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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le mercredi 2 mars 1994 - Vol. 32 N° 71

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le régime d'aide juridique et sur le document intitulé « L'aide juridique au Québec: une question de choix, une question de moyens »


Journal des débats

 

(Dix heures douze minutes)

Le Président (M. Messier): À Tordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance ouverte. Je rappelle le mandat de la commission. Le mandat est de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur le régime d'aide juridique et sur le document intitulé «L'aide juridique au Québec: une question de choix, une question de moyens».

Mme la secrétaire, est-ce que vous avez des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gautrin (Verdun) remplace M. Benoit (Orford); M. Forget (Prévost) remplace M. Fradet (Vimont); M. Bergeron (Deux-Montagnes) remplace M. LeSage (Hull); M. Messier (Saint-Hyacinthe) remplace M. Parent (Sauvé); M. Ménard (Laval-des-Rapides) remplace M. Godin (Mercier).

Le Président (M. Messier): Vous êtes bien gentille, madame. Je fais la lecture de l'ordre du jour. A 10 heures, nous allons entendre la Société de Saint-Vincent-de-Paul — vous n'êtes pas habituée à vous faire dire ça? — à 11 heures, Projet Genèse; à 12 heures, CLSC Le partage des eaux; 13 heures, suspension; 15 heures, Association des groupes d'intervention en défense de droits — Santé mentale du Québec; 16 heures, Société Makivik et Administration régionale Kativik; 17 heures, nous allons ajourner.

Je vais immédiatement demander à la Société de Saint-Vincent-de-Paul de se présenter à l'avant, s'il vous plaît.

Est-ce que, pour les membres de la commission, l'ordre du jour est adopté?

M. Lefebvre: Adopté. Mme Caron: Adopté.

Auditions Société de Saint-Vincent-de-Paul

Le Président (M. Messier): Merci. Est-ce que les représentants de la Société de Saint-Vincent-de-Paul sont présents? Bonjour! Je vous demande de venir directement en avant. Je rappelle un petit peu le déroulement. Ça va durer une heure, à peu près jusqu'à 11 heures. Vous avez 20 minutes pour faire votre intervention et, après ça, vous passerez au crible, en tout cas, c'est une façon de parler. Le ministre et les membres de la com- mission parlementaire vont vous poser des questions du côté ministériel et, après ça, 20 minutes de l'Opposition officielle.

Je demande, possiblement à M. André Boyer, qui est le président, de présenter les gens qui sont avec lui et de commencer immédiatement après ça.

M. Boyer (André): Bien. Alors, à ma droite, c'est Mme Trottier, qui est responsable des programmes à la Société de Saint-Vincent-de-Paul de Montréal, et, à ma gauche, Me Lawrence Morgan, qui agit comme conseiller juridique auprès de la Société de Saint-Vincent-de-Paul de Montréal.

Le Président (M. Messier): Merci. Vous avez 20 minutes pour faire votre intervention.

M. Boyer (André): C'est beaucoup. Merci.

Le Président (M. Messier): Libre à vous de l'utiliser ou non.

M. Boyer (André): M. le Président, mesdames, messieurs, je pense que la Société de Saint-Vincent-de-Paul n'est pas ici ce matin à titre d'expert, nécessairement, mais à titre de généraliste de l'entraide et de témoin quotidien de situations qu'on peut qualifier, sinon de chaotiques, du moins de problématiques, où peuvent se retrouver plusieurs personnes que nous aidons. Nous allons y aller, je pense, plus particulièrement dans les volets à incidence juridique.

Alors, vous savez toutes et tous comme moi qu'il y a beaucoup de nouvelles pauvretés qui sont apparues ces dernières années, et la société essaie, avec des moyens minimaux, d'y répondre. Et toute la venue de nouveaux chômeurs ou de nouvelles catégories de personnes qui se retrouvent souvent entre deux chaises en termes de revenu fait en sorte que, pour des situations à instance juridique, ils peuvent être appelés à devoir recourir à des services de l'aide juridique et leurs revenus les excluent assez souvent. Je ne parle pas nécessairement des gens qui sont prestataires de mesures de sécurité du revenu. Ces personnes-là, nous le savons très bien, sont déjà couvertes par les programmes de l'aide juridique. Les réflexions qui vous ont été présentées sont limitées. Ce ne sont pas, je pense, des réflexions, comme je le disais, d'experts ou le fait d'un examen approfondi de certaines situations de jurisprudence, mais plus de vécu quotidien que nous pouvons avoir sur le terrain.

J'imagine que ce n'est pas nécessaire que je revienne sur les aspects de la Société de

Saint-Vincent-de-Paul. Tout le monde, je pense, en connaît des bribes. Ça existe depuis pratiquement 150 ans. Et, la mission première, ça demeure d'aider sur une base temporaire ceux et celles qui sont démunis. Je dirais tout simplement que, malgré une multitude de mesures sociales, l'an passé on a aidé au-delà de 80 000 personnes dans la grande région du Montréal métropolitain, Laval et le secteur de L'Assomption, ce qui nous laisse voir que, même s'il y a des mesures sociales, comme je le disais, il y a quand même des personnes qui se retrouvent souvent temporairement démunies.

Je rappelle également — peut-être que les plus jeunes ne le savent pas, moi, c'est parce que j'ai lu beaucoup de procès-verbaux — que, le secours direct des années trente, c'était la Société de Saint-Vincent-de-Paul. Mais, malheureusement, on se rend compte souvent que, avec les limites progressives des différents paliers de gouvernement dans la question des lois tant juridiques que sociales, on observe depuis quelques années une augmentation des personnes qui se retrouvent souvent entre deux chaises et qui ne sont plus éligibles à des mesures.

Je donnerai quelques exemples de mesures, peut-être, là, où des personnes se retrouvent souvent en marge ou non éligibles. On observe, nous, par exemple, la situation de... toute la question de la perception des pensions alimentaires. Vous savez aussi bien que nous comment c'est difficile, l'application, malgré des mesures, comment c'est difficile, et c'est souvent ces femmes-là qui se retrouvent dans nos différents services, dans nos points de service, dans les 180 points de service qu'on a dans la grande région de Montréal, pour obtenir un coup de pouce, parce qu'elles ont des difficultés à obtenir la perception de la pension alimentaire. Il y a, je pense, là, un problème important qu'il faut tenter de resserrer. Ce que, nous, on pense, c'est que ce n'est pas nécessairement en agrandissant, peut-être... On est bien conscient que les finances de l'État ne sont pas illimitées, mais on pense qu'il devrait peut-être y avoir une plus grande marge de manoeuvre au niveau des citoyens pour régler un certain nombre de problèmes eux-mêmes. Et peut-être que l'aide juridique, à ce moment-là, viendrait en partenaire, avec des organismes communautaires, pour rejoindre davantage des groupes plutôt que toujours rester au niveau individuel. On pense que ça pourrait peut-être accroître une certaine efficacité et diminuer, ou du moins atténuer un peu l'usage qui peut être fait des services de l'aide juridique. Et, à mon point de vue et à notre point de vue à la Société, ça favoriserait davantage également une meilleure prise en charge des individus et des citoyens dans les situations qui les concernent.

On a aussi, à l'occasion, à rencontrer des grands-parents qui sont dans nos projets, qui travaillent dans des projets, soit comme bénévoles ou parce que nous aidons des personnes âgées qui sont à revenus modestes, et pour qui le droit de contact avec leurs petits-enfants est parfois difficile et qui se retrouvent exclus des mesures d'aide juridique. Et, souvent, ces personnes âgées là recourent à la Saint-Vincent-de-Paul ou on les retrouve dans nos projets, pas nécessairement parce qu'ils ont besoin d'argent. Souvent, c'est beaucoup plus la solitude qu'ils vivent, et on accroît davantage, je pense, cette solitude-là en faisant en sorte qu'on ne favorise pas, d'une certaine façon, qu'ils puissent avoir accès le plus rapidement possible ou qu'ils puissent avoir, en tout cas, un accès convenable à leurs petits-enfants.

On n'a pas nécessairement... Je pense qu'on a mentionné ou il y a eu des chiffres qui ont déjà été mentionnés à cette commission quant au plafond ou au plancher d'accès aux services de l'aide juridique. Je pense que, dans des situations bien particulières — on pense, par exemple, à toute la question de gens qui sont en poursuite pour acte criminel — il faut faire en sorte que l'individu continue de pouvoir être défendu de façon convenable, soit via l'aide juridique s'il ne peut pas se permettre, s'offrir lui-même les services d'un avocat. (10 h 20)

Alors, j'imagine que vous avez pu prendre connaissance, également, de l'ensemble du mémoire de la Société et je serais plutôt disponible à répondre à des questions que vous pourriez avoir. Je pense que, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il y a des principes à sauvegarder. L'individu qui est menacé dans la perte d'un droit, que ce soient des droits fondamentaux, dans la question de menace de perte de liberté, des personnes qui sont victimes de discrimination, je pense qu'à la base il y a un certain nombre de personnes que l'État se doit de continuer de protéger via les mesures d'aide juridique. Et c'est davantage sur ces notions-là que nous appuyons la représentation que nous avons faite ce matin.

Le Président (M. Messier): Merci, M. Boyer. Est-ce que Mme Trottier ou M. Morgan auraient quelque chose à rajouter, ou ça va?

Une voix: Non, ça va.

Le Président (M. Messier): M. le ministre, est-ce que vous avez des interventions?

M. Lefebvre: Oui, M. le Président. Mme Trottier, M. Boyer, Me Morgan, je vous salue. Je vous remercie d'être présents, ce matin, à notre commission de consultation pour nous soumettre le point de vue d'un organisme dont vous disiez tout à l'heure que nous en connaissions probablement des bribes. Je peux vous dire, pour un, que je sais ce que vous faites, la Saint-Vincent-de-Paul. Je le sais personnellement, comme député, pour l'avoir vécu à un nombre considérable de reprises. Je pourrais même vous nommer des bénévoles qui, comme vous, travaillent à l'intérieur de la Société de Saint-Vincent-de-Paul dans mon comté, qui font du dépannage, qui viennent au secours des plus démunis. Et j'ai, à plusieurs reprises, moi, depuis huit ans que je suis député — et je tiens à le dire publiquement — référé des cas à la Société de Saint-Vincent-de-Paul de ma

région, dans mon comté: lorsque le gouvernement du Québec, par le biais de l'aide sociale, ne réussit pas à régler rapidement des cas, c'est la Société de Saint-Vincent-de-Paul, chez nous, qui vient à ma rescousse. Alors, je veux en profiter pour vous saluer, vous rendre hommage. Et je vous invite à le dire à plein de gens comme vous que c'est incroyable ce que vous faites non seulement dans la grande région de Montréal, mais partout au Québec. Alors, c'est le premier commentaire que je voulais vous faire. Et, la Saint-Vincent-de-Paul, ça doit, quant à moi, être de plus en plus actif, un petit peu partout au Québec.

Vous avez un contact, effectivement, avec les plus démunis de notre société et vous dites, à la page 6 de votre mémoire, que — je voudrais avoir un avis là-dessus — «la Société est cependant consciente que, lorsqu'un service est gratuit, il y a souvent place aux abus [...] Les abus peuvent se produire autant chez les usagers du service que chez les dispensateurs du service.» J'aimerais savoir de quelle façon vous en arrivez à un commentaire ou à un constat semblable. Est-ce que c'est des situations que vous avez constatées sur place, chez vous, un petit peu partout dans la région de Montréal, sur le territoire auquel vous faisiez référence tout à l'heure? Et, si oui, pourriez-vous me donner des exemples? Et, en conclusion, j'aimerais que vous nous suggériez de quelle façon, à l'intérieur du régime, on pourrait resserrer la structure pour, justement, éviter ces abus-là?

M. Boyer (André): Bien. Je demanderai probablement aussi aux deux personnes qui m'accompagnent de compléter. J'ai déjà, je pense, ouvert un petit peu la porte tantôt en soulignant, par exemple, que, nous, ce qu'on souhaiterait, sans que ce soit peut-être en termes de dispensateurs de services — il y a peut-être des nuances — mais ce qu'on souhaiterait davantage, c'est qu'on laisse davantage au citoyen l'occasion de faire des choses par lui-même. Il y a des choses, je pense, qui ne sont pas toujours nécessairement du ressort d'un avocat ou d'un juriste. Et, à ce niveau-là, on pense que... et ça pourrait également éviter la dépendance et ça pourrait revaloriser un bon nombre d'individus si on leur laissait faire un certain nombre de démarches, quitte à ce que le geste juridique, s'il doit y en avoir un, soit, lui, l'apanage, bien sûr, exclusif du professionnel du droit qui est concerné par la requête. Mais je laisserais aussi Me Morgan peut-être apporter des compléments d'information à ce sujet-là.

Le Président (M. Messier): Me Morgan.

M. Morgan (Lawrence): Merci. On se rend compte qu'une démarche d'accompagnement du citoyen à laquelle participe souvent la Société de Saint-Vincent-de-Paul permet au citoyen de se défendre lui-même, de se représenter très bien à la cour des petites créances. Au paragraphe qui suit celui que cite M. le ministre, on mentionne certains endroits, comme la Régie du loge- ment, où, pour un certain nombre d'affaires, le citoyen bien informé pourrait se représenter lui-même, et l'absence d'avocat à cet endroit-là pourrait évidemment amener les gens qui président ces tribunaux-là à agir de la même façon que les juges le font à la cour des petites créances, ce qui permettrait probablement de transférer des fonds à d'autres activités ou d'autres besoins qui sont peut-être plus criants, comme ceux qui sont mentionnés, en conclusion du mémoire: la violence conjugale, où beaucoup de personnes qui en sont victimes n'ont pas du tout accès, ou les aînés, par exemple, dont on faisait mention tantôt, qui sont exclus du régime. Mais, essentiellement, ce qu'on constate dans les faits, c'est que des gens ont recours à l'aide juridique, alors qu'ils pourraient agir eux-mêmes.

Semblablement, une autre facette de la question consiste à constater que la relation individuelle qui caractérise, en dépit, évidemment, des excellents programmes d'éducation et de formation populaires qui sont dispensés par la Commission des services juridiques... Mais, sur le plan du terrain, il n'y a pas beaucoup d'activités de formation ou d'éducation qui permettraient à des organismes comme la Société de Saint-Vincent-de-Paul d'accroître leur action auprès de groupes de personnes pour développer des stratégies d'intervention plus globales auprès de gens qui ont des problèmes similaires — sans arriver dans des recours collectifs — mais, souvent, les gens ont des problèmes similaires. Donc, avec l'aide des bureaux d'aide juridique, il serait possible de réunir des groupes de citoyens qui ont des problèmes semblables et, là, de leur donner suffisamment d'information pour qu'ils se représentent eux-mêmes.

M. Lefebvre: Quand vous parlez d'information, j'imagine que, dans votre esprit, vous faites en même temps référence ou vous avez à l'esprit qu'il faudrait parler beaucoup plus de prévention que d'intervention, peut-être après le fait, là. Est-ce que, dans ce sens-là, vous souhaiteriez que la Commission des services juridiques accentue sa démarche d'information, soit par des émissions de télévision comme «Justice pour tous», soit par des messages à la radio qui ont, quant à moi, été extrêmement utiles, «La minute juridique» et tout ça. Est-ce que vous considérez qu'on devrait accentuer la démarche à l'intérieur du système du régime d'aide juridique au niveau de l'information au grand public, en général?

M. Morgan (Lawrence): C'est indéniable qu'il y a beaucoup d'améliorations de ce côté-là qui pourraient être apportées, et l'impact d'une telle stratégie donnerait des résultats probablement étonnants. Et, là-dessus, c'est ce que M. Boyer expliquait tantôt, il y a une grande disponibilité d'organismes — en tout cas, du côté de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, ça vous a été affirmé—à contribuer à cette éducation-là sur le terrain en regroupant les gens qui pourraient, par exemple, avoir une heure d'information d'un avocat d'un bureau de l'aide juridique ou en contactant nos propres intervenants

qui pourraient recevoir l'information qu'ils pourraient disséminer. Déjà, la Société, dans ses points de service, met à la disposition des gens des dépliants d'information qui sont publiés par la Commission des services juridiques, et, ça, c'est déjà très bien.

M. Lefebvre: Une dernière question, avant de laisser la parole à mes collègues de l'Opposition. Vous dites, à la page 6 — et je dois vous avouer que c'est un peu étonnant, parce que vous êtes un des rares organismes qui a indiqué qu'on devrait réévaluer ou remettre en question le libre choix — vous dites, à la page 6: «II serait peut-être opportun de revoir le système.» Vous n'êtes pas catégoriques, là. Vous laissez entendre qu'il faudrait peut-être revoir le système «de façon à ce que l'ensemble des services ne soit donné que par des juristes salariés. Donner libre choix au requérant pour son juriste est peut-être un luxe que l'on ne peut se payer présentement.» Alors, je vous indique de façon globale, l'ensemble des intervenants, je vous suggère plutôt le contraire: que l'on maintienne le principe du libre choix entre l'avocat salarié ou l'avocat de pratique privée. Alors, j'aimerais entendre un de vous trois me commenter un peu cette suggestion.

M. Boyer (André): Je vais laisser Me Morgan aussi, je pense, commenter. Au besoin, Mme Trottier pourra aussi ajouter des points.

Le Président (M. Messier): Me Morgan.

M. Morgan (Lawrence): Évidemment, il est parfois intéressant de soulever les principes. Mais il n'en demeure pas moins qu'en réalité il y a de moins en moins d'avocats de pratique privée qui acceptent des mandats de l'aide juridique. Et, évidemment, une bonne partie des ressources — comme on le comprend, en tout cas — de la Commission des services juridiques est consacrée à la gestion des mandats confiés aux avocats de pratique privée. (10 h 30)

Lorsqu'on regarde les comparaisons que se donnent les uns et les autres sur leur efficacité respective, il n'y a rien de convaincant pour nous. Alors, dans un phénomène de rareté de ressources, on dit: II y a des choix à faire, pas des choix absolus, mais des choix pratiques qui font que chaque dollar... On dit aujourd'hui qu'il faut allonger le dollar. Alors, comment allonger le dollar? On croit que, si l'on privilégie, sans exclure les avocats de pratique privée, les avocats qui oeuvrent à l'aide juridique, si on les motive suffisamment, si la direction leur donne des stratégies d'intervention qui amènent à privilégier les interventions qui portent sur des groupes, les aspects éducatifs, plutôt que l'intervention individuelle — bien sûr qu'en droit criminel ou dans certains aspects il faut faire les procédures sur le plan individuel — mais qu'on amène les citoyens à intervenir eux-mêmes comme d'autres organismes le font. Je pourrais citer l'Office de la protection du consommateur, par exemple, qui favorise l'intervention du citoyen, qui n'intervient lui-même que très peu. Bien, voilà des façons d'agir qui permettent d'allonger le dollar.

Le Président (M. Messier): Mme Trottier.

M. Lefebvre: Ce que je comprends de votre commentaire, c'est que vous n'êtes pas... Excusez, madame.

Mme Trottier (Michèle): Non, ça va.

M. Lefebvre: Sur le même sujet? Oui, madame, allez y.

Mme Trottier (Michèle): Non, c'est correct.

M. Lefebvre: Vous n'êtes pas nécessairement contre le principe du libre choix et du maintien des deux possibilités pour le justiciable d'avoir un avocat de pratique privée ou un avocat permanent. Vous n'êtes pas contre le principe.

M. Morgan (Lawrence): Je ne pense que le paragraphe, ici, présentait quelque absolutisme que ce soit, mais donnait cependant une coloration, une indication. Lorsqu'il s'agit de faire des choix, s'il faut économiser, par exemple, les coûts de gestion des mandats de pratique privée, bien, évidemment, ce sera moins prioritaire que l'intervention pour, par exemple, une personne dont le mari est peut-être bien fortuné, dans une ville huppée, qui est victime de violence conjugale, qui se fait refuser la représentation, par exemple, et peut se retrouver, évidemment, fort amochée.

M. Lefebvre: Merci.

Le Président (M. Messier): Merci beaucoup. Est-ce que les députés ministériels voudraient... Ça va? Mme Perreault, de Terrebonne, porte-parole officiel...

Mme Caron: Caron. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Messier): Ah! Caron. Qu'est-ce que j'ai dit?

Mme Caron: Perreault.

Le Président (M. Messier): Mille excuses! Mille excuses, Mme Caron.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, M. Boyer, Mme Trottier, Me Morgan, merci beaucoup de votre présence parmi nous. Vous avez présumé que nous avions lu votre mémoire et, effectivement, vous avez bien présumé, nous l'avons lu. Donc, dans votre présentation, vous nous avez ajouté certains compléments.

Vous vous êtes présentés comme des généralistes de l'entraide, et je pense que c'est bien désigné. Vous êtes effectivement, la Saint-Vincent-de-Paul, des personnes en contact quotidien avec ceux et celles qui vivent ce qu'on appelle la pauvreté; la pauvreté qui est différente de ce qu'on a pu connaître au moment du secours direct, mais une pauvreté qui se vit aussi intensément, je pense, pour les personnes qui la vivent actuellement. L'action que vous faites est évidemment extrêmement appréciée, et on vous invite à poursuivre et aussi à venir présenter votre point de vue lors des audiences et sur certains projets de loi parce que, justement, vous vivez auprès des gens qui vivent cette pauvreté-là, et je pense que, à cet égard-là, votre expertise est extrêmement précieuse. Ne vous gênez pas pour être souvent là lorsqu'il y a des projets de loi qui touchent vos clientèles, plus précisément.

Vous nous avez parlé des droits de visite des grands-parents, et je pense que cet élément-là, effectivement, on n'en parle pas souvent. C'est très rare, et il faudrait peut-être qu'on commence à s'interroger, comme parlementaires, surtout en cette Année internationale de la famille, parce que, la famille, c'est effectivement beaucoup plus élargi que le père et la mère et, très souvent, lors de séparations, de divorces, la famille proche souffre autant, je dirais, que les conjoints, et on n'y pense pas souvent. Alors, je vous remercie de nous avoir rappelé cet élément-là.

Vous avez souligné aussi que votre clientèle est souvent non seulement une clientèle de personnes bénéficiaires d'aide sociale, de personnes qui vivent de l'assurance-chômage, mais souvent des personnes qui se retrouvent assises entre deux chaises. Et, dans les bureaux de comté, souvent, ce sont ces personnes-là qu'on voit parce que les personnes qui sont en attente de l'aide sociale, parce qu'elles ont terminé l'assurance-chômage, ou en attente de l'assurance-chômage, parce qu'elles ont quitté ou perdu leur emploi, ce sont souvent des personnes qui se retrouvent effectivement sans revenu, sans possibilité de se défendre, sans aide précise, et pour lesquelles la situation est souvent plus difficile que pour ceux qui ont un revenu, si minime soit-il.

Donc, compte tenu de cet élément-là, des personnes qui vivent entre deux chaises et qui se retrouvent souvent entre les deux, est-ce que vous considérez que, lorsqu'on calcule les revenus pour l'admissibilité à l'aide juridique... Dans certains mémoires, plusieurs ont abordé cet élément-là, et il y a deux tendances. Certains disent qu'il faut calculer les revenus à partir des revenus hebdomadaires de la personne — par semaine. Donc, au moment où elle va faire cette demande-là, on considère ses revenus hebdomadaires.

D'autres disent qu'il faudrait évaluer les revenus annuels, calculer tout ce que la personne a reçu durant l'année pour décider si elle est admissible à l'aide juridique. Il y a les deux, dans les mémoires. Vous, qu'est-ce que vous préconisez?

M. Boyer (André): Alors, je reviendrai peut- être, auparavant, à quelques aspects que vous nous soulignez, M. le Président, que Mme la députée nous soulignait. C'est, d'abord, nous inviter à revenir, bien sûr, lorsqu'on en aura le temps. À quelques occasions, la Société est venue en commission parlementaire. Mais, si je regarde la grande région de Montréal, Laval, nos quelque 2000 bénévoles sont d'abord centrés sur l'action et, souvent, on n'a pas toujours le temps, dans des délais relativement courts, de préparer une réflexion qui nous permette de se présenter en commission parlementaire.

On a, effectivement, une catégorie importante, comme je le disais au début, de nouvelles personnes qui s'adressent à nous suite aux fermetures d'usines, au contexte économique. M. le Président, vous connaissez mieux que moi la situation, par exemple, de l'est de Montréal, des secteurs du sud-ouest de Montréal, de certains quartiers de Laval et d'autres secteurs du Québec.

Quant à votre question bien spécifique, nous, à la Société, avec d'autres partenaires de la région de Montréal, on est bien conscients que c'est en deçà du revenu minimum garanti ou de mesures de revenus qui sont indiquées, par exemple, par le conseil canadien du bien-être. Mais on considère qu'actuellement, pour une famille de deux adultes — deux personnes — en bas de 18 700 $, dans la région de Montréal, et on exclut les allocations familiales ou les crédits d'impôt de toute nature, en bas de ce minimum-là, une famille, en tout cas dans le Montréal métropolitain, ne peut pas actuellement vivre de façon décente. Donc, ça veut dire que, si on regarde les critères actuels de l'aide juridique, il y a plusieurs bénéficiaires potentiels qui sont exclus parce que les montants ne concordent pas, ne correspondent pas au montant que je viens de vous indiquer.

Je ne sais pas si Mme Trottier aurait une réponse plus précise à ce niveau-là, sur la question de considérer les revenus mensuels ou annuels.

Mme Trottier (Michèle): Non. On en avait parlé dans nos recommandations, à la fin, par contre, quand on parle... On recommande que le gouvernement accorde le droit à l'aide juridique aux personnes seules qui ont un revenu annuel équivalent à 44 heures par semaine au salaire minimum, et qu'il établisse les autres barèmes en fonction de la taille de la famille tout en excluant du calcul du revenu les crédits et allocations pour combler les besoins essentiels.

Mme Caron: Mais ma question précise... Mme Trottier (Michèle): Oui. Ce n'est pas clair.

Mme Caron: Si on calcule annuellement, ça veut dire que, la personne qui se situe entre deux chaises, elle peut, effectivement, avoir reçu annuellement plus que ce montant-là, sauf qu'elle ne sera pas eligible à l'aide juridique parce que, justement, elle va avoir reçu plus. Sauf que, au moment où elle a besoin de l'aide juridique, elle est entre les deux chaises; donc, elle n'a

pas de revenus, à ce moment-là, et elle risquerait, elle, d'être exclue.

Mme Trottier (Michèle): Je pense qu'à ce niveau-là on recommande... C'est sûr qu'en termes de pauvreté on regarde sur une base... Non, c'a été vu d'une façon annuelle, mais on voit souvent des gens, justement, qui sont privés de certains recours parce que, bon, la personne avait pu faire un salaire de 30 000 $, mais là, les quatre derniers mois de l'année, elle n'a plus rien; elle vient nous demander de l'aide. Et c'est là, dans le fond, qu'il faudrait vraiment — je ne sais pas — le voir d'une façon hebdomadaire ou mensuelle, à ce niveau-là, mais vraiment tenir compte de la situation que vit la personne dans le contexte où elle demande de l'aide et non sur une base annuelle. Et ça se vit beaucoup. (10 h 40)

Mme Caron: C'est exactement ça que je voulais vous faire préciser parce que, quand on regarde uniquement au niveau de la base annuelle... Et je pense particulièrement aux femmes qui se retrouvent en situation de séparation. Si on regarde les revenus annuels, parfois, les revenus annuels étaient intéressants, mais la situation actuelle est différente et, ça, ça peut être difficile.

Dans votre mémoire aussi, lorsque vous nous parlez de certaines clientèles que vous voulez défendre... Dans votre mémoire, en page 3, besoins essentiels, vous nous parlez, évidemment, des familles, des familles monoparentales, des personnes seules, de celles qui vivent de la sécurité du revenu, les personnes en attente de chômage ou recevant des prestations de la CSST, les personnes âgées. J'imagine, évidemment, qu'on doit comprendre aussi, par les familles, les travailleurs et les travailleuses qui sont au salaire minimum parce que, actuellement, ils ne sont plus couverts par l'aide juridique et, au moment de l'instauration de la loi en 1972, ils étaient couverts.

Donc, actuellement, on se trouve dans la situation où les travailleurs et les travailleuses à salaire minimum ne sont pas éligibles à l'aide sociale et certains bénéficiaires d'aide sociale, qui reçoivent plus en revenus que les travailleurs au salaire minimum, sont éligibles parce qu'ils sont bénéficiaires d'aide sociale, ce qui crée un petit peu, là, une certaine injustice, il faut le dire, parce que ces gens-là, parce qu'ils travaillent, sont finalement pénalisés et leurs revenus sont moins élevés.

Est-ce que cette catégorie de personnes fait aussi partie, pour vous, de ceux dont on doit tenir compte?

M. Boyer (André): Bien sûr, M. le Président, Mme la députée, tantôt, quand j'apportais un chiffre de revenu que, nous, on considère comme étant ce qui nous apparaît de base pour vivre dans la grande région de Montréal, je pense que déjà, évidemment, c'est au-dessus du salaire minimum, et le salaire minimum nous apparaît vraiment le seuil. Peut-être que Me Morgan pourrait aussi préciser là-dessus ou sur la question aussi de la notion du ticket modérateur.

M. Morgan (Lawrence): C'est qu'on a évoqué, dans les documents de travail qu'on a pu consulter, la perspective de relèvement des barèmes, mais assorti du ticket modérateur. Ça, il y a une opposition formelle, et on tient ici à le mentionner, parce que, évidemment, le montant qui serait exigé, même minime, les gens viendraient le demander à la Société de Saint-Vincent-de-Paul et, là, ce serait un «surdépannage». Donc, évidemment, on n'a pas de fonds pour ça.

Mme Caron: J'aimerais aussi vous entendre. Vous avez parlé, dans vos remarques préliminaires, de la perception des pensions alimentaires et, effectivement, ce sont certains dossiers qu'on retrouve. Est-ce que vous seriez en faveur, pour alléger un petit peu le système, de la perception automatique des pensions alimentaires?

M. Boyer (André): M. le Président, Mme la députée, moi, je pense que ce serait une façon, en tout cas, d'aider à solutionner le problème parce que, là comme souvent dans d'autres situations — je ne sais pas comment, au niveau des services juridiques de l'État, on réfléchit à la question, ou quelle réponse on a à ça — il y a des ordonnances qui sont très précises.

Et la difficulté, c'est l'application des ordonnances et non seulement, je pense, pour la perception des pensions alimentaires, mais également dans d'autres secteurs. Alors, quand on se retrouve avec une ordonnance très précise et qu'elle n'est pas appliquée, quel recours, ultimement, peut avoir la personne qui s'est vu octroyer un droit, mais qui ne peut pas le faire respecter? Me Morgan, avez-vous des commentaires?

M. Morgan (Lawrence): Oui. Une observation qu'on a pu faire, mais, là, on est dans un dilemme, c'est de constater, évidemment, qu'il y a beaucoup de procédures qui se font avec un résultat relativement faible parce qu'il y a la difficulté d'exécution. Donc, il peut y avoir un risque de gaspillage social à multiplier des procédures qui ne sont pas exécutées. On doit bien constater que l'État fait peu exécuter, également, les obligations matrimoniales. Les affaires de refus de pourvoir, les condamnations de ce côté-là sont rarissimes de nos jours. Et on peut se poser aussi la question de la violence que ça pourrait engendrer ou davantage de travail au noir, si on continue, disons, à exécuter des mesures sévères contre les gens qui font défaut de payer.

De ce côté-là — évidemment, on n'a pas étudié en détail toute cette question des pensions alimentaires; je pense qu'il y a d'autres instances qui l'ont fait au niveau parlementaire — on constate ici qu'il y a peut-être un manque de stratégie publique pour régler ce problème-là.

Mme Caron: Vous avez répondu à quelques questions tantôt concernant les tribunaux administratifs, disons, d'une manière plus générale — qu'on pense à la CSST ou à la Régie du logement — et vous avez bien dit que, finalement, un citoyen bien informé serait en

mesure de se défendre. Pour avoir rencontré souvent les personnes qui ont à se rendre à la Régie du logement ou, d'une manière beaucoup plus formelle, à la CSST, vous savez que la partie patronale, à la CSST, se retrouve toujours avec des avocats extrêmement spécialisés dans ces dossiers-là. Il y a même certains gros employeurs qui ont quelques avocats à leur service, qui font tous les dossiers de la CSST. Donc, si ce n'est pas l'employeur, c'est l'État, et l'État se retrouve ou avec des avocats aussi spécialisés ou avec des fonctionnaires — je pense à l'aide sociale — qui sont des experts dans leur domaine. Et je vous avoue que, pour être vraiment même un citoyen bien, bien informé, là, je sens qu'il y a vraiment deux poids, deux mesures, pour la représentation qu'on a à faire. Et, si on pense, par exemple, à la CSST, c'est souvent une question de survie. Si les personnes n'obtiennent pas gain de cause, ce sont des personnes qu'on va retrouver chez vous, après, parce qu'elle vont être des personnes qui n'obtiendront pas le revenu pour vivre. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il y a un risque, là, même pour l'information? Et la clientèle à laquelle vous vous adressez, est-ce que vous croyez sincèrement que ces personnes-là sont suffisamment armées, là, pour aller défendre elles-mêmes des dossiers aussi complexes que ceux de la CSST ou de l'assurance automobile?

M. Boyer (André): Bien sûr, je pense qu'il y a là une question d'accompagnement, de support. Mais, là, je vais entrer un petit peu dans ma vie professionnelle de tous les jours. La Société de Saint-Vincent-de-Paul, évidemment, n'est pas mon lieu de travail à plein temps. Je travaille dans un CLSC qui est particulièrement près de ces problèmes de sécurité au travail, dans le centre-ville, et où un service d'information de base auprès des travailleurs et des travailleuses aide déjà énormément, je pense, à faire un premier déblayage terrain, quitte, après, à recourir à des services juridiques. Mais je pense que, quand il y a vraiment une volonté de concertation, on peut faire énormément sans nécessairement aller tout de suite au volet juridique. Me Morgan, est-ce que vous avez des choses à ajouter?

M. Morgan (Lawrence): Peut-être que toutes les distinctions qui s'imposent ne sont pas reflétées dans le document de quelques pages. C'est clair qu'on a besoin d'avocats pour aller, dans certains cas, à la CSST, mais, le message qui est ici passé, c'est qu'il y aurait place pour une relative déjudiciarisation de certaines actions. Ça ne prend pas nécessairement un avocat pour tout.

Mme Caron: Oui.

M. Morgan (Lawrence): Pour un problème de chauffage, est-ce qu'on a vraiment besoin d'un avocat à la Régie du logement? Pour un problème de résiliation de bail, peut-être. Il y a de ces distinctions. Voilà ce qu'on cherche à passer. On souhaiterait peut-être plus de déjudiciarisation, en donner plus aux citoyens, pas né- cessairement moins aux avocats, mais mieux utiliser les avocats, en permettant aux citoyens de s'aider eux-mêmes.

Mme Caron: Vous parlez, à juste titre, M. Boyer, qu'au niveau du CLSC on va informer les citoyens et tout ça, et on le fait aussi beaucoup dans les bureaux de comté, au niveau de la CSST; on se parle du niveau où la personne, bon, complète sa demande. Mais, quand on se parle de dossiers qui se retrouvent à l'aide juridique, au niveau des tribunaux administratifs, ce sont les dossiers, là, qui sont refusés, ce sont les dossiers qui sont en appel et là c'est beaucoup plus complexe et c'est extrêmement difficile, à ce moment-là, même pour un citoyen bien informé, de pouvoir se défendre. mais je pense qu'on retient bien votre message, qu'il y a lieu, avant que les dossiers se rendent à ce niveau d'appel, d'informer davantage, d'aider pour que, justement, les dossiers ne se rendent pas jusque-là. je pense que vous avez raison, et je pense que ça va même jusqu'à dire que nos fonctionnaires qui administrent nos lois doivent aussi être extrêmement attentifs dans h façon dont on les applique pour justement éviter que certains dossiers, qui n'ont vraiment pas lieu de se retrouver en appel... on a vu des dossiers de la csst, des demandes de prothèses dentaires, se retrouver er appel, et ça avait coûté une fortune pour finalemeni avoir gain de cause. je pense qu'à un moment donné, au niveau de l'application de nos lois aussi, il y a probablement un effort à faire. (10 h 50)

Mme Trottier (Michèle): mme la députée, c'est important de mentionner aussi que c'est lors de conflits moindres. on a de plus en plus, dans notre clientèle, des gens qui étaient d'anciens travailleurs, même d'anciens cadres de compagnies, qui sont capables... on ne parle pas... on a un bon 60 % de notre clientèle qui sont des gens très démunis, mais il y en a quand même une partie, dans ces gens-là, qui, eux, ont maintenant les capacités pour aller se défendre, mais toujours lors de conflits moindres. et on voulait parler surtout dans des cas de problèmes de propriétaires-locataires, ce qui arrive très souvent. c'était plutôt à ce niveau-là.

Mme Caron: Merci de cette précision-là. J'aurais peut-être une dernière question. Parce que, à la page S, vous nous dites qu'il faut s'interroger à savoir si le coûl des services de médiateurs familiaux serait beaucoup moins élevé que les services de permanents de l'aide juridique. Alors, concernant la médiation, j'aurais aimé vous entendre un petit peu plus. Hier, on n'a pas entendu les représentants du groupe Logement populaire en Abitibi—Témiscamingue, qui ne se sont pas rendus, mais, dans leur mémoire, ils nous parlaient d'instaurer un système spécialisé de médiation. Et, là, vous nous soulevez une interrogation à savoir si ce serait plus dispendieux que les services d'aide juridique. Pouvez-vous préciser votre pensée là-dessus?

M. Morgan (Lawrence): C'est que, dans ces questions-là, la Société a indiqué ne pas être une experte. Là, on fait face à différents documents, différentes thèses, mais qui ne font pas l'objet de comparaison. On a constaté... et cette réflexion-là — il y en a quelques-unes aussi dans le document — reflète une critique qui se veut constructive du document de travail, très bien fait, par ailleurs, qui a été présenté et qu'on a examiné. Mais on explore très peu les voies alternatives, très peu également les coûts comparatifs de ces voies-là. Et c'est pour ça, ici, qu'on ne conteste pas qu'il y a un intérêt à la médiation ou à autre chose, mais on dit comment on s'interroge sur les comparaisons de coûts; on n'arrive pas à se prononcer nous-mêmes. On est cependant intéressés, d'abord, aux résultats concrets, sur le terrain. Et, avant — c'est la philosophie qui s'inspire du document — c'est qu'on n'est pas nécessairement partisans d'une base zéro, et on va voir ce que ça donne, il n'y a plus d'aide juridique, et on recommence après. On dit: Un instant! Il doit y avoir, avant de changer des choses, la preuve ou la démonstration que ce qu'on propose est au moins aussi bien que ce qu'on a.

Mme Caron: Merci beaucoup.

Le Président (M. Messier): Merci beaucoup. M. le ministre, pour remercier les gens.

M. Lefebvre: Me Morgan, vous avez indiqué tout à l'heure que vous considériez, au niveau de la perception des pensions alimentaires — même si je pourrais vous indiquer tout de suite, et à Mme la députée de Terrebonne, que c'est plus ou moins pertinent... Cependant, l'aide juridique, effectivement, est, à l'occasion, impliquée dans la démarche de la perception des pensions. Sauf que vous avez spécifiquement parlé de la pension alimentaire et de la perception des pensions. Vous avez mentionné tout à l'heure qu'il y a un manque de stratégie publique ou gouvernementale. Est-ce que vous n'êtes pas d'accord avec moi que, d'abord et avant tout, avant de... Remarquez bien qu'on le fait présentement, au gouvernement, on est à mettre en place un processus de perception automatique des pensions alimentaires. On en est rendu là, savez-vous pourquoi? Parce qu'on a oublié d'éduquer les débiteurs des pensions alimentaires. On a oublié de rappeler à ces gens-là que ce sont d'abord eux qui sont responsables et, règle générale, ce sont des pères. Parce qu'ils ont été condamnés, d'autant plus qu'ils ont été condamnés par des tribunaux, à payer des pensions alimentaires, ce sont d'abord les débiteurs des pensions alimentaires qui doivent prendre soin de leur famille, avant l'État. Et peut-être qu'on n'a pas assez insisté, au cours des dernières années, pour rappeler aux débiteurs des pensions alimentaires que, lorsqu'ils font défaut de s'acquitter de leurs droits, c'est l'État — et, l'État, ça veut dire tous les citoyens — qui doit payer à la place de ces gens-là.

Est-ce que vous ne pensez pas qu'on devrait, à l'occasion, revenir — et le plus souvent possible quant à moi — sur cette obligation, contenue dans le Code civil, qui est claire, que le débiteur d'une pension alimentaire pour sa femme et ses enfants — règle générale, je me répète, c'est souvent et presque toujours un père... Et j'ai l'impression que ça a été oublié, ça, au Québec, au cours des dernières années. C'est l'aide sociale, maintenant, qui, à défaut du père, doit payer pour des enfants et pour une femme qui est souvent en état de besoin extrême. Est-ce que vous ne croyez pas qu'on devrait revenir sur cette notion fondamentale, sur ce principe fondamental qui veut qu'un père doit prendre soin de sa famille?

M. Morgan (Lawrence): Ça, c'est évidemment une obligation qui découle des lois naturelles et qu'on ne saurait abroger de quelque façon. La difficulté qui était soulevée ici, à laquelle j'ai fait allusion antérieurement, c'est celle d'un grand nombre d'interventions, par des mandats de l'aide juridique, qui produit un grand nombre de jugements, avec un taux d'exécution plutôt faible. On peut se poser la question à savoir si c'est pertinent de continuer dans cette voie de judiciarisation pour obtenir beaucoup de jugements, et dont l'exécution est relativement faible, de telle sorte qu'on constate effectivement les interventions de l'aide sociale et les autres interventions dont il a été question, mais on ne voit pas peut-être encore — vous mentionnez qu'il y a un travail qui se fait dans ce sens-là — se dégager de synergie, si je peux employer le mot, qui permettrait de régler le cas. On sait qu'il y a eu des propositions avancées d'avoir un tribunal de la famille, d'avoir des instances et une organisation centrées sur la famille, mais il semble y avoir encore, bien sûr, des difficultés d'ordre constitutionnel qui ne permettent pas la réalisation.

M. Lefebvre: Comment expliquez-vous le fait qu'il y ait tant de résistance à payer de tant de débiteurs de pensions alimentaires? Ce qui m'apparaît, comme vous l'avez indiqué vous-même, une obligation naturelle. Comment se fait-il qu'au cours des ans se soit développée cette carence au niveau des débiteurs des pensions alimentaires? C'est quelque chose qui m'appa-raît tellement évident qu'on doit prendre soin de ses enfants.

M. Morgan (Lawrence): Évidemment, ce n'est pas quelque chose... Je pense que M. Boyer répondrait mieux, parce que ce n'est pas un problème d'ordre juridique, mais plutôt d'ordre social.

M. Lefebvre: M. Boyer. Oui, c'est peut-être à ce niveau-là, M. Boyer.

M. Boyer (André): Effectivement, je pense que c'est un problème social important, quelque part, de responsabilisation, comme vous le dites si bien. Qu'est-ce qui a fait qu'au cours des ans, comme vous dites, c'est surtout les hommes qui se sont désengagés de cette responsabilité?

M. Lefebvre: Parce que, règle générale, le débiteur d'une pension, c'est un homme. À l'occasion, ça peut être une femme, évidemment.

M. Boyer (André): Absolument. Vous avez tout à fait raison. Je pense que ça fait partie, d'une certain façon, de ce laisser-aller collectif qu'on observe souvent, sauf que, moi, je me dis qu'en bout de ligne il ne faut pas que la femme et les enfants soient pénalisés outre mesure d'un abandon de responsabilités de l'individu par rapport à ses enfants. La raison fondamentale, je pense que je ne la possède pas plus que, peut-être, les membres de cette Assemblée, mais je pense que, quelque part, il y a sûrement cette «déresponsabilité» générale qu'on observe aussi à d'autres niveaux.

Le Président (M. Messier): M. le ministre, il y a M. le député de Laval-des-Rapides, M. Ménard, qui aimerait poser une question, puis après ça, remercier. O.K., parfait.

M. Lefebvre: Oui, oui, allez-y. Je pourrai conclure. Merci.

Le Président (M. Messier): M. Ménard.

M. Ménard: Merci. Je ne suis pas encore trop, trop habitué aux règles. J'ai trois sujets. Je vais commencer peut-être par le plus important ou plutôt celui sur lequel j'estime que votre expertise est la plus utile.

D'abord, je vous remercie de nous avoir apporté votre expertise. On a besoin de gens comme vous, qui s'occupent des gens les plus démunis, pour avoir un point de vue essentiel.

La première chose dont je voudrais vous parler, c'est la médiation, effectivement, qui, selon vous, ne serait peut-être pas la meilleure solution. J'ai remarqué, quand j'étais bâtonnier du Québec, que, sur les insistances du bâtonnier de Québec, c'est-à-dire de la région, on avait créé, au Barreau, un programme. On s'était lancés dans la médiation, dans la conciliation; on avait même débloqué 70 000 $ de fonds pour la publicité et la formation des avocats en médiation. Puis, à ma grande surprise, quand on avait annoncé ce programme, qu'on espérait vraiment dans l'intérêt public, il y a des gens qui nous avaient parlé contre ce programme, ce à quoi on ne s'attendait pas du tout. C'étaient les gens qui représentaient les femmes dans ces situations, nous signalant qu'étant donné l'actuelle situation d'infériorité des femmes — que nous voulions changer — les femmes n'arrivent pas, dans un processus de conciliation, comme les hommes qui ont l'expérience de la conciliation. Elles font une liste de leurs besoins essentiels; elles enlèvent même des choses qu'elles voudraient avoir, qu'elles pensent qu'elles devraient avoir; dans un esprit de conciliation, justement, elles les enlèvent au départ. Tandis que l'homme, qui est plus expérimenté dans le domaine des affaires, arrive à une conciliation avec un programme de points qu'il va céder, de sorte qu'ils n'arrivent pas à égalité dans la médiation. Les gens les plus faibles perdent par rapport aux gens les plus astucieux et qui ont le plus d'expérience, alors qu'un juge donnerait à celui qui a droit exactement ce à quoi il a droit. Cette personne démunie a besoin de l'assistance d'un professionnel qui va l'informer de ce à quoi elle a droit. Est-ce que ça rejoint votre expérience? (11 heures)

Le Président (M. Messier): M. Boyer, rapidement, parce que le temps est écoulé déjà, là.

M. Boyer (André): Oui. Effectivement, je pense qu'au départ le rapport de force n'est pas nécessairement le même, malheureusement, entre l'homme et la femme, au moment de la médiation, et souvent, pour toutes sortes de raisons, l'homme arrive avec des choses très ordonnées et la femme va arriver, à cause probablement de la situation où elle pense aussi à la question des enfants et pour toutes sortes d'autres considérations, avec peut-être une volonté plus évidente de s'impliquer dans un processus de médiation, alors que chez l'homme c'est peut-être davantage une question de rapport de force, de gain.

Peut-être que Mme Trottier aurait des idées.

Mme Trottier (Michèle): Bien, nous autres, ce qu'on peut remarquer, c'est qu'elles sont souvent très désabusées, parce qu'elles disent: Bon, peu importe ce qu'on va faire, la façon dont on va le faire, en bout de ligne, il ne paiera pas la pension alimentaire. C'est là le problème qu'on voit. Il ne la paie pas. Souvent, quand il travaille, bien, là, il s'arrange pour être sur l'aide sociale, ce qui fait que là il n'en a plus, de pension à payer. Elles sont très, très désabusées par rapport à ça et, effectivement, elles manquent beaucoup de moyens aussi pour aller lutter contre leur ex-conjoint, même en service de médiation. Effectivement, dans la plupart des cas, lui, il va être beaucoup plus aguerri et mieux outillé qu'elle. On l'a remarqué, effectivement.

Le Président (M. Messier): Merci beaucoup, Mme Trottier. M. le ministre, juste pour remercier les gens, s'il vous plaît.

M. Lefebvre: Alors, merci, M. le Président. Alors, M. Boyer, et madame et M. Morgan, je veux vous remercier d'être venus faire des commentaires sur un mémoire que vous nous aviez déjà, évidemment, présenté, mémoire qui souligne des faits que vous constatez vous-mêmes sur le terrain. Dans ce sens-là, vous avez une expérience extrêmement pertinente, là, qui rend votre mémoire et votre témoignage extrêmement crédibles.

Je veux juste terminer en soulignant que vous indiquez, dans votre mémoire, souhaiter qu'on améliore le seuil d'admissibilité pour jusqu'à l'équivalent d'une personne ayant un revenu annuel équivalant à 44 heures-semaine au salaire minimum. Je vous rappelle que, si

c'était le cas, ça voudrait dire très rapidement, là, une personne seule, 13 360 $, et un couple avec deux enfants, parce que c'est, règle générale, nos critères de base, 26 720 $. Ça représenterait, là, selon les calculs qu'on a faits au ministère, des coûts d'environ 32 000 000 $. Je veux juste vous indiquer ce que ça représenterait si demain matin on se rendait à votre souhait.

Le Président (M. Messier): En conclusion, M. le ministre.

M. Lefebvre: Je conclus en vous remerciant, en vous indiquant qu'on tentera le plus possible de se rapprocher de ce que vous souhaitez être les améliorations qu'on doit apporter aux bénéficiaires que vous côtoyez à tous les jours. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Messier): Merci beaucoup, M. le ministre, l'Opposition officielle. Les gens de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, on vous remercie.

Je vais suspendre une minute, le temps que le Projet Genèse se présente en avant. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 4)

(Reprise à 11 h 6)

Le Président (M. Messier): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Laval-des-Rapides, s'il vous plaît, à l'ordre! On va l'habituer aux normes.

Je demande au Projet Genèse de se présenter, s'il vous plaît.

Bonjour! Vous êtes seul de votre groupe?

Projet Genèse

M. Goldman (Richard): Oui. Je m'appelle Richard Goldman.

Le Président (M. Messier): O.K. Ça va prendre juste un petit instant. M. le ministre... O.K., parfait. Je vous laisse votre droit de parole de 20 minutes. Vous vous présentez et, après ça, il va y avoir un échange de part et d'autre. Allez-y, monsieur.

M. Goldman (Richard): Très bien. Alors, je m'excuse au nom de mes deux collègues qui n'ont pas pu se présenter aujourd'hui à cause de quelques urgences. Comme je l'ai mentionné, je m'appelle Richard Goldman. Je suis avocat, je travaille à temps partiel au Projet Genèse. Vous avez, à la première page de notre mémoire, une petite présentation de notre groupe. Évidemment, on est moins connus que la Société Saint-Vincent-de-Paul, mais quand même je vais vous donner quelques petits détails.

On est un groupe voué à la défense et à l'assistance des gens démunis de notre quartier, Côte-des-Neiges, à

Montréal. C'est un quartier très multiethnique. On a une clientèle très défavorisée financièrement. On travaille beaucoup de manière multidisciplinaire en équipe; ça veut dire avocats, travailleurs sociaux, organisateurs communautaires.

En ce qui concerne le volet juridique, dont je suis le responsable, nous avons une clinique juridique avec 10 étudiants ou stagiaires en droit qui viennent de l'Université McGill et de l'Université de Montréal. Nous avons également à peu près 10 avocats bénévoles. Nous avons à peu près 900 dossiers de nature juridique par année, pour vous donner une idée très générale. Mes responsabilités personnelles sont de former les étudiants en matière de droits sociaux et de réviser leurs dossiers.

Juste pour que vous ayez une idée de mes autres, disons, expériences avec l'aide juridique, j'ai été, avant, avocat à l'aide juridique pendant un an. Et, dans ma pratique privée — parce que je travaille dans un centre communautaire à temps partiel — dans ma pratique privée, je fais presque uniquement des cas d'aide juridique. Alors, je connais un peu tous les côtés du système.

Comme, évidemment, vous avez notre mémoire, je ne vais pas essayer de tout résumer. Je vais juste peut-être mentionner quelques détails qui m'intéressent particulièrement dans mon travail d'avocat ou m'y attarder. De manière très générale, dans notre introduction, on mentionne que nous croyons que les services d'aide juridique sont actuellement insuffisants. On devrait parler d'une augmentation plutôt que d'une restriction, que les barèmes devraient être levés ou augmentés et qu'il serait absolument, selon nous, impossible d'imposer tout ticket modérateur ou une autre participation financière de la part des clients.

J'aimerais vous demander quelque chose. Je ne sais pas si votre version est paginée ou non. Ha, ha, ha! Non, hein? O.K. Je ne sais pas si ce serait utile de paginer pour référence. Ha, ha, ha! Si on commence, après la page titre, avec la page 1...

Le Président (M. Messier): Question. Est-ce que, M. le ministre aussi, vous avez le texte? Je sais que vous avez les notes.

M. Lefebvre: Oui.

Le Président (M. Messier): O.K. Commencez votre pagination, on va suivre.

M. Goldman (Richard): Mais c'est ça. La page après la page titre, ça va être la page 1, puis, comme ça, ça va terminer à la page 9. O.K.? Je m'excuse. Ça démontre qu'on est vraiment un groupe communautaire pure laine.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Messier): Un bel essai. Un bel essai. (11 h 10)

M. Goldman (Richard): O.K. Donc, l'introduction, c'était la page 2. On est rendus à la page 3: Nécessité d'accroître les services et l'admissibilité. J'aimerais souligner le fait que, selon notre expérience, disons, les personnes qui n'ont pas droit à l'aide juridique parce qu'elles tombent entre ces fameuses deux chaises se trouvent avec beaucoup de problèmes à se défendre, à s'endetter, etc. On peut penser à quelques exemples qui nous reviennent presque quotidiennement au Projet Genèse. Surtout en droit de la famille, on voit beaucoup ça. C'est des gens, surtout des femmes, qui sont en difficulté financière, mais pas au point d'être éligibles à l'aide juridique. Quand elles doivent se présenter pour débattre les pensions alimentaires, pour débattre le patrimoine familial ou même la garde d'enfants, elles se trouvent en situation très difficile. Si leurs maris sont dans un esprit de guerre, s'ils sont prêts à dépenser 10 000 $ pour gagner à tout prix, c'est très, très difficile pour ces femmes-là de se défendre comme il faut. Il en est de même dans le domaine du logement. Évidemment, comme on l'a mentionné, il y a des cas plus sérieux que d'autres en matière de logement. On voit ça, par exemple, dans les cas de reprise de possession et de rénovation ou de l'éviction du locataire visé.

Si on passe à la prochaine page où on voit «B) Accroître les services», j'aimerais commenter sur quelques-unes des propositions dans votre document. On a mentionné la possibilité de limiter ou de nier les services où il y a un bénéfice minime comme 10 $. Alors, je pense qu'ici il y a une question à se poser. Si on prend l'exemple de quelqu'un qui est coupé de 10 $ d'un chèque de bien-être social, est-ce que ça vaut la peine de payer un avocat pour le défendre? Mais je pense qu'il y a une question de principe très importante qu'on devrait se poser.

Quand on parle, par exemple, de vol à l'étalage où il y a aussi peut-être une affaire de S $ ou 1 $ qui est en question, on ne se pose jamais la question: Est-ce qu'on devrait embaucher des procureurs de la couronne, est-ce qu'on devrait embaucher des policiers pour poursuivre ces affaires-là ou est-ce qu'on devrait laisser faire si c'est moins de 10 $ et mettre des ressources économiques ailleurs? Parce que c'est une question de principe, une question d'égalité fondamentale. Alors, est-ce que ce n'est pas la même question de principe quand il s'agit de 10 $ enlevés de manière injuste ou illégale du chèque de bien-être social de quelqu'un? Je vous soumets que c'est une question encore plus importante.

On a mentionné, dans la même veine, dans votre document, de manière plus spécifique: si le bénéfice est moins que ce qu'on paie à l'avocat... Là, dans notre document, on a donné l'exemple d'un cas de bien-être social, et ça arrive dans... Je ne sais pas si des exemples pratiques vous intéressent, mais on voit ça très souvent, des affaires où c'est moins que l'avocat serait payé pour le cas. Par exemple, l'aide sociale paie 200 $ pour un déménagement pour motif de santé. C'est souvent — bien, je ne sais pas si c'est souvent — mais, nous autres, on voit souvent des cas où c'est nié. Il faut aller en révision et même à la Commission des affaires sociales. 200 $, c'est moins que ce qu'un avocat est payé pour aller en révision, parce qu'un avocat est payé à peu près 260 $ pour aller en révision et 460 $ pour aller à la Commission des affaires sociales. C'est encore moins que ce que l'avocat est payé pour aller à la Commission, mais ça peut être presque la moitié du chèque de quelqu'un.

Au Projet Genèse, dans notre quartier, il y avait un moment où le bureau d'aide sociale était presque systématiquement en train de nier les bénéfices, les prestations pour le premier mois. Ça marche de la façon suivante, comme vous le savez probablement: si on fait une demande de bien-être social le 15 du mois, on a droit aux prestations de la moitié du mois, puis du mois suivant en entier. Mais, pendant un certain bout de temps, le bureau était presque systématiquement en train de nier ces prestations. Évidemment, ces prestations-là, c'est toujours moins qu'un mois, c'est un mois partiel. Si on employait un système où le bénéfice escompté était pris en considération, on ne pourrait jamais contester ça. Disons, les personnes n'auraient pas eu droit à un avocat qui connaît bien la jurisprudence de l'aide sociale.

O.K. Si on passe à la prochaine page, la page S, on parle de l'idée de ne pas maintenir la couverture dans les cas où la représentation par un avocat n'est pas nécessaire. Dans l'intervention de la Société Saint-Vincent-de-Paul, on a mentionné quelques hypothèses, par exemple, à la Régie du logement. Il est aussi notre expérience que les propriétaires, quand il y a quelque chose vraiment en enjeu, viennent avec des avocats. Même un citoyen bien informé aurait de la misère à bien se défendre, pour ne pas parler de beaucoup de nos clients qui éprouvent des problèmes de communication, de santé mentale, etc. Alors, je vous soumets que ce serait très difficile de dire d'une manière générale qu'on ne devrait pas, par exemple, avoir de l'aide juridique pour des cas à la Régie du logement. Il existe déjà une certaine soupape de contrôle, parce que, comme vous le savez, il y a toujours deux critères dans l'émission d'un mandat ou l'acceptation d'un cas à un bureau d'aide juridique: il y a la vraisemblance du droit et le critère financier.

Quand j'étais à l'aide juridique comme avocat permanent, il nous arrivait de nier des mandats quand il n'y avait aucune apparence de droit. Comme par exemple dans des cas de fixation de loyer en défense, quand il n'y avait absolument rien de spécial dans le cas, il n'y avait aucune raison de croire que cette personne avait besoin d'une assistance; on niait le mandat tout simplement. Donc, il y a déjà un certain contrôle sur les cas où c'est absolument flagrant ou évident que l'assistance d'un procureur n'est nullement nécessitée.

Mais, si on voulait poursuivre dans cette ligne, par exemple, de déclarer la Régie du logement une sorte de zone démilitarisée où les avocats sont interdits, je pense que ça devrait être des deux côtés. On pourrait imaginer une situation où la Régie du logement deviendrait comme la Cour des petites créances, où on n'a pas

droit aux avocats, mais des deux côtés: du côté du propriétaire comme du côté des prestataires du bien-être social ou des bénéficiaires de l'aide sociale. À moins d'une telle réforme, je vous suggère qu'en ce qui concerne le logement on ne pourrait aucunement avoir une situation où de manière systématique on nie la représentation par avocat.

D'une manière plus générale, on a mentionné le problème de «surjudicialisation» de notre État. Ça ne fait pas partie de notre mémoire, mais j'aimerais aussi mentionner que cette «surjudicialisation» peut être attaquée ou se manifeste de beaucoup de façons. Par exemple, dans mon travail d'avocat, je vois — et, ça, je trouve ça vraiment malheureux — que souvent les prestataires du bien-être social ne peuvent pas rejoindre leur agent pour avoir des clarifications. Ils appellent trois, quatre fois, ils laissent des messages, on leur dit d'appeler l'après-midi, ils appellent l'après-midi, on leur dit d'appeler le matin. Ils doivent appeler un avocat pour rejoindre leur agent de bien-être social. Là, l'avocat appelle, puis tout de suite l'agent est là, puis les réponses sont là.

De même, quand un dossier se rend en révision, c'est presque impossible de négocier des règlements avec les agents du bien-être social qui vont présenter des cas devant la Commission des affaires sociales, alors que souvent il me semble — c'est juste mon point de vue — qu'un règlement aurait pu être possible. (11 h 20)

Alors, ce sont peut-être mes préjugés, mais tout cela pour dire que la «surjudicialisation» peut être attaquée aussi avec des politiques administratives et avec des directives administratives. Ce n'est pas nécessairement juste en limitant la couverture ou l'envergure de l'aide sociale.

Alors, si on passe à la prochaine page, page 6, qui est comme juste un paragraphe en haut, ici on mentionne encore le fait que, selon nous, la couverture devrait être étendue. Je pense, et c'est particulièrement... et c'est mentionné aux cas de négligence ou de prétendue négligence médicale... Parce que, dans ces cas-là, on en voit beaucoup. C'est presque impossible, pratico-pratique, pour quelqu'un, de trouver un avocat pour mener un tel cas en demande.

Je pense que la responsabilité médicale est un peu spéciale. Si on pense aux autres sortes de dommages — ça peut être quelque chose de commercial ou ça peut être toutes sortes de choses qui ont peut-être moins tendance à affecter les plus démunis — mais la négligence médicale, évidemment, ça peut frapper n'importe qui. Aux États-Unis, ils ont l'air d'avoir réglé le problème d'une tout autre façon: les dommages accordés par les tribunaux sont tellement monstrueux que ce n'est pas difficile de se trouver un avocat. Ce n'est pas le cas ici, les cours sont beaucoup plus conservatrices. Ce n'est pas du tout le système «L.A. Law». Alors, c'est beaucoup plus difficile de se trouver un avocat.

Alors, je pense que, si on veut être une société juste et égale, il devrait y avoir une façon d'accorder cette couverture, sinon je pense que le gouverne- ment — ça déborde complètement le cadre de cette discussion — mais le gouvernement devrait penser peut-être à établir une sorte de tribunal administratif ou de régime, un peu comme le Régie de l'assurance automobile du Québec, pour régler les cas de responsabilité médicale, parce que, selon moi, c'est un problème très, très grave qu'on voit assez souvent aussi, où on n'a aucune réponse à suggérer au client.

Si on passe à la page 7, Faire payer l'usager-ère, encore une fois, il nous semble, au Projet Genèse, que les plus démunis, les prestataires du bien-être social, n'ont pas ces 10 $ à payer pour ouvrir un dossier. Au mois d'octobre, il y a eu une autre réforme, une petite mise au point des barèmes du bien-être social. Au lieu de recevoir 510 $, maintenant, les non-participants vont recevoir 500 $. Ça, c'est le barème de base. Alors, ils paient chaque mois leurs 10 $, on pourrait dire, mais en plus de ça ils ont perdu leur augmentation pour lé coût de la vie qui normalement arrive au mois de janvier. C'est un autre 10 $. Alors, selon nous, l'argent n'est pas là. Nous travaillons avec un organisme soeur, pour ainsi dire, qui s'appelle Multi Caf. C'est une cuisine communautaire qui donne des centaines de paniers et de repas par semaine. Alors, selon nous, même s'il s'agit de peu d'argent, les plus démunis ne l'ont pas en ce moment.

En ce qui concerne — si on passe à la page 8 — un financement alternatif, on trouve très intéressante l'idée de diviser les services d'information ou de prévention qui ont été mentionnés avec des services de représentation. Moi-même, quand j'étais à l'aide juridique, j'ai trouvé que c'était très, très difficile pour quelqu'un de rejoindre les avocats pour poser une petite question qui aurait pu prévenir un problème. Il fallait «faire» un rendez-vous, il fallait passer l'examen des finances, etc. Ça pouvait facilement durer deux, trois semaines. Alors, la prévention, à mon sens, ça pourrait régler beaucoup de dossiers d'une manière très efficace. Au Projet Genèse, c'est justement un peu ça, ce qu'on fait. C'est le genre de travail de prévention, parce qu'on ne va pas aussi loin que représenter le monde devant les tribunaux.

En ce qui concerne plus strictement le financement ou... bien, disons d'autres économies, on est très favorables à l'idée de confier l'attestation d'admissibilité à des personnes autres que des avocats. Encore une fois, selon mon expérience personnelle, quand j'étais à l'aide juridique, je passais beaucoup de temps — on mentionne ici à peu près le tiers du temps — à réviser des mandats. Dans 90 %, on les a acceptés tout simplement, dans 10 % à peu près, on les refusait et, dans ces 10 % là, probablement, la secrétaire m'avait déjà dit: Dans ce cas-là, c'est probablement un refus pour telle ou telle raison, parce qu'elle avait déjà examiné le dossier. Alors, selon nous, ce serait très efficace que la secrétaire ou la préposée ait le pouvoir de refuser... disons d'accepter, plutôt, et, dans les 10 % de refus possibles, de référer le dossier à l'avocat. O.K.? Dans ce cas-là, personne ne serait lésé.

En ce qui concerne, comme je dis, plus

strictement les finances, moi, en tant qu'avocat, chaque fois qu'il y a une baisse des taux d'intérêt et que le Barreau reçoit moins d'argent en intérêt, je suis cotisé pour d'autres choses. Par exemple, cette année, pour la première fois, j'ai une cotisation spéciale pour mes Recueils de jurisprudence du Québec et mon Annuaire de jurisprudence du Québec. C'est 100 $ ou quelque chose comme ça. Je ne serais pas du tout défavorable à payer 100 $ pour l'aide juridique ou 200 $ pour l'aide juridique. C'est peut-être parce que je reçois des mandats d'aide juridique, ha, ha, ha! mais il me semble que c'est tout à fait raisonnable comme cotisation. Évidemment, je ne suis pas ici comme représentant du Barreau, par exemple.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Messier): M. Goldman...

M. Goldman (Richard): Oui?

Le Président (M. Messier): Vos 20 minutes sont terminées. Vous pouvez continuer, mais on va empiéter sur le temps des deux formations politiques.

M. Goldman (Richard): O.K. En fait, j'aimerais juste, pour terminer, dire que je pense qu'on va peut-être me dire: Me Goldman, on a calculé ce que vous suggérez en ce qui concerne l'augmentation des barèmes; ça va nous coûter 100 000 000 $ si on fait ce que vous suggérez. Mais je pense que la question, c'est: Dans quel genre de société on veut vivre? Est-ce que c'est une société où on n'a pas de défense valable quand on est lésé?

Il y a aussi la question de prévention, parce que chaque personne qui n'a pas une défense adéquate en matière de droit criminel ou qui n'a pas assez d'argent pour vivre, qui va faire du vol à l'étalage dans un dépanneur et qui se rend en prison, nous coûte 10 fois plus cher qu'un prestataire du bien-être social. Alors, même s'il s'agit, évidemment, d'autre argent, je pense qu'on devrait voir ça en question de justice et de prévention aussi. Merci.

Le Président (M. Messier): Merci, Me Goldman. On va laisser le temps au ministre de la Justice, député de Frontenac.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Messier): Plaisir!

M. Lefebvre: Me Goldman, je vous remercie et je vous salue. Je veux vous remercier d'avoir soumis à la commission un mémoire qui part d'une expérience... Je fais référence particulièrement à votre expérience à vous, là, qui est considérable, parce que... Est-ce que vous êtes encore un permanent de l'aide juridique au moment...

M. Goldman (Richard): Non, non, non. Je suis à moitié temps au Projet Genèse et à moitié temps à mon compte.

M. Lefebvre: Alors, vous avez de toute façon été très impliqué dans le régime d'aide juridique, ayant été pendant quelques années, si je comprends bien, avocat à l'aide juridique comme permanent. Et vous participez présentement à une expérience qui m'apparaît être extrêmement positive, le Projet Genèse.

Je voudrais vous poser quelques questions, là, sur ce que vous vivez actuellement comme expérience. Vous dites, à la page 2 ou page 1, là: C'est ainsi que des avocats, sur une base bénévole, offrent des consultations gratuites. Ça se fait systématiquement à tous les jeudis soir. Comment ça procède? Est-ce que ce sont des gens qui se présentent chez vous directement ou s'ils ont été référés à l'occasion par des cliniques d'aide juridique?

M. Goldman (Richard): Non.

M. Lefebvre: Comment, ça fonctionne dans le quotidien, Me Goldman?

M. Goldman (Richard): Ce qui se passe, c'est qu'on fait de la publicité qui indique que les personnes peuvent se présenter sans rendez-vous ou peuvent appeler sans rendez-vous. On a, comme je l'ai mentionné, 10 étudiants en droit. Donc, on a une présence permanente d'étudiants en droit. Et, moi, je suis «on call», sur appel pour eux autres quand Us ont des questions, et je révise leurs dossiers. (11 h 30)

Alors, l'étudiant en droit est lié, évidemment, comme tout le monde par la loi du Barreau, ne peut donner que des renseignements. Si on a l'impression que cette personne devrait rencontrer un avocat mais pour une raison ou une autre ne devrait pas aller directement à l'aide juridique ou chez un avocat de la pratique privée, on la réfère à notre clinique du jeudi soir où, chaque jeudi soir, il y a un avocat qui rencontre à peu près six personnes pour une consultation d'une vingtaine de minutes.

M. Lefebvre: Ces avocats, qui travaillent sur une base bénévole, qui donnent des renseignements, des consultations, est-ce que ce sont des avocats qui viennent de la pratique privée ou du réseau de l'aide juridique?

M. Goldman (Richard): Non, de la pratique privée uniquement.

M. Lefebvre: Combien y a-t-il d'avocats, plus ou moins, impliqués dans la démarche, d'avocats de la pratique privée?

M. Goldman (Richard): À peu près huit avocats parce qu'on a une rotation de huit semaines.

M. Lefebvre: Est-ce que, à votre connaissance, ailleurs à Montréal ou dans la grande région métropolitaine, il y a d'autres projets ou d'autres initiatives semblables à la vôtre?

M. Goldman (Richard): À ma connaissance, c'est nous autres qui avons poussé ça le plus loin. Il y a d'autres cliniques qui font ça chaque deux, trois semaines, ou qui ont un ou deux étudiants en droit, mais je pense qu'on est les seuls à avoir une présence permanente d'étudiants en droit et une clinique hebdomadaire.

M. Lefebvre: Évidemment, il y a du bénévolat, il y a beaucoup de bénévolat dans votre démarche, mais il y a des employés permanents.

M. Goldman (Richard): Je suis le seul employé permanent qui est impliqué régulièrement dans la clinique juridique.

M. Lefebvre: II y a du secrétariat, il y a des...

M. Goldman (Richard): Comme vous voyez de la pagination, on n'a pas beaucoup de soutien de secrétariat. Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Je trouve ça très bien. Je trouve ça très bien, Me Goldman.

M. Goldman (Richard): II n'y a pas vraiment de soutien en termes de secrétariat.

M. Lefebvre: C'est strictement... Tout tourne autour du bénévolat.

M. Goldman (Richard): Oui, c'est ça, et de ma permanence.

M. Lefebvre: De quelle façon se fait le joint entre ce qui se fait chez vous et l'intervention de l'aide juridique? Lorsque vous dites que, si, par hypothèse, vous ne pouvez pas résoudre chez vous le dossier, c'est référé à ce moment-là à des avocats... ça tombe dans... c'est référé au système d'aide juridique, que ce soit aux permanents de l'aide juridique ou à un avocat de pratique privée? Comment procédez-vous?

M. Goldman (Richard): O.K. C'est une très bonne question parce que je pense qu'au début le Projet Genèse s'est même demandé: Pourquoi on aurait des services juridiques, alors qu'on a un réseau très étendu de services juridiques? On a commencé juste avec un étudiant en droit, après, trois ou quatre, et on a remarqué que le besoin était là, parce que, notre service, c'est surtout de l'information et de la prévention. Donc, souvent, l'aide juridique rend le même service, mais ça prend trop de temps; ça prend trois semaines ou quelque chose comme ça. Alors, souvent, on répond... souvent, les gens viennent nous voir deux, trois fois, et ça se résout avec les informations qu'on donne, mais, sinon, c'est exactement comme vous avez prévu: Us sont référés soit à l'aide juridique, s'ils sont éligibles, soit à un avocat de la pratique privée.

M. Lefebvre: Vous ne faites pas de représentation devant les tribunaux?

M. Goldman (Richard): Non. On n'en fait pas.

M. Lefebvre: Vous dites, à la page 3 de votre document, sous l'intitulé «Introduction», que vous souhaitez qu'on améliore l'accès à la justice aux citoyens les plus démunis tout en étant équitable par rapport aux autres citoyens. Auxquels citoyens faites-vous référence, Me Goldman?

M. Goldman (Richard): Nos références?

M. Lefebvre: Vous faites référence à ceux et celles qui ne seraient pas admissibles à l'aide juridique?

M. Goldman (Richard): Oui, c'est ça. Évidemment, il y a des limites.

M. Lefebvre: Oui. Et de quelle façon pourrait-on protéger ces autres citoyens là, selon vous?

M. Goldman (Richard): Mais je pense que...

M. Lefebvre: Je fais référence, je m'excuse, à la possibilité d'admettre une autre catégorie de citoyens à salaires plus élevés, avec une contribution quelconque. Je fais référence également à la possibilité, donc, par le Barreau, d'insister un peu plus sur l'assurance frais juridiques. Est-ce que vous avez une opinion là-dessus, quand vous parlez des autres citoyens?

M. Goldman (Richard): Oui, cette référence, je ne pense pas que c'était quelque chose de très profond. Tout ce qu'on voulait dire, c'est qu'on est conscient du fait qu'il y a des limites sur ce que le contribuable peut contribuer. Plus concrètement, ce qu'on a suggéré plus loin dans le document, c'est qu'il y ait une hausse des barèmes et que possiblement des personnes qui excèdent les barèmes puissent contribuer quelque chose pour participer. Ça nous semble...

M. Lefebvre: Ça, vous n'auriez pas d'objection à cette démarche-là?

M. Goldman (Richard): Non, et surtout que ça pourrait être une injection de fonds. Je ne sais pas à quel point ça serait intéressant, mais je pense qu'on n'aurait pas d'objection personnelle.

M. Lefebvre: Me Goldman, vous dites, à la page 7 ou 8 de votre mémoire, qu'«une autre hypothèse consiste à ne maintenir la couverture que dans les cas de

conséquences "sérieuses"». Vous faites référence au document «L'aide juridique au Québec».

Une voix: Oui.

M. Lefebvre: Je veux vous rappeler, en passant, et aux membres de la commission que ce document-là n'est pas nécessairement et strictement le fruit de la réflexion du ministère ou de l'ex-ministre de la Justice. Ça contient plein d'éléments qui nous ont été suggérés au cours des années par plein d'intervenants de tous ordres qu'on rencontre à l'intérieur du régime d'aide juridique.

Quand vous dites «dans les cas de conséquences "sérieuses"», est-ce que vous croyez qu'on pourrait évaluer la possibilité de ne pas dispenser les services en matière de droit pénal lorsqu'il est évident, parce que c'est indiqué dans la législation elle-même, qu'il n'y a aucune possibilité de peine d'emprisonnement? Est-ce que vous pensez qu'on pourrait évaluer cette possibilité?

M. Goldman (Richard): Je dois dire que je n'ai jamais fait de droit pénal, comme préambule. Jusqu'à un certain point, c'est déjà fait pour certaines sortes d'infractions. Mais ce n'est pas pour des... Je ne sais pas si on les catégorise de pénales, les infractions de la route.

M. Lefebvre: Le Code de la sécurité routière, oui.

M. Goldman (Richard): Oui. S'il y a des exemples semblables, je pense que ce n'est pas très déraisonnable de suggérer ça.

M. Lefebvre: Quand vous dites, à la page S de votre mémoire, quand vous suggérez d'étendre la couverture des services à des recours en dommages-intérêts, est-ce que vous ne croyez pas qu'on devrait plutôt inciter les avocats de pratique privée, soit en maintenant l'article 69 de la loi de l'aide juridique tel qu'il est, soit en le modifiant pour rendre la démarche encore plus intéressante pour les avocats de pratique privée? Est-ce que vous ne croyez pas qu'on devrait plutôt inciter les avocats de pratique privée à courir, à prendre le risque... Parce que vous savez que ça se fait, il y a certains avocats, il y a plein d'avocats, au Québec, qui sont prêts à prendre le risque: supporter, pendant un certain temps, un certain montant de frais, supporter le dossier jusqu'à l'échéance si l'avocat arrive à la conclusion qu'il a une bonne chance de succès relativement à un recours en dommages-intérêts. Est-ce qu'on ne devrait pas insister plutôt sur cette démarche vis-à-vis la pratique privée?

M. Godlman (Richard): Ce que, nous autres, on suggère, c'est qu'il y ait un mécanisme ou autre pour assurer une couverture par le régime de l'aide juridique. Que ce soient les avocats de la pratique privée, par le biais d'un article 69 amélioré, aucun problème, mais qu'il y ait une couverture quelque part.

M. Lefebvre: Ce que je comprends de votre commentaire, c'est que vous souhaitez qu'on agisse de telle sorte qu'un justiciable, un justiciable le plus démuni qui aurait un bon recours en dommages, puisse exercer son recours, soit bien informé, puisse le faire malgré ses besoins financiers. C'est ça que vous nous indiquez.

M. Goldman (Richard): Exactement. Et, même s'il y a certains avocats qui sont prêts actuellement à prendre des recours sur l'article 69, je dois dire que, nous autres, en plus d'être des avocats, d'être des dizaines d'avocats bénévoles, nous avons une liste de référence, par champs d'expertise, d'à peu près 30 à 40 avocats, et il n'y en a aucun qui accepte de mandat sous l'article 69.

M. Lefebvre: Et la même chose au niveau des recours pour négligence médicale?

M. Goldman (Richard): Oui. Sur l'aide juridique, on n'a pas — je parle juste de notre expérience—pu référer un avocat qui a finalement pris un dossier de négligence médicale sur l'article 69.

M. Lefebvre: Merci, Me Goldman. M. Goldman (Richard): Merci.

Le Président (M. Messier): Merci, M. le ministre. Mme la députée.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, Me Goldman, bienvenue chez nous, merci. J'avoue que, lorsque j'ai lu votre mémoire, j'ai été particulièrement impressionnée, et vos commentaires que vous nous avez ajoutés m'intéressent vivement parce que vous avez, en fait, une vision globale de la société, une vision globale de la justice. Personnellement, je pense que c'est ce qui manque le plus dans nos gouvernements. (11 h 40) quand on travaille par catégories, quand on regarde, qu'on scrute les problèmes par petites tranches très minimes, effectivement, souvent, on passe à côté et ça coûte beaucoup plus cher. quand, dans votre mémoire, vous nous parlez d'inéquité fiscale, à la dernière page, à la page 9, c'est une réalité. quand vous nous dites: ii y a des choses à revoir du côté des politiques administratives, effectivement, nos politiques administratives font en sorte que, souvent, l'état paie trois fois plus cher parce qu'il administre mal, parce que ses politiques administratives sont mal régies. quand vous nous dites: ii faut aussi se poser la question... oui, il y a des coûts, mais il faut se poser la question: quelle sorte de société on veut? et, quand on regarde le budget global de l'état, du côté de la santé, c'est 34 % du budget, et, si on se parle de justice, c'est 1 % du budget. quelles sont les valeurs fondamentales? je pense qu'on a du questionnement à faire là-dessus et que, pour régler le dossier de l'aide juridique... et, quand on se

dit, vous savez, juste placé à 80 % du MGA, c'est 32 700 000 $... Quand on sait que les coûts, uniquement en voyages, en téléphonie, c'est plus que ça, il faut qu'on fasse une réflexion qui soit beaucoup moins limitée que de se dire, uniquement au niveau de l'aide juridique, bon, bien, là on a une augmentation de 32 700 000 $. Il faut que la vision, pour trouver nos réponses, elle soit beaucoup plus globale.

Donc, j'ai trouvé intéressant votre mémoire. Vous présentez des exemples, et, en page 4, vous avez vraiment le bon exemple, là, quand vous posez la question pour savoir, bon, si c'est extravagant d'aider, si ça a vraiment une incidence importante pour la personne, le bénéfice escompté. Bien oui! Votre exemple, il est excellent. Pour une personne démunie, c'est évident que c'est important, même si c'est un montant limité, et de le mettre avec le principe de dire: Bien oui, mais, quand c'est un vol, est-ce qu'on va faire des poursuites pareil si c'est 10 $? C'est vraiment une question de principe. Alors, à cet égard-là, votre mémoire, je le trouve très, très intéressant, parce que je pense qu'il vient poser exactement les bonnes questions qu'il faut se poser. Et ça démontre que vous avez beaucoup de pratique, que vous travaillez régulièrement avec les citoyens, et je pense que ça nous démontre aussi que, la mise sur pied de cliniques juridiques, c'est extrêmement intéressant comme formule. Ça pourrait libérer, effectivement, beaucoup de choses, et je trouve que vous avez mis le doigt sur beaucoup, beaucoup de points majeurs. vous nous proposez de hausser jusqu'à 100 % du mga. et là j'aimerais vous entendre là-dessus parce que la plupart des mémoires nous demandent de ramener le barème à peu près à la clientèle de 1972, et on s'entend pour dire que c'est à peu près 80 % du mga. j'aimerais connaître les raisons, là, qui vous permettent de demander plus que les 80 %, quelle clientèle vous visez plus particulièrement. est-ce que c'est par les personnes que vous avez rencontrées en clinique que vous croyez que, finalement, la barre des 80 % de 1972 n'est plus la bonne mais que c'est plutôt celle des 100%?

M. Goldman (Richard): je pense que c'était plutôt par déformation professionnelle. on serait très content avec 80 %, mais il faut toujours en demander trop.

Mme Caron: Ah bon! O.K. C'est dans le principe de dire qu'il faut demander plus pour avoir moins. O.K. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Soyez prêt à régler pour 80 % aujourd'hui, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Caron: J'aimerais que vous nous précisiez un petit peu votre argumentation concernant les tribunaux administratifs, parce qu'il y une tentation, du côté de certains intervenants, pour dire: Écoutez, les tribunaux administratifs, ça coûte cher. Les personnes pourraient se défendre elles-mêmes. Selon votre expertise, et dans le mémoire vous y touchez en page S, j'aimerais que vous alliez un petit peu plus loin là-dessus pour nous exprimer votre point de vue.

M. Goldman (Richard): Bien, je ne sais pas si j'ai d'autres choses à ajouter. Comme j'ai dit, c'est un peu le principe qu'on voit dans les accords de libre-échange, le «level playing field». Je pense que, comme j'ai dit, si on envisageait la Régie du logement comme un endroit où il n'y a aucun avocat, comme la Cour des petites créances, ça serait peut-être équitable. Mais, dans le cas actuel, comme j'ai dit, si les propriétaire veulent vraiment se débarrasser d'un locataire, ils sont là avec leur avocat, et l'avocat est prêt à faire toutes sortes d'appels ou d'autres procédures incidentes pour arriver à son but.

Il faut dire que, en ce moment, juste entre parenthèses, le logement n'est pas aussi pire que c'était il y a quatre ou cinq ans, à cause de la dépression économique. Maintenant, c'est plutôt en matière de bien-être social qu'on voit plus de contestations. Mais, ça, c'est la réalité des choses. Si on est contre une partie qui a des moyens, cette partie va se présenter bien représentée, et, comme j'ai dit, même le citoyen idéal, modèle, bien informé, qui lit ces textes de loi, sera un peu désavantagé. Beaucoup de nos clients, qui ont des problèmes de comportement, de compréhension de langue, sont beaucoup plus désavantagés. Comme j'ai mentionné, nous avons une clientèle très multiethnique, beaucoup de nouveaux arrivants qui éprouvent des problèmes d'ordre culturel, choc culturel, ou qui n'ont aucune idée qu'ils ont des droits à faire valoir. Souvent, ils nous viennent plusieurs années après que des problèmes se sont passés et c'est beaucoup trop tard. Ou, par exemple, ils ont accepté, pendant plusieurs années des hausses de loyer très élevées, sans aucune idée qu'ils pouvaient refuser et aller à la Régie pour faire fixer leur loyer.

C'est aussi le cas des gens âgés, parce que c'est aussi un quartier avec beaucoup de gens âgés, qui sont facilement intimidés par des gens en autorité ou des gens comme leur propriétaire. Alors, ces gens-là ont, dans un premier temps, besoin des outils de prévention. Nous autres, on a besoin des outils de prévention pour éviter ce genre d'abus. Mais, rendus à des tribunaux administratifs, ils ont besoin d'un coup de main, souvent. Même pour y aller, ils sont très réticents à se présenter, encore moins pour argumenter avec un avocat belligérant.

Mme Caron: Une dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Vous avez fait une allusion, à au moins à deux reprises, aux contestations au niveau de l'aide sociale. Est-ce que, à votre avis, il y a un abus dans les décisions qui sont prises au niveau de l'aide sociale pour qu'on retrouve autant de

contestations, finalement? Est-ce que c'est une mauvaise application de la loi?

M. Goldman (Richard): Selon mon opinion honnête, c'est une mauvaise loi plutôt qu'une mauvaise application. Mais je dois dire, je l'ai mentionné, que j'ai souvent de la misère, comme j'ai dit, à régler des causes qui sont, à mon avis, évidentes avec des agents de révision, avant qu'ils ne soient rendus en révision ou même à la Commission des affaires sociales.

Donc, c'est, dans un certain sens, une inertie administrative ou une réticence administrative. Et je pense que, souvent... Je ne veux pas trop entrer dans les technicalités, mais il y a souvent une question, par exemple, de fardeau de la preuve. Pour prendre un exemple très pratique: des femmes qui se voient couper le bien-être social pour, prétendument, avoir un conjoint de fait. Souvent, les femmes sont coupées sans beaucoup de preuves. On va en révision: aucune chance. On ne veut rien entendre. C'est à peu près l'estampille de caoutchouc. On va à la CAS et... Bien, des fois on perd, des fois on gagne, mais on a un cas sérieux parce que c'est l'administration qui a le fardeau de la preuve, alors que, dans la révision, c'est un esprit un peu plus fermé. C'est que, plus ou moins, on va approuver ce qui a été fait sans voir ce qui arriverait finalement en audition. Donc, on doit arriver en audition, même pour des cas qui, à mon avis, me semblent assez évidents.

Mme Caron: Je vous remercie. Mon collègue d'Anjou.

Le Président (M. Messier): Oui, le député d'Anjou, M. Bélanger.

M. Bélanger: Merci. Est-ce que, dans votre pratique, vous avez pu constater qu'il y aurait abus de la part de certains bénéficiaires qui auraient, disons, recours à un avocat d'une façon inutile, ou des choses comme ça? Est-ce que vous avez pu constater ça dans votre pratique?

M. Goldman (Richard): Vous ne parlez pas juste de bien-être social, de n'importe quel...

M. Bélanger: Non, non, en général, les bénéficiaires de l'aide juridique. (11 h 50)

M. Goldman (Richard): Oui, c'est sûr. Et, comme n'importe quel programme gouvernemental, c'est clair qu'il y a des abus. Des fois, je me demande comment le mandat a pu être émis dans tel ou tel cas, mais je pense que c'est assez rare. Ça serait dans la norme, pour ainsi dire, d'un programme gouvernemental.

M. Bélanger: Pensez-vous qu'il y aurait une façon qui pourrait dissuader ces gens-là, à ce moment-là, d'avoir recours d'une façon, comme ça, abusive à l'aide juridique? Pensez-vous qu'il y aurait une façon?

M. Goldman (Richard): Je pense qu'il va toujours y avoir ces 2 % ou 3 % d'erreur. D'ailleurs, chaque client doit passer par un examen de dossier devant un avocat, qui doit statuer, comme vous le savez, sur la vraisemblance du droit de même que sur les critères financiers. Est-ce qu'on peut parler d'un abus si l'avocat a passé un certain temps avec la plaignante, puis que cet avocat a décidé qu'il y avait une vraisemblance de droit? C'est moins évident que, par exemple, un abus en matière de bien-être social, où quelqu'un ne déclare pas ses revenus. Là, c'est carrément une omission, c'est une fausse déclaration, mais je pense que, si ça arrive en matière d'aide juridique, c'est plutôt une erreur humaine de la part de l'avocat qui a révisé le dossier.

M. Bélanger: Vous avez pratiqué et vous pratiquez toujours à Montréal, c'est ça?

M. Goldman (Richard): Oui.

M. Bélanger: La perception que j'ai du système — on sait que le système dit que le bénéficiaire a le libre choix de l'avocat — la perception que j'en ai toujours eue, c'est que, présentement à Montréal, les seuls avocats qui prennent des mandats de l'aide juridique sont soit des avocats qui commencent en pratique du droit ou des avocats qui, comme vous — et malheureusement ils sont trop peu nombreux — se donnent une vocation sociale de travailler dans le domaine social. Est-ce que cette perception est juste d'après vous?

M. Goldman (Richard): Je pense que c'est vrai. La plupart de nos avocats qui sont, par exemple, sur notre liste de référence ou même nos avocats bénévoles n'acceptent pas l'aide juridique ou l'acceptent parce qu'on leur réfère le cas, puis qu'ils veulent être un peu en bonne relation avec nous autres. À part ça, il y en a quelques-uns qui se consacrent à une pratique de l'aide juridique ou qui sont des jeunes qui commencent leur bureau. Je pense que c'est évidemment une question économique quand on voit... On a parlé des barèmes, mais il y a aussi les barèmes que les avocats reçoivent. Si on regarde, par exemple, un cas devant la Régie du logement pour demander des réparations — qui peut être pas mal compliqué, qui peut prendre plusieurs heures de préparation et plusieurs témoins — un avocat ne reçoit que 131 $, juste pour donner un exemple pratique. Presque aucun avocat de la pratique privée n'a rencontré un client pour une seule consultation pour 131 $, ce serait 150 $ en montant.

M. Bélanger: Donc, dans ce contexte-là, je pense qu'on peut dire qu'il est un peu illusoire de parler vraiment de libre choix de l'avocat.

M. Goldman (Richard): Oui. Le choix est très limité en ce moment. Mais d'éliminer totalement le choix, de dire que ça doit être juste des avocats salariés, en principe, je ne serais pas contre ça, mais ce serait

très difficile au niveau de l'éthique juridique. Je se sais pas ce qui arriverait si ça ne marchait pas entre un avocat et une cliente qui n'aurait pas le choix au moins de chercher un avocat à l'extérieur du système de l'aide juridique.

M. Bélanger: Seriez-vous favorable à une certaine politique qui pourrait peut-être forcer ou inciter les avocats à donner un certain pourcentage ou, en tout cas, une certaine partie de leur temps à, justement, du travail, peut-être pas communautaire, mais à participer à l'aide juridique, justement?

M. Goldman (Richard): Je pense que, si je ne me trompe pas, un peu avant mon temps, c'est comme ça que l'aide juridique a commencé. Je pense que ça n'a pas très bien marché, parce que, s'il y a un stagiaire qui veut faire du droit corporatif et qu'il est pris avec une cause de bien-être social, ce n'est pas évident qu'il va prendre le temps ou qu'il aura l'intérêt de bien représenter le client. Encore une fois, il y en a d'autres ici qui auraient peut-être une expérience directe, mais je pense que ce qui s'est passé dans ce temps-là, c'est qu'on demandait aux stagiaires de faire tout le travail de l'aide juridique du cabinet, puis les avocats n'en faisaient pas. Alors, c'est pourquoi j'ai mentionné l'exemple du stagiaire.

Je serais personnellement beaucoup plus favorable à des cotisations directes aux avocats pour financer le système de l'aide juridique. Je pense que, nous, les avocats, ou mes confrères en droit corporatif, ils profitent, ils travaillent, ils vivent du système juridique. Ils doivent être prêts à retourner une partie, peut-être assez petite, de ce qu'ils gagnent.

M. Bélanger: Tout à l'heure vous avez échangé avec le ministre au sujet de votre expérience, on pourrait dire, de clinique communautaire d'avocats. Est-ce que vous pensez que, si l'implantation de telles cliniques était favorisée sur l'ensemble du territoire du Québec, ça pourrait d'une façon sensible diminuer la demande en aide juridique?

M. Goldman (Richard): À mon sens, oui... M. Bélanger: Oui?

M. Goldman (Richard): ...parce que j'ai l'impression, on n'a pas de statistiques, mais, ayant travaillé au Projet Genèse presque trois ans, j'ai l'impression qu'on règle beaucoup de dossiers.

M. Bélanger: Beaucoup de dossiers? M. Goldman (Richard): Oui.

Le Président (M. Messier): Merci, M. le député d'Anjou. Il vous reste encore quelques minutes, juste pour remercier à la toute fin. M. le député de Sherbrooke, M. Hamel.

M. Hamel: Merci, M. le Président. Le Présidait (M. Messier): Allez-y.

M. Hamel: Me Goldman, vous qui travaillez régulièrement dans des situations concrètes en relation avec l'aide juridique, dans son ensemble, est-ce que vous êtes satisfait de la structure actuelle et du système de gestion de l'aide juridique?

M. Goldman (Richard): De la gestion, si vous parlez des administrateurs, je ne pourrais pas faire de commentaires. Je n'ai pas examiné la répartition des fonds au niveau de l'aide juridique. Si vous parlez des services...

M. Hamel: Les directions régionales, etc., les services qui sont donnés par l'aide juridique. C'est un peu ça, ma...

M. Goldman (Richard): En ce qui concerne les services qu'ils rendent, je pense qu'ils sont efficaces. Quand je les appelle pour des questions, je pense qu'ils répondent de manière rapide ou, si j'ai des problèmes à régler avec un mandat, je pense que je reçois une réponse assez rapidement. En ce qui concerne les services rendus par les bureaux, je trouve qu'ils sont très, très professionnels.

S'il y a un problème au niveau structurel, ça serait, comme je l'ai mentionné, qu'il n'y a pas ce volet information-prévention. Je pense que la mission de l'aide juridique, au début, ce n'était pas très différent de ce que nous faisons au Projet Genèse: de travailler dans la communauté avec des organisations communautaires ou des organisateurs communautaires, de faire de la prévention. D'ailleurs, c'est à peu près ça, le modèle dans la province de l'Ontario, où il y a des cliniques juridiques qui ont le droit de décider quelles sont les priorités. J'ai un ami qui était à l'université avec moi et qui travaille dans une clinique. Ils peuvent décider, par exemple, qu'ils ne font pas de droit de la famille, parce que ce n'est pas une priorité. Us vont faire du logement cette année, ça va être leur priorité, ou ils vont faire de l'aide sociale et puis ils vont envoyer les autres cas sur mandat, alors que, dans notre système, il y a beaucoup de pressions d'accepter tous les cas et de ne pas encourager les gens à aller sur mandat. Donc, pratico-pratique, les avocats de l'aide juridique sont pris avec un fardeau de causes énormes et c'est presque... Mais, la majorité, c'est du droit de la famille, parce que c'est ça qui arrive. C'est le problème le plus répandu dans notre société. Ils n'ont pas le loisir ou le temps de se lancer en organisation communautaire ou en prévention, des choses comme ça.

M, Hamel: Merci. Une deuxième question, si

vous me permettez, M. le Président. Quant à la contribution des avocats, est-ce que vous verriez que tous les avocats y participent ou simplement ceux qui sont affectés à l'aide juridique?

M. Goldman (Richard): À mon sens, tous, dans un premier temps, parce qu'il y en a tellement peu qui sont impliqués à l'aide juridique. Dans un deuxième temps, pour la raison que j'ai mentionnée, je pense que tous les avocats vivent du système judiciaire, profitent du système judiciaire, et c'est raisonnable de demander une contribution pour que les gens démunis soient bien représentés dans le système judiciaire.

M. Hamel: Merci beaucoup, Me Goldman.

Le Président (M. Messier): Oui, Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Oui, M. le Président. J'aurais aimé ça qu'on puisse continuer à échanger sur ce sujet-là, parce que ça me préoccupe beaucoup dans le sens que ceux qui sont permanents à l'aide juridique vivent déjà avec des salaires peu élevés, compte tenu du nombre de dossiers qu'ils ont à traiter. Beaucoup... ceux qui acceptent des mandats d'aide juridique, qui acceptent de le faire avec le tarif qui est donné, le tarif n'est pas élevé. On ne parlera pas de ceux qui acceptent un montant supplémentaire. O.K.? Et ceux qui ne participent pas, qui n'acceptent pas de mandats de l'aide juridique, eux autres, on leur donnerait la même contribution. On leur demanderait la même chose qu'on demande aux autres qui font déjà leur part, d'une façon, et, plus loin, il faut se poser l'autre question: Tous les professionnels de la santé bénéficient, et directement, de notre système d'assurance-maladie, ils sont payés à l'acte. Est-ce que ça serait juste, par rapport à eux, qu'ils bénéficient et qu'ils ne contribuent pas, d'aucune façon, à notre système de santé? Je pense que le débat, là, pourrait être enclenché et il pourrait y en avoir pour un bon moment. Alors, votre document nous a permis de toucher à des éléments importants et je vous remercie beaucoup de votre contribution.

M. Goldman (Richard): Merci.

Le Président (M. Messier): Merci, madame. M. le ministre, pour le mot de la fin. (12 heures)

M. Lefebvre: Me Goldman, moi aussi, de mon côté, et mes collègues de ce côté-ci de la commission sont impressionnés par votre expérience, dans un premier temps, et également par votre mémoire, qui reflète cette expérience-là, et votre témoignage de ce matin. Quant à moi, je suis impressionné aussi par ce qui se passe chez vous, là, et je vous incite, dans un premier temps, évidemment, à continuer. Et c'est pour cette raison-là que je vous demandais si, à votre connaissance, ça existait ailleurs à Montréal ou dans la région métropolitaine. Ça m'apparaît être une expérience qui devrait se répéter, d'autant plus qu'il y a une collaboration — et vous avez insisté là-dessus, vous l'avez répété à plusieurs reprises — il y a une collaboration pas mal solide entre ce qui se passe chez vous, votre équipe, et les permanents de l'aide juridique. Alors, c'est une expérience que je trouve extrêmement positive. Merci d'être venu nous saluer, de votre témoignage également. Bon retour.

Le Président (M. Messier): Merci, M. Goldman. Vous êtes bien gentil d'avoir partagé votre projet avec nous. Je vais demander de libérer la place. On va suspendre 15 secondes pour permettre au CLSC Le partage des eaux de prendre place. Bon, nous revenons au début de l'ère chrétienne.

(Suspension de la séance à 12 h 1)

(Reprise à 12 h 10)

Le Président (M. Messier): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je vais demander aux représentants du CLSC Le partage des eaux de s'asseoir, demander à l'Opposition officielle et demander à Mme Caron, députée de Terre-bonne, d'en faire autant. M. le ministre est déjà assis, prêt à répondre et prêt à questionner nos gens.

Comme la coutume le veut, vous avez 20 minutes pour nous émettre des opinions concernant le document de base et, après ça, il va y avoir des questionnements, là, de part et d'autre. Il s'agirait juste de vous présenter — vous êtes deux membres du conseil d'administration — à savoir qui est qui. Merci.

CLSC Le partage des eaux

M. Hétu (Jean-Pierre): O.K. Jean-Pierre Hétu. Je suis représentant du personnel, organisateur communautaire au CLSC Le partage des eaux.

M. Perreault (Guy): Guy Perreault, je suis au conseil d'administration, représentant de la population.

Le Président (M. Messier): Merci. Vous avez 20 minutes pour vos exposés.

M. Hétu (Jean-Pierre): D'abord, on voulait préciser pourquoi un CLSC a pris la peine de venir présenter un mémoire dans le cadre de la réforme de l'aide juridique. On pense que, comme établissement de première ligne, souvent, c'est nous qui sommes la porte d'entrée des différents problèmes que vivent les gens. Et, actuellement, il y a deux situations: il y a la non-accessibilité d'une partie importante des gens, compte tenu de la non-indexation des barèmes, et, si on lit le

document, des possibilités que certains services soient désassurés.

Dans un cas comme dans l'autre, ça pose un poids supplémentaire sur les personnes démunies. Elles sont obligées de faire des dépenses pour obtenir des services, des dépenses pour lesquelles elles n'ont pas les moyens ou bien, tout simplement, de renoncer à défendre leurs droits. Et, souvent, c'est des questions de pain et de beurre, ce n'est pas des questions de revenu ou de rendement sur leurs placements. C'est vraiment des questions du quotidien. juste pour donner des exemples, actuellement quelqu'un qui reçoit le salaire minimum doit dépenser 44 % de son revenu pour bien s'alimenter; quelqu'un qui est à l'aide sociale, entre 37 % et 42 %; quelqu'un qui est sur l'assurance-chômage après avoir fait du salaire minimum doit en dépenser 69 %. donc, on ne peut pas s'attendre à ce que ces personnes-là puissent investir dans des services juridiques. et tout changement qu'ils pourraient entraîner, surtout les changements qu'on vise par rapport aux tribunaux administratifs, on risque d'avoir des conséquences directes sur ces gens-là, et par contrecoup sur le clsc et aussi sur les bureaux de députés.

C'est une argumentation, finalement, un accroissement de la pauvreté des gens avec toutes les conséquences. Je peux vous en citer quelques-unes rapidement: les gens pauvres vivent neuf ans de moins que les gens riches; 14 ans de plus avec des incapacités; vivent de deux à trois fois plus d'anxiété, de dépression, d'idées suicidaires; ont deux fois plus de bébés de petit poids; trois fois plus d'abus et de négligence. Donc, on pourrait allonger la liste indéfiniment.

Donc, la justice, c'est un élément central, aussi, dans la santé, et il faut bien le situer. Actuellement, les CLSC, comme tous les autres établissements, sont sous le coup de la loi 198, donc devront réduire leurs effectifs, et ne sont pas du tout en mesure de prendre et de faire face à l'augmentation de clientèle. Si on ne regardait que ce côté-là, à la limite, on pourrait être cynique, dire: Bon, ça nous amène plus de clientèle, mais ce n'est vraiment pas l'objectif des CLSC. On en a plus qu'on doit avoir, et c'est vraiment la situation des gens qui est importante. D'ailleurs, le groupe de travail sur l'accessibilité disait que de réduire les services risquait inévitablement de causer à plus ou moins long terme des impacts sociaux, des coûts indirects futurs qu'il est difficile, voire quasi impossible d'évaluer.

On voit aussi la préoccupation du ministère de la Santé et des Services sociaux dans sa politique santé et bien-être. On dit: «Le manque d'harmonisation des politiques publiques, leur rigidité contribuent parfois à affaiblir certains milieux ou encore à perpétuer les inégalités. Il faut éviter, par exemple, d'adopter des mesures qui, même si elles permettent des économies dans un secteur donné, ont pour effet d'augmenter les dépenses dans un autre à cause des conséquences sociales qu'elles entraînent. Les politiques sociales doivent être harmonisées entre elles et intégrer davantage la perspective de la santé et des services sociaux. Elles prendront en considération et tenteront de corriger certaines lacunes du développement qui ont des répercussions importantes sur la santé et le bien-être. Les bénéfices à court terme ne peuvent estomper les effets à moyen et à long terme. Les politiques et les programmes touchant en particulier les personnes démunies devront être précisément scrutés à la loupe.»

Donc, c'est dans ce cadre-là que le CLSC a voulu présenter un mémoire, parce qu'il nous semblait que c'était important, les changements qui pourraient être apportés à la suite de ça.

M. Perreault (Guy): J'aimerais faire quelques commentaires sur le document «L'aide juridique au Québec: une question de choix, une question de moyens». Je pense que le titre, dès le départ, nous place dans une situation extrêmement ambiguë, extrêmement contradictoire. On dit, par exemple, dans F avant-propos, dans l'introduction et dans la conclusion entre autres, qu'il est du devoir de l'État d'assurer l'accessibilité aux plus démunis — ça, je pense que tout le monde est d'accord avec ça — et, d'un autre côté, on dit qu'on n'a pas les moyens de le faire. Et on demande aux gens et à ceux qui présentent des mémoires de présenter des solutions miracles qui n'existent nulle part. Alors, je pense que, dans ce contexte-là, c'est assez difficile de faire des propositions très concrètes, d'autant plus qu'on n'a pas eu beaucoup de temps entre le moment où on a été avertis qu'on viendrait défendre le mémoire, présenter le mémoire, puis le moment où on se trouve ici aujourd'hui. Mais il y a quand même quelques considérations que j'aimerais faire par rapport au texte même.

Dans l'avant-propos, on dit qu'il faut assurer l'accessibilité à la justice aux plus démunis de notre société. Et, à la page suivante, on dit que c'est le devoir de l'État d'assurer aux plus démunis de notre société l'accès à la justice, mais sans que ce ne soit au détriment du citoyen à revenus moyens. Je pense que tout le monde est bien conscient que l'individu à revenus moyens a de moins en moins de moyens. Par contre, on passe sous silence les citoyens ou les corporations qui ont des moyens. On ne dit pas, par exemple, que cet accès-là à la justice des plus démunis, dans une société démocratique, devrait être assuré non pas par le citoyen à revenus moyens, mais par le citoyen qui a des vrais revenus, qui a les moyens, lui, d'en payer. Dans un contexte comme ça, ça nous paraît assez curieux que, dans la conclusion ou vers la fin du document, on dise que les seules solutions pratiquement recevables — ça semble être ça — sont celles qui disent: II ne faut pas augmenter les coûts ou il faut les diminuer.

Alors, moi, j'aimerais que... Et ça nous est présenté en plus dans un contexte très parcellaire. Quand on dit qu'on va couper des services et qu'on va épargner tant ou tant de millions, on ne fait aucune étude, on ne parle même pas que ces coupures-là peuvent apporter à l'État, dans un espace de temps plus ou moins long, ou court, plutôt, des dépenses qui seraient accrues et qui

seraient peut-être le double de celles qu'on va épargner. Donc, on aurait aimé que le ministère de la Justice ou le gouvernement présente un document... On dit que c'est une réflexion empreinte de réalisme, mais la seule chose qui est réaliste là-dedans, c'est qu'on veut nous convaincre que l'État n'a pas les moyens de faire ce qu'il dit qu'il devrait faire. Alors, je pense qu'il faudrait dépasser, dans un certain sens, l'aspect uniquement monétaire pour essayer de voir l'aspect beaucoup plus global de la société qu'on veut avoir au Québec. Et, encore là, il faudrait, évidemment, non pas tenir compte uniquement des citoyens à bas revenus ou à revenus moyens, mais aussi à ceux qui ont des revenus plus gros.

M. Hétu (Jean-Pierre): En gros, si on regarde l'historique de l'aide juridique, ce qu'on visait au point de départ, c'était de couvrir, en 1973, les personnes qui vivaient des prestations de la sécurité du revenu, les personnes âgées, les gens au salaire minimum. On a beaucoup perdu par rapport à ça.

Un autre élément important aussi, si on regarde — c'était le ministre Choquette à l'époque... Il parlait de doter des personnes démunies de spécialistes en «poverty law». Et je pense que c'est un élément qui a été bien réussi par l'aide juridique, par les salariés, et c'est deux éléments qu'on ne veut nullement remettre en question. (12 h 20)

Donc, en gros, notre mémoire a deux lignes principales. La première, c'est de maintenir l'ensemble des services actuels pour les gens qui en ont, et la deuxième, de retrouver, pour les gens qui l'ont perdue, cette accessibilité-là. En gros, on peut reprendre chacune des propositions. La première dit: «Nous recommandons d'ajuster les barèmes d'accessibilité afin qu'ils concordent avec les critères du seuil de pauvreté établis par Statistique Canada.

Pourquoi Statistique Canada? Si vous prenez la définition du MGA tel qu'il est dans le document en page 29, on s'est mis un doctorat en éducation, une maîtrise en travail social, et on n'a pas été capable de comprendre. Donc, on veut que ce soit très clair, que les critères d'admissibilité, ce soit facilement comprena-ble par le simple citoyen. La formule qu'il y a là, c'est du vrai chinois.

Ensuite, on parle que la base de calcul soit le salaire hebdomadaire, tel que ça l'est actuellement. Pourquoi? Parce qu'on pense que le faisant sur une base annuelle, tel que proposé, surtout avec le nombre d'indexations des barèmes, les gens qui sont tout juste en haut des seuils d'admissibilité, qui tombent sur le chômage, pour donner un exemple, de façon permanente, devront dépenser des sommes importantes pour faire valoir leurs droits alors qu'ils n'ont pas les moyens.

Je pense que c'est un peu comme la justice. Actuellement, notre système, on est innocent jusqu'à raison du contraire. Donc, on préfère gracier des coupables que de punir des innocents. Je pense que, dans le système ici, on aimerait mieux donner l'accessibilité à des gens qui n'y ont pas le droit que de priver des gens d'une accessibilité à laquelle ils ont droit.

Si on prend le point 3, on recommande que les services de consultation à l'aide juridique soient maintenus, parce qu'on voit que, dans les possibilités de coupures, c'était inclus. Pour nous autres c'est important, non seulement comme établissement, mais comme personnes, et aussi il y a les groupes communautaires qui y font souvent appel. Donc, on considère que, un peu comme le groupe précédemment, c'est un peu faire de la prévention que de maintenir les services de consultation, et on ne voit pas pourquoi, ça, ça serait coupé.

M. Perreault (Guy): Pour la recommandation 4, nous recommandons que l'aide juridique continue d'offrir des services aux personnes devant comparaître devant les tribunaux administratifs. Je pense que le document «L'aide juridique au Québec» reconnaît que, de plus en plus, les personnes devront avoir recours aux tribunaux pour régler leurs problèmes, et on ne voit pas très bien comment les personnes les plus démunies pourraient avoir accès à la justice si on enlevait cette partie-là.

La recommandation 5, nous recommandons que la gratuité intégrale des services soit maintenue, parce que, pour une personne qui est sur l'aide sociale, qui a un salaire minimum, même un montant de 20 $, souvent pour lui ou pour sa famille, c'est un montant extrêmement important et qui le prive souvent d'un repas ou qui, en tout cas, l'oblige à faire des choix extrêmement douloureux pour lui. Alors, à ce moment-là, nous, on pense que la gratuité intégrale devrait être maintenue.

M. Hétu (Jean-Pierre): Parce que si on donne un exemple précis, si on regarde dans le document à quelque part, on regarde que, même avec 10 $ de frais d'admissibilité, c'est 800 000 $ qu'on irait chercher chez les personnes assistées sociales. Si on pense que plusieurs de ces personnes-là, sur les fins de mois, mangent du macaroni, du Kraft Dinner quand ils sont capables de se le payer, des fois du macaroni avec rien dedans, 800 000 $ de Kraft Dinner, ça fait plusieurs portions.

M. Perreault (Guy): Et pour la recommandation 6, également, nous recommandons que les jeunes contrevenants aient droit à l'aide juridique. Et, encore là, je pense qu'on doit donner le préjugé favorable aux jeunes que les parents ne sont pas nécessairement capables d'aller défendre ou ne veulent défendre, même quand ils en ont les moyens. Souvent, quand un jeune a recours à l'aide juridique, c'est justement parce qu'il y a des problèmes dans la famille et qu'il n'a pas le support de ses parents ou de l'entourage.

La même chose pour la recommandation 7: maintenir les services juridiques aux personnes qui n'ont pas la citoyenneté canadienne. Ici, je pense que, l'argument principal, c'est pour les personnes, en particulier, qui sont réfugiées politiques et qui n'ont pas d'autres moyens de faire valoir leurs droits, et qui risqueraient

d'être retournées dans leur pays avant même d'avoir pu expliquer pourquoi elles demandent le refuge politique. Donc, elles seraient jugées, comme ça, sans avoir eu la chance ou les moyens de se défendre.

M. Hétu (Jean-Pierre): Et peut-être une dernière précision. Tantôt on parlait que, possiblement, pour les instances où les bénéficiaires n'ont pas besoin d'être représentés par des avocats, il pourrait y avoir comme solution qu'on interdise aux deux parties d'être représentées par des avocats. C'est, je pense, juste une partie du problème, parce que si on prend le cas des propriétaires, entre autres, même s'ils ne sont pas représentés devant l'instance par un avocat, ils ont les moyens de se faire conseiller par un avocat. Donc, l'assisté social ou la personne démunie qui n'a pas les moyens d'avoir un avocat pour le conseiller est encore perdant de ce côté-là.

M. Perreault (Guy): On pourrait peut-être terminer. Notre conclusion, c'est que nous ne voulons pas que des coupures dans le domaine juridique viennent aggraver encore davantage les problèmes sociaux que nous connaissons actuellement au Québec.

On pourrait peut-être ajouter ici que, devant les problèmes financiers que le gouvernement connaît — on ne s'entendrait peut-être pas sur les raisons pourquoi il y a des problèmes financiers — on demande toujours que tout le monde fasse sa part, que toutes les couches de la société fassent leur part. Jusqu'à maintenant, quand on travaille dans un CLSC ou avec les personnes les plus démunies, on s'aperçoit qu'on demande beaucoup à ceux qui n'ont rien. Et on sait en même temps — les statistiques le montrent — qu'il y a des gens qui bénéficient du système de plus en plus, puisqu'il y a aussi de plus en plus de riches. Alors, je pense que, dans le domaine juridique, c'est un domaine où on devrait arrêter d'augmenter l'écart entre les riches et les pauvres, donc maintenir, à tout le moins, ce qu'on a déjà maintenant, et, bien évidemment, toute amélioration de l'accès à la justice pour une catégorie un petit peu plus large de bas revenus ne serait qu'à l'avantage, je pense, de toute la population.

Le Président (M. Messier): Merci, M. Perreault, M. Hétu. Je vais laisser le droit de parole à M. le ministre.

M. Lefebvre: MM. Hétu et Perreault, je vous remercie, d'abord, de nous avoir soumis un mémoire qui reflète bien la préoccupation que vous avez dans l'action bénévole que vous faites tous les jours, toutes les semaines, au conseil d'administration du CLSC, chez vous. C'est évident, pour tous ceux et celles qui savent ce que c'est un CLSC, que vous avez une expertise qui est pertinente, qui est extrêmement utile, pour nous, à la commission des institutions et au gouvernement — et je pense à votre mémoire, je fais référence aux témoignages que vous venez de rendre — dans la démarche de questionnement sur l'actualisation du système d'aide juridique qui, de façon générale, est reconnu comme étant, ici au Québec, un excellent régime, très comparable avec ce qui se passe ailleurs au Canada, avec, cependant — et je pense qu'on peut reconnaître qu'il y a possibilité, parce que, vous savez, tout est perfectible — la possibilité, peut-être, d'améliorer certaines choses. (12 h 30)

Je veux, dans un premier temps, vous indiquer que le document que vous avez entre les mains, que vous avez utilisé pour préparer votre mémoire, «L'aide juridique au Québec: une question de choix, une question de moyens», est un document de questionnement. Ce n'est pas une position gouvernementale. C'est le fruit, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, d'une réflexion qui a été faite, avec des intervenants de tout ordre et de tous les milieux, des bénéficiaires, des dispensateurs de services, ceux et celles aussi qui paient pour le régime d'aide juridique. Parce que, faire preuve de réalisme au gouvernement, c'est tenir compte de tous ces éléments-là. Et c'est la responsabilité que nous avons, évidemment, de protéger les plus démunis, les bénéficiaires, ceux qui présentement bénéficient du système, ceux qui devraient peut-être bénéficier du système d'aide juridique. Mais on a également l'obligation de penser au citoyen à revenus moyens, en évaluant la possibilité de lui permettre, à ce citoyen-là, de bénéficier du régime, mais en tenant compte également de la capacité de payer de l'État. Et la capacité de payer de l'État, elle est basée sur la capacité de payer du citoyen, et nous avons cette obligation-là de faire l'équilibre. C'est ça, notre responsabilité. Dans ce sens-là, votre témoignage, il est extrêmement utile. Vous plaidez, puis c'est votre rôle — c'est comme ça que je le comprends et que je le reçois — de plaider pour les bénéficiaires. C'est important qu'on vous écoute et qu'on tienne compte de ce que vous nous indiquez.

Je dois vous dire tout de suite que, quant à moi, le ticket modérateur et les frais d'admission ou d'étude de dossier, je ne suis pas trop, trop chaud là-dessus, moi non plus. Je vous le dis tout de suite. Parce que de demander... Vous avez raison de dire que, 10 $ pour un bénéficiaire de l'aide sociale, c'est beaucoup d'argent. Vous avez raison. Dans ce sens-là, un ticket modérateur, je ne suis pas trop, trop chaud là-dessus, je vous le dis tout de suite.

Je voudrais cependant vérifier certains points qui apparaissent dans votre document. D'abord, je voudrais... Et vous avez raison lorsque vous parlez du MGA. M. Hétu a indiqué que c'est du chinois, la page 29. C'est une autre façon de le dire. Quand je suis arrivé, j'ai mis le nez là-dedans. Moi aussi, le MGA, je dois vous dire, là, que ça ne m'a pas impressionné.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Mais on m'a expliqué que c'était un critère, un barème qui était utilisé à d'autres niveaux

du gouvernement du québec, et que c'était la notion la plus juste et la plus équitable pour qu'on puisse se comprendre. cependant, je veux vous le faire remarquer, à la page 27 du document, la notion du mga, elle est traduite concrètement. lorsqu'on parle de 80 % du mga ou de 100 % du mga, on vous indique tout de suite... autrement dit, on aurait peut-être dû vous donner la définition de ce qu'est la notion de maximum de gains admissibles. on ne l'a pas fait dans le document. cependant, on vous le traduit d'une façon très concrète. et, quand vous parlez de 100 % du mga, avec ce qu'on prend comme étant, règle générale, le cas type, à savoir un couple avec deux enfants, faut bien comprendre que vous parlez du rehaussement des gains admissibles à 33 400 $ par année, là. c'est ce qui apparaît à la page 27 du document que vous avez entre les mains.

Le MGA est le maximum des gains admissibles selon la loi sur les régimes de rentes du Québec. C'est ça, le maximum de gains admissibles. Alors, je comprends que — vous l'avez indiqué tout à l'heure — vous n'avez pas, de votre côté, évalué, là, financièrement ce que ça représentait, votre proposition, que les barèmes d'accessibilité soient ajustés ainsi afin qu'ils concordent avec les seuils de pauvreté établis par Statistique Canada. Ce qu'on a fait comme calcul au ministère nous amène à la conclusion suivante: ça représente une somme de plus ou moins, là, 43 000 000 $. Je veux juste vous l'indiquer, là, pour qu'on comprenne bien de quoi on parle au niveau de la conséquence financière immédiate. C'est plus ou moins 43 000 000 $.

Vous dites, à la page 2 de votre mémoire, et dans ce sens-là vous êtes à peu près le seul organisme, là, qui le suggère, que le gouvernement se base sur le salaire hebdomadaire comme référence d'admissibilité à l'aide juridique. Je ne dis pas que c'est une notion, là, qui n'a pas de sens. Je mets ça en parallèle avec la plupart des autres intervenants qui, pour des besoins d'évaluation rapide, je pense, et d'éliminer à l'intérieur même du régime le plus de démarches administratives possible, nous suggèrent de façon générale de prendre comme moyenne le salaire annuel ou le revenu annuel. Est-ce que là-dessus vous êtes disposés à modifier un peu votre suggestion?

M. Hétu (Jean-Pierre): Notre préoccupation était particulièrement par rapport à ce qu'on pourrait appeler les nouveaux pauvres, les gens qui pour toutes sortes de raisons... l'entrepreneur qui a fait faillite, l'employé dont la compagnie a fermé ses portes, la femme qui, suite à une séparation, voit ses revenus changer de façon importante. Donc, il y a toute une série de citoyens qui pourraient être, à notre sens, lésés en utilisant le revenu annuel. Et je sais que dans certains documents... Je pense que dans le document du groupe de réflexion on prévoyait des mécanismes qui pourraient tenir compte, dans certains cas, des changements importants de la situation. Je pense que c'est la plus petite... ou la plus grande concession qu'on serait prêts à faire, je veux dire, qu'on maintienne le salaire annuel; mais, lorsque le salaire annuel est représentatif du salaire que risque de gagner cette personne-là, à ce moment-là...

M. Lefebvre: Vous proposez, dans votre mémoire, à la recommandation S, la gratuité totale jusqu'à, selon ce qu'on peut conclure, 100 % du maximum de gains admissibles. Cependant, vous ne semblez pas être réticents à ce qu'il y ait une contribution pour que tous ceux et celles qui auraient un revenu supérieur à ce seuil-là puissent avoir... Alors, vous dites ceci: «Cela n'empêche pas que des personnes ayant un salaire au-dessus des critères d'admissibilité puissent avoir accès aux services moyennant une contribution qui pourrait être fixée selon leurs capacités financières, à l'aide d'un calcul qui soit simple et facilement compréhensible.» Là, ça, vous reconnaîtrez avec moi que ce n'est pas évident. Si vous en trouvez un, là, on va vous amener au ministère des Finances. Ha, ha, ha! Mais j'aimerais que vous donniez des détails sur la contribution, le volet contribu-toire. Qu'est-ce que vous avez à l'esprit, là? Contribution directe, contribution par le biais de la fiscalité ou...?

M. Hétu (Jean-Pierre): Je pense que l'exemple le plus clair qu'on a vu dans le document, c'est peut-être l'exemple du Manitoba où il y avait, je pense, un régime à trois paliers. Ça veut dire un seuil au-dessus duquel tous les services étaient gratuits, un seuil entre lequel une partie des services, selon une échelle proportionnelle, pouvait être remboursée et un seuil au-dessus duquel les gens devaient rembourser l'ensemble des frais. Ça nous apparaissait être un système qui pourrait être tout à fait acceptable.

M. Lefebvre: Qu'est-ce que vous pensez de l'assurance frais juridiques?

M. Hétu (Jean-Pierre): Je pense que ça peut aller dans ce sens-là aussi.

M. Lefebvre: Oui?

Le Président (M. Messier): Merci, M. le ministre.

M. Lefebvre: Merci.

Le Président (M. Messier): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Merci, M. Hétu, M. Perreault. Nous apprécions votre présence, d'autant plus que votre CLSC est situé à Rouyn-Noranda. Donc, vous êtes partis de loin pour venir nous présenter vos commentaires. Alors, nous apprécions beaucoup. Et vous le faites à titre de membres du conseil d'administration, mais vous présentez la position du CLSC, et on sait que le CLSC est une porte d'entrée.

Vous l'aviez bien présenté aussi. Donc, vous êtes en contact régulier avec les citoyens et les citoyennes. concernant vos recommandations, ça m'apparaît extrêmement clair. aussi, lorsque vous parlez de vision, hein, qu'il ne faut pas se limiter au côté monétaire mais qu'il faut avoir une vision beaucoup plus grande, vous avez fait appel aussi aux inéquités fiscales, finalement. personnellement, je pense que, même dans l'esprit d'une vision uniquement monétaire, il faut avoir une vision globale et il faut tenir compte des inéquités. puis je pense que vous auriez partagé, si vous aviez pu lire le mémoire de celui qui vous a précédé, me goldman, qui cite... puis là je ne les citerai pas toutes, mais il y a plusieurs exemples d'inéquités fiscales. le taux d'impôt sur le revenu des compagnies du québec sur les premiers 200 000 $ de profit est de 5,75 %, soit le plus bas au canada après l'île-du-prince-édouard et la nouvelle-ecosse. pour une entreprise manufacturière, l'impôt sur le revenu corporatif sur les revenus supérieurs à 200 000 $ est de 6 % au québec. en 1987, 90 000 compagnies canadiennes ont réalisé des profits de 27 000 000 000 $ sans payer un sou d'impôt.

Quand vous dites: II faudrait peut-être aller chercher l'argent où il se trouve, pas nécessairement chez les personnes à revenus moyens, vous avez raison, et puis là il n'y a que quelques exemples, mais on nous invite à lire le document du professeur Léo-Paul Lauzon dont tout le document, là, traite de ces inéquités fiscales. Oui, une société doit faire des choix, doit avoir des priorités, puis allez voir où l'argent se trouve. Vous avez parfaitement raison.

Moi, j'aimerais vous entendre. Vous êtes dans un CLSC en région. Donc, est-ce que, à votre connaissance, il y a certaines difficultés pour obtenir des mandats d'aide juridique sur le territoire? Puis là je vous explique pourquoi je vous pose cette question-là. J'ai reçu un document, hier, du Centre de femmes de Lotbi-nière, qui nous exprimait que c'était extrêmement difficile pour la population de Lotbinière d'obtenir un mandat d'aide juridique, parce qu'elle devait se rendre à Lévis pour obtenir le mandat d'aide juridique et, compte tenu des distances puis que le transport en commun n'est pas évident, nécessairement, entre Lotbinière et Lévis, beaucoup de personnes qui avaient droit à l'aide juridique se trouvaient dans l'impossibilité d'aller chercher même leur mandat. Or, chez vous, je ne sais pas si vous avez cette information-là. On n'avait pas beaucoup de temps pour questionner, hier, les corporations régionales, donc on n'a pas pu aller dans le détail de chacune. Mais est-ce qu'il y a un problème à ce niveau-là pour aller chercher un mandat d'aide juridique pour ceux qui sont en région? (12 h 40)

M. Perreault (Guy): Je pense que je ne pourrais pas vous donner une réponse très précise à propos de l'aide juridique comme telle, mais je peux vous dire que, pour les services en général, à cause de la distance et de la faible population qui est très dispersée sur le territoire, et aussi question de service d'autobus, de transport en commun, qui est très aléatoire et très changeant — de ce temps-ci, en tout cas — il y a beaucoup de personnes qui n'ont pas accès aux services en général, que ce soient les services d'hôpitaux, par exemple, ou qui y ont accès avec des sacrifices énormes, parce que, même quand le transport en commun est organisé, ce n'est pas gratuit. Et souvent ça coûte très cher, partir, je ne sais pas, moi, de Ville-Marie ou Laforce pour se rendre, parce qu'on doit se rendre, par exemple, à Rouyn pour certains services médicaux. J'imagine que pour les services juridiques c'est la même chose.

Mme Caron: C'est sûrement la même chose, hein!

M. Perreault (Guy): C'est très coûteux. Et souvent c'est tellement coûteux que les personnes s'en privent carrément. Alors, c'est certain que, s'il y avait une enquête, on pourrait démontrer qu'il y a beaucoup de personnes qui n'ont pas de soins même si elles ont droit d'en avoir, parce qu'elles n'ont pas les moyens de se rendre là où les services sont donnés.

M. Hétu (Jean-Pierre): Peut-être aussi un élément important de précisé. C'est que souvent on parle d'inaccessibilité économique. On peut parler d'inaccessibilité en termes de distance. Mais, aussi, un élément qui est peut-être peu mentionné, c'est qu'il y a des gens, particulièrement chez les plus démunis, qui ont ce que j'appellerais très peu d'énergie. Même lorsqu'ils ont l'information, c'est déjà difficile de les amener à défendre ces droits-là. Je peux vous donner un exemple. Il y a des propriétaires, à Rouyn-Noranda, qui, l'été passé, ont demandé des augmentations de 100 $ par mois pour les femmes qui venaient de regagner la garde de leurs enfants. C'est tout à fait illégal, sauf qu'on n'a jamais été capable de mobiliser, d'amener une de ces femmes-là à se rendre jusqu'au bureau de la Régie du logement ou de porter une plainte. Elles aimaient mieux accepter tel quel que de prendre le risque que le propriétaire leur tape dessus.

Donc, si on met tous ces problèmes-là, ça ne prend pas grand-chose pour qu'un démuni renonce à défendre ses droits. Donc, notre système doit être le plus ouvert possible et le plus encourageant possible pour l'amener à ce qu'effectivement il ait une accessibilité à la justice.

M. Perreault (Guy): Je pense qu'il y a des personnes, aussi, qui n'ont pas la parole, c'est-à-dire qu'elles n'ont aucun moyen, même si elles étaient devant les services. C'est peut-être un petit peu ça, mais ça va encore plus loin que ça. Il y a des gens qui n'ont aucun sens des services qu'ils peuvent avoir. Puis, ça, je pense qu'ils sont plus nombreux qu'on pense. On dit: Bien, coudon, ça m'arrive, je l'endure, puis je dois l'avoir mérité. Je ne sais pas, mais on ne fera rien pour se défendre. Et, ça, il y a des exemples comme ça assez fréquents.

Mme Caron: Oui, je partage votre point de vue là-dessus. La pauvreté, elle s'accompagne souvent d'une pauvreté qui n'est pas uniquement une pauvreté financière. C'est une pauvreté de moyens, de débrouillardise, de confiance en soi, juste de décider d'aller s'informer, puis, même, de ne même pas savoir où aller s'informer. Oui, vous avez raison de le souligner.

Vous avez parlé des jeunes contrevenants, et ça m'amène à questionner un petit peu sur... On va recevoir certains groupes qui vont en parler d'une manière plus précise, mais votre recommandation m'amène à ça. Il y a effectivement un problème pour les jeunes qui souvent... La cause, au niveau de l'aide juridique, elle est en conflit d'intérêts avec l'intérêt du jeune puis l'intérêt du parent. Ce n'est pas le même intérêt. Donc, au niveau de l'aide juridique, en calculant les revenus des parents, il n'aurait pas droit à l'aide juridique. Et puis ce n'est pas évident que le parent, si l'intérêt du jeune, ce n'est pas le même que le sien, va être intéressé à payer des frais d'avocat pour défendre le droit du jeune. Est-ce que vous pouvez nous donner un petit peu des exemples de votre quotidien, de votre vécu là-dessus?

M. Hétu (Jean-Pierre): Je pense que les intervenants concernés, ce qu'ils nous disaient, en termes peut-être un peu crus... Souvent, la façon dont ça se passait par rapport au jeune contrevenant, c'est: Tu as voulu faire une erreur, bien, maintenant, tu vas payer, mon petit... Je ne citerai pas le reste de la phrase. C'est exactement un peu comme ça que ça se passe. Et je pense que, si on regarde dans le Groupe de travail sur l'accessibilité, à ce moment-là, on précise que, à son avis, on devrait toujours supposer qu'il n'y a pas de contribution des parents dans le cas de la loi des jeunes contrevenants, pour éviter effectivement qu'on suppose que des parents qui aient des moyens de le faire ne le fassent pas. Puis même des intervenants du milieu de la justice nous disaient: L'enfant ou le jeune est peut-être, au-delà de l'adulte, une personne à protéger encore plus, parce qu'il a encore moins de moyens de faire face à la machine. Il faut lui donner, je pense, encore plus d'attention qu'on en offrirait à une personne en général.

Mme Caron: Est-ce que vous iriez jusqu'à dire, parce que certains mémoires vont jusque-là, que ce n'est pas uniquement au niveau des jeunes contrevenants? On prône de reconnaître le droit, finalement, à l'assistance juridique aux jeunes.

Puis là je vous donne un exemple que, moi, j'ai rencontré à mon bureau: un jeune de 17 ans qui se voit confier par les tribunaux à la garde de ses grands-parents, qui veut poursuivre des études et dont la grand-mère ne veut pas qu'il poursuive des études, donc qui le rejette dehors, même si elle a une cause, là, disant qu'elle doit le garder, parce qu'il veut continuer ses études. Alors, il n'a pas vraiment de moyens de défense, il est juridiquement sous la protection de ses grands-parents. Mais là les grands-parents l'ont mis dehors. Ce n'est pas un jeune contrevenant, mais il a des droits à faire respecter aussi. Est-ce que vous élargiriez aussi au niveau des jeunes ou vous limiteriez ça aux jeunes contrevenants?

M. Perreault (Guy): Moi, je travaille en éducation, à la formation des maîtres à l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, et je peux vous dire qu'il y a beaucoup de nos étudiantes ou de nos étudiants qui doivent travailler pour poursuivre leurs études même et souvent quand les parents ont les moyens de payer pour eux autres. Alors, souvent, après avoir fini le cégep ou même le secondaire, les parents leur disent: Bien, on en a assez fait, là, maintenant débrouille-toi. Va travailler ou, si tu veux continuer tes études, bien, arrange-toi pour te trouver de l'argent. Et on voit aussi des jeunes... Dans mes cours, moi, j'ai des jeunes, qui, des fins de mois, ne mangent pas parce qu'ils n'ont pas d'argent pour manger. On sait que les frais de scolarité ont augmenté, on sait que les bourses n'ont pas nécessairement augmenté en conséquence. Alors, c'est évident qu'à ce niveau-là il y a des jeunes qui font des sacrifices énormes simplement pour avoir le droit de se faire instruire, alors qu'on leur dit à tour de bras que la scolarité est gratuite, que l'instruction est gratuite, ha, ha, ha! mais qui doivent travailler pour poursuivre leurs études.

Mme Caron: Oui, ça...

M. Perreault (Guy): Je pourrais vous citer des cas assez dramatiques.

Mme Caron: Oui, oui, c'est une réalité. Dans le cas dont je vous parle, il y avait non seulement... Il travaillait le soir, il travaillait les fins de semaine, mais c'était vraiment un interdit de pouvoir étudier en plus le jour.

M. Perreault (Guy): Oui.

Mme Caron: Ça allait jusque-là.

M. Hétu (Jean-Pierre): Ce qui peut être aussi problématique, selon certains intervenants, c'est que le droit à la confidentialité pour le jeune, lorsque c'est les parents qui paient les frais juridiques, ça pose un beau problème: est-ce que le jeune a le droit d'être défendu et que ce qui se passe entre lui et son avocat ne soit pas connu quand la facture, c'est papa et maman qui la paient? Ça posait certaines questions sinon de droit, sinon de relations dans la structure familiale.

Mme Caron: Je vous remercie.

M. Lefebvre: Alors, M. le Président...

Le Président (M. Messier): Vous voulez alterner? Est-ce que vous permettez?

M. Lefebvre: Ah! Excusez, vous avez d'autres questions.

Mme Caron: On peut alterner, oui.

Le Président (M. Messier): Non, non. Il y a d'autres questions?

M. Lefebvre: Ça va?

Le Président (M. Messier): O.K. Parfait. Allez-y, M. le ministre. Vous avez encore une dizaine de minutes, je crois.

Une voix: C'est ça. (12 h 50)

M. Lefebvre: MM. Hétu et Perreault, vous l'avez indiqué tout à l'heure, vous reprenez ce qui apparaît dans votre mémoire, puis je le disais tout à l'heure, quel est le rôle des CLSC. C'est un service de première ligne, hein, à tous les niveaux. On prend pour acquis, au Québec, et on semble prendre pour acquis, y compris les membres de la commission, que le système d'aide juridique, le régime d'aide juridique au Québec, à savoir que nos plus démunis ont le droit à être représentés devant les tribunaux par un avocat ou encore ont droit à la consultation vis-à-vis d'un avocat, d'un professionnel du droit, on prend pour acquis que tous les Québécois savent ça. Mais ce n'est pas le cas, hein! J'aimerais vous entendre là-dessus. J'aimerais que vous nous donniez votre avis là-dessus. Quelle est la proportion — évidemment, ce n'est pas une statistique, là, officielle que vous allez me donner — quelle est la proportion des Québécois et des Québécoises, puis je parle des plus démunis, qui ne savent même pas que ça existe, encore aujourd'hui, en 1994, malgré toute la publicité qui a pu être faite par la Commission des services juridiques? J'aimerais vous entendre là-dessus. M. Perreault, peut-être?

M. Perreault (Guy): Je serais très mal pris pour vous dire une proportion, là. Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: En gros, là, votre opinion là-dessus.

M. Perreault (Guy): Mais je pense qu'il y a une relation entre ces connaissances-là et le revenu. Je pense que, d'une façon générale, les personnes qui ont toujours vécu dans la pauvreté... Peut-être que, si elles sont sur le bien-être social, elles ont une certaine connaissance des systèmes et des moyens de les utiliser au maximum. Mais, pour les personnes qui ont toujours été à peu près entre le seuil de la pauvreté puis la survivance, là, la survie, et qui ont un certain orgueil de ne jamais avoir affaire aux autres, c'est dire: On est capables de s'en tirer tout seuls, chez cette proportion de la population là, je pense qu'il y a peut-être les trois quarts qui ne savent même pas qu'ils ont des droits, autant au niveau de la santé, de la défense juridique et de bien d'autres choses.

M. Lefebvre: lis ne savent pas que le régime existe.

M. Perreault (Guy): Ils ne connaissent absolument pas les lois et ils ont pris l'habitude, un peu comme ça existait quand, moi, j'étais jeune, dans les années quarante, cinquante, de dire: Le gouvernement, ça, on s'en passe, puis on est capables de se tirer d'affaire tout seuls. C'est comme un orgueil que les gens ont conservé, dans les milieux pas nécessairement les plus pauvres, là, mais ils ont toujours été capables de se débrouiller tout seuls.

M. Lefebvre: Oui.

M. Perreault (Guy): II y a comme une gêne, une honte d'avoir accès soit à l'aide sociale ou...

M. Hétu (Jean-Pierre): Oui. Je pense que fréquemment... Je n'ai pas d'exemples précis par rapport à l'aide juridique mais, par rapport à d'autres services, des travailleurs qui avaient des préjugés, comme beaucoup dans la population, et comme les journaux, entre autres, font pour les encourager, lorsqu'ils sont tombés de leur job à la possibilité d'aller sur l'aide sociale, ils ont retardé des mois et des mois avant d'aller demander les services. Pour eux autres, c'était comme la honte finale. Donc, il y a des gens, dans notre système, que ce soit à l'aide juridique, à l'assurance-chômage ou à l'aide sociale, ou quels que soient les services auxquels ils ont droit, pour qui l'accessibilité est... C'est un peu leur image ou la perception que la société a donnée de ça, et je pense qu'il faut faire attention de présenter vraiment les services comme étant des droits. Actuellement, on voit ça quasiment comme si de plus en plus, surtout au niveau de la classe des gens qui sont presque aussi pauvres que les assistés sociaux... On voit quasiment ça comme étant un cadeau que la société fait aux gens, ce qui entraîne beaucoup de barrières quant à l'utilisation pour la défense des droits des personnes.

M. Lefebvre: J'imagine, partant de ce que vous nous dites, que la Commission des services juridiques doit continuer à publiciser le régime d'aide juridique.

M. Hétu (Jean-Pierre): Oui. Actuellement, je pense que le feeling des gens en Abitibi-Témiscamingue, c'est que le bureau d'aide juridique offre de très bons services...

M. Lefebvre: Oui.

M. Hétu (Jean-Pierre): ...qu'il y a trop peu d'avocats, parce que actuellement...

M. Lefebvre: Combien y a-t-il d'avocats?

M. Hétu (Jean-Pierre): Je ne pourrais pas vous dire.

M. Lefebvre: Plus ou moins quatre, cinq?

M. Hétu (Jean-Pierre): Au bureau de Rouyn, oui, mais en gros je pense que c'est un service régional. Actuellement, je pense que ce qui limite l'accessibilité, d'une certaine façon, c'est que les avocats de l'aide juridique salariés ont trop de cas, ne prennent plus de nouveaux dossiers; et, lorsqu'on va dans le privé, surtout sur des cas compliqués de garde d'enfants, où l'enfant est à Hull et les parents à Rouyn-Noranda, de trouver un avocat du privé qui est prêt à prendre un mandat d'aide juridique là-dessus, ce n'est pas du tout évident.

M. Lefebvre: Merci, M. Hétu. Je vais garder les deux minutes qu'il me reste pour conclure.

Le Président (M. Messier): Oui, c'est ça. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Ce que vous venez d'exprimer concernant le problème d'accessibilité du côté des avocats privés, certaines autres régions en ont fait part, et je pense que c'est une réalité vécue par presque toutes les régions. Dès que les dossiers sont un petit peu compliqués, du côté des avocats de pratique privée, on refuse les mandats d'aide juridique, et les avocats permanents sont débordés. Alors, il y aurait peut-être lieu de se questionner sur le nombre d'avocats permanents, d'autant plus qu'au niveau des coûts du gouvernement, en fait, les avocats permanents, on sait combien ils nous coûtent, on le sait. C'est précis, on le sait à l'avance, les corporations régionales ne peuvent pas faire de déficit. Donc, au niveau des prévisions budgétaires, ça peut être intéressant d'augmenter le nombre pour répondre aux besoins.

Chez vous, au CLSC en particulier, est-ce que... Parce que certains CLSC offrent des services qui touchent la prévention, un petit peu l'aspect, aussi, quand ils reçoivent les gens... ils font un peu de prévention au niveau juridique, vont au moins les diriger aux bons endroits et tout ça. Comment ça se passe chez vous?

M. Hétu (Jean-Pierre): O.K. Il y a ce qu'on pourrait appeler, nous autres, les services d'accueil. Donc, quelqu'un qui ferait une demande, quel que soit le service auquel... va rencontrer une première personne qui va faire un genre de bilan de sa situation. Tout dépendant des problèmes vécus, il va la référer soit à des services à l'interne, soit à des services à l'externe, incluant l'aidé juridique. Il y a comme un service pour bien évaluer les besoins des personnes.

Mme Caron: Sur votre territoire, est-ce qu'il y a aussi des cliniques juridiques? Est-ce qu'il y a des organismes communautaires, là, qui travaillent plus l'aspect juridique?

M. Hétu (Jean-Pierre): En termes juridiques, non. Là où il y a des choses qui sont utiles... Je pense qu'il y a un regroupement de chômeurs et de chômeuses à Rouyn, un regroupement de chômeurs et de chômeuses à Val-d'Or, il y a trois regroupements de personnes assistées sociales, un à La Sarre, un à Rouyn, un à Ville-Marie, et un, je pense, aussi à Malartic, donc des gens qui peuvent au moins conseiller. Parce que souvent c'est des informations tout à fait de base: Je reviens du bureau de bien-être social, ils m'ont dit que j'avais tant. Puis il n'y a personne qui comprend les barèmes. Il y en a 154 ou 134. L'assisté social, quand il arrive au bureau de l'association des assistés sociaux, tout ce qu'il sait, c'est le montant qu'il a eu. Il ne sait pas s'il est apte, inapte, disponible, non disponible. Déjà là, juste de pouvoir l'informer qu'effectivement, oui, le chèque que tu as, c'est le bon chèque puis que ça correspond à tel barème, c'est déjà un gros morceau. Mais, en termes d'information juridique, il n'y a pas de...

Mme Caron: Chez vous, il y a aussi le Logement populaire en Abitibi-Témiscamingue qui nous a déposé un mémoire mais qu'on n'a pas pu entendre. Dans ses recommandations, il nous parlait d'instaurer un système spécialisé de médiation. Est-ce que vous pensez qu'il faut ajouter au niveau des moyens alternatifs?

M. Hétu (Jean-Pierre): Oui, je pense que c'est un volet... Même si on ne l'a pas touché, si on regarde, si on pense à diminuer les coûts de façon générale sans diminuer les services, je pense que c'est de ce côté-là qu'il faut aller voir tous les modèles alternatifs qui pourraient faire, un, d'une part, qu'on soit moins appelé à utiliser la justice et les avocats pour se défendre. Certains intervenants me disaient qu'avec le nouveau Code civil ce n'est pas du tout le cas. C'est peut-être le contraire, on va peut-être augmenter les raisons d'avoir accès à la justice.

Deuxièmement, c'est lorsque c'est obligatoire d'y aller. Il faudrait peut-être que des mécanismes pour régler les litiges avant que ça monte au niveau des avocats et des juges soient présents, et je pense que, de ce côté-là, il y a certainement beaucoup d'améliorations à apporter.

Mme Caron: II me reste, M. Hétu, M. Perreault, à vous remercier pour votre présence, à vous souhaiter un bon retour dans votre belle région. Et merci beaucoup pour votre contribution à nos travaux.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Messier): Merci, Mme la députée. M. le ministre, pour le mot de la fin.

M. Lefebvre: De mon côté, MM. Hétu et Perreault, moi aussi, je veux vous saluer et vous remercier pour le travail que vous faites bénévolement dans votre région. Je vous invite aussi à remercier vos

collègues qui travaillent avec vous, à tous les jours, à supporter nos plus démunis. Je suis conscient, on le sait, je l'ai dit tout à l'heure, que les CLSC, vous avez un rôle extraordinairement important dans nos régions.

Je retiens aussi que vous souhaitez qu'on donne de plus en plus d'informations pour qu'au moins on puisse, au niveau de cette couche de notre société, utiliser ce qui existe déjà, à tout le moins. Merci beaucoup.

Le Président (M. Messier): Merci beaucoup, M. le ministre. M. Hétu et M. Perreault, on vous remercie énormément. Bon voyage de retour. Et, moi, je vais suspendre les travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi, le temps du lunch. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 59)

(Reprise à 15 h 5)

Association des groupes d'intervention en défense de droits — Santé mentale du Québec

Le Président (M. Messier): Nous allons recommencer nos travaux dans cette belle salle, par cet après-midi ensoleillé, en demandant à l'Association des groupes d'intervention en défense de droits — Santé mentale du Québec de se présenter en avant. Nous devrions avoir M. Morin — c'est bien ça — et Mme Laurin. Bon après-midi.

M. Morin (Paul): Oui. Bonjour.

Le Président (M. Messier): Bonjour. Vous allez avoir une vingtaine de minutes pour exposer vos commentaires sur le mémoire, et après ça, de part et d'autre, il va y avoir des échanges d'une vingtaine de minutes. Je demanderais à l'un ou l'autre de se présenter et de présenter la personne qui l'accompagne, et nous lire, après ça, le mémoire.

M. Morin (Paul): Oui, Paul Morin. Je suis administrateur à l'AGJDD et je suis coordonnateur du collectif de défense des droits en Montérégie. Je suis accompagné par Mme Claudine Laurin, qui est coordon-natrice de notre association provinciale.

D'abord, d'entrée de jeu, juste présenter un peu l'AGIDD, qui est l'Association des groupes d'intervention en défense de droits — Santé mentale du Québec, une association provinciale qui regroupe une quarantaine de membres, soit des groupes d'entraide en santé mentale, des organismes régionaux de défense des droits en santé mentale et des comités d'usagers de centres hospitaliers psychiatriques.

Ce qu'il est important de comprendre, c'est que notre mandat en est un qui origine du ministère. Et nous, nos groupes aident et accompagnent des personnes qui ont des problèmes de santé mentale lorsqu'elles font des revendications et des demandes au niveau du respect de leurs droits.

Au niveau des dossiers, peut-être juste présenter un peu les dossiers prioritaires de l'AGIDD qui peuvent présentement avoir un lien avec le juridique. On parle, entre autres, de tout le suivi de la réforme du Code civil qui a certaines incidences, entre autres, sur la loi de protection du malade mental. On suit attentivement l'application du Code civil et du Code de procédure civile. On a, entre autres, sorti un vidéo, récemment, qui concerne toute la question du consentement libre et éclairé au niveau de la médication. C'est un vidéo qui a été subventionné par Santé et Bien-être social Canada. On peut aussi parler de la réforme des corporations. C'est un dossier qu'on suit d'assez près. Récemment, on a rencontré le coroner en chef, M. Morin. C'est aussi un dossier qu'on suit de près, toute la question des enquêtes du coroner. Finalement, toute la question du Protecteur du citoyen, c'est aussi un dossier que l'on suit attentivement. Comme on est un organisme communautaire, ce qui est assez rare, on a eu un mandat du ministère de la Santé et des Services sociaux pour être dispensateurs d'une formation au niveau des droits et des recours des usagers en santé et services sociaux.

Donc, par rapport à notre mémoire comme tel, en temps qu'organisme provincial regroupant des usagers et usagères des services de santé et services sociaux, plus particulièrement en santé mentale, nous déposons ici nos réflexions concernant la présente réforme. Notre mandat se situant notamment en défense des droits des usagers et usagères ayant des problèmes de santé mentale, la question de la réforme de l'aide juridique nous concerne directement, compte tenu que la majorité des personnes bénéficiant de nos services fait partie des plus démunis de notre société.

Notre pratique en défense des droits nous amène régulièrement à être en relation avec les différents intervenants de l'aide juridique afin d'assurer la défense ou exercer les recours pour les personnes confrontées à des problèmes légaux. Plus précisément, notre rôle en aide et accompagnement nous permet de constater les difficultés d'application du système actuel.

Incidemment, la rationalisation du système met malheureusement en péril la cohérence entre les principes de base des différentes politiques sociales et l'application de ceux-ci. À notre avis, toute réforme du système d'aide juridique actuel doit tenir compte d'une plus grande accessibilité à la justice et ce, dans un contexte socio-économique précaire. La réforme devrait donc favoriser une défense pleine et entière des personnes qui veulent faire respecter leurs droits.

La politique de santé mentale reconnaît l'importance du respect et de la protection des droits. L'avènement de la politique de santé mentale amena d'ailleurs les MSSS à mettre sur pied un comité de travail qui publia un rapport, soit: «Promotion, respect et protection des droits» en 1990. Les groupes de défense des droits en santé mentale ont d'ailleurs pris leurs assises dans le système de santé et services sociaux suite aux travaux de

ce comité, et ce, dans l'ensemble du Québec. De par l'information et la formation, les personnes ayant des problèmes de santé mentale commencent à prendre conscience de leurs droits et de leurs recours. Si la réforme du système actuel de l'aide juridique brime 1 l'accessibilité aux différents recours, le gouvernement travaillera à rencontre de ses propres politiques.

Le comité de travail du MSSS soulignait: L'exercice des droits: une entreprise difficile. La promotion, le respect et la protection des droits amènent à considérer d'abord les chartes, fédérale et provinciale, des droits et libertés de la personne, ainsi que les lois générales, dont la Loi sur les services de santé et les services sociaux. La législation fait état des droits fondamentaux, par exemple, le droit à la liberté, à l'intégrité, à la vie privée. Un second aspect doit être pris en compte, le droit, pour toute personne, d'obtenir des services continus, personnalisés et adéquats sur les plans humain, social et scientifique, compte tenu des ressources disponibles. — Politique de santé mentale.

Cependant, il faut souligner l'hiatus qui existe entre les appareils législatifs réglementaires, d'une part, et la loi et son application, d'autre part. Tout d'abord, et de manière générale, le problème n'est pas celui de l'existence de droits, mais bien celui de l'accès aux recours et de leur efficacité. En effet, un bon nombre d'obstacles ne sont pas liés à l'insuffisance des droits, mais plus fondamentalement à un manque d'information sur ces droits et sur les recours existants ou, encore, à l'insuffisance des recours ou à la difficulté d'y avoir accès. Ce manque d'information est non seulement le fait des personnes qui reçoivent les services, mais également celui des intervenants et des administrateurs chargés de les planifier, de les dispenser et de les gérer.

À ces obstacles, qui viennent déjà limiter la possibilité pour une personne d'exercer ses droits de manière adéquate, s'ajoutent certains autres problèmes particuliers au réseau de la santé et des services sociaux. Ainsi, en ce qui concerne d'abord les recours permettant d'exercer le droit à des services de qualité, le groupe de travail a pu relever les points suivants: le seul mécanisme prévu par la loi au sein du réseau — le service des plaintes des régies régionales, maintenant — est peu connu, considéré comme peu important et dénué de pouvoirs significatifs; les instances devant normalement garantir la qualité des actes professionnels, c'est-à-dire les corporations professionnelles, le Conseil des médecins et dentistes (CMDP), etc., fonctionnent en vase clos et demeurent des mécanismes de contrôle entre pairs. Cette situation ne laisse d'autre choix, à toutes fins utiles, que le recours au judiciaire lorsqu'il s'agit, pour l'usager, d'obtenir un correctif ou une compensation pour un acte professionnel insatisfaisant. (15 h 10)

Le recours au judiciaire, pour sa part, peut être relativement coûteux, douloureux et peu approprié dans plusieurs cas. En conséquence, il reste peu exploité. Et nous soulignons: Parmi les difficultés d'accès au judiciaire, il faut noter que les barèmes actuels d'admissibi- lité à l'aide juridique placent ce service hors de la portée d'une partie de la clientèle qui pourrait en bénéficier. Pour la plupart des usagers bénéficiaires, faire valoir leurs droits, notamment celui à des services de qualité, reste une entreprise qui peut, dans les faits, s'avérer hasardeuse.

Plusieurs des instances ayant à s'occuper de ces problèmes, c'est-à-dire les corporations professionnelles et le système judiciaire, par exemple, demeurent hors de la juridiction immédiate du mandataire de ce groupe de travail, le ministère de la Santé et des Services sociaux. Cependant, il semble opportun de faire certaines recommandations les concernant, dans l'espoir qu'un jour une réforme pourra venir modifier et améliorer leur fonctionnement. Le Sommet sur la Justice aurait pu être une occasion d'amorcer une telle réforme et ça n'a pas été le cas.

Pour les personnes éprouvant des problèmes de santé mentale, la défense et l'exercice de leurs droits peuvent s'avérer particulièrement ardus. Cette difficulté concerne autant le droit aux services — il faut noter que la nature de leurs problèmes rend ces personnes bien plus dépendantes de ces services que la moyenne des usagers — que l'ensemble des droits existants. En effet, puisqu'un bon nombre de ces personnes vivent ou auront à vivre dans la communauté, les handicaps liés à leur santé rendent plus difficile l'exercice de l'ensemble de leurs droits. Peu de moyens sont, à l'heure actuelle, disponibles pour venir en aide à ces personnes lorsqu'elles tentent de faire valoir leurs droits et, parmi les moyens qui existent, groupes de promotion de défense des droits, comités de bénéficiaires, peu sont en mesure d'offrir une aide constante en tout lieu et une information appropriée pour l'ensemble des recours existants. C'est extrait du document «Promotion, respect et protection des droits.»

C'est donc dans cet esprit que l'AGIDD — SMQ apportera ses recommandations.

Mme Laurin (Claudine): Au niveau des recommandations, les critères d'accessibilité. Le fait que les critères d'accessibilité n'aient pas été augmentés pour la personne seule depuis 1983 et pour les familles depuis 1985 rend la situation de plus en plus problématique. Les critères actuels sont nettement inférieurs au salaire minimum. Il nous apparaît opportun de réajuster à la hausse les barèmes d'admissibilité en tenant compte de la conjoncture économique actuelle.

Nous recommandons, à ce chapitre, que les barèmes soient portés à 16 667 $ pour une personne seule, soit 100 % du maximum des gains admissibles qui est fixé par la Régie des rentes. Les barèmes pour les familles monoparentales ou les couples devraient s'ajuster à partir de ce taux de base. Cependant, nous recommandons d'instituer un système de contribution pour la personne qui dépasserait le barème de base, alors que, présentement, il n'y a pas d'échelle. C'est des recommandations, d'ailleurs, qu'on avait faites pour le Sommet sur la Justice.

ainsi, nous proposons l'échelle suivante: 100 % du maximum de gains; à 110 96, 80 % payés par l'aide juridique; à 115 %, 60 % payés par l'aide juridique; à 120 %, 40 %; à 130 %, 20 %; et, à 135 %, la totalité ne pourrait être payée.

Nous sommes conscients que d'instituer un tel mécanisme entraînera des coûts au niveau de son application. Cependant, nous sommes convaincus, tout de même, de la rentabilité d'un tel système. Nous préférons une telle approche plutôt qu'un ticket modérateur. Le principe de la contribution viendrait, à toutes fins pratiques, régler le problème d'abus du service.

Dans une logique de rationalisation, les différents ministères ont mis de l'avant plusieurs campagnes publicitaires incitant les gens à s'informer avant de s'engager dans une affaire. Cependant, l'instauration du ticket modérateur nous semble contradictoire à l'objectif visé, soit la réduction des coûts. N'ayant accès à aucune consultation gratuite auprès de l'aide juridique sans être forcés d'enclencher, dès lors, le processus, cela ne pourrait qu'augmenter considérablement les coûts.

De plus, nous ne souscrivons pas davantage à l'idée de faire une discrimination à partir du statut des personnes. Nous désirons un système avec des critères objectifs plutôt que des critères discrétionnaires. Ainsi, le système que nous vous suggérons a l'avantage d'éliminer le pouvoir discrétionnaire dans l'admissibilité au service du système actuel.

Finalement, notre organisme propose que l'aide juridique soit accessible pour toute poursuite en dommages et intérêts et ce, pour toute faute professionnelle ou toute action systémique. Advenant que le tribunal reconnaisse le bien-fondé de la poursuite, les frais judiciaires et extrajudiciaires encourus seront remboursés à l'État et ce, proportionnellement au montant octroyé à titre de dommages et intérêts. Il est évident que nous revendiquons une indexation automatique et annuelle des seuils d'admissibilité.

La couverture des services offerts. Dans le document de consultation du ministre, «L'aide juridique au Québec: une question de choix, une question de moyens», il est proposé différents scénarios concernant les coupures dans le régime actuel. À notre avis, il est impératif de conserver la couverture actuelle des services offerts. Nous n'avons pas regardé en entier les scénarios. Cependant, le document ministériel laisse entendre qu'il serait possiblement opportun que l'aide juridique ne couvre pas la représentation devant les tribunaux administratifs. À la page 37 du document, la question: Est-il opportun de maintenir la couverture du régime d'aide juridique lorsque le requérant demande à être représenté par un avocat devant un tribunal dont la loi constitutive ne précise pas que la représentation est du ressort exclusif de l'avocat, notamment à la CSST, la Régie du logement ou la Commission des affaires sociales? cette question sous-tend que l'on peut se faire représenter par un non-avocat devant certains tribunaux administratifs. Notre expérience nous dit le contraire, notamment devant la Régie du logement et la Commission des affaires sociales concernant, entre autres, l'audition pour la levée de la cure fermée prévue par la Loi sur la protection du malade mental. Il est donc faux d'affirmer de tels propos. À cet égard, cependant, nous désirons proposer que le gouvernement octroie aux organismes communautaires de promotion et de défense de droits un pouvoir d'intervention dans les affaires soumises aux tribunaux administratifs lorsque l'intérêt général de leurs membres est concerné. Cela, d'autant plus que ces organismes seront éligibles à un programme de recherche juridique subventionné par le ministère de la Justice. Il semble donc prématuré de retirer ce droit présentement sans une modification en profondeur des tribunaux administratifs, réforme qui devra garantir le droit de représentation par un tiers non-avocat.

Enlever les mandats pour les représentations devant les tribunaux administratifs se traduirait par donner une opportunité d'abus de pouvoir aux différents fonctionnaires chargés d'appliquer la loi. Prenons, par exemple, un agent d'aide sociale qui décide de couper un chèque d'un prestataire car, selon son interprétation, ce dernier n'aurait pas droit à ce taux. Le prestataire ne pouvant être représenté par un avocat payé par l'aide juridique pour se défendre, comment lui assurer une défense pleine et entière considérant qu'il est légitime de croire qu'il est tout à fait probable qu'il ne soit pas autant informé de la loi que l'agent qui rend la décision? Avec de telles mesures, nous croyons ouvrir la porte à l'arbitraire.

Prenons également l'exemple d'une personne qui désire faire lever sa cure fermée devant la Commission des affaires sociales. Si la personne n'a pas accès à l'aide juridique pour se faire représenter devant ce tribunal, ses chances d'obtenir gain de cause sont pratiquement nulles. Comment voulez-vous qu'une personne ayant des problèmes de santé mentale puisse se défendre efficacement sans mandataire? Jusqu'à maintenant, les groupes de défense de droits n'ont pas le droit de parole devant cette instance, à moins qu'ils soient assignés comme témoins. Les décisions de la Commission nous démontrent qu'il n'est pas rare de rencontrer des personnes qui ont été placées en cure fermée injustement. Il faut donc assurer la défense pleine et entière, tel que prévu dans la Loi sur la Commission des affaires sociales.

Quand on compare actuellement l'organisation de l'aide juridique du Québec à celle des autres provinces canadiennes, il ne nous semble pas nécessaire d'inventer un autre type d'organisation. Le système actuel nous paraît efficace et approprié. De plus, le document du ministère soumis pour la consultation nous démontre que notre régime d'aide juridique est le moins coûteux par habitant au Canada.

En conclusion, nous remercions la commission parlementaire de nous avoir permis de présenter notre position concernant la réforme. Nous sommes grandement préoccupés par le projet, surtout en ce qui concerne, justement, la non-représentation, la possibilité de non-représentation, d'enlever le droit à l'aide juridique dans les tribunaux administratifs.

Le Président (M. Messier): Merci, Mme Laurin. M. Morin, est-ce que vous avez d'autres interventions? Ça va?

M. Morin (Paul): Enfin, peut-être juste mentionner le fait que, encore une fois, compte tenu de la réforme du Code civil et des modifications qui ont été apportées au niveau de la loi de protection du malade mental, ça nous apparaît encore d'autant plus important que, avec la judiciarisation qui a été mise en place, on mette en place un droit de représentation pour les non-avocats au niveau de la Commission des affaires sociales. On insiste là-dessus, parce que, si on a bien compris le document du ministère, il y a tout un objectif de rationalisation des coûts. Et, bon, une des façons de rationaliser les coûts, ce serait justement de permettre à des non-avocats de représenter des personnes devant la Commission des affaires sociales comme à la division de protection du malade mental. (15 h 20)

Le Président (M. Messier): Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Lefebvre: Mme Laurin et M. Morin, je vous remercie d'avoir, au nom de votre groupe, soumis un mémoire qui touche évidemment un problème très particulier ou une catégorie très, très précise de nos citoyens. Et, lorsqu'on parle de citoyens qui vivent des problèmes ou des situations difficiles, c'est évident que les bénéficiaires que vous représentez, cet après-midi, là, qui ont des problèmes de santé mentale, on n'a pas à discourir longtemps pour s'entendre là-dessus, c'est des gens qui ont besoin de protection, qui ont besoin d'être encadrés et qui ont besoin, évidemment, d'être informés. Dans ce sens-là, le système d'aide juridique doit être le plus accessible possible et, ce que je veux indiquer, c'est qu'ils puissent au moins utiliser les services qui sont déjà en place. Alors, vous êtes là pour les aider. Je veux vous saluer et vous remercier d'être là également pour expliciter votre mémoire.

Vous avez, M. Morin, terminé votre exposé justement sur le point sur lequel je voulais immédiatement revenir — à la page 10 de votre mémoire — et vous avez insisté, là, vous l'avez réexpliqué. J'aimerais que vous me donniez un peu plus d'explications. Ce que vous suggérez, c'est qu'au niveau de certaines démarches vis-à-vis de nos tribunaux quasi judiciaires — on parle de droit administratif — vous pensez que votre clientèle serait représentée de façon plus solide par des non-avocats. Je veux bien comprendre. C'est des explications que je vous demande.

M. Morin (Paul): O.K. Il y a deux niveaux, là. Nous, ce qu'on dit: d'abord, qu'on mette de l'avant le droit, pour la personne, de choisir.

M. Lefebvre: Oui.

M. Morin (Paul): Nous, ce qu'on dit, c'est que la personne devrait avoir le droit de choisir entre un avocat et un non-avocat. Présentement, elle n'a pas le choix, elle doit prendre un avocat. Donc, pour nous, c'est d'abord et avant tout le principe de mettre de l'avant le droit de la personne de choisir, ce qui, en santé mentale, n'est pas toujours évident. Mais au moins, là, elle aurait le droit de choisir au niveau de sa représentation devant la division de protection du malade mental, qui est une instance de la Commission des affaires sociales. C'est un tribunal qui est composé de deux psychiatres et d'un avocat.

Nous, ce qu'il faut dire, c'est que nos gens qui travaillent pour les organismes régionaux de défense des droits ou des comités d'usagers, c'est des gens qui ont une expertise. Il n'y a aucun avocat ou avocate, présentement, qui travaille pour ces groupes-là, mais c'est des gens qui ont développé une expertise sur le terrain. Et je pourrais vous dire la façon dont ça se passe présentement, par exemple. Si on prend un exemple concret, une personne, Mme X, est en cure fermée dans un centre hospitalier. Elle nous téléphone et nous dit: Bon, je suis en cure fermée, je voudrais savoir mes droits. Là, nous, on va aller voir la personne et on va l'aider à monter tout son dossier. Et, finalement, on va contacter un avocat. Bon, supposons que la personne soit admissible à l'aide juridique, on peut toujours trouver les gens, des avocats qui sont spécialisés, mais, souvent, ce n'est pas des avocats spécialisés. Ça fait que, nous, on se trouve à monter tout le dossier de a à z, et là l'avocat ou l'avocate va arriver, va peut-être passer 30 minutes, et va avoir un 450 $ payé par l'aide juridique et, finalement, tout le travail va avoir été fait par nous. Et, nous, on n'a même pas le droit de parler à la Commission des affaires sociales.

M. Lefebvre: Ce que vous dites, M. Morin, c'est que la personne qui a accompagné le bénéficiaire dans toute sa démarche, dans l'évaluation de la situation du problème et de la solution, serait mieux préparée, pour représenter les intérêts de cette personne-là devant l'organisme, qu'un avocat. Est-ce que vous auriez le goût d'ajouter, en plus, que ce n'est pas tellement, devant ces organismes-là, un débat juridique? C'est autre chose qu'un débat juridique et de procédure.

M. Morin (Paul): Enfin, lorsque quelqu'un est en cure fermée...

M. Lefebvre: Si vous êtes certain que votre bénéficiaire serait mieux représenté par un non-avocat...

M. Morin (Paul): C'est parce que le débat... Devant la Commission des affaires sociales, le débat se fait au niveau de la dangerosité. Si une personne est en cure fermée, c'est parce qu'elle est considérée comme dangereuse pour elle-même ou pour autrui. Sauf que, tout le monde le dit, la dangerosité, un profane, comme un psychiatre, ne peut pas la prédire; on n'est pas dans l'ordre de la science au niveau de la dangerosité. Ça fait

qu'il y a très peu d'avocats qui sont spécialisés à ce niveau-là. Il faut savoir aussi, lorsqu'on a déjà assisté à ce type d'audience là, qu'il y a toutes sortes de questions qui Sont posées par les psychiatres, et je peux vous dire que la notion de dangerosité, elle est plutôt arbitraire et élastique.

Enfin, nous, au niveau de l'AGIDD, par exemple, on a eu une subvention du CQRS pour analyser justement l'ensemble de la jurisprudence à la Commission des affaires sociales, de 1975 à 1992. Je travaille sur ce projet de recherche là avec Me Jean-Pierre Ménard et David Cohen, qui est professeur à l'École de service social. C'est un travail... C'est la première fois que ça se fait au Canada même. On va analyser toute la jurisprudence, de 1975 à 1992, pour savoir c'est quoi, les critères de dangerosité. Et c'est un partenariat entre un groupe communautaire et des chercheurs.

Donc, je pense que ça dit bien qu'un groupe comme l'AGIDD, qui représente différentes associations de défense de droits, est peut-être en train de développer une expertise. Il faut comprendre que les avocats et les avocates font leur possible, mais ils ont plein de dossiers, ils n'ont pas nécessairement le temps, surtout les avocats de l'aide juridique, qui peuvent être débordés. Nous, notre boulot, c'est ça. On est des experts en ce sens-là. On développe une relation privilégiée. Il faut savoir que les gens qui sont en cure fermée ne sont peut-être pas dangereux, mais c'est évident qu'ils ont des problèmes de santé mentale. Bon. Les avocats sont habilités à exercer le droit, mais, des fois, au niveau d'entrer en communication avec quelqu'un qui a des problèmes assez sérieux, ce n'est pas toujours évident. Nous, on est habilités à faire ça.

M. Lefebvre: Je vous comprends.

M. Morin (Paul): Je pense que c'est important. C'est dans ce sens-là.

M. Lefebvre: Vous suggérez, à la page 8 de votre mémoire, qu'on fasse disparaître, après avoir amélioré le seuil d'admissibilité, le pouvoir discrétionnaire des permanents. Vous dites ça à l'avant-dernier paragraphe de la page 8. Est-ce que vous suggérez qu'il n'y ait, en aucune situation, aucune possibilité d'intervention, pour quelqu'un qui a à évaluer l'admissibilité ou la vraisemblance du droit, à partir du moment où on dépasserait, ne serait-ce que de 1 $, le seuil d'admissibilité? Je veux que ce soit clair. C'est-à-dire que je veux bien comprendre ce que vous suggérez.

Mme Laurin (Claudine): Ce n'était pas tellement dans ce sens-là.

M. Lefebvre: Non?

Mme Laurin (Claudine): C'était plus dans le sens que le pouvoir discrétionnaire... Si on prend comme le recours à l'aide juridique pour des groupes de personnes, bon, il y a certaines régions qui disent: si l'ensemble des administrateurs du conseil d'administration sont éligibles à l'aide juridique, donc, là, on peut y aller. il y en a d'autres qui disent que c'est 75 %. c'est plus à ce niveau discrétionnaire, dans le sens où il y a beaucoup d'interprétations à savoir qui peut être eligible. ce n'est pas dans le sens de pénaliser la personne, si elle a 1 $ de plus.

M. Lefebvre: Non, non. Ce que vous voulez, c'est un resserrement des définitions?

Mme Laurin (Claudine): Oui, pour que ça puisse être interprété parce que, présentement, on vit des situations où il y a des places où on accepte. L'admissibilité, c'est un autre critère.

M. Morin (Paul): On peut vous donner un exemple qui est peut-être assez particulier, mais qui, malheureusement, est bel et bien arrivé, qui est lié à toute la question, encore une fois, de la réforme du Code civil et la loi de protection du malade mental. C'est que, dans la région de Saint-Jean, compte tenu que les personnes qui ne sont pas admissibles à l'aide juridique doivent dorénavant avoir un avocat ou une avocate pour aller chercher une ordonnance d'examen clinique psychiatrique, nous, on a eu connaissance du cas d'une personne, dans la région de Saint-Jean, qui était en contact avec un groupe communautaire, le Centre d'action bénévole de Saint-Jean, et c'est le centre d'action bénévole qui a été cherché l'ordonnance d'examen clinique psychiatrique. Le centre d'action bénévole a eu un mandat d'aide juridique en prétextant que l'ensemble de ses membres était admissible à l'aide juridique.

Je pourrais vous dire que c'est assez particulier qu'un centre d'action bénévole puisse avoir un mandat d'aide juridique pour faire interner une personne contre son gré. Est-ce que c'est ça qu'on veut qui se développe? Je veux dire, il y a peut-être certains arbitraires qui peuvent se développer. Je ne sais pas, moi, une association de parents pourrait aller chercher un mandat d'aide juridique en disant que tous ses membres sont admissibles à l'aide juridique, et aller chercher des mandats d'aide juridique pour faire hospitaliser Pierre, Jean, Jacques. C'est ça qu'on veut?

M. Lefebvre: Vous suggérez — en bas de la page 8 de votre document, les deux dernières lignes de la page 8, et ça continue, évidemment, à la page 9 — d'élargir l'ouverture des services en rendant accessibles à un justiciable les poursuites en dommages et intérêts de toute nature. C'est-à-dire, je m'excuse, pas de toute nature, mais au niveau de la faute professionnelle, particulièrement. Oui, allez-y, madame.

Mme Laurin (Claudine): C'est un sérieux problème pour notre clientèle qu'on dessert, pour les usagers membres de l'Association. N'étant pas ouvert...

M. Lefebvre: Vous pensez à des fautes médicales, j'imagine.

Mme Laurin (Claudine): Pas juste des fautes médicales.

M. Lefebvre: Non?

Mme Laurin (Claudine): Oui, des erreurs médicales, mais aussi toute la question comme de l'agression sexuelle, le harcèlement sexuel.

M. Lefebvre: Oui.

Mme Laurin (Claudine): Bon, à chaque fois — ou même quelqu'un qui a eu une erreur médicale — on n'est pas capables d'ouvrir une poursuite parce que l'aide juridique n'est pas ouverte à ce genre de... À ce moment-là, quand on dit que c'est un système qui assure la défense pleine et entière, peut-être, oui, qu'on peut s'en servir, si on est accusé de quelque chose, mais on ne peut pas s'assurer une défense pleine et entière pour aller... On fait face à une clientèle pour qui c'est déjà très difficile de monter le dossier. Il y aurait toujours des bureaux dans le privé qu'on pourrait prendre et dire: prenez le pourcentage, lors du gain, sauf que, comme c'est des clientèles pour qui ça demande beaucoup d'investissements de la part du bureau d'avocat pour monter un dossier, ce n'est pas des dossiers alléchants pour pouvoir attirer. Donc, si l'aide juridique n'ouvre pas la poursuite, bien, on reste dans des situations d'abus de droit non réglées. (15 h 30)

M. Lefebvre: Votre proposition, globalement, quant à l'amélioration du seuil d'admissibilité, si je vous disais que ça totaliserait plus ou moins 60 000 000 $... Parce que vous suggérez une participation décroissante de l'aide juridique jusqu'à, si vous faites le calcul, 130 % du maximum des gains admissibles. Pour une personne seule, ça représente 21 000 $ et, pour un couple avec deux enfants, ça représente 43 000 $. Alors, vous suggérez dans votre document que l'aide juridique intervienne jusqu'à concurrence de 20 % pô\ir une personne qui aurait un revenu équivalant à 130 % du MGA. Alors, ce que vous suggérez, c'est que l'aide juridique intervienne pour un couple dont le revenu est de 43 000 $. Je veux juste vous indiquer que, globalement, votre proposition obligerait l'État à injecter, strictement là-dessus, 60 000 000 $.

Mme Laurin (Claudine): II pourrait...

M. Lefebvre: C'est un calcul qu'on a fait au ministère.

Mme Laurin (Claudine): Oui, c'est correct. Je n'ai pas eu le temps, malheureusement...

M. Lefebvre: C'est pour vous indiquer dans quel ordre de grandeur on discute.

Mme Laurin (Claudine): J'aurais aimé ça, le recevoir pour avoir le temps de l'analyser.

M. Lefebvre: Non, non, je comprends, madame. Je n'essaie pas de vous embêter avec ça, là. Je vous donne l'information.

Mme Laurin (Claudine): Disons que ça a réussi. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Non, non, ce n'est pas mon but. Ce n'est pas mon objectif, là. Ce n'est que pour qu'on ait sur la table tous les éléments.

Mme Laurin (Claudine): J'aurais dû m'y attendre. Disons qu'il pourrait y avoir des aménagements là-dedans pour...

M. Lefebvre: C'est parce que, face à ces chiffres-là, vous auriez peut-être une alternative à nous proposer.

Mme Laurin (Claudine): Je pense qu'il peut y avoir des aménagements, puis dire... Bon. Ça peut être aménagé, mais aussi il faudrait peut-être regarder... C'est parce que, là, on parle de la réforme. Malheureusement, c'est ce qui nous a créé problème quand on a répondu à la réforme de l'aide juridique: c'est qu'on ne parle que de la réforme de l'aide juridique et, parallèlement, on a toute la réforme des tribunaux administratifs. Moi, je pense que ce qui aurait été avantageux, c'est de pouvoir discuter les deux de pair. Parce que, là, vous m'arrivez avec le chiffre, ici. Par ailleurs, il y a peut-être des aménagements de la justice, de l'ordre des tribunaux administratifs, qui pourraient aussi être réaménagés. C'est l'entonnoir dans lequel on a été pris...

M. Lefebvre: Mme Laurin, on a plusieurs années devant nous pour faire tout ça.

Mme Laurin (Claudine): Oui, mais... Sauf que la demande qu'on a faite de pouvoir représenter les usagers à la CAS, on espère que vous ne prendrez pas plusieurs années pour y répondre.

M. Lefebvre: Merci, madame. Je vais laisser l'Opposition officielle compléter, s'il y a lieu.

Le Président (M. Messier): Sur le sujet du mémoire; il ne faut pas extrapoler sur d'autres choses.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, M. Morin, Mme Laurin, bienvenue. Vous nous avez entretenus, évidemment, d'un sujet bien particulier, et je pense que le travail que vous accomplissez auprès de cette clientèle-là est très important, autant pour les personnes que pour l'ensemble de la communauté, il faut le reconnaître. Et je suis heureuse de vous entendre, parce qu'on n'a pas beaucoup de mémoires,

effectivement, qui vont traiter de ce problème particulier, et il n'y en a pas beaucoup qui peuvent en traiter aussi bien que vous.

Peut-être juste un petit point d'éclaircissement. Lorsqu'on vous parle, évidemment, de coûts, c'est évident que ce sont toujours des montants qui sont importants, il faut le dire. Mais, quand on regarde l'ensemble des coûts de l'État, il faut peut-être juste rappeler que, du côté du budget de santé et de services sociaux, c'est 12 000 000 000 $, donc 30,6 % du budget de l'État. En éducation, c'est 23 %, un peu plus que 9 000 000 000 $, et, en justice, pour l'ensemble de la justice — pas seulement l'aide juridique — c'est 491 000 000 $, 1,2 % du budget de l'État. Bon. Alors, il y a certains choix, aussi, à faire. O.K.

Moi aussi, je voudrais revenir sur la page 10 de votre mémoire, sur la demande que vous faites de représentation par un tiers non-avocat, quand vous nous dites que le lien que vous créez avec les personnes est évidemment un lien particulier. Et, ça, personne ne peut en douter, que les compétences que vous avez développées font évidemment que, pour établir le lien avec la personne, vous êtes beaucoup plus habilités à le faire qu'un avocat qui arrive, qui ne connaît pas la personne ou qui n'est pas spécialiste dans ce domaine-là. Je pense que c'est bien réel. Parce que vous semblez avoir pu assister des personnes à quelques reprises dans les tribunaux administratifs.

Lorsqu'un avocat a à défendre une personne et que, vous, vous êtes témoin, par exemple pour s'opposer à une cure fermée, de l'autre côté, c'est actuellement, évidemment, aussi un avocat. Est-ce que, de façon générale, de l'autre côté, il y a davantage d'avocats spécialisés dans ce domaine-là ou si vous avez l'impression que, de toute façon, il n'y a pas d'avocats qui sont spécialisés dans ces domaines-là et que ce serait beaucoup mieux d'utiliser des tierces personnes?

M. Morin (Paul): Au niveau de la Commission des affaires sociales, ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il n'y a pas d'avocats comme tels qui représentent la partie hospitalière. Il y a la Commission des affaires sociales, la présidence, un avocat ou une avocate, deux psychiatres qui siègent. Et, là, vous avez la partie hospitalière représentée par le psychiatre traitant, l'usager lui-même et l'avocat qui va le représenter ou une personne qui va le représenter. Donc, ce n'est pas avocat contre avocat.

Mme Caron: Mais, les avocats qui jugent... Est-ce que, selon vous, il y a une expertise vraiment solide dans ce domaine-là ou...

M. Morin (Paul): Au niveau de la présidence de la Commission des affaires sociales, ce n'est pas tout à fait évident. Par rapport au projet de recherche que je vous passais tantôt, en 17 ans, il est peut-être passé 12, 15 psychiatres au tribunal de la CAS, et il est peut-être passé une trentaine d'avocats et d'avocates. Ça fait que, nous, on a vraiment l'impression que c'est deux psychiatres et un avocat. C'est beaucoup plus le discours clinique, psychiatrique, qui l'emporte qu'un discours juridique, pour nous. Mais, enfin, on va voir justement, au niveau du projet de recherche, c'est quoi les critères. Présentement, c'est plus des impressions qu'on a quand on dit que c'est arbitraire, si on veut; ce n'est pas de l'ordre scientifique. Le projet de recherche va effectivement clarifier quels sont les paramètres utilisés par les assesseurs pour décider si une personne est dangereuse ou pas, c'est-à-dire de lever ou pas la cure fermée.

Dans ce sens-là, la personne usagère, si elle était représentée par une personne non avocate, cette personne-là pourrait questionner le psychiatre, ce qu'elle n'a pas le droit de faire présentement. Elle pourrait faire des représentations. Nous, on a développé une expertise là-dedans. Il y a effectivement quelques avocats et avocates qui ont développé une expertise là-dedans, mais ces avocats et ces avocates-là pourraient aussi utiliser leur expertise devant le juge parce que, là, nous, on parle du tribunal de la Commission des affaires sociales, mais, avec la réforme du Code civil, maintenant, il va y avoir des audiences en chambre pour la garde obligatoire. Là, il pourrait y avoir effectivement une bataille d'avocats ou d'avocates entre l'avocat représentant la partie hospitalière — parce que, maintenant, il faut absolument que ce soit un avocat qui représente l'hôpital — et l'avocat ou l'avocate qui représente l'usager devant le juge pour décider s'il y a garde obligatoire.

Nous, on est au niveau du processus de révision. C'est dans ce sens-là qu'on pense qu'il y a une place pour une personne qui est non avocate dans le processus de révision. Devant le juge, bien, là, ça, c'est une autre paire de manches; c'est la Cour supérieure, c'est une bataille d'avocats, s'il y a lieu.

Mme Caron: Vous avez aussi donné dans votre exemple de tantôt l'exemple d'une personne qui a une cure fermée, et elle vous téléphone. Moi, j'aimerais savoir comment vous arrivez à faire circuler l'information pour que, justement, la personne qui est en cure fermée puisse vous appeler. Parce que, de prime abord, ça ne m'apparaît pas évident que la personne qui se retrouve en cure fermée a toute cette information-là puis va pouvoir réussir à penser, en tout cas, à vous appeler.

Mme Laurin (Claudine): À ce niveau-là, on vous disait tantôt qu'on avait aussi le mandat de formation. Présentement, tous les groupes régionaux ont eu des budgets du ministère de la Santé et des Services sociaux et donnent la formation à l'ensemble des usagers sur leurs droits, dont celui-là. Deuxièmement aussi, c'est que dans chaque région du Québec existe un groupe qui est financé par les régies régionales et qui, dans les centres hospitaliers, donne aussi, distribue les dépliants de l'exercice du droit de recours, autant pour la cure fermée... Il y a aussi les policiers qui... Souvent, ce

sont eux qui amènent les gens en cure fermée. C'est différentes méthodes. Pour l'AGIDD, c'est parfait, on perce le milieu. Il y a beaucoup de résistance du milieu hospitalier, mais je dirais que, par rapport à il y a quatre ans où on n'était pas là, il y a quand même une amélioration.

M. Morin (Paul): Mais il faut comprendre quand même que, si on parle de statistiques, les statistiques de 1992-1993 démontrent qu'il n'y a jamais eu autant de cures fermées. Au Québec, il y a plus de 3000 cures fermées, et c'est en croissance d'année en année. Pour 3000 cures fermées, là-dedans, il y a environ 340 personnes qui ont inscrit un appel, et il y a eu juste, si je me rappelle bien, 169 décisions de la Commission des affaires sociales sur plus de 3000 cures fermées. Donc, on parle d'un ratio très, très bas. Et on pense qu'avec des groupes comme le nôtre, qui vont faire en sorte que les usagers vont être plus au courant de leurs droits, il devrait y avoir de plus en plus d'appels au niveau de la révision. (15 h 40)

C'est dans ce sens-là qu'on considère notre demande qu'on puisse permettre à la personne d'être représentée par une personne non avocate, compte tenu qu'il risque d'y en avoir de plus en plus et que les coûts augmentent. Donc, dans ce sens-là, c'est d'autant plus intéressant de rendre ce système-là accessible à des non-avocats. Mais, là, effectivement, faites le calcul: 169 décisions sur plus de 3000 cures fermées, il pourrait y en avoir pas mal plus. Il pourrait y en avoir pas mal, pas mal plus.

Mme Caron: Moi, je vous avoue que ça m'inquiète beaucoup parce que, finalement, les personnes, souvent, vont retenir une information uniquement au moment où elles en ont besoin. On le sait. Il y a tellement d'informations sur tellement de sujets que les gens ne sont pas portés à retenir ce qui ne les touche pas immédiatement. Puis, au moment où ça les touche, si on parle de votre domaine, bien, ce n'est pas évident qu'elles vont être capables de recevoir l'information.

Moi, j'ai toujours en tête une de mes ex-collègues, dans le temps où j'enseignais, qui s'était retrouvée à l'hôpital psychiatrique parce que son mari avait décidé de l'envoyer là. Et je vous jure, je l'ai vue le midi — elle a enseigné, là; on l'a vue le midi — et, le soir, on s'est dépêchés, quatre ou cinq, d'aller la rencontrer à l'hôpital. Elle était déjà sous médicaments et elle nous disait elle-même: Je pense que, oui, ça va me faire du bien; j'ai besoin de me reposer, je vais rester ici. Et je vous avoue que c'était dans l'espace de quelques heures.

Alors, je suis toujours très, très, très inquiète sur les décisions qui peuvent être rendues dans ces dossiers-là parce que, effectivement, elle n'était pas vraiment non plus, là... Vu qu'elle acceptait déjà ça suite à la médication, et tout ça, ce n'est pas évident, même... Nous, on essayait de lui dire: Bien, voyons donc! Écoute, tu enseignais ce matin, tout allait bien, puis... Donc, on se disait: Ce n'est pas évident qu'on aurait pu la convaincre d'appeler un organisme comme le vôtre pour avoir de l'aide.

M. Morin (Paul): Ah oui, c'est tout à fait exact. Et peut-être pour renchérir sur ce que je disais tantôt, sur la possibilité qu'il y ait de plus en plus de personnes qui exercent le recours, enfin, il y avait des possibilités qu'il y ait un projet de loi qui modifie la Loi sur la protection du malade mental. Il y a un document qui a circulé et, dans ce document-là, on mentionnait qu'un des droits nouveaux serait de faire en sorte que, automatiquement, quand une personne serait en examen clinique psychiatrique ou en garde obligatoire, un organisme comme le nôtre serait averti. Donc, si, effectivement, ça se concrétise dans les mois qui suivent, que, automatiquement, nous, on serait avertis, bien, là, ça veut dire qu'il va effectivement y avoir de plus en plus de personnes qui vont exercer un recours, donc, encore une fois, d'autant plus la pertinence que la personne ait le droit de choisir entre un avocat ou une personne non-avocate pour être représentée devant ce tribunal-là.

Mme Caron: C'est un élément intéressant.

Vous nous avez parlé également, bien sûr, de l'importance de pouvoir ouvrir du côté des poursuites en dommages et intérêts pour les fautes professionnelles. Vous êtes le deuxième groupe à nous faire part de cette demande-là.

Ça m'amène à vous poser la question: Est-ce que, à votre connaissance, des groupes communautaires qui travaillent en santé mentale se sont déjà retrouvés avec des poursuites, justement parce que, bon... Quand vous travaillez auprès de personnes en santé mentale, parfois, vous avez à faire face à une famille qui n'est pas nécessairement d'accord avec votre position ou avec la position de l'organisme communautaire. Est-ce que, à votre connaissance, c'est déjà arrivé? Et est-ce que les organismes communautaires ont les moyens de se défendre?

Mme Laurin (Claudine): Ce n'est jamais arrivé dans nos genres de groupes parce que, bon, la personne, d'abord, elle vient volontairement; ce n'est pas une responsabilité d'État. Et, de deux, on ne prétend pas être des avocats. Donc, à partir de là, on ne s'engage pas, professionnellement, à lui donner un service de tel type. On accompagne la personne dans ses recours, on ne traite pas le recours. Ça fait que ce n'est jamais arrivé, si ce n'est, peut-être, être poursuivi par l'assurance-chômage parce qu'on n'avait pas donné tous les renseignements de certains usagers qu'on fréquentait. Oui, ça peut être arrivé, mais pas d'être poursuivi par les familles. Non, ce n'est jamais arrivé.

Par contre, quand on est face à cette demande-là, je pense à un cas qui, présentement, se vit à Montréal, un type — l'enquête du coroner le dit — est mort. M. Atis Naek est décédé d'une overdose prescrite par un médecin pendant qu'il était hospitalisé à Jean-Talon.

L'enquête du coroner le dit carrément; elle dit carrément qu'il y a eu un arrêt cardiaque dû à une prescription de cinq fois la dose maximale permise par la compagnie pharmaceutique. C'est ce que la coroner, Mme Nolet, spécifie dans son rapport. Elle dit carrément aussi qu'elle ne peut pas citer le nom du médecin, parce que c'est pratique courante en psychiatrie. Et, là, si, à toutes fins pratiques, on ne peut pas poursuivre avec l'aide juridique, bien, moi, je pense que, dans des situations de même, ce n'est quand même pas normal que ça soit juste un rapport du coroner qui se termine encore en disant que peut-être que les infirmières auraient pu plus surveiller, et le pharmacien aurait pu avoir plus de vigilance. Je pense qu'il y a quelque part une... Quand on dit qu'on est dans une société supposément juste, et pour tous, bien, il y a une partie, ici, qui manque beaucoup. Et ça rétablirait peut-être un certain rapport de force, aussi.

Mme Caron: Et, ce que vous proposez, finalement, si jamais votre bénéficiaire perd: les frais sont entièrement assumés par l'aide juridique.

Mme Laurin (Claudine): Oui.

Mme Caron: Par contre, si le bénéficiaire gagne...

Mme Laurin (Claudine): II y a remboursement de l'État.

Mme Caron: ...les frais sont remboursés à partir des sommes obtenues.

Mme Laurin (Claudine): Oui. À l'État. Oui.

Mme Caron: J'avais aussi une autre question. En page 3, vous dites, à la fin du deuxième paragraphe: «Ce manque d'information est non seulement le fait des personnes qui reçoivent les services — alors, ça, je pense qu'on l'a vraiment bien abordé — mais également celui des intervenants et des administrateurs chargés de les planifier, de les dispenser et de les gérer.» Et, là, je voudrais vous entendre un petit peu plus là-dessus.

Mme Laurin (Claudine): Je ferai justement une allusion à ce que vous avez apporté tantôt: la personne qu'on interne en cure fermée, ce n'est pas évident pour elle qu'elle a des mécanismes de recours. La loi dit qu'elle doit être informée de ses droits, mais c'est tout ce qu'elle dit. Et on ne suit pas, justement, les administrateurs et les intervenants. Ils pourraient, eux, remettre un document et, eux, dire ses droits à la personne; tout comme le policier, quand il arrête quelqu'un, il lit les droits. Donc, il y a aussi tout l'autre côté où les exigences ne sont pas véhiculées, ni n'ont de suivi assez rigoureux pour voir si les droits sont respectés.

Mme Caron: Je vais être peut-être un petit peu plus précise. Est-ce que vous croyez que ces gens-là — parce que, la façon dont la phrase est formulée, là — ils n'ont pas l'information ou ils ne la donnent pas, l'information?

M. Morin (Paul): Enfin, si on parle des intervenants et des intervenantes en santé mentale, ce n'est pas de la mauvaise volonté, mais il faut comprendre qu'il y a très peu d'argent qui a été investi au niveau de la formation; pour les intervenants et les intervenantes en santé et services sociaux, mais, en santé mentale, pour qu'ils s'y connaissent un peu au niveau des droits des usagers... À l'heure actuelle, on peut dire qu'ils en prennent quand même relativement assez large. La culture des droits n'a pas tellement imprégné les pratiques, là, en santé mentale. Il y aurait beaucoup de boulot à faire dans ce sens-là, que ce soit au niveau des préposés, des éducateurs, des éducatrices ou au niveau des infirmiers et infirmières. Il y a une formation qui est supposée se donner très bientôt pour les intervenants et intervenantes en santé mentale. Le ministère de la Santé et des Services sociaux avait mis une très grande emphase sur le respect des droits en santé mentale. La preuve, c'est que des groupes comme le nôtre existent à cause de la politique de la santé mentale. Ce qu'on dit, c'est: Continuons donc dans la même logique, là. On finance des groupes comme le nôtre. On dit qu'il y a un problème de... On dit qu'on veut mettre une emphase sur les droits, et tout ça, et que ça va prendre encore plus de place dans notre société en santé et services sociaux. Donc, bâtissons sur des groupes comme le nôtre, qui développent une expertise. On est jeune, mais que la société québécoise soit cohérente et finalise son projet, finalement.

Mme Laurin (Claudine): À titre d'exemple, justement, la semaine dernière, il s'est passé un incident. Il y a une personne qui avait dit, sur un répondeur, à son «chum»: Je n'ai plus rien à manger. Si ça continue de même, moi, je ne vivrai pas trop longtemps. Mais elle n'a jamais fait de tentative de suicide; elle n'a pas menacé de se tuer au moment présent, elle a dit qu'elle était tannée de crever de faim. C'est bien normal. Suite à ça, elle a téléphoné à nos bureaux parce qu'elle avait trois policiers dans son appartement et deux ambulanciers, parce que son «chum» est allé porter la cassette à un bureau de police et, là, on voulait l'amener à l'hôpital. Bon! Il n'y avait pas de péril grave, donc les policiers ne pouvaient l'amener à l'hôpital. Ça prenait une ordonnance de cour pour passer par la procédure de la cure fermée, une évaluation psychiatrique obligatoire. (15 h 50)

Ce qu'on fait, c'est qu'on évite cette procédure-là, à Montréal, en appelant Urgences-santé qui envoie un médecin d'Urgences-santé, ce qui n'est pas plus légal. C'est des choses comme ça qu'on dit. Le médecin a semblé embêté quand on est intervenu. Finalement, on est intervenu, et ils sont tous partis, et la dame est restée chez elle. On n'a pas rempli son frigidaire. Mais, ce qui

est arrivé, c'est que même le médecin et l'ambulancier étaient tout à fait surpris. Et, quelque part, c'était comme si... Au niveau de la police, ce qu'on nous a demandé, c'est: Vous êtes là pour la défendre; signez-nous une décharge parce que, si elle se suicide, je peux perdre ma job. Donc, la pression administrative des policiers met une pression sur Urgences-santé qui, lui, embarque dans le jeu sans même avoir de bases juridiques, puis sans même aller vérifier s'il y a des bases juridiques.

Ça fait que c'est dans ce sens-là qu'on dit que, même ceux qui les administrent et les dispensent, ils ne sont pas du tout... Puis ça augmente aussi les coûts, parce qu'il y a plein d'affaires qui se font tout croche puis qu'on voit dans les recours.

Le Président (M. Messier): Merci, Mme Caron. Mme la députée de Terrebonne, devrais-je dire. M. le ministre.

M. Lefebvre: alors, je voudrais revenir sur ce que vous indiquez à la page 8, que vous vous opposez au ticket modérateur, en indiquant cependant que la contribution à laquelle je faisais référence tout à l'heure, là, qui va jusqu'à 130 % du mga, vous considérez dans votre analyse que c'est une façon, la contribution du bénéficiaire, de limiter les abus dans le régime. dans un premier temps, je dois vous dire que je vous trouve courageux et courageuse de nous dire qu'il y aurait même un abus avec une clientèle comme la vôtre, qui m'apparaît être la plus — selon ce que vous décrivez, selon ce qu'on peut comprendre — démunie puis la plus sujette à... c'est la clientèle qui a le plus besoin, comme je le disais tout à l'heure, d'être encadrée. mais, quand même, vous soulignez cependant qu'il peut y avoir des abus, et vous semblez assimiler l'abus au fait qu'il n'y a peut-être pas toute l'information nécessaire, là, et que des gens, en toute bonne foi, se retrouveraient dans des procédures judiciaires qui auraient pu être évitées s'ils avaient eu l'information pertinente. est-ce que je vous comprends bien? c'est comme ça que je lis votre mémoire, aux pages 7 et 8, au niveau de cette question-là.

Mme Laurin (Claudine): Oui. Effectivement, oui, c'est bien. C'est effectivement dans cette lignée-là. Mais, en plus, l'abus, c'est que, nous, ce n'est pas juste la clientèle. Nous autres, on est là pour défendre la clientèle, qui a un préjugé favorable. Mais l'abus peut venir aussi, justement, comme M. Morin l'expliquait tantôt... Un centre d'action bénévole qui fait une requête pour interner quelqu'un, c'est aussi de l'abus parce que ce n'est pas correct; ce n'est pas à lui de faire interner quelqu'un pour une évaluation psychiatrique.

Il y aussi toutes les fédérations de parents qui peuvent... Ce n'est pas juste notre clientèle, quand on parle d'abus, parce que plusieurs pressions pour, des fois, rentrer... Bon, bien, madame parlait tantôt de son mari qui l'a fait entrer... On a vécu des situations inverses aussi, à Laval, où il y a une femme qui a fait inter- ner son mari, puis ça a coûté 17 000 $ à monsieur pour s'en sortir. L'abus ne se fait pas nécessairement de la clientèle.

M. Lefebvre: Ah oui, je comprends, madame. Et vous pensez qu'on pourrait corriger ça? C'est ce que vous dites au milieu de la page 8. N'ayant accès à aucune consultation gratuite... Vous dites qu'il y a une lacune au niveau de la consultation à l'intérieur du système, hein? Parce qu'il n'y a pas de consultation, on se retrouve...

Mme Laurin (Claudine): Oui.

M. Lefebvre: ...nécessairement dans la procédure, la grosse procédure, si on veut, là. C'est comme ça que je comprends votre...

Mme Laurin (Claudine): Oui, c'est ça. M. Lefebvre: Oui, hein?

Mme Laurin (Claudine): Puis, le ticket modérateur, on l'a, nous autres, en santé et services sociaux, avec les personnes âgées, pour les pilules.

M. Lefebvre: Oui.

Mme Laurin (Claudine): Mais je vous ferai remarquer que ça n'a rien changé dans le décor. Je ne pense pas qu'il faudrait regarder si le ticket modérateur a vraiment... Il y a quelque chose. C'est comme si on pensait que la pratique... S'il y a de l'abus, il y a quelque chose de beaucoup plus global que strictement une consommation de services pour une consommation de services. Je pense que, si on regarde dans la santé, mettre un ticket modérateur aux personnes âgées, bien... Il y avait quelqu'un qui les prescrivait, ces médicaments-là. Donc, je pense qu'il y a aussi à responsabiliser, peut-être, l'aide juridique. Bon. Ça ne peut pas être juste d'un bord, puis du bord du consommateur. Puis, présentement, on assiste à toutes ces politiques-là. On met un ticket modérateur, mais c'est toujours sur le bord du consommateur. Il y a quelqu'un, aussi, qui nous fait consommer, là.

M. Lefebvre: Je comprends que vous n'êtes pas pour le ticket modérateur.

Mme Laurin (Claudine): Non.

Le Président (M. Messier): M. le député de...

M. Lefebvre: Oui, M. le Président, merci.

Le Président (M. Messier): ...Laval-des-Rapides, peut-être pour une brève question.

M. Ménard: Oui. Je vous félicite pour votre

rapport, qui est très utile, mais qui illustre, malheureusement, ce que je constate. J'aimerais bien qu'il y ait des gens qui sont avocats qui développent cette même compétence éventuellement. Mais, en attendant ça, vous êtes fort utiles.

Il y a une statistique qui m'impressionne beaucoup dans ce que vous avez dit, parce que ça me semble contredire les buts de la loi qui a été passée il y a plusieurs années, c'est l'augmentation des cures fermées. D'où tenez-yous vos statistiques, et est-ce qu'on pourrait avoir la source et...

M. Morin (Paul): De la Commission des affaires sociales. Elles proviennent de la Commission des affaires sociales. Elles ne sont pas incluses dans le dernier rapport annuel de la Commission des affaires sociales, mais c'est des données qui m'ont été données par une agente d'information de la Commission des affaires sociales, ici, à Québec. Bon. J'ai les tableaux, par exemple, de 1975 jusqu'à 1991-1992; 3015 cures fermées, là, de 1991 à 1992.

M. Ménard: O.K. En tout cas, on en... M. Morin (Paul): Oui.

M. Ménard: Quand vous voudrez. Tout à l'heure. Merci. C'est tout.

Le Président (M. Messier): Vous pouvez les déposer au secrétariat de la commission, qui en fera des photocopies pour l'ensemble des parlementaires.

Ça termine la période pour l'Opposition officielle. M. le ministre, juste pour remercier les gens, le temps étant écoulé.

M. Lefebvre: Alors, M. Morin, Mme Laurin, je veux encore une fois vous remercier et répéter ce que je disais tout à l'heure, que vous travaillez pour une clientèle qui, quant à moi, est la plus susceptible, effectivement, d'avoir recours à des services d'aide juridique. C'est un mémoire qui nous donne plein d'informations. Et je veux, Mme Laurin, que vous compreniez une chose: lorsque je faisais référence tout à l'heure au fait, là, que ça représentait plusieurs millions, il n'y a pas que votre mémoire, là, qui propose des suggestions ou des solutions qui obligeraient l'État à mettre beaucoup d'argent. Je voulais juste qu'on fasse un exercice sur les chiffes.

Je retiens cependant que vous proposez des choses qui ressemblent à ce qu'on retrouve dans d'autres mémoires quant à la contribution. Ça peut varier au niveau des échelons, là. Il y a plein d'informations pertinentes, des suggestions qui sont bien.

Je retiens aussi — on n'a pas eu le temps d'en parler — qu'à la page 11 vous dites, très rapidement — et ça rejoint aussi ce qui est dit par plusieurs autres intervenants — que le système, quant à sa gestion, est bon, ça fonctionne bien. Et vous dites qu'il n'y a pas lieu de modifier ça en profondeur.

Alors, je m'arrête là-dessus. Je vous remercie encore une fois, et d'avoir préparé le mémoire et également d'être venus le présenter. Merci beaucoup.

Le Président (M. Messier): Merci beaucoup.

Document déposé

Je vais accepter le dépôt du document. On va en faire des photocopies, là, du document qui a été déposé par l'Association des groupes d'intervention.

Je vais suspendre quelques instants, laissant la place à la Société Makivik et l'Administration régionale Kativik pour venir s'asseoir en face de nous, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 15 h 58)

(Reprise à 16 h 3)

Le Président (M. Messier): À l'ordre, s'il vous plaît! Je vais demander aux gens, en arrière de la salle, s'il vous plaît, quelques instants. Merci.

Société Makivik et Administration régionale Kativik

Lettre d'appui du juge Jean-Charles Coutu

Avant d'entendre la Société Makivik et l'Administration régionale Kativik, Mme la secrétaire, qui a une voix très radiophonique, va nous lire la lettre de l'honorable juge Jean-Charles Coutu, qui appuie le mémoire qui va être déposé par la Société Makivik. Je vais demander à la secrétaire de nous faire la lecture de cette très belle lettre. Madame.

La Secrétaire: «Mesdames et messieurs membres de la commission, j'aurais aimé avoir l'opportunité et surtout le temps de m'adresser en personne à la commission des institutions sur le régime d'aide juridique relativement à l'accès à l'aide juridique pour les collectivités de Nunavik. «Depuis 20 ans, je siège comme juge de la cour itinérante du district d'Abitibi dans tous les villages du Nunavik. En réalité, c'est moi, avec la collaboration des services judiciaires du district d'Abitibi, qui ai inauguré les différents circuits de cette cour itinérante et, depuis 1985, j'en suis le juge coordonnâtes. «L'an prochain, la cour itinérante du district d'Abitibi siégera durant 18 semaines partagées également entre les localités de la baie d'Hudson et de la baie d'Ungava. «Il est évident que nos concitoyens du Nunavik n'ont pas accès aux mêmes services que les citoyens du reste du Québec et que les besoins grandissants nécessitent une action immédiate.

«Je ne puis qu'appuyer très, très fortement la requête présentée par la Société Makivik, l'Administration régionale Kativik et le groupe de travail inuit sur la justice. «Puis-je ajouter que la demande formulée par les organismes précités me semble au plus haut point raisonnable et même en deçà des besoins réels des populations de ces territoires. Je souhaite que votre commission soit très attentive à la demande qui lui est faite et comprenne l'urgence de la situation. «Vous priant de recevoir l'expression de mes meilleurs sentiments, je demeure, votre tout dévoué, Jean-Charles Coutu.»

Le Président (M. Messier): Nous recevons cette expression de ses sentiments. Je vais demander à M. Zebedee Nungak de présenter son groupe, en vous mentionnant que vous avez 20 minutes pour intervenir. Après ça, il va y avoir un échange par le ministre et par l'Opposition officielle. Est-ce que M. Nungak est là?

M. Nungak (Zebedee): Yes. Thank you, Mr. Chairman. Ladies and gentlemen, my name is Zebedee Nungak. I am the first vice-president of the Makivik Corporation, which is the aboriginal organization representing the interests of the Inuit population in the geographical area shaded on the map to my right. We represent the Inuit of Nunavik. Before I carry on with my presentation, I would like to introduce the other members of my delegation. I am heading this delegation to this parliamentary committee on behalf of Makivik Corporation and the Kativik Regional Government. To my immediate left is my colleague, the corporate secretary of the Makivik Corporation, Daniel Ipoo. To his left, to the extreme left is Jacques Monette, who is the legal counsel for the Kativik Regional Government based in Kuujjuaq, an organization set up under the James Bay and Northern Québec Agreement. To my immediate right is the legal counsel for Makivik Corporation, Sam Silverstone, and to his right, another legal counsel for Makivik Corporation, Stéphane Lavallée.

We come today in front of this parliamentary committee to give you a vivid picture of the needs in legal aid for the region that I have outlined on the map. The area is situated on the Arctic coast of Québec. Our people live in 14 communities, that are represented by the dots on the map from Kuujjuarapik to Kangiqsualujjuaq. The population, which is predominantly Inuit people, is about 7500 in this region.

We have no legal services based in the region, and I will attempt to describe for you why. But, before I go any further, I would also like to say mat, in addition to my position as first vice-president of the Makivik Corporation, I headed a two year study on the deficiencies and the needs of the justice system as it is applied in our region of Québec. After two years of study, we came up with a report called «Blazing the Trails to a Better Future». It examines the justice system from top to bottom, from police to detention centres, to legal aid and all other manner of needs in the area of justice.

Our region, because it is isolated, is not only not well served; in many cases, it is not served at all. Presently, the 14 municipalities of the Kativik territory... and I am using Nunavik, which is the official Inuktitut name, but it is also administratively known as the Kativik territory, a territory identified by the James Bay and Northern Québec Agreement. The administrative district of Québec known as the Nunavik region is entitled to the legal aid services offerred by the Northern Office of the Abitibi-Témiscamingue Legal Aid Corporation, which is located in Val-d'Or, and is more than 900 kilometers by air transportation from the closest Nunavik community. (16 h 10)

Two lawyers supply the services to the Nunavik population, through the Abitibi district circuit court, the itinerant court, which chief judge Jean-Charles Coutu, whose letter you just read, served, and through personal visits in the communities. This situation leads to the following consequences, which will be further detailed in this brief.

The lawyers are not sufficiently integrated in the northern reality. By that I mean that any person in that region who has a requirement to contact legal aid, first of all has to find somebody who can communicate in French, who will then contact the legal aid office in Val-d'Or and then, from there, communicate. But, if they have an actual case, normally they cannot or they do not have the means to travel by air to Val-d'Or to see these two lawyers in person. What normally happens is that the itinerant court based in Val-d'Or makes quarterly visits to some of the communities, and anybody who has the need to have a legal aid has to wait till the court flies in, in those quaterly visits. The court normally flies in and flies out on the same day, so it is very difficult for citizens of that region to have access to legal aid services.

The second point is that the legal aid office is physically inaccessible to clients, because of its distance and because of the fact that the people who provide that service do not speak the language of the predominant group which is Inuktitut. In many cases, our people are bilingual in Inuktitut and English, like I am, although members of certain generations are also fluent in French, but not everybody is fluent in either French or English. And the people who are presently trying to make the service available do not speak Inuktitut. So we have a problem of language as well as the problem of access and the distance.

Legal aid services are offered in too quick a fashion, as I described earlier. The court travels and people have to rush around to have access to the legal aid, while the court is in the community for the few hours it is. The lack of ressources means that only criminal matters are addressed. There is absolutely no time or service available for civil matters, for divorces,

for bad debt cases, for cases that would be normally dealt with in small claims or other areas of jurisdiction.

The needs for legal aid services in civil matters are not addressed, as I have just said. There is a need for consultation and information services which are simply not there at this time. Community groups are not involved. The lawyers must have greater awareness of the northern reality if a service such as this will be made available to the residents of that region.

There is an appearance of collusion between the various members of the judicial process. That means the legal aid lawyer, because of the necessity, flies in with the court, and it seems to our people that he is in league with the prosecutor and the judge and all the other various people who are travelling with the court, so, to people in our region, there is some confusion as to the role that legal aid lawyers are supposed to play. The population, therefore, mistrusts the judicial system because of the way it is administered, by remote control, by infrequent appearances. And, when they do appear, there are rushing. They never finish their case load. So, all these problems exist along with the lack of services.

Now, this problem exists, although there are legal and constitutional obligations spelled out in the Charter of Human Rights of Québec, the Charter of Rights of Canada, in a section of the James Bay and Northern Québec Agreement, and I will just quote the section 20.0.19, which describes the obligation of the justice system of Québec to make timely services available. This is simply not being done.

Now, the Inuit of Nunavik are full-fledged citizens and they are first-class citizens — in that they are taxpayers, along with other citizenry of Québec — and, we believe, entitled to the same services and to the same quality of services than those benefiting the whole Québec population. In addition, by signing the James Bay and Northern Québec Agreement, the Inuit population has surrendered its territorial rights in consideration of various undertakings on the part of the Canadian and Québec governments, including the implementation and improvement of local administrated services.

We are first-class citizens in that we are taxpayers, unlike perharps some other aboriginal groups within the boundaries of Québec. But we are second-class citizens by misfortune of living in a remote area and therefore not having services that are taken for granted by other citizens who have access, because we happen to live in the wrong geographical area or because the government of Québec is not able to or not making thoses services available.

I would just like to very quickly give some points in our brief. I am not going to read absolutely everything, but certain points that we want to drive home to you, the first which is that lawyers are not sufficiently integrated in the northern reality. Within the present organization, legal aid lawyers spend very little time in the communities. I have said that, I think, twice already. As a result, the population sees them as part of the itinerant court and does not understand that their services are offered to protect the rights of individuals.

The second point: the legal aid office is physically inaccessible to clients. As you can see on the map, Val-d'Or is at a considerable distance from the communities of Nunavik. In fact, mere is no direct flight linking Val-d'Or to the communities that you see on the map. A resident of Nunavik who wishes to meet a lawyer from the legal aid office must first fly to Kuujjuaq or Kuujjuarapik, then go to Montréal or Québec City, in order to take yet another flight to Val-d'Or, which entails expenses of the order of 1800 $ for such a trip. Such an itinerary shows how ridiculous and impossible the situation is.

The third point: legal aid services are offered in too quick a fashion. In most cases, the lawyers of the legal aid services meet their clients only a few minutes before the trial and they have to have, in many cases, an interpreter to facilitate the communication between the client and the lawyer. Prior contacts are made by phone, if they are made at all.

Fourth point: only criminal matters are addressed. Due to the inaccessibility of the legal aid office and the heavy work load of the lawyers, only criminal matters are addressed. This violates subsection 20.0.19 of the James Bay and Northern Québec Agreement, which provides that legal aid services must be offered in all matters. This is an unimplemented provision that has been sitting in the agreement for close to 20 years. (16 h 20)

Next point: needs for legal aid services in civil matters. Nunavik residents make very little use of the legal aid services to ensure their defence in civil cases. This shows how badly they understand the judicial system. Indeed, they seem totally unaware of the fact that legal aid services must also address the needs of the population in civil matters. This is a service that is utterly absent, even with the itinerant court travelling to some of our communities, simply because there is no service there in the region.

Next point: needs for consultation and information services and community involvement. The rate of criminality is extremely high in the region. In order to reduce it, it is important to act at several levels; community groups must be directly involved in order to inform, consult and raise the level of awareness of the population about what their rights are. However, this goal cannot be attained if lawyers are not based and integrated in the communities. We need services that people know are there, accessible in the region, and not have to travel vast distances at great expense.

Lawyers must have greater awareness. The specificity of the northern reality requires specific actions and solutions. And we are not here simply to complain, we are here also to guide you in how we see solutions being made. Consequently, people involved in the delivery of legal services must be made aware of the specific reality in terms of culture, language, way of life and social interaction. It is only through such awareness

that lawyers will be able to act efficiently within the northern dynamic.

At this time, I would like to refer to a meeting of people involved in the justice system — lawyers, judges, defenders, prosecutors, court workers — that was conveyed in Rouyn-Noranda about two years ago. We spent three days with these people and gave them a lecture, an elder Inuk spent those three days giving them a lecture on the cultural mores, the culture, the language, the life style, sensitizing these people who are required by their jobs in the administration of justice to have extensive dealings with the Inuit people of the far North. And they found it very enlightening and very useful. We are trying to encourage more of these encounters, make it a regular feature of the justice system, and how it is applied in the North.

Appearance of collusion betweem members of the judicial process. The present structure of legal aid services is such that it conveys the impression of collusion between the various members of the judicial process. This false perception derives from the fact that the population understands very little about the judicial process, and the apparent unity of the itinerant court structure confirms the residents in their erroneous views about the system. People think that the judge, the prosecutor and the defender, and everybody else who travels with the court are all one unit and they have trouble differenciating between each person's role within the court. So there is a lot of information and education required to sensitize people's perception of how the court operates.

The last point: mistrust and lack of confidence. In such a situation, it is readily understandable that the population of Nunavik does not understand that the work of legal aid service lawyers is part of an ideology and a process meant to protect the rights of individuals.

Now, I referred earlier to a section in the James Bay Agreement, 20.0.19, which provides as follows: «All residents of the judicial district of Abitibi shall be entitled as of right to receive Legal Aid services in all matters, provided they qualify in accordance with the criteria of the Québec Legal Services Commission which shall be modified for this district insofar as this may be necessary, to take into consideration the cost of living, the distances involved and other factors particular to the said district.» This is a provision which has simply not been lived up to at this time.

The Québec Charter of Human Rights and Freedoms, section 34, reads: Right to advocate. «Every person has a right to be represented by an advocate or to be assisted by one before any tribunal.»

Another one: Canadian Charter of Rights and Freedoms, section 10. Arrest or detention. «Everyone has the right on arrest or detention: a) to be informed promptly of the reasons therefor; b) to retain and instruct counsel without delay and to be informed of that right; and c) to have the validity of the detention determined by ways of habeas corpus and to be released if the detention is not lawful.»

We have all these wonderful things in the Québec and Canadian Charters, in the James Bay Agreement, but a fat lot of good it does because people in our region simply do not have access to those services.

Now, because we are living in an Arctic environment and we are related by blood to Inuit who live in Northwest Territories, we are aware, because these people are our cousins and aunts and uncles, that they have exactly such a service available in the Baffin region, provided by an organization known as Maliiganik Tukisiiniakvik Legal Aid Clinic, which is based in Iqaluit, Northwest Territories. This service has been in operation for about 20 years. In addition to that, there are other regional such services in the Beaufort Sea, in the Rankin Inlet Legal Aid Clinic in the Keewatin area and Maliiganik Tukisiiniakvik in Iqaluit. These services are accessible. They taylor their services to suit the particular needs of these people who are, in many cases, unilingual inuktitut speakers, and so we know that it is possible to operate such a service for a region that is as isolated and as remote as ours. We also, in our brief, point to the Community legal services of Pointe-Saint-Charles and Little Burgundy, the Montréal legal community centre. We point to that because what we are asking of you is not a strange new thing. It is being provided in an area of Québec populated by people who are poor, who are not well-off and, therefore, ordinarily cannot afford the services of a lawyer. And I am not going to go into all the details, but, on page 13 of our brief, you can see that such services are already provided in an area of Québec quite similar to ours.

Now...

Le Président (M. Messier): Please: one minute. (16 h 30)

M. Nungak (Zebedee): Oh! O.K. O.K. Now, our recommendations... I will jump right to our recommendations. We have a legal aid corporation located in Nunavik which we want to have certified with a budget negotiated directly with the Abitibi corporation or Québec, the board of directors of which would be residents of this region and under which there would be two lawyers employed to serve the needs of that region. And we want this service dealing with criminal as well as civil cases. We do have a corporation set up, but we still have to obtain the agreement of the Legal Aid Commission in order for the budget of the corporation serving that region to be directly given to the corporation serving that region. And so we have a community legal clinic of Nunavik established. We request for certification of a legal aid clinic to Val-d'Or, a board of directors meeting in Val-d'Or accepting our request. And Val-d'Or recommends to the Commission of Legal Services the accreditation of a local northern legal aid clinic.

So, I hope I have been clear, and I thank you

very much for this opportunity to make this presentation. We will be very happy to answer any questions you may have. You may ask them in French, because I can get translation from my colleagues. Thank you very much.

Le Président (M. Messier): Thank you, sir.

M. Lefebvre: Alors, M. Nungak, Mr. Nungak, I welcome you to our committee. I want to thank you, you and your colleagues, for being here today, and I would like to congratulate you for having prepared such an interesting document. And I would like to speak about your presentation too, which talked about the old legal system on your territory and also about Quebec's legal aid on your territory. I would like to answer some questions about what you told us, and I want to assure you that we want to do our best to help you on your territory.

Firstly, you talked about the Baie James accord. Est-ce que vous parlez d'améliorer ou d'augmenter... Lorsque vous parlez de l'admissibilité au régime juridique, en relation avec l'accord de la Baie James, vous savez que l'accord sur la Baie James, à ce sujet-là, ne parle que des besoins qui existent sur le territoire, sans préciser quel serait le seuil d'admissibilité. Il y a plusieurs témoignages et mémoires qui ont été soumis à la commission, à date, qui suggèrent d'augmenter le seuil d'admissibilité, en regard de ce qu'il est aujourd'hui, jusqu'à un certain niveau qui varie d'un mémoire à l'autre. Lorsque vous parlez de l'admissibilité à l'aide juridique chez vous, pourriez-vous nous indiquer quel serait le seuil d'admissibilité, quel serait le revenu sur lequel il faudrait se baser pour établir le régime d'aide juridique, en partant, évidemment, de la mise en place, et ce, c'est le deuxième volet de votre mémoire, la mise en place d'une clinique d'aide juridique. Alors, je voudrais savoir, dans un premier temps, lorsque vous parlez de l'admissibilité, en regard de l'accord de la Baie James, quel serait le seuil d'admissibilité.

M. Nungak (Zebedee): Mr. Minister, I will try to answer your question. We wish we could only have that problem, to set a level of income. That would be the least of our problems, if only the service would first be provided. But I will not attempt to give you a dollar figure, but I will just try to explain to you that the level of unemployment is astronomical in our region, and some villages, let us say, have 80 % unemployment. So, it is not a well-off or economically rich area, and therefore, because its people are generally poor, the level of income criteria would have to be lower than perhaps other areas in Québec that have a comparatively or relatively higher level of income and are economically better off than our region. That is the only answer I can give you at this point.

M. Lefebvre: Est-ce que je comprends de votre réponse que, et ça, je serais peut-être d'accord avec vous... vous me laissez entendre qu'à peu près 80 % de la population pourrait être admise à des services d'aide juridique et, aussi, qu'il faudrait tenir compte de bien d'autres critères que le revenu d'un justiciable.

M. Nungak (Zebedee): Yes, well, the provision in the James Bay and Northern Québec Agreement states that the criteria that we are talking about now shall be modified for this district insofar as it may be necessary to take into consideration the cost of living, which is basically more than double the cost of living in Québec or Montréal, the distances involved and other factors particular to the said district, the isolation, the remoteness and all the special conditions that exist there that do not exist in the southern part of the province. So, when we do sit down to discuss how we are going to provide this service now, all these factors have to be taken into account. And we will be more than glad to give you advice on the conditions which we believe should be considered when we finally get to having the budget to provide that service. for example, also, there are three distinct coasts, but for purposes of health, let us say, there are two regional hospitals: one for the hudson bay coast and one for the ungava coast. in the provision of legal aid, we foresee two suboffices: one in the hudson bay coast serving the hudson bay communities and one in the ungava coast serving the ungava communities. so, those particularities will have to be taken into account and the fact that, let us say, 85 % of our population is unemployed or underemployed is also another factor which... so, it is very important that it be taken into account.

M. Lefebvre: Alors, vous...

M. Nungak (Zebedee): I would also point out that legal aid, at some future date, will be provided once you and I agree how it is going to be provided. We can have a wonderful, perfect legal aid service in place, but that in itself is not going to solve the problem of how administration of justice is conducted in our region. We have a whole catalogue of other deficiencies: lack of police, lack of detention facilities, lack of local courts, J.P.'s, lack of social support, and I can go on and on, but, if we can agree to start providing this one essential service, that would be a good start and then we would be in a position to communicate our other needs to you or the right departments of the Government that deal with the provision of other services.

(16 h 40)

M. Lefebvre: You are talking about a problem which concerns the whole legal system.

Vous avez fait une demande, et c'est ma dernière question, M. Nungak, vous avez fait une demande d'implantation de la mise en place d'une corporation légale, corporation locale d'aide juridique chez vous. Je veux vous indiquer que je suis informé de cette

démarche qui a été, dans un premier temps... Comme vous le savez, légalement, la demande doit être appuyée par la Corporation régionale d'aide juridique. Et j'ai des documents en main et je le savais déjà, de toute façon, que la Corporation régionale d'Abitibi-Témiscamingue approuve votre demande. Votre demande a été soumise à la Commission des services juridiques. Et je voulais vous indiquer que j'en avais été informé et que j'entendais suivre ce dossier de très, très près, en espérant qu'une décision sera rendue dans les délais les plus raisonnables.

Je sais aussi qu'il faut tenir compte d'une évaluation de tout le problème qui vous concerne qui a été faite. Je n'appelle pas ça une enquête, c'est une évaluation, une évaluation, oui, du juge Coutu, qui a été faite quant à l'ensemble de la problématique, du problème global de l'administration de la justice sur votre territoire. Je veux vous assurer que je suis ce dossier de très, très près et que je souhaite que, dès le moment où la Commission des services juridiques sera en mesure de rendre sa décision, alors qu'elle le fasse le plus tôt possible, qu'elle le fasse le plus tôt possible.

J'aurai d'autres questions tout à l'heure, mais je vais permettre à mes collègues de l'Opposition, peut-être, d'y aller avec leurs propres questions.

Le Président (M. Messier): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, M. Nungak, M. Epoo, Me Lavallée, Me Monette et M. Silverstone, bienvenue. J'ai lu très attentivement votre mémoire. J'ai parfaitement compris votre demande d'accréditation, d'organisation d'une corporation locale d'aide juridique sur votre territoire sur le même modèle que la corporation locale de Pointe-Saint-Charles et de Petite Bourgogne. Et, pour les avoir rencontrés hier, je pense qu'effectivement vous avez extrêmement bien exprimé les besoins des personnes de votre territoire et que cette accréditation et cette organisation seraient nécessaires sur votre territoire.

Mon collègue, le député d'Anjou, ayant manifesté un intérêt particulier à questionner sur votre mémoire et ayant une connaissance du territoire un petit peu plus grande, donc, c'est mon collègue d'Anjou qui va vous questionner.

M. Bélanger: Mr. Nungak, I would like to thank you for your presentation and to thank the members of your committee. I am well aware of the problems of the justice system in the Northern territories. I have very close friends of mine who are working in the mobile court in your territory. I know that this court is called the «white flying circus» by some members of the community. And I think that the problem that you are stating right now before this commission is a lot wider than only one of legal aid. I think it is the justice system as a whole which encounters a lot of problems in the Northern territories.

So, I am very preoccupied by this situation. I have read newspaper articles about some troubling situations in certain places in the Northern territories. I know that there is some problem as to the application of the law and as to the perception of the law which is applied.

My first question would be: How many people live in your territory? I know that in your document you state that there are 14 municipalities, but how many people live in your territory?

M. Nungak (Zebedee): If you consider the non-Inuit population, such as teachers and nurses, that lives pretty well year round in our communities, I would say a little over 8000 in total, if you count everybody, every living, breathing human being.

M. Bélanger: 8000 people. M. Nungak (Zebedee): Yes.

M. Bélanger: O.K. 8000 people. I know that, as we are speaking now, Mr. Coutu, Judge Coutu is working on a special committee which is, I think, meeting representatives of different communities which are living in the territory, and I know that they are working very hard in order to find solutions and solutions that would be acceptable by us and by you, that would apply to your territory.

You talked about the appearance of collusion, that in your community some people feel that there is an appearance of collusion. Do you think that this perception is widespread, or is it only shared by a certain part of your community?

M. Nungak (Zebedee): It is very widespread because there is no legal aid service moving about in our 14 villages trying to raise the level of awareness of the legal system and the services and rights of people that the people can access to. It is very widespread, even amongst educated people of my generation.

You mentioned previously that Judge Coutu is working towards examining the possible solutions too on a wider area of services and not just narrowing down on the legal aid. We have been in communication with him. We consider him a very good friend of the region because he has wide experience, but we are quite impatient with the fact that, after his commission was initiated, there were quite many months of mysterious lack of movement, and none of us have any control over that. I appreciate the Minister's statement that we have to examine the totality of the system and try to work to make the whole system better and not just this one narrow area of legal aid. And I will encourage him or any other members here to read our report. We did a very thorough study and examination of the needs. We identified them, and we also identified how we see the solutions being made.

So, we believe that the time for study is over. We have...

M. Bélanger: Time for action.

M. Nungak (Zebedee): Yes, time for action, and we are quite anxious to get on with it if the Department of Justice would call us or indicate to us that they are ready to deal with us, to implement stuff and not just talk about it.

M. Bélanger: I would like to have a copy of your document. For a start, I can tell you right away that it is obvious that your community does not have the access to legal aid as it was, well, as it is stated in the Québec law. I think it is kind of obvious. Now, we have to see in what way it is possible to improve the system.

I was looking in your document. You talk about the example in the Northwest Territories, of three clinics which are presently operating in those territories.

M. Nungak (Zebedee): For 20 years.

M. Bélanger: For 20 years. Do you have any knowledge about the fact... Is it well accepted? How is it working? Is it working well?

M. Nungak (Zebedee): Well, we went there about a year and a half ago, 18 months ago we went there, not only because we are related to them, but because, in our work, we wanted to take a firsthand look at how it works. Is it working? It works very well, even though the design of it is quite foreign to our culture and language.

M. Bélanger: O.K., yes.

(16 h 50)

M. Nungak (Zebedee): Because they have been able to «aboriginalize» the staff, the training of Inuit people to take over many positions in that service; for example, court workers, its paralegal services. Many Inuit are involved in that. It makes the system deliver itself in a way that is accepted and understood by the people that it serves. And that is what we saw, how it was so good. We want to emulate that when we finally get around to having the legal aid service, first of all funded and then established as a living, breathing, accessible in-the-region service. Because we have seen how it works and it works very well in the Baffin region.

M. Bélanger: I think it is the federal government which is paying for those clinics?

M. Nungak (Zebedee): It is the Government of the Northwest Territories, of whom, I might add, many of its members are Inuit. The trouble with us is that we do not have any Inuit Members of the National Assembly and therefore we do not have any currency in the corridors of power, here in Québec. So, it is very easy to have such services, even essential services, neglected in our region because we are not properly represented here.

M. Bélanger: The question I am asking myself is: Would it be sufficient to put some legal aid permanently on your territories? Would they be accepted by your communities, and would your communities trust them? Would they trust them?

M. Nungak (Zebedee): Well, we hunger for that service. People are anxious to have it established. It is one of the needs, one of the many needs that was identified by our own people when we went to the communities to consult with them. We are simply waiting for the funding and the money to operate. Perhaps M. Monette could add to that.

M. Monette (Jacques): Je suis avocat, je demeure à Kuujjuaq depuis trois ans et demi, et je peux vous dire que, une fois que la confiance est établie, ça va très bien, on est très bien accepté. Il y a un problème de culture évident. Ça m'a pris six mois avant de commencer à comprendre la façon dont ces gens-là fonctionnent. Leur langue est complètement différente de la nôtre. Pour vous donner une idée, c'est à peu près 10 fois plus difficile que le Japonais à apprendre. Je comprends des mots, mais je ne parle pas la langue, même après trois ans. C'est tellement difficile qu'un jour où j'ai plaidé la coutume devant un tribunal — et mon confrère Serge Ménard est ici... Le fondement même du droit criminel canadien, c'est la présomption d'innocence, c'est d'être innocent jusqu'à... Enfin, c'est d'être déclaré coupable...

Une voix: Au-delà du doute raisonnable.

M. Monette (Jacques): Le doute raisonnable. Ces deux concepts-là, les mots n'existent pas en inuktitut pour les traduire. On a du boulot à faire. Ces gens-là ne comprennent pas le système. La cour arrive, ils repartent, ils en amènent deux, ils en apportent trois, ils en libèrent quatre... C'est un vrai casse-tête. Ces gens-là ne comprennent pas le système.

Vous savez, on ne changera pas 3000 ans de tradition orale en 25 ans de tradition écrite, ce n'est pas vrai. Même moi, je veux dire, je baisse les deux bras et je dis: Écoutez, on va faire ce qu'on peut faire. Mais ces gens-là ne comprennent pas le système. On leur impose un système de droit, que ce soit le droit criminel ou le droit civil, qui ne correspond absolument à rien, à aucune réalité au monde inuit. Ces gens-là étaient là il y a 3000 ans, on est arrivés, et ce n'est pas parce qu'on est arrivés qu'ils comprennent. Ça s'en vient. C'est une question encore de une, peut-être deux générations, mais ça va finir par arriver. Les plus jeunes, d'ailleurs, même à Povungnituk, la majorité, ou, enfin, plus de la moitié des jeunes apprennent maintenant le français, ce qui n'était pas le cas avant, pour des raisons historiques et politiques. Sauf que, si on ne leur explique pas le

système, ils ne le comprendront jamais, ils vont toujours être étrangers à ce système-là, et inutile de vous dire qu'on va ramasser les pots cassés, c'est-à-dire qu'il y aura toujours cette espèce d'incompréhension qui va s'installer, cette méfiance qui va s'installer, et, comme je vous dis, on va récolter ce qu'on va avoir semé, tout simplement. Mais, pour se faire accepter, il n'y a aucun problème. Une fois que vous êtes sur le terrain, il n'y a aucune difficulté à se faire accepter.

M. Bélanger: Me Monette, je pense que vous travaillez là-bas?

M. Monette (Jacques): Je réside en permanence à Kuujjuaq.

M. Bélanger: Êtes-vous avocat en pratique privée à cet endroit?

M. Monette (Jacques): Non. Je travaille pour l'Administration régionale Kativik. Il n'y a aucun avocat de pratique privée qui réside sur le territoire.

M. Bélanger: Et, à votre connaissance, un avocat qui, comme de l'aide juridique, serait là en permanence aurait quel volume de dossiers environ par année, potentiellement?

M. Monette (Jacques): Je ne peux pas vous donner le nombre de dossiers. Je ne suis pas impliqué directement dans le nombre de dossiers. Vous savez, ce n'est pas, souvent, grand-chose.

Je vais vous donner un autre exemple. J'ai un jeune Inuit qui est né dans un igloo à Povungnituk. Il a deux extraits de naissance, tout aussi authentique un que l'autre: un, il est né en 1960 et, l'autre, il est né en 1965. Qu'est-ce que je fais? Avant le Code civil, avant la réforme du Code civil, il fallait que je fasse une requête en Cour supérieure à Amos. On n'a pas les 1800 $. De Kuujjuaq, ça coûte 2500 $, plus à peu près 200 $ par jour pour descendre à Amos. Personne ne peut se payer, à moins de s'appeler Paul Desmarais — enfin, je ne veux pas citer de nom, là — mais, bon sang, à moins d'être excessivement riche, il n'y a aucun justiciable au Québec qui peut dépenser une telle somme d'argent.

Le Québec a pris des engagements dans la Convention de la Baie James. On a pris le territoire, d'une part, mais, je veux dire, il y a aussi des engagements très fermes qui ont été pris, et, malheureusement, ça n'a pas été fait. Je pourrais vous en donner un exemple, en particulier en matière de justice. Je vous signale que ça a été signé il y a 18 ans. Et il y a une disposition qui dit: Immédiatement après la signature de cet accord, on va avoir des centres de détention dans le Grand-Nord. Ça fait 18 ans et ce n'est pas encore fait. Je ne sais pas ce que a veut dire «immédiatement après la signature de la Convention», mais je ne pense pas que ça veuille dire 18 ans. Et c'est une des demandes ici.

C'est un tout, le système de justice. Le système d'aide juridique présent sur place va permettre d'expliquer aux gens c'est quoi le système de justice. Et tant qu'on n'aura pas fait ça, je vous jure, c'est deux civilisations qui vont s'affronter et on n'obtiendra jamais rien de bon.

M. Bélanger: Mr. Nungak, someone told me that, prior to recent cuts, legal aid members were able to visit their clients more often than they are presently. Is it true?

M. Nungak (Zebedee): I am not aware of that. As I said in my presentation, legal aid comes with the itinerant court...

M. Bélanger: Always?

M. Nungak (Zebedee): ...not at any other time.

M. Bélanger: Not at any other time?

M. Nungak (Zebedee): Not at any other time, to my knowledge.

M. Bélanger: Do you have knowledge that in other communities legal aid is coming more frequently?

M. Nungak (Zebedee): No. No, none whatsoever, to my knowledge. The two lawyers working out of Val-d'Or are burdened with over 800 cases a year, just in our region. And the sheer distance they have to travel does not make it economical for them to be travelling around every month, let us say, or every week, trying to keep up work with their clients. It just simply is not done.

Now, one last point I want to make, reemphasize with the Minister especially, is that, yes, we do recognize the need to take a global approach and try to improve all areas, all different aspects of the justice system and how they are applied in our region, but that should not be an excuse for inactivity in an area that we, ourselves, are utterly ready to implement. We have a corporation in place. I think it is a matter of sitting down with the Justice Department and agreeing on the terms and conditions of the provision.

Legal aid, although it is just one cog in the total system, is a very important one, because for the Inuit it holds the key to other services. It plays an education role for our people. We will now be able to raise the level of awareness and educate our people to what their rights are through the provision of legal aid. And I say to the Minister: We have to start somewhere, and legal aid provision is one very practical point of departure to launch for a better service.

Le Président (M. Messier): Thank you. Le temps est écoulé pour l'Opposition officielle, il leur reste à peine 30 secondes. M. le ministre, juste pour remercier les gens.

M. Lefebvre: Mr. Nungak, you are talking, on page 13 of your document, about the Services juridiques communautaires de Pointe-Saint-Charles et Petite Bourgogne. Do you think it will be the right way to do something on your territory, something like we did at Pointe-Saint-Charles et Petite Bourgogne? Maybe the question is for Mr. Monette or for you, I do not know. (17 heures)

M. Nungak (Zebedee): Well, we mentioned that, we made a point of mentioning that, mainly to try to impress on you that what we are asking is not extraordinary or something strange that has never been done before. We pointed to that because it is an area of widespread poverty much like ours, but it is an area in the South. It happens to be in the South, but services are provided in such an area. Why can't they be provided? Is it because we are too far away? That is the point we are trying to make. There is a disadvantaged area in Southern Québec that is getting service, because citizens are citizens whether they are poor or rich. They just happen to be poor in that region. We happen to be poor, most of our people, but we are treated as second-class citizens for reasons that we cannot really pin down. Is it our remoteness? Is it because we do not speak French? Is it because we are a distinct people that... We do not think so. We think that once the points that we make in this presentation are understood, there is really no impediment to understanding between the Justice Department and us, and it would be just... It would not be a dragged out, weeks-and-months-on-end negotiation to come to terms with the conditions that will make it good to implement the service.

M. Lefebvre: M. Nungak, I want to thank you again for your presentation. It was for you the occasion to talk about the problem of the old legal system on your territory. And I want you to know that it was very important for the members of the committee to be informed of your preoccupation, and you know that you are the only aboriginal representative before that committee. So, I want to thank you and thank also your colleagues. Thank you very much, M. Nungak.

Merci beaucoup. Merci beaucoup, messieurs qui accompagnaient M. le président, et soyez assurés que c'est avec beaucoup d'attention que nous avons lu le document, beaucoup d'attention également que nous avons écouté les représentations qui nous ont été faites aujourd'hui qui font référence à un problème, comme on l'a dit à plusieurs reprises depuis 16 heures, qui est tout entier, selon la présentation qui nous est faite, quant à l'administration — c'est les représentations qui nous sont faites — l'administration globale du système judiciaire chez vous, au-delà de tout le problème de l'aide juridique. Je vous remercie beaucoup.

M. Nungak (Zebedee): Mr. Chairman, I would like to also thank you and the Minister and all the members of this committee for the opportunity that we have been given. To the Minister, I say: I hope you are the Minister that will become famous for taking this issue beyond talk and into action, but I feel that the reception that we have been given in our presentation is excellent. The mood, the climate is very positive, and I hope you do not keep us waiting too long before you tell us you are ready to speak to us to take this into action and not just mere words. Thank you very much.

Le Prérident (M. Messier): thank you, sir. Et nous ajournons à demain, 10 heures. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 4)

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