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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le jeudi 11 mars 1993 - Vol. 32 N° 34

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur l'Accord de libre-échange nord-américain


Journal des débats

 

(Dix heures onze minutes)

Le Président (M. Dauphin): Si vous permettez, nous allons débuter. Le quorum étant constaté, je déclare donc la séance de la commission des institutions ouverte, qui a pour mandat de procéder à une consultation générale et de tenir des a uditions publiques sur l'Accord de libre-échange nord-américain. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui. M. Fradet (Vimont) est remplacé par Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata) et M. Claveau (Ungava) est remplacé par M. Léonard (Labelle).

Auditions

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Alors, je vous fais lecture de l'ordre du jour d'aujourd'hui. Pour débuter, nous aurons le Conseil du patronat et, ensuite, l'Association des manufacturiers du Québec. Cet après-midi, nous aurons la Chambre de commerce du Québec et, ensuite, le Regroupement d'entreprises sidérurgiques du Québec. Ce soir, nous aurons Gaz Métropolitain et, finalement, Me Pierre Ratelle, avocat. Est-ce que l'ordre du jour est adopté?

Des voix: Adopté. M. Ciaccia: Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Adopté. Donc, c'est avec plaisir que nous recevons ce matin le Conseil du patronat. Je reconnais immédiatement, évidemment, le président du Conseil du patronat, M. Ghislain Dufour, qui est un habitué de nos commissions parlementaires, qui a siégé notamment à la commission Bélanger-Cam-peau avec plusieurs parlementaires ici présents. J'aimerais immédiatement lui demander de nous présenter les personnes qui l'accompagnent...

M. Ciaccia: Un personnage historique. Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Dauphin): Un personnage historique, effectivement... et de procéder à son exposé d'une durée d'environ 20 minutes. Ensuite, on procédera à une période de libres échanges entre les parlementaires et vous-même pour une quarantaine de minutes. Alors, M. Dufour, bienvenue à nos travaux.

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

M. Dufour (Ghislain): Merci, M. le Président. Je croyais qu'il était maintenant interdit, dans cette salle, de parler de dossier constitutionnel. Je vous présente mes collègues. À ma gauche, M. Raymond Bréard, qui est vice-président exécutif de l'Association du camionnage du Québec; à ma toute droite, M. Jacques Garon, qui est directeur de la recherche socio-économique au Conseil du patronat; et, à sa propre droite, M. Marc Osborne, qui est directeur adjoint, médias et relations gouvernementales, chez General Motors.

Alors, M. le Président, Mmes et MM. les parlementaires, le Conseil du patronat remercie votre commission de lui permettre d'exprimer son opinion sur l'ALENA. Disons, d'entrée de jeu, qu'il était dans l'intérêt du Canada de se joindre à l'initiative américano-mexicaine visant à conclure un éventuel accord bilatéral de libre-échange, car un tel accord aurait pu diminuer la portée de l'Accord de libre-échange canado-américain en conférant aux États-Unis un avantage concurrentiel marqué en termes d'accès aux marchés nationaux canadien et mexicain. Par ailleurs, il était non seulement important pour le Canada de préserver les acquis de l'ALE, voire même d'en améliorer certaines dispositions, mais également de profiter du potentiel non négligeable du marché mexicain même si, actuellement, il faut le dire, les exportations et les importations québécoises du Mexique ne représentent qu'une petite proportion de l'ensemble de notre commerce international.

Afin de porter un jugement sur l'ALENA, à savoir si les objectifs que recherchaient le Canada et le Québec en particulier ont été atteints, nous analysons notamment, dans notre mémoire, ce qui a été maintenu dans l'ALENA comparativement à l'ALE, ce qui a été amélioré comparativement à l'ALE, les secteurs particuliers du textile, des vêtements et de l'automobile, les débouchés commerciaux des industries québécoises au Mexique et, finalement, ce qu'on appelle les questions non commerciales commes les salaires et l'environnement.

Voyons d'abord, parmi d'autres, deux éléments positifs qui ont été maintenus dans l'ALENA comparativement à l'ALE. Du point de vue du Canada et du Québec, l'une des conditions à la conclusion de l'ALENA était le maintien du statut spécial de l'agriculture de même que des acquis en termes d'outils d'intervention dans le secteur agricole comme la gestion de l'offre, Fassurance-stabilisation des revenus et le crédit agricole. Or, toutes les conditions posées par le Canada et le Québec ont été respectées dans le domaine de l'agriculture et, qui plus est, l'agriculture québécoise bénéficiera de l'élimination des barrières non tarifaires qui freinent les échanges avec le Mexique.

Deuxièmement, au cours des débats sur le libre-échange Canada—États-Unis en 1988, les opposants à l'ALE s'entêtaient à prétendre que cet accord détruirait la culture canadienne et québécoise, minerait nos programmes sociaux, signerait l'arrêt de mort des programmes de gestion de l'offre dans les domaines de la volaille, des oeufs et des produits laitiers, comme exemples, et pourrait même, vous vous rappelez, détourner nos réserves d'eau vers les États-Unis. Quatre ans après l'entrée en vigueur de l'ALE, non seulement ces allégations se sont-elles révélées sans fondement, mais elles ont également montré ce qu'elles étaient vraiment: des tactiques d'opposition à l'ALE employées pour des motifs politiques sans aucun fondement réel. Le gouvernement canadien a donc de nouveau explicitement demandé et obtenu que les industries culturelles et les services sociaux, y compris les services de santé, soient exclus de l'ALENA, tout comme ils l'étaient de l'ALE.

Voyons maintenant ce qui a été amélioré dans l'ALENA comparativement à ce qu'on a déjà avec l'ALE. Il y a eu plusieurs améliorations. Par exemple, les dispositions de l'ALE en ce qui a trait au commerce des produits énergétiques sont reprises dans l'ALENA et certaines améliorations y ont été apportées, notamment en ce qui concerne les mesures de réglementation.

Deuxièmement, non seulement les dispositions de l'ALE concernant les investissements demeurent inchangées dans l'ALENA et s'appliquent donc également au Mexique, mais trois autres dispositions ont été ajoutées, dont la définition de l'investissement, qui est plus large parce qu'elle inclut maintenant toute forme de propriété ou de participation, ainsi que l'impossibilité pour les pays signataires de l'ALENA d'imposer ce qu'on appelle des prescriptions de résultats déterminées à n'importe quel investissement effectué sur leur territoire. On peut dire également qu'un nouveau mécanisme détaillé de règlement des différends a été instauré en matière d'investissement, comprenant maintenant le recours à l'arbitrage obligatoire. Le Canada conserve donc son droit de regard strict sur les acquisitions stratégiques des Américains ou des Mexicains.

Troisièmement, l'ALE ne comporte pas la disposition concernant la propriété intellectuelle. Par contre, l'ALENA impose d'importantes obligations dans ce domaine. Ainsi, chaque pays devra protéger adéquatement les droits de propriété intellectuelle sur la base du traitement national. De plus, les pays signataires prendront des engagements spécifiques concernant les droits d'auteur, notamment les brevets, les marques de fabrique, etc. L'ALENA permet ainsi au gouvernement canadien de réaliser son engagement visant à normaliser — et ça, c'est important parce que c'est un secteur névralgique au Québec — les dispositions applicables aux licences dans le secteur pharmaceutique et, là-dessus, tous devraient vraiment s'en réjouir.

Autre élément, procédures de règlement des différends. Force est de constater que, malheureusement, depuis l'entrée en vigueur de l'ALE, il y a eu une pous- sée de représailles américaines contre certaines industries canadiennes. Là, on peut se rappeler le porc, le bois d'oeuvre, l'acier, le magnésium, la bière, et il y en a eu d'autres également. Dans ces circonstances, le Canada était déterminé à profiter des négociations de l'ALENA pour contrer l'unilatéralisme américain. À cet égard, l'ALENA apporte des améliorations au mécanisme de règlement des différends que comporte l'ALE. Outre la création de la Commission du commerce qui remplace la Commission mixte du commerce canado-américain et qui pourra utiliser la médiation, la conciliation ou d'autres moyens pour régler les différends, l'ALENA instaure cette procédure qu'on appelle procédure des groupes spéciaux au cas où un pays ne voudrait pas se plier aux décisions de la Commission. Ces groupes spéciaux constituent une garantie supplémentaire, quant à nous, que l'application des lois américaines et mexicaines ne viendra pas contrecarrer les recours prévus par l'ALENA. (10 h 20)

Transports terrestres. L'inclusion du transport terrestre parmi les services couverts par l'ALENA est une amélioration importante comparativement à l'ALE dont ce secteur avait été exclu. Les camionneurs canadiens, représentés ici par mon collègue Bréard, pourront s'organiser plus efficacement pour, notamment, leurs déplacements transfrontaliers. Ces derniers pourront transporter des marchandises aux États-Unis, par exemple, faire un chargement de marchandises aux États-Unis et les livrer au Mexique. Et, au retour, ils pourront maintenant livrer des marchandises mexicaines aux États-Unis et au Canada. La libéralisation complète du transport terrestre s'effectuera sur une période de six ans.

Au niveau des services financiers, les engagements sur les services financiers que le Canada et les États-Unis ont pris l'un envers l'autre au terme de l'ALE sont incorporés dans l'ALENA et sont positifs. Il est ainsi évident que l'ouverture du marché mexicain des services financiers dans le cadre de l'ALENA permettra aux institutions financières canadiennes de profiter de nouvelles occasions d'affaires.

Finalement, l'examen des questions de droits antidumping et de droits compensateurs. Rappelons au départ que l'ALENA reprend ici le mécanisme qui a été instauré par l'ALE. Ce qui est nouveau, c'est la possibilité pour les exportateurs canadiens, dans leurs différends avec le Mexique comme avec les États-Unis, d'avoir accès, on l'a dit tout à l'heure, à une procédure d'examen par groupes spéciaux composés de cinq personnes ayant les compétences professionnelles requises plutôt que de se soumettre à la révision judiciaire interne. Le mécanisme de règlement des différends sur des questions de droits antidumping et de droits compensateurs a donc été amélioré, a été renforcé. Toutefois, et c'est une réserve importante, à la lumière des événements récents dans le contexte de l'ALE, il nous apparaît regrettable qu'une définition commune des subventions n'ait pas été négociée afin de limiter les recours

arbitraires aux droits compensateurs. Le Canada a obtenu le maintien et le renforcement des mécanismes d'arbitrage au prix d'une renonciation à une définition commune de la subvention, bien que, dans le cadre de l'ALE, les États-Unis et le Canada aient convenu d'une période de négociation de cinq à sept ans pour s'entendre sur une telle définition. On s'en remet maintenant au contexte multilatéral du GATT, M. le Président, ce qui, pour nous, constitue un recul regrettable.

Parlons maintenant, rapidement, du cas du textile, des vêtements et de l'automobile. Dans le cas du textile, les trois pays élimineront, immédiatement ou sur une période maximale de 10 ans, leurs droits de douane sur les textiles et les vêtements qui sont fabriqués en Amérique du Nord et qui satisfont aux règles d'origine de l'ALENA. Il semble, cependant, que les règles d'origine prévues par l'ALENA soient plus exigeantes que celles de l'ALE. Mais ces mesures, plus limitatives pour les manufacturiers canadiens que celles de l'ALE, devraient être compensées, selon ce que nous dit, notamment, l'Institut des manufacturiers du vêtement du Québec, par une diminution des tarifs appliqués par le gouvernement canadien sur les importations de certains produits; on pense au coton, à la rayonne, au nylon, au polyester. Cette diminution devrait permettre aux importateurs canadiens de payer des taux qui se rapprochent de ceux payés par les importateurs américains pour les mêmes produits. Quant aux entreprises de textile, je ne sais pas si elles viendront vous faire un témoignage devant la commission, M. le Président, j'espère que oui; parce qu'on fait toujours passer le secteur du textile comme s'opposant à l'ALENA, j'ai une lettre de leur part disant que non, au contraire, ils considèrent que l'ALENA est dans le meilleur intérêt de l'industrie à long terme.

Produits automobiles et investissements. L'ALENA éliminera, finalement, sur une période de 10 ans, dans la zone de libre-échange, les obstacles au commerce des automobiles, des camions, des autocars et des pièces automobiles originaires de l'Amérique du Nord. Et, ici, on a une position tout à fait contraire à celle qui vous a été véhiculée hier par le représentant des Travailleurs unis de l'automobile à l'égard de cette situation. Elle est positive pour le Québec, et on pourra en témoigner tout à l'heure avec le représentant de General Motors.

Perspectives ouvertes par l'ALENA pour les industries québécoises. Alors, on peut regarder rapidement ce que ça nous donne, dans le fond. Alors, regardons les produits forestiers. C'est une industrie, la pâte de bois et de papier, qui est la plus grande exportatrice au Québec. Or, on s'attend à ce que la demande mexicaine de pâte de bois s'accroisse de 50 % au cours des 10 prochaines années.

La réduction des droits de douane dans le domaine du matériel et des services de transport favorisera les fabricants québécois de matériel ferroviaire et d'équipement de transport urbain, d'aéronefs et de pièces d'aéronefs, et on est fort dans ces domaines-là.

Le niveau de vie des Mexicains s'améliorant, les marchés mexicains s'ouvriront davantage aux produits canadiens comme le porc et les aliments transformés, ouverture dont l'industrie québécoise bénéficiera.

L'augmentation de la demande mexicaine dans le domaine de la télécommunication devrait créer des débouchés pour les entreprises québécoises. On s'attend à une croissance de 42 % du marché mexicain de la télécommunication d'ici l'an 2000.

Il s'agit là d'autant de secteurs où le Québec possède des avantages comparatifs, et, pour peu que ces industries soient concurrentielles, évidemment, par rapport à celles des États-Unis, le marché mexicain devrait offrir d'excellentes perspectives à nos exportateurs. La question, d'ailleurs, à se poser, M. le Président, c'est: Le Canada et le Québec peuvent-ils rejeter les avantages d'une plus grande libéralisation des échanges commerciaux avec le Mexique qui reposent sur le potentiel de croissance d'un marché de 85 000 000 d'habitants?

J'aimerais aborder rapidement maintenant, M. le Président, les fameuses questions non commerciales: les bas salaires et l'environnement. L'argument selon lequel la volonté des pays industrialisés d'accroître les échanges commerciaux avec les pays moins développés — c'est le cas pour le Mexique — fera baisser les salaires aux États-Unis et au Canada est, quant à nous, un argument fallacieux. Selon nous, l'industrialisation des pays moins développés devrait faire augmenter et non pas diminuer les salaires moyens dans des pays comme les États-Unis et le Canada. Etant donné les très grandes différences entre les pays moins développés et les pays industrialisés au chapitre de la production par travailleur, on aurait pu s'attendre à ce que le déplacement de la main-d'oeuvre mondiale vers les pays moins développés réduise la productivité de la main-d'oeuvre dans le monde. Or, c'est carrément le contraire qui s'est produit, la productivité de la main-d'oeuvre mondiale ayant augmenté en raison principalement des accroissements importants de la production par travailleur aussi bien dans les pays moins développés que dans les pays développés.

L'autre objection, c'est celle de la tendance à l'égalisation des salaires à travers le monde. Évidemment, vue toujours au plus bas commun dénominateur, elle ne s'est pas traduite par une diminution des salaires dans les pays développés, mais par une augmentation des salaires dans les pays moins développés, et on vous donne l'exemple: en 1987, le taux de rémunération dans le secteur de la fabrication en Corée correspondait à 15 % du taux de salaire au Canada, alors qu'il n'était que de 7 % en 1975. Cette convergence est attribuable à la croissance rapide des salaires réels en Corée et non à une diminution des salaires au Canada. Cette tendance va probablement se maintenir au cours des prochaines années.

Regardons maintenant, rapidement, l'environnement. L'ALENA contient un engagement ferme envers le développement durable ainsi que la protection de

l'environnement et le respect des normes environnementales. L'ALENA reconnaît, par exemple, à chaque pays le droit de maintenir des normes environnementales plus strictes que celles recommandées par les organisations internationales. L'Accord stipule également que les trois pays ne devraient pas assouplir leurs normes en matière de santé, de sécurité ou d'environnement dans le but d'attirer des investissements.

Aux critiques des dispositions de l'Accord en cette matière, rappelons simplement que Sedesol, l'Agence mexicaine de l'environnement, a vu son budget augmenter de 3 700 000 $ en 1989 à 68 200 000 $ en 1992. Plus de 1000 usines ont été fermées au cours de la dernière année, dont un bon nombre de façon permanente, en particulier la raffinerie de pétrole la plus importante du Mexique dont le chiffre d'affaires était de 50 000 000 $ et qui embauchait 5000 personnes, parce que, justement, on ne rencontrait pas les normes environnementales du pays. Ça, on oublie de citer ce genre d'exemple là.

Au mois de mars 1992, les entreprises les plus polluantes des plus grands centres urbains ont reçu instruction de se conformer dans un délai de 18 mois à de nouvelles normes d'émission de polluants dans l'air, sous peine de devoir fermer leurs portes ou de déménager. De plus, avant d'implanter toute nouvelle usine, on doit procéder à une étude environnementale complète, et l'entreprise doit démontrer comment elle se conformera aux nouvelles dispositions environnementales avant de commencer ses opérations. Il y a donc lieu de croire que d'ici quelques années — ce n'est pas parfait, là, mais d'ici quelques années — il y aura autant d'intérêt pour le dossier de l'environnement au Mexique que c'est le cas pour le Canada et le Québec actuellement.

En synthèse et conclusion, M. le Président. En vertu de l'ALENA, le Mexique éliminera presque toutes ses licences d'importation et tous ses droits de douane dont certains immédiatement et le reste au cours d'une période de transition. Presque tous les secteurs de l'économie mexicaine seront ouverts aux entreprises canadiennes, y compris certains qui leur étaient jusqu'ici inaccessibles comme, je le répète, les automobiles et les pièces d'automobile, les services financiers, le camionnage, l'énergie, les pêches et d'autres. (10 h 30)

Le Canada a notamment réussi à faire adopter des règles d'origine plus claires et plus précises, à améliorer le mécanisme de consultation et de règlement des différends en matière d'administration douanière et à réduire les pouvoirs de rétorsion dont disposent les États-Unis, quoiqu'il soit regrettable, et on a insisté pour le dire tout à l'heure, que l'on ait sacrifié la poursuite des discussions sur la définition même d'une subvention. Ces gains ont été obtenus dans le cadre d'un accord qui permet au Canada de maintenir les mesures de sauvegarde du Pacte de l'automobile et de continuer à contingenter les importations de produits avicoles et laitiers pour soutenir le régime de gestion de l'offre. De plus, comme le fait déjà l'ALE, cet accord exclut les indus- tries culturelles et laisse au gouvernement sa liberté d'action dans le domaine des services sociaux.

Par ailleurs, les écarts grands, on doit le dire, qui séparent les États-Unis, le Canada et le Mexique au chapitre des coûts de main-d'oeuvre et du développement technologique ont suscité des controverses et des craintes qui ne sont pas nécessairement non justifiées. Notre réponse à ces préoccupations est claire: si les bas coûts de main-d'oeuvre au Mexique avaient été, à ce jour, un avantage concurrentiel marqué, il y a longtemps qu'on aurait été envahis par les produits mexicains, ce qui n'est tout simplement pas le cas.

Quant au commerce international du Québec avec le Mexique, il est encore marginal et ne touche que quelques secteurs. Cependant, le potentiel de croissance du Mexique n'est pas négligeable, et un meilleur accès au marché mexicain offrira des débouchés intéressants à certaines industries québécoises.

Le Mexique détient la clé de la croissance de l'hémisphère. Les promesses de l'ALENA ne seront réalisées que si ce pays parvient, par la croissance, à se dépouiller de son statut de pays en voie de développement. À cet égard, les perspectives paraissent favorables: les performances industrielles et commerciales du Mexique ont été carrément remarquables au cours des cinq dernières années.

Je termine en disant, M. le Président, que l'ALENA nous apparaît positif pour le Canada et le Québec, et nous croyons qu'il est dans le meilleur intérêt des Canadiens et des Québécois de l'appuyer.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. Dufour, pour votre exposé très intéressant. Je vais maintenant demander au ministre des Affaires internationales de débuter la période d'échanges. M. le ministre.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je veux remercier M. Dufour pour sa présentation et aussi le Conseil du patronat. J'ai apprécié votre mémoire qui fait le tour des principaux éléments de l'ALENA. Je crois que ça démontre que ce n'est ni un miracle économique assuré pour les entreprises, le fait qu'on signe cette entente, et ce n'est ni une catastrophe économique qui a été prédite par beaucoup d'autres et ceux qui s'opposaient à l'entente de libre-échange avec les États-Unis. Alors, je pense que ça souligne qu'il faut donc prendre les bonnes mesures de conséquences et s'adapter aux nouveaux défis que ça représente.

Quelques brèves questions. Sur les investissements, quelle est votre position? Croyez-vous que l'ALENA améliore la capacité du Québec d'attirer les investissements?

M. Dufour (Ghislain): Je vais demander à notre chef économiste, M. Garon, de répondre à cette question des investissements.

Le Président (M- Dauphin): M. Garon.

M. Garon (Jacques): M. le Président, en réponse à la question du ministre, on pourrait dire qu'il est peut-être un petit peu tôt pour juger si, dans le contexte de la continentalisation de l'économie qui sera en vigueur, on l'espère, le 1er janvier de l'année prochaine, le Québec sera en meilleure position d'améliorer les investissements. Par contre, ce qu'on peut dire, et ça, c'est des nouvelles qui nous ont été communiquées récemment, c'est que, depuis l'entrée en vigueur du traité de libre-échange canado-américain, les investissements directs étrangers au Canada ont augmenté d'une façon considérable de 1989 à 1991 par rapport aux années antérieures au traité de libre-échange canado-américain, malgré le fait qu'il y ait eu récession. Et quand on parle d'investissements, M. le Président, je pense qu'on parle d'investissements directs et non pas les investissements de portefeuille, c'est-à-dire les investissements dans la machinerie et l'équipement, les investissements qui génèrent de la création d'emplois au Canada et au Québec.

Ces chiffres qui nous ont été transmis par Investissements Canada montrent qu'il y a eu plus de 16 000 000 000 $ d'investissements directs étrangers, dont au moins 65 % à 70 % en provenance des États-Unis vers le Canada, et nous présumons, parce que, là, on n'a pas les chiffres, qu'évidemment le Québec en a bénéficié aussi, parce que nous n'avons pas les chiffres sur un plan régional. Mais, tout de même, ça montre que depuis — et ce n'est peut-être pas une coïncidence — l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange les investisseurs étrangers ont tout de même accueilli très favorablement les possibilités offertes par le Canada, et je suis, pour ma part, certain que le Québec en a aussi bénéficié.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le ministre.

M. Ciaccia: Vous avez parlé dans votre mémoire des produits de l'automobile et d'investissements. Il y a plusieurs mémoires qui nous ont vraiment fait un portrait «catastrophe» pour le Québec dans ce secteur. Vous dites que les dispositions sont positives. Est-ce que vous pourriez élaborer sur ce sujet un peu?

M. Dufour (Ghislain): Oui, c'est une critique très forte qui est faite contre l'entente, qu'on exagère l'importance dans un certain nombre de secteurs, dont celui de l'automobile, et vous avez entendu hier une certaine critique. Alors, je vais demander au représentant Osborne, de General Motors, de vous donner quelques chiffres, en quoi c'est avantageux pour le Québec, l'ALENA. Marc.

Le Président (M. Dauphin): M. Osborne.

M. Osborne (Marc): Oui, M. le Président. Je vais faire un bref rappel historique. On prend le Pacte de l'automobile qui a été créé en 1965. Suite à ça, GM créait trois usines au Canada, dont l'usine de Bois-briand. Ça a permis de rationaliser l'industrie canadienne à ce moment-là, et aussi de devenir la septième plus grande industrie automobile au monde, et, finalement, de mettre des bases au Québec avec l'usine de Boisbriand. Cet accès-là au marché nord-américain a toujours été très important. À partir de 1965, on pouvait importer des pièces tout partout à travers le monde puis utiliser ces composantes-là, les mettre dans les automobiles canadiennes et, ensuite, les exporter sans frais de douane aux États-Unis et les vendre au Canada. On n'a jamais pu avoir accès au marché mexicain en produits finis vu le décret, les contenus de valeur ajoutée et les frais de douane. D'ailleurs, avec le décret de 1989, mexicain, même si on rencontre la valeur ajoutée et le décret, on est quand même frappés des frais de douane. Alors, si on regarde les échanges commerciaux de l'an passé, on a vendu à peu près pour 90 000 000 $ de biens au Mexique dans l'industrie automobile, et le Mexique a réussi à exporter 1 900 000 000 $. Alors, il y a une balance très défavorable envers le Canada dans l'industrie automobile.

En ouvrant le marché mexicain, ça nous ouvre un marché qui va croître à un rythme de 6 % annuellement, et on croit que, vers 2004, l'industrie automobile mexicaine équivaudra, en termes d'unités vendues, à l'industrie canadienne. Alors, c'est un grand potentiel pour les monteurs, une usine comme Boisbriand qui va pouvoir aller exporter des véhicules au Mexique beaucoup, beaucoup plus facilement, à cause du décret qui va venir s'amoindrir sur une base de 10 ans, que ce n'est le cas présentement.

Je peux vous rappeler aussi qu'on peut importer... on retrouve des voitures fabriquées au Mexique sur le marché canadien à des frais de douane qui sont très peu, mais le contraire présentement est très difficile à créer ou à faire.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le ministre.

M. Ciaccia: Je vous remercie. Dans le secteur du camionnage, vous avez mentionné des avantages. Dans l'entente du libre-échange avec les Américains, ça avait été exclu, puis, évidemment, il y avait des restrictions quant au... Est-ce que vous pourriez élaborer juste un peu sur les avantages? Qu'est-ce que ça représente pour notre industrie du camionnage au Québec?

M. Dufour (Ghislain): On a choisi deux secteurs, entre autres, parce qu'on en a énuméré toute une série tout à l'heure, dont les institutions financières. C'est très important ce qui va se passer au Mexique avec nos institutions financières, mais aussi dans le camionnage qui est un service. Je vais demander à Raymond Bréard, qui est le v.-p. de l'Association du camionnage, de nous dire en quoi.

Le Président (M. Dauphin): M. Bréard.

M. Bréard (Raymond): Oui. Ce que ça a donné, c'est que, d'abord, auparavant le marché mexicain nous était presque inaccessible parce qu'on n'avait pas de relations commerciales avec les entreprises mexicaines. Maintenant, depuis l'Accord de libre-échange, on a eu des rencontres assez régulières avec les entreprises de camionnage du Mexique, et ça permet au Québec d'aller chercher un marché qui était, jusque-là, inaccessible. D'ailleurs, ça nous a fait remarquer que les statistiques officielles des gouvernements sur le commerce Québec-Mexique ne reflètent pas nécessairement la vraie réalité. II y a un peu plus de biens qui se transigent entre les deux pays que ne le démontrent les statistiques, parce qu'on a découvert que des produits québécois étaient vendus au Mexique par l'intermédiaire de courtiers américains. Alors, nous, on vend aux États-Unis et, quand on va au Mexique, on découvre qu'on a des produits qui se vendent là-bas, mais on ne les a jamais vendus aux Mexicains; nous, on les a vendus aux Américains qui les ont revendus aux Mexicains. Ce que ça fait maintenant, c'est qu'on est capables d'aller faire le transport directement avec les Mexicains. Avant, on livrait aux États-Unis et on revenait. Maintenant, on est capables d'aller au Mexique, d'échanger avec les Mexicains et de ramener de la cargaison. Disons que ça a un potentiel énorme pour les entreprises québécoises. (10 h 40)

M. Ciaccia: Je vous remercie. On n'a pas beaucoup de temps, puis je voudrais en laisser, du temps, à mes collègues. Juste une autre question. Sur les salaires, les bas salaires, votre argument, et je crois que ça avait été démontré même par d'autres intervenants, est que ça ne baissera pas les salaires ici. Ça, c'est votre argument, de dire que l'ALENA peut avoir cette conséquence, et vous avez montré comment ça va plutôt à la hausse dans d'autres pays. Mais la crainte est que des sociétés, des entreprises québécoises vont déménager une partie de leurs opérations ou toutes leurs opérations au Mexique parce qu'il y a des bas salaires au Mexique. Est-ce que je pourrais avoir vos commentaires sur cette crainte de plusieurs groupes?

Le Président (M. Dauphin): M. Dufour.

M. Dufour (Ghislain): Ceux qui affirment ou qui expriment cette crainte-là, que toutes nos entreprises vont déménager là-bas, je pense qu'ils grossissent le problème. On vient d'entendre, tout à l'heure, un représentant de GM dire qu'ils pourraient peut-être installer un plan là-bas, mais il n'est sûrement pas question de déménager la fabrication des Camaro au Mexique.

La question des salaires, vous l'exprimez bien. Ce n'est pas vrai qu'il y a un transfert de faibles salaires des pays en voie de développement vers les pays plus riches. Au contraire, ça a tendance, comme on l'exprime avec la Corée comme exemple, à monter les salaires de tout le monde. Ce qui nous est souvent allégué, c'est que, comme les Mexicains ont un salaire plus bas, ils vont inonder le Québec et le Canada de leurs produits, les fabriquant à un salaire beaucoup plus bas. Là-dessus, on n'a qu'une réponse, c'est celle du Conference Board qui est très crédible et qui dit ceci: En 1989, c'était vrai que les salaires canadiens étaient 7,5 fois plus élevés que ceux d'un travailleur mexicain, 17,43 $ contre 2,31 $ pour le second. Mais — deuxième partie de la phrase importante — le taux de productivité du premier était six fois et demie plus élevé que celui du second. Donc, c'est vrai que les salaires sont bons, mais ils n'ont pas de productivité. Et si on ajoute à ça la gestion qui est plus faible, l'absence de capitaux, l'absence de vraies institutions financières, bien, à ce moment-là, il n'y a aucun avantage salaire. Donc, ça, c'est les deux arguments au niveau du salaire.

Vous allez un petit peu plus loin en disant: Nos entreprises, demain, s'en vont là-bas. Mais elles s'en vont là avec une certaine productivité, par ailleurs; même si les salaires sont plus bas, elles s'en vont là avec une certaine productivité. Mais il faut aussi reconnaître que, pour faire en sorte qu'éventuellement les Mexicains achètent nos produits il va falloir augmenter leur niveau de vie, parce que, si on les laisse à 2,31 $, on ne leur vendra pas beaucoup d'aéronefs. Alors, il va falloir grimper leur salaire et, une des façons de le faire, c'est justement d'installer un certain nombre d'usines de notre cru là-bas, avec nos méthodes de production, notre technologie, etc., qui vont automatiquement augmenter leurs salaires et faire en sorte qu'ils vont, pour nous, devenir des bons consommateurs.

M. Ciaccia: Je vous remercie. Quelle serait votre position quant à la possibilité que d'autres pays accèdent à l'ALENA? Parce qu'il y a une clause dans l'ALENA, à savoir qu'ils ont besoin de l'accord unanime de chaque pays. Et on parle beaucoup de l'ouverture en Amérique latine. Est-ce que vous avez...

M. Dufour (Ghislain): Oui, on est très au fait du fait que les États-Unis, notamment, parlent déjà du Chili. Eux autres, ils sont très intéressés par le Chili comme éventuel associé et partenaire économique. On n'est pas rendus là, M. le Président, pour une raison qui est très simple. On n'a pas vécu encore les aléas possibles. Ça ne roulera pas tout le temps sur quatre roues. Il va y avoir des problèmes. Pour l'instant, nous, essayons de vivre celui-là, il n'est même pas signé, avant d'en ajouter d'autres. Alors, on peut se donner une période, un moratoire de vécu de ces ententes-là. Il y a des nouveaux mécanismes, par exemple, d'arbitrage des différends, des fameux groupes spéciaux dont on parlait. Comme il n'y a pas la définition de subvention, aussi, on va continuer dans les chicanes probablement. Alors, pour l'instant, on n'est pas, en principe, contre, mais il faudrait sûrement regarder le vécu de tout ça avant d'aller plus loin. Par ailleurs, si vous, les conducteurs

de ces dossiers-là, nous faites une proposition d'analyser éventuellement, à partir d'un document de travail qui viendrait de vous, la possibilité d'inclure le Chili ou d'autres pays, on va le faire avec plaisir. Mais, pour l'instant, nous, on n'a pas fait cette recherche-là.

M. Ciaccia: Vous avez mentionné les subventions, vous en avez parlé dans votre présentation. La question de subvention a été abordée après l'entente du libre-échange avec les États-Unis, mais on s'est aperçu que leur position et la nôtre étaient complètement à l'opposé l'une de l'autre, et, pour eux, c'était presque une question idéologique, la question de subvention. C'est pour ça que nous, on a dit: Bien, écoutez, si on ne peut pas s'entendre avec les Américains, parce qu'ils semblent prendre une position de «do as I say, not as I do»... Parce qu'ils en font, des subventions, mais ils ne veulent pas en entendre parler. C'est pour cette raison qu'on a pris la position: On va établir ça au GATT et, la définition de «subvention» au GATT, ça va s'appliquer aux États-Unis. Parce qu'on a trouvé que c'était impossible de négocier. C'est parce que vous exprimez une certaine réserve, mais il faut avoir la... Tu sais, il faut s'entendre avec nos voisins, puis on ne pouvait pas.

M. Dufour (Ghislain): Je vais demander à M. Garon d'ajouter à ce que je vais dire. On sait que la majorité des grands problèmes qu'on a rencontrés, justement, avec les États-Unis — et je comprends les positions tout à fait divergentes du Canada et des États-Unis sur la définition de «subvention»... Mais on sait que, dans le cas, par exemple, du magnésium avec Norsk Hydro, ça a été une question de définition de «subvention», bon, le coût de l'électricité. Même chose dans le cas de la potasse. Alors, ça crée un certain nombre de problèmes, mais on aurait pensé qu'on pouvait aller plus loin. Alors, Jacques.

M. Garon (Jacques): Oui, M. le Président. Le Président (M. Dauphin): M. Garon.

M. Garon (Jacques): En réponse au ministre, je pense que c'est une question clé qui va déterminer la façon dont les lobbyistes, qui sont très forts aux États-Unis, vont continuer à persévérer dans ce qu'on a vécu au cours des trois dernières années. Et, malheureusement, on ne sait pas trop ce qui va se passer avec les négociations du GATT, parce que, là, c'est un petit peu au point mort. On espère que ça va aboutir, mais, dans le contexte où ça traîne en longueur puis que ça n'aboutit pas, on se retrouve tout de même à la merci des grandes industries américaines qui vont faire le lobby pour leur propre secteur. Et dans ce contexte, malgré l'arbitrage qui nous est proposé, qui est tout de même une certaine amélioration, nous ne sommes pas convaincus que ça ne va pas se reproduire tant et aussi longtemps que la question des négociations du GATT ne sera pas réglée.

M. Ciaccia: Heureusement qu'on a le règlement des différends, la structure de règlement des différends, et la capacité de négocier avec le «Department of Commerce». Je vous remercie.

Le Président (M. Dauphin): Merci.

M. Dufour (Ghislain): Si vous me permettez un ajout. Vous illustrez bien, M. le ministre, que nos problèmes, dans le fond, ne sont pas des problèmes avec l'ALENA, ce sont des problèmes avec les États-Unis.

M. Ciaccia: Ha, ha, ha! Oui. Vous avez raison.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: Bon point, bon point.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. Alors, il reste quatre minutes dans votre enveloppe de temps. Maintenant, je vais reconnaître l'Opposition officielle en la personne du député de Bertrand.

M. Beaulne: Merci, M. le Président. Votre mémoire soulève certaines questions. Bien sûr, on s'attendait déjà à certaines conclusions, mais, quand même, vous soulevez des points intéressants qui se rattachent beaucoup plus, je dirais, à la problématique avec les États-Unis, comme vous venez de le mentionner, qu'à l'ajout du Mexique. Et je pense, effectivement, que ce qui ressort jusqu'ici de cette commission, c'est que les points ou les préoccupations que font ressortir les intervenants se rattachent beaucoup plus à l'application plus ou moins boiteuse du premier traité, c'est-à-dire celui avec les États-Unis, plutôt qu'à l'ajout du Mexique ou, éventuellement, d'autres pays.

J'aimerais revenir sur deux questions qu'a posées le ministre. Premièrement, en matière d'investissements, vous avez cité des chiffres, mais quel est l'impact véritable de l'Accord de libre-échange sur l'augmentation de ces investissements-là par rapport à des phénomènes comme, par exemple, le phénomène des immigrants investisseurs de Hong-Kong que le Québec a fait un effort particulier pour attirer, d'une part, et d'autre part, d'autres investissements majeurs, en particulier certaines alumineries qui sont venues s'installer ici, indépendamment des conclusions de l'Accord de libre-échange?

M. Dufour (Ghislain): Personnellement, je ne pourrais pas faire la division entre ce qui est imputable à ce que vous venez de dire et qui est important dans l'attrait, les investisseurs de Hong-Kong ont beaucoup d'argent. Je ne sais pas si, Jacques, tu peux.

M. Garon (Jacques): Oui. M. le Président, juste pour ajouter une question. D'abord, c'est très difficile

d'avoir des statistiques précises sur la régionalisation des 16 000 000 000 $ dont parle Investissement Canada, parce qu'il faut se rappeler que tout ce qui est en bas de 150 000 000 $ n'a pas besoin de rentrer à travers Investissement Canada. (10 h 50)

Deuxièmement, c'est vrai qu'il y a eu des investissements du Sud-Est asiatique qui n'ont rien à voir avec le traité de l'Accord de libre-échange canado-amé-ricain ou même, comme vous l'avez mentionné, l'attrait de certaines industries au Québec. Cependant, quand on regarde le total pour les investissements, il y en a quand même 65 % à 70 % qui nous viennent des États-Unis. Alors, on présume que, tout de même, ça a dû avoir un impact positif en regard, au moins, des investisseurs américains, parce que c'est de ceux-là qu'on parle dans le contexte de l'accord canado-américain, ce qui n'empêche pas et vous avez tout à fait raison de dire qu'il y a d'autres investisseurs étrangers qui, eux aussi, sont venus s'installer au Canada et au Québec.

Le Président (M. Dauphin): M. le député.

M. Beaulne: Je posais la question, parce que c'est facile de faire dire n'importe quoi aux chiffres, et je pense que, quand on veut évaluer l'impact d'une mesure particulière, il faut être en mesure de décortiquer les chiffres dans la mesure du possible. D'autre part, vous dites que ça a eu un impact positif. On peut également dire que ça n'a pas eu d'impact négatif. Alors, il y a différentes façons de percevoir la réalité.

Ma deuxième question s'adresse au représentant de l'industrie du camionnage. Vous avez mentionné que l'entrée du Mexique profiterait à l'industrie du camionnage québécois. Effectivement, théoriquement, et je dis bien «théoriquement», sur papier, en supposant que cette entente favorise l'accroissement des échanges entre le Canada... entre le Québec et le Mexique, en particulier... Effectivement, sur papier, tout du moins, ça ouvre certaines portes à l'industrie du camionnage québécois. Par contre, dans la réalité, j'aimerais que vous nous parliez un peu de votre position concurrentielle par rapport à l'industrie du camionnage américain. Qu'est-ce qui vous permet de dire que, dans l'application de l'ALENA, l'industrie du camionnage québécois pourra concurrencer, effectivement, celle du camionnage américain, même si, effectivement, en théorie, elle a accès au marché mexicain? Je dis ça parce qu'une grande partie, sinon la plus grande partie des échanges entre le Mexique et le Québec se fait par transport ferroviaire ou par camion.

Le Président (M. Dauphin): M. Bréard.

M. Bréard: Oui, la question, elle est très, très opportune, parce que le véritable problème, comme disait M. Dufour, notre véritable problème, c'est avec les Américains, en dehors de l'Accord de libre-échange nord-américain. On a un problème de compétitivité avec les transporteurs américains qui, quoiqu'il en soit, aurait été le même depuis la période de déréglementation et, sans escamoter les problèmes qu'on a avec les Américains, on a eu des rencontres régulières avec les transporteurs américains et les transporteurs mexicains. Il y a même eu une convention ici, à Québec. La troisième conférence sur l'Accord de libre-échange nord-américain sur le transport s'est faite à Québec. Ça a amélioré notre position concurrentielle et, en termes réels, après six missions commerciales où on s'est rencontrés, les employeurs des trois pays, on a commencé à augmenter des échanges. Il y a des transporteurs du Québec, de Thetford Mines, de Québec, de Montréal, qui font des trajets sur le Mexique qu'ils ne faisaient pas avant. Le potentiel est encore considérable, bien que là, comme ça commence, on n'a pas réussi à équilibrer les voyages, parce qu'on a des voyages du Mexique vers le Québec, mais on n'a pas toujours les voyages du Québec vers le Mexique en même temps, alors ça cause des petits problèmes. Mais le potentiel, il est là, parce que, avant, tout ça, c'était exclusivement l'apanage des transporteurs américains. Maintenant, on est capables d'y aller directement, passer des accords commerciaux entre les transporteurs mexicains et québécois, mais, comme vous dites, ça n'escamote pas le problème que l'on a, et ce n'est pas avec les Mexicains, c'est avec les Américains, et ça, c'est un problème de concurrence, un problème de choix de société, un problème aussi qu'on a... Ce n'est pas l'Accord de libre-échange nord-américain, au contraire. L'Accord de libre-échange nord-américain nous permet d'aller chercher un marché supplémentaire très réel.

M. Beaulne: Oui. Ça m'amène, justement, à ma troisième question qui concerne l'accès garanti au marché américain. Vous soulevez, dans votre mémoire, le fait que, par rapport à l'association de libre-échange américain, l'ALENA représente un recul, en particulier au chapitre de la définition des subventions. Je pense que c'est un chapitre absolument important, parce que, lorsqu'on a fait le débat sur le libre-échange avec les États-Unis, les arguments favorables à l'entente qui avaient été avancés par ceux qui appuyaient l'entente étaient à l'effet que ça nous offrirait un marché, ça nous garantirait un accès au marché américain, dans la mesure du possible, sans entrave. L'application concrète a montré qu'il n'en était pas toujours de même au chapitre, en particulier, de l'application des surtaxes et des lois antidumping. Étant donné que vous reconnaissez vous-mêmes, comme l'ont fait d'ailleurs d'autres intervenants ici, qu'il s'agit là d'un recul par rapport à l'association de libre-échange avec les États-Unis, comment conciliez-vous l'appui ou l'argument qui avait été invoqué de la garantie d'accès au marché américain avec le recul que représente l'entente actuelle?

Le Président (M. Dauphin): M. Dufour.

M. Dufour (Ghislain): Vous utilisez le mot «recul». Pour nous, ce n'est pas un recul, c'est qu'on aurait voulu profiter de cette négociation pour en arriver à une meilleure définition de la subvention. Il n'y a pas eu d'entente pour les raisons qui étaient expliquées par le ministre tout à l'heure. Alors, tout ça est laissé en plan, et on s'en reportera probablement, éventuellement, à la définition du GATT. Et on ne sait pas trop où ça nous amène.

Mais il ne faut pas oublier, M. le député de Bertrand, qu'au moment où se signe le traité de libre-échange avec les États-Unis il y a à peu près 600 projets de loi au Congrès, dans à peu près tous les secteurs, où on risque de se faire maganer drôlement. On a connu des problèmes, on les a identifiés tout à l'heure, et il y en a probablement d'autres, la potasse, le magnésium, le bois d'oeuvre qui est important pour le Québec, mais on en a peut-être réglé 550. Parce que ce n'était pas drôle quand on négociait; dans à peu près tous les secteurs, nous autres, on était bloqués de partout avec ces projets protectionnistes américains. Alors, ça a amélioré très nettement la situation par rapport à avant 1988. Mais on aurait souhaité une meilleure définition de «subvention», je ne vous le cache pas, mais pas en termes de recul, dans le sens qu'on aurait souhaité une amélioration à la définition. Je pense aussi que la notion de subvention, M. le député, est importante dans le camionnage. Tu voulais ajouter là-dessus?

Une voix: Non.

M. Dufour (Ghislain): Non? O.K.

Le Président (M. Dauphin): M. le député.

M. Beaulne: Non, je conviens avec vous qu'effectivement — d'ailleurs, c'est l'argument qui a été invoqué dans les quatre dernières années concernant le libre-échange avec les États-Unis — il y avait un potentiel de recours à des mesures protectionnistes aux États-Unis, sauf que, quand on regarde l'application concrète, ce qu'on avait perçu, nous, au Canada et au Québec, et, entre autres, ce que percevaient bon nombre d'entrepreneurs québécois et canadiens, lorsqu'on a signé l'entente de libre-échange, c'est que les choses, les difficultés s'estomperaient pas mal plus vite. On a remarqué que les Américains étaient pas mal plus vite sur la gâchette que nos entrepreneurs lorsqu'il s'agit de recourir aux tribunaux pour invoquer toutes sortes de droits compensatoires ou de lois antidumping. Hier, on a eu l'occasion de poser la question à un intervenant qui est venu ici, M. Pettigrew, et il suggérait que nos entreprises canadiennes et québécoises soient aussi rapides que les Américains pour faire valoir leurs droits en cette matière. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Dufour (Ghislain): Tout à fait d'accord, et nos gouvernements aussi. On a souvent chicané le fédéral de ne pas être allé assez vite dans un certain nombre de dossiers. On a embarqué derrière le gouvernement du Québec, je pense, à un moment donné, qui a reproché au gouvernement d'Ottawa... je ne me rappelle pas dans quel dossier, mais il y en a eu deux de suite, et on a dit: Ça n'a pas de sens, allez-y. Je vous donne parfaitement raison. Maintenant, les entrepreneurs québécois n'ont pas nécessairement la même culture face à ce genre de dossier là que peuvent avoir certains entrepreneurs américains. C'est toujours un petit peu plus long.

M. Beaulne: Mais pensez-vous qu'il y aurait lieu, compte tenu du fait qu'on s'entend tous sur cette observation-là, ne pensez-vous pas qu'il y aurait moyen, et quels seraient les moyens qui pourraient être utilisés pour sensibiliser les entrepreneurs canadiens et québécois à recourir aux mêmes méthodes, puisque... De toute façon, vous avez peut-être eu vent de la récente étude de l'Institut CD. Howe, qui montrait que les États-Unis, à eux seuls, étaient responsables de 58 % des recours devant ies tribunaux au cours des 10 dernières années. (11 heures)

M. Bréard: Je vous donne deux exemples. Juste dans le camionnage, parce qu'on est venu ici même, à la commission sur la fiscalité et le financement des services publics, les Américains, par exemple, pour des choses indirectes, on a déréglementé le transport, on a fait l'Accord de libre-échange, mais le gouvernement n'a pas Changé sa fiscalité. La fiscalité, pour les entreprises québécoises, elle repose sur le critère de résidence. Or, nous, ça nous coûte 2835 $ pour immatriculer un véhicule routier; les Américains, ça leur coûte 1000 $, et ils nous chargent toutes sortes d'autres permis. Le Québec ne l'a pas fait. Notre mémoire à la commission parlementaire sur la fiscalité est très, très clair. Il faut équilibrer les charges fiscales et, ça, c'est le gouvernement du Québec qui peut le faire. On n'a pas à être gêné de le faire; il faut ajuster notre fiscalité en fonction des mouvements de circulation. en deuxième lieu, les américains imposent un contrôle routier extrêmement sévère aux frontières. donc, vous ne pouvez pas circuler aux états-unis si vous n'êtes pas conforme à 100 % à leurs lois et à leurs règlements. ce n'est pas pour rien qu'on a demandé à m. le député — qui a travaillé avec michel charbon-neau là-dessus, il est bien au fait — qu'on ait un contrôle routier aussi efficace que les américains en ont un. par exemple, un chauffeur américain peut entrer au canada même s'il a un casier judiciaire. c'est impossible pour un chauffeur canadien d'entrer aux états-unis s'il a un casier judiciaire. alors, pourquoi, nous, on laisse n'importe qui entrer sur notre territoire? ils peuvent circuler sans problème, ils ne paient rien alors que, nous, quand on va aux états-unis, il faut tout payer, en plus. on a des accords de réciprocité sur l'immatriculation, mais rien d'autre. en plus, il faut être conforme à

100 % parce que leur contrôle routier est pas mal plus efficace que le nôtre, et on a des...

M. Beaulne: Qu'est-ce qui a été fait, de la part du gouvernement, pour répondre à vos préoccupations?

M. Bréard: Ils ont quand même fait des progrès remarquables. Avec la loi 108, on a donné à la Société de l'assurance automobile le contrôle routier. Évidemment, c'est une tâche qui est colossale, mais ce qui a été fait, même si c'est assez important, ce n'est rien comparé à ce qu'il reste à faire, parce qu'il en reste pas mal à faire.

Le contrôle de nos frontières, par exemple, à cause de la structure fédérale, on a Douanes et accise Canada qui s'occupe des douanes, et le contrôle routier, qui doit être après, ce n'est pas la même chose aux États-Unis. Aux États-Unis, tout est vérifié par le douanier. Si vous n'avez pas vos permis, vous n'entrez pas. Vous ne pouvez même pas discuter. Retournez, arrangez-vous, puis c'est comme ça.

Cependant, le problème de la fiscalité, il n'y a rien qui a été fait, du côté de la fiscalité. Et, c'est ce qu'on a déposé en commission parlementaire.

M. Dufour (Ghislain): Jacques, tu veux ajouter quelque chose?

M. Garon (jacques): oui, deux petites observations. d'abord, en réponse à votre question, j'ai dit tout à l'heure que c'était près de 65 % d'investissements directs américains. en réalité, revoyons le chiffre, c'est 84 %. la deuxième question à laquelle je voulais répondre, c'est sur ce problème de subvention qui est très, très important. mais c'est une épée de damoclès! parce qu'on a toujours prétendu, au canada, que, s'il y avait une chose à laquelle on ne voulait pas toucher, c'est les industries culturelles, c'est les subventions que l'on accorde indirectement à l'agriculture et à toutes sortes d'autres dossiers qui touchent la souveraineté d'un pays. or, ni le canada ni le québec ne veulent vraiment rentrer dans ce dossier, pas plus que les américains, et c'est pourquoi on s'est retrouvé avec le statu quo, à mon avis, ce qui est dommage.

M. Beaulne: M. le Président, je laisserais à mes collègues...

Le Président (M. Dauphin): D'accord. Il vous reste environ cinq minutes dans votre enveloppe. Je vais reconnaître, respectant l'alternance, M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Gauvin: Merci, M. le Président. Ma première question s'adresserait à M. Bréard, dans le domaine du transport. Est-ce que vous avez pu faire l'évaluation du volume d'affaires qui pourrait se faire par nos transporteurs québécois, étant donné qu'on aurait, dorénavant, une entrée au Mexique, en développement et volume d'affaires, à partir du Québec? Je parle du volume d'affaires possible à partir des États-Unis, pour nos transporteurs québécois. Ça va être possible aussi, ça, dans nos échanges.

M. Bréard: À partir du Mexique ou à partir des États-Unis?

M. Gauvin: À partir des États-Unis. Un chargement aux États-Unis, vers le Mexique, va être possible?

M. Bréard: Oui.

M. Gauvin: Donc, c'est un volume d'affaires additionnel pour les transporteurs québécois qui sont déjà implantés au niveau de leurs relations avec les Américains.

M. Bréard: Oui. Le seul problème qu'il nous reste à résoudre... Parce que, là, on a la Loi sur le cabotage et on a bien dit, dans l'Accord de libre-échange, qu'on garde les dispositions sur le cabotage parce qu'on ne veut pas se faire envahir par les Américains. Là, le seul problème qu'il y a, c'est de balancer nos voyages parce que, en théorie, il n'y a pas trop de problèmes. En pratique, c'est grand, les États-Unis, entre la frontière canadienne et la frontière mexicaine; il y a de la distance. Alors, on n'est pas toujours capable d'équilibrer nos voyages parfaitement à cause, justement, de l'ampleur de la distance qui existe entre les deux frontières, parce qu'on ne peut pas faire deux points à l'intérieur des États-Unis. On ne peut pas, par exemple, en livrer un à Dallas, venant du Mexique, et en prendre un de Dallas à un autre point et, après ça, remonter au Canada. Alors, ce petit bout-là, dans le milieu, il commence à être pesant dans la capacité de balancer les voyages. Mais on a beaucoup de progrès. On n'est pas capable de déterminer avec précision quel va être le volume, mais on est en train de le faire. À cause des changements structurels importants, l'ampleur est considérable. Mais on a beaucoup plus de voyages Québec-Mexique actuellement qu'il n'y en avait avant. Avant, il n'y en avait pas; maintenant, il y en a pas mal plus. Mais, comme je vous le dis, le problème qu'on a: ils vont nous appeler pour 25 voyages Mexique-Québec — un voyage, un côté — mais on n'a pas, en même temps, les mêmes 25 voyages pour balancer le retour, ça fait que ça crée des problèmes.

M. Gauvin: Vous avez raison, mais toujours dans le même domaine, vous avez fait allusion tantôt à la commission, au comité qui avait été formé, où le député de Saint-Jean et moi-même...

M. Bréard: Oui.

M. Gauvin: ...avons siégé. Il y a des tentatives qui ont été faites par le Québec — que je considère énormes — pour tenter de rétablir ou de permettre aux transporteurs québécois d'être plus compétitifs en tentant de mieux contrôler les étrangers sur notre territoire. Mais vous avez réalisé qu'on a tenté de faire appliquer certaines règles qui avaient été reconnues par la Commission des transports et le ministère des Transports. Ça n'a pas été vraiment... Nous n'avons pas eu la collaboration du gouvernement canadien, soit au niveau des douanes, soit au niveau de l'application de leur propre réglementation parce que, quand nos Américains se sont sentis frustrés par la nouvelle réglementation qu'on tentait de faire appliquer par les nouveaux contrôleurs routiers, ils ont réagi à Ottawa pour nous demander d'être plus réalistes, pendant que nous, transporteurs québécois, ça fait très longtemps qu'on est conscients que nous sommes réalistes quand nous allons sur le territoire américain — et vous en savez quelque chose, évidemment. Donc, il y a encore des choses à corriger à ce niveau-là.

M. Bréard: Et surtout avec le niveau fédéral.

M. Gauvin: Oui. Bien, évidemment, ce n'est peut-être pas... En tout cas, on ne réglera pas tous nos problèmes, mais on a réalisé depuis deux ans que nous n'avions pas eu la collaboration souhaitée à ce niveau-là, parce qu'on avait préparé une réglementation qui aurait pu corriger certaines choses, qui n'est pas facile d'application.

M. Bréard: Juste une...

Le Président (M. Dauphin): II vous reste 30 secondes. Je ne sais pas si M. le ministre veut garder les 30 secondes pour la fin. Non? Ça va.

M. Gauvin: O.K. Ma question...

Le Président (M. Dauphin): Un commentaire.

M. Gauvin: Oui, un commentaire, peut-être à M. Dufour. Je pense que vous l'avez un peu mentionné tantôt: dans la région que je représente, il y a un industriel, qui s'est fait connaître dans le meuble tabulaire, qui s'est installé, après avoir pris un marché aux États-Unis, une ligne de production aux États-Unis. Et il a développé graduellement au Mexique, donc, il a aussi installé une ligne de production il y a une couple d'années, au Mexique, pour réaliser, après coup... Et là les travailleurs de ma région ont crié après le député: Nous sommes en train de perdre 75 emplois, 100 emplois, et c'est un crime. Mais cette même entreprise a réalisé, finalement, en produisant au Mexique, qu'il y avait des problèmes de qualité et de productivité. Et, récemment, elle est revenue produire au Québec pour alimenter un marché qui est particulier dans le Sud des États-Unis, qui est probablement... Je pense que c'est un marché qui était trop de haut de gamme pour les Mexicains en attendant que les Mexicains, eux autres, développent des besoins ou la capacité d'acheter ce produit-là. Donc, la preuve est en train de se faire, dans ma région, qu'on n'a pas nécessairement à s'inquiéter de certaines entreprises qui pourraient aller produire au Mexique. Ce n'est pas aussi facile que ça d'aller produire au Mexique et de rester compétitif, c'est-à-dire de prendre ce produit-là, de le ramener ici et de reprendre une partie de notre marché nord-américain.

M. Dufour (Ghislain): Quoiqu'il faudra quand même accepter qu'on ait de l'expertise canadienne et québécoise qui se pointe au Mexique pour augmenter leur niveau de vie. Je ne pense peut-être pas à votre fabricant de meubles, là, mais je pense aux firmes d'ingénierie, par exemple. Il va falloir qu'elles aillent là-bas et qu'elles relèvent le niveau de vie pour qu'ils puissent acheter nos produits, éventuellement.

M. Gauvin: Merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci. Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. En fait, devant cette commission, je crois bien ne pas me tromper en disant que, des groupes qui s'y succèdent, aucun n'affiche, en principe, un rejet. Il y a une sorte de caractère irréversible de l'interpénétration des marchés. En fait, la grande question, c'est de savoir comment on peut mieux tirer notre épingle du jeu et comment on doit devenir proactif. En lisant le mémoire du Conseil du patronat, l'impression qu'on en a, c'est que, d'une certaine façon, tout va bien, et il faut continuer à ce que ça aille aussi bien. Et ce n'est pas nécessairement, évidemment, le sentiment qu'en ont nos concitoyens. Ça ne veut pas dire pour autant qu'ils rejettent l'Accord, mais ils ont le sentiment que, si ça va bien, qu'est-ce que ça serait si ça allait mal, étant donné qu'ils n'ont pas l'impression, bon... (11 h 10) alors, ceci dit, moi, je me demandais, m. dufour... tantôt, m. garon a parlé des investissements, en fait des investissements qui ont augmenté, là, substantiellement. par ailleurs, on se rend compte que, s'ils ont augmenté au canada, ils ont boudé le québec, parce que les dernières prévisions d'investissements, de statistique canada, sont quand même inquiétantes, extrêmement inquiétantes. et quand on regarde les investissements totaux et privés, bien, pour la troisième année consécutive, ils sont en diminution. ce n'est pas peu. en fait, on parle d'une diminution de 10 % des investissements totaux et de près de 25 % des investissements privés. et ce n'est pas seulement, dit-on, la fin des grands projets dans le secteur de l'aluminium et de l'automobile. on regarde les investissements dans la

machinerie et l'outillage et on se rend compte qu'il y a comme un problème. Alors, comment on va faire face, finalement, à des marchés de plus en plus concurrentiels avec moins d'investissements?

M. Dufour (Ghislain): Je voudrais d'abord, au niveau de l'image de notre mémoire, vous dire simplement ceci: Dans un débat public — et vous en faites tous les matins — il faut prendre position. Ou on est pour ou on est contre. Alors, là, on a dit que, nous, on réagissait de façon positive, sans y faire toutes les nuances qu'on pourrait y faire. Parce que c'est bien sûr que ce n'est pas le Pérou, sauf qu'on donne une image à la population que, pour nous, c'est une bonne entente.

Ceci dit, là, évidemment, vous ramenez le débat à une question de Québec-Ontario. C'est vrai que les prévisions pour la prochaine année, en termes d'investissements, sont inférieures à ce qui est prévu en Ontario. Donc, il y aurait eu une part des investissements dont on parle plus grande à l'extérieur du Québec, mais je pense que ce n'est pas le rôle de cette commission d'en analyser les raisons. Il y en a plusieurs, vous les connaissez aussi bien que moi. Mais je voudrais en donner une qui est purement technique: au niveau des pâtes et papiers, par exemple, on a constaté qu'ils vont investir en Ontario et qu'ils n'investissent pas ici. Bien, non. Ici, on fait la mise à pied, on a des problèmes énormes avec certaines lois sur la qualité de l'environnement. Tout l'argent, dans le fond, qui est investi là-dedans n'est pas investi dans le développement. Alors, il y a une période transitoire de deux, trois ans où cette industrie-là, notamment, ne fera pas de l'investissement — appelons-le de développement — mais va surtout essayer de s'ajuster à certaines politiques gouvernementales. si on prenait chacun des secteurs comme ça — mais, là, je ne suis pas prêt à le faire — il y a un paquet de raisons. mais on est tous d'accord, par ailleurs, pour dire que c'est malheureux qu'on n'ait que 0,05 %, je pense, ou 0,5 % de progression par rapport à l'ontario qui en a 6 %, d'autant plus que, quand on constate ce qui se passe en ontario actuellement, ça ne s'explique pas.

Mme Harel: D'autant plus...

M. Dufour (Ghislain): On n'a pas un gouvernement qui a une tendance bien grosse à attirer les investissements, actuellement, en Ontario, alors...

Mme Harel: vous donnez l'exemple de l'industrie des pâtes et papiers. effectivement, au niveau des dépenses en machinerie et équipement, les prévisions sont à l'effet qu'il y aurait 61 % d'investissements en ontario contre 9 %, évidemment, au québec, seulement.

En regard des négociations parallèles que le président américain a annoncées en matière d'environnement et de travail, qui devraient, à la hausse, finalement, j'imagine, amener à une sorte de relèvement... Je ne sais pas si vous avez pris connaissance de cette étude réalisée par le ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu, une comparaison Québec-Mexique où on voit que, sur le plan juridique, au regard de tout ce qu'on peut imaginer comme lois du travail, que ce soit sur le salaire minimum, que ce soit sur des avantages sociaux, nommez n'importe laquelle de ces conditions de travail, et vous allez voir que, sur papier, le Mexique est bien en avance sur nous; en d'autres termes, que le Mexique a signé à peu près tout ce qu'il pouvait y avoir d'ententes au niveau du Bureau international du travail, sauf que ce n'est pas appliqué, évidemment. Ils ont même une garantie de retour à l'emploi, un congé de formation qui, je crois, est encore en discussion dans notre société, et, enfin, bien d'autres choses. Et on se rend compte que ce n'est pas là où le bât blesse. Si on entreprend, sur le plan légal, des négociations, j'ai l'impression que, eux, ils sont prêts à signer pas mal beaucoup de choses. Mais, la question, c'est de savoir comment tout ça va être appliqué dans la réalité.

M. Dufour (Ghislain): Bon. Alors, au départ, j'ai eu peur qu'on n'ait pas la même étude, parce que nous...

Mme Harel: C'est celle qui s'intitule «Salaires et relations du travail dans un contexte de libre-échange nord-américain».

M. Dufour (Ghislain): Et, nous, on a fait un dossier CPQ pour nos membres à partir de cette étude-là. Et, justement, on découvre dans l'étude que les conditions de travail au Mexique sont bien supérieures aux nôtres.

Mme Harel: Sur papier. Ha, ha, ha!

M. Dufour (Ghislain): Oui, mais, en tout cas... Quand on parle du congé de maternité, par exemple, c'est beaucoup supérieur au nôtre, les congés annuels payés, tout. Bon, on s'entend au moins là-dessus. L'application est une autre chose mais, tant et aussi longtemps qu'ils vont demeurer seuls et entre eux pour gérer leurs propres conditions, ça va se perpétuer. Mais le jour où il y aura une concurrence qui sera à l'interne, où, là, il y aura des entreprises américaines, des entreprises québécoises, des travailleurs canadiens et des travailleurs québécois qui vont s'en aller là-bas, qui vont faire appliquer ce genre de législation qui... Aujourd'hui, c'est vrai, ce n'est pas tricoté trop dur, mais les conditions sont là.

Une voix: Mais on voit où ça mène aussi.

Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps qui nous

était alloué. Alors, au nom de tous les membres de la commission des institutions, nous désirons vous remercier, M. Dufour et votre équipe, d'avoir accepté notre invitation. On vous souhaite un bon retour. Et je demanderais à l'Association des manufacturiers du Québec de s'avancer à la table des invités. (11 h 20)

M. le ministre de l'Industrie et du Commerce, à l'ordre, s'il vous plaît!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tremblay (Outremont): Excusez-moi, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): C'est avec plaisir que nous accueillons maintenant l'Association des manufacturiers du Québec, représentée par son vice-président et directeur général, M. Richard Le Hir, qui est accompagné, si vous me permettez, de M. Éric Hubar Meunier, qui est directeur de la recherche et analyse. Alors, bienvenue, messieurs. Nous avons une période d'une heure qui nous est permise, c'est-à-dire un tiers, un tiers, un tiers; environ 20 minutes pour l'exposé et 40 minutes d'échanges entre vous-mêmes et les membres de la commission. Bienvenue, et procédez.

Association des manufacturiers du Québec (AMQ)

M. Le Hir (Richard): Merci, M. le Président. L'Association des manufacturiers du Québec remercie la commission parlementaire des institutions pour l'occasion qu'elle lui fournit d'exposer son point de vue dans le dossier du libre-échange nord-américain. L'Association des manufacturiers du Québec est une division autonome de l'Association des manufacturiers canadiens et elle regroupe plusieurs centaines d'industriels dont les activités représentent à peu près 65 % à 70 % du PIB manufacturier au Québec.

Pour ces manufacturiers, il ne fait aucun doute que la conclusion d'ententes de libre-échange avec nos partenaires nord-américains constitue un développement majeur qu'ils appuient dans une très forte majorité, même s'ils auraient souhaité que l'encre ait le temps de sécher sur l'entente qui venait d'être conclue avec les États-Unis et qu'on ait le temps de procéder aux ajustements nécessaires à notre base industrielle et au recyclage et au redéploiement de notre main-d'oeuvre avant d'étendre l'entente au Mexique.

À cet égard, les manufacturiers déplorent que le gouvernement fédéral n'ait pas encore donné suite aux engagements qu'il avait pris au moment de la signature de l'entente avec les États-Unis. On se souviendra que, outre de faciliter la restructuration industrielle et la formation de la main-d'oeuvre, le gouvernement fédéral avait endossé les conclusions du défunt Conseil économique du Canada selon lequel, pour que le Canada tire avantageusement son épingle du jeu du libre-échange, il suffisait que le dollar se maintienne dans une fourchette moyenne de 0,78 $ à 0,81 $ au cours des 10 ans pendant lesquels l'intégration économique Canada—États-Unis s'effectuerait et qu'au cours de la même période les taux d'intérêt réels se situent à 3 % et que la croissance moyenne du PIB se situe à au moins 3 %.

Or, depuis l'entrée en vigueur du traité de libre-échange avec les États-Unis, il est évident que la performance de l'économie canadienne s'est écartée très sensiblement du scénario privilégié et annoncé comme allant de soi par le gouvernement fédéral. Et, malgré cette erreur importante, l'entente de libre-échange s'est révélée bénéfique pour le Canada, selon la conclusion d'une étude très complète rendue publique l'automne dernier par l'Institut CD. Howe.

En ce qui concerne plus particulièrement l'Accord de libre-échange nord-américain qui vient d'être conclu entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, l'objectif central que poursuivaient les manufacturiers dans les négociations qui ont mené à cet accord était d'obtenir une amélioration substantielle de notre accès au marché américain et de sécuriser encore davantage cet accès. Les manufacturiers doivent pouvoir entrevoir le potentiel de croissance que leur offre un marché plus important pour justifier les investissements considérables qu'ils doivent effectuer dans les technologies de production avancées pour demeurer à la fine pointe de leur industrie.

À cet égard, l'élimination des tarifs constituait un facteur déterminant dans le degré d'accès qu'on pouvait avoir au marché américain. Dès le départ, on visait l'élimination totale des tarifs, et c'est l'entente conclue qui nous donne, à cet égard, pleine satisfaction dans la mesure où cette élimination s'effectue sur des périodes suffisamment longues. La communauté manufacturière perçoit cette évolution dans le droit fil de la tendance établie par près de 40 ans de négociations au sein du GATT. On reconnaît que la présence des barrières tarifaires a contribué à l'inefficacité de notre secteur manufacturier et que l'élimination graduelle des tarifs constitue une étape nécessaire dans le redressement de notre capacité concurrentielle. On notera cependant que, même si les tarifs canadiens sont généralement supérieurs aux tarifs américains, l'élimination des tarifs américains nous garantira un meilleur accès au marché américain et nous procurera un avantage comparatif sur nos concurrents des autres pays.

Il faut toutefois noter que l'élimination graduelle des tarifs sur une période de 10 ans ne constitue pas à elle seule une incitation pour les manufacturiers à rationaliser leurs opérations et, conséquemment, à rechercher une amélioration de leur productivité. Il ne faut donc pas, comme on le fait trop souvent dans certains médias, y voir une conséquence directe des fermetures d'usines et des pertes d'emplois. En fait, le secteur manufacturier a été en ajustement constant depuis les 40 dernières années. L'examen des statistiques de 1965 à 1985 démontre que, dans chaque secteur industriel, les manufac-

turiers ont amélioré leur capacité d'exporter, tout en procédant aux rationalisations rendues nécessaires par leur mauvaise performance dans les créneaux où ils n'étaient plus compétitifs. Ces ajustements ont nécessairement des répercussions sur les niveaux d'emploi dans le secteur manufacturier.

Parmi les facteurs qui contribuent à ces répercussions, notons les écarts brusques que peuvent connaître les taux de change dans certains marchés — qui peuvent atteindre jusqu'à 50 % sur des périodes de 12 à 24 mois — les changements technologiques rapides, une modification importante des goûts des consommateurs et le jeu des cycles économiques. Sur ce point, l'impact de la récession de 1981 et de 1982 sur les niveaux d'emploi dans le secteur manufacturier a été, on s'en souviendra, très considérable. À côté de cela, l'impact d'une réduction graduelle des tarifs semble bien peu de chose.

En fait, autant la théorie économique que l'expérience vécue tendent à démontrer que le processus d'élimination des tarifs contribue justement à augmenter le revenu disponible du consommateur qui, dès lors, est en mesure d'augmenter sa demande, ce qui entraîne une augmentation de la production, de l'investissement et de l'emploi. Nos entreprises manufacturières et notre main-d'oeuvre, dans le passé, ont fait preuve d'une plus grande faculté d'adaptation qu'on ne veut bien leur en donner le crédit. Et il est essentiel de comprendre que les retombées potentielles d'une augmentation des exportations nous fournissent à la fois un incitatif à et les moyens de poursuivre la restructuration de notre économie. pour clore cette section, il serait bon de rappeler que les manufacturiers dépendent de plus en plus des exportations. en 1980, au canada, nous exportions 25 % de toute notre production. pour 1992, ce chiffre aura grimpé jusqu'à 45 %. la progression des exportations des manufacturiers du québec se situe dans cette tendance. depuis 1989, le taux effectif des tarifs éliminés sur les importations de produits américains, tel qu'il s'exprime en proportion de la valeur totale des importations, est passé de 3,8 % à 3,5 %, soit une diminution de 0,5 %... sur la période de 1987 à 1991, le dollar canadien a connu une appréciation de 21 %, ce qui représente un impact 40 fois supérieur à l'impact de l'élimination des tarifs sur les produits américains importés au canada. la valeur accrue du dollar canadien a aussi eu pour effet de réduire la valeur des ventes en dollars canadiens de nos exportations vers les états-unis. en d'autres termes, il s'est agi d'une taxe qui a de loin surpassé les retombées de l'élimination des tarifs prévue en vertu de l'accord de libre-échange.

Non seulement les manufacturiers souhaitaient-ils, comme nous venons de le voir, un meilleur accès au marché américain, mais encore demandaient-ils que cet accès soit sécurisé. Pour y arriver, nous ne demandions pas, parce que cette demande aurait été irréaliste, d'obtenir une exemption réciproque à nos règles de réparation en matière de commerce international. En fait, la clé de l'accès réciproque à nos marchés se trouve dans le dispositif de règlement des conflits qui nous assure une meilleure gestion des relations commerciales entre les partenaires. Ce dispositif prévoit la mise sur pied de comités bilatéraux qui rendraient des décisions liant les parties en cas de conflit sur les termes de l'entente ou sur l'application des règles régissant les relations commerciales de chaque pays. Cette mesure s'appliquera particulièrement dans les cas d'imposition de tarifs antidumping et de droits compensatoires. Grâce à celle-ci, nous serons à l'abri de l'application unilatérale des lois américaines et des machinations politiques auxquelles ces jeux peuvent donner lieu. C'est un résultat qui nous a semblé hors d'atteinte jusqu'à la dernière minute des négociations. La portée de cette mesure est très grande et prévoit l'examen des circonstances permettant de déterminer si les autorités de l'un ou l'autre des pays ont pris une décision qui ne serait pas conforme à ses lois et à ses règlements ou qui ne serait pas conforme à l'esprit de ses lois, à ses pratiques administratives ou à ses précédents judiciaires.

Cependant, même si nous n'avons pas obtenu des règles nouvelles comme nous le souhaitions, nous avons réussi à obtenir un engagement à procéder à la définition de nouvelles règles, sur une période de cinq à sept ans, en vertu desquelles nous disposerons d'un droit d'appel limité sur des questions de fond seulement. Cela constitue un progrès dans la mesure où les États-Unis accorderont désormais à un autre pays le droit d'intervenir dans l'application de leurs règles de réparation et cela ouvre la porte à de nouvelles règles formulées et appliquées conjointement. On se trouve ainsi à remettre entre les mains des comités bilatéraux d'experts le soin de procéder au règlement des conflits commerciaux plutôt que de les laisser à la merci des tribunaux et des avocats. Nous espérons aussi que cela contribuera à contenir les excès capricieux et trop souvent politiques de leur système.

Un autre des avantages reliés à la mise en oeuvre de l'ALENA sera de faire figurer dans la législation américaine une reconnaissance spécifique des relations commerciales entre les pays. Cette reconnaissance devrait permettre d'éliminer les cas où le Canada se retrouverait inclus par mégarde dans des actions qui visent d'autres pays. Enfin, on appréciera le risque que l'on aurait couru à ne pas avoir son mot à dire dans l'application des lois commerciales américaines. On se serait alors retrouvé à devoir constamment livrer bataille sur leur terrain au moment même où les tendances protectionnistes américaines se trouvent exacerbées par les déficits combinés du budget et de la balance commerciale et par la menace qu'ils font peser sur la suprématie économique des États-Unis. Historiquement, ces tendances s'accélèrent lorsque l'économie ralentit et que le chômage augmente.

Au chapitre des mesures transitoires qui pourraient être nécessaires pour favoriser l'adaptation de notre économie, l'Accord n'impose aucune nouvelle

contrainte. En fait, il y a même une disposition spéciale qui permet la limitation de certaines importations qui nous causeraient un préjudice grave durant la période de transition. Pour notre part, quoique nous estimions qu'un nouvel environnement commercial pourra s'instaurer au cours de la prochaine décennie, nous sommes parfaitement conscients des défis réels qu'il imposera aux manufacturiers et aux travailleurs. Il incombera donc au gouvernement d'adopter des politiques qui auront pour effet de nous permettre d'améliorer notre compétitivité. De plus, de façon à obtenir l'adhésion la plus large possible à l'Accord, notamment auprès des patrons de PME et des travailleurs, le gouvernement du Québec devrait se montrer particulièrement insistant auprès du gouvernement fédéral pour qu'il annonce clairement quels seront les politiques et les programmes qu'il mettra en oeuvre pour faciliter la transition, en plus de lui offrir sa collaboration la plus entière pour en faciliter l'application. (11 h 30)

Au chapitre des marchés publics, il faut savoir que le Canada recherchait un meilleur accès aux États-Unis, mais que les négociations n'ont pas permis de déblocage dans ce domaine. On a pu noter une légère augmentation des occasions d'affaires, mais le seul gain important que nous ayons pu obtenir se présente sous la forme d'un engagement à poursuivre les négociations une fois que l'Accord sera entré en vigueur. Vu l'importance de l'activité des gouvernements dans notre économie, qui fait de ceux-ci les plus grands acheteurs de biens, il faudra revenir à la charge sur ce point dans l'avenir.

Même si l'on peut constater que les modifications tarifaires et non tarifaires prévues dans cet accord auront une portée très large, il n'en reste pas moins que certains secteurs industriels sont plus particulièrement visés. C'est notamment le cas pour les secteurs de l'agriculture et de la transformation alimentaire. En effet, l'élimination graduelle de tous les tarifs et le maintien des mécanismes de contrôle de l'offre créeront de nouvelles conditions. Certains secteurs s'en tireront avantageusement comme, par exemple, les industries de la viande rouge et du sucre. Pour l'industrie des boissons alcooliques, les résultats sont plus mitigés. L'industrie brassicole est exemptée, et les distilleurs obtiennent un meilleur accès à un marché dans lequel ils obtiennent déjà de beaux succès. Pour ce qui est des viticulteurs, la situation est moins favorable en raison du rythme assez rapide auquel on retirera la protection tarifaire, et cela laisse présager des difficultés dans cette industrie.

En ce qui concerne les manufacturiers de produits alimentaires, ceux-ci verront l'élimination, sur une période de 10 ans, des tarifs et des restrictions commerciales. On notera cependant que le maintien des mécanismes de contrôle de l'offre se traduira par l'obligation pour nos manufacturiers de supporter des coûts d'intrants plus élevés que ça n'est le cas pour leurs concurrents américains, tout en devant livrer la concurrence sur un marché ouvert. Cette industrie devra donc faire face à des problèmes réels. Quoique les négociateurs canadiens aient la conviction que l'Accord contient des mécanismes adéquats pour faire face à cette situation, il n'en reste pas moins que l'industrie de la transformation alimentaire devra obtenir des changements à nos politiques agricoles pour éviter d'être décimée par des facteurs échappant à son contrôle.

Dans l'industrie automobile, malgré quelques changements sur les tarifs et l'introduction de nouvelles règles d'origine plus contraignantes, le Canada a réussi à maintenir les protections qui existaient pour la production canadienne. Les négociateurs de l'Accord sont convaincus que les conditions sont maintenant réunies pour une croissance importante, à la fois dans les niveaux de production et les niveaux d'emploi. Nous estimons, pour notre part, que ces perspectives ne se matérialiseront que dans la mesure où le Canada réussira à maintenir vis-à-vis des États-Unis et du Mexique un environnement très compétitif. Cependant, l'introduction dans l'Accord d'une disposition exigeant 50 % de contenu nord-américain sur la base des coûts de fabrication constitue un avantage pour la plupart des grands manufacturiers de pièces automobiles, alors que les plus petits entretiennent certaines inquiétudes.

Dans le secteur du vêtement, la situation est plus complexe. Au cours des dernières années, il y a eu une amélioration significative de la capacité concurrentielle de notre industrie, surtout grâce au recours à des tissus provenant des quatre coins du monde. Toutefois, cette façon de procéder pose de sérieuses difficultés quand vient le temps de définir des règles d'origine et de prévoir le niveau du contenu nord-américain. Cela pourrait avoir comme conséquence des changements aux politiques en vigueur dans chacun de ces pays.

En ce qui concerne le secteur des services, nous avons noté que les négociateurs canadiens ont réussi à limiter la capacité des États-Unis à augmenter les restrictions. On remarquera au passage la disposition portant sur l'entrée temporaire aux fins d'y conduire des affaires. Nos manufacturiers avaient eu à se plaindre dans le passé des limitations et des délais qu'on imposait au personnel qu'on envoyait aux États-Unis pour assurer le service ou l'entretien du matériel canadien acheté par des clients américains. On comprendra que peu d'entreprises soient disposées à acheter des équipements complexes et sophistiqués si le service après-vente n'est peu ou pas disponible. Et comme ce sont ces équipements à haute valeur ajoutée que nous devons viser à vendre de plus en plus, il est important d'avoir allégé les contraintes à la circulation du personnel de service.

Le secteur de l'énergie. Il s'agit d'un point très sensible pour la plupart des Canadiens. En raison de l'abondance de nos ressources énergétiques telles que l'hydroélectricité, le gaz et l'uranium, nombreux sont ceux qui nous reconnaissent un avantage stratégique important. Le Canada et le Québec font déjà d'importantes exportations vers les États-Unis, et il y a tout lieu

de penser que ces exportations iront en augmentant avec la conclusion de cet accord. Depuis les chocs pétroliers des années soixante-dix, on entretient chez nous des préoccupations relativement à la sécurité de nos approvisionnements, et ces préoccupations trouvent leur écho dans cet accord qui reconnaît notre droit de suivre des politiques de conservation.

L'Accord étend aux États-Unis un engagement déjà pris envers l'Agence internationale pour l'énergie, selon lequel les deux parties partageront proportionnellement dans toute chute des approvisionnements. Cet engagement ne nous prive cependant pas du droit de déterminer ce qui constitue une période de pénurie et de prendre les mesures appropriées aux circonstances. Il veut simplement dire que nous ne pouvons faire de discrimination à rencontre des États-Unis dans la restriction des approvisionnements. Cependant, il ne revient pas à accorder aux États-Unis un droit illimité ou invariable à nos approvisionnements en énergie. Notre avantage stratégique ne s'en trouve pas non plus affecté dans la mesure où le Canada vend déjà depuis longtemps ses ressources énergétiques aux États-Unis sans que cela ne lui ait nui. En fait, s'il y a un aspect positif à souligner, c'est bien que la levée des restrictions américaines nous permettra de vendre plus d'énergie aux États-Unis, ce qui ne peut que nous être bénéfique. La sécurisation de l'approvisionnement des États-Unis aura aussi pour effet de faciliter le financement du développement de réserves additionnelles d'énergie au Canada, ce qui, de toute façon, améliorera la sécurité de nos approvisionnements à long terme.

En ce qui concerne maintenant les investissements, les dispositions de l'Accord portant sur les investissements vont donner force de loi à certaines politiques actuelles du gouvernement fédéral. On continue de maintenir hors du cadre de l'Accord les industries culturelles et l'édition. On réaffirme la propriété canadienne sur d'excellentes entreprises du secteur de l'énergie. L'élévation proposée du seuil à partir duquel les investissements deviennent sujets à examen a pour effet d'éliminer, à toutes fins pratiques, tout examen sur la plus grande majorité des investissements dans la PME. On sait que les milieux d'affaires au Canada et au Québec ont, à plusieurs reprises, souligné l'importance des investissements, et le gouvernement fédéral s'est engagé à maintenir sa politique actuelle d'ouverture très large aux investisseurs étrangers.

En examinant maintenant le marché, l'analyse historique de la libéralisation des échanges démontre hors de tout doute qu'elle s'accompagne de retombées avantageuses au niveau des volumes de production qui se trouvent à augmenter, des prix qui se trouvent à baisser et, sur une longue période, au niveau des salaires qui se trouvent à augmenter. Ce disant, nous ne cherchons d'aucune façon à minimiser les coûts d'adaptation, autant pour les entreprises que pour les travailleurs. Il faut cependant reconnaître que ce processus d'adaptation est engagé depuis plusieurs décennies et qu'il peut être géré.

L'argument principal des opposants à l'Accord est que, pour se gagner un meilleur accès au marché américain, le Canada doit accepter toute une série de contraintes dont l'effet est de resserrer encore davantage les liens économiques Nord-Sud. C'est, en gros, le marché que nous devons accepter, et un bon nombre des opposants à l'Accord, notamment à l'extérieur du Québec, le trouvent inacceptable parce que, craignent-ils, il aura pour effet de miner l'axe Est-Ouest dans lequel l'économie canadienne s'est développée, de déplacer une proportion importante de l'activité de production vers le Sud et de compromettre la liberté des Canadiens de gérer leurs affaires et de demeurer une société distincte.

Pour répondre à cet argument, notons tout d'abord que le Canada, tout comme les États-Unis, d'ailleurs, s'est bel et bien engagé à ne pas créer sur son marché des conditions qui l'avantageraient ou qui l'assureraient d'une forme quelconque de traitement préférentiel. Les parties se sont mutuellement engagées à se consulter et à appliquer au jeu économique des règles équitables. Cela aura comme conséquence que nous devrons davantage compter sur notre capacité concurrentielle et nos avantages comparatifs. Toute la question est de savoir si ces contraintes sont acceptables. Sur le strict plan philosophique, l'AMQ répond oui à cette question dans la mesure où l'Accord nous astreint à la discipline du marché, dépolitise les décisions économiques et supprime les interventions que l'on considère généralement contre-productives et dicriminatoires. De plus, les faits démontrent que notre industrie manufacturière s'est relativement bien comportée consécutivement aux diverses rondes d'élimination des tarifs effectuées dans le cadre du GATT, sans que la souveraineté du pays ne s'en trouve de quelque façon affectée. Notons enfin que nos politiques et programmes les plus sensibles sur le plan politique — politiques sociales, culturelles, régionales et gestion de l'offre dans le secteur agricole — se situent hors du cadre de l'Accord, conformément à ce qui semble faire l'objet d'un très large — et très rare — consensus à travers tout le pays.

Il est cependant essentiel de comprendre que l'Accord à lui seul est loin de régler tous nos problèmes. Nous avons souligné l'importance et les défis de restructuration auxquels les entreprises et les travailleurs de l'industrie manufacturière canadienne et québécoise sont confrontés. Nous savons également que nos chances d'arriver à prospérer dans le nouvel ordre économique mondial vont dépendre très directement de notre capacité d'ajuster nos valeurs de société aux nouvelles valeurs de production qui, on le sait, sont très exigeantes. Nous savons que notre succès dépendra dans une très large mesure de la capacité que nous aurons de démocratiser les valeurs d'excellence qui sont à la base de la concurrence dans une économie mondiale ouverte. Mais cela ne suffira pas. Il faut aussi reconnaître que nos partenaires dans l'Accord souhaitent réussir et prospérer au moins autant que nous, et qu'ils vont utiliser toutes

les ressources du système pour y parvenir. Il nous incombe donc d'en faire autant, de nous départir de toute naïveté et d'envisager l'Accord et toute la législation commerciale comme des instruments qu'on peut utiliser à la fois sur le plan offensif pour conquérir de nouveaux marchés, sur le plan défensif pour éviter de se faire enlever des positions que l'on occupe déjà ou pour se donner du levier pour renforcer nos positions offensives.

Dans le concret, il est important de réaliser que nos partenaires commerciaux n'hésitent pas à se servir de leurs lois, de leur réglementation ou de leur système politique pour consolider leur propre position dans le marché, et ce, d'une manière que nous savons être parfois très agressive. Nous sommes familiers avec les cas d'imposition de droits compensatoires qui ont défrayé la manchette, mais il y a aussi lieu de s'inquiéter de pratiques dont l'effet est très insidieux et qui affectent la détermination de nos manufacturiers à conquérir de nouveaux marchés en multipliant devant eux des obstacles de nature bureaucratique comme le contrôle systématique des manifestes aux postes de douane, la modification constante des exigences réglementaires, la substitution de formulaires, l'application tatillonne de règlements obscurs, etc. Les Américains ne font là qu'appliquer leur système. Il faut cependant être très conscient que ce système pénalise lourdement nos entreprises qui n'ont souvent pas la surface de leurs concurrents américains et qui ne sont pas en mesure d'investir, sauf au risque de leur rentabilité, le temps et les ressources nécessaires pour composer avec ces situations, ce qui revient à constater l'existence de barrières virtuelles au développement de nos échanges avec les États-Unis. (11 h 40)

II est donc essentiel pour le gouvernement du Québec de s'entendre avec le gouvernement fédéral sur des contrôles douaniers plus stricts et une application rigoureuse des lois et règlements des deux ordres de gouvernement aux importations en provenance des États-Unis. De plus, le gouvernement du Mexique doit se préoccuper de l'existence aux États-Unis de pratiques protectionnistes dont l'effet est de bloquer l'accès sur certains marchés aux biens fabriqués chez nous en faisant ressortir le caractère bilatéral des échanges. Quand on voit, par exemple, une municipalité comme Old Orchard stipuler, dans ses appels d'offres pour l'achat de camions à incendie, qu'ils doivent avoir été fabriqués aux États-Unis, il ne faut pas hésiter à souligner aux administrateurs de cette ville l'apport des touristes québécois à son économie et le caractère inamical de leur décision d'écarter de leur considération des biens fabriqués au Québec. Quand on habite à côté d'un géant et qu'on est petit, il faut hausser la voix pour se faire entendre.

En conclusion, les problèmes réels que nous venons de souligner ne suffisent pourtant pas à altérer notre ferme conviction que l'Accord de libre-échange nord-américain constitue un développement favorable qui va forcer nos manufacturiers à devenir compétitifs, ce qui, en bout de piste, est la meilleure assurance de notre sécurité économique. Il s'agit cependant d'un important défi à relever, mais dont l'ampleur se trouve toute relativisée face à l'ampleur des problèmes que connaîtrait notre économie si elle s'appuyait sur des usines inefficaces, protégées par des tarifs. Tout retard dans l'adaptation ne ferait qu'empirer une situation qui est déjà bien difficile.

Si l'on considère maintenant l'acquis important que représente un accès plus large et plus sûr au marché américain, il y a lieu de se montrer très satisfait et optimiste pour l'avenir de nos relations commerciales avec les États-Unis. Nous n'avons évidemment pas obtenu tout ce que nous aurions souhaité dans cet accord, mais il n'en reste pas moins qu'il constitue un pas important dans la bonne direction et qu'il contient des engagements fermes à résoudre les questions restées en suspens. Il constitue, en outre, un pilier de stabilité dans un environnement teinté par la dérive protectionniste. Il offre aussi d'importantes perspectives d'amélioration de notre niveau de vie, tout en nous assurant des prix plus bas et un élargissement de l'éventail de nos choix dans les achats que nous faisons.

Il est également important de comprendre que le rejet de cet accord aurait pour effet de réduire substantiellement l'intérêt qu'il y aurait à investir au Canada et au Québec. Nous assisterions, en outre, à un accroissement du nombre des actions directes de représailles contre nos exportations ou nous subirions, de façon indirecte, les représailles prises contre d'autres pays, sans le bénéfice des mesures que prévoit l'Accord pour protéger nos intérêts.

L'Association des manufacturiers du Québec a donc l'intention de travailler activement avec toutes les parties intéressées, et notamment le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec, pour mettre en place toutes les mesures nécessaires qui accroîtront la capacité de notre économie de concurrencer dans ce nouvel environnement. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. Le Hir, pour votre exposé. Nous débutons maintenant la période d'échanges en reconnaissant derechef, en premier lieu, M. le ministre des Affaires internationales.

M. Ciaccia: Merci. Je veux remercier l'Association des manufacturiers du Québec et M. Le Hir pour votre mémoire et la présentation de votre mémoire. Vous parlez, à la page 2, de certaines politiques fédérales qui avaient été endossées quand l'entente du libre-échange avait été signée. Je voudrais venir aux mesures d'adaptation parce que, dans votre mémoire, vous ne parlez pas de mesures d'adaptation en termes précis. Présentement, on a un comité interministériel qui révise la stratégie d'adaptation du Québec pour tenir compte de l'ALENA. Il y a eu certains programmes qui existaient au niveau fédéral et au niveau du gouvernement du

Québec, mais il faut cependant noter qu'un grand nombre d'importations mexicaines entrent déjà en franchise de droits au Canada. Est-ce que l'Association des manufacturiers a pris une position au sujet des mesures d'adaptation en réaction à l'entente du libre-échange nord-américain?

M. Le Hir: Je ne suis pas certain de bien saisir le sens de votre question, là.

M. Ciaccia: Bien. Beaucoup d'intervenants nous arrivent et nous suggèrent qu'il nous faut des mesures d'adaptation pour les entreprises, pour les travailleurs. Je me demande si c'est un sujet qui vous préoccupe...

M. Le Hir: Absolument!

M. Ciaccia: ...et avez-vous une idée du genre de mesures qui seraient nécessaires? Est-ce que vous pouvez nous faire des propositions? Quelle importance attachez-vous aux mesures d'adaptation pour l'ALENA?

M. Le Hir: Écoutez, on adapte... Il faut regarder l'ALENA pas juste dans l'optique de l'élargissement au Mexique mais également de la situation qui prévaut déjà avec les États-Unis. Dans ce sens-là, on souligne simplement le fait que le gouvernement fédéral, au moment de la conclusion de l'entente du libre-échange, avait indiqué qu'il procéderait à l'introduction de mesures pour favoriser, justement, l'adaptation des entreprises et des travailleurs. Le résultat, pour l'instant, n'est pas très éloquent — c'est le moins qu'on puisse dire — et il y a, finalement, des problèmes dans plusieurs secteurs, problèmes qui sont exacerbés par la récession économique qu'on traverse. Mais il n'en reste pas moins que, pour être capables d'être concurrentielles, les entreprises doivent, à l'heure actuelle, faire face à des réalités nouvelles, que ce soit au plan de la technologie, des transferts de technologie, que ce soit au plan de leur capitalisation, que ce soit au plan de la formation de leur main-d'oeuvre. Et je pourrais continuer cette liste-là. Et ce n'est pas particulier à un secteur. C'est vraiment presque généralisé.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Ciaccia: Mais vous n'avez pas de proposition précise à faire au sujet de la nouvelle entente.

M. Le Hir: Non, pas spécifiquement au sujet de la nouvelle entente. C'est déjà des propositions qu'on a faites dans un cadre non vertical mais plutôt horizontal.

M. Ciaccia: Dans votre mémoire, vous parlez abondamment de l'accès au marché américain. Je ne vous blâme pas, parce qu'on fait 60 fois plus d'affaires avec...

M. Le Hir: Les États-Unis.

M. Ciaccia: ...les États-Unis qu'on n'en fait avec le Mexique. Mais vous parlez très peu de l'accès au marché mexicain. Est-ce que ça veut dire que les membres de votre association ne trouvent pas que le marché mexicain soit attrayant?

M. Le Hir: Écoutez, c'est un marché... Il faut regarder simplement la réalité des chiffres. Vous l'avez souligné, on commerce 60 fois plus avec les États-Unis qu'on ne le fait avec le Mexique. Et, pour l'instant, le marché mexicain demeure encore un marché qu'on connaît mal et un marché qui, selon les standards des autres marchés qu'on a été habitués à développer, n'offre pas, pour l'instant, les plus grandes promesses. Il n'y a pas de doute, cependant, que tous nos membres sont conscients de l'impact qu'a la conclusion de l'entente de libre-échange nord-américain sur le développement que va connaître le marché mexicain. Et il n'y a pas de doute que cet intérêt existe, mais ce n'est pas un intérêt qui est nécessairement pour le très court terme; c'est plus un intérêt pour le moyen et le long terme.

M. Ciaccia: À la page 22 de votre mémoire, vous mentionnez la possibilité d'utiliser la législation commerciale canadienne pour éviter de se faire enlever des parts de marché. C'est l'équivalent des droits compensateurs que les Américains imposent?

M. Le Hir: Pas nécessairement. C'est...

M. Ciaccia: Est-ce que vous pourriez élaborer un peu?

M. Le Hir: Oui.

M. Ciaccia: Est-ce que ce sont les gouvernements qui devraient agir ou est-ce que ce sont les entreprises qui devraient utiliser la législation existante?

M. Le Hir: Bien, il y a un peu des deux, mais ce qu'on vise surtout, dans ce cas-ci, c'est moins l'utilisation de la législation antidumping que l'application de toutes les lois et tous les règlements applicables, notamment au niveau du contrôle des douanes. Nos membres, eux, se font harceler systématiquement, et ce, surtout depuis quelques mois, à leur passage aux douanes américaines. Et il faut constater que les chargements sont contrôlés systématiquement à leur arrivée aux États-Unis, alors qu'au Canada, lorsqu'un chargement entre, le contrôle est moins systématique. Les informations qu'on a, c'est qu'on contrôlerait en moyenne un chargement sur sept au Canada, alors qu'aux États-Unis on les contrôle tous systématiquement.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup.

M. Ciaccia: On va vérifier ça, parce que, si c'est vraiment de même, c'est vraiment une guerre commerciale. S'ils font ça systématiquement... C'est ça qu'on nous dit, mais...

M. Le Hir: C'est l'information qu'on a.

M. Ciaccia: On va vérifier cette information pour voir ce qu'on peut faire en termes de représentation.

M. Le Hir: Je peux vous donner encore le cas d'un manufacturier de bonbons, Trebor, à Sherbrooke, qui, récemment, a vu ses chargements coincés aux douanes pour des contrôles tatillons incroyables. Et son compétiteur entre au Canada avec un étiquetage unilin-gue. Alors, ça vous donne une idée de la mauvaise application de nos lois et règlements au niveau des importations et d'une surapplication de leurs lois et règlements au niveau de nos exportations.

M. Ciaccia: Mon collègue aurait une question à poser sur ce sujet-là, spécifiquement.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Montmagny-L'Islet, sur le même sujet.

M. Ciaccia: Sur le même sujet.

Le Président (M. Dauphin): M. le député. (11 h 50)

M. Gauvin: Oui, évidemment, sur pratiquement le même sujet. Vous avez parlé dans votre mémoire des marchés publics, dont vous mentionnez qu'il serait souhaitable d'obtenir une libéralisation plus importante à ce niveau-là. Qu'est-ce que vous entendez par «nos marchés publics au Québec»? Il faudrait toujours se rappeler que les États-Unis ont tenté d'avoir une certaine réserve à ce niveau-là.

M. Le Hir: Écoutez, quand on parle des marchés publics, ce sont les marchés de l'État et des organismes qui sont soumis à un contrôle de l'État. Alors, c'est au niveau des approvisionnements pour les ministères, les agences gouvernementales. C'est ce genre de choses là qu'on vise.

M. Gauvin: Toujours en souhaitant avoir une certaine réciprocité avec les États-Unis?

M. Le Hir: Ah! mais, c'est évident.

M. Gauvin: Donc, nous avons un débat à faire à ce niveau-là avec eux autres.

M. Le Hir: Absolument!

M. Gauvin: Êtes-vous confiant qu'au niveau canadien on est en mesure de le faire?

M. Le Hir: Je pense qu'il y a quand même des expériences dans le passé qui démontrent qu'on ne s'est pas trop mal tiré d'affaire. Il y a, dans le cadre des industries de la défense — qui existent depuis plusieurs années — des ententes qui prévoient l'approvisionnement par les États-Unis auprès de compagnies canadiennes et québécoises et, dans ce contexte-là, on n'a pas trop à se plaindre.

M. Gauvin: Un peu dans le même ordre d'idées que M. le ministre, tantôt. Vous disiez, à un moment donné, dans votre rapport, à la page 5, souhaiter la réduction... Vous dites que la réduction graduelle des tarifs a peu d'importance. Qu'est-ce que vous souhaitez comme impact, comme autres dispositions, comme impact au niveau des emplois à cette occasion-là?

M. Le Hir: Écoutez, je pense que ce qu'on met en relief, c'est qu'on a tout à fait tort, en certains milieux, de penser que la réduction des tarifs graduelle, telle qu'elle s'est produite, a eu un impact déterminant. En fait, on le voit simplement à faire le calcul. L'impact de la réévaluation du dollar a été de près de 40 fois supérieure. Alors, je veux dire, c'est dérisoire d'invoquer l'existence du libre-échange pour expliquer la détérioration de la situation qui s'est produite dans le secteur manufacturier. Le vrai problème, c'est au niveau des politiques monétaires de la Banque du Canada.

M. Gauvin: Tantôt, avec le groupe qui vous a précédé, j'ai fait allusion à une expérience qui est vécue par une entreprise de mon comté, et j'ai envie de la reprendre avec vous, parce que ça touche un peu ce niveau-là. Je parlais d'une entreprise de meubles tabulaires qui développait un marché aux États-Unis, s'est installée pour produire aux États-Unis de façon parallèle et a réalisé qu'il y avait aussi un marché au Mexique et, finalement, y est entrée. Donc, ils avaient une certaine vision. Ils sont entrés au Mexique pour produire et, moi, dans ma région, finalement, ça a inquiété les travailleurs. Ils voyaient des pertes d'emplois, il y a deux ou trois ans, pour réaliser récemment que leur production mexicaine n'était pas en mesure de... D'abord, la productivité n'était pas là, même s'ils essayaient d'appliquer les mêmes techniques, parce que ce n'était pas tout à fait encore accepté. M. le ministre de l'Industrie et du Commerce nous l'a mentionné encore tantôt. Il mentionnait que les Mexicains vont devoir s'ouvrir à notre technologie et à nos pratiques au niveau de la productivité. Cette même entreprise là a réalisé finalement qu'il y avait avantage à revenir pour produire au Québec et a réembauché peut-être 60, 70 employés récemment, à cause de la productivité et de la qualité, toujours en espérant que le marché mexicain pourrait se développer ou que les Mexicains, leur niveau de vie pourrait leur permettre d'acheter des produits de plus haute gamme. Donc, dans ma région, s'il y avait de l'inquiétude il y a deux ou trois ans au niveau du libre-échange, il y en a

moins aujourd'hui.

M. Le Hir: Bien, oui.

M. Gauvin: Est-ce que vous avez de l'historique qui peut ressembler à ça dans d'autres régions?

M. Le Hir: Absolument! Je suis d'abord familier avec le cas que vous mentionnez là, et mon collègue a quelques statistiques sur la comparaison qu'on a pu faire, quand on calcule l'ensemble des facteurs, sur la différence quant à l'avantage qui peut présentement exister entre le Canada et le Mexique au plan des salaires.

M. Hubar Meunier (Éric): Au plan des salaires, ce qu'on a pu calculer, c'est tout simplement que, quand on considère le taux de productivité, comme on l'a souvent mentionné, et également ce que représentent les salaires dans les coûts d'opération des compagnies, en tout et partout, toutes choses étant égales, il n'y avait que 1 $ à 0,80 $ — c'est à peu près la valeur à laquelle il se transige en ce moment — soit un avantage en faveur du Mexique de 4 %. C'est ce que ça représente à peu près, globalement, en chiffres. Or, quand on regarde cet avantage de 4 % et qu'on regarde, par exemple, ce qui va arriver au niveau des coûts de transport, au niveau de l'accès aux capitaux, au niveau de la main-d'oeuvre bien formée, au niveau des institutions, etc., on se rend compte que ce n'est certainement pas un avantage de 4 % au niveau des salaires qui nous rend non concurrentiels.

M. Le Hir: J'aimerais ajouter là-dessus que, lorsqu'on regarde la compétitivité qu'on peut avoir, il faut regarder l'ensemble des facteurs qui contribuent à cette compétitivité-là et ne pas s'arrêter uniquement au cas des salaires. Et lorsqu'on examine l'ensemble des facteurs, bien, on va entrer en compte la formation de la main-d'oeuvre, l'expérience qu'elle peut avoir, la qualité des infrastructures qui permettent à l'entreprise d'opérer, son accès à des services bancaires, financiers complets, bref, tout un ensemble qui va, finalement, venir pondérer les chiffres qu'on obtient par le seul examen des salaires.

M. Gauvin: Croyez-vous — une petite question — que les Mexicains sont prêts, suite à l'expérience que je viens de mentionner, à accueillir aussi facilement la technologie, nos technologies canadiennes, ou peut-être américaines dans bien des cas, et nos formules de production?

M. Le Hir: Écoutez, ils le font déjà. Il y a déjà des grands groupes industriels multinationaux installés au Mexique, et qui ont réussi à implanter au Mexique leurs méthodes de production. Je ne vois pas pourquoi les Mexicains seraient plus particulièrement rébarbatifs à nos méthodes de production à nous.

M. Gauvin: Non, évidemment. C'est un peu les mêmes que les Américains.

M. Le Hir: Bien, voilà. M. Gauvin: Merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Maintenant, M. le député de Bertrand.

M. Beaulne: Merci, M. le Président. Votre mémoire, finalement, porte beaucoup plus sur la suite de l'association de libre-échange avec les États-Unis qu'avec l'ajout du Mexique. Effectivement, je pense que ça rejoint la préoccupation de la plupart des intervenants, et ce qui ressort, au fond, des délibérations de la commission, ici, c'est que la préoccupation de nos gens est beaucoup plus axée sur la façon de tirer le meilleur profit de l'Accord avec les États-Unis plutôt que sur des préoccupations majeures concernant l'extension de cet accord-là au Mexique ou à d'autres pays éventuellement.

Vous avez fait un long exposé sur l'accès, justement, au marché américain en invoquant toutes sortes de considérations que, de façon générale, on partage. Mais il ne ressort pas clairement, à mes yeux en tout cas... Quelle est votre conclusion là-dessus? Tout à l'heure, le Conseil du patronat — remarquez, de façon très prudente—a souligné un certain recul par rapport au traité avec les États-Unis concernant la définition de «subvention», et vous faites un exposé assez complet un peu dans le même sens, mais sans aboutir nécessairement à la conclusion. Quel est véritablement votre diagnostic, en date d'aujourd'hui, par rapport à l'accès au marché américain, qui constituait, finalement, la plus belle promesse qu'on faisait miroiter à nos gens lors des discussions du premier Accord de libre-échange?

M. Le Hir: Écoutez, je pense que, simplement l'examen de la progression des exportations canadiennes vers les États-Unis depuis la conclusion de l'entente de libre-échange, malgré la hausse du dollar qu'on a eu l'occasion de déplorer à plusieurs reprises, est tout de même un témoignage assez éloquent des gains qu'on a pu effectuer au niveau de l'accès. C'est sûr que, comme d'autres, on aurait préféré que la question des subventions soit éclaircie, mais on réalise fort bien que l'ALENA n'était peut-être pas le meilleur forum pour que cette question-là puisse être éclaircie et que, de toute façon, elle faisait l'objet de discussions multilatérales beaucoup plus englobantes dans le cadre des négociations du GATT. Alors, on l'a reportée tout simplement parce qu'on sait qu'elle va être traitée à un autre niveau et que ça ne sert à rien de s'empêtrer à jouer dans les définitions quand on sait qu'elles risquent d'être modifiées rapidement à un autre niveau, par une autre instance.

M. Beaulne: Oui, je suis d'accord avec vous que les exportations canadiennes et québécoises ont augmenté aux États-Unis, sauf que c'est un peu une conclusion générale, dans le sens: Jusqu'à quel point est-ce attribuable à l'amélioration de la compétitivité de nos entreprises, au développement de réseaux de distribution plus efficaces, à une présence plus articulée sur le marché américain, ou si c'est le résultat de la signature de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis? En d'autres mots, accord ou pas accord, quelle est l'influence conjoncturelle de l'augmentation de ces exportations-là et même l'amélioration de la compétitivité de nos entreprises par rapport au fait d'avoir signé un traité de libre-échange avec les États-Unis dont l'application laisse encore beaucoup à désirer, comme vous l'avez vous-même soulevé? (12 heures)

M. Le Hir: Écoutez, je pense que votre question contient en elle les germes de la réponse. Malgré tous les problèmes qu'on a connus et qu'on décrit, il reste quand même que la progression des exportations depuis l'entrée en vigueur de l'entente du libre-échange a été plus forte que pendant les périodes antérieures et, malgré le fait qu'on soit en récession, que l'économie américaine ait été en récession et qu'on ait eu un dollar particulièrement élevé, alors, c'est une conclusion à laquelle on parvient par élimination, si vous voulez, parce qu'il n'y a pas d'autres facteurs pour expliquer cette progression que l'entrée en vigueur de l'entente de libre-échange.

M. Beaulne: À la page 23 de votre mémoire, vous faites allusion à toutes sortes d'obstacles de nature bureaucratique qui s'appliquent aux États-Unis. Ni l'Accord de libre-échange avec les États-Unis, ni l'ALENA ne viennent modifier ces pratiques à l'heure actuelle. Est-ce que vous y voyez une façon «à l'américaine» d'introduire des barrières non tarifaires du style japonais?

M. Le Hir: Écoutez, je pense qu'il faudrait surtout se garder de penser que les Américains sont les seuls à pratiquer ce genre d'exercice là. Pour ceux d'entre vous qui peuvent peut-être se rappeler un cas qui s'est produit il y a quelques années en Europe, la France, à un moment donné, était particulièrement choquée à l'endroit du Japon pour une pratique d'exportation systématique vers la France de matériel audiovisuel, alors que la France avait encore des espoirs dans ce domaine-là. Pour créer des obstacles à l'importation en France, on a décidé un jour que toute l'importation se ferait par un seul port d'entrée, et celui-là dans le milieu de la France, à Angers, où il n'y a pas un douanier en vue. Et alors, pendant quelques mois, tout a été bloqué, jusqu'à ce que les Japonais réalisent qu'ils avaient avantage à s'imposer un contingentement volontaire.

Ces mesures sont monnaie courante dans une économie ouverte et, contrairement à ce que l'on peut penser, une économie ouverte, ce n'est pas une économie dans laquelle on fait ce que l'on veut; il faut respecter les règles. Ce qu'il faut réaliser, c'est qu'à partir du moment où l'économie s'ouvre le respect des règles devient encore plus critique à la réussite commerciale des pays.

M. Beaulne: Je suis d'accord avec vous. Sauf que je suis persuadé qu'un bon nombre de vos membres pensent que ce genre de dispositions qui, en fait, sont des irritants importants dans le commerce de nos entreprises, en particulier, peut-être, des PME aussi avec les États-Unis, qu'en signant le traité, l'Accord de libre-échange avec les États-Unis ou avec le Mexique ce genre d'obstacles va disparaître. Or, je pense que...

M. Le Hir: Non, je pense que, là, vous faites erreur. On ne se fait aucune espèce d'illusion. On n'a jamais pensé que l'entente de libre-échange était un moyen pour nous de ne plus avoir à respecter les lois et règlements des pays avec lesquels on faisait affaire.

M. Beaulne: Non, ce n'est pas tout à fait le sens de mon intervention. Moi, ce que je disais, c'est qu'il y en a qui s'imaginent qu'en signant l'Accord de libre-échange le genre d'obstacles auxquels vous faites allusion va s'estomper.

M. Le Hir: Non. On n'a jamais cru ça.

M. Beaulne: Donc, ce que vous dites, c'est que le...

M. Le Hir: Ce que l'entente de libre-échange devait faire, c'était de créer ce qu'on appelle un «level plain field» pour tout le monde. Et, dans ce sens-là, je pense qu'on a atteint les objectifs qu'on recherchait. Maintenant, ça n'empêche pas les pays comme le Québec, par exemple, d'appliquer ses lois et règlements sur l'étiquetage ou bien sa loi linguistique sur l'importation de matériel, des jouets ou quoi que ce soit. Et il ne faut pas penser que ça serait ça. On ne l'a jamais pensé, nous, en tout cas.

M. Beaulne: Non, mais je pense que c'est important de le clarifier, parce que, par rapport surtout aux promesses qui avaient été faites lors de la négociation du premier accord avec les États-Unis, où on s'était mis dans l'esprit que tous les obstacles ou que la majorité des obstacles disparaîtraient du fait qu'on avait signé un traité, qu'on aurait un accès au marché américain de beaucoup facilité.

M. Le Hir: Et c'est le cas.

M. Beaulne: C'est vrai sur papier, c'est vrai en partie, mais il a beaucoup...

M. Le Hir: C'est plus que sur papier, il y a des chiffres qui sont là pour le montrer.

M. Beaulne: Oui, mais il y a beaucoup de dispositions qui ne vont pas dans l'esprit de l'entente.

M. Le Hir: Écoutez, on souligne que, ces choses-là, c'est la règle normale du jeu. Il faut qu'on développe, nous aussi, une capacité de réagir, et c'est ça qu'on dit, qu'il faut développer une capacité défensive.

M. Beaulne: Qu'est-ce que vous entendez par «une capacité défensive»?

M. Le Hir: Les Américains utilisent leur législation à bon escient et de façon très efficace, à nous d'en faire autant.

M. Beaulne: Bien, en fait, c'est une remarque qui a été faite par plusieurs intervenants à ce niveau-là.

J'aimerais terminer, peut-être, en cédant la parole à ma collègue pour discuter un peu des mesures de transition. Vous avez mentionné l'importance de ces mesures-là mais ça serait peut-être intéressant de savoir quelle est la priorité que vous accordez aux différentes mesures, parce qu'il y en a d'ordre fiscal, de formation de la main-d'oeuvre, ainsi de suite.

Mme Harel: Ah! merci. M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): Mme la députée...

Mme Harel: Merci.

Le Président (M. Dauphin): ...il vous reste neuf minutes.

Mme Harel: Très bien. M. Le Hir, vous parlez, dans votre mémoire, des barrières virtuelles. En vous écoutant répondre à mon collègue, je me rends compte que pour le Québec l'étiquetage en français peut devenir, finalement, une bonne façon d'introduire des dispositifs qui, pour un certain temps du moins, peuvent faciliter les choses pour nos propres producteurs. C'est ce que je dois comprendre.

M. Le Hir: Ha, ha, ha! Il faut être prudent, là. Mme Harel: Ha, ha, ha!

M. Le Hir: On a des lois et règlements qui sont en vigueur et on est tout à fait justifiés de les faire respecter. On ne dit rien d'autre.

Mme Harel: Dans votre mémoire, vous dites, à la page 21: «Notons enfin que nos politiques et programmes les plus sensibles sur le plan politique — politiques sociales, culturelles, régionales et gestion de l'offre dans le secteur agricole — se situent hors du cadre de l'Accord conformément à ce qui semble faire l'objet d'un très large — et très rare — consensus à travers tout le pays.» en lisant cela, je me demandais si vous aviez une opinion sur cette idée qui est très répandue que le régime d'assurance-chômage est de plus en plus harmonisé avec le régime en vigueur aux états-unis, et que c'est ce qui expliquerait en partie les récentes modifications introduites et qui sont actuellement discutées à la chambre des communes. on sait que, chez les américains, le niveau de prestations est de 50 % et on voit maintenant celui du régime canadien qui va diminuer de 60 % à 57 %; est-ce qu'il faut envisager qu'il y aura harmonisation à la baisse à ce niveau-là? chez les américains, je crois, à l'exception de cinq états seulement, il n'y a pas non plus de prestations lors des départs volontaires; on voit introduire ces mesures-là dans les nouvelles modifications. est-ce qu'il n'y a pas là un effet?

M. Le Hir: Non, on ne pense pas du tout qu'il y ait un tel effet. En fait, pour nous, la seule façon d'expliquer ce qui se produit au niveau du resserrement des contrôles pour l'assurance-chômage, c'est fonction d'une conjoncture et ça tient au fait, essentiellement, que les coûts du système sont en train de littéralement exploser en raison d'une mauvaise conjoncture. Et ça n'est pas relié, sauf peut-être très marginalement, et encore je dis ça sous toutes réserves, à l'existence d'une entente de libre-échange avec les États-Unis.

Mme Harel: Vous savez, par ailleurs, qu'il y a plusieurs études réalisées à ce propos-là. J'ai en main celle qui a été faite par le Service des affaires institutionnelles de la ville de Montréal et qui s'intitule «Réforme de l'assurance-chômage», une analyse du projet de loi C-13, qui impute, en fait, à la libéralisation des échanges, un glissement de certains programmes, y compris celui de l'assurance-chômage vers ce qui est en vigueur chez nos voisins américains. (12 h 10)

Quoi qu'il en soit, à l'égard de l'adaptation de la main-d'oeuvre, est-ce que l'Association des manufacturiers canadiens a un point de vue sur le fait que ce qui a été mis en place par les gouvernements, particulièrement par le gouvernement du Québec, et qui est dans le sens d'un crédit d'impôt à la formation dans les entreprises, qui ne semble pas donner, qui ne semble pas remplir les objectifs qui lui étaient assignés... Je constate que pour l'année qui vient de s'écouler, plutôt que les 100 000 000 $ prévus, c'est 30 000 000 $ qui ont été dépensés, c'est-à-dire le tiers. Il y a deux ans, plutôt que les 100 000 000 $, c'était le quart. Il y a une légère progression, on le voit, mais c'est essentiellement la grande entreprise qui en bénéficie, quatre fois plus que la PME. Évidemment, ces mesures-là, finalement, n'ont pas l'air de donner les résultats escomptés.

On sait que dans les études réalisées, soit dans le

rapport de Grandpré, préalablement au traité en 1987-1988, il y avait plutôt un choix en faveur d'un fonds de formation professionnelle financé directement et alloué directement à cela. Est-ce que votre opinion a changé là-dessus?

M. Le Hir: Écoutez, je pense que là, si on allait trop loin dans cette direction-là, on risquerait de changer le débat complètement. Mais quand même, rapidement, je vais vous dire ceci: Effectivement, on pense que nous, du point de vue des mesures de réadaptation de la main-d'oeuvre, il y a des efforts considérables à faire. Cependant, en ce qui concerne ces efforts de réadaptation, il faut bien comprendre que leur portée est limitée par la conjoncture économique et que, bien qu'on ait, comme vous le soulignez, introduit un crédit d'impôt à la formation, ce crédit-là ne semble pas remporter tout le succès qu'il mériterait dans une conjoncture meilleure, et qu'il obtiendrait certainement dans une conjoncture meilleure. Il ne faudrait pas nécessairement en conclure pour autant que ce type de mesures n'est pas la bonne approche à privilégier. Ce n'est pas parce que l'économie va mal à l'heure actuelle qu'il faut jeter tout ce qu'il peut y avoir de positif; on considère, nous, que le crédit d'impôt à la formation est un élément très positif qu'on souhaiterait développer et qu'on souhaiterait voir améliorer. Mais il faut quand même être réaliste et se dire que, dans une conjoncture comme celle qu'on traverse, ce n'est pas les professeurs qu'on fait venir en premier quand le feu est pris à la maison.

Mme Harel: Mais justement, quand l'économie va mal, comme vous dites là, je reprends vos propos, quand on est en période de récession, c'est habituellement justement à ce moment-là qu'il faut investir massivement comme société; c'est ce que font, en tout cas, nos concurrents qui sont mieux équipés. Dans tous les pays où on peut raisonnablement se comparer, ils mettent le paquet dans des périodes de récession, justement...

M. Le Hir: Oui.

Mme Harel: ...pour relever le niveau de formation et de qualification et...

M. Le Hir: Oui mais...

Mme Harel: ...c'est l'inverse que l'on fait ici.

M. Le Hir: ...encore une fois, comparons les comparables, là. Les expériences auxquelles vous faites allusion dans des pays européens sont des expériences qui se réalisent sans aucune difficulté dans des récessions à caractère cyclique, comme celles qu'on a connues depuis la guerre. Mais, quand vous avez une récession comme celle qu'on traverse à l'heure actuelle, qui se prolonge, bien, il ne faut pas s'attendre à ce que, au bout de la troisième ou de la quatrième année, quand les entreprises ont encore peine à garder leur souffle, elles vont être capables de soutenir des mesures de ce type-là.

Mme Harel: D'autant plus, si je comprends bien, M. Le Hir, que ces mesures supposent des liquidités de la part des entreprises. Parce que, dans le cas, par exemple, des PME qui voudraient participer au programme de crédits d'impôt à la formation en entreprise, il faut d'abord qu'elles fassent le déboursé et qu'elles attendent. Et puis, quand elles ont l'expérience des délais simplement pour se faire rembourser la TPS ou la TVQ, vous comprenez qu'elles ne sont pas vraiment très enthousiastes à l'idée d'attendre les remboursements.

M. Le Hir: Là-dessus, je partage votre point de vue; j'y ajouterai même un autre facteur que vous avez oublié d'ajouter. L'entreprise, à l'heure actuelle, qui dégraisse continuellement, qui s'assure qu'elle n'a jamais plus de main-d'oeuvre que ce dont elle a strictement besoin pour opérer, elle n'a plus de marge de manoeuvre pour dégager des effectifs et investir dans la formation; non seulement investir en argent, mais investir en temps.

Mme Harel: Vous disiez dans...

Le Président (M. Dauphin): II vous reste une minute, Mme la députée.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Dans votre mémoire, vous dites vouloir soutenir de façon active un renforcement quant aux mesures d'adaptation pour les travailleurs et les entreprises. Est-ce qu'à ce moment-là il ne faut pas réexaminer toute la question de l'assu-rance-chômage, par exemple, qui est devenue le fonds par lequel le gouvernement fédéral a décidé de faire de la formation professionnelle? Parce que, finalement, il y en a une taxe indirecte à l'entreprise, c'est la cotisation qui est versée à l'assurance-chômage et qui vient de plus en plus... À 63 %, la formation professionnelle, au Québec, elle est financée par la caisse d'assurance-chômage.

M. Le Hir: Écoutez, là-dessus...

Mme Harel: Mais c'est finalement les entreprises qui performent qui financent l'assurance-chômage pour une partie des travailleurs qui sont mis à pied dans l'entreprise qui ne résiste pas.

M. Le Hir: Là-dessus, on a eu l'occasion de faire connaître notre point de vue très clairement. On a participé au front commun qui s'est créé entre le gouvernement du Québec, tous les partenaires sociaux, pour la création d'un guichet unique. On estime que, la voie de l'avenir, c'est des mesures actives. On estime qu'au

chapitre des mesures actives c'est le gouvernement du Québec qui a juridiction pour agir et on trouve dépassé, à l'heure actuelle, le mode d'intervention du gouvernement fédéral avec ses mesures de soutien du revenu par la voie de l'assurance-chômage.

Mme Harel: Merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci, Mme la députée.

M. le ministre, pour le mot de la fin.

M. Ciaccia: M. le Président, merci. Je voudrais vous remercier, M. Le Hir, pour votre mémoire, votre présentation, et je voudrais encourager les membres de votre association à prendre un plus grand intérêt dans le marché mexicain. Je crois que nous avons identifié plusieurs facteurs où il y a des expertises au Québec, où il y a des besoins au Mexique, et nous avons même développé un plan d'action pour encourager et aider nos entreprises à percer le marché mexicain — on a déjà celles qui sont présentes — et spécialement au niveau des PME. C'est un intérêt particulier que nous avons à encourager les PME. On a déjà l'appui des caisses Desjardins, en termes d'information, en termes d'appui, de support et d'aide, et je suis prêt à travailler avec votre association, voir ce qu'on peut faire pour accroître les exportations de nos biens et de nos services et, dans votre cas, des biens au Mexique.

M. Le Hir: Écoutez, M. le ministre, je serais extrêmement désolé que vous pensiez qu'on n'a pas d'intérêt pour le marché mexicain, et je m'excuse si c'est la conclusion que vous tirez de notre présentation, ce n'est pas le cas du tout. En fait, nous avons été peut-être parmi les premiers à développer des liens avec les représentants mexicains à Montréal et nous avons organisé toutes sortes de séminaires depuis deux ans, à l'intention de nos membres, avec les Mexicains, pour justement développer des rapports de la nature de ceux que vous décrivez, et on est prêts à le faire encore plus. Cependant, il faut quand même, dans la proportion des choses, réaliser que c'est encore petit.

M. Ciaccia: Oui. Le marché avec les États-Unis, évidemment, c'est encore notre plus grand client, 75 % de nos exportations vont vers les États-Unis, mais j'apprécie le fait que vous vouliez travailler avec nous; puis, nous aussi on veut travailler avec vous pour tirer avantage de ce nouveau marché. Merci.

M. Le Hir: Merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre.

Alors, au nom de tous les membres de la commission, nous remercions l'Association des manufacturiers du Québec, son vice-président et le directeur de la re- cherche. Merci et bon retour.

Nous suspendons nos travaux jusqu'après les affaires courantes.

(Suspension de la séance à 12 h 18)

(Reprise à 15 h 34)

Le Président (M. Dauphin): La commission des institutions reprend ses travaux. C'est avec plaisir que nous recevons cet après-midi la Chambre de commerce du Québec. Nous aimerions leur souhaiter la bienvenue à nos travaux, les remercier, par la même occasion, d'avoir accepté notre invitation. Elle est représentée par M. Yvon Marcoux, qui est président de la Chambre de commerce. Je vais lui demander de nous présenter les personnes qui l'accompagnent; ensuite de cela, de procéder à son exposé d'une durée d'environ 20 minutes, puisque nous avons une période d'une heure entre nous: 20 minutes de présentation et 40 minutes d'échanges entre les parlementaires et vous-mêmes. Alors, bienvenue, M. Marcoux, et à vous la parole.

Chambre de commerce du Québec

M. Marcoux (Yvon): Merci, M. le Président. MM. les ministres, distingués membres de la commission, je vais vous présenter les deux personnes qui m'accompagnent. À ma gauche, Mme Lise Lachapelle, qui est associée principale de Strategico et également présidente du comité de la Chambre sur la libéralisation des échanges, et, à ma droite, M. Claude Descôteaux, qui est vice-président exécutif de la Chambre de commerce du Québec.

La Chambre de commerce du Québec, au nom de ses 220 chambres locales affiliées à travers tout le territoire et de ses 5000 membres corporatifs, est heureuse de répondre à l'invitation de présenter un mémoire sur l'Accord de libre-échange avec le Mexique.

Il y a plusieurs années que la Chambre de commerce du Québec s'intéresse à cette question et, dès 1985, la Chambre a réalisé un sondage auprès de ses membres afin de connaître leur opinion sur le libre-échange avec les États-Unis et, ensuite, faisait connaître son appui à ce projet de traité avec nos voisins du Sud.

En 1987 et 1988, d'ailleurs, à ce moment-là, la Chambre avait présenté des mémoires devant des commissions parlementaires pour exprimer son point de vue et pour appuyer le projet de traité de libre-échange avec les États-Unis. Enfin, disons que le développement du commerce international, dont le libre-échange, pour nous, est un volet important, l'éducation, la formation et les finances publiques sont là des axes de développement du programme de la Chambre pour les années qui viennent, en termes de priorités pour le développement économique du Québec. Donc, l'appui de la Chambre à l'ouverture des marchés et au traité de libre-échange

date de 1985 et a été constant.

Maintenant, avant d'aborder l'ALENA en soi, ce que nous voulons nous demander, notre évaluation: Est-ce que le projet de traité de libre-échange avec les États-Unis a été bénéfique pour le Canada, pour le Québec et pour ses entreprises? Je pense qu'il est important d'en faire une évaluation pour projeter, peut-être de façon plus opportune, plus réaliste, une évaluation de l'ALENA. Il ne s'agit pas, évidemment, d'en faire un examen détaillé, mais on peut, après quatre ans, faire un bilan sommaire qui indique les tendances ou les orientations de fond quant à l'impact du traité de libre-échange avec les États-Unis. Il est important d'en faire état, car des groupes tentent de faire porter, sans distinction, au traité de libre-échange tout l'odieux des effets pervers de la récession que nous avons connue au Canada et, notamment, les pertes d'emplois. Et, lorsqu'on lit, par exemple, que peu après l'entrée en vigueur du traité de libre-échange le Québec est entré dans une récession dont les effets négatifs prendront du temps à se résorber, je pense que c'est tout à fait exagéré. Si on parle de la Californie, par exemple, qui a une population à peu près comme celle du Canada, vous savez, le nombre de pertes d'emplois au cours des dernières années a été considérablement plus important. Donc, il faut, je pense, recorriger la perception à cet égard-là. d'ailleurs, vous êtes au courant, l'étude du cd. howe institute, qui a été publiée en octobre 1992, nous indique que les exportations de produits canadiens vers les etats-unis, et notamment dans les secteurs qui ont été libéralisés, ont augmenté de façon notable et beaucoup plus que l'exportation vers l'europe; avec le japon, il y a eu une diminution. donc, malgré une croissance plus lente aux états-unis, malgré aussi une augmentation de la valeur de notre devise par rapport à la devise américaine, les exportations de produits canadiens vers les états-unis ont augmenté de 4 %, alors que nos importations augmentaient de 0,3 %. vers l'europe, l'augmentation a été de moins de 1 %; vers le japon, comme je le mentionnais, il y a eu une chute. pour ce qui est des produits à valeur ajoutée, dans le produit fabriqué, l'augmentation a été de 34 % entre 1989 et 1991, alors que les exportations de produits provenant des ressources naturelles ont augmenté, quant à elles, de 7,5 %. il y a des secteurs qui ont été privilégiés. si on parle des communications, des instruments de précision, c'est dans ces secteurs à valeur ajoutée que les augmentations ont été les plus considérables. donc, ces données nous démontrent que le traité de libre-échange a donné, dans l'ensemble, des résultats fort positifs pour nos entreprises. d'ailleurs, une étude récente, qui a été publiée, je pense, soit cette semaine ou la semaine dernière, par statistique canada, confirmait les mêmes tendances. et la part du marché américain détenue par le canada, disait-on, a augmenté entre les trois premières années de la décennie et les trois dernières années de la décennie; elle est passée, je pense, de 6 % à 9 %. dans une autre étude, également, qui avait été préparée par Strategico, on indiquait que les exportations globables à destination des États-Unis avaient augmenté de 15 % au cours des trois premiers trimestres de l'année 1992. (15 h 40) en conclusion, le marché américain constitue, malgré une croissance économique qui a été plus que modeste là-bas et la forte appréciation de notre dollar, comme je le mentionnais, un marché qui a été, pour nos entreprises canadiennes, extrêmement positif. nous avons parlé beaucoup, évidemment, des mécanismes de règlement des différends, et on a fait état des pratiques commerciales déloyales de la part des américains. il est vrai qu'il y a eu, en tout cas, une recrudescence de protectionnisme aux états-unis, et peut-être que la campagne électorale n'a pas été étrangère à ça, mais, si le mécanisme qui a été mis en place par le traité n'est pas parfait, il fonctionne relativement bien et, jusqu'à maintenant, en tout cas, à l'avantage du canada. rappelons que sept des douze mesures américaines qui ont été contestées par le canada, entre 1989 et 1991, ont été tranchées en sa faveur dans des décisions, d'ailleurs, qui étaient généralement unanimes. donc, ce n'est pas parfait, mais nous pensons que, globalement, le canada a été bien servi par le système des groupes binationaux dans le cadre des règlements des différends. il faut aussi rappeler que les litiges entre les états-unis et le canada représentent à peu près 6 % ou 1 % quand même seulement des échanges totaux entre les deux partenaires.

Maintenant, en ce qui a trait à l'ALENA, il était important, selon nous, que le Canada soit présent aux discussions, comme il l'a fait, afin de ne pas perdre ce que nous avons gagné avec le marché américain, parce que les absents ont toujours tort. On peut en voir des exemples, notamment, la Grande-Bretagne, qui a été assise sur la clôture pendant plusieurs années avant, finalement, de décider de joindre la Communauté économique européenne.

Il est vrai, il faut le reconnaître, que la valeur des exportations du Canada, et notamment du Québec vers le Mexique, n'est pas très élevée. Les exportations, récemment, sont de l'ordre de 90 000 000 $; les importations, peut-être de 450 000 000 $ ou 500 000 000 $. Donc, ce n'est pas d'une très grande dimension, mais je pense que, fondamentalement, l'ALENA et la négociation qui a été faite assurent le Canada et le Québec de l'accès d'abord à notre marché premier qui est celui des États-Unis. Rappelons, par exemple, que les États-Unis et le Mexique, avec le Canada, représentent à peu près un produit intérieur brut total de 7000 milliards de dollars — ou sept «trilliards», je ne sais pas comment... — alors que l'Europe représente la moitié. Alors, je pense que c'est une question de dimension, quand même, ça démontre l'importance du marché nord-américain.

Deuxièmement, avec le Mexique, bien que notre commerce ne soit pas, évidemment, comme je le men-

tionnais, très, très élevé, nous croyons qu'il y a beaucoup de potentiel à développer. Il y a des secteurs où, à notre avis, les entreprises auront des débouchés additionnels, des débouchés commerciaux qui leur seront très profitables, et notamment avec le Mexique. Notamment, on parle de la télécommunication, des logiciels, de la manutention des matériaux, des produits agroalimentaires, des produits forestiers, des services environnementaux, des équipements d'exploitation, du contrôle des procédés, des services spécialisés d'ingénierie et des produits de consommation.

Dans l'ALENA, tel que le projet de traité a été négocié, nous avons protégé les acquis que nous avions obtenus dans le cadre du traité du libre-échange avec les Etats-Unis. En fait, nous avons préservé les mesures dans le secteur des industries culturelles, le mécanisme d'offre et de la demande dans les produits agricoles, les services sociaux et le pacte de l'automobile. De plus, on a élargi et renforcé certains aspects qui étaient contenus déjà ou non dans le traité de libre-échange avec les États-Unis. On a précisé les règles d'origine, toute la question des remises et des droits de douane, ou ce qu'on appelle les «drawback», un accès, bien que pas très développé mais, quand même, facilité dans le secteur des services financiers, et également un accès, une ouverture du côté des marchés publics. Donc, ce sont des opportunités de développement qui, à notre avis, vont profiter à nos entreprises et, notamment, aux entreprises dans des secteurs d'avenir.

Un point qui a été l'objet de beaucoup de discussions, et qui l'est encore, est celui des bas salaires que l'on retrouve dans le marché du Mexique. Ce que nous croyons, c'est que c'est un avantage dont il ne faut pas exagérer l'effet. En effet, les salaires ne représentent qu'un facteur parmi d'autres dans le choix de l'emplacement d'une entreprise et, également, dans les coûts de production. La compétitivité des entreprises québécoises repose sur bien d'autres choses que les coûts seulement de main-d'oeuvre. Il y a d'autres atouts importants et peut-être que certains sont plus importants, comme les connaissances en gestion, l'accès aux capitaux, une main-d'oeuvre hautement qualifiée qui, espérons-le, continuera d'être qualifiée davantage, compétente, une technologie et des services de qualité, des coûts de transport modérés et un milieu économique stable. d'ailleurs, différentes études ont examiné ce point-là. une étude américaine récente, qui a été reprise par le conference board du canada, démontrait que, si le taux horaire moyen d'un travailleur canadien était beaucoup plus élevé que celui d'un travailleur mexicain, le taux de productivité du premier était également beaucoup plus élevé, à peu près dans la même proportion, que celui du second. une étude, d'ailleurs, du ministère de l'industrie, du commerce et de la technologie du québec souligne que les tarifs douaniers du canada, qui se situaient quand même à près de 11 % en 1987, pour les 20 % des importations canadiennes en provenance du mexique qui n'entraient pas en franchise de droits, et je cite: «...n'ont jamais constitué une véritable barrière aux exportations mexicaines et ne pourront empêcher le Mexique d'accroître ses exportations au Canada.» D'ailleurs, si ce n'est pas le Mexique, ce sera forcément un autre pays, que ce soit la Chine, le Brésil, Taiwan, qui gagnera des parts de marché qui sont destinées à échapper aux entreprises québécoises et canadiennes. Donc, l'avantage que confère au Mexique une main-d'oeuvre à bon marché, évidemment, pour nous, c'est un avantage qu'il ne faut pas exagérer.

Il y a, bien sûr, certains effets sectoriels qui peuvent être un peu plus négatifs. Il y en a, à notre avis, qui sont très positifs; nous avons mentionné tantôt des secteurs desquels nous croyons que les entreprises pourront bénéficier. On a parlé beaucoup du domaine du textile et du vêtement. Si on l'examine, même dans le cadre du traité de libre-échange avec les États-Unis les exportations en matière de textile et de vêtement se sont accrues au cours des dernières années. Même l'Institut canadien du textile, globalement, avec les contingentements, les exportations contingentées qu'il y a, avec les provisions qu'il y a dans l'ALENA, se dit favorable au traité, dans le fond, globalement, et pense que ça pourra continuer de promouvoir non seulement la fabrication, mais surtout les exportations dans le domaine du textile et du vêtement.

Donc, ce que nous disons comme organisme et représentants de nos membres, c'est que, globalement, nous sommes favorables et nous appuyons l'Accord de libre-échange nord-américain. Il est bien sûr que ça ne réglera pas tous les problèmes, ce n'est pas une panacée pour nos entreprises, mais nous croyons que cette ouverture est de nature à donner un coup de pouce assez fort aux entreprises qui choisiront de compétitionner librement sur ce marché de 360 000 000 de consommateurs.

Il ne faut pas sous-estimer, évidemment, la concurrence que pourront livrer de toute façon au Québec certaines entreprises mexicaines, dans certains types de produits, et notamment ceux qui sont fabriqués dans ce qu'on appelle une «maquiladora». Il faudra donc qu'il y ait dans certains secteurs certaines mesures d'adaptation, et nos entreprises devront s'adapter et faire oeuvre d'innovation. Il faudra être plus exigeant encore et davantage sur la formation, sur l'adaptation de la main-d'oeuvre, le développement de synergie locale. Et, dans ce cadre-là, les grappes industrielles prennent toute leur signification.

On a également souligné que, bien qu'excellent, le plan d'action Québec-Mexique, qui a été rendu public par le ministre des Affaires internationales du Québec, en novembre 1992, ne s'adresse peut-être pas tout à fait au cinquième objectif que disait poursuivre le gouvernement face à l'accord trilatéral et qui s'énonce comme suit, et je cite: «S'adapter à la concurrence accrue des produits mexicains sur le marché canadien et sur le marché québécois». En effet, le plan d'action vise essentiellement les activités des entrepreneurs québécois sur

le marché mexicain. Il tient très peu compte de la présence potentielle d'entrepreneurs mexicains sur le marché québécois. Donc, la Chambre est d'avis que c'est quand même un sujet qu'il faudra peut-être examiner de façon un peu plus approfondie. (15 h 50)

Si nous réitérons l'appui à l'Accord de libre-échange, c'est parce que nous croyons qu'il y a un potentiel intéressant. Il est bien sûr que, lorsqu'on regarde, par exemple, le revenu per capita au Mexique, ce n'est pas très élevé. Mais si on considère que le Mexique peut croître, avoir une croissance annuelle de 7 % par année, comme il l'énonçait, eh bien, ça veut dire, ça, au cours des prochaines années, 8 000 000 de consommateurs additionnels dont les revenus se compareront à ceux des Américains ou des Canadiens de classe moyenne sur le marché mexicain au cours des 10 prochaines années, et c'est un potentiel de croissance, donc, pour nos entreprises à nous, ici, qui est considérable.

Il faut également ajouter que la perspective de l'extension de ce marché à l'échelle de l'hémisphère et un accès mieux assuré au marché américain, grâce aux améliorations apportées aux modalités d'application du traité de libre-échange, avantageront aussi celles de nos entreprises qui recourront aux nouvelles règles du jeu en Amérique du Nord, et bientôt dans l'hémisphère américain, non seulement en Amérique du Nord, mais en Amérique du Sud.

Plus que jamais, nous croyons que nos entreprises n'ont rien à craindre de l'élargissement au Mexique de l'accord canado-américain, convaincus également que, malgré certaines lacunes, malgré certaines imperfections, cette nouvelle entente à l'échelle de l'Amérique du Nord, et bientôt étendue de façon plus grande, se révélera bénéfique pour les entreprises qui auront su se préparer à ce nouvel environnement.

Bref, globalement, et avec certaines réserves que nous avons manifestées, la Chambre de commerce du Québec appuie l'Accord de libre-échange nord-américain, l'ALENA, qu'elle considère bon pour l'économie du Québec et souhaitable pour l'expansion des entreprises. Nous souhaitons évidemment que cet accord soit entériné pour entrer en vigueur, tel que prévu, au 1er janvier 1994.

M. le Président, j'ai terminé mes remarques, je pense, à l'intérieur du temps qui nous était alloué, ce qui permettra d'avoir des questions et de susciter, peut-être, une discussion, ce qui est un peu plus intéressant, peut-être, qu'un monologue.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. Marcoux, pour votre présentation, au contraire, intéressante. Effectivement, vous avez respecté le temps qui vous était dévolu. Alors, débutons la période de libres éhanges avec M. le ministre des Affaires internationales.

M. Ciaccia: Je remercie la Chambre de com- merce du Québec, et M. Marcoux, de sa contribution aux travaux de cette commission parlementaire. Je me permets d'ajouter que déjà, depuis 1985, votre organisme a participé activement aux débats entourant le libre-échange. Votre présent mémoire, je crois, reflète vraiment la qualité de votre engagement dans ce débat. Votre mémoire est bien articulé et s'appuie sur de nombreux faits statistiques et économiques qui, peut-être, devraient être rendus publics et véhiculés un peu plus dans certains milieux qui ne semblent pas être au courant de beaucoup de ce que vous nous avez dit, en termes de chiffres sur le commerce avec les États-Unis, tous les aspects des salaires, des conditions de travail, et tout le reste. Je pense que ça serait très utile pour tous les intervenants dans le secteur d'avoir un peu plus d'information telle que vous nous la donnez.

J'avais juste quelques questions. Je sais qu'on n'a pas beaucoup de temps, là, j'aurais quelques points à préciser sur votre mémoire. Quand vous parlez du plan d'action et que vous dites que le plan d'action vise les entreprises ici et ne tient pas compte de la présence des entrepreneurs mexicains sur le marché québécois... Non, mais, premièrement, je prends les critiques d'une façon constructive; comprenons-nous. Je ne prends pas ça comme une critique, que vous n'êtes pas satisfaits, ou que vous... Un des buts de la commission, c'est d'avoir des recommandations pour améliorer ce qu'on fait; autrement, on n'aurait pas besoin de la commission.

Premièrement, il y a un volet dans le plan d'action qui est pour les acheteurs, l'accueil des acheteurs, le programme APEX. Le programme APEX, c'est pour nos entreprises qui vont au Mexique, mais il y a aussi l'aspect des acheteurs mexicains qui viennent ici. Est-ce que vous pourriez élaborer un peu plus, voir la relation entre les acheteurs et la présence mexicaine au Québec, et notre volonté d'augmenter les exportations et la présence québécoise au Mexique? Je serais intéressé d'en savoir plus.

M. Marcoux: Alors, si vous le permettez, j'ai des collaborateurs ici qui ont travaillé avec moi sur ce mémoire-là. Je vais demander peut-être à Mme Lachapelle de fournir certains commentaires à cet égard.

Le Président (M. Dauphin): Mme Lachapelle.

Mme Lachapelle (Lise): merci. en fait, quand on regardait le plan d'action, il y a un commentaire qui nous revenait assez souvent, c'est qu'effectivement il y a de l'aide qui est donnée aux entreprises, entre autres, pour aller explorer les marchés là-bas, mais on regardait un peu l'autre côté de cette même médaille, même au-delà du programme des acheteurs mexicains qu'on fait venir ici. il reste quand même que le québec, et je pense que vous l'avez dit vous-même dans votre présentation l'autre jour, est son meilleur client, se vendant à lui-même à peu près 60 % de ce qu'il produit, en expor-

tant 20 % au reste du canada, 20 % à l'étranger.

Il reste que le Québec, à ce moment-là, va devoir aussi faire face à cette compétition mexicaine. Nous, on se dit que ces entrepreneurs mexicains sont ces mêmes gens qui, chez eux, sont aidés comme vous aidez nos exportateurs à aller là-bas, et on se demande s'il n'y a pas effectivement un rôle aussi d'information vis-à-vis de ça pour un peu expliquer aux gens d'affaires d'ici à quel genre de compétition ils pourraient être acculés, si vous voulez, de la part des entreprises mexicaines. On pense que ça ferait un bon complément à tout ce qui est fait de l'autre côté.

M. Ciaccia: On va prendre bonne note de votre recommandation et on va voir comment on peut améliorer notre plan d'action. Ça se trouverait, ça, dans l'élément d'information à nos entrepreneurs ici.

Mme Lachapelle: Oui, tout à fait.

M. Ciaccia: On veut donner des informations, mais peut-être que cet aspect-là, c'est quelque chose de plus qu'on pourrait faire.

Vous mentionnez aussi ou suggérez, à la page 25, de s'attaquer à la question de l'adaptation des entreprises de secteurs plus vulnérables par des études conjointes visant certaines mesures transitoires de support. Est-ce que vous avez une idée plus précise de ces mesures que vous envisagez?

Mme Lachapelle: En fait, c'étaient surtout des mesures encore au niveau de l'information, c'est-à-dire qu'on a utilisé «mesures transitoires» assez largement parce que, au départ, on pensait, effectivement, aux informations dont je viens de vous parler pour que ces compagnies soient mieux en mesure, elles-mêmes, en fait, de développer plus d'efficacité et de bien asseoir leurs assises sur le marché ici, et c'était aussi du côté de la formation de la main-d'oeuvre. Il y a beaucoup de gens... Par exemple, je rencontrais des gens de l'industrie du vêtement, la semaine dernière, qui me disaient: Dans le fond, nous, on n'a pas peur de l'Accord de libre-échange, de l'ALENA, parce que, si on arrive quand même à une meilleure formation de main-d'oeuvre, un des présidents des compagnies me disait qu'il arriverait tout à fait à produire des biens aussi peu chers que certains qui peuvent être produits, par exemple, au Mexique en ce moment, mais qu'il lui manque encore une formation de main-d'oeuvre qui a été trop traditionnelle — en tout cas, à son dire à lui, puis, bon, il faut que je le croie, il gagne sa vie dans ce secteur-là — qui a été un peu trop traditionnelle dans certains de ces secteurs-là. Alors, c'est un peu à ça qu'on pensait aussi, et aussi à des adaptations au niveau du marketing parce que, encore là, souvent, la notion de marketing est uniquement rattachée aux marchés d'exportation, alors qu'il y a quand même une notion de marketing qui peut être rattachée à l'identification de niches et au fait de combattre, si vous voulez, les compétiteurs mais aussi sur son propre marché.

M. Ciaccia: Alors, si je vous comprends bien... Dans le domaine des vêtements — les textiles, c'est un autre aspect qui semble avoir été accepté par cette industrie — on reçoit différents sons de cloches, dépendam-ment à qui on parle. Si je vous comprends bien, votre position est que, dans les conditions qui ont été négociées dans l'ALENA, on a maintenu et même élargi, parce qu'on a augmenté les contingentements, l'accès au marché américain. Alors, ceci devrait permettre à nos industries d'avoir accès au marché, mais vous mentionnez qu'il y a certaines mesures d'adaptation, d'aide qui pourraient être mises en place pour les aider à tirer avantage de l'entente. Alors, ce n'est pas les conditions de l'entente qui vous préoccupent, ce sont les autres mesures qui devraient être prises pour aider cette industrie. (16 heures)

Mme Lachapelle: Oui, oui. Eux estiment qu'ils pourraient exporter encore plus aux États-Unis s'ils étaient un peu mieux préparés de cette façon-là. Alors, c'est tout à fait la même conclusion que vous. Ils pensent qu'ils pourraient être encore plus actifs sur le marché américain si leur personnel était encore un peu mieux préparé.

M. Ciaccia: Nous avons le ministre de l'Industrie et du Commerce qui sûrement va prendre bonne note de vos recommandations pour l'industrie du vêtement.

Juste une autre question avant de... J'aurais une autre question, là. Vous avez parlé du règlement des différends. Moi aussi, je crois que c'est un pas, c'est une structure que nous avons obtenue dans l'ALE qui est vraiment extraordinaire. Quand on pense que le Congrès américain a décidé d'être lié par un tribunal supranational, je pense que ça a été vraiment un aspect très, très important pour nous. C'était temporaire dans l'ALE, c'est maintenant rendu permanent. Beaucoup de gens aussi ont dit que ça pourrait être amélioré, que ça pourrait fonctionner mieux, mais le principe, je crois, a protégé nos industries. Vous avez donné des statistiques à cet effet, mais, l'autre côté de la médaille, c'est que les Américains imposent des droits compensateurs. Plusieurs intervenants ont suggéré que peut-être, de notre côté, on ne réagissait pas assez et que, nous aussi, nos entreprises devraient être plus agressives en termes de plaintes au Canada, au Québec, sur les pratiques de certaines entreprises américaines. Est-ce que vous avez eu l'occasion d'étudier ce problème ou est-ce que ça a été porté à votre attention? Et qu'en pensez-vous?

Mme Lachapelle: Ça a été porté souvent à notre attention. Je dois dire que, la plupart du temps, la façon dont ça a été abordé, c'était plus dans le sens d'essayer de les empêcher de le faire que de se venger parce que, finalement, le tort est fait. Quand les Américains impo-

sent des droits compensateurs sur l'industrie du bois d'oeuvre ou, en ce moment, sur l'acier, c'est un grand problème pour ces industries-là et le fait que, dans deux semaines, je ne sais pas, moi, l'industrie de la framboise aille se plaindre et puis demander des droits compensateurs, ça ne rétablirait pas la situation. C'est malheureux, mais c'est comme ça.

Par contre, ce qui continue de nous inquiéter dans le système de règlement des différends, c'est la chose suivante. Vous avez tout à fait raison, c'était, je pense, la première fois, au moment de l'ALE, que les États-Unis acceptaient qu'il y ait un tribunal supranational comme ça qui prenne des décisions. Malheureusement, parce que c'était la première fois, ils se sont un peu prémunis et ils ont mis là-dedans un dispositif qui est le comité pour contestation extraordinaire. Or, ce comité-là, puis je me permettrais peut-être de vous citer dans quelles conditions il devait être, au départ, utilisé... On disait: Dans le cas fort improbable où il y aurait conflit d'intérêts ou grave déni de justice, l'un ou l'autre gouvernement pourrait demander qu'un comité pour contestation extraordinaire se penche sur la question. Or, malheureusement, nos amis américains se servent de ça un peu comme ils se servent souvent de leur système de justice.

Bon, ils y vont, là, carrément. C'est un peu ça qui est dommage parce que, si on avait arrêté au groupe de travail spécial, au fameux tribunal binational, qu'on appelle, je pense que, là, ce serait très bien. Ce qui nous inquiète un peu, c'est que, dans l'ALENA, on semble prendre pour acquis que, maintenant, ce comité sera carrément permanent. Alors, est-ce qu'on admet aussi que, chaque fois qu'il y aura un différend, qu'il y aura un groupe spécial qui prendra une décision, cette décision-là pourra être carrément «challengée» par les Américains? Ça nous cause des problèmes parce que non seulement ce qui était fait au niveau des groupes de travail, c'est long, je veux dire, il y a un processus et vous le connaissez aussi bien que nous, mais qui est censé se faire en dedans d'un an... Or, ça n'a pas été le cas. Les Américains ont utilisé toutes les tactiques possibles et imaginables pour s'en sortir: des gens qui se retirent du tribunal, des documents qui ne sont pas prêts. Alors, si on ajoute à toute cette période-là encore une autre période d'incertitude, on pense que, dans certains cas, ça va être très onéreux pour les sociétés.

M. Ciaccia: Oui. On s'est plaint, dans plusieurs... dans un cas particulier, ils avaient utilisé ce processus extraordinaire comme un droit d'appel, mais ce n'était pas l'intention...

Mme Lachapelle: Exactement, alors que ce n'était pas du tout l'intention.

M. Ciaccia: À moins qu'on ne pense que le comité, peut-être, le but est de faire de la médiation plutôt que de... On va voir, peut-être, dans les pratiques.

Mme Lachapelle: Mais ce n'était pas ça, comme vous savez, parce que, dans l'ALE, on considérait que le comité spécial... Je peux encore vous reciter le texte. On dit: «Si le groupe spécial devait conclure que la loi avait été bien appliquée, l'affaire serait considérée comme close» alors que, maintenant, on a l'air de considérer ça comme une étape et puis, plus il y a d'étapes dans le processus décisionnel, plus ça coûte cher aux entreprises.

M. Ciaccia: Vous avez raison. Et au gouvernement aussi...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: ...parce que, souvent, c'est nous qui... Souvent... Pardon?

M. Léonard: ...un gouvernement, ça aiderait.

M. Ciaccia: Eh bien, si on n'avait pas eu... Pour votre information... On ne veut pas faire un débat constitutionnel, mais si on n'avait pas eu la force du gouvernement canadien qui fait 212 000 000 000 $ de chiffre d'affaires entre le Canada et les États-Unis, on n'aurait pas été capable de négocier le cas du magnésium. Québec seul, 7 000 000, on n'aurait pas eu cette force-là, mais, ça, on ne veut pas vous... On n'est pas dans le forum constitutionnel, mais de temps en temps ça déborde et il faut dire la vérité de ce côté-ci aussi. Alors, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Dauphin): Alors, merci, M. le ministre. Nous allons maintenant passer du côté de l'Opposition officielle avec M. le député de Bertrand.

M. Beaulne: Merci, M. le ministre. D'abord, il me fait toujours plaisir d'accueillir, à l'Assemblée nationale, un de mes concitoyens.

M. Marcoux: Merci, M. le député.

M. Beaulne: Et profiter de l'occasion pour souligner que votre rapport est un rapport équilibré. Au fond, ce que vous dites, c'est que l'extension de l'association de libre-échange au Mexique, ce n'est pas en soi la poule aux oeufs d'or, mais ce n'est pas non plus l'apocalypse et que différentes mesures d'adaptation et différentes réflexions doivent être posées.

Ma première question s'adresserait peut-être plus à Mme Lachapelle puisqu'elle a soulevé certaines interrogations concernant les politiques mexicaines. Est-ce qu'à votre connaissance il existe un plan mexicain d'action? Le ministre a parlé tout à l'heure de son plan d'action Québec-Mexique, mais, à votre connaissance, est-ce qu'il existe un plan d'action Mexique-Canada dans le contexte de l'ALENA et, si oui, en avez-vous pris connaissance?

Mme Lachapelle: Je sais qu'il existe un plan. En fait, je faisais part, il y a quelques instants, au sous-ministre du commerce international, justement, que, ce matin, je recevais des mains mêmes de SECOFI, qui, en fait, est l'organisme mexicain qui s'occupe des exportations, un compte rendu non seulement des négociations, mais aussi une description de ce que les Mexicains entendent faire. Maintenant, j'ai reçu la version canadienne, si vous voulez, mais on me dit qu'il existe une version mexicaine, c'est-à-dire une version qui est destinée, à ce moment-là, aux industries mexicaines et, celle-là, je ne l'ai pas vue.

M. Beaulne: Oui. Je vous remercie. J'aimerais, même si ce n'est pas... enfin, si les procédures ne le prévoient pas, je serais intrigué de savoir si le ministère des Affaires internationales a en sa possession ce document auquel vous faites allusion, qui pourrait s'avérer fort intéressant et qui, normalement, aurait dû être communiqué à nos entreprises et aux intervenants qui s'intéressent à la question et qui ont préparé des mémoires pour cette commission.

Mme Lachapelle: Si je peux me permettre, le ministère a déjà préparé ce genre de documents qui ont circulé et les entreprises les ont entre les mains en ce moment.

M. Beaulne: Non, non. Je parle du plan mexicain auquel vous faites allusion. L'avez-vous, vous, ce plan-là?

Mme Lachapelle: Non, non. Ce matin, c'est de l'information qu'on a reçue sur l'Accord, mais le plan mexicain comme tel, comme je vous le mentionnais il y a deux minutes, ça, je ne l'ai pas vu. Je ne sais pas s'il existe. Ils en parlent, mais je ne l'ai pas vu encore.

M. Beaulne: Est-ce que le ministère l'a? (16 h 10)

M. Ciaccia: II y a un plan d'action Mexico-Canada avec un volet Québec, mais nous ne l'avons pas encore reçu. Ils nous ont avisés qu'il est en préparation. Alors, quand il sera complété et qu'ils nous en donneront copie, ça nous fera plaisir de le communiquer à nos entreprises.

M. Beaulne: D'accord. Parce que ce serait intéressant de voir comment eux envisagent les retombées par rapport au Canada et au Québec. Ceci étant dit, votre mémoire, comme d'ailleurs plusieurs autres intervenants, y compris le Conseil du patronat du Québec et l'Association des manufacturiers, se penche, évidemment, sur la question du règlement des différends. Vous mentionnez... Vous semblez relativement satisfaits des mécanismes qui existent. Vous donnez à titre d'exemple le fait que, sur 12 contestations, on en a gagné 7. Sauf que plusieurs intervenants qui sont venus ici considèrent que ce n'est pas à la lumière du nombre des cas gagnés qu'il faut envisager l'efficacité de ces mécanismes-là, mais plutôt par rapport aux délais qui sont prévus ou que ça prend pour obtenir des décisions finales, et les incidences que ces délais peuvent avoir sur la part de marché, d'une part, de nos entreprises et, d'autre part, sur les coûts parfois prohibitifs que ça engendre.

Il y a également le fait qu'on a souvent tendance à penser que le recours presque systématique des Américains aux tribunaux, en invoquant les mesures antidumping, constitue ou peut constituer une sorte de barrière non tarifaire, finalement. Le ministre a fait allusion, tout à l'heure, à un manque de... c'est-à-dire non pas à un manque, mais, disons, à un réflexe qui reste à développer chez nos propres gens de recourir à ce que leur permet la législation canadienne et québécoise, et je pense que ça a été souligné, effectivement. Mais j'aimerais entendre vos commentaires sur cet aspect du règlement des différends. Outre le fait qu'on ait gagné 7 fois sur 12, trouvez-vous que c'est normal que des droits compensatoires puissent être imposés avant que les tribunaux ne se prononcent sur le bien-fondé des litiges?

Mme Lachapelle: Écoutez, vous me demandez de me prononcer sur la loi américaine. La loi américaine, elle est ce qu'elle est. Je peux bien vous dire que je ne trouve pas ça normal. Je ne trouve certainement pas ça équitable, mais c'est la loi américaine. Ce que l'Accord de libre-échange nous a permis de faire justement, c'est de porter ces décisions, qui, avant l'Accord de libre-échange, étaient unilatérales, au moins de les porter devant un tribunal qui, lui, peut y regarder d'une façon un peu plus équitable.

Quand on dit 7 cas sur 12, effectivement, ce n'est pas une question de compter les cas, il reste qu'on a gagné les principaux cas. Et un peu dans le sens de ce que vous dites, ce qui nous ennuie un peu, c'est que les Américains continuent d'utiliser, en fait, ces remèdes-là. En fait, ils appellent ça leurs «fair trade laws», en anglais. Et, moi, Dieu sait que je n'ai pas vraiment trouvé une façon de traduire ça parce qu'à chaque fois que j'arrive au mot «fair» j'arrive au mot «déloyal» plutôt qu'au mot «loyal», quand j'essaie de voir comment ils appliquent tout ça, là.

Ce qui nous inquiète, c'est qu'en mettant ce comité de contestation extraordinaire, comme je vous dis, qui vient — il y a les décisions, il y a le groupe de travail, il y a le comité de contestation extraordinaire — en mettant tout ça bout à bout, c'est très long. Je peux peut-être me permettre de faire des suggestions parce qu'on y a pensé, nous, à cette question-là. C'est qu'on ne voudrait pas que les Américains continuent d'utiliser toujours ce système-là impunément. Il y aurait peut-être moyen... Vous avez lu dans les journaux que les trois pays s'apprêtent, en fait, à négocier des accords parallèles, et, ça, c'est à la demande des États-Unis. Donc, on se trouve à avoir un secteur où ils sont demandeurs. Pourquoi est-ce que nous, de notre côté, on

ne serait pas demandeurs aussi, dans certains secteurs? Une suggestion qu'on peut faire, c'est que plutôt que de laisser les Américains utiliser ce système-là impunément, pourquoi est-ce qu'on n'exige pas, au moment où ils font appel... Et, comme le mentionnait le ministre Ciaccia tantôt, il ne devrait pas y avoir appel automatique. Ce n'est pas comme ça. Ce n'est pas un tribunal d'appel, ce n'est pas comme ça que ça a été conçu. Pour s'assurer qu'ils ne le fassent pas, pourquoi est-ce qu'on n'exigerait pas, par exemple, que, pendant cette période-là, on enlève les droits compensateurs carrément? Sinon, ils prennent une décision...

M. Beaulne: Bien oui. C'est trop facile.

Mme Lachapelle: ...finale, il y a le groupe de travail et, pendant tout ce temps-là, ils n'ont absolument aucune barrière dans les roues pour aller jusqu'au bout et faire traîner ça le plus longtemps possible. Maintenant, est-ce qu'on a, si vous voulez... Au niveau négociation, est-ce qu'on est capables de faire un... dans ce sens-là? Je l'ignore.

Un autre des problèmes qu'on pourrait peut-être régler — et c'est une autre de nos suggestions — c'est que le ministère d'État au Commerce américain, on dirait qu'ils ne lisent pas leurs propres décisions. Je vais vous donner un exemple. C'est-à-dire que ce qu'ils font, c'est qu'ils ne tiennent pas compte des précédents. L'exemple typique, c'est l'exemple du porc. Dieu sait que l'industrie du porc, ici, au Québec, en a souffert; elle compte pour à peu près la moitié de l'industrie du porc canadienne. Après avoir fait toute cette étude pour le porc, maintenant on recommence pour le cochon vivant. C'est bien évident que, si on s'était rendus dans tout le processus de production du porc vivant jusqu'au porc frais et qu'on avait déterminé qu'il n'y aurait pas de subvention, il n'y en aurait pas non plus pour le porc vivant. Alors, le département d'État au Commerce, il ne lit pas ses propres affaires. Il recommence pour le porc vivant. Alors, ce serait une autre suggestion; de s'assurer que, quand ces organismes-là recommencent, ils se lisent et comprennent qu'ils ont déjà pris une décision dans ce secteur-là.

M. Beaulne: J'aime bien votre approche parce que, au lieu d'avoir une vision complaisante de ce qu'on nous met sur la table, au fond, ce que vous dites, c'est qu'il y a matière à amélioration et qu'il ne faut pas trop vite jeter la serviette sans avoir au moins essayé, comme vous le dites, dans le contexte des accords parallèles qui vont être négociés, d'obtenir quelque chose d'un peu plus ajusté à nos intérêts.

Ma deuxième question concerne la définition des subventions. Le Conseil du patronat de même que l'Association des manufacturiers considèrent que le fait d'avoir délégué au GATT la définition de «subvention» constitue, par rapport à l'intention qui avait été manifestée lors des négociations du traité bilatéral, une sorte de recul puisque c'est justement le noeud de tout ce processus de contestation, faute de définition claire et précise de ce qui est acceptable et de ce qui ne l'est pas. Considérez-vous, vous aussi, que c'est, jusqu'à un certain point, un recul par rapport à l'association de libre-échange?

Mme Lachapelle: Tout à fait. Parce que les décisions du GATT, malheureusement, dans la plupart des cas, ne sont pas exécutoires, c'est-à-dire qu'on permet à l'un ou l'autre des pays de prendre des mesures de «retaliation», alors que, si on avait poursuivi le chemin qui avait été tracé justement au niveau de l'ALE, on aurait mis des balises alentour de certaines subventions. On aurait dit: Celle-là, ce genre d'aide là, c'en est une; celle-là, ce n'en est pas. Ce qui fait que l'application de la loi américaine s'en serait trouvée d'autant circonscrite à des secteurs, alors que, maintenant, elle n'a pas de frontières, c'est tous azimuts. C'est comme ça et c'est effectivement assez malheureux.

Tout ça, je le dis en pensant qu'on est encore mieux avec ce qu'on a qu'avec rien. On peut quand même contester. À chaque fois qu'on a contesté, on a gagné. Nous, notre intervention là-dedans n'est pas une intervention négative. Je ne voudrais pas laisser les membres du comité sur cette notion-là. Mais on se dit que ça se pourrait que ce soit perfectible et on dit: Pourquoi ne pas essayer?

M. Beaulne: Effectivement, c'est la façon dont on l'interprète également.

Vous avez également manifesté un intérêt particulier pour la question de l'adaptation des secteurs les plus vulnérables. Entre autres, je pense que vous avez en tête le secteur de l'habillement puisque ça représente 60% de la production canadienne et que c'est un des secteurs les plus importants de Montréal. D'ailleurs, je pense qu'il faut rendre hommage aux représentants de cette industrie-là qui sont venus devant la commission et qui nous ont donné non seulement un nouvel éclairage sur l'importance que ça représente dans l'économie québécoise et montréalaise en particulier, mais également une sorte de démystification de cette entreprise-là qui n'est pas uniquement reléguée au statut d'une entreprise d'un secteur industriel primaire qui utilise de la main-d'oeuvre à bon marché. (16 h 20)

En fait, on nous a fait la démonstration qu'il y avait, dans ce secteur, des industries qui utilisaient de plus en plus des innovations technologiques intéressantes. Sauf que le contexte de l'ALENA, par rapport à l'industrie de l'habillement, représente un recul, entre autres en matière de ce qu'ils appellent la règle de la triple origine et, également, en matière des contingents tarifaires. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus et, surtout, vos suggestions quant à la façon de protéger un peu plus cette industrie-là. Surtout, je ne dis pas de maintenir des emplois et de protéger les aspects les plus

dépassés de l'industrie, mais de favoriser celles qui se spécialisent de plus en plus dans le domaine du haut de gamme et qui ont recours de plus en plus aux mesures d'innovations technologiques.

Mme Lachapelle: Écoutez, au niveau de la règle de la triple origine, c'est évident que, dans l'ALENA, bon, il faut que les trois transformations soient faites dans le secteur nord-américain alors que, dans l'ALE, il suffisait qu'il y en ait deux. Je pense que là, pour le secteur vêtement... Les gens de l'industrie sont bien plus à même de vous expliquer tout cela que moi, mais ce que j'en sais, ce qu'ils m'ont confié à maintes reprises, c'est que, dans ce cas-là, ce ne sera pas seulement, pour eux, une question d'adaptation à l'ALENA. Ils insistent beaucoup, les gens du secteur vêtement, pour que les tarifs actuels canadiens sur les textiles en provenance de pays autres que les États-Unis et le Mexique, en fait, tout le reste des pays d'importation, soient réduits au maximum, en fait, à zéro, surtout pour les textiles qui ne sont pas produits au Canada. Pourquoi ça? Parce qu'il y a une tendance, chez les fabricants de vêtements ici, à cause de certaines des restrictions dans le passé, à faire des vêtements, si vous voulez, qui sont faits de tissus moins fins alors que, pour faire des vêtements de tissus fins, ces gens-là sont obligés de s'approvisionner à l'étranger. Or, les tendances, dernièrement, ce sont des tendances aux tissus fins et ces tissus-là, souvent, ne sont pas disponibles ici. Alors, il y a eu une première baisse des tarifs, le ministère canadien du Revenu a annoncé une baisse de tarifs sur les textiles et je pense que, ça aussi, c'est un côté, ce serait des mesures, si vous voulez, complémentaires aux nouvelles règles d'origine qui seront dans l'ALENA.

Le Président (M. Dauphin): M. le député.

M. Beaulne: Les intervenants ont également fait allusion, ceux du vêtement en particulier, aux dispositions fiscales, certaines dispositions fiscales qui les pénalisent et toute la problématique de la taxation. Pensez-vous que ce serait une bonne idée de revenir à un genre de TVQ modulée, comme ça existait dans le temps, qui ferait en sorte que certains secteurs mous auraient un taux de taxation inférieur au taux normal?

Mme Lachapelle: Je...

M. Beaulne: Peut-être un taux de zéro, même?

Mme Lachapelle: Je professe mon ignorance dans ce secteur-là. Je ne peux vraiment pas vous répondre.

M. Marcoux: Peut-être, M. le député, simplement un commentaire là-dessus. Je crois que ce n'est peut-être pas une mauvaise suggestion, mais je pense que, vous savez, il faut faire attention à trop moduler. Je pense que... peut-être des moyens — on parlait tantôt de la formation — qui sont, à long terme, plus positifs que des mesures à court terme et notamment reliées à la fiscalité. On sait que, déjà, toute la TVQ et la TPS et tout ça, c'est fort compliqué pour les entreprises. Plus il y a de disparités, à la fois dans les modalités et dans l'application, plus c'est difficile pour les entreprises. Ce n'est pas que ce ne soit pas quelque chose de souhaitable, mais je regarderais ça avec beaucoup de circonspection.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. M. Beaulne: Combien il nous reste de temps?

Le Président (M. Dauphin): II vous reste environ trois minutes.

M. Beaulne: Bon, on va leur céder la parole puis mon collègue...

M. Descôteaux (Claude): M. le Président... Le Président (M. Dauphin): Oui.

M. Descôteaux: ...j'ajouterais un commentaire rapide en ce qui concerne le vêtement. Il y a vraiment deux mondes du vêtement: vous avez le vêtement bas de gamme et le vêtement de qualité. Le vêtement bas de gamme, où on avait des dizaines de milliers de travailleurs au Québec — il en subsiste encore beaucoup aujourd'hui — a toujours constitué, depuis que je connais ce secteur industriel, un grave problème parce qu'il était, par définition, soumis aux assauts des pays à faibles coûts de production. Ce sont les contingents canadiens qui, entre guillemets, ont protégé plus qu'autrement cette industrie, mais ça a nécessité des pèlerinages quasi annuels de la part du Québec pour réussir à les maintenir en vie. Mais il est évident que c'est un secteur qui va être soumis constamment à des pressions ultimes, de sorte que ce secteur est voué à une certaine réduction. Par contre, et c'est là qu'on parle d'adaptation, dans les vêtements de qualité, haut de gamme, grâce à une bonne technologie, une bonne gestion, une bonne connaissance des matériaux, des tissus, des couleurs, du design, il y a là des possibilités — et on l'a démontré — de percer non seulement le marché américain, mais d'autres marchés également. Alors, c'est là qu'on peut penser à un transfert de connaissances en milieu textile vers des produits qui sont de plus haute valeur ajoutée.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. Descôteaux. Maintenant, M. le ministre des Affaires internationales.

M. Ciaccia: Je voudrais clarifier la question de règlement des différends parce qu'il semble y avoir confusion autour de la table ici. Premièrement, le méca-

nisme de règlement des différends n'a pas été changé. Il a été amélioré. Les consultations dont vous parliez, madame, et le comité, ce ne sont pas les consultations sur un différend en particulier. On prévoit qu'il va y avoir des consultations pour améliorer le mécanisme. Alors, c'est de beaucoup différent. Ce n'est pas une consultation sur un différend en particulier, c'est sur le mécanisme. Le comité auquel vous faites référence... Il y a eu un problème, au début, parce que les Américains ne voulaient pas accepter le règlement des différends pour le Mexique parce que les lois mexicaines... Le système de lois n'est pas le même que celui des États-Unis et le nôtre. Alors, ce comité-là a été formé pour examiner s'il y a des changements aux lois. Mais ce n'est pas un comité qui vient en opération après la décision. Les décisions sont exécutoires dès que le binational les rend, sauf pour l'appel extraordinaire. Mais il ne faut pas exagérer ça non plus parce que, ça, ça a été utilisé deux fois. La première fois, le comité extraordinaire a rejeté l'appel des Américains. Il a dit: Écoute, ça ne s'applique pas. Ça, c'était notre «contention». Il a dit: Écoutez, ce n'est pas un appel. Maintenant, ils essaient encore de l'utiliser dans le conflit sur le porc vivant. Et on va avoir, on espère, la même décision, puis ça va vraiment fixer une balise et un précédent pour tous les appels extraordinaires.

Alors, je pense que, non seulement on l'a maintenu, mais on l'a amélioré parce qu'on a renforcé la base institutionnelle de la commission mixte, son rôle de médiateur. Il y a des dispositions spéciales pour permettre l'examen accéléré de toute allégation de mesure de rétorsion excessive. Et, quand on parle de porc vivant et de porc congelé, ce sont complètement deux produits différents. Le porc vivant, la décision a été rendue puis il n'y a pas eu d'autre plainte. Il y a ce qu'on considère un peu d'exagération de leur part de continuer sur le porc congelé. Non, sur le porc vivant. C'est sur le congelé que nous avons reçu la décision finale. Les 10 000 000$...

Mme Lachapelle: C'est le vivant qu'on attend.

M. Ciaccia: ...ont été remboursés. Mais la question que les droits compensateurs sont exécutoires immédiatement, ça, c'est une loi qui a été passée en 1896 aux États-Unis. Ils ne sont pas prêts à l'amender. Alors, ce qu'il faut faire, nous, là... Parce que c'est dans les 212 000 000 000 $. Et dans nos 27 000 000 000 $, pour 54 000 000 000 $ d'échanges, les conflits sont très minimes. Mais on a amélioré le mécanisme de règlement des différends et, pour éviter ce qui se passe avec le porc vivant, je pense qu'on considère d'autres mesures à prendre pour ne pas que ce soit répété.

Le Président (M. Dauphin): Très bien. M. le député de Labelle, je vous reconnais.

M. Léonard: Merci, M. le Président. Bonjour madame, messieurs. moi, comme j'ai juste deux minutes, je veux d'abord vous remercier d'avoir attiré l'attention de la commission sur le fait qu'il faut s'intéresser aux plans des autres d'envahissement de notre marché aussi: les américains puis celui des mexicains. j'espère que le ministre s'y intéresse drôlement puis qu'il a commencé à avoir des renseignements là-dessus. quand on joue au hockey, si on s'intéresse juste à l'offensive puis qu'on n'a pas de gardien de buts ni de défenseur, on se fait compter dans ses propres buts. je pense que c'est important d'avoir ça comme attitude aussi. puis, quand je regarde juste l'évolution du commerce avec le mexique, les exportations ont diminué de 41 %. vous dites, à la page 4: de 148 000 000$ à 88 000 000 $. les importations ont augmenté de 94 %: elles sont passées de 226 000 000 $ à 440 000 000 $. ce n'est pas rien. en termes de défensive offensive, ça nous renseigne assez merci. (16 h 30)

Ceci étant dit, je n'ai rien contre plus de commerce avec le Mexique. Ce qui me préoccuperait, cependant, c'est de voir ce qui arrive avec les Américains. Donc, là-dessus, vous avez attiré l'attention de la commission, et à juste titre. Mais je voudrais juste aussi revenir sur cette question de règlement des différends et de tout ce qui s'est passé. J'écoutais le ministre et j'avais l'impression qu'il acceptait son rôle de geignard, plaignard, braillard, quand les Américains font des plaintes et qu'après, finalement, ça prend beaucoup de temps. La simplicité du mécanisme, pour nous, de réaction lorsqu'il y a quelqu'un qui se plaint à la commission ou qui dépose une demande, comme on a vu dans le bois, est-ce que ça vous satisfait? J'ai toujours pensé que, si on était à la table nous-mêmes, ça irait plus vite, ce serait plus facile et on serait mieux servis par nous-mêmes. Ceci étant dit, on n'est pas encore là. Ça viendra. Mais, dans le contexte actuel, est-ce qu'il y aurait des améliorations à apporter? On en a parlé beaucoup, je le sais, mais nous-mêmes, nos propres mécanismes, est-ce qu'ils pourraient être plus simples et plus efficaces? On pourrait réagir avec plus de «punch».

Mme Lachapelle: Je ne crois pas, sincèrement, parce que tout ce mécanisme, si vous voulez, de plaintes qui est disponible aux Américains selon leurs lois est disponible de la même façon aux sociétés canadiennes, aussi, vis-à-vis la loi canadienne. Je ne pense pas... En tout cas, je n'ai jamais entendu parler de sociétés qui se soient rendues, qui aient développé un dossier, en fait, et qui n'aient pas été défendues à ce moment-là par le gouvernement canadien.

M. Léonard: Ça prend quand même des mois, là. C'est six mois et plus, même des fois un an, à établir la preuve. Est-ce que c'est dû au mécanisme lui-même? Est-ce que c'est dû au dossier? Je comprends que le dossier peut être plus ou moins complexe, mais...

Mme Lachapelle: C'est surtout dû à la complexité des dossiers. Vraiment, en fait — pour reprendre les commentaires du ministre, tantôt — il y a quand même beaucoup à gagner, aussi, à montrer un front uni aux Américains, qui sont les premiers à essayer de jouer les uns contre les autres non seulement ici, mais dans d'autres pays de la Communauté, par exemple. Ils sont très forts à faire ça. Je ne pense pas que c'est de cette façon-là qu'on va gagner des batailles. Je pense qu'on arrive à les gagner en étant solidaires et ça nous a bien servis, en tout cas jusqu'à maintenant.

Le Président (M. Dauphin): Merci.

M. Léonard: Je comprends ça, mais on peut être solidaires en étant les deux à table.

Le Président (M. Dauphin): Alors, l'enveloppe de l'Opposition est épuisée. Il reste deux minutes à celle des ministériels.

M. Ciaccia: M. le Président, juste pour clarifier un peu des propos que le député de Labelle a dits. Je ne pense pas que ce soit vraiment sérieux, ce qu'il vient de dire, qu'on doit identifier et pas être seulement à l'offensive, mais à la défensive. Comment pensez-vous qu'on a identifié les secteurs qui sont importants, qui ont des besoins au Mexique et que nous avons ici? C'est en faisant les analyses de ce qui se passe au Mexique, voyons! C'est élémentaire, ça.

Deuxièmement, je ne pense pas que vous compreniez le règlement des différends. Je vous inviterais à lire le livre de votre président, M. Bernard Landry. Il va vous donner un cours, là-dedans, sur le mécanisme des différends, comment ça opère maintenant et comment ça opérait avant.

M. Léonard: ...dossier que vous compreniez, celui des Mohawks.

M. Ciaccia: Avant l'ALE, ils imposaient des droits et on n'avait pas de recours. On n'accepte pas juste comme des plaignards. Vous n'êtes pas au courant des travaux, des efforts et du succès qu'on a eu avec l'ambassade canadienne dans le magnésium, où nous avons sauvé la politique industrielle d'Hydro-Québec. On a fait accepter par le Department of Commerce la politique de partage de risques de tous les contrats d'Hydro-Québec qui affecte toutes les alumineries, qui affecte Norsk Hydro.

Une voix: À l'intérieur.

M. Ciaccia: À l'intérieur. Alors, écoutez, je pense que...

M. Léonard: II ne faut pas charrier.

M. Ciaccia: ...vous seriez mieux de vous informer de ce qui se passe avant de faire des déclarations de même parce que je pense que le monde va pouvoir vous prendre au sérieux.

Le Président (M. Dauphin): Messieurs, à l'ordre, s'il vous plaît. Un seul intervenant. Avez-vous terminé, M. le ministre?

M. Ciaccia: Eh bien, je pense que oui.

Le Président (M. Dauphin): Alors, M. Marcoux, pour le mot de la fin.

M. Marcoux: M. le Président, merci. D'abord, je voudrais vous dire que c'est certainement dans un esprit fort positif que nous avons présenté le mémoire. Je pense que la discussion, d'ailleurs, a été fort intéressante et instructive. En résumé, la Chambre de commerce, évidemment, comme je le mentionnais dans mon intervention du début, appuie l'ALENA. Si possible et dans le cadre de certaines négociations, peut-être qu'ils vont continuer certaines améliorations qui pourraient être apportées. De toute façon, même avec certaines nuances, nous sommes pour l'adoption de l'Accord et pour son entrée en vigueur le 1er janvier 1994. Je pense que c'est mieux d'avoir quelque chose qui n'est peut-être pas l'idéal, mais que nous considérons comme étant un bon instrument pour le développement de nos entreprises. Non pas nécessairement à court terme. Je pense que, comme on a dit, ce n'est pas une panacée. Ce ne sera pas apocalyptique. Nous croyons qu'à moyen terme et à long terme c'est la voie qui est la préférable pour le développement de nos entreprises.

Enfin, je voudrais simplement ajouter un mot et dire que, du côté des entreprises, nous sommes très satisfaits, également, de la collaboration reçue de la part du ministère des Affaires internationales. Je pense qu'on a une très bonne collaboration, beaucoup de réceptivité. Je pense que c'est important parce qu'il y a des suggestions qu'on peut faire et qui, parfois, peuvent également améliorer. Également, nous sommes certainement, en tout cas de la part des entreprises, très satisfaits des collaborations et de la réceptivité du travail qui est fait par le ministère des Affaires internationales pour aider les entreprises.

M. Ciaccia: Merci.

Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup, M. Marcoux, M. Descôteaux, Mme Lachapelle, au nom de la Chambre de commerce du Québec, d'avoir accepté notre invitation. Je demanderais maintenant aux représentants du Regroupement d'entreprises sidérurgiques du Québec de s'avancer à la table des invités.

(Suspension à 16 h 37)

(Reprise à 16 h 41)

Le Président (M. Dauphin): Nous recevons maintenant le Regroupement d'entreprises sidérurgiques du Québec. Je reconnais, au centre, M. LeBoutillier, qui est président et chef de la direction de Sidbec-Dosco. Je vous demanderais de présenter les personnes qui vous accompagnent et, ensuite, de procéder à votre exposé d'une durée maximum de 20 minutes. Bienvenue, messieurs.

Regroupement d'entreprises sidérurgiques du Québec

M. LeBoutillier (John): M. le Président, M. le ministre, membres de la commission, m'accompagnent aujourd'hui, à ma gauche, M. Tom Boluk, qui est directeur finances et administration de Stelco-McMaster ltée, et, à ma droite, M. Gilbert Mercier, qui est président des Aciers inoxydables Atlas, une division de Sammi Atlas. Au nom de mes collègues et en mon nom, je vous remercie de nous donner l'occasion de vous présenter la position du Regroupement d'entreprises sidérurgiques du Québec au sujet de l'Accord de libre-échange. Ce regroupement est formé des entreprises suivantes: Aciers inoxydables Atlas, division de Sammi Atlas, Ivaco inc., QIT Fer et Titane, Sidbec-Dosco et Stelco-McMaster.

La position de notre regroupement en ce qui concerne l'ALENA reflète celle de l'industrie canadienne de l'acier. En effet, les représentants de nos entreprises travaillent en étroite collaboration avec différentes associations canadiennes de producteurs et de distributeurs d'acier comme l'Association canadienne de producteurs d'acier, l'Association de fabricants de pièces d'automobile du Canada, le Conseil canadien du commerce et de l'emploi dans la sidérurgie, l'Institut canadien des centres de services des produits métallurgiques et, pour limiter la liste, l'Institut canadien de plomberie et de chauffage.

En premier lieu, il est important de bien saisir quelle est la situation actuelle dans le marché nord-américain de l'acier. L'industrie sidérurgique du Canada, tout comme celle des États-Unis, évolue dans un marché nord-américain unique et intégré. En effet, l'acier traverse la frontière des deux pays, d'un côté comme de l'autre, des centaines de fois par jour. Il en va de même pour les produits bruts qui entrent dans la fabrication de l'acier puisque les complexes sidérurgiques intégrés des deux pays achètent leurs matières premières tant au Canada qu'aux États-Unis et que les mini-usines s'approvisionnent en ferraille dans un ou l'autre pays. C'est la même chose également pour les produits manufacturés de l'acier. Des entreprises sidérurgiques canadiennes et américaines investissent, achètent et vendent leurs produits des deux côtés de la frontière, ce qui est bénéfique pour les deux pays, notamment au chapitre des retombées économiques et de la protection des emplois.

La plupart des producteurs d'acier au Canada et aux États-Unis sont membres de l'American Iron and Steel Institute, de la Steel Manufacturers Association ou de l'American Wire Producers Association. Par ailleurs, les employés des compagnies syndiqués au Canada et aux États-Unis appartiennent presque tous au Syndicat des métallos basé à Pittsburgh, en Pennsylvanie. les chiffres qui suivent donnent une idée de l'envergure du marché canado-américain. entre 1988, soit l'année précédant l'entrée en vigueur de l'accord de libre-échange, et 1991, les exportations d'acier des états-unis vers le canada ont augmenté de près de 60 %. elles ont atteint une valeur annuelle de 850 000 000 $. le marché canadien absorbe plus de 25 % de toutes les exportations d'acier des états-unis. les exportations d'acier du canada vers les états-unis ont toujours représenté une proportion significative du total des exportations canadiennes. en 1991, elles étaient évaluées à environ 1 500 000 000 $ et représentaient 60 % des exportations canadiennes de l'acier. l'industrie sidérurgique canadienne importe chaque année des états-unis pour 2 250 000 000 $ en biens et services. en bref, le commerce de l'acier entre le canada et les états-unis représente la plus importante relation du genre au monde. de par son caractère unique, il doit être différencié.

En ce qui concerne les échanges avec le Mexique, les exportations d'acier de ce dernier aux États-Unis, pour les années 1989, 1990 et 1991, étaient de 231 000 000 $, 285 000 000 $ et 243 000 000 $ respectivement, alors que les États-Unis y exportaient, pour les mêmes années, 395 000 000 $, 494 000 000 $ et 796 000 000 $. Les échanges commerciaux dans le domaine de l'acier entre le Canada et le Mexique sont peu élevés. Ils sont appelés à se développer, à l'avenir.

Deux exemples d'intégration. Les deux exemples suivants montrent que l'intégration est une réalité. Le secteur de l'automobile, le plus important client de l'industrie de l'acier, fonctionne dans le cadre d'un marché libre et intégré. Les achats des trois plus grands fabricants d'automobiles en Amérique du Nord s'effectuent à Détroit et l'acier est livré aussi bien au Canada qu'aux États-Unis. L'acier acheté dans les deux pays est envoyé aux usines d'estampillage du Canada ou des États-Unis. Il en est de même pour les pièces utilisées dans les usines d'assemblage. Le secteur de l'automobile évolue, depuis 1965, dans le cadre du Pacte de l'auto, qui a été confirmé par l'Accord de libre-échange et sera repris par l'ALENA. Un deuxième exemple d'intégration. Les deux associations, canadienne et américaine, de centres de services se préparent à fusionner, étant donné qu'elles se considèrent dans un marché unique. (16 h 50)

En dépit de l'environnement de marché intégré que je viens de décrire et de l'application de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, nous avons dû faire face, au cours des derniers mois, à un

phénomène qui va à rencontre d'une telle intégration. En juin 1992, les producteurs américains ont déposé 84 plaintes de dumping et de droits compensateurs contre 21 pays, y compris le Canada, qui a été accusé de dumping seulement. Le département américain du Commerce rendait sa décision préliminaire le 26 janvier 1993, concernant les plaintes de dumping. Le Canada a été pénalisé dans tous les produits, soit les tôles fortes, les tôles laminées à chaud, les tôles laminées à froid et les tôles galvanisées. De son côté, le gouvernement canadien annonçait ses décisions pour les tôles fortes et les tôles laminées à chaud en janvier 1993, à la suite des plaintes déposées plus tôt par les producteurs canadiens. Des droits préliminaires de dumping ont été imposés pour ces produits à plusieurs pays, dont les États-Unis. Le Canada doit rendre ses décisions concernant les tôles laminées à froid et les tôles galvanisées au cours des mois d'avril et mai 1993.

Comme nous en avons fait part dans notre mémoire, nous sommes favorables à la libéralisation du commerce mondial et à l'entrée en vigueur de l'ALENA qui devraient permettre à l'industrie québécoise et canadienne de l'acier de continuer sa restructuration et ses investissements et de devenir plus productive et plus concurrentielle dans un marché nord-américain de l'acier. Cependant, nous constatons que les règles relatives aux différends commerciaux en matière de dumping et de subvention n'ont à peu près pas subi de changements depuis l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange. Les négociations relatives au chapitre 19 de l'Accord de libre-échange concernant le règlement des conflits commerciaux n'ont pas progressé et l'ALENA apporte peu de modifications à ce chapitre.

L'industrie de l'acier au Québec et au Canada se trouve en quelque sorte démunie, avec peu de moyens, pour contrecarrer l'action protectionniste américaine que représente l'utilisation abusive des lois antidumping contre les producteurs canadiens. Ce recours va à l'encontre des objectifs visés par l'Accord de libre-échange, lequel avait pour but non seulement d'éliminer les barrières tarifaires, mais également d'avoir un processus simple et efficace pour régler les conflits commerciaux afin de former un marché nord-américain intégré.

Presque tous les pays qui ont signé des accords de libre-échange, tels ceux de la Communauté économique européenne, ont abandonné l'application des lois antidumping entre les pays visés par l'accord. Dans l'historique même des relations commerciales entre le Canada et les États-Unis, on trouve des précédents où le Canada a eu un traitement différent de celui imposé aux autres pays étrangers. En 1984 et en 1989 par exemple, alors que les États-Unis imposaient à plusieurs pays des limitations volontaires aux exportations, le Canada avait été exclu. L'ALENA aura sûrement des répercussions favorables pour le Québec et le Canada s'il comporte des solutions justes et équitables en matière de règles commerciales, de subventions et de dumping. Les règles actuelles constituent un sérieux handicap pour l'industrie sidérurgique et freine l'impact positif du libre-échange auquel celle-ci s'attendait.

En conclusion, pour les raisons que nous venons d'évoquer, nous insistons sur la nécessité de reconnaître le caractère unique et intégré du marché nord-américain de l'acier et de promouvoir auprès de l'administration américaine un concept d'accord sectoriel de l'acier avec ses règles commerciales communes en matière de subventions et de dumping. Cet accord pourrait compléter l'ALENA. Nous demandons également — mais, ça, c'est une conclusion accessoire et moins importante que la première — que le Mexique adopte des normes analogues à celles du Canada et des États-Unis en matière d'environnement et de normes du travail.

Ça termine, M. le Président, la présentation. Nous sommes à votre disposition pour échanger sur le sujet.

Le Président (M. Dauphin): D'accord. Merci beaucoup, M. LeBoutillier, pour cette présentation au nom du Regroupement. Reconnaissons maintenant le ministre des Affaires internationales pour débuter la période d'échanges. M. le ministre.

M. Ciaccia: Je vous remercie beaucoup pour votre présentation. Évidemment, vous avez des problèmes très particuliers. On va voir comment on peut explorer, dans nos discussions, certaines des recommandations que vous faites.

Premièrement, vous faites la recommandation que vous voulez un accord sectoriel de l'acier, si je vous comprends bien. Nous sommes d'accord avec vous. Nous appuyons cet effort. Je crois que le gouvernement fédéral aussi est d'accord et il tente d'initier ou de discuter un accord sectoriel avec les États-Unis. Dans la multiplication des plaintes antidumping, parce qu'il y a eu des plaintes antidumping à travers le monde, pas seulement aux États-Unis... Ça a amené Mme Caria Hills à vouloir faire une étude pour les réduire, mais, malheureusement, il y a eu une élection et Mme Caria Hills n'est plus là. Dans l'accord sectoriel, est-ce que vous vouliez inclure le Mexique? Est-ce que ce serait un accord sectoriel trilatéral ou des accords bilatéraux?

M. LeBoutillier: Ce pourrait être bilatéral ou trilatéral. Au niveau des associations de producteurs d'acier en Amérique du Nord que j'ai mentionnées tout à l'heure, on a eu, au cours de la dernière année, des discussions informelles entre nous. Au niveau de l'Ame-rican Iron and Steel Institute, par exemple, on retrouve un grand nombre d'entreprises sidérurgiques américaines, six ou sept entreprises canadiennes et deux entreprises sidérurgiques mexicaines. Les discussions que nous avons eues concernant un accord sectoriel impliquaient également les Mexicains. Aux dernières nouvelles, nos collègues mexicains continuent d'être intéressés à un accord qui pourrait être trilatéral.

M. Ciaccia: Je vais essayer de comprendre cer-

tains chiffres que vous nous avez donnés. vous dites que les états-unis... le marché canadien absorbe 25 % de la totalité des exportations d'acier des états-unis. vous semblez dire que c'est un montant considérable, évidemment. mais vous dites aussi que l'industrie canadienne de l'acier importe chaque année des états-unis pour 2 250 000 000 $ de biens et services. si le gouvernement canadien a réagi quand les américains ont imposé des droits compensateurs sur les importations aussi... mais je voudrais que vous me parliez de ces 2 250 000 000 $. je ne veux pas être simpliste, mais il me semble que, si ces 2 250 000 000 $ de biens que l'industrie canadienne importe pouvaient être faits au canada, peut-être que ça changerait beaucoup l'aspect de toute la problématique. est-ce que vous pourriez me clarifier un peu la nature de ces importations?

M. LeBoutillier: C'est effectivement un chiffre qui est important et qui surprend. Chaque fois qu'on rencontre des sénateurs ou des membres de l'administration américaine — et on le fait souvent par les temps qui courent — c'est le genre de chiffre qui surprend. Qu'est-ce que ça comporte? Ça comporte beaucoup d'achats de minerai de fer. Les producteurs intégrés canadiens, Stelco, Dofasco et Algoma — je ne fais pas de distinction entre les entreprises — achètent beaucoup de minerai de fer dans les états du Michigan et du Minnesota...

M. Ciaccia: qu'est-ce qui arriverait si... excusez-moi de vous interrompre... de dire: écoutez, vous voulez imposer des droits sur nous? mais, au lieu d'acheter de vous — parce que je suis persuadé que ce n'est pas les seuls fournisseurs de ces matériaux-là — on n'achètera pas de vous, on va acheter ailleurs. c'est vrai que, nous, on va perdre nos exportations de 1 500 000 000 $ qui représentent 60 % des exportations canadiennes, mais, en contrepartie, tous les autres achats pourraient se faire ailleurs. sûrement, ça doit faire partie de vos négociations avec eux. (17 heures)

M. LeBoutillier: Mon deuxième exemple aurait été le charbon métallurgique et, là, les sources d'approvisionnement autres...

M. Ciaccia: Sont limitées.

M. LeBoutillier: ...sont très limitées. Alors, on parle essentiellement, dans les 2 250 000 000 $, de minerai de fer, de charbon métallurgique, de ferraille et d'équipement.

M. Ciaccia: Maintenant, je présume que vous contestez, par des procédures légales, des représentations, les décisions qui ont été prises par le Department of Commerce. Je pense qu'on vous a offert même, comme ministère, de travailler avec vous, de vous assister. Est-ce que vous avez l'intention d'utiliser le mécanisme des différends et est-ce que vous avez l'intention de porter votre plainte au binational?

M. LeBoutillier: On va aller jusqu'au bout. On travaille en étroite collaboration avec les officiers de votre ministère, ils nous supportent dans toute la mesure du possible. Il faut comprendre que les plaintes ont été portées uniquement sur les produits plats, sur quatre produits qu'on pourrait définir par le terme générique de tôle, et nous avons réagi comme producteurs canadiens, les cinq producteurs canadiens de produits plats ont réagi de la même façon sur les mêmes produits contre toutes les importations qui entraient au Canada, donc les États-Unis. Nous avons individuellement contesté, à Washington, toutes les plaintes qui ont été portées contre nous, nous allons continuer de le faire et nous allons nous rendre à la limite et, s'il le faut, au tribunal binational.

M. Ciaccia: Mais que pensez-vous du mécanisme de règlement des différends? Avez-vous une opinion sur ce mécanisme?

M. LeBoutillier: Le mécanisme, on verra au bout de...

M. Ciaccia: Ça dépend si vous gagnez.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: Ça dépend si vous gagnez.

M. LeBoutillier: On verra, au bout de l'exercice, si ça a été valable ou pas. Dans le cas particulier de l'acier, ce qu'on doit vivre depuis un an est extrêmement coûteux, d'une part — on fait vivre les avocats à Washington — et ça crée une incertitude au niveau de la relation commerciale entre le producteur canadien et son client américain. La première analyse qui a été faite par le département américain du Commerce a été une analyse en fonction des marchés où ils ont comparé des ventes d'acier au Canada avec des ventes d'acier par des producteurs canadiens sur les marchés américains. Ça ne les a pas tout à fait satisfaits. Les pourcentages qu'on nous a attribués sont entre 0 et 10, à une exception près. Maintenant, ce sont les coûts de production qui font l'objet d'une analyse détaillée au cours des mois de mars et avril. Et comme l'industrie sidérurgique a été dans une période de marasme en 1991-1992, pas seulement au Canada mais également au sud de la frontière, la période qui est sous étude, celle entre le 1er janvier et le 30 juin 1992, il n'y a pas beaucoup d'entreprises sidérurgiques en Amérique du Nord qui ont fait des profits. Alors, la conclusion, on peut déjà la présumer.

M. Ciaccia: Mais, en parlant de l'ALENA, l'OCDE prévoit que le Mexique ne sera pas en mesure

de répondre à la demande intérieure de produits de l'acier, de sorte qu'on s'attend à une hausse sensible des importations de l'acier. Avez-vous examiné la possibilité de profiter de ce marché? Êtes-vous, d'ailleurs, déjà présents sur le marché ? Et est-ce que l'ALENA pourrait faciliter l'accès de vos produits au marché mexicain?

M. LeBoutillier: J'ai mentionné, dans mes commentaires d'introduction, que le commerce de l'acier, au cours des dernières années, entre le Canada et les États-Unis n'était pas très élevé.

M. Ciaccia: Le Canada et les États-Unis ou le Canada et le Mexique?

M. LeBoutillier: Le Canada et le Mexique, je m'excuse.

M. Ciaccia: O.K.

M. LeBoutillier: Les exportations canadiennes, en 1991, étaient de l'ordre de 90 000 tonnes. Les importations du Mexique, au cours des trois dernières années, ont varié entre 13 000 et 21 000 tonnes. Parlant au nom de Sidbec-Dosco uniquement, nous avons récemment signé un accord avec un client mexicain, qui nous laisse penser que c'est le début d'une association à long terme, et on est en discussion avec d'autres clients du Mexique pour développer une relation là aussi. Peut-être que mes collègues peuvent commenter pour leurs entreprises, mais, nous, on y voit un potentiel de développement, et l'ALENA, sinon sur le plan légal, du moins sur le plan psychologique, environnement général, a été favorable.

M. Boluk (Tom): Au niveau de Stelco-McMaster Itée, comme M. LeBoutillier l'a dit, le Mexique, pour nous autres, pour le moment, ce n'est pas un gros marché. On est au Mexique, mais la participation est très faible. On voit plutôt à long terme une croissance vis-à-vis le Mexique. On commence à développer ce marché-là. Dans le contexte de notre discussion aujourd'hui, c'est plutôt le marché américain qui est plus important pour la sidérurgie dans le moment. Le Mexique, on voit le marché mexicain plus à long terme. On est là, comme je l'ai dit tantôt, mais on est là avec une faible participation. Mais c'est plutôt à long terme.

M. Mercier (Gilbert): Pour Aciers inoxydables Atlas, on vient seulement de commencer, en 1992, à expédier un peu au Mexique via nos propriétaires, qui est le groupe Sammi, qu'on appelle la division Sammi de Mexico. C'est seulement quelques centaines de tonnes pour commencer à ouvrir des marchés. Mais notre marché, c'est plutôt le marché américain présentement. Puis, les Mexicains, ils n'expédient pas d'acier inoxydable au Canada présentement.

M. Ciaccia: Vous avez un marché très particulier, un créneau très particulier.

M. Mercier: Oui.

M. Ciaccia: Mais les règles d'origine, parlons en termes d'opportunité, les règles d'origine ont été précisées dans l'ALENA, ont été changées un peu par rapport à l'entente de libre-échange américain. Est-ce qu'il y a des améliorations à ce chapitre pour les produits de votre industrie? L'augmentation, par exemple, de la règle de contenu nord-américain pour les produits de l'automobile aura-t-elle des conséquences positives pour l'industrie québécoise et canadienne de l'acier?

M. LeBoutillier: La réaction d'ensemble, la réaction générale de l'industrie canadienne, comme mes collègues l'ont mentionné, notre marché principal, c'est, bien sûr, le marché américain, et ça va le demeurer. Mais on est d'avis qu'avec l'industrialisation progressive du Mexique, avec le développement de son industrie automobile, l'industrie des pièces d'automobile, il y a un potentiel intéressant pour développer une relation à long terme avec des clients mexicains.

M. Ciaccia: Les plaintes qui ont été prises par les Américains, elles ont été prises vraiment sous l'ancienne administration? Tout le travail? Peut-être, la date a été après les élections, mais ça faisait... J'ai l'impression que c'était une réponse à des représentations de protectionnisme durant une campagne électorale et les Républicains ont répondu de la façon qu'ils l'ont fait. Est-ce que vous avez eu des indications que la nouvelle administration aurait une autre approche moins dure pour vous ou est-ce que c'est trop tôt encore pour faire cette évaluation? (17 h 10)

M. LeBoutillier: Je pense que c'est encore trop tôt pour faire l'évaluation. Le seul commentaire qui a été fait par la nouvelle administration américaine, c'est que les décisions qui ont été rendues s'inscrivent dans la continuité de décisions qui ont été prises sous l'ancienne administration républicaine.

M. Ciaccia: Oui, parce qu'ils ont dit: Ce n'est pas une indication... Ils ont précisé: Ce n'est pas une indication que c'est notre politique.

M. LeBoutillier: Et dans nos rencontres privées, au cours des dernières semaines, on nous dit la même chose, que la politique de l'administration Clinton n'est pas encore connue, qu'il y a encore des postes à combler au niveau du Department of Commerce et du United States Trade Representative, et ça viendra.

M. Ciaccia: Merci pour le moment. C'est tout. Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le minis-

tre. Alors, en vertu de l'alternance, passons au député de Bertrand.

M. Beaulne: Merci. Une, enfin, sinon la position, la proposition principale de votre mémoire, c'est de constituer... de reconnaître le marché américain de l'acier comme un marché intégré. Qu'est-ce que vous entendez par un marché intégré? Est-ce que c'est quelque chose du style Pacte de l'automobile, par exemple? Et pensez-vous que cette conception de marché intégré... Après que vous nous aurez donné un peu la définition de ce que vous entendez par marché intégré dans le domaine de l'acier, est-ce que, d'après vous, ce serait compatible avec les dispositions actuelles à la fois de l'Accord de libre-échange et de l'ALENA?

M. LeBoutillier: Nous, on préconise le marché intégré pour les raisons que j'ai mentionnées tout à l'heure. On situe l'industrie sidérurgique au centre; en amont de notre industrie, le marché du minerai de fer et du charbon est un marché complètement ouvert, complètement intégré; en aval, au niveau de l'industrie automobile et le principal client de l'industrie sidérurgique, on a un marché intégré depuis 1965. Alors, dans le cas particulier de l'acier, nous disons qu'on devrait avoir un marché ouvert, un marché intégré. Le modèle du Pacte de l'automobile est un bon modèle. Nous avons eu des discussions avec nos collègues américains sur ce qui pourrait constituer un accord sectoriel de l'acier. Et notre objectif, ce n'est pas de toucher aux lois de façon générale, aux lois américaines sur le dumping ou sur les droits compensateurs. Le ministre l'a mentionné tout à l'heure, ce sont des vieilles lois et, si on veut commencer à jouer là-dedans, nos chances de réussite ne sont pas très élevées.

Dans les discussions que nous avons eues avec nos collègues américains, nous avons soulevé, de part et d'autre... nous avons dégagé, si vous voulez, quatre grands critères, ou quatre grands facteurs, ou quatre éléments qui pourraient faire partie d'un accord sectoriel. Le premier traiterait, évidemment, de l'aide gouvernementale, des subventions sous toutes les formes qui seraient prohibées, moyennant certaines exceptions pour la recherche et le développement, par exemple, qui devraient être balisées.

Un deuxième volet toucherait l'élimination des barrières tarifaires et des barrières non tarifaires. Dans le cas des barrières tarifaires, en vertu de l'Accord de libre-échange, elles doivent être éliminées sur une période de 10 ans. Nous sommes déjà à la cinquième année, alors la moitié de la réduction est déjà en vigueur, et on pourrait, dès maintenant, éliminer le solde des barrières tarifaires tout en attaquant les barrières non tarifaires.

Le troisième volet, et c'est peut-être le plus important, l'expression que j'ai dans le document ici, c'est «fair cross-border price competition», où on aurait un marché généralement ouvert, sauf s'il y avait des cas très nets d'exagération. On parle de «surge» ou on parle de vente à des prix qui seraient déraisonnables, excessivement bas, et, dans des situations comme celle-là, l'un ou l'autre pays conserverait tous ses droits en vertu des lois actuelles.

Le quatrième point considérerait le marché cana-do-américain, ou Canada—États-Unis—Mexique, comme un marché intégré face aux importations étrangères. Alors, quand on examine le volume des importations, quand on examine le préjudice qui est causé, on pourrait le regarder dans un contexte intégré de marché ouvert et non pas sur une base strictement géographique, pays par pays.

Voilà, c'est quelques-uns des éléments qui sont actuellement sur la table pour lesquels on ne reçoit pas un accueil pressé de nos amis américains.

M. Beaulne: Est-ce que vous voyez un lien entre le fait de ne pas recevoir un accueil pressé, comme vous dites, par rapport, entre autres, au premier élément de vos quatre composantes, c'est-à-dire une définition de ce qu'est une subvention acceptable dans le domaine de l'acier... Comme vous le savez, par rapport à l'Accord de libre-échange, où on avait envisagé s'entendre bilatéralement dans un laps de temps raisonnable sur ce qu'était une subvention acceptable ou non, tout le problème a été refilé au GATT qui se penche sur cette question-là, et on a relégué le règlement de cette question-là aux ententes du GATT. Quand vous dites que le premier élément serait une définition de ce que sont les subventions acceptables, voulez-vous dire, en fait, que les ententes du GATT se signent ou non ou quel que soit le temps que ça prenne pour signer les ententes du GATT... ce que vous voulez, c'est qu'au fond on accélère dans le cas de l'acier, qu'on en arrive à une défini-. tion bilatérale ou trilatérale de «subvention», indépendamment du fait que le GATT produise ou non un accord?

M. LeBoutillier: Vous savez, le GATT, on l'a attendu... Ça fait quelques années qu'on l'attend, nous, de l'industrie sidérurgique.

M. Beaulne: Oui, c'est ça. C'est pour ça que je vous pose la question, par rapport au premier élément.

M. LeBoutillier: On a embarqué sur le train du GATT, et les dernières nouvelles que l'on apprend, c'est qu'on en a encore pour six mois, un an, un an et demi avant qu'on finalise les accords du GATT. Et, dans les discussions que nous avons eues avec le gouvernement fédéral au cours des dernières années, on a fait valoir qu'à défaut d'un accord du GATT dans un délai raisonnable il faudrait considérer quelque chose de particulier pour l'acier. Et on en est là aujourd'hui. On ne peut pas se permettre d'attendre six mois, un an, un an et demi pour un règlement hypothétique des accords du GATT.

M. Beaulne: J'ai une deuxième question. Vous êtes le seul intervenant devant la commission, qui est venu se présenter, qui vive présentement une situation de droits compensatoires qui lui sont imposés. Pouvez-vous nous donner une évaluation des coûts, de ce que l'imposition par les Américains de droits compensatoires contre votre industrie représente à l'heure actuelle, non seulement en termes de coûts légaux, mais en termes de manque à gagner par rapport à vos ventes ou par rapport à votre part de marché que vous pourriez satisfaire aux États-Unis? (17 h 20)

M. LeBoutillier: En termes de coûts légaux, je me suis fait dire récemment qu'il y a une entreprise sidérurgique européenne parmi les plus importantes qui a une facture d'honoraires légaux de ses avocats de Washington de 6 000 000 $. Dans le cas du Canada, on ne s'échange pas ces chiffres-là entre nous, mais je pense qu'au total des cinq producteurs ça pourrait se situer à quelques millions de dollars d'honoraires légaux et autres consultants à Washington.

En termes de perte de parts de marché, à une exception près, à un produit près, celui des tôles fortes, où les Américains ont imposé un tarif nettement plus élevé que ce qui serait raisonnable, quelque chose comme 67 % ou 68 %, les droits de dumping, et vous avez parlé de droits compensateurs — dans le cas du Canada, ce sont des droits antidumping seulement qui s'appliquent, il n'y a pas eu de poursuites au niveau des droits compensateurs — les droits se situent entre 0 % et 10 %; 10 %, c'est à peu près la limite supérieure qu'une entreprise sidérurgique peut accepter dans le contexte actuel, et continuer d'exporter aux États-Unis. Alors, je dirais que les parts de marché, la perte de parts de marché, jusqu'à maintenant, a été minime. Le manque à gagner, bien sûr, il est là, et il faudrait regarder la situation de chacun. Là encore, on ne s'échange pas les données entre nous, mais le montant en jeu serait considérable. Des droits de 2%, 3 %, 5 % ou 10%, sur les importations de chaque producteur, on parle de montants importants.

M. Beaulne: Est-ce que cette situation-là a un effet important sur les mises à pied ici, au Québec?

M. LeBoutillier: À Sidbec-Dosco, non. Je sais que c'était le cas chez McMaster.

M. Boluk: Je ne pense pas que...

M. Mercier: On n'est pas poursuivis, mais...

M. LeBoutillier: Bon, jusqu'à maintenant, je pense que, de façon générale, la réponse, c'est non.

M. Beaulne: Une troisième petite question. On a découvert, il y a à peu près deux ans, près de Fermont, un gisement de graphite qui, apparemment, serait d'une forte teneur. Si je comprends bien, la production de graphite au Mexique est protégée. Est-ce que vous pensez que ça peut avoir une incidence sur les possibilités de développement de ce gisement-là à Fermont?

M. Mercier: Dans toutes les industries de l'acier, on utilise le graphite dans les électrodes. Normalement, on peut consommer de 8 à 10 livres par tonne d'électrodes pour faire de l'acier. Présentement, il y a deux gros producteurs, c'est Great Lakes Carbon ainsi que Union Carbide. Si c'est protégé au Mexique, ça pourrait, oui. Oui.

M. Beaulne: Bon. Moi, c'est tout pour le moment.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député. Alors, il reste quatre minutes et demie aux ministériels. M. le ministre.

M. Ciaccia: La question du GATT, le multilatéral, moi, je ne pense pas que ça va être votre solution, parce que, même s'il y a un accord multilatéral sur l'acier, ça n'empêchera pas le 301 des États-Unis sur l'antidumping. Ils vont toujours être capables d'appliquer cette loi-là, à moins qu'ils n'aient une entente sur l'antidumping totale, complète, et, ça, ce n'est pas dans l'immédiat. Alors, l'avenue d'avoir une entente avec les Américains, même si c'est pour tout le marché nord-américain, je pense que c'est la bonne avenue. Il y a deux aspects: il y a l'aspect légal et il y a l'aspect, aussi, d'utiliser le système américain pour arriver à ces changements. On l'a fait, ça, avec le magnésium; on est allés sur l'aspect légal. Il ne faut pas oublier, et il faut utiliser les recours, mais on a aussi utilisé les questions de négociations, les questions de représentations, faire le lien entre notre industrie et leurs besoins, et tout le reste, inutile de vous dire ça. Et c'est de même qu'on a réussi à protéger les alumineries, à protéger la politique industrielle du Québec. La raison pour laquelle je vous dis ça, c'est qu'on est prêts à travailler avec vous et à mettre à votre disposition tout ce que nous pouvons, l'expérience que nous avons eue et toutes les ressources que nous avons. Ça, c'est le premier point que je voudrais faire avec vous.

Deuxièmement, la question d'éliminer le seuil des barrières tarifaires. Il existe un mécanisme dans l'entente de libre-échange avec les États-Unis pour l'élimination accélérée des tarifs. Mais il faut que l'industrie des deux bords de la frontière soit d'accord. Est-ce que ça vous aiderait, et qu'en pensent les Américains?

M. LeBoutillier: Nous, on est prêts à le faire, et je pense que les Américains seraient ouverts à l'idée. Mais c'est une des rares cartes qu'on a dans notre jeu. On ne voudrait pas le faire de façon isolée. On est prêts à le faire dans le cadre d'un règlement un peu plus global.

M. Ciaccia: D'un règlement global, oui.

M. LeBoutillier: Dans le cadre d'un accord sectoriel, tel que je l'ai mentionné.

M. Ciaccia: Vous êtes présentement encore à votre décision préliminaire et la décision finale du Department of Commerce est prévue pour le mois de juin, si je comprends bien.

M. LeBoutillier: La date qu'on nous indique actuellement, c'est le 21 juin, pour la décision finale.

Le Président (M. Dauphin): En conclusion, M. le ministre.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Écoutez, je veux réitérer notre volonté de travailler avec vous. On réalise que c'est un problème très sensible. On comprend aussi le problème américain qu'ils ont avec le reste du monde. Ce qu'on cherche à faire avec eux, c'est de dire: Écoutez, on veut créer le marché nord-américain; on a des intérêts; on est des alliés, pas des compétiteurs; nos compétiteurs, c'est le Japon, l'Europe, d'autres pays, et c'est pour ça qu'on fait l'ALENA. Parce que la pratique d'Hydro-Québec, par exemple, sur les contrats à partage de risques, quand ils nous ont attaqués, on a dit: Écoutez, Bonneville Power fait la même chose; on s'est inspiré de vous. Et, là, on a réussi à démontrer qu'on avait des intérêts communs. Je suis d'accord avec vous que d'essayer de faire changer les lois... Faire changer une loi de 1896 qui a été appliquée par toutes les administrations depuis ce temps-là, spécialement dans le contexte actuel, je pense qu'il faut l'oublier. Mais il y a d'autres moyens d'arriver à vos objectifs, c'est d'essayer de créer ce marché. On est disponible, on va essayer de vous aider et de travailler avec vous.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. Je crois qu'il y a une dernière question de la part du député de Bertrand.

M. Beaulne: Oui. Est-ce que l'industrie américaine de la sidérurgie est subventionnée, est hautement subventionnée? Étant donné qu'ils invoquent... Est-ce qu'ils sont subventionnés, eux, et de quelle façon?

M. LeBoutillier: Très fortement, mais de façon moins visible qu'au Canada. Le système politique américain est très différent du nôtre. Les subventions viennent au niveau des États, au niveau des villes, au niveau des paroisses, des comtés. Il y a quatre ou cinq ans, l'industrie sidérurgique canadienne... l'Association canadienne des producteurs d'acier a commandé une étude auprès d'un consultant qui avait comme mandat d'examiner les subventions que trois ou quatre sidérurgies américaines auraient pu obtenir au cours des dernières années. La conclusion à laquelle arrivait le rapport en extrapolant, c'est que l'industrie sidérurgique américaine avait reçu des subventions de l'ordre de 30 000 000 000 $ au cours des 10 ou 15 années qui ont précédé. Alors, c'est énorme. Mais n'allez pas leur dire qu'ils sont subventionnés parce qu'ils vont crier à l'horreur.

M. Ciaccia: ...les Américains sont contre les subventions.

M. Beaulne: Oui, c'est ça. Donc, si je comprends bien la règle du jeu, ce n'est pas de ne pas subventionner, c'est de ne pas se faire prendre à subventionner, de le faire de façon, comme vous dites, moins visible. (17 h 30)

J'ai une autre question qui se greffe à celle-là. Plusieurs intervenants nous ont dit que nos entreprises ici, au Canada, n'avaient pas, dans leur culture de faire les affaires, un réflexe, comme les entreprises américaines, d'avoir recours presque automatiquement à à peu près n'importe quelle disposition légale qu'elles pourraient invoquer en fonction des lois soit provinciales ou fédérales. Comme il y a un gros volume d'exportation d'acier américain au Canada, comme vous l'avez souligné, est-ce que, vous, vous pourriez invoquer, en vertu des dispositions canadiennes ou québécoises, des mesures de représailles à l'endroit de la sidérurgie américaine exportée au Canada?

M. LeBoutillier: Mais on l'a fait, on l'a fait en représailles contre les actions qui ont été prises par les Américains en juin dernier. Nous avons réagi contre les mêmes produits, contre les importations en provenance de tous les pays et, en particulier, contre les Américains. À cet égard, si vous me demandez de commenter notre expérience de la dernière année, on a eu une collaboration totale de Revenu Canada et du gouvernement fédéral sur le sujet. Le travail exigé par Revenu Canada, avant de loger une plainte, avant d'accepter une plainte, exige beaucoup plus de profondeur que ce qu'exigent les autorités américaines. Les Américains définissent l'apparence de préjudice de façon assez rapide et assez facile.

M. Beaulne: En l'absence d'entente bilatérale ou multilatérale par le GATT sur cet aspect qui est très crucial pour votre entreprise, c'est-à-dire toute la question de subventions, pensez-vous qu'on pourrait peut-être modifier nos lois, nous aussi, pour permettre à nos gens de contester en fonction de l'apparence, comme le font les Américains, plutôt que d'exiger qu'on ait des dossiers plus poussés?

M. LeBoutillier: L'appréciation que je ferais de nos lois, c'est qu'elles sont probablement suffisantes. Est-ce que d'autres industries devraient en faire un usage plus fréquent? Ça, c'est une question que chacun doit examiner. Nous, on ne voulait pas le faire et on l'a

dit à nos yis-à-vis américains: On n'attaquera pas les premiers. Évidemment, quand on regarde le Canada et les États-Unis, dans le cas de l'acier, on a un rapport de 1 à 8, 1 à 10...

M. Ciaccia: Ce n'est pas payant.

M. LeBoutillier: ...les producteurs canadiens n'ont pas intérêt à attaquer.

M. Ciaccia: Ils n'ont pas d'intérêt.

M. LeBoutillier: Mais on leur a dit: Si vous attaquez, nous, on va réagir immédiatement, et c'est ce qu'on a fait.

M. Ciaccia: Quand vous exportez plus que vous importez, naturellement, attaquez, vous allez vous faire attaquer encore plus. Vous n'êtes pas en position...

M. LeBoutillier: On n'est pas en position de force.

M. Ciaccia: ...c'est clair.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. M. Mercier, M. LeBoutillier, M. Boluk, merci beaucoup d'avoir participé à nos travaux au nom du Regroupement. On vous souhaite un bon retour.

La commission des institutions suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 34)

(Reprise à 20 h 8)

Le Président (M. Dauphin): La commission des institutions reprend ses travaux avec toujours, évidemment, le même mandat, qui est de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur l'Accord de libre-échange nord-américain. C'est avec plaisir que, ce soir, nous recevons, pour commencer, Gaz Métropolitain et, ensuite, Me Pierre Ratelle. Alors, j'aimerais souhaiter la bienvenue aux représentants de Gaz Métropolitain. À M. André Caillé, président, qui est au centre, je demanderais, dans un premier temps, de nous présenter les personnes qui l'accompagnent et, par après, de procéder à son exposé d'une durée d'environ 20 minutes. Ensuite, il y aura une période d'échange pour 40 minutes avec vous-mêmes. Alors, bienvenue et à vous la parole.

Gaz Métropolitain inc. (GMT)

M. Caillé (André): Merci, M. le Président. Permettez-moi d'abord de remercier les membres de la commission et la commission dans son entier pour l'invitation qu'elle a adressée à Gaz Métropolitain de se faire entendre ici. Les personnes qui m'accompagnent sont, à ma droite, Michel Gourdeau, vice-président, Approvisionnement gazier et ventes grandes entreprises, à Gaz Métropolitain, et, à ma gauche, M. Gilles Tousi-gnant, conseiller exécutif, Développement industriel.

Gaz Métropolitain exploite un système intégré de distribution de gaz naturel par voie de canalisation souterraine. On dessert au Québec environ 150 000 clients résidentiels et commerciaux de même que 227 clients industriels répartis dans 203 municipalités québécoises. En 1992, nos ventes ont été de 192 000 000 000 de pieds cubes, et ceci totalise, en chiffre d'affaires, 1 000 000 000 $. Notre entreprise contrôlait un actif estimé, enfin, à 1 300 000 000 $. Gaz Métropolitain emploie au Québec 1463 personnes. Les parts de la société Gaz Métropolitain sont détenues à 11 % par le public et à 89 % par le groupe Noverco. (20 h 10)

Comme indiqué dans le mémoire transmis le 3 février dernier aux membres de la commission, les activités gazières de Gaz Métropolitain ne sont pas directement touchées par l'Accord prévu de libre-échange nord-américain. L'intérêt de Gaz Métropolitain dans cet Accord repose essentiellement sur l'impact que cet Accord pourrait avoir sur la clientèle industrielle que nous desservons, laquelle représente 60 % de nos ventes annuelles en volume. De plus, à plus long terme, GMI doit prendre en considération l'effet de l'intégration du Mexique à l'industrie gazière nord-américaine.

Les ventes au secteur manufacturier constituent, pour Gaz Métropolitain, une activité fort importante. Ces ventes sont directement touchées par les négociations entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. Les tableaux statistiques annexés au mémoire permettent de dégager les informations suivantes. Premièrement, le gaz naturel est utilisé par chacun des grands groupes manufacturiers québécois. Deuxièmement, cinq groupes manufacturiers regroupent à eux seuls 75 % des ventes gazières industrielles. Les mêmes groupes représentent 70 % des ventes ou de la consommation en énergie, quelle que soit la source. Il s'agit des secteurs des métaux primaires, des papiers, des produits pétroliers, des produits chimiques et des minéraux non métalliques. Ils comptent, ces cinq groupes, pour un tiers de la valeur des livraisons manufacturières québécoises en 1989.

Pour tenter de cerner l'impact futur de la libéralisation des échanges sur nos ventes, nous avons établi des contacts avec une cinquantaine de nos clients pour sonder leur point de vue. Il ne s'agit pas là d'un sondage scientifique. L'exercice a consisté simplement à contacter les représentants de nos clients et à leur poser les questions suivantes. Premièrement, au moment de la signature, votre entreprise était-elle favorable à l'Accord de libre-échange Canada—États-Unis? Deuxième question: Depuis sa signature, diriez-vous que cet Accord s'est avéré bénéfique pour vous? Troisième question: La ratification prochaine de l'ALENA vous paraît-elle

souhaitable? Et donnez-nous vos commentaires si vous en avez.

Bien que Gaz Métropolitain n'ait aucunement l'intention de parler pour ou au nom de ses clients, il a semblé néanmoins intéressant d'effectuer l'exercice et, dans la mesure du possible, d'en dégager certains traits communs. globalement, on peut conclure qu'un certain nombre de nos grands clients, 52 % des entreprises contactées, vivaient déjà dans un contexte de libre marché avant même la signature de l'accord canada—états-unis. pour ces clients, la signature de l'accord était néanmoins souhaitable car elle signifiait, d'une part, une baisse des coûts d'équipements et des matières premières importés des états-unis avec des droite de douane et, d'autre part, elle était surtout désirée pour le message de libre circulation des biens qu'elle sous-tendait. ces entreprises raisonnent en termes de marchés globaux. elles sont favorables à l'abolition de toutes les barrières douanières ou autres. elles favorisent l'élargissement de l'accord pour y inclure le mexique. 52 % des entreprises contactées par nous favorisent l'élargissement de l'accord pour inclure le mexique. d'autres cliente majeurs, 40 % des cliente que nous avons contactés, également favorables à une entente canada—états-unis au moment de sa signature, opéraient auparavant dans un contexte de marchés protégés des deux côtés de la frontière. ces entreprises, après quelques années d'application de l'entente canada— états-unis, sont toujours favorables à celle-ci et ont même, dans certains cas, augmenté leur volume d'exportation vers les états-unis. toutefois, plusieurs d'entre elles, 50 %, souhaiteraient que l'accès au marché américain soit plus ouvert et moins menaçant. généralement, sans s'opposer à la venue du mexique, ces entreprises auraient trouvé plus approprié d'assurer un fonctionnement optimum de l'accord existant avant de l'élargir.

Finalement, certaines entreprises, 8 % des entreprises que nous avons contactées, vivent difficilement l'abolition des barrières protectionnistes. Conscientes de leurs faiblesses, plusieurs d'entre elles ont entrepris des démarches pour consolider leur position, mais leur situation reste très difficile. Il s'agit des entreprises dans les secteurs des alimente, de la boisson et des contenante de verre.

Que ce soit en Europe ou en Asie, on assiste à de vastes redéploiements des espaces économiques. Il est bien évident que, dans un tel contexte de marché global, plusieurs de nos entreprises se doivent d'avoir un accès assuré à de vastes marchés pour demeurer compétitives. Malheureusement, de tels redéploiements peuvent difficilement s'effectuer sans créer des tensions parfois très fortes. L'introduction de clauses transitoires et de sauvegarde dans les ententes vise précisément à accorder une certaine marge de manoeuvre pour gérer ces tensions et prendre des mesures correctrices.

Comme tout autre observateur, Gaz Métropolitain constate et déplore le haut niveau de chômage actuel, tant au Québec qu'au Canada. À notre avis toutefois, il serait erroné d'en faire supporter le fardeau uniquement par l'Accord de libre-échange Canada—États-Unis. Il faut également regarder du côté de la politique monétaire et, bien sûr, de la récession que vit l'Amérique du Nord depuis deux ans.

Quelles que soient les causes de ce haut niveau de chômage, les entreprises ne sauraient se tromper en mettant l'accent sur la formation et le recyclage de la main-d'oeuvre. Lors de notre consultation, nous avons noté que les entreprises qui jouissent d'une main-d'oeuvre qualifiée et spécialisée ne craignent absolument pas l'arrivée du Mexique et, même éventuellement peut-être, l'arrivée de l'Amérique du Sud dans l'Accord global.

Gaz Métropolitain considère qu'elle doit également apporter sa contribution. Le gaz naturel étant présent dans les activités de chacune des industries manufacturières, nous devons viser à offrir nos services à des prix concurrentiels par rapport à ceux pratiqués par les provinces et États voisins. À date, les prix du gaz sont moins élevés au Québec que dans les États voisins de la Nouvelle-Angleterre. Toutefois, on observe toujours un écart qui joue en défaveur des entreprises québécoises par rapport aux entreprises ontariennes, ceci, malgré les efforts que nous avons faite pour corriger la situation. Avec l'appui de la Régie du gaz naturel, Gaz Métropolitain continuera à travailler à corriger cette situation, ce qui pourra se faire sur une période de cinq ans.

Cet écart défavorable tient essentiellement au fait que le réseau gazier de Gaz Métropolitain est actuellement sous-utilisé par rapport à ce qui est observé chez les réseaux voisins. Ce phénomène entraîne forcément une répartition des frais fixes sur un volume moindre et se traduit par des coûte unitaires de distribution plus élevés. Une réduction des coûte du gaz pour l'industrie manufacturière québécoise passe donc par une part plus grande du gaz naturel dans le bilan énergétique québécois. À cette fin, Gaz Métropolitain est favorable à la signature de l'Accord de libre-échange nord-américain qui devrait normalement entraîner une augmentation des ventes de nos grands cliente industriels et, par conséquent, une augmentation des ventes de Gaz Métropolitain.

Dans la même veine, Gaz Métropolitain est d'avis que le gouvernement doit continuer à encourager HydroQuébec à favoriser le développement de la cogénération dans son parc de production. Comme nos voisins du Nord-Est des États-Unis le font présentement, le développement de cette filière au Québec permettrait à nos secteurs des pâtes et papiers et de la pétrochimie de réduire leurs coûte énergétiques grâce à la disponibilité de vapeur à des prix plus compétitifs, de plus, le tout se traduisant par une plus grande utilisation des infrastructures gazières en place entraînant du même coup des tarifs plus bas pour l'ensemble des clients industriels de Gaz Métropolitain.

M. le Président, depuis la soumission de notre mémoire à votre commission, nous avons analysé les conséquences de l'Accord sur l'approvisionnement en gaz en Amérique du Nord. Il apparaît que, compte tenu de ses réserves, le Mexique peut devenir un joueur majeur dans l'industrie gazière. En effet, les réserves prouvées de gaz naturel mexicaines sont de quelque 72 trilliards de pieds cubes. Au Canada, elles sont de 97 trilliards de pieds cubes. Quant aux réserves potentielles, elles sont de plus de 20 trilliards de pieds cubes au Mexique, comparé à 300 trilliards de pieds cubes au Canada. Qui plus est, les coûts d'exploitation et de production sont considérablement moindres au Mexique: 0,28 $US par 1000 pieds cubes au Mexique, comparativement à 0,60 $ ou 0,70 $ à la fin des années quatre-vingt au Canada. Il n'y a donc pas de doute que le Mexique peut devenir un joueur dans l'industrie gazière. (20 h 20)

Pour le devenir, le Mexique doit, premièrement, disposer de grandes réserves de gaz naturel «produisable» à bas prix; c'est un fait, c'est déjà acquis. Deuxièmement, le Mexique doit avoir à sa portée un marché dynamique et en croissance; ce sera le cas, tant sur son marché intérieur que sur le marché des États-Unis. Troisièmement, le Mexique doit maintenir un environnement économique stable pour favoriser les investissements et l'engagement des clients étrangers envers le gaz naturel mexicain; l'ALENA concourra au maintien de ce type d'environnement. Quatrièmement, le Mexique doit investir des grandes quantités de capitaux; ces capitaux ne sont pas, en ce moment, disponibles. Cinquièmement, le Mexique devra déréglementer, comme ce fut le cas aux États-Unis et au Canada, son industrie du gaz naturel; ce n'est pas le cas; en ce moment, l'industrie du gaz naturel au Mexique est fortement réglementée.

Conséquemment, nous croyons que, dans un premier temps, durant les cinq premières années de l'entente, le Mexique importera du gaz naturel des États-Unis, de petites quantités de gaz naturel des États-Unis, peut-être entre 200 000 000 000 et 300 000 000 000 de pieds cubes par année. Deuxièmement, on croit que, dans un second temps, avant la fin des années quatre-vingt-dix, le commerce du gaz naturel sera inversé, se dirigeant plutôt du Sud vers le Nord, c'est-à-dire une situation où le Mexique deviendrait un exportateur significatif de gaz naturel sur le marché nord-américain, seulement dans un second temps, bien sûr, après que les deux dernières conditions auront été rencontrées, c'est-à-dire être capable de trouver des capitaux importants pour faire les investissements qui sont requis et, deuxièmement, après, quand on aura décidé de déréglementer l'industrie, ce qui ne semble pas être le cas dans l'immédiat, à tout le moins, parce que, dans une des annexes de l'entente, il est dit spécifiquement — et, ça, c'était une demande du Mexique, de ce que je comprends — que le Mexique peut maintenir la ressource gaz naturel dans l'état où elle se trouve du point de vue juridique, c'est- à-dire du point de vue réglementaire. Troisièmement, dans les choses que nous croyons, c'est que la venue du gaz mexicain aux États-Unis ne peut qu'exercer une pression à la baisse sur le prix du gaz, le prix de la marchandise gaz, dans le marché du gaz en Amérique du Nord.

Nous avions donc déjà une bonne raison d'être en faveur de l'entente, parce que ça favorise les ventes de nos clients et, par conséquent, les ventes de gaz naturel de Gaz Métropolitain. Nous en avons maintenant une deuxième. Nous, au Québec, étant des importateurs de gaz naturel, on ne peut pas faire autrement que de se réjouir, d'être satisfaits, d'être encouragés par le fait que le Mexique pourrait s'ajouter aux pays exportateurs, créant par cela une pression à la baisse sur les prix, ce qui nous permet de dire que les augures sont meilleurs, encore meilleurs pour la fin de ce siècle et pour le début de l'autre siècle, en ce qui concerne des prix bas pour le gaz naturel.

Merci, M. le Président, de votre attention.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. Caillé, pour cet exposé intéressant. Nous allons maintenant débuter la période d'échanges en reconnaissant, en premier lieu, le titulaire des Affaires internationales, le ministre. Alors, M. le ministre, c'est à vous.

M. Ciaccia: Je veux remercier M. Caillé et sa société pour leur mémoire. Je suis heureux de constater l'appui de la société en commandite Gaz Métropolitain au sujet de l'ALENA. Je crois que les éléments que vous avez soulevés vont sûrement aider votre entreprise, non seulement votre entreprise, mais vont contribuer à ce que vous puissiez, je crois, aider les entreprises qui vont faire de l'exportation au Mexique et aux États-Unis, en les rendant plus compétitives. C'est pour cette raison que nous appuyons le principe de la cogénération. Vous vous souviendrez, dans d'autres fonctions que j'avais, on parlait de la cogénération, mais, à ce moment-là, il y avait une question de prix. Maintenant, il y a eu plus de demande, et je crois que la question de prix est un peu différente de ce qu'elle était il y a quatre, cinq ans. Le gouvernement du Québec, je crois, non seulement pour les affaires internationales, mais le gouvernement du Québec appuie la cogénération. Il s'agit d'une mesure structurante qui réduit à la fois le coût d'opération des entreprises et le coût unitaire de desserte de votre société. Je pense qu'Hydro-Québec prévoit déjà l'achat de 760 MW auprès des producteurs privés d'ici 1996. C'est un chiffre assez intéressant.

M. Caillé: Oui.

M. Ciaccia: Je pense que ça fait plusieurs années que vous préconisez l'achat et le développement de la cogénération.

Dans l'entente de libre-échange, en vertu de l'ALENA, il va sûrement y avoir des opportunités pour

votre clientèle, comme vous l'avez souligné, d'exporter au Mexique. Je voudrais savoir si l'entente de libre-échange avec les États-Unis a eu un effet pour une entreprise comme la vôtre, puisque vous êtes présents dans le marché du Nord-Est américain, sur la distribution gazière via une de vos filiales? Et, s'il y a eu un effet, est-ce que vous pouvez nous dire de quelle façon?

M. Caillé: Oui. Déjà, l'entente Canada—États-Unis a eu un effet favorable dans le sens que certains de nos clients produisent maintenant plus qu'auparavant, parce qu'ils ont réussi à augmenter leurs ventes, plus spécialement, évidemment, leurs ventes aux États-Unis. La conséquence directe de ça sur une entreprise comme Gaz Métropolitain, évidemment, c'est des ventes additionnelles de gaz naturel. Plusieurs de ceux qu'on a contactés nous ont répondu dans ce sens-là. Ceux qui étaient favorables, au point de départ, à l'entente Canada—États-Unis, nous disent maintenant, plusieurs d'entre eux, qu'effectivement ça a donné les résultats qu'ils prévoyaient, à savoir qu'ils ont réussi à augmenter leurs ventes et, par voie de conséquence, à nous-mêmes, nos ventes. On le constate, d'ailleurs, depuis le mois de septembre. Évidemment, il y a possiblement là l'effet de la fin de la récession puis surtout le début d'une reprise sensible ou plus sensible aux États-Unis. Nos clients industriels consomment plus que nous avions anticipé déjà cette année. Depuis le mois de septembre, ça s'est, premièrement, stabilisé puis, deuxièmement, maintenant, on voit une augmentation de la consommation, et ça veut dire directement une augmentation de la production manufacturière. C'est tout à fait direct.

M. Ciaccia: Mais vous parlez des entreprises ici, au Québec. Mais est-ce que ça a eu un effet sur vos activités dans le Nord-Est américain, outre-frontière?

M. Caillé: Pas directement. Mais, si on parle des effets plus directs sur Gaz Métropolitain, tout ce contexte de la mondialisation des marchés, le contexte de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, le contexte, maintenant, de libre-échange entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, ça a amené Gaz Métro, au cours des dernières années, à s'intéresser à une intégration plus grande de l'industrie québécoise du gaz, c'est-à-dire essentiellement nous-mêmes et Gazifère de Hull, à l'ensemble nord-américain. On ne veut plus être des joueurs isolés, en bout de ligne, en bout de piste, à l'extrémité est du réseau de TCPL. Ce à quoi nous pensons, c'est de nous intégrer mieux avec les réseaux nord-américains.

Un des projets que nous avons sur la table à dessin à ce moment-ci, c'est la construction, avec d'autres, avec des partenaires américains, d'un pipeline, d'un gazoduc rejoignant Montréal à Portland et au nord de Boston. Quel est l'intérêt pour Gaz Métropolitain? L'intérêt est le suivant, c'est qu'avec la construction d'un tel pipeline on compléterait une boucle que les

Américains appellent le «North-Eastern Natural Gaz Grid». En français, j'imagine qu'on devrait dire: La boucle du Nord-Est de l'Amérique du Nord du gaz naturel. De sorte que Gaz Métropolitain se trouverait, par la suite, riverain d'une boucle de desserte du gaz naturel comme Toronto, comme New York, comme Boston, au même degré, de la même façon, plutôt que, ce que nous avons été jusqu'ici, simplement le dernier des distributeurs à l'est d'un réseau rectiligne allant de 1'Alberta jusqu'ici, la ville de Québec.

Ça, stratégiquement, je pense, pour l'avenir, c'est très important. Ça veut dire une meilleure intégration de Gaz Métropolitain, une meilleure intégration de l'industrie gazière québécoise à l'industrie gazière nord-américaine. Dans ce sens-là, oui, c'est l'effet de la mondialisation des marchés et l'effet du libre-échange qui nous a amenés, nous, et qui amène les Américains, incidemment, les distributeurs dans la région de Boston, au nord de Boston, puis entre nous et la région de Boston, à penser exactement de la même façon que nous. Il y a des changements de mentalité importants, et je pense que c'est pour le mieux, non seulement de Gaz Métro, mais surtout pour l'ensemble de la clientèle de Gaz Métropolitain.

M. Ciaccia: Oui, parce que ça avait toujours été un problème quand vous étiez au bout du tuyau, il y avait des restrictions...

M. Caillé: C'est ça. (20 h 30)

M. Ciaccia: ...ça vous causait certaines contraintes. Maintenant, avec la situation que vous venez de décrire, vous améliorez votre situation et vous évitez la contrainte d'être le dernier au bout du tuyau de l'Alber-ta.

M. Caillé: Exactement.

M. Ciaccia: Vous avez mentionné que le Mexique se réserve la prospection et l'exploitation du gaz naturel. Peut-être que ça suit le fait que vous êtes impliqués maintenant dans cette boucle du Nord-Est américain. C'est vrai qu'il y a des clauses à cet effet-là, mais il existe aussi des clauses dites des clauses d'exécution qui autorisent les entreprises d'État du Mexique à négocier des clauses d'exécution de services par lesquelles les entreprises étrangères pourraient participer à l'exploitation du gaz et du pétrole mexicains. Est-ce que ça pourrait ouvrir des possibilités pour votre société? Il y aurait un intérêt pour vous?

M. Caillé: Oui, cela a un intérêt pour nous et cela a un impact favorable, presque immédiat, lorsque ça va se produire. Je comprends qu'en ce moment, au Mexique, il y a une législation qui dit que toutes les ressources, qu'elles soient pétrolières ou gazières, sont la propriété de Pemex, la société d'État. Par contre, deuxiè-

mement, il faut comprendre que ce sont les réserves, autant les réserves prouvées que les réserves potentielles, qui sont considérables; c'est du même ordre de grandeur que les réserves canadiennes. Il faut comprendre aussi que les Mexicains ont certainement un intérêt... Moi, en tout cas, je leur trouve un intérêt dans le cadre de cette entente de faire en sorte que les investissements puissent venir de l'étranger pour le développement de leurs ressources gazières; j'ai lu ça quelque part dans un document que j'avais à l'occasion d'une rencontre aux États-Unis.

À partir du moment où le Mexique va décider de mettre en marché ses réserves gazières, qu'il va prendre les moyens pour que les capitaux, les investissements étrangers soient disponibles, ça va se faire très rapidement parce que le marché existe au Mexique et le marché existe pour le gaz mexicain aux États-Unis. Au Mexique, d'abord, parce que vous savez que le Mexique a des problèmes de pollution considérables, essentiellement parce qu'ils utilisent des produits pétroliers qui contiennent beaucoup de soufre, au-delà de 6 % de concentration en soufre, ce qui fait que des villes comme Mexico ont de sérieux problèmes de pollution de l'air. Alors, le remplacement, par exemple, dans le transport, de produits chargés de soufre par du gaz naturel, qui incidemment contient 0 soufre, changerait complètement la situation en ce qui concerne la pollution dans la ville de Mexico. Bon, le marché intérieur pour le gaz naturel mexicain est très grand.

Deuxièmement, ce n'est pas très loin. Ce n'est pas très loin pour construire des pipelines allant du Mexique vers les États-Unis; donc, apport de gaz naturel. D'ici 10 ans, on pense que, dans un premier temps, ça va aller vers le Mexique, le gaz américain vers le Mexique et, dans un second temps, le gaz mexicain vers les États-Unis; renversement de la tendance. Il faut mettre 10 ans pour que tout ça se fasse. On serait à 500 Bcf, au bout de 10 ans, d'exportation du Mexique vers les États-Unis, et par la suite, en supposant ce contexte de déréglementation, ça peut monter beaucoup à cause que les réserves sont grandes et que ça ne coûte pas cher de les produire. Résultat: impact sur Gaz Métropolitain. Vous savez que maintenant on est pratiquement interconnectés, Gaz Métropolitain, avec l'ensemble des réseaux pipeliniers de l'Amérique du Nord. Il nous reste la boucle à faire, on en parlait à l'instant. L'inévitable qui va se produire, c'est une pression à la baisse sur les prix, ce qui nous permet d'espérer, nous, Gaz Métropolitain, et surtout nos clients, des meilleurs prix dans le futur pour le gaz naturel sur le volet marchandise. Ça représente le tiers des coûts de nos industries. Dans la facture gaz, la marchandise, ça représente le tiers. Alors, c'est considérable.

M. Ciaccia: Est-ce que ça veut dire — parce qu'il y a des études qui démontrent que les coûts d'exploitation et les coûts de production du Mexique sont beaucoup plus élevés que des installations similaires à d'au- tres endroits — ces exploitations, vous pourriez vendre des équipements?

M. Caillé: Non. Non, je ne pense pas que, nous, on pourrait vendre de l'équipement, c'est de l'équipement de production et d'exploration. On pourrait vendre de la connaissance, on a des ingénieurs-conseils au Québec. Et pour cause, on vient de terminer un développement de pipelines et de réseaux de distribution. On a des ingénieurs-conseils au Québec qui sont compétents et qui vont certainement — parce que ça vient de se produire au Québec — se voir offrir la possibilité de soumissionner sur des contrats pour construire ces pipelines et construire les réseaux de distribution. Mais, pour nous, ce qu'on en sait au niveau des prix pour découvrir et pour produire le gaz naturel au Mexique, actuellement, c'est moins cher qu'au Canada. Ça leur coûte moins cher qu'au Canada, pour toutes sortes de raisons, main-d'oeuvre et autres, mais c'est moins cher et la ressource est plus facilement trouvable: on parle de 0,29 $US par millier de pieds cubes et, au Canada, de connaissance, pour la même opération, ça nous coûte 0,70 $. Alors, du gaz pas cher à découvrir, beaucoup de gaz qui atteint le marché américain, ça signifie pour Gaz Métropolitain: baisse du prix du gaz.

M. Ciaccia: Alors, si je comprends bien, vous nous dites que votre société a été impliquée dans le développement des gazotechnologies. Vous pourriez et vous avez un intérêt à exporter ces...

M. Caillé: ...la connaissance. C'est ça.

M. Ciaccia: ...technologies, la connaissance au Mexique.

M. Caillé: Et nous faisons ça avec ceux avec qui on a développé tout ça, notamment avec les ingénieurs-conseils québécois.

M. Ciaccia: Merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Alternons maintenant avec le représentant de l'Opposition officielle, M. le député de Bertrand.

M. Beaulne: Merci. D'abord, je tiens à vous féliciter pour la façon dont vous vous y êtes pris pour présenter votre mémoire, dans le sens où je pense que c'est tout à fait original d'être venus ici nous faire part, au fond, d'une sorte de sondage que vous avez fait auprès de vos clients. Si je comprends bien l'essentiel de votre présentation, vous êtes favorables à l'Accord de libre-échange avec les États-Unis et avec celui du Mexique dans la mesure où vos clients peuvent en bénéficier. Je pense qu'il est également tout à fait indicatif que vous soyez parmi les derniers ou, enfin, à toutes fins pratiques, F avant-dernier intervenant dans cette commission

parce que les points de vue que vous avez recueillis de la part de vos clients reflètent, en fait, beaucoup des préoccupations de même que des réflexions qui ont été soumises à la commission, ici. Par exemple, lorsque vous dites qu'une grande majorité des clients contactés est favorable à la signature de l'Accord incluant le Mexique, sans toutefois y attacher une trop grande importance, je pense qu'effectivement ça reflète les mémoires qui nous ont été présentés, dans le sens où la préoccupation principale qui a été soulevée, c'est beaucoup plus en fonction d'améliorer l'accès au marché américain plutôt que de se préoccuper de ce que représente l'ajout du Mexique à l'entente.

D'autre part, quand vous dites également que les clients qui craignaient la signature de l'Accord avec les États-Unis ont vu leurs appréhensions confirmées, du moins en partie, je pense que c'est également vrai, dépendant des secteurs industriels, parce qu'il y en a qui sont venus nous faire part de leurs appréhensions.

Ceci étant dit, lorsque vous dites que la signature d'un accord élargi n'augure rien de bon pour une partie de votre clientèle qui a manifesté certaines réticences face à l'Accord, est-ce que vous pourriez élaborer un peu plus dans ce sens-là? Quelles sont les réticences les plus importantes qui vous ont été manifestées?

M. Caillé: Oui, ça vient de trois secteurs industriels: la fabrication des contenants en verre, l'industrie alimentaire et l'industrie de la bière. Alors, celles-là ont des réticences à cause de ce qu'elles ont vécu, ce qui est bien connu, ce qui a été publié dans la presse, les informations qui ont été publiées dans la presse. Ce sont les mêmes, enfin, qui expriment des réticences quant à ces ententes internationales. Je ne pense pas que les réticences soient spécifiquement par rapport au Mexique.

M. Beaulne: Non, ça, vous l'avez bien souligné.

M. Caillé: Spécifiquement par rapport à l'entente sur le Mexique. Quant à ces entreprises-là, par ailleurs, je pense qu'il n'y en a plus beaucoup pour ne pas reconnaître que le mouvement vers la mondialisation, sinon la continentalisation des marchés, dans un premier temps, est quelque chose d'irréversible, parce que tous les États ont intérêt à faire en sorte que leurs grands fabricants aient accès à des marchés de grande taille; c'est la seule façon pour nos grandes entreprises de demeurer compétitives. Pour Gaz Métropolitain, évidemment, c'est à partir de ce moment-là que nous épousons la même cause. (20 h 40)

Je dois dire — et je reviens sur le point qui a été évoqué à l'instant avec M. le ministre — que nous, Gaz Métropolitain, on a une raison importante, qui va avoir un effet significatif, d'être favorables maintenant, encore plus favorables que nos clients peut-être, et cette fois, avec une entente avec le Mexique, c'est la question de la disponibilité sur le marché, de la venue sur le marché de ressources gazières importantes à bas prix. Étant des importateurs nous-mêmes, on pense que dans 10 ans, dans 15 ans, suite à cette entente nord-américaine, il va y avoir un prix pour le gaz naturel dans l'ensemble de l'Amérique du Nord, et c'est une très bonne chose qu'il s'ajoute un nouveau producteur à bas prix, pour nous, parce que ça veut dire que notre prix va être plus bas et, finalement, nos prix étant plus bas, ça va rendre nos industriels plus compétitifs. On est satisfaits de constater qu'au Canada on va faire partie de cette entente-là, plutôt que d'avoir été spectateurs à une entente qui aurait eu lieu entre les États-Unis et le Mexique. Parce qu'on va en profiter, nous; c'est très important pour Gaz Métropolitain et pour ses clients.

M. Beaulne: Vous dites que vous êtes un importateur net par rapport à ce que peut représenter pour vous le Mexique. Quelle est la ventilation de vos importations à l'heure actuelle, en termes de provenance?

M. Caillé: c'est 95 % et plus de nos importations qui proviennent du bassin sédimentaire canadien, c'est-à-dire de l'alberta principalement, de la saskatchewan et quelque peu de la colombie-britannique. il y a 5 % qui peuvent déjà venir des états-unis. voyez-vous, vous devez voir l'industrie du gaz naturel comme un ensemble de pipelines alimentés par des régions productrices, des pipelines complètement interreliés où on peut entrer le gaz à peu près à n'importe quel endroit et le sortir, la même journée, à n'importe quel autre endroit. alors, un ensemble de pipelines donc interreliés où des producteurs albertains, des producteurs canadiens, des producteurs américains du «mid continent», des producteurs américains du golfe du mexique et des producteurs mexicains, dans le futur, injectent le gaz. à nous de le retirer. plus il y en a, plus il y aura de producteurs qui vont injecter du gaz, plus il va y avoir d'offres, meilleure sera notre position de négociation, meilleur sera notre prix. que ce soit nous qui négociions les prix ou que ce soient nos clients qui négocient directement leurs prix, dans un contexte de déréglementation. comme je vous l'ai dit, actuellement, le gaz au canada est une entreprise déréglementée, nos clients peuvent négocier directement leurs prix, mais c'est le même effet; ça a le même effet sur eux que ça va avoir éventuellement sur nous.

M. Beaulne: Est-ce que vos fournisseurs de l'Ouest canadien partagent votre enthousiasme?

M. Caillé: Je n'en ai pas entendu parler. Je n'ai pas entendu parler de réticences de leur part. Je pense qu'ils se confortent actuellement dans l'idée que, un, le Mexique, Pemex, n'a pas les capitaux qui sont requis pour faire le développement des ressources gazières mexicaines, d'une part, et, deuxièmement, l'entreprise mexicaine est toujours très réglementée, à savoir que seul Pemex, finalement, peut être propriétaire de la

ressource gazière. Moi, personnellement, je pense que le Mexique n'entre pas dans l'entente pour rien et que l'opportunité va se présenter à elle comme elle se présenterait à n'importe qui, comme elle s'est présentée au Canada de déréglementer son industrie, d'attirer des entreprises étrangères pour y investir et pour la produire, puis de la mettre en marché. Ça ne se fera pas rapidement. Il y a une tradition au Mexique. On sait quel rôle le Mexique a joué dans le marché international du pétrole. Il y a une tradition socialiste qui veut qu'on ait la mainmise sur la ressource pétrolière. Moi, de ce que j'en lis et de ce que j'en comprends, je pense que c'est vrai que c'est ainsi aujourd'hui, mais je pense aussi que ça va changer.

M. Beaulne: Vous avez parlé d'une sorte d'intégration dans le Nord-Est américain de la distribution du gaz naturel. Est-ce que vous avez en tête une intégration du marché nord-américain du gaz naturel, un peu comme, au fond, sont venus nous le proposer les représentants de l'industrie sidérurgique cet après-midi?

M. Caillé: Avec cette globalisation du marché, il va y avoir intégration à l'échelle nord-américaine de l'industrie du gaz, comme il va y avoir inévitablement intégration de l'industrie de l'électricité. Tous ces réseaux sont interreliés. Il y a une déréglementation de l'industrie de l'électricité aux États-Unis, tous les producteurs peuvent produire et avoir accès au réseau de transmission pour livrer de l'électricité à un client. On peut produire au Vermont et livrer à un client en Floride. Tout ça va se libéraliser comme commerce, tout ça va se déréglementer. Et, finalement, qu'est-ce que ça fait ça? En bout de piste, ça fait une intégration de l'industrie de l'énergie à l'ensemble des trois pays concernés.

M. Beaulne: Vous avez parlé...

M. Caillé: Ça va prendre un certain temps avant que tout ça se produise.

M. Beaulne: Oui, oui, effectivement.

M. Caillé: Mais, en bout de piste, c'est ça qui va arriver. Moi, je pense personnellement que c'est une bonne chose.

M. Beaulne: Beaucoup des points de vue que vous présentez dans votre mémoire reflètent l'opinion de vos clients. En ce qui concerne votre propre opinion à vous, en particulier sur toute la question de l'accès au marché américain, qui préoccupe beaucoup d'entreprises québécoises et canadiennes, quelle est votre opinion à vous là-dessus? Êtes-vous satisfaits des dispositions à la fois de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis et de l'ALENA concernant l'accès au marché américain pour nos entreprises?

M. Caillé: Concernant un peu les Américains, je pense que ce n'est pas surprenant qu'ils aient le recours facile aux tribunaux. Ça fait partie quasiment de la vie courante aux États-Unis d'avoir recours aux tribunaux; tout le monde a recours aux tribunaux pour toutes sortes de choses. Dans les premières années de l'application de l'Accord de libre-échange, que ça se fasse d'une façon aussi fréquente, aussi régulière, ce n'est peut-être pas surprenant, mais que cette situation-là perdure très longtemps, ça, je n'y crois pas non plus. Aux États-Unis comme ailleurs, ils vont s'habituer à la situation, et reconnaître que, voici, c'est le marché — le marché, maintenant, ce n'est pas seulement celui des États-Unis, c'est le marché de l'Amérique du Nord — et qu'on ne doit pas recourir aux tribunaux à chaque querelle ou à chaque différend. C'est ce que je pense.

Je ne suis pas expert, là, mais il y a possiblement des changements ou des précisions à apporter aux règles d'application des ententes. Mais qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas ces précisions d'apportées, selon moi, avec le temps, les Américains vont se comporter comme des grands garçons et vivre à l'heure du libre-échange eux aussi, sans avoir recours aussi souvent aux tribunaux ou aux démarches politiques, au lobbying politique.

M. Beaulne: Ça va. Merci beaucoup.

Le Président (M. Dauphin): M. l'adjoint parlementaire du ministre des Affaires internationales, M. le député de Sherbrooke, il reste sept minutes dans votre enveloppe.

M. Hamel: Merci, M. le Président. Bonsoir, M. Caillé. À la fin de votre mémoire, votre société prend une position très claire, elle se dit «favorable à la signature de l'Accord de libre-échange nord-américain qui, en favorisant un accroissement de la production et de la clientèle, entraînera une augmentation des ventes de gaz et, par voie de conséquence, se traduira par une baisse des coûts unitaires de distribution du gaz naturel au Québec».

Cette prise de position, est-ce qu'elle fait suite à une situation que vous avez constatée depuis la signature de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis ou s'il s'agit plutôt d'une analyse théorique?

M. Caillé: II s'agit des deux. Premièrement, nous étions d'accord, puis nous avons encouragé, recommandé aux gouvernements, notamment au gouvernement du Québec, lors d'une consultation, d'appuyer l'Accord de libre-échange Canada et États-Unis, en fonction des bénéfices qui étaient escomptés pour nos grandes entreprises industrielles. On ne le regrette pas aujourd'hui. On constate déjà que certaines d'entre elles, après la récession aux États-Unis, avec le début de reprise aux États-Unis, on voit de la reprise dans la fabrication au Canada, puis on voit de la reprise, une augmentation au

niveau de nos ventes à nous, à Gaz Métropolitain. Alors, c'est les deux. On était favorables, pour les raisons que j'ai expliquées plus tôt, puis les faits nous donnent raison.

M. Hamel: Très bien. Dans votre sondage, aux pages 7 et 8, certains de vos clients ont exprimé, évidemment, certaines craintes quant aux bas coûts de l'énergie au Mexique, la présence d'une main-d'oeuvre à bon marché, l'absence de normes environnementales, mais ces mêmes répondants estiment ou estimaient que l'action des forces du marché fera en sorte que les coûts de l'énergie augmenteront pour s'aligner sur les prix internationaux. Est-ce que votre société est en accord avec les opinions de certains de ces clients qui estiment que les faibles coûts de l'énergie observés actuellement au Mexique se réajusteront, éventuellement, pour s'aligner sur les prix internationaux?

M. Caillé: Les coûts de l'énergie, dans l'ensemble des trois pays, vont évoluer pour finir par être un prix pour le gaz naturel. Il nous reste juste à déterminer combien d'années. Pour ça, il y a des choses qui sont des héritages du passé qui doivent changer. Il y en avait des choses comme celles-là au Canada et on a assisté, en 1985, au Canada, avant même la signature de l'Accord, du reste, à la déréglementation, comme pour s'y préparer. Un domaine où on s'est préparé, c'est celui-là, celui du gaz naturel. Je pense que la même chose va se produire au Mexique mais je comprends aussi, enfin, j'imagine qu'au Mexique on a des contraintes politiques comme on en a dans toutes les sociétés, et ce qui est souhaitable une journée, ce n'est pas nécessairement réalisable la même journée. Alors, ça pourrait prendre un certain temps, mais on va voir tout ça se fusionner, ne devenir qu'un seul marché de l'énergie. Que ce soit du gaz naturel, que ce soit de l'électricité ou que ce soit des produits pétroliers; ça va devenir un marché. Il pourra subsister des différences régionales à cause de phénomènes, de différences de coûts de transport, etc., mais, essentiellement, un seul marché en ce qui concerne la marchandise elle-même. (20 h 50)

Encore une fois, moi, je pense que c'est une bonne nouvelle. C'est une bonne nouvelle pour les Québécois, pour les Canadiens, pour les Mexicains aussi. Eh oui! Bien sûr, moi, je pense qu'au Mexique les salaires vont avoir tendance à augmenter plus vite qu'ailleurs dans les deux autres pays, c'est inévitable. Je pense qu'au Mexique on va avoir tendance à l'introduction de réglementations environnementales plus contraignantes par rapport à celles qu'ils ont aujourd'hui, plus rapidement que ce à quoi on va assister aux États-Unis ou au Canada ou au Québec.

M. Hamel: C'est-à-dire qu'ils l'ont déjà.

M. Caillé: Ça veut dire, en pratique, pour moi, selon nous, à partir du moment où on signe un accord comme celui-là et qu'on accepte que les règles qui vont s'appliquer chez nous... On va devoir évoluer avec nos règles pour qu'on se rapproche des règles mutuellement adoptées par l'ensemble de la communauté. On ne pourra pas agir avec des règles différentes ici, au Québec, des règles aux États-Unis. Parce que, ça, c'est très dangereux. Par exemple, dans le cas de la cogénération, quand les Américains font de la cogénération et offrent 0,06$ à 0,14 $US pour l'électricité produite à leurs usines de pâtes et papiers et que, nous, on ne met pas en place un programme semblable, eh bien, on prend des chances. On place notre industrie des pâtes et papiers dans une situation de désavantages distinctifs du point de vue énergétique. On n'est pas habitué à ce langage-là au Québec, on a toujours été habitué à un langage, en ce qui concerne l'énergie, d'avantages distinctifs. Ça, il faut y faire attention. On ne pourra pas vivre longtemps à l'écart de l'ensemble, et on n'a pas le choix que de vivre avec l'ensemble, et avec des règles qui sont soit les mêmes ou soit compatibles. Mais les incompatibilités vont jouer à notre désavantage. Quand nos règles sont incompatibles avec les leurs et qu'on persiste à maintenir ces règles-là, ça va finir par jouer à notre désavantage. La cohérence exige qu'on harmonise nos politiques, nos règles, nos réglementations, etc. C'est vrai pour les Mexicains et c'est vrai pour nous aussi.

M. Hamel: Merci. En passant, M. Caillé, je suis tout à fait d'accord avec le projet de cogénération de Windsor.

M. Caillé: Merci, M. le député. Merci beaucoup.

Le Président (M. Dauphin): Alors, après ces remerciements, je reconnais maintenant M. le député de Bertrand.

M. Beaulne: Moi, je tiens tout simplement à vous remercier de nous avoir apporté un point de vue non seulement de votre entreprise, mais celui de votre clientèle. Je pense que c'est un précédent qui est intéressant au niveau de ce genre de commission. Il est à souhaiter que d'autres grandes entreprises d'utilité publique suivent votre exemple et viennent nous faire part, également, du pouls qu'elles saisissent auprès de leurs clientèles concernant des changements économiques profonds comme ceux qui sont impliqués dans l'Accord de libre-échange avec les États-Unis et le Mexique.

Alors, je tiens à vous remercier. Je trouve que c'est un résumé qui reflète bien — je vous le dis — c'est un sondage qui reflète bien les opinions qui nous ont été transmises ici, à la commission. Et, dans ce sens, je pense qu'il est très indicateur de la façon dont les entreprises québécoises perçoivent l'ALENA.

M. Caillé: Merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député.

M. le ministre, pour le mot de la fin.

M. Ciaccia: Alors, je veux remercier M. Caillé pour sa présentation et aussi pour le point de vue et le point que vous avez fait en ce qui concerne l'interaction des pratiques commerciales d'autres juridictions qui nous affectent. Je crois que ça prouve le point que nos politiques internes doivent tenir compte des activités internationales et des pratiques qui se font dans d'autres pays si on veut demeurer compétitifs. Merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre.

M. Caillé: Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Dauphin): Alors, au nom de tous les membres de la commission, M. Caillé, M. Gourdeau, M. Tousignant, représentants de Gaz Métropolitain, merci d'avoir participé à nos travaux et bon retour.

M. Caillé: Merci beaucoup.

Le Président (M. Dauphin): Je demanderais, maintenant, à Me Pierre Ratelle de s'avancer à la barre, à la table des invités.

Une voix: À la barre!

Mémoires déposés

Le Président (M. Dauphin): Alors, si vous me permettez, juste avant d'accueillir notre prochain invité, j'ai deux dépôts à faire, deux mémoires pour dépôt seulement, celui de Gennaro Guerra, no 2M, et l'autre, de l'Institut canadien des textiles, no 7M. Ces deux mémoires sont déposés.

Nous accueillons maintenant Me Pierre Ratelle, avocat. Je vous mentionne, Me Ratelle, que nous avons 30 minutes de prévues, donc, 10 minutes de présentation et 20 minutes d'échanges.

M. Pierre Ratelle

M. Ratelle (Pierre): Si j'excède un peu le temps, est-ce que ça va poser des problèmes?

Le Président (M. Dauphin): Le problème que ça peut causer, c'est que ça diminue le temps des parlementaires pour vous poser des questions.

M. Ratelle: D'accord. Bonsoir. D'abord, j'aimerais évidemment remercier les membres de la commission d'avoir accepté d'entendre mon mémoire, puis, même si je suis le dernier intervenant en cette commis- sion, je le prends comme un honneur.

Ceci étant dit, je pense que, pour faire une évaluation complète de l'ALENA par rapport au Québec, il faut nécessairement examiner son impact sur une question très importante de cet Accord, c'est-à-dire la question des investissements nord-américains. Et puis je pense que d'étudier cette question-là est important pour deux raisons. La première raison, c'est que les investissements nord-américains sont très importants pour l'économie actuelle du Québec et, sans doute, les investissements nord-américains le demeureront au cours des prochaines années. (21 heures)

En 1992, par exemple, le flux d'investissements étrangers au Québec, c'est-à-dire la création d'entreprises québécoises ou l'acquisition du contrôle d'entreprises québécoises par des résidents étrangers, a atteint des centaines de millions de dollars. Ces investissements étrangers provenaient en très grande partie des États-Unis, suivis de loin par l'Europe et l'Asie. D'autre part, pour la même année, les entreprises québécoises ont fait des investissements directs à l'étranger qui ont totalisé aussi des centaines de millions de dollars avec, comme principale terre de prédilection, les États-Unis, suivis de loin par l'Europe et l'Asie. Les investissements nord-américains sont donc très importants pour l'économie du Québec.

La deuxième raison qui justifie que l'on se penche sur cette question de l'impact de l'ALENA au Québec concernant les investissements nord-américains, c'est tout simplement qu'elle est prévue dans l'ALENA. En effet, dans l'ALENA, on retrouve des règles précises qui régiront, dès l'année prochaine, les investissements entre le Québec, les États-Unis et puis le Mexique. Donc, d'une manière ou d'une autre, c'est-à-dire qu'on regarde sous l'angle économique ou qu'on regarde sous l'angle juridique, l'ALENA touche donc directement au coeur de la question des investissements nord-américains.

Ceci dit, la question de l'impact de l'ALENA au Québec concernant les investissements nord-américains recoupe en fait deux questions. Première question: Est-ce que la capacité des entreprises québécoises de faire des investissements en Amérique du Nord restera la même, diminuera ou augmentera avec l'ALENA? Deuxième question très importante: Est-ce que la capacité du Québec d'attirer et de conserver sur son territoire les investissements nord-américains, européens et asiatiques restera la même, diminuera ou augmentera avec l'ALENA? En fait, ce sont mes réponses à ces deux questions qui constituent l'objet de mon mémoire.

Après avoir pris connaissance des dispositions de l'ALENA concernant les investissements en Amérique du Nord, j'en suis venu à une première réponse qui est que l'ALENA augmentera la capacité des entreprises québécoises de faire des investissements aux États-Unis et au Mexique.

Concernant les investissements d'entreprises que-

bécoises aux États-Unis, j'ai d'abord constaté que les règles contenues dans l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis étaient reprises sous une forme ou une autre dans l'ALENA. On y parle notamment de nonnes minimales de traitement, de traitement national, de traitement de la nation la plus favorisée, d'interdiction de certaines prescriptions de résultats, de transferts, d'expropriation, d'indemnisation, de mécanisme de règlement des différends, etc.

J'ai ensuite remarqué que l'ALENA améliorait certains aspects de l'Accord de libre-échange Canada—États-Unis concernant les investissements en Amérique du Nord. C'est le cas, par exemple, pour la question de la définition de l'investissement qui sera plus large sous l'ALENA puisqu'elle inclut l'intérêt minoritaire ainsi que les investissements dans les actions, les obligations et les biens immobiliers. Sous l'ALENA, les entreprises québécoises qui envisageront de faire des investissements aux États-Unis seront donc soumises à des règles semblables et même parfois meilleures à celles que l'on retrouve dans l'Accord de libre-échange Canada—États-Unis. L'impact sera pour le moins positif pour les entreprises québécoises, puisque, depuis l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange Canada—États-Unis en 1989, les investissements d'entreprises québécoises aux États-Unis ont atteint des sommets.

Mais, là où l'impact de l'ALENA risque de se faire le plus sentir sur la capacité des entreprises québécoises d'investir en Amérique du Nord, c'est au Mexique. L'ALENA va faire quatre choses très positives pour les entreprises québécoises qui désireront investir au Mexique. Premièrement, l'ALENA va rendre l'accès à ce pays plus facile; deuxièmement, l'ALENA va leur octroyer un meilleur traitement pour leurs investissements; troisièmement, l'ALENA va leur accorder une meilleure protection de leurs investissements; puis, quatrièmement et finalement, l'ALENA va leur offrir de nouvelles opportunités d'investissements dans ce pays. Donc, on va voir un petit peu en détail chacune de ces quatre choses positives.

Donc, la première chose positive que va faire l'ALENA pour les entreprises québécoises qui voudront investir au Mexique, c'est de leur rendre l'accès à ce pays plus facile. Pour vous donner un premier exemple, on peut prendre la question du contrôle des entreprises mexicaines par des entreprises québécoises. Vous savez peut-être qu'au Mexique, actuellement, toute entreprise québécoise qui veut prendre le contrôle d'une entreprise mexicaine dont la propriété étrangère est limitée à 49 % doit nécessairement se soumettre à un examen de la Commission mexicaine de l'investissement étranger. L'ALENA va améliorer le tableau en faisant en sorte que les entreprises québécoises soient moins soumises à l'avenir à cet examen. En effet, dès l'année prochaine, en 1994, la Commission mexicaine de l'investissement étranger ne pourra plus examiner une telle prise de contrôle si la valeur des actifs de l'entreprise mexicaine est inférieure à 25 000 000 $US. Vous devez savoir que ce seuil sera ensuite porté à 150 000 000 $US au bout de 10 ans. En clair, l'ALENA va donc faire en sorte que les investissements d'entreprises québécoises soient admis plus facilement au Mexique.

Mon deuxième exemple a trait au secteur réservé de l'économie mexicaine. Vous savez peut-être que plusieurs de ces secteurs sont réservés exclusivement aux Mexicains ou à l'État mexicain et que, dans d'autres secteurs de l'économie mexicaine, la propriété étrangère y est limitée. Là encore, l'ALENA va améliorer le paysage en faisant en sorte que les entreprises québécoises ne soient plus soumises à ces restrictions dans une dizaine de secteurs économiques, tels que les institutions financières, les transports, la construction, les produits miniers, les télécommunications, etc. Avec l'ALENA, les entreprises québécoises pourront même détenir 100 % du capital-actions de toute entreprise mexicaine qui oeuvre dans ces secteurs d'activité économique.

Mon troisième et dernier exemple se rapporte à une pratique courante du Mexique qui est d'imposer des conditions aux entreprises québécoises avant d'accepter leurs investissements sur son territoire. Ce peut être, par exemple, un niveau déterminé d'exportation ou, encore, l'approvisionnement obligatoire auprès de fournisseurs mexicains. L'ALENA va faciliter les choses aux entreprises québécoises en interdisant au Mexique de leur imposer de telles conditions.

Après un meilleur accès, les deuxième et troisième choses positives que va faire l'ALENA pour les entreprises québécoises qui envisageront d'investir au Mexique, ce sera de leur offrir un meilleur traitement, mais aussi une meilleure protection pour leurs investissements dans ce pays. Pour l'illustrer, je vais prendre comme premier exemple la question du traitement des investissements québécois. Vous savez peut-être qu'au Mexique, présentement, les investissements québécois sont moins bien traités, il faut le dire, que les investissements d'entreprises mexicaines ou les investissements de certaines entreprises étrangères. L'ALENA va changer la situation en prévoyant que le Mexique devra accorder aux investisseurs et aux investissements québécois ce qu'on appelle dans le jargon juridique «le traitement national» et «le traitement de la nation la plus favorisée». Simplement, ça signifie que les investissements d'entreprises québécoises bénéficieront, avec l'ALENA, du meilleur traitement jamais offert par le Mexique.

Mon deuxième exemple concerne l'expropriation des investissements québécois. Là aussi, l'ALENA va améliorer les choses pour les entreprises québécoises. L'ALENA prévoit, en effet, que tout investissement d'entreprises québécoises ne pourra plus être exproprié sur le territoire mexicain sans qu'une compensation financière soit versée promptement par le Mexique et qu'elle soit égale à la juste valeur marchande de l'investissement en cause, ce qui est plus avantageux que ce qu'offre actuellement la réglementation mexicaine.

Mon troisième et dernier exemple se rapporte à la question du règlement des différends. Là encore,

l'ALENA va rendre la vie plus facile aux entreprises québécoises. Avec l'ALENA, une entreprise québécoise qui aura un conflit avec le Mexique concernant un investissement n'aura plus comme seule possibilité, comme c'est le cas actuellement, de devoir recourir soit au droit mexicain, soit aux tribunaux mexicains. Avec l'ALENA, cette entreprise québécoise pourra saisir un groupe spécial d'arbitres nommés en vertu de l'ALENA dont la décision sera finale et qui jugeront, bien sûr, à la lumière du droit mexicain, mais aussi à la lumière des dispositions de l'ALENA et du droit international. Donc, en matière de règlement des différends, les entreprises québécoises qui investiront au Mexique pourront donc, avec l'ALENA, mieux faire valoir leurs droits vis-à-vis de ce pays. après un meilleur accès, un meilleur traitement et une meilleure protection de leurs investissements, la quatrième et dernière chose positive que va faire l'alena pour les entreprises québécoises qui désireront investir au mexique, ce sera de leur offrir des opportunités nouvelles d'investissements dans ce pays. pour n'en nommer que quelques-unes, les institutions financières — quand je parle d'institutions financières, on pense, évidemment, aux banques, aux maisons de valeurs mobilières et aux sociétés d'assurances, etc. — constitueront, à mon avis, un bon secteur où investir au mexique. d'abord, on peut prévoir que la modernisation de l'économie mexicaine impliquera nécessairement le recours à des services perfectionnés dans ce secteur. ensuite, avec une augmentation de leurs revenus, les mexicains auront nécessairement un besoin pressant en services financiers. on n'a qu'à penser aux prêts hypothécaires, commerciaux ou à la consommation, aux services de cartes de crédit, etc. l'alena offrira justement aux institutions financières québécoises l'opportunité de pénétrer ce secteur en leur permettant d'établir en propriété exclusive des institutions financières au mexique. d'ailleurs, la banque de nouvelle-ecosse a déjà vu cette opportunité d'investissement en acquérant, le 29 août 1992, pour 90 000 000 $, 5 % du capital-actions du quatrième plus important groupe financier mexicain. (21 h 10)

Une autre opportunité d'investissement au Mexique se trouvera dans le transport terrestre des marchandises. On peut penser qu'avec l'entrée en vigueur de l'ALENA et de la hausse consécutive des exportations et des importations mexicaines ce secteur — le secteur du camionnage, du transport — prendra nécessairement de l'importance. Les entreprises mexicaines de camionnage en particulier pourraient donc constituer un bon investissement au Mexique.

Les télécommunications aussi seront un bon secteur où investir au Mexique. Il y a même certains analystes qui prévoient que le secteur mexicain des télécommunications augmentera en moyenne de 12 % annuellement au cours des prochaines années. Afin que les entreprises québécoises puissent en profiter, l'ALENA a inclus une disposition précisant que les entreprises québécoises pourront détenir, d'ici le 1er juillet 1995, 100 % d'une entreprise établie au mexique ou qui s'y établira et qui oeuvre dans ce qu'on appelle, dans le jargon, «les services de télécommunications améliorés ou à valeur ajoutée», c'est-à-dire des services faisant appel à des applications de traitement informatique qui permettent notamment aux clients de consulter, en mode interactif, les informations stockées.

Je vais passer quelques exemples parce que, évidemment, le temps court.

Le Président (M. Dauphin): Effectivement, c'est qu'il y a déjà 13 minutes d'écoulées. On peut prendre pour acquis que les députés ont lu votre mémoire. C'est pour ça d'ailleurs qu'on vous laissait seulement 10 minutes. À moins que vous préfériez continuer. C'est parce que ça diminue le temps des questions.

M. Ratelle: D'accord. Si les mémoires sont lus, il n'y a pas de problèmes.

Le Président (M. Dauphin): Parce que les mémoires sont reçus bien avant. C'est pour ça d'ailleurs qu'on les reçoit avant, en vertu de notre règlement. Alors, je vais reconnaître maintenant M. le ministre des Affaires internationales.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je veux vous remercier pour la présentation de votre mémoire. Il m'apparaît que vous avez bien étudié le contenu de l'ALENA en matière d'investissements, notamment en ce qui concerne les engagements spécifiques du Mexique énoncés dans les annexes: modifications des règles; propriétés étrangères; nouveaux secteurs. Cependant, votre seconde conclusion sur l'incapacité du Québec à concurrencer le Mexique au chapitre des investissements...

M. Ratelle: Évidemment, j'ai lu votre article ce matin dans La Presse.

M. Ciaccia: Ah oui! C'était bien, hein? Oui? Merci.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: C'était fondé sur des arguments... Évidemment, on n'a pas tous... On n'a pas le même point de vue, mais, moi, je crois que vos arguments semblent pour le moins contestables et sont basés sur une compréhension assez particulière, un peu particulière de l'analyse économique.

Quand vous parlez de la main-d'oeuvre, par exemple, le salaire moyen au Mexique est de sept fois inférieur à ce qu'il est au Canada. Ça, immédiatement, le monde dit: Bien, c'est attrayant. Mais la productivité est six fois et demie moins. Alors, il n'y a pas tellement

d'avantages. Et quand on considère que le coût de la main-d'oeuvre est seulement 18 % de tout le coût de l'investissement, s'il y a 0,5 % d'avantages, je ne pense pas que ça peut être l'élément majeur décisionnel pour aller s'installer au Mexique.

Si votre analyse est exacte, comment expliquez-vous, par exemple, que Petresa soit venue investir ici, à Bécancour? On a fait l'annonce, 150 000 000 $. Eux autres, ils savent que l'ALENA va être signé. Même qu'il est déjà signé; il faut qu'il soit ratifié et mis en application. Alors, ils sont venus investir 150 000 000 $ au Québec de toute façon.

Comment expliquez-vous Marconi, qui est situé au Québec, qui aurait pu investir additionnellement au Mexique pour d'autres opérations? Ils ont décidé d'investir plus d'argent ici, au Québec. Comment expliquez-vous ces deux investissements, parmi d'autres?

Le Président (M. Dauphin): Me Ratelle.

M. Ratelle: Ce que je pense par rapport, par exemple, à l'élément, si on veut, attrayant pour le Mexique du fait que sa main-d'oeuvre est moins chère, d'accord? On sait que c'est un avantage que la main-d'oeuvre soit moins chère. Ce que je pense, c'est que dans les secteurs d'activité économique où la main-d'oeuvre compte pour un fort pourcentage du coût de production, ce que je pense, c'est que le Québec devrait subir des pertes. D'accord? Par contre, dans les secteurs d'activité économique où le coût de la main-d'oeuvre est moins une composante du coût de production, là je pense que le Québec peut demeurer compétitif. C'est-à-dire plus, dans le coût de production, le coût de la main-d'oeuvre est représentatif, plus le Québec risque de subir des pertes, d'être moins attrayant que le Mexique. Par contre, dans d'autres secteurs d'activité économique où c'est plutôt, par exemple, la formation du personnel, de la main-d'oeuvre qualifiée, le génie, la recherche et le développement, là, je pense que le Québec peut être concurrentiel.

Si vous avez lu mon mémoire, je ne dis pas que ça va être une perte complète, je ne prédis pas une catastrophe. Mais ce que je pense, c'est que le Mexique dispose de certains atouts qui font en sorte que peut-être le Québec va subir quelques pertes. C'est ça que je pense.

M. Ciaccia: Même, pour prendre un autre exemple, le coût de la main-d'oeuvre, en général, c'est 18 %. Mais dans le vêtement, c'est encore moins, c'est 12%.

M. Ratelle: Oui. Mais comment vous pouvez expliquer que des milliers d'entreprises étrangères de petite et de grande taille, des multinationales aient choisi de s'installer au Mexique? Comment vous pouvez expliquer ça?

M. Ciaccia: Ils l'ont fait avant l'ALENA. Ce n'est pas l'ALENA qui cause ça. C'est ça, mon point.

M. Ratelle: Ce n'est pas l'ALENA? C'est vrai?

M. Ciaccia: Bien non! Ils sont allés avant. Les «maquiladora» existaient avant. Alors, l'ALENA ne change aucunement rien.

M. Ratelle: Bien, ce que change l'ALENA, puis c'est là l'atout majeur pour le Mexique, c'est qu'avec l'ALENA le Mexique va avoir un accès privilégié au marché américain. C'est ça l'avantage pour le Mexique.

M. Ciaccia: Mais les «maquiladora», ils l'ont déjà ce...

M. Ratelle: Oui, mais ça ne touche pas tous les secteurs d'activité économique au Mexique. Ça touche, par exemple, certaines formes de produits... Par exemple, si on parle des services qui sont très importants dans l'économie mondiale, le secteur des services n'est pas touché par les «maquiladora». Vous voyez?

M. Ciaccia: Non, mais, dans le secteur de services, vous parlez d'une technologie, d'un entraînement qui est complètement... C'est pour ça que les services financiers ont été... Je vais vous donner d'autres chiffres. Peut-être que vous pourrez m'expliquer ça aussi. En 1991, les investissements totaux au Québec, en millions de dollars, étaient de 35 849 000 $.

M. Ratelle: Vous parlez d'investissements directs là.

M. Ciaccia: Dans le secteur primaire, je peux vous donner les chiffres dans chaque secteur. Oui, oui, directs. Primaire: 1 400 000 000 $; les manufacturiers: 7 000 000 000 $; la construction: 529 000 000 $. Dans le secteur tertiaire, dans l'habitation, ça inclut tous ces secteurs. C'était 35 000 000$. En 1991, le monde le savait que l'ALENA était en négociation. Nous, on a commencé à appuyer l'ALENA au mois d'août 1990.

Pour 1992, notre chiffre de 35 000 000 $ est presque le même. 34 700 000 $. Puis, ça, ça inclut les immobilisations et tout le reste. Votre thèse n'est pas reflétée dans les chiffres, dans les investissements actuels, en termes de Québec comme lieu pour attirer des investissements sur le marché nord-américain.

M. Ratelle: Vous croyez... Je sais que vous ne le croyez pas... Vous ne pensez pas que, le fait que le Mexique va faire partie de l'ALENA, ça va créer des pertes pour le Québec en termes de capacité d'attirer des investissements — je sais, je connais votre pensée, évidemment — puis de les conserver? Vous ne pensez pas qu'il va y avoir des pertes à cause de l'ALENA?

Vous ne pensez pas que le Mexique va devenir plus attrayant?

M. Ciaccia: Bien, j'espère que toute l'Amérique du Nord va devenir plus attrayante avec l'ALENA.

M. Ratelle: Ça va être un fait. Oui, ça c'est vrai, vous avez raison. C'est vrai que le continent nord-américain va être plus attrayant avec l'ALENA, mais dans le cadre... Il y a trois pays, les trois pays tiennent tous à attirer des investissements étrangers sur leur territoire puis à les conserver. Vous ne pensez pas que le Mexique va jouir d'un atout supplémentaire par rapport au Québec du fait de sa participation à l'ALENA? (21 h 20)

M. Ciaccia: Je ne pense pas que le Mexique soit en compétition avec le Québec, comme d'autres l'ont dit puis comme... Le Mexique est en compétition avec la Chine, le Viêt-nam, la Thaïlande parce que beaucoup de compagnies...

M. Ratelle: Mais je vous parle du territoire nord-américain, je vous parle de l'Amérique du Nord.

M. Ciaccia: Oui, mais si ces compagnies, au lieu d'aller en Thaïlande, au lieu d'aller au Viêt-nam, au lieu d'aller dans ces pays-là, en Malaisie, vont au Mexique, ça va être bon pour nous parce que ça va dire... Parce que celui qui va investir en Thaïlande, il n'achète pas des produits québécois, mais la compagnie qui va aller investir au Mexique au lieu d'aller en Thaïlande va créer de la richesse au Mexique et ils vont acheter des produits québécois qu'on va pouvoir leur vendre dans le traité du libre-échange.

M. Ratelle: J'ai lu votre... Ce que vous dites, c'est dans le fond ce que vous avez écrit dans La Presse. C'est vrai que ça va avoir un aspect positif. Par exemple, c'est vrai que ça va permettre au Mexique d'acheter, d'importer plus de biens québécois; c'est vrai, mais, par contre, ça ne signifie pas pour autant qu'il n'y aura pas de pertes d'investissements au Québec à cause du Mexique, c'est ça que je pense. C'est vrai que vous avez raison de dire que, si les investissements sont faits au Mexique, ça va avoir un effet d'entraînement positif pour l'économie au Mexique puis sur le continent nord-américain; donc, ça va permettre aux exportateurs québécois de vendre plus facilement leurs biens et leurs services au Mexique. C'est vrai, mais, à mon avis — évidemment, mon avis vaut ce qu'il vaut—je suis certain que, l'ALENA, ça va avoir un effet catalytique sur la capacité du Mexique d'attirer puis de conserver des investissements étrangers, nord-américains, européens, asiatiques sur son territoire, et puis ça, au détriment du Québec.

Je ne prédis pas une catastrophe. Vous avez énoncé des chiffres, vous dites qu'il y a une constance au niveau de notre capacité à attirer en millions de dollars des investissements étrangers sur notre territoire, c'est vrai, mais, à mon avis... Si le Mexique ne faisait pas partie de l'ALENA, peut-être qu'on pourrait jouir d'investissements qui seraient faits sur notre territoire au lieu d'être faits sur le territoire mexicain.

M. Ciaccia: De toute façon, je persiste à croire... et cette croyance est basée sur des faits réels. Je vous ai donné des exemples de compagnies qui sont venues investir ici, qui auraient pu aller au Mexique, qui auraient pu aller au Texas. Elles sont venues au Québec. Alors, je pense qu'avec l'ALENA nous avons augmenté notre capacité d'attirer des investissements. De toute façon, je respecte votre point de vue et je vous remercie pour votre présentation.

M. Ratelle: Merci beaucoup.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre.

M. le député de Bertrand.

M. Beaulne: D'abord, je tiens à vous féliciter d'avoir pris le temps de faire la recherche qui vous a permis de venir vous présenter ici, à la commission. Je pense qu'il est important que l'Assemblée nationale favorise le point de vue des individus, des Québécois et des Québécoises sur des sujets aussi importants qui touchent leur vie quotidienne. Parce que, vous savez, ça fait changement, par rapport à la kyrielle d'organismes qui font la chaise musicale d'une commission à l'autre et dont on connaît les points de vue avant même qu'ils se pointent à la barre des témoins. Alors, dans ce sens-là, je vous remercie d'avoir pris le temps de venir nous présenter votre point de vue. Et que l'on partage ou non l'avis de ceux qui présentent leur vision sur un point en particulier, je pense qu'ils méritent d'être respectés, et votre avis vaut autant que ceux qui prêchent la bible du libre-échange.

Ceci étant dit, j'aimerais vous poser quelques questions sur certaines affirmations que vous faites. Vous dites que le Mexique peut devenir, grâce à l'ALENA, un tremplin vers l'Amérique latine. Ne pensez-vous pas que le Québec, dans le contexte de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis, peut devenir le tremplin vers l'Amérique du Nord?

M. Ratelle: C'est vrai. C'est vrai.

M. Beaulne: Ma deuxième question se rattache à votre autre affirmation que vous faites à la page 8 de votre rapport, où vous dites que vous doutez que «le Québec ait détenu assez d'influence au sein de la délégation canadienne pour que les réglementations fédérale et québécoise sur les investissements étrangers deviennent plus attrayantes que celle du Mexique». Qu'est-ce qui vous fait dire que vous pensez que la délégation québécoise n'a pas eu toute l'influence qu'elle aurait pu avoir?

M. Ratelle: Mais, là, on rentre plus dans l'ordre de la structure de la représentation du Canada au sein de conférences internationales ou au sein, par exemple, de la capacité de négocier des traités. Comme vous le savez, c'est le gouvernement fédéral qui est habilité, en vertu de la Constitution, à négocier des traités internationaux. Évidemment, je connais l'existence de mécanismes qui font en sorte, par exemple, que les provinces canadiennes, le Québec, notamment, sont consultées en tout ce qui a trait à la politique commerciale internationale du Canada, que ce soit au sein du GATT ou, par exemple, l'Accord de libre-échange Canada—États-Unis, l'ALENA, etc. Ce que je pense, évidemment, c'est qu'en tant que province canadienne... Le gouvernement fédéral doit prêter ses oreilles aux autres provinces canadiennes aussi, qui ont parfois des intérêts divergents, parfois convergents avec les intérêts du Québec. C'est dans ce sens-là que je disais évidemment que, concrètement, objectivement, le Québec est une province canadienne comme les autres provinces canadiennes. C'est dans ce sens-là que je le disais.

M. Beaulne: Est-ce dire que vous partagez le point de vue du président de l'UPA, à savoir qu'il vaudrait mieux qu'on soit assis nous-mêmes à la table des négociations plutôt que de chuchoter nos intérêts dans les oreilles des représentants fédéraux?

M. Ratelle: C'est une question délicate que vous me posez là. C'est une question de points de vue. On n'est plus tellement dans l'ordre juridique, on est plutôt dans l'ordre politique.

M. Beaulne: Bien oui, mais la question est là: Oui ou non?

M. Ratelle: J'ai écrit un article sur le sujet il y a quelques années où, évidemment... Si on regarde en termes objectifs, c'est évident que, par exemple, si le Québec était un État souverain, c'est lui qui aurait des représentants à l'ONU, etc. Évidemment, son pouvoir de négociation serait plus fort parce qu'il ferait simplement valoir directement ses intérêts, sans passer par la voie du gouvernement fédéral. C'est mon opinion.

M. Beaulne: Je vous remercie.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député de Bertrand.

M. le ministre, pour le mot de la fin.

M. Ciaccia: Je veux remercier M. Ratelle pour avoir fait l'effort de présenter le mémoire. Je pense que, les législateurs, ça leur fait du bien d'avoir différents points de vue et une certaine mise en garde en ce qui concerne certains points que vous avez portés à notre attention. Alors, même si on ne le partage pas, on vous remercie de nous l'avoir présenté. Merci.

M. Ratelle: Merci beaucoup.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Alors, la même chose, au nom de tous les membres de la commission, nous vous remercions, Me Ratelle, d'avoir... Je sais que vous êtes descendu spécialement de Floride, je crois, pour venir à nos travaux. Merci beaucoup de votre participation et on vous souhaite un bon retour. J'espère que vous ne retournez pas en Floride ce soir.

M. Ratelle: Non, non, non.

Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup d'avoir participé à notre commission.

M. Ratelle: Merci.

Le Président (M. Dauphin): Si je me fie à mon ordre du jour, je suis rendu à l'étape «Remarques finales». Si M. le député de Bertrand est prêt, on est prêt à reconnaître M. le député de Bertrand pour ses remarques finales.

Remarques finales M. François Beaulne

M. Beaulne: Merci, M. le Président. Je tiens d'abord à remercier tous les intervenants qui ont accepté l'invitation de la commission de venir nous livrer leurs commentaires, réflexions et suggestions concernant l'Accord de libre-échange nord-américain. Je m'interroge toutefois sur le nombre limité de mémoires que nous avons reçus par rapport à l'intérêt, sinon à l'inquiétude, que l'Accord de libre-échange avec les États-Unis puis son extension au Mexique soulèvent chez la population. Nous n'avons entendu qu'une vingtaine de représentations alors qu'il ne se passe pas une journée sans que l'on parle de libre-échange sur la place publique et que bon nombre d'industriels, de travailleurs ou d'investisseurs lui attribuent leur succès ou leurs déboires. Est-ce par manque d'intérêt? Je ne le pense pas, surtout à la lumière des craintes, préoccupations et incertitudes qu'ont fait ressortir plusieurs représentants qui ont participé à nos échanges. Je pense plutôt qu'il faut y voir une sorte de résignation face à la complaisance et à la désinvolture avec lesquelles le gouvernement du Québec a piloté ce dossier auprès d'Ottawa.

Je rappellerai à cet effet que c'est à la demande du chef de l'Opposition, M. Parizeau, que s'est tenue cette commission spéciale. N'eût été de notre insistance pour tenir cette commission dans les meilleurs délais, le gouvernement du Québec aurait sans doute donné son aval à l'ALENA, en catimini, comme il l'a fait d'ailleurs tout au long des négociations. Si les intéressés se sont montrés si peu nombreux à la barre des témoins, c'est probablement parce qu'ils pensent, ou bien que les

jeux sont faits, ou bien que nous n'avons guère de poids pour influencer les négociations, ou bien que le gouvernement du Québec a déjà fait son lit en cette matière, et ce, malgré toutes les représentations qu'on pourrait lui faire. Le ministre a lui-même corroboré ses appréhensions par son attitude quelque peu fataliste et résignée à l'endroit particulièrement des représentants syndicaux et de ceux de l'industrie du vêtement, principalement en regard de la recommandation que des droits compensateurs ne puissent être imposés avant que les tribunaux de règlement des différends aient tranché la question en litige et en regard de la triple règle d'origine applicable à l'industrie du vêtement et dont l'incompatibilité avec l'article 24 du GATT n'est pas évidente. (21 h 30)

On aurait souhaité, de la part du ministre, non pas une attitude défensive et presque démissionnaire face aux obstacles majeurs que représentent sans aucun doute les négociations avec la première puissance mondiale, mais plus de fermeté dans son engagement à défendre les intérêts du Québec auprès des parties concernées. Pour le moment, nous n'avons que sa parole qu'il a fait de son mieux, puisque tout s'est transigé en secret et que son propre ministère n'a publié son document de consultation qu'après la date limite de remise des mémoires à l'Assemblée nationale, comme l'a d'ailleurs souligné le président de la CSD.

Il est ressorti de l'ensemble des mémoires qu'un consensus se dégage autour des grands thèmes suivants: la libéralisation des échanges en Amérique du Nord et l'extension de l'association de libre-échange au Mexique est, en soi, une bonne chose; il ne faut pas répéter l'erreur de l'application de l'association de libre-échange, c'est-à-dire ne pas enclencher des mesures de transition et d'adaptation adéquates; il faut que les programmes incitatifs et de soutien fédéraux et québécois soient cohérents et coordonnés; il faut saisir l'occasion qu'offre le président Clinton d'ouvrir des négociations parallèles en matière d'environnement et de normes du travail pour obtenir certaines garanties et améliorations du projet d'accord qui est sur la table.

Il ressort également de nos consultations qu'il ne faut pas faire miroiter de faux espoirs à notre population, à savoir que le libre-échange est la recette miracle à nos malaises économiques et à nos faiblesses structurelles. Il ne faut surtout pas que nos chefs d'entreprise s'imaginent qu'il suffit de ratifier l'ALENA pour obtenir un accès garanti aux marchés américain et mexicain.

Comme l'ont démontré éloquemment plusieurs intervenants, les élans protectionnistes américains sont loin de s'être résorbés et, dans certains cas, l'ALENA représente même un recul par rapport à l'association de libre-échange. Je pense, entre autres, au report de la définition de «subvention acceptable» qu'on a refilée au GATT, à la complexité des règles d'origine applicables à l'industrie du vêtement et à la définition du contenu nord-américain potentiellement préjudiciable à notre industrie de l'automobile.

Une étude publiée dernièrement par l'Institut CD. Howe démontre que, pour la décennie 1980-1990, les États-Unis ont été les champions des droits compensatoires, étant à l'origine de 58 % des cas. Durant cette même période, le Mexique a été la principale cible des Américains, mais le Canada n'y a pas échappé.

En fait, à eux seuls, le Canada et les États-Unis ont entrepris presque la moitié des 1383 mesures protectionnistes adoptées pendant cette période. Même avec l'entrée en vigueur de l'association de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, des différends commerciaux subsistent en matière de bois d'oeuvre, de porc, de magnésium, d'acier, de saumon du Pacifique, du homard, du lait UHT — le lait Grand Pré — de bière, de yogourt et de crème glacée. Quand on sait que les surtaxes ou droits compensatoires s'appliquent avant que les tribunaux n'aient tranché sur leur bien-fondé, il y a de quoi s'interroger sur la propension de nos voisins du Sud à recourir aux tribunaux à tout propos comme mesure protectionniste déguisée.

À cet effet, plusieurs intervenants, dont les représentants du Conseil du patronat du Québec et de l'Association des manufacturiers du Québec, ont déploré que nos manufacturiers n'aient davantage le réflexe de recourir à la protection que leur donne la législation canadienne et québécoise pour protéger leur part du marché local. Il est également apparu qu'il y a lieu de s'inquiéter de pratiques dont l'effet est très insidieux, qui entravent l'accès au marché américain pour nos entrepreneurs et qui ne respectent pas l'esprit de l'association de libre-échange. Je pense, entre autres, aux obstacles de nature bureaucratique, tels le contrôle systématique des manifestes aux postes de douane, la modification constante des exigences réglementaires, la substitution de formulaires, l'application tatillonne de règlements obscurs que les autorités américaines se font un plaisir d'appliquer à l'endroit de nos exportateurs. Il est donc essentiel pour le gouvernement du Québec de s'entendre avec le gouvernement fédéral sur des contrôles douaniers plus stricts et une application rigoureuse des lois et règlements des deux ordres de gouvernement aux importations en provenance des États-Unis.

Au chapitre des mesures de transition, nous avons retenu plusieurs propositions intéressantes. Il semble toutefois qu'un consensus se dégage sur la priorité à accorder aux programmes de formation et de recyclage de la main-d'oeuvre. Il y a lieu, à cet égard, de déplorer certaines initiatives du gouvernement fédéral, tels la réduction de l'accessibilité et des prestations à l'assu-rance-chômage, le remplacement des prestations du Programme d'adaptation des travailleurs (PAT) par le Programme d'aide aux travailleurs âgés (PATA), la réduction de l'accessibilité au PATA ainsi que le statu quo dans le fouillis des programmes fédéraux et provinciaux de main-d'oeuvre. L'incohérence, voire même l'absence de coordination des deux gouvernements en cette matière pénalisent à la fois les travailleurs et les entreprises qui souhaitent profiter de l'association de

libre-échange et de l'ALENA.

Il est devenu clair, à travers les présentations qui nous ont été faites, que les travailleurs et les entreprises québécoises ne rêvent plus en couleur par rapport, d'une part, aux bénéfices que promet, en théorie, la signature de l'association de libre-échange et de l'ALENA et, d'autre part, les obstacles réels à affronter pour tirer pleinement notre épingle du jeu. L'encadrement des échanges qu'offrent sur papier l'association de libre-échange et l'ALENA est en soi un pas dans la bonne direction, mais il reste beaucoup de chemin à faire pour en faire respecter l'esprit.

À cet égard, l'approche plutôt légaliste du ministre m'apparaît fort imprudente. Tout au long de la commission, il s'est évertué à répondre aux objections des intervenants en se retranchant derrière des dispositions légales de l'association de libre-échange et de l'ALENA comme garantie de succès de leur application.

Or, comme l'ont souligné la plupart des intervenants, l'application des dispositions de l'association de libre-échange a connu certains ratés sur le terrain. Ce n'est pas parce que quelque chose est inscrit dans un texte légal qu'il faut considérer que c'est chose faite. Une étude comparative du ministère du Travail du Québec d'octobre 1992 sur les normes de travail s'appli-quant au Mexique et au Québec confirme que l'existence des lois et la reconnaissance officielle de certains droits ne garantissent pas leur mise en application. Sur papier, le Mexique a des normes de travail supérieures à celles du Québec; en réalité, c'est l'inverse, d'où la préoccupation des travailleurs américains et québécois concernant l'harmonisation à la baisse des normes du travail dans le cadre de l'ALENA.

À ceux qui s'interrogent sur les initiatives du gouvernement du Québec pour faciliter l'accès du marché mexicain aux entreprises québécoises, le ministre offre son plan d'action Québec-Mexique. À la lumière du rapport très critique du Vérificateur général du Québec de novembre 1992, sur les activités du ministère des Affaires internationales, qui souligne, et je cite, «que le ministère n'a pas défini précisément sa clientèle, ne la consulte pas toujours de façon structurée et n'a pas déterminé la nature et l'étendue des services qu'il compte offrir, qu'il n'a pas non plus établi une stratégie de communication pour faire connaître ses services», on est en droit de s'interroger sur l'efficacité qu'aura son programme Québec-Mexique.

En conclusion, il ressort que les intervenants qui ont témoigné devant la commission demandent au gouvernement du Québec non pas de faire l'impossible, mais de faire son possible pour défendre les intérêts du Québec dans les négociations avec le Canada, les États-Unis et le Mexique. Il est du devoir de l'Opposition officielle de s'assurer que ce sera chose faite.

Ceci étant dit, M. le Président, permettez-moi, en terminant, de souligner que j'ai personnellement beaucoup appris des échanges que nous avons eus au cours de cette commission et je ne puis que regretter qu'elle ait été de si courte durée.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. le député de Bertrand, pour vos remarques finales. Maintenant, pour les mêmes fins, je vais reconnaître M. le ministre des Affaires internationales.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, M. le Président, chers collègues de l'Assemblée nationale, les trois jours de discussions que nous venons d'avoir sur l'Accord de libre-échange nord-américain ont été extrêmement enrichissants, malgré la dernière intervention. Je tiens à remercier tous ceux et celles qui ont contribué à la réussite des travaux de cette commission. J'ai été très impressionné par la qualité des mémoires qui nous ont été soumis, ainsi que par l'excellente tenue des débats. Je voudrais partager avec vous quelques-unes des leçons que l'on peut tirer de nos échanges.

Premièrement, pour répondre au député de Bertrand qui dit qu'on a fait ça en catimini, je voudrais lui dire que c'est la troisième commission parlementaire sur le libre-échange; il y en a eu deux sur le libre-échange avec les Américains; on a publié cinq documents sur l'ALENA; on a consulté tous les intervenants. Peut-être que c'est pour ça qu'ils ne sont pas tous venus en commission, parce que tous ont été consultés, ils nous ont dit ce qu'ils voulaient. On les a représentés, on a obtenu pour eux ce qu'ils voulaient dans l'entente. Qu'est-ce que vous voulez qu'ils viennent dire?

Alors, ceux qui sont venus, c'était pour approuver, pour dire: On est d'accord. La Chambre de commerce était très heureuse des services du ministère, malgré la citation du Vérificateur général sur «la» clientèle. On n'a pas «une» clientèle, on a «des» clientèles; on n'a pas «un» programme de communication, on en a «plusieurs». Ma clientèle aux États-Unis n'est pas la même que celle de la France. Vous allez admettre ça, vous! C'est pour ça que M. Parizeau est allé aux États-Unis et, après ça, il est allé en France, deux différentes clientèles!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: S'il y avait eu une clientèle, il serait resté à Washington et il aurait envoyé ses lettres par fax à Paris.

Alors, il faut examiner ce que les gens... On ne peut pas juste répéter comme un perroquet ce qu'un autre va dire. Examinez et voyez si c'est vrai ou non. Alors, on ne cesse de répéter partout que la mondialisation des échanges est un phénomène irréversible. Alors, on peut s'en réjouir, on peut le regretter, mais on n'a pas le choix, il faut s'y adapter, et c'est dans cette perspective que le gouvernement aborde l'ALENA. Je suis heureux de constater que les patrons, comme les syndiqués, l'ont vu de même, c'est une étape vers une

plus grande ouverture de l'économie québécoise sur le monde.

C'est vrai, certains intervenants ont exprimé leurs craintes à l'égard de ces bouleversements. Je comprends leurs appréhensions, mais je crois qu'il ne faut pas exagérer. Chacun s'entend pour dire que l'élargissement de la zone de libre-échange au Mexique n'aura qu'un impact très modeste sur l'économie du Québec. L'ALENA n'est pas une panacée, ce n'est pas non plus et encore moins l'apocalypse. (21 h 40)

Ceci étant dit, c'est vrai qu'une main-d'oeuvre bien formée est une condition essentielle si on veut que le Québec soit en mesure de tirer profit de l'ouverture des marchés mondiaux, et donc de l'ALENA. Mais je suis d'accord avec un des porte-parole de la coalition lorsqu'il nous dit que l'ALENA n'exige pas de programme d'adaptation spécifique, du moins en ce qui concerne la formation professionnelle.

L'ALENA fait partie d'une dynamique dans laquelle le Québec a choisi d'entrer il y a déjà quelques années. Or, aujourd'hui, et cette commission nous en a donné la preuve, aucun groupe ne s'oppose plus à la libéralisation des échanges. Chacun à sa place et à sa façon peut contribuer à cet élan que s'est donnée la société québécoise.

Quand le député de Bertrand a dit que c'est grâce aux efforts du chef de l'Opposition qu'on a cette commission, tu sais, c'est facile d'attendre, d'avoir une lettre prête. Quand ils ont annoncé, le 12 août, que les négociations étaient terminées, le 13 août ils ont envoyé une lettre: Je veux une commission parlementaire. Franchement! Pensez-vous qu'on n'aurait pas eu la commission parlementaire si on n'avait pas reçu la lettre? On l'a eue sur l'entente de libre-échange avec les Américains. Si vous voulez prendre le crédit pour la commission, faites-le, on n'a pas besoin de ça. Au moins, s'ils avaient attendu un mois sans qu'on ne dise rien, mais le jour après! La lettre était déjà prête, il a mis le 13 août et il a envoyé la lettre au premier ministre. En tout cas. C'est juste au cas où vous ne le saviez pas, s'il ne vous avait pas consulté, le chef de l'Opposition.

Le gouvernement n'a pas attendu l'ALENA pour établir des politiques et mettre en place des programmes. Je vous ai donné quelques exemples durant les travaux de la commission, laissez-moi vous rappeler certains chiffres. Le paiement de transfert aux entreprises par les ministères et les organismes du gouvernement ont représenté plus de 960 000 000 $ en 1992-1993; le Fonds de développement technologique, doté de 350 000 000 $ dont 70 000 000 $ ont déjà été accordés. J'ai mentionné la Société Innovatech. Cette société est dotée de 300 000 000 $ à investir d'ici 1997 dans le cadre du plan d'action du Grand Montréal. Le crédit d'impôt pour les entreprises qui mettent en place des mesures de formation a permis à 175 000 travailleurs d'en profiter en 1992. Et je ne compte pas ici les programmes plus spécifiques du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, du ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, ni ceux du ministère des Affaires internationales.

Quand vous critiquez le plan d'action Québec-Mexique, vous n'avez pas entendu les éloges que nous avons reçus au sujet de ce plan? Vous auriez dû être présents à la conférence de presse que j'ai tenue pour lancer le plan. Il y avait 120 entreprises de Montréal qui veulent utiliser le plan pour faire une percée au Mexique avec tous les différents programmes que nous avons dans le plan d'action.

Sans doute, tout n'est pas parfait, mais j'ai pris bonne note des commentaires des intervenants et nous verrons à ce que les programmes soient encore mieux adaptés là où c'est nécessaire. Sans doute aussi, certains secteurs sont plus vulnérables que d'autres à l'évolution de l'économie mondiale. Je pense tout particulièrement au secteur du vêtement. Ce secteur n'est probablement pas seul dans cette situation, mais illustre bien les pressions qui s'exercent sur certains volets de notre économie.

Pour ce qui est des entreprises qui sont soumises à une concurrence étrangère des plus vives, pas seulement à une concurrence américaine ou à une concurrence mexicaine, elles sont soumises à une concurrence mondiale, et la plupart d'entre elles ont déjà fait des efforts considérables pour s'adapter au point que les exportations de vêtements du Canada vers les États-Unis sont passées de 169 000 000 $ en 1988 à 412 000 000 $ en 1992. Mais on doit continuer à les appuyer et j'en profite pour souligner les efforts de la ville de Montréal en ce sens.

De son côté, pendant toute la négociation de l'ALENA, le gouvernement du Québec a surveillé de très près les intérêts de cette industrie. J'ai rencontré plusieurs fois les représentants de cette industrie. J'ai fait personnellement des représentations en leur faveur auprès du ministre Michael Wilson. J'ai l'intention de continuer à faire valoir les intérêts de l'industrie québécoise du vêtement auprès du gouvernement fédéral.

Je comprends très bien, je le répète, que certains milieux soient inquiets face aux défis que nous devons relever, mais je le dis encore: Même s'il ne faut pas exagérer l'impact de l'ALENA, le gouvernement fera sa part pour faciliter l'adaptation. En outre, nous nous impliquerons dans la négociation des accords parallèles en matière de conditions de travail et d'environnement. Nous interviendrons, en effet, auprès du gouvernement fédéral.

Et je voudrais répondre, faire le point au député de Bertrand quand il a fait référence que c'est mieux d'être assis à la table que de chuchoter en arrière. Si je suis assis à la table, puis que je n'ai pas beaucoup de bagages, pas beaucoup de fric, je ne suis pas aussi fort dans les négociations. Mais quand celui qui est assis à la table représente 212 000 000 000 $ d'échanges avec les États-Unis, puis qu'il m'écoute quand je lui chuchote dans l'oreille et que je lui dis «c'est de même qu'il faut

que ça se fasse», ça c'est de la force. Ce n'est pas d'être assis seul qui est important; être assis seul, on peut être isolé. Pensez-vous que n'eût été qu'on fasse partie de la Confédération, de la Fédération canadienne, on aurait pu obtenir l'exclusion des industries culturelles? Pensez-vous que Jack Valenti, en Californie, nous aurait permis de faire ça? Non. Pensez-vous qu'on aurait pu obtenir l'exclusion, la protection de la gestion de l'offre? Pensez-vous qu'on aurait pu régler le problème du magnésium sans l'appui d'un pays comme le Canada qui fait un chiffre d'affaires de 212 000 000 000 $? Et non seulement un chiffre d'affaires, mais qui a une présence à l'international qui appuie les États-Unis qui ont un rôle à jouer dans le monde entier? Non. Puis je vais vous le dire et je vais vous le répéter: Les intérêts du Québec sont mieux et peuvent être mieux défendus à l'intérieur de la Fédération canadienne. L'évolution des changements internationaux porte à conclure que nos intérêts sont mieux défendus à l'intérieur de la Fédération canadienne. Ce sont des faits que j'apporte à votre attention. je vous donne des exemples spécifiques. le magnésium. on a sauvé la politique industrielle d'hydro-québec; on a sauvé les alumineries qui produisent 14 % de l'aluminium mondial. et ceci, on l'a fait pourquoi? parce qu'il y avait une force comme le canada qui s'est assise avec nous et qui a dit: c'est de même que ça va se passer. et nous avons une force à l'intérieur de la fédération canadienne. ça ne me fait rien d'être assis en arrière si le type qui est assis en avant va faire ce qu'on lui demande de faire en toute honnêteté, rationalité. il représente nos intérêts; c'est de même. et le développement à l'international, tous les changements mondiaux le démontrent que c'est de cette* faç'on que nous allons évoluer et défendre nos intérêts.

M. le Président, j'ai noté plusieurs choses pendant cette commission, la maturité des entrepreneurs qui sont venus nous dire que ce ne sont pas des subventions qu'ils veulent, c'est des meilleures conditions de travail. Ils veulent qu'on les laisse faire leurs affaires. Je l'ai dit depuis le début de ces négociations, le gouvernement peut faciliter les choses, notamment en négociant un bon accord, et je crois que c'est ce que nous avons fait. Si on n'avait pas négocié un bon accord, ça n'aurait pas été 19 intervenants qui seraient venus ici, tous en faveur du libre-échange, la plupart qui appuyaient l'Accord; le monde aurait attendu à la porte pour critiquer l'Accord. La raison pour laquelle ils n'étaient pas ici en plus grand nombre, c'est parce que après les consultations ils ont accepté que c'est un bon accord, et une bonne partie d'eux sont venus le confirmer ici.

M. le Président, ce soir, je suis rassuré, j'ai entendu pendant ces trois jours dire que le Mexique était pour eux une opportunité, pas une menace, qu'ils y faisaient déjà des affaires et qu'ils voulaient en faire plus. L'attitude résolument combative de l'UPA ne m'a pas échappé; je me réjouis qu'elle soit toute dirigée vers la conquête des marchés étrangers.

C'est bien beau de dire: On va être assis seul. Mais il était bien content, M. Proulx, à Bruxelles, en 1990, dans le GATT, quand le Canada a dit aux États-Unis, à la Communauté européenne: On va protéger les quatre piliers de la politique du Québec en matière d'agriculture. Ce n'était pas une province ou un pays de 7 000 000 qui parlait, c'était le Canada qui parlait — ils écoutaient nos représentations — qui faisait les représentations et qui représentait M. Proulx et l'UPA. Alors, je les félicite parce qu'ils ont démontré du dynamisme comme nos agents économiques. Je les félicite pour leur ambition et je salue leur courage. Ils sont réalistes face à certains changements qui auront lieu, évidemment, dans les relations, dans les activités commerciales internationales. (21 h 50)

J'ai aussi noté l'intérêt des PME qui voudraient être de la partie. J'ai compris qu'elles voulaient davantage d'informations et un meilleur support pour faire des affaires au Mexique.

Pour ce qui est de l'information sur l'ALENA, j'ai retenu la demande de l'Association des exportateurs de fournir un support à leurs membres; je leur confirme qu'ils peuvent compter sur notre participation. Dans la même veine, je crois qu'il faut aussi poursuivre la réflexion autour d'une idée qui a été lancée lors de la présentation du Mouvement Desjardins, c'est la possibilité d'actions concertées en vue de faire connaître, à travers le Québec, les avantages que les entreprises peuvent tirer de l'ALENA, car cet Accord n'est pas fait seulement pour quelques grandes entreprises ou pour un certain secteur installé autour de Québec ou de Montréal, cet Accord esj pour tout le monde, pour toutes Jes entreprises, des îles*de-la-Madeleine à l'Outaouais, de la Beauce à l'Abitibi. La globalisation n'oublie personne, nous devons tous vouloir en tirer parti.

Certes, on ne pénètre pas les marchés étrangers n'importe comment, il faut du financement. Des entrepreneurs nous ont fait part du manque de capitaux, de la nécessité de procéder à de solides montages financiers si l'on voulait conquérir des marchés importants. J'en prends bonne note, et nous examinerons en détail cette question-là.

Je suis confiant, M. le Président, que les principales associations regroupant les entreprises du Québec ont répondu à notre invitation et sont venues faire la preuve de leur dynamisme, de leur combativité.

À propos des investissements étrangers, vous savez combien c'est vital pour le Québec. C'est d'ailleurs pourquoi nous avons créé récemment le Bureau des investissements étrangers. Or, je voudrais souligner que c'est aussi en raison du dynamisme de nos gens d'affaires et d'un accord comme l'ALENA que nous pouvons intéresser les étrangers à venir investir et créer des emplois au Québec. Ainsi, le Conseil du patronat nous a indiqué que, dans son ensemble, le Canada a tiré 16 000 000 000 $ depuis la mise en vigueur de l'ALE.

En outre, M. le Président, je ne crois pas que ce

serait manquer de respect à l'égard de cette commission que de rappeler qu'elle est une étape dans le débat public autour de l'ALENA. J'ai déjà rendu publics deux documents sur l'ALENA; j'ai lancé récemment un plan d'action; j'ai rencontré à plusieurs reprises des groupes ou des industriels que l'ALENA intéresse et parfois inquiète, et la consultation entre la population et le gouvernement n'est donc pas seulement l'affaire de trois jours, c'est un processus continu. Et je le rappelle, je suis disposé à poursuivre le dialogue. Je réitère donc mes invitations à la coalition et aux manufacturiers du vêtement qui ont souhaité me rencontrer et, suite à cette invitation que j'ai lancée à la coalition et aux manufacturiers du vêtement, nous sommes déjà en contact avec la coalition — M. Leblanc de la CSN — et nous sommes déjà à organiser une rencontre prochainement pour discuter des points qui ont été soulevés en commission.

Je remercie tous ceux et celles qui sont venus nous rencontrer et je remercie mes collègues ministériels pour leur appui, pour leur patience. Je remercie l'Opposition. Le travail continue. Je veux remercier spécialement le personnel du ministère des Affaires internationales et, plus particulièrement, le personnel de la Direction de la politique commerciale.

À tous les intervenants je dis: Nous avons écouté. Nous avons pris bonne note de vos suggestions. Le travail continue. Nous comptons sur vous; vous devez compter sur nous, car c'est ensemble et dans un effort collectif que nous ferons que chaque Québécois et chaque Québécoise aura sa part de profits dans la libéralisation des échanges.

Et encore merci à vous, M. le Président, pour le déroulement des travaux de cette commission.

Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup, M. le ministre, pour vos remarques finales.

À mon tour, j'aimerais remercier le personnel de la commission, notamment la secrétaire, Marie Tan-guay, qui malheureusement nous quitte, elle a été mutée à une autre commission. Alors, on aimerait la féliciter publiquement pour tout le travail qu'elle a fait pour la commission des institutions. Oui.

M. Lafrance: M. le Président, j'aimerais peut-être me faire le porte-parole de mes collègues, afin de vous exprimer le plaisir que nous avons eu à participer à cette commission. Peut-être dans l'optique d'approfondir le sujet et d'être plus familier avec les moeurs et coutumes de nos amis mexicains, est-ce qu'on pourrait recommander que cette commission puisse se déplacer au Mexique pour aller étudier et approfondir justement le sujet? Si M. le ministre veut bien nous l'offrir... Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Dauphin): Est-ce que vous voulez en faire une proposition formelle?

M. Ciaccia: Nous allons examiner votre proposition avec intérêt.

Le Président (M. Dauphin): Alors, en terminant, on félicite encore Marie Tanguay pour son excellent travail à la commission des institutions. Mme Beaure-gard et les gens, là, autant de la messagerie que du «transcript», félicitations, merci beaucoup.

La commission des institutions ayant accompli son mandat ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 21 h 55)

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