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(Quinze heures vingt et une minutes)
Le Président (M. Dauphin): Le quorum étant
constaté, je déclare donc la séance de la commission des
institutions ouverte, qui a pour mandat, cet après-midi, de
procéder à des consultations particulières et tenir des
auditions publiques dans le cadre de l'étude du projet de loi 106, Loi
sur l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels, et, par la suite,
procéder à l'étude détaillée dudit projet de
loi. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Dionne
(Kamouraska-Témiscouata) est remplacée par M. Forget
(Prévost); et M. Godin (Mercier) est remplacé par Mme
Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière).
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Alors, avant
d'inviter le premier groupe à s'avancer à la table des
invités, je vais vous faire lecture de l'ordre du jour. Nous
procéderons d'abord à des remarques préliminaires,
premièrement du ministre de la Justice, ensuite du porte-parole de
l'Opposition officielle. Nous entendrons le Barreau du Québec pour une
durée d'une heure; ensuite, nous entendrons l'Association
québécoise plaidoyer-victimes pour également une
durée d'une heure.
Alors, j'invite maintenant M. le ministre de la Justice à faire
ses remarques préliminaires pour une durée d'environ 15
minutes.
Remarques préliminaires M. Gil
Rémillard
M. Rémillard: Je vous remercie, M. le
Président.
M. le Président, mardi dernier, nous procédions à
l'adoption du principe du projet de loi 106, Loi sur l'aide et l'indemnisation
des victimes d'actes criminels. Les travaux menant à l'adoption d'un
projet de loi par les représentants élus de la population
constituent un exercice hautement démocratique, M. le Président,
et la participation, aujourd'hui, d'organismes externes qui
s'intéressent à la promotion des droits des victimes d'actes
criminels sera certainement une source d'enrichissement pour nos travaux
parlementaires.
Permettez-moi, M. le Président, de vous présenter ces
personnes. Tout d'abord, du Barreau du Québec, nous recevrons la
vice-présidente, Me Claudette Picard, qui est accompagnée de Me
Pierre Gauthier, directeur général du Barreau du Québec,
et de Me André Perreault. Ensuite, l'Association
québécoise plaidoyer- victimes, qui est un organisme voué
à la promotion des intérêts des victimes et qui
célèbre son dixième anniversaire de fondation cette
année, est représentée par sa présidente, Mme
Arlène Gaudreault, accompagnée de Mme Diane Lemieux, du
regroupement des CALACS, c'est-à-dire les centres d'aide et de lutte
contre les agressions à caractère sexuel, et de Mme Fleurette
Boucher, du Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de
transition pour femmes victimes de violence conjugale.
M. le Président, je veux remercier toutes et tous de s'être
déplacés. Je veux les remercier, donc, de s'être
déplacés et d'être venus ici, à Québec.
Certains nous viennent de Montréal, d'autres de Sherbrooke. Ils se sont
déplacés afin de venir exprimer leurs commentaires en regard du
projet de loi qui nous intéresse aujourd'hui.
M. le Président, il m'apparaît important de bien situer le
contexte de ce projet dont nous entreprendrons l'étude
détaillée au cours des prochaines heures. Il y a, au
Québec, depuis 1972 une loi qui vise l'indemnisation des victimes
d'actes criminels et cette loi est inspirée du seul régime
d'indemnisation étatique qui existait au moment de son adoption, soit
celui prévu dans la Loi sur les accidents du travail. Par ailleurs,
depuis 1988, le Québec s'est doté d'une loi prévoyant la
reconnaissance et la promotion des droits des victimes d'actes criminels en
conformité avec la Déclaration des Nations unies sur les
principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la
criminalité et aux victimes d'abus de pouvoir. Motivée à
l'époque par l'augmentation de la criminalité et par
l'impossibilité pour plusieurs victimes d'être compensées
par l'auteur du crime, la loi de 1972 n'a jamais été
actualisée de façon substantielle.
Force nous est de constater, M. le Président, que la loi actuelle
ne répond plus aux besoins des victimes d'actes criminels, bien que les
principes à sa base demeurent, d'où la présente
réforme. Ainsi, le projet de loi 106 propose, M. le Président, de
regrouper ces deux lois concernant les victimes. Il contient des règles
portant sur la reconnaissance des droits des victimes à l'égard
desquels le Québec fait preuve d'avant-gardisme, sur les services d'aide
et les modalités de leur promotion, sur l'admissibilité des
victimes de crime contre la personne, de même que sur les diverses
indemnités auxquelles celle-ci aurait droit.
Plusieurs personnes, M. le Président, ont travaillé
très fort et avec beaucoup de conviction, je dois dire, à
l'élaboration du projet de loi 106. Des rencontres des plus
constructives ont été menées, des études et des
analyses furent effectuées afin que nous puissions aujourd'hui
entreprendre une étape importante de notre droit parlementaire. Mais
tout ce travail n'a certes pu être effectué en quelques semaines
et s'est déroulé sur
deux années qui ont été des plus remplies.
La première étape a consisté en une étude
détaillée des lacunes et des améliorations à
apporter, à l'automne 1991, dans le cadre des travaux
préparatoires au Sommet de la Justice. Des consultations ont
été tenues auprès des groupes, organismes et
ministères concernés par le traitement des victimes d'actes
criminels. Plusieurs propositions ont été formulées, dont
un bon nombre provenant de l'Association québécoise
plaidoyer-victimes portaient sur le régime d'indemnisation des victimes
d'actes criminels. Ces propositions ont été
présentées en février 1992 lors du Sommet de la Justice.
Notons, entre autres, celles visant l'harmonisation du régime
d'indemnisation avec celui de l'assurance automobile du Québec, la
prolongation à trois ans du délai de prescription
présentement établi à un an et l'admissibilité des
proches de certaines victimes à des services de psychothérapie.
M. le Président, le projet de loi 106 tient compte de ces demandes et
constitue de façon générale une grande amélioration
du régime actuel.
Le principe, comme je le mentionnais il y a quelques instants, demeure
la responsabilisation de la société à l'égard des
conséquences de la perpétration d'un crime. Il doit donc y avoir
eu crime et, M. le Président, pour donner ouverture à une
indemnité de l'État, il devrait y avoir signalement de cette
infraction criminelle aux autorités responsables d'appliquer la loi,
à moins que la victime ne justifie d'un motif sérieux de ne pas
le faire. En effet, M. le Président, cette obligation m'apparaît
indissociable dans le contexte du présent projet de loi afin d'assurer
non seulement la sanction des crimes, mais aussi de veiller à la
protection de la victime et de la société en
général. Il en va de même pour la coopération avec
les autorités policières. Les crimes sont des atteintes graves
aux valeurs fondamentales d'une société. Ils portent atteinte
à l'intégrité, à l'inviolabilité et au droit
à l'intimité des personnes qui la composent. Il est donc de notre
responsabilité de les combattre. Dans l'exercice de ce devoir, la
société doit compter sur la collaboration de chacun de ses
membres à qui il revient de les dénoncer.
Par cela, M. le Président, l'État cherche à
promouvoir le respect de ses valeurs. L'État cherche également
à assurer la protection de ses membres en prenant les moyens
nécessaires pour contrer et prévenir les crimes. La victime qui
s'impose le silence assure non seulement l'impunité des contrevenants,
mais, par son comportement, leur permet de recommencer au risque de mettre en
cause d'autres victimes ou elle-même. Comment jugerait-on l'État
qui favoriserait le silence? Deviendrait-il en quelque sorte lui-même
complice? M. le Président, je sais que nous aurons l'occasion d'aborder
cette importante question cet après-midi. Il me fera alors plaisir d'en
discuter plus longuement. (15 h 30)
En terminant, M. le Président, je tiens à souligner que la
protection de la société en général et des victimes
en particulier est une question qui doit se situer au-delà de toute
partisanerie afin que nos échanges fassent ressortir les valeurs qui
guideront la société de demain. J'entends bien mener
l'étude de ce projet de loi, M. le Président, dans le même
esprit que nous menons les projets de loi concernant la justice,
c'est-à-dire en fonction du seul intérêt, de
l'intérêt public, très ouvert à toute
possibilité qui peut améliorer le projet de loi dans le contexte
et dans les limites des moyens de l'État. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. le ministre
de la Justice, pour ces remarques préliminaires. Je vais maintenant
reconnaître le porte-parole de l'Opposition officielle en la personne du
député d'Anjou.
M. Pierre Bélanger
M. Bélanger: Je vous remercie, M. le Président.
Alors, vous comprendrez que je ne reprendrai pas l'historique des lois qui ont
précédé ce présent projet de loi; je pense que mon
vis-à-vis, le ministre, en a fait un exposé très clair et
très concis.
Cette loi, il faut comprendre qu'elle représente une
harmonisation, relativement, entre le nouveau régime pour les victimes
d'actes criminels et celui de la Loi sur l'assurance automobile. C'est une loi
qui, de prime abord, apparaît tout à fait technique, et c'est
pourquoi je suis content que le ministre, finalement, et cette commission aient
accepté d'entendre des intervenants qui travaillent auprès des
victimes d'actes criminels et qui pourront nous faire part de la
réalité: comment se vit la réalité de l'application
de la loi actuelle; comment anticipent-ils, justement, que cette nouvelle loi
va les affecter? Va-t-elle réellement améliorer la situation
quant au régime d'assurance pour les victimes d'actes criminels? Alors,
je pense que c'est quelque chose qui est tout à fait primordial pour
nous, en tant que législateurs, pour pouvoir déterminer quel sera
l'impact de ce projet de loi.
On peut penser, à juste titre peut-être, que cette loi est
une amélioration, mais, des fois, quand on est confronté aux
réalités du terrain, à la réalité de la
pratique, aux recours qui, théoriquement, peuvent apparaître mais
qui, en pratique, n'existent pas, on peut se rendre compte, finalement, que ce
qui peut paraître, de prime abord, une amélioration n'est, en
fait, au plus qu'un statu quo ou, au pire, un recul relativement à une
situation. Évidemment, en tant que porte-parole de l'Opposition,
à chaque fois qu'on me présente un projet de loi, j'ai toujours
en tête, plutôt qu'une amélioration, qu'il y a une
économie d'argent qui veut se faire. Alors, si cette économie
d'argent n'est qu'une rationalisation de l'appareil étatique, ce n'est
évidemment pas nous, de l'Opposition, qui allons nous plaindre de cette
situation. Mais si c'est une économie qu'on essaie de faire sur le dos
des victimes d'actes criminels, à ce moment-là, nous, en tant
qu'Opposition, nous ne pouvons collaborer à cette action.
Donc, M. le Président, je suis très content,
comme je vous le disais, finalement, il va y avoir des consultations. Du
côté social, nous allons entendre, entre autres, des
représentants de l'Association québécoise
plaidoyer-victimes, comme l'a souligné le ministre, qui, cette
année, a fêté son dixième anniversaire. Du
côté légal, nous allons avoir droit à la
représentation du Barreau du Québec qui pourra nous faire part
aussi de la réalité légale relativement à des
problèmes légaux que pourrait poser ce projet de loi. J'ai
oublié de mentionner qu'en plus des représentants de
l'Association québécoise plaidoyer-victimes nous aurons aussi des
représentants des CALACS, qui seront présents. Alors, je pense
que ça va être très instructif pour nous de pouvoir
entendre ces commentaires.
Maintenant, M. le Président, j'entendais tout à l'heure le
ministre nous faire part qu'il y a eu de nombreuses consultations avant le
dépôt de ce projet de loi. Alors, permettez-moi de m'interroger
sur ces consultations, puisque, ce qu'on doit constater, c'est que le projet de
loi qui est présenté présentement, qui est
présenté devant nous ne répond pas réellement aux
constats, aux engagements qui avaient suivi le Sommet de la Justice. En effet,
de prime abord, je ne vois pas, dans ce projet de loi, de recours utile pour la
victime qui se verrait brimée de ses droits fondamentaux que,
maintenant, on lui reconnaît. Maintenant, aussi, au niveau de
l'engagement relativement à la création d'une commission des
victimes d'actes criminels, on ne voit pas encore l'annonce d'une telle
commission. Il y a même eu l'annonce que cette commission ne verrait pas
le jour. Donc, on peut se demander quelles consultations il y a eu.
Même, je me demande si, plutôt... Peut-être que le
ministre pourrait, tout au long des nombreux échanges que nous aurons,
nous faire part que les consultations qu'il y a eu, je pense, c'est
plutôt devant le projet de loi qui était rédigé. On
a présenté le projet de loi aux différents intervenants
qui travaillaient dans le milieu des victimes d'actes criminels et on leur a
demandé de nous faire part de commentaires relativement au projet de loi
qui était déjà élaboré. Je pense que ce
serait intéressant d'avoir, en tout cas, des précisions
relativement à ces consultations. De toute façon, je pense que
nous aurons aussi des éléments de réponses relativement
à ce que les différents intervenants pourront nous dire tout
à l'heure relativement à ce projet de loi.
Quant au ministre, il peut compter sur la collaboration de l'Opposition
dans ce dossier. C'est un dossier, je pense, dans lequel il n'y a pas de
politique partisane à faire. Je pense que les préoccupations qui
nous habitent, tant du côté du gouvernement que du
côté de l'Opposition, c'est d'améliorer le système
d'assurance des victimes d'actes criminels et de faire en sorte que ce
système, que ce régime qui, je pense, est un grand acquis social
va continuer de jouer le rôle important qu'il joue présentement
dans notre société. Alors, c'est l'essentiel de mes remarques, M.
le Président.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup,
M. le député d'Anjou, pour ces remarques
préliminaires. Nous allons maintenant débuter les auditions, la
consultation, dis-je, particulière. Est-ce que les gens du Barreau sont
arrivés? Oui? Alors, bienvenue! et nous allons commencer avec vous.
Alors, si vous voulez vous avancer à la table des invités, s'il
vous plaît.
M. Rémillard: M. le Président, me
permettez-vous...
Le Président (M. Dauphin): Oui, M. le ministre.
M. Rémillard: ...pendant que nos gens du Barreau
s'amènent à la table, simplement pour répondre à la
question que me posait le député d'Anjou? De fait, les
discussions que nous avons eues et les consultations que nous avons eues ont
débuté en 1987 vraiment. Il y a eu le rapport du professeur Jean
Hétu et, à partir de là, un groupe de travail sur
l'indemnisation des victimes d'actes criminels a fait aussi son rapport en
1991. Ensuite, lorsque nous avons préparé le Sommet de la
Justice, on a rencontré les groupes, et tout ça nous a
amenés, même pendant une journée entière, je me
souviens, à discuter de tous les aspects qu'on pouvait retrouver dans
les problématiques que peuvent rencontrer les victimes d'actes
criminels. Finalement, un projet de loi a été
rédigé et, sur ce projet de loi, nous avons encore
consulté. Alors, il y a eu beaucoup... C'est un des projets de loi,
probablement, où il y a eu beaucoup, beaucoup de consultations, et Mme
Viens qui m'accompagne, M. le Président, je me permets de la
présenter à cette commission, Christine Viens, qui m'accompagne
donc, a procédé, elle aussi, à beaucoup de ces
consultations pour qu'on ait le projet de loi qui est le plus conforme possible
aux voeux de ceux qui oeuvrent dans le milieu en fonction des moyens que nous
avons comme gouvernement.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. Oui, M.
le député d'Anjou. Juste avant, je demanderais peut-être
aux représentants du Barreau de s'avancer à la table des
invités. M. le député d'Anjou.
M. Bélanger: M. le Président, juste pour fins de
précision. Je comprends qu'il y a depuis 1987 des consultations entre le
ministre et les intervenants dans le milieu des victimes d'actes criminels,
mais, les consultations auxquelles, moi, je faisais surtout
référence, ce sont les consultations qu'il aurait pu y avoir
après le Sommet de la Justice; non pas celles qui ont eu lieu pour la
préparation du Sommet, mais après le Sommet, entre la fin du
Sommet, finalement, et l'élaboration du présent projet de loi.
Alors, ce sont ces consultations-là et non pas uniquement les
consultations particulières... peut-être, que le ministre aurait
pu avoir directement, et non pas par l'entremise de Mme Viens.
M. Rémillard: On a eu beaucoup de consultations
à ce niveau-là, aussi, pendant cette
période-là. On pourra en faire part au fur et à mesure de
nos discussions.
M. Bélanger: Parfait.
Consultations particulières Barreau du
Québec
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, messieurs.
Alors, c'est avec plaisir que nous accueillons maintenant les
représentants du Barreau du Québec, notamment Me Claudette
Picard, qui en est la vice-présidente, qui est accompagnée de Me
Pierre Gauthier, qui est le directeur général, qui va se joindre
à nous tantôt, si je comprends bien, et de Me André
Perreault, qui est membre du groupe de travail du Barreau du Québec sur
l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Alors, on s'excuse de
vous avoir bousculés un petit peu. Je crois qu'on vous avait dit 15 h
30, alors qu'on a commencé à 15 h 20. Alors, c'est
peut-être pour ça que le temps est un petit peu
anticipé.
Mme Picard (Claudette): D'accord. Oui.
Le Président (M. Dauphin): Bienvenue à nos travaux.
Donc, nous avons une période d'une heure ensemble, c'est-à-dire
20 minutes pour présenter votre point de vue et, ensuite de cela, il y
aura une période d'échanges entre les membres de la commission et
vous-mêmes. Alors, bienvenue, Me Picard.
Mme Picard (Claudette): D'accord. Merci, M. le Président.
(15 h 40)
M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les
députés. Au Sommet de la Justice, en 1992, le ministre de la
Justice soulignait la nécessité d'une réforme en
profondeur du régime d'aide et d'indemnisation des victimes d'actes
criminels, d'une part, afin de solutionner les problèmes
d'administration et de fixation des indemnités suscités par
l'assimilation de ces victimes aux accidentés du travail et, d'autre
part, afin de répondre plus adéquatement à leurs besoins
et à leurs préoccupations. À la lumière de son
mandat de protection du public, le Barreau du Québec considère
qu'il est important de se prononcer sur la réforme proposée de
l'aide et de l'indemnisation des victimes d'actes criminels.
Qu'il nous soit permis d'attirer votre attention sur les points
particuliers suivants: premièrement, la force obligatoire du projet de
loi et l'absence de recours pour faire respecter les droits qui y sont
prévus; deuxièmement, le droit au retour au travail;
troisièmement, l'obligation de coopérer; quatrièmement, la
référence aux infractions criminelles prévues à
l'Annexe 1; et, cinquièmement, le droit à la
réadaptation.
Alors, en premier lieu, la force obligatoire du projet de loi et
l'absence de recours. Le caractère peu contraignant et aléatoire
de certaines dispositions du titre I du projet de loi risque de miner
l'intérêt pratique de la loi pour les victimes. Les expressions
telles que «dans la mesure prévue par la loi» à
l'article 3, «aussi complètement que possible» à
l'article 4, «dans la mesure du possible et compte tenu de
l'intérêt public» à l'article 5 et «compte tenu
des ressources disponibles» à l'article 6, ne sont pas de nature
à dégager une grande force obligatoire. N'y a-t-il pas lieu de
faire en sorte que l'administration soit astreinte à suivre les
objectifs de la loi plutôt que de lui laisser le soin de définir,
dans les faits, la portée des droits qui y sont prévus?
On constate, en outre, l'absence de remède ou de recours
permettant à la victime de faire respecter ses droits. Par exemple,
l'article 4 prévoit un droit à l'information, mais il semble
qu'il n'y ait personne qui se voit attribuer la responsabilité
d'informer chaque victime conformément à cette disposition et
surtout d'assurer le respect de ce droit. Les fonctions dévolues au
Bureau d'aide et d'indemnisation, à l'article 158, revêtent un
caractère général et sont insuffisantes à ce
chapitre. Par ailleurs, l'article 5 prévoit que la victime a le droit
d'être informée de l'état et de l'issue de l'enquête
policière dans la mesure du possible et compte tenu de
l'intérêt public. Comment la victime peut-elle s'y prendre pour
contester la décision d'un corps policier qui refuse de l'informer pour
des motifs d'intérêt public? À qui la victime doit-elle se
plaindre et quels sont ses recours? Nous considérons que les droits
prévus au titre I doivent être renforcés et que le projet
de loi doit prévoir des mécanismes et des recours pour assurer la
victime que ses droits seront respectés.
En second lieu, le droit au retour au travail. Bien qu'il soit sage
d'éviter les problèmes administratifs du régime actuel,
nous pensons qu'il peut être utile de conserver les principes reconnus du
régime des accidentés du travail lorsqu'ils peuvent valablement
répondre aux besoins des victimes. Ainsi en est-il du droit au retour au
travail. Ce droit est reconnu aux accidentés du travail et aux
travailleuses enceintes, mais on ne le retrouve nulle part dans la
réforme proposée par le projet de loi 106. Nous estimons que le
droit au retour au travail ne doit pas être basé sur une
distinction entre les différentes sources de lésions physiques.
Par conséquent, ce droit au retour au travail devrait être
spécifiquement prévu dans le projet de loi 106. Il s'agit
là d'une mesure très importante favorisant la réinsertion
sociale et économique des victimes.
En troisième lieu, l'obligation de coopérer. Nous
considérons qu'il est tout à fait opportun d'obliger une victime
à collaborer avec le ministre pour les fins de l'obtention d'une aide ou
d'une indemnisation. Il est normal, par exemple, que la victime fasse une
preuve des faits justifiant sa demande. Toutefois, nous croyons qu'une victime
ne devrait pas être obligée de coopérer avec la police ou
avec les autorités judiciaires pour pouvoir jouir d'un droit à
l'indemnisation ou à une aide. Cette obligation résulte des
articles 7, 11.4°, 11.5° et 119.1°c du projet de loi. La Loi sur
l'aide et
l'indemnisation des victimes d'actes criminels perdrait alors son
caractère de loi sociale. À cet égard, nous
considérons que le projet de loi confond la finalité
d'in-demnisatioH et celle de la répression du crime. Nous devinons
facilement que les victimes d'agression sexuelle et de violence conjugale, pour
ne donner que cet exemple, pourraient être préjudiciées par
de telles dispositions, d'autant plus que l'article 6 ne garantit la protection
contre les manoeuvres d'intimidation et les représailles qu'en fonction
des ressources disponibles.
Force nous est de constater le déséquilibre entre
l'obligation de coopérer et les risques que cette obligation comporte
pour certaines catégories de victimes et le droit à la protection
prévu au projet de loi. Il est certes opportun de favoriser la
coopération avec la police et les autorités judiciaires, mais
rendre l'aide et l'indemnisation d'une victime conditionnelles à cette
coopération ne répond pas au but qui devrait être
recherché, soit celui d'indemniser les victimes. En pratique, nous
craignons que cette nouvelle obligation n'incite d'importantes
catégories de victimes, les plus démunies, dont les victimes de
violence conjugale, de crime sexuel, et les personnes âgées,
à renoncer à leur droit à l'indemnisation et à
l'aide. Il nous semble que l'obligation de fournir tous les renseignements
nécessaires au ministre en vertu des articles 117, 119.1°aet 119.1
°b devrait suffire.
Quatrièmement, la référence aux infractions
criminelles prévue à l'Annexe I. L'article 9 identifie les
personnes qui ont droit aux indemnités. On y réfère
à une annexe qui répertorie les infractions criminelles dont les
personnes qui en sont victimes peuvent réclamer l'indemnisation et
l'aide. Pour plusieurs articles du Code criminel visés à l'Annexe
I, la description qui en est faite est inexacte et ne comprend pas toutes les
infractions qu'ils contiennent. C'est le cas, notamment, des infractions
prévues à l'article 81, à l'article 86 et aux articles 218
et 272. Le contenu de l'Annexe I devrait être soit révisé,
ou soit ne faire référence qu'aux articles du Code criminel, ou
soit encore préciser la préséance entre la
référence aux articles du Code criminel et la description. Cette
révision devrait, d'ailleurs, comprendre une mise à jour afin d'y
inclure, notamment, le crime de harcèlement criminel.
Par ailleurs, plusieurs infractions qui n'apparaissent pas à
l'Annexe I devraient y être, notamment le proxénétisme et
la menace de mort. En effet, les préjudices physiques et psychologiques
des prostituées victimes de proxénétisme sont faciles
à imaginer. Il en est de même d'une victime de menace de mort qui
peut, dans certains cas, subir un préjudice psychique important. On peut
certainement s'interroger sur la liste d'infractions contenue à l'Annexe
I, qui est plus ou moins arbitraire, et on ne peut prétendre qu'une
personne n'est pas une vraie victime si elle n'est pas victime d'une des
infractions qui y sont prévues.
En dernier lieu, le droit à la réadaptation. Le projet de
loi 106 comporte de nombreuses dispositions concernant les indemnités.
À ce chapitre, le législateur semble favoriser l'indemnisation
monétaire au détriment du droit à la réadaptation.
Alors que la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles
prévoit un réel code de réadaptation, le projet de loi 106
voir les articles 99 et 100 établit un mécanisme de
réadaptation laissé à la discrétion
ministérielle. Cette différence engendre des distinctions qui ne
devraient pas exister entre les citoyens, fondées sur la source de leurs
lésions physiques. Les citoyens devraient être traités sur
un pied d'égalité, peu importe la source de leurs lésions
physiques. Plusieurs intervenants sociaux ont déjà
mentionné que la réadaptation constitue une voie d'intervention
prioritaire tant par la demande qu'en font les victimes qu'en regard d'une
saine philosophie de réparation des torts. En conséquence, le
droit de jouir de mesures favorisant la réadaptation sociale,
économique et psychothérapeutique devrait être
raffermi.
Ce sont là les points les plus importants de notre
réflexion sur un projet de loi à retombée sociale
importante, et nous sommes à votre disposition pour répondre
à vos questions. Merci.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Me Picard, pour
votre présentation. Nous débutons maintenant la période
d'échanges, et je vais reconnaître, en premier lieu, M. le
ministre de la Justice. (15 h 50)
M. Rémillard: Oui, M. le Président. Alors, Mme
Picard, M. Gauthier, M. Perreault, merci d'avoir accepté de venir
discuter avec nous. Vous l'avez fait dans un délai très court. Il
est évident que vous avez tous vos responsabilités et que ce
n'est pas toujours facile, mais vous l'avez fait avec beaucoup de
disponibilité, vous avez répondu à notre invitation, et je
vous en remercie. Nous avions pris contact avec le Barreau déjà
depuis plusieurs mois, mais, d'une façon plus ponctuelle, en ce qui
regarde maintenant le projet de loi étude article par article, que vous
acceptiez de venir nous rencontrer nous aide beaucoup à pouvoir avoir un
projet de loi de la meilleure qualité possible.
Vous avez donc fait cinq remarques. La première est en fonction
des premiers articles, les huit premiers articles du projet de loi. Ces huit
articles sont directement reliés à l'ancien projet de loi. Ce
sont des principes qu'on retrouvait dans l'ancien projet de loi et qu'on a
repris pour établir le cadre d'application du projet de loi. Mais, dans
le projet de loi, à la suite de ces huit premiers articles, vous
retrouvez, ensuite, toute l'application de ces principes. Quand vous
mentionniez, par exemple, des termes comme, à l'article 6, «compte
tenu des ressources disponibles, la victime a droit de», il s'agit
d'éléments déclaratoires de principes, et on sait
qu'ensuite c'est le projet de loi qui, d'une façon plus
spécifique, vient déterminer la portée de ces principes.
C'est une technique de législation, remarquez, et je crois qu'elle peut
servir pour interpréter la loi.
On sait que les préambules, maintenant, sont à
éviter. En tout cas, on les évite, nous, ici au Québec,
dans nos techniques de législation. On les évite dans d'autres
provinces et, au gouvernement fédéral, on a
encore recours aux préambules. Nous, au lieu d'avoir un
préambule, on a des articles introductifs. Alors, ce sont des articles
qui sont introductifs de lois et qui laissent ensuite place à
l'application de la loi selon les différentes dispositions qu'on y
retrouve. Alors, c'est comme ça que vous avez pu relever certaines
dispositions qui peuvent paraître un peu plus larges dans ces huit
premiers articles, mais c'est le style qu'on peut retrouver souvent dans un
préambule. Là, vous le retrouvez maintenant en fonction
d'articles. Puis, tout ce que vous avez dans les huit premiers articles, vous
le retrouvez dans le projet de loi.
Nous avons ici une légiste qui pourrait nous expliquer tout
ça. Si vous le jugez, à un moment donné, nécessaire
ou si les autres membres de la commission le jugent nécessaire, M. le
Président, nous avons ici Mme la légiste qui s'est occupée
de ce projet de loi, Mme Franchie Gauvin, et Me Franchie Lagrenade... Ce sont
des légistes qui ont travaillé sur ce projet de loi et elles
pourraient donc nous expliquer la technique législative, parce qu'il
s'agit simplement d'une technique législative.
Je reviendrai sur d'autres points que vous avez mentionnés. Entre
autres, vous avez mentionné un point qui m'apparaît
particulièrement important. Remarquez que vos cinq points sont
importants, mais il y en a un qui nous amène à discuter d'une
façon toute particulière, je dirais, de la philosophie du projet
de loi, et c'est lorsque vous nous parlez de l'obligation pour la victime de
collaborer si elle veut être indemnisée. J'ai compris que vous
avez de sérieuses réserves quant à cette obligation.
Est-ce que c'est ça?
Mme Picard (Claudette): Oui, M. le ministre.
M. Rémillard: Et votre argument principal, pourriez-vous
me fake valoir votre argument principal? Pourquoi une victime qui veut
être indemnisée par l'État parce qu'elle a
été victime d'un acte criminel, et c'est tout à fait
normal que l'État l'indemnise, parce que ce n'est pas de sa faute si,
à un moment donné, il y a eu un crime et qu'elle est victime de
ce crime... Alors, pourquoi cette victime se retrouverait dans une situation
où elle aurait compensation ou aide sans avoir à dénoncer
le crime?
Mme Picard (Claudette): C'est une approche philosophique qui est
peut-être différente dans le sens que cette loi-là
indemnise les victimes. Il est clair que la victime doit, au niveau de la
réclamation, donner toutes les circonstances pour que l'on
apprécie si elle rencontre les exigences d'être une victime. Mais,
de passer au stade ultérieur, qui est le stade de la
dénonciation, pour certaines catégories de victimes, nous croyons
que cette étape additionnelle va faire en sorte que ces
victimes-là qui sont, à bien des égards, les plus
démunies ne feront pas appel à l'indemnisation, parce qu'elles ne
pourront pas, ces victimes ne pourront pas psychologiquement faire la
dénonciation en question. Alors, c'est à ce niveau-là que
nous avons un problème.
M. Rémillard: Oui. Alors, si vous me permettez, à
l'article 11 de la loi, on établit le principe qu'il doit y avoir
collaboration. Donc, la victime doit collaborer avec les autorités pour
dénoncer le criminel, le crime. Mais on le dit bien et d'une
façon plus spécifique aux paragraphes 4° et 5°, lorsqu'on
dit que, le principe, c'est qu'elle doit signaler, «dans un délai
raisonnable, l'infraction à l'autorité policière ou la
situation au directeur de la protection de la jeunesse, à moins qu'il ne
justifie d'un motif sérieux de ne pas l'avoir fait ou que le signalement
n'ait déjà été effectué». Et,
cinquième paragraphe, «au réclamant qui, avant de
présenter sa réclamation, n'a pas coopéré avec
l'autorité de justice compétente relativement à
l'enquête ou à la poursuite, à moms qu'il ne justifie d'un
motif sérieux de ne pas l'avoir fait». Donc, ce que je veux vous
dire, c'est que, ce que nous avons retenu comme principe, c'est la
collaboration, la dénonciation. Comme nous indemnisons pour un crime, il
faut, au départ, qu'on dénonce ce crime et qu'on puisse trouver
le criminel. Alors, c'est comme ça qu'il y a collaboration, pour que, la
victime, on puisse l'aider.
Mais, tout à l'heure, vous nous disiez que la loi était
là pour indemniser, et même, j'ai entendu, tout à l'heure,
que vous nous avez dit qu'on confondait répression du crime et
indemnisation. C'est vrai que la loi est là pour indemniser, mais elle
est aussi là pour aider. Elle est aussi là, je dois dire, pour
protéger. En fait, prenons un exemple que nous avons probablement tous
et toutes en tête au moment où nous nous parlons, la femme qui est
victime de violence conjugale. Elle arrive au CAVAC et elle veut avoir de
l'aide. Elle peut avoir aussi une blessure qui lui demande d'être
indemnisée parce qu'elle n'a pas pu faire son travail, et elle raconte
qu'elle est victime de violence de son conjoint. Si cette femme dit:
Écoutez, je suis victime de la violence de mon conjoint, mais, si jamais
je le dénonce à la police, il va me tuer et, là, ça
va être pire... Et, nous, on accepterait ça, on indemniserait! On
dit: Très bien, vous êtes bien mieux de ne pas le dénoncer
parce qu'il va vous tuer! Je vais un petit peu à l'absurde. Mais, ce que
je veux dire, c'est que nous avons la responsabilité aussi de
protéger. (16 heures)
On ne peut pas envoyer cette femme dans son milieu violent où
elle va être, encore une fois, victime d'une agression de la part de son
conjoint, parce qu'elle a peur de le dénoncer. Mais, ce
conjoint-là, il faut le traiter; ce conjoint-là, il faut s'en
occuper. Il faut voir à la sécurité de cette
femme-là. Il faut non seulement l'indemniser ou l'aider, mais il faut
voir à sa sécurité. Il se peut qu'il y ait des cas, des
cas particuliers, qui vraiment amènent à dire qu'il ne peut pas y
avoir de collaboration et de dénonciation. Eh bien, là, on
l'apprécie et on arrive à la conclusion, on dit: C'est vrai. Mais
il faut vraiment que ce soit l'exception.
Ce que vous nous dites, vous, c'est que vous aimeriez que l'exception
soit le principe, qu'il n'y ait pas de collaboration d'exigée, mais
qu'exceptionnellement des
gens pourraient, s'il le veulent, collaborer. Nous, ce qu'on a dans le
projet de loi, le principe, c'est: II y a collaboration. Et exceptionnellement
on accepte qu'il n'y ait pas de collaboration dans des cas particuliers. Vous
ne trouvez pas que ça a du bon sens?
Mme Picard (Claudette): M. le ministre, je ne suis pas d'accord
avec cette façon de voir les choses. C'est vrai qu'il faut qu'il y ait
une collaboration. Là où le bât blesse, c'est là
où il y a la dénonciation. Dans la plupart des cas, les victimes
qui sont capables psychi-quement de faire la dénonciation le feront
parce que je pense qu'une personne qui est victime doit pouvoir, à un
moment donné, venir à un point où elle pourra
dénoncer. Mais, en faire une obligation, c'est là où nous
ne sommes pas en mesure d'être d'accord parce que la collaboration...
C'est clair qu'il faut qu'il y ait une collaboration, mais, si la personne est
incapable de dénoncer, il ne faudrait pas que le résultat de
ça soit de perdre son droit à l'indemnisation. Je ne sais pas
si...
M. Rémillard: Vous savez, nous ne sommes pas les seuls
à prévoir dans une loi une telle disposition. Mme Viens va me
fournir les informations et je vais vous dire la liste d'États
américains et de provinces canadiennes, enfin de pays, et, si vous
connaissez une exception vous me le dites, mais tous les pays, toutes les lois
que nous avons étudiées établissent comme principe la
collaboration pour que le crime soit dénoncé. Si vous avez un
autre exemple à nous citer, moi, je suis bien prêt à
l'étudier. Avez-vous un exemple?
Mme Picard (Claudette): II n'y a rien qui nous empêche, au
Québec, d'être plus conscients de la réalité qui
provient de cette situation des femmes qui sont victimes de violence conjugale.
C'est un problème qu'on ne connaît pas assez bien. Et c'est un
problème qu'on devrait examiner et essayer de régler. Et,
même si on est à l'avant-garde, il n'y a pas de mal quant à
moi.
M. Rémillard: À l'avant-garde... Regardez, la
France, l'Angleterre, l'Alberta, la Louisiane, New York, le Manitoba, le
Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Ecosse, l'Ontario... C'est aux
États-Unis, en majorité américains... C'est le principe
partout. Et il me semble que ça se tient tellement, sur le plan de
l'approche qu'on doit avoir comme gouvernement, comme Etat, de dire: II faut
qu'on aide quelqu'un qui est victime d'un acte criminel. Mais, aider cette
personne, ça signifie aussi lui assurer sa sécurité.
Évidemment, celui ou celle qui se fait dévaliser en face du
Parlement, par un beau samedi soir, et qui reçoit trois coups de couteau
dans le ventre, risque fort que ça ne lui arrive pas trop, trop souvent
dans sa vie je l'espère bien en tout cas. Mais la femme qui est
agressée, qui subit la violence conjugale, elle, on la renvoie dans son
milieu et là le pire peut arriver, le pire peut arriver. Alors, comment
concilier aide de l'État... Et on donne de l'aide parce qu'il y a eu
crime. S'il y a eu crime, c'est parce qu'il y a un criminel. Alors, comment on
va se retrouver à indemniser, à aider une victime, sans demander
à cette victime de collaborer avec nous pour qu'on puisse assurer sa
sécurité et assurer la sécurité de l'ensemble du
public? Parce que cette personne le criminel en question peut
être dangereuse aussi.
Mme Picard (Claudette): Mais si on prend un exemple où une
personne vient demander une indemnisation et que cette personne-là se
voie refuser l'indemnisation parce qu'elle est incapable psychologiquement de
dénoncer, on écarte cette personne-là de l'indemnisation,
et on la retourne dans son milieu.
M. Rémillard: Non, je regrette. Non. Vous avez les
paragraphes 4° et 5° de 11 qui sont là. Pour le cas que vous
venez de souligner, nous l'avons prévu dans le projet de loi, c'est
prévu. Il se peut... On n'a pas voulu faire une règle absolue
parce qu'on est dans un domaine où une victime a besoin d'aide, donc, on
ne peut pas prévoir tous les cas. Il n'y a pas d'absolu.
Alors, on s'est dit: Gardons quand même une marge de
discrétion. Et puis elle est là. Les paragraphes 4° et 5°
sont assez explicites. Le cas que vous venez de mentionner est couvert par
4° et 5°.
Mme Picard (Claudette): Sauf qu'administrative-ment
l'interprétation du motif sérieux n'est pas définie et
nous aimerions qu'il y ait une définition de motif sérieux, pour
que, justement, on réponde à ce besoin particulier là.
M. Rémillard: Me Picard, ce n'est pas moi qui vais vous
rappeler que, définir, c'est limiter. Limiter, qu'est-ce que ça
signifie? Si on définit, on va restreindre la portée de cette
discrétion qu'on veut laisser pour apprécier des cas, et on est
dans un domaine où vous ne pouvez pas tout prévoir. Vous ne
pouvez pas tout prévoir les situations des victimes. Ce n'est pas
possible, ça. Ce n'est pas possible.
Alors, comment réagir à ça, si ce n'est en mettant
une telle disposition et en la laissant assez large pour qu'il y ait
appréciation? Et l'appréciation va se faire par les gens
compétents, qui, à un moment donné, recommandent au
ministre: Oui, il y a problème. Donc, cette personne peut être
indemnisée et aidée sans avoir à collaborer, à
dénoncer.
Il me semble que quand on se réfère à toutes les
discussions que nous avons eues au Sommet de la Justice, et auparavant depuis
1987, ça a toujours été la philosophie que tout le monde a
fait valoir. Et tout le monde nous a dit: On est prêts à
collaborer, mais qu'il y ait une marge de manoeuvre qui existe, une
discrétion pour apprécier des cas spécifiques. Et, si vous
regardez l'article 11 en particulier, c'est là que vous trouvez cette
discrétion et cette marge de manoeuvre.
M. Perreault (André): Donc, M. le ministre...
Le Président (M. Dauphin): Me Perreault, vous voulez
ajouter quelque chose?
M. Perreault (André): S'il vous plaît. À
l'incitation de Me Picard, M. le ministre, j'aimerais mentionner et
peut-être porter un parallèle qui peut paraître odieux mais
qui reflète, dans une certaine mesure, la réalité
juridique des droits fondamentaux qui sont exercés et qui sont reconnus,
non seulement au Québec mais au Canada, aux personnes qui sont
engagées dans des conflits. Donc, je pense aux contrevenants ou aux
abu-seurs versus les victimes.
Est-ce que l'on connaît, dans notre système de droit, une
seule obligation créée au pire bandit qu'on puisse imaginer de
coopérer avec la police, lorsque approché par les policiers,
lorsqu'on lui demande de collaborer? Et, pourtant, ces gens-là
détiennent souvent la clé de crimes importants et odieux. Et on
ne leur demande pas, pour les fins d'assurer la protection d'autres victimes ou
de victimes éventuelles, de collaborer avec le ministre. C'est dans ce
sens-là que l'on dit oui à une collaboration, mais à une
collaboration qui se fait à l'interne avec le ministre, compte tenu du
fait qu'il peut y avoir, effectivement, une demande d'indemnisation. Et, dans
le cadre de cette demande d'indemnisation, on perçoit facilement que
l'on puisse exiger et requérir de la victime toutes les informations qui
sont pertinentes pour que les faits soient mis en preuve et qu'on puisse
véritablement s'assurer qu'on a affaire à une victime d'un acte
criminel.
À partir du moment où ce fait-là est établi
par le ministre ou les personnes qu'il a désignées à cette
fin-là, aller plus loin que ça, ça nous semble aller
au-delà de ce qu'on reconnaît à tout individu dans notre
société, qui est le fait de ne pas collaborer ou de ne pas parler
aux policiers autrement que lorsque dûment convoqué devant les
tribunaux à témoigner et à faire des
représentations dans ce sens-là. (16 h 10)
Ça peut sembler très théorique.
L'intérêt pratique de ça et, là, je reprends
un petit peu mon chapeau de procureur de la poursuite que je suis depuis
plusieurs années... En réalité, c'est vrai qu'on peut
dire: Ça va faire en sorte ou ça pourrait faire en sorte que les
victimes vont maintenant dénoncer, pour être indemnisées.
La pratique nous démontre que ce n'est pas le cas et qu'en
théorie, alors qu'on veut aller dans le sens de la protection qu'on
aimerait assurer à la victime, ce n'est pas ce qui va se produire parce
que les victimes vont tout simplement renoncer à faire toute
démarche, que ce soit auprès des policiers lorsqu'il y a une
crise qui sévit ou que ce soit auprès de l'appareil judiciaire ou
des services sociaux, sachant qu'à un moment donné on va tenter
de les utiliser aux fins que l'État aimerait servir et qui sont
tout à fait légitimes c'est-à-dire la
prévention du crime et la solution de crimes que l'État
n'approuve pas.
Ça nous semble aller trop loin comme objectif par rapport
à d'autres articles que la loi prévoit et qui, à notre
avis, permettraient d'assurer une collaboration au sens où vous l'avez
mentionné, une collaboration qui permettrait d'élucider des
délits, mais sans s'assurer que, durant tout le temps du processus
judiciaire ou de l'enquête policière, la victime devienne le bouc
émissaire auprès de l'agresseur parce qu'elle est la personne qui
a fait en sorte que l'individu éventuellement accusé se retrouve
dans la position dans laquelle il est... Et ça, au niveau psychologique,
pour les victimes, c'est très important de ne pas être
affichées auprès de leur agresseur comme étant la personne
qui a fait en sorte que l'accusé ou que l'individu en question se
retrouve dans le pétrin dans lequel il est. Ce sont des personnes qui
sont sous le joug de ces individus-là et leurs craintes sont tout
à fait normales à ce niveau-là.
Donc, je dis: À mon avis, l'objectif est légitime, mais je
crains qu'on ne l'atteigne pas et que, plutôt, on se retrouve à
renchérir sur ce qu'on essaie d'éviter actuellement et ce contre
quoi on se bat un peu partout dans l'appareil judiciaire, à
renchérir sur le fait que les victimes ont des raisons de craindre de
dénoncer des crimes parce qu'elles vont savoir ou parce qu'elles savent
déjà qu'on fait grandement appel à elles à tous les
niveaux pour servir l'appareil judiciaire. Et, si ça doit se faire,
ça ne devrait pas être dans un cadre d'indemnisation.
M. Rémillard: Mais, écoutez, je ne sais pas si je
vous comprends. Vous me corrigerez si je vous interprète mal, Me
Perreault. Vous avez l'expérience dans ce domaine. Vous êtes
procureur pour la Cour municipale de Montréal. C'est bien ça? Et
vous êtes aussi membre du conseil d'administration de
Plaidoyer-Victimes...
M. Perreault (André): Exactement.
M. Rémillard: ...que nous allons entendre tout à
l'heure. Donc, peut-être qu'on pourra vous entendre aussi tout à
l'heure, puis on vous entend maintenant avec le Barreau.
M. Perreault (André): Non. Je vais m'astreindre à
mon chapeau au Barreau.
M. Rémillard: Alors, vous nous apportez une expertise qui
est intéressante pour la commission. Est-ce que vous voulez me dire que
le commerçant qui se fait casser les deux jambes parce qu'il n'a pas
payé son 1000 $ de protection et qui s'en vient voir pour avoir une
indemnité, une compensation parce qu'il ne peut plus travailler
il a les deux jambes cassées puis qui dit: Écoutez, je ne
peux pas dire qui m'a fait ça parce que, si je le dis, ils vont me
tuer... Et, là, vous allez l'indemniser, vous allez faire une croix sur
tout ça et puis vous n'essaierez pas de savoir qui lui a fait ça,
pour le protéger? Mais ça n'a pas de bon sens, ça n'a tout
simplement pas de bon sens. Imaginez-vous dans quelle société on
vivrait.
M. Perreault (André): Ce n'est pas mon propos, M. le
ministre, parce que je pense que les articles...
M. Rémillard: Bon. Alors, je suis content que vous me
corrigiez. Corrigez-moi.
M. Perreault (André): ...117 à 119
établissent clairement que, dans le cadre d'une réclamation, le
réclamant doit établir tous les faits à la satisfaction du
ministre, et là je pense surtout à la personne qu'il
désigne. Donc, dans le cadre de la réclamation, la personne qui
entend les faits et qui doit décider si oui ou non elle accorde une
réclamation, il nous semble tout à fait normal, naturel,
approprié, et il serait tout à fait contre les
intérêts généraux des contribuables
québécois que de dire que cette personne-là n'a pas
à fournir toutes les informations qui sont nécessaires pour
qu'elle soit indemnisée.
M. Rémillard: Mais alors, à ce moment-là, M.
Perreault, pourquoi me dites-vous que vous êtes d'accord avec cet
article-là, qu'il donne toutes les informations, et que vous
n'êtes pas d'accord pour qu'il puisse dénoncer le crime pour qu'on
puisse le protéger et qu'on puisse mettre la main au collet des
criminels qui ont fait ça? Expliquez-moi ça.
M. Perreault (André): Parce que c'est une démarche
d'indemnisation, alors que l'autre démarche devient... On sort la
victime du contexte de l'indemnisation alors qu'on s'est déjà
assuré qu'elle est une victime d'un acte criminel et que,
philosophiquement, elle devrait être indemnisée; et, là, on
dit: Contrairement à tout citoyen, on va vous utiliser à nos
fins, on va faire en sorte... Alors que vous n'auriez aucune obligation, comme
citoyen, maintenant que vous avez eu la chance d'acquérir le statut de
victime, ce que vous ne saviez pas, vous devenez maintenant obligé de
collaborer avec la police, et vous devenez aussi obligé de collaborer
avec l'autorité judiciaire, ce qui n'est le devoir d'aucun de nous ici,
si vous n'avez pas le bonheur d'être une victime.
M. Rémillard: Oui, mais, écoutez bien, il faut se
comprendre: Vous êtes une victime et vous voulez avoir aide et
compensation; donc, vous voulez prendre avantage d'une loi. Vous voulez que le
gouvernement vous aide, que l'État vous aide. Le gouvernement, sa
responsabilité, c'est de protéger une société, voir
à l'intérêt public, et de vous protéger, aussi, vous
qui êtes victime d'un acte criminel. Alors, si vous mettez toutes ces
obligations-là une à côté de l'autre, il faut que la
victime dise: Je viens, moi, d'être victime d'un acte criminel. Donc, il
y a quelqu'un qui a commis un acte criminel, et j'en suis la victime. Il faut
bien, pour qu'on assure la sécurité, non seulement de cette
victime, mais aussi pour l'ensemble de la société, parce que ce
criminel pourra aller faire aussi du dommage, pourra aller agresser d'autres
personnes, pourra commettre d'autres crimes, mettant la sécurité
d'autres citoyens en jeu...
Alors, comment on pourrait établir comme principe que les gens
viennent chercher une compensation financière, les gens viennent
chercher de l'aide auprès de l'État, mais ils disent: Mais non,
moi, je ne veux pas collaborer, là, je ne veux pas vous dire qui a fait
le crime; je n'ai pas à vous dire ça, et je n'ai pas à le
dénoncer... Moi, il me semble, Me Perreault, que quand on établit
le principe comme toutes les lois que je connais; si vous en connaissez
d'autres, je vous en prie, mention-nez-moi-les sur ce sujet-là,
au nom de l'intérêt public comme au nom de l'intérêt
de la victime, qu'elle collabore, qu'elle dénonce le crime; ensuite,
qu'il y ait une marge d'appréciation pour qu'on puisse dire: Bien, cette
personne, peut-être bien qu'elle est dans une situation
particulière qui ne lui permet pas de dénoncer et de collaborer,
et là on l'apprécie. En quoi pouvez-vous être contre ce
principe, avec la possibilité d'établir les exceptions dont je
viens de vous parler?
M. Perreault (André): Même la justification, M. le
ministre, d'un motif sérieux, encore, est placée au fardeau du
réclamant. Donc, on présume que la personne... On part avec
l'idée que la personne qui réclamerait n'a pas de motif
sérieux, c'est à elle d'établir ce genre de motif
là. Et je comprends bien, là, l'idée que vous amenez pour
justifier ces dispositions-là.
Autre élément pratique, c'est que l'équation entre
dénonciation, collaboration avec la police et collaboration avec les
autorités judiciaires, et même absence de vie commune, c'est vite
dit que, ça, ça permet d'assurer une protection aux victimes.
Moi, je peux vous dire que ma pratique me démontre qu'il n'y a pas
d'équation à faire entre la collaboration avec la police et les
autorités judiciaires pour constituer une protection de la victime; et,
à quelque part, il faudrait être en mesure de respecter le choix
d'une victime à ce niveau-là.
M. Rémillard: M. Perreault, me permettez-vous seulement un
commentaire? Moi, à chaque fois, comme ministre de la Justice, que je
vois qu'un agresseur est libéré sous cautionnement, ou qu'il est
libéré parce que, supposément, il a fini sa peine, il s'en
va, et il s'en va tuer sa conjointe, je vais vous dire que dans ma vie de
ministre de la Justice, là, c'est des moments les plus difficiles qu'on
peut passer, extrêmement difficiles. Et je ne peux pas comprendre votre
dernière remarque.
M. Perreault (André): Bien, c'est justement pour
ça, M. le ministre, que je vous le dis.
M. Rémillard: Parce que, comment voulez-vous qu'on puisse
laisser une femme parce que c'est souvent, en très grande
majorité, les femmes dans un état
d'insécurité et de danger, et dire: Très bien, vous ne
voulez pas collaborer parce que vous avez trop peur qu'ils vous fassent plus
mal, bien, très bien, on va vous indemniser, mais, allez-y, ils vont
vous faire encore plus mal? Ça n'a pas de bon sens. (16 h 20)
M. Perreault (André): Non, mais comme vous l'avez dit
tantôt, quand on prend un individu qui reprend sa liberté et qui
retourne la tuer, il n'y a peut-être pas nécessairement absence de
vie commune dans un cas comme ça et il n'y a peut-être pas non
plus absence de procédure judiciaire. Il y a peut-être eu
dénonciation et ça n'a pourtant pas assuré le fait que la
personne puisse être protégée pour autant. Et je dois vous
dire que je suis tout à fait et tout aussi sensible que vous à
ces situations-là et, si je me retrouve ici aujourd'hui, c'est justement
dans cette perspective-là.
M. Rémillard: Alors, même s'il y a eu
dénonciation, même si on est devant le juge ou même s'il y a
eu condamnation puis qu'il a fait sa peine et qu'en plus on ne peut pas
protéger la femme qui est victime de violence, imaginez-vous, si aucun
processus judiciaire n'est entamé, comment on va faire pour la
protéger alors qu'elle demande une protection, cette femme-là,
elle vient demander de l'aide. Lorsqu'on parle d'indemnité, on parle
d'aide. Le mot «aide», il comprend aussi le mot
«protection».
M. Perreault (André): Oui.
M. Rémillard: Moi, j'essaie de comprendre votre
argumentation et je me dis: Mais on ne peut pas renvoyer cette femme dans son
milieu après lui avoir donné des soins d'un psychologue, d'un
psychiatre, donné aussi une indemnité parce qu'elle s'est fait
briser un bras. Puis, là, vous dites: Bien, coudon, elle ne veut pas
dénoncer son mari parce qu'il peut être trop violent puis, la
prochaine fois, ça peut être les deux bras qu'elle va se faire
casser. Ça fait que c'est aussi bien de se contenter juste d'un bras. Je
fais de l'absurde, si vous voulez, mais, tout simplement, c'est que j'essaie de
comprendre et je vous avoue que je ne comprends pas votre argumentation.
M. Perreault (André): Bien, je vous dirais que...
Le Président (M. Dauphin): Dernière remarque, puis
ensuite je reconnais M. le député d'Anjou. Allez-y,
brièvement.
M. Perreault (André): ...si c'est ce qu'on visait, il
faudrait probablement surtout renforcer le titre I, et c'est probablement
là qu'est la véritable protection, plutôt que via une
question d'indemnisation qui est, dans bien des cas et là
j'exclus la réadaptation qui est, si vous me le permettez,
accessoire et très accessoire quant à la protection d'un
individu. Ça me semblerait plus justifié d'y aller
conformément aux remarques qui ont déjà été
faites par Me Picard dans le sens de remède et de recours
véritables quant au respect des droits dans le titre I que comme moyen
de contraindre les victimes à collaborer avec le système sous le
prétexte d'une indemnisation éventuelle.
Le Président (M. Dauphin): Merci. Si vous me permettez, je
vais maintenant reconnaître M. le député d'Anjou.
M. Bélanger: Merci, M. le Président. En
commençant, je voudrais dire que j'apprécie les commentaires qu'a
faits le ministre tout à l'heure à propos de comparer la
situation par rapport à celle de nos voisins. Je pense que c'est un
argument que je vais retenir en particulier quand on fera le débat sur
la perception automatique des pensions alimentaires. Depuis longtemps
j'aimerais qu'on imite peut-être nos voisins de l'Ontario relativement au
régime dont bénéficient les gens de l'Ontario.
Maintenant, ce que je sens, c'est qu'on semble vouloir faire
dévier un peu le débat sur la question de la
sécurité. On connaît un peu la réalité qui se
vit présentement au sein des personnes victimes d'actes criminels. Je
pense qu'il est utopique de penser que présentement l'État est en
mesure d'assurer d'une façon efficace et complète et totale la
sécurité des victimes. De dire que l'État est
présentement en mesure de le faire, je pense que c'est
complètement utopique. Et je ne pense pas d'ailleurs que, dans ce projet
de loi, on ajoute quoi que ce soit au niveau des moyens ou des ressources
disponibles pour assurer la sécurité des victimes d'actes
criminels. Tout à l'heure, je voyais les exemples que donnait le
ministre. Ce qui ressort, ce qu'on veut faire vraiment, c'est de prendre ceux
qui profitent du système, c'est-à-dire ceux qui auraient
profité ou qui auraient contribué par une faute lourde dans la
perpétration d'un acte criminel, donc, finalement, des fausses
victimes... Je pense que c'est plutôt ça. D faudrait
peut-être le dire d'une façon claire et précise que c'est
ça qu'on recherche, mettre des bémols dans le projet de loi
justement pour éviter ces cas-là qu'on connaît il y
en a quelques-uns; j'aimerais avoir des statistiques pour savoir combien il y
aurait de ces cas-là plutôt que de mettre une obligation
comme ça. D'après moi, je n'en vois pas, moi non plus, la
justification.
Puis de parler du problème de la sécurité... Tout
à l'heure, on me donnait l'exemple justement d'une personne dont le
conjoint pourrait être violent, M. le Président. On sait qu'il y a
tout un facteur, là, il y a un problème psychologique
là-dedans. La conjointe qui n'est pas prête à
dénoncer son conjoint, le ministre est en train de me dire qu'on va la
forcer à dénoncer alors qu'on pourrait peut-être, comme
ça se fait présentement... On incite d'une façon
volontaire la personne à prendre conscience qu'elle doit porter plainte.
Elle le fait volontairement. C'est très important, je pense, de prendre
en considération cet aspect psychologique au niveau du caractère
de la victime, de la personne de la victime. Là, finalement, ce qu'on va
dire, c'est qu'on va la forcer à dénoncer la personne qui a
été l'agresseur. Vous ne pensez pas, Me Perreault
justement, je pense que vous avez une bonne expérience au niveau de
comment ça se vit; je pense que vous avez rencontré de
nombreuses victimes dans votre pratique du droit criminel que
ça serait quelque chose qui serait peut-être plus souhaitable
comme approche?
M. Perreault (André): C'est-à-dire de...
M. Bélanger: C'est-à-dire tout simplement de faire
en sorte qu'on n'oblige pas la victime à porter plainte, mais, par une
intervention, par une aide qu'on pourrait lui apporter immédiatement,
l'amener volontairement à porter plainte, peut-être dans une
deuxième approche ou un peu plus tard, mais pas immédiatement,
pas en faire une condition sine qua non, avant de verser quoi que ce soit ou de
ne lui apporter aucune aide, même de thérapie de
réhabilitation.
M. Perreault (André): En fait, c'était
effectivement l'essence de la proposition, telle qu'elle a été
formulée tantôt par Me Picard, c'est-à-dire donc de rester
dans le cadre. Et si on demande une obligation de collaborer ou de
coopérer, appelons ça comme vous voulez, ça nous semble
tout à fait justifié, mais toujours dans le cadre de la demande
d'indemnisation et à l'égard de l'indemnisation, et non pas
à des fins de faire en sorte que la victime devienne un outil du
système judiciaire et que son droit à l'indemnisation soit
suspendu, dépendant de la nature de la collaboration qu'elle
prêtera à la police ou aux autorités judiciaires.
Le Président (M. Dauphin): M. le député.
M. Bélanger: Quand j'ai pris connaissance de ce projet de
loi, une des dispositions, moi, quant à l'obligation de collaboration,
qui m'a un peu fait peur j'aimerais savoir si vous partagez un peu mon
appréhension c'est ce qui est contenu à l'article 119, qui
prévoit qu'à partir du moment où une poursuite est
intentée, qu'il y a une instance en cour, c'est que, tout au long,
finalement, du procès, on met un genre de contrainte à savoir
qu'il faut que la victime continue de collaborer on ne dit pas de
façon satisfaisante. Moi, ce que je crains, finalement, c'est que... En
particulier, je m'imagine une situation lors de la préparation d'un
procès, c'est que certains procureurs pourraient, d'une façon non
volontaire, je dis bien, et non pas d'une façon intentionnelle, faire
peser des craintes sur la victime à savoir que si son témoignage
n'est pas convainquant, si elle ne fait pas une bonne déposition,
finalement, elle pourrait se retrouver avec une pénalité, se voir
couper son indemnité ou les droits qu'on lui confère.
Alors, moi, je me demande si la crainte que je partage, que je ressens,
ce n'est pas une crainte qui pourrait, justement, se retrouver à exister
dans la pratique. Qu'est-ce que vous en pensez?
Le Président (M. Dauphin): Mme Picard. Mme Picard
(Claudette): Oui. C'est tout à fait juste et nous n'en avons pas
parlé parce que nous avions trop peu de temps. Mais c'est une
inquiétude que nous avons. Et je voulais revenir à l'exemple de
M. le ministre. Je ne sais pas si j'ai bien compris, mais, à l'Annexe I,
ce n'est pas évidemment pour tous les crimes qu'on indemnise les
victimes, et, à moins que je ne me trompe, je ne pense pas que
l'extorsion soit un crime dont on indemnise les victimes. Mais peut-être
que je me trompe. Je ne le sais pas.
M. Rémillard: Remplacez mon exemple par quelqu'un...
Mme Picard (Claudette): D'accord.
M. Rémillard: ...qui va avec un revolver dans un
dépanneur. Alors, au lieu de l'extorsion, mettez le revolver.
Mme Picard (Claudette): D'accord. Non, c'est parce que je
n'étais pas certaine que nous avions tous les faits.
M. Bélanger: Peut-être que Me Perreault pourrait
répondre à ma question. Je pense qu'il existe déjà,
dans les lois actuelles, qu'à partir du moment où une personne
porte plainte, et que la couronne décide d'intenter une poursuite, donc,
la plainte appartient à la couronne. Ça, j'avais appris ça
dans mon cours de droit. Elle n'appartient plus à la victime qui l'a
donnée à la couronne.
Il existe, je pense, des dispositions qui font en sorte qu'il y a
recours, de la part de la couronne, si, finalement, la personne qui a
porté plainte n'aide pas la justice, ne collabore plus et décide
tout simplement de se comporter comme quelqu'un d'irresponsable. Est-ce que je
me trompe?
M. Perreault (André): Oui, tout à fait. Je vous
donne un bref exemple. Chez nous, à la cour municipale, on a une
personne qui travaille au niveau des services sociaux, à rencontrer
systématiquement, par exemple, toutes les victimes de violence conjugale
qui sont appelées à se présenter à la cour une
première fois. (16 h 30)
Cette personne-là m'indiquait que, dans le cadre de son travail,
80 % des femmes pour lesquelles on a déjà porté des
accusations, donc, d'après nous, où la preuve devrait suffire
à amener à une condamnation de l'accusé et aux mesures qui
doivent être prises, dans 80 % des cas, à la première
approche, la victime indique immédiatement qu'elle entend faire en sorte
que sa plainte ne soit plus portée. Et, ça, ça ne veut pas
dire que ces accusations-là ne sont pas sérieuses et ne sont pas
fondées. Elles demeurent fondées, mais il y a une crainte
immense. Il y a un travail impressionnant qui a été fait par les
accusés sur ces personnes-là, et je vous disais tantôt
qu'elles sont sous le joug.
Évidemment que ça existe, comme situation, et je comprends
tout à fait M. le ministre qui dit qu'on ne peut pas, comme appareil
judiciaire, cautionner la crainte de ces personnes-là et faire en sorte
qu'on joue le même jeu et que l'accusé soit libéré,
en conséquence. A contrario, il ne faut pas non plus nous mener dans la
situation absurde qu'on soit obligé de faire condamner pour outrage au
tribunal des personnes qui ont été victimes de violence conjugale
parce qu'elles indiquent formellement qu'en aucun temps elles n'accepteront de
répondre aux questions.
Et, ça, c'est le quotidien d'un procureur de la poursuite.
Ça, c'est le quotidien de ce qui est vécu en matière...
Et, là, je prends l'exemple précis de la violence conjugale.
Donc, d'un côté, oui, on doit faire en sorte de prendre la
relève et d'assurer la protection et la sécurité. D'un
autre côté, les moyens que vous invoquez, Me Bélanger, les
moyens légaux qui sont à notre disposition pour faire en sorte
qu'on obtienne la collaboration de la victime, vous comprendrez que, lorsque
ça mène à, par exemple, un outrage au tribunal
auprès de la victime, c'est à ce point absurde qu'il n'y a
personne qui accepte, comme procureur, professionnellement, d'embarquer dans ce
jeu-là. Et ça fait en sorte, évidemment, dans ces
cas-là, soit que la poursuite doive indiquer qu'elle n'a pas de preuve
à offrir, soit que la victime indique carrément qu'elle ne
témoigne pas, et le juge acquitte ou libère l'accusé
immédiatement.
Et je ne pense pas que conditionner l'indemnisation et la
dénonciation amène une solution réelle et palpable
à ce problème-là. C'est une perception que j'ai, mais je
respecte aussi fortement l'approche du ministre et la volonté qu'il a de
s'attaquer à ce problème-là.
Le Président (M. Dauphin): M. le député
d'Anjou.
M. Bélanger: M. le Président, il y a un point
qui... Tout à l'heure, le ministre expliquait la façon dont ils
ont procédé pour faire la rédaction de ce projet de loi
là. Je dois avouer que je ne suis pas très familier avec cette
façon de rédiger qui consiste à dire que les premiers
articles, finalement, tiennent un peu lieu de préambule.
C'est-à-dire qu'on ne met plus de préambule; on a des articles
généraux qui parlent de principes très
généraux, et l'ensemble du projet de loi vient préciser
les principes qui sont mentionnés dans les premiers articles.
Selon la perception et la compréhension que j'ai du projet de
loi, il me semble que nulle part ailleurs, dans les autres articles du projet
de loi, on ne vient préciser, justement, les recours ou les droits qu'on
fait naître ou qu'on garantit dans le préambule. Alors, est-ce que
je me trompe dans la compréhension que j'ai du projet de loi?
Mme Picard (Claudette): Notre analyse du projet de loi
démontre qu'il y a huit articles au titre I, sous la rubrique Droits et
responsabilités. Et le titre II, les articles 9 et suivants, c'est
l'indemnisation. Et on ne retrouve pas, dans la seconde partie, les recours
pour assurer le respect des droits des victimes. C'est le sens de notre
intervention.
Le Président (M. Dauphin): Si vous permettez...
M. Rémillard: Sur ce point-là, on pourra demander
à nos légistes ce n'est peut-être pas le moment
maintenant de nous expliquer les techniques de législation.
Le Président (M. Dauphin): D'accord. Alors, quant au
partage du temps, il reste encore du temps à l'Opposition officielle. Si
vous voulez poser d'autres questions, soyez les bienvenus. M. le
député d'Anjou.
M. Bélanger: Pardon?
Le Président (M. Dauphin): Avez-vous terminé votre
série de questions?
M. Bélanger: Oui.
Le Président (M. Dauphin): Oui. Il n'y a pas d'autres
membres qui désirent intervenir?
Alors, s'il n'y a pas d'autres questions, peut-être que plus tard
on va suivre votre suggestion, M. le ministre, mais, pour le moment, ça
va?
Alors, nous aimerions remercier les représentants du Barreau, Me
Picard, Me Gauthier et Me Perreault, d'avoir accepté notre invitation.
Nous leur souhaitons un bon retour.
Des voix: Merci beaucoup.
Mme Picard (Claudette): Merci, M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): Je demanderais maintenant aux
représentantes de l'Association québécoise
plaidoyer-victimes de s'avancer à la table des témoins.
Bienvenue mesdames. Alors, je présume qu'au centre c'est Mme
Gaudreault...
Mme Gaudreault (Arlène): Oui.
Le Président (M. Dauphin): ...qui en est la
présidente. Alors, pour les fins du Journal des débats, je
vous demanderais de nous présenter les personnes qui vous accompagnent,
ensuite de cela de procéder à votre exposé, d'une
durée d'environ 20 minutes. Alors, bienvenue, mesdames.
Association québécoise
plaidoyer-victimes inc.
Mme Gaudreault (Arlène): Je vais vous présenter les
personnes qui m'accompagnent: Mme Diane
Lemieux, qui est du regroupement des CALACS; Mme Fleurette Boucher, qui
est du Regroupement provincial des maisons d'hébergement pour femmes
violentées.
M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les
députés, je voudrais d'abord vous remercier de nous avoir permis
de vous transmettre nos commentaires sur le projet de loi 106. Nous pouvons
dire d'emblée que nous sommes favorables à l'intention du
législateur de réformer cette loi-là. C'est un projet qui
entend humaniser le système de justice, qui entend favoriser un meilleur
accès, et nous souscrivons à ces objectifs. Compte tenu du temps
qui nous est alloué, bien sûr, nous allons parler davantage des
difficultés, des lacunes, des choses qui pourraient être
améliorées ou qui devraient être améliorées.
Le ministre de la Justice, lors de l'adoption du principe, s'est dit ouvert
à toute possibilité qui ferait en sorte qu'on aurait un projet
plus équitable, plus humain et plus juste, et c'est dans ce
sens-là qu'on vient transmettre nos commentaires aujourd'hui.
Nos interventions vont porter plus spécifiquement sur les points
suivants: les droits des victimes, l'obligation de dénoncer et de
collaborer avec les autorités de justice compétentes comme
condition d'admissibilité à l'indemnisation, la place de la
réadaptation dans la loi, les mécanismes de révision et
quelques commentaires sur l'organisation des services.
Je vais parler dans un premier temps et, ensuite, je laisserai la parole
à Mme Lemieux sur la question de l'obligation de collaborer et
l'obligation de dénoncer. Je vais d'abord parler du titre I, des droits
et responsabilités.
C'est une chose certaine à nos yeux que la loi 8 marquait un pas
important quant à la reconnaissance des droits des victimes. Cependant,
cette loi-là présente des difficultés majeures. D'abord,
elle est largement méconnue. Je dois vous, dire que notre Association
forme actuellement 4500 policiers de la SPCUM. Nous avons commencé
à travailler avec eux au mois de septembre; nous rencontrons trois
groupes par semaine, environ 30 policiers par jour, et je dois vous dire que,
quand on parle de la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels, il n'y a
à peu près pas un policier qui la connaît. Et c'est la
même chose aussi pour beaucoup d'intervenants qui travaillent dans le
réseau. C'est une loi qui a eu peu d'impact, une loi qui n'offre aucun
recours lorsque les droits des victimes sont lésés, et c'est une
loi qui, de façon générale, énonce des
principes.
Au Sommet de la Justice, nous avions fait part de ces commentaires au
ministre de la Justice. On revient aujourd'hui avec un nouveau projet de loi,
et la question qu'on doit se poser: Est-ce qu'il nous apporte quelque chose de
nouveau au niveau de la reconnaissance des droits? Et notre réponse est
non à cet égard.
Ce qu'on a fait, c'est qu'on a repris intégralement les droits
des victimes de la loi 8 et on les a tout simplement recollés dans le
projet 106. Alors, on se retrouve toujours avec un projet de loi où les
victimes n'ont aucun recours. À qui peuvent-elles s'adresser
lorsqu'elles n'ont pas été informées, lorsqu'elles n'ont
pas reçu l'assistance médicale? Il n'y a aucun mécanisme
qui est prévu pour acheminer les plaintes, aucune instance qui est
identifiée pour recevoir leurs représentations, pour prendre les
décisions qui s'imposent. (16 h 40)
Suite au Sommet de la Justice, le ministre de la Justice a mis sur pied
un bureau des plaintes qui fonctionne, je pense, depuis le mois d'avril
dernier. Ce bureau-là est peu connu à l'heure actuelle, peu connu
des intervenants, peu connu de la population en général. C'est un
bureau dont le mandat a des limites au niveau de l'intervention et des services
qu'il peut offrir. On s'est adressé à ce bureau-là pour
leur demander: Qu'est-ce que vous allez faire si une victime s'adresse à
vous et qu'elle vous demande, qu'elle vous informe que ses droits d'être
informée de l'enquête policière ont été
lésés? On nous a répondu: Bien, on va retourner la victime
à la Sécurité publique, puisque la police, c'est la
Sécurité publique qui s'occupe de ça. Alors, c'est un
exemple qui montre bien les limites du mandat du bureau des plaintes. Et une
des interrogations qu'on a par rapport au bureau des plaintes: je pense que les
victimes devraient avoir la possibilité de s'adresser à une autre
instance qu'une instance qui est au sein du ministère même. Pour
nous, c'est une question de transparence, d'objectivité et
d'impartialité, et je pense que le ministère de la Justice est
juge et partie là-dedans.
Le titre I parle des droits et des responsabilités. Il est assez
surprenant, M. le Président, lorsqu'on regarde tous les articles du
titre I, de voir qu'il n'y a que les victimes qui ont des
responsabilités en vertu du titre I, à l'article 7. À part
ça, ni le ministre, ni la police, ni les tribunaux, personne n'a de
responsabilités. Qui fait quoi? À quoi peuvent s'attendre les
victimes? Qu'est-ce qu'elles peuvent exiger, même minimalement? Quelles
sont les sanctions? Quelles sont les conséquences? Le projet de loi
reste aussi silencieux que la loi 8 qu'on a actuellement. C'est un projet de
loi, au titre I, qui est tempéré par... Les droits sont
tempérés par toutes sortes de conditions: dans la mesure
prévue par la loi, de façon prompte, aussi complètement
que possible, dans toute la mesure du possible, compte tenu de
l'intérêt public, compte tenu des ressources disponibles.
Il est vrai, comme l'a dit le ministre de la Justice, qu'on a
marqué, je pense, un pas en avant avec la loi 8. Cependant, on doit
maintenant donner un coup de barre. Et j'étais un peu inquiète
lorsque j'ai lu la présentation du ministre de la Justice lors de
l'adoption du principe. Lorsqu'il parle d'une politique générale,
est-ce que c'est un recul? Est-ce que, maintenant, on va nous dire que c'est un
préambule et ça va devenir une politique générale?
Je pense qu'on attend de la part des gens qui sont ici, qui sont nos
députés, qui nous représentent, qu'ils donnent un coup de
barre au niveau de la reconnaissance des droits des victimes et qu'on aille de
l'avant et qu'on donne des recours aux victimes.
Notre première recommandation est la suivante: Que la Loi sur
l'aide et l'indemnisation des victimes
d'actes criminels instaure un mécanisme permettant aux victimes
d'exercer des recours lorsque leurs droits sont lésés; que ce
mécanisme permette de nommer spécifiquement un répondant
qui, dans un délai imparti, devra statuer sur les plaintes des victimes,
et ce, en toute indépendance et impartialité.
Il est assez curieux que, dans ce projet de loi, on n'ait pas
greffé au droit à l'indemnisation, qui est strictement le seul
droit actuellement consenti aux victimes d'actes criminels, d'autres droits. Je
vais en nommer quelques-uns, et je reviendrai.. Par exemple: le droit
d'être informé sur l'état de son dossier; le droit
d'être rencontré et entendu en révision; le droit au
clinicien de son choix lorsqu'il est question des mesures de
réadaptation; le droit d'être informé sur le processus de
révision. Je pense qu'on aurait pu faire beaucoup, beaucoup plus de
précisions, créer des droits nouveaux, alors qu'on s'est
contenté de recoller ce que nous avons actuellement dans la loi 8.
Je vais parler maintenant... Les pages que j'ai passées, ce sont
les pages sur l'obligation de dénoncer et l'obligation de collaborer. Je
veux parler maintenant, M. le Président, de la réadaptation.
C'est quelque chose qui est très important pour les groupes comme le
nôtre, pour les intervenants qui travaillent auprès de victimes et
pour les victimes elles-mêmes. La première évaluation sur
l'indemnisation remonte à 1983. En 1990, Plaidoyer-Victimes a fait une
deuxième évaluation. Nous avons rencontré des victimes,
fait des entrevues, organisé une journée de réflexion avec
des intervenants et nous avons transmis un certain nombre de propositions au
Sommet de la Justice, dont certaines touchent la réadaptation. Qu'est-ce
qu'on disait à la fin de notre recherche, en 1991? Cette phrase, et je
vous la cite parce qu'elle est importante: «Nous souhaitons que l'IVAC
fasse de la réadaptation sociale des victimes le point de mire de sa
troisième décennie.» Est-ce que le projet de loi va dans ce
sens?
Je pense que les dispositions aux articles 99 et 100 sont plus que
timides à cet égard. Si vous référez à
l'article 99, l'article 99 est un énoncé général
qui nous dit que le ministre peut prendre les mesures nécessaires au
niveau de la réadaptation. Si on regarde les dispositions actuelles en
vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles,
à l'article 56, on va beaucoup plus loin parce qu'on dit que la
commission prend les mesures nécessaires.
Si vous regardez l'article 56.1, ce qui est en application actuellement
pour les victimes d'actes criminels, vous allez voir qu'on définit les
pouvoirs de la Commission et les responsabilités de la Commission. Et on
dit des choses très intéressantes. On parle d'évaluation
des services disponibles, de faire effectuer des recherches, de permettre aux
travailleurs parce que cette loi-là s'adresse aux travailleurs,
mais elle est aussi mise en application pour les victimes de faciliter
l'accès à des services de consultation; on parle d'orientation
professionnelle, de service de psychologie, de service social, etc. Je ne
citerai pas tout l'article, je vous y réfère.
On n'a même pas cru bon de reprendre ce cadre, de l'adapter aux
victimes; on l'a mis de côté. Et pourtant, quand on lit l'article
56.1°, on comprend beaucoup mieux ce que ça veut dire, la
réadaptation, parce qu'on parle de rééducation, de
formation, d'assistance financière pour la réinsertion au
travail. La loi, le projet de loi 106 ne fournit aucun indicateur, aucune
balise quant à ce que peuvent comprendre les mesures liées
à la réadaptation.
Je pense qu'il n'est pas inutile de rappeler, M. le Président,
qu'un des problèmes de la loi actuelle, c'est le manque d'information.
Le manque d'information pour les victimes, le manque d'information pour les
intervenants. Les gens nous disent: On ne sait pas ce à quoi on a droit,
quels sont nos recours, quelles sont les mesures, quels sont les frais
admissibles. Si on regarde ce qu'il y a dans les articles 99 et 100, on n'en
sait pas plus, parce que ça reste un énoncé très
vague, une espèce de fourre-tout où on a mis à la fois la
réadaptation sociale, la réadaptation psychothérapeutique,
la réadaptation en général, celle des victimes et celle
des proches. Et on peut comprendre qu'une loi ce n'est pas une
réglementation, mais on pourrait s'attendre que, dans une loi, on donne
un certain cadre, on donne une certaine vision, qu'on précise un peu les
intentions du législateur.
Regardons l'article 99 qui traite de la réadaptation des proches.
On en a beaucoup parlé au Sommet et après le Sommet. C'est un
article qui comporte beaucoup d'ambiguïtés. Que veulent dirent les
termes «médicalement requis»? Que l'accès à
des services psychothérapeutiques doit être évalué
par des médecins et des psychiatres? Que, quand on parle de
réadaptation psychothérapeutique, on parle de soins
médicaux? Ce n'est pas clair. La réadaptation requiert les
services d'un grand nombre d'intervenants; on peut parler de thérapeutes
familiaux, on peut parler de travailleurs sociaux, on peut parler de
psychologues. Je ne pense pas que la réadaptation soit le bastion
réservé des médecins. Je ne pense pas non plus que les
médecins et avec le respect qu'on leur doit sont
peut-être les mieux formés pour travailler auprès des
victimes et pour évaluer les syndromes post-traumatiques ou les
traumatismes consécutifs à la «victimisation», et non
plus qu'ils sont les seuls à détenir ce type d'expertise.
Actuellement, l'IVAC travaille avec toutes sortes d'experts. Il y a des
gens en service social et en psycho qui ont une formation en syndrome
post-traumatique. C'est reconnu par l'IVAC. Ces gens-là travaillent
déjà en collaboration, à ce qu'on nous dit, avec le projet
de loi. Est-ce que, tout d'un coup, ces gens-là ne sont plus
compétents?
Il faut bien comprendre une chose aussi, avec cet article-là. Il
faut le lire attentivement, parce qu'il a l'air très
généreux mais il n'est pas si généreux que
ça pour les proches, parce qu'on dit que les proches vont avoir
accès à la réadaptation psychothérapeutique
à condition que leur réadaptation soit requise, et
médicalement requise, pour la victime. Alors, c'est une façon
beaucoup plus restrictive de comprendre la loi et de l'appliquer qu'on
ne nous le laisse entendre. Et, ça, ça peut vouloir dire, par
exemple, que, les parents d'un très jeune enfant qui est victime d'abus
sexuel, il peut ne pas être approprié pour cet enfant-là de
recevoir des services psychologiques parce qu'il est trop jeune, mais,
ça, ça veut dire que, comme la réadaptation n'est pas
requise pour cet enfant-là, elle ne l'est pas pour ses parents non
plus.
L'article 100 répond en partie à des préoccupations
que nous avions énoncées au Sommet de la Justice. On fait une
ouverture aux proches d'homicides et aux proches d'enlèvements. Nous
avions parlé, au Sommet de la Justice, d'ouvrir les services de
réadaptation aux parents de victimes d'abus sexuels et aux proches de
victimes d'agression sexuelle. Est-ce qu'on doit comprendre que c'est couvert
par l'article 99? Peut-être, mais il nous semble que le
législateur aurait pu se compromettre plus fermement face à ces
clientèles qui nécessitent une attention particulière. (16
h 50)
Et, en ce qui a trait à la réadaptation
psychothérapeutique, je pense que les articles 99 et 20 devraient
reconnaître explicitement, pour les victimes et leurs proches, le droit
au clinicien de leur choix parce que, actuellement, c'est un problème
très important pour les victimes. À ce titre-là, les
articles 99 et 100 sont décevants. Nous recommandons, en ce qui a trait
à la réadaptation, que la réadaptation soit un droit
enchâssé dans la loi, que les pouvoirs et responsabilités
de l'organisme chargé d'appliquer la loi soient précisés.
Alors, je pense qu'il n'y a pas rien que les victimes, dans la loi, qui vont
avoir des responsabilités, mais ceux qui sont responsables de
l'appliquer aussi. Nous recommandons que le mot
«médicalement» soit retiré de l'article 100 parce
qu'il prête à confusion et peut être
interprété de façon restrictive, et nous recommandons
aussi qu'on reconnaisse explicitement, aux articles 99 et 100, le droit au
clinicien de leur choix pour les victimes et les proches.
La compensation pour retard scolaire. Il y a là un bon exemple de
ce qu'on aurait pu faire avec la réadaptation. Vous savez que, dans le
modèle actuel, on donne des indemnités de 35 $ pour les enfants
qui ne peuvent pas vaquer à leurs occupations habituelles, entre autres
fréquenter l'école. Alors, on nous a dit: C'est une
surcompensatiôn parce qu'il n'y a pas de perte de revenus et, à ce
moment-là, on va changer de régime, on va l'adapter à
celui de l'assurance automobile du Québec. Et, là, on nous arrive
avec des indemnités qui sont beaucoup plus généreuses,
évidemment, parce qu'elles peuvent aller jusqu'à 12 000 $. Et on
nous fait valoir comme principe que c'est pour compenser une éventuelle
perte de revenus puisque, l'enfant qui a un retard scolaire, ça va
reporter son entrée sur le marché du travail.
C'est sûr qu'au premier abord ça a l'air
intéressant, et c'est sûr que, quand un journaliste dit, dans les
journaux ou à la télévision: Dorénavant, les
enfants qui ont un retard scolaire vont avoir tant et tant, ça a l'air
bien intéressant, mais ça pose d'autres difficultés, je
pense, qui sont importantes, parce que la problématique des enfants
victimes d'actes criminels est différente de celle des enfants qui sont
victimes d'accidents de la route. Il est beaucoup plus facile, en accident de
la route, d'établir le lien de causalité entre le traumatisme qui
est plus souvent une lésion physique que lorsqu'on parle des enfants
victimes d'actes criminels où, là, on parle d'abus sexuel,
d'enfants témoins de violence conjugale ou d'enfants
négligés. Alors, le lien de causalité avec le traumatisme
est beaucoup plus difficile à établir et, plutôt que
d'évaluer les besoins de l'enfant, je pense qu'on va prendre beaucoup de
temps et beaucoup d'énergie à faire en sorte que les parents
rencontrent toute une batterie d'experts et à prouver qu'il y a bien un
lien entre la «victimisation» et le retard scolaire. Et ces
gens-là, comme c'est le cas très souvent dans le système
actuel, vont se sentir «revictimisés».
Un autre problème, aussi: il ne faut pas négliger le fait,
M. le Président, que dans le cas des enfants victimes d'abus sexuels,
dans certains cas, l'auteur continue à cohabiter avec la victime. Est-ce
que c'est l'article 145.2° qui va nous permettre de nous assurer vraiment
que l'abuseur ne profite pas, ne s'enrichisse pas des prestations
versées? On peut le souhaiter, mais je pense qu'il y a un
problème qui risque de se poser: peut-être que le versement
d'indemnités peut devenir un incitatif à l'abandon ou au retrait
scolaire dans certains milieux, et je pense qu'il faut avoir ça en
lecture.
La surcompensation est un autre problème assez important. On nous
dit que, 35 $, ça entraîne une surcompensation parce qu'il n'y a
pas perte de revenus. Mais je pense que le modèle, le régime
actuel risque de créer une plus grande surcompensation parce que,
actuellement, les enfants, lorsqu'on leur a offert des services de
réadaptation, on les réévalue pour voir s'il reste des
séquelles permanentes. Et, lorsqu'il reste des séquelles
permanentes, l'organisme indemniseur peut verser une indemnité
forfaitaire. Et, à ce moment-là, ça veut dire qu'avec la
nouvelle loi ces enfants-là recevraient une indemnité forfaitaire
et recevraient aussi une indemnité pour compenser le retard scolaire.
Alors, je pense que le danger de surcompensation est plus grand dans le
régime qu'on nous propose que dans le régime actuel.
Je pense que c'est des questions qui sont importantes à examiner,
mais ce qu'on veut vous poser comme questions, surtout, c'est quoi, l'objectif
que cette loi-là veut atteindre par rapport aux enfants? Est-ce que,
dans le cas des jeunes victimes d'actes criminels, ce n'est pas
préférable ou ce n'est pas souhaitable, comme
société, de tout mettre en oeuvre pour que ces enfants-là
retrouvent leur équilibre, pour qu'ils puissent fonctionner dans toutes
les sphères de leur vie, autant à l'école que dans
d'autres sphères sociales? Est-ce qu'on veut monnayer les
préjudices? Est-ce que c'est plus important d'offrir de l'argent ou
d'offrir de l'aide, l'aide dont ils ont besoin? Et je vous pose la question: Si
vous avez des enfants ou si vous avez des petits-enfants, qu'est-ce que vous
répondriez à une question comme celle-là?
Je pense qu'on pourrait nous répondre que le principe
d'harmoniser avec la SAAQ prévaut dans ce cas-là. Je vous dirais
là-dessus qu'on a dérogé à ce principe-là.
Dans le cas des proches d'une victime décédée, lorsque
cette victime-là n'a pas d'enfants à charge ou n'a pas de
conjoint, avec la loi actuelle, ils ont 2000 $; avec la SAAQ, si on avait
harmonisé, ils auraient 7500 $. On a dit: On ne fait pas ça parce
qu'on veut leur offrir des services de réadaptation, et on est tout
à fait d'accord avec ça. Je pense que l'un des messages
importants qu'on voudrait vous transmettre ici, je pense que, ce qui est
important, c'est le support psychologique, et ce n'est pas
nécessairement l'argent qui répond à tous les besoins des
victimes.
Le Président (M. Dauphin): Avez-vous terminé, Mme
Gaudreault?
Mme Gaudreault (Arlène): Je n'ai pas terminé...
Le Président (M. Dauphin): C'est que les 20 minutes...
Mme Gaudreault (Arlène): J'ai terminé cette
partie-là; je pense que c'était une partie importante.
Le Président (M. Dauphin): D'accord.
Mme Gaudreault (Arlène): Est-ce qu'on pourrait avoir une
extension de cinq minutes pour permettre à Mme Lemieux d'aller sur la
question...
Le Président (M. Dauphin): Disons que, ce qui était
alloué, c'étaient 20 minutes. C'est maintenant terminé. Si
les membres de la commission sont prêts à vous accorder cinq
autres minutes, moi, je suis bien prêt, personnellement, en tous les cas.
Allez-y pour cinq minutes, Mme Gaudreault.
Mme Gaudreault (Arlène): À ce moment-là, je
laisserai la parole... Puisque nous avons un mémoire, j'imagine que nous
pouvons le déposer. Oui?
Le Président (M. Dauphin): C'est la présidence qui
en autorise le dépôt, normalement, selon notre règlement.
Mais vous parlez de votre mémoire?
Mme Gaudreault (Arlène): Oui.
Le Président (M. Dauphin): Alors, je n'y vois aucune
objection.
Mme Gaudreault (Arlène): O.K. Alors, à ce
moment-là, comme vous aurez nos autres commentaires ou qu'on pourra
introduire d'autres éléments dans le cadre de la discussion, je
vais laisser la parole à Mme Lemieux pour la question de la
dénonciation et de l'obligation de collaborer.
Le Président (M. Dauphin): Très bien, Mme
Lemieux.
Mme Lemieux (Diane): Merci. Alors, M. le Président, M. le
ministre, mesdames et messieurs, je vais aborder l'épineuse question, si
je me fie à la discussion qu'il y a eu avec le Barreau, de l'obligation
de dénoncer. Comme certains l'avaient dit dans vos remarques
préliminaires, une loi, ce n'est pas juste l'alignement d'un certain
nombre de choses techniques, c'est aussi un choix, un choix de valeurs. Alors,
évidemment, cette question-là d'obligation de dénoncer est
donc une question de valeur.
La première remarque que je ferais, c'est que, d'une part, aucune
loi n'impose au citoyen de dénoncer les crimes, ni les Chartes, ni
québécoise ni canadienne, ni le Code criminel. J'ajouterais qu'on
peut très bien, d'un point de vue personnel, affirmer qu'il est
préférable et qu'il est important de dénoncer un crime, et
j'en suis une qui pense qu'il est préférable et important de
dénoncer les crimes. Mais, pour moi, la question, à ce moment-ci,
dans le cadre de ce projet de loi là, est: Est-ce que, dans
l'état actuel des choses, une loi d'indemnisation contenant une
obligation de dénoncer ne va pas porter préjudice à un
certain nombre de personnes? Une loi, ce n'est pas neutre, et ce
caractère obligatoire de dénonciation n'a pas une portée
neutre. Nous sommes convaincus que le caractère obligatoire de cette
disposition est nettement défavorable pour un certain nombre de
victimes.
Les premières, évidemment, c'est l'exemple qui me vient
immédiatement en tête, ce sont les femmes victimes de violence. Il
est bien connu que, dans le cas de toutes les formes de violence envers les
femmes, qu'on pense à la violence conjugale ou à la violence
à caractère sexuel, les taux de signalement sont
extrêmement faibles. Or, on ne peut pas présumer que, dans les
cinq ou 10 prochaines années, ces taux de signalement vont changer de
façon significative. On n'a qu'à regarder ce qui s'est
passé ces dernières années où, depuis à peu
près 15 ans, il y a un certain nombre de services qui ont
été mis sur pied, des politiques qui ont été
élaborées, ministérielles et gouvernementales; il n'en
demeure pas moins que, malgré tous ces efforts, les taux de signalement
par rapport à des phénomènes comme ça sont
extrêmement lents à changer. Donc, les femmes sont les
premières qui seront plus vulnérables devant cette obligation.
(17 heures)
II y a aussi d'autres groupes qui sont désavantagés.
Pensons aux personnes handicapées; là, je pense aux femmes
handicapées, particulièrement les victimes de violence sexuelle,
qui ont un taux de signalement encore plus bas que les femmes en
général. Pensons aux femmes et enfants autochtones qui sont pris
actuellement dans le débat à savoir l'implication du judiciaire
dans le problème de la violence où, là, non seulement le
taux de signalement est faible mais le taux de violence est extrêmement
élevé, et où les solutions, nos solutions de
dénoncer ne sont pas toujours les plus appropriées.
Pensons aux personnes âgées qui sont victimes d'abus de la
part de leurs proches où, là encore, un taux de signalement est
très faible. Alors, comme je le disais, la question n'est pas de savoir
si c'est pertinent de dénoncer ou pas, ce qui est une excellente
question, la question est de savoir: Est-ce qu'un régime d'indemnisation
doit composer ou doit obliger les victimes à dénoncer? Alors,
nous répondons non, parce que l'impact de cette mesure-là n'est
pas équivalent, n'est pas neutre, parce que des gens vont être
plus désavantagés par rapport à cette
mesure-là.
L'autre élément aussi dont, je pense, on doit tenir
compte, c'est le fait que je m'inspire un peu de la discussion que vous
avez eue tout à l'heure avec M. Perreault c'est le fait qu'on est
en train de décider d'un régime d'indemnisation. Qu'est-ce qu'un
régime d'indemnisation? Je ne vous l'apprendrai pas, c'est l'État
qui décide de partager collectivement le coût engendré par
des actes criminels. L'indemnisation, c'est une chose, l'indemnisation arrive
après que les crimes sont commis. Les procédures, les mesures,
les programmes pour réduire la violence, pour prévenir la
violence, c'est une autre chose, et nous sommes convaincus que nous ne devons
pas mélanger ces deux notions. On peut bien avoir le sentiment,
effectivement, que dénoncer est une mesure qui va aider la
prévention de la criminalité, mais une dénonciation est
une chose, dans un contexte de vouloir résoudre la criminalité,
mais, dans un contexte de vouloir indemniser les victimes, c'est une autre
chose.
Alors, pour ces raisons-là, et notamment, également, parce
que les droits des victimes... Même si on a présenté le
titre I comme davantage un préambule, il n'en demeure pas moins qu'au
Québec, et même au Canada, en Amérique du Nord, la
tradition à l'effet de mieux protéger les intérêts
des victimes, de mieux intégrer, inclure les intérêts des
victimes dans le système judiciaire est une tradition très
récente; tout est à construire. Considérant que les droits
des victimes ne sont pas encore quelque chose qui est enraciné dans
notre système, on trouve tout à fait inapproprié à
ce moment-ci d'inclure l'obligation de dénoncer dans un but
d'indemnisation. Alors, on demande donc que ce soit retiré du projet de
loi.
On a un peu les mêmes commentaires par rapport à la
coopération, l'obligation de coopérer. Évidemment, il est
clair que les victimes doivent coopérer dans le cadre de leur demande
d'indemnisation. La coopération des victimes avec d'autres acteurs du
système judiciaire est aussi une autre chose qui n'a pas de lien avec
l'indemnisation. Et, en ce sens-là, il y a des glissements que le projet
de loi propose et sur lesquels on voudrait attirer votre attention.
Dernier commentaire. Enfin, on a une série de commentaires,
peut-être qu'on pourra les aborder dans l'échange. Il y a une
série de commentaires sur la question de la révision et sur la
question de l'appel. Simplement vous dire qu'on a le sentiment d'un manque de
transparence. C'est évident qu'on ne pense pas que le ministre et tous
ceux qui ont travaillé à ce projet de loi ont l'intention de ne
pas être transparents, là n'est pas la question, sauf qu'on pense
qu'il y aurait avantage à clarifier le pouvoir de tous et chacun dans
les mesures de révision et d'appel. Vous pourrez en prendre connaissance
dans notre mémoire.
Dernière chose. Sur le critère de résidence, il a
été porté à l'attention du public une situation,
dernièrement, d'une jeune qui a été victime d'une
agression sexuelle en Colombie-Britannique, qui a mis en lumière cette
question-là où un citoyen du Québec qui est victime d'un
acte criminel à l'extérieur du Québec ne peut pas
bénéficier du régime d'indemnisation du Québec.
Comme il ne s'agit pas d'un nombre de cas quand même extrêmement
important à chaque année, on pense que non seulement les gens qui
sont sur le territoire du Québec doivent avoir accès à
l'indemnisation lorsqu'ils sont victimes d'un crime, mais que les citoyens du
Québec qui vivent un crime à l'extérieur du Québec
devraient aussi avoir accès à un tel régime
d'indemnisation. Alors, je termine là-dessus.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Mme Lemieux.
Nous allons maintenant débuter la période d'échanges et je
vais reconnaître M. le député d'Anjou. Et puis, comme je
l'ai mentionné tantôt, on est prêts à recevoir votre
mémoire en aucun temps, dans le sens juridique du terme. M. le
député d'Anjou.
M. Bélanger: Je vous remercie, M. le Président.
Dans un premier temps, je voudrais remercier les organismes d'être venus
devant la commission pour nous faire part de leur position relativement
à ce projet de loi qui, je pense, peut potentiellement changer de
façon radicale leur façon de travailler et d'opérer avec
les victimes.
Il y a un point sur lequel j'aimerais revenir avec Mme Gaudreault, c'est
tout l'aspect absence de recours en cas de droits, des droits qui sont,
finalement, conférés aux victimes. J'aimerais savoir: Est-ce que
vous avez un modèle en tête? Quel genre de mécanisme,
pensez-vous, serait le plus efficace pour les victimes d'actes criminels
relativement à un mécanisme de plaintes qui pourrait être
instauré? Est-ce que vous avez un exemple?
Mme Gaudreault (Arlène): Non. Lors du Sommet de la
Justice, on avait proposé qu'il y ait un ombudsman, une commission
particulière qui s'occupe tout spécifiquement des victimes, et on
a retourné la question au ministre de la Justice en se disant: Bon,
bien, quand il va revenir avec un nouveau projet de loi, probablement qu'on
aura une solution, mais on voit que manifestement il n'y en a pas.
Et ce qui est dommage avec l'absence de recours, c'est que je pense que
le principe d'accorder des droits aux victimes est intéressant, mais,
quand, par exemple, on parle de cette loi-là à des intervenants
ou des victimes, ils nous disent: C'est bien beau, c'est des voeux pieux, et,
après, qu'est-ce qu'on fait avec ça? C'est
comme si toute cette intention-là tombe à plat parce que,
finalement, il n'y a pas de recours, et je pense que c'est le rôle du
ministère de prévoir un mécanisme et de fouiller cette
question-là. Nous, en tout cas, c'est clair que c'est ça qu'on
souhaite parce que, sinon, pour nous, ça ne s'appelle pas des
droits.
M. Bélanger: Relativement à ce qui se vit dans
d'autres provinces ou peut-être aux États-Unis, est-ce que vous
avez connaissance d'un système de plaintes qui pourrait exister chez nos
voisins? Est-ce que vous savez comment est-ce que ça fonctionne chez nos
voisins?
Mme Gaudreault (Arlène): On n'a pas fouillé ces
questions-là.
M. Bélanger: Non? Vous n'avez pas de... Mme Gaudreault
(Arlène): Non.
M. Bélanger: Tout à l'heure, Mme Lemieux a
parlé que déjà, pour certains types d'infractions et de
crimes, il y avait un taux de signalement qui était très bas. Si
je comprends bien, votre appréhension, votre crainte, c'est que vous
avez peur, finalement, qu'avec l'obligation qui va maintenant incomber à
la victime de dénoncer, de collaborer, tout au long du processus, ce
taux de signalement va baisser de façon encore plus dramatique
peut-être dans ces secteurs-là. Est-ce que je comprends bien votre
intervention?
Mme Gaudreault (Arlène): non, pas nécessairement.
pour moi, ce que ça veut simplement dire, c'est que, sachant que le taux
de signalement est très bas pour certains crimes, ces
personnes-là n'ont pas accès à l'indemnisation. prenons
l'exemple des agressions sexuelles. les théories positives parlent
d'à peu près 10 % de signalement. alors, 10 % de l'ensemble des
crimes à caractère sexuel seraient dévoilés. il y
en a qui sont plus optimistes et parlent d'une sur cinq, à peu
près 25 %. ce que ça veut simplement dire, c'est que comme on
sait que le taux de signalement de ces crimes-là n'augmentera pas
et ce n'est certainement pas une mesure comme ça qui va le faire
augmenter, c'est vraiment rêver en couleur, c'est beaucoup plus complexe
que ça on sait donc déjà qu'il y a 25 % des gens
qui n'auront jamais accès à l'indemnisation parce que, de toute
façon, ils ne le signaleront pas.
M. Bélanger: D'accord.
Mme Lemieux (Diane): Et, pour moi, c'est là une
inéquité, d'autant plus qu'on sait ça, ce sont des
données qui sont reconnues, on a l'information que les taux de
signalement sont faibles, mais, sachant ça, on oblige quand même
à la dénonciation.
Mme Boucher (Fleurette): Est-ce que je peux compléter
l'information?
Le Président (M. Dauphin): Oui. Mme Boucher.
Mme Boucher (Fleurette): Oui. J'ai des chiffres précis
relativement à l'hébergement des femmes victimes de violence
conjugale. Pour les maisons membres du regroupement provincial, en 1992, il y
avait 45 maisons membres, on a hébergé 4500 femmes. Pour la
même période, l'indemnisation, c'est-à-dire IVAC, la
société d'indemnisation, a ouvert 178 dossiers relevant de
violence conjugale. Ça vous donne une petite idée.
M. Bélanger: Je vais reprendre ma question peut-être
en étant plus clair. La perception que j'en ai, c'est le fait que, comme
le taux de signalement est bas pour ce type de crime, c'est surtout dû au
fait que les personnes ont peur un peu de tout le processus qui est
déclenché suite à dévoiler au public, tout
simplement, le fait qu'elles ont été victimes d'un acte criminel
et d'un crime.
Maintenant, quand ces personnes-là vont savoir qu'en plus
à partir du moment où elles vont voir quelqu'un à l'IVAC,
qu'elles veulent être indemnisées automatiquement,
là, il n'y aura plus de retour en arrière, tout le processus est
enclenché, elles se retrouvent prises dans un système où
on va pouvoir lui dire: Écoute, si tu veux continuer à recevoir
des traitements, il faut que tu continues jusqu'au bout, vous ne pensez pas que
le taux de signalement pour ces actes criminels va peut-être être
encore plus... va baisser, va avoir tendance à baisser encore plus? Vous
ne pensez pas? (17 h 10)
Mme Lemieux (Diane): En tout cas, ce qui est sûr, c'est
que, si on laisse croire que le taux de signalement va augmenter, je pense que
c'est là qu'on se trompe. Lorsqu'une personne qui se retrouve dans des
groupes plus vulnérables ça peut être une personne
âgée, c'est la même chose songe à obtenir un
peu une réparation suite à un crime qu'elle a vécu,
lorsqu'elle va savoir qu'il y a une obligation d'adresser une plainte aux corps
policiers, par exemple, c'est évident que ça va avoir l'effet
inverse. Ça va, d'une part, la dissuader de le faire, probablement, et,
d'autre part, ça ne lui donne pas accès à un minimum de
réparation.
Et, moi, je reviens en disant: Je peux, moi, personnellement, souhaiter
qu'il y ait plus de victimes qui dénoncent. On peut, comme
système, comme société, souhaiter ça, et je le
souhaite, mais, pour moi, on ne règle pas cette question-là dans
un régime d'indemnisation. C'est des questions complexes qui
relèvent de la justice, qui relèvent des tribunaux, qui
relèvent des corps policiers. C'est des questions extrêmement
complexes, on le sait, il y a eu plusieurs interventions de la part du
gouvernement du Québec. Il a fallu plusieurs politiques
ministérielles en matière de violence conjugale, par exemple,
pour faire des pas et, encore là, ils ne sont pas toujours
significatifs. Ce n'est pas un régime d'indemnisation qui doit
résoudre cette question-là, ce sont deux questions, à la
limite, presque indépendantes.
M. Bélanger: Vous avez mentionné brièvement
tout à l'heure le fait que dans ce projet de loi il vous apparaissait
qu'il y avait un manque de transparence quant au processus d'appel et de
révision des décisions relativement à ce projet de loi.
Est-ce que vous pourriez peut-être expliciter un peu sur ce
point-là?
Mme Gaudreault (Arlène): En fait, actuellement, les
victimes ont droit à une audition. Avec la SAAQ, aussi, ils ont droit
à une audition. Dans le régime qu'on nous propose, on nous dit:
On veut moins formaliser, on veut assouplir, on veut déjudiciariser. On
nous dit: On veut déjudiciariser, mais on déjudiciarise un bout,
et on judiciarise pas mal à l'autre bout.
Et on nous dit, entre autres, que les réclamants vont pouvoir
s'adresser à l'organisme indemniseur par écrit pour faire valoir
leurs demandes. On parle de transparence parce qu'il n'y a pas de garantie dans
l'article. Je pense que c'est l'article je ne le sais plus par coeur, en
tout cas 131. Il n'y a pas de garantie, entre autres, que les personnes
qui vont travailler au niveau de la révision vont être
différentes de celles qui rendent une décision en première
instance.
L'autre chose aussi qui est très inquiétante, c'est qu'un
des besoins les plus importants pour les victimes, c'est d'être
entendues, rencontrées. Les victimes nous disent: On est tannées
de fonctionner avec de la paperasse, on veut avoir des contacts
personnalisés, on veut rencontrer les gens, c'est trop
bureaucratisé. Alors, ce projet de loi là ne nous rassure pas du
tout parce qu'il ne permet pas aux victimes d'être rencontrées;
et, ça, c'était une de nos recommandations. Vous allez le voir
dans le mémoire: que les victimes ou le réclamant, lorsqu'ils le
demandent, puissent être rencontrés et entendus au moment de la
révision et lorsqu'on procède à une décision
après un nouvel examen. Alors, ça, c'est quand même
très important, parce que n'oubliez pas qu'on est dans un régime
où le ministère de la Justice est organisme payeur,
réviseur, indemniseur. Il s'occupe de tout: il fixe les montants, il
détermine l'admissibilité, il finance les organismes. Alors, il
va falloir que quelque part... Et c'est pour ça, d'ailleurs...
Tantôt, on a évoqué l'idée de la commission. D'avoir
une structure supragouvernementale, je ne suis pas sûre que
c'était souhaitable et je pense que c'était coûteux; mais,
qu'on ait pu avoir une espèce de comité consultatif qui travaille
en collaboration avec le ministère, je pense que dans une structure
comme ça, où tout est concentré entre les mains du
même ministère, et à toutes les étapes et tout le
temps, je pense que c'aurait été une chose souhaitable autant
pour les victimes que pour les gens qui ont à collaborer. Et nos
craintes vont un peu dans ce sens-là.
Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le ministre.
M. Rémillard: Oui. Merci, M. le Président. M. le
Président, vous me permettrez tout d'abord de remercier, donc, Mme
Gaudreault, Mme Lemieux et Mme Boucher d'avoir accepté de venir discuter
avec nous. Nous avons beaucoup discuté de ce projet de loi depuis des
mois, des années avec vous, en particulier, point par point, article par
article, virgule par virgule. Donc, il n'y a rien de surprenant comme tel. Nous
avons fait beaucoup de consultation, et vous avez raison de dire que je
cherche, comme ici, je pense je peux parler au nom de tous les membres
de la commission à avoir le projet de loi qui serait le plus
susceptible de vraiment remplir son objectif, c'est-à-dire de voir
à ce que les victimes d'actes criminels soient aidées et
compensées, et aussi le soient en toute sécurité.
Je retiens, évidemment, beaucoup de vos commentaires et
j'aimerais avoir peut-être plus d'explications. C'est surtout quand vous
parlez d'un mécanisme pour exercer des recours. Je n'ai pas tellement
compris: un mécanisme pour exercer des recours. Vous parlez d'un
protecteur du citoyen. Mais, écoutez, il va y avoir... Vous savez
on n'en a pas beaucoup parlé il y a présentement 10 CAVAC
et on va en avoir 21 sur tout le territoire du Québec. Ça, c'est
quand même un élément intéressant et important, je
pense, qu'on pense à toutes les victimes d'actes criminels. Et il existe
le mécanisme judiciaire qui est là pour l'État en plus du
bureau d'aide, en plus de tous les organismes qui sont directement
impliqués dans le milieu. Il ne faut pas non plus mettre des structures
trop lourdes qui feraient en sorte qu'on ne pourrait plus avoir les services
auxquels on aurait droit parce que les structures sont trop lourdes, trop
compliquées.
Vous savez, un protecteur des droits de la victime d'actes criminels,
mettez ça en plus du mécanisme qui existe maintenant et on n'en
finira plus. Je ne pense pas qu'on aide le mécanisme comme tel. On en
avait déjà beaucoup discuté et on est arrivé
à la conclusion qu'il faudrait qu'on ait un mécanisme qui soit
assez rigide pour assurer le droit, mais aussi souple pour assurer
l'accessibilité. Et, ça aussi, c'est très, très,
important.
Il faut comprendre que l'État, le gouvernement est subrogé
dans les droits de la victime lorsqu'elle est compensée et que le
gouvernement, par le fait même, peut poursuivre le criminel parce qu'il a
causé des dommages, il a causé du tort. Alors, ça, c'est
un élément aussi qui est important à retenir.
Je retiens du témoignage de Mme Lemieux qu'il est
préférable de dénoncer les crimes. Et je pense que tout le
monde s'entend là-dessus: il est préférable de
dénoncer les crimes. Dans le rapport... Vous avez été
membre d'un comité sur la violence faite aux femmes au niveau du
gouvernement fédéral. J'ai bien des extraits et puis on a lu tous
les commentaires qui ont suivi. Vous avez dit... Je vois, dans un article du
Devoir du 8 juillet 1993: M. Rémillard est très
«vaseline», très hésitant quand il s'agit de passer
à des engagements concrets.
Mme Lemieux (Diane): C'est des citations de journalistes,
hein?
M. Rémillard: «Vaseline», ce n'est pas votre
expression à vous?
Mme Lemieux (Diane): On en reparlera.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Lemieux (Diane): C'est de bonne guerre.
M. Rémillard: Hein?
Mme Lemieux (Diane): C'est de bonne guerre.
M. Rémillard: Non, mais, écoutez, c'est simplement
parce que je veux arriver au paragraphe suivant. On parlait de la vaseline puis
ensuite on parlait, ici, on disait: Certes, la société
québécoise et son ministre de la Justice ne manquent pas de
sensibilité sur les principes, fait-on valoir. Sur la question de la
violence conjugale, par exemple, plus personne ne remet en cause qu'elle doive
faire l'objet de poursuites devant les tribunaux. Ce principe est acquis, note
Fleurette Boucher, du Regroupement provincial des maisons
d'hébergement.
Alors, j'ai l'impression qu'on s'entend tous, finalement, sur le
principe de dire que, pour qu'il y ait vraiment protection pour la victime
d'actes criminels, il faut qu'on puisse poursuivre en justice le criminel.
Ça, c'est le principe, on s'entend tous là-dessus. Et j'ai
l'impression qu'on s'entend aussi sur l'autre aspect disant: Bien,
écoutez, il y a peut-être des victimes, il y a même
sûrement des victimes qui ne peuvent pas collaborer pour
différentes raisons, différents motifs. À ce
moment-là, il faut quand même leur permettre de recevoir de
l'aide, puis de recevoir une indemnisation sans qu'ils soient obligés de
dénoncer et de collaborer. Et c'est exactement ce que nous avons dans le
projet de loi.
Est-ce que ce n'est pas comme ça que vous le voyez, Mme Lemieux?
(17 h 20)
Mme Lemieux (Diane): C'est une question... Je pense qu'on ne
s'entendra pas sur cette question-là, mais, ce n'est pas grave, on va
essayer de faire des bouts de chemin. Non, je le répète comme
vous, moi, je suis convaincue qu'il faut trouver des moyens pour qu'il y ait de
plus en plus de poursuites judiciaires; sauf que je ne peux pas imposer ce
choix-là à des personnes qui, individuellement, vivent ça.
Je ne peux pas imposer ça. Quand, dans notre réseau, on a devant
nous des femmes victimes de violence sexuelle, je peux bien penser, moi, qu'il
serait préférable qu'elles déposent une plainte, sauf que
je ne suis pas dans la situation, je ne suis pas dans «sa»
situation et je n'ai pas la série de contraintes qu'a cette
personne-là. Je ne pense pas qu'on puisse imposer ce choix-là,
premier élément.
Deuxième élément, je pense qu'effectivement il faut
que tous nos efforts convergent dans le sens où les victimes soient de
plus en plus à l'aise à s'adresser devant les tribunaux, mais je
ne pense pas qu'on doive lier ça à la réparation
lorsqu'elles ont été victimes d'un acte criminel. Moi, je pense
que c'est un mauvais «deal» passez-moi l'expression
qu'on propose aux victimes. On leur dit: On va réparer les
conséquences du crime que vous avez commis, à une condition, par
exemple. C'est là où, moi, je ne vous suis pas dans le
raisonnement, où je ne suis pas d'accord avec ce
raisonnement-là.
M. Rémillard: Vous avez été membre, donc, de
ce groupe de travail qui a produit le rapport sur la situation de la violence
par rapport aux femmes. Vous êtes très impliquée dans
toutes ces questions de violence, et vous avez donc une expertise, une
expérience particulière. Est-ce que vous pouvez me citer une loi
où on reconnaît un tel principe, que la victime, pour être
indemnisée, aidée, n'a pas besoin de collaborer?
Mme Lemieux (Diane): Là, je ne vous parlais pas de la
collaboration, je vous parlais de l'obligation de dénoncer.
M. Rémillard: Oui, l'obligation.
Mme Lemieux (Diane): Par rapport à quoi?
M. Rémillard: Bien, pour être indemnisée,
pour pouvoir avoir une indemnisation?
Mme Lemieux (Diane): Bon, vous avez cité des lois dans
d'autres pays.
M. Rémillard: Oui.
Mme Lemieux (Diane): Bon.
M. Rémillard: Pouvez-vous m'en donner...
Mme Lemieux (Diane): Moi, je pense...
M. Rémillard: ...une dont on pourrait se servir comme
modèle...
Mme Lemieux (Diane): Bien...
M. Rémillard: ...qu'on pourrait voir que ça se fait
ailleurs? Y a-t-il quelque chose?
Mme Lemieux (Diane): Bien, notre propre loi, M. le ministre.
Jusqu'à maintenant, la pensée qui a été
développée par rapport à l'indemnisation, ça a
été de dire: II y a le système criminel, bien sûr,
mais, l'indemnisation, c'est une assurance collective qu'on partage. Le niveau
de preuve demandé, par exemple, de la part des représentants, de
ceux qui administrent l'IVAC, n'est pas le même que le niveau de preuve
qui est demandé par un juge devant une cour criminelle, on le sait
très bien. L'esprit de l'indemnisation, ça a été de
dire: Ça peut aller ou pas devant la justice. Nous, on est là
pour réparer; on a un niveau de prépondérance de preuve,
on
n'a pas toutes les mêmes exigences que le système criminel.
Notre propre loi, jusqu'à maintenant, n'avait pas mis cette
obligation-là. Alors, bon, vous l'introduisez.
M. Rémillard: Elle était implicite et on nous a
demandé d'être plus explicite. Alors, c'est ce qu'on fait.
Mme Lemieux (Diane): Qui?
M. Rémillard: On établit le principe qui existait
toujours et qu'on expliquait...
Mme Lemieux (Diane): Qui vous a demandé d'être plus
explicite?
M. Rémillard: Bien, tous les groupes. Au Sommet de la
Justice, écoutez...
Mme Lemieux (Diane): On vous a dit...
M. Rémillard: ...il y a même des
résolutions...
Mme Lemieux (Diane): On vous a dit: Obligez les...
M. Rémillard: II y a même des
résolutions.
Mme Lemieux (Diane): M. le ministre, on vous a dit: Obligez les
victimes à dénoncer avant de les indemniser?
M. Rémillard: Que la situation...
Mme Lemieux (Diane): II y a quelqu'un qui vous a dit
ça?
M. Rémillard: Oui. On nous a dit de mettre la situation
très claire, et que la victime, très bien, qu'on mette le
principe, mais qu'on permette aussi à des victimes qui ne peuvent pas
collaborer qu'elles puissent recevoir aussi indemnité et qu'elles
puissent recevoir aussi aide. C'est exactement ce que nous faisons dans ce
projet de loi.
Mme Lemieux (Diane): Mais, M. le ministre...
M. Rémillard: Et c'est ce qui se fait partout. Mais
regardez dans le concret qu'est-ce qui se passe. Vous avez l'expérience
des situations très concrètes, vous vivez avec ces
situations-là, vous, très souvent. Alors, comment pourrions-nous
accepter qu'une victime puisse recevoir aide ou compensation sans que l'on
puisse agir pour sa sécurité, pour que le criminel soit
identifié et aussi puni ou aidé? Quand je pense à la
violence d'un conjoint, il faut aider ce conjoint-là à surmonter
cette violence. Il y a aussi des thérapies possibles, il y a des moyens
pour protéger les gens. Alors, comment peut-on en arriver à la
conclusion de dire: Bien non, on laisse faire, s'ils ne veulent pas, parce
qu'ils ont trop peur...
Mme Lemieux (Diane): Vous savez...
M. Rémillard: ...finalement, que ça soit pire la
prochaine fois. On laisse faire ça. Moi, comme ministre de la Justice,
je vous avoue, madame, que j'ai beaucoup de difficultés à
accepter cette argumentation-là; je ne la trouve dans aucune autre
loi.
Mme Lemieux (Diane): M. le ministre, je savais qu'on ne
s'entendrait pas sur cette question-là...
M. Rémillard: Oui.
Mme Lemieux (Diane): ...mais je vous invite... Pour moi, c'est
très sérieux, cette question-là, et, quand vous me dites:
Comment on peut indemniser des gens sans s'assurer qu'ils reçoivent de
l'aide, etc., etc., je vais vous faire une réponse un peu avec une
boutade: Notre régime d'indemnisation, jusqu'à maintenant, n'a
jamais eu les moyens de faire autre chose que de l'indemnisation. Le travail de
1TVAC, c'est de faire de l'indemnisation; c'est ça, la mission. L'aide,
la protection, ça appartient à d'autres secteurs.
Si, théoriquement, ce que vous me dites là fonctionnait,
j'aurais probablement une autre position, mais, le travail, l'objectif de ce
projet de loi, c'est de dire aux gens: Écoutez, vous avez
été victimes de crimes, ce n'est pas de votre faute, on va
collectivement partager le coût de ça. C'est tout, c'est tout ce
que veut dire cette loi-là. Le travail de protection, c'est la police;
le travail d'aide, c'est la concertation dans les milieux, mais, ça,
c'est une autre affaire.
Là, vous dites aux victimes: On va vous indemniser, on va
reconnaître que vous avez été victime d'un crime, mais
à une condition, par exemple, il faut que vous dénonciez. C'est
ça que je trouve malhonnête.
M. Rémillard: Oui. Que vous trouvez comment, vous
dites?
Mme Lemieux (Diane): Malhonnête. M. Rémillard:
Malhonnête?
Mme Lemieux (Diane): Je trouve que ce n'est pas... Je ne dis pas
que vous êtes malhonnête, je dis que ce n'est pas un
«deal» qui est honnête envers les victimes.
M. Rémillard: Hum, hum.
Mme Lemieux (Diane): Ce n'est pas honnête parce que... pour
toutes sortes de raisons. Notre système marche de mieux en mieux mais,
vous le savez, vous êtes ministre, il y a des failles; c'est un filet. On
a encore beaucoup d'efforts à faire pour protéger
véritablement les victimes. On ne peut pas donner ces
garanties-là. Si le système était parfait, je n'aurais pas
de problème avec ça.
Mme Gaudreault (Arlène): Et ce n'est pas les victimes
innocentes qui sont problématiques avec ÎTVAC, on a l'impression
qu'il y a un agenda caché derrière ça et que ce qu'on veut
prendre, c'est les. gens qui, par leur faute lourde, ont contribué au
préjudice ou les gens qui sont impliqués dans des
activités illégales à qui... Il y a quand même un
certains nombre de mesures pour contrer ces gens-là. Bon, les
enquêtes sont là pour ça. Est-ce que c'est ça,
est-ce que c'est pour ça qu'on oblige tout le monde à
dénoncer, pour aller prendre dans le filet ces gens-là pour
sauver des coûts au niveau des enquêtes? Ça peut ressembler
à ça aussi.
M. Rémillard: Pas du tout. Du tout. Du tout, Mme
Gaudreault. Du tout. Moi, au contraire, ce que disait tout à l'heure...
Je pense que ce que vous disiez aussi, je crois, tout à l'heure
quand on essaie de distinguer le rôle en fonction de cette loi, le
rôle des intervenants qui vont recevoir la victime et qui vont accepter
de l'indemniser et de l'aider, lui permettre d'avoir des soins psychologiques
ou psychiatriques, c'est de l'aide, ça aussi, pour l'aider à
surmonter une situation: peut-être pas blessée directement
physiquement mais moralement, psychologiquement.
Alors, si vous séparez cet aspect-là du travail policier
pour assurer la sécurité, c'est là que vous
établissez deux systèmes parallèles qui ne se rencontrent
pas et c'est là qu'on se retrouve dans des aberrations extrêmement
malheureuses qui coûtent la vie à des femmes parce qu'elles ne
sont pas adéquatement protégées par le système. Et,
quand on établi deux systèmes parallèles, ce n'est pas
comme ça qu'on va trouver un système adéquat de
protection. Et, si nous voulons qu'il y ait collaboration, ce n'est nullement,
mais nullement en fonction de la fraude qu'il peut y avoir. C'est vrai qu'il
peut y avoir fraude, mais elle est marginale. Et on n'établit pas un
principe comme ça pour la marginalité, on l'établit parce
qu'on veut assurer le bien public. Et je ne vois pas et c'est la
conclusion à laquelle sont arrivés tous les autres pays, toutes
les autres provinces comment on peut protéger adéquatement
les victimes d'actes criminels pour que leur agresseur ne récidive pas
s'il n'y a pas possibilité d'une collaboration. Et, je le
répète, il se peut qu'il y ait des victimes qui ne peuvent pas
collaborer, pour différentes raisons, et la présente loi, la loi
prévoit qu'à ce moment-là on l'apprécie, et on le
dit très bien: On comprend, vous ne pouvez pas collaborer, et la loi
s'applique quand même pour vous. Il me semble que c'est tout à
fait logique.
Mme Gaudreault (Arlène): On n'est pas rassurées
avec des motifs sérieux, en tout cas.
M. Rémillard: Mais, Mme Boucher, je vous ai citée
tout à l'heure dans le journal.
Mme Boucher (Fleurette): Oui.
M. Rémillard: Je vous ai citée. Est-ce que vous
avez été bien citée? (17 h 30)
Mme Boucher (Fleurette): Oui, oui, tout à fait. Oui, oui.
Effectivement, je pense qu'aujourd'hui, c'est clair, tout le monde s'entend: la
violence conjugale, on doit la dénoncer. Par ailleurs, je ne pense pas
que, comme Mme Lemieux le soulignait, le fait c'est ça de
mêler cette notion de dénonciation à la notion
d'indemnisation, la philosophie de la loi... Et je vais répéter
ce que Diane Lemieux a dit précédemment: On ne doit pas
mêler les deux concepts. Je pense que la dénonciation, la
prévention de la criminalité doit relever de la
Sécurité publique et l'indemnisation doit relever de la Loi sur
l'indemnisation des victimes d'actes criminels.
Vous parlez, M. le ministre, de motifs sérieux qui pourraient
être invoqués. Est-ce que je dois comprendre que chaque cas va
devenir un cas d'espèce et que les femmes victimes de violence conjugale
c'est ça on va évaluer pièce par
pièce à savoir s'il y a un danger, à la limite, qui
pourrait se rendre jusqu'au meurtre pour indemniser une femme de violence
conjugale si elle ne veut pas dénoncer? Est-ce que c'est ça que
je dois comprendre?
M. Rémillard: Même présentement, l'IVAC
étudie cas par cas.
Mme Boucher (Fleurette): Oui.
M. Rémillard: II n'y a pas d'automatisme.
Mme Boucher (Fleurette): Ça va, oui.
M. Rémillard: Et je pense que c'est un droit d'une victime
de ne pas être dans une machine, mais d'être étudiée
cas par cas. Quand on est victime d'un acte criminel, il faut, je crois, qu'on
soit capable d'être reçu et puis qu'on étudie notre cas
dans tout ce que ça signifie. Alors, que ce soit cas par cas, moi, je
crois que c'est la bonne façon de procéder.
Mme Boucher (Fleurette): Oui.
M. Rémillard: Parce que, quand on est victime d'acte
criminel, c'est la moindre des choses qu'on puisse avoir, qu'on ne soit pas
l'objet d'un anonymat qui fait qu'on rentre dans une machine administrative qui
soit lourde et non accessible. Alors, c'est sûr que, pour moi, c'est du
cas-par-cas, comme ça l'est présentement et comme ça va se
développer, pour qu'on ait une justice la plus humaine possible.
Mme Boucher (Fleurette): Sauf que ce qui est en vigueur
présentement aussi, M. le ministre, c'est que les victimes n'ont pas
l'obligation de dénoncer, et c'est ça. Je recite le chiffre que
précédemment je mentionnais.
On a ouvert, en 1992, 178 dossiers en violence conjugale. Ce n'est pas
ça qui draine...
M. Rémillard: Non.
Mme Boucher (Fleurette): ...la majorité des dossiers au
niveau de l'IVAC. Ça représente à peu près...
même pas 10 % de tout le «caseload» des dossiers en
indemnisation.
M. Rémillard: Mme Boucher, vous avez raison. 178 dossiers,
ce n'est pas beaucoup, mais six femmes qui se font tuer...
Mme Boucher (Fleurette): C'est déjà trop. Oui,
effectivement, je suis d'accord.
M. Rémillard: C'est ça.
Mme Boucher (Fleurette): Mais en quoi le fait d'obliger une femme
victime de violence qui réclame à l'IVAC de dénoncer son
conjoint, ça va la protéger entièrement? Me Perreault,
précédemment, M. Rémillard, vous a souligné le fait
que oui, dans plusieurs dossiers, même si les femmes ont
dénoncé, malheureusement, on ne peut pas assurer une protection
à toute épreuve et blindée.
M. Rémillard: Vous avez raison, Mme Boucher.
Mme Boucher (Fleurette): Le système, en soi, n'est pas
infaillible.
M. Rémillard: On ne peut pas assurer à 100 %. Mais
moi, comme ministre de la Justice, là, en mon âme et conscience,
si je dois administrer une loi et que cette loi permet qu'on indemnise, qu'on
aide une femme qui est victime de violence conjugale et qu'on le fait en
disant: Bon, c'est très bien, elle a trop peur pour dénoncer son
conjoint ou elle ne veut pas briser son ménage parce qu'il y a les deux
enfants et que le père est le gagne-pain pour la famille, peu importent
les raisons, elle ne dénonce pas et puis, nous, on l'indemnise, on
l'aide et elle retourne dans son milieu, parce qu'on ne peut rien faire, moi,
je vais vous dire, en mon âme et conscience, je ne peux pas accepter une
telle situation. Imaginez-vous, cette femme-là retourne et elle se fait
tuer.
Mme Gaudreault (Arlène): Mais, monsieur...
M. Rémillard: Mais comment on réagit, tout le
monde, face à ça?
Mme Gaudreault (Arlène): Mais, si elle ne peut avoir aucun
service de l'Indemnisation, ça veut dire qu'elle n'aura même pas
de service de réadaptation. Or, au niveau de la réadaptation,
justement, on peut travailler avec elle pour lui faire voir des choses, pour la
supporter, pour la faire cheminer. Tandis que si tout le processus est
fermé...
M. Rémillard: Non, Mme Gaudreault, tout n'est pas
fermé. Je vous dis, aux articles 11.4° et 5°, c'est là
qu'on apprécie les cas particuliers. Mme Boucher nous disait 178 cas. Ce
sont des statistiques que j'avais moi aussi, alors qu'on les étudie cas
par cas, mais est-ce qu'on peut... Puis je fais appel simplement à la
recherche que nous avons tous d'avoir la meilleure loi possible. Est-ce qu'on
peut établir comme principe que les gens vont venir chercher de
l'indemnité, chercher de l'aide et n'ont pas besoin de collaborer, alors
qu'on l'établit comme principe, et on voit les cas d'exception? Il me
semble que c'est tellement plus une garantie pour la sécurité de
la victime de violence.
Mme Lemieux (Diane): M. le ministre, moi, je pense que la
question de l'indemnisation, lorsqu'on vit une situation de violence, est une
question qui arrive très tard dans le processus. Il ne faut pas
s'imaginer que des femmes victimes de violence, deux jours après, c'est
à l'IVAC qu'elles vont appeler. Ça arrive tard dans le processus.
Alors, les questions de protection et de sécurité se posent avant
la question d'indemnisation.
Et, quand vous dites: Dans mon âme et conscience, est-ce que je
peux avoir une loi qui n'impose pas cette obligation? moi, je dirais, je pense,
que la question, dans notre âme et conscience à toutes et à
tous, c'est de se demander si une loi qui vise l'indemnisation des victimes
d'actes criminels ne doit pas être accessible au plus grand nombre de
victimes d'actes criminels. Pour moi, se pose, en ayant cette
obligation-là, le fait qu'on est en train d'exclure des groupes qui sont
déjà exclus dans notre société. On a donné
un exemple des femmes, des femmes handicapées, des personnes
âgées. Alors, pour moi, elle est là, la question. Parce que
la question d'indemnisation, vous liez la question de l'indemnisation à
la question de la sécurité. Moi, je pense que ce n'est pas
à ce moment-là que ça se pose, c'est bien avant et c'est
souvent ailleurs.
M. Rémillard: Tout d'abord, non, la loi n'exclura pas les
personnes âgées ou les enfants ou les femmes qui peuvent
être démunies ou toute autre personne, le malade mental ou quoi
que ce soit, les personnes démunies qui ont besoin de l'aide de
l'État d'une façon toute particulière, absolument pas,
bien au contraire. L'article 11 est là et vous savez qu'il permet
d'étudier cas par cas. C'est actuellement la façon qu'on
procède, et je crois qu'on doit toujours continuer à
procéder cas par cas. On ne peut pas se permettre de traiter les
victimes d'actes criminels en les mettant toutes dans une même salle,
dans une salle d'attente et en les faisant passer dans le moulin administratif.
Ce n'est pas comme ça que ça marche et personne n'accepterait
ça. Donc, c'est cas par cas.
Alors, d'aucune façon cette loi-là ne mettrait de
côté les personnes âgées, bien au contraire, ou
les
femmes qui ont besoin d'aide ou des enfants. D'aucune façon on ne
peut en arriver à cette conclusion. La conclusion de la loi, c'est qu'il
doit y avoir collaboration, c'est le principe. Il y a exception au principe
lorsqu'on en arrive à la conclusion qu'une personne, pour des raisons
sérieuses, pour des motifs sérieux, ne peut pas collaborer, et,
à ce moment-là, elle a tous les avantages que les autres victimes
qui collaborent peuvent avoir, tous les avantages.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Anjou.
M. Bélanger: Merci, M. le Président. Je vais vous
avouer que j'ai de la difficulté à suivre le ministre quand il
nous arrive à répétition avec son exemple de femmes qui
ont besoin de la protection des autorités policières, parce qu'il
est évident, pour quelqu'un qui travaille le moindrement auprès
des victimes d'actes criminels, que ce n'est pas l'IVAC qui enclenche le
processus de protection, c'est un appel direct à la police quand
ça s'impose. Alors, moi, j'ai vraiment beaucoup de difficulté
à concevoir maintenant qu'une des raisons fondamentales pourquoi
maintenant on demande la dénonciation, c'est la protection des victimes.
Ça, j'avoue que la pente à remonter avant de me convaincre est
très, très, très grande.
Maintenant, moi, la question que je voudrais poser aux organismes,
justement, qui travaillent auprès des victimes d'actes criminels, c'est
de savoir s'ils ont une évaluation ou... Présentement, il se
fait, comme l'a dit le ministre, un examen cas par cas des gens qui portent
plainte. À votre avis, d'après votre perception, cette
évaluation, comment je pourrais dire, ce tri de fausses victimes ou de
personnes qui auraient commis des fautes lourdes, est-ce que ce tri se fait
d'une façon efficace? Est-ce que l'enquête est efficace, le
processus administratif qui se fait présentement semble être
efficace? Est-ce qu'il y a un pourcentage qu'on pourrait mettre de personnes
qui sont de fausses victimes ou des personnes qui auraient contribué?
Est-ce que, d'après vous, on peut apprécier ce facteur-là
dans le système actuel pour, justement, que ça nécessite
une réforme comme on est en train d'en faire une?
Mme Lemieux (Diane): II y a des pour et des contre. Je pense
qu'il y a eu des apprentissages. Dans le fond, la loi sur l'indemnisation du
Québec est une loi très jeune, même, dans notre histoire.
On parle des années soixante-dix, mais c'est une loi très jeune.
Il y a eu une progression dans l'interprétation. C'est sûr que je
pourrais citer autant de dossiers qui ont été très
difficilement évalués à l'IVAC, comme je peux vous citer
aussi autant de succès.
Moi, la seule chose que je dirais là-dessus, c'est qu'on devrait
tirer des leçons de notre histoire. Je pense, un peu comme M. le
ministre l'a dit, qu'il ne s'agit pas d'essayer de tout prévoir les
situations l'une après l'autre, mais d'encadrer le caractère
discrétionnaire. Je ne pense pas qu'on doive mettre noir sur blanc tous
les tenants et aboutissants d'une décision, mais je pense qu'on a
avantage à encadrer le caractère discrétionnaire. C'est
pour ça que... La notion de motif sérieux, vous avez dit tout
à l'heure qu'on ne peut pas limiter ce concept-là. Moi, je vous
lance un SOS, je pense qu'il faut encadrer ce caractère
discrétionnaire là. On n'a qu'à regarder en matière
criminelle. Le caractère discrétionnaire dans les cas de viol,
dans les 20 dernières années, a amené un certain nombre de
décisions extrêmement difficiles qui ont un impact très
grand sur la confiance, notamment, des femmes envers le système
judiciaire. (17 h 40)
Alors, les modifications qu'on se propose de faire, je pense que plus
l'esprit va être clairement identifié dans la loi, plus on va
avoir des pratiques administratives qui vont être dans le sens que la loi
le voulait bien. Mais la discrétion ad lib passez-moi
l'expression n'a jamais été heureuse.
M. Rémillard: Donc, vous proposez qu'on encadre le pouvoir
discrétionnaire des articles 11.4° et 5°. Avez-vous quelque
chose de préparé, une suggestion à nous faire à ce
niveau-là?
Mme Lemieux (Diane): Non, M. le ministre, parce que pour moi, mon
idéal, c'est qu'on devrait enlever cette obligation-là. Alors,
c'est évident que, à ce moment-ci, c'est très difficile
pour moi de vous dire: Le motif sérieux, il devrait y avoir telle ou
telle balise, parce que je demeure actuellement encore convaincue que ce n'est
pas un bon choix.
Mme Gaudreault (Ariène): La proposition de nos groupes est
assez claire, c'est de retirer ces deux articles-là, c'est ça, la
position de nos groupes.
Mme Lemieux (Diane): Je ne dis pas que je suis exclue à
toute discussion, mais c'est sûr que, à ce moment-ci, pour moi,
avant de discuter avec quelles balises on va encadrer la question de motif
sérieux...
M. Rémillard: Moi, tout simplement, j'essaie de
comprendre. Je vais essayer de faire la loi la meilleure possible. Puis, quand
on fait des lois en matière de justice, on fait des lois qu'on n'impose
pas, on fait des lois qui sont acceptées par la très grande
majorité. Moi, mon rôle comme ministre de la Justice, j'essaie de
trouver des consensus. C'est simplement ça qui me guide, et j'essaie de
voir... Tout à coup, j'ai cru comprendre que vous me disiez: Bien, si on
encadrait le pouvoir discrétionnaire au niveau des articles 11.4° et
5° disant «motif sérieux», on pourrait voir ce que
ça donne. Si c'est ça que j'ai compris, je veux simplement que
vous puissiez me le confirmer pour qu'on regarde ce qu'on peut faire à
ce niveau-là. C'était simplement ça, ma question.
Le Président (M. Dauphin): Merci. Mme la
députée des Chutes-de-la-Chaudière.
Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, M. le Président.
Moi, j'aurais une petite question par rapport à l'article 145. Vous avez
effleuré tout à l'heure le sujet, surtout en regard des enfants,
de ce qui se passe avec les enfants. Par rapport aux femmes, aussi, victimes de
violence, on sait que ça arrive de temps à autre que les gens
retournent ensemble, et tout ça, puis font plusieurs essais avant de
prendre une décision. Alors, j'aimerais savoir ce que vous en pensez,
surtout compte tenu des chiffres que vous venez de nous donner et que, la
proportion, il semble qu'elle soit très mince, en fait, par rapport
à l'ensemble des dossiers. Alors, est-ce que vous pourriez nous en
parler un petit peu plus?
Le Président (M. Dauphin): Mme Boucher.
Mme Boucher (Fleurette): Merci. Je suis contente que la question
soit soulevée parce qu'on manquait de temps. Effectivement, l'article
145.1° nous pose problème, et, à cet effet-là
c'est ça que nos groupes déposent devant vous aujourd'hui
c'est qu'on aimerait que l'article 145.1° soit tout simplement
retiré, et je vous explique pourquoi.
L'article 145.1°, si on prend connaissance de l'article, ce qu'on
peut en déduire, c'est que le législateur veut, par le contenu de
cet article-là, instaurer un mécanisme qui vise à
contrôler les situations où l'auteur d'une infraction criminelle
pourrait bénéficier des indemnités versées à
sa victime, entre guillemets. Ça veut donc dire que ça s'adresse
à une catégorie de victimes, et, évidemment, compte tenu
que ça s'adresse à une catégorie de victimes... Parce que,
pour que l'auteur puisse profiter des indemnités de sa victime, il doit
la connaître. Évidemment, nous autres, on a identifié les
femmes victimes de violence comme étant potentiellement une des
catégories de victimes et les personnes âgées, aussi,
victimes de leurs proches. On se demande, à la lecture du contenu de
l'article 145.1°, comment le ministre va faire pour contrôler le fait
que l'agresseur profite des indemnités de la victime. Ça,
ça nous pose déjà problème.
Autre question, aussi, c'est: Quelles mesures le ministre peut-il
prendre, en vertu de l'article 145.1°, pour s'assurer que les prestations
de la victime ne profitent pas à l'auteur du préjudice?
Évidemment, il dit, dans le paragraphe 1°, que, notamment, on peut
suspendre ou étaler ou verser à un tiers, mais c'est un
«notamment». On se pose la question: Est-ce qu'il pourrait couper
définitivement les prestations même si la victime y a encore
droit? On ne le sait pas.
Autre question: À partir de quels critères le ministre va
juger que l'auteur d'une infraction profite des indemnités
versées à la victime? On ne sait pas sur quels critères il
va se baser.
Puis, enfin, on se demandait: Est-ce que le droit de subrogation
accordé au ministre en vertu de l'article 15 ne permet pas de faire en
sorte que l'auteur du préjudice profite de l'argent versé
à la victime?
Compte tenu qu'on avait beaucoup d'interroga- tions, compte tenu qu'on
n'a pas ces réponses-là, pour le moment, on souhaiterait que
l'article soit retiré du projet de loi. L'intention, ça va, on
est d'accord avec ça, mais c'est comment ça s'articule dans les
faits.
Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le
député d'Anjou.
M. Bélanger: M. le Président, tout à
l'heure, le ministre a fait part qu'il avait longuement consulté les
organismes ici présents lors de l'élaboration de ce projet de loi
et qu'il avait regardé avec vous, article par article, les dispositions
de ce projet de loi. Lors de cette étude, lors de ces consultations
approfondies, est-ce que vous avez fait part des commentaires dont vous nous
faites part aujourd'hui au ministre?
Mme Gaudreault (Arlène): Bien, je pense qu'il faut
distinguer des choses. Lorsqu'on est allés au Sommet de la Justice, le
projet, évidemment, n'était pas préparé. Ça
fait qu'on n'a pas été consultés. Après, le
ministère a travaillé sur le projet, et on n'a pas
été consultés sur le projet comme tel. Lorsqu'on a
été consultés, le projet était
rédigé, et c'était au printemps dernier. On a eu une
première consultation, première discussion, et le projet devait
être déposé. D'ailleurs, au mois de juin, on avait
écrit au ministre pour qu'il fasse juste le déposer et qu'on
puisse avoir le temps de le regarder. On a demandé une autre rencontre
avec le ministère. Elle a eu lieu au mois de septembre ou août.
C'est une rencontre d'information qui visait à répondre à
un certain nombre de nos questions et qui nous permettait, aussi, d'acheminer
certains de nos commentaires.
Il faut bien comprendre que des groupes comme les nôtres ont peu
de ressources. La plupart des gens qui travaillent dans nos organismes, c'est
du travail bénévole pour nous, préparer des
mémoires comme ceux-là et faire ce type de représentation
là. Alors, le temps de se familiariser avec la loi, de regarder les
réponses qu'on avait reçues, de voir comment, nous, on
interprétait et on comprenait la loi, alors, c'est... La consultation
est quand même, je pense, récente, mais, quand on a demandé
à être rencontrés, on l'a été, et on a obtenu
des bonnes réponses...
M. Bélanger: D'accord.
Mme Gaudreault (Arlène): ...au mois de septembre.
M. Bélanger: Mais, si je comprends bien, vous avez
été consultés une fois que ce projet de loi, tel qu'il est
présenté maintenant devant nous...
Mme Gaudreault (Arlène): Était
rédigé. M. Bélanger: ...était déjà
rédigé, déjà prêt... Mme Gaudreault
(Arlène): Absolument.
M. Bélanger: ...à être, finalement,
débattu en Chambre. C'est ça, si je comprends bien?
Mme Gaudreault (Arlène): Oui.
M. Bélanger: D'accord.
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, je pense que Mme
Gaudreault a été assez explicite. On a évidemment eu
l'occasion de se rencontrer à quelques reprises aussi pour discuter de
certains commentaires qu'on retrouverait, entre autres, dans des documents
comme celui présenté par l'Association plaidoyer-victimes, et qui
s'intitule «L'indemnisation des victimes d'actes criminels au
Québec, 20 ans après», par Suzanne Laflamme-Cusson, avec la
collaboration de France Chicoine et Josée Coiteux. Alors, ça,
c'est un des documents qui a servi, qu'on a discuté. On s'est
rencontrés pendant une journée complète et on a
discuté de ça. Alors, ce sont des éléments de
discussion qui ont eu lieu.
Maintenant, moi, j'apprécie qu'on puisse vous avoir aujourd'hui
parce que je comprends que vous n'avez pas toujours tous les moyens pour
pouvoir étudier tous les projets de loi et faire valoir tous les points,
et je peux vous dire que, les points que vous nous faites valoir, on les prend
très au sérieux et on essaie d'en discuter et de trouver les
meilleures solutions possible. Mais, quand je regarde ce document, par exemple,
que je viens de citer, je vois: «Nous recommandons que le
ministère de la Justice étudie la possibilité de mettre en
place des mécanismes à l'effet d'éviter qu'un agresseur
puisse s'enrichir des indemnités éventuellement versées
par l'IVAC à sa victime.»
Alors, c'est à partir de là, vous vous souvenez, qu'on en
a discuté ensemble...
Mme Gaudreault (Arlène): Oui.
M. Rémillard: ...et vous vous souvenez qu'on est
arrivé, à ce moment-là, à l'article 145.
Alors...
Mme Gaudreault (Arlène): Mais on ne vous dit pas
aujourd'hui qu'on n'est pas d'accord avec le principe, mais on vous dit qu'on
n'a pas trouvé la bonne réponse.
M. Rémillard: C'est ça, c'est de comprendre
l'application de la loi, et là je trouve ça intéressant
qu'on puisse en discuter comme tel, mais, le principe qu'on retrouve à
145 et son application, c'est exactement ce qu'on retrouve aussi dans ce
document, donc, que vous avez fait en préparation aussi pour le Sommet
de la Justice.
Mme Gaudreault (Arlène): Vous remarquerez, M. le ministre,
que, le 145.2°, on est très d'accord avec.
M. Rémillard: Oui.
Mme Gaudreault (Arlène): Parce que, pour les enfants
victimes d'abus, il est très clair, à notre sens, puis il
répond bien à ce problème-là. Alors, on n'a pas
d'objection par rapport à... C'est sûr qu'on a l'air
«critiqueux», mais, comme on a peu de temps, on y va sur les
affaires qui nous achalent, et, les affaires qui sont bonnes et avec lesquelles
on est d'accord, c'est sûr qu'on n'intervient pas là-dessus. Je
pense qu'il faut comprendre aussi l'esprit dans lequel on transmet nos
commentaires. (17 h 50)
M. Rémillard: Non, de toute façon, je peux vous
dire que vous n'avez pas l'air ridicules du tout. Bien au contraire, vous avez
l'air à nous aider, parce qu'on est tous à rechercher, comme je
le dis et je le répète, les meilleures solutions. Alors, à
partir de là, il y a des décisions qu'on doit prendre et on les
prend, c'est tout, mais en fonction des objectifs, je pense, qui sont les
mêmes, qui nous animent tous autour de cette table. On a tous les
mêmes objectifs.
Mme Gaudreault (Arlène): On espère que vous serez
très sensible à l'aspect de réadaptation parce que c'est
vraiment une chose à laquelle on tient. Le message qu'on veut donner
ici, aujourd'hui, c'est: L'argent, oui, c'est une chose pour aider les
victimes, mais, le support, c'est important, et, ça, il faut que la
prochaine loi aille vraiment dans ce sens-là.
Tantôt, je n'ai pas eu le temps de faire ma recommandation pour
les indemnités forfaitaires pour les enfants, pour le retard scolaire,
mais on va aussi loin que dire de ne pas donner d'indemnité forfaitaire
pour compenser le retard scolaire, mais d'axer tous les efforts sur la
réadaptation. C'est un choix qu'on fait, et sciemment. Alors, je pense
que ça vous dit tous quelle philosophie il y a derrière nos
groupes, derrière les gens qui, comme nous, travaillent auprès
des victimes. Je pense que, le projet de loi, il faut qu'il soit
renforcé par rapport à la réadaptation.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. M.
Rémillard: Avez-vous d'autres questions?
Le Président (M. Dauphin): Peut-être en terminant,
M. le député d'Anjou?
M. Bélanger: Non, quant à moi, je pense qu'on a
fait pas mal le tour de la question et de l'intervention des organismes.
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: Vous me permettrez de remercier Mme
Gaudreault, Mme Lemieux et Mme Boucher d'avoir accepté de venir discuter
avec nous. J'ai beaucoup apprécié cette discussion.
Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup,
mesdames, au nom de tous les membres de la commission, de vous être
prêtées à cet exercice démocratique.
Alors, il nous reste six minutes. Je présume qu'on va ajourner
jusqu'à 20 heures et non pas débuter l'étude pour cinq
minutes. Alors, nous suspendons ou ajournons?
Une voix: On suspend.
Le Président (M. Dauphin): On suspend jusqu'à 20
heures.
(Suspension de la séance à 17 h 52)
(Reprise à 20 h 13)
Le Président (M. Dauphin): Alors, la commission des
institutions reprend ses travaux. La première partie du mandat est
maintenant complétée, nous allons donc procéder à
l'étude détaillée du projet de loi 106, et j'appelle
l'article 1 du projet de loi 106. M. le ministre de la Justice.
Étude détaillée Droits et
responsabilités
M. Rémillard: L'article 1 se lit comme suit: «Est
une victime visée par les dispositions du présent titre la
personne qui, par suite d'une infraction criminelle qui est
perpétrée au Québec, subit, directement ou indirectement,
un préjudice corporel, psychique ou matériel.»
Alors, M. le Président, cet article énonce que le titre I,
concernant les droits et responsabilités des victimes, s'applique
à toute personne qui subit un préjudice corporel, psychique ou
matériel résultant directement ou indirectement de la
perpétration, au Québec, d'une infraction criminelle. Le titre I
vise donc la victime immédiate d'un crime et, le cas
échéant, ses proches et ses personnes à charge de
même que toute autre personne qui subit un préjudice
résultant indirectement de la perpétration d'une infraction
criminelle, tel un témoin. À cet égard, il maintient le
droit actuel.
Le Président (M. Dauphin): M. le député
d'Anjou.
M. Bélanger: Merci, M. le Président.
Première question que j'aimerais poser. Tout à l'heure, lorsque
nous avons entendu les différents groupes les deux groupes,
d'ailleurs, qui sont venus témoigner devant la commission le
ministre a fait part que c'était, je ne dis pas une nouvelle
façon de légiférer, mais, disons, une façon
récente de légiférer que de procéder comme on a
procédé dans le présent projet de loi. C'est-à-dire
que, plutôt que de mettre un préambule, on avait des genres
d'articles qui déclaraient des principes et qui étaient
précisés, par la suite, dans le contenu du projet de loi.
J'aimerais savoir si c'était peut-être possible que... L'expert
qui a assisté à la rédaction du projet de loi, j'aurais
peut-être quelques questions à lui poser quant à la
façon qu'on a procédé pour rédiger le
présent projet de loi.
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: Alors, M. le Président, ce que j'ai
dit, c'est que, dans nos lois, comme technique législative au
Québec, nous n'utilisons pas de préambule. Or, dans les articles
1 à 8 inclusivement, qui sont des articles qui reprennent la
présente loi, donc la loi que nous réformons, ce sont, à
certains égards, des principes qui pourraient se retrouver dans un
préambule ou dans une disposition interprétative ou
déclaratoire et qu'on retrouve expressément dans un article
spécifique.
Alors, dans ce cas-là, j'avais dit, M. le Président, que
nous pourrions demander à nos légistes de venir nous expliquer un
peu les techniques législatives, parce qu'on se souvient que le Barreau
nous a dit: Oui, mais ces droits sont applicables comment? Comment peut-on
garantir aux victimes qu'elles vont pouvoir exercer ces droits-là qui
sont énoncés? Parce qu'il ne semble pas y avoir de
mécanismes exécutoires de droit. Alors, c'est dans ce
contexte-là que j'avais suggéré, M. le Président,
que nous pourrions faire témoigner nos légistes pour
répondre à nos questions. Donc, les légistes sont Mmes
Francine Gauvin et Francine Lagrenade, qui, avec votre permission, M. le
Président, pourraient répondre à nos questions sur les
techniques de législation.
Le Président (M. Dauphin): Alors, bienvenue. Vous
êtes Me Gauvin, c'est ça? Alors, Francine Gauvin.
Mme Gauvin (Francine): Alors, peut-être avant de
répondre à une question plus spécifique que vous pourriez
avoir en termes de rédaction législative, je pourrais faire une
présentation très brève du titre I et du titre II, de
façon à bien distinguer ce qui est prévu dans chacun de
ces deux titres en particulier du projet de loi.
Alors, le titre I, qui porte sur les droits et responsabilités,
reprend, comme l'a mentionné précédemment le ministre, la
Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels qui est en vigueur actuellement.
Cette loi sur l'aide avait été adoptée suite à une
déclaration des Nations unies sur les droits des victimes de la
criminalité. Donc, par ses termes eux-mêmes, ce titre-là
énonce des principes généraux applicables à toutes
les victimes d'actes criminels. Donc, c'est la raison pour laquelle la
définition qui a été retenue à l'article 1 ne
restreint pas l'application de ce titre-là en prévoyant qu'on
considère comme une victime, aux fins du titre I, toute personne qui
aurait subi un préjudice qui résulterait soit directement, soit
indirectement de toute infraction criminelle. Donc, on ne réfère
pas à l'annexe du projet de loi,
contrairement à ce qu'on fait au titre II, portant sur
l'indemnisation, et, par ailleurs, on précise que les droits et
responsabilités sont reconnus aux victimes d'un préjudice tant
corporel, psychique que matériel.
Donc, à la lecture même de l'article 1, on peut voir que le
champ d'application de ce titre-là est très large, de
façon à pouvoir permettre à toute personne qui subirait un
préjudice corporel, matériel ou psychique de
bénéficier des droits qui y sont énoncés. Par
ailleurs, si on examine les dispositions du titre I, on peut voir qu'on
accorde, qu'on prévoit certains droits à des victimes. Les
recours n'y sont pas prévus de façon explicite, sauf qu'il faut
bien voir que, parmi l'ensemble de> la législation
québécoise, il existe des lois qui traitent de façon
spécifique des sujets qui y sont énumérés. Alors,
pour connaître les différents recours d'une victime visée
au titre I, dépendamment du contexte particulier de chacune des
situations, il faut référer aux lois particulières. (20 h
20)
Par ailleurs, le titre II, qui prévoit l'indemnisation des
victimes d'actes criminels, lui, par sa disposition introductive, l'article 9,
vient limiter les victimes susceptibles de bénéficier d'une
indemnisation. Alors, on peut bien voir à l'article 9 que la victime qui
sera visée par le titre II ne sera pas la même victime que celle
qui est prévue au titre I. Alors, à l'article 9 on dit:
«Ont droit aux indemnités [...] la victime qui subit un
préjudice corporel ou psychique». Donc, on vient exclure la
victime d'un préjudice matériel, et on énumère, par
ailleurs, des dispositions particulières, comme, bon, la victime d'un
préjudice corporel ou psychique ne sera pas admise à une
indemnisation, à moins qu'elle soit victime d'une infraction criminelle
qui aurait été visée à l'annexe I. Donc, on vient
restreindre encore davantage, si vous me permettez, l'application du titre II
à ces victimes spécifiques d'infractions prévues à
l'annexe.
Bon, on a d'autres dispositions qui prévoient, à l'exemple
de la loi sur l'indemnisation actuelle, une indemnisation aux personnes qui
subissent des préjudices soit physiques, soit matériels en
prêtant assistance à un agent de la paix ou en prêtant
assistance à un policier agissant dans ses fonctions. Puis on
énumère aussi des personnes qui auraient droit à
différents types d'indemnité, comme les proches de la victime ou,
en cas de décès, son conjoint, les personnes à charge et
les personnes qui auraient acquitté des frais funéraires.
Alors, ce titre II reprend, pour une part, la loi actuelle sur
l'indemnisation, et, en bonne partie, prévoit un régime qui est
harmonisé avec celui de la Loi sur l'assurance automobile, en ce qui
concerne les indemnités payables et les modalités de versement,
les modalités de calcul.
Alors, en gros, c'est la présentation des distinctions à
faire entre le titre I et le titre II du projet.
Le Président (M. Dauphin): Merci, Mme Gauvin. M. le
député d'Anjou.
M. Bélanger: Quand vous dites, maître, que, au
premier article, ça ne limite en rien, ça limite quand même
un petit peu. Quand on parle d'une infraction criminelle qui est
perpétrée au Québec, ça exclut, donc, les
infractions criminelles qui seraient perpétrées hors
Québec en partant, non?
Mme Gauvin (Francine): Oui, exactement, oui. M.
Bélanger: Bon. Ça...
Mme Gauvin (Francine): En ce qui concerne la
territorialité, oui.
M. Bélanger: Ça exclut, non? Mme Gauvin
(Francine): Oui.
M. Bélanger: Au moins à ce niveau-là.
Maintenant, quant au paragraphe 2, quand vous parlez que... Là, je ne
sais pas si je vous suis bien. Vous dites que, pour bien comprendre la
portée de l'article 2, il faut aller voir dans la loi
particulière à laquelle ça pourrait faire
référence, que ce n'est pas dans la suite du projet de loi qu'on
va trouver la réponse, les précisions. Je pense que c'est ce que
vous avez dit.
Mme Gauvin (Francine): Pas nécessairement en ce qui
concerne l'article 2, mais en ce qui concerne les dispositions du titre I, de
façon générale.
M. Bélanger: Oui, mais je regarde l'article 2, qui dit:
«...traiter avec courtoisie, équité,
compréhension». Est-ce que ce sont des notions qui sont reprises
à d'autres endroits dans le présent projet de loi?
Mme Gauvin (Francine): Pas dans le présent projet de loi,
mais, par ailleurs, on peut retrouver des dispositions dans d'autres lois
où on retrouve ces notions-là, par exemple dans la Charte
québécoise des droits et libertés, par exemple dans le
nouveau Code civil du Québec où on retrouve une disposition qui
prévoit le droit d'une personne à la protection de sa vie
privée, à la protection de sa dignité. Alors, c'est dans
ce sens-là que je disais que des recours peuvent être
prévus dans d'autres lois, mais que le but du titre I, c'était un
énoncé de principes généraux...
M. Bélanger: Donc, ça ne crée pas de
nouveaux...
Mme Gauvin (Francine): ...à l'égard de l'ensemble
des victimes. Ça ne crée pas...
M. Bélanger: Ça ne crée aucun nouveau
droit.
Mme Gauvin (Francine): ...des recours particuliers. mi
bélanger: et ça ne crée aucun nouveau droit.
Mme Gauvin (Francine): C'est un énoncé de principe
de droits généraux.
M. Rémillard: C'est déclaratoire.
Mme Gauvin (Francine): C'est déclaratoire.
M. Rémillard: C'est ce qu'on appelle une disposition
déclaratoire.
M. Bélanger: D'accord. Un peu comme auparavant, quand on
avait «attendu que», on avait ça...
M. Rémillard: Un petit peu comme ça.
M. Bélanger: .. .un petit peu dans le même effet,
quoi.
M. Rémillard: Quoique plus spécifique. Si vous me
permettez, un attendu n'est qu'une référence pour
l'interprétation du reste de la loi...
M. Bélanger: Oui.
M. Rémillard: ...et on s'y réfère dans la
mesure où on n'a pas, dans le corps de la loi même, les
éléments pour l'interpréter, alors qu'ici il s'agit de la
loi même. Alors, la règle d'interprétation est directe.
Elle n'est pas indirecte comme dans le cas d'un préambule, ce qui veut
dire que le pouvoir déclaratoire est source directe
d'interprétation pour les autres articles de la loi. Alors, c'est
beaucoup plus fort. Ça ne se compare pas à un préambule au
point de vue force juridique comme tel. C'est pour ça qu'on utilise ces
genres de rédaction là, maintenant, au Québec.
M. Bélanger: Je vois que dans le titre II on va parler
d'une façon plus spécifique des indemnités. C'est bien ce
que je comprends. Donc, O.K. Bon, d'accord, ça va. On peut...
Le Président (M. Dauphin): On peut adopter l'article
1?
M. Bélanger: Non. Maintenant, je vais passer directement
aux questions sur l'article 1. Je voulais savoir, dans l'article 1, pourquoi on
n'a pas prévu des droits pour le Québécois qui se
retrouverait à l'extérieur du Québec et puis à qui,
justement, il arriverait un acte criminel, il subirait un acte criminel.
Pourquoi ne l'a-t-on pas prévu? Comme en Floride, par exemple. En
Floride, on a de nombreux Québécois qui y vont plusieurs mois par
année.
M. Rémillard: J'ai eu l'occasion, M. le Président,
justement sur ce sujet-là, de voir, par hasard, l'émission de M.
Mongrain j'aime bien regarder les émissions de M. Mongrain
et il y avait ce sujet-là, justement. Il interviewait une dame dont la
jeune fille avait eu un problème, elle a été violée
en Colombie-Britannique. Diane Lemieux, justement, que nous avons entendue cet
après-midi, ici, en commission parlementaire, était
interviewée après par M. Mongrain, et on connaît tout le
brio des entrevues de M. Mongrain pour faire ressortir toute la dimension
humaine. De fait, je regardais ça, et je me suis dit, bon, quelqu'un,
c'est ta fille, elle s'en va à un moment donné à Vancouver
elle aurait pu aller n'importe où et, tout à coup,
elle est victime. Et, là, qu'est-ce qui se passe? Elle revient ici, elle
veut avoir des traitements, et la loi ne s'applique pas. Alors, j'ai
discuté de ça avec mes gens pour dire: Écoutez, qu'est-ce
qu'on fait avec ça?
Tantôt, vous me parliez de la Floride. C'est un petit peu
d'actualité que de parler de la Floride et des actes de violence en
Floride, malheureusement. On a tous des parents ou des amis qui y vont ou
nous-mêmes et on a tous des craintes maintenant. Mais la décision
qui est à prendre est de savoir: Est-ce que le gouvernement du
Québec, l'État du Québec peut être responsable pour
un crime qui a été commis à l'extérieur de ses
frontières, donc qui n'est pas sous sa responsabilité, alors que
la personne qui est victime du crime est l'un de ses citoyens?
Alors, il faut revenir au principe de la loi, M. le Président,
et, la loi, elle est faite pour indemniser une victime d'acte criminel, partant
du principe que la victime n'a pas à supporter les conséquences
d'un crime qui a eu lieu à son détriment, avec des
conséquences pour elle, parce que l'État doit assurer une
situation de sécurité pour tous les citoyens. Or, ce n'est pas la
responsabilité du gouvernement québécois d'assurer la
sécurité de ses citoyens québécois lorsqu'ils sont
en Floride ou lorsqu'ils sont à Vancouver. Par conséquent, le
raisonnement logique nous amène à conclure que le gouvernement
n'a pas de responsabilité face à un événement comme
tel, donc un crime, qui a pu se passer à l'extérieur de ses
frontières. Toutes les lois que nous avons consultées se
réfèrent à ce principe, à l'extérieur. Vous
êtes en Angleterre, vous êtes citoyen anglais, vous vous en allez
en France, vous êtes agressé, vous retournez en Angleterre, vous
n'aurez pas de compensation. Ce que vous allez avoir, en Angleterre, c'est que
vous allez avoir comme ici, vous pouvez aller à l'hôpital et
ça ne vous coûtera rien parce que vous avez votre indemnisation,
vous avez votre programme de santé. Ça, il n'y a pas de
problème à ce niveau-là, mais l'indemnité qu'on
donne parce que vous êtes victime d'un acte criminel, à ce
moment-là, vous ne l'avez pas. Alors, c'est ça, le
raisonnement.
Le Président (M. Dauphin): M. le député.
M. Bélanger: Je serais prêt peut-être à
suivre timidement ce raisonnement s'il n'existait pas, dans nos lois actuelles,
un principe contraire. Je regarde dans la Loi sur l'assurance automobile, le
Québec indemnise un Québécois qui a un accident aux
États-Unis. On est responsable. Pourtant, on n'est pas responsable de la
sécurité routière à Boston ou à New York et,
pourtant,
ce citoyen québécois, peu importe où il va se
trouver aux États-Unis, il va se retrouver indemnisé. Il a le
choix entre le recours j'ai eu un procès exactement
là-dessus à intenter sur place selon le droit qui existe
aux États-Unis ou, sinon, venir se retrouver, finalement, à
réclamer ici devant la Régie de l'assurance automobile. Alors,
moi, je me demandais, à partir du moment que, pour une loi, l'assurance
automobile, on accepte ce principe-là, pourquoi on ne pourrait pas le
prendre.
M. Rémillard: Ce n'est pas la même chose, ce n'est
pas la même chose du tout, du tout, parce que l'accident d'automobile, si
vous conduisez votre voiture, ou bien c'est vous qui faites l'accident ou bien
vous subissez l'accident.
M. Bélanger: Vous êtes victime d'un accident. (20 h
30)
M. Rémillard: Pas d'un acte criminel. Il n'y a pas de
crime. Donc, ce n'est pas la volonté de quelqu'un qui, d'une
façon malicieuse, vous cause un crime. Un accident... Autrement dit,
où je veux en arriver avec ça, je veux en venir que, dans un
accident automobile, la responsabilité de l'État n'est pas en
cause. Alors que, dans un crime, la responsabilité de l'État est
en cause parce qu'il doit garantir la sécurité. Alors, la
responsabilité pour le citoyen québécois qui est en
Floride, c'est l'État de Floride qui en a la responsabilité,
parce qu'il doit garantir la sécurité de tous les citoyens qui
sont sur son territoire, soit résidents, soit parce qu'ils sont
visiteurs et acceptés comme tels. Mais, lorsqu'un accident d'automobile
arrive, l'État n'a aucune responsabilité. Vous faites un accident
ici; s'il y a une assurance-indemnité qui existe pas par la
responsabilité de l'État c'est tout simplement pour
assurer un service d'assurance capable de faire en sorte que tout le monde qui
a un accident et qui subit des conséquences personnelles puisse avoir
compensation. Alors, les deux situations sont complètement
différentes.
Le Président (M. Dauphin): M. le député de
Hull.
M. LeSage: M. le Président, juste pour corroborer les
dires du ministre, j'aimerais vous citer en exemple un incident qui est
arrivé justement en Floride: un type qui a été... on avait
tiré dessus. Il a été hospitalisé plusieurs
semaines. On a dû le ramener en avion, là, quelques mois
après; il n'avait pas d'argent pour payer l'hôpital. Et c'est
l'État de la Floride qui a reconnu sa responsabilité, finalement,
parce qu'il devait, selon lui, l'État de la Floride, assurer la
sécurité des gens, et on a payé ses frais
d'hospitalisation en Floride. Je suis convaincu que, si le même type, M.
le Président, avait eu, comme le ministre le mentionnait tantôt,
comme ça m'est arrivé à moi-même, un accident de
voiture, il n'y a personne à Fort Lauderdale qui serait venu me plaindre
et qui aurait dit: Bien, c'est de notre faute si l'autre monsieur n'a pas
fait... ou l'autre madame n'a pas fait son arrêt.
Le Président (M. Dauphin): M. le député
d'Anjou.
M. Bélanger: M. le Président, c'est
peut-être, je ne le sais pas, là, c'est peut-être moi qui
fait fausse route dans la perception de ce projet de loi là, mais
ça me frappe que, depuis qu'on a commencé l'étude de ce
projet de loi là, la notion de sécurité revient
constamment. C'est revenu dans le cas où on voulait assurer la
sécurité de la victime qui ne portait pas plainte, là, au
niveau des violences conjugales. Là, on revient encore à la
notion de sécurité, de responsabilité de l'État qui
justifie, justement, l'indemnisation. Pourtant, moi, il me semble, normalement,
la manière dont je percevais et dont je perçois encore cette
loi-là, c'est plutôt une garantie pour les concitoyens du
Québec, pour les résidents du Québec avant tout, pour
faire en sorte que ces résidents qui sont victimes... Qu'on soit aux
États-Unis ou qu'on soit au Québec, quand on est victime d'un
acte criminel, on est victime d'un acte criminel. On ne choisit pas
d'être victime d'un acte criminel. On est quand même, il faut le
concevoir, assez généreux envers les personnes qui n'habitent pas
au Québec et qui subissent un acte criminel sur notre territoire. Et,
finalement, ce qu'on dit... Et je peux comprendre que, dans le cas cité
par le député de Hull, ça a bien fini, finalement, parce
que je suppose qu'il y a une loi de l'État de la Floride qui
prévoit, justement, l'indemnisation dans ces cas-là; il doit y
avoir une loi. Je suppose aussi que, du côté du ministre, on a
fait des études, à savoir si, dans la majorité des
États américains, il existe des lois qui prévoient,
justement, que les ressortissants étrangers ont droit à des
indemnités. Ou y a-t-il des ententes de réciprocité? Je
pense que ça serait, en tout cas, la prudence élémentaire
de vérifier ça, mais, peut-être, de faire aussi une
évaluation du coût. Ça coûterait combien, finalement?
Je pense qu'on doit avoir des statistiques relativement aux
Québécois qui sont victimes d'actes criminels. Est-ce que
ça ne serait pas bon de les inclure? Je sais que le ministre est
très préoccupé par ce qui touche, justement, la classe
moyenne. On l'a vu dans sa démarche d'aide juridique, qu'il cherche
à englober toujours le plus de personnes possible, dans les limites de
payer de l'État, évidemment. Alors, moi, je me demande si,
finalement, ces statistiques de citoyens québécois
attaqués ou victimes d'actes criminels en dehors du territoire, si ce
montant ou ce nombre de personnes touchées n'est pas très grand
en pourcentage, pourquoi ne pas les inclure? Pourquoi... Je peux comprendre
qu'on ne peut pas... que les droits qui sont déclarés ici, dans
cette première section, ne peuvent pas tous s'appliquer, comme on ne
peut pas garantir à une victime qui subit un acte criminel en Floride
qu'elle va être traitée avec courtoisie. Je veux dire, on n'est
pas responsables du système policier, ça, je comprends ça.
Mais, quand même, je pense qu'on doit lui conférer certains droits
à partir du moment où cette victime-là revient au
Québec.
M. Rémillard: M. le Président, je crois que le
député d'Anjou a raison lorsqu'il dit qu'il voit le projet
de loi comme une garantie, une garantie pour les victimes; on est tous
d'accord. La question qu'on doit se poser, c'est: Pourquoi donne-t-on une telle
garantie aux victimes?
On la donne parce qu'il y a une responsabilité du gouvernement.
Et, la responsabilité du gouvernement, elle vient d'où? Elle
vient du fait que l'État doit assurer la sécurité de ses
commettants, de ses citoyens. Alors, quand le député d'Anjou nous
dit: On voit la question de sécurité un peu partout, il a raison.
C'est parce que, au point de vue approche philosophique... Dans tous les pays
et tous les Etats où il y a de telles lois, l'approche vient du fait que
l'État a une responsabilité quant à la
sécurité du citoyen. Si l'État n'avait pas cette
responsabilité-là, je ne vois pas comment on pourrait justifier
que les fonds de l'État puissent contribuer à indemniser des
personnes qui ont été sujettes à un crime, victimes d'un
crime.
Il faut faire attention et je me permets d'y insister, M. le
Président il faut faire attention dans les comparaisons avec les
accidents automobiles. L'accident automobile, on a, par exemple, l'assurance
automobile. Mais, l'assurance automobile, c'est chaque citoyen qui la paie. On
la paie tous. Lorsqu'on paie nos licences, puis qu'on paie nos permis de
conduire, puis nos plaques matricules, puis tout ça, on paie, par le
fait même, l'assurance que nous avons au point de vue automobile. Donc,
par conséquent, nous sommes blessés dans un accident
d'automobile, c'est payé.
Au point de vue criminel, on n'a pas de ces responsabilités parce
que c'est l'État. Je ne vois pas pourquoi le citoyen devrait prendre des
assurances on peut le prendre privément mais ce que je
veux dire, dans un plan conjoint avec l'État, prendre des assurances
pour se garantir contre des accidents criminels. Alors, c'est comme ça
qu'on en arrive à aboutir à un projet de loi comme
celui-là.
Le Président (M. Dauphin): M. le député.
M. Bélanger: Pourtant, M. le Président, quant
à l'argument qu'on ne paie pas pour ça, l'IVAC, je pense que tous
les Québécois paient de par l'impôt qu'on paie, de par les
taxés qu'on paie. C'est à même les fonds publics. Je pense
que tous les gens du Québec qui paient la moindre taxe paient pour ce
régime-là. Il faut prendre l'argent à quelque part.
M. Rémillard: Si vous me permettez. C'est tout simplement
que, quand vous payez avec vos taxes, vous payez d'une façon
générale pour l'ensemble des services que l'État peut vous
donner en matière d'éducation, partout. Alors que, quand vous
payez votre permis de conduire ou que vous payez pour votre plaque
d'immatriculation, le petit collant, c'est que, là, vous payez en
fonction d'un service particulier, et c'est celui concernant l'automobile.
Mme Caron: Et le piéton qui se fait blesser, M. le
ministre?
M. Rémillard: Oui, qu'est-ce qu'il y a?
Mme Caron: Bien, il ne paie pas une prime pour son assurance
automobile, puis il va être indemnisé quand même.
M. Rémillard: Mais il est victime. Mme Caron: C'est
ça.
M. Rémillard: II est victime tout simplement parce qu'une
automobile, qui... Lui, c'est l'automobiliste qui paie. C'est l'automobiliste
qui paie parce que c'est lui qui a payé par son permis de conduire ou sa
plaque matricule. Alors, il frappe un piéton; par son fait, quelqu'un a
donc été blessé. Cette personne est indemnisée par
la responsabilité de celui qui a fait... la cause de l'accident. Et
cette personne qui est la cause de l'accident, c'est elle qui a payé,
donc qui fait partie du plan d'assurance. C'est comme ça. C'est une
assurance spécifique. Et il y a des gens qui parlent vous le
savez comme moi il y a des gens qui parlent d'un plan
d'assurance-santé, d'un plan d'éducation, qui pourraient avoir la
même connotation. C'est-à-dire qu'on paierait
spécifiquement en fonction d'un permis ou d'une façon de faire
pour avoir droit à un service. Moi, personnellement, je suis contre
ça. Mais on sait qu'il y a cette approche-là qui existe. (20 h
40)
Alors, je ne veux pas être trop long, M. le Président, mais
je veux simplement dire que cette approche de la philosophie de la loi, elle
n'est pas originale. Tous les États, tous les pays qui ont une telle loi
ont la même approche jusqu'à présent.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. M. le
député de Chapleau.
M. Kehoe: M. le ministre, en vertu de ce même principe, si
je comprends bien, le résident de Floride qui est victime d'un acte
criminel ici, au Québec, en vertu du principe que le Québec est
responsable pour sa sécurité, est-ce que, lui, il est couvert par
cette loi-là? Et vice versa, le Québécois qui est victime
d'un acte criminel en Floride, est-ce qu'il est couvert par la loi de la
Floride?
M. Rémillard: Oui. Alors, le citoyen américain de
Floride qui est ici et qui est victime d'un acte criminel est sous la loi.
Donc, c'est couvert par la loi. Et le citoyen québécois qui a un
accident en Floride...
M. Kehoe: Pas un accident, là. Je parle... Victime d'un
acte criminel.
M. Rémillard: ...victime d'un acte criminel,
excusez-moi...
M. Kehoe: Oui.
M. Rémillard: ...victime d'un acte criminel en Floride est
aussi sous la loi de la Floride, et la Floride a une loi comme
celle-là.
M. Kehoe: En vertu du principe qu'on est responsable pour la
sécurité des personnes sur notre territoire.
M. Rémillard: Des citoyens, exactement, qui sont sur le
territoire.
M. Kehoe: D'accord.
M. Rémillard: Mais il y a des pays qui n'en ont pas. Si
vous vous en allez en Afghanistan, puis vous vous faites agresser...
Une voix: Au Ruanda, il n'y en a pas non plus.
M. Rémillard: ...au Ruanda non plus. Vous arrivez de
là, vous, M. le député de Hull.
Le Président (M. Dauphin): À vos risques et
périls.
M. Rémillard: C'est ça. Sans qu'il y ait
péril dans la demeure.
Le Président (M. Dauphin): M. le député
d'Anjou.
M. Bélanger: M. le Président, est-ce que le
ministre a fait une étude pour savoir quels étaient les
États américains, justement, qui offraient ce genre de
réciprocité là? Moi, l'information que j'ai, c'est qu'en
Floride il n'existe pas de loi qui indemnise les Québécois pour
des actes criminels sur leur territoire. Alors, mon information n'est
peut-être pas complète. Je ne dispose pas des moyens du
ministère.
M. Rémillard: On va faire faire l'étude plus
complète; je pourrai vous revenir.
M. Bélanger: Parce que, pour moi, je pense que c'est
important. Parce que, ce que je constate, finalement, de par les explications
que le ministre vient de nous donner relativement à ce projet de loi,
c'est qu'il assimile la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels
à un régime sans faute qui engage automatiquement la
responsabilité de l'État pour tout acte criminel qui est fait sur
son territoire, si je suis le raisonnement du ministre.
M. Rémillard: D'une certaine façon, oui.
M. Bélanger: S'il arrive un acte criminel,
automatiquement, comme nous sommes responsables de la sécurité de
tout individu sur notre territoire, nous sommes responsables. Alors, ce que je
constate, c'est qu'on a un régime sans faute qui indemnise les gens qui
sont des visiteurs chez nous, automatiquement. On se sent responsable de ce qui
leur arrive, peu importent les circonstances de l'acte criminel. Peu importe
qui a pu faire, aussi, cet acte criminel là. Ce n'est pas
nécessairement un Québécois qui a fait l'acte criminel non
plus. Ça peut être quelqu'un qui est au Québec, mais qui
n'est pas québécois non plus. Donc, ce n'est pas
nécessairement un citoyen du Québec qui est l'auteur de l'acte
criminel. Mais on n'a aucune garantie que nos gens du Québec... Puis, en
tout cas, j'espère peut-être avoir des données qui me
disent qu'on a au moins évalué le risque que ça
représentait si on couvrait nos gens du Québec à
l'extérieur, puis là on me dit que nos gens du Québec,
quant à eux, bien, on doit se fier, finalement, au bon vouloir ou
à la magnanimité des États voisins ou des États
qu'on pourrait visiter. Je trouve ça un peu... Je dois avouer
honnêtement que je trouve ça un peu, un petit peu gros et
peut-être un petit peu généreux.
Moi, je n'ai aucune réticence à couvrir un résident
étranger qui est au Québec et qui subit un acte criminel, mais
j'aimerais bien avoir la garantie, par exemple, que les résidents du
Québec aussi vont avoir une certaine couverture, une certaine garantie.
Alors, soit s'assurer qu'il y a des ententes de réciprocité, ou
encore qu'on me dise qu'on a fait au moins une évaluation du nombre de
pays... Si on me dit que la majorité des pays industrialisés
couvrent les ressortissants étrangers qui sont victimes d'actes
criminels, chez eux, bien, là, je suis rassuré. Mais je ne sais
pas si cette évaluation-là a été faite et si on
peut nous la présenter.
(Consultation)
M. Rémillard: C'est la plupart, qu'on me dit. On me dit
que c'est la plupart, mais on pourra donner les critères de... On pourra
donner plus d'explications demain.
M. Bélanger: J'aimerais avoir... Quant à moi, je ne
suis pas du tout, du tout satisfait de la réponse. J'aimerais savoir, au
niveau des États.
M. Rémillard: Oui, oui. On pourra fournir une liste,
oui.
Une voix: Avec indemnité.
M. Bélanger: Oui. Savoir aussi quel genre
d'indemnité qui est...
Une voix: ...les indemnités.
M. Bélanger: Pas avec précision, là, mais
savoir
quel genre de couverture. Est-ce qu'au moins par principe... On n'ira
pas dans le détail des indemnités, mais savoir au moins si, par
principe, un ressortissant québécois qui va aux
États-Unis, est-ce que, dans la majorité des cas, il est couvert
par... Je pense... en tout cas, moi, j'étais certain qu'au
ministère on avait fait la vérification, au moins pour
évaluer le risque. Et puis peut-être aussi nous donner le
pourcentage de gens qui ont réclamé auprès de l'IVAC et
qui ne sont pas des ressortissants québécois.
Une voix: J'ai cette réponse.
M. Bélanger: Vous avez cette réponse?
M. Rémillard: Oui, je peux demander à Mme Viens, M.
le Président, avec votre permission.
Le Président (M. Dauphin): Mme Viens.
Mme Viens (Christine): pour les résidents hors du
québec, en 1992, sur les 3276 demandes qui ont été
présentées à la direction de l'indemnisation des victimes
d'actes criminels, 45 provenaient de personnes qui résidaient hors
québec, soit 1,37 % de la demande totale.
M. Bélanger: 1,37 %?
Mme Viens (Christine): De la demande totale, oui. Et on m'indique
que...
M. Bélanger: En argent, ça représente
combien, à peu près, ça?
Mme Viens (Christine): Je ne peux pas vous donner un montant
exact de l'argent parce que ça dépend des cas; il faudrait
ressortir chacun des cas pour voir, dans chacun des cas, ce que ça
représentait. On peut dire également que, pour un certain nombre
de ces personnes-là, il pourrait s'agir de crimes qui ont
été commis au Québec et que les personnes sont par la
suite déménagées; que le crime a été commis
avant, au Québec, puisqu'elles sont enregistrées... la
résidence est enregistrée au moment où elles font la
réclamation. Donc, il s'agit quand même d'une faible proportion de
la demande en ce qui concerne les résidents qui sont hors
Québec.
M. Rémillard: Est-ce que vous avez vos statistiques sur
des gens qui ont eu des agressions, les Québécois qui ont eu des
agressions à l'extérieur du Québec et qui ont voulu se
faire indemniser...
Mme Viens (Christine): Oui.
M. Rémillard: ...ici au Québec?
Mme Viens (Christine): Ce qu'on a, évidem- ment, en 1992,
il y a six demandes qui ont été rejetées, qui ont
été formulées pour des crimes qui auraient
été commis hors du Québec. Ça représentait
donc 0,70 % des rejets. Évidemment, il est très difficile de
savoir le nombre de personnes victimes à l'extérieur qui
n'auraient pas formulé de demande. Alors, ici, on parle d'une
donnée qui provient des demandes qui ont été
présentées et qui ont dû être rejetées,
puisque le crime était commis hors Québec. Donc, pour 1992, il
s'agissait de six demandes.
M. Bélanger: Par rapport à 35 pour l'autre, c'est
ça que vous m'avez dit?
Une voix: Quarante-cinq. M. Bélanger:
Quarante-cinq.
Mme Viens (Christine): C'est-à-dire... Si vous voulez
opposer les deux chiffres, en 1992, sur les demandes présentées,
45 provenaient de résidents hors Québec. Mais on m'indique que,
pour un bon nombre de celles-là, il peut s'agir de crimes qui auraient
été commis au Québec, mais qu'au moment où la
demande a été présentée les personnes
étaient des résidents hors Québec.
M. Bélanger: Pour les gens, les étrangers qui
viennent au Québec, les touristes, visiteurs, comment sont-ils
informés qu'il existe cette loi? Est-ce que ça fait partie de
l'information qu'on leur donne quand ils arrivent au pays? Comment peuvent-ils
savoir? Parce que on reviendra plus tard là-dessus dans le projet
de loi beaucoup de Québécois ne savent même pas que
cette loi existe. Alors, je me demandais: Pour les ressortissants
étrangers, est-ce qu'il y a une publicité spéciale qui est
faite?
Mme Viens (Christine): Je ne sais pas si, au niveau de...
M. Bélanger: Auprès de...
Mme Viens (Christine): ...ça dépend de
l'information que l'étranger peut rechercher ou s'il peut s'adresser
à des kiosques. Au niveau de cet aspect, du fait que, la loi, les gens
ne la connaissent pas, les gens en communication nous disent que les gens
retiennent peu le message lorsqu'ils ne sont pas concernés, et une des
difficultés de cette loi-là est que la majorité des gens
ne se sentent pas comme de potentielles victimes, donc il est difficile de
faire une publicité «at large», les gens ne retiendront le
message qu'une fois qu'ils sont victimes. Alors, ça, c'est une
difficulté en communication. Il faut donc trouver des façons de
rejoindre les gens à travers les intervenants. La Direction de
l'indemnisation a pris, à cet effet, des mesures afin de rejoindre et
d'informer les policiers de l'existence de la loi, on a produit un
vidéo, etc. Alors, ça, c'est une des difficultés.
M. Rémillard: Si vous permettez, M. le
Président.
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre. (20 h 50)
M. Rémillard: Pour faire suite aux propos de Mme Viens,
quand ça se passe, il faut voir en pratique comment ça se passe,
tout ça. Vous avez un résident américain qui est en visite
au Québec, il est victime d'un acte criminel, donc il communique avec la
police, habituellement. Alors, la police est impliquée et, comme Mme
Viens vient de le mentionner, les policiers sont au courant, c'est une des
choses dont ils sont au courant et ils informent les étrangers de la
possibilité qu'ils ont lorsqu'ils voient que ces personnes ont des
conséquences sérieuses du crime dont ils ont été
victimes. Alors, c'est comme ça que ça se fait en pratique, M. le
Président.
Le Président (M. Dauphin): M. le député
d'Anjou.
M. Bélanger: M. le Président, je suis un petit
peu... Bon, en tout cas, ce serait une explication logique, là, le fait
que les policiers pourraient mettre au courant ou informer les victimes
étrangères, finalement, de leurs droits, mais, à ce
moment-là, ce serait présumer qu'ils renseignent mieux les
étrangers que les résidents québécois, parce que ce
que j'ai retenu du témoignage de Mme Gaudreault, de l'Association
québécoise plaidoyer-victimes, c'est le fait que les policiers
québécois avaient, pour la majorité, une très
faible connaissance de la loi et, disons, n'avaient pas du tout l'automatisme
d'informer les victimes de leurs droits et de leur recours relativement
à cette loi-là.
Alors, en tout cas, je ne veux pas m'étendre sur ce
sujet-là, mais, moi, c'est la question que je me posais, surtout quand
on parle du faible nombre de Québécois qui ont subi des actes
criminels à l'étranger et qui ont fait des réclamations,
par rapport au nombre de demandes de résidents étrangers qui ont
subi des actes criminels au Québec, surtout quand on considère
que le taux de criminalité ici au Québec n'est pas si
élevé que ça.
Un autre point, M. le Président, que je me posais par rapport
à cet article 1, c'est qu'on parle: «Est une victime visée
par les dispositions du présent titre la personne qui, par suite d'une
infraction criminelle qui est perpétrée au Québec, subit,
directement ou indirectement, un préjudice...» Est-ce qu'on
pourrait me donner un cas où on peut subir indirectement un
préjudice corporel, psychique ou matériel? Un exemple?
M. Rémillard: Oui, on va demander à notre
légiste, Me Gauvin, M. le Président; mais vous me permettrez,
avant de donner la parole à Me Gauvin, de rappeler que ces articles sont
directement inspirés de la convention des Nations unies de 1985. Alors,
c'est pour ça que je vous dis... Il faut bien comprendre, M. le
Président, pour faire la relation avec le sujet dont on vient de
discuter sur les pays démocratiques qui ont de telles lois, c'est qu'il
y a une convention des Nations unies, et, quand il y a une convention des
Nations unies, ça veut dire qu'il y a un nombre minimum d'États
qui l'ont signée. Ça dépend des conventions comme des
pactes, mais ça peut être au moins 38 à 40, si ma
mémoire est bonne. Peut-être que Me Gauvin pourrait nous le
préciser.
Alors, ce que nous voyons dans ces principes-là... C'est donc
dire que nous les voyons sous une forme ou sous une autre dans les pays qui ont
accepté le pacte des Nations unies sur les victimes d'actes
criminels.
Le Président (M. Dauphin): Merci. Me Gauvin.
Mme Gauvin (Francine): Oui, quant aux notions de victime directe
ou indirecte ou de préjudice direct ou indirect, ce sont des notions
qui, en bonne partie, sont inspirées des recours en
responsabilité civile. Alors, la doctrine en cette
matière-là distingue la victime directe de la victime indirecte.
Et, de façon générale, ce qu'on reconnaît comme une
victime directe, c'est la personne qui est elle-même blessée ou
elle-même la victime d'un préjudice psychique, alors que la
victime indirecte, par exemple, c'est le cas d'une personne qui serait un
proche de la victime. Alors, par exemple, la mère d'un enfant qui serait
agressé sexuellement ou physiquement. Alors, on peut très bien
penser qu'une mère peut subir un préjudice psychologique du fait
que son enfant a été agressé sans elle-même avoir
été la victime directe de l'infraction criminelle. On peut aussi
penser au cas du témoin, le témoin d'une infraction criminelle
qui n'est pas lui-même la victime d'une infraction, mais qui, en tant que
témoin, peut en subir un préjudice psychologique parfois
suffisamment sérieux pour nécessiter une intervention
médicale ou psychothérapeutique. Alors, c'est la distinction
qu'on peut faire entre «directement» et
«indirectement».
Le Président (M. Dauphin): Pour le...
M. Rémillard: Oui, moi... Je veux dire... Allez-y, M. le
Président.
Le Président (M. Dauphin): C'est que M. le
député de Hull semble jouir de son éventuelle question.
Alors, M. le député de Hull.
M. LeSage: Non, M. le Président, je ne jouis pas, puis
j'espère que ce n'est pas la réponse que je m'attends que je vais
avoir non plus. J'aimerais demander au ministre... J'aimerais revenir aux
indemnités pour dommages corporels, puis là je vois ça: je
regarde la Promenade du Portage à Hull, M. le Président, je vois
les Ontariens qui arrivent le soir, puis là la chicane poigne, puis la
bataille poigne, puis les coûteux sortent et, des fois, c'est les
revolvers, là, et il y a des Ontariens qui sont victimes. Ils vont
à l'hôpital, puis, des
fois, ils ne peuvent pas retourner travailler tout de suite, là.
Ils ont réellement été agressés. Ce n'est pas de la
petite bière, là! Est-ce qu'ils ont une indemnité, ces
gens-là? Est-ce qu'ils auraient une indemnité?
Une voix: Oui.
M. Rémillard: II y a peut-être un petit
élément, M. le Président. Il faudrait quand même
bien comprendre l'article 11, paragraphe 2°. Je dirais au
député de Hull qu'à 11, paragraphe 2°, on dit:
«Les prestations prévues par le présent titre ne peuvent
être accordées [...] lorsque la victime a été partie
à l'infraction ou a, par sa faute lourde, contribué à la
réalisation du préjudice.» Alors, il faut vraiment que...
Écoutez, si vous êtes allé vous mettre le nez où
vous n'aviez pas d'affaire, bien, à ce moment-là, M. le
député, vous en subissez les conséquences.
M. LeSage: Alors, si je comprends bien, M. le Président,
si je comprends bien le ministre, les gens qui viendraient semer le trouble
à Hull ne seraient pas indemnisés?
M. Rémillard: Exactement. Exactement. On n'indemnise pas
quelqu'un qui est lui-même la cause de son malheur.
M. LeSage: Je suis très satisfait de la réponse, M.
le Président.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député. M. le député d'Anjou.
M. Bélanger: De par la compréhension que j'ai de la
loi, c'est vrai que si ce sont des fauteurs de troubles qui viennent de
l'Ontario et qui sont les instigateurs d'une bagarre, c'est vrai qu'ils ne sont
pas... Je pense qu'on a la même compréhension de la loi sur ce
point-là, sauf que vos mêmes gens de l'Ontario qui viendraient,
sans pour autant être les auteurs ou les instigateurs, mais qui seraient
mêlés à une bagarre et qui recevraient des coups sans
pourtant être les instigateurs, eux, se verraient indemniser par les
contribuables québécois.
M. Rémillard: Oui, de même que... de la même
façon, si vous permettez...
M. Bélanger: Pour moi, c'est clair.
M. Rémillard: ...de la même façon que le
Québécois qui serait dans la même situation à
Toronto sera, lui aussi, indemnisé par la loi de l'Ontario, qui est
très semblable à la nôtre.
M. Bélanger: En Ontario, oui. M. Rémillard:
Oui.
M. Bélanger: Mais pour... Justement... Mais là, en
tout cas, on aura des chiffres là-dessus, mais l'État de New
York, ça, on ne le sait pas. Il faudrait regarder, là...
M. Rémillard: New York a une loi. Il y a une loi
aussi.
M. Bélanger: L'État de New York a une loi?
M. Rémillard: Ah oui!
M. Bélanger: Vous êtes certain de ça?
M. Rémillard: Ah bien oui! Très certain de
ça.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Rémillard: Non. Je ne connais pas en détail,
mais, écoutez, ça fait deux ans qu'on discute ce projet de loi
là. Je ne peux pas vous dire tout en détail, mais je peux vous
dire que New York a une bonne loi, avec des principes. Je peux vous dire qu'ils
retiennent le même principe que nous en ce qui regarde l'obligation de
collaborer avec la police. Ça, je peux vous dire ça, que New York
fait ça, absolument. Jusqu'au degré d'indemnisation, là,
je ne peux pas aller jusque-là, mais je pourrais demander de
l'information.
Le Président (M. Dauphin): Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: Oui, M. le Président. Au niveau de cette
même réciprocité, il y a combien de provinces canadiennes
qui ne l'ont pas? Parce que, le dossier dont on se parlait tantôt, c'est
en Colombie-Britannique.
M. Rémillard: Est-ce que je peux demander à Mme
Viens, avec votre permission, M. le Président?
Le Président (M. Dauphin): Mme Viens.
Mme Viens (Christine): Les provinces de Terre-Neuve et du Yukon
n'ont pas de loi sur l'indemnisation. Quant aux autres provinces, c'est le
critère de la résidence.
Mme Caron: M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: Me Gauvin, dans sa présentation, nous a
parlé que le champ d'application était très large et elle
parlait aussi qu'il y avait harmonisation par rapport à la Loi sur
l'assurance automobile. Donc, je voudrais revenir sur la Loi sur l'assurance
automobile parce que, effectivement, il y a des cas où un des deux ne
paie pas d'assurance automobile. Qu'on pense, par exemple,
à celui qui utilise son automobile sans permis de conduire; donc,
celui-là, il peut quand même être responsable d'un accident
et on va quand même donner une indemnité à la personne qui
va être victime, même s'il n'a pas payé sa prime
d'assurance. Lorsqu'on parle des personnes qui ne résident pas au
Québec l'article 9 de la Loi sur l'assurance automobile la
victime qui ne réside pas au Québec a droit d'être
indemnisée en vertu du présent article, mais seulement dans la
proportion où elle n'est pas responsable de l'accident. Donc, si on
avait deux automobilistes qui ne résident pas au Québec et qui
ont un accident, même si un des deux ne paie pas de prime d'assurance
automobile, on va quand même l'indemniser.
M. Rémillard: II y a deux sources de financement pour le
régime d'assurance automobile, comme vous le savez: il y a le permis de
conduire et il y a la plaque matricule.
Mme Caron: Oui. (21 heures)
M. Rémillard: Alors, admettons que vous n'avez pas de
permis de conduire, mais que vous conduisez une voiture qui, elle, a une plaque
matricule; alors, là, il y a quelque chose, à un moment
donné... Et si vous faites ni l'un ni l'autre, que vous êtes en
état d'ébriété, vous commettez un crime. Conduire
sa voiture en état d'ébriété, c'est un crime.
Alors, là, on tombe sur «victime d'un acte criminel».
Mme Caron: Oui. Et, si les deux sont de l'extérieur du
Québec, on va avoir quand même des indemnités à
donner.
M. Rémillard: Bien oui.
Mme Caron: Et puis, au niveau de la responsabilité,
même pour les Québécois qui sont à
l'extérieur, parfois, la responsabilité, ce n'est pas
nécessairement l'automobiliste ni l'autre automobiliste. Parfois, c'est
l'état des routes.
M. Rémillard: Juste pour savoir si je vous comprends bien,
faisons le scénario suivant, là, puis on me corrige si ce n'est
pas ça. Vous avez un automobiliste américain qui conduit sa
voiture en état d'ébriété.
Mme Caron: Oh! Pas nécessairement. Il peut conduire sa
voiture sans être en état d'ébriété puis
avoir un accident quand même.
M. Rémillard: Ah bien, s'il n'y a pas de crime, il n'y a
pas de problème. Mais mettons qu'il fait un crime, donc il conduit en
état d'ébriété et il frappe une autre voiture
conduite par un Ontarien, et il y a des gens qui sont sérieusement
blessés. Il y a donc eu crime, il y a victimes de crime, et, par
conséquent, il y aurait indemnité de ces gens même si
toutes les personnes sont non résidentes du Québec. Ça, je
pense qu'on s'entend là-dessus?
Mme Caron: Mais, même sans crime, M. le ministre,
même sans crime, on prend la même situation, un Américain et
un Ontarien qui conduisent leur automobile sans être en état
d'ébriété, il n'y a pas de crime, il y a un accident. Ils
peuvent avoir un accident quand même.
M. Rémillard: Oui.
Mme Caron: Eh bien, ils vont être indemnisés selon
l'assurance automobile, sauf celui qui est responsable. Celui des deux qui est
jugé responsable de l'accident, lui, ne sera pas indemnisé. Mais
l'autre va l'être. Et ni l'un ni l'autre n'auront payé des primes
ici.
M. Rémillard: II faudrait que ce soit
vérifié. Parce qu'on me dit, ici...
Mme Caron: Bien, le texte est quand même assez clair,
là. Je peux vous le...
M. Rémillard: Oui, mais on me dit, ici, qu'il faut que ce
soit vérifié. Si les voitures ne sont pas immatriculées au
Québec, en ce qui regarde la responsabilité, on me dit que
ça doit être vérifié. Alors...
Mme Caron: Ce n'était pas ce que dit l'article, en tout
cas. Je peux vous en fournir copie, là...
M. Rémillard: L'avez-vous? Mme Caron: C'est
l'article 9.
M. Rémillard: Oui. Alors, je vais demander à Me
Gauvin de... Je vais demander voir son interprétation.
Le Président (M. Dauphin): Me Gauvin.
Mme Gauvin (Francine): En fait, c'est l'article 9 de la Loi sur
l'assurance automobile auquel vous référez, qui dit:
«Lorsque l'accident a lieu au Québec, la victime qui ne
réside pas au Québec a droit d'être indemnisée en
vertu du présent titre, mais seulement dans la proportion où elle
n'est pas responsable de l'accident, à moins d'une entente
différente entre la Société et la juridiction du lieu de
résidence de cette victime.» Donc, ceci laisse entendre
qu'effectivement, si la victime d'un accident d'automobile non résidente
du Québec est victime d'un accident au Québec, elle aura le droit
d'être indemnisée dans la mesure où elle ne sera pas
responsable de l'accident.
Mais il faut quand même comprendre, si vous me permettez, que le
régime de l'assurance automobile est un régime de
responsabilité sans faute. Alors, il était normal, je pense, de
prévoir une indemnisation aux
personnes non résidentes qui seraient victimes d'accidents au
Québec, puisque ces personnes n'auraient eu aucun recours contre
l'auteur de l'accident d'automobile, ce qui n'est pas le cas pour une victime
d'infraction criminelle, qui peut toujours avoir un recours en
responsabilité civile en vertu des règles du Code civil, en
réparation du préjudice. Elle n'est pas exempte de tout recours,
alors qu'en matière d'assurance auto elle a un recours... elle n'a pas
de recours, c'est-à-dire.
M. Bélanger: M. le Président, pourquoi un
ajustement à la LFVAC? C'est justement parce qu'on s'est rendu compte
que les recours potentiels qui pouvaient exister au niveau civil étaient
illusoires et tout à fait futiles contre des criminels. Alors,
ça, je pense qu'on parle en théorie, là, tandis qu'un
recours... et je ne pense pas qu'on puisse parler d'un recours utile.
M. Rémillard: Oui. On parlait en matière
automobile; on parlait en matière automobile. Si on parle en
matière criminelle, M. le Président, le député
d'Anjou touche un point sensible, parce qu'il ne faut pas oublier que, dans le
projet de loi que nous avons, l'Etat devient subrogé dans les droits de
la victime, hein? Donc, il y a possibilité pour l'État de prendre
des recours contre le criminel.
Et de plus en plus on sait que, dans les pays européens comme en
France, M. le Président, on dit: se porter partie civile. Il y a un
crime, quelqu'un est poursuivi au criminel devant les tribunaux, oui, pour un
crime, mais aussi la personne qui est victime d'un crime peut se porter partie
civile. Ici, c'est toujours possible aussi, mais ça ne se faisait pas
tellement souvent. Là, de plus en çlus, vous avez cette
possibilité-là.
Évidemment, comme dit le député d'Anjou, ça
peut être illusoire, dans le sens que, si vous avez des bandits notoires
ou des gens qui n'ont pas un sou, des gens sans le sou, et que vous êtes
attaqué sur la rue par quelqu'un qui n'a pas de résidence et qui
n'a pas un sou pour vous payer, quand même que vous le poursuive-riez,
ça ne donnerait pas grand-chose. Alors, c'est comme ça qu'on peut
dire que, dans plusieurs cas, la poursuite, même si l'État est
subrogé dans les droits de la victime, ça ne donne pas
grand-chose en pratique. Mais c'est un droit, quand même, qui devrait de
plus en plus être exercé.
Le Président (M. Dauphin): Merci. Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Oui, M. le Président. Justement, au nom du
principe du droit de la victime, moi, ce que j'ai de la difficulté
à accepter, c'est que, pour un accident d'automobile, on va le faire
indépendamment, là, de tout ce qui existe. Un.
Québécois va aller à l'extérieur, va pouvoir
utiliser sa carte d'assurance-maladie. Mais un acte criminel... Il pourrait y
avoir la réserve que si, dans cet État-là ou dans cette
province-là, il y a effectivement une couverture, bon, l'État
québécois ne couvre pas.
Mais, s'il n'y en a pas, de couverture, est-ce qu'on pourrait, au moins,
assurer cette protection-là? Et le nombre de cas n'est pas très
élevé, vous l'avez mentionné vous-même,
tantôt, là; c'est peu élevé. Est-ce qu'on pourrait
au moins avoir cette protection-là? On le fait au niveau de
l'assurance-maladie, on le fait pour l'assurance automobile, puis, pour un acte
criminel, ça m'apparaît encore plus nécessaire de le
faire.
M. Rémillard: Oui. Là, il y aurait aussi la
question... Dans ce cas-là, il y aurait la question, M. le
Président, de savoir quels sont les crimes qui sont couverts. Il
faudrait que ce soit ce qui est un crime ici par rapport à ce qui est
peut-être un crime dans le pays où ça a été
commis. La violence conjugale je prends cet exemple-là
ici, c'est un crime; ce n'est pas nécessairement un crime dans tous les
pays. Il y aurait d'autres éléments, aussi, qu'on pourrait donner
comme crimes, comme tels.
Maintenant, reste à voir ce que ça peut signifier. Est-ce
qu'on connaît des lois qui ont ce précédent-là, qui
mettent une telle disposition dans leurs dispositions? Est-ce que vous avez des
précédents, Me Viens?
Mme Viens (Christine): Je pense que la Californie le fait.
M. Rémillard: La Californie l'a. Alors, est-ce qu'on
pourrait regarder de plus près ce que la Californie fait? Ce n'est pas
toujours bon de suivre ce que la Californie fait, mais on peut regarder de plus
près cette possibilité-là et voir quelles seraient les
conséquences. C'est-à-dire, si je comprends bien l'intervention
de la députée de Terrebonne, ce serait dans les cas où il
n'y a pas de lois locales qui peuvent indemniser la victime.
Mme Caron: C'est exactement ça, M. le ministre.
M. Rémillard: Alors, on va régarder ça.
Le Président (M. Dauphin): Ça va? M. Bélanger:
Toujours sur le même...
Le Président (M. Dauphin): M. le député
d'Anjou.
M. Bélanger: Toujours sur le même article, je
reprends ici les commentaires spécifiques du Barreau du Québec
relativement à ce projet de loi là. Ce que le Barreau constate,
c'est que, pour le titre I, plutôt dans le titre II, on ne retrouve aucun
article qui prévoit l'indemnisation des dommages indirects, et on
prévoit les dommages indirects dans le titre I. Comment peut-on
expliquer ça? Est-ce que c'est un oubli? Pourquoi a-t-on
déclaré des droits pour quelqu'un qui subit indirectement un
dommage en vertu du titre I, et, quand on arrive au
titre il puis que c est le temps des indemnités, la personne qui
a subi un dommage indirect, elle, n'a plus droit, à ce moment-là,
à aucune indemnité?
M. Rémillard: Oui. Elle a le droit à une
indemnité. Les proches, par exemple, qui sont des victimes indirectes,
ont le droit à une indemnité. Quelqu'un qui assiste à un
crime...
J'ai eu des cas assez pathétiques. Je me souviens de ce cas, dans
un parc de Sherbrooke, où il y a eu un meurtre épouvantable d'un
jeune. C'est un jeune de 15 ans qui a décidé qu'il prenait un
couteau à la Rambo et qui est allé assassiner un jeune de 11 ans,
avec sa petite s?ur de 14 ans qui était là. Et il y a deux
femmes qui ont passé, puis qui ont vu la petite fille qui criait
son petit frère était après se faire assassiner à
coups de couteau deux dames assez âgées, une qui
était même très âgée. Alors, l'autre qui
était moins âgée un peu a couru et a essayé d'aller
sauver le petit garçon, a eu même un coup de couteau
elle-même. Et, finalement, cette dame qui a vu toute la scène, qui
était âgée, qui a vu ça, a été
traumatisée d'une façon incroyable. Et la petite soeur du petit
garçon qui s'est fait poignarder a eu un traumatisme; elle est toujours
suivie par les psychologues.
Alors, selon la loi qu'on a actuellement, tous ces gens qui n'avaient
pas reçu le coup de poignard de ce jeune de 15 ans ne pouvaient pas
être indemnisés, n'avaient pas d'indemnité possible. Mais
on a dit: Ça n'a pas de bon sens, ça n'a pas d'allure! Parce que
c'étaient des victimes d'un crime, eux aussi. Alors, donc, la loi change
ça, et, lorsqu'on parle d'indirect, vous avez donc là une des
conséquences de cet indirect, cet effet indirect. (21 h 10)
M. Bélanger: Mais, c'est parce qu'il y a quelque chose que
je me demandais. C'est: Pourquoi on n'a pas repris tout simplement le
même mode, là, de rédaction, de dire: Bon... Dans l'article
1, on dit: Est une victime quelqu'un qui subit directement ou indirectement un
préjudice corporel, psychique ou matériel. Dans l'article
9.1°a, on parle: A droit aux indemnités, aux remboursements la
victime qui subit un préjudice corporel ou psychique paragraphe a
résultant directement de la perpétration au Québec
d'une infraction criminelle. Pourquoi, à ce moment-là, n'a-t-on
pas repris tout simplement «directement ou indirectement»? Est-ce
qu'on a voulu limiter dans le titre II par rapport au titre I?
M. Rémillard: Mme Viens, avec votre permission, M. le
Président.
Le Président (M. Dauphin): Mme Viens.
Mme Viens (Christine): C'est que, en ce qui concerne
l'indemnisation de la victime directe, c'est-à-dire la victime
immédiate, tout le projet, lorsqu'on réfère à la
victime, en ce qui concerne les indemnités de remplacement de revenus,
notamment, concerne la victime directe.
Quant aux victimes indirectes, par exemple les proches et les personnes
à charge, le conjoint, qui ont des indemnités spécifiques,
des indemnités de décès, lorsqu'on y réfère,
on réfère au conjoint et aux personnes à charge en
relation avec la victime qui, elle, est la victime directe.
Alors, le titre II, au niveau des indemnités de remplacement du
revenu, est réservé aux victimes directes. C'est la loi actuelle.
C'est-à-dire, la victime immédiate reçoit les
indemnités de remplacement du revenu. Et, quant aux victimes indirectes
spécifiquement les conjoints, les personnes à charge et
les proches elles ont des indemnités qui sont spécifiques,
les indemnités de décès pour le conjoint et les personnes
à charge, et les services de réadaptation pour les proches.
M. Bélanger: D'accord. Si on prend, je pense, l'exemple
qu'on avait repris cet après-midi, la mère d'un enfant qui serait
victime d'un acte criminel, donc qui subirait un traumatisme, c'est une
personne qui serait comprise dans la définition de victime de la section
I, du titre I, mais qui ne serait peut-être pas couverte dans le titre
II.
Mme Viens (Christine): On la retrouverait au titre II, en tant
que proche, au niveau des services de réadaptation.
M. Bélanger: Mais elle n'aurait pas le droit aux
mêmes indemnités que la victime.
Mme Viens (Christine): Elle n'aurait pas droit à
l'indemnité de remplacement du revenu, aux indemnités qui sont
réservées à la victime directe.
M. Bélanger: D'accord. Donc, le Barreau n'a pas tout
à fait tort quand il dit que, finalement, dans le titre II, on limite la
définition de victime. En tout cas.
M. Rémillard: Ah oui! Oui, mais, ça, c'est compris.
Tout à l'heure, Me Gauvin nous disait ça aussi. C'est que ce que
vous avez dans l'article 1...
M. Bélanger: Oui.
M. Rémillard: ...ce sont des règles
générales...
M. Bélanger: Oui.
M. Rémillard: ...et, ensuite, dans le titre II, vous avez
du spécifique qui vient limiter, à certains égards, ou
spécifier, à certains égards, les dispositions des
principes de 1 à 8.
M. Bélanger: Je proposerais à la commission,
peut-être, qu'on suspende l'adoption de l'article 1, en attendant d'avoir
plus de précisions, là, relativement aux questions qu'on s'est
posées quant aux données relatives aux droits des États
voisins, et puis aussi quant à la
possibilité, je pense, qu'à soulevée la
députée de Terre-bonne, là, relativement à un
amendement possible pour inclure les cas de résidents
québécois qui seraient victimes d'actes criminels hors du
Québec, alors que la loi étrangère ne prévoit
aucune protection.
Le Président (M. Dauphin): Alors, l'article 1 est suspendu
jusqu'à plus amples informations. J'appelle l'article 2.
M. Rémillard: M. le Président, l'article 2 se lit
comme suit: «La victime a le droit d'être traitée avec
courtoisie, équité, compréhension et dans le respect de sa
dignité et de sa vie privée.» Alors, cet article consacre
le droit de la victime d'être traitée avec humanité,
c'est-à-dire avec courtoisie, équité et
compréhension, dans le respect de sa dignité et de sa vie
privée. Et je dois dire, M. le Président, qu'il reprend le droit
actuel et qu'il se réfère aussi, évidemment, au document
des Nations unies, qui reprennent ces termes.
Le Président (M. Dauphin): Très bien. Questions,
commentaires sur l'article 2?
M. Bélanger: Si on compare par rapport à ce qu'il y
a dans la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels quel est le
changement?
Le Président (M. Dauphin): C'est repris
intégralement.
M. Bélanger: Ça a été repris
intégralement, hein, c'est ça?
Le Président (M. Dauphin): Oui.
M. Bélanger: O.K.
M. le Président, la seule chose que je me demande
relativement à cet article-là, c'est: Qu'est-ce que ça
vient finalement rajouter relativement à ce qu'on retrouve
déjà dans la Charte des droits et libertés ou...
M. Rémillard: C'est déclaratoife. M.
Bélanger: C'est déclaratoire, oui.
M. Rémillard: C'est pour déterminer l'application
de la loi. Si vous avez à l'interpréter, vous allez pouvoir vous
référer à l'article 2, puis plaider devant le tribunal
l'article 2.
M. Bélanger: D'accord. Ça va.
Le Président (M. Dauphin): Adopté. J'appelle
l'article 3.
M. Rémillard: L'article 3. «La victime a droit, dans
la mesure prévue par la loi, à: «1° une
indemnité raisonnable pour les frais encourus en vue de rendre
témoignage; «2° la réparation ou à
l'indemnisation, de façon prompte et équitable, du
préjudice qu'elle subit; «3° la restitution, dans les
meilleurs délais, de ses biens saisis, lorsque leur rétention
n'est plus nécessaire pour les fins de la justice; «4° la
présentation et à la prise en considération de son point
de vue et de ses préoccupations à toute phase appropriée
d'une procédure judiciaire, lorsque son intérêt personnel
est en cause.»
M. le Président, cet article reconnaît à la victime,
dans la mesure prévue par la loi, le droit de recevoir une
indemnité raisonnable pour les frais encourus en vue de rendre
témoignage, de recevoir rapidement et équita-blement
réparation ou indemnisation des dommages subis, de se voir restituer les
biens saisis dans les meilleurs délais et de voir ses points de vue
présentés et examinés aux phases appropriées de
toute procédure judiciaire. Il reprend, je dois dire, M. le
Président, le droit actuel.
M. Bélanger: M. le Président, je reprends ici les
commentaires du Barreau relativement à ce même article 3.
Premièrement, on constatait que cet article 3, finalement, ne
créait aucun nouveau droit. Bon, on reprend la disposition de l'ancienne
loi. Mais le Barreau, aussi, faisait part que l'article 3, s'il est maintenu
à la page 6 de son mémoire devrait
reconnaître le droit, pour la victime qui réclame une
indemnité ou une réparation, d'être avisée de
l'existence des pouvoirs d'enquête reconnus au ministre et à ses
enquêteurs. Entre parenthèses, on leur reconnaît les
pouvoirs et l'immunité des commissaires nommés en vertu de la Loi
sur les commissions d'enquête. Une enquête peut être faite
relativement à l'indemnisation, au remboursement des frais et à
la réadaptation.
Alors, est-ce que je pourrais savoir quelle est la réaction du
ministre suite à cette proposition du Barreau, cette recommandation du
Barreau?
M. Rémillard: Ah, M. le Président, c'est que c'est
strictement... Les remarques du Barreau ont été faites en
fonction d'articles qui seraient exécutoires de droit. Or, ce sont des
articles qui sont déclaratoires de droit. Je pense que toutes leurs
remarques, toutes les remarques qu'ils ont faites, ils les ont faites en
fonction d'un contexte qui n'est pas celui de la loi. Et, comme Me Gauvin nous
l'expliquait tout à l'heure, et Me Viens a fait le même
commentaire aussi, ce que nous voyons maintenant, ce sont les principes
d'application, et l'article 3 est un article qui est particulièrement
éloquent à ce niveau-là, et, par conséquent,
l'application va suivre dans les autres titres de la loi. Mais ce sont des
articles qui sont déclaratoires de droit. Voyez-vous, «la victime
a droit, dans la mesure prévue par la loi c'est
déclaratoire de droit à une indemnité raisonnable
pour les frais encourus en vue de rendre témoignage».
Alors, ce sont ces principes, M. le Président, ces dispositions
déclaratoires qui vont nous servir ensuite à
élaborer et à interpréter tout le reste de la loi.
C'est là la technique de législation, et je dois dire que ce
n'est pas étranger... En fait, c'est une disposition qui existe
déjà, et ce n'est pas étranger au document des Nations
unies, évidemment, qui reprend ces mêmes termes.
C'est comme ça, M. le Président, qu'on est arrivés
à ce genre de rédaction.
Le Président (M. Dauphin): Ça va, M. le
député d'Anjou?
M. Bélanger: Oui. Ça va.
Le Président (M. Dauphin): Adopté?
M. Bélanger: Oui, adopté. (21 h 20)
Le Président (M. Dauphin): J'appelle l'article 4.
M. Rémillard: L'article 4. Je reviens dans deux
minutes.
Le Président (M. Dauphin): L'article 4, M. l'adjoint
parlementaire au ministre de la Justice.
M. Kehoe: «La victime a également droit, aussi
complètement que possible, d'être informée de:
«1° ses droits et des recours qu'elle peut exercer pour les faire
valoir; «2° son rôle dans le cadre de la procédure
criminelle, de sa participation dans la procédure judiciaire et,
lorsqu'elle en fait la demande, de l'état et de l'issue de celle-ci;
«3° l'existence de services de santé et de services sociaux de
même que de tout autre service d'aide ou de prévention propres
à lui assurer l'assistance médicale, psychologique et sociale
requise.»
Cet article reconnaît à la victime le droit à
l'information sur ses droits et recours, sur son rôle dans le cadre du
processus judiciaire, sur son état et sur l'issue des procédures
judiciaires, sur l'existence de services de santé et de services
sociaux, de même que sur d'autres services de nature à lui assurer
toute l'assistance requise. Il maintient les droits actuels.
M. Bélanger: M. le Président, peut-être
attendre le retour du ministre. J'aurais des questions spécifiques,
peut-être, à lui...
M. Kehoe: II revient immédiatement.
M. Bélanger: On pourrait peut-être suspendre
quelques minutes, en attendant son retour.
Le Président (M. Dauphin): On va suspendre deux
minutes.
(Suspension de la séance à 21 h 22)
(Reprise à 21 h 31)
Le Président (M. Dauphin): Alors, nous sommes toujours
à l'article 4. M. le député d'Anjou.
M. Bélanger: Avec la permission de la commission,
j'aimerais, si c'est possible, revenir sur l'article 3. Il y a quelques points
que je n'ai pas mentionnés au ministre. Je n'avais pas en ma possession
le document tel qu'il avait été présenté par
Plaidoyer-Victimes, cet après-midi; je n'avais qu'une version
abrégée. Et il y a des recommandations qui étaient faites
par l'organisme. Je pense que ce serait intéressant qu'on en discute et
qu'on échange brièvement sur ces propositions-là.
M. Rémillard: Alors, je veux dire, évidemment, M.
le Président, que même si on a adopté un article, quoi que
ce soit, comme c'est toujours le cas dans les projets de loi de la Justice, on
peut toujours revenir si on a oublié quelque chose ou quoi que ce soit.
Ça ne cause pas de problème.
Le Président (M. Dauphin): Très bien. C'est que,
sur le plan strict de la procédure, il faudrait le consentement de tous
les membres et rouvrir l'article 3. Mais le ministre, déjà,
dès le départ, nous assure de sa souplesse sur le plan de la
procédure. M. le député d'Anjou.
M. Bélanger: J'étais tout à fait certain que
cette souplesse nous était acquise comme dans le passé. C'est
relativement aux droits qui sont reconnus par l'article 3 du projet de loi.
L'organisme Plaidoyer-Victimes suggérait des droits
supplémentaires qui devraient être ajoutés à cette
nomenclature pour que ce soit plus complet, en particulier le droit
d'être informé sur demande de l'état de son dossier
relativement à une personne qui est victime d'acte criminel. Le droit
aussi d'être rencontré et entendu lorsqu'une demande est faite
pour une indemnisation. Alors, ce sont, en particulier, ces deux
points-là. Je voudrais savoir: Est-ce que ça a été
évalué par le ministre de rajouter ces deux...
M. Rémillard: Les deux... Le sixième point? C'est
ça, vous dites... Le deuxième, que vous nous mentionnez, c'est
quoi?
M. Bélanger: C'est le droit d'être rencontré
et entendu lorsque la victime en fait la demande. Finalement, la règle
audi alteram partem.
(Consultation)
M. Rémillard: Je me demandais où je l'avais vu. Si
vous lisez l'article 4...
M. Bélanger: Oui.
M. Rémillard: Je pense que ça vaudrait la peine
qu'on lise l'article 4 pour voir si ce n'est pas compris, ces deux
dispositions-là, dans l'article 4. Alors, voyez-vous, l'article 4 se lit
comme suit: «4. La victime a également droit, aussi
complètement que possible, d'être informée de:
«1° ses droits et des recours qu'elle peut exercer pour les faire
valoir; «2° son rôle dans le cadre de la procédure
criminelle, de sa participation dans la procédure judiciaire et,
lorsqu'elle en fait la demande, de l'état et de l'issue de celle-ci;
«3° l'existence de services de santé et de services sociaux de
même que de tout autre service d'aide ou de prévention propres
à lui assurer l'assistance médicale, psychologique et sociale
requise.»
(Consultation)
M. Bélanger: De par ma compréhension, M. le
Président, de cet article 4, je pense que ce qui est
suggéré ici, qu'on rajoute à l'article 3, n'est pas inclus
dans l'article 4. Je pense que c'est un peu plus vaste, c'est-à-dire
qu'on demande tout simplement à une personne de pouvoir avoir
l'information sur l'état de son dossier, savoir où il est rendu,
ou l'état, la progression de son dossier. Alors, je pense que c'est
l'essentiel de la recommandation qui est faite par l'organisme
Plaidoyer-Victimes. Je ne pense pas que ça soit inclus dans le 4.
M. Rémillard: Dans le 4? M. Bélanger:
Oui.
M. Rémillard: II me semble que oui. Regardez, si vous
prenez le premier... Il demande le droit d'être informé sur
l'état dé son dossier, hein?
M. Bélanger: Oui.
M. Rémillard: La première chose.
M. Bélanger: Oui.
M. Rémillard: Alors, le droit d'être informé,
vous le retrouvez à 4, de son dossier, si vous prenez 4.2°,
troisième phraséologie: «lorsqu'elle en fait la demande, de
l'état et de l'issue de celle-ci». Alors, l'état de la
procédure judiciaire.
M. Bélanger: Judiciaire. M. Rémillard:
...comme tel. M. Bélanger: Oui.
M. Rémillard: Alors, est-ce que ça ne comprend pas,
en même temps, l'état, donc, de son dossier?
M. Bélanger: Je ne crois pas.
M. Rémillard: On me fait des signes de tête
négatifs, mais je vais demander à notre légiste, Me
Gauvin, de...
Mme Gauvin (Franchie): Si je comprends bien...
Le Président (M. Dauphin): Me Gauvin.
Mme Gauvin (Francine): Oui, si je comprends bien la
préoccupation de Plaidoyer-Victimes, c'est de s'assurer que la victime
ait l'information concernant son dossier d'indemnisation, sa demande
d'indemnisation.
M. Bélanger: C'est ça, et non pas relativement au
dossier qui pourrait être ouvert...
Mme Gauvin (Francine): ...à la procédure
criminelle.
M. Bélanger: ...contre l'auteur des dommages.
Mme Gauvin (Francine): C'est ça. Alors, concernant son
dossier d'indemnisation, c'est un dossier qui est détenu par
l'administration publique, et, comme tout autre dossier détenu par
l'administration publique, l'accès à l'information est
prévu à la loi sur l'accès à l'information. Donc,
la personne pourra faire une demande d'accès à son dossier et, en
même temps, obtenir toutes les informations dont elle a besoin, tant sur
la nature des informations qui sont contenues au dossier que sur le cheminement
de celui-ci.
M. Rémillard: Mais, Me Gauvin, est-ce que vous voyez un
inconvénient à inclure, au cinquième paragraphe, «le
droit d'être informé sur l'état de son dossier»?
Est-ce que vous voyez un inconvénient à ça, de le mettre
dans le 3? Je ne vois pas d'inconvénients. Alors, peut-être que
Mme Viens pourrait nous en parler? Nous en parler, M. le Président, avec
votre permission.
Le Président (M. Dauphin): Me Viens.
Mme Viens (Christine): Effectivement, l'article 4, le paragraphe
2° traite de la procédure judiciaire. J'ai bien compris la
préoccupation. Je pense qu'il n'y a pas d'inconvénients. En fait,
je ne vois aucun inconvénient de droit ou de pratique au fait qu'une
victime, qui fait une demande à PIVAC pour savoir l'état de son
dossier, qu'elle soit informée. Je pense que, si elle le fait,
certainement que les gens doivent lui répondre. Je ne vois pas de
problèmes...
M. Rémillard: Je pense qu'on pourrait avoir un amendement.
Je vais demander aux légistes de le regarder très attentivement,
mais on pourrait l'ajouter. Est-ce qu'on pourrait faire la même
conclusion en ce qui regarde le droit d'être rencontré et
entendu?
Mme Viens (Christine): Si vous me permettez, en ce qui concerne
la LIVAC, le droit de présenter ses observations est bien reconnu
à l'article 133, où on dit: «après avoir
donné au réclamant l'occasion de présenter ses
observations» en matière de révision. Donc, ici, il est
spécifiquement prévu que le réclamant pourra
présenter ses observations au niveau de l'indemnisation.
M. Bélanger: Oui, mais présenter ses observations,
ma compréhension, ça peut être par écrit tout
simplement. Ce n'est pas nécessairement le droit à une audition,
à la personne physiquement de venir présenter ses points de vue
ou sa... Présenter, là, en tout cas, moi, ma
compréhension, c'est présenter ses observations. Ça peut
être une lettre, tout simplement, qui est envoyée pour dire... Je
pense que c'est plus clair, là, le droit d'être entendu, tout
simplement. Puis, ça rejoindrait, je pense, une règle de justice
naturelle qu'on retrouve dans plusieurs tribunaux administratifs.
M. Rémillard: Oui, mais il faudrait peut-être le
regarder de plus près, parce qu'il faut faire attention. Mon
inquiétude est celle-ci: c'est que je ne voudrais pas...
M. Bélanger: Alourdir.
M. Rémillard: ...non plus, judiciariser. C'est ça.
Je ne voudrais pas rendre le processus trop lourd. Dans la mesure où
vous mettez une telle disposition, je ne voudrais pas qu'on se retrouve avec
les avocats, avec tout le processus, créer une instance. Je voudrais
qu'on soit... Il faut faire bien, bien attention là-dessus. Moi, ce que
je vous propose, c'est que je le fasse regarder par les légistes, puis
on pourrait revenir et en discuter, mais il faudrait faire attention. Le droit
d'être rencontré et entendu, moi, ma première
réaction, c'est d'être très sympathique à ça.
Je voudrais simplement pouvoir l'étudier en fonction des autres
articles, entre autres, en ce qui regarde 132 et 133.
M. Bélanger: Un autre point, je pense, aussi, qui
mérite peut-être l'attention de cette commission, c'est
l'obligation que Plaidoyer-Victimes voudrait qu'on ait d'informer les victimes
sur le processus de révision et d'appel, de même que l'obligation
de leur fournir toute l'assistance nécessaire pour s'y préparer.
D'abord, je peux comprendre que toute l'assistance nécessaire pour s'y
préparer, là, on arrive dangereusement dans peut-être...
C'est presque un système d'aide juridique parallèle,
c'est-à-dire, qu'est-ce que c'est, toute l'assistance juridique pour se
préparer? Mais je me demandais si, quand même, de donner
l'information sur le processus de révision et d'appel,
c'est-à-dire faire en sorte que les gens soient au courant des recours
qui leur sont disponibles, est-ce que ça ne pourrait pas être
enchâssé, d'une façon ou d'une autre? Une façon
large, comme principe. (21 h 40)
M. Rémillard: II y a toujours 127. Regardez l'article 127:
«La décision du ministre doit être motivée et
être communiquée par écrit au réclamant. Elle
comporte la mention de son droit d'en demander la révision et du
délai pour lui présenter sa demande.» On me souligne aussi
l'article 134: «La décision en révision doit être
motivée et être communiquée par écrit au
réclamant. Elle comporte la mention de son droit d'interjeter appel de
cette décision à la Commission des affaires sociales et du
délai pour en appeler.» Alors, c'est les éléments
d'information qui sont là.
M. Bélanger: Je pense aussi que, ce qui est visé,
ce n'est pas nécessairement les motifs d'une décision, mais c'est
plutôt le fait, pour une personne qui, à partir du moment qu'elle
connaît l'existence de la LIVAC, se présente pour faire une
réclamation, c'est qu'on lui donne un peu, comme on donne pour un
policier, finalement, l'obligation de déclarer les droits
élémentaires de la personne. C'est-à-dire, est-ce qu'on ne
peut pas, d'une certaine façon, donner un aperçu, au moins donner
l'essentiel de l'information des recours qui sont à la disposition de la
personne qui veut faire appel à la LIVAC, savoir quels sont le genre...
Je ne sais pas. Je comprends qu'on ne peut pas aller dans le détail,
mais on ne peut pas non plus se lier par rapport à ça. Mais je
pense que ça pourrait être un principe fondamental
intéressant; je veux dire faire en sorte que chaque personne a le droit
de recevoir l'information élémentaire quant aux droits de
réclamation qu'elle a relativement à la LIVAC.
M. Rémillard: Est-ce que 4.1 ° ne couvre pas
ça? «4. La victime a également droit, aussi
complètement que possible, d'être informée de:
«1° ses droits et des recours qu'elle peut exercer pour les faire
valoir.»
M. Bélanger: Oui, je pense que vous avez raison.
M. Rémillard: Je pense que ça...
M. Bélanger: Oui.
M. Rémillard: ...ça comprend ça.
Le Président (M. Dauphin): Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: Oui, M. le Président. Simplement pour
compléter sur le droit d'être rencontrée et entendue
lorsqu'elle en fait la demande. Lorsqu'on regarde les lois sur la santé
et sécurité au travail, la Loi sur l'assurance automobile, la
sécurité du revenu, dans les dossiers de révision, sur le
formulaire lui-même et dans le texte de loi, c'est indiqué, la
personne doit cocher si elle veut être entendue. Elle a ce droit
d'être entendue. Alors, on a déjà les
précédents dans ces autres lois.
M. Rémillard: Oui, ça existe dans plusieurs lois.
C'est, comme le disait le député d'Anjou tout à l'heure,
la règle audi alteram partem. La seule chose que je me dois de
vérifier, avant de conclure, c'est de vérifier auprès des
légistes les conséquences face à 133, 134 et 127, voir
quelle relation il peut y avoir, et les conséquences juridiques
là-dessus; simplement ça. Parce que, parfois, quand on met ces
règles, ça donne le droit de se faire accompagner d'un avocat,
d'avoir tous les moyens pour faire valoir ses droits et, là, on se
retrouve dans un processus énorme. C'est ce qu'avait fait, par exemple,
pour vous donner un exemple, la commission des droits et libertés, qu'on
a réformée, à un moment donné. C'est parti comme
ça. On a été obligé, à un moment
donné, de la réformer parce qu'on avait monté un
système tellement lourd, incroyable, et c'était parti comme
ça. Alors, je veux juste voir toutes les conséquences que
ça peut amener, mais je vous dis qu'aux prochaines séances on
reviendra.
Mme Caron: Dans le cas de la sécurité du revenu, je
sais pertinemment que, dans la plupart des dossiers, c'est la personne
elle-même qui est entendue. Elles ont la possibilité d'être
représentées, par exemple, mais, dans la plupart des cas, ce sont
les personnes elles-mêmes qui se font entendre.
M. Rémillard: Mais je me demande si sécurité
du revenu, à l'article 76... on dit qu'elle a droit de faire valoir son
point de vue.
Mme Caron: Oui, oui.
M. Rémillard: Article 76. Ce n'est pas être
entendu.
Mme Caron: Mais, sur le formulaire... M. Rémillard:
Oui. Mme Caron: .. .parce que je l'ai. M. Rémillard: ...le
formulaire, oui.
Mme Caron: Ça fait 14 ans que je vois des formulaires de
révision d'aide sociale, autant comme attachée politique que
comme députée, et vous avez la case: «Je désire
être entendu en audition», et vous pouvez cocher ou vous pouvez
être représenté. Même chose sur le formulaire pour
l'assurance automobile.
M. Rémillard: Parce que, ça, c'est une autre
façon de faire; «faire valoir son point de vue», c'est
peut-être une autre formulation.
Mme Caron: Mais, sur le formulaire, c'est vraiment
indiqué: «Je désire être entendu».
M. Rémillard: Mais, dans la loi, on dit: «faire
valoir son point de vue». Je vais le faire regarder par les
légistes. Me Gauvin, vous allez regarder ça avec Me Viens, et
puis vous nous en reparlerez.
Alors, la conclusion sur cet article 3, en fonction, donc, des remarques
que nous avons eues de Plaidoyer-Victimes, M. le Président, nous pouvons
donc conclure que l'article 3 pourrait inclure un cinquième paragraphe,
qui serait le droit d'être informé sur l'état de son
dossier. Quant au sixième, en ce qui regarde le droit d'être
rencontré et entendu, il est sujet à vérification
auprès des légistes pour faire des interrelations avec d'autres
articles.
Le Président (M. Dauphin): Très bien. Non. Nous
avions rouvert l'article 3; nous étions à l'article 3.
M. Rémillard: Alors, est-ce que...
Le Président (M. Dauphin): Alors, nous retournons à
l'article 4. Nous revenons, plutôt, à l'article 4.
M. Rémillard: Alors, je comprends que l'article 3 est
suspendu...
Le Président (M. Dauphin): Suspendu. M.
Rémillard: ...et qu'on revient à l'article 4.
(Consultation)
M. Rémillard: Alors, l'article 4, M. le Président,
je l'ai déjà lu. Est-ce que vous voulez que je le relise? Je peux
le relire.
Le Président (M. Dauphin): Non. Il a été lu
déjà deux fois. Votre adjoint l'a lu une première fois;
vous, une deuxième fois.
M. Rémillard: Excusez-moi.
Le Président (M. Dauphin): Je ne croirais pas qu'on exige
une troisième lecture.
M. Bélanger: M. le Président, dans cet article 4,
je prends note, là, des remarques du Barreau, qui soumet que
l'expression «aussi complètement que possible», ce n'est pas
un genre d'expression qui est coutumier dans la rédaction
législative, surtout quand on déclare, bon, des droits
généraux, là, finalement, ou des droits fondamentaux qui
sont précisés ou limités par la suite. Pourquoi,
déjà, mettre, dans cette déclaration de principe
là, l'expression «dans la mesure du possible»?
M. Rémillard: Alors, M. le Président, on sait que
c'est le texte actuel. Alors, ce n'est pas parce que c'est dans le texte actuel
qu'on doit le reproduire nécessairement, mais je vais voir si ça
ne vient pas du texte
des Nations unies aussi. On va regarder. Parce qu'on sait que le texte
actuel a été fortement inspiré du texte des Nations unies;
très fortement inspiré.
(Consultation)
M. Rémillard: Alors, M. le Président, c'est les
reliquats du document des Nations unies, mais ce n'est pas une raison qui nous
amène à conclure qu'on ne peut rien faire. De fait, moi aussi,
ça m'agace, ces termes: «aussi complètement que
possible». J'aimerais mieux le faire voir, aussi, par les
légistes; aussi, voir si on pourrait le faire enlever, et ce que
ça peut signifier. (21 h 50)
M. Bélanger: M. le Président, ce dont on a peur, au
niveau des organismes, au niveau de Plaidoyer-Victimes en particulier, c'est
qu'on se serve, finalement, de cette expression pour justifier, des fois, des
cas où l'information ne soit pas donnée, justement, en disant:
Bon, bien, ce n'était pas possible. On donne ici un exemple où,
justement, c'est possible de donner une information où on ne la donne
pas. C'est le fait que, quand une victime rédige une demande
auprès de la... en vertu de cette loi-là, cette demande
écrite est, par la suite, transmise aux services correctionnels et fait
partie du dossier il semblerait, tout au moins qui peut, par la
suite, servir pour déterminer l'exigibilité à la
libération conditionnelle. Or, la victime ne sait pas, au moment
où elle rédige ce rapport, cette déclaration où
elle met tous les détails du crime dont elle a été la
victime, elle ne sait pas que, cette information-là, ça va la
suivre. C'est par écrit, ça va se retrouver dans le dossier
correctionnel, ça va rester là, ça va être
accessible aux gens qui travaillent auprès des... au niveau du service
correctionnel. Je pense que ce serait important que, quand la personne
rédige ce rapport-là, elle soit consciente du fait que, bon, ce
qu'elle écrit, ça va rester, puis ça va circuler à
certains endroits. Je pense que c'est important, en tout cas, que cette
information-là soit disponible à la victime.
M. Rémillard: Avec votre permission, Me Viens aimerait
ajouter un commentaire, M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): Très bien. Me Viens.
Mme Viens (Christine): Nous sommes informés de cette
préoccupation de l'Association québécoise
plaidoyer-victimes, notamment en ce qui concerne la déclaration de la
victime c'est de ça que vous parlez où la victime,
effectivement, remplit une déclaration écrite sur les
conséquences du crime, qui est par la suite transmise au tribunal. Nous
avons pris note de cette remarque et de cette préoccupation, qui ont
été exprimées par Plaidoyer-Victimes, et, dans les
formulaires de la déclaration de la victime, les nouveaux formulaires,
il sera fait mention de cette possibilité, pour les services correc-
tionnels, d'avoir en main la déclaration, de sorte que la victime pourra
faire ses choix en conséquence.
Alors, cette préoccupation peut recevoir une application d'une
façon concrète. Des mesures seraient prises pour que, lorsqu'elle
remplit le formulaire de déclaration de la victime, une note soit sur le
formulaire, que ce soit carrément indiqué sur le formulaire, ce
qui se passe avec la déclaration et où elle peut se
retrouver.
M. Bélanger: Si je comprends bien, vous dites que la
victime aura le choix. Est-ce qu'elle va avoir réellement un choix
relativement à la circulation de ce document-là, ou, tout
simplement, on va l'informer que ce document-là va circuler? Est-ce que
c'est ça que vous dites? Il va y avoir une information, tout simplement,
qui l'avise que le document qu'elle signe va circuler, c'est tout?
Mme Viens (Christine): C'est ça.
M. Bélanger: C'est ça? Est-ce que je comprends
qu'un avocat qui irait dans les plumitifs criminels d'un palais de justice,
est-ce que cette déclaration-là se retrouve dans des dossiers
criminels?
Mme Viens (Christine): C'est que la déclaration est
déposée au tribunal. À partir de ce moment, elle fait
partie du dossier de la cour.
M. Bélanger: Donc, elle est accessible à n'importe
qui, finalement.
Mme Viens (Christine): C'est-à-dire qu'elle...
Le Président (M. Dauphin): Oui, Me Viens, allez-y.
Mme Viens (Christine): Elle n'est pas facilement accessible, en
ce sens qu'elle est mise dans une chemise à part, au même titre
que le rapport présentencie!. Mais il s'agit d'une pièce qui est
au dossier et qui fait partie du dossier de la cour.
M. Bélanger: Est-ce qu'elle peut être
consultée par quiconque ou uniquement par un praticien?
Mme Viens (Christine): Si une personne veut obtenir une
information au dossier de la cour, elle pourra l'obtenir, mais disons
que...
M. Bélanger: C'est public, donc.
Mme Viens (Christine): ...d'une façon concrète, ce
n'est pas rendu... c'est tenu à part avec les «exhibits» de
façon à ne pas nécessairement le laisser dans le dossier
de la cour, puis... Mais il s'agit d'une déclaration qui est
déposée au tribunal au même titre que le témoignage
que la victime pourra faire.
M. Bélanger: Mais, justement, il n'y aurait pas moyen de
prévoir qu'une fois que le tribunal s'est servi de cette
déclaration-là ce soit peut-être retourné à
la commission? De ne pas laisser, justement, ce genre de déclaration...
parce que c'est public. Je comprends que c'est classé pour avoir
pratiqué dans des plumitifs, qu'il faut être un peu
initié pour savoir comment en obtenir une copie, que ce n'est pas Mme ou
M. Tout-le-Monde qui peut savoir comment en obtenir une copie. Mais, si je
comprends bien, n'importe qui qui veut vraiment faire la démarche, qui
va demander conseil auprès de quelqu'un qui est le moindrement familier
avec les tribunaux, peut trouver le moyen de mettre la main sur ce document et
le voir. C'est ça, si je comprends bien? Parce que, quand ces
gens-là signent ça, ils racontent en détail, en
général, la façon dont ils ont été victimes
d'un acte criminel. Je peux comprendre que dans certains cas d'actes criminels,
comme un vol de sac à main, même avec blessure, ce n'est pas si
mal que ça. Mais, dans le cas d'un acte criminel à connotation
sexuelle, je peux comprendre que c'est un peu plus gênant,
peut-être, de voir ce genre de document là se retrouver par
écrit, et de se retrouver accessible au public. Ça ne vous
préoccupe pas un peu?
Mme Viens (Christine): Le problème, en somme, est le
suivant: C'est qu'à partir du moment où les dossiers de la
cour... La règle générale en matière criminelle,
c'est la publicité des procédures; les dossiers, les
pièces de la cour sont admissibles, en fait, sont accessibles. Alors,
c'est pourquoi cette préoccupation, pour la victime qui aurait des
craintes ou des réticences, on comprend qu'il faut qu'elle soit
informée de ce fait, de façon à ce qu'elle puisse faire
ses choix en conséquence.
M. Bélanger: Oui. Mais, pour suivre votre raisonnement, il
y a certains documents qui sont disponibles. Je comprends que, pour avoir le
droit à une défense pleine et entière, il est important,
disons, que l'avocat de l'accusé ait accès à tous les
documents qui pourraient être utilisés en preuve dans un
procès ou, en tout cas, qui pourraient être pris en
considération. Ça, je comprends ça. C'est tout à
fait normal.
Mais, justement, comme communication de la preuve, quand il y a une
communication de la preuve qui se fait au criminel, l'avocat peut voir certains
documents, mais ne peut pas en prendre possession. Certains documents ne sont
pas, comme tels, publics. Il peut les voir uniquement à un moment
donné, lors de la communication de la preuve, et ils ne seront pas
disponibles à un autre moment. Je me demande si, cette information
privilégiée, on ne pourrait pas faire ça, faire quelque
chose en cette sorte. Ce ne serait pas possible, ou est-ce que ça a
été envisagé?
Mme Viens (Christine): En ce qui concerne la communication de la
preuve, les arrêts récents de la Cour suprême font en sorte
que les avocats de la défense auront accès à tous les
documents. Ça a été une de nos préoccupations
à l'égard de la déclaration de la victime, une
préoccupation réelle, puisque, effectivement, la victime pourrait
ne pas souhaiter nécessairement que l'accusé ait en main sa
déclaration. Mais les règles du droit criminel nous obligent
à faire en sorte que l'accusé ait en main, s'il le souhaite et
s'il en fait la demande, absolument toute la preuve de la couronne.
M. Rémillard: On se souvient de toute l'histoire
concernant les trousses médicales et tout ce que ça peut vouloir
dire. Il y a un dévoilement complet de la preuve.
M. Bélanger: Je ne suis pas très familier, je le
reconnais, avec le droit criminel, pour n'avoir pratiqué que quelques
mois, mais je me souvenais de ça. C'est pour ça que je me
demandais tout simplement cette question-là.
Mme Viens (Christine): Oui.
M. Bélanger: Alors, vous me dites, finalement, que c'est
suite à un arrêt pour se conformer à une jurisprudence de
la Cour suprême. C'est ça?
Mme Viens (Christine): C'est ça. C'est l'arrêt
Stinchcombe. Mais, par la suite, effectivement, il y a quelques années,
alors que je pratiquais moi-même à Montréal comme substitut
du Procureur général, la communication de la preuve
n'était peut-être pas aussi... Elle existait, c'est vrai; vous
avez raison. Le député d'Anjou a raison lorsqu'il dit que, la
défense, on lui montrait les documents. On ne donnait pas
nécessairement très librement des photocopies. Maintenant, avec
l'arrêt Stinchcombe...
M. Bélanger: On donne des photocopies de tout.
Mme Viens (Christine): La défense a accès à
toute la preuve.
M. Bélanger: D'accord.
M. Rémillard: Si vous me permettez, M. le
Président, c'est une règle qui est établie. J'ai
donné comme instruction, comme Procureur général, à
tous les substituts de dévoiler toute la preuve avant de débuter
un procès. Toute la preuve est dévoilée à la
défense, sans aucune limite. Ça, c'est une règle, pour
nous, qui est sacrée.
M. Bélanger: Mais est-ce que ce document, au niveau de la
portée légale là, c'est vraiment une information
que je voudrais avoir est-ce que ce document-là a une
portée légale et peut être utilisé carrément
dans un procès, soit pour confronter une victime relativement à
son témoignage? Quelle est la portée légale d'un tel
document? Ou est-ce que c'est uniquement au niveau de la sentence que ça
a un certain impact?
M. Rémillard: Au niveau du prononcé de la sentence,
M. le Président, c'est évident que ça peut avoir des
conséquences importantes.
Le Président (M. Dauphin): Alors, mesdames, messieurs, si
vous me permettez, nous allons ajourner nos travaux à demain matin, 10
heures.
(Fin de la séance à 22 heures)