'autre.
M. Bélanger: Merci. Donc, si je comprends bien, il
n'existe plus aucun, présentement, programme fédéral.
C'est ça?
M. Buron (Denis): Ça n'existe plus.
M. Bélanger: Plus aucun. (21 h 40)
M. Buron (Denis): Ça a été
éliminé. Et même, dans les derniers temps, c'était
complètement tombé en désuétude...
M. Bélanger: En désuétude.
M. Buron (Denis): ...et ça avait été
relevé, ça avait été repris par l'aide juridique...
j'ai le goût de dire «ordinaire», par contraste avec celle
qui était qualifiée de «fédérale» un
peu plus tôt.
M. Bélanger: M. le Président, tout à
l'heure, en écoutant les remarques du ministre relativement à la
disparition du bureau permanent de l'aide juridique, je me demandais si,
peut-être, le premier ministre... le ministre, pardon...
M. Buron (Denis): Ha, ha, ha!
M. Lefebvre: Ah, on ne sait jamais.
M. Bélanger: Le ministre, le ministre. Ah! on ne sait
jamais, c'est vrai. ...le ministre ne s'était pas rendu compte enfin,
finalement, que les dossiers en matière d'immigration, peut-être,
coûtaient moins cher quand ils
étaient traités par les permanents de l'aide juridique
alors que, en pratique privée... Je me demandais s'il s'était
rendu compte, peut-être, de ça, parce que c'étaient,
à ce moment-là, les représentations qui lui avaient
été faites.
Mais, ceci étant dit, je voudrais savoir, au niveau des
conséquences de la disparition du bureau des permanents de l'aide
juridique en matière d'immigration, est-ce que, depuis cette
disparition, vous voyez, vous, sur le terrain, des fois, un problème
pour certains mandats à trouver preneur en pratique privée,
certains mandats assez complexes?
Le Président (M. Parent): Madame.
Mme Arpin (Danielle): Vous savez, cette situation a aussi
coïncidé, à toutes fins pratiques, avec la modification
législative faisant en sorte que les clients qui avaient des dossiers
relativement complexes se sont présentés auprès des
avocats qui faisaient des dossiers d'immigration depuis plusieurs
années, et l'ensemble de nous tous se répartit ces dossiers cas
par cas ou de façon arbitraire. Souvent, ces gens ont habituellement,
quand même, les services d'un avocat, et nous demandons des mandats
d'aide juridique, comme pour l'ensemble de nos revendicateurs. Ça a
coïncidé quand même avec la modification...
M. Bélanger: Avec la modification.
Mme Arpin (Danielle): ...législative, faisant en sorte
qu'il n'y a pas eu d'impact négatif par rapport à ces
clients-là. L'ensemble d'entre nous qui prenons des mandats de l'aide
juridique sommes disposés et disponibles, habituellement.
M. Buron (Denis): la vice-présidente adjointe de la
commission de l'immigration et du statut de réfugié, à
montréal, nous a déclaré récemment que 98 % des
demandes de statut de réfugié étaient
présentées avec les services d'un avocat. les 2 % restants sont
présentés soit sans avocat ou soit par un conseiller qui n'est
pas avocat. si 98 % sont représentés par un avocat, il ne doit
pas y avoir tellement de difficultés à être
représenté, même dans les cas complexes ou même dans
les cas qui ne sont pas évidents du tout.
M. Bélanger: Dans votre mémoire, vous parlez d'une
diminution constante, là, depuis la mise en vigueur de la nouvelle loi
fédérale, des coûts de l'aide juridique reliés
à l'immigration. Sans avoir des chiffres complets, est-ce que vous avez
des estimés quant au pourcentage auquel on peut s'attendre, là,
au niveau de la diminution des demandes ou au niveau de la diminution des
coûts reliés à ça?
Une voix: ...
M. Bélanger: Vous les avez donnés?
M. Buron (Denis): Étant donné que la variation a
été immense dans les dernières années, c'est assez
difficile à prédire à moins d'être un devin
extraordinaire. Ce qu'on peut garder en mémoire cependant, c'est que
toutes les modifications législatives fédérales des
dernières années ont eu pour but de restreindre les demandes de
statut de réfugié au Canada. Je précise: au Canada, parce
qu'elles n'ont jamais eu pour but de restreindre les demandes dans nos
ambassades, par exemple, ou dans nos postes à l'étranger. Alors,
dans la mesure où toutes les dispositions ont été faites
pour limiter le nombre de demandeurs du statut de réfugié, on
peut prétendre qu'elles ont suffisamment réussi leur but pour
être arrivé à des chiffres plus raisonnables.
D'autre part, il ne faut pas oublier qu'on est les esclaves de la
situation internationale. Lorsque le Bloc de l'Est s'est effondré,
ça a affecté le nombre de demandeurs de statut de
réfugié en provenance de l'est de l'Europe; lorsque la guerre
Iran-Irak s'est terminée, ça a affecté le nombre de
revendicateurs de cette région du monde là; lorsque l'Irak est
allé s'amuser au Koweït, ça a affecté aussi. Tout ce
qui arrive à travers le monde affecte le nombre de revendicateurs du
statut de réfugié qui viennent au Canada. Alors,
présentement, il serait honnête de dire que la situation à
travers le monde est relativement calme, toutes proportions gardées.
Mais, est-ce qu'on peut prétendre que ça va le demeurer? Moi, je
n'oserais pas le prédire. Mais les portes du Canada sont relativement
closes présentement comparé à ce que ça a
déjà été. Ça, c'est un fait, et, moi, je me
baserais sur ça pour dire que le nombre de demandeurs de refuge va
varier quant aux pays, entre guillemets, producteurs de réfugiés,
mais pas quant au total des demandeurs qui arrivent au Canada.
Le Président (M. Parent): Si j'ai bien compris, le
député de Pointe-aux-Trembles demande la parole. M. le
député de Pointe-aux-Trembles, ça fait plaisir de vous
voir assis à cette table, revenir joindre vos collègues. Mais,
avant de vous donner la parole, étant donné que vous n'êtes
pas membre de cette commission, je dois demander la permission, un consentement
aux membres de cette commission. Je suis convaincu, connaissant leur
générosité, que c'est avec empressement qu'ils vont vous
accueillir.
Une voix: ...
Le Président (M. Parent): M. le député de
Pointe-aux-Trembles, je vous reconnais.
M. Bourdon: M. le Président. Vous avez parlé de
l'instance fédérale puis de l'instance québécoise.
Le Bureau de révision en immigration, comparativement à la
Commission de l'immigration et du statut de réfugié, est-ce qu'il
occasionne du travail pour la peine ou s'il a une importance mineure?
M. Buron (Denis): Le Bureau de révision en
immigration est un tribunal presque fantôme. Sa juridiction est
beaucoup trop limitée. Elle ne s'adresse qu'à des situations
extrêmement particulières. Et ça a été la
position de notre association, récemment, que la juridiction de ce
tribunal devrait être augmentée pour rencontrer tous les cas
sujets à litige en matière de l'application de la loi
québécoise.
C'est la situation actuelle. Dans la mesure où sa juridiction
serait étendue, peut-être que ça pourrait affecter l'aide
juridique, parce que c'est le sujet qui nous préoccupe aujourd'hui.
Mais, dans la situation actuelle, ça doit très peu concerner
l'aide juridique, si ça concerne l'aide juridique. Je ne serais pas
capable de répondre plus précisément.
M. Bourdon: D'accord. Il reste qu'en général ce
sont des avocats qui représentent les personnes qui vont au Bureau de
révision en immigration.
M. Buron (Denis): Lorsque les gens sont
représentés, oui.
M. Bourdon: Oui. Maintenant, vous dites que le nombre de causes,
dans le fond, est passé de 13 000 à 6000, grosso modo. Est-ce
que, ça, c'est attribuable uniquement à l'arriéré
qu'on a rattrapé ou si la situation internationale puis les
contrôles plus stricts de l'entrée au Canada aussi expliquent...
Autrement dit, est-ce qu'il y a moins de réfugiés qui arrivent ou
s'il y a juste une régularisation qu'on a faite des
arriérés qu'il y avait?
M. Buron (Denis): II y a une régularisation des
arriérés, il y a moins de réfugiés qui arrivent, il
y a une situation internationale qui s'est adoucie, il y a des modifications
législatives qui ont barré un peu plus les portes, mais il y a
aussi, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les
réfugiés, de plus en plus de réfugiés dans les
camps à travers le monde. Il n'y a pas moins de réfugiés
sur la planète, ils sont juste pas à la même place.
Mme Arpin (Danielle): Et souvent, ils ne peuvent pas quitter ces
lieux de persécution, pour différentes raisons, entre autres,
souvent, le point de vue économique. Il est quand même difficile
et périlleux de parcourir le monde pour une fin de protection.
M. Bourdon: En fait, je vous parlais du Bureau de révision
en immigration. Est-ce que vous ne trouvez pas qu'il y a un paradoxe que, d'une
part, le gouvernement nous dise qu'il a presque acquis la souveraineté
en immigration, mais que, la seule instance qui a vraiment des pouvoirs pour
sortir quelqu'un du pays ou lui permettre d'entrer, ça demeure quand
même le fédéral? Je veux dire, si on avait quasiment tous
les pouvoirs, comment expliquer que le Bureau de révision, qui est de
notre juridiction au Québec, soit une instance, d'après ce que
vous me dites, qui est pas mal fantomatique?
M. Buron (Denis): Pour que le BRI ne soit pas un fantôme,
il faudrait peut-être que le gouvernement lui donne plus de juridiction.
Ce n'est pas un problème de juridiction ou de compétence
juridictionnelle fédérale-provinciale, c'est un problème
de la compétence qui est attribuée au BRI par le gouvernement du
Québec.
M. Bourdon: Et, quelle compétence, d'après vous,
pourrait lui être confiée, qui lui ferait jouer un rôle plus
significatif?
M. Buron (Denis): La portion manquante, quant au BRI, c'est de
pouvoir déterminer que des gens devraient pouvoir venir ou devraient
pouvoir demeurer au Canada pour des raisons d'équité, pour des
raisons humanitaires. Cette compétence échappe
complètement au Bureau de révision en immigration, même si
elle fait partie de la compétence provinciale.
Le Président (M. Parent): Ça va, M. le
député de Pointe-aux-Trembles?
M. Bourdon: Oui.
Le Président (M. Parent): Alors, merci beaucoup. Il vous
reste encore quelques minutes, madame la porte-parole. (21 h 50)
Mme Caron: Oui. M. le Président, vous avez dit qu'en
matière litigieuse, finalement, c'était presque exclusivement des
avocats qui représentaient; il y a une toute petite portion qui n'est
pas représentée par des avocats, et vous nous avez dit que le
Barreau était pour faire certaines vérifications. Est-ce que
vous n'y faites pas allusion dans votre mémoire, mais je l'ai lu
dans d'autres mémoires c'est parce que vous considérez
que, dans certains cas, des immigrants ont été
représentés par des personnes qui n'avaient pas les
compétences et que, finalement, les immigrants ont eu à payer
pour des services puis se sont finalement fait carrément avoir?
C'était plutôt presque de la fraude. Les gens ne connaissant pas
le pays, et tout ça, donc, certaines personnes en profitaient
vraiment.
M. Buron (Denis): J'ai une connaissance personnelle d'au moins un
cas qui est présenté au Barreau comme étant un cas de
fraude de la part d'un conseiller en immigration, qui est d'ailleurs un
ex-avocat. Celui-ci, et sans entrer dans plus de détails que ça,
celui-ci a eu l'audace de dire à ses clients qu'il n'est pas
nécessaire d'être avocat pour les représenter, et leur
facture des coûts prohibitifs pour faire des procédures inutiles
et probablement illégales. Cette situation est présentée
devant le Barreau présentement. Je pense à un individu en
particulier, parce que j'ai le dossier en main moi-même. C'est une
situation que je représente au Barreau. Mais je sais qu'il y en a
d'autres et, dans le milieu, on connaît un certain nombre d'individus qui
sont à risque ou à soupçon. Évidemment, faire une
telle preuve, c'est délicat.
Le Présidait (M. Paraît): Merci. Alors, il nous
reste une minute, une minute et demie, deux minutes.
Mme Caron: J'avais une dernière petite question, M. le
Président.
Le Président (M. Parent): Allez, allez, allez. Allez,
madame, pour compenser.
Mme Caron: Dans votre mémoire, en page 8, vous dites que
les honoraires moyens en 1991-1992 étaient de 543,83 $. Est-ce qu'on
peut se parler, actuellement, des mêmes chiffres pour un dossier? Disons
que ça doit varier, dépendamment des interventions qui sont
à faire, mais les coûts moyens d'honoraires dans les dossiers
d'immigration...
M. Buron (Denis): II faudrait demander à l'aide juridique
elle-même de nous donner les chiffres, parce que ces chiffres-là
sont tirés du document de consultation. C'est le coût total en
matière d'immigration...
Mme Caron: C'est ça. Les mêmes chiffres...
M. Buron (Denis): ...divisé par le nombre de dossiers.
Mme Caron: ...que ce qu'on retrouve...
M. Buron (Denis): Exactement. Je ne les ai pas inventés,
ces chiffres-là, je m'en suis servi pour la démonstration d'une
diminution de coûts par rapport à la diminution du nombre de
dossiers, sans plus. Le coût réel par dossier, maintenant, je
l'ignore.
Mme Caron: Les dossiers que vous traitez, vous, à peu
près.
M. Buron (Denis): Ça varie quand même d'un dossier
à l'autre, et c'est pour ça que j'hésite à
répondre, parce que le tarif de l'aide juridique, comme vous le savez
fort bien, est à l'acte, finalement. Et, en matière
d'immigration, on pense à des demi-journées en particulier, et un
dossier complexe pourra nécessiter plusieurs demi-journées, un
dossier plus simple pourra nécessiter peut-être une heure
d'audition. Dans ce cadre-là, c'est difficile, je pense, sans
s'aventurer, de donner un coût moyen par dossier ou de donner un revenu
moyen par dossier.
Mme Caron: Le coût le plus faible et le coût le plus
élevé?
Le Président (M. Parent): Je vous rappelle... M. Buron
(Denis): Le coût le plus faible...
Le Président (M. Parent): ...que la période est
terminée. Finissez la réponse.
Mme Caron: Le plus faible et le plus élevé?
Mme Arpin (Danielle): Le plus élevé, on ne peut pas
vous donner un chiffre précis, parce que la situation sera de
comptabiliser les demi-journées, demi-journées qui sont
évaluées actuellement selon le tarif expiré depuis avril
1992, mais avec lequel nous vivons toujours; il est de 136,50 $ par
demi-journée. Mais, par contre et là, vous ferez le
calcul, si on fait deux demi-journées ou quatre demi-journées
toute la partie que je vous exposais tantôt, la préparation
du formulaire et les nombreuses heures qui sont afférentes à
cette tâche, tout comme la préparation de l'audition, aussi
nombreuses heures afférentes à cette pratique, à cet
élément de la situation, représentent un seul montant de
260 $.
M. Buron (Denis): Si vous me permettez, je vais répondre
à votre question d'une autre façon. Plutôt que de vous
donner le plus bas et le plus élevé, je vais vous donner des
statistiques que j'ai tenues pendant très longtemps dans mon bureau,
pour fins personnelles. Je compilais, comme tout avocat devrait peut-être
le faire, le nombre d'heures que je passe dans un dossier, même si l'aide
juridique n'est pas facturée à l'heure, et je comparais avec le
paiement final. Je peux vous dire ceci: Dans les dossiers simples, donc les
dossiers dans lesquels j'ai peu de travail à faire, je faisais des
honoraires moyens de 50 $ par heure. Dans les dossiers complexes, les dossiers
qui demandent beaucoup de travail et beaucoup d'heures de préparation et
d'audition, peut-être 10 $ l'heure. Je ne connais pas beaucoup d'avocats
qui chargeraient un tel tarif dans le privé.
Le Président (M. Parent): Merci, M. Buron. Mme Caron:
Merci beaucoup.
Le Président (M. Parent): Mme la députée, en
conclusion.
Mme Caron: Je vous remercie beaucoup, Me Buron, Me Arpin, pour
votre présence et pour les informations supplémentaires que vous
avez ajoutées à votre mémoire et à votre addenda,
qui était déjà très complet. Merci beaucoup.
Le Président (M. Parent): M. le ministre, en conclusion de
cette dure journée de travail, nous vous écoutons.
M. Lefebvre: Merci, M. le Président. J'ai les chiffres,
ici, concernant la question de Mme la députée de Terrebonne. Sous
l'ancienne loi, là, en matière d'immigration, on a fait des
évaluations de tout ça, la pratique privée, ça
coûtait plus ou moins 785 $ par dossier, en moyenne; et, au niveau des
avocats permanents, 485 $ par dossier. Sous la nouvelle loi, la pratique
privée, plus ou moins 460 $, permanent, plus ou moins 325$.
Je retiens, Me Arpin et Me Buron, de votre mémoire et de votre
exposé, que, dans un premier temps, vous plaidez qu'on doit, en vertu de
décisions de la Cour suprême, de la Charte canadienne, fournir aux
revendicateurs du statut de réfugié et également aux
immigrants... Vous avez fait des nuances, Me Buron, que j'aurais aimé
discuter avec vous si on avait eu un peu plus de temps là, mais vous
arrivez à la conclusion que, juridiquement, constitutionnellement,
légalement, on doit donner des services d'aide juridique, que les
services d'aide juridique doivent être fournis à ces
gens-là. Ça, c'est un des éléments majeurs de votre
mémoire.
Votre deuxième élément tourne autour de la
couverture des services. Ce que vous nous dites: N'intervenez pas au niveau de
la couverture de services; vous donnez les services ou vous ne les donnez pas
du tout. C'est ce que je comprends de votre mémoire. Alors,
essentiellement, ce que vous nous suggérez, dans votre secteur
d'activité, c'est le statu quo. Et, comme vous ne dites pas un seul mot
sur les honoraires, je comprends que votre silence doit être
interprété comme le grand principe en droit: qui ne dit mot
consent.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lefebvre: Ajouté à quasiment l'assentiment que
vous m'avez donné sur le statu quo quant à l'ensemble, j'ai envie
de tirer la conclusion que vous êtes relativement satisfaits des
honoraires, du tarif d'aide juridique, contrairement à d'autres avocats
en matière de droit du travail qui étaient beaucoup plus
revendicateurs à ce niveau-là. Vous avez envie de réagir,
Me Arpin?
Mme Arpin (Danielle): Oui, oui.
Le Président (M. Parent): Mme Arpin, je vous...
M. Lefebvre: Alors, vous savez...
Le Président (M. Parent): ...laisse réagir pour une
minute, mais je vous dis immédiatement que vous n'êtes pas...
M. Lefebvre: ...il y a une règle qui veut qu'un avocat ne
pose jamais une question à moins d'être sûr de la
réponse. J'ai pris un risque volontaire, je voulais vous entendre.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Arpin (Danielle): Simplement pour vous dire que, de ce qu'on
savait du forum aujourd'hui ou du lieu, ce n'était pas l'endroit pour
parler de négociations du tarif. Et, ne vous inquiétez pas, M. le
ministre, nous avons des représentations solides à faire à
ce sujet.
M. Lefebvre: Merci.
Mine Arpin (Danielle): Aujourd'hui, nous étions ici pour
parler de la couverture.
M. Lefebvre: Je l'apprécie, madame. Merci Me Arpin, merci
Me Buron.
Le Président (M. Parent): Merci Mme Arpin, merci, M.
Buron.
Alors, l'ordre du jour étant épuisé, cette
commission ajourne ses travaux à demain, 10 heures, au même
endroit, et je remercie tous les participants.
(Fin de la séance à 21 h 59)