Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Dix heures douze minutes)
Le Président (M. Messier): À Tordre, s'il vous
plaît! Je déclare la séance ouverte. Je rappelle le mandat
de la commission. Le mandat est de procéder à une consultation
générale et tenir des auditions publiques sur le régime
d'aide juridique et sur le document intitulé «L'aide juridique au
Québec: une question de choix, une question de moyens».
Mme la secrétaire, est-ce que vous avez des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gautrin
(Verdun) remplace M. Benoit (Orford); M. Forget (Prévost) remplace M.
Fradet (Vimont); M. Bergeron (Deux-Montagnes) remplace M. LeSage (Hull); M.
Messier (Saint-Hyacinthe) remplace M. Parent (Sauvé); M. Ménard
(Laval-des-Rapides) remplace M. Godin (Mercier).
Le Président (M. Messier): Vous êtes bien gentille,
madame. Je fais la lecture de l'ordre du jour. A 10 heures, nous allons
entendre la Société de Saint-Vincent-de-Paul vous
n'êtes pas habituée à vous faire dire ça?
à 11 heures, Projet Genèse; à 12 heures, CLSC Le partage
des eaux; 13 heures, suspension; 15 heures, Association des groupes
d'intervention en défense de droits Santé mentale du
Québec; 16 heures, Société Makivik et Administration
régionale Kativik; 17 heures, nous allons ajourner.
Je vais immédiatement demander à la Société
de Saint-Vincent-de-Paul de se présenter à l'avant, s'il vous
plaît.
Est-ce que, pour les membres de la commission, l'ordre du jour est
adopté?
M. Lefebvre: Adopté. Mme Caron: Adopté.
Auditions Société de
Saint-Vincent-de-Paul
Le Président (M. Messier): Merci. Est-ce que les
représentants de la Société de Saint-Vincent-de-Paul sont
présents? Bonjour! Je vous demande de venir directement en avant. Je
rappelle un petit peu le déroulement. Ça va durer une heure,
à peu près jusqu'à 11 heures. Vous avez 20 minutes pour
faire votre intervention et, après ça, vous passerez au crible,
en tout cas, c'est une façon de parler. Le ministre et les membres de la
com- mission parlementaire vont vous poser des questions du côté
ministériel et, après ça, 20 minutes de l'Opposition
officielle.
Je demande, possiblement à M. André Boyer, qui est le
président, de présenter les gens qui sont avec lui et de
commencer immédiatement après ça.
M. Boyer (André): Bien. Alors, à ma droite, c'est
Mme Trottier, qui est responsable des programmes à la
Société de Saint-Vincent-de-Paul de Montréal, et, à
ma gauche, Me Lawrence Morgan, qui agit comme conseiller juridique
auprès de la Société de Saint-Vincent-de-Paul de
Montréal.
Le Président (M. Messier): Merci. Vous avez 20 minutes
pour faire votre intervention.
M. Boyer (André): C'est beaucoup. Merci.
Le Président (M. Messier): Libre à vous de
l'utiliser ou non.
M. Boyer (André): M. le Président, mesdames,
messieurs, je pense que la Société de Saint-Vincent-de-Paul n'est
pas ici ce matin à titre d'expert, nécessairement, mais à
titre de généraliste de l'entraide et de témoin quotidien
de situations qu'on peut qualifier, sinon de chaotiques, du moins de
problématiques, où peuvent se retrouver plusieurs personnes que
nous aidons. Nous allons y aller, je pense, plus particulièrement dans
les volets à incidence juridique.
Alors, vous savez toutes et tous comme moi qu'il y a beaucoup de
nouvelles pauvretés qui sont apparues ces dernières
années, et la société essaie, avec des moyens minimaux,
d'y répondre. Et toute la venue de nouveaux chômeurs ou de
nouvelles catégories de personnes qui se retrouvent souvent entre deux
chaises en termes de revenu fait en sorte que, pour des situations à
instance juridique, ils peuvent être appelés à devoir
recourir à des services de l'aide juridique et leurs revenus les
excluent assez souvent. Je ne parle pas nécessairement des gens qui sont
prestataires de mesures de sécurité du revenu. Ces
personnes-là, nous le savons très bien, sont déjà
couvertes par les programmes de l'aide juridique. Les réflexions qui
vous ont été présentées sont limitées. Ce ne
sont pas, je pense, des réflexions, comme je le disais, d'experts ou le
fait d'un examen approfondi de certaines situations de jurisprudence, mais plus
de vécu quotidien que nous pouvons avoir sur le terrain.
J'imagine que ce n'est pas nécessaire que je revienne sur les
aspects de la Société de
Saint-Vincent-de-Paul. Tout le monde, je pense, en connaît des
bribes. Ça existe depuis pratiquement 150 ans. Et, la mission
première, ça demeure d'aider sur une base temporaire ceux et
celles qui sont démunis. Je dirais tout simplement que, malgré
une multitude de mesures sociales, l'an passé on a aidé
au-delà de 80 000 personnes dans la grande région du
Montréal métropolitain, Laval et le secteur de L'Assomption, ce
qui nous laisse voir que, même s'il y a des mesures sociales, comme je le
disais, il y a quand même des personnes qui se retrouvent souvent
temporairement démunies.
Je rappelle également peut-être que les plus jeunes
ne le savent pas, moi, c'est parce que j'ai lu beaucoup de
procès-verbaux que, le secours direct des années trente,
c'était la Société de Saint-Vincent-de-Paul. Mais,
malheureusement, on se rend compte souvent que, avec les limites progressives
des différents paliers de gouvernement dans la question des lois tant
juridiques que sociales, on observe depuis quelques années une
augmentation des personnes qui se retrouvent souvent entre deux chaises et qui
ne sont plus éligibles à des mesures.
Je donnerai quelques exemples de mesures, peut-être, là,
où des personnes se retrouvent souvent en marge ou non éligibles.
On observe, nous, par exemple, la situation de... toute la question de la
perception des pensions alimentaires. Vous savez aussi bien que nous comment
c'est difficile, l'application, malgré des mesures, comment c'est
difficile, et c'est souvent ces femmes-là qui se retrouvent dans nos
différents services, dans nos points de service, dans les 180 points de
service qu'on a dans la grande région de Montréal, pour obtenir
un coup de pouce, parce qu'elles ont des difficultés à obtenir la
perception de la pension alimentaire. Il y a, je pense, là, un
problème important qu'il faut tenter de resserrer. Ce que, nous, on
pense, c'est que ce n'est pas nécessairement en agrandissant,
peut-être... On est bien conscient que les finances de l'État ne
sont pas illimitées, mais on pense qu'il devrait peut-être y avoir
une plus grande marge de manoeuvre au niveau des citoyens pour régler un
certain nombre de problèmes eux-mêmes. Et peut-être que
l'aide juridique, à ce moment-là, viendrait en partenaire, avec
des organismes communautaires, pour rejoindre davantage des groupes
plutôt que toujours rester au niveau individuel. On pense que ça
pourrait peut-être accroître une certaine efficacité et
diminuer, ou du moins atténuer un peu l'usage qui peut être fait
des services de l'aide juridique. Et, à mon point de vue et à
notre point de vue à la Société, ça favoriserait
davantage également une meilleure prise en charge des individus et des
citoyens dans les situations qui les concernent.
On a aussi, à l'occasion, à rencontrer des grands-parents
qui sont dans nos projets, qui travaillent dans des projets, soit comme
bénévoles ou parce que nous aidons des personnes
âgées qui sont à revenus modestes, et pour qui le droit de
contact avec leurs petits-enfants est parfois difficile et qui se retrouvent
exclus des mesures d'aide juridique. Et, souvent, ces personnes
âgées là recourent à la Saint-Vincent-de-Paul ou on
les retrouve dans nos projets, pas nécessairement parce qu'ils ont
besoin d'argent. Souvent, c'est beaucoup plus la solitude qu'ils vivent, et on
accroît davantage, je pense, cette solitude-là en faisant en sorte
qu'on ne favorise pas, d'une certaine façon, qu'ils puissent avoir
accès le plus rapidement possible ou qu'ils puissent avoir, en tout cas,
un accès convenable à leurs petits-enfants.
On n'a pas nécessairement... Je pense qu'on a mentionné ou
il y a eu des chiffres qui ont déjà été
mentionnés à cette commission quant au plafond ou au plancher
d'accès aux services de l'aide juridique. Je pense que, dans des
situations bien particulières on pense, par exemple, à
toute la question de gens qui sont en poursuite pour acte criminel il
faut faire en sorte que l'individu continue de pouvoir être
défendu de façon convenable, soit via l'aide juridique s'il ne
peut pas se permettre, s'offrir lui-même les services d'un avocat. (10 h
20)
Alors, j'imagine que vous avez pu prendre connaissance,
également, de l'ensemble du mémoire de la Société
et je serais plutôt disponible à répondre à des
questions que vous pourriez avoir. Je pense que, nous, ce qu'on dit, c'est
qu'il y a des principes à sauvegarder. L'individu qui est menacé
dans la perte d'un droit, que ce soient des droits fondamentaux, dans la
question de menace de perte de liberté, des personnes qui sont victimes
de discrimination, je pense qu'à la base il y a un certain nombre de
personnes que l'État se doit de continuer de protéger via les
mesures d'aide juridique. Et c'est davantage sur ces notions-là que nous
appuyons la représentation que nous avons faite ce matin.
Le Président (M. Messier): Merci, M. Boyer. Est-ce que Mme
Trottier ou M. Morgan auraient quelque chose à rajouter, ou ça
va?
Une voix: Non, ça va.
Le Président (M. Messier): M. le ministre, est-ce que vous
avez des interventions?
M. Lefebvre: Oui, M. le Président. Mme Trottier, M. Boyer,
Me Morgan, je vous salue. Je vous remercie d'être présents, ce
matin, à notre commission de consultation pour nous soumettre le point
de vue d'un organisme dont vous disiez tout à l'heure que nous en
connaissions probablement des bribes. Je peux vous dire, pour un, que je sais
ce que vous faites, la Saint-Vincent-de-Paul. Je le sais personnellement, comme
député, pour l'avoir vécu à un nombre
considérable de reprises. Je pourrais même vous nommer des
bénévoles qui, comme vous, travaillent à
l'intérieur de la Société de Saint-Vincent-de-Paul dans
mon comté, qui font du dépannage, qui viennent au secours des
plus démunis. Et j'ai, à plusieurs reprises, moi, depuis huit ans
que je suis député et je tiens à le dire
publiquement référé des cas à la
Société de Saint-Vincent-de-Paul de ma
région, dans mon comté: lorsque le gouvernement du
Québec, par le biais de l'aide sociale, ne réussit pas à
régler rapidement des cas, c'est la Société de
Saint-Vincent-de-Paul, chez nous, qui vient à ma rescousse. Alors, je
veux en profiter pour vous saluer, vous rendre hommage. Et je vous invite
à le dire à plein de gens comme vous que c'est incroyable ce que
vous faites non seulement dans la grande région de Montréal, mais
partout au Québec. Alors, c'est le premier commentaire que je voulais
vous faire. Et, la Saint-Vincent-de-Paul, ça doit, quant à moi,
être de plus en plus actif, un petit peu partout au Québec.
Vous avez un contact, effectivement, avec les plus démunis de
notre société et vous dites, à la page 6 de votre
mémoire, que je voudrais avoir un avis là-dessus
«la Société est cependant consciente que, lorsqu'un service
est gratuit, il y a souvent place aux abus [...] Les abus peuvent se produire
autant chez les usagers du service que chez les dispensateurs du
service.» J'aimerais savoir de quelle façon vous en arrivez
à un commentaire ou à un constat semblable. Est-ce que c'est des
situations que vous avez constatées sur place, chez vous, un petit peu
partout dans la région de Montréal, sur le territoire auquel vous
faisiez référence tout à l'heure? Et, si oui,
pourriez-vous me donner des exemples? Et, en conclusion, j'aimerais que vous
nous suggériez de quelle façon, à l'intérieur du
régime, on pourrait resserrer la structure pour, justement,
éviter ces abus-là?
M. Boyer (André): Bien. Je demanderai probablement aussi
aux deux personnes qui m'accompagnent de compléter. J'ai
déjà, je pense, ouvert un petit peu la porte tantôt en
soulignant, par exemple, que, nous, ce qu'on souhaiterait, sans que ce soit
peut-être en termes de dispensateurs de services il y a
peut-être des nuances mais ce qu'on souhaiterait davantage, c'est
qu'on laisse davantage au citoyen l'occasion de faire des choses par
lui-même. Il y a des choses, je pense, qui ne sont pas toujours
nécessairement du ressort d'un avocat ou d'un juriste. Et, à ce
niveau-là, on pense que... et ça pourrait également
éviter la dépendance et ça pourrait revaloriser un bon
nombre d'individus si on leur laissait faire un certain nombre de
démarches, quitte à ce que le geste juridique, s'il doit y en
avoir un, soit, lui, l'apanage, bien sûr, exclusif du professionnel du
droit qui est concerné par la requête. Mais je laisserais aussi Me
Morgan peut-être apporter des compléments d'information à
ce sujet-là.
Le Président (M. Messier): Me Morgan.
M. Morgan (Lawrence): Merci. On se rend compte qu'une
démarche d'accompagnement du citoyen à laquelle participe souvent
la Société de Saint-Vincent-de-Paul permet au citoyen de se
défendre lui-même, de se représenter très bien
à la cour des petites créances. Au paragraphe qui suit celui que
cite M. le ministre, on mentionne certains endroits, comme la Régie du
loge- ment, où, pour un certain nombre d'affaires, le citoyen bien
informé pourrait se représenter lui-même, et l'absence
d'avocat à cet endroit-là pourrait évidemment amener les
gens qui président ces tribunaux-là à agir de la
même façon que les juges le font à la cour des petites
créances, ce qui permettrait probablement de transférer des fonds
à d'autres activités ou d'autres besoins qui sont peut-être
plus criants, comme ceux qui sont mentionnés, en conclusion du
mémoire: la violence conjugale, où beaucoup de personnes qui en
sont victimes n'ont pas du tout accès, ou les aînés, par
exemple, dont on faisait mention tantôt, qui sont exclus du
régime. Mais, essentiellement, ce qu'on constate dans les faits, c'est
que des gens ont recours à l'aide juridique, alors qu'ils pourraient
agir eux-mêmes.
Semblablement, une autre facette de la question consiste à
constater que la relation individuelle qui caractérise, en dépit,
évidemment, des excellents programmes d'éducation et de formation
populaires qui sont dispensés par la Commission des services
juridiques... Mais, sur le plan du terrain, il n'y a pas beaucoup
d'activités de formation ou d'éducation qui permettraient
à des organismes comme la Société de Saint-Vincent-de-Paul
d'accroître leur action auprès de groupes de personnes pour
développer des stratégies d'intervention plus globales
auprès de gens qui ont des problèmes similaires sans
arriver dans des recours collectifs mais, souvent, les gens ont des
problèmes similaires. Donc, avec l'aide des bureaux d'aide juridique, il
serait possible de réunir des groupes de citoyens qui ont des
problèmes semblables et, là, de leur donner suffisamment
d'information pour qu'ils se représentent eux-mêmes.
M. Lefebvre: Quand vous parlez d'information, j'imagine que, dans
votre esprit, vous faites en même temps référence ou vous
avez à l'esprit qu'il faudrait parler beaucoup plus de prévention
que d'intervention, peut-être après le fait, là. Est-ce
que, dans ce sens-là, vous souhaiteriez que la Commission des services
juridiques accentue sa démarche d'information, soit par des
émissions de télévision comme «Justice pour
tous», soit par des messages à la radio qui ont, quant à
moi, été extrêmement utiles, «La minute
juridique» et tout ça. Est-ce que vous considérez qu'on
devrait accentuer la démarche à l'intérieur du
système du régime d'aide juridique au niveau de l'information au
grand public, en général?
M. Morgan (Lawrence): C'est indéniable qu'il y a beaucoup
d'améliorations de ce côté-là qui pourraient
être apportées, et l'impact d'une telle stratégie donnerait
des résultats probablement étonnants. Et, là-dessus, c'est
ce que M. Boyer expliquait tantôt, il y a une grande disponibilité
d'organismes en tout cas, du côté de la
Société de Saint-Vincent-de-Paul, ça vous a
été affirméà contribuer à cette
éducation-là sur le terrain en regroupant les gens qui
pourraient, par exemple, avoir une heure d'information d'un avocat d'un bureau
de l'aide juridique ou en contactant nos propres intervenants
qui pourraient recevoir l'information qu'ils pourraient
disséminer. Déjà, la Société, dans ses
points de service, met à la disposition des gens des dépliants
d'information qui sont publiés par la Commission des services
juridiques, et, ça, c'est déjà très bien.
M. Lefebvre: Une dernière question, avant de laisser la
parole à mes collègues de l'Opposition. Vous dites, à la
page 6 et je dois vous avouer que c'est un peu étonnant, parce
que vous êtes un des rares organismes qui a indiqué qu'on devrait
réévaluer ou remettre en question le libre choix vous
dites, à la page 6: «II serait peut-être opportun de revoir
le système.» Vous n'êtes pas catégoriques, là.
Vous laissez entendre qu'il faudrait peut-être revoir le système
«de façon à ce que l'ensemble des services ne soit
donné que par des juristes salariés. Donner libre choix au
requérant pour son juriste est peut-être un luxe que l'on ne peut
se payer présentement.» Alors, je vous indique de façon
globale, l'ensemble des intervenants, je vous suggère plutôt le
contraire: que l'on maintienne le principe du libre choix entre l'avocat
salarié ou l'avocat de pratique privée. Alors, j'aimerais
entendre un de vous trois me commenter un peu cette suggestion.
M. Boyer (André): Je vais laisser Me Morgan aussi, je
pense, commenter. Au besoin, Mme Trottier pourra aussi ajouter des points.
Le Président (M. Messier): Me Morgan.
M. Morgan (Lawrence): Évidemment, il est parfois
intéressant de soulever les principes. Mais il n'en demeure pas moins
qu'en réalité il y a de moins en moins d'avocats de pratique
privée qui acceptent des mandats de l'aide juridique. Et,
évidemment, une bonne partie des ressources comme on le comprend,
en tout cas de la Commission des services juridiques est
consacrée à la gestion des mandats confiés aux avocats de
pratique privée. (10 h 30)
Lorsqu'on regarde les comparaisons que se donnent les uns et les autres
sur leur efficacité respective, il n'y a rien de convaincant pour nous.
Alors, dans un phénomène de rareté de ressources, on dit:
II y a des choix à faire, pas des choix absolus, mais des choix
pratiques qui font que chaque dollar... On dit aujourd'hui qu'il faut allonger
le dollar. Alors, comment allonger le dollar? On croit que, si l'on
privilégie, sans exclure les avocats de pratique privée, les
avocats qui oeuvrent à l'aide juridique, si on les motive suffisamment,
si la direction leur donne des stratégies d'intervention qui
amènent à privilégier les interventions qui portent sur
des groupes, les aspects éducatifs, plutôt que l'intervention
individuelle bien sûr qu'en droit criminel ou dans certains
aspects il faut faire les procédures sur le plan individuel mais
qu'on amène les citoyens à intervenir eux-mêmes comme
d'autres organismes le font. Je pourrais citer l'Office de la protection du
consommateur, par exemple, qui favorise l'intervention du citoyen, qui
n'intervient lui-même que très peu. Bien, voilà des
façons d'agir qui permettent d'allonger le dollar.
Le Président (M. Messier): Mme Trottier.
M. Lefebvre: Ce que je comprends de votre commentaire, c'est que
vous n'êtes pas... Excusez, madame.
Mme Trottier (Michèle): Non, ça va.
M. Lefebvre: Sur le même sujet? Oui, madame, allez y.
Mme Trottier (Michèle): Non, c'est correct.
M. Lefebvre: Vous n'êtes pas nécessairement contre
le principe du libre choix et du maintien des deux possibilités pour le
justiciable d'avoir un avocat de pratique privée ou un avocat permanent.
Vous n'êtes pas contre le principe.
M. Morgan (Lawrence): Je ne pense que le paragraphe, ici,
présentait quelque absolutisme que ce soit, mais donnait cependant une
coloration, une indication. Lorsqu'il s'agit de faire des choix, s'il faut
économiser, par exemple, les coûts de gestion des mandats de
pratique privée, bien, évidemment, ce sera moins prioritaire que
l'intervention pour, par exemple, une personne dont le mari est peut-être
bien fortuné, dans une ville huppée, qui est victime de violence
conjugale, qui se fait refuser la représentation, par exemple, et peut
se retrouver, évidemment, fort amochée.
M. Lefebvre: Merci.
Le Président (M. Messier): Merci beaucoup. Est-ce que les
députés ministériels voudraient... Ça va? Mme
Perreault, de Terrebonne, porte-parole officiel...
Mme Caron: Caron. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Messier): Ah! Caron. Qu'est-ce que j'ai
dit?
Mme Caron: Perreault.
Le Président (M. Messier): Mille excuses! Mille excuses,
Mme Caron.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, M. Boyer, Mme
Trottier, Me Morgan, merci beaucoup de votre présence parmi nous. Vous
avez présumé que nous avions lu votre mémoire et,
effectivement, vous avez bien présumé, nous l'avons lu. Donc,
dans votre présentation, vous nous avez ajouté certains
compléments.
Vous vous êtes présentés comme des
généralistes de l'entraide, et je pense que c'est bien
désigné. Vous êtes effectivement, la Saint-Vincent-de-Paul,
des personnes en contact quotidien avec ceux et celles qui vivent ce qu'on
appelle la pauvreté; la pauvreté qui est différente de ce
qu'on a pu connaître au moment du secours direct, mais une
pauvreté qui se vit aussi intensément, je pense, pour les
personnes qui la vivent actuellement. L'action que vous faites est
évidemment extrêmement appréciée, et on vous invite
à poursuivre et aussi à venir présenter votre point de vue
lors des audiences et sur certains projets de loi parce que, justement, vous
vivez auprès des gens qui vivent cette pauvreté-là, et je
pense que, à cet égard-là, votre expertise est
extrêmement précieuse. Ne vous gênez pas pour être
souvent là lorsqu'il y a des projets de loi qui touchent vos
clientèles, plus précisément.
Vous nous avez parlé des droits de visite des grands-parents, et
je pense que cet élément-là, effectivement, on n'en parle
pas souvent. C'est très rare, et il faudrait peut-être qu'on
commence à s'interroger, comme parlementaires, surtout en cette
Année internationale de la famille, parce que, la famille, c'est
effectivement beaucoup plus élargi que le père et la mère
et, très souvent, lors de séparations, de divorces, la famille
proche souffre autant, je dirais, que les conjoints, et on n'y pense pas
souvent. Alors, je vous remercie de nous avoir rappelé cet
élément-là.
Vous avez souligné aussi que votre clientèle est souvent
non seulement une clientèle de personnes bénéficiaires
d'aide sociale, de personnes qui vivent de l'assurance-chômage, mais
souvent des personnes qui se retrouvent assises entre deux chaises. Et, dans
les bureaux de comté, souvent, ce sont ces personnes-là qu'on
voit parce que les personnes qui sont en attente de l'aide sociale, parce
qu'elles ont terminé l'assurance-chômage, ou en attente de
l'assurance-chômage, parce qu'elles ont quitté ou perdu leur
emploi, ce sont souvent des personnes qui se retrouvent effectivement sans
revenu, sans possibilité de se défendre, sans aide
précise, et pour lesquelles la situation est souvent plus difficile que
pour ceux qui ont un revenu, si minime soit-il.
Donc, compte tenu de cet élément-là, des personnes
qui vivent entre deux chaises et qui se retrouvent souvent entre les deux,
est-ce que vous considérez que, lorsqu'on calcule les revenus pour
l'admissibilité à l'aide juridique... Dans certains
mémoires, plusieurs ont abordé cet
élément-là, et il y a deux tendances. Certains disent
qu'il faut calculer les revenus à partir des revenus hebdomadaires de la
personne par semaine. Donc, au moment où elle va faire cette
demande-là, on considère ses revenus hebdomadaires.
D'autres disent qu'il faudrait évaluer les revenus annuels,
calculer tout ce que la personne a reçu durant l'année pour
décider si elle est admissible à l'aide juridique. Il y a les
deux, dans les mémoires. Vous, qu'est-ce que vous préconisez?
M. Boyer (André): Alors, je reviendrai peut- être,
auparavant, à quelques aspects que vous nous soulignez, M. le
Président, que Mme la députée nous soulignait. C'est,
d'abord, nous inviter à revenir, bien sûr, lorsqu'on en aura le
temps. À quelques occasions, la Société est venue en
commission parlementaire. Mais, si je regarde la grande région de
Montréal, Laval, nos quelque 2000 bénévoles sont d'abord
centrés sur l'action et, souvent, on n'a pas toujours le temps, dans des
délais relativement courts, de préparer une réflexion qui
nous permette de se présenter en commission parlementaire.
On a, effectivement, une catégorie importante, comme je le disais
au début, de nouvelles personnes qui s'adressent à nous suite aux
fermetures d'usines, au contexte économique. M. le Président,
vous connaissez mieux que moi la situation, par exemple, de l'est de
Montréal, des secteurs du sud-ouest de Montréal, de certains
quartiers de Laval et d'autres secteurs du Québec.
Quant à votre question bien spécifique, nous, à la
Société, avec d'autres partenaires de la région de
Montréal, on est bien conscients que c'est en deçà du
revenu minimum garanti ou de mesures de revenus qui sont indiquées, par
exemple, par le conseil canadien du bien-être. Mais on considère
qu'actuellement, pour une famille de deux adultes deux personnes
en bas de 18 700 $, dans la région de Montréal, et on exclut les
allocations familiales ou les crédits d'impôt de toute nature, en
bas de ce minimum-là, une famille, en tout cas dans le Montréal
métropolitain, ne peut pas actuellement vivre de façon
décente. Donc, ça veut dire que, si on regarde les
critères actuels de l'aide juridique, il y a plusieurs
bénéficiaires potentiels qui sont exclus parce que les montants
ne concordent pas, ne correspondent pas au montant que je viens de vous
indiquer.
Je ne sais pas si Mme Trottier aurait une réponse plus
précise à ce niveau-là, sur la question de
considérer les revenus mensuels ou annuels.
Mme Trottier (Michèle): Non. On en avait parlé dans
nos recommandations, à la fin, par contre, quand on parle... On
recommande que le gouvernement accorde le droit à l'aide juridique aux
personnes seules qui ont un revenu annuel équivalent à 44 heures
par semaine au salaire minimum, et qu'il établisse les autres
barèmes en fonction de la taille de la famille tout en excluant du
calcul du revenu les crédits et allocations pour combler les besoins
essentiels.
Mme Caron: Mais ma question précise... Mme Trottier
(Michèle): Oui. Ce n'est pas clair.
Mme Caron: Si on calcule annuellement, ça veut dire que,
la personne qui se situe entre deux chaises, elle peut, effectivement, avoir
reçu annuellement plus que ce montant-là, sauf qu'elle ne sera
pas eligible à l'aide juridique parce que, justement, elle va avoir
reçu plus. Sauf que, au moment où elle a besoin de l'aide
juridique, elle est entre les deux chaises; donc, elle n'a
pas de revenus, à ce moment-là, et elle risquerait, elle,
d'être exclue.
Mme Trottier (Michèle): Je pense qu'à ce
niveau-là on recommande... C'est sûr qu'en termes de
pauvreté on regarde sur une base... Non, c'a été vu d'une
façon annuelle, mais on voit souvent des gens, justement, qui sont
privés de certains recours parce que, bon, la personne avait pu faire un
salaire de 30 000 $, mais là, les quatre derniers mois de
l'année, elle n'a plus rien; elle vient nous demander de l'aide. Et
c'est là, dans le fond, qu'il faudrait vraiment je ne sais pas
le voir d'une façon hebdomadaire ou mensuelle, à ce
niveau-là, mais vraiment tenir compte de la situation que vit la
personne dans le contexte où elle demande de l'aide et non sur une base
annuelle. Et ça se vit beaucoup. (10 h 40)
Mme Caron: C'est exactement ça que je voulais vous faire
préciser parce que, quand on regarde uniquement au niveau de la base
annuelle... Et je pense particulièrement aux femmes qui se retrouvent en
situation de séparation. Si on regarde les revenus annuels, parfois, les
revenus annuels étaient intéressants, mais la situation actuelle
est différente et, ça, ça peut être difficile.
Dans votre mémoire aussi, lorsque vous nous parlez de certaines
clientèles que vous voulez défendre... Dans votre mémoire,
en page 3, besoins essentiels, vous nous parlez, évidemment, des
familles, des familles monoparentales, des personnes seules, de celles qui
vivent de la sécurité du revenu, les personnes en attente de
chômage ou recevant des prestations de la CSST, les personnes
âgées. J'imagine, évidemment, qu'on doit comprendre aussi,
par les familles, les travailleurs et les travailleuses qui sont au salaire
minimum parce que, actuellement, ils ne sont plus couverts par l'aide juridique
et, au moment de l'instauration de la loi en 1972, ils étaient
couverts.
Donc, actuellement, on se trouve dans la situation où les
travailleurs et les travailleuses à salaire minimum ne sont pas
éligibles à l'aide sociale et certains
bénéficiaires d'aide sociale, qui reçoivent plus en
revenus que les travailleurs au salaire minimum, sont éligibles parce
qu'ils sont bénéficiaires d'aide sociale, ce qui crée un
petit peu, là, une certaine injustice, il faut le dire, parce que ces
gens-là, parce qu'ils travaillent, sont finalement
pénalisés et leurs revenus sont moins élevés.
Est-ce que cette catégorie de personnes fait aussi partie, pour
vous, de ceux dont on doit tenir compte?
M. Boyer (André): Bien sûr, M. le Président,
Mme la députée, tantôt, quand j'apportais un chiffre de
revenu que, nous, on considère comme étant ce qui nous
apparaît de base pour vivre dans la grande région de
Montréal, je pense que déjà, évidemment, c'est
au-dessus du salaire minimum, et le salaire minimum nous apparaît
vraiment le seuil. Peut-être que Me Morgan pourrait aussi préciser
là-dessus ou sur la question aussi de la notion du ticket
modérateur.
M. Morgan (Lawrence): C'est qu'on a évoqué, dans
les documents de travail qu'on a pu consulter, la perspective de
relèvement des barèmes, mais assorti du ticket modérateur.
Ça, il y a une opposition formelle, et on tient ici à le
mentionner, parce que, évidemment, le montant qui serait exigé,
même minime, les gens viendraient le demander à la
Société de Saint-Vincent-de-Paul et, là, ce serait un
«surdépannage». Donc, évidemment, on n'a pas de fonds
pour ça.
Mme Caron: J'aimerais aussi vous entendre. Vous avez
parlé, dans vos remarques préliminaires, de la perception des
pensions alimentaires et, effectivement, ce sont certains dossiers qu'on
retrouve. Est-ce que vous seriez en faveur, pour alléger un petit peu le
système, de la perception automatique des pensions alimentaires?
M. Boyer (André): M. le Président, Mme la
députée, moi, je pense que ce serait une façon, en tout
cas, d'aider à solutionner le problème parce que, là comme
souvent dans d'autres situations je ne sais pas comment, au niveau des
services juridiques de l'État, on réfléchit à la
question, ou quelle réponse on a à ça il y a des
ordonnances qui sont très précises.
Et la difficulté, c'est l'application des ordonnances et non
seulement, je pense, pour la perception des pensions alimentaires, mais
également dans d'autres secteurs. Alors, quand on se retrouve avec une
ordonnance très précise et qu'elle n'est pas appliquée,
quel recours, ultimement, peut avoir la personne qui s'est vu octroyer un
droit, mais qui ne peut pas le faire respecter? Me Morgan, avez-vous des
commentaires?
M. Morgan (Lawrence): Oui. Une observation qu'on a pu faire,
mais, là, on est dans un dilemme, c'est de constater, évidemment,
qu'il y a beaucoup de procédures qui se font avec un résultat
relativement faible parce qu'il y a la difficulté d'exécution.
Donc, il peut y avoir un risque de gaspillage social à multiplier des
procédures qui ne sont pas exécutées. On doit bien
constater que l'État fait peu exécuter, également, les
obligations matrimoniales. Les affaires de refus de pourvoir, les condamnations
de ce côté-là sont rarissimes de nos jours. Et on peut se
poser aussi la question de la violence que ça pourrait engendrer ou
davantage de travail au noir, si on continue, disons, à exécuter
des mesures sévères contre les gens qui font défaut de
payer.
De ce côté-là évidemment, on n'a pas
étudié en détail toute cette question des pensions
alimentaires; je pense qu'il y a d'autres instances qui l'ont fait au niveau
parlementaire on constate ici qu'il y a peut-être un manque de
stratégie publique pour régler ce problème-là.
Mme Caron: Vous avez répondu à quelques questions
tantôt concernant les tribunaux administratifs, disons, d'une
manière plus générale qu'on pense à la CSST
ou à la Régie du logement et vous avez bien dit que,
finalement, un citoyen bien informé serait en
mesure de se défendre. Pour avoir rencontré souvent les
personnes qui ont à se rendre à la Régie du logement ou,
d'une manière beaucoup plus formelle, à la CSST, vous savez que
la partie patronale, à la CSST, se retrouve toujours avec des avocats
extrêmement spécialisés dans ces dossiers-là. Il y a
même certains gros employeurs qui ont quelques avocats à leur
service, qui font tous les dossiers de la CSST. Donc, si ce n'est pas
l'employeur, c'est l'État, et l'État se retrouve ou avec des
avocats aussi spécialisés ou avec des fonctionnaires je
pense à l'aide sociale qui sont des experts dans leur domaine. Et
je vous avoue que, pour être vraiment même un citoyen bien, bien
informé, là, je sens qu'il y a vraiment deux poids, deux mesures,
pour la représentation qu'on a à faire. Et, si on pense, par
exemple, à la CSST, c'est souvent une question de survie. Si les
personnes n'obtiennent pas gain de cause, ce sont des personnes qu'on va
retrouver chez vous, après, parce qu'elle vont être des personnes
qui n'obtiendront pas le revenu pour vivre. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il
y a un risque, là, même pour l'information? Et la clientèle
à laquelle vous vous adressez, est-ce que vous croyez sincèrement
que ces personnes-là sont suffisamment armées, là, pour
aller défendre elles-mêmes des dossiers aussi complexes que ceux
de la CSST ou de l'assurance automobile?
M. Boyer (André): Bien sûr, je pense qu'il y a
là une question d'accompagnement, de support. Mais, là, je vais
entrer un petit peu dans ma vie professionnelle de tous les jours. La
Société de Saint-Vincent-de-Paul, évidemment, n'est pas
mon lieu de travail à plein temps. Je travaille dans un CLSC qui est
particulièrement près de ces problèmes de
sécurité au travail, dans le centre-ville, et où un
service d'information de base auprès des travailleurs et des
travailleuses aide déjà énormément, je pense,
à faire un premier déblayage terrain, quitte, après,
à recourir à des services juridiques. Mais je pense que, quand il
y a vraiment une volonté de concertation, on peut faire
énormément sans nécessairement aller tout de suite au
volet juridique. Me Morgan, est-ce que vous avez des choses à
ajouter?
M. Morgan (Lawrence): Peut-être que toutes les distinctions
qui s'imposent ne sont pas reflétées dans le document de quelques
pages. C'est clair qu'on a besoin d'avocats pour aller, dans certains cas,
à la CSST, mais, le message qui est ici passé, c'est qu'il y
aurait place pour une relative déjudiciarisation de certaines actions.
Ça ne prend pas nécessairement un avocat pour tout.
Mme Caron: Oui.
M. Morgan (Lawrence): Pour un problème de chauffage,
est-ce qu'on a vraiment besoin d'un avocat à la Régie du
logement? Pour un problème de résiliation de bail,
peut-être. Il y a de ces distinctions. Voilà ce qu'on cherche
à passer. On souhaiterait peut-être plus de
déjudiciarisation, en donner plus aux citoyens, pas né-
cessairement moins aux avocats, mais mieux utiliser les avocats, en permettant
aux citoyens de s'aider eux-mêmes.
Mme Caron: Vous parlez, à juste titre, M. Boyer, qu'au
niveau du CLSC on va informer les citoyens et tout ça, et on le fait
aussi beaucoup dans les bureaux de comté, au niveau de la CSST; on se
parle du niveau où la personne, bon, complète sa demande. Mais,
quand on se parle de dossiers qui se retrouvent à l'aide juridique, au
niveau des tribunaux administratifs, ce sont les dossiers, là, qui sont
refusés, ce sont les dossiers qui sont en appel et là c'est
beaucoup plus complexe et c'est extrêmement difficile, à ce
moment-là, même pour un citoyen bien informé, de pouvoir se
défendre. mais je pense qu'on retient bien votre message, qu'il y a
lieu, avant que les dossiers se rendent à ce niveau d'appel, d'informer
davantage, d'aider pour que, justement, les dossiers ne se rendent pas
jusque-là. je pense que vous avez raison, et je pense que ça va
même jusqu'à dire que nos fonctionnaires qui administrent nos lois
doivent aussi être extrêmement attentifs dans h façon dont
on les applique pour justement éviter que certains dossiers, qui n'ont
vraiment pas lieu de se retrouver en appel... on a vu des dossiers de la csst,
des demandes de prothèses dentaires, se retrouver er appel, et ça
avait coûté une fortune pour finalemeni avoir gain de cause. je
pense qu'à un moment donné, au niveau de l'application de nos
lois aussi, il y a probablement un effort à faire. (10 h 50)
Mme Trottier (Michèle): mme la députée,
c'est important de mentionner aussi que c'est lors de conflits moindres. on a
de plus en plus, dans notre clientèle, des gens qui étaient
d'anciens travailleurs, même d'anciens cadres de compagnies, qui sont
capables... on ne parle pas... on a un bon 60 % de notre clientèle qui
sont des gens très démunis, mais il y en a quand même une
partie, dans ces gens-là, qui, eux, ont maintenant les capacités
pour aller se défendre, mais toujours lors de conflits moindres. et on
voulait parler surtout dans des cas de problèmes de
propriétaires-locataires, ce qui arrive très souvent.
c'était plutôt à ce niveau-là.
Mme Caron: Merci de cette précision-là. J'aurais
peut-être une dernière question. Parce que, à la page S,
vous nous dites qu'il faut s'interroger à savoir si le coûl des
services de médiateurs familiaux serait beaucoup moins
élevé que les services de permanents de l'aide juridique. Alors,
concernant la médiation, j'aurais aimé vous entendre un petit peu
plus. Hier, on n'a pas entendu les représentants du groupe Logement
populaire en AbitibiTémiscamingue, qui ne se sont pas rendus,
mais, dans leur mémoire, ils nous parlaient d'instaurer un
système spécialisé de médiation. Et, là,
vous nous soulevez une interrogation à savoir si ce serait plus
dispendieux que les services d'aide juridique. Pouvez-vous préciser
votre pensée là-dessus?
M. Morgan (Lawrence): C'est que, dans ces questions-là, la
Société a indiqué ne pas être une experte.
Là, on fait face à différents documents,
différentes thèses, mais qui ne font pas l'objet de comparaison.
On a constaté... et cette réflexion-là il y en a
quelques-unes aussi dans le document reflète une critique qui se
veut constructive du document de travail, très bien fait, par ailleurs,
qui a été présenté et qu'on a examiné. Mais
on explore très peu les voies alternatives, très peu
également les coûts comparatifs de ces voies-là. Et c'est
pour ça, ici, qu'on ne conteste pas qu'il y a un intérêt
à la médiation ou à autre chose, mais on dit comment on
s'interroge sur les comparaisons de coûts; on n'arrive pas à se
prononcer nous-mêmes. On est cependant intéressés, d'abord,
aux résultats concrets, sur le terrain. Et, avant c'est la
philosophie qui s'inspire du document c'est qu'on n'est pas
nécessairement partisans d'une base zéro, et on va voir ce que
ça donne, il n'y a plus d'aide juridique, et on recommence après.
On dit: Un instant! Il doit y avoir, avant de changer des choses, la preuve ou
la démonstration que ce qu'on propose est au moins aussi bien que ce
qu'on a.
Mme Caron: Merci beaucoup.
Le Président (M. Messier): Merci beaucoup. M. le ministre,
pour remercier les gens.
M. Lefebvre: Me Morgan, vous avez indiqué tout à
l'heure que vous considériez, au niveau de la perception des pensions
alimentaires même si je pourrais vous indiquer tout de suite, et
à Mme la députée de Terrebonne, que c'est plus ou moins
pertinent... Cependant, l'aide juridique, effectivement, est, à
l'occasion, impliquée dans la démarche de la perception des
pensions. Sauf que vous avez spécifiquement parlé de la pension
alimentaire et de la perception des pensions. Vous avez mentionné tout
à l'heure qu'il y a un manque de stratégie publique ou
gouvernementale. Est-ce que vous n'êtes pas d'accord avec moi que,
d'abord et avant tout, avant de... Remarquez bien qu'on le fait
présentement, au gouvernement, on est à mettre en place un
processus de perception automatique des pensions alimentaires. On en est rendu
là, savez-vous pourquoi? Parce qu'on a oublié d'éduquer
les débiteurs des pensions alimentaires. On a oublié de rappeler
à ces gens-là que ce sont d'abord eux qui sont responsables et,
règle générale, ce sont des pères. Parce qu'ils ont
été condamnés, d'autant plus qu'ils ont été
condamnés par des tribunaux, à payer des pensions alimentaires,
ce sont d'abord les débiteurs des pensions alimentaires qui doivent
prendre soin de leur famille, avant l'État. Et peut-être qu'on n'a
pas assez insisté, au cours des dernières années, pour
rappeler aux débiteurs des pensions alimentaires que, lorsqu'ils font
défaut de s'acquitter de leurs droits, c'est l'État et,
l'État, ça veut dire tous les citoyens qui doit payer
à la place de ces gens-là.
Est-ce que vous ne pensez pas qu'on devrait, à l'occasion,
revenir et le plus souvent possible quant à moi sur cette
obligation, contenue dans le Code civil, qui est claire, que le débiteur
d'une pension alimentaire pour sa femme et ses enfants règle
générale, je me répète, c'est souvent et presque
toujours un père... Et j'ai l'impression que ça a
été oublié, ça, au Québec, au cours des
dernières années. C'est l'aide sociale, maintenant, qui, à
défaut du père, doit payer pour des enfants et pour une femme qui
est souvent en état de besoin extrême. Est-ce que vous ne croyez
pas qu'on devrait revenir sur cette notion fondamentale, sur ce principe
fondamental qui veut qu'un père doit prendre soin de sa famille?
M. Morgan (Lawrence): Ça, c'est évidemment une
obligation qui découle des lois naturelles et qu'on ne saurait abroger
de quelque façon. La difficulté qui était soulevée
ici, à laquelle j'ai fait allusion antérieurement, c'est celle
d'un grand nombre d'interventions, par des mandats de l'aide juridique, qui
produit un grand nombre de jugements, avec un taux d'exécution
plutôt faible. On peut se poser la question à savoir si c'est
pertinent de continuer dans cette voie de judiciarisation pour obtenir beaucoup
de jugements, et dont l'exécution est relativement faible, de telle
sorte qu'on constate effectivement les interventions de l'aide sociale et les
autres interventions dont il a été question, mais on ne voit pas
peut-être encore vous mentionnez qu'il y a un travail qui se fait
dans ce sens-là se dégager de synergie, si je peux
employer le mot, qui permettrait de régler le cas. On sait qu'il y a eu
des propositions avancées d'avoir un tribunal de la famille, d'avoir des
instances et une organisation centrées sur la famille, mais il semble y
avoir encore, bien sûr, des difficultés d'ordre constitutionnel
qui ne permettent pas la réalisation.
M. Lefebvre: Comment expliquez-vous le fait qu'il y ait tant de
résistance à payer de tant de débiteurs de pensions
alimentaires? Ce qui m'apparaît, comme vous l'avez indiqué
vous-même, une obligation naturelle. Comment se fait-il qu'au cours des
ans se soit développée cette carence au niveau des
débiteurs des pensions alimentaires? C'est quelque chose qui
m'appa-raît tellement évident qu'on doit prendre soin de ses
enfants.
M. Morgan (Lawrence): Évidemment, ce n'est pas quelque
chose... Je pense que M. Boyer répondrait mieux, parce que ce n'est pas
un problème d'ordre juridique, mais plutôt d'ordre social.
M. Lefebvre: M. Boyer. Oui, c'est peut-être à ce
niveau-là, M. Boyer.
M. Boyer (André): Effectivement, je pense que c'est un
problème social important, quelque part, de responsabilisation, comme
vous le dites si bien. Qu'est-ce qui a fait qu'au cours des ans, comme vous
dites, c'est surtout les hommes qui se sont désengagés de cette
responsabilité?
M. Lefebvre: Parce que, règle générale, le
débiteur d'une pension, c'est un homme. À l'occasion, ça
peut être une femme, évidemment.
M. Boyer (André): Absolument. Vous avez tout à fait
raison. Je pense que ça fait partie, d'une certain façon, de ce
laisser-aller collectif qu'on observe souvent, sauf que, moi, je me dis qu'en
bout de ligne il ne faut pas que la femme et les enfants soient
pénalisés outre mesure d'un abandon de responsabilités de
l'individu par rapport à ses enfants. La raison fondamentale, je pense
que je ne la possède pas plus que, peut-être, les membres de cette
Assemblée, mais je pense que, quelque part, il y a sûrement cette
«déresponsabilité» générale qu'on
observe aussi à d'autres niveaux.
Le Président (M. Messier): M. le ministre, il y a M. le
député de Laval-des-Rapides, M. Ménard, qui aimerait poser
une question, puis après ça, remercier. O.K., parfait.
M. Lefebvre: Oui, oui, allez-y. Je pourrai conclure. Merci.
Le Président (M. Messier): M. Ménard.
M. Ménard: Merci. Je ne suis pas encore trop, trop
habitué aux règles. J'ai trois sujets. Je vais commencer
peut-être par le plus important ou plutôt celui sur lequel j'estime
que votre expertise est la plus utile.
D'abord, je vous remercie de nous avoir apporté votre expertise.
On a besoin de gens comme vous, qui s'occupent des gens les plus
démunis, pour avoir un point de vue essentiel.
La première chose dont je voudrais vous parler, c'est la
médiation, effectivement, qui, selon vous, ne serait peut-être pas
la meilleure solution. J'ai remarqué, quand j'étais
bâtonnier du Québec, que, sur les insistances du bâtonnier
de Québec, c'est-à-dire de la région, on avait
créé, au Barreau, un programme. On s'était lancés
dans la médiation, dans la conciliation; on avait même
débloqué 70 000 $ de fonds pour la publicité et la
formation des avocats en médiation. Puis, à ma grande surprise,
quand on avait annoncé ce programme, qu'on espérait vraiment dans
l'intérêt public, il y a des gens qui nous avaient parlé
contre ce programme, ce à quoi on ne s'attendait pas du tout.
C'étaient les gens qui représentaient les femmes dans ces
situations, nous signalant qu'étant donné l'actuelle situation
d'infériorité des femmes que nous voulions changer
les femmes n'arrivent pas, dans un processus de conciliation, comme les hommes
qui ont l'expérience de la conciliation. Elles font une liste de leurs
besoins essentiels; elles enlèvent même des choses qu'elles
voudraient avoir, qu'elles pensent qu'elles devraient avoir; dans un esprit de
conciliation, justement, elles les enlèvent au départ. Tandis que
l'homme, qui est plus expérimenté dans le domaine des affaires,
arrive à une conciliation avec un programme de points qu'il va
céder, de sorte qu'ils n'arrivent pas à égalité
dans la médiation. Les gens les plus faibles perdent par rapport aux
gens les plus astucieux et qui ont le plus d'expérience, alors qu'un
juge donnerait à celui qui a droit exactement ce à quoi il a
droit. Cette personne démunie a besoin de l'assistance d'un
professionnel qui va l'informer de ce à quoi elle a droit. Est-ce que
ça rejoint votre expérience? (11 heures)
Le Président (M. Messier): M. Boyer, rapidement, parce que
le temps est écoulé déjà, là.
M. Boyer (André): Oui. Effectivement, je pense qu'au
départ le rapport de force n'est pas nécessairement le
même, malheureusement, entre l'homme et la femme, au moment de la
médiation, et souvent, pour toutes sortes de raisons, l'homme arrive
avec des choses très ordonnées et la femme va arriver, à
cause probablement de la situation où elle pense aussi à la
question des enfants et pour toutes sortes d'autres considérations, avec
peut-être une volonté plus évidente de s'impliquer dans un
processus de médiation, alors que chez l'homme c'est peut-être
davantage une question de rapport de force, de gain.
Peut-être que Mme Trottier aurait des idées.
Mme Trottier (Michèle): Bien, nous autres, ce qu'on peut
remarquer, c'est qu'elles sont souvent très désabusées,
parce qu'elles disent: Bon, peu importe ce qu'on va faire, la façon dont
on va le faire, en bout de ligne, il ne paiera pas la pension alimentaire.
C'est là le problème qu'on voit. Il ne la paie pas. Souvent,
quand il travaille, bien, là, il s'arrange pour être sur l'aide
sociale, ce qui fait que là il n'en a plus, de pension à payer.
Elles sont très, très désabusées par rapport
à ça et, effectivement, elles manquent beaucoup de moyens aussi
pour aller lutter contre leur ex-conjoint, même en service de
médiation. Effectivement, dans la plupart des cas, lui, il va être
beaucoup plus aguerri et mieux outillé qu'elle. On l'a remarqué,
effectivement.
Le Président (M. Messier): Merci beaucoup, Mme Trottier.
M. le ministre, juste pour remercier les gens, s'il vous plaît.
M. Lefebvre: Alors, merci, M. le Président. Alors, M.
Boyer, et madame et M. Morgan, je veux vous remercier d'être venus faire
des commentaires sur un mémoire que vous nous aviez déjà,
évidemment, présenté, mémoire qui souligne des
faits que vous constatez vous-mêmes sur le terrain. Dans ce
sens-là, vous avez une expérience extrêmement pertinente,
là, qui rend votre mémoire et votre témoignage
extrêmement crédibles.
Je veux juste terminer en soulignant que vous indiquez, dans votre
mémoire, souhaiter qu'on améliore le seuil d'admissibilité
pour jusqu'à l'équivalent d'une personne ayant un revenu annuel
équivalant à 44 heures-semaine au salaire minimum. Je vous
rappelle que, si
c'était le cas, ça voudrait dire très rapidement,
là, une personne seule, 13 360 $, et un couple avec deux enfants, parce
que c'est, règle générale, nos critères de base, 26
720 $. Ça représenterait, là, selon les calculs qu'on a
faits au ministère, des coûts d'environ 32 000 000 $. Je veux
juste vous indiquer ce que ça représenterait si demain matin on
se rendait à votre souhait.
Le Président (M. Messier): En conclusion, M. le
ministre.
M. Lefebvre: Je conclus en vous remerciant, en vous indiquant
qu'on tentera le plus possible de se rapprocher de ce que vous souhaitez
être les améliorations qu'on doit apporter aux
bénéficiaires que vous côtoyez à tous les jours. Je
vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Messier): Merci beaucoup, M. le ministre,
l'Opposition officielle. Les gens de la Société de
Saint-Vincent-de-Paul, on vous remercie.
Je vais suspendre une minute, le temps que le Projet Genèse se
présente en avant. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 4)
(Reprise à 11 h 6)
Le Président (M. Messier): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Laval-des-Rapides, s'il vous
plaît, à l'ordre! On va l'habituer aux normes.
Je demande au Projet Genèse de se présenter, s'il vous
plaît.
Bonjour! Vous êtes seul de votre groupe?
Projet Genèse
M. Goldman (Richard): Oui. Je m'appelle Richard Goldman.
Le Président (M. Messier): O.K. Ça va prendre juste
un petit instant. M. le ministre... O.K., parfait. Je vous laisse votre droit
de parole de 20 minutes. Vous vous présentez et, après ça,
il va y avoir un échange de part et d'autre. Allez-y, monsieur.
M. Goldman (Richard): Très bien. Alors, je m'excuse au nom
de mes deux collègues qui n'ont pas pu se présenter aujourd'hui
à cause de quelques urgences. Comme je l'ai mentionné, je
m'appelle Richard Goldman. Je suis avocat, je travaille à temps partiel
au Projet Genèse. Vous avez, à la première page de notre
mémoire, une petite présentation de notre groupe.
Évidemment, on est moins connus que la Société
Saint-Vincent-de-Paul, mais quand même je vais vous donner quelques
petits détails.
On est un groupe voué à la défense et à
l'assistance des gens démunis de notre quartier, Côte-des-Neiges,
à
Montréal. C'est un quartier très multiethnique. On a une
clientèle très défavorisée financièrement.
On travaille beaucoup de manière multidisciplinaire en équipe;
ça veut dire avocats, travailleurs sociaux, organisateurs
communautaires.
En ce qui concerne le volet juridique, dont je suis le responsable, nous
avons une clinique juridique avec 10 étudiants ou stagiaires en droit
qui viennent de l'Université McGill et de l'Université de
Montréal. Nous avons également à peu près 10
avocats bénévoles. Nous avons à peu près 900
dossiers de nature juridique par année, pour vous donner une idée
très générale. Mes responsabilités personnelles
sont de former les étudiants en matière de droits sociaux et de
réviser leurs dossiers.
Juste pour que vous ayez une idée de mes autres, disons,
expériences avec l'aide juridique, j'ai été, avant, avocat
à l'aide juridique pendant un an. Et, dans ma pratique privée
parce que je travaille dans un centre communautaire à temps
partiel dans ma pratique privée, je fais presque uniquement des
cas d'aide juridique. Alors, je connais un peu tous les côtés du
système.
Comme, évidemment, vous avez notre mémoire, je ne vais pas
essayer de tout résumer. Je vais juste peut-être mentionner
quelques détails qui m'intéressent particulièrement dans
mon travail d'avocat ou m'y attarder. De manière très
générale, dans notre introduction, on mentionne que nous croyons
que les services d'aide juridique sont actuellement insuffisants. On devrait
parler d'une augmentation plutôt que d'une restriction, que les
barèmes devraient être levés ou augmentés et qu'il
serait absolument, selon nous, impossible d'imposer tout ticket
modérateur ou une autre participation financière de la part des
clients.
J'aimerais vous demander quelque chose. Je ne sais pas si votre version
est paginée ou non. Ha, ha, ha! Non, hein? O.K. Je ne sais pas si ce
serait utile de paginer pour référence. Ha, ha, ha! Si on
commence, après la page titre, avec la page 1...
Le Président (M. Messier): Question. Est-ce que, M. le
ministre aussi, vous avez le texte? Je sais que vous avez les notes.
M. Lefebvre: Oui.
Le Président (M. Messier): O.K. Commencez votre
pagination, on va suivre.
M. Goldman (Richard): Mais c'est ça. La page après
la page titre, ça va être la page 1, puis, comme ça,
ça va terminer à la page 9. O.K.? Je m'excuse. Ça
démontre qu'on est vraiment un groupe communautaire pure laine.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Messier): Un bel essai. Un bel essai. (11
h 10)
M. Goldman (Richard): O.K. Donc, l'introduction, c'était
la page 2. On est rendus à la page 3: Nécessité
d'accroître les services et l'admissibilité. J'aimerais souligner
le fait que, selon notre expérience, disons, les personnes qui n'ont pas
droit à l'aide juridique parce qu'elles tombent entre ces fameuses deux
chaises se trouvent avec beaucoup de problèmes à se
défendre, à s'endetter, etc. On peut penser à quelques
exemples qui nous reviennent presque quotidiennement au Projet Genèse.
Surtout en droit de la famille, on voit beaucoup ça. C'est des gens,
surtout des femmes, qui sont en difficulté financière, mais pas
au point d'être éligibles à l'aide juridique. Quand elles
doivent se présenter pour débattre les pensions alimentaires,
pour débattre le patrimoine familial ou même la garde d'enfants,
elles se trouvent en situation très difficile. Si leurs maris sont dans
un esprit de guerre, s'ils sont prêts à dépenser 10 000 $
pour gagner à tout prix, c'est très, très difficile pour
ces femmes-là de se défendre comme il faut. Il en est de
même dans le domaine du logement. Évidemment, comme on l'a
mentionné, il y a des cas plus sérieux que d'autres en
matière de logement. On voit ça, par exemple, dans les cas de
reprise de possession et de rénovation ou de l'éviction du
locataire visé.
Si on passe à la prochaine page où on voit «B)
Accroître les services», j'aimerais commenter sur quelques-unes des
propositions dans votre document. On a mentionné la possibilité
de limiter ou de nier les services où il y a un bénéfice
minime comme 10 $. Alors, je pense qu'ici il y a une question à se
poser. Si on prend l'exemple de quelqu'un qui est coupé de 10 $ d'un
chèque de bien-être social, est-ce que ça vaut la peine de
payer un avocat pour le défendre? Mais je pense qu'il y a une question
de principe très importante qu'on devrait se poser.
Quand on parle, par exemple, de vol à l'étalage où
il y a aussi peut-être une affaire de S $ ou 1 $ qui est en question, on
ne se pose jamais la question: Est-ce qu'on devrait embaucher des procureurs de
la couronne, est-ce qu'on devrait embaucher des policiers pour poursuivre ces
affaires-là ou est-ce qu'on devrait laisser faire si c'est moins de 10 $
et mettre des ressources économiques ailleurs? Parce que c'est une
question de principe, une question d'égalité fondamentale. Alors,
est-ce que ce n'est pas la même question de principe quand il s'agit de
10 $ enlevés de manière injuste ou illégale du
chèque de bien-être social de quelqu'un? Je vous soumets que c'est
une question encore plus importante.
On a mentionné, dans la même veine, dans votre document, de
manière plus spécifique: si le bénéfice est moins
que ce qu'on paie à l'avocat... Là, dans notre document, on a
donné l'exemple d'un cas de bien-être social, et ça arrive
dans... Je ne sais pas si des exemples pratiques vous intéressent, mais
on voit ça très souvent, des affaires où c'est moins que
l'avocat serait payé pour le cas. Par exemple, l'aide sociale paie 200 $
pour un déménagement pour motif de santé. C'est souvent
bien, je ne sais pas si c'est souvent mais, nous autres, on voit
souvent des cas où c'est nié. Il faut aller en révision et
même à la Commission des affaires sociales. 200 $, c'est moins que
ce qu'un avocat est payé pour aller en révision, parce qu'un
avocat est payé à peu près 260 $ pour aller en
révision et 460 $ pour aller à la Commission des affaires
sociales. C'est encore moins que ce que l'avocat est payé pour aller
à la Commission, mais ça peut être presque la moitié
du chèque de quelqu'un.
Au Projet Genèse, dans notre quartier, il y avait un moment
où le bureau d'aide sociale était presque systématiquement
en train de nier les bénéfices, les prestations pour le premier
mois. Ça marche de la façon suivante, comme vous le savez
probablement: si on fait une demande de bien-être social le 15 du mois,
on a droit aux prestations de la moitié du mois, puis du mois suivant en
entier. Mais, pendant un certain bout de temps, le bureau était presque
systématiquement en train de nier ces prestations. Évidemment,
ces prestations-là, c'est toujours moins qu'un mois, c'est un mois
partiel. Si on employait un système où le bénéfice
escompté était pris en considération, on ne pourrait
jamais contester ça. Disons, les personnes n'auraient pas eu droit
à un avocat qui connaît bien la jurisprudence de l'aide
sociale.
O.K. Si on passe à la prochaine page, la page S, on parle de
l'idée de ne pas maintenir la couverture dans les cas où la
représentation par un avocat n'est pas nécessaire. Dans
l'intervention de la Société Saint-Vincent-de-Paul, on a
mentionné quelques hypothèses, par exemple, à la
Régie du logement. Il est aussi notre expérience que les
propriétaires, quand il y a quelque chose vraiment en enjeu, viennent
avec des avocats. Même un citoyen bien informé aurait de la
misère à bien se défendre, pour ne pas parler de beaucoup
de nos clients qui éprouvent des problèmes de communication, de
santé mentale, etc. Alors, je vous soumets que ce serait très
difficile de dire d'une manière générale qu'on ne devrait
pas, par exemple, avoir de l'aide juridique pour des cas à la
Régie du logement. Il existe déjà une certaine soupape de
contrôle, parce que, comme vous le savez, il y a toujours deux
critères dans l'émission d'un mandat ou l'acceptation d'un cas
à un bureau d'aide juridique: il y a la vraisemblance du droit et le
critère financier.
Quand j'étais à l'aide juridique comme avocat permanent,
il nous arrivait de nier des mandats quand il n'y avait aucune apparence de
droit. Comme par exemple dans des cas de fixation de loyer en défense,
quand il n'y avait absolument rien de spécial dans le cas, il n'y avait
aucune raison de croire que cette personne avait besoin d'une assistance; on
niait le mandat tout simplement. Donc, il y a déjà un certain
contrôle sur les cas où c'est absolument flagrant ou
évident que l'assistance d'un procureur n'est nullement
nécessitée.
Mais, si on voulait poursuivre dans cette ligne, par exemple, de
déclarer la Régie du logement une sorte de zone
démilitarisée où les avocats sont interdits, je pense que
ça devrait être des deux côtés. On pourrait imaginer
une situation où la Régie du logement deviendrait comme la Cour
des petites créances, où on n'a pas
droit aux avocats, mais des deux côtés: du
côté du propriétaire comme du côté des
prestataires du bien-être social ou des bénéficiaires de
l'aide sociale. À moins d'une telle réforme, je vous
suggère qu'en ce qui concerne le logement on ne pourrait aucunement
avoir une situation où de manière systématique on nie la
représentation par avocat.
D'une manière plus générale, on a mentionné
le problème de «surjudicialisation» de notre État.
Ça ne fait pas partie de notre mémoire, mais j'aimerais aussi
mentionner que cette «surjudicialisation» peut être
attaquée ou se manifeste de beaucoup de façons. Par exemple, dans
mon travail d'avocat, je vois et, ça, je trouve ça
vraiment malheureux que souvent les prestataires du bien-être
social ne peuvent pas rejoindre leur agent pour avoir des clarifications. Ils
appellent trois, quatre fois, ils laissent des messages, on leur dit d'appeler
l'après-midi, ils appellent l'après-midi, on leur dit d'appeler
le matin. Ils doivent appeler un avocat pour rejoindre leur agent de
bien-être social. Là, l'avocat appelle, puis tout de suite l'agent
est là, puis les réponses sont là.
De même, quand un dossier se rend en révision, c'est
presque impossible de négocier des règlements avec les agents du
bien-être social qui vont présenter des cas devant la Commission
des affaires sociales, alors que souvent il me semble c'est juste mon
point de vue qu'un règlement aurait pu être possible. (11 h
20)
Alors, ce sont peut-être mes préjugés, mais tout
cela pour dire que la «surjudicialisation» peut être
attaquée aussi avec des politiques administratives et avec des
directives administratives. Ce n'est pas nécessairement juste en
limitant la couverture ou l'envergure de l'aide sociale.
Alors, si on passe à la prochaine page, page 6, qui est comme
juste un paragraphe en haut, ici on mentionne encore le fait que, selon nous,
la couverture devrait être étendue. Je pense, et c'est
particulièrement... et c'est mentionné aux cas de
négligence ou de prétendue négligence médicale...
Parce que, dans ces cas-là, on en voit beaucoup. C'est presque
impossible, pratico-pratique, pour quelqu'un, de trouver un avocat pour mener
un tel cas en demande.
Je pense que la responsabilité médicale est un peu
spéciale. Si on pense aux autres sortes de dommages ça
peut être quelque chose de commercial ou ça peut être toutes
sortes de choses qui ont peut-être moins tendance à affecter les
plus démunis mais la négligence médicale,
évidemment, ça peut frapper n'importe qui. Aux États-Unis,
ils ont l'air d'avoir réglé le problème d'une tout autre
façon: les dommages accordés par les tribunaux sont tellement
monstrueux que ce n'est pas difficile de se trouver un avocat. Ce n'est pas le
cas ici, les cours sont beaucoup plus conservatrices. Ce n'est pas du tout le
système «L.A. Law». Alors, c'est beaucoup plus difficile de
se trouver un avocat.
Alors, je pense que, si on veut être une société
juste et égale, il devrait y avoir une façon d'accorder cette
couverture, sinon je pense que le gouverne- ment ça
déborde complètement le cadre de cette discussion mais le
gouvernement devrait penser peut-être à établir une sorte
de tribunal administratif ou de régime, un peu comme le Régie de
l'assurance automobile du Québec, pour régler les cas de
responsabilité médicale, parce que, selon moi, c'est un
problème très, très grave qu'on voit assez souvent aussi,
où on n'a aucune réponse à suggérer au client.
Si on passe à la page 7, Faire payer l'usager-ère, encore
une fois, il nous semble, au Projet Genèse, que les plus démunis,
les prestataires du bien-être social, n'ont pas ces 10 $ à payer
pour ouvrir un dossier. Au mois d'octobre, il y a eu une autre réforme,
une petite mise au point des barèmes du bien-être social. Au lieu
de recevoir 510 $, maintenant, les non-participants vont recevoir 500 $.
Ça, c'est le barème de base. Alors, ils paient chaque mois leurs
10 $, on pourrait dire, mais en plus de ça ils ont perdu leur
augmentation pour lé coût de la vie qui normalement arrive au mois
de janvier. C'est un autre 10 $. Alors, selon nous, l'argent n'est pas
là. Nous travaillons avec un organisme soeur, pour ainsi dire, qui
s'appelle Multi Caf. C'est une cuisine communautaire qui donne des centaines de
paniers et de repas par semaine. Alors, selon nous, même s'il s'agit de
peu d'argent, les plus démunis ne l'ont pas en ce moment.
En ce qui concerne si on passe à la page 8 un
financement alternatif, on trouve très intéressante l'idée
de diviser les services d'information ou de prévention qui ont
été mentionnés avec des services de représentation.
Moi-même, quand j'étais à l'aide juridique, j'ai
trouvé que c'était très, très difficile pour
quelqu'un de rejoindre les avocats pour poser une petite question qui aurait pu
prévenir un problème. Il fallait «faire» un
rendez-vous, il fallait passer l'examen des finances, etc. Ça pouvait
facilement durer deux, trois semaines. Alors, la prévention, à
mon sens, ça pourrait régler beaucoup de dossiers d'une
manière très efficace. Au Projet Genèse, c'est justement
un peu ça, ce qu'on fait. C'est le genre de travail de
prévention, parce qu'on ne va pas aussi loin que représenter le
monde devant les tribunaux.
En ce qui concerne plus strictement le financement ou... bien, disons
d'autres économies, on est très favorables à l'idée
de confier l'attestation d'admissibilité à des personnes autres
que des avocats. Encore une fois, selon mon expérience personnelle,
quand j'étais à l'aide juridique, je passais beaucoup de temps
on mentionne ici à peu près le tiers du temps
à réviser des mandats. Dans 90 %, on les a acceptés tout
simplement, dans 10 % à peu près, on les refusait et, dans ces 10
% là, probablement, la secrétaire m'avait déjà dit:
Dans ce cas-là, c'est probablement un refus pour telle ou telle raison,
parce qu'elle avait déjà examiné le dossier. Alors, selon
nous, ce serait très efficace que la secrétaire ou la
préposée ait le pouvoir de refuser... disons d'accepter,
plutôt, et, dans les 10 % de refus possibles, de référer le
dossier à l'avocat. O.K.? Dans ce cas-là, personne ne serait
lésé.
En ce qui concerne, comme je dis, plus
strictement les finances, moi, en tant qu'avocat, chaque fois qu'il y a
une baisse des taux d'intérêt et que le Barreau reçoit
moins d'argent en intérêt, je suis cotisé pour d'autres
choses. Par exemple, cette année, pour la première fois, j'ai une
cotisation spéciale pour mes Recueils de jurisprudence du Québec
et mon Annuaire de jurisprudence du Québec. C'est 100 $ ou quelque chose
comme ça. Je ne serais pas du tout défavorable à payer 100
$ pour l'aide juridique ou 200 $ pour l'aide juridique. C'est peut-être
parce que je reçois des mandats d'aide juridique, ha, ha, ha! mais il me
semble que c'est tout à fait raisonnable comme cotisation.
Évidemment, je ne suis pas ici comme représentant du Barreau, par
exemple.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Messier): M. Goldman...
M. Goldman (Richard): Oui?
Le Président (M. Messier): Vos 20 minutes sont
terminées. Vous pouvez continuer, mais on va empiéter sur le
temps des deux formations politiques.
M. Goldman (Richard): O.K. En fait, j'aimerais juste, pour
terminer, dire que je pense qu'on va peut-être me dire: Me Goldman, on a
calculé ce que vous suggérez en ce qui concerne l'augmentation
des barèmes; ça va nous coûter 100 000 000 $ si on fait ce
que vous suggérez. Mais je pense que la question, c'est: Dans quel genre
de société on veut vivre? Est-ce que c'est une
société où on n'a pas de défense valable quand on
est lésé?
Il y a aussi la question de prévention, parce que chaque personne
qui n'a pas une défense adéquate en matière de droit
criminel ou qui n'a pas assez d'argent pour vivre, qui va faire du vol à
l'étalage dans un dépanneur et qui se rend en prison, nous
coûte 10 fois plus cher qu'un prestataire du bien-être social.
Alors, même s'il s'agit, évidemment, d'autre argent, je pense
qu'on devrait voir ça en question de justice et de prévention
aussi. Merci.
Le Président (M. Messier): Merci, Me Goldman. On va
laisser le temps au ministre de la Justice, député de
Frontenac.
M. Lefebvre: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Messier): Plaisir!
M. Lefebvre: Me Goldman, je vous remercie et je vous salue. Je
veux vous remercier d'avoir soumis à la commission un mémoire qui
part d'une expérience... Je fais référence
particulièrement à votre expérience à vous,
là, qui est considérable, parce que... Est-ce que vous êtes
encore un permanent de l'aide juridique au moment...
M. Goldman (Richard): Non, non, non. Je suis à
moitié temps au Projet Genèse et à moitié temps
à mon compte.
M. Lefebvre: Alors, vous avez de toute façon
été très impliqué dans le régime d'aide
juridique, ayant été pendant quelques années, si je
comprends bien, avocat à l'aide juridique comme permanent. Et vous
participez présentement à une expérience qui
m'apparaît être extrêmement positive, le Projet
Genèse.
Je voudrais vous poser quelques questions, là, sur ce que vous
vivez actuellement comme expérience. Vous dites, à la page 2 ou
page 1, là: C'est ainsi que des avocats, sur une base
bénévole, offrent des consultations gratuites. Ça se fait
systématiquement à tous les jeudis soir. Comment ça
procède? Est-ce que ce sont des gens qui se présentent chez vous
directement ou s'ils ont été référés
à l'occasion par des cliniques d'aide juridique?
M. Goldman (Richard): Non.
M. Lefebvre: Comment, ça fonctionne dans le quotidien, Me
Goldman?
M. Goldman (Richard): Ce qui se passe, c'est qu'on fait de la
publicité qui indique que les personnes peuvent se présenter sans
rendez-vous ou peuvent appeler sans rendez-vous. On a, comme je l'ai
mentionné, 10 étudiants en droit. Donc, on a une présence
permanente d'étudiants en droit. Et, moi, je suis «on call»,
sur appel pour eux autres quand Us ont des questions, et je révise leurs
dossiers. (11 h 30)
Alors, l'étudiant en droit est lié, évidemment,
comme tout le monde par la loi du Barreau, ne peut donner que des
renseignements. Si on a l'impression que cette personne devrait rencontrer un
avocat mais pour une raison ou une autre ne devrait pas aller directement
à l'aide juridique ou chez un avocat de la pratique privée, on la
réfère à notre clinique du jeudi soir où, chaque
jeudi soir, il y a un avocat qui rencontre à peu près six
personnes pour une consultation d'une vingtaine de minutes.
M. Lefebvre: Ces avocats, qui travaillent sur une base
bénévole, qui donnent des renseignements, des consultations,
est-ce que ce sont des avocats qui viennent de la pratique privée ou du
réseau de l'aide juridique?
M. Goldman (Richard): Non, de la pratique privée
uniquement.
M. Lefebvre: Combien y a-t-il d'avocats, plus ou moins,
impliqués dans la démarche, d'avocats de la pratique
privée?
M. Goldman (Richard): À peu près huit avocats parce
qu'on a une rotation de huit semaines.
M. Lefebvre: Est-ce que, à votre connaissance, ailleurs
à Montréal ou dans la grande région métropolitaine,
il y a d'autres projets ou d'autres initiatives semblables à la
vôtre?
M. Goldman (Richard): À ma connaissance, c'est nous autres
qui avons poussé ça le plus loin. Il y a d'autres cliniques qui
font ça chaque deux, trois semaines, ou qui ont un ou deux
étudiants en droit, mais je pense qu'on est les seuls à avoir une
présence permanente d'étudiants en droit et une clinique
hebdomadaire.
M. Lefebvre: Évidemment, il y a du
bénévolat, il y a beaucoup de bénévolat dans votre
démarche, mais il y a des employés permanents.
M. Goldman (Richard): Je suis le seul employé permanent
qui est impliqué régulièrement dans la clinique
juridique.
M. Lefebvre: II y a du secrétariat, il y a des...
M. Goldman (Richard): Comme vous voyez de la pagination, on n'a
pas beaucoup de soutien de secrétariat. Ha, ha, ha!
M. Lefebvre: Je trouve ça très bien. Je trouve
ça très bien, Me Goldman.
M. Goldman (Richard): II n'y a pas vraiment de soutien en termes
de secrétariat.
M. Lefebvre: C'est strictement... Tout tourne autour du
bénévolat.
M. Goldman (Richard): Oui, c'est ça, et de ma
permanence.
M. Lefebvre: De quelle façon se fait le joint entre ce qui
se fait chez vous et l'intervention de l'aide juridique? Lorsque vous dites
que, si, par hypothèse, vous ne pouvez pas résoudre chez vous le
dossier, c'est référé à ce moment-là
à des avocats... ça tombe dans... c'est
référé au système d'aide juridique, que ce soit aux
permanents de l'aide juridique ou à un avocat de pratique privée?
Comment procédez-vous?
M. Goldman (Richard): O.K. C'est une très bonne question
parce que je pense qu'au début le Projet Genèse s'est même
demandé: Pourquoi on aurait des services juridiques, alors qu'on a un
réseau très étendu de services juridiques? On a
commencé juste avec un étudiant en droit, après, trois ou
quatre, et on a remarqué que le besoin était là, parce
que, notre service, c'est surtout de l'information et de la prévention.
Donc, souvent, l'aide juridique rend le même service, mais ça
prend trop de temps; ça prend trois semaines ou quelque chose comme
ça. Alors, souvent, on répond... souvent, les gens viennent nous
voir deux, trois fois, et ça se résout avec les informations
qu'on donne, mais, sinon, c'est exactement comme vous avez prévu: Us
sont référés soit à l'aide juridique, s'ils sont
éligibles, soit à un avocat de la pratique privée.
M. Lefebvre: Vous ne faites pas de représentation devant
les tribunaux?
M. Goldman (Richard): Non. On n'en fait pas.
M. Lefebvre: Vous dites, à la page 3 de votre document,
sous l'intitulé «Introduction», que vous souhaitez qu'on
améliore l'accès à la justice aux citoyens les plus
démunis tout en étant équitable par rapport aux autres
citoyens. Auxquels citoyens faites-vous référence, Me
Goldman?
M. Goldman (Richard): Nos références?
M. Lefebvre: Vous faites référence à ceux et
celles qui ne seraient pas admissibles à l'aide juridique?
M. Goldman (Richard): Oui, c'est ça. Évidemment, il
y a des limites.
M. Lefebvre: Oui. Et de quelle façon pourrait-on
protéger ces autres citoyens là, selon vous?
M. Goldman (Richard): Mais je pense que...
M. Lefebvre: Je fais référence, je m'excuse,
à la possibilité d'admettre une autre catégorie de
citoyens à salaires plus élevés, avec une contribution
quelconque. Je fais référence également à la
possibilité, donc, par le Barreau, d'insister un peu plus sur
l'assurance frais juridiques. Est-ce que vous avez une opinion
là-dessus, quand vous parlez des autres citoyens?
M. Goldman (Richard): Oui, cette référence, je ne
pense pas que c'était quelque chose de très profond. Tout ce
qu'on voulait dire, c'est qu'on est conscient du fait qu'il y a des limites sur
ce que le contribuable peut contribuer. Plus concrètement, ce qu'on a
suggéré plus loin dans le document, c'est qu'il y ait une hausse
des barèmes et que possiblement des personnes qui excèdent les
barèmes puissent contribuer quelque chose pour participer. Ça
nous semble...
M. Lefebvre: Ça, vous n'auriez pas d'objection à
cette démarche-là?
M. Goldman (Richard): Non, et surtout que ça pourrait
être une injection de fonds. Je ne sais pas à quel point ça
serait intéressant, mais je pense qu'on n'aurait pas d'objection
personnelle.
M. Lefebvre: Me Goldman, vous dites, à la page 7 ou 8 de
votre mémoire, qu'«une autre hypothèse consiste à ne
maintenir la couverture que dans les cas de
conséquences "sérieuses"». Vous faites
référence au document «L'aide juridique au
Québec».
Une voix: Oui.
M. Lefebvre: Je veux vous rappeler, en passant, et aux membres de
la commission que ce document-là n'est pas nécessairement et
strictement le fruit de la réflexion du ministère ou de
l'ex-ministre de la Justice. Ça contient plein d'éléments
qui nous ont été suggérés au cours des
années par plein d'intervenants de tous ordres qu'on rencontre à
l'intérieur du régime d'aide juridique.
Quand vous dites «dans les cas de conséquences
"sérieuses"», est-ce que vous croyez qu'on pourrait évaluer
la possibilité de ne pas dispenser les services en matière de
droit pénal lorsqu'il est évident, parce que c'est indiqué
dans la législation elle-même, qu'il n'y a aucune
possibilité de peine d'emprisonnement? Est-ce que vous pensez qu'on
pourrait évaluer cette possibilité?
M. Goldman (Richard): Je dois dire que je n'ai jamais fait de
droit pénal, comme préambule. Jusqu'à un certain point,
c'est déjà fait pour certaines sortes d'infractions. Mais ce
n'est pas pour des... Je ne sais pas si on les catégorise de
pénales, les infractions de la route.
M. Lefebvre: Le Code de la sécurité
routière, oui.
M. Goldman (Richard): Oui. S'il y a des exemples semblables, je
pense que ce n'est pas très déraisonnable de suggérer
ça.
M. Lefebvre: Quand vous dites, à la page S de votre
mémoire, quand vous suggérez d'étendre la couverture des
services à des recours en dommages-intérêts, est-ce que
vous ne croyez pas qu'on devrait plutôt inciter les avocats de pratique
privée, soit en maintenant l'article 69 de la loi de l'aide juridique
tel qu'il est, soit en le modifiant pour rendre la démarche encore plus
intéressante pour les avocats de pratique privée? Est-ce que vous
ne croyez pas qu'on devrait plutôt inciter les avocats de pratique
privée à courir, à prendre le risque... Parce que vous
savez que ça se fait, il y a certains avocats, il y a plein d'avocats,
au Québec, qui sont prêts à prendre le risque: supporter,
pendant un certain temps, un certain montant de frais, supporter le dossier
jusqu'à l'échéance si l'avocat arrive à la
conclusion qu'il a une bonne chance de succès relativement à un
recours en dommages-intérêts. Est-ce qu'on ne devrait pas insister
plutôt sur cette démarche vis-à-vis la pratique
privée?
M. Godlman (Richard): Ce que, nous autres, on suggère,
c'est qu'il y ait un mécanisme ou autre pour assurer une couverture par
le régime de l'aide juridique. Que ce soient les avocats de la pratique
privée, par le biais d'un article 69 amélioré, aucun
problème, mais qu'il y ait une couverture quelque part.
M. Lefebvre: Ce que je comprends de votre commentaire, c'est que
vous souhaitez qu'on agisse de telle sorte qu'un justiciable, un justiciable le
plus démuni qui aurait un bon recours en dommages, puisse exercer son
recours, soit bien informé, puisse le faire malgré ses besoins
financiers. C'est ça que vous nous indiquez.
M. Goldman (Richard): Exactement. Et, même s'il y a
certains avocats qui sont prêts actuellement à prendre des recours
sur l'article 69, je dois dire que, nous autres, en plus d'être des
avocats, d'être des dizaines d'avocats bénévoles, nous
avons une liste de référence, par champs d'expertise, d'à
peu près 30 à 40 avocats, et il n'y en a aucun qui accepte de
mandat sous l'article 69.
M. Lefebvre: Et la même chose au niveau des recours pour
négligence médicale?
M. Goldman (Richard): Oui. Sur l'aide juridique, on n'a pas
je parle juste de notre expériencepu référer
un avocat qui a finalement pris un dossier de négligence médicale
sur l'article 69.
M. Lefebvre: Merci, Me Goldman. M. Goldman (Richard):
Merci.
Le Président (M. Messier): Merci, M. le ministre. Mme la
députée.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, Me Goldman,
bienvenue chez nous, merci. J'avoue que, lorsque j'ai lu votre mémoire,
j'ai été particulièrement impressionnée, et vos
commentaires que vous nous avez ajoutés m'intéressent vivement
parce que vous avez, en fait, une vision globale de la société,
une vision globale de la justice. Personnellement, je pense que c'est ce qui
manque le plus dans nos gouvernements. (11 h 40) quand on travaille par
catégories, quand on regarde, qu'on scrute les problèmes par
petites tranches très minimes, effectivement, souvent, on passe à
côté et ça coûte beaucoup plus cher. quand, dans
votre mémoire, vous nous parlez d'inéquité fiscale,
à la dernière page, à la page 9, c'est une
réalité. quand vous nous dites: ii y a des choses à revoir
du côté des politiques administratives, effectivement, nos
politiques administratives font en sorte que, souvent, l'état paie trois
fois plus cher parce qu'il administre mal, parce que ses politiques
administratives sont mal régies. quand vous nous dites: ii faut aussi se
poser la question... oui, il y a des coûts, mais il faut se poser la
question: quelle sorte de société on veut? et, quand on regarde
le budget global de l'état, du côté de la santé,
c'est 34 % du budget, et, si on se parle de justice, c'est 1 % du budget.
quelles sont les valeurs fondamentales? je pense qu'on a du questionnement
à faire là-dessus et que, pour régler le dossier de l'aide
juridique... et, quand on se
dit, vous savez, juste placé à 80 % du MGA, c'est 32 700
000 $... Quand on sait que les coûts, uniquement en voyages, en
téléphonie, c'est plus que ça, il faut qu'on fasse une
réflexion qui soit beaucoup moins limitée que de se dire,
uniquement au niveau de l'aide juridique, bon, bien, là on a une
augmentation de 32 700 000 $. Il faut que la vision, pour trouver nos
réponses, elle soit beaucoup plus globale.
Donc, j'ai trouvé intéressant votre mémoire. Vous
présentez des exemples, et, en page 4, vous avez vraiment le bon
exemple, là, quand vous posez la question pour savoir, bon, si c'est
extravagant d'aider, si ça a vraiment une incidence importante pour la
personne, le bénéfice escompté. Bien oui! Votre exemple,
il est excellent. Pour une personne démunie, c'est évident que
c'est important, même si c'est un montant limité, et de le mettre
avec le principe de dire: Bien oui, mais, quand c'est un vol, est-ce qu'on va
faire des poursuites pareil si c'est 10 $? C'est vraiment une question de
principe. Alors, à cet égard-là, votre mémoire, je
le trouve très, très intéressant, parce que je pense qu'il
vient poser exactement les bonnes questions qu'il faut se poser. Et ça
démontre que vous avez beaucoup de pratique, que vous travaillez
régulièrement avec les citoyens, et je pense que ça nous
démontre aussi que, la mise sur pied de cliniques juridiques, c'est
extrêmement intéressant comme formule. Ça pourrait
libérer, effectivement, beaucoup de choses, et je trouve que vous avez
mis le doigt sur beaucoup, beaucoup de points majeurs. vous nous proposez de
hausser jusqu'à 100 % du mga. et là j'aimerais vous entendre
là-dessus parce que la plupart des mémoires nous demandent de
ramener le barème à peu près à la clientèle
de 1972, et on s'entend pour dire que c'est à peu près 80 % du
mga. j'aimerais connaître les raisons, là, qui vous permettent de
demander plus que les 80 %, quelle clientèle vous visez plus
particulièrement. est-ce que c'est par les personnes que vous avez
rencontrées en clinique que vous croyez que, finalement, la barre des 80
% de 1972 n'est plus la bonne mais que c'est plutôt celle des 100%?
M. Goldman (Richard): je pense que c'était plutôt
par déformation professionnelle. on serait très content avec 80
%, mais il faut toujours en demander trop.
Mme Caron: Ah bon! O.K. C'est dans le principe de dire qu'il faut
demander plus pour avoir moins. O.K. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lefebvre: Soyez prêt à régler pour 80 %
aujourd'hui, là.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Caron: J'aimerais que vous nous précisiez un petit peu
votre argumentation concernant les tribunaux administratifs, parce qu'il y une
tentation, du côté de certains intervenants, pour dire:
Écoutez, les tribunaux administratifs, ça coûte cher. Les
personnes pourraient se défendre elles-mêmes. Selon votre
expertise, et dans le mémoire vous y touchez en page S, j'aimerais que
vous alliez un petit peu plus loin là-dessus pour nous exprimer votre
point de vue.
M. Goldman (Richard): Bien, je ne sais pas si j'ai d'autres
choses à ajouter. Comme j'ai dit, c'est un peu le principe qu'on voit
dans les accords de libre-échange, le «level playing field».
Je pense que, comme j'ai dit, si on envisageait la Régie du logement
comme un endroit où il n'y a aucun avocat, comme la Cour des petites
créances, ça serait peut-être équitable. Mais, dans
le cas actuel, comme j'ai dit, si les propriétaire veulent vraiment se
débarrasser d'un locataire, ils sont là avec leur avocat, et
l'avocat est prêt à faire toutes sortes d'appels ou d'autres
procédures incidentes pour arriver à son but.
Il faut dire que, en ce moment, juste entre parenthèses, le
logement n'est pas aussi pire que c'était il y a quatre ou cinq ans,
à cause de la dépression économique. Maintenant, c'est
plutôt en matière de bien-être social qu'on voit plus de
contestations. Mais, ça, c'est la réalité des choses. Si
on est contre une partie qui a des moyens, cette partie va se présenter
bien représentée, et, comme j'ai dit, même le citoyen
idéal, modèle, bien informé, qui lit ces textes de loi,
sera un peu désavantagé. Beaucoup de nos clients, qui ont des
problèmes de comportement, de compréhension de langue, sont
beaucoup plus désavantagés. Comme j'ai mentionné, nous
avons une clientèle très multiethnique, beaucoup de nouveaux
arrivants qui éprouvent des problèmes d'ordre culturel, choc
culturel, ou qui n'ont aucune idée qu'ils ont des droits à faire
valoir. Souvent, ils nous viennent plusieurs années après que des
problèmes se sont passés et c'est beaucoup trop tard. Ou, par
exemple, ils ont accepté, pendant plusieurs années des hausses de
loyer très élevées, sans aucune idée qu'ils
pouvaient refuser et aller à la Régie pour faire fixer leur
loyer.
C'est aussi le cas des gens âgés, parce que c'est aussi un
quartier avec beaucoup de gens âgés, qui sont facilement
intimidés par des gens en autorité ou des gens comme leur
propriétaire. Alors, ces gens-là ont, dans un premier temps,
besoin des outils de prévention. Nous autres, on a besoin des outils de
prévention pour éviter ce genre d'abus. Mais, rendus à des
tribunaux administratifs, ils ont besoin d'un coup de main, souvent. Même
pour y aller, ils sont très réticents à se
présenter, encore moins pour argumenter avec un avocat
belligérant.
Mme Caron: Une dernière question avant de céder la
parole à mes collègues. Vous avez fait une allusion, à au
moins à deux reprises, aux contestations au niveau de l'aide sociale.
Est-ce que, à votre avis, il y a un abus dans les décisions qui
sont prises au niveau de l'aide sociale pour qu'on retrouve autant de
contestations, finalement? Est-ce que c'est une mauvaise application de
la loi?
M. Goldman (Richard): Selon mon opinion honnête, c'est une
mauvaise loi plutôt qu'une mauvaise application. Mais je dois dire, je
l'ai mentionné, que j'ai souvent de la misère, comme j'ai dit,
à régler des causes qui sont, à mon avis, évidentes
avec des agents de révision, avant qu'ils ne soient rendus en
révision ou même à la Commission des affaires sociales.
Donc, c'est, dans un certain sens, une inertie administrative ou une
réticence administrative. Et je pense que, souvent... Je ne veux pas
trop entrer dans les technicalités, mais il y a souvent une question,
par exemple, de fardeau de la preuve. Pour prendre un exemple très
pratique: des femmes qui se voient couper le bien-être social pour,
prétendument, avoir un conjoint de fait. Souvent, les femmes sont
coupées sans beaucoup de preuves. On va en révision: aucune
chance. On ne veut rien entendre. C'est à peu près l'estampille
de caoutchouc. On va à la CAS et... Bien, des fois on perd, des fois on
gagne, mais on a un cas sérieux parce que c'est l'administration qui a
le fardeau de la preuve, alors que, dans la révision, c'est un esprit un
peu plus fermé. C'est que, plus ou moins, on va approuver ce qui a
été fait sans voir ce qui arriverait finalement en audition.
Donc, on doit arriver en audition, même pour des cas qui, à mon
avis, me semblent assez évidents.
Mme Caron: Je vous remercie. Mon collègue d'Anjou.
Le Président (M. Messier): Oui, le député
d'Anjou, M. Bélanger.
M. Bélanger: Merci. Est-ce que, dans votre pratique, vous
avez pu constater qu'il y aurait abus de la part de certains
bénéficiaires qui auraient, disons, recours à un avocat
d'une façon inutile, ou des choses comme ça? Est-ce que vous avez
pu constater ça dans votre pratique?
M. Goldman (Richard): Vous ne parlez pas juste de bien-être
social, de n'importe quel...
M. Bélanger: Non, non, en général, les
bénéficiaires de l'aide juridique. (11 h 50)
M. Goldman (Richard): Oui, c'est sûr. Et, comme n'importe
quel programme gouvernemental, c'est clair qu'il y a des abus. Des fois, je me
demande comment le mandat a pu être émis dans tel ou tel cas, mais
je pense que c'est assez rare. Ça serait dans la norme, pour ainsi dire,
d'un programme gouvernemental.
M. Bélanger: Pensez-vous qu'il y aurait une façon
qui pourrait dissuader ces gens-là, à ce moment-là,
d'avoir recours d'une façon, comme ça, abusive à l'aide
juridique? Pensez-vous qu'il y aurait une façon?
M. Goldman (Richard): Je pense qu'il va toujours y avoir ces 2 %
ou 3 % d'erreur. D'ailleurs, chaque client doit passer par un examen de dossier
devant un avocat, qui doit statuer, comme vous le savez, sur la vraisemblance
du droit de même que sur les critères financiers. Est-ce qu'on
peut parler d'un abus si l'avocat a passé un certain temps avec la
plaignante, puis que cet avocat a décidé qu'il y avait une
vraisemblance de droit? C'est moins évident que, par exemple, un abus en
matière de bien-être social, où quelqu'un ne déclare
pas ses revenus. Là, c'est carrément une omission, c'est une
fausse déclaration, mais je pense que, si ça arrive en
matière d'aide juridique, c'est plutôt une erreur humaine de la
part de l'avocat qui a révisé le dossier.
M. Bélanger: Vous avez pratiqué et vous pratiquez
toujours à Montréal, c'est ça?
M. Goldman (Richard): Oui.
M. Bélanger: La perception que j'ai du système
on sait que le système dit que le bénéficiaire a le
libre choix de l'avocat la perception que j'en ai toujours eue, c'est
que, présentement à Montréal, les seuls avocats qui
prennent des mandats de l'aide juridique sont soit des avocats qui commencent
en pratique du droit ou des avocats qui, comme vous et malheureusement
ils sont trop peu nombreux se donnent une vocation sociale de travailler
dans le domaine social. Est-ce que cette perception est juste d'après
vous?
M. Goldman (Richard): Je pense que c'est vrai. La plupart de nos
avocats qui sont, par exemple, sur notre liste de référence ou
même nos avocats bénévoles n'acceptent pas l'aide juridique
ou l'acceptent parce qu'on leur réfère le cas, puis qu'ils
veulent être un peu en bonne relation avec nous autres. À part
ça, il y en a quelques-uns qui se consacrent à une pratique de
l'aide juridique ou qui sont des jeunes qui commencent leur bureau. Je pense
que c'est évidemment une question économique quand on voit... On
a parlé des barèmes, mais il y a aussi les barèmes que les
avocats reçoivent. Si on regarde, par exemple, un cas devant la
Régie du logement pour demander des réparations qui peut
être pas mal compliqué, qui peut prendre plusieurs heures de
préparation et plusieurs témoins un avocat ne
reçoit que 131 $, juste pour donner un exemple pratique. Presque aucun
avocat de la pratique privée n'a rencontré un client pour une
seule consultation pour 131 $, ce serait 150 $ en montant.
M. Bélanger: Donc, dans ce contexte-là, je pense
qu'on peut dire qu'il est un peu illusoire de parler vraiment de libre choix de
l'avocat.
M. Goldman (Richard): Oui. Le choix est très limité
en ce moment. Mais d'éliminer totalement le choix, de dire que ça
doit être juste des avocats salariés, en principe, je ne serais
pas contre ça, mais ce serait
très difficile au niveau de l'éthique juridique. Je se
sais pas ce qui arriverait si ça ne marchait pas entre un avocat et une
cliente qui n'aurait pas le choix au moins de chercher un avocat à
l'extérieur du système de l'aide juridique.
M. Bélanger: Seriez-vous favorable à une certaine
politique qui pourrait peut-être forcer ou inciter les avocats à
donner un certain pourcentage ou, en tout cas, une certaine partie de leur
temps à, justement, du travail, peut-être pas communautaire, mais
à participer à l'aide juridique, justement?
M. Goldman (Richard): Je pense que, si je ne me trompe pas, un
peu avant mon temps, c'est comme ça que l'aide juridique a
commencé. Je pense que ça n'a pas très bien marché,
parce que, s'il y a un stagiaire qui veut faire du droit corporatif et qu'il
est pris avec une cause de bien-être social, ce n'est pas évident
qu'il va prendre le temps ou qu'il aura l'intérêt de bien
représenter le client. Encore une fois, il y en a d'autres ici qui
auraient peut-être une expérience directe, mais je pense que ce
qui s'est passé dans ce temps-là, c'est qu'on demandait aux
stagiaires de faire tout le travail de l'aide juridique du cabinet, puis les
avocats n'en faisaient pas. Alors, c'est pourquoi j'ai mentionné
l'exemple du stagiaire.
Je serais personnellement beaucoup plus favorable à des
cotisations directes aux avocats pour financer le système de l'aide
juridique. Je pense que, nous, les avocats, ou mes confrères en droit
corporatif, ils profitent, ils travaillent, ils vivent du système
juridique. Ils doivent être prêts à retourner une partie,
peut-être assez petite, de ce qu'ils gagnent.
M. Bélanger: Tout à l'heure vous avez
échangé avec le ministre au sujet de votre expérience, on
pourrait dire, de clinique communautaire d'avocats. Est-ce que vous pensez que,
si l'implantation de telles cliniques était favorisée sur
l'ensemble du territoire du Québec, ça pourrait d'une
façon sensible diminuer la demande en aide juridique?
M. Goldman (Richard): À mon sens, oui... M.
Bélanger: Oui?
M. Goldman (Richard): ...parce que j'ai l'impression, on n'a pas
de statistiques, mais, ayant travaillé au Projet Genèse presque
trois ans, j'ai l'impression qu'on règle beaucoup de dossiers.
M. Bélanger: Beaucoup de dossiers? M. Goldman
(Richard): Oui.
Le Président (M. Messier): Merci, M. le
député d'Anjou. Il vous reste encore quelques minutes, juste pour
remercier à la toute fin. M. le député de Sherbrooke, M.
Hamel.
M. Hamel: Merci, M. le Président. Le Présidait
(M. Messier): Allez-y.
M. Hamel: Me Goldman, vous qui travaillez
régulièrement dans des situations concrètes en relation
avec l'aide juridique, dans son ensemble, est-ce que vous êtes satisfait
de la structure actuelle et du système de gestion de l'aide
juridique?
M. Goldman (Richard): De la gestion, si vous parlez des
administrateurs, je ne pourrais pas faire de commentaires. Je n'ai pas
examiné la répartition des fonds au niveau de l'aide juridique.
Si vous parlez des services...
M. Hamel: Les directions régionales, etc., les services
qui sont donnés par l'aide juridique. C'est un peu ça, ma...
M. Goldman (Richard): En ce qui concerne les services qu'ils
rendent, je pense qu'ils sont efficaces. Quand je les appelle pour des
questions, je pense qu'ils répondent de manière rapide ou, si
j'ai des problèmes à régler avec un mandat, je pense que
je reçois une réponse assez rapidement. En ce qui concerne les
services rendus par les bureaux, je trouve qu'ils sont très, très
professionnels.
S'il y a un problème au niveau structurel, ça serait,
comme je l'ai mentionné, qu'il n'y a pas ce volet
information-prévention. Je pense que la mission de l'aide juridique, au
début, ce n'était pas très différent de ce que nous
faisons au Projet Genèse: de travailler dans la communauté avec
des organisations communautaires ou des organisateurs communautaires, de faire
de la prévention. D'ailleurs, c'est à peu près ça,
le modèle dans la province de l'Ontario, où il y a des cliniques
juridiques qui ont le droit de décider quelles sont les
priorités. J'ai un ami qui était à l'université
avec moi et qui travaille dans une clinique. Ils peuvent décider, par
exemple, qu'ils ne font pas de droit de la famille, parce que ce n'est pas une
priorité. Us vont faire du logement cette année, ça va
être leur priorité, ou ils vont faire de l'aide sociale et puis
ils vont envoyer les autres cas sur mandat, alors que, dans notre
système, il y a beaucoup de pressions d'accepter tous les cas et de ne
pas encourager les gens à aller sur mandat. Donc, pratico-pratique, les
avocats de l'aide juridique sont pris avec un fardeau de causes énormes
et c'est presque... Mais, la majorité, c'est du droit de la famille,
parce que c'est ça qui arrive. C'est le problème le plus
répandu dans notre société. Ils n'ont pas le loisir ou le
temps de se lancer en organisation communautaire ou en prévention, des
choses comme ça.
M, Hamel: Merci. Une deuxième question, si
vous me permettez, M. le Président. Quant à la
contribution des avocats, est-ce que vous verriez que tous les avocats y
participent ou simplement ceux qui sont affectés à l'aide
juridique?
M. Goldman (Richard): À mon sens, tous, dans un premier
temps, parce qu'il y en a tellement peu qui sont impliqués à
l'aide juridique. Dans un deuxième temps, pour la raison que j'ai
mentionnée, je pense que tous les avocats vivent du système
judiciaire, profitent du système judiciaire, et c'est raisonnable de
demander une contribution pour que les gens démunis soient bien
représentés dans le système judiciaire.
M. Hamel: Merci beaucoup, Me Goldman.
Le Président (M. Messier): Oui, Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Oui, M. le Président. J'aurais aimé
ça qu'on puisse continuer à échanger sur ce
sujet-là, parce que ça me préoccupe beaucoup dans le sens
que ceux qui sont permanents à l'aide juridique vivent
déjà avec des salaires peu élevés, compte tenu du
nombre de dossiers qu'ils ont à traiter. Beaucoup... ceux qui acceptent
des mandats d'aide juridique, qui acceptent de le faire avec le tarif qui est
donné, le tarif n'est pas élevé. On ne parlera pas de ceux
qui acceptent un montant supplémentaire. O.K.? Et ceux qui ne
participent pas, qui n'acceptent pas de mandats de l'aide juridique, eux
autres, on leur donnerait la même contribution. On leur demanderait la
même chose qu'on demande aux autres qui font déjà leur
part, d'une façon, et, plus loin, il faut se poser l'autre question:
Tous les professionnels de la santé bénéficient, et
directement, de notre système d'assurance-maladie, ils sont payés
à l'acte. Est-ce que ça serait juste, par rapport à eux,
qu'ils bénéficient et qu'ils ne contribuent pas, d'aucune
façon, à notre système de santé? Je pense que le
débat, là, pourrait être enclenché et il pourrait y
en avoir pour un bon moment. Alors, votre document nous a permis de toucher
à des éléments importants et je vous remercie beaucoup de
votre contribution.
M. Goldman (Richard): Merci.
Le Président (M. Messier): Merci, madame. M. le ministre,
pour le mot de la fin. (12 heures)
M. Lefebvre: Me Goldman, moi aussi, de mon côté, et
mes collègues de ce côté-ci de la commission sont
impressionnés par votre expérience, dans un premier temps, et
également par votre mémoire, qui reflète cette
expérience-là, et votre témoignage de ce matin. Quant
à moi, je suis impressionné aussi par ce qui se passe chez vous,
là, et je vous incite, dans un premier temps, évidemment,
à continuer. Et c'est pour cette raison-là que je vous demandais
si, à votre connaissance, ça existait ailleurs à
Montréal ou dans la région métropolitaine. Ça
m'apparaît être une expérience qui devrait se
répéter, d'autant plus qu'il y a une collaboration et vous
avez insisté là-dessus, vous l'avez répété
à plusieurs reprises il y a une collaboration pas mal solide
entre ce qui se passe chez vous, votre équipe, et les permanents de
l'aide juridique. Alors, c'est une expérience que je trouve
extrêmement positive. Merci d'être venu nous saluer, de votre
témoignage également. Bon retour.
Le Président (M. Messier): Merci, M. Goldman. Vous
êtes bien gentil d'avoir partagé votre projet avec nous. Je vais
demander de libérer la place. On va suspendre 15 secondes pour permettre
au CLSC Le partage des eaux de prendre place. Bon, nous revenons au
début de l'ère chrétienne.
(Suspension de la séance à 12 h 1)
(Reprise à 12 h 10)
Le Président (M. Messier): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Je vais demander aux représentants du CLSC Le partage des eaux de
s'asseoir, demander à l'Opposition officielle et demander à Mme
Caron, députée de Terre-bonne, d'en faire autant. M. le ministre
est déjà assis, prêt à répondre et prêt
à questionner nos gens.
Comme la coutume le veut, vous avez 20 minutes pour nous émettre
des opinions concernant le document de base et, après ça, il va y
avoir des questionnements, là, de part et d'autre. Il s'agirait juste de
vous présenter vous êtes deux membres du conseil
d'administration à savoir qui est qui. Merci.
CLSC Le partage des eaux
M. Hétu (Jean-Pierre): O.K. Jean-Pierre Hétu. Je
suis représentant du personnel, organisateur communautaire au CLSC Le
partage des eaux.
M. Perreault (Guy): Guy Perreault, je suis au conseil
d'administration, représentant de la population.
Le Président (M. Messier): Merci. Vous avez 20 minutes
pour vos exposés.
M. Hétu (Jean-Pierre): D'abord, on voulait préciser
pourquoi un CLSC a pris la peine de venir présenter un mémoire
dans le cadre de la réforme de l'aide juridique. On pense que, comme
établissement de première ligne, souvent, c'est nous qui sommes
la porte d'entrée des différents problèmes que vivent les
gens. Et, actuellement, il y a deux situations: il y a la
non-accessibilité d'une partie importante des gens, compte tenu de la
non-indexation des barèmes, et, si on lit le
document, des possibilités que certains services soient
désassurés.
Dans un cas comme dans l'autre, ça pose un poids
supplémentaire sur les personnes démunies. Elles sont
obligées de faire des dépenses pour obtenir des services, des
dépenses pour lesquelles elles n'ont pas les moyens ou bien, tout
simplement, de renoncer à défendre leurs droits. Et, souvent,
c'est des questions de pain et de beurre, ce n'est pas des questions de revenu
ou de rendement sur leurs placements. C'est vraiment des questions du
quotidien. juste pour donner des exemples, actuellement quelqu'un qui
reçoit le salaire minimum doit dépenser 44 % de son revenu pour
bien s'alimenter; quelqu'un qui est à l'aide sociale, entre 37 % et 42
%; quelqu'un qui est sur l'assurance-chômage après avoir fait du
salaire minimum doit en dépenser 69 %. donc, on ne peut pas s'attendre
à ce que ces personnes-là puissent investir dans des services
juridiques. et tout changement qu'ils pourraient entraîner, surtout les
changements qu'on vise par rapport aux tribunaux administratifs, on risque
d'avoir des conséquences directes sur ces gens-là, et par
contrecoup sur le clsc et aussi sur les bureaux de députés.
C'est une argumentation, finalement, un accroissement de la
pauvreté des gens avec toutes les conséquences. Je peux vous en
citer quelques-unes rapidement: les gens pauvres vivent neuf ans de moins que
les gens riches; 14 ans de plus avec des incapacités; vivent de deux
à trois fois plus d'anxiété, de dépression,
d'idées suicidaires; ont deux fois plus de bébés de petit
poids; trois fois plus d'abus et de négligence. Donc, on pourrait
allonger la liste indéfiniment.
Donc, la justice, c'est un élément central, aussi, dans la
santé, et il faut bien le situer. Actuellement, les CLSC, comme tous les
autres établissements, sont sous le coup de la loi 198, donc devront
réduire leurs effectifs, et ne sont pas du tout en mesure de prendre et
de faire face à l'augmentation de clientèle. Si on ne regardait
que ce côté-là, à la limite, on pourrait être
cynique, dire: Bon, ça nous amène plus de clientèle, mais
ce n'est vraiment pas l'objectif des CLSC. On en a plus qu'on doit avoir, et
c'est vraiment la situation des gens qui est importante. D'ailleurs, le groupe
de travail sur l'accessibilité disait que de réduire les services
risquait inévitablement de causer à plus ou moins long terme des
impacts sociaux, des coûts indirects futurs qu'il est difficile, voire
quasi impossible d'évaluer.
On voit aussi la préoccupation du ministère de la
Santé et des Services sociaux dans sa politique santé et
bien-être. On dit: «Le manque d'harmonisation des politiques
publiques, leur rigidité contribuent parfois à affaiblir certains
milieux ou encore à perpétuer les inégalités. Il
faut éviter, par exemple, d'adopter des mesures qui, même si elles
permettent des économies dans un secteur donné, ont pour effet
d'augmenter les dépenses dans un autre à cause des
conséquences sociales qu'elles entraînent. Les politiques sociales
doivent être harmonisées entre elles et intégrer davantage
la perspective de la santé et des services sociaux. Elles prendront en
considération et tenteront de corriger certaines lacunes du
développement qui ont des répercussions importantes sur la
santé et le bien-être. Les bénéfices à court
terme ne peuvent estomper les effets à moyen et à long terme. Les
politiques et les programmes touchant en particulier les personnes
démunies devront être précisément scrutés
à la loupe.»
Donc, c'est dans ce cadre-là que le CLSC a voulu présenter
un mémoire, parce qu'il nous semblait que c'était important, les
changements qui pourraient être apportés à la suite de
ça.
M. Perreault (Guy): J'aimerais faire quelques commentaires sur le
document «L'aide juridique au Québec: une question de choix, une
question de moyens». Je pense que le titre, dès le départ,
nous place dans une situation extrêmement ambiguë, extrêmement
contradictoire. On dit, par exemple, dans F avant-propos, dans l'introduction
et dans la conclusion entre autres, qu'il est du devoir de l'État
d'assurer l'accessibilité aux plus démunis ça, je
pense que tout le monde est d'accord avec ça et, d'un autre
côté, on dit qu'on n'a pas les moyens de le faire. Et on demande
aux gens et à ceux qui présentent des mémoires de
présenter des solutions miracles qui n'existent nulle part. Alors, je
pense que, dans ce contexte-là, c'est assez difficile de faire des
propositions très concrètes, d'autant plus qu'on n'a pas eu
beaucoup de temps entre le moment où on a été avertis
qu'on viendrait défendre le mémoire, présenter le
mémoire, puis le moment où on se trouve ici aujourd'hui. Mais il
y a quand même quelques considérations que j'aimerais faire par
rapport au texte même.
Dans l'avant-propos, on dit qu'il faut assurer l'accessibilité
à la justice aux plus démunis de notre société. Et,
à la page suivante, on dit que c'est le devoir de l'État
d'assurer aux plus démunis de notre société l'accès
à la justice, mais sans que ce ne soit au détriment du citoyen
à revenus moyens. Je pense que tout le monde est bien conscient que
l'individu à revenus moyens a de moins en moins de moyens. Par contre,
on passe sous silence les citoyens ou les corporations qui ont des moyens. On
ne dit pas, par exemple, que cet accès-là à la justice des
plus démunis, dans une société démocratique,
devrait être assuré non pas par le citoyen à revenus
moyens, mais par le citoyen qui a des vrais revenus, qui a les moyens, lui,
d'en payer. Dans un contexte comme ça, ça nous paraît assez
curieux que, dans la conclusion ou vers la fin du document, on dise que les
seules solutions pratiquement recevables ça semble être
ça sont celles qui disent: II ne faut pas augmenter les
coûts ou il faut les diminuer.
Alors, moi, j'aimerais que... Et ça nous est
présenté en plus dans un contexte très parcellaire. Quand
on dit qu'on va couper des services et qu'on va épargner tant ou tant de
millions, on ne fait aucune étude, on ne parle même pas que ces
coupures-là peuvent apporter à l'État, dans un espace de
temps plus ou moins long, ou court, plutôt, des dépenses qui
seraient accrues et qui
seraient peut-être le double de celles qu'on va épargner.
Donc, on aurait aimé que le ministère de la Justice ou le
gouvernement présente un document... On dit que c'est une
réflexion empreinte de réalisme, mais la seule chose qui est
réaliste là-dedans, c'est qu'on veut nous convaincre que
l'État n'a pas les moyens de faire ce qu'il dit qu'il devrait faire.
Alors, je pense qu'il faudrait dépasser, dans un certain sens, l'aspect
uniquement monétaire pour essayer de voir l'aspect beaucoup plus global
de la société qu'on veut avoir au Québec. Et, encore
là, il faudrait, évidemment, non pas tenir compte uniquement des
citoyens à bas revenus ou à revenus moyens, mais aussi à
ceux qui ont des revenus plus gros.
M. Hétu (Jean-Pierre): En gros, si on regarde l'historique
de l'aide juridique, ce qu'on visait au point de départ, c'était
de couvrir, en 1973, les personnes qui vivaient des prestations de la
sécurité du revenu, les personnes âgées, les gens au
salaire minimum. On a beaucoup perdu par rapport à ça.
Un autre élément important aussi, si on regarde
c'était le ministre Choquette à l'époque... Il parlait de
doter des personnes démunies de spécialistes en «poverty
law». Et je pense que c'est un élément qui a
été bien réussi par l'aide juridique, par les
salariés, et c'est deux éléments qu'on ne veut nullement
remettre en question. (12 h 20)
Donc, en gros, notre mémoire a deux lignes principales. La
première, c'est de maintenir l'ensemble des services actuels pour les
gens qui en ont, et la deuxième, de retrouver, pour les gens qui l'ont
perdue, cette accessibilité-là. En gros, on peut reprendre
chacune des propositions. La première dit: «Nous recommandons
d'ajuster les barèmes d'accessibilité afin qu'ils concordent avec
les critères du seuil de pauvreté établis par Statistique
Canada.
Pourquoi Statistique Canada? Si vous prenez la définition du MGA
tel qu'il est dans le document en page 29, on s'est mis un doctorat en
éducation, une maîtrise en travail social, et on n'a pas
été capable de comprendre. Donc, on veut que ce soit très
clair, que les critères d'admissibilité, ce soit facilement
comprena-ble par le simple citoyen. La formule qu'il y a là, c'est du
vrai chinois.
Ensuite, on parle que la base de calcul soit le salaire hebdomadaire,
tel que ça l'est actuellement. Pourquoi? Parce qu'on pense que le
faisant sur une base annuelle, tel que proposé, surtout avec le nombre
d'indexations des barèmes, les gens qui sont tout juste en haut des
seuils d'admissibilité, qui tombent sur le chômage, pour donner un
exemple, de façon permanente, devront dépenser des sommes
importantes pour faire valoir leurs droits alors qu'ils n'ont pas les
moyens.
Je pense que c'est un peu comme la justice. Actuellement, notre
système, on est innocent jusqu'à raison du contraire. Donc, on
préfère gracier des coupables que de punir des innocents. Je
pense que, dans le système ici, on aimerait mieux donner
l'accessibilité à des gens qui n'y ont pas le droit que de priver
des gens d'une accessibilité à laquelle ils ont droit.
Si on prend le point 3, on recommande que les services de consultation
à l'aide juridique soient maintenus, parce qu'on voit que, dans les
possibilités de coupures, c'était inclus. Pour nous autres c'est
important, non seulement comme établissement, mais comme personnes, et
aussi il y a les groupes communautaires qui y font souvent appel. Donc, on
considère que, un peu comme le groupe précédemment, c'est
un peu faire de la prévention que de maintenir les services de
consultation, et on ne voit pas pourquoi, ça, ça serait
coupé.
M. Perreault (Guy): Pour la recommandation 4, nous recommandons
que l'aide juridique continue d'offrir des services aux personnes devant
comparaître devant les tribunaux administratifs. Je pense que le document
«L'aide juridique au Québec» reconnaît que, de plus en
plus, les personnes devront avoir recours aux tribunaux pour régler
leurs problèmes, et on ne voit pas très bien comment les
personnes les plus démunies pourraient avoir accès à la
justice si on enlevait cette partie-là.
La recommandation 5, nous recommandons que la gratuité
intégrale des services soit maintenue, parce que, pour une personne qui
est sur l'aide sociale, qui a un salaire minimum, même un montant de 20
$, souvent pour lui ou pour sa famille, c'est un montant extrêmement
important et qui le prive souvent d'un repas ou qui, en tout cas, l'oblige
à faire des choix extrêmement douloureux pour lui. Alors, à
ce moment-là, nous, on pense que la gratuité intégrale
devrait être maintenue.
M. Hétu (Jean-Pierre): Parce que si on donne un exemple
précis, si on regarde dans le document à quelque part, on regarde
que, même avec 10 $ de frais d'admissibilité, c'est 800 000 $
qu'on irait chercher chez les personnes assistées sociales. Si on pense
que plusieurs de ces personnes-là, sur les fins de mois, mangent du
macaroni, du Kraft Dinner quand ils sont capables de se le payer, des fois du
macaroni avec rien dedans, 800 000 $ de Kraft Dinner, ça fait plusieurs
portions.
M. Perreault (Guy): Et pour la recommandation 6,
également, nous recommandons que les jeunes contrevenants aient droit
à l'aide juridique. Et, encore là, je pense qu'on doit donner le
préjugé favorable aux jeunes que les parents ne sont pas
nécessairement capables d'aller défendre ou ne veulent
défendre, même quand ils en ont les moyens. Souvent, quand un
jeune a recours à l'aide juridique, c'est justement parce qu'il y a des
problèmes dans la famille et qu'il n'a pas le support de ses parents ou
de l'entourage.
La même chose pour la recommandation 7: maintenir les services
juridiques aux personnes qui n'ont pas la citoyenneté canadienne. Ici,
je pense que, l'argument principal, c'est pour les personnes, en particulier,
qui sont réfugiées politiques et qui n'ont pas d'autres moyens de
faire valoir leurs droits, et qui risqueraient
d'être retournées dans leur pays avant même d'avoir
pu expliquer pourquoi elles demandent le refuge politique. Donc, elles seraient
jugées, comme ça, sans avoir eu la chance ou les moyens de se
défendre.
M. Hétu (Jean-Pierre): Et peut-être une
dernière précision. Tantôt on parlait que, possiblement,
pour les instances où les bénéficiaires n'ont pas besoin
d'être représentés par des avocats, il pourrait y avoir
comme solution qu'on interdise aux deux parties d'être
représentées par des avocats. C'est, je pense, juste une partie
du problème, parce que si on prend le cas des propriétaires,
entre autres, même s'ils ne sont pas représentés devant
l'instance par un avocat, ils ont les moyens de se faire conseiller par un
avocat. Donc, l'assisté social ou la personne démunie qui n'a pas
les moyens d'avoir un avocat pour le conseiller est encore perdant de ce
côté-là.
M. Perreault (Guy): On pourrait peut-être terminer. Notre
conclusion, c'est que nous ne voulons pas que des coupures dans le domaine
juridique viennent aggraver encore davantage les problèmes sociaux que
nous connaissons actuellement au Québec.
On pourrait peut-être ajouter ici que, devant les problèmes
financiers que le gouvernement connaît on ne s'entendrait
peut-être pas sur les raisons pourquoi il y a des problèmes
financiers on demande toujours que tout le monde fasse sa part, que
toutes les couches de la société fassent leur part.
Jusqu'à maintenant, quand on travaille dans un CLSC ou avec les
personnes les plus démunies, on s'aperçoit qu'on demande beaucoup
à ceux qui n'ont rien. Et on sait en même temps les
statistiques le montrent qu'il y a des gens qui
bénéficient du système de plus en plus, puisqu'il y a
aussi de plus en plus de riches. Alors, je pense que, dans le domaine
juridique, c'est un domaine où on devrait arrêter d'augmenter
l'écart entre les riches et les pauvres, donc maintenir, à tout
le moins, ce qu'on a déjà maintenant, et, bien évidemment,
toute amélioration de l'accès à la justice pour une
catégorie un petit peu plus large de bas revenus ne serait qu'à
l'avantage, je pense, de toute la population.
Le Président (M. Messier): Merci, M. Perreault, M.
Hétu. Je vais laisser le droit de parole à M. le ministre.
M. Lefebvre: MM. Hétu et Perreault, je vous remercie,
d'abord, de nous avoir soumis un mémoire qui reflète bien la
préoccupation que vous avez dans l'action bénévole que
vous faites tous les jours, toutes les semaines, au conseil d'administration du
CLSC, chez vous. C'est évident, pour tous ceux et celles qui savent ce
que c'est un CLSC, que vous avez une expertise qui est pertinente, qui est
extrêmement utile, pour nous, à la commission des institutions et
au gouvernement et je pense à votre mémoire, je fais
référence aux témoignages que vous venez de rendre
dans la démarche de questionnement sur l'actualisation du système
d'aide juridique qui, de façon générale, est reconnu comme
étant, ici au Québec, un excellent régime, très
comparable avec ce qui se passe ailleurs au Canada, avec, cependant et
je pense qu'on peut reconnaître qu'il y a possibilité, parce que,
vous savez, tout est perfectible la possibilité, peut-être,
d'améliorer certaines choses. (12 h 30)
Je veux, dans un premier temps, vous indiquer que le document que vous
avez entre les mains, que vous avez utilisé pour préparer votre
mémoire, «L'aide juridique au Québec: une question de
choix, une question de moyens», est un document de questionnement. Ce
n'est pas une position gouvernementale. C'est le fruit, comme je l'ai
indiqué tout à l'heure, d'une réflexion qui a
été faite, avec des intervenants de tout ordre et de tous les
milieux, des bénéficiaires, des dispensateurs de services, ceux
et celles aussi qui paient pour le régime d'aide juridique. Parce que,
faire preuve de réalisme au gouvernement, c'est tenir compte de tous ces
éléments-là. Et c'est la responsabilité que nous
avons, évidemment, de protéger les plus démunis, les
bénéficiaires, ceux qui présentement
bénéficient du système, ceux qui devraient peut-être
bénéficier du système d'aide juridique. Mais on a
également l'obligation de penser au citoyen à revenus moyens, en
évaluant la possibilité de lui permettre, à ce
citoyen-là, de bénéficier du régime, mais en tenant
compte également de la capacité de payer de l'État. Et la
capacité de payer de l'État, elle est basée sur la
capacité de payer du citoyen, et nous avons cette obligation-là
de faire l'équilibre. C'est ça, notre responsabilité. Dans
ce sens-là, votre témoignage, il est extrêmement utile.
Vous plaidez, puis c'est votre rôle c'est comme ça que je
le comprends et que je le reçois de plaider pour les
bénéficiaires. C'est important qu'on vous écoute et qu'on
tienne compte de ce que vous nous indiquez.
Je dois vous dire tout de suite que, quant à moi, le ticket
modérateur et les frais d'admission ou d'étude de dossier, je ne
suis pas trop, trop chaud là-dessus, moi non plus. Je vous le dis tout
de suite. Parce que de demander... Vous avez raison de dire que, 10 $ pour un
bénéficiaire de l'aide sociale, c'est beaucoup d'argent. Vous
avez raison. Dans ce sens-là, un ticket modérateur, je ne suis
pas trop, trop chaud là-dessus, je vous le dis tout de suite.
Je voudrais cependant vérifier certains points qui apparaissent
dans votre document. D'abord, je voudrais... Et vous avez raison lorsque vous
parlez du MGA. M. Hétu a indiqué que c'est du chinois, la page
29. C'est une autre façon de le dire. Quand je suis arrivé, j'ai
mis le nez là-dedans. Moi aussi, le MGA, je dois vous dire, là,
que ça ne m'a pas impressionné.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lefebvre: Mais on m'a expliqué que c'était un
critère, un barème qui était utilisé à
d'autres niveaux
du gouvernement du québec, et que c'était la notion la
plus juste et la plus équitable pour qu'on puisse se comprendre.
cependant, je veux vous le faire remarquer, à la page 27 du document, la
notion du mga, elle est traduite concrètement. lorsqu'on parle de 80 %
du mga ou de 100 % du mga, on vous indique tout de suite... autrement dit, on
aurait peut-être dû vous donner la définition de ce qu'est
la notion de maximum de gains admissibles. on ne l'a pas fait dans le document.
cependant, on vous le traduit d'une façon très concrète.
et, quand vous parlez de 100 % du mga, avec ce qu'on prend comme étant,
règle générale, le cas type, à savoir un couple
avec deux enfants, faut bien comprendre que vous parlez du rehaussement des
gains admissibles à 33 400 $ par année, là. c'est ce qui
apparaît à la page 27 du document que vous avez entre les
mains.
Le MGA est le maximum des gains admissibles selon la loi sur les
régimes de rentes du Québec. C'est ça, le maximum de gains
admissibles. Alors, je comprends que vous l'avez indiqué tout
à l'heure vous n'avez pas, de votre côté,
évalué, là, financièrement ce que ça
représentait, votre proposition, que les barèmes
d'accessibilité soient ajustés ainsi afin qu'ils concordent avec
les seuils de pauvreté établis par Statistique Canada. Ce qu'on a
fait comme calcul au ministère nous amène à la conclusion
suivante: ça représente une somme de plus ou moins, là, 43
000 000 $. Je veux juste vous l'indiquer, là, pour qu'on comprenne bien
de quoi on parle au niveau de la conséquence financière
immédiate. C'est plus ou moins 43 000 000 $.
Vous dites, à la page 2 de votre mémoire, et dans ce
sens-là vous êtes à peu près le seul organisme,
là, qui le suggère, que le gouvernement se base sur le salaire
hebdomadaire comme référence d'admissibilité à
l'aide juridique. Je ne dis pas que c'est une notion, là, qui n'a pas de
sens. Je mets ça en parallèle avec la plupart des autres
intervenants qui, pour des besoins d'évaluation rapide, je pense, et
d'éliminer à l'intérieur même du régime le
plus de démarches administratives possible, nous suggèrent de
façon générale de prendre comme moyenne le salaire annuel
ou le revenu annuel. Est-ce que là-dessus vous êtes
disposés à modifier un peu votre suggestion?
M. Hétu (Jean-Pierre): Notre préoccupation
était particulièrement par rapport à ce qu'on pourrait
appeler les nouveaux pauvres, les gens qui pour toutes sortes de raisons...
l'entrepreneur qui a fait faillite, l'employé dont la compagnie a
fermé ses portes, la femme qui, suite à une séparation,
voit ses revenus changer de façon importante. Donc, il y a toute une
série de citoyens qui pourraient être, à notre sens,
lésés en utilisant le revenu annuel. Et je sais que dans certains
documents... Je pense que dans le document du groupe de réflexion on
prévoyait des mécanismes qui pourraient tenir compte, dans
certains cas, des changements importants de la situation. Je pense que c'est la
plus petite... ou la plus grande concession qu'on serait prêts à
faire, je veux dire, qu'on maintienne le salaire annuel; mais, lorsque le
salaire annuel est représentatif du salaire que risque de gagner cette
personne-là, à ce moment-là...
M. Lefebvre: Vous proposez, dans votre mémoire, à
la recommandation S, la gratuité totale jusqu'à, selon ce qu'on
peut conclure, 100 % du maximum de gains admissibles. Cependant, vous ne
semblez pas être réticents à ce qu'il y ait une
contribution pour que tous ceux et celles qui auraient un revenu
supérieur à ce seuil-là puissent avoir... Alors, vous
dites ceci: «Cela n'empêche pas que des personnes ayant un salaire
au-dessus des critères d'admissibilité puissent avoir
accès aux services moyennant une contribution qui pourrait être
fixée selon leurs capacités financières, à l'aide
d'un calcul qui soit simple et facilement compréhensible.»
Là, ça, vous reconnaîtrez avec moi que ce n'est pas
évident. Si vous en trouvez un, là, on va vous amener au
ministère des Finances. Ha, ha, ha! Mais j'aimerais que vous donniez des
détails sur la contribution, le volet contribu-toire. Qu'est-ce que vous
avez à l'esprit, là? Contribution directe, contribution par le
biais de la fiscalité ou...?
M. Hétu (Jean-Pierre): Je pense que l'exemple le plus
clair qu'on a vu dans le document, c'est peut-être l'exemple du Manitoba
où il y avait, je pense, un régime à trois paliers.
Ça veut dire un seuil au-dessus duquel tous les services étaient
gratuits, un seuil entre lequel une partie des services, selon une
échelle proportionnelle, pouvait être remboursée et un
seuil au-dessus duquel les gens devaient rembourser l'ensemble des frais.
Ça nous apparaissait être un système qui pourrait
être tout à fait acceptable.
M. Lefebvre: Qu'est-ce que vous pensez de l'assurance frais
juridiques?
M. Hétu (Jean-Pierre): Je pense que ça peut aller
dans ce sens-là aussi.
M. Lefebvre: Oui?
Le Président (M. Messier): Merci, M. le ministre.
M. Lefebvre: Merci.
Le Président (M. Messier): Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Merci, M. Hétu,
M. Perreault. Nous apprécions votre présence, d'autant plus que
votre CLSC est situé à Rouyn-Noranda. Donc, vous êtes
partis de loin pour venir nous présenter vos commentaires. Alors, nous
apprécions beaucoup. Et vous le faites à titre de membres du
conseil d'administration, mais vous présentez la position du CLSC, et on
sait que le CLSC est une porte d'entrée.
Vous l'aviez bien présenté aussi. Donc, vous êtes en
contact régulier avec les citoyens et les citoyennes. concernant vos
recommandations, ça m'apparaît extrêmement clair. aussi,
lorsque vous parlez de vision, hein, qu'il ne faut pas se limiter au
côté monétaire mais qu'il faut avoir une vision beaucoup
plus grande, vous avez fait appel aussi aux inéquités fiscales,
finalement. personnellement, je pense que, même dans l'esprit d'une
vision uniquement monétaire, il faut avoir une vision globale et il faut
tenir compte des inéquités. puis je pense que vous auriez
partagé, si vous aviez pu lire le mémoire de celui qui vous a
précédé, me goldman, qui cite... puis là je ne les
citerai pas toutes, mais il y a plusieurs exemples d'inéquités
fiscales. le taux d'impôt sur le revenu des compagnies du québec
sur les premiers 200 000 $ de profit est de 5,75 %, soit le plus bas au canada
après l'île-du-prince-édouard et la nouvelle-ecosse. pour
une entreprise manufacturière, l'impôt sur le revenu corporatif
sur les revenus supérieurs à 200 000 $ est de 6 % au
québec. en 1987, 90 000 compagnies canadiennes ont réalisé
des profits de 27 000 000 000 $ sans payer un sou d'impôt.
Quand vous dites: II faudrait peut-être aller chercher l'argent
où il se trouve, pas nécessairement chez les personnes à
revenus moyens, vous avez raison, et puis là il n'y a que quelques
exemples, mais on nous invite à lire le document du professeur
Léo-Paul Lauzon dont tout le document, là, traite de ces
inéquités fiscales. Oui, une société doit faire des
choix, doit avoir des priorités, puis allez voir où l'argent se
trouve. Vous avez parfaitement raison.
Moi, j'aimerais vous entendre. Vous êtes dans un CLSC en
région. Donc, est-ce que, à votre connaissance, il y a certaines
difficultés pour obtenir des mandats d'aide juridique sur le territoire?
Puis là je vous explique pourquoi je vous pose cette question-là.
J'ai reçu un document, hier, du Centre de femmes de Lotbi-nière,
qui nous exprimait que c'était extrêmement difficile pour la
population de Lotbinière d'obtenir un mandat d'aide juridique, parce
qu'elle devait se rendre à Lévis pour obtenir le mandat d'aide
juridique et, compte tenu des distances puis que le transport en commun n'est
pas évident, nécessairement, entre Lotbinière et
Lévis, beaucoup de personnes qui avaient droit à l'aide juridique
se trouvaient dans l'impossibilité d'aller chercher même leur
mandat. Or, chez vous, je ne sais pas si vous avez cette information-là.
On n'avait pas beaucoup de temps pour questionner, hier, les corporations
régionales, donc on n'a pas pu aller dans le détail de chacune.
Mais est-ce qu'il y a un problème à ce niveau-là pour
aller chercher un mandat d'aide juridique pour ceux qui sont en région?
(12 h 40)
M. Perreault (Guy): Je pense que je ne pourrais pas vous donner
une réponse très précise à propos de l'aide
juridique comme telle, mais je peux vous dire que, pour les services en
général, à cause de la distance et de la faible population
qui est très dispersée sur le territoire, et aussi question de
service d'autobus, de transport en commun, qui est très aléatoire
et très changeant de ce temps-ci, en tout cas il y a
beaucoup de personnes qui n'ont pas accès aux services en
général, que ce soient les services d'hôpitaux, par
exemple, ou qui y ont accès avec des sacrifices énormes, parce
que, même quand le transport en commun est organisé, ce n'est pas
gratuit. Et souvent ça coûte très cher, partir, je ne sais
pas, moi, de Ville-Marie ou Laforce pour se rendre, parce qu'on doit se rendre,
par exemple, à Rouyn pour certains services médicaux. J'imagine
que pour les services juridiques c'est la même chose.
Mme Caron: C'est sûrement la même chose, hein!
M. Perreault (Guy): C'est très coûteux. Et souvent
c'est tellement coûteux que les personnes s'en privent carrément.
Alors, c'est certain que, s'il y avait une enquête, on pourrait
démontrer qu'il y a beaucoup de personnes qui n'ont pas de soins
même si elles ont droit d'en avoir, parce qu'elles n'ont pas les moyens
de se rendre là où les services sont donnés.
M. Hétu (Jean-Pierre): Peut-être aussi un
élément important de précisé. C'est que souvent on
parle d'inaccessibilité économique. On peut parler
d'inaccessibilité en termes de distance. Mais, aussi, un
élément qui est peut-être peu mentionné, c'est qu'il
y a des gens, particulièrement chez les plus démunis, qui ont ce
que j'appellerais très peu d'énergie. Même lorsqu'ils ont
l'information, c'est déjà difficile de les amener à
défendre ces droits-là. Je peux vous donner un exemple. Il y a
des propriétaires, à Rouyn-Noranda, qui, l'été
passé, ont demandé des augmentations de 100 $ par mois pour les
femmes qui venaient de regagner la garde de leurs enfants. C'est tout à
fait illégal, sauf qu'on n'a jamais été capable de
mobiliser, d'amener une de ces femmes-là à se rendre jusqu'au
bureau de la Régie du logement ou de porter une plainte. Elles aimaient
mieux accepter tel quel que de prendre le risque que le propriétaire
leur tape dessus.
Donc, si on met tous ces problèmes-là, ça ne prend
pas grand-chose pour qu'un démuni renonce à défendre ses
droits. Donc, notre système doit être le plus ouvert possible et
le plus encourageant possible pour l'amener à ce qu'effectivement il ait
une accessibilité à la justice.
M. Perreault (Guy): Je pense qu'il y a des personnes, aussi, qui
n'ont pas la parole, c'est-à-dire qu'elles n'ont aucun moyen, même
si elles étaient devant les services. C'est peut-être un petit peu
ça, mais ça va encore plus loin que ça. Il y a des gens
qui n'ont aucun sens des services qu'ils peuvent avoir. Puis, ça, je
pense qu'ils sont plus nombreux qu'on pense. On dit: Bien, coudon, ça
m'arrive, je l'endure, puis je dois l'avoir mérité. Je ne sais
pas, mais on ne fera rien pour se défendre. Et, ça, il y a des
exemples comme ça assez fréquents.
Mme Caron: Oui, je partage votre point de vue là-dessus.
La pauvreté, elle s'accompagne souvent d'une pauvreté qui n'est
pas uniquement une pauvreté financière. C'est une pauvreté
de moyens, de débrouillardise, de confiance en soi, juste de
décider d'aller s'informer, puis, même, de ne même pas
savoir où aller s'informer. Oui, vous avez raison de le souligner.
Vous avez parlé des jeunes contrevenants, et ça
m'amène à questionner un petit peu sur... On va recevoir certains
groupes qui vont en parler d'une manière plus précise, mais votre
recommandation m'amène à ça. Il y a effectivement un
problème pour les jeunes qui souvent... La cause, au niveau de l'aide
juridique, elle est en conflit d'intérêts avec
l'intérêt du jeune puis l'intérêt du parent. Ce n'est
pas le même intérêt. Donc, au niveau de l'aide juridique, en
calculant les revenus des parents, il n'aurait pas droit à l'aide
juridique. Et puis ce n'est pas évident que le parent, si
l'intérêt du jeune, ce n'est pas le même que le sien, va
être intéressé à payer des frais d'avocat pour
défendre le droit du jeune. Est-ce que vous pouvez nous donner un petit
peu des exemples de votre quotidien, de votre vécu là-dessus?
M. Hétu (Jean-Pierre): Je pense que les intervenants
concernés, ce qu'ils nous disaient, en termes peut-être un peu
crus... Souvent, la façon dont ça se passait par rapport au jeune
contrevenant, c'est: Tu as voulu faire une erreur, bien, maintenant, tu vas
payer, mon petit... Je ne citerai pas le reste de la phrase. C'est exactement
un peu comme ça que ça se passe. Et je pense que, si on regarde
dans le Groupe de travail sur l'accessibilité, à ce
moment-là, on précise que, à son avis, on devrait toujours
supposer qu'il n'y a pas de contribution des parents dans le cas de la loi des
jeunes contrevenants, pour éviter effectivement qu'on suppose que des
parents qui aient des moyens de le faire ne le fassent pas. Puis même des
intervenants du milieu de la justice nous disaient: L'enfant ou le jeune est
peut-être, au-delà de l'adulte, une personne à
protéger encore plus, parce qu'il a encore moins de moyens de faire face
à la machine. Il faut lui donner, je pense, encore plus d'attention
qu'on en offrirait à une personne en général.
Mme Caron: Est-ce que vous iriez jusqu'à dire, parce que
certains mémoires vont jusque-là, que ce n'est pas uniquement au
niveau des jeunes contrevenants? On prône de reconnaître le droit,
finalement, à l'assistance juridique aux jeunes.
Puis là je vous donne un exemple que, moi, j'ai rencontré
à mon bureau: un jeune de 17 ans qui se voit confier par les tribunaux
à la garde de ses grands-parents, qui veut poursuivre des études
et dont la grand-mère ne veut pas qu'il poursuive des études,
donc qui le rejette dehors, même si elle a une cause, là, disant
qu'elle doit le garder, parce qu'il veut continuer ses études. Alors, il
n'a pas vraiment de moyens de défense, il est juridiquement sous la
protection de ses grands-parents. Mais là les grands-parents l'ont mis
dehors. Ce n'est pas un jeune contrevenant, mais il a des droits à faire
respecter aussi. Est-ce que vous élargiriez aussi au niveau des jeunes
ou vous limiteriez ça aux jeunes contrevenants?
M. Perreault (Guy): Moi, je travaille en éducation,
à la formation des maîtres à l'Université du
Québec en Abitibi-Témiscamingue, et je peux vous dire qu'il y a
beaucoup de nos étudiantes ou de nos étudiants qui doivent
travailler pour poursuivre leurs études même et souvent quand les
parents ont les moyens de payer pour eux autres. Alors, souvent, après
avoir fini le cégep ou même le secondaire, les parents leur
disent: Bien, on en a assez fait, là, maintenant débrouille-toi.
Va travailler ou, si tu veux continuer tes études, bien, arrange-toi
pour te trouver de l'argent. Et on voit aussi des jeunes... Dans mes cours,
moi, j'ai des jeunes, qui, des fins de mois, ne mangent pas parce qu'ils n'ont
pas d'argent pour manger. On sait que les frais de scolarité ont
augmenté, on sait que les bourses n'ont pas nécessairement
augmenté en conséquence. Alors, c'est évident qu'à
ce niveau-là il y a des jeunes qui font des sacrifices énormes
simplement pour avoir le droit de se faire instruire, alors qu'on leur dit
à tour de bras que la scolarité est gratuite, que l'instruction
est gratuite, ha, ha, ha! mais qui doivent travailler pour poursuivre leurs
études.
Mme Caron: Oui, ça...
M. Perreault (Guy): Je pourrais vous citer des cas assez
dramatiques.
Mme Caron: Oui, oui, c'est une réalité. Dans le cas
dont je vous parle, il y avait non seulement... Il travaillait le soir, il
travaillait les fins de semaine, mais c'était vraiment un interdit de
pouvoir étudier en plus le jour.
M. Perreault (Guy): Oui.
Mme Caron: Ça allait jusque-là.
M. Hétu (Jean-Pierre): Ce qui peut être aussi
problématique, selon certains intervenants, c'est que le droit à
la confidentialité pour le jeune, lorsque c'est les parents qui paient
les frais juridiques, ça pose un beau problème: est-ce que le
jeune a le droit d'être défendu et que ce qui se passe entre lui
et son avocat ne soit pas connu quand la facture, c'est papa et maman qui la
paient? Ça posait certaines questions sinon de droit, sinon de relations
dans la structure familiale.
Mme Caron: Je vous remercie.
M. Lefebvre: Alors, M. le Président...
Le Président (M. Messier): Vous voulez alterner? Est-ce
que vous permettez?
M. Lefebvre: Ah! Excusez, vous avez d'autres questions.
Mme Caron: On peut alterner, oui.
Le Président (M. Messier): Non, non. Il y a d'autres
questions?
M. Lefebvre: Ça va?
Le Président (M. Messier): O.K. Parfait. Allez-y, M. le
ministre. Vous avez encore une dizaine de minutes, je crois.
Une voix: C'est ça. (12 h 50)
M. Lefebvre: MM. Hétu et Perreault, vous l'avez
indiqué tout à l'heure, vous reprenez ce qui apparaît dans
votre mémoire, puis je le disais tout à l'heure, quel est le
rôle des CLSC. C'est un service de première ligne, hein, à
tous les niveaux. On prend pour acquis, au Québec, et on semble prendre
pour acquis, y compris les membres de la commission, que le système
d'aide juridique, le régime d'aide juridique au Québec, à
savoir que nos plus démunis ont le droit à être
représentés devant les tribunaux par un avocat ou encore ont
droit à la consultation vis-à-vis d'un avocat, d'un professionnel
du droit, on prend pour acquis que tous les Québécois savent
ça. Mais ce n'est pas le cas, hein! J'aimerais vous entendre
là-dessus. J'aimerais que vous nous donniez votre avis là-dessus.
Quelle est la proportion évidemment, ce n'est pas une
statistique, là, officielle que vous allez me donner quelle est
la proportion des Québécois et des Québécoises,
puis je parle des plus démunis, qui ne savent même pas que
ça existe, encore aujourd'hui, en 1994, malgré toute la
publicité qui a pu être faite par la Commission des services
juridiques? J'aimerais vous entendre là-dessus. M. Perreault,
peut-être?
M. Perreault (Guy): Je serais très mal pris pour vous dire
une proportion, là. Ha, ha, ha!
M. Lefebvre: En gros, là, votre opinion
là-dessus.
M. Perreault (Guy): Mais je pense qu'il y a une relation entre
ces connaissances-là et le revenu. Je pense que, d'une façon
générale, les personnes qui ont toujours vécu dans la
pauvreté... Peut-être que, si elles sont sur le bien-être
social, elles ont une certaine connaissance des systèmes et des moyens
de les utiliser au maximum. Mais, pour les personnes qui ont toujours
été à peu près entre le seuil de la pauvreté
puis la survivance, là, la survie, et qui ont un certain orgueil de ne
jamais avoir affaire aux autres, c'est dire: On est capables de s'en tirer tout
seuls, chez cette proportion de la population là, je pense qu'il y a
peut-être les trois quarts qui ne savent même pas qu'ils ont des
droits, autant au niveau de la santé, de la défense juridique et
de bien d'autres choses.
M. Lefebvre: lis ne savent pas que le régime existe.
M. Perreault (Guy): Ils ne connaissent absolument pas les lois et
ils ont pris l'habitude, un peu comme ça existait quand, moi,
j'étais jeune, dans les années quarante, cinquante, de dire: Le
gouvernement, ça, on s'en passe, puis on est capables de se tirer
d'affaire tout seuls. C'est comme un orgueil que les gens ont conservé,
dans les milieux pas nécessairement les plus pauvres, là, mais
ils ont toujours été capables de se débrouiller tout
seuls.
M. Lefebvre: Oui.
M. Perreault (Guy): II y a comme une gêne, une honte
d'avoir accès soit à l'aide sociale ou...
M. Hétu (Jean-Pierre): Oui. Je pense que
fréquemment... Je n'ai pas d'exemples précis par rapport à
l'aide juridique mais, par rapport à d'autres services, des travailleurs
qui avaient des préjugés, comme beaucoup dans la population, et
comme les journaux, entre autres, font pour les encourager, lorsqu'ils sont
tombés de leur job à la possibilité d'aller sur l'aide
sociale, ils ont retardé des mois et des mois avant d'aller demander les
services. Pour eux autres, c'était comme la honte finale. Donc, il y a
des gens, dans notre système, que ce soit à l'aide juridique,
à l'assurance-chômage ou à l'aide sociale, ou quels que
soient les services auxquels ils ont droit, pour qui l'accessibilité
est... C'est un peu leur image ou la perception que la société a
donnée de ça, et je pense qu'il faut faire attention de
présenter vraiment les services comme étant des droits.
Actuellement, on voit ça quasiment comme si de plus en plus, surtout au
niveau de la classe des gens qui sont presque aussi pauvres que les
assistés sociaux... On voit quasiment ça comme étant un
cadeau que la société fait aux gens, ce qui entraîne
beaucoup de barrières quant à l'utilisation pour la
défense des droits des personnes.
M. Lefebvre: J'imagine, partant de ce que vous nous dites, que la
Commission des services juridiques doit continuer à publiciser le
régime d'aide juridique.
M. Hétu (Jean-Pierre): Oui. Actuellement, je pense que le
feeling des gens en Abitibi-Témiscamingue, c'est que le bureau d'aide
juridique offre de très bons services...
M. Lefebvre: Oui.
M. Hétu (Jean-Pierre): ...qu'il y a trop peu d'avocats,
parce que actuellement...
M. Lefebvre: Combien y a-t-il d'avocats?
M. Hétu (Jean-Pierre): Je ne pourrais pas vous dire.
M. Lefebvre: Plus ou moins quatre, cinq?
M. Hétu (Jean-Pierre): Au bureau de Rouyn, oui, mais en
gros je pense que c'est un service régional. Actuellement, je pense que
ce qui limite l'accessibilité, d'une certaine façon, c'est que
les avocats de l'aide juridique salariés ont trop de cas, ne prennent
plus de nouveaux dossiers; et, lorsqu'on va dans le privé, surtout sur
des cas compliqués de garde d'enfants, où l'enfant est à
Hull et les parents à Rouyn-Noranda, de trouver un avocat du
privé qui est prêt à prendre un mandat d'aide juridique
là-dessus, ce n'est pas du tout évident.
M. Lefebvre: Merci, M. Hétu. Je vais garder les deux
minutes qu'il me reste pour conclure.
Le Président (M. Messier): Oui, c'est ça. Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Ce que vous venez d'exprimer concernant le
problème d'accessibilité du côté des avocats
privés, certaines autres régions en ont fait part, et je pense
que c'est une réalité vécue par presque toutes les
régions. Dès que les dossiers sont un petit peu
compliqués, du côté des avocats de pratique privée,
on refuse les mandats d'aide juridique, et les avocats permanents sont
débordés. Alors, il y aurait peut-être lieu de se
questionner sur le nombre d'avocats permanents, d'autant plus qu'au niveau des
coûts du gouvernement, en fait, les avocats permanents, on sait combien
ils nous coûtent, on le sait. C'est précis, on le sait à
l'avance, les corporations régionales ne peuvent pas faire de
déficit. Donc, au niveau des prévisions budgétaires,
ça peut être intéressant d'augmenter le nombre pour
répondre aux besoins.
Chez vous, au CLSC en particulier, est-ce que... Parce que certains CLSC
offrent des services qui touchent la prévention, un petit peu l'aspect,
aussi, quand ils reçoivent les gens... ils font un peu de
prévention au niveau juridique, vont au moins les diriger aux bons
endroits et tout ça. Comment ça se passe chez vous?
M. Hétu (Jean-Pierre): O.K. Il y a ce qu'on pourrait
appeler, nous autres, les services d'accueil. Donc, quelqu'un qui ferait une
demande, quel que soit le service auquel... va rencontrer une première
personne qui va faire un genre de bilan de sa situation. Tout dépendant
des problèmes vécus, il va la référer soit à
des services à l'interne, soit à des services à l'externe,
incluant l'aidé juridique. Il y a comme un service pour bien
évaluer les besoins des personnes.
Mme Caron: Sur votre territoire, est-ce qu'il y a aussi des
cliniques juridiques? Est-ce qu'il y a des organismes communautaires,
là, qui travaillent plus l'aspect juridique?
M. Hétu (Jean-Pierre): En termes juridiques, non.
Là où il y a des choses qui sont utiles... Je pense qu'il y a un
regroupement de chômeurs et de chômeuses à Rouyn, un
regroupement de chômeurs et de chômeuses à Val-d'Or, il y a
trois regroupements de personnes assistées sociales, un à La
Sarre, un à Rouyn, un à Ville-Marie, et un, je pense, aussi
à Malartic, donc des gens qui peuvent au moins conseiller. Parce que
souvent c'est des informations tout à fait de base: Je reviens du bureau
de bien-être social, ils m'ont dit que j'avais tant. Puis il n'y a
personne qui comprend les barèmes. Il y en a 154 ou 134.
L'assisté social, quand il arrive au bureau de l'association des
assistés sociaux, tout ce qu'il sait, c'est le montant qu'il a eu. Il ne
sait pas s'il est apte, inapte, disponible, non disponible. Déjà
là, juste de pouvoir l'informer qu'effectivement, oui, le chèque
que tu as, c'est le bon chèque puis que ça correspond à
tel barème, c'est déjà un gros morceau. Mais, en termes
d'information juridique, il n'y a pas de...
Mme Caron: Chez vous, il y a aussi le Logement populaire en
Abitibi-Témiscamingue qui nous a déposé un mémoire
mais qu'on n'a pas pu entendre. Dans ses recommandations, il nous parlait
d'instaurer un système spécialisé de médiation.
Est-ce que vous pensez qu'il faut ajouter au niveau des moyens alternatifs?
M. Hétu (Jean-Pierre): Oui, je pense que c'est un volet...
Même si on ne l'a pas touché, si on regarde, si on pense à
diminuer les coûts de façon générale sans diminuer
les services, je pense que c'est de ce côté-là qu'il faut
aller voir tous les modèles alternatifs qui pourraient faire, un, d'une
part, qu'on soit moins appelé à utiliser la justice et les
avocats pour se défendre. Certains intervenants me disaient qu'avec le
nouveau Code civil ce n'est pas du tout le cas. C'est peut-être le
contraire, on va peut-être augmenter les raisons d'avoir accès
à la justice.
Deuxièmement, c'est lorsque c'est obligatoire d'y aller. Il
faudrait peut-être que des mécanismes pour régler les
litiges avant que ça monte au niveau des avocats et des juges soient
présents, et je pense que, de ce côté-là, il y a
certainement beaucoup d'améliorations à apporter.
Mme Caron: II me reste, M. Hétu, M. Perreault, à
vous remercier pour votre présence, à vous souhaiter un bon
retour dans votre belle région. Et merci beaucoup pour votre
contribution à nos travaux.
Une voix: Merci.
Le Président (M. Messier): Merci, Mme la
députée. M. le ministre, pour le mot de la fin.
M. Lefebvre: De mon côté, MM. Hétu et
Perreault, moi aussi, je veux vous saluer et vous remercier pour le travail que
vous faites bénévolement dans votre région. Je vous invite
aussi à remercier vos
collègues qui travaillent avec vous, à tous les jours,
à supporter nos plus démunis. Je suis conscient, on le sait, je
l'ai dit tout à l'heure, que les CLSC, vous avez un rôle
extraordinairement important dans nos régions.
Je retiens aussi que vous souhaitez qu'on donne de plus en plus
d'informations pour qu'au moins on puisse, au niveau de cette couche de notre
société, utiliser ce qui existe déjà, à tout
le moins. Merci beaucoup.
Le Président (M. Messier): Merci beaucoup, M. le ministre.
M. Hétu et M. Perreault, on vous remercie énormément. Bon
voyage de retour. Et, moi, je vais suspendre les travaux jusqu'à 15
heures cet après-midi, le temps du lunch. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 59)
(Reprise à 15 h 5)
Association des groupes d'intervention en
défense de droits Santé mentale du Québec
Le Président (M. Messier): Nous allons recommencer nos
travaux dans cette belle salle, par cet après-midi ensoleillé, en
demandant à l'Association des groupes d'intervention en défense
de droits Santé mentale du Québec de se présenter
en avant. Nous devrions avoir M. Morin c'est bien ça et
Mme Laurin. Bon après-midi.
M. Morin (Paul): Oui. Bonjour.
Le Président (M. Messier): Bonjour. Vous allez avoir une
vingtaine de minutes pour exposer vos commentaires sur le mémoire, et
après ça, de part et d'autre, il va y avoir des échanges
d'une vingtaine de minutes. Je demanderais à l'un ou l'autre de se
présenter et de présenter la personne qui l'accompagne, et nous
lire, après ça, le mémoire.
M. Morin (Paul): Oui, Paul Morin. Je suis administrateur à
l'AGJDD et je suis coordonnateur du collectif de défense des droits en
Montérégie. Je suis accompagné par Mme Claudine Laurin,
qui est coordon-natrice de notre association provinciale.
D'abord, d'entrée de jeu, juste présenter un peu l'AGIDD,
qui est l'Association des groupes d'intervention en défense de droits
Santé mentale du Québec, une association provinciale qui
regroupe une quarantaine de membres, soit des groupes d'entraide en
santé mentale, des organismes régionaux de défense des
droits en santé mentale et des comités d'usagers de centres
hospitaliers psychiatriques.
Ce qu'il est important de comprendre, c'est que notre mandat en est un
qui origine du ministère. Et nous, nos groupes aident et accompagnent
des personnes qui ont des problèmes de santé mentale lorsqu'elles
font des revendications et des demandes au niveau du respect de leurs
droits.
Au niveau des dossiers, peut-être juste présenter un peu
les dossiers prioritaires de l'AGIDD qui peuvent présentement avoir un
lien avec le juridique. On parle, entre autres, de tout le suivi de la
réforme du Code civil qui a certaines incidences, entre autres, sur la
loi de protection du malade mental. On suit attentivement l'application du Code
civil et du Code de procédure civile. On a, entre autres, sorti un
vidéo, récemment, qui concerne toute la question du consentement
libre et éclairé au niveau de la médication. C'est un
vidéo qui a été subventionné par Santé et
Bien-être social Canada. On peut aussi parler de la réforme des
corporations. C'est un dossier qu'on suit d'assez près.
Récemment, on a rencontré le coroner en chef, M. Morin. C'est
aussi un dossier qu'on suit de près, toute la question des
enquêtes du coroner. Finalement, toute la question du Protecteur du
citoyen, c'est aussi un dossier que l'on suit attentivement. Comme on est un
organisme communautaire, ce qui est assez rare, on a eu un mandat du
ministère de la Santé et des Services sociaux pour être
dispensateurs d'une formation au niveau des droits et des recours des usagers
en santé et services sociaux.
Donc, par rapport à notre mémoire comme tel, en temps
qu'organisme provincial regroupant des usagers et usagères des services
de santé et services sociaux, plus particulièrement en
santé mentale, nous déposons ici nos réflexions concernant
la présente réforme. Notre mandat se situant notamment en
défense des droits des usagers et usagères ayant des
problèmes de santé mentale, la question de la réforme de
l'aide juridique nous concerne directement, compte tenu que la majorité
des personnes bénéficiant de nos services fait partie des plus
démunis de notre société.
Notre pratique en défense des droits nous amène
régulièrement à être en relation avec les
différents intervenants de l'aide juridique afin d'assurer la
défense ou exercer les recours pour les personnes confrontées
à des problèmes légaux. Plus précisément,
notre rôle en aide et accompagnement nous permet de constater les
difficultés d'application du système actuel.
Incidemment, la rationalisation du système met malheureusement en
péril la cohérence entre les principes de base des
différentes politiques sociales et l'application de ceux-ci. À
notre avis, toute réforme du système d'aide juridique actuel doit
tenir compte d'une plus grande accessibilité à la justice et ce,
dans un contexte socio-économique précaire. La réforme
devrait donc favoriser une défense pleine et entière des
personnes qui veulent faire respecter leurs droits.
La politique de santé mentale reconnaît l'importance du
respect et de la protection des droits. L'avènement de la politique de
santé mentale amena d'ailleurs les MSSS à mettre sur pied un
comité de travail qui publia un rapport, soit: «Promotion, respect
et protection des droits» en 1990. Les groupes de défense des
droits en santé mentale ont d'ailleurs pris leurs assises dans le
système de santé et services sociaux suite aux travaux de
ce comité, et ce, dans l'ensemble du Québec. De par
l'information et la formation, les personnes ayant des problèmes de
santé mentale commencent à prendre conscience de leurs droits et
de leurs recours. Si la réforme du système actuel de l'aide
juridique brime 1 l'accessibilité aux différents
recours, le gouvernement travaillera à rencontre de ses propres
politiques.
Le comité de travail du MSSS soulignait: L'exercice des droits:
une entreprise difficile. La promotion, le respect et la protection des droits
amènent à considérer d'abord les chartes,
fédérale et provinciale, des droits et libertés de la
personne, ainsi que les lois générales, dont la Loi sur les
services de santé et les services sociaux. La législation fait
état des droits fondamentaux, par exemple, le droit à la
liberté, à l'intégrité, à la vie
privée. Un second aspect doit être pris en compte, le droit, pour
toute personne, d'obtenir des services continus, personnalisés et
adéquats sur les plans humain, social et scientifique, compte tenu des
ressources disponibles. Politique de santé mentale.
Cependant, il faut souligner l'hiatus qui existe entre les appareils
législatifs réglementaires, d'une part, et la loi et son
application, d'autre part. Tout d'abord, et de manière
générale, le problème n'est pas celui de l'existence de
droits, mais bien celui de l'accès aux recours et de leur
efficacité. En effet, un bon nombre d'obstacles ne sont pas liés
à l'insuffisance des droits, mais plus fondamentalement à un
manque d'information sur ces droits et sur les recours existants ou, encore,
à l'insuffisance des recours ou à la difficulté d'y avoir
accès. Ce manque d'information est non seulement le fait des personnes
qui reçoivent les services, mais également celui des intervenants
et des administrateurs chargés de les planifier, de les dispenser et de
les gérer.
À ces obstacles, qui viennent déjà limiter la
possibilité pour une personne d'exercer ses droits de manière
adéquate, s'ajoutent certains autres problèmes particuliers au
réseau de la santé et des services sociaux. Ainsi, en ce qui
concerne d'abord les recours permettant d'exercer le droit à des
services de qualité, le groupe de travail a pu relever les points
suivants: le seul mécanisme prévu par la loi au sein du
réseau le service des plaintes des régies
régionales, maintenant est peu connu, considéré
comme peu important et dénué de pouvoirs significatifs; les
instances devant normalement garantir la qualité des actes
professionnels, c'est-à-dire les corporations professionnelles, le
Conseil des médecins et dentistes (CMDP), etc., fonctionnent en vase
clos et demeurent des mécanismes de contrôle entre pairs. Cette
situation ne laisse d'autre choix, à toutes fins utiles, que le recours
au judiciaire lorsqu'il s'agit, pour l'usager, d'obtenir un correctif ou une
compensation pour un acte professionnel insatisfaisant. (15 h 10)
Le recours au judiciaire, pour sa part, peut être relativement
coûteux, douloureux et peu approprié dans plusieurs cas. En
conséquence, il reste peu exploité. Et nous soulignons: Parmi les
difficultés d'accès au judiciaire, il faut noter que les
barèmes actuels d'admissibi- lité à l'aide juridique
placent ce service hors de la portée d'une partie de la clientèle
qui pourrait en bénéficier. Pour la plupart des usagers
bénéficiaires, faire valoir leurs droits, notamment celui
à des services de qualité, reste une entreprise qui peut, dans
les faits, s'avérer hasardeuse.
Plusieurs des instances ayant à s'occuper de ces
problèmes, c'est-à-dire les corporations professionnelles et le
système judiciaire, par exemple, demeurent hors de la juridiction
immédiate du mandataire de ce groupe de travail, le ministère de
la Santé et des Services sociaux. Cependant, il semble opportun de faire
certaines recommandations les concernant, dans l'espoir qu'un jour une
réforme pourra venir modifier et améliorer leur fonctionnement.
Le Sommet sur la Justice aurait pu être une occasion d'amorcer une telle
réforme et ça n'a pas été le cas.
Pour les personnes éprouvant des problèmes de santé
mentale, la défense et l'exercice de leurs droits peuvent
s'avérer particulièrement ardus. Cette difficulté concerne
autant le droit aux services il faut noter que la nature de leurs
problèmes rend ces personnes bien plus dépendantes de ces
services que la moyenne des usagers que l'ensemble des droits existants.
En effet, puisqu'un bon nombre de ces personnes vivent ou auront à vivre
dans la communauté, les handicaps liés à leur santé
rendent plus difficile l'exercice de l'ensemble de leurs droits. Peu de moyens
sont, à l'heure actuelle, disponibles pour venir en aide à ces
personnes lorsqu'elles tentent de faire valoir leurs droits et, parmi les
moyens qui existent, groupes de promotion de défense des droits,
comités de bénéficiaires, peu sont en mesure d'offrir une
aide constante en tout lieu et une information appropriée pour
l'ensemble des recours existants. C'est extrait du document «Promotion,
respect et protection des droits.»
C'est donc dans cet esprit que l'AGIDD SMQ apportera ses
recommandations.
Mme Laurin (Claudine): Au niveau des recommandations, les
critères d'accessibilité. Le fait que les critères
d'accessibilité n'aient pas été augmentés pour la
personne seule depuis 1983 et pour les familles depuis 1985 rend la situation
de plus en plus problématique. Les critères actuels sont
nettement inférieurs au salaire minimum. Il nous apparaît opportun
de réajuster à la hausse les barèmes
d'admissibilité en tenant compte de la conjoncture économique
actuelle.
Nous recommandons, à ce chapitre, que les barèmes soient
portés à 16 667 $ pour une personne seule, soit 100 % du maximum
des gains admissibles qui est fixé par la Régie des rentes. Les
barèmes pour les familles monoparentales ou les couples devraient
s'ajuster à partir de ce taux de base. Cependant, nous recommandons
d'instituer un système de contribution pour la personne qui
dépasserait le barème de base, alors que, présentement, il
n'y a pas d'échelle. C'est des recommandations, d'ailleurs, qu'on avait
faites pour le Sommet sur la Justice.
ainsi, nous proposons l'échelle suivante: 100 % du maximum de
gains; à 110 96, 80 % payés par l'aide juridique; à 115 %,
60 % payés par l'aide juridique; à 120 %, 40 %; à 130 %,
20 %; et, à 135 %, la totalité ne pourrait être
payée.
Nous sommes conscients que d'instituer un tel mécanisme
entraînera des coûts au niveau de son application. Cependant, nous
sommes convaincus, tout de même, de la rentabilité d'un tel
système. Nous préférons une telle approche plutôt
qu'un ticket modérateur. Le principe de la contribution viendrait,
à toutes fins pratiques, régler le problème d'abus du
service.
Dans une logique de rationalisation, les différents
ministères ont mis de l'avant plusieurs campagnes publicitaires incitant
les gens à s'informer avant de s'engager dans une affaire. Cependant,
l'instauration du ticket modérateur nous semble contradictoire à
l'objectif visé, soit la réduction des coûts. N'ayant
accès à aucune consultation gratuite auprès de l'aide
juridique sans être forcés d'enclencher, dès lors, le
processus, cela ne pourrait qu'augmenter considérablement les
coûts.
De plus, nous ne souscrivons pas davantage à l'idée de
faire une discrimination à partir du statut des personnes. Nous
désirons un système avec des critères objectifs
plutôt que des critères discrétionnaires. Ainsi, le
système que nous vous suggérons a l'avantage d'éliminer le
pouvoir discrétionnaire dans l'admissibilité au service du
système actuel.
Finalement, notre organisme propose que l'aide juridique soit accessible
pour toute poursuite en dommages et intérêts et ce, pour toute
faute professionnelle ou toute action systémique. Advenant que le
tribunal reconnaisse le bien-fondé de la poursuite, les frais
judiciaires et extrajudiciaires encourus seront remboursés à
l'État et ce, proportionnellement au montant octroyé à
titre de dommages et intérêts. Il est évident que nous
revendiquons une indexation automatique et annuelle des seuils
d'admissibilité.
La couverture des services offerts. Dans le document de consultation du
ministre, «L'aide juridique au Québec: une question de choix, une
question de moyens», il est proposé différents
scénarios concernant les coupures dans le régime actuel. À
notre avis, il est impératif de conserver la couverture actuelle des
services offerts. Nous n'avons pas regardé en entier les
scénarios. Cependant, le document ministériel laisse entendre
qu'il serait possiblement opportun que l'aide juridique ne couvre pas la
représentation devant les tribunaux administratifs. À la page 37
du document, la question: Est-il opportun de maintenir la couverture du
régime d'aide juridique lorsque le requérant demande à
être représenté par un avocat devant un tribunal dont la
loi constitutive ne précise pas que la représentation est du
ressort exclusif de l'avocat, notamment à la CSST, la Régie du
logement ou la Commission des affaires sociales? cette question sous-tend que
l'on peut se faire représenter par un non-avocat devant certains
tribunaux administratifs. Notre expérience nous dit le contraire,
notamment devant la Régie du logement et la Commission des affaires
sociales concernant, entre autres, l'audition pour la levée de la cure
fermée prévue par la Loi sur la protection du malade mental. Il
est donc faux d'affirmer de tels propos. À cet égard, cependant,
nous désirons proposer que le gouvernement octroie aux organismes
communautaires de promotion et de défense de droits un pouvoir
d'intervention dans les affaires soumises aux tribunaux administratifs lorsque
l'intérêt général de leurs membres est
concerné. Cela, d'autant plus que ces organismes seront éligibles
à un programme de recherche juridique subventionné par le
ministère de la Justice. Il semble donc prématuré de
retirer ce droit présentement sans une modification en profondeur des
tribunaux administratifs, réforme qui devra garantir le droit de
représentation par un tiers non-avocat.
Enlever les mandats pour les représentations devant les tribunaux
administratifs se traduirait par donner une opportunité d'abus de
pouvoir aux différents fonctionnaires chargés d'appliquer la loi.
Prenons, par exemple, un agent d'aide sociale qui décide de couper un
chèque d'un prestataire car, selon son interprétation, ce dernier
n'aurait pas droit à ce taux. Le prestataire ne pouvant être
représenté par un avocat payé par l'aide juridique pour se
défendre, comment lui assurer une défense pleine et
entière considérant qu'il est légitime de croire qu'il est
tout à fait probable qu'il ne soit pas autant informé de la loi
que l'agent qui rend la décision? Avec de telles mesures, nous croyons
ouvrir la porte à l'arbitraire.
Prenons également l'exemple d'une personne qui désire
faire lever sa cure fermée devant la Commission des affaires sociales.
Si la personne n'a pas accès à l'aide juridique pour se faire
représenter devant ce tribunal, ses chances d'obtenir gain de cause sont
pratiquement nulles. Comment voulez-vous qu'une personne ayant des
problèmes de santé mentale puisse se défendre efficacement
sans mandataire? Jusqu'à maintenant, les groupes de défense de
droits n'ont pas le droit de parole devant cette instance, à moins
qu'ils soient assignés comme témoins. Les décisions de la
Commission nous démontrent qu'il n'est pas rare de rencontrer des
personnes qui ont été placées en cure fermée
injustement. Il faut donc assurer la défense pleine et entière,
tel que prévu dans la Loi sur la Commission des affaires sociales.
Quand on compare actuellement l'organisation de l'aide juridique du
Québec à celle des autres provinces canadiennes, il ne nous
semble pas nécessaire d'inventer un autre type d'organisation. Le
système actuel nous paraît efficace et approprié. De plus,
le document du ministère soumis pour la consultation nous
démontre que notre régime d'aide juridique est le moins
coûteux par habitant au Canada.
En conclusion, nous remercions la commission parlementaire de nous avoir
permis de présenter notre position concernant la réforme. Nous
sommes grandement préoccupés par le projet, surtout en ce qui
concerne, justement, la non-représentation, la possibilité de
non-représentation, d'enlever le droit à l'aide juridique dans
les tribunaux administratifs.
Le Président (M. Messier): Merci, Mme Laurin. M. Morin,
est-ce que vous avez d'autres interventions? Ça va?
M. Morin (Paul): Enfin, peut-être juste mentionner le fait
que, encore une fois, compte tenu de la réforme du Code civil et des
modifications qui ont été apportées au niveau de la loi de
protection du malade mental, ça nous apparaît encore d'autant plus
important que, avec la judiciarisation qui a été mise en place,
on mette en place un droit de représentation pour les non-avocats au
niveau de la Commission des affaires sociales. On insiste là-dessus,
parce que, si on a bien compris le document du ministère, il y a tout un
objectif de rationalisation des coûts. Et, bon, une des façons de
rationaliser les coûts, ce serait justement de permettre à des
non-avocats de représenter des personnes devant la Commission des
affaires sociales comme à la division de protection du malade mental.
(15 h 20)
Le Président (M. Messier): Merci beaucoup. M. le
ministre.
M. Lefebvre: Mme Laurin et M. Morin, je vous remercie d'avoir, au
nom de votre groupe, soumis un mémoire qui touche évidemment un
problème très particulier ou une catégorie très,
très précise de nos citoyens. Et, lorsqu'on parle de citoyens qui
vivent des problèmes ou des situations difficiles, c'est évident
que les bénéficiaires que vous représentez, cet
après-midi, là, qui ont des problèmes de santé
mentale, on n'a pas à discourir longtemps pour s'entendre
là-dessus, c'est des gens qui ont besoin de protection, qui ont besoin
d'être encadrés et qui ont besoin, évidemment, d'être
informés. Dans ce sens-là, le système d'aide juridique
doit être le plus accessible possible et, ce que je veux indiquer, c'est
qu'ils puissent au moins utiliser les services qui sont déjà en
place. Alors, vous êtes là pour les aider. Je veux vous saluer et
vous remercier d'être là également pour expliciter votre
mémoire.
Vous avez, M. Morin, terminé votre exposé justement sur le
point sur lequel je voulais immédiatement revenir à la
page 10 de votre mémoire et vous avez insisté, là,
vous l'avez réexpliqué. J'aimerais que vous me donniez un peu
plus d'explications. Ce que vous suggérez, c'est qu'au niveau de
certaines démarches vis-à-vis de nos tribunaux quasi judiciaires
on parle de droit administratif vous pensez que votre
clientèle serait représentée de façon plus solide
par des non-avocats. Je veux bien comprendre. C'est des explications que je
vous demande.
M. Morin (Paul): O.K. Il y a deux niveaux, là. Nous, ce
qu'on dit: d'abord, qu'on mette de l'avant le droit, pour la personne, de
choisir.
M. Lefebvre: Oui.
M. Morin (Paul): Nous, ce qu'on dit, c'est que la personne
devrait avoir le droit de choisir entre un avocat et un non-avocat.
Présentement, elle n'a pas le choix, elle doit prendre un avocat. Donc,
pour nous, c'est d'abord et avant tout le principe de mettre de l'avant le
droit de la personne de choisir, ce qui, en santé mentale, n'est pas
toujours évident. Mais au moins, là, elle aurait le droit de
choisir au niveau de sa représentation devant la division de protection
du malade mental, qui est une instance de la Commission des affaires sociales.
C'est un tribunal qui est composé de deux psychiatres et d'un
avocat.
Nous, ce qu'il faut dire, c'est que nos gens qui travaillent pour les
organismes régionaux de défense des droits ou des comités
d'usagers, c'est des gens qui ont une expertise. Il n'y a aucun avocat ou
avocate, présentement, qui travaille pour ces groupes-là, mais
c'est des gens qui ont développé une expertise sur le terrain. Et
je pourrais vous dire la façon dont ça se passe
présentement, par exemple. Si on prend un exemple concret, une personne,
Mme X, est en cure fermée dans un centre hospitalier. Elle nous
téléphone et nous dit: Bon, je suis en cure fermée, je
voudrais savoir mes droits. Là, nous, on va aller voir la personne et on
va l'aider à monter tout son dossier. Et, finalement, on va contacter un
avocat. Bon, supposons que la personne soit admissible à l'aide
juridique, on peut toujours trouver les gens, des avocats qui sont
spécialisés, mais, souvent, ce n'est pas des avocats
spécialisés. Ça fait que, nous, on se trouve à
monter tout le dossier de a à z, et là l'avocat ou l'avocate va
arriver, va peut-être passer 30 minutes, et va avoir un 450 $ payé
par l'aide juridique et, finalement, tout le travail va avoir été
fait par nous. Et, nous, on n'a même pas le droit de parler à la
Commission des affaires sociales.
M. Lefebvre: Ce que vous dites, M. Morin, c'est que la personne
qui a accompagné le bénéficiaire dans toute sa
démarche, dans l'évaluation de la situation du problème et
de la solution, serait mieux préparée, pour représenter
les intérêts de cette personne-là devant l'organisme, qu'un
avocat. Est-ce que vous auriez le goût d'ajouter, en plus, que ce n'est
pas tellement, devant ces organismes-là, un débat juridique?
C'est autre chose qu'un débat juridique et de procédure.
M. Morin (Paul): Enfin, lorsque quelqu'un est en cure
fermée...
M. Lefebvre: Si vous êtes certain que votre
bénéficiaire serait mieux représenté par un
non-avocat...
M. Morin (Paul): C'est parce que le débat... Devant la
Commission des affaires sociales, le débat se fait au niveau de la
dangerosité. Si une personne est en cure fermée, c'est parce
qu'elle est considérée comme dangereuse pour elle-même ou
pour autrui. Sauf que, tout le monde le dit, la dangerosité, un profane,
comme un psychiatre, ne peut pas la prédire; on n'est pas dans l'ordre
de la science au niveau de la dangerosité. Ça fait
qu'il y a très peu d'avocats qui sont spécialisés
à ce niveau-là. Il faut savoir aussi, lorsqu'on a
déjà assisté à ce type d'audience là, qu'il
y a toutes sortes de questions qui Sont posées par les psychiatres, et
je peux vous dire que la notion de dangerosité, elle est plutôt
arbitraire et élastique.
Enfin, nous, au niveau de l'AGIDD, par exemple, on a eu une subvention
du CQRS pour analyser justement l'ensemble de la jurisprudence à la
Commission des affaires sociales, de 1975 à 1992. Je travaille sur ce
projet de recherche là avec Me Jean-Pierre Ménard et David Cohen,
qui est professeur à l'École de service social. C'est un
travail... C'est la première fois que ça se fait au Canada
même. On va analyser toute la jurisprudence, de 1975 à 1992, pour
savoir c'est quoi, les critères de dangerosité. Et c'est un
partenariat entre un groupe communautaire et des chercheurs.
Donc, je pense que ça dit bien qu'un groupe comme l'AGIDD, qui
représente différentes associations de défense de droits,
est peut-être en train de développer une expertise. Il faut
comprendre que les avocats et les avocates font leur possible, mais ils ont
plein de dossiers, ils n'ont pas nécessairement le temps, surtout les
avocats de l'aide juridique, qui peuvent être débordés.
Nous, notre boulot, c'est ça. On est des experts en ce sens-là.
On développe une relation privilégiée. Il faut savoir que
les gens qui sont en cure fermée ne sont peut-être pas dangereux,
mais c'est évident qu'ils ont des problèmes de santé
mentale. Bon. Les avocats sont habilités à exercer le droit,
mais, des fois, au niveau d'entrer en communication avec quelqu'un qui a des
problèmes assez sérieux, ce n'est pas toujours évident.
Nous, on est habilités à faire ça.
M. Lefebvre: Je vous comprends.
M. Morin (Paul): Je pense que c'est important. C'est dans ce
sens-là.
M. Lefebvre: Vous suggérez, à la page 8 de votre
mémoire, qu'on fasse disparaître, après avoir
amélioré le seuil d'admissibilité, le pouvoir
discrétionnaire des permanents. Vous dites ça à
l'avant-dernier paragraphe de la page 8. Est-ce que vous suggérez qu'il
n'y ait, en aucune situation, aucune possibilité d'intervention, pour
quelqu'un qui a à évaluer l'admissibilité ou la
vraisemblance du droit, à partir du moment où on
dépasserait, ne serait-ce que de 1 $, le seuil d'admissibilité?
Je veux que ce soit clair. C'est-à-dire que je veux bien comprendre ce
que vous suggérez.
Mme Laurin (Claudine): Ce n'était pas tellement dans ce
sens-là.
M. Lefebvre: Non?
Mme Laurin (Claudine): C'était plus dans le sens que le
pouvoir discrétionnaire... Si on prend comme le recours à l'aide
juridique pour des groupes de personnes, bon, il y a certaines régions
qui disent: si l'ensemble des administrateurs du conseil d'administration sont
éligibles à l'aide juridique, donc, là, on peut y aller.
il y en a d'autres qui disent que c'est 75 %. c'est plus à ce niveau
discrétionnaire, dans le sens où il y a beaucoup
d'interprétations à savoir qui peut être eligible. ce n'est
pas dans le sens de pénaliser la personne, si elle a 1 $ de plus.
M. Lefebvre: Non, non. Ce que vous voulez, c'est un resserrement
des définitions?
Mme Laurin (Claudine): Oui, pour que ça puisse être
interprété parce que, présentement, on vit des situations
où il y a des places où on accepte. L'admissibilité, c'est
un autre critère.
M. Morin (Paul): On peut vous donner un exemple qui est
peut-être assez particulier, mais qui, malheureusement, est bel et bien
arrivé, qui est lié à toute la question, encore une fois,
de la réforme du Code civil et la loi de protection du malade mental.
C'est que, dans la région de Saint-Jean, compte tenu que les personnes
qui ne sont pas admissibles à l'aide juridique doivent dorénavant
avoir un avocat ou une avocate pour aller chercher une ordonnance d'examen
clinique psychiatrique, nous, on a eu connaissance du cas d'une personne, dans
la région de Saint-Jean, qui était en contact avec un groupe
communautaire, le Centre d'action bénévole de Saint-Jean, et
c'est le centre d'action bénévole qui a été
cherché l'ordonnance d'examen clinique psychiatrique. Le centre d'action
bénévole a eu un mandat d'aide juridique en prétextant que
l'ensemble de ses membres était admissible à l'aide
juridique.
Je pourrais vous dire que c'est assez particulier qu'un centre d'action
bénévole puisse avoir un mandat d'aide juridique pour faire
interner une personne contre son gré. Est-ce que c'est ça qu'on
veut qui se développe? Je veux dire, il y a peut-être certains
arbitraires qui peuvent se développer. Je ne sais pas, moi, une
association de parents pourrait aller chercher un mandat d'aide juridique en
disant que tous ses membres sont admissibles à l'aide juridique, et
aller chercher des mandats d'aide juridique pour faire hospitaliser Pierre,
Jean, Jacques. C'est ça qu'on veut?
M. Lefebvre: Vous suggérez en bas de la page 8 de
votre document, les deux dernières lignes de la page 8, et ça
continue, évidemment, à la page 9 d'élargir
l'ouverture des services en rendant accessibles à un justiciable les
poursuites en dommages et intérêts de toute nature.
C'est-à-dire, je m'excuse, pas de toute nature, mais au niveau de la
faute professionnelle, particulièrement. Oui, allez-y, madame.
Mme Laurin (Claudine): C'est un sérieux problème
pour notre clientèle qu'on dessert, pour les usagers membres de
l'Association. N'étant pas ouvert...
M. Lefebvre: Vous pensez à des fautes médicales,
j'imagine.
Mme Laurin (Claudine): Pas juste des fautes médicales.
M. Lefebvre: Non?
Mme Laurin (Claudine): Oui, des erreurs médicales, mais
aussi toute la question comme de l'agression sexuelle, le harcèlement
sexuel.
M. Lefebvre: Oui.
Mme Laurin (Claudine): Bon, à chaque fois ou
même quelqu'un qui a eu une erreur médicale on n'est pas
capables d'ouvrir une poursuite parce que l'aide juridique n'est pas ouverte
à ce genre de... À ce moment-là, quand on dit que c'est un
système qui assure la défense pleine et entière,
peut-être, oui, qu'on peut s'en servir, si on est accusé de
quelque chose, mais on ne peut pas s'assurer une défense pleine et
entière pour aller... On fait face à une clientèle pour
qui c'est déjà très difficile de monter le dossier. Il y
aurait toujours des bureaux dans le privé qu'on pourrait prendre et
dire: prenez le pourcentage, lors du gain, sauf que, comme c'est des
clientèles pour qui ça demande beaucoup d'investissements de la
part du bureau d'avocat pour monter un dossier, ce n'est pas des dossiers
alléchants pour pouvoir attirer. Donc, si l'aide juridique n'ouvre pas
la poursuite, bien, on reste dans des situations d'abus de droit non
réglées. (15 h 30)
M. Lefebvre: Votre proposition, globalement, quant à
l'amélioration du seuil d'admissibilité, si je vous disais que
ça totaliserait plus ou moins 60 000 000 $... Parce que vous
suggérez une participation décroissante de l'aide juridique
jusqu'à, si vous faites le calcul, 130 % du maximum des gains
admissibles. Pour une personne seule, ça représente 21 000 $ et,
pour un couple avec deux enfants, ça représente 43 000 $. Alors,
vous suggérez dans votre document que l'aide juridique intervienne
jusqu'à concurrence de 20 % pô\ir une personne qui aurait un
revenu équivalant à 130 % du MGA. Alors, ce que vous
suggérez, c'est que l'aide juridique intervienne pour un couple dont le
revenu est de 43 000 $. Je veux juste vous indiquer que, globalement, votre
proposition obligerait l'État à injecter, strictement
là-dessus, 60 000 000 $.
Mme Laurin (Claudine): II pourrait...
M. Lefebvre: C'est un calcul qu'on a fait au
ministère.
Mme Laurin (Claudine): Oui, c'est correct. Je n'ai pas eu le
temps, malheureusement...
M. Lefebvre: C'est pour vous indiquer dans quel ordre de grandeur
on discute.
Mme Laurin (Claudine): J'aurais aimé ça, le
recevoir pour avoir le temps de l'analyser.
M. Lefebvre: Non, non, je comprends, madame. Je n'essaie pas de
vous embêter avec ça, là. Je vous donne l'information.
Mme Laurin (Claudine): Disons que ça a réussi.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lefebvre: Non, non, ce n'est pas mon but. Ce n'est pas mon
objectif, là. Ce n'est que pour qu'on ait sur la table tous les
éléments.
Mme Laurin (Claudine): J'aurais dû m'y attendre. Disons
qu'il pourrait y avoir des aménagements là-dedans pour...
M. Lefebvre: C'est parce que, face à ces
chiffres-là, vous auriez peut-être une alternative à nous
proposer.
Mme Laurin (Claudine): Je pense qu'il peut y avoir des
aménagements, puis dire... Bon. Ça peut être
aménagé, mais aussi il faudrait peut-être regarder... C'est
parce que, là, on parle de la réforme. Malheureusement, c'est ce
qui nous a créé problème quand on a répondu
à la réforme de l'aide juridique: c'est qu'on ne parle que de la
réforme de l'aide juridique et, parallèlement, on a toute la
réforme des tribunaux administratifs. Moi, je pense que ce qui aurait
été avantageux, c'est de pouvoir discuter les deux de pair. Parce
que, là, vous m'arrivez avec le chiffre, ici. Par ailleurs, il y a
peut-être des aménagements de la justice, de l'ordre des tribunaux
administratifs, qui pourraient aussi être
réaménagés. C'est l'entonnoir dans lequel on a
été pris...
M. Lefebvre: Mme Laurin, on a plusieurs années devant nous
pour faire tout ça.
Mme Laurin (Claudine): Oui, mais... Sauf que la demande qu'on a
faite de pouvoir représenter les usagers à la CAS, on
espère que vous ne prendrez pas plusieurs années pour y
répondre.
M. Lefebvre: Merci, madame. Je vais laisser l'Opposition
officielle compléter, s'il y a lieu.
Le Président (M. Messier): Sur le sujet du mémoire;
il ne faut pas extrapoler sur d'autres choses.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, M. Morin, Mme
Laurin, bienvenue. Vous nous avez entretenus, évidemment, d'un sujet
bien particulier, et je pense que le travail que vous accomplissez
auprès de cette clientèle-là est très important,
autant pour les personnes que pour l'ensemble de la communauté, il faut
le reconnaître. Et je suis heureuse de vous entendre, parce qu'on n'a pas
beaucoup de mémoires,
effectivement, qui vont traiter de ce problème particulier, et il
n'y en a pas beaucoup qui peuvent en traiter aussi bien que vous.
Peut-être juste un petit point d'éclaircissement. Lorsqu'on
vous parle, évidemment, de coûts, c'est évident que ce sont
toujours des montants qui sont importants, il faut le dire. Mais, quand on
regarde l'ensemble des coûts de l'État, il faut peut-être
juste rappeler que, du côté du budget de santé et de
services sociaux, c'est 12 000 000 000 $, donc 30,6 % du budget de
l'État. En éducation, c'est 23 %, un peu plus que 9 000 000 000
$, et, en justice, pour l'ensemble de la justice pas seulement l'aide
juridique c'est 491 000 000 $, 1,2 % du budget de l'État. Bon.
Alors, il y a certains choix, aussi, à faire. O.K.
Moi aussi, je voudrais revenir sur la page 10 de votre mémoire,
sur la demande que vous faites de représentation par un tiers
non-avocat, quand vous nous dites que le lien que vous créez avec les
personnes est évidemment un lien particulier. Et, ça, personne ne
peut en douter, que les compétences que vous avez
développées font évidemment que, pour établir le
lien avec la personne, vous êtes beaucoup plus habilités à
le faire qu'un avocat qui arrive, qui ne connaît pas la personne ou qui
n'est pas spécialiste dans ce domaine-là. Je pense que c'est bien
réel. Parce que vous semblez avoir pu assister des personnes à
quelques reprises dans les tribunaux administratifs.
Lorsqu'un avocat a à défendre une personne et que, vous,
vous êtes témoin, par exemple pour s'opposer à une cure
fermée, de l'autre côté, c'est actuellement,
évidemment, aussi un avocat. Est-ce que, de façon
générale, de l'autre côté, il y a davantage
d'avocats spécialisés dans ce domaine-là ou si vous avez
l'impression que, de toute façon, il n'y a pas d'avocats qui sont
spécialisés dans ces domaines-là et que ce serait beaucoup
mieux d'utiliser des tierces personnes?
M. Morin (Paul): Au niveau de la Commission des affaires
sociales, ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il n'y a pas d'avocats comme tels
qui représentent la partie hospitalière. Il y a la Commission des
affaires sociales, la présidence, un avocat ou une avocate, deux
psychiatres qui siègent. Et, là, vous avez la partie
hospitalière représentée par le psychiatre traitant,
l'usager lui-même et l'avocat qui va le représenter ou une
personne qui va le représenter. Donc, ce n'est pas avocat contre
avocat.
Mme Caron: Mais, les avocats qui jugent... Est-ce que, selon
vous, il y a une expertise vraiment solide dans ce domaine-là ou...
M. Morin (Paul): Au niveau de la présidence de la
Commission des affaires sociales, ce n'est pas tout à fait
évident. Par rapport au projet de recherche que je vous passais
tantôt, en 17 ans, il est peut-être passé 12, 15 psychiatres
au tribunal de la CAS, et il est peut-être passé une trentaine
d'avocats et d'avocates. Ça fait que, nous, on a vraiment l'impression
que c'est deux psychiatres et un avocat. C'est beaucoup plus le discours
clinique, psychiatrique, qui l'emporte qu'un discours juridique, pour nous.
Mais, enfin, on va voir justement, au niveau du projet de recherche, c'est quoi
les critères. Présentement, c'est plus des impressions qu'on a
quand on dit que c'est arbitraire, si on veut; ce n'est pas de l'ordre
scientifique. Le projet de recherche va effectivement clarifier quels sont les
paramètres utilisés par les assesseurs pour décider si une
personne est dangereuse ou pas, c'est-à-dire de lever ou pas la cure
fermée.
Dans ce sens-là, la personne usagère, si elle était
représentée par une personne non avocate, cette
personne-là pourrait questionner le psychiatre, ce qu'elle n'a pas le
droit de faire présentement. Elle pourrait faire des
représentations. Nous, on a développé une expertise
là-dedans. Il y a effectivement quelques avocats et avocates qui ont
développé une expertise là-dedans, mais ces avocats et ces
avocates-là pourraient aussi utiliser leur expertise devant le juge
parce que, là, nous, on parle du tribunal de la Commission des affaires
sociales, mais, avec la réforme du Code civil, maintenant, il va y avoir
des audiences en chambre pour la garde obligatoire. Là, il pourrait y
avoir effectivement une bataille d'avocats ou d'avocates entre l'avocat
représentant la partie hospitalière parce que, maintenant,
il faut absolument que ce soit un avocat qui représente l'hôpital
et l'avocat ou l'avocate qui représente l'usager devant le juge
pour décider s'il y a garde obligatoire.
Nous, on est au niveau du processus de révision. C'est dans ce
sens-là qu'on pense qu'il y a une place pour une personne qui est non
avocate dans le processus de révision. Devant le juge, bien, là,
ça, c'est une autre paire de manches; c'est la Cour supérieure,
c'est une bataille d'avocats, s'il y a lieu.
Mme Caron: Vous avez aussi donné dans votre exemple de
tantôt l'exemple d'une personne qui a une cure fermée, et elle
vous téléphone. Moi, j'aimerais savoir comment vous arrivez
à faire circuler l'information pour que, justement, la personne qui est
en cure fermée puisse vous appeler. Parce que, de prime abord, ça
ne m'apparaît pas évident que la personne qui se retrouve en cure
fermée a toute cette information-là puis va pouvoir
réussir à penser, en tout cas, à vous appeler.
Mme Laurin (Claudine): À ce niveau-là, on vous
disait tantôt qu'on avait aussi le mandat de formation.
Présentement, tous les groupes régionaux ont eu des budgets du
ministère de la Santé et des Services sociaux et donnent la
formation à l'ensemble des usagers sur leurs droits, dont
celui-là. Deuxièmement aussi, c'est que dans chaque région
du Québec existe un groupe qui est financé par les régies
régionales et qui, dans les centres hospitaliers, donne aussi, distribue
les dépliants de l'exercice du droit de recours, autant pour la cure
fermée... Il y a aussi les policiers qui... Souvent, ce
sont eux qui amènent les gens en cure fermée. C'est
différentes méthodes. Pour l'AGIDD, c'est parfait, on perce le
milieu. Il y a beaucoup de résistance du milieu hospitalier, mais je
dirais que, par rapport à il y a quatre ans où on n'était
pas là, il y a quand même une amélioration.
M. Morin (Paul): Mais il faut comprendre quand même que, si
on parle de statistiques, les statistiques de 1992-1993 démontrent qu'il
n'y a jamais eu autant de cures fermées. Au Québec, il y a plus
de 3000 cures fermées, et c'est en croissance d'année en
année. Pour 3000 cures fermées, là-dedans, il y a environ
340 personnes qui ont inscrit un appel, et il y a eu juste, si je me rappelle
bien, 169 décisions de la Commission des affaires sociales sur plus de
3000 cures fermées. Donc, on parle d'un ratio très, très
bas. Et on pense qu'avec des groupes comme le nôtre, qui vont faire en
sorte que les usagers vont être plus au courant de leurs droits, il
devrait y avoir de plus en plus d'appels au niveau de la révision. (15 h
40)
C'est dans ce sens-là qu'on considère notre demande qu'on
puisse permettre à la personne d'être représentée
par une personne non avocate, compte tenu qu'il risque d'y en avoir de plus en
plus et que les coûts augmentent. Donc, dans ce sens-là, c'est
d'autant plus intéressant de rendre ce système-là
accessible à des non-avocats. Mais, là, effectivement, faites le
calcul: 169 décisions sur plus de 3000 cures fermées, il pourrait
y en avoir pas mal plus. Il pourrait y en avoir pas mal, pas mal plus.
Mme Caron: Moi, je vous avoue que ça m'inquiète
beaucoup parce que, finalement, les personnes, souvent, vont retenir une
information uniquement au moment où elles en ont besoin. On le sait. Il
y a tellement d'informations sur tellement de sujets que les gens ne sont pas
portés à retenir ce qui ne les touche pas immédiatement.
Puis, au moment où ça les touche, si on parle de votre domaine,
bien, ce n'est pas évident qu'elles vont être capables de recevoir
l'information.
Moi, j'ai toujours en tête une de mes ex-collègues, dans le
temps où j'enseignais, qui s'était retrouvée à
l'hôpital psychiatrique parce que son mari avait décidé de
l'envoyer là. Et je vous jure, je l'ai vue le midi elle a
enseigné, là; on l'a vue le midi et, le soir, on s'est
dépêchés, quatre ou cinq, d'aller la rencontrer à
l'hôpital. Elle était déjà sous médicaments
et elle nous disait elle-même: Je pense que, oui, ça va me faire
du bien; j'ai besoin de me reposer, je vais rester ici. Et je vous avoue que
c'était dans l'espace de quelques heures.
Alors, je suis toujours très, très, très
inquiète sur les décisions qui peuvent être rendues dans
ces dossiers-là parce que, effectivement, elle n'était pas
vraiment non plus, là... Vu qu'elle acceptait déjà
ça suite à la médication, et tout ça, ce n'est pas
évident, même... Nous, on essayait de lui dire: Bien, voyons donc!
Écoute, tu enseignais ce matin, tout allait bien, puis... Donc, on se
disait: Ce n'est pas évident qu'on aurait pu la convaincre d'appeler un
organisme comme le vôtre pour avoir de l'aide.
M. Morin (Paul): Ah oui, c'est tout à fait exact. Et
peut-être pour renchérir sur ce que je disais tantôt, sur la
possibilité qu'il y ait de plus en plus de personnes qui exercent le
recours, enfin, il y avait des possibilités qu'il y ait un projet de loi
qui modifie la Loi sur la protection du malade mental. Il y a un document qui a
circulé et, dans ce document-là, on mentionnait qu'un des droits
nouveaux serait de faire en sorte que, automatiquement, quand une personne
serait en examen clinique psychiatrique ou en garde obligatoire, un organisme
comme le nôtre serait averti. Donc, si, effectivement, ça se
concrétise dans les mois qui suivent, que, automatiquement, nous, on
serait avertis, bien, là, ça veut dire qu'il va effectivement y
avoir de plus en plus de personnes qui vont exercer un recours, donc, encore
une fois, d'autant plus la pertinence que la personne ait le droit de choisir
entre un avocat ou une personne non-avocate pour être
représentée devant ce tribunal-là.
Mme Caron: C'est un élément intéressant.
Vous nous avez parlé également, bien sûr, de
l'importance de pouvoir ouvrir du côté des poursuites en dommages
et intérêts pour les fautes professionnelles. Vous êtes le
deuxième groupe à nous faire part de cette demande-là.
Ça m'amène à vous poser la question: Est-ce que,
à votre connaissance, des groupes communautaires qui travaillent en
santé mentale se sont déjà retrouvés avec des
poursuites, justement parce que, bon... Quand vous travaillez auprès de
personnes en santé mentale, parfois, vous avez à faire face
à une famille qui n'est pas nécessairement d'accord avec votre
position ou avec la position de l'organisme communautaire. Est-ce que, à
votre connaissance, c'est déjà arrivé? Et est-ce que les
organismes communautaires ont les moyens de se défendre?
Mme Laurin (Claudine): Ce n'est jamais arrivé dans nos
genres de groupes parce que, bon, la personne, d'abord, elle vient
volontairement; ce n'est pas une responsabilité d'État. Et, de
deux, on ne prétend pas être des avocats. Donc, à partir de
là, on ne s'engage pas, professionnellement, à lui donner un
service de tel type. On accompagne la personne dans ses recours, on ne traite
pas le recours. Ça fait que ce n'est jamais arrivé, si ce n'est,
peut-être, être poursuivi par l'assurance-chômage parce qu'on
n'avait pas donné tous les renseignements de certains usagers qu'on
fréquentait. Oui, ça peut être arrivé, mais pas
d'être poursuivi par les familles. Non, ce n'est jamais
arrivé.
Par contre, quand on est face à cette demande-là, je pense
à un cas qui, présentement, se vit à Montréal, un
type l'enquête du coroner le dit est mort. M. Atis Naek est
décédé d'une overdose prescrite par un médecin
pendant qu'il était hospitalisé à Jean-Talon.
L'enquête du coroner le dit carrément; elle dit
carrément qu'il y a eu un arrêt cardiaque dû à une
prescription de cinq fois la dose maximale permise par la compagnie
pharmaceutique. C'est ce que la coroner, Mme Nolet, spécifie dans son
rapport. Elle dit carrément aussi qu'elle ne peut pas citer le nom du
médecin, parce que c'est pratique courante en psychiatrie. Et,
là, si, à toutes fins pratiques, on ne peut pas poursuivre avec
l'aide juridique, bien, moi, je pense que, dans des situations de même,
ce n'est quand même pas normal que ça soit juste un rapport du
coroner qui se termine encore en disant que peut-être que les
infirmières auraient pu plus surveiller, et le pharmacien aurait pu
avoir plus de vigilance. Je pense qu'il y a quelque part une... Quand on dit
qu'on est dans une société supposément juste, et pour
tous, bien, il y a une partie, ici, qui manque beaucoup. Et ça
rétablirait peut-être un certain rapport de force, aussi.
Mme Caron: Et, ce que vous proposez, finalement, si jamais votre
bénéficiaire perd: les frais sont entièrement
assumés par l'aide juridique.
Mme Laurin (Claudine): Oui.
Mme Caron: Par contre, si le bénéficiaire
gagne...
Mme Laurin (Claudine): II y a remboursement de l'État.
Mme Caron: ...les frais sont remboursés à partir
des sommes obtenues.
Mme Laurin (Claudine): Oui. À l'État. Oui.
Mme Caron: J'avais aussi une autre question. En page 3, vous
dites, à la fin du deuxième paragraphe: «Ce manque
d'information est non seulement le fait des personnes qui reçoivent les
services alors, ça, je pense qu'on l'a vraiment bien
abordé mais également celui des intervenants et des
administrateurs chargés de les planifier, de les dispenser et de les
gérer.» Et, là, je voudrais vous entendre un petit peu plus
là-dessus.
Mme Laurin (Claudine): Je ferai justement une allusion à
ce que vous avez apporté tantôt: la personne qu'on interne en cure
fermée, ce n'est pas évident pour elle qu'elle a des
mécanismes de recours. La loi dit qu'elle doit être
informée de ses droits, mais c'est tout ce qu'elle dit. Et on ne suit
pas, justement, les administrateurs et les intervenants. Ils pourraient, eux,
remettre un document et, eux, dire ses droits à la personne; tout comme
le policier, quand il arrête quelqu'un, il lit les droits. Donc, il y a
aussi tout l'autre côté où les exigences ne sont pas
véhiculées, ni n'ont de suivi assez rigoureux pour voir si les
droits sont respectés.
Mme Caron: Je vais être peut-être un petit peu plus
précise. Est-ce que vous croyez que ces gens-là parce que,
la façon dont la phrase est formulée, là ils n'ont
pas l'information ou ils ne la donnent pas, l'information?
M. Morin (Paul): Enfin, si on parle des intervenants et des
intervenantes en santé mentale, ce n'est pas de la mauvaise
volonté, mais il faut comprendre qu'il y a très peu d'argent qui
a été investi au niveau de la formation; pour les intervenants et
les intervenantes en santé et services sociaux, mais, en santé
mentale, pour qu'ils s'y connaissent un peu au niveau des droits des usagers...
À l'heure actuelle, on peut dire qu'ils en prennent quand même
relativement assez large. La culture des droits n'a pas tellement
imprégné les pratiques, là, en santé mentale. Il y
aurait beaucoup de boulot à faire dans ce sens-là, que ce soit au
niveau des préposés, des éducateurs, des
éducatrices ou au niveau des infirmiers et infirmières. Il y a
une formation qui est supposée se donner très bientôt pour
les intervenants et intervenantes en santé mentale. Le ministère
de la Santé et des Services sociaux avait mis une très grande
emphase sur le respect des droits en santé mentale. La preuve, c'est que
des groupes comme le nôtre existent à cause de la politique de la
santé mentale. Ce qu'on dit, c'est: Continuons donc dans la même
logique, là. On finance des groupes comme le nôtre. On dit qu'il y
a un problème de... On dit qu'on veut mettre une emphase sur les droits,
et tout ça, et que ça va prendre encore plus de place dans notre
société en santé et services sociaux. Donc,
bâtissons sur des groupes comme le nôtre, qui développent
une expertise. On est jeune, mais que la société
québécoise soit cohérente et finalise son projet,
finalement.
Mme Laurin (Claudine): À titre d'exemple, justement, la
semaine dernière, il s'est passé un incident. Il y a une personne
qui avait dit, sur un répondeur, à son «chum»: Je
n'ai plus rien à manger. Si ça continue de même, moi, je ne
vivrai pas trop longtemps. Mais elle n'a jamais fait de tentative de suicide;
elle n'a pas menacé de se tuer au moment présent, elle a dit
qu'elle était tannée de crever de faim. C'est bien normal. Suite
à ça, elle a téléphoné à nos bureaux
parce qu'elle avait trois policiers dans son appartement et deux ambulanciers,
parce que son «chum» est allé porter la cassette à un
bureau de police et, là, on voulait l'amener à l'hôpital.
Bon! Il n'y avait pas de péril grave, donc les policiers ne pouvaient
l'amener à l'hôpital. Ça prenait une ordonnance de cour
pour passer par la procédure de la cure fermée, une
évaluation psychiatrique obligatoire. (15 h 50)
Ce qu'on fait, c'est qu'on évite cette
procédure-là, à Montréal, en appelant
Urgences-santé qui envoie un médecin d'Urgences-santé, ce
qui n'est pas plus légal. C'est des choses comme ça qu'on dit. Le
médecin a semblé embêté quand on est intervenu.
Finalement, on est intervenu, et ils sont tous partis, et la dame est
restée chez elle. On n'a pas rempli son frigidaire. Mais, ce qui
est arrivé, c'est que même le médecin et
l'ambulancier étaient tout à fait surpris. Et, quelque part,
c'était comme si... Au niveau de la police, ce qu'on nous a
demandé, c'est: Vous êtes là pour la défendre;
signez-nous une décharge parce que, si elle se suicide, je peux perdre
ma job. Donc, la pression administrative des policiers met une pression sur
Urgences-santé qui, lui, embarque dans le jeu sans même avoir de
bases juridiques, puis sans même aller vérifier s'il y a des bases
juridiques.
Ça fait que c'est dans ce sens-là qu'on dit que,
même ceux qui les administrent et les dispensent, ils ne sont pas du
tout... Puis ça augmente aussi les coûts, parce qu'il y a plein
d'affaires qui se font tout croche puis qu'on voit dans les recours.
Le Président (M. Messier): Merci, Mme Caron. Mme la
députée de Terrebonne, devrais-je dire. M. le ministre.
M. Lefebvre: alors, je voudrais revenir sur ce que vous indiquez
à la page 8, que vous vous opposez au ticket modérateur, en
indiquant cependant que la contribution à laquelle je faisais
référence tout à l'heure, là, qui va jusqu'à
130 % du mga, vous considérez dans votre analyse que c'est une
façon, la contribution du bénéficiaire, de limiter les
abus dans le régime. dans un premier temps, je dois vous dire que je
vous trouve courageux et courageuse de nous dire qu'il y aurait même un
abus avec une clientèle comme la vôtre, qui m'apparaît
être la plus selon ce que vous décrivez, selon ce qu'on
peut comprendre démunie puis la plus sujette à... c'est la
clientèle qui a le plus besoin, comme je le disais tout à
l'heure, d'être encadrée. mais, quand même, vous soulignez
cependant qu'il peut y avoir des abus, et vous semblez assimiler l'abus au fait
qu'il n'y a peut-être pas toute l'information nécessaire,
là, et que des gens, en toute bonne foi, se retrouveraient dans des
procédures judiciaires qui auraient pu être évitées
s'ils avaient eu l'information pertinente. est-ce que je vous comprends bien?
c'est comme ça que je lis votre mémoire, aux pages 7 et 8, au
niveau de cette question-là.
Mme Laurin (Claudine): Oui. Effectivement, oui, c'est bien. C'est
effectivement dans cette lignée-là. Mais, en plus, l'abus, c'est
que, nous, ce n'est pas juste la clientèle. Nous autres, on est
là pour défendre la clientèle, qui a un
préjugé favorable. Mais l'abus peut venir aussi, justement, comme
M. Morin l'expliquait tantôt... Un centre d'action bénévole
qui fait une requête pour interner quelqu'un, c'est aussi de l'abus parce
que ce n'est pas correct; ce n'est pas à lui de faire interner quelqu'un
pour une évaluation psychiatrique.
Il y aussi toutes les fédérations de parents qui
peuvent... Ce n'est pas juste notre clientèle, quand on parle d'abus,
parce que plusieurs pressions pour, des fois, rentrer... Bon, bien, madame
parlait tantôt de son mari qui l'a fait entrer... On a vécu des
situations inverses aussi, à Laval, où il y a une femme qui a
fait inter- ner son mari, puis ça a coûté 17 000 $ à
monsieur pour s'en sortir. L'abus ne se fait pas nécessairement de la
clientèle.
M. Lefebvre: Ah oui, je comprends, madame. Et vous pensez qu'on
pourrait corriger ça? C'est ce que vous dites au milieu de la page 8.
N'ayant accès à aucune consultation gratuite... Vous dites qu'il
y a une lacune au niveau de la consultation à l'intérieur du
système, hein? Parce qu'il n'y a pas de consultation, on se
retrouve...
Mme Laurin (Claudine): Oui.
M. Lefebvre: ...nécessairement dans la procédure,
la grosse procédure, si on veut, là. C'est comme ça que je
comprends votre...
Mme Laurin (Claudine): Oui, c'est ça. M. Lefebvre:
Oui, hein?
Mme Laurin (Claudine): Puis, le ticket modérateur, on l'a,
nous autres, en santé et services sociaux, avec les personnes
âgées, pour les pilules.
M. Lefebvre: Oui.
Mme Laurin (Claudine): Mais je vous ferai remarquer que ça
n'a rien changé dans le décor. Je ne pense pas qu'il faudrait
regarder si le ticket modérateur a vraiment... Il y a quelque chose.
C'est comme si on pensait que la pratique... S'il y a de l'abus, il y a quelque
chose de beaucoup plus global que strictement une consommation de services pour
une consommation de services. Je pense que, si on regarde dans la santé,
mettre un ticket modérateur aux personnes âgées, bien... Il
y avait quelqu'un qui les prescrivait, ces médicaments-là. Donc,
je pense qu'il y a aussi à responsabiliser, peut-être, l'aide
juridique. Bon. Ça ne peut pas être juste d'un bord, puis du bord
du consommateur. Puis, présentement, on assiste à toutes ces
politiques-là. On met un ticket modérateur, mais c'est toujours
sur le bord du consommateur. Il y a quelqu'un, aussi, qui nous fait consommer,
là.
M. Lefebvre: Je comprends que vous n'êtes pas pour le
ticket modérateur.
Mme Laurin (Claudine): Non.
Le Président (M. Messier): M. le député
de...
M. Lefebvre: Oui, M. le Président, merci.
Le Président (M. Messier): ...Laval-des-Rapides,
peut-être pour une brève question.
M. Ménard: Oui. Je vous félicite pour votre
rapport, qui est très utile, mais qui illustre, malheureusement,
ce que je constate. J'aimerais bien qu'il y ait des gens qui sont avocats qui
développent cette même compétence éventuellement.
Mais, en attendant ça, vous êtes fort utiles.
Il y a une statistique qui m'impressionne beaucoup dans ce que vous avez
dit, parce que ça me semble contredire les buts de la loi qui a
été passée il y a plusieurs années, c'est
l'augmentation des cures fermées. D'où tenez-yous vos
statistiques, et est-ce qu'on pourrait avoir la source et...
M. Morin (Paul): De la Commission des affaires sociales. Elles
proviennent de la Commission des affaires sociales. Elles ne sont pas incluses
dans le dernier rapport annuel de la Commission des affaires sociales, mais
c'est des données qui m'ont été données par une
agente d'information de la Commission des affaires sociales, ici, à
Québec. Bon. J'ai les tableaux, par exemple, de 1975 jusqu'à
1991-1992; 3015 cures fermées, là, de 1991 à 1992.
M. Ménard: O.K. En tout cas, on en... M. Morin (Paul):
Oui.
M. Ménard: Quand vous voudrez. Tout à l'heure.
Merci. C'est tout.
Le Président (M. Messier): Vous pouvez les déposer
au secrétariat de la commission, qui en fera des photocopies pour
l'ensemble des parlementaires.
Ça termine la période pour l'Opposition officielle. M. le
ministre, juste pour remercier les gens, le temps étant
écoulé.
M. Lefebvre: Alors, M. Morin, Mme Laurin, je veux encore une fois
vous remercier et répéter ce que je disais tout à l'heure,
que vous travaillez pour une clientèle qui, quant à moi, est la
plus susceptible, effectivement, d'avoir recours à des services d'aide
juridique. C'est un mémoire qui nous donne plein d'informations. Et je
veux, Mme Laurin, que vous compreniez une chose: lorsque je faisais
référence tout à l'heure au fait, là, que ça
représentait plusieurs millions, il n'y a pas que votre mémoire,
là, qui propose des suggestions ou des solutions qui obligeraient
l'État à mettre beaucoup d'argent. Je voulais juste qu'on fasse
un exercice sur les chiffes.
Je retiens cependant que vous proposez des choses qui ressemblent
à ce qu'on retrouve dans d'autres mémoires quant à la
contribution. Ça peut varier au niveau des échelons, là.
Il y a plein d'informations pertinentes, des suggestions qui sont bien.
Je retiens aussi on n'a pas eu le temps d'en parler
qu'à la page 11 vous dites, très rapidement et ça
rejoint aussi ce qui est dit par plusieurs autres intervenants que le
système, quant à sa gestion, est bon, ça fonctionne bien.
Et vous dites qu'il n'y a pas lieu de modifier ça en profondeur.
Alors, je m'arrête là-dessus. Je vous remercie encore une
fois, et d'avoir préparé le mémoire et également
d'être venus le présenter. Merci beaucoup.
Le Président (M. Messier): Merci beaucoup.
Document déposé
Je vais accepter le dépôt du document. On va en faire des
photocopies, là, du document qui a été
déposé par l'Association des groupes d'intervention.
Je vais suspendre quelques instants, laissant la place à la
Société Makivik et l'Administration régionale Kativik pour
venir s'asseoir en face de nous, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 15 h 58)
(Reprise à 16 h 3)
Le Président (M. Messier): À l'ordre, s'il vous
plaît! Je vais demander aux gens, en arrière de la salle, s'il
vous plaît, quelques instants. Merci.
Société Makivik et Administration
régionale Kativik
Lettre d'appui du juge Jean-Charles Coutu
Avant d'entendre la Société Makivik et l'Administration
régionale Kativik, Mme la secrétaire, qui a une voix très
radiophonique, va nous lire la lettre de l'honorable juge Jean-Charles Coutu,
qui appuie le mémoire qui va être déposé par la
Société Makivik. Je vais demander à la secrétaire
de nous faire la lecture de cette très belle lettre. Madame.
La Secrétaire: «Mesdames et messieurs membres de la
commission, j'aurais aimé avoir l'opportunité et surtout le temps
de m'adresser en personne à la commission des institutions sur le
régime d'aide juridique relativement à l'accès à
l'aide juridique pour les collectivités de Nunavik. «Depuis 20
ans, je siège comme juge de la cour itinérante du district
d'Abitibi dans tous les villages du Nunavik. En réalité, c'est
moi, avec la collaboration des services judiciaires du district d'Abitibi, qui
ai inauguré les différents circuits de cette cour
itinérante et, depuis 1985, j'en suis le juge coordonnâtes.
«L'an prochain, la cour itinérante du district d'Abitibi
siégera durant 18 semaines partagées également entre les
localités de la baie d'Hudson et de la baie d'Ungava. «Il est
évident que nos concitoyens du Nunavik n'ont pas accès aux
mêmes services que les citoyens du reste du Québec et que les
besoins grandissants nécessitent une action immédiate.
«Je ne puis qu'appuyer très, très fortement la
requête présentée par la Société Makivik,
l'Administration régionale Kativik et le groupe de travail inuit sur la
justice. «Puis-je ajouter que la demande formulée par les
organismes précités me semble au plus haut point raisonnable et
même en deçà des besoins réels des populations de
ces territoires. Je souhaite que votre commission soit très attentive
à la demande qui lui est faite et comprenne l'urgence de la situation.
«Vous priant de recevoir l'expression de mes meilleurs sentiments, je
demeure, votre tout dévoué, Jean-Charles Coutu.»
Le Président (M. Messier): Nous recevons cette expression
de ses sentiments. Je vais demander à M. Zebedee Nungak de
présenter son groupe, en vous mentionnant que vous avez 20 minutes pour
intervenir. Après ça, il va y avoir un échange par le
ministre et par l'Opposition officielle. Est-ce que M. Nungak est
là?
M. Nungak (Zebedee): Yes. Thank you, Mr. Chairman. Ladies and
gentlemen, my name is Zebedee Nungak. I am the first vice-president of the
Makivik Corporation, which is the aboriginal organization representing the
interests of the Inuit population in the geographical area shaded on the map to
my right. We represent the Inuit of Nunavik. Before I carry on with my
presentation, I would like to introduce the other members of my delegation. I
am heading this delegation to this parliamentary committee on behalf of Makivik
Corporation and the Kativik Regional Government. To my immediate left is my
colleague, the corporate secretary of the Makivik Corporation, Daniel Ipoo. To
his left, to the extreme left is Jacques Monette, who is the legal counsel for
the Kativik Regional Government based in Kuujjuaq, an organization set up under
the James Bay and Northern Québec Agreement. To my immediate right is
the legal counsel for Makivik Corporation, Sam Silverstone, and to his right,
another legal counsel for Makivik Corporation, Stéphane
Lavallée.
We come today in front of this parliamentary committee to give you a
vivid picture of the needs in legal aid for the region that I have outlined on
the map. The area is situated on the Arctic coast of Québec. Our people
live in 14 communities, that are represented by the dots on the map from
Kuujjuarapik to Kangiqsualujjuaq. The population, which is predominantly Inuit
people, is about 7500 in this region.
We have no legal services based in the region, and I will attempt to
describe for you why. But, before I go any further, I would also like to say
mat, in addition to my position as first vice-president of the Makivik
Corporation, I headed a two year study on the deficiencies and the needs of the
justice system as it is applied in our region of Québec. After two years
of study, we came up with a report called «Blazing the Trails to a Better
Future». It examines the justice system from top to bottom, from police
to detention centres, to legal aid and all other manner of needs in the area of
justice.
Our region, because it is isolated, is not only not well served; in many
cases, it is not served at all. Presently, the 14 municipalities of the Kativik
territory... and I am using Nunavik, which is the official Inuktitut name, but
it is also administratively known as the Kativik territory, a territory
identified by the James Bay and Northern Québec Agreement. The
administrative district of Québec known as the Nunavik region is
entitled to the legal aid services offerred by the Northern Office of the
Abitibi-Témiscamingue Legal Aid Corporation, which is located in
Val-d'Or, and is more than 900 kilometers by air transportation from the
closest Nunavik community. (16 h 10)
Two lawyers supply the services to the Nunavik population, through the
Abitibi district circuit court, the itinerant court, which chief judge
Jean-Charles Coutu, whose letter you just read, served, and through personal
visits in the communities. This situation leads to the following consequences,
which will be further detailed in this brief.
The lawyers are not sufficiently integrated in the northern reality. By
that I mean that any person in that region who has a requirement to contact
legal aid, first of all has to find somebody who can communicate in French, who
will then contact the legal aid office in Val-d'Or and then, from there,
communicate. But, if they have an actual case, normally they cannot or they do
not have the means to travel by air to Val-d'Or to see these two lawyers in
person. What normally happens is that the itinerant court based in Val-d'Or
makes quarterly visits to some of the communities, and anybody who has the need
to have a legal aid has to wait till the court flies in, in those quaterly
visits. The court normally flies in and flies out on the same day, so it is
very difficult for citizens of that region to have access to legal aid
services.
The second point is that the legal aid office is physically inaccessible
to clients, because of its distance and because of the fact that the people who
provide that service do not speak the language of the predominant group which
is Inuktitut. In many cases, our people are bilingual in Inuktitut and English,
like I am, although members of certain generations are also fluent in French,
but not everybody is fluent in either French or English. And the people who are
presently trying to make the service available do not speak Inuktitut. So we
have a problem of language as well as the problem of access and the
distance.
Legal aid services are offered in too quick a fashion, as I described
earlier. The court travels and people have to rush around to have access to the
legal aid, while the court is in the community for the few hours it is. The
lack of ressources means that only criminal matters are addressed. There is
absolutely no time or service available for civil matters, for divorces,
for bad debt cases, for cases that would be normally dealt with in small
claims or other areas of jurisdiction.
The needs for legal aid services in civil matters are not addressed, as
I have just said. There is a need for consultation and information services
which are simply not there at this time. Community groups are not involved. The
lawyers must have greater awareness of the northern reality if a service such
as this will be made available to the residents of that region.
There is an appearance of collusion between the various members of the
judicial process. That means the legal aid lawyer, because of the necessity,
flies in with the court, and it seems to our people that he is in league with
the prosecutor and the judge and all the other various people who are
travelling with the court, so, to people in our region, there is some confusion
as to the role that legal aid lawyers are supposed to play. The population,
therefore, mistrusts the judicial system because of the way it is administered,
by remote control, by infrequent appearances. And, when they do appear, there
are rushing. They never finish their case load. So, all these problems exist
along with the lack of services.
Now, this problem exists, although there are legal and constitutional
obligations spelled out in the Charter of Human Rights of Québec, the
Charter of Rights of Canada, in a section of the James Bay and Northern
Québec Agreement, and I will just quote the section 20.0.19, which
describes the obligation of the justice system of Québec to make timely
services available. This is simply not being done.
Now, the Inuit of Nunavik are full-fledged citizens and they are
first-class citizens in that they are taxpayers, along with other
citizenry of Québec and, we believe, entitled to the same
services and to the same quality of services than those benefiting the whole
Québec population. In addition, by signing the James Bay and Northern
Québec Agreement, the Inuit population has surrendered its territorial
rights in consideration of various undertakings on the part of the Canadian and
Québec governments, including the implementation and improvement of
local administrated services.
We are first-class citizens in that we are taxpayers, unlike perharps
some other aboriginal groups within the boundaries of Québec. But we are
second-class citizens by misfortune of living in a remote area and therefore
not having services that are taken for granted by other citizens who have
access, because we happen to live in the wrong geographical area or because the
government of Québec is not able to or not making thoses services
available.
I would just like to very quickly give some points in our brief. I am
not going to read absolutely everything, but certain points that we want to
drive home to you, the first which is that lawyers are not sufficiently
integrated in the northern reality. Within the present organization, legal aid
lawyers spend very little time in the communities. I have said that, I think,
twice already. As a result, the population sees them as part of the itinerant
court and does not understand that their services are offered to protect the
rights of individuals.
The second point: the legal aid office is physically inaccessible to
clients. As you can see on the map, Val-d'Or is at a considerable distance from
the communities of Nunavik. In fact, mere is no direct flight linking Val-d'Or
to the communities that you see on the map. A resident of Nunavik who wishes to
meet a lawyer from the legal aid office must first fly to Kuujjuaq or
Kuujjuarapik, then go to Montréal or Québec City, in order to
take yet another flight to Val-d'Or, which entails expenses of the order of
1800 $ for such a trip. Such an itinerary shows how ridiculous and impossible
the situation is.
The third point: legal aid services are offered in too quick a fashion.
In most cases, the lawyers of the legal aid services meet their clients only a
few minutes before the trial and they have to have, in many cases, an
interpreter to facilitate the communication between the client and the lawyer.
Prior contacts are made by phone, if they are made at all.
Fourth point: only criminal matters are addressed. Due to the
inaccessibility of the legal aid office and the heavy work load of the lawyers,
only criminal matters are addressed. This violates subsection 20.0.19 of the
James Bay and Northern Québec Agreement, which provides that legal aid
services must be offered in all matters. This is an unimplemented provision
that has been sitting in the agreement for close to 20 years. (16 h 20)
Next point: needs for legal aid services in civil matters. Nunavik
residents make very little use of the legal aid services to ensure their
defence in civil cases. This shows how badly they understand the judicial
system. Indeed, they seem totally unaware of the fact that legal aid services
must also address the needs of the population in civil matters. This is a
service that is utterly absent, even with the itinerant court travelling to
some of our communities, simply because there is no service there in the
region.
Next point: needs for consultation and information services and
community involvement. The rate of criminality is extremely high in the region.
In order to reduce it, it is important to act at several levels; community
groups must be directly involved in order to inform, consult and raise the
level of awareness of the population about what their rights are. However, this
goal cannot be attained if lawyers are not based and integrated in the
communities. We need services that people know are there, accessible in the
region, and not have to travel vast distances at great expense.
Lawyers must have greater awareness. The specificity of the northern
reality requires specific actions and solutions. And we are not here simply to
complain, we are here also to guide you in how we see solutions being made.
Consequently, people involved in the delivery of legal services must be made
aware of the specific reality in terms of culture, language, way of life and
social interaction. It is only through such awareness
that lawyers will be able to act efficiently within the northern
dynamic.
At this time, I would like to refer to a meeting of people involved in
the justice system lawyers, judges, defenders, prosecutors, court
workers that was conveyed in Rouyn-Noranda about two years ago. We spent
three days with these people and gave them a lecture, an elder Inuk spent those
three days giving them a lecture on the cultural mores, the culture, the
language, the life style, sensitizing these people who are required by their
jobs in the administration of justice to have extensive dealings with the Inuit
people of the far North. And they found it very enlightening and very useful.
We are trying to encourage more of these encounters, make it a regular feature
of the justice system, and how it is applied in the North.
Appearance of collusion betweem members of the judicial process. The
present structure of legal aid services is such that it conveys the impression
of collusion between the various members of the judicial process. This false
perception derives from the fact that the population understands very little
about the judicial process, and the apparent unity of the itinerant court
structure confirms the residents in their erroneous views about the system.
People think that the judge, the prosecutor and the defender, and everybody
else who travels with the court are all one unit and they have trouble
differenciating between each person's role within the court. So there is a lot
of information and education required to sensitize people's perception of how
the court operates.
The last point: mistrust and lack of confidence. In such a situation, it
is readily understandable that the population of Nunavik does not understand
that the work of legal aid service lawyers is part of an ideology and a process
meant to protect the rights of individuals.
Now, I referred earlier to a section in the James Bay Agreement,
20.0.19, which provides as follows: «All residents of the judicial
district of Abitibi shall be entitled as of right to receive Legal Aid services
in all matters, provided they qualify in accordance with the criteria of the
Québec Legal Services Commission which shall be modified for this
district insofar as this may be necessary, to take into consideration the cost
of living, the distances involved and other factors particular to the said
district.» This is a provision which has simply not been lived up to at
this time.
The Québec Charter of Human Rights and Freedoms, section 34,
reads: Right to advocate. «Every person has a right to be represented by
an advocate or to be assisted by one before any tribunal.»
Another one: Canadian Charter of Rights and Freedoms, section 10. Arrest
or detention. «Everyone has the right on arrest or detention: a) to be
informed promptly of the reasons therefor; b) to retain and instruct counsel
without delay and to be informed of that right; and c) to have the validity of
the detention determined by ways of habeas corpus and to be released if the
detention is not lawful.»
We have all these wonderful things in the Québec and Canadian
Charters, in the James Bay Agreement, but a fat lot of good it does because
people in our region simply do not have access to those services.
Now, because we are living in an Arctic environment and we are related
by blood to Inuit who live in Northwest Territories, we are aware, because
these people are our cousins and aunts and uncles, that they have exactly such
a service available in the Baffin region, provided by an organization known as
Maliiganik Tukisiiniakvik Legal Aid Clinic, which is based in Iqaluit,
Northwest Territories. This service has been in operation for about 20 years.
In addition to that, there are other regional such services in the Beaufort
Sea, in the Rankin Inlet Legal Aid Clinic in the Keewatin area and Maliiganik
Tukisiiniakvik in Iqaluit. These services are accessible. They taylor their
services to suit the particular needs of these people who are, in many cases,
unilingual inuktitut speakers, and so we know that it is possible to operate
such a service for a region that is as isolated and as remote as ours. We also,
in our brief, point to the Community legal services of Pointe-Saint-Charles and
Little Burgundy, the Montréal legal community centre. We point to that
because what we are asking of you is not a strange new thing. It is being
provided in an area of Québec populated by people who are poor, who are
not well-off and, therefore, ordinarily cannot afford the services of a lawyer.
And I am not going to go into all the details, but, on page 13 of our brief,
you can see that such services are already provided in an area of Québec
quite similar to ours.
Now...
Le Président (M. Messier): Please: one minute. (16 h
30)
M. Nungak (Zebedee): Oh! O.K. O.K. Now, our
recommendations... I will jump right to our recommendations. We have a legal
aid corporation located in Nunavik which we want to have certified with a
budget negotiated directly with the Abitibi corporation or Québec, the
board of directors of which would be residents of this region and under which
there would be two lawyers employed to serve the needs of that region. And we
want this service dealing with criminal as well as civil cases. We do have a
corporation set up, but we still have to obtain the agreement of the Legal Aid
Commission in order for the budget of the corporation serving that region to be
directly given to the corporation serving that region. And so we have a
community legal clinic of Nunavik established. We request for certification of
a legal aid clinic to Val-d'Or, a board of directors meeting in Val-d'Or
accepting our request. And Val-d'Or recommends to the Commission of Legal
Services the accreditation of a local northern legal aid clinic.
So, I hope I have been clear, and I thank you
very much for this opportunity to make this presentation. We will be
very happy to answer any questions you may have. You may ask them in French,
because I can get translation from my colleagues. Thank you very much.
Le Président (M. Messier): Thank you, sir.
M. Lefebvre: Alors, M. Nungak, Mr. Nungak, I welcome you to our
committee. I want to thank you, you and your colleagues, for being here today,
and I would like to congratulate you for having prepared such an interesting
document. And I would like to speak about your presentation too, which talked
about the old legal system on your territory and also about Quebec's legal aid
on your territory. I would like to answer some questions about what you told
us, and I want to assure you that we want to do our best to help you on your
territory.
Firstly, you talked about the Baie James accord. Est-ce que vous parlez
d'améliorer ou d'augmenter... Lorsque vous parlez de
l'admissibilité au régime juridique, en relation avec l'accord de
la Baie James, vous savez que l'accord sur la Baie James, à ce
sujet-là, ne parle que des besoins qui existent sur le territoire, sans
préciser quel serait le seuil d'admissibilité. Il y a plusieurs
témoignages et mémoires qui ont été soumis à
la commission, à date, qui suggèrent d'augmenter le seuil
d'admissibilité, en regard de ce qu'il est aujourd'hui, jusqu'à
un certain niveau qui varie d'un mémoire à l'autre. Lorsque vous
parlez de l'admissibilité à l'aide juridique chez vous,
pourriez-vous nous indiquer quel serait le seuil d'admissibilité, quel
serait le revenu sur lequel il faudrait se baser pour établir le
régime d'aide juridique, en partant, évidemment, de la mise en
place, et ce, c'est le deuxième volet de votre mémoire, la mise
en place d'une clinique d'aide juridique. Alors, je voudrais savoir, dans un
premier temps, lorsque vous parlez de l'admissibilité, en regard de
l'accord de la Baie James, quel serait le seuil d'admissibilité.
M. Nungak (Zebedee): Mr. Minister, I will try to answer your
question. We wish we could only have that problem, to set a level of income.
That would be the least of our problems, if only the service would first be
provided. But I will not attempt to give you a dollar figure, but I will just
try to explain to you that the level of unemployment is astronomical in our
region, and some villages, let us say, have 80 % unemployment. So, it is not a
well-off or economically rich area, and therefore, because its people are
generally poor, the level of income criteria would have to be lower than
perhaps other areas in Québec that have a comparatively or relatively
higher level of income and are economically better off than our region. That is
the only answer I can give you at this point.
M. Lefebvre: Est-ce que je comprends de votre réponse que,
et ça, je serais peut-être d'accord avec vous... vous me laissez
entendre qu'à peu près 80 % de la population pourrait être
admise à des services d'aide juridique et, aussi, qu'il faudrait tenir
compte de bien d'autres critères que le revenu d'un justiciable.
M. Nungak (Zebedee): Yes, well, the provision in the James Bay
and Northern Québec Agreement states that the criteria that we are
talking about now shall be modified for this district insofar as it may be
necessary to take into consideration the cost of living, which is basically
more than double the cost of living in Québec or Montréal, the
distances involved and other factors particular to the said district, the
isolation, the remoteness and all the special conditions that exist there that
do not exist in the southern part of the province. So, when we do sit down to
discuss how we are going to provide this service now, all these factors have to
be taken into account. And we will be more than glad to give you advice on the
conditions which we believe should be considered when we finally get to having
the budget to provide that service. for example, also, there are three distinct
coasts, but for purposes of health, let us say, there are two regional
hospitals: one for the hudson bay coast and one for the ungava coast. in the
provision of legal aid, we foresee two suboffices: one in the hudson bay coast
serving the hudson bay communities and one in the ungava coast serving the
ungava communities. so, those particularities will have to be taken into
account and the fact that, let us say, 85 % of our population is unemployed or
underemployed is also another factor which... so, it is very important that it
be taken into account.
M. Lefebvre: Alors, vous...
M. Nungak (Zebedee): I would also point out that legal aid, at
some future date, will be provided once you and I agree how it is going to be
provided. We can have a wonderful, perfect legal aid service in place, but that
in itself is not going to solve the problem of how administration of justice is
conducted in our region. We have a whole catalogue of other deficiencies: lack
of police, lack of detention facilities, lack of local courts, J.P.'s, lack of
social support, and I can go on and on, but, if we can agree to start providing
this one essential service, that would be a good start and then we would be in
a position to communicate our other needs to you or the right departments of
the Government that deal with the provision of other services.
(16 h 40)
M. Lefebvre: You are talking about a problem which concerns the
whole legal system.
Vous avez fait une demande, et c'est ma dernière question, M.
Nungak, vous avez fait une demande d'implantation de la mise en place d'une
corporation légale, corporation locale d'aide juridique chez vous. Je
veux vous indiquer que je suis informé de cette
démarche qui a été, dans un premier temps... Comme
vous le savez, légalement, la demande doit être appuyée par
la Corporation régionale d'aide juridique. Et j'ai des documents en main
et je le savais déjà, de toute façon, que la Corporation
régionale d'Abitibi-Témiscamingue approuve votre demande. Votre
demande a été soumise à la Commission des services
juridiques. Et je voulais vous indiquer que j'en avais été
informé et que j'entendais suivre ce dossier de très, très
près, en espérant qu'une décision sera rendue dans les
délais les plus raisonnables.
Je sais aussi qu'il faut tenir compte d'une évaluation de tout le
problème qui vous concerne qui a été faite. Je n'appelle
pas ça une enquête, c'est une évaluation, une
évaluation, oui, du juge Coutu, qui a été faite quant
à l'ensemble de la problématique, du problème global de
l'administration de la justice sur votre territoire. Je veux vous assurer que
je suis ce dossier de très, très près et que je souhaite
que, dès le moment où la Commission des services juridiques sera
en mesure de rendre sa décision, alors qu'elle le fasse le plus
tôt possible, qu'elle le fasse le plus tôt possible.
J'aurai d'autres questions tout à l'heure, mais je vais permettre
à mes collègues de l'Opposition, peut-être, d'y aller avec
leurs propres questions.
Le Président (M. Messier): Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, M. Nungak, M.
Epoo, Me Lavallée, Me Monette et M. Silverstone, bienvenue. J'ai lu
très attentivement votre mémoire. J'ai parfaitement compris votre
demande d'accréditation, d'organisation d'une corporation locale d'aide
juridique sur votre territoire sur le même modèle que la
corporation locale de Pointe-Saint-Charles et de Petite Bourgogne. Et, pour les
avoir rencontrés hier, je pense qu'effectivement vous avez
extrêmement bien exprimé les besoins des personnes de votre
territoire et que cette accréditation et cette organisation seraient
nécessaires sur votre territoire.
Mon collègue, le député d'Anjou, ayant
manifesté un intérêt particulier à questionner sur
votre mémoire et ayant une connaissance du territoire un petit peu plus
grande, donc, c'est mon collègue d'Anjou qui va vous questionner.
M. Bélanger: Mr. Nungak, I would like to thank you for
your presentation and to thank the members of your committee. I am well aware
of the problems of the justice system in the Northern territories. I have very
close friends of mine who are working in the mobile court in your territory. I
know that this court is called the «white flying circus» by some
members of the community. And I think that the problem that you are stating
right now before this commission is a lot wider than only one of legal aid. I
think it is the justice system as a whole which encounters a lot of problems in
the Northern territories.
So, I am very preoccupied by this situation. I have read newspaper
articles about some troubling situations in certain places in the Northern
territories. I know that there is some problem as to the application of the law
and as to the perception of the law which is applied.
My first question would be: How many people live in your territory? I
know that in your document you state that there are 14 municipalities, but how
many people live in your territory?
M. Nungak (Zebedee): If you consider the non-Inuit population,
such as teachers and nurses, that lives pretty well year round in our
communities, I would say a little over 8000 in total, if you count everybody,
every living, breathing human being.
M. Bélanger: 8000 people. M. Nungak (Zebedee):
Yes.
M. Bélanger: O.K. 8000 people. I know that, as we are
speaking now, Mr. Coutu, Judge Coutu is working on a special committee which
is, I think, meeting representatives of different communities which are living
in the territory, and I know that they are working very hard in order to find
solutions and solutions that would be acceptable by us and by you, that would
apply to your territory.
You talked about the appearance of collusion, that in your community
some people feel that there is an appearance of collusion. Do you think that
this perception is widespread, or is it only shared by a certain part of your
community?
M. Nungak (Zebedee): It is very widespread because there is no
legal aid service moving about in our 14 villages trying to raise the level of
awareness of the legal system and the services and rights of people that the
people can access to. It is very widespread, even amongst educated people of my
generation.
You mentioned previously that Judge Coutu is working towards examining
the possible solutions too on a wider area of services and not just narrowing
down on the legal aid. We have been in communication with him. We consider him
a very good friend of the region because he has wide experience, but we are
quite impatient with the fact that, after his commission was initiated, there
were quite many months of mysterious lack of movement, and none of us have any
control over that. I appreciate the Minister's statement that we have to
examine the totality of the system and try to work to make the whole system
better and not just this one narrow area of legal aid. And I will encourage him
or any other members here to read our report. We did a very thorough study and
examination of the needs. We identified them, and we also identified how we see
the solutions being made.
So, we believe that the time for study is over. We have...
M. Bélanger: Time for action.
M. Nungak (Zebedee): Yes, time for action, and we are quite
anxious to get on with it if the Department of Justice would call us or
indicate to us that they are ready to deal with us, to implement stuff and not
just talk about it.
M. Bélanger: I would like to have a copy of your document.
For a start, I can tell you right away that it is obvious that your community
does not have the access to legal aid as it was, well, as it is stated in the
Québec law. I think it is kind of obvious. Now, we have to see in what
way it is possible to improve the system.
I was looking in your document. You talk about the example in the
Northwest Territories, of three clinics which are presently operating in those
territories.
M. Nungak (Zebedee): For 20 years.
M. Bélanger: For 20 years. Do you have any knowledge about
the fact... Is it well accepted? How is it working? Is it working well?
M. Nungak (Zebedee): Well, we went there about a year and a half
ago, 18 months ago we went there, not only because we are related to them, but
because, in our work, we wanted to take a firsthand look at how it works. Is it
working? It works very well, even though the design of it is quite foreign to
our culture and language.
M. Bélanger: O.K., yes.
(16 h 50)
M. Nungak (Zebedee): Because they have been able to
«aboriginalize» the staff, the training of Inuit people to take
over many positions in that service; for example, court workers, its paralegal
services. Many Inuit are involved in that. It makes the system deliver itself
in a way that is accepted and understood by the people that it serves. And that
is what we saw, how it was so good. We want to emulate that when we finally get
around to having the legal aid service, first of all funded and then
established as a living, breathing, accessible in-the-region service. Because
we have seen how it works and it works very well in the Baffin region.
M. Bélanger: I think it is the federal government which is
paying for those clinics?
M. Nungak (Zebedee): It is the Government of the Northwest
Territories, of whom, I might add, many of its members are Inuit. The trouble
with us is that we do not have any Inuit Members of the National Assembly and
therefore we do not have any currency in the corridors of power, here in
Québec. So, it is very easy to have such services, even essential
services, neglected in our region because we are not properly represented
here.
M. Bélanger: The question I am asking myself is: Would it
be sufficient to put some legal aid permanently on your territories? Would they
be accepted by your communities, and would your communities trust them? Would
they trust them?
M. Nungak (Zebedee): Well, we hunger for that service. People are
anxious to have it established. It is one of the needs, one of the many needs
that was identified by our own people when we went to the communities to
consult with them. We are simply waiting for the funding and the money to
operate. Perhaps M. Monette could add to that.
M. Monette (Jacques): Je suis avocat, je demeure à
Kuujjuaq depuis trois ans et demi, et je peux vous dire que, une fois que la
confiance est établie, ça va très bien, on est très
bien accepté. Il y a un problème de culture évident.
Ça m'a pris six mois avant de commencer à comprendre la
façon dont ces gens-là fonctionnent. Leur langue est
complètement différente de la nôtre. Pour vous donner une
idée, c'est à peu près 10 fois plus difficile que le
Japonais à apprendre. Je comprends des mots, mais je ne parle pas la
langue, même après trois ans. C'est tellement difficile qu'un jour
où j'ai plaidé la coutume devant un tribunal et mon
confrère Serge Ménard est ici... Le fondement même du droit
criminel canadien, c'est la présomption d'innocence, c'est d'être
innocent jusqu'à... Enfin, c'est d'être déclaré
coupable...
Une voix: Au-delà du doute raisonnable.
M. Monette (Jacques): Le doute raisonnable. Ces deux
concepts-là, les mots n'existent pas en inuktitut pour les traduire. On
a du boulot à faire. Ces gens-là ne comprennent pas le
système. La cour arrive, ils repartent, ils en amènent deux, ils
en apportent trois, ils en libèrent quatre... C'est un vrai
casse-tête. Ces gens-là ne comprennent pas le système.
Vous savez, on ne changera pas 3000 ans de tradition orale en 25 ans de
tradition écrite, ce n'est pas vrai. Même moi, je veux dire, je
baisse les deux bras et je dis: Écoutez, on va faire ce qu'on peut
faire. Mais ces gens-là ne comprennent pas le système. On leur
impose un système de droit, que ce soit le droit criminel ou le droit
civil, qui ne correspond absolument à rien, à aucune
réalité au monde inuit. Ces gens-là étaient
là il y a 3000 ans, on est arrivés, et ce n'est pas parce qu'on
est arrivés qu'ils comprennent. Ça s'en vient. C'est une question
encore de une, peut-être deux générations, mais ça
va finir par arriver. Les plus jeunes, d'ailleurs, même à
Povungnituk, la majorité, ou, enfin, plus de la moitié des jeunes
apprennent maintenant le français, ce qui n'était pas le cas
avant, pour des raisons historiques et politiques. Sauf que, si on ne leur
explique pas le
système, ils ne le comprendront jamais, ils vont toujours
être étrangers à ce système-là, et inutile de
vous dire qu'on va ramasser les pots cassés, c'est-à-dire qu'il y
aura toujours cette espèce d'incompréhension qui va s'installer,
cette méfiance qui va s'installer, et, comme je vous dis, on va
récolter ce qu'on va avoir semé, tout simplement. Mais, pour se
faire accepter, il n'y a aucun problème. Une fois que vous êtes
sur le terrain, il n'y a aucune difficulté à se faire
accepter.
M. Bélanger: Me Monette, je pense que vous travaillez
là-bas?
M. Monette (Jacques): Je réside en permanence à
Kuujjuaq.
M. Bélanger: Êtes-vous avocat en pratique
privée à cet endroit?
M. Monette (Jacques): Non. Je travaille pour l'Administration
régionale Kativik. Il n'y a aucun avocat de pratique privée qui
réside sur le territoire.
M. Bélanger: Et, à votre connaissance, un avocat
qui, comme de l'aide juridique, serait là en permanence aurait quel
volume de dossiers environ par année, potentiellement?
M. Monette (Jacques): Je ne peux pas vous donner le nombre de
dossiers. Je ne suis pas impliqué directement dans le nombre de
dossiers. Vous savez, ce n'est pas, souvent, grand-chose.
Je vais vous donner un autre exemple. J'ai un jeune Inuit qui est
né dans un igloo à Povungnituk. Il a deux extraits de naissance,
tout aussi authentique un que l'autre: un, il est né en 1960 et,
l'autre, il est né en 1965. Qu'est-ce que je fais? Avant le Code civil,
avant la réforme du Code civil, il fallait que je fasse une
requête en Cour supérieure à Amos. On n'a pas les 1800 $.
De Kuujjuaq, ça coûte 2500 $, plus à peu près 200 $
par jour pour descendre à Amos. Personne ne peut se payer, à
moins de s'appeler Paul Desmarais enfin, je ne veux pas citer de nom,
là mais, bon sang, à moins d'être excessivement
riche, il n'y a aucun justiciable au Québec qui peut dépenser une
telle somme d'argent.
Le Québec a pris des engagements dans la Convention de la Baie
James. On a pris le territoire, d'une part, mais, je veux dire, il y a aussi
des engagements très fermes qui ont été pris, et,
malheureusement, ça n'a pas été fait. Je pourrais vous en
donner un exemple, en particulier en matière de justice. Je vous signale
que ça a été signé il y a 18 ans. Et il y a une
disposition qui dit: Immédiatement après la signature de cet
accord, on va avoir des centres de détention dans le Grand-Nord.
Ça fait 18 ans et ce n'est pas encore fait. Je ne sais pas ce que a veut
dire «immédiatement après la signature de la
Convention», mais je ne pense pas que ça veuille dire 18 ans. Et
c'est une des demandes ici.
C'est un tout, le système de justice. Le système d'aide
juridique présent sur place va permettre d'expliquer aux gens c'est quoi
le système de justice. Et tant qu'on n'aura pas fait ça, je vous
jure, c'est deux civilisations qui vont s'affronter et on n'obtiendra jamais
rien de bon.
M. Bélanger: Mr. Nungak, someone told me that, prior to
recent cuts, legal aid members were able to visit their clients more often than
they are presently. Is it true?
M. Nungak (Zebedee): I am not aware of that. As I said in my
presentation, legal aid comes with the itinerant court...
M. Bélanger: Always?
M. Nungak (Zebedee): ...not at any other time.
M. Bélanger: Not at any other time?
M. Nungak (Zebedee): Not at any other time, to my knowledge.
M. Bélanger: Do you have knowledge that in other
communities legal aid is coming more frequently?
M. Nungak (Zebedee): No. No, none whatsoever, to my knowledge.
The two lawyers working out of Val-d'Or are burdened with over 800 cases a
year, just in our region. And the sheer distance they have to travel does not
make it economical for them to be travelling around every month, let us say, or
every week, trying to keep up work with their clients. It just simply is not
done.
Now, one last point I want to make, reemphasize with the Minister
especially, is that, yes, we do recognize the need to take a global approach
and try to improve all areas, all different aspects of the justice system and
how they are applied in our region, but that should not be an excuse for
inactivity in an area that we, ourselves, are utterly ready to implement. We
have a corporation in place. I think it is a matter of sitting down with the
Justice Department and agreeing on the terms and conditions of the
provision.
Legal aid, although it is just one cog in the total system, is a very
important one, because for the Inuit it holds the key to other services. It
plays an education role for our people. We will now be able to raise the level
of awareness and educate our people to what their rights are through the
provision of legal aid. And I say to the Minister: We have to start somewhere,
and legal aid provision is one very practical point of departure to launch for
a better service.
Le Président (M. Messier): Thank you. Le temps est
écoulé pour l'Opposition officielle, il leur reste à peine
30 secondes. M. le ministre, juste pour remercier les gens.
M. Lefebvre: Mr. Nungak, you are talking, on page 13 of your
document, about the Services juridiques communautaires de Pointe-Saint-Charles
et Petite Bourgogne. Do you think it will be the right way to do something on
your territory, something like we did at Pointe-Saint-Charles et Petite
Bourgogne? Maybe the question is for Mr. Monette or for you, I do not know. (17
heures)
M. Nungak (Zebedee): Well, we mentioned that, we made a point of
mentioning that, mainly to try to impress on you that what we are asking is not
extraordinary or something strange that has never been done before. We pointed
to that because it is an area of widespread poverty much like ours, but it is
an area in the South. It happens to be in the South, but services are provided
in such an area. Why can't they be provided? Is it because we are too far away?
That is the point we are trying to make. There is a disadvantaged area in
Southern Québec that is getting service, because citizens are citizens
whether they are poor or rich. They just happen to be poor in that region. We
happen to be poor, most of our people, but we are treated as second-class
citizens for reasons that we cannot really pin down. Is it our remoteness? Is
it because we do not speak French? Is it because we are a distinct people
that... We do not think so. We think that once the points that we make in this
presentation are understood, there is really no impediment to understanding
between the Justice Department and us, and it would be just... It would not be
a dragged out, weeks-and-months-on-end negotiation to come to terms with the
conditions that will make it good to implement the service.
M. Lefebvre: M. Nungak, I want to thank you again for your
presentation. It was for you the occasion to talk about the problem of the old
legal system on your territory. And I want you to know that it was very
important for the members of the committee to be informed of your
preoccupation, and you know that you are the only aboriginal representative
before that committee. So, I want to thank you and thank also your colleagues.
Thank you very much, M. Nungak.
Merci beaucoup. Merci beaucoup, messieurs qui accompagnaient M. le
président, et soyez assurés que c'est avec beaucoup d'attention
que nous avons lu le document, beaucoup d'attention également que nous
avons écouté les représentations qui nous ont
été faites aujourd'hui qui font référence à
un problème, comme on l'a dit à plusieurs reprises depuis 16
heures, qui est tout entier, selon la présentation qui nous est faite,
quant à l'administration c'est les représentations qui
nous sont faites l'administration globale du système judiciaire
chez vous, au-delà de tout le problème de l'aide juridique. Je
vous remercie beaucoup.
M. Nungak (Zebedee): Mr. Chairman, I would like to also thank you
and the Minister and all the members of this committee for the opportunity that
we have been given. To the Minister, I say: I hope you are the Minister that
will become famous for taking this issue beyond talk and into action, but
I feel that the reception that we have been given in our presentation is
excellent. The mood, the climate is very positive, and I hope you do not keep
us waiting too long before you tell us you are ready to speak to us to take
this into action and not just mere words. Thank you very much.
Le Prérident (M. Messier): thank you, sir. Et nous
ajournons à demain, 10 heures. Merci.
(Fin de la séance à 17 h 4)