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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le mardi 1 mars 1994 - Vol. 32 N° 70

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le régime d'aide juridique et sur le document intitulé « L'aide juridique au Québec: une question de choix, une question de moyens »


Journal des débats

 

(Dix heures vingt-deux minutes)

Le Président (M. LeSage): À l'ordre, s'il vous plaît! Le quorum étant constaté, je déclare la séance de la commission des institutions ouverte. Je vous rappelle le mandat de la commission qui est de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur le régime d'aide juridique et sur le document intitulé «L'aide juridique au Québec: une question de choix, une question de moyens».

Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Bélanger (Mégantic-Compton) remplace M. Benoit (Orford); M. Richard (Nicolet-Yamaska) remplace M. Fradet (Vimont); M. Maltais (Saguenay) remplace M. Parent (Sauvé); M. Ménard (Laval-des-Rapides) remplace M. Godin (Mercier).

Le Président (M. LeSage): Merci, Mme la secrétaire. Je vous rappelle l'ordre du jour pour aujourd'hui, qui devait débuter à 10 heures. Il est maintenant 10 h 23. Alors, on pourra, si le temps le justifie, poursuivre après-midi s'il y a consentement.

A dix heures, donc, des remarques préliminaires; à 11 heures, nous recevrons les corporations régionales d'aide juridique; à midi, il y a suspension des travaux; à 14 heures, le Barreau du Québec; à 15 heures, nous recevrons l'Association des avocats de la défense de Montréal; à 16 heures, les Services juridiques communautaires de Pointe-Saint-Charles et Petite Bourgogne; à 17 heures, nous devions recevoir Logement populaire en Abitibi-Témiscamingue, mais il y a eu désistement. Alors, en principe, les travaux devraient ajourner à 17 heures. Est-ce que l'ordre du jour est accepté?

Une voix: Oui.

Le Président (M. LeSage): Pour les remarques préliminaires, M. le ministre.

Déclarations d'ouverture M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Je voudrais, dans un premier temps, vous saluer, saluer les membres de la commission des institutions, autant les membres de ma formation que ceux de l'Opposition officielle, et je voudrais, dans un premier temps, si vous le permettez, vous présenter certaines personnes qui m'accompagnent; à ma droite, M. le président de la Commission des services juridiques, le tout nouveau président, Me Pierre Lorrain; vous présenter également Me Nathalie Gagnon, à ma gauche, qui, à mon cabinet, est responsable du dossier de l'aide juridique.

Je voudrais, M. le Président, également remercier les collaborateurs et collaboratrices au ministère qui m'ont guidé dans ma réflexion préparatoire à cette très importante commission de consultation. Je veux souligner le travail remarquable de la Commission des services juridiques, qui offre des services diversifiés et de qualité, et ce, on le sait, malgré les contraintes budgétaires difficiles auxquelles elle est confrontée.

Il me fait plaisir d'être avec vous aujourd'hui, et ce — c'est prévu jusqu'au 17 mars — pour procéder à une consultation générale sur le régime québécois d'aide juridique. C'est avec grand intérêt que j'ai pris connaissance des 52 mémoires préparés en vue de cette commission. C'est avec beaucoup d'attention que j'écouterai les préoccupations et les recommandations des divers intervenants qui auront l'occasion de se présenter devant nous au cours des prochains jours.

La démarche que nous entreprenons ensemble, j'en suis convaincu, constituera un exercice positif, d'abord parce qu'elle me fournira l'occasion d'établir un premier contact et d'échanger avec bon nombre d'intervenants que je n'ai pas eu le plaisir de rencontrer depuis mon entrée en fonction, le 11 janvier dernier; puis parce que — et c'est fondamental — cette consultation nous permettra d'acquérir une meilleure connaissance mutuelle des préoccupations et des positions de chacun des intervenants. Plusieurs d'entre eux sont des partenaires de premier plan, impliqués soit au niveau du fonctionnement du système d'aide juridique, soit à titre de dispensateurs de services ou comme bénéficiaires.

Notre objectif commun doit être d'évaluer certaines difficultés que peut connaître le système actuel et d'identifier ensemble des pistes de solutions durables et des approches qui répondent le plus adéquatement possible aux besoins et au droit de l'ensemble de la collectivité d'avoir accès à la justice en toute équité. S'il est un droit fondamental reconnu dans notre société, c'est bien celui que toute personne puisse faire valoir ses droits ou assurer la défense de ses droits, et ce, sans égard au fait qu'elle soit issue d'un milieu favorisé ou défavorisé.

Ceci étant dit, il n'en demeure pas moins que l'accès à la justice implique des dépenses souvent imprévisibles, qu'il s'agisse d'honoraires professionnels ou de certains frais reliés à l'administration de la justice. C'est là, M. le Président et mes chers collègues, où l'instauration d'un régime d'aide juridique prend tout son sens. Je me rappelle très bien l'époque où naissait le régime

d'aide juridique sous le gouvernement de Robert Bourassa. Je pratiquais alors moi-même le droit dans la belle région de l'Amiante. En effet, à cette époque, conscient des contraintes financières que pouvaient représenter pour plusieurs les services d'un avocat et fidèle à ses préoccupations de justice, le gouvernement libéral innovait en instituant, en 1972, un régime d'aide juridique. Ce service poursuivait des objectifs bien précis en établissant des moyens avant-gardistes, basés sur les ressources dont disposait l'État à ce moment-là.

Au cours des années qui suivirent, les changements intervenus dans la situation économique et sociale du Québec ont fait en sorte que les besoins des justiciables se sont modifiés, tout comme leurs ressources financières. En parallèle, les capacités financières de l'État se sont considérablement transformées pour atteindre aujourd'hui un seuil que je peux qualifier, je pense, de critique. Cependant, il m'apparaît clairement que, en dépit des mutations socio-économiques, les grands principes qui avaient incité le gouvernement libéral de l'époque à mettre sur pied un système d'aide juridique s'avèrent encore justes aujourd'hui et doivent être maintenus.

On se rappellera qu'en 1972 les objectifs qui avaient motivé l'action gouvernementale étaient essentiellement les suivants: que les personnes économiquement faibles soient en mesure d'obtenir les services d'un avocat; que tous les intervenants au régime d'aide juridique, à savoir la clientèle, les professionnels du droit, les facultés de droit et les gouvernements, conjuguent leurs efforts afin que le système proposé réponde aux besoins réels de ceux pour qui il a été institué.

On se souvient qu'à l'époque on souhaitait que le régime soit efficace et compétitif au niveau des coûts, que les services soient de qualité et, enfin, que les professionnels du droit continuent de s'impliquer dans les milieux défavorisés. (10 h 30)

M. le Président, le gouvernement libéral avait marqué un pas important avec la création du régime d'aide juridique dans les années soixante-dix. En dépit de certaines imperfections, et sans nier la nécessité de réévaluer certains aspects du régime, l'efficacilé et le bon fonctionnement du système d'aide juridique dans son ensemble confirment encore que nous avons fait les bons choix.

Depuis 1972, des modifications ont été apportées, principalement en ce qui a trait aux critères d'admissibilité. En effet, au cours des années qui ont suivi, la Commission des services juridiques, à qui on avait confié le pouvoir de déterminer par règlement les critères d'admissibilité, avait haussé à quelques reprises les seuils d'admissibilité. Cependant, en 1982, le gouvernement du temps décidait d'abolir le principe d'indexation automatique des seuils d'admissibilité et d'adopter un nouveau règlement qui retirait à la Commission des services juridiques son pouvoir de déterminer les critères d'admissibilité pour le conférer, à partir de ce moment-là, au gouvernement.

En 1989, dans un souci d'assurer l'efficacité du système et conscient que l'évolution constante de notre société peut nécessiter certains ajustements, le gouvernement libéral a jugé opportun de créer un groupe de travail sur l'accessibilité de la justice. Ce comité, présidé par Me Roderick Macdonald, avait alors d'abord pour mandat d'identifier les divers moyens qui pourraient être mis en oeuvre, avec ou sans l'intervention du gouvernement, afin de permettre également à la classe moyenne d'avoir accès à des services juridiques, de faire le bilan du programme québécois d'aide juridique afin d'identifier les forces et les faiblesses pour ensuite déterminer s'il y avait lieu d'y apporter des correctifs. Ce groupe de travail avait également comme mandat de formuler des recommandations susceptibles de bonifier le système.

Le rapport du groupe de travail présidé par M. le juge Macdonald fut remis au ministre de la Justice au mois d'août 1991. Subséquemment, la démarche gouvernementale qui s'imposait en matière de justice ne pouvait s'effectuer sans obtenir un consensus auprès des intervenants impliqués. C'est d'ailleurs la raison qui a motivé la tenue du Sommet de la Justice en février 1992. Lors de ce Sommet, le ministre de la Justice a soumis une hypothèse de travail faisant état des modifications qui pourraient être apportées au régime en vue d'assurer l'accessibilité à la justice aux plus démunis de notre société tout en étant équitable envers les autres citoyens et citoyennes. Cette hypothèse, qui portait principalement sur les critères d'admissibilité à l'aide juridique, permettait aux différents intervenants de prendre connaissance d'une solution que pourrait envisager le gouvernement après l'étude des nombreuses propositions qui lui avaient été soumises, notamment par le groupe de travail Macdonald et par les participants aux ateliers qui se sont déroulés lors des travaux préparatoires au Sommet de la Justice.

Au terme de ce Sommet, le ministre de la Justice s'est engagé à poursuivre ces consultations. Ces dernières consultations ont alors fait ressortir l'importance de s'interroger non seulement sur les seuils d'admissibilité, mais également sur les différents aspects du régime d'aide juridique que l'on connaît présentement au Québec. Dans ce contexte, en juin 1993, le ministre Rémillard a déposé un document de travail sur l'aide juridique intitulé «L'aide juridique au Québec: une question de choix, une question de moyens». Ce document reflète l'état de la situation du réseau et rapporte, notamment par le biais de plusieurs questions, les préoccupations des différents intervenants concernés.

Cet outil de consultation a très certainement facilité notre réflexion collective en vue du déroulement des travaux de la présente commission. L'un des principaux constats émis dans ce document est que le régime québécois d'aide juridique offre la couverture de services la plus étendue au Canada. De plus, lorsqu'on se réfère à un indicateur de richesse collective tel le produit intérieur brut les ressources financières que le Québec affecte à l'aide juridique sont supérieures aux ressources consenties par la majorité des provinces canadiennes.

Voilà un constat très positif que nous devons déjà dégager de ce dossier. À cet égard, le Québec affiche un bulletin de première classe qui fait l'envie de bon nombre de Canadiens depuis longtemps, et ce, malgré l'état de nos finances publiques.

D'ailleurs, à ce sujet, je partage les propos que mon prédécesseur tenait dans le document de consultation «L'aide juridique au Québec: une question de choix, une question de moyens» à l'effet que notre démarche doit être empreinte de réalisme et que toute révision du programme actuel d'aide juridique ne pourra se faire qu'à la lumière de la problématique actuelle des finances publiques. Toutefois, je tiens à rassurer tous ceux et celles qui, au cours des prochains jours, seront entendus par les membres de cette commission. J'entends déployer tous les efforts nécessaires pour faire en sorte que la Commission des services juridiques puisse disposer d'un budget suffisant qui lui permette de continuer à offrir des services de qualité à sa clientèle.

Devant ces réalités, je m'interroge et je vous invite, mesdames et messieurs de la commission, à faire avec moi cette réflexion: Comment maximiser les ressources importantes que le gouvernement consacre déjà à l'aide juridique? Certains aspects de notre régime d'aide juridique devraient-ils être remis en question? Devrait-on offrir également l'aide juridique aux gens de la classe moyenne? Doit-on envisager une contribution financière des bénéficiaires de l'aide juridique? Peut-on encore compter sur l'implication des professionnels auprès des personnes les plus démunies? Serait-il possible et souhaitable d'impliquer davantage les compagnies d'assurances qui pourraient offrir des services ou qui offrent déjà des services d'aide juridique? Ce sont là quelques-unes des questions que je me pose et qui feront certainement l'objet de discussions au cours de nos travaux.

Je suis confiant que cette consultation nous aidera à trouver ensemble des réponses à nos questions et que nous parviendrons à identifier des solutions appropriées pour faciliter un meilleur accès à la justice pour les plus démunis de notre société comme pour les citoyens et citoyennes à revenu moyen tout en ne perdant pas de vue la capacité de payer de l'État.

Si nous voulons atteindre notre idéal, il nous faudra agir de concert. Bien sûr, nous sommes conscients des besoins des clientèles, mais nous devons également reconnaître que le gouvernement ne peut agir seul. Dans un contexte où les structures sociales, économiques et politiques connaissent d'importantes mutations, dans un contexte de rationalisation des dépenses et de saine gestion, l'enjeu des prochaines années, à mon avis, fait appel à la collaboration et à la responsabilisation des Québécois et des Québécoises.

M. le Président, nous entreprenons ce matin une démarche extrêmement importante qui suscitera des commentaires, des réflexions en vue d'actualiser notre système d'aide juridique, système, et je me répète, dont l'excellence est déjà reconnue.

Le caractère démocratique d'une société se traduit par des efforts consacrés à l'organisation de son système judiciaire. À cet égard, je me réjouis de constater que la population québécoise tire déjà profit de nombreuses réalisations de notre gouvernement en matière de services et d'accès à la justice. Notre système d'aide juridique est une de ces réalisations. Les travaux que nous entreprenons ce matin visent essentiellement à évaluer ensemble comment on peut rendre ce système d'accès à la justice encore meilleur et plus efficace. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole à la représentante de l'Opposition officielle, porte-parole de l'Opposition officielle, Mme la députée de Terrebonne.

Mme Jocelyne Caron

Mme Caron: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup de plaisir que je vous salue. Je salue le ministre et les membres de la commission des institutions. (10 h 40)

Je suis accompagnée, à ma droite, de Me France Thériault, recherchiste pour l'Opposition officielle en matière de justice, d'aide juridique et de lois professionnelles. J'aimerais également, M. le Président, vous dire que mes collègues, le député d'Anjou, porte-parole en matière de justice, M. Pierre Bélanger, qui est ici à la commission, ainsi que M. Francis Dufour, député de Jonquière, porte-parole de l'Opposition officielle en matière de travail et de sécurité publique, auxquels se joindront au cours de nos travaux le nouveau député de Laval-des-Rapides élu en décembre dernier, M. Serge Ménard ainsi que la députée de Chutes-de-la-Chaudière, Mme Denise Carrier-Perreault, porte-parole en matière de condition féminine et de politique familiale...

M. le Président, à titre de porte-parole de l'Opposition officielle pour l'aide juridique, j'aimerais remercier dès maintenant toutes les personnes qui se sont déplacées et qui se déplaceront pour participer aux audiences dans le cadre de la commission parlementaire sur le régime d'aide juridique et qui, j'en suis certaine, par leurs commentaires et leurs recommandations, feront progresser nos travaux.

Je désire aussi remercier tous ceux et celles qui ont soumis des mémoires, mais qui, malheureusement, pour une raison ou une autre, ne pourront être présents pour nous en divulguer le contenu. Je peux les assurer que nous tiendrons compte de leurs représentations écrites puisque nous avons déjà pris connaissance de l'ensemble des mémoires.

Je dois cependant déplorer grandement l'absence de mémoire de la Commission des services juridiques. Ce mutisme est pour le moins inacceptable compte tenu de l'autonomie de la Commission des services juridiques, autonomie qu'elle doit conserver de par la loi, autonomie qui s'allie difficilement avec le rôle qu'elle s'apprête à jouer auprès du ministre de la Justice au cours de ces audiences. Il aurait été extrêmement important de questionner la Commission, particulièrement sur

la gestion de notre système d'aide juridique. La tenue de cette commission parlementaire, M. le Président, devrait nous fournir une fois de plus l'occasion de dresser le bilan du système d'aide juridique, d'en établir les forces et les faiblesses, et ce, afin de procéder, sur cette base et de façon judicieuse, à l'élaboration d'une réforme.

Je tiens à souligner, M. le Président, que le ministre aura désormais tout en main à la fin des audiences pour retourner et s'attabler à sa table de travail et donner naissance à une réforme digne de ce nom. Aucun faux-fuyant ne pourra plus être invoqué pour se désister de la responsabilité de poser des actions positives et concrètes en rapport avec ce dossier.

Tout au long de ces audiences, j'entends bien tenter, à prime abord, de faire ressortir l'intérêt des citoyens et des citoyennes pour faire en sorte, dans la mesure du possible, qu'à la fin des audiences ils puissent à nouveau espérer connaître une meilleure accessibilité à l'aide juridique, et, en conséquence, ce sera un pas de plus dans la bonne direction pour atteindre l'objectif plus général d'une meilleure accessibilité à la justice... que d'élaborer la réforme de ce système pour le rendre plus accessible, mais aussi plus efficace, et ce, dans le but de retrouver au Québec un système d'aide juridique qui réponde aux défis de l'avenir. M. le Président, il s'agit globalement de l'objectif premier à atteindre en ce qui concerne ma formation politique.

D'entrée de jeu, j'aimerais souligner que, bien que je demeure convaincue de la qualité des mémoires soumis dans le cadre de cette commission parlementaire par les divers intervenants et intervenantes et des échanges qui s'ensuivront, je me retrouve malgré tout dans un état de scepticisme face aux résultats qui devraient découler de la tenue de cette commission parlementaire. En effet, j'attends bien peu d'actions concrètes immédiates de la part du ministère de la Justice et de son gouvernement parce que ce dossier n'a jamais été à l'ordre du jour des priorités gouvernementales libérales, et ce, pendant ses huit années, bientôt neuf, au pouvoir. En effet, le laxisme et les nombreux reports qui ont jalonné le cheminement de ce dossier dans les officines gouvernementales témoignent malheureusement en faveur de cette conclusion.

En effet, M. le Président, la tenue de la présente commission parlementaire — qui a été reportée à deux reprises, il faut le signaler — s'inscrit dans la suite logique de la remise au ministre de la Justice du rapport du groupe de travail Macdonald sur l'accessibilité à la justice en juin 1991. Brièvement, je me permets de rappeler le contexte entourant la formation de ce groupe de travail.

On se souvient que le ministre de la Justice de l'époque, M. Gil Rémillard, avait procédé à la mise sur pied de ce groupe de travail sous la présidence de M. Macdonald le 6 juillet 1989. M. le Président, le mandat de ce groupe de travail consistait principalement à élaborer différents moyens afin de rendre l'administration de la justice plus accessible à tous les citoyens et citoyennes du Québec. En conséquence, dans un premier temps, il devait identifier les moyens permettant d'abattre les barrières actuelles à l'accessibilité à la justice et, à cet égard, évaluer l'opportunité de développer des modes alternatifs au système traditionnel de justice.

Dans un deuxième temps, les membres du groupe de travail devaient faire le bilan du programme d'aide juridique afin d'en identifier les forces et les faiblesses, vérifier si le programme, dans sa forme actuelle, permettait au gouvernement d'atteindre les objectifs fixés lors de sa mise en place et, le cas échéant, déterminer les correctifs qu'il y aurait lieu d'apporter.

Enfin, le groupe de travail devait déterminer les divers moyens qui pouvaient être élaborés, avec ou sans intervention du gouvernement, dans le but de permettre aussi aux personnes à revenu moyen d'avoir accès à des services juridiques. À ce moment, dans le contexte où s'exprimait et se cristallisait une préoccupation générale de plus en plus forte en faveur d'une meilleure accessibilité à la justice pour les citoyens et les citoyennes et où se manifestait également un intérêt accru à l'endroit des modes alternatifs de résolution des conflits, il devenait impératif de poser des gestes concrets dénotant la volonté de faire quelque chose.

À la fin des années quatre-vingt, on prenait conscience que les initiatives progressistes mises en place à l'aube des années soixante-dix étaient devenues sujettes à des critiques sévères, bref, qu'elles ne répondaient plus aussi bien que prévu au défi d'assurer une meilleure accessibilité à la justice.

M. le Président, il y a belle lurette que l'on parle de crise de la justice québécoise. Depuis des années, le besoin pressant se fait sentir d'une mise à jour qui garantit aux citoyens et citoyennes que non seulement justice est rendue en tout et partout, mais que telle est la perception populaire. On se rend compte que c'est loin d'être le cas. Scepticisme et cynisme dominent. Bien des propositions et suggestions ont été faites pour renverser cette tendance inquiétante.

Par exemple, M. le Président, en septembre 1987, déjà le député péquiste Claude Filion, alors porte-parole de l'Opposition en matière de justice, réclamait un solide coup de barre pour établir un minimum de confiance. C'est à ce moment qu'il a avancé l'idée des états généraux du droit, reprise par le ministre Rémillard avec la tenue du Sommet de la Justice en février 1992, soit cinq ans plus tard.

M. le Président, quant au système d'aide juridique, le groupe de travail Macdonald a mentionné dans son rapport qu'il méritait globalement un jugement favorable. Voici d'ailleurs la citation prise à l'intérieur de sa conclusion: «L'admissibilité à l'aide juridique selon les critères actuels s'éloigne diamétralement d'un discours axé sur l'accessibilité à la justice. Outre cette pierre d'achoppement, le constat général qui se dégage est un état de santé satisfaisant du programme d'aide juridique.»

Cependant, le rapport déposé par la firme Raymond, Chabot et associés le printemps dernier soulève plusieurs lacunes sur le plan de la gestion, lacunes

pouvant, il faut le préciser, se corriger sans modifier la loi actuelle, uniquement en améliorant l'efficacité et la productivité de notre système tel qu'il est dans sa structure.

Bien qu'ayant alors tout en main pour présenter une réforme du régime d'aide juridique, le ministre Rémillard s'est dérobé à un débat public en commission parlementaire qu'il avait d'ailleurs promis pour l'automne 1991, notamment sur les moyens d'assurer une plus grande accessibilité à la justice aux citoyens et citoyennes à revenu moyen. Pourtant, le ministre de la Justice aurait pu dès ce moment faire adopter des mesures simples et efficaces qui faisaient depuis longtemps l'unanimité en matière d'accessibilité à la justice et que le groupe de travail Macdonald avait réitérées, telles la hausse des seuils d'admissibilité et leur indexation automatique annuelle.

L'application des mesures proposées par le groupe de travail Macdonald fut retardée jusqu'à la tenue du Sommet de la Justice, comme plusieurs mesures ont elles aussi été mises sur la glace en attendant sa tenue. En effet, le ministre désirait que soit soumis aux délibérations du Sommet de la Justice le contenu de ce rapport au même titre que les rapports Guérin, Jasmin et Ouellette qui commençaient à prendre sérieusement de la poussière. Déjà, à l'époque de la tenue du Sommet, le ministre avait tous les outils en main depuis des mois pour passer à l'action. Seulement, M. le Président, on se rend compte aujourd'hui que le fait de vouloir associer dans le cadre d'un sommet tous les intervenants dans une démarche publique n'était malheureusement qu'un autre prétexte du ministre pour retarder la mise en place de plusieurs mesures.

Force m'est de constater que tel est le cas puisque, à cette occasion, les mêmes constats, plusieurs fois établis auparavant, ont été répétés par tous les participants, tels la révision des seuils d'admissibilité, leur indexation, la correction de la façon de traiter l'admissibilité. Pourtant, ces mesures, M. le Président, simples et efficaces étaient prêtes. En conséquence, rien ne justifiait leur report.

Le Sommet aurait plutôt dû servir à l'aboutissement de propositions préalablement et largement discutées et non de colloque permettant au ministre d'amorcer des discussions réchauffées. Il n'aurait pas dû non plus être le prétexte pour retarder, une fois de plus, la mise en place des mesures. Bref, depuis la mise sur pied du groupe de travail sur l'accessibilité à la justice, le gouvernement n'a cessé de se dérober, démontrant son manque de volonté politique à résoudre le problème criant d'une plus grande accessibilité à l'aide juridique. Tout ce que contribuent à faire les retards gouvernementaux, c'est d'accentuer les inadmissibles problèmes d'accessibilité et de créer de graves injustices. De plus, guidées par des impératifs électoraux, les probabilités sont fortes qu'on relègue encore une fois aux calendes grecques les ajustements nécessaires à l'élaboration de la réforme d'aide juridique. (10 h 50)

Le coût du régime d'aide juridique est le principe majeur qui sous-tend tout le contenu du document du ministre de la Justice. Le titre même du document oriente clairement la discussion: «L'Aide juridique au Québec: une question de choix, une question de moyens». L'ensemble du questionnement et les diverses propositions sont constamment axés sur ce seul principe. Pour nous, les audiences sur le régime d'aide juridique au Québec doivent nous permettre de répondre à la question fondamentale de l'accessibilité à la justice. Une société démocratique doit reposer sur le principe fondamental de la justice qui n'a de sens que si cette justice est accessible. C'est un droit fondamental. Le gouvernement légifère à un rythme accéléré, et l'on fait miroiter une kyrielle de droits aux citoyens et citoyennes, mais, dans les faits, peut-on constater une véritable égalité de tous les citoyens et toutes les citoyennes pour faire valoir ces droits? Les coûts reliés à notre système de justice créent trois catégories de citoyens et citoyennes devant la loi: une infime partie de la population encore eligible au régime d'aide juridique, une petite partie de la population ayant les moyens de s'offrir les services des professionnels et, au centre, la très grande majorité de la population, qui connaît ses droits, mais qui demeure incapable de les exercer faute de moyens financiers.

Un autre principe prioritaire doit guider notre action et c'est celui de la déjudiciarisation. Le pourcentage toujours croissant des causes en matière matrimoniale et familiale — 27 % dans les dossiers d'aide juridique — mérite que le gouvernement facilite le règlement des litiges plutôt que de favoriser une structure «judiciarisante». La conciliation, la médiation familiale et la perception automatique des pensions alimentaires doivent alléger le système de justice, mais également favoriser de meilleures relations entre les personnes impliquées.

Il est bon, en ce début de commission, M. le Président, de revenir aux objectifs et aux facteurs à l'origine de la création de la Loi sur l'aide juridique. C'est pour pallier aux insuffisances des services d'assistance judiciaire offerts dans les années cinquante que le gouvernement a décidé d'offrir ces services, afin de pallier au manque de ressources humaines et financières. C'est donc le 7 juillet 1972 que l'Assemblée nationale a adopté la Loi sur l'aide juridique à l'origine du système tel que nous le connaissons aujourd'hui. Je me permettrai uniquement de rappeler très brièvement les cinq objectifs: des avocats spécialisés dans le droit de la pauvreté; un effort conjoint des secteurs intéressés; un système efficace et compétitif au niveau des coûts; des services de qualité et, enfin, l'implication des professionnels au milieu des défavorisés.

Depuis l'étude et l'adoption de cette loi, la Loi sur l'aide juridique n'a pas été modifiée de façon majeure, et ce, bien que la réalité juridique et le contexte social aient beaucoup évolué au cours des dernières décennies. Cela fait déjà plusieurs années que l'on constate l'insuffisance du régime d'aide juridique et, de

manière particulière, son incapacité à répondre aux attentes actuelles, surtout en regard de son accessibilité économique.

Malgré certains manques au niveau de la gestion et, plus spécifiquement, pour le recouvrement des montants dus, il semble que le réseau d'aide juridique a su continuer à respecter les objectifs définis lors de l'élaboration de la loi, en 1972. M. le Président, les principales caractéristiques du régime sont présentées comme étant ses plus grandes forces, soit: le libre choix du bénéficiaire; l'étendue des services couverts; l'accessibilité territoriale des services offerts et l'engagement communautaire du personnel du réseau.

En ce sens, il ne semble pas, à prime abord, qu'un bouleversement de la structure et du mode de fonctionnement de l'aide juridique apparaisse requis ni même souhaitable. Par contre, il faut souligner que les principes du libre choix et de l'accessibilité territoriale existent peu en ce qui a trait aux services offerts par les notaires. En effet, le maintien du tarif des services des notaires au taux de 1977 lié à l'absence de notaires permanents ne garantit pas, dans les faits, l'application de principes de liberté de choix et d'accessibilité territoriale.

J'ajouterais que l'on se doit de déterminer de nouveaux moyens de financement pour élargir l'assiette de l'admissibilité à l'aide juridique sans réformer de manière significative le reste du système. Sinon, il y a fort à parier que nous échouerons dans notre tentative fort louable de vouloir assurer l'accessibilité à l'aide juridique aux citoyens et citoyennes dont les revenus sont au-dessus des seuils d'admissibilité actuels.

M. le Président, la détérioration de la situation du régime juridique est prévisible depuis un certain temps déjà. En effet, les signes précurseurs de la crise du financement auxquels le programme d'aide juridique se trouve confronté ont été, depuis maintes années, identifiés et décriés par tous les intervenants du réseau. Le défi auquel nous avons à faire face actuellement consiste à corriger huit années de laxisme et à proposer les choix qu'a refusé de faire le gouvernement par manque de volonté politique et par les refus consécutifs essuyés par l'ex-ministre de la Justice auprès de l'actuel premier ministre, M. Daniel Johnson, alors président du Conseil du trésor. nous aurons beau discourir sur la promotion et la protection des droits ainsi que sur les grands principes d'égalité devant la loi, ce ne sont, en fait, que des paroles creuses lorsqu'une partie importante de la population ne peut faire valoir ses droits. l'accessibilité à la justice et l'accessibilité à l'aide juridique ont été passablement dénaturées sous le règne des libéraux. pendant que le gouvernement, en juin 1991, procédait à l'indexation rétroactive, au 1er janvier 1986, des tarifs judiciaires ainsi que des amendes pour des augmentations respectives de 24,3 % et de 21,4 %, les seuils d'admissibilité à l'aide juridique, quant à eux, faisaient office de parent pauvre.

La notion de «personne économiquement défavo- risée» à la base de l'adoption de la loi de 1972 a perdu depuis longtemps de son sens au détriment d'une partie importante de la population. Le barème québécois d'admissibilité à l'aide juridique est l'un des moins élevés au Canada. Le seuil d'admissibilité pour une personne seule est fixé à 170 $ de revenu brut par semaine. Quant aux familles, le revenu admissible se limite à 230 $ pour un couple avec un enfant.

On se rappelle, M. le Président, que les critères établis en 1972 lors de la création du régime faisaient en sorte que les bénéficiaires de l'aide sociale, ceux qui touchaient le salaire minimum et ceux qui recevaient les prestations de la sécurité de la vieillesse étaient admissibles à l'aide juridique. En 1992-1993, les personnes recevant l'aide sociale, l'assurance-chômage et les sans-revenu ainsi que les non-résidents et les réfugiés ont constitué la très grande majorité de la clientèle admise, soit plus de 80 %. Durant cette année, 334 876 dossiers ont été traités par le régime, soit une augmentation de 2 % par rapport à 1991-1992. Peut-on encore accepter qu'un travailleur ou une travailleuse au salaire minimum tout comme un retraité ayant pour seul revenu sa pension de vieillesse se voient refuser l'accessibilité à la justice?

On rapporte également, dans les mémoires soumis, que le niveau actuel des seuils est tel qu'il compromet même l'accès à la justice pour une partie de la clientèle recevant l'aide sociale. En effet, sans les dispositions de la Loi sur l'aide juridique, en 1992-1993, 18 000 prestataires de la sécurité du revenu se seraient vu refuser l'admissibilité au régime parce que le montant de leurs prestations est supérieur aux critères d'admissibilité.

M. le Président, nous devrons aussi trouver des moyens pour rendre admissible une clientèle accrue. J'énumère rapidement les moyens qui nous seront présentés dans les différents mémoires: hausse, évidemment, du seuil d'admissibilité; échelle progressive des seuils d'admissibilité; formule de crédit d'impôt; enfin, régime de protection d'assurance de frais juridiques ou de services juridiques préacquittés.

Les services juridiques préacquittés, M. le Président, originent des États-Unis et ont été implantés dans les années soixante. Globalement, ces services couvrent une gamme de services prévus à l'avance sous forme de menu. Ainsi, le participant aura droit à un certain nombre de services et à un certain nombre d'heures de services à coût réduit. Le Barreau a également fait une recherche extrêmement importante concernant les assurances juridiques, et nous les questionnerons largement lorsque nous les entendrons cet après-midi sur cette possibilité qui pourrait ouvrir davantage à la classe à revenu moyen.

Pour ce qui est de l'étendue de la couverture de l'aide juridique, dès l'institution du système d'aide juridique québécois, ce dernier couvrait les services en matières notariale, criminelle, civile et administrative. Le Québec est encore aujourd'hui la seule province qui garantit l'aide juridique aux bénéficiaires, quel que soit le type de service requis.

Les chiffres produits par la Commission des services juridiques dans son 21e rapport annuel indiquent que, pour l'année 1992-1993, les dossiers en matières criminelle et pénale ont totalisé 44,1 %. Pour ce qui est des matières civile et matrimoniale, le nombre de dossiers représentait respectivement 28,1 % et 27 %, selon les données disponibles pour ce type de dossier, soit celles de 1991-1992. Quant aux services juridiques de nature notariale, et pour les raisons que nous avons déjà énoncées, ils n'ont représenté que 2,5 % des dossiers. (11 heures)

On constate qu'environ une dizaine de types de dossiers constituent à eux seuls près de 50 % du total des dossiers admis dont le coût s'élève à 31 200 000 $, soit 43,6 % du coût total des services rendus par les avocats.

Concernant la tarification, M. le Président, on sait que le modèle en vigueur au Québec est établi en fonction de taux fixes pour chaque étape de la procédure. Il semble que la tarification selon ce modèle, particulièrement en matière criminelle, cause des problèmes d'abus de procédures afin que les avocats puissent bénéficier de revenus supérieurs. Également, en matière matrimoniale, il arrive fréquemment que les avocats multiplient des procédures non nécessaires comme, par exemple, de procéder préalablement à la séparation de corps et au divorce afin de maximiser les honoraires.

Toute la problématique que vit maintenant le réseau d'aide juridique pourrait connaître une orientation différente relativement aux coupures sans précédent de 10 000 000 $ requises du réseau pour les années 1992-1993 et 1993-1994 qui représentent 10 % du budget de fonctionnement et imposées, on se le rappelle, par le président du Conseil du trésor de l'époque, nul autre que le premier ministre actuel. M. le Président, nous aurons à nous interroger puisque, en effet, l'arrêt Brydges que la Cour suprême a rendu en 1990 avait, somme toute, statué que l'aide juridique devait comprendre un service de garde téléphonique obligatoire 24 heures sur 24 pour que les personnes arrêtées aient accès rapidement à des conseils juridiques, que cela faisait partie du droit à l'assistance d'un avocat, droit reconnu par la Charte.

En fait, lorsqu'un accusé s'inquiète de ce que son droit à l'assistance d'un avocat dépend de sa capacité de payer, les policiers ont l'obligation de l'informer de l'existence de l'aide juridique et d'avocats de garde ainsi que de la possibilité d'y recourir. Cette obligation imposée aux policiers est conforme à l'article 10b de la Charte. Alors, il se trouve que les coupures pourraient avoir mis en péril ce droit reconnu par la Cour suprême puisque, en 1992, tous les services de garde téléphonique, à l'exception de ceux de Montréal et de l'Estrie, ont été suspendus. Cela pourrait, à la limite, être illégal dans la situation où l'on ferait la preuve qu'une telle suppression de services ne se justifie pas dans le cadre d'une société libre et démocratique, selon le texte prévu par l'article 1 de la Charte des droits.

Également, et je concluerai sur cet aspect, M. le Président, la Cour suprême aura à se prononcer et à déterminer, au cours de l'année 1994, si le droit à l'aide juridique est un droit constitutionnel. Cela pourrait avoir de lourdes conséquences et influer grandement sur l'élaboration d'une réforme de l'aide juridique que nous souhaitons le plus rapidement possible. Merci, M. le Président.

Le Président (M. LeSage): Merci, Mme la députée de Terrebonne.

Est-ce qu'il y a d'autres membres de cette commission qui désirent faire des déclarations d'ouverture ou des remarques préliminaires? M. le député de Chapleau.

M. John J. Kehoe

M. Kehoe: Merci, M. le Président. Comme mes collègues, j'aimerais prendre juste quelques minutes pour souhaiter la bienvenue et féliciter tous les intervenants qui sont venus ici aujourd'hui et qui viendront dans les trois prochaines semaines pour présenter leur mémoire. Le temps et l'effort qu'ils ont mis à préparer ces mémoires sont bien évidents dans la qualité qu'on voit dans chacun. En effet, à voir le nombre — il y en a plus de 50 — et la qualité de ces mémoires qui ont été soumis aux membres de cette commission, on reconnaît là un intérêt marqué et une grande considération envers les personnes les plus démunies de notre société. Plusieurs de ces mémoires ont été préparés par des partenaires de premier plan dans l'administration de la justice. Je pense, entre autres, aux corporations régionales, aux avocats salariés de l'aide juridique, aux associations d'avocats de pratique privée, aux corporations professionnelles des avocats et des notaires.

D'autre part, je trouve bénéfique la présence de porte-parole provenant de milieux aussi diversifiés que les organismes publics comme le Conseil du statut de la femme et le Protecteur du citoyen, les groupes sociaux représentant notamment les communautés culturelles, les familles, les autochtones et les associations préoccupées par des questions spécifiques telles que l'environnement, le chômage, l'immigration, le logement, la santé mentale, car cela permettra, à mon avis, une représentation juste des préoccupations, des besoins et des valeurs composant la société québécoise.

M. le Président, à l'instar de mon collègue, le ministre de la Justice, je souhaite que l'exercice de consultation et de réflexion que nous amorçons aujourd'hui soit des plus enrichissants et empreint de réalisme quant aux propositions de solutions qui émergeront de nos échanges.

Bien entendu, je n'apprends rien à personne en disant que le Québec vit des moments difficiles au point de vue des ressources financières dont il dispose. Il n'en demeure pas moins qu'il est de notre devoir à tous de tenir compte de cette réalité dans les choix que nous aurons à faire et dans les gestes que nous poserons.

Chacun et chacune doivent se sentir interpellés par l'effort de rationalisation des dépenses et de saine gestion des deniers publics. Le Québec possède un système d'aide juridique performant. En plus d'être un des moins coûteux au Canada, il est celui qui offre la plus grande couverture de services. Nous avons la chance, M. le Président, de travailler à l'amélioration d'un régime d'aide juridique qui, dans son ensemble, fonctionne déjà très bien.

Nous avons toutes et tous à coeur le bien-être de nos citoyens et citoyennes, particulièrement ceux et celles qui sont dans le besoin. C'est donc avec optimisme et réalisme que nous entrevoyons l'issue de cette commission parlementaire à laquelle je participe avec beaucoup d'intérêt. Merci, M. le Président.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. le député de Chapleau. Est-ce qu'il y a d'autres membres de cette commission qui veulent s'exprimer? M. le député de l'Acadie.

M. Y van Bordeleau

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Je veux souhaiter la bienvenue aux personnes qui vont venir aujourd'hui nous présenter des mémoires. Il me fait plaisir de prendre la parole ce matin, alors que la commission des institutions entreprend une importante démarche de consultation sur l'aide juridique.

Durant près de trois semaines, nous aurons le privilège d'échanger très largement autour de la question de l'aide juridique, ce que nous avons fait, ce qui pourrait être fait et avec quelles ressources. Dans ce contexte, c'est avec une seule question que nous allons cheminer. Quels moyens l'État doit-il déployer pour soutenir la reconnaissance des droits des justiciables? De quelle manière, en somme, par le biais de l'aide juridique, le système doit-il appuyer Mme X ou M. Y dans un débat judiciaire ou quasi judiciaire lorsque ce dernier a retenu le besoin d'assistance de ce justiciable?

Nous pourrions dire que l'abondance des lois crée simultanément l'abondance des droits. La multiplication des règles qui gouvernent nos rapports nous place devant un nombre imposant de recours, eux-mêmes confiés aux décisions de dizaines de tribunaux, régies et commissions.

Le raffinement de nos lois et de notre structure sociale nous a conduits collectivement à nous questionner sur la réalité du citoyen justiciable dans ses démarches individuelles devant la justice. Comme législateurs élus et représentants des concitoyens québécois, nous avons un devoir incontournable. Nous devons en effet mesurer, M. le Président, toute l'importance d'une réalité que nos préoccupations quotidiennes nous portent parfois à oublier. Invariablement, c'est le même citoyen qui soutient toute la construction de sa société, de ses institutions et des services qu'elle dispense.

Très brièvement, je demande donc à la commission et à tous ses invités de cheminer avec cette ques- tion. Dans son échelle de valeurs, quelle place notre société donne-t-elle à la démarche d'un individu devant un tribunal par rapport aux attentes, par exemple, dans les secteurs de l'éducation, des services de garde, de la santé, de la culture, du soutien à l'emploi?

Pour le Québec, il y a là des enjeux, des droits sociaux et collectifs majeurs sur lesquels nous devons réfléchir. Je me dis que cette importante préoccupation ne doit pas nous quitter. Cependant, je souligne également que nous devons aborder cette démarche de réflexion avec réalisme. Aussi, je crois que notre réflexion doit permettre d'innover, d'aborder de nouveaux horizons. Nous devons aller au-delà des schémas conventionnels de la longueur des conflits qui perdurent devant les cours de justice, des démarches individuelles qui se confrontent à l'aridité des débats judiciaires pour nous tourner, par exemple, vers la déjudiciarisation. Peut-être faudrait-il songer à une implication accrue des professionnels du droit, qui pourraient davantage réfléchir sur une certaine solidarité sociale ou sur la responsabilisation des individus qui pourraient assumer le paiement des déboursés juridiques et judiciaires par le biais de plans d'assurance privés. (11 h 10)

Pour conclure, je voudrais donc que nos travaux placent non seulement le soutien à l'aide juridique au coeur de toutes nos séances, mais j'estimerais également essentielle notre volonté de pousser la réflexion sur la nature des droits que nous souhaitons prioriser dans la hiérarchie de nos valeurs communes afin d'atteindre, pour le plus grand bien de tous, un meilleur équilibre dans notre responsabilisation collective et individuelle. Alors, je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. le député de l'Acadie. M. le député d'Anjou.

M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: Merci, M. le Président. À mon tour, j'aimerais souhaiter la bienvenue aux gens qui sont présents aujourd'hui pour assister aux travaux de notre commission et aux gens, aussi, qui présenteront des rapports, des mémoires devant cette commission.

Le premier dossier, M. le Président, qui m'avait été confié à titre de porte-parole de l'Opposition officielle avait été celui de l'aide juridique, en 1992. J'avais assisté, à ce moment-là, au Sommet de la Justice québécois qui avait, on le sait, suscité beaucoup d'espoir dans les différents milieux de la justice. J'avais pu, à ce moment-là, assister à l'improvisation faite par le ministre de la Justice relativement au dossier de l'aide juridique. Il avait présenté un rapport qui avait pris tous les intervenants par surprise, sans annonce, et ça avait eu le mérite, à ce moment-là, de faire l'unanimité quant au rejet de ce rapport qui avait été présenté devant les différents intervenants. Alors, ce rapport, au début, nous avait été présenté comme étant un projet de réforme,

après ça, un simple document de consultation, et, après ça, on n'en a presque plus entendu parler.

Alors, M. le Président, par la suite, suite à ce Sommet de la Justice, j'ai posé de nombreuses questions au ministre de la Justice pour savoir quelles seraient les réalisations, les conséquences concrètes de ce fameux Sommet de la Justice, tout en faisant bien comprendre au ministre que, souvent, en créant des attentes, si ces attentes ne sont pas comblées, on peut créer parfois plus de tort que de bien.

Finalement, nous avons eu la confirmation de la tenue de cette commission parlementaire qui, malheureusement, a été retardée à plusieurs reprises. Et, entretemps, je dois le constater, M. le Président, de nombreuses décisions ont été prises, qui affectent immédiatement — immédiatement — la qualité des services qui sont dispensés par notre réseau d'aide juridique. Et je dois le condamner, M. le Président. Je pense en particulier à l'abolition du système permanent, au niveau des avocats qui étaient affectés à l'immigration à Montréal. On a aboli ce système, un système qui était respecté par tous les différents intervenants qui travaillaient auprès des réfugiés politiques, et on l'a abandonné, on l'a complètement éliminé, ce réseau-là. Donc, on a pris des décisions alors que les consultations n'étaient pas encore commencées. Ça affecte immédiatement la qualité des services offerts dans certains domaines, et je pense qu'on doit le constater, M. le Président.

J'espère que cette commission ne sera pas un exercice futile d'échanges, malgré que des échanges, ce n'est jamais futile en soi, mais il faut absolument que ces échanges débouchent sur une activité concrète de la part du ministre de la Justice dans ce dossier qui est préoccupant et qui est, je crois, pressant, M. le Président.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. le député d'Anjou. J'invite maintenant les représentants de la corporation régionale d'aide juridique à prendre place à la table des témoins.

Alors, je demande à la représentante ou au représentant de bien vouloir s'identifier et présenter également les personnes qui l'accompagnent, et je vous demanderais de le faire de gauche à droite.

Auditions Corporations régionales d'aide juridique

Mme Guérin (Moïsette): M. le Président de la commission parlementaire, M. le ministre...

Le Président (M. LeSage): Madame, si vous le permettez, j'aimerais que vous vous identifiiez et que vous présentiez également les personnes qui vous accompagnent aux membres de la commission:

Une voix: C'est ce que madame va faire à l'instant.

Le Président (M. LeSage): Merci.

Mme Guérin (Moïsette): M. Gilles Trahan, ici, à ma droite. Il est directeur du courtage dans une compagnie d'assurance-vie et il préside le conseil d'administration de l'aide juridique de la corporation régionale de l'Outaouais. À ma gauche, Me Benoit Moulin. Il est avocat en pratique privée de Paspébiac et il est président du conseil d'administration de la corporation d'aide juridique du Bas-Saint-Laurent—Gaspésie. À ma droite, Me Robert Forest, qui est avocat permanent à l'assistance judiciaire et à l'aide juridique depuis 1969 et directeur général de la corporation d'aide juridique de Montréal depuis 1975. À ma gauche, au bout, Me Jean-Marie Larivière. Il a été avocat permanent à l'aide juridique de 1973 à 1977. Il est maintenant en pratique privée et il agit comme conseiller juridique des corporations régionales d'aide juridique.

Le Président (M. LeSage): Merci, Mme Guérin. Si je comprends bien, vous êtes...

Mme Guérin (Moïsette): Quant à celle qui vous parle, je me nomme Moïsette Guérin. Je dois vous dire qu'à un moment plus difficile de ma vie j'ai été bénéficiaire de l'aide juridique de Montréal, et c'est à titre d'ancienne bénéficiaire que j'ai accepté le mandat d'être membre du conseil d'administration de la corporation d'aide juridique de Montréal. Les membres de ce conseil d'administration m'ont fait l'honneur de m'élire présidente au mois de mai de l'an passé.

Le Président (M. LeSage): Merci, Mme Guérin. J'aimerais vous rappeler que vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et que les députés ministériels auront également 20 minutes pour échanger avec vous, de même que les députés de l'Opposition. Alors, nous vous écoutons religieusement.

Mme Guérin (Moïsette): Ceux qui ont pris connaissance de notre mémoire ont pu remarquer qu'il s'agissait du mémoire de 10 des 11 corporations régionales d'aide juridique. Je suis heureuse de vous dire que, depuis cette publication, la Commission des services juridiques, en réunion des commissaires, et le conseil d'administration de la corporation d'aide juridique des Laurentides-Lanaudière ont souscrit sans réserve au mémoire des 10 autres corporations d'aide juridique.

Qu'il nous soit permis, d'abord, de vous dire qui sont les membres du conseil d'administration des corporations régionales que nous représentons. Nous formons un groupe de 132 personnes venant de tous les coins du Québec, des grands centres comme Montréal et Québec et de régions éloignées comme les Îles-de-la-Madeleine et Port-Cartier, sur la Côte-Nord, ou Senneterre, en Abitibi. Nous avons tous cependant une chose en commun, nous sommes tous des administrateurs bénévoles, et seul notre désir d'aider à la collectivité québécoise

nous a motivés d'accepter le mandat de participer à la gestion de la chose publique et, plus particulièrement, de l'aide juridique.

Nos membres proviennent de tous les milieux de la société québécoise. De par la loi, un tiers d'entre eux viennent de la profession légale, avocats et notaires, les autres membres viennent du monde des affaires sociales, de la santé ou de l'éducation, des groupes communautaires ou sans but lucratif, d'anciens bénéficiaires de l'aide juridique, des comités culturels, de la PME, de la grande entreprise, des institutions financières telles les banques, les caisses populaires ou les assurances.

À titre d'administrateurs bénévoles de l'aide juridique, nous avons cru de notre devoir de livrer publiquement aux parlementaires et à la population en général le résultat de nos observations fondé sur une expérience de quelque 20 ans au service des défavorisés et des démunis de notre société.

Mais, avant de ce faire, qu'il nous soit permis de vous faire part immédiatement d'un fait nouveau très important. Comme nous le mentionnions dans notre mémoire, beaucoup de rapports de provenance québécoise ont rendu un jugement très favorable au réseau d'aide juridique québécois. Qu'il me suffise de rappeler le sondage du Devoir, en 1989, le groupe de travail Macdonald, en 1991, le Sommet de la Justice, en 1992, le rapport de la firme Raymond Chabot, Martin, Paré, en 1992. (11 h 20)

Mais voilà qu'en décembre 1993, il y a à peine deux mois, l'ensemble du Canada reconnaît l'excellence du système québécois. En effet, il est pertinent de savoir, dans le présent contexte, que le gouvernement du Canada et celui des 10 provinces canadiennes ont fait faire une étude complète de l'aide juridique et de ses coûts sur l'ensemble du territoire canadien. Cette tâche fut confiée à un comité ad hoc et appelée «Examen national de l'aide juridique». Ce comité était formé des représentants des sous-ministres de la Justice du Canada — des 10 provinces du territoire canadien. En décembre 1993, il produisait un rapport final de plus de 300 pages. Ce dernier n'a pas encore reçu de publication. L'une des conclusions de ce mémoire se lit comme suit: Le comité national recommande que les gouvernements adoptent des systèmes rentables de grande qualité pour l'administration de l'aide juridique. D'après les preuves disponibles, nous concluons que le régime, qui comporte une grande proportion d'avocats permanents, est le mode de prestation des services d'aide juridique le plus susceptible de répondre au double critère de l'efficacité et de la qualité supérieures.

L'appendice B de ce rapport s'intitule «Prévisions des coûts de l'aide juridique». Pour votre information, nous nous permettons de vous en citer trois courts extraits: La province de Québec semble par ailleurs avoir les services les plus efficaces parmi les grandes provinces et dans des coûts moyens par dossier... plus faibles que ceux auxquels on pourrait s'attendre considérant sa taille. L'analyse historique a aussi permis de conclure que le coût par dossier diminuait au fur et à mesure que la proportion d'affaires traitées par les avocats permanents augmentait et que les autres dossiers étaient distribués de façon plus équilibrée entre les membres privés du Barreau qui acceptent les affaires d'aide juridique. La province de Québec a déjà l'expérience de la planification et elle peut fournir une aide raisonnable à l'élaboration d'outils de planification à l'échelle nationale.

Cette parenthèse importante étant dite, qu'il nous soit permis maintenant de vous entretenir des facteurs qui ont permis de tels résultats.

M. Trahan (Gilles): Tout d'abord, la structure du réseau et son autonomie. La structure mise en place lors de la création du réseau d'aide juridique, en 1972, offre la caractéristique essentielle d'assurer l'indépendance et l'autonomie, face au gouvernement, des organismes qui l'administrent et des avocats qui rendent les services juridiques aux bénéficiaires.

La Commission des services juridiques et les corporations d'aide juridique forment une structure décentralisée et à double palier. Le législateur a voulu ainsi assurer l'équilibre entre le pouvoir de l'État quant aux nécessaires contrôles de la gestion des deniers publics et, d'autre part, la protection des bénéficiaires à l'égard des services qui leur sont fournis par les corporations régionales et les avocats à leur emploi.

Nous ne croyons pas qu'une modification du fonctionnement structurel du système d'aide juridique aurait pour effet d'en diminuer le coût. Bien au contraire, les coûts comparatifs des divers régimes canadiens démontrent hors de tout doute que le régime québécois offre la meilleure performance au moindre coût. Nous en parlerons plus loin dans une étude des coûts comparatifs.

Pour l'instant, nous aimerions énoncer immédiatement que toutes les études tant canadiennes qu'américaines considèrent essentielle l'autonomie de tout régime d'aide juridique face à l'État. Le mandat que nous confie la loi l'exige. Pensons ici aux avocats qui, en matière criminelle, assurent la défense des bénéficiaires face au substitut du Procureur général ou qui, en matière de droit administratif, engagent des poursuites contre les organismes étatiques.

Il nous paraît donc essentiel à la survie d'un régime valable d'aide juridique de conserver cette autonomie en maintenant intacte notre structure actuelle. Les récentes études effectuées ici même, au Québec, à la demande du ministre de la Justice, l'ont d'ailleurs confirmé. Et, permettez-moi de citer le rapport Macdonald, qui dit, entre autres: «La structure et l'organisation du régime apparaissent adéquates et présentent bien des avantages.» Et, un peu plus loin: «Nous nous sommes placés à l'écoute du milieu pour réaliser cette partie de notre mandat afin de présenter des recommandations qui répondent aux besoins les plus urgents. Un bouleversement de la structure ou du mode du fonctionnement actuel n'est pas apparu comme requis ni même souhaitable.»

D'ailleurs, le rapport RCMP en parle également et il cite, à la fin: «II n'est requis aucune modification au cadre légal et réglementaire actuel.»

Parlons maintenant de la gestion financière. En vertu de l'article 32 de la Loi sur l'aide juridique, ce sont les corporations régionales qui ont le mandat spécifique de fournir les services aux économiquement défavorisés. La très grande autonomie que leur accorde la loi ne les a pas empêchés d'avoir une gestion serrée des deniers publics. Au contraire, cette structure régionale et décentralisée a favorisé une gestion efficace et efficiente.

L'examen des états financiers pour l'ensemble des 10 corporations régionales révèle un surplus d'opération totalisant 5 658 856 $ pour les six exercices financiers de 1986-1987 à 1991-1992.

Malgré de sévères compressions budgétaires en 1992-1993, les corporations régionales n'ont accusé aucun déficit pour ce dernier exercice financier. Cette gestion serrée des deniers publics résulte en grande partie de l'emploi de méthodes administratives généralement recommandées par le secteur privé. pour obtenir un rendement efficace et une productivité soutenue à des coûts qui soient favorablement comparables à tout autre système d'aide juridique, les corporations régionales ont eu recours à plusieurs moyens dont: un contrôle très strict des dépenses budgétaires; une politique d'affectation des fonds selon laquelle le plus d'argent possible est attribué aux services juridiques et le moins possible à l'administration; l'application d'un ratio très bas d'espaces locatifs qui fait que, pour l'ensemble des corporations régionales, moins de 10 % de la superficie totale de l'espace occupé par les bureaux d'aide juridique est consacré à des fins administratives et plus de 90 % aux services à la clientèle; une politique d'attribution des tâches exclusivement administratives à un minimum d'avocats-cadres pour qu'un maximum de personnel professionnel soit affecté aux services à la clientèle, soit 96 % en 1992-1993; un contrôle rigoureux des coûts locatifs amenant une dépense annuelle moyenne par employé inférieure à celle qu'on retrouve en général dans l'appareil gouvernemental; l'instauration d'une politique salariale au mérite basée sur la productivité; l'observance scrupuleuse des directives de la commission des services juridiques concernant, entre autres, les effectifs autorisés dans le cadre des budgets alloués.

Qu'il nous soit permis maintenant de parler de la prestation des services. Si nous pouvons affirmer que les corporations régionales ont réussi à rendre le système efficace et compétitif au niveau des coûts grâce à une gestion serrée des budgets de fonctionnement, il ne faudrait surtout pas passer sous silence la prestation des services à la clientèle qui fut toujours une préoccupation constante pour les conseils d'administration et les directeurs généraux de l'aide juridique. Notre objectif fut toujours de donner le plus de services possible à la clientèle tout en maintenant un haut standard de qualité.

Pour garantir cet objectif, les corporations régionales se sont donné de nombreux outils: une politique contrôlée de productivité respectant ce que les Américains qualifient de «workable case load»; des cours de perfectionnement; les publications de services de recherche, des journées d'études et un congrès annuel.

Ces outils ont contribué à donner à nos avocats un niveau élevé de compétence qui ne fait aucun doute, comme l'attestent les divers témoignages d'appréciation exprimés dans l'ensemble de la société québécoise et canadienne; entre autres, par les autorités civiles ou judiciaires; par les différents ministres de la Justice; par les consoeurs et les confrères de la pratique du droit et, plus particulièrement, par la clientèle de l'aide juridique. (11 h 30)

Cette qualité des services ne fut pas caractérisée, comme il arrive souvent, par une réduction de productivité. Les pages 31 et suivantes de notre mémoire démontrent que, à chaque fois que les corporations d'aide juridique ont obtenu des avocats supplémentaires, le résultat ne fut pas de diminuer la charge de travail des avocats permanents de l'aide juridique, mais bien de donner des services à un plus grand nombre de bénéficiaires. L'injection insuffisante, surtout ces dernières années, de nouveaux postes d'avocats permanents explique en grande partie l'augmentation des mandats aux avocats du secteur privé.

En 1973-1974, le réseau d'aide juridique répondait à 86 816 demandes acceptées d'aide juridique. En 1992-1993, ce nombre passait à 301 351 demandes acceptées, et chaque avocat permanent du réseau s'occupait en moyenne d'un peu plus de 435 cas, annuellement. En 20 ans d'existence, le réseau d'aide juridique avait répondu positivement à plus de 4 000 000 de demandes d'aide juridique, ce qui faisait dire au groupe de travail Macdonald, dans ses conclusions: Le constat général qui se dégage est un état de santé satisfaisant du programme d'aide juridique. Les avocats à l'emploi du réseau ainsi que les notaires et avocats en pratique privée ne sont pas étrangers à ce diagnostic en raison des services considérables qu'ils rendent à la population.

En tant qu'administrateurs bénévoles, nous pouvons dire avec fierté que les corporations régionales ont atteint les objectifs énoncés par le ministre de la Justice en 1972 relativement à la prestation des services et à leur qualité, de même qu'à l'efficacité de la gestion au niveau des coûts et budgets. Les avocats permanents de l'aide juridique, malgré leur nombre relativement peu élevé, répondent à plus de 50 % des demandes d'aide juridique. D'autre part, leur participation au régime ne se limite pas seulement au droit curatif et traditionnel. Répondant aux objectifs fixés en 1972, ils sont devenus des avocats spécialisés dans le droit de la pauvreté. Notre mémoire comprend une annexe d'une centaine de pages décrivant plus particulièrement leurs activités communautaires.

M. Moulin (Benoit): Comme annoncé tantôt...

Le Président (M. LeSage): Si vous le permettez, pour les fins d'identification des intervenants, j'aimerais vous faire remarquer que le dernier intervenant est

Gilles Trahan. Et je cède maintenant la parole à Me Moulin. C'est bien ça?

M. Moulin (Benoit): C'est bien ça, M. le Président.

Le Président (M. LeSage): La parole est à vous, M. Moulin.

M. Moulin (Benoit): Alors, comme annoncé tantôt, disons maintenant quelques mots sur les coûts comparatifs. Le document ministériel montre que le coût par demande d'aide juridique acceptée est de 352 $ au Québec alors qu'il est de 682 $, soit près du double, dans les provinces canadiennes autres que l'Ontario et le Québec, et de 1040 $ en Ontario. Sous un autre angle, on observe que, par tranche de 10 000 $ investis au Québec dans l'aide juridique, il se traite 28,4 dossiers; dans les autres provinces, il s'en traite moitié moins, soit 14,7, et 9,6, seulement, en Ontario. Le coût moyen par dossier traité le plus élevé au Canada, soit plus de 1000 $, se retrouve dans les deux provinces où le régime d'aide juridique est le plus centralisé, soient l'Ontario et la Colombie-Britannique.

Un examen sommaire des régimes d'aide juridique démontre que le régime québécois est un de ceux où la plus grande partie de chaque dollar dépensé est investie dans les services professionnels directs à la clientèle par opposition aux frais d'administration du régime. Nous croyons que la présence du monde des affaires et des avocats du secteur privé sur les conseils d'administration a su insuffler aux corporations régionales d'aide juridique une philosophie de rentabilité. Par ailleurs, la présence des groupes communautaires et du milieu des affaires sociales a pour sa part favorisé et encouragé l'implication de l'aide juridique et de ses avocats au milieu des économiquement défavorisés.

Forts de notre expérience et conscients évidemment des limites financières de l'État, nous vous soumettons bien humblement les conclusions suivantes. Les objectifs que le législateur s'était fixés lors de l'adoption de la Loi sur l'aide juridique ont été atteints. Notre régime se compare très avantageusement aux autres régimes d'aide juridique au Canada en termes de coût, d'efficacité, d'efficience et de couverture. Le grand défaut du système québécois est le nombre trop restreint de personnes qui y ont accès.

Comme administrateurs des corporations régionales d'aide juridique, nous sommes convaincus qu'il est impossible d'augmenter le nombre de personnes admissibles à l'aide juridique sans réduire la couverture ou augmenter le budget. Nous sommes conscients du fait que l'état des finances publiques ne permet pas d'espérer l'injection de deniers publics additionnels. Nous sommes aussi conscients de la condition socio-économique des personnes actuellement admissibles à l'aide juridique, qui sont les plus démunies de notre société, et nous ne pouvons recommander de leur enlever des services pour en donner à d'autres qui sont un peu moins démunis.

En conséquence, nous recommandons: 1° de corriger l'anomalie soulignée dans notre mémoire au niveau de la réciprocité avec l'Ontario; 2° d'intervenir auprès du ministre de la sécurité du revenu afin que la politique actuelle de ce ministère soit modifiée au niveau de l'exigence d'exercer des recours alimentaires futiles; 3° de rendre possible la tarification des frais d'experts aux fins du régime d'aide juridique; 4° d'inviter le Barreau du Québec à examiner l'opportunité de mettre au point un régime privé de services juridiques à tarif réduit pour les personnes dont les revenus sont supérieurs au seuil d'admissibilité actuel sans être supérieurs à 80 % du maximum des gains admissibles aux fins du Régime de rentes du Québec; 5° d'inciter les assureurs québécois à développer et à rendre accessible à la classe moyenne un contrat d'assurance frais juridiques.

En dernier lieu...

Le Président (M. LeSage): M. Moulin, si vous le permettez...

M. Moulin (Benoit): Je conclus, M. le Président. Le Président (M. LeSage): Allez-y.

M. Moulin (Benoit): Alors, en dernier lieu, qu'il nous soit permis de rappeler que, au Sommet de la Justice tenu en 1992, un consensus fut atteint au sujet de l'aide juridique. À l'unanimité des intervenants, y compris le Barreau du Québec et la Chambre des notaires, représentés alors par le bâtonnier, Me Jean Paquet, et le président, Me Jacques Taschereau, ce consensus fut le suivant: il n'est pas question d'étendre les services de l'aide juridique à la classe moyenne si, pour ce faire, il faut réduire ceux accordés aux économiquement défavorisés. On ne corrige pas une injustice par une autre.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. LeSage): Alors, merci. Je cède maintenant la parole à M. le ministre.

M. Lefebvre: Je veux saluer les représentants des corporations régionales d'aide juridique. Madame et messieurs, je vous souhaite la plus cordiale bienvenue à l'Assemblée nationale, à vous et à tous ceux et celles qui vous suivront d'ici le 17 mars. Je veux vous remercier particulièrement, et je m'adresse aux administrateurs bénévoles, comme vous l'avez indiqué tout à l'heure, aux administrateurs bénévoles du système d'aide juridique au Québec. Je veux vous remercier au nom de tous les bénéficiaires qui profitent directement de votre implication gratuite dans le régime d'aide juridique. Vous êtes, quant à moi, extrêmement représentatifs de ce qu'est le Québec quant à son système d'aide juridique, et vous avez d'ailleurs soumis un mémoire qui fait très bien le tour de la question et vous avez, à tour de rôle,

je pense, bien cerné l'ensemble de l'activité du système d'aide juridique au Québec.

Je retiens essentiellement de votre mémoire et de vos commentaires que vous nous avez livrés depuis une vingtaine de minutes que la gestion du régime d'aide juridique, depuis toujours, elle est bonne, que les objectifs que le gouvernement avait identifiés en 1972 sont encore ceux qui, aujourd'hui, sont respectés par notre système d'aide juridique. Autrement dit, on n'a pas dévié de notre route depuis plus ou moins 20 ans. C'est toujours ces mêmes objectifs qui sont aujourd'hui respectés par le régime d'aide juridique.

Je voudrais cependant vous poser certaines questions face à des suggestions qui apparaissent dans votre mémoire, suggestions qui sont faites dans le but, évidemment, d'améliorer le système et de donner de meilleurs services à des bénéficiaires qui, aujourd'hui, profitent du système et également à d'autres citoyens et citoyennes du Québec qui pourraient, selon vous, profiter du système d'aide juridique. (11 h 40)

Vous dites, à la page 21 de votre mémoire, et je ne sais pas si je dois m'adresser à Mme Guérin, à Me Trahan ou à Me Moulin — vous déciderez, là, lequel d'entre vous est le mieux préparé pour répondre à la question — vous suggérez, à la page 21 de votre mémoire, d'augmenter le seuil d'admissibilité — et je dois vous indiquer tout de suite, évidemment, vous savez très bien que vous n'êtes pas le seul organisme qui suggère d'augmenter le seuil d'admissibilité. J'aimerais cependant que vous me précisiez, parce que ça n'apparaît pas dans votre mémoire ni, non plus, dans le commentaire que vous nous avez fait, quelle est la suggestion très concrète que vous nous faites d'augmenter le seuil d'admissibilité. Jusqu'à quel niveau? J'aimerais, dans un premier temps, si c'est possible, que vous me fassiez vos commentaires sur cette question-là.

Mme Guérin (Moïsette): Me Larivière peut répondre à cette question.

M. Lefebvre: Oui, madame. Merci.

M. Larivière (Jean-Marie): Très bien. Alors, M. le ministre, M. le Président...

M. Lefebvre: Oui, Me Larivière, je vous écoute.

Le Président (M. LeSage): Me Larivière.

M. Larivière (Jean-Marie): Oui. Alors, la suggestion que nous avions tous en tête quand nous avons préparé le mémoire, c'était effectivement de rendre l'admissibilité comparable à ce qu'elle était au début du régime, en 1972, et en utilisant le paramètre du MGA comme le fait le document de réflexion du ministre.

M. Lefebvre: Maximum des gains admissibles.

M. Larivière (Jean-Marie): Pardon? Oui, c'est ça. Donc, recréer la couverture comparable à celle qui existait en 1972, c'est le but avoué, là, des administrateurs de l'aide juridique.

M. Lefebvre: ça, si on se comprend bien, et je ne sais pas si on peut s'entendre sur... ça pourrait représenter plus ou moins, là, 80 %...

M. Larivière (Jean-Marie): C'est ça.

M. Lefebvre: ...du maximum des gains admissibles.

M. Larivière (Jean-Marie): C'est ça. Mais on réalise en même temps que c'est une somme d'argent considérable que ça suppose, de faire ça.

M. Lefebvre: Somme d'argent que, j'imagine, vous n'avez pas évaluée, là. Vous savez que c'est considérable, mais vous ne savez pas de combien de millions on parle, là.

M. Larivière (Jean-Marie): Écoutez, je pense qu'à l'oeil on doit certainement penser à 25 000 000 $.

M. Lefebvre: À peu près. Vous avez indiqué aussi... Je pense que c'est M. Trahan, tout à l'heure, qui a indiqué qu'à l'occasion des compressions de 1992, de façon générale, les corporations n'ont pas été gravement affectées dans leur mission quotidienne.

Le Président (M. LeSage): M. Trahan.

M. Trahan (Gilles): Sauf, peut-être, M. le ministre, dans les services. Ce qui est arrivé, c'est que les bénéficiaires ont eu des délais plus longs avant d'être servis, qui ont parfois été jusqu'à quatre ou cinq semaines, dans certains cas, et ça a créé des attentes presque inacceptables. Quand une personne s'attend d'avoir une défense, elle ne veut pas attendre cinq semaines avant d'avoir un rendez-vous. Ça peut être vraiment désastreux à plusieurs reprises. Je pense que, plus particulièrement à Montréal, ça a créé aussi des problèmes très spécifiques, et je pense que Me Forest pourrait vous en parler plus.

M. Lefebvre: Merci, M. Trahan. Oui, maître.

M. Forest (Robert): Oui. Les compressions, M. le ministre, M. le Président...

Le Président (M. LeSage): M. Forest.

M. Forest (Robert): ...en 1992 ont fait un tort considérable au réseau d'aide juridique en ce sens que nous avons dû fermer la division d'immigration. Et nous

avons dû, en plus, dans un bureau comme l'aide juridique de Montréal, qui comprend 120 avocats, fermer la division d'appel qui permet aux gens d'aller en appel sur les questions de Charte des droits et libertés.

Les mesures retenues par le Conseil du trésor à cette époque-là ont fait en sorte qu'il a éliminé du système d'aide juridique, dans certaines matières, le libre choix. Parce que ce qui fait la force du système québécois, c'est qu'il y a des permanents et qu'il y a des avocats de la pratique privée. Les compressions budgétaires de 1992 ont fait en sorte que la permanence est complètement éliminée de tout le domaine de l'immigration, qui n'est rendu maintenant que par les avocats de la pratique privée.

M. Lefebvre: Alors, vous faites, si je comprends bien, allusion à une situation qu'on vit d'abord et avant tout à Montréal.

M. Forest (Robert): Oui, mais c'était le seul endroit. L'immigration ne se fait pas ailleurs.

M. Lefebvre: Oui, c'est ça. Je suis d'accord avec vous.

M. Forest (Robert): Et ça représente 11000 demandes d'aide juridique par année.

M. Lefebvre: Est-ce que vous avez fait une évaluation de votre proposition, là, quant à l'amélioration du seuil d'admissibilité, de l'évaluation d'un volet contributoire... vous apparaît, quant à vous, que ça ne serait pas souhaitable? Mais est-ce que, de façon générale, vous avez fait un parallèle entre vos suggestions et ce qui est soumis également par le Barreau du Québec? Me Larivière.

M. Larivière (Jean-Marie): Oui.

Le Président (M. LeSage): M. Larivière.

M. Larivière (Jean-Marie): Merci. C'est parce que, là, je pense qu'il y a deux questions. Est-ce que vous nous demandez de faire le parallèle, M. le ministre, entre nos positions dans le mémoire et celles du Barreau du Québec ou si vous limitez ça à la question d'un volet contributoire?

M. Lefebvre: C'est-à-dire, quant à la suggestion que vous faites pour ce qui est de l'augmentation ou de l'amélioration du seuil d'admissibilité...

M. Larivière (Jean-Marie): Oui.

M. Lefebvre: ...le plan Barreau comme tel, l'implication des compagnies d'assurances quant à des services juridiques.

M. Larivière (Jean-Marie): Bon. O.K.

M. Lefebvre: Je vous demande si vous avez évalué la position du Barreau en regard de la vôtre ou de vos suggestions.

M. Larivière (Jean-Marie): Je pense, et c'est vraiment par hasard, que nos deux positions sont très proches. On situe trois niveaux au système d'aide juridique proposé: le niveau actuel pour les personnes entièrement admissibles; ensuite, nous, on suggère, pour les personnes qui sont entre 60 % et 80 % du MGA, un système purement volontaire mis sur pied par le Barreau du Québec, où le Barreau demande à ses avocats membres qui accepteraient de le faire de travailler à un tarif inférieur au tarif du marché pour le compte de ces personnes-là, et le Barreau ferait une certaine publicité de ce système volontaire qu'il met en place. On a été agréablement surpris de voir que dans le mémoire du Barreau il y a un même mécanisme pour les mêmes personnes. Donc, là-dessus, je pense qu'on est, en tout cas, de philosophies très proches. et, finalement, le troisième volet, qui est celui de l'assurance. il n'y a malheureusement pas, à notre avis, actuellement au québec, de compagnies qui offrent une couverture vraiment intéressante. il y a des compagnies qui offrent un produit d'assurance frais juridiques, mais, à notre avis, particulièrement en matière criminelle, c'est un produit qui est très insatisfaisant parce que très partiel. je pense savoir que, encore à ce jour, pour qu'une personne bénéficie de l'assurance frais juridiques en matière criminelle, il faut qu'elle soit acquittée. or, on sait très bien que, dans 95 % des causes au québec, il n'y a pas d'acquittement; il y a des plaidoyers de culpabilité. mais il faut que les frais juridiques soient couverts quand même.

Donc, on invite de façon pressante les compagnies d'assurances privées, parce qu'on a quand même un secteur de l'assurance très fort au Québec, à s'intéresser à ce secteur d'activité qui est l'assurance frais juridiques. Et, là-dessus aussi, le Barreau, comme nous, va dans cette direction.

M. Lefebvre: Merci, Me Larivière. Alors, je vais laisser évidemment mes collègues de l'Opposition et également mes propres collègues poser leurs questions.

Le Président (M. LeSage): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, Mme Guérin, Me Forest, Me Moulin, Me Trahan et Me Larivière, nous sommes très heureux de vous accueillir, d'autant plus que, vu qu'il n'y a pas de mémoire de la Commission des services juridiques, vous êtes nos intervenants privilégiés pour nous parler de cette structure qu'on a, qu'on retrouve partout en région. Je me permets simplement de rappeler à nouveau qu'il est un petit peu surprenant que nous n'ayons pas de mémoire de la Commission des services juridiques, d'autant plus — et vous le rappelez dans votre propre mémoire — que

l'article 22 de la Loi sur l'aide juridique énonce, parmi les devoirs de la Commission des services juridiques, de favoriser la poursuite d'études et d'enquêtes et l'établissement de statistiques de manière à planifier l'évolution du système d'aide juridique. Alors, je pense que c'était le meilleur moment pour entendre la Commission des services juridiques sur ce dossier capital.

Je suis très heureuse aussi d'apprendre que la région Laurentides-Lanaudière s'est ajoutée à votre voix, d'autant plus que c'est une région que je connais très bien. Et je veux vous féliciter pour la qualité du travail du mémoire. Je pense que vous avez bien démontré — et c'est M. Trahan qui le disait tantôt — que le mandat, vous l'avez rempli et que les avocats permanents sont des avocats spécialisés dans le droit de la pauvreté et que leur implication dans le milieu communautaire, il est extrêmement important.

J'ai aussi beaucoup d'admiration pour le travail qui est accompli par ces avocats permanents compte tenu du nombre de dossiers qu'ils ont à traiter, et c'est assez important. Je vis dans une région où la population est extrêmement nombreuse, et le nombre de permanents est extrêmement limité. Je pense que vous avez bien démontré aussi, dans votre document, que, lorsqu'il y a ajout d'avocats permanents, ce n'est pas pour diminuer le nombre de dossiers. C'est vraiment pour pouvoir offrir davantage de services, et ça n'amène pas, là, une augmentation des dossiers du côté des avocats privés. (11 h 50)

Vous avez aussi clairement démontré, je pense, que le système de nos avocats permanents nous permet de bien évaluer les coûts. Ça nous permet d'avoir un contrôle bien précis sur les coûts de notre système. Vous avez aussi rappelé à juste titre qu'il n'y a eu aucun déficit de la part des corporations régionales.

Je souhaiterais vous entendre particulièrement sur deux points. Ensuite, je demanderai à mon collègue d'Anjou d'enchaîner. Vous avez sûrement pris connaissance du rapport qui avait été commandé par le ministre de la Justice, qui a été déposé au printemps dernier, le rapport de la firme Raymond, Chabot, Martin, Paré et qui faisait certaines recommandations. On était clair, dans les conclusions de ce rapport-là, à l'effet qu'il n'y avait pas besoin de modifier la loi actuelle pour faire ces modifications. Et on recommandait une série de modifications pour la pratique de gestion uniquement pour assurer une meilleure efficacité, bien qu'elle le soit, pour avoir une efficacité encore plus grande au niveau des corporations, mais aussi au niveau de la Commission des services juridiques, parce que ça aurait été intéressant de la questionner aussi sur l'administration et la gestion de la Commission elle-même, et non seulement d'entendre les corporations.

Les recommandations qui sont contenues dans ce rapport, est-ce que vous les partagez et est-ce que vous pensez qu'il y a des économies à faire au niveau de la gestion?

M. Forest (Robert): Si vous me permet- tez — Robert Forest — tout d'abord, je ne veux pas répondre au nom de la Commission des services juridiques, mais je dois dire que l'administration a changé, à la Commission des services juridiques, qu'il existait une résolution des commissaires... qu'ils allaient se prononcer une fois les mémoires connus, publiés. Je dois répéter que, à la dernière réunion des commissaires, les commissaires ont pris pour position, à la demande du vice-président — le président, le nouveau président n'étant pas encore en fonction — d'entériner le mémoire des corporations, et ça devient la position de la Commission des services juridiques. Mais, comme vous dites, je ne peux pas répondre à la place de la Commission des services juridiques.

Quant aux conclusions du rapport RCMP, elles sont en voie de se réaliser, mais dans le cadre de l'opération réalignement du gouvernement. Le gouvernement, comme vous le savez, a commencé cette opération réalignement, et nous y avons souscrit. Les conseils d'administration et les directeurs généraux de l'aide juridique, nous sommes à réaliser des changements administratifs, le rapport disant qu'il n'y avait pas besoin d'amendement légal.

Un des plus grands changements que les corporations régionales ont apporté et qui peut diminuer les coûts, c'est que, au tout début de l'aide juridique, l'admissibilité était faite par les avocats. Évidemment, on n'était pas dans le même contexte qu'actuellement: on avait un nouveau système, on était fiers de rouler en Cadillac pour l'admissibilité. Quoi de mieux que de voir son avocat directement pour faire faire l'admissibilité, que le bénéficiaire veuille un avocat permanent ou que le bénéficiaire veuille un privé!

Mais, les coûts augmentant, le salaire des avocats augmentant, le nombre de demandes augmentant, nous avons modifié cette façon de faire l'admissibilité, et je dois vous dire maintenant que, dans la grande majorité des corporations régionales d'aide juridique, l'admissibilité est faite par des employés qui coûtent moins cher au niveau salarial. À Montréal, par exemple, ce sont des techniciens judiciaires qui font l'admissibilité en droit criminel et en droit de la jeunesse. Quant à la division civile, ce sont les stagiaires avocats qui font l'admissibilité, ce qui nous a permis de faire de grandes économies parce que ce n'est plus fait, en grande partie, par des avocats, sauf évidemment que des cas spéciaux sont référés aux avocats, surtout en matière civile, lorsqu'il y a question de l'apparence de droit et non pas simplement de l'admissibilité économique. Ça, c'est une des principales corrections qu'on a amenées suite au rapport RCMP. Nous ne partageons pas, cependant, comme nous l'avons exprimé à la Commission des services juridiques, toutes les conclusions du rapport RCMP.

Le Président (M. LeSage): Merci, Me Forest.

Compte tenu de l'heure, est-ce qu'il y a consentement pour que la commission poursuive ses travaux jusqu'à midi et quart?

Mme Caron: Oui.

M. Lefebvre: Consentement.

Le Président (M. LeSage): II y a consentement. Poursuivez, Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Compte tenu de l'importance du nombre d'avocats dans le réseau puis que vous l'avez clairement démontré dans votre document, vous n'êtes sûrement pas en accord avec la décision du gouvernement, qui a décidé de refuser la demande qui a été faite par la Commission des services juridiques, une demande d'exemption en vertu de l'article 7 du projet de loi 198 sur la réduction du personnel dans les organismes publics. Alors, il y a un document qui soutient très amplement et largement et qui démontre très bien les raisons qui justifiaient cette demande d'exemption de la Commission des services juridiques, demande qui a été refusée. Donc, c'est pourquoi on voit apparaître dans les crédits détaillés du ministère de la Justice de 1994-1995 une baisse au niveau des personnels, une baisse quand même importante, de moins 990 500 $, qu'on retrouve tant du côté des cadres que des autres personnels. Alors, vous n'êtes sûrement pas en accord avec cette application de la loi 198.

M. Forest (Robert): Si vous me permettez, Mme la députée, j'aurais aimé apprendre du ministre de la Justice que la demande d'exemption de la Commission a été refusée parce que, nous, on n'en a pas encore eu communication.

M. Lefebvre: Et c'est parce qu'elle n'a pas été refusée.

M. Bélanger: Elle a été accordée?

M. Lefebvre: Parce que je veux vous rassurer.

M. Forest (Robert): Bon!

M. Lefebvre: Elle n'a pas encore été évaluée. C'est très différent.

M. Forest (Robert): Évidemment, elle...

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Très différent.

Mme Caron: Mais on la retrouve dans les crédits, M. le ministre, en tout cas, la réduction. Elle est vraiment là. Je peux déposer le document. Elle est très claire.

M. Forest (Robert): Et c'est de ça qu'on demande d'être exemptés. On n'a pas eu de réponse quant à nos budgets encore, mais je voudrais souligner qu'on aimerait bien qu'elle soit accordée parce que, actuellement, on peut dire qu'un dossier d'aide juridique, s'il est traité par la permanence ou s'il est traité par la pratique privée, globalement, maintenant, ça coûte à peu près la même chose. Ça coûte la même chose, mais il faut se rappeler que les salaires des avocats de l'aide juridique ont toujours augmenté, sont à jour, tandis que le tarif de la pratique privée, lui, n'a pas augmenté depuis de nombreuses années. Et, dès que les tarifs de la pratique privée seront augmentés, ça coûtera moins cher de faire... les dossiers par des avocats permanents.

Plus, ça coûte la même chose si on ne tient pas compte de l'admissibilité, et ça, c'est important de le souligner parce que l'admissibilité à l'aide juridique coûte actuellement 33 $ par demande juridique; et le paiement des comptes à la pratique privée coûte environ 11 $, pour une moyenne de 44 $. C'est en bas de la moyenne canadienne qui se situe un petit peu plus haut que ça, 47 $, 48 $, ce qui fait qu'à chaque fois que nous perdrons des postes de permanents, à chaque dossier qui s'en ira à la pratique privée, avant même que les tarifs soient augmentés, il y a un coût immédiat de 45 $ par dossier. Figurez-vous ça sur 300 000, si on tient compte... (12 heures)

Nous sommes absolument, les corporations régionales et ceux qui les dirigent, pour le système mixte. Il ne s'agit pas de dire: Nous sommes contre des mandats à la pratique privée, tout au contraire. Mais, si on se place au niveau des coûts et dans le contexte actuel, bien, c'est ça que ça a amené, comme l'immigration, l'an passé, où le coût a doublé parce qu'on a éliminé les permanents dans les compressions.

Le Président (M. LeSage): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Simplement pour compléter l'information de tantôt, la demande d'exemption a été datée du 2 décembre 1993. Et, dans le document de la direction du budget du 14 février 1994, les coupures apparaissent.

M. Lefebvre: M. le Président, on aura l'occasion... Et je veux tout simplement rappeler aux collègues et surtout à nos invités que nous sommes ici pour discuter du régime d'aide juridique, du système d'aide juridique au Québec. On aura l'occasion, Mme la députée de Terrebonne, à l'étude des crédits là, quelque part au mois d'avril, de discuter de ce à quoi vous faites référence, mais...

Mme Caron: M. le Président, je pense que si on étudie le système d'aide juridique, effectivement, on étudie aussi le personnel qui le compose et les services qui sont offerts à la population. On ne peut pas détacher l'un de l'autre. Ça m'apparaît très clairement.

M. Lefebvre: Je rappelle ce que j'ai dit tout à

l'heure: il n'y a pas eu de décision du Conseil du trésor sur la demande d'exemption que vous avez faite, que vous avez déposée. Il n'y a pas de décision rendue au moment où on se parle. Alors, c'est faux de dire que votre demande d'exemption a été refusée.

Mme Caron: M. le...

Le Présidait (M. LeSage): Alors, ceci étant dit, je cède la parole à nouveau à Mme la députée de Terre-bonne.

Mme Caron: Oui, M. le Président, et nous déposerons le document de la direction du budget du 14 février 1994. vous avez fait mention, tantôt, de l'importance, et je pense que le consensus, il est là, sur l'importance de retrouver au moins la clientèle qu'on retrouvait en 1972. on s'entend généralement pour parler d'environ... on peut utiliser d'autre mesures, mais autour de 80 % du mga. le ministre vous questionnait tantôt sur ces coûts-là. dans le document du ministre, on évalue les coûts, si le barème était haussé à 80 % du mga, à 32 700 000 $. ça, on le retrouve dans le document du ministre lui-même et à quelques reprises. c'est évident que, parmi les mesures pour financer ça, vous nous avez aussi parlé d'une possibilité d'aller chercher entre les 60 % et 80 % du côté du barreau.

Moi, j'aimerais vous demander, compte tenu du mandat qui était donné aussi concernant les services qui devaient être offerts à la population qui était touchée par l'aide juridique, est-ce que vous considérez que, compte tenu que les notaires, actuellement... Les tarifs étant maintenus depuis 1977 au même taux, il n'existe pas non plus de notaires permanents, donc le service à la population peut varier d'une région à une autre. On a même retrouvé des personnes qui ne pouvaient recevoir aucun service d'un notaire ni dans leur région ni dans une région avoisinante. Je me souviens d'avoir questionné le ministre là-dessus. Est-ce que vous considérez, pour remplir le mandat comme il faut de la loi, qu'il faudrait retrouver au moins un notaire permanent dans chacune des corporations régionales?

Une voix: Me Larivière.

M. Larivière (Jean-Marie): Oui.

Le Président (M. LeSage): Oui, M. Larivière.

M. Larivière (Jean-Marie): Merci. Effectivement, l'emploi d'un notaire permanent crée un certain nombre de problèmes pratiques. Un notaire, on le sait, doit posséder son greffe, par exemple, et le greffe doit appartenir au notaire et non pas à la corporation. Ça, c'est une difficulté que soulève la loi du notariat. Je sais très bien que dans plusieurs organismes on a essayé d'obvier à cette difficulté-là, mais c'est assez difficile en pratique. Nous, en plus, on est dans le contexte, il faut s'en souvenir, d'un syndicat d'avocats, et j'imagine que ce serait... de syndicat d'avocats et de notaires. Alors, j'essaie de réconcilier le caractère «salarié» de la fonction avec le greffe qui appartiendrait en propre au notaire, et il ne peut en être autrement à moins de modifications majeures à la Loi sur le notariat. Donc, c'est une avenue vers laquelle on n'a jamais vraiment voulu aller. On a plutôt préféré se fier au fait que, compte tenu de l'achalandage, il y a quand même un nombre important, sur le territoire du Québec, de notaires qui peuvent rendre le service.

Arrive, bien sûr, cependant, un problème au niveau de leur rémunération, et ça, je pense bien qu'ils vont être ici pour vous en parler.

Mme Caron: Donc, ce que vous souhaiteriez, dans le fond, c'est une modification des tarifs parce que...

M. Larivière (Jean-Marie): Bien, on n'a pas d'expertise particulière sur les quantums payés aux notaires. Mais, dans la mesure où eux refuseraient, dans des régions complètes, d'accepter des mandats d'aide juridique, bien sûr que ça deviendrait un problème.

Mme Caron: C'est vraiment un problème présentement, et on l'a soulevé à quelques reprises. On se retrouve même dans la situation où des notaires acceptent tout simplement de remplir des mandats bénévolement parce que ça leur coûte moins cher que de faire produire une demande, finalement. Alors...

M. Larivière (Jean-Marie): Oui. L'autre difficulté... Si vous me permettez, l'autre difficulté, ce serait effectivement, sur le plan territorial, des notaires à l'emploi d'une corporation. Ça en prendrait certainement plus qu'un en raison des distances et des bureaux d'enregistrement à couvrir. Donc, à ce moment-là, ça devient, compte tenu de l'achalandage, un peu impraticable comme solution de gestion. C'est pour ça qu'idéalement ce serait que les notaires continuent en pratique privée à donner du service aux bénéficiaires.

Mme Caron: M. le Président, j'aimerais laisser mon collègue d'Anjou questionner.

Le Président (M. LeSage): Pour environ trois minutes. M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: M. le Président, la question que je me demandais, c'est au niveau de la vérification de l'admissibilité des bénéficiaires de l'aide juridique. Bon, j'ai pratiqué le droit pendant près de 10 ans avant d'être député et je constatais que, si quelqu'un faisait une fausse déclaration relativement à ses revenus, concrètement, à peu près la seule conséquence, c'était de se faire couper l'aide juridique. Il n'y avait pas réellement de système de perception ou de poursuite pour réclamer le montant, finalement, défrayé par l'État injustement, suite

à la fausse déclaration du requérant des services d'aide juridique.

J'ai eu à mon bureau, récemment, un cas justement où une personne a même dénoncé sa conjointe qui n'était pas eligible à l'aide juridique, qui recevait l'aide juridique. On a envoyé des preuves écrites à l'appui comme quoi il y avait des fausses déclarations de madame. Absolument rien n'a été fait. Aucune poursuite n'a été faite. Tout ce qu'on a fait, on a dit: Maintenant, madame, à partir d'aujourd'hui, on vous coupe parce que vous n'êtes pas eligible à l'aide juridique.

Je comprends que les sommes à récupérer ne sont peut-être pas énormes relativement, souvent, aux revenus de ces gens-là ou de ces contrevenants-là. Mais, à Montréal, je peux vous dire qu'en 1992, quand je pratiquais, puis je participais assez régulièrement à l'aide juridique, le mot se passait qu'à l'aide juridique le pire qu'il pouvait vous arriver, si vous vous faisiez prendre à faire une fausse déclaration, c'était de vous faire couper. Donc, c'est un genre de... Ça se transmet. Et je me demande si ça a été évalué, cet aspect-là, ce phénomène-là, et s'il y a des contrôles qui pourraient être souhaitables à ce niveau-là pour empêcher ces abus-là dans le système.

M. Forest (Robert): II y a des contrôles qui se font au niveau de l'admissibilité par le biais de l'article 75. La partie adverse peut contester l'admissibilité à l'aide juridique du bénéficiaire.

M. Bélanger: Oui.

M. Forest (Robert): Seule la partie adverse peut le faire, cependant. Nous avons ce genre de contestations d'admissibilité et nous y donnons suite: nous enlevons l'aide juridique. Si c'est des déclarations fausses qui sont faites, c'est une infraction à la loi de l'aide juridique, et il appartient au ministre de la Justice de prendre des poursuites et non pas à la corporation régionale d'aide juridique. Alors, il est arrivé, par le passé, il y a déjà un bon moment, que nous expédiions au ministère des cas où des gens avaient été pris à faire de fausses déclarations, selon nous, et les gens ont été poursuivis. Mais c'est vrai que c'est dans des cas très peu nombreux.

M. Bélanger: Très peu nombreux.

M. Forest (Robert): Si vous êtes avocat, vous savez que, entre la preuve et le fait d'être déclaré coupable là, il y a toute une marge, alors... Et aussi on est très chatouilleux quant à ce qui se déclare dans une demande d'aide juridique. Ce n'est pas parce que quelqu'un nous écrit qu'on va dire qu'on va commencer à enlever l'aide juridique ou que ce sont de fausses déclarations. On fait enquête, mais... On est plus là comme un organisme qui donne l'aide juridique plutôt qu'il l'enlève. Et c'est si peu nombreux, malgré ce que vous dites, les cas qui nous sont signalés, que mettre un seul employé là-dessus coûterait plus cher à l'État que ce que ça sauverait.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. Forest. Alors, je cède maintenant la parole au député de Chapleau.

M. Kehoe: Merci, M. le Président. Moi aussi, j'aimerais ça, souhaiter la bienvenue à toutes les personnes qui sont ici aujourd'hui, surtout, particulièrement à M. Trahan, qui est le président de la corporation juridique de l'Outaouais et aussi un résident de mon comté. Durant l'année d'une élection, je prends soin de mes électeurs. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Kehoe: En même temps, M. Trahan, j'aimerais ça, je pense, que... Vu que l'Outaouais est une région frontalière, pourriez-vous nous dire si on a des problèmes particuliers pour le critère d'admissibilité de la province d'Ontario puis de la province de Québec? Est-ce que ça a créé des problèmes majeurs pour la région?

Le Président (M. LeSage): M. Trahan. (12 h 10)

M. Trahan (Gilles): M. le Président, il n'y a pas de doute qu'il y a des problèmes qui se produisent au point de vue admissibilité dans la région de l'Outaouais, et je sais que ça se produit également dans l'Abitibi, mais peut-être en moins grand nombre. Le problème particulier, c'est que les normes en Ontario sont plus élevées que dans le Québec, ce qui fait que, plus particulièrement en matrimonial, par exemple, pour un époux qui serait admissible en Ontario, l'épouse ne le serait pas au Québec, alors ce qui fait que, vu que c'est la résidence qui détermine l'admissibilité, le résident de l'Ontario, on est obligé de lui donner par réciprocité l'aide juridique parce que les critères en Ontario le rendent eligible tandis qu'au Québec, nous autres, l'épouse n'est pas admissible à cause de nos critères qui sont plus bas que ceux en Ontario; alors, elle ne peut pas avoir de mandat, on ne peut pas donner un mandat pour qu'elle soit défendue. Ça crée vraiment une injustice, plus particulièrement si l'on considère que l'épouse en question, à ce moment-là, est une résidente du Québec. Et puis on est obligé de donner le service à un résident de l'Ontario alors que la résidente du Québec n'est pas admissible. Et ça devient vraiment chatouillant puis un peu difficile également à expliquer aux résidents.

M. Kehoe: Dans un ordre plus général, la question d'admissibilité, puis la question de contribution puis de ticket modérateur — appelez-le comme vous voulez là — il semble bien que, dans votre mémoire, aux pages 23 et 24, vous n'êtes pas trop favorables à ça. Les personnes, comme vous l'avez mentionné, là, qui ne sont pas admissibles au Québec — une personne qui fait, je pense, autour de 18 000 $, 20 000 $ — est-ce que vous ne pensez pas que ce ne serait pas plus équitable que les autres, avec une contribution... Mettons une personne

qui gagne, je ne le sais pas, 20 000 $, 25 000 $, 30 000 $, avec une contribution progressive dépendant de son salaire, est-ce que ça serait une solution possible au problème? Ou êtes-vous contre toute contribution ou tout ticket modérateur que ce soit?

M. Trahan (Gilles): Bien, il n'y a pas de doute, M. le Président, que nous sommes contre toute cotisation pour, vraiment, les démunis.

M. Kehoe: Oui.

M. Trahan (Gilles): Et puis, si ce seuil d'admissibilité était haussé, après ce seuil, il y aurait peut-être possibilité qu'on accepte une échelle. Enfin, ça sera à vous, le gouvernement, de le décider, mais je pense qu'on pourrait vivre avec une échelle éventuelle, comme vous parlez, qui grimperait au fur et à mesure. Naturellement, il faudrait voir la proposition avant de la discuter. C'est difficile de répondre à une hypothèse sans qu'elle soit vraiment énoncée. Et, je réponds à titre personnel et non... en n'ayant pas consulté mon conseil d'administration; je peux difficilement y répondre dans les circonstances, d'autant plus qu'on n'a pas de proposition concrète devant nous.

M. Kehoe: Juste une dernière question. Document déposé

Le Président (M. LeSage): Alors, si vous le permettez, M. le député de Chapleau, là, il reste quelques minutes seulement. J'informe les membres de cette commission que j'accepte le dépôt du document déposé par la députée de Terrebonne, et je cède maintenant la parole à M. le ministre.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Quelques mots pour, à nouveau, vous remercier. J'ai indiqué, tout à l'heure, au moment où je vous saluais, que vous êtes, quant à moi, et vous l'avez démontré là, à l'occasion des questions et des réponses surtout que vous nous avez fournies, que vous êtes bien au fait de ce qui se passe dans le régime de l'aide juridique, évidemment, parce que vous l'administrez. Encore une fois, je veux vous remercier d'être venus nous sensibiliser à des problèmes qui existent dans le régime présentement, nous rassurer sur certains points et aussi soulever des questions, quant à moi, légitimes auxquelles vous avez fait référence.

Je retiens essentiellement de votre mémoire et de vos commentaires que vous considérez globalement la gestion du régime, aujourd'hui, comme étant bien faite. Vous ne nous suggérez pas d'intervenir au niveau de la gestion comme telle. Vous souhaitez qu'on améliore les seuils d'admissibilité tout en étant, et vous nous le dites clairement, conscients que ça pourrait représenter beaucoup d'argent.

Je retiens également que, quant au volet d'amélioration d'admissibilité, quant au volet... puis ça, c'est fondamental, évidemment, dans votre mémoire comme dans d'autres mémoires, lorsque vous discutez de l'amélioration du seuil d'admissibilité — vous avez répondu à des questions de M. le député de Chapleau — vous vous rapprochez sensiblement du Barreau du Québec. Alors, c'est ce que je retiens de votre mémoire. Il est bien fait, puis ça représente bien, de façon générale, les questions qu'on se pose.

Je termine en vous disant, et je répète ce que je disais tout à l'heure, que la demande d'exemption à l'application de la loi — c'est important que je vous le dise — à l'application de la loi 198, elle est toujours pendante au Trésor, et Mme la députée de Terrebonne, j'imagine, le sait, pour des questions purement techniques contenues dans la loi elle-même. C'est un document préliminaire que vous avez déposé, Mme la députée de Terrebonne, que je reconnais effectivement comme étant authentique, que la loi nous oblige à prévoir. À l'occasion de la confection de nos crédits, la loi nous oblige à prévoir l'application de la loi. Mais votre demande d'exemption, et je veux vous rassurer, je ne suis pas en train de vous dire qu'elle sera accueillie par le Trésor, mais la demande d'exemption, elle est toujours pendante devant le Trésor.

Alors, je vous remercie d'être venus nous saluer puis je vous souhaite, et à vous, madame, et à vous, messieurs, un bon voyage de retour. Merci beaucoup.

Le Président (M. LeSage): Alors, Mme, MM. les représentants de la corporation régionale d'aide juridique, merci de votre participation à nos travaux. Compte tenu de l'heure, je suspends nos travaux jusqu'à 14 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 17)

(Reprise à 14 h 10)

Le Président (M. LeSage): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des institutions reprend ses travaux. Le prochain groupe qui sera entendu est le Barreau du Québec, et j'invite les représentants dudit Barreau à bien vouloir prendre place à la table des témoins.

Alors, bienvenue à la commission des institutions. J'invite le représentant à bien vouloir, s'identifier et identifier également les personnes qui l'accompagnent.

Barreau du Québec

M. Paradis (Denis): Merci, M. le Président. Denis Paradis, bâtonnier du Québec. Je suis accompagné, à ma gauche immédiate, par M. le bâtonnier André Gauthier; à sa gauche, Me Jacques Sylvestre; à l'extrême gauche, M. le bâtonnier Jean Paquet et, à ma droite, Me Nicole Trudeau-Bérard.

Le Président (M. LeSage): Alors, la parole est à vous, et vous avez, comme je l'ai mentionné ce matin,

20 minutes pour votre présentation. Le parti ministériel a également 20 minutes pour échanger, de même que le parti de l'Opposition. On vous écoute.

M. Paradis (Denis): Merci, M. le Président. L'aide juridique plus, un nouveau concept amélioré pour faciliter l'accès à la justice. Lors du Sommet de la Justice en février 1992, les délibérations de la rencontre démontrent la difficulté pour le gouvernement et les intervenants d'en arriver à un consensus quant aux modifications à apporter au régime d'aide juridique en vue d'améliorer l'accès à la justice. En juin 1993, le ministre de la Justice d'alors rend public, dans le cadre d'un projet de réforme sur l'aide juridique, le document «L'Aide juridique au Québec: une question de choix, une question de moyens». Le titre, au départ, semble indiquer une orientation. Immédiatement, le Barreau décide d'examiner en profondeur cette importante question d'actualité. Participer à ce processus de réforme sur l'aide juridique fait partie intégrante des responsabilités du Barreau, qui a, comme mission première, la protection des intérêts du public. Nous sommes très heureux de pouvoir participer à cette réflexion 20 ans plus tard et en dehors du cadre normalement prévu des négociations monétaires reliées au régime.

L'accès à la justice devient de plus en plus difficile, voire impossible pour plusieurs citoyens. Là comme ailleurs, la récession, les pertes d'emplois ont fait en sorte qu'ils sont nombreux à n'avoir plus les moyens de se payer les services nécessaires à l'exercice de leurs droits. Les chiffres fournis dans le document de consultation «L'Aide juridique: une question de choix, une question de moyens» nous indiquent que, généralement, les seuils d'admissibilité en vigueur lors de l'avènement de la loi n'ont pas toujours régulièrement suivi l'indexation du coût de la vie, tant et si bien qu'aujourd'hui plusieurs groupes d'individus — personnes âgées, familles monoparentales, etc. — n'ont pas accès, sur la base de leurs revenus, à l'aide juridique. Ce constat vient jeter une ombre sur l'objectif premier de la Loi sur l'aide juridique: faciliter aux personnes économiquement défavorisées l'accès aux services gratuits d'un juriste lorsqu'elles ont besoin de connaître ou de défendre leurs droits.

Le Barreau a mis sur pied, en septembre dernier, trois groupes de travail dont les réflexions devaient porter sur les thèmes suivants: premier thème, les attentes et besoins du public, présidé par Me Nicole Trudeau-Bérard, de Montréal; deuxième thème, l'expertise des membres du Barreau, présidé par M. le bâtonnier André Gauthier, de Sept-îles, et, troisième thème, les assurances frais juridiques, présidé par Me Jacques Sylvestre, de Saint-Hyacinthe. C'est à travers ces trois thèmes principaux que le Barreau du Québec présente ce mémoire, fruit d'un sérieux processus de consultation et de réflexion. Le processus de consultation élargie, avec la présence active des gens du public, a permis, non seulement de recueillir l'information, mais aussi de rechercher des pistes de solution. La démarche entreprise par le Barreau s'est échelonnée sur plus de quatre mois. Le présent mémoire comprend 24 recommandations qui ont été adoptées par le Conseil général du Barreau les 9 et 10 décembre dernier.

Comme Barreau, on a tenté d'identifier les points sur lesquels il pourrait se dégager un consensus social, à partir des attentes du public, eu égard au régime de l'aide juridique, et cela, en recherchant des solutions innovatrices et qui tiennent compte des contraintes économiques. On a consulté plus de 50 organismes socio-économiques. Ceux-ci ont été invités ou ont participé au Sommet de la Justice en 1992. Ils représentent les aînés, les autochtones, les communautés culturelles, les consommateurs, les détenus, la famille, les femmes, la jeunesse, les personnes handicapées, les travailleurs, le patronat, etc.

Lors de ces rencontres avec les groupes socio-économiques, on a procédé tout d'abord à une cueillette d'information dans le but de cerner les besoins et attentes de la population à partir de la définition que s'en sont faite les groupes concernés. Dans un deuxième temps, après compilation et analyse des informations recueillies, une série de recommandations fut élaborée et présentée aux organismes au cours d'une seconde consultation, et ce, dans le but de valider certaines pistes de solution. L'approche par le Barreau n'était pas simple. On était en présence d'un gros contrat ou, plutôt, de trois gros contrats que d'aucuns ont considéré très ambitieux.

Le premier contrat qu'on s'est imposé: rendre plus de gens admissibles. On se rappelle, les seuils sont trop bas; on se rappelle les conclusions du rapport Macdonald; on se rappelle, enfin, tout ce qui a été réclamé dans le passé. Les seuils d'admissibilité sont trop bas. j'ai ici un tableau, m. le président, qui indique la population bénéficiaire, en 1973, qui atteignait environ 40 %. aujourd'hui, la population bénéficiaire est alentour de 20 %. juste pour vous donner un exemple, m. le président, pas plus tard qu'hier, j'avais une discussion avec le bâtonnier de saint-hyacinthe, le bâtonnier sénécal, qui travaille justement à l'aide juridique et qui m'expliquait que, la semaine dernière, il a reçu une femme seule, une femme monoparentale avec deux enfants. son salaire: 295 $ brut par semaine. mais elle n'est pas admissible parce que, la madame, avec deux enfants, pour être eligible à l'aide juridique, ne doit pas gagner plus de 230 $ par semaine. problème! problème! d'autres cas nous ont été soulignés, m. le président, où on arrive à une situation où l'aide sociale, à l'heure actuelle, dans certains domaines, dépasse les seuils d'admissibilité de l'aide juridique. il y a certaines personnes sur l'aide sociale qui, si on se fiait strictement au critère du seuil, ne seraient plus éligibles à l'aide juridique selon les barèmes actuels. mais, à cause d'un article qui prévoit que toute personne sur l'aide sociale peut bénéficier de l'aide juridique, ces gens-là en bénéficient de toute façon. mais, si on met, parallèlement à ça, une personne qui travaille et qui a à peu près le même revenu que la personne sur l'aide sociale, bien, la

personne qui travaille, qui a le même revenu que sur l'aide sociale dans ce cas-là, ne serait pas admissible à l'aide juridique.

Et aussi, un autre point qu'on aimerait souligner à la commission: rendre plus de gens admissibles. On doit donner à cette admissibilité une évidence, une évidence qui, à l'heure actuelle, se retrouve, mais à l'extérieur, peut-être, des seuils, c'est-à-dire les notions de «discrétionnaire». Il y a certaines sommes, à l'heure actuelle, qui sont dépensées sur le «discrétionnaire» de l'application de la loi, et le Barreau évalue — peut-être un peu différemment de ce qui est contenu dans le document rendu public par le ministre — à 11 300 000 $ ce «discrétionnaire» là, le tout sur un budget d'environ 110 000 000 $ ou à peu près. Or, on dit: Est-ce que les gens... On pense que les gens n'ont pas à aller demander l'exercice d'un «discrétionnaire» si ces sommes-là sont là, ont été dépensées. On pense que les gens devraient pouvoir le savoir; pas de génuflexion à faire pour demander d'être couverts dans ces domaines-là. Donc, le premier contrat: rendre plus de gens admissibles. (14 h 20)

Le deuxième contrat qu'on s'est imposé, c'est rendre plus de gens admissibles, mais avec le même budget. On a très bien compris les limites imposées par le ministre, les limites imposées par le Trésor et les limites imposées aussi, disons-le, par la situation économique. Ce qu'on a fait, c'est qu'on a tenté de regarder à l'intérieur du régime pour recycler des sommes, pour redéfinir certains postes. C'est l'exercice qu'on a fait, M. le Président. On s'est questionné aussi, comme dispensateur de services, sur comment on ferait pour rendre les meilleurs services à un moindre coût. Et on a regardé un autre volet aussi: la rationalisation des dépenses à l'intérieur de tout le système. Et, à cet effet-là, ce qu'on a fait, on vous propose 24 recommandations.

Je n'ai pas l'idée de revenir sur chacune des recommandations, mais on a fait un petit travail d'évaluation, et ça donne à peu près le résultat suivant: à notre recommandation 6, on pense que ça pourrait coûter 2 000 000 $ — et je vous le donne en sommaire, on pourrait y revenir tantôt — on pense que ça pourrait coûter quelque chose comme 2 500 000 $ de plus. À notre recommandation 11, on pense qu'il pourrait y avoir une diminution d'environ 3 000 000 $. À notre recommandation 14, on pense qu'il pourrait y avoir une diminution de 1 000 000 $. À notre recommandation 15, on pense à une diminution de 3 500 000 $. À la 17, une diminution de 600 000 $, et à la recommandation 22, une diminution de 300 000 $. Tout ça pour une diminution totale, si on prend les plus avec les moins, de l'ordre d'environ 6 900 000 $, et on vous suggérera tantôt ce qu'on pourrait faire si ces 6 900 000 $ ou si ces 5 000 000 $ de récupération dans lesquels on chiffre nos propositions, ce qu'on pourrait faire avec. Donc, les deux premiers gros contrats rendent plus de gens admissibles avec le même budget.

Le troisième gros contrat, ça s'appelle la créati- vité, l'imagination. Comment encore pouvons-nous tenter de couvrir toute cette classe moyenne au Québec, qui a de plus en plus de difficulté à joindre les deux bouts et qui a autant de droits et de besoins que les autres citoyens, qui n'a pas les moyens de faire face aux coûts de la justice ou, de moins en moins, les moyens de faire face aux coûts de la justice? À cet effet, j'aimerais vous présenter ce tableau qui explique un peu le sens général de nos propositions. Vous avez... et on prend... on s'est basé sur une famille: un couple avec deux enfants un couple avec deux enfants. ce qu'on recommande, c'est que les seuils soient portés à 26 720 $, donc, une augmentation à 80 % du mga. le seuil est peut-être ici dans le moment; on recommande que l'aide juridique, les seuils soient portés à 26 720 $ pour un couple avec deux enfants, et avec les échelles correspondantes pour personnes seules, etc. l'ensemble des groupes consultés, les groupes socio-économiques consultés demandent généralement que l'aide juridique couvre jusqu'à 100 % du mga — donc je reprends toujours l'exemple du couple avec deux enfants — couvre jusqu'à 33 400 $. mais on comprend les efforts monétaires que ça exigerait, et le barreau propose un plan barreau, plan barreau qui se situerait entre 26 720 $ et 33 000 $, soit entre 80 % et 100 % du mga. le plan barreau, ça voudrait dire que les avocats seraient libres d'adhérer à ce plan et que les avocats et avocates qui adhéreraient à ce plan s'engageraient à fournir les services juridiques avec un rabais. par exemple, 25 % de rabais pour les gens éligibles à partir de 26 720 $, le rabais allant graduellement en diminuant jusqu'à 33 400 $. donc, 25 %, 20 %, 15 %, 10 %, une échelle descendante.

Donc, les gens — couple avec deux enfants — dont les revenus se situent entre 26 720 $ et 33 400 $ pourraient bénéficier de ce rabais-là, et ça serait la continuité de l'aide juridique, mais offerte par le Barreau du Québec.

Dans un deuxième temps, on dit: les gens qui sont dans cette catégorie-là aussi, mais dont les revenus excèdent 33 400 $, ce qu'on propose — cette classe moyenne, comme je le mentionnais tantôt, qui a de plus en plus de difficulté à joindre les deux bouts — c'est un régime d'assurance de type familial qui pourrait être offert par les compagnies d'assurances privées et qui pourrait couvrir les frais juridiques de ceux qui en auraient besoin.

On a fait certaines études et, à date, on démontre peut-être, ou certains experts nous démontrent qu'on pourrait avoir un genre de police accessoire à une police principale de type familial, soit assurance habitation ou assurance automobile — ça prendrait peut-être certains amendements législatifs, sur ce côté-là, pour l'automobile — une police d'assurance accessoire frais juridiques qui ferait en sorte que les gens, moyennant une prime qu'on évalue peut-être à 50 $ par année, pourraient bénéficier de services juridiques dans la plupart des domaines, peut-être à l'exclusion du droit criminel et du matrimonial dans un premier temps. Je reviendrai peut-être là

sur le matrimonial pour spécifier qu'il y a des coûts additionnels à ce moment-là.

Donc, c'est la formule qu'on propose pour les gens qui ont 34 400 $ et plus, mais qu'on propose aussi pour les gens qui se situent à l'intérieur du Plan Barreau. Donc, pour les personnes qui se situent entre 26 000 $ et 33 000 $, on propose aussi cette méthode-là et là on l'assortit d'une espèce de demande au gouvernement, demande que la prime, ici, on trouve un incitatif fiscal, soit une déduction de la prime ou un crédit d'impôt, mais pour les gens dont le revenu — couple avec deux enfants — se situe entre 26 700 $ et 33 400 $. Alors, voici, c'est, en gros, le sens des propositions que le Barreau fait.

Donc, M. le Président, en résumé, l'aide juridique plus, c'est l'aide juridique plus un Plan Barreau, c'est l'aide juridique plus un régime d'assurance frais juridiques.

Avec l'aide juridique plus, M. le Président, le Barreau du Québec vous propose, dans cette approche imaginative, ce nouveau concept amélioré pour faciliter l'accès à la justice pour tous les citoyens. Merci, M. le Président.

Le Président (M. LeSage): Merci pour cette présentation. Alors, je cède maintenant la parole à M. le ministre.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Alors, M. le bâtonnier, je veux vous saluer et saluer également vos confrères et consoeurs qui vous accompagnent, votre consoeur, et vous dire à quel point la commission est heureuse de vous accueillir, le Barreau du Québec.

Vous avez, M. le bâtonnier, indiqué tout à l'heure que la responsabilité première du Barreau du Québec c'est évidemment — et c'a toujours été le cas — d'abord et avant tout, la protection des intérêts du public. Dans ce sens-là, je n'ai pas à vous dire à quel point j'ai lu avec grande attention le mémoire que vous avez soumis, un mémoire qui, globalement, fait vraiment le tour de toute la question, identifie, quant à moi, les problèmes qu'il faut analyser. Vous avez également proposé dans ce mémoire — et vous l'avez répété dans votre exposé tout à l'heure — vous avez suggéré des pistes de solution.

On peut conclure de l'analyse qu'on fait de votre mémoire que discuter de l'actualisation du système d'aide juridique en 1994, ce n'est pas une question simple, ce n'est pas une question qui est facile, c'est une question qui oblige tous les partenaires à peut-être se remettre en question sur certains points et également à faire preuve d'imagination pour trouver des solutions. Et, dans ce sens-là, vous faites des propositions qui ne sont pas nécessairement nouvelles, nouvelles, mais qui, quand même, ont le mérite d'être originales dans leur présentation. (14 h 30)

Vous faites référence à plusieurs reprises, M. le bâtonnier, au concept du MGA. J'aimerais, pour les besoins de la discussion, si vous me le permettez, vous rappeler et rappeler à ceux et celles qui sont ici avec nous cet après-midi, la définition de ce qu'est un MGA. Alors, le MGA est le maximum des gains admissibles selon la Loi sur le régime de rentes du Québec. Il s'agit du revenu maximum sur lequel les travailleurs doivent verser une cotisation qui leur permettra, à l'âge de la retraite, de recevoir des prestations de la Régie des rentes du Québec. C'est ça qu'on appelle le maximum des gains admissibles.

M. le bâtonnier, vous avez tout à l'heure très rapidement expliqué les coûts de la proposition que vous nous suggérez. Je n'ai pas besoin de vous dire qu'on a fait analyser — pour les parties de votre mémoire qui étaient précises — au ministère de la Justice — une analyse cependant assez complète, mais pas définitive — les coûts de la proposition qui apparaît dans votre mémoire, proposition qui est sous forme de trois ou quatre volets. Et je voudrais que vous m'expliquiez le constat que l'on fait, au ministère de la Justice, à savoir que, si vous augmentez les seuils d'admissibilité à 26 720 $, et je suis d'accord avec vous lorsque vous prenez comme point de référence le couple avec deux enfants... Lorsqu'on fait le calcul, au ministère de la Justice, de l'augmentation des coûts que ça représenterait, augmenter le seuil d'admissibilité de quelque 13 000 $ aujourd'hui, à 26 720 $, le calcul rapide qu'on fait, au ministère de la Justice, est le suivant: la clientèle actuelle, au seuil d'admissibilité dont on parle, maximum, elle est là de plus ou moins 1 100 000 personnes. L'augmentation du seuil d'admissibilité porterait cette clientèle à plus ou moins 2 000 000.

Le calcul rapide qu'on fait au ministère est le suivant: ça provoquerait — et je ne vous dis pas que la proposition n'est pas justifiée. C'est strictement un constat financier que je fais avec vous ou une analyse financière. Le coût estimé de l'augmentation des coûts, très rapidement, c'est plus ou moins 21 000 000 $, alors que, tout à l'heure, vous nous indiquiez que ce serait une augmentation de plus ou moins quelque 2 000 000$.

J'aimerais que vous m'indiquiez de quelle façon, soit le Barreau ou des experts que vous avez consultés ont pu arriver à un chiffre aussi différent du nôtre.

M. Paradis (Denis): M. le ministre, dans un premier temps, on voudrait vous dire qu'on n'est pas des experts, et on part d'hypothèses aussi, un peu, j'imagine, comme les gens de chez vous ont fait. On a regardé — je vais vous donner un exemple — le rapport annuel de la Commission au 31 mars 1991, et on se rend compte, en regardant le rapport annuel de la Commission au 31 mars 1991, que 75 % ou à peu près des bénéficiaires actuels de l'aide juridique sont soit sans revenu ou soit sur l'aide sociale.

Et le rapport annuel que je vous mentionne indique que, dans leur demande d'admissibilité, 37,51 % des bénéficiaires d'aide juridique se déclarent sans revenu et 37,02 % se déclarent bénéficiaires d'aide

sociale. donc, pour un total de 74,53 % qui sont soit sans revenu ou soit sur l'aide sociale. on part de ce principe-là, m. le président, et on dit: voici, il y a eu à peu près 300 000 cas de traités dans l'exercice 1991-1992, pour une somme d'environ 105 600 000 $, ce qui donne un coût moyen par cas de peut-être 353 $. c'est les chiffres qu'on prend, et on a pris ça dans les documents qui nous ont été transmis. on dit: s'il y en a 75 % qui sont soit sans revenu ou soit sur l'aide sociale, il y en a 25 % qui ont quelque revenu. et, à partir de ce moment-là, on dit que ces 25 % qui ont quelque revenu, qui bénéficient de l'aide juridique, ça devrait normalement avoir représenté, pour la même année, 76 000 cas sur les 300 000; 76 000 cas à 353 $ — coût moyen du cas — une somme d'environ 26 800 000 $ pour les gens qui avaient quelque revenu. à ce moment-là, on prend le tableau 14 dans le document d'information du ministère, «l'aide juridique au québec: une question de choix, une question de moyens», et on voit que, si l'admissibilité est portée de 60 % à 80 % mga, on prévoit une augmentation de 18,5 % du nombre de contribuables et de conjoints admissibles. et on dit, à ce moment-là: est-ce que le niveau des salariés va augmenter? peut-être pas, on ne le sait pas, mais on se dit: prenons pour acquis que l'hypothèse, c'est que ces cas-là soient traités par les avocats de pratique privée. donc, on arrive à 61 %, à ce moment-là, des cas traités par la pratique privée, et on se dit: si 42,8 % qui sont traités par la pratique privée à l'heure actuelle ont coûté, dans la même année, 30 500 000$, 61 % coûteraient quelque chose comme 43 000 000 $, un différentiel ou une augmentation de 13 200 000 $. ce qui nous est présenté par le ministre équivaut à peu près à 24 000 000 $ ou 25 000 000 $ net d'augmentation, et nous, nos chiffres, avec ce calcul peut-être un peu compliqué là, que je tente d'exposer, on arrive en tout cas à 13 200 000 $ d'augmentation pour couvrir cette clientèle additionnelle là.

D'un autre côté, tantôt je mentionnais que les critères ou les seuils faisaient en sorte qu'il y avait du «discrétionnaire» d'accordé en sus des seuils qu'on évalue, nous, en tout cas, à 11 300 000 $. Quand je mentionnais que le différentiel, ça devrait coûter 2 500 000 $ de plus de hausser les seuils, on prend le coût additionnel, le vrai coût additionnel de hausser les seuils — mais le vrai coût, encore une fois, il faudrait vérifier nos hypothèses et nos calculs, là — c'est 13 200 000 $. Et on se dit que beaucoup de gens qui, à l'heure actuelle, bénéficient du système discrétionnaire, bien, il y en aurait moins qui en bénéficieraient parce qu'on hausserait les seuils considérablement. On pense récupérer, à ce moment-là, peut-être 95 % du «discrétionnaire». Gardons-nous du «discrétionnaire», mais il y a beaucoup de gens qui en bénéficient à l'heure actuelle, qu'on pense récupérer. Donc, à ce moment-là, ce qu'on dit: les coûts, l'augmentation des coûts, 13 200 000 $; récupération sur le «discrétionnaire», 10 700 000 $, donc, 2 500 000 $ d'augmentation nette. Mais la grosse part de récupération, dans l'exemple que je viens de vous donner, provient effectivement du «discrétionnaire».

M. Lefebvre: II y aurait vraiment, M. le bâtonnier, un nombre considérable de questions que je voudrais vous poser là en réaction à ce que vous venez de dire. Et je veux que vous sachiez que c'est un échange...

M. Paradis (Denis): Oui.

M. Lefebvre: ...moi, que je veux faire avec le Barreau du Québec, avec vous, M. le bâtonnier, qui sera utile à tous les membres de la commission. Je n'essaie d'aucune façon, et ce n'est pas mon intention, de vous contredire, loin de là.

J'aimerais vous entendre sur un autre volet de vos suggestions, le volet contributoire. Le volet contribu-toire, est-ce que c'est sous forme d'impôt de service ou encore une contribution directe d'un justiciable qui serait admis à l'aide juridique, mais moyennant cette contribution? Là, j'aimerais vous entendre, ça apparaît à la page 19 de votre mémoire. Là-dessus, vous êtes plus ou moins précis quant à ce que serait le volet contributoire dont vous parlez à la page 19.

M. Paradis (Denis): À la page 19. M. le bâtonnier Gauthier, si vous voulez peut-être préciser.

M. Lefebvre: Là, on dit que c'est une contribution financière progressive.

M. Gauthier (André): Oui. Voici ce que l'on a imaginé.

Le Président (M. LeSage): Me Gauthier, vous avez la parole.

M. Gauthier (André): Oui, je m'excuse, M. le Président. Alors, M. le Président, lorsqu'on a reçu le document qui émanait du Sommet de la Justice, «L'Aide juridique au Québec: une question de choix, une question de moyens», l'approche nous semblait bien comptable. Et c'est évident qu'à partir d'une colonne de chiffres, si on veut aboutir à un résultat, on a simplement à jouer sur les chiffres à l'intérieur de la colonne, puis on finira toujours par aboutir à un résultat, d'où le fait, par exemple, de couper certaines protections relativement à des actes juridiques. (14 h 40)

On a voulu avoir une approche imaginative, c'est-à-dire mettre ça de côté puis dire: la méthode comptable, elle sera toujours là. On pourra toujours le faire après. Mais regardons le système tel qu'il est, qui n'a pas été révisé depuis 23 ans, puis voyons voir si, à l'intérieur de ça, il y a moyen d'avoir une approche plus imaginative. Ce que l'on a imaginé, c'est ceci: l'aide juridique, via le tarif actuel, ou peu importe, quantifie la valeur d'un acte juridique. Alors, on s'est dit: le payeur, la Commission ou les corporations de services juridiques pourraient émettre à la personne à qui un service juridique a été rendu ce que j'appellerais un T5. Vous

comprenez, cette personne-là, elle est sur l'aide sociale. Alors, si elle est sur l'aide sociale, bien sûr, elle n'a pas d'impôt à payer. Alors, son T5 lui est inutile. Mais, à partir du moment...

M. Lefebvre: Me Gauthier. M. Gauthier (André): Oui?

M. Lefebvre: Ce volet-là de votre mémoire, la page 19...

M. Gauthier (André): Oui.

M. Lefebvre: ...lorsque vous parlez d'une contribution que vous êtes à décrire, je pense que c'est important de le préciser, ne s'adresse qu'à la clientèle de zéro à 80 % du MGA.

M. Gauthier (André): C'est bien ça, oui, zéro à 80 %. D'accord? Lorsqu'on passe de 60 %, comme on est à peu près actuellement, à 80 %, on va aller chercher des gens, par exemple, qui sont en chômage, donc des gens qui ont travaillé au cours des 52 dernières semaines.

M. Lefebvre: D'accord.

M. Gauthier (André): Et, en émettant ce T5 là, qui représente soit la valeur ou le double de la valeur du service juridique, cette personne-là, lorsqu'elle fait un rapport d'impôt, elle s'attend à recevoir un retour d'impôt. Donc, sa contribution financière progressive y va suivant le taux d'impôt qu'elle a à payer, et, bien sûr, on va chercher l'argent au moment où cet argent-là est disponible, c'est-à-dire au moment où un retour d'impôt est attendu. Alors, ça nous semble être la façon la plus simple d'aller chercher de l'argent.

J'écoutais les questions ce matin. On parle beaucoup, oui, mais le remboursement... On a regardé les systèmes canadiens; il n'y a pas un système qui, présentement, ne déplore pas le fait qu'on n'aille pas chercher plus d'argent. Ceux qui ont des tickets modérateurs — les autres provinces — disent: c'est un fiasco. Et toutes les provinces se plaignent du fait que le système, tel qu'il est dans les autres provinces aussi, ne permet pas cette récupération, alors que nous, au niveau du ministère du Revenu, il y a déjà une récupération, un organisme de récupération de montants d'argent qui est là.

M. Lefebvre: Une dernière question avant de laisser la parole à l'Opposition officielle. Vous avez évalué et, je comprends bien, éliminé le processus de la contribution directe du bénéficiaire.

M. Gauthier (André): Oui. Le processus de la contribution directe du bénéficiaire... Bon, parlons ticket modérateur. Nous, ce que l'on dit, c'est qu'il n'y a pas d'abus, il n'y a pas surconsommation d'actes juridiques par les bénéficiaires. Le bénéficiaire d'aide juridique, essentiellement, c'est quelqu'un qui ne court pas après la police pour se faire arrêter, qui ne court pas après son locateur pour se faire augmenter son loyer. C'est une personne qui réagit aux gestes d'un tiers.

M. Lefebvre: Me Gauthier, je ne parle pas des frais d'ouverture de dossier ou de ticket modérateur. Ce n'est pas de ça que je parle; je parle du volet contribu-toire; plutôt que sous forme d'impôt service, par le biais d'une contribution directe de 100 $, de 200 $, de 300 $, dépendamment du revenu. Est-ce que vous avez évalué ça?

M. Gauthier (André): On ne l'a pas évalué au niveau contribution pour le motif suivant: c'est que lorsque la personne requiert un service juridique, généralement, ce n'est pas nécessairement dans ces moments-là qu'elle a les sous nécessaires pour y aller de la contribution. On met en place un appareil de perception qui va nous coûter de l'argent sur le plan administratif alors que, ce que l'on veut...

M. Lefebvre: C'est une des réserves que vous avez, ça, la perception.

M. Gauthier (André): C'est la grosse réserve que l'on a. Et le fait que l'argent ne va pas directement aux justiciables n'est pas impliqué directement dans un acte juridique. Et ça, ça nous a fait reculer, alors que la perception par le ministère du Revenu, bien, l'organisme est là. Et, s'il y a une forme contributoire, ce serait beaucoup plus à ce niveau-là que la perception devrait se faire.

M. Lefebvre: Je vous remercie, Me Gauthier.

Le Président (M. LeSage): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: merci, m. le président. alors, me paradis, me gauthier, me trudeau-bérard, me sylvestre et me paquet, merci de votre présentation. vous avez choisi d'aller un petit peu plus loin que le questionnement que l'on retrouvait dans le document de travail du ministère. vous avez formé des groupes de travail pour présenter plusieurs propositions. vous avez aussi tenté de chiffrer certaines de vos solutions. les chiffres varient, évidemment, mais on ne se parle pas toujours non plus des mêmes choses. si on regarde le document du ministère et qu'on étudie le scénario pour l'augmentation de la gratuité pour tous les bénéficiaires jusqu'à 80 % du mga, dans le document, au tableau 31, on se parle de 32 700 000 $. si on enlève le pouvoir discrétionnaire, à ce moment-là, on se parle de 24 800 000 $. le ministre nous parlait tantôt d'une possibilité de 21 000 000 $. votre plan, si je pouvais le résumer, présentement, on couvre 60 %. donc, de 60 % à 80 %, vous

rendez les personnes éligibles, mais vous allez récupérer à partir de mesures fiscales.

M. Paradis (Denis): On va récupérer, dans un premier temps, à partir du «discrétionnaire» parce que...

Mme Caron: C'est ça.

M. Paradis (Denis): ...le «discrétionnaire» est important. On l'évalue à 11,3 %, dans un premier temps.

Mme Caron: Oui. Tantôt, quand vous parliez des prestataires de l'aide sociale qui n'y auraient pas eu droit sans le pouvoir discrétionnaire; on se parle de 18 000 bénéficiaires. Donc, vous allez récupérer là et par des mesures fiscales. de 80 % à 100 %, on retrouve le plan du barreau avec la possibilité d'ajouter l'assurance juridique, et 100 % et plus du mga, on se parle d'assurance juridique. bon. vous proposez aussi certaines mesures qui ont trait au plafonnement, et je pense en particulier à la mesure 17 et aussi à la mesure 18, la notion d'honoraires forfaitaires, et la recommandation 17, qu'un plafonnement actualisé des honoraires payables à un membre du barreau exerçant en pratique privée soit adopté par le gouvernement.

Est-ce que vous faites référence, à ce moment-là, avec votre recommandation, finalement, aux problèmes qu'on retrouve de quelques membres du Barreau qui sont dans la pratique privée et qui bénéficient, je dirais, largement du système d'aide juridique? On pense par exemple à certains avocats qui se sont retrouvés avec 500 000 $ en revenus d'aide juridique ou à 200 000 $. Ce sont vraiment des exceptions. On se parle d'exceptions, mais le plafonnement, est-ce qu'il vise ces exceptions et la notion d'un honoraire forfaitaire aussi?

M. Paradis (Denis): Oui. Je dois vous dire qu'à la recommandation 17, tantôt, lorsque je mentionnais les chiffres, on prévoit qu'il y a peut-être lieu à des économies, à partir des hypothèses que je vais vous mentionner, qui pourraient se situer à 600 000 $. Selon le rapport de juin 1993, on voit qu'en 1991-1992, 36 avocats de pratique privée ont facturé des honoraires entre 100 000 $ et 200 000 $, et deux, au-delà de 200 000 $. Ce sont les chiffres qu'on a là.

À partir de ça, on a imaginé, en faisant des moyennes — on n'avait peut-être pas toutes les données — que ces avocats-là pouvaient facturer quelque chose comme 5 900 000 $, 6 000 000 $ par année. On propose un plafonnement; un plafonnement qui n'aurait pas, je ne pense pas, pour effet de sauver beaucoup, beaucoup, mais je pense que c'est important. Si c'est 600 000 $ qu'on sauve là, chaque morceau est important à conserver. Et, dans cet esprit-là, on se dit que les dossiers qui sont dans les mains de quelques avocats, s'ils étaient plus étendus, s'ils étaient plus éparpillés parmi d'autres avocats, on pourrait avoir peut-être une économie. Une économie, pourquoi? Une économie parce que ce qui nous fatigue plus que l'argent dans ce système-là, comme Barreau, c'est peut-être un système qui se monte et qui est complaisant pour les uns vis-à-vis des autres, dans le sens que, si, à un moment donné, on défait un peu ce système ou une organisation, c'est peut-être plus sain que ce soit plus répandu comme distribution de dossiers.

M. le bâtonnier Gauthier veut peut-être compléter ma réponse?

M. Gauthier (André): Oui.

Le Président (M. LeSage): Me Gauthier, vous avez la parole.

M. Gauthier (André): M. le Président, pour nous, cette commission parlementaire, c'est la première fois qu'on se rend compte, au niveau de l'aide juridique, depuis 23 ans — le tarif est vieux de 23 ans — que le tarif a subi cette usure-là. Alors, pour nous, ce n'est pas juste une occasion de sauver des sous ou d'essayer d'en couvrir plus, c'est aussi une occasion de vous poser la question: Êtes-vous satisfaits de ce tarif-là? Êtes-vous satisfaits de la situation que vous décrivez? Nous, de notre côté, nous ne sommes pas satisfaits au niveau de l'indépendance de l'avocat par rapport à un système de référé. Nous ne sommes pas satisfaits de voir qu'en pratique privée le nombre de praticiens — c'est fantastique! — n'a à peu près pas augmenté depuis 10 ans — des praticiens qui admettent qu'ils prennent des mandats d'aide juridique — alors que le nombre d'avocats a plus que doublé.

Vous avez entendu ce matin les situations criantes que ceux qui nous ont précédés vous donnaient, la disparition des avocats spécialistes en appel à la permanence de l'aide juridique. Alors, on se ramasse aujourd'hui, 23 ans plus tard, avec de très jeunes praticiens qui plaident devant les assises des mandats d'aide juridique et personne pour s'occuper des dossiers en appel. Alors, nous, on se dit: ce n'est pas à l'occasion d'une négociation de tarifs qu'il faut se pencher sur ce problème-là, c'est à une occasion comme celle-ci où on peut jeter un regard d'ensemble sur le système. (14 h 50)

Le Président (M. LeSage): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Vos différentes recommandations amènent certaines coupures de près de 7 000 000 $ — 6 900 000 $. Je pense que c'est un effort louable, mais j'aurais aussi à vous poser la question bien simplement: Du côté des plaintes qu'on retrouve au Barreau, est-ce qu'il vous arrive de recevoir, comme plaintes — parce que, nous, comme députés, on en reçoit, des plaintes de citoyens qui font des demandes d'aide juridique dont l'avocat de pratique privée hésite à prendre le mandat pour une question d'honoraires, une question de tarifs, et qui, finalement, accepte de prendre

le mandat, mais à la condition que le citoyen ajoute un certain montant comptant qui n'apparaît nulle part et qui lui permet de défendre le dossier, à ce moment-là, à un tarif qui est passablement plus intéressant. Est-ce que vous avez des données là-dessus?

M. Paradis (Denis): Au niveau des plaintes, moi, en tout cas, comme bâtonnier, on ne m'a pas... Et vous connaissez le système disciplinaire aussi. Les plaintes, normalement, vont se porter au bureau du syndic qui a une étanchéité avec le restant du Barreau. Au niveau des plaintes, moi, en tout cas, on n'a pas porté... Mais je ne serais pas surpris qu'un tel système puisse quand même exister. Je pense que, sur 15 500 membres, là... Mais j'aimerais peut-être que M. le bâtonnier Gauthier complète.

Le Président (M. LeSage): Me Gauthier, si vous voulez poursuivre.

M. Gauthier (André): Nous, notre groupe de travail, évidemment, moi, je travaillais sur l'aide juridique, le système actuel, alors, on a entendu beaucoup de ces rumeurs-là, de ces informations-là, mais jamais une plainte précise. Et je tiens à vous dire que si des éléments sont connus, je vous recommande de demander à ces gens-là de porter plainte au Barreau parce que ça, c'est inadmissible. C'est non seulement frauduleux et contraire à la déontologie, mais c'est inadmissible. C'est tricher le système lui-même. Et vous pouvez rassurer ces gens-là et les envoyer directement au bureau du syndic. Je suis convaincu que, eux, ça va leur faire plaisir de faire enquête.

Mme Trudeau-Bérard (Nicole): Si vous permettez...

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Je pense qu'elle veut compléter. Me Bérard veut compléter.

Le Président (M. LeSage): Me Bérard, si vous voulez compléter.

Mme Trudeau-Bérard (Nicole): J'aimerais ajouter. Au niveau des commentaires que nous avons reçus au moment des rencontres avec des représentants du public, ce qui nous a été représenté, c'est que le libre choix de l'avocat est vraiment remis en question parce que, du fait que les tarifs sont si bas, certains avocats ne peuvent pas se permettre, effectivement, d'emblée, de prendre plusieurs cas d'aide juridique, ce qui fait que le principe même du libre choix de l'avocat, bien, il est un peu remis en question.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: M. le Président, je suis un petit peu étonné relativement à la réponse du Barreau, à savoir qu'ils ont entendu parler de rumeurs à l'effet que cette pratique pourrait exister. Encore là, pour avoir pratiqué pendant près de 10 ans à Montréal, je peux dire qu'elle existe, et c'est de commune renommée qu'elle existe d'une façon assez évidente à Montréal, tout au moins. Je ne peux pas parler des autres régions, mais cette pratique de recevoir de l'argent en dessous de la table plus un mandat d'aide juridique, elle existe. Alors, je suis un petit peu étonné de voir que le Barreau ne semble pas préoccupé outre mesure par cette situation. et ça m'amène sur un autre point. lots d'échanges que j'ai eus avec des collègues de l'outaouais, justement, on m'a fait part que le tarif est tellement peu accepté dans certaines régions où, peut-être, les avocats sont moins en difficultés financières et sont plus exigeants au niveau des honoraires que certains mandats d'aide juridique ne trouvent absolument pas preneurs en pratique privée, en particulier dans l'outaouais. tout ce qui est matrimonial, il semblerait, il y a un monopole presque à 100 % de la part des permanents, qui prennent tous les mandats faute de trouver preneurs en pratique privée. est-ce que le barreau aussi est conscient de ce problème-là qui existe relativement... moi, ce que j'ai malheureusement dû constater, c'est qu'au niveau de l'aide juridique on profite du fait que, présentement, la profession d'avocat, on doit le dire, est en sérieuse crise relativement aux ressources financières de ses membres. et on se dit que, de toute façon, peu importe l'honoraire qui va être attribué au professionnel, il y aura toujours quelqu'un qui va être assez mal pris pour le prendre, le mandat. en tout cas, moi, je me pose des questions relativement à la qualité des services offerts, à ce moment-là.

Le Président (M. LeSage): Me Paradis.

M. Paradis (Denis): Oui. Dans un premier temps, quant au fait que vous soulevez le «matrimonial» dans la région de Hull, c'est la première fois que j'en entends parler. Je n'ai pas entendu parler de ça avant. Dans un deuxième temps, vous mentionniez que c'est de commune renommée à Montréal que plusieurs confrères puissent prendre de l'argent en plus du mandat d'aide juridique. Je vais vous dire — et je répète peut-être ce qu'on a dit tantôt — qu'on est prêt à recevoir toutes les plaintes à ce niveau-là, mais prêt comme Barreau au niveau de la déontologie. Mais je pense qu'il faut que la Commission aussi soit prête, parce que la Commission, quand elle fait ses paiements, elle les fait pour régler un service complet et total. Donc, l'administration de la Commission, je pense qu'il y a une espèce de surveillance à appliquer là. Au niveau déontologique, je pense que, comme Barreau, oui, on est prêt à agir s'il y a des cas qui sont portés à notre connaissance, vous pouvez en être certain. Mais il y a peut-être un partage de responsabilités, là.

Le Président (M. LeSage): Merci. Alors, le prochain intervenant, M. le député de Laval-des-Rapides. Bienvenue à notre commission, M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Ménard: Merci. Alors, c'est le Barreau qui va avoir l'honneur de recevoir ma première question comme député.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: Je dois d'abord dire que j'ai été agréablement surpris de lire votre rapport. Il est de la qualité que l'on attend d'un organisme comme le vôtre. Et les questions que je vais poser, même si elles peuvent être pointues, ne donnent pas une idée de l'appréciation que j'en ai. Je veux évidemment des éclaircissements sur des points qui m'apparaissent importants.

Je trouve intéressant le programme d'assurance que vous suggérez. Vous vous attendez à ma première question. Pourquoi, en matière de droit criminel, vous ne voulez pas couvrir ou vous croyez qu'il est impossible de couvrir le droit criminel, même dans le cas d'acquittement? Je vous signalerais que je ne sais pas jusqu'où on a poussé vos études, mais les médecins ont un système d'assurance, que je sache, et ils en ont eu un temps. Je sais que la vieille compagnie — c'est Gestas ou Gesta — assurait les médecins contre des poursuites injustifiées, même criminelles. Et, la règle, c'était que la compagnie d'assurances payait si la personne était acquittée.

Sachant le nombre d'acquittements par rapport au nombre de poursuites qui sont prises, ça ne me semble pas être un risque qu'il n'est pas possible de quantifier facilement. Pourquoi vous n'avez pas pensé à celui-là? Parce que, vous savez, il y a aussi de plus en plus de plaintes presque privées. Même si elles sont prises par la police, aujourd'hui, on a une tendance à pénaliser beaucoup de choses qu'on n'avait pas tendance à pénaliser avant. Les policiers sont plus méfiants avant de refuser de porter une plainte, et ainsi de suite, de sorte que vous avez des plaintes qui... Moi, en tout cas, dans ma pratique, j'ai constaté qu'il y avait une augmentation de plaintes injustifiées. Ça m'apparaît aussi dangereux que d'autres poursuites civiles.

M. Paradis (Denis): M. le Président, avec votre permission...

Le Président (M. LeSage): Me Paradis.

M. Paradis (Denis): ...je souhaiterais que Me Jacques Sylvestre, responsable du dossier assurance dans ce projet-là, puisse répondre.

Le Président (M. LeSage): M. Sylvestre, on vous écoute.

M. Sylvestre (Jacques): Merci, M. le Président.

J'avais comme l'impression que Me Ménard me regardait, d'ailleurs, lorsqu'il a posé son intéressante question. Il faut dire, dès le début, que ce que l'on propose, c'est une esquisse. On ne veut pas devenir, le Barreau, l'assureur. On ne veut pas jouer dans la question de l'entreprise privée.

On a rencontré plusieurs compagnies d'assurances et, à l'aide de ces rencontres-là et à l'aide de spécialistes, on a dressé ce qui pourrait nous apparaître comme un projet d'assurance. Mais ce n'est pas limitatif. Chaque compagnie va y aller de ses particularités et de ses coûts. Et on sait que le marché — on nous le disait encore vendredi — devra prochainement recevoir de nouvelles propositions.

La première réponse qu'on a eue concernant la question de Me Ménard, c'est qu'on ne peut pas assurer sa propre turpitude et on ne peut pas assurer sa faute volontaire. C'est vrai, en principe, mais, en pratique, celui qui est acquitté, comme le souligne à juste titre Me Ménard, qui s'est fait un devoir d'en acquitter plusieurs dans sa longue et fructueuse pratique, pourrait prétendre qu'il devrait y avoir des dispositions.

Effectivement, c'est une solution à envisager. Nous avons cherché, nous, à présenter un programme qui représente les cas les plus fréquents. Mais, chaque compagnie d'assurances nous a dit qu'elles vont toutes y aller avec leurs petites particularités, leurs parfums particuliers, leurs bémols et leurs coûts. Et je pense que la suggestion de Me Ménard devra certainement être véhiculée et retenue parce qu'elle est des plus intéressantes.

M. Ménard: O.K.

Le Président (M. LeSage): Merci. M. le député de Laval-des-Rapides, allez-y. (15 heures)

M. Ménard: Dans le cas du plafonnement des honoraires, vous pensez à quelle sorte de plafonnement? Un plafonnement annuel ou un plafonnement journalier?

M. Paradis (Denis): Nous, ce que l'on pense, c'est...

M. Ménard: Et à peu près sur quelle base?

M. Paradis (Denis): Je vais demander à Me Gauthier.

Le Président (M. LeSage): Me Paradis.

M. Paradis (Denis): Je vais demander, M. le Président, avec votre permission, à Me Gauthier de...

Le Président (M. LeSage): Alors, Me Gauthier, on vous écoute.

M. Gauthier (André): Nous, en fait, ce que l'on propose là... C'est un problème qui est complexe, et on

s'est penchés sur ce mémoire-là, cette partie-là du mémoire en octobre et novembre pour soumettre ça au Conseil général du Barreau en décembre. On était capables de faire un consensus sur l'idée, mais on avait beaucoup de difficultés à s'asseoir et à voir de quelle façon balancer tout cela. C'est pour ça que l'on propose — et on profite de l'occasion pour le faire — un comité Barreau-Commission des services juridiques-ministère de la Justice pour voir exactement... Parce que, annuel, ça me semble beaucoup, mensuel, ou le fixer... Ce que l'on veut, c'est récupérer aussi des praticiens en matière criminelle, des gens de grande expérience qui disent: Nous, on aimerait bien retourner devant jury, en faire trois ou quatre par année, mais là, présentement, on ne peut pas le faire à ce tarif-là, impossible d'y penser. Et ces gens-là veulent participer à cela. Alors, on s'est dit: il faut aller récupérer ces praticiens-là et ne pas laisser péricliter la situation actuelle.

Alors, on est ouverts à ça parce que c'est complexe, et il faut s'asseoir et bien réfléchir avant d'arriver, là, à proposer quelque chose de très précis.

M. Ménard: Je suis heureux que vous ayez avec vous la statistique du nombre d'avocats qui chargent beaucoup, parce qu'il y a beaucoup de rumeurs qui ont couru. J'ai toujours dit: la rumeur est toujours pire que la vérité. C'est bon d'avoir les chiffres. Maintenant, justement, sur ce comité-là, on voudrait certainement avoir l'information suivante. Vous savez, les avocats qui en font une spécialité, de l'aide juridique, on prétend, en tout cas, souvent en matière criminelle, qu'ils accélèrent les procédures et que, par conséquent, ils coûtent beaucoup moins cher à l'ensemble du système. Surtout pour les deux au-delà de 200 000 $, avez-vous pu vérifier, effectivement, si ces gens-là multiplient les procédures ou font certains types de procédures pour collecter plus d'honoraires, ou bien si, effectivement, leur pratique ne rencontre pas le critère de... Vous savez, il y a un bel article dans notre code d'éthique qui dit qu'on ne doit pas donner à la profession l'aspect de lucre et de com-mercialité.

M. Gauthier (André): L'article 08.03. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: J'avais oublié le numéro, mais l'expression est tellement jolie que je l'ai toujours reconnue. Je m'en suis toujours souvenu. Est-ce que vous avez pu vérifier si, effectivement, ces avocats-là, qui semblent tirer un meilleur parti de l'aide juridique que d'autres tirent de la pratique privée, donnent à la profession ce caractère?

M. Paradis (Denis): Je pense qu'au niveau objectif, il me semble, en tout cas, que la Commission est à même d'examiner leur facturation, que tout s'est fait selon les règles. Maintenant, au niveau de la prati- que proprement dite, d'être avocat, s'il y a un taux de plaidoyers de culpabilité, on n'a pas ces statistiques-là, mais on imagine, à un moment donné, qu'il y a un taux de plaidoyers de culpabilité assez fort. Mais à quel stade ça se passe dans la procédure? Ça, c'est l'autre problème. Et, dans la combinaison qu'on propose ici, c'est-à-dire le plafonnement, dans un premier temps, et le «block fee», dans un deuxième temps, on pense être en mesure, peut-être, de solutionner le problème, ou la Commission pourrait solutionner le problème pour l'avenir. Maintenant, à savoir si c'est un système qui s'accommode très bien d'une multitude de cas ou qui se règle assez facilement, ni plus ni moins, ça, ça nous fait nous interroger, comme Barreau. Mais plutôt peut-être que revenir en arrière et tenter... On tente de voir à vous proposer des solutions qui disent: regardons donc, peut-être, la nature du «block fee» pour voir si c'est possible et ensuite regardons si c'est possible de limiter avec le plafonnement. On pense que la combinaison de ces deux recommandations-là peut faire en sorte que le problème, si problème il y a, ne se reproduise pas ou ne se répète pas.

Le Président (M. LeSage): M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: Dans le même ordre d'idées que le député de Laval-des-Rapides, M. le bâtonnier, vous avez parlé, à la page 32 de votre rapport, du fameux comité conjoint du Barreau, de la Commission des services juridiques et des corporations régionales d'aide juridique. Ce comité-là, si je comprends bien votre suggestion, c'est de le former après que toutes les auditions des mémoires soient faites ici à la commission parlementaire, après que tout le monde ait eu l'opportunité de faire valoir sa position, son point de vue. Et, à partir de là, après que tout ce travail soit fait, de former un comité.

M. Paradis (Denis): Avec votre permission, M. le Président. Ce qu'on dit, M. le député, c'est qu'on voudrait que la couverture, qui est tout à fait large, demeure tout à fait large, comme elle l'est à l'heure actuelle pour les bénéficiaires de l'aide juridique. Mais on dit: si jamais on devait, quelque part, penser à des coupures, on voudrait que le Barreau soit associé à cette démarche-là et qu'on regarde s'il n'y a pas lieu — je vais juste vous donner un exemple — de penser, dans certains domaines, à des méthodes alternatives de résolution de conflits: médiation, conciliation. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, au lieu de couper des services, de penser à ça? Et on voudrait peut-être que soit créé éventuellement un forum qui aurait pour objet de dire comment on peut faire, tout le monde ensemble, pour garder les services et la couverture la plus complète possible, mais dans la rationalisation des coûts.

Le Président (M. LeSage): Alors, M. le ministre.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Alors, M. le bâtonnier, Me Sylvestre, Me Gauthier et Me Trudeau-Bérard, je veux vous remercier pour votre participation, dans un premier temps, par un mémoire que vous nous avez soumis et que j'ai identifié tout à l'heure comme étant un mémoire de très bonne qualité, qui faisait très bien, quant à moi, le tour de la question.

J'aurais aimé, évidemment, qu'on élabore un peu plus sur votre suggestion quant à l'assurance frais juridiques, les frais d'expertise. Vous faites référence, dans votre mémoire, aux coûts d'expertise, que vous évaluez à plus ou moins 5 500 000 $. C'est beaucoup d'argent. Vous indiquez que, si on resserrait la procédure quant aux frais d'expertise, on pourrait aller chercher plus ou moins 1 000 000 $ d'argent dans le régime. Vous dites que, de façon générale, le régime d'aide juridique au Québec est bien géré. Il y a évidemment des corrections à apporter, plus ou moins importantes, mais globalement, vous considérez qu'il y a une bonne gestion du régime d'aide juridique.

La participation du Barreau, quant à moi, dans la réévaluation du système d'aide juridique, dans l'actualisation du système du régime d'aide juridique, est fondamentale et essentielle, partant du rôle, M. le bâtonnier, que vous nous avez rappelé tout à l'heure, à savoir que le Barreau est là pour, d'abord et avant tout, protéger les intérêts du public. Je veux vous remercier et vous rappeler ce que vous mentionnez, MM. du Barreau et madame, à la page 7 de votre mémoire, que: «L'expertise du Barreau, ses devoirs et sa responsabilité vis-à-vis du public doivent être mis à profit, nous a-t-on répété. On voudrait donc que le Barreau du Québec poursuive le dialogue et initie une collaboration avec les organismes qui ont participé à cet exercice.»

Alors, c'est dans ce sens-là, M. le bâtonnier, que je vous laisse, et je vous invite effectivement à continuer à nous supporter, à nous aider, à le faire publiquement, à nous dire ce que vous pensez de la démarche. Et je prends pour acquis qu'on pourra compter sur votre collaboration, tout ça dans l'intérêt de nos bénéficiaires. Je vous remercie.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. le ministre. Merci, Mme et MM. les représentants du Barreau. La période de temps qui était allouée effectivement au Barreau du Québec est complétée. Je suspends donc les travaux pour quelques instants afin de permettre à l'autre groupe de pouvoir prendre place.

M. Paradis (Denis): Merci à tous les membres de la commission. Merci, M. le Président.

(Suspension de la séance à 15 h 9)

(Reprise à 15 h 22)

Le Président (M. LeSage): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Nous enten- drons les représentants de l'Association des avocats de la défense de Montréal, et je demande à son porte-parole de bien vouloir s'identifier et présenter à cette commission les personnes qui l'accompagnent.

Association des avocats de la défense de Montréal

M. Cournoyer (Guy): Bonjour, M. le Président. Guy Cournoyer, vice-président de l'Association des avocats de la défense de Montréal. Je suis accompagné, à ma gauche, de Me Pierre Latulippe, qui est notre secrétaire-trésorier et, à ma droite, de Me Giuseppe Battista, qui est conseiller à l'exécutif de notre association. Et je voudrais excuser l'absence de notre présidente, Me Schurman, qui avait des occupations professionnelles déjà «cédulées» dans le comté de Bonaventure. Alors, c'est pour cette raison qu'elle n'est pas présente aujourd'hui devant la commission.

Le Président (M. LeSage): Merci, Me Cournoyer. Alors, je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, et chacun des partis politiques aura également 20 minutes pour faire des échanges avec vous. Nous vous écoutons, Me Cournoyer.

M. Cournoyer (Guy): Alors, dans un premier temps, M. le Président, on voudrait situer un peu le contexte de notre intervention devant la commission. Nous sommes une association qui regroupe 300 membres et qui a été fondée il y a déjà plus de 30 ans par le juge en chef de la Cour suprême, l'honorable juge Lamer. Nous regroupons tant des praticiens de pratique privée que des praticiens qui oeuvrent au sein de l'aide juridique.

Notre intervention se fait à partir d'un angle qui est l'angle de la défense de l'accusé, et notre intention n'est pas ici de faire des interventions qui proviennent soit de l'angle d'une corporation professionnelle, ou de l'angle d'un syndicat d'employés de l'aide juridique, ou même de l'angle encore plus restreint des praticiens de pratique privée qui acceptent de représenter, en matière criminelle, des accusés.

On veut, dans un premier temps, établir clairement que, pour notre association, la question du libre choix est une question qui n'est pas en litige. Nous appuyons la proposition du Barreau du Québec selon laquelle le modèle actuel de libre choix doit être conservé.

C'est notre opinion que ce système-là est le système qui maximise le droit constitutionnel d'un accusé d'avoir accès à l'avocat de son choix. Et aussi, des études, notamment une étude du Barreau canadien, en 1987, est arrivée à la conclusion que c'est ce système-là qui maximise le mieux la qualité de représentation des accusés. Pour notre association, il ne saurait être question de remettre en cause le principe du libre choix seulement si on avait des preuves prépondérantes qui

établissaient la qualité supérieure d'un des modèles de représentation par rapport à l'autre.

Et il nous apparaît clair et évident que, aujourd'hui, chacun des aspects du système a d'excellentes qualités, mais aussi des faiblesses, mais que, dans l'état actuel des choses, nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire de remettre en question le principe du libre choix.

Dans un deuxième temps, je souhaite aussi attirer l'attention des membres de la commission sur le fait que, lorsqu'on est appelés à faire des discussions de nature financière ou budgétaire et que ces questions-là sont liées à la représentation des accusés dans une affaire criminelle, il faut être extrêmement circonspects des décisions de nature budgétaire qu'on va prendre puisque nous croyons que les accusés ont un droit constitutionnel à la représentation d'un avocat, d'une part, mais aussi ont le droit constitutionnel que cette représentation-là soit payée par l'État dans le cas où les gens ont des moyens insuffisants. Cette circonspection nous apparaît être extrêmement nécessaire puisque l'État, qui est appelé à prendre des décisions de nature budgétaire, est aussi celui qui, dans d'autres aspects de ses fonctions, accuse des gens d'un crime. Et il faut éviter que les décisions de la main gauche puissent paraître être des décisions de nature budgétaire qui n'ont que pour but de faciliter le travail de la main droite, à savoir celle qui accuse.

Dans un autre ordre d'idées, il nous apparaît aussi que, comme association représentant des accusés, nous n'avons pas l'intention de formuler d'autres propositions que celles qui ont été présentées par le Barreau du Québec au plan de l'organisation financière et budgétaire de l'aide juridique. Ce que nous voulons toutefois souligner, c'est que, dans le contexte budgétaire actuel, il nous apparaît un petit peu restreint et peut-être un peu obtus de faire une discussion sur les réformes possibles au financement de l'aide juridique sans examiner plus globalement la problématique de la justice en général. Et je m'explique. Il y a, à notre avis, un certain nombre de décisions qui pourraient être prises, tant par la composante Justice que la composante Sécurité publique, qui seraient de nature à dégager des sommes que nous sommes pour l'instant dans l'impossibilité d'évaluer parce que ces études-là ne se font pas, mais qu'il serait possible de dégager des montants d'argent pour, probablement, bonifier d'une façon ou d'une autre la couverture ou la qualité des services rendus par le régime d'aide juridique au Québec. Et l'essentiel de notre intervention se fonde sur cette prémisse-là, c'est d'examiner si, dans le système de justice, il n'y a pas des économies d'échelle qu'on pourrait réaliser qui seraient, elles, susceptibles d'être utilisées à d'autres fins dans le financement de l'aide juridique. (15 h 30)

La réalité de la pratique en droit criminel est, grosso modo, la suivante, et l'ex-bâtonnier du Québec me corrigera si je me trompe: environ 80 % des gens qui sont accusés d'un crime vont enregistrer, à une étape ou à une autre des procédures, un plaidoyer de culpabilité, et 20 % des autres iront et contesteront leur culpabilité. dans une réflexion globale et complète du financement de l'aide juridique, il nous apparaît que c'est à partir de ce prisme déformant qu'il faut examiner les choix qui doivent être faits. ainsi, on doit trouver un système efficace et équitable qui permette d'assurer le traitement de cette majorité-là de dossiers, où un citoyen accusé d'un crime admettra sa culpabilité, pour permettre aux 20 % environ d'autres citoyens et citoyennes qui contesteront leur culpabilité d'avoir toute la mesure de justice que notre société devrait leur accorder. et, à cet égard, le mémoire trace et esquisse des domaines où il nous apparaît que la composante justice et/ou la composante sécurité publique pourraient faire des choix qui seraient de nature à occasionner des économies d'argent. un premier exemple. lorsqu'un accusé est arrêté, souvent les policiers souhaiteront lui poser des questions avec l'idée d'obtenir une déclaration qui sera susceptible d'être utilisée contre lui en preuve. au québec, ni la sûreté du québec ni le service de police de la communauté urbaine de montréal n'utilisent le système d'enregistrement par vidéo. et, selon un rapport rendu par l'ancien juge de la cour d'appel d'ontario, le juge martin, au canada, 66 % des corps de police utilisent l'enregistrement par vidéo. vous allez me dire: de quoi nous parle-t-il? bien, le problème, c'est que lorsqu'une déclaration est rédigée sur un papier, ça donne lieu à des contestations, il y a du temps de cour qui est utilisé pour ces contestations-là, et nous croyons fermement que ces contestations-là pourraient être évitées si le ministère de la justice établissait une directive claire, nette et précise qui obligerait l'utilisation de déclarations enregistrées sur vidéo. ça se fait dans les autres provinces, et on a de la difficulté à imaginer pourquoi on n'économise pas les deniers publics en utilisant une telle procédure qui serait de nature à raccourcir grandement les débats judiciaires.

Deuxième exemple. En matière de divulgation de la preuve ou de communication de la preuve, la Cour suprême du Canada a énoncé en 1991 qu'un accusé a droit à la divulgation de la preuve. Ça, c'est le principe. La réalité pratique de ce principe-là varie de district judiciaire en district judiciaire, et, par exemple, le droit théorique d'avoir accès au dossier existe, mais il n'est pas possible dans tous les districts judiciaires d'avoir automatiquement une copie du dossier complet, tant du dossier de police que de toutes les déclarations et de tous les éléments qui sont contenus dans le dossier.

Il y a là-dedans des chicanes de clocher. Tantôt, les services policiers ne veulent pas faire ces photocopies parce que eux aussi subissent les restrictions budgétaires; tantôt, ce sont des politiques d'industrie judiciaire où, là, on dit: On ne remet pas ceci ou on ne remet pas telle composante du dossier. Et nous croyons que si le dossier était remis au complet à la première opportunité... On pense que si, à l'origine, lorsqu'un dossier criminel est ouvert et que ça prend six copies du dossier, ça ne doit pas être tellement difficile de rajouter le numéro sept, pour faire des copies pour tout le monde. De toute

façon, le droit est clair, les avocats de la défense y ont droit.

Ça peut sembler être loin des préoccupations de la commission, mais ça nous paraît, nous, une exigence nécessaire d'examiner ces éléments-là, parce qu'il y a là des économies d'échelle. Parce que, si la divulgation de la preuve est faite équitablement et efficacement en première ligne, ça évite des ajournements et c'est susceptible d'engendrer une résolution des dossiers par le biais d'un plaidoyer de culpabilité à la première opportunité.

Troisième exemple. Notre société a développé, avec raison, au cours des années, une sensibilité par rapport à toute la question de la violence conjugale. Cette sensibilité, qui est justifiée par la conscientisation qu'on a eue au phénomène de la violence envers les femmes, a néanmoins engendré, dans certains cas et non pas tous, des effets qui engorgent le système pour des dossiers où il serait plus opportun d'avoir des services de conciliation efficaces, similaires à ceux qu'on retrouve notamment à la Cour municipale de Montréal que par une judiciarisation obligatoire par le biais d'une directive qui émane du ministère de la Justice qui est inflexible, où parfois même les plaignantes se sentent dépossédées de la propriété du conflit qui les opposait à la personne qui a fait preuve de violence à leur égard. Et, à notre avis, sans en faire une règle rigide dans un cas ou dans l'autre, il y a là des économies d'échelle qui, à notre avis, seraient extrêmement importantes à réaliser.

Quatrième exemple. Dans le domaine des causes en matière de facultés affaiblies, notre association arrive à la conclusion que beaucoup de temps d'audition de causes devant les tribunaux criminels est dévolu aux causes en matière de facultés affaiblies. La raison en est très simple, le Code criminel a été amendé, et le Code de la sécurité routière, pour arriver au résultat suivant: Une personne qui est trouvée coupable perd automatiquement son permis de conduire. Il n'y a pas de statistiques, ou on n'a pas été en mesure de trouver de statistiques sur l'évolution ou l'augmentation du nombre... de temps de ressources judiciaires qui était dévolu à l'audition de ces causes-là. Ce qu'on sait, par contre, c'est que, dans la province voisine, en Ontario, ça a occasionné une hausse du nombre de procès de 33 % en matière de facultés affaiblies.

Et on se demande s'il n'y aurait pas lieu de repenser le système, de rétablir le régime de permis restreint qui, à une époque, a existé, mais de sanctionner les contraventions au permis restreint par, par exemple — et ça, ça peut se débattre — de l'incarcération automatique. Je pense qu'il ne doit pas y avoir de vache sacrée, mais je pense que les tribunaux ont sans doute autre chose à faire que de déterminer si, une soirée de décembre, une personne avait un taux d'alcoolémie qui était à 0.10 plutôt qu'à 0.08. Ça, ça nous apparaît être des choses qui doivent être examinées. Bien entendu, il ne faut pas perdre de vue l'effet dissuasif que la nouvelle législation a eu, mais il nous apparaît que cet effet dissuasif là serait peut-être bonifié par une peine d'incarcération automatique pour la personne qui se voit donner une chance, par l'octroi d'un permis restreint pour fins de travail, mais qui défie les conditions et le cadre du permis restreint qui lui a été accordé.

Avant de terminer les remarques principales, je souhaite peut-être prendre les devants et parler de deux sujets qui ont été évoqués dans les questions des membres de la commission aux membres du Barreau: la question de la pratique à volume et la question des mandats plus.

Au niveau de la pratique à volume, ce que notre association a à dire, c'est, dans un premier temps, qu'il nous apparaît, en principe, difficilement conciliable avec la qualité de représentation d'un accusé que des gens puissent représenter, à succession, plusieurs accusés au cours d'une même journée. Par contre, une fois qu'on a dit cela et une fois qu'on constate qu'il n'y a pas, comme le bâtonnier du Québec l'a dit, de plaintes qui sont déposées à rencontre des praticiens en pratique privée à cet égard-là, on doit se demander deux choses: Est-ce qu'on doit faire confiance à notre intuition, que cette façon-là de pratiquer n'est pas adéquate ou doit-on constater que, s'il n'y a pas de plainte, c'est que le problème n'existe peut-être pas dans une mesure qui est celle appréhendée par l'intuition des gens qui constatent et qui examinent de quelle façon le système opère. (15 h 40)

Et, d'autre part, il ne faudrait pas non plus qu'on fasse preuve de ce que j'appellerais un petit peu de démagogie en, d'une part, constatant les bienfaits systé-miques de la résolution rapide de dossiers criminels et, d'autre part, de critiquer toutes les personnes qui assurent au système de justice pénale cette résolution-là. Il n'est pas de notre intention de défendre ce type de pratique là. Il est de notre intention, et probablement que c'est par déformation professionnelle comme avocats de la défense, de dire que s'il y a des abus, ces abus-là doivent être sanctionnés et que s'ils doivent être sanctionnés, la voie de sanction, c'est le domaine du droit disciplinaire, et nulle part ailleurs. Je pourrai peut-être revenir aux autres...

Le Président (M. LeSage): Merci, Me Cournoyer. Je cède maintenant la parole au ministre de la Justice.

M. Lefebvre: Merci, Me Cournoyer. Je vous remercie d'avoir, dans un premier temps, déposé un mémoire qui est court mais qui est pertinent. Vous soulevez dans votre mémoire des questions extrêmement importantes, et je vous remercie également d'être ici, cet après-midi, en compagnie de vos collègues.

Vous dites, Me Cournoyer, être en accord avec la position du Barreau mais, cependant, avec la réserve suivante: Vous vous dissociez de la recommandation 9 contenue au mémoire, qui est le Plan Barreau. Et, sans minimiser la «balance» du mémoire du Barreau, je dois vous rappeler, et je pense que vous serez d'accord avec

moi, que la proposition Plan Barreau contenue à la recommandation 9... Et je ne suis pas en train de vous indiquer, je ne suis pas à vous indiquer, au moment où on se parle, que je suis d'accord avec ce qui est proposé par le Barreau, mais il faut cependant reconnaître que c'est un volet très important à l'intérieur du mémoire du Barreau. Ça touche toute la question fondamentale du problème soulevé par l'ensemble des intervenants d'une faiblesse au niveau de l'accessibilité aux services d'aide juridique.

Ça touche également à une autre question fondamentale, qui est la suivante, à savoir qu'il y a plein de citoyens et citoyennes, au Québec, qui se situent dans la classe des salariés moyens, qui ne sont pas admissibles à l'aide juridique, mais qui peuvent difficilement s'offrir les services d'un avocat de pratique privée. Alors, c'est toute cette question qui est soulevée par le Barreau du Québec à sa recommandation 9, et vous vous en dissociez.

Je ne suis pas en train non plus... Je ne vous indique pas que je suis en désaccord avec votre position. Je voudrais vous entendre tout de suite commenter le fait que vous considérez être en accord avec le Barreau alors que vous vous dissociez, vous vous dissociez de ce qui m'apparaît être à tout le moins une partie extrêmement importante du mémoire du Barreau.

M. Cournoyer (Guy): Écoutez, pour être bien honnête, M. le Président, si vous me permettez...

Le Président (M. LeSage): Allez-y, Me Cournoyer.

M. Cournoyer (Guy): ...la compréhension que nous avions du Plan Barreau, à l'époque où on a reçu le mémoire, n'est probablement pas la compréhension qu'on a aujourd'hui, après avoir vu la présentation du bâtonnier, d'une part. D'autre part...

M. Lefebvre: Le bâtonnier vous a convaincus.

M. Cournoyer (Guy): Est-ce qu'il y a des gens qui peuvent être contre la vertu?

M. Lefebvre: Ha, ha, ha!

M. Cournoyer (Guy): Écoutez, je pense qu'il y a peu à redire sur la présentation qui a été faite par le bâtonnier. On doit expliquer deux choses. La première, c'est que ce qui était confondant, lorsqu'on a lu le mémoire du Barreau, c'est que la partie du texte qui est associée à la recommandation 9 est liée à toute la problématique des assurances, et, comme criminalistes, on avait un petit peu de problèmes à se situer par rapport à ça parce qu'on avait de la difficulté à cerner si c'était une composante assurances qui couvrait ça ou un ensemble d'avocats qui, sous l'impulsion du Barreau, décident de faire un acte d'implication sociale et de réduire leurs tarifs pour faire en sorte que les gens de la classe moyenne aient accès à des services juridiques. Il n'y a personne de notre association qui va dire qu'on est contre ça. Ça, c'est clair.

La dernière chose, et c'était plus le sens de l'intervention qui était liée avec la recommandation, c'est que, bien que d'accord en principe, il nous apparaissait nécessaire, et la présentation a précisé déjà un certain nombre d'éléments, que si une telle intervention devait se faire, il fallait que les règles du jeu soient claires pour la population en général. Et c'est probablement la réaction des criminalistes que nous sommes, qui rencontrons des accusés qui, des fois, ne savent même pas qu'un avocat de pratique privée qui accepte un mandat privé, un mandat de l'aide juridique n'est pas un employé de l'État. Alors, c'est probablement plus de cette confusion-là qu'on souhaitait... que, si une telle initiative est prise par le Barreau, on va s'y joindre, mais que les règles du jeu soient claires.

M. Lefebvre: Je comprends que vous nous indiquez, Me Cournoyer, que, face au savant exposé du bâtonnier et de ses collègues, vous vous ralliez, quant à l'essentiel, au moment où se parle, ou presque à la position du Barreau là...

M. Cournoyer (Guy): Mais je pense qu'au plan des principes...

M. Lefebvre: ...au volet 9, le Plan Barreau.

M. Cournoyer (Guy): ...c'est difficile d'être contre le principe de la proposition.

M. Lefebvre: Me Cournoyer, à la page 3, 3D de votre document, de votre mémoire, vous mentionnez que «le tarif d'aide juridique en matière criminelle est mal structuré et inadéquat». Vous semblez insister beaucoup plus sur la mécanique du tarif que sur le tarif lui-même. Est-ce que je me trompe?

M. Cournoyer (Guy): Écoutez, ce qu'on constate, et ça, je pense que tous les intervenants... et malgré la disponibilité de statistiques à cet égard-là, c'est que la structuration actuelle du tarif a eu des effets pervers.

M. Lefebvre: Dans quel sens?

M. Cournoyer (Guy): Dans le sens où ça a...

M. Lefebvre: Ça encourage la multiplication de la procédure?

M. Cournoyer (Guy): Ça encourage la multiplication de la procédure, tout simplement. Et ce phénomène-là n'est pas un phénomène qui est unique à la justice. Toute tarification à l'acte est susceptible d'avoir de tels effets pervers. Et je pense que, dans le domaine de la santé, de tels «dérapements», si je peux utiliser l'expression, ont aussi été observés.

Nous, on est d'accord avec la proposition du «block fee» ou d'une autre tarification qui ferait que, systémiquement, on éviterait la tentation d'une certaine bonification des revenus obtenus de l'aide juridique. Parce que, en pratique, et il faut dire, c'est que, comme le montant donné pour chacune des étapes est, à toutes fins, tellement dérisoire, ce que les avocats font — ce n'est peut-être pas noble, mais c'est ce qu'on peut observer parfois — c'est qu'on utilise à mauvais escient la tarification pour obtenir un revenu juste et équitable.

Mais, une fois que j'ai dit ça, c'est une impression personnelle, et on n'est pas en mesure de vérifier exactement. Et je pense que c'est ce que le bâtonnier disait. Comment pouvons-nous affirmer que ces effets-là existent? Tous les intervenants en matière de justice pénale et criminelle vous diront qu'ils ont l'intuition que ça existe. Mais, pour faire une étude sérieuse et compatible avec, un peu, les objectifs qu'on a comme avocats de la défense, il faudrait examiner des dossiers et examiner si, dans des cas d'espèce, effectivement, on a utilisé à mauvais escient le tarif pour bonifier ces revenus.

M. Lefebvre: Me Cournoyer, vous m'indiquez, et vous n'êtes pas le premier, évidemment, à faire cette remarque-là, que la structure du tarif peut être incitative à l'abus, pour se résumer. Des intervenants, des experts, nous indiquent cependant qu'on pourrait faire face au problème contraire avec la mécanique du forfaitaire ou du «block fee». Et je vous pose la question: Comment répondez-vous à ceux et celles qui prétendent que les honoraires forfaitaires pourraient inciter les avocats à régler très rapidement, à l'étape de la comparution, plutôt que de prendre la peine de bien évaluer les droits de leurs clients et la possibilité d'un acquittement si, par hypothèse, on franchissait les étapes de la comparution, de l'enquête sur cautionnement, de l'enquête préliminaire, etc.? Quelle est votre opinion là-dessus?

M. Cournoyer (Guy): II y a un certain nombre de réponses à cette problématique-là. La première, c'est que ce danger-là existe dans le système actuel. On ne se fera pas de cachettes. Il existe... (15 h 50)

M. Lefebvre: À l'inverse, à l'inverse.

M. Cournoyer (Guy): À l'inverse, mais il existe déjà. Mais il existe aussi parce que les exigences de ce qu'on appelle «la pratique à volume» empêche ces avocats-là de pratiquer et de faire des procès. Alors, cette espèce d'intuition là qu'on aurait qu'un avocat troque les intérêts de son client pour ses intérêts personnels et de revenus, ça existe, dans le système actuel. Ça, c'est clair.

Deuxièmement, on sait que le système actuel, il a des ratés, il a des faiblesses. Alors, on ne peut pas... Comme disent les anglophones, «You cannot have your cake and eat it.» Je veux dire, si le système de tarifs actuel ne fonctionne pas puis le «block fee» commande des problèmes, il faut examiner lequel des deux est susceptible d'en avoir moins. On sait qu'il y en a actuellement. Ça, on est sûrs que ça existe.

M. Lefebvre: Très rapidement, parce que je vais devoir laisser la parole à mes collègues de l'Opposition officielle, avez-vous vérifié comment fonctionnait le système des honoraires forfaitaires dans l'Ontario, entre autres provinces, et est-ce que l'expérience est heureuse?

M. Cournoyer (Guy): Écoutez...

M. Lefebvre: En regard de ce que vous souhaitez éviter, l'abus, et même permettre au ministère de la Justice aussi au gouvernement et au système d'aide juridique comme tel de faire des économies, est-ce que l'expérience ontarienne vous démontre qu'on pourrait arriver à cet objectif?

M. Cournoyer (Guy): Écoutez, honnêtement, je me souviens d'avoir vu des statistiques qui ont été révélées à un moment donné, et il semble qu'il n'est pas évident que ni l'un ni l'autre des systèmes ne nous permette vraiment de contrôler tous les abus. Je ne suis pas en mesure de l'affirmer devant vous. Par contre, il faut l'étudier à son mérite pour déterminer si celui-là est susceptible d'enrayer ces abus-là. Par contre, ce que je peux vous dire, c'est que beaucoup d'avocats québécois traverseraient la frontière pour aller pratiquer en droit criminel en Ontario, et moi le premier. Ça...

M. Lefebvre: À cause des tarifs.

M. Cournoyer (Guy): Parce que la tarification est beaucoup plus intéressante. Naturellement, les budgets annuels...

M. Lefebvre: Sauf que la couverture est très différente.

M. Cournoyer (Guy): La couverture est très différente, mais c'est parce qu'il faut comprendre une chose, M. le ministre, c'est que...

M. Lefebvre: La couverture est beaucoup moins généreuse.

M. Cournoyer (Guy): Oui, mais en matière criminelle...

M. Lefebvre: Pour le bénéficiaire...

M. Cournoyer (Guy): Mais c'est parce que c'est en matière criminelle dont on parle.

M. Lefebvre: Oui, d'accord.

M. Cournoyer (Guy): Et là, il y a une valeur qui fait l'objet d'un respect assez scrupuleux dans la province voisine.

Mais la dernière remarque que je voudrais ajouter à la question du «block fee», c'est que, si on craint que le «block fee» crée des problèmes parce que ça inciterait les avocats à troquer les intérêts de leurs clients, il y a deux autres réponses que je pense qui doivent être faites. La première, c'est que, en pratique, penser que les avocats seraient en mesure de résoudre le dossier de leur client lors de la comparution, c'est, en pratique, impossible. Allez dans les salles de comparution dans les palais de justice, c'est absolument inconcevable qu'on puisse réaliser ça. Il y a trop de gens qui comparaissent pour le temps dont la cour dispose pour que ce problème-là se pose, premièrement.

M. Lefebvre: Je vous crois.

M. Cournoyer (Guy): Deuxièmement, c'est qu'on ne peut pas fonder un système en prenant pour acquis que les avocats vont commettre des infractions déontologiques.

M. Lefebvre: Vous avez raison.

M. Cournoyer (Guy): On ne peut pas faire ça.

M. Lefebvre: Je suis d'accord avec vous. On doit présumer. On doit...

M. Cournoyer (Guy): Être innocent. M. Lefebvre: Vous avez raison. M. Cournoyer (Guy): Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Alors, je laisse la parole à mes collègues de l'Opposition.

Le Président (M. LeSage): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, Me Cournoyer, Me Latulippe et Me Battista, merci de votre présentation.

J'avais quelques questions concernant votre premier point, évidemment, puisque vous nous exprimiez très clairement que vous n'appuyez pas la recommandation 9 concernant le Plan Barreau et que vous croyez que, finalement, le fait d'expliquer au client le système, ça pourrait paraître aux yeux des citoyens comme une mesure discriminatoire et injuste. Mais je pense que, suite à l'audition du mémoire du Barreau, vous avez révisé votre position là-dessus.

Peut-être apporter une certaine précision. Quand on a parlé tantôt de pratique à volume, évidemment, ça vient remettre en cause la qualité des services, mais ça questionne aussi au niveau du système financier; et je pense que le Barreau était d'accord à l'effet qu'un plafonnement, à ce moment-là, nous permettrait d'éviter certains abus tout en permettant de maintenir une cer- taine qualité de services. Il n'était pas question de nombre de plaintes à ce moment-là puisque, effectivement, très peu d'avocats se retrouvent... On parlait de deux qui se retrouvent, là, dans le service de facturation, qui étaient au-dessus de 200 000 $.

Pour ce que vous avez appelé le mandat plus, alors, comme il a un nom bien défini, il doit avoir effectivement une pratique puisqu'on vient de lui donner un nom spontanément. C'est évident que c'est difficile de retrouver les plaintes parce que, autant on nous disait tantôt, pour l'avocat, le tarif, il est bas, il le trouve trop bas, mais autant le citoyen qui veut un mandat d'aide juridique et qui souhaite l'obtenir d'un avocat en particulier, eh bien, il se dit: Bon, tant qu'à l'obtenir avec un mandat d'aide juridique plus, avec le montant plus ou le payer complètement, eh bien, j'aime mieux prendre le mandat d'aide juridique avec le plus que je débourse et, à ce moment-là, j'ai un certain rabais plutôt que de payer le tarif complet. Alors, c'est un petit peu pour ça qu'on retrouve peu de plaintes dans ce secteur-là.

J'ai particulièrement apprécié vos mesures concernant l'amélioration des mécanismes de communication de la preuve, l'établissement de la règle d'enregistrement sur vidéo, bon, l'examen de cette possibilité-là. Je pense que ça peut permettre une certaine amélioration du système.

Lorsque vous nous parlez aussi de l'importance des programmes de conciliation en matière criminelle, eh bien, là, j'aimerais vous faire préciser un petit peu plus sur deux points — et vous devinez sûrement lesquels — lorsque vous nous parlez de violence conjugale et lorsqu'on se parle aussi de l'alcool au volant. Et je pense qu'il ne faut pas non plus comparer les économies d'échelle avec le risque que les citoyens et les citoyennes ne soient plus en sécurité. Et ça, ça m'apparaît capital. Lorsqu'on se parle de dossiers de violence conjugale, les risques, ils sont nombreux, et je pense que les derniers exemples qu'on a vus au cours des derniers mois nous amènent à une très grande prudence à ce niveau-là. Et, concernant l'alcool au volant, j'avoue que j'ai certaines réserves à votre proposition puisque, dans les faits, depuis qu'on juge que la conduite avec alcool au volant est un acte criminel, on a vu peut-être une augmentation du nombre de procès, évidemment, mais, par contre, on a vu une baisse extrêmement importante au niveau de l'abus de l'alcool, au niveau des accidents avec mortalité. Et je pense qu'il y a aussi à calculer cette économie-là, aussi, qui tient compte de la sécurité des gens.

Alors, moi, j'aimerais peut-être que vous me précisiez un peu plus ce que vous voyez comme service de conciliation dans les cas de violence conjugale.

M. Cournoyer (Guy): Écoutez, M. le Président, c'est extrêmement simple. C'est une problématique complexe qui implique beaucoup d'émotivité et dans laquelle il faut agir avec beaucoup de circonspection. Mais il y a des programmes qui existent déjà, et je vous donne l'exemple de la Cour municipale de Montréal, où des plaintes de voie de fait sont portées contre un

homme qui a poussé ou serré le bras de sa conjointe. La personne comparaît détenue, et ça, c'a fait l'objet d'une de nos recommandations aussi. Je fais une parenthèse pour dire que, dans ces cas-là, si les policiers avaient le pouvoir d'imposer des conditions pour que cette personne-là se retrouve dans un autre domicile pendant la période des procédures, ça faciliterait grandement le travail de la justice parce que ça éviterait des comparutions par détention qui sont extrêmement onéreuses. (16 heures)

D'ailleurs, lors du Sommet de la Justice, le ministre Ryan, à l'époque, avait fait sienne cette recommandation-là et voulait faire des représentations auprès de son collègue de la Justice et auprès du ministère fédéral de la Justice pour que des amendements soient apportés à cet égard-là. Mais, ce qui se passe, c'est que, à un moment donné, dans le cas d'un geste isolé, dans le cas où, après des rencontres avec le service de probation de la Cour municipale, les personnes en présence, tant l'accusé que la plaignante, conviennent que la judiciari-sation poussée du dossier ne servirait pas les fins de la justice, il y a parfois des retraits des accusations criminelles qui sont portées contre une personne qui était sans casier judiciaire avant le dépôt des accusations et il y a des engagements en vertu de l'article 810 du Code criminel qui sont signés par les contrevenants et qui, eux, apportent une certaine protection. Pas la protection totale, mais une certaine protection, et ça, c'est des résolutions de dossiers qui sont aussi, dans les cas où ça se retrouve, à la satisfaction des plaignantes.

Alors, il ne faut pas partir d'un état d'aveuglement qu'on avait comme société à un état de sensibilité telle qu'elle nous empêche de regarder s'il n'y a pas du moyen terme qui est possible, et ce moyen terme là, il est éprouvé, il existe, on le vit quotidiennement à la Cour du Québec et à la Cour municipale. Et on croit, nous, que ces programmes-là doivent être encouragés parce que tout programme qui résulte en un défaut de judiciarisation d'un dossier, c'est-à-dire au fait qu'il n'y ait pas d'audition du fond d'une cause criminelle, tous ces programmes-là doivent être encouragés. Alors, voilà pour la composante violence familiale.

Au niveau des facultés affaiblies, je ne peux pas être autrement qu'en accord avec vous que les gains obtenus par la dissuasion qui résultent la perte du permis sont d'une nature telle qu'on doit éviter de trop intervenir dans cet équilibre-là qui s'est établi au niveau de la société. Par contre, il y a des cas où peut-être qu'un juge devrait avoir la discrétion d'accorder un permis restreint parce que, pour l'individu qui est devant lui, c'est une conséquence désastreuse. Quelqu'un qui n'a pas de problème d'alcool, qui est arrêté avec un taux d'alcoolémie supérieur de trois, par exemple, de .03, .11, mais qui est chauffeur de camion de son état depuis 20 ans et qui a un emploi stable: si vous me demandez «est-ce que vous trouvez que, dans un cas comme celui-là, on ne pourrait pas satisfaire l'intérêt public et protéger tout le monde en évitant que cette personne-là perde son gagne-pain?», je vous soumets respectueusement que oui.

Et des mécanismes discrétionnaires de cette nature-là, il en existe déjà au Code criminel en matière d'armes à feu. Le Code criminel a été récemment amendé pour permettre à un juge de ne pas prononcer une interdiction de port d'armes à feu lorsqu'une personne est condamnée pour un crime de violence mais qui ne nécessitait pas nécessairement la présence d'une arme à feu — un vol, des voies de fait, etc. — et lorsque le gagne-pain de la personne est relié au port d'une arme à feu. Et on pense, par exemple, aux autochtones qui sont chasseurs. C'est un problème qu'on connaît ici, qu'on connaît dans les provinces de l'Ouest, et le législateur a investi le juge d'un pouvoir discrétionnaire.

Qu'est-ce qui nous empêche d'imaginer que, pour éviter de faire perdre un emploi rémunérateur à une personne, un permis restreint soit accordé, mais que la transgression du permis restreint, elle, soit sanctionnée d'une peine d'emprisonnement automatique? Et là, le rationnel philosophique qui serait sous-jacent à une telle mesure, c'est de dire: Écoutez, on a voulu donner une chance à une personne qui devait perdre son emploi, on ne permettra pas que vous trahissiez la confiance que la société a mise en vous en transgressant les conditions du permis restreint. Je pense qu'il faut faire preuve d'imagination parce qu'il y a des cas où cette règle automatique et absolue cause des conséquences démesurées. Et ce n'est pas le cas chez tous les gens.

Le Président (M. Maciocia): Mme la députée.

Mme Caron: merci, m. le président. vous n'êtes pas sans savoir que c'est ce que nous avions avant, le permis restreint, et que l'utilisation du permis restreint pour le travail n'arrivait pas à dissuader, finalement, les automobilistes de ne pas dépasser le taux d'alcool au volant parce que, justement, ils se disaient: de toute façon, je vais pouvoir quand même avoir mon travail. et, quand vous nous exposez la situation du camionneur, et que c'est son travail, je peux vous dire que j'en ai vu beaucoup dans mon bureau de comté, des citoyens qui avaient perdu leur permis de conduire, et je dirais que, dans 95 % des cas, c'était cette situation-là, parce que c'est presque toujours cette situation-là. la personne perd sa capacité de travailler et avec toutes les conséquences qui s'ensuivent.

Mais est-ce qu'on peut mettre un pouvoir discrétionnaire là-dessus, à savoir que, pour la personne qui conduit en état d'ébriété mais qui a un travail qui est relié à son permis de conduire, ce n'est pas un acte criminel, alors que c'est un acte criminel pour l'autre personne qui est dans le même état et qui n'a pas besoin de son permis de conduire pour travailler? Ça m'appa-raît un petit peu difficile au niveau du législateur. Mais je pense que ce qui est important de retenir, globalement, de votre mémoire, à ce chapitre-là, c'est l'importance des services de conciliation, l'importance de déju-diciariser un peu le processus.

M. le Président, je souhaiterais laisser la parole à

mon collègue d'Anjou, qui avait des questions concernant un point particulier.

Le Président (M. Maciocia): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Merci, M. le Président. Me Cournoyer, dans votre mémoire, vous déplorez la disparition du département des appels en matière criminelle à l'aide juridique. Cependant, ce que je dois comprendre, de la manière dont vous avez formulé un peu votre constat, c'est que, quand ce système existait, il n'y avait pas plus de vos membres qui en faisaient, mais au moins il y avait quelqu'un qui les faisait, et maintenant qu'il n'y a plus un tel service, il n'y a plus personne qui en fait. C'est ça, si je comprends, en ce qui concerne les appels en matière criminelle?

M. Cournoyer (Guy): Écoutez, M. le Président, est-ce qu'on peut.. Premièrement, qu'une chose soit claire. On pense que l'abolition de la section d'appel en matière criminelle, c'est une mauvaise décision, c'est une tragédie, c'est un service extrêmement important pour les justiciables. Parce que, si on a un système d'aide juridique qui est fondé sur le libre choix et qu'on développe une expertise en matière d'appels au sein de la composante publique du système d'aide juridique, le libre choix n'est plus aussi présent si on abolit la composante publique, premièrement.

Deuxièmement, il faut arrêter, comme État, de se créer des expertises et de les abolir par la suite. Il y avait là une équipe de praticiens et praticiennes d'expérience qui rendaient un service absolument essentiel parce que, en pratique, les avocats de pratique privée avaient des craintes très grandes à prendre des dossiers d'appel en matière pénale parce que le tarif n'est pas important. Écoutez, la tarification pour un dossier d'un appel à la Cour suprême du Canada, c'est 1300 $. Bien entendu, il y a des dépassements d'honoraires que la commission va accorder, mais ça agit comme une symbolique. Et quand on développe une spécialité comme les praticiens et les praticiennes de l'aide juridique en avaient développé une, il faut être extrêmement circonspect avant d'abolir ça parce que c'était parfois le dernier rempart, la dernière ressource qu'un accusé pouvait avoir parce que personne ne voulait s'engager dans un dossier de longue haleine, qui passerait peut-être par la Cour d'appel et ensuite par la Cour suprême du Canada.

Le Président (M. Maciocia): Oui, M. le député.

M. Bélanger: Me Cournoyer, est-ce que vous pourriez nous dire, à votre connaissance, ce qui arrive présentement sur le terrain avec les dossiers en appel en matière criminelle? Finalement, puisqu'il n'y a plus de département spécialisé, ce sont des criminalistes réguliers, permanents de l'aide juridique qui les font? Parce que je pense que vos membres n'en font pas beaucoup, de dossiers en appel.

M. Cournoyer (Guy): C'est-à-dire, je pense que... Bien, nos membres, on a les deux chez nous. Il y a les praticiens...

M. Bélanger: Oui.

M. Cournoyer (Guy): ...d'aide juridique...

M. Bélanger: D'aide juridique, oui, d'accord.

M. Cournoyer (Guy): ...et de pratique privée. Je pense qu'il y a un certain nombre de praticiens de pratique privée qui acceptent parfois certains dossiers à cause de la nature du dossier, de l'intérêt, etc., mais je sais aussi que les avocats de l'aide juridique continuent à piloter leurs appels. Le problème, c'est que la pratique en appel et la pratique quotidienne devant les tribunaux, ce n'est pas nécessairement quelque chose qui se concilie très bien. C'est une spécialité que de faire de l'appel, ça postule aussi une lecture qui est extrêmement exigeante, et ce n'est pas une pratique qui est identique. Et je pense que c'est extrêmement difficile pour les avocats de l'aide juridique, les permanents, de pousser des dossiers en appel parce que les exigences quotidiennes de leur travail sont telles que ça se concilie difficilement.

Le Président (M. Maciocia): M. le député de Jonquière, il vous reste quatre minutes.

M. Dufour: Oui, je vous remercie. C'est bien sûr que je regarde votre proposition, à la page 2B, où vous parlez de décisions politiques. C'est bien sûr que vous existez en fonction de décisions politiques. Les lois sont posées d'une façon politique aussi. On en ajoute, de ces lois-là, et le but qu'on recherche ou que semble rechercher la commission, même si on voulait bonifier le projet, ça me semble, en tout cas, à mes yeux, la recherche d'une rationalisation de plus en plus grande, faire plus avec moins, et que ça coûte moins cher. (16 h 10)

Vous parlez, bien sûr, des décisions politiques concernant les personnes détenues sans cautionnement pour 24 heures. De quelle façon... D'abord, la décision appartient à un pouvoir qui s'appelle les polices, j'ai bien l'impression, et ces gens-là, de quelle façon les libéreriez-vous? Est-ce que vous feriez appel au jugement de ces gens-là pour les libérer complètement? De quelle façon voyez-vous le processus?

M. Cournoyer (Guy): Bien, écoutez, présentement, de toute façon, la décision de garder quelqu'un, un détenu, pour fins de comparution est déjà prise par les policiers, dans les postes de police, avec les officiers responsables. C'est déjà le jugement des policiers qui, dans un certain cas, vont décider que la situation commande une comparution par détention plutôt qu'une comparution en liberté. La problématique à laquelle nous faisons référence dans notre mémoire et à laquelle je faisais référence en répondant à une autre question plus

tôt, c'est: dans ces cas où on veut... Normalement, la personne comparaîtrait en liberté. Imaginons un cas de violence familiale où on sait que la personne, le policier comprend la situation que la personne doit être envoyée à un autre domicile. Le problème, c'est que, en droit canadien, la seule façon d'interdire à quelqu'un de se retrouver à un autre endroit, c'est qu'un juge vienne imposer la condition, et ça, c'est vrai dans tous les crimes. Si c'est un crime de vol dans un vidéo-club, si on veut interdire à la personne de retourner à ce vidéo-club-là, seul un juge peut le faire.

Ce que la Commission de réforme du droit du Canada avait déjà proposé, et ce que le ministre de la Justice, à l'époque, et de la Sécurité publique avait accueilli favorablement, c'est de dire: Écoutez, s'il y a des cas où on veut imposer des conditions, on va donner au policier qui est chargé de l'intervention ce pouvoir-là, quitte à ce que les conditions imposées à ce moment-là soient révisées par un juge, si cela est nécessaire, dans un délai de sept jours, par exemple. Je crois que c'est ce que la Commission de réforme du droit avait proposé.

Alors, le policier prend sa décision. C'est une discrétion qui existe de toute façon dans le système actuel, parce qu'il prend déjà une décision d'accepter la remise en liberté ou de faire comparaître la personne par voie de détention. Alors, si le plus gros emporte le plus petit, on voit difficilement pourquoi cette décision-là de remettre certaines personnes en liberté ne pourrait pas être assortie, dans certains cas donnés, de certaines conditions qui auraient, pour un temps intérimaire, valeur légale.

Ça, c'est des propositions reconnues. La commission d'uniformisation du droit criminel est en accord avec de telles propositions. Ce n'est pas quelque chose de neuf.

Le Président (M. Maciocia): Monsieur...

M. Dufour: Est-ce que vous pensez, donc, dans la façon dont la population, actuellement, réagit, où tout est remis en question, que le policier qui va prendre une chance de libérer un individu... Même avec des conditions, il arrive des événements fortuits quelconques. Est-ce que vous pensez que le policier va résister? Est-ce que vous croyez que c'est la bonne formule? Moi, personnellement, je mets un peu en doute que le policier puisse... Il prend la décision, dans le fond, qui le protège le plus. Il dit: On va le garder plutôt que de le laisser libéré. J'ai l'impression qu'il y a quelque chose avec lequel je ne suis pas capable de faire le lien.

M. Cournoyer (Guy): II prend déjà des décisions de cette nature-là lorsqu'il accepte de remettre quelqu'un en liberté, d'une part. D'autre part, que la sensibilité publique soit de nature à affecter un policier, on peut sans doute et certes l'imaginer, il n'y a pas de problème là-dessus, mais ce n'est pas une raison pour éviter d'accorder des pouvoirs qui existent déjà de toute façon au Code criminel. D'autre part, je pense que la sensibilité publique serait peut-être modifiée si les gens comprenaient un peu mieux comment est le système parce que notre système, il fonctionne bien dans la majorité des cas.

M. Ménard: À ça, j'ai ma solution, je l'expliquerai un jour.

Le Président (M. Maciocia): Oui...

M. Ménard: Ce ne sera pas long.

Une voix: ...M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Ménard: Merci bien.

M. Lefebvre: Consentement, parce que le député de Jonquière a épuisé votre enveloppe.

M. Ménard: Vous êtes bien aimable. De toute façon, ce ne sera pas long. Avec clarté, M. Cournoyer, si je comprends bien, dans votre rapport, vous faites au moins trois constats dramatiques: II n'y a plus d'aide juridique en appel et en immigration, et le tarif ne permet pas les services d'avocats expérimentés dans les causes les plus importantes et les plus difficiles. C'est exact?

M. Cournoyer (Guy): Absolument.

Le Président (M. Maciocia): Merci. M. le ministre.

M. Ménard: Vous voyez, je n'ai pas abusé. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Me Cournoyer, je ne comprends pas, s'il n'y a plus d'aide juridique en matière d'immigration, qu'on ait payé, à l'intérieur du système d'aide juridique, en 1993-1994, le montant de 6 500 000 $ aux avocats de pratique privée.

M. Cournoyer (Guy): Je pense que le député faisait référence à la section appel.

M. Lefebvre: On a parlé d'immigration, on a parlé d'immigration.

M. Cournoyer (Guy): Et, à la section immigration, oui, oui.

M. Lefebvre: Ce qui est vrai, c'est qu'il n'y a plus de permanents qui font de l'immigration.

M. Cournoyer (Guy): Oui, oui.

M. Lefebvre: Cependant, il y a plus ou moins... On m'indique qu'il y a plus ou moins 200 à 250 avocats qui, à Montréal, parce que c'est là que ça se passe, font

de l'immigration, et on a versé, en 1993-1994, je me répète, plus ou moins 6 500 000 $.

M. Cournoyer (Guy): Désolé. J'ai été ébloui par le député de Laval-des-Rapides.

M. Ménard: En appel, y en a-t-il?

M. Lefebvre: Et, en 1991-1992, c'est un montant encore plus considérable.

J'aimerais, Me Cournoyer, que vous me donniez quelques explications sur l'item 3 de votre document. Vous dites qu'une autre solution au problème de structure du tarif est celle favorisée par certaines autres provinces, à savoir le tarif horaire avec un plafond par dossier ou par jour. Pourriez-vous rapidement me donner quelques explications sur votre suggestion?

J'aimerais aussi vous poser, tout à l'heure, une autre question sur le droit carcéral. Alors, dans un premier temps, Me Cournoyer, votre tarif, votre suggestion quant au tarif.

M. Cournoyer (Guy): Écoutez, lorsqu'on a examiné les autres façons de tarifer, on n'a pas voulu, nous... Et ça, ça a été quelque chose qu'on a voulu dès le départ. On avait une crainte, comme Association des avocats de la défense, d'entrer dans la dynamique budgétaire. Pas par lâcheté, pas par crainte ou peur des questions, mais parce qu'on voulait réagir comme avocats de la défense. Et, comme avocats de la défense, on s'est dit: On doit réagir sur ces aspects-là de la problématique qui ont une incidence sur les accusés. Alors, ce qu'on a constaté, c'est qu'il y a différentes façons de tarifer et que chacune doit être examinée à son mérite. Le «block fee» en est une, la tarification horaire en est une autre. Parce que, dans certaines provinces, on a, un peu comme lorsque le gouvernement du Québec donne des mandats, des tarifications: 50 $ l'heure pour cinq ans et moins, 100 $ l'heure entre cinq et 10 ans, etc.

Ça, c'est des choses qui méritent peut-être d'être examinées à leur mérite, mais il faut disposer de statistiques pour faire ces débats-là. Et, heureusemeni ou malheureusement, le document que le ministre avait mis sur la table, à l'époque, ne permettait pas de faire des projections de système, de faire des évaluations de coûts. On le mentionne au passage comme étant une façon qui est utilisée par d'autres corporations d'aide juridique dans d'autres provinces, comme étant une des idées qui doit être débattue. Est-ce qu'elle est supérieure ou inférieure? Honnêtement, on est incapables de vous le dire à l'heure actuelle. On n'a pas ce qu'il faut pour faire ces évaluations-là.

M. Lefebvre: Merci, Me Cournoyer. Est-ce que vous avez fait une évaluation du système, du régime d'aide juridique quant à ce qu'on fait au niveau du droit carcéral? Est-ce qu'il y a des problèmes au niveau du droit carcéral? Est-ce qu'il y a des abus quant à l'utilisation des services en matière de droit carcéral ou pas?

M. Cournoyer (Guy): Honnêtement, notre association a, en son sein, un certain nombre de personnes qui font des cas de droit carcéral, mais il y a une association spécifique de gens qui font du droit carcéral. Je ne sais pas s'ils vont être entendus par la commission. La seule chose qu'un criminaliste peut vous dire, par contre, c'est qu'il n'est pas étonnant qu'il y ait eu une montée en flèche de dépenses en matière de droit carcéral. Pour une raison très simple, c'est que, d'une époque où les prisonniers n'avaient aucun droit, les tribunaux ont graduellement reconnu, et peu à peu, que ces citoyens-là ne perdaient pas tous leurs droits civiques et que, au niveau du droit carcéral, il y a eu une activité légale et constitutionnelle extrêmement florissante au cours des 10 dernières années. C'est évident que des droits qui n'existaient pas avant ont été reconnus par les tribunaux, et que ça, c'est susceptible d'engendrer une activité au niveau disciplinaire et au niveau judiciaire. Pensez notamment à la représentation par avocat devant les tribunaux disciplinaires qui n'étaient pas, il y a longtemps, reconnus en droit canadien.

M. Lefebvre: Me Cournoyer, je vous remercie. Je remercie également vos collègues, Me Battista et Me Latulippe.

En bon avocat de la défense, vous laissez à la commission des institutions le fardeau de la preuve. Je souhaite que vous permettiez au gouvernement du Québec de bénéficier de ce qui est fondamental en droit criminel, le doute raisonnable quant à ses intentions.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Merci beaucoup.

Le Président (M. LeSage): Alors, merci, messieurs de l'Association des avocats de la défense de Montréal. Je suspends les travaux pour quelques instants afin de permettre à un autre groupe de se joindre à nous.

(Suspension de la séance à 16 h 20)

(Reprise à 16 h 31)

Le Président (M. LeSage): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. J'invite les représentants des Services juridiques communautaires de Pointe-Saint-Charles et Petite Bourgogne inc. à bien vouloir prendre place à la table des témoins et je demande à la porte-parole de bien vouloir s'identifier et présenter les personnes qui l'accompagnent.

Services juridiques communautaires de Pointe-Saint-Charles et Petite Bourgogne inc.

Mme Laurin (Chantai): M. le Président, M. le

ministre et les membres de la commission, je vous présente Lyne Hardy, avocate aux Services juridiques communautaires de Pointe-Saint-Charles... Excusez le trac, c'est ma première commission.

Le Président (M. LeSage): Soyez très à l'aise, ma chère dame.

Mme Laurin (Chantai): Merci. Lise Ferland, avocate et directrice de la clinique de Services juridiques communautaires de Pointe-Saint-Charles; moi-même, Chantai Laurin, présidente du conseil d'administration et citoyenne du quartier Pointe-Saint-Charles.

Le Président (M. LeSage): Merci, Mme Laurin. Alors, comme je l'ai déjà mentionné, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et chacun des partis politiques aura également 20 minutes pour échanger avec vous. Alors, on vous écoute.

Mme Laurin (Chantai): Merci. Dans le document de consultation qui a inspiré la présente consultation, aucune affirmation de principe sur l'importance d'assurer un minimum de protection légale à ceux qui n'en ont pas les moyens, aucune volonté affichée de reconnaître le bien-fondé d'un projet social soucieux de permettre un accès plus large à l'appareil judiciaire. Seulement des colonnes de chiffres qui se succèdent, page après page, pour illustrer l'apparente faillite inévitable d'un système qui n'aura plus sa place 20 ans après sa création.

Le présent mémoire veut refléter les principes et idéaux qui ont toujours gouverné la clinique juridique de Pointe-Sainte-Charles et Petite Bourgogne, laquelle a servi de modèle à l'implantation du réseau d'aide juridique au Québec.

Notre organisme sans but lucratif est né en 1970 de la volonté des citoyens et citoyennes du quartier de Pointe-Saint-Charles de prendre en main leur situation, de se donner des services et ressources alternatives correspondant aux besoins spécifiques issus de la dure réalité vécue quotidiennement par une population confrontée aux effets de la pauvreté, jumelée aux initiatives d'étudiants en droit désireux d'intervenir dans un contexte où les questions juridiques sont liées aux réalités sociales. Depuis ce temps, certains objectifs que nous avons mis de l'avant sont les suivants: promouvoir, obtenir et offrir des services juridiques, tant individuels que collectifs, dans un quartier économiquement défavorisé; participer à la formation et au maintien des regroupements de citoyens et des intervenants pour la défense de leurs droits et développer une approche globale; développer et maintenir des mécanismes, afin de permettre aux citoyens usagers de l'organisme de contrôler les orientations et de participer à la mise en application des politiques des Services juridiques communautaires de Pointe Saint-Charles et Petite Bourgogne; encourager et promouvoir toute législation et autres mesures qui auraient pour effet d'aider les personnes économiquement défavorisées à comprendre et à défendre leurs droits.

Notre organisme, créé avant même l'adoption et la mise en place du régime de l'aide juridique, est demeuré autonome et est reconnu comme une corporation locale d'aide juridique. La structure décisionnelle et administrative de l'organisme repose sur le contrôle des représentants de la communauté qui, réunis en assemblée générale annuellement, s'assurent du respect des objectifs de l'organisme en fonction des besoins de la population. À partir de l'assemblée générale, est élu un conseil d'administration de 12 citoyens et citoyennes et représentants d'organismes communautaires, tous bénévoles.

Le portrait de la clientèle. Les quartiers de Pointe-Saint-Charles et Petite Bourgogne comptent environ 20 000 personnes. Comme d'autres quartiers anciens de Montréal, ils ont connu un vieillissement de leur structure industrielle, entraînant une diminution et un appauvrissement de la population, situation longuement étudiée par différents intervenants. On est un peu un laboratoire, dans le quartier.

Les champs d'intervention. Depuis ses débuts, les Services juridiques communautaires de Pointe-Saint-Charles et Petite Bourgogne ont ouvert près de 22 000 dossiers, sans compter les consultations par téléphone ou au bureau sans ouverture de dossier.

Nos principaux champs d'intervention sont le droit familial, les problèmes de logement, les questions reliées à l'endettement, la sécurité sociale, l'aide sociale, accidents du travail, etc. En plus de traiter des dossiers individuels, notre organisme occupe une place importante dans le réseau des organismes communautaires des quartiers desservis. Au fil des années, il s'est développé une pratique de collaboration, de soutien à travers les luttes de la population. Les Services juridiques ont occupé une place tantôt d'aviseurs légaux, tantôt de mobilisateurs, d'organisateurs, de ressources ou de partenaires. Cette implication dans le milieu permet d'être à l'écoute des besoins et des demandes, de comprendre et d'analyser la situation à partir du point de vue des citoyens économiquement défavorisés pour qui, souvent, le système judiciaire n'apporte que peu de solutions.

Les demandes qui nous sont soumises présentent un caractère judiciaire. Toutefois, la solution au problème n'est pas toujours ou n'est pas essentiellement judiciaire. Ce qui est essentiel dans ces cas, c'est l'existence d'un réseau d'aide et d'entraide capable d'intervenir et de soutenir la personne dans sa démarche de solution à son problème. À partir de notre mandat et de nos interventions, nous nous devons de dénoncer les situations d'inégalité, d'exploitation et de discrimination lorsque nous les rencontrons à travers le système judiciaire et par tout autre moyen qui s'offre à nous.

Deux autres aspects importants d'une pratique que nous voulons préventive, c'est l'intervention de la population et la formation des intervenants du milieu adaptées aux réalités particulières des communautés desservies. En ce sens, la décentralisation, l'implication et le contrôle par les populations locales, créant un sentiment d'appartenance et d'appropriation, auront toujours

comme effet de rendre le service et l'intervention plus adéquats face aux besoins.

En ce sens, la Loi sur l'aide juridique devrait favoriser la participation des citoyens à l'administration et à la conception des services juridiques qui leur sont offerts. Diverses initiatives amènent de nouvelles formes d'organisation sociale qui misent sur la responsabilité des gens concernés. Les Services juridiques communautaires de Pointe-Saint-Charles et Petite Bourgogne s'inscrivent dans un mouvement de développement communautaire de quartier visant la prise en charge par les citoyens de l'ensemble de leurs conditions de vie.

Les positions prises par les Services juridiques communautaires de Pointe-Saint-Charles et Petite Bourgogne. Nous tenons à souligner que, dès 1989, dans le cadre du mandat confié au groupe de travail sur l'accessibilité à la justice, nous sommes intervenus dans le volet spécifique du bilan de l'aide juridique sur les aspects de l'accessibilité financière. Cinq ans plus tard, nous considérons toujours opportun de rappeler les recommandations que nous y faisions et que nous maintenons aujourd'hui. Afin de favoriser une véritable accessibilité à la justice, la Loi sur l'aide juridique devrait promouvoir les principes suivants: la décentralisation des pouvoirs et la participation des citoyens dans le contrôle des ressources qui sont mises à leur disposition; l'élargissement des critères d'admissibilité des organismes sans but lucratif; la participation directe et les liens avec le milieu; l'intégration d'activités d'information, de recherche, d'éducation et de prévention et, plus particulièrement, quant à l'admissibilité économique, nous demandons que les barèmes soient indexés de façon à ce que cette hausse soit proportionnelle à la hausse du coût de la vie depuis la mise en application de la Loi sur l'aide juridique afin de tenir compte des objectifs initiaux de cette loi; que les barèmes d'admissibilité soient dorénavant indexés annuellement suivant l'indice des coûts de la vie de Statistique Canada.

La population des quartiers que nous desservons est, depuis plusieurs années, inquiète du fait que, par une non-indexation des barèmes prévus au règlement sur l'admissibilité à l'aide juridique, de plus en plus de personnes se trouvent exclues d'un service auquel elles avaient droit. Il s'agit d'une modification des objectifs initiaux de la loi, d'une coupure indirecte d'un programme social. En conséquence, lors de l'assemblée générale annuelle de notre corporation, tenue en octobre 1992, Me Roderick Macdonald présentait à la population le bilan de l'aide juridique contenu dans le rapport du groupe de travail sur l'accessibilité à la justice qu'il avait présidé. C'est à cette occasion que la population s'est objectée aux importantes coupures budgétaires imposées à l'aide juridique par le Conseil du trésor ayant comme effet de réduire le service. (16 h 40)

Deux résolutions furent adoptées unanimement à cette assemblée générale, dénonçant les coupures budgétaires imposées à l'aide juridique et demandant l'indexation des barèmes d'admissibilité de l'aide juridique afin de maintenir les objectifs d'accessibilité prévus en 1972 et l'indexation périodique de ces barèmes.

Dans les premiers mois de 1993, pas moins de 450 lettres d'appui des citoyens et citoyennes ainsi qu'une trentaine de groupes communautaires de Pointe-Saint-Charles et Petite Bourgogne faisaient part au ministre Rémillard de leur soutien aux revendications votées aux assemblées générales. Le mandat qui nous vient directement de la population que nous desservons est clair: les citoyens et les citoyennes ont pris position pour le maintien du régime de l'aide juridique tel que nous le connaissons, avec des modifications aux critères d'admissibilité pour revenir aux objectifs de 1972 sur la population bénéficiaire.

Les principaux aspects du régime. Les thèmes de réflexion soumis par le ministre de la Justice. Dans son document de consultation, «L'aide juridique au Québec: une question de choix, une question de moyens», le ministre de la Justice s'interroge et nous convie à la réflexion sur différents aspects du régime. Nous nous proposons de répondre aux interrogations soulevées à partir de notre expérience pratique quant à trois aspects, à savoir la clientèle admissible et les bénéfices accordés, l'étendue de la couverture de l'aide juridique, l'organisation, la gestion et le financement du régime.

Au moins deux exercices démocratiques se sont tenus dans un passé récent et ont largement traité de l'aide juridique. Quant aux aspects de gestion et d'organisation du régime actuel, une étude fut réalisée en 1993 par la firme RCMP, Raymond, Chabot, Martin, Paré. À notre connaissance, ces différents documents ou échanges ont conclu à un bilan positif du régime de l'aide juridique au Québec. Il est certain que des améliorations ont été proposées, surtout au chapitre de l'admissibilité financière. Alors, pourquoi en sommes-nous encore à discuter de cette question? La réponse pourrait être assez simple. Le ministre de la Justice a soumis, lors du Sommet de la Justice, une proposition de travail contenant de nouveaux paramètres pour l'établissement de l'admissibilité financière à l'aide juridique. Il ne fut pas possible d'en arriver à un consensus. Par ailleurs, immédiatement après ce Sommet, ont été mises en application des coupures budgétaires dans tout le réseau de l'aide juridique au Québec. Et le ministre souligne, à l'avant-propos du document de travail et de consultation, je cite, entre guillemets: «Le souci d'[...]une saine gestion du réseau de l'aide juridique ont fait ressortir l'importance de s'interroger non seulement sur les seuils d'admissibilité, mais aussi sur les différents aspects du régime actuel.» Il met de l'avant certaines solutions de rechange et, surtout, nous questionne à partir d'une longue liste d'exemples de réduction de services, de privatisation du régime, d'imposition de frais et autres moyens. Nous ne pouvons passer sous silence l'angle de réflexion très étroit qui nous est soumis par le ministre de l'époque.

Le cadre très précis de la présente consultation se retrouve, selon nous, à la conclusion, aux paragraphes 2 et 3, dont je me permets de vous citer un extrait: «De plus, l'état [...] des finances publiques ne permet pas

d'envisager l'injection de fonds additionnels par le gouvernement. «Par conséquent, l'amélioration des conditions rattachées à l'aide juridique passe par, soit l'affectation de ressources financières additionnelles à celles qui proviennent des contributions gouvernementales, soit une remise en question de certains aspects du régime tels la couverture des services, l'étendue des bénéfices accordés et le mode d'organisation et de gestion du régime. Ainsi, l'ampleur des modifications souhaitées touchant l'admissibilité de l'aide juridique conditionnera les changements à apporter à l'égard des sources de financement et des autres aspects de ce régime.» Fin de la citation. Voilà! Tout est dit. Nous avons le sentiment d'être consultés pour nous faire demander quels services doivent être coupés afin de rendre admissibles un plus grand nombre de citoyens. Notre réponse à la présente démarche sera dans la même ligne que les positions exprimées par notre organisme par le passé, et ce n'est pas que les citoyens que nous représentons ne sont pas au fait de la dure réalité financière du gouvernement: ils vivent les coupures et le désengagement de l'État jour après jour. Ils vivent la crise économique du point de vue des chômeurs, des assistés sociaux, des femmes chefs de famille. Ils ont pris position et demandent le maintien de l'accessibilité à la justice par le biais de l'aide juridique pour les plus démunis de notre société, mais aussi pour les autres, ceux que l'on qualifie de personnes à faible revenu.

La clientèle admissible et les bénéfices accordés. L'objectif de la Loi sur l'aide juridique ainsi que la définition des personnes économiquement défavorisées sont très clairs et guident l'établissement des barèmes. Je vous fais grâce de la lecture des barèmes. Mais ces barèmes n'ont connu aucune indexation depuis 1985 et, dans le cas des personnes seules, depuis 1981. Les critères d'admissibilité à l'aide juridique se rapprochent de plus en plus des barèmes d'aide sociale, ce qui a pour effet de restreindre la notion de «personne économiquement défavorisée» initialement prévue à la loi. Même une personne seule travaillant au salaire minimum pour 35 ou 40 heures par semaine n'est plus admissible à l'aide juridique. Dans ce contexte, on ne peut certainement pas parler d'égalité des chances et d'accès à la justice. Justice pour tous? Un mythe! Il apparaît clairement de la loi et des règlements adoptés que les objectifs initiaux étaient d'offrir des services juridiques gratuits à une clientèle cible qui, autrement, n'aurait pu se les offrir. La clientèle économiquement défavorisée de 1972 ne fait que s'accroître, et toutes ces personnes qui étaient admissibles lors de la mise en place du régime devraient l'être aujourd'hui. Comme nous l'avons déjà mentionné, nous demandons un rattrapage substantiel immédiat et une indexation annuelle des barèmes d'aide juridique.

L'accessibilité à la justice doit être reconnue comme un droit fondamental de notre société. Malgré le fait que le Québec soit une province d'avant-garde en matière de droit et de législation à caractère social, il demeure toujours difficile, voire presque impossible pour les personnes économiquement défavorisées d'avoir accès à la justice. Les coûts à payer pour avoir accès à la justice sont lourds. Que l'on pense seulement à l'ensemble des lois sociales ou situations privées où un citoyen se voit confronté à un appareil gouvernemental, à une régie ou aux tribunaux de droit commun. À chaque instance, il faut présenter une preuve bien étoffée, souvent une preuve d'expert, ce qui est hors de portée de la majorité de la population. À travers la pratique quotidienne, nous sommes en mesure de constater que nombre de personnes ne sont plus admissibles à nos services. Elles ne sont pas pour autant en mesure de payer les services juridiques inhérents à l'exercice d'un droit à travers notre système judiciaire ou quasi judiciaire. Une société de droit qui repose sur un système de justice et qui, dans les faits, n'agit pas en sorte de rendre la justice accessible à tous ceux qu'elle entend protéger est une société hypocrite et malade.

La loi prévoit que les corporations sans but lucratif sont admissibles à l'aide juridique. Cependant, une des conditions à cette admissibilité est que les membres qui composent l'organisme soient eux-mêmes des personnes admissibles. À notre avis, cette façon d'axer l'admissibilité d'un groupe non pas uniquement sur sa situation financière propre, mais en fonction de ses membres, souvent, des personnes bénévoles, constitue un critère «disqualificatif» majeur qui, à toutes fins pratiques, nie l'admissibilité des groupes. Or, il arrive souvent que les personnes membres de la corporation ne soient pas admissibles à l'aide juridique. En principe, les intérêts qu'elles défendent ne sont pas les leurs propres, mais les intérêts supérieurs pour lesquels la corporation a été fondée. En conséquence, l'on ne devrait tenir compte, dans la détermination de l'admissibilité de l'organisme, que de deux critères, à savoir les ressources suffisantes et l'objectif poursuivi par l'OSBL.

Par ailleurs, de nouveaux organismes voient le jour dans des secteurs de développement économique communautaire. Ces organismes soutiennent de nombreuses petites entreprises permettant à des personnes de se créer un emploi. Celles-ci nécessitent parfois des consultations juridiques. Quoique à but lucratif, elles devraient pouvoir bénéficier de consultations gratuites durant les premiers mois de leur implantation, et ce, toujours dans l'objectif de la loi qui est de permettre l'exercice d'un droit sans que l'on ait à se priver de moyens de subsistance.

À ces éléments s'ajoute la situation particulière des personnes désireuses de réclamer une somme d'argent à une tierce partie et qui requiert les services d'un avocat. Même si cette personne est admissible économiquement au sens des critères fixés par le règlement, l'aide juridique lui sera refusée. Trop souvent, nous avons vu des personnes renoncer à entreprendre un recours, n'étant pas en mesure d'avancer les sommes requises pour leur avocat ou pour leur expert.

Pour éviter ces situations, un fonds spécial ou tout autre mécanisme devrait être créé par l'aide juridique, permettant le financement temporaire des déboursés

reliés à l'exercice de recours de personnes autrement admissibles à l'aide juridique. (16 h 50)

La participation au coût des services. Compte tenu du prix de la justice, il n'y a pas que la clientèle la plus économiquement défavorisée qui ne peut s'offrir les services d'un expert juridique. Au-delà des personnes admissibles lors de la création de la loi, il y a la clientèle à revenu moyen qui, souvent, devra renoncer à exercer ses droits à cause de coûts importants de la justice. C'est pourquoi il serait important que l'on prévoie un mécanisme de participation aux bénéfices de la loi pour cette clientèle. Le montant des coûts à encourir devrait être proportionnel à la capacité de contribuer de ces personnes.

L'étendue de la couverture de l'aide juridique. À ce chapitre, les pistes de réflexion envisagées par le ministre sont, en fait, des propositions de réduction de services actuellement offerts par le régime de l'aide juridique. Il est évident que l'objectif recherché en est un d'économie de coûts sans analyse des effets à moyen et long termes. Il s'agit d'une déviation importante des objectifs initiaux du programme. Nous tenons à discuter certaines de ces pistes de réflexion, même si, à toutes les questions posées par le ministre quant à l'étendue de la couverture de l'aide juridique, nous répondons: Oui, il est important de maintenir l'étendue de la couverture telle qu'elle est aujourd'hui.

Au fil des ans, nous avons acquis, comme avocats et avocates pratiquant à l'aide juridique, une compréhension approfondie des besoins de la clientèle. Nous avons développé une expertise dans le secteur du droit qui nous est soumis. Notre pratique quotidienne nous amène aussi à solutionner des litiges par la négociation, les ententes et autres approches non judiciaires. Nous sommes à même d'affirmer que peu d'avocats ou avocates ont les moyens de supporter et d'offrir ce genre d'approche à la clientèle admissible à l'aide juridique avec les tarifs actuels. Ces éléments sont des acquis pour la population que nous desservons.

Quels seront les critères pour évaluer la valeur d'un droit ou d'une question à soumettre à un tribunal? À partir du moment où un droit de contester ou un droit d'appel existe, faut-il nécessairement que beaucoup d'argent soit en jeu pour avoir droit à un avocat? Si c'est le cas, nous ne pourrons agir dans une large proportion de dossiers dont nous nous occupons actuellement car, lorsque l'on représente les pauvres, les sommes en jeu sont rarement importantes. Toutefois, ce qui semble de peu de valeur pour un peut l'être pour un autre.

Une voix: C'est fini.

Mme Laurin (Chantai): Tout cela est bien relatif. J'ai terminé?

Le Président (M. LeSage): Malheureusement. Si vous voulez conclure là, brièvement.

Mme Laurin (Chantai): Oui. À partir d'où? Je vais reprendre... O.K. C'est ça, je vais juste faire la conclusion.

Nous sommes d'avis que toute réforme du système d'aide juridique ne doit pas se faire en rupture des idéaux qui ont sous-tendu sa création il y a 20 ans. Le fait que nous vivions maintenant dans une société gouvernée par des chartes et par des lois de plus en plus complexes commande plus que jamais que l'accès à la justice ne soit pas réservé à une classe privilégiée. Diminuer la couverture des services offerts n'aurait comme effet que d'accroître encore davantage les iniquités entre les riches et les pauvres.

Présentement, nos gouvernements ne demandent qu'à certains de se priver sans qu'il y ait un vrai débat de société permettant d'analyser l'ensemble des dépenses de l'État, la fiscalité et les services que, comme société, nous voulons et pouvons nous offrir collectivement. Il n'y a pas de vraie répartition de la richesse. Repenser la société est un défi de taille, et il semble que peu de personnes soient prêtes à le relever. Merci à tous les membres de la commission de nous avoir entendus.

Le Président (M. LeSage): Merci, Mme Laurin. Je cède maintenant la parole au ministre de la Justice.

M. Lefebvre: Mme Laurin, Me Hardy et Me Ferland, je vous remercie. Je vous remercie, dans un premier temps, de nous avoir soumis un mémoire, d'avoir soumis à l'attention de la commission un mémoire qui a demandé une somme de travail considérable, qui contient plein d'éléments qui méritent — je le dis, là, sans aucune réserve — d'être analysés et sur lesquels on doit se pencher.

Je ne vous dis pas que je suis d'accord avec toutes les observations que vous faites dans votre mémoire, mais c'est un mémoire qui a été travaillé, dans lequel on retrouve une expérience. Et d'ailleurs, vous faites référence, dans votre introduction, à l'expérience que vous vivez quotidiennement à côtoyer et à travailler bénévolement pour les plus démunis de votre patelin et, à l'intérieur du mémoire que vous nous soumettez, on retrouve cette expérience-là, et j'apprécie aussi, Mme Laurin, l'exposé que vous nous avez fait cet après-midi.

Je suis un peu surpris de réaliser que vous suggérez un élargissement de la couverture des services pour — et je reviendrai là-dessus tout à l'heure — non pas des individus ou des bénéficiaires, des personnes physiques, mais pour des corporations, et ça, ça me surprend un peu, surtout quant aux commentaires que vous faites et les suggestions que vous faites en regard des corporations elles-mêmes.

Quand vous suggérez une augmentation du seuil... C'est-à-dire, quand vous suggérez qu'on rehausse le seuil d'admissibilité, vous rejoignez, dans cette proposition-là, la suggestion de plusieurs autres intervenants. Vous parlez d'une clientèle qui, selon vous, n'est pas admissible aujourd'hui et qui devrait l'être. Et ça, ça ne constitue pas, pour moi, évidemment, une surprise.

La première question que je veux cependant vous poser: Est-ce que vous avez évalué, sinon au-delà du fait que vous considérez que c'est un rattrapage substantiel, financièrement parlant, est-ce que vous avez fait vérifier ou est-ce que vous avez vous-même évalué l'augmentation des coûts que constituerait votre proposition de rendre admissibles immédiatement tous ceux et celles qui l'étaient en 1972? Avez-vous fait une évaluation des coûts?

Mme Laurin (Chantai): Me Ferland.

M. Lefebvre: Me Ferland.

Le Président (M. LeSage): Me Ferland.

Mme Ferland (Lise): M. le Président, M. le ministre, on n'a pas fait d'évaluation des coûts pour des raisons qui sont, entre autres, des raisons d'économie budgétaire, je dirais — parce qu'on a sauté un petit peu cette partie-là du mémoire — mais, de par la spécificité de notre corporation — on est une corporation locale avec des ressources limitées qu'on essaie de gérer dans la mesure des directives du Conseil du trésor, c'est-à-dire le plus sainement possible et le plus rigoureusement possible. Dans ce contexte-là, on a considéré qu'on avait à vous soumettre le mandat qui nous est donné par l'assemblée générale de notre quartier, par les citoyens qu'on défend, et qu'on n'avait pas des ressources à injecter pour quantifier ces éléments-là de votre question, dans la mesure où je pense que d'autres groupes qui sont venus aujourd'hui sont capables de le faire beaucoup mieux que nous, compte tenu des ressources qu'on a pour cette question-là. Non pas qu'on ne considère pas que c'est une question importante et qu'on n'a pas le souci d'y répondre, mais on n'a pas les moyens à consacrer pour y répondre. Alors, on a opté pour vous transmettre les politiques, les positions de notre groupe, sans être capables de les chiffrer.

M. Lefebvre: Pouvez-vous, très rapidement — je pose la question pour ma connaissance personnelle, mais également pour celle des membres de la commission et d'autres personnes qui nous écoutent aujourd'hui — me décrire rapidement la clientèle que vous desservez quotidiennement dans votre bureau d'aide juridique?

Mme Ferland (Lise): La description que je vais vous faire...

M. Lefebvre: De façon globale, là.

Mme Ferland (Lise): Oui, c'est ça. La description que je vous fais, je pense, s'applique à mes collègues ou qui travaillent dans d'autres bureaux d'aide juridique, parce qu'on a des clientèles qui se ressemblent, dans la mesure des paramètres de la loi qu'on doit respecter. Principalement, nous, on dessert deux quar- tiers à Montréal, c'est-à-dire: Pointe-Saint-Charles et Petite Bourgogne. C'est des quartiers anciens de Montréal, comme on l'a dit. C'est des quartiers où la majorité de la population, entre autres pour Pointe-Saint-Charles, vit de prestations fixes de l'État, c'est-à-dire aide sociale, assurance-chômage, pension de vieillesse, ce type de revenu. Donc, les problématiques que les gens nous soumettent, c'est des problématiques reliées à leurs conditions de vie, donc dans les paramètres de leur situation financière. On dessert...

M. Lefebvre: Ça touche surtout — je m'excuse de vous interrompre, juste pour qu'on se comprenne — ça touche, si je comprends bien, surtout le droit administratif, qu'il soit de juridiction provinciale ou fédérale.

Mme Ferland (Lise): C'est ça. Et on touche beaucoup, évidemment, tout ce qui est des problématiques familiales...

M. Lefebvre: Droit matrimonial.

Mme Ferland (Lise): ...dans son ensemble, oui. Dans notre pratique quotidienne, les questions de logement sont des questions qui nous sont soumises régulièrement, dans la mesure où les quartiers qu'on dessert sont des quartiers de locataires, à Montréal. Pointe-Saint-Charles, c'est un quartier de locataires. La Petite Bourgogne est un quartier où il y a une grande partie de logements sociaux aussi, donc on dessert les locataires. La Petite Bourgogne est un quartier multiethnique, donc on a une clientèle aussi multiethnique.

M. Lefebvre: Vous semblez reconnaître que, de façon globale, le régime d'aide juridique fonctionne bien. Je parle de la gestion du régime. Est-ce que je me trompe ou si vous êtes d'accord avec...

Mme Ferland (Lise): Non, effectivement. Nous, on considère que le système fonctionne bien. Le système a fait ses preuves. On n'est pas contre des améliorations, c'est sûr, je pense que n'importe quelle administration peut s'améliorer, peut apporter des correctifs à sa situation. On est prêts à le faire. On l'a fait. D'autres l'ont fait. Je pense que les intervenants avant nous sont venus vous dire que, oui, on est prêts à faire des améliorations, mais, globalement, le système fonctionne bien.

M. Lefebvre: Vous ne suggérez pas, non plus, de modification quant à la mécanique d'admissibilité à l'aide juridique. Vous considérez que ce volet-là du régime, du système, va bien également. (17 heures)

Mme Ferland (Lise): Oui. Nous, on considère, M. le ministre, que l'admissibilité peut être faite par des techniciens, mais des techniciens dans nos bureaux qui connaissent vraiment bien les problématiques. Et, on l'a mentionné dans notre mémoire, de par la nature des

dossiers qu'on traite, on doit souvent analyser la situation financière de nos clients, et, tant qu'à le faire dans le cadre de notre dossier, on le fait pour l'admissibilité. On ne veut pas faire double emploi, faire répéter aux gens deux fois, une fois pour déterminer l'admissibilité, puis la fois d'après pour remplir l'état de revenus et dépenses avec l'avocat, parce qu'on a à regarder toute la situation financière de la personne.

M. Lefebvre: J'imagine, et vous l'avez laissé entendre tout à l'heure, que vous comprenez que le gouvernement du Québec est confronté à des problèmes d'ordre financier majeurs, qu'on ne pourra probablement pas répondre aux souhaits qui nous sont faits par un nombre quand même considérable d'intervenants qui souhaitent qu'on injecte plus d'argent dans le régime d'aide juridique.

Ceci étant dit, est-ce que vous ne considérez pas que votre suggestion, particulièrement à la page 5 et aux paragraphes 7, 8, 9, 10, où, essentiellement, ces paragraphes-là suggèrent un élargissement de la couverture des services d'aide juridique à une clientèle corporative, est-ce que vous ne considérez pas que c'est dangereux que de suggérer au gouvernement du Québec d'élargir les services à une clientèle corporative, dangereux dans le sens que ça pourrait éventuellement, si c'était accepté, se faire au détriment de vos plus démunis, les personnes physiques pour lesquelles vous demandez un rehaussement immédiat du seuil d'admissibilité, considérant qu'on ne peut pas tout faire? À partir du moment où vous suggérez un élargissement des services, vous risquez que ça se fasse au détriment de ceux et celles qui sont déjà — et je parle des personnes physiques — privés des bénéfices du système d'aide juridique.

Mme Ferland (Lise): C'est évident, M. le ministre, que nos priorités vont à l'indexation des barèmes d'admissibilité pour faire le rattrapage qu'on aurait dû faire depuis déjà un bon bout de temps.

M. Lefebvre: Pour la clientèle existante.

Mme Ferland (Lise): Pour la clientèle existante. Toutefois, les recommandations qu'on vous fait... Dans le fond, on vous fait part de l'expérience qu'on vit sur le terrain.

M. Lefebvre: D'accord.

Mme Ferland (Lise): Nous, on travaille en étroite collaboration avec des organismes sans but lucratif qui défendent les plus démunis.

M. Lefebvre: Oui.

Mme Ferland (Lise): Des organismes-logement, des organismes qui travaillent au niveau des femmes, des maisons pour des personnes qui ont des problèmes de logement, mais avec, entre autres, de temps en temps des problèmes de santé mentale, des clientèles spécifi-• ques. On travaille avec ces organismes sans but lucratif là qui sont sur le terrain, qui font de la prise en charge de personnes qui ont des problèmes sociaux, un éventail de problèmes sociaux. Alors, on travaille en première ligne, mais de temps en temps en deuxième ligne, avec les intervenants. Quand on travaille avec les intervenants, il arrive toute une série de problématiques juridiques que ces organismes-là rencontrent et pour lesquels ils ont des demandes. Alors, qu'est-ce qu'on fait? Nous, on a des demandes régulièrement, à tous les jours: Qu'est-ce que je fais quand un locataire a tel problème ou...? Bon. Ces organismes-là, jusqu'à maintenant, on leur a donné le service.

Souvent, c'est un service d'information, parce que les gens qui nous consultent, c'est des intervenants; et ce dont ils ont besoin, c'est d'un guide. Ils ont besoin de savoir: Quand j'ai telle problématique, comment est-ce que j'y réponds? C'est quoi, les paramètres de la loi? Bon. Alors, c'est ce genre de service là qu'on peut rendre à des organismes sans but lucratif.

À ce moment-là, on se dit: Ça n'a pas de sens de dire non à un organisme parce que les gens qui sont sur le conseil d'administration bénévole, c'est des gens qui ne se qualifient pas au niveau de l'aide juridique. Je veux dire, ce n'est pas leurs ressources financières personnelles qu'ils mettent dans ça. Souvent, c'est des organismes qui ont de la misère à se financer, qui font des demandes de subvention à droite et à gauche. Donc, aller payer des frais d'avocat en supplément, on considère que ce n'est pas nécessairement... Us n'ont pas de ressources à mettre pour le service juridique, sauf que l'information est pertinente pour la clientèle qu'ils desservent.

On a mis une parenthèse pour les corporations à but lucratif là, mais ce dont on vous... les petites, et on a parlé uniquement de consultation dans les premiers mois d'implantation. Je ne suis pas une spécialiste en économie puis en analyse de «ce sera quoi, le marché de l'emploi pour les jeunes, c'est quoi, les perspectives dans lesquelles on s'en va maintenant». Mais créez votre emploi vous-même là, puis partez-vous une petite affaire, puis organisez-vous. Les travailleurs autonomes, il y en a beaucoup. C'est des gens qu'on rencontre, c'est des gens qui viennent nous voir. Et nous, on a déjà dû dire non à des gens qui... Finalement, ils ont un revenu juste un petit peu plus élevé que l'aide sociale, ils ont une petite compagnie, malheureusement, ils l'ont incorporée, ils ont plein de problèmes. On leur dit: Non, on ne peut pas vous donner des informations parce que vous ne vous qualifiez pas. C'est uniquement dans ce contexte-là qu'on parle de rendre des services, et je pense que ce n'est pas en opposition et que ce n'est pas au détriment de la clientèle traditionnelle qu'on a.

M. Lefebvre: Non, sauf...

Mme Ferland (Lise): On la comprend dans la clientèle.

M. Lefebvre: Sauf que, Me Ferland, je comprends, du commentaire que vous avez fait en début de réponse, que vous souhaitez qu'en priorité, et d'abord et avant tout, on se penche sur la clientèle classique.

Mme Ferland (Lise): C'est évident.

M. Lefebvre: Merci. Mme la députée de Terre-bonne.

Le Président (M. LeSage): Merci. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, Me Hardy, Me Ferland, Mme Laurin, merci de votre présentation. Je vous avoue que j'ai particulièrement apprécié votre mémoire parce que votre organisme, finalement, est né avant la loi, en 1972. Donc, vous avez une expertise qui remonte à très longtemps. Et, tout au long de votre document, on voyait que vous travailliez aussi beaucoup au niveau de la prévention, au niveau de l'information et que ça faisait partie aussi des objectifs de la loi de l'aide juridique, en 1972, lors de sa création, d'informer et de faire de la prévention aussi. Il semble que ce soit... On le retrouve surtout dans des organismes tels que le vôtre et aussi au niveau de certains organismes à but non lucratif qui travaillent au niveau des affaires juridiques.

J'aimerais peut-être vous questionner sur les tribunaux administratifs parce que plusieurs des mémoires que j'ai lus parlent des tribunaux administratifs puis qu'on n'a pas eu la chance de questionner encore, aujourd'hui, là-dessus. Dans le document qui était déposé par le ministre, on requestionnait certains services et on requestionnait la pertinence d'offrir les services dans les tribunaux administratifs en partant du principe que, dans ces tribunaux, la personne peut se représenter elle-même. Au niveau de la pratique, je pense que vous êtes bien placées pour nous exprimer la difficulté, finalement, pour le citoyen de se représenter lui-même dans ces instances-là, d'autant plus que l'État ou l'employeur — parce que, si je pense, par exemple, à la CSST, ça peut être l'employeur là qui se retrouve au tribunal — eux, bénéficient de services de professionnels et donc, ont un avantage marqué lorsqu'ils se retrouvent devant le tribunal administratif.

Vous ajoutez aussi le problème de tout ce qu'on ajoute, là, comme preuves d'experts, le coût de ces preuves d'experts là. Donc, pour vous, est-ce que c'est extrêmement important de maintenir le service des tribunaux administratifs? Et est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, compte tenu du coût important des preuves d'experts, d'avoir un tarif précis? Est-ce que l'État ne devrait pas, dans les cas où on offre le service d'aide juridique, avoir un tarif précis pour les experts?

Mme Ferland (Lise): Je vais commencer par la deuxième partie de votre question. Évidemment, on est d'accord qu'il y ait un tarif pour les experts dans la me- sure où, actuellement, bon, c'est le libre marché. On essaie de négocier, mais c'est évident que les montants qui sont payés aux experts sont des coûts très importants et, souvent, c'est des coûts qui sont... On paie plus pour l'expert qui va venir témoigner que pour les avocats de pratique privée qui acceptent des mandats d'aide juridique; ils reçoivent beaucoup moins d'argent que l'expert qui vient. Bon, nous, on ne vit pas la réalité de ce point de vue là parce qu'on n'est pas des avocats de la pratique privée.

Mme Caron: Pouvez-vous donner des exemples de chiffres, là?

Mme Ferland (Lise): Bien, dans un dossier de droit matrimonial là, je veux dire, un avocat, il peut avoir, par exemple, 500 $ ou 600 $ pour une cause qui est contestée. L'expert qui va venir, je veux dire, pour avoir fait son expertise, il peut avoir 1200 $, lui, pour avoir rencontré deux adultes puis deux enfants. Bon, je n'ai pas tous les coûts en tête....

Mme Caron: Non. Ça va.

Mme Ferland (Lise): ...mais, je veux dire, des fois, c'est de cet ordre de grandeur là et plus. Bon. Alors, il y a une disproportion au niveau des coûts, mais on est d'accord avec une tarification.

Toutefois, ce dont on se rend compte, c'est qu'on s'est fait dire, nous, par certains experts, quand on veut plafonner les montants qu'on leur accorde: On n'en prend pas, des dossiers de l'aide juridique parce que notre tarif est tel montant; puis, de toute façon, vous allez nous payer juste 800 $ quand, normalement, je prends 1200 $. Donc, un expert, qui peut être quelqu'un de tout à fait compétent, qui serait notre meilleur expert pour le dossier qu'on veut défendre, va dire: Non, je ne viens pas dans votre cause à cause de ces restrictions financières là. C'est une arme à deux tranchants, sauf que, s'il y avait une réglementation de façon un peu plus générale, peut-être que ce serait un peu plus accepté. On ne peut pas être contre ça, de notre point de vue, puis pour l'amélioration du régime. (17 h 10)

L'autre aspect de votre question, puis là je le perds en même temps que j'essaie de vous... Ha, ha, ha!

Mme Caron: La difficulté pour le citoyen de se représenter.

Mme Ferland (Lise): Oui, les tribunaux administratifs. Qu'on se défende soi-même ou qu'on soit représenté par un avocat, les règles sont les mêmes. Le tribunal ne va pas assouplir ses règles parce que, moi, Mme Unetelle, j'arrive et je viens défendre ma cause. Donc, les citoyens n'ont pas nécessairement la compétence, ils ne connaissent pas les règles de droit, ils ne connaissent pas les règles de preuve et, à ce moment-là, on n'est pas à armes égales. C'est clair que, par

exemple, quand on est dans des dossiers en matière de sécurité du revenu, bon, d'aide sociale, ce n'est pas toujours un avocat qui est là. Mais c'est des fonctionnaires spécialisés qui sont là à la semaine longue devant le tribunal administratif, qui connaissent les règles de fonctionnement, qui connaissent la jurisprudence, qui connaissent les règles du jeu. Alors, quand la personne est là, seule, même si les commissaires font leur possible pour leur expliquer les règles de fonctionnement, ils ne peuvent pas présenter la preuve à la place de l'individu. Donc, c'est clair qu'à des moments donnés ça prend des avocats. Je veux dire, il y a des questions qui sont en jeu, il y a des questions de principe. Des fois, ça a l'air des sommes anodines.

À l'aide sociale, une coupure de 100 $ par mois, bon, au bout du compte, ce n'est pas beaucoup, 1200 $ dans une année, sauf que c'est des questions de principe, à des moments donnés, sur «pourquoi on va déduire, pourquoi on veut couper, quels droits on veut protéger».

Nous, on considère qu'on a développé une expertise... bien, nous et d'autres avocats, évidemment. Mais, pour bien représenter les droits des citoyens, souvent, ça prend une représentation par avocat.

Mme Caron: Puis c'est évident: quand vous faites appel au coût — 100 $ — sur un revenu de 600 $ ou 700 $ à l'aide sociale, c'est quand même important. C'est passablement plus important que 100 $ sur un revenu, là, qui serait de 60 000 $ par année. Évidemment.

Vous avez... Je veux revenir, moi aussi, parce que quelques organismes à but non lucratif ont abordé ça dans leur mémoire, sur l'importance... Ils sont admissibles à l'aide juridique, sauf qu'on calcule les revenus des personnes bénévoles là qui sont membres de l'organisme à but non lucratif pour donner le service. Mais, selon votre expertise, parce que ce que vous sembliez dire tantôt... Finalement, les demandes au niveau des organismes à but non lucratif comme les petites corporations, c'est surtout des demandes au niveau de l'information, au niveau de la consultation. Est-ce que ça va aussi à des demandes de défense?

Mme Ferland (Lise): Bien, il arrive qu'il y ait des demandes de défense. Je pense qu'on ne les exclut pas. Mais la majorité des demandes, dans l'expérience que, nous, on a, dans un premier temps, c'est des demandes d'information. Je veux dire, c'est un lien direct. Puis c'est peut-être lié au type de pratique qu'on a développé. Nous, on essaie de développer une pratique où les gens qui viennent nous voir ont des problèmes sociaux. C'est clair que le droit ne peut pas régler tous leurs problèmes. Alors, on essaie d'être en rapport direct avec les ressources qui sont sur le terrain et qui peuvent donner un complément dans la problématique que la personne vient nous soumettre. Bon.

Dans ce contexte-là, on a développé des liens privilégiés avec les autres organismes, et c'est clair que probablement qu'en retour ils ont développé aussi un réflexe de nous appeler lorsqu'ils ont des problèmes d'information. Donc, la majorité de nos demandes, c'est des demandes au niveau de l'information qui traitent soit des problèmes liés à leur corporation, que ce soit le bail, les rapports avec la taxation à la ville de Montréal... Bon, tu sais, c'est des questions récentes qui m'ont été soumises; ça me vient rapidement à l'idée. Mais on n'a pas nécessairement à intervenir. On a à donner des... je veux dire, à intervenir au niveau de l'ouverture d'un dossier, de la judiciarisation du problème parce que ça n'en est pas rendu là.

Puis c'est pour ça qu'on a aussi insisté sur l'aspect préventif, information. On se rend compte que, plus on donne aux gens les moyens de savoir comment je peux prendre mon problème, par quel bout je le prends, quelle étape je peux faire moi-même avant de me rendre au bureau de l'avocat... À ce moment-là, on évite des problèmes, on évite le nombre de dossiers.

On parle de différents moyens de déjudiciarisa-tion, de médiation. Mais, avant d'en arriver à la médiation, des fois, quand on a su l'étape A, l'étape B, l'étape C, on ne se rend pas en médiation, on a évité le problème, on a été capables de négocier notre dossier nous autres mêmes. Puis, ce qu'on essaie de faire, c'est ce genre de pratique là.

Mme Caron: Votre approche étant beaucoup plus globale, c'est évident qu'il doit y avoir un pourcentage extrêmement important de votre travail qui se situe davantage au niveau de l'information, de la prévention, de la consultation, plus que de la défense, finalement. Est-ce que vous avez pu établir certains barèmes du temps de travail?

Mme Ferland (Lise): On ne fait pas plus de... Je ne peux pas vous donner une statistique en pourcentage là, sauf qu'on a établi une façon de fonctionner où c'est clair qu'on est là pour offrir un service; on a le mandat d'offrir le service de l'aide juridique dans les deux quartiers. On le remplit, donc on fait le service de défense, de représentation, de négociation comme il doit être rendu par rapport à l'ensemble des demandes qui nous sont présentées. Et, lorsqu'on n'est plus capables de rendre les demandes, on émet des mandats pour que les gens aient un service rapide et efficace auprès d'un avocat qui accepte les mandats d'aide juridique dans notre secteur, sauf qu'il est clair aussi qu'on essaie, dans notre pratique, d'avoir un volet d'information, ce qui fait que, à tous les jours, un avocat de notre bureau est disponible pour répondre aux demandes qui nous proviennent de gens qui viennent soit au bureau, qui arrivent, bonjour, je veux avoir une information, ou qui demandent une information par téléphone, parce qu'on essaie, comme ça, de faire en sorte de diriger les gens vers les bons endroits.

Donc, ce n'est pas en termes de pourcentage, c'est en termes de services permanents. Il est là, ce service-là, puis on essaie de diriger les gens aux bons endroits et de dédramatiser souvent le problème parce que les gens qui reçoivent une mise en demeure, qui

reçoivent un téléphone d'une agence de collection qui les menace de saisie ou de n'importe quoi, ça, c'est la réalité de tous les jours: des gens qui n'ont pas d'argent puis qui se font harceler quotidiennement. Ils ont toujours l'impression que c'est la fin du monde puis que, là, il faut qu'ils courent chez l'avocat, puis que ça prend tout de suite une procédure. On leur explique c'est quoi, les règles, comment fonctionner, quoi dire, étape 1, étape 2. Souvent, ils ne viennent jamais à notre bureau après parce qu'ils ont su comment s'organiser avec leurs problèmes. De temps en temps, on les a. Ha, ha, ha! On prend le problème où il est rendu. C'est ce qu'on essaie de faire.

Mme Caron: On a bien compris, dans votre mémoire et dans vos commentaires, que votre priorité, c'est évidemment la hausse des seuils pour essayer de redonner un service d'aide juridique à l'ensemble de la clientèle qui était eligible en 1972, avec une indexation annuelle de ces seuils-là.

Mais, si l'État décidait d'ouvrir davantage et de toucher aux personnes à revenu moyen — vous l'abordez brièvement dans votre mémoire en page 11 —je ne sais pas si vous avez eu la chance, tantôt, d'entendre le mémoire du Barreau... Le moyen que vous privilégiez, est-ce que ça serait davantage ce qu'on considère un peu, ce dont le ministre parlait dans son document, d'une échelle progressive? Vous optez davantage pour un plan comme le propose le Barreau, des assurances juridiques ou une formule qui serait davantage une formule de crédit d'impôt?

Mme Ferland (Lise): On n'a pas débattu de ces questions-là au conseil d'administration — bien, en tout cas, de façon aussi spécifique, là, au conseil d'administration — ni lors des dernières assemblées générales, étant donné que ce n'étaient pas des choses qui étaient connues. Alors, je ne peux pas vous donner le point de vue de l'ensemble des membres de la corporation, sauf que, ce qui est clair, c'est que, à partir du moment où on aura fait le rattrapage et que les gens qui étaient admissibles en 1972 le seront maintenant, qu'on élargisse l'accessibilité à un plus grand nombre de personnes par différents moyens, notre corporation, on est d'accord avec ça au niveau du principe. Ça, c'est clair, je pense que je peux m'avancer jusque-là, les gens l'ont énoncé.

Au niveau de la mécanique comme telle, bon, les échelles progressives, tout ça, il faudrait voir, je veux dire, comment ça s'organise. Je veux dire, on n'est pas contre. Les assurances, on n'est pas contre ça non plus. Je veux dire, c'est comme mon collègue, tantôt, Me Cournoyer, disait: On ne peut pas être contre la vertu. C'est sûr qu'on ne peut pas être contre le fait qu'il y ait plus de gens qui soient admissibles, qu'il y ait une accessibilité à la justice. La mécanique précise... En tout cas, moi, j'aimerais voir, là, des chiffres pour voir: Bon, ça veut dire quoi pour les gens, je veux dire, qui ont entre 26 000 $ et 33 000 $ de revenu? On parle de combien, on parle de quel pourcentage, etc.? Mais on n'est pas contre ces formules-là, en principe.

Le Président (M. LeSage): M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Ménard: Moi aussi, je suis heureux de votre rapport. Vous existiez avant l'aide juridique, vous aviez une certaine originalité, puis je constate que vous l'avez gardée. Mais, justement, dans cette originalité, parce que je me souviens d'y avoir travaillé, avez-vous encore recours à des avocats qui donnent des consultations bénévoles?

Mme Ferland (Lise): Nous, on travaille avec des avocats de notre équipe qui font plus que leurs heures normales, qui vont dans les groupes. On essaie aussi le plus possible d'avoir des étudiants en stage, de permettre à des jeunes d'acquérir de l'expérience, des stagiaires du Barreau et des stagiaires de l'université aussi qui viennent prendre des expériences à des degrés divers et qui peuvent nous aider au niveau aussi de l'augmentation du service information qu'on peut rendre à la population. Alors, dans ce contexte-là, on essaie d'élargir le plus possible. (17 h 20)

M. Ménard: Est-ce que vous pourriez solliciter du bénévolat pour les nouveaux domaines que vous nous offrez, notamment les organismes à but non lucratif qui...? Je comprends parfaitement que les membres du conseil d'administration sont généralement des gens qui travaillent de façon bénévole, et ce serait injuste de juger de la capacité de cet organisme de faire payer des services juridiques par les membres du conseil d'administration. Mais, justement, l'ampleur du problème que ça représente, ça, est-ce que, en attendant que l'État ait des meilleurs revenus, ça ne pourrait pas être réglé si vous aviez de nouveau stimulé ou «ressourcé» le travail bénévole chez les avocats? Est-ce que vous ne pourriez pas régler ça en attendant...

Mme Ferland (Lise): Bien, je pense que... M. Ménard: .. .pour ces organismes-là?

Mme Ferland (Lise): Oui. Nous et l'ensemble de la communauté, je pense qu'effectivement on peut songer à différents moyens, parce qu'une des questions qui nous sont soumises ici, c'est: Bon, l'État a des ressources limitées, il faut trouver des moyens innovateurs et nouveaux. Je suis tout à fait d'accord avec votre suggestion. Ça peut être une façon d'augmenter les ressources disponibles pour les corporations sans but lucratif ou les corporations à but lucratif là, les petites. Ça, c'est sûr.

M. Ménard: Devant les tribunaux administratifs, quand vous devez faire assister quelqu'un, est-ce que c'est toujours par un avocat ou si vous avez pu développer, dans certains domaines, des gens qui ne sont pas

avocats mais qui développent une expertise très pointue soit en matière de logement, soit en matière d'accidents du travail ou en matière d'accidents de la route ou... comme les syndicats?

Mme Ferland (Lise): Oui. Effectivement, devant les tribunaux administratifs, il y a des organismes communautaires qui ont développé des expertises très pointues, comme vous le dites, effectivement pertinentes qui sont capables de faire un très bon travail. Notre préoccupation n'est pas de préserver un champ d'intervention. On ne veut pas se préserver du travail, là. Je veux dire, on en a beaucoup. Ce n'est pas dans cette optique-là qu'on vous soumet nos remarques.

C'est peut-être aussi dans l'optique que, si on reconnaît que ces organismes-là ont développé une compétence, je pense qu'il faudrait que le financement vienne avec parce que ces organismes-là, que ce soient des organismes qui protègent les chômeurs, qui protègent les assistés sociaux, qui protègent les accidentés du travail ou les personnes qui travaillent au bas de l'échelle ou au revenu minimum, etc., c'est des organismes qui, d'une année à l'autre, ont un financement précaire, qui ne savent jamais si ça va se renouveler. Les salariés qui travaillent dans ces organismes-là, ils travaillent presque au salaire minimum, des fois, ils font des heures de fous. Ils ont acquis des compétences, c'est vrai, puis il faut les reconnaître, puis je pense qu'ils n'ont pas une reconnaissance suffisante par rapport au travail qu'ils font.

Mais, si ce qu'on veut faire, c'est dire: On va enlever ces services-là de la couverture de l'aide juridique, on la transfère aux organismes qui ont développé une compétence, bien, qu'on transfère l'argent qui va avec. Si on ne fait pas d'économies, ça donne quoi de transférer? Ou bien qu'on finance les deux correctement. Mais, je pense que, si on reconnaît une compétence, il faut la reconnaître avec le financement qui va avec.

Le Président (M. LeSage): Ça va, M. le député de Laval-des-Rapides? M. le député d'Anjou? Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata.

Mme Dionne: Oui, M. le Président. J'aimerais revenir à la question du député de Laval-des-Rapides sur le bénévolat. On sait, par exemple, qu'au New Hampshire ils ont, eux autres, une loi qui dit: Déficit zéro, hein? Alors, il y a des années où ils sont obligés de couper dans bien des services malgré la demande, et surtout dans des périodes difficiles; la demande est peut-être plus forte par rapport aux sommes d'argent disponibles.

Us ont développé un service qu'on appelle peut-être «consultation-médiation» là à une étape où ce sont des avocats ou, en tout cas, des juristes à la retraite qui ont une formation spéciale et qui viennent donner un coup de main au ministère de la Justice dans son aide juridique, dans tout le système, là. Et, on nous dit, parce que je suis allée les rencontrer dernièrement, que c'est intéressant et que les gens à la retraite, comme ça, retrouvent une deuxième motivation puisqu'ils viennent avec leur expérience, leur bagage extraordinaire au fil des années. Et je pensais peut-être que, dans un organisme comme le vôtre, qui est dans un quartier, là, pas facile, à Montréal, où vous avez beaucoup de problèmes différents à résoudre, beaucoup de consultations diverses à faire...

Est-ce qu'un projet-pilote comme ça pourrait être intéressant pour aider justement, là, à répondre aux différentes demandes, à mieux aider la population? Parce que vous demandez d'une part que les services soient accessibles à un plus grand nombre de personnes, et on n'a pas beaucoup plus les sommes d'argent, là. On a beau, peut-être, rêver en couleur que l'avenir va être rose, mais je pense qu'il va quand même rester rose pâle, hein, même dans les meilleures années. Est-ce qu'une proposition comme celle-là ou un projet comme celui-là pourrait vous intéresser? J'aurais peut-être dû poser la question au Barreau tantôt, là, à savoir s'il était intéressé à le faire. Mais, pour un organisme comme le vôtre, est-ce que ce serait intéressant?

Mme Ferland (Lise): Bien, oui, effectivement, c'est une idée intéressante. Moi, je trouve que plus on aura d'idées pour être capables de mettre à profit les ressources et les connaissances qu'on a... Je veux dire, on va toujours être d'accord avec ça. C'est bon pour nous, puis j'allais effectivement vous dire: Bien, dans le fond, la solution aurait dû être proposée au Barreau aussi dans la mesure où, je veux dire, nous, on vit des problèmes particuliers dans notre quartier; on vous parle de la réalité qu'on connaît. Mais, je veux dire, toutes les corporations d'aide juridique ou, finalement, toutes les autres personnes pourraient vous dire: On rencontre aussi des problèmes.

Puis, essayez de trouver, quand vous avez un problème ou que n'importe quel citoyen a un problème, où il peut appeler. Est-ce qu'il peut appeler facilement un avocat pour lui dire: Écoute, j'ai tel problème? Par quel bout je le prends, mon problème? Je veux dire, la plupart du temps, on ne peut pas appeler un avocat de pratique privée, regarder dans le livre de téléphone là, puis en prendre un, puis dire: Est-ce que tu pourrais me donner une petite consultation? J'ai un problème. Bon, comment je fais? Ça serait intéressant si la suggestion pouvait être jumelée, bon, à nos cas particuliers ou à des quartiers où il y a des problèmes plus accrus, mais aussi à n'importe qui. Je veux dire, c'est une ressource qui éviterait probablement de judiciariser certains dossiers.

Mais votre question m'amène aussi, quand on essaie de voir où est-ce qu'on peut... Bon, parce que vous dites: De l'argent, on n'en a pas, puis c'est clair que la situation reste difficile, et elle va rester difficile pour les prochaines années. On ne se fait pas d'illusions, personne.

Nous, quand on est à l'aide juridique, on se dit aussi: C'est clair qu'il y a des choses qu'on ne devrait peut-être pas faire. Ça permettrait des économies. Par exemple, à l'aide sociale, on veut donner le moins d'argent possible. On essaie de couper parce que la demande

est accrue. Donc, on essaie de dépenser le moins possible. Je pense que le gouvernement a aussi à faire une espèce d'analyse de ce qui se passe, parce que, nous, on nous demande de faire de la perception de pensions alimentaires. On nous demande d'exercer des recours pour des femmes, la majorité du temps, en leur disant: Faites valoir vos droits, allez chercher votre pension alimentaire, exercez-les. Pourquoi est-ce qu'on n'a pas un système de perception automatique des pensions alimentaires qui ferait qu'on n'aurait pas besoin de faire ce travail-là?

Quand on est dans ce genre de dossiers là, il y a l'avocat de l'aide juridique qui représente la madame, l'avocat de l'aide juridique, des fois, qui représente le monsieur, un représentant du Procureur général qui est là puis, de temps en temps, le percepteur des pensions alimentaires. On est quatre avocats payés, salariés, pour aller chercher une petite pension alimentaire de je ne sais pas combien, des fois, 25 $ par semaine, 50 $. Si on la percevait automatiquement, on réglerait ce problème-là. Puis c'est une pratique qui est importante. Je pense qu'il y a une économie d'échelle à faire là, puis on pourrait analyser point par point l'ensemble de la mécanique de notre fonctionnement pour être capables de voir où on peut faire des économies.

Je vous donne un exemple, puis je n'ai pas fait l'analyse de l'ensemble des situations, mais il y a des exemples comme ça où on pourrait couper.

Mme Dionne: O.K. Il y a des exemples d'efficacité là que vous pourriez étudier, à tout le moins là pour...

Mme Ferland (Lise): Bien, je vous dis, quand on est quatre avocats là pour une petite affaire...

Mme Dionne: Oui, O.K. Ça devait être cher, hein?

Mme Ferland (Lise): ...de pension alimentaire, c'est à se poser des questions sur ce qu'on fait là tous les quatre.

Mme Dionne: O.K. Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. LeSage): Merci, Mme Ferland. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur le côté de l'Opposition?

Mme Caron: Bien, M. le Président, je vais prendre...

Le Président (M. LeSage): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Peut-être prendre seulement les deux minutes qui nous restent pour vous remercier beaucoup de votre intervention. Je partage beaucoup des éléments que vous avez présentés dans votre mémoire. D'ailleurs, dans les remarques préliminaires, ce matin, je parlais longuement des moyens aussi qu'il faut ajouter, autant la conciliation, la médiation et la perception automatique des pensions alimentaires parce que, effectivement, souvent, c'est l'État qui va demander une procédure à la personne qui demande son aide sociale. On lui demande d'aller percevoir sa pension alimentaire même si elle sait que, finalement, il n'y a pas de revenus de l'autre côté. Les procédures vont être entamées quand même, et c'est l'État qui paie quand même.

Alors, moi, je vous remercie infiniment de votre participation et je souhaite qu'il y ait beaucoup, beaucoup de services au niveau de l'information et de la prévention, au niveau des consultations, qui s'ajoutent un petit peu partout dans toutes les régions du Québec parce que votre dynamisme est passablement intéressant.

Le Président (M. LeSage): Merci, Mme la députée de Terrebonne. M. le ministre.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Alors, Mme Laurin, Mme la présidente de la corporation Pointe-Saint-Charles—Petite Bourgogne, Me Ferland et Me Harvey... Je vous demande, dans un premier temps, Mme la présidente, de saluer les membres de votre corporation qui, quotidiennement, comme tous ceux et celles qui travaillent à l'intérieur des conseils d'administration, puis je le disais ce matin dans mon intervention préliminaire... Les remercier pour le travail bénévole qu'ils font pour les plus démunis. (17 h 30)

Vous nous avez, dans un premier temps, soumis un mémoire, et je l'indiquais tout à l'heure, qui démontre de façon très claire que vous connaissez bien le problème, que vous connaissez bien la situation. Votre démonstration de cet après-midi a été également aussi éloquente. Je retiens que vous souhaitez, dans un premier temps, et c'est ce que vous m'avez indiqué, Me Ferland, qu'on se penche d'abord et avant tout sur le sort de ceux et celles qui devraient, selon vous, bénéficier du système d'aide juridique. Vous souhaitez particulièrement qu'on intervienne, comme d'autres intervenants, au niveau de l'amélioration du seuil d'admissibilité. Et si, par hypothèse, on avait des sommes additionnelles disponibles, il faudrait évaluer les propositions 6, 7, 8, 9 et 10 de la page 5 de votre document.

Merci d'être venues à Québec aujourd'hui. Je vous souhaite à toutes les trois un excellent retour. Merci beaucoup.

Des voix: Merci.

Le Président (M. LeSage): Alors, ceci complète les travaux de la commission pour aujourd'hui. J'ajourne les travaux à demain matin, soit le 2 mars, à 10 heures.

(Fin de la séance à 17 h 32)

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