L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des institutions

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des institutions

Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le mercredi 27 octobre 1993 - Vol. 32 N° 54

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières et étude détaillée du projet n° 106 - Loi sur l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels


Journal des débats

 

(Dix heures vingt minutes)

Le Président (M. Dauphin): Mesdames et messieurs, le quorum étant constaté, je déclare donc la séance de la commission des institutions ouverte. Je rappelle le mandat de la commission, qui est de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi 106, c'est-à-dire la Loi sur l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gauvin (Montmagny-L'Islet) remplace Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata); Mme Carrier-Perreault (Les Chutes-de-la-Chaudière) remplace M. Godin (Mercier). C'est tout, M. le Président.

Étude détaillée

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Alors, hier, à l'ajournement de nos travaux — je récapitule — l'article 2 a été adopté, et c'est le seul article qui a été adopté. L'article 1 a été suspendu, l'article 3 a été suspendu, l'article 4, également, a été suspendu. Alors, voulez-vous que nous appelions l'article 5?

Droits et responsabilités (suite)

M. Bélanger: Oui, s'il vous plaît.

Le Président (M. Dauphin): Alors, j'appelle l'article 5.

M. Rémillard: Alors, M. le Président, vous venez de faire le résumé de nos travaux d'hier. Je crois qu'il faut comprendre de nos travaux d'hier, en suspendant certains articles à la suite de nos discussions, notre souci, à tous les membres de cette commission, d'en arriver à une loi qui serait la meilleure possible et notre désir de faire tout ce qui est en notre possible aussi pour que ça reflète vraiment ce que nous avons dans notre société, en fonction de l'intérêt que nous portons aux victimes d'actes criminels. Alors, dans ce contexte-là, M. le Président, nos gens travaillent beaucoup à trouver peut-être des moyens d'améliorer encore en fonction des discussions que nous avons eues hier soir, et nous reviendrons un petit peu plus tard. Dès que je pourrai fournir à cette commission, peut-être, des propositions ou des réponses à des questions qui ont été posées hier soir sur les articles suspendus, je demanderai à la présidence, à ce moment-là, de rouvrir ces articles pour que nous puissions en discuter.

Le Président (M. Dauphin): Très bien, M. le ministre.

M. Rémillard: Alors, M. le Président, l'article 5 se lit comme suit: «Lorsqu'elle en fait la demande, la victime a droit, dans la mesure du possible et compte tenu de l'intérêt public, d'être informée de l'état et de l'issue de l'enquête policière.»

Alors, M. le Président, cet article reconnaît le droit de la victime d'être informée de l'état et de l'issue de l'enquête policière. Il maintient le droit actuel.

Le Président (M. Dauphin): Questions, commentaires sur l'article 5?

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je regardais cet article-là et je me demandais pourquoi, dans un esprit, peut-être, de concision, là, pour être plus concis, on n'a pas inclus ce qui est énuméré dans S dans 4, dans la déclaration, là, des droits à l'information, et tout ça. Alors, pourquoi, au niveau de la rédaction, on ne l'a pas mis dans 4?

M. Rémillard: C'est que 4, si je comprends bien, c'est dans la procédure judiciaire, alors que, ici, il s'agit de l'enquête policière et du dossier de la victime.

M. Bélanger: Mais le troisième alinéa de l'article 4: «...d'être informée de: l'existence de services de santé et de services sociaux», ça n'a rien à voir avec l'enquête judiciaire. C'est quand même assez général, là, comme...

M. Rémillard: Oui.

M. Bélanger: ...droit à l'information, et tout ça, là.

M. Rémillard: Mais, à ce moment-là, c'est quelque chose qui est plus relié à la situation de la victime personnellement, alors que, dans l'article 5, vous avez aussi l'intérêt public qui est en cause. C'est-à-dire que, si vous avez une enquête policière qui amène à des précautions à prendre pour démanteler un réseau ou je ne sais trop quoi, il est évident que ça peut représenter une dimension que vous n'avez pas nécessairement lorsque vous parlez de l'assistance médicale, psychologique ou sociale qui sera requise. C'est la différence qui a été faite.

M. Bélanger: Une autre question que je me demandais, c'est: Pourquoi lorsqu'elle en fait la demande seulement? Il n'y aurait pas moyen de faire un suivi pour que même la personne qui n'en fait pas la

demande soit, tout simplement, mise au courant de l'évolution du dossier pénal? Je ne sais pas, moi, dans un esprit, peut-être, de considération de la victime, pour faire en sorte que la victime se sente vraiment — comment je pourrais dire? — considérée dans tout le processus, ça ne serait pas bon de mettre un genre de mécanisme automatique afin de tenir la victime informée du déroulement?

Parce que souvent... Je me souviens, au Sommet, une des préoccupations que le ministre avait, que les intervenants avaient, c'est que, souvent, la victime se sent un peu comme un témoin ordinaire dans la cause, finalement, dont elle a été la victime. Elle se sent très peu considérée, peu de soins particuliers lui sont apportés. Alors, moi, je me demandais si ça ne serait pas souhaitable, justement, pour valoriser un peu, quand même, la victime, pour qu'elle se sente impliquée, qu'on la tienne au courant automatiquement.

Ça ne peut pas être d'une façon élaborée, évidemment. Il ne faut pas être trop exigeant, mais, quand même, on peut dire: Écoutez, on est rendus à telle étape, il a plaidé coupable, au moins, pour qu'elle se sente impliquée, qu'elle puisse suivre le déroulement. Parce que c'est beau de lui donner un droit, mais, quand on sait déjà l'état dans lequel se retrouve en général une victime qui, très souvent, au niveau psychologique, est traumatisée, c'est loin d'être évident que, par elle-même, la victime va faire la demande d'être mise au courant, qu'elle va faire des démarches actives pour suivre son dossier. Je me demandais si ça ne serait pas possible de faire un genre de procédé automatique dans ce sens-là.

M. Rémillard: Je voudrais reprendre les derniers mots du député d'Anjou, M. le Président: «son dossier». Je crois qu'il faut comprendre qu'il y a le dossier tel qu'il se réfère à l'article 4 et, donc, qui se réfère surtout à l'aspect des procédures judiciaires et qui se réfère aussi en ce qui regarde l'assistance médicale, psychologique ou sociale qui est requise par la situation de la victime. Ça, c'est une chose.

Mais ici, dans 5, comprenons bien que nous sommes dans une situation qui peut être délicate, dans le sens que vous avez une enquête policière. La victime a été agressée à coups de poignard, etc., par une bande de voleurs quelconque, et c'est un réseau qui existe. Et, pour mettre la main sur ce réseau, qui peut avoir différentes ramifications, il y a quand même une confidentialité à protéger. Alors, il se peut que, dans le cadre de l'enquête, on soit obligés, quand même, d'être plus réservés en fonction, donc, de l'intérêt public.

Alors, 5 établit le droit de la victime à connaître l'issue de l'enquête policière. Ce n'est pas son dossier, là; c'est l'enquête policière. Ça comprend l'enquête sur son agression, mais il y a l'enquête policière qui peut avoir beaucoup de ramifications aussi. Alors, c'est l'enquête policière; donc, c'est un droit qu'on reconnaît. C'est aller loin, mais on dit: «Lorsqu'elle en fait la demande». Alors, lorsque vous en faites la demande — il ne s'agit pas de faire une demande par écrit ou quoi que ce soit — vous dites au policier, tout simplement: Écoutez, où on en est dans notre affaire? Avez-vous trouvé mon coupable? Qui m'a fait ça? Qu'est-ce qui arrive? Les deux qui étaient avec lui, les avez-vous trouvés? C'est ça, la demande.

Moi, je crois que 5, tel qu'il existe présentement, en pratique... Je pourrais peut-être demander à Mme Viens, qui a aussi une bonne expérience comme procu-reure de la couronne, si la pratique de cet article 5 nous amène à le questionner tel qu'il existe présentement.

Le Président (M. Dauphin): Me Viens.

Mme Viens (Christine): On sait que certains corps policiers ont mis en place des mécanismes pour aviser les victimes de l'état de l'enquête policière, notamment à Sillery. Je n'ai pas avec moi toute la liste, mais certains corps policiers l'ont fait. Cependant, il est évident que, si la victime fait une démarche pour obtenir une information, elle pourra l'obtenir. Maintenant, si on devait exiger des corps policiers de transmettre systématiquement une information à toutes les victimes, je soumets que ça pourrait être extrêmement onéreux, même pour un certain nombre de personnes qui, au fond, ne sont pas nécessairement intéressées à suivre l'affaire. Il y aurait un coût qui pourrait être considérable dans certaines affaires.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Sur le même sujet, M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: Oui, sur le même sujet, Mme Viens, les policiers ont-ils de l'information dans ces cas-là? Sont-ils au courant de cette obligation-là ou de ce fardeau qui leur incombe de donner ces détails-là? Parce qu'il y a des décisions — c'est-à-dire que c'est un jugement — à prendre dans la mesure du possible, de l'intérêt public et de toutes ces affaires-là. Qui prend la décision dans ça? Est-ce que c'est le policier lui-même qui enquête? Y a-t-il un officier dont la fonction est de faire, justement, ce lien-là? Dans la réalité, comment ça marche exactement?

Le Président (M. Dauphin): Me Viens. (10 h 30)

Mme Viens (Christine): Je ne suis pas en mesure de répondre, évidemment, pour tous les corps policiers au Québec, mais la notion d'intérêt public vise nécessairement la protection des témoins qui sont en cause ou la poursuite des enquêtes. Alors, c'est une notion qui est bien connue des policiers, dans la mesure où transmettre une information pourrait nuire à la poursuite d'une enquête ou mettre en danger la santé ou la sécurité d'un témoin. C'est les grandes balises de façon générale.

M. Kehoe: Mais est-ce que c'est l'officier lui-même, qui enquête, qui donne ce rapport-là, ces renseignements aux victimes ou est-ce un officier spécial qui a comme fonction, là, de faire ça?

Mme Viens (Christine): La victime s'adresse généralement au policier-enquêteur qui est chargé du dossier. Et le policier-enquêteur — la plupart du temps, ce sont des dossiers où il n'y a pas de difficultés — va transmettre lui-même l'information. Si des difficultés surgissent, il avisera probablement auprès de ses supérieurs. Mais les enquêteurs ont des contacts avec les victimes, et, généralement, c'est eux qui répondent.

M. Kehoe: Oui.

Le Président (M. Dauphin): Merci, Me Viens. M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: M. le Président, pour moi, le droit à l'information de la victime, c'est quelque chose qui me préoccupe énormément, parce que j'ai eu connaissance, à Montréal, d'un projet qu'on a voulu mettre sur place qui forçait un intervenant au niveau policier, probablement un policier, à systématiquement appeler les victimes de violence conjugale pour les aviser que leur conjoint était remis en liberté. Je pense que c'est quelque chose, là, qui préoccupe énormément le ministre, ça. Puis ce groupe-là n'a réussi à obtenir aucun financement au niveau du SPCUM, là.

Je ne sais pas si la demande a été faite au niveau du SPCUM ou du ministère de la Justice ou peut-être auprès de la Sécurité publique; je ne sais pas, là, quel ministère que ça touche exactement, mais on n'a pas réussi à obtenir de financement pour ce service-là qui, d'après moi, est essentiel. Je pense que c'est important pour une femme victime de violence conjugale d'être mise au courant que son conjoint violent a été remis en liberté, est maintenant en liberté, et aussi d'être au courant des conditions de remise en liberté. Parce que souvent les conditions de remise en liberté sont très strictes et rigoureuses. Alors, je sais qu'à Montréal on a essayé de mettre ça sur pied, puis ça n'a pas fonctionné. Ça fait un an qu'on cherche une subvention, un financement pour un tel projet et personne ne veut bouger. Je ne sais pas si c'est le ministère de la Sécurité publique ou le ministère de la Justice qui est visé par ça.

Puis, là, je vois aussi que, dans le projet, aujourd'hui, on parle énormément de choses qui touchent à la fois le ministère de la Sécurité publique et le ministère de la Justice. Moi, je me demande, au niveau des victimes d'actes criminels: Est-ce qu'il y a une concertation qui se fait présentement là-dessus pour améliorer ce qui se passe présentement sur le terrain? Parce qu'il y a un problème, il y a des carences qui sont non pas dénoncées, mais tout simplement mises à jour par les organismes qui travaillent auprès des victimes d'actes criminels. Et puis on se rend compte que ça touche souvent deux ministères, parce que la police relève, finalement, de la Sécurité publique et l'IVAC relève du ministère de la Justice.

Alors, je me demandais: Est-ce qu'il y a une concertation qui se fait présentement, là, au moment où on se parle, où on étudie ce projet de loi là, pour vraiment améliorer la situation, puis pour, finalement — comment pourrais-je dire? — atteindre le but que le ministre semble vouloir atteindre? C'est-à-dire que, depuis hier, on parle beaucoup de l'aspect sécurité des victimes, protection des victimes, mais il faut comprendre que ça relève énormément de la Sécurité publique, ça. Et on peut avoir les meilleures intentions du monde au niveau du ministère de la Justice, si le ministère de la Sécurité publique ne fait rien au niveau de la formation de ses policiers, au niveau des directives données à ses policiers, on peut prêcher longtemps un peu dans le désert, finalement, tout en ayant les meilleures intentions. Moi, c'est ce qui m'inquiète.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, tout d'abord, en ce qui regarde l'exemple donné par le député d'Anjou, on sait que nous avons un programme spécial en ce qui regarde la violence conjugale. Il y a à peine quelques années, la violence conjugale, ce n'était pas un crime; c'était des choses qui se passaient en famille, puis on ne se mêlait pas de ça. On sait que c'est un crime maintenant et qu'on est particulièrement vigilant. Il y a encore beaucoup de travail à faire, M. le Président, pour donner une protection la plus complète possible aux femmes, mais il reste, quand même, qu'on en a fait beaucoup.

Et on l'a fait parce qu'on a établi une concertation entre les ministères de la Justice et de la Sécurité publique. Nos procureurs de la couronne avec les policiers travaillent en étroite collaboration. Je parle, évidemment, de la poursuite. Je parle aussi de tout l'aspect enquête policière qui est faite. Nous travaillons étroitement avec le système policier. C'est un des domaines où on peut dire qu'il n'y a pas de conflit, pour que la justice et les policiers puissent travailler ensemble, respectant toujours l'indépendance du substitut de décider de poursuivre ou pas. Alors, donc, il y a, de fait, concertation.

Maintenant, dans certains domaines... Le député d'Anjou soulève un sujet, M. le Président, qui, pour moi, est très important. À certaines visites de foyers pour femmes battues, femmes agressées par leur conjoint, en particulier, j'ai eu l'occasion de rencontrer des femmes qui m'ont dit à quel point elles étaient traumatisées à penser que leur conjoint serait bientôt libre, après avoir purgé sa peine. Alors, c'est le droit de tout citoyen de pouvoir retrouver sa liberté lorsqu'il a payé le prix de son crime, et c'est un droit, donc, qu'on doit respecter entièrement, sans aucune conséquence pour la vie privée ou en ce qui regarde le droit de cette personne de refaire sa vie.

Cependant, M. le Président, l'intérêt, aussi, qu'on doit voir dans ce dossier, c'est celui de la femme qui a été battue, souvent pendant des années, et qui a peur que, lorsque le conjoint devient libre, il vienne et puis qu'il soit très violent, même qu'il puisse aller la liquider. Et on sait qu'il y a eu des précédents, on sait que ça c'est déjà passé, très malheureusement. Alors, dans ce contexte-là, il y a des contacts qui se font entre

les ministères de la Justice et de la Sécurité publique.

On me parle d'un organisme qui aurait demandé des fonds. Peut-être je vais demander à Mme Viens si elle est au courant de ce dossier-là plus particulièrement.

Le Président (M. Dauphin): Me Viens.

Mme Viens (Christine): Merci, M. le Président. Effectivement, nous sommes au courant de ce projet, qui est très valable, qui vise à assurer que les femmes victimes de violence conjugale soient informées le plus rapidement possible de la remise en liberté du conjoint. C'est une préoccupation qui est majeure. Elle pose certaines difficultés d'application, mais le projet permettait, par le fait de travailler avec des policiers qui sont en congé, enfin, qui ne sont pas sur leur travail habituel, de le faire, d'avoir la main-d'oeuvre, et une demande a été faite. Nous avons reçu, au ministère, une demande d'appuyer ce projet, ce que nous avons fait. Récemment, je l'ai vue sur mon bureau. Je peux vérifier l'état du dossier. Je ne suis pas en mesure de donner immédiatement l'état du dossier. J'ai vu ça il y a quelque temps, et nous y avons donné notre appui. C'est un projet qui serait fait en collaboration avec l'organisme SOS-Violence conjugale qui est financé par le ministère de la Justice également.

M. Bélanger: M. le Président, je suis content de voir, là, qu'il y a eu un suivi du dossier. J'aimerais avoir un suivi, si c'était possible d'ici la fin de cette commission, afin de savoir l'état exact du dossier. Je peux vous dire que c'est quelque chose qui préoccupe énormément les femmes victimes de violence conjugale à Montréal. Il y a présentement une absence d'une telle procédure, et je pense que ça rejoint pleinement la préoccupation du ministre qui veut que, justement, il y ait une meilleure protection de ces femmes-là. Parce qu'on a beau dire qu'on veut les protéger, ces femmes-là, je pense que le ministre est, comme moi, conscient que, pour protéger des personnes victimes de violence conjugale, l'État n'a pas tous les effectifs nécessaires pour assurer une protection 24 heures sur 24 de ces gens-là. C'est impossible. Et ce sont souvent ces gens-là qui peuvent le mieux possible se protéger en ayant toutes les informations nécessaires relativement à la remise en liberté du conjoint violent.

Alors, je pense que ce serait important qu'on ait des garanties que le projet va bien, que le projet va voir le jour. À ce moment-là, ça rejoindrait, je pense, la préoccupation qu'on a tous, ici, autour de cette table, qui est celle de la protection de la victime. Parce que ce n'est pas tout d'avoir, dans des articles, des déclarations de droits; il faut regarder de quelle façon ces droits-là sont assurés sur le terrain. C'est peut-être, moi, une de mes préoccupations depuis que j'ai été élu. Ce que je constate, c'est que sur le terrain et ce qui est dans la loi, ce sont souvent deux choses qui sont complètement différentes. (10 h 40)

Je me souviens, en pratique privée, d'avoir découvert des articles de loi; quand j'essayais de les appliquer ou de chercher leur application, on se rendait compte que, bon, l'article de loi est physiquement là, écrit, mais l'application en est tout à fait théorique. Ce que je ne voudrais surtout pas, c'est que ces articles de loi là, qui sont, je pense... On ne peut pas critiquer la vertu. On ne peut pas critiquer un énoncé de droits qui est généreux en soi, mais ce qu'on doit exiger et ce dont on doit s'assurer, c'est que, dans les faits, ces droits-là, finalement, voient le jour, voient leur application, que les victimes en bénéficient immédiatement.

C'est pour ça, je pense, en tout cas, que ce projet-là, qui, d'après moi, est plus que souhaitable, est nécessaire et essentiel. Évidemment, je n'ai pas vu le projet du budget ou de quelle façon technique ils se proposent de le faire. Ça, je pense que je laisse à l'organisme concerné, au ministère aussi le soin d'évaluer ça. Mais je pense que c'est important que les partenaires travaillent ensemble et qu'on ait une confirmation que le projet va voir le jour. Je pense que ça va, à ce moment-là, être très satisfaisant.

Maintenant, au niveau de cet article 5, on retrouve encore l'expression «dans la mesure du possible». Hier, à l'article 4, on avait «aussi complètement que possible»; maintenant, on a «dans la mesure du possible». C'est une façon de rédiger qui est assez particulière. Moi, je n'aime pas cette expression-là, surtout quand on déclare des droits qui, dans l'ensemble, après, du projet de loi, vont se voir soit limiter ou définir. Il me semble que, quand on déclare un droit, on devrait le déclarer le plus large possible et, après, dans les articles de loi, venir le restreindre, s'il y a lieu. Mais, si, en plus, dans la déclaration même du droit, on ajoute «dans la mesure du possible» ou «si possible» ou «selon les ressources disponibles dans le milieu», je pense que ça enlève énormément de portée à la déclaration. Moi, je pense qu'on devrait s'abstenir de mettre de telles formules. Là, ce n'est pas à titre d'expert que je parle. Je ne suis absolument pas un expert dans la rédaction des lois. Je ne cherche pas, là, à... Mais c'est tout simplement une impression que j'ai. J'aimerais ça qu'on puisse échanger là-dessus. Je pense qu'on devrait enlever ce genre d'expression là «dans la mesure du possible».

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre de la Justice.

M. Rémillard: M. le Président, «dans la mesure du possible», comme c'est le cas à l'article 5, est en relation, évidemment, avec l'intérêt public aussi. Parfois, on va avoir une expression «dans la mesure du possible» et ce sera en relation avec la capacité administrative de livrer la marchandise. On dira: Écoutez, dans la mesure du possible, si tout le monde, en même temps, demande la même chose, comment on va faire pour livrer ça? Alors, finalement, comme mesure de protection face à un processus judiciaire qui pourrait compliquer grandement les choses, sur le plan administratif, on a marqué «dans la mesure du

possible», puis on l'a à certains endroits dans le projet de loi. On pourra le revoir.

Mais ici, je voudrais insister, M. le Président, sur la relation qu'on doit faire entre cette expression «dans la mesure du possible» et «intérêt public». Nous sommes toujours dans un domaine d'enquête policière. Alors, voyons bien. Il faut faire attention, M. le Président, si vous me permettez. Lorsqu'on parle de victimes, on parle souvent de cas qui sont particulièrement, je dirais, sensibles et qu'on veut absolument protéger. Je pense, entre autres, aux femmes battues. Je pense aux enfants agressés. Je pense aux personnes âgées qui sont agressées, et ça doit être notre grande préoccupation.

Mais il ne faut pas oublier, M. le Président, que, lorsqu'on parle des victimes d'actes criminels, il y a aussi d'autres genres de victimes, d'autres aspects. Alors, la loi ne s'applique pas simplement à certaines catégories qui sont particulièrement vulnérables, mais il faut penser toujours que ça couvre un ensemble plus large de personnes qui peuvent être victimes d'actes criminels. Et, en conséquence, M. le Président, il faut protéger tous les éléments qui peuvent être nécessaires à l'enquête policière pour qu'elle aboutisse et qu'elle puisse assurer la sécurité des citoyens.

Je reviens toujours là-dessus, la sécurité des citoyens; aider, compenser, mais aussi la sécurité du citoyen, non pas seulement la victime, mais aussi l'ensemble des citoyens. Si on n'est pas capables de mettre la main sur le réseau de voleurs dans un parc public, c'est la victime, évidemment, qui en a subi les conséquences parce qu'elle a eu trois coups de poignard dans le ventre, mais les autres citoyens qui vont fréquenter le parc risquent d'avoir aussi la même chose, d'être victimes aussi. Alors, c'est le devoir, donc, de la société, par son service de sécurité publique, son service policier et son système de justice, de pouvoir assurer la sécurité des citoyens.

Alors, c'est ça que vous avez dans l'article 5, M. le Président, cette relation entre «mesure du possible» et «intérêt public», compte tenu de l'intérêt public.

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: m. le président, je partage à 100 % la préoccupation du ministre à l'effet que, pour ne pas entraver la poursuite judiciaire, pour ne pas entraver l'enquête judiciaire, il y a certaines informations qui doivent être retenues. ça, je suis entièrement d'accord avec ça. mais à la façon dont l'article est rédigé, c'est que, pour moi, il y a deux conditions, finalement. il y a «intérêt public» et «dans la mesure du possible». c'est deux conditions qu'on met. si on enlevait «dans le mesure du possible» et qu'on laissait tout simplement «compte tenu de l'intérêt public» ou «sous réserve de l'intérêt public», «que l'intérêt public ne soit pas mis en jeu», quelque chose comme ça, je pense qu'on atteindrait le but recherché. mais, là, à la façon dont c'est rédigé, c'est qu'il y a «compte tenu du possible» et «compte tenu de l'intérêt public». Ce sont deux choses.

M. Rémillard: Vous avez raison, c'est deux éléments...

M. Bélanger: C'est deux éléments.

M. Rémillard: ...mais, par contre, qui doivent s'interpréter l'un par rapport à l'autre.

M. Bélanger: Mais ça ne devrait pas être un facteur d'addition. Ça devrait être... Je pense que c'est l'intérêt... À la façon dont le ministre me l'explique et à la façon dont je le comprends, c'est que c'est l'intérêt public, ici, qui est en jeu et qui pourrait être la seule limite qu'on voudrait appliquer à l'information qui pourrait être donnée. Puis, ça, je suis entièrement d'accord avec ça. Mais je ne voudrais pas que, finalement, «dans la mesure du possible», aussi, soit une excuse pour dire: Bon, bien, matériellement, on n'a pas été en mesure de le faire.

M. Rémillard: Non, je pense que la préoccupation est juste, M. le Président. Alors, je pourrais demander peut-être à Mme Viens ce qu'elle en pense.

Le Président (M. Dauphin): Me Viens, qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Viens (Christine): Évidemment, comme disait M. Rémillard, l'important, ici, c'est, bien sûr, «compte tenu de l'intérêt public», mais «dans la mesure du possible» est une mesure de faisabilité aussi, et ça doit se lire ensemble également.

M. Rémillard: Oui, mais je me demande, M. le Président... Pour revenir en fonction des commentaires du député d'Anjou, la victime se fait agresser. C'est certainement un de ses droits les plus fondamentaux que de savoir où en est l'enquête, qui a fait qu'elle a été agressée dans le parc, n'importe où elle a été agressée. C'est vrai, comme le dit le député d'Anjou, qu'il y a les deux conditions: «mesure du possible» et «compte tenu de l'intérêt public». Les deux se lient donc avec ce conjonctif qui est le «et», mais est-ce que, en enlevant «mesure de possible», on causerait des problèmes quant à la capacité du service policier de répondre aux demandes qui seraient faites?

Mme Viens (Christine): J'aimerais pouvoir examiner cette question-là avant de...

M. Bélanger: Je pense que, M. le Président, on est en train de se rendre compte de la difficulté, un peu, de ce projet de loi là. Puis je pense comprendre pourquoi on a mis «dans la mesure du possible». C'est parce que, maintenant, c'est une contrainte qu'on va mettre

aux policiers, aux services policiers. Ça touche la Sécurité publique. C'est pour ça que je parlais du problème qu'on a, là. S'il n'y a pas de réelle concertation, on va avoir des problèmes, là, demain. Parce que, là, on peut mettre des choses, puis, si la Sécurité publique n'est pas prête à livrer la marchandise et à faire ce qu'on va indiquer dans les nouveaux droits qu'on va créer, on va avoir un problème, là.

M. Rémillard: M. le Président...

M. Bélanger: C'est pour ça que je voudrais... Ça m'inquiète, ça ne me rassure pas beaucoup de dire qu'on fonctionne en concertation. Je sais que tous les ministres travaillent en concertation, mais, relativement à ce projet de loi là, ça aurait peut-être été préférable que ça soit suivi d'un projet de loi sur la Sécurité publique aussi pour mettre des choses claires. Je ne sais pas. J'aimerais entendre le ministre là-dessus.

M. Rémillard: Non, je ne crois pas, M. le Président, je ne crois pas. Le projet de loi a été fait et tout ce qui regarde la sécurité publique a été étudié avec la Sécurité publique. Et, ici, nous parlons d'un article qui existe déjà dans le projet de loi. Donc, il y a une pratique déjà de plusieurs années. C'est textuellement dans le projet de loi tel qu'il existe présentement. Alors, donc, il y a une pratique, on peut la vérifier. La Sécurité publique et la Justice vont toujours agir en concertation, mais non en collaboration, dans le sens qu'on doit faire la distinction entre l'enquête et la décision que nous prenons, à la Justice, de poursuivre ou de ne pas poursuivre. Et c'est ce qui a amené, comme vous savez, cette séparation des deux responsabilités qu'il faut absolument respecter. (10 h 50)

Alors, ce que nous faisons, c'est que nous établissons des liens de concertation, d'action concertée. Et je vous ai donné l'exemple, entre autres, en ce qui regarde la violence conjugale, en ce qui regarde aussi tous nos efforts contre la drogue, nous travaillons ensemble; pour les agressions contre les enfants, on travaille ensemble. Mais, il y a toujours cette marge qu'on doit respecter de distinction entre les deux. Je ne crois pas qu'il faille avoir un autre projet de loi pour la Sécurité publique, absolument pas. Ce projet de loi va lier les éléments administratifs aux policiers qui sont sous l'autorité de la Sécurité publique, sous l'autorité du ministère de la Sécurité publique, comme ça lie aussi le ministère de la Justice ou tout autre ministère, M. le Président. Alors, je ne vois pas de difficulté à ce niveau-là, aucune difficulté.

Le Président (M. Dauphin): M. le député.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, je vois un problème. C'est parce que, dans cet article 5, on ne désigne pas qui doit donner cette information. Est-ce que c'est quelqu'un auprès de l'organisme qui va faire l'indemnisation? Est-ce que c'est le corps policier? On ne vise pas la personne qui va avoir cette responsabilité de donner cette information. Ça, je dois vous l'avouer, ça me préoccupe, parce que, quand on veut faire respecter un droit, qu'on veut s'assurer qu'un droit ou une obligation soit respecté, il faut savoir de qui on doit l'exiger, ce droit-là, qui a la responsabilité de donner cette information-là. Sinon, on va avoir un problème.

M. Rémillard: Alors, M. le Président, je dois mettre en garde le député d'Anjou contre un piège en législation, que nous avons partout où nous voulons faire une action la plus efficace possible, d'essayer de tout prévoir et d'établir des mécanismes les plus précis, parce que c'est là qu'on fausse les données et qu'on crée une lourdeur incroyable.

Regardons le texte de l'article 5; on se réfère à l'enquête policière. Donc, nous savons, en pratique, ce que ça signifie. Il y a un policier qui est en contact avec la victime et ce policier fait l'enquête. Ou bien la victime se rend au poste de police ou bien c'est le policier qui lui a rendu visite parce qu'il a besoin d'informations, ou c'est elle qui a pris contact avec le policier-enquêteur. On sait comment ça marche, M. le Président. C'est qu'il y a un enquêteur qui est responsable d'un crime. Alors, c'est lui qui voit à ça. Alors, la victime s'adresse... La victime a beaucoup de possibilités, mais, dès qu'elle fait la demande, par le fait même, elle enclenche un processus qui lui donne son droit d'être informée dans l'intérêt public, dans la mesure du possible.

M. le Président, j'insiste sur un point, c'est que cet article existe déjà. Alors, on sait que cet article a une bonne application et qu'il ne cause pas de difficulté. Si des gens pouvaient nous rapporter que l'article 5 pose difficulté, qu'il ne correspond pas vraiment aux droits qui sont inscrits, moi, je suis bien prêt, à ce moment-là, à regarder ça de près. Mais après maintenant combien d'années, Mme Viens, d'application, 12 ans, 13 ans...

Mme Viens (Christine): Depuis 1988.

M. Rémillard: Depuis 1988. C'est depuis 1982 qu'on a le principe et depuis 1988 qu'il est en application. Ça fait donc cinq ans que c'est en application, et il n'y a pas de plaintes, à ma connaissance, d'aucune façon, à ce sujet-là.

Le Président (M. Dauphin): Mme la députée des Chutes-de-la-Chaud ière.

Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président. C'est parce que, là, j'écoute les propos du ministre...

M. Rémillard: Excusez-moi, je ne comprends pas.

Mme Carrier-Perreault: J'entends les propos du ministre à l'effet qu'il n'y a jamais eu de problème avec

cet article-là, que, bon, il semble que tout va bien et que là on ne l'a pas changé. Vous dites: On a agi en concertation avec la Sécurité publique, mais c'est bien évident que, puisque le libellé reste le même, il n'y a pas nécessairement besoin d'en discuter. On sait que les victimes tiennent absolument à avoir de l'information. Quand on met cette règle-là, «dans la mesure du possible», si la personne fait affaire avec son enquêteur, j'essaie de comprendre comment ça fonctionne. Tu fais affaire avec le policier à qui tu as porté la plainte, je présume? Mais, «dans la mesure du possible», ça veut dire quoi? Ça veut dire, s'il n'a pas le temps de s'en préoccuper ou s'il a autre chose de plus urgent à faire, qu'il peut négliger de donner l'information? C'est quoi la portée de ça, «dans la mesure du possible»?

M. Rémillard: Mais c'est réglé, ça, madame. On l'a réglé avec le député d'Anjou. C'est réglé, ça.

Mme Carrier-Perreault: Vous allez l'enlever?

M. Rémillard: C'est réglé, ça. On va avoir les résultats...

Mme Carrier-Perreault: Je n'avais pas compris ce bcut-là.

M. Rémillard: On veut tout simplement vérifier. C'est réglé, ça, madame.

Mme Carrier-Perreault: Parfait. Alors, je n'avais pas compris ce bout-là. Je suis arrivée un petit peu en retard, je m'interrogeais encore.

Le Président (M. Dauphin): D'accord, très bien.

M. Rémillard: Non, non, c'était il y a quelques instants. Je pense qu'on a terminé.

Le Président (M. Dauphin): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Je pense qu'il n'y a pas de problème d'application en ce qui concerne la personne qui va faire la demande pour l'obtenir, mais le problème, puis je ne sais pas si on doit le traiter à l'article 5, il est beaucoup plus global que ça. Règle générale — et je pense que Me Viens l'a souligné hier aussi, le ministre aussi — lorsque la victime subit un acte criminel, elle ne connaît pas ses droits. Qui va être responsable de l'informer de ces droits-là? C'est bien de pouvoir s'informer de l'issue de l'enquête policière, mais, quand on ne sait même pas qu'on peut s'informer de l'issue de l'enquête policière, bien, on ne le fait pas. C'est sûr que ça ne pose pas de problèmes d'application, mais est-ce que le ministre — et ce n'est peut-être pas nécessairement à l'article 5, mais j'en profite, là, pour poser la question —a l'intention de confier cette responsabilité-là d'information des droits ou de publiciser la nouvelle loi pour que les victimes puissent être informées?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, c'est un défi de tous les jours que d'informer les citoyens de leurs droits par des nouvelles lois que nous faisons. Entre autres, dans ce domaine-là, nous devons faire un effort particulier du côté, tout d'abord, des CAVAC. Alors, nous savons que les CAVAC, nous en avons 10 présentement. On vient d'en ouvrir deux nouveaux, M. le Président, dans la dernière année. On va pouvoir en ouvrir au moins huit dans les prochains mois, suivant l'application de cette loi. Donc, il y a des centres un peu partout au Québec qui sont là et qui travaillent avec les victimes, et qui permettent donc d'avoir un contact direct avec la victime et de l'informer de ce qui se passe. Il y a aussi le programme de la déclaration de la victime qui fait partie d'INFOVAC. On connaît ce programme qui est là.

Donc, c'est pour vous dire que tout ce que nous pourrons faire pour rendre ce projet de loi le plus accessible possible... Tout d'abord, il faut bien se comprendre que, malgré tous les efforts qu'on va faire, là, ce n'est pas tout le monde qui va prendre ce projet de loi là et qui va le comprendre tel qu'on va l'avoir rédigé. Alors, on va essayer de le rendre le plus clair possible, mais on sait que ce n'est pas toujours facile. Donc, j'ai des gens en communications au ministère de la Justice qui font un travail remarquable; déjà, ils ont fait un grand travail. Mme Viens y travaille aussi.

Il y a déjà des brochures. Je ne sais pas si vous êtes au courant des brochures, M. le Président, mais peut-être que je pourrais les déposer auprès de la commission. Alors, j'ai les brochures «Victimes d'actes criminels: vos droits, vos recours et les ressources à votre disposition». Vous avez «Témoins: votre rôle en cour criminelle». Ensuite, en ce qui regarde le substitut du Procureur général, il y a «Violence conjugale». C'est quelques-uns des documents qu'avec votre permission, M. le Président, je pourrais déposer. Maintenant, ce n'est pas suffisant, il faut faire plus, et j'ai bien l'intention, M. le Président, en utilisant tout d'abord le réseau des CAVAC, de pouvoir faire en sorte que cette loi puisse être connue par les victimes.

Mme Caron: M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): D'abord, j'autorise le dépôt desdites brochures. Je signale aux membres de la commission qu'il y en aura en nombre suffisant pour tous les membres. En additionnelle, Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Aussi vrai qu'il est important d'informer les victimes, aussi vrai il est important d'informer ceux qui vont devoir répondre

aux demandes des victimes. Donc, est-ce que le ministre a prévu aussi que, du côté des services policiers, ils soient au courant de cette obligation d'informer la victime? Et je pense aussi, par exemple, au Bureau des plaintes qui existe au ministère de la Justice et qui, aux dernières informations, était plus ou moins au courant de l'existence même du nouveau projet de loi qui était pour être déposé. Est-ce qu'on va mettre aussi des efforts pour informer ceux et celles qui vont devoir l'appliquer, cette loi-là, c'est-à-dire autant du côté des policiers que du ministère de la Justice, pour que là aussi les droits soient respectés?

M. Rémillard: Les efforts, nous les faisons déjà au départ, mais on va les faire aussi en fonction de la nouvelle loi. À chaque fois que nous faisons une loi comme celle-là, qui est une loi majeure qui touche les droits des citoyens, par conséquent, nous faisons un effort de communication. Et je dois saluer le travail que fait Mme Viens, en particulier, avec tout son groupe, ils font un travail remarquable. Alors, on va continuer à le faire. (11 heures)

Et, en ce qui regarde les CAVAC, M. le Président, nous allons, dans un premier temps... Nous avons 10 CAVAC présentement. Les CAVAC, ce sont les centres d'aide aux victimes d'actes criminels. Alors, nous en avons 10 et nous allons en ajouter le plus tôt possible au moins six pour couvrir les 16 régions du Québec. Ensuite, nous allons en ajouter même cinq autres pour couvrir certaines régions qui sont plus susceptibles d'avoir des problèmes en ce qui regarde, donc, le crime, les victimes d'actes criminels. Donc, l'objectif, puis on va y aller graduellement, c'est environ 21 CAVAC qu'on va pouvoir avoir comme réseau sur l'ensemble du territoire québécois.

Le Président (M. Dauphin): Mme la députée.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Par rapport à ma première question, les CAVAC, bon, ça répond à ma question. Mais ma deuxième question était plutôt: Est-ce qu'on va informer aussi du côté des policiers? Parce que, si une victime se rend au CAVAC, qu'on l'informe qu'elle peut obtenir l'information sur l'issue de l'enquête policière, qu'elle demande au policier de l'information, puis que le policier, bien, lui, ne sait pas qu'elle a ce droit-là... Parce que, dans la pratique, présentement, au niveau des victimes, il semble qu'elles aient de la difficulté à faire respecter ces droits-là, même s'ils étaient déjà inscrits dans l'ancienne loi. Alors, est-ce qu'on va apporter des mesures particulières pour informer aussi ceux qui sont chargés de l'application?

M. Rémillard: Oui. Alors, quand nous allons étudier, M. le Président, l'article 158 — c'est-à-dire, au rythme où nous allons, peut-être dans un an, dans un an et demi, ha, ha, ha! mais ça sera une très bonne loi — nous allons pouvoir étudier l'article 158.4°qui dit: «Le Bureau a pour mandat de promouvoir et de soutenir l'aide aux victimes d'actes criminels [...] de réaliser et diffuser de la documentation, des programmes ou des activités d'information, de sensibilisation et de formation concernant les droits et les besoins des victimes ainsi que les services qui leur sont accessibles et favoriser cette réalisation et cette diffusion par des tiers.»

C'est une responsabilité directement du Bureau. En plus, tout le système policier devra aussi avoir cette information et être sensibilisé à la situation de façon tout à fait particulière, comme on l'a fait pour d'autres projets que nous avons mis en place. Entre autres, je reviens toujours sur — parce que c'est un succès de concertation — notre politique sur la violence conjugale.

Mme Viens, avec votre permission, M. le Président, aimerait ajouter un commentaire.

Le Président (M. Dauphin): Me Viens.

Mme Viens (Christine): C'est effectivement une préoccupation de rejoindre les intervenants et de s'assurer qu'eux puissent efficacement rejoindre les victimes. Et le Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels a réalisé, suite, d'ailleurs, à des recommandations du Sommet de la Justice, un inventaire des cours offerts dans les universités et les collèges en matière de victi-mologie et de tous les cours dans les universités et les collèges où des informations concernant les droits des victimes pourraient être pertinentes, par exemple, en droit, en sciences de la santé, en sciences sociales, en techniques policières, etc. Un document d'information est en préparation et nous verrons à ce que tous les responsables, les chargés de cours... Nous sommes à identifier le meilleur mécanisme pour rejoindre ces gens-là, pour qu'ils aient l'information sur la nouvelle loi, sur les lois actuelles, de façon à assurer la formation. C'est un processus qui est lent, effectivement, de rejoindre tout le monde, mais des mécanismes sont déjà en cours à cet effet-là.

Mme Caron: Je vous remercie.

Le Président (M. Dauphin): Merci, mesdames. M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: M. le Président, on parle des CAVAC, puis du BAVAC. Mais, au niveau de l'information, je pense que c'est plutôt le mandat du BAVAC de faire l'information aux victimes d'actes criminels parce que, quand la personne déjà est rendue au CAVAC, elle sait qu'elle a droit à une indemnité, elle sait qu'elle a droit à des services. Je pense que c'est plutôt le BAVAC qui a cette responsabilité-là

Et, au niveau des CAVAC, moi, quelque chose qui me préoccupe aussi, c'est le fait que... Bon, moi, je n'ai pas, évidemment, les moyens, là, d'un ministère. Mais la petite évaluation qui en est faite, c'est que certains CAVAC reçoivent deux à trois appels par semaine, tellement le monde est peu au courant qu'ils existent.

Puis, dans certains autres bureaux de CAVAC, c'est débordé, on manque de ressources, on manque de gens. Puis j'ai essayé d'avoir une évaluation un peu, de savoir s'il y a une évaluation qui est faite des CAVAC. En tout cas, j'ai bien hâte d'entendre Me Viens là-dessus. Je suis certain qu'ils ont fait une évaluation du rendement des CAVAC, qu'ils vont pouvoir me dire quelle est la fréquence, le taux d'utilisation des CAVAC présentement. Parce que uniquement mettre des nouveaux CAVAC, si, ces CAVAC-là, on ne sait même pas qu'ils existent, si on ne sait même pas, présentement, leur utilisation, leur rendement, ça, ça peut être en plein un bon exemple, là, d'argent qu'on va jeter par les fenêtres.

Non, mais il faut qu'il y ait une évaluation. Je ne suis pas contre le principe, au contraire, mais il faut qu'il y ait une évaluation qui soit faite du rendement des CAVAC présentement, et s'assurer que, les nouveaux CAVAC, les gens vont être au courant qu'ils sont là. Je suis certain que la demande est là, que les gens vont les utiliser et que ça va être un acquis d'avoir ces nouveaux CAVAC-là. Mais il faut que les gens sachent qu'ils existent; sinon, uniquement créer des CAVAC sans mettre l'information, je pense que ça va être un peu inutile.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, on ne créera pas des organismes qui vont être inutiles, quand on parle des victimes et de toute l'aide dont ont besoin ces victimes. Les CAVAC fonctionnent très bien. J'ai eu l'occasion, comme ministre, d'en visiter quelques-uns, entre autres, encore dernièrement, dans mon comté de Jean-Talon où il y a un CAVAC qui fonctionne très bien avec le YMCA; ils font un travail remarquable pour aider les victimes d'actes criminels. Et il y en a un à Sherbrooke que nous avons créé aussi, tout dernièrement, qui, déjà, est en pleine action et qui travaille très bien. À Montréal, dans la région de Montréal, il y a des CAVAC qui, actuellement, font un travail—je regardais le travail qu'ils font — qui est remarquable. C'est remarquable.

Alors, on doit avoir un système de ces CAVAC un peu partout sur le territoire du Québec et, pour moi, c'est une grande priorité. Mme Viens pourra nous en parler d'une façon plus spécifique. Et ces CAVAC devront être réajustés en fonction, évidemment, de la clientèle qu'ils doivent viser. Il y a certaines régions du Québec où on sait que la criminalité est plus élevée de par la situation et les activités du milieu, etc. Mais il y en a d'autres, aussi, où peut-être le CAVAC gagnerait à être connu dans ses activités. C'est des évaluations que nous faisons régulièrement, et Mme Viens pourra apporter plus de commentaires, avec votre permission, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Me Viens.

Mme Viens (Christine): Quant au processus d'évaluation, effectivement, une entente est signée chaque année avec chacun des CAVAC. Cette entente prévoit toutes les conditions et les modalités du versement de l'aide financière. Elle comporte plusieurs dispositions, notamment une description des services qu'ils doivent offrir: le service d'aide, d'écoute, d'accueil, d'information sur les droits et recours, l'accompagnement des victimes dans leur démarche et d'aiguillage vers les autres services les plus appropriés. Elle comporte également l'obligation de travailler en concertation, en collaboration avec les autres partenaires dans le milieu et, plus précisément, un certain nombre d'autres dispositions.

Les CAVAC s'engagent à transmettre un rapport d'activité et des statistiques détaillées au Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels: un rapport d'activité aux six mois et un rapport final comprenant tout l'ensemble des activités à la fin de l'exercice financier et des statistiques qui sont très détaillées sur la clientèle, les services qui sont rendus, le profil de la clientèle, de façon à ce qu'on puisse effectivement évaluer les services qui sont rendus, les réajuster au besoin, travailler ensemble avec les CAVAC. Mais ces statistiques sont examinées par le Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels et, pour l'exercice 1993-1994, le CAVAC de Montréal reçoit une subvention de 90 000 $ qui lui permet d'embaucher deux personnes à temps plein, d'assumer ses dépenses de fonctionnement; les autres CAVAC reçoivent chacun une subvention de 75 000 $ pour l'embauche d'une personne à temps plein et d'une personne à mi-temps.

M. Rémillard: Mais, si vous me permettez de compléter là-dessus, il y a un élément que je voudrais faire ressortir ici, à cette commission, pour leur rendre hommage, c'est les bénévoles qui travaillent dans les CAVAC. J'ai été extrêmement impressionné, M. le Président, de voir le grand nombre de bénévoles qui travaillent dans les CAVAC. C'est un des organismes qui existent, au Québec, et qui a cette complémentarité, hein; il y a des gens qui ne gagnent pas beaucoup, mais qui sont rémunérés pour le travail qu'ils font, mais les bénévoles qui travaillent dans les CAVAC font un travail remarquable, et vraiment, M. le Président, je pense que cette commission doit prendre cette occasion pour leur rendre hommage pour le travail qu'ils font. (11 h 10)

Le Président (M. Dauphin): Très bien. M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: M. le Président, si je comprends bien la réponse de Me Viens, elle pourrait nous donner, peut-être pas immédiatement, mais d'ici quelques jours, une évaluation réelle des CAVAC. J'aimerais savoir, moi, le nombre de personnes qui, par année, fréquentent tel CAVAC; le nombre de services qui ont été rendus dans chaque CAVAC; la clientèle qui a été effectivement desservie. Pas la clientèle, le bassin de clientèle, là, mais le nombre de personnes qui sont allées à tel bureau de CAVAC. Je pense que ça pourrait nous donner, à ce moment-là, une idée aussi, parce que c'est vrai que

d'une région à l'autre il y a une différence au niveau du taux de criminalité, mais, mis à part à Montréal et à Québec, le niveau de criminalité est quand même assez uniforme au Québec. Donc, on aurait une idée, peut-être, d'endroits où il y a des manques quant à l'information, d'endroits où c'est peut-être plus efficace, pour faire une meilleure utilisation des ressources. Je pense que c'est important, ça. Plutôt que de parler de coupures, on devrait parler d'efficacité, là, des ressources qu'on a présentement. Je pense que c'est le discours, là, que les gens veulent entendre, auquel les gens sont intéressés.

Le Président (M. Dauphin): Me Viens.

Mme Viens (Christine): Avec votre permission, M. le Président, je me ferai un plaisir de déposer le rapport synthèse des activités de l'ensemble des CAVAC qui détaille...

M. Bélanger: CAVAC par CAVAC?

Mme Viens (Christine): ...CAVAC par CAVAC et qui fait un sommaire non seulement en donnant CAVAC par CAVAC les données quantitatives sur le portrait de la clientèle et les services rendus, mais également, pour chaque CAVAC, les autres activités.

Il faut comprendre — et avec votre permission je vais préciser — que les CAVAC et les gens qui travaillent dans ces organismes-là insistent toujours auprès de nous, qui devons nous faire leur porte-parole au Conseil du trésor pour l'obtention de l'aide financière, sur l'importance de ne pas s'attacher uniquement aux chiffres, mais à la qualité du service. Et, sur ça, nous tenons à avoir des chiffres, nous prenons des mesures pour le faire. Les formulaires statistiques sont uniformes pour l'ensemble des CAVAC; c'est un formulaire qui a été établi en collaboration avec eux et nous sommes satisfaits qu'il fonctionne très bien. Mais nous devons aussi tenir compte de toutes les autres activités que ces organismes doivent faire, notamment, des activités de promotion et de sensibilisation de leurs services pour rejoindre tous les intervenants, pour se faire connaître, etc. Ce sont des activités qui consomment aussi beaucoup d'énergie.

Alors, je me ferai un plaisir de déposer le rapport synthèse pour 1991-1992 qui est complété. Celui de 1992-1993 est en voie d'être complété. J'ai des données qui ne sont pas... qui sont des chiffres seulement, qui ne reprennent pas l'ensemble des activités, que je pourrai, au besoin, déposer.

Le Président (M. Dauphin): Merci, Me Viens. M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: M. le Président, j'aimerais, ici, pour cet article-là, évidemment, revenir sur tout l'aspect information, le droit à l'information. Les organismes, qui sont venus témoigner ici ont fait part que la réalité sur le terrain, c'est que les corps policiers sont très peu sensibilisés relativement aux droits des victimes d'actes criminels et relativement à l'information à donner. Je pense que l'on se leurre quand on pense que cette information se fait d'une façon efficace. Elle ne se fait pas d'une façon efficace. Je pense qu'il faut partir de cette constatation et essayer d'améliorer la situation.

Et loin de moi l'idée de vouloir critiquer les principes qui sont dans ces premiers articles. Je pense qu'on ne peut pas être contre la vertu: c'est bon. Mais il faut savoir: Est-ce que c'est vraiment quelque chose de concret qu'on donne à nos victimes? Puis, là, moi, je me pose la question. J'aimerais entendre le ministre là-dessus. Je suis une victime d'acte criminel et il y a un manquement au devoir de me donner, disons, de l'information, tel qu'énoncé dans les articles précédents. À qui je me plains? Comment je me plains? Et quel est le mécanisme en place pour faire en sorte que mon droit soit respecté? J'aimerais qu'on m'informe là-dessus.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, quand un droit existe, c'est qu'il y a donc moyen de le faire respecter, au départ. Alors, le droit étant établi, cette personne qui a un droit pourra, à bien des niveaux, se plaindre directement et même le Protecteur du citoyen pourrait être éventuellement impliqué dans de tels dossiers, comme tel.

Mais il y a plus que ça, M. le Président. Il y a des éléments dans la loi, un peu partout, qui font en sorte qu'il n'y a aucun recours qui est exclu. Il y en a au niveau politique — je viens d'en mentionner — avec le Protecteur du citoyen; politique dans le grand... mot, administratif politique, si vous voulez. Au niveau déontologie, on peut faire appel aux autorités responsables, les corporations professionnelles, les responsables de la déontologie policière, le Conseil de la magistrature, la Loi sur les substituts du procureur général. Au niveau civil, par l'exercice des recours en réparation devant les instances civiles, lorsqu'une victime subit un dommage par suite d'une faute intentionnelle ou d'une faute lourde d'une autre personne. En fait, tous les recours sont là et peuvent être exercés. Et je crois que la loi, là-dessus, est bien faite. Et, si je me souviens bien des discussions parlementaires qui avaient eu lieu au moment de la rédaction de la loi 88, il était évident que les membres de la commission voulaient protéger tous les recours possibles, ne pas limiter les recours possibles.

M. Bélanger: M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: ...je pense que, dans la lumière un peu de ce que vient de nous dire le ministre, il faudrait se rendre compte d'une certaine réalité. Il y a une certaine réalité dont j'aimerais faire part à cette

commission. C'est que, depuis 1988, c'est frappant, il y a deux cas de jurisprudence rapportés sur la Loi sur les abeilles, qui n'est pourtant pas, on va l'admettre, une loi qui touche nos vie quotidiennes et nos préoccupations constantes, en tout cas, certainement pas à Montréal. Il y a eu deux cas de jurisprudence répertoriés sur une interprétation de la Loi sur les abeilles. La loi sur les victimes d'actes criminels, un seul article de jurisprudence, un seul arrêt de jurisprudence. Ça vous donne une idée comme quoi les droits qui existent depuis 1988 n'ont jamais été testés. Qu'on ne me dise pas: Comme il n'y a pas eu de plaintes, c'est que ça va bien. On le sait que, des fois, lorsqu'il n'y a pas eu de plaintes, c'est parce que les gens ne savent pas à qui s'adresser.

Le ministre vient de nous faire une belle enumeration des recours qui existent, qui existent réellement dans les faits, mais qui sont inefficaces, mis à part le Protecteur du citoyen. Le Protecteur du citoyen, c'est vrai qu'il peut faire enquête et qu'il peut faire des recommandations, mais il ne peut rien régler comme tel, il n'a pas un pouvoir effectif immédiat. La preuve, c'est que, souvent, dans son rapport, le Protecteur du citoyen, chaque année, tape un peu sur les doigts des mêmes ministères et il ne fait que constater une amélioration très lente de la situation dans certains ministères. D'autres ministères répondent avec plus de célérité, c'est vrai, dépendamment du ministère. Mais certains ministères sont un peu comme — j'allais dire — récalcitrants suite aux recommandations du Protecteur du citoyen. Donc, le Protecteur du citoyen, je ne pense pas que c'est satisfaisant comme mécanisme de surveillance pour des droits des victimes d'actes criminels.

Quant aux autres recours, comme le Conseil de la magistrature, je vous mets au défi de faire un sondage auprès de la population à savoir ce qu'est le Conseil de la magistrature. Je suis certain que pas grand gens pourront vous répondre à quoi ça correspond; même chose pour les comités de déontologie ou les corporations professionnelles. La grande majorité des gens ne savent pas quel est le rôle ou le devoir de ces corporations et de ces organismes de surveillance là.

Et ça, c'est une plainte, c'est une critique qui revient unanimement de la part de tous les intervenants. On aimerait — et j'aimerais ça, peut-être, qu'on regarde ça ensemble — qu'il y ait sur place l'instauration d'un mécanisme, une personne désignée pour faire la surveillance. Je ne veux pas qu'on crée une structure pour créer une structure, parce qu'on sait que ça coûte cher. Ce n'est pas nécessairement, non plus, ce qu'il y a de plus efficace, c'est lourd. Mais il faut trouver une façon afin qu'il y ait quelqu'un qui est en charge de la surveillance et qui peut régler le problème. Il n'y en a pas présentement. On appelle au ministère de la Justice pour porter une plainte, je vous jure que ça prend tout avant d'avoir une réponse. Alors, je pense qu'il faut vraiment s'attaquer à ce problème-là.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre. (11 h 20)

M. Rémillard: Alors, M. le Président, moi je crois qu'il faut bien comprendre l'esprit de la loi et être très conscients qu'on veut aider les victimes et non pas leur causer encore plus d'embêtements. C'est évident qu'on a un défi de taille pour toute loi et, en particulier, lorsqu'on a une telle loi qui touche à un milieu aussi sensible que celui des victimes d'actes criminels, il y a un grand défi pour publiciser cette loi et la rendre accessible, au départ. Mais, lorsqu'on parle d'avoir quelqu'un qui pourrait agir, prendre action pour faire respecter les droits, je vous dis que ça existe déjà.

Vous mettez en doute l'action du Protecteur du citoyen. Je peux vous dire, moi, comme ministre, que, depuis que le Protecteur du citoyen existe, dans les années soixante-dix, le Protecteur du citoyen joue un rôle majeur, et il va jouer de plus en plus un rôle majeur. Lorsque le Protecteur du citoyen se penche sur un cas et fait ses recommandations, ses recommandations ont un poids, un impact considérable sur le plan politique. C'est vrai qu'il n'a pas de pouvoir de coercition, mais il a un pouvoir de recommandation et même de revenir devant l'Assemblée nationale si le ministre ou l'organisme fautif n'a pas répondu, donc, à ses deman-. des. Alors, il a un pouvoir qui est considérable et, lorsque certains groupes qui oeuvrent dans le domaine, donc, criminel pour aider les victimes me disent: II nous faudrait un protecteur du citoyen, il existe déjà. Il est là. Qu'on fasse une information pour dire: Le Protecteur du citoyen peut agir dans le dossier, ça, j'en suis, si vous avez à vous plaindre.

Mais il y a aussi tous les autres processus qui sont là. Si le policier ne se comporte pas adéquatement, il y a maintenant, comme on le sait, toute la question du respect de la déontologie policière qui est prévue par un organisme quasi judiciaire. Sur le plan civil, il y a des moyens aussi. Le Conseil de la magistrature; il faut voir le nombre de plaintes et d'informations qui sont reçues par le Conseil de la magistrature. Alors, je me dis, M. le Président, que ça existe déjà.

Maintenant, on aura à étudier aussi le rôle, un peu plus tard, du Bureau, et on pourra voir tous les mécanismes qui sont en place. Moi, je veux bien que la loi soit la plus accessible possible. Ce que je ne voudrais pas, c'est créer de nouvelles structures. Vous savez, un aspect extrêmement, je pense, valable de ce projet de loi, c'est que nous prenons deux structures administratives et nous n'en faisons qu'une seule. Et l'argent que nous sauvons en mettant ces deux structures dans une seule structure nous permet de donner plus de services, plus d'aide aux victimes d'actes criminels. Alors, soyons bien vigilants pour ne pas recréer des structures, tout en ayant bien en tête le défi que nous avons de rendre accessible cette loi, et ça j'en conviens.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Je vois mal comment un citoyen va convoquer un agent ou va faire une plainte au comité de

déontologie de la police parce qu'il n'a pas reçu d'informations sur son dossier. Ça, je pense qu'on se leurre en pensant que des citoyens vont systématiquement faire des plaintes devant le comité de déontologie parce qu'un policier ne leur a pas donné l'information. En tout cas, on va avoir de la difficulté à nous faire avaler ça.

Quant au Protecteur du citoyen, je n'ai nullement attaqué le travail du Protecteur du citoyen qui fait un travail remarquable. Je pense qu'à chaque année on le voit par la qualité de ses rapports, par la qualité de. ses interventions et par la façon dont il réussit à faire bouger certains ministères qu'on pourrait appeler récalcitrants. Cependant, moi, je me pose la question à savoir: Est-ce que l'action du Protecteur du citoyen est suffisante relativement à l'urgence, souvent, de l'action qui est nécessaire dans ces dossiers-là? Parce qu'il y a quand même des contraintes, il y a quand même des limites à l'action du Protecteur du citoyen.

Encore là, je partage en entier, totalement, la préoccupation du ministre de ne pas créer de nouvelles structures. Mais ne serait-il pas possible, dans les structures actuelles, de trouver une personne responsable, de créer quelque chose? Je ne sais pas, c'est ça que je me demande. Est-ce que l'évaluation, au moins, à été faite ou si on s'est dit, tout simplement: Le Protecteur du citoyen est suffisant et, bon, ça y est, allons-y? C'est ça que je me demande. Alors, j'aimerais ça entendre le ministre sur ce point-là en particulier. Le Bureau des plaintes, qu'on en parle un peu. En tout cas, de ce que j'en ai entendu parler, le Bureau des plaintes, c'est que ça n'est vraiment pas efficace, ça fonctionne...

M. Rémillard: Le Bureau des plaintes à quel endroit, vous voulez dire?

M. Bélanger: Dans votre ministère.

M. Rémillard: Au ministère de la Justice?

M. Bélanger: Oui.

M. Rémillard: Tout d'abord, ça ne fait pas tellement longtemps qu'il est créé. Deuxièmement, je pense qu'avec le peu d'histoire que nous avons les résultats sont très intéressants. C'est un service qui est offert à la population, le Bureau des plaintes qui est là. Et ça me permet, moi, en tout cas, comme ministre, d'être en contact direct avec une situation qui peut être difficile pour le citoyen, où le ministère de la Justice est impliqué. Alors, c'est ouvert depuis très peu de temps, c'est ouvert depuis à peine quelques mois. C'est difficile de porter un jugement tout de suite. Mais, si on revient sur le Protecteur du citoyen... D'ailleurs, en ce qui regarde le Bureau des plaintes, c'est une autre réalisation du Sommet. Quand on regarde le Sommet de la Justice et tout ce qu'on a réalisé à la suite du Sommet de la Justice, on peut dire: Mission accomplie. On a fait beaucoup. Il y a ce sur quoi on travaille actuellement, le projet de loi. Sur les tribunaux administratifs aussi, c'est un autre gros projet de loi qui nous attend. Et je songe très sérieusement à avoir une commission parlementaire où on aura des personnes... On pourrait inviter des groupes qui viendraient nous faire part de leurs réactions face au projet de loi en ce qui regarde les tribunaux administratifs. Je songe à ça très sérieusement aussi, pour qu'on puisse voir tout ce qu'on peut faire pour avoir une très bonne loi sur la justice administrative.

Mais revenons donc à cette Loi sur l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Pour moi, le fait que le Protecteur du citoyen puisse agir dans cette loi m'amène à dire: Donnons la possibilité au Protecteur du citoyen de jouer son rôle dans un domaine avec une loi nouvelle où il peut jouer un rôle majeur. Et on sait à quel point le Protecteur du citoyen, à mon sens, fait un travail de façon très vigilante. Si, lui aussi, il fait son travail de sensibiliser les victimes à leurs droits par le rôle qu'il peut jouer dans ce domaine-là, vous avez un domaine où le Protecteur du citoyen peut agir. Alors, pourquoi créerions-nous un autre protecteur du citoyen pour agir dans ce domaine-là, alors que celui que nous avons agit déjà dans le domaine et peut agir efficacement? Pour moi, la réponse est claire: Ayons une administration la plus légère possible et soyons conscients que, si nous avons des économies que nous pouvons faire sur le plan administratif, c'est d'autant plus que nous allons pouvoir donner aux victimes. C'est ça qui est important.

Le Président (M. Dauphin): Merci. Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière.

Mme Carrier-Perreault: Oui, M. le Président. Je comprends l'idée de dire: On n'est pas pour créer un deuxième protecteur du citoyen ou quelque chose comme ça, mais vous parliez du Bureau des plaintes. Vous dites: C'est une des réalisations du Sommet, c'est récent. Qu'est-ce que c'est le mandat du Bureau des plaintes? Il y a combien de personnes qui travaillent là, par exemple? Est-ce que vous avez déjà des paramètres que vous pourriez nous énumérer? Peut-être que ça pourrait être un outil qui pourrait être intéressant, dépendant de la nature de son mandat.

M. Rémillard: Pardon, madame? Excusez-moi, parce qu'on me faisait un commentaire.

Mme Carrier-Perreault: Je vous dis que j'aimerais bien connaître le mandat du Bureau des plaintes. Je comprends qu'on ne créera peut-être pas un autre protecteur du citoyen. Ça, je peux le comprendre. Et créer des structures pour des structures, je partage l'avis de mon collègue. Mais je pense que ça prend un mécanisme plus souple, qui soit plus en mesure d'aider les victimes. Parce que ces personnes-là sont assez vulnérables et mal prises. Et ils ne penseront pas à aller chercher des recours à peu près partout. Ils ont besoin de quelqu'un qui leur donne rapidement l'information. Alors, dans le cas du Bureau des plaintes, est-ce qu'on peut savoir c'est quoi, le mandat?

M. Rémillard: Le Bureau des plaintes au niveau du ministère de la Justice?

Mme Carrier-Perreault: Oui. La nouvelle création, suite au Sommet.

M. Rémillard: C'est en ce qui regarde l'administration de la justice, la façon dont le ministère se comporte sur l'administration de la justice.

Mme Carrier-Perreault: Ah bon! M. Rémillard: Oui.

Mme Carrier-Perreault: O.K. C'est sur l'ensemble des...

M. Rémillard: Non, non. Il ne faut pas mêler les choses.

Mme Carrier-Perreault: On ne pourrait pas mélanger.

M. Rémillard: En ce qui regarde ce projet de loi, c'est différent. Il pourrait y avoir, par contre... Étant donné que le Bureau est relié à l'administration de la justice, il y a un certain lien. Il y a un lien qui est là, mais pas sur l'ensemble de l'application de la loi, en fonction des droits qui sont donnés comme tels. Parce que ça comprend aussi, voyez-vous, les services policiers. Il y a des droits qui ne regardent pas simplement le ministère de la Justice. Alors, je ne crois pas — et je dois vous le dire très franchement — que le Bureau des plaintes du ministère de la Justice réponde à toutes les questions. (11 h 30)

Je crois que les questions ont réponse surtout au niveau des mécanismes qui existent en fonction du Protecteur du citoyen, en fonction de la déontologie policière, en fonction de la loi sur l'accès à l'information, en ce qui regarde tous ces mécanismes qui, présentement, sont actifs. Alors, la question, c'est de savoir: Est-ce qu'on doit créer un autre organisme, une autre personne pour assurer ces droits-là? Moi, je dis non. Par exemple, vous avez une charte des droits. Imaginez-vous, vous avez des chartes des droits. Il n'y a aucune charte des droits qui va prévoir comme tels les mécanismes à l'intérieur pour garantir les droits. Vous allez avoir une commission des droits et des libertés; ça, c'est une chose. Et, dans la charte canadienne, il n'y en a pas et, à mon sens, c'est dommage, mais vous n'avez pas de protecteur du citoyen. Moi, j'aime beaucoup mieux avoir le Protecteur du citoyen qui a l'expertise, qui a les gens qui sont déjà capables et habitués de faire des enquêtes. J'aime beaucoup mieux l'avoir dans ce dossier-là. C'est beaucoup plus efficace. Recherchons l'efficacité.

Mme Carrier-Perreault: M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): Mme la députée.

Mme Carrier-Perreault: ...c'est parce que, justement, moi, j'ai une préoccupation par rapport à la victime. L'efficacité, c'est en fonction de la victime à laquelle je voudrais faire référence présentement. Quelqu'un qui est victime, là, a des besoins. On dit: On a beaucoup de droits. Les recours, on les a un petit peu partout. Elle a juste à aller à la Commission des droits de la personne si elle n'est pas satisfaite pour telle chose. Elle peut aller au niveau du civil pour autre chose. Bien, écoutez, là, on a affaire à une personne qui est ' dans une situation difficile, qui a des problèmes majeurs, et il y a une loi qui s'occupe de ce genre de clientèle là. C'est de cette loi qu'on discute présentement.

Il y a déjà des organismes à l'intérieur de l'appareil pour contrôler et vérifier certaines choses. On parlait tout à l'heure du BAVAC, on parle des CAVAC. Moi, le Bureau des plaintes, je pensais que c'était un peu plus relié à un point particulier. Je me rends compte que c'est pour l'ensemble de ce qui se passe au ministère. Par ailleurs, par rapport au Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels — Me Viens nous lisait le mandat tout à l'heure — est-ce qu'il y aurait moyen, sans créer un organisme particulier, d'avoir quelqu'un qui peut répondre rapidement et donner un suivi, aider rapidement les victimes à se retourner de bord?

M. Rémillard: Quand on va étudier le bureau d'aide, aux articles 157 et suivants, on pourra, à ce moment-là, regarder ça.

Mme Carrier-Perreault: O.K. Bien, disons que...

M. Rémillard: Aux articles 157 et suivants, on verra. Il faut faire attention pour ne pas qu'on se retrouve juge et partie en même temps, là, mais on va voir s'il y a de la place pour ça. Moi, j'ai les mêmes préoccupations que vous là-dessus. Je n'ai pas de problème là-dedans. Mais je ne veux pas, non plus, créer de nouvelles structures. Je veux permettre au Protecteur du citoyen, tel qu'il existe, de faire son travail. Et je veux, et je me permets d'insister, que le réseau des CAVAC, les 21 CAVAC qu'on aimerait voir en application le plus tôt possible, puissent faire leur travail.

Moi, j'aimerais que les victimes, de plus en plus, puissent avoir le réflexe d'aller voir un CAVAC. Et le CAVAC va pouvoir travailler avec eux, voir à les informer de leurs droits, voir aussi à ce que leurs droits soient respectés. Imaginez 21 bureaux au Québec. Ce n'est pas n'importe quoi, là. Vingt et un bureaux de CAVAC qu'on met partout sur le territoire du Québec, dans les 16 régions du Québec, et ces centres d'aide aux victimes d'actes criminels, donc les CAVAC, vont pouvoir travailler avec les victimes.

Alors, moi, je me dis: Si on veut être efficaces, on a déjà des structures, n'essayons pas de créer d'autres structures. Il y a déjà des structures et ça va bien.

On va déposer le bilan de l'action des CAVAC, le dernier bilan que nous avons. C'est très bon. Je vous parlais tantôt des bénévoles qui travaillent dans les CAVAC. Je vous parlais des gens qui sont extrêmement dévoués qui travaillent à ce niveau-là. Alors, pourquoi on ne ferait pas plus une action pour informer les victimes de l'action de ces CAVAC? Mais, moi, je laisse ouverte la possibilité, lorsqu'on abordera le Bureau d'aide et d'indemnisation des victimes d'actes criminels, de regarder s'il ne peut pas y avoir un autre élément de son mandat en fonction de nos préoccupations. Je pense que c'est une question qu'on pourra se poser à ce moment-là.

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: M. le Président, je trouve ça maintenant un petit peu spécial d'entendre le ministre être si fermement opposé à une nouvelle structure puisque, après tout, après le Sommet de la Justice et lors du Sommet de la Justice, le ministre s'était engagé à la création d'une commission des victimes d'actes criminels. Et il est revenu sur sa décision à cause, probablement, des contraintes budgétaires. Mais disons qu'à l'époque le ministre n'était pas réellement, en tout cas, si fermement opposé à la création de nouvelles structures. Quant à moi, bon, je ne plaide pas absolument, là, essentiellement, sur la création de nouvelles structures, mais je pense qu'il faut absolument trouver une façon de rendre effective, puis efficace, puis efficace rapidement, la plainte qui pourrait être formulée par une personne victime d'actes criminels qui ne se verrait pas reconnaître ses droits. Ça, pour moi, c'est important.

Il faut regarder ensemble de quelle façon on pourrait le faire le plus simplement possible, sans pour autant créer une nouvelle structure, mais, quant à nous, en tout cas, ce n'est pas acceptable de dire tout simplement que le Protecteur du citoyen suffit et que le Protecteur du citoyen verra à tout ça. Je ne pense pas que ce soit satisfaisant pour les gens qui travaillent auprès des victimes d'actes criminels et pour les victimes d'actes criminels.

M. Rémillard: Alors, M. le Président... Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: ...tout d'abord, une remarque. À plusieurs reprises, le député d'Anjou me dit: Mais il n'y a plus de commission; c'est effrayant, il n'y a plus de commission. Mais il n'y a plus de commission parce que ça va être encore plus efficace. À un moment donné, ce que j'ai décidé comme ministre, c'est de prendre deux organismes, un organisme qui aidait et un organisme qui indemnisait. On a dit: On va les mettre ensemble. On élimine une structure administrative, ça va donner plus d'argent pour les victimes. Moi, ce qui m'importe comme ministre, c'est d'avoir plus de moyens pour aider les victimes, pour les indemniser.

La commission, elle aussi, on s'est aperçu, en retravaillant et travaillant ce projet de loi... M. le Président, ce projet de loi n'est pas improvisé. Je dois vous dire que ça fait au moins trois ans que j'y travaille comme ministre et ça fait des mois qu'on essaie de voir les structures qu'on peut avoir qui garantissent des droits, mais qui sont les plus légères et les plus efficaces possible. Et on est arrivés à la conclusion que, la commission, on pouvait la laisser tomber et que c'était une des fonctions qui pourraient être accomplies soit par le ministre, soit par le Bureau. Alors, là encore, on sauvait sur le plan administratif et on donnait plus aux victimes en aide et en indemnisation. Alors, M. le Président, j'aimerais quand même qu'on ne vienne pas toujours me dire qu'il n'y a pas de commission. Mais pourquoi? Je ne pense pas que ça vienne vicier la qualité du projet de loi. Au contraire, je pense que ça lui donne un impact encore plus important d'efficacité encore plus évidente.

En ce qui regarde la question de savoir: Est-ce qu'on peut avoir un organisme ou un moyen pour être plus près de l'exercice du droit des victimes, tel que prévu dans la loi? moi, je répète ce que je disais à Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière. Je disais qu'en regardant les articles 157 et suivants, au sujet du Bureau d'aide et d'indemnisation des victimes d'actes criminels, je crois que c'est quelque chose qu'on pourrait regarder de près.

Le Président (M. Dauphin): M. le député.

M. Bélanger: M. le Président, je voudrais juste corriger l'impression que j'espérais ne pas avoir dégagée. Vous allez rarement m'entendre réclamer une nouvelle structure. Je viens de l'entreprise privée et je vous avoue que mon premier réflexe, c'est justement de couper des structures inutiles, des structures inefficaces. Donc, loin de moi l'idée... Je ne suis pas triste du tout à l'idée qu'il n'y aura pas de commission des victimes d'actes criminels. Je ne fais qu'une constatation, c'est le fait que le ministre s'engageait à en faire une. Maintenant, on dit que ce n'est plus nécessaire; d'accord, moi, je suis bien prêt à accepter ça sans mot dire, mais il faut expliquer, à ce moment-là, quel est le rationnel qui explique pourquoi on n'en a plus besoin, pourquoi, maintenant, on en arrive à cette situation présentement.

Quant à moi, je reste persuadé que c'est plutôt les contraintes budgétaires qui ont fait en sorte que la commission ne verra pas le jour, mais, en tout cas, on va... D'ici la fin de cette commission, peut-être, je ne sais pas s'il y a d'autres articles qui vont nous permettre de revenir là-dessus?

M. Rémillard: J'ai dit les articles 157 et 158 en particulier, et les articles qui regardent aussi le ministre de la Justice, les articles 159 et suivants.

M. Bélanger: Parfait.

M. Rémillard: Je crois que c'est une question qui, à ce moment-là, pourra se poser directement.

M. Bélanger: Parfait.

M. Rémillard: Maintenant, en ce qui regarde la commission, je veux simplement ajouter, M. le Président, que, si, ici, on en arrive à la conclusion qu'il faut une commission, mais je ne vois pas comment le fait qu'on n'aurait pas une commission avec un nombre considérable de personnes alors qu'on assure les mêmes droits d'une façon plus efficace... Moi, je vous dis: Qu'on regarde ce qui a été pris comme engagements au Sommet de la Justice, qu'on fasse le bilan, M. le Président, qu'on regarde ce que j'ai fait et je vais vous dire que je suis très fier de mon bilan. En ce qui regarde les suites du Sommet de la Justice, pour moi, c'est: mission accomplie que j'essaie de compléter avec ce projet de loi et avec les tribunaux administratifs. À partir de là, il restera aussi un autre sujet qui intéresse beaucoup le député d'Anjou, c'est l'aide juridique, avec la commission parlementaire en janvier prochain.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. Est-ce que l'article 5 est adopté?

M. Bélanger: Est-ce qu'on enlève «dans la mesure du possible»? Est-ce qu'il y a un amendement à cet effet? (11 h 40)

M. Rémillard: On est en train de regarder l'impact. On va y revenir.

Le Président (M. Dauphin): II y a une vérification. Donc, c'est suspendu aussi.

M. Bélanger: Donc, on va suspendre l'article 5.

Le Président (M. Dauphin): J'appelle l'article 6.

M. Rémillard: Alors, M. le Président, l'article 6: «Compte tenu des ressources disponibles, la victime a droit de: «1° recevoir l'assistance médicale, psychologique et sociale que requiert son état ainsi que les autres services d'aide appropriés à ses besoins en matière d'accueil, d'assistance et de référence aux autres services les plus aptes à lui venir en aide; «2° bénéficier de mesures de protection contre les manoeuvres d'intimidation et les représailles.»

M. le Président, cet article énonce le droit de la victime à des services adéquats, de même que celui de bénéficier de mesures de protection contre les manoeuvres d'intimidation et les représailles que le contrevenant pourrait entreprendre contre elle du fait de sa coopération avec les autorités policières. Il maintient le droit actuel. C'est donc, M. le Président, une disposition que nous avons déjà dans le projet de loi.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Encore là, M. le Président, la même remarque que j'ai faite lors des articles précédents. Encore une fois, on dit qu'on accorde des droits et on commence cette déclaration en disant: «Compte tenu des ressources disponibles». Je pense qu'il faudrait clairement affirmer un but à viser, astreindre l'administration à atteindre le plus rapidement possible ce droit-là, et ne pas parler de «compte tenu des ressources disponibles». Là, on le sait que les ressources ne sont pas illimitées. Mais, à ce moment-là, il faut mettre un but, il faut mettre une pression sur la machine pour qu'elle cherche à atteindre ce but qui est toujours perfectible. C'est pour ça, moi, que, «compte tenu des ressources disponibles», on ne devrait pas, au niveau technique des législations, utiliser cette expression-là.

Si je fais une comparaison, c'est qu'en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés on donne le droit à un inculpé d'être jugé dans un délai raisonnable. Bon, bien, ce délai raisonnable là, finalement, ça devient le but à atteindre. Ça force l'administration à prendre les mesures nécessaires pour que ce but, pour que cette intention qui est proclamée soit atteinte. Alors, c'est la même chose, on ne devrait pas mettre «compte tenu des ressources disponibles». Ça vient diluer ce qu'on voudrait être une affirmation, une déclaration de principe. On ne devrait pas mettre ça à ce moment-ci.

M. Rémillard: M. le Président, quand nous parlons de droits des victimes, je crois qu'on doit prendre tous les moyens pour assurer ces droits. Ici, dans l'article 6, les légistes ont recommandé d'utiliser cette expression pour faire référence, entre autres, à l'article 13, si ma mémoire est bonne, de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Alors, l'article 13 dit ceci: «Le droit aux services de santé et aux services sociaux et le droit de choisir le professionnel et l'établissement prévus aux articles 5 et 6, s'exercent en tenant compte des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'organisation et au fonctionnement de l'établissement ainsi que des ressources humaines, matérielles et financières dont il dispose.»

Alors, ils ont cette disposition-là et on insistait beaucoup, du côté de la santé, parce qu'on est ici dans le domaine de la santé, pour dire: Écoutez, nous, il faut quand même qu'on ait les ressources professionnelles pour répondre aux besoins. Alors, vous donnez un droit, oui, on le respecte. «La victime a droit de recevoir l'assistance médicale, psychologique et sociale que requiert son état ainsi que les autres services d'aide appropriés à ses besoins en matière d'accueil, d'assistance et de référence aux autres services les plus aptes à lui venir en aide.» Mais faut-il encore que ces services puissent être disponibles dans les meilleures conditions. C'est comme ça qu'on est arrivés à mettre «compte tenu des ressources disponibles». Et c'est en relation directe avec l'article 13, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le député.

M. Bélanger: Bien, M. le Président, moi, je reviens à ce que j'ai dit. Je ne vois pas pourquoi on devrait mettre cette limite-là, à ce stade-ci, surtout suite aux explications qu'on a reçues à l'effet que ce sont, finalement, un peu des articles introductifs, déclaratifs de droits, de principes. Pour moi, c'est inacceptable. Surtout quand on parle, dans le deuxième paragraphe, de «bénéficier de mesures de protection» compte tenu des ressources disponibles. Je pense qu'on devrait affirmer clairement la priorité de l'intervention gouvernementale qui est la protection. Sinon, «compte tenu des ressources disponibles», M. le Président, en tout cas, c'est l'exemple type d'une déclaration qui ne voudra plus rien dire, avec les limites qu'on y met.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. En pratique, évidemment — je viens de citer l'article 13 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux — si on enlève cette expression-là, ça donne plus de droits qu'à un citoyen qui est malade. Un citoyen qui est malade a droit à des services de santé, mais compte tenu des ressources disponibles. Nous, parce que c'est une victime d'acte criminel, donc, qui n'est pas responsable de son état — c'est la société, donc, qui a un devoir de l'indemniser et de l'aider — on lui donnerait un droit absolu. Il faut s'entendre: un droit absolu en droit, mais il reste quand même que nul n'est tenu à l'impossible, mais ça ouvrirait la porte à des mandamus.

Moi, en théorie, je n'ai pas d'objection majeure. Il reste quand même que cette coupure avec l'article 13 de la loi sur les services de santé devrait être examinée avec toutes les conséquences que ça implique. Me Gauvin pourrait faire un commentaire, avec votre permission.

Le Président (M. Dauphin): Me Gauvin.

Mme Gauvin (Francine): Oui, merci. Je voudrais tout simplement mentionner qu'en ce qui concerne le droit qu'on accorderait à la victime d'une infraction criminelle, qui serait plus avantageux à son égard qu'à l'égard d'une autre résidente ou d'un autre résident du Québec, cette personne-là qui se présenterait, par exemple, concrètement dans une salle d'urgence, comment serait-il possible, pour le médecin de garde, de déterminer si cette personne-là a été victime d'une infraction criminelle plutôt que du fait de s'être blessée elle-même? Alors, je me demandais si, dans l'application concrète de ce droit-là, ce serait réaliste de penser que la victime d'une infraction criminelle aurait un droit absolu en quelque sorte aux ressources de santé et de services sociaux qui seraient disponibles.

M. Rémillard: Oui. Juste en fonction de cela, si vous me permettez...

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: ...il faut bien comprendre, toujours, que ces huit premiers articles, M. le Président, sont des droits qui ne sont pas en relation avec, donc, l'indemnisation ou l'aide. Ce sont des droits généraux. Ce qui veut dire que vous êtes victime d'un acte criminel; on n'a encore démontré d'aucune façon que vous êtes vraiment une victime, mais vous êtes une victime, vous croyez que vous êtes une victime. De quelle façon faire respecter vos droits? C'est ça, parce que, pour avoir aide et indemnisation, c'est là que votre statut — un statut, je ne voudrais pas prendre cette expression-là — votre état de victime devra être constaté.

Mais, dans les huit premiers articles, il n'y a pas cette constatation-là. Ce qui veut dire que c'est un droit absolu. Et, si n'importe qui dit: Je me suis brisé un bras, écoutez, moi, j'ai été victime d'actes criminels, donnez-moi tout de suite le service, qu'est-ce que ça peut signifier?

Le Président (M. Dauphin): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Justement, M. le Président, je pense qu'a fortiori, par ce que le ministre nous a dit, ce sont huit articles qui déterminent des principes. C'est évident que, si on se limite au niveau des principes, c'est une contradiction, je pense. Au niveau de l'application, évidemment, il va y avoir certaines contraintes. Mais que quelqu'un arrive et dise: Bon, je suis victime d'un acte criminel, j'ai droit à des services, il a effectivement droit à des services, tout comme la personne qui arrive à l'urgence et qui est malade a droit à un service. Mais c'est sûr que ce droit-là est toujours limité au niveau de l'application par le nombre de personnes qui sont là pour donner les services, par les ressources qui sont mises à sa disposition. Mais, puisque c'est au niveau des principes, se limiter là directement au niveau des principes, je comprends difficilement ça. Elle a le droit de le recevoir, mais ce n'est pas indiqué dans combien de minutes elle a le droit de le recevoir. Le ministre faisait référence qu'il fallait qu'elle soit traitée immédiatement. On ne va pas dans ce détail-là, c'est un principe général.

Et, moi, j'aurais souhaité aussi, comme principe général, dans les droits de la victime, voir le droit à la réadaptation. Je ne sais pas s'il doit être énoncé à l'article 6 ou si on doit l'énoncer davantage à l'article 3, mais le droit à la réadaptation devrait faire partie des principes généraux aussi. (11 h 50)

M. Rémillard: Peut-être, la réadaptation, on va avoir à en parler dans le titre II. On pourra en parler à ce moment-là. C'est dans le titre II, la réadaptation.

Mme Caron: Au niveau de l'application. Tout comme tous les autres articles, au niveau de l'application, on va les voir au niveau du titre II, mais, au niveau

du principe, on ne l'énonce pas au niveau du titre I.

Le Président (M. LeSage): Oui, M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: M. le Président, je voudrais donner au ministre un bon exemple de loi dans laquelle on donne un droit et où tout le monde est conscient des limites.

(Consultation)

Le Président (M. LeSage): Alors, M. le ministre.

M. Bélanger: M. le Président, je voulais donner un exemple concret d'une loi dans laquelle on donne un droit à des individus et où tout le monde est conscient qu'il y a des limites, la Loi sur l'aide juridique. Je suis certain que ça va faire réagir ma collègue qui est porte-parole du dossier pour l'Opposition. On donne le libre choix du praticien, de l'avocat, mais on sait très bien que, dans les faits, ce libre choix est limité. Si je veux l'associé principal de McCarthy, Tétrault ou de Ogilvy, Renault comme avocat, c'est certain que c'est mon libre choix, mais je ne suis pas certain qu'il va accepter un mandat d'aide juridique et qu'on peut le forcer à accepter un mandat d'aide juridique. Il y a des limites quant à la façon d'opérer, quant à la disponibilité des avocats, quant à tout ça. Mais le principe est là: c'est le libre choix de l'avocat.

M. Rémillard: II y a d'autres bons bureaux. M. Bélanger: II y a d'autres bons bureaux.

M. Rémillard: Vous en nommez deux. Il y en a d'autres.

M. Bélanger: Mais je vais vous donner un exemple aussi, un notaire. Si vous êtes en région et que vous cherchez un notaire, la loi prévoit que vous avez le droit d'avoir le notaire de votre choix qui va s'occuper de votre dossier. Aucun notaire n'est permanent de l'aide juridique. Il n'y en a pas, aucun. Et, maintenant, cherchons les notaires qui acceptent les mandats d'aide juridique pour faire des testaments ou des choses comme ça, bonne chance! Pourtant, le droit est là, et je ne pense pas qu'il y ait eu de mandamus d'intenté contre le gouvernement pour forcer un notaire choisi ou désigné par un bénéficiaire à prendre le dossier. Donc, c'est un exemple comme quoi on peut déterminer, on peut donner un droit, et je pense qu'on doit l'affirmer quand il y a des principes fondamentaux comme ça, mais tous les gens sont conscients qu'il y a des limites matérielles, qu'il y a des limites au niveau des ressources. Donc, c'est pour ça, je pense, que, quand on déclare des droits, il ne faut pas mettre des expressions: «compte tenu des ressources disponibles», «sous réserve de ce qu'on peut faire», ou des choses comme ça.

M. Rémillard: Voyez-vous, pour qu'il y ait mandamus, vous savez qu'il doit y avoir obligation pour l'administration d'agir. Alors, dans le cas que vous nous mentionnez pour l'aide juridique, il n'y a pas obligation pour un notaire d'agir. Si le notaire ne veut pas prendre un dossier de l'aide juridique, il n'y a personne qui va l'obliger à le prendre. Si l'associé senior d'un des bureaux que vous avez mentionnés ne veut pas prendre le dossier, il n'y a personne qui va l'obliger à le prendre. Donc, les mandamus ne sont pas possibles. Alors que, si vous avez un droit relié à une obligation d'agir, par le fait même relié à l'administration publique, c'est dans ce cas-là que là vous pouvez prendre un bref qui va obliger l'administration à agir pour que votre droit soit respecté sur le plan administratif. Et c'est dans ce cas-là qu'on peut se retrouver avec des mandamus ou d'autres mécanismes qui font en sorte que le gouvernement se retrouve toujours devant les tribunaux.

Et ça, je dois vous dire, c'est un problème qui me préoccupe énormément, c'est un problème qui me préoccupe beaucoup comme président du Comité de législation. Ce sont tous ces mécanismes que nous mettons dans des nouvelles lois, qui font en sorte que maintenant les avocats peuvent assigner en cour les ministres. Alors, là, je ne sais pas combien de ministres ont comparu en cour, simplement dans les derniers six mois, pour témoigner de leur administration. C'est tout un problème et il faut, comme parlementaires, au-delà des questions de partis, là encore, s'interroger pour savoir jusqu'où on veut aller pour amener des ministres en cour. À un moment donné, vous allez vous retrouver avec des ministres qui sont continuellement en cour et qui doivent répondre de leur administration devant les tribunaux. Alors, il faut être très prudents, M. le Président, et très conscients de ce problème.

Je ne mets pas en cause le rôle de nos tribunaux pour faire respecter le droit. Mais les tribunaux font respecter la loi que nous faisons. Et c'est à nous, comme parlementaires, d'être vigilants et d'être conscients. Il ne faudra pas se retrouver avec des tribunaux qui contrôlent à ce point l'Exécutif et le gouvernement que, finalement, de par les lois qu'on leur donne, on aurait un gouvernement contrôlé par les juges. Que les juges contrôlent la légalité, c'est une chose, mais qu'ils contrôlent de plus en plus l'opportunité politique en faisant témoigner, parce qu'ils sont assignés, des ministres dans la boîte aux témoins sur leur administration, moi, je dis: Attention, lumière rouge. Nous sommes dans une voie dangereuse pour le respect de la démocratie parlementaire.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: M. le Président, je partage tout à fait la préoccupation du ministre relativement à ce danger-là. Je pense que c'est un danger qui est très sérieux. Cependant, je voudrais revenir à l'exemple que j'avais donné à propos de l'aide juridique. En vertu de l'article 51 de la Loi sur l'aide juridique, «le directeur

général doit fournir à un bénéficiaire les services professionnels d'un avocat ou d'un notaire à l'emploi de la corporation régionale». L'obligation, elle est là, elle est formelle. Je peux vous dire que, présentement, dans le réseau de l'aide juridique, il n'y a aucun notaire à l'emploi d'aucune corporation régionale de tout le réseau d'aide juridique. Je pense que c'est un cas précis. Si le bénéficiaire ne trouve pas de notaire dans la pratique privée qui accepterait son mandat, c'est une obligation qu'il y a de fournir le service et il n'y en a pas. Il n'y a pas de notaire à l'emploi d'aucune corporation régionale. C'est un manque flagrant. Je pense que le ministre en est conscient.

Donc, c'est pour ça que, quand on donne des droits, je pense qu'il n'y a personne qui se fait d'idée. Je pense même que les tribunaux ne l'exigent pas, n'exigent jamais l'impossible d'un gouvernement ou d'une administration. Tout le monde est conscient de la limite ou encore de l'étendue territoriale du Québec. On sait qu'en région très éloignée il est impossible d'obtenir des services à proximité ou aussi rapidement que quand on est en région urbaine. Tout le monde est au courant de ça. Tout le monde est conscient de ça. Mais, quand on donne des principes, je ne pense pas que, dans l'article même déclaratif de principe, on doive se servir de cette technique-là de dire: «Compte tenu des ressources disponibles». On en est tous conscients. Et je ne pense pas qu'on frôle la zone de danger, comme on dit, de la «sursurveillance» judiciaire des activités de l'État.

M. Rémillard: Alors, M. le Président, peut-être pour conclure ces commentaires, je suis prêt aussi à faire regarder par les légistes, d'une façon toute particulière, toutes les conséquences juridiques. Je suis très sensible à ces remarques qui nous ont été faites aussi par Plaidoyer-Victimes, qui nous ont été faites par le Barreau. Tout simplement, je me dois, comme ministre de la Justice, d'agir aussi avec un maximum de précautions quant à la capacité administrative de livrer la marchandise. Alors, comme tout à l'heure on l'a dit pour l'expression que nous avions, «compte tenu des moyens disponibles», je suis prêt à faire revoir ici l'expression «compte tenu des ressources disponibles», de faire voir l'implication, et nos juristes viendront nous donner toutes les implications que ça peut signifier.

Le Président (M. LeSage): Est-ce que l'article 6 est suspendu? M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: M. le Président, je pense qu'on va donc le suspendre, le temps de savoir si on peut enlever cette...

Le Président (M. LeSage): Ça va, M. le ministre?

M. Rémillard: Oui, on va le suspendre. Je comprends qu'on a deux articles, M. le Président: 5 qui parle de «dans la mesure du possible»...

M. Bélanger: Oui.

Le Président (M. LeSage): Oui.

M. Rémillard: ...et 6 de «compte tenu des ressources disponibles». Ce sont deux problèmes semblables.

M. Bélanger: Et 4 aussi, a «droit, aussi complètement que possible».

M. Rémillard: 4 aussi, on peut le voir aussi. M. Bélanger: Le 3 aussi.

Le Président (M. LeSage): Alors, ces articles sont laissés en suspens.

M. Bélanger: Tous les articles. On utilise toujours cette même... (12 heures)

M. Rémillard: Oui, ça, c'est peut-être autre chose, 3: «dans la mesure prévue par la loi»; c'est la référence aux lois pour avoir les mécanismes prévus. Ce n'est pas la même chose.

M. Bélanger: Non, ça va.

M. Rémillard: Mais, sur les autres aspects, moi, je suis prêt à faire regarder ça et je vais demander à notre légiste, Mme Gauvin, et à Me Viens de pouvoir nous faire le point sur l'application de ces mesures-là depuis 1988. Comment ça a été vu? Qu'est-ce que ça a signifié? Et, si on les enlève, quelle signification ça peut amener au point de vue du respect des droits et des conséquences sur l'administration publique?

Le Président (M. LeSage): Alors, l'article 6 est laissé en suspens. J'appelle l'article 7. M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, l'article 7 se lit comme suit: «II incombe à la victime de coopérer, dans la mesure du possible, avec les autorités chargées de l'application de la loi à l'égard de l'infraction criminelle dont elle est la victime.»

Alors, cet article, conforme au droit actuel, énonce comme corollaire à la reconnaissance des droits, la responsabilité de la victime de coopérer avec les autorités policières et judiciaires.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: M. le Président, je constate que la différence entre l'ancien article 7 et le nouvel article 7, c'est qu'auparavant on avait une obligation de collaborer; maintenant, c'est une obligation de coopérer. Est-ce qu'on peut m'expliquer pourquoi le changement d'expression? Pour moi, coopérer, c'est plus astreignant que collaborer.

M. Rémillard: On va demander à Me Viens, qui a, donc, l'expérience de l'application de cet article, de nous faire la distinction, M. le Président.

Le Président (M. LeSage): Très bien. Me Viens.

Mme Viens (Christine): II n'était pas dans l'intention de restreindre ou de contraindre davantage. On cherchait à trouver un mot. «Coopération» avait une consonance meilleure que «collaboration». C'est absolument rien que ça.

M. Rémillard: En fait, pour tout dire, c'est que le mot «collaboration» peut avoir une consonance péjorative. C'est tout. Mais je ne crois pas que, comme vient de dire Me Viens...

Mme Viens (Christine): II n'y avait aucun autre but que celui-là.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: M. le Président, je reviens, ici, à des commentaires qu'a fait parvenir le Barreau, je pense, au ministre relativement à cet article 7. Puis j'aimerais reprendre une partie des commentaires. À la page 7 de ce «rapport», il est mentionné: «Nous considérons qu'il est tout à fait opportun d'obliger une victime à collaborer avec le ministre pour les fins de l'obtention d'une aide ou d'une indemnisation. «Il est normal, par exemple, que la victime fasse une preuve des faits justifiant sa demande. Toutefois, dans une société libre et démocratique comme la nôtre, il est inacceptable d'obliger une victime à coopérer avec la police ou avec les autorités judiciaires pour pouvoir jouir d'un droit à l'indemnisation ou d'une aide. Cette obligation résulte des articles 7, 11.4°, 11.5° et 119.1°c du projet de loi. «La Loi sur l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels risque de devenir alors un outil de police (law enforcement) voué à la répression du crime au détriment de son caractère de loi sociale. À cet égard, nous considérons que ce projet de loi 106 confond la finalité d'indemnisation et celle de la répression du crime. «Nous devinons facilement que les victimes d'agressions sexuelles, pour ne donner que cet exemple, pourraient être préjudiciées par de telles dispositions d'autant plus que l'article 6 ne garantit la protection contre les manoeuvres d'intimidation et de représailles qu'en fonction des ressources disponibles. «Force nous est de constater un net déséquilibre entre, d'une part, l'obligation de coopérer et les risques que cette obligation comporte pour certaines victimes et, d'autre part, le droit à la protection prévu au projet de loi.»

Alors, moi aussi, il me semble un peu... Je pense qu'on devrait faire la part des choses entre, justement, la collaboration, je pense, qui est essentielle... On doit exiger de la victime qu'elle donne tous les faits relatifs à l'infraction ou à l'acte criminel dont elle a été victime, mais de là à rajouter en plus cette obligation-là. En plus, je me demande si ça ne vient pas un peu porter atteinte au droit au silence, qui existe pour toute personne dans une instance judiciaire, protégé par la charte des droits et libertés et par la Constitution. Finalement, cette personne, maintenant, elle a l'obligation de collaborer, donc, de témoigner. Ça comporte l'obligation de témoigner. Sinon, on pourrait lui invoquer son manquement à ses obligations pour le fait d'avoir refusé de témoigner.

M. Rémillard: M. le Président, il ne faut pas confondre. Nul n'est tenu de témoigner dans sa propre cause. Ça, c'est un droit qui est reconnu, et c'est évident que la Charte le protège. Ce n'est pas ça qui est en cause. Là, c'est qu'une personne est victime; alors, elle ne s'est pas elle-même faite victime. Il y a eu un criminel qui a fait qu'elle est une victime de son acte criminel. Alors, je ne pense pas qu'il faille vraiment faire une relation entre les deux.

En ce qui regarde le document du Barreau, le Barreau, manifestement, n'a pas fait la relation entre les huit articles introductifs, donc en ce qui regarde les droits généraux, qui ne se réfèrent pas à l'indemnisation, qui ne se réfèrent pas à l'aide. Il a, au contraire, fait la relation directe entre les deux pour en arriver à trouver des relations effectives en ce qui regarde l'exercice des droits. Ça donne les résultats que nous voyons, entre autres, dans le mémoire du Barreau, à la page 7.

D'une part, ils nous disent qu'ils sont d'accord avec l'article 7, et ils le mentionnent très clairement: «Nous considérons qu'il est tout à fait opportun d'obliger une victime à collaborer avec le ministre pour les fins de l'obtention d'une aide ou d'une indemnisation.» L'article 7, ils ne remettent pas ça en cause. Ce qu'ils remettent en cause, c'est l'article 11 relié à 119.1°, l'article 11 qu'on a beaucoup discuté hier lorsqu'ils sont venus discuter avec nous, et je les remercie encore de s'être prêtés à cet exercice parlementaire hautement démocratique.

Moi, j'ai fait valoir mes objections comme ministre. Je ne suis pas le seul ministre à avoir fait valoir ces objections-là, comme ministre de la Justice. Tous les ministres de la Justice qui se sont succédé depuis les 15 dernières années ont eu la même position. Et j'ai les documents, que je pourrai déposer en cette Chambre, pour en témoigner. Mais je crois que l'article 7 est une chose et que l'article 11... Si on veut reprendre la discussion sur l'article 11, peut-être que je serai en mesure, sur l'article 11, en fonction de certains commentaires que fait aussi Plaidoyer-Victimes, de faire des propositions où on pourrait encadrer probablement la discrétion que nous avons dans les articles 11.4° et 11.5° en particulier, et je crois qu'on pourrait répondre à certaines questions, à ce moment-là. Mais, pour le moment, en ce

qui regarde l'article 7, je crois que le Barreau ne s'objecte pas à l'article 7.

Le Président (M. LeSage): Ça va, M. le député d'Anjou?

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je pense que je vais suivre le raisonnement du ministre et on va, à ce moment-là, peut-être, reprendre le débat sur cette question lors de l'étude de l'article 11.

Le Président (M. LeSage): Alors, l'article 7 est également en suspens?

M. Rémillard: Non, non. Il est adopté. M. Bélanger: Non. Adopté. Le Président (M. LeSage): Adopté? D'accord. M. Rémillard: Pour une fois qu'on adoptait.

Le Président (M. LeSage): Alors, l'article 7 est adopté.

M. Rémillard: M. le Président, je ne sais pas si c'est un acte que vous faites de confiance dans nos travaux, mais, vous savez, certains, peut-être, qui nous écoutent présentement peuvent dire: Mais qu'est-ce qui se passe? Ils veulent mettre en suspens tous les articles. C'est une façon de procéder. On a fait tout le Code civil, 3168 articles, et c'est une méthode que j'aime bien, moi. En justice, on essaie de trouver... Il n'y a pas de loi qui s'impose. C'est une loi qui est acceptée par un consensus qu'on développe au niveau de la commission. Alors, par conséquent, on suspend les articles, on demande à nos légistes, à nos experts, de nous amener plus de travaux préparatoires et puis on trouve des solutions. On trouve des solutions parce qu'on poursuit les mêmes objectifs. Alors, il ne faut pas s'en faire si on suspend des articles, M. le Président. Ça nous donne simplement la possibilité de faire une meilleure loi.

Le Président (M. LeSage): Et, avec votre compréhension, M. le ministre, on adopte des lois qui font en sorte qu'elles sont imperméables. On n'a plus besoin d'y toucher. Elles sont bonnes.

M. Rémillard: Voilà, M. le député de Hull.

Le Président (M. LeSage): Alors, avant d'adopter l'article 7, je crois que Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière voulait dire quelques mots. On m'informe que vous vouliez intervenir sur l'article 7.

Mme Carrier-Perreault: Ah, bien non. Je comprends la préoccupation dans le sens que «collaborer» peut être péjoratif, mais, quand on regarde ça, effectivement, en tout cas, ça m'apparaît un petit peu plus fort «coopérer» que «collaborer», quand on regarde la définition.

M. Rémillard: Écoutez bien...

Mme Carrier-Perreault: Mais ce n'est pas plus...

M. Rémillard: ...on va s'entendre bien rapidement là-dessus...

Mme Carrier-Perreault: Non, non.

M. Rémillard: ...si vous voulez changer ça pour «collaborer». Moi, je vais vous dire, personnellement, j'ai des réticences sur «collaborer»... (12 h 10)

Mme Carrier-Perreault: C'est ça, mon problème.

M. Rémillard: ...mais, si vous voulez revenir à «collaborer» et que c'est le voeu de la commission de revenir à «collaborer», je n'ai pas de problème.

M. Bélanger: Non.

M. Rémillard: Pas de problème là-dedans.

Mme Carrier-Perreault: Ce n'était pas nécessairement ça, non. C'était juste une remarque.

M. Rémillard: Moi, j'aime mieux le terme «coopérer», mais, si je suis tout seul à avoir le pas, je vais vous dire, je vais me ranger dans le peloton, ce ne sera pas long.

Le Président (M. LeSage): Alors, si personne n'a d'objection...

Mme Carrier-Perreault: Je partage votre préoccupation sur «collaboration». Cette expression-là aussi, effectivement, fait péjoratif, alors... Non, non, c'est...

Le Président (M. LeSage): Ça va? On ne s'en-farge pas dans les fleurs de tapis...

Mme Carrier-Perreault: Bien non.

Le Président (M. LeSage): ...on adopte l'article 7?

Mme Carrier-Perreault: C'est parce qu'il m'a donné la parole.

Le Président (M. LeSage): Adopté. J'appelle l'article 8.

M. Rémillard: L'article 8 se lit comme suit, M. le Président: «Les droits et responsabilités prévus par

le présent titre s'appliquent, que l'auteur de l'infraction soit ou non identifié, poursuivi ou déclaré coupable.» Alors, M. le Président, cet article énonce que les droits et responsabilités prévus au titre I s'appliquent, même si l'auteur de l'infraction n'a pas été identifié, poursuivi ou déclaré coupable. Cet article, lequel reprend le droit actuel, vise à permettre aux victimes de bénéficier des droits énoncés, indépendamment de toute poursuite ou condamnation criminelle, notamment dans les cas où l'auteur de l'infraction est inconnu.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou. L'article 8 est adopté?

M. Bélanger: Adopté.

Le Président (M. LeSage): Alors, l'article 8 est adopté. J'appelle l'article 9. M. le ministre.

M. Rémillard: Alors, M. le Président, nous abordons maintenant le titre II, Indemnisation, et l'article 9. M. le Président, est-ce que je peux demander à un membre de cette commission, M. le Président, de lire l'article 9?

Indemnisation Dispositions générales

Le Président (M. LeSage): Je vais vous le lire. «Ont droit aux indemnités, aux remboursements de frais et aux services de réadaptation visés par le présent titre, suivant les conditions qui y sont prévues: 1° la victime qui subit un préjudice corporel ou psychique: a) résultant directement de la perpétration au québec d'une infraction criminelle visée à l'annexe i; b) en procédant ou en tentant de procéder de bonne foi à l'arrestation, au québec, d'un contrevenant ou d'un présumé contrevenant ou en prêtant assistance à un agent de la paix qui procède à une arrestation au québec; c) en prévenant ou en tentant de prévenir de bonne foi la perpétration, au québec, d'une infraction ou de ce qu'elle croit être une infraction ou en prêtant assistance à un agent de la paix qui prévient ou tente de prévenir la perpétration, au québec, d'une infraction ou de ce qu'il croit être une infraction; d) résultant directement de l'acte ou de l'omission de la personne qui agit dans les circonstances décrites au sous-paragraphe b ou c; 2° la personne agissant dans les circonstances décrites au sous-paragraphe b ou c du paragraphe 1 ° qui subit un dommage à ses biens; 3° les proches de la victime; 4° en cas de décès de la victime, son conjoint ou ses personnes à charge; 5° la personne qui a acquitté les frais funéraires ou les frais de transport du corps de la victime décédée.»

M. Rémillard: Oui. Alors, M. le Président...

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

M. Rémillard: ...cet article détermine le champ d'application du titre II, en énumérant les personnes qui ont droit aux prestations prévues par le régime d'indemnisation. Comme dans le droit actuel, la victime est celle qui subit un préjudice corporel ou psychique résultant directement de la perpétration, au Québec, d'une infraction criminelle visée à l'annexe I, laquelle comprend des infractions contre la personne et des infractions mettant en danger la sécurité des personnes ou comportant des actes d'intimidation. La victime est aussi celle qui subit un préjudice corporel, psychique ou matériel en prêtant main-forte à la justice. De plus — et cette disposition est de droit nouveau — est aussi considérée comme une victime la personne qui subit un préjudice corporel ou psychique résultant directement de l'acte ou de l'omission de ce bon Samaritain.

Par ailleurs, le paragraphe 3° de l'article introduit une modification importante au droit actuel en permettant aux proches des victimes de bénéficier de services de réadaptation psychothérapeutique selon les modalités prévues au chapitre VI du projet de loi. Ceci répond à une demande formulée par l'Association québécoise plaidoyer-victimes lors du Sommet de la Justice. En outre, M. le Président, le conjoint et les personnes à charge de la victime ont droit à une indemnité en cas de décès de celle-ci. Finalement, la personne qui a acquitté les frais funéraires ou les frais de transport du corps de la victime décédée aura droit au remboursement de ces frais aux conditions prévues à l'article 83.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. le ministre. M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: M. le Président, je me pose des questions, à savoir si c'est souhaitable de fonctionner comme ça par référence à une annexe. Et je me demande s'il n'aurait pas été plutôt nécessaire ou, disons, plus efficace de, tout simplement, faire référence au crime ou à un acte criminel tel que défini dans le Code criminel. Je vois qu'il y a plusieurs crimes qui sont exclus de la nomenclature et je me demande pourquoi. En particulier, moi, je pense à la fraude. Vous allez me dire: La fraude, il n'y a pas de blessures, il n'y a pas de coups. Mais, moi, j'ai eu des cas de personnes âgées qui ont été victimes de fraude criminelle, qui ont perdu tout ce qu'elles avaient et qui ont subi des préjudices terribles au niveau psychologique suite à ça, qui ne s'en sont même jamais remises, qui sont tombées dans une profonde dépression. Pourquoi refuse-t-on maintenant systématiquement... Par ce système-là, si votre crime n'est pas dans l'annexe, vous n'avez droit à aucune protection. J'aimerais ça qu'on m'explique ça. Je vois qu'on prévoit même le crime de fausse alerte. Être victime d'une fausse alerte va donner droit à une indemnisation, mais le fait d'être victime d'une fraude commerciale ne

donnera droit à aucune indemnisation.

M. Rémillard: Ah oui.

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, il faut comprendre que la loi indemnise pour des conséquences concernant la personne, l'intégrité de la personne. C'est comme les accidents d'automobile; le régime d'assurance que nous avons pour les victimes d'accidents d'automobile, eh bien, c'est relié à la personne. Ce n'est pas la tôle; c'est la personne quand vous êtes blessé. Ici, le projet de loi, c'est exactement la même chose — c'était la même chose en 1988 — ça regarde la personne comme telle. Si la personne a reçu des sévices, qu'elle a été agressée, donc, elle a été touchée ou psychologiquement ou dans son intégrité physique. Alors, donc, les crimes contre les biens ont été mis de côté.

M. Bélanger: Le crime de fausse alerte, il est inclus dans l'annexe.

M. Rémillard: Fausse alerte? Qu'est-ce que vous voulez dire par là?

Une voix: II est tombé dans l'escalier en se sauvant.

Mme Viens (Christine): Je pense que c'est assimilé à une attaque contre la personne. C'est qu'on vise à alarmer les gens. On vise la personne, on ne vise pas ses biens.

M. Bélanger: Je suis très bien le raisonnement du ministre, sauf que, moi, quand je vous donnais l'exemple de fraude, je ne demande pas aux gens de remettre l'argent qui est l'objet de la fraude, je ne demande pas l'indemnisation du préjudice subi au niveau matériel; je demande le dommage psychologique subi par la personne qui a été victime d'un acte criminel, qui ne trouve aucune réparation. C'est ça, là. Je ne demande pas une assurance pour indemniser la tôle ou l'argent ou le préjudice matériel. C'est un préjudice psychologique subi par la personne victime d'un acte criminel. Alors, pourquoi?

Évidemment, il va y avoir un fardeau de preuve, M. le Président, il va y avoir un fardeau de preuve. Ce n'est pas évident que la personne qui se fait frauder va nécessairement avoir un préjudice psychologique, c'est loin d'être évident, et le fardeau de preuve va être, je pense, assez lourd à surmonter. Mais je pense qu'il faut le prévoir, sinon... Et on le dit: les personnes victimes d'actes criminels. Pourquoi exclure systématiquement une catégorie de personnes qui sont victimes d'actes criminels?

M. Rémillard: Voyez-vous, le problème, c'est que, si on ouvre sur cet aspect-là, jusqu'où on va aller?

Par exemple, toute la question des infractions dans les maisons et dans les domiciles pour vol...

M. Bélanger: Dans les maisons de... (12 h 20)

M. Rémillard: Dans les maisons, dans les domiciles, il y a une infraction criminelle. Alors, vous avez un voleur qui entre dans votre domicile, vous le surprenez. D ne vous cause pas de problème, il ne vous tire pas dessus. Après ça, il prend la fuite, mais vous êtes tellement traumatisé que vous ne pouvez plus vivre là, vous ne pouvez plus vivre dans votre maison, psychologiquement vous ne pouvez plus dormir, etc., etc. Vous êtes victime d'un acte criminel, mais, là aussi, il va falloir que vous ayez de l'aide pour vous en sortir. Jusqu'où ça va? C'est ça, le problème. Il a fallu, à un moment donné... Et la question s'est posée au début des années quatre-vingt, elle s'est posée en 1988 lorsque cette loi a été faite, et on est arrivés à la conclusion: limitons-nous aux crimes qui regardent la personne. Sans ça, vous ouvrez la porte et je ne vois pas jusqu'où on va aller.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Je regarde certaines infractions qui sont dans l'annexe, comme le crime de transport d'armes offensives et de substances explosives à bord d'un aéronef. Ça, ça va être couvert. Vous savez, je suis prêt à suivre votre raisonnement, M. le ministre, mais le même raisonnement pourrait s'appliquer, ici, à certains articles qui sont prévus, là. Transport d'armes offensives et de substances explosives à bord d'un aéronef. Jusqu'à quel point, encore là, on peut dire que la personne va avoir besoin de réadaptation, va avoir besoin d'une...

Mme Viens (Christine): Avec votre permission, M. le Président. En fait, il s'agit d'un ensemble de dispositions qui ont un point commun, c'est-à-dire que soit, par définition, elles causent une atteinte à l'intégrité physique, par exemple, des voies de fait armées — c'est facile à concevoir; même les voies de fait simples sont des attaques à la personne — ou des infractions qui mettent en danger la sécurité des personnes. C'est le fil conducteur de cette liste. Il faudra toujours, de toute manière, prouver un préjudice.

M. Bélanger: C'est ça. Bien, c'est ça.

Mme Viens (Christine): Alors, évidemment, si une personne n'est pas informée qu'il y a eu des explosifs dans un avion, elle ne subira aucun préjudice et elle ne viendra pas faire une demande d'indemnité, mais, si elle l'apprenait, c'est la crainte qu'elle a pour sa santé et pour sa sécurité. Le lien est toujours la personne.

M. Rémillard: C'est aller assez loin. C'est un exemple. J'essaie de penser que quelqu'un descend de

l'avion. Il faudrait qu'en cours de vol on ait dit tout à coup: Écoutez, on vient de découvrir une bombe dans l'avion. Et là, pendant la demi-heure qui reste ou l'heure qui reste jusqu'à l'atterrissage de l'avion, vous avez un traumatisme tellement grand que vous descendez de l'avion et que vous êtes sous l'effet d'un choc nerveux épouvantable qui vous cause des séquelles après. Ça ne nous est pas encore arrivé bien, bien souvent comme demande. Ce n'est pas...

Une voix: Ce n'est pas couvert.

M. Bélanger: Mais on connaît une thérapie pour ça. On connaît des thérapies pour ça. Ha, ha, ha!

Le Président (M. LeSage): Est-ce que l'article 9 est adopté?

M. Bélanger: Non, M. le Président. Je regarde aussi une autre infraction qui est prévue à l'annexe: le fait de nuire aux moyens de transport. Est-ce que je dois comprendre que l'appréciation, en tout cas, l'évaluation a été faite par le ministère et puis qu'on a voulu, vraiment, limiter ça à...

M. Rémillard: C'est générique, hein. C'est générique. En pratique, qu'est-ce que ça va donner? Voyez-vous, en ce qui regarde les Nations unies et la convention des Nations unies, la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d'abus de pouvoir, vous avez, à l'article 12a, ceci, et je le lis: «Lorsqu'il n'est pas possible d'obtenir une indemnisation complète auprès du délinquant ou d'autres sources, les États doivent s'efforcer d'assurer une indemnisation financière aux victimes qui ont subi un préjudice corporel ou une atteinte importante à leur intégrité physique ou mentale par suite d'actes criminels graves.» Alors, c'est le préjudice corporel qui est en relation. Et on va plus loin que les Nations unies nous le demandent, parce que les Nations unies, ici, disent: Lorsqu'il n'y a pas d'autre moyen, pour la victime, de pouvoir avoir compensation et indemnité, alors que, nous, on n'exige pas cette condition-là, mais on se fait subroger dans les droits de la personne qui est indemnisée.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: En suivant le raisonnement dont nous a fait part le ministre, en tout cas, je pense qu'il y a au moins un crime, et même, peut-être deux qui ont été oubliés dans la liste: celui de menace de mort. Le fait d'être victime d'une menace de mort, je pense que là on peut facilement... C'est sur la personne, et je pense que ce crime-là devrait être inclus dans l'annexe tout au moins.

M. Rémillard: Évidemment, la menace de mort,

M. le Président, le problème que ça pose, c'est la preuve.

M. Bélanger: Ça, c'est la personne qui en fait la réclamation qui...

M. Rémillard: II va falloir qu'elle en fasse la preuve.

M. Bélanger: Oui.

M. Rémillard: Ce n'est pas facile. Sur la menace de mort, on l'avait dit hier, je le répète, on est en train de regarder ça pour pouvoir le mettre dans la liste, menace de mort.

M. Bélanger: Et le deuxième aussi, ce serait celui de proxénétisme. Il ne faut pas oublier que, maintenant, la victime va avoir l'obligation de dénoncer. Donc, à partir du moment où elle dénonce celui qui l'entretient, celui qui est chef du réseau, si elle a été victime, disons, de violence, de coups et blessures, je pense qu'elle devrait, à ce moment-là, être...

(Consultation)

M. Rémillard: Évidemment, ça cause de petits problèmes. On m'informe que, ça, c'est plus délicat. Plus délicat parce que le ou la prostituée vit donc du crime. La prostitution n'est pas un crime, mais la sollicitation est un crime. Et, si elle démontre qu'il y a proxénétisme, c'est parce qu'elle a reçu, donc, elle reçoit cette protection ou cet argent qui lui permet de vivre et, si elle vit, elle vit de la prostitution. Alors, par le fait même, la chaîne qui existe nous amène à des interrogations qu'on n'avait pas à se poser en ce qui regarde, évidemment, la menace de mort. La prostituée ou le prostitué peut être victime de menaces de mort de la part du proxénète. Mais le proxénétisme lui-même, je crois qu'il faudrait le regarder de beaucoup plus près. On m'informe que ça peut poser des problèmes.

M. Bélanger: Je pense que ce serait important, parce que, quand même, maintenant, si on suit le raisonnement qu'il y a l'obligation de dénoncer, donc il va y avoir dénonciation de la personne qui va avoir fait l'acte criminel. Je pense que c'est à considérer sérieusement. Je comprends que c'est délicat. Je suis aussi conscient de ça, mais je pense que ça mérite réflexion.

Le Président (M. LeSage): Mme. la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Si je compare l'annexe actuelle et la nouvelle annexe, il y a un crime qui est disparu de la liste, et c'était l'article 265, voies de fait commises au moyen d'un véhicule automobile. Est-ce qu'on peut nous expliquer pourquoi on l'a fait disparaître? Parce que, par exemple, je ne sais pas,

quelqu'un qui installe une bombe dans un véhicule automobile ou qui, par un moyen mécanique, défait certaines choses qui permettent, finalement, que la personne soit victime d'un acte criminel... Pourquoi l'a-t-on fait disparaître?

M. Rémillard: Mme Viens, avec votre permission, M. le Président.

Le Président (M. LeSage): Alors, allez-y, Mme Viens.

Mme Viens (Christine): Merci, M. le Président. En vertu de la loi actuelle, il y a une option pour la victime entre l'application de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels et la Loi sur l'assurance automobile. À partir du moment où on harmonisait les lois et qu'il s'agissait de la seule infraction où il y avait la conduite d'un véhicule automobile qui était là et qu'on avait une harmonisation des lois, on a fait disparaître l'option. C'est pourquoi on l'a retranchée de l'annexe. Ce n'est pas pour empêcher une victime d'avoir une indemnité. Elle l'aura par le biais de la Loi sur l'assurance automobile.

Mme Caron: Mais, est-ce qu'effectivement... Parce que, dans la Loi sur l'assurance automobile, si la personne est victime d'un acte criminel et qu'elle n'est pas dans son automobile, est-ce qu'elle est vraiment couverte?

Mme Viens (Christine): Oui. Si une automobile est impliquée, c'est un accident d'automobile; elle sera couverte. Et la Loi sur l'assurance automobile reprend cette option. Il y a une option aujourd'hui. C'est donc que, aujourd'hui, il y a des victimes de voies de fait commises au moyen d'un véhicule automobile qui, faisant l'option d'aller à la Loi sur l'assurance automobile, sont indemnisées par la Société de l'assurance automobile. Vu l'harmonisation, on n'a pas jugé bon de retenir cette option qui ne faisait qu'embrouiller les cartes pour tout le monde.

M. Bélanger: M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: ...je pense que les victimes n'ont plus cette option, maintenant. Automatiquement, je pense qu'elles doivent faire une demande en vertu de la Loi sur l'assurance automobile, là.

Mme Viens (Christine): C'est-à-dire que ça sera par cette modification-là que l'option disparaîtrait.

M. Bélanger: C'est ça, il n'y en aura plus, là, d'option. (12 h 30)

Mme Viens (Christine): C'est ça.

Le Président (M. Dauphin): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Évidemment, je veux revenir aussi avec la possibilité pour les victimes d'actes criminels hors Québec, comme nous en avions parlé à l'article...

M. Rémillard: On l'a suspendu, je pense, cet article-là?

Mme Caron: C'est ça. Alors, on s'entend, évidemment, là, que, si on fait un ajout par rapport à l'article 1, on reviendra modifier l'article 9.

M. Rémillard: Je pense qu'on l'avait suspendu et on s'était dit qu'on revenait avec plus d'informations. C'était ça? Mes gens me disent qu'ils travaillent là-dessus. On pourra revenir éventuellement à cet article-là.

Mme Caron: Donc, on pourra modifier, à ce moment-là, l'article 9?

Mme Viens (Christine): Bien, là, pas nécessairement.

M. Rémillard: Mais pourquoi on le modifierait?

Mme Caron: Parce que, dans le libellé de l'article 9, vous précisez effectivement: «la victime qui subit un préjudice corporel ou psychique résultant directement de la perpétration au Québec d'une infraction criminelle». Donc, si...

M. Rémillard: Oui, mais on verra légalement... Ça ne change rien si on le modifie, là. Mais, moi, ce que je me suis engagé à faire, c'est vous fournir de l'information pour qu'on reprenne la discussion sur cette question de cas à l'intérieur du Québec.

Mme Caron: Et je voulais vérifier aussi un autre point: si les témoins sont effectivement couverts. Quand on lisait l'article 1, on parlait: qui «subit, directement ou indirectement, un préjudice corporel, psychique ou matériel». Bon, «indirectement» pouvait être attribué aux proches ou aux témoins. Quand on lit le libellé de l'article 9, on détermine bien, au troisième alinéa, «les proches de la victime», mais les témoins, j'avoue que je les retrouve difficilement. J'ai tenté de les retrouver dans le paragraphe 1°, alinéa d) «résultant directement de l'acte ou de l'omission de la personne qui agit», mais c'est possible que le témoin, là, n'agisse pas directement dans l'acte. Est-ce qu'il est vraiment couvert dans l'article 9?

M. Rémillard: Écoutez, on ne peut pas ouvrir ça à tous les témoins d'un crime. Imaginez-vous que...

Mme Caron: Non, non. Le témoin qui subit un préjudice corporel ou psychique, en partant de l'exemple que vous nous avez donné hier sur l'article 1.

M. Rémillard: Ah oui, directement. Mme Caron: Oui.

M. Rémillard: Mais le problème, je vais vous dire... Ce n'est pas si facile que ça. Je vais vous donner un exemple. Mettons qu'on est tous à regarder un match de hockey ou, tiens, un bon match de tennis, parce que c'est un exemple qui s'est passé. Les spectateurs sont là, vous êtes à la télévision ou même, si vous voulez, vous êtes dans le stade où a lieu le match de tennis, et puis vous avez quelqu'un qui est dérangé, puis qui s'en va poignarder une des joueuses qui est en cause. Alors, là, vous êtes témoin d'un crime. Vous pouvez être traumatisé, mais, si vous en avez 10 000 de traumatisés dans le stade, qu'est-ce que vous faites, là?

Mme Caron: Non. Moi, je pensais au témoin qui est impliqué directement, et ce n'est pas évident que je le retrouve, là.

M. Rémillard: Oui. Il est couvert. Il est couvert.

Mme Caron: II est couvert... M. Rémillard: Oui.

Mme Caron: ...par quel paragraphe, par quel alinéa?

M. Rémillard: II est couvert parce qu'il est témoin direct, touché directement. Je vais demander à Mme Viens, avec votre permission, M. le Président, de compléter mon explication.

Le Président (M. Dauphin): Me Viens.

Mme Viens (Christine): Le tout, évidemment, dépendra beaucoup des circonstances. La victime sera admise aux indemnités en tant que victime si elle peut prouver le résultat direct entre l'acte criminel et son préjudice. Si on prend, par exemple, une personne qui est témoin, mais qui est sur les lieux, qui est présente, qui n'est pas la victime directement visée — on peut penser à une caissière de banque — mais qui est dans le rayon de tir, si on veut, qui peut craindre pour sa sécurité ou sa vie — et, dans les faits, sa vie pourrait être en danger — et qui se trouve, sur le plan strictement de l'application du droit criminel, lorsqu'elle recevra un subpdena, être le témoin, alors que la victime nommée dans l'acte d'accusation sera l'autre personne, la caissière, elle pourra se qualifier, selon les circonstances, comme une victime directe, puisque son traumatisme est un résultat direct et immédiat de l'acte criminel; sinon, ça risque d'être trop large. Alors, ça devient comme ça.

M. Rémillard: II y a peut-être, avec votre permission, Me Gauvin, qui aimerait nous donner une explication complémentaire, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Me Gauvin.

Mme Gauvin (Francine): Merci. Je voudrais établir un lien, une comparaison avec le régime de responsabilité civile qui est prévu au Code civil du Québec. On sait qu'un des buts essentiels de la loi, c'est de compenser pour les difficultés éventuelles que pourrait avoir une victime à intenter un recours en responsabilité contre l'auteur de l'infraction. Ce qu'on a retenu dans les nouvelles dispositions du Code civil en matière de responsabilité, c'est la possibilité pour une personne qui subit un préjudice d'intenter un recours en dommages-intérêts contre l'auteur du préjudice. Et ce qu'on a spécifié à l'article 1607, c'est que la personne qui peut avoir droit à un tel recours en dommages-intérêts, c'est la personne dont le préjudice corporel, moral ou matériel serait une suite immédiate et directe de la faute ou des gestes commis par l'auteur du dommage. Alors, je pense qu'il y a vraiment un lien à établir entre la formulation qui a été retenue dans le projet de loi et les nouvelles dispositions du Code civil du Québec en matière de responsabilité civile.

M. Rémillard: Quand vous parlez du nouveau Code civil, ça me fait toujours grand plaisir.

Le Président (M. Dauphin): Ça va? M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Dans ce même article, M. le Président, il y a deux expressions sur lesquelles j'aimerais peut-être avoir des éclaircissements. Il me semble—j'aimerais qu'on me corrige si j'ai tort — que l'expression «proches de la victime» n'est nulle part définie ou précisée.

M. Rémillard: Oui, Mme Gauvin va répondre, s'il vous plaît, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Me Gauvin.

Mme Gauvin (Francine): Effectivement, votre question est très pertinente, puisque ça a été une préoccupation qui nous a été soumise quant à la possibilité de définir ce qu'on pourrait entendre par «les proches de la victime». Sauf que les conclusions auxquelles on est arrivés, c'est qu'on ne peut convenir d'une définition d'un proche de la victime, puisque le proche sera fonction de chacune des victimes. Par exemple, si on avait défini le proche comme étant le conjoint, comme étant la personne à charge, on aurait exclu l'ami, par exemple, qui partage le logement avec une victime d'infraction criminelle, qui peut subir un préjudice peut-être plus

grave que le parent ou que l'enfant qu'elle n'a pas vu depuis longtemps. Alors, c'est vraiment pour laisser à l'interprétation, selon la situation de chacune des victimes, quelle est la personne qui est suffisamment proche de celle-ci pour avoir besoin de services de réadaptation psychothérapeutique.- Alors, c'est volontairement qu'on n'a pas défini les proches, dans le but de favoriser l'accessibilité à l'indemnisation, aux services de réadaptation aux personnes qui démontreront le caractère d'affectivité ou de connexité auprès de la victime qui justifie de tels services.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le député.

M. Bélanger: Vous ne craignez pas que, en laissant ouverte comme ça cette définition-là, ça va donner matière à énormément d'interprétations et que ça va être, finalement, au sens des décisions qui vont se prendre que cette expression-là, finalement, va, dans les faits, se définir? Malgré que, bon, ces décisions-là ne seront pas répertoriées, c'est vrai. Je ne sais pas comment les gens vont pouvoir avoir accès à ces décisions-là. Il me semble que c'est assez peu courant qu'on laisse une expression comme ça dans un projet de loi, qui n'est pas du tout déterminée ni encadrée. C'est assez rare. La plupart du temps, dans une définition, on va chercher à définir toutes et chacune des expressions. Je peux comprendre qu'on veut se garder une marge de manoeuvre, mais dans une définition aussi on peut se garder aussi une certaine marge de manoeuvre, justement, en mettant un critère soit de soutien financier, de soutien émotif ou, en tout cas...

M. Rémillard: À ce moment-là, on limite. C'est parce que là on est dans un domaine de victimes, on veut aider. Alors, je pense que, si on peut laisser plus large l'application, après ça, bien, on va laisser la commission faire son travail. Je crois que, si on définissait, on restreindrait l'application de la loi.

M. Bélanger: Et l'expression «personne à charge», est-ce qu'elle va être définie un peu plus loin dans le projet de loi?

Mme Gauvin (Francine): Oui. Dans la section sur l'indemnité de décès.

M. Bélanger: O.K. Alors, à ce moment-là, on reprendra le débat. Parce que je vais avoir des commentaires à faire à propos de la personne à charge. D'accord.

Le Président (M. Dauphin): Ça va. Alors, l'article 9 est adopté.

M. Bélanger: Ah bien, je pense qu'on va le... Est-ce qu'on le suspend relativement à «menaces de mort» et «proxénétisme»?

Mme Gauvin (Francine): Ça, ça va être à l'annexe.

Le Président (M. Dauphin): Ça, c'est dans...

M. Rémillard: Ce sera à l'annexe. Pas besoin de le suspendre. On peut toujours y revenir, de toute façon.

M. Bélanger: À l'annexe?

M. Rémillard: Oui, ce sera à l'annexe, quand on va voir l'annexe. (12 h 40)

Le Président (M. Dauphin): II pourra y avoir des amendements à l'annexe, à ce moment-là.

M. Rémillard: De toute façon, suspendu ou pas suspendu, M. le Président, je répète que, quand on a besoin de revoir un article, on le revoit.

Le Président (M. Dauphin): D'accord. Alors, l'article 9, adopté. J'appelle l'article 10.

M. Rémillard: M. le Président, l'article 10 se lit comme suit: «La grossesse, résultant de rapports sexuels visés aux articles 151, 152, 153 et 155 du Code criminel (L.R.C. 1985, chapitre C-46) ou d'une agression sexuelle visée aux articles 271, 272 ou 273 de ce Code, constitue un préjudice.»

M. le Président, cet article précise que la grossesse résultant de rapports sexuels ou d'une agression sexuelle constitue un préjudice. Cette disposition vient corriger la situation actuelle où la grossesse est assimilée à une blessure. À cet égard, le disposition proposée est beaucoup plus juste, tant au plan conceptuel que terminologique.

M. Bélanger: On reviendra, je pense, à la question de l'indemnité. Je pense qu'il va y avoir un changement au niveau de l'indemnité pour cette catégorie de personnes là. Alors, on y reviendra, on fera la discussion au moment de l'indemnité.

Le Président (M. Dauphin): Alors, pour le moment, nous adoptons l'article 10.

M. Bélanger: Oui.

Le Président (M. Dauphin): Adopté. J'appelle l'article 11.

M. Rémillard: M. le Président, peut-être avant d'aborder l'article 11 où on va avoir à discuter probablement en fonction de tout ce que nous avons entendu hier et des mémoires, je me demande si on ne devrait pas — nos gens travaillent encore sur différentes façons de voir les choses — ou bien suspendre simplement l'article ou suspendre nos travaux, un des deux. On suspend les travaux?

M. Bélanger: Oui, je serais en faveur de... M. Rémillard: Est-ce que...

M. Bélanger: Je pense que c'est un article assez...

M. Rémillard: ...l'adjoint parlementaire est d'accord? Avec votre permission, M. le Président, nous suspendrions.

Le Président (M. Dauphin): Très bien. Alors, nous ajournons nos travaux sine die, puisque nous attendons un prochain ordre de la Chambre avant de continuer nos travaux. Alors, la commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 43)

Document(s) associé(s) à la séance