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(Dix heures cinq minutes)
Le Président (M. LeSage): Le mandat de la commission pour
cette séance est de procéder à l'interpellation
adressée au ministre de la Sécurité publique par le
député de Jonquière sur le sujet suivant: la contrebande
et le commerce illégal. Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la
secrétaire?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Poulin
(Chauveau) remplace Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata); M. Bergeron
(Deux-Montagnes) remplace M. Fradet (Vimont); M. Filion (Montmorency) remplace
M. Beaulne (Bertrand).
Le Président (M. LeSage): Merci, Mme la secrétaire.
Je me permets de vous rappeler brièvement le déroulement d'une
séance d'interpellation. Dans un premier temps, le député
de Jonquière, qui a demandé l'interpellation, aura un temps de
parole de 10 minutes, suivi du ministre pour également 10 minutes. Par
la suite, des périodes de 5 minutes seront allouées selon l'ordre
suivant: un député de l'Opposition, le ministre, un
député du groupe ministériel et ainsi de suite. Vingt
minutes avant la fin de la séance, j'accorderai une période de 10
minutes de conclusions au ministre et un temps équivalent au
député de Jonquière. Sur ce, M. le député de
Jonquière, vous avez la parole pour 10 minutes.
Exposé du sujet M. Francis Dufour
M. Dufour: Merci, M. le Président. La contrebande et le
commerce illégal sont devenus de véritables fléaux au
Québec: cigarettes, alcool, armes, vêtements, jusqu'au parfum. Le
marché noir cause des ravages importants à l'économie et
mine la crédibilité de l'État québécois
à endiguer ces activités illégales.
Plusieurs facteurs expliquent la montée fulgurante de la
contrebande et du commerce illégal: taxes élevées,
récession économique, accroissement de la pauvreté et
diminution de la légitimité de l'État chez bon nombre de
citoyens. Le marché noir n'a certes pas encore atteint un point de
non-retour, comme c'est le cas dans d'autres pays. Cependant, sa progression
rapide a de quoi inquiéter. C'est maintenant, au moment où
l'État n'a pas perdu totalement le contrôle, qu'il faut s'y
attaquer. De plus, l'État possède toute l'information pour
extirper la racine du mal.
Examinons la contrebande du tabac non seulement parce que l'on en parle
beaucoup, mais surtout parce que cette pratique fait perdre des centaines de
millions de dollars aux gouvernements du québec et du canada. en 1992,
la contrebande de cigarettes a fait perdre aux gouvernements du québec
et du canada 1 600 000 000 $ en revenus de taxation et, pour l'ensemble des
détaillants de cigarettes au canada, c'est-à-dire ceux qui
vendent légalement les produits de tabac, les pertes ont atteint 2 300
000 000 $ en 1992, soit une hausse de 64,3 % par rapport à 1991. au
québec, le marché de la contrebande des cigarettes s'est
multiplié par 10 entre 1990 et 1992, passant de 6 300 000 cartouches en
1990 à 63 500 000 cartouches en 1992. le québec décroche,
d'ailleurs, la plus grosse part du gâteau du marché de la
contrebande des cigarettes au canada puisque 49,3 % de ce marché
illicite se produit chez nous. l'ontario arrive au deuxième rang avec
23,5 % du marché.
Afin de mieux illustrer à quel point la contrebande de cigarettes
atteint des proportions épidémiques, notons que les fabricants de
cigarettes ont vu leur production s'accroître de 4 % entre 1991 et 1992,
alors que les ventes légales ont diminué de 15 % durant la
même période. Les producteurs de cigarettes fabriquent plus de
cigarettes, mais les ventes légales diminuent. C'est clair, la
contrebande du tabac prolifère. On dit qu'au Québec un fumeur sur
trois fume des cigarettes de contrebande. Partout, au travail, dans les
restaurants, les bars, les écoles, les taxis et même dans les
hôpitaux, il est maintenant possible de se procurer des cigarettes de
contrebande. Les revendeurs se sont multipliés à la vitesse de
l'éclair.
Si la contrebande de cigarettes a pris autant d'ampleur et qu'elle
compte autant de ramifications, c'est que le gouvernement, à qui revient
la tâche de contrer les contrebandiers, n'a pas déployé
tout l'arsenal nécessaire pour stopper dès le départ ce
commerce illégal. Les experts estiment, d'ailleurs, que la contrebande
du tabac a pris son véritable envol en 1986, ce qui fait maintenant sept
ans, bientôt huit. Ici, je veux simplement rappeler au ministre de la
Sécurité publique que son gouvernement est au pouvoir depuis
1985. Ces mêmes experts policiers, fonctionnaires du
ministère du Revenu et représentants des entreprises de tabac
identifient avec précision quelques endroits où s'organise
la contrebande du tabac. Les territoires mohawks d'Akwesasne, de Kahnawake et
de Kanesatake sont au haut de la liste. Je n'apprends certainement alors rien
au ministre qui connaît parfaitement la situation. Or, pour toutes sortes
de raisons, les forces policières avec, semble-t-il, la
bénédiction du ministre de la Sécurité publique,
n'interviennent à peu près jamais dans ces endroits. Le ministre
semble, en effet, espérer que la contrebande cessera d'elle-même
et que les individus, qui se livrent au com-
merce illégal du tabac, mettront fin d'eux-mêmes à
cette activité extrêmement lucrative. (10 h 10)
Cependant, le ministre n'affiche pas la même tolérance
vis-à-vis le reste de la population du Québec. Par exemple, il
n'a pas hésité, le 31 août dernier, à cautionner une
perquisition sur la réserve huronne-wendat près de Québec.
Cette perquisition, qui a permis à la police du tabac et à la
Sûreté du Québec de saisir des cigarettes de contrebande
pour une valeur de 200 000 $, a démontré, au dire du ministre de
la Sécurité publique, la justesse de l'opération.
Félicitations au ministre pour ce beau coup de filet. Toutefois, peut-il
nous expliquer et expliquer à la population du Québec pourquoi il
n'intervient pas avec autant de vigueur à Kahnawake, à Akwesasne
et à Kanesatake où, j'en suis sûr, il pourrait pavoiser
bien davantage en y effectuant des saisies records?
Même le député libéral de Chauveau où
est située la réserve huronne-wendat n'a pas
apprécié cette politique de deux poids, deux mesures. Ce sont ses
commentaires à l'endroit de son gouvernement en matière de lutte
à la contrebande de cigarettes. Le député de Chauveau
déplore que seuls les Hurons de sa circonscription aient
été la cible d'une descente de la Sûreté du
Québec et de la police du tabac de son gouvernement, alors que les
Mohawks, eux, peuvent agir impunément. Il faut tout de même se
demander s'il y a une justice et si elle devrait être égale pour
tous, de dire le député de Chauveau, qui, ce faisant, blâme
sévèrement le gouvernement dont il fait partie.
Certes les Hurons de Wendake ne bloquent pas de routes et n'intimident
pas la population à coups de mitraillette. Certains d'entre eux se
livrent au commerce illégal de cigarettes, ce qui mérite,
évidemment, d'être réprimandé. Cependant, ailleurs
à Québec où on bafoue allègrement les lois en se
livrant, au vu et au su de tous, non seulement au commerce illégal du
tabac, mais également à celui de l'essence et des armes,
là une règle d'exception s'applique, le gouvernement ferme les
yeux.
Au début, le ministre nous parlait pratiquement de
sécurité d'État pour ne pas intervenir. Aujourd'hui, on
est rendu que deux individus font la pluie et le beau temps dans tout le
Québec, au vu et au su de tout le monde, et il ne se passe rien. On peut
peut-être comprendre que, entre la sécurité de
l'État et deux petits «bums» sur le bord de la route qui
font des actes qui sont illégaux, il y a une question de jaugeage et une
question aussi de jugement.
Nous aurons l'occasion de revenir sur cette oasis que constituent, pour
les trafiquants de toutes sortes, les territoires mohawks du Québec.
J'interrogerai également le ministre sur le niveau de
responsabilité de chacun des paliers de gouvernement impliqués
dans la lutte à la contrebande du tabac, où la confusion la plus
totale règne, où chacun renvoie la balle dans le camp de l'autre,
blâmant son voisin en s'en lavant les mains.
Puisque cette interpellation porte non seulement sur la contrebande,
mais aussi sur le commerce illégal, je m'en voudrais de ne pas aborder
un autre commerce tout à fait illégal qui continue de fonctionner
malgré plusieurs jugements de tribunaux et l'adoption d'une loi à
l'Assemblée nationale en juin dernier. Je veux parler des
vidéopokers. La loi 84, qui crée la Régie des courses, des
alcools et des jeux, permet, depuis le 15 septembre dernier, aux forces
policières de saisir les appareils illégaux
disséminés à travers le territoire
québécois. En fait, avant l'adoption de la loi, la Cour
suprême avait déclaré les vidéopokers
illégaux. Cependant, les forces policières n'avaient pas
procédé à des saisies massives. On croyait pourtant que
l'adoption de la loi 84 et la prise en charge par Loto-Québec des
appareils vidéopokers permettraient enfin aux policiers de saisir les
quelque 25 000 appareils non seulement illégaux, mais concurrentiels
à Loto-Québec. Or, rien n'a été fait et rien, selon
la Sûreté du Québec, n'est prévu en ce sens.
Du côté du ministre de la Sécurité publique,
on avoue ne pas savoir quoi faire des appareils illégaux.
L'attaché de presse du ministre déclarait, dimanche dernier, au
journal Le Soleil que le ministère espérait que les gens vont
s'en départir avant que le plan de saisie ne soit mis au point, ce qui,
selon la Régie des courses, des alcools et des jeux, ne se fera pas
avant 1994. Exploitants de vidéopokers, vous pouvez dormir en paix, le
gouvernement ne sait quoi faire avec vous.
Avant de conclure ma première intervention, je vous informe que
mon collègue, le député de Montmorency et critique de
l'Opposition officielle en matière de revenu, fera également
quelques interventions. Merci, M. le Président.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le
député de Jonquière. Je cède maintenant la parole
à M. le ministre pour 10 minutes.
Réponse du ministre M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir de rencontrer
le député de Jonquière, ce matin, à l'occasion de
l'interpellation qu'il a demandée. Nous ferons une discussion la plus
responsable et la plus constructive possible des sujets qu'il a abordés.
Il a abordé deux sujets, en fait, dans son intervention: tout d'abord,
la contrebande du tabac et, deuxièmement, les vidéopokers.
Je vais commencer par les vidéopokers, parce que c'est plus
simple et je pense qu'on pourra en disposer plus rapidement. Le
député demande pourquoi nous n'avons pas procédé
après le jugement de la Cour suprême rendu il y a environ deux
ans. Pour une raison bien simple, c'est qu'il fallait à ce
moment-là établir une preuve à propos de chaque appareil
qui était saisi. Il fallait établir la preuve qu'on y donnait des
sommes d'argent pour des parties qui avaient été jouées.
Alors, c'est une preuve très complexe à monter. Souvent, quand
arrivait l'audition de la cause devant le tribunal, il surgissait des
complications de toutes sortes qui
empêchaient de procéder efficacement. C'est là qu'on
a décidé de modifier la législation.
Nous avons adopté la loi 84 au mois de juin, et le
député disait: Veillez tranquillement, exploitants de
vidéopokers, le gouvernement ne sait pas quoi faire avec vous. Je tiens
à assurer le député de Jonquière que le
gouvernement sait très bien ce qu'il y a lieu de faire là-dedans.
Nous avons établi tout le dispositif nécessaire et, avant la fin
de la présente année, les vidéopokers qui sont
installés de manière illégale actuellement dans
différents endroits du Québec auront disparu de ces endroits. Je
peux en donner l'assurance. Et, si le député pense que nous ne
savons pas quoi faire avec ça, je pense qu'il est dans l'erreur; nous
savons très bien quoi en faire. Nous logerons ces appareils qui auront
été saisis dans des endroits appropriés et, avant d'en
disposer, il faudra, comme la loi le prescrit, que des ordres aient
été donnés par la cour. Il n'appartient pas à la
police de décider de commencer à détruire des objets
saisis; ça prend d'abord un jugement de cour.
Alors, de ce point de vue là, je pense que nous avons tout ce
qu'il faut pour régler le problème. À partir de ce
moment-là, c'est la responsabilité de Loto-Québec
d'implanter le nouveau système autorisé par la loi et
Loto-Québec le fera, puis on pourra lui demander des comptes s'il arrive
des complications de ce côté.
En ce qui touche le tabac, on ne saurait trop souligner que la
prolifération de la contrebande a suivi de manière presque
mathématique l'augmentation inconsidérée du fardeau
fiscal. Le député a eu accès comme moi à des
études de ce côté. Le fardeau fiscal qui pesait sur une
cartouche de cigarettes il y a à peine cinq ans était de 2,11 $,
fédéral et provincial combinés. Aujourd'hui, il est de
13,30 $. Le fardeau fiscal est rendu 10 fois plus élevé qu'aux
États-Unis.
Les décisions qui ont été prises surtout par le
gouvernement fédéral parce que les quatre
cinquièmes de cette augmentation proviennent d'augmentations
faramineuses imposées à deux reprises par le gouvernement
fédéral, soit en 1990 et en 1991 ça n'avait pas de
bon sens. C'était presque inévitable que surgissent des
développements comme ceux-là. Nous autres mêmes, voyant que
le fédéral voulait s'approprier tout le produit des impôts
qui pesaient sur le tabac, avons décidé d'en prendre une part. Et
tout le monde se souvient que les gouvernements étaient résolus
à agir sur le tabac, à réduire la consommation de tabac
à cause de ses grandes conséquences sur la santé des
citoyens. Mais nous avons aujourd'hui des résultats qui ne sont pas
particulièrement intéressants.
Maintenant, certains s'imaginent qu'il suffit que le ministre donne un
coup de téléphone à la Sûreté du
Québec ou à la Gendarmerie royale pour que tout puisse se
régler du jour au lendemain. Ce n'est pas comme ça que les choses
se passent; ce n'est pas comme ça que les choses se passent du tout. Une
personne qui va vendre du tabac illégalement dans un dépanneur,
par exemple, peut être l'objet d'une visite d'un policier. Il peut y
avoir une saisie moyennant des modalités qui sont assez complexes,
d'ailleurs. Mais, là, elle va être traduite devant les tribunaux,
elle va peut-être être condamnée à 150 $ d'amende
trois ou six mois après. Pendant ce temps-là, qu'est-ce que vous
pensez qu'elle fait? Elle recommence à vendre des cigarettes la semaine
suivante en souhaitant qu'elle ne sera pas prise. Et, si elle est prise, les
sanctions ne sont pas du tout à la hauteur de la gravité que nous
attachons maintenant à ce genre de délit.
Je me rappelle que le surintendant de la Gendarmerie royale du Canada,
à qui j'avais posé ce problème-là il y a un an et
demi ou deux ans, m'avait dit: M. Ryan, tant que nous n'aurons pas des
sanctions beaucoup plus lourdes en cette matière, les gens vont
continuer de choisir cette voie-là. Alors, ça, c'est un gros
point. Nous avons un projet de loi qui est présentement à
l'étude, le projet de loi 90, qui augmenterait les amendes
prévues dans ces cas-là. Mais, même le montant des amendes
que nous aurons n'est pas à la hauteur du problème qui se pose
à nous.
Je vous donne un autre exemple. Il ne suffit pas d'aller voir un
dépanneur et de le saisir; il faut savoir qui l'approvisionne. Il ne
suffit pas de saisir le camionneur qui est venu distribuer les cigarettes; il
faut savoir à quoi ça remonte. Savez-vous que, actuellement, pour
des délits de ce genre-là, la police n'a même pas
l'autorisation de procéder par écoute électronique? C'est
interdit. C'est interdit parce que ce ne sont pas des offenses criminelles pour
lesquelles on peut obtenir l'autorisation de faire de l'écoute
électronique.
Il y a des problèmes inhérents aux chartes de droits
également. Certains pensent qu'il suffit que la police se mette le long
de la route et qu'elle décide d'arrêter un camion qui passe. On
n'a pas le droit de faire ça. Elle n'a pas le droit de faire ça.
Il faut qu'elle ait des motifs raisonnables de penser qu'il y a des cigarettes
logées illégalement dans ce camion ou dans cette voiture. Et il
est arrivé des jugements de la Cour suprême qui ont établi
que, comme on n'avait pas pu démontrer qu'il y avait un motif
raisonnable avant d'agir, on ne l'a pas fait. Alors, ce sont toutes des
considérations dont on omet de tenir compte quand on parle de ce
problème-là. Il n'est pas facile d'établir une
stratégie efficace; ça prend un certain temps. (10 h 20)
Puis il y a la composante amérindienne qui vient compliquer
encore davantage la situation. Je l'ai dit souvent: Nous ne pouvons pas traiter
les comportements qui se produisent à l'intérieur des
réserves indiennes de la même manière que nous traitons les
comportements de la population en général sur le territoire. Les
réserves indiennes sont peuplées par des personnes qui sont des
protégés du gouvernement fédéral en vertu de la Loi
sur les Indiens. Nous avons eu des événements déplorables,
il y a à peine trois ans, à la suite d'interventions qui avaient
été faites par la police en réponse à des attentes
comme celles qui sont formulées aujourd'hui et, depuis un certain temps,
par les médias, mais nous avons conclu que la méthode forte que
semble préconiser le
député de Jonquière... Puis, je lui ai posé
une question en Chambre hier; s'il veut dire autre chose que ça, il va
nous le dire ce matin. On a l'occasion d'en parler ensemble; ça me fera
plaisir de l'entendre.
Nous ne rejetons pas la méthode forte, mais nous disons: C'est le
dernier recours. C'est le dernier recours. Et, quand on décidera de
prendre ce recours-là si jamais c'est décidé
il faudra être prêts à assumer toutes les
conséquences qui vont avec ça, qui doivent accompagner un recours
comme celui-là. Et, je le dis tout de suite parce que j'ai suivi le
développement de ce dossier-là depuis trois ans et demi sans
interruption, il ne suffira pas d'une intervention policière pour
régler ce problème-ci. Il y a une composante politique qui
s'accompagne de complications extrêmement sérieuses. Il y a deux
gouvernements qui sont impliqués, pas seulement un. Puis, si
Québec voulait agir seul là-dedans, je pense que Québec
ferait rapidement fausse route. Les conséquences seraient incalculables.
Il faut absolument qu'il y ait une meilleure concertation avec le gouvernement
fédéral. Nous avions commencé de l'établir avec le
gouvernement précédent, mais c'est long. De gouvernement à
gouvernement, malheureusement, on n'en vient pas toujours aussi rapidement
qu'il le faudrait aux conclusions nécessaires.
Je vous donne seulement un exemple. Actuellement, la loi qui est
principalement concernée par les délits sur le tabac, c'est la
loi fédérale sur l'accise, puis la loi fédérale sur
les douanes. Savez-vous que nos policiers de la Sûreté du
Québec ne sont pas mandatés pour appliquer cette loi. Ça
veut dire que, s'ils prennent quelqu'un qui semble être en défaut
à propos de la loi fédérale sur l'accise, là, il
faut qu'ils téléphonent à la Gendarmerie royale, que
celle-ci se rende sur les lieux pour faire les constatations et
procéder. On n'a pas le temps, quand on lutte contre le crime... Ce
n'est pas un crime au sens propre du terme encore, maintenant, mais, quand on
lutte contre des délits comme ceux-là, je pense qu'il faut avoir
des moyens d'action beaucoup plus rapides. C'est pour ça que nous allons
demander au nouveau gouvernement qui vient d'être formé qu'une
concertation beaucoup plus étroite s'établisse entre nous, de
manière que nous puissions rendre plus efficace l'action contre la
contrebande du tabac.
Mais j'ajoute en terminant que la police, contrairement à la
légende que veut répandre l'Opposition, est beaucoup plus active
qu'on ne veut le laisser entendre. Seulement au cours de l'année 1993,
il y a eu 3192 saisies faites par la Gendarmerie royale du Canada dans la
province de Québec en matière de tabac. Il y en a eu 554 par la
Sûreté du Québec; à quoi il faut ajouter celles qui
ont été faites par la police du tabac. La valeur totale des
marchandises qui ont été saisies va chercher de 12 000 000 $
à 15 000 000 $, en tenant compte des saisies qui ont été
faites par la police du tabac.
Laisser croire qu'il ne se fait rien, je pense que c'est induire la
population en erreur. Il se fait beaucoup de choses, mais, toutes ces saisies,
il faut aller devant le tribunal après. La police n'a pas le droit
d'imposer une sanction d'elle-même; il faut aller devant le tribunal.
Ça, ça prend du temps. Des fois, pour une saisie de 10 paquets de
cigarettes, ça va coûter 5000$, 10 000$, 15 000 $ pour instituer
des procédures judiciaires. Il faut penser à tout ça. On
est en face d'un genre de problème qui est très particulier,
parce qu'il se présente sous des formes infiniment variées et
nombreuses. Tant qu'on n'aura pas mis la main sur les réseaux qui sont
responsables de tout ceci, je pense que le problème ne sera pas
résolu.
Le Président (M. LeSage): M. le ministre, je m'excuse,
mais le temps qui vous était imparti est écoulé. Je vous
remercie. Je cède maintenant la parole au député de
Jonquière. M. le député de Jonquière.
M. Dufour: Oui. On va enchaîner...
Le Président (M. LeSage): Pour cinq minutes, M. le
député de Jonquière.
Argumentation M. Francis Dufour
M. Dufour: Merci, M. le Président. On va enchaîner
sur le tabac, puisque c'était la fin des propos du ministre. Il est de
notoriété publique qu'une bonne partie du commerce illégal
de cigarettes au Québec se fait à partir des territoires mohawks
de Kahnawake, Kanesatake et Akwesasne. Les services policiers sont au courant,
le gouvernement aussi. C'est également à partir de ces endroits
qu'une bonne partie du trafic d'armes se fait. Ça aussi, la police le
sait, tout comme le gouvernement. Le commerce illégal se fait parfois
même au su et au vu de tous, comme en témoigne un récent
reportage de Radio-Canada montrant des personnes en train de vendre des
cigarettes de contrebande sur le bord d'une route à Oka.
Lors d'une question en Chambre, mardi dernier, le ministre de la
Sécurité publique nous a informés que ces deux individus
avaient cessé leur commerce illégal depuis la diffusion du
premier reportage. Or, il n'en était rien, puisqu'un deuxième
reportage diffusé mardi soir nous montrait de nouveau les mêmes
individus munis d'affiches annonçant leurs produits et vendant des
cartouches de cigarettes aux automobilistes, comme quoi le ministre est ou mal
informé ou incapable d'intervenir comme il se doit. En soi, ce cas peut
paraître relativement mineur, mais, aux yeux de la population, il fait
figure de symbole de l'inertie des autorités policières et
gouvernementales.
Le ministre, pour justifier son inaction, nous répond que la
situation est délicate, qu'il faut être prudent, qu'il y a
plusieurs niveaux de gouvernement impliqués et que c'est
compliqué. Je pense qu'il en a fait la démonstration. Je
n'invente rien. Il nous parle toujours que c'est compliqué, qu'on ne
peut rien faire. Bon, il y a trop de gouvernements dans l'histoire, on en
parlera tout
à l'heure. On n'a pas de solution. On y touchera au fur et
à mesure que la discussion continuera.
Bientôt, nous dit-il, il entreprendra une discussion avec son
homologue fédéral pour que les policiers de la
Sûreté du Québec puissent intervenir directement et non
plus seulement signaler les infractions à la Gendarmerie royale du
Canada ou à la police du tabac. Notons, toutefois, que le ministre n'a
jamais réussi à obtenir quoi que ce soit de l'ancien ministre
Lewis, mais ce n'est pas grave, puisque le ministre a pardonné à
l'ex-ministre Lewis de s'être présenté les mains vides
à Québec, le 2 septembre dernier. Le ministre avait pourtant
demandé l'aide d'Ottawa en mai 1993, mais le ministre est patient et peu
préoccupé par la contrebande qui ne cesse d'augmenter pendant
qu'il tergiverse.
La même chose prévaut à Akwesasne où,
d'après le ministre, le fait que la réserve chevauche à la
fois le Québec, l'Ontario et l'État de New York rend les
opérations policières compliquées. Il n'y a pas un moyen,
M. le ministre, pour que ces trois gouvernements se parlent et se concertent?
D'ailleurs, à force de toujours renvoyer la balle aux autres, on peut se
demander si le ministre a le pouvoir ou la volonté réelle de
trouver une solution pour enrayer la contrebande du tabac et le trafic des
armes.
En commentant la non-intervention des policiers sur les réserves
mohawks en septembre dernier, le ministre déclarait qu'il se pose, dans
ces cas, des situations particulières où des jugements
«prudentiels», qui sont constamment renouvelés, s'imposent.
Le ministre de la Sécurité publique, plutôt que de louvoyer
constamment, pourrait peut-être profiter de cette interpellation pour
nous fournir un portrait précis de la situation particulière qui
prévaut sur les réserves mohawks et qui l'amène à
porter des jugements «prudentiels».
Le ministre, tout à l'heure, nous disait: Vous savez, on ne peut
pas arrêter quelqu'un à vue, on ne peut pas fouiller. Je veux lui
rappeler qu'il y a un jugement de la Cour suprême, si ma mémoire
est exacte, où il a été reconnu que la police avait le
pouvoir d'établir des barrages routiers afin de savoir si les individus
étaient en boisson ou s'il y avait des choses qui n'étaient pas
correctes. Ça ne fait pas tellement longtemps, et la police, depuis ce
temps-là, peut installer des barrages lorsqu'elle le croit correct.
Quand on dit qu'on ne peut pas le faire, écoutez un peu, je connais
suffisamment le système policier pour savoir que... Avec leurs moyens de
communication, avec les moyens de contrôle, avec les moyens d'aller un
peu partout dans la vie de tout le monde, je ne vois pas comment les policiers
ne pourraient pas arrêter quelqu'un sans qu'ils sachent d'avance que
c'est vraiment soit un contrebandier, soit quelqu'un qui passe de la
contrebande. À défaut de s'attaquer au mal, des fois on s'attaque
aux conséquences du mal. Les médecins font ça
régulièrement. Ils guérissent rarement, mais seulement ils
soignent pareil. Donc, vous pourriez peut-être faire la même
chose.
C'est pourquoi, ce matin, je veux vous poser un certain nombre de
questions précises, et j'espère que vous y répondrez
précisément. Qu'est-ce qui empêche les forces
policières d'intervenir en territoire mohawk? Pourquoi la police du
tabac est passée à l'action dans la réserve huronne de
Wendake et qu'elle ne fait rien à Kanesatake et Kahnawake? Pourquoi une
politique de deux poids, deux mesures, comme le disait le député
de Chauveau?
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le
député de Jonquière. M. le ministre.
M. Claude Ryan
M. Ryan: D'abord, je voudrais corriger une fausse impression.
À Oka, la semaine dernière, la vente de tabac avait effectivement
cessé sur la route 344 où elle avait été
implantée. Elle a repris plus tard dans la journée sur le rang du
Milieu. C'est une autre chose que je regrette profondément, mais je
n'avais pas induit la Chambre en erreur, à ce moment-là, et je
n'avais pas été induit en erreur moi-même. Le commerce
avait effectivement cessé là où il avait été
constaté. Qu'il ait repris dans un autre endroit du territoire d'Oka,
c'est un fait, et je n'avais jamais laissé entendre qu'il ne reprendrait
jamais nulle part. Je n'ai pas le pouvoir de faire des prédictions comme
celle-là. (10 h 30)
En ce qui touche les interventions policières, je voudrais
rappeler au député un chiffre que j'ai mentionné
tantôt. Seulement dans le secteur de Kahnawake, il y a eu, depuis le
début de la présente année, 845 saisies policières.
Est-ce que le député m'a compris? 845 saisies policières
dans le secteur de Kahnawake. Alors, dire qu'il ne se fait rien, je pense que
c'est être profondément injuste. La Sûreté du
Québec est responsable d'un bon nombre de ces saisies, la Gendarmerie
royale en a fait la majorité dans ce territoire, comme la loi,
d'ailleurs, la mandate pour le faire.
Maintenant, la seule question qui nous sépare, c'est l'action des
forces policières à l'intérieur des réserves
mohawks. Je vais commencer pas le cas d'Akwesas-ne. La source du commerce
illégal de cigarettes, dans la mesure où elle dépend des
Amérindiens... Et je souligne que ce n'est pas uniquement, ni
peut-être même d'abord un problème amérindien; c'est
un problème beaucoup plus large dans lequel surtout des Blancs sont
impliqués. Mais la source, en ce qui regarde les Amérindiens, est
à Akwesasne. Je ne sais pas si le député connaît la
géographie d'Akwesasne. La géographie d'Akwesasne est
extrêmement compliquée. Il faut que vous vous rendiez à
Cornwall, puis là, à Cornwall, vous traversez un pont. Là,
vous tombez en territoire ontarien. Il faut traverser une île qui est
ontarienne, ensuite, vous devez vous rendre à une route
américaine pour aller rejoindre la portion de territoire
québécoise qui est au bout de ça, là. Et, pour
traverser les autres territoires, je me souviens très bien, nos
policiers ne peuvent pas faire ce qu'ils veulent, parce qu'il y a la police de
l'État de New York, qui a ses propres normes qui ne sont pas les
mêmes que les nôtres.
Mais assurer le respect complet des lois, dans un territoire comme
celui-là, est une proposition extrêmement difficile si vous avez
quantité d'individus qui sont déterminés à les
violer. Ils peuvent passer par les rives du Saint-Laurent, d'un
côté ou de l'autre. Puis sachez que la communauté mohawk de
cette région, elle est composée à la fois
d'Américains, d'Ontariens, puis de Québécois. Us se
foutent bien de nos frontières. Pour eux autres, la vraie
frontière, c'est celle qu'ils se sont donnée. Us passent par les
bois, ils passent le long du cours d'eau.
La seule manière de régler ce problème,
éventuellement, ça va être une surveillance beaucoup plus
élaborée que ce qui a existé au cours des dernières
années, qui va coûter très cher et qui ne peut pas se faire
uniquement par le gouvernement du Québec, c'est impossible. Nous l'avons
tenté, puis nous avons été obligés de conclure que
c'était impossible. Et c'est pour ça que je vous dis... Je l'ai
posé au prédécesseur du nouveau Solliciteur
général. Je l'ai posé, le problème, depuis deux
ans, à combien de reprises. Et on va le reprendre avec le gouvernement
fédéral. Mais, s'il n'y a pas collaboration étroite pas
seulement de Québec, de l'Ontario et du gouvernement
fédéral, mais également des autorités
américaines, nous ne pourrons pas résoudre ce problème.
C'est un problème qui est devenu international même.
Nous allons déployer tous les efforts nécessaires, mais
les solutions magiques, là, on prend le téléphone, puis:
M. Lavigne, grouillez-vous, puis allez-y, ça ne marche pas, ça ne
marche pas. On a essayé sur un territoire plus réduit, à
Oka. Le 11 juillet au matin, on a essayé. On a dit: On va le
régler, le problème. Il y avait une barricade qui était
installée. Puis vous savez ce qui est arrivé. Tout le monde,
pendant un an de temps, s'est mis à frapper sur la SQ. Ils n'avaient pas
d'affaire là. Ils avaient agi avec des méthodes qui ne
convenaient pas pour une situation comme celle-là. Un an après,
l'opinion vire encore de bord, puis on dit: Là, maintenant, qu'est-ce
qu'ils attendent pour faire quelque chose?
Nous avons un problème où la dimension politique ne peut
pas être séparée de l'autre, où la
responsabilité du Québec ne peut pas être exercée
indépendamment d'autres responsabilités concurrentes. Je conviens
que ça complique les choses, que ça exige un peu plus de temps
pour le résoudre. Mais je vous assure que, si on ne tient pas compte de
toutes ces dimensions, on induit la population en erreur, on l'amène
à attendre des solutions immédiates qui ne peuvent pas venir,
sinon au prix de risques très élevés comme ceux qui ont
été courus en 1990, puis qui n'ont pas donné grand-chose,
finalement.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le ministre. Je
cède maintenant la parole au député de Deux-Montagnes. M.
le député de Deux-Montagnes, pour cinq minutes.
M. Jean-Guy Bergeron
M. Bergeron: Merci, M. le Président. Je voudrais profiter
de cette première intervention pour réitérer mon
approbation sur la position que mon gouvernement a prise durant la crise
autochtone en 1990 et sur la position qu'il prend actuellement sur la
contrebande des cigarettes. Trois ans après la crise autochtone,
à Oka, je n'ai pas changé d'idée sur la position que mon
gouvernement a prise. Pourtant, s'il y a quelqu'un qui désirait plus que
d'autres que cette situation se termine le plus rapidement possible, c'est bien
moi, car, comme vous le savez, Oka, c'est chez moi, c'est dans mon
comté.
Pour avoir vécu durant 78 jours cette crise, je ne demanderais
pas mieux que tout cela se règle tout de suite. Mes amis d'en face me
répondront: C'est bien simple, employez la force. Dans des cas comme
ceux que nous vivons, l'usage de la force ne donnerait rien. Au contraire, elle
ne servirait qu'à envenimer la situation au lieu de la régler.
Dans leur for intérieur, mes amis d'en face le savent bien.
Lors de la crise autochtone de 1990 et encore aujourd'hui, mon
gouvernement préconise encore la prudence. Il a été
prouvé que cette attitude était la bonne. Oui, ce fut long, 70
jours, ce fut très long, ce fut très pénible, mais nous
avons sauvé l'image du Québec par notre prudence, par notre
sagesse et par notre patience. C'est le prix que nous avons dû payer et
nous avons résisté à la tentation d'un coup de force qui
aurait réglé le problème en quelques heures, mais aurait
laissé une tache indélébile au Québec. La
méthode que nous avons employée tout au long de ces deux crises
n'a pas été une méthode de force, une méthode
d'écrasement, mais une méthode qui consistait à ramener
les citoyens dans le chemin de la loi par la persuasion plutôt que par la
force. C'est le moyen le plus humain, le plus efficace à la longue,
même si cela crée des moments d'impatience et, avouons-le, de
révolte intérieure.
On a fait des gorges chaudes sur l'attitude que notre gouvernement a
adoptée en 1990 et, actuellement, sur les problèmes auxquels nous
sommes confrontés devant la contrebande des cigarettes. Mais que l'on se
souvienne du drame de Waco, aux États-Unis, où, suite à
une décision d'user de la force, il y a eu près de 50 à 60
morts. C'est cela que mon gouvernement a voulu éviter en 1990...
M. Ryan: C'est ça.
M. Bergeron: ...et que l'on désire encore éviter
aujourd'hui face à la contrebande des cigarettes.
Actuellement, je vois, sur la figure de mon ami d'en face, sarcasme,
ironie. Tel est le menu avec lequel, chaque jour, nous devons vivre
actuellement. C'est difficile, très difficile à endurer, mais,
encore, nous voulons préserver l'image du Québec et demander la
patience et la confiance à nos concitoyens. Ne nous faisons pas
d'illusions, en 1990, comme aujourd'hui, on ne désire qu'une chose de la
part de ceux qui nous défient: employer la force afin de passer pour des
martyrs et de ternir la réputation du Québec. Oui, et quel plus
bel exemple puis-je vous donner que cette hargne que l'on met contre
HydroQuébec pour salir notre réputation? Quoi qu'on en dise,
quoi qu'on en pense, il est beaucoup plus difficile de démontrer
de la prudence, de la patience que de se laisser aller à des instincts
vindicatifs.
Il n'en demeure pas moins qu'il faudra trouver le plus rapidement
possible une solution à cette contrebande de cigarettes. Il est clair
que, pendant un certain temps, la création de la police du tabac a
joué un certain rôle et a aidé à la contrer
temporairement, mais, avec ce que nous voyons et constatons aujourd'hui, il
faudra trouver un moyen pour régler ce problème. Comme le disait
mon confrère, M. Ryan, il est temps que nous rencontrions le plus
rapidement possible le nouveau gouvernement afin de régler ce
problème qui perdure, et ce serait à l'avantage de tout le monde.
Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le
député de Deux-Montagnes. Je cède maintenant la parole au
député de Montmagny. M. le député de Montmagny pour
cinq minutes.
Une voix: Montmorency.
Le Président (M. LeSage): De Montmorency. Je m'excuse.
M. Jean Filion
M. Filion: Merci, M. le Présient. C'est un dossier qui
continue à occuper la place publique, M. le Président, où
les gens en ont ras le bol, je pense que tout le monde en est conscient. On se
retrouve, ce matin, en interpellation et je vous avoue que, comme fiscaliste de
carrière, je suis gêné d'être ici ce matin,
gêné parce qu'on est rendus qu'on parle de politique fiscale avec
la Sécurité publique, M. le Président. Quel cri d'alarme
pour une société que d'avoir à discuter de politique
fiscale avec la Sécurité publique! M. le Président, c'est
un signe des temps, c'est un signe qui, à mon point de vue à moi,
n'a pas sa place dans une économie comme on connaît, dans une
libre concurrence où les gens veulent créer une économie
où la concurrence n'est pas déloyale, où la concurrence
est juste pour tout le monde, M. le Président, et ce n'est plus
possible. (10 h 40)
On a développé une politique fiscale et,
d'ailleurs, le ministre de la Sécurité publique l'avoue
lui-même absurde, une politique fiscale qui conduisait là
où il est présentement. Il le sait et il l'avouait lui-même
tout à l'heure. Il avouait que sa politique fiscale l'a conduit
où il est présentement, dans un cul-de-sac où il ne peut
plus agir parce qu'il doit développer des méthodes
répressives inapplicables, où, effectivement, il ne
réussira pas à forcer les gens à contester une politique
fiscale de surtaxation. M. le Président, c'est gênant, comme
fiscaliste, d'avoir à discuter avec la Sécurité publique
de politique fiscale. Je vous avoue, ce n'est rien pour nous glorifier.
M. le Président, moi, je vous avoue je l'écoute
depuis tout à l'heure que reconnaître, de la part du
ministre de la Sécurité publique, que le gouvernement
fédéral est de trop dans ce dossier-là, je trouve
ça particulier. Je trouve que c'est un aveu qui aurait dû venir il
y a peut-être un an ou que des pressions auraient dû se faire bien
avant, M. le Président. Ça fait un an qu'on le dit sur la place
publique, qu'il doit y avoir un redressement de la politique fiscale. On paie
4,60 $ de taxes par paquet de cigarettes au Québec. L'État de New
York, M. le Président, 1 $ de taxes par paquet.
Qu'est-ce que voulez qu'on fasse dans une économie où on
doit créer une libre concurrence et surtout pas déloyale? M. le
Président, ce qu'on dit actuellement au gouvernement libéral en
place: Arrêtez de développer un État policier, vous allez
manquer de policiers. Et la fiscalité n'a pas besoin de la police, M. le
Président. Et c'est rendu systématique chez ce
gouvernement-là. Quand ce n'est pas le vidéopoker qui est
transféré à la Sécurité publique, c'est
rendu que ça va être les dossiers en matière fiscale qui
vont devoir être transférés à la
Sécurité publique pour qu'on puisse en assurer même
que le ministre l'a dit lui-même, ce n'est pas possible de l'assurer
l'application juste et équitable. On l'avoue ce matin. Cette
semaine, on l'a constaté en cette Chambre.
On a même induit la Chambre en erreur quand on disait qu'on avait
le contrôle d'une situation. Mettons que, par des circonstances de
communication, on a induit la Chambre en erreur, M. le Président,
donnons le bénéfice du doute. Mais le problème de fond est
entier.
M. Ryan: Question de règlement.
Le Président (M. LeSage): M. le ministre.
M. Ryan: Cette question a fait l'objet de précisions
tantôt...
M. Filion: II n'y a pas de questions de règlement, M. le
Président.
M. Ryan: ...et la manière dont le député
aborde cette question est mensongère, à mon point de vue.
Le Président (M. LeSage): Très bien, M. le
ministre. Continuez, M. le député de Montmorency.
M. Filion: M. le Président, ce n'est pas moi qui ai induit
la Chambre en erreur cette semaine. Alors, je continue. Ce que je suis en train
de dire, M. le Président, c'est que, effectivement, le problème
du tabac... En janvier 1988, on instituait un comité ministériel
il y a cinq ans pour étudier la problématique. Le
ministre a reconnu que lui-même a discuté depuis trois ans et demi
dans ce dossier-là. M. le Président, depuis 1984, écoutez
bien, on a augmenté les taxes sur les produits du tabac, au
fédéral, de 405 % et, au
québec, de 277 %. d y avait une érosion économique
en janvier 1988. ces gens-là qui voyaient les emplois se perdre... des
gens qui ont perdu leur pain et leur beurre parce qu'ils respectaient nos lois,
ils ont vu que ce gouvernement-là a continué la politique fiscale
de l'autruche. de concert ou en conspiration avec le fédéral, peu
importe, ils ont continué à augmenter les taxes après
1988. ils savaient que l'érosion était sur le terrain, ils ont
appliqué la politique de l'autruche, et ils ont augmenté les
taxes de 154 % au fédéral à partir de 1988, sachant qu'ils
avaient créé la contrebande du tabac, sachant que, sur le
territoire, ils exerçaient déjà à outrance ce
commerce parallèle. et le québec a suivi, lui, avec une
augmentation de 95 % à partir de 1988.
Alors, M. le Président, les grands responsables, c'est eux.
Aujourd'hui, ils sont pris avec un problème incontrôlable avec la
Sécurité publique. La Sécurité publique n'a pas
d'affaire dans les politiques fiscales. Et le ministre de la
Sécurité publique devrait le faire comprendre à son
gouvernement et changer immédiatement cette politique qui est absurde et
qui crée des problèmes démesurés. On va le
constater au prochain budget, M. le Président. L'économie
parallèle a pris des proportions telles qu'ils ne seront même plus
capables de contrôler leur équilibre financier, M. le
Président.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le
député de Montmorency. Je cède maintenant la parole au
ministre. M. le ministre, pour cinq minutes.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, je voudrais rappeler que le
grand responsable de ces augmentations de charges fiscales a été
le gouvernement fédéral qu'avait contribué à faire
élire le Parti québécois. Si le Parti conservateur a
été au pouvoir pendant neuf ans, c'est à cause de l'appui
massif qu'il a reçu au Québec du Parti québécois et
de ses amis. Et de venir le renier aujourd'hui et faire comme si on n'avait pas
été impliqués là-dedans, je pense que c'est du
pharisaïsme absolument inacceptable. Vous êtes responsables de
l'élection de ce gouvernement, et, nous autres, nous avons fait des
représentations à maintes reprises pour demander que soit
ajusté ce fardeau fiscal, puis nous avons indiqué clairement que
le Québec était prêt à faire sa part. La
réponse a été négative de l'autre
côté, et nous allons tenter maintenant d'améliorer les
choses.
Mais, encore une fois, ce qui me surprend, j'écoute le
député de Montmorency et je suis toujours frappé par
l'illogisme de ses propos. Il vient de nous dire, là: Ce n'est pas la
place pour discuter de fiscalité; il a passé son temps à
parler de fiscalité, il n'a pas parlé du tout des
problèmes de sécurité publique. Je suis tout à fait
d'accord avec lui pour convenir que, ce matin, c'est le rôle de la
sécurité publique, le rôle des forces policières, le
rôle des forces de l'ordre qui sont impliqués. S'il veut en venir
à ce sujet-là, nous allons en venir aux aspects les plus
délicats du problème, sur lesquels j'essaie d'attirer l'attention
de l'Opposition et de nos concitoyens.
Je remarque qu'il n'a absolument rien apporté à notre
démarche de ce côté. Et je répète que les
forces policières ont déjà fait énormément
de travail pour contrer le commerce illicite du tabac: 845 saisies dans
l'espace de neuf mois, seulement sur les routes de Kahnawake, c'est quand
même considérable. On ne viendra pas dire que c'est des pinottes.
Mais amener tout ça dans le processus judiciaire, tout le monde convient
que ça crée des problèmes d'engorgement qui deviennent
rapidement insolubles tant qu'on n'a pas été capable d'aller
à la source du problème. Puis, si quelqu'un veut indiquer ici
aujourd'hui qu'on connaît la source du problème, qu'on est
capables d'agir sur la source demain matin, nous serons très heureux de
l'entendre. Mais ce n'est pas la contribution que j'ai entendue jusqu'à
maintenant. J'ai entendu des jérémiades, des dénonciations
faciles; mais qu'on apporte des suggestions constructives, nous les
écouterons avec toute l'attention nécessaire.
Et, encore une fois, je demande qu'on distingue. Il y a la composante
amérindienne du problème du commerce illégal du tabac, il
y a la composante plus large de la responsabilité générale
de la population. Je pense que, tant qu'on n'aura pas agi sur les deux
composantes, il va y avoir un problème.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le ministre. M. le
député de Chauveau, pour cinq minutes.
M. Rémy Poulin
M. Poulin: Merci, M. le Président. J'écoutais le
député de Montmorency dire, tout à l'heure, qu'il est
très surpris d'être ici et qu'on parle de fiscalité. S'il
avait bien lu le mandat de la commission demandée par le
député responsable, par le député de
Jonquière, «...de la Sécurité publique, sur le sujet
suivant: la contrebande et le commerce illégal», s'il l'avait bien
lu, il ne serait pas obligé d'être ici ce matin. Ce serait
plutôt le député de Duplessis qui pourrait être ici,
qui est responsable du dossier autochtone.
On a parlé tout à l'heure de la réserve indienne
des Hurons. Je ne changerai pas d'idée, puis je suis très fier de
faire partie de ce gouvernement-là parce qu'on peut dire ce qu'on pense,
nous aussi. Chez vous, on les expulsait du parti, dans le temps. Oui. Allez
revoir l'histoire de 1982-1983, chez vous. On se souviendra que c'est la police
du tabac qui était venue sur la réserve un matin, très
tôt. Je peux vous en parler parce que c'est près de chez moi,
c'est justement à côté de chez moi. J'avais dit plus loin,
dans la même entrevue, que je ne voudrais pas, par exemple, qu'on
règle des cas dans des bains de sang.
Quand je vois l'arrogance d'en face, quand on voit les gens, la famille
Lemay qui a à vivre avec ça encore aujourd'hui... C'est ce que
vous aviez demandé, par votre chef, quand les gens étaient sur le
fameux
pont: que lui bousculerait les gens. Ça, c'est des gens qui
parlent de souveraineté. Ce serait beau, avec leur propre armée.
Pour le Québec, il faudrait un peu plus de respect, juste au moins pour
une famille, celle du caporal Lemay, et pour ne pas qu'il y en ait d'autres
familles comme ça, un jour. Et c'est la prudence. Oui, c'est de la
prudence. C'est la prudence qu'il faut exercer aussi.
Les Hurons, chez nous, ne vivent pas la même pression qu'à
Oka parce que, oui, c'est une question de territoire aussi; quatre juridictions
sont autour de cette réserve-là. On peut bien se le dire, ce
n'est pas tous des saints qui sont dans cette réserve-là et
même la population à l'intérieur est prise aussi un peu au
dépourvu avec ce qui se passe. Et vous l'avez vu en 1990, en même
temps que nous, le genre de monde qu'il y a là. Il faut se le dire
aussi. (10 h 50)
Je pense que notre gouvernement, dans sa sagesse... Si, à
l'ultime, comme le ministre l'a dit tout à l'heure, il faut prendre des
mesures fortes, on verra en temps et lieu. Mais, moi, comme politicien, je
pense qu'on est tous responsables, et avoir des morts sur la conscience, moi,
je ne voudrais pas vivre ça. Je vous le rappelle, la famille Lemay, de
L'Ancienne-Lorette, le vit. Vous pouvez bien réagir comme vous voulez,
mon jeune homme, là-bas, mais c'est ça la réalité;
elle est là la réalité.
M. Dufour: M. le Président, j'aurais peut-être un
point d'ordre.
Le Président (M. LeSage): M. le député de
Jonquière...
M. Dufour: Oui.
Le Président (M. LeSage): ...il reste quelques minutes au
député de Chauveau. Vous aurez cinq minutes après.
M. Dufour: Oui, mais je voudrais vous rappeler que le
député de Chauveau doit s'adresser à la présidence
et non pas à ceux qui nous accompagnent.
Le Président (M. LeSage): Alors, dans ce
sens-là...
M. Dufour: Vous avez remarqué qu'il est sorti
complètement de son texte.
Le Président (M. LeSage): ...M. le député de
Jonquière, vous avez parfaitement raison. M. le député de
Chauveau, à l'avenir, veuillez, s'il vous plaît, vous adresser
à la présidence. Poursuivez, M. le député de
Chauveau.
M. Poulin: Ça me fera grand plaisir, M. le
Président, de m'adresser à vous plutôt qu'à l'autre
côté.
M. le Président, quand on donne un peu la vérité,
on voit ces gens-là d'en face comment ils réagissent. La
situation d'Oka, je pense qu'elle est unique après celle de Waco aux
États-Unis. Si on veut, dans un climat, je pense, qui n'est pas
facile... ça, on peut s'en rendre compte. Mais il y aura des moyens en
cours de route, avec la prudence qu'on connaît à M. le ministre de
la Sécurité publique et celle aussi de mon gouvernement, pour que
des gestes concrets soient faits. On continue à travailler le
dossier.
M. le Président, ce marché illégal de la cigarette
a pris de l'ampleur et on s'en rend compte. Je pense qu'à l'heure
où on se parle les gestes qui se sont faits sur la réserve
indienne huronne lors de la dernière descente ont été
faits avec prudence, mais les gens de la réserve ont aussi réagi
avec prudence. Je reviendrai un peu plus tard sur une entente quand on
parle de la réserve huronne qui est à signer, qui est
à négocier avec la réserve huronne sur son corps policier.
Vous allez voir qu'il y a des démarches qui se font, mais sereinement
avec notre gouvernement, non pas avec ceux d'en face qui voudraient attaquer
des gens.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le
député de Chauveau. Je cède maintenant la parole au
député de Jonquière.
M. Francis Dufour
M. Dufour: Oui. Merci, M. le Président. Juste une
remarque, au début, sur les derniers propos du député de
Chauveau. Je pensais que c'était le propre de l'Opposition de faire de
la démagogie, mais, là, il y a deux intervenants qui accompagnent
le ministre, qui font exactement ce que, nous, on est accusés de faire.
Parler des bains de sang à Waco, parler du respect de la famille Lemay,
aïe, j'ai mon voyage! Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond!
Ça, c'est de la démagogie. On n'a jamais préconisé
ça, et je reviendrai, quelque part dans mon intervention, pour parler
des mesures qu'on doit prendre. Moi, je ne suis pas le gouvernement. Moi,
j'aurais pensé qu'il y avait plus d'imagination de l'autre bord pour
appliquer les lois. On s'en reparlera tout à l'heure.
Il n'y a pas que les cigarettes qui font l'objet d'un commerce
illégal, il y a l'alcool, les armes à feu, les vêtements et
même les parfums. Bien entendu, toute cette contrebande signifie des
pertes de revenus importantes pour le gouvernement du Québec. Ici aussi,
il semble que les forces policières possèdent un bon portrait de
la situation, mais que le gouvernement empêche la Sûreté du
Québec d'exécuter les mandats qu'elle a en main. Enfin, selon la
Sûreté du Québec, c'est encore une fois dans la
réserve d'Akwesasne et de Kahnawake qu'origine la contrebande des armes,
de l'alcool et des parfums.
La Sûreté du Québec possède 200 mandats
relatifs au trafic de la cigarette, des armes à feu, de l'alcool et des
parfums coûteux en territoire mohawk. Mais, depuis
la crise d'Oka, le gouvernement empêche la Sûreté du
Québec d'intervenir au sein de la communauté mohawk. Un policier
de la Sûreté du Québec proche de la direction affirme
même que plusieurs réserves de cigarettes, évaluées
à plusieurs millions de dollars, sont disponibles à Akwesasne et
à Kahnawake, mais que le gouvernement ne veut pas que la police
intervienne. Ce même officier de la Sûreté du Québec
soutient que la Sûreté du Québec n'ose pas affronter le
gouvernement sur le place publique, mais qu'en coulisse on met
sérieusement en doute l'efficacité de la police du tabac du
ministère du Revenu, tout comme on blâme la Gendarmerie royale du
Canada pour son inaction.
Enfin, la Sûreté du Québec ne sent pas de
volonté réelle de la part du gouvernement du Québec de
prendre le taureau par les cornes dans le dossier de la contrebande. Pour
l'officier de la Sûreté du Québec qui accordait une
entrevue au journal La Presse d'hier: «Si Québec veut que
nous intervenions efficacement, il faudra un projet de loi bien précis,
avec des indications bien différentes que celles émises
jusqu'à ce jour par le Conseil des ministres.» Ce sont ses propres
paroles. Le même officier ajoute également qu'il est clair que
certains individus continuent de faire la pluie et le beau temps avec toutes
sortes de commerces illicites. Un jugement sévère est donc
porté à l'endroit de la stratégie du gouvernement
relativement à la lutte à la contrebande.
Le ministre peut-il nous indiquer comment il se fait que, malgré
toute l'information détenue par la Sûreté du Québec
au sujet de la contrebande, cette dernière ne peut exécuter les
quelque 200 mandats relatifs au trafic du tabac, des armes à feu, de
l'alcool et des parfums coûteux en territoire mohawk? Combien de temps le
ministre de la Sécurité publique tolérera-t-il un
régime juridique de deux ordres au Québec: un pour certains
Mohawks et un autre pour le reste de la population? Car c'est bien de cela
qu'il s'agit.
Le ministre réalise-t-il que le trafic des armes à feu est
drôlement plus inquiétant que tout autre trafic? Peut-il nous
indiquer l'ampleur de ce trafic au Québec et les moyens qu'il
préconise pour l'éliminer? Le ministre attend-il que la situation
soit totalement hors du contrôle des forces policières
peut-être l'est-elle déjà avant de stopper le trafic
des armes à Kahnawake, Kanesatake et Akwesasne? Combien de temps encore
le ministre va-t-il espérer une solution miracle dans ce dossier? Les
négociations devant conduire à la reconnaissance des Peacekeepers
de Kahnawake vont-elles enfin déboucher sur quelque chose? Le ministre
peut-il nous indiquer l'ampleur réelle du commerce illégal du
tabac en territoire mohawk, ainsi que l'état de la situation en ce qui
concerne l'accumulation d'armes sur ce territoire?
Le ministre nous dit constamment d'être patients, que les choses
vont débloquer sous peu. Cependant, cela fait maintenant trois ans qu'il
répète la même cassette. Sous prétexte de maintenir
une paix sociale relative, mais un climat de violence certain, le ministre
refuse de prendre ses responsabilités. Cette situation a trop
duré.
Connaissant le système policier, je suis convaincu qu'il y a
moyen de régler les problèmes sans répétition de la
crise d'Oka, puisque c'est toujours le fait d'un petit nombre, et c'est
là que j'insiste. On parle beaucoup qu'on va mettre la
sécurité de l'État en danger quand on peut constater, hors
de tout doute, que c'est le fait d'un petit nombre. Quand on n'est pas capable
de s'attaquer au mal, on doit s'attaquer aux effets du mal, et, à ce
moment-là, on remonte à la source. C'est trop tard actuellement
pour recommencer le problème et le remettre en question depuis le
début. C'est fait, c'est un constat. C'est à un constat
d'impuissance qu'on assiste avec ce qu'on se fait dire depuis ce matin, depuis
une heure, pratiquement, que le débat est engagé.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le
député de Jonquière. M. le ministre, cinq minutes.
M. Claude Ryan
M. Ryan: Ça fait une heure que, de notre
côté, nous entendons les jérémiades de l'Opposition.
Là, j'ai entendu le député de Jonquière dire que,
lui, il connaît des moyens par lesquels les forces policières
pourraient régler le problème du jour au lendemain. Je l'ai
défié hier, en Chambre, d'indiquer ces moyens clairement. Il
devient soudainement muet et réservé quand on l'invite à
tenir des propos constructifs.
Je voudrais rappeler la politique du gouvernement en matière de
contrôles policiers en ce qui touche les communautés autochtones.
Le premier élément de notre politique, c'est de reconnaître
clairement que les problèmes auxquels nous faisons face de ce
côté ne sont pas seulement d'ordre légal et juridique,
comme le laissent entendre continuellement les interventions de l'Opposition,
ils sont également éminemment politiques. Les deux sont pris
ensemble. C'est ce qui fait que le problème est extrêmement
complexe.
Deuxièmement, étant donné cette jonction des deux
dimensions, nous avons toujours accordé la priorité à la
recherche de solutions négociées au problème de
tranquillité publique dans ces territoires. C'est pourquoi notre
politique de fond, sur laquelle l'Opposition ne m'a jamais interrogé une
seule fois depuis deux ans, consiste à favoriser le développement
de forces policières autochtones, que chaque communauté
autochtone ait sa propre force policière que nous sommes disposés
à soutenir financièrement de concert avec le gouvernement
fédéral. Et les deux gouvernements s'entendent très bien
de ce point de vue là, à condition que cette force
policière s'engage à faire respecter les lois du Québec et
du Canada sur chaque territoire autochtone, puis, deuxièmement, qu'elle
fonctionne dans le respect des normes d'éthique policière que
nous préconisons au Québec. Ça, c'est notre politique.
Nous avons cinq ententes qui ont été conclues
jusqu'à maintenant avec le Village-des-Hurons. Il y en a une qui est
négociée depuis un an et demi. Nous attendons la signature de la
grande chef, Mme Gros-Louis,
du Village-des-Hurons. Nous sommes prêts à la signer
n'importe quand. Il y a eu des négociations avec Kahnawake. Dieu sait
qu'il y en a eu. Et nous avons toujours posé certaines conditions, qui
vont continuer d'être considérées comme nécessaires.
(11 heures)
En principe, nous reconnaissons, sans l'ombre d'aucune
hésitation, que les citoyens mohawks sont des citoyens comme les autres
et que, lorsqu'ils agissent contrairement à nos lois, ils doivent
répondre devant les tribunaux de la même manière que les
autres citoyens. Et chaque fois. On parlait tantôt de mandats qui
auraient été donnés à la police relativement
à des arrestations ou à des saisies. Chaque fois qu'un Mohawk est
saisi ou appréhendé en dehors de sa réserve de Kahnawake,
par exemple, il est immédiatement l'objet du même traitement que
tous les autres citoyens.
Et je dois dire en toute justice que les Peacekeepers, à
Kahnawake, nous donnent également une collaboration. Vous êtes
témoins de l'incident qui est survenu il y a deux jours: les
Peacekeepers ont mis le grappin sur un membre assez notoire de la
communauté mo-hawk. Il y a eu de la résistance de la part
d'autres éléments à l'intérieur de la
communauté, mais ils ont agi dans le respect de leurs attributions. Et
je dois dire que la plupart du temps les Peacekeepers se comportent de
manière sérieuse. C'est pour ça que nous serions
intéressés à les reconnaître si les chefs politiques
là-bas voulaient consentir aux conditions normales que nous avons
posées.
Mais est-ce qu'on va sacrifier toutes ces négociations-là,
tous ces objectifs de résolution pacifique des conflits par des
interventions intempestives qui risqueraient de faire renaître, oui, de
faire renaître les événements que nous avons vécus
en 1990? Du côté du gouvernement, nous répondons non. Et
les souvenirs que nous avons de ce côté-là sont nombreux.
Savez-vous où ça a commencé, le problème de
Kahnawake? C'est quand un agent de la Sûreté, sous le gouvernement
du Parti québécois, a tiré un M. Cross et il l'a
tué par une intervention intempestive. C'est depuis ce temps-là
que la Sûreté n'a plus remis les pieds à Kahnawake.
Ça a commencé par un incident tragique survenu sous le
gouvernement péquiste de M. Lévesque dans le temps. Je ne veux
pas blâmer, mais, plutôt, je veux vous aider à comprendre
combien chaque geste que nous posons dans ces situations-là peut
entraîner des conséquences dramatiques. Ça a
été la même chose pour la charge qui a été
faite le matin du 11 juillet à Kanesatake, la même chose.
On a parlé de Waco, tantôt, aux États-Unis.
L'Opposition n'aime pas qu'on rappelle cet événement-là.
Pourquoi ne veut-elle pas que nous en parlions? Pourquoi ne veut-elle pas que
nous rappelions qu'à un moment donné il y a un héros qui a
donné une directive? Il a dit: Allez-y! «Shoot»! Ils y sont
allés et ce qui est arrivé, c'est qu'il y a eu 80 morts, au
moins; 80 morts. Et on n'en veut pas de ces choses-là ici. On
prétend qu'on est capables...
Non. Je sais que ça vous fatigue. Je sais que ça vous
fatigue, mais allez jusqu'au bout de votre logique. Nous autres, nous allons
jusqu'au bout de la nôtre, nous la défendons loyalement. Mais,
vous autres, vous voudriez avoir le beau et le mauvais en même temps.
Vous voudriez dire: Agissez! et, ah non, on ne veut pas ça, on ne veut
pas ça! Bien, «be true to yourself». Soyez vrais avec
vous-mêmes. Allez jusqu'au bout de votre raisonnement et là on
pourra juger clairement ce qui en est. Mais, si vous n'êtes pas
prêts à aller jusqu'au bout de votre raisonnement, vous devez
accepter que la position du gouvernement est une position logique, responsable,
sérieuse.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le ministre. Je
cède maintenant la parole au député de Deux-Montagnes. M.
le député de Deux-Montagnes.
M. Jean-Guy Bergeron
M. Bergeron: Merci beaucoup, M. le Président. Avant de
commencer ma deuxième intervention, je voudrais dire aux
députés d'en face, à mon ami Dufour, que, lorsque j'ai
passé...
Le Président (M. LeSage): M. le député de
Deux-Montagnes, vous devez adresser la parole d'abord à la
présidence...
M. Bergeron: Au député de Jonquière, je
m'excuse.
Le Président (M. LeSage): ...et, si vous voulez faire
allusion à un député, veuillez plutôt mentionner le
nom de son comté.
M. Bergeron: C'est que, quand on est maire, on s'appelle par le
nom, et c'est une vieille habitude que j'ai!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bergeron: Alors, en partant, je voudrais mettre quelque chose
au point lorsque j'ai parlé de Waco, parce que ma deuxième
intervention est sur Waco. Tout à l'heure, mon ami d'en face oui,
il lève les mains a souri, mais c'est parce qu'il n'a pas
compris, et c'est le thème que je veux développer pendant les
quelques minutes que j'ai, il n'a pas compris le sens de mon intervention
lorsque j'ai parlé de Waco tout à l'heure. Bien oui! Bien oui!
C'est ça. C'est exactement ça. Je désire parler de Waco
non pas pour compter le nombre de morts qu'il y a eu je ne dirai pas que
c'est secondaire, mais ce n'est pas là qu'est mon but je veux
parler de Waco pour vous faire comprendre les conséquences de choix
d'attitudes des chefs. J'ai devant moi, ici, un editorial et vous l'avez
certainement lu, vous devez certainement l'avoir devant vous de Michel
Vastel, qui disait: «De Waco à Oka, le vrai leadership.»
Comme vous le savez, on s'est fait critiquer vertement pendant 78 jours,
on se fait critiquer vertement depuis quatre ans. Je vois le
député de Montmorency qui acquiesce. C'est tellement facile de
critiquer. Mais je veux vous donner les grandes lignes de F editorial de Michel
Vastel qui disait: «Je ne dois pas être le seul à avoir
pensé à la crise d'Oka en regardant, lundi soir, les images
d'horreur de l'assaut du FBI.» Je ne vise pas le Parti
québécois; je parle de faits et, comme je l'ai dit tout à
l'heure, je ne veux pas compter les morts. «La similitude des situations
dérange on se sert encore de la crise amérindienne pour
ternir la réputation du Québec mais elle est réelle
sur plusieurs plans. Waco et Oka ont commencé de la même
manière: une opération mal préparée, la mort de
membres des forces de l'ordre et un long siège.» Et, comme je le
disais tout à l'heure, un long siège de 78 jours, c'est long.
Et M. Vastel continuait en disant que la pression sur le FBI
n'était pas moins forte à Waco qu'elle l'était, à
Oka, sur l'armée canadienne. Et il disait aussi: «Le Texas et le
Québec, deux sociétés tricotées serré, avec
leurs animateurs de lignes ouvertes et combien on l'a vécu
pendant ces 78 jours-là! qui jettent de l'huile sur les esprits
déjà chauffés...» Et ça ne me fait pas
de la peine, c'est parce que je vais me faire chicaner par les gens de mon
parti M. Vastel écrit: «et des partis d'Opposition
prêts à tout pour profiter d'une situation embarrassante pour le
gouvernement.» Ce n'est pas moi qui l'ai écrit, et je sais que
vous devez avoir ça dans vos dossiers.
Et c'est là qu'est le point que je veux apporter. «Mais le
parallèle s'arrête là et la différence s'appelle
Robert Bourassa.» Et M. Bourassa disait: «Je me fais très
durement critiquer, avait-il confié aux journalistes. Même Jacques
Parizeau réclame une intervention musclée. Mais le Québec
peut payer très cher un geste précipité de son chef qui
veut faire le macho, jouer au Tarzan.» À Oka... Ce n'est pas moi
qui l'ai dit, monsieur. Et, quand vous lisez des articles de journalistes qui
font votre affaire, vous les prenez. Ce matin, c'est à mon tour de le
prendre.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bergeron: «Pendant trois mois, Bourassa a ainsi
résisté aux pressions.» Et il disait: «Cela va finir
par éclater, prédisaient les gens. Mais, finalement, il n'y a eu
ni héros, ni martyr. Même si les Québécois n'en sont
pas convaincus et je vous donnerai le fax de ce que je lis le
premier ministre a finalement fait preuve de leadership, sans panache
peut-être, mais de leadership tout de même.»
Alors, c'est ça que je voulais faire comprendre à
l'Opposition. Ce n'était pas une question de compter le nombre de morts
qu'il y avait sur le terrain. Chez nous, il y en a eu un, il y en a eu un de
trop. Mais ce que je voulais faire comprendre, c'est le leadership que M.
Bourassa, que M. Ryan et que mon gouvernement ont depuis quatre ans dans des
conditions extrêmement difficiles à vivre. Merci.
M. Ryan: Très bien.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le
député de Deux-Montagnes. Je cède maintenant la parole au
député de Montmorency. M. le député de Montmorency,
pour cinq minutes.
M. Jean Filion
M. Filion: Merci, M. le Président. Ce que je disais, tout
à l'heure, M. le Président, au ministre de la
Sécurité publique, c'est que le rôle de la
Sécurité publique n'est pas un rôle de percepteur
d'impôt, M. le Président. Et je pense que, si le ministre
était responsable, il aurait dû refuser le mandat de son
gouvernement d'appliquer des règles répressives en matière
fiscale. Et c'est ça qui est tout le problème, M. le
Président, qui nous occupe aujourd'hui. Et je pense que la
responsabilité du ministre aurait été de refuser. Tout ce
qu'il peut faire, c'est créer des tensions sociales additionnelles, et
il n'a pas vraiment les leviers et les outils pour les solutionner, M. le
Président. Et c'est ça un peu, tout le débat, et le
ministre le reconnaît lui-même. C'est dans ce geste de
responsabilité de ministre de la Sécurité publique qu'il
aurait dû refuser un tel mandat.
Si la Sécurité publique devient partie prenante du
ministère du Revenu pour percevoir ses taxes, M. le Président, on
va se retrouver avec une dégradation du système fiscal qui va
être de toute beauté. On va se retrouver, M. le Président,
dans une espèce de république de bananes. M. le Président,
un système fiscal, ça ne s'administre pas et on ne le
perçoit pas avec la Sécurité publique. Ce n'est pas le
rôle de la Sécurité publique. Et, lorsqu'on est rendus
à faire des lois où on a besoin de la Sécurité
publique, c'est que la loi, elle n'est pas bonne. C'est simple. Les gens
comprennent ça, M. le Président. C'est que la loi ne
répond pas à la collectivité et que la loi est
refusée collectivement. Et c'est ça que le ministre de la
Sécurité publique doit faire comprendre à son
gouvernement. (11 h 10) et il aurait vraiment tout le respect de l'opposition
si vraiment m. ryan disait: écoutez, ce n'est pas de mon mandat et on
doit revoir ces politiques-là, et je dénonce, moi aussi, aussi
fort que l'opposition, le laxisme du fédéral dans le dossier, et,
moi aussi, je ne comprends pas pourquoi le fédéral nous laisse
avec un problème aussi crucial, quand 49,3 % de la contrebande est sur
le territoire du québec. c'est ça que les gens attendent, m. le
président. je ne pense pas que les gens attendent qu'on tombe dans des
situations de répression et de tension sociale. ce n'est pas ça,
le vrai débat. puis je pense, actuellement, que le gouvernement est sur
une fausse route. et ce n'est pas ça qu'attend l'opposition.
L'Opposition veut des solutions simples, M. le Président. Ils ont
le choix entre maintenir une politique
fiscale de surtaxation ou la réduire. Ils ont ce choix-là
ou de dire: On garde la politique qui ne va nulle part et on met des mesures
répressives et on adopte des projets de loi. Écoutez, M. le
Président, des projets de loi comme le projet de loi 90 où on
augmente la répression, où on y va avec des
pénalités, M. le Président, de 200 000 $ à 500 000
$ applicables aux contrevenants. Mais ça nous donne quoi, un beau projet
de loi comme ça, M. le Président, si le ministre avoue
lui-même qu'il n'est pas capable de faire respecter nos lois, qu'il n'est
pas capable d'intervenir avec ses agents, puis sa police, pour être juste
et équitable avec tous les citoyens du Québec? Ça va lui
donner quoi, M. le Président? Une politique fiscale, ce n'est pas une
politique policière. Il faut qu'on comprenne ça, dans ce
gouvernement-là. C'est fondamental à notre système de
taxation. C'est fondamental à notre système économique. On
n'a pas besoin de police en matière fiscale.
Et, M. le Président, j'aimerais bien que le ministre nous
parle... Parce que, effectivement, actuellement, son gouvernement est en train
de légiférer; on va recommencer à étudier le projet
de loi 90 pour augmenter les pénalités, faire peur aux gens, leur
dire: On va vous matraquer avec des mesures fiscales, avec des
pénalités excessives. M. le Président, ce n'est pas
ça que les gens veulent entendre, ce n'est pas ça qu'ils ont
envie d'entendre, les gens. Ils ont simplement envie d'entendre que ce
gouvernement-là a fini par comprendre qu'il doit revoir à la
source le problème de la taxation. Ils sont mal taxés, les gens;
ils sont surtaxés, les gens; et c'est ça qu'ils font,
aujourd'hui, ils réagissent. Ils réagissent de telle sorte qu'on
vous démontre sur la place publique que vous ne pourrez jamais
gérer ce problème-là avec la Sécurité
publique.
Et je pense que l'Opposition, M. le Président, joue son
rôle d'informateur afin de positionner le vrai débat. Et je suis
content de voir que M. Ryan, aujourd'hui, a entrouvert... Vraiment, là,
de la part de M. Ryan, je trouve ça intéressant que le ministre
de la Sécurité publique dise qu'Ottawa se traîne les pieds
dans ce dossier, qu'Ottawa est le grand responsable de tout ce qu'on vit au
Québec, et qu'Ottawa, à toutes fins pratiques, laisse tomber le
Québec dans le dossier de la contrebande du tabac, qui est le pire
fléau économique, M. le Président, des 50 dernières
années. C'est magistral comme déclaration! Et je trouve ça
intéressant, parce qu'à partir d'une solidarité comme
celle-là on va peut-être finir par faire comprendre à
Ottawa qu'il est grand temps qu'il fasse quelque chose avant que le
Québec se retrouve sens dessus dessous, M. le Président.
Merci.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le
député de Montmorency. M. le ministre, pour cinq minutes.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, oui, je regrette de ne pas
pouvoir suivre le député de Montmorency sur la voie qu'il essaie
d'ouvrir. Il nous a dit lui-même, tantôt, que l'aspect fiscal n'est
pas le sujet de notre débat d'aujourd'hui; nous débattons le
problème de la contrebande du tabac sous l'aspect de la
sécurité.publique. Alors, j'ai dit ce que je pensais au point de
vue fiscal, en guise d'introduction, tantôt, en présentant le
problème dans son ensemble. Ce n'était pas mon intention de me
substituer, en quelque manière, au ministre du Revenu ou au ministre des
Finances pour la discussion des autres aspects. Cette partie-là, j'en
discute à l'intérieur du gouvernement, je fais valoir mon point
de vue à l'intérieur du cabinet et je n'ai pas à
m'éjarrer sur la place publique à cet égard, sauf pour
réitérer la ligne qui a déjà été
énoncée par le gouvernement et ses porte-parole officiels en
cette matière.
Mais je reviens à la question de sécurité publique.
Je pense que c'est bien important. Le député de Deux-Montagnes,
tantôt, a posé un dilemme très sérieux à
l'Opposition à partir d'un article de M. Vastel, qui était un des
meilleurs qu'ait écrit ce correspondant au cours des dernières
années. Je pense que le parallèle qu'il avait tracé, tout
le monde l'a senti, à l'époque. Je me rappelle que La Presse
avait publié un editorial, également, disant: On
apprécie plus la sagesse du comportement qui a été retenu
à Québec en 1990. Dans le temps, tout le monde chialait, y
compris, au premier chef, l'Opposition et son chef qui préconisait la
voie de la force, quoiqu'il ait essayé de le nier par la suite.
Et nous vivons le même dilemme, aujourd'hui, puis c'est tellement
vrai que, en 1990, quand nous avons vu que l'opération débordait
la capacité des forces policières, nous avons fait appel au
soutien des forces armées. Les Forces armées canadiennes sont
venues sur le territoire du Québec, y ont séjourné pendant
plusieurs semaines. Qu'est-ce qui est arrivé? Quand le pont Mercier a
été libéré peu de temps après, les forces
armées sont parties, elles sont rentrées chez elles et ont dit:
Cette situation-là est tellement complexe que nous ne sommes pas
préparées pour y faire face maintenant.
Alors, là, vous allez dire: Bien, elles n'étaient pas plus
nettement arrêtées quant à la ligne de conduite à
suivre? Non. C'est parce que, comme pays, nous cherchons ensemble une solution
civilisée à un problème inédit. Si je peux mettre
dans la tête de l'Opposition, ce matin, que ce n'est pas, ça ne
peut pas être uniquement un problème de police ordinaire. En
matière de police ordinaire, la Sûreté du Québec
fait son travail partout à travers le Québec. Elle est capable de
le faire et je défie l'Opposition de contredire ce que je dis. S'il y a
des problèmes particuliers dans certaines réserves indiennes,
reconnaissons donc honnêtement que ce ne sont pas d'abord des
problèmes de police. C'est ça que je veux dire. Et comme pays...
Et ici, au lieu de me désolidariser du gouvernement
fédéral, je critique les erreurs qui ont été
faites, mais ça ne m'empêche pas de continuer à penser
qu'on peut résoudre ce problème-là à
l'intérieur du régime fédéral canadien. Nous allons
le tenter loyalement avec le nouveau gouvernement. Il y a toujours un certain
dynamisme, au début d'un nouveau
gouvernement, que nous allons essayer d'utiliser pour les fins de cette
cause-ci.
Et je vous le dis encore une fois: Allez au bout de votre logique.
Dites-nous: II faut intervenir avec des forces d'intervention musclées,
comme les affectionne le chef de l'Opposition. Ça m'étonne de la
part du député de Jonquière, parce que je le connais comme
un homme beaucoup plus modéré, d'ordinaire, d'ordinaire. Si vous
allez jusque-là, si ça ne marche pas à ce
moment-là, si on sort des armes d'une force qui dépasse celle de
la police, qu'est-ce qu'on fait? Il faut faire appel à l'armée.
On a déjà fait appel à l'armée en 1990. Le
problème n'a pas été complètement résolu
parce que, tant que nous n'aurons pas agi, également, sur la dimension
politique, cet aspect du problème va demeurer difficile à
gérer.
C'est pour ça que nous travaillons sur tous les fronts en
même temps. L'action du ministre délégué aux
Affaires autochtones est extrêmement importante dans ces
dossiers-là. Lui, il s'emploie, par tous les moyens, à favoriser
des solutions négociées aux problèmes politiques
concernant les communautés amérindiennes. Je pourrais vous en
parler pendant des heures du travail que nous faisons pour promouvoir des
solutions négociées avec les Inuit, avec les Cris, avec les
Montagnais, avec les Attikameks, avec les Mohawks, également. Nous
n'avons pas renoncé à trouver des solutions
négociées de ce côté-là. Et, tant que nous
n'aurons pas renoncé, nous devons rester fidèles à la
ligne de conduite que nous nous sommes fixée. Il y a une chose
sûre, vous ne pouvez pas opter en même temps pour une ligne de
conduite et pour la ligne de conduite contraire. Il faut en choisir une,
être logique avec soi-même.
Et je dis à l'Opposition: Si vous refusez la ligne de conduite du
gouvernement, allez jusqu'au bout de la ligne de conduite que vous
préconisez, avec les risques que ça comporte. Dites-le
franchement à la population et dites-nous ce que vous feriez.
Après que l'armée est partie de Kahnawake en 1990, qu'est-ce que
vous auriez fait avec vos légionnaires?
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le ministre. M. le
député de Chauveau.
M. Rémy Poulin
M. Poulin: Merci, M. le Président. M. le Président,
la question dont faisait mention mon collègue, le ministre de la
Sécurité publique, à savoir la position de nos adversaires
d'en face, on aura la chance, dans les prochains mois, de l'entendre parce
qu'on sait tous qu'on s'en ira vers une élection. Et on verra le message
de leur chef, celui que M. Vastel, dans l'article, appelle «le
Tarzan». Celui qu'on appelle «le Tarzan», qu'est-ce qu'il va
faire au bout de la liasse, tout à l'heure, sur le cas des
Amérindiens?
Une voix: De la liane.
M. Poulin: De la liane, excusez-moi. M. le Président, la
sagesse du gouvernement dans ce dossier-là, surtout pour ce qui me
touche dans mon comté, fait en sorte que l'entente dont le ministre,
tout à l'heure, parlait sur les corps policiers sur les réserves
n'est peut-être pas signée, mais pas déchirée, non
plus. Et ça, c'est important. Je pense que le député de
Jonquière devrait prendre connaissance de ce type d'entente pour
redonner ou donner aux réserves un corps policier officiel, en
collaboration aussi avec la Sûreté du Québec, parce qu'on
sait que la Sûreté du Québec a un rôle à jouer
partout dans la province. Ce n'est pas parce qu'à Loret-teville il y a
un corps policier que la Sûreté du Québec, si elle voit une
infraction, n'appliquera pas la loi. Mais, si on en venait à des
ententes comme celle-ci sur toutes les réserves du Québec, je
pense qu'on deviendrait encore plus des partenaires de la loi avec ces
gens-là, avec la Sûreté du Québec.
M. le Président, on parle de la position du
fédéral. On regarde la dernière élection. J'ai
hâte de voir les amis d'en face avec le Bloc québécois, de
quelle façon ils vont nous aider là-bas. Et j'aurai la chance,
avec mon collègue de Montmorency, de travailler sûrement à
des dossiers qui ne sont pas réglés dans la région de
Québec, et on verra celui qui aura la plus belle entrée avec M.
Chrétien et son équipe. Ce sera qui, du député de
Montmorency ou du député de Chauveau, qui aura les entrées
dans ce gouvernement-là? On verra en temps et lieu, mes amis. Ne vous
fatiguez pas, on verra. Parce que ce n'est pas le Bloc québécois
qui va avoir toute la pression pour aider dans ce dossier litigieux que l'on
veut régler dans la paix. Pas dans l'arrogance, comme en face où,
eux, quand des familles sont touchées, ça n'a pas l'air de trop
les intéresser. Et, quand on dit qu'on fait de la
«démogagie», excusez, démagogie de ce
côté-ci... (11 h 20)
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Poulin: Ah, vous pouvez bien rire. On peut faire des erreurs,
puis ça ne me dérange pas d'en faire, des erreurs, M. le
député de Jonquière. Je n'ai pas l'impression d'avoir la
sainteté parfaite.
M. Dufour: M. le Président... M. Poulin: Hé
que ça le choque!
Le Président (M. LeSage): M. le député de
Chauveau, si vous voulez bien...
M. Poulin: Pauvre député de Jonquière!
Le Président (M. LeSage): ...vous adresser à la
présidence, s'il vous plaît. Poursuivez, M. le
député de Chauveau.
M. Poulin: II était mieux de s'occuper du dossier des
affaires municipales, dans le temps, que de celui-là, lui.
M. le Président, je veux en revenir... Oui, je veux que ça
se fasse dans la tranquillité et dans la paix pour ne pas revoir Waco et
pour ne par revoir ce qu'on a vécu à Oka. Et ces gens-là,
je trouve qu'ils sont provocateurs, M. le Président, avec leur chef en
tête. Mon gouvernement a pris la décision d'y aller dans le
même sens qu'en 1990, et ça, je pense que c'est être
conscient du problème de ce côté-ci. Parce que, de l'autre
côté, quand on veut parler de mesures fortes... J'ai hâte de
les voir, d'ici quelques mois, avec leur position. Les gens vont les
connaître comme il faut, ces gens-là qui veulent la
souveraineté. On verra bien s'ils n'ont pas l'idée de prendre la
Sécurité publique et de l'appliquer partout, eux aussi.
M. Dufour: Ah non!
M. Poulin: Écoutez le député de
Jonquière répliquer. Quand la vérité blesse, on
bouge, hein? M. le Président, je vous remercie pour cette
deuxième phase de cette commission.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le
député de Chauveau. Je cède maintenant la parole au
député de Jonquière.
M. Francis Dufour
M. Dufour: On pourrait peut-être dire que les remarques du
député de Chauveau ou ses interventions ne passeront
sûrement pas à l'histoire. Ça n'a pas tout à fait de
rapport...
M. Poulin: Je n'ai pas besoin de les lire, les miennes.
M. Dufour: ...avec ce qui se passe.
M. Poulin: Je n'ai pas besoin de lire les miennes, M. le
Président. Question de règlement, M. le Président.
Le Président (M. LeSage): À l'ordre, s'il vous
plaît! La parole est maintenant au député de
Jonquière.
M. Poulin: Question de règlement.
M. Dufour: Quand ça fait mal, on bouge. Ha, ha, ha!
Le Président (M. LeSage): M. le député de
Chauveau, vous aurez l'occasion de revenir à la charge dans la
dernière séquence de cette interpellation.
M. Poulin: J'ai une question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. LeSage): M. le député
de
Chauveau, il n'y a pas de questions de règlement. Vous aurez
l'occasion de...
M. Poulin: Je voulais juste rappeler au député de
Jonquière que je n'ai pas besoin de lire mon texte.
Le Président (M. LeSage): M. le député de
Jonquière, vous avez la parole.
M. Dufour: Merci. Vous me permettrez d'aborder quelque peu la
question des vidéopokers illégaux qui continuent d'être
opérés sans que les forces policières n'interviennent. En
octobre 1991, la Cour suprême déclarait illégaux les
appareils vidéopokers. Cette illégalité aurait dû
normalement amener les forces policières à saisir les machines
illégales dont plusieurs exploitants sont associés au monde du
crime organisé. Rien ne fut fait. En fait, le gouvernement a
jonglé pendant plus de deux ans avec diverses formules visant à
récupérer une partie des revenus provenant des
vidéopokers. Pendant tout ce temps, on a laissé les exploitants
de vidéopokers opérer leurs appareils illégaux
impunément. D'ailleurs, en février 1993, plusieurs directeurs de
police avaient indiqué avoir les mains liées parce que le
gouvernement tergiversait.
Arrive, en juin dernier, la loi 84 où les appareils
vidéopokers passent sous le contrôle du gouvernement. Toutefois,
aucune saisie n'est effectuée et les 25 000 appareils vidéopokers
demeurent sur le marché. L'État continue à perdre de
l'argent. À la Sûreté du Québec, on confirme que
rien n'est prévu quant à la saisie des vidéopokers pour le
moment et on soutient que ce dossier est encore à l'étude au
ministère de la Sécurité publique. On se demande bien ce
que le ministère peut bien étudier au juste, puisque ces
appareils sont tout simplement illégaux et qu'il suffit de les
saisir.
À la Régie des courses, des alcools et des jeux, on parle
d'établir un plan d'action, tandis qu'au cabinet du ministre de la
Sécurité publique on espère que les propriétaires
de vidéopokers vont, de leur propre initiative, se débarrasser
des appareils illégaux. On affiche là une belle candeur. De toute
façon, à peine les vidéopokers passés sous le
contrôle de l'État québécois, on apprend que
plusieurs groupes s'affairent déjà à lancer sur le
marché des jeux de bingo électroniques qui, rappelons-le, avaient
été, en 1983, déclarés légaux par les
tribunaux. Ces appareils avaient connu une certaine popularité au
Québec dans les années soixante et soixante-dix, mais, depuis
l'arrivée des vidéopokers, ils ont pratiquement disparu du
marché. À l'époque, il était de
notoriété publique que plusieurs tenanciers
d'établissements remboursaient les parties gratuites, même si
cette pratique était illégale.
J'aimerais donc que le ministre nous explique comment il se fait que les
25 000 appareils vidéopokers illégaux sont toujours sur le
marché et qu'on tarde tant à les saisir. J'aimerais aussi savoir
si le ministre compte vraiment sur les exploitants pour se débarrasser
des
appareils qui rapportent des revenus très appréciables.
enfin, le ministère de la sécurité publique et les
autorités policières ont-ils prévu la
réintroduction sur le marché des bingos électroniques et,
si oui, que comptez-vous faire? attendre des années comme pour les
vidéo-pokers ou agir maintenant avant que ces appareils ne
prolifèrent? »
Le gouvernement avait fixé au 15 septembre la date où les
appareils vidéopokers devaient être saisis. Le gouvernement a
promulgué la loi, mais ne l'applique pas. Qu'est-ce qui se passe? Est-on
sérieux? N'a-t-on pas étudié les impacts de la loi
suffisamment? Pourtant, un mémoire au Conseil des ministres, daté
du 14 avril 1992, soumis par le ministre des Finances, avait pour objet:
«Opération par l'État de casinos et de loteries
vidéo au Québeo, où l'on peut lire, au chapitre des
inconvénients: «La nécessité d'éliminer les
appareils actuellement exploités de façon illégale
nécessitera un effort soutenu des corps policiers. On pourrait
également assister à des pressions ou à des manifestations
de mécontentement de la part des opérateurs actuels et d'un
certain nombre de commerçants qui se verront privés de leurs
appareils et des revenus qui en découlent.»
À titre de recommandation, dans le même décret:
«À conclure, au sens de l'article 17 de sa loi constitutive, les
contrats d'acquisition requis pour l'implantation de deux casinos donc,
on peut dire que Charlevoix l'a manqué par un nez, quelque part dans le
temps, parce que Charlevoix l'a obtenu, mais il y a quelque chose qui cloche
quelque part et du régime des loteries vidéo, à
condition que la Société ait convenu avec le Conseil du
trésor de la procédure générale à suivre
afin de réaliser ces acquisitions. De plus, le mercredi 14 avril 1993,
une réunion de l'Association des directeurs de police du Québec,
sur invitation du ministre, avec des représentants de son
ministère, et des services policiers suivants: Laval, le Service de
police de la Communauté urbaine de Montréal, la
Sûreté du Québec, Longueuil, Hull, Gatineau,
Trois-Rivières, Saint-Hubert, Sherbrooke, afin de traiter de
l'implantation de casinos et de vidéopokers.»
On peut lire dans ce mémo...
Le Président (M. LeSage): M. le député.
M. Dufour: ...que, selon la Sûreté du Québec,
la loi et son contrôle seront facilement applicables: bars, brasseries,
tavernes, etc. Mais une chose est certaine, si nous n'avons pas l'intention
d'appliquer les lois, pourquoi faire des lois?
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le
député de Jonquière. M. le ministre.
M. Claude Ryan
M. Ryan: Tout d'abord, il y a deux aspects: après le
jugement de la Cour suprême, puis après l'adoption de la loi 84.
Je pense que le député convient que c'est deux périodes
différentes. Après le jugement de la Cour suprême, les
corps policiers ont effectué de nombreuses saisies, institué des
poursuites devant les tribunaux. On ne pouvait pas marcher 50 procès en
même temps partout à travers le Québec. Il y avait des
procès qui servaient de causes types, puis on s'est rendu compte que la
preuve à établir pour ce genre de procès était
extrêmement laborieuse, extrêmement risquée
également.
C'est là qu'on avait conclu qu'il fallait modifier le
régime légal. C'est alors qu'on a conçu le projet de loi
84 qui a été adopté par l'Assemblée nationale, un
peu par-delà certaines réserves qu'avait manifestées le
député de Montmorency. Le député de Montmorency
aurait aimé ça qu'on garde les exploitants privés dans le
système, au niveau de la distribution. Il nous avait fait des
représentations à ce sujet-là. Je pense qu'on lui a
établi clairement que ça ne pouvait pas fonctionner. Ça
prenait un système qui serait dirigé, géré par
Loto-Québec, ce que nous avons établi dans la loi 84 laquelle fut
adoptée, si mes souvenirs sont bons, à l'unanimité par
l'Assemblée nationale en juin dernier. De ce
côté-là, j'exprime mon appréciation au
député de Jonquière qui a collaboré très
activement, puis très loyalement à l'examen de ce projet de loi
dans le temps. (11 h 30)
Là, il fallait établir un règlement pour les
vidéopokers, il fallait établir un règlement sur le mode
de fonctionnement. Ça, c'était extrêmement complexe. On a
passé tout l'été à faire ça. Le
règlement a été adopté le 15 septembre, si mes
souvenirs sont bons, puis il a été publié dans la Gazette
officielle du Québec quelque temps après. On ne pouvait pas
procéder tant que le règlement n'était pas clairement
établi et promulgué. Là, je le disais tantôt au
député de Jonquière et je le répète, les
forces policières...
Il disait: Rien n'est prévu à la Sûreté du
Québec; vous avez dit ça littéralement tantôt. C'est
une fausseté. C'est une fausseté; tout est prévu à
la Sûreté du Québec, jusque dans le moindre détail
de l'opération. L'opération commencera incessamment. Elle se fera
suivant des modalités qui ont été soumises à mon
approbation, que nous avons eu l'occasion d'examiner ensemble. Les autres corps
de police sont tout à fait dans le coup. Ils sont même en
réunion encore, ils étaient en réunion hier, à ce
sujet-là, à Montréal. Et le député de
Jonquière pourra assister au résultat de tout ce travail dans un
avenir prochain. Par conséquent, je ne voudrais pas qu'il continue
à penser et surtout à répandre que rien n'est prévu
à la Sûreté du Québec, qu'on continue
d'étudier pour le moment. C'est absolument faux. Nous sommes rendus bien
au-delà de cette phase, et j'en suis très heureux.
Je pense que le système que nous avons conçu avec la loi
84 va permettre de mettre de l'ordre dans tout ce domaine-là. Je ne
prétends pas qu'il n'y aura jamais.... Il y a toujours des finauds qui
vont inventer des formules nouvelles pour essayer de passer à
côté de la loi, et Dieu sait qu'il y a beaucoup d'avocats qui sont
au travail actuellement pour essayer de trouver des
fissures ou des trous, dans la loi, qui permettraient aux exploitants
actuels de continuer leur commerce. Ça, nous nous y attendons; nous
savons qu'il y aura... D'ailleurs, le député sait sans doute que
des demandes d'injonction ont été soumises aux tribunaux.
Jusqu'à maintenant, nous avons été chanceux, nous avons eu
de bonnes décisions. Nous pouvons continuer notre travail. Nous
entendons le poursuivre également. Je veux assurer le
député de Jonquière que tout ce qui est prévu dans
la loi 84 va se réaliser.
La semaine prochaine, nous déposerons un projet de loi qui va
permettre d'apporter certaines améliorations à la loi que nous
avons adoptée au mois de juin de cette année, pour des raisons
évidentes, c'est qu'en confectionnant les règlements, à la
fois les règlements de Loto-Québec et les règlements de la
Régie, nous nous sommes aperçus qu'il y avait des ajustements
à faire. C'était pratiquement inévitable dans un domaine
inédit comme celui-là où nous n'avons jamais
fonctionné comme gouvernement. Mais, avec les améliorations que
nous apporterons, je pense que la législation dont nous pourrons
disposer pour faire face aux problèmes permettra de régler
rapidement les difficultés qui subsistent et surtout d'assurer le
lancement, sur une base solide, du dispositif que prépare actuellement
la société Loto-Québec.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le ministre. Avant de
céder la parole au prochain intervenant, j'aimerais souligner aux
membres de cette commission que, le minutage étant très
serré puisque nous avons débuté les travaux quelques
minutes passé l'heure prévue de 10 heures, au rythme où
vont les choses, nous allons terminer un peu passé midi. Alors,
ça prendrait le consentement pour poursuivre quelques minutes
passé l'heure du midi. Ça va? Alors, M. le député
de Deux-Montagnes, la parole est à vous.
M. Jean-Guy Bergeron
M. Bergeron: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais
me servir de cette troisième intervention pour souligner que, depuis
bientôt une heure et demie, nous avons discuté d'un
problème dont nous discutons depuis quatre ans. Il n'y a aucun doute
qu'il serait très facile pour notre gouvernement de régler ce
problème. Je l'ai souligné souvent, il n'est pas question
d'employer la force. Ce que notre gouvernement cherche, c'est une solution
civilisée, c'est une solution où on évitera le
désordre social. C'est juste là-dessus que l'on base nos
interventions. C'est tout simplement sur ce fond que nous désirons
protéger l'image du Québec.
Je l'ai souligné précédemment, il serait tellement
facile, je ne dirais pas de régler ce problème, mais de poser un
coup de force. Depuis 1990, nous avons été l'objet, je le disais
précédemment, de gorges chaudes, d'ironie, de sarcasmes. Je dois
dire que c'est un peu normal, et il nous faut continuer je sais que mon
ministre va continuer dans ce sens-là de montrer de la sagesse,
de la prudence, et ce qu'il a démontré depuis quatre ans, de la
patience.
D'ailleurs, lorsqu'on voit, dans les journaux d'aujourd'hui, les
principaux éditoriaux, qu'est-ce qu'on lit ce matin? Que Ryan veut
éviter une crise comme celle de 1990 c'est ça, le fond du
problème que Québec entend faire pression sur
Chrétien pour régler le problème de la contrebande du
tabac M. le ministre de la Sécurité publique nous en a
parlé tout à l'heure que Ryan préfère
être prudent. C'est ça, le fond du problème.
Comme je vous le disais, chez moi, je vis une vie d'enfer depuis quatre
ans, mais je supporte mon gouvernement et je supporte la prudence, la sagesse
qu'il démontre. C'est difficile. C'est très difficile et c'est
très pesant. Je dois dire que, depuis quatre ans, je n'ai pas vieilli de
quatre ans; j'ai vieilli de beaucoup plus que ça. Mais il faut que la
population comprenne elle l'a compris à Oka que ce n'est
pas par la force qu'on va régler ce problème qui existe chez nous
et un peu partout au Québec.
Alors, oui, je suis fier de mon gouvernement. Oui, je suis fier de la
prudence que mon gouvernement manifeste, et j'espère fortement que
l'Opposition va nous aider et va nous fournir des suggestions, des idées
qui pourront régler ce fameux problème-là. Alors,
écoutez, M. le Président, jusqu'ici... Pourtant, je connais la
profondeur de pensée du député de Jonquière.
Aujourd'hui, il a peut-être ouvert un peu les horizons, mais depuis qu'on
entend le député de Jonquière... Ce n'est pas le
député de Jonquière, ça, parce que je le connais
plus que ça. Il a beaucoup plus de profondeur que ça. Mais
qu'est-ce qu'on entend du député de Jonquière depuis un
an, six mois ou depuis quelques mois? Il présente toujours la même
question: Pourquoi...
Une voix: II lit son texte.
M. Bergeron: Ça, ça ne me regarde pas. Pourquoi le
ministère de la Sécurité publique permet-il que des
individus se livrent à la contrebande de cigarettes, au vu et au su de
tout le Québec, sans être arrêtés par des forces
policières? Ça, ce n'est pas le député de
Jonquière. Ce n'est pas le député de Jonquière,
parce que le député de Jonquière, il a bien plus de
profondeur que ça.
En terminant, je «sollicite» et vous me le
permettrez, M. le ministre que vous trouverez à partir de ce
matin un intervenant qui saura régler ce fameux problème de la
crise autochtone. Je vous remercie.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le
député de Deux-Montagnes. Je cède maintenant la parole au
député de Montmorency. M. le député de
Montmorency.
M. Jean Filion
M. Filion: Merci, M. le Président. J'écoute le
député de Deux-Montagnes, et je pense que le dossier
est très sérieux. Je l'écoute reconnaître
lui-même que ce n'est pas un dossier de la Sécurité
publique, et je pense qu'on partage la même opinion. Je trouve
décevant de voir c'est la dernière intervention, M. le
Président, et je veux livrer un message aussi avec quelle
démagogie le gouvernement libéral approche ce dossier-là,
avec de la prudence, et qu'on juge l'Opposition comme provocatrice, M. le
Président. Si vous saviez combien il y a de personnes qui ont perdu leur
emploi parce qu'elles respectent nos lois, M. le Président, combien de
jeunes sont aux prises avec le réseau de la contrebande. Nos jeunes,
notre relève. On va livrer les cigarettes à nos jeunes dans leurs
poches.
La contrebande, elle a quelque chose de merveilleux: elle est en train
de détruire notre jeunesse. On met des règles oppressives
où on fait développer par le réseau de la contrebande une
organisation de jeunes qui vont être pris comme des délinquants.
On leur donne l'exemple par excellence que notre système est
cassé, que ça pète de partout, et on leur dit que c'est la
politique fiscale. Us ont juste à réduire les taxes. Là,
on continue à nous conter des histoires d'horreur, des histoires de
peur, quand, en réalité, la panique est partout sur le territoire
où nos jeunes, nos jeunes, M. le Président...
Là, je veux parler des jeunes, parce que c'est vrai que, les
jeunes, on leur livre les cigarettes dans leurs poches. Au moins, avant, ils
devaient faire un effort. Il fallait qu'ils aillent les acheter, au moins, chez
le dépanneur. Mais, là, ce n'est pas ça. Le réseau,
M. le Président, se rend chez les jeunes, les côtoie, leur remet
ça de main à main et leur dit: Écoutez, ne vous en faites
pas avec ça, il n'y a rien qui va arriver. Le gouvernement ne peut rien
régler. Ils n'utiliseront pas la force parce que, effectivement, on
n'est pas dans une société où on doit appliquer les lois
avec la force. Et ça, je suis d'accord. (11 h 40)
Mais, M. le Président, si on n'applique pas la force et qu'on
reconnaît que la Sécurité publique n'a pas d'affaire dans
le problème de la contrebande, eh bien, il va falloir que ce
gouvernement-là, après cinq ans, arrive avec des solutions
pragmatiques. Il va falloir qu'on considère les pertes d'emplois sur le
territoire, et les dépanneurs qui ont fermé leurs portes, qui
continuent à fermer leurs portes et qui perdent leur emploi, il va
falloir qu'on leur explique un jour quand est-ce qu'on va régler le
problème. Eux, là, ils ne demandent pas des interventions
agressives; ce qu'ils demandent, c'est de retrouver leur emploi, de retrouver
la possibilité de faire un commerce dans la légalité, en
respectant nos lois, avec des politiques qui ne sont pas des politiques de deux
poids, deux mesures, M. le Président. C'est tout ce qu'ils demandent,
les citoyens et les citoyennes du Québec.
Ils ne demandent pas ce qu'on est en train de faire comme exercice de
démagogie et de lancer la peur du spectre qu'on pourrait revivre
l'été 1990. Ce n'est pas ça qu'ils attendent, les
citoyens. Ce qu'ils veulent, c'est qu'ils sentent qu'effectivement il y a
quelqu'un, quelque part, qui s'occupe sérieusement de ce
problème-là et qu'on va vraiment aboutir bientôt à
des solutions où les gens vont retrouver le goût de fonctionner
dans des règles économiques où tout le monde se sent
traité équi-tablement. C'est ça qu'on veut, M. le
Président.
Et, moi, je dis que la jeunesse, actuellement, est dans un bourbier
épouvantable avec ce dossier-là. C'est vrai, M. le
Président, que la santé est bien plus menacée avec une
contrebande comme on vit actuellement, où on est en train d'habituer des
jeunes à fumer parce qu'on leur livre la cigarette et c'est bien juste
si on ne la fume pas pour eux! On est en train de développer un
réseau de contrebande pour ne pas qu'ils soient pris par la police, M.
le Président. Us vont mettre des jeunes, des mineurs, pour ne pas qu'ils
soient pris par l'intervention policière. C'est ça qu'on est en
train de créer, de susciter sur le territoire, et c'est ça qu'il
faut dénoncer parce que, effectivement, la police n'a pas sa place dans
l'application de nos lois fiscales.
Je pense, M. le Président, que cette loi-là 90 et
j'espère que le ministre va la regarder sérieusement il
faut qu'elle soit retirée, il faut qu'on arrête de mettre une
pression indue alors qu'on sait que les gens ne pourront même pas
l'appliquer, M. le Président. Et les gens le savent déjà
que le ministre ne pourra même pas l'appliquer, ce projet de loi.
Pourquoi continue-t-il dans cette voie d'oppression? Je pense que la loi
fiscale doit être revue; l'approche qu'actuellement a
développée le gouvernement libéral doit être
changée et on doit comprendre qu'actuellement c'est notre jeunesse qui
est compromise dans tout ce débat-là. Et plus ça va, plus
c'est elle qui va en souffrir.
Je pense que le débat social est très grave. Et M. Ryan,
le ministre de la Sécurité publique, en est conscient, M. le
Président. Ce matin, il a fait une ouverture que je trouvais
intéressante; je pense qu'il va s'attaquer vraiment à la source
de la politique fiscale, qui est Ottawa, et il va vraiment comprendre l'enjeu
qu'on est en train de vivre ici au Québec. Moi, je pense que M. Ryan, le
problème qu'il a, ce n'est pas compliqué, c'est qu'il en a trop.
Si M. Ryan n'était pas dans ce gouvernement-là, M. le
Président, je ne sais pas à qui on s'adresserait aujourd'hui. On
a l'impression qu'on n'a pas d'interlocuteur de l'autre côté.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le
député de Montmorency. M. le ministre, pour une dernière
période de 10 minutes.
Conclusions M. Claude Ryan
M. Ryan: Oui. Je pense que c'est l'occasion de résumer
tout ce que nous avons dit de la manière la plus honnête, la plus
claire et la plus constructive possible. Je pense qu'il y a accord entre
l'Opposition et le
gouvernement sur l'objectif. Aucun membre de cette Assemblée
n'est favorable en quelque manière que ce soit, j'en suis sûr, au
commerce illégal de la cigarette ou de quelque autre produit que ce
soit. Nous sommes tous opposés fondamentalement à ce genre de
pratique et nous en souhaitons l'élimination. Nous savons tous,
cependant, que, la nature humaine étant ce qu'elle est, il surgira
toujours, à toutes les époques, dans tous les contextes, des
formes nouvelles d'activités illégales que les pouvoirs publics
ont la responsabilité de combattre chaque fois qu'elles surgissent.
Alors, là-dessus, je pense que c'est clair, nous avons tous le
même objectif.
Maintenant, quand arrive la perception de la réalité et la
manière d'agir, là, je crois qu'il y a deux façons
fondamentales de voir qui divergent. Nous autres, du côté du
gouvernement, nous disons, spécialement en ce qui touche les
Amérindiens: II y a un problème légal, un problème
qui concerne la police, et il y a en même temps un problème
politique qui regarde l'ensemble du gouvernement et de la
société. Ces deux problèmes sont étroitement
imbriqués l'un dans l'autre, tellement que, si vous agissez uniquement
sur le problème policier, vous agissez inévitablement en
même temps sur le problème politique. Si vous recourez à la
méthode de la force, on va dire de l'autre côté: Ils
recourent à la force pour régler notre problème, ils ne
nous écraseront pas; ce n'est pas comme ça qu'ils vont le
régler.
Nous avons eu une autre expérience dans notre histoire
récente. Quand est arrivé le problème du terrorisme au
Québec, en 1970, le gouvernement fédéral et le
gouvernement du Québec de l'époque ont pensé que la
méthode forte, la Loi sur les mesures de guerre, était la
méthode qui s'imposait. Moi-même, j'étais directeur du
Devoir, à l'époque. Je m'étais fortement
opposé à cette méthode-là. Je pense que les
événements m'ont donné raison par la suite, ainsi
qu'à ceux qui ont critiqué à l'époque.
Mais je vous dis: Faites attention. Moi, j'ai toujours la même
répulsion à l'endroit du recours à la force pour le
règlement de problèmes de nature politique. Quand c'est un
problème de comportement déviant, qui regarde un individu,
ça, c'est une chose qui regarde la police, mais, quand c'est un
problème collectif, là, qui a des dimensions politiques, tout
ça est pris ensemble. Les terroristes faisaient des actes criminels. En
même temps, c'était relié à un mouvement, à
un objectif politique. Ceux qui ont confondu les deux sont tombés dans
le piège aveuglément, au plus grand détriment de
l'équilibre social. Alors, je vous dis, nous sommes prudents.
Puis, là, il y a quelque chose qui nous sépare
profondément. J'espère que l'Opposition va profiter du
débat de ce matin pour réviser sa position sur cette question-ci,
pour l'examiner en profondeur en caucus, à commencer par le chef de
l'Opposition qui n'a jamais eu des positions claires sur la question
amérindienne. Il a toujours patiné, tenu des propos qui
étaient profondément ambigus et équivoques. Puis je suis
surpris, moi aussi, de voir le député de Jonquière, qu'on
embarque là-dedans un peu de force, j'en suis sûr, parce que je
l'ai eu comme interlocuteur aux Affaires municipales et j'ai toujours, toujours
rendu témoignage à sa sincérité.
La question qu'il pose est une question qui se pose dans l'esprit de
nombreux citoyens. Il nous appartient, nous autres, comme hommes publics qui
sommes appelés à diriger le débat public, de poser le
problème correctement et, quand nos citoyens nous adressent une question
simpliste, et ça arrive tous les jours, de leur dire: Vous savez, ce
n'est pas aussi simple que ça. Je le souhaiterais. Avant d'être
dans les fonctions que j'exerce, j'ai été porté à
penser comme vous, mais je dois, étant donné les fonctions que
j'exerce, vous informer sur l'ensemble du problème.
Alors, nous vous rappelons, ce matin, ces dimensions absolument
incontournables du problème, et je vous assure que, quand vous acceptez
ce postulat, qu'il y a une dimension politique, une dimension proprement
légale et policière, à ce moment-là, vous
êtes obligés d'agir avec prudence. Moi, je veux dire une chose:
Peut-être une de mes principales contributions, ces dernières
années, aura été de contribuer à former la
Sûreté du Québec à voir cette dimension davantage.
Et je dois dire que j'ai reçu d'eux une collaboration exemplaire. C'est
vrai qu'il y a des policiers, le long du chemin, qui vont dire: Avec ce
ministre-là, on ne peut pas toucher à rien, et tout ça.
Ils ne sont pas au courant. Ils disent des choses, là... N'importe qui
peut dire des choses stupides dans n'importe quelle fonction. Il y a souvent
des députés qui en disent aussi. Eux autres, la seule
différence, c'est qu'ils les disent publiquement. Mais il ne faut pas se
laisser emporter par ça, et il ne faut pas partir d'un propos anonyme
d'un policier qui était peut-être fatigué et dire: Voici ce
qui se passe à la Sûreté du Québec.
Je vous assure, M. le Président, ces questions, j'en traite en
concertation étroite avec les autorités de la Sûreté
du Québec. Régulièrement, nous faisons le point,
également, avec nos interlocuteurs fédéraux, la
Gendarmerie royale du Canada qui, sur le fond, a exactement la même
approche que nous. Il ne se peut pas que tous ces milieux, qui ont vraiment la
connaissance du problème, pensent d'une certaine manière et
soient tous dans l'erreur, alors qu'il suffit que n'importe qui aille se
balader à la télévision ou à la radio avec un petit
reportage improvisé, puis cette personne-là va détenir la
vérité. Je demanderais à l'Opposition de faire montre
peut-être d'un petit peu plus de discernement dans ses critiques et de
voir avec nous l'ensemble du problème. Et, si nous pouvions avoir une
approche plus unie, l'Opposition et le gouvernement, sur le fond de cette
question-ci, je pense que nous serions mieux placés pour en
accélérer le règlement.
Voilà, M. le Président, comment je vois le
problème. Nous prendrons nos responsabilités avec le gouvernement
fédéral, comptez sur moi. J'ai donné mon appui au parti de
M. Chrétien à la dernière élection. C'est la
première fois que je le faisais dans toute ma carrière politique.
C'était par souci pour les affaires
municipales et interurbaines, mais également, et je l'ai dit
publiquement, à cause de la question autochtone sur laquelle je trouve
que M. Chrétien, étant donné ses
antécédents, a une sensibilité beaucoup plus
exercée que ne l'avait le gouvernement précédent. (11 h
50)
Et j'ai hâte d'entamer le dialogue de ce côté afin
qu'on puisse préciser certaines choses qui demandent à être
éclaircies. Et comptez que nous allons le faire, mais dans le respect
des principes du fédéralisme et dans l'esprit de respect mutuel
et de collaboration, sans lequel le régime fédéral ne peut
tout simplement pas fonctionner. Et je compte que le Parti
québécois, qui n'a pas réussi à persuader ses
anciens amis conservateurs d'avoir une approche plus active, plus
créatrice dans ce domaine, réussira davantage avec le parti qui
forme ou qui risque de former l'Opposition officielle à Ottawa. J'ai
écouté ce que M. Bouchard a dit jusqu'à maintenant. Il a
patiné, lui aussi, à la même manière que votre chef.
Il n'a rien dit de clair sur la question autochtone. J'ai hâte qu'il
précise ses positions, qu'il nous aide à réaliser les
objectifs qui sont importants pour le gouvernement du Québec. Merci.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le ministre de la
Sécurité publique. Je cède maintenant la parole au
député de Jonquière pour 10 minutes.
M. Francis Dufour
M. Dufour: Merci, M. le Président. D'entrée de jeu,
on doit bien constater que la crise d'Oka a traumatisé le gouvernement
du Québec et que tout ce débat a été sur cette
trame-là. En fait, de quoi on parlait ce matin? C'était de la
contrebande, c'était des actions illicites, illégales. On parlait
de l'action de la police. Et on s'est rabattu à l'effet qu'il y a eu une
déclaration du chef de l'Opposition officielle concernant la crise
d'Oka, et ça, ça a été le scandale par qui le
malheur arrive. En fait, si on comprend bien ce que le gouvernement nous dit ce
matin, il a toujours été correct, il n'a pas fait d'erreur, il
n'y a pas eu de bavure dans le dossier. Tout ce qui a été fait,
c'est parfait. L'Opposition n'a fait que critiquer et se poser en juge, en
«répareur» des torts de la veuve et de l'orphelin. Moi, je
suis obligé de vous dire, M. le Président, qu'on a
charrié, puis qu'on va un peu trop loin.
Lorsque le chef de l'Opposition a dit: On aurait pu rentrer dedans
c'est ce qui est dit, là, dans l'article de La Presse, je
m'en rappelle, moi ce qu'il a dit à ce moment-là, c'est
que, dans toute chose, à chaque fois que la police intervient, on parle
des forces de l'ordre. Quand on parle d'une force, on parle de quelque chose
qui s'oppose à quelque chose, à d'autres. Et, lorsque la
Sûreté du Québec démantèle un barrage ou va
sur des lignes syndicales, elle ne se pose pas tellement de questions. Elle
pose le geste et, s'il arrive des problèmes, ils y font face.
La crise d'Oka, c'était basé sur des échanges de
territoires, de terrains. La contrebande, ce n'est pas la même chose du
tout. Ce n'est pas une revendication des autochtones par rapport à leur
vécu, puis par rapport à leur religion, là. On parle de
contrebande, la question illégale qui touche tout le monde. Le ministre
a oublié que c'est de cette façon qu'on aurait pu régler
le problème.
M. Parizeau et je n'ai pas à le défendre, il est
assez grand pour le faire on l'a attaqué plusieurs fois ce matin.
Il me semble qu'on a le droit, au moins, de faire une mise au point. Si on
avait posé les bons gestes au bon moment au lieu de faire de la
démagogie, comme le ministre de la Sécurité publique vient
d'en faire en disant: II préconise la force... Peut-être qu'il
aurait pu prendre ce moment privilégié où l'Opposition
était d'accord; au moment où les gestes se sont produits, on
aurait dû agir.
Moi, je reviens toujours à dire, lorsque le ministre nous dit:
Vous savez, deux jours pour les Indiens, pour les autochtones, ce n'est pas
long, que trois ans, ça commence à être long pour les
Blancs, c'est trop long. Mais, ça, il devrait le comprendre. Puis on
dit, après ça, qu'il n'y a rien à faire. Depuis le
début, on ne fait rien. On demande des solutions. On n'est pas le
gouvernement, nous autres, on est l'Opposition. Prenez toutes les actions du
Parti libéral lorsque le gouvernement du Québec, c'était
le Parti québécois; ils n'ont pas donné bien, bien de
solutions, ils ont donné bien plus de critiques, puis ils ont
traité de Liban, etc. On pourrait en mettre. Voyons! Il n'y a pas
quelque chose qui est comparable. Là-dedans, je pense qu'on prend nos
responsabilités.
Le ministre nous demande des solutions c'est peut-être le
temps qu'on soit au pouvoir je vais lui en donner une, au moins, un
commencement, un aperçu de ce qu'il pourrait faire. On a actuellement la
police du tabac, la police verte, la police d'Hydro-Québec, la police
pour les assistés sociaux, la police du Revenu, la police de l'essence,
la police de la route, la police de la faune. Vous ne trouvez pas qu'il y en a
trop, de polices? Je pense qu'il y aurait quelque chose à faire pour
mettre de l'ordre là-dedans. Il y aurait peut-être là une
façon dont on pourrait se reconnaître si on savait que la police,
c'est la police. La police, c'est quelqu'un qui est là pour mettre de
l'ordre dans la société ou pour faire respecter l'ordre. Pas
nécessairement pour faire de la provocation, mais pour faire accepter,
démontrer qu'elle a un rôle à jouer: pacificateur de temps
en temps, redresseur de torts tantôt, mais poser des actions pour arriver
à faire des choses correctement.
Lorsqu'on dit: II n'y a rien à faire, peut-être que c'est
compliqué d'aller sur le territoire autochtone, puis de passer aux
gestes, mais il y a une chose: quand on ne peut pas régler
l'intérieur, on peut peut-être contrôler l'extérieur.
On peut contrôler ce qui rentre et ce qui sort. C'est le moins qu'on
puisse faire, mais le ministre ne veut pas le faire. Je sais bien qu'on a des
vidéos qui posent des jeunes. Il y a des petits «bums» sur
le bord de la route qui vendent des cigarettes, on les a filmés. Les
gens en vendent. S'il n'y avait pas d'acheteurs pour la contrebande, la
contrebande arrêterait vite. Donc, qu'on prenne ceux-là qui
sortent. C'est tard pour le faire. Pour moi, ce n'est pas la bonne
méthode.
Vous savez, quand le médecin est confronté à une
question grave et à une maladie grave, des fois il n'est pas capable de
régler la cause de la maladie, mais il essaie de contrôler l'effet
que ça produit. Au point de vue de la contrebande, on le sait, la
contrebande, ça serait bien mieux de la régler à la
source. Le ministre nous l'a dit, et depuis trois ans il nous dit ça: On
ne peut rien faire, on est impuissants vis-à-vis ce
phénomène-là. Eh bien, le moins qu'il puisse faire, qu'il
règle les effets s'il n'est pas capable de régler la cause. Il me
semble que, ça, c'en est une méthode qu'on pourrait prendre. Ce
n'est pas une méthode lourde.
Moi, je regarde le gouvernement, comment il se comporte. Tous les
assistés sociaux et le chômage qui se vit dans notre
société, toutes les amendes qu'ils ont imposées et qu'ils
ont grossies, et toutes les attaques qu'ils ont faites sur la fiscalité
municipale, la fiscalité des individus, c'en est de la violence,
ça, c'en est des actes qui provoquent les gens. On n'a pas peur de
ça. Pourquoi? Parce qu'on est des Blancs? Moi, je ne voudrais pas...
Vous savez, on a été un temps où on disait: Ah! C'est les
Indiens, c'est les autochtones. Aujourd'hui, on est rendus bien plus loin que
ça, on dresse les communautés les unes contre les autres.
Pourquoi? Parce qu'on n'a pas posé les gestes au bon moment où on
aurait dû le faire.
Quand on parle de patience vis-à-vis les problèmes, vous
savez, il y a une façon: la prudence, à un moment donné,
ça ne doit pas conduire au laxisme. Quand on a peur d'avoir peur et
qu'on ne pose plus de gestes, à ce moment-là, c'est du laxisme,
Et on ne devrait pas tolérer ça dans une société.
Moi, je suis convaincu qu'il y a des façons dé le faire. Je
connais suffisamment le système policier, pas dans les
particularités, et je sais que, quand ils veulent faire quelque chose,
ils sont capables de le faire. J'ai comme l'impression que, dans ce
dossier-là, il n'a pas carte blanche, il est contrôlé.
Contrôlé par le ministre? Contrôlé par la pression
populaire? Je ne peux pas, moi, déterminer qui contrôle qui. Il y
a une chose certaine, c'est que la police ne peut pas agir selon sa
façon.
Lorsqu'on veut nous parler des problèmes extrémistes qui
se sont passés dans les autres pays, moi, je pense qu'il n'y a aucune
comparaison qui tienne par rapport à ce qu'on vit aujourd'hui. On part
d'une situation qui a existé par rapport à un problème
particulier et on est rendus qu'on ne veut plus rien faire parce qu'on se
rappelle et on veut rappeler à tout le monde... Comparer ou parler de
Waco, c'est même faire un scandale. Parler du respect des familles, c'est
de la folie pure.
Vous savez bien que celui qui vous parle... Ça fait 30 ans que je
vis en politique. Je n'ai pas passé pour un violent jusqu'à
maintenant. Je n'ai pas cassé beaucoup de gueules. Je n'ai pas
brisé beaucoup, beaucoup de portes, je n'en ai pas défoncé
beaucoup non plus.
Moi, je pense qu'il y a moyen de régler des problèmes,
oui, mais il faut avoir une volonté politique. J'ai eu à faire
face à des problèmes, des fois. J'ai eu des circonstances
où on aurait pu poser des actes. On les a posés avec mesure,
pondération. Mais l'important, c'est de les poser au bon moment, c'est
de les poser au moment où ils se produisent. Quand on commence à
se poser des questions, il est trop tard, le mal est fait.
C'est tellement vrai que tout le monde est rendu qu'il provoque ou
affronte la loi, que ça soit le travail au noir... Tout le monde n'y
croit plus. Pourquoi, dans un domaine, on est aussi conciliants et on cherche
tellement la conciliation, on cherche tellement le consensus et, dans d'autres
domaines, c'est du crois ou meurs, tu passes par là? Pensez-vous que les
gens ne voient pas ça? Ça ne fait pas une société
qui est saine, ça ne fait pas une société qui se sent
sécurisée, ça ne fait pas des gens qui se comportent
correctement.
Moi, qu'un journaliste parle d'une chose ou d'une autre... C'est bien
important, les journalistes, mais, moi, je ne gagne pas ma vie à
écrire des articles dans les journaux. J'essaie de transmettre ce que je
connais et ce que je vois sur le terrain. Chez nous, il y a quelqu'un qui vient
d'être arrêté pour la contrebande de tabac. Il a
été poigne, c'est un Blanc: 23 000 $. Savez-vous ce qu'il a fait?
Il s'est installé sur le bord de la route avec un camion, et il joue au
Mohawk. Il ne vend pas de cigarettes, mais il démontre clairement, par
exemple, qu'au Québec il y a deux poids, deux mesures. Il y a deux
justices: justice pour les Blancs et justice pour les autochtones.
Et ça, ce n'est pas le fait de l'ensemble de la population. Si
tout le monde était contrebandier ou si tous les Mohawks étaient
contrebandiers, ça pourrait être terrible. Mais, moi, je suis
convaincu que même les Mohawks ne sont pas d'accord avec ce qui se passe.
Ils ne sont pas nécessairement complices de tout ce qui se passe. Ils
vivent, eux autres aussi, dans un milieu où il y a des brebis galeuses;
il y a des moutons noirs dans la famille et ils vivent avec ça. Et les
moutons noirs, on ne peut pas les arranger, on ne peut pas régler quoi
que ce soit: le gouvernement ne veut pas agir. Donc, eux, ils passent pour des
mauvais citoyens, mais ils sont victimes, autant que les Blancs, de ce qui se
passe sur leur territoire. (12 heures)
Vous savez, à se faire dire qu'on doit être patient et, en
même temps, qu'on va mettre des sanctions plus lourdes pour régler
les problèmes, moi, je ne pense pas que c'est là qu'on va trouver
la solution. La solution, c'est quand on va commencer à poser des gestes
et à montrer une volonté politique réelle de régler
le problème. Et cette politique-là n'existe pas plus dans la
contrebande que dans tous les autres domaines, ni dans le travail au noir, ni
dans la façon ou la volonté de régler des
problèmes.
On sent bien que le ministre de la Sécurité publique, il a
trop de travail. Moi, je suis obligé de dire: II a trop de travail. Il
veut bien tout faire, et je pense qu'il a
une capacité de faire beaucoup de choses, mais je pease qu'il en
a trop. Et, quand il en a trop, il y a quelqu'un qui en souffre. À mon
point de vue, ceux et celles qui en souffrent, c'est la population du
Québec, c'est le gouvernement du Québec. Après trois ans
de tergiversations, après plus de 1 000 000 000$ de pertes, soit en
contrebande, en perte de revenus ou soit en amendes ou en coût qu'a
coûté la crise d'Oka, je pense que c'est le temps qu'on agisse.
Merci, M. le Président.
Le Président (m. lesage): merci, m. le
député de jonquière. alors, ceci met fin aux travaux de la
commission, puisqu'elle a terminé son mandat, et j'ajourne ces derniers
sine die.
(Fin de la séance à 12 h 2)