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(Dix heures vingt-deux minutes)
Le Président (M. LeSage): À l'ordre, s'il vous
plaît! Le quorum étant constaté, je déclare la
séance de la commission des institutions ouverte. Je vous rappelle le
mandat de la commission qui est de procéder à une consultation
générale et tenir des auditions publiques sur le régime
d'aide juridique et sur le document intitulé «L'aide juridique au
Québec: une question de choix, une question de moyens».
Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme
Bélanger (Mégantic-Compton) remplace M. Benoit (Orford); M.
Richard (Nicolet-Yamaska) remplace M. Fradet (Vimont); M. Maltais (Saguenay)
remplace M. Parent (Sauvé); M. Ménard (Laval-des-Rapides)
remplace M. Godin (Mercier).
Le Président (M. LeSage): Merci, Mme la secrétaire.
Je vous rappelle l'ordre du jour pour aujourd'hui, qui devait débuter
à 10 heures. Il est maintenant 10 h 23. Alors, on pourra, si le temps le
justifie, poursuivre après-midi s'il y a consentement.
A dix heures, donc, des remarques préliminaires; à 11
heures, nous recevrons les corporations régionales d'aide juridique;
à midi, il y a suspension des travaux; à 14 heures, le Barreau du
Québec; à 15 heures, nous recevrons l'Association des avocats de
la défense de Montréal; à 16 heures, les Services
juridiques communautaires de Pointe-Saint-Charles et Petite Bourgogne; à
17 heures, nous devions recevoir Logement populaire en
Abitibi-Témiscamingue, mais il y a eu désistement. Alors, en
principe, les travaux devraient ajourner à 17 heures. Est-ce que l'ordre
du jour est accepté?
Une voix: Oui.
Le Président (M. LeSage): Pour les remarques
préliminaires, M. le ministre.
Déclarations d'ouverture M. Roger
Lefebvre
M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Je voudrais, dans un
premier temps, vous saluer, saluer les membres de la commission des
institutions, autant les membres de ma formation que ceux de l'Opposition
officielle, et je voudrais, dans un premier temps, si vous le permettez, vous
présenter certaines personnes qui m'accompagnent; à ma droite, M.
le président de la Commission des services juridiques, le tout nouveau
président, Me Pierre Lorrain; vous présenter également Me
Nathalie Gagnon, à ma gauche, qui, à mon cabinet, est responsable
du dossier de l'aide juridique.
Je voudrais, M. le Président, également remercier les
collaborateurs et collaboratrices au ministère qui m'ont guidé
dans ma réflexion préparatoire à cette très
importante commission de consultation. Je veux souligner le travail remarquable
de la Commission des services juridiques, qui offre des services
diversifiés et de qualité, et ce, on le sait, malgré les
contraintes budgétaires difficiles auxquelles elle est
confrontée.
Il me fait plaisir d'être avec vous aujourd'hui, et ce
c'est prévu jusqu'au 17 mars pour procéder à une
consultation générale sur le régime
québécois d'aide juridique. C'est avec grand intérêt
que j'ai pris connaissance des 52 mémoires préparés en vue
de cette commission. C'est avec beaucoup d'attention que j'écouterai les
préoccupations et les recommandations des divers intervenants qui auront
l'occasion de se présenter devant nous au cours des prochains jours.
La démarche que nous entreprenons ensemble, j'en suis convaincu,
constituera un exercice positif, d'abord parce qu'elle me fournira l'occasion
d'établir un premier contact et d'échanger avec bon nombre
d'intervenants que je n'ai pas eu le plaisir de rencontrer depuis mon
entrée en fonction, le 11 janvier dernier; puis parce que et
c'est fondamental cette consultation nous permettra d'acquérir
une meilleure connaissance mutuelle des préoccupations et des positions
de chacun des intervenants. Plusieurs d'entre eux sont des partenaires de
premier plan, impliqués soit au niveau du fonctionnement du
système d'aide juridique, soit à titre de dispensateurs de
services ou comme bénéficiaires.
Notre objectif commun doit être d'évaluer certaines
difficultés que peut connaître le système actuel et
d'identifier ensemble des pistes de solutions durables et des approches qui
répondent le plus adéquatement possible aux besoins et au droit
de l'ensemble de la collectivité d'avoir accès à la
justice en toute équité. S'il est un droit fondamental reconnu
dans notre société, c'est bien celui que toute personne puisse
faire valoir ses droits ou assurer la défense de ses droits, et ce, sans
égard au fait qu'elle soit issue d'un milieu favorisé ou
défavorisé.
Ceci étant dit, il n'en demeure pas moins que l'accès
à la justice implique des dépenses souvent imprévisibles,
qu'il s'agisse d'honoraires professionnels ou de certains frais reliés
à l'administration de la justice. C'est là, M. le
Président et mes chers collègues, où l'instauration d'un
régime d'aide juridique prend tout son sens. Je me rappelle très
bien l'époque où naissait le régime
d'aide juridique sous le gouvernement de Robert Bourassa. Je pratiquais
alors moi-même le droit dans la belle région de l'Amiante. En
effet, à cette époque, conscient des contraintes
financières que pouvaient représenter pour plusieurs les services
d'un avocat et fidèle à ses préoccupations de justice, le
gouvernement libéral innovait en instituant, en 1972, un régime
d'aide juridique. Ce service poursuivait des objectifs bien précis en
établissant des moyens avant-gardistes, basés sur les ressources
dont disposait l'État à ce moment-là.
Au cours des années qui suivirent, les changements intervenus
dans la situation économique et sociale du Québec ont fait en
sorte que les besoins des justiciables se sont modifiés, tout comme
leurs ressources financières. En parallèle, les capacités
financières de l'État se sont considérablement
transformées pour atteindre aujourd'hui un seuil que je peux qualifier,
je pense, de critique. Cependant, il m'apparaît clairement que, en
dépit des mutations socio-économiques, les grands principes qui
avaient incité le gouvernement libéral de l'époque
à mettre sur pied un système d'aide juridique s'avèrent
encore justes aujourd'hui et doivent être maintenus.
On se rappellera qu'en 1972 les objectifs qui avaient motivé
l'action gouvernementale étaient essentiellement les suivants: que les
personnes économiquement faibles soient en mesure d'obtenir les services
d'un avocat; que tous les intervenants au régime d'aide juridique,
à savoir la clientèle, les professionnels du droit, les
facultés de droit et les gouvernements, conjuguent leurs efforts afin
que le système proposé réponde aux besoins réels de
ceux pour qui il a été institué.
On se souvient qu'à l'époque on souhaitait que le
régime soit efficace et compétitif au niveau des coûts, que
les services soient de qualité et, enfin, que les professionnels du
droit continuent de s'impliquer dans les milieux défavorisés. (10
h 30)
M. le Président, le gouvernement libéral avait
marqué un pas important avec la création du régime d'aide
juridique dans les années soixante-dix. En dépit de certaines
imperfections, et sans nier la nécessité de
réévaluer certains aspects du régime, l'efficacilé
et le bon fonctionnement du système d'aide juridique dans son ensemble
confirment encore que nous avons fait les bons choix.
Depuis 1972, des modifications ont été apportées,
principalement en ce qui a trait aux critères d'admissibilité. En
effet, au cours des années qui ont suivi, la Commission des services
juridiques, à qui on avait confié le pouvoir de déterminer
par règlement les critères d'admissibilité, avait
haussé à quelques reprises les seuils d'admissibilité.
Cependant, en 1982, le gouvernement du temps décidait d'abolir le
principe d'indexation automatique des seuils d'admissibilité et
d'adopter un nouveau règlement qui retirait à la Commission des
services juridiques son pouvoir de déterminer les critères
d'admissibilité pour le conférer, à partir de ce
moment-là, au gouvernement.
En 1989, dans un souci d'assurer l'efficacité du système
et conscient que l'évolution constante de notre société
peut nécessiter certains ajustements, le gouvernement libéral a
jugé opportun de créer un groupe de travail sur
l'accessibilité de la justice. Ce comité, présidé
par Me Roderick Macdonald, avait alors d'abord pour mandat d'identifier les
divers moyens qui pourraient être mis en oeuvre, avec ou sans
l'intervention du gouvernement, afin de permettre également à la
classe moyenne d'avoir accès à des services juridiques, de faire
le bilan du programme québécois d'aide juridique afin
d'identifier les forces et les faiblesses pour ensuite déterminer s'il y
avait lieu d'y apporter des correctifs. Ce groupe de travail avait
également comme mandat de formuler des recommandations susceptibles de
bonifier le système.
Le rapport du groupe de travail présidé par M. le juge
Macdonald fut remis au ministre de la Justice au mois d'août 1991.
Subséquemment, la démarche gouvernementale qui s'imposait en
matière de justice ne pouvait s'effectuer sans obtenir un consensus
auprès des intervenants impliqués. C'est d'ailleurs la raison qui
a motivé la tenue du Sommet de la Justice en février 1992. Lors
de ce Sommet, le ministre de la Justice a soumis une hypothèse de
travail faisant état des modifications qui pourraient être
apportées au régime en vue d'assurer l'accessibilité
à la justice aux plus démunis de notre société tout
en étant équitable envers les autres citoyens et citoyennes.
Cette hypothèse, qui portait principalement sur les critères
d'admissibilité à l'aide juridique, permettait aux
différents intervenants de prendre connaissance d'une solution que
pourrait envisager le gouvernement après l'étude des nombreuses
propositions qui lui avaient été soumises, notamment par le
groupe de travail Macdonald et par les participants aux ateliers qui se sont
déroulés lors des travaux préparatoires au Sommet de la
Justice.
Au terme de ce Sommet, le ministre de la Justice s'est engagé
à poursuivre ces consultations. Ces dernières consultations ont
alors fait ressortir l'importance de s'interroger non seulement sur les seuils
d'admissibilité, mais également sur les différents aspects
du régime d'aide juridique que l'on connaît présentement au
Québec. Dans ce contexte, en juin 1993, le ministre Rémillard a
déposé un document de travail sur l'aide juridique
intitulé «L'aide juridique au Québec: une question de
choix, une question de moyens». Ce document reflète l'état
de la situation du réseau et rapporte, notamment par le biais de
plusieurs questions, les préoccupations des différents
intervenants concernés.
Cet outil de consultation a très certainement facilité
notre réflexion collective en vue du déroulement des travaux de
la présente commission. L'un des principaux constats émis dans ce
document est que le régime québécois d'aide juridique
offre la couverture de services la plus étendue au Canada. De plus,
lorsqu'on se réfère à un indicateur de richesse collective
tel le produit intérieur brut les ressources financières que le
Québec affecte à l'aide juridique sont supérieures aux
ressources consenties par la majorité des provinces canadiennes.
Voilà un constat très positif que nous devons
déjà dégager de ce dossier. À cet égard, le
Québec affiche un bulletin de première classe qui fait l'envie de
bon nombre de Canadiens depuis longtemps, et ce, malgré l'état de
nos finances publiques.
D'ailleurs, à ce sujet, je partage les propos que mon
prédécesseur tenait dans le document de consultation
«L'aide juridique au Québec: une question de choix, une question
de moyens» à l'effet que notre démarche doit être
empreinte de réalisme et que toute révision du programme actuel
d'aide juridique ne pourra se faire qu'à la lumière de la
problématique actuelle des finances publiques. Toutefois, je tiens
à rassurer tous ceux et celles qui, au cours des prochains jours, seront
entendus par les membres de cette commission. J'entends déployer tous
les efforts nécessaires pour faire en sorte que la Commission des
services juridiques puisse disposer d'un budget suffisant qui lui permette de
continuer à offrir des services de qualité à sa
clientèle.
Devant ces réalités, je m'interroge et je vous invite,
mesdames et messieurs de la commission, à faire avec moi cette
réflexion: Comment maximiser les ressources importantes que le
gouvernement consacre déjà à l'aide juridique? Certains
aspects de notre régime d'aide juridique devraient-ils être remis
en question? Devrait-on offrir également l'aide juridique aux gens de la
classe moyenne? Doit-on envisager une contribution financière des
bénéficiaires de l'aide juridique? Peut-on encore compter sur
l'implication des professionnels auprès des personnes les plus
démunies? Serait-il possible et souhaitable d'impliquer davantage les
compagnies d'assurances qui pourraient offrir des services ou qui offrent
déjà des services d'aide juridique? Ce sont là
quelques-unes des questions que je me pose et qui feront certainement l'objet
de discussions au cours de nos travaux.
Je suis confiant que cette consultation nous aidera à trouver
ensemble des réponses à nos questions et que nous parviendrons
à identifier des solutions appropriées pour faciliter un meilleur
accès à la justice pour les plus démunis de notre
société comme pour les citoyens et citoyennes à revenu
moyen tout en ne perdant pas de vue la capacité de payer de
l'État.
Si nous voulons atteindre notre idéal, il nous faudra agir de
concert. Bien sûr, nous sommes conscients des besoins des
clientèles, mais nous devons également reconnaître que le
gouvernement ne peut agir seul. Dans un contexte où les structures
sociales, économiques et politiques connaissent d'importantes mutations,
dans un contexte de rationalisation des dépenses et de saine gestion,
l'enjeu des prochaines années, à mon avis, fait appel à la
collaboration et à la responsabilisation des Québécois et
des Québécoises.
M. le Président, nous entreprenons ce matin une démarche
extrêmement importante qui suscitera des commentaires, des
réflexions en vue d'actualiser notre système d'aide juridique,
système, et je me répète, dont l'excellence est
déjà reconnue.
Le caractère démocratique d'une société se
traduit par des efforts consacrés à l'organisation de son
système judiciaire. À cet égard, je me réjouis de
constater que la population québécoise tire déjà
profit de nombreuses réalisations de notre gouvernement en
matière de services et d'accès à la justice. Notre
système d'aide juridique est une de ces réalisations. Les travaux
que nous entreprenons ce matin visent essentiellement à évaluer
ensemble comment on peut rendre ce système d'accès à la
justice encore meilleur et plus efficace. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le ministre. Je
cède maintenant la parole à la représentante de
l'Opposition officielle, porte-parole de l'Opposition officielle, Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Jocelyne Caron
Mme Caron: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup de
plaisir que je vous salue. Je salue le ministre et les membres de la commission
des institutions. (10 h 40)
Je suis accompagnée, à ma droite, de Me France
Thériault, recherchiste pour l'Opposition officielle en matière
de justice, d'aide juridique et de lois professionnelles. J'aimerais
également, M. le Président, vous dire que mes collègues,
le député d'Anjou, porte-parole en matière de justice, M.
Pierre Bélanger, qui est ici à la commission, ainsi que M.
Francis Dufour, député de Jonquière, porte-parole de
l'Opposition officielle en matière de travail et de
sécurité publique, auxquels se joindront au cours de nos travaux
le nouveau député de Laval-des-Rapides élu en
décembre dernier, M. Serge Ménard ainsi que la
députée de Chutes-de-la-Chaudière, Mme Denise
Carrier-Perreault, porte-parole en matière de condition féminine
et de politique familiale...
M. le Président, à titre de porte-parole de l'Opposition
officielle pour l'aide juridique, j'aimerais remercier dès maintenant
toutes les personnes qui se sont déplacées et qui se
déplaceront pour participer aux audiences dans le cadre de la commission
parlementaire sur le régime d'aide juridique et qui, j'en suis certaine,
par leurs commentaires et leurs recommandations, feront progresser nos
travaux.
Je désire aussi remercier tous ceux et celles qui ont soumis des
mémoires, mais qui, malheureusement, pour une raison ou une autre, ne
pourront être présents pour nous en divulguer le contenu. Je peux
les assurer que nous tiendrons compte de leurs représentations
écrites puisque nous avons déjà pris connaissance de
l'ensemble des mémoires.
Je dois cependant déplorer grandement l'absence de mémoire
de la Commission des services juridiques. Ce mutisme est pour le moins
inacceptable compte tenu de l'autonomie de la Commission des services
juridiques, autonomie qu'elle doit conserver de par la loi, autonomie qui
s'allie difficilement avec le rôle qu'elle s'apprête à jouer
auprès du ministre de la Justice au cours de ces audiences. Il aurait
été extrêmement important de questionner la Commission,
particulièrement sur
la gestion de notre système d'aide juridique. La tenue de cette
commission parlementaire, M. le Président, devrait nous fournir une fois
de plus l'occasion de dresser le bilan du système d'aide juridique, d'en
établir les forces et les faiblesses, et ce, afin de procéder,
sur cette base et de façon judicieuse, à l'élaboration
d'une réforme.
Je tiens à souligner, M. le Président, que le ministre
aura désormais tout en main à la fin des audiences pour retourner
et s'attabler à sa table de travail et donner naissance à une
réforme digne de ce nom. Aucun faux-fuyant ne pourra plus être
invoqué pour se désister de la responsabilité de poser des
actions positives et concrètes en rapport avec ce dossier.
Tout au long de ces audiences, j'entends bien tenter, à prime
abord, de faire ressortir l'intérêt des citoyens et des citoyennes
pour faire en sorte, dans la mesure du possible, qu'à la fin des
audiences ils puissent à nouveau espérer connaître une
meilleure accessibilité à l'aide juridique, et, en
conséquence, ce sera un pas de plus dans la bonne direction pour
atteindre l'objectif plus général d'une meilleure
accessibilité à la justice... que d'élaborer la
réforme de ce système pour le rendre plus accessible, mais aussi
plus efficace, et ce, dans le but de retrouver au Québec un
système d'aide juridique qui réponde aux défis de
l'avenir. M. le Président, il s'agit globalement de l'objectif premier
à atteindre en ce qui concerne ma formation politique.
D'entrée de jeu, j'aimerais souligner que, bien que je demeure
convaincue de la qualité des mémoires soumis dans le cadre de
cette commission parlementaire par les divers intervenants et intervenantes et
des échanges qui s'ensuivront, je me retrouve malgré tout dans un
état de scepticisme face aux résultats qui devraient
découler de la tenue de cette commission parlementaire. En effet,
j'attends bien peu d'actions concrètes immédiates de la part du
ministère de la Justice et de son gouvernement parce que ce dossier n'a
jamais été à l'ordre du jour des priorités
gouvernementales libérales, et ce, pendant ses huit années,
bientôt neuf, au pouvoir. En effet, le laxisme et les nombreux reports
qui ont jalonné le cheminement de ce dossier dans les officines
gouvernementales témoignent malheureusement en faveur de cette
conclusion.
En effet, M. le Président, la tenue de la présente
commission parlementaire qui a été reportée
à deux reprises, il faut le signaler s'inscrit dans la suite
logique de la remise au ministre de la Justice du rapport du groupe de travail
Macdonald sur l'accessibilité à la justice en juin 1991.
Brièvement, je me permets de rappeler le contexte entourant la formation
de ce groupe de travail.
On se souvient que le ministre de la Justice de l'époque, M. Gil
Rémillard, avait procédé à la mise sur pied de ce
groupe de travail sous la présidence de M. Macdonald le 6 juillet 1989.
M. le Président, le mandat de ce groupe de travail consistait
principalement à élaborer différents moyens afin de rendre
l'administration de la justice plus accessible à tous les citoyens et
citoyennes du Québec. En conséquence, dans un premier temps, il
devait identifier les moyens permettant d'abattre les barrières
actuelles à l'accessibilité à la justice et, à cet
égard, évaluer l'opportunité de développer des
modes alternatifs au système traditionnel de justice.
Dans un deuxième temps, les membres du groupe de travail devaient
faire le bilan du programme d'aide juridique afin d'en identifier les forces et
les faiblesses, vérifier si le programme, dans sa forme actuelle,
permettait au gouvernement d'atteindre les objectifs fixés lors de sa
mise en place et, le cas échéant, déterminer les
correctifs qu'il y aurait lieu d'apporter.
Enfin, le groupe de travail devait déterminer les divers moyens
qui pouvaient être élaborés, avec ou sans intervention du
gouvernement, dans le but de permettre aussi aux personnes à revenu
moyen d'avoir accès à des services juridiques. À ce
moment, dans le contexte où s'exprimait et se cristallisait une
préoccupation générale de plus en plus forte en faveur
d'une meilleure accessibilité à la justice pour les citoyens et
les citoyennes et où se manifestait également un
intérêt accru à l'endroit des modes alternatifs de
résolution des conflits, il devenait impératif de poser des
gestes concrets dénotant la volonté de faire quelque chose.
À la fin des années quatre-vingt, on prenait conscience
que les initiatives progressistes mises en place à l'aube des
années soixante-dix étaient devenues sujettes à des
critiques sévères, bref, qu'elles ne répondaient plus
aussi bien que prévu au défi d'assurer une meilleure
accessibilité à la justice.
M. le Président, il y a belle lurette que l'on parle de crise de
la justice québécoise. Depuis des années, le besoin
pressant se fait sentir d'une mise à jour qui garantit aux citoyens et
citoyennes que non seulement justice est rendue en tout et partout, mais que
telle est la perception populaire. On se rend compte que c'est loin
d'être le cas. Scepticisme et cynisme dominent. Bien des propositions et
suggestions ont été faites pour renverser cette tendance
inquiétante.
Par exemple, M. le Président, en septembre 1987,
déjà le député péquiste Claude Filion, alors
porte-parole de l'Opposition en matière de justice, réclamait un
solide coup de barre pour établir un minimum de confiance. C'est
à ce moment qu'il a avancé l'idée des états
généraux du droit, reprise par le ministre Rémillard avec
la tenue du Sommet de la Justice en février 1992, soit cinq ans plus
tard.
M. le Président, quant au système d'aide juridique, le
groupe de travail Macdonald a mentionné dans son rapport qu'il
méritait globalement un jugement favorable. Voici d'ailleurs la citation
prise à l'intérieur de sa conclusion:
«L'admissibilité à l'aide juridique selon les
critères actuels s'éloigne diamétralement d'un discours
axé sur l'accessibilité à la justice. Outre cette pierre
d'achoppement, le constat général qui se dégage est un
état de santé satisfaisant du programme d'aide
juridique.»
Cependant, le rapport déposé par la firme Raymond, Chabot
et associés le printemps dernier soulève plusieurs lacunes sur le
plan de la gestion, lacunes
pouvant, il faut le préciser, se corriger sans modifier la loi
actuelle, uniquement en améliorant l'efficacité et la
productivité de notre système tel qu'il est dans sa
structure.
Bien qu'ayant alors tout en main pour présenter une
réforme du régime d'aide juridique, le ministre Rémillard
s'est dérobé à un débat public en commission
parlementaire qu'il avait d'ailleurs promis pour l'automne 1991, notamment sur
les moyens d'assurer une plus grande accessibilité à la justice
aux citoyens et citoyennes à revenu moyen. Pourtant, le ministre de la
Justice aurait pu dès ce moment faire adopter des mesures simples et
efficaces qui faisaient depuis longtemps l'unanimité en matière
d'accessibilité à la justice et que le groupe de travail
Macdonald avait réitérées, telles la hausse des seuils
d'admissibilité et leur indexation automatique annuelle.
L'application des mesures proposées par le groupe de travail
Macdonald fut retardée jusqu'à la tenue du Sommet de la Justice,
comme plusieurs mesures ont elles aussi été mises sur la glace en
attendant sa tenue. En effet, le ministre désirait que soit soumis aux
délibérations du Sommet de la Justice le contenu de ce rapport au
même titre que les rapports Guérin, Jasmin et Ouellette qui
commençaient à prendre sérieusement de la
poussière. Déjà, à l'époque de la tenue du
Sommet, le ministre avait tous les outils en main depuis des mois pour passer
à l'action. Seulement, M. le Président, on se rend compte
aujourd'hui que le fait de vouloir associer dans le cadre d'un sommet tous les
intervenants dans une démarche publique n'était malheureusement
qu'un autre prétexte du ministre pour retarder la mise en place de
plusieurs mesures.
Force m'est de constater que tel est le cas puisque, à cette
occasion, les mêmes constats, plusieurs fois établis auparavant,
ont été répétés par tous les participants,
tels la révision des seuils d'admissibilité, leur indexation, la
correction de la façon de traiter l'admissibilité. Pourtant, ces
mesures, M. le Président, simples et efficaces étaient
prêtes. En conséquence, rien ne justifiait leur report.
Le Sommet aurait plutôt dû servir à l'aboutissement
de propositions préalablement et largement discutées et non de
colloque permettant au ministre d'amorcer des discussions
réchauffées. Il n'aurait pas dû non plus être le
prétexte pour retarder, une fois de plus, la mise en place des mesures.
Bref, depuis la mise sur pied du groupe de travail sur l'accessibilité
à la justice, le gouvernement n'a cessé de se dérober,
démontrant son manque de volonté politique à
résoudre le problème criant d'une plus grande
accessibilité à l'aide juridique. Tout ce que contribuent
à faire les retards gouvernementaux, c'est d'accentuer les inadmissibles
problèmes d'accessibilité et de créer de graves
injustices. De plus, guidées par des impératifs
électoraux, les probabilités sont fortes qu'on relègue
encore une fois aux calendes grecques les ajustements nécessaires
à l'élaboration de la réforme d'aide juridique. (10 h
50)
Le coût du régime d'aide juridique est le principe majeur
qui sous-tend tout le contenu du document du ministre de la Justice. Le titre
même du document oriente clairement la discussion: «L'Aide
juridique au Québec: une question de choix, une question de
moyens». L'ensemble du questionnement et les diverses propositions sont
constamment axés sur ce seul principe. Pour nous, les audiences sur le
régime d'aide juridique au Québec doivent nous permettre de
répondre à la question fondamentale de l'accessibilité
à la justice. Une société démocratique doit reposer
sur le principe fondamental de la justice qui n'a de sens que si cette justice
est accessible. C'est un droit fondamental. Le gouvernement
légifère à un rythme accéléré, et
l'on fait miroiter une kyrielle de droits aux citoyens et citoyennes, mais,
dans les faits, peut-on constater une véritable égalité de
tous les citoyens et toutes les citoyennes pour faire valoir ces droits? Les
coûts reliés à notre système de justice
créent trois catégories de citoyens et citoyennes devant la loi:
une infime partie de la population encore eligible au régime d'aide
juridique, une petite partie de la population ayant les moyens de s'offrir les
services des professionnels et, au centre, la très grande
majorité de la population, qui connaît ses droits, mais qui
demeure incapable de les exercer faute de moyens financiers.
Un autre principe prioritaire doit guider notre action et c'est celui de
la déjudiciarisation. Le pourcentage toujours croissant des causes en
matière matrimoniale et familiale 27 % dans les dossiers d'aide
juridique mérite que le gouvernement facilite le règlement
des litiges plutôt que de favoriser une structure
«judiciarisante». La conciliation, la médiation familiale et
la perception automatique des pensions alimentaires doivent alléger le
système de justice, mais également favoriser de meilleures
relations entre les personnes impliquées.
Il est bon, en ce début de commission, M. le Président, de
revenir aux objectifs et aux facteurs à l'origine de la création
de la Loi sur l'aide juridique. C'est pour pallier aux insuffisances des
services d'assistance judiciaire offerts dans les années cinquante que
le gouvernement a décidé d'offrir ces services, afin de pallier
au manque de ressources humaines et financières. C'est donc le 7 juillet
1972 que l'Assemblée nationale a adopté la Loi sur l'aide
juridique à l'origine du système tel que nous le connaissons
aujourd'hui. Je me permettrai uniquement de rappeler très
brièvement les cinq objectifs: des avocats spécialisés
dans le droit de la pauvreté; un effort conjoint des secteurs
intéressés; un système efficace et compétitif au
niveau des coûts; des services de qualité et, enfin, l'implication
des professionnels au milieu des défavorisés.
Depuis l'étude et l'adoption de cette loi, la Loi sur l'aide
juridique n'a pas été modifiée de façon majeure, et
ce, bien que la réalité juridique et le contexte social aient
beaucoup évolué au cours des dernières décennies.
Cela fait déjà plusieurs années que l'on constate
l'insuffisance du régime d'aide juridique et, de
manière particulière, son incapacité à
répondre aux attentes actuelles, surtout en regard de son
accessibilité économique.
Malgré certains manques au niveau de la gestion et, plus
spécifiquement, pour le recouvrement des montants dus, il semble que le
réseau d'aide juridique a su continuer à respecter les objectifs
définis lors de l'élaboration de la loi, en 1972. M. le
Président, les principales caractéristiques du régime sont
présentées comme étant ses plus grandes forces, soit: le
libre choix du bénéficiaire; l'étendue des services
couverts; l'accessibilité territoriale des services offerts et
l'engagement communautaire du personnel du réseau.
En ce sens, il ne semble pas, à prime abord, qu'un bouleversement
de la structure et du mode de fonctionnement de l'aide juridique apparaisse
requis ni même souhaitable. Par contre, il faut souligner que les
principes du libre choix et de l'accessibilité territoriale existent peu
en ce qui a trait aux services offerts par les notaires. En effet, le maintien
du tarif des services des notaires au taux de 1977 lié à
l'absence de notaires permanents ne garantit pas, dans les faits, l'application
de principes de liberté de choix et d'accessibilité
territoriale.
J'ajouterais que l'on se doit de déterminer de nouveaux moyens de
financement pour élargir l'assiette de l'admissibilité à
l'aide juridique sans réformer de manière significative le reste
du système. Sinon, il y a fort à parier que nous
échouerons dans notre tentative fort louable de vouloir assurer
l'accessibilité à l'aide juridique aux citoyens et citoyennes
dont les revenus sont au-dessus des seuils d'admissibilité actuels.
M. le Président, la détérioration de la situation
du régime juridique est prévisible depuis un certain temps
déjà. En effet, les signes précurseurs de la crise du
financement auxquels le programme d'aide juridique se trouve confronté
ont été, depuis maintes années, identifiés et
décriés par tous les intervenants du réseau. Le
défi auquel nous avons à faire face actuellement consiste
à corriger huit années de laxisme et à proposer les choix
qu'a refusé de faire le gouvernement par manque de volonté
politique et par les refus consécutifs essuyés par l'ex-ministre
de la Justice auprès de l'actuel premier ministre, M. Daniel Johnson,
alors président du Conseil du trésor. nous aurons beau discourir
sur la promotion et la protection des droits ainsi que sur les grands principes
d'égalité devant la loi, ce ne sont, en fait, que des paroles
creuses lorsqu'une partie importante de la population ne peut faire valoir ses
droits. l'accessibilité à la justice et l'accessibilité
à l'aide juridique ont été passablement
dénaturées sous le règne des libéraux. pendant que
le gouvernement, en juin 1991, procédait à l'indexation
rétroactive, au 1er janvier 1986, des tarifs judiciaires ainsi que des
amendes pour des augmentations respectives de 24,3 % et de 21,4 %, les seuils
d'admissibilité à l'aide juridique, quant à eux, faisaient
office de parent pauvre.
La notion de «personne économiquement défavo-
risée» à la base de l'adoption de la loi de 1972 a perdu
depuis longtemps de son sens au détriment d'une partie importante de la
population. Le barème québécois d'admissibilité
à l'aide juridique est l'un des moins élevés au Canada. Le
seuil d'admissibilité pour une personne seule est fixé à
170 $ de revenu brut par semaine. Quant aux familles, le revenu admissible se
limite à 230 $ pour un couple avec un enfant.
On se rappelle, M. le Président, que les critères
établis en 1972 lors de la création du régime faisaient en
sorte que les bénéficiaires de l'aide sociale, ceux qui
touchaient le salaire minimum et ceux qui recevaient les prestations de la
sécurité de la vieillesse étaient admissibles à
l'aide juridique. En 1992-1993, les personnes recevant l'aide sociale,
l'assurance-chômage et les sans-revenu ainsi que les non-résidents
et les réfugiés ont constitué la très grande
majorité de la clientèle admise, soit plus de 80 %. Durant cette
année, 334 876 dossiers ont été traités par le
régime, soit une augmentation de 2 % par rapport à 1991-1992.
Peut-on encore accepter qu'un travailleur ou une travailleuse au salaire
minimum tout comme un retraité ayant pour seul revenu sa pension de
vieillesse se voient refuser l'accessibilité à la justice?
On rapporte également, dans les mémoires soumis, que le
niveau actuel des seuils est tel qu'il compromet même l'accès
à la justice pour une partie de la clientèle recevant l'aide
sociale. En effet, sans les dispositions de la Loi sur l'aide juridique, en
1992-1993, 18 000 prestataires de la sécurité du revenu se
seraient vu refuser l'admissibilité au régime parce que le
montant de leurs prestations est supérieur aux critères
d'admissibilité.
M. le Président, nous devrons aussi trouver des moyens pour
rendre admissible une clientèle accrue. J'énumère
rapidement les moyens qui nous seront présentés dans les
différents mémoires: hausse, évidemment, du seuil
d'admissibilité; échelle progressive des seuils
d'admissibilité; formule de crédit d'impôt; enfin,
régime de protection d'assurance de frais juridiques ou de services
juridiques préacquittés.
Les services juridiques préacquittés, M. le
Président, originent des États-Unis et ont été
implantés dans les années soixante. Globalement, ces services
couvrent une gamme de services prévus à l'avance sous forme de
menu. Ainsi, le participant aura droit à un certain nombre de services
et à un certain nombre d'heures de services à coût
réduit. Le Barreau a également fait une recherche
extrêmement importante concernant les assurances juridiques, et nous les
questionnerons largement lorsque nous les entendrons cet après-midi sur
cette possibilité qui pourrait ouvrir davantage à la classe
à revenu moyen.
Pour ce qui est de l'étendue de la couverture de l'aide
juridique, dès l'institution du système d'aide juridique
québécois, ce dernier couvrait les services en matières
notariale, criminelle, civile et administrative. Le Québec est encore
aujourd'hui la seule province qui garantit l'aide juridique aux
bénéficiaires, quel que soit le type de service requis.
Les chiffres produits par la Commission des services juridiques dans son
21e rapport annuel indiquent que, pour l'année 1992-1993, les dossiers
en matières criminelle et pénale ont totalisé 44,1 %. Pour
ce qui est des matières civile et matrimoniale, le nombre de dossiers
représentait respectivement 28,1 % et 27 %, selon les données
disponibles pour ce type de dossier, soit celles de 1991-1992. Quant aux
services juridiques de nature notariale, et pour les raisons que nous avons
déjà énoncées, ils n'ont représenté
que 2,5 % des dossiers. (11 heures)
On constate qu'environ une dizaine de types de dossiers constituent
à eux seuls près de 50 % du total des dossiers admis dont le
coût s'élève à 31 200 000 $, soit 43,6 % du
coût total des services rendus par les avocats.
Concernant la tarification, M. le Président, on sait que le
modèle en vigueur au Québec est établi en fonction de taux
fixes pour chaque étape de la procédure. Il semble que la
tarification selon ce modèle, particulièrement en matière
criminelle, cause des problèmes d'abus de procédures afin que les
avocats puissent bénéficier de revenus supérieurs.
Également, en matière matrimoniale, il arrive fréquemment
que les avocats multiplient des procédures non nécessaires comme,
par exemple, de procéder préalablement à la
séparation de corps et au divorce afin de maximiser les honoraires.
Toute la problématique que vit maintenant le réseau d'aide
juridique pourrait connaître une orientation différente
relativement aux coupures sans précédent de 10 000 000 $ requises
du réseau pour les années 1992-1993 et 1993-1994 qui
représentent 10 % du budget de fonctionnement et imposées, on se
le rappelle, par le président du Conseil du trésor de
l'époque, nul autre que le premier ministre actuel. M. le
Président, nous aurons à nous interroger puisque, en effet,
l'arrêt Brydges que la Cour suprême a rendu en 1990 avait, somme
toute, statué que l'aide juridique devait comprendre un service de garde
téléphonique obligatoire 24 heures sur 24 pour que les personnes
arrêtées aient accès rapidement à des conseils
juridiques, que cela faisait partie du droit à l'assistance d'un avocat,
droit reconnu par la Charte.
En fait, lorsqu'un accusé s'inquiète de ce que son droit
à l'assistance d'un avocat dépend de sa capacité de payer,
les policiers ont l'obligation de l'informer de l'existence de l'aide juridique
et d'avocats de garde ainsi que de la possibilité d'y recourir. Cette
obligation imposée aux policiers est conforme à l'article 10b de
la Charte. Alors, il se trouve que les coupures pourraient avoir mis en
péril ce droit reconnu par la Cour suprême puisque, en 1992, tous
les services de garde téléphonique, à l'exception de ceux
de Montréal et de l'Estrie, ont été suspendus. Cela
pourrait, à la limite, être illégal dans la situation
où l'on ferait la preuve qu'une telle suppression de services ne se
justifie pas dans le cadre d'une société libre et
démocratique, selon le texte prévu par l'article 1 de la Charte
des droits.
Également, et je concluerai sur cet aspect, M. le
Président, la Cour suprême aura à se prononcer et à
déterminer, au cours de l'année 1994, si le droit à l'aide
juridique est un droit constitutionnel. Cela pourrait avoir de lourdes
conséquences et influer grandement sur l'élaboration d'une
réforme de l'aide juridique que nous souhaitons le plus rapidement
possible. Merci, M. le Président.
Le Président (M. LeSage): Merci, Mme la
députée de Terrebonne.
Est-ce qu'il y a d'autres membres de cette commission qui
désirent faire des déclarations d'ouverture ou des remarques
préliminaires? M. le député de Chapleau.
M. John J. Kehoe
M. Kehoe: Merci, M. le Président. Comme mes
collègues, j'aimerais prendre juste quelques minutes pour souhaiter la
bienvenue et féliciter tous les intervenants qui sont venus ici
aujourd'hui et qui viendront dans les trois prochaines semaines pour
présenter leur mémoire. Le temps et l'effort qu'ils ont mis
à préparer ces mémoires sont bien évidents dans la
qualité qu'on voit dans chacun. En effet, à voir le nombre
il y en a plus de 50 et la qualité de ces mémoires qui ont
été soumis aux membres de cette commission, on reconnaît
là un intérêt marqué et une grande
considération envers les personnes les plus démunies de notre
société. Plusieurs de ces mémoires ont été
préparés par des partenaires de premier plan dans
l'administration de la justice. Je pense, entre autres, aux corporations
régionales, aux avocats salariés de l'aide juridique, aux
associations d'avocats de pratique privée, aux corporations
professionnelles des avocats et des notaires.
D'autre part, je trouve bénéfique la présence de
porte-parole provenant de milieux aussi diversifiés que les organismes
publics comme le Conseil du statut de la femme et le Protecteur du citoyen, les
groupes sociaux représentant notamment les communautés
culturelles, les familles, les autochtones et les associations
préoccupées par des questions spécifiques telles que
l'environnement, le chômage, l'immigration, le logement, la santé
mentale, car cela permettra, à mon avis, une représentation juste
des préoccupations, des besoins et des valeurs composant la
société québécoise.
M. le Président, à l'instar de mon collègue, le
ministre de la Justice, je souhaite que l'exercice de consultation et de
réflexion que nous amorçons aujourd'hui soit des plus
enrichissants et empreint de réalisme quant aux propositions de
solutions qui émergeront de nos échanges.
Bien entendu, je n'apprends rien à personne en disant que le
Québec vit des moments difficiles au point de vue des ressources
financières dont il dispose. Il n'en demeure pas moins qu'il est de
notre devoir à tous de tenir compte de cette réalité dans
les choix que nous aurons à faire et dans les gestes que nous
poserons.
Chacun et chacune doivent se sentir interpellés par l'effort de
rationalisation des dépenses et de saine gestion des deniers publics. Le
Québec possède un système d'aide juridique performant. En
plus d'être un des moins coûteux au Canada, il est celui qui offre
la plus grande couverture de services. Nous avons la chance, M. le
Président, de travailler à l'amélioration d'un
régime d'aide juridique qui, dans son ensemble, fonctionne
déjà très bien.
Nous avons toutes et tous à coeur le bien-être de nos
citoyens et citoyennes, particulièrement ceux et celles qui sont dans le
besoin. C'est donc avec optimisme et réalisme que nous entrevoyons
l'issue de cette commission parlementaire à laquelle je participe avec
beaucoup d'intérêt. Merci, M. le Président.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le
député de Chapleau. Est-ce qu'il y a d'autres membres de cette
commission qui veulent s'exprimer? M. le député de l'Acadie.
M. Y van Bordeleau
M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Je veux souhaiter la
bienvenue aux personnes qui vont venir aujourd'hui nous présenter des
mémoires. Il me fait plaisir de prendre la parole ce matin, alors que la
commission des institutions entreprend une importante démarche de
consultation sur l'aide juridique.
Durant près de trois semaines, nous aurons le privilège
d'échanger très largement autour de la question de l'aide
juridique, ce que nous avons fait, ce qui pourrait être fait et avec
quelles ressources. Dans ce contexte, c'est avec une seule question que nous
allons cheminer. Quels moyens l'État doit-il déployer pour
soutenir la reconnaissance des droits des justiciables? De quelle
manière, en somme, par le biais de l'aide juridique, le système
doit-il appuyer Mme X ou M. Y dans un débat judiciaire ou quasi
judiciaire lorsque ce dernier a retenu le besoin d'assistance de ce
justiciable?
Nous pourrions dire que l'abondance des lois crée
simultanément l'abondance des droits. La multiplication des
règles qui gouvernent nos rapports nous place devant un nombre imposant
de recours, eux-mêmes confiés aux décisions de dizaines de
tribunaux, régies et commissions.
Le raffinement de nos lois et de notre structure sociale nous a conduits
collectivement à nous questionner sur la réalité du
citoyen justiciable dans ses démarches individuelles devant la justice.
Comme législateurs élus et représentants des concitoyens
québécois, nous avons un devoir incontournable. Nous devons en
effet mesurer, M. le Président, toute l'importance d'une
réalité que nos préoccupations quotidiennes nous portent
parfois à oublier. Invariablement, c'est le même citoyen qui
soutient toute la construction de sa société, de ses institutions
et des services qu'elle dispense.
Très brièvement, je demande donc à la commission et
à tous ses invités de cheminer avec cette ques- tion. Dans son
échelle de valeurs, quelle place notre société
donne-t-elle à la démarche d'un individu devant un tribunal par
rapport aux attentes, par exemple, dans les secteurs de l'éducation, des
services de garde, de la santé, de la culture, du soutien à
l'emploi?
Pour le Québec, il y a là des enjeux, des droits sociaux
et collectifs majeurs sur lesquels nous devons réfléchir. Je me
dis que cette importante préoccupation ne doit pas nous quitter.
Cependant, je souligne également que nous devons aborder cette
démarche de réflexion avec réalisme. Aussi, je crois que
notre réflexion doit permettre d'innover, d'aborder de nouveaux
horizons. Nous devons aller au-delà des schémas conventionnels de
la longueur des conflits qui perdurent devant les cours de justice, des
démarches individuelles qui se confrontent à l'aridité des
débats judiciaires pour nous tourner, par exemple, vers la
déjudiciarisation. Peut-être faudrait-il songer à une
implication accrue des professionnels du droit, qui pourraient davantage
réfléchir sur une certaine solidarité sociale ou sur la
responsabilisation des individus qui pourraient assumer le paiement des
déboursés juridiques et judiciaires par le biais de plans
d'assurance privés. (11 h 10)
Pour conclure, je voudrais donc que nos travaux placent non seulement le
soutien à l'aide juridique au coeur de toutes nos séances, mais
j'estimerais également essentielle notre volonté de pousser la
réflexion sur la nature des droits que nous souhaitons prioriser dans la
hiérarchie de nos valeurs communes afin d'atteindre, pour le plus grand
bien de tous, un meilleur équilibre dans notre responsabilisation
collective et individuelle. Alors, je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le
député de l'Acadie. M. le député d'Anjou.
M. Pierre Bélanger
M. Bélanger: Merci, M. le Président. À mon
tour, j'aimerais souhaiter la bienvenue aux gens qui sont présents
aujourd'hui pour assister aux travaux de notre commission et aux gens, aussi,
qui présenteront des rapports, des mémoires devant cette
commission.
Le premier dossier, M. le Président, qui m'avait
été confié à titre de porte-parole de l'Opposition
officielle avait été celui de l'aide juridique, en 1992. J'avais
assisté, à ce moment-là, au Sommet de la Justice
québécois qui avait, on le sait, suscité beaucoup d'espoir
dans les différents milieux de la justice. J'avais pu, à ce
moment-là, assister à l'improvisation faite par le ministre de la
Justice relativement au dossier de l'aide juridique. Il avait
présenté un rapport qui avait pris tous les intervenants par
surprise, sans annonce, et ça avait eu le mérite, à ce
moment-là, de faire l'unanimité quant au rejet de ce rapport qui
avait été présenté devant les différents
intervenants. Alors, ce rapport, au début, nous avait été
présenté comme étant un projet de réforme,
après ça, un simple document de consultation, et,
après ça, on n'en a presque plus entendu parler.
Alors, M. le Président, par la suite, suite à ce Sommet de
la Justice, j'ai posé de nombreuses questions au ministre de la Justice
pour savoir quelles seraient les réalisations, les conséquences
concrètes de ce fameux Sommet de la Justice, tout en faisant bien
comprendre au ministre que, souvent, en créant des attentes, si ces
attentes ne sont pas comblées, on peut créer parfois plus de tort
que de bien.
Finalement, nous avons eu la confirmation de la tenue de cette
commission parlementaire qui, malheureusement, a été
retardée à plusieurs reprises. Et, entretemps, je dois le
constater, M. le Président, de nombreuses décisions ont
été prises, qui affectent immédiatement
immédiatement la qualité des services qui sont
dispensés par notre réseau d'aide juridique. Et je dois le
condamner, M. le Président. Je pense en particulier à l'abolition
du système permanent, au niveau des avocats qui étaient
affectés à l'immigration à Montréal. On a aboli ce
système, un système qui était respecté par tous les
différents intervenants qui travaillaient auprès des
réfugiés politiques, et on l'a abandonné, on l'a
complètement éliminé, ce réseau-là. Donc, on
a pris des décisions alors que les consultations n'étaient pas
encore commencées. Ça affecte immédiatement la
qualité des services offerts dans certains domaines, et je pense qu'on
doit le constater, M. le Président.
J'espère que cette commission ne sera pas un exercice futile
d'échanges, malgré que des échanges, ce n'est jamais
futile en soi, mais il faut absolument que ces échanges
débouchent sur une activité concrète de la part du
ministre de la Justice dans ce dossier qui est préoccupant et qui est,
je crois, pressant, M. le Président.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le
député d'Anjou. J'invite maintenant les représentants de
la corporation régionale d'aide juridique à prendre place
à la table des témoins.
Alors, je demande à la représentante ou au
représentant de bien vouloir s'identifier et présenter
également les personnes qui l'accompagnent, et je vous demanderais de le
faire de gauche à droite.
Auditions Corporations régionales d'aide
juridique
Mme Guérin (Moïsette): M. le Président de la
commission parlementaire, M. le ministre...
Le Président (M. LeSage): Madame, si vous le permettez,
j'aimerais que vous vous identifiiez et que vous présentiez
également les personnes qui vous accompagnent aux membres de la
commission:
Une voix: C'est ce que madame va faire à l'instant.
Le Président (M. LeSage): Merci.
Mme Guérin (Moïsette): M. Gilles Trahan, ici,
à ma droite. Il est directeur du courtage dans une compagnie
d'assurance-vie et il préside le conseil d'administration de l'aide
juridique de la corporation régionale de l'Outaouais. À ma
gauche, Me Benoit Moulin. Il est avocat en pratique privée de
Paspébiac et il est président du conseil d'administration de la
corporation d'aide juridique du Bas-Saint-LaurentGaspésie.
À ma droite, Me Robert Forest, qui est avocat permanent à
l'assistance judiciaire et à l'aide juridique depuis 1969 et directeur
général de la corporation d'aide juridique de Montréal
depuis 1975. À ma gauche, au bout, Me Jean-Marie Larivière. Il a
été avocat permanent à l'aide juridique de 1973 à
1977. Il est maintenant en pratique privée et il agit comme conseiller
juridique des corporations régionales d'aide juridique.
Le Président (M. LeSage): Merci, Mme Guérin. Si je
comprends bien, vous êtes...
Mme Guérin (Moïsette): Quant à celle qui vous
parle, je me nomme Moïsette Guérin. Je dois vous dire qu'à
un moment plus difficile de ma vie j'ai été
bénéficiaire de l'aide juridique de Montréal, et c'est
à titre d'ancienne bénéficiaire que j'ai accepté le
mandat d'être membre du conseil d'administration de la corporation d'aide
juridique de Montréal. Les membres de ce conseil d'administration m'ont
fait l'honneur de m'élire présidente au mois de mai de l'an
passé.
Le Président (M. LeSage): Merci, Mme Guérin.
J'aimerais vous rappeler que vous avez 20 minutes pour présenter votre
mémoire et que les députés ministériels auront
également 20 minutes pour échanger avec vous, de même que
les députés de l'Opposition. Alors, nous vous écoutons
religieusement.
Mme Guérin (Moïsette): Ceux qui ont pris connaissance
de notre mémoire ont pu remarquer qu'il s'agissait du mémoire de
10 des 11 corporations régionales d'aide juridique. Je suis heureuse de
vous dire que, depuis cette publication, la Commission des services juridiques,
en réunion des commissaires, et le conseil d'administration de la
corporation d'aide juridique des Laurentides-Lanaudière ont souscrit
sans réserve au mémoire des 10 autres corporations d'aide
juridique.
Qu'il nous soit permis, d'abord, de vous dire qui sont les membres du
conseil d'administration des corporations régionales que nous
représentons. Nous formons un groupe de 132 personnes venant de tous les
coins du Québec, des grands centres comme Montréal et
Québec et de régions éloignées comme les
Îles-de-la-Madeleine et Port-Cartier, sur la Côte-Nord, ou
Senneterre, en Abitibi. Nous avons tous cependant une chose en commun, nous
sommes tous des administrateurs bénévoles, et seul notre
désir d'aider à la collectivité
québécoise
nous a motivés d'accepter le mandat de participer à la
gestion de la chose publique et, plus particulièrement, de l'aide
juridique.
Nos membres proviennent de tous les milieux de la société
québécoise. De par la loi, un tiers d'entre eux viennent de la
profession légale, avocats et notaires, les autres membres viennent du
monde des affaires sociales, de la santé ou de l'éducation, des
groupes communautaires ou sans but lucratif, d'anciens
bénéficiaires de l'aide juridique, des comités culturels,
de la PME, de la grande entreprise, des institutions financières telles
les banques, les caisses populaires ou les assurances.
À titre d'administrateurs bénévoles de l'aide
juridique, nous avons cru de notre devoir de livrer publiquement aux
parlementaires et à la population en général le
résultat de nos observations fondé sur une expérience de
quelque 20 ans au service des défavorisés et des démunis
de notre société.
Mais, avant de ce faire, qu'il nous soit permis de vous faire part
immédiatement d'un fait nouveau très important. Comme nous le
mentionnions dans notre mémoire, beaucoup de rapports de provenance
québécoise ont rendu un jugement très favorable au
réseau d'aide juridique québécois. Qu'il me suffise de
rappeler le sondage du Devoir, en 1989, le groupe de travail Macdonald,
en 1991, le Sommet de la Justice, en 1992, le rapport de la firme Raymond
Chabot, Martin, Paré, en 1992. (11 h 20)
Mais voilà qu'en décembre 1993, il y a à peine deux
mois, l'ensemble du Canada reconnaît l'excellence du système
québécois. En effet, il est pertinent de savoir, dans le
présent contexte, que le gouvernement du Canada et celui des 10
provinces canadiennes ont fait faire une étude complète de l'aide
juridique et de ses coûts sur l'ensemble du territoire canadien. Cette
tâche fut confiée à un comité ad hoc et
appelée «Examen national de l'aide juridique». Ce
comité était formé des représentants des
sous-ministres de la Justice du Canada des 10 provinces du territoire
canadien. En décembre 1993, il produisait un rapport final de plus de
300 pages. Ce dernier n'a pas encore reçu de publication. L'une des
conclusions de ce mémoire se lit comme suit: Le comité national
recommande que les gouvernements adoptent des systèmes rentables de
grande qualité pour l'administration de l'aide juridique. D'après
les preuves disponibles, nous concluons que le régime, qui comporte une
grande proportion d'avocats permanents, est le mode de prestation des services
d'aide juridique le plus susceptible de répondre au double
critère de l'efficacité et de la qualité
supérieures.
L'appendice B de ce rapport s'intitule «Prévisions des
coûts de l'aide juridique». Pour votre information, nous nous
permettons de vous en citer trois courts extraits: La province de Québec
semble par ailleurs avoir les services les plus efficaces parmi les grandes
provinces et dans des coûts moyens par dossier... plus faibles que ceux
auxquels on pourrait s'attendre considérant sa taille. L'analyse
historique a aussi permis de conclure que le coût par dossier diminuait
au fur et à mesure que la proportion d'affaires traitées par les
avocats permanents augmentait et que les autres dossiers étaient
distribués de façon plus équilibrée entre les
membres privés du Barreau qui acceptent les affaires d'aide juridique.
La province de Québec a déjà l'expérience de la
planification et elle peut fournir une aide raisonnable à
l'élaboration d'outils de planification à l'échelle
nationale.
Cette parenthèse importante étant dite, qu'il nous soit
permis maintenant de vous entretenir des facteurs qui ont permis de tels
résultats.
M. Trahan (Gilles): Tout d'abord, la structure du réseau
et son autonomie. La structure mise en place lors de la création du
réseau d'aide juridique, en 1972, offre la caractéristique
essentielle d'assurer l'indépendance et l'autonomie, face au
gouvernement, des organismes qui l'administrent et des avocats qui rendent les
services juridiques aux bénéficiaires.
La Commission des services juridiques et les corporations d'aide
juridique forment une structure décentralisée et à double
palier. Le législateur a voulu ainsi assurer l'équilibre entre le
pouvoir de l'État quant aux nécessaires contrôles de la
gestion des deniers publics et, d'autre part, la protection des
bénéficiaires à l'égard des services qui leur sont
fournis par les corporations régionales et les avocats à leur
emploi.
Nous ne croyons pas qu'une modification du fonctionnement structurel du
système d'aide juridique aurait pour effet d'en diminuer le coût.
Bien au contraire, les coûts comparatifs des divers régimes
canadiens démontrent hors de tout doute que le régime
québécois offre la meilleure performance au moindre coût.
Nous en parlerons plus loin dans une étude des coûts
comparatifs.
Pour l'instant, nous aimerions énoncer immédiatement que
toutes les études tant canadiennes qu'américaines
considèrent essentielle l'autonomie de tout régime d'aide
juridique face à l'État. Le mandat que nous confie la loi
l'exige. Pensons ici aux avocats qui, en matière criminelle, assurent la
défense des bénéficiaires face au substitut du Procureur
général ou qui, en matière de droit administratif,
engagent des poursuites contre les organismes étatiques.
Il nous paraît donc essentiel à la survie d'un
régime valable d'aide juridique de conserver cette autonomie en
maintenant intacte notre structure actuelle. Les récentes études
effectuées ici même, au Québec, à la demande du
ministre de la Justice, l'ont d'ailleurs confirmé. Et, permettez-moi de
citer le rapport Macdonald, qui dit, entre autres: «La structure et
l'organisation du régime apparaissent adéquates et
présentent bien des avantages.» Et, un peu plus loin: «Nous
nous sommes placés à l'écoute du milieu pour
réaliser cette partie de notre mandat afin de présenter des
recommandations qui répondent aux besoins les plus urgents. Un
bouleversement de la structure ou du mode du fonctionnement actuel n'est pas
apparu comme requis ni même souhaitable.»
D'ailleurs, le rapport RCMP en parle également et il cite,
à la fin: «II n'est requis aucune modification au cadre
légal et réglementaire actuel.»
Parlons maintenant de la gestion financière. En vertu de
l'article 32 de la Loi sur l'aide juridique, ce sont les corporations
régionales qui ont le mandat spécifique de fournir les services
aux économiquement défavorisés. La très grande
autonomie que leur accorde la loi ne les a pas empêchés d'avoir
une gestion serrée des deniers publics. Au contraire, cette structure
régionale et décentralisée a favorisé une gestion
efficace et efficiente.
L'examen des états financiers pour l'ensemble des 10 corporations
régionales révèle un surplus d'opération totalisant
5 658 856 $ pour les six exercices financiers de 1986-1987 à
1991-1992.
Malgré de sévères compressions budgétaires
en 1992-1993, les corporations régionales n'ont accusé aucun
déficit pour ce dernier exercice financier. Cette gestion serrée
des deniers publics résulte en grande partie de l'emploi de
méthodes administratives généralement recommandées
par le secteur privé. pour obtenir un rendement efficace et une
productivité soutenue à des coûts qui soient favorablement
comparables à tout autre système d'aide juridique, les
corporations régionales ont eu recours à plusieurs moyens dont:
un contrôle très strict des dépenses budgétaires;
une politique d'affectation des fonds selon laquelle le plus d'argent possible
est attribué aux services juridiques et le moins possible à
l'administration; l'application d'un ratio très bas d'espaces locatifs
qui fait que, pour l'ensemble des corporations régionales, moins de 10 %
de la superficie totale de l'espace occupé par les bureaux d'aide
juridique est consacré à des fins administratives et plus de 90 %
aux services à la clientèle; une politique d'attribution des
tâches exclusivement administratives à un minimum d'avocats-cadres
pour qu'un maximum de personnel professionnel soit affecté aux services
à la clientèle, soit 96 % en 1992-1993; un contrôle
rigoureux des coûts locatifs amenant une dépense annuelle moyenne
par employé inférieure à celle qu'on retrouve en
général dans l'appareil gouvernemental; l'instauration d'une
politique salariale au mérite basée sur la productivité;
l'observance scrupuleuse des directives de la commission des services
juridiques concernant, entre autres, les effectifs autorisés dans le
cadre des budgets alloués.
Qu'il nous soit permis maintenant de parler de la prestation des
services. Si nous pouvons affirmer que les corporations régionales ont
réussi à rendre le système efficace et compétitif
au niveau des coûts grâce à une gestion serrée des
budgets de fonctionnement, il ne faudrait surtout pas passer sous silence la
prestation des services à la clientèle qui fut toujours une
préoccupation constante pour les conseils d'administration et les
directeurs généraux de l'aide juridique. Notre objectif fut
toujours de donner le plus de services possible à la clientèle
tout en maintenant un haut standard de qualité.
Pour garantir cet objectif, les corporations régionales se sont
donné de nombreux outils: une politique contrôlée de
productivité respectant ce que les Américains qualifient de
«workable case load»; des cours de perfectionnement; les
publications de services de recherche, des journées d'études et
un congrès annuel.
Ces outils ont contribué à donner à nos avocats un
niveau élevé de compétence qui ne fait aucun doute, comme
l'attestent les divers témoignages d'appréciation exprimés
dans l'ensemble de la société québécoise et
canadienne; entre autres, par les autorités civiles ou judiciaires; par
les différents ministres de la Justice; par les consoeurs et les
confrères de la pratique du droit et, plus particulièrement, par
la clientèle de l'aide juridique. (11 h 30)
Cette qualité des services ne fut pas caractérisée,
comme il arrive souvent, par une réduction de productivité. Les
pages 31 et suivantes de notre mémoire démontrent que, à
chaque fois que les corporations d'aide juridique ont obtenu des avocats
supplémentaires, le résultat ne fut pas de diminuer la charge de
travail des avocats permanents de l'aide juridique, mais bien de donner des
services à un plus grand nombre de bénéficiaires.
L'injection insuffisante, surtout ces dernières années, de
nouveaux postes d'avocats permanents explique en grande partie l'augmentation
des mandats aux avocats du secteur privé.
En 1973-1974, le réseau d'aide juridique répondait
à 86 816 demandes acceptées d'aide juridique. En 1992-1993, ce
nombre passait à 301 351 demandes acceptées, et chaque avocat
permanent du réseau s'occupait en moyenne d'un peu plus de 435 cas,
annuellement. En 20 ans d'existence, le réseau d'aide juridique avait
répondu positivement à plus de 4 000 000 de demandes d'aide
juridique, ce qui faisait dire au groupe de travail Macdonald, dans ses
conclusions: Le constat général qui se dégage est un
état de santé satisfaisant du programme d'aide juridique. Les
avocats à l'emploi du réseau ainsi que les notaires et avocats en
pratique privée ne sont pas étrangers à ce diagnostic en
raison des services considérables qu'ils rendent à la
population.
En tant qu'administrateurs bénévoles, nous pouvons dire
avec fierté que les corporations régionales ont atteint les
objectifs énoncés par le ministre de la Justice en 1972
relativement à la prestation des services et à leur
qualité, de même qu'à l'efficacité de la gestion au
niveau des coûts et budgets. Les avocats permanents de l'aide juridique,
malgré leur nombre relativement peu élevé,
répondent à plus de 50 % des demandes d'aide juridique. D'autre
part, leur participation au régime ne se limite pas seulement au droit
curatif et traditionnel. Répondant aux objectifs fixés en 1972,
ils sont devenus des avocats spécialisés dans le droit de la
pauvreté. Notre mémoire comprend une annexe d'une centaine de
pages décrivant plus particulièrement leurs activités
communautaires.
M. Moulin (Benoit): Comme annoncé tantôt...
Le Président (M. LeSage): Si vous le permettez, pour les
fins d'identification des intervenants, j'aimerais vous faire remarquer que le
dernier intervenant est
Gilles Trahan. Et je cède maintenant la parole à Me
Moulin. C'est bien ça?
M. Moulin (Benoit): C'est bien ça, M. le
Président.
Le Président (M. LeSage): La parole est à vous, M.
Moulin.
M. Moulin (Benoit): Alors, comme annoncé tantôt,
disons maintenant quelques mots sur les coûts comparatifs. Le document
ministériel montre que le coût par demande d'aide juridique
acceptée est de 352 $ au Québec alors qu'il est de 682 $, soit
près du double, dans les provinces canadiennes autres que l'Ontario et
le Québec, et de 1040 $ en Ontario. Sous un autre angle, on observe que,
par tranche de 10 000 $ investis au Québec dans l'aide juridique, il se
traite 28,4 dossiers; dans les autres provinces, il s'en traite moitié
moins, soit 14,7, et 9,6, seulement, en Ontario. Le coût moyen par
dossier traité le plus élevé au Canada, soit plus de 1000
$, se retrouve dans les deux provinces où le régime d'aide
juridique est le plus centralisé, soient l'Ontario et la
Colombie-Britannique.
Un examen sommaire des régimes d'aide juridique démontre
que le régime québécois est un de ceux où la plus
grande partie de chaque dollar dépensé est investie dans les
services professionnels directs à la clientèle par opposition aux
frais d'administration du régime. Nous croyons que la présence du
monde des affaires et des avocats du secteur privé sur les conseils
d'administration a su insuffler aux corporations régionales d'aide
juridique une philosophie de rentabilité. Par ailleurs, la
présence des groupes communautaires et du milieu des affaires sociales a
pour sa part favorisé et encouragé l'implication de l'aide
juridique et de ses avocats au milieu des économiquement
défavorisés.
Forts de notre expérience et conscients évidemment des
limites financières de l'État, nous vous soumettons bien
humblement les conclusions suivantes. Les objectifs que le législateur
s'était fixés lors de l'adoption de la Loi sur l'aide juridique
ont été atteints. Notre régime se compare très
avantageusement aux autres régimes d'aide juridique au Canada en termes
de coût, d'efficacité, d'efficience et de couverture. Le grand
défaut du système québécois est le nombre trop
restreint de personnes qui y ont accès.
Comme administrateurs des corporations régionales d'aide
juridique, nous sommes convaincus qu'il est impossible d'augmenter le nombre de
personnes admissibles à l'aide juridique sans réduire la
couverture ou augmenter le budget. Nous sommes conscients du fait que
l'état des finances publiques ne permet pas d'espérer l'injection
de deniers publics additionnels. Nous sommes aussi conscients de la condition
socio-économique des personnes actuellement admissibles à l'aide
juridique, qui sont les plus démunies de notre société, et
nous ne pouvons recommander de leur enlever des services pour en donner
à d'autres qui sont un peu moins démunis.
En conséquence, nous recommandons: 1° de corriger l'anomalie
soulignée dans notre mémoire au niveau de la
réciprocité avec l'Ontario; 2° d'intervenir auprès du
ministre de la sécurité du revenu afin que la politique actuelle
de ce ministère soit modifiée au niveau de l'exigence d'exercer
des recours alimentaires futiles; 3° de rendre possible la tarification des
frais d'experts aux fins du régime d'aide juridique; 4° d'inviter le
Barreau du Québec à examiner l'opportunité de mettre au
point un régime privé de services juridiques à tarif
réduit pour les personnes dont les revenus sont supérieurs au
seuil d'admissibilité actuel sans être supérieurs à
80 % du maximum des gains admissibles aux fins du Régime de rentes du
Québec; 5° d'inciter les assureurs québécois à
développer et à rendre accessible à la classe moyenne un
contrat d'assurance frais juridiques.
En dernier lieu...
Le Président (M. LeSage): M. Moulin, si vous le
permettez...
M. Moulin (Benoit): Je conclus, M. le Président. Le
Président (M. LeSage): Allez-y.
M. Moulin (Benoit): Alors, en dernier lieu, qu'il nous soit
permis de rappeler que, au Sommet de la Justice tenu en 1992, un consensus fut
atteint au sujet de l'aide juridique. À l'unanimité des
intervenants, y compris le Barreau du Québec et la Chambre des notaires,
représentés alors par le bâtonnier, Me Jean Paquet, et le
président, Me Jacques Taschereau, ce consensus fut le suivant: il n'est
pas question d'étendre les services de l'aide juridique à la
classe moyenne si, pour ce faire, il faut réduire ceux accordés
aux économiquement défavorisés. On ne corrige pas une
injustice par une autre.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. LeSage): Alors, merci. Je cède
maintenant la parole à M. le ministre.
M. Lefebvre: Je veux saluer les représentants des
corporations régionales d'aide juridique. Madame et messieurs, je vous
souhaite la plus cordiale bienvenue à l'Assemblée nationale,
à vous et à tous ceux et celles qui vous suivront d'ici le 17
mars. Je veux vous remercier particulièrement, et je m'adresse aux
administrateurs bénévoles, comme vous l'avez indiqué tout
à l'heure, aux administrateurs bénévoles du système
d'aide juridique au Québec. Je veux vous remercier au nom de tous les
bénéficiaires qui profitent directement de votre implication
gratuite dans le régime d'aide juridique. Vous êtes, quant
à moi, extrêmement représentatifs de ce qu'est le
Québec quant à son système d'aide juridique, et vous avez
d'ailleurs soumis un mémoire qui fait très bien le tour de la
question et vous avez, à tour de rôle,
je pense, bien cerné l'ensemble de l'activité du
système d'aide juridique au Québec.
Je retiens essentiellement de votre mémoire et de vos
commentaires que vous nous avez livrés depuis une vingtaine de minutes
que la gestion du régime d'aide juridique, depuis toujours, elle est
bonne, que les objectifs que le gouvernement avait identifiés en 1972
sont encore ceux qui, aujourd'hui, sont respectés par notre
système d'aide juridique. Autrement dit, on n'a pas dévié
de notre route depuis plus ou moins 20 ans. C'est toujours ces mêmes
objectifs qui sont aujourd'hui respectés par le régime d'aide
juridique.
Je voudrais cependant vous poser certaines questions face à des
suggestions qui apparaissent dans votre mémoire, suggestions qui sont
faites dans le but, évidemment, d'améliorer le système et
de donner de meilleurs services à des bénéficiaires qui,
aujourd'hui, profitent du système et également à d'autres
citoyens et citoyennes du Québec qui pourraient, selon vous, profiter du
système d'aide juridique. (11 h 40)
Vous dites, à la page 21 de votre mémoire, et je ne sais
pas si je dois m'adresser à Mme Guérin, à Me Trahan ou
à Me Moulin vous déciderez, là, lequel d'entre vous
est le mieux préparé pour répondre à la question
vous suggérez, à la page 21 de votre mémoire,
d'augmenter le seuil d'admissibilité et je dois vous indiquer
tout de suite, évidemment, vous savez très bien que vous
n'êtes pas le seul organisme qui suggère d'augmenter le seuil
d'admissibilité. J'aimerais cependant que vous me précisiez,
parce que ça n'apparaît pas dans votre mémoire ni, non
plus, dans le commentaire que vous nous avez fait, quelle est la suggestion
très concrète que vous nous faites d'augmenter le seuil
d'admissibilité. Jusqu'à quel niveau? J'aimerais, dans un premier
temps, si c'est possible, que vous me fassiez vos commentaires sur cette
question-là.
Mme Guérin (Moïsette): Me Larivière peut
répondre à cette question.
M. Lefebvre: Oui, madame. Merci.
M. Larivière (Jean-Marie): Très bien. Alors, M. le
ministre, M. le Président...
M. Lefebvre: Oui, Me Larivière, je vous écoute.
Le Président (M. LeSage): Me Larivière.
M. Larivière (Jean-Marie): Oui. Alors, la suggestion que
nous avions tous en tête quand nous avons préparé le
mémoire, c'était effectivement de rendre l'admissibilité
comparable à ce qu'elle était au début du régime,
en 1972, et en utilisant le paramètre du MGA comme le fait le document
de réflexion du ministre.
M. Lefebvre: Maximum des gains admissibles.
M. Larivière (Jean-Marie): Pardon? Oui, c'est ça.
Donc, recréer la couverture comparable à celle qui existait en
1972, c'est le but avoué, là, des administrateurs de l'aide
juridique.
M. Lefebvre: ça, si on se comprend bien, et je ne sais pas
si on peut s'entendre sur... ça pourrait représenter plus ou
moins, là, 80 %...
M. Larivière (Jean-Marie): C'est ça.
M. Lefebvre: ...du maximum des gains admissibles.
M. Larivière (Jean-Marie): C'est ça. Mais on
réalise en même temps que c'est une somme d'argent
considérable que ça suppose, de faire ça.
M. Lefebvre: Somme d'argent que, j'imagine, vous n'avez pas
évaluée, là. Vous savez que c'est considérable,
mais vous ne savez pas de combien de millions on parle, là.
M. Larivière (Jean-Marie): Écoutez, je pense
qu'à l'oeil on doit certainement penser à 25 000 000 $.
M. Lefebvre: À peu près. Vous avez indiqué
aussi... Je pense que c'est M. Trahan, tout à l'heure, qui a
indiqué qu'à l'occasion des compressions de 1992, de façon
générale, les corporations n'ont pas été gravement
affectées dans leur mission quotidienne.
Le Président (M. LeSage): M. Trahan.
M. Trahan (Gilles): Sauf, peut-être, M. le ministre, dans
les services. Ce qui est arrivé, c'est que les
bénéficiaires ont eu des délais plus longs avant
d'être servis, qui ont parfois été jusqu'à quatre ou
cinq semaines, dans certains cas, et ça a créé des
attentes presque inacceptables. Quand une personne s'attend d'avoir une
défense, elle ne veut pas attendre cinq semaines avant d'avoir un
rendez-vous. Ça peut être vraiment désastreux à
plusieurs reprises. Je pense que, plus particulièrement à
Montréal, ça a créé aussi des problèmes
très spécifiques, et je pense que Me Forest pourrait vous en
parler plus.
M. Lefebvre: Merci, M. Trahan. Oui, maître.
M. Forest (Robert): Oui. Les compressions, M. le ministre, M. le
Président...
Le Président (M. LeSage): M. Forest.
M. Forest (Robert): ...en 1992 ont fait un tort
considérable au réseau d'aide juridique en ce sens que nous avons
dû fermer la division d'immigration. Et nous
avons dû, en plus, dans un bureau comme l'aide juridique de
Montréal, qui comprend 120 avocats, fermer la division d'appel qui
permet aux gens d'aller en appel sur les questions de Charte des droits et
libertés.
Les mesures retenues par le Conseil du trésor à cette
époque-là ont fait en sorte qu'il a éliminé du
système d'aide juridique, dans certaines matières, le libre
choix. Parce que ce qui fait la force du système
québécois, c'est qu'il y a des permanents et qu'il y a des
avocats de la pratique privée. Les compressions budgétaires de
1992 ont fait en sorte que la permanence est complètement
éliminée de tout le domaine de l'immigration, qui n'est rendu
maintenant que par les avocats de la pratique privée.
M. Lefebvre: Alors, vous faites, si je comprends bien, allusion
à une situation qu'on vit d'abord et avant tout à
Montréal.
M. Forest (Robert): Oui, mais c'était le seul endroit.
L'immigration ne se fait pas ailleurs.
M. Lefebvre: Oui, c'est ça. Je suis d'accord avec
vous.
M. Forest (Robert): Et ça représente 11000 demandes
d'aide juridique par année.
M. Lefebvre: Est-ce que vous avez fait une évaluation de
votre proposition, là, quant à l'amélioration du seuil
d'admissibilité, de l'évaluation d'un volet contributoire... vous
apparaît, quant à vous, que ça ne serait pas souhaitable?
Mais est-ce que, de façon générale, vous avez fait un
parallèle entre vos suggestions et ce qui est soumis également
par le Barreau du Québec? Me Larivière.
M. Larivière (Jean-Marie): Oui.
Le Président (M. LeSage): M. Larivière.
M. Larivière (Jean-Marie): Merci. C'est parce que,
là, je pense qu'il y a deux questions. Est-ce que vous nous demandez de
faire le parallèle, M. le ministre, entre nos positions dans le
mémoire et celles du Barreau du Québec ou si vous limitez
ça à la question d'un volet contributoire?
M. Lefebvre: C'est-à-dire, quant à la suggestion
que vous faites pour ce qui est de l'augmentation ou de l'amélioration
du seuil d'admissibilité...
M. Larivière (Jean-Marie): Oui.
M. Lefebvre: ...le plan Barreau comme tel, l'implication des
compagnies d'assurances quant à des services juridiques.
M. Larivière (Jean-Marie): Bon. O.K.
M. Lefebvre: Je vous demande si vous avez évalué la
position du Barreau en regard de la vôtre ou de vos suggestions.
M. Larivière (Jean-Marie): Je pense, et c'est vraiment par
hasard, que nos deux positions sont très proches. On situe trois niveaux
au système d'aide juridique proposé: le niveau actuel pour les
personnes entièrement admissibles; ensuite, nous, on suggère,
pour les personnes qui sont entre 60 % et 80 % du MGA, un système
purement volontaire mis sur pied par le Barreau du Québec, où le
Barreau demande à ses avocats membres qui accepteraient de le faire de
travailler à un tarif inférieur au tarif du marché pour le
compte de ces personnes-là, et le Barreau ferait une certaine
publicité de ce système volontaire qu'il met en place. On a
été agréablement surpris de voir que dans le
mémoire du Barreau il y a un même mécanisme pour les
mêmes personnes. Donc, là-dessus, je pense qu'on est, en tout cas,
de philosophies très proches. et, finalement, le troisième volet,
qui est celui de l'assurance. il n'y a malheureusement pas, à notre
avis, actuellement au québec, de compagnies qui offrent une couverture
vraiment intéressante. il y a des compagnies qui offrent un produit
d'assurance frais juridiques, mais, à notre avis,
particulièrement en matière criminelle, c'est un produit qui est
très insatisfaisant parce que très partiel. je pense savoir que,
encore à ce jour, pour qu'une personne bénéficie de
l'assurance frais juridiques en matière criminelle, il faut qu'elle soit
acquittée. or, on sait très bien que, dans 95 % des causes au
québec, il n'y a pas d'acquittement; il y a des plaidoyers de
culpabilité. mais il faut que les frais juridiques soient couverts quand
même.
Donc, on invite de façon pressante les compagnies d'assurances
privées, parce qu'on a quand même un secteur de l'assurance
très fort au Québec, à s'intéresser à ce
secteur d'activité qui est l'assurance frais juridiques. Et,
là-dessus aussi, le Barreau, comme nous, va dans cette direction.
M. Lefebvre: Merci, Me Larivière. Alors, je vais laisser
évidemment mes collègues de l'Opposition et également mes
propres collègues poser leurs questions.
Le Président (M. LeSage): Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, Mme
Guérin, Me Forest, Me Moulin, Me Trahan et Me Larivière, nous
sommes très heureux de vous accueillir, d'autant plus que, vu qu'il n'y
a pas de mémoire de la Commission des services juridiques, vous
êtes nos intervenants privilégiés pour nous parler de cette
structure qu'on a, qu'on retrouve partout en région. Je me permets
simplement de rappeler à nouveau qu'il est un petit peu surprenant que
nous n'ayons pas de mémoire de la Commission des services juridiques,
d'autant plus et vous le rappelez dans votre propre mémoire
que
l'article 22 de la Loi sur l'aide juridique énonce, parmi les
devoirs de la Commission des services juridiques, de favoriser la poursuite
d'études et d'enquêtes et l'établissement de statistiques
de manière à planifier l'évolution du système
d'aide juridique. Alors, je pense que c'était le meilleur moment pour
entendre la Commission des services juridiques sur ce dossier capital.
Je suis très heureuse aussi d'apprendre que la région
Laurentides-Lanaudière s'est ajoutée à votre voix,
d'autant plus que c'est une région que je connais très bien. Et
je veux vous féliciter pour la qualité du travail du
mémoire. Je pense que vous avez bien démontré et
c'est M. Trahan qui le disait tantôt que le mandat, vous l'avez
rempli et que les avocats permanents sont des avocats spécialisés
dans le droit de la pauvreté et que leur implication dans le milieu
communautaire, il est extrêmement important.
J'ai aussi beaucoup d'admiration pour le travail qui est accompli par
ces avocats permanents compte tenu du nombre de dossiers qu'ils ont à
traiter, et c'est assez important. Je vis dans une région où la
population est extrêmement nombreuse, et le nombre de permanents est
extrêmement limité. Je pense que vous avez bien
démontré aussi, dans votre document, que, lorsqu'il y a ajout
d'avocats permanents, ce n'est pas pour diminuer le nombre de dossiers. C'est
vraiment pour pouvoir offrir davantage de services, et ça n'amène
pas, là, une augmentation des dossiers du côté des avocats
privés. (11 h 50)
Vous avez aussi clairement démontré, je pense, que le
système de nos avocats permanents nous permet de bien évaluer les
coûts. Ça nous permet d'avoir un contrôle bien précis
sur les coûts de notre système. Vous avez aussi rappelé
à juste titre qu'il n'y a eu aucun déficit de la part des
corporations régionales.
Je souhaiterais vous entendre particulièrement sur deux points.
Ensuite, je demanderai à mon collègue d'Anjou d'enchaîner.
Vous avez sûrement pris connaissance du rapport qui avait
été commandé par le ministre de la Justice, qui a
été déposé au printemps dernier, le rapport de la
firme Raymond, Chabot, Martin, Paré et qui faisait certaines
recommandations. On était clair, dans les conclusions de ce
rapport-là, à l'effet qu'il n'y avait pas besoin de modifier la
loi actuelle pour faire ces modifications. Et on recommandait une série
de modifications pour la pratique de gestion uniquement pour assurer une
meilleure efficacité, bien qu'elle le soit, pour avoir une
efficacité encore plus grande au niveau des corporations, mais aussi au
niveau de la Commission des services juridiques, parce que ça aurait
été intéressant de la questionner aussi sur
l'administration et la gestion de la Commission elle-même, et non
seulement d'entendre les corporations.
Les recommandations qui sont contenues dans ce rapport, est-ce que vous
les partagez et est-ce que vous pensez qu'il y a des économies à
faire au niveau de la gestion?
M. Forest (Robert): Si vous me permet- tez Robert Forest
tout d'abord, je ne veux pas répondre au nom de la Commission des
services juridiques, mais je dois dire que l'administration a changé,
à la Commission des services juridiques, qu'il existait une
résolution des commissaires... qu'ils allaient se prononcer une fois les
mémoires connus, publiés. Je dois répéter que,
à la dernière réunion des commissaires, les commissaires
ont pris pour position, à la demande du vice-président le
président, le nouveau président n'étant pas encore en
fonction d'entériner le mémoire des corporations, et
ça devient la position de la Commission des services juridiques. Mais,
comme vous dites, je ne peux pas répondre à la place de la
Commission des services juridiques.
Quant aux conclusions du rapport RCMP, elles sont en voie de se
réaliser, mais dans le cadre de l'opération réalignement
du gouvernement. Le gouvernement, comme vous le savez, a commencé cette
opération réalignement, et nous y avons souscrit. Les conseils
d'administration et les directeurs généraux de l'aide juridique,
nous sommes à réaliser des changements administratifs, le rapport
disant qu'il n'y avait pas besoin d'amendement légal.
Un des plus grands changements que les corporations régionales
ont apporté et qui peut diminuer les coûts, c'est que, au tout
début de l'aide juridique, l'admissibilité était faite par
les avocats. Évidemment, on n'était pas dans le même
contexte qu'actuellement: on avait un nouveau système, on était
fiers de rouler en Cadillac pour l'admissibilité. Quoi de mieux que de
voir son avocat directement pour faire faire l'admissibilité, que le
bénéficiaire veuille un avocat permanent ou que le
bénéficiaire veuille un privé!
Mais, les coûts augmentant, le salaire des avocats augmentant, le
nombre de demandes augmentant, nous avons modifié cette façon de
faire l'admissibilité, et je dois vous dire maintenant que, dans la
grande majorité des corporations régionales d'aide juridique,
l'admissibilité est faite par des employés qui coûtent
moins cher au niveau salarial. À Montréal, par exemple, ce sont
des techniciens judiciaires qui font l'admissibilité en droit criminel
et en droit de la jeunesse. Quant à la division civile, ce sont les
stagiaires avocats qui font l'admissibilité, ce qui nous a permis de
faire de grandes économies parce que ce n'est plus fait, en grande
partie, par des avocats, sauf évidemment que des cas spéciaux
sont référés aux avocats, surtout en matière
civile, lorsqu'il y a question de l'apparence de droit et non pas simplement de
l'admissibilité économique. Ça, c'est une des principales
corrections qu'on a amenées suite au rapport RCMP. Nous ne partageons
pas, cependant, comme nous l'avons exprimé à la Commission des
services juridiques, toutes les conclusions du rapport RCMP.
Le Président (M. LeSage): Merci, Me Forest.
Compte tenu de l'heure, est-ce qu'il y a consentement pour que la
commission poursuive ses travaux jusqu'à midi et quart?
Mme Caron: Oui.
M. Lefebvre: Consentement.
Le Président (M. LeSage): II y a consentement. Poursuivez,
Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Compte tenu de
l'importance du nombre d'avocats dans le réseau puis que vous l'avez
clairement démontré dans votre document, vous n'êtes
sûrement pas en accord avec la décision du gouvernement, qui a
décidé de refuser la demande qui a été faite par la
Commission des services juridiques, une demande d'exemption en vertu de
l'article 7 du projet de loi 198 sur la réduction du personnel dans les
organismes publics. Alors, il y a un document qui soutient très
amplement et largement et qui démontre très bien les raisons qui
justifiaient cette demande d'exemption de la Commission des services
juridiques, demande qui a été refusée. Donc, c'est
pourquoi on voit apparaître dans les crédits
détaillés du ministère de la Justice de 1994-1995 une
baisse au niveau des personnels, une baisse quand même importante, de
moins 990 500 $, qu'on retrouve tant du côté des cadres que des
autres personnels. Alors, vous n'êtes sûrement pas en accord avec
cette application de la loi 198.
M. Forest (Robert): Si vous me permettez, Mme la
députée, j'aurais aimé apprendre du ministre de la Justice
que la demande d'exemption de la Commission a été refusée
parce que, nous, on n'en a pas encore eu communication.
M. Lefebvre: Et c'est parce qu'elle n'a pas été
refusée.
M. Bélanger: Elle a été accordée?
M. Lefebvre: Parce que je veux vous rassurer.
M. Forest (Robert): Bon!
M. Lefebvre: Elle n'a pas encore été
évaluée. C'est très différent.
M. Forest (Robert): Évidemment, elle...
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Lefebvre: Très différent.
Mme Caron: Mais on la retrouve dans les crédits, M. le
ministre, en tout cas, la réduction. Elle est vraiment là. Je
peux déposer le document. Elle est très claire.
M. Forest (Robert): Et c'est de ça qu'on demande
d'être exemptés. On n'a pas eu de réponse quant à
nos budgets encore, mais je voudrais souligner qu'on aimerait bien qu'elle soit
accordée parce que, actuellement, on peut dire qu'un dossier d'aide
juridique, s'il est traité par la permanence ou s'il est traité
par la pratique privée, globalement, maintenant, ça coûte
à peu près la même chose. Ça coûte la
même chose, mais il faut se rappeler que les salaires des avocats de
l'aide juridique ont toujours augmenté, sont à jour, tandis que
le tarif de la pratique privée, lui, n'a pas augmenté depuis de
nombreuses années. Et, dès que les tarifs de la pratique
privée seront augmentés, ça coûtera moins cher de
faire... les dossiers par des avocats permanents.
Plus, ça coûte la même chose si on ne tient pas
compte de l'admissibilité, et ça, c'est important de le souligner
parce que l'admissibilité à l'aide juridique coûte
actuellement 33 $ par demande juridique; et le paiement des comptes à la
pratique privée coûte environ 11 $, pour une moyenne de 44 $.
C'est en bas de la moyenne canadienne qui se situe un petit peu plus haut que
ça, 47 $, 48 $, ce qui fait qu'à chaque fois que nous perdrons
des postes de permanents, à chaque dossier qui s'en ira à la
pratique privée, avant même que les tarifs soient
augmentés, il y a un coût immédiat de 45 $ par dossier.
Figurez-vous ça sur 300 000, si on tient compte... (12 heures)
Nous sommes absolument, les corporations régionales et ceux qui
les dirigent, pour le système mixte. Il ne s'agit pas de dire: Nous
sommes contre des mandats à la pratique privée, tout au
contraire. Mais, si on se place au niveau des coûts et dans le contexte
actuel, bien, c'est ça que ça a amené, comme
l'immigration, l'an passé, où le coût a doublé parce
qu'on a éliminé les permanents dans les compressions.
Le Président (M. LeSage): Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: Oui, M. le Président. Simplement pour
compléter l'information de tantôt, la demande d'exemption a
été datée du 2 décembre 1993. Et, dans le document
de la direction du budget du 14 février 1994, les coupures
apparaissent.
M. Lefebvre: M. le Président, on aura l'occasion... Et je
veux tout simplement rappeler aux collègues et surtout à nos
invités que nous sommes ici pour discuter du régime d'aide
juridique, du système d'aide juridique au Québec. On aura
l'occasion, Mme la députée de Terrebonne, à l'étude
des crédits là, quelque part au mois d'avril, de discuter de ce
à quoi vous faites référence, mais...
Mme Caron: M. le Président, je pense que si on
étudie le système d'aide juridique, effectivement, on
étudie aussi le personnel qui le compose et les services qui sont
offerts à la population. On ne peut pas détacher l'un de l'autre.
Ça m'apparaît très clairement.
M. Lefebvre: Je rappelle ce que j'ai dit tout à
l'heure: il n'y a pas eu de décision du Conseil du trésor
sur la demande d'exemption que vous avez faite, que vous avez
déposée. Il n'y a pas de décision rendue au moment
où on se parle. Alors, c'est faux de dire que votre demande d'exemption
a été refusée.
Mme Caron: M. le...
Le Présidait (M. LeSage): Alors, ceci étant dit, je
cède la parole à nouveau à Mme la députée de
Terre-bonne.
Mme Caron: Oui, M. le Président, et nous déposerons
le document de la direction du budget du 14 février 1994. vous avez fait
mention, tantôt, de l'importance, et je pense que le consensus, il est
là, sur l'importance de retrouver au moins la clientèle qu'on
retrouvait en 1972. on s'entend généralement pour parler
d'environ... on peut utiliser d'autre mesures, mais autour de 80 % du mga. le
ministre vous questionnait tantôt sur ces coûts-là. dans le
document du ministre, on évalue les coûts, si le barème
était haussé à 80 % du mga, à 32 700 000 $.
ça, on le retrouve dans le document du ministre lui-même et
à quelques reprises. c'est évident que, parmi les mesures pour
financer ça, vous nous avez aussi parlé d'une possibilité
d'aller chercher entre les 60 % et 80 % du côté du barreau.
Moi, j'aimerais vous demander, compte tenu du mandat qui était
donné aussi concernant les services qui devaient être offerts
à la population qui était touchée par l'aide juridique,
est-ce que vous considérez que, compte tenu que les notaires,
actuellement... Les tarifs étant maintenus depuis 1977 au même
taux, il n'existe pas non plus de notaires permanents, donc le service à
la population peut varier d'une région à une autre. On a
même retrouvé des personnes qui ne pouvaient recevoir aucun
service d'un notaire ni dans leur région ni dans une région
avoisinante. Je me souviens d'avoir questionné le ministre
là-dessus. Est-ce que vous considérez, pour remplir le mandat
comme il faut de la loi, qu'il faudrait retrouver au moins un notaire permanent
dans chacune des corporations régionales?
Une voix: Me Larivière.
M. Larivière (Jean-Marie): Oui.
Le Président (M. LeSage): Oui, M. Larivière.
M. Larivière (Jean-Marie): Merci. Effectivement, l'emploi
d'un notaire permanent crée un certain nombre de problèmes
pratiques. Un notaire, on le sait, doit posséder son greffe, par
exemple, et le greffe doit appartenir au notaire et non pas à la
corporation. Ça, c'est une difficulté que soulève la loi
du notariat. Je sais très bien que dans plusieurs organismes on a
essayé d'obvier à cette difficulté-là, mais c'est
assez difficile en pratique. Nous, en plus, on est dans le contexte, il faut
s'en souvenir, d'un syndicat d'avocats, et j'imagine que ce serait... de
syndicat d'avocats et de notaires. Alors, j'essaie de réconcilier le
caractère «salarié» de la fonction avec le greffe qui
appartiendrait en propre au notaire, et il ne peut en être autrement
à moins de modifications majeures à la Loi sur le notariat. Donc,
c'est une avenue vers laquelle on n'a jamais vraiment voulu aller. On a
plutôt préféré se fier au fait que, compte tenu de
l'achalandage, il y a quand même un nombre important, sur le territoire
du Québec, de notaires qui peuvent rendre le service.
Arrive, bien sûr, cependant, un problème au niveau de leur
rémunération, et ça, je pense bien qu'ils vont être
ici pour vous en parler.
Mme Caron: Donc, ce que vous souhaiteriez, dans le fond, c'est
une modification des tarifs parce que...
M. Larivière (Jean-Marie): Bien, on n'a pas d'expertise
particulière sur les quantums payés aux notaires. Mais, dans la
mesure où eux refuseraient, dans des régions complètes,
d'accepter des mandats d'aide juridique, bien sûr que ça
deviendrait un problème.
Mme Caron: C'est vraiment un problème présentement,
et on l'a soulevé à quelques reprises. On se retrouve même
dans la situation où des notaires acceptent tout simplement de remplir
des mandats bénévolement parce que ça leur coûte
moins cher que de faire produire une demande, finalement. Alors...
M. Larivière (Jean-Marie): Oui. L'autre
difficulté... Si vous me permettez, l'autre difficulté, ce serait
effectivement, sur le plan territorial, des notaires à l'emploi d'une
corporation. Ça en prendrait certainement plus qu'un en raison des
distances et des bureaux d'enregistrement à couvrir. Donc, à ce
moment-là, ça devient, compte tenu de l'achalandage, un peu
impraticable comme solution de gestion. C'est pour ça
qu'idéalement ce serait que les notaires continuent en pratique
privée à donner du service aux bénéficiaires.
Mme Caron: M. le Président, j'aimerais laisser mon
collègue d'Anjou questionner.
Le Président (M. LeSage): Pour environ trois minutes. M.
le député d'Anjou.
M. Bélanger: M. le Président, la question que je me
demandais, c'est au niveau de la vérification de l'admissibilité
des bénéficiaires de l'aide juridique. Bon, j'ai pratiqué
le droit pendant près de 10 ans avant d'être député
et je constatais que, si quelqu'un faisait une fausse déclaration
relativement à ses revenus, concrètement, à peu
près la seule conséquence, c'était de se faire couper
l'aide juridique. Il n'y avait pas réellement de système de
perception ou de poursuite pour réclamer le montant, finalement,
défrayé par l'État injustement, suite
à la fausse déclaration du requérant des services
d'aide juridique.
J'ai eu à mon bureau, récemment, un cas justement
où une personne a même dénoncé sa conjointe qui
n'était pas eligible à l'aide juridique, qui recevait l'aide
juridique. On a envoyé des preuves écrites à l'appui comme
quoi il y avait des fausses déclarations de madame. Absolument rien n'a
été fait. Aucune poursuite n'a été faite. Tout ce
qu'on a fait, on a dit: Maintenant, madame, à partir d'aujourd'hui, on
vous coupe parce que vous n'êtes pas eligible à l'aide
juridique.
Je comprends que les sommes à récupérer ne sont
peut-être pas énormes relativement, souvent, aux revenus de ces
gens-là ou de ces contrevenants-là. Mais, à
Montréal, je peux vous dire qu'en 1992, quand je pratiquais, puis je
participais assez régulièrement à l'aide juridique, le mot
se passait qu'à l'aide juridique le pire qu'il pouvait vous arriver, si
vous vous faisiez prendre à faire une fausse déclaration,
c'était de vous faire couper. Donc, c'est un genre de... Ça se
transmet. Et je me demande si ça a été
évalué, cet aspect-là, ce
phénomène-là, et s'il y a des contrôles qui
pourraient être souhaitables à ce niveau-là pour
empêcher ces abus-là dans le système.
M. Forest (Robert): II y a des contrôles qui se font au
niveau de l'admissibilité par le biais de l'article 75. La partie
adverse peut contester l'admissibilité à l'aide juridique du
bénéficiaire.
M. Bélanger: Oui.
M. Forest (Robert): Seule la partie adverse peut le faire,
cependant. Nous avons ce genre de contestations d'admissibilité et nous
y donnons suite: nous enlevons l'aide juridique. Si c'est des
déclarations fausses qui sont faites, c'est une infraction à la
loi de l'aide juridique, et il appartient au ministre de la Justice de prendre
des poursuites et non pas à la corporation régionale d'aide
juridique. Alors, il est arrivé, par le passé, il y a
déjà un bon moment, que nous expédiions au
ministère des cas où des gens avaient été pris
à faire de fausses déclarations, selon nous, et les gens ont
été poursuivis. Mais c'est vrai que c'est dans des cas
très peu nombreux.
M. Bélanger: Très peu nombreux.
M. Forest (Robert): Si vous êtes avocat, vous savez que,
entre la preuve et le fait d'être déclaré coupable
là, il y a toute une marge, alors... Et aussi on est très
chatouilleux quant à ce qui se déclare dans une demande d'aide
juridique. Ce n'est pas parce que quelqu'un nous écrit qu'on va dire
qu'on va commencer à enlever l'aide juridique ou que ce sont de fausses
déclarations. On fait enquête, mais... On est plus là comme
un organisme qui donne l'aide juridique plutôt qu'il l'enlève. Et
c'est si peu nombreux, malgré ce que vous dites, les cas qui nous sont
signalés, que mettre un seul employé là-dessus
coûterait plus cher à l'État que ce que ça
sauverait.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. Forest. Alors, je
cède maintenant la parole au député de Chapleau.
M. Kehoe: Merci, M. le Président. Moi aussi, j'aimerais
ça, souhaiter la bienvenue à toutes les personnes qui sont ici
aujourd'hui, surtout, particulièrement à M. Trahan, qui est le
président de la corporation juridique de l'Outaouais et aussi un
résident de mon comté. Durant l'année d'une
élection, je prends soin de mes électeurs. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Kehoe: En même temps, M. Trahan, j'aimerais ça,
je pense, que... Vu que l'Outaouais est une région frontalière,
pourriez-vous nous dire si on a des problèmes particuliers pour le
critère d'admissibilité de la province d'Ontario puis de la
province de Québec? Est-ce que ça a créé des
problèmes majeurs pour la région?
Le Président (M. LeSage): M. Trahan. (12 h 10)
M. Trahan (Gilles): M. le Président, il n'y a pas de doute
qu'il y a des problèmes qui se produisent au point de vue
admissibilité dans la région de l'Outaouais, et je sais que
ça se produit également dans l'Abitibi, mais peut-être en
moins grand nombre. Le problème particulier, c'est que les normes en
Ontario sont plus élevées que dans le Québec, ce qui fait
que, plus particulièrement en matrimonial, par exemple, pour un
époux qui serait admissible en Ontario, l'épouse ne le serait pas
au Québec, alors ce qui fait que, vu que c'est la résidence qui
détermine l'admissibilité, le résident de l'Ontario, on
est obligé de lui donner par réciprocité l'aide juridique
parce que les critères en Ontario le rendent eligible tandis qu'au
Québec, nous autres, l'épouse n'est pas admissible à cause
de nos critères qui sont plus bas que ceux en Ontario; alors, elle ne
peut pas avoir de mandat, on ne peut pas donner un mandat pour qu'elle soit
défendue. Ça crée vraiment une injustice, plus
particulièrement si l'on considère que l'épouse en
question, à ce moment-là, est une résidente du
Québec. Et puis on est obligé de donner le service à un
résident de l'Ontario alors que la résidente du Québec
n'est pas admissible. Et ça devient vraiment chatouillant puis un peu
difficile également à expliquer aux résidents.
M. Kehoe: Dans un ordre plus général, la question
d'admissibilité, puis la question de contribution puis de ticket
modérateur appelez-le comme vous voulez là il
semble bien que, dans votre mémoire, aux pages 23 et 24, vous
n'êtes pas trop favorables à ça. Les personnes, comme vous
l'avez mentionné, là, qui ne sont pas admissibles au
Québec une personne qui fait, je pense, autour de 18 000 $, 20
000 $ est-ce que vous ne pensez pas que ce ne serait pas plus
équitable que les autres, avec une contribution... Mettons une
personne
qui gagne, je ne le sais pas, 20 000 $, 25 000 $, 30 000 $, avec une
contribution progressive dépendant de son salaire, est-ce que ça
serait une solution possible au problème? Ou êtes-vous contre
toute contribution ou tout ticket modérateur que ce soit?
M. Trahan (Gilles): Bien, il n'y a pas de doute, M. le
Président, que nous sommes contre toute cotisation pour, vraiment, les
démunis.
M. Kehoe: Oui.
M. Trahan (Gilles): Et puis, si ce seuil d'admissibilité
était haussé, après ce seuil, il y aurait peut-être
possibilité qu'on accepte une échelle. Enfin, ça sera
à vous, le gouvernement, de le décider, mais je pense qu'on
pourrait vivre avec une échelle éventuelle, comme vous parlez,
qui grimperait au fur et à mesure. Naturellement, il faudrait voir la
proposition avant de la discuter. C'est difficile de répondre à
une hypothèse sans qu'elle soit vraiment énoncée. Et, je
réponds à titre personnel et non... en n'ayant pas
consulté mon conseil d'administration; je peux difficilement y
répondre dans les circonstances, d'autant plus qu'on n'a pas de
proposition concrète devant nous.
M. Kehoe: Juste une dernière question. Document
déposé
Le Président (M. LeSage): Alors, si vous le permettez, M.
le député de Chapleau, là, il reste quelques minutes
seulement. J'informe les membres de cette commission que j'accepte le
dépôt du document déposé par la
députée de Terrebonne, et je cède maintenant la parole
à M. le ministre.
M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Quelques mots pour,
à nouveau, vous remercier. J'ai indiqué, tout à l'heure,
au moment où je vous saluais, que vous êtes, quant à moi,
et vous l'avez démontré là, à l'occasion des
questions et des réponses surtout que vous nous avez fournies, que vous
êtes bien au fait de ce qui se passe dans le régime de l'aide
juridique, évidemment, parce que vous l'administrez. Encore une fois, je
veux vous remercier d'être venus nous sensibiliser à des
problèmes qui existent dans le régime présentement, nous
rassurer sur certains points et aussi soulever des questions, quant à
moi, légitimes auxquelles vous avez fait référence.
Je retiens essentiellement de votre mémoire et de vos
commentaires que vous considérez globalement la gestion du
régime, aujourd'hui, comme étant bien faite. Vous ne nous
suggérez pas d'intervenir au niveau de la gestion comme telle. Vous
souhaitez qu'on améliore les seuils d'admissibilité tout en
étant, et vous nous le dites clairement, conscients que ça
pourrait représenter beaucoup d'argent.
Je retiens également que, quant au volet d'amélioration
d'admissibilité, quant au volet... puis ça, c'est fondamental,
évidemment, dans votre mémoire comme dans d'autres
mémoires, lorsque vous discutez de l'amélioration du seuil
d'admissibilité vous avez répondu à des questions
de M. le député de Chapleau vous vous rapprochez
sensiblement du Barreau du Québec. Alors, c'est ce que je retiens de
votre mémoire. Il est bien fait, puis ça représente bien,
de façon générale, les questions qu'on se pose.
Je termine en vous disant, et je répète ce que je disais
tout à l'heure, que la demande d'exemption à l'application de la
loi c'est important que je vous le dise à l'application de
la loi 198, elle est toujours pendante au Trésor, et Mme la
députée de Terrebonne, j'imagine, le sait, pour des questions
purement techniques contenues dans la loi elle-même. C'est un document
préliminaire que vous avez déposé, Mme la
députée de Terrebonne, que je reconnais effectivement comme
étant authentique, que la loi nous oblige à prévoir.
À l'occasion de la confection de nos crédits, la loi nous oblige
à prévoir l'application de la loi. Mais votre demande
d'exemption, et je veux vous rassurer, je ne suis pas en train de vous dire
qu'elle sera accueillie par le Trésor, mais la demande d'exemption, elle
est toujours pendante devant le Trésor.
Alors, je vous remercie d'être venus nous saluer puis je vous
souhaite, et à vous, madame, et à vous, messieurs, un bon voyage
de retour. Merci beaucoup.
Le Président (M. LeSage): Alors, Mme, MM. les
représentants de la corporation régionale d'aide juridique, merci
de votre participation à nos travaux. Compte tenu de l'heure, je
suspends nos travaux jusqu'à 14 heures. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 17)
(Reprise à 14 h 10)
Le Président (M. LeSage): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission des institutions reprend ses travaux. Le prochain
groupe qui sera entendu est le Barreau du Québec, et j'invite les
représentants dudit Barreau à bien vouloir prendre place à
la table des témoins.
Alors, bienvenue à la commission des institutions. J'invite le
représentant à bien vouloir, s'identifier et identifier
également les personnes qui l'accompagnent.
Barreau du Québec
M. Paradis (Denis): Merci, M. le Président. Denis Paradis,
bâtonnier du Québec. Je suis accompagné, à ma gauche
immédiate, par M. le bâtonnier André Gauthier; à sa
gauche, Me Jacques Sylvestre; à l'extrême gauche, M. le
bâtonnier Jean Paquet et, à ma droite, Me Nicole
Trudeau-Bérard.
Le Président (M. LeSage): Alors, la parole est à
vous, et vous avez, comme je l'ai mentionné ce matin,
20 minutes pour votre présentation. Le parti ministériel a
également 20 minutes pour échanger, de même que le parti de
l'Opposition. On vous écoute.
M. Paradis (Denis): Merci, M. le Président. L'aide
juridique plus, un nouveau concept amélioré pour faciliter
l'accès à la justice. Lors du Sommet de la Justice en
février 1992, les délibérations de la rencontre
démontrent la difficulté pour le gouvernement et les intervenants
d'en arriver à un consensus quant aux modifications à apporter au
régime d'aide juridique en vue d'améliorer l'accès
à la justice. En juin 1993, le ministre de la Justice d'alors rend
public, dans le cadre d'un projet de réforme sur l'aide juridique, le
document «L'Aide juridique au Québec: une question de choix, une
question de moyens». Le titre, au départ, semble indiquer une
orientation. Immédiatement, le Barreau décide d'examiner en
profondeur cette importante question d'actualité. Participer à ce
processus de réforme sur l'aide juridique fait partie intégrante
des responsabilités du Barreau, qui a, comme mission première, la
protection des intérêts du public. Nous sommes très heureux
de pouvoir participer à cette réflexion 20 ans plus tard et en
dehors du cadre normalement prévu des négociations
monétaires reliées au régime.
L'accès à la justice devient de plus en plus difficile,
voire impossible pour plusieurs citoyens. Là comme ailleurs, la
récession, les pertes d'emplois ont fait en sorte qu'ils sont nombreux
à n'avoir plus les moyens de se payer les services nécessaires
à l'exercice de leurs droits. Les chiffres fournis dans le document de
consultation «L'Aide juridique: une question de choix, une question de
moyens» nous indiquent que, généralement, les seuils
d'admissibilité en vigueur lors de l'avènement de la loi n'ont
pas toujours régulièrement suivi l'indexation du coût de la
vie, tant et si bien qu'aujourd'hui plusieurs groupes d'individus
personnes âgées, familles monoparentales, etc. n'ont pas
accès, sur la base de leurs revenus, à l'aide juridique. Ce
constat vient jeter une ombre sur l'objectif premier de la Loi sur l'aide
juridique: faciliter aux personnes économiquement
défavorisées l'accès aux services gratuits d'un juriste
lorsqu'elles ont besoin de connaître ou de défendre leurs
droits.
Le Barreau a mis sur pied, en septembre dernier, trois groupes de
travail dont les réflexions devaient porter sur les thèmes
suivants: premier thème, les attentes et besoins du public,
présidé par Me Nicole Trudeau-Bérard, de Montréal;
deuxième thème, l'expertise des membres du Barreau,
présidé par M. le bâtonnier André Gauthier, de
Sept-îles, et, troisième thème, les assurances frais
juridiques, présidé par Me Jacques Sylvestre, de Saint-Hyacinthe.
C'est à travers ces trois thèmes principaux que le Barreau du
Québec présente ce mémoire, fruit d'un sérieux
processus de consultation et de réflexion. Le processus de consultation
élargie, avec la présence active des gens du public, a permis,
non seulement de recueillir l'information, mais aussi de rechercher des pistes
de solution. La démarche entreprise par le Barreau s'est
échelonnée sur plus de quatre mois. Le présent
mémoire comprend 24 recommandations qui ont été
adoptées par le Conseil général du Barreau les 9 et 10
décembre dernier.
Comme Barreau, on a tenté d'identifier les points sur lesquels il
pourrait se dégager un consensus social, à partir des attentes du
public, eu égard au régime de l'aide juridique, et cela, en
recherchant des solutions innovatrices et qui tiennent compte des contraintes
économiques. On a consulté plus de 50 organismes
socio-économiques. Ceux-ci ont été invités ou ont
participé au Sommet de la Justice en 1992. Ils représentent les
aînés, les autochtones, les communautés culturelles, les
consommateurs, les détenus, la famille, les femmes, la jeunesse, les
personnes handicapées, les travailleurs, le patronat, etc.
Lors de ces rencontres avec les groupes socio-économiques, on a
procédé tout d'abord à une cueillette d'information dans
le but de cerner les besoins et attentes de la population à partir de la
définition que s'en sont faite les groupes concernés. Dans un
deuxième temps, après compilation et analyse des informations
recueillies, une série de recommandations fut élaborée et
présentée aux organismes au cours d'une seconde consultation, et
ce, dans le but de valider certaines pistes de solution. L'approche par le
Barreau n'était pas simple. On était en présence d'un gros
contrat ou, plutôt, de trois gros contrats que d'aucuns ont
considéré très ambitieux.
Le premier contrat qu'on s'est imposé: rendre plus de gens
admissibles. On se rappelle, les seuils sont trop bas; on se rappelle les
conclusions du rapport Macdonald; on se rappelle, enfin, tout ce qui a
été réclamé dans le passé. Les seuils
d'admissibilité sont trop bas. j'ai ici un tableau, m. le
président, qui indique la population bénéficiaire, en
1973, qui atteignait environ 40 %. aujourd'hui, la population
bénéficiaire est alentour de 20 %. juste pour vous donner un
exemple, m. le président, pas plus tard qu'hier, j'avais une discussion
avec le bâtonnier de saint-hyacinthe, le bâtonnier
sénécal, qui travaille justement à l'aide juridique et qui
m'expliquait que, la semaine dernière, il a reçu une femme seule,
une femme monoparentale avec deux enfants. son salaire: 295 $ brut par semaine.
mais elle n'est pas admissible parce que, la madame, avec deux enfants, pour
être eligible à l'aide juridique, ne doit pas gagner plus de 230 $
par semaine. problème! problème! d'autres cas nous ont
été soulignés, m. le président, où on arrive
à une situation où l'aide sociale, à l'heure actuelle,
dans certains domaines, dépasse les seuils d'admissibilité de
l'aide juridique. il y a certaines personnes sur l'aide sociale qui, si on se
fiait strictement au critère du seuil, ne seraient plus éligibles
à l'aide juridique selon les barèmes actuels. mais, à
cause d'un article qui prévoit que toute personne sur l'aide sociale
peut bénéficier de l'aide juridique, ces gens-là en
bénéficient de toute façon. mais, si on met,
parallèlement à ça, une personne qui travaille et qui a
à peu près le même revenu que la personne sur l'aide
sociale, bien, la
personne qui travaille, qui a le même revenu que sur l'aide
sociale dans ce cas-là, ne serait pas admissible à l'aide
juridique.
Et aussi, un autre point qu'on aimerait souligner à la
commission: rendre plus de gens admissibles. On doit donner à cette
admissibilité une évidence, une évidence qui, à
l'heure actuelle, se retrouve, mais à l'extérieur,
peut-être, des seuils, c'est-à-dire les notions de
«discrétionnaire». Il y a certaines sommes, à l'heure
actuelle, qui sont dépensées sur le
«discrétionnaire» de l'application de la loi, et le Barreau
évalue peut-être un peu différemment de ce qui est
contenu dans le document rendu public par le ministre à 11 300
000 $ ce «discrétionnaire» là, le tout sur un budget
d'environ 110 000 000 $ ou à peu près. Or, on dit: Est-ce que les
gens... On pense que les gens n'ont pas à aller demander l'exercice d'un
«discrétionnaire» si ces sommes-là sont là,
ont été dépensées. On pense que les gens devraient
pouvoir le savoir; pas de génuflexion à faire pour demander
d'être couverts dans ces domaines-là. Donc, le premier contrat:
rendre plus de gens admissibles. (14 h 20)
Le deuxième contrat qu'on s'est imposé, c'est rendre plus
de gens admissibles, mais avec le même budget. On a très bien
compris les limites imposées par le ministre, les limites
imposées par le Trésor et les limites imposées aussi,
disons-le, par la situation économique. Ce qu'on a fait, c'est qu'on a
tenté de regarder à l'intérieur du régime pour
recycler des sommes, pour redéfinir certains postes. C'est l'exercice
qu'on a fait, M. le Président. On s'est questionné aussi, comme
dispensateur de services, sur comment on ferait pour rendre les meilleurs
services à un moindre coût. Et on a regardé un autre volet
aussi: la rationalisation des dépenses à l'intérieur de
tout le système. Et, à cet effet-là, ce qu'on a fait, on
vous propose 24 recommandations.
Je n'ai pas l'idée de revenir sur chacune des recommandations,
mais on a fait un petit travail d'évaluation, et ça donne
à peu près le résultat suivant: à notre
recommandation 6, on pense que ça pourrait coûter 2 000 000 $
et je vous le donne en sommaire, on pourrait y revenir tantôt
on pense que ça pourrait coûter quelque chose comme 2 500
000 $ de plus. À notre recommandation 11, on pense qu'il pourrait y
avoir une diminution d'environ 3 000 000 $. À notre recommandation 14,
on pense qu'il pourrait y avoir une diminution de 1 000 000 $. À notre
recommandation 15, on pense à une diminution de 3 500 000 $. À la
17, une diminution de 600 000 $, et à la recommandation 22, une
diminution de 300 000 $. Tout ça pour une diminution totale, si on prend
les plus avec les moins, de l'ordre d'environ 6 900 000 $, et on vous
suggérera tantôt ce qu'on pourrait faire si ces 6 900 000 $ ou si
ces 5 000 000 $ de récupération dans lesquels on chiffre nos
propositions, ce qu'on pourrait faire avec. Donc, les deux premiers gros
contrats rendent plus de gens admissibles avec le même budget.
Le troisième gros contrat, ça s'appelle la créati-
vité, l'imagination. Comment encore pouvons-nous tenter de couvrir toute
cette classe moyenne au Québec, qui a de plus en plus de
difficulté à joindre les deux bouts et qui a autant de droits et
de besoins que les autres citoyens, qui n'a pas les moyens de faire face aux
coûts de la justice ou, de moins en moins, les moyens de faire face aux
coûts de la justice? À cet effet, j'aimerais vous présenter
ce tableau qui explique un peu le sens général de nos
propositions. Vous avez... et on prend... on s'est basé sur une famille:
un couple avec deux enfants un couple avec deux enfants. ce qu'on recommande,
c'est que les seuils soient portés à 26 720 $, donc, une
augmentation à 80 % du mga. le seuil est peut-être ici dans le
moment; on recommande que l'aide juridique, les seuils soient portés
à 26 720 $ pour un couple avec deux enfants, et avec les échelles
correspondantes pour personnes seules, etc. l'ensemble des groupes
consultés, les groupes socio-économiques consultés
demandent généralement que l'aide juridique couvre jusqu'à
100 % du mga donc je reprends toujours l'exemple du couple avec deux
enfants couvre jusqu'à 33 400 $. mais on comprend les efforts
monétaires que ça exigerait, et le barreau propose un plan
barreau, plan barreau qui se situerait entre 26 720 $ et 33 000 $, soit entre
80 % et 100 % du mga. le plan barreau, ça voudrait dire que les avocats
seraient libres d'adhérer à ce plan et que les avocats et
avocates qui adhéreraient à ce plan s'engageraient à
fournir les services juridiques avec un rabais. par exemple, 25 % de rabais
pour les gens éligibles à partir de 26 720 $, le rabais allant
graduellement en diminuant jusqu'à 33 400 $. donc, 25 %, 20 %, 15 %, 10
%, une échelle descendante.
Donc, les gens couple avec deux enfants dont les revenus
se situent entre 26 720 $ et 33 400 $ pourraient bénéficier de ce
rabais-là, et ça serait la continuité de l'aide juridique,
mais offerte par le Barreau du Québec.
Dans un deuxième temps, on dit: les gens qui sont dans cette
catégorie-là aussi, mais dont les revenus excèdent 33 400
$, ce qu'on propose cette classe moyenne, comme je le mentionnais
tantôt, qui a de plus en plus de difficulté à joindre les
deux bouts c'est un régime d'assurance de type familial qui
pourrait être offert par les compagnies d'assurances privées et
qui pourrait couvrir les frais juridiques de ceux qui en auraient besoin.
On a fait certaines études et, à date, on démontre
peut-être, ou certains experts nous démontrent qu'on pourrait
avoir un genre de police accessoire à une police principale de type
familial, soit assurance habitation ou assurance automobile ça
prendrait peut-être certains amendements législatifs, sur ce
côté-là, pour l'automobile une police d'assurance
accessoire frais juridiques qui ferait en sorte que les gens, moyennant une
prime qu'on évalue peut-être à 50 $ par année,
pourraient bénéficier de services juridiques dans la plupart des
domaines, peut-être à l'exclusion du droit criminel et du
matrimonial dans un premier temps. Je reviendrai peut-être là
sur le matrimonial pour spécifier qu'il y a des coûts
additionnels à ce moment-là.
Donc, c'est la formule qu'on propose pour les gens qui ont 34 400 $ et
plus, mais qu'on propose aussi pour les gens qui se situent à
l'intérieur du Plan Barreau. Donc, pour les personnes qui se situent
entre 26 000 $ et 33 000 $, on propose aussi cette méthode-là et
là on l'assortit d'une espèce de demande au gouvernement, demande
que la prime, ici, on trouve un incitatif fiscal, soit une déduction de
la prime ou un crédit d'impôt, mais pour les gens dont le revenu
couple avec deux enfants se situe entre 26 700 $ et 33 400 $.
Alors, voici, c'est, en gros, le sens des propositions que le Barreau fait.
Donc, M. le Président, en résumé, l'aide juridique
plus, c'est l'aide juridique plus un Plan Barreau, c'est l'aide juridique plus
un régime d'assurance frais juridiques.
Avec l'aide juridique plus, M. le Président, le Barreau du
Québec vous propose, dans cette approche imaginative, ce nouveau concept
amélioré pour faciliter l'accès à la justice pour
tous les citoyens. Merci, M. le Président.
Le Président (M. LeSage): Merci pour cette
présentation. Alors, je cède maintenant la parole à M. le
ministre.
M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Alors, M. le
bâtonnier, je veux vous saluer et saluer également vos
confrères et consoeurs qui vous accompagnent, votre consoeur, et vous
dire à quel point la commission est heureuse de vous accueillir, le
Barreau du Québec.
Vous avez, M. le bâtonnier, indiqué tout à l'heure
que la responsabilité première du Barreau du Québec c'est
évidemment et c'a toujours été le cas
d'abord et avant tout, la protection des intérêts du public. Dans
ce sens-là, je n'ai pas à vous dire à quel point j'ai lu
avec grande attention le mémoire que vous avez soumis, un mémoire
qui, globalement, fait vraiment le tour de toute la question, identifie, quant
à moi, les problèmes qu'il faut analyser. Vous avez
également proposé dans ce mémoire et vous l'avez
répété dans votre exposé tout à l'heure
vous avez suggéré des pistes de solution.
On peut conclure de l'analyse qu'on fait de votre mémoire que
discuter de l'actualisation du système d'aide juridique en 1994, ce
n'est pas une question simple, ce n'est pas une question qui est facile, c'est
une question qui oblige tous les partenaires à peut-être se
remettre en question sur certains points et également à faire
preuve d'imagination pour trouver des solutions. Et, dans ce sens-là,
vous faites des propositions qui ne sont pas nécessairement nouvelles,
nouvelles, mais qui, quand même, ont le mérite d'être
originales dans leur présentation. (14 h 30)
Vous faites référence à plusieurs reprises, M. le
bâtonnier, au concept du MGA. J'aimerais, pour les besoins de la
discussion, si vous me le permettez, vous rappeler et rappeler à ceux et
celles qui sont ici avec nous cet après-midi, la définition de ce
qu'est un MGA. Alors, le MGA est le maximum des gains admissibles selon la Loi
sur le régime de rentes du Québec. Il s'agit du revenu maximum
sur lequel les travailleurs doivent verser une cotisation qui leur permettra,
à l'âge de la retraite, de recevoir des prestations de la
Régie des rentes du Québec. C'est ça qu'on appelle le
maximum des gains admissibles.
M. le bâtonnier, vous avez tout à l'heure très
rapidement expliqué les coûts de la proposition que vous nous
suggérez. Je n'ai pas besoin de vous dire qu'on a fait analyser
pour les parties de votre mémoire qui étaient précises
au ministère de la Justice une analyse cependant assez
complète, mais pas définitive les coûts de la
proposition qui apparaît dans votre mémoire, proposition qui est
sous forme de trois ou quatre volets. Et je voudrais que vous m'expliquiez le
constat que l'on fait, au ministère de la Justice, à savoir que,
si vous augmentez les seuils d'admissibilité à 26 720 $, et je
suis d'accord avec vous lorsque vous prenez comme point de
référence le couple avec deux enfants... Lorsqu'on fait le
calcul, au ministère de la Justice, de l'augmentation des coûts
que ça représenterait, augmenter le seuil d'admissibilité
de quelque 13 000 $ aujourd'hui, à 26 720 $, le calcul rapide qu'on
fait, au ministère de la Justice, est le suivant: la clientèle
actuelle, au seuil d'admissibilité dont on parle, maximum, elle est
là de plus ou moins 1 100 000 personnes. L'augmentation du seuil
d'admissibilité porterait cette clientèle à plus ou moins
2 000 000.
Le calcul rapide qu'on fait au ministère est le suivant:
ça provoquerait et je ne vous dis pas que la proposition n'est
pas justifiée. C'est strictement un constat financier que je fais avec
vous ou une analyse financière. Le coût estimé de
l'augmentation des coûts, très rapidement, c'est plus ou moins 21
000 000 $, alors que, tout à l'heure, vous nous indiquiez que ce serait
une augmentation de plus ou moins quelque 2 000 000$.
J'aimerais que vous m'indiquiez de quelle façon, soit le Barreau
ou des experts que vous avez consultés ont pu arriver à un
chiffre aussi différent du nôtre.
M. Paradis (Denis): M. le ministre, dans un premier temps, on
voudrait vous dire qu'on n'est pas des experts, et on part d'hypothèses
aussi, un peu, j'imagine, comme les gens de chez vous ont fait. On a
regardé je vais vous donner un exemple le rapport annuel
de la Commission au 31 mars 1991, et on se rend compte, en regardant le rapport
annuel de la Commission au 31 mars 1991, que 75 % ou à peu près
des bénéficiaires actuels de l'aide juridique sont soit sans
revenu ou soit sur l'aide sociale.
Et le rapport annuel que je vous mentionne indique que, dans leur
demande d'admissibilité, 37,51 % des bénéficiaires d'aide
juridique se déclarent sans revenu et 37,02 % se déclarent
bénéficiaires d'aide
sociale. donc, pour un total de 74,53 % qui sont soit sans revenu ou
soit sur l'aide sociale. on part de ce principe-là, m. le
président, et on dit: voici, il y a eu à peu près 300 000
cas de traités dans l'exercice 1991-1992, pour une somme d'environ 105
600 000 $, ce qui donne un coût moyen par cas de peut-être 353 $.
c'est les chiffres qu'on prend, et on a pris ça dans les documents qui
nous ont été transmis. on dit: s'il y en a 75 % qui sont soit
sans revenu ou soit sur l'aide sociale, il y en a 25 % qui ont quelque revenu.
et, à partir de ce moment-là, on dit que ces 25 % qui ont quelque
revenu, qui bénéficient de l'aide juridique, ça devrait
normalement avoir représenté, pour la même année, 76
000 cas sur les 300 000; 76 000 cas à 353 $ coût moyen du
cas une somme d'environ 26 800 000 $ pour les gens qui avaient quelque
revenu. à ce moment-là, on prend le tableau 14 dans le document
d'information du ministère, «l'aide juridique au québec:
une question de choix, une question de moyens», et on voit que, si
l'admissibilité est portée de 60 % à 80 % mga, on
prévoit une augmentation de 18,5 % du nombre de contribuables et de
conjoints admissibles. et on dit, à ce moment-là: est-ce que le
niveau des salariés va augmenter? peut-être pas, on ne le sait
pas, mais on se dit: prenons pour acquis que l'hypothèse, c'est que ces
cas-là soient traités par les avocats de pratique privée.
donc, on arrive à 61 %, à ce moment-là, des cas
traités par la pratique privée, et on se dit: si 42,8 % qui sont
traités par la pratique privée à l'heure actuelle ont
coûté, dans la même année, 30 500 000$, 61 %
coûteraient quelque chose comme 43 000 000 $, un différentiel ou
une augmentation de 13 200 000 $. ce qui nous est présenté par le
ministre équivaut à peu près à 24 000 000 $ ou 25
000 000 $ net d'augmentation, et nous, nos chiffres, avec ce calcul
peut-être un peu compliqué là, que je tente d'exposer, on
arrive en tout cas à 13 200 000 $ d'augmentation pour couvrir cette
clientèle additionnelle là.
D'un autre côté, tantôt je mentionnais que les
critères ou les seuils faisaient en sorte qu'il y avait du
«discrétionnaire» d'accordé en sus des seuils qu'on
évalue, nous, en tout cas, à 11 300 000 $. Quand je mentionnais
que le différentiel, ça devrait coûter 2 500 000 $ de plus
de hausser les seuils, on prend le coût additionnel, le vrai coût
additionnel de hausser les seuils mais le vrai coût, encore une
fois, il faudrait vérifier nos hypothèses et nos calculs,
là c'est 13 200 000 $. Et on se dit que beaucoup de gens qui,
à l'heure actuelle, bénéficient du système
discrétionnaire, bien, il y en aurait moins qui en
bénéficieraient parce qu'on hausserait les seuils
considérablement. On pense récupérer, à ce
moment-là, peut-être 95 % du «discrétionnaire».
Gardons-nous du «discrétionnaire», mais il y a beaucoup de
gens qui en bénéficient à l'heure actuelle, qu'on pense
récupérer. Donc, à ce moment-là, ce qu'on dit: les
coûts, l'augmentation des coûts, 13 200 000 $;
récupération sur le «discrétionnaire», 10 700
000 $, donc, 2 500 000 $ d'augmentation nette. Mais la grosse part de
récupération, dans l'exemple que je viens de vous donner,
provient effectivement du «discrétionnaire».
M. Lefebvre: II y aurait vraiment, M. le bâtonnier, un
nombre considérable de questions que je voudrais vous poser là en
réaction à ce que vous venez de dire. Et je veux que vous sachiez
que c'est un échange...
M. Paradis (Denis): Oui.
M. Lefebvre: ...moi, que je veux faire avec le Barreau du
Québec, avec vous, M. le bâtonnier, qui sera utile à tous
les membres de la commission. Je n'essaie d'aucune façon, et ce n'est
pas mon intention, de vous contredire, loin de là.
J'aimerais vous entendre sur un autre volet de vos suggestions, le volet
contributoire. Le volet contribu-toire, est-ce que c'est sous forme
d'impôt de service ou encore une contribution directe d'un justiciable
qui serait admis à l'aide juridique, mais moyennant cette contribution?
Là, j'aimerais vous entendre, ça apparaît à la page
19 de votre mémoire. Là-dessus, vous êtes plus ou moins
précis quant à ce que serait le volet contributoire dont vous
parlez à la page 19.
M. Paradis (Denis): À la page 19. M. le bâtonnier
Gauthier, si vous voulez peut-être préciser.
M. Lefebvre: Là, on dit que c'est une contribution
financière progressive.
M. Gauthier (André): Oui. Voici ce que l'on a
imaginé.
Le Président (M. LeSage): Me Gauthier, vous avez la
parole.
M. Gauthier (André): Oui, je m'excuse, M. le
Président. Alors, M. le Président, lorsqu'on a reçu le
document qui émanait du Sommet de la Justice, «L'Aide juridique au
Québec: une question de choix, une question de moyens», l'approche
nous semblait bien comptable. Et c'est évident qu'à partir d'une
colonne de chiffres, si on veut aboutir à un résultat, on a
simplement à jouer sur les chiffres à l'intérieur de la
colonne, puis on finira toujours par aboutir à un résultat,
d'où le fait, par exemple, de couper certaines protections relativement
à des actes juridiques. (14 h 40)
On a voulu avoir une approche imaginative, c'est-à-dire mettre
ça de côté puis dire: la méthode comptable, elle
sera toujours là. On pourra toujours le faire après. Mais
regardons le système tel qu'il est, qui n'a pas été
révisé depuis 23 ans, puis voyons voir si, à
l'intérieur de ça, il y a moyen d'avoir une approche plus
imaginative. Ce que l'on a imaginé, c'est ceci: l'aide juridique, via le
tarif actuel, ou peu importe, quantifie la valeur d'un acte juridique. Alors,
on s'est dit: le payeur, la Commission ou les corporations de services
juridiques pourraient émettre à la personne à qui un
service juridique a été rendu ce que j'appellerais un T5.
Vous
comprenez, cette personne-là, elle est sur l'aide sociale. Alors,
si elle est sur l'aide sociale, bien sûr, elle n'a pas d'impôt
à payer. Alors, son T5 lui est inutile. Mais, à partir du
moment...
M. Lefebvre: Me Gauthier. M. Gauthier (André):
Oui?
M. Lefebvre: Ce volet-là de votre mémoire, la page
19...
M. Gauthier (André): Oui.
M. Lefebvre: ...lorsque vous parlez d'une contribution que vous
êtes à décrire, je pense que c'est important de le
préciser, ne s'adresse qu'à la clientèle de zéro
à 80 % du MGA.
M. Gauthier (André): C'est bien ça, oui,
zéro à 80 %. D'accord? Lorsqu'on passe de 60 %, comme on est
à peu près actuellement, à 80 %, on va aller chercher des
gens, par exemple, qui sont en chômage, donc des gens qui ont
travaillé au cours des 52 dernières semaines.
M. Lefebvre: D'accord.
M. Gauthier (André): Et, en émettant ce T5
là, qui représente soit la valeur ou le double de la valeur du
service juridique, cette personne-là, lorsqu'elle fait un rapport
d'impôt, elle s'attend à recevoir un retour d'impôt. Donc,
sa contribution financière progressive y va suivant le taux
d'impôt qu'elle a à payer, et, bien sûr, on va chercher
l'argent au moment où cet argent-là est disponible,
c'est-à-dire au moment où un retour d'impôt est attendu.
Alors, ça nous semble être la façon la plus simple d'aller
chercher de l'argent.
J'écoutais les questions ce matin. On parle beaucoup, oui, mais
le remboursement... On a regardé les systèmes canadiens; il n'y a
pas un système qui, présentement, ne déplore pas le fait
qu'on n'aille pas chercher plus d'argent. Ceux qui ont des tickets
modérateurs les autres provinces disent: c'est un fiasco.
Et toutes les provinces se plaignent du fait que le système, tel qu'il
est dans les autres provinces aussi, ne permet pas cette
récupération, alors que nous, au niveau du ministère du
Revenu, il y a déjà une récupération, un organisme
de récupération de montants d'argent qui est là.
M. Lefebvre: Une dernière question avant de laisser la
parole à l'Opposition officielle. Vous avez évalué et, je
comprends bien, éliminé le processus de la contribution directe
du bénéficiaire.
M. Gauthier (André): Oui. Le processus de la contribution
directe du bénéficiaire... Bon, parlons ticket modérateur.
Nous, ce que l'on dit, c'est qu'il n'y a pas d'abus, il n'y a pas
surconsommation d'actes juridiques par les bénéficiaires. Le
bénéficiaire d'aide juridique, essentiellement, c'est quelqu'un
qui ne court pas après la police pour se faire arrêter, qui ne
court pas après son locateur pour se faire augmenter son loyer. C'est
une personne qui réagit aux gestes d'un tiers.
M. Lefebvre: Me Gauthier, je ne parle pas des frais d'ouverture
de dossier ou de ticket modérateur. Ce n'est pas de ça que je
parle; je parle du volet contribu-toire; plutôt que sous forme
d'impôt service, par le biais d'une contribution directe de 100 $, de 200
$, de 300 $, dépendamment du revenu. Est-ce que vous avez
évalué ça?
M. Gauthier (André): On ne l'a pas évalué au
niveau contribution pour le motif suivant: c'est que lorsque la personne
requiert un service juridique, généralement, ce n'est pas
nécessairement dans ces moments-là qu'elle a les sous
nécessaires pour y aller de la contribution. On met en place un appareil
de perception qui va nous coûter de l'argent sur le plan administratif
alors que, ce que l'on veut...
M. Lefebvre: C'est une des réserves que vous avez,
ça, la perception.
M. Gauthier (André): C'est la grosse réserve que
l'on a. Et le fait que l'argent ne va pas directement aux justiciables n'est
pas impliqué directement dans un acte juridique. Et ça, ça
nous a fait reculer, alors que la perception par le ministère du Revenu,
bien, l'organisme est là. Et, s'il y a une forme contributoire, ce
serait beaucoup plus à ce niveau-là que la perception devrait se
faire.
M. Lefebvre: Je vous remercie, Me Gauthier.
Le Président (M. LeSage): Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: merci, m. le président. alors, me paradis, me
gauthier, me trudeau-bérard, me sylvestre et me paquet, merci de votre
présentation. vous avez choisi d'aller un petit peu plus loin que le
questionnement que l'on retrouvait dans le document de travail du
ministère. vous avez formé des groupes de travail pour
présenter plusieurs propositions. vous avez aussi tenté de
chiffrer certaines de vos solutions. les chiffres varient, évidemment,
mais on ne se parle pas toujours non plus des mêmes choses. si on regarde
le document du ministère et qu'on étudie le scénario pour
l'augmentation de la gratuité pour tous les bénéficiaires
jusqu'à 80 % du mga, dans le document, au tableau 31, on se parle de 32
700 000 $. si on enlève le pouvoir discrétionnaire, à ce
moment-là, on se parle de 24 800 000 $. le ministre nous parlait
tantôt d'une possibilité de 21 000 000 $. votre plan, si je
pouvais le résumer, présentement, on couvre 60 %. donc, de 60 %
à 80 %, vous
rendez les personnes éligibles, mais vous allez
récupérer à partir de mesures fiscales.
M. Paradis (Denis): On va récupérer, dans un
premier temps, à partir du «discrétionnaire» parce
que...
Mme Caron: C'est ça.
M. Paradis (Denis): ...le «discrétionnaire»
est important. On l'évalue à 11,3 %, dans un premier temps.
Mme Caron: Oui. Tantôt, quand vous parliez des prestataires
de l'aide sociale qui n'y auraient pas eu droit sans le pouvoir
discrétionnaire; on se parle de 18 000 bénéficiaires.
Donc, vous allez récupérer là et par des mesures fiscales.
de 80 % à 100 %, on retrouve le plan du barreau avec la
possibilité d'ajouter l'assurance juridique, et 100 % et plus du mga, on
se parle d'assurance juridique. bon. vous proposez aussi certaines mesures qui
ont trait au plafonnement, et je pense en particulier à la mesure 17 et
aussi à la mesure 18, la notion d'honoraires forfaitaires, et la
recommandation 17, qu'un plafonnement actualisé des honoraires payables
à un membre du barreau exerçant en pratique privée soit
adopté par le gouvernement.
Est-ce que vous faites référence, à ce
moment-là, avec votre recommandation, finalement, aux problèmes
qu'on retrouve de quelques membres du Barreau qui sont dans la pratique
privée et qui bénéficient, je dirais, largement du
système d'aide juridique? On pense par exemple à certains avocats
qui se sont retrouvés avec 500 000 $ en revenus d'aide juridique ou
à 200 000 $. Ce sont vraiment des exceptions. On se parle d'exceptions,
mais le plafonnement, est-ce qu'il vise ces exceptions et la notion d'un
honoraire forfaitaire aussi?
M. Paradis (Denis): Oui. Je dois vous dire qu'à la
recommandation 17, tantôt, lorsque je mentionnais les chiffres, on
prévoit qu'il y a peut-être lieu à des économies,
à partir des hypothèses que je vais vous mentionner, qui
pourraient se situer à 600 000 $. Selon le rapport de juin 1993, on voit
qu'en 1991-1992, 36 avocats de pratique privée ont facturé des
honoraires entre 100 000 $ et 200 000 $, et deux, au-delà de 200 000 $.
Ce sont les chiffres qu'on a là.
À partir de ça, on a imaginé, en faisant des
moyennes on n'avait peut-être pas toutes les données
que ces avocats-là pouvaient facturer quelque chose comme 5 900 000 $, 6
000 000 $ par année. On propose un plafonnement; un plafonnement qui
n'aurait pas, je ne pense pas, pour effet de sauver beaucoup, beaucoup, mais je
pense que c'est important. Si c'est 600 000 $ qu'on sauve là, chaque
morceau est important à conserver. Et, dans cet esprit-là, on se
dit que les dossiers qui sont dans les mains de quelques avocats, s'ils
étaient plus étendus, s'ils étaient plus
éparpillés parmi d'autres avocats, on pourrait avoir
peut-être une économie. Une économie, pourquoi? Une
économie parce que ce qui nous fatigue plus que l'argent dans ce
système-là, comme Barreau, c'est peut-être un
système qui se monte et qui est complaisant pour les uns
vis-à-vis des autres, dans le sens que, si, à un moment
donné, on défait un peu ce système ou une organisation,
c'est peut-être plus sain que ce soit plus répandu comme
distribution de dossiers.
M. le bâtonnier Gauthier veut peut-être compléter ma
réponse?
M. Gauthier (André): Oui.
Le Président (M. LeSage): Me Gauthier, vous avez la
parole.
M. Gauthier (André): M. le Président, pour nous,
cette commission parlementaire, c'est la première fois qu'on se rend
compte, au niveau de l'aide juridique, depuis 23 ans le tarif est vieux
de 23 ans que le tarif a subi cette usure-là. Alors, pour nous,
ce n'est pas juste une occasion de sauver des sous ou d'essayer d'en couvrir
plus, c'est aussi une occasion de vous poser la question: Êtes-vous
satisfaits de ce tarif-là? Êtes-vous satisfaits de la situation
que vous décrivez? Nous, de notre côté, nous ne sommes pas
satisfaits au niveau de l'indépendance de l'avocat par rapport à
un système de référé. Nous ne sommes pas satisfaits
de voir qu'en pratique privée le nombre de praticiens c'est
fantastique! n'a à peu près pas augmenté depuis 10
ans des praticiens qui admettent qu'ils prennent des mandats d'aide
juridique alors que le nombre d'avocats a plus que doublé.
Vous avez entendu ce matin les situations criantes que ceux qui nous ont
précédés vous donnaient, la disparition des avocats
spécialistes en appel à la permanence de l'aide juridique. Alors,
on se ramasse aujourd'hui, 23 ans plus tard, avec de très jeunes
praticiens qui plaident devant les assises des mandats d'aide juridique et
personne pour s'occuper des dossiers en appel. Alors, nous, on se dit: ce n'est
pas à l'occasion d'une négociation de tarifs qu'il faut se
pencher sur ce problème-là, c'est à une occasion comme
celle-ci où on peut jeter un regard d'ensemble sur le système.
(14 h 50)
Le Président (M. LeSage): Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Vos différentes
recommandations amènent certaines coupures de près de 7 000 000 $
6 900 000 $. Je pense que c'est un effort louable, mais j'aurais aussi
à vous poser la question bien simplement: Du côté des
plaintes qu'on retrouve au Barreau, est-ce qu'il vous arrive de recevoir, comme
plaintes parce que, nous, comme députés, on en
reçoit, des plaintes de citoyens qui font des demandes d'aide juridique
dont l'avocat de pratique privée hésite à prendre le
mandat pour une question d'honoraires, une question de tarifs, et qui,
finalement, accepte de prendre
le mandat, mais à la condition que le citoyen ajoute un certain
montant comptant qui n'apparaît nulle part et qui lui permet de
défendre le dossier, à ce moment-là, à un tarif qui
est passablement plus intéressant. Est-ce que vous avez des
données là-dessus?
M. Paradis (Denis): Au niveau des plaintes, moi, en tout cas,
comme bâtonnier, on ne m'a pas... Et vous connaissez le système
disciplinaire aussi. Les plaintes, normalement, vont se porter au bureau du
syndic qui a une étanchéité avec le restant du Barreau. Au
niveau des plaintes, moi, en tout cas, on n'a pas porté... Mais je ne
serais pas surpris qu'un tel système puisse quand même exister. Je
pense que, sur 15 500 membres, là... Mais j'aimerais peut-être que
M. le bâtonnier Gauthier complète.
Le Président (M. LeSage): Me Gauthier, si vous voulez
poursuivre.
M. Gauthier (André): Nous, notre groupe de travail,
évidemment, moi, je travaillais sur l'aide juridique, le système
actuel, alors, on a entendu beaucoup de ces rumeurs-là, de ces
informations-là, mais jamais une plainte précise. Et je tiens
à vous dire que si des éléments sont connus, je vous
recommande de demander à ces gens-là de porter plainte au Barreau
parce que ça, c'est inadmissible. C'est non seulement frauduleux et
contraire à la déontologie, mais c'est inadmissible. C'est
tricher le système lui-même. Et vous pouvez rassurer ces
gens-là et les envoyer directement au bureau du syndic. Je suis
convaincu que, eux, ça va leur faire plaisir de faire enquête.
Mme Trudeau-Bérard (Nicole): Si vous permettez...
Le Président (M. LeSage): M. le député
d'Anjou.
M. Bélanger: Je pense qu'elle veut compléter. Me
Bérard veut compléter.
Le Président (M. LeSage): Me Bérard, si vous voulez
compléter.
Mme Trudeau-Bérard (Nicole): J'aimerais ajouter. Au niveau
des commentaires que nous avons reçus au moment des rencontres avec des
représentants du public, ce qui nous a été
représenté, c'est que le libre choix de l'avocat est vraiment
remis en question parce que, du fait que les tarifs sont si bas, certains
avocats ne peuvent pas se permettre, effectivement, d'emblée, de prendre
plusieurs cas d'aide juridique, ce qui fait que le principe même du libre
choix de l'avocat, bien, il est un peu remis en question.
Le Président (M. LeSage): M. le député
d'Anjou.
M. Bélanger: M. le Président, je suis un petit peu
étonné relativement à la réponse du Barreau,
à savoir qu'ils ont entendu parler de rumeurs à l'effet que cette
pratique pourrait exister. Encore là, pour avoir pratiqué pendant
près de 10 ans à Montréal, je peux dire qu'elle existe, et
c'est de commune renommée qu'elle existe d'une façon assez
évidente à Montréal, tout au moins. Je ne peux pas parler
des autres régions, mais cette pratique de recevoir de l'argent en
dessous de la table plus un mandat d'aide juridique, elle existe. Alors, je
suis un petit peu étonné de voir que le Barreau ne semble pas
préoccupé outre mesure par cette situation. et ça
m'amène sur un autre point. lots d'échanges que j'ai eus avec des
collègues de l'outaouais, justement, on m'a fait part que le tarif est
tellement peu accepté dans certaines régions où,
peut-être, les avocats sont moins en difficultés
financières et sont plus exigeants au niveau des honoraires que certains
mandats d'aide juridique ne trouvent absolument pas preneurs en pratique
privée, en particulier dans l'outaouais. tout ce qui est matrimonial, il
semblerait, il y a un monopole presque à 100 % de la part des
permanents, qui prennent tous les mandats faute de trouver preneurs en pratique
privée. est-ce que le barreau aussi est conscient de ce
problème-là qui existe relativement... moi, ce que j'ai
malheureusement dû constater, c'est qu'au niveau de l'aide juridique on
profite du fait que, présentement, la profession d'avocat, on doit le
dire, est en sérieuse crise relativement aux ressources
financières de ses membres. et on se dit que, de toute façon, peu
importe l'honoraire qui va être attribué au professionnel, il y
aura toujours quelqu'un qui va être assez mal pris pour le prendre, le
mandat. en tout cas, moi, je me pose des questions relativement à la
qualité des services offerts, à ce moment-là.
Le Président (M. LeSage): Me Paradis.
M. Paradis (Denis): Oui. Dans un premier temps, quant au fait que
vous soulevez le «matrimonial» dans la région de Hull, c'est
la première fois que j'en entends parler. Je n'ai pas entendu parler de
ça avant. Dans un deuxième temps, vous mentionniez que c'est de
commune renommée à Montréal que plusieurs confrères
puissent prendre de l'argent en plus du mandat d'aide juridique. Je vais vous
dire et je répète peut-être ce qu'on a dit
tantôt qu'on est prêt à recevoir toutes les plaintes
à ce niveau-là, mais prêt comme Barreau au niveau de la
déontologie. Mais je pense qu'il faut que la Commission aussi soit
prête, parce que la Commission, quand elle fait ses paiements, elle les
fait pour régler un service complet et total. Donc, l'administration de
la Commission, je pense qu'il y a une espèce de surveillance à
appliquer là. Au niveau déontologique, je pense que, comme
Barreau, oui, on est prêt à agir s'il y a des cas qui sont
portés à notre connaissance, vous pouvez en être certain.
Mais il y a peut-être un partage de responsabilités,
là.
Le Président (M. LeSage): Merci. Alors, le prochain
intervenant, M. le député de Laval-des-Rapides. Bienvenue
à notre commission, M. le député de Laval-des-Rapides.
M. Ménard: Merci. Alors, c'est le Barreau qui va avoir
l'honneur de recevoir ma première question comme
député.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ménard: Je dois d'abord dire que j'ai été
agréablement surpris de lire votre rapport. Il est de la qualité
que l'on attend d'un organisme comme le vôtre. Et les questions que je
vais poser, même si elles peuvent être pointues, ne donnent pas une
idée de l'appréciation que j'en ai. Je veux évidemment des
éclaircissements sur des points qui m'apparaissent importants.
Je trouve intéressant le programme d'assurance que vous
suggérez. Vous vous attendez à ma première question.
Pourquoi, en matière de droit criminel, vous ne voulez pas couvrir ou
vous croyez qu'il est impossible de couvrir le droit criminel, même dans
le cas d'acquittement? Je vous signalerais que je ne sais pas jusqu'où
on a poussé vos études, mais les médecins ont un
système d'assurance, que je sache, et ils en ont eu un temps. Je sais
que la vieille compagnie c'est Gestas ou Gesta assurait les
médecins contre des poursuites injustifiées, même
criminelles. Et, la règle, c'était que la compagnie d'assurances
payait si la personne était acquittée.
Sachant le nombre d'acquittements par rapport au nombre de poursuites
qui sont prises, ça ne me semble pas être un risque qu'il n'est
pas possible de quantifier facilement. Pourquoi vous n'avez pas pensé
à celui-là? Parce que, vous savez, il y a aussi de plus en plus
de plaintes presque privées. Même si elles sont prises par la
police, aujourd'hui, on a une tendance à pénaliser beaucoup de
choses qu'on n'avait pas tendance à pénaliser avant. Les
policiers sont plus méfiants avant de refuser de porter une plainte, et
ainsi de suite, de sorte que vous avez des plaintes qui... Moi, en tout cas,
dans ma pratique, j'ai constaté qu'il y avait une augmentation de
plaintes injustifiées. Ça m'apparaît aussi dangereux que
d'autres poursuites civiles.
M. Paradis (Denis): M. le Président, avec votre
permission...
Le Président (M. LeSage): Me Paradis.
M. Paradis (Denis): ...je souhaiterais que Me Jacques Sylvestre,
responsable du dossier assurance dans ce projet-là, puisse
répondre.
Le Président (M. LeSage): M. Sylvestre, on vous
écoute.
M. Sylvestre (Jacques): Merci, M. le Président.
J'avais comme l'impression que Me Ménard me regardait,
d'ailleurs, lorsqu'il a posé son intéressante question. Il faut
dire, dès le début, que ce que l'on propose, c'est une esquisse.
On ne veut pas devenir, le Barreau, l'assureur. On ne veut pas jouer dans la
question de l'entreprise privée.
On a rencontré plusieurs compagnies d'assurances et, à
l'aide de ces rencontres-là et à l'aide de spécialistes,
on a dressé ce qui pourrait nous apparaître comme un projet
d'assurance. Mais ce n'est pas limitatif. Chaque compagnie va y aller de ses
particularités et de ses coûts. Et on sait que le marché
on nous le disait encore vendredi devra prochainement recevoir de
nouvelles propositions.
La première réponse qu'on a eue concernant la question de
Me Ménard, c'est qu'on ne peut pas assurer sa propre turpitude et on ne
peut pas assurer sa faute volontaire. C'est vrai, en principe, mais, en
pratique, celui qui est acquitté, comme le souligne à juste titre
Me Ménard, qui s'est fait un devoir d'en acquitter plusieurs dans sa
longue et fructueuse pratique, pourrait prétendre qu'il devrait y avoir
des dispositions.
Effectivement, c'est une solution à envisager. Nous avons
cherché, nous, à présenter un programme qui
représente les cas les plus fréquents. Mais, chaque compagnie
d'assurances nous a dit qu'elles vont toutes y aller avec leurs petites
particularités, leurs parfums particuliers, leurs bémols et leurs
coûts. Et je pense que la suggestion de Me Ménard devra
certainement être véhiculée et retenue parce qu'elle est
des plus intéressantes.
M. Ménard: O.K.
Le Président (M. LeSage): Merci. M. le
député de Laval-des-Rapides, allez-y. (15 heures)
M. Ménard: Dans le cas du plafonnement des honoraires,
vous pensez à quelle sorte de plafonnement? Un plafonnement annuel ou un
plafonnement journalier?
M. Paradis (Denis): Nous, ce que l'on pense, c'est...
M. Ménard: Et à peu près sur quelle
base?
M. Paradis (Denis): Je vais demander à Me Gauthier.
Le Président (M. LeSage): Me Paradis.
M. Paradis (Denis): Je vais demander, M. le Président,
avec votre permission, à Me Gauthier de...
Le Président (M. LeSage): Alors, Me Gauthier, on vous
écoute.
M. Gauthier (André): Nous, en fait, ce que l'on propose
là... C'est un problème qui est complexe, et on
s'est penchés sur ce mémoire-là, cette
partie-là du mémoire en octobre et novembre pour soumettre
ça au Conseil général du Barreau en décembre. On
était capables de faire un consensus sur l'idée, mais on avait
beaucoup de difficultés à s'asseoir et à voir de quelle
façon balancer tout cela. C'est pour ça que l'on propose
et on profite de l'occasion pour le faire un comité
Barreau-Commission des services juridiques-ministère de la Justice pour
voir exactement... Parce que, annuel, ça me semble beaucoup, mensuel, ou
le fixer... Ce que l'on veut, c'est récupérer aussi des
praticiens en matière criminelle, des gens de grande expérience
qui disent: Nous, on aimerait bien retourner devant jury, en faire trois ou
quatre par année, mais là, présentement, on ne peut pas le
faire à ce tarif-là, impossible d'y penser. Et ces gens-là
veulent participer à cela. Alors, on s'est dit: il faut aller
récupérer ces praticiens-là et ne pas laisser
péricliter la situation actuelle.
Alors, on est ouverts à ça parce que c'est complexe, et il
faut s'asseoir et bien réfléchir avant d'arriver, là,
à proposer quelque chose de très précis.
M. Ménard: Je suis heureux que vous ayez avec vous la
statistique du nombre d'avocats qui chargent beaucoup, parce qu'il y a beaucoup
de rumeurs qui ont couru. J'ai toujours dit: la rumeur est toujours pire que la
vérité. C'est bon d'avoir les chiffres. Maintenant, justement,
sur ce comité-là, on voudrait certainement avoir l'information
suivante. Vous savez, les avocats qui en font une spécialité, de
l'aide juridique, on prétend, en tout cas, souvent en matière
criminelle, qu'ils accélèrent les procédures et que, par
conséquent, ils coûtent beaucoup moins cher à l'ensemble du
système. Surtout pour les deux au-delà de 200 000 $, avez-vous pu
vérifier, effectivement, si ces gens-là multiplient les
procédures ou font certains types de procédures pour collecter
plus d'honoraires, ou bien si, effectivement, leur pratique ne rencontre pas le
critère de... Vous savez, il y a un bel article dans notre code
d'éthique qui dit qu'on ne doit pas donner à la profession
l'aspect de lucre et de com-mercialité.
M. Gauthier (André): L'article 08.03. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ménard: J'avais oublié le numéro, mais
l'expression est tellement jolie que je l'ai toujours reconnue. Je m'en suis
toujours souvenu. Est-ce que vous avez pu vérifier si, effectivement,
ces avocats-là, qui semblent tirer un meilleur parti de l'aide juridique
que d'autres tirent de la pratique privée, donnent à la
profession ce caractère?
M. Paradis (Denis): Je pense qu'au niveau objectif, il me semble,
en tout cas, que la Commission est à même d'examiner leur
facturation, que tout s'est fait selon les règles. Maintenant, au niveau
de la prati- que proprement dite, d'être avocat, s'il y a un taux de
plaidoyers de culpabilité, on n'a pas ces statistiques-là, mais
on imagine, à un moment donné, qu'il y a un taux de plaidoyers de
culpabilité assez fort. Mais à quel stade ça se passe dans
la procédure? Ça, c'est l'autre problème. Et, dans la
combinaison qu'on propose ici, c'est-à-dire le plafonnement, dans un
premier temps, et le «block fee», dans un deuxième temps, on
pense être en mesure, peut-être, de solutionner le problème,
ou la Commission pourrait solutionner le problème pour l'avenir.
Maintenant, à savoir si c'est un système qui s'accommode
très bien d'une multitude de cas ou qui se règle assez
facilement, ni plus ni moins, ça, ça nous fait nous interroger,
comme Barreau. Mais plutôt peut-être que revenir en arrière
et tenter... On tente de voir à vous proposer des solutions qui disent:
regardons donc, peut-être, la nature du «block fee» pour voir
si c'est possible et ensuite regardons si c'est possible de limiter avec le
plafonnement. On pense que la combinaison de ces deux recommandations-là
peut faire en sorte que le problème, si problème il y a, ne se
reproduise pas ou ne se répète pas.
Le Président (M. LeSage): M. le député de
Chapleau.
M. Kehoe: Dans le même ordre d'idées que le
député de Laval-des-Rapides, M. le bâtonnier, vous avez
parlé, à la page 32 de votre rapport, du fameux comité
conjoint du Barreau, de la Commission des services juridiques et des
corporations régionales d'aide juridique. Ce comité-là, si
je comprends bien votre suggestion, c'est de le former après que toutes
les auditions des mémoires soient faites ici à la commission
parlementaire, après que tout le monde ait eu l'opportunité de
faire valoir sa position, son point de vue. Et, à partir de là,
après que tout ce travail soit fait, de former un comité.
M. Paradis (Denis): Avec votre permission, M. le
Président. Ce qu'on dit, M. le député, c'est qu'on
voudrait que la couverture, qui est tout à fait large, demeure tout
à fait large, comme elle l'est à l'heure actuelle pour les
bénéficiaires de l'aide juridique. Mais on dit: si jamais on
devait, quelque part, penser à des coupures, on voudrait que le Barreau
soit associé à cette démarche-là et qu'on regarde
s'il n'y a pas lieu je vais juste vous donner un exemple de
penser, dans certains domaines, à des méthodes alternatives de
résolution de conflits: médiation, conciliation. Est-ce qu'il n'y
aurait pas lieu, au lieu de couper des services, de penser à ça?
Et on voudrait peut-être que soit créé
éventuellement un forum qui aurait pour objet de dire comment on peut
faire, tout le monde ensemble, pour garder les services et la couverture la
plus complète possible, mais dans la rationalisation des
coûts.
Le Président (M. LeSage): Alors, M. le ministre.
M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Alors, M. le
bâtonnier, Me Sylvestre, Me Gauthier et Me Trudeau-Bérard, je veux
vous remercier pour votre participation, dans un premier temps, par un
mémoire que vous nous avez soumis et que j'ai identifié tout
à l'heure comme étant un mémoire de très bonne
qualité, qui faisait très bien, quant à moi, le tour de la
question.
J'aurais aimé, évidemment, qu'on élabore un peu
plus sur votre suggestion quant à l'assurance frais juridiques, les
frais d'expertise. Vous faites référence, dans votre
mémoire, aux coûts d'expertise, que vous évaluez à
plus ou moins 5 500 000 $. C'est beaucoup d'argent. Vous indiquez que, si on
resserrait la procédure quant aux frais d'expertise, on pourrait aller
chercher plus ou moins 1 000 000 $ d'argent dans le régime. Vous dites
que, de façon générale, le régime d'aide juridique
au Québec est bien géré. Il y a évidemment des
corrections à apporter, plus ou moins importantes, mais globalement,
vous considérez qu'il y a une bonne gestion du régime d'aide
juridique.
La participation du Barreau, quant à moi, dans la
réévaluation du système d'aide juridique, dans
l'actualisation du système du régime d'aide juridique, est
fondamentale et essentielle, partant du rôle, M. le bâtonnier, que
vous nous avez rappelé tout à l'heure, à savoir que le
Barreau est là pour, d'abord et avant tout, protéger les
intérêts du public. Je veux vous remercier et vous rappeler ce que
vous mentionnez, MM. du Barreau et madame, à la page 7 de votre
mémoire, que: «L'expertise du Barreau, ses devoirs et sa
responsabilité vis-à-vis du public doivent être mis
à profit, nous a-t-on répété. On voudrait donc que
le Barreau du Québec poursuive le dialogue et initie une collaboration
avec les organismes qui ont participé à cet exercice.»
Alors, c'est dans ce sens-là, M. le bâtonnier, que je vous
laisse, et je vous invite effectivement à continuer à nous
supporter, à nous aider, à le faire publiquement, à nous
dire ce que vous pensez de la démarche. Et je prends pour acquis qu'on
pourra compter sur votre collaboration, tout ça dans
l'intérêt de nos bénéficiaires. Je vous
remercie.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le ministre. Merci,
Mme et MM. les représentants du Barreau. La période de temps qui
était allouée effectivement au Barreau du Québec est
complétée. Je suspends donc les travaux pour quelques instants
afin de permettre à l'autre groupe de pouvoir prendre place.
M. Paradis (Denis): Merci à tous les membres de la
commission. Merci, M. le Président.
(Suspension de la séance à 15 h 9)
(Reprise à 15 h 22)
Le Président (M. LeSage): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission reprend ses travaux. Nous enten- drons les
représentants de l'Association des avocats de la défense de
Montréal, et je demande à son porte-parole de bien vouloir
s'identifier et présenter à cette commission les personnes qui
l'accompagnent.
Association des avocats de la défense de
Montréal
M. Cournoyer (Guy): Bonjour, M. le Président. Guy
Cournoyer, vice-président de l'Association des avocats de la
défense de Montréal. Je suis accompagné, à ma
gauche, de Me Pierre Latulippe, qui est notre
secrétaire-trésorier et, à ma droite, de Me Giuseppe
Battista, qui est conseiller à l'exécutif de notre association.
Et je voudrais excuser l'absence de notre présidente, Me Schurman, qui
avait des occupations professionnelles déjà
«cédulées» dans le comté de Bonaventure.
Alors, c'est pour cette raison qu'elle n'est pas présente aujourd'hui
devant la commission.
Le Président (M. LeSage): Merci, Me Cournoyer. Alors, je
vous rappelle que vous avez 20 minutes pour présenter votre
mémoire, et chacun des partis politiques aura également 20
minutes pour faire des échanges avec vous. Nous vous écoutons, Me
Cournoyer.
M. Cournoyer (Guy): Alors, dans un premier temps, M. le
Président, on voudrait situer un peu le contexte de notre intervention
devant la commission. Nous sommes une association qui regroupe 300 membres et
qui a été fondée il y a déjà plus de 30 ans
par le juge en chef de la Cour suprême, l'honorable juge Lamer. Nous
regroupons tant des praticiens de pratique privée que des praticiens qui
oeuvrent au sein de l'aide juridique.
Notre intervention se fait à partir d'un angle qui est l'angle de
la défense de l'accusé, et notre intention n'est pas ici de faire
des interventions qui proviennent soit de l'angle d'une corporation
professionnelle, ou de l'angle d'un syndicat d'employés de l'aide
juridique, ou même de l'angle encore plus restreint des praticiens de
pratique privée qui acceptent de représenter, en matière
criminelle, des accusés.
On veut, dans un premier temps, établir clairement que, pour
notre association, la question du libre choix est une question qui n'est pas en
litige. Nous appuyons la proposition du Barreau du Québec selon laquelle
le modèle actuel de libre choix doit être conservé.
C'est notre opinion que ce système-là est le
système qui maximise le droit constitutionnel d'un accusé d'avoir
accès à l'avocat de son choix. Et aussi, des études,
notamment une étude du Barreau canadien, en 1987, est arrivée
à la conclusion que c'est ce système-là qui maximise le
mieux la qualité de représentation des accusés. Pour notre
association, il ne saurait être question de remettre en cause le principe
du libre choix seulement si on avait des preuves prépondérantes
qui
établissaient la qualité supérieure d'un des
modèles de représentation par rapport à l'autre.
Et il nous apparaît clair et évident que, aujourd'hui,
chacun des aspects du système a d'excellentes qualités, mais
aussi des faiblesses, mais que, dans l'état actuel des choses, nous ne
croyons pas qu'il soit nécessaire de remettre en question le principe du
libre choix.
Dans un deuxième temps, je souhaite aussi attirer l'attention des
membres de la commission sur le fait que, lorsqu'on est appelés à
faire des discussions de nature financière ou budgétaire et que
ces questions-là sont liées à la représentation des
accusés dans une affaire criminelle, il faut être
extrêmement circonspects des décisions de nature budgétaire
qu'on va prendre puisque nous croyons que les accusés ont un droit
constitutionnel à la représentation d'un avocat, d'une part, mais
aussi ont le droit constitutionnel que cette représentation-là
soit payée par l'État dans le cas où les gens ont des
moyens insuffisants. Cette circonspection nous apparaît être
extrêmement nécessaire puisque l'État, qui est
appelé à prendre des décisions de nature
budgétaire, est aussi celui qui, dans d'autres aspects de ses fonctions,
accuse des gens d'un crime. Et il faut éviter que les décisions
de la main gauche puissent paraître être des décisions de
nature budgétaire qui n'ont que pour but de faciliter le travail de la
main droite, à savoir celle qui accuse.
Dans un autre ordre d'idées, il nous apparaît aussi que,
comme association représentant des accusés, nous n'avons pas
l'intention de formuler d'autres propositions que celles qui ont
été présentées par le Barreau du Québec au
plan de l'organisation financière et budgétaire de l'aide
juridique. Ce que nous voulons toutefois souligner, c'est que, dans le contexte
budgétaire actuel, il nous apparaît un petit peu restreint et
peut-être un peu obtus de faire une discussion sur les réformes
possibles au financement de l'aide juridique sans examiner plus globalement la
problématique de la justice en général. Et je m'explique.
Il y a, à notre avis, un certain nombre de décisions qui
pourraient être prises, tant par la composante Justice que la composante
Sécurité publique, qui seraient de nature à dégager
des sommes que nous sommes pour l'instant dans l'impossibilité
d'évaluer parce que ces études-là ne se font pas, mais
qu'il serait possible de dégager des montants d'argent pour,
probablement, bonifier d'une façon ou d'une autre la couverture ou la
qualité des services rendus par le régime d'aide juridique au
Québec. Et l'essentiel de notre intervention se fonde sur cette
prémisse-là, c'est d'examiner si, dans le système de
justice, il n'y a pas des économies d'échelle qu'on pourrait
réaliser qui seraient, elles, susceptibles d'être utilisées
à d'autres fins dans le financement de l'aide juridique. (15 h 30)
La réalité de la pratique en droit criminel est, grosso
modo, la suivante, et l'ex-bâtonnier du Québec me corrigera si je
me trompe: environ 80 % des gens qui sont accusés d'un crime vont
enregistrer, à une étape ou à une autre des
procédures, un plaidoyer de culpabilité, et 20 % des autres iront
et contesteront leur culpabilité. dans une réflexion globale et
complète du financement de l'aide juridique, il nous apparaît que
c'est à partir de ce prisme déformant qu'il faut examiner les
choix qui doivent être faits. ainsi, on doit trouver un système
efficace et équitable qui permette d'assurer le traitement de cette
majorité-là de dossiers, où un citoyen accusé d'un
crime admettra sa culpabilité, pour permettre aux 20 % environ d'autres
citoyens et citoyennes qui contesteront leur culpabilité d'avoir toute
la mesure de justice que notre société devrait leur accorder. et,
à cet égard, le mémoire trace et esquisse des domaines
où il nous apparaît que la composante justice et/ou la composante
sécurité publique pourraient faire des choix qui seraient de
nature à occasionner des économies d'argent. un premier exemple.
lorsqu'un accusé est arrêté, souvent les policiers
souhaiteront lui poser des questions avec l'idée d'obtenir une
déclaration qui sera susceptible d'être utilisée contre lui
en preuve. au québec, ni la sûreté du québec ni le
service de police de la communauté urbaine de montréal
n'utilisent le système d'enregistrement par vidéo. et, selon un
rapport rendu par l'ancien juge de la cour d'appel d'ontario, le juge martin,
au canada, 66 % des corps de police utilisent l'enregistrement par
vidéo. vous allez me dire: de quoi nous parle-t-il? bien, le
problème, c'est que lorsqu'une déclaration est
rédigée sur un papier, ça donne lieu à des
contestations, il y a du temps de cour qui est utilisé pour ces
contestations-là, et nous croyons fermement que ces
contestations-là pourraient être évitées si le
ministère de la justice établissait une directive claire, nette
et précise qui obligerait l'utilisation de déclarations
enregistrées sur vidéo. ça se fait dans les autres
provinces, et on a de la difficulté à imaginer pourquoi on
n'économise pas les deniers publics en utilisant une telle
procédure qui serait de nature à raccourcir grandement les
débats judiciaires.
Deuxième exemple. En matière de divulgation de la preuve
ou de communication de la preuve, la Cour suprême du Canada a
énoncé en 1991 qu'un accusé a droit à la
divulgation de la preuve. Ça, c'est le principe. La
réalité pratique de ce principe-là varie de district
judiciaire en district judiciaire, et, par exemple, le droit théorique
d'avoir accès au dossier existe, mais il n'est pas possible dans tous
les districts judiciaires d'avoir automatiquement une copie du dossier complet,
tant du dossier de police que de toutes les déclarations et de tous les
éléments qui sont contenus dans le dossier.
Il y a là-dedans des chicanes de clocher. Tantôt, les
services policiers ne veulent pas faire ces photocopies parce que eux aussi
subissent les restrictions budgétaires; tantôt, ce sont des
politiques d'industrie judiciaire où, là, on dit: On ne remet pas
ceci ou on ne remet pas telle composante du dossier. Et nous croyons que si le
dossier était remis au complet à la première
opportunité... On pense que si, à l'origine, lorsqu'un dossier
criminel est ouvert et que ça prend six copies du dossier, ça ne
doit pas être tellement difficile de rajouter le numéro sept, pour
faire des copies pour tout le monde. De toute
façon, le droit est clair, les avocats de la défense y ont
droit.
Ça peut sembler être loin des préoccupations de la
commission, mais ça nous paraît, nous, une exigence
nécessaire d'examiner ces éléments-là, parce qu'il
y a là des économies d'échelle. Parce que, si la
divulgation de la preuve est faite équitablement et efficacement en
première ligne, ça évite des ajournements et c'est
susceptible d'engendrer une résolution des dossiers par le biais d'un
plaidoyer de culpabilité à la première
opportunité.
Troisième exemple. Notre société a
développé, avec raison, au cours des années, une
sensibilité par rapport à toute la question de la violence
conjugale. Cette sensibilité, qui est justifiée par la
conscientisation qu'on a eue au phénomène de la violence envers
les femmes, a néanmoins engendré, dans certains cas et non pas
tous, des effets qui engorgent le système pour des dossiers où il
serait plus opportun d'avoir des services de conciliation efficaces, similaires
à ceux qu'on retrouve notamment à la Cour municipale de
Montréal que par une judiciarisation obligatoire par le biais d'une
directive qui émane du ministère de la Justice qui est
inflexible, où parfois même les plaignantes se sentent
dépossédées de la propriété du conflit qui
les opposait à la personne qui a fait preuve de violence à leur
égard. Et, à notre avis, sans en faire une règle rigide
dans un cas ou dans l'autre, il y a là des économies
d'échelle qui, à notre avis, seraient extrêmement
importantes à réaliser.
Quatrième exemple. Dans le domaine des causes en matière
de facultés affaiblies, notre association arrive à la conclusion
que beaucoup de temps d'audition de causes devant les tribunaux criminels est
dévolu aux causes en matière de facultés affaiblies. La
raison en est très simple, le Code criminel a été
amendé, et le Code de la sécurité routière, pour
arriver au résultat suivant: Une personne qui est trouvée
coupable perd automatiquement son permis de conduire. Il n'y a pas de
statistiques, ou on n'a pas été en mesure de trouver de
statistiques sur l'évolution ou l'augmentation du nombre... de temps de
ressources judiciaires qui était dévolu à l'audition de
ces causes-là. Ce qu'on sait, par contre, c'est que, dans la province
voisine, en Ontario, ça a occasionné une hausse du nombre de
procès de 33 % en matière de facultés affaiblies.
Et on se demande s'il n'y aurait pas lieu de repenser le système,
de rétablir le régime de permis restreint qui, à une
époque, a existé, mais de sanctionner les contraventions au
permis restreint par, par exemple et ça, ça peut se
débattre de l'incarcération automatique. Je pense qu'il ne
doit pas y avoir de vache sacrée, mais je pense que les tribunaux ont
sans doute autre chose à faire que de déterminer si, une
soirée de décembre, une personne avait un taux
d'alcoolémie qui était à 0.10 plutôt qu'à
0.08. Ça, ça nous apparaît être des choses qui
doivent être examinées. Bien entendu, il ne faut pas perdre de vue
l'effet dissuasif que la nouvelle législation a eu, mais il nous
apparaît que cet effet dissuasif là serait peut-être
bonifié par une peine d'incarcération automatique pour la
personne qui se voit donner une chance, par l'octroi d'un permis restreint pour
fins de travail, mais qui défie les conditions et le cadre du permis
restreint qui lui a été accordé.
Avant de terminer les remarques principales, je souhaite peut-être
prendre les devants et parler de deux sujets qui ont été
évoqués dans les questions des membres de la commission aux
membres du Barreau: la question de la pratique à volume et la question
des mandats plus.
Au niveau de la pratique à volume, ce que notre association a
à dire, c'est, dans un premier temps, qu'il nous apparaît, en
principe, difficilement conciliable avec la qualité de
représentation d'un accusé que des gens puissent
représenter, à succession, plusieurs accusés au cours
d'une même journée. Par contre, une fois qu'on a dit cela et une
fois qu'on constate qu'il n'y a pas, comme le bâtonnier du Québec
l'a dit, de plaintes qui sont déposées à rencontre des
praticiens en pratique privée à cet égard-là, on
doit se demander deux choses: Est-ce qu'on doit faire confiance à notre
intuition, que cette façon-là de pratiquer n'est pas
adéquate ou doit-on constater que, s'il n'y a pas de plainte, c'est que
le problème n'existe peut-être pas dans une mesure qui est celle
appréhendée par l'intuition des gens qui constatent et qui
examinent de quelle façon le système opère. (15 h 40)
Et, d'autre part, il ne faudrait pas non plus qu'on fasse preuve de ce
que j'appellerais un petit peu de démagogie en, d'une part, constatant
les bienfaits systé-miques de la résolution rapide de dossiers
criminels et, d'autre part, de critiquer toutes les personnes qui assurent au
système de justice pénale cette résolution-là. Il
n'est pas de notre intention de défendre ce type de pratique là.
Il est de notre intention, et probablement que c'est par déformation
professionnelle comme avocats de la défense, de dire que s'il y a des
abus, ces abus-là doivent être sanctionnés et que s'ils
doivent être sanctionnés, la voie de sanction, c'est le domaine du
droit disciplinaire, et nulle part ailleurs. Je pourrai peut-être revenir
aux autres...
Le Président (M. LeSage): Merci, Me Cournoyer. Je
cède maintenant la parole au ministre de la Justice.
M. Lefebvre: Merci, Me Cournoyer. Je vous remercie d'avoir, dans
un premier temps, déposé un mémoire qui est court mais qui
est pertinent. Vous soulevez dans votre mémoire des questions
extrêmement importantes, et je vous remercie également
d'être ici, cet après-midi, en compagnie de vos
collègues.
Vous dites, Me Cournoyer, être en accord avec la position du
Barreau mais, cependant, avec la réserve suivante: Vous vous dissociez
de la recommandation 9 contenue au mémoire, qui est le Plan Barreau. Et,
sans minimiser la «balance» du mémoire du Barreau, je dois
vous rappeler, et je pense que vous serez d'accord avec
moi, que la proposition Plan Barreau contenue à la recommandation
9... Et je ne suis pas en train de vous indiquer, je ne suis pas à vous
indiquer, au moment où on se parle, que je suis d'accord avec ce qui est
proposé par le Barreau, mais il faut cependant reconnaître que
c'est un volet très important à l'intérieur du
mémoire du Barreau. Ça touche toute la question fondamentale du
problème soulevé par l'ensemble des intervenants d'une faiblesse
au niveau de l'accessibilité aux services d'aide juridique.
Ça touche également à une autre question
fondamentale, qui est la suivante, à savoir qu'il y a plein de citoyens
et citoyennes, au Québec, qui se situent dans la classe des
salariés moyens, qui ne sont pas admissibles à l'aide juridique,
mais qui peuvent difficilement s'offrir les services d'un avocat de pratique
privée. Alors, c'est toute cette question qui est soulevée par le
Barreau du Québec à sa recommandation 9, et vous vous en
dissociez.
Je ne suis pas en train non plus... Je ne vous indique pas que je suis
en désaccord avec votre position. Je voudrais vous entendre tout de
suite commenter le fait que vous considérez être en accord avec le
Barreau alors que vous vous dissociez, vous vous dissociez de ce qui
m'apparaît être à tout le moins une partie extrêmement
importante du mémoire du Barreau.
M. Cournoyer (Guy): Écoutez, pour être bien
honnête, M. le Président, si vous me permettez...
Le Président (M. LeSage): Allez-y, Me Cournoyer.
M. Cournoyer (Guy): ...la compréhension que nous avions du
Plan Barreau, à l'époque où on a reçu le
mémoire, n'est probablement pas la compréhension qu'on a
aujourd'hui, après avoir vu la présentation du bâtonnier,
d'une part. D'autre part...
M. Lefebvre: Le bâtonnier vous a convaincus.
M. Cournoyer (Guy): Est-ce qu'il y a des gens qui peuvent
être contre la vertu?
M. Lefebvre: Ha, ha, ha!
M. Cournoyer (Guy): Écoutez, je pense qu'il y a peu
à redire sur la présentation qui a été faite par le
bâtonnier. On doit expliquer deux choses. La première, c'est que
ce qui était confondant, lorsqu'on a lu le mémoire du Barreau,
c'est que la partie du texte qui est associée à la recommandation
9 est liée à toute la problématique des assurances, et,
comme criminalistes, on avait un petit peu de problèmes à se
situer par rapport à ça parce qu'on avait de la difficulté
à cerner si c'était une composante assurances qui couvrait
ça ou un ensemble d'avocats qui, sous l'impulsion du Barreau,
décident de faire un acte d'implication sociale et de réduire
leurs tarifs pour faire en sorte que les gens de la classe moyenne aient
accès à des services juridiques. Il n'y a personne de notre
association qui va dire qu'on est contre ça. Ça, c'est clair.
La dernière chose, et c'était plus le sens de
l'intervention qui était liée avec la recommandation, c'est que,
bien que d'accord en principe, il nous apparaissait nécessaire, et la
présentation a précisé déjà un certain
nombre d'éléments, que si une telle intervention devait se faire,
il fallait que les règles du jeu soient claires pour la population en
général. Et c'est probablement la réaction des
criminalistes que nous sommes, qui rencontrons des accusés qui, des
fois, ne savent même pas qu'un avocat de pratique privée qui
accepte un mandat privé, un mandat de l'aide juridique n'est pas un
employé de l'État. Alors, c'est probablement plus de cette
confusion-là qu'on souhaitait... que, si une telle initiative est prise
par le Barreau, on va s'y joindre, mais que les règles du jeu soient
claires.
M. Lefebvre: Je comprends que vous nous indiquez, Me Cournoyer,
que, face au savant exposé du bâtonnier et de ses
collègues, vous vous ralliez, quant à l'essentiel, au moment
où se parle, ou presque à la position du Barreau là...
M. Cournoyer (Guy): Mais je pense qu'au plan des principes...
M. Lefebvre: ...au volet 9, le Plan Barreau.
M. Cournoyer (Guy): ...c'est difficile d'être contre le
principe de la proposition.
M. Lefebvre: Me Cournoyer, à la page 3, 3D de votre
document, de votre mémoire, vous mentionnez que «le tarif d'aide
juridique en matière criminelle est mal structuré et
inadéquat». Vous semblez insister beaucoup plus sur la
mécanique du tarif que sur le tarif lui-même. Est-ce que je me
trompe?
M. Cournoyer (Guy): Écoutez, ce qu'on constate, et
ça, je pense que tous les intervenants... et malgré la
disponibilité de statistiques à cet égard-là, c'est
que la structuration actuelle du tarif a eu des effets pervers.
M. Lefebvre: Dans quel sens?
M. Cournoyer (Guy): Dans le sens où ça a...
M. Lefebvre: Ça encourage la multiplication de la
procédure?
M. Cournoyer (Guy): Ça encourage la multiplication de la
procédure, tout simplement. Et ce phénomène-là
n'est pas un phénomène qui est unique à la justice. Toute
tarification à l'acte est susceptible d'avoir de tels effets pervers. Et
je pense que, dans le domaine de la santé, de tels
«dérapements», si je peux utiliser l'expression, ont aussi
été observés.
Nous, on est d'accord avec la proposition du «block fee» ou
d'une autre tarification qui ferait que, systémiquement, on
éviterait la tentation d'une certaine bonification des revenus obtenus
de l'aide juridique. Parce que, en pratique, et il faut dire, c'est que, comme
le montant donné pour chacune des étapes est, à toutes
fins, tellement dérisoire, ce que les avocats font ce n'est
peut-être pas noble, mais c'est ce qu'on peut observer parfois
c'est qu'on utilise à mauvais escient la tarification pour obtenir un
revenu juste et équitable.
Mais, une fois que j'ai dit ça, c'est une impression personnelle,
et on n'est pas en mesure de vérifier exactement. Et je pense que c'est
ce que le bâtonnier disait. Comment pouvons-nous affirmer que ces
effets-là existent? Tous les intervenants en matière de justice
pénale et criminelle vous diront qu'ils ont l'intuition que ça
existe. Mais, pour faire une étude sérieuse et compatible avec,
un peu, les objectifs qu'on a comme avocats de la défense, il faudrait
examiner des dossiers et examiner si, dans des cas d'espèce,
effectivement, on a utilisé à mauvais escient le tarif pour
bonifier ces revenus.
M. Lefebvre: Me Cournoyer, vous m'indiquez, et vous n'êtes
pas le premier, évidemment, à faire cette remarque-là, que
la structure du tarif peut être incitative à l'abus, pour se
résumer. Des intervenants, des experts, nous indiquent cependant qu'on
pourrait faire face au problème contraire avec la mécanique du
forfaitaire ou du «block fee». Et je vous pose la question: Comment
répondez-vous à ceux et celles qui prétendent que les
honoraires forfaitaires pourraient inciter les avocats à régler
très rapidement, à l'étape de la comparution, plutôt
que de prendre la peine de bien évaluer les droits de leurs clients et
la possibilité d'un acquittement si, par hypothèse, on
franchissait les étapes de la comparution, de l'enquête sur
cautionnement, de l'enquête préliminaire, etc.? Quelle est votre
opinion là-dessus?
M. Cournoyer (Guy): II y a un certain nombre de réponses
à cette problématique-là. La première, c'est que ce
danger-là existe dans le système actuel. On ne se fera pas de
cachettes. Il existe... (15 h 50)
M. Lefebvre: À l'inverse, à l'inverse.
M. Cournoyer (Guy): À l'inverse, mais il existe
déjà. Mais il existe aussi parce que les exigences de ce qu'on
appelle «la pratique à volume» empêche ces
avocats-là de pratiquer et de faire des procès. Alors, cette
espèce d'intuition là qu'on aurait qu'un avocat troque les
intérêts de son client pour ses intérêts personnels
et de revenus, ça existe, dans le système actuel. Ça,
c'est clair.
Deuxièmement, on sait que le système actuel, il a des
ratés, il a des faiblesses. Alors, on ne peut pas... Comme disent les
anglophones, «You cannot have your cake and eat it.» Je veux dire,
si le système de tarifs actuel ne fonctionne pas puis le «block
fee» commande des problèmes, il faut examiner lequel des deux est
susceptible d'en avoir moins. On sait qu'il y en a actuellement. Ça, on
est sûrs que ça existe.
M. Lefebvre: Très rapidement, parce que je vais devoir
laisser la parole à mes collègues de l'Opposition officielle,
avez-vous vérifié comment fonctionnait le système des
honoraires forfaitaires dans l'Ontario, entre autres provinces, et est-ce que
l'expérience est heureuse?
M. Cournoyer (Guy): Écoutez...
M. Lefebvre: En regard de ce que vous souhaitez éviter,
l'abus, et même permettre au ministère de la Justice aussi au
gouvernement et au système d'aide juridique comme tel de faire des
économies, est-ce que l'expérience ontarienne vous
démontre qu'on pourrait arriver à cet objectif?
M. Cournoyer (Guy): Écoutez, honnêtement, je me
souviens d'avoir vu des statistiques qui ont été
révélées à un moment donné, et il semble
qu'il n'est pas évident que ni l'un ni l'autre des systèmes ne
nous permette vraiment de contrôler tous les abus. Je ne suis pas en
mesure de l'affirmer devant vous. Par contre, il faut l'étudier à
son mérite pour déterminer si celui-là est susceptible
d'enrayer ces abus-là. Par contre, ce que je peux vous dire, c'est que
beaucoup d'avocats québécois traverseraient la frontière
pour aller pratiquer en droit criminel en Ontario, et moi le premier.
Ça...
M. Lefebvre: À cause des tarifs.
M. Cournoyer (Guy): Parce que la tarification est beaucoup plus
intéressante. Naturellement, les budgets annuels...
M. Lefebvre: Sauf que la couverture est très
différente.
M. Cournoyer (Guy): La couverture est très
différente, mais c'est parce qu'il faut comprendre une chose, M. le
ministre, c'est que...
M. Lefebvre: La couverture est beaucoup moins
généreuse.
M. Cournoyer (Guy): Oui, mais en matière criminelle...
M. Lefebvre: Pour le bénéficiaire...
M. Cournoyer (Guy): Mais c'est parce que c'est en matière
criminelle dont on parle.
M. Lefebvre: Oui, d'accord.
M. Cournoyer (Guy): Et là, il y a une valeur qui fait
l'objet d'un respect assez scrupuleux dans la province voisine.
Mais la dernière remarque que je voudrais ajouter à la
question du «block fee», c'est que, si on craint que le
«block fee» crée des problèmes parce que ça
inciterait les avocats à troquer les intérêts de leurs
clients, il y a deux autres réponses que je pense qui doivent être
faites. La première, c'est que, en pratique, penser que les avocats
seraient en mesure de résoudre le dossier de leur client lors de la
comparution, c'est, en pratique, impossible. Allez dans les salles de
comparution dans les palais de justice, c'est absolument inconcevable qu'on
puisse réaliser ça. Il y a trop de gens qui comparaissent pour le
temps dont la cour dispose pour que ce problème-là se pose,
premièrement.
M. Lefebvre: Je vous crois.
M. Cournoyer (Guy): Deuxièmement, c'est qu'on ne peut pas
fonder un système en prenant pour acquis que les avocats vont commettre
des infractions déontologiques.
M. Lefebvre: Vous avez raison.
M. Cournoyer (Guy): On ne peut pas faire ça.
M. Lefebvre: Je suis d'accord avec vous. On doit présumer.
On doit...
M. Cournoyer (Guy): Être innocent. M. Lefebvre: Vous
avez raison. M. Cournoyer (Guy): Ha, ha, ha!
M. Lefebvre: Alors, je laisse la parole à mes
collègues de l'Opposition.
Le Président (M. LeSage): Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, Me Cournoyer, Me
Latulippe et Me Battista, merci de votre présentation.
J'avais quelques questions concernant votre premier point,
évidemment, puisque vous nous exprimiez très clairement que vous
n'appuyez pas la recommandation 9 concernant le Plan Barreau et que vous croyez
que, finalement, le fait d'expliquer au client le système, ça
pourrait paraître aux yeux des citoyens comme une mesure discriminatoire
et injuste. Mais je pense que, suite à l'audition du mémoire du
Barreau, vous avez révisé votre position là-dessus.
Peut-être apporter une certaine précision. Quand on a
parlé tantôt de pratique à volume, évidemment,
ça vient remettre en cause la qualité des services, mais
ça questionne aussi au niveau du système financier; et je pense
que le Barreau était d'accord à l'effet qu'un plafonnement,
à ce moment-là, nous permettrait d'éviter certains abus
tout en permettant de maintenir une cer- taine qualité de services. Il
n'était pas question de nombre de plaintes à ce moment-là
puisque, effectivement, très peu d'avocats se retrouvent... On parlait
de deux qui se retrouvent, là, dans le service de facturation, qui
étaient au-dessus de 200 000 $.
Pour ce que vous avez appelé le mandat plus, alors, comme il a un
nom bien défini, il doit avoir effectivement une pratique puisqu'on
vient de lui donner un nom spontanément. C'est évident que c'est
difficile de retrouver les plaintes parce que, autant on nous disait
tantôt, pour l'avocat, le tarif, il est bas, il le trouve trop bas, mais
autant le citoyen qui veut un mandat d'aide juridique et qui souhaite l'obtenir
d'un avocat en particulier, eh bien, il se dit: Bon, tant qu'à l'obtenir
avec un mandat d'aide juridique plus, avec le montant plus ou le payer
complètement, eh bien, j'aime mieux prendre le mandat d'aide juridique
avec le plus que je débourse et, à ce moment-là, j'ai un
certain rabais plutôt que de payer le tarif complet. Alors, c'est un
petit peu pour ça qu'on retrouve peu de plaintes dans ce
secteur-là.
J'ai particulièrement apprécié vos mesures
concernant l'amélioration des mécanismes de communication de la
preuve, l'établissement de la règle d'enregistrement sur
vidéo, bon, l'examen de cette possibilité-là. Je pense que
ça peut permettre une certaine amélioration du
système.
Lorsque vous nous parlez aussi de l'importance des programmes de
conciliation en matière criminelle, eh bien, là, j'aimerais vous
faire préciser un petit peu plus sur deux points et vous devinez
sûrement lesquels lorsque vous nous parlez de violence conjugale
et lorsqu'on se parle aussi de l'alcool au volant. Et je pense qu'il ne faut
pas non plus comparer les économies d'échelle avec le risque que
les citoyens et les citoyennes ne soient plus en sécurité. Et
ça, ça m'apparaît capital. Lorsqu'on se parle de dossiers
de violence conjugale, les risques, ils sont nombreux, et je pense que les
derniers exemples qu'on a vus au cours des derniers mois nous amènent
à une très grande prudence à ce niveau-là. Et,
concernant l'alcool au volant, j'avoue que j'ai certaines réserves
à votre proposition puisque, dans les faits, depuis qu'on juge que la
conduite avec alcool au volant est un acte criminel, on a vu peut-être
une augmentation du nombre de procès, évidemment, mais, par
contre, on a vu une baisse extrêmement importante au niveau de l'abus de
l'alcool, au niveau des accidents avec mortalité. Et je pense qu'il y a
aussi à calculer cette économie-là, aussi, qui tient
compte de la sécurité des gens.
Alors, moi, j'aimerais peut-être que vous me précisiez un
peu plus ce que vous voyez comme service de conciliation dans les cas de
violence conjugale.
M. Cournoyer (Guy): Écoutez, M. le Président, c'est
extrêmement simple. C'est une problématique complexe qui implique
beaucoup d'émotivité et dans laquelle il faut agir avec beaucoup
de circonspection. Mais il y a des programmes qui existent déjà,
et je vous donne l'exemple de la Cour municipale de Montréal, où
des plaintes de voie de fait sont portées contre un
homme qui a poussé ou serré le bras de sa conjointe. La
personne comparaît détenue, et ça, c'a fait l'objet d'une
de nos recommandations aussi. Je fais une parenthèse pour dire que, dans
ces cas-là, si les policiers avaient le pouvoir d'imposer des conditions
pour que cette personne-là se retrouve dans un autre domicile pendant la
période des procédures, ça faciliterait grandement le
travail de la justice parce que ça éviterait des comparutions par
détention qui sont extrêmement onéreuses. (16 heures)
D'ailleurs, lors du Sommet de la Justice, le ministre Ryan, à
l'époque, avait fait sienne cette recommandation-là et voulait
faire des représentations auprès de son collègue de la
Justice et auprès du ministère fédéral de la
Justice pour que des amendements soient apportés à cet
égard-là. Mais, ce qui se passe, c'est que, à un moment
donné, dans le cas d'un geste isolé, dans le cas où,
après des rencontres avec le service de probation de la Cour municipale,
les personnes en présence, tant l'accusé que la plaignante,
conviennent que la judiciari-sation poussée du dossier ne servirait pas
les fins de la justice, il y a parfois des retraits des accusations criminelles
qui sont portées contre une personne qui était sans casier
judiciaire avant le dépôt des accusations et il y a des
engagements en vertu de l'article 810 du Code criminel qui sont signés
par les contrevenants et qui, eux, apportent une certaine protection. Pas la
protection totale, mais une certaine protection, et ça, c'est des
résolutions de dossiers qui sont aussi, dans les cas où ça
se retrouve, à la satisfaction des plaignantes.
Alors, il ne faut pas partir d'un état d'aveuglement qu'on avait
comme société à un état de sensibilité telle
qu'elle nous empêche de regarder s'il n'y a pas du moyen terme qui est
possible, et ce moyen terme là, il est éprouvé, il existe,
on le vit quotidiennement à la Cour du Québec et à la Cour
municipale. Et on croit, nous, que ces programmes-là doivent être
encouragés parce que tout programme qui résulte en un
défaut de judiciarisation d'un dossier, c'est-à-dire au fait
qu'il n'y ait pas d'audition du fond d'une cause criminelle, tous ces
programmes-là doivent être encouragés. Alors, voilà
pour la composante violence familiale.
Au niveau des facultés affaiblies, je ne peux pas être
autrement qu'en accord avec vous que les gains obtenus par la dissuasion qui
résultent la perte du permis sont d'une nature telle qu'on doit
éviter de trop intervenir dans cet équilibre-là qui s'est
établi au niveau de la société. Par contre, il y a des cas
où peut-être qu'un juge devrait avoir la discrétion
d'accorder un permis restreint parce que, pour l'individu qui est devant lui,
c'est une conséquence désastreuse. Quelqu'un qui n'a pas de
problème d'alcool, qui est arrêté avec un taux
d'alcoolémie supérieur de trois, par exemple, de .03, .11, mais
qui est chauffeur de camion de son état depuis 20 ans et qui a un emploi
stable: si vous me demandez «est-ce que vous trouvez que, dans un cas
comme celui-là, on ne pourrait pas satisfaire l'intérêt
public et protéger tout le monde en évitant que cette
personne-là perde son gagne-pain?», je vous soumets
respectueusement que oui.
Et des mécanismes discrétionnaires de cette
nature-là, il en existe déjà au Code criminel en
matière d'armes à feu. Le Code criminel a été
récemment amendé pour permettre à un juge de ne pas
prononcer une interdiction de port d'armes à feu lorsqu'une personne est
condamnée pour un crime de violence mais qui ne nécessitait pas
nécessairement la présence d'une arme à feu un vol,
des voies de fait, etc. et lorsque le gagne-pain de la personne est
relié au port d'une arme à feu. Et on pense, par exemple, aux
autochtones qui sont chasseurs. C'est un problème qu'on connaît
ici, qu'on connaît dans les provinces de l'Ouest, et le
législateur a investi le juge d'un pouvoir discrétionnaire.
Qu'est-ce qui nous empêche d'imaginer que, pour éviter de
faire perdre un emploi rémunérateur à une personne, un
permis restreint soit accordé, mais que la transgression du permis
restreint, elle, soit sanctionnée d'une peine d'emprisonnement
automatique? Et là, le rationnel philosophique qui serait sous-jacent
à une telle mesure, c'est de dire: Écoutez, on a voulu donner une
chance à une personne qui devait perdre son emploi, on ne permettra pas
que vous trahissiez la confiance que la société a mise en vous en
transgressant les conditions du permis restreint. Je pense qu'il faut faire
preuve d'imagination parce qu'il y a des cas où cette règle
automatique et absolue cause des conséquences démesurées.
Et ce n'est pas le cas chez tous les gens.
Le Président (M. Maciocia): Mme la
députée.
Mme Caron: merci, m. le président. vous n'êtes pas
sans savoir que c'est ce que nous avions avant, le permis restreint, et que
l'utilisation du permis restreint pour le travail n'arrivait pas à
dissuader, finalement, les automobilistes de ne pas dépasser le taux
d'alcool au volant parce que, justement, ils se disaient: de toute
façon, je vais pouvoir quand même avoir mon travail. et, quand
vous nous exposez la situation du camionneur, et que c'est son travail, je peux
vous dire que j'en ai vu beaucoup dans mon bureau de comté, des citoyens
qui avaient perdu leur permis de conduire, et je dirais que, dans 95 % des cas,
c'était cette situation-là, parce que c'est presque toujours
cette situation-là. la personne perd sa capacité de travailler et
avec toutes les conséquences qui s'ensuivent.
Mais est-ce qu'on peut mettre un pouvoir discrétionnaire
là-dessus, à savoir que, pour la personne qui conduit en
état d'ébriété mais qui a un travail qui est
relié à son permis de conduire, ce n'est pas un acte criminel,
alors que c'est un acte criminel pour l'autre personne qui est dans le
même état et qui n'a pas besoin de son permis de conduire pour
travailler? Ça m'appa-raît un petit peu difficile au niveau du
législateur. Mais je pense que ce qui est important de retenir,
globalement, de votre mémoire, à ce chapitre-là, c'est
l'importance des services de conciliation, l'importance de
déju-diciariser un peu le processus.
M. le Président, je souhaiterais laisser la parole à
mon collègue d'Anjou, qui avait des questions concernant un point
particulier.
Le Président (M. Maciocia): M. le député
d'Anjou.
M. Bélanger: Merci, M. le Président. Me Cournoyer,
dans votre mémoire, vous déplorez la disparition du
département des appels en matière criminelle à l'aide
juridique. Cependant, ce que je dois comprendre, de la manière dont vous
avez formulé un peu votre constat, c'est que, quand ce système
existait, il n'y avait pas plus de vos membres qui en faisaient, mais au moins
il y avait quelqu'un qui les faisait, et maintenant qu'il n'y a plus un tel
service, il n'y a plus personne qui en fait. C'est ça, si je comprends,
en ce qui concerne les appels en matière criminelle?
M. Cournoyer (Guy): Écoutez, M. le Président,
est-ce qu'on peut.. Premièrement, qu'une chose soit claire. On pense que
l'abolition de la section d'appel en matière criminelle, c'est une
mauvaise décision, c'est une tragédie, c'est un service
extrêmement important pour les justiciables. Parce que, si on a un
système d'aide juridique qui est fondé sur le libre choix et
qu'on développe une expertise en matière d'appels au sein de la
composante publique du système d'aide juridique, le libre choix n'est
plus aussi présent si on abolit la composante publique,
premièrement.
Deuxièmement, il faut arrêter, comme État, de se
créer des expertises et de les abolir par la suite. Il y avait là
une équipe de praticiens et praticiennes d'expérience qui
rendaient un service absolument essentiel parce que, en pratique, les avocats
de pratique privée avaient des craintes très grandes à
prendre des dossiers d'appel en matière pénale parce que le tarif
n'est pas important. Écoutez, la tarification pour un dossier d'un appel
à la Cour suprême du Canada, c'est 1300 $. Bien entendu, il y a
des dépassements d'honoraires que la commission va accorder, mais
ça agit comme une symbolique. Et quand on développe une
spécialité comme les praticiens et les praticiennes de l'aide
juridique en avaient développé une, il faut être
extrêmement circonspect avant d'abolir ça parce que c'était
parfois le dernier rempart, la dernière ressource qu'un accusé
pouvait avoir parce que personne ne voulait s'engager dans un dossier de longue
haleine, qui passerait peut-être par la Cour d'appel et ensuite par la
Cour suprême du Canada.
Le Président (M. Maciocia): Oui, M. le
député.
M. Bélanger: Me Cournoyer, est-ce que vous pourriez nous
dire, à votre connaissance, ce qui arrive présentement sur le
terrain avec les dossiers en appel en matière criminelle? Finalement,
puisqu'il n'y a plus de département spécialisé, ce sont
des criminalistes réguliers, permanents de l'aide juridique qui les
font? Parce que je pense que vos membres n'en font pas beaucoup, de dossiers en
appel.
M. Cournoyer (Guy): C'est-à-dire, je pense que... Bien,
nos membres, on a les deux chez nous. Il y a les praticiens...
M. Bélanger: Oui.
M. Cournoyer (Guy): ...d'aide juridique...
M. Bélanger: D'aide juridique, oui, d'accord.
M. Cournoyer (Guy): ...et de pratique privée. Je pense
qu'il y a un certain nombre de praticiens de pratique privée qui
acceptent parfois certains dossiers à cause de la nature du dossier, de
l'intérêt, etc., mais je sais aussi que les avocats de l'aide
juridique continuent à piloter leurs appels. Le problème, c'est
que la pratique en appel et la pratique quotidienne devant les tribunaux, ce
n'est pas nécessairement quelque chose qui se concilie très bien.
C'est une spécialité que de faire de l'appel, ça postule
aussi une lecture qui est extrêmement exigeante, et ce n'est pas une
pratique qui est identique. Et je pense que c'est extrêmement difficile
pour les avocats de l'aide juridique, les permanents, de pousser des dossiers
en appel parce que les exigences quotidiennes de leur travail sont telles que
ça se concilie difficilement.
Le Président (M. Maciocia): M. le député de
Jonquière, il vous reste quatre minutes.
M. Dufour: Oui, je vous remercie. C'est bien sûr que je
regarde votre proposition, à la page 2B, où vous parlez de
décisions politiques. C'est bien sûr que vous existez en fonction
de décisions politiques. Les lois sont posées d'une façon
politique aussi. On en ajoute, de ces lois-là, et le but qu'on recherche
ou que semble rechercher la commission, même si on voulait bonifier le
projet, ça me semble, en tout cas, à mes yeux, la recherche d'une
rationalisation de plus en plus grande, faire plus avec moins, et que ça
coûte moins cher. (16 h 10)
Vous parlez, bien sûr, des décisions politiques concernant
les personnes détenues sans cautionnement pour 24 heures. De quelle
façon... D'abord, la décision appartient à un pouvoir qui
s'appelle les polices, j'ai bien l'impression, et ces gens-là, de quelle
façon les libéreriez-vous? Est-ce que vous feriez appel au
jugement de ces gens-là pour les libérer complètement? De
quelle façon voyez-vous le processus?
M. Cournoyer (Guy): Bien, écoutez, présentement, de
toute façon, la décision de garder quelqu'un, un détenu,
pour fins de comparution est déjà prise par les policiers, dans
les postes de police, avec les officiers responsables. C'est déjà
le jugement des policiers qui, dans un certain cas, vont décider que la
situation commande une comparution par détention plutôt qu'une
comparution en liberté. La problématique à laquelle nous
faisons référence dans notre mémoire et à laquelle
je faisais référence en répondant à une autre
question plus
tôt, c'est: dans ces cas où on veut... Normalement, la
personne comparaîtrait en liberté. Imaginons un cas de violence
familiale où on sait que la personne, le policier comprend la situation
que la personne doit être envoyée à un autre domicile. Le
problème, c'est que, en droit canadien, la seule façon
d'interdire à quelqu'un de se retrouver à un autre endroit, c'est
qu'un juge vienne imposer la condition, et ça, c'est vrai dans tous les
crimes. Si c'est un crime de vol dans un vidéo-club, si on veut
interdire à la personne de retourner à ce
vidéo-club-là, seul un juge peut le faire.
Ce que la Commission de réforme du droit du Canada avait
déjà proposé, et ce que le ministre de la Justice,
à l'époque, et de la Sécurité publique avait
accueilli favorablement, c'est de dire: Écoutez, s'il y a des cas
où on veut imposer des conditions, on va donner au policier qui est
chargé de l'intervention ce pouvoir-là, quitte à ce que
les conditions imposées à ce moment-là soient
révisées par un juge, si cela est nécessaire, dans un
délai de sept jours, par exemple. Je crois que c'est ce que la
Commission de réforme du droit avait proposé.
Alors, le policier prend sa décision. C'est une discrétion
qui existe de toute façon dans le système actuel, parce qu'il
prend déjà une décision d'accepter la remise en
liberté ou de faire comparaître la personne par voie de
détention. Alors, si le plus gros emporte le plus petit, on voit
difficilement pourquoi cette décision-là de remettre certaines
personnes en liberté ne pourrait pas être assortie, dans certains
cas donnés, de certaines conditions qui auraient, pour un temps
intérimaire, valeur légale.
Ça, c'est des propositions reconnues. La commission
d'uniformisation du droit criminel est en accord avec de telles propositions.
Ce n'est pas quelque chose de neuf.
Le Président (M. Maciocia): Monsieur...
M. Dufour: Est-ce que vous pensez, donc, dans la façon
dont la population, actuellement, réagit, où tout est remis en
question, que le policier qui va prendre une chance de libérer un
individu... Même avec des conditions, il arrive des
événements fortuits quelconques. Est-ce que vous pensez que le
policier va résister? Est-ce que vous croyez que c'est la bonne formule?
Moi, personnellement, je mets un peu en doute que le policier puisse... Il
prend la décision, dans le fond, qui le protège le plus. Il dit:
On va le garder plutôt que de le laisser libéré. J'ai
l'impression qu'il y a quelque chose avec lequel je ne suis pas capable de
faire le lien.
M. Cournoyer (Guy): II prend déjà des
décisions de cette nature-là lorsqu'il accepte de remettre
quelqu'un en liberté, d'une part. D'autre part, que la
sensibilité publique soit de nature à affecter un policier, on
peut sans doute et certes l'imaginer, il n'y a pas de problème
là-dessus, mais ce n'est pas une raison pour éviter d'accorder
des pouvoirs qui existent déjà de toute façon au Code
criminel. D'autre part, je pense que la sensibilité publique serait
peut-être modifiée si les gens comprenaient un peu mieux comment
est le système parce que notre système, il fonctionne bien dans
la majorité des cas.
M. Ménard: À ça, j'ai ma solution, je
l'expliquerai un jour.
Le Président (M. Maciocia): Oui...
M. Ménard: Ce ne sera pas long.
Une voix: ...M. le député de Laval-des-Rapides.
M. Ménard: Merci bien.
M. Lefebvre: Consentement, parce que le député de
Jonquière a épuisé votre enveloppe.
M. Ménard: Vous êtes bien aimable. De toute
façon, ce ne sera pas long. Avec clarté, M. Cournoyer, si je
comprends bien, dans votre rapport, vous faites au moins trois constats
dramatiques: II n'y a plus d'aide juridique en appel et en immigration, et le
tarif ne permet pas les services d'avocats expérimentés dans les
causes les plus importantes et les plus difficiles. C'est exact?
M. Cournoyer (Guy): Absolument.
Le Président (M. Maciocia): Merci. M. le ministre.
M. Ménard: Vous voyez, je n'ai pas abusé. Des
voix: Ha, ha, ha!
M. Lefebvre: Me Cournoyer, je ne comprends pas, s'il n'y a plus
d'aide juridique en matière d'immigration, qu'on ait payé,
à l'intérieur du système d'aide juridique, en 1993-1994,
le montant de 6 500 000 $ aux avocats de pratique privée.
M. Cournoyer (Guy): Je pense que le député faisait
référence à la section appel.
M. Lefebvre: On a parlé d'immigration, on a parlé
d'immigration.
M. Cournoyer (Guy): Et, à la section immigration, oui,
oui.
M. Lefebvre: Ce qui est vrai, c'est qu'il n'y a plus de
permanents qui font de l'immigration.
M. Cournoyer (Guy): Oui, oui.
M. Lefebvre: Cependant, il y a plus ou moins... On m'indique
qu'il y a plus ou moins 200 à 250 avocats qui, à Montréal,
parce que c'est là que ça se passe, font
de l'immigration, et on a versé, en 1993-1994, je me
répète, plus ou moins 6 500 000 $.
M. Cournoyer (Guy): Désolé. J'ai été
ébloui par le député de Laval-des-Rapides.
M. Ménard: En appel, y en a-t-il?
M. Lefebvre: Et, en 1991-1992, c'est un montant encore plus
considérable.
J'aimerais, Me Cournoyer, que vous me donniez quelques explications sur
l'item 3 de votre document. Vous dites qu'une autre solution au problème
de structure du tarif est celle favorisée par certaines autres
provinces, à savoir le tarif horaire avec un plafond par dossier ou par
jour. Pourriez-vous rapidement me donner quelques explications sur votre
suggestion?
J'aimerais aussi vous poser, tout à l'heure, une autre question
sur le droit carcéral. Alors, dans un premier temps, Me Cournoyer, votre
tarif, votre suggestion quant au tarif.
M. Cournoyer (Guy): Écoutez, lorsqu'on a examiné
les autres façons de tarifer, on n'a pas voulu, nous... Et ça,
ça a été quelque chose qu'on a voulu dès le
départ. On avait une crainte, comme Association des avocats de la
défense, d'entrer dans la dynamique budgétaire. Pas par
lâcheté, pas par crainte ou peur des questions, mais parce qu'on
voulait réagir comme avocats de la défense. Et, comme avocats de
la défense, on s'est dit: On doit réagir sur ces
aspects-là de la problématique qui ont une incidence sur les
accusés. Alors, ce qu'on a constaté, c'est qu'il y a
différentes façons de tarifer et que chacune doit être
examinée à son mérite. Le «block fee» en est
une, la tarification horaire en est une autre. Parce que, dans certaines
provinces, on a, un peu comme lorsque le gouvernement du Québec donne
des mandats, des tarifications: 50 $ l'heure pour cinq ans et moins, 100 $
l'heure entre cinq et 10 ans, etc.
Ça, c'est des choses qui méritent peut-être
d'être examinées à leur mérite, mais il faut
disposer de statistiques pour faire ces débats-là. Et,
heureusemeni ou malheureusement, le document que le ministre avait mis sur la
table, à l'époque, ne permettait pas de faire des projections de
système, de faire des évaluations de coûts. On le mentionne
au passage comme étant une façon qui est utilisée par
d'autres corporations d'aide juridique dans d'autres provinces, comme
étant une des idées qui doit être débattue. Est-ce
qu'elle est supérieure ou inférieure? Honnêtement, on est
incapables de vous le dire à l'heure actuelle. On n'a pas ce qu'il faut
pour faire ces évaluations-là.
M. Lefebvre: Merci, Me Cournoyer. Est-ce que vous avez fait une
évaluation du système, du régime d'aide juridique quant
à ce qu'on fait au niveau du droit carcéral? Est-ce qu'il y a des
problèmes au niveau du droit carcéral? Est-ce qu'il y a des abus
quant à l'utilisation des services en matière de droit
carcéral ou pas?
M. Cournoyer (Guy): Honnêtement, notre association a, en
son sein, un certain nombre de personnes qui font des cas de droit
carcéral, mais il y a une association spécifique de gens qui font
du droit carcéral. Je ne sais pas s'ils vont être entendus par la
commission. La seule chose qu'un criminaliste peut vous dire, par contre, c'est
qu'il n'est pas étonnant qu'il y ait eu une montée en
flèche de dépenses en matière de droit carcéral.
Pour une raison très simple, c'est que, d'une époque où
les prisonniers n'avaient aucun droit, les tribunaux ont graduellement reconnu,
et peu à peu, que ces citoyens-là ne perdaient pas tous leurs
droits civiques et que, au niveau du droit carcéral, il y a eu une
activité légale et constitutionnelle extrêmement
florissante au cours des 10 dernières années. C'est
évident que des droits qui n'existaient pas avant ont été
reconnus par les tribunaux, et que ça, c'est susceptible d'engendrer une
activité au niveau disciplinaire et au niveau judiciaire. Pensez
notamment à la représentation par avocat devant les tribunaux
disciplinaires qui n'étaient pas, il y a longtemps, reconnus en droit
canadien.
M. Lefebvre: Me Cournoyer, je vous remercie. Je remercie
également vos collègues, Me Battista et Me Latulippe.
En bon avocat de la défense, vous laissez à la commission
des institutions le fardeau de la preuve. Je souhaite que vous permettiez au
gouvernement du Québec de bénéficier de ce qui est
fondamental en droit criminel, le doute raisonnable quant à ses
intentions.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lefebvre: Merci beaucoup.
Le Président (M. LeSage): Alors, merci, messieurs de
l'Association des avocats de la défense de Montréal. Je suspends
les travaux pour quelques instants afin de permettre à un autre groupe
de se joindre à nous.
(Suspension de la séance à 16 h 20)
(Reprise à 16 h 31)
Le Président (M. LeSage): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission reprend ses travaux. J'invite les
représentants des Services juridiques communautaires de
Pointe-Saint-Charles et Petite Bourgogne inc. à bien vouloir prendre
place à la table des témoins et je demande à la
porte-parole de bien vouloir s'identifier et présenter les personnes qui
l'accompagnent.
Services juridiques communautaires de
Pointe-Saint-Charles et Petite Bourgogne inc.
Mme Laurin (Chantai): M. le Président, M. le
ministre et les membres de la commission, je vous présente Lyne
Hardy, avocate aux Services juridiques communautaires de
Pointe-Saint-Charles... Excusez le trac, c'est ma première
commission.
Le Président (M. LeSage): Soyez très à
l'aise, ma chère dame.
Mme Laurin (Chantai): Merci. Lise Ferland, avocate et directrice
de la clinique de Services juridiques communautaires de Pointe-Saint-Charles;
moi-même, Chantai Laurin, présidente du conseil d'administration
et citoyenne du quartier Pointe-Saint-Charles.
Le Président (M. LeSage): Merci, Mme Laurin. Alors, comme
je l'ai déjà mentionné, vous avez 20 minutes pour
présenter votre mémoire et chacun des partis politiques aura
également 20 minutes pour échanger avec vous. Alors, on vous
écoute.
Mme Laurin (Chantai): Merci. Dans le document de consultation qui
a inspiré la présente consultation, aucune affirmation de
principe sur l'importance d'assurer un minimum de protection légale
à ceux qui n'en ont pas les moyens, aucune volonté
affichée de reconnaître le bien-fondé d'un projet social
soucieux de permettre un accès plus large à l'appareil
judiciaire. Seulement des colonnes de chiffres qui se succèdent, page
après page, pour illustrer l'apparente faillite inévitable d'un
système qui n'aura plus sa place 20 ans après sa
création.
Le présent mémoire veut refléter les principes et
idéaux qui ont toujours gouverné la clinique juridique de
Pointe-Sainte-Charles et Petite Bourgogne, laquelle a servi de modèle
à l'implantation du réseau d'aide juridique au Québec.
Notre organisme sans but lucratif est né en 1970 de la
volonté des citoyens et citoyennes du quartier de Pointe-Saint-Charles
de prendre en main leur situation, de se donner des services et ressources
alternatives correspondant aux besoins spécifiques issus de la dure
réalité vécue quotidiennement par une population
confrontée aux effets de la pauvreté, jumelée aux
initiatives d'étudiants en droit désireux d'intervenir dans un
contexte où les questions juridiques sont liées aux
réalités sociales. Depuis ce temps, certains objectifs que nous
avons mis de l'avant sont les suivants: promouvoir, obtenir et offrir des
services juridiques, tant individuels que collectifs, dans un quartier
économiquement défavorisé; participer à la
formation et au maintien des regroupements de citoyens et des intervenants pour
la défense de leurs droits et développer une approche globale;
développer et maintenir des mécanismes, afin de permettre aux
citoyens usagers de l'organisme de contrôler les orientations et de
participer à la mise en application des politiques des Services
juridiques communautaires de Pointe Saint-Charles et Petite Bourgogne;
encourager et promouvoir toute législation et autres mesures qui
auraient pour effet d'aider les personnes économiquement
défavorisées à comprendre et à défendre
leurs droits.
Notre organisme, créé avant même l'adoption et la
mise en place du régime de l'aide juridique, est demeuré autonome
et est reconnu comme une corporation locale d'aide juridique. La structure
décisionnelle et administrative de l'organisme repose sur le
contrôle des représentants de la communauté qui,
réunis en assemblée générale annuellement,
s'assurent du respect des objectifs de l'organisme en fonction des besoins de
la population. À partir de l'assemblée générale,
est élu un conseil d'administration de 12 citoyens et citoyennes et
représentants d'organismes communautaires, tous
bénévoles.
Le portrait de la clientèle. Les quartiers de
Pointe-Saint-Charles et Petite Bourgogne comptent environ 20 000 personnes.
Comme d'autres quartiers anciens de Montréal, ils ont connu un
vieillissement de leur structure industrielle, entraînant une diminution
et un appauvrissement de la population, situation longuement
étudiée par différents intervenants. On est un peu un
laboratoire, dans le quartier.
Les champs d'intervention. Depuis ses débuts, les Services
juridiques communautaires de Pointe-Saint-Charles et Petite Bourgogne ont
ouvert près de 22 000 dossiers, sans compter les consultations par
téléphone ou au bureau sans ouverture de dossier.
Nos principaux champs d'intervention sont le droit familial, les
problèmes de logement, les questions reliées à
l'endettement, la sécurité sociale, l'aide sociale, accidents du
travail, etc. En plus de traiter des dossiers individuels, notre organisme
occupe une place importante dans le réseau des organismes communautaires
des quartiers desservis. Au fil des années, il s'est
développé une pratique de collaboration, de soutien à
travers les luttes de la population. Les Services juridiques ont occupé
une place tantôt d'aviseurs légaux, tantôt de mobilisateurs,
d'organisateurs, de ressources ou de partenaires. Cette implication dans le
milieu permet d'être à l'écoute des besoins et des
demandes, de comprendre et d'analyser la situation à partir du point de
vue des citoyens économiquement défavorisés pour qui,
souvent, le système judiciaire n'apporte que peu de solutions.
Les demandes qui nous sont soumises présentent un
caractère judiciaire. Toutefois, la solution au problème n'est
pas toujours ou n'est pas essentiellement judiciaire. Ce qui est essentiel dans
ces cas, c'est l'existence d'un réseau d'aide et d'entraide capable
d'intervenir et de soutenir la personne dans sa démarche de solution
à son problème. À partir de notre mandat et de nos
interventions, nous nous devons de dénoncer les situations
d'inégalité, d'exploitation et de discrimination lorsque nous les
rencontrons à travers le système judiciaire et par tout autre
moyen qui s'offre à nous.
Deux autres aspects importants d'une pratique que nous voulons
préventive, c'est l'intervention de la population et la formation des
intervenants du milieu adaptées aux réalités
particulières des communautés desservies. En ce sens, la
décentralisation, l'implication et le contrôle par les populations
locales, créant un sentiment d'appartenance et d'appropriation, auront
toujours
comme effet de rendre le service et l'intervention plus adéquats
face aux besoins.
En ce sens, la Loi sur l'aide juridique devrait favoriser la
participation des citoyens à l'administration et à la conception
des services juridiques qui leur sont offerts. Diverses initiatives
amènent de nouvelles formes d'organisation sociale qui misent sur la
responsabilité des gens concernés. Les Services juridiques
communautaires de Pointe-Saint-Charles et Petite Bourgogne s'inscrivent dans un
mouvement de développement communautaire de quartier visant la prise en
charge par les citoyens de l'ensemble de leurs conditions de vie.
Les positions prises par les Services juridiques communautaires de
Pointe-Saint-Charles et Petite Bourgogne. Nous tenons à souligner que,
dès 1989, dans le cadre du mandat confié au groupe de travail sur
l'accessibilité à la justice, nous sommes intervenus dans le
volet spécifique du bilan de l'aide juridique sur les aspects de
l'accessibilité financière. Cinq ans plus tard, nous
considérons toujours opportun de rappeler les recommandations que nous y
faisions et que nous maintenons aujourd'hui. Afin de favoriser une
véritable accessibilité à la justice, la Loi sur l'aide
juridique devrait promouvoir les principes suivants: la décentralisation
des pouvoirs et la participation des citoyens dans le contrôle des
ressources qui sont mises à leur disposition; l'élargissement des
critères d'admissibilité des organismes sans but lucratif; la
participation directe et les liens avec le milieu; l'intégration
d'activités d'information, de recherche, d'éducation et de
prévention et, plus particulièrement, quant à
l'admissibilité économique, nous demandons que les barèmes
soient indexés de façon à ce que cette hausse soit
proportionnelle à la hausse du coût de la vie depuis la mise en
application de la Loi sur l'aide juridique afin de tenir compte des objectifs
initiaux de cette loi; que les barèmes d'admissibilité soient
dorénavant indexés annuellement suivant l'indice des coûts
de la vie de Statistique Canada.
La population des quartiers que nous desservons est, depuis plusieurs
années, inquiète du fait que, par une non-indexation des
barèmes prévus au règlement sur l'admissibilité
à l'aide juridique, de plus en plus de personnes se trouvent exclues
d'un service auquel elles avaient droit. Il s'agit d'une modification des
objectifs initiaux de la loi, d'une coupure indirecte d'un programme social. En
conséquence, lors de l'assemblée générale annuelle
de notre corporation, tenue en octobre 1992, Me Roderick Macdonald
présentait à la population le bilan de l'aide juridique contenu
dans le rapport du groupe de travail sur l'accessibilité à la
justice qu'il avait présidé. C'est à cette occasion que la
population s'est objectée aux importantes coupures budgétaires
imposées à l'aide juridique par le Conseil du trésor ayant
comme effet de réduire le service. (16 h 40)
Deux résolutions furent adoptées unanimement à
cette assemblée générale, dénonçant les
coupures budgétaires imposées à l'aide juridique et
demandant l'indexation des barèmes d'admissibilité de l'aide
juridique afin de maintenir les objectifs d'accessibilité prévus
en 1972 et l'indexation périodique de ces barèmes.
Dans les premiers mois de 1993, pas moins de 450 lettres d'appui des
citoyens et citoyennes ainsi qu'une trentaine de groupes communautaires de
Pointe-Saint-Charles et Petite Bourgogne faisaient part au ministre
Rémillard de leur soutien aux revendications votées aux
assemblées générales. Le mandat qui nous vient directement
de la population que nous desservons est clair: les citoyens et les citoyennes
ont pris position pour le maintien du régime de l'aide juridique tel que
nous le connaissons, avec des modifications aux critères
d'admissibilité pour revenir aux objectifs de 1972 sur la population
bénéficiaire.
Les principaux aspects du régime. Les thèmes de
réflexion soumis par le ministre de la Justice. Dans son document de
consultation, «L'aide juridique au Québec: une question de choix,
une question de moyens», le ministre de la Justice s'interroge et nous
convie à la réflexion sur différents aspects du
régime. Nous nous proposons de répondre aux interrogations
soulevées à partir de notre expérience pratique quant
à trois aspects, à savoir la clientèle admissible et les
bénéfices accordés, l'étendue de la couverture de
l'aide juridique, l'organisation, la gestion et le financement du
régime.
Au moins deux exercices démocratiques se sont tenus dans un
passé récent et ont largement traité de l'aide juridique.
Quant aux aspects de gestion et d'organisation du régime actuel, une
étude fut réalisée en 1993 par la firme RCMP, Raymond,
Chabot, Martin, Paré. À notre connaissance, ces différents
documents ou échanges ont conclu à un bilan positif du
régime de l'aide juridique au Québec. Il est certain que des
améliorations ont été proposées, surtout au
chapitre de l'admissibilité financière. Alors, pourquoi en
sommes-nous encore à discuter de cette question? La réponse
pourrait être assez simple. Le ministre de la Justice a soumis, lors du
Sommet de la Justice, une proposition de travail contenant de nouveaux
paramètres pour l'établissement de l'admissibilité
financière à l'aide juridique. Il ne fut pas possible d'en
arriver à un consensus. Par ailleurs, immédiatement après
ce Sommet, ont été mises en application des coupures
budgétaires dans tout le réseau de l'aide juridique au
Québec. Et le ministre souligne, à l'avant-propos du document de
travail et de consultation, je cite, entre guillemets: «Le souci
d'[...]une saine gestion du réseau de l'aide juridique ont fait
ressortir l'importance de s'interroger non seulement sur les seuils
d'admissibilité, mais aussi sur les différents aspects du
régime actuel.» Il met de l'avant certaines solutions de rechange
et, surtout, nous questionne à partir d'une longue liste d'exemples de
réduction de services, de privatisation du régime, d'imposition
de frais et autres moyens. Nous ne pouvons passer sous silence l'angle de
réflexion très étroit qui nous est soumis par le ministre
de l'époque.
Le cadre très précis de la présente consultation se
retrouve, selon nous, à la conclusion, aux paragraphes 2 et 3, dont je
me permets de vous citer un extrait: «De plus, l'état [...] des
finances publiques ne permet pas
d'envisager l'injection de fonds additionnels par le gouvernement.
«Par conséquent, l'amélioration des conditions
rattachées à l'aide juridique passe par, soit l'affectation de
ressources financières additionnelles à celles qui proviennent
des contributions gouvernementales, soit une remise en question de certains
aspects du régime tels la couverture des services, l'étendue des
bénéfices accordés et le mode d'organisation et de gestion
du régime. Ainsi, l'ampleur des modifications souhaitées touchant
l'admissibilité de l'aide juridique conditionnera les changements
à apporter à l'égard des sources de financement et des
autres aspects de ce régime.» Fin de la citation. Voilà!
Tout est dit. Nous avons le sentiment d'être consultés pour nous
faire demander quels services doivent être coupés afin de rendre
admissibles un plus grand nombre de citoyens. Notre réponse à la
présente démarche sera dans la même ligne que les positions
exprimées par notre organisme par le passé, et ce n'est pas que
les citoyens que nous représentons ne sont pas au fait de la dure
réalité financière du gouvernement: ils vivent les
coupures et le désengagement de l'État jour après jour.
Ils vivent la crise économique du point de vue des chômeurs, des
assistés sociaux, des femmes chefs de famille. Ils ont pris position et
demandent le maintien de l'accessibilité à la justice par le
biais de l'aide juridique pour les plus démunis de notre
société, mais aussi pour les autres, ceux que l'on qualifie de
personnes à faible revenu.
La clientèle admissible et les bénéfices
accordés. L'objectif de la Loi sur l'aide juridique ainsi que la
définition des personnes économiquement
défavorisées sont très clairs et guident
l'établissement des barèmes. Je vous fais grâce de la
lecture des barèmes. Mais ces barèmes n'ont connu aucune
indexation depuis 1985 et, dans le cas des personnes seules, depuis 1981. Les
critères d'admissibilité à l'aide juridique se rapprochent
de plus en plus des barèmes d'aide sociale, ce qui a pour effet de
restreindre la notion de «personne économiquement
défavorisée» initialement prévue à la loi.
Même une personne seule travaillant au salaire minimum pour 35 ou 40
heures par semaine n'est plus admissible à l'aide juridique. Dans ce
contexte, on ne peut certainement pas parler d'égalité des
chances et d'accès à la justice. Justice pour tous? Un mythe! Il
apparaît clairement de la loi et des règlements adoptés que
les objectifs initiaux étaient d'offrir des services juridiques gratuits
à une clientèle cible qui, autrement, n'aurait pu se les offrir.
La clientèle économiquement défavorisée de 1972 ne
fait que s'accroître, et toutes ces personnes qui étaient
admissibles lors de la mise en place du régime devraient l'être
aujourd'hui. Comme nous l'avons déjà mentionné, nous
demandons un rattrapage substantiel immédiat et une indexation annuelle
des barèmes d'aide juridique.
L'accessibilité à la justice doit être reconnue
comme un droit fondamental de notre société. Malgré le
fait que le Québec soit une province d'avant-garde en matière de
droit et de législation à caractère social, il demeure
toujours difficile, voire presque impossible pour les personnes
économiquement défavorisées d'avoir accès à
la justice. Les coûts à payer pour avoir accès à la
justice sont lourds. Que l'on pense seulement à l'ensemble des lois
sociales ou situations privées où un citoyen se voit
confronté à un appareil gouvernemental, à une régie
ou aux tribunaux de droit commun. À chaque instance, il faut
présenter une preuve bien étoffée, souvent une preuve
d'expert, ce qui est hors de portée de la majorité de la
population. À travers la pratique quotidienne, nous sommes en mesure de
constater que nombre de personnes ne sont plus admissibles à nos
services. Elles ne sont pas pour autant en mesure de payer les services
juridiques inhérents à l'exercice d'un droit à travers
notre système judiciaire ou quasi judiciaire. Une société
de droit qui repose sur un système de justice et qui, dans les faits,
n'agit pas en sorte de rendre la justice accessible à tous ceux qu'elle
entend protéger est une société hypocrite et malade.
La loi prévoit que les corporations sans but lucratif sont
admissibles à l'aide juridique. Cependant, une des conditions à
cette admissibilité est que les membres qui composent l'organisme soient
eux-mêmes des personnes admissibles. À notre avis, cette
façon d'axer l'admissibilité d'un groupe non pas uniquement sur
sa situation financière propre, mais en fonction de ses membres,
souvent, des personnes bénévoles, constitue un critère
«disqualificatif» majeur qui, à toutes fins pratiques, nie
l'admissibilité des groupes. Or, il arrive souvent que les personnes
membres de la corporation ne soient pas admissibles à l'aide juridique.
En principe, les intérêts qu'elles défendent ne sont pas
les leurs propres, mais les intérêts supérieurs pour
lesquels la corporation a été fondée. En
conséquence, l'on ne devrait tenir compte, dans la détermination
de l'admissibilité de l'organisme, que de deux critères, à
savoir les ressources suffisantes et l'objectif poursuivi par l'OSBL.
Par ailleurs, de nouveaux organismes voient le jour dans des secteurs de
développement économique communautaire. Ces organismes
soutiennent de nombreuses petites entreprises permettant à des personnes
de se créer un emploi. Celles-ci nécessitent parfois des
consultations juridiques. Quoique à but lucratif, elles devraient
pouvoir bénéficier de consultations gratuites durant les premiers
mois de leur implantation, et ce, toujours dans l'objectif de la loi qui est de
permettre l'exercice d'un droit sans que l'on ait à se priver de moyens
de subsistance.
À ces éléments s'ajoute la situation
particulière des personnes désireuses de réclamer une
somme d'argent à une tierce partie et qui requiert les services d'un
avocat. Même si cette personne est admissible économiquement au
sens des critères fixés par le règlement, l'aide juridique
lui sera refusée. Trop souvent, nous avons vu des personnes renoncer
à entreprendre un recours, n'étant pas en mesure d'avancer les
sommes requises pour leur avocat ou pour leur expert.
Pour éviter ces situations, un fonds spécial ou tout autre
mécanisme devrait être créé par l'aide juridique,
permettant le financement temporaire des déboursés
reliés à l'exercice de recours de personnes autrement
admissibles à l'aide juridique. (16 h 50)
La participation au coût des services. Compte tenu du prix de la
justice, il n'y a pas que la clientèle la plus économiquement
défavorisée qui ne peut s'offrir les services d'un expert
juridique. Au-delà des personnes admissibles lors de la création
de la loi, il y a la clientèle à revenu moyen qui, souvent, devra
renoncer à exercer ses droits à cause de coûts importants
de la justice. C'est pourquoi il serait important que l'on prévoie un
mécanisme de participation aux bénéfices de la loi pour
cette clientèle. Le montant des coûts à encourir devrait
être proportionnel à la capacité de contribuer de ces
personnes.
L'étendue de la couverture de l'aide juridique. À ce
chapitre, les pistes de réflexion envisagées par le ministre
sont, en fait, des propositions de réduction de services actuellement
offerts par le régime de l'aide juridique. Il est évident que
l'objectif recherché en est un d'économie de coûts sans
analyse des effets à moyen et long termes. Il s'agit d'une
déviation importante des objectifs initiaux du programme. Nous tenons
à discuter certaines de ces pistes de réflexion, même si,
à toutes les questions posées par le ministre quant à
l'étendue de la couverture de l'aide juridique, nous répondons:
Oui, il est important de maintenir l'étendue de la couverture telle
qu'elle est aujourd'hui.
Au fil des ans, nous avons acquis, comme avocats et avocates pratiquant
à l'aide juridique, une compréhension approfondie des besoins de
la clientèle. Nous avons développé une expertise dans le
secteur du droit qui nous est soumis. Notre pratique quotidienne nous
amène aussi à solutionner des litiges par la négociation,
les ententes et autres approches non judiciaires. Nous sommes à
même d'affirmer que peu d'avocats ou avocates ont les moyens de supporter
et d'offrir ce genre d'approche à la clientèle admissible
à l'aide juridique avec les tarifs actuels. Ces éléments
sont des acquis pour la population que nous desservons.
Quels seront les critères pour évaluer la valeur d'un
droit ou d'une question à soumettre à un tribunal? À
partir du moment où un droit de contester ou un droit d'appel existe,
faut-il nécessairement que beaucoup d'argent soit en jeu pour avoir
droit à un avocat? Si c'est le cas, nous ne pourrons agir dans une large
proportion de dossiers dont nous nous occupons actuellement car, lorsque l'on
représente les pauvres, les sommes en jeu sont rarement importantes.
Toutefois, ce qui semble de peu de valeur pour un peut l'être pour un
autre.
Une voix: C'est fini.
Mme Laurin (Chantai): Tout cela est bien relatif. J'ai
terminé?
Le Président (M. LeSage): Malheureusement. Si vous voulez
conclure là, brièvement.
Mme Laurin (Chantai): Oui. À partir d'où? Je vais
reprendre... O.K. C'est ça, je vais juste faire la conclusion.
Nous sommes d'avis que toute réforme du système d'aide
juridique ne doit pas se faire en rupture des idéaux qui ont sous-tendu
sa création il y a 20 ans. Le fait que nous vivions maintenant dans une
société gouvernée par des chartes et par des lois de plus
en plus complexes commande plus que jamais que l'accès à la
justice ne soit pas réservé à une classe
privilégiée. Diminuer la couverture des services offerts n'aurait
comme effet que d'accroître encore davantage les iniquités entre
les riches et les pauvres.
Présentement, nos gouvernements ne demandent qu'à certains
de se priver sans qu'il y ait un vrai débat de société
permettant d'analyser l'ensemble des dépenses de l'État, la
fiscalité et les services que, comme société, nous voulons
et pouvons nous offrir collectivement. Il n'y a pas de vraie répartition
de la richesse. Repenser la société est un défi de taille,
et il semble que peu de personnes soient prêtes à le relever.
Merci à tous les membres de la commission de nous avoir entendus.
Le Président (M. LeSage): Merci, Mme Laurin. Je
cède maintenant la parole au ministre de la Justice.
M. Lefebvre: Mme Laurin, Me Hardy et Me Ferland, je vous
remercie. Je vous remercie, dans un premier temps, de nous avoir soumis un
mémoire, d'avoir soumis à l'attention de la commission un
mémoire qui a demandé une somme de travail considérable,
qui contient plein d'éléments qui méritent je le
dis, là, sans aucune réserve d'être analysés
et sur lesquels on doit se pencher.
Je ne vous dis pas que je suis d'accord avec toutes les observations que
vous faites dans votre mémoire, mais c'est un mémoire qui a
été travaillé, dans lequel on retrouve une
expérience. Et d'ailleurs, vous faites référence, dans
votre introduction, à l'expérience que vous vivez quotidiennement
à côtoyer et à travailler bénévolement pour
les plus démunis de votre patelin et, à l'intérieur du
mémoire que vous nous soumettez, on retrouve cette
expérience-là, et j'apprécie aussi, Mme Laurin,
l'exposé que vous nous avez fait cet après-midi.
Je suis un peu surpris de réaliser que vous suggérez un
élargissement de la couverture des services pour et je reviendrai
là-dessus tout à l'heure non pas des individus ou des
bénéficiaires, des personnes physiques, mais pour des
corporations, et ça, ça me surprend un peu, surtout quant aux
commentaires que vous faites et les suggestions que vous faites en regard des
corporations elles-mêmes.
Quand vous suggérez une augmentation du seuil...
C'est-à-dire, quand vous suggérez qu'on rehausse le seuil
d'admissibilité, vous rejoignez, dans cette proposition-là, la
suggestion de plusieurs autres intervenants. Vous parlez d'une clientèle
qui, selon vous, n'est pas admissible aujourd'hui et qui devrait l'être.
Et ça, ça ne constitue pas, pour moi, évidemment, une
surprise.
La première question que je veux cependant vous poser: Est-ce que
vous avez évalué, sinon au-delà du fait que vous
considérez que c'est un rattrapage substantiel, financièrement
parlant, est-ce que vous avez fait vérifier ou est-ce que vous avez
vous-même évalué l'augmentation des coûts que
constituerait votre proposition de rendre admissibles immédiatement tous
ceux et celles qui l'étaient en 1972? Avez-vous fait une
évaluation des coûts?
Mme Laurin (Chantai): Me Ferland.
M. Lefebvre: Me Ferland.
Le Président (M. LeSage): Me Ferland.
Mme Ferland (Lise): M. le Président, M. le ministre, on
n'a pas fait d'évaluation des coûts pour des raisons qui sont,
entre autres, des raisons d'économie budgétaire, je dirais
parce qu'on a sauté un petit peu cette partie-là du
mémoire mais, de par la spécificité de notre
corporation on est une corporation locale avec des ressources
limitées qu'on essaie de gérer dans la mesure des directives du
Conseil du trésor, c'est-à-dire le plus sainement possible et le
plus rigoureusement possible. Dans ce contexte-là, on a
considéré qu'on avait à vous soumettre le mandat qui nous
est donné par l'assemblée générale de notre
quartier, par les citoyens qu'on défend, et qu'on n'avait pas des
ressources à injecter pour quantifier ces
éléments-là de votre question, dans la mesure où je
pense que d'autres groupes qui sont venus aujourd'hui sont capables de le faire
beaucoup mieux que nous, compte tenu des ressources qu'on a pour cette
question-là. Non pas qu'on ne considère pas que c'est une
question importante et qu'on n'a pas le souci d'y répondre, mais on n'a
pas les moyens à consacrer pour y répondre. Alors, on a
opté pour vous transmettre les politiques, les positions de notre
groupe, sans être capables de les chiffrer.
M. Lefebvre: Pouvez-vous, très rapidement je pose
la question pour ma connaissance personnelle, mais également pour celle
des membres de la commission et d'autres personnes qui nous écoutent
aujourd'hui me décrire rapidement la clientèle que vous
desservez quotidiennement dans votre bureau d'aide juridique?
Mme Ferland (Lise): La description que je vais vous faire...
M. Lefebvre: De façon globale, là.
Mme Ferland (Lise): Oui, c'est ça. La description que je
vous fais, je pense, s'applique à mes collègues ou qui
travaillent dans d'autres bureaux d'aide juridique, parce qu'on a des
clientèles qui se ressemblent, dans la mesure des paramètres de
la loi qu'on doit respecter. Principalement, nous, on dessert deux quar- tiers
à Montréal, c'est-à-dire: Pointe-Saint-Charles et Petite
Bourgogne. C'est des quartiers anciens de Montréal, comme on l'a dit.
C'est des quartiers où la majorité de la population, entre autres
pour Pointe-Saint-Charles, vit de prestations fixes de l'État,
c'est-à-dire aide sociale, assurance-chômage, pension de
vieillesse, ce type de revenu. Donc, les problématiques que les gens
nous soumettent, c'est des problématiques reliées à leurs
conditions de vie, donc dans les paramètres de leur situation
financière. On dessert...
M. Lefebvre: Ça touche surtout je m'excuse de vous
interrompre, juste pour qu'on se comprenne ça touche, si je
comprends bien, surtout le droit administratif, qu'il soit de juridiction
provinciale ou fédérale.
Mme Ferland (Lise): C'est ça. Et on touche beaucoup,
évidemment, tout ce qui est des problématiques familiales...
M. Lefebvre: Droit matrimonial.
Mme Ferland (Lise): ...dans son ensemble, oui. Dans notre
pratique quotidienne, les questions de logement sont des questions qui nous
sont soumises régulièrement, dans la mesure où les
quartiers qu'on dessert sont des quartiers de locataires, à
Montréal. Pointe-Saint-Charles, c'est un quartier de locataires. La
Petite Bourgogne est un quartier où il y a une grande partie de
logements sociaux aussi, donc on dessert les locataires. La Petite Bourgogne
est un quartier multiethnique, donc on a une clientèle aussi
multiethnique.
M. Lefebvre: Vous semblez reconnaître que, de façon
globale, le régime d'aide juridique fonctionne bien. Je parle de la
gestion du régime. Est-ce que je me trompe ou si vous êtes
d'accord avec...
Mme Ferland (Lise): Non, effectivement. Nous, on considère
que le système fonctionne bien. Le système a fait ses preuves. On
n'est pas contre des améliorations, c'est sûr, je pense que
n'importe quelle administration peut s'améliorer, peut apporter des
correctifs à sa situation. On est prêts à le faire. On l'a
fait. D'autres l'ont fait. Je pense que les intervenants avant nous sont venus
vous dire que, oui, on est prêts à faire des améliorations,
mais, globalement, le système fonctionne bien.
M. Lefebvre: Vous ne suggérez pas, non plus, de
modification quant à la mécanique d'admissibilité à
l'aide juridique. Vous considérez que ce volet-là du
régime, du système, va bien également. (17 heures)
Mme Ferland (Lise): Oui. Nous, on considère, M. le
ministre, que l'admissibilité peut être faite par des techniciens,
mais des techniciens dans nos bureaux qui connaissent vraiment bien les
problématiques. Et, on l'a mentionné dans notre mémoire,
de par la nature des
dossiers qu'on traite, on doit souvent analyser la situation
financière de nos clients, et, tant qu'à le faire dans le cadre
de notre dossier, on le fait pour l'admissibilité. On ne veut pas faire
double emploi, faire répéter aux gens deux fois, une fois pour
déterminer l'admissibilité, puis la fois d'après pour
remplir l'état de revenus et dépenses avec l'avocat, parce qu'on
a à regarder toute la situation financière de la personne.
M. Lefebvre: J'imagine, et vous l'avez laissé entendre
tout à l'heure, que vous comprenez que le gouvernement du Québec
est confronté à des problèmes d'ordre financier majeurs,
qu'on ne pourra probablement pas répondre aux souhaits qui nous sont
faits par un nombre quand même considérable d'intervenants qui
souhaitent qu'on injecte plus d'argent dans le régime d'aide
juridique.
Ceci étant dit, est-ce que vous ne considérez pas que
votre suggestion, particulièrement à la page 5 et aux paragraphes
7, 8, 9, 10, où, essentiellement, ces paragraphes-là
suggèrent un élargissement de la couverture des services d'aide
juridique à une clientèle corporative, est-ce que vous ne
considérez pas que c'est dangereux que de suggérer au
gouvernement du Québec d'élargir les services à une
clientèle corporative, dangereux dans le sens que ça pourrait
éventuellement, si c'était accepté, se faire au
détriment de vos plus démunis, les personnes physiques pour
lesquelles vous demandez un rehaussement immédiat du seuil
d'admissibilité, considérant qu'on ne peut pas tout faire?
À partir du moment où vous suggérez un
élargissement des services, vous risquez que ça se fasse au
détriment de ceux et celles qui sont déjà et je
parle des personnes physiques privés des bénéfices
du système d'aide juridique.
Mme Ferland (Lise): C'est évident, M. le ministre, que nos
priorités vont à l'indexation des barèmes
d'admissibilité pour faire le rattrapage qu'on aurait dû faire
depuis déjà un bon bout de temps.
M. Lefebvre: Pour la clientèle existante.
Mme Ferland (Lise): Pour la clientèle existante.
Toutefois, les recommandations qu'on vous fait... Dans le fond, on vous fait
part de l'expérience qu'on vit sur le terrain.
M. Lefebvre: D'accord.
Mme Ferland (Lise): Nous, on travaille en étroite
collaboration avec des organismes sans but lucratif qui défendent les
plus démunis.
M. Lefebvre: Oui.
Mme Ferland (Lise): Des organismes-logement, des organismes qui
travaillent au niveau des femmes, des maisons pour des personnes qui ont des
problèmes de logement, mais avec, entre autres, de temps en temps des
problèmes de santé mentale, des clientèles
spécifi- ques. On travaille avec ces organismes sans but lucratif
là qui sont sur le terrain, qui font de la prise en charge de personnes
qui ont des problèmes sociaux, un éventail de problèmes
sociaux. Alors, on travaille en première ligne, mais de temps en temps
en deuxième ligne, avec les intervenants. Quand on travaille avec les
intervenants, il arrive toute une série de problématiques
juridiques que ces organismes-là rencontrent et pour lesquels ils ont
des demandes. Alors, qu'est-ce qu'on fait? Nous, on a des demandes
régulièrement, à tous les jours: Qu'est-ce que je fais
quand un locataire a tel problème ou...? Bon. Ces organismes-là,
jusqu'à maintenant, on leur a donné le service.
Souvent, c'est un service d'information, parce que les gens qui nous
consultent, c'est des intervenants; et ce dont ils ont besoin, c'est d'un
guide. Ils ont besoin de savoir: Quand j'ai telle problématique, comment
est-ce que j'y réponds? C'est quoi, les paramètres de la loi?
Bon. Alors, c'est ce genre de service là qu'on peut rendre à des
organismes sans but lucratif.
À ce moment-là, on se dit: Ça n'a pas de sens de
dire non à un organisme parce que les gens qui sont sur le conseil
d'administration bénévole, c'est des gens qui ne se qualifient
pas au niveau de l'aide juridique. Je veux dire, ce n'est pas leurs ressources
financières personnelles qu'ils mettent dans ça. Souvent, c'est
des organismes qui ont de la misère à se financer, qui font des
demandes de subvention à droite et à gauche. Donc, aller payer
des frais d'avocat en supplément, on considère que ce n'est pas
nécessairement... Us n'ont pas de ressources à mettre pour le
service juridique, sauf que l'information est pertinente pour la
clientèle qu'ils desservent.
On a mis une parenthèse pour les corporations à but
lucratif là, mais ce dont on vous... les petites, et on a parlé
uniquement de consultation dans les premiers mois d'implantation. Je ne suis
pas une spécialiste en économie puis en analyse de «ce sera
quoi, le marché de l'emploi pour les jeunes, c'est quoi, les
perspectives dans lesquelles on s'en va maintenant». Mais créez
votre emploi vous-même là, puis partez-vous une petite affaire,
puis organisez-vous. Les travailleurs autonomes, il y en a beaucoup. C'est des
gens qu'on rencontre, c'est des gens qui viennent nous voir. Et nous, on a
déjà dû dire non à des gens qui... Finalement, ils
ont un revenu juste un petit peu plus élevé que l'aide sociale,
ils ont une petite compagnie, malheureusement, ils l'ont incorporée, ils
ont plein de problèmes. On leur dit: Non, on ne peut pas vous donner des
informations parce que vous ne vous qualifiez pas. C'est uniquement dans ce
contexte-là qu'on parle de rendre des services, et je pense que ce n'est
pas en opposition et que ce n'est pas au détriment de la
clientèle traditionnelle qu'on a.
M. Lefebvre: Non, sauf...
Mme Ferland (Lise): On la comprend dans la clientèle.
M. Lefebvre: Sauf que, Me Ferland, je comprends, du commentaire
que vous avez fait en début de réponse, que vous souhaitez qu'en
priorité, et d'abord et avant tout, on se penche sur la clientèle
classique.
Mme Ferland (Lise): C'est évident.
M. Lefebvre: Merci. Mme la députée de
Terre-bonne.
Le Président (M. LeSage): Merci. Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, Me Hardy, Me
Ferland, Mme Laurin, merci de votre présentation. Je vous avoue que j'ai
particulièrement apprécié votre mémoire parce que
votre organisme, finalement, est né avant la loi, en 1972. Donc, vous
avez une expertise qui remonte à très longtemps. Et, tout au long
de votre document, on voyait que vous travailliez aussi beaucoup au niveau de
la prévention, au niveau de l'information et que ça faisait
partie aussi des objectifs de la loi de l'aide juridique, en 1972, lors de sa
création, d'informer et de faire de la prévention aussi. Il
semble que ce soit... On le retrouve surtout dans des organismes tels que le
vôtre et aussi au niveau de certains organismes à but non lucratif
qui travaillent au niveau des affaires juridiques.
J'aimerais peut-être vous questionner sur les tribunaux
administratifs parce que plusieurs des mémoires que j'ai lus parlent des
tribunaux administratifs puis qu'on n'a pas eu la chance de questionner encore,
aujourd'hui, là-dessus. Dans le document qui était
déposé par le ministre, on requestionnait certains services et on
requestionnait la pertinence d'offrir les services dans les tribunaux
administratifs en partant du principe que, dans ces tribunaux, la personne peut
se représenter elle-même. Au niveau de la pratique, je pense que
vous êtes bien placées pour nous exprimer la difficulté,
finalement, pour le citoyen de se représenter lui-même dans ces
instances-là, d'autant plus que l'État ou l'employeur
parce que, si je pense, par exemple, à la CSST, ça peut
être l'employeur là qui se retrouve au tribunal eux,
bénéficient de services de professionnels et donc, ont un
avantage marqué lorsqu'ils se retrouvent devant le tribunal
administratif.
Vous ajoutez aussi le problème de tout ce qu'on ajoute,
là, comme preuves d'experts, le coût de ces preuves d'experts
là. Donc, pour vous, est-ce que c'est extrêmement important de
maintenir le service des tribunaux administratifs? Et est-ce qu'il n'y aurait
pas lieu, compte tenu du coût important des preuves d'experts, d'avoir un
tarif précis? Est-ce que l'État ne devrait pas, dans les cas
où on offre le service d'aide juridique, avoir un tarif précis
pour les experts?
Mme Ferland (Lise): Je vais commencer par la deuxième
partie de votre question. Évidemment, on est d'accord qu'il y ait un
tarif pour les experts dans la me- sure où, actuellement, bon, c'est le
libre marché. On essaie de négocier, mais c'est évident
que les montants qui sont payés aux experts sont des coûts
très importants et, souvent, c'est des coûts qui sont... On paie
plus pour l'expert qui va venir témoigner que pour les avocats de
pratique privée qui acceptent des mandats d'aide juridique; ils
reçoivent beaucoup moins d'argent que l'expert qui vient. Bon, nous, on
ne vit pas la réalité de ce point de vue là parce qu'on
n'est pas des avocats de la pratique privée.
Mme Caron: Pouvez-vous donner des exemples de chiffres,
là?
Mme Ferland (Lise): Bien, dans un dossier de droit matrimonial
là, je veux dire, un avocat, il peut avoir, par exemple, 500 $ ou 600 $
pour une cause qui est contestée. L'expert qui va venir, je veux dire,
pour avoir fait son expertise, il peut avoir 1200 $, lui, pour avoir
rencontré deux adultes puis deux enfants. Bon, je n'ai pas tous les
coûts en tête....
Mme Caron: Non. Ça va.
Mme Ferland (Lise): ...mais, je veux dire, des fois, c'est de cet
ordre de grandeur là et plus. Bon. Alors, il y a une disproportion au
niveau des coûts, mais on est d'accord avec une tarification.
Toutefois, ce dont on se rend compte, c'est qu'on s'est fait dire, nous,
par certains experts, quand on veut plafonner les montants qu'on leur accorde:
On n'en prend pas, des dossiers de l'aide juridique parce que notre tarif est
tel montant; puis, de toute façon, vous allez nous payer juste 800 $
quand, normalement, je prends 1200 $. Donc, un expert, qui peut être
quelqu'un de tout à fait compétent, qui serait notre meilleur
expert pour le dossier qu'on veut défendre, va dire: Non, je ne viens
pas dans votre cause à cause de ces restrictions financières
là. C'est une arme à deux tranchants, sauf que, s'il y avait une
réglementation de façon un peu plus générale,
peut-être que ce serait un peu plus accepté. On ne peut pas
être contre ça, de notre point de vue, puis pour
l'amélioration du régime. (17 h 10)
L'autre aspect de votre question, puis là je le perds en
même temps que j'essaie de vous... Ha, ha, ha!
Mme Caron: La difficulté pour le citoyen de se
représenter.
Mme Ferland (Lise): Oui, les tribunaux administratifs. Qu'on se
défende soi-même ou qu'on soit représenté par un
avocat, les règles sont les mêmes. Le tribunal ne va pas assouplir
ses règles parce que, moi, Mme Unetelle, j'arrive et je viens
défendre ma cause. Donc, les citoyens n'ont pas nécessairement la
compétence, ils ne connaissent pas les règles de droit, ils ne
connaissent pas les règles de preuve et, à ce moment-là,
on n'est pas à armes égales. C'est clair que, par
exemple, quand on est dans des dossiers en matière de
sécurité du revenu, bon, d'aide sociale, ce n'est pas toujours un
avocat qui est là. Mais c'est des fonctionnaires
spécialisés qui sont là à la semaine longue devant
le tribunal administratif, qui connaissent les règles de fonctionnement,
qui connaissent la jurisprudence, qui connaissent les règles du jeu.
Alors, quand la personne est là, seule, même si les commissaires
font leur possible pour leur expliquer les règles de fonctionnement, ils
ne peuvent pas présenter la preuve à la place de l'individu.
Donc, c'est clair qu'à des moments donnés ça prend des
avocats. Je veux dire, il y a des questions qui sont en jeu, il y a des
questions de principe. Des fois, ça a l'air des sommes anodines.
À l'aide sociale, une coupure de 100 $ par mois, bon, au bout du
compte, ce n'est pas beaucoup, 1200 $ dans une année, sauf que c'est des
questions de principe, à des moments donnés, sur «pourquoi
on va déduire, pourquoi on veut couper, quels droits on veut
protéger».
Nous, on considère qu'on a développé une
expertise... bien, nous et d'autres avocats, évidemment. Mais, pour bien
représenter les droits des citoyens, souvent, ça prend une
représentation par avocat.
Mme Caron: Puis c'est évident: quand vous faites appel au
coût 100 $ sur un revenu de 600 $ ou 700 $ à l'aide
sociale, c'est quand même important. C'est passablement plus important
que 100 $ sur un revenu, là, qui serait de 60 000 $ par année.
Évidemment.
Vous avez... Je veux revenir, moi aussi, parce que quelques organismes
à but non lucratif ont abordé ça dans leur mémoire,
sur l'importance... Ils sont admissibles à l'aide juridique, sauf qu'on
calcule les revenus des personnes bénévoles là qui sont
membres de l'organisme à but non lucratif pour donner le service. Mais,
selon votre expertise, parce que ce que vous sembliez dire tantôt...
Finalement, les demandes au niveau des organismes à but non lucratif
comme les petites corporations, c'est surtout des demandes au niveau de
l'information, au niveau de la consultation. Est-ce que ça va aussi
à des demandes de défense?
Mme Ferland (Lise): Bien, il arrive qu'il y ait des demandes de
défense. Je pense qu'on ne les exclut pas. Mais la majorité des
demandes, dans l'expérience que, nous, on a, dans un premier temps,
c'est des demandes d'information. Je veux dire, c'est un lien direct. Puis
c'est peut-être lié au type de pratique qu'on a
développé. Nous, on essaie de développer une pratique
où les gens qui viennent nous voir ont des problèmes sociaux.
C'est clair que le droit ne peut pas régler tous leurs problèmes.
Alors, on essaie d'être en rapport direct avec les ressources qui sont
sur le terrain et qui peuvent donner un complément dans la
problématique que la personne vient nous soumettre. Bon.
Dans ce contexte-là, on a développé des liens
privilégiés avec les autres organismes, et c'est clair que
probablement qu'en retour ils ont développé aussi un
réflexe de nous appeler lorsqu'ils ont des problèmes
d'information. Donc, la majorité de nos demandes, c'est des demandes au
niveau de l'information qui traitent soit des problèmes liés
à leur corporation, que ce soit le bail, les rapports avec la taxation
à la ville de Montréal... Bon, tu sais, c'est des questions
récentes qui m'ont été soumises; ça me vient
rapidement à l'idée. Mais on n'a pas nécessairement
à intervenir. On a à donner des... je veux dire, à
intervenir au niveau de l'ouverture d'un dossier, de la judiciarisation du
problème parce que ça n'en est pas rendu là.
Puis c'est pour ça qu'on a aussi insisté sur l'aspect
préventif, information. On se rend compte que, plus on donne aux gens
les moyens de savoir comment je peux prendre mon problème, par quel bout
je le prends, quelle étape je peux faire moi-même avant de me
rendre au bureau de l'avocat... À ce moment-là, on évite
des problèmes, on évite le nombre de dossiers.
On parle de différents moyens de déjudiciarisa-tion, de
médiation. Mais, avant d'en arriver à la médiation, des
fois, quand on a su l'étape A, l'étape B, l'étape C, on ne
se rend pas en médiation, on a évité le problème,
on a été capables de négocier notre dossier nous autres
mêmes. Puis, ce qu'on essaie de faire, c'est ce genre de pratique
là.
Mme Caron: Votre approche étant beaucoup plus globale,
c'est évident qu'il doit y avoir un pourcentage extrêmement
important de votre travail qui se situe davantage au niveau de l'information,
de la prévention, de la consultation, plus que de la défense,
finalement. Est-ce que vous avez pu établir certains barèmes du
temps de travail?
Mme Ferland (Lise): On ne fait pas plus de... Je ne peux pas vous
donner une statistique en pourcentage là, sauf qu'on a établi une
façon de fonctionner où c'est clair qu'on est là pour
offrir un service; on a le mandat d'offrir le service de l'aide juridique dans
les deux quartiers. On le remplit, donc on fait le service de défense,
de représentation, de négociation comme il doit être rendu
par rapport à l'ensemble des demandes qui nous sont
présentées. Et, lorsqu'on n'est plus capables de rendre les
demandes, on émet des mandats pour que les gens aient un service rapide
et efficace auprès d'un avocat qui accepte les mandats d'aide juridique
dans notre secteur, sauf qu'il est clair aussi qu'on essaie, dans notre
pratique, d'avoir un volet d'information, ce qui fait que, à tous les
jours, un avocat de notre bureau est disponible pour répondre aux
demandes qui nous proviennent de gens qui viennent soit au bureau, qui
arrivent, bonjour, je veux avoir une information, ou qui demandent une
information par téléphone, parce qu'on essaie, comme ça,
de faire en sorte de diriger les gens vers les bons endroits.
Donc, ce n'est pas en termes de pourcentage, c'est en termes de services
permanents. Il est là, ce service-là, puis on essaie de diriger
les gens aux bons endroits et de dédramatiser souvent le problème
parce que les gens qui reçoivent une mise en demeure, qui
reçoivent un téléphone d'une agence de collection
qui les menace de saisie ou de n'importe quoi, ça, c'est la
réalité de tous les jours: des gens qui n'ont pas d'argent puis
qui se font harceler quotidiennement. Ils ont toujours l'impression que c'est
la fin du monde puis que, là, il faut qu'ils courent chez l'avocat, puis
que ça prend tout de suite une procédure. On leur explique c'est
quoi, les règles, comment fonctionner, quoi dire, étape 1,
étape 2. Souvent, ils ne viennent jamais à notre bureau
après parce qu'ils ont su comment s'organiser avec leurs
problèmes. De temps en temps, on les a. Ha, ha, ha! On prend le
problème où il est rendu. C'est ce qu'on essaie de faire.
Mme Caron: On a bien compris, dans votre mémoire et dans
vos commentaires, que votre priorité, c'est évidemment la hausse
des seuils pour essayer de redonner un service d'aide juridique à
l'ensemble de la clientèle qui était eligible en 1972, avec une
indexation annuelle de ces seuils-là.
Mais, si l'État décidait d'ouvrir davantage et de toucher
aux personnes à revenu moyen vous l'abordez brièvement
dans votre mémoire en page 11 je ne sais pas si vous avez eu la
chance, tantôt, d'entendre le mémoire du Barreau... Le moyen que
vous privilégiez, est-ce que ça serait davantage ce qu'on
considère un peu, ce dont le ministre parlait dans son document, d'une
échelle progressive? Vous optez davantage pour un plan comme le propose
le Barreau, des assurances juridiques ou une formule qui serait davantage une
formule de crédit d'impôt?
Mme Ferland (Lise): On n'a pas débattu de ces
questions-là au conseil d'administration bien, en tout cas, de
façon aussi spécifique, là, au conseil d'administration
ni lors des dernières assemblées générales,
étant donné que ce n'étaient pas des choses qui
étaient connues. Alors, je ne peux pas vous donner le point de vue de
l'ensemble des membres de la corporation, sauf que, ce qui est clair, c'est
que, à partir du moment où on aura fait le rattrapage et que les
gens qui étaient admissibles en 1972 le seront maintenant, qu'on
élargisse l'accessibilité à un plus grand nombre de
personnes par différents moyens, notre corporation, on est d'accord avec
ça au niveau du principe. Ça, c'est clair, je pense que je peux
m'avancer jusque-là, les gens l'ont énoncé.
Au niveau de la mécanique comme telle, bon, les échelles
progressives, tout ça, il faudrait voir, je veux dire, comment ça
s'organise. Je veux dire, on n'est pas contre. Les assurances, on n'est pas
contre ça non plus. Je veux dire, c'est comme mon collègue,
tantôt, Me Cournoyer, disait: On ne peut pas être contre la vertu.
C'est sûr qu'on ne peut pas être contre le fait qu'il y ait plus de
gens qui soient admissibles, qu'il y ait une accessibilité à la
justice. La mécanique précise... En tout cas, moi, j'aimerais
voir, là, des chiffres pour voir: Bon, ça veut dire quoi pour les
gens, je veux dire, qui ont entre 26 000 $ et 33 000 $ de revenu? On parle de
combien, on parle de quel pourcentage, etc.? Mais on n'est pas contre ces
formules-là, en principe.
Le Président (M. LeSage): M. le député de
Laval-des-Rapides.
M. Ménard: Moi aussi, je suis heureux de votre rapport.
Vous existiez avant l'aide juridique, vous aviez une certaine
originalité, puis je constate que vous l'avez gardée. Mais,
justement, dans cette originalité, parce que je me souviens d'y avoir
travaillé, avez-vous encore recours à des avocats qui donnent des
consultations bénévoles?
Mme Ferland (Lise): Nous, on travaille avec des avocats de notre
équipe qui font plus que leurs heures normales, qui vont dans les
groupes. On essaie aussi le plus possible d'avoir des étudiants en
stage, de permettre à des jeunes d'acquérir de
l'expérience, des stagiaires du Barreau et des stagiaires de
l'université aussi qui viennent prendre des expériences à
des degrés divers et qui peuvent nous aider au niveau aussi de
l'augmentation du service information qu'on peut rendre à la population.
Alors, dans ce contexte-là, on essaie d'élargir le plus possible.
(17 h 20)
M. Ménard: Est-ce que vous pourriez solliciter du
bénévolat pour les nouveaux domaines que vous nous offrez,
notamment les organismes à but non lucratif qui...? Je comprends
parfaitement que les membres du conseil d'administration sont
généralement des gens qui travaillent de façon
bénévole, et ce serait injuste de juger de la capacité de
cet organisme de faire payer des services juridiques par les membres du conseil
d'administration. Mais, justement, l'ampleur du problème que ça
représente, ça, est-ce que, en attendant que l'État ait
des meilleurs revenus, ça ne pourrait pas être réglé
si vous aviez de nouveau stimulé ou «ressourcé» le
travail bénévole chez les avocats? Est-ce que vous ne pourriez
pas régler ça en attendant...
Mme Ferland (Lise): Bien, je pense que... M. Ménard:
.. .pour ces organismes-là?
Mme Ferland (Lise): Oui. Nous et l'ensemble de la
communauté, je pense qu'effectivement on peut songer à
différents moyens, parce qu'une des questions qui nous sont soumises
ici, c'est: Bon, l'État a des ressources limitées, il faut
trouver des moyens innovateurs et nouveaux. Je suis tout à fait d'accord
avec votre suggestion. Ça peut être une façon d'augmenter
les ressources disponibles pour les corporations sans but lucratif ou les
corporations à but lucratif là, les petites. Ça, c'est
sûr.
M. Ménard: Devant les tribunaux administratifs, quand vous
devez faire assister quelqu'un, est-ce que c'est toujours par un avocat ou si
vous avez pu développer, dans certains domaines, des gens qui ne sont
pas
avocats mais qui développent une expertise très pointue
soit en matière de logement, soit en matière d'accidents du
travail ou en matière d'accidents de la route ou... comme les
syndicats?
Mme Ferland (Lise): Oui. Effectivement, devant les tribunaux
administratifs, il y a des organismes communautaires qui ont
développé des expertises très pointues, comme vous le
dites, effectivement pertinentes qui sont capables de faire un très bon
travail. Notre préoccupation n'est pas de préserver un champ
d'intervention. On ne veut pas se préserver du travail, là. Je
veux dire, on en a beaucoup. Ce n'est pas dans cette optique-là qu'on
vous soumet nos remarques.
C'est peut-être aussi dans l'optique que, si on reconnaît
que ces organismes-là ont développé une compétence,
je pense qu'il faudrait que le financement vienne avec parce que ces
organismes-là, que ce soient des organismes qui protègent les
chômeurs, qui protègent les assistés sociaux, qui
protègent les accidentés du travail ou les personnes qui
travaillent au bas de l'échelle ou au revenu minimum, etc., c'est des
organismes qui, d'une année à l'autre, ont un financement
précaire, qui ne savent jamais si ça va se renouveler. Les
salariés qui travaillent dans ces organismes-là, ils travaillent
presque au salaire minimum, des fois, ils font des heures de fous. Ils ont
acquis des compétences, c'est vrai, puis il faut les reconnaître,
puis je pense qu'ils n'ont pas une reconnaissance suffisante par rapport au
travail qu'ils font.
Mais, si ce qu'on veut faire, c'est dire: On va enlever ces
services-là de la couverture de l'aide juridique, on la transfère
aux organismes qui ont développé une compétence, bien,
qu'on transfère l'argent qui va avec. Si on ne fait pas
d'économies, ça donne quoi de transférer? Ou bien qu'on
finance les deux correctement. Mais, je pense que, si on reconnaît une
compétence, il faut la reconnaître avec le financement qui va
avec.
Le Président (M. LeSage): Ça va, M. le
député de Laval-des-Rapides? M. le député d'Anjou?
Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata.
Mme Dionne: Oui, M. le Président. J'aimerais revenir
à la question du député de Laval-des-Rapides sur le
bénévolat. On sait, par exemple, qu'au New Hampshire ils ont, eux
autres, une loi qui dit: Déficit zéro, hein? Alors, il y a des
années où ils sont obligés de couper dans bien des
services malgré la demande, et surtout dans des périodes
difficiles; la demande est peut-être plus forte par rapport aux sommes
d'argent disponibles.
Us ont développé un service qu'on appelle peut-être
«consultation-médiation» là à une étape
où ce sont des avocats ou, en tout cas, des juristes à la
retraite qui ont une formation spéciale et qui viennent donner un coup
de main au ministère de la Justice dans son aide juridique, dans tout le
système, là. Et, on nous dit, parce que je suis allée les
rencontrer dernièrement, que c'est intéressant et que les gens
à la retraite, comme ça, retrouvent une deuxième
motivation puisqu'ils viennent avec leur expérience, leur bagage
extraordinaire au fil des années. Et je pensais peut-être que,
dans un organisme comme le vôtre, qui est dans un quartier, là,
pas facile, à Montréal, où vous avez beaucoup de
problèmes différents à résoudre, beaucoup de
consultations diverses à faire...
Est-ce qu'un projet-pilote comme ça pourrait être
intéressant pour aider justement, là, à répondre
aux différentes demandes, à mieux aider la population? Parce que
vous demandez d'une part que les services soient accessibles à un plus
grand nombre de personnes, et on n'a pas beaucoup plus les sommes d'argent,
là. On a beau, peut-être, rêver en couleur que l'avenir va
être rose, mais je pense qu'il va quand même rester rose
pâle, hein, même dans les meilleures années. Est-ce qu'une
proposition comme celle-là ou un projet comme celui-là pourrait
vous intéresser? J'aurais peut-être dû poser la question au
Barreau tantôt, là, à savoir s'il était
intéressé à le faire. Mais, pour un organisme comme le
vôtre, est-ce que ce serait intéressant?
Mme Ferland (Lise): Bien, oui, effectivement, c'est une
idée intéressante. Moi, je trouve que plus on aura d'idées
pour être capables de mettre à profit les ressources et les
connaissances qu'on a... Je veux dire, on va toujours être d'accord avec
ça. C'est bon pour nous, puis j'allais effectivement vous dire: Bien,
dans le fond, la solution aurait dû être proposée au Barreau
aussi dans la mesure où, je veux dire, nous, on vit des problèmes
particuliers dans notre quartier; on vous parle de la réalité
qu'on connaît. Mais, je veux dire, toutes les corporations d'aide
juridique ou, finalement, toutes les autres personnes pourraient vous dire: On
rencontre aussi des problèmes.
Puis, essayez de trouver, quand vous avez un problème ou que
n'importe quel citoyen a un problème, où il peut appeler. Est-ce
qu'il peut appeler facilement un avocat pour lui dire: Écoute, j'ai tel
problème? Par quel bout je le prends, mon problème? Je veux dire,
la plupart du temps, on ne peut pas appeler un avocat de pratique
privée, regarder dans le livre de téléphone là,
puis en prendre un, puis dire: Est-ce que tu pourrais me donner une petite
consultation? J'ai un problème. Bon, comment je fais? Ça serait
intéressant si la suggestion pouvait être jumelée, bon,
à nos cas particuliers ou à des quartiers où il y a des
problèmes plus accrus, mais aussi à n'importe qui. Je veux dire,
c'est une ressource qui éviterait probablement de judiciariser certains
dossiers.
Mais votre question m'amène aussi, quand on essaie de voir
où est-ce qu'on peut... Bon, parce que vous dites: De l'argent, on n'en
a pas, puis c'est clair que la situation reste difficile, et elle va rester
difficile pour les prochaines années. On ne se fait pas d'illusions,
personne.
Nous, quand on est à l'aide juridique, on se dit aussi: C'est
clair qu'il y a des choses qu'on ne devrait peut-être pas faire.
Ça permettrait des économies. Par exemple, à l'aide
sociale, on veut donner le moins d'argent possible. On essaie de couper parce
que la demande
est accrue. Donc, on essaie de dépenser le moins possible. Je
pense que le gouvernement a aussi à faire une espèce d'analyse de
ce qui se passe, parce que, nous, on nous demande de faire de la perception de
pensions alimentaires. On nous demande d'exercer des recours pour des femmes,
la majorité du temps, en leur disant: Faites valoir vos droits, allez
chercher votre pension alimentaire, exercez-les. Pourquoi est-ce qu'on n'a pas
un système de perception automatique des pensions alimentaires qui
ferait qu'on n'aurait pas besoin de faire ce travail-là?
Quand on est dans ce genre de dossiers là, il y a l'avocat de
l'aide juridique qui représente la madame, l'avocat de l'aide juridique,
des fois, qui représente le monsieur, un représentant du
Procureur général qui est là puis, de temps en temps, le
percepteur des pensions alimentaires. On est quatre avocats payés,
salariés, pour aller chercher une petite pension alimentaire de je ne
sais pas combien, des fois, 25 $ par semaine, 50 $. Si on la percevait
automatiquement, on réglerait ce problème-là. Puis c'est
une pratique qui est importante. Je pense qu'il y a une économie
d'échelle à faire là, puis on pourrait analyser point par
point l'ensemble de la mécanique de notre fonctionnement pour être
capables de voir où on peut faire des économies.
Je vous donne un exemple, puis je n'ai pas fait l'analyse de l'ensemble
des situations, mais il y a des exemples comme ça où on pourrait
couper.
Mme Dionne: O.K. Il y a des exemples d'efficacité
là que vous pourriez étudier, à tout le moins là
pour...
Mme Ferland (Lise): Bien, je vous dis, quand on est quatre
avocats là pour une petite affaire...
Mme Dionne: Oui, O.K. Ça devait être cher,
hein?
Mme Ferland (Lise): ...de pension alimentaire, c'est à se
poser des questions sur ce qu'on fait là tous les quatre.
Mme Dionne: O.K. Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. LeSage): Merci, Mme Ferland. Est-ce qu'il
y a d'autres intervenants sur le côté de l'Opposition?
Mme Caron: Bien, M. le Président, je vais prendre...
Le Président (M. LeSage): Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: Peut-être prendre seulement les deux minutes qui
nous restent pour vous remercier beaucoup de votre intervention. Je partage
beaucoup des éléments que vous avez présentés dans
votre mémoire. D'ailleurs, dans les remarques préliminaires, ce
matin, je parlais longuement des moyens aussi qu'il faut ajouter, autant la
conciliation, la médiation et la perception automatique des pensions
alimentaires parce que, effectivement, souvent, c'est l'État qui va
demander une procédure à la personne qui demande son aide
sociale. On lui demande d'aller percevoir sa pension alimentaire même si
elle sait que, finalement, il n'y a pas de revenus de l'autre
côté. Les procédures vont être entamées quand
même, et c'est l'État qui paie quand même.
Alors, moi, je vous remercie infiniment de votre participation et je
souhaite qu'il y ait beaucoup, beaucoup de services au niveau de l'information
et de la prévention, au niveau des consultations, qui s'ajoutent un
petit peu partout dans toutes les régions du Québec parce que
votre dynamisme est passablement intéressant.
Le Président (M. LeSage): Merci, Mme la
députée de Terrebonne. M. le ministre.
M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Alors, Mme Laurin,
Mme la présidente de la corporation Pointe-Saint-CharlesPetite
Bourgogne, Me Ferland et Me Harvey... Je vous demande, dans un premier temps,
Mme la présidente, de saluer les membres de votre corporation qui,
quotidiennement, comme tous ceux et celles qui travaillent à
l'intérieur des conseils d'administration, puis je le disais ce matin
dans mon intervention préliminaire... Les remercier pour le travail
bénévole qu'ils font pour les plus démunis. (17 h 30)
Vous nous avez, dans un premier temps, soumis un mémoire, et je
l'indiquais tout à l'heure, qui démontre de façon
très claire que vous connaissez bien le problème, que vous
connaissez bien la situation. Votre démonstration de cet
après-midi a été également aussi éloquente.
Je retiens que vous souhaitez, dans un premier temps, et c'est ce que vous
m'avez indiqué, Me Ferland, qu'on se penche d'abord et avant tout sur le
sort de ceux et celles qui devraient, selon vous, bénéficier du
système d'aide juridique. Vous souhaitez particulièrement qu'on
intervienne, comme d'autres intervenants, au niveau de l'amélioration du
seuil d'admissibilité. Et si, par hypothèse, on avait des sommes
additionnelles disponibles, il faudrait évaluer les propositions 6, 7,
8, 9 et 10 de la page 5 de votre document.
Merci d'être venues à Québec aujourd'hui. Je vous
souhaite à toutes les trois un excellent retour. Merci beaucoup.
Des voix: Merci.
Le Président (M. LeSage): Alors, ceci complète les
travaux de la commission pour aujourd'hui. J'ajourne les travaux à
demain matin, soit le 2 mars, à 10 heures.
(Fin de la séance à 17 h 32)