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(Dix heures onze minutes)
Le Président (M. Bradet): Alors, bienvenue à la
commission des institutions. Je constate le quorum et je déclare donc la
séance ouverte, vous rappelant le mandat de la commission, qui est de
procéder à une consultation générale et de tenir
des auditions publiques sur le régime d'aide juridique et sur le
document intitulé «L'aide juridique au Québec: une question
de choix, une question de moyens».
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Camden
(Lotbinière) remplace M. Benoit (Orford); M. Philibert
(Trois-Rivières) remplace M. Fradet (Vimont); M. Bradet (Charlevoix)
remplace M. Parent (Sauvé); Mme Carrier-Perreault (Les
Chutes-de-la-Chaudière) remplace M. Boulerice (Sainte-Marie
Saint-Jacques); M. Ménard (Laval-des-Rapides) remplace M. Godin
(Mercier).
Le Président (M. Bradet): Alors, je vous donné
lecture de l'ordre du jour. À 10 heures, nous aurons l'Association
féminine d'éducation et d'action sociale; à 11 heures, le
Réseau d'action et d'information pour les femmes; suspension de 12
heures à 14 heures. À 14 heures, on reprend avec le Curateur
public; à 15 heures, l'Association pour le recouvrement des pensions
alimentaires; à 16 heures, la Fédération des associations
de familles monoparentales du Québec; à 17 heures, le
Regroupement inter-organismes pour une politique familiale au Québec.
Nous suspendons de 18 heures à 20 heures. À 20 heures, le Groupe
d'entraide aux pères et de soutien à l'enfant; à 21
heures, l'Union Nationale; et l'ajournement à 22 heures.
Est-ce qu'on adopte l'ordre du jour?
Des voix: Adopté.
Auditions
Le Président (M. Bradet): Adopté? Ça va.
Alors, nous allons commencer avec le premier organisme qui est l'Association
féminine d'éducation et d'action sociale. Je vous demanderais,
mesdames, de... Et je vous souhaite la bienvenue à cette commission.
Alors, Mme la présidente, Mme Jacqueline Nadeau-Martin, je vous
souhaite la bienvenue. Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour nous
faire la présentation de votre mémoire et, ensuite, il y a 40
minutes de discussion avec les deux formations. Et je vous demanderais, au
préalable, si vous voulez, de nous présenter les gens qui vous
accompagnent et, tout de suite après, de commencer votre
présentation.
Association féminine d'éducation et
d'action sociale (AFEAS)
Mme Nadeau-Martin (Jacqueline): Alors, M. le Président,
membres de la commission, j'aimerais peut-être que mes compagnes se
présentent elles-mêmes.
Mme Houle-Ouellet (Michelle): Alors, bonjour. Michelle
Houle-Ouellet. Je suis chargée du plan d'action à l'AFEAS.
Mme Rodrigue (Patricia): Je suis Patricia Rodrigue, avocate, et
j'ai agi comme personne-ressource auprès de l'AFEAS.
Le Président (M. Bradet): Bienvenue.
Mme Nadeau-Martin (Jacqueline): Merci. Alors, l'Association
féminine d'éducation et d'action sociale regroupe 25 000 femmes
réparties en 500 groupes locaux à travers le Québec.
L'AFEAS poursuit sans relâche son action d'éducation et de
sensibilisation. Elle pilote aussi de grands dossiers, reflets des
réalités sociales québécoises. Il y a plus de 20
ans, notre association faisait connaître à ses membres le tout
nouveau régime d'aide juridique. Nous tenons à transmettre notre
satisfaction générale pour les services offerts depuis cette
époque. Cependant, l'effritement qu'a subi le programme depuis son
établissement a grandement compromis les objectifs qui étaient
alors visés. Alors, on souhaite que les commentaires et les
recommandations formulés au nom des 25 000 membres soient entendus,
écoutés et pris en considération.
Alors, la mise sur pied du programme d'aide juridique, en 1972, a
contribué à l'égalité des personnes devant la loi.
Pour nous, à l'AFEAS, l'existence du programme d'aide juridique ne doit
pas être remise en cause. Cependant, à cause de l'effritement
graduel de l'admissibilité et à cause des coûts sans cesse
croissants des procédures judiciaires, nous jugeons nécessaire
que certaines règles de ce régime soient révisées,
en termes de l'accès à l'aide juridique, des seuils
d'admissibilité, des critères d'admissibilité, des
services offerts et de l'organisation du régime.
En ce qui concerne l'accès à l'aide juridique, ce que nous
voulons dire, c'est vraiment que tous les citoyens et citoyennes
défavorisés, partout à travers le Québec,
représentent pour nous un élément essentiel qui
doit caractériser le programme d'aide juridique. Même s'il
ne peut y avoir des bureaux de l'aide juridique dans toutes les
municipalités du Québec, il est important que la population
vivant en dehors des grands centres soit desservie. Pour nous, ces
contribuables ont aussi les mêmes besoins réels face
«à la reconnaissance, à la revendication et à la
défense de leurs droits». Donc, il est nécessaire
d'informer la population qui n'est pas directement desservie par les services
offerts de l'aide juridique sur son fonctionnement, ainsi que sur la
manière d'y avoir accès. Donc, que ce soit l'accessibilité
de l'ensemble du Québec.
Concernant l'accès à l'aide juridique des organismes sans
but lucratif, actuellement, les groupes et les corporations sans but lucratif
sont pratiquement exclus de l'aide juridique. Ces organismes sont souvent
composés de bénévoles qui individuellement ne sont pas
nécessairement admissibles à l'aide juridique, exigence requise
pour bénéficier des services offerts. Cependant, ces
bénévoles ne peuvent, non plus, être contraints d'assurer
les coûts des démarches judiciaires effectuées au nom de
leur groupe ou de ses membres.
Les organismes sont ainsi privés de recours parfois
indispensables pour faire valoir leurs droits, ceux de leur clientèle ou
pour défendre une cause type en lien avec les objectifs poursuivis. Pour
corriger cette situation, l'aide juridique doit être offerte aux
organismes voués à la défense des clientèles
défavorisées ou discriminées dans leurs droits. Il est
important que des associations comme la nôtre, qui militent pour
l'égalité des droits pour les femmes, soient admissibles à
l'aide juridique.
Alors, ce qu'on veut, c'est que, comme groupe ou association sans but
lucratif, lorsque, d'une part, les ressources financières de ce groupe
ou de cette association sont insuffisantes, et ce, sans égard aux
ressources financières de ses membres et lorsque, d'autre part,
l'objectif poursuivi par ce groupe ou cette association est de venir en aide
aux personnes économiquement défavorisées ou
discriminées et de défendre leurs droits le but du service
demandé doit être en relation avec l'objectif poursuivi que
ces groupes ou associations puissent non seulement obtenir l'aide juridique
pour des mandats en demande en défense, mais aussi pour des mandats de
recherche ou pour établir des causes types.
Les seuils d'admissibilité. L'AFEAS considère qu'une
révision des seuils d'admissibilité à l'aide juridique
s'impose, ceci pour répondre à l'objectif initial qui visait
à rendre la justice accessible aux personnes financièrement
démunies. On semble prendre pour acquis qu'à la base même
le système est bon et fonctionne relativement bien dans son ensemble.
Mais, là où le bât blesse davantage, c'est au niveau des
critères économiques d'admissibilité à l'aide
juridique. On sait que le rapport Macdonald, les consultations, tous
demandaient l'actualisation des seuils d'admissibilité qui stagnent
depuis plusieurs années.
Alors, l'AFEAS partage ce point de vue et les membres de notre
association souhaitent l'élargissement des seuils
d'admissibilité. Nous réclamons le maintien du principe de la
gratuité pour au moins la clientèle qui était admissible
en 1972 et, idéalement, pour toute la portion de la population dont les
revenus se situent en deçà du seuil de faible revenu de
statistique canada. nous sommes également favorables à
l'instauration d'une contribution financière progressive en fonction des
revenus et de la situation familiale pour une autre partie de la population,
celle dont les revenus se situent jusqu'à 120 % du maximum des gains
admissibles. (10 h 20) les femmes se retrouvent en majorité dans la
population la plus pauvre. il est, en effet, reconnu que la pauvreté se
féminise. «en 1987, au canada, plus d'un million et demi de femmes
étaient économiquement faibles. entre 1971 et 1986, le nombre de
femmes pauvres s'est accru de 100 % comparativement à 24 % chez les
hommes. les revenus des femmes sont moins élevés que ceux des
hommes: une femme ne touche que 65,9 cents pour chaque dollar gagné par
un homme. la présence des femmes sur le marché du travail est
moins forte et elles y occupent plus souvent des emplois à temps
partiel. le salariat économiquement faible s'accroît cinq fois
plus rapidement chez les femmes que chez les hommes. même si elles
occupent des emplois à temps plein, à temps partiel ou
saisonniers, 600 000 femmes vivent sous le seuil de la pauvreté.
à la retraite, leurs rentes reflètent cette situation. par
ailleurs, 85 % des familles monoparentales ont à leur tête une
femme et près de 60 % d'entre elles vivent sous le seuil de la
pauvreté.» pour nos membres, la gratuité totale devrait
s'appliquer «minimalement» à toutes les femmes et à
tous les hommes dont les revenus se situent en deçà de 80 % du
maximum des gains admissibles. au fil des années, c'est une partie
importante de cette clientèle, rejointe au moment de l'instauration du
régime, qui en a été exclue. il importe de corriger cette
situation. de plus, aucune contribution, aucun ticket modérateur, frais
d'ouverture de dossier ou autres ne devraient être imposés
à la clientèle admise gratuitement à l'aide juridique.
Les statistiques le démontrent: la classe moyenne s'appauvrit. La
clientèle à revenus moyens n'a pas, non plus, les moyens de
défendre ses droits et d'entreprendre des recours légaux aux
coûts actuels de ceux-ci. La présence d'enfants ne doit pas
être, non plus, une barrière à l'admissibilité. On
sait que le régime québécois est le régime qui
présente le seuil d'admissibilité le moins élevé
pour les couples avec deux enfants, et cette situation n'est pas
acceptable.
Alors, pour la clientèle qui se situe à 120 % du MGA,
l'AFEAS préconise une ouverture du régime qui lui permette
l'accès à l'aide juridique, quitte à devoir
progressivement, selon le revenu et en tenant compte de la situation familiale,
rembourser une partie, jusqu'à totalement, des frais à 120 % du
MGA.
Alors, je pense, que ça va pour les recommandations qui suivent.
Sur les critères d'admissibilité, je vais laisser ma compagne
faire le travail.
Mme Houle-Ouellet (Michelle): Alors, le premier point, la
période de référence. La méthode actuellement
utilisée pour déterminer l'admissibilité à l'aide
juridique, pour nous, on pense qu'elle représente mal la situation
financière de la personne qui est requérante. Alors, nous pensons
qu'il y aurait avantage à tenir plutôt compte du revenu sur une
base annuelle et en se basant sur la déclaration de revenus de
l'année précédente. Il va sans dire qu'il appartiendrait,
cependant, à la personne qui traite la demande de tenir compte des
changements qui auraient pu être significatifs dans la situation
financière de la personne. Alors, c'est pourquoi l'AFEAS recommande que
l'évaluation de l'admissibilité à l'aide juridique soit
établie sur la base des revenus de l'année
précédente.
Les besoins spécifiques. Les familles ne doivent pas être
pénalisées en regard de leur admissibilité à l'aide
juridique. Il nous apparaît inadmissible que des avantages, des mesures
offertes par les gouvernements, soient pris en considération, là,
quand on considère le revenu de la personne. Alors, c'est pourquoi les
avantages tels que les allocations familiales, les autres allocations ou
crédits destinés à reconnaître le rôle des
parents ou la présence des enfants, à notre avis, ne devraient
pas être inclus dans le revenu de la personne. Ces mesures offrent un
soutien aux parents et elles constituent un avantage financier qui leur est
offert en guise de soutien. Alors, ça ne devrait pas, d'autre part, les
défavoriser dans un accès à l'aide juridique.
Il en est de même des autres avantages fiscaux comme remboursement
d'impôts fonciers, crédit pour taxe de vente accordés, par
exemple, aux personnes défavorisées ou âgées ou
à d'autres clientèles. Il serait incohérent qu'en
s'ajoutant aux revenus ces sommes accordées à titre de soutien
financier contribuent à priver ces mêmes personnes de
l'accès à l'aide juridique. Alors, on recommande donc que soient
exclus du calcul du revenu aux fins de l'admissibilité à l'aide
juridique les allocations familiales, le crédit d'impôt pour
enfants, les allocations pour jeunes enfants, les allocations de naissance, la
somme perçue à titre de remboursement d'impôts fonciers,
les allocations du programme Logi-rente, le crédit fédéral
pour taxe de vente, de même que les sommes perçues par une famille
d'accueil pour assumer la responsabilité d'un adulte ou d'un enfant.
La détermination de la clientèle. Nous avons
déjà signifié notre accord sur le principe de
l'élargissement du seuil d'admissibilité au régime pour
rejoindre une plus grande partie de la population qui ne peut défendre
ses droits. En effet, ce ne sont pas seulement les personnes sous le seuil de
faibles revenus de Statistique Canada qui sont privées d'accès
à la justice; les personnes à revenus moyens en sont
également privées. Par contre, pour ce qui est de la formule
à utiliser pour déterminer l'admissibilité et la
contribution requise de la personne tel que nous le proposons, nous n'avons pas
de proposition particulière à ce niveau, mais nous souhaitons,
par ailleurs, que la formule qui sera retenue soit compréhensible,
qu'elle s'administre facilement, d'une façon qui soit facile à
expliquer au contribuable, puis à la personne requérante sans
occasionner des frais exagérés.
Alors, en résumé, on propose que les formules retenues
pour déterminer les seuils d'admissibilité soient facilement
compréhensibles par la population et qu'il soit possible de les
administrer sans occasionner une hausse supplémentaire ou importante des
coûts de l'aide juridique.
L'indexation. Bien, de façon à ne pas revivre la perte
d'admissibilité qu'il y a eu depuis la fondation de l'aide juridique,
l'AFEAS recommande que les seuils d'admissibilité soient indexés
automatiquement et annuellement au coût de la vie.
Alors, je laisse ma compagne terminer.
Le Président (M. Bradet): Merci, Mme Ouellet.
Mme Nadeau-Martin (Jacqueline): Alors, les services offerts. La
couverture actuelle des services par l'aide juridique doit être maintenue
intacte. Comme il est cité dans le rapport Macdonald, les membres de
l'AFEAS reconnaissent que «l'étendue de la couverture des services
constitue l'un des fondements du régime québécois d'aide
juridique et l'une de ses plus grandes caractéristiques».
«Tout citoyen a le droit de connaître ses droits, sans exception,
et de les faire reconnaître par les tribunaux. Comment faire un choix
entre les droits essentiels et ceux qui ne le sont pas? On ne peut envisager
d'effectuer des coupures vis-à-vis les services les plus importants,
selon l'utilisation faite par la clientèle.» Alors, on partage les
mêmes intentions que le groupe de travail d'«assurer
l'accessibilité à la justice à toutes les personnes
économiquement défavorisées et à une justice qui
soit la même pour tout citoyen». Alors, on maintient la couverture
actuelle des services offerts à l'aide juridique.
L'organisation du régime. Alors, on distingue deux volets aux
services d'aide juridique. Le réseau d'aide juridique traite l'ensemble
des demandes qui lui sont présentées. Pourtant, des distinctions
existent quant à leur nature. Il serait certainement possible de tenir
compte de ces différences dans l'organisation des services. Ainsi
pourrait être maintenu le choix offert au bénéficiaire
entre un avocat ou un notaire de l'aide juridique ou ceux de pratique
privée pour toutes les demandes qui nécessitent une
représentation devant les tribunaux. Par contre, quand il s'agit de
répondre aux demandes d'information sur des aspects légaux, le
personnel de l'aide juridique pourrait en être responsable; de
même, dans les circonstances où une représentation doit
être faite pour régler des litiges devant une instance où
la présence d'un avocat n'est pas indispensable.
Alors, deux volets: un premier ayant pour fonction d'assurer la
représentation des bénéficiaires devant les tribunaux et
le deuxième ayant pour fonction de conseiller ou d'informer les
bénéficiaires ou de les assister dans leurs démarches
auprès des instances où la représentation des parties
n'est pas du ressort exclusif d'un avocat.
Ensuite, le libre choix. Alors, depuis la mise sur pied de l'aide
juridique, les bénéficiaires peuvent choisir l'avocat ou le
notaire de leur choix pour les assister dans leurs démarches. Un tel
choix peut être nécessaire à cause de la nature de la cause
ou pour respecter les rapports qui s'établissent entre client et
professionnel. Ce mode de fonctionnement est aussi vu comme une garantie de la
qualité des services offerts par l'aide juridique comparativement avec
le secteur privé. Alors, le libre choix du juriste est un principe
à maintenir dans le système québécois d'aide
juridique. On dit même que ça devrait être un principe
fondamental du programme de l'aide juridique.
La représentation de la population. À l'intérieur
du système d'aide juridique existent des instances administratives
diverses: conseils d'administration, comités, commissions ou autres.
Nous souhaitons que des personnes représentant la population et plus
spécifiquement les besoins des femmes siègent à ces
instances afin de transmettre les besoins de ces clientèles et de
manière à défendre spécifiquement leurs
intérêts. Donc, c'est pourquoi on préconise qu'aux
instances administrées par un conseil d'administration des sièges
soient prévus pour une représentante ou un représentant de
la population et une représentante des intérêts des femmes.
(10 h 30)
En conclusion, pour nous, l'aide juridique doit assurer
l'accessibilité à la justice à toutes les personnes
économiquement défavorisées et à une justice qui
soit la même pour tout citoyen, permettre à la classe moyenne qui
s'appauvrit d'avoir accès à l'aide juridique et offrir une
nouvelle voie d'accès à la justice pour les personnes
défavorisées ou discriminées par le biais des groupes ou
corporations sans but lucratif. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bradet): Alors, merci beaucoup, Mme la
présidente. Nous en sommes donc à la période
d'échanges avec les parlementaires et j'inviterais le ministre de la
Justice.
M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Mme la
présidente, je veux vous saluer, Mme Martin, Mme Ouellet et Me Rodrigue,
et vous souhaiter la bienvenue à cette commission des institutions qui
traite d'un sujet qui est extrêmement important pour tous les
Québécois et toutes les Québécoises, et vous
remercier aussi pour le mémoire que l'AFEAS nous a soumis, un
mémoire qui, comme beaucoup d'autres mémoires d'ailleurs, comme
à peu près tous les mémoires, est extrêmement bien
fait, mais qui touche un point qui est très particulier: l'aide
juridique en regard particulièrement, là, de la femme au
Québec.
L'AFEAS regroupe plus ou moins, Mme la présidente, 25 000
membres, je crois, au Québec et on me dit qu'il y aurait 500 groupes ou
à peu près, là, au Québec, 500 corporations locales
de l'AFEAS, si on veut. Je dois vous dire que vous êtes très
actives dans mon beau comté, moi, dans la région de l'amiante. Je
voudrais, dans un premier temps, vérifier s'il y a des régions au
Québec où l'AFEAS n'est pas présente, n'est pas
représentée localement. Est-ce qu'il y a de ces régions au
Québec?
Mme Nadeau-Martin (Jacqueline): Avec 500 groupes locaux, je pense
que l'AFEAS envahit le territoire du Québec. Ha, ha, ha!
M. Lefebvre: Vous faites le tour du Québec?
Mme Nadeau-Martin (Jacqueline): Oui, on fait le tour du
Québec. On a 13 régions. Alors, on couvre de la Côte-Nord
à l'Abitibi, jusqu'à Saint-Jean, Longueuil, Valleyfield,
là, et Bas-Saint-LaurentGaspésie, donc...
M. Lefebvre: Vous dites, et on sait que c'est effectivement le
cas: Une des responsabilités, un des rôles que s'est donnés
l'AFEAS depuis toujours, c'est d'informer, de sensibiliser sa clientèle
et la population en général également à toutes
sortes de questions d'ordre social. Est-ce que, à l'intérieur de
l'AFEAS, il y a des gens, chez vous, qui donnent de l'information en regard du
système d'aide juridique au Québec?
Mme Nadeau-Martin (Jacqueline): Bon, dans les groupes locaux, ce
qu'elles font, lorsqu'elles n'ont pas l'information, elles font venir... Elles
ont beaucoup accès aux services d'aide juridique pour de l'information,
et c'est fait à titre gratuit, là. Elles vont demander quelqu'un.
Des fois, c'est par une connaissance ou autre. L'AFEAS, comme telle, pourrait
préparer comme un dossier d'étude, là, en ce qui concerne
l'aide juridique, mais, lorsque c'est très pointu, là, elles vont
faire venir quelqu'un.
M. Lefebvre: Sur des points plus particuliers, vous faites venir
des personnes...
Mme Nadeau-Martin (Jacqueline): Sur des points particuliers, une
personne-ressource...
M. Lefebvre: Une personne-ressource.
Mme Nadeau-Martin (Jacqueline): ...qui peut être de l'aide
juridique. Ça peut être aussi une avocate de pratique
privée, là.
M. Lefebvre: Quelle est, Mme la présidente, votre opinion
sur la perception, la connaissance qu'ont les femmes qu'on retrouve à
l'intérieur de l'AFEAS en regard du régime d'aide juridique au
Québec? Est-ce que, dans un premier temps, la majorité des femmes
qui se retrouvent à l'AFEAS savent que ça existe, l'aide
juridique? Est-ce que le régime est bien compris?
Mme Nadeau-Martin (Jacqueline): Pour savoir que ça existe,
oui.
M. Lefebvre: En général, c'est oui.
Mme Nadeau-Martin (Jacqueline): En général, les
gens savent... D'ailleurs, nous, notre mission d'éducation...
M. Lefebvre: Oui.
Mme Nadeau-Martin (Jacqueline): ...c'est d'informer nos femmes,
de les sensibiliser, de leur dire: Vous pouvez aller là. Mais on ne va
pas dans des causes très précises, là. On ne prend pas de
dossier particulier, sauf qu'on leur dit: II y a des informations. Vous pouvez
aller voir à l'aide juridique si vous êtes admissibles, surtout
celles qui sont monoparentales, qui sont sur l'aide sociale ou des choses comme
ça. Mais il reste que je ne dirais pas que tout le monde connaît
quels sont tous les services auxquels il pourrait avoir accès à
l'aide juridique. Là, je ne pourrais pas dire que tout le monde, dans
les 25 000 membres, les connaît, non.
M. Lefebvre: Peut-être une question que je voudrais
adresser à Me Rodrigue. Est-ce que vous croyez qu'on devrait, au niveau
du système d'aide juridique, insister un peu plus sur la première
démarche, qui en est une d'information? Il y a l'étape de
l'information, puis l'étape de la judiciarisation, là. Est-ce que
vous êtes d'opinion qu'on devrait insister un peu plus, au niveau de la
structure du régime d'aide juridique, sur l'information qu'ont les
justiciables, qu'ils soient ou pas à l'intérieur de l'AFEAS,
hommes ou femmes, quant aux droits qu'ils ont, à la façon de les
exercer, et pas nécessairement au détriment de l'autre volet qui
est la représentation devant les tribunaux, là? Mais est-ce que
le système d'aide juridique, selon vous, pourrait être
amélioré à ce niveau-là?
Mme Rodrigue (Patricia): Tout à fait. Je pense que ce
serait une très bonne façon de prévenir des litiges et des
problèmes à tous les niveaux. Personnellement, j'étais
membre de l'AFEAS, moi, à Ascot Corner, et les femmes m'ont
demandé, à un moment donné, de donner une séance
d'information sur divers dossiers de la condition féminine. Et ça
a été très, très apprécié, bien que
nous n'étions pas nombreuses. En fin de compte, l'AFEAS, à Ascot
Corner, c'était rendu un petit groupe seulement, là, mais j'ai eu
énormément d'appels, après, de gens qui étaient
très, très intéressés, très contents d'avoir
eu ces informations-là et qui démontraient de
l'anxiété face à certains problèmes. Et, en
même temps, je les ai informés sur l'existence de l'aide juridique
et leur façon d'aller vérifier leur admissibilité.
Ça a été très apprécié. Dans un autre
mouvement aussi, un groupe de femmes m'a demandé ça. Et je me
rends compte que les gens ne sont vraiment, mais vraiment pas informés.
L'autre groupe de femmes, on était 60, et il y a eu une longue
période de questions.
M. Lefebvre: À la page 5 de votre mémoire, vous
suggérez qu'on puisse obtenir l'aide juridique pour des mandats de
recherche et pour des causes types. Je ne sais pas si je m'adresse à Mme
la présidente ou à Me Rodrigue ou à Mme Ouellet, mais je
voudrais avoir votre avis là-dessus. Comment en êtes-vous
arrivées à faire cette suggestion-là? C'est une analyse
que vous avez faite sur le terrain, que ça pourrait être utile,
ça?
Mme Nadeau-Martin (Jacqueline): Par expérience
personnelle, je faisais partie d'un groupe, et on m'a dit: Est-ce qu'on devrait
s'incorporer? Est-ce qu'on devrait rester un groupe qui a deux activités
par année? On «a-tu» besoin de se protéger, etc.?
Personnellement, je ne pouvais pas être admissible à l'aide
juridique, et on avait besoin... C'est un groupe qui débutait et qui
n'avait pas un sou, qui commençait. Et on a dit: La porte, c'est l'aide
juridique. Quand nous sommes arrivées à l'aide juridique, on nous
a dit: Vous n'êtes pas admissibles, ni l'une ni l'autre. Mais, comme on
connaissait bien la personne, elle nous a dit: On va vous donner les
renseignements pareil. Automatiquement, on se disait: Comment un groupe peut
arriver à avoir des connaissances de ce côté-là,
s'il faut qu'il aille payer? C'étaient les bénévoles qui
auraient dû payer une consultation dans un cabinet privé ou
ailleurs ou à l'aide juridique parce que le groupe, comme tel, n'y avait
pas accès.
Et, si on pense à des causes types, par exemple, quand il y a eu
les critères d'aide sociale qui ont été ajoutés...
À un moment donné, il y a eu la réforme de l'aide sociale
et on a mis des critères. Il y a des gens qui se sont sentis
lésés de ce côté-là, et tout le monde aurait
pu, un derrière l'autre, dire: On va aller à l'aide juridique
pour ça. Mais, si le groupe avait pris en charge cette cause-là,
il aurait pu faire poursuivre l'information à l'aide juridique et avoir
les connaissances. Donc, à une association comme la nôtre,
dépendamment des budgets, on pourrait dire: Bien, vous n'y avez pas
accès ou vous y avez accès. Nous autres, on dit qu'on devrait y
avoir accès pour permettre de faire avancer des dossiers de condition
féminine discriminés.
M. Lefebvre: Mais...
Mme Nadeau-Martin (Jacqueline): Peut-être que Michelle
pourrait ajouter des choses.
Mme Houle-Ouellet (Michelle): Oui. C'est là-dessus que je
voulais compléter. Avec les objectifs qu'une association comme la
nôtre poursuit, on traite des dossiers qui sont très
variés. On pense aux pensions alimentaires, on pense à tous les
droits qui sont mis en jeu dans les causes qu'on traite:
assurance-chômage, aide sociale. Éventuellement, ça peut
être important pour nous de pouvoir faire des causes types parce que ce
qu'on remarque, c'est que, même si des femmes sont lésées
dans leurs droits, individuellement elles n'auront pas toujours le courage de
débattre leur cause. Elles n'auront pas toujours la préparation
nécessaire, ni l'argent pour le faire, et c'est seulement soutenues par
un organisme qu'elles voudront s'impliquer pour la faire avancer. Alors, c'est
pour ça qu'on trouve que c'est
important que des associations comme les nôtres aient
éventuellement le privilège de pouvoir avoir accès
à l'aide juridique parce que c'est évident que, comme groupe,
organisme à but non lucratif, on n'a pas les moyens de débattre
de telles causes, de défendre de telles causes dans les conditions
actuelles. (10 h 40)
M. Lefebvre: Merci, Mme Ouellet. Je vais laisser la parole
à mes collègues de l'Opposition.
Le Président (M. Bradet): Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, Mme
Nadeau-Martin, Mme Houle-Ouellet et Me Rodrigue, nous avons vraiment
apprécié la qualité de votre mémoire. Nous
apprécions beaucoup votre présence. Les AFEAS font effectivement
un travail remarquable au niveau local, dans les 500 groupes, parce que c'est
vraiment un travail de base, un travail d'information, un travail de
réflexion aussi sur tous les dossiers prioritaires des femmes au
Québec. Et elles font aussi un travail remarquable à
l'échelle nationale parce que vous prenez des positions, vous faites des
revendications au nom de l'ensemble des femmes. Et on vous a vues très
souvent, dans les commissions parlementaires, venir les défendre. Moi,
j'ai beaucoup d'admiration pour tout le travail que vous faites, et il se fait
vraiment sur tous les plans.
Lorsque vous dites, dans votre mémoire, et c'est une triste
réalité, que «la pauvreté se féminise»,
c'est vrai. À 85 %, ce sont des femmes chefs de familles monoparentales
et 60 % vivent sous le seuil de la pauvreté. Et, lorsqu'on
décortique encore un petit peu plus, on s'aperçoit que la
très grande majorité, c'est aussi des femmes de moins de 30 ans.
Et ça, c'est dramatique pour les femmes qui, depuis des années et
des années, luttent justement pour que les femmes ne se retrouvent pas
mal prises dans cette situation-là, peu importe ce qui arrive de leur
situation familiale. Et on s'aperçoit, après autant
d'années, qu'on a un peu un échec du côté des femmes
de moins de 30 ans parce qu'on n'a pas réussi à les convaincre de
l'importance de pouvoir arriver à avoir une certaine formation et
à pouvoir aller un petit peu plus loin. Moi, je vous avoue que ça
m'inquiète énormément, et il va falloir qu'on prenne
certaines mesures, autant au niveau de nos écoles et un petit peu
partout, pour arriver à corriger ça.
J'ai beaucoup de questions sur ce que vous faites comme propositions.
Alors, je vais peut-être commencer à la page 3, lorsque vous nous
parlez des régions éloignées, qu'il est important qu'on
puisse répondre aux besoins exprimés dans toutes les
régions. À votre connaissance et là, votre
mémoire me suscite une question est-ce qu'il y a des
régions qui sont pénalisées, actuellement, au niveau des
services d'aide juridique?
Mme Nadeau-Martin (Jacqueline): On sait qu'il y a 11 centres
d'aide juridique, quand on regarde dans ce qu'on nous a donné comme
informations, le document de travail. Nous autres, ce qu'on voulait dire par
cette proposition-là, c'est que ce n'est pas nécessaire qu'on
mette des bureaux d'aide juridique partout parce que, souvent, on est
porté à vouloir avoir son bureau de poste et avoir ci et avoir
ça partout. Ce n'est pas ça qu'on dit. Ce qu'on dit, c'est qu'il
y ait un endroit où les personnes puissent avoir accès, que
l'information soit facile, que ce soit compréhensible et qu'on puisse
référer facilement à l'aide juridique, lorsqu'on a des
besoins. Donc, ce n'est pas dans le sens d'avoir ça partout. Je ne peux
pas vous dire, on n'a pas vérifié cette question-là
auprès de nos membres, mais ce qu'on veut vraiment dire, c'est que ce
n'est pas obligatoire, mais que ce soit accessible. C'est surtout en termes
d'accessibilité, en termes d'information, qu'il y ait possibilité
de consultation et que ce soit assez rapide. Ne pas être obligées
de partir du Bas-du-Fleuve et de s'en venir à Québec pour avoir
de l'information ou des choses semblables.
Mme Caron: Moi, je posais la question parce que, dans une
tournée régionale que j'ai faite, certains groupes de femmes
m'ont fait des revendications là-dessus, qu'il manquait parfois des
points de services. Par exemple, dans le comté de Lotbinière, on
me disait et il y avait même une possibilité de local
au niveau des corporations régionales, que, parfois, outre le
bureau d'aide juridique, on offre certains points de services, par exemple,
dans les CLSC et tout ça, une journée-semaine ou autre, pour
faciliter. Je pense que votre demande est dans ce sens-là.
Mme Nadeau-Martin (Jacqueline): Quand on parle
d'accessibilité, ça n'a pas besoin d'être toute une
charpente, une structure, mais, au moins, qu'il y ait possibilité
d'accès.
Mme Caron: Tout au long de votre mémoire, on sent une
préoccupation pour ouvrir davantage le système pour que la
justice soit effectivement égale pour tous et toutes. Vous parlez, en
page 7 de votre mémoire, d'une ouverture un petit peu plus grande pour
les revenus qui se situent entre 80 % et 120 % du MGA, et vous reliez ça
aussi je le relie, moi, en tout cas à une recommandation
votre recommandation 8 qui veut que la formule qui va être
retenue, finalement, n'apporte pas des hausses importantes des coûts
d'administration. Il y a quelques possibilités, là, dont
l'échelle progressive qui, elle, automatiquement, amènerait une
certaine gestion de la part des corporations régionales, c'est
évident. Est-ce que vous pensez qu'une formule qui toucherait, par
exemple, les crédits d'impôt, donc qui n'aurait pas besoin d'une
structure lourde, là, pourrait être une possibilité
acceptable pour ouvrir davantage à une clientèle plus grande?
Mme Nadeau-Martin (Jacqueline): Disons qu'on n'a pas pensé
à la formule idéale. Ce qu'on se disait, nous autres, dans
ça, c'est qu'il y ait une ouverture pour
permettre à des personnes qui sont, par exemple, à partir
de 80 % à 120 %, dans cette échelle-là, qu'elles paient
pour les services, selon une échelle progressive. et, quand on dit que
ça ne soit pas compliqué, là, je vais prendre l'exemple du
programme apport. les gens peut-être que ce n'est pas le bon
exemple mais, en tout cas connaissent tellement peu le programme...
Mme Caron: Oui, c'est le bon exemple.
Mme Nadeau-Martin (Jacqueline): ...ils ne sont tellement pas
capables de s'en servir qu'au bout de la ligne ils n'en profitent pas. donc, ce
qu'on veut, c'est au moins que les gens puissent avoir accès aux
services, que ce soit facile, qu'on comprenne les démarches, que ce ne
soit pas trop compliqué et qu'on paie, qu'on défraie des
coûts pour les services qu'on va recevoir, mais à partir de 80 %
à 120 %.
Le crédit d'impôt, on se s'est pas penchées sur la
question peut-être qu'on pourrait la regarder dans le futur
à savoir de quelle façon... Et, quand vous dites que, s'il y a
des échelles progressives, ça va demander de l'administration,
bien, ce n'est pas pire que d'autres échelles. Quand on regarde
l'impôt, il y a des échelles pour tel salaire. Et la même
chose pour les personnes âgées, quand on a dit: Elles vont avoir
accès... Le fédéral vient de dire que, de 25 000 $
à 49 000 $, elles vont perdre quelque chose. Donc, il y a
possibilité que ça soit clair, que ça soit bien
indiqué et que les gens comprennent ce à quoi ils ont droit, mais
que les gens paient pour un service. Et la clientèle qu'on appelle
actuellement «la classe moyenne», elle aussi, elle commence
à s'appauvrir énormément. Donc, qu'elle puisse y avoir
accès selon son revenu familial, selon ses revenus, dans le fond.
Mme Caron: L'exemple d'APPORT était excellent, au
contraire, tout comme vous auriez pu prendre l'exemple de SPRINT aussi,
là. C'est que, avec l'échelle progressive, automatiquement, il y
a quelqu'un qui doit prendre une décision à savoir si la personne
est effectivement eligible. Il doit y avoir une certaine vérification au
niveau des revenus et il doit y avoir une décision qui se prend. C'est
sûr qu'au niveau des coûts ça entre en ligne de compte.
Lorsque c'est un crédit d'impôt, la personne fait sa
déclaration, c'est une ligne qui est sur le formulaire, c'est le
même fonctionnaire qui doit analyser toute... Ou ça se fait par
ordinateur aussi, là. De toute façon, c'est traité en
même temps que votre déclaration. Donc, au niveau de la gestion,
c'est quelque chose qui est passablement moins compliqué, là.
Vous avez parlé aussi, dans votre mémoire, à deux
reprises, du libre choix, de l'importance du libre choix. C'est effectivement
une des qualités de notre système. Par contre, il y a un petit
problème du côté des notaires. Vous savez que, dans notre
système, il n'y a pas de notaires permanents. Donc, le libre choix, du
côté des notaires, il se limite aux notaires de pratique
privée. Et, comme le tarif pour les services des notaires n'a pas
été modifié depuis 1977, il se trouve que, dans plusieurs
régions au Québec, il n'y a pas de notaires qui, finalement,
acceptent des mandats d'aide juridique parce qu'ils considèrent que le
coût est tellement minime que c'est plus de coûts pour
réclamer que de le faire bénévolement, finalement. Donc,
les citoyens, du côté des notaires, actuellement, n'ont pas
vraiment, là, le libre choix. Vous souhaitez le libre choix dans votre
mémoire, c'est clair, autant du côté des avocats que du
côté des notaires. Alors, nous devrons tenir compte de cette
demande-là, mais c'est important de se dire, là, qu'à ce
moment-ci le libre choix du côté des notaires, il n'est pas
vraiment là. (10 h 50)
Mme Nadeau-Martin (Jacqueline): On ne voulait pas faire un
débat entre est-ce que les notaires doivent aller à l'aide
juridique ou pas? Si c'est possible de le faire, ceux et celles qui accepteront
de le faire auront à se soumettre, peut-être, aux tarifs de l'aide
juridique, comme les avocats et avocates le font.
Mme Caron: Le problème, c'est que...
Mme Nadeau-Martin (Jacqueline): Ils n'y ont pas accès,
présentement.
Mme Caron: ...il n'y a pas de notaires permanents. Donc, si vous
choisissez un avocat et qu'il refuse, dans le privé, vous avez des
avocats permanents qui, eux, sont salariés et donc acceptent les causes.
Du côté des notaires, si votre notaire refuse, il n'y a pas de
notaires permanents. Donc, vous devez faire le tour et, comme le tarif n'a pas
été modifié depuis 1977 alors que, du côté
des avocats, le tarif a quand même été modifié
à deux reprises, c'est un petit peu différent. La
problématique est un peu différente.
Avant de vous laisser parce que mon collègue de
Laval-des-Rapides souhaite vous questionner j'aurais peut-être une
dernière question. En page 8, vous avez une recommandation sur
l'admissibilité annuelle. Le revenu annuel, sur une base annuelle. Vous
recommandez qu'on le fasse sur la base des revenus de l'année
précédente en tenant compte de la modification, s'il y a des
changements significatifs. Moi, je vous avoue que j'ai beaucoup
d'inquiétude là-dessus, surtout du côté des femmes,
justement, parce que souvent, lorsqu'elles ont besoin de l'aide juridique,
c'est parce que, effectivement, la situation a changé beaucoup. Et, moi,
je considérais qu'en tenant compte des revenus hebdomadaires de
l'unité familiale on favorisait davantage les personnes qui vivaient des
changements de situation, donc plus souvent des femmes, par rapport à
l'aide juridique.
Mme Houle-Ouellet (Michelle): Disons que c'est plutôt dans
l'ensemble, nous autres, qu'on en est venues à cette
conclusion-là que ce serait préférable d'arriver à
considérer le revenu de l'année précédente. Dans
l'ensemble, on trouvait que ça révélait davantage la
condition
de la personne, sa condition financière, bien sûr. Si on
regarde les femmes qui ne sont pas en emploi, qui sont au foyer, qui divorcent,
par exemple, et qui ont besoin d'aller à l'aide juridique, elles
n'avaient pas plus de revenu avant d'être mariées. Finalement,
c'était un revenu familial auquel elles ne contribuaient pas. Elles ne
font plus partie de l'unité familiale, donc il n'y a pas de revenu. Et
on laisse quand même la porte ouverte, parce qu'on sait qu'il y a des
situations qui auront besoin d'être reconsidérées, à
savoir qu'il faut vraiment tenir compte des modifications importantes qui se
sont produites et qui ont de l'influence sur la condition financière.
Mais, dans l'ensemble, il semblait qu'il y avait d'autres programmes qui
étaient ainsi administrés. On pense, par exemple, au
supplément de revenu garanti, qui est administré et qui est
basé sur la considération des revenus de l'année
précédente et, finalement, ça fonctionne assez bien.
Mme Caron: La plupart des programmes.
Mme Houle-Ouellet (Michelle): Oui, c'est ça. Ils sont
administrés de cette façon-là.
Mme Caron: Alors, M. le Président, je vais laisser mon
collègue...
Le Président (M. Bradet): M. le député de
Laval-des-Rapides.
M. Ménard: Merci. J'ai beaucoup apprécié
votre apport et votre participation, autant que mes collègues, et
j'endosse ce qu'ils ont dit. Je voudrais vous questionner sur deux choses.
D'abord, vous suggérez que l'aide juridique soit étendue aux
organismes à but non lucratif. Remarquez que je préside un
comité, dans mon parti, qui l'a fait mettre dans le programme du parti.
Cependant, nous constatons que, étant donné ce que sont les
revenus de l'État, nous ne pourrons pas tout réaliser ce que nous
estimerions utile, n'est-ce pas, avant un certain temps.
Vous avez donné deux exemples seulement de situations dans
lesquelles vous croyez qu'une disposition comme celle-là serait utile.
La première m'apparaît être facilement couverte par le
travail bénévole des avocats. Vous êtes déjà
des organismes qui suscitez du travail bénévole. Vous venez
souvent accompagnés d'avocats; je ne sais s'ils sont à votre
emploi ou s'ils travaillent bénévolement, mais, dans un cas comme
dans l'autre, le genre de problème que vous nous avez soulevé est
simple pour des avocats qui ont une autre spécialité que la
mienne. Et, si l'avocate ou l'avocat qui vous accompagne n'est pas capable de
le résoudre lui-même, j'imagine qu'il peut trouver, chez ses amis
ou confrères de classe, des avocats qui pourraient le trouver. Je pense
que vous le reconnaissez facilement et qu'on pourrait passer à une autre
catégorie de problèmes.
Le deuxième exemple que vous nous avez donné, celui de la
personne qui a besoin d'un soutien pour poursuivre sa cause, je pense que, par
définition même, vous nous expliquez, là, le cas d'une dame
qui est eligible à l'aide juridique et qui, par conséquent, aura
les services juridiques, mais a besoin d'un soutien supplémentaire.
Est-ce que vous pourriez nous donner un exemple de cas où vous croyez
que cette extension du régime d'aide juridique serait utile?
Mme Houle-Ouellet (Michelle): Je peux essayer de répondre.
Quand on pensait à une cause type, on n'en a pas actuellement à
l'idée. L'AFEAS n'est pas prête à aller en cour
défendre une cause type. Par contre, on ne prend pas pour acquis que
c'est nécessairement le cas d'une personne qu'on veut supporter.
Ça, non. Si la personne a droit à l'aide juridique, on peut,
comme organisme bénévole, lui accorder le soutien, sans que ce
soit cet exemple-là qu'on ait à l'esprit pour demander
l'accès à l'aide juridique. Quand on dit qu'on aimerait avoir
l'accès à l'aide juridique pour défendre des causes, on a
de la difficulté un peu à l'imaginer, mais on se dit que
ça pourrait être la cause... Par exemple, on regarde le jugement
récent où c'est une personne qui a eu le courage d'aller se
battre en cour pour essayer de faire reconnaître les frais de garde
d'enfant comme dépenses reliées à l'emploi. Elle n'a pas
eu beaucoup de succès. Bon, on se dit: Nous autres, on défend ce
genre de cause là. Même si on n'a pas une membre qui nous dit:
Moi, je veux aller en cour pour faire ça, puis aidez-moi, nous, comme
organisme, on se dit que, si c'était, dans un dossier, un aspect
très important, peut-être que ça vaudrait le coup que,
comme organisme, on puisse avoir accès à l'aide juridique pour
défendre cette cause-là au nom des membres qui sont dans cette
situation-là, mais pas nécessairement supporter une membre qui
veut défendre sa cause. Alors, c'est un peu ça la
différence qu'on faisait. On n'a pas de cause en vue, puis on ne pense
pas qu'on en aura des quantités énormes, mais je pense que, comme
principe, c'est important pour une association d'avoir ce choix-là.
M. Ménard: O.K., ça va. La deuxième question
que vous n'avez pas touchée du tout dans votre «rapport» et
qui me préoccupe particulièrement dans l'optique de
réduire les coûts, c'est le recours à la médiation
comme moyen... Je vous signale tout de suite que, si vous aimiez plus tard
compléter votre réponse par écrit, je
l'apprécierais. C'est parce que je trouve que vous avez une expertise
susceptible de nous aider à résoudre les problèmes que
nous nous posons vis-à-vis de la médiation.
Quand j'étais bâtonnier du Québec, le Barreau a
investi beaucoup dans la médiation, l'année où
j'étais là. On a investi jusqu'à 75 000 $ dans un
programme de promotion de la médiation et on a ouvert des cours aux
avocats pour qu'ils puissent «s'introduire» à la
médiation. Mais, à ma grande surprise, certains groupes de
défense des femmes nous ont signalé que,
généralement, les femmes arrivent en médiation plus mal
armées que leur conjoint, surtout s'il est dans le domaine des
affaires. Elles vont arriver à la médiation en ayant fait
une liste minimum de leurs besoins, allant, au départ, demander vraiment
ce dont elles ont absolument besoin, alors que le mari, qui a l'habitude des
affaires et qui est dans le milieu du travail, lui, va arriver avec une
position de médiation, une position de départ sur laquelle il a
un plan pour céder des avantages. Et j'ai entendu dire, depuis que je
soulève ce problème-là, qu'effectivement c'est une
constatation qu'on fait parfois aux États-Unis, de sorte que la
médiation n'aurait pas les effets que l'on espère, alors qu'un
juge et surtout une personne accompagnée d'un avocat compétent
saurait ce que cette personne peut obtenir étant donné la
jurisprudence, les habitudes, ainsi de suite et, par conséquent,
pourrait conseiller adéquatement cette personne-là. (11
heures)
J'aimerais avoir votre opinion là-dessus. Je suis sûr qu'on
va proposer la médiation. C'est une façon plus humaine de
résoudre les conflits, mais il ne faut pas la voir comme une
panacée qui réglerait tous nos problèmes. Est-ce que cette
crainte que nous avons, vous pouvez nous dire si elle correspond à
quelque chose, étant donné votre expertise à vous? Encore
là, si vous n'êtes pas capables de répondre tout de suite
parce que je vous prends par surprise et que vous voulez rajouter plus tard,
j'apprécierais que vous nous l'envoyiez.
Mme Nadeau-Martin (Jacqueline): Bon. On a noté la
question, et Michelle est au programme d'action; alors, on va s'en reparler,
parce qu'on n'a pas traité de cette question-là, de la
médiation. Parce que vous savez que l'AFEAS, ce qu'elle avance, c'est
des positions que ses membres ont adoptées par des assemblées
générales. Alors, cette question-là n'est jamais venue,
sauf qu'on en a déjà discuté, mais on n'a pas le pouls de
notre organisme là-dessus. Ce qu'on sait, c'est que, quand une femme
arrive en médiation, souvent devant un homme d'affaires ou un conjoint
violent, et qu'elle veut se séparer ou divorcer, elle est tout à
fait démunie par rapport à ça. Et même elle va
vouloir s'en aller parce qu'elle est devant la personne qui lui a causé
des troubles. Alors, on se dit: Bien, est-ce que ça doit rester dans le
système judiciaire ou si ça doit être quelque chose qui
doit se faire à l'amiable? Ça, ce n'est pas une question sur
laquelle on s'est penchées, mais il reste que la personne a besoin
d'accompagnement quand elle se présente dans un cas semblable parce
qu'elle est déstabilisée, si c'est un cas de violence, par
exemple.
Le Président (M. Bradet): Merci, Mme la
présidente.
M. Ménard: O.K. Et je comprends un accompagnement
professionnel, pas simplement...
Mme Nadeau-Martin (Jacqueline): Un accompagnement, oui.
M. Ménard: Oui. Merci.
Le Président (M. Bradet): Alors, on revient avec le
ministre de la Justice. Il vous reste une dizaine de minutes, M. le
ministre.
M. Lefebvre: Mme la présidente, ou Me Rodrigue, ou Mme
Ouellet, là, j'aimerais vous entendre commenter un peu votre
recommandation quant à la couverture des services. Vous souhaiteriez
qu'il n'y ait pas de diminution quant à la couverture des services, mais
est-ce que vous ne croyez pas qu'on devrait peut-être se questionner un
petit peu sur certains services qui sont actuellement... Parce que vous savez
qu'il y a, dans le règlement accroché à la loi d'aide
juridique, des services qui sont clairement exclus, là, carrément
exclus. Est-ce que vous ne pensez pas qu'on devrait se questionner pour
vérifier s'il n'y a pas d'autres services qui sont aujourd'hui
disponibles à l'aide juridique, se demander si on ne devrait pas les
annuler? Pas nécessairement, là, pour récupérer des
sous et remettre ça au ministre des Finances, mais pour les redistribuer
à l'intérieur du régime et répondre un peu à
la demande que vous nous faites et d'autres groupes et, j'oserais dire,
la plupart des groupes à l'effet qu'on devrait rehausser le seuil
d'admissibilité.
Votre demande quant à ce rehaussement des seuils
d'admissibilité, vous le savez, vous avez sûrement
évalué concrètement, là, combien de millions
ça représenterait. C'est au-delà de 25 000 000 $, plus ou
moins. Est-ce qu'on ne devrait pas se questionner sur certains services qui
sont donnés présentement par l'aide juridique, les annuler pour
redistribuer les sommes qu'on récupérerait pour, justement,
rehausser le seuil d'admissibilité tout en gardant un certain pouvoir
discrétionnaire à nos permanents de l'aide juridique ou
même à un avocat de pratique privée qui reçoit le
justiciable, un pouvoir discrétionnaire qui lui permettrait, dans des
cas exceptionnels, d'admettre la personne à l'aide juridique? J'aimerais
vous entendre là-dessus.
Le Président (M. Bradet): Me Rodrigue. M. Lefebvre:
Me Rodrigue, oui.
Mme Rodrigue (Patricia): Sans en avoir discuté avec
mesdames, pour répondre à votre question, M. le ministre, je
pense que, oui, tout à fait. Et ça vient rejoindre un petit peu
une partie de la première question que vous m'avez posée,
à savoir le droit préventif. Il y a des mandats qui sont
émis actuellement pour des consultations, des mandats d'aide juridique,
qui, je pense, sont très efficaces. Ce n'est pas des consultations
qui... Je pense que c'est très efficace pour éviter des litiges.
Même, dans des cas, ça vient rejoindre ce dont monsieur vient de
parler, c'est-à-dire la médiation. Il est vrai qu'on n'a pas
discuté de la médiation lors de la préparation de
l'ouvrage qui vous a été remis, là, mais la
médiation vient encore, elle aussi, rejoindre le droit préventif
et éviter des litiges et des coûts pour la société
en général, finalement, et vient prendre soin du mieux-être
des parties en cause, effectivement.
Où je verrais, à mon humble avis, là je n'en
ai pas discuté avec mesdames qu'on pourrait annuler des services,
ça serait, par exemple, pour avoir fait mon stage au bureau d'aide
juridique à Granby... J'ai travaillé à l'aide juridique
pendant six mois et, après, j'ai ouvert mon cabinet; donc, j'ai un petit
peu une idée de comment ça fonctionne et je trouve, sans vouloir
blesser personne, qu'il y a de l'abus de la part de certains
bénéficiaires quant à l'utilisation des mandats d'aide
juridique. Et je trouve que des procédures... À un moment
donné et mon directeur, c'est lui qui a pris l'initiative de me
donner cette information-là et de me supporter là-dedans
on a dû avertir une dame que, dépendamment de sa façon de
requérir les services et de les utiliser, si elle continuait,
c'était en train de devenir de l'abus au préjudice des autres qui
demandaient des services urgents. Alors, il lui a été
donné comme information que, si elle n'était pas pour être
présente devant le juge telle journée, telle heure, avec toutes
les préparations du dossier, elle ne pourrait plus être eligible
à l'aide juridique au Québec. Ça faisait un certain nombre
de fois et ce n'était plus admissible si on regarde le reste de la
société, le reste des utilisateurs.
M. Lefebvre: Est-ce que, madame, Me Rodrigue, l'abus dont vous
parlez... Je comprends que vous pointez un cas particulier, là.
Mme Rodrigue (Patricia): Oui.
M. Lefebvre: Je ne veux pas vous interrompre. Juste pour
continuer dans le même sens, est-ce que les abus, selon vous, existent
dans des secteurs plus que dans d'autres secteurs d'activité?
Mme Rodrigue (Patricia): C'est-à-dire, moi, je me
réfère plus au secteur matrimonial, en droit de la famille,
là.
M. Lefebvre: Le droit matrimonial.
Mme Rodrigue (Patricia): Je pense qu'ils sont bien perçus
par les gens en place, les gens qui ont le pouvoir d'arrêter ça.
Je pense que c'est bien fait, sauf que c'est quelque chose, c'est une
réalité qui doit être surveillée constamment. Et je
pense qu'il y a certains services qui devraient être je ne sais
pas de quelle façon comptabilisés ou limités pour,
justement, attribuer ces fonds-là au rehaussement du critère
d'admissibilité autant que, peut-être, à des séances
d'information, même. Moi, je les ai toujours faites gratuitement, sauf
qu'il y a des moments où je ne suis pas disponible. Il y a
peut-être d'autres consoeurs ou confrères qui se rendraient
disponibles si c'était rétribué.
M. Lefebvre: II y a certains intervenants qui indiquent qu'on
pourrait éliminer les services d'aide juridique en matière
pénale pour les cas d'infractions mineures où, dans la
description même de l'infraction, on indique clairement qu'il n'y a aucun
danger de peine de prison. Alors, il y a des intervenants qui nous disent:
Parce qu'il n'y a pas de danger d'emprisonnement pour le justiciable, c'est un
service qui devrait être éliminé, compte tenu aussi du fait
qu'en dehors du régime d'aide juridique il y a des citoyens, beaucoup de
citoyens qui sont accusés de ces infractions-là et qui se
défendent seuls devant les tribunaux. Je voudrais vous entendre
là-dessus. Votre opinion là-dessus.
Mme Nadeau-Martin (Jacqueline): Bon, je regrette, mais on n'a pas
de position en termes de ce qui devrait être réduit ou pas
réduit. Nous, ce qui nous préoccupe le plus, c'est en termes de
services qui touchent la matière matrimoniale.
M. Lefebvre: Oui.
Mme Nadeau-Martin (Jacqueline): nos femmes vont utiliser ces
services-là soit pour réajuster la pension alimentaire, soit pour
des séparations, divorces, etc. c'est plus dans ce domaine-là.
alors, dans les autres domaines, je regardais la page 31 du document, où
on dit: ii y a 42,4 % au niveau des matières criminelles et
pénales c'est une grosse utilisation des services dans ce
domaine-là et le domaine matrimonial, 27 %. alors, nous autres,
c'était plus ça qui nous préoccupait, pour les pensions
alimentaires, etc. on n'a pas de position dans les autres domaines.
M. Lefebvre: Mais vous vous interrogez, cependant, hein?
Même si...
Mme Nadeau-Martin (Jacqueline): Oui.
M. Lefebvre: Oui.
Mme Nadeau-Martin (Jacqueline): Mais il pourrait y avoir des
freins aux abus. Si, comme disait Me Rodrigue, les gens se représentent
pour, je ne sais pas, moi, une deuxième séparation ou des...
M. Lefebvre: Autrement dit, c'est sur la vraisemblance du droit
qu'il faudrait peut-être resserrer le système, Me Rodrigue? (11 h
10)
Mme Rodrigue (Patricia): Non, je ne pense pas que ce soit sur la
vraisemblance du droit. Puis, si je dis ça, la vraisemblance du droit...
Même, au contraire, ce que je dirais, M. le ministre, c'est qu'il y a des
cas où il pourrait y avoir un élargissement de ce
côté-là et il pourrait en résulter qu'on
émettrait un mandat de consultation...
M. Lefebvre: D'accord.
Mme Rodrigue (Patricia): ...qui reviendrait encore rejoindre le
droit préventif. Maintenant, non, les abus... Je pense plus à des
gens, et c'est très délicat...
M. Lefebvre: Vous insistez beaucoup...
Mme Rodrigue (Patricia): ...qui vont entamer des
procédures et, à deux ou trois reprises, vont demander le divorce
et ne termineront pas le divorce, qui vont se désister.
Le Président (M. Bradet): Rapidement, M. le ministre.
Mme Rodrigue (Patricia): C'est à ça que je
pense.
M. Lefebvre: Je vous remercie, madame. À titre
d'information et pour faire suite un petit peu au questionnement de Mme la
députée de Terrebonne, c'est vrai qu'il n'y a pas de notaires
permanents à l'aide juridique, sauf que vous le savez
sûrement, hein? il y a plein de services qui sont donnés
par des notaires de pratique privée. Et je veux, à titre
d'information, vous indiquer qu'en 1992 le système d'aide juridique a
versé à l'ensemble des notaires qui ont donné ces
services-là 844 000 $ d'honoraires et ça ne va pas en diminuant.
Ça nous indique que les notaires de pratique privée, de
façon générale, donnent encore des services puisqu'en 1993
on a versé 1 009 000 $ d'honoraires à des notaires qui ont
exécuté des mandats d'aide juridique. C'est à titre
d'information.
Alors, moi, je vais...
Le Président (M. Bradet): Alors...
M. Lefebvre: Oui? ...conclure, M. le Président.
Le Président (M. Bradet): Concluez.
M. Lefebvre: Je veux vous remercier, dans un premier temps, de la
pertinence, là, du mémoire que vous nous avez soumis. Je le
disais tout à l'heure en introduction: Vous, l'AFEAS, on le sait que
vous existez; vous êtes extrêmement actives sur le terrain et vous
rendez service à plein de femmes au Québec. Alors, ne serait-ce
que pour ça, vous méritiez d'être entendues. Votre
mémoire est pertinent. Vous avez, ce matin, débordé un peu
votre mémoire, et c'est ce que je souhaitais, là: avoir votre
opinion, votre point de vue sur certaines questions qu'on se pose depuis
plusieurs mois au gouvernement, et votre témoignage nous sera
extrêmement utile. Alors, merci d'être venues nous rencontrer ce
matin et bon voyage de retour. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bradet): Alors, merci, M. le ministre.
À mon tour de vous remercier.
Je vais suspendre les travaux quelques secondes pour permettre au
prochain groupe de prendre place.
Mme Nadeau-Martin (Jacqueline): Alors, merci, M. le
Président, de nous avoir entendues.
Le Président (M. Bradet): Merci, madame. (Suspension de la
séance à 11 h 13)
(Reprise à 11 h 16)
Le Président (M. Bradet): Alors, je demanderais au groupe
Réseau d'action et d'information pour les femmes, s'il vous plaît,
de prendre place. Alors, Mme Dolment, bienvenue à cette commission. Je
vous ferai remarquer, comme vous le savez, que vous avez 20 minutes pour faire
votre exposé et que, par la suite, il y aura échange avec les
parlementaires. Alors, on vous écoute.
Réseau d'action et d'information pour les
femmes (RAIF)
Mme Dolment (Marcelle): Je voudrais d'abord excuser Micheline
Lavoie qui devait être présente avec moi pour présenter le
mémoire, mais, comme elle travaille, elle n'a pas pu se libérer.
Et c'est ce qui arrive aussi aux autres membres. Quand c'était à
17 heures, souvent, les membres pouvaient se libérer, mais, là,
les femmes, maintenant, gagnent leur vie, alors...
Le Président (M. Bradet): Vous êtes
pardonnée.
Mme Dolment (Marcelle): Bon, parfait. Et j'aimerais
peut-être aussi très rapidement, sans que ça diminue nos
minutes de présentation, s'il vous plaît, présenter le
Réseau d'action et d'information pour les femmes, plus connu sous le nom
de RAIF, au nouveau ministre et lui dire que ça fait 20 ans que nous
présentons des mémoires, 21 ans maintenant que nous existons.
Nous publions aussi une revue d'information pour les femmes où,
très souvent, on résume ce qui se passe à
l'Assemblée nationale quand ça concerne les femmes. C'est
même la plus ancienne revue de femmes au Québec, sans aucune
subvention. Alors, maintenant, nous sommes heureuses aussi de voir qu'il y a
une bonne assistance et que c'est des gens qui ont l'air
intéressés à ce que les femmes ont à dire. Entre
autres, je reconnais Denise Carrier-Perreault qui défend très
bien les droits des femmes et Jocelyne Caron aussi. On n'est pas censés
nommer les noms, mais quand même.
Un résumé de notre mémoire sur une incertaine aide
juridique... Vous avez eu la copie ce matin parce que, souvent, on rajoute des
choses à la dernière minute. Le mémoire, vous l'avez eu
avant.
La conjoncture. Le Réseau d'action et d'information pour les
femmes (RAIF) trouve important de situer son analyse de la réforme
proposée de l'aide juridique dans la conjoncture actuelle si on veut
qu'elle atteigne ses buts. L'État, parce qu'il a mal géré
l'argent que la population lui a confié le rapport du
Vérificateur général en est témoin et parce
qu'il étrangle littéralement la classe moyenne avec ses taxes, a
suscité la
révolte de ce secteur de la population. Il aurait
intérêt à s'en soucier s'il ne veut pas mettre en danger
l'avenir même de la société si la base qui lui fournit
l'essentiel de ses revenus continue de fondre à vue d'oeil.
Premièrement, parce que les femmes ne veulent plus mettre au
monde des enfants qui deviendront ces contribuables plus tard depuis qu'elles
se rendent compte qu'outre les multiples problèmes d'avoir une famille
les lois les pénalisent quand elles assument ces responsabilités.
Les hommes aussi commencent à être frappés par cette
injustice gouvernementale, par exemple, quand ils doivent compenser pour les
allocations familiales perdues au fédéral on espère
que le provincial ne suivra pas ou qu'ils ne peuvent plus
réclamer de déductions fiscales. Même chose. (11 h 20)
Deuxièmement, parce que dans un contexte de droits de la
personne, la population s'aperçoit de plus en plus que les criminels et
les abuseurs des systèmes ont plus de droits que les victimes. En effet,
les chartes semblent avoir été faites pour eux, outre que les
abuseurs ont souvent plus de temps ou d'argent que les autres pour profiter de
ces protections. L'augmentation de 364 % des causes en droit carcéral en
est un bel exemple.
Troisièmement, parce que la population n'admet plus que l'on
s'attaque en premier aux programmes sociaux pour réduire le
déficit alors que l'État refuse obstinément les coupures
des milliards compris dans les privilèges invraisemblables et flagrants
de la classe qui a son oreille.
Quatrièmement, parce que l'État, qui a pris le
prétexte de services à fournir pour justifier son taux exorbitant
de taxation, ne peut pas continuer de taxer tout en refusant ces services
à cette classe moyenne qui en est rendue à payer pour tout le
monde: les pauvres, les riches, les fraudeurs, les criminels et les nombreux
abus de l'exercice du pouvoir lui-même. On ne peut donc pas s'engager
dans une voie où on se limiterait à ne fournir des services
qu'aux plus démunis, des démunis que le gouvernement identifie
bien mal, d'ailleurs.
Les grands principes. Dans un tel contexte de révolte sourde de
la population, le gouvernement ne peut faire de faux pas et se montrer injuste.
Il doit absolument appuyer ses réformes sur des principes de base
inattaquables quand il touche aux programmes sociaux afin de ne pas prendre des
décisions qui s'annulent souvent elles-mêmes par manque de
réalisme ou qui se révèlent injustes, suscitant encore
plus l'indignation. C'est en se basant sur ces principes que le RAIF vous a
soumis ses constatations et recommandations.
Premièrement, l'aide juridique doit couvrir les démunis,
mais aussi la classe moyenne, et même toute personne qui veut faire
valoir ses droits car, même en moyens, une personne peut être
momentanément mal prise. Cette classe qui paie pour ces services doit
pouvoir en profiter.
Deuxièmement, tout programme social, s'il veut être juste
et efficace, doit être basé sur l'unité individuelle.
Autrement, il crée une classe de défavorisés plus
défavorisés que les autres puisque ignorés, donc sans
soutien. En général, ce sont des femmes. Donc, une femme sans
revenu doit pouvoir avoir accès à l'aide juridique même si
son conjoint est en moyens, car il n'est pas dit qu'il serait prêt
à payer pour faire valoir ses droits. Exemple: s'il veut
hypothéquer la maison familiale contre le gré de son
épouse ou si elle est lésée dans sa vie personnelle, si
elle veut prendre des cours qui lui seraient refusés injustement, et le
reste. Et, co-rollairement, il y a l'établissement d'une
catégorie identifiable comme étant à risque, soit les
mères à la maison sans revenu.
Troisièmement, mettre au monde des enfants est un acte social,
essentiel à la survie de la société, lourd de
responsabilité parentale et financière. L'État doit donc
aider et protéger la famille. S'il arrive que cette famille soit
accidentée, qu'elle ait des troubles, il est de son devoir de lui
fournir, dans le contexte de la loi de l'aide juridique, une aide tout à
fait gratuite, peu importent les revenus de cette famille. L'investissement
social des parents ayant des enfants équivaut bien à une
cotisation aussi valable que celle pour un régime de rentes, ou une
assurance automobile ou pour les accidents du travail.
Quatrièmement, l'aide juridique doit être équitable
envers toutes les catégories de clientèle et équilibrer
les diverses situations, ce qui n'est pas du tout le cas actuellement. Les
tableaux du document gouvernemental sont assez éloquents
là-dessus. Les personnes seules, dont plusieurs sont des criminels, en
général des hommes, et les immigrants sont les grands
bénéficiaires de l'aide juridique. Ce ne sont pas ces
bénéficiaires qui ont payé pour ce service. Il y a
là un non-sens social qui ne semble pas avoir frappé le
gouvernement, car on ne peut toujours payer pour les démunis et ne
jamais rien avoir en retour.
Cinquièmement, l'État a l'obligation d'aider les plus
démunis, les plus mal pris et les plus mal prises, et de les aider dans
la dignité en leur offrant des services d'aide juridique de
qualité, sans les inférioriser. Pour normaliser l'aide juridique,
on pourrait obliger tout avocat et toute avocate, quel que soit son standing,
à traiter au moins quatre cas d'aide juridique par année,
même s'il fait 1 000 000 $. Le stigmate de l'aide juridique comme
pratique de seconde zone disparaîtrait alors. Cette exigence aurait aussi
l'avantage de tenir la profession plus près des problèmes de la
population ordinaire.
Sixièmement, la notion qu'à toute obligation doit
correspondre un droit et, parallèlement, qu'à tout avantage doit
correspondre une obligation pourrait se concrétiser dans le contexte de
l'aide juridique par un apport minimal ou plus substantiel aux frais du
régime, selon la capacité de payer. Donc, des frais minimums pour
l'ouverture d'un dossier et d'autres frais minimums pour sa poursuite. Selon le
niveau de revenu, le suivi du dossier serait soit gratuit, soit soumis à
une tarification graduée selon la capacité de payer, sauf pour
les causes familiales pour lesquelles aucuns frais ne seraient
«chargés».
Septièmement, le droit à l'information pour toutes et
tous. Actuellement, le mandat d'informer n'a été donné
à la Commission des services juridiques que pour les démunis. Il
faudrait l'étendre à toute la population et commencer cette
formation des rudiments du droit à l'école secondaire, se servir
des médias, radio et télé, et le faire dans les endroits
publics et autres lieux propices.
Un service d'info-loi direct pas les fichues cassettes qu'ils
nous font jouer tout le temps quand on appelle style Info Santé
serait très efficace, comme Test l'Info Santé. Si les
médecins ne s'y sont pas opposés, à l'Info Santé,
il n'y a pas de raison pour que les avocats voient de la concurrence dans un
service d'info juridique direct.
Huitièmement, l'indexation comme mécanisme automatique. Si
le gouvernement veut couper un programme, il doit avoir
l'honnêteté et le courage de le dire clairement au lieu de
recourir à ce stratagème usé, qui devient par trop
généralisé.
Neuvièmement, la reconnaissance que l'aide juridique est un
investissement et non une dépense pour l'État puisqu'elle permet
à la population d'obtenir quelque chose quand ce programme est bien
administré et bien ciblé.
État de la situation. L'accessibilité de l'aide juridique
est pratiquement réduite à zéro, au point d'être
devenue de l'aide sociale juridique. En outre, selon plusieurs des intervenants
à cette commission parlementaire, la liberté de choix d'un avocat
ne serait pas respectée parce que peu d'avocats de la pratique
privée veulent prendre des mandats d'aide juridique, qui sont trop peu
payants, à moins d'être vraiment mal pris ou mal prises. La
qualité des services s'en ressent. Les femmes, d'ailleurs, se plaignent
beaucoup de la façon dont elles sont traitées et du peu de
sérieux des services qu'elles reçoivent dans trop de cas. Nous
avons une ligne, nous, et il y a des femmes qui nous appellent, et c'est
vraiment quasiment dramatique comment elles sont traitées.
Le paiement à l'acte est source d'abus. La couverture des
services est trop large, siphonnant des fonds qui auraient dû aller
à d'autres secteurs. Quant à la comparaison avec l'Ontario,
supposément favorable au Québec pour l'aide juridique, elle ne
tient pas puisqu'en Ontario on a délesté l'aide juridique en
permettant à la Cour des petites créances de traiter des causes
allant jusqu'à 6000 $ et qu'il y a, dans cette province, un très
efficace service de perception des pensions alimentaires qui évite bien
des recours à l'aide juridique, ne laissant à celle-ci que des
cas plus complexes. Le plus étonnant, c'est que cette pièce
maîtresse du rapport Macdonald, soit un véritable service de
perception automatique des pensions alimentaires, ait été
rejeté par l'ancien ministre Gil Rémillard sous prétexte
qu'il s'agissait là de socialisme et qu'il ne fallait pas
pénaliser les bons payeurs. Comment comprendre une attitude aussi
contre-productive sur le simple plan de l'allégement du fardeau de
l'aide juridique et aussi de l'aide sociale, pour ne rappeler que ces
aspects?
Contradictions étonnantes. On ne peut, d'autre part, que
déplorer les contradictions entre les propos que tient le gouvernement
dans son document de travail et ses actions. Ainsi, il veut des méthodes
alternatives, mais il rejette un service de perception automatique des pensions
alimentaires, et il parle de médiation alors que le nouveau Code civil
coupe l'accès à la médiation gratuite en la
réservant aux seuls cas où elle est imposée par le juge.
Il préconise la déjudiciarisation. Pourtant, sur ce chef, le
nouveau Code civil est un désastre. Tout y est judiciarisé,
surtout dans le droit de la famille qui n'aurait jamais dû
l'être.
Certains intervenants ont parlé de déductions fiscales
pour les frais juridiques alors qu'au Québec Jacques Parizeau, quand il
était ministre des Finances du gouvernement péquiste, a
modifié expressément la loi pour que les frais juridiques
entraînés par le divorce, souvent fort coûteux, ne soient
pas déductibles, suite à une décision favorable de la Cour
d'appel envers une femme qui réclamait la déductibilité de
ces frais, alors que le fédéral n'a, lui, rien changé
à sa loi. Explication de M. Parizeau: il était contre le divorce
et s'opposait donc à cette déductibilité.
Le gouvernement se plaint de ne pas avoir assez de revenus, mais il
pousse la population à travailler au noir ou à se placer sur
l'aide sociale puisqu'il ne réserve de plus en plus ses services et
compensations qu'aux seuls démunis. C'est donc là où il
faut se diriger, se disent les payeurs de taxes qui n'en peuvent plus et qui
sont un peu futés. Le Québec aurait avantage à modeler son
système d'aide juridique sur l'Ontario qui a rationalisé le
sien.
Autre constatation: les statistiques sur les services dispensés
n'indiquent jamais si les bénéficiaires sont des hommes ou des
femmes. L'analyse des distorsions du système et des correctifs à
y apporter ne peut que s'en ressentir. Aucun sondage, non plus, sur la
satisfaction de la clientèle, même si on a prétendu
je pense que c'est la Commission des services juridiques que la
clientèle était satisfaite. Ce n'est pas l'écho qu'on a.
C'est là une lacune grave. Intentionnel par peur du résultat, ce
manque de sondages?
De sérieuses questions se posent aussi sur la dispensation des
services. Nous vous référons à notre mémoire
là-dessus. Pourquoi un tel dépassement du seuil des revenus pour
les personnes seules et non dans le cas des familles monoparentales? Pourquoi
une telle différence entre les montants payés pour les dossiers
d'immigration et les autres? Pourquoi tant de séparations de corps au
prix fort, encore, pour aboutir au divorce? L'augmentation de 364 % des
contestations des prisonniers en se basant principalement sur la Charte
révèle un abus qui déséquilibre le
régime.
Financement. La prévention couperait les coûts en
évitant bien des recours à l'aide juridique; information
générale et pointue, surtout à l'endroit de la famille, et
cours publics gratuits; service de perception automatique des pensions
alimentaires, qui s'attaque au problème avant qu'il ne pourrisse;
médiation familiale
et financière qui ne peut que sauver des procédures
longues et coûteuses on voudrait avoir le même service
qu'à Montréal, parce que, ici, ce n'est pas financé
loi mieux faite. Le droit de la famille est un fouillis où les
contradictions et les ambiguïtés pullulent, signes
précurseurs de nombreuses contestations. C'est probablement fait pour
donner de l'ouvrage aux avocats, c'est ce qu'on a pensé. (11 h 30)
Deuxièmement, frais minimaux et participation graduée aux
frais. Troisièmement, diminution de la couverture des services (exemple,
au criminel) quand il n'y a pas de risque d'emprisonnement, quand le montant en
cause est minime, quand il y a d'autres alternatives dans le droit
administratif où, souvent, il y a des avocats pour les syndiqués.
Fin du paiement à l'acte. La formule possible: le paiement forfaitaire,
peut-être, comme en Ontario, on ne sait pas, là, mais pas le
paiement à l'acte, certainement pas. Contribution à des avocats
via les intérêts sur les montants en fiducie ou pourcentage des
causes, parce que ça leur apporte des causes.
Fonctionnement. Admissibilité: seront admissibles gratuitement
toutes les personnes qui, individuellement, auront annuellement des revenus
équivalant au niveau de pauvreté établi par Statistique
Canada chaque année, seuil à partir duquel les
bénéficiaires devront payer les services proportionnellement
à leur revenu net, tout en tenant compte de leurs actifs. Passé
un certain seuil de revenus, l'aide juridique devrait aussi être
accessible, mais seulement dans les bureaux d'aide juridique. Elle devrait
être remboursée en entier.
C'est que, pour diverses raisons état de santé,
difficultés familiales, dettes et le reste il arrive que des gens
ayant de bons revenus n'aient pas nécessairement l'argent disponible
pour payer les avances que les bureaux d'avocats exigent habituellement. Ces
gens ne sont pas des démunis, mais sont mal pris. Les aider à une
période difficile de leur vie pourrait leur éviter la catastrophe
et empêcher qu'ils ou elles ne tombent éventuellement dans le
filet de secours de l'État ou dans le crime. Évidemment, il est
fort possible que, compte tenu des revenus de ces gens, ceux-ci
préfèrent s'adresser directement à des cabinets
privés. Un des avantages de cette proposition, c'est que, au bureau
d'aide juridique, ce ne serait plus marqué «démunis
seulement».
L'aide juridique devrait être considérée un peu
comme les prêts-bourses, sur le même pied qu'un investissement.
Cependant, pour arriver à financer l'augmentation de volume des
dossiers, la porte étant plus grande ouverte, le RAIF croit qu'il serait
juste de réclamer pour l'examen d'un dossier une somme qui serait minime
pour les parents et ceux et celles qui n'ont pas de revenus propres, mais le
double pour les célibataires et les gens qui ont des revenus, exemple: 8
$ et 16 $. Des revenus propres, parce qu'on pense toujours aux femmes sans
revenus à la maison, là. Si le dossier est ouvert, une somme de
15 $ pourrait être exigée pour le premier groupe et 30 $ pour le
deuxième, ce qui n'est pas exorbitant quand on songe à combien
d'argent est dépensé pour les billets de loto. Allez dans les
dépanneurs, vous allez voir, dans toutes les couches de la
société, même chez les plus démunis, surtout chez
les plus démunis, hélas!
La division d'appel qu'on songeait à abolir devrait être
maintenue, surtout en ce qui a trait aux causes familiales, toujours lourdes de
conséquences, ou aux causes criminelles qui peuvent entraîner une
longue peine d'emprisonnement.
Catégorisation. Le RAIF, ayant constaté que les besoins et
les genres de clientèles de l'aide juridique différaient
fondamentalement les uns des autres, suggère qu'on les classe en quatre
catégories: droit familial, droit criminel, droit civil, droit des
immigrants, avec chacune ses caractéristiques, ses
responsabilités et ses possibilités.
Le document suggérait, dans ses premières pages, de
traiter différemment les personnes âgées. Nous n'appuyons
pas une telle catégorisation dans l'aide juridique. Les personnes
âgées, c'est rendu comme les autochtones. Je veux dire, ils ont
trop de droits dans certaines situations, ça n'a pas de bon sens. Nous
n'appuyons pas une telle catégorisation dans l'aide juridique, les
revenus et actifs de ces personnes établissant leur capacité de
payer les frais juridiques, sauf en ce qui concerne leurs actifs qui leur
permettent de se loger ou de se transporter. Compte tenu que ces gens ne
peuvent plus travailler et qu'ils ont souvent de la difficulté à
se transporter et à s'adapter à un nouvel environnement,
logement, maison, condo et voiture devraient donc être exclus du calcul
pour fins d'accessibilité à l'aide juridique.
Premièrement. ..
Le Président (M. Bradet): Mme la présidente, je
vous fais juste remarquer qu'il reste trois minutes.
Mme Dolment (Marcelle): Oui. J'ai fini.
Le Président (M. Bradet): II serait peut-être bon de
passer à la conclusion.
Mme Dolment (Marcelle): Oui. D'accord. On n'est pas pour les
assurances privées. Bon, on tenait juste à vous dire ça.
Les immigrants n'ayant pas contribué, on voudrait qu'ils puissent quand
même rembourser totalement sans les cinq ans d'exemption.
Conclusion. Le gouvernement doit mettre ses priorités aux bons
endroits. Il doit faire un ménage dans ses programmes sociaux pour que
ceux-ci servent aux fins pour lesquelles ils ont été
créés. Il faut que le gouvernement respecte lui-même sa
propre Charte des droits en accordant à chaque individu ses droits et
non en les liant à cette unité fictive injuste sur le plan
administratif, source de tant d'abus, qu'il a créée pour se
sauver de l'argent et pour ne pas avoir à remplir ses obligations envers
chacune et chacun, soit l'unité conjugale, dont un des conjoints
la femme est trop souvent le plus défavorisé de tous les
défavorisés parce que totalement caché, donc
ignoré.
II faut qu'il cesse de pousser la classe moyenne à joindre les
rangs des sans-revenus, faussement ou autrement, en ne se souciant que d'aider
ceux-ci au détriment des autres. Il faut que, par ses lois et
règlements, il fasse que la Charte soit enfin au service de la
population et non des criminels. Et, si certains services doivent demeurer
entièrement gratuits car essentiels parce qu'à la base de la vie
comme les soins de santé ou essentiels à la
société comme la famille, il est logique et juste que d'autres
entraînent des déboursés modulés et gradués
qui permettent aux programmes sociaux de survivre, tout en les rendant
accessibles à toutes celles et à tous ceux qui en ont besoin.
Merci.
Le Président (M. Bradet): Alors, merci beaucoup, madame,
pour l'excellente présentation. M. le ministre.
M. Lefebvre: Merci, Mme Dolment. Merci, d'abord, pour nous avoir
soumis un mémoire qui, de façon générale, touche
plus les lacunes que ce qu'il y a de bon dans le régime, ha, ha, ha!
C'est évidemment une façon de présenter les choses que je
respecte. Merci pour votre présentation également.
Ma première question, c'est la suivante, Mme Dolment:
Pourriez-vous me résumer dans vos propres paroles, là, ce que
vous trouvez de bon dans le régime d'aide juridique au Québec? Il
doit y avoir sûrement quelque chose qui est bon dans le régime,
là, hein, parce qu'on nous dit...
Mme Dolment (Marcelle): Le fait qu'il y en ait un. Oui, le fait
qu'il y en ait un.
M. Lefebvre: ...que c'est un des bons régimes.
Mme Dolment (Marcelle): Mais, puisqu'on veut le modifier, c'est
qu'il y a des lacunes.
M. Lefebvre: Oui.
Mme Dolment (Marcelle): Ça ne sert à rien de dire
ce qu'il y a de bon, parce qu'on veut le modifier. Donc, je pense que, comme on
a très peu de temps, on n'était pas là pour valoriser le
régime, mais plutôt pour voir les lacunes. Quand on a juste 20
minutes... J'ai même manqué d'un peu de temps.
M. Lefebvre: Si on ne s'interroge pas sur ce qui est bon, on
risque de faire des modifications qui iraient à rencontre des voeux de
la population, à savoir d'aller modifier des choses qui sont
déjà bonnes. C'est pour ça que je voudrais savoir de
vous... Plein d'intervenants nous indiquent qu'ils sont d'accord avec
l'évaluation qui est la suivante: le régime d'aide juridique au
Québec, lorsqu'on le compare à ce qui existe ailleurs au Canada,
est considéré comme bon. Perfectible, oui, là, mais bon.
Et beaucoup nous disent: C'est surtout au niveau de l'admissibilité
qu'il faut intervenir, mais, quant au reste, ça va assez bien. J'essaie
de vous résumer ça, là.
Qu'est-ce que vous trouvez de bon dans le régime, là,
vous? Il y en a qui nous disent: La gestion, c'est bon; le libre choix, il ne
faut pas toucher à ça; l'accueil dans nos bureaux d'aide
juridique, de façon générale, il est bon. On nous dit
même que les permanents, les avocats qui travaillent en permanence
à l'aide juridique, sont d'excellents avocats et avocates. Vous,
là, je voudrais vous entendre sur ce que vous trouvez de bon dans le
régime.
Mme Dolment (Marcelle): Bien, comme je vous l'aidit...
M. Lefebvre: S'il y en a! S'il y a quelque chose de bon!
Mme Dolment (Marcelle): ...le libre choix doit être
maintenu.
M. Lefebvre: Oui.
Mme Dolment (Marcelle): Le paiement à l'acte, non. On
n'est pas les seuls à le dire, parce que beaucoup d'intervenants l'ont
dit.
M. Lefebvre: Oui.
Mme Dolment (Marcelle): Les seuils d'accessibilité ont
diminué. Il était bon peut-être, il était meilleur
au début. Mais c'est parce qu'on l'a rogné. C'est ça qui
est arrivé. On a enlevé l'indexation. Et, aussi, bon, il est
généreux, parce qu'il couvre tous les secteurs, mais, là,
on s'aperçoit qu'il n'y a plus d'argent; donc, il faut couper. Alors,
c'est bien évident qu'on n'était pas pour dire, comme je vous
dis... Non, je pense qu'il y a beaucoup de choses à changer, parce qu'on
l'a modifié. On lui a enlevé beaucoup de ce qui était bien
et on n'a rien donné de plus.
M. Lefebvre: Vous nous invitez... Oui.
Mme Dolment (Marcelle): Alors, la seule chose, comme je vous le
dis, c'est qu'il y ait un régime d'aide juridique. Ça, c'est
excellent, et je pense aussi qu'il y a des gens qui sont très bien
intentionnés, qui sont préoccupés du bien de la population
et qui vont là par conviction, par idéal. Mais, ça,
comment le savoir? On ne le sait pas toujours parce que, très souvent,
ce qui arrive dans les bureaux d'avocats c'est ce qu'on nous dit, puis
on en a été témoins c'est qu'ils vont demander
à ceux qui commencent à pratiquer, pour se faire un peu les
dents, de prendre les cas d'aide juridique, parce que ce n'est pas suffisamment
payé. Alors, les choses qui seraient bonnes ne le sont pas parce qu'on
ne leur donne pas les conditions pour l'être, bonnes. Si on payait un peu
plus les mandats d'aide juridique, le libre choix existerait. Ça a
été dit ici par les intervenants qu'il n'y avait plus de libre
choix à cause de ça. C'est déjà un
élément.
Bon, les notaires. On pensait, nous, qu'on pourrait avoir des notaires,
mais on a expliqué que les notaires, il faut qu'ils possèdent
leur étude. Ça, je ne le savais pas, je l'ai appris en assistant
mardi. Alors, avoir les conseils d'un notaire, ça serait excellent
aussi, mais ça manque. Donc, il manque de l'information. Moi, je ne vois
pas, actuellement, là, sur quoi je devrais insister.
M. Lefebvre: Bon.
Mme Dolment (Marcelle): II me semble que j'aimerais mieux
répondre à ce qu'on voudrait changer.
M. Lefebvre: Non, mais, regardez, vous nous invitez à
changer...
Mme Dolment (Marcelle): Oui!
M. Lefebvre: ...un des éléments du régime
qui est considéré comme étant bon, excellent, à
savoir qu'il n'y a pas, au moment où on se parle, de ticket
modérateur, de frais d'ouverture de dossier.
Mme Dolment (Marcelle): On n'a pas dit ça.
M. Lefebvre: Et tous les intervenants nous disent: Ne changez pas
ça. Sauf vous.
Mme Dolment (Marcelle): Oui. M. Lefebvre: Sauf vous,
là.
Mme Dolment (Marcelle): Oui. Parce que le régime est
menacé. (11 h 40)
M. Lefebvre: C'est pour ça, Mme Dolment, que je vous
disais tout à l'heure: Je voudrais avec vous faire rapidement un
exercice qui est le suivant: dites-nous ce que vous considérez comme
étant bon; sinon, on risquerait de changer quelque chose qui est bon,
parce qu'on n'a pas été informés, on n'a pas eu
d'opinion.
Mme Dolment (Marcelle): On a repris tout le régime, on
vous a fait un nouveau plan du régime. On n'est pas d'accord. Quand il y
avait beaucoup d'argent... C'est ça que je vous dis: Quand il a
été fait, c'était bon qu'il n'y ait pas de ticket
modérateur.
M. Lefebvre: Mais, là, vous souhaitez qu'il y en ait un,
vous.
Mme Dolment (Marcelle): Oui, nécessairement, et il y a eu
des abus, justement, qui ont été dits par l'AFEAS, par l'avocate.
Il y en a qui font des abus. Parce que ce n'est pas vrai qu'il n'y a pas
d'argent. Les gens ne connaissent pas ça, le temps où il n'y
avait même pas d'aide sociale. Il y a eu un temps où il n'y avait
même pas d'aide sociale. Mais les gens qui ont de l'aide sociale, ils ont
certainement 10 $ ou 15 $ pour ouvrir une cause, surtout que c'est un
investissement pour eux, parce qu'ils vont avoir leurs droits. Alors, je ne
pense pas que ça soit exagéré de demander un ticket
modérateur, qu'il ne faut pas confondre avec le ticket... On est tout
à fait contre le ticket modérateur pour la santé, parce
que c'est essentiel. Ce qu'on demande, par contre, nous, c'est que les cas
familiaux ne soient pas du tout, n'aient aucune espèce... que ça
soit même ouvert à tous les revenus, parce que, ça, les
familles, c'est essentiel à la société et que,
déjà, les parents font leur part et paient leur grosse part de
cotisations en ayant des enfants. Alors, je pensais que vous auriez
été peut-être heureux qu'on recommande qu'il y ait un
ticket modérateur afin de permettre qu'on ait...
M. Lefebvre: Ha, ha, ha!
Mme Dolment (Marcelle): Oui, mais c'est parce que le
régime... On nous dit: II n'y a plus personne qui...
M. Lefebvre: Madame...
Mme Dolment (Marcelle): C'est bien beau qu'on ait des tickets
modérateurs, mais il n'y a plus personne qui a accès à
l'aide juridique.
M. Lefebvre: Mme Dolment, je ne vous dis pas que je suis en
désaccord avec votre suggestion; je veux juste, tout simplement, vous
indiquer que presque tous les intervenants nous suggèrent de ne pas
imposer de ticket modérateur. Je ne vous dis pas que vous avez tort,
là. Vous indiquiez tout à l'heure que...
Mme Dolment (Marcelle): C'est parce qu'on tient au
régime.
M. Lefebvre: Oui, oui. Vous avez raison là-dessus.
Mme Dolment (Marcelle): Et, s'il n'y en a pas, il n'y en aura
plus, de régime; il n'y a plus personne qui a accès au
régime.
M. Lefebvre: Plein de gens tiennent au régime, puis avec
raison, hein, je le pense.
Vous disiez tout à l'heure que le libre choix, compte tenu
d'honoraires modestes payés aux avocats, serait mis en danger. Je
voudrais, à titre d'information, vous rappeler qu'on a payé cette
année, en 1993, aux avocats de la pratique privée, là, en
honoraires, plus ou moins 40 000 000 $, dont 21 000 000 $ en matière
civile et 18 000 000 $ en matière criminelle. Alors, il ne faudrait pas
partir avec l'impression qu'il n'y a plus de libre choix à l'aide
juridique, puis que les avocats de la pratique privée ne sont pas
intéressés à faire de l'aide juridique; 40 000 000 $
d'honoraires, c'est pas mal d'argent, ça, qu'on a versé,
là, en 1993.
Mme Dolment (Marcelle): Mais c'est parce qu'il y a une
multiplication des actes. Et les actes sont multipliés sans donner la
qualité de service, justement.
M. Lefebvre: Oui.
Mme Dolment (Marcelle): Alors, c'est facile de multiplier les
actes.
M. Lefebvre: Qu'est-ce que vous entendez par ça?
Ça, c'est important, là, entre autres informations que vous
voulez nous donner, là, ou opinions. Qu'est-ce que vous entendez par la
multiplication des actes?
Mme Dolment (Marcelle): Oui. Un exemple: la séparation de
corps.
M. Lefebvre: Oui.
Mme Dolment (Marcelle): Bon, il y a une femme qui nous a
appelées. Ah, elle dit, je ne sais pas pourquoi elle m'a
recommandé ça, la séparation de corps; je veux divorcer.
Pourquoi? Bien, j'ai dit: Ne passez pas par la séparation de corps,
c'est du temps perdu. C'est bien évident! Alors, ils multiplient les
étapes parce que c'est plus payant. Alors, pourquoi payer? Puis, surtout
quand on regarde les tableaux, les séparations de corps, il y a pas mal
d'argent qui a été mis là-dedans, hein.
M. Lefebvre: Selon vous, là, comment on pourrait corriger
ces abus-là? Est-ce que c'est par de l'information plus poussée
par le système d'aide juridique?
Mme Dolment (Marcelle): Oui, beaucoup. Je vais vous donner un
exemple.
M. Lefebvre: Oui.
Mme Dolment (Marcelle): On est allées à une
réunion d'information récemment, donnée par une avocate
qui expliquait un peu, là, bon. Il y avait beaucoup de monde dans la
salle, beaucoup de femmes, et puis elle expliquait les changements au Code
civil. Alors, il y en a une qui a commencé à parler. Nous, on a
apporté la question de la déclaration de résidence
familiale. Bien, presque la moitié, le quart de la salle croyait que, la
déclaration de résidence familiale, ça donnait la
copropriété, qu'ils avaient droit à la moitié de la
maison. Donc, quand ils arrivent au divorce... Puis, au divorce, on peut se
soustraire, d'ailleurs, au partage des biens. Alors, là, les femmes,
bon, elles vont voir à l'aide juridique, puis elles veulent avoir leurs
droits, puis, là, ça devient compliqué parce qu'elles
n'ont pas été bien informées au départ. Elles ne
sont même pas informées.
La séparation de biens, bien des gens croyaient que
c'était séparer les biens. Pourquoi, à l'école
secondaire... Moi, j'ai déjà rencontré des jeunes filles
qui étaient allées à l'école secondaire, puis elles
avaient pris des cours. Bien, c'était incroyable, la différence
entre une de ces jeunes filles-là, qui avait seulement 16 ans, et les
autres. Elle, elle va savoir, quand elle va se marier, si elle doit se marier
ou ne pas se marier, être conjoint de fait. Elle connaît les
rudiments. Je ne dis pas d'aller dans le détail.
Bon, avoir de l'information. On demande de l'information. Des fois, ils
nous disent qu'il y a, mettons, des modifications, mais c'est des cassettes.
Bon, il faut entendre toutes les cassettes, puis on n'a pas l'information qu'on
veut avoir. Info juridique directe, ça éliminerait je ne sais pas
combien de recours à l'aide juridique. C'est de la prévention. Il
y a beaucoup de moyens comme ça, M. le Président, qu'il faudrait
corriger. Alors, c'est pour ça que, nous, là, on vous apporte un
plan d'ensemble. Si vous remarquez, notre plan d'ensemble, vous pouvez le
prendre tel quel et l'appliquer.
M. Lefebvre: Oui. C'est parce que je l'ai lu, votre
mémoire, et il y a certains points sur lesquels je veux insister. Entre
autres, je trouve intéressante, là, votre suggestion quant au
volet contributoire. Et vous pensez, évidemment, à la classe
moyenne...
Mme Dolment (Marcelle): Oui.
M. Lefebvre: ...lorsque, hein, vous suggérez le volet
contributoire.
Mme Dolment (Marcelle): D'ailleurs, je crois que c'est en Alberta
qu'ils ont ça. Il y a quelques provinces qui ont ça. Alors,
ça peut être remboursé par la suite. Comment je vous
expliquerais? On peut être... Surtout avec le casino, là, il y a
combien de gens qui vont perdre leur chemise? Puis ils ne prendront même
pas l'argent, là, pour pouvoir se défendre. Alors, ça peut
être une mauvaise passe. Ce n'est pas régulier, surtout
maintenant, avec les salaires qui ne sont jamais... Maintenant, il n'y a plus
de permanence, il n'y a plus rien. Une personne peut être très mal
prise, entre deux jobs, puis avoir droit à l'aide même si, selon
son revenu annuel, elle n'est pas admissible.
M. Lefebvre: Est-ce que, Mme Dolment, vous croyez que le volet
contributoire devrait opérer de la façon suivante, à
savoir que le service d'aide juridique serait ajouté aux revenus
taxables et imposables? Est-ce que c'est comme ça que vous voyez un
petit peu la contribution du bénéficiaire?
Mme Dolment (Marcelle): Non. Pas du tout, non.
M. Lefebvre: Non? Comment vous voyez ça?
Mme Dolment (Marcelle): Comme un compte qu'on rembourse.
M. Lefebvre: Une contribution directe?
Mme Dolment (Marcelle): Oui.
M. Lefebvre: Contribution directe, pour vous?
Mme Dolment (Marcelle): Oui. Oui. Oui. Absolument.
M. Lefebvre: O.K. Dépendamment du revenu,
évidemment.
Mme Dolment (Marcelle): On en demande trop à la
fiscalité, là. Je pense qu'il faut arrêter ça. Puis,
surtout, ça peut donner la tentation au gouvernement de le faire pour
l'assurance-santé, hein. Alors, nous, on se méfie de ça,
là. C'est comme avec l'assurance-chômage. Ce qui s'en vient, c'est
que, si on vit avec quelqu'un qui a des revenus, ils vont couper les revenus de
l'assurance-chômage. C'est ça qui s'en vient. C'est le premier
pas, puis, après ça, l'autre pas suit. Alors, on se méfie
un peu.
M. Lefebvre: Une dernière question avant de laisser
l'Opposition officielle vous questionner, Mme Dolment. Pourquoi êtes-vous
contre l'assurance privée, là, l'intervention de l'assurance
privée? D'ailleurs, ça existe déjà, mais de
façon plus ou moins modeste.
Mme Dolment (Marcelle): Oui, oui. On nous l'a offert. À
moi-même...
M. Lefebvre: Vous avez des réserves là-dessus?
Mme Dolment (Marcelle): ...quand j'ai pris mes assurances, on
offrait ça. C'était 30 $ pour 3000 $ de frais juridiques,
O.K.?
M. Lefebvre: Oui. Vous avez des réserves là-dessus,
vous.
Mme Dolment (Marcelle): Oui, beaucoup. Bien, je ne veux pas avoir
l'air trop femme, là, parce que je sais que c'est mieux d'avoir l'air
homme quand on présente des mémoires, d'une certaine
façon. Ha, ha, ha!
M. Lefebvre: Pourquoi vous dites ça, là? Ha, ha,
ha!
Mme Dolment (Marcelle): bien, enfin, c'est l'expérience.
mais enfin... c'est que, dans le commerce, les commerçants se sont
aperçus que les gens n'achetaient qu'en vente; bon, excusez la
comparaison, là, vraiment, j'ai honte. alors, là, ce qu'ils ont
décidé, les commerçants, c'est que, quand ils
reçoivent leur marchandise, ils doublent le prix. après
ça, ils mettent la vente, 50 %, et c'est le prix régulier.
à 75 %, là, vous avez un petit rabais. c'est la même
affaire, pour les frais, que les avocats vont faire. Ils disent 3000 $, puis
c'est 80 % des 3000 $. C'est bien évident que ce qu'ils vont faire,
c'est qu'ils vont hausser leur prix pour être payés à 100
%, hein? C'est un peu comme l'affaire, là, de baisser...
M. Lefebvre: Vous ne faites... Mme Dolment...
Mme Dolment (Marcelle): ...à 50 % les dépenses
fiscales pour les frais de représentation.
M. Lefebvre: Vous ne faites pas beaucoup confiance aux avocats,
vous.
Mme Dolment (Marcelle: Pardon?
M. Lefebvre: Vous ne faites pas beaucoup confiance aux
avocats.
Mme Dolment (Marcelle): Pas du tout. Des voix: Ha, ha,
ha!
M. Lefebvre: II y a un honorable membre du Barreau...
Mme Dolment (Marcelle): II y a eu trop d'avocats au gouvernement.
Excusez-moi, là. Je vous fais confiance. Vous avez le
bénéfice du doute.
M. Lefebvre: II y a un honorable membre du Barreau, qui est juste
en arrière de vous, là, qui vient de prendre une note.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lefebvre: Je vais laisser l'Opposition officielle, Mme
Dolment, là, vous poser des questions.
Mme Dolment (Marcelle): Mais remarquez qu'on vous donne le
bénéfice du doute.
M. Lefebvre: Oui, oui, oui.
Mme Dolment (Marcelle): Vous avez droit à une lune de
miel.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bradet): Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, merci, Mme
Dolment, pour votre mémoire, votre présentation. On sait que vous
êtes toujours extrêmement assidue aux commissions parlementaires et
principalement à tout ce qui a trait à la justice et à
tout ce qui touche la cause des femmes. Votre action, elle est reconnue.
Vous savez, dans votre mémoire, il y a une partie puis,
là, je ne fais pas référence au résumé, mais
au mémoire complet toute la partie prévention, là,
sur l'information, que ce soit à l'école, le service d'info
directe, les émissions, les dépliants. Quand vous dites:
«Dans les centres communautaires que sont les centres d'achats»
puis vous n'avez pas tort de le dire, c'est vraiment ça qui se
passe; c'est vrai que c'est le lieu où beaucoup de citoyens se
retrouvent et où l'information doit circuler je pense que vous
avez parfaitement raison d'insister. Puis, dans votre mémoire, vous
insistez beaucoup sur la prévention. C'est évidemment la
meilleure façon de s'éviter des coûts dans le
système d'aide juridique et puis, même au niveau de notre
système social dans son ensemble, vous notez l'importance de la
médiation, de la perception automatique des pensions alimentaires et
tout ça.
Vous avez aussi, je pense, parfaitement raison quand vous parlez de la
révolte sourde des contribuables. C'est une réalité. Les
citoyens et citoyennes à revenus moyens en ont assez. Vous avez raison
de dire qu'il y a une meilleure façon de gérer les finances.
Hier, nous avons rencontré Me Goldman qui nous présentait toute
une série de mesures qui sont assez inacceptables pour des citoyens, et
des entreprises qui ont des revenus, puis qui ne contribuent pas, finalement,
à la société, donc qui ne contribuent pas à notre
système social. (11 h 50)
Moi, j'aimerais vous entendre un petit peu plus, parce que je vais
laisser mon collègue d'Anjou vous questionner aussi, tantôt. Vous
avez fait allusion, lorsque vous recevez des téléphones, au fait
que les femmes se plaignent beaucoup de la façon dont elles sont
traitées et du peu de sérieux des services qu'elles
reçoivent. J'aimerais vous entendre un petit peu plus là-dessus,
là, les proportions. Qu'est-ce qu'elles entendent pas ce mauvais
traitement-là?
Mme Dolment (Marcelle): Je vais donner un exemple. Elles vont
ouvrir le dossier, expliquer leur cas et là elles vont attendre le
téléphone, que l'avocate les rappelle, et l'avocate ne rappelle
pas. Elles peuvent rester 15 jours, un mois, deux mois... Alors, elles
s'inquiètent. Tout ce temps-là, c'est terriblement stressant pour
ces femmes-là. Bon, alors, là, elles rappellent, puis, des fois,
bien, on sait quelle est la réponse: Monsieur ou madame, maître
est en conférence. Ce n'est pas ça, c'est qu'il ne veut tout
simplement pas lui parler. C'est la réponse habituelle maintenant. Mais,
je veux dire, enfin, les femmes se sentent un peu... O.K., elles ont ouvert le
dossier, elles vont faire les procédures pour avoir l'argent, elles se
seront expliquées au départ, mais, après ça, elles
ne pourront plus... C'est comme si elles les achalaient, qu'elles les
appelaient pour rien.
Et, des fois, il y a des problèmes avec les enfants. Vous savez
que c'est très grave maintenant. Elles se sentent complètement
démolies. Ces femmes-là sont déjà démolies,
très souvent. Quand elles vont en divorce, elles sont déjà
démolies, parce qu'on sait que ce n'est pas juste être battu
physiquement; très souvent, elles sont battues psychologiquement: Tu es
une idiote, une folle, il n'y a personne qui va s'occuper de toi. Alors, quand
l'avocate, en plus, qui est supposée les défendre ou l'avocat le
fait, comment pensez-vous qu'elles se sentent? Et, souvent, elles ont
l'impression que l'avocat et c'est pour ça que j'en parle
qui n'est pas tellement bien payé par l'aide juridique... Elles ont
l'impressionje ne dis pas que c'est exact, là que leur
avocate ou leur avocat est payé en dessous de la table.
Et une autre chose que je n'aime pas trop apporter, là, mais il y
a des femmes qui trouvent que les avocates se comportent un peu trop... sont un
peu trop impressionnées par les avocats. Je ne sais pas, là,
comment vous présenter ça pour ne pas que ça ait l'air...
Je ne veux pas dire que les... Mais les avocates, avec le conditionnement que
les femmes ont eu, très souvent, surtout si l'avocat... L'homme,
monsieur peut se payer l'avocat le meilleur en ville, on le sait, ça,
hein? Alors, la petite avocate excusez ou le petit avocat, bon,
qui commence, se sent impressionné, puis elles ont l'impression qu'ils
ne défendent pas leurs droits, que très souvent ils
défendent les droits de l'homme.
Alors, c'est très, très, très embêtant. Et
c'est pour ça que, nous, on avait déjà recommandé
que, pour les causes familiales, monsieur ne puisse pas se permettre le
meilleur avocat, que ça soit un pot général. Ça
serait payé par le gouvernement, puis chacun paierait selon son revenu,
de telle sorte que les gens auraient des avocats de force égale.
Ça n'a pas de bon sens vous venez de voir les Jeux olympiques
que le meilleur fasse face au dernier qui vient de rentrer. Je veux
dire, ça n'a aucun sens. Comment voulez-vous que les femmes obtiennent
justice? Elles ne peuvent à peu près jamais se payer le meilleur
avocat, puis monsieur peut presque toujours se payer un bien meilleur
avocat.
Même, au point de vue de l'aide juridique ça a
été dit, ça, par un qui est venu présenter un
mémoire mardi madame est à Québec, monsieur est en
Ontario, puis en Ontario ils sont mieux payés; donc, monsieur a un
meilleur avocat et madame a un avocat moins bien, d'une certaine façon.
Mais ils sont obligés de se battre à force inégale alors
qu'ils sont tous les deux sur l'aide juridique. Ça a été
dit, ça a été dénoncé. Alors, c'est pour
ça que je vous dis: Quand on fait la comparaison avec... Je comprends
qu'il faut être fier de son pays, mais il faut quand même
être réaliste, puis voir ce qui est bien ailleurs, puis le ramener
ici.
Mme Caron: Mme Dolment, j'aimerais vous faire préciser
davantage concernant le droit familial. Vous venez d'en parler un peu,
là, mais je voudrais clarifier pour être bien sûre, autant
dans votre mémoire que dans votre résumé, que j'ai
vraiment saisi ce que vous souhaitez. Dans le droit familial, vous souhaitez
que ce soit vraiment gratuit dès qu'il y a des enfants ou des enfants
à venir.
Mme Dolment (Marcelle): Oui, oui.
Mme Caron: Vraiment gratuit pour tout le monde, même pour
la personne qui serait très riche. Est-ce que c'est ça?
Mme Dolment (Marcelle): Tout le monde, oui, oui.
L'assurance-santé, c'est pour tout le monde, hein? Bon, bien,
l'assurance juridique familiale, c'est pour tout le monde. Et, comme on le dit
dans le mémoire, ils ont payé suffisamment leur cotisation.
Avant, avoir des enfants, c'était un investissement, hein?
C'étaient des bras sur la ferme. Ce n'est plus ça maintenant.
Alors, je pense que le moins qu'on puisse leur donner, c'est quand la famille
est accidentée. On a l'assurance automobile qui est d'une injustice
épouvantable parce que, plus on est riche, plus on reçoit, alors
que tout le monde paie le même montant, ce qui ne tient pas debout,
d'après moi. Mais ce n'est pas du tout, là... Enfin... Alors,
c'est la même chose avec l'assurance automobile: quelqu'un a bu, mais
ça ne fait rien, il ne paiera pas les coûts, il n'a pas de
responsabilité.
Mais, dans la famille, on ne lui donnera pas des services gratuits.
Alors, une minute, là! Je pense qu'il faut commencer par le plus
important. Les priorités ne sont pas les bonnes. Et, pour le droit
familial, peu importe le revenu, tout doit être gratuit. Et, d'ailleurs,
si on fait de la médiation familiale, si on met en place la
prévention, si on se préoccupe de bien préparer les gens
et de mettre plus de justice et si on avait clarifié le droit de la
famille... Vous savez que la réforme du droit de la famille, c'est un
désastre, hein? Vous savez que la loi 146, il y a des trous partout
dedans. Si on l'avait bien faite, notre loi, il y aurait pas mal moins de
causes familiales. Mais, de la façon dont c'est fait, bien, c'est
tellement mal fait que les femmes s'arrachent les cheveux, et les avocates
aussi.
Mme Caron: Juste pour garder votre exemple de
l'assurance-maladie, là, où il y a eu des tickets
modérateurs comme vous le suggérez ici...
Mme Dolment (Marcelle): Non, non. On n'en veut pas, à
l'assurance-maladie, aucun.
Mme Caron: Non, non, non, mais il y en a eu dans
l'assurance-maladie. Et le ticket, il n'était pas le double si la
personne était célibataire ou si elle n'avait pas d'enfant. Votre
ticket modérateur, ici, vous...
Mme Dolment (Marcelle): Mais il n'y a jamais eu de ticket
modérateur pour l'assurance-maladie.
Mme Caron: Bien, il y a un ticket sur les médicaments.
Mme Dolment (Marcelle): Jamais! Pardon?
Mme Caron: II y a un ticket sur les médicaments: le 2 $,
là.
Mme Dolment (Marcelle): Mais ça n'a rien à voir.
Les médicaments, ce n'est même pas l'assurance-maladie; c'est un
privilège qu'on a donné aux personnes âgées, qui ne
tenait pas debout. D'ailleurs, 2 $, ce n'est pas suffisant; ça devrait
être 5 $.
Mme Caron: Mais, ma question...
Mme Dolment (Marcelle): Ça, ça n'a rien à
voir.
Mme Caron: Ma question, en fait, là: L'assurance-maladie,
c'est égal pour tout le monde O.K.? riche, pauvre.
Mme Dolment (Marcelle): Oui, oui.
Mme Caron: Pourquoi vous voulez que le ticket modérateur,
s'il y en avait un pour l'ouverture des dossiers, soit le double pour les
personnes célibataires ou qui n'ont pas d'enfant?
Mme Dolment (Marcelle): Parce que, justement, avec des enfants,
on ne peut pas égaliser les revenus. Quelqu'un qui a 50 000 $ ou,
mettons, 35 000 $, puis qui n'a pas d'enfant, puis les parents qui ont 35 000
$, puis des enfants, ils n'ont pas le même revenu. On égalise de
façon très minime par le ticket modérateur. Alors, c'est
30 000 $ dans les livres du gouvernement, mais ce n'est pas du tout le
même revenu pour les personnes. On sait, avoir des enfants, combien
ça coûte, puis ce n'est pas les petites déductions qu'ils
donnent ou le peu... Il n'y en même plus, d'allocations familiales,
quasiment. Alors, la différence, elle est là, et je pense qu'il
faut tenir compte... On dit qu'on tient compte des capacités de payer.
Alors, c'est pour ça. Bon, les parents, ils n'ont jamais la
capacité de payer autant. Si on veut avoir des enfants... Vous avez vu,
là, le taux de natalité au Québec. Ne cherchez pas
pourquoi. On le crie au gouvernement depuis 20 ans, mais il n'écoute
pas. Non, il paie pour le troisième enfant au lieu de payer pour le
premier. Excusez si on vous critique, M. Lefebvre, M. le ministre, mais...
Mme Caron: M. le Président, je vais laisser place...
M. Lefebvre: C'est le ministre des Finances que vous critiquez,
là.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Caron: ...à mon collègue d'Anjou.
Le Président (M. Bradet): Oui, allez-y, M. le
député d'Anjou.
M. Bélanger: Merci, M. le Président. Je dois,
malheureusement, dire, d'entrée en matière, que j'ai le malheur
d'être avocat.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bradet): Allez-y quand même, M. le
député.
M. Bélanger: Un malheur que je partage avec plusieurs de
mes collègues.
Mme Dolment (Marcelle): Une fois informé, vous serez
bon.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bélanger: Je trouve un petit peu...
Une voix: C'est un homme, en plus!
M. Bélanger: Puis, en plus, je suis un homme! Je dois
dire, Mme Dolment, que je trouve un peu...
Le Président (M. Bradet): J'aimerais juste avoir le
consentement, comme on a débuté... pour qu'on puisse...
Des voix: Consentement.
Le Président (M. Bradet): Allez-y.
M. Bélanger: Merci, M. le Président. Je trouve un
peu dommage les propos que vous avez tenus envers les femmes avocates de
Montréal en particulier. Moi, je connais assez bien les avocates de
Montréal qui pratiquent en droit j'ai pratiqué pendant
près de 10 ans et en particulier les femmes qui sont permanentes
de l'aide juridique de Montréal, qui, je peux vous le dire, parmi leurs
collègues à Montréal, sont reconnues comme les meilleurs
avocates et avocats en droit familial, je pourrais dire, au Québec.
Alors, je trouve ça dommage, surtout provenant d'un organisme qui fait
de l'information auprès des femmes, que cette perception soit même
partagée par des dirigeants.
Mme Dolment (Marcelle): Je m'excuse. Je tiens à vous
interrompre tout de suite pour que ce soit inscrit.
M. Bélanger: Oui.
Mme Dolment (Marcelle): C'est qu'on m'a demandé de quoi
les femmes se plaignaient quand elles appelaient. Alors, j'ai simplement redit
ce qu'on nous avait dit.
M. Bélanger: II y a un manque d'information, à ce
moment-là.
Mme Dolment (Marcelle): Non, ce n'est pas un manque
d'information. Elles ont la perception, et ça arrive... Non, il ne faut
pas généraliser. Il y a d'excellentes avocatesj'en connais
et qui se tiennent debout, puis qui foncent. Oui, mais j'ai dit qu'il y
en a qui, à cause d'un certain conditionnement, le font. Et c'est ce
dont se sont plaintes les femmes qui nous appelaient. Et c'est assez souvent
pour que je vous le dise, que je vous le rapporte.
M. Bélanger: Et je suis certain qu'il y a aussi des hommes
qui ne doivent pas défendre aussi leurs clientes, comme on dit, comme le
voudraient, des fois, les clientes.
Mme Dolment (Marcelle): Eux autres, c'est une autre façon.
Eux autres, c'est un autre comportement.
M. Bélanger: C'est un autre comportement?
Mme Dolment (Marcelle): Oui, oui. Ils s'en foutent, comme on
dit.
M. Bélanger: Bon, d'accord. Donc, en tout cas, il est
évident que et, sur ça, je ne cherche pas à vous
faire changer d'idée vous n'avez absolument aucune confiance dans
les avocats. Ça, je pense que vous l'avez dit d'une façon assez
claire. Cependant, vous voudriez... Puis, ça, c'est peut-être le
point du mémoire que je trouve un petit peu, peut-être... (12
heures)
J'aimerais avoir des explications quant à la
rémunération forfaitaire. Vous savez, malgré ce que le
ministre de la Justice en a dit, présentement, en tout cas, en
particulier à Montréal, à peu près les seuls
avocats qui participent au réseau de l'aide juridique, au système
privé de l'aide juridique comme avocats privés, sont des avocats
de peu d'expérience ou des avocats qui se sont donné une vocation
sociale. Et, malheureusement, ils sont trop peu nombreux. On en a eu un hier,
Me Goldman, qui est un de ces avocats qui ont une vocation sociale
indéniable, mais ils sont trop peu nombreux. Alors, j'ai peur qu'en
mettant un montant forfaitaire, les avocats de la pratique privée
aillent chercher uniquement les mandats qui ne seront pas compliqués et
où ils pourront avoir une certaine rémunération. Et ils
vont, à ce moment-là, éviter tous les cas complexes
puisque, de toute façon, ils ne seront pas plus payés pour un cas
complexe que pour un cas qui serait simple. Alors, quant à moi, je vous
dirais que c'est la crainte que j'ai relativement à ça.
Autre aspect de votre mémoire qui, aussi, me cause certaines
interrogations, c'est le fait de forcer des avocats à prendre un minimum
de causes d'aide juridique par année. Quant à moi, je trouve que
c'est vrai que tout avocat devrait faire une contribution sociale à la
société, et ce n'est pas à ce principe-là que j'en
ai. Mais, quand on force des gens à faire quelque chose, je me pose des
questions quant à la motivation qu'ils vont apporter dans
l'accomplissement de leur mandat et quant à la façon dont leurs
clients ou leurs clientes vont être servis par ces avocats-là qui
vont être forcés de faire quatre mandats. Alors, moi, je me
demande: Est-ce que
c'est vraiment un service, à ce moment-là, qu'on va rendre
aux gens de leur imposer et de dire: Écoutez, il est de corvée,
celui-là, il est obligé de le faire? Il n'a pas eu son quota de
quatre mandats cette année, il va prendre votre dossier. Il n'a pas le
choix; sinon, il est radié ou il va avoir une suspension.
Moi, je peux vous le dire, je ne voudrais pas être défendu
par cette avocate ou cet avocat-là qui va se voir obligé de faire
son mandat d'aide juridique annuel. Alors, quant à moi, ça me
suscite énormément d'interrogations et je ne suis pas certain
qu'on sert bien la population en agissant ainsi. Ça ne veut pas dire
qu'il n'y a pas un travail à faire au Barreau peut-être pour
sensibiliser ses membres à contribuer d'une façon plus active
bénévolement ou à un certain coût dans la
société. Mais, en tout cas, relativement à ça, moi,
ça me crée énormément d'appréhension.
Ce que je retiens de votre mémoire pour ma part, en tout
cas, je suis très fier de voir cet exposé-là c'est
au niveau de la perception automatique des pensions alimentaires. Je pense que
vous savez que, comme Opposition officielle... En tout cas, moi, comme
porte-parole de la justice, je me suis prononcé fermement,
résolument en faveur de la perception automatique des pensions
alimentaires. Je pense que le modèle onta-rien est un modèle
à regarder; il faut regarder de quelle façon on pourrait le
transplanter chez nous, le modèle de la perception automatique avec
perception à la source.
Maintenant, le service de médiation, vous savez que ce n'est pas
le Code civil qui l'a modifié, mais une loi spéciale qui a
été passée à l'Assemblée nationale, qui a
étendu la médiation à l'échelle de la province,
mais qui, malheureusement, a éliminé un service qui fonctionnait
excessivement bien à Montréal et à Québec, qui
était la médiation familiale avant procédure judiciaire.
Et, quant à nous, je peux vous dire que nous sommes aussi très
fortement en faveur d'un service de médiation et non pas uniquement
quand il y a judiciarisation, mais avant. Alors, je veux vous rassurer
là-dessus: je suis entièrement d'accord quant à cet aspect
de votre mémoire.
Mme Dolment (Marcelle): J'aimerais juste dire que je suis
à peu près d'accord avec tout ce que vous avez dit. J'aimerais
juste nuancer: quand j'ai dit que je n'avais aucune confiance dans les avocats,
j'ai fait un peu comme vous faites à l'Assemblée nationale, j'ai
envoyé ça un petit peu gros, là, disons.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Dolment (Marcelle): Maintenant, la question du paiement
forfaitaire, moi aussi, avant de l'inscrire, là, je me suis posé
des questions. C'est ça, oui, il y a un danger dans chacune des
solutions. Je ne sais pas, là. Je pense que vous êtes plus
spécialisé là-dedans pour le trouver. Mais le paiement
à l'acte, ça a l'air d'être une des pires façons de
le faire. Quant à la question des quatre mandats, il me semble que c'est
quand même une bonne chose. Hier soir, on a revu notre mémoire et
tout le monde était d'accord avec ça, parce qu'il me semble que
le Barreau, avant, avait un peu... Avant qu'il y ait l'aide juridique,
c'était prévu.
Peut-être qu'on pourrait dire que, pour être nommé
ministre de la Justice ou bâtonnier de la province, il faudrait avoir
fait chaque année quatre mandats d'aide juridique. Ce serait
peut-être une façon.
M. Ménard: C'est en masse, ne vous en faites pas.
Le Président (M. Bradet): Merci, Mme la présidente.
Il reste quatre minutes. Est-ce qu'il y a d'autres... O.K. Oui, allez-y.
M. Ménard: Votre mémoire m'a beaucoup
intéressé. Vous y défendez avec une égale
éloquence des principes qui emportent mon adhésion la plus totale
et d'autres que je trouve plus discutables. Mais vous y faites aussi un certain
nombre d'affirmations. Je vous en corrige une pour vos mémoires futurs.
Le principe «nul n'est censé ignorer la loi» est une
mauvaise farce d'avocat. Le principe auquel vous faites sans doute
référence est plus intelligent, c'est: l'ignorance de la loi
n'est pas une excuse. Ça, c'est plus fin, n'est-ce pas?
Mais il y a un sujet sur lequel je voudrais vous questionner, c'est
votre recommandation 21: «II faudra réévaluer s'il est bien
nécessaire de maintenir la couverture des tribunaux administratifs par
l'aide juridique». Beaucoup d'organismes nous ont
représenté que c'est un domaine essentiel parce que, justement,
les citoyens y arrivent généralement démunis. Oui, votre
21, à la page 23 de votre mémoire.
Mme Dolment (Marcelle): Oui, oui. Bien, c'est parce que, oui, on
l'a...
M. Ménard: Parce que les citoyens y arrivent
généralement démunis face soit à des fonctionnaires
expérimentés ou encore à des avocats ou à des
représentants professionnels qui sont très bien
préparés. Alors, dans les exemples qu'on nous donne, justement
dans celui que vous invoquez, la CSST, si vous laissez la personne seule, elle
va se retrouver face au représentant de l'employeur, qui, lui, a une
expérience certaine de ce que l'on peut demander à la CSST ou
non. Vous indiquez justement que ceux qui sont syndiqués ont
accès à des aides. Alors, comment allez-vous compenser pour ceux
qui ne sont pas syndiqués?
Je vous donne aussi un autre exemple vous allez me
répondre sur le même sujet dans le cas des loyers. Le
représentant du propriétaire, surtout lorsqu'il s'agit d'une
corporation, peut avoir un très grande expérience et, pour
contrebalancer cette expérience du côté du simple
locataire, il peut avoir besoin, lui aussi, d'une aide. Et, finalement, on
avait hier un groupe où c'est encore plus évident, ce sont les
malades mentaux qui contestent...
Une voix: Les déficients intellectuels.
M. Ménard: Pas les malades mentaux, mais les gens qui sont
déficients intellectuels qui doivent défendre une ordonnance de
cure fermée. Vous savez, chaque fois, on a créé des
tribunaux administratifs pour amener un règlement plus rapide un
tribunal spécialisé et faciliter l'accès aux
citoyens, accès qui était plus difficile, plus long et plus
compliqué devant les tribunaux de droit commun. Donc, ce sont des
problèmes qui concernent l'immense majorité des gens, la plus
grande majorité des gens. Et ces dans ces domaines-là que vous
croyez vraiment qu'on devrait envisager de retirer l'aide professionnelle
nécessaire à ces gens-là?
Le Président (M. Bradet): Rapidement, madame. Il nous
reste une couple de minutes.
Mme Dotaient (Marcelle): Oui, rapidement. C'est parce que
c'était justement une syndiquée qui disait que, d'abord, quand il
y a un avocat pour le syndicat, peut-être dans ce cas-là il y a
quelqu'un pour la défendre. Je suis d'accord avec vous que les
fonctionnaires peuvent être, des fois, pas mal plus au fait. Maintenant,
pour les malades mentaux, je croyais qu'ils allaient en Cour supérieure
pour avoir le droit; ils ne peuvent pas... Ce n'est pas administratif,
ça. Pour être en cure fermée, c'est un juge qui doit donner
la permission. Il me semble, en tout cas.
M. Ménard: C'est devant la CAS. Mme Donnent (Marcelle):
Pardon?
M. Ménard: C'est devant la Commission des affaires
sociales.
Le Président (M. Bradet): Alors, merci. Mme Donnent
(Marcelle): Mais... Enfin!
Le Président (M. Bradet): M. le ministre, il vous reste
sept minutes.
M. Lefebvre: Mme Dolment, j'aimerais vous entendre, sur
l'évaluation que vous nous suggérez de faire, là, dans
votre document, sur certains services qui ne devraient peut-être plus
être couverts par l'aide juridique. À quoi pensez-vous? Est-ce que
c'est en matière criminelle, pénale, en matière
matrimoniale? Qu'est-ce qu'on devrait éliminer des services couverts par
l'aide juridique pour peut-être récupérer des sous et les
redistribuer, là, à des plus démunis? Qu'est-ce qu'on
pourrait éliminer comme services couverts?
Mme Dolment (Marcelle): Pas nécessairement à des
plus démunis; à ceux qui en ont besoin. Moi, je n'aime pas
ça, ce terme-là. Démunis, là, je pense qu'on
devrait oublier ça.
M. Lefebvre: Non, ce n'est pas ça que je veux dire,
madame.
Mme Dolment (Marcelle): Bien, pas oublier ça, mais, je
veux dire, pas toujours juste ça, là.
M. Lefebvre: Oui.
Mme Dolment (Marcelle): Non, c'est parce qu'il ne faut pas se
limiter aux démunis.
M. Lefebvre: Oui, mais il faut commencer par les plus...
Mme Dolment (Marcelle): Non, non, mais ne pas se limiter à
ça, parce que, nous, on veut l'élargir, tout simplement.
M. Lefebvre: Alors, c'est sûr qu'il n'y en aurait pas, de
limite, si les fonds...
Mme Dolment (Marcelle): Non, mais c'est parce qu'être
démuni, ce n'est pas nécessairement...
M. Lefebvre: ...disponibles étaient illimités.
Mme Dolment (Marcelle): ...être sans argent, hein? Je veux
dire, ce n'est pas nécessairement ça.
M. Lefebvre: O.K. Mais qu'est-ce qu'on pourrait
éliminer?
Mme Dolment (Marcelle): Bien, on pourrait...
M. Lefebvre: Supposons, par exemple, quelqu'un qui est
accusé d'une infraction qui ne présente pas des
conséquences graves.
Mme Dolment (Marcelle): Oui, justement, on l'a dit: Quand il n'y
a pas de risque d'emprisonnement. Surtout que, maintenant, c'est des travaux
communautaires, ce n'est pas la fin du monde. Je pense que quelqu'un, pour une
infraction simple, peut se défendre, à moins, justement, d'avoir
des problèmes mentaux. Deuxièmement, quand c'est des cas minimes,
des choses minimes qui n'ont pas vraiment de conséquences. Je pense
qu'on n'est pas pour tout couvrir. Une chicane de clôture ou quelque
chose comme ça, bon, bien, je ne vois pas pourquoi il y aurait de l'aide
juridique là. Us sont capables de se défendre. (12 h 10)
Qu'ils aillent à la Cour des petites créances. Et la Cour
des petites créances devrait être augmentée à 6000 $
parce que, maintenant, ils l'ont augmentée à 3000 $, mais ce
n'est pas beaucoup. Et, maintenant, il y a de la médiation. Moi, j'ai
été plusieurs fois à la Cour des petites créances
pour voir comment ça fonctionnait. Il y a de la médiation et, en
général, les gens sont assez satisfaits. Ça dépend,
évidemment, du médiateur, parce
qu'on ne va pas, même, toujours devant le juge. Alors, il y a
toutes sortes de moyens comme ça, alternatifs, qui pourraient aider.
Sauf que, là, c'est vraiment un scandale, cette histoire d'avoir
enlevé la médiation familiale. Mais, dans le domaine familial,
même les petites choses peuvent devenir très importantes. Alors,
nous, on ne veut pas du tout toucher au domaine familial. Tout gratuit, et ne
pas du tout couper la couverture.
Mais il y a une infinité... Parce qu'il y a des gens qui s'en
font une spécialité, qui aiment ça d'ailleurs,
ça a été dit récemment qui n'ont rien
à faire, qui font des problèmes et qui vont à l'aide
juridique parce qu'ils y ont accès. Alors, d'avoir un ticket
modérateur, d'avoir un certain montant, peut-être que ça
les empêcherait d'y aller. Alors, ça réduirait beaucoup la
couverture.
M. Lefebvre: Vous y avez justement fait référence,
et j'allais vous demander ce que vous pensiez de la mécanique qui existe
à la Cour des petites créances. Et je suis convaincu même
que vous avez été quelqu'un qui agissait comme amie qui
accompagne le créancier ou le débiteur, hein?
Mme Dolment (Marcelle): Non.
M. Lefebvre: Non, vous n'avez pas fait ça, à
l'occasion?
Mme Dolment (Marcelle): II n'y a à peu près
personne qui veut accompagner personne maintenant. N'essayez pas d'avoir
quelqu'un. Même des témoins, vous ne pourrez pas en avoir.
M. Lefebvre: Mais vous savez qu'en vertu des règles qui
existent à la Cour des petites créances les parties peuvent
être accompagnées de quelqu'un. Vous savez ça ou je vous
donne l'information?
Mme Dolment (Marcelle): Oui.
M. Lefebvre: Est-ce qu'on pourrait s'inspirer de ce qui se passe
à la Cour des petites créances? Parce qu'il y en a qui nous
suggèrent, des fois, d'éliminer l'avocat et de le faire remplacer
par quelqu'un qui...
Mme Dolment (Marcelle): Non.
M. Lefebvre: Non?
Mme Dolment (Marcelle): Non.
M. Lefebvre: C'est l'avocat qui doit être...
Mme Dolment (Marcelle): Parce que, très souvent, la
personne peut être quelqu'un de sympathique, mais ne pas être
compétente. Non, non.
M. Lefebvre: Oui, mais je parle dans certains secteurs,
pas...
Mme Dolment (Marcelle): Oui, mais, même à ça,
non.
M. Lefebvre: Non?
Mme Dolment (Marcelle): Ça serait un service un peu
à rabais. Non.
M. Lefebvre: Peut-être pour ajouter à ce que je
disais tout à l'heure, pour les besoins du député d'Anjou.
En honoraires professionnels pour les avocats de la pratique privée, je
parlais d'environ 40 000 000 $, dont 18 000 000 $ au criminel. Il y a 150
avocats, l'an passé, qui ont gagné, à l'aide juridique, de
50 000 $ à 100 000 $. Il y a 41 avocats qui ont facturé l'aide
juridique pour des montants de 100 000 $ à 200 000 $. Et il y a 11
avocats qui ont facturé pour un montant de 200 000 $ et plus. Alors, il
ne faudrait pas penser et croire qu'il n'y a pas d'avocats en pratique
privée qui font de l'aide juridique. Il y a beaucoup d'avocats qui en
font. Il y en a qui en font beaucoup aussi je ne parle pas de beaucoup
d'argent, là à tous les jours. Ça, c'est important,
et je suis convaincu que vous le saviez, vous, Mme Dolment.
Mme Dolment (Marcelle): Mais c'est peut-être ce qui manque:
des avocats qui vont prendre la cause et qui vont la mener, qui sont
sincères et qui ne vont pas multiplier les procédures.
M. Lefebvre: II me reste deux minutes pour conclure et vous
remercier du mémoire que vous nous avez soumis. Je ne suis pas en accord
avec tout ce que vous proposez, mais ça a le mérite d'être
dit, d'être bien expliqué dans votre document, votre position. Et
je dois aussi ajouter que vous auriez eu, vous, tous les talents pour
être une bonne avocate. Vous avez plaidé aujourd'hui avec beaucoup
de vigueur, beaucoup d'éloquence. Et j'applique à votre
égard un grand principe de droit civil, qui existe encore dans le
nouveau Code civil en vigueur depuis le 1er janvier, que la bonne foi est
toujours présumée. Merci beaucoup, madame.
Le Président (M. Bradet): Merci, madame. Nous suspendons
donc nos travaux jusqu'à 14 heures, et je souhaite à tous un bon
dîner.
(Suspension de la séance à 12 h 14)
(Reprise à 14 h 10)
Le Président (M. Bradet): La commission des institutions
reprend donc ses travaux. Nous en sommes au premier groupe de
l'après-midi, le Curateur public du Québec. Nous accueillons donc
la Curatrice, Mme Nicole Fontaine. Bienvenue, Mme Fontaine, à notre
commission. Comme vous le savez, vous avez 20 minutes pour votre exposé
et, ensuite, c'est un échange entre les
parlementaires. Je vous demanderais peut-être de nous
présenter les gens qui vous accompagnent.
Curateur public du Québec
Mme Douville-Fontaine (Nicole): Oui, certainement. Alors,
à ma droite, Mme Pierrette Lalonde, de la Direction de la planification;
à ma gauche, Mme Hélène Laberge, travailleuse sociale au
bureau du Curateur public; et, à mon extrême gauche, Me
François Dupin qui est également de notre bureau du Curateur
public.
Le Président (M. Bradet): Merci beaucoup. Alors, vous
pouvez y aller.
Mme Douville-Fontaine (Nicole): Merci. Alors, je pense que nous
sommes très contents de profiter de l'opportunité d'exprimer
notre opinion, certaines de nos idées sur l'aide juridique au
Québec, puisque nous sommes un consommateur important des services de
l'aide juridique.
Alors, à l'heure actuelle, le régime d'aide juridique,
bien sûr, on le voit, a besoin d'être réformé.
Même si, d'un avis assez généralisé, on le trouve
bon, il a besoin quand même d'être réformé pour
s'adapter aux réalités sociales, juridiques et économiques
des années quatre-vingt-dix. L'accessibilité à la justice
pour les personnes dont les ressources financières sont restreintes
demeure pour l'État québécois l'objectif fondamental, bien
sûr, de cette réforme. En plus de considérer les moins bien
nantis de la population, le ministre de la Justice a demandé que la
réforme du régime tienne compte du citoyen et de la citoyenne
«à revenus moyens qui n'a plus la possibilité de faire face
à la justice».
En ma qualité de représentante légale d'environ 13
000 personnes inaptes, mais j'ajouterais de 13 000 contribuables, et en ma
qualité aussi de dirigeante d'organisme public, je partage une autre
préoccupation du ministre de la Justice, soit celle d'assainir les
finances publiques. Nous comprenons aisément que le contexte
économique actuel force le gouvernement à remettre en question
des choix qu'il a faits dans le passé, des choix excellents, mais le
contexte est différent aujourd'hui.
Pour éclairer les choix à faire, nous proposons la
réalisation d'une étude détaillée de solutions de
rechange au régime d'aide juridique actuel telles que l'instauration
d'un régime d'assurance je pense que le Barreau l'a
mentionné dans son excellent mémoire; je pense qu'il y a une
piste fort intéressante à explorer là ou encore le
recours à la fiscalité comme mode de remboursement des frais
juridiques en fonction de la situation financière du contribuable. Il
faut trouver un mécanisme équitable, efficace et peu
coûteux pour l'État et le contribuable afin de remédier aux
difficultés d'accès à la justice pour un nombre de plus en
plus imposant de citoyens.
Sur le plan social, le législateur québécois a
déjà édicté plusieurs lois favorables aux personnes
victimes d'injustices, d'abus, d'accidents ou autres situations pouvant causer
de graves préjudices. Pensons seulement aux lois suivantes: la Loi sur
l'assurance automobile, la Loi sur les accidents du travail, la Loi sur
l'assurance-maladie; ce sont des modèles intéressants. Et
peut-être y aurait-il lieu de réformer le régime dans le
but de rendre la justice accessible aux citoyens de façon universelle,
tout en établissant une certaine limite dans l'étendue de la
couverture des services et un contrôle efficace dans la livraison des
services, une gestion efficiente de cette organisation des services.
Le propos de notre mémoire a été
élaboré en fonction de notre rôle de représentant
légal de personnes utilisatrices réelles ou potentielles du
régime d'aide juridique. En effet, en date du 1er décembre 1993,
le Curateur public représente près de 13 000 personnes inaptes
et, de ce nombre, plus de 3350 personnes vivent de prestations de la
sécurité du revenu et 3500 reçoivent le supplément
de revenu de la sécurité de la vieillesse. Donc, c'est un bassin
de clients qui est là. Au sens de la loi, je rappelle qu'une personne
inapte est celle qui éprouve des difficultés et devient incapable
de prendre soin d'elle-même et d'administrer ses biens par suite,
notamment, d'une maladie, d'une déficience ou d'un affaiblissement
dû à l'âge qui altère ses facultés mentales ou
son aptitude physique à exprimer sa volonté.
Notre mémoire comporte quatre parties, suivant en cela votre
excellent document de consultation, soit: première partie, la
clientèle admissible et les bénéfices accordés;
deuxième partie, l'étendue de la couverture des services de
l'aide juridique; troisième partie, l'organisation et la gestion du
régime; quatrième partie, le financement.
Alors, je commence tout de suite avec la première partie qui est
la clientèle admissible et les bénéfices accordés.
Nous parlerons d'abord de la détermination de la clientèle
admissible. Un des critères d'admissibilité à l'aide
juridique est le suivant: «le requérant doit être
économiquement défavorisé». Il y a évidemment
un consensus social quant au maintien d'un tel critère. Toutefois, le
choix des barèmes permettant d'asseoir le concept
«économiquement défavorisé», en fonction de la
réalité économique d'aujourd'hui, provoque quelques
controverses. En effet, tous n'ont pas la même vision de ce qu'est une
personne économiquement défavorisée dans un contexte
d'accès à la justice. à la page 5 de votre document de
consultation, il est mentionné qu'au fil des ans les seuils
d'admissibilité à l'aide juridique n'ont pas suivi l'augmentation
de l'indice des prix à la consommation. cela a eu pour effet de situer
le québec parmi les provinces dont les barèmes économiques
d'admissibilité sont les plus bas au canada. selon les données
présentées dans le document, il n'y a environ que 24 % des
contribuables et conjoints qui ont accès à l'aide juridique, soit
1 127 000 personnes.
Les recommandations du groupe de travail Macdonald visent à
redresser les seuils d'admissibilité afin de rétablir la
situation qui prévalait en 1972. Avec le nouveau critère
proposé, la clientèle admissible représenterait
près de 42 % des contribuables et conjoints,
soit 2 021 000 personnes. De plus, le groupe souhaite élargir
davantage la clientèle admissible afin de rejoindre la classe moyenne,
tel que souhaité par le ministre de la Justice. Toutefois, on imposerait
à cette dernière une participation aux coûts des services
rendus.
Augmenter de près de 20 % le nombre des personnes admissibles au
régime d'aide juridique suscite certaines questions. Entre autres,
est-ce que le contexte économique des années quatre-vingt-dix
peut absorber une telle augmentation? Autrement dit, est-ce que l'État
québécois peut, de manière réaliste, hausser les
seuils d'admissibilité au régime sans augmenter les
dépenses publiques? Est-ce qu'un redressement sévère de la
gestion des fonds publics en matière de justice et une
amélioration de l'efficacité du système judiciaire
seraient suffisants pour financer un programme d'aide juridique s'adressant
à 42 % des contribuables et conjoints? Les résultats de cette
commission parlementaire fourniront sans doute, nous l'espérons, des
réponses à ces questions de fond. Mais je pense que c'est
là la question de fond.
Malgré les difficultés économiques d'aujourd'hui,
serait-il acceptable, dans une société comme la nôtre, que
des citoyens ne puissent faire valoir leurs droits à cause d'un manque
de moyens financiers? C'est le cas. Nous sommes en faveur d'une hausse des
seuils d'admissibilité, mais sans alourdir le fardeau fiscal des
contribuables. Il faut ainsi trouver de nouvelles sources de financement et
revoir l'organisation de la livraison des services. parmi les différents
scénarios proposés, nous privilégions celui qui permet aux
citoyens et citoyennes les moins bien nantis, et souvent les plus
vulnérables de notre société, d'avoir facilement
accès à la justice. ça implique un élargissement
des seuils d'admissibilité. il s'agirait, selon le modèle du
groupe macdonald, de la population dont les revenus sont inférieurs
à 80 % du mga, soit 42 % des contribuables et conjoints, les 2 000 000
de personnes que nous mentionnions. nous optons pour ce scénario en
considérant que le maintien de la situation actuelle aurait pour effet
d'empêcher un nombre important de personnes démunies de
«jouir de la plénitude de leurs droits comme êtres
humains». bien que nous soyons en faveur de l'élargissement des
seuils d'admissibilité, nous aimerions préciser dès
maintenant qu'aucune hausse des dépenses publiques ne peut être
tolérée dans le contexte économique actuel; on souhaite
même les réduire. dans le cadre de cette réforme, le
chapitre sur le financement du régime est évidemment capital.
dans cette perspective, peut-on appuyer la proposition du groupe macdonald
portant sur l'admissibilité des personnes dont le revenu se situe entre
80 % et 120 % du mga? cette proposition nous semble peu réaliste dans un
contexte où il faut absolument réduire les dépenses de
l'état. même en exigeant une contribution graduelle de ces
bénéficiaires, il faudrait ajouter 10 400 000 $ aux 32 700 000 $
nécessaires à l'admissibilité des personnes ayant un
revenu de moins de 80 % du mga.
Comme nous l'avons déjà mentionné, il faut
étudier sérieusement les solutions de rechange et je les
rappelle: un programme d'assurance, un programme de fiscalité au
régime actuel. C'est probablement de ce côté que nous
trouverons un moyen efficace d'élargir l'accessibilité à
la justice, et cela, sans coût supplémentaire pour l'État.
Nous sommes également d'avis qu'une révision annuelle des seuils
d'admissibilité devrait être effectuée et ces derniers
ajustés selon la conjoncture du moment et les coûts qui en
découlent. en outre, il est éminemment souhaitable
d'établir la période de référence pour
évaluer la situation financière du requérant sur une base
annuelle plutôt qu'hebdomadaire. il nous apparaît difficilement
concevable qu'un requérant qui ne travaille pas durant quelques semaines
seulement puisse être admis à l'aide juridique pendant cette
période, sachant qu'il ne le serait pas si son revenu annuel avait
été pris en compte. subsidiaire-ment, cette nouvelle façon
de faire aurait pour effet de réduire le nombre de personnes dans la
classe «sans revenu», tel qu'indiqué aux pages 23 et 24 du
document de consultation. en 1991-1992, cette catégorie comprenait
près de 30 % des bénéficiaires de l'aide juridique. c'est
une donnée surprenante qui ne représente pas la
réalité québécoise même si on tient compte
des conjoints et des étudiants sans revenu. (14 h 20)
On nous demande si les seuils d'admissibilité au régime
d'aide juridique devraient être modulés en fonction de situations
particulières que peuvent vivre les enfants, les personnes
âgées, les personnes handicapées, les personnes inaptes
notre clientèle les autochtones, les immigrés ou
d'autres. À ce sujet, nous croyons que ce sont des facteurs
économiques qui devraient être pris en considération lors
de l'évaluation de la situation financière des personnes. Par
exemple, si une personne, qu'elle soit apte ou inapte, âgée ou
jeune, a dû acheter, au cours de l'année de
référence, des équipements orthopédiques, cette
dépense devrait être soustraite de ses revenus. Il faudrait donc
tenir compte des situations particulières de toute personne, quels que
soient son âge, son sexe, son aptitude ou son handicap.
Ceci nous amène à proposer le maintien d'un pouvoir
discrétionnaire, qui est exercé actuellement par le directeur
général des centres communautaires juridiques, dans le cas
où l'admissibilité d'un requérant dont les revenus sont
supérieurs aux seuils déterminés est mise en cause. Il y
aura toujours des cas complexes qui nécessitent une attention
particulière, et je pense qu'il est nécessaire de conserver cette
marge de manoeuvre, ce pouvoir discrétionnaire.
Je parlerai maintenant de la désignation du requérant.
C'est aborder, pour nous, un problème particulier que nous rencontrons
au Curateur public et, également, les représentants
légaux, c'est-à-dire les tuteurs et curateurs privés, et
les personnes en besoin de protection lors de la désignation du
requérant à l'aide juridique. Le problème se
présente lorsque l'ouverture d'un régime de protection est
demandée par un tiers, que ce soit le
Curateur public, un proche parent ou tout autre intéressé.
Dans ce cas, l'admissibilité à l'aide juridique est
déterminée en fonction de la situation financière du
tiers, considéré comme le requérant, plutôt que de
celle de la personne pour qui le régime de protection est
souhaité, qui est considérée comme l'intimée.
Pourtant, ce n'est évidemment pas le tiers qui bénéficiera
du régime de protection, mais bien la personne pour laquelle il est
demandé, c'est-à-dire la personne inapte.
On applique ainsi les critères d'admissibilité à
l'aide juridique de façon mécanique, à notre avis, sans
considérer la situation dans son ensemble suffisamment. On ne tient pas
compte du fait que les personnes inaptes n'ont généralement pas
la volonté et encore moins l'aptitude, la capacité de demander
elles-mêmes l'ouverture d'un tel régime dont elles vont
bénéficier. C'est pour ça que c'est quelqu'un d'autre qui
le fait à leur place.
Le fait de désigner le tiers comme requérant aux fins de
l'aide juridique dans les cas d'ouverture de régime de protection a pour
conséquence, dans plusieurs cas, de remettre au Curateur public la
charge de déposer la requête à la cour à la place du
représentant potentiel et, ainsi, l'obligation d'assumer tous les
coûts afférents au processus d'ouverture de régime. Il
n'est pas difficile de comprendre que les proches ne sont pas
intéressés, dans la plupart des cas, à payer
eux-mêmes les frais inhérents à ce processus, qui
s'élèvent actuellement entre 700 $ et 1500 $ pour chaque
situation, selon la complexité du dossier. Ce qui fait que ce dernier ne
prend pas l'initiative d'enclencher les procédures judiciaires
même s'il est assuré d'être désigné comme
représentant légal de la personne inapte et, donc, ça
décourage très vite les proches de vouloir s'impliquer dans le
rôle de tuteur et curateur privé, ce qui va tout à fait
à rencontre de notre philosophie actuelle au Curateur public d'inciter,
d'amener, d'encourager les membres de la famille et les proches à
devenir tuteurs et curateurs privés. C'est une situation qui est
épineuse pour nous.
Et, donc, nous pensons que la solution au problème soulevé
est la suivante: l'admissibilité à l'aide juridique devrait
être déterminée non pas en fonction de la situation
économique du tiers, qui est le représentant légal
potentiel, mais plutôt en fonction de celle de la personne inapte en
faveur de laquelle une action judiciaire, une procédure est
enclenchée. Ça nous apparaît vital.
Parallèlement à cette solution, nous proposons, dans les
cas d'ouverture de régime de protection, un allégement des
procédures comparable à celui apporté à la
révision du régime par le nouveau Code civil du Québec
(voir l'article 280). Grâce à cet allégement, les services
d'un conseiller juridique, et donc de l'aide juridique, ne seront requis qu'en
de rares occasions, lorsqu'un litige éclate ou encore lorsque la famille
le demande.
Comme nous l'avons mentionné dans le cadre du Sommet de la
Justice, dans la mesure où les droits d'une personne ne sont pas
brimés et où la contestation du bien-fondé de la
protection légale demandée par un tiers demeure possible
et ça le demeure dans la solution que nous vous proposons il ne
devrait pas y avoir d'obstacle à l'allégement de la
procédure judiciaire. J'ai mentionné les coûts
impliqués, mais il y a aussi des délais importants qui s'en
trouveraient raccourcis de façon importante pour la personne à
être protégée.
Cette orientation, à notre avis, respecte le choix du
législateur québécois lorsqu'il a opté pour la
judicia-risation du processus d'ouverture de régime de protection dont
le but premier est d'assurer le respect des droits de la personne. Il faut se
rappeler que ce changement législatif visait à abolir le
processus de mise sous «curatelle automatique» un peu trop rapide,
qui prenait une journée à peine, d'une personne sur simple
transmission au Curateur public d'un certificat d'incapacité émis
par un psychiatre. Je pense qu'on peut dire que cet abus-là ou cette
situation-là est amplement corrigée, mais le balancier est
peut-être allé un peu trop loin dans l'autre sens.
La judiciarisation présente certains revers incontournables:
lourdeur des procédures, engorgement des tribunaux, délais
très longs. Et c'est une réalité que nous
déplorons. En somme, l'allégement des procédures aurait
pour effet de réduire les coûts dans tout l'appareil judiciaire, y
compris à l'aide juridique, tout en préservant les droits des
personnes inaptes.
Je passerai maintenant à l'étendue de la couverture des
services de l'aide juridique. À notre avis, il est impossible de
maintenir la couverture actuelle des services si nous voulons une hausse des
seuils d'admissibilité à l'aide juridique sans augmenter les
dépenses publiques. Certains services devront être exclus ou, du
moins, rendus différemment. Ainsi, on peut se demander s'il ne serait
pas pertinent de passer en revue les différents services actuellement
disponibles afin d'identifier, d'une part, ceux qui peuvent être exclus
et, d'autre part, le type de services à rendre en fonction du
problème juridique soulevé, par exemple, l'information,
l'accompagnement, la médiation, la représentation par un avocat,
une certaine «multidisciplinarisation» de l'approche à
l'aide juridique. En fait, il ne s'agit pas de retrancher totalement des
catégories de services, mais plutôt de choisir les services que le
régime juridique ou que l'État a les moyens d'offrir. Je pense
que c'est un peu au coeur du réalignement de l'État et de tout le
réexamen des produits et services que, tous, nous faisons dans tous les
organismes et ministères présentement. Et ça
m'apparaît essentiel de le faire.
Par ailleurs, le recours plus fréquent aux modes non judiciaires
de règlement des conflits constitue une voie qu'il faut
sérieusement explorer et offrir aux citoyens. Nous insistons beaucoup
sur le fait qu'il faut miser davantage sur la recherche de solutions autres que
judiciaires. Avant de modifier la gamme des services, il nous apparaît
toutefois primordial de faire un examen attentif des conséquences d'une
telle mesure sur les bénéficiaires de l'aide juridique. Il faut
minimiser les impacts et on doit s'appuyer sur des critères qui
pourraient être définis par différents groupes
socio-économiques, et les consulter à cette fin-là.
J'aborderai maintenant la question de l'organisation et de la gestion en
soi du régime, deux minutes. Peut-être qu'on pourrait
échanger plus longuement au moment des questions là-dessus. Si on
se situe dans le contexte du réalignement de l'État, je pense que
la question principale que je voudrais soulever, c'est: Est-ce qu'il n'y aurait
pas lieu de gérer plus efficacement? Je vois que M. le président
est là, de la Commission des services juridiques. Nous avons certaines
questions. Je pense que le fonctionnement de la Commission et de l'aide est
sûrement bien, mais je pense qu'il y a toujours place à
amélioration. Et je terminerai en disant que c'est probablement
particulièrement crucial et pertinent maintenant. je conclurai, m. le
président, en rappelant peut-être les cinq recommandations
principales que je voudrais porter à l'attention de la commission.
alors, la première: que le gouvernement étudie des solutions de
rechange au régime d'aide juridique actuel, telles que la formule des
assurances ou le recours à la fiscalité, certainement pour tout
ce qui est à 80 % et plus du mga, afin de favoriser une plus grande
accessibilité. deuxième recommandation: que les personnes dont
les revenus se situent en deçà de 80 % du mga soient admissibles
aux services de l'aide juridique. le coût, 32 000 000 $. troisième
recommandation, à nos yeux prioritaire: que, lors d'une demande d'aide
juridique formulée par le représentant légal potentiel ou
désigné d'une personne inapte, l'admissibilité à
l'aide juridique soit déterminée non pas en fonction de la
situation économique du requérant, mais en fonction de celle de
la personne inapte en faveur de qui le service est demandé. la
quatrième: que le ministre de la justice fasse le nécessaire pour
alléger les procédures dans les cas d'ouverture de régime
de protection, comme cela a été fait récemment dans les
cas de révision de régime de protection, cette fois-là
à l'article 240 de notre nouveau code civil. et, enfin, la
dernière: que des services d'information, d'accompagnement, de
médiation soient disponibles aux bénéficiaires de l'aide
juridique afin de favoriser une approche précontentieuse des
problèmes d'ordre juridique. et je terminerai là-dessus. merci.
(14 h 30)
Le Président (M. Bradet): Merci beaucoup, Mme Fontaine. M.
le ministre de la Justice, vous avez la parole.
M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Alors, Mme Fontaine,
je veux vous remercier, avec les dames et monsieur qui vous accompagnent,
d'être ici aujourd'hui pour nous commenter le mémoire que vous
avez soumis à l'attention de la commission. C'est évident que le
mémoire qui est soumis par la curatelle publique est d'une extrême
importance pour la commission. D'ailleurs, le mémoire lui-même et
le résumé, les explications que vous nous donnez, en partant du
mémoire, nous démontrent de façon claire que la curatelle
a une connaissance très précise de ce qu'est le régime
d'aide juridique au Québec.
J'aimerais, Mme Fontaine, que vous nous expliquiez rapidement de quelle
façon la curatelle publique, dans son administration quotidienne, est en
contact avec le système d'aide juridique. Je comprends que ça va
de soi que vous représentez des bénéficiaires, à
l'occasion, qui ne sont pas nécessairement admissibles de façon
automatique à l'aide juridique. Mais j'aimerais, quotidiennement, savoir
comment ça se passe entre la curatelle et le régime d'aide
juridique, tout ça, à travers les bénéficiaires.
Parce que vous faites une recommandation qui est extrêmement importante.
Vous avez d'ailleurs insisté à deux reprises sur
l'admissibilité quant au bénéficiaire plutôt qu'au
requérant; ça, c'est extrêmement important dans votre
mémoire. D'ailleurs vous avez je me répète
insisté sur ce point-là. Je vous écoute, Mme Fontaine.
Comment ça fonctionne entre vous autres, la curatelle et l'aide
juridique?
Mme Douville-Fontaine (Nicole): Oui. Alors, je parlerai des
personnes que nous représentons quotidiennement et pour qui, pour un
grand nombre d'entre elles, nous faisons affaire avec l'aide juridique. Alors,
parmi les personnes que nous représentons, certaines ont de l'argent,
ont un patrimoine suffisant, et nous devons les représenter en cour dans
différents litiges, que ce soit pension alimentaire, divorce, etc.
Lorsque la personne a le patrimoine suffisant, on va engager un avocat pour
elle; pas de problème, là. Ça, ça fonctionne bien.
Lorsque la personne n'a pas...
M. Lefebvre: Mme la Curatrice, je m'excuse. Techniquement, dans
un cas comme celui que vous venez d'expliquer, est-ce que c'est la curatelle
qui a le pouvoir? Je pense que c'est oui, hein? Vous avez le pouvoir de
mandater l'avocat qui est un avocat, nécessairement, de pratique
privée, à ce moment-là.
Mme Douville-Fontaine (Nicole): C'est ça. À ce
moment-là, le Curateur public agit es qualités.
M. Lefebvre: Oui.
Mme Douville-Fontaine (Nicole): C'est-à-dire qu'il est
cette personne-là, elle-même, qui s'engage un avocat. Donc, c'est
nous, au Curateur public, qui engageons, pour la personne à être
représentée, un avocat de la pratique privée, selon les
tarifs qui ont cours présentement.
Lorsque la personne n'a pas d'argent, nous allons faire une demande
à l'aide juridique, un peu partout dans la province, puisque nous
couvrons toute la province, pour que la personne que nous représentons
puisse avoir un avocat de l'aide juridique. Et là, c'est le patrimoine
de la personne qui est considéré et non pas l'argent du Curateur
public, ni le budget du Curateur public. Donc, généralement, il
arrive que certaines régions vont nous dire non, d'autres régions
vont nous dire oui. Bon, généralement, on finit par s'entendre et
l'aide juridique va, dans la majorité des cas, voir à
représenter
la personne inapte. Ça, c'est pour les personnes qui sont
déjà sous un régime de protection. Comme vous voyez, c'est
vraiment le patrimoine de la personne qui est considéré.
M. Lefebvre: Là, Mme la Curatrice, vous faites
référence à la protection de par la mécanique de la
curatelle. La personne est déjà sous protection.
Mme Douville-Fontaine (Nicole): Oui. Lorsqu'elle ne l'est pas
encore et qu'on voit qu'une personne a besoin d'un régime de protection
et que quelqu'un, dans l'entourage de la personne, voit qu'elle en a besoin, et
que la personne a de l'argent, le proche va se prévaloir d'un avocat, va
pouvoir fonctionner et faire représenter la personne pour qu'elle ait un
régime de protection.
Lorsque la personne n'a pas d'argent... Parce que, si la personne a de
l'argent, le proche va se rembourser...
M. Lefebvre: Oui.
Mme Douville-Fontaine (Nicole): ...à même le
patrimoine de la personne, des frais encourus. Donc, on voit bien que c'est
l'intérêt de la personne elle-même. Lorsque la personne n'a
pas d'argent, le proche, qui va être considéré comme
requérant, va se présenter à l'aide juridique et là
le problème, c'est que l'aide juridique considère le patrimoine
du requérant...
M. Lefebvre: Plutôt que du...
Mme Douville-Fontaine (Nicole): ...plutôt que de la
personne à être représentée. Ça, c'est un
problème, parce qu'on voit que, dans les autres situations, c'est
vraiment le patrimoine de la personne à être
représentée qui est considéré. C'est pour son
intérêt à elle. Et le proche va agir dans
l'intérêt de la personne inapte et comme voulant la
représenter en son nom. C'est pour ça qu'on souhaiterait que ce
soit le patrimoine de la personne inapte qui a besoin d'un régime, qui
soit considéré, comme c'est le cas dans les autres
situations.
M. Lefebvre: Merci, Mme Fontaine. À la page 1 de votre
mémoire, vous suggérez la mise en place d'un comité qui
aurait comme responsabilité d'évaluer la couverture des services.
Est-ce que vous considérez que ce comité-là pourrait
évaluer aussi la mécanique quant aux suggestions que vous faites,
de façon générale et à plusieurs reprises dans
votre document, sur la contribution des bénéficiaires, le volet
contributoire des bénéficiaires? Et, dans ce sens-là, vous
vous rapprochez un peu du Barreau. Est-ce que vous pensez qu'un comité
devrait évaluer l'ensemble de la question? C'est un peu ce que vous
semblez indiquer à la page 1 de votre document. ..
Mme Douville-Fontaine (Nicole): Oui.
M. Lefebvre: ...et je veux vous le faire préciser pour
être certain que je vous comprends bien.
Mme Douville-Fontaine (Nicole): Donc, vous voulez savoir si on
pense...
M. Lefebvre: «Pour éclairer les choix à
faire, nous proposons la réalisation d'une étude
détaillée», etc.
Mme Douville-Fontaine (Nicole): Oui, effectivement.
M. Lefebvre: Alors, c'est une étude qui serait faite par
une espèce de comité. D'ailleurs, il y a le Barreau et le Conseil
du statut de la femme qui en parlent également.
Mme Douville-Fontaine (Nicole): Oui, effectivement, parce que je
pense que ce n'est pas à nous, et on ne l'a pas fait, non plus.
M. Lefebvre: Non, je le comprends.
Mme Douville-Fontaine (Nicole): On n'est pas allés
très loin, en profondeur, faire une analyse approfondie. Ce n'est pas
à nous à faire ça. Mais je pense que, avant de prendre
quelque décision, il faudrait vraiment faire une analyse très en
profondeur en évaluant les coûts et les bénéfices et
les impacts aussi des mesures qu'on voudra retenir, pour s'assurer qu'on fait
des choix éclairés.
M. Lefebvre: Vous parlez du pouvoir discrétionnaire du
directeur général, et vous en parlez à deux reprises dans
votre mémoire, là. Vous savez, évidemment, qu'il y a
déjà un pouvoir discrétionnaire qui est basé sur
les critères suivants: lorsqu'un bénéficiaire
présumé a des revenus qui dépassent le seuil
d'admissibilité, si le problème auquel il est confronté ne
trouve pas solution et pourrait constituer un préjudice grave, un tort
irréparable, on a un pouvoir discrétionnaire, à ce
moment-là, d'élargir, si on veut, le seuil
d'admissibilité. Est-ce que c'est à ce pouvoir
discrétionnaire que vous faites référence ou si vous
voulez, Mme la Curatrice, qu'on élargisse encore plus le pouvoir
discrétionnaire? Et, si oui, de quelle façon vous suggérez
qu'on le fasse?
Mme Douville-Fontaine (Nicole): À mon avis et on
l'a dit dans notre mémoire il faudrait garder le pouvoir
discrétionnaire au niveau du directeur et s'assurer qu'il a la marge de
manoeuvre pour pouvoir apprécier les différentes situations et
probablement particulièrement au niveau de l'admissibilité
où, là, c'est impossible de mettre dans des critères
toutes les situations de la vie humaine et de comprendre tous les
éléments qui peuvent s'y rapporter. Donc, à notre avis,
c'est absolument essentiel de garder ce pouvoir discrétionnaire.
M. Lefebvre: Vous indiquez également, dans votre
mémoire, dans le chapitre du financement, qu'aucune contribution, quant
à vous, ne devrait être exigée de la clientèle qui
se situe entre 0 % et 80 % du maximum des gains admissibles. Est-ce que vous
indiquez, par ce commentaire, qu'il n'y aurait aucune contribution, que ce soit
au niveau de frais d'ouverture de dossier, de ticket modérateur ou de
contribution directe, entre 0 % et 80 % du MGA?
Mme Douville-Fontaine (Nicole): je pense que,
généralement, on ne devrait pas demander de contribution.
cependant, je ne serais pas opposée à des frais d'ouverture de
dossier, frais dont on a parlé et qui se situeraient autour d'une
dizaine de dollars. je pense que ce n'est pas exagéré. mais,
généralement, effectivement, il n'y aurait pas lieu, compte tenu
des très faibles revenus qui sont disponibles, de demander des
contributions autres entre 0 % et 80 %. (14 h 40)
M. Lefebvre: Dans votre mémoire, Mme Fontaine et
ça m'apparaît extrêmement important, je pense, qu'on
revienne là-dessus vous suggérez que des bureaux d'avocats
je comprends que ça s'adresse, votre commentaire, au Barreau du
Québec participent à titre gratuit à certaines
causes sociales: conférences, lignes téléphoniques,
recherches juridiques pour des groupes communautaires. Comment voyez-vous la
participation du Barreau ou des membres du Barreau, bénévole et
gratuite, évidemment, en parallèle avec le régime d'aide
juridique? Comment imaginez-vous que ça pourrait fonctionner? On a eu
des exemples, hier, de régions et particulièrement dans la
région de Montréal où ça fonctionne jusqu'à
un certain point.
Mme Douville-Fontaine (Nicole): Effectivement, ça
fonctionne et je pense qu'on a trouvé les suggestions dans le
mémoire du Barreau intéressantes. Nous y allons des nôtres
en suggérant que peut-être, à titre gratuit, et ça
se fait déjà, ça pourrait être renforcé,
encouragé; que le Barreau puisse peut-être créer une banque
de temps d'avocats qui pourraient être disponibles, mis à la
contribution région par région pour certaines causes, certaines
spécialités. Je pense que c'est une avenue fort
intéressante. Nous savons que ça fonctionne déjà et
que ça pourrait peut-être être encore augmenté,
surtout dans les contextes que nous vivons présentement.
M. Lefebvre: Le volet contributoire du citoyen à revenu
moyen. Est-ce que la contribution du justiciable serait par le biais de la
fiscalité ou une contribution directe, selon vous? Et je vous rappelle
ce que le Barreau nous propose, là. Comment voyez-vous la participation
financière du justiciable par cette contribution à laquelle vous
faites référence?
Mme Douville-Fontaine (Nicole): Voyez-vous, je pense qu'il y a
des avantages et des inconvénients aux deux. Si on pense à la
fiscalité, c'est peut-être une façon très simple et
rapide de le faire, et ça pourrait être fort intéressant.
Cependant, je pense que le citoyen, le contribuable voit moins, sent moins
cette contribution-là que ce qu'une contribution directe peut
apporter.
M. Lefebvre: Pourquoi? Pourquoi dites-vous ça?
Mme Douville-Fontaine (Nicole): C'est une fois par année.
Alors, c'est à travers d'autres chiffres. Bon, on le sent moins, on le
perçoit moins que lorsqu'une c'est contribution directe où le
geste est là, c'est tangible. C'est pour un service qui est là et
qui n'est pas à travers d'autres chiffres.
M. Lefebvre: L'administration de la contribution directe,
ça ne vous inquiète pas un peu? Vous en êtes bien
consciente parce que vous en êtes une administratrice; à tous les
jours, vous savez ce que c'est d'administrer des budgets, vous savez ce que
c'est d'administrer une structure comme l'aide juridique ou la Curatelle
publique. Ça voudrait dire, Mme Fontaine, qu'il faudrait quotidiennement
percevoir cette contribution de tous les bénéficiaires qui
seraient admissibles.
Mme Douville-Fontaine (Nicole): Effectivement, vous avez
raison...
M. Lefebvre: Un service avec contribution.
Mme Douville-Fontaine (Nicole): ...de souligner ça. Et
c'est pour ça que vous ne me voyez pas chaudement appuyer, tout en y
voyant certains avantages, vous ne me voyez pas vraiment souligner que
c'était l'avenue qu'il fallait prendre, à cause des frais de
gestion que ça entraîne, et on peut se demander si ça en
vaudrait la peine. Encore là, il faudrait avoir une étude ou une
évaluation des frais encourus versus ce qui serait versé, qu'il
faudrait possiblement faire. Mais, à ce moment-ci, on peut se dire que
la voie de la fiscalité est certainement une voie
intéressante.
M. Lefebvre: Ce que vous dites, en deux mots, c'est que ça
sensibiliserait beaucoup plus le citoyen, mais, en parallèle, il y a
l'inconvénient de l'administration.
Mme Douville-Fontaine (Nicole): C'est ça.
M. Lefebvre: Merci, madame. Je vais laisser mes collègues
de l'Opposition procéder, à leur tour, à leurs questions,
j'en suis convaincu, fort pertinentes.
Le Président (M. Bradet): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, Mme Fontaine,
Curatrice, Mme Lalonde, Mme Laberge, Me Dupin, merci beaucoup de votre
présence à la commission. C'est important parce que le Curateur
public
joue un rôle important dans la société
québécoise et c'est important aussi parce que vous avez à
utiliser les services de l'aide juridique. Vous vivez des problèmes
particuliers aussi et votre mémoire, à cet
égard-là, est un peu différent de certains mémoires
parce que vous nous pointez certaines difficultés bien précises
reliées à votre exercice.
De votre mémoire, concernant les moyens pour ouvrir davantage aux
revenus moyens, j'avais compris que vous privilégiez la
fiscalité. Vous n'avez pas tort, non plus, de dire que la perception des
gens est différente. La question qu'on a à se poser, comme
État responsable: Est-ce que, uniquement pour la question de la
perception, on doit demander à l'État de payer plus pour une
question de perception des gens? Il faudra répondre à cette
question-là. Mais je pense qu'une autre question pertinente qu'on trouve
dans votre mémoire, c'est en page 4, lorsque vous dites:
«Malgré les difficultés économiques d'aujourd'hui,
serait-il acceptable, dans une société comme la nôtre, que
des citoyens ne puissent faire valoir leurs droits à cause d'un manque
de moyens financiers?» Et vous exprimez très bien que le
coût des dépenses du système au Québec est de
beaucoup inférieur à celui de l'Ontario. si on regarde le tableau
25 du document du ministère, en page 44, l'état fournit, au
québec, 99 % des coûts, c'est-à-dire 102 059 000$, en
1991-1992, alors que l'ontario, qui ne fournit que 82 %, paie 221 914 000 $.
c'est ça qu'ils ont payé. alors, même avec notre 32 700 000
$ d'ajout pour aller couvrir jusqu'au 80 % du mga, on est de beaucoup
inférieurs au taux de l'ontario. alors, je pense que c'est un
élément important à retenir.
Moi, je vais vous questionner, bien sûr, sur les aspects un peu
plus particuliers à votre mission. Vous nous exprimez bien qu'un peu
plus de la moitié des personnes inaptes, chez vous si
j'additionne les prestataires de la sécurité du revenu, plus ceux
du supplément de revenu de la vieillesse donc 6850 sur 13 000
personnes inaptes, pourraient être des personnes qui pourraient avoir
besoin de l'aide juridique. Sauf que, selon les données des seuils
d'admissibilité, maintenant, règle générale, on
nous dit que les personnes qui sont bénéficiaires uniquement des
pensions de vieillesse ne sont plus éligibles à cause des seuils
d'admissibilité. Or, moi, j'aimerais savoir si, dans la plupart des cas
où vous avez besoin d'aide juridique pour ces personnes-là, vous
obtenez le pouvoir discrétionnaire. Est-ce qu'on vous accorde ces
dossiers-là quand même, même si ça dépasse le
seuil d'admissibilité, ou est-ce que ça pose un véritable
problème, le seuil, au taux où il est actuellement, pour
près de la moitié de votre clientèle de personnes
inaptes?
Mme Douville-Fontaine (Nicole): les chiffres que nous
mentionnons, c'était dans l'optique du 80 % et plus que nous proposons.
alors, pour les gens qui ont un peu plus de patrimoine, de revenus, que le
seuil de l'aide juridique, à ce moment-là, nous devons contracter
privément. c'est ce que nous faisons.
Mme Caron: Je formule à nouveau ma question. En 1972, les
personnes qui ne vivaient que de la pension de vieillesse étaient
automatiquement éligibles. Bon, de manière
générale, on nous dit qu'actuellement, compte tenu que les seuils
n'ont pas été indexés, les personnes qui
bénéficient de la pension de vieillesse, et encore moins celles
qui bénéficient du supplément, ne sont plus
éligibles au système d'aide juridique. Comme vous avez quand
même beaucoup de personnes, chez vous, qui ne vivent que de la pension de
vieillesse ou du supplément, est-ce que vous obtenez quand même
des mandats d'aide juridique par le pouvoir discrétionnaire ou si vous
ne les obtenez pas?
Mme Douville-Fontaine (Nicole): Non, on ne les obtient pas. On
fonctionne avec les critères qui sont généraux. On
respecte ça. Donc, on n'a pas l'aide juridique pour ces
personnes-là et on doit s'assurer d'obtenir le service requis.
Je voudrais peut-être porter à votre attention que, au
Curateur public, avant d'aller soit à l'aide juridique ou à un
bureau privé d'avocats ou de notaires, on va avoir une approche
d'essayer de trouver tous les moyens possibles, toutes les avenues possibles
pour éviter que la situation devienne litigieuse et qu'on doive avoir
recours à un avocat. On a donc une approche multidisciplinaire
où, avec le travailleur social et l'avocat de l'interne, on va tenter de
voir, pour le client, si on n'a pas fait toutes les avenues possibles,
épuisé tous les recours possibles. Et c'est seulement en
dernière, dernière instance que, vraiment, on va avoir recours
à l'avocat, sachant l'impact sur le peu de revenus qu'a la personne.
Mais, effectivement, lorsqu'on doit y avoir recours, on y a recours; si ce
n'est pas par l'aide juridique, ça va donc être par un bureau
privé. (14 h 50)
Mme Caron: Je pense que vous avez soulevé un point; peu
importent les décisions qui seront prises concernant la réforme
de l'aide juridique, ça m'apparaît extrêmement prioritaire
qu'on règle cette situation-là. Et votre suggestion, elle est
très correcte, c'est-à-dire considérer les revenus de la
personne inapte pour juger de l'admissibilité plutôt que de
considérer la situation financière du tiers. Je pense que vous
l'avez très bien présentée en pages 7 et 8 de votre
document. Le président de la Commission des services juridiques est
là, le ministre, aussi, a pris connaissance de votre document. Ça
m'apparaît être un changement qui devrait être
apporté, mais très rapidement, là, indépendamment
d'une réforme de l'aide juridique. C'est tout à fait inadmissible
qu'on calcule le revenu du requérant parce que, après tout, c'est
pour la personne inapte qu'on pose le geste et, là-dessus, vous avez
vraiment parfaitement raison.
J'aurais aimé vous entendre un petit peu plus sur
l'allégement que vous souhaitez en pages 8 et 9. On sait que
l'orientation, là, a été prise dans le Code civil de
judiciariser la procédure un petit peu plus du côté de
l'ouverture des régimes de protection. J'étais membre de
la commission, je me souviens de nos débats à ce
moment-là. On s'inquiétait beaucoup de la hausse
extrêmement importante des demandes de cure fermée et on voulait
que, finalement, le processus soit un petit peu plus rigide, plus difficile,
pour éviter, justement, la tendance qu'on voyait au cours des
dernières années. Alors, moi, j'aimerais que vous m'expliquiez un
petit peu plus ce qu'il y a dans le document sur votre demande
d'allégement.
Mme Douville-Fontaine (Nicole): Oui. Alors, notre demande
d'allégement vise surtout l'ouverture des régimes de protection.
Je pense que le Code civil a bien fait de judiciariser cette
approche-là. Je pense que c'est mieux ainsi; les droits de la personne
sont mieux respectés. C'est peut-être dans la manière de le
faire qu'il y aurait lieu, maintenant, après quatre ou cinq ans
d'exercice... On a quatre ou cinq années d'expérience. On
s'aperçoit que le fait de devoir tenir, dans tous les cas, des conseils
de famille, le fait d'avoir à porter une requête au tribunal dans
tous les cas, c'est trop long et trop coûteux pour la personne.
Je vous donne un exemple: dans l'ancien système, la curatelle
automatique, c'était une journée que ça prenait, au plus
deux journées. Bien, maintenant, on est rendus à un an. Alors,
vous voyez qu'on est passés d'un extrême à peut-être
un autre extrême, ce qui fait que ce n'est peut-être pas la
judiciarisation qu'il faut mettre en cause, mais un peu la manière, la
mécanique pour y arriver. Et ce que nous suggérons, c'est que le
Curateur public puisse déposer ses recommandations au tribunal et le
protonotaire, après un mois de délai mois pendant lequel
la personne inapte, ou sa famille, va recevoir l'information et peut s'objecter
si elle le désire; donc, à ce moment-là, on aurait besoin
d'un avocat et qu'il y ait une requête et un conseil de famille
pourrait prendre sa décision sur la réception des
évaluations médicales et psychosociales et la recommandation du
Curateur public, ce qui simplifierait beaucoup le processus, ce qui
éliminerait des délais importants et ferait en sorte que le
coût serait allégé pour la personne qu'on
représente. mais je pense qu'il est important, dans l'esprit du code
civil, de garder la possibilité pour la personne de se faire entendre et
de garder le respect des droits de la personne, et, donc, ainsi, de garder la
possibilité pour la famille ou la personne de protester contre un
régime de protection, et ainsi de pouvoir avoir un conseil de famille et
de pouvoir se faire entendre et représenter par un avocat. je pense
qu'il a été utile que nous vivions la façon de faire
pendant trois ou quatre ans pour vraiment qu'on puisse voir comment ça
se passait. je peux dire, aujourd'hui, qu'il y a à peine 2 % des cas
pour lesquels il y a, effectivement, une opposition et pour lesquels il est
utile et essentiel d'avoir la longue procédure. mais, pour les autres,
très nombreux, les 98 % d'autres cas, ça ne s'avère pas
utile et c'est plutôt long, coûteux.
Et ce qui nous inquiète aussi, au Curateur public, c'est que,
lorsque la personne a besoin d'un régime de protection, elle en a besoin
assez rapidement et non pas un an plus tard. Ça nous amène
à utiliser très fréquemment, peut-être plus que ce
ne serait le cas autrement, la gestion d'affaires et l'administration
provisoire. Dans des cas d'urgence, lorsque le régime de protection
n'est pas encore jugé, que la personne n'est pas encore sous le
régime de la protection, on demande à un juge de nous nommer
administrateurs provisoires et là, au moins, on peut intervenir. Je
pense que c'est plus ce que nous demandons, une modulation, maintenant, dans la
façon d'appliquer le Code civil, qui ferait en sorte que, tout en
respectant les droits de la personne, ça se passe plus rapidement
à moindre coût.
Mme Caron: Dans le 2 % d'oppositions, Mme Fontaine, est-ce que
les oppositions viennent plus souvent de la personne ou de la famille?
Mme Douville-Fontaine (Nicole): Elles peuvent venir de la
personne ou de la famille. Dans ces 2 % de cas, il y a souvent des situations
où il y a des conflits dans les familles, comme vous le savez, et les
membres de la famille ne s'entendent pas nécessairement à savoir,
par exemple, qui devrait être nommé tuteur. Le frère, la
soeur, le beau-frère? Alors, il y a des problèmes, là. Ils
vont s'objecter. C'est une des raisons. Ou, encore, il arrive, dans de
très minces cas, disons quelques-uns, que c'est la personne
elle-même, qui est inapte, qui va protester. Et là, il faut
l'entendre, il faut qu'elle soit entendue, qu'on voie son point de vue afin que
le juge puisse décider.
Mme Caron: Bon, là, je ne veux pas toucher à toute
l'administration de la curatelle, d'autant plus que les membres de la
commission des institutions, en décembre dernier, ont
décidé d'avoir un mandat d'initiative pour pouvoir vous entendre
sur tout l'ensemble de votre mandat. Nous aurons un premier mandat d'initiative
le 24 mars et le deuxième, là, devrait suivre. La date n'est pas
déterminée, mais nous devrions pouvoir vous entendre
bientôt sur l'ensemble de votre travail.
Donc, je vais revenir plus précisément à l'aide
juridique comme telle. Vous avez, en pages 11, 12 et 13, parlé beaucoup
de l'organisation et de la gestion du régime, peut-être même
un petit peu plus que beaucoup de groupes qu'on a pu rencontrer, probablement
à cause de votre expérience sur le terrain. Vous semblez
souhaiter beaucoup plus d'uniformité, un petit peu ce qu'on retrouvait
dans le rapport Raymond, Chabot, Martin, Paré; un peu plus
d'uniformité, c'était demandé. Et vous questionnez
aussi... «Une analyse approfondie des deux types de
systèmes» pour le système juridique mixte d'avocats.
Alors, là-dessus, je pense qu'on a un document qui est pas mal
intéressant et auquel il faudrait se référer. Quand le
travail est fait, des fois, c'est plus facile que de recommencer et de repayer
d'autres études. Alors, il y a l'examen national de l'aide juridique, de
décembre 1993, qui a été fait au niveau
fédéral. Il y a
un chapitre complet sur cette analyse des services des avocats dans le
système privé et dans le système des permanents, et il y
a, aux pages 186 et suivantes, des conclusions pas mal, pas mal
intéressantes. Dans ce document-là, on s'aperçoit que les
avocats de l'État ont reçu une cote plus élevée
dans la plupart des évaluations. Dans les autres évaluations, la
qualité des services donnés par ces avocats de l'État et
par les avocats de l'assistance judiciaire était comparable. On s'est
aperçu aussi que tous les résultats montrent que les clients des
avocats de l'assistance judiciaire allaient plus souvent en prison, tandis que
ceux des avocats de l'Etat étaient plus souvent mis en probation ou se
voyaient infliger des amendes ou d'autres sentences.
Au niveau du temps qui est dévolu pour chaque dossier, et c'est
pas mal intéressant, on découvre, finalement, que les avocats
permanents ont une performance qui est plus intéressante. Et l'autre
avantage, c'est aussi le fait que l'État sait à l'avance combien
ça va lui coûter. Et ça évite ce qu'on retrouve dans
la facturation du régime privé, c'est que les avocats
rémunérés à forfait ont tendance à faire de
la facturation stratégique, c'est-à-dire de facturer le nombre
maximal d'heures pour chaque type de dossiers.
Alors, je pense qu'on a certains éléments
déjà pour poursuivre cette réflexion que vous souhaitiez,
et c'est pas mal intéressant.
Mme Douville-Fontaine (Nicole): Eh bien, je suis contente
d'apprendre que cette analyse existe. Je pense que notre préoccupation,
puisque nous n'en avions pas, d'analyse, c'était qu'il y en ait une pour
que les choix se fassent sur des analyses chiffrées d'aller vers le
mixte ou le privé, quelque formule qu'on utilise, mais au moins qu'on
ait des résultats, quelque chose sur quoi se baser, de chiffré
pour prendre des décisions.
Mme Caron: Je pense que vous aviez parfaitement raison de poser
la question. J'aimerais peut-être...
Le Président (M. Bradet): II reste quatre minutes. (15
heures)
Mme Caron: Quatre minutes? Bon. Une dernière question, Mme
Fontaine. D'une manière bien sûr que vous n'aviez pas
nécessairement le temps voulu pour analyser quand vous parlez de
peut-être réduire certains services, l'étendue des
services, de prime abord, vous en mentionnez deux qui vous apparaissent
acceptables, c'est-à-dire lorsqu'il y a des demandes de changement de
nom, lorsque la peine ne comporte qu'une amende ou ne comporte pas de risque
d'emprisonnement. Dans différents autres domaines, qu'est-ce que vous
voyez, de prime abord, qui pourrait être considéré
peut-être comme de l'abus ou certains services que vous pensez qui ne
seraient pas essentiels?
Mme Douville-Fontaine (Nicole): Je pense qu'on a mentionné
les deux principaux qui nous venaient à l'esprit. Mais, peut-être,
ce que je pourrais mentionner, ce n'est pas tellement un service comme tel
qu'une approche à privilégier qui ferait peut-être en sorte
qu'on pourrait s'adresser à l'aide juridique pour avoir aussi
accès à de l'information, à de la médiation,
à de l'accompagnement et, en dernier ressort seulement, à un
avocat. Je pense que l'expérience qu'on fait depuis quelques
années au Curateur public, en ayant un peu cette approche-là, en
essayant de trouver toutes les avenues possibles pour éviter le litige,
nous fait voir qu'il y a des résultats assez intéressants
à une approche comme ça. On se demande si elle ne serait pas
à privilégier à l'aide juridique, faire en sorte que, si
la personne se présente à l'aide juridique...
Ce qu'on nous dit présentement, c'est que, lorsque la personne se
présente à l'accueil, on ne lui demande même pas c'est
quoi, sa question ou à peine; tout de suite, on la dirige vers un
avocat. Peut-être qu'elle pourrait s'adresser à d'autres
personnes, qu'il pourrait y avoir quelqu'un responsable de l'information, d'une
orientation ou d'un accompagnement, ce qui ferait en sorte que, lorsque
l'avocat serait utilisé, il serait utilisé pour sa
spécialité, ce pour quoi il est formé et il est
payé aussi. Ça revient à dire d'utiliser pour les services
spécialisés les gens qui ont cette
spécialité-là, mais, pour d'autres services qui peuvent
être tout aussi utiles aux personnes, d'utiliser peut-être d'autres
types de personnels moins coûteux avec d'autres sortes de formations.
C'est ça qu'on veut un peu dire par revoir l'organisation du travail et
rendre plus multidiscipl inaire peut-être l'approche, en ayant d'autres
avenues et utiliser juste à bon escient et en dernier recours
l'avocat.
Mme Caron: Donc, vous êtes en faveur des méthodes
alternatives, dont la médiation, et vous êtes sûrement
partie prenante des personnes qui croient que la médiation, ça
doit se faire dans une première étape et non pas se faire suite
à la recommandation d'un juge.
Mme Douville-Fontaine (Nicole): Je pense que la médiation
peut donner d'excellents résultats. Il ne faudrait pas y voir une
panacée, non plus, mais je pense que c'est une approche sûrement
très intéressante.
Mme Caron: Merci beaucoup.
Le Président (M. Bradet): Alors, merci. M. le ministre,
avez-vous d'autres questions?
M. Lefebvre: Mme Fontaine, Mme la députée de
Terrebonne l'a un petit peu abordé sous forme d'information qu'elle vous
donnait à même le document, l'étude qui viendrait du
fédéral sur le régime mixte de l'avocat permanent
salarié et la pratique privée. À la page 12, vous
suggérez une analyse approfondie. Est-ce que je dois comprendre
qu'à la curatelle publique on a constaté un problème
majeur à ce niveau-là? Pour quelle raison insistez-vous sur une
réévaluation de ce qui semble être, pour l'ensemble des
intervenants, un système
idéal, le libre choix? Ce n'est pas remis en question beaucoup
par l'ensemble des intervenants. Ça ne veut absolument pas dire que vous
n'avez pas raison d'y faire référence. D'une façon
générale, on souhaite continuer avec le libre choix, et la
curatelle nous suggère de réévaluer de façon pas
mal sérieuse ce libre choix dans le système d'aide juridique.
Mme Douville-Fontaine (Nicole): Oui. Je pense qu'on ne le remet
pas nécessairement en question. Ce qui nous préoccupe, je pense,
c'est de faire le choix qui va faire en sorte que ce sera le meilleur service
au moindre coût pour les citoyens. C'est ça qui nous
préoccupe. Est-ce que c'est le système mixte ou est-ce que c'est
le système privé? Dans les deux cas, peut-être que le
citoyen a un service satisfaisant, mais rien ne nous empêche de
l'examiner plus en profondeur pour avoir encore un meilleur service pour
l'argent qu'on y met.
M. Lefebvre: Est-ce qu'il vous apparaît possible que
certains services ne soient dispensés que par des avocats permanents,
autrement dit que certains services seraient exclus de la pratique
privée?
Mme Douville-Fontaine (Nicole): Je n'en vois pas vraiment. On ne
l'a pas...
M. Lefebvre: Non.
Mme Douville-Fontaine (Nicole): ...examiné en profondeur,
service par service. Mais je pense que l'intérêt de l'aide
juridique actuelle, c'est sa couverture intéressante.
M. Lefebvre: Oui.
Mme Douville-Fontaine (Nicole): Je pense que l'analyse,
sûrement, pourrait démontrer s'il y a des services à rendre
différemment.
M. Lefebvre: Alors, Mme Fontaine et mesdames et maître qui
vous accompagnent, je vous remercie, je l'ai indiqué tout à
l'heure, de nous avoir soumis un document qui revêt une approche,
évidemment, on le comprend facilement, très professionnelle. La
curatelle publique est sous la responsabilité du ministre de la Justice.
Je vous ai posé des questions dont je connaissais certaines
réponses. D'ailleurs, vous le savez, c'est une espèce de vieille
règle qu'un avocat doit pratiquer, à savoir connaître les
réponses avant de poser une question; sinon, on se réserve de
mauvaises surprises. Mais j'ai apprécié que vous
développiez des éléments qui sont effectivement
questionnables dans le régime et je veux vous assurer, vous et celles et
maître qui vous accompagnent, que nous allons avec la plus grande
attention évaluer vos propositions. Merci.
Mme Douville-Fontaine (Nicole): Merci beaucoup.
Le Président (M. Bradet): Madame, à moi de vous
remercier. Comme nous avons quatre groupes cet après-midi, avant de
suspendre pour quelques minutes, je demanderais au prochain groupe de prendre
place le plus rapidement possible. Je suspends les travaux pour quelques
minutes.
(Suspension de la séance à 15 h 7)
(Reprise à 15 h 14)
Le Président (M. Bradet): La commission des institutions
reprend donc ses travaux. Nous accueillons maintenant l'Association pour le
recouvrement de pensions alimentaires. Mme la présidente, Mme Michelle
Daines, il me fait plaisir de vous accueillir à cette commission. Je
vous fais remarquer que vous avez 20 minutes pour faire votre exposé. Je
vous demanderais de nous présenter les gens qui vous accompagnent.
Association pour le recouvrement de pensions
alimentaires FOCUS
Mme Daines (Michelle): Merci. M. le Président, honorable
ministre de la Justice, mesdames et messieurs, je vous présente Mike
Possian, le directeur administratif de FOCUS; Natacha McMullen, une de nos plus
valables bénévoles, qui donne le service à nos clientes,
et ma secrétaire, Louise Comtois, l'ancienne secrétaire de Me
Yves Lauzon, qui est le secrétaire du Fonds d'aide aux recours
collectifs, qui m'aide beaucoup aussi. Je vous remercie beaucoup de m'avoir
invitée aujourd'hui pour faire un témoignage. J'espère que
vous allez écouter aussi avec vos coeurs, parce que c'est un sujet qui
touche à nos coeurs.
Présentement, il y a une population d'enfants
québécois sans représentation juridique. Leurs droits
à l'accès à la justice sont absents car leurs parents qui
en ont obtenu la garde n'ont pas les moyens de payer les avocats pour les
démarches nécessaires afin de poursuivre les recours judiciaires
pour protéger leurs jugements de pension alimentaire. Ils sont une
population défavorisée économiquement. Le service de
perception des pensions alimentaires fait la perception des arrérages,
mais ce service n'offre pas des renseignements juridiques. Ces enfants qui
bénéficient de ces jugements sont gravement blessés par
les dommages irréparables à leur vie. Dans nos recherches, nous
avons découvert des cas où le parent renonce à la pension.
L'obligation alimentaire est d'ordre public et l'ordre public doit être
défendu et protégé par le gouvernement. Les services
judiciaires appropriés et adéquats et l'aide juridique devraient
être accessibles à tous les enfants qui ont droit à une
pension alimentaire.
Nous critiquons les critères d'admissibilité, à la
page 1. La présente réglementation sur l'admissibilité
considère les revenus bruts hebdomadaires familiaux n'excédant
pas les barèmes décrits dans la section II.
Ces barèmes éliminent toute famille monoparentale
travaillant au salaire minimum, qui est de 5,70 $ l'heure, ou à un
salaire hebdomadaire de 228 $ où il y a plus d'un enfant. Dans mon
opinion, ça reste seulement les familles sur l'aide sociale qui sont
éligibles sans un mandat donné par une discrétion.
Ces barèmes considèrent les revenus de pension
alimentaire, même si c'est en litige pour diminuer ou annuler une pension
alimentaire qui n'est pas payée au montant total et en date
prévue par jugement. Les pensions alimentaires payables sont
déduites du revenu hebdomadaire par le payeur, même si le payeur a
cessé ou cesse de payer cette pension comme prescrit par jugement. Ces
barèmes sont appliqués de façon discriminatoire par les
bureaux locaux et la même cliente non admissible à un bureau peut
être admissible à un autre bureau. Les clientes sont
refusées verbalement au téléphone par les bureaux et n'ont
pas de droit d'appel si le refus n'est pas fait par écrit. Les clientes
ne sont pas évaluées pour l'état d'endettement, ni la
nature des services demandés, ni les facteurs et circonstances quant
à la protection de la personne, de ses besoins vitaux, ni de ceux de ses
dépendants, et l'article 3, à la section II, n'est pas
appliqué démocratiquement pour protéger et
reconnaître le droit fondamental des enfants à une pension
alimentaire.
Page 2. L'appel doit faire l'objet d'une nouvelle demande d'aide
juridique. Le droit d'aller en appel d'une décision d'annulation ou de
diminution de pension alimentaire est un droit fondamental pour un enfant qui
est victime de fraude ou de parjure, et le directeur général peut
refuser cette demande et aussi refuser d'émettre une attestation
temporaire d'admissibilité, et ce, sans appel à la Commission.
L'appel au comité de révision pour un refus peut comprendre des
délais préjudiciables à la sécurité et au
développement de l'enfant, et l'émission d'une attestation
temporaire d'admissibilité n'est pas garantie.
Les services d'aide juridique déjà offerts pour pension
alimentaire aux clients éligibles doivent maintenir la gratuité,
car les jugements rendus ne sont pas toujours exécutoires dans les cas
de fraude, insolvabilité ou mauvaise foi. Les sommes recherchées
en pension sont souvent de petits montants, par exemple 25 $ par semaine, et
les dépenses judiciaires coûteuses sont donc non rentables. Le
devoir de protéger les droits d'un enfant est celui de l'État, et
l'aide juridique est présentement discriminatoire. On ne peut pas
justifier que la mère d'un enfant, qui gagne 50 $ par semaine de plus
qu'une autre, puisse assumer elle-même les frais judiciaires
onéreux d'un litige qui peut coûter entre 2000 $ et 30 000 $ ou
plus.
Le service de perception gouvernemental ne peut récupérer
des biens et des revenus dans les cas de mauvaise foi. Les jugements pour la
protection de la pension alimentaire d'enfants qui ne sont pas
défrayés par l'État résultent en discrimination
entre enfants basée sur l'aspect économique du parent qui
subvient aux besoins de l'enfant. Ce parent est présentement
forcé de jouer lui-même ou elle-même le rôle de la
couronne dans le cas où son enfant est victime de violence
psychoéconomique, ce qui est reconnu comme une forme de violence
domestique. (15 h 20)
L'«obstruction de provision» des nécessités de
la vie est également illégale, comme si c'était la
mère elle-même qui ne subvenait pas aux nécessités
de la vie de son enfant, ce qui la rendrait coupable, selon la Loi sur la
protection de la jeunesse, chapitre II, section 2.2. La
non-représentation par l'aide juridique de ces enfants peut être
investiguée par le comité de protection de la jeunesse, selon le
chapitre ni, section 23, paragraphes b et c, qui exige que la question de la
violation des droits d'un ou de plusieurs enfants par une personne, une
politique ou un règlement afférent à l'exercice d'un droit
à l'alimentation doit être analysée par ce dernier.
Page 3. Nous proposons des solutions de rechange. Les critères
d'admissibilité proposés par le ministère de la Justice,
en février 1992, dans le plan doivent consister à soustraire les
revenus de pension alimentaire pour l'enfant, de même que les sommes
reçues par une famille d'accueil pour assumer la responsabilité
de l'enfant. Une pension alimentaire ne doit jamais servir à payer des
frais d'avocat pour un litige. Les sommes reçues à titre de
pension alimentaire pour enfant sont déterminées selon les
besoins de l'enfant décrits dans le jugement réservé
à cette fin. Dans une demande d'annulation ou de diminution, l'enfant
doit être eligible en toute instance pour protéger son droit
à sa pension alimentaire, même si ni le parent créancier,
ni la famille ne sont éligibles.
Dans les cas où le jugement de pension alimentaire n'est pas
respecté (paiement partiel ou absent, arrérages), l'enfant doit
être bénéficiaire de l'aide juridique. Les recours
judiciaires pour protéger le jugement de pension alimentaire
(investiguer les biens d'un débiteur afin de déterminer les
revenus détournés, les biens liquidés ou
transférés, les avantages d'un emploi et la valeur de ces
avantages, les cas de fraude ou de parjure dans l'assurance-chômage ou
l'aide sociale) comprenant les coûts d'un service d'enquête doivent
être inclus dans ce mandat. Ces démarches coûteuses ne sont
pas dans les devoirs du parent ayant la garde. Ses devoirs sont d'assurer que
l'enfant reçoive les nécessités de la vie. La pension
alimentaire est d'ordre public et doit être défrayée par
l'État et l'aide juridique. Les preuves obtenues par ces
démarches deviennent aussi un outil pour le service de perception des
pensions alimentaires. La période de référence qu'il
faudra considérer dans la détermination de l'admissibilité
ne doit pas s'appliquer dans ces circonstances car les délais peuvent
causer préjudice à l'enfant.
L'admissibilité pour le débiteur qui est
bénéficiaire de l'aide juridique doit tenir compte du paiement de
la pension alimentaire. Où le paiement de la pension alimentaire est
déduit de ses revenus, mais la pension est non payée, l'aide
juridique doit être retirée lorsque cette personne a fourni des
renseignements inexacts en vue
d'obtenir l'aide juridique. Le débiteur doit signer un document
qui l'oblige à se conformer à l'article 68 de la Loi sur l'aide
juridique. Si le mandat est obtenu de façon frauduleuse, le client doit
rembourser l'aide juridique pour les services qui ont été rendus
non seulement au moment de la suspension ou du retrait du mandat, mais aussi
les services obtenus antérieurement concernant ledit mandat relatif au
Règlement sur le remboursement des coûts de l'aide juridique.
J'ajoute qu'on ne voit pas, à notre opinion, que vous
gériez les mauvaises créances. Par exemple, dans un cas où
le jugement est rendu avec un mandat d'aide juridique obtenu frauduleusement,
la mère d'un enfant qui a perdu les arrérages et la pension
devrait aller faire une rétractation de jugement, ce qui prend un
avocat, devrait aller en appel, ce qui prend un avocat. Dans ces cas-là,
simplement pour la gestion des mauvaises créances, ce client qui a
obtenu le mandat frauduleusement pourra payer pour sa demande ou requête
en rétractation de jugement ou aller en appel, ce qui est très
coûteux.
Page 4. Les barèmes d'admissibilité et les critères
appliqués pour une demande d'aide juridique sont traités
différemment par chacun des bureaux d'aide juridique d'une façon
arbitraire. Les vérifications de l'admissibilité du client
doivent être conférées par un bureau central dans chaque
région pour l'éligibilité économique. Il pourrait y
avoir un bureau à Montréal, à Québec et à
Saint-Jérôme, etc., et ces bureaux pourraient
référer les clients à des bureaux d'avocats de pratique
privée ou bien au bureau de l'aide juridique. Les avocats doivent
seulement déterminer la vraisemblance d'un droit ou le besoin d'un
service juridique.
Dans les contestations d'un droit à l'aide juridique (article
75), la discrétion de l'avocat ou adjoint au directeur
général détermine, après analyse du dossier, s'il y
a lieu de retirer ou de suspendre l'aide juridique, confirmant ainsi un pouvoir
sans appel sauf au niveau de la Commission des services juridiques. Ceci
comprend un délai d'environ trois ou quatre mois, ce qui cause un
préjudice à l'enfant car les jugements rendus avec ces mandats
d'aide juridique sont exécutoires, sauf si inscrits exécutoires
nonobstant appel. Obtenir un jugement en Cour d'appel est dispendieux pour un
créancier qui n'est pas eligible à l'aide juridique et aussi
coûteux pour l'État quand un mandat contesté n'est pas
retiré pour le débiteur. Même une plainte au
président de la Commission des services juridiques ne corrige pas le
tort irréparable causé à l'enfant victime de violence
psychoéconomique.
Toute demande d'aide juridique pour protéger un jugement de
pension alimentaire doit être adressée par rendez-vous où
il y a un examen approfondi des facteurs et des circonstances du cas et de
leurs conséquences quant à la protection de la personne, de ses
besoins vitaux, surtout dans l'alimentation de l'enfant et de son
éducation (articles 3 et 4, section II). Les refus par
téléphone où il n'y a aucun recours en appel sont
contraires à l'article 10 de la Charte des droits et libertés de
la personne et à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et
libertés. Et, en «American English», je pourrais dire que
ça enlève le droit à «substantial due
process». Je ne sais pas comment le dire en français, je
m'excuse.
Un test des besoins et ressources et le déficit entre les revenus
et les besoins sont exigés selon les règles du Régime
d'assistance publique du Canada qui contribue à 50 % du coût de
représentation civile de l'aide juridique au Québec. Pour
l'année 1992, 29 000 000 $ ont été dépensés
et on prévoit un engagement de 58 000 000 $. On se demande si
l'application actuelle où seulement les citoyens sur l'aide sociale sont
garantis admissibles est une violation de l'entente réciproque
signée en 1967, rétroactive au 1er avril 1966 et amendée
en 1972.
Si c'est seulement les besoins spéciaux des clients de l'aide
sociale qui sont garantis en conformité avec la Loi sur la
sécurité du revenu et que la province limite sa
générosité aux gens qui ont déjà une
sécurité du revenu, on voit un intérêt personnel
où l'État veut récupérer, par la subrogation des
droits de pension alimentaire, la pension alimentaire d'un enfant sur l'aide
sociale. Cet enfant est forcé de vivre sous le seuil de la
pauvreté, même s'il a un père à qui on a
ordonné, ou une mère, de partager les frais de son
éducation. On déclare ces enfants égaux à ceux qui
n'ont aucune paternité, ni droit à une pension alimentaire. On
voit une discrimination envers les enfants dont la mère
bénéficie de l'aide sociale. Seulement l'État en profite
par un remboursement partiel de l'aide sociale.
L'aide juridique doit être accordée même si le revenu
brut hebdomadaire de la famille monoparentale excède les barèmes,
parce que le fait de refuser cette aide constitue une injustice grave et
entraîne un tort irréparable à l'enfant. Le comité
administratif de la corporation régionale d'aide juridique doit
approuver toute demande d'aide juridique pour protéger le droit de
l'enfant à une pension alimentaire quand un jugement est en jeu. Ce que
nous constatons est fort loin de l'intention de la convention relative aux
droits de l'enfant (les articles 2, 3, 4, 18, 19, 27 et 36).
Toute demande d'aide juridique pour aller en appel d'une décision
de diminution ou d'annulation de la pension alimentaire, et ce, pour
protéger le droit de l'enfant victime de fraude ou de parjure, doit
être accordée. Dans le cas d'un refus, il est essentiel
d'émettre une attestation temporaire d'admissibilité. Quand le
délai au niveau de l'appel du comité de révision cause un
préjudice à la sécurité et au développement
de l'enfant dans un cas de refus d'aide juridique, on demande une attestation
temporaire d'admissibilité sans délai.
Pour éviter l'application discriminatoire des barèmes
d'admissibilité aux enfants où un litige est nécessaire
pour protéger leur droit à une pension alimentaire, il est
nécessaire que les services soient fournis gratuitement pour ces
enfants, même s'ils sont sous la garde d'une personne non admissible ou
d'une famille où la situation financière tient compte de la
situation familiale d'une famille recomposée. (15 h 30)
Un enfant qui est bénéficiaire d'une pension alimentaire
doit, à tout instant, avoir l'aide juridique pour protéger un
droit qui lui appartient. Nous ne parlons pas de tout autre litige que cette
famille pourrait encourir, mais seulement du litige de la pension alimentaire
pour enfant. Ceci demande une admissibilité partielle ou un mandat
partiel qui exclut tout autre membre de la famille et tout autre litige. Un
enfant doit avoir un avocat pour protéger son droit à une
obligation alimentaire de la personne responsable de subvenir à ses
besoins. Plusieurs nouveaux conjoints de fait ou nouveaux maris ne veulent pas
et ne peuvent pas défrayer les coûts judiciaires pour un enfant
qui est la responsabilité de leur conjointe et de la partie
nommée dans le jugement de pension alimentaire. Ce débat peut
résulter en la dissolution de la nouvelle famille. Et on voit encore une
femme abandonnée avec ses enfants une autre fois et, souvent, ils
deviennent bénéficiaires de l'aide sociale. Enfin, ils sont
éligibles à l'aide juridique. C'est une façon très
dispendieuse pour l'État non seulement de protéger les droits de
cet enfant, mais aussi d'assumer la «provision» des
nécessités de la vie.
Le seuil d'admissibilité au régime d'aide juridique
devrait être modulé pour tenir compte de la situation
particulière d'un enfant qui a un droit alimentaire. Le seul facteur
économique qui doit être analysé dans le cas de pension
alimentaire pour enfant doit être celui de l'enfant. Il est dans le
meilleur intérêt de l'enfant de protéger la
stabilité de sa famille et l'autonomie financière de la seule
personne légalement en mesure de protéger ses droits. Les
jugements de pension alimentaire sont rendus en tenant compte du bilan
financier de la mère, incluant ses revenus, ses besoins et ceux de son
enfant, et la pension alimentaire de l'enfant est ordonnée pour combler
ces besoins. Ajouter à ce bilan des frais judiciaires pour
protéger ce montant parfois minime, c'est comme demander à un
patient de payer pour ses pilules avec des pilules. Ce n'est pas rare de voir
une femme qui a dépensé plus pour la protection d'une pension
alimentaire dans la vie de la pension que ce qu'elle reçoit en
totalité de pension.
Nous constatons, deux ans après que les gouvernements canadien et
québécois ont adopté la convention relative aux droits de
l'enfant et qu'ils annoncent l'intention de se conformer aux termes de la
convention et se déclarent liés par cette convention, que
certains.points en ce qui concerne la pension alimentaire n'ont pas encore
été «adressés» suffisamment pour être en
conformité avec l'intention décrite dans la convention. Selon
l'Association pour le recouvrement de pensions alimentaires FOCUS, 51 % des
enfants en famille monoparentale ne sont pas représentés par un
avocat et 76 % des parents ayant la garde de ces enfants déclarent avoir
besoin de l'aide juridique, selon une étude présentée au
Sommet de la Justice en février 1992.
Ces enfants subissent de la discrimination motivée par la
situation juridique de leurs parents et la non-admissibilité de ces
parents à l'aide juridique basée sur leur situation
économique. Présentement, seulement les familles qui
bénéficient de l'aide sociale sont admissibles à l'aide
juridique. une augmentation de 30 % du taux de pauvreté des enfants en
seulement deux ans au canada a été déclarée par les
groupes nationaux. la fixation de la pension alimentaire à un niveau
adéquat et le paiement de la pension à un montant total à
la date prévue par les jugements sont deux mesures certaines pour la
prévention de la pauvreté dans la population des jeunes
québécois et canadiens.
Aussi, on dit que les services judiciaires appropriés et
adéquats, ainsi que les informations et les représentations
judiciaires doivent être accessibles à tous les enfants qui ont
droit à la pension alimentaire. Cette représentation judiciaire
doit être faite dans l'intérêt de l'enfant en
priorité et en égalité, selon la Charte canadienne des
droits et libertés et la Charte des droits et libertés du
Québec. Cette obligation doit être appliquée avec
universalité dans tous les cas où il existe un jugement, et tous
ces jugements doivent être protégés et
exécutés en égalité et en conformité avec la
loi. Les services gouvernementaux qui administrent les programmes pour la
perception des pensions alimentaires doivent avoir la coopération des
services judiciaires et de la commission de l'aide juridique pour faire les
démarches nécessaires pour les investigations, les
exécutions et la perception de toutes les pensions alimentaires des
enfants, sans obstruction. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bradet): Alors, merci beaucoup, Mme la
présidente. M. le ministre, vous avez la parole.
M. Lefebvre: Mme Daines, mesdames et messieurs, je vous remercie
d'être là aujourd'hui, de nous avoir soumis un document
extrêmement important et qui souligne une situation qu'on vit au
Québec, qui est, dans certains cas, dramatique.
Votre association s'appelle l'Association pour le recouvrement des
pensions alimentaires, en français, et, en anglais, c'est The FOCUS
Association for The Recovery of Child Support. Est-ce que je dois comprendre...
En anglais, vous indiquez que c'est un organisme qui travaille sur le
recouvrement des pensions alimentaires pour les enfants, alors qu'en
français on semble penser que c'est général. Est-ce que
votre organisme est réservé exclusivement à des
démarches... Est-ce qu'il se limite à des perceptions
alimentaires pour les enfants seulement?
Mme Daines (Michelle): Absolument, M. le ministre, vous avez
raison, et je voulais ajouter que l'acronyme FOCUS, en anglais, est traduit:
Focus on Children Unpaid Support. Nous considérons que les enfants qui
n'ont pas reçu de pension alimentaire deviennent des enfants avec des
besoins non comblés, qui deviennent des adultes avec des besoins non
comblés, qui coûtent beaucoup à la société,
qui vivent en marge de la société. Et on peut considérer
que, par les manques de revenus, par exemple, les taxes sur la consommation,
les
taxes sur les revenus, les gens qui ne sont pas employables parce qu'ils
ont fait des décrochages scolaires ou bien qu'ils sont devenus des
charges pour la Protection de la jeunesse ou bien des «young
offenders» coûtent énormément à la
société. Et, si on peut regarder ce que ça coûte un
mandat d'aide juridique pour protéger une pension alimentaire, un
jugement de requête en annulation ou en diminution, on parle
peut-être de 500 $ qui pourraient «protéger» des
coûts énormes à la société, et non seulement
des coûts financiers, mais des coûts sociaux, émotionnels et
des coûts très spéciaux de dignité.
M. Lefebvre: Mme Daines, vous nous apportez aujourd'hui un
témoignage qui, en soi, ne touche pas directement le débat qui
doit être évalué ici, à la commission des
institutions, à savoir la réévaluation du régime
d'aide juridique, sauf que c'est tellement important, ce que vous soulevez
comme situation et comme problème, que je vous dis tout de suite que
c'est extrêmement important que vous soyez là, et ça me
fait énormément plaisir de discuter avec votre groupe de cette
situation, de ce problème que vous vivez tous les jours: le refus,
règle générale pour des pères, de payer les
aliments, les besoins les plus essentiels de leurs propres enfants. C'est de
ça que vous parlez dans votre mémoire et c'est ce que vous
côtoyez tous les jours comme situation et comme problème.
La première question que je vous pose, Mme Daines: Depuis combien
d'années existe votre organisme?
Mme Daines (Michelle): L'organisme existe depuis trois ans, M. le
ministre. Et j'aimerais vous ramener à une déclaration que vous
venez de faire: nous ne sommes pas ici pour parler de l'admissibilité de
ces enfants. Mais je considère que, oui, nous sommes ici pour parler de
l'admissibilité universelle et égale de tous ces enfants, et je
considère que la violation de la convention relative aux droits de
l'enfant, la violation de la Charte des droits et libertés et la
violation de la Charte canadienne des droits et libertés, c'est
très important, car on dit qu'on est ici pour déclarer que ces
enfants vont être admissibles pour un mandat d'aide juridique.
M. Lefebvre: Vous avez raison, madame. C'est que l'essentiel de
votre mémoire porte sur le problème de la perception des pensions
alimentaires et, en parallèle, vous dites... Non, je suis d'accord avec
vous qu'en parallèle vous dites: C'est un problème tellement
énorme qu'il faut que notre système d'aide juridique soit
réévalué, modernisé, amélioré pour
régler cette situation-là. Mais vous parlez surtout du
problème de la perception des pensions alimentaires. Non?
Mme Daines (Michelle): M. le ministre, je ne parle pas de la
perception des pensions alimentaires, parce que je n'ai aucune garantie pour
ces enfants que, dès qu'ils entrent dans le système de la
justice, dès qu'ils ont un mandat d'aide juridique qui peut être
accepté par un avocat privé ou un avocat d'un bureau permanent
d'aide juridique, je n'ai aucune garantie que la perception va être faite
de ce jugement qui leur accorde le droit à une pension alimentaire. Je
vous demande à tous de simplement donner «a substantial due
process» à chaque enfant qui est citoyen du Québec et du
Canada pour avoir, comme on dit en «American English», sa
journée à la cour, «his day in court». On n'a aucune
garantie que la perception va être faite. (15 h 40)
M. Lefebvre: Vous avez raison, et c'est pour ça qu'on
travaille présentement, au gouvernement, sur la mise en place d'un
système qui va nous permettre d'améliorer la perception des
pensions alimentaires. Mais, tant et aussi longtemps, Mme Daines, qu'on fera
face à ce que vous indiquez vous-même dans votre mémoire
et vous avez raison lorsque vous dites: «Le service de
perception gouvernemental ne peut récupérer des biens et des
revenus dans les cas de mauvaise foi», on aura beau mettre en place les
systèmes de perception les meilleurs au monde... L'emprisonnement pour
dette n'existe plus aujourd'hui, hein? Vous savez que ça a
déjà existé au Québec, l'emprisonnement pour dette.
Aujourd'hui, on aura beau avoir mis en place les meilleurs régimes de
perception, vous le dites dans votre mémoire, la mauvaise foi, c'est
très, très difficile à contourner.
Mme Daines (Michelle): J'ai émis même de meilleures
suggestions que celles que vous proposez et que j'ai entendu proposer. Avec Me
Daniel Jacoby, lundi, on a eu une grande discussion et, dans son rapport qu'il
a produit sur la perception des pensions alimentaires ou les problèmes
de pension alimentaire, il manque seulement une suggestion que j'ai
donnée au Sommet de la Justice et que j'ai donnée à Me
Jacoby pour son rapport, et que je veux vous donner aujourd'hui parce que vous
ne l'avez pas mentionnée. L'égalité est non
seulement...
M. Lefebvre: Moi, c'est parce que, madame, vous avez une
expertise extraordinaire sur le problème des pensions alimentaires, et
je veux vous entendre là-dessus.
Mme Daines (Michelle): On vous demande de profiter de cette
expertise. La seule dernière chose sur laquelle je veux vous demander de
m'entendre...
M. Lefebvre: Oui.
Mme Daines (Michelle): ...c'est sur la question de
l'égalité, et non seulement en donnant les mandats d'aide
juridique à ces enfants, mais par l'utilisation de bureaux de
crédit pour localiser, «servir» les documents aux hommes
fautifs et aussi donner une égalité dans l'application aux
mauvais créanciers, un mauvais dossier de crédit, pareil comme
nous, les mères monoparentales qui ne recevons pas la pension
alimentaire sur de mauvais dossiers de crédit, nous perdons notre niveau
de
crédit, nos cartes de crédit. Nous perdons, si nous allons
en faillite, même le pouvoir d'être sur un comité
administratif d'un organisme communautaire «non-profit» ou
«profitable». Et, dans l'égalité, ici, pour l'aide
juridique, je vous demande d'accorder à tout enfant qui a un jugement de
pension alimentaire qui doit être protégé par l'État
un mandat d'aide juridique.
Me Jacoby a fait, à la page 68 de son document français,
la suggestion 32: Que soit admissible à l'aide juridique le parent
gardien qui revendique une pension alimentaire pour son enfant ou qui doit se
défendre lors d'une procédure. Et vous pouvez le lire
vous-même.
M. Lefebvre: Vous, ce que vous suggérez, c'est que,
aussitôt qu'un enfant a un jugement en sa faveur un jugement et
non pas une entente, parce que c'est très différent lui
accordant une pension alimentaire, vous souhaiteriez que l'enfant en question
soit admissible à l'aide juridique, peu importe le revenu du parent qui
en a la garde, règle générale la mère. Alors, ce
que je comprends bien de votre suggestion, c'est qu'en supposant, par
hypothèse, juste pour se comprendre, qu'une mère gagnerait un
salaire de 35 000 $, mais que l'enfant aurait droit à une pension
alimentaire de 100 $ par semaine, l'enfant serait admissible à l'aide
juridique. C'est ça que vous proposez?
Mme Daines (Michelle): Je suis ici pour demander la lune, vous
pouvez me donner simplement une étoile. Si je demande
l'égalité pour tous ces enfants, vous pouvez me donner un
barème d'admissibilité, comme Me Jacoby l'a suggéré
ici, pourvu que les revenus de la famille monoparentale soient
inférieurs au seuil de faibles revenus de Statistique Canada. Si, pour
vous, discuter...
M. Lefebvre: Je veux vous comprendre, madame. C'est parce que je
veux vous comprendre. Vous excluez, dans l'évaluation quant à
l'admissibilité, le salaire de la mère.
Mme Daines (Michelle): Pour la raison que je considère que
le devoir de la mère, c'est de gagner son salaire, de rester
financièrement autonome, comme prévu dans son bilan financier
dès qu'elle a reçu le jugement pour sa pension. Mais je ne veux
pas qu'on dise à cette mère qui a déjà un revenu
qui est là pour combler ses besoins et ceux de ses enfants, comme
prescrit dans son jugement où il y avait un bilan financier qui prenait
en considération tous les revenus de la mère qui a la garde, du
père qui doit la pension alimentaire... Je ne crois pas que, dans ce
bilan, on doive ajouter des frais judiciaires qui, souvent, dans bien des cas,
excèdent le montant de la pension alimentaire reçu dans la vie de
la pension.
On a des dossiers où la pension était payée
peut-être pour une ou deux années. La pension totale reçue
pouvait être de 5000 $ et, après impôt, de 3000 $. Mais on a
payé 3000 $ à 4000 $ pour un avocat, après impôt.
Ça veut dire que ça coûte 5000 $ à gagner pour payer
3000 $ à un avocat. Comme ça, on est égal. Qu'est-ce qu'on
a fait? On a transféré des biens, on a donné une
subvention au ministère de la Justice quand on a payé les
salaires de ces avocats pour aller toucher à un droit qui doit
être égal pour tous les enfants et gratuit.
M. Lefebvre: Ce n'est pas ça, ma question, madame. Je suis
convaincu qu'on se comprend, sauf que vous voulez qu'on exclue le salaire de la
mère, qu'on ne considère que le droit de l'enfant à la
pension alimentaire. Est-ce que c'est ça que vous proposez, peu importe
le salaire de la mère? Ça peut être, Mme Daines, un salaire
de 15 000 $ par année, mais ça peut être aussi un salaire
de 33 000 $ par année. Je veux bien vous comprendre, là. C'est
pour ça que j'insiste, je veux bien vous comprendre. Est-ce que vous
voulez qu'en tout temps, peu importe le salaire de madame, de la mère de
l'enfant, on l'exclue, ce salaire-là, dans l'évaluation pour
l'admissibilité à l'aide juridique? Je veux juste comprendre
votre point de vue.
Mme Daines (Michelle): M. le ministre de la Justice, si on veut
appliquer en égalité les droits de chaque enfant de vivre
à son niveau de vie et on comprend que les changements dans la
stabilité et les changements dans les niveaux de vie de ces enfants,
c'est ça qui amène les enfants à un changement qui
crée des problèmes de comportement et des problèmes
émotionnels, physiques et mentaux on pourrait dire: Oui,
j'aimerais que tous les parents qui ont un jugement de pension alimentaire
aient le mandat de l'aide juridique pour protéger ce droit qui
appartient à leur enfant et non à eux, ce droit qui est
transférable.
Mais je comprends que vous avez des restrictions budgétaires et
je ne peux pas dire que je ne suis pas prête à arriver à
une entente où, si les revenus excédaient, par exemple, les
revenus qui ont été dans le bilan financier, là, on
pourrait parler de votre fameux plan de MGA, maximum des gains admissibles,
etc. Mais, si, quand j'ai eu mon jugement, je gagnais 30 000 $ et que, lui,
gagnait 30 000 $, et que les revenus ne sont pas changés, il n'y a
aucune raison pour avoir une annulation ou une diminution. Pourquoi est-ce que,
moi, je dois encore défrayer des coûts additionnels quand j'ai
déjà payé peut-être 5000 $ en avocats?
J'aimerais peut-être proposer qu'on ait, après 5000 $ de
paiement à un avocat... On devrait dire qu'une femme ne devrait plus
payer plus que 5000 $ dans toute la vie de sa pension alimentaire et,
dès qu'elle peut prouver qu'elle a déjà payé 5000 $
à des avocats, elle aurait fini son «subsidy to the Minister of
Justice».
M. Lefebvre: Est-ce que la clientèle pour laquelle vous
travaillez, c'est à peu près exclusivement des mères, des
femmes ou s'il y a, à l'occasion, des pères? Parce qu'il y a,
à l'occasion, on le sait, des pères qui ont la garde de l'enfant,
avec une pension alimentaire payable par la mère; ça existe,
évidemment de façon beaucoup moins fréquente. Mais, est-ce
qu'essentiellement ou
presque exclusivement ce sont des femmes pour qui vous travaillez, des
mères?
Mme Daines (Michelle): M. le ministre, dernièrement, j'ai
vu plusieurs hommes qui ont ce problème et je regrette que ces hommes me
disent: Mme Daines, comment ça se peut que ça arrive comme
ça? Et je leur explique qu'ils sont entrés maintenant dans la
«feminization of poverty», qu'ils sont devenus des mères
monoparentales. Ces hommes me disent: Je vais à des groupes qui
représentent les femmes et je suis accusé d'essayer de voler
leurs hormones. Ces hommes qui n'ont pas leur pension alimentaire sont des
parents d'enfants qui ne reçoivent pas leur pension alimentaire. Ils
vivent souvent la même pauvreté, mais ils ont une façon
d'être choqués beaucoup plus que ces femmes qui y sont
habituées, et la société prend presque comme
«accepted practice and common practice» que les femmes
monoparentales vont vivre la pauvreté.
M. Lefebvre: Est-ce que vous faites souvent face à des
batailles, lorsque vous cherchez à percevoir la pension alimentaire, sur
les droits de visite des enfants, la garde de l'enfant? Quand vous parlez de
violence psychoéconomique, est-ce que c'est à ça que vous
faites référence?
Mme Daines (Michelle): Merci pour cette question, M. le ministre.
J'ai étudié la violence conjugale et j'ai été
invitée pour une présentation à la convention de
l'Association internationale sur la violence et la coexistence humaine par un
groupe d'hommes qui traitent les hommes violents, qui ont dit dans leur
recherche que, le non-paiement de la pension alimentaire, c'est une des
façons, après le divorce, de contrôler, d'avoir un pouvoir
sur la femme qui n'est plus leur femme parce qu'ils ont divorcé.
Dans les questions de garde et de visite, on prend comme position que le
droit de l'enfant n'existe pas. C'est le parent qui a le droit de visite. C'est
le parent qui n'a pas une obligation de visite. Mais, si le parent veut voir
cet enfant, même si l'enfant a été abusé
sexuellement, il a ce droit-là, même avec une visite
supervisée. Mais, si un enfant veut voir un père ou une
mère qui ne veut pas voir l'enfant, il n'existe aucune visite ou droit
de visite, ni obligation de visite. Comme ça, les droits des parents, je
ne les touche pas et les droits des enfants sont limités seulement au
droit à une pension alimentaire que nous considérons comme une
façon de partager les ressources des deux parents.
M. Lefebvre: Est-ce qu'il y a d'autres groupes qui, comme vous,
ailleurs au Québec, font à tous les jours ces batailles-là
pour des enfants qui sont les enfants de pères qui, en
réalité, demandent à l'État de suppléer
à ce qu'eux devraient faire pour leurs enfants? C'est ces
pères-là avec lesquels vous vous battez à tous les jours.
Est-ce qu'il y a d'autres organismes comme vous au Québec, Mme
Daines?
Mme Daines (Michelle): M. le ministre, je considère que
nous sommes le seul organisme qui représente vraiment les droits de
pension alimentaire pour les enfants. Je considère qu'il y a plusieurs
groupes d'intérêts des adultes, des pères, des
mères, des grands-parents... (15 h 50)
M. Lefebvre: Pour les enfants...
Mme Daines (Michelle): Nous sommes le seul groupe qui ne regarde
pas le sexe du parent, mais on voit simplement que cet enfant a le droit de
partager les ressources des deux parents et qu'un jugement a déjà
été rendu. Ce qui veut dire que la preuve a été
faite que ce droit existe et que ce droit doit être respecté non
seulement par le père à qui on a ordonné de payer cette
pension, mais par l'État qui doit protéger le public. Si on
encourage tous les pères ou les mères à ne pas partager
leurs ressources avec leurs enfants, après, nous, comme payeurs de
taxes, on paie pour ces enfants, 12 000 $, 15 000 $ par année pour
l'aide sociale, l'aide juridique pour n'importe quelle cause qu'on veut faire
dans cette famille s'il y a une subsistance de droit. Ça coûte
très cher au Québec et au Canada de défrayer tous les
coûts pour cette famille. Mais payer un mandat d'aide juridique pour
protéger une autonomie financière, ce n'est pas beaucoup
demander.
M. Lefebvre: Mme Daines, en terminant, avant de laisser la parole
à mes collègues de l'Opposition, quel est, selon vous, le
pourcentage des femmes qui renoncent à se battre pour la pension
alimentaire de leurs enfants à cause de l'attitude des pères que,
vous, vous connaissez bien? Quel est le pourcentage des femmes qui renoncent
à se battre? Remarquez bien que ça se comprend. Je comprends
pourquoi.
Mme Daines (Michelle): On ne peut, M. le ministre, donner une
statistique sur ce pourcentage. Ce que j'aimerais porter à votre
attention, c'est que je considère plus important qu'on regarde que, dans
chaque cas, chaque famille où il y a une renonciation ;ou un
non-paiement de pension alimentaire, c'est une personne qui ne paie pas et
c'est une plus deux personnes qui ne reçoivent pas. Et on protège
par «privacy protection» une personne sur trois. Comme ça,
si on dit femme, homme, je ne compte pas ça; je compte que, pour chaque
cas, il y a au moins deux enfants.
M. Lefebvre: Sauf que, ma question, c'était dans le but de
vérifier où on en est au Québec aujourd'hui. Et vous
êtes des gens qui travaillent dans ce domaine-là, ce secteur
d'activité extrêmement difficile, tous les jours. Est-ce que, en
1994, de plus en plus de femmes abandonnent la bataille à cause de
l'attitude, je me répète, du père?
Mme Daines (Michelle): M. le ministre de la Justice, je respecte
votre question, mais, avec le budget que nous avons et le travail que nous
faisons, nous ne
demeurons pas seulement sur les statistiques. Mais je peux vous dire
que, comme les statistiques sur le chômage, c'est très difficile
de dire combien ont renoncé. Mais il y a des femmes mortes depuis 10
ans, des femmes qui vont être mortes du cancer dans 10 ans qui sont des
clientes à nous, et on peut dire qu'environ 50 % à 99,9 % des cas
ont renoncé, sous une forme ou une autre, partiellement ou totalement,
pendant deux ans, pendant cinq ans, pour l'éternité. C'est
très difficile de vous donner un nombre. J'aimerais que vous me donniez
une subvention de 200 000 $, et je vais vous trouver le nombre exact, et je
vais vous enlever 20 femmes de l'aide sociale, ce qui va vous rembourser vos
200 000 $ en un an. Mais je n'ai pas la «figure» magique que vous
cherchez.
M. Lefebvre: Ce que vous me répondez, c'est qu'il y en a
beaucoup qui finissent par abandonner?
Mme Daines (Michelle): II y a des esprits, dans cette chambre,
qui pourraient répondre à ça. Je ne peux pas vous donner
le nombre que vous voulez que je vous dise, mais c'est un nombre énorme
et choquant.
M. Lefebvre: Merci, madame.
Le Président (M. Bradet): Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, Mme Daines,
mesdames, monsieur, merci de votre présentation. Dans un premier temps,
je veux excuser mon collègue d'Anjou, M. Pierre Bélanger, qui m'a
dit de vous saluer et de vous assurer qu'il avait bien pris connaissance de
votre mémoire, mais il avait une obligation dans son comté cet
après-midi; c'est pourquoi il n'est pas là.
Avant de laisser questionner ma collègue des
Chutes-de-la-Chaudière, responsable de la condition féminine et
des politiques familiales, je vais vous poser quelques questions. En page 3 de
votre mémoire, vous nous parlez aussi des familles d'accueil. Et, comme
très peu de groupes nous en ont parlé je pense que c'est
un problème particulier pour l'admissibilité je
souhaiterais que vous nous expliquiez davantage le problème qui est
vécu par ces familles-là.
Mme Daines (Michelle): Merci, Mme la députée Caron.
Les familles d'accueil, en ce qui nous concerne, c'est que le même
enfant, demain, peut être mis dans une famille d'accueil parce que la
mère monoparentale a épuisé ses ressources
financières, à épuisé ses ressources mentales,
physiques, psychologiques, émotionnelles. Et, dès que cet enfant
entre dans une famille d'accueil, il reçoit au moins 500 $ par mois pour
dépenses pour son éducation, une petite pension pour ses
vêtements, l'aide juridique gratuite et aucun impôt sur les revenus
utilisés pour rembourser les coûts pour éduquer cet enfant.
Et on regarde ça comme une situation où l'enfant n'est pas
protégé dans sa famille naturelle, mais, dès qu'il entre
dans une famille qui n'est pas sa famille naturelle, il reçoit toute la
protection de la société et des gouvernements.
Mme Caron: Et, à votre connaissance... Parce que je sais
que, dans certains autres mémoires, on disait que, lorsqu'une famille
d'accueil devait faire une demande à l'aide juridique, on calculait
aussi les revenus qu'elle recevait comme famille d'accueil, et ça
semblait poser certains problèmes.
Mme Daines (Michelle): Non.
Mme Caron: Vous me dites que non, ce n'est pas le cas du tout;
cet enfant-là est parfaitement protégé, à ce
moment-là. Merci pour cette précision.
Dans la même page de votre document, au point c, vous nous parlez
de certaines pratiques frauduleuses au niveau de certains mandats d'aide
juridique qui sont accordés. Est-ce que vous croyez qu'il n'y a pas
suffisamment de vérifications avant d'accepter les mandats, pour voir si
les renseignements sont exacts? Et vous souhaitez, évidemment, si la
preuve est faite que la personne n'y avait pas droit, qu'on aille chercher le
remboursement. Et ça, je pense que vous avez raison de le mentionner. On
l'a soulevé dans le début de nos travaux: on déplore, nous
aussi, que, souvent, lorsqu'on découvre que la personne n'était
pas eligible, on cesse son éligibilité, mais on ne va pas
toujours rechercher l'argent.
Souvent, les gens disent: Bon, ça peut être difficile
d'aller le chercher, ce n'est pas un montant très élevé.
Sauf que c'est grave au niveau du principe parce que, à partir du moment
où on accepte ce principe-là, c'est dire aux gens: Bien, vous
pouvez faire des déclarations frauduleuses; de toute façon, le
pire qui peut arriver, c'est qu'on arrête le mandat et puis on n'ira pas
vous chercher, là, ce que vous avez eu comme services avant. Alors, je
trouve ça important que vous le mentionniez, parce que très peu
de groupes en ont parlé. Mais est-ce que vous pensez qu'il y aurait lieu
de faire davantage de vérifications pour savoir si la personne est
eligible?
Mme Daines (Michelle): Oui, c'est très important, mais je
trouve que c'est difficile à faire quand vous avez un pouvoir
discrétionnaire et que ce n'est pas centralisé. Mais, aussi,
l'important dans une situation comme ça, c'est que ce jugement qui a
été obtenu de façon frauduleuse, un mandat d'aide
juridique obtenu frauduleusement, est exécutoire. Et, pour la
mère monoparentale, aller en rétractation de jugement ou aller en
appel, là, elle y renonce. C'est une autre forme de renonciation, et
ça, c'est parce qu'elle est victime, encore, de fraude ou de parjure, et
l'État ne fait rien pour protéger ses droits dans cette
situation. Et, si l'État allait au bureau de crédit et
dénonçait cette personne pour une mauvaise créance,
ça égaliserait encore les situations.
Parce qu'une femme qui a payé 2000 $ ou 3000 $ à son
avocat, qui ne reçoit pas une pension, qui a reçu une annulation
des arrérages de pension alimentaire, elle a des problèmes de
crédit. L'argent qu'elle a payé à son avocat, l'argent
qu'elle a payé pour éduquer son enfant... Souvent, elle n'a pas
payé ses factures. Mais le monsieur qui en a profité, qui n'a pas
payé la pension, qui a eu un mandat d'aide juridique, qui n'a
peut-être pas de revenus visibles, mais qui travaille en dessous de la
table ou bien dans sa propre corporation pour un revenu minime, avec une auto
payée, des dépenses payées, un standard de vie excellent,
il n'a aucun problème de crédit non seulement par le non-paiement
de pension alimentaire, mais par la fausse demande d'aide juridique.
Comme ça, je vous demande de considérer que la gestion des
mauvaises créances peut être moins coûteuse si vous utilisez
le bureau de crédit et non seulement pour votre ministère de la
Justice au niveau de l'aide juridique, mais aussi pour la perception des
pensions alimentaires. Équifax a déjà
déclaré un grand intérêt à ce sujet, et ce
n'est pas un coût de 25 000 000 $, comme votre considération de
perception à la source. C'est aussi une considération beaucoup
plus importante que la loi 33, qui est simplement une saisie très
coûteuse pour une année après le non-paiement, là
où il existe des arrérages. Les saisies sont très
coûteuses, mais la déduction à la source, comme avec la loi
17 en Ontario, et la dénonciation au bureau de crédit aux
États-Unis donnent 55 % d'augmentation de remboursement des
arrérages, 35 % à 50 % d'augmentation de service des documents.
(16 heures)
Et Me Jacoby, en 1991, a déclaré: Le gros problème
en perception, c'est qu'on ne peut pas aviser les hommes dans le délai
prescrit qu'il y avait des arrérages et, deux ans après, on
arrive avec des arrérages dont monsieur n'a aucune connaissance. Comme
ça, je demande que votre ministère utilise l'outil des bureaux de
crédit pas pour privatiser la «collection» ou la perception
des pensions alimentaires, comme en Colombie-Britannique, mais pour faire une
prévention et une protection du niveau de vie de ces enfants et des
droits de ces enfants. La protection et la prévention coûtent
beaucoup moins cher que des saisies, même si vous saisissez
automatiquement pour une année.
Mme Caron: Dans certains mémoires, on nous a dit, on nous
a demandé même, lorsque, par exemple, une femme ou un homme, mais
plus souvent une femme fait une demande d'aide sociale et qu'elle est
convaincue, mais parfaitement convaincue que son conjoint n'a vraiment pas de
revenus ou qu'il est, lui aussi, sur l'aide sociale depuis sa
séparation, d'éviter de prendre un mandat d'aide juridique pour
aller demander une pension alimentaire, parce que l'État débourse
de l'argent et la conjointe le sait que, de toute façon, ça va
arriver à une décision négative. Est-ce que vous pensez
qu'il faut quand même demander des mandats dans ces cas-là
aussi?
Mme Daines (Michelle): Dans les cas où une femme est sur
l'aide sociale?
Mme Caron: Et elle sait que son conjoint n'a pas de revenus pour
une pension et que l'aide sociale lui demande d'aller demander une pension.
Mme Daines (Michelle): Dans les cas de subrogation des droits de
pension alimentaire, quand les femmes acceptent l'aide sociale comme une source
de revenus en dernier recours, je considère philosophiquement que c'est
important qu'une mère dise: J'ai fait tout ce que j'ai pu pour
protéger ton droit à une pension alimentaire. Je crois que
c'était dans le document que Me Jacoby a produit cette année et
qu'a utilisé un de nos enquêteurs, M. Gérard Laurin, pour
faire cinq enquêtes dans la fraude au niveau de l'aide sociale et la
fraude à Fassurance-chômage. Les femmes qui nous appelaient,
même si elles étaient sur l'aide sociale, faisaient enquête
sur les activités financières de leur ex-conjoint. On a
trouvé un très grand pourcentage de fraudes qui recouperaient
à l'État non seulement l'aide juridique, les coûts des faux
mandats d'aide juridique de ces hommes-là, mais aussi de la fraude
à l'assurance sociale et à l'aide sociale. Ce qui veut dire
qu'une dénonciation par une femme qui a des secrets à vous dire
sur l'activité financière de son ex-conjoint... Elle appelle
à l'aide sociale, elle appelle l'enquêteur au ministère du
Revenu Québec, au ministère du Revenu Canada, elle appelle la
GRC, elle appelle toutes ces personnes-là, mais personne ne veut rien
savoir. Oui, je comprends pourquoi elle est découragée; une parle
à l'autre et l'autre parle à l'autre et, après, elle dit:
Je ne vais rien faire.
Mme Caron: Je vous remercie. M. le Président, je
laisserais ma collègue des Chutes-de-la-Chaudière...
Le Président (M. Hamel): Certainement. Mme la
députée des Chutes-de-la-Chaudière.
Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, M. le Président.
Mme Daines, j'étais contente de voir votre mémoire. Je trouve
qu'il est très pertinent par rapport au dossier que nous sommes en train
de débattre. Il porte, cependant, sur un seul point; on parle de
l'admissibilité, si on veut, des enfants à l'aide juridique;
donc, c'est très pertinent par rapport au dossier qu'on débat.
Mais, aussi, je trouve qu'il permet de faire peut-être avancer les
mentalités et de faire prendre conscience davantage des problèmes
aussi qu'on peut avoir à vivre dans la société
québécoise actuelle par rapport, justement, au non-versement, au
non-paiement des pensions alimentaires. Et, si ça peut permettre au
nouveau ministre de la Justice de cheminer davantage dans le sens où on
voudrait qu'il chemine, bien, tant mieux.
Je trouve que la demande que vous faites... Bien sûr, quand on est
un État gestionnaire, on peut s'interroger et je peux comprendre
jusqu'à un certain point les questions du ministre. On dit:
Jusqu'où on va? Jusqu'où
on arrête? Bon, les salaires des gens, les salaires de la
mère, de la responsable de l'enfant, comment on doit considérer
tout ça? La question de l'État gestionnaire, je peux la
comprendre. Par ailleurs, je vais vous dire que je comprends aussi très
bien votre demande. En fait, il faut suivre un petit peu l'évolution, ce
qui se passe dans la société. Aujourd'hui, il y a de plus en plus
de familles monoparentales, on le sait. Il y a l'aide sociale, bien sûr,
qui vient pallier à des besoins pour les plus démunis, si on
veut. Il y a aussi de plus en plus de gens qui se sentent moins de
responsabilités face au paiement de leurs aliments, face à leurs
propres responsabilités vis-à-vis de leurs enfants.
Il y a aussi, on le sait, de plus en plus de femmes sur le marché
du travail. Mais, malheureusement, les femmes sont toujours à salaires
beaucoup plus bas, généralement, que les salaires qui sont
gagnés par les hommes. C'est une autre bataille, on en parlera à
d'autres moments. Mais il reste que c'est toujours un fait et, souvent, le
travail précaire, le travail à temps partiel, c'est le lot des
femmes. Je pense que tout le monde peut s'entendre là-dessus et,
là-dessus, je suis persuadée que le ministre n'a pas besoin de
vous les demander, les statistiques sont connues.
Je vois aussi qu'il y a dans la société actuelle des
changements aussi au niveau des noyaux familiaux. Vous en faites état
dans votre mémoire. On sait qu'il y a des familles reconstituées
aussi maintenant et, quand il y a des familles reconstituées, c'est bien
évident que le nouveau conjoint, peu importe le salaire qu'il peut
gagner, n'a pas à se sentir nécessairement responsable des
enfants d'un ancien conjoint ou des enfants de sa conjointe présente.
Vous parlez de cette situation-là. On sait que la société
est en mutation. Et des cas comme ceux-là, il doit y en avoir de plus en
plus. Moi, j'aimerais savoir, chez vous, sans avoir de chiffres exacts, Mme
Daines: Est-ce que vous faites face à cette situation-là de plus
en plus aujourd'hui? Est-ce que c'est fréquent? Comment ça se
présente quand ça arrive?
Mme Daines (Michelle): Merci, Mme la députée
Carrier-Perreault. Souvent, nous entendons des familles reconstituées.
La madame nous appelle: Mon nouveau conjoint, il s'en va. Il m'a dit: Je ne
reste pas avec toi; ça fait des années que je suis avec toi,
ça fait des années que tu n'as pas ta pension et, maintenant, on
a une requête en annulation d'arrérages et cessation de paiements;
je m'excuse, je ne paie pas ton avocat, je ne paie plus pour tes enfants, je
n'ai pas l'argent et je ne peux plus, c'est trop. Et ces femmes appellent en
état de choc. Elles se trouvent sur l'aide sociale et là
l'État est prêt à payer, comme je l'ai dit avant, un grand
montant chaque année, pour quoi? Pour une vie de dignité, une vie
d'égalité? Non, je m'excuse.
Je crois que, si les enfants sont protégés avec un mandat
propre à eux, un mandat partial, pas pour la famille, pas pour n'importe
quelle cause, mais seulement pour cette cause de pension alimentaire... Et les
avocats de l'aide juridique, on en parle souvent, ce n'est pas un grand profit
pour eux. Quand on vous dit que régler une cause devant un juge avec
enquête, ça vous donne 30 $ de plus, est-ce qu'on peut dire
qu'entre 200 $ et 239 $ pour un mandat d'aide juridique pour régler une
pension alimentaire, c'est un grand coût au ministère de la
Justice, un grand coût au plan de l'assistance canadienne pour un enfant
ou bien pour deux enfants? Ça veut dire que c'est 125 $ par enfant.
C'est beaucoup moins que ce qu'on donne par année dans nos
crédits pour les enfants, dans nos «family allowance
payments».
Je pense que c'est vraiment important de dire: La convention relative
aux droits de l'enfant est maintenant en vigueur. C'est une nouvelle
convention, c'est peut-être une convention sans vraiment de pouvoirs,
mais, si on l'a signée et si on la respecte, si on dit qu'on est en
conformité avec, je vous demande de regarder que, présentement,
vous faites une discrimination contre l'enfant en regard de la situation
juridique de ses parents, et c'est bien décrit dans le document, version
française.
Et, si on veut donner aux enfants le signal: Oui, on va combler vos
besoins et, quand je vais avoir 65 ans et que je serai à la retraite,
j'espère que tu ne vas pas travailler au noir; j'espère que tu
vas payer tes impôts et, moi, je vais avoir de l'argent dans mon
régime de retraite. Parce que je t'aime aujourd'hui, j'ai fait de mon
mieux, mon possible pour te protéger et, quand je vais être
vieille et que je n'aurai plus d'emploi et peut-être qu'il n'y aura plus
d'aide sociale et plus de régime de retraite, tu vas m'aider.
Mme McMullen m'a signalé l'autre jour que son enfant de 19 ans
pour lequel elle a tout fait dans les derniers 10 ans, pour lequel la pension
alimentaire est en arrérages de 60 000 $, son fils Christian et
je m'excuse, si vous ne voulez pas que je le raconte a dit: Maman,
est-ce que tu vas toujours être sur l'aide sociale et, quand je vais
être plus vieux, est-ce que ça va être moi qui vais te payer
une pension alimentaire, parce que tu n'as pas mis d'argent de
côté dans ton REER, tu n'as pas de fonds de pension, tu ne
travailles pas, tu ne parles pas français, tu ne vas jamais trouver un
emploi?
Je m'excuse, quand ces enfants, qui ont été victimes de
violence économique pendant toutes ces années, se tournent contre
la mère qui a tout fait pour leur donner une bonne vie, c'est triste. On
arrive à une situation où on ne protège pas les enfants et
on pense que, dans 25 années, ils vont nous protéger. C'est
aujourd'hui qu'on doit faire quelque chose pour rendre ces enfants
égaux, pas tous les enfants qui sont dans une situation de divorce, mais
ceux qui sont dans des situations monoparentales où ils n'ont pas droit
à une pension, ils n'ont pas une paternité établie, ils
n'ont aucun recours à faire devant une cour de justice.
Mme Carrier-Perreault: Ce que vous nous demandez, au fond, Mme
Daines, c'est de cesser de voir la pension alimentaire comme un revenu pour
celui qui la reçoit au même titre qu'on le fait
présentement avec Mme Thibaudeau au niveau de la fiscalité. On
demande
de tenir compte du changement au niveau de la société, de
tenir compte de ce qui se passe dans la vraie vie du monde en 1994 et d'agir en
conséquence. C'est à peu près ça. (16 h 10)
Mme Daines (Michelle): J'apprécie que vous ayez
apporté cette question. J'ai signé un document avec Revenu Canada
pour obtenir mon numéro de charité. Je ne peux pas faire de
promotion pour la non-imposabilité des pensions alimentaires. Mais je
vais vous dire que, logiquement, si on peut dire au niveau de Revenu Canada,
comme dans le cas de Brenda Schaff, à Vancouver: C'est imposable pour la
femme et c'est non imposable pour l'homme, et qu'on lui donne un crédit
d'impôt parce qu'on veut l'encourager à payer, pourquoi, quand le
percepteur utilise le gouvernement du Québec, le gouvernement de
l'Ontario et le gouvernement fédéral pour saisir
l'assurance-chômage, les revenus, les retours d'impôt... Et
ça coûte combien pour aller saisir une pension alimentaire de 25 $
par semaine qui n'est pas payée depuis deux ans, comme dans mon cas?
L'État a dépensé beaucoup plus pour aller saisir ce
montant et monsieur a toujours été capable de déduire ce
montant de son revenu. Est-ce qu'on encourage vraiment le non-paiement des
pensions alimentaires? C'est un prêt sans intérêt. Ne vous
inquiétez pas, payez vos cartes de crédit, levez-vous un petit
fonds pour payer un avocat pour faire une lutte de garde, ou de visite, ou de
cessation de paiement et, en même temps, vous allez avoir votre
déduction d'impôt.
Je crois que l'imposition comme un encouragement à payer, comme
un «incite to pay», ce n'est plus comme il y a 40 ans. Les femmes
sont autonomes financièrement. Elles ne demandent pas les pensions
alimentaires pour elles. La seule chose qu'elles veulent, c'est une
stabilité. Tous les jugements rendus en cour familiale, pardon, en Cour
supérieure pour les enfants doivent prendre en considération la
stabilité des enfants et le meilleur intérêt de l'enfant.
Et je ne vois pas que ça fait ça. Mais, dans la question
d'impôt, je vois que ce n'est pas un revenu de la femme; c'est un
remboursement des dépenses et, si ce n'est pas payé en montant
total et complet à la date prévue par le jugement, c'est un
remboursement des dépenses qui n'est pas imposable.
Mme Carrier-Perreault: Mme Daines, vous demandez pour les enfants
ce qui se passe, finalement, avec les jeunes contrevenants. Au niveau des
jeunes contrevenants, on ne se base pas sur le salaire des parents. Mais
l'enfant est mineur, on le sait, et, quand il a besoin d'un avocat en service
juridique, ce n'est pas nécessairement le cas, on n'oblige pas, si on
veut, les parents à payer. Autrement dit, quand les enfants ont des
besoins au niveau de cette pension alimentaire à laquelle ils ont droit,
bien, disons que ce que vous nous demandez, c'est d'agir de la même
façon, à toutes fins pratiques.
Moi, je sais que le temps file et j'aurais aimé vous entendre
parler... Je le sais que vous n'en traitez pas dans votre mémoire,
mais...
Mme Daines (Michelle): Oui, j'en traite dans mon mémoire
au Sommet de la Justice.
Mme Carrier-Perreault: Non, mais je voulais vous parler de la
médiation.
Le Président (M. Bradet): II nous reste une minute,
madame.
Mme Carrier-Perreault: Alors, je vais être très
brève. Comment voyez-vous la médiation?
Mme Daines (Michelle): La médiation...
Mme Carrier-Perreault: Est-ce que vous pensez que ce serait une
bonne chose? Pas la médiation nécessairement judiciaire,
obligatoire, mais la médiation avant. J'aimerais ça vous entendre
un petit peu.
Mme Daines (Michelle): Dans les cas que je traite de violence
psychoéconomique, on voit qu'il y a 6 % de ces cas qui ont reçu
de la médiation. on peut dire: est-ce que c'est parce qu'il y avait
juste 6 % des cas qu'il n'y avait pas de violence physique? la médiation
ne fonctionne pas quand on a une inégalité de pouvoir ou un
contrôle sur la psychologie d'une autre personne. dans plusieurs des cas
qu'on a à focus, il y a des menaces de mort. dans plusieurs des cas, il
y a des femmes qui sont forcées d'aller vivre dans les maisons de
femmes, d'hébergement pour les femmes violentées. on ne peut pas
demander à ces femmes et à leur exconjoint d'y aller par une
médiation. ce n'est pas un «resort» qu'on peut utiliser.
J'aimerais prendre la dernière minute de ma discussion avec vous
pour introduire Philippe Fortin, s'il vous plaît, un garçon qui
n'a pas eu sa pension alimentaire, qui a été
dénoncé au DPJ par quelqu'un dans son école on ne
peut pas nommer la personne parce qu'il faisait des visites au
ministère de la Justice fédéral avec sa mère Louise
Fortin. Philippe a 15 ans. Philippe n'a pas de mandat d'aide juridique. La
mère de Philippe a été forcée de se battre devant
un juge elle-même. Est-ce qu'on demande à la société
de prendre des femmes qui ne sont pas docteurs, pas dentistes, mais qui sont
avocates afin d'aller défendre les droits de leur enfant? Pourquoi
est-ce que Philippe n'a pas un mandat d'aide juridique? Pourquoi est-ce que
Philippe, dans 40 ans, va payer les impôts pour nos salaires de retraite?
Si tu veux dire quelque chose, Philippe, je t'en donne l'occasion.
Mme Fortin (Louise): Je me suis défendue en novembre
dernier en cour. Mon ex-conjoint a...
Le Président (M. Bradet): Je m'excuse, madame, mais, quand
même, il nous restait une minute de ce côté-là.
Mme Fortin (Louise): Moi, ce que je revendiquerais, M. le
Président, je veux conclure en disant que
ça fait trois ans et demi que je me bats dans mon dossier de
pension alimentaire. Au total, depuis 1988, je n'ai pas cessé mes luttes
devant les tribunaux pour les droits de mes enfants. J'ai épuisé
tout ce qu'il pouvait être possible de faire au point de vue recours
judiciaires, au point de vue de ce qui existe en place. J'ai tout suivi le
processus normal. Ça n'a rien donné. Je me suis rendu compte que
c'était un dossier politique, que c'était une patate chaude,
littéralement. J'ai même touché au criminel, j'ai
porté plainte au criminel pour refus de pourvoir. C'est
complètement ridicule. J'ai une mallette grise qui est remplie de
dossiers là-dedans.
Vu que le temps s'écoule rapidement, je revendique une rencontre
personnelle avec M. le ministre Lefebvre, effectivement. Mon dossier,
d'ailleurs, est déjà rendu au bureau. Il est là; il a
été là sous l'ancien ministre Rémillard. Il y a un
dossier, d'ailleurs, similaire, le même, qui est rendu à Ottawa
avec M. Chrétien. Je fais des démarches surhumaines pour obtenir
gain de cause. Mon ex-conjoint a la capacité de payer et ne paie pas. Le
système se fait complice par les lois fiscales, tout simplement. C'est
ça, la réalité.
Le Président (M. Bradet): D'accord, madame. Alors...
Mme Fortin (Louise): Je m'excuse, M. le Président.
J'aimerais, dans les prochains jours, que M. Lefebvre réfléchisse
à ma demande, effectivement. Elle est faite par moi-même. Je
réitère ma demande. Je pense que le dossier va sûrement
l'intéresser et il faut qu'il y ait quelque chose qui débloque
dans les prochaines heures, les prochaines journées parce que, moi, je
vais être dans une situation où je vais devoir, effectivement,
poser un geste criminel, c'est-à-dire, en l'occurrence, rebrancher mon
électricité aussitôt que la compassion
d'Hydro-Québec va cesser en début d'avril. J'ai la ferme
intention de poser un geste criminel. On va devoir porter des accusations
contre moi. Peut-être qu'à ce moment-là je vais pouvoir
bénéficier...
Le Président (M. Bradet): O.K.
Mme Fortin (Louise): ...d'un avocat pour me défendre, M.
le Président. D'accord.
Le Président (M. Bradet): Alors, parfait, madame. Votre
message est passé.
Mme Fortin (Louise): C'est ça.
Le Président (M. Bradet): Vous avez eu l'occasion de
parler au ministre tout à l'heure. M. le ministre, il restait quelques
minutes pour Mme Daines.
M. Lefebvre: Oui, à Mme Daines et, en fait, mes
commentaires pourraient s'adresser aussi à madame qui vient de nous
faire part de sa propre expérience personnelle. Vous dites, Mme Daines,
à la dernière page de votre document, que «l'obligation
alimentaire est d'ordre public. L'ordre public doit être défendu
et protégé par l'État et le gouvernement.» Je vais
ajouter à ce que vous dites que non seulement la pension alimentaire ou
l'obligation alimentaire est d'ordre public, mais c'est aussi un principe de
droit naturel.
Mme Daines (Michelle): «Natural law», oui.
M. Lefebvre: Et vous avez parfaitement raison de le souligner
dans votre document. Je veux vous féliciter, vous et celles qui vous
entourent, et monsieur, et les gens qui sont impliqués dans votre
organisme...
Mme Daines (Michelle): Et Philippe.
M. Lefebvre: ...et madame aussi. Le commentaire vaut pour madame
aussi: Plutôt que de vous en tenir à la solution la plus simple,
qui serait de dire: L'État, vous allez payer plutôt que le
père, plutôt que de faire ça, vous vous battez; vous
représentez des femmes qui, à tous les jours, se battent pour que
leurs droits et les droits qui appartiennent à leurs enfants soient
respectés. Et ça, c'est fondamental dans une
société comme la nôtre, parce que la résistance de
plein de pères à payer la pension alimentaire est, jusqu'à
un certain point, un problème d'ordre social à l'intérieur
du système juridique. Je vous donne raison, vous avez raison de dire que
l'État a une obligation. C'est vrai, mais, d'abord et avant tout, il
faut le rappeler, il faut le dire aussi souvent qu'on peut le faire, que c'est,
d'abord et avant tout, le devoir des parents de prendre soin de leurs enfants.
Ça, je pense qu'on s'entend là-dessus.
Mme Daines (Michelle): Oui.
M. Lefebvre: Et c'est ce que vous essayez de faire valoir
à tous les jours. Or, dans ce sens-là, je veux que vous
compreniez que je suis impressionné par plein de choses que vous m'avez
dites, qui apparaissent dans votre document. Vous demandez essentiellement dans
la bataille que les mères font pour leurs enfants que, techniquement, ce
soit l'enfant qui soit admissible à l'aide juridique. C'est ça
que vous me demandez, madame. C'est le seul mémoire qui touche ce point
de vue là avec autant de précision. Soyez assurée qu'on va
l'évaluer, on va regarder ce qu'on peut faire avec tout ça.
Je conclus en vous disant de continuer à vous battre pour ces
femmes qui, à tous les jours, subissent un peu ce que vous mentionnez en
introduction dans votre document: l'attitude de gens de mauvaise foi, puis la
violence psychoéconomique; c'est ça que vous vivez à tous
les jours avec ces femmes-là. Je vous laisse là-dessus et je vous
remercie d'être venue, aujourd'hui, nous exposer votre point de vue.
Mme Daines (Michelle): Merci, M. le ministre. Et je vous
rappelle...
M. Lefebvre: Je vous remercie, madame.
Mme Daines (Michelle): ...de toujours parler des enfants, pas des
femmes, parce que c'est très gênant pour un petit garçon
comme Philippe de voir sa mère réagir comme ça devant les
honorables députés, le président et vous, honorable
ministre de la Justice.
M. Lefebvre: Non, ça demande du courage et, dans ce
sens-là, j'ai compris, madame, puis je lui dis que son dossier, je vais
le regarder avec attention.
Mme Daines (Michelle): Merci.
Le Président (M. Bradet): Je m'excuse. À mon tour,
je voudrais vous remercier pour l'éclairage que vous avez donné
aux travaux de notre commission. J'inviterais le prochain groupe, la
Fédération des associations de familles monoparentales du
Québec, à bien vouloir prendre place. Nous allons suspendre pour
quelques minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 20)
(Reprise à 16 h 22)
Le Président (M. Bradet): Alors, je demanderais aux
parlementaires de reprendre leur place. La commission reprend ses travaux et,
comme on a déjà du retard... Il nous fait plaisir d'accueillir
Mme Madeleine Bouvier, de la Fédération des associations de
familles monoparentales du Québec. Mme Bouvier, bienvenue à la
commission. Je veux bien vous dire que vous avez 20 minutes pour votre
exposé et, ensuite, il y aura un temps d'échange avec les
parlementaires. Alors, Mme Bouvier, on vous écoute.
Fédération des associations de familles
monoparentales du Québec inc. (FAFMQ)
Mme Bouvier (Madeleine): Bonjour. Je voudrais, tout d'abord, vous
remercier, vous, les membres de la commission parlementaire, d'avoir
accepté que la Fédération soit présente
aujourd'hui. Je vous apporte le message de Mmes Louise Huneault et Lise
Cadieux, de la Fédération, respectivement responsable des
dossiers juridiques et directrice générale, qui vous prient
d'excuser leur absence. C'est semaine de relâche à Montréal
et, avec les problèmes que cause la garde, les parents, les familles,
les femmes essaient, dans la mesure du possible, de prendre leur semaine de
vacances pendant cette semaine-là. Ça règle donc le
problème de garde et ça fait du bien à toute la famille.
Donc, veuillez les excuser, et je vais essayer de les représenter le
plus adéquatement possible.
Quelques mots peut-être pour situer la Fédération
des associations de familles monoparentales, pour les gens qui ne sont pas au
courant. C'est un organisme qui a été fondé en 1974. C'est
un organisme familial provincial qui regroupe 40 associations de familles
monoparentales à travers la province et qui rejoint environ 20 000
personnes.
Maintenant, la Fédération a eu un congrès
d'orientation en janvier dernier et elle a signifié d'une façon
précise sa mission première comme étant la défense
des droits des familles monoparentales et des familles recomposées. On a
parlé tout à l'heure de familles reconstituées. Pour nous,
c'est le terme «recomposées», c'est la même famille.
Et, si nous défendons les droits de ces familles, c'est que ces familles
sont formées d'une ou de deux familles monoparentales et qu'elles vivent
toujours les problèmes de la monoparentalité.
L'intérêt de la Fédération dans le dossier de l'aide
juridique est très vivant et très vivace. Nous avons fait partie
des rencontres de travail, des groupes de travail préparatoires au
Sommet de la Justice. Nous avons participé au Sommet et nous continuons
toujours le travail. M. le ministre, vous le savez, nous avons un gros dossier
à vous soumettre et à continuer la démarche.
Les familles monoparentales sont de grandes utilisatrices du
système judiciaire. C'est peut-être la famille qui est le plus
souvent à la cour. Tout d'abord, par la nature de la monoparental
ité, elle se trouve là pour régler la séparation,
le divorce, mais ça ne s'arrête pas là. Au début,
vers l'année 1972, les femmes qui se divorçaient étaient
plutôt des femmes à la maison, n'avaient pas de revenus. Donc,
lors du divorce, elles avaient droit à l'aide juridique. L'aide
juridique les a défendues, sauf que les pensions alimentaires
étaient tellement minimes que la femme se retrouvait plus souvent
qu'autrement à l'aide sociale. Donc, à ce moment-là,
ça a tout de même permis à la femme de finaliser une
rupture qui s'éternisait.
Maintenant, j'aimerais parler de la pauvreté des enfants de
familles monoparentales. Mme Daines vous a fait connaître des points
très cruciaux que ces enfants-là vivent, mais vous savez que le
taux de pauvreté chez les familles monoparentales dirigées par
une femme se situe à 66,1 %. Et c'est la pauvreté qui
amène tous les problèmes dont sont accusées souvent les
familles monoparentales. La pauvreté a des effets désastreux et
ses résultats, c'est le décrochage scolaire, la violence, la
délinquance, les problèmes psychologiques. Il en a
été question tout à l'heure. Et c'est la pauvreté
qui amène ces problèmes.
Aujourd'hui, les femmes ont intégré le marché du
travail et, comme je vous le disais tout à l'heure, la femme
monoparentale doit souvent retourner à la cour, mais, maintenant, elles
n'ont plus droit à l'aide juridique. Alors, qu'est-ce qui arrive? M. le
ministre, vous demandiez tout à l'heure le pourcentage de femmes qui
abandonnaient. Je ne peux pas vous répondre quant au pourcentage de
femmes qui abandonnent, mais ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a des
femmes qui vont régulièrement à la cour; d'abord, qui vont
chez le percepteur c'est presque un rendez-vous mensuel et il n'y
a rien qui débouche.
maintenant, il y a des femmes même qui vont jusqu'à se
défendre elles-mêmes. elles n'ont plus les moyens. elles avaient
des gros arrérages de 18 000 $. bien, disons, 18 000 $, c'est gros pour
nous, peut-être pas pour tout le monde, puis surtout que, dans l'exemple
qu'il y a eu tout à l'heure, c'était davantage. mais elle s'est
présentée à la cour, elle a payé 8000 $ de frais,
et les arrérages ont été annulés. puis ce n'est pas
plus payé maintenant. donc, elle retourne toujours et, à un
moment donné, elle s'est dit: écoutez, moi, je me présente
toute seule; d'abord, j'ai de l'expérience, puis je n'ai pas les moyens
de me défendre. donc, c'est grave, ça, le point de dire que, pour
quelques dollars de plus, parce que la femme, maintenant, a
intégré le marché du travail et vous le savez,
c'est à peu près 62 % des femmes qui sont sur le marché du
travail elle n'a pas droit à l'aide juridique.
La Fédération vous a présenté dans son
mémoire 16 recommandations. J'aimerais vous les présenter d'une
façon différente. Là, j'ai été sage, j'ai
travaillé le document avec notre comité, mais en tenant compte de
votre volume, du cahier de travail. Et là, je voudrais plutôt vous
le présenter autrement. D'abord, on sait que l'objectif premier de la
réforme de l'aide juridique, c'est: de grâce, essayons d'entrer
plus de monde admissible, essayons de faire que la population de 1972, elle
puisse être admissible à l'aide juridique. Bon, ça, c'est
l'objectif idéal. C'est vers ça qu'il faut tendre. (16 h 30)
mais, à la fédération, on a pensé que le travail
devait se faire par étapes. d'ailleurs, vous savez que les ministres des
finances présentent toujours leur budget en disant: par année,
dans quatre ans, etc. alors, le travail par étapes qu'on vous propose,
c'est que le volet gratuit soit augmenté jusqu'au revenu de 20 000 $. on
disait 60 % du mga et, de 80 % à 100 % du mga, qu'il y ait un volet
à échelle progressive, en mettant une échelle plus faible
entre 20 % et 80 % et une échelle plus considérable de 80 %
à 100 %. évidemment, ça prend les mécanismes
d'indexation automatique; autrement, on retombe dans le marasme qu'on vit
présentement, si ce n'est pas fait. les mécanismes d'indexation
automatique, on vous les proposait basés sur l'indice de l'augmentation
des salaires, parce que, comme on disait que c'étaient les salaires qui
étaient les revenus dont on tenait compte pour l'admissibilité,
bien, le mécanisme d'indexation pourrait être basé sur
l'indice d'augmentation annuelle des salaires. il y avait quelques ajouts et
là je vous ferai remarquer, même si ce n'est pas dit très
explicitement, que nous avons la même recommandation que le groupe focus.
nous demandons que, dans des cas de pension alimentaire versée pour les
enfants, le revenu de l'enfant soit le seul dont on tienne compte; 90 % des
ordonnances de pension alimentaire sont versées pour les enfants.
l'autre élément, c'était par rapport au parent gardien. je
rejoins, à ce moment-là, la personne qui parlait de la personne
inapte, que ça devait être le revenu de la personne inapte et non
pas celui du requérant. pour le parent gardien qui doit défendre
la garde et le droit de visite, qu'on ne tienne pas compte du revenu de pension
alimentaire. Maintenant, pour les familles recomposées c'est les
familles recomposées qui ressemblent plus exactement à la
personne inapte que ce soient seulement les revenus de la femme et non
pas le revenu de la nouvelle famille. Ça, c'étaient quelques
ajouts.
J'aimerais aussi aborder la médiation; il en avait
été question tout à l'heure. On sait que la
médiation entreprise très tôt a fait ses preuves. Elle est
même plus efficace parce que les gens ne sont pas encore en bataille
rangée. Alors, cette médiation, ce qu'elle amène comme
résultat une médiation entreprise tôt c'est
que ça permet des règlements à l'amiable et ça
désengorge les tribunaux parce que les pensions alimentaires sont plus
généreuses et mieux payées.
Maintenant, pour ce qu'on apporte comme augmentation, si on peut dire,
comment réduire les coûts? La Fédération
suggère de faire appel aux professionnels à moindre coût.
Mais ce n'est pas tout à fait ça; c'est de partager les
responsabilités à l'aide juridique entre notaires et avocats
pour, finalement, permettre un coût moindre. L'autre
élément, c'est de créer des cliniques communautaires qui
se chargeraient du mandat de prévention, d'éducation et
d'information.
Je voudrais spécifier que, dans la société, si vous
regardez dans le réseau de la santé et des services sociaux, les
services donnés par les organismes communautaires coûtent beaucoup
moins cher que dans le réseau et ils ont également une valeur
d'éducation plus grande. Les gens qui vont au réseau, ce sont
souvent des consommateurs et on les traite comme personnes malades. Donc, c'est
l'élément, si vous voulez, de patron. Il y a un rapport de force
inégal, si on peut dire. Et c'est la même chose pour les groupes
en alphabétisation. C'est que le travail qui se fait dans des groupes
communautaires amène, comme je vous disais, une valeur
d'éducation et de formation. C'est donc dire que la personne va
là non pas comme cliente, mais comme personne qui apprend.
Et je pourrais vous donner un exemple de ça. C'est que j'ai un
groupe communautaire qui vulgarise l'information juridique pour les femmes
avant qu'elles aillent voir l'avocat. Quand elles passent par chez nous,
d'abord, elles ont bien décortiqué leur problème et elles
amènent à l'avocat des suggestions, ce qui n'arrivait pas avant.
C'est que l'avocat avait l'habitude de dire: Oui, c'est ça, ton
problème, et j'ai la solution. Donc, c'est un élément de
formation.
L'autre élément, là, c'est des changements qu'il
faudrait faire et qui regardent plus que l'aide juridique. Par contre, ces
changements-là vont apporter une diminution des coûts à
l'aide juridique. Je rejoins là Mme Daines, parce que, vous savez, le
service de perception automatique des pensions alimentaires avec retenue
à la source, c'est un service qui prend en charge la pension à
partir du jugement. Il n'y a plus la responsabilité sur les
épaules de la femme de toujours aller faire les réclamations. Le
service fait les réclamations, suit à la trace le
payeur ou non-payeur, et c'est efficace. Et c'est ça qui va
libérer les femmes et les enfants de la pauvreté.
Je vous en supplie, examinez de nouveau le service de perception
automatique des pensions alimentaires avec retenue à la source. C'est la
réponse au problème de la société
québécoise; c'est la réponse aux non-payeurs; c'est la
réponse à une diminution dans les coûts d'aide juridique;
c'est une diminution dans les recours à la cour et une vision nouvelle
dans les relations des enfants avec les deux parents. C'est l'Année
internationale de la famille, cette année. Sautez sur l'occasion pour
instaurer ce service au plus vite. C'est le respect dû aux enfants. C'est
vraiment leur permettre d'aimer vraiment ouvertement leurs deux parents.
J'espère que je me suis bien fait comprendre. (16 h 40)
Et l'autre élément qui, aussi, touche l'Assemblée
nationale, et c'est simplement une mesure législative qui peut
être faite, c'est l'abolition de la déduction/inclusion des
pensions alimentaires. La déduction que peut faire le payeur sur son
revenu brut et l'imposition sur le revenu de la bénéficiaire de
pension alimentaire, c'est injuste, parce que... Vous m'avez un petit peu
déconcentrée, M. le Président. En 1940, quand ça a
été créé, cette déduction/inclusion,
qu'est-ce qui est arrivé? Ça a été fait parce que
le payeur payait pour deux toits. Mais ce n'est plus le cas aujourd'hui; les
femmes travaillent, elles paient l'impôt sur la pension alimentaire et
elles paient une incidence fiscale. Je vais finir par cette phrase, c'est que,
vous savez, le payeur, c'est le seul parent qui peut déduire les
dépenses qu'il fait pour son enfant sur son revenu brut, sur son revenu
avant impôt. C'est le seul parent. Franchement, allez-y, passez...
À part ça, c'est un manque à gagner pour le gouvernement.
C'est un bonbon pour le payeur, cette déduction, mais c'est un manque
à gagner. Le fédéral perd 250 000 000 $ par année
avec la déduction/inclusion. Et on me dit qu'au provincial, c'est
à peu près un quart, la dépense, ce qui ferait 60 000 000
$ que vous pourriez mettre dans les coffres de l'aide juridique. Merci.
Le Président (M. Bradet): Merci beaucoup, Mme Bouvier. M.
le ministre, pour une première question.
M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Mme Bouvier, je veux
vous saluer, vous remercier d'être là au nom de la
Fédération des associations de familles monoparentales du
Québec. J'ai même très, très bien compris les
explications que vous avez données tout à l'heure, expliquant les
raisons pour lesquelles vous étiez toute seule. Mais je dois vous avouer
que vous n'avez pas besoin d'aide, vous faites bien ça. Vous avez
exposé votre point de vue avec beaucoup de chaleur. Et je vous dis tout
de suite que j'ai reçu votre appel me demandant un rendez-vous pour
qu'on puisse discuter du dossier de la perception des pensions alimentaires. Je
vous dis tout de suite ce n'est pas pour répéter à
d'autres qu'on va se voir sous peu.
Mme Bouvier (Madeleine): Merci beaucoup, M. le ministre.
M. Lefebvre: Je veux vous rencontrer, vous, votre groupe
vous pouvez le publiciser, je badine un peu et les autres qui se sont
donné la même mission de travailler pour les familles
monoparentales. On va se rencontrer sous peu, Mme Bouvier. Et, lors de cette
rencontre-là, je vous indique tout de suite que je veux discuter avec
votre groupe et les autres intervenants auxquels je fais
référence de la différence qu'il y a entre le
système ontarien et celui qu'on est à mettre en place au
Québec. Vous le savez qu'on travaille fort, présentement, sur la
mise en place d'un système moderne de perception des pensions
alimentaires. Il y a déjà, au Québec, un système
qui est plus ou moins efficace, qu'on essaie d'améliorer en attendant
d'arriver à celui que vous souhaitez. Il y a peut-être lieu,
cependant, de se questionner un petit peu sur ce qui se passe en Ontario, et
c'est ce qu'on fera lors de notre prochaine rencontre.
Vous existez depuis 1974. Pourriez-vous, en deux, trois phrases, me dire
de quelle façon vous en êtes arrivée là, vous et,
j'imagine, d'autres? Étiez-vous là à l'origine, vous, en
1974?
Mme Bouvier (Madeleine): Non, j'étais mariée en
1974 et non séparée. Là, je suis séparée de
fait. En 1974, ce qui est arrivé, si vous vous y reportez,
c'était un temps où la monoparentalité, c'était
tabou. Seules les femmes veuves étaient des dignes monoparentales; les
autres, il fallait le cacher. Et c'est comme ça que les groupes se sont
formés pour défendre les droits des familles monoparentales.
Maintenant, vous savez, nous sommes sur la place publique.
M. Lefebvre: Mme Bouvier, quels sont les autres organismes qui
ont des missions un peu semblables au vôtre, la Fédération
des associations? J'aimerais que vous les identifiiez. Et qu'est-ce que vous
avez en commun? Est-ce que vous mettez en commun vos ressources, vos
informations, vos démarches?
Mme Bouvier (Madeleine): Oui, là, le groupe FOCUS...
M. Lefebvre: Oui, le groupe FOCUS, entre autres.
Mme Bouvier (Madeleine): ...c'est un groupe avec qui on travaille
beaucoup.
M. Lefebvre: Oui.
Mme Bouvier (Madeleine): Les autres groupes sont des groupes
locaux. À certains moments, par les rencontres entre groupes familiaux,
on se trouve à échanger sur le sujet. Mais, vraiment travailler
sur la monoparentalité, c'est à l'intérieur de nos
groupes
mêmes, et on va chercher des appuis. Là, vous avez vu, lors
du dépôt de la pétition à l'Assemblée
nationale, la liste d'appuis qui appuyaient, évidemment.
M. Lefebvre: Oui.
Mme Bouvier (Madeleine): Alors, vous aviez la liste, vous aviez
les noms et vous aviez les pétitionnaires. Maintenant, un groupe avec
lequel on travaille également, c'est le groupe de condition
féminine du Congrès juif canadien de Montréal. Avec
celui-là, il y a une plus grande... Ensuite, il y a la
Fédération des femmes du Québec, mais c'est plutôt
un genre de table de concertation sur le sujet.
M. Lefebvre: Vous avez mentionné tout à l'heure,
Mme Bouvier, que vous donnez de plus en plus de l'information à vos
dames, là, aux mères qui s'adressent à vos organismes.
Vous le disiez tout à l'heure, la Fédération des
associations, ça regroupe plusieurs entités un petit peu partout
au Québec. Est-ce que c'est récent, ça, cette
décision d'insister plus sur l'information à donner à
votre clientèle? Est-ce que c'est récent, ça? Est-ce que
vous avez senti que c'était nécessaire de le faire,
là?
Mme Bouvier (Madeleine): Je dirais que le rôle de la
Fédération était un rôle interne, face à ces
associations, d'information, de formation et de soutien technique. Et son
rôle externe, c'était de défendre les droits et de faire
les pressions qui s'imposaient. Donc, ça ne date pas d'hier. Mais
l'exemple que je vous donnais tout à l'heure par rapport à un
groupe local qui avait, ni plus ni moins, bien formé la personne avant
qu'elle aille rencontrer l'avocat, là, je ne sais pas si c'est un peu de
ça que vous me parlez?
M. Lefebvre: Oui, madame.
Mme Bouvier (Madeleine): Alors, ça, ce sont certains
groupes locaux qui offrent ce service-là.
M. Lefebvre: Est-ce que vous considérez que le
système d'aide juridique, en commençant, en faisant
référence à la Commission des services juridiques, est un
peu déficient au niveau de l'information à la population en
général quant aux droits que les justiciables peuvent avoir,
particulièrement les femmes? Est-ce que vous considérez que c'est
un peu déficient et qu'il y aurait lieu d'améliorer ce volet de
l'action du régime d'aide juridique au Québec?
Mme Bouvier (Madeleine): Bon, sur le volet de l'information, je
vais vous donner des plaintes de certaines personnes, de nos membres, qui y
sont allées à certains moments et qui ont dit: Je n'en entends
pas parler, je ne sais pas ce qui arrive. Ou encore: Bien, comment ça se
fait que c'est juste ça que j'ai eu comme information sur mon cas?
Maintenant, il y a eu aussi beaucoup de gens qui ont été
très satisfaits. Mais, là, on fait juste pointer où il y a
peut-être certains éléments d'amélioration. Donc,
nous apportons les cas à améliorer. Alors, c'est ça. (16 h
50)
Maintenant, comme information «at large», à part les
groupes de travail pour le Sommet de la Justice où, là, on a
échangé beaucoup et on s'est informés mutuellement dans
les groupes, j'essaie de voir à quel moment il y a eu une réunion
ou une information particulière. Ma mémoire est peut-être
défectueuse, là, mais je ne me rappelle pas. Pour notre groupe,
nous, on a certains échanges avec le Barreau et le comité famille
du Barreau. On travaille en étroite collaboration avec le comité
famille du Barreau. On travaille avec la Chambre des notaires,
particulièrement sur les différentes lois qui touchent les
services de perception de pension alimentaire.
M. Lefebvre: À la page 10 de votre document, Mme Bouvier,
vous suggérez d'éliminer certains services que donne
présentement l'aide juridique, présentement disponibles au niveau
du système de l'aide juridique. Vous en parlez à la page 10,
là. Est-ce que c'est basé, ça, sur beaucoup
d'expériences que vous avez vécues, à savoir que les
services, finalement, sont plus coûteux que l'objectif visé? C'est
ça que vous dites dans votre document.
Mme Bouvier (Madeleine): Bon, écoutez, on a voulu faire un
travail. On a pris le document de travail, puis on s'est dit: S'il fallait
couper c'est odieux, de couper, c'est vraiment désastreux
à quelle place on pourrait couper où ce serait le moins...
M. Lefebvre: Dommageable.
Mme Bouvier (Madeleine): ...dommageable? Et, pour les services
peu coûteux, bien, on me faisait remarquer que, finalement, dans
l'exemple, là, une réclamation escomptée de 900 $, c'est
les petites créances. Mais vous savez que je n'ai pas, pour dire, de
services précis à couper. On peut penser, bon, à une
contravention. Pourquoi aller à l'aide juridique pour ça? Bien,
on peut penser à des choses comme ça. J'essayais de dire que,
oui, c'était possible de couper, mais, franchement, là, repoussez
ça. Ha, ha, ha! Essayez toutes les autres choses avant et, surtout,
allez récupérer par l'abolition de la
déduction/inclusion.
M. Lefebvre: Vous savez, Mme Bouvier, que le régime d'aide
juridique tarife le travail des avocats, et ce n'est pas des honoraires
exorbitants, selon ce qu'on nous représente au Barreau du Québec.
Le travail des notaires est également tarifé et je pense qu'on
peut admettre que, autant les avocats que les notaires, c'est à la
baisse par rapport au tarif régulier avec leur clientèle
classique, leur clientèle régulière. Vous savez, et c'est
à ça que je veux arriver, que ce sont les seuls experts, notaires
et avocats, dont les services sont tarifés à la baisse.
Est-ce
que vous pensez qu'on devrait évaluer la possibilité
d'imposer des tarifs aux autres experts qu'on retrouve à
l'intérieur du régime, du système, témoins à
la cour, que ce soit des psychologues, des psychiatres, des médecins?
Est-ce qu'on devrait évaluer que... Il y a des intervenants qui nous
suggèrent de tarifer également ces experts-là.
Mme Bouvier (Madeleine): Bien, la réflexion...
M. Lefebvre: II y a eu 5 500 000 $ d'honoraires, l'an
passé, à l'intérieur du régime, qui ont
été payés à l'ensemble des experts, 5 500 000 $. Je
vous écoute, Mme Bouvier.
Mme Bouvier (Madeleine): Tout d'abord, c'est une question: Est-ce
que le ministère de la Justice peut tarifer des gens? Il peut
peut-être offrir des mandats d'aide juridique à des experts, mais
tarifer tout le monde qui se présente en cour, ça, je...
M. Lefebvre: En supposant qu'on pourrait le faire.
Mme Bouvier (Madeleine): En supposant que vous puissiez le faire,
ce serait vraiment une bien bonne chose parce que les coûts sont
énormes pour les justiciables qui se présentent à la cour,
mais on n'a pas approfondi la question sur les experts à la cour.
M. Lefebvre: D'accord. Merci, Mme Bouvier. Je vais laisser la
parole à mes collègues de l'Opposition.
Le Président (M. Bradet): Allez-y, Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup,
Mme Bouvier, de votre présence. Soyez assurée que vous avez bien
représenté la Fédération et qu'on comprend
très bien l'absence de vos collègues aussi.
Parmi vos recommandations, évidemment, vous n'aurez pas, de notre
côté, à nous convaincre de l'importance de votre
recommandation 16, la perception automatique avec retenue à la source
des pensions alimentaires. Nous en sommes parfaitement convaincus. Ma
collègue et mon autre collègue d'Anjou à la justice ont
défendu ardemment cette position-là. Ça fait aussi partie
intégrante de notre programme. Alors, là-dessus, vous pouvez
compter sur notre collaboration.
Évidemment, aussi, l'importance, dans votre recommandation 9, des
cliniques juridiques. Pour avoir rencontré ces groupes et avoir vu le
dynamisme qu'on retrouve dans les cliniques juridiques et l'importance du
travail bénévole qui se fait là, je pense que c'est
extrêmement important et qu'on s'évite beaucoup de frais. C'est
une façon d'être très accessible, que la justice soit
accessible directement aux citoyens.
Parmi mes dossiers, je suis porte-parole pour l'aide juridique, mais
aussi porte-parole pour quatre autres dossiers, dont les lois professionnelles.
Il y a deux de vos recommandations qui touchent un petit peu les lois
professionnelles; alors, je vais vous questionner un petit peu
là-dessus. Vous recommandez la recommandation 8 que les
notaires soient davantage mis à contribution pour dispenser certains
services, et que ce serait une diminution des coûts pour l'aide
juridique. J'aimerais savoir à quel type de services vous pensez, parce
que c'est sûr qu'à ce moment-là ça amènerait
certaines modifications peut-être aux champs d'exercice, aux champs de
pratique entre les avocats et les notaires. Alors, à quel type de
services vous pensiez en particulier? Et peut-être juste préciser.
En page 10 de votre mémoire, vous dites qu'il y a des notaires
salariés, mais il n'y a pas de notaires salariés pour l'aide
juridique. Il n'y a pas de permanents; ce sont uniquement des notaires du
privé. Alors, à quels services vous pensiez?
Mme Bouvier (Madeleine): Pour en dire un tout de suite, il y a
les testaments. En fait, les personnes admissibles à l'aide juridique
peuvent demander certains services qui, dans la pratique courante, sont remplis
par les notaires. Et c'est ces services-là. Maintenant, vous dites qu'il
n'y a pas de notaires salariés. Ça pourrait y être. Ce
serait une avenue nouvelle d'avoir, à l'intérieur de l'aide
juridique, un partage entre salariés. Et, avec votre question, moi, je
voudrais peut-être apporter l'élément que c'est très
important de conserver le libre choix du juriste et dans les deux volets,
c'est-à-dire dans le volet gratuit complètement et dans le volet
à échelle progressive, parce que j'imagine que vous y avez
pensé, et ça s'en vient.
Mme Caron: J'aimerais aussi que vous me précisiez votre
recommandation 14 sur le code de déontologie. Vous nous dites:
«Pour conserver à la profession d'avocat une certaine
transparence, la Fédération recommande qu'un comité soit
formé de représentants et représentantes de divers
secteurs socio-économiques, conjointement avec le Barreau du
Québec, pour réfléchir à un resserrement du code de
déontologie des avocats dans des domaines tels le contrôle des
honoraires, l'information à donner aux clients et clientes, l'abus des
procédures, l'abus par certains des remises, etc.» Est-ce que vous
souhaitez que ce comité-là apporte des modifications? Vous voulez
que ce soit directement dans le code de déontologie des avocats. Donc,
peut-être profiter de la réforme du Code des professions, si elle
revient d'ici quelques semaines, pour apporter les modifications? (17
heures)
Mme Bouvier (Madeleine): En fait, cette
réflexion-là, c'est... Habituellement, un code de
déontologie, c'est comme réfléchi à
l'intérieur de la profession et, comme on a eu des personnes qui ont eu
des problèmes à certains moments, ça et ça, on
s'est dit que ce serait intéressant qu'il y ait un comité de
travail où des personnes de l'extérieur, particulièrement
des personnes
d'organismes à but non lucratif qui défendent les droits,
vouées à la défense des droits, soient également
présentes à ce comité-là pour apporter leurs
réflexions et certaines plaintes qui sont arrivées. Parce que,
dans tout ça, l'important, c'est d'en venir à avoir un code assez
transparent pour que les gens puissent avoir vraiment confiance dans leurs
juristes.
Mme Caron: Avant de laisser la parole à ma collègue
des Chutes-de-la-Chaudière, j'aurais peut-être une dernière
question sur votre recommandation 13 sur l'aide financière aux
organismes. Alors, vous recommandez «que soient financièrement
soutenus les organismes communautaires intervenant pour la défense des
citoyens et citoyennes devant les tribunaux administratifs». Alors,
est-ce que vous pensez à certains tribunaux administratifs en
particulier? Est-ce que votre groupe de travail fait certaines interventions
devant les tribunaux administratifs?
Mme Bouvier (Madeleine): Nous travaillons en table de
concertation sur différents sujets. Je pense, entre autres, au logement.
Nous avons beaucoup travaillé avec la Commission des droits de la
personne et l'office municipal, l'office québécois... La
Régie du logement en est un, pour parler d'un exemple. Comme dans cette
table de concertation il y a des groupes qui sont plus particulièrement
impliqués dans le logement, c'est eux qui voient la clientèle
immédiate, qui ont à la soutenir, à la conseiller,
à la former, souvent. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on s'est
dit, à la Fédération, qu'on appuyait fortement une
recommandation comme celle-ci.
Mme Caron: Votre objectif, c'est vraiment de pouvoir travailler
en concertation. Ce n'est pas l'objectif qu'on a vu, là, dans certains
autres mémoires qui demandaient de pouvoir recevoir des mandats d'aide
juridique pour pouvoir aller faire de la représentation directe.
Mme Bouvier (Madeleine): Pour nous, c'était plutôt
un peu la même chose que les cliniques communautaires juridiques.
Mme Caron: Ça répond à ma question. Merci
beaucoup, Mme Bouvier.
Le Président (M. Bradet): Mme la députée des
Chutes-de-la-Chaudière.
Mme Carrier-Perreault: Oui, merci. Brièvement, M. le
Président, un petit commentaire. Effectivement, vous n'aurez pas besoin
de nous convaincre beaucoup, de ce côté-ci, en ce qui concerne la
perception des pensions alimentaires. Je vois aussi qu'on partage, à
toutes fins pratiques, à peu près les mêmes
préoccupations face au service de médiation familiale, tel qu'il
a été institué par le ministre de la Justice
précédent. Mais, moi, j'aurais besoin d'une petite explication,
d'une précision. J'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi, de votre
côté, vous faites une différence au niveau de
l'admissibilité dans les revenus comptabilisés, dépendant
du cas dont il est traité, à votre recommandation 4 et à
votre recommandation 5, pour vous situer, là. Dans un cas, dans le cas
des familles recomposées, là, pour déterminer
l'admissibilité, vous demandez que ce soit uniquement le revenu du
parent gardien qui soit le revenu considéré pour l'aide juridique
dans les causes concernant le droit de garde et d'accès. On parle quand
même de droit des enfants aussi, à ce niveau-là. Et puis,
par rapport à la recommandation 5, dans les causes de réclamation
de pension alimentaire, là, vous dites que c'est seulement le revenu de
l'enfant qui devrait être considéré.
On entendait Mme Daines, tantôt, qui demandait que les enfants,
finalement, on les considère comme on peut le faire à d'autres
niveaux. Vous avez fait référence à Mme la Curatrice
publique qui est venue nous expliquer le cas des gens qui ne sont pas aptes, si
on veut, à prendre des décisions et qui ont un tuteur. Alors,
moi, je me demandais pourquoi vous faites une nuance, dépendant du droit
de l'enfant dans un cas par rapport à l'autre. J'aimerais ça que
vous me donniez des explications là-dessus.
Mme Bouvier (Madeleine): Bon. Alors, écoutez, dans les cas
de familles recomposées, quand c'est une cause de garde et les droits de
garde et d'accès, eh bien, ce qui est arrivé déjà,
c'est qu'une femme a perdu le droit de garde parce qu'elle n'a pas pu aller se
défendre adéquatement. Là, je ne parle pas de la famille
recomposée, mais ça arrive, ça, dans la famille
monoparentale qui perd le droit de garde parce qu'elle n'a pas pu avoir l'aide
juridique. Dans la famille recomposée, eh bien, Mme Daines l'a
expliqué assez bien, tout à l'heure, quand elle disait que le
nouveau «chum», je veux dire, il aime bien cette femme-là,
mais il n'est pas prêt à dépenser sa fortune pour qu'elle
puisse réussir à garder la garde des enfants de sa
«chum». Alors, c'est compréhensible.
Je vais vous dire, il y a même quelqu'une chez nous qui
était tellement fâchée quand la garde d'enfant a
été discutée; elle est allée à l'aide
juridique et elle les a forcés à l'écouter, parce qu'elle
disait: Là, vous me dites que je n'ai pas le droit parce que je suis en
famille recomposée. Eh bien, elle a dit: Vous allez m'écouter. On
l'a écoutée, mais, à la fin, on lui a dit: C'est une
décision politique. Donc, nous, à l'aide juridique, on ne peut
pas donner ce pouvoir-là de vous permettre de vous représenter en
aide juridique pour défendre la garde. C'est une décision
politique. Il faudrait que ce soit déterminé que le revenu pas du
nouveau parent, mais du nouveau «chum» ne soit pas
comptabilisé.
Mme Carrier-Perreault: Je comprends, mais ce n'est pas tout
à fait ça. Moi, ce que j'aimerais savoir, c'est pourquoi vous
faites justement une différence. C'est toujours le même parent qui
est tuteur. Dans un
cas, vous dites: On ne devrait pas tenir compte du salaire du parent qui
est tuteur. Et, dans l'autre, vous dites: On ne tient pas compte du nouveau
conjoint, mais on va tenir compte quand même du parent tuteur. C'est
juste là la nuance que je voudrais que vous m'expliquiez.
Mme Bouvier (Madeleine): Oui. C'est deux cas différents:
il y en a un où c'était pour les droits de garde, de visite et
d'accès; l'autre, c'était pour la pension alimentaire. Nous, on
considère que la pension alimentaire est versée pour les enfants;
c'est l'enfant qui a tous les pouvoirs. Donc, l'aide juridique doit l'aider
à défendre sa cause. C'est des cas différents.
Mme Carrier-Perreault: Oui. Je comprends qu'il y a des cas
différents, mais souvent, quand on défend des droits de visite,
par exemple, bon, c'est dans des cas très particuliers. Quand le parent
tuteur ne veut pas qu'il y ait de visite, il y a des raisons souvent
particulières. Alors, généralement, c'est pour le bien de
l'enfant aussi. C'est que la personne qui est tuteur a la
responsabilité. C'est dans ce sens-là que je me demandais si ce
n'était pas aussi une question de droit des enfants.
Mme Bouvier (Madeleine): Vous avez raison. Ça touche
certainement le droit des enfants et, sur ça, vous me faites avancer
dans ma réflexion. Et puis c'est vrai que, quand c'est pour le bien de
l'enfant, il faut que ce soit l'enfant qui détermine qui aura
accès à l'aide juridique pour mieux défendre sa cause et
non pas comment je dirais? être forcé,
manipulé vers l'un plutôt que vers l'autre.
Mme Carrier-Perreault: C'est correct. Je vous remercie.
Le Président (M. Bradet): Est-ce qu'il y a d'autres
questions? Vous avez une question, Mme la députée de
Terrebonne?
Mme Caron: Oui, une petite.
Le Président (M. Bradet): Allez-y, rapidement.
Mme Caron: II me reste six minutes, M. le Président, il
semblerait. C'est pour ça que j'ai vérifié. Ha, ha, ha!
J'ai vérifié avant, M. le Président.
Alors, Mme Bouvier, vous avez présenté tantôt,
aussi, un élément important concernant les différences
dans la comptabilité qu'on fait au niveau fiscal par rapport à la
personne qui reçoit une pension et au conjoint qui débourse une
pension. Moi, il y a un exemple qui m'a toujours fait sursauter, c'est quand on
voit que, finalement, on ne peut pas déduire des frais de garde, alors
que plus souvent un homme qui a une entreprise peut déduire des frais
pour aller jouer au golf, par exemple, sans problème sur son rapport
d'impôt. Je vous avoue que je trouve que ça fait partie de
certaines choses qu'on pourrait peut-être vérifier. Ça nous
redonnerait peut-être certains sous pour aller aider au niveau de l'aide
juridique. (17 h 10)
Mme Bouvier, peut-être une dernière question. Je vous ai
trouvée très, très, très raisonnable sur les seuils
parce que vous recommandez la gratuité à 60 % du MGA,
c'est-à-dire à peu près la situation actuelle. Or, je vous
ai vraiment trouvée très raisonnable parce que c'est très
loin de ce qu'on avait comme clientèle en 1972. Pour se rendre à
la clientèle de 1972, il faudrait vraiment que la gratuité soit
remise à 80 % du MGA. Je comprends que vous avez voulu le faire en
présentant une façon de le faire par étapes, disons, pour
se rendre tranquillement, pour être peut-être plus sûre de
l'obtenir. Alors, ça aussi, je peux comprendre ça. Mais
l'objectif à plus long terme, est-ce que ce serait de revenir à
vraiment la clientèle de 1972, c'est-à-dire à 80 % du
MGA?
Mme Bouvier (Madeleine): oui. en fait, j'ai dit, au début,
que l'objectif, c'était vraiment de revenir à la clientèle
de 1972. maintenant, j'avais cru comprendre... il me semble que, dans nos
dossiers, quand on y avait travaillé, ce qui était permis
aujourd'hui, c'était 40 % du mga. alors, c'est vraiment par
étapes. donc, on disait 60 %, c'est 20 000 $; après ça, ce
sera 27 000 $ et, après ça...
Mme Caron: La clientèle de 1972, c'est à peu
près 80 %. Je vous remercie beaucoup, Mme Bouvier.
M. Lefebvre: Mme Bouvier, juste pour continuer dans le même
sens que la question posée ou le commentaire fait par Mme la
députée de Terrebonne, votre proposition quant au rehaussement
des seuils d'admissibilité, on a fait des calculs au ministère de
la Justice, ça représenterait des coûts additionnels
d'environ 18 000 000 $. La proposition ou la suggestion faite par Mme la
députée de Terrebonne ou le commentaire à l'effet que vous
devriez être un peu plus exigeante, c'est 25 000 000 $. Il y a un
écueil de plus ou moins 7 000 000$.
Est-ce que, Mme Bouvier, vous considérez qu'on devrait
réévaluer la notion du libre choix, à savoir qu'un
bénéficiaire du système d'aide juridique a
présentement le choix entre un avocat de pratique privée ou un
avocat permanent? Est-ce que vous considérez qu'on doit intervenir
à ce niveau-là ou si ça va bien, de façon
générale?
Mme Bouvier (Madeleine): Pour nous, c'était bien important
que le libre choix demeure à l'aide juridique, soit avocat
salarié ou l'avocat qui prend un mandat d'aide juridique.
M. Lefebvre: Quand vous indiquez qu'il serait peut-être
souhaitable, pour rattraper le salarié moyen, de mettre en place la
technique de la contribution, le volet contributoire, comment cette
contribution-là serait-elle
versée par le client à l'aide juridique? Est-ce que ce
serait une contribution directe? Est-ce que ce serait par le biais d'un revenu
additionnel à son revenu imposable, taxable? Ce serait quoi, selon vous,
la meilleure façon de procéder?
Mme Bouvier (Madeleine): Pour moi, selon l'échelle
progressive...
M. Lefebvre: Oui.
Mme Bouvier (Madeleine): ...la contribution, elle est payable
à l'aide juridique...
M. Lefebvre: Ça serait payable directement.
Mme Bouvier (Madeleine): ...et non pas à l'avocat
salarié ou à l'avocat qui prend un mandat d'aide juridique. C'est
à l'aide juridique même.
M. Lefebvre: Ce serait payable directement au bureau d'aide
juridique...
Mme Bouvier (Madeleine): Oui. M. Lefebvre: ...et
progressif.
Mme Bouvier (Madeleine): C'est important parce qu'on s'est dit,
justement: On veut que l'aide juridique soit admissible à un plus grand
nombre et, si on apporte l'élément d'une certaine contribution,
bien, il faut que ça aille, évidemment, dans le budget de l'aide
juridique.
M. Lefebvre: Mme Bouvier, c'était ma dernière
question. Je vous remercie et je vous demande de faire le message à
toutes celles qui travaillent avec vous à l'intérieur de votre
organisme. Je l'ai dit tout à l'heure, en introduction, la
Fédération des associations de familles monoparentales du
Québec, c'est beaucoup de monde, c'est essentiellement des femmes qui,
quotidiennement, travaillent, pour plusieurs l'immense majorité
bénévolement à aider des femmes qui ont vécu
des problèmes et qui vivent encore quotidiennement toutes sortes de
problèmes. Je vous remercie. Je vous demande de faire le message
à celles qui travaillent avec vous. Oui, madame.
Mme Bouvier (Madeleine): Bien volontiers. Je vous dirai qu'on a
de plus en plus d'hommes...
M. Lefebvre: II y a des hommes aussi, là.
Mme Bouvier (Madeleine): ...qui deviennent membres chez nous.
Mais c'est évidemment les problèmes qui sont apportés par
la monoparentalité qui sont travaillés, à ce
moment-là.
M. Lefebvre: Je retiens aussi puis je conclus
là-dessus que, dans votre mémoire et dans votre
exposé, vous avez des messages et pour le gouvernement du Québec,
et pour le Barreau du Québec, et pour les avocats qui font partie du
régime d'aide juridique. Mais, également, vous vous adressez
à ceux qui doivent payer les pensions alimentaires, entre autres; sur ce
volet-là, vous avez insisté aussi là-dessus. Si ces
gens-là s'acquittaient je pense aux pères, entre autres,
qui ont des pensions alimentaires à payer pour leurs enfants de
leurs responsabilités, qu'ils en aient une non seulement légale,
mais naturelle, ça aurait un effet extrêmement positif sur le
régime d'aide juridique.
Mme Bouvier (Madeleine): Oui, vous avez tout à fait
raison, mais il faut dire que, s'ils n'ont pas été bons payeurs,
le système leur a permis de ne pas l'être. Donc, il est grand
temps que le système judiciaire y voie.
M. Lefebvre: Sauf que ce n'est pas toujours... C'est très
difficile. On aura beau avoir les meilleurs systèmes, lorsque quelqu'un
veut se cacher, cacher ses revenus, vous savez à quel point c'est
extrêmement difficile d'aller les chercher.
Mme Bouvier (Madeleine): Oui. Et là, il y a un autre
problème, c'est le travail au noir.
M. Lefebvre: Oui.
Mme Bouvier (Madeleine): Là, il va falloir s'y attaquer
résolument parce que autant ça amène une clientèle
fraudeuse à l'aide juridique...
M. Lefebvre: Oui.
Mme Bouvier (Madeleine): ...autant ça amène des
recours et des... C'est un gros problème.
M. Lefebvre: Merci, Mme Bouvier, pour votre participation
à la commission des institutions. Merci beaucoup.
Mme Bouvier (Madeleine): Merci beaucoup.
Le Président (M. Bradet): À mon tour de vous
remercier, madame. J'inviterais tout de suite le Regroupement inter-organismes
pour une politique familiale au Québec à prendre place le plus
rapidement possible, et je suspends les travaux pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 17 h 18)
(Reprise à 17 h 20)
Le Président (M. Bradet): La commission reprend ses
travaux. Donc, nous accueillons le Regroupement inter-organismes pour une
politique familiale au
Québec. Mme la vice-présidente, bienvenue à la
commission. Vous avez 20 minutes pour nous présenter votre
exposé. Je vous demanderais de nous présenter la personne qui
vous accompagne.
Regroupement inter-organismes pour une politique
familiale au Québec (RIOPFQ)
Mme Bety (Mariette): Merci, M. le Président, M. le
ministre de la Justice. Mon nom est Mariette Bety et je vous présente
Ricardo Codina qui va présenter le mémoire avec moi. M. Codina
va, dès à présent, commencer par vous présenter ce
qu'est le Regroupement inter-organismes.
Le Président (M. Bradet): Parfait. Allez-y, monsieur.
M. Codina (Ricardo): Bonjour. Le Regroupement compte 72
organismes membres qui proviennent d'un très grand nombre de milieux de
vie: santé, services sociaux, éducation, loisirs, habitation,
travail. Le Regroupement, créé en 1983, a été
associé à presque tous les grands moments du développement
de la structure gouvernementale québécoise en matière de
politique familiale au Québec. Le Regroupement a été ainsi
présent à la consultation publique gouvernementale des
années 1984-1985 qui portait sur une éventuelle politique de la
famille. Il a inspiré la création du Secrétariat à
la famille et du Conseil de la famille et a participé activement aux
discussions sur les deux plans d'action en matière de politique
familiale déposés par le gouvernement du Québec en
septembre 1989 et en avril 1992.
Fondé en 1983 et incorporé en mai 1984, le Regroupement
poursuit les objectifs suivants: regrouper les organismes familiaux et les
groupes à intérêt familial; effectuer toute recherche
concernant la famille; informer ses membres et leur fournir de la
documentation; intervenir auprès de la population pour susciter des
réflexions ou des prises de position; agir auprès des pouvoirs
publics et des médias pour promouvoir les intérêts des
familles.
Mme Bety (Mariette): II faut dire que le dépôt par
le ministre de la Justice du document d'orientation «L'aide juridique au
Québec: une question de choix, une question de moyens», ainsi que
sa proposition pour réformer le régime d'aide juridique telle que
présentée au Sommet de la Justice en 1992 ont suscité
beaucoup d'intérêt de plusieurs intervenants impliqués dans
le développement des politiques favorables à la famille.
L'accès à la justice devient de plus en plus important
pour les familles québécoises parce que la famille, comme
institution sociale, est très instable. Un grand nombre de personnes
vont certainement passer toute leur existence dans le même cadre
familial, mais beaucoup d'autres vont connaître plusieurs situations
différentes: couple marié ou en union de fait, famille
monoparentale, recomposée, famille d'accueil, etc. Ces nombreuses
transformations créent souvent des conflits légaux qui doivent
être résolus devant les tribunaux. pour cette raison, au moment
d'une crise familiale, l'accès à la justice devient indispensable
pour les époux et les enfants en conflit. l'importance du régime
d'aide juridique pour les familles québécoises ne devrait donc
pas être sous-estimée. ceci est confirmé, d'ailleurs, par
le fait que, dans 25 % des dossiers admis actuellement à l'aide
juridique, il s'agit d'un conflit familial.
L'accès à l'aide juridique est un droit reconnu
implicitement au Québec, à l'article 23 de la Charte des droits
et libertés de la personne. Le droit d'un citoyen de s'adresser à
un tribunal pour faire valoir ses droits est aussi reconnu en droit
international. Cependant, il faut être conscient du fait que plusieurs
personnes, parce qu'elles n'ont pas les ressources financières
suffisantes, ne pourraient pratiquement avoir accès à la justice,
même si différentes lois reconnaissent clairement ce droit. Un
grand nombre de familles québécoises se trouvent dans cette
situation. Le revenu moyen des familles québécoises a
augmenté en termes réels entre 1971 et 1981, mais il a
décliné entre 1981 et 1986 et s'est accru à peine depuis
1986. Après 1981, on remarque que la chute des revenus de travail n'a
été que partiellement compensée par l'augmentation des
transferts provenant des gouvernements.
M. Codina (Ricardo): Je suis maintenant à la page 3 de
notre mémoire. Quelques réflexions sur la proposition du ministre
de la Justice pour réformer le régime d'aide juridique.
Barèmes d'admission. La clientèle admissible
générale. Pendant le Sommet de la Justice, un nombre important
des intervenants se sont déclarés en faveur de la hausse des
barèmes d'admission à un niveau qui permettrait l'admission de
toute la clientèle admissible lors de la création de l'aide
juridique en 1973. Les tableaux A et B montrent la baisse de la
clientèle admissible entre 1973 et 1991. En 1973, la majorité des
personnes qui avaient des revenus inférieurs aux seuils de faible revenu
étaient admissibles à l'aide juridique, tandis qu'en 1991 il
existait des écarts importants entre le seuil de faible revenu et les
seuils d'admissibilité à l'aide juridique. pour remédier
à cette situation, le ministre de la justice a proposé des
barèmes d'admission qui correspondent à 100 % du mga (maximum des
gains admissibles dans la régie des rentes du québec). le tableau
c fait une comparaison entre ces barèmes et ceux qui existent
actuellement. selon le ministère de la justice, les barèmes
proposés, soit 100 % du mga, correspondent environ aux revenus
inférieurs aux seuils de faible revenu tels qu'ils sont définis
par statistique canada. cependant, le ministre a aussi proposé de
créer un volet contributoire pour l'aide juridique qui obligerait les
bénéficiaires dans les 60 %-100 % mga à payer une partie
de leurs frais juridiques. pour rendre admissible la grande majorité de
la clientèle de l'aide juridique en 1973, il aurait suffi de fixer le
barème d'admission à 80 % du mga.
La proposition du ministre, si acceptée, aurait donc l'effet
d'ouvrir l'accessibilité à l'aide juridique à une plus
grande proportion de la population. En fait, l'étendue de la
clientèle possible augmentera même comparée à la
clientèle admissible en 1973. Pourtant, une partie de la
clientèle admissible en 1973 serait, sous la réforme
proposée, obligée de payer une partie de ses frais juridiques. Il
n'est question nulle part qu'il serait préférable que toute la
clientèle admissible en 1973 soit admissible dans le volet gratuit
après la réforme. Malheureusement, les contraintes fiscales des
gouvernements pourraient rendre ce choix impossible.
Toutefois, nous croyons qu'il est très important d'augmenter la
clientèle admissible à l'aide juridique. Un barème d'aide
juridique établi selon une échelle progressive, comme
prévu par le volet contributoire, a, en effet, l'immense avantage
d'assurer l'accessibilité au régime à une plus grande
proportion des personnes à faible revenu et à revenu moyen, tout
en limitant l'injection de fonds de la part des gouvernements. Il permet en
particulier de rendre admissible à l'aide juridique l'ensemble de la
clientèle admissible lors de la création du régime. De
plus, il n'est pas sans intérêt pour les
bénéficiaires d'aide juridique qui doivent rembourser la
totalité des coûts des services obtenus.
La participation au régime proposé s'avère, de
toute façon, intéressante. Dans la mesure où les
honoraires à payer au régime d'aide juridique seraient moindres
que ceux payés sur le marché libre par les
non-bénéficiaires et dans la mesure également où le
remboursement pourra se faire par versements périodiques, la formule
demeure attrayante pour les bénéficiaires. En outre, ceux qui se
trouveront dans le volet contributoire n'ont pas actuellement accès
à l'aide juridique. Donc, malgré la contribution obligatoire,
cette clientèle sera, à notre avis, dans une meilleure situation
après la réforme qu'actuellement. Pour ces raisons, nous
recommandons qu'un volet contributoire soit créé pour augmenter
la clientèle admissible à l'aide juridique.
Mme Bety (Mariette): Alors, la clientèle admissible, les
enfants, à la page 4. L'admissibilité des enfants à l'aide
juridique pose un problème particulier d'application. L'article 80b de
la Loi sur l'aide juridique autorise le gouvernement à adopter un
règlement afin de «déterminer, en tenant compte des
ressources financières d'un enfant ou de ses père et mère,
les critères suivant lesquels l'aide juridique peut être
octroyée pour permettre d'assurer la représentation d'un enfant
devant le tribunal». Jusqu'à présent, aucun
règlement n'a été adopté en cette
matière.
La jurisprudence traditionnelle du comité de révision est
à l'effet que les parents d'un enfant qui ont besoin de services
juridiques peuvent être considérés comme une ressource pour
cet enfant, sauf quand l'intérêt de ce dernier est opposé
à celui de ses parents ou de la personne qui détient
l'autorité parentale. De façon générale, il est
permis de présumer que les parents voient à fournir à
leurs enfants mineurs les services juridiques dont ils ont besoin. Pourtant, il
y a des cas où des droits appartenant à des enfants risquent de
ne pas être exercés. Le parent, pour qui l'exercice d'un recours
au nom d'un enfant exige un effort financier important, peut plus facilement y
renoncer, puisqu'il doit assumer le risque et ne retirer aucun profit en cas de
succès. En outre, il est parfois difficile de déterminer si les
intérêts de l'enfant et de ses parents sont en conflit.
Il nous apparaît souhaitable que, dans les situations couvertes
par la Loi sur la protection de la jeunesse et la Loi sur les jeunes
contrevenants, la situation financière de l'enfant soit la seule
considérée. Dans ces domaines, en effet, le risque de divergence
entre le point de vue des parents et celui de l'enfant quant au mandat à
confier à un procureur est tellement grand et lourd de
conséquences, et le danger de contrainte morale de la part des parents
tellement présent que le conflit d'intérêts devrait
être présumé.
Dans les autres cas, lorsque les intérêts des parents de
l'enfant risquent moins d'entrer en conflit, nous croyons qu'à titre
exceptionnel et suivant les circonstances, et cela, pour éviter la perte
de droits dans les cas où les parents ne soutiennent pas
financièrement leur enfant dans la revendication de ses droits, seules
les ressources financières de l'enfant devraient être prises en
considération. Toutefois, pour éviter que les parents se
déchargent indûment sur l'État de leur
responsabilité légale de soutien envers leurs enfants, ils
devraient être appelés à rembourser le coût des
services juridiques ainsi obtenus, suivant les règles actuellement en
vigueur. Je voudrais ajouter aussi, puisque le mémoire a
été fait antérieurement au 1er janvier 1994,
qu'actuellement le Code civil du Québec, à son article 34, exige
du juge qu'il entende l'enfant, ce qui amène une situation
précaire et cruciale pour l'enfant. (17 h 30)
Les familles d'accueil, maintenant. Alors, l'engagement social des
familles d'accueil est bien établi dans notre société et
nul doute qu'il doit continuer et être encouragé pour le plus
grand bien-être des enfants. Pour ces familles, l'expectative de profit
pour les services rendus est très minime. Dans ce contexte, il peut
sembler excessif de considérer les ressources financières propres
de la famille d'accueil dans la détermination de son
admissibilité à l'aide juridique, et ce, lorsque l'intervention
dans une procédure judiciaire ne vise que le seul intérêt
du bénéficiaire. Dans ce cas, nous sommes d'avis qu'on tienne
compte uniquement des revenus perçus par la famille d'accueil, en sa
qualité de famille d'accueil, lors de la vérification de
l'admissibilité.
M. Codina (Ricardo): Nous sommes maintenant à la page 6.
Les ajustements annuels. Actuellement, le gouvernement du Québec est
discrétionnaire quant aux ajustements annuels aux barèmes
d'admission à l'aide juridique. Dans le régime actuel, le
gouvernement jpeut changer les seuils d'admissibilité par
règlement. Etant donné la nature discrétionnaire de ce
pouvoir, le gouvernement n'est pas obligé d'augmenter les seuils
d'admissibilité, même quand l'inflation et d'autres
facteurs économiques le dictent. Pour cette raison, quand le
gouvernement a des difficultés fiscales, il pourrait être
tenté de geler les barèmes d'admissibilité. Ceci limite
beaucoup la clientèle potentielle de l'aide juridique et diminue donc
les dépenses du gouvernement. Il nous semble que ce
phénomène s'est produit pendant les huit dernières
années. Les barèmes d'admissibilité à l'aide
juridique n'ont pas changé depuis 1985.
Nous proposons donc que les seuils d'admissibilité soient
indexés automatiquement. La Commission des services juridiques, qui
détenait le pouvoir réglementaire de déterminer les
critères d'admissibilité jusqu'en 1982, a adopté cette
solution en 1978. Elle modifiait le Règlement d'application de la Loi
sur l'aide juridique en insérant une disposition ayant pour effet
d'indexer annuellement les critères d'admissibilité à
compter du 1er janvier 1979. Le 22 décembre 1981, la Commission adoptait
un règlement suspendant, pour l'année 1982, l'indexation des
critères d'admissibilité. Le pouvoir réglementaire
d'établir les seuils d'admissibilité a été
transféré à l'Assemblée nationale en 1982. En 1983,
le gouvernement a retiré le principe de l'indexation automatique des
seuils d'admissibilité. Le dernier ajustement aux barèmes, comme
je dis, a été fait seulement en 1985.
La plupart des programmes de transfert sont indexés d'une
façon ou d'une autre. Faute d'indexation, il faut constater qu'avec le
temps les critères d'admissibilité à l'aide juridique sont
devenus, à certains égards, inférieurs aux barèmes
des programmes de dernier recours. Si la situation ne change pas, le
résultat en sera que bientôt la plupart des
bénéficiaires des programmes de dernier recours ne seront pas
admissibles à l'aide juridique. Cette situation ridicule ne peut pas
continuer.
Une modification au règlement, semblable à celle de
l'année 1978, n'assurerait pas, cependant, l'indexation automatique.
Comme on l'a prévu en 1982 et 1983, même un tel règlement
pourrait être suspendu ou retiré par un autre règlement.
Pour mieux assurer la permanence de l'indexation automatique, il serait
préférable d'amender la Loi sur l'aide juridique en
insérant une disposition ayant pour effet d'indexer annuellement les
critères d'admissibilité. Pour ces raisons, on recommande que la
Loi sur l'aide juridique soit amendée en insérant une disposition
qui assurerait l'indexation automatique.
Mme Bety (Mariette): Alors, les facteurs familiaux et le
barème. Le ministre de la Justice a proposé d'ajuster le
barème d'admissibilité en fonction de la taille et de la
composition de la famille, telles qu'utilisées dans les programmes de la
sécurité du revenu. Ce qui nous intéresse dans cette
proposition, c'est la manière dont le barème des besoins est
ajusté selon la situation familiale du bénéficiaire. En
faisant l'analyse du tableau que l'on retrouve à la page 14, on arrive
à la conclusion que, selon le programme Actions positives pour le
travail et l'emploi, les économies d'échelle sont
présumées devenir infinies pour les familles avec plus de deux
enfants. Il est clair que le barème d'admissibilité au programme
n'est pas ajusté pour les familles ayant plus de deux enfants. Ainsi, un
couple avec deux enfants est dans la même situation, quant à son
admissibilité au programme, qu'un couple avec quatre enfants.
Il y a donc la présomption qu'une famille avec deux enfants est
dans la même situation financière qu'une famille avec plus de deux
enfants. De cette façon, on présume que les coûts marginaux
pour une famille avec plus de deux enfants sont zéro,
c'est-à-dire qu'on présume que les économies
d'échelle deviennent infinies quand la famille a plus de deux enfants.
À notre avis, cette présomption est tout à fait
erronée. Les coûts marginaux pour supporter un enfant ne sont
jamais zéro, même dans une très grande famille. Pour cette
raison, il faut, à notre avis, ajuster les barèmes pour chaque
enfant dans la famille, baissant ainsi progressivement le barème
d'admissibilité pour les grandes familles.
Il faudrait, en outre, tenir compte de la situation des parents qui
n'ont pas la garde de leurs enfants, mais qui ont des droits de visite. Ces
parents sont souvent obligés d'avoir une chambre supplémentaire
pour accommoder leurs enfants quand ils sont en visite chez eux. Dans cette
situation, les enfants du parent qui a le droit de visite devraient être
comptés comme membres de sa famille pour déterminer
l'admissibilité du parent à l'aide juridique. Alors, pour ces
raisons, nous recommandons que le barème d'admission à l'aide
juridique soit ajusté selon la taille de la famille, en tenant compte de
tous les enfants dans la famille.
M. Codina (Ricardo): Nous sommes maintenant à la page 8,
définition de «couple». Dans le présent régime
d'aide juridique, un couple est défini comme «un homme et une
femme qui sont mariés et cohabitent ou qui vivent ensemble
maritalement». Récemment, la définition de
«couple» dans plusieurs dispositions législatives a
été modifiée pour inclure des couples qui ne sont pas
mariés, mais qui ont cohabité pendant une durée prescrite
par la loi. Or, selon la Loi sur la sécurité du revenu, les
personnes majeures qui vivent maritalement et qui, à un moment
donné, ont cohabité pendant une période d'au moins un an
sont des conjoints. Nous sommes d'avis que la définition de
«couple» devrait être harmonisée avec celle de la Loi
sur la sécurité du revenu. Il nous paraît important
d'éliminer toute ambiguïté en ce qui concerne la
durée de cohabitation nécessaire pour être
considéré comme un couple au sens du règlement de la Loi
sur l'aide juridique.
Mme Bety (Mariette): Frais minimaux. Maintenant, le ministre a
proposé des frais minimaux pour ouvrir un dossier et émettre un
certificat d'admissibilité. Il nous semble que l'intention du ministre
serait d'exiger un paiement minimal d'environ 20 $ de chaque requérant,
nonobstant sa situation financière et le service d'aide juridique
requis. Ces frais minimaux obligent les requérants à assumer une
partie des coûts administratifs.
ceci nous semble aller à rencontre de l'esprit de la loi sur
l'aide juridique. le régime reconnaît le droit de tout citoyen,
nonobstant sa situation financière, de faire valoir ses droits. imposer
de tels frais pourrait empêcher les citoyens les plus démunis
d'envisager un recours légal. cependant, ces frais minimaux pourraient
se justifier pour la clientèle d'aide juridique de 60 % à 100 %
du mga vu sa situation économique plus favorable.
Le Président (M. Bradet): Merci beaucoup, madame. M. le
ministre, pour une première question.
M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Mme Bety, M. Codina,
merci d'être venus défendre, nous expliquer, ajouter des
détails au mémoire que le Regroupement nous a soumis à la
commission des institutions. C'est le troisième mémoire que nous
discutons cet après-midi, particulièrement, là, qui fait
référence à la situation familiale monoparentale, aux
droits des enfants. Et, dans chacun des cas, y compris le vôtre,
évidemment, c'est un point de vue différent et toujours
extrêmement important et intéressant qui nous est soumis.
Je voudrais vous poser quelques questions générales et
peut-être un peu plus précises en regard de votre mémoire.
Dans votre document, vous n'indiquez pas si une partie de votre
clientèle est interpellée par le Tribunal de la jeunesse. Est-ce
que vous représentez des jeunes qui ont à discuter de leurs
actions, de leurs attitudes, soit par des procédures qui ont
été prises devant le Tribunal de la jeunesse à l'occasion
de rencontres avec la DPJ? Est-ce que le Tribunal de la jeunesse, tout le volet
de la délinquance juvénile est un dossier dans lequel vous avez
à intervenir souvent, quotidiennement?
Mme Bety (Mariette): Alors, je vais répondre en deux
parties. Le Regroupement est un regroupement d'organismes.
M. Lefebvre: Oui, je le sais.
Mme Bety (Mariette): Bon. Alors, pour le RIO, non. Maintenant,
pour les avocats de droit familial, dont je fais partie, oui, effectivement,
c'est le genre de dossiers dont les avocats ont à traiter.
M. Lefebvre: J'aimerais avoir votre opinion sur l'aide juridique
face aux démarches qui sont faites devant le Tribunal de la jeunesse.
Est-ce qu'il y a des problèmes semblables, au niveau du Tribunal de la
jeunesse, à ceux qu'on retrouve... Et je parle particulièrement,
là, des jeunes. On a parlé beaucoup des jeunes cet
après-midi, des enfants, de la perception des pensions alimentaires, de
la difficulté qu'on a à faire admettre le justiciable dans le
système d'aide juridique. Est-ce que c'est le même problème
au niveau du dossier de la jeunesse en général? (17 h 40)
Mme Bety (Mariette): Alors, le problème est un peu
différent parce que, vous savez, on finit par s'adapter à la
situation. Alors, la plupart des avocats ont trouvé, finalement, le tour
de faire admettre les jeunes à l'aide juridique, c'est par ordonnance.
Alors, quand on a un problème vraiment majeur, à ce
moment-là, on se présente carrément devant le juge et on
demande une ordonnance pour que l'enfant soit représenté.
M. Lefebvre: Et est-ce que, aussi, on ne doit pas tenir compte du
fait... Évidemment, le jeune n'a pas le choix de se présenter
devant le Tribunal de la jeunesse. Il n'est pas créancier d'un droit,
là, comme une pension alimentaire qui lui est versée par un
jugement de la cour. Devant le Tribunal de la jeunesse, il n'a pas le choix
d'être là. C'est parce qu'il est pris dans une situation qui ne
dépend pas nécessairement de sa volonté, de sorte qu'il
peut être même accusé devant le Tribunal de la jeunesse.
Est-ce que c'est automatique, à ce moment-là: le jeune va
être admis à l'aide juridique s'il a 16 ans, 17 ans?
Mme Bely (Mariette): Non, ce n'est pas automatique.
M. Lefebvre: Non?
Mme Bety (Mariette): Pas du tout. Pas du tout.
M. Lefebvre: Comment ça se passe? C'est quoi, la
démarche qui se fait au niveau du Tribunal de la jeunesse?
Mme Bety (Mariette): Bon. Alors, après une plainte, le
dossier va être ouvert par la DPJ...
M. Lefebvre: Oui.
Mme Bety (Mariette): ...et puis, bon, ce sont souvent les parents
qui vont s'occuper de trouver un avocat à l'enfant. Mais il arrive des
cas où le parent est absent et, à ce moment-là, ça
va être un avocat qui va être payé par l'aide juridique, sur
ordonnance, et ça arrive régulièrement.
M. Lefebvre: À la page 10 de votre document, lorsque vous
parlez de l'harmonisation des tarifs...
Mme Bety (Mariette): Oui.
M. Lefebvre: ...en matière matrimoniale, en matière
pénale, en matière criminelle, vous savez qu'il y a des
intervenants qui nous suggèrent les honoraires forfaitaires, le
«block fee» en matière pénale et criminelle. Votre
proposition va un petit peu, là, à rencontre de cette
suggestion-là. Est-ce que vous avez une opinion, est-ce que vous avez un
commentaire, Me Bety, sur la suggestion d'évaluer les honoraires
forfaitaires en matière pénale et criminelle?
Mme Bety (Mariette): Pas du tout. M. Lefebvre: Non?
Mme Bety (Mariette): Pas du tout, en matière criminelle.
Mais ce que je dois vous dire, par ailleurs, quand on fait des dossiers en
droit familial, c'est que, bon, il y a une somme de travail extraordinaire,
souvent. Par exemple, on va demander pour le client une prestation
compensatoire, et Dieu sait que c'est lourd à manoeuvrer et tout
ça, et il n'y a pas de compensation pour ce travail-là. Si on
fait, par exemple, une réquisition pour une saisie avant jugement pour
défendre des droits et, souvent, on va aller chercher des sommes
non négligeables à ce moment-là, pour une
réquisition, ça donne à l'avocat de droit familial 29 $,
et il doit porter son dossier, il doit aller devant le juge. C'est lui qui doit
faire ça. Il ne peut pas déléguer quelqu'un, là.
C'est l'avocat qui a le mandat qui doit faire le travail.
Alors, c'est vraiment sous-payé et, à cet effet-là,
on peut se poser la question: Est-ce que les avocats font tout ce qu'ils
devraient faire dans un dossier de droit familial étant donné
que, bon, ils font, par exemple, une demande en divorce ou une contestation
avec prestation compensatoire qui exige beaucoup plus de temps, beaucoup plus
de documents, de recherche et tout, et, finalement, en bout de ligne, le tarif
est exactement le même? On peut se poser la question alors
qu'actuellement ça fait plusieurs années que, par exemple, pour
une comparution en droit criminel, c'est 53 $; la préparation du
dossier, c'est 243 $. En familial, on a un forfaitaire. Alors, si on est en
défense dans un divorce, c'est 289 $. Alors, on peut se poser beaucoup
de questions, là, quant à savoir: Est-ce que les avocats,
finalement, font tout ce qu'ils peuvent? Parce que c'est souvent du
bénévolat et on peut se demander s'il n'y a pas des dossiers,
parfois, qui sont financés par les avocats.
M. Lefebvre: Vous savez que le régime d'aide juridique, il
est évidemment subventionné presque exclusivement par
l'État, fédéral et provincial, si on veut, et il y a plein
de suggestions qui nous sont faites de différents intervenants, y
compris votre groupe, de bonnes suggestions, sauf qu'on est toujours
confrontés à la même question de la situation des finances
publiques.
Vous venez de parler des prestations compensatoires. Est-ce qu'il ne
faudrait pas se questionner sur ce que vous venez de dire, à savoir
qu'il y a des débats devant la cour sur la prestation compensatoire, sur
le partage des patrimoines, sur des mandats d'aide juridique? Est-ce qu'il ne
faudrait pas se poser la question sur une démarche qui devrait
être initiée au niveau des avocats de pratique privée qui
pourraient supporter ces dossiers-là pendant un certain temps, compte
tenu de la possibilité, qui est réelle, de gagner la cause et,
souvent, des montants assez considérables? Est-ce qu'il ne faut pas se
questionner là-dessus, que des dossiers de prestation compensatoire, de
partage du patrimoine soient débattus devant la cour, dans certains cas
sur un double mandat de l'aide juridique, autant le créancier ou la
créancière que le débiteur, deux mandats d'aide juridique
lorsqu'on discute de prestation compensatoire ou de partage du patrimoine,
souvent de gros montants d'argent qui ne sont pas faciles à
comptabiliser, à identifier? Mais il faut se questionner
là-dessus.
Mme Bety (Mariette): Ce qui arrive quand on réussit
à aller chercher un montant intéressant, c'est que l'aide
juridique va aller récupérer et on le fait, là,
actuellement les honoraires qui ont été versés.
Mais l'avocat, lui, en bout de ligne, qu'il aille chercher, je ne sais pas, 15
000 $, 20 000 $, 40 000 $, 100 000 $, il n'aura pas plus s'il est en
défense ou en demande: il va avoir ses 401 $, et c'est fini.
Peut-être, Ricardo...
M. Codina (Ricardo): Non, non. Ça va.
M. Lefebvre: Je voudrais, Me Bety, avoir votre opinion sur
l'ensemble de la gestion du régime d'aide juridique. Est-ce que vous
considérez, de façon générale, que le régime
d'aide juridique est bien géré, opère bien pour le libre
choix des avocats, l'accessibilité aux bureaux d'aide juridique un petit
peu partout au Québec? Pour la démarche d'admissibilité,
est-ce que, de façon générale, vous considérez
qu'à ce niveau-là le régime d'aide juridique va bien?
Mme Bety (Mariette): Je dirais qu'on prend un peu de retard, mais
je vous dirai également qu'on arrive quand même à faire
passer des dossiers rapidement. En motivant, par exemple, une situation de
violence pour un conjoint, à ce moment-là, on fait des exceptions
et, bon... Je vous parle des bureaux, là. Alors, ça va assez
bien. Quant au choix du procureur aussi, ça va bien, sauf que,
dès qu'on arrive en pratique privée et qu'on se rend compte des
tarifs qui sont versés pour les avocats de droit familial, la
première chose qu'on souhaite, bien, c'est de pouvoir cesser de faire
ces dossiers-là parce que c'est tellement peu payant et
intéressant. Bon, il y a des bureaux qui refusent carrément, mais
il nous arrive tous, un jour ou l'autre, d'en prendre parce qu'on connaît
quelqu'un ou c'est l'ami de quelqu'un, et c'est comme ça. Et c'est donc
un service, je dirais, presque de deuxième catégorie.
M. Lefebvre: Dans votre mémoire, aux pages 8 et 9, vous
faites référence à la situation des couples en
cohabitation de fait. Et, M. Codina, tout à l'heure, vous avez
également commenté cette partie-là de votre
mémoire. Est-ce que je dois comprendre que vous seriez d'avis qu'on
tienne compte du revenu du conjoint de fait pour l'admissibilité
à l'aide juridique en partant du fait qu'il y aurait une cohabitation
qui dépasserait plus ou moins 12, 14 mois, 12 mois et plus? Est-ce qu'on
devrait en tenir compte dans les critères d'admissibilité
à l'aide juridique?
M. Codina (Ricardo): Oui. Notre position, c'est qu'on devrait
tenir compte de cette situation parce que ça révèle la
situation financière des personnes en question. Actuellement, il y a
quand même la question de savoir quelle est la durée de
cohabitation qu'on devrait considérer. C'est important, à notre
avis, d'harmoniser la durée de cohabitation avec celle qui existe pour
la Loi sur la sécurité du revenu.
M. Lefebvre: La sécurité du revenu.
M. Codina (Ricardo): Parce que ça fait partie de
créer certaines normes dans notre société sur ce qu'on
considère comme... À quel point est-ce qu'il faut cohabiter pour
pouvoir dire que les revenus d'une personne ont un effet positif sur les
revenus de l'autre, etc.?
M. Lefebvre: Aux pages 3 et 4 de votre document, lorsque vous
parlez du rehaussement du seuil d'admissibilité, vous faites
référence à un volet contribu-toire pour la
clientèle qui se situerait entre 60 % et 100 % du MGA. Quelle est la
différence entre votre proposition d'aujourd'hui par rapport à
celle que vous débattiez au sommet économique? Est-ce que c'est
la même position aujourd'hui qu'au sommet économique? Je m'excuse,
au Sommet de la Justice; j'étais revenu dans le comté de
Frontenac. Au Sommet de la Justice, vous aviez une position, quant au volet
contributoire, un peu différente de celle d'aujourd'hui, hein? (17 h
50)
M. Codina (Ricardo): Je ne me souviens pas de notre position au
Sommet de la Justice. Moi, j'avais compris qu'on n'avait pas à se
prononcer là-dessus.
M. Lefebvre: D'accord.
M. Codina (Ricardo): Peut-être que je me trompe, mais,
actuellement, nous pensons que l'approche générale d'introduire
un volet contributoire est une manière équitable de rendre l'aide
juridique plus accessible...
M. Lefebvre: Plus accessible.
M. Codina (Ricardo): ...à une plus grande partie de la
population. Il nous semble que c'est injuste de dire à quelqu'un qui
gagne 175 $ par semaine qu'il n'a pas droit à l'aide juridique tandis
que quelqu'un qui gagne 6 $ de moins aurait droit à tous ses
besoins.
M. Lefebvre: Est-ce que la contribution en serait une directement
versée aux bureaux d'aide juridique ou si ce serait des services
juridiques, si on veut, comptabilisés par les bureaux d'aide juridique
et ajoutés au revenu du bénéficiaire? Comment voyez-vous
la mécanique de la contribution? Un crédit d'impôt ou
autrement? Est-ce que vous avez réfléchi là-dessus? Je
vous pose la question, tout simplement.
Mme Bety (Mariette): Oui, payés directement. M.
Lefebvre: Payés directement. Mme Bety (Mariette):
Absolument.
M. Lefebvre: Dépendamment, évidemment, du revenu du
bénéficiaire.
Mme Bety (Mariette): Oui, que ce soit progressif.
M. Lefebvre: Oui, oui, oui.
Mme Bety (Mariette): Que ce soit progressif. Et j'aimerais
ajouter quand même, par rapport... On parlait de la tarification. Il nous
arrive souvent, les avocats de droit familial, de faire de la médiation,
même si on a un mandat en demande. C'est-à-dire que, quand les
revenus de l'autre partie sont trop bas pour qu'elle puisse se payer les
services d'un procureur, elle ne va pas prendre un procureur, elle va essayer
de se défendre toute seule. Et, si on représente une partie qui
est à l'aide sociale, bon, bien, à ce moment-là, ce qu'on
va faire, les avocats vont envoyer les états de revenus et
dépenses et le bilan à l'autre partie, puis on va proposer des
conventions et, bon, on va négocier, ce qui, en fin de compte, est assez
dangereux, parce qu'on doit, quand on représente une partie, être
tout à fait indépendant, mais, bon, il nous arrive des situations
tellement pathétiques. Des fois, des gens sont endettés, mais ils
reçoivent juste un petit peu plus que le barème; alors, on a des
situations absolument pitoyables dans nos bureaux, je vous avoue.
M. Lefebvre: Je vous ai interrogée tout à l'heure,
Me Bety, sur, quant à moi, ce qui est questionnable, qu'on
débatte sous mandat d'aide juridique des réclamations de
créances en parallèle avec l'article 69 de la Loi sur l'aide
juridique. Est-ce que vous considérez qu'il y a des services qu'on donne
présentement à l'aide juridique qui devraient être remis en
question, réévalués? Pas nécessairement, et je vous
le dis tout de suite, pour récupérer des sommes qu'on remettrait
au ministre des Finances, là.
Mme Bety (Mariette): Oui.
M. Lefebvre: Peut-être pour nous permettre, justement,
d'augmenter, d'améliorer le seuil d'admissibilité. Est-ce qu'il y
a des services qu'on devrait questionner, remettre en question,
particulièrement au pénal ou au criminel?
Mme Bety (Mariette): Pour l'instant, absolument pas.
M. Lefebvre: Non?
Mme Bety (Mariette): Absolument pas.
M. Lefebvre: Vous êtes vous interrogés
là-dessus?
Mme Bety (Mariette): Oui. Vous parliez de l'article 69; je pense
que l'article 69, c'est essentiel qu'il demeure.
M. Lefebvre: Oui.
Mme Bety (Mariette): C'est la même chose: les gens ne
peuvent pas payer pour aller récupérer les sommes, finalement,
et, bon, quand on a des frais d'expert, par exemple, dans des dossiers, alors,
il faut trouver du financement quelque part. L'article 69 permet ce
financement-là.
M. Lefebvre: Vous parlez de frais d'expert. Est-ce qu'on ne
devrait pas également s'interroger sur la possibilité, en autant
que, techniquement, on puisse le faire, de tarifer les frais d'expert, les
expertises, tout comme on le fait avec les notaires et les avocats qui
travaillent, et je pense qu'il faut l'admettre, à un tarif moindre que
celui qu'on retrouve dans la pratique privée?
Mme Bety (Mariette): Alors...
M. Lefebvre: Les frais d'expertise devraient-ils être
tarifés et, si on veut, mieux évalués quant aux services
qui sont rendus par les experts, qui sont, vous le savez, dans certains cas,
prohibitifs dans certains procès? On parle, l'an passé, de plus
ou moins 5 500 000 $ qui ont été payés aux experts en
général à l'intérieur du régime d'aide
juridique. Est-ce qu'on ne devrait pas également tarifer les
expertises?
Mme Bety (Mariette): Alors, je vais faire une réponse...
Personnellement, étant donné que le RIO n'endosse pas mes propos,
oui, je pense que, effectivement, les frais d'expert devraient être
tarifés. Et, de la même façon, je pense que les mandats
devraient être donnés directement du bureau d'aide juridique
à l'expert afin d'exercer un contrôle et aussi pour rassurer
l'expert et dégager aussi l'avocat. Quand on a affaire avec plusieurs
experts, il arrive un paquet de problèmes autour de toute cette
question-là, jusqu'où le mandat s'étend... Et, vous savez,
il arrive parfois qu'on a des drôles de rédactions de mandats. Par
exemple, on va nous faire un beau mandat, un divorce en demande jusqu'à
telle date. Bon, alors, comment on s'organise avec ce mandat-là? Ce
n'est pas facile.
M. Lefebvre: Sans parler des honoraires comme tels, est-ce que
vous considérez qu'il peut y avoir un abus au niveau de l'utilisation de
l'expert à l'intérieur du système d'aide juridique, qu'on
abuse de l'expertise, qu'on peut changer d'expert parce que, évidemment,
la partie n'a pas à payer pour les frais d'expertise? Est-ce qu'il y a
un abus de ce côté-là?
Mme Bety (Mariette): Je ne pourrais pas vous répondre en
général, parce qu'il y a une partie du droit que je ne touche
pas, là, c'est le droit criminel.
M. Lefebvre: Justement, en matière matrimoniale.
Mme Bety (Mariette): En matière matrimoniale, je vous
avouerai qu'il nous est arrivé parfois de trouver que peut-être
les juges faisaient référence trop rapidement, par exemple, aux
expertises psychosociales, ce qui impliquait énormément de
délais et pas toujours dans l'intérêt de l'enfant. Mais,
maintenant, heureusement, avec l'article 34 du Code civil, qui oblige le juge
à entendre l'enfant quand l'enfant est capable de s'exprimer clairement,
on règle le problème. Ce que les avocats font, c'est qu'ils
demandent aux parties d'amener les enfants, et le juge est obligé... Ce
n'est pas toujours bien accueilli, mais je pense qu'avec la pratique on va y
arriver.
M. Lefebvre: Merci.
Le Président (M. Bradet): Alors, merci. Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Me Bety, M. Codina,
merci beaucoup de votre participation. Vous avez touché dans votre
mémoire un aspect qui n'avait pas encore été abordé
et que, personnellement, je trouve très préoccupant depuis
plusieurs années, autant quand j'étais attachée politique
que depuis que je suis députée, c'est concernant la taille de la
famille. Et, là-dessus, il y a vraiment harmonisation avec la Loi sur la
sécurité du revenu, c'est-à-dire qu'à partir de
deux enfants, c'est deux enfants et plus. Et là, avec le «et
plus», il n'y a pas de limite. Un petit peu comme si, finalement, plus
vous aviez d'enfants, moins ça coûte cher pour faire vivre la
famille. Ça, c'est un petit peu contre la réalité, parce
qu'une famille qui se retrouve... Et il faut dire qu'il en existe quand
même, des familles qui sont plus nombreuses. Vous nous dites que,
peut-être, ça pourrait toucher 15 % des familles
québécoises qui ont plus que deux enfants. Je connais beaucoup de
familles de trois, quatre, cinq, six enfants même; à ce
moment-là, ces gens-là, c'est sûr que, si on tient compte
d'un revenu de deux et plus, bien, automatiquement, ils sont
pénalisés. Et, là-dessus, je crois que vous avez raison
d'insister. Très peu de personnes nous en ont fait part.
Moi, j'aimerais éclaircir avec vous la recommandation sur les
familles d'accueil. Parce que, cet après-midi, lorsque nous avons
rencontré Mme Daines, elle semblait nous dire et puis, la
question que je lui avais posée, c'est parce que j'avais lu votre
mémoire, et vous semblez nous dire qu'il y avait un problème au
niveau des familles d'accueil que, non, dès que c'était
une famille d'accueil, il n'y avait aucun problème pour obtenir les
services d'aide juridique. J'aimerais que vous nous parliez de votre
expérience là-dessus. Pourquoi
vous arrivez à la recommandation, en page 6: «que, dans la
détermination de l'admissibilité à l'aide juridique d'une
famille d'accueil, il soit tenu compte uniquement des revenus perçus en
cette qualité, et ce, lorsque l'intervention dans une procédure
judiciaire ne vise que le seul intérêt du
bénéficiaire enfant»? Alors, parlez-nous de votre
expérience là-dessus, parce qu'on le retrouve dans quelques
mémoires, peu de mémoires, là, mais j'aimerais clarifier
ça.
M. Codina (Ricardo): Moi, je n'ai pas d'expérience
personnelle dans cette affaire. On s'est basés sur l'état de la
loi quand on a rédigé le mémoire. S'il y a eu des
changements et que, maintenant, les familles d'accueil n'ont pas de
problème à avoir l'aide juridique, on ignore cette situation. Ce
que nous avons compris de la situation actuelle, c'est que, selon les revenus
des familles d'accueil, des frais sont tenus en compte et que ça peut
empêcher certaines personnes d'avoir accès à l'aide
juridique. Alors, ce qu'on recommande, c'est que seulement les revenus qui sont
reçus en leur qualité de familles d'accueil soient
considérés comme déterminant l'accès à
l'aide juridique pour l'enfant. (18 heures)
Mme Caron: Quand vous nous parlez, en page 8, des droits de
visite, vous nous dites: «II faudrait tenir compte de la situation des
parents qui n'ont pas la garde de leurs enfants, mais qui ont des droits de
visite.» Parce que, souvent, ils sont obligés d'avoir des frais
supplémentaires. Est-ce que vous pensez aussi aux parents qui ont des
enfants qui sont en famille d'accueil et qui reçoivent aussi ces
enfants-là, parfois, pour des visites, par exemple, aux vacances,
à certaines périodes de l'année? Est-ce que vous incluez
aussi ces parents-là?
M. Codina (Ricardo): On n'avait pas envisagé cette
situation particulière, mais, logiquement, ça pourrait être
étendu à cette situation-là aussi.
Mme Caron: Je vous pose la question parce que j'ai
rencontré une personne qui bénéficiait de l'aide sociale
et on lui donne le revenu comme personne seule parce que son enfant est en
famille d'accueil, sauf qu'elle doit débourser un montant à
l'État pour une contribution de parent; puisque son enfant est en
famille d'accueil, elle doit verser un montant qu'on ne compte pas alors
qu'elle reçoit son aide sociale. Et, lorsque, effectivement, il va en
visite, elle n'a pas d'argent pour les frais supplémentaires que
ça impose. Et je me disais: Pour l'aide juridique, c'est la même
chose; si la personne a à défrayer, il faudrait peut-être
tenir compte de la réalité de ces enfants-là.
M. Codina (Ricardo): Je pense qu'on devrait nuancer
peut-être les considérations un peu plus. C'est toujours difficile
de faire un régime, différentes lois qui envisagent toutes les
situations possibles, mais il faut réfléchir et penser à
ces situations et «adresser» ces problèmes-là
aussi.
Mme Caron: Ma question s'adresse peut-être plus à Me
Bety cette fois-ci. Est-ce que vous croyez qu'il y aurait... Parce que, moi
aussi, je partage la question du ministre concernant les frais d'expert, il
faudrait se poser la question parce que les coûts sont passablement
élevés. Mais est-ce que, selon votre expérience, il y a
aussi de l'argent à aller chercher dans les causes où,
finalement, on accepte des personnes pour un mandat d'aide juridique et qu'on a
la preuve, quelque temps plus tard, que la personne n'était pas
eligible? Est-ce que vous pensez qu'on doit vraiment, comme le suggèrent
certains mémoires, récupérer cet argent-là qui,
finalement, a été donné alors que la personne n'y avait
pas droit?
Mme Bety (Mariette): Non. Je pense qu'au moment où le
mandat a été accordé la personne était admissible,
en ce sens, par exemple...
Mme Caron: Non, non, ce n'est pas de ceux-là que je parle,
mais de ceux qui n'étaient pas admissibles...
Mme Bety (Mariette): Ah!
Mme Caron: ...qui, par exemple, ont fait des fausses
déclarations et qu'il n'y a pas eu de vérification plus grande
que ça. Lorsqu'on arrive à donner des preuves, est-ce que vous
croyez qu'il faut aller chercher l'argent?
Mme Bety (Mariette): Oui, absolument. Je suis tout à fait
d'accord avec cette proposition-là.
Le Président (M. Bradet): Je m'excuse, madame, juste un
instant. Ça me prendrait le consentement pour qu'on puisse
dépasser 18 heures.
M. Lefebvre: Consentement. Mme Caron: Consentement.
Le Président (M. Bradet): Consentement. C'est beau,
allez-y, Mme Bety.
Mme Caron: Bon. Mon autre question, Me Bety ou M. Codina, le
ministre l'a abordée un petit peu, mais j'aimerais que vous soyez un
petit peu plus explicites sur ce que vous souhaitez comme harmonisation dans
les pratiques de tarification. Est-ce que vous pensez qu'il faudrait qu'il y
ait un plafonnement? Parce qu'on s'est aperçu que certains, ils sont peu
nombreux, avocats de la pratique privée ont quand même
été chercher des montants assez appréciables du
côté de l'aide juridique. Bon, on en a un à 500 000 $, on
en a un à plus de 200 000 $. Mais est-ce qu'il faudrait un plafonnement
et qu'est-ce que vous souhaitez vraiment, là, comme pratique de
tarification?
Mme Bety (Mariette): Oui. Alors, je trouve la question du
plafonnement très intéressante. Effectivement, on a des clients,
on voit passer des gens qui sont des professionnels des mandats d'aide
juridique. Ça existe. On n'a pas de «black list», si vous
pouvez me passer le terme, mais ça existe effectivement. Il pourrait y
avoir de ce côté-là un plafonnement.
Par ailleurs, il faut faire attention. Quand on est dans le cadre d'une
procédure de divorce et on sait qu'en droit familial, quand il y
a une bagarre, des fois, on peut avoir un nombre incalculable de
procédures il faudrait être très rigoureux pour ne
pas pénaliser, par exemple, la personne, le conjoint, la famille qui est
aux prises avec quelqu'un qui va multiplier les procédures. Quand on
regarde les dossiers sur le plumitif, des fois on se rend à 40, 50, 60,
75 interventions dans le dossier, ce qui est anormal, mais ça arrive et
ce n'est pas toujours la faute du conjoint, par exemple, qui est à
l'aide juridique.
Alors, ce que je vois, c'est une tarification à l'acte. Quand on
a un jugement, on est payé; par exemple, si on a des mesures
intérimaires, des mesures provisoires, ça va. Mais il y a des
choses comme, bon, un interrogatoire... Il faut être très prudent
avec notre bureau d'aide juridique parce que ça peut arriver, si on n'a
pas pris la peine de se faire autoriser, par exemple, un interrogatoire, que
non seulement on ne sera pas payés, mais, si on a des notes
sténographiques, il va falloir les débourser de notre poche parce
qu'on n'est pas remboursés. Et Dieu sait que, quand notre compte est
refusé et que l'avocat doit contester le non-paiement pour certaines
choses, c'est un temps fou qu'il faut passer dans le dossier. Alors, c'est
quand même une question difficile, j'en conviens.
Mme Caron: Oui, puis on s'aperçoit aussi que ceux qui ont
un volume impressionnant de pratique, souvent, ne vont absolument pas plaider.
Presque tous les dossiers, ce sont des dossiers où ils font
déclarer la personne coupable, puis ça leur permet...
Mme Bety (Mariette): Oui, en droit criminel.
Mme Caron: ...d'avoir un volume passablement
intéressant.
Écoutez, on a eu aussi des intervenants... Nous, on avait
certaines informations, mais l'Association des avocats de la défense
nous a même donné le nom de cette pratique-là: le mandat
plus. Est-ce que vous pensez que le Barreau devrait intervenir
là-dessus? Alors, je m'explique pour ceux qui ne connaissent pas la
pratique du mandat plus; c'est des avocats de pratique privée qui
acceptent des mandats d'aide juridique moyennant qu'on ajoute un montant en
argent comptant parce qu'ils considèrent que le tarif n'est pas
suffisant. Est-ce que vous pensez que le Barreau devrait agir à ce
niveau-là?
Mme Bety (Mariette): Je ne vois pas pourquoi ce serait au Barreau
à agir.
Mme Caron: Parce que, au niveau du code de déontologie, on
peut se dire que ce n'est pas tout à fait une pratique qui devrait se
retrouver chez des professionnels.
Mme Bety (Mariette): Oui. Ce que l'on retrouve
régulièrement quand le client reçoit le mandat, il arrive
régulièrement que le bureau d'aide juridique va aviser le client
qu'il n'aura rien à débourser. Alors, je pense que ça
pourrait être une façon de contourner le problème pour
éviter le mandat plus, justement.
Mme Caron: C'est un peu difficile de le contourner de cette
façon-là dans le sens que, voyez-vous, certaines personnes, bon,
ont le libre choix de l'avocat. Donc, on choisit un avocat et on veut cet
avocat-là, puis le choix que la personne a, finalement, c'est de payer
le plein tarif ou de payer uniquement le plus, puisque le mandat est
déjà payé. Le ministre me glissait qu'effectivement c'est
illégal. Oui, c'est illégal. Et, pour moi, c'est aussi grave,
l'illégalité de ce travail au noir. Que ce soit dans la
construction ou que ce soit fait par des avocats, c'est aussi grave, et je
pense qu'on se doit de dénoncer ça fortement.
Me Bety et M. Codina, je veux laisser un petit peu de temps à ma
collègue des Chutes-de-la-Chaudière qui avait une question ou
deux à vous poser.
Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président. Moi,
ça va être très bref. Je n'ai pas vu la liste des
organismes qui sont membres de votre Regroupement. Par ailleurs, j'ai pris
connaissance, bien sûr je vous ai entendus de votre
mémoire et tout ça. On a entendu aussi et vous avez entendu comme
nous les propositions et les demandes qui ont été faites par
d'autres organismes qui s'occupent, entre autres, de familles monoparentales.
Comme je ne retrouve pas du tout la même préoccupation à
l'intérieur de votre mémoire, je m'interrogeais: Est-ce que vous
en avez, parmi les 72 organismes, des gens qui représentent les familles
monoparentales ou qui ont ce genre de problèmes là dont on a
discuté cet après-midi?
Mme Bety (Mariette): Je n'ai pas la liste en mémoire, mais
il me semble que...
M. Codina (Ricardo): On en avait quelques-uns. Quand
j'étais avec le Regroupement l'été passé, quand
j'ai consulté la liste, il n'y en avait pas à ce
moment-là. Mais, des fois, ce qui arrive, c'est qu'ils sont membres et,
après, ils annulent leur carte de membre. Mais on a déjà
eu des organismes de familles monoparentales.
Mme Carrier-Perreault: Alors, j'imagine que, dans les discussions
qui ont entouré la préparation du mémoire, si les gens
n'étaient pas présents, peut-être que ça n'a pas
ressorti.
Je remarque aussi que vous avez une préoccupation pour les
jeunes, les jeunes contrevenants, entre
autres. Cette préoccupation-là, vous l'avez très
sérieusement et vous en avez discuté, d'ailleurs, tout à
l'heure avec le ministre. Vous dites que les ressources financières des
parents peuvent être prises en considération uniquement,
finalement, lorsque leurs intérêts ne sont pas en opposition, mais
que, par ailleurs, on devrait toujours... En fait, l'opposition des
intérêts devrait être présumée. C'est ce que
vous proposez, à toutes fins pratiques. Vous dites: On devrait partir
avec l'idée que, oui, c'est possible qu'ils se ramassent en opposition.
J'ai bien compris le sens de votre recommandation? (18 h 10)
M. Codina (Ricardo): Oui. Dans ces deux cas-là, dans des
situations couvertes par ces deux lois, d'habitude il y a des conflits et,
alors, la présomption devrait se faire.
Mme Bety (Mariette): Mais je ferais peut-être une nuance
concernant l'inculpation ou le problème qui est devant le tribunal
à ce moment-là. Parce que c'est évident que, si on se
trouve sous l'article 38, qui est une situation de compromission qui vient de
la famille immédiate, à ce moment-là, oui, il y a
effectivement conflit d'intérêts. Mais, par ailleurs, si on se
retrouve avec un problème de consommation, un jeune toxicomane, par
exemple, bien, là, c'est un autre problème. Alors, c'est
peut-être la nuance qu'on n'a pas faite, là, dans le
mémoire. Mais, si on est en situation de compromission, oui, il devrait
y avoir absolument présomption de conflit d'intérêts entre
le jeune et le parent.
M. Codina (Ricardo): Et les présomptions sont
réfutables, d'habitude. Alors, si on regarde exactement les faits en
question, on peut déterminer s'il y a véritablement un
conflit.
Mme Carrier-Perreault: C'est un peu dans ce sens-là, parce
que, à ce qu'on me dit, ce qui se passe en matière de jeunes
contrevenants ou autres, c'est que le jeune est traduit devant le tribunal
comme tel et là, bien, évidemment, il faut qu'il prenne un
avocat. Les parents sont convoqués; alors, on décide qui prend
l'avocat. Le problème est que le parent peut être obligé
aussi, à son tour, s'il paie un avocat à son jeune, d'en payer un
pour lui. Alors, il en paie deux, à toutes fins pratiques, pour se
chicaner l'un contre l'autre, compte tenu que l'avocat du jeune
représente l'intérêt du jeune, défend la position du
jeune, et le parent, s'il y a problème, là, par rapport à
la décision de son enfant, bien, il est obligé de se
défendre contre l'avocat qui défend son jeune. C'est à peu
près ça, la situation chez les jeunes contrevenants, et dans
d'autres cas aussi, au niveau de la protection de la jeunesse.
Mme Bety (Mariette): Oui, c'est à peu près
ça. Une voix: Les avocats ne sont jamais en conflit. Mme Bety
(Mariette): Je ne sais pas dans les autres palais de justice comment
ça se passe, mais ici, à Québec, on a un service d'avocats
qui sont en disponibilité en tout temps pour répondre parfois aux
demandes qui sont faites. Parce que c'est évident que, si le parent a
son propre avocat dans une situation et que l'enfant n'est pas
représenté, les procureurs se font un devoir, à ce
moment-là, de faire nommer un procureur à l'enfant par
ordonnance.
Mme Carrier-Perreault: Par rapport à ce que vous avez
entendu cet après-midi, les préoccupations des familles
monoparentales, le jeune, lorsque le conjoint ne reçoit pas la pension
alimentaire qui est un droit pour les enfants, on en a parlé longuement,
il se trouve aussi à quelque part en opposition avec son parent qui est
non responsable. Comment vous voyez ça, cette situation-là?
Est-ce que vous pensez que c'est possible de rendre l'aide juridique admissible
seulement en considérant l'enfant comme tel?
M. Codina (Ricardo): Nous avons commencé avec la
prémisse que la responsabilité de soutenir les enfants incombe
aux parents; c'est ça que le Code civil nous dit, et on commence avec
cette présomption-là. La Commission des services juridiques a une
certaine discrétion; dans certains cas, elle pouvait peut-être ne
pas considérer les revenus de la mère. Mais, en
général, ce que nous ne voulons pas et ce que nous avons
exprimé dans notre mémoire, c'est qu'un parent se décharge
indûment à l'État de ses responsabilités de soutenir
ses enfants en matière de services judiciaires. Alors, il y a une
certaine discrétion. On n'est pas insensibles à la situation qui
peut se produire, mais, comme on l'exprime dans notre mémoire, les
parents devraient rembourser l'aide juridique pour des services qui ont
été utilisés par leurs enfants, parce que l'obligation de
venir au soutien des enfants, dans ces situations, incombe d'abord aux
parents.
Mme Carrier-Perreault: Le conjoint de fait, dans les familles
reconstituées, à partir du moment où on a fait une
définition, vous pensez qu'il faudrait que le salaire du conjoint de
fait ou les revenus du conjoint de fait soient aussi comptabilisés pour
avoir accès à l'aide juridique, dans les cas de perception de
pension alimentaire?
Mme Bety (Mariette): Là, actuellement, on en tient compte
à la première journée de cohabitation. Ce qu'on dit dans
notre recommandation...
Mme Carrier-Perreault: Vous mettez un an.
Mme Bety (Mariette): ...c'est: Bon, allons-y, de la même
façon que la sécurité du revenu, donnons une chance au
coureur et donnons-lui un an. Alors, à ce moment-là, on pourrait,
effectivement, contourner le problème pour la recherche de pension
alimentaire dans un premier moment comme ça. Il faudra le regarder.
J'avoue que c'est une question qui est très difficile, parce que
chaque dossier, on dit en droit que c'est un cas d'espèce. Et oh se
retrouve des fois avec des gens qui ont des revenus au noir et à vouloir
trop pousser, finalement, on n'a plus rien. Les choix sont difficiles et
très délicats à faire.
Mme Carrier-Perreault: D'accord. Je vous remercie.
Le Président (M. Bradet): Merci beaucoup, madame. M. le
ministre, en conclusion.
M. Lefebvre: merci, me bety et m. codina. j'ai
apprécié l'échange que nous avons eu en partant du
mémoire que vous nous avez soumis. je retiens essentiellement que, quant
au rehaussement du seuil d'admissibilité, ça ressemble un petit
peu à ce qui avait été soumis au sommet de la justice ou
qui avait été mis sur la table par m. le ministre, qui
n'était pas, à ce moment-là, une position du gouvernement.
mais, pour ouvrir la discussion, à ce moment-là, on avait
parlé d'un seuil allant jusqu'à plus ou moins 60 % du mga. c'est
un peu ce que vous proposez. je retiens également que vous
suggérez un volet contributoire pour la clientèle qu'on
retrouverait au-dessus de 60 %. ça ressemble un petit peu au plan du
barreau, jusqu'à un certain point. on n'a pas eu le temps de vous
questionner sur votre opinion quant à l'implication des compagnies
d'assurances pour les frais ou honoraires juridiques.
J'ai aimé votre commentaire, M. Codina, qui est évident,
sauf qu'on l'oublie peut-être trop souvent, à savoir que c'est
d'abord les parents qui ont la responsabilité de s'occuper de leurs
enfants et non pas l'État. On reste surpris aujourd'hui d'entendre,
à l'occasion, certaines personnes ça n'a pas
été le cas ici à date nous indiquer que c'est
peut-être l'État qui devrait suppléer à la carence
d'un père ou d'une mère qui aurait le moyen, mais qui ne veut pas
s'occuper de ses enfants. Alors, je suis content de vous avoir entendu
répéter ce grand principe de droit contenu dans le Code civil,
mais c'est également un principe de droit naturel.
Merci d'être venus débattre votre mémoire. Et, tout
comme les autres intervenants, comme gouvernement, on essaiera de tenir compte
le plus possible des suggestions qui nous sont faites. Merci beaucoup.
Mme Bety (Mariette): Merci, M. le ministre.
Le Président (M. Bradet): Alors, il me reste à
suspendre les travaux de cette commission. Nous reprendrons à 20 heures.
Bon souper à tous!
(Suspension de la séance à 18 h 18)
(Reprise à 20 h 5)
Le Président (M. Bradet): À l'ordre, s'il vous
plaît! Alors, la commission des institutions reprend ses travaux. Je
demanderais au Groupe d'entraide aux pères et de soutien à
l'enfant de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît, en avant.
Une voix: L'AHSD.
Le Président (M. Bradet): Ah! Je reprends, là: le
Groupe d'entraide aux pères et de soutien à l'enfant, l'AHSD.
Alors, messieurs, bienvenue à la commission. Je vous fais remarquer que
vous avez 20 minutes pour faire votre exposé et qu'ensuite il y a un
échange entre le ministre et les parlementaires. Alors, je ne sais pas
qui est le porte-parole, peut-être vous présenter, vous identifier
et commencer votre exposé.
Groupe d'entraide aux pères et de soutien
à l'enfant (AHSD inc.)
M. Marlhioud (Alain): Oui, alors, je me présente. Bonjour,
tout le monde, M. le Président, M. le ministre et Mme la
députée. Je suis Alain Marlhioud. Je suis vice-président
du Groupe d'entraide aux pères et de soutien à l'enfant. M.
Gilles Bellerose est représentant du Groupe.
Le Président (M. Bradet): Bienvenue, messieurs.
M. Marlhioud (Alain): Nous allons vous présenter notre
présentation. Nous ne prétendons pas être des experts en la
matière, mais nous la présentons à titre d'opinion
seulement.
Je vais vous parler de l'Association un petit peu. Notre fondation a
été mise sur pied sous le nom d'Association des hommes
séparés et divorcés au printemps 1983 et incorporée
en décembre 1983. Le 1er mai 1987, l'Association devient le Groupe
d'entraide aux pères et de soutien à l'enfant (AHSD inc.). Nos
buts et objectifs sont de regrouper les hommes et les pères qui vivent
une séparation ou un divorce. Maintenant, on parle aussi de rupture de
vie commune.
Depuis cinq ans, nous avons mis sur pied plusieurs activités
regroupées comme telles: l'écoute active, qui est un service
d'écoute pour un support psychologique. Nous avons aussi mis sur pied un
comité d'analyse et d'action, qui est un comité qui veut tracer
une direction dans le sens de l'équité sociale face à la
mutation que subit notre société présentement, planifier
et organiser des actions afin de faire valoir les solutions les plus
équitables possible aux problèmes rencontrés par les
membres de la société. SOS Paternité est une
thérapie de groupe qui aide les pères à prendre conscience
de l'importance de leur rôle auprès de leurs enfants. Nous avons
des réunions tous les mardis soir avec services juridiques et
conférenciers qui représentent diverses professions concernant la
rupture de l'union.
Le Groupe d'entraide aux pères et de soutien à l'enfant a
établi un groupe de travail en novembre 1993
dans le but de faire une analyse et une réflexion sur les
changements d'admissibilité à l'aide juridique pour que
l'accès à la justice soit plus équitable. Notre
étude est basée sur le travail de propositions de modifications
à l'accès à l'aide juridique, présenté par
le document du gouvernement du Québec: «L'aide juridique au
Québec: une question de choix, une question de moyens». La
présentation du document a été inspirée de l'annexe
3, au titre: Questions afférentes à la révision du
régime d'aide juridique. Notre mémoire est divisé, comme
le questionnaire, en quatre volets: la clientèle admissible et les
bénéfices accordés, l'étendue de la couverture de
l'aide juridique, l'organisation et la gestion du régime, et le
financement. Ceci a été l'objet de notre travail. M. Bellerose va
vous présenter le document.
M. Bellerose (Gilles): La section 1, titre: La clientèle
admissible et les bénéfices accordés. Le niveau des seuils
d'admissibilité à l'aide juridique compromet l'accès
à la justice pour une grande partie de la population, actuellement, qui
n'a pas les moyens financiers pour combler le besoin. Le mécanisme de
rappel ne donne aucune garantie d'accès à ce service. À
cause des frais judiciaires, on empêche quelqu'un d'avoir accès
à la justice, ce qui implique, par le fait même, une injustice. On
devrait être capables de restreindre les coûts et, par le fait
même, d'augmenter l'accessibilité à l'aide juridique par
les moyens suivants. Il devrait y avoir des coûts d'ouverture de dossier,
comme à la Régie du logement, sauf pour les
bénéficiaires de la sécurité du revenu.
Les critères d'admissibilité devraient être
déterminés en fonction d'une bonne évaluation comptable de
la situation économique du requérant. On devrait s'inspirer des
formules d'évaluation budgétaire des ACEF. Les critères
d'admissibilité devraient être basés sur les facteurs
économiques suivants: 1) un indice de la richesse collective, à
savoir le maximum des gains admissibles fixés par la Régie des
rentes; 2) en fonction des seuils de faible revenu, tels que
préétablis par Statistique Canada; 3) en fonction de
l'évolution de l'indice des prix à la consommation.
Nous proposons une série de paramètres comptables pour
évaluer la situation financière du requérant afin de
définir son admissibilité: 1) le nombre de personnes à
charge pour déterminer le plafond maximum d'admissibilité, ainsi
qu'une définition de la notion du revenu net par rapport au revenu brut;
2) les actifs et revenus dont on devrait tenir compte les voici
allocations familiales, le crédit d'impôt pour enfant, les
allocations pour les jeunes enfants, la somme perçue à titre de
remboursement d'impôt foncier, les allocations du programme Logirente, le
crédit fédéral de taxe de vente, le crédit
provincial de taxe de vente, les sommes reçues à titre de
créances alimentaires. (20 h 10)
On devrait soustraire des revenus: les impôts, les pensions
alimentaires versées, les allocations de naissance, les frais de garde
d'enfant, les avantages sociaux et autres dépenses inhérentes
à l'emploi même, les sommes perçues par une famille
d'accueil pour assumer la responsabilité d'un adulte ou d'un enfant et,
enfin, les dépenses et dettes à considérer devraient
être celles nécessaires pour les commodités essentielles
à la vie.
La période de référence pour la
détermination de l'admissibilité devrait se faire sur la base des
revenus des 12 derniers mois. De plus, pour des changements significatifs dans
la situation économique du requérant, on devrait tenir compte des
six derniers mois. Les critères d'admissibilité devraient
être révisés annuellement en fonction de l'indice du
coût de la vie. Il faudrait aussi vérifier les livrets de tous les
comptes de banque, les carnets de banque, les emprunts et les dettes comme les
cartes de crédit.
On passe à la section 2: L'étendue de la couverture de
l'aide juridique. Il ne devrait pas y avoir de couverture d'aide juridique dans
les cas suivants: 1) dans les causes des tribunaux administratifs ainsi que de
l'immigration; 2) lorsque le requérant est en mesure d'assurer
lui-même sa défense; par contre, un service de consultation
devrait être de mise afin que le requérant assume
adéquatement son autodéfense; 3) lorsque aucun litige n'est
à l'origine de la démarche entreprise par le requérant; 4)
dans le cas où le requérant ne réside pas au
Québec; 5) lorsqu'il s'agit d'un dossier où un avocat accepterait
d'agir moyennant des honoraires professionnels déterminés en
fonction de la somme du litige. Si cet avocat ne se soumet pas aux
barèmes établis par l'aide juridique, le requérant aurait
deux choix: accepter les honoraires de son avocat ou prendre un avocat de
l'aide juridique.
Les cas où il devrait y avoir couverture de l'aide juridique: 1)
par principe moral et de justice, lorsque l'issue de la cause ne risque pas
d'entraîner des conséquences sérieuses; 2) il serait
opportun qu'il y ait une couverture lorsque le bénéfice
escompté par le requérant est inférieur au coût du
service juridique requis si le dossier est fondé en droit je dois
souligner par une remarque qu'il faudrait regarder attentivement la valeur des
actes posés en fonction des résultats escomptés et
3) dernier cas: dans les cas des personnes qui n'ont pas fait de demande et qui
pourraient changer d'idée en cours de route, on devrait fournir une
demande de services juridiques d'un avocat, si admissible.
À la section 3: L'organisation et la gestion du régime.
Pour qu'un requérant soit admissible, il devra passer par les
procédures de sélection suivantes: 1) s'il a recours à un
avocat privé et que ce dernier accepte le mandat selon les
critères de l'aide juridique, le requérant, pour être
admis, devrait être soumis aux critères comptables
préétablis de l'aide juridique; si un requérant n'a pas
d'avocat, il doit passer par le système d'admissibilité selon les
critères comptables préétablis avant de choisir son avocat
de l'aide juridique; 2) le système d'admissibilité serait
constitué de personnes compétentes en comptabilité, qui
devraient être autres que celles de formation juridique; 3) pour un
meilleur contrôle des frais d'avocat, il va falloir trouver un moyen de
vérification pour qu'il
n'y ait pas de chevauchement au niveau des calculs des honoraires selon
l'acte et le temps. En conséquence de 1), 2) et 3) que je viens de
citer, le conseil d'administration du bureau d'aide juridique devrait
être constitué d'un directeur, d'un représentant de la
section comptable, d'un représentant de la section juridique, ainsi que
de représentants d'organismes populaires situés dans la
région couverte par le bureau d'aide juridique. Par le fait même,
l'embauche d'avocats devrait se faire par le bureau même.
Quatrièmement, suivant cette gestion plus autonome des bureaux d'aide
juridique, il devient désuet de conserver la structure
intermédiaire qu'est la corporation régionale quant à sa
fonction virtuelle de la mise sur pied des bureaux d'aide juridique, qui est
sûrement complétée à l'heure actuelle. On
suggère d'éliminer cette dernière structure.
Dernière section, section 4: Le financement. Il est opportun que
les corporations professionnelles de juristes, dont les membres profitent
financièrement de l'existence d'un régime étatique d'aide
juridique, contribuent à son financement. Le modèle pour assurer
un niveau partiel de financement de l'aide juridique devrait tenir compte de
quatre sources: 1) contribution forfaitaire à même la cotisation
annuelle de l'association de ces professionnels; 2) versement d'un montant
selon un pourcentage fixe pour la couverture de chaque dossier; 3) versement
d'une partie sous forme de proportion des intérêts provenant des
comptes en fidéicommis; 4) les bénéficiaires du
régime d'aide juridique devraient contribuer par un versement
forfaitaire au niveau des coûts d'ouverture de chaque dossier, tout comme
à la Régie du logement.
En conclusion, nous regrettons de ne pas vous avoir
présenté les incidences économiques de nos réformes
tant au niveau des coupures qu'au niveau des ajouts. Merci de votre attention.
Le Groupe d'entraide aux pères et de soutien à l'enfant inc.
Le Président (M. Bradet): Alors, je vous remercie, M.
Bellerose, de votre présentation et, tout de suite, M. le ministre, vous
pouvez y aller avec vos questions.
M. Lefebvre: M. Bellerose, M. Marlhioud, ça me fait
plaisir de vous recevoir, en compagnie de mes collègues de
l'Assemblée nationale, à cette commission des institutions sur un
dossier extrêmement important pour plein de gens au Québec: notre
régime d'aide juridique. Nous avons eu, cet après-midi,
l'opportunité de discuter avec des groupes qui nous ont beaucoup
entretenus sur les problèmes que vivent particulièrement les
femmes, les groupes de femmes monoparentales, et des groupes qui s'occupent des
problèmes qui touchent particulièrement les enfants à
l'intérieur de tous ces débats entre conjoints. Et vous nous
donnez un point de vue qui n'est pas nécessairement différent,
qui est présenté sous un autre angle. On retrouve certains points
dans votre mémoire qu'on retrouve dans d'autres mémoires quand
vous discutez du seuil d'admissibilité, de la couverture des
services.
M. Bellerose, vous suggérez, vous, qu'on établisse des
frais d'ouverture. Est-ce qu'il y a une raison particulière? Est-ce que
c'est pour freiner la demande? Freiner dans le bon sens, au niveau de l'abus.
Est-ce que c'est dans le but de procurer au régime un revenu qu'il n'a
pas présentement? Quel est l'objectif que vous visez lorsque vous parlez
de frais d'ouverture de dossier, M. Bellerose?
M. Bellerose (Gilles): Ce n'est pas pour freiner la demande. Non.
C'est pour donner des sous à l'État, jusqu'à un certain
point, pour des frais d'administration; on est conscients que ça
existe.
M. Lefebvre: Vous n'avez pas fait d'évaluation quant
à la somme d'argent que ça pourrait représenter,
ça?
M. Bellerose (Gilles): Non, hélas! Je vous l'ai dit
tantôt, dans ma conclusion, on n'a pas eu le temps de le faire...
M. Lefebvre: Oui, je comprends.
M. Bellerose (Gilles): ...parce qu'on était pas mal
restreints dans notre temps d'étude.
M. Lefebvre: Vous dites, à la page 1 de votre document,
que votre association compte présentement quelque 500 membres. Est-ce
que c'est une association qui est géographiquement étendue un
petit peu partout au Québec ou dans la grande région de
Montréal?
M. Marlhioud (Alain): Non, seulement dans la région de
Montréal présentement.
M. Lefebvre: À la page 5, au paragraphe 3, de votre
document, vous indiquez qu'il ne serait pas opportun, selon vous, que les
bénéficiaires de l'aide juridique contribuent un tant soit peu
aux coûts des services qui leur sont dispensés, sauf les
coûts d'ouverture de dossier. Est-ce que je dois comprendre et
j'ai l'impression que c'est le cas que vous n'êtes pas favorables
à un volet contributoire du bénéficiaire de l'aide
juridique?
M. Marlhioud (Alain): Non. Je pense que, dans ce
contexte-là, ça serait trop de frais, faire des barèmes et
des études pour savoir exactement le compte. Je pense qu'avec des frais
d'admissibilité, un coût d'ouverture, ce serait beaucoup plus
juste pour tout le monde qui veut bénéficier de l'aide juridique.
(20 h 20)
M. Lefebvre: II y a un certain nombre de groupes qui
suggèrent qu'on rehausse le seuil d'admissibilité pour actualiser
le régime, autrement dit permettre que la clientèle qui
était admissible gratuitement en 1972, 22 ans plus tard, aujourd'hui,
soit toujours admissible gratuitement. Et, pour une autre partie de nos
concitoyens et concitoyennes, ce qu'on peut considérer
comme étant la classe moyenne, on suggère une contribution
qui varierait, évidemment, dépendamment du revenu de celui ou de
celle qui requerrait les services de l'aide juridique. Et le Barreau
suggère cette démarche, les groupes de femmes suggèrent
cette démarche. Est-ce que vous avez évalué cette
possibilité de demander à un bénéficiaire de
contribuer pour un certain montant?
M. Marlhioud (Alain): Non, notre point de vue là-dessus,
c'est que l'aide juridique a été fondée justement pour les
personnes démunies, et c'est pour ça que nous remontons les
critères d'admissibilité. Si tout est considéré
dans cet état de fait, je pense que ce serait plus équitable et
qu'il y aurait moins de frais administratifs pour l'aide juridique. Alors, des
frais forfaitaires pour un coût d'ouverture du dossier, je pense que ce
serait... surtout pour éviter d'annuler les procédures
complexes.
M. Lefebvre: Pas seulement à la page 8, mais à
différents endroits dans votre document, vous faites
référence au revenu et je comprends, de par la
démonstration que vous nous faites, que vous suggérez, quant
à l'évaluation de l'admissibilité, que ce soit le revenu
net qui soit le critère et non pas le revenu brut, je pense.
M. Bellerose (Gilles): Oui.
M. Marlhioud (Alain): C'est ça. Affirmatif.
M. Bellerose (Gilles): Parce que, si vous permettez...
M. Lefebvre: Oui, oui, allez-y.
M. Bellerose (Gilles): ...on vit avec les revenus nets; on ne vit
pas avec les revenus bruts.
M. Lefebvre: Vous suggérez également, à la
page 8 de votre document, premier paragraphe, M. Bellerose, d'éliminer
l'aide juridique pour les services ayant trait aux tribunaux
administratifs.
M. Bellerose (Gilles): Oui.
M. Lefebvre: Pourriez-vous me dire de quelle façon vous en
êtes venus à cette suggestion? Est-ce que vous avez fait une
analyse qui vous démontre que ce sont des services plus ou moins utiles,
plus ou moins nécessaires?
M. Bellerose (Gilles): Non. M. Lefebvre: Non?
M. Bellerose (Gilles): Ce ne sont pas des services plus ou moins
utiles ou nécessaires. Je vais donner un exemple: un tribunal
administratif que tout le monde connaît, ici au Québec, la CSST.
Souvent, les gens qui se présentent à la CSST pour se
défendre, les accidentés du travail, entre autres, sont
défendus par des gens qui sont plus ou moins experts, qui
représentent les groupes de syndicats, etc., etc., qui sont
formés en fonction de ça. Donc, en réalité, les
coûts de ces gens-là sont défrayés par les
organismes eux-mêmes pour la défense des accidentés du
travail, entre autres.
Pour la Régie du logement, on peut se présenter moyennant
un coût d'ouverture, là, de 41 $, je pense, quelque chose comme
ça, et puis tu peux te défendre toi-même, tu peux
défendre ta cause. Donc, l'aide juridique n'est pas nécessaire
dans ce cas-là. On trouve que ce n'est pas tellement de mise: les gens
se présentent eux autres mêmes, on n'a pas besoin d'experts,
juridiquement parlant.
M. Lefebvre: Oui.
M. Bellerose (Gilles): C'est dû à ça.
M. Lefebvre: Vous suggérez également
d'éliminer les services d'aide juridique dans le secteur de
l'immigration. Je voudrais vous entendre là-dessus.
M. Marlhioud (Alain): Pour l'immigration, c'est parce que nos
informations, c'est qu'il y a déjà tout un service qui est offert
à l'immigration. Donc, je pense que c'est leur juridiction. Alors, je
pense qu'ils sont déjà sous un autre statut quand ils sont
à l'immigration, quelle que soit l'immigration où ils sont. C'est
comme ça qu'on en est venus à cette conclusion.
M. Lefebvre: Avez-vous une opinion sur... Est-ce que vous avez
évalué le régime en regard du libre choix de l'avocat de
pratique privée ou de l'avocat permanent à l'aide juridique?
Est-ce que vous considérez qu'il y a lieu de réfléchir
là-dessus, de remettre ça en question ou si le régime est
bien correct, à ce niveau-là, que le bénéficiaire
ait le choix d'un avocat de pratique privée ou d'un avocat à
plein temps à l'aide juridique?
M. Bellerose (Gilles): Nous, on pense qu'il y a sujet à
réflexion à ce niveau-là. Pourquoi y a-t-il sujet à
réflexion? Pour plusieurs raisons. Comme j'en ai parlé
tantôt dans ma présentation... Vous permettez un instant que je
vérifie?
M. Lefebvre: Oui, oui, allez-y. Prenez votre temps, M.
Bellerose.
(Consultation)
M. Bellerose (Gilles): Dans notre présentation à
nous, on dit qu'à un certain moment donné il faut
considérer le fait que, pour un meilleur contrôle des frais
d'avocat, il va falloir trouver un moyen de vérification pour qu'il n'y
ait pas de chevauchement au niveau des calculs des honoraires selon l'acte et
le temps. Quand on
regarde une série d'honoraires d'avocats, quand ils t'envoient ta
facture, on s'aperçoit que, souvent, quand ça fait l'affaire des
avocats, ils te facturent à l'acte à l'intérieur de
la facture même, là et puis ils te facturent au temps
aussi. Et puis, je pense qu'il y aurait une réflexion à ce
niveau-là, parce que ça occasionne... Il faudrait qu'il y ait un
contrôle sur ça. Parce que, quand tu travailles en usine, tu es
payé à l'heure ou tu es payé à l'acte, mais c'est
soit l'un ou l'autre. Il me semble qu'à ce niveau-là,
étant donné qu'on joue avec ça... Je pense que les frais
judiciaires sont élevés; c'est peut-être dû à
ça aussi. Il faudrait regarder ça attentivement, je pense.
M. Lefebvre: Vous suggérez, M. Bellerose, à la page
6 de votre mémoire, au paragraphe 5, d'éliminer le pouvoir
discrétionnaire d'admissibilité à l'aide juridique. Et je
vous rappelle que vous ne proposez pas un volet contributoire pour
élargir l'admissibilité, de sorte que ça voudrait dire
que, si, par hypothèse, le seuil d'admissibilité était
à 20 000 $ je mets un chiffre, là à 20 000 $
plus 1 $, le bénéficiaire présumé n'aurait pas
droit à l'aide juridique. Vous savez qu'il y a des dispositions dans la
loi de l'aide juridique, dans les règlements de l'aide juridique, qui
expliquent pour quelles raisons il y a un pouvoir discrétionnaire. C'est
dans le but d'éviter un tort irréparable, une injustice
très, très grave à un bénéficiaire ou
à quelqu'un qui requiert l'aide juridique, qui est tout juste, tout
juste au seuil de l'admissibilité. Je voudrais vous entendre
là-dessus, lorsque vous suggérez d'abolir le pouvoir
discrétionnaire. Ça ne vous inquiète pas un petit peu au
niveau de la conséquence?
M. Bellerose (Gilles): Vous permettez. Je vais chercher.
M. Lefebvre: C'est à la page 6. M. Bellerose (Gilles):
Oui.
M. Marlhioud (Alain): Nous sommes venus à cette conclusion
pour la bonne raison que, présentement, avec la discrétion du
directeur de l'aide juridique, plusieurs nous ont rapporté qu'il y en a
qui étaient éligibles et il y en a qui ne l'étaient
pas.
M. Lefebvre: II y avait de l'abus, un peu? M. Marlhioud
(Alain): Pardon?
M. Lefebvre: Puisque certains l'étaient et certains ne
l'étaient pas.
M. Marlhioud (Alain): Ils ne l'étaient pas et ils sont
dans la même situation. Donc, discrétionnaire,
l'équité n'est pas vraiment équitable. C'est surtout sur
ce point qu'on est arrivés... C'est pour ça que, dans notre
document, on s'est basés surtout sur des faits réels. L'aide
juridique était faite de personnes.
M. Lefebvre: II n'y a d'équité que la loi seule.
M. Marlhioud (Alain): II y a équité... M. Lefebvre:
C'est ça que ça veut dire.
M. Marlhioud (Alain): ...si tout le monde est au même
niveau. Je pense qu'il y aura toujours, si vous faites une section
discrétionnaire...
M. Lefebvre: Ce que vous dites, c'est que ça peut
provoquer des injustices. (20 h 30)
M. Marlhioud (Alain): C'est ça. Indirectement ou
directement, ça peut...
M. Lefebvre: Est-ce que vous avez pensé à une autre
formule, là?
M. Marlhioud (Alain): Bien, c'est ça. Dans notre document,
on a présenté surtout une comptabilité qui devrait
être faite; on s'est basés sur le revenu net parce que c'est ce
avec quoi la personne vit, c'est ce qui lui reste dans les mains pour vivre.
L'accessibilité, bon, je pense que c'est ça qu'il faut regarder
réellement. Si on s'en va dans un barème exactement comme un
chiffre exact, je pense que, là, ce n'est pas réel. Je pense que,
si on regarde le contexte, ce avec quoi la personne vit, les revenus nets qu'il
lui reste dans les mains, on pourrait être plus équitables, rendre
un service beaucoup plus équitable pour toute la société,
surtout, sans faire de discrimination ou quoi que ce soit.
M. Lefebvre: D'accord. Vous savez, évidemment, que les
avocats, les notaires qui font de l'aide juridique ont un tarif très
précis. Est-ce que vous considérez qu'on devrait également
imposer un tarif précis aux experts qui sont impliqués dans le
régime d'aide juridique, les psychologues, tous ces experts qu'on
retrouve particulièrement dans le droit matrimonial? Est-ce que vous
pensez qu'on devrait réfléchir sur un processus de tarification
également pour les experts?
M. Bellerose (Gilles): Oui, M. le ministre, et je pense
que c'est urgent. Il faudrait l'établir selon le système
comptable qu'on a proposé tantôt aussi et, avec ce système
comptable, vous pourriez peut-être établir des critères de
frais. Comme ça, bien, je pense que ça serait plus
réaliste par rapport à la réalité de la vie
d'aujourd'hui, du niveau de vie aussi des gens dans notre
société. C'est très important parce que le niveau de vie,
en ce moment, descend. Il descend d'une façon assez apeurante. C'est
pour ça qu'il faudrait regarder ça, parce que tout ceci cause
énormément de problèmes et de tensions dans notre
société. Et on ne sait pas si, justement, tous ces
problèmes de tarification et de justice non rendue parce qu'on n'a plus
d'argent... À un certain moment donné, on parle de violence dans
notre société. On parle de violence et ça vient de
là. N'oubliez pas que
les ânes qui n'ont pas de foin au râtelier se battent pour
obtenir le peu qui leur reste. Il faudrait peut-être regarder ça.
On vit en société, pourquoi? Pour distribuer, en somme, les biens
c'est par rapport à ça la richesse.
M. Lefebvre: M. Marlhioud, vous avez autre chose à ajouter
avant que je vous laisse entre les mains de mes collègues de
l'Opposition officielle?
M. Marlhioud (Alain): On n'a rien d'autre à ajouter. On
vous remercie beaucoup de vos questions.
M. Lefebvre: Merci.
Le Président (M. Bradet): Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: Alors, M. Marlhioud, M. Bellero-se, je vous remercie
d'avoir pris le temps de répondre très studieusement aux
questions qui étaient bien précises, posées dans le
document du ministre, et d'avoir pris la peine de venir nous en faire part ici.
Dans votre mémoire, vous parlez que vous regroupez 500 membres et que,
effectivement, peu d'organismes s'occupent des hommes qui vivent une rupture de
leur union et de leur famille. Parmi ces membres, est-ce que vous avez beaucoup
de vos membres qui sont éligibles à l'aide juridique?
M. Marlhioud (Alain): C'est pour ça que, dans notre
mémoire, on est venus à cette conclusion, suivant ce qui nous est
rapporté par nos membres. C'est que la majorité de nos membres
n'ont pas les moyens. Ils ont un salaire quand même raisonnable, disons,
ne peuvent pas être éligibles à l'aide juridique, mais
paient une pension alimentaire et sont vraiment serrés et incapables de
se défendre. Ils ne peuvent même pas recevoir leurs enfants, des
fois. Donc, nous sommes arrivés à cette conclusion, dans notre
mémoire, de regarder ce qui leur reste comme revenu net. C'est pour
ça que nous avons fait cette proposition. Je pense que les hommes que
nous représentons sont impuissants face à la situation du
système judiciaire actuellement. Ils ne peuvent pas être sur
l'aide juridique parce qu'ils ont un trop gros revenu et ne peuvent pas se
payer un avocat parce qu'ils n'en ont pas les moyens.
Mme Caron: Est-ce que la majorité de vos exconjointes se
retrouve eligible à l'aide juridique?
M. Marlhioud (Alain): À ce qui nous est rapporté,
oui, la majorité.
Mme Caron: J'arrivais aussi à ces conclusions à
partir de vos propositions. Alors, je voulais juste me faire confirmer cette
situation.
Vous faites, en page 5, une proposition à l'effet qu'il faudrait,
finalement, «charger» un coût pour l'ouverture du dossier,
sauf pour les personnes qui sont sur la sécurité du revenu.
Alors, la question que je vous pose: Vous savez que, actuellement, vous avez
des personnes qui travaillent au salaire minimum des travailleurs et des
travailleuses au salaire minimum, et vous en avez peut-être parmi vos
membres qui ont moins de revenus que des bénéficiaires de
l'aide sociale et qui ne sont actuellement pas éligibles à l'aide
juridique parce que le seuil est trop bas, mais que, à partir du moment
où la personne est sur la sécurité du revenu, elle est
automatiquement eligible à l'aide juridique. Donc, par esprit de justice
pour les gens, à partir des revenus aussi, est-ce que vous ne pensez pas
que des frais d'ouverture, il ne devrait pas y en avoir, non plus, pour les
travailleurs qui sont au salaire minimum, donc inférieur à la
sécurité du revenu? En fait, toutes les personnes qui se
retrouvent à avoir la gratuité de l'aide juridique, au moins
actuellement, là.
M. Marlhioud (Alain): C'est pour ça que notre
mémoire est basé là-dessus, sur l'accessibilité
à l'aide juridique. On donne des normes comptables. Bon, on parle de:
sauf les personnes qui sont sur la sécurité du revenu. C'est un
fait que c'est la sécurité du revenu qui va payer les frais
d'aide juridique, suivant les ministères qui vont gérer les
fonds, là. Si une personne, comme vous venez de le mentionner, a un
revenu plus bas que la sécurité du revenu, avec notre
proposition, au moins, ce sera considéré. Donc, ce sera plus
équitable. Donc, on ne pourra pas dire que, si elle a un salaire qui est
plus bas que la sécurité du revenu, automatiquement...
Actuellement, elle n'est pas eligible, tandis qu'avec cette proposition que
nous faisons elle sera eligible.
Mme Caron: Et est-ce que vous allez lui «charger»
quand même des frais d'ouverture de dossier parce qu'elle n'est pas sur
la sécurité du revenu?
M. Marlhioud (Alain): Les frais d'ouverture de dossier, c'est
seulement pour les frais d'administration. Je pense que ce qui nous est
rapporté par nos membres aussi, c'est qu'il y a eu beaucoup d'abus de
procédure. Donc, on veut que la justice soit utilisée; qu'il soit
équitable et qu'il soit bien utilisé, le système
judiciaire. Nous avons un bon système. Donc, je pense que les abus,
c'est ça qu'il y a. La société d'aujourd'hui parle du
système judiciaire parce qu'il y a beaucoup d'abus de procédure
et de mauvaises perceptions du système judiciaire. La façon que
nous présentons pour être eligible, je pense que ce sera plus
équitable. C'est ça qu'il faut chercher actuellement,
l'équité envers la société.
Mme Caron: Oui. Est-ce que...
M. Marlhioud (Alain): Et, s'il y a équité, ces
frais d'ouverture de dossier, automatiquement, ça va faire penser aux
personnes que, si elles font une action, il y a quand même des frais. Et
je pense que, comme vous avez mentionné, les frais, au moins, ça
va couper les abus de procédure et ça va faire penser la
personne
qui va dire: Bon, bien, j'ai des frais, comme à la Régie
du logement.
Mme Caron: Est-ce que je dois comprendre que, pour vous, il n'y a
pas d'abus de la part des personnes qui sont sur la sécurité du
revenu dans le système d'aide juridique?
M. Marlhioud (Alain): Je n'ai pas dit ça. J'ai dit que,
justement, s'il y a des frais d'ouverture, le ministère de la
Sécurité du revenu aussi doit défrayer les frais
d'ouverture de dossier. Donc, est-ce que c'est une demande bien fondée?
C'est pour ça que, dans notre mémoire, nous présentons un
cas qui est bien fondé pour aller en cour. Donc, nous allons restreindre
aussi les abus de procédure, indirectement ou directement.
Mme Caron: En page 6, au point 6, vous venez rejoindre une
demande du Regroupement interorganismes pour une politique familiale au
Québec lorsque vous demandez aussi de tenir compte du parent qui a la
garde, les droits de visite des enfants, là, d'en tenir compte dans le
calcul, là. Ça aussi, ça a été
demandé du côté du groupe des politiques familiales. (20 h
40)
En page 7, vous ajoutez, au point 10, qu'il faudrait faire
préparer les budgets des candidats par l'ACEF, vérifier les
livrets de tous les comptes de banque, les emprunts et tout ça. Est-ce
que vous pensez qu'actuellement la vérification est insuffisante?
M. Bellerose (Gilles): Oui, madame. Elle n'est pas seulement
insuffisante; on voudrait qu'elle soit plus exhaustive parce que beaucoup de
choses échappent à la justice, à ce niveau-là. Pour
l'établissement d'un portrait, en somme, économique de
l'individu. C'est dans ce sens-là.
Mme Caron: O.K. À la page 9, le point 6, vous l'avez
abordé un peu avec M. le ministre, tantôt. Vous avez donné
même l'exemple dans les tribunaux administratifs de la CSST et l'exemple
aussi de la Régie du logement. Vous savez que les personnes qui se
retrouvent dans ces tribunaux-là et qui sont éligibles à
l'aide juridique, c'est souvent parce que la personne n'a pas
nécessairement uniquement un problème au niveau financier, mais
qu'elle éprouve une difficulté certaine à être
capable d'assumer elle-même sa défense. Quand je pense je
regarde les statistiques au Québec qu'on se retrouve avec plus du
quart des personnes qui sont analphabètes, alors, c'est évident
que ça pose certaines difficultés pour être capables de se
défendre devant un tribunal administratif.
Oui, certains syndicats vont faire des défenses, mais du
côté de la CSST, vous savez qu'il y a beaucoup de dossiers
où les employeurs ont des avocats extrêmement
spécialisés et que c'est très difficile, pour la personne
qui a à lutter contre les avocats des employeurs, d'avoir gain de cause.
Est-ce que vous pensez vraiment que les personnes seraient capables d'assumer
cette défense-là?
M. Bellerose (Gilles): Oui, madame. Il y a les gens qui sont
syndiqués et il y a les gens qui ne sont pas syndiqués. Je pense
qu'il faut établir, d'une façon claire, la définition
entre les deux. Pour les gens syndiqués, en général, ils
sont bien encadrés par les syndicats. Et, moi-même, j'ai
déjà aidé à la défense d'accidentés
du travail à la CSST.
Mme Caron: Est-ce qu'ils ont gagné? M. Bellerose
(Gilles): Oui.
Mme Caron: Ha, ha, ha!
M. Bellerose (Gilles): Et on avait un bon avocat de l'autre
côté. Ce n'est pas l'avocat qui détermine... En somme, si
vous avez des connaissances en ergonomie, entre autres, bien, vous pouvez quand
même rentrer dans vos connaissances en ergonomie, ce que,
peut-être, souvent les avocats n'ont pas.
Mme Caron: Ah oui.
M. Bellerose (Gilles): Vous savez? Donc, c'est pour ça que
je dis que, des fois, les syndiqués sont bien encadrés à
ce niveau-là. Pour les non-syndiqués, oui, vous avez raison, il y
a un problème. Souvent aussi les centrales syndicales offrent des
services aux non-syndiqués parce que souvent ce sont des gens qui sont
à revenu modique qu'on appelle, là. Ils ont une espèce
d'association, sans que ce soit officiel, puis certaines centrales offrent
certains services. Je ne peux pas vous dire laquelle et comment, mais je sais
que j'ai entendu parler de ça.
Mme Caron: Je pense, par exemple, aux personnes qui ont un
accident d'automobile, qui ont à se défendre à la
Régie de l'assurance automobile. Par exemple, un homme qui n'aurait pas
d'emploi, qui est à la maison; donc, il n'a vraiment pas de syndicat. Ou
une femme qui est à la maison, qui n'a pas de revenus, qui a la garde
des enfants et qui a à se défendre devant ce tribunaj-là.
Est-ce que vous pensez que c'est équitable par rapport aux avocats qui
sont de l'autre côté?
M. Bellerose (Gilles): Là, non, ce n'est sûrement
pas équitable au niveau de la défense même, je suis
d'accord avec vous. Parce qu'on sait qu'au niveau de cette structure-là
ça demande quand même des connaissances médicales
aussi.
Mme Caron: C'est ça.
M. Bellerose (Gilles): O.K.
Mme Caron: Donc, il faudrait l'analyser, là...
M. Bellerose (Gilles): Oui.
Mme Caron: ...à partir de chaque situation.
M. Bellerose (Gilles): C'est ça.
Mme Caron: Vous proposez, en page 12, certaines propositions de
financement, par exemple, contribution à même la cotisation
annuelle de l'association des professionnels; donc, sûrement les avocats
et les notaires. Est-ce que vous pensez, toujours par esprit
d'équité et de justice, qu'il faudrait «charger» une
cotisation annuelle aux médecins qui bénéficient du
Régime d'assurance-maladie, aux dentistes qui ont des services
payés pour les enfants? Bien, peut-être même aux agents
d'assurances parce que, avec l'assurance automobile, on est obligés de
s'assurer au Québec et les agents d'assurances reçoivent certains
bénéfices assez directs. Est-ce que vous pensez que, par
équité, le système devrait examiner l'ensemble des
personnes qui reçoivent directement du système et qu'on devrait
leur «charger» une cotisation?
M. Bellerose (Gilles): Disons que, pour ce qui est du
ministère de la Justice, je pense que, quand on parle de justice, on
parle, entre autres, de professionnels comme les avocats, de professionnels
comme les notaires.
Mme Caron: Oui.
M. Bellerose (Gilles): Ils bénéficient,
jusqu'à un certain point, il faut l'admettre, du système, de la
situation. Je pense que, pour une distribution de la richesse d'une
façon équitable dans notre société, ils devraient,
jusqu'à un certain point, contribuer à remettre en circulation
cet argent-là pour qu'on puisse avoir un système plus
équitable.
Mme Caron: Mais l'équité n'est par uniquement au
niveau de la justice. L'équité doit être au niveau de
l'ensemble de la société. Alors, est-ce que vous pensez que ce
serait équitable que les médecins paient une contribution?
M. Bellerose (Gilles): Pour ce qui est de cette
situation-là, au niveau justice...
Mme Caron: Pas au niveau de la justice, mais au niveau des...
M. Bellerose (Gilles): Ah, de l'ensemble?
Mme Caron: ...bénéfices qu'ils reçoivent de
l'assurance-maladie, en fait.
M. Bellerose (Gilles): Bien, pourquoi pas, madame?
Mme Caron: Par esprit d'équité, là.
M. Bellerose (Gilles): Oui, oui, pourquoi pas?
Mme Caron: Et, toujours dans votre proposition, «versement
d'un montant, selon un pourcentage fixe, pour la couverture de chaque
dossier». Au niveau des avocats, vous savez qu'actuellement vous avez des
avocats qui sont permanents à l'aide juridique...
M. Bellerose (Gilles): Oui.
Mme Caron: ...donc qui ont un salaire qui est beaucoup plus bas,
disons, que certains bureaux privés. C'est un salaire fixe. Donc, en
quelque sorte, ces gens-là participent de leur temps, parce qu'ils ont
un salaire fixe; donc, ils font moins de sous. Ils participent de leur temps,
là, à aider à une meilleure justice. Du côté
des avocats qui acceptent des mandats d'aide juridique, comme les coûts
sont moins élevés, ils sont payés moins cher pour l'aide
juridique. Donc, ces gens-là contribuent aussi, d'une certaine
façon, là, en acceptant de travailler à des tarifs moins
élevés. Et vous avez aussi des avocats qui, eux, bien, refusent
carrément d'avoir des mandats d'aide juridique et
préfèrent travailler aux tarifs, là, qu'ils
décident, qui sont beaucoup, beaucoup plus élevés, disons.
Par esprit d'équité par rapport à tous ces avocats,
qu'est-ce que vous voyez comme proposition?
M. Bellerose (Gilles): Oui, je pense que, jusqu'à un
certain point, je décèle votre réponse, parce que, quand
on pose une question, on a souvent une réponse au bout de la question.
Je pense que, oui, ceux qui profitent le plus doivent fournir plus, c'est
sûr et certain, je suis d'accord avec vous. Et, pour les avocats qui,
eux, ont des bas tarifs, c'est sûr que ça va aller en proportion.
C'est dans ce sens-là que je suis d'accord avec ça.
Mme Caron: Je vous remercie. J'ai ma collègue des
Chutes-de-la-Chaudière qui souhaitait vous poser quelques petites
questions.
Le Président (M. Bradet): Je vous ferai remarquer qu'il
nous reste cinq minutes, Mme la députée.
Mme Caron: Ah, seulement?
Mme Carrier-Perreault: Oui, je vous remercie, M. le
Président. Moi, j'aimerais, messieurs, avoir certaines explications
concernant une de vos propositions, en page 13 de votre mémoire, la
proposition 7. Vous nous dites que «les enfants mineurs devraient
être bénéficiaires automatiquement de l'aide juridique en
autant que la demande soit fondée en droit». J'aimerais savoir
qu'est-ce que vous voulez dire par là et qu'est-ce que c'est, pour vous,
une demande qui est fondée en droit. Qu'est-ce que vous voyez comme
ça?
Je ne vous cacherai pas que j'ai cette question-là parce que, cet
après-midi, on a entendu l'association des familles monoparentales, on a
entendu le groupe FOCUS, qui étaient, comme vous, j'imagine, forts
préoccupés par le sort qui est réservé aux enfants.
D'ailleurs, vous avez probablement certains de vos confrères ou certains
de vos membres qui font aussi partie de ces associations-là. Alors, je
me demandais si c'était dans le même sens que vous nous faisiez
cette proposition-là. Est-ce que vous pensez qu'on devrait rendre les
enfants admissibles aux services juridiques comme tels, à l'aide
juridique comme telle, sans égard aux revenus du parent tuteur, par
exemple, compte tenu que c'est un droit en soi, le droit aux aliments? Alors,
j'aimerais savoir un petit peu qu'est-ce que vous voulez dire par là et
comment vous voyez la proposition des autres groupes de familles
monoparentales. (20 h 50)
M. Marlhioud (Alain): Nous, on s'est basés sur le fait que
les enfants devraient être automatiquement bénéficiaires de
l'aide juridique, en droit fondé, pour éviter les abus. Et je
pense que les enfants... Bon, disons qu'il y a un accident avec un autre
enfant, il fait du mal à un autre enfant ou quelque chose comme
ça, je pense que l'enfant devrait être protégé. Si
les parents ne sont pas capables de payer un avocat, je pense que l'enfant
devrait être automatiquement bénéficiaire de l'aide
juridique. J'ai eu des situations comme ça. Quand les parents
demandaient que les enfants soient représentés par l'avocat, le
juge demandait, si les parents n'étaient pas aptes ou n'étaient
pas capables de payer les frais d'avocat, que le système d'aide
juridique prenne la relève. Donc, on s'est basés là-dessus
pour ces propositions-là.
Mme Carrier-Perreault: Uniquement sur ces aspects-là.
M. Marlhioud (Alain): Ces aspects-là et puis...
Mme Carrier-Perreault: Le fait de ne pas recevoir la pension
alimentaire qui est réservée, à toutes fins pratiques,
pour les enfants, est-ce que vous pensez que ce n'est pas une demande qui
serait fondée en droit, pour la protection, toujours, de l'enfant qui a
droit à cette pension alimentaire?
M. Marlhioud (Alain): Je pense qu'il faudra faire une
définition de pension alimentaire. Dans notre groupe, c'est toujours un
sujet très chaud, la pension alimentaire. Je pense que la pension
alimentaire a été établie pour les besoins essentiels des
enfants. Je pense qu'on prend une pension alimentaire comme une rente ou
quelque chose comme ça actuellement, surtout chez certains parents non
gardiens ou gardiens, ou s'il y a un litige entre les parents. Je pense que la
pension alimentaire, c'est pour les besoins des enfants. On ne devrait pas
considérer ça comme un revenu pour les enfants, si c'est dans ce
contexte-là que vous essayez de poser votre question. Nous, quand on a
fait cette proposition, c'est pour que les enfants qui sont impliqués,
quel que soit le litige, si les parents ne sont pas capables d'assumer les
frais d'avocat, soient automatiquement éligibles à l'aide
juridique sans considérer les revenus comme tels, les acquis que les
enfants ont, comme les pensions alimentaires et tout ça. Je pense que
c'est dans ce contexte-là qu'on a voulu le dire.
Mme Carrier-Perreault: Bon. Je comprends ce que vous avez voulu
dire. Maintenant, il faudrait éclair-cir certaines choses, c'est un
fait.
Le Président (M. Bradet): M. le ministre, en
conclusion.
M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Je voudrais, avant de
conclure sur l'ensemble de votre mémoire, rappeler à Mme la
députée de Terrebonne que le salaire moyen des avocats à
l'aide juridique je pense que c'est très important
également pour vous deux et ceux avec qui vous travaillez; c'est une
information extrêmement pertinente c'est environ 70 000 $. Je veux
juste vous rappeler que le salaire d'un député, c'est 63
000$.
Mme Caron: ...une augmentation.
M. Lefebvre: Alors, je ne dis pas que c'est l'euphorie à
l'aide juridique, mais ce n'est pas, non plus, la misère noire que
d'être avocat à l'aide juridique.
Mme Caron: Dans les bureaux privés, non plus, M. le
ministre.
M. Lefebvre: Et, en pratique privée, on sait très
bien qu'il y a des avocats qui ont des revenus considérables. Il y a des
avocats qui ont des revenus très modestes, pas nécessairement des
avocats qui sont de jeunes avocats. Il y a des avocats d'un certain âge
qui ont des problèmes. Un peu comme vous l'avez dit tout à
l'heure, M. Bellerose, dans une situation économique difficile comme
celle qu'on vit présentement depuis un certain nombre d'années,
toutes les couches de notre société sont touchées:
professionnels ou hommes de métier ou journaliers. Il y a des avocats,
il y a des ingénieurs, il y a des médecins qui vivent des
périodes extrêmement difficiles.
Je suis impressionné par certains volets de votre document. Vous
êtes audacieux dans certaines suggestions que vous nous faites et il y a
certaines suggestions qui sont contraires à ce qu'on retrouve dans
l'ensemble des mémoires qui nous ont été soumis à
date; entre autres, lorsque vous suggérez de verser un montant pour
l'ouverture d'un dossier. Vous ne proposez pas de volet contributoire.
Remarquez bien que vous avez donné des explications sur chacune
des questions que vous soulevez dans votre mémoire. Vous nous avez
donné des explications
qui méritent d'être évaluées, parce que vous
avez vécu, et vous vivez avec les 500 personnes qui font partie de votre
association, toutes sortes d'expériences qui vous amènent
à nous faire des suggestions qu'on retrouve dans votre mémoire et
qui sont expliquées ce soir par vos deux témoignages. Vous
êtes, avec d'autres groupes, favorables à ce qu'on évalue
la fixation des tarifs des experts, particulièrement en droit
matrimonial.
Alors, je vous remercie je me répète de nous
avoir fourni l'occasion d'évaluer votre position dans un document
écrit qui est bien fait, qui est bien préparé. Et, aussi,
merci d'être venus rendre témoignage sur ce que vous avez
vécu avec vos collègues. Jeudi soir, à 21 heures,
là, ce n'est pas évident que c'est facile pour tout le monde, non
plus pour vous autres. Merci d'être venus nous saluer et bon retour chez
vous. Merci.
M. Bellerose (Gilles): Merci beaucoup. M. Marlhioud (Alain):
Merci beaucoup.
Le Président (M. Bradet): Alors, messieurs, à moi
de vous remercier. Je demanderais maintenant au groupe de l'Union Nationale de
bien vouloir prendre place, et je vais suspendre les travaux pour quelques
minutes.
(Suspension de la séance à 20 h 57)
(Reprise à 20 h 58)
Le Président (M. Bradet): Je souhaite la bienvenue
à l'Union Nationale à cette commission.
Mme Caron: J'aurais une question d'information, avant. Je
m'excuse, je ne veux pas retarder le droit de parole de M. Thibault et de M.
Laurence, mais je consultais certains documents, hier, et je reprenais
connaissance de la décision qui avait été prise, et M. le
ministre de la Justice, qui est aussi responsable de la réforme
électorale, va sûrement me comprendre. Il y a eu un retrait
d'autorisation concernant l'Union Nationale, le 19 juin 1989, et cette
décision-là était: «En ma qualité de
Directeur général des élections, en conformité avec
les articles de la loi, je retire à toutes fins que de droit, à
compter de ce jour, l'autorisation au parti de l'Union Nationale.» Il y
avait eu une demande d'appel, là, qui avait été
rejetée en septembre 1989. Alors, je ne sais pas, M. le
Président, s'il y a certaines autres modifications qui sont
arrivées depuis. C'est une question d'information, là.
M. Lefebvre: Oui.
Le Président (M. Bradet): M. le ministre.
M. Lefebvre: C'est vous, M. Thibault, à gauche?
Développement Québec (Union
Nationale)
M. Thibault (Charles): Non, c'est M. Laurence. Thibault, c'est
moi.
Le Président (M. Bradet): C'est ça. M. Thibault,
vous semblez brûler d'impatience de répondre à la question
de Mme la députée de Terrebonne.
M. Thibault (Charles): Bien, ça me fait plaisir de voir de
la haute voltige comme ça, tu sais. (21 heures)
Le Président (M. Bradet): Allez-y, M. Thibault.
M. Thibault (Charles): L'Union Nationale: l'autorisation du parti
politique a été retirée, comme vous l'avez bien dit, et,
à partir de là, il n'y a pas grand-chose que personne peut faire
pour le remettre en force. Donc, si on se présente sous l'Union
Nationale, c'est qu'il doit y avoir quelque chose d'autre en dessous de
ça. C'est l'association Union Nationale, en vertu de la troisième
partie de la loi des compagnies. Et ça clarifie votre cas.
Maintenant, je voudrais changer le nom de la présentation ici, de
l'Union Nationale à Développement Québec qui est un parti
politique. Quand on a commencé à oeuvrer là-dedans, on
n'avait pas de nom de parti autorisé. Nous sommes maintenant
autorisés, depuis hier, par le Directeur général des
élections, et ça s'appelle Développement
Québec.
Mme Caron: Donc, c'est...
M. Lefebvre: L'Union Nationale est morte.
M. Thibault (Charles): L'association Union Nationale existe
toujours. Elle va continuer d'exister tant qu'on ne fera pas d'abandon de
charte. Le parti politique Union Nationale est décédé en
1989, quelque chose comme ça.
Mme Caron: Le 19 juin. Mais est-ce que vous
préférez, là... Est-ce que, pour votre mémoire,
c'est l'association de l'Union Nationale ou si c'est la nouvelle autorisation
d'hier, Développement Québec?
M. Thibault (Charles): Non. Maintenant qu'on a l'autorisation
comme parti politique, on veut changer le nom de la présentation pour
une présentation de Développement Québec.
Mme Caron: Ah bon! Parfait!
M. Thibault (Charles): Là, c'est un parti politique.
M. Lefebvre: D'accord.
Le Président (M. Bradet): Alors, est-ce que ça
clarifie les choses? Ça va nous éviter d'avoir les bleus.
Alors, M. Thibault, vous avez 20 minutes pour votre présentation et il y
aura ensuite une période d'échanges de 40 minutes avec les
parlementaires. Alors, on vous écoute.
M. Thibault (Charles): Si vous avez lu notre mémoire, vous
avez dû vous apercevoir qu'on ne propose pas l'abolition des services
juridiques, mais on en propose la restructuration. Il manque assez
d'informations dans le mémoire. On pose les questions ici, à la
première page. Et, quand on part du début, quand on regarde le
rapport, on dit, ici: «Les avantages accordés aux
bénéficiaires de l'aide juridique.» Et on veut
peut-être atténuer un peu. On dit: «II importe de signaler
que le bénéficiaire qui perd sa cause n'est pas à l'abri
d'une condamnation aux dépens en faveur de la partie adverse, ni exempt
du remboursement des frais de cour.» En connaissez-vous, ceux qui se sont
servis de l'aide juridique, qui ont eu à débourser des
dépens et des frais de cour?
M. Lefebvre: À quelle page êtes-vous, M.
Thibault?
M. Thibault (Charles): Page 6, pas 6 de mon
«rapport», 6 du document de l'aide juridique.
M. Lefebvre: Ah! Je m'excuse. Je pensais que vous étiez
dans votre «rapport».
M. Thibault (Charles): C'est là-dessus qu'on travaille,
donc c'est là-dessus qu'on va suivre ça. Notre
«rapport» fait un peu le sommaire de ça et propose ensuite
des avenues.
M. Lefebvre: Je m'excuse. À quelle page êtes-vous
dans notre document, là?
M. Thibault (Charles): À la page 6, 1.2.1... M.
Lefebvre: Oui.
M. Thibault (Charles): ...le deuxième paragraphe. Le
paragraphe commence par: «Le principal avantage de cette
loi...»
M. Lefebvre: Oui, oui. Ça va, M. Thibault.
M. Thibault (Charles): O.K.? Et on retrouve, à la
quatrième ligne: «II importe de signaler que le
bénéficiaire qui perd sa cause n'est pas à l'abri d'une
condamnation aux dépens.» Ce que je veux savoir, c'est:
Connaissez-vous des causes où le bénéficiaire de l'aide
juridique a été condamné aux dépens et qu'il avait
les moyens de payer? Même s'il était condamné aux
dépens, s'il se sert de l'aide juridique, la question que je me pose,
c'est: Comment peut-il avoir les moyens de payer les dépens et de payer
le remboursement des frais de cour?
M. Lefebvre: C'est-à-dire que je vais
répondre à votre question le juge, lorsqu'il rend
jugement, n'a pas à se préoccuper, lui, si une des deux parties
est sous mandat d'aide juridique. En principe, il va rendre jugement...
M. Thibault (Charles): Je suis d'accord.
M. Lefebvre: ...en condamnant le défendeur aux
dépens. Dans certains cas, les frais de cour peuvent être
exécutés même contre un bénéficiaire de
l'aide juridique, en supposant, par hypothèse, et ça arrive, que
le bénéficiaire d'aide juridique deviendrait
financièrement capable, parce qu'un jugement, ça peut durer
longtemps, y compris les frais judiciaires. C'est un peu théorique,
là, mais ça peut peut-être bien répondre à
votre question.
M. Thibault (Charles): Admettons votre théorie, s'il
devient financièrement capable, il va être financièrement
capable de payer les frais qu'il aurait dû payer au départ, dont
les frais juridiques ont contribué.
M. Lefebvre: Oui, et c'est vrai en regard particulièrement
de l'article 69 de la Loi sur l'aide juridique, où un
bénéficiaire de l'aide juridique est en réclamation devant
un tribunal, mais, en attendant de voir le litige se régler par une
décision de la cour, il est admissible à l'aide juridique. Il est
sous un mandat d'aide juridique.
M. Thibault (Charles): Oui. Et, après, il est
obligé de repayer quand il redevient...
M. Lefebvre: Oui.
M. Thibault (Charles): ...solvable ou...
M. Lefebvre: C'est ce qui peut arriver.
M. Thibault (Charles): ...plus en moyens. Combien de temps est
alloué... Comment est-ce qu'on fait? Ça, c'est en théorie,
mais, en pratique, il arrive quoi? On suit le bonhomme à l'oeil et on
dit: Oups! Tu t'es trouvé une job, toi, là! Maintenant, on va te
collecter. Comment est-ce que ça se produit, cette affaire-là? On
peut écrire ça sur papier, mais qu'est-ce qui se fait, en
pratique, pour aller ramasser cet argent-là?
M. Lefebvre: Là, vous me... Moi, j'ai du plaisir à
échanger avec vous, là.
M. Thibault (Charles): Moi aussi. C'est une jouissance
terrible!
M. Lefebvre: Ha, ha, ha! J'aimerais mieux vous entendre, M.
Thibault, sur l'évaluation que vous faites de notre système
juridique.
M. Thibault (Charles): L'évaluation que je fais...
M. Lefebvre: Et je prends la place du président,
là.
Le Président (M. Bradet): Moi, j'aimerais mieux qu'on...
Si on passe aux échanges avant, on va prendre les 40 minutes
d'échanges et on terminera avec le mémoire.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Thibault (Charles): Moi, je n'ai pas d'inconvénient
à entrer par une porte ou entrer par l'autre, en autant que je suis
entré.
Le Président (M. Bradet): D'accord. Alors, allez-y avec
votre mémoire et il y aura les échanges après.
M. Thibault (Charles): Notre mémoire...
M. Lefebvre: On pourra y aller tout à l'heure avec des
questions et réponses.
M. Thibault (Charles): On arrive à notre mémoire
suite aux questions qu'on se pose ici, à ce qu'on retrouve
là-dedans. Par contre, on dit, dans les conditions
d'admissibilité vous n'êtes pas obligé de le suivre
ici, c'est ce qu'on dit dans le bouquin, là satisfaire des
critères économiques ça, c'est O.K.
établir la vraisemblance d'un droit et établir le besoin d'un
service juridique. Quand on passe à l'organigramme mais,
là, je passe rapidement là-dessus pour revenir à notre
affaire ici est-ce que je comprends bien que la Commission des services
juridiques, c'est formé... Il y a des commissaires. Il y en a 12, plus
deux sans droit de vote, si je comprends ça comme il faut.
M. Lefebvre: C'est ça.
M. Thibault (Charles): O.K.
M. Lefebvre: C'est ça, la structure, M. Thibault, oui.
M. Thibault (Charles): O.K. Maintenant, je me posais la question
et je me disais: Us sont 12, là. Le comité administratif, eux
autres, ils ont des réunions. Les commissaires ont des réunions.
Quelque part ici, on parle du conseil d'administration et là
j'étais un peu mêlé entre le conseil d'administration des
corporations régionales, mais on reviendra là-dessus. Les
questions que... Ils disent ici: À peu près 44 % payés par
le fédéral. La question qu'on se posait, c'est: Jusqu'au 1er
novembre 1992 jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi C-86... Moi,
je ne sais pas ce que ça veut dire, la loi C-86. Je ne sais pas ce que
c'est, cette loi-là, si ça veut dire qu'ils paient moins ou
qu'ils paient plus.
Pour revenir à notre mémoire, on s'est attachés
plus particulièrement pas aux seuils d'admissibilité, qui restent
à déterminer... On reconnaît que les plus démunis
doivent avoir accès à la justice. Mais on se posait de
sérieuses questions quant aux causes qui sont là-dedans. Quand on
lit les dossiers du moins, ce qu'on retrouve là-dessus, avec
l'explication qu'on peut en déduire, parce que quelquefois ce
n'était pas très clair on retrouve ici 3873 dossiers sur
22 000 de carcéral, libérations conditionnelles et civil; 3000
dossiers de libérations conditionnelles. Je comprends qu'un individu, il
demande sa libération conditionnelle et puis, pour la demander, il veut
avoir plus de poids ou un meilleur vendeur devant la Commission, ce qui fait
qu'il s'engage un avocat. C'est-à-dire qu'on lui engage un avocat parce
que lui ne paie pas pour. C'est nous autres qui allons payer pour. Je me
demandais ce que ça faisait là. Ça ne coûte rien
pour se présenter devant les libérations conditionnelles. Et 1943
causes d'évasion. Il fout le camp de la prison et, après
ça, il vient nous voir et: Payez-moi un avocat parce que je me suis
évadé. On trouve que c'est ridicule, cette affaire-là.
Écoutez, quand ils le reprennent, il a besoin d'un avocat pour prouver
qu'il ne s'est pas évadé. Ça nous faisait rire, tu sais.
Et 1345 causes de prostitution; 201 pour maisons de débauche. Ils
gagnent tous plus cher que tous nous autres ensemble ici.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Thibault (Charles): II y avait un programme de
télévision où on avait interviewé... appelez-le un
proxénète; eux autres, ils s'appellent des agents de placement de
danseuses nues. Pendant que les caméras de télévision
étaient là et le journaliste, l'agent reçoit un
téléphone d'une de ses artistes et puis, là, il lui
annonce qu'elle a un travail à Gaspé, pour aller danser à
Gaspé, danseuse nue. Ce que j'ai pu déduire de la conversation,
vous allez déduire la même chose, c'est qu'au bout de la ligne
l'agent dit: Oui, c'est vrai, tu dois revenir à Montréal lundi
pour ton chèque de bien-être. Wow! Elle s'en va travailler
à Gaspé, elle va se payer la traite et il faut qu'elle soit
à Montréal lundi pour son chèque de bien-être, tu
sais. Prostitution et ces choses-là, on est obligés de payer pour
ça. Vous comprenez, on trouve ça ridicule. Des dossiers aussi qui
ont trait aux véhicules automobiles. Des individus qui veulent se
défendre contre des billets de vitesse ou de stationnement.
M. Lefebvre: Ils sont exclus, là.
M. Thibault (Charles): Non. Il y en a d'autres ici:
lésions corporelles, conduite dangereuse...
M. Lefebvre: Le stationnement, c'est exclu.
M. Thibault (Charles): ...bon, délit de fuite,
facultés affaiblies. On retrouve aussi des dossiers en consultation
matrimoniale. Bon, on peut déduire ce que c'est, mais on ne le sait pas
réellement. Des demandes
de divorce; c'est marqué là-dedans des demandes de divorce
conjointes. Moi, ce que je connaissais de ça, c'est qu'après un
an, maintenant, le divorce on peut l'obtenir en remplissant des formules. Je ne
parle pas quand il y a des enfants en cause, un litige et tout le bazar, mais
de la demande elle-même de divorce. (21 h 10)
M. Lefebvre: Le divorce presque de consentement de part et
d'autre. C'est à ça que vous faites référence.
M. Thibault (Charles): Oui. C'est 70$ ou 80 $. Ça a
peut-être augmenté, les frais de ça. Mais on remplit les
formules, ils les envoient et le tour est joué.
M. Lefebvre: Le divorce à l'amiable.
M. Thibault (Charles): Le divorce à l'amiable. Une demande
conjointe, il faut assumer que c'est à l'amiable.
M. Lefebvre: Oui.
M. Thibault (Charles): Autrement, elle ne serait pas conjointe
bien, bien.
M. Lefebvre: Vous avez raison.
M. Thibault (Charles): Et on en retrouve, de ça. Les
dossiers d'adoption; qu'est-ce que ça veut dire, 320 dossiers
d'adoption? Je veux adopter quelqu'un ou je veux faire adopter quelqu'un? J'ai
quelqu'un que je veux refiler à quelqu'un d'autre, je veux le faire
adopter par d'autres ou si c'est moi qui veux adopter quelqu'un? Ça, on
ne le sait pas, nous, qu'est-ce que ça veut dire réellement. Mais
ce sont des dossiers où, si, moi, je veux adopter quelqu'un, que je n'ai
pas les moyens et que je dois avoir recours à l'aide juridique pour
l'adopter, j'ai un fichu problème et l'enfant que je veux adopter, il a
un moyen problème, lui aussi.
La rectification des registres, changement de nom. L'aide juridique paie
pour ça. Si je veux changer de nom, je pourrais aller voir l'aide
juridique, si je ne travaille pas: 1425 dossiers de ça. Ensuite, les
dossiers de catégorie notariale. Ça, c'est difficile à
comprendre. Dossiers de vente/achat, hypothèque, dation en paiement,
bail/vente, prêt nantissement, option promesse de vente/achat. L'aide
juridique paie pour ça. Je ne sais pas, si je veux négocier une
hypothèque et que je n'ai pas d'argent, je vais aller voir l'aide
juridique. Un prêt nantissement; à moins que je me défende
contre l'exercice d'un nantissement commercial, dans l'ancienne loi, l'ancien
Code civil. Option promesse de vente/achat, certificat de recherche pour
transfert de propriété, bail, acte de société, acte
de compagnie. On se demande ce que ces dossiers-là font
là-dedans. On se demande comment un individu peut arriver au point
où il est en bas du seuil d'admissibilité et il peut faire toutes
ces transactions-là. On s'est arrêtés là parce que,
bon Dieu, plus on continuait, plus ça devenait un drame d'horreur.
Quand on passe aux coûts, maintenant, quand on compare ça
et qu'on fait une petite analyse, on dit: Si tous les dossiers avaient
été donnés aux avocats de la pratique privée, on
aurait sauvé 27 000 000 $.
M. Lefebvre: Ça, c'est à la page 6 de votre
document, monsieur.
M. Thibault (Charles): C'est à la page 6 de notre
document. Tout à l'heure, je vous entendais mentionner que les avocats
qui travaillent pour l'aide juridique gagnaient 70 000 $ par année.
M. Lefebvre: En moyenne. Il y en a qui gagnent plus, il y en a
qui gagnent moins.
M. Thibault (Charles): II doit y en avoir qui gagnent plus parce
que j'arrive à une moyenne de 92 000 $ par année, quand je prends
les avocats qu'il y a là, moins... Il y a 394 avocats; moins les 12 qui
sont au commissaire, j'arrive à 386 avocats. À 35 000 000 $ de
frais d'avocat, ça arrive à 92 000 $ par année chaque.
Ça fait qu'il y en a peut-être qui gagnent un petit peu plus que
70 000 $.
M. Lefebvre: Vous parlez d'une moyenne.
M. Thibault (Charles): Je parle d'une moyenne de 92 000 $. Il y
en a peut-être qui gagnent 125 000 $ et il y en qui gagnent 60 000 $.
M. Lefebvre: Mais, là, c'est votre calcul. Je ne suis pas
nécessairement d'accord avec.
M. Thibault (Charles): Non, ce n'est pas mon calcul, c'est le
vôtre. Vous me dites qu'il y a 394 avocats et vous me donnez la liste des
avocats. Vous dites O.K. Donc, il en reste 386, des avocats des
différents bureaux.
M. Lefebvre: Moi, M. Thibault, c'est le calcul du
vice-président de la Commission des services juridiques, M. Louis-Paul
Allard.
M. Thibault (Charles): dans les états financiers, vous me
dites que les avocats coûtent 35 000 000 $. vos chiffres sont 35 704 968
$. ce n'est pas moi qui les ai mis là! et ce n'est pas moi qui ai mis
qu'il y avait 386 avocats là. donc, ce ne sont pas mes chiffres; ce sont
vos chiffres. vous comprenez? j'ai un calculateur, ici, ça fait 92 000 $
par année de moyenne. c'est cher. vous comprenez? quand on parle de
coûts, on parle aussi des frais de notaire. si on avait eu recours aux
avocats de la pratique privée, on aurait éliminé 40 % des
coûts, pratiquement. ce ne sont pas des économies de bouts de
chandelle, 27 000 000 $. je passe rapidement là-dessus parce que je sais
que vous allez avoir un tas de questions. je sais que vous l'avez tous lu.
Ce qu'il y avait d'aberrant aussi là-dedans c'est de la
faute de personne c'est le seuil d'admissibilité. C'est qu'un
individu qui est en dessous du seuil bénéficie et l'autre est
quelques dollars en haut du seuil et on dit... Des fois, il en a autant besoin
que... Et ça lui coûte aussi cher.
Ça, ça résume un peu. Le résumé ne
peut pas être très long parce que la présentation n'est pas
très longue. On n'a pas voulu présenter un mémoire de
philosophe de 325 pages. On voulait être un peu plus pratiques. Ça
fait que, moi, ça termine ma présentation, M. le
Président. S'il y en a qui ont des questions, ça va me faire
plaisir d'y répondre.
Le Président (M. Bradet): Parfait, M. Thibault. Alors, M.
le ministre, vous avez la parole.
M. Lefebvre: Merci, M. le Président. M. Thibault et M.
Laurence, je vous remercie, dans un premier temps, de nous avoir soumis un
mémoire et aussi d'être là ce soir pour discuter de ce qui
est contenu dans votre mémoire et également de différents
autres points qui font l'objet de cette démarche à la commission
des institutions sur le régime d'aide juridique au Québec.
Vous le savez, ce régime-là existe depuis 1972. À
l'époque, c'était le ministre Jérôme Choquette, sous
le gouvernement de M. Bourassa, qui avait expliqué à la
population la raison d'être du régime. Il y avait
déjà des services judiciaires qui étaient rendus par des
membres du Barreau, des avocats un petit peu partout au Québec, pour
aider les plus démunis de notre société qui faisaient face
à des problèmes d'ordre juridique et qui étaient dans
l'impossibilité de se défendre. Avec les années, le
régime s'est développé au point où, cette
année, on aura investi plus ou moins 105 000 000 $ dans le régime
d'aide juridique.
Ce que vous dites essentiellement dans votre «rapport»,
c'est que c'est beaucoup d'argent, c'est des fonds publics, donc des sommes
d'argent payées par des taxes et des impôts des citoyens du
Québec. Là-dessus, je suis d'accord avec vous qu'il faut
évaluer comme il faut ce qu'on fait présentement. L'actualisation
ou la réévaluation du régime, ce n'est pas un exercice
pour arriver, avant même d'avoir commencé, à la conclusion
qu'on doit remettre de l'argent dans le régime; c'est un exercice
beaucoup plus rigoureux que ça qu'on fait à la commission des
institutions, au ministère de la Justice et au gouvernement du
Québec. On veut évaluer, repenser certains volets du
régime d'aide juridique, M. Thibault. Dans ce sens-là, il y a
plein de choses qui sont soulevées dans votre «rapport» qui
le sont par d'autres intervenants d'autres façons, mais qui sont
également soulevées dans leurs «rapports», dans des
témoignages qu'on a reçus à date.
Je voudrais, avant de parler de la couverture des services,
vérifier avec vous quelle est votre analyse du seuil
d'admissibilité. Parlons, dans un premier temps, de ceux et celles qui
devraient, en 1994, selon vous, recevoir des services d'aide juridique
gratuits. Je voudrais vous entendre là-dessus parce que j'imagine que
vous reconnaissez qu'il faut continuer à donner de l'aide juridique
à ceux qui en ont vraiment besoin, pour des vrais besoins, là.
C'est une question que je vous pose: Est-ce que vous êtes d'accord
là-dessus?
M. Thibault (Charles): Oui, oui, je reconnais ça. Ceux qui
en ont vraiment besoin.
M. Lefebvre: Oui. Alors, selon vous, de zéro à
combien au niveau du revenu, là?
M. Thibault (Charles): II y a un tableau ici qui nous indique
qu'on était une des provinces les plus généreuses.
J'essaie de le retrouver, là. En fait de couverture, on est la province
la plus généreuse, on est la seule qui a le tapis mur à
mur.
M. Lefebvre: Vous parlez de la couverture des services.
M. Thibault (Charles): Oui, la couverture des services, mais il y
avait aussi les...
M. Lefebvre: On est la province, effectivement, qui couvre le
plus de services.
M. Thibault (Charles): Ah oui. Mur à mur. M. Lefebvre:
Oui, oui.
M. Thibault (Charles): On ne manque rien, on n'oublie rien. Quand
on fait quelque chose, on le fait bien. Ne vous inquiétez pas. Le seuil
d'admissibilité au Québec est de 8865 $ (personne seule).
Ça, c'est à votre page 21; ce sont les chiffres que je trouve
là-dedans. En Ontario, 8580 $. Les autres provinces sont toutes en haut
de ça: 21 000 $, 12 014 $. Il y a la Saskatchewan qui est à 8808
$. Donc, dans l'année ici qui nous est présentée
parce que ça a été établi, je suppose, à une
année donnée, à une date donnée on se
compare assez bien avec les autres provinces. Donc, on ne peut pas dire qu'ils
sont plus maltraités chez nous qu'ils ne sont traités dans les
autres provinces.
En plus, dans les autres provinces ça, c'est le seuil
d'admissibilité ce qu'on ne dit pas et qu'on retrouve ailleurs
dans votre document, c'est que les bénéficiaires doivent payer,
dans certains cas, des frais modérateurs et différentes choses,
ce qui fait que, pour le seuil d'admissibilité, on était
très bien. Je ne dis pas par là qu'il ne faut pas l'augmenter,
parce qu'il y a eu de l'inflation au cours des années et ainsi de suite,
et ça reste à des experts à évaluer d'abord quel
est le seuil de la pauvreté. (21 h 20)
Oui, il y a une autre méthode, c'est de faire comme certains ont
déjà fait, ils ont dit: Le taux de pauvreté est trop fort,
au Québec, au Canada; alors, ce qu'on va faire, on va baisser le seuil
de pauvreté, ça va
amender les statistiques, ça va les améliorer. Ha, ha, ha!
On peut toujours faire ça, mais, si on veut tenir compte de l'inflation,
vous avez raison, il faudrait que ce soit revu. Maintenant, je ne me sens pas
un expert pour aller le déterminer. Il faudrait que je connaisse le
seuil de pauvreté et analyser tout ça. Je ne suis pas
qualifié pour ce travail-là.
M. Lefebvre: À la page 6 de votre mémoire, sous le
volet coûts, vous faites une évaluation en partant de chiffres
assez précis. Vous pointez le fait qu'il y a des avocats de pratique
privée et des avocats à plein temps à l'aide juridique.
Est-ce que vous pensez qu'on devrait remettre en question le principe du libre
choix?
M. Thibault (Charles): Bon, les chiffres précis viennent
des chiffres qui sont ici: ce que ça avait coûté avec les
avocats de l'aide juridique et ce que ça avait coûté par
dossier, multiplié par le nombre de dossiers pour établir la
moyenne. Ces chiffres-là sont démontrables à même ce
qu'il y a là. Donc, vous voulez savoir si je...
M. Lefebvre: Si vous remettez en question le principe du libre
choix, à savoir que le bénéficiaire a le choix entre un
avocat de pratique privée ou un avocat permanent à l'aide
juridique.
M. Thibault (Charles): Ah! Je ne me suis pas arrêté
à ça. Notre première recommandation, c'est que la
Commission des services juridiques soit abolie.
M. Lefebvre: Vous dites que...
M. Thibault (Charles): On a sauté par-dessus. Notre
première recommandation, c'est que la Commission des services juridiques
soit abolie.
M. Lefebvre: Alors, ça veut dire que... Sauf que vous
reconnaissiez tout à l'heure qu'il faut continuer à donner des
services d'aide juridique. Ça seraic seulement des avocats de pratique
privée?
M. Thibault (Charles): Je n'ai pas dit que les services d'aide
juridique soient abolis. J'ai dit que la Commission des services juridiques
soit abolie. Il y a toute une différence.
M. Lefebvre: Qui gérerait le système, à ce
moment-là?
M. Thibault (Charles): Le Barreau. M. Lefebvre: Le Barreau
du Québec.
M. Thibault (Charles): Une loi-cadre du gouvernement.
Écoutez, il y a des provinces où le Barreau contribue à
même les intérêts de ses comptes en fiducie; dans certaines
provinces, jusqu'à 75 % de l'intérêt des comptes en
fiducie. On voyait je l'ai lu dans le journal parce que je
n'étais pas ici que le Barreau, dans son mémoire qu'il
présentait je ne sais pas s'ils sont déjà
passés...
M. Lefebvre: Oui, oui, oui.
M. Thibault (Charles): ...ou s'ils sont à venir
allait tenter, s'efforcer de demander aux avocats de réduire leurs
tarifs de 25 %. donc, il y a quelqu'un qui est prêt à faire une
contribution. ça fait qu'on enlèverait un peu de bureaucratie
dans le système, de la manière dont on a présenté
ça. et on dit: la commission des services juridiques, on n'a pas besoin
de ça. ça prend une loi-cadre, c'est définitif;
déterminer qui y a droit, quels sont les critères d'admission. en
partant de là, que ce soit un avocat de la pratique privée qui
regarde un client et qui dise: vous rencontrez les critères, ou que ce
soit un avocat qui est payé 92 000 $ par année, ça ne
change pas grand-chose. ils sont aussi professionnels un que l'autre, du moins
supposément. ils sont régis par le même code des
professions, par le même code de déontologie. le barreau, au lieu
d'aller siphonner 75 % de ses intérêts de comptes en fiducie,
ça pourrait être sa contribution, ça.
M. Lefebvre: Vous savez, lorsque vous analysez la couverture des
frais...
M. Thibault (Charles): Excusez-moi. Je ne parle pas de forcer le
Barreau à faire ça, mais je pense qu'il y aurait des
négociations qui pourraient se faire. Je suis contre forcer qui que ce
soit, mais j'imagine bien qu'ils verraient probablement ça d'un bon
oeil. Il faudrait leur demander parce que, moi, je ne leur ai pas
demandé.
M. Lefebvre: Quand le Barreau, M. Thibault, pour justement
dégager l'État, le gouvernement, le public, parce que c'est
toujours des fonds publics qu'on utilise, suggère la formule de
l'assurance-frais juridiques qui existe déjà, mais qui est plus
ou moins connue, est-ce que vous trouvez que ça a un certain bon sens?
À savoir que vous pourriez, vous, demain matin, prendre de l'assurance
qui vous coûterait plus ou moins 50 $ maximum, selon le Barreau, une
prime de 50 $, et ça vous protégerait pour un litige
éventuel. Autrement dit, si vous aviez un procès qui coûte
5000 $, 10 000 $, 12 000 $ d'honoraires évidemment, là,
ça varie avec la prime vous seriez couvert par une police
d'assurance. Trouvez-vous que ça a du sens, ça? Le Barreau
propose ça et d'autres groupes également disent que ça ne
serait peut-être pas bête.
M. Thibault (Charles): Si je comprends bien, vous me dites que
ça varie avec la prime, donc, la responsabilité. Ce serait comme
une assurance automobile; j'assure pour 1 000 000 $ si je paie 500 $ par
année et 2 000 000 $ si je paie 600 $.
M. Lefebvre: C'est-à-dire que vous ne pouvez pas,
évidemment, vous assurer pour un crime, pour un geste reprochable.
M. Thibault (Charles): Non. On ne peut jamais s'assurer contre un
acte illégal.
M. Lefebvre: C'est ça.
M. Thibault (Charles): Excepté que je regarde ça
comme ça et je dis: O.K. Qui a besoin de ça? C'est les plus
démunis. Au départ, dire que les plus démunis ont les
moyens de se payer ça...
M. Lefebvre: Euh...
M. Thibault (Charles): S'ils ont les moyens de se payer seulement
une police de 50 $, de souscrire une police de 50 $ pour avoir un
maximum...
M. Lefebvre: Non, M. Thibault. Là, je vous arrête
tout de suite. Le Barreau suggère cette façon de faire pour les
citoyens à revenus plus ou moins moyens, là. Ce n'est pas les
plus démunis, là.
M. Thibault (Charles): Ah! O.K. Ah, bien, ça, il y en a,
de l'assurance. Ça existe. N'importe qui peut en acheter, n'importe
quand. C'est déjà en place, ça, hein?
M. Lefebvre: Vous trouveriez que ça aurait du sens de
pousser là-dessus, de publiciser cette suggestion du Barreau, de mettre
ça en place avec différents intervenants.
M. Thibault (Charles): Laissez-moi comprendre. C'est
déjà en place.
M. Lefebvre: Oui, ça existe déjà.
M. Thibault (Charles): II y a des compagnies d'assurances qui
vendent déjà ça. Là, vous me dites: Le gouvernement
devrait publiciser ça?
M. Lefebvre: Bien, c'est-à-dire non. Le Barreau...
M. Thibault (Charles): C'est l'entreprise privée,
ça, la compagnie d'assurances.
M. Lefebvre: ...demande au gouvernement et,
évidemment, on ne s'est pas prononcé là-dessus
de...
M. Thibault (Charles): Non, non. Je comprends.
M. Lefebvre: ...participer de la façon suivante: que la
prime soit déductible de vos revenus. Alors, ça serait la
participation du gouvernement dans la démarche.
M. Thibault (Charles): La prime serait déductible des
revenus.
M. Lefebvre: Oui. Autrement dit, vous... M. Thibault
(Charles): Donc, si je travaille... M. Lefebvre: ...auriez une
récupération d'impôt.
M. Thibault (Charles): ...on déduit ça sur mon
salaire. C'est ça? Si je travaille, on déduit ça de mon
salaire.
M. Lefebvre: C'est ça. C'est quelque chose de
même.
M. Thibault (Charles): Donc, le gouvernement contribue où,
là? Je ne fais pas le joint, là.
M. Lefebvre: Bien, si vous payez la prime d'assurance...
M. Thibault (Charles): Hum, hum!
M. Lefebvre: ...pour cette police, cette protection-là
serait déductible de votre revenu. Autrement dit, le 50 $ vous
coûterait peut-être seulement, je ne sais pas, moi, 25 $, par
exemple, par une récupération d'impôt, une
récupération fiscale.
M. Thibault (Charles): Cette prime-là serait...
M. Lefebvre: Et aussi le Barreau voudrait que le gouvernement
s'associe dans la publicité du nouveau régime. Moi, la
question...
M. Thibault (Charles): Là, on ne touche pas aux plus
démunis, si je comprends bien.
M. Lefebvre: Non, non.
M. Thibault (Charles): Là, on parle de ceux qui ont des...
Là, vous, vous allez payer et on va déduire de votre salaire une
prime d'assurance.
M. Lefebvre: Non, ce n'est pas ça, là. Vous achetez
d'une compagnie d'assurances de la protection et vous payez une prime.
M. Thibault (Charles): C'est ça.
M. Lefebvre: C'est rien que ça, là. Je veux savoir
si vous trouvez que ça a du bon sens.
M. Thibault (Charles): On paie une prime. O.K. Et cette
prime-là, vous la déduisez de votre revenu.
M. Lefebvre: Oui.
M. Thibault (Charles): Donc, moi, qui n'ai pas de prime
d'assurance, qui n'en paie pas, peut-être parce que je n'en ai pas les
moyens ou parce que, tout simplement, je n'en veux pas, je contribue à
payer votre prime, parce que ce que vous déduisez de votre revenu, c'est
un manque à gagner d'impôt. C'est ça?
M. Lefebvre: Bien, je veux votre avis, là.
M. Thibault (Charles): Oui, oui. C'est un manque à gagner
d'impôt.
M. Lefebvre: Ouais.
M. Thibault (Charles): Si c'est vous tout seul avec votre 50 $,
eh bien, mon Dieu, ça me fera plaisir de supporter ça. Mais,
quand vous multipliez ça «at large», c'est un manque
à gagner de, quoi, 10 000 000 $, 15 000 000 $, 50 000 000 $? Je mets des
chiffres ici entre guillemets, là.
M. Lefebvre: Votre calcul est...
M. Thibault (Charles): Bon. Si vous avez ça de moins de
revenus, vous allez être obligés d'aller le chercher ailleurs.
M. Lefebvre: Votre calcul est correct. C'est ce qui pourrait
arriver, là.
M. Thibault (Charles): Vous comprenez? Ça fait que je ne
suis pas tout à fait d'accord avec ça. Absolument pas! Que
ça ne soit pas déduit de votre revenu, vous pouvez payer tout ce
que vous voulez, ça, je n'ai pas de problème, mais qu'on le
déduise de votre revenu, je dis: Attendez un peu, là! Wo!
M. Lefebvre: Autrement dit, vous trouvez la suggestion du Barreau
pas bête, sauf que ça s'arrête là.
M. Thibault (Charles): Absolument. Le Barreau peut
suggérer toutes sortes de choses.
M. Lefebvre: Non, non, non. On parle de suggestion. Je veux votre
avis. Je veux votre avis.
M. Thibault (Charles): Oui, oui, c'est ça.
M. Lefebvre: Vous êtes ici pour ça. J'en profite
pour vous demander votre opinion. Je ne sais pas si vous en avez eu
connaissance, tout à l'heure, on parlait des frais d'expertise en
matière d'aide juridique. J'imagine que vous seriez d'accord pour qu'on
tarifie également les frais d'expertise, si on tarifie les avocats et
les notaires, les témoins qui viennent devant la cour, qui sont des
experts. Au moment où on se parle, le tarif qu'ils utilisent ou les
frais qu'ils imposent, ce sont les frais qu'ils imposent dans une cause
normale, régulière, où il n'y a pas d'aide juridique.
Ça coûte pas mal cher. L'an passé, ça a
coûté 5 500 000 $ de frais d'expertise à l'intérieur
du régime d'aide juridique. Est-ce que vous pensez qu'on devrait
compresser ça un petit peu?
M. Thibault (Charles): Bon, moi, primo, je suis pour l'entreprise
privée.
M. Lefebvre: Oui.
M. Thibault (Charles): Un expert, s'il vaut 500 $ de l'heure ou
5000 $, quelle différence y a-t-il entre lui et un lobbyiste à
Ottawa ou à Québec? Il sait qu'il est payé grassement.
C'est de l'entreprise privée et, moi, je suis en faveur de ça.
Maintenant, vous voulez le tarifer. On dit: Quand tu vas venir
témoigner, toi, là, on ne te paie pas plus que 50 $, bon. Si,
moi, je suis appelé comme témoin dans une cause je ne suis
pas un expert, mais je suis appelé comme témoin il y a un
montant d'argent qu'on va m'allouer, point.
M. Lefebvre: Là, je vous parle des experts, M.
Thibault.
M. Thibault (Charles): Oui, oui.
M. Lefebvre: Je vous parle d'un expert, là.
M. Thibault (Charles): Non, non, je ne suis pas un expert...
M. Lefebvre: Un psychologue, par exemple.
M. Thibault (Charles): ...mais je vous parle du
témoin.
M. Lefebvre: Oui. Oui, mais à titre d'expert.
M. Thibault (Charles): L'expert vient témoigner, O.K.?
Quand je viens témoigner, moi, dans une cause, je suis à titre
d'expert d'une sorte...
M. Lefebvre: Non.
M. Thibault (Charles): Parce que je suis témoin visuel,
j'ai vu, donc...
M. Lefebvre: Vous témoignez sur des faits. Un expert vient
donner... (21 h 30)
M. Thibault (Charles): Oui, mais c'est ça.
M. Lefebvre: M. Thibault, un expert vient donner une
opinion...
M. Thibault (Charles): O.K.
M. Lefebvre: ...partant des faits qui sont établis...
M. Thibault (Charles): Oui.
M. Lefebvre: ...alors qu'un témoin normal,
régulier, lui témoigne sur des faits.
M. Thibault (Charles): D'accord.
M. Lefebvre: C'est très différent, ça. C'est
très différent. Un témoin expert, il est engagé.
Ses services sont requis par une des deux parties, souvent les deux parties.
Comme on tarifïe... Les honoraires d'un avocat de pratique privée,
dans le système d'aide juridique, évidemment, ils sont moindres
que ce qu'il «charge» dans la pratique régulière. La
question que je vous pose, c'est: Est-ce qu'on ne devrait pas faire la
même chose pour les autres experts qui feraient partie du régime
et qui font partie du régime, les psychiatres, les psychologues, les
psychosociaux, tout ça, là?
M. Thibault (Charles): Oui, les psychosociaux, les psychologues.
Écoutez, certains, vous pouvez les tarifer. Ça me fait rire. Ha,
ha, ha! Vous comprenez? Il faut dire que tout le monde en demande, de
ça. Ils ont recours à ça...
M. Lefebvre: Ça leur arrive d'être utiles.
M. Thibault (Charles): II y a un recours abusif par les avocats
à des experts.
M. Lefebvre: Non, mais ça arrive qu'ils sont utiles,
là. Il faut faire attention.
M. Thibault (Charles): Oui, oui.
M. Lefebvre: Bon. Je vous demande si on devrait les tarifer. Si
vous n'avez pas d'opinion, on va passer à un autre sujet.
M. Thibault (Charles): Non, je n'ai pas réellement
d'opinion là-dessus.
M. Lefebvre: D'accord, d'accord.
M. Thibault (Charles): Je suis en faveur de l'entreprise
privée si ce sont réellement des experts. Il y a peut-être
d'autres moyens de limiter ça par la limitation des abus, l'utilisation
d'experts, vous comprenez?
M. Lefebvre: Mais les avocats de pratique privée aussi,
c'est de l'entreprise privée, ça.
M. Thibault (Charles): Oui. Et ça veut dire quoi?
M. Lefebvre: Ils sont tarifés à un salaire moindre.
Un avocat de pratique privée qui fait de l'aide juridique...
M. Thibault (Charles): Oui.
M. Lefebvre: ...qu'il ait cinq ans d'expérience ou 28 ans
d'expérience...
M. Thibault (Charles): C'est ça.
M. Lefebvre: ...qu'il soit bon, plus ou moins bon, c'est le
même tarif.
M. Thibault (Charles): Est-ce qu'il est obligé d'accepter
la cause de l'aide juridique?
M. Lefebvre: Non, non, il n'est pas obligé.
M. Thibault (Charles): Ah bon! Votre entreprise privée,
c'est là qu'elle arrive.
M. Lefebvre: Tout comme l'expert aussi n'est pas
obligé.
M. Thibault (Charles): Bon.
M. Lefebvre: Dans la couverture de services, vous éliminez
complètement le droit administratif, le droit carcéral, le droit
qui touche l'immigration.
M. Thibault (Charles): J'élimine le droit où il n'y
a pas nécessairement obligation d'être représenté
par un avocat...
M. Lefebvre: O.K.
M. Thibault (Charles): ...ça, au départ.
M. Lefebvre: D'accord.
M. Thibault (Charles): La Régie des rentes, ça fait
partie des tribunaux administratifs. Il y en a peut-être d'autres que je
ne connais pas. Mais j'élimine tout ça. Si le gouvernement a
jugé qu'il n'y avait pas besoin d'avocats, c'est parce que le
gouvernement, le législateur n'en avait pas senti le besoin et que,
s'ils n'étaient pas représentés par des avocats, il y
aurait déni de justice.
M. Lefebvre: Est-ce que vous dites ça parce que... Est-ce
que votre point de vue est basé sur le fait que vous constatez qu'il y a
plein de citoyens qui ne sont pas admissibles à l'aide juridique qui,
dans ce domaine du droit, se représentent, se défendent
seuls?
M. Thibault (Charles): La classe moyenne. Le riche, lui, il peut
engager un avocat et il n'ira jamais, il ne se présentera jamais la
face. L'autre, lui, est propriétaire d'une petite bâtisse, il n'a
pas fini de payer son hypothèque, il va y aller lui-même.
M. Lefebvre: Seul, pas d'avocat.
M. Thibault (Charles): II va y aller tout seul. Et puis, il fait
face à un avocat, à un expert en droit. Il n'est pas sorti du
bois. S'il met la main dans ses poches pour se payer un avocat, il n'est pas
sorti du bois, non plus.
M. Lefebvre: Ça dépend. Si c'est vous, là,
M. Thibault, ça va prendre un bon avocat pour prendre soin de vous.
M. Thibault (Charles): Vous croyez?
M. Lefebvre: Ah oui. Vous seriez capable de vous défendre
seul. Vous n'avez pas besoin d'avocat, vous.
M. Thibault (Charles): Ah oui, ah oui.
M. Lefebvre: Merci, M. Thibault. Je vais laisser mesdames mes
collègues de l'Opposition officielle continuer.
Le Président (M. Bradet): Mme la députée de
Terrebonne, vous pouvez y aller.
Mme Caron: Merci, M. le Président. M. Thibault, M.
Laurence, votre document est très, très clair. Alors, j'aurai
très peu de questions à vous poser. Peut-être, dans un
premier temps, donner deux réponses, à la page 7, quand vous
questionnez: «Que font sept dossiers sous la rubrique "Code des
professions", quand» ça relève des corporations
professionnelles et que c'est gratuit? C'est qu'en fait, lorsqu'une demande est
refusée dans le système de plaintes, qui est gratuit, une
personne a le droit d'aller au Tribunal des professions. Là, au Tribunal
des professions, c'est un petit peu comme la Cour du Québec. Donc, ce
n'est pas gratuit, à ce moment-là. Alors, ces cas-là,
c'est sûrement des cas de Tribunal des professions.
M. Thibault (Charles): Mais vous n'en êtes pas
sûre.
Mme Caron: Non, non. C'est ça.
M. Thibault (Charles): Vous dites: C'est sûrement ces
cas-là, mais vous n'êtes pas sûre de ça.
Mme Caron: C'est ça. Ça ne peut pas être
autre chose parce que c'est gratuit, le système.
M. Thibault (Charles): Moi non plus, je ne suis pas sûr.
Donc, je l'ai mis là.
Mme Caron: C'est le Tribunal.
M. Thibault (Charles): Ça ne peut pas être autre
chose?
Mme Caron: Non, ça ne peut pas être autre chose.
M. Thibault (Charles): Vous êtes sûre ou vous
n'êtes pas sûre?
Mme Caron: Je suis sûre.
M. Thibault (Charles): Vous êtes sûre.
Mme Caron: Les corpos, c'est gratuit, vous avez raison, mais ce
n'est pas gratuit au Tribunal.
M. Thibault (Charles): Ah bon! Mais vous êtes sûre
que les causes qu'il y a là sont des causes au Tribunal des
professions.
Mme Caron: Ça ne peut pas être autre chose.
«Que font 53 dossiers sous la rubrique "Évaluation
foncière", quand on doit être propriétaire pour s'objecter
à une évaluation foncière?» C'est que vous avez des
bénéficiaires d'aide sociale qui sont effectivement
propriétaires de leur maison, qui, parfois, ont été
propriétaires au moment où la situation allait bien, où
ils travaillaient et tout ça. Vous savez qu'à l'aide sociale il y
a une limite dans l'évaluation qui est acceptée. Quand
l'évaluation dépasse 65 000 $, il y a une pénalité
sur le montant d'aide sociale que la personne reçoit. Alors, c'est pour
ça qu'on en retrouve beaucoup c'est beaucoup, 53 dossiers
qui contestent une évaluation foncière. C'est pour leur permettre
de continuer à recevoir l'aide sociale sans pénalité.
M. Thibault (Charles): Vous m'apprenez des choses que je ne
savais pas, parce que ce n'est pas marqué ici. C'est marqué que
c'est basé sur le revenu de l'individu, son revenu hebdomadaire.
Mme Caron: Oui, mais l'évaluation...
M. Thibault (Charles): Et on dit, après: Si c'était
basé sur son revenu annuel... Mais «si». Mais ce que je
prends ici... Je ne suis pas un expert en droit comme vous, madame.
Mme Caron: Moi, non plus, je ne suis pas avocate.
M. Thibault (Charles): On dit, ici: C'est basé sur son
revenu hebdomadaire. Donc, son revenu hebdomadaire, sa propriété
n'entre pas là-dedans.
Mme Caron: Quand on reçoit de l'aide sociale, la
propriété entre en ligne de compte. Ça n'entre pas pour
savoir si on va avoir de l'aide juridique ou pas.
M. Thibault (Charles): L'aide sociale, mais pas l'aide
juridique.
Mme Caron: Oui, et c'est pour ça que vous avez 53 dossiers
où ils se retrouvent à contester leur évaluation
foncière, parce que, s'ils ne la contestent pas, ils risquent
d'être pénalisés à l'aide sociale. Donc, ils vont la
contester parce que même, dans certains cas, ils n'auraient pas d'aide
sociale du tout, tellement l'évaluation foncière est
élevée. Alors, c'est pour ça que vous en retrouvez
là.
J'aimerais vous poser une question bien simple. Vous avez dit, au
début de votre mémoire, à un moment donné, que vous
êtes d'accord que ce soient les plus démunis qui reçoivent
de l'aide juridique. Moi, j'aimerais savoir qu'est-ce que vous entendez par les
plus démunis.
M. Thibault (Charles): J'ai répondu à M. le
ministre, là-dessus, que je n'étais pas qualifié pour
déterminer quel était le seuil d'admissibilité. Les plus
démunis sont déterminés par le seuil
d'admissibilité. On dit: Le seuil de pauvreté, c'est tant de
gain, 23 000 $, si c'est une famille ou individu. De là est placé
le seuil d'admissibilité. Je ne suis pas qualifié pour vous
déterminer quel est le seuil au point de vue monétaire et vous
dire: À partir de là, ils peuvent jouir du système ou
non.
Mme Caron: Mais est-ce que vous pouvez me dire, pour vous, est-ce
que ce sont des personnes qui sont bénéficiaires d'aide sociale,
est-ce que ce sont des personnes qui sont des travailleurs au salaire minimum,
est-ce que ce sont des personnes qui reçoivent la pension de vieillesse,
que vous considérez qui seraient les plus démunies?
M. Thibault (Charles): Je ne considère rien. Ma
définition de «démuni», c'est basé sur le
revenu. Que tu sois vieux, malade, jeune, c'est le revenu qui détermine
ça. Ce n'est pas la race, l'âge ou...
Mme Caron: Et vous ne pouvez pas nous dire lequel?
M. Thibault (Charles): Parce qu'il n'y en a pas, de lequel.
Ça dépend du revenu. Si vous avez 103 ans et que vous gagnez 125
000 $ par année, même si vous avez 103 ans, vous ne passez pas
là-dessus.
Mme Caron: Mais vous n'avez pas de suggestion de seuil à
nous donner?
M. Thibault (Charles): Non, non. Je ne suis , pas qualifié
pour donner un seuil en argent, dire: C'est tant.
Mme Caron: Vous dites dans votre mémoire, dans vos
recommandations: «Que soit admissible à l'aide juridique un
requérant qui veut faire reconnaître un droit important, lequel,
s'il n'était pas reconnu, perturberait grandement sa situation tant
morale que financière.» C'est quoi, pour vous, un droit important?
Pouvez-vous nous donner des exemples?
M. Thibault (Charles): Je peux vous donner des exemples de droits
non importants.
Mme Caron: Ça, vous en avez donné beaucoup. C'est
pour ça que j'aimerais savoir lesquels sont importants.
M. Thibault (Charles): Un droit important... Par exemple, les
implants mammaires, O.K.? Il y a une personne seule qui veut poursuivre.
Ça adonne qu'il y en a plusieurs. Ça peut être contre un
médecin pour d'autres choses, mais je donne ça comme exemple.
Cette personne-là est démunie. Et, même si elle avait un
peu d'argent, écoutez, elle s'embarque dans une moyenne cause contre une
compagnie multinationale; elle va avoir des problèmes à sortir du
bois. Donc, ça, ce sont des droits importants, des droits qui affectent
le public, qui sont d'intérêt public.
Mme Caron: Où il y a beaucoup de personnes.
M. Thibault (Charles): II y a des droits qui n'affectent qu'une
personne, mais qui sont d'intérêt public.
Mme Caron: Oui.
M. Thibault (Charles): Quand il y a eu un Indien qui s'est fait
condamner à 10 $ d'amende parce qu'il était soûl en dehors
de la réserve, ça s'est rendu jusqu'en Cour suprême du
Canada. Ça affecte une personne. C'était d'intérêt
public parce qu'il y avait des droits et libertés qui étaient
là-dedans. Et c'est une personne pour 10 $.
Mme Caron: Dans les cas d'implants mammaires, on pense plus au
Fonds d'aide aux recours collectif qui existe aussi.
M. Thibault (Charles): Oui, mais je vous dis: Si ça
n'arrivait qu'à une personne comme l'Indien dont je parle...
Mme Caron: O.K.
(21 h 40)
M. Thibault (Charles): ...il faudrait que cette
personne-là ait du support. Ça, ce sont des droits importants. Un
droit important, ça ne veut pas dire que, ce droit-là, tous les
gens le reconnaissent à l'heure actuelle ou le veulent. Il aurait pu y
avoir une femme, à un moment donné, qui aurait rencontré
un médecin et qui aurait dit: Ça ne fonctionne pas, cette
affaire-là. Elle aurait pu poursuivre seule. Si elle n'avait pas eu
d'aide juridique ou des moyens financiers pour se prévaloir de ce
droit-là, qu'est-ce qui lui serait arrivé?
Mme Caron: Ma dernière question. À votre point 9,
vous nous dites: «Que des frais de 50 $ pour l'ouverture du dossier
soient exigés de chaque requérant.»
Compte tenu que vous souhaitez que l'aide juridique ne soit que pour les
plus démunis, quel que soit le seuil, est-ce que vous croyez
sincèrement qu'une personne démunie peut donner 50 $ pour des
frais d'ouverture d'un dossier?
M. Thibault (Charles): Mettez-les à 10 $, mettez-les
à 25 $. Dans d'autres provinces, il y en a.
Mme Caron: Moi, je prends votre recommandation, là.
M. Thibault (Charles): Non. Dans d'autres provinces, il y en a,
des frais, O.K.? Un individu qui est sur l'aide sociale, puis qui fume pour 125
$ par mois, s'il n'a pas les moyens de payer 50 $ pour sa cause, il a un
problème, le gars. Son problème, ce n'est pas dans son
portefeuille, c'est là. Bon.
Mme Caron: Oui, ça arrive.
M. Thibault (Charles): Écoutez, il ne faut pas pousser. Le
50 $, ou il va aller le boire à la taverne en passant, ou il va aller le
jouer au casino, ou il va acheter ça en Loto-Québec. Ça ne
me fera pas pleurer, moi, s'il est obligé de payer 50 $.
Mme Caron: J'espère que vous avez aussi pris connaissance
de la page 49 du document du ministère qui démontre que,
finalement, malgré la grande couverture mur à mur de notre
service, c'est quand même au Québec que ça coûte le
moins cher par habitant. Alors, 15,32 $ pour une couverture mur à mur,
pour un nombre de dossiers beaucoup plus important que celui de l'Ontario et
pour, finalement, une moyenne de dépenses de 352 $ par dossier, alors
qu'en Ontario, c'est 1040 $. Et ça nous coûte par habitant 15,32
$, alors qu'en Ontario, c'est 26,85 $. Donc, malgré les abus,
malgré la couverture, malgré tout ça, le Québec a
des dépenses beaucoup moins élevées.
M. Thibault (Charles): Ça ne m'impressionne pas,
ça, moi, qu'au lieu de coûter 10 $ par tête, en Ontario
ça coûte 20 $. Mais, nous autres, on a 5 000 000 de cas, puis eux
autres en ont 150 000. Ça nous coûte 105 000 000 $; c'est
ça qui m'impressionne.
Mme Caron: Bien, ça nous coûte moins cher
qu'à eux autres. Nous autres, ça nous coûte 105 000 000 $;
eux autres, ça leur en coûte 267 000 000 $.
M. Thibault (Charles): Oui, mais regardez leur population et
regardez la nôtre.
Mme Caron: Bien, regardez le nombre de demandes
acceptées.
M. Thibault (Charles): Oui, c'est ça.
Mme Caron: On a plus de demandes. Ça nous coûte
moins cher, puis ça nous revient moins cher par demande aussi.
M. Thibault (Charles): On est chanceux.
Mme Caron: Je pense que c'est un petit peu plus efficace. C'est
beau, M. le Président.
Le Président (M. Bradet): Ça va? Alors,
brièvement, M. le ministre.
M. Lefebvre: Oui. M. Thibault, tout à l'heure, quand vous
avez fait référence au salaire moyen de l'avocat à l'aide
juridique, vous aviez raison, sauf que vous oubliez un détail. Dans le
traitement, il y a également, à la page du document où
vous avez pris vos chiffres: traitement et avantages sociaux. Or, on s'entend
pas mal, c'est plus ou moins 90 000 $. C'est 70 000 $ ou à peu
près, en salaire, de moyenne, et plus ou moins, comme ça existe
à peu près partout aujourd'hui, environ 27 % à 28 %
ajoutés en avantages sociaux que sont les fonds de pension, Régie
des rentes, CSST, etc. C'est le salaire: environ 70 000 $, plus les avantages
sociaux, comme ça existe un petit peu partout.
M. Thibault (Charles): Écoutez, je n'argumente pas sur 90
000 $, 85 000 $, 70 000 $; ils sont bien payés.
M. Lefebvre: Alors, MM. Thibault et Laurence, je vous remercie,
comme je l'ai dit à d'autres intervenants, dans un premier temps, au nom
de votre mouvement Développement Québec, de nous avoir soumis un
document, un «rapport» qui pointe des éléments qui
doivent être questionnés à l'intérieur du
régime d'aide juridique. Vous allez un peu plus loin que certains autres
intervenants, mais vous soulevez la question de l'admissibilité, vous
soulevez la question du libre choix. Vous soulevez évidemment la
question extrêmement importante au niveau de la couverture des services,
et vous avez, M. Thibault, défendu votre point de vue avec beaucoup de
passion et avec un sens de l'humour qui vous va très, très bien.
Alors, je vous remercie d'être venu ce soir nous expliquer votre point de
vue, vous et votre collègue, et je vous souhaite un bon retour à
la maison. Merci beaucoup.
M. Thibault (Charles): Ça m'a fait plaisir. M.
Lefebvre: Merci.
Le Président (M. Bradet): Merci. La commission des
institutions ajourne donc ses travaux au mardi 8 mars, 10 heures.
(Fin de la séance à 21 h 45)