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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le mercredi 10 mars 1993 - Vol. 32 N° 33

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur l'Accord de libre-échange nord-américain


Journal des débats

 

(Dix heures huit minutes)

Le Président (M. Dauphin): O.K., si vous voulez prendre place.

Le quorum parlementaire étant atteint, je déclare donc ouverte la séance de la commission des institutions, qui a pour mandat de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur l'Accord de libre-échange nord-américain.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui. M. Fradet (Vimont) est remplacé par Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata); M. Claveau (Ungava) est remplacé par M. Léonard (Labelle); et M. Holden (Westmount) est remplacé par M. Baril (Arthabaska).

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup.

Donc, je vous fais lecture de l'ordre du jour, pour adoption. Ce matin, nous débuterons avec la Coalition québécoise sur les négociations trilatérales; ensuite, il y aura la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante; poursuivant avec l'Institut des manufacturiers du vêtement du Québec.

Cet après-midi, nous aurons M. Pierre S. Petti-grew; ensuite, la Centrale des syndicats démocratiques; et finalement, l'Union des producteurs agricoles, qui terminera la journée.

Est-ce que l'ordre du jour est adopté?

M. Ciaccia: Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Adopté.

Alors, j'invite la Coalition québécoise sur les négociations trilatérales; tout d'abord, vous souhaiter la bienvenue à nos travaux, vous remercier d'avoir accepté notre invitation, et je reconnais M. Paquette, qui est secrétaire général de la CSN. Alors, je lui demanderais de nous présenter les personnes l'accompagnant, et ensuite, de procéder à son exposé.

Je vous signale que nous avons une période d'une heure, donc, normalement, une vingtaine de minutes pour l'exposé, et 40 minutes de «libre-échange» entre les parlementaires et vous-mêmes.

Alors, M. Paquette, bienvenue, et à vous la parole.

Coalition québécoise sur les négociations trilatérales

M. Paquette (Pierre): Je vais demander à M. Lachance de procéder à la présentation des membres de la Coalition.

Le Président (M. Dauphin): D'accord. M. Lachance. (10 h 10)

M. Lachance (Daniel): Alors, messieurs et mesdames les parlementaires, M. le ministre, je voudrais vous présenter les membres de la Coalition: M. Michel Brodeur, qui représente l'Association québécoise des organismes de coopération internationale, qui est un membre important de la Coalition québécoise; M. Claude Ducharme, qui est vice-président de la FTQ et directeur des Travailleurs canadiens de l'automobile; M. Pierre Paquette, que vous connaissez, secrétaire général de la CSN; moi-même, Daniel Lachance, vice-président de la Centrale de l'enseignement du Québec; et M. Richard Langlois, qui est économiste à la CEQ.

Dans un premier temps, nous aimerions vous souligner que nous vous remercions. Nous apprécions l'opportunité qui nous est donnée de vous sensibiliser à la position de la Coalition québécoise sur l'Accord de libre-échange. La Coalition elle-même est représentée par les trois centrales syndicales et par l'AQOCI. C'est la première fois, dans le cadre de ces débats sur le libre-échange, que les trois centrales s'associent à d'autres groupes, et ce sont les organisations non gouvernementales travaillant sur le terrain de la coopération internationale qui sont représentées par l'AQOCI. Vous aurez compris que la présence du Mexique dans cet Accord de libre-échange nous amenait nécessairement à associer les organisations non gouvernementales à cette démarche.

Vous situer, dans un premier temps, que, pour nous, l'ALENA, c'est la poursuite de ce qui a été commencé avec l'Accord de libre-échange Canada—États-Unis; vous dire que, dans un premier temps, un certain nombre de promesses avaient été faites lors de la signature de l'Accord de libre-échange Canada—États-Unis, des promesses que nous considérons comme des promesses non tenues, que ce soit sur l'ouverture du marché américain, qu'on nous avait promise — on assiste depuis ce temps-là à des disputes — que ce soit sur l'acier, le bois d'oeuvre, le porc, etc.; que ce soit en matière de prospérité économique: depuis la signature de cet Accord, on a plutôt assisté à la spirale de la pauvreté et de la perte d'emplois. Notre prétention, c'est que sur les 488 000 emplois perdus au Canada depuis 1988, une cinquantaine de mille de ces emplois sont attribuables à l'Accord de libre-échange. C'est une histoire qui se répète sur le processus aussi parce que la population du Québec, de même que la population canadienne, n'a pas été associée à cette discussion, à cette négociation. Il n'y a pas eu de débat public sur l'ALENA, pas plus qu'il n'y a eu de réel débat public sur l'Accord de libre-

échange Canada—États-Unis.

Un certain nombre de promesses avaient été faites, aussi, en matière de mesures compensatoires, de mesures d'ajustement, de recyclage de la main-d'oeuvre. Et dans l'Accord de libre-échange Canada—États-Unis, on n'a pas vu la couleur de ces mesures d'ajustement, de ces mesures compensatoires, de ces mesures de recyclage et de programmes de formation pour la main-d'oeuvre. Et il nous apparaît qu'il y a là aussi, dans le cadre de l'ALENA, cette condition qui nous apparaît incontournable et qui n'est pas présente. M. Paquette reviendra sur cette question tout à l'heure.

M. Clinton a ouvert un horizon dans le débat sur l'ALENA en parlant d'accords parallèles, sur les normes du travail et sur l'environnement, qui nous apparaît être une ouverture intéressante de laquelle il faudrait être saisi, mais un certain nombre de questions se posent à ce moment-ci: Quelle sera la portée légale de ces accords parallèles, particulièrement sur deux domaines qui sont de juridiction provinciale?

On a comparé beaucoup, aussi, ce qui se passe dans la Communauté économique européenne avec ce qui se passerait avec le Mexique dans un tel accord, et il nous semble qu'on ne peut pas comparer Portugal, Espagne et Mexique. Les rapports de produit national brut entre la France, le Portugal et l'Espagne ne sont pas du tout les mêmes que ce qu'on peut retrouver entre le Canada et le Mexique. Dans leur cas, c'est un pour deux, et, dans le cas du Canada-Mexique, on se retrouve dans un rapport de un à huit.

De plus, dans le processus même, de même que dans les mesures qui sont mises en place en Europe pour favoriser l'introduction de l'Espagne et du Portugal à la Communauté économique européenne et au pacte qui est en train de se négocier là-bas, un certain nombre de mesures ont été prises, que ce soit des mesures de soutien du revenu, que ce soit des mesures dans le cadre d'une stratégie industrielle, et il nous apparaît que sur ce terrain-là, rien n'apparaît dans l'ALENA non plus.

Il y a un certain nombre de menaces qui planent sur l'emploi dans le cadre de cet accord-là; vêtements, automobiles, télécommunications, transport. M. Du-charme vous en parlera tout à l'heure.

Je voudrais terminer, avant de passer la parole à M. Ducharme, en vous disant que la Coalition a une approche positive de l'Accord de libre-échange Canada—États-Unis—Mexique, au sens où, au moment de l'Accord de libre-échange Canada—Etats-Unis, nous avions une opposition pure et simple contre le processus d'intégration économique. Sur la question de l'ALENA, pour nous, il ne s'agit pas de s'opposer à une forme d'intégration économique, de l'augmentation d'accords commerciaux avec le Mexique, mais nous pensons que, dans le contexte actuel de restructuration économique, toute entente d'intégration économique — d'ailleurs, il y a d'autres pays qui frappent à la porte: Colombie, Venezuela, Chili, etc. — toute entente d'intégration économique devrait être balisée et devrait prendre en compte la dimension sociale et, particulièrement, la question des programmes sociaux de même que, comme j'y faisais référence tout à l'heure, la question des normes du travail, la question de l'environnement et d'autres questions auxquelles on fera référence. C'est donc dans le cadre de vouloir baliser cet Accord et qu'il corresponde aux intérêts généraux de la population, qu'il soit plutôt un accord qui nous amène à développer une stratégie industrielle et le développement de l'emploi, c'est plus dans ce cadre-là que nous voulons travailler.

Et, là-dessus, je passe la parole à M. Ducharme.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. Lachan-ce.

Alors, M. Ducharme.

M. Ducharme (Claude): M. le Président, les secteurs que je vais toucher sont des secteurs qui concernent, dans notre économie, plusieurs milliards de dollars. si on regarde l'industrie du vêtement, il ne faudrait jamais que vous perdiez de vue que c'est l'industrie où il y a une concentration de femmes — environ 76 % dans les vêtements, 40 % dans le textile — la plupart sont des femmes immigrées, qui ont très peu de notions du français et de l'anglais, qui sont très peu scolarisées. et ce sont ces personnes-là, dans ce secteur-là, qui sont grandement menacées de perdre leur emploi. les employeurs du secteur avec les syndicats qui y militent établissent que, si l'alena est adopté et passé, on va perdre, au québec, 18 000 emplois, en plus d'en avoir déjà perdu, au canada, 41 000 dans ce secteur-là.

L'ALENA propose de nouvelles règles du jeu. Alors, les Américains, dans ce secteur-là, les grandes corporations, les grandes multinationales, dans le secteur du textile, dans le secteur du vêtement, ont amené les règles du jeu pour favoriser leur développement, au détriment de ce qui se passe chez nous. On avait, à ce moment-là, des règles de transformation à deux niveaux. On les a amenées à trois niveaux, empêchant, à ce moment-là, l'industrie du vêtement, tout particulièrement au Québec, d'être en mesure de suivre parce qu'ils n'auront pas les ressources, ils ne pourront pas se moderniser. Ils se sont retournés vers l'Asie, vers l'Europe, pour être en mesure de satisfaire la règle de deux qui était prévue dans l'ALE, et maintenant, on arrive avec l'ALENA avec des règles d'origine. regardez uniquement comment on a tripoté les règles de la laine. on produit des vêtements de qualité, reconnus dans le monde pour la qualité, pour la beauté de ces vêtements-là. on avait établi une règle qui était sur le poids: 50 % d'un vêtement en laine devait comporter, dans son poids, 50 % de laine. on est arrivé, maintenant, avec les règles suivantes: 50 % de contenu. on a changé le poids par le contenu. lorsqu'on touche aux tissus synthétiques, on baisse ça à 36 %, et lorsqu'on touche aux tricots, lorsqu'on touche aux vêtements fabriqués par les crochets, 23 %. pourquoi ame-

ner une telle règle dans le secteur du vêtement? Tout simplement parce qu'on veut que les Américains, dans ce secteur-là, soient capables d'utiliser le Mexique, d'utiliser le Canada à leurs fins. Et c'est complètement, complètement inacceptable. Alors, c'est très inquiétant dans ce secteur-là, la façon dont l'ALENA a été conçu, a été déterminé. Et ce qu'il y a de malheureux... Puis, vous autres, vous allez être obligés, à un moment donné, de vous tenir debout là-dedans. Parce que si on perd nos industries de base au Québec, il ne restera plus rien. (10 h 20) prenons l'industrie de l'automobile: c'est grandement surprenant, avec tous les chiffres qui existent, le peu de batailles que vous faites, le peu de fierté que vous avez de tout ce qu'on est allé conquérir par des luttes infernales, le peu qu'on a au québec: moins de 1 % dans la fabrication des pièces, à peu près 2,5 % dans l'assemblage. prenons l'usine de gm à boisbriand, qui est le point de mire mondial au point de vue technologique, au point de vue qualité du produit, au point de vue productivité, au point de vue des coûts de main-d'oeuvre: 20 000 $ par travailleur de moins qu'un travailleur américain par coût de main-d'oeuvre, dans l'usine de gm boisbriand. qu'est-ce qui arrive au secteur de l'automobile? les américains ont réalisé la finesse qu'on avait dans cette industrie-là pour être capable de protéger nos emplois, développer un rapport de force qui est essentiel. donc, dans les négociations de l'ale, le premier ministre du canada — ce n'est pas n'importe qui — wilson nous avait promis, juré dur comme fer, que jamais on ne toucherait au pacte de l'automobile. entente sectorielle, qu'est-ce qu'on a fait? dans la dernière nuit des négociations, on a changé le contenu canadien de 60 % pour un contenu nord-américain de 50 %. qu'est-ce qui est arrivé à notre industrie? des pertes de milliers d'emplois, 150 fermetures d'usines de pièces qu'on vient de connaître, au milieu des états-unis, rendues au mexique.

Je vais vous donner des chiffres qui sont très importants pour vous autres, parce que, quand on vous parle de ça, vous pensez que les Mexicains sont très loin, qu'ils ne nous enverront pas de pièces d'automobiles, qu'ils ne nous enverront pas de produits finis: 61 % des biens importés pour le Canada, en 1991, concernaient les véhicules automobiles, les moteurs et les pièces, pour 1 619 000 000 $, et, en 1992, ça a augmenté énormément. On leur a envoyé, en composantes, pour qu'ils nous retournent ça en produits finis, pour une valeur de 154 000 000 $. Il est grandement temps que, dans cette industrie-là, si vous voulez qu'on soit capable de garder l'usine de GM Boisbriand en sol québécois, parce qu'on a à peu près cinq ans devant nous autres pour attirer les grands fabricants de pièces d'automobiles, pour nous fournir les pièces qui vont rentrer dans la Firebird, la Camaro et la Trans Am. Parce que, dans cinq ans, ce qu'on nous dira, c'est que les pièces viennent de trop loin, qu'on n'est pas capable de réaliser le Juste à temps, qu'on n'est pas capable de réaliser le... et qu'on ne peut plus attendre après les deux trains qui viennent du fin fond des États-Unis pour nous livrer nos pièces parce qu'on n'aura pas été capable, dans ce secteur-là, d'attirer les investisseurs dans l'industrie de l'automobile.

Parce qu'avec ce que vous avez dans l'ALENA, les investisseurs ne viendront pas au Québec, ils ne viendront pas au Canada, ils vont aller, à ce moment-là, dans les «maquiladoras», ils vont aller à Reynosa, ils vont aller à Matamoros. Si je vous demandais: Combien pensez-vous que GM a de salariés sur son bordereau de paie au Mexique? Je doute que vous soyez capables de me donner le chiffre exact. Au moment où on se parle, ils sont 41 000 travailleurs et travailleuses au Mexique. Pensez-vous qu'ils les ont là parce que GM est généreuse, parce qu'elle veut avoir des travailleurs mexicains pour travailler pour GM? Auparavant, lorsqu'on parlait du Mexique, GM avait presque rien au Mexique. Au Canada, on est rendu à 26 000 employés à GM, et les mises à pied qu'on va subir vont nous faire baisser à 23 000, 21 000 travailleurs et travailleuses à Pusine de GM. alors, je vous donne ces chiffres-là pour vous faire réfléchir, que vous avez une lutte à livrer, que l'alena est en train de s'implanter et de déstabiliser la base industrielle qu'on a au québec. là-dessus, maintenant, pensons, avec l'industrie automobile, à la grande vision que le québec s'est donnée à partir de m. lesa-ge, à partir de m. bourassa, à partir de m. lévesque, à partir de m. biron, qui était là-dedans, landry et tout ça, m. parizeau. on est allé chercher norsk hydro. on a amené ça au québec. pourquoi? pour développer le magnésium, pour avoir une vision dans l'industrie de l'automobile. qu'est-ce qu'on est en train de faire à l'aluminium, au magnésium? les américains nous ont vu venir. on est en train de menacer, par l'alena, la caisse de dépôt et placement, le mouvement desjardins, qui a 56 000 000 000 $... et quand on vous dit ça, à un moment donné, commencez à réaliser comment les américains nous voient. le fonds de solidarité, à quoi sert l'argent qui est là? à être capable de se mobiliser. si, dans notre propre pays, un premier ministre, pierre elliott trudeau, quand ça a été le temps de planifier pour prendre le contrôle de la compagnie canadien pacifique, nous a passé un s-31, comment pensez-vous que les américains, dans cette ligue-là, sont en train de nous analyser? quand vous prenez vos références sur les grands de l'auto, les trois grands de l'automobile, ça leur fait énormément plaisir de changer un contenu canadien de 60 % pour un contenu nord-américain de 50 % et pour un autre contenu de 62,5 %, parce que vous allez leur donner, à ce moment-là, la liberté de déterminer où ils vont implanter leur usine, où ils vont investir. les japonais, chez nous, qu'on doit, à un moment donné, commencer à civiliser sur notre marché, bien, ils vont décider d'aller s'implanter dans les zones où ça va leur coûter moins cher, de faire leur investissement où ça va leur coûter moins cher parce que notre

marché et nos marchés... Le Canada, c'est le sixième plus important au monde et les États-Unis, c'est le premier marché le plus important au monde dans ce secteur-là.

L'autre élément dont vous devez tenir compte, tous ces éléments-là font peur aux travailleurs et aux travailleuses au Mexique. Ça, ce n'est pas dans les documents que vous recevez et que le gouvernement vous envoie. Dans ces secteurs-là, la dette du Mexique... le secteur de l'automobile, le secteur du textile, le secteur des vêtements, regardez, c'est en tête de liste avec le pétrole, de quelle façon le gouvernement mexicain va pénétrer aux États-Unis et des États-Unis vers le Canada.

Dans le domaine du transport, la règle qui est changée maintenant, où les camions pourront venir porter des produits au Canada et retourner avec un chargement vers les États-Unis, vers le Mexique...

Dans le domaine de la téléphonie, toutes les grandes multinationales, comme AT&T, tout ce que ça peut causer sur notre marché, et, si on ne se réveille pas... Et, moi, je suis bien placé pour vous en parler parce que, si on a pu garder au Québec ce qu'on a dans l'usine de GM et dans le secteur de l'automobile, c'est parce qu'on a livré des luttes infernales dans cette multinationale et, si on a été en mesure de les sensibiliser — et prenez tous les discours qu'on a tenus sur la place publique pendant des années. Qu'est-ce qu'on disait des travailleurs et des travailleuses du Québec quand on voulait fermer notre usine de GM à Bois-briand? Qu'on n'avait plus la productivité, qu'on commettait un tas d'erreurs sur le milieu de travail, qu'on avait les conditions de travail les plus épouvantables, et quand on leur a démontré qu'avec ce qu'on avait dans cette usine-là on était capable de produire autant, d'avoir un produit de qualité, on a commencé, dans cette multinationale-là, à changer les règles du jeu pour qu'ils s'intéressent au Québec et nous donnent aujourd'hui ce qu'on a de plus moderne.

Mais, pour conserver ça, ce n'est pas dans une entente comme l'ALENA qu'on va être en mesure de garder notre rapport de force et être capable de continuer dans ces secteurs-là. Or, notre secteur est grandement menacé, notre base industrielle du Québec est grandement menacée, et, comme gouvernement, vous avez la responsabilité, à un moment donné, dans tous ces aspects-là, de prendre les mesures et, à l'heure actuelle, de dire au gouvernement central, au gouvernement fédéral, que ça ne fait pas l'affaire du Québec, que ça doit être refusé avant les prochaines élections.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. Duchar-me.

Si j'ai bien saisi tantôt la chronologie, c'est au tour de M. Paquette et je vous signale que, malheureusement, il reste à peu près cinq minutes.

M. Paquette: Oui, c'est pour ça que je vais aller rapidement pour qu'on puisse respecter le temps.

M. Ducharme vient d'expliquer un peu les craintes qui sont partagées par l'ensemble du mouvement syndical québécois et canadien au niveau de l'emploi, une grande partie de la population et même des hommes d'affaires. On a pu voir les sondages qui montrent que les hommes d'affaires québécois, qui étaient les plus fervents en faveur de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis, sont actuellement ceux qui donnent le plus faible appui parmi l'ensemble de la classe d'affaires canadienne.

C'est pour ça, je pense, que le gouvernement du Québec avait mis ses conditions à la négociation de l'Accord de libre-échange, des conditions qui avaient été présentées dans le document «La Libéralisation des échanges commerciaux entre le Canada, les États-Unis et le Mexique: les enjeux dans une perspective québécoise». Le gouvernement du Québec avait mis sept conditions. À notre avis, ces sept conditions-là ne sont pas respectées, ce qui nous amène, ici, à vous demander, encore une fois, de faire pression sur le gouvernement fédéral pour ne pas ratifier l'Accord tel qu'il est présentement, mais de poursuivre les négociations sur la base, entre autres, de propositions qu'on pourra vous présenter dans le cadre de la discussion.

La première condition qui avait été mise par le gouvernement, c'était la mise en oeuvre de... L'éventuel accord ne devait pas toucher au partage actuel des compétences législatives entre les ordres de gouvernement. Il est très clair que l'Accord de libre-échange nord-américain touche aux juridictions du Québec. On sait qu'on aura deux ans pour faire la liste des mesures que nous pensons devoir être exclues de l'Accord de libre-échange nord-américain, ce qui signifie que, dans le futur, le Québec ne pourra plus se doter d'aucune mesure d'incitation ou de stratégie industrielle qui contreviendra ou qui pourrait contrevenir aux règles de l'Accord de libre-échange nord-américain. Ça, je pense que c'est important non seulement dans le cadre du partage des juridictions entre le Québec et le fédéral, mais c'est important, aussi, dans la marge de manoeuvre que le Québec veut se garder pour développer son économie et sa société. Ça, c'était la troisième condition qui avait été stipulée par le gouvernement.

D'ailleurs, quand on lit le document qui a été produit par le gouvernement sur l'Accord de libre-échange nord-américain, il est très clair que aussi bien le partage des compétences au niveau législatif que la marge de manoeuvre n'ont pas été clairement respectées. Il est bien écrit, à la page 15, qu'une analyse, actuellement, est en cours au niveau des lois et des pratiques du Québec pour voir si elles étaient conformes avec l'Accord de libre-échange nord-américain, ce qui signifie qu'à ce moment-ci le gouvernement n'est pas sûr qu'effectivement la totalité des lois québécoises seront soustraites à l'Accord de libre-échange nord-américain. (10 h 30)

On a parlé aussi — c'était la deuxième condition — du respect des lois, programmes et politiques dans le domaine social des communications, de la langue et de la culture et tout ce qui touche les programmes sociaux. Évidemment, dans l'Accord comme tel, il n'y a rien qui touche directement la culture et les programmes sociaux, mais on sait très bien, particulièrement avec l'expérience qu'on vient de vivre dans le cadre de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis, qu'il y a de fortes pressions sur nos programmes sociaux, et il est très clair que les politiques du gouvernement fédéral — entre autres pour ce qui est du développement régional et de l'assurance-chômage — sont liées, au moins en partie, aux pressions que l'Accord fait subir à nos programmes sociaux. Dans ce contexte-là, nous, contrairement au gouvernement du Québec et au gouvernement fédéral, ce qu'on voudrait voir, c'est des garanties écrites dans l'Accord de libre-échange nord-américain, en termes de protection, aussi bien de lois — comme la loi 101 — que les programmes sociaux dont on a pu se doter au cours des années.

J'ai parlé de la troisième condition, qui était le maintien de la marge de manoeuvre. Il nous apparaît très clair que cette marge de manoeuvre là n'est pas respectée. Deuxièmement, ce qui nous inquiète grandement, c'est le fait que, dans l'Accord de libre-échange avec les États-Unis, on s'était entendus pour une négociation de sept à huit ans sur la définition de «subvention», et on sait que c'est sur la base de cette définition-là que toutes nos disputes commerciales avec les Américains et, disons, les problèmes au niveau de la Loi antidumping se situent. Avec l'Accord de libre-échange nord-américain, le gouvernement fédéral a abandonné la négociation sur les subventions, la définition de «subvention», pensant peut-être que le GATT allait régler ce problème-là. Mais, pour le moment, il n'y a aucun élément qui nous permet de croire que le GATT va effectivement se régler, au moins à court ou moyen terme. Et, dans ce contexte-là, il est très clair que l'Accord de libre-échange nord-américain n'arrêtera pas les disputes commerciales avec les Américains, mais, au contraire, va les augmenter, probablement, parce qu'on sait... C'est d'ailleurs mentionné dans le document, c'est une stratégie de l'industrie américaine de contester l'ensemble des pratiques des industries québécoises et canadiennes qui les concurrencent sur leur terrain.

La quatrième condition, qui était l'obtention de périodes de transition suffisamment longues pour la mise sur pied, au maximum 10 ans, ça nous semble être insuffisant pour plusieurs secteurs. Je vous rappellerai que l'industrie du meuble, depuis le 1er janvier 1993, ne jouit plus d'aucune protection, et on sait que c'est une industrie qui a été durement touchée par la restructuration, accélérée par l'Accord de libre-échange.

Le gouvernement du Québec avait demandé — la condition cinq — la mise en place d'un mécanisme de règlement des différends, auquel il serait associé. Dans le document que vous avez soumis, il est clairement dit qu'il n'y a rien à cet égard-là, et ça, ça nous semble très important.

Le maintien d'un statut spécial pour l'agriculture et les pêcheries. Nous, ce qu'on voudrait voir, au contraire, c'est une protection écrite dans l'Accord de libre-échange pour ce qui est du développement et du maintien de ces industries-là.

Et la septième condition, c'était le droit du Québec d'approuver ou non l'entente en fonction de l'évaluation ultime. Nous, ce qui est très clair, et à la lecture de votre document et à l'analyse qu'on a pu faire à la Coalition, que ces sept conditions-là ne sont pas remplies ou ne sont pas totalement clarifiées. Il semble couler de source que, dans ce contexte-là, le gouvernement du Québec devrait dire non à l'Accord de libre-échange nord-américain tel qu'il est présentement et pousser le gouvernement fédéral à poursuivre des négociations, particulièrement sur les questions touchant le travail et l'environnement. S'il nous reste un peu de temps, on pourrait terminer par les propositions que nous avons mises de l'avant depuis, maintenant, deux ans.

Alors, Michel.

Le Président (M. Dauphin): Juste un instant, c'est que le temps est écoulé, à moins que les parlementaires veuillent peut-être diminuer leur temps d'échange. C'est parce qu'on a une journée extrêmement chargée...

M. Ciaccia: On ne peut pas diminuer notre temps d'échange.

Le Président (M. Dauphin): ...avec plusieurs groupes invités, alors... Quitte à revenir pendant la période d'échange.

M. Beaulne: M. le Président, moi, je n'aurais pas d'objection à donner quelques minutes de plus pour faire valoir, entre autres, le côté de l'organisme non gouvernemental qu'on n'a pas entendu en présentation. Cinq minutes de plus.

M. LeSage: M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Hull.

M. LeSage: ...nous avons un autre groupe à 11 heures, je comprends qu'ils sont cinq à la barre des témoins. S'ils prennent un autre cinq minutes chacun, on va se ramasser à moins cinq et on ne pourra pas poser de questions. Je suis convaincu qu'il y a des questions qui doivent être posées et je suis convaincu qu'on doit avoir un échange avec ces gens-là. Vous avez proposé, je pense, M. le Président, qu'il y ait des interventions qui se fassent de la part des autres personnes à la barre, avec les discussions.

Une voix: Remarquez qu'on a commencé à 10 h 15.

Le Président (M. Dauphin): Non, c'est juste... C'est parce qu'on a une journée très chargée. Si on commence à décaler...

Une voix: Ah oui! Mais...

Une voix: On a perdu 15 minutes, au début.

M. Beaulne: On va leur donner cinq minutes de plus. Il y en a qui n'ont pas parlé, il y a un volet de leur mémoire...

M. Ciaccia: Pourriez-vous conclure en à peu près cinq minutes? Est-ce que ça vous irait?

Une voix: Oui.

M. Ciaccia: Comme ça, ça nous donnerait le temps à nous...

Le Président (M. Dauphin): De favoriser les échanges avec les parlementaires.

Alors, M. Brodeur, pour quelques minutes.

M. Brodeur (Michel): Oui. Comme le Mexique est quelque chose, dans le sens que, pour la première fois dans un bloc, en quelque sorte, qui est en train de se créer au niveau de l'intégration économique quelconque, le Canada et les États-Unis ont à avoir comme partenaire un pays, le Mexique. Je vais vous donner une caractéristique, je pense, importante pour montrer, en quelque sorte, que la question avec le Mexique n'est pas si simple.

Dans le dernier recensement, de 1991, par exemple, au Mexique, on parle qu'il y a une population économiquement active de 24 000 000; là-dessus, il faut savoir qu'il y a 6 000 000 qui reçoivent un salaire régulier, ils ont un emploi. Ce qui fait que toute la question du développement du libre-échange à l'intérieur même du Mexique pose des questions, et ça, on se les est posées, on a réfléchi beaucoup avec des partenaires, avec le Mexique. Ça nous a amenés à élaborer un certain nombre de propositions que je vais vous dire très rapidement, qui tiennent compte, finalement, des besoins tant du Mexique, du Canada que des États-Unis, croyons-nous.

La première chose, on aurait besoin d'échéanciers spécifiques des financements compensatoires avec des mécanismes d'ajustement qui doivent être prévus pour permettre aux entreprises et aux travailleurs des trois pays à se recycler et de s'ajuster à l'ouverture des marchés.

Aussi, des dispositions et des mesures visant à l'allégement du fardeau de la dette extérieure du Mexique, dette qui constitue un obstacle au développement du pays, le place dans une position de faiblesse face à ses deux partenaires plus développés du nord.

Enfin, pour que la concurrence entre les trois pays soit plus équitable, nous proposons que le traité trinatio-nal comprenne une série de dispositions concernant les droits du travail, dispositions prévoyant aussi bien des mécanismes de surveillance et de mise en application sur des objectifs à atteindre, que ce soit le droit à la syndi-calisation, entre autres, de la fin immédiate du travail des enfants, notamment au Mexique; des mesures qui visent à relever des niveaux de salaires au Mexique pour réduire les écarts salariaux entre les trois pays; des dispositions visant à l'égalisation des salaires pour un travail égal, et ce, sans égard au sexe. Ensuite, la question aussi de l'égalité des droits des immigrants et des immigrantes, particulièrement grave pour les Mexicains avec les États-Unis et l'adoption de politiques visant à maximiser la création d'emplois.

Aussi, une question qui est importante, qui peut servir beaucoup à des compagnies de décider de s'en aller au Mexique, par exemple, l'industrie du meuble de Californie, qui s'est en allée au Mexique parce que les normes de l'environnement sont moins sévères. En ce qui concerne l'environnement, de prévoir des dispositions permettant le maintien et l'amélioration des normes environnementales des pays concernés, ainsi que des mécanismes de contrôle social pour en assurer la mise en application, et prévoir des financements compensatoires pour la réhabilitation de l'environnement dans les régions qui ont subi de graves détériorations écologiques.

En ce qui concerne les droits sociaux, reconnaître les droits de tous et de toutes à des services de santé et d'éducation adéquats, au logement et à la sécurité, et de fixer au niveau du pays le plus avancé des programmes de base auxquels chacun des pays doit souscrire et non, contrairement à ce qui se passe actuellement au Canada avec la question de l'assurance-chômage.

Enfin, pour ce qui est des droits humains, individuels et collectifs, inscrire dans l'accord continental des droits aliénables de liberté de parole, de presse et d'association, et aussi de reconnaître le droit fondamental des femmes à l'autonomie, au travail, à une vie digne et à la sécurité et à la protection contre la violence publique ou familiale, un accès garanti aux services de santé qui leur permettront l'exercice de ces droits et la pleine participation à la vie sociale, et de reconnaître les droits des nations et ethnies de l'Amérique du Nord, tout particulièrement ceux des autochtones.

En fait, ce qui nous semble important dans l'application du traité de libre-échange entre les trois pays, c'est qu'il ne semble pas, il n'y en a pas, finalement, de mécanismes régulateurs — en quelque sorte supranationaux — qui permettraient de faire en sorte qu'un accord soit correctement fait, et, en même temps, qui dans le présent accord, sous des derrières strictement commerciaux, finalement, ont des implications sociales et économiques très importantes qui doivent être résolues.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. Brodeur.

Tel qu'entendu, nous allons débuter la période d'échange, et le temps sera partagé également entre l'Opposition et les ministériels.

Je vais reconnaître d'abord, M. le ministre des Affaires internationales.

M. Ciaccia: Merci beaucoup.

Je voudrais remercier la Coalition pour la présentation de leur mémoire. Vous ne serez pas surpris, évidemment, si je vous dis que je ne partage pas totalement votre point de vue. Mais, cependant, j'ai apprécié l'approche que M. Lachance a suggérée, une approche positive à l'entente. Je suis prêt à discuter avec vous de cette approche positive. Peut-être le temps — pas peut-être — certainement le temps, aujourd'hui, ne nous permettra pas d'aborder tous, tous les sujets, d'aller sur le fond, sur tous les sujets que vous avez soulevés.

Je vais vous donner ma réaction et des informations qui, je crois, peut-être, n'ont pas été tout à fait comprises par vos interprétations, mais, comme je l'ai fait dans le passé, quand je vous ai rencontrés, je suis prêt, encore, à continuer et à poursuivre mes discussions avec vous pour voir comment on peut travailler ensemble pour qu'on puisse tirer avantage des conditions de l'ALENA, du marché nord-américain, parce que l'objectif de notre gouvernement, c'est de créer la prospérité pour les travailleurs et pour les entreprises.

Dans le contexte d'un marché nord-américain, qui sera le marché le plus riche au monde, comment pouvons-nous faire pour les entreprises et pour les travailleurs d'en tirer avantage. (10 h 40)

Je voudrais seulement répondre à certaines affirmations que vous avez faites. Vous avez mentionné, premièrement, qu'au Portugal, en Espagne, certaines conditions avaient été mises de l'avant pour l'intégration de ces économies dans la communauté européenne. Justement, le traité ALENA, ce n'est pas un marché unique. Ce ne sont pas les mêmes conditions que l'intégration totale, économique et politique. C'est un marché de libéralisation des échanges. On n'a pas la mobilité de travailleurs, on n'a pas tout le marché unique que l'Europe a, et il y a certaines contraintes, non seulement des contraintes pour nous, mais des contraintes pour les Mexicains, des contraintes pour les Américains, et des périodes de transition pour certaines industries. Alors, ce n'est pas une ouverture totale, une inondation, où la main-d'oeuvre est mobile du Mexique au Canada, comme dans le traité... la communauté européenne. Et c'est pour ça que certaines des contraintes et des craintes que vous avez apportées ne sont pas tout à fait justifiées parce qu'il y a ces restrictions et ces protections pour nous, dans l'ALENA.

Vous avez mentionné le secteur du vêtement. Vous savez, la ville de Montréal même était ici, hier soir, pour appuyer le secteur du vêtement, mais eux- mêmes ont réalisé, ont accepté que, s'ils n'avaient pas été pour l'entente du libre-échange avec les États-Unis, le secteur du vêtement serait encore en plus grande difficulté parce que, avec l'entente du libre-échange, ils ont pu tripler leurs exportations aux États-Unis. Ça a sauvé l'industrie parce que, dans d'autres secteurs, dans d'autres marchés, ils ont baissé leurs ventes.

Une voix: Le marché interne a diminué.

M. Ciaccia: le marché interne a diminué, les compétitions du reste du monde, ça n'a pas changé, et c'est l'entente du libre-échange qui a permis aux exportations d'aller de 169 000 000 $ à 412 000 000 $, les premiers 9 mois de cette année. et qu'avons-nous fait avec l'alena? nous avons maintenu cet accès au marché américain. c'est vrai qu'il y a une triple transformation, mais pour pallier la triple transformation, on a augmenté sensiblement les quotas, les quotas tarifaires. par exemple, dans les vêtements de coton ou de fibres synthétiques, sur l'entente de libre-échange, il y a 42 000 000 m2, et 27 % seulement de ce quota était utilisé par notre industrie. on a augmenté le quota de 42 000 000 m2 à 80 000 000 m2 — ça donne une marge à l'industie d'expansion — plus une croissance de 2 % par année, et, à la fin de cinq ans, l'entente prévoit que nous pouvons... et nous pouvons augmenter, revoir les quotas à la hausse. je crois... c'est clair que si c'était un «free-for-all», puis on pouvait avoir tout ce qu'on voulait, il n'y aurait pas de contrainte du tout. ça serait, évidemment, mieux, mais les conditions actuelles maintiennent le marché et augmentent leurs possibilités. alors, c'est à nos industries, commes elles l'ont fait dans le passé, d'en tirer avantage. je vais vous donner d'autres chiffres sur les quotas. les tissus et articles confectionnés en coton ou fibres synthétiques, le quota était de 25 000 000 m2 et il était utilisé à 81 %. on l'a augmenté à 65 000 000 m2, pour les prochains cinq ans, avec une croissance de 2 % par année.

Les vêtements en laine — on n'ira pas dans les définitions, parce qu'on n'a pas tout le temps — mais seulement la moitié de ce quota-là est utilisé. Ça a permis à des entreprises, à Montréal, d'augmenter leur chiffre d'affaires de 20 000 000 $ à 80 000 000 $ par année. On l'a maintenu, parce que la moitié utilisée, une croissance de 1 % et révision à la fin de cinq ans. Et votre crainte que les travailleurs vont aller au Mexique, l'industrie ne dit pas ça. Savez-vous pourquoi l'industrie ne dit pas ça? Parce que, si vous lisez l'entente du libre-échange minutieusement, vous allez voir que les quotas tarifaires du Mexique sont extrêmement bas. Une industrie du Québec ne peut pas aller au Mexique pour dire: Bien, je vais faire fabriquer à des moindres coûts, puis je vais exporter aux États-Unis.

Je vais vous donner un exemple d'un quota qui ne peut pas le faire. La laine, c'est 5 000 000 m2, pour nous, 5 067 000 m2. C'est 1 500 000 m2, pour eux. Ils

ont 85 000 000 de population avec un quota de 1 500 000 m2. Pouvez-vous me dire comment l'industrie pourrait aller au Mexique? Ils seraient complètement empêchés de faire leurs exportations. Et c'est une protection que nous avons demandée parce qu'on le sait, les problèmes, on connaît les problèmes de la main-d'oeuvre. Mais même les problèmes de la main-d'oeuvre, il faut être aussi... il faut avoir une dose de réalisme. La main-d'oeuvre est sept fois moins chère, mais la productivité est 6,5 fois moins, aussi. La marge de manoeuvre, il n'y en pas tellement, hein. et vous parlez des «maquiladoras». tout ce que vous dites dans l'industrie de l'automobile existait avant l'alena. les «maquiladoras» ont existé. si general motors est allée là, ce n'est pas l'alena qui l'a envoyée là. la main-d'oeuvre était là, les «maquiladoras», c'était un des... il y avait certaines contraintes, il fallait qu'ils exportent; et l'alena, contrairement à ce que vous dites, nous protège. en augmentant, par exemple, de 50 % à 62 % le contenu d'origine, le contenu local — premièrement, c'a clarifié, parce qu'avant, le 50 %, c'était interprété à la discrétion des américains. le 62 %, avant, il y avait 12 pages sur les règles d'origine; il y en a 130, maintenant. mais en augmentant à 62 %, ça favorise les sous-traitances, les manufacturiers des parties... des «parts» d'automobiles au québec... les pièces d'automobiles au québec; et l'«auto pact» n'a pas été touché, il est maintenu. c'est pour ça que ça protège l'usine de general motors, à sainte-thérèse: le 62 %, l'«auto pact» — le pacte de l'auto — qui a été maintenu, protège les emplois à sainte-thérèse. ça, c'est ce que fait l'alena.

Maintenant, vous parlez des programmes sociaux, vous parlez de la loi 101, vous parlez de notre culture: L'ALENA est un accord commercial, les programmes sociaux sont complètement protégés. Non seulement ils sont protégés, mais c'a donné une pression... c'a créé une pression aux Américains pour qu'ils fassent la même chose que nous. Quand, General Motors, ça leur coûte 700 $ par automobile de plus, en Californie, parce que le coût social, le coût des médicaments, et tout le reste, est 700 $ de plus par automobile, c'est pour ça qu'ils ont fermé leur usine, en Californie, et qu'ils maintiennent celle à Sainte-Thérèse. Nos programmes sociaux, c'est un actif pour nous, et ils ne sont aucunement menacés par l'ALENA, et même, je joindrais le député de Bertrand, hier, quand il a dit que, avec le Mexique, puisqu'ils ont une culture latine, puisqu'ils ont une autre langue, ça va même aider la protection de notre culture et notre langue, parce qu'on a un allié; parce qu'avant, avec l'ALE, c'était strictement les États-Unis, c'était seulement une langue, une autre culture, pas latine. Mais, en dépit de ça, en haut de ça, l'ALENA ne menace pas nos programmes sociaux, il ne menace pas la loi 101, et certainement nos industries culturelles ont été exclues de l'ALENA. Alors, elles ne sont pas menacées.

Les conditions. Je voudrais m'asseoir avec vous, vraiment, pour examiner chacune de ces conditions. Elles ont toutes été respectées. Contrairement à ce que vous dites, il y en a une, condition, qui n'est pas formalisée. La condition qui n'est pas formalisée, c'est la condition — attendez un peu, je vais la retrouver...

Une voix: Attendez. Seule la mise en... Une voix: Page 17.

M. Ciaccia: ...application... Une structure pour la mise en application. Bon, je l'ai devant moi, ici. Excusez.

M. Paquette: À la page 17 de votre document. (10 h 50)

M. Ciaccia: Non, j'ai un autre document. Oui. La mise en place d'une structure de gestion de l'entente, à laquelle nous voulons être associés. Dans les faits, nous l'avons. Les positions que nous avons défendues ont été négociées et acceptées par le gouvernement fédéral. Nous avons maintenu le mécanisme de règlement de différends. Et quand vous parlez qu'on est menacés par les disputes avec les Américains, il faut comprendre qu'il y a 212 000 000 000 $ de chiffre d'affaires entre le Canada et les États-Unis. Ceux qui sont en dispute sont très minimes, mais malgré ça — vous avez mentionné Norsk Hydro — on l'a négocié en notre faveur, Norsk Hydro. Vous mentionnez les disputes sur le porc; aux binationales, on l'a gagnée, et on s'en va aux bina-tionales sur le bois d'oeuvre. L'entente fonctionne, elle nous protège. Les disputes... Sans l'entente, les Américains auraient pu mettre les droits compensatoires, et on n'aurait eu aucun recours; avec l'entente, on a pu aller au tribunal binational qui a lié le Congrès américain et le gouvernement canadien, et on a gagné les disputes. Et ce mécanisme a été maintenu dans l'ALENA.

Vous craignez qu'on ne puisse pas attirer des investissements au Québec. Vous avez mentionné Norsk Hydro, les alumineries. On a des alumineries au Québec qui produisent 14 % de tout l'aluminium mondial. On a pu légitimer notre politique industrielle sur Hydro-Québec et sur nos politiques internes en négociant avec le «Department of Commerce» dans le cadre de l'entente du libre-échange. On a attiré comme investissements Petresa, ici; on a maintenu Marconi, qui a fait des annonces, dernièrement. Ils savaient qu'il y avait l'ALENA. On a appuyé l'ALENA depuis le début.

Et vous craignez, vous dites, les caisses Desjardins. Vous craignez les services financiers, qui pourraient être attaqués et qui pourraient avoir des problèmes avec l'ALENA. La caisse était ici hier, les caisses Desjardins ont approuvé, ont supporté l'ALENA, et même, elles veulent trouver un moyen d'informer les PME pour en tirer avantage. Et la Caisse de dépôt est protégée, c'est un monopole d'État. Nous avons spécifiquement des droits dans l'ALENA pour «antérioriser» certaines lois et règlements. Nous avons deux ans pour

le faire, et je peux vous garantir que nous allons protéger la Caisse de dépôt parce que l'ALENA nous le permet. Et pourquoi on a deux ans? Parce qu'on a maintenu la juridiction du Québec dans les secteurs qui sont décisionnels pour le Québec. On a respecté, et le gouvernement fédéral a respecté les juridictions provinciales et les juridictions fédérales. C'est pour ça la question de deux ans.

Sur les mesures d'adaptation, vous avez dit qu'il n'y avait pas eu de mesures d'adaptation. Je pourrais vous faire une liste de mesures d'adaptation de la main-d'oeuvre, et je suis prêt à m'asseoir avec vous et, si cette liste n'est pas suffisante ou s'il y a des aménagements à faire, on est prêts à en discuter. Le paiement de transfert aux entreprises par les ministères en 1992-1993 — c'est de l'adaptation, ça — c'est 960 000 000 $; le Fonds de développement technologique, on a dépensé 70 000 000 $ sur 350 000 000 $; la Société Innovatech: 300 000 000 $ à investir d'ici 1997; le crédit d'impôt pour les entreprises, en deux ans, près de 200 000 travailleurs, dont environ 175 000 en 1992, ont reçu de la formation dans le cadre de ce programme, et 90 % des entreprises qui ont utilisé ce programme s'en disent satisfaites. On a un nouveau programme, la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, à partir d'avril 1993.

Ça, ce sont tous des programmes qui existent, des nouveaux programmes qui sont mis en place, mais s'il y a des améliorations à faire, moi, je suis prêt à m'asseoir avec vous et à faire les représentations qui s'imposent aux différents autres ministères, parce que ma responsabilité, c'est les négociations de l'ALENA, c'est les conditions qui sont propices pour le développement de l'économie québécoise. Je peux travailler avec vous, avec mes autres collègues, pour voir comment nous pouvons mettre sur pied des mesures additionnelles pour aider les travailleurs.

On m'indique que mon temps...

Le Président (M. Dauphin): Alors, vous avez droit à 20 minutes et vous avez utilisé 17 minutes, à date.

M. Ciaccia: Bon. Alors, je vais arrêter pour le moment, mais...

Le Président (M. Dauphin): Ce qui laisserait trois minutes à nos invités.

M. Paquette: On prendra une minute chacun, là!

Une voix: Écoutez...

M. Paquette: Mais je veux vous mettre en garde, là, parce que l'Accord de libre-échange nord-américain, le débat commence. Si vous appuyez la démarche du gouvernement conservateur, de passer ça à la vapeur contre la volonté des Canadiens et des Québécois, je peux vous garantir, comme le gouvernement conservateur, que le gouvernement libéral va en subir les conséquences. Moi, je suis prêt — et je pense que mes collègues aussi — à m'asseoir avec vous pour discuter, parce qu'on la maintient, cette attitude positive là, mais elle pourrait rapidement devenir, sous la pression de nos membres et de la population, une attitude négative, comme ça existe présentement dans le Canada anglais, et, nous, ce n'est pas du tout ce qu'on souhaite. Dans ce sens-là, il faut qu'on ait du temps pour s'asseoir et discuter, parce que vous avez certaines interprétations qu'on ne partage pas. Il y a peut-être des informations dont on aurait besoin. Dans ce sens-là, je pense qu'il faut qu'on soit très clair: Pour nous, avec cette commission-ci, le débat s'ouvre au Québec et ne se clôt pas. J'espère que votre invitation tiendra dans les prochains jours pour qu'on puisse se rencontrer pour développer un certain nombre de points.

Moi, j'en donnerais juste deux, parce que, évidemment, on a juste trois minutes. Ce qui nous inquiète, effectivement, ce n'est pas comme en Europe... En Europe, ils ont décidé, eux autres, que c'était la mobilité de la main-d'oeuvre vers les espaces économiques où il y avait de l'activité économique. Nous, ici, en Amérique du Nord, le choix qui a été fait — pas par nous — c'est la mobilité des investissements, là où la main-d'oeuvre n'est pas chère. Alors, ce qui nous inquiète, là, c'est que l'Accord de libre-échange nord-américain, ce n'est pas un simple traité commercial, c'est un traité d'investissements, et, dans l'Accord, il y a des garanties du gouvernement mexicain qu'il n'y aura pas d'expropriations d'entreprises américaines ou canadiennes. Dans ce sens-là, ça va apporter une stabilité qui n'existait pas avant.

Deuxième élément. Quand vous parlez du vêtement comme de l'ensemble des exportations canadiennes aux États-Unis, vous oubliez de parler de l'inverse: il y a eu deux fois et demie plus d'exportations américaines au Canada depuis l'introduction de l'Accord de libre-échange nord-américain — pas nord-américain, mais canadien — que d'exportations canadiennes vers les États-Unis. Donc, il faut mettre tous les chiffres sur la table. Je pense que, effectivement, on n'a pas le temps, ce matin, avec le temps qui nous est imparti, pour terminer ou conclure ce débat-là. On a simplement le temps de l'amorcer, mais je veux vous mettre en garde, quand même, sur les effets que pourrait avoir une démarche forcée sur cette question-là.

M. Ducharme: M. le ministre, moi, je vous ai donné des informations privilégiées. Vous pouvez, à ce moment-là, être très surpris. On patauge avec les multinationales les plus puissantes au monde, qui n'aident pas ceux qui sont dans les mineures. Quand les présidents de ces compagnies-là, les yeux dans les yeux, parlent de la Caisse de dépôt et placement, questionnent le Mouvement Desjardins comme étant une coopérative — pas

soumise aux mêmes règles du jeu que les banques — ce n'est pas des avertissements que ce monde-là nous donne? le traité... je vais vous parler du traité de libre-échange, l'ale — l'alena, on n'en a pas d'expérience — mais les milliers d'emplois qu'on a perdus, maintenant, dans le secteur des pièces d'automobiles, 20 000 emplois perdus. pas 20 000 emplois disparus: perdus au canada, retrouvés dans le fin fond des états-unis, à bas salaire, et dans les «maquiladoras». des compagnies canadiennes: bendix, qui a déménagé ses usines dans les «maquiladoras», 500 000 travailleurs dans les «maquiladoras». allez à matamoros, aller à reynosa, pas des emplois qu'on a créés, on a déplacé du monde. moi, m. le ministre, je vous ai donné ça, pourquoi? je ne vous dis pas, à ce moment-là, de tout lancer pardessus bord. tenez-vous debout, là-dedans! si vous, à ce moment-là, vous ne vous tenez pas debout... vous m'avez parlé du contenu, vous avez utilisé le mot «contenu local» dans le contenu de l'automobile; ce n'est pas un contenu local qu'on a, c'est un contenu nord-américain, c'est les américains qui ont voulu ça, maintenant, pour tripoter à l'intérieur de ça, pour être capables de déterminer où ils vont placer les usines, les usines de pièces, comment ils vont orchestrer tout ça. et c'est les trois grands de l'automobile qui ont voulu ça, ce n'est pas le gouvernement américain qui est arrivé avec ça. le pacte de l'auto à 60 %, ça voulait dire: une auto vendue au canada, une auto assemblée au canada. c'est ça que ça voulait dire; ce n'est plus ça qu'on a, maintenant.

M. Ciaccia: Alors, c'est juste pour dire... Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Ciaccia: ...que je suis prêt à vous rencontrer et à poursuivre la discussion avec vous. On n'est pas totalement d'accord sur l'interprétation de certains chiffres. Ce que vous dites sur l'automobile, ça a existé avant l'ALENA, ce n'est pas l'ALENA qui a créé ça, mais je suis prêt à vous... Les «maquiladoras»...

Une voix: Oui, d'accord, on parle de l'ALE...

M. Ciaccia: Oui.

Une voix: ...pas de l'ALENA.

M. Ciaccia: Mais même l'ALE, les «maquiladoras» ont existé avant l'ALE. Mais si on a... En termes de consultation...

M. Ducharme: Les déménagements se sont faits en 1989.

M. Ciaccia: Juste faire le point, on a commencé les consultations, ça fait longtemps qu'on a consulté différents moyens, mais...

M. Paquette: Sauf qu'on ne connaît pas le contenu de l'Accord...

M. Ciaccia: ...je suis prêt à poursuivre avec vous, et il n'est pas question de dire...

M. Paquette: ...que depuis deux mois. (11 heures)

M. Ciaccia: ...on va aller presser au rouleau compresseur pour faire adopter l'ALENA, c'est pour ça qu'on est ici, pour voir les différents points de vue. Mais je réitère ma volonté de vous rencontrer, avec les gens de mon ministère, et voir comment on peut agir en termes d'améliorer certaines conditions. Quand vous parliez de la Caisse de dépôt et des caisses, elles sont complètement protégées dans l'ALENA. Mais on peut revoir tous ces aspects-là et poursuivre nos discussions.

Une voix: Mais...

Le Président (M. Dauphin): Merci.

Si vous le permettez, je vais passer à l'Opposition officielle, malgré que tous les membres sont ici, également. Pour le temps, l'Opposition officielle, soyez sans crainte.

Alors, M. le député de Bertrand.

M. Beaulne: Merci, M. le Président.

D'abord, je tiens à vous féliciter pour l'excellence de votre mémoire. Je pense que c'est un des mémoires qui va au coeur du sujet, qui soulève l'ensemble de la problématique. Et la mise en garde que vous faites, je pense que c'est la mise en garde, peut-être, la plus appropriée qu'on pourrait tirer comme conclusion de cette commission, c'est-à-dire le danger qui nous guette d'approuver un accord à toute vapeur et de ne pas prévoir les faiblesses qui ont été démontrées dans la signature du premier accord avec les États-Unis.

Ceci étant dit, je n'ai pas l'intention de faire un monologue — comme l'a fait le ministre — pour justifier quoi que ce soit, puisque l'objectif de cette commission est d'écouter les intervenants et non pas de leur livrer un discours d'explications. Je me limiterai simplement à souligner que je ne partage pas l'optimisme débordant du ministre, en particulier lorsqu'il parle de l'adaptation dans les secteurs mous, et, entre autres, dans le domaine du vêtement. Hier, on a eu les représentants de la ville de Montréal qui sont venus nous expliquer leur inquiétude quant à ce secteur-là. Tout à l'heure, on va entendre les représentants de l'industrie du vêtement. Et lorsque le ministre dit qu'au bout de cinq ans on peut réviser à la hausse les quotas, moi, je ne me satisfais pas de cette garantie-là, puisque personne d'entre nous n'a une boule de cristal et même, au contraire. Si on se fie à la façon dont les discussions sur les subventions acceptables ou non acceptables ont été, en quelque sorte, reportées à plus tard — pour ne pas dire aux calendes grecques, jusqu'ici, ouvrant la porte à

des litiges — je pense qu'on doit, effectivement, prendre des mesures sérieuses. Et quand on songe que l'industrie pharmaceutique, grâce à l'ALENA, a obtenu une extension de protection de 20 ans, je pense qu'effectivement il y a une marge de manoeuvre pour obtenir une période d'adaptation un peu plus longue pour les secteurs qui seraient les plus vulnérables dans cet accord-là.

Ceci étant dit, ça m'amène à vous poser la première question. Dans votre mémoire, vous soulevez une préoccupation majeure qui est celle de la propension des Américains aux litiges. D'ailleurs, on le voit facilement dans tous les secteurs, que ce soit dans le domaine de la santé, dans les... dans n'importe quel secteur que ce soit, les Américains ont une sorte de propension naturelle aux litiges, à porter n'importe quoi devant les tribunaux. Et votre crainte vient d'être corroborée, effectivement, par une étude que vient de publier l'Institut CD. Howe qui révèle que, pour la décennie de 1980-1990, les États-Unis ont été les champions mondiaux des droits compensatoires, étant à l'origine de 58 % des cas. Étant donné qu'on avait prévu que, dans l'Accord de libre-échange avec les États-Unis, on s'entendrait dans un laps de temps raisonnable sur la définition de subventions acceptables — ce qui ouvre la porte, effectivement, à toutes les surtaxes et à toutes les poursuites qu'on a vues contre le bois d'oeuvre, Norsk Hydro, ainsi de suite — et compte tenu du fait que ce débat-là a été reporté au GATT, et que le GATT ne nous a donné aucune indication de l'échéancier qu'il s'était fixé pour régler cette question-là, comment prévoyez-vous, ou quelle mesure voudriez-vous voir mise de l'avant pour qu'en attendant que le GATT se prononce sur cette question-là on n'ouvre pas l'ensemble de nos champs d'ententes à des accords qui, pendant ce temps-là, il ne faut pas l'oublier, pénalisent nos industries? Parce que les surtaxes s'appliquent dès que la poursuite est entreprise et sont éliminées lorsqu'on fait la preuve qu'elles ne sont pas justifiées. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Dauphin): M. Paquette.

M. Paquette: Oui, excusez. C'est l'habitude.

D'abord, je dois vous dire, je reviens d'un voyage de trois semaines aux États-Unis, à l'invitation du gouvernement américain, justement sur l'Accord de libre-échange nord-américain. Mais, entre temps, l'administration ayant changé, ils n'avaient plus de discours officiel à m'offrir partout où je suis passé — avec d'autres Canadiens d'ailleurs — et c'est une stratégie délibérée de l'industrie américaine de contester systématiquement les pratiques de l'industrie québécoise et canadienne quand ils se sentent menacés sur leur propre espace économique. Question de gagner du temps, question de faire peur à la clientèle, bon, etc., etc. On sait aussi que les plaintes sont faites en fonction de la loi américaine, et, dernièrement, on a gagné sur le cas du blé, et le sénateur de l'État en question a dit qu'il allait faire pression pour que le Congrès change la loi. Probablement que c'est une... disons, assez téméraire de sa part, mais ça montre à quel point, actuellement, nos mécanismes de règlement de disputes sont précaires. Moi, je pense qu'on doit — et je pense que c'est la position qu'on développe — il faut enclencher des négo-cations, immédiatement, sur la définition de «subvention», et je dirais qu'on va plus loin que le gouvernement libéral et le gouvernement conservateur. Nous, on cherche à développer un espace économique communautaire plus que libre-échangiste, mais jusque-là, je pense que la seule façon qu'on a de répondre aux mesures des tribunaux américains, c'est de nous-mêmes faire preuve de fermeté dans les disputes commerciales et, là-dessus, des avocats américains m'ont dit ne pas comprendre la façon dont l'industrie canadienne et québécoise se comportaient et n'utilisaient pas suffisamment les recours aux tribunaux dans le cas de pratiques qui pourraient paraître douteuses de la part de l'industrie américaine.

L'autre élément, aussi, qui me semble bien important, c'est que, dans le cas de notre industrie ici, au Québec, les mesures d'adaptation sont toujours insuffisantes, et ça aussi, je pense qu'on n'a pas besoin de la permission des Américains pour améliorer notre formation professionnelle. Je vous avais fait référence, la formation professionnelle... Le rapport de Grandpré proposait 1 % de la masse salariale en formation professionnelle. On m'a dit que ce n'était pas le temps, et là, on va nous répéter que ce n'est pas le temps encore. Nous, on pense que, maintenant, c'est le temps, effectivement, d'avoir des mesures d'ajustement plus développées et une attitude agressive, aussi, face à l'industrie américaine, et ça, on peut se féliciter que M. Wilson ait décidé d'imposer des droits sur l'acier américain après les mesures annoncées par le gouvernement américain.

Alors, c'est à peu près... Je ne sais pas si Claude ou Daniel veulent rajouter quelque chose.

M. Beaulne: Bon. Ma deuxième question concerne justement les mesures d'adaptation dont vous avez souligné, effectivement, l'importance dans votre mémoire. Vous avez rappelé ce qui se faisait en Europe. Le ministre a invoqué des technicalités pour dire que ça ne pouvait pas se faire exactement de la même façon, ici.

Quelles mesures d'ajustement... Parmi l'ensemble des mesures d'ajustement, lesquelles vous apparaissent prioritaires? Et j'aimerais également entendre vos commentaires par rapport à l'énumération de millions de dollars qui auraient été insufflés dans toutes sortes de programmes d'adaptation qu'a mentionnés le ministre. C'est bien beau de parler de millions, mais j'aimerais entendre vos commentaires sur l'efficacité de ces programmes qui ont été mis de l'avant jusqu'ici, parce que je pense que se limiter à investir des sommes de millions de dollars sans en vérifier l'efficacité ne répond pas exactement aux préoccupations que vous auriez.

Alors, quelles sont, d'après vous, les mesures d'ajustement prioritaires et, deuxièmement, quels sont vos commentaires sur l'efficacité des mesures qui, jusqu'ici, ont été appliquées pour la formation de la main-d'oeuvre ou le recyclage de la main-d'oeuvre, également?

Le Président CM. Dauphin): M. Paquette.

M. Paquette: Je pense que, pour nous, c'est très clair qu'il doit y avoir deux sortes de mesures. La première touche les travailleurs et les travailleuses qui vont être affectés dans certains secteurs par la restructuration économique, et là, je pense qu'il faut être très clair. On ne veut pas de mesures spécifiques à la restructuration due à l'Accord de libre-échange ou libre-échange nord-américain. Ce qu'on veut, d'ailleurs, les Américains, c'est ce qu'ils ont et ils ne dépensent pas d'argent là-dedans, parce qu'on a toujours la difficulté de distinguer. Donc, c'est très clair qu'on veut un renforcement de mesures générales face à la restructuration économique en termes de recyclage, de formation professionnelle, d'aménagement du temps de travail — et même, je pense que dans des périodes de transition, c'est important. Il y avait un programme qui existe — malheureusement, qui n'est pas appliqué — c'est le Programme d'aménagement concerté du temps de travail, qui nous a aidé dans plusieurs cas où on a été obligé de faire des changements technologiques pour faire face à la concurrence, particulièrement dans le papier, et qui... disons, existe toujours, mais il n'y a plus de crédits pour, malheureusement.

Alors, ça... Il existe des programmes et il y en a à inventer pour aider à l'adaptation des travailleurs. Mais il y a aussi l'appui à l'industrie, et je pense que, là-dessus, le gouvernement a fait certains avancés — on parlait d'Innovatech — mais qui n'ont pas encore démarré et, dans ce sens-là, on presse le gouvernement non seulement à démarrer Innovatech, mais à multiplier les mesures de ce type d'appui aux entreprises de haute technologie ou à valeur ajoutée importante. Et il me semble important, aussi, que le gouvernement mette sur pied un programme pour aider l'industrie à réorganiser le travail. (11 h 10)

Le gouvernement vient d'adopter une mesure d'incitation pour investir dans l'entreprise, pour que les travailleurs investissent dans leur entreprise. Nous, ça ne nous semble pas le problème. Il existe énormément de fonds, actuellement, pour aider l'industrie, disons, à trouver le capital de risque dont elle a besoin. Le problème, c'est que, dans la réorganisation du travail, les industries ne savent pas par où commencer et elles n'ont pas de moyens, de ressources. Il me semble que ça serait extrêmement important de développer un programme là-dessus.

Pour ce qui est de l'efficacité, je pense que le débat public en a jugé, particulièrement au niveau de la formation professionnelle. Je pense qu'on réitère toujours notre demande à l'effet qu'il n'y ait qu'un gouvernement qui s'en occupe et que ce soit le gouvernement du Québec et, là-dessus, on a appuyé la démarche du ministre Bourbeau face au gouvernement fédéral, en particulier le ministre Valcourt.

Je pense que, pour le reste, le débat public a été assez clair sur l'ensemble des résultats qu'on a pu attendre, jusqu'à présent, de ces mesures-là, qui sont insuffisantes. Il y a de bonnes initiatives. Je ne pense pas qu'on puisse rejeter l'ensemble du revers de la main, mais il y a encore des efforts importants à faire à ce niveau-là.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le député de Bertrand.

M. Beaulne: Une troisième question. Dans votre mémoire, vous êtes préoccupés, également, par l'impact que peut avoir l'écart salarial entre le Québec et le Mexique. J'aimerais entendre vos commentaires sur le fait suivant, qu'on a relevé à la fois à Hong Kong, qui commence à se développer en Corée et qu'a vécu le Japon lui-même dans les années qui ont suivi la Deuxième Guerre mondiale, c'est-à-dire que, dans tous les pays où une sorte d'activité industrielle s'est installée, on a vu, non pas des diminutions à la baisse des salaires, mais plutôt des pressions à la hausse, de sorte que le Japon est passé par cette phase-là, Hong Kong de la même façon et, maintenant, la Corée.

Alors, qu'est-ce qui nous fait dire que le Mexique — à mesure que les programmes d'industrialisation donnent leur impact — que les écarts salariaux entre le Québec et le Mexique ne se rétréciraient pas, non pas à la baisse, mais plutôt à la hausse de la part des Mexicains?

Le Président (M. Dauphin): M. Ducharme.

M. Ducharme: C'est parce que c'est tout le système, au Mexique, qui devrait être transformé. Je vais vous donner seulement deux exemples dans l'industrie automobile, et pas des petites usines. La dernière, c'est l'usine de Volkswagen, 16 000 travailleurs et travailleuses dans l'usine congédiés, 16 000 travailleurs ont été congédiés parce qu'ils réclamaient, à l'intérieur de l'usine, des conditions plus décentes. L'employeur voulait baisser leur salaire, baisser leurs conditions de travail. On les a congédiés. On a annulé la convention collective et, le lendemain, on a réembauché. Le cas de Ford — l'usine de Ford, au Mexique — une autre usine. 22 000 travailleurs. On a rentré 400 personnes armées dans l'usine. On a assassiné des personnes. On les a congédiées et, le lendemain, on a réembauché ces personnes-là. Les deux cas — Ford et Volkswagen — deux cas, là, au Mexique. Alors, c'est tout le système mexicain qu'il faut changer.

Alors, là-dessus, c'est certain qu'il va y avoir des

améliorations dans les conditions de travail. C'est certain qu'il y a des salaires qui vont augmenter, mais quand on part, maintenant, dans l'industrie où un salaire d'une journée, à ce moment-là, pour un travailleur mexicain, représente le taux horaire, disons, d'un travailleur ici, il y a énormément de progrès à faire. La grande partie, ce sont des femmes sur le milieu du travail, et ça me surprend que ces grandes causes là, hein, qui sont à la grandeur du monde...

Quand on est allés au Mexique, on est allés visiter une personne qui était à l'hôpital, emprisonnée par le gouvernement mexicain, un grand chef syndical, Agapi-to Gonzalez, qui, dans les «maquiladoras», luttait pour le droit des femmes. Et quand on a commencé les pourparlers sur le libre-échange à trois, on l'a emprisonné. Il y a eu une intervention mondiale pour sa libération. On l'a mis à l'hôpital. Pourquoi? On a craint, au Mexique, que cette homme-là aille sur la place publique, commencer à dire aux travailleurs et aux travailleuses mexicaines ce qui se produirait avec le traité de l'ALENA. Alors, avant que cet écart-là soit comblé, il va y avoir bien des années qui vont passer. On ne pourra pas...

Maintenant, la dette extérieure du Mexique — 100 000 000 000 $ — on ne peut pas ignorer ça non plus. Et le système d'impunité qui existe au Mexique. Et quand je vous ai mentionné l'affaire de Ford, il y un mandat d'amener par la police pour la personne responsable de cet assassinat chez Ford, et on ne l'a jamais amenée. C'est le directeur du personnel de l'usine de Ford, à la frontière de la Californie et du Mexique. O.K.?

Ça, c'est ce qui se passe au Mexique. Et ça, c'est des choses très importantes qu'il faut savoir quand on va rentrer dans tout ce traité-là. Alors, si le système d'impunité n'est pas corrigé, et si les droits humains et toutes ces choses-là... eh bien, les salaires ne monteront pas.

Le Président (M. Dauphin): M. Lachance, vous voulez ajouter quelque chose?

M. Lachance: Oui, deux choses. La première chose, c'est qu'on assiste, au Mexique, à des baisses de salaire réelles depuis une dizaine d'années. Donc, on n'est pas dans une situation de hausse de salaires, mais plutôt de baisse de salaires.

La deuxième chose — ce sera une réaction en même temps aux propos du ministre tantôt, mais dans le cadre de la question de M. Beaulne. C'est pour ça qu'on parle plus, nous, d'un pacte de développement, du développement d'un espace communautaire plutôt que de simplement parler d'un pacte commercial. Il y a des moyens à mettre en place, et c'est vrai que ce n'est pas nécessairement comparable, M. le ministre, la Communauté économique européenne, le processus d'intégration et celui auquel on assiste en Amérique du Nord et dans les deux Amériques. Ce n'est pas nous qui avons fait cette comparaison-là, c'est le gouvernement fédéral, mais ça nous a amenés à regarder quelles mesures avaient été mises en place, justement, pour hausser le niveau au Portugal et en Espagne, et on pense que dans un pacte de développement où, pour la première fois, le Québec, le Canada sont en mesure de développer leurs échanges commerciaux avec le Mexique — et bientôt avec le Chili, et bientôt avec la Colombie — de telles mesures, sans les calquer, en les adaptant à notre réalité, de telles mesures permettront, non pas le nivellement vers le bas, mais l'élévation du niveau de vie de l'ensemble des populations, qu'elles soient mexicaines, canadiennes, québécoises ou américaines. Dans ce sens-là, par exemple, la mise en place... l'idée de la mise en place d'une banque nord-américaine de développement, où l'ensemble... où les pays du nord iraient de leur contribution, permettant au Mexique, soit dans des programmes de formation professionnelle, d'élévation de la qualification professionnelle des travailleuses et des travailleurs mexicains, etc. Permettre aux Mexicains d'élever les normes environnementales, ça prend de l'argent pour ça. Il y a des milliards là-dedans. On pourrait commencer modestement, mais il y a des moyens très concrets qui peuvent être mis en place.

Je termine en disant que c'est parce que tout ça peut être mis en place et parce que M. Clinton a ouvert un espace — en parlant d'accord parallèle, mais sans dire ce qu'il y avait dedans — qu'il ne faut pas se précipiter dans la ratification de cet accord-là, à ce moment-ci. Il faut profiter stratégiquement de la période que nous avons devant nous pour faire monter les enchères et améliorer cet accord. Si le gouvernement du Québec donne son aval à la stratégie fédérale, quels pouvoirs de négociation aurons-nous pour faire monter les enchères quand M. Clinton mettra sur la table ce qu'il met sur l'environnement et les normes du travail? Il ne faut pas être spécialiste en négociations pour savoir qu'on est mieux de profiter de cette période-là pour participer à cette négociation-là plutôt que d'avoir dit: On a ratifié, nous autres, et réglez ça. Après, on va laisser les Mexicains et les Américains dire ce qu'ils pensent des normes du travail et de l'environnement ou de ce qui pourrait être mis sur la table, mises à part ces deux questions.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. Lachance.

Il reste seulement deux minutes et demie, et je sais que Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve aurait aimé poser des questions aussi. Alors, deux minutes et demie à votre formation.

M. Beaulne: J'ai une dernière question rapide.

Vous avez une grande préoccupation pour l'environnement. Vous avez une préoccupation pour l'environnement, d'ailleurs, comme l'a démontré, également, le mémoire des caisses Desjardins, hier. On semble oublier qu'au début des années soixante-dix — c'est assez curieux — mais il y avait eu un projet de conven-

tion, de contrôle des activités des multinationales qui avait été mis de l'avant aux Nations unies, justement par le Canada et le Mexique. À ce moment-là, c'était M. Echeverria qui était président du Mexique, et Pierre Trudeau qui était premier ministre du Canada.

Est-ce que vous pensez que ça serait le moment, peut-être, de réactiver cette convention-là, puisque c'était particulièrement le Mexique et le Canada qui en avaient été les instigateurs?

M. Brodeur: II me semble que, sur cette question-là, il ne faut refuser aucune des hypothèses, mais ce qui semble le plus sûr, il me semble aussi, c'est que, à l'intérieur même du traité actuel, il faut penser à des modifications substantielles pour que les normes appliquées soient les plus sévères et non pas les moins sévères, comme bas de gamme, en fin de compte. Parce que ce qui se passe beaucoup, à l'heure actuelle, c'est que beaucoup d'entreprises sont tentées d'aller du côté du Mexique ou sont tentées de marchander auprès des gouvernements, ici au nord, pour dire: Si vous ne nous laissez pas faire, on va aller au sud. Et finalement, cette question de chantage là, il faut la régler d'une certaine façon en ayant des règles strictes de résolution de ces questions-là.

M. Beaulne: Merci.

Le Président (M. Dauphin): En une minute, Mme la députée.

Mme Harel: Je pense que je préfère donner la parole à M. Langlois. (11 h 20)

Le Président (M. Dauphin): D'accord. M. Langlois.

M. Langlois (Richard): Simplement ajouter quelques mots au sujet de la question du nivellement, nivellement à la hausse ou à la baisse.

C'est une question qui demeure ouverte à ce stade-ci, c'est certain, mais il faut resituer ça dans le cadre de la guerre commerciale des grands blocs à l'échelle mondiale. Les États-Unis, l'ALENA, pour eux, c'est en grande partie une réponse à la perte de vitesse que connaît leur économie, en termes de compétitivité et de productivité par rapport aux grands blocs européen et asiatique. Il n'est pas du tout évident qu'à court terme ou à moyen terme le redéploiement de l'économie américaine passe par le relèvement des conditions au Mexique. D'ailleurs, de toute façon, on constate depuis une dizaine d'années que la restructuration économique, les effets qu'elle produit au Canada, aux États-Unis et au Mexique, c'est une baisse des salaires réels dans les trois pays.

Mme Harel: J'aimerais quelques secondes...

Le Président (M. Dauphin): Malheureusement, c'est terminé, Mme la députée.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Dauphin): C'est que nous avons déjà débordé de 5, 10 minutes. À moins que... C'est parce qu'on a une journée très chargée, moi, ça ne me dérange pas.

M. Ciaccia: M. le Président, si j'avais du temps, je le laisserais volontairement à Mme la députée... Peut-être deux minutes, peut-être...

Le Président (M. Dauphin): ...à Mme la députée.

Je regrette, c'est parce qu'on a déjà dépassé notre temps de plusieurs minutes. Je sais qu'on pourrait passer la journée là-dessus.

M. Paquette: On a une invitation pour la semaine prochaine, alors, on poursuivra ça à ce moment-là. On vous remercie.

Le Président (M. Dauphin): Moi, je n'ai pas d'objection, sauf qu'on a encore cinq, six groupes, on va être en retard sur tout. L'effet domino est là, hein? Ça va?

M. Ciaccia: Peut-être juste remercier... S'il n'y a pas d'objection...

Le Président (M. Dauphin): À moins, Mme la députée, que ce soit très court.

M. Ciaccia: Mme la députée...

Le Président (M. Dauphin): Très court, réponse courte, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. Elle est tellement sympathique. Allez-y, Mme la députée.

Mme Harel: Écoutez, avec le consentement du ministre... Évidemment, j'aurais voulu vous interroger sur les programmes d'adaptation, le PATA qui ne marche pas, les crédits d'impôt qui ne fonctionnent pas comme ils auraient dû — ce n'est que le tiers qui a été dépensé sur les 100 000 000 $ qui avaient été annoncés — sur les modalités lors des licenciements dans les cas de fermeture d'entreprises qui n'existent pas encore. Je sais qu'avec le cas de Philips, vous les réclamez de toute urgence, ce que l'Ontario même a, elle, mis en place depuis trois ans, qui n'existe pas et qui permet des fermetures à rabais, ici, au Québec, mais ce n'est pas de ça dont je parlerai, tout simplement...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Je ne sais pas si vous avez pris connaissance d'un document qui a été préparé par le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, qui s'intitule «Salaires et relations du travail dans un contexte de libre-échange américain. La comparaison Mexique-Québec», et ça date d'octobre 1992. C'est extrêmement fouillé et ça indique — je termine là-dessus simplement — que l'écart salarial s'est creusé entre le Mexique et le Québec, le Canada et les États-Unis, et qu'une rémunération horaire moyenne au sein du secteur manufacturier, incluant toutes les charges sociales, équivaut à 1,18 $ canadiens au Mexique, à 14,75 $ au Canada et 17,70 $ aux États-Unis. Il va falloir pas mal de productivité pour combler cet écart-là.

Le Président (M. Dauphin): Ça va? Alors, je vous remercie.

M. le ministre, 30 secondes.

M. Ciaccia: Je veux vous remercier sincèrement parce que je crois que les différences qui peuvent exister entre nous sont des différences d'interprétation. Ce ne sont pas des différences d'objectifs, et, ce que je voudrais faire avec vous, c'est de créer, vraiment, un partenariat non seulement pour dire: On va conquérir de nouveaux marchés, mais il faut aussi être très préoccupé par la qualité de vie de ceux qui seront affectés, que ce soit ici ou que ce soit au Mexique.

Pour votre information, les négociations trilatérales commencent le 17 mars, et peut-être que c'est une occasion pour nous, vraiment, d'avoir des suggestions très intéressantes en termes de l'environnement, en termes des normes de travail. Alors, il me fera grand plaisir de vous rencontrer et de poursuivre ces objectifs avec vous, et je vous remercie encore une fois.

M. Paquette: Pour votre information, à la fin mars, on va tous à Washington, les quatre coalitions, faire pression sur le Congrès américain. Alors, c'est pour vous dire qu'on suit ça de proche.

Le Président (M. Dauphin): Merci.

Alors, messieurs, merci d'avoir accepté notre invitation. On s'excuse, nous aurions pu passer la journée au complet, c'était très intéressant. Bon retour!

Nous suspendons trois minutes et, en attendant, nous demandons à la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante de s'installer à la table des invités.

(Suspension de la séance à 11 h 24)

(Reprise à 11 h 31)

Le Président (M, Dauphin): ...reprendre, et c'est avec plaisir que nous accueillons la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, représentée par M.

Michel Décary, qui est vice-président, et M. Pierre Cléroux, qui est économiste principal.

Alors, bienvenue, messieurs. Alors, nous avons une période d'une heure, normalement, 20-20-20, un tiers, un tiers, un tiers, pour, premièrement, procéder à votre exposé dans le premier tiers.

Bienvenue.

Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI)

M. Décary (Michel): D'accord. Merci, M. le Président.

Comme groupe représentant les petites entreprises, nous avons constaté que l'on considère souvent que les questions d'échanges commerciaux avec l'étranger sont bien plus du domaine des grandes entreprises. C'est toutefois moins le cas aujourd'hui, c'est moins vrai que jamais, si jamais ça a été le cas. Nous constatons que beaucoup de PME membres de la Fédération exportent activement de leur propre chef, et qu'elles ont aussi des liens divers avec des grandes entreprises, elles-mêmes exportatrices. On commence, en général, à reconnaître dans les études qu'un secteur de la petite entreprise compétitif et flexible est un rouage essentiel de toute l'économie compétitive sur la scène internationale. Nous constatons maintenant que l'on reconnaît de plus en plus que le secteur des petites entreprises contribue au commerce international, à la fois directement et indirectement.

Dans tous les sondages que nous avons effectués auprès de nos membres au sujet des questions commerciales, nous avons constaté qu'ils sont en général favorables à l'ouverture des relations commerciales. Nous avons constaté aussi que, si les propriétaires des petites entreprises appuient la libéralisation du commerce, c'est parce qu'ils comptent plus sur les forces du marché que sur l'interventionnisme des gouvernements ou sur l'attente de retombées directes, tangibles sur elles, qui découleront d'une réduction des obstacles au commerce ou de l'ouverture des arrangements commerciaux. Et, croyez-moi, sur les questions entourant l'Accord de libre-échange avec les États-Unis et l'ALENA, notre Fédération a fait plusieurs sondages depuis 1988.

Je vais demander, maintenant, à notre économiste principal, M. Cléroux, de vous présenter les résultats qui se dégagent de tout ce travail de consultation, ainsi que les interprétations qu'on en fait.

Le Président (M. Dauphin): M. Cléroux.

M. Cléroux (Pierre): Merci, Michel.

Pour ce qui est de l'Accord de libre-échange Canada—États-Unis, les premières études que nous avons effectuées en 1988, avant même la mise en oeuvre de l'Accord, ont révélé que beaucoup de nos membres étaient en faveur de l'ALE. Nous avons procédé à un sondage au début de 1991, donc, environ deux ans après

l'entrée en vigueur de F ALE, simplement pour déterminer ce qu'on pensait de la situation jusqu'à ce moment-là. Nos premiers résultats ont révélé que nos membres appuyaient fermement l'accord bilatéral. J'admets que, deux ans plus tard, le stade du cycle économique et beaucoup d'autres facteurs ont changé. Chose intéressante, toutefois, nos membres appuient toujours fermement le libre-échange avec les États-Unis, même dans des conditions difficiles. Curieusement, les petites entreprises appuyaient quand même l'Accord de libre-échange, malgré des facteurs négatifs comme la montée très rapide du dollar canadien, des taux d'intérêt élevés au Canada, qui, à un moment donné, ont dépassé les taux américains de 6 points de pourcentage; malgré, aussi, un niveau d'imposition généralement plus élevé au Québec et la mise en oeuvre d'une nouvelle taxe très coûteuse — la TPS — ainsi que la réforme de la TVQ, qui se sont révélées particulièrement dévastatrices pour les capacités des PME de profiter de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis. Nous avons conclu que les petites entreprises attribuaient à juste titre leurs difficultés de l'époque aux politiques budgétaires et monétaires des gouvernements plutôt qu'à leurs politiques commerciales. Il ne faut pas oublier, non plus, qu'un ralentissement mondial du cycle économique est loin d'avoir aidé.

En ce qui a trait à l'ALENA, nos membres étaient d'avis que la position du Canada était radicalement différente, à l'aube de l'ALENA, de ce qu'elle était dans le cas de l'accord bilatéral. D'abord, nous avons été des observateurs au cours des négociations. Nous étions la cinquième roue du carrosse, et les négociations étaient dirigées par les deux autres parties.

Beaucoup d'autres groupes, au Québec et au Canada, croyaient que le Canada ne devait même pas être partie de ces négociations. Nous avons posé la question à nos membres. Malgré les doutes qu'avaient les petites entreprises en général, elles auraient peut-être préféré qu'on amorce les négociations sur l'ALENA à un autre moment. Nous avons constaté que la majorité de nos membres souhaitaient que le Canada participe aux négociations. nous avons effectué un autre sondage, en avril 1991, pendant les négociations. nous avons demandé aux entreprises de préciser les répercussions qu'aurait probablement sur elles un accord de libre-échange nord-américain. les avis étaient partagés entre les entreprises qui croyaient que les retombées seraient positives et celles qui étaient d'avis qu'elles seraient négatives. environ 16 % des entreprises croyaient que l'accord aurait une incidence favorable, et 23 %, environ, prévoyaient une incidence défavorable; un peu plus de 34 % ne prévoyaient aucun impact, et plus de 25 % étaient indécises. contrairement à ce que nous avons vu dans le cas de l'accord bilatéral, nous avons constaté que des petites entreprises croyaient qu'un accord trilatéral aurait sur elles des retombées négatives, plutôt que positives.

Le secteur des petites entreprises était encore en train de s'adapter à l'Accord bilatéral à ce moment-là, sans oublier que nous étions au beau milieu d'une récession très grave et qu'on venait tout juste de nous imposer la TPS. C'est pourquoi nos membres voyaient plutôt d'un mauvais oeil les négociations sur l'ALENA. nous avons poursuivi des sondages auprès de nos membres pendant les négociations sur l'alena. on a fini par conclure un accord. curieusement, nous avons constaté que de plus en plus de nos membres voyaient l'alena d'un oeil favorable. comme je l'ai mentionné plus tôt, nous avons effectué notre sondage en décembre 1992. nous avons alors interrogé plus de 700 pme québécoises. plus de 18 % d'entre elles croient, maintenant, que l'incidence de l'accord sur leur entreprise sera favorable; 17 % croient qu'elle sera défavorable; 50 % ne s'attendent à aucune incidence, et presque 15 % sont toujours indécis. nous avons aussi demandé à nos membres pourquoi ils appuyaient l'accord ou s'y opposaient. chez les répondants qui souhaitent que le gouvernement signe l'accord, plus de 67 % — donc, il y a 67 % de nos répondants qui pensent que l'accord devrait être signé — la raison principale est la suivante: ils croyaient que les investissements au canada fuiraient aux états-unis si le canada ne signait pas l'accord. les résultats d'autres recherches que nous avons effectuées au sujet de l'alena confirment cette attitude; un grand nombre des motifs que les petites entreprises invoquent pour appuyer l'accord ont tendance à être de nature défensive parce qu'on croit, en général, que l'accord sera mis en oeuvre avec nous ou sans nous. nous ne pouvons donc nous permettre de ne pas y être partie, ne serait-ce que pour nous défendre ou pour limiter les dommages.

Le deuxième motif par ordre de fréquence — et là encore, il s'agit en quelque sorte de limiter les dommages — est le suivant: On croit que l'adhésion du Canada à l'ALENA entraînera des changements dans l'économie et améliorera la compétitivité canadienne et québécoise. Nos membres ne croient plus que les gouvernements puissent promouvoir la compétitivité, et ça, c'est regrettable. Ils préfèrent de loin les solutions du marché, même si elles peuvent être douloureuses. Beaucoup de nos membres de la Fédération m'ont dit que l'Accord leur fera peut-être mal à court terme, mais qu'ils croient que c'est la solution à long terme. Autrement dit, les intéressés sont disposés à subir les contrecoups de l'Accord à court terme afin de hausser la compétitivité nationale.

Sur une note plus positive, un autre pourcentage important des répondants croient que la signature de l'ALENA augmentera les exportations, stimulera l'investissement et la création d'emplois au Québec et au Canada. pour ce qui est du dernier choix, l'option mentionnée le moins souvent — un peu plus de 27 % par les répondants — croit que l'alena offre au canada des améliorations par rapport à l'accord de libre-échange

bilatéral. parmi les 17 % des répondants qui s'opposaient à la signature de l'alena, un peu plus de 80 % croyaient que l'adhésion du canada entraînerait des fermetures d'usines, des déménagements et des pertes d'emplois. plus de la moitié des répondants croyaient qu'à la suite de la mise en oeuvre de l'alena les produits canadiens et québécois auraient plus de difficulté à faire concurrence sur les marchés étrangers et intérieurs. en outre, 42 % ne croyaient pas qu'il y aurait suffisamment à gagner sur le plan des exportations pour justifier l'adhésion à l'alena. enfin, 45 %, environ, croyaient que le moment était mal choisi, à cause de la récession en cours, pour procéder à des négociations commerciales. (11 h 40)

Quant à l'expérience qu'ils ont de l'entente bilatérale, les petites entreprises ont appuyé l'Accord, mais se sont rendu compte, après sa mise en oeuvre, que d'autres politiques gouvernementales nuisaient considérablement à leur capacité de tirer partie des possibilités que leur a offert l'Accord bilatéral. nous avons voulu savoir, ensuite, si l'appui accordé par les petites entreprises à l'alena était jumelé à une confiance un peu plus grande, si elles croyaient que les politiques gouvernementales les aideraient davantage, cette fois, à faire face à la situation. vu leur expérience à la suite de l'ale, nous n'avons pas été étonnés de constater que seulement 9 % des propriétaires de petites entreprises croient que les politiques gouvernementales leur permettront de tirer partie des débouchés de l'alena. environ 58 % croient que les politiques gouvernementales nuiront probablement à leur capacité de tirer partie de l'accord commercial, tandis que 33 % demeurent indécis à ce sujet. ce qui peut étonner, en l'occurrence, c'est la tendance masochiste des petites entreprises; même si elles s'attendent à ce que les politiques gouvernementales leur nuisent, elles appuient toujours l'accord.

Lorsque nous avons comparé l'attitude de nos membres face à l'Accord de libre-échange bilatéral par rapport à ce qu'ils pensent de l'Accord trilatéral, nous avons constaté des similitudes et des différences. Comme je l'ai dit plus tôt, les petites entreprises sont, en général, favorables à l'ouverture des arrangements commerciaux, et ce thème est demeuré constant dans les résultats de nos sondages.

En ce qui a trait à l'incidence des accords sur chaque entreprise en particulier, nous avons constaté qu'il y a de profondes différences entre l'ALENA et l'ALE. Nous croyons qu'elles sont attribuables, pour la plupart, au fait que le marché mexicain n'absorbe tout simplement pas beaucoup d'exportations du Québec, et que nous n'importons pas beaucoup, non plus, du Mexique, pour le moment. Comme le marché américain est le principal débouché du Québec, l'incertitude est plus grande chez les petites entreprises qui croient beaucoup plus que l'ALENA, contrairement à l'ALE, n'aura aucune incidence sur leur entreprise.

En outre, beaucoup de nos membres exportent activement aux États-Unis, tandis qu'ils connaissent beaucoup moins le Mexique. C'est pourquoi l'incertitude est plus grande chez eux, et ils croient davantage que l'ALENA ne les affectera pas beaucoup.

En terminant, je dirai que les petites entreprises semblent croire qu'il est fort probable que l'ALENA se concrétisera sous peu, malgré qu'il n'ait pas encore franchi l'étape législative au Canada et aux États-Unis.

En outre, si les législateurs approuvent l'ALENA, on parle déjà de conclure des accords du même genre avec d'autres pays. On pourrait, un jour, finir par créer une zone de libre-échange qui regrouperait l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud. Ces possibilités ont suscité des réactions favorables, en général, mais je crois que certaines mises en garde s'imposent.

Dans le cas de l'ALE, nous avons constaté que les gouvernements québécois et canadiens ont compté énormément — certains diraient uniquement — sur l'ALE pour qu'il catalyse l'adaptation structurelle dans le milieu des affaires sans assurer, toutefois, qu'il existait d'autres politiques pour faciliter ses adaptations. Les politiques budgétaires, et les politiques monétaires en particulier, ont nui considérablement à la capacité des entreprises de s'adapter à l'ALE parce qu'elles ont créé un contexte d'impôt élevé et de taux de change élevé qui a pipé les dés contre la compétitivité des entreprises.

L'incapacité des provinces canadiennes de s'entendre sur la réduction et l'élimination éventuelle des obstacles au commerce interprovincial — malgré les preuves qui démontrent les dommages causés par de tels obstacles — demeure aussi une honte nationale. Alliés au grave ralentissement du cycle économique, ces facteurs ont presque garanti, en fait, que l'adaptation à l'ALE serait aussi difficile que possible pour les PME du Québec. Nous croyons que le défi pour les décideurs québécois et canadiens consiste à ne pas nous faire revivre l'expérience de l'ALE, même si, à notre avis, la situation n'est pas la même, étant donné que notre économie n'est pas aussi intégrée avec l'économie mexicaine qu'avec l'économie américaine.

Au cours de la dernière année, nous avons été témoins d'événements intéressants, comme le déclin du taux de change par rapport au dollar américain. Par ailleurs, les situations fiscales québécoise et canadienne se sont encore détériorées.

Si on veut que les petites entreprises québécoises obtiennent les résultats qu'on pense possibles dans un cadre plus libéral d'échanges commerciaux, les gouvernements doivent commencer à se pencher au moins autant sur le cadre de politique intérieure que sur son harmonisation avec des initiatives commerciales. Notre expérience, à ce jour, montre que des torts sérieux peuvent être causés si les gouvernements s'en remettent presque exclusivement à des initiatives commerciales pour provoquer d'autres changements dans l'économie, et qu'il est risqué d'adopter des politiques intérieures et

commerciales qui soient aussi radicalement opposées les unes les autres.

Maintenant, on va répondre aux questions.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, messieurs, pour votre exposé.

M. Cléroux: Merci.

Le Président (M. Dauphin): Nous débutons la période d'échange en reconnaissant tout d'abord M. le ministre des Affaires internationales.

M. Ciaccia: Alors, merci beaucoup, M. le Président.

Je veux vous remercier pour votre mémoire, et je vous remercie de nous avoir présenté des données qui sont assez intéressantes en ce qui concerne l'appui de l'ALENA et aussi les craintes que certains de vos membres semblent avoir.

Mais je suis heureux, aussi, de voir que, dans l'ensemble, les PME sont plutôt favorables à l'entente du libre-échange nord-américain. Les diverses initiatives gouvernementales, notamment le plan d'action Québec-Mexique, je crois, va améliorer l'encadrement et la préparation des PME.

Il y a une statistique que vous m'avez donnée qui m'a un peu surpris. C'est celle qui dit que vous avez seulement 9 % de vos membres qui croient que les politiques gouvernementales peuvent les aider. Est-ce que vous avez des motifs ou des raisons qui justifient cette inquiétude. Peut-être... Est-ce que vous pourriez élaborer, un peu, sur cet aspect-là?

M. Décary: II y a un...

Le Président (M. Dauphin): M. Décary.

M. Décary: II y a un certain pessimisme dans le milieu des affaires concernant les politiques gouvernementales, en ce qui concerne la taxation et la politique monétaire. C'est sûr qu'une bonne partie de ces problèmes-là sont reliés au gouvernement fédéral, non pas à celui du Québec. On pourrait mentionner trois grandes catégories de problèmes: c'est avec les taux d'intérêt, taxation élevée du côté fédéral et taxation élevée du côté provincial. Ce qui veut dire que deux tiers des plus gros problèmes sont reliés au gouvernement fédéral. L'autre tiers, c'est possible que le prochain sondage sera plus favorable, étant donné la réalisation que le gouvernement du Québec fait que la taxation, maintenant, atteint un point de saturation et que les efforts du gouvernement, de ce côté-là, vont améliorer la situation. C'est notamment l'exercice de vos collègues du Conseil du trésor et des Finances qui pourrait corriger ce problème-là. Peut-être que M. Cléroux pourrait...

M. Cléroux: Juste pour spécifier.

Ce que les entreprises disent, finalement, c'est que: Oui, on est pour l'Accord de libre-échange, mais on veut qu'on ait les outils. Si, par exemple, on négocie un accord de libre-échange, mais, en même temps, on a la réforme Ryan qui augmente la fiscalité des entreprises québécoises, en même temps, on a la TPS qui ajoute un fardeau administratif incroyable. Je sais que la TPS pourrait être vue comme utile à l'exportation, sauf que, pour les petites entreprises, le fardeau administratif a été tellement élevé qu'on a perdu les avantages des crédits sur les intrants, particulièrement au Québec, où on a une situation TPS-TVQ, qui ont des règles différentes, et même la définition de crédit aux intrants est différente. Donc, finalement, c'est essentiellement ça qu'on dit. C'est que: Oui, on est en faveur du libre-échange, sauf qu'on veut que les gouvernements soient conséquents. On veut aussi qu'on nous facilite... On ne demande pas de subvention, et ça, c'est très, très important. On ne demande pas de subvention; on demande juste de nous faciliter la tâche, de créer un environnement compétitif et dynamique.

M. Ciaccia: Je présume que vous avez fait ces représentations-là aussi au gouvernement fédéral, mais en plus des questions de taxation — puis, je suis entièrement d'accord avec vous — quand on regarde l'approche américaine, la taxation, en termes d'être compétitifs et de permettre aux entreprises d'avoir les moyens de créer des emplois, je crois que c'est un problème. Il faut examiner quel niveau. (11 h 50)

Mais en plus de la question de taxation et de politique monétaire, est-ce qu'il y a d'autres programmes ou d'autres choses que le gouvernement du Québec pourrait faire pour inciter et encourager et aider les PME à s'impliquer dans l'international?

M. Cléroux: Je pense que c'est plutôt ce que... comment je pourrais dire? Ce n'est pas ce que vous pourriez faire, mais ce que vous pourriez ne pas faire. Le problème — et ça, je sais, à chaque fois que je dis ça, les gens ne croient pas ça; mais il y a beaucoup d'études qui ont été faites au Canada et au Québec, particulièrement par l'Université de Trois-Rivières, qui a un secteur très développé d'études sur les PME, et qui démontrent que le problème no un pour les PME, au Québec, qui démarrent, ce n'est pas le manque de financement, ce n'est pas la taxation, c'est le fardeau administratif, la paperasserie administrative. Et ça, ça m'a toujours épaté de voir que le gouvernement ne fait pas d'effort dans ce sens-là, parce que c'est peu coûteux de réduire ce fardeau administratif là, et en passant, les PME, au Québec, semblent... se plaignent, plus que partout ailleurs au Canada, de ce fardeau-là.

Donc, pour vous donner un exemple très concret — là, on ne parle pas du secteur manufacturier — mais à Montréal, si vous voulez avoir un restaurant, vous avez besoin de neuf permis différents. Vous

avez besoin d'un permis pour vendre des cigarettes; si vous vendez des cigarettes dans une machine distributrice, vous avez besoin d'un permis supplémentaire pour cette machine-là; si vous avez un plancher de danse, vous avez besoin d'un permis pour ça; si vous avez une enseigne dehors, vous avez besoin d'un permis; si vous avez une enseigne lumineuse, vous avez besoin d'un permis différent. C'est ridicule. C'est aussi simple que ça: c'est ridicule! Et ça, c'est un exemple frappant.

Je pourrais vous donner des exemples comme ça pendant des heures, et, encore une fois, ce n'est pas des subventions dont ces gens-là ont besoin, c'est d'être libérés de ces fardeaux administratifs là, et ça, c'est un fardeau important.

M. Ciaccia: D'autres intervenants ont apporté le même problème à notre attention.

Alors, je vous remercie pour le moment. Je pense que je vais donner la chance à mes autres collègues de vous poser des questions.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Bertrand; ensuite, M. le député d'Iberville.

M. Beaulne: Merci, M. le Président.

J'ai été un peu surpris, effectivement, de lire le résultat de vos différents sondages. Ma première question est toute simple: À quoi attribuez-vous la baisse d'appui de vos membres à l'association de libre-échange nord-américain, par rapport au premier traité qui avait été conclu avec les États-Unis? À quoi expliquez-vous cette baisse de support pour le mouvement de libéralisation des échanges, dans un sondage antérieur, par rapport au sondage le plus récent que vous avez fait?

M. Décary: C'était surtout grâce au contexte économique qui avait changé de façon assez importante depuis la conclusion du premier accord. C'est ça qui explique la plus grande différence.

M. Cléroux: Juste pour spécifier, si vous regardez l'évolution du dollar canadien et des taux d'intérêt après l'adoption du libre-échange canadien, l'histoire est là: Le dollar s'est mis à monter de plus en plus. Ce n'est pas qu'on veut avoir un dollar bas pour avoir un dollar bas, pour nous permettre d'exporter. Tout ce qu'on demande, c'est que le dollar reflète la productivité québécoise et canadienne. Donc, on veut que notre dollar reflète notre capacité de concurrencer; c'est ça que le dollar devrait faire et, si on le laissait fluctuer, c'est ça qu'on aurait. On aurait peut-être un dollar à 0,75 $, peut-être à 0,70 $, mais c'est ça qui est notre compétitivité sur le niveau mondial. Donc, la raison, c'est: La récession n'a pas aidé, mais aussi, les PME disent: Oui, l'Accord de libre-échange, c'est bien beau, mais il faut aussi nous donner les outils. Si vous nous donnez un accord de libre-échange, mais que vous augmentez le dollar ou que vous augmentez les taux d'intérêt, de sorte que le dollar devient beaucoup plus élevé — surévalué — c'est impossible pour nous d'être concurrentiels, et c'est pour ça que l'appui est moins important.

Une autre raison, évidemment, c'est que les PME, au Québec, se sentent beaucoup moins touchées par le commerce avec le Mexique qu'avec les États-Unis. Donc, l'intérêt: non seulement l'appui est moins important, mais l'intérêt est beaucoup moins important face à cet accord-là qu'avec l'Accord bilatéral.

M. Beaulne: Et vous avez... enfin, une grande partie de votre mémoire porte sur la mise en garde, aux deux niveaux de gouvernement, concernant l'incohérence ou l'inconsistance des programmes aux deux paliers de gouvernement. Vous avez un peu abordé la question de la fiscalité, la question de la taxation, mais, en plus de la question de la taxation, est-ce qu'il y a d'autres secteurs où vous voyez qu'il y a lieu à amélioration de la coordination des activités entre le fédéral et le provincial, pour tirer le maximum d'avantages de l'entente?

M. Décary: On a fait des sondages sur ce genre de questions là, pas directement reliés à l'Accord de libre-échange, mais sur la perception de nos membres quant à l'efficacité gouvernementale. On a demandé aux gens s'ils croyaient qu'on avait trop de gouvernement au Canada ou trop d'activités gouvernementales. La réponse était oui, et très majoritairement, et à ceux qui ont répondu oui, on leur a demandé où les coupures devraient être faites, et, curieusement, nos membres ont indiqué presque autant de coupures au niveau de programmes provinciaux que de programmes fédéraux. Ce que les gens veulent, c'est moins de gouvernement, une plus grande harmonisation, et, là-dessus, les domaines ne sont pas trop spécifiques. On n'est pas rendus encore à cette étape-là, disons, de sondages auprès du membership. C'est sûr qu'ils veulent une meilleure gestion gouvernementale, qu'il y ait moins de domaines partagés, mais on ne peut pas encore spécifier lesquels.

M. Cléroux: Juste pour donner un exemple. Je reviens à mon exemple. Ça, c'est un exemple précis, incroyable. C'est la TPS et la TVQ. On a, pas par souci d'économie non plus, parce que si on avait un système parfaitement harmonisé de TPS et de TVQ, le gouvernement du Québec, le gouvernement du Canada et les entreprises du Québec sauveraient de l'argent. Donc, on ne parle pas qu'on demande de l'argent au gouvernement, mais on a créé — parce qu'on a créé deux systèmes non harmonisés, parce qu'on a des règles différentes, parce qu'on a des définitions sur les intrants qui sont différentes — on a créé une complexité qui est coûteuse pour tout le monde, et ça, c'est ça qu'on veut éviter. C'est ça qu'il faut éviter dans le futur; c'est que, souvent, on crée la complexité. On est un pays riche et on s'imagine qu'on a les moyens de se payer ça. Ce que

je vous dirai, c'est qu'on est de moins en moins riche et on a de moins en moins les moyens de se payer des choses complexes, des systèmes complexes comme ça.

Le Président (M. Dauphin): Merci. Alors, M. le député d'Iberville. Ensuite, Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve.

M. Lafrance: Oui, merci, M. le Président.

MM. Cléroux et Décary, j'aimerais d'abord vous remercier de votre présence aujourd'hui. En tant que, entre autres, ex-propriétaires d'une PME, je me réjouis de votre présence ici, parce que ce qu'on entend, normalement, dans le cadre de ces commissions parlementaires, ce sont, la majorité du temps, les organismes, les grands organismes, qui représentent les entreprises, les grandes entreprises, qui représentent le monde syndical, qui représentent aussi les corporations professionnelles. Mais on a très peu la chance d'entendre des représentants des PME, et, encore ce matin, M. Gérald Tremblay, ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, nous sensibilisait, nous, les députés ministériels, sur son concept des grappes industrielles et aussi sur l'importance, justement, et la difficulté de rejoindre les PME; les PME qui doivent s'associer à cette synergie économique et industrielle, et comment il est difficile de vous rejoindre, vous, qui, pourtant, représentez — à moins que je me trompe — plus de 80 % des emplois au Canada et aussi, il va de soi, au Québec.

Soyez assurés...

M. Décary: Des nouveaux emplois. (12 heures)

M. Lafrance: ...que je partage vos vues sur les fardeaux administratifs imposés aux PME, en tant qu'ex-propriétaire — comme je l'ai dit — d'une PME. Dans ce sens-là, j'ai visité en début de semaine, à leur invitation, dans mon coin, un regroupement d'érabliè-res. Vous me direz que ça ne touche peut-être pas l'exportation, mais quand même, c'est symptomatique, puisqu'ils se sont imposés de la même façon que toutes les petites entreprises le sont, et ils m'ont remis une liste, ici, des permis qui leur sont imposés: nouveau permis 1992, pour manutention des aliments; permis du ministère du Tourisme pour être reconnu comme établissement touristique; des panneaux touristiques sur l'autoroute leur coûtent 9000 $ par année, etc.; les taxes foncières qui ont augmenté; le permis d'alcool; les taxes scolaires qui ont augmenté; le taux de la CSST, aussi, qui a augmenté considérablement, et on pourrait certainement ajouter à ça les taxes municipales. Ça, ce sont des faits, des réalités auxquelles font face nos PME et, malheureusement, il y a un manque d'harmonisation qui fait très mal aux PME, qui doivent débourser au lieu de pouvoir investir dans la capitalisation.

Pour revenir spécifiquement au sujet qui nous intéresse, soit l'ALENA, j'ai remarqué, dans votre mémoire, que vous avez sorti des statistiques que j'ai trouvées intéressantes. vous indiquez que le nombre d'entreprises qui voient des aspects positifs à la libéralisation des échanges entre le canada et les états-unis a été en progressant, selon les sondages, et vous mentionnez 36,4 % à 39,5 % à 45 %, même. qu'est-ce qui, selon vous, justifie ces pourcentages encourageants?

M. Cléroux: En ce qui concerne l'ALENA? Je pense que c'est une... Les premiers sondages qu'on a faits, la récession était très profonde. Donc, je pense qu'il y a un élément... Le dernier sondage a été fait en décembre 1992, et je pense que les gens étaient plus optimistes face au cycle économique, à ce moment-là, qu'ils ne l'étaient au début. Aussi, je pense que, le fait qu'au tout début des premiers sondages on avait moins d'information sur l'ALENA, on ne savait pas si c'était pour se réaliser ou quoi que ce soit, et je pense que ça, c'est un élément important aussi. Les gens, les propriétaires d'entreprises, en ayant plus d'information, se sont aperçus que l'ALENA était pour bonifier l'entente bilatérale, et, pour eux, c'était important parce que, comme je le disais, il y a beaucoup de PME au Québec qui ont beaucoup de liens avec le marché américain et, pour elles, c'était important que l'ALENA, tout au moins, ne touche pas ou améliore, mais ne détériore pas l'entente bilatérale qui existait. Je pense que c'est ces facteurs-là qui expliquent l'augmentation des gens qui sont en faveur.

M. Lafrance: Alors, je vous remercie.

Encore une fois, j'aimerais réitérer l'importance, justement, de rejoindre les PME, et vous êtes certainement un organisme qui, dans ce sens-là, peut aider le gouvernement à sensibiliser les propriétaires des PME qui, bien souvent, aux prises, quotidiennement, avec leurs problèmes particuliers, oublient de s'inscrire dans cette synergie et de s'associer aux efforts que fait le gouvernement.

Merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député.

Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président.

Il me fait plaisir d'avoir l'occasion d'échanger avec les représentants de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, sur le mémoire.

Vous parlez, à la page 5 de votre mémoire, d'une sorte de froideur plus grande du Québec en regard des entreprises canadiennes. Moi, je me suis demandé, en vous écoutant, dans quelle mesure vos membres ont ou n'ont pas le sentiment que le gouvernement a été de leur côté pour traverser la première phase de l'Accord. J'aimerais également savoir si, à ce moment-ci, vous avez fait un bilan de ce que la SDI a fait ou n'a pas fait et ce que vous souhaiteriez qu'elle fasse, dorénavant.

M. Cléroux: Je pense que ça revient un peu à des éléments qu'on touchait tantôt. Je pense que c'est la grande déception des entreprises face à l'entente bilatérale: c'est qu'on s'est aperçu que le gouvernement ne nous a pas supportés, et, dans ce sens-là, ce n'est pas supporter en termes de subvention, mais supporter en termes de créer un environnement compétitif dynamique. Comme je l'ai dit, dans le même temps qu'on signe un accord de libre-échange, on nous fait la réforme Ryan qui augmente le fardeau fiscal des entreprises de 400 000 000 $, on nous impose une TPS qui est non harmonisée, donc qui crée une complexité administrative incroyable, etc., les permis qui deviennent de plus en plus nombreux et qui sont non seulement un fardeau financier, mais administratif. Donc, pour le propriétaire d'entreprise, c'est qu'on a deux langages. C'est qu'on nous dit, finalement: On va faire un accord de libre-échange et on va vous imposer d'être compétitifs. Vous n'aurez pas le choix. Si vous voulez survivre, vous devez être compétitifs. Et ça, les gens n'ont pas de problème avec ça; les gens croient fermement que c'est possible de créer des produits et des services au Québec et de les vendre à l'extérieur. Ces gens-là, c'est pour ça qu'ils sont en affaires, sauf qu'ils veulent que, tout au moins, on ne leur nuise pas. Et, dans ce sens-là, ces gens-là se sont sentis totalement délaissés par les deux niveaux de gouvernement. Le chiffre de 9 % est très significatif dans le sondage.

Mme Harel: Alors — je concluerai, M. le Président — je comprends donc que vos membres n'attendent pas que le gouvernement les aide, mais, au moins, qu'il ne leur nuise pas.

Une voix: Exactement. Mme Harel: Merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci, Mme la députée.

M. le député de Labelle.

M. Léonard: Merci. Bonjour. je voudrais aborder une autre question. il y a eu une réforme de la fiscalité importante au canada et au québec — tps, tvq — qui fait que les taux de taxes sont de 15,5 %, 15,56 % sur la production lorsque le client achète. ça a été fait au moment où on signait l'accord de libre-échange. est-ce que, selon vous, c'est de nature à pénaliser, dans la mesure où il y a des taux de taxes qui s'appliquent... ça ne s'applique pas sur les exportations, normalement, mais est-ce que tout est correct, là-dedans? est-ce que toutes les exemptions sont faciles à aller chercher? vous avez parlé des difficultés, de la lourdeur administrative et bureaucratique qui est derrière ça. est-ce que, sur le plan des exportations et de l'accord de libre-échange, il y a des impacts d'avoir fait cette réforme à ce moment-là?

M. Décary: Je pense que la réforme fiscale, il y a un aspect qui était positif...

M. Léonard: La TPS, là.

M. Décary: ...en enlevant la taxe au manufacturier...

M. Léonard: C'est ça.

M. Décary: ...c'était, évidemment, une mesure qui encourageait l'exportation. Cependant, la façon dont la réforme a été faite, le fait que ça n'a pas été harmonisé avec les provinces, le fait que le taux était si élevé a été de nature à décourager nos consommateurs, ici, au Canada et, notamment, au Québec. Ça a encouragé un tas de mini-phénomènes — ou maxi, dépendant de votre point de vue: le magasinage transfrontalier a augmenté; la consommation locale, dans tous les domaines, a baissé. Ça, ça a perturbé le marché, de sorte que c'est difficile de voir à quel point...

M. Léonard: Sur le plan touristique? M. Décary: ...on a manqué des chances.

M. Léonard: Sur le plan touristique, par exemple, est-ce que vous considérez que ça a pu amener beaucoup de Québécois à aller à l'étranger plutôt que de rester ici ou à faire... en tout cas, des... à prendre des décisions, en termes de jugement comparatif, sur différentes alternatives de voyages?

M. Décary: Comme on l'a mentionné dans notre mémoire, quand les autres politiques, autres que le commerce international, ne sont pas développées en vue de faciliter nos pénétrations du marché, et qu'il y a eu beaucoup de changements dans tous les domaines politiques, c'est sûr que ça a des impacts, mais on ne peut pas les quantifier exactement. C'est sûr que le domaine touristique a été affecté à cause des taxes élevées. Ça a encouragé, peut-être, certains Québécois à chercher ailleurs. Ça a découragé les étrangers de venir chez nous. Mais il y a eu une foule d'autres impacts sur la consommation d'alcool, de tabac, etc., tout le monde est au courant des effets que ça a eu sur les dépanneurs et tout le commerce du tabac, au Québec. C'est ça qu'on veut dire quand on parle du besoin d'avoir des politiques dont l'intention est de faciliter la tâche pour tout le monde, de profiter, justement, d'une entente commerciale si importante et qui aurait pu donner beaucoup plus d'avantages.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup.

M. le ministre des Affaires internationales. (12 h 10)

M. Ciaccia: Je veux vous remercier beaucoup pour votre présentation.

On veut porter une attention très particulière aux PME. Quand vous mentionnez... Quelqu'un a mentionné le nombre d'emplois qui ont été créés par les PME. Vous savez qu'entre 1980 et 1990 les 500 compagnies — «Fortune» magazine — les 500 plus grandes compagnies américaines n'ont pas créé un seul nouvel emploi; tous les nouveaux emplois ont été créés par les PME. C'est une statistique assez intéressante. Quand on voit qu'au Québec les PME sont vraiment... ont une importance capitale dans notre économie. Je note avec intérêt que vous dites que ce n'est pas des subventions que vous voulez. Vous voulez seulement avoir l'opportunité d'avoir moins d'encombrement, moins d'obstacles administratifs ou autres de taxation. On va prendre bonne note de vos commentaires, et je vais certainement en faire part à mes collègues, parce qu'il y a des mesures que vous avez proposées qui, sûrement, pourraient être améliorées de la part du gouvernement.

Alors, je vous remercie beaucoup pour votre mémoire, et on va examiner vos recommandations avec beaucoup d'intrêt.

Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup, M. Cléroux, M. Décary d'avoir accepté notre invitation. Nous vous souhaitons un bon retour.

M. Cléroux: Merci. M. Décary: Merci.

Le Président (M. Dauphin): Je demanderais maintenant à l'Institut des manufacturiers du vêtement du Québec de s'avancer à la table des invités.

Mmes, MM., nous terminons l'avant-midi avec l'Institut des manufacturiers du vêtement du Québec, représenté par M. Shames et M. Williamson.

Messieurs, bienvenue et merci d'avoir accepté l'invitation de la commission des institutions.

Nous avons une période d'environ une heure qui nous est accordée, c'est-à-dire une vingtaine de minutes pour la présentation de votre exposé et, ensuite de cela, un échange avec les parlementaires.

Alors, messieurs, bienvenue.

Institut des manufacturiers du vêtement du Québec (IMVQ)

M. Shames (Israël): Merci pour nous avoir invités, et on apprécie cette opportunité.

On va commencer notre présentation par un petit résumé de la situation, que M. Williamson va faire, sur l'industrie du vêtement et, après ça, nous allons discuter un peu en détail de certaines modalités et mécanismes de l'ALENA avec lesquels nous ne sommes pas tellement contents et, après ça, nous allons discuter un peu des recommandations qui touchent l'ALENA. Aussi, il y a des recommandations qui sont sous juridiction soit fédérale, provinciale et municipale.

Alors, c'est essentiellement notre présentation durant les 20 minutes, et si M. Williamson pouvait commencer.

Le Président (M. Dauphin): Allez-y, M. Williamson.

M. Williamson (Denys): Merci, M. le Président.

Alors, je crois que, d'abord, j'aimerais dire que notre industrie s'intègre très bien avec les besoins et les objectifs du Québec. Par exemple, que ce soit des perspectives d'emplois, de sécurité, d'environnement ou de propriété, l'industrie québécoise du vêtement apporte une contribution très positive et considérable.

Notre industrie se classe, selon les années, au premier ou au second rang parmi les plus grands employeurs manufacturiers de la province de Québec.

L'industrie, également, s'accorde très bien avec les priorités gouvernementales: elle n'a aucun effet négatif sur l'environnement et elle s'intègre très bien avec les milieux urbains et les milieux ruraux.

C'est également une industrie ou un secteur manufacturier très sécuritaire pour les employés. Le niveau et la fréquence de gravité des accidents est parmi les plus bas de tout le secteur manufacturier.

Propriété locale à presque 100 %, les propriétaires ont grand intérêt à s'assurer d'une industrie viable au Québec. Les décisions administratives sont prises au Québec, pour le bien-être des industries qui sont situées ici, et au bénéfice de notre économie.

Dans une perspective d'ensemble relativement aux coûts-bénéfices, l'industrie du vêtement fournit une contribution substantielle au Québec. Les emplois de l'industrie du vêtement n'engendrent pas de dépenses de la part de l'État, que ce soit pour des questions d'infrastructure industrielle, que ce soit pour des questions de transport, de relocalisation ou de milieu de vie. Et nous pensons que notre industrie au Québec aurait un avenir bien plus rose avec l'appui des gouvernements fédéral, provincial et municipal, au moyen de politiques appropriées à son développement. Malheureusement, en l'absence de telles politiques, l'avenir semble beaucoup plus précaire.

Si vous le permettez, j'aimerais peut-être prendre quelques minutes pour résumer un peu le rôle de l'industrie du vêtement dans l'économie québécoise. L'industrie québécoise du vêtement contribue très largement à l'économie du Québec. Cette industrie représentait environ 15 % des emplois du secteur manufacturier au Québec. On estime à environ 1 000 000 000 $ les versements annuels en salaires de notre industrie. Au cours de la période 1984-1988, notre industrie engendrait au Québec, annuellement, environ 64 000 emplois directs et environ 100 000 emplois indirects parmi nos fournisseurs de biens et services à l'industrie, soit 164 000 emplois. Malgré la chute du nombre des emplois depuis 1989, notre secteur industriel demeure, au Québec, un secteur d'activité de première importance, puisque le

pourcentage qu'elle représente de l'ensemble de l'activité manufacturière a connu une augmentation en 1990 et même en 1991, par rapport à 1989. pour les dernières années, la valeur ajoutée se chiffrait, annuellement, à près de 2 000 000 000 $. elle a même dépassé ce chiffre-là en 1989. l'industrie emploie des personnes dans toute la province, que ce soit dans les milieux urbains ou les milieux ruraux. à montréal, cette industrie constitue 36 % des entreprises classées dans le secteur manufacturier et 35 % de tous les emplois manufacturiers — plus d'un tiers des emplois manufacturiers de la ville de montréal. on trouve également des emplois dans cette industrie dans environ 80 divisions de recensement au québec.

Les manufacturiers québécois sont d'avides utilisateurs de technologies nouvelles. À l'heure actuelle, vous avez plus de 200 compagnies qui utilisent de la confection assistée par ordinateur et de la fabrication assistée par ordinateur. Pour la petite histoire, pendant que je vous parle, il y a quelqu'un, chez nous, qui est en train d'installer un projet de conception assistée par ordinateur — un investissement de 250 000 $ — pour remplacer un système qui a déjà six ans, et qui, pour nous, est déjà démodé. Autant pour le premier système que pour celui-ci, nous n'avons jamais demandé un centime d'aide du gouvernement. De plus, pour un bon nombre d'entreprises ne pouvant se permettre, financièrement, l'achat de ces installations, elles font affaire avec des compagnies qui offrent ces services en sous-traitance. l'industrie québécoise a la volonté d'investir dans l'avenir. la proportion que représente l'industrie québécoise du vêtement dans les investissements globaux en immobilisation de l'industrie canadienne a augmenté de plus de 70 % dans la dernière décennie. de plus, vous noterez une hausse de 14 %, en 1989 seulement. (12 h 20)

Nous croyons que, pour pouvoir continuer d'employer un aussi grand nombre de personnes et de familles afin de poursuivre son investissement dans le futur, l'industrie québécoise du vêtement a besoin de politiques gouvernementales appropriées. vous allez trouver ci-joint un mémoire, présenté par l'institut canadien des manufacturiers du vêtement, qui a été présenté en 1992 au sous-comité du commerce extérieur du comité permanent des affaires étrangères et du commerce extérieur de la chambre des communes. notre association appuie fortement ce rapport, et nous pensons que l'analyse des recommandations qu'il contient s'applique tout autant à l'industrie québécoise du vêtement. tel que mentionné entièrement, 60 % des emplois et 60 % de la production canadienne de vêtements sont concentrés au québec. notre industrie est membre fondateur et la plus importante partie constituante de l'institut canadien des manufacturiers du vêtement. notre association a contribué à la préparation du mémoire qui suit, a participé, en tant que membre, à la délégation de l'association nationale et à l'audition du sous-comité de la chambre des communes.

Si vous le permettez, après ce bref exposé, je vais demander à M. Shames, peut-être, de parler plus en détail de l'Accord de libre-échange et de son impact sur notre industrie.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. Shames.

M. Shames: Primo, j'aimerais souligner, comme industrie, nous ne sommes pas en opposition de l'idée d'avoir un accord de libre-échange avec les États-Unis et avec le Mexique, mais, ce qui nous agace un peu — mais plus qu'un peu — c'est qu'il y a des modalités de cet Accord qui sont spécifiques pour l'industrie des vêtements, qui sont très néfastes pour notre industrie.

Un item dans l'Accord. Pour notre industrie, pour faire l'exportation des vêtements qui sont composés de tissus non nord-américains, il faut obtenir ce qui s'appelle un contingentement tarifaire pour avoir accès au marché américain ou au marché au Mexique. Ça, c'était dans l'Accord de libre-échange avec les États-Unis, qui est déjà une contrainte.

En plus, maintenant, dans l'Accord de libre-échange proposé à l'ALENA, il y a ce qui s'appelle les règles de triple transformation. Les tissus doivent être composés de fils qui sont de source nord-américaine pour être éligibles, pour être exportés à un taux préférentiel, aux États-Unis. Mais, pour notre industrie, la chose qui est très importante, c'est de faire des produits qui sont distinctifs des produits américains. Et le tissu et les fibres sont des éléments très essentiels pour avoir cette différenciation des produits américains. Alors, il y a ce problème très important. en même temps, on fait face à une compétition... on va faire face à une norme des produits américains qui seront fabriqués dans le mexique et, peut-être, avec l'élargissement de l'alena que les américains proposent avec des produits américains fabriqués dans les autres pays de l'amérique du nord. alors, les manufacturiers américains, ils paient pour leurs matières premières beaucoup moins que nos manufacturiers paient. en plus, les tarifs américains sur les tissus, c'est à peu près 50 % moins que les tarifs que nos manufacturiers devront payer pour leurs tissus et, si on tient compte que les tissus, ça compose à peu près 40 % à 50 % du prix de l'intrant au niveau manufacturier, on voit l'impact très considérable de ça. il y a... notre industrie devra faire un énorme ajustement pour pénétrer le marché américain. actuellement, nous faisons l'exportation d'à peu près 5 % des produits qui sont faits au canada, des vêtements, sont exportés. alors, nous n'étions pas un grand exportateur dans le passé, nous avons juste à peine commencé les programmes importants de l'exportation, et on se trouve avec ces limites de contingentements tarifaires, qui sont un empêchement énorme.

Pour vous donner un exemple de l'empêchement,

l'endroit où on commençait à faire le plus de succès, c'était dans les vêtements de laine. alors, les américains ont insisté pour que les vêtements de laine soient considérés comme laine. maintenant, si c'est un textile tissé qui a 36 % en composante de laine, maintenant, c'est considéré comme un vêtement de laine. si c'est un vêtement de matériel tricoté, c'est 23 %. en même temps, ils ont donné une augmentation très, très minime sur les tarifs de contingentement de 1 %, mais on doit faire entrer beaucoup plus de variétés de vêtements dans ce contingentement. en plus, ils vont inclure les doublures et d'autres aspects d'un vêtement qui étaient, avant, exclus pour le calcul de ces contingentements tarifaires. alors, chaque endroit où on commence à faire des progrès, on voit des empêchements.

Il y a aussi la problématique qui va peut-être faire surface: qu'est-ce qui est une définition de «antidumping»? On voit ça dans d'autres industries, actuellement. Vous avez vu des causes qui sont devant les cours. On ne sait pas exactement quelle sera la réaction des États-Unis sur certaines politiques gouvernementales canadiennes, québécoises ou municipales. Alors, c'est une autre chose qu'il faut faire beaucoup... prendre beaucoup d'attention.

Et pour vous donner une idée de la problématique de l'ajustement, je vais vous donner ici, si vous me permettez, donner un petit cas. Alors, pour avoir accès au marché canadien, avoir un grand accès au marché canadien, une manufacture canadienne devra avoir, je pense, à peu près six bureaux de vente, Denys?

M. Williamson: C'est ça, oui.

M. Shames: six bureaux de vente, alors, au canada. alors, si elle veut commencer à faire une percée aux états-unis, ça prend un minimum, en général, d'environ trois bureaux de vente. alors, vous voyez l'accroissement de 50 % des coûts, de temps de gestion et de ces aspects. en général, aux états-unis, ça prend, pour couvrir les états-unis, les fabricants américains ont environ 60 bureaux de vente, en général — une manufacture de moyenne taille — 60 bureaux de vente. pour pénétrer le canada, l'équivalent, ça prend trois autres bureaux de vente. alors, c'est un coût additionnel de 5 %. pour nous, c'est un coût de 50 %.

Alors, vous voyez un peu la problématique. Aussi, pour faire la publicité, si on peut rentabiliser une publicité à travers une clientèle de 250 000 000 de personnes, utiliser la même publicité pour faire une percée aux États-Unis, c'est un énorme coût additionnel pour les manufacturiers canadiens, et je ne sais pas pourquoi les Américains pensent qu'on... Ils ont peur, ça a l'air qu'ils ont peur de nos exportations, mais nous avons exporté 5 % de notre produit, dans le passé.

Si nous utilisons tous les contingentements tarifaires, c'est l'équivalent de 1 % du marché américain, et on voit des empêchements, chaque fois. Pour faire l'exportation, on rencontre des problèmes aux douanes.

Ils demandent énormément de paperasse. Si on voulait faire, dans le passé ...apporter des échantillons aux États-Unis pour montrer les produits aux acheteurs américains, le... a encore fait des trous dans le vêtement, déchire des vêtements.

Alors on voit ces obstacles continuellement. Alors, pour nous, ce n'est pas le libre-échange, pas pour l'industrie des vêtements. Si c'était le libre-échange, peut-être on serait plus content avec les conditions de l'ALENA, mais on voit ces... Il y a un cas spécifique, il y a ce qui s'appelle la règle de triple transformation, la règle d'origine qui est beaucoup plus sévère pour notre industrie que n'importe quel autre secteur de l'économie. C'est le seul secteur où il y a une règle de triple transformation. En général, c'est la valeur ajoutée qui est l'idée fondamentale dans l'échange internationale, et aussi, pour les autres secteurs de l'économie, mais pour le vêtement, les Américains ont demandé la règle de triple transformation et une règle d'origine qui est très, très restrictive. Alors, ce n'était pas le choix du gouvernement canadien, ces règles, mais ça, c'est des choses, des impositions du gouvernement américain.

Et peut-être que je peux donner la parole à M. Williamson pour parler un peu des mesures d'ajustement qui pourraient nous aider à faire face à ces défis.

Le Président (M. Dauphin): M. Williamson, en vous disant qu'il vous reste cinq minutes. (12 h 30)

M. Williamson: Bon. De toute façon, peut-être que je pourrais illustrer cette règle de triple transformation. C'est quand même quelque chose qui est assez unique. Il n'y a pas une seule industrie qui a à souffrir de cette contrainte. Si je prends mon mouchoir, il peut être... le design fait au Québec, le tissu acheté au Québec, la broderie faite au Québec, l'emballage fait au Québec, la publicité faite au Québec, mais, malheureusement, la moitié des fibres qui entrent dans la composition du mouchoir viennent d'Europe. Donc, le mouchoir n'est plus nord-américain.

Alors, ça va être impossible de traverser les douanes, aujourd'hui. Vous voyez les étiquettes de vêtements, ce que vous allez mettre dessus? On va être obligé... Ce sera beaucoup plus facile de dire «Ça vient de l'extérieur de l'Amérique du Nord, donc on va payer les droits de douane» plutôt que dire «Ce vêtement-là, pour telle ou telle raison, est eligible au traitement nord-américain». On va avoir des étiquettes en trois langues qui vont faire la grandeur du vêtement.

Mais, malgré tout, nous sommes quand même en faveur du libre-échange. Nous ne pourrons pas faire de concurrence, certainement, avec les grosses entreprises américaines. Je crois que les deux plus grosses entreprises américaines sont plus grandes que toute l'industrie du Québec; donc, il faut que, nous, on se positionne, qu'on développe des stratégies visant à trouver des niches sur le marché des États-Unis, et, pour ceci, on a besoin de tissus qui sont vraiment différents des tissus

américains. Autrement, on va offrir les mêmes vêtements que les Américains et à un coût certainement beaucoup plus élevé, et on n'aura aucune possibilité de vendre nos produits sur ce marché, alors que eux, évidemment, en ouvrant un bureau de vente, peuvent inonder du jour au lendemain le marché québécois du fait que leurs tissus coûtent moins cher que les nôtres, que leur main-d'oeuvre vient du Mexique et qu'ils ont un pouvoir pour faire de la publicité, du marketing; ils ont toutes les grandes marques, déjà.

M. Shames: si je peux faire un résumé de quelques mesures qui sont sous juridiction canadienne. une qui n'est pas sous juridiction canadienne, c'est si on pouvait avoir un élargissement des contingents tarifaires. une chose qui est très importante, qui est entièrement sous juridiction canadienne, c'est que les tarifs que nous payons sur nos tissus et nos fibres sont compétitifs. maintenant, ils sont 50 % plus haut que ceux des états-unis.

Autre mesure, on pourrait faire des ajustements, investissements continuels, la nouvelle technologie, la modernisation, le perfectionnement si on pouvait avoir — on ne parle pas de subventions — mais des mesures fiscales appropriées et des mesures de taxation appropriées pour encourager l'investissement et la formation.

Je vois que vous m'avez fait... J'avais deux minutes, mais est-ce que j'aurais encore un peu de temps ou est-ce que vous voulez aller à la période de questions?

Le Président (M. Dauphin): II reste deux minutes, monsieur.

M. Shames: O.K.

Le Président (M. Dauphin): Malgré qu'il va y avoir une période d'échange après, là, pour...

M. Shames: O.K. Aussi, il y a des sources de revenus, soit les ventes des quotas à l'encan, soit un pourcentage des revenus engendrés par les tarifs sur les tissus qui pourrait être utilisé pour promouvoir l'industrie du vêtement, pour faire la promotion des produits canadiens et québécois aux États-Unis et au Canada.

On demande aussi quelque chose qui est sous juridiction locale, c'est la formation d'une commission permanente pour regarder l'impact de la législation et des règlements sur la productivité et l'investissement et la possibilité de faire l'expansion au Québec. Je pense que cette commission permanente pourrait donner des bonnes recommandations au gouvernement avant qu'il mette en vigueur des politiques.

On demande aussi qu'il y ait une très bonne coordination entre les différents paliers gouvernementaux, soit municipal, provincial et fédéral, qu'il n'y ait pas de dédoublement des services et que nous puissions avoir accès à un système administratif beaucoup plus simple et qui est moins onéreux pour des manufacturiers.

C'est, grosso modo, les recommandations que j'aimerais faire entrer dans les deux dernières minutes, et on espère qu'on aura l'opportunité de parler de nos recommandations durant la période de questions.

Le Président (M. Dauphin): Très bien. Alors, merci beaucoup pour votre exposé, messieurs.

Je vais maintenant reconnaître M. le ministre des Affaires internationales pour débuter la période d'échange.

M. Ciaccia: Je vous remercie beaucoup pour votre présentation. On a eu l'occasion, souvent, de se rencontrer durant les négociations, de voir votre point de vue, de faire les représentations à Ottawa, à Michael Wilson et au gouvernement fédéral durant les conférences fédérales-provinciales. Vous savez que nous appuyons votre industrie. Inutile de dire que nous considérons que c'est une industrie importante non seulement pour le Québec, mais spécialement, aussi, pour Montréal. Votre contribution à notre économie est considérable, et nous voulons prendre les moyens nécessaires pour nous assurer que non seulement vous pouvez continuer à faire cette contribution, mais aussi que vous pouvez accroître vos activités, parce que plus vous augmentez vos activités, mieux c'est pour non seulement l'ensemble de la population, mais aussi pour votre contribution aux revenus du gouvernement du Québec. Alors, on partage ces objectifs et on veut faire le nécessaire pour aider votre industrie.

Vous avez mentionné certaines recommandations, par exemple, en termes des tarifs sur le tissu et les fils, qui sont différents... qui sont plus élevés que les tarifs américains. Vous savez qu'on vous a appuyés pour l'élimination des tarifs sur les tissus et fils qui ne sont pas disponibles au Canada. J'ai moi-même fait des interventions avec le gouvernement fédéral, à plusieurs reprises, et on continue à vous appuyer. Je crois que nous allons pouvoir— j'espère que nous allons pouvoir — obtenir des décisions favorables du gouvernement fédéral en ce qui concerne cet aspect-là.

Vous avez mentionné la question de la triple transformation, et, évidemment, vous avez raison, ça n'a pas été le choix du Canada, ça n'a pas été le choix du Québec. Cependant, pour surmonter les effets contraignants de cette triple transformation, nous avons obtenu des contingents tarifaires beaucoup plus élevés. J'ai trouvé intéressant votre exemple du mouchoir; vous dites que le mouchoir, maintenant, ce n'est plus un mouchoir québécois, il faut qu'il soit nord-américain.

Une voix: C'est ça.

M. Ciaccia: Bien. Je ne voudrais pas que vous me le prêtiez pour que je pleure, parce que, quand je regarde les contingents tarifaires pour votre mouchoir, sur l'entente du libre-échange américain, il était de

42 000 000 m2, et vous n'utilisiez que 27 % de ce contingent; nous avons augmenté, dans les négociations, ces 42 000 000 m2 à 80 000 000 m2. alors, je suis convaincu que vous allez pouvoir produire de plus en plus de mouchoirs non seulement comme dans le passé, mais vous pourriez augmenter parce que ces contingents-là, ils sont véritables; c'est une augmentation très, très importante.

Quand vous dites que vous craignez que les produits... que les compagnies américaines fassent la manufacture de leurs produits au Mexique, je crois que les contingents mexicains pour les États-Unis sont très minimes, ils sont beaucoup moindres. Par exemple, dans le cas de la laine, vous avez 5 067 000 m2; les Mexicains n'ont que 1 500 000 m2. Alors, d'après notre interprétation, ça va rendre difficiles, sinon impossibles de telles opérations parce que le contingent est trop bas pour permettre ce genre d'opérations. Ça, c'est notre interprétation de l'entente; vous pourrez me corriger si je me trompe.

M. Shames: Est-ce que vous voulez qu'on réponde?

M. Ciaccia: Non, juste un instant. M. Shames: Je m'excuse.

M. Ciaccia: Je veux juste faire deux autres commentaires...

M. Shames: Ah, je m'excuse! C'est parce que... (12 h 40)

M. Ciaccia: ...s'il vous plaît. Vous parliez des difficultés que vous avez avec l'entente du libre-échange, présentement. C'est possible que vous en ayez, mais les chiffres que, moi, j'ai de vos exportations aux États-Unis sur l'entente du libre-échange, ils sont passés de 169 000 000 $ à plus de 415 000 000 $ - les exportations du Canada — dont 205 000 000 $ seulement pour le Québec. Alors, il me semble que l'entente du libre-échange a été bénéfique pour votre industrie. Même la ville de Montréal, hier soir, prenait la position que, n'eût été de cette entente, vous seriez encore beaucoup plus en difficulté parce que votre marché intérieur a subi beaucoup de pertes.

Vous mentionnez aussi que les importations des vêtements américains au Canada sont passées de 8 000 000 d'unités à 24 000 000. Je voudrais vous signaler que ces importations des États-Unis sont passées de 150 000 000 $ à 290 000 000 $. Autrement dit, elles ont doublé, alors que, pour la même période, les exportations du Canada à destination des États-Unis ont augmenté encore vers une plus forte augmentation.

Ceci pour vous dire que notre interprétation de l'entente — de l'ALENA — c'est clair qu'il y a des contraintes. On aurait voulu augmenter de plus les contingents, mais nous croyons que nous avons réussi à garantir pour vous non seulement le marché existant que vous avez — qui est beaucoup plus que le marché que vous aviez — mais que nous avons laissé une marge pour accroître votre pénétration du marché américain, et nous avons aussi des engagements que ces contingents tarifaires seront renégociés à la hausse à la fin des cinq années.

Est-ce que je pourrais avoir vos commentaires sur quelques-uns des chiffres que je vous ai donnés, de l'approche que nous prenons, de l'appui que nous voulons vous donner en ce qui concerne la réduction des tarifs douaniers vis-à-vis le gouvernement fédéral?

Le Président (M. Dauphin): Messieurs.

M. Shames: si j'ai pris note... j'espère que j'ai pris note de tous vos commentaires. mais on peut commencer avec les contingents tarifaires. l'endroit où on a fait le plus de progrès, où on prévoit de faire le plus de progrès dans nos exportations, c'est dans les produits qui sont maintenant classés en laine. l'augmentation en laine, c'est 1 %, qu'ils ont augmenté. o.k. en même temps qu'ils ont fait une augmentation de 1 %, oui — théoriquement il y avait une augmentation — mais en même temps, il faut inclure beaucoup plus de choses dans ce contingent. alors, je pense que dans votre commentaire, il y a un petit jeu avec des chiffres, mais la réalité, ce sera plus difficile, parce que le contingent actuel pour faire l'exportation aux états-unis, ce sera utilisé à 100 % cette année en laine. d'après les ventes des manufacturiers, ce sera utilisé à 100 %, et ça n'inclut pas tous les nouveaux items, comme les doublures et la nouvelle définition de laine.

M. Ciaccia: Peut-être qu'on pourrait revoir les chiffres...

M. Shames: O.K.

M. Ciaccia: ...parce que les chiffres que, moi, j'ai, je suis prêt à en discuter avec vous. C'est que, avec la nouvelle interprétation, ça pourrait arriver à 70 % du...

M. Shames: cette année, 1992, c'était à peu près 65 %, avec les ventes qui sont prévues. pour l'année 1993, on prévoit une utilisation de 100 %, cette année, pour l'année 1993. c'est le pronostic avec l'utilisation de 100 %, même avec l'ancienne définition de la laine. o.k.

Alors, secundo, il faut tenir compte que les compagnies canadiennes ont juste commencé à faire l'exportation, et vous avez fait allusion qu'on a utilisé un certain pourcentage... seulement un petit pourcentage de nos contingents tarifaires, mais il faut tenir compte que cela n'inclut pas la règle... Votre chiffre est basé sur la règle de double transformation. Pas basé sur la règle de

triple transformation.

Une autre chose: Vous parlez exportation... Je m'excuse.

M. Ciaccia: excusez. parce que c'est la première fois que vous m'arrivez avec ce chiffre-là. parce que, dans toutes les discussions, il n'avait jamais été question que vous arriveriez à vos 100 %, l'année prochaine.

M. Shames: Oui. C'est...

M. Ciaccia: Ça, c'est la première fois que vous m'apportez ça à mon attention, en commission parlementaire.

M. Shames: C'est selon les ventes de certains manufacturiers qui ont juste montré leurs produits aux acheteurs. Il y avait deux grands «shows», à New York, dernièrement.

M. Ciaccia: Alors, ça veut dire que ce n'est pas 415 000 000 $ que vous allez vendre l'année prochaine, ça va être 500 000 000 $, 600 000 000 $.

M. Shames: Pas nécessairement. Ça dépend. Ça, c'est pour l'aspect de la laine. Vous parlez... a exporté seulement 42 000 000 $, je pense que c'est 42 000 000 $, de valeur en complets. Je n'ai pas le chiffre devant moi, alors si, en fait, en augmentation, vous... en laine, c'est... Notre produit qui a eu le plus de succès, c'était les produits de laine, mais c'est un cap. O.K. Je peux discuter en détail ces chiffres. O.K. Vous parlez du problème du Mexique. Vous ne prévoyez pas ça comme un problème parce que vous parlez de contingent du Mexique, mais les produits mexicains vont, peut-être, dans notre analyse, ils vont utiliser des tissus qui sont nord-américains, une grande utilisation de tissus américains pour faire leurs produits. Je ne vois pas, nécessairement, que les Mexicains vont utiliser le même pourcentage des tissus importés.

M. Ciaccia: Alors, ils ne seront pas en compétition avec vous. C'est un autre produit, ça.

M. Shames: Pas nécessairement. Une voix: Ah oui.

M. Ciaccia: Bien oui, mais... On ne peut pas mélanger les pommes puis les choux, là. Si vous parlez de la laine, il faut parler de la laine.

M. Shames: Oui, mais pas des autres. Pour les autres, ils peuvent utiliser...

M. Ciaccia: Si vous parlez d'autres produits de coton, ce n'est pas le même produit. Alors... Tu sais...

M. Shames: Ils peuvent utiliser beaucoup d'autres produits dans leur production.

M. Ciaccia: Parce que vous faites des produits haut de gamme. C'est pour ça que la laine est importante.

M. Shames: Pas nécessairement. Ça, c'est une chose que...

M. Ciaccia: Pour la laine.

M. Shames: Non. On ne fait pas... Non. Les exportations en laine, c'est de moyen de gamme. Je m'excuse. C'est... Les grandes exportations...

M. Ciaccia: Pour vous, c'est moyenne gamme, mais quand ça arrive aux États-Unis, c'est haut de gamme.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: Non, non. Je comprends votre produit. Je comprends votre produit.

M. Shames: Oh no!

M. Ciaccia: Dans les prix, c'est moyenne gamme, mais c'est vraiment... Vous avez pris une niche du marché que vous avez pu, vraiment, réussir d'après les règles de l'ALE.

M. Shames: Parce qu'on a utilisé des tissus importés, alors, et... Maintenant, on fait face à cette contrainte. C'est pas... La plus grande production, au Canada, ce n'est pas nécessairement... ce n'est pas les produits de haut de gamme, alors...

M. Ciaccia: Si on peut réussir à obtenir une réduction des tarifs douaniers, quel sera l'effet sur votre industrie, en ce qui concerne l'ALENA?

M. Shames: Ça peut nous aider à faire... pas remplacer les pertes, mais ça peut nous aider à faire la compétition aux produits américains qui vont inonder notre marché quand les tarifs vont diminuer. Ça peut nous aider à faire une compétition sur les produits américains et mexicains qui pourraient inonder notre marché. Pas nécessairement en remplacement de la perte de marché, mais ce serait une aide considérable.

M. Williamson: parce que les tarifs, aujourd'hui, sont quand même beaucoup plus élevés. je crois que nos tarifs sont 50 % plus élevés que ceux des américains. ils sont en moyenne de 15 %, alors qu'ils sont seulement de 10 % aux états-unis et de 6 % en europe. donc, même si on a baissé les tarifs et qu'ils baissent graduellement, on part d'une base qui est tellement plus

élevée qu'on a beaucoup de chemin à faire pour arriver à un niveau de tarif égal entre le Canada et les États-Unis; 50 % de différence de tarifs entre les deux pays, c'est énorme, surtout que le tissu comprend... rentre à peu près dans 40 % du coût de la fabrication.

M. Ciaccia: C'est pour ça que ce que le gouvernement fédéral a fait maintenant, d'après le tribunal, il a seulement baissé les tarifs.

M. Williamson: II a commencé à les baisser régulièrement.

M. Ciaccia: Ce que vous demandez, et ce qu'on vous appuie...

M. Williamson: C'est les éliminer.

M. Ciaccia: ...c'est de l'éliminer pour les tissus qui ne sont pas fabriqués ici...

M. Williamson: C'est ça.

M. Ciaccia: ...au Canada, que je trouve raisonnable, et on va continuer à vous appuyer dans cette démarche.

Une voix: Oui.

M. Shames: Mais même avec leur réduction, ils vont les réduire à un minimum de 16 %, et les tarifs américains sont à 12 %. C'est déjà un...

M. Ciaccia: C'est insuffisant. Je suis d'accord avec vous.

M. Shames: Alors, on voit... Et on a une analyse un peu différente de la situation dont vous avez fait mention, parce que nous avons juste commencé nos exportations et nous avons juste commencé nos programmes d'exportation, et avec le contingent qui était attribué avec la règle de triple transformation, si on double nos exportations à 10 %, il y a une possibilité, parce que personne n'a fait le calcul avec la règle de triple transformation. Ça pourrait être tout utilisé.

M. Ciaccia: Oui, mais c'est l'ALE qui vous a permis d'augmenter vos exportations. Si vous n'aviez pas l'ALE, vous auriez tout... vous n'auriez pas de contingent, vous auriez toutes les douanes américaines. Est-ce que je me trompe en disant que l'ALE vous a permis de faire des exportations...

M. Shames: Dans certains produits, mais il y a le cap à notre potentiel de faire l'exportation. En même temps, nous attendons une perte de pourcentage significative à long terme de notre marché local. (12 h 50)

M. Ciaccia: oui, mais le cap, ce sont les contingents tarifaires. après ça, vous payez la douane. dans les vêtements de coton, vous pouvez aller à 80 000 000 m. vous êtes de 42 000 000 m2 à 80 000 000 m2. dans la laine, ça a augmenté très mini-mement, je suis d'accord avec vous, parce que les américains ont voulu vraiment se protéger, mais il restait encore une marge d'à peu près 35 % d'augmentation de vos exportations.

En tout cas, moi... Écoutez, on n'a pas beaucoup le temps ici de faire tous les chiffres.

M. Shames: Non, non. Oui.

M. Ciaccia: Je suis prêt à m'asseoir avec vous, revoir les chiffres et voir ce qu'on peut faire.

M. Williamson: Une petite précision pour, peut-être, mettre les choses dans le bon contexte. 80 000 000 m2 équivalents, ça semble énorme, ça paraît une surface énorme, mais ça ne représenterait même pas 1 % de la production annuelle des ventes de vêtements aux États-Unis. C'est vraiment... c'est minuscule.

M. Ciaccia: Non, non. Ça, ce n'est pas «fair». Ça, ce n'est pas «fair». Oubliez la production, le pourcentage aux États-Unis, parce que c'est leur marché, ça. On ne peut pas s'attendre... On n'a pas un marché unique. C'est «unfair» de dire: Ça représente seulement 1 % ou 2 % de leur production. Regardez ce que ça représente de votre production, parce que les Américains ne sont pas obligés d'ouvrir leur marché et, s'ils augmentent de 42 000 000 m2 à 80 000 000 m2, c'est une concession qu'ils ont faite. Le fait que ça représente seulement un petit pourcentage de leur marché, ça, ce n'est pas... Ce n'est pas ça qui entre en considération. C'est: Qu'est-ce que ça va faire pour vous, parce que sûrement, vous n'êtes pas en mesure de remplacer les fournisseurs américains sur 250 000 000, même si on voulait vous le donner, hein? Alors, je pense qu'il faut être un peu raisonnable, et il faut interpréter ces chiffres-là en ce qui concerne votre production à vous et l'augmentation que ça peut vous donner, parce que sans le libre-échange, ça ne serait pas 42 000 000 m2, ça serait zéro. Sans l'ALENA, ça ne serait pas 42 000 000 m2, ça ne serait pas 80 000 000 m2, ça serait zéro. Alors, il faut regarder ça dans cette optique-là.

M. Williamson: En retour, vous voyez des secteurs entiers de notre industrie qui vont disparaître, parce que des énormes firmes américaines vont prendre entièrement la part du marché canadien.

M. Ciaccia: Écoutez, ils ne l'ont pas pris, la part du marché canadien. Ils ont doublé et vous avez triplé, sur l'ALE. Alors, on a voulu maintenir votre accès, mais on vous l'a augmenté. On a réussi dans les contin-

gents. Si vous me dites qu'on se trompe, eh bien, on va s'asseoir avec vous. Alors, si l'industrie américaine, sur l'ALE, n'a pas pu prendre, faire la percée que vous craignez maintenant, je ne vois pas comment ils vont le faire avec l'ALENA, parce que les contingents, les conditions ont été améliorées.

Le but que j'ai, M. Shames et M. Williamson, c'est de vous aider, mais je trouve qu'entendre... C'est bon, ce que vous nous dites, parce qu'en temps de négociations, ça va nous aider vis-à-vis le gouvernement fédéral. Je vais dire: Écoutez, l'industrie est venue nous voir.

Mais je voudrais situer le débat et les chiffres dans leur vrai contexte.

M. Shames: Nous aussi. C'est pourquoi on a fait mention que les chiffres utilisés jusqu'à date ne tiennent pas compte des nouvelles exigences.

M. Ciaccia: vous avez raison que le 27 % du 42 000 000 m2 et le 50 % du 5 000 000 m2 ne tient pas compte, mais le 42 000 000 m2 a été augmenté à 80 000 000 m2, et le 5 000 000 m2 n'a pas été beaucoup augmenté, mais il y a une marge pour votre pénétration du marché. «we are on your side.»

M. Shames: Non, je comprends, mais la façon que nous avons différentes perspectives des implications de cette règle du triple...

M. Ciaccia: C'est ça que je vous demande, parce que moi, je veux négocier pour vous, avec vous avec le gouvernement fédéral, mais il faut que vous m'aidiez à être crédible, parce que si je donne certains chiffres, de dire qu'il y a eu 8 000 000 d'importations, les importations des États-Unis sont augmentées de 8 000 000 d'unités à 24 000 000; c'est énorme! Mais si vous chiffrez ça en dollars, ce n'est pas le triple, c'est le double.

Alors, moi, je veux aller à Ottawa avec des chiffres exacts, avec les conditions exactes de votre industrie et, si me donnez les «amunitions», je vais produire les résultats pour vous.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. le ministre.

Le temps alloué à la formation ministérielle est maintenant épuisé.

Je vais maintenant reconnaître M. le député de Bertrand.

M. Beaulne: Merci, M. le Président.

J'ai trouvé votre mémoire fort intéressant. D'abord, ça entraîne une certaine démystification de l'idée qu'on se faisait de l'industrie de l'habillement à Montréal, comme étant une industrie essentiellement composée de bas salariés, et qui était une industrie en recul par rapport aux innovations technologiques que vous cherchez à implanter dans votre industrie, d'une part. Deuxièmement, je pense qu'on n'avait pas saisi toute l'implication et toute l'importance du secteur de l'habillement à Montréal, étant donné — comme vous le dites dans votre mémoire — que ça représente 60 % de la production canadienne. C'est énorme!

Ce que je retire, également, de votre mémoire ainsi que de la conversation que vous avez eue avec le ministre, c'est qu'au fond l'association de libre-échange étendue au Mexique c'est, pour vous, l'équivalent d'avoir fait un pas en avant avec l'association de libre-échange avec les États-Unis, mais deux pas en arrière en ajoutant le Mexique, dans le contexte de la façon dont se sont amorcées les négociations avec le Mexique.

Vous me permettrez de revenir sur certains commentaires — compte tenu de la discussion qui s'est amorcée — que je trouve un peu surprenants de votre part. À la page 22, vous dites: «Même si l'on n'a pas obtenu grand-chose pour l'industrie canadienne du vêtement au cours des négociations, nous n'avons jamais eu l'impression que le ministre du Commerce extérieur, ses fonctionnaires ou d'autres membres des équipes de négociateurs aient mal compris ou mal défendu nos intérêts.» Vous adressez ces commentaires-là au gouvernement fédéral. Vous dites, après: «L'acceptation de ces règles concernant le commerce du textile et du vêtement était une partie du prix à payer pour obtenir l'ALENA.» Vous dites qu'ils ont bien négocié, mais vous dites que c'est vous qui en faites les sacrifices. Par contre, vous dites, à la page 12: «Pour avoir renoncé à son droit de contester la définition de la laine, le Canada aurait dû au moins être indemnisé par les Américains. Il n'a pourtant reçu aucune compensation de ce genre...». J'en déduis qu'ils n'ont pas, donc, négocié si bien que ça.

Ma question est la suivante. Ma première question est la suivante: Puisque vous êtes ici, puisque vous incitez le gouvernement du Québec et le ministre des Affaires internationales à prolonger ses démarches auprès du gouvernement fédéral, c'est donc que vous pensez — contrairement à la sorte de fatalisme que laisse entendre votre mémoire à la page 22 — qu'il y a encore quelque chose à faire. Qu'est-ce que vous pensez qu'il reste à faire?

M. Shames: Primo, comme on en a fait mention dans le mémoire, on aura des opportunités, peut-être, de renégocier ou élargir les contingents tarifaires. Théoriquement, il y a une opportunité, et on espère que le gouvernement canadien va essayer de continuer ses efforts pour élargir ces contingents tarifaires.

Aussi, il y a ce qui s'appelle une liste de tissus qui sont «short supply», le mot technique est «short supply list». Ça, il y a à peu près 100 tissus qui étaient déposés avec les négociateurs, mais les Américains ont accepté seulement sept de ces tissus. On espère que le gouvernement canadien va continuer ses efforts et élargir cette liste de produits, de matériel, qui sont, si vous pouvez m'aider...

Une voix: Non disponibles.

M. Shames: ...non disponibles. Quand vous faites mention que... est-ce que nous pensons... Le gouvernement canadien, selon la présentation qu'on a eu des négociateurs, ils étaient... Pour avoir un ALENA que le gouvernement canadien a décidé qu'il est important... Il a fallu accepter les conditions de l'industrie américaine du textile. C'était un prix que le gouvernement canadien a ouvertement dit qu'il devrait payer pour avoir un ALENA. Je pense que le gouvernement fédéral a fait de son mieux, mais il n'était pas en position... il n'avait pas le pouvoir de changer ces choses. Et on espère, si on peut retourner aux négociations quand il y aura des révisions, peut-être, on aura plus d'occasions d'élargir ces contingents et aussi d'élargir cette liste de tissus dont j'ai fait mention. Ça, ce sont deux aspects. (13 heures)

II y a des choses qui sont sous le contrôle du gouvernement fédéral, qui sont entièrement sous contrôle fédéral, et je pense que le gouvernement du Québec peut nous aider beaucoup. C'est de faire des pressions pour que les tarifs soient réduits, au Canada, à un niveau équivalent de ceux aux États-Unis, et que, pour les tissus qui ne sont pas disponibles de sources canadiennes, on ne sera pas obligés de payer des tarifs. On ne parle pas maintenant des tissus qui sont disponibles au Canada, on parle des choses qui ne sont pas produites et ne seront pas produites au Canada. C'est une chose qui est entièrement sous la juridiction du gouvernement canadien. Alors, je pense que le Québec peut jouer un rôle très important, dans ce sens.

M. Williamson: Mais on ne parle pas d'un montant énorme, parce que les tarifs douaniers sur ces tissus qui ne sont pas produits au Canada ne représentent même pas 50 000 000 $ par an, je crois, Israël.

M. Shames: Je n'ai pas les chiffres...

M. Williamson: Ce n'est pas un montant énorme, de tarifs douaniers.

Le Président (M. Dauphin): M. le député.

M. Beaulne: Oui, une deuxième question concerne l'impact restrictif de la règle d'origine triple. C'est une question qui vous préoccupe énormément. D'ailleurs, je pense que c'est à ce niveau-là où il y a eu un recul par rapport à l'accord initial avec les États-Unis. Lorsque vous dites qu'il y a une certaine marge de manoeuvre, à la fois pour le gouvernement du Québec et pour le gouvernement fédéral, il y a, entre autres, un élément qui me vient à l'esprit et que le gouvernement fédéral pourrait peut-être invoquer. C'est que, alors que l'Accord de libre-échange avec les États-Unis respectait l'article 24 du GATT, il me semble que — compte tenu, en particulier, de l'aspect restrictif qui vient d'être inséré dans le domaine du vêtement par l'alena — il me semble qu'il y a mesure, qu'il y a une place ici, une marge de manoeuvre, étant donné que l'article 24 du gatt précise qu'on peut créer des zones de libre-échange ou des marchés communs, à condition que 80 % du commerce soit couvert par ces accords et, surtout, à la condition que ces accords fassent augmenter le commerce et non pas le restreindre.

Alors, si je comprends bien, vous, la démonstration que vous essayez de faire, c'est que, entre autres, l'application de cette règle des triples origines pourrait avoir comme effet, finalement, de restreindre vos possibilités d'accès aux nouveaux marchés, plutôt que de les augmenter. Alors, dans ce sens, ne pensez-vous pas que le gouvernement fédéral n'a pas tout fait ce qu'il aurait pu faire pour essayer d'obtenir plus pour votre industrie?

M. Shames: On n'a pas regardé cet aspect. Merci pour l'avoir souligné, on va le regarder en profondeur, merci pour ça.

M. Williamson: Une chose qui est certaine, c'est que ça va être assez facile de savoir ce qu'on ne peut pas exporter. Ça va être beaucoup plus difficile de déterminer ce qu'on va pouvoir exporter dans l'Accord de libre-échange. Ça, c'est...

M. Beaulne: Une dernière petite question avant de passer le mot à mes collègues. À la page 11 de votre mémoire, vous dites que M. John Weekes, qui était le négociateur en chef du Canada, a dit que les contingents tarifaires plus élevés compenseraient les conséquences néfastes de la triple règle d'origine liée à la transformation qui limite davantage les possibilités. Le ministre des Affaires internationales du Québec a repris tout à l'heure exactement le même argument; vous dites que c'est faux. Le ministre s'appuie sur le raisonnement suivant, c'est-à-dire que l'Accord — l'ALENA — prévoit qu'au bout de cinq ans on pourrait revoir les contingents à la hausse, et il semble optimiste que ça puisse s'être fait à la hausse.

J'aimerais savoir vos commentaires là-dessus. Est-ce que vous êtes aussi optimistes que le ministre qu'au bout de cinq ans les Américains vont accepter de revoir à la hausse ces contingents-là?

M. Ciaccia: C'est juste une question de rectification. Ce n'est pas mon opinion. L'entente dit que ça va être renégocié à la hausse; ce n'est pas moi qui le dit, ce n'est pas mon opinion. L'entente prévoit que ça va être à la hausse.

M. Beaulne: Oui, oui, alors, mettons ça autrement.

M. Ciaccia: Annexe 300 b.

M. Beaulne: De la même façon que l'Accord de libre-échange avec les États-Unis prévoyait qu'on s'entendrait dans une période de temps, je pense, de cinq à sept ans sur la définition de subvention et que, là, suite à l'ouverture de cette entente-là au Mexique, la définition va être portée aux calendes grecques et refilée au GATT, étant donné, également, qu'il est fort probable que d'autres pays adhèrent à l'ALENA dans les années à venir, considérez-vous que cette garantie, à l'heure actuelle, est suffisante pour vous assurer un avenir prometteur?

M. Ciaccia: Excusez, je veux juste une autre rectification. Il n'y a rien dans l'ALE qui a dit que, dans sept ans, il faut négocier les subventions. Ça ne le disait pas, mais ça le dit dans l'ALENA, que ça va être renégocié à la hausse, c'est l'annexe 300 b.

M. Beaulne: Oui, mais moi, je demande aux gens: Est-ce qu'ils se satisfont de cette garantie-là, compte tenu que ces accords-là...

M. Ciaccia: C'est pas une garantie!

M. Beaulne: ...sont sujets à modification chaque fois qu'il y a une nouvelle admission.

Le Président (M. Dauphin): Messieurs.

M. Shames: Les endroits où on ne fait pas beaucoup d'exportation, on prévoit qu'il va nous donner des augmentations. Les endroits où nous avons de bons potentiels de faire de l'exportation, on pense qu'il n'y a pas d'augmentation significative, ou même pas d'augmentation. Alors, c'est ça qui... La preuve était le changement de la définition de laine. On a commencé à faire de l'amélioration de nos exportations aux États-Unis en produits de laine; ils ont changé ça, de la règle de double transformation à la règle de triple transformation, avec inclusion des doublures et d'autres aspects dans le calcul des contingents tarifaires. Les endroits où on a de bons potentiels de faire de l'exportation, on ne prévoit pas d'augmentation des contingents. Le lobby américain du textile est très, très fort.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le député de Labelle.

M. Léonard: Merci. Je vois que ce que vous dites, c'est que, tout en disant qu'on ouvre les marchés, on impose des règles de plus en plus restrictives. Ce que je lis à la page 24, dans le mot de la fin, je trouve ça très intéressant, parce que, au fond, vous dites que l'ALENA, c'est un recul — il est très clair — pour l'industrie canadienne du vêtement. Et vous dites, un peu plus loin: «Les possibilités d'accroissement de nos exportations dépendront de plus en plus des exceptions aux règles générales de l'accord commercial.» Je l'inter- prète comme étant, finalement, une crainte de marginalisation de l'industrie du textile, ici, si je comprends, et j'aimerais ça vous entendre là-dessus.

L'autre question que je voulais vous poser: Dans la mesure où c'est ouvert, aussi, au Canada et au Québec — vous allez être en concurrence avec l'industrie américaine — quels sont les éléments, quels sont les facteurs de coûts les plus affectés? En termes de coûts de la matière première, ça doit être assez semblable — les coûts d'approvisionnement des Américains et les vôtres — mais est-ce que c'est surtout la taille de l'entreprise ou si ce sont les coûts de main-d'oeuvre associés aux taxes à la main-d'oeuvre? J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

M. Shames: On parle des États-Unis, maintenant?

M. Léonard: Oui, mais en termes de concurrence, les Américains entrant ici, disons, avec moins de restrictions, dans la mesure où vous dites que les possibilités d'accroissement vont avoir tendance à vous marginaliser, à un moment donné, on est devant le facteur concurrence.

M. Williamson: Si je peux me permettre de répondre. Je crois qu'on ne peut pas compétitionner avec les Américains sur le côté prix seulement; il faut prendre en considération d'autres choses: la valeur, la mode, la spécificité du produit. C'est certain que, si on parle uniquement de questions de coûts, ils achètent des tissus moins chers que nous, ou peut-être aux mêmes prix, mais comme ils en achètent des quantités 10, 20, 100 fois supérieures aux nôtres, ils vont avoir de meilleurs tarifs. Ils ont une main-d'oeuvre dont le salaire est probablement un tiers inférieur au nôtre, des charges sociales inférieures aux nôtres. Sur le plan fiscal, je ne peux pas comparer la fiscalité américaine à la nôtre, je ne le sais pas.

Donc, en fait, ils ont un avantage certain. En plus, c'est beaucoup plus facile pour eux de mettre une ou deux personnes au Canada et d'envahir ce marché-là avec un ou deux représentants ou de racheter une société de distribution au Canada que, pour nous, pour l'industrie du vêtement, d'aller monter un réseau de vente aux États-Unis. Alors, sur le plan des coûts eux-mêmes, on ne peut pas parler de compétition, on n'est pas au même niveau. Il faut qu'on ait des produits qui soient différents, qui s'adressent à un marché différent, une petite niche, et, pour cela, c'est ça, il faut qu'on ait accès à des tissus différents. Là, on peut garder nos coûts de main-d'oeuvre plus élevés et garder nos emplois.

M. Léonard: Mais...

M. Williamson: La mode n'a pas de prix.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Labelle.

M. Léonard: ...ça revient à dire que c'est, finalement, les coûts de la main-d'oeuvre, si j'écoute...

M. Williamson: Oui...

M. Léonard: ...ce que vous dites. Parce que...

M. Williamson: .. .produits de base.

M. Léonard: ...la taille des entreprises, ça peut être dépendant du marché, mais, un Américain qui voudrait vraiment aborder le marché américain ne s'installerait pas ici, à cause des facteurs de coûts de main-d'oeuvre.

M. Williamson: Ils ne l'ont pas fait jusqu'à présent.

M. Léonard: Non, je comprends.

M. Williamson: Non, il n'y a pas de raison qu'ils le fassent.

M. Léonard: Donc, leur concurrence peut être mortelle dans le temps, ici même, sur le marché canadien.

M. Williamson: Sur certains produits.

M. Shames: S'ils ont identifié le Canada comme un marché potentiel pour eux, ils ne l'ont pas fait dans le passé; alors, c'est pourquoi, dans le passé, ils n'ont pas regardé le marché canadien comme un marché important pour eux. Mais avec l'élimination à long terme des douanes pour le produit final qui utilise des tissus nord-américains, peut-être... On prévoit qu'ils vont identifier de plus en plus le marché canadien comme un marché intéressant pour eux. Alors, nous allons faire face à une longue compétition de certains de nos produits locaux à cause de ça. (13 h 10)

M. Léonard: Vous avez dit, au cours de l'exposé, que vous seriez d'accord avec un vrai libre-échange; celui qu'on a là, ça n'en est pas un.

Allez-y donc.

M. Shames: Un vrai libre-échange, pour nous, c'était le potentiel d'exporter des produits sans avoir de règle de triple transformation.

M. Léonard: Donc, une capacité de vous approvisionner dans le monde entier avec une transformation...

M. Shames: Et faire l'exportation de nos produits aux États-Unis. Ça, c'était un plus vrai libre-échange, parce que nous devrons offrir quelque chose qui est différent d'un produit américain. Si on compétitionne avec le textile nord-américain pour compétitionner avec les produits américains, à cause de leur taille on n'a aucune possibilité. Il faut faire quelque chose de différent, même pour notre marché local à long terme.

M. Léonard: ...l'approvisionnement de tissus très différents, c'est important pour vous.

M. Shames: Oui. Et fils, à cause de...

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup.

Il nous reste seulement cinq minutes et Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve m'avait demandé la parole.

M. le ministre, conclusion à la fin.

Mme Harel: Dans un document qui a été publié en octobre, cet automne, préparé par le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle du Québec, on y lit — et qui porte sur salaires et relations du travail, dans un contexte de libre-échange, qui fait la comparaison Québec-Mexique, notamment — on peut y lire, concernant votre industrie, qu'il est probable que des pressions s'exercent au Québec pour que soient réévalués les décrets des conventions collectives dans le secteur de l'habillement. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus parce qu'on n'a pas encore pu aborder cette question-là.

M. Williamson: Certaines choses ont été faites. Il y a des démarches, à l'heure actuelle, qui ont lieu pour développer une stratégie industrielle, si je peux l'appeler comme ça, pour notre industrie. Il n'y a pas eu d'échéance vraiment de fixée, mais il y a eu des rencontres préliminaires. J'ai assisté à certaines de ces rencontres-là. Et, en autant que je sache, dans le domaine de l'industrie de la confection féminine, je sais qu'il y a des choses qui se font et qui vont peut-être permettre d'assouplir le régime des décrets. Mais, c'est simplement en cours, à l'heure actuelle.

Mme Harel: Alors, ces rencontres, elles ont eu lieu depuis 1993?

M. Williamson: Oui, il y a une rencontre qui a eu lieu...

Mme Harel: Au ministère du Travail, j'imagine.

M. Williamson: ...à Montréal, au ministère du Travail. Je parle de la confection... du secteur de la confection féminine. Je ne connais pas, pour les autres secteurs. Il y a eu une rencontre qui a eu lieu il y a environ trois semaines, entre le ministère du Travail, les représentants de l'association des contracteurs, les représentants de la Guilde des manufacturiers de vêtement de mode du Québec, et l'UIOVD, le syndicat. Et d'autres rencontres sont prévues dans les semaines à venir.

Mme Harel: Mais, alors, vous êtes d'accord avec les affirmations qu'on retrouvait à l'effet que, dans le contexte de l'ALENA, de ce qui est proposé, il y aurait une sorte de pression sur l'industrie pour que soient réévalués les décrets des conventions.

M. Williamson: M. le Président, c'est normal, essentiel. Il n'y a pas de décret aux États-Unis, il n'y a pas de décret en Ontario, en autant que je sache, non plus. C'est une structure administrative, une charge supplémentaire qui est très coûteuse, qui rajoute... crée des emplois, qui n'ajoute pas de valeur, qui sont très restrictives.

Par exemple, à l'heure actuelle, dans le concept du Juste à temps, il faut être capable de livrer très rapidement, il n'y a plus de saison. Si vous exportez aux États-Unis, vous devez être capables d'exporter votre production en juin et juillet, et, par le décret, on est obligés de fermer nos usines au mois de juillet, juste au moment où on doit exporter aux États-Unis.

Vous voyez, il y a certains ajustements qu'il faut faire parce que les conditions ont changé et ne sont plus celles des années soixante, soixante-dix, pour lesquelles les décrets avaient été conçus.

Mme Harel: Donc, il faut envisager une sorte d'ajustement vers une sorte d'harmonisation avec les conditions américaines. C'est ce que vous voulez dire?

M. Williamson: C'est ça. Il faut qu'on ait des conditions de travail qui correspondent aux conditions du marché et aux exigences de l'industrie, du monde des affaires, des consommateurs.

Mme Harel: Je vous remercie. M. Williamson: Je vous en prie.

Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup.

M. le ministre, le mot de la fin.

M. Ciaccia: Le mot de la fin. Je veux remercier les représentants de l'industrie, je veux vous assurer qu'on va continuer à travailler avec vous.

Je vais vous donner un exemple sur lequel on peut faire quelque chose, maintenant. Je suis d'accord d'intervenir auprès du gouvernement fédéral pour voir si on peut allonger la liste des produits en disponibilité, les «short supply». Alors, c'est vrai que les Américains ont accepté seulement sept produits, et c'est possible d'allonger cette liste, et, immédiatement, on va se mettre en communication avec le gouvernement fédéral pour l'allonger.

Je ne suis pas d'accord avec le député de Bertrand quand il dit que la liste est un pas d'avant et que l'ALENA, c'est deux pas derrière. C'est de la pure désinformation. Et l'article 24... Je peux vous assurer que l'article 24 du GATT prévoit les possibilités d'accords de libre-échange. Alors, on n'est pas en contravention avec le GATT, l'article 24c prévoit de tels accords.

Cependant, nous croyons que nous pouvons vous aider encore plus, et nous allons travailler avec vous pour la question des tarifs douaniers et la disponibilité des produits pour allonger la liste.

Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre.

Alors, merci, messieurs, représentants de l'Institut des manufacturiers du vêtement du Québec, d'avoir accepté notre invitation et de votre participation, et bon retour.

Nous suspendons les travaux jusqu'après les affaires courantes, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 13 h 16)

(Reprise à 16 h 10)

Le Président (M. Dauphin): Messieurs, si vous le permettez, nous allons débuter nos travaux.

Donc, la commission reprend ses travaux, toujours concernant le mandat d'une consultation générale et tenir des auditions publiques sur l'Accord de libre-échange nord-américain.

Alors, c'est avec plaisir que nous accueillons maintenant M. Pierre Pettigrew, qui est accompagné de M. Pierre Lemonde, associé et collaborateur.

Alors, je vous signale que... Premièrement, on vous souhaite la bienvenue à nos travaux. On vous remercie d'avoir accepté notre invitation.

Concernant la période de temps qui nous est allouée, nous avons 45 minutes, c'est-à-dire divisées en trois parties: 15 minutes pour la présentation et 30 minutes d'échange du côté ministériel et de l'Opposition officielle avec vous deux.

Alors, bienvenue, et c'est à vous la parole.

M. Pierre S. Pettigrew

M. Pettigrew (Pierre S.): M. le Président, merci infiniment de votre accueil, aujourd'hui. J'étais très heureux, avec mon collaborateur, chez Samson, Bélair, qui est directeur de Samson, Bélair, Deloitte & Touche international, de venir vous rencontrer aujourd'hui et de me retrouver dans des lieux qui me sont très familiers, où j'ai passé de longues soirées à une époque désormais révolue de ma vie, mais qu'il me plaît de retrouver aujourd'hui avec plusieurs amis, ici même, dans cette salle et à l'Assemblée nationale, d'où nous arrivons à la période des questions. Alors, c'est toujours un plaisir renouvelé, pour moi, de venir à l'Assemblée nationale, et j'apprécie votre hospitalité.

Je l'apprécie d'autant que nous allons traiter d'un dossier extrêmement important, celui du commerce international et celui de la place du Québec en Amérique du Nord, finalement, celui du rôle que notre société joue d'une façon assez motrice et assez unanime, finalement, puisque l'Opposition et le gouvernement s'entendent sur l'importance, bien sûr, d'ouvrir les frontières de l'économie québécoise à l'ensemble de l'Amérique du Nord.

Alors, je pense que, à ce moment-ci, il est impérieux de dédramatiser beaucoup le discours — notamment celui que vous avez entendu ce matin, je crois comprendre — mais de dédramatiser l'impact réel de l'Accord de libre-échange avec le Mexique, des impacts de ce que les Mexicains sont en train de faire eux-mêmes dans leur propre économie. Je pense qu'il est important de comprendre que l'Accord de libre-échange aura un impact assez marginal, finalement, sur l'économie du Québec et du Canada si on compare, par exemple, aux réformes mexicaines extrêmement importantes dans leur économie.

Les réformes économiques mexicaines sont beaucoup plus profondes et beaucoup plus impérieuses. À partir du moment où les Mexicains ont choisi de moderniser leur économie, de privatiser 650 sociétés d'État, de devenir membres du GATT, en 1986, et donc, de libéraliser leur commerce, d'ouvrir leur territoire aux investissements étrangers, de respecter davantage la propriété intellectuelle, d'assainir la vie économique et d'ouvrir les fenêtres, au fond, il faut savoir que, d'ores et déjà, ce pays s'engage dans une voie de compétitivité accrue, et, à partir du moment où le Mexique choisit de s'engager dans une voie de compétitivité accrue, que ce pays choisit, en parallèle, de négocier un accord de libre-échange avec les États-Unis d'Amérique — son voisin immédiat et un marché extrêmement important — eh bien, il faut savoir que c'est là que la joute va se jouer et que la concurrence va devenir beaucoup plus serrée sur notre propre continent.

Devant cette réalité, sur laquelle le Canada et le Québec n'ont aucune prise, en ce que nous ne pouvons pas dicter l'agenda mexicain — et ce n'est pas en disant non à l'Accord de libre-échange avec le Mexique que nous réussirions à faire changer la vapeur, de ce côté — il nous faut absolument, face à ces faits, face à ces réalités qui sont très saines pour le développement d'un pays du Sud, un pays en voie de développement, un pays en voie d'industrialisation, eh bien, il est très heureux que nous ayons la chance de nous associer à ce développement-là et, au fond, que nous vivions à la fois ce phénomène comme étant une acceptation d'une concurrence supplémentaire, d'une concurrence accrue. Donc, s'ils font des gains de productivité dans ce pays du Mexique à cause des réformes économiques qu'ils ont engagées, c'est une invitation, pour le Québec, à faire des gains de productivité semblables si nous voulons maintenir nos propres niveaux de vie et si nous voulons maintenir le rang qui est le nôtre parmi les pays de ce monde, parmi les pays de la planète.

Donc, il faut le voir comme une invitation à améliorer notre propre productivité, plutôt que de jouer négativement à être tristes de développements qui sont fondamentalement heureux, et ça m'amène à parler de l'autre élément. Je crois qu'il y a une responsabilité fondamentale, pour un pays comme notre société, face aux pays du Sud.

De plus en plus, les pays du Sud... certains d'entre eux deviennent des pays industrialisés; il y a un écart entre le Nord et le Sud qui s'accroît constamment. Il y a un écart de richesses entre les pays du Nord et les pays du Sud qui, lorsque nous le mesurons à la réalité démographique qui est la nôtre, c'est-à-dire lorsque nous réalisons que, du côté du Sud, les pays vont se multiplier et les populations s'accroître beaucoup plus rapidement...

Nous savons qu'en l'an 2050 il y aura, dans les pays du Sud, au lieu de 4 000 000 000 de population à l'heure actuelle, 9 000 000 000 de population dans les pays du Sud, alors que dans les pays du Nord industrialisé, nous serons toujours le même 1 000 000 000 de population que nous sommes aujourd'hui, parce que notre démographie nous l'indique. Alors, 1 000 000 000 sur 4 000 000 000 que nous sommes, à l'heure actuelle, c'est déjà une situation périlleuse; 1 000 000 000 sur 9 000 000 000 dans le monde où il y aura 9 000 000 000 de gens défavorisés, c'est une situation qui est intenable.

Alors, toute opportunité, toute chance que nous avons de bâtir des liens commerciaux avec les pays du Sud, et cet Accord de libre-échange nord-américain, cet Accord de libre-échange entre le Canada, les États-Unis et le Mexique représente un pont entre le Nord et le Sud, un pont dont nous avons déjà besoin pour accentuer la productivité de notre économie, améliorer les réalités commerciales, mais également un pont dont nous avons besoin pour bâtir un XXIe siècle plus intéressant sur notre continent et sur le reste de la planète, parce que si nous ne bâtissons pas de pont entre le Nord et le Sud, nous nous dirigeons vers une situation mondiale et des relations internationales qui seront intenables.

Intenables, pourquoi? Parce qu'on sait qu'en parallèle il y a d'autres dossiers que le dossier commercial, notamment tous les dossiers militaires, les dossiers des armements. Vous avez une industrie de l'armement dans le monde qui est extrêmement prospère, mais qui, partout dans le monde, est en manque de contrats depuis la fin de la guerre froide. Étant en manque de contrats — avec la fin de la guerre froide du fait que les États-Unis et la Russie s'arment moins — elle se cherche des clients, et, très souvent, c'est dans le Sud que cette industrie militaire, ce complexe «industrialo-mili-taire» se trouve des clients.

Donc, si nous ne voulons pas voir, d'ici une ou deux générations, 15 ou 20 Saddam Hussein sur la

planète, il est absolument impérieux que les sociétés du Nord prennent leurs responsabilités, acceptent d'ouvrir leurs frontières, leurs connaissances, leur commerce et leur réalité technologique aux pays du Sud. C'est une responsabilité non seulement morale sur laquelle je voudrais attirer l'attention de votre commission parlementaire, M. le Président, mais c'est une responsabilité élémentaire si nous voulons avoir un ordre mondial et des relations internationales qui soient saines au XXIe siècle.

Je pense donc qu'il faut dédramatiser l'importance même du libre-échange en ce que le Mexique est engagé dans une voie qui, indépendamment de ce que nous ferons nous-mêmes, les rendra plus productifs, et donc, avec ce pont que nous bâtirons comme société, nous améliorerons considérablement les réalités.

C'est la même chose que les Européens ont eu le courage de faire. À partir du moment où les pays du sud de l'Europe se sont démocratisés, à partir du moment où les pays du sud de l'Europe ont renversé les dictatures — en Grèce, au Portugal et en Espagne — on les a admis dans la Communauté économique européenne pour solidifier les nouvelles réalités démocratiques de ces pays. C'est la même chose. Avec les changements majeurs qui ont été faits au Mexique depuis 1986, avec la démocratisation économique, surtout, et bientôt politique de ce pays, c'est notre responsabilité de solidifier ce processus, de le stabiliser et de lui donner un coup de main.

Il reste que, bien sûr, l'impact de l'ALENA —je le disais — sera plutôt marginal pour l'ensemble de notre économie. Il est quand même certains secteurs où, bien sûr, il aura un impact un petit peu plus fort, et, à ce moment-là, je pense qu'il est important — d'ailleurs, c'est vrai pour l'ensemble de notre économie — d'avoir des programmes qui permettent une flexibilité de la main-d'oeuvre, non pas des programmes de transition qui voudraient donner un coup de main aux canards boiteux et maintenir ici des industries qui n'appartiennent pas à notre espace économique. Ça, c'est de l'argent jeté par les fenêtres; ça ne donne absolument rien. Mais des programmes de formation qui permettent à nos travailleurs d'acquérir des compétences et d'acquérir des savoirs qui leur permettent de mieux gagner leur vie dans des secteurs industriels où il y aura davantage de valeur ajoutée... (16 h 20)

Je voudrais attirer votre attention, M. le Président, ainsi que celle des membres de votre commission, sur certaines réserves que j'ai par rapport à cet Accord qu'il me plaît d'appuyer, mais j'ai certaines réserves. Ces réserves sont de deux ordres. Une première réserve que j'ai, par rapport à cet Accord, c'est, évidemment, qu'avec regret j'ai réalisé, à sa lecture, que nous avions renoncé au dialogue avec les États-Unis pour nous doter d'une définition commune de la subvention entre le Canada et les États-Unis. Nous nous étions donné, au moment du dernier Accord de libre-échange bilatéral avec les États-Unis, une période de cinq à sept ans pour nous donner une définition commune de ce qui constitue une subvention. Là, cette fois-ci, nous avons préféré nous en remettre au GATT, où il y a quand même pas mal de progrès qui ont été réalisés sur le dossier des subventions. Il faut s'en féliciter et il faut espérer que ça aille plus loin. Mais, disons que j'aurais aimé que, cette fois-ci, comme dans le dernier accord, nous utilisions le contexte plus étroit de notre propre continent, comme nous l'avons fait, d'ailleurs, dans le dossier de l'environnement avec l'ALENA, où, pour la première fois, nous ouvrons de nouvelles pistes. Il aurait été utile et intéressant que notre continent, donc, ouvre des pistes à la voie multilatérale plutôt que d'être à sa remorque. J'aurais préféré cela. Je dois dire, cependant qu'en compensation, si je peux me permettre, ou en contrepartie, je devrais plutôt dire, à cet élément d'une absence d'une définition commune de la subvention nous avons quand même obtenu la pérennité et, donc, la permanence des «panels» bilatéraux, qui ont très bien servi nos intérêts dans le contexte bilatéral, c'est-à-dire que les «panels» ont bien servi les intérêts des Canadiens, on peut dire. Dans les trois quarts des décisions, finalement, nous avons eu gain de cause, et je crois qu'il faut se féliciter du fait que ces mécanismes soient maintenant rendus permanents.

Une deuxième réserve que j'ai: Je trouve que les règles d'origine qui ont été négociées dans cet Accord sont extrêmement complexes et extrêmement longues. Évidemment, il s'agit d'un dossier qui est compliqué, mais je crois que, dans certains cas, les règles d'origine ont été tripotées pour faire des ententes un petit peu trop particulières, si je peux me permettre, entre des groupes industriels, et qui donnent un petit peu l'impression, dans certains secteurs, de vouloir créer une forteresse nord-américaine. Il y a un petit accroc à l'esprit du GATT, ici et là, petit accroc à l'esprit du GATT, qui permet des accords continentaux, qui permet des accords entre voisins, c'est évident, mais l'article 24 du GATT dit que nous pouvons avoir ces accords dans la mesure où ils augmentent le commerce entre les pays membres et non pas essaient de le détourner des pays tiers. Et là, il y a, dans quelques dossiers, vous le savez, des éléments de forteresse nord-américaine d'où on essaie un peu de détourner le commerce, depuis l'Asie surtout, mais également un petit peu depuis l'Europe.

C'est une réserve sur laquelle je souhaitais attirer votre attention parce qu'il s'agit d'un accroc au système multilatéral auquel je crois que, comme Québécois et comme Canadiens, nous devons demeurer profondément attachés. Je crois qu'il faut regarder les négociations commerciales d'un point de vue extrêmement élevé. J'ai essayé de le faire d'un point de vue, un petit peu plus tôt avec la question de l'écart Nord-Sud, je le fais ici par rapport au système commercial, mais je voulais quand même attirer votre attention tout en remarquant — et je l'ai souligné — les innovations de cet accord dans le dossier de l'environnement, qui, j'espère,

ira encore un petit peu plus loin. On sait que le président Clinton, en ce moment, et M. Kantor, son négociateur en chef, essaient d'obtenir un petit accord partiel sur certains autres dossiers.

Je vois le président qui regarde sa montre, j'ai déjà abusé... Non, je n'avais pas déjà abusé de votre patience? Alors, je l'apprécie. je vais donc conclure brièvement, en vous disant simplement que la responsabilité de l'état québécois, face à cette concurrence effrénée qui se vit partout à travers le monde avec la mondialisation de l'économie, indépendamment des accords de libre-échange d'ailleurs — les accords de libre-échange ne sont qu'un cadre politique qui vient améliorer une réalité d'économie mondiale qui amène une concurrence extrêmement forte — il devient impérieux de la part du gouvernement québécois — et ça implique, bien sûr, la responsabilité, le sens des responsabilités de l'opposition — que l'état, qui occupe 50 % du produit intérieur brut, et bien, il faut que cette moitié de ce 50 % du produit intérieur brut qui est occupé par l'état devienne beaucoup plus productif qu'il ne l'est à l'heure actuelle. il est impérieux que l'état cherche à améliorer la productivité de ses mécanismes, de ses programmes, de ses ministères d'une façon extrêmement importante.

Nous avons une gestion beaucoup trop verticale, au Québec, où des ministères, de grandes institutions des années soixante, dont on n'a jamais remis en question la mission... soient revus, et que nous nous dirigions donc d'une gestion verticale — avec ces ministères qui gèrent chacun leurs programmes presque en vase clos, et souvent beaucoup trop loin de leur clientèle — et que nous passions à une gestion horizontale, où il y aura beaucoup plus de coordination entre les programmes. le fait que les ministères verticaux ne soient pas capables, à l'heure actuelle, de rendre les services aux nouvelles clientèles et aux nouveaux besoins force l'état à aller créer un état horizontal, et il n'y a pratiquement plus un mois où le conseil exécutif ne nous annonce pas la création d'un secrétariat aux jeunes, la création d'un secrétariat aux aînés, un secrétariat aux autochtones, un secrétariat à la culture, et donc, on est en train de créer un état horizontal, mais sans démanteler l'état vertical, et je voudrais attirer l'attention de votre commission sur la responsabilité extrêmement importante que nous avons de rendre l'économie québécoise beaucoup plus productive, et je profite de mon passage à cette commission pour vous demander de faire tous les efforts que vous pouvez pour rendre l'état québécois le plus productif possible, parce qu'il coûte cher. moi, je n'en ai pas contre le fait qu'il occupe 50 % du produit intérieur brut. l'état allemand occupe également 50 % du produit intérieur brut, en allemagne.

Ce n'est pas sur du «moins État» que je voudrais accentuer mes demandes aujourd'hui, mais c'est sur du «mieux État». Donc, j'avais eu ce mot — et je conclus là-dessus, M. le Président — à la Chambre de com- merce de Montréal, au mois de novembre, lorsque j'ai eu le privilège de m'adresser à la Chambre de commerce de Montréal, où il fallait passer de l'État que j'appelais F«État Obélix» — cette présence musculaire dans l'économie, le bon gros État entrepreneur — à l'«État Astérix», un État beaucoup plus cérébral, beaucoup plus futé, beaucoup plus stratégique dans ses interventions, mais très efficace, cependant. Je ne suis donc pas pour du «moins État», mais du «mieux État», et je vous remercie de votre attention à mon endroit. Merci.

Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup, M. Pettigrew, pour votre excellente présentation.

Nous allons maintenant débuter la période de «libre-échange», à commencer par le côté ministériel, en reconnaissant le ministre des Affaires internationales.

M. Ciaccia: Merci.

Je veux remercier M. Pettigrew. Premièrement, ça me fait grand plaisir de vous accueillir, ici à cette commission. Ce n'est pas nouveau pour vous, les commissions parlementaires. On s'est déjà rencontrés dans d'autres circonstances et on avait chacun différentes responsabilités. Et ça me fait grand plaisir de vous accueillir et de vous dire comment j'apprécie vos remarques, qui sont très pertinentes. Je vais être très bref parce que je voudrais que mes collègues aient l'opportunité de vous poser certaines questions.

Première remarque, sur la responsabilité que nous avons comme société vis-à-vis une société comme le Mexique. Toute la question Nord-Sud. Je vous rejoins. Je suis heureux de vous entendre dire ça, parce que ce n'est pas seulement par des... Il ne faut pas regarder seulement au court terme, de dire: On va faire plus d'affaires, on va conquérir des marchés. Mais il est important pour nous de partager. Et si on veut vraiment augmenter notre qualité de vie, on ne peut pas le faire en isolation seule. On va le faire tous ensemble, en augmentant la croissance, la productivité du Mexique, en plus d'avoir dégagé, d'avoir rempli notre responsabilité sociale. C'est aussi dans nos intérêts parce que leur productivité va leur permettre d'être encore plus actifs avec nous dans notre économie.

Deuxième point que vous avez soulevé. Vous avez une réserve en ce qui concerne... parce qu'on a renoncé à la discussion des subventions. Vous savez, avec les États-Unis, ce n'est pas facile de négocier des subventions. On le voit dans les mesures compensatoires qu'ils prennent contre certaines de nos industries, qu'il faut aller négocier à Washington, il faut aller aux binationa-les, comme vous l'avez mentionné. On a réussi. (16 h 30)

Alors, de négocier directement avec eux, je crois, ce serait extrêmement difficile, ce serait presque... On n'est pas assis dans une position de force pour avoir des conditions acceptables à nous, parce que, vous le savez, le développement régional, certaines opérations de la

SDI, certains contrats de partage de risques, eux veulent faire leurs subventions par leur...

Une voix: Industrie.

M. Ciaccia: ...industrie de la défense, mais en ce qui concerne tout le reste, c'est «business is business», puis ils ne veulent pas en parler. Alors, je crois que, pour notre propre protection, c'est mieux d'essayer de discuter, puis avoir des conditions dans le GATT, et, une fois qu'ils sont dans le GATT, bien, ils seront... ils feront les conditions acceptables... ils vont s'appliquer à l'entente de l'ALENA. Alors, des fois, il faut faire un peu indirectement ce qu'on a de la difficulté à faire directement. La question des subventions avec les États-Unis en est une.

Vous avez fait allusion, aussi, aux discussions qu'on a eues, ce matin, sur la question des industries du vêtement et aussi, la coalition. Vous avez... et on doit dédramatiser, je suis entièrement d'accord, mais une bonne partie de la discussion a tourné autour des règles d'origine et des quotas tarifaires. Je sais que les règles d'origine semblent être très complexes, mais en ce qui concerne l'industrie du vêtement, en tant qu'expert dans le domaine du commerce international, des relations internationales, avez-vous un point de vue à nous communiquer sur ces aspects de l'ALENA et aussi sur les très grandes craintes que l'industrie du vêtement a apportées à notre attention, ce matin? Je suis certain que vous connaissez les craintes de l'industrie et les positions qu'elle a prises?

M. Pettigrew: Évidemment, c'est un accord qui privilégie l'industrie du textile d'une manière importante, puisqu'il demande à nos gens, partout à travers le continent, donc, de s'approvisionner en textiles, ici. Alors, il y a cet aspect protectionniste, un petit peu, que j'ai souligné à l'intérieur de mes réserves, mais si je regarde ce qui a été négocié au plan des contingentements tarifaires, ceux-ci sont passablement plus élevés que ceux qui avaient été négociés avec l'Accord avec les Etats-Unis à deux et, dans nombre de cas, ils n'ont même pas été rencontrés. Nous n'avons même pas exporté suffisamment pour rencontrer ces contingentements tarifaires, ce qui fait qu'il y a encore pas mal de marge de manoeuvre avant d'être véritablement limités dans notre expansion, au niveau du vêtement. Alors, je pense que, oui, il est regrettable que nous imposions à l'industrie du vêtement ou que nous privilégions cette approvisionnement nord-américain — ce qui est cependant bon pour l'industrie du textile — mais avant qu'ils soient vraiment obligés de s'approvisionner ici pour pouvoir bénéficier de l'Accord de libre-échange, ils ont encore pas mal de chemin à faire, parce que les contingentements sont suffisamment élevés pour leur donner plein de marge de manoeuvre. Et on ne rencontre pas encore ces quotas-là dans la plupart des secteurs. Alors, les craintes sont carrément excessives, pour le moment.

M. Ciaccia: Bien, je suis heureux de vous entendre dire ça. Peut-être que je vais vous amener avec moi quand je vais aller continuer à rediscuter avec eux.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Pettigrew: Ça me fera bien plaisir de regarder ça de plus près avec vous.

M. Ciaccia: Pour le moment, je vais laisser à mes collègues... Je vais revenir s'il nous reste du temps. Merci beaucoup.

M. Pettigrew: Ça me fait plaisir. Merci.

Le Président (M. Gauvin): En respectant l'alternance, si vous me le permettez, est-ce que c'est la coutume ou si on...

Une voix: Oui.

Une voix: En alternance.

Le Président (M. Gauvin): En respectant l'alternance, je reconnais le représentant de l'Opposition officielle, M. le député de Bertrand.

M. Beaulne: Merci, M. le Président.

J'ai trouvé votre rapport très intéressant en ce qu'il provoque une réflexion sur les difficultés que représente la transposition de la rhétorique libre-échangiste dans la réalité concrète et dans son application. Tout à l'heure, le ministre parlait qu'il fallait dédramatiser. Je suis bien d'accord qu'il faut dédramatiser, mais ce n'est pas une raison pour faire l'autruche et, d'ailleurs, certains points que vous soulevez dans votre mémoire soulèvent, au fond, des questions de fond quant aux bénéfices qu'on peut tirer... aux conditions, surtout, qui doivent prévaloir pour qu'on puisse tirer pleinement avantage de l'Accord de libre-échange, comme nous l'ont promis ceux qui l'ont négocié.

D'abord, j'aimerais vous poser une question en ce qui concerne ce que vous reconnaissez comme étant, dans le contexte actuel, un accès précaire au marché américain. Vous dites, à la page 4 de votre rapport: «Pour ce qui est de la sécurité d'accès au marché des États-Unis, les panels d'arbitrage des litiges et groupes spéciaux binationaux appelés à statuer en dernier recours sur les différends qui opposent les deux pays en matière de subventions et de droits compensatoires ont amélioré la situation de nos entreprises exportatrices, sans toutefois leur donner la véritable sécurité d'accès au marché des États-Unis.» En fait, vous appuyez cette affirmation-là sur le fait que la discussion sur ce qui constitue une subvention acceptable ou non ait été reportée dans les négociations du GATT.

La question qui me vient à l'esprit, ici, c'est que les négociations du GATT peuvent durer pas mal long-

temps. En particulier, la définition des subventions, qui devrait faire partie, normalement, de l'entente générale, est reportée, évidemment, jusqu'à ce que les membres s'entendent. Pour qu'on puisse, à court terme et à moyen terme... étant donné que cette entente-là doit entrer en vigueur en janvier 1994, qu'est-ce que vous préconisez...

M. Pettigrew: Oui.

M. Beaulne: ...pour pallier cette lacune? Parce que c'est bien beau de dire qu'on a un marché garanti, un accès garanti, mais vous l'avez démontré vous-même — et d'ailleurs de façon tout à fait pertinente — que c'est loin d'être le cas jusqu'à temps que ces technicali-tés-là ne soient pas réglées. Mais, en attendant que ça se règle, est-ce qu'on va se laisser imposer des surtaxes une après l'autre en attendant que des tribunaux décident? Parce que, dès que les surtaxes sont appliquées, elles entrent en vigueur immédiatement. Donc, est-ce qu'il y a des mécanismes que vous pouvez entrevoir, ou de quelle façon est-ce qu'on peut se prémunir contre ces retards qui nous pénalisent, à toutes fins pratiques?

M. Pettigrew: Écoutez, je l'ai exprimé, j'aurais préféré que nous nous entendions sur une définition commune de la subvention, précisément pour améliorer la prévisibilité des actions américaines. J'ai entendu le ministre dire, et on le sait: C'est extrêmement difficile de négocier ça avec les États-Unis. Ils ont une économie énormément plus forte.

Là où je compléterais ce que le ministre disait, le problème, c'est que les Américains, c'est très difficile de négocier avec eux non seulement parce qu'ils se servent de leur complexe militaire, mais ils font également énormément de subventions par voie municipale et par la voie des États. Aux États-Unis, les «bonds» là-bas sont parfois bien plus importants que ce que nous faisons ici même, au Canada. Donc, les États-Unis refusent systématiquement de s'engager dans cette discussion-là parce qu'ils sont aussi vulnérables à des attaques des autres pays, par rapport aux droits compensatoires, lorsqu'on fait le ménage dans ça, lorsqu'on regarde ça de plus près.

Alors, devant cet état de choses, moi, je crois qu'il ne faut pas attendre. D'abord, le passage sur lequel vous attirez mon attention, M. Beaulne, est un passage sur l'ancien accord et non pas le nouveau, quoiqu'il s'applique, également, au nouveau. Ce que je déplore, c'est lorsqu'on promet plus qu'on peut livrer. Je pense qu'il est très important que, dans la rhétorique au cours de l'Accord de libre-échange, nous soyons conscients qu'il ne livrera pas tout. Trop souvent, je trouve que nous avons eu tendance, dans les milieux d'affaires — que vous avez bien connus dans votre passé, également — à promettre beaucoup plus que ce que l'Accord pouvait livrer. C'est plutôt ce à quoi j'en veux parce qu'on désarme les gens, on désamorce les gens en leur disant: Vous avez la sécurité parfaite. Il y a autant de droits compensatoires aujourd'hui qu'il y en avait, sauf qu'on améliore la situation par après.

Moi, je vous dirai qu'il ne faut peut-être pas attendre de solution dans le cadre politique d'un accord de libre-échange, à ce moment-ci. Je crois qu'en effet la voie du GATT ne devrait plus être trop longue, parce que, finalement, ça fait quand même déjà sept ou huit ans qu'on est engagés dans cette voie-là, mais il faut absolument changer notre discours politique et notre discours économique et demander aux Canadiens et aux Québécois d'apprendre à jouer selon les règles commerciales américaines, qui sont éminemment plus politiques que les nôtres. Nous oublions que les États-Unis, lorsqu'ils font de la politique commerciale internationale, c'est de la politique, d'abord et avant tout. Ce sont des gens qui sont extrêmement sensibles aux lobbies, ce sont des gens qui ont une autre façon d'utiliser leurs tribunaux. Ils n'ont pas le même rapport avec le judiciaire, et nous avons beaucoup de naïveté, comme État et comme société, au plan des affaires par rapport aux pratiques commerciales américaines, où le politique joue beaucoup plus fort qu'on ne peut le penser.

Alors, c'est de ce côté-là que je trouve que, comme société, nous devrions travailler au cours des prochaines années.

M. Beaulne: Mais, d'après vous, qu'est-ce qui s'est produit? Pour quelle raison est-ce qu'on a décidé, tout à coup, alors que, dans l'entente de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, on avait prévu s'entendre bilatéralement sur une définition de «subvention», tout à coup, lorsqu'il s'est agi d'ouvrir la discussion au Mexique, on a décidé de reporter tout ça au sein du GATT? Qu'est-ce qui a amené ce changement d'attitude, d'après vous?

M. Pettigrew: Écoutez, j'ai un très bon ami qui travaille au «State Department», à Washington, qui me dit carrément que ce qu'ils ont réalisé, au niveau de l'administation fédérale, à Washington, c'est qu'il se faisait énormément plus de tripotage dans l'économie américaine qu'ils ne l'avaient vu eux-mêmes, et que, vis-à-vis des rapports que nous leur présentions dans les négociations, et comme État fédéral, ils n'étaient pas conscients de toutes les autres interventions qui se jouaient dans l'économie américaine, et que, vis-à-vis de ça, ils ont dit: Non, on ne se met pas à discuter de ça, parce qu'on est beaucoup plus coupables — si je peux me permettre l'expression — qu'on ne le pensait; et c'est ce qui a fait avorter la discussion sur la question des subventions.

Enfin, c'est un des éléments, et c'est une source américaine assez fiable qui me dit ça. Le fédéral, à Washington, aurait été prêt, mais c'est qu'ils n'avaient pas réalisé tout ce qui se faisait dans leur propre économie une fois qu'ils ont ouvert les dossiers. (16 h 40)

M. Beaulne: Oui...

M. Pettigrew: Mais je pense que, là-dessus, il y a quelqu'un autour de la table bien mieux informé que moi sur ces discussions-là. Ha, ha, ha!

M. Beaulne: Mais voulez-vous dire que nos entreprises sont moins rapides sur la gâchette que les Américains, dans le sens où, chaque fois qu'on entend parler de contestation, c'est de la part, la plupart du temps, d'entreprises américaines qui se plaignent, par rapport aux entreprises québécoises ou canadiennes; puis, effectivement, il y a une propension, aux États-Unis, d'avoir recours aux litiges de façon systématique. Alors, s'il existe aux États-Unis cette espèce de marasme au niveau des subventions -r et même, vous dites qu'il y en plus qu'au Canada — comment ça se fait que nos entreprises ne saisissent pas ces mêmes occasions pour exiger le même traitement que font les Américains par rapport à nos entreprises?

M. Pettigrew: Nous pourrions le faire. Ce n'est simplement pas dans notre culture. Nous n'allons pas devant les tribunaux faire des droits compensatoires contre les Américains, quand ils viennent chez nous faire du dumping ou qu'ils sont subventionnés d'une manière excessive. Nous avons tout à fait le droit de le faire. Ça ne fait pas partie de notre culture commerciale. C'est pour ça que je disais que les Américains faisaient beaucoup de politique commerciale, dans le sens très politique. Nous, ça ne fait pas partie de notre culture, ça ne fait pas partie de nos habitudes d'affaires.

M. Beaulne: Mais est-ce que ça serait souhaitable qu'on le fasse?

M. Pettigrew: Mais tout à fait! C'est ce que je dis, quand je demande aux gens de changer de discours économique, d'arrêter de dire: L'Accord de libre-échange nous donne la garantie et la sécurité d'accès. On est bien mieux de dire: Non, mais agissons en fonction de la réalité.

Moi, c'est ce que j'avais essayé de dire quand je suis venu ici en commission parlementaire, en 1986, et c'est ce que je dis: Le meilleur discours économique que nous pouvons faire, c'est un discours qui est axé sur les réalités, parce qu'on peut faire des analyses justes, et non pas à partir d'un tam-tam qui serait plus encourageant.

M. Beaulne: À la page 12, vous parlez de l'élément forteresse, qui est un des aspects que vous critiquez dans le processus actuel, en particulier en fonction de l'élaboration des règles d'origine complexes. La question qui me vient à l'esprit, ici, c'est: Est-ce que le recours à des procédés de ce genre-là peut ouvrir la porte — ou va ouvrir la porte — à un ensemble de barrières non tarifaires, un peu du style de celles qu'uti- lise le Japon? Et même... et je pense que, d'ailleurs, ça serait intéressant de vous entendre commenter sur le type de barrières non tarifaires qu'utilise le Japon, par rapport à ce qu'on pourrait prévoir, ici, compte tenu de ces ambiguïtés-là, dans le sens où le Japon a signé à peu près tous les accords possibles et imaginables — le GATT, jure sur tous les évangiles de libre commerce, tout ce que vous voulez — mais on sait très bien que c'est un marché qui est fort difficile à pénétrer, en particulier en raison des fameuses barrières non tarifaires dont tout le monde se plaint.

M. Pettigrew: Oui.

M. Beaulne: Alors, ça serait intéressant de comparer, un peu, le genre de barrières non tarifaires que pose le Japon, et de quelle façon, par exemple, les questions telles que l'élaboration des règles d'origine complexes, ce que vous appelez l'élément forteresse, pourraient ouvrir la porte à ce même genre de pratiques...

M. Pettigrew: Oui.

M. Beaulne: ...de la part des États-Unis.

M. Pettigrew: Non, je ne crois pas que ça va aller aussi loin. D'abord, c'est de la part de l'ensemble de l'Amérique du Nord. Mais c'est ce qu'on fait, par exemple, dans les téléviseurs, avec les tubes cathodiques: On exige qu'ils soient nord-américains. Ce sont des éléments comme ceux-là. Mais ce ne sont pas des barrières non tarifaires de la même ampleur. C'est un peu une forteresse par rapport à quelques petits secteurs ici et là sur lesquels je me sentais le devoir d'attirer l'attention de la commission.

Ce qui se fait au Japon est d'un tout autre ordre, parce que c'est institutionnalisé, et c'est un système. Évidemment, il y a, au Japon, des barrières non tarifaires: droits d'établissement, et des... le riz, par exemple, et des choses comme celles-là, et on peut leur taper dessus avec les règlements du GATT. Mais ce qui fait que le marché japonais n'est pas penetrable, la raison pour laquelle nous n'avons pas accès au marché japonais, ce ne sont pas véritablement les barrières non tarifaires. C'est la culture économique japonaise. C'est sa façon de distribuer les biens à travers la société japonaise. Le système de distribution, au Japon, est d'une lourdeur énorme. Et ça, ce n'est pas une barrière que vous pouvez combattre avec le GATT, en fonction des pouvoirs actuels qu'il a.

Voyez-vous, le GATT a été fondé par un petit club de, quoi, 23 pays plutôt anglo-saxons, à la fin des années quarante, des pays qui jouaient tous le même jeu commercial, très «fair-play» très «gentlemen», à la britannique, qui jouaient donc selon les mêmes règles. L'économie japonaise est une économie, donc, qui a été bâtie sur l'exportation, orientée sur les marchés exté-

rieurs, où on a rendu l'usine extrêmement productive, et le produit, donc, hors usine, ne coûte pas cher, et arrive en Amérique du Nord ou en Europe, à travers un réseau de distribution nord-américain qui, lui, est très efficace. Au contraire, nous, nous produisons en usine un peu moins efficacement que les Japonais — donc, hors usine, notre produit est déjà un peu plus cher — mais le problème, lorsqu'il arrive sur le marché japonais, c'est qu'il est soumis... il est obligé de passer à travers un réseau de distribution de «Pop's and Mom's shops» comme on dit, de sept ou huit étages, qui est extrêmement lourd, absolument pas productif. Et lorsque notre produit, qui était déjà plus cher, au départ, reçoit toutes ces augmentations-là, il n'est pas achetable auprès du consommateur. C'est une question de priorités que nous avons eues dans nos économies, et c'est le réseau de distribution japonais qui fait qu'on n'y a pas accès. Mais ça, c'est extrêmement difficile, dans une société aussi fermée que le Japon l'est, de changer leur sytème de distribution, qui, en plus, est un véritable système social. Parce que c'est comme ça qu'on évite d'avoir du social. On fait vivre du monde, comme je dis, des «Pop's and Mom's shops», qui obtiennent une petite commission à ne pas faire grand-chose et à alourdir l'économie, mais, au moins, ils ne sont pas sur le bien-être social, ils ont ça. Mais, voyez-vous, c'est essentiellement ça qui fait que le marché japonais n'est pas accessible. Mais c'est tout le système social qu'il faudrait changer, et c'est pour ça que le Japon ne bouge pas tellement vite.

M. Beaulne: Une dernière petite question. Est-ce que vous pensez qu'on pourrait poursuivre, disons, avec quelques chances de succès, pour améliorer les conditions de l'industrie du vêtement, à l'intérieur de l'Accord, en utilisant l'argument de l'article 24 du GATT?

Le Président (M. Gauvin): Brièvement s'il vous plaît, M. Pettigrew.

M. Pettigrew: Bien, écoutez, comme je le disais, les contingentements sont déjà suffisamment élevés que, rendons-nous aux contingentements et on va déjà en avoir plein notre... beaucoup d'ouvrage pour les prochaines années. Je pense que, au départ, il y a ça. L'article 24, je serais très surpris qu'il soit appliqué. Il ne l'a jamais été, finalement, et c'est pour ça que, même les pays tiers, je ne crois pas, se plaindront de ça. Et ça serait assez délicat pour nous de revendiquer par l'article 24. C'est plutôt aux pays adversaires aux compétiteurs de le faire qu'à nous, par rapport à ça.

M. Beaulne: Merci.

Le Président (M. Gauvin): Merci. C'est le temps qui nous était alloué... alloué à l'Opposition.

M. le député de...

M. Benoit: Orford.

Le Président (M. Gauvin): ...Orford.

M. Benoit: Merci, M. le Président.

M. Pettigrew, merci d'être ici aujourd'hui. Trois petites questions, si le temps me le permet. Vous êtes en affaires, vous êtes avec un des grands consultants, vous avez plein de clients à travers le monde mais particulièrement ici, au Canada et au Québec. Quelles sont les appréhensions que vos clients ont, vis-à-vis cette entente-là? On entend plus souvent les gens nous parler des appréhensions que des côtés positifs de ces ententes-là. Quelles sont les principales appréhensions de vos clients?

M. Pettigrew: Bien, évidemment, c'est toujours la question des bas salaires et des législations moins... non pas moins fortes, mais moins bien appliquées, dans les dossiers de l'environnement ou du droit du travail. C'est qu'on trouve que, produire ici, dans le contexte dans lequel nous sommes, coûte énormément plus cher, notamment parce que nous appliquons nos lois plus rigoureusement qu'eux, et les bas salaires. C'est ce qu'on entend, en général.

Du côté des bas salaires, je dis toujours que, moi, ça ne me fait pas peur du tout. Comme je le dis dans mon mémoire: Ils gagnent moins chers parce qu'ils sont moins productifs. À partir du moment où on est plus productif, on gagne plus cher, et aussitôt que les Mexicains vont être plus productifs, ils vont gagner plus cher. Ça, je ne suis pas inquiet de ça. Regardez ce qui est arrivé au Japon. Les Japonais ne gagnaient rien dans les années cinquante et, maintenant, ils sont obligés, eux-mêmes, d'aller produire dans d'autres pays d'Asie, parce que ça coûte trop cher produire... leur main-d'oeuvre coûte trop cher. Alors ça, ça ne m'inquiète pas. (16 h 50)

L'autre question m'inquiète davantage: C'est évidemment le fait qu'au Mexique, malgré qu'ils aient des législations vigoureuses et, je dirais, rigoureuses, ils ne sont pas vigoureux dans l'application de ces législations-là, et là, il faut faire des pressions pour qu'ils améliorent cette situation-là, et Clinton semble être du bord de ce côté-là.

Le Président (M. Gauvin): M. le député d'Or-ford, oui.

M. Benoit: À la page 6 de votre mémoire, vous nous dites, et je ne veux pas le lire au complet, là, l'avant-dernier paragraphe: «Ce qui frappe chez les Mexicains, c'est la détermination, la lucidité et le courage» etc., et vous finissez par nous dire qu'autant individuellement que collectivement qu'ils sont prêts à prendre tous les moyens nécessaires. Bon. Moi, je suis en politique depuis quelques années, et puis, j'aimerais

bien vous croire sur parole. J'ai plutôt l'impression que c'est l'oeuvre d'un homme, qui est M. Salinas, qui est finalement un grand leader là-bas, qui a amené son peuple à réaliser ces choses-là. Salinas n'est pas... va disparaître un bon jour, et comment profonde et ancrée est cette volonté d'ouvrir le Mexique?

M. Pettigrew: Bien, écoutez, un homme ne change pas tant de choses, hein. Je pense que Salinas est aussi le résultat d'une certaine société. Oui, c'est un très grand leader, pour lequel j'ai la plus grande admiration, mais il est vraiment à la tête de toute une équipe. Je suis renversé de l'âge, par exemple, des gouverneurs à travers ce pays. Vous savez, c'est un pays fédéral comme le nôtre, et...

M. Benoit: C'est très bon, ça...

M. Pettigrew: ...vous savez...

M. Benoit: ...c'est très bon, ça, c'est...

M. Pettigrew: Oui. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Pettigrew: ...les trois pays d'Amérique du Nord le sont, les États-Unis l'étant également. Mais les gouverneurs sont âgés de 40, 42, 43 ans. Alors, ce n'est pas qu'un seul homme, c'est vraiment une oeuvre de toute une équipe qui est arrivée au pouvoir en 1986, et Salinas, bien sûr, doit disparaître; de par la Constitution mexicaine, il n'a pas le droit à un deuxième mandat. D'ailleurs, ça, c'est intéressant à savoir. Dans le sud, ils ont droit à un mandat; aux États-Unis, à deux; je ne sais pas ce qu'on devrait faire ici, là, hein. On peut... Ha, ha, ha! On pourrait peut-être limiter ça à trois.

M. Benoit: Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: Pas de mandat.

M. Benoit: Un et demi.

M. Pettigrew: Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: Aucun mandat, ici.

M. Benoit: Un et demi. Ha, ha, ha!

M. Pettigrew: Mais je crois, donc, que c'est beaucoup plus enraciné qu'on ne le pense. Je vais vous dire que, fondamentalement, j'ai l'impression qu'il y a, dans la classe dirigeante — et suffisamment appuyé au Mexique — ce qu'il faut pour bâtir cette société moderne qu'ils veulent. Moi, j'ai bien confiance en ça. La seule inquiétude que j'ai, c'est qu'évidemment la reprise économique étant aussi chancelante et difficile aux Etats-

Unis les Mexicains risquent de voir briser leurs ambitions, non pas parce qu'ils n'ont pas confiance dans leur dirigeant, mais par la récession économique qui, si elle n'est pas suffisamment vigoureuse, ne leur permettra pas de profiter suffisamment tôt des fruits de cette libéralisation pour faire passer les sacrifices que ça implique.

M. Benoit: Finalement, dernière question: À la page 16 de votre mémoire, vous nous dites: «En effet, partout à travers le monde la mondialisation est accompagnée de régionalisation.»

M. Pettigrew: Ah.

M. Benoit: Je trouve que vous l'exprimez très bien, et j'étais avec des jeunes Européens, hier, du Benelux, qui passaient — et je pense qu'il y en a dans la salle, ici, aujourd'hui — qui exprimaient ce sentiment, en Europe.

Pouvez-vous nous en parler un peu, et ce que vous ressentez, là, comme économiste, comment vous voyez ça, finalement, là?

M. Pettigrew: Bien, je pourrais tellement vous en parler longtemps...

M. Benoit: Allez-y.

M. Pettigrew: ...qu'un peu, c'est frustrant; et on me dit qu'on n'a pas trop de temps.

Écoutez — d'ailleurs, ça m'a fait travailler beaucoup avec la députée de Kamouraska-Témiscouata, ici, que j'ai eu beaucoup de plaisir à retrouver. Je crois que la mondialisation de l'économie forcera les régions à se redéfinir. Il est absolument impérieux que les régions, le territoire, se redéfinissent directement dans cette mondialisation, en étant capables, par la technologie d'aujourd'hui, par les distances qui sont rendues inexistantes avec la technologie, les moyens de transport réduits, il est impérieux que les régions redéfinissent leur mission, revoient leur vocation fondamentale, et les redéfinissent par des exercices de planification stratégique régionale beaucoup plus rigoureuse que les sommets socio-économiques d'autrefois; c'est un exercice dans lequel je suis ravi que le gouvernement se soit engagé, parce que cet exercice doit être fait en fonction de diagnostics des forces et des faiblesses régionales, une revue de l'analyse de l'environnement international, et je pense que la mondialisation, à mesure que certains pouvoirs économiques échappent aux citoyens, il y a un besoin psychologique, chez l'individu, de retrouver son identité ailleurs. Cette identité se fera sur la base de son appartenance immédiate, et c'est là que le dynamisme doit renaître, de l'entreprise régionale. C'est beaucoup plus intéressant, à mon avis, que les autres identités, où certains régionalismes sont en train de naître, notamment en Europe de l'Est, où on se tire vers certaines sectes, ou vers la religion, non... dans son sens un peu péjoratif,

je l'entends, bien sûr, ou les questions plus étroites, plus dépassées, ou les sentiments du XIXe siècle.

M. Benoit: Très bien. Merci, M. Pettigrew.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre, est-ce que vous avez... pour quelques minutes?

M. Ciaccia: Juste pour remercier. Oui, M. le Président.

Je suis d'accord avec vous, quand vous mentionnez qu'il y a ceux qui pensent que c'est un accès complet au marché nord-américain, ça ne l'est pas, mais c'est un accès qui est plus sûr, qui est plus certain et qui a été amélioré sur l'entente du libre-échange que nous avons avec les États-Unis.

Sur la question du GATT, les discussions sur les subventions, on les remet au GATT plutôt que dans l'ALENA; cette décision a été prise avant qu'on commence à discuter l'ALENA.

M. Pettigrew: Ah, oui?

M. Ciaccia: C'était tout de suite après que l'entente de libre-échange a été signée; les discussions ont commencé et, alors, on a vu que c'était impossible.

M. Pettigrew: C'est ça.

M. Ciaccia: Alors, on a dit: On va prendre ces décisions... Ça va être plus fructueux et ça va être plus facile pour nous de discuter des subventions avec tous les pays du GATT que seulement s'en tenir à la position américaine. Parce que quand on leur avait démontré, par exemple, dans les discussions, qu'il y avait beaucoup plus de subventions là — comme vous l'avez mentionné, les «municipal bonds», tous les États, tous les programmes qu'ils ont, là — ils ont reculé un peu.

M. Pettigrew: Oui.

M. Ciaccia: Alors, ça, c'est la raison pour laquelle on ne l'a pas inclus dans l'ALENA, mais on va laisser ça au GATT. Et, déjà, il y a des progrès. Sur la raison pourquoi — en plus de la raison culturelle, ça ne fait pas partie de notre culture, pourquoi on n'impose pas des droits compensatoires — c'est parce qu'aussi on dépend plus des exportations, on dépend plus du marché américain qu'eux dépendent du nôtre.

M. Pettigrew: Oui.

M. Ciaccia: Alors, c'est extrêmement délicat de dire: On va commencer à avoir des droits compensatoires sur leurs produits. Parce que les répercussions pourraient être pires en termes de représailles par les protectionnistes, entre guillemets, américains. Alors, c'est une des raisons, en plus de la raison culturelle, mais je crois que le binational nous a vraiment assez... Dans les trois quarts des causes qui sont allées au binational, nous avons gagné.

M. Pettigrew: M. le ministre, j'apprécie votre prudence dans le dossier de désarmement commercial, je reconnais votre sagesse, vous reconnaissez ma fougue d'antan, lorsque j'invite les gens à être plus agressifs, mais je pense que vous avez raison, nous sommes beaucoup plus dépendants d'eux. Mais ça n'empêcherait pas que, dans certains dossiers, une fois ou l'autre, on pourrait au moins...

M. Ciaccia: Ah non! Je n'exclus pas ça du tout, mais on m'indique que mon temps de parole est terminé.

M. Pettigrew: Bon.

M. Ciaccia: Je veux vous remercier...

M. Pettigrew: Je vous ai coupé.

M. Ciaccia: ...pour la contribution que vous avez faite aujourd'hui, plus spécifiquement sur la question des relations Nord-Sud. C'est quelque chose qu'on oublie trop souvent, qui fait partie de nos obligations, mais qui, à la longue, va être très bon pour nous.

Alors, merci.

M. Pettigrew: Merci.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre. Merci, MM. Pettigrew et Lemonde, d'avoir participé à cette commission, d'avoir présenté votre mémoire. Merci.

Avant d'accueillir la Centrale des syndicats démocratiques, je pense qu'on va devoir suspendre une minute pour permettre à ces gens-là de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 59)

(Reprise à 17 h 1)

Le Président (M. Gauvin): La commission reprend ses travaux et, comme je vous le mentionnais, on reçoit la Centrale des syndicats démocratiques, ici représentée par son président, M. Claude Gingras, que j'inviterais à nous présenter ses collaborateurs.

Centrale des syndicats démocratiques (CSD)

M. Gingras (Claude): Alors, merci, M. le Président.

Alors m'accompagnent, bien sûr, pour présenter la position de la CSD, Mme Louise Rochefort, qui est

au Service des communications de la CSD, qui est à ma droite, ainsi que Louis Tremblay, responsable du Service de la recherche, à la CSD.

Le Président (M. Gauvin): Vous avez 20 minutes, M. Gingras, ou à peu près, pour nous présenter ou commenter votre mémoire.

M. Gingras: Alors, merci, M. le Président.

Alors, M. le Président, M. le ministre, membres de la commission des institutions. La Centrale des syndicats démocratiques représente près de 60 000 travailleuses, travailleurs au Québec provenant de différents secteurs, dont ceux du vêtement, de la chaussure, du textile, de la métallurgie, mines, produits chimiques, l'agro-alimentaire, le papier-carton, le bâtiment et bois, le commerce et les services, la construction, le public et parapublic, ainsi que les affaires sociales.

Alors, comme vous le savez, c'est une entente qui nous préoccupe énormément. Comme on peut rapidement le constater, plusieurs des membres de la CSD ont à composer quotidiennement avec la concurrence étrangère. Les effets de cette concurrence, nous les connaissons bien. Notre pratique syndicale reflète d'ailleurs les expériences vécues par les travailleuses et travailleurs dans leur milieu de travail. Ces expériences nous ont guidés, tout au cours des années, pour prendre position par rapport à l'Accord de libre-échange nord-américain.

Notre bilan des quatre premières années de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis est aussi un élément déterminant de notre position, de même que la situation du Mexique, le nouveau partenaire, qui veut s'associer à ses voisins du nord dans l'aventure du libre-échange.

Alors, permettez-nous de nous attarder quelque peu sur le libre-échange avec les États-Unis. La position de la CSD, en 1987, était claire — d'ailleurs, on avait rencontré le gouvernement à cette fin — la Centrale rejetait catégoriquement le libre-échange absolu. Même si on avait une ouverture sur la négociation du libre-échange, il n'était pas question d'accepter un libre-échange à toutes conditions. Le Canada, historiquement, a toujours négligé les enjeux de l'industrie et de l'emploi dans sa stratégie commerciale dans le cadre du GATT. Alors, la CSD proposait plutôt de négocier un libre-échange contrôlé, qui stipulerait des clauses commerciales de sauvegarde et de protection des intérêts vitaux des Canadiennes et Canadiens. Il fallait éviter de sacrifier les secteurs économiques vulnérables qui constituaient un bastion fort important d'emplois dans notre économie, comme le meuble, la chaussure, le textile et le vêtement — et Dieu sait jusqu'à quel point on peut constater les dommages aujourd'hui, au moment où on se parle. Un quelconque accord avec les États-Unis devait être subordonné à l'instauration d'une politique de plein emploi et à la protection des secteurs vulnérables.

Toutefois, les interventions des gouvernements fédéral et provincial ont nui aux travailleuses et aux travailleurs, et aux entreprises qui cherchaient à profiter de l'ouverture des marchés américains. On pense, notamment, à l'emploi d'une politique monétaire restrictive; le maintien à un niveau anormalement élevé du dollar canadien; la réduction de l'accessibilité à des prestations d'assurance-chômage; le remplacement du programme de prestations d'adaptation des travailleurs par le programme d'aide des travailleurs âgés, et le statu quo dans le fouillis des programmes fédéral-provincial de la main-d'oeuvre.

Par ailleurs, les problèmes que le Canada et le Québec rencontrent pour profiter de l'ouverture du marché américain sont de deux ordres: d'une part, les nombreux différends commerciaux avec les États-Unis et, d'autre part, l'adaptation de nos entreprises. Même avec l'entrée en vigueur du traité de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, les différends commerciaux subsistent entre les partenaires, en ce qui a trait au bois d'oeuvre, au porc, au magnésium, à l'acier, au saumon du Pacifique, au homard, au lait UHT, à la bière, au yogourt, à la crème glacée. Notre partenaire commercial n'est pas beau joueur, c'est le moins qu'on puisse dire. Dès que le Canada possède un avantage comparatif dans la fabrication d'un produit, il s'empresse d'imposer une mesure pour réduire cet avantage. Ce manque de «fair play» nuit grandement au développement de nos industries exportatrices et ne respecte pas l'esprit de l'Accord de libre-échange.

À titre d'exemple, pour le porc, la bière, le yogourt et la crème glacée, malgré le mécanisme de règlement des différends prévu à l'Accord de libre-échange, on a dû faire appel au GATT pour arbitrer ces différends, malgré ce qu'on nous avait promis: des mécanismes améliorés de règlement des différends, des mécanismes plus rapides, plus expéditifs et à l'avantage des parties.

De plus, dans les cas du porc et du bois d'oeuvre, malgré des décisions de plusieurs instances qui favorisaient le Canada, il perdure toujours un différend qui cause préjudice aux entreprises, aux travailleuses et aux travailleurs de ces secteurs.

La tendance protectionniste de la nouvelle administration américaine n'est pas sans causer une vive inquiétude quant à l'accessibilité des marchés américains ou à l'imposition de nouvelles mesures sur les produits et les services importés du Canada.

Les barrières non tarifaires sont aussi utilisées par les Américains pour nuire à nos exportations. Ainsi, dans le secteur agro-alimentaire, on doit déplorer que, à l'occasion, les douaniers américains retardent l'entrée sur le territoire des États-Unis de chargements de viande de porc et de poulets surgelés. La raison invoquée pour expliquer ce retard est que, hypothétiquement, les normes d'hygiène ne sont pas rencontrées, alors que tout le monde sait que les normes québécoises et canadiennes sont supérieures aux normes américaines, dans plusieurs cas. Ce sont là des motifs douteux, selon nos informa-

tions. Cependant, des exemples très récents de ça nous indiquent que certains qui ont fait une tentative n'en referont sûrement pas d'autres parce qu'il y a des conteneurs complets de poulets qui sont demeurés sur les ports américains.

D'autres facteurs que les précédents réduisent nos possibilités de profiter de l'accès au marché américain, soit le manque d'information, l'absence de vision dans les entreprises face à la libéralisation et la difficulté, pour les PME québécoises, d'entrer sur le marché américain.

Comme le démontre une étude récente, l'information sur l'Accord de libre-échange — et là on parle de celui avec les États-Unis — n'est pas satisfaisante. On y découvre que 45 % des répondants à cette étude considéraient que l'information qu'ils ont reçue au sujet de l'Accord était incomplète ou insuffisante. Ce résultat correspond à la vision des conseillers à l'emploi de la CSD, qui sont quotidiennement dans les entreprises du Québec. Cela explique aussi l'absence d'une vision globale des entreprises face à la libéralisation des échanges.

Les critiques quant à l'information incomplète et insuffisante sur l'Accord par les employeurs rejoignent les remarques du Vérificateur général du Québec dans son dernier rapport. Au sujet du ministère des Affaires internationales, il souligne, et je cite: «Dans le domaine de l'économie, le ministère offre des services qui s'adressent à une clientèle variée; d'autres ministères, les gouvernements fédéral et municipaux et des organismes à vocation internationale en font tout autant. Malgré ce contexte, le ministère n'a pas défini précisément sa clientèle, ne la consulte pas toujours de façon structurée et n'a pas déterminé la nature et l'étendue des services qu'il compte lui offrir. Il n'a pas non plus établi une stratégie de communication pour faire connaître ses services.» Dans le contexte actuel, où les ressources sont très limitées — il en a été largement question avec la commission sur les finances publiques — il est déplorable de constater l'inefficacité flagrante des interventions du ministère des Affaires internationales.

Dans la présente consultation, nous devons d'ailleurs dénoncer que le ministère n'ait pas publié de documents de consultation avant la date limite de remise des mémoires à l'Assemblée nationale. Or, au moment où le ministre Tremblay préconise l'adoption, dans les entreprises québécoises, de la qualité totale et du Juste à temps, le ministère ne montre certainement pas l'exemple dans cette consultation. La libéralisation des échanges, que ce soit en vertu de l'Accord de libre-échange, du GATT ou de l'ALENA, oblige les entreprises à se redéfinir, à se restructurer. L'approche qui semble la plus pertinente à cette fin est celle qui permet aux partenaires des milieux de travail d'élaborer et d'implanter un plan d'affaires qui inclut sa mission, son marché, sa structure financière, son mode de production, ses ressources humaines, etc.

Il faut donc que les programmes gouvernementaux d'assistance respectent cette approche globale. Cette approche est tout à fait possible dans le cadre d'un comité d'adaptation de la main-d'oeuvre en entreprise. On doit déplorer, ici, la réduction, par le gouvernement du Québec, des ressources prévues à ce titre. Alors, ce n'est une cachette pour personne que les sommes sont de plus en plus restreintes, à cette fin, dans les milieux de travail. (17 h 10)

Enfin, la difficulté pour les PME québécoises de pénétrer le marché américain est importante. Ce vaste marché a ses réseaux propres qui exigent une bonne compréhension avant de s'y aventurer. Ici encore, des programmes d'aide sont disponibles, mais ils doivent s'adapter à la situation de chaque entreprise, puisque chacune fait face à une réalité différente des autres.

Voyons maintenant le libre-échange à trois. D'abord, le contexte mexicain. Le Canada et les États-Unis sont deux pays qui se ressemblent par le niveau de vie de leurs habitants, le degré d'industrialisation et sur bien d'autres aspects. On ne peut en dire autant pour le Mexique. Ce pays en voie de développement, qui a connu des changements importants depuis le début des années quatre-vingt, est difficilement comparable à ses deux voisins du nord.

Les conditions de travail des travailleuses et des travailleurs mexicains sont certainement un facteur à considérer dans l'impact que peut avoir la libéralisation du commerce. On peut se demander quelles sont les protections des Mexicaines et des Mexicains dans l'exercice de leur emploi. Bien qu'il existe, au Mexique, des législations sur les conditions de travail semblables à celles en vigueur au Canada et au Québec, des différences importantes subsistent dans leur contenu et leur application. Alors, je pense qu'il ne faut pas regarder seulement les textes, il faut regarder ce qu'on en fait.

Le salaire horaire minimum général du Mexique varie d'une région à l'autre. Au 1er janvier 1992, il variait, selon la région, de 0,52 $ à 0,63 $. Le 1er janvier 1992, le salaire horaire minimum, au Québec, était de 5,55 $, puis le 1er octobre 1992, il est, depuis cette date, à 5,70 $. La rémunération horaire moyenne au sein du secteur manufacturier, incluant les charges sociales, est, au Mexique, de 1,18 $ en dollars canadiens contre 14,75 $ au Canada et 17,70 $ aux États-Unis. Dans les deux cas, le Mexique offre un avantage marqué au niveau salarial pour les employeurs et les investisseurs potentiels qui désirent s'établir dans la zone de libre-échange que crée l'ALENA. Le Mexique n'offre pas, à sa propre population, de régime d'assurance-chômage ni de régime universel d'assurance-maladie. Seulement une partie des travailleuses et des travailleurs est assurée par ce dernier régime. La syndicalisa-tion, particulièrement dans la zone des «maquiladoras», et le régime de santé et sécurité au travail posent de nombreuses questions quant à leur accessibilité. Comment les travailleuses et les travailleurs mexicains pourront-ils ainsi améliorer leurs conditions de travail?

Au dossier de l'environnement? Le Mexique n'est pas exemplaire. On déplore de nombreux problèmes environnementaux causés par les industries localisées au nord du Mexique, dans la zone industrielle limitrophe avec les États-Unis. L'absence de volonté du gouvernement pour recourir aux mesures qui s'imposeraient face aux entreprises qui emploient un grand nombre de Mexicaines et Mexicains nous rend perplexes et songeurs quant aux impacts du libre-échange sur l'environnement au Mexique et sur la santé de ses habitants.

Finalement, des trois pays impliqués, le Mexique est celui qui vit sous un régime démocratique depuis le moins longtemps. Le même parti est au pouvoir depuis 1928. Encore aux dernières élections, il a été accusé d'irrégularités. Dans ces conditions, peut-on considérer le système politique mexicain comme étant vraiment une démocratie? Les droits fondamentaux sont de première importance pour assurer la liberté et les droits d'une population. Bien qu'on reconnaisse des signes de progrès dans l'exercice de ces droits, cela reste un sujet de préoccupation, et il subsiste des cas de violation des droits de la personne, de violence, de fraude électorale, ainsi que de violation du droit des travailleuses et travailleurs d'organiser des syndicats autonomes. Récemment, M. Broadbent déclarait que les droits de la personne devraient même être inclus dans l'ALENA afin de mieux les protéger.

Comme on peut le constater, des différences majeures séparent le Mexique et ses voisins du nord. Voyons maintenant la position de la CSD sur le principe de libre-échange nord-américain.

La CSD est consciente du mouvement de libéralisation du commerce international auquel le Canada n'échappe pas. D'ailleurs, c'est dans cette perspective de libéralisation que le Canada a négocié l'Accord de libre-échange nord-américain avec les États-Unis et le Mexique. Cependant, la stratégie canadienne, dans cette négociation, a été défensive. Elle visait à se protéger des pots cassés d'un accord bilatéral entre les Etats-Unis et le Mexique. C'est sans enthousiasme, bien sûr, que le Canada a participé à la négociation tripartite. Le développement économique du Mexique ne doit pas être fait à n'importe quel prix. Alors, lors de notre congrès, en 1991, nous avons adopté, à la CSD, une position claire sur le libre-échange nord-américain.

Alors, cette position comprend trois aspects. D'abord, pour la CSD, le Mexique doit s'engager à reconnaître les droits individuels et collectifs des travailleuses et travailleurs mexicains pour les rendre comparables à ceux du Nord: droit d'association, droit de négociation, droit de grève, droit de travail, etc.; s'engager à mieux assurer la santé et la sécurité au travail des travailleuses et travailleurs mexicains; respecter les droits et libertés individuelles de ses concitoyens et concitoyennes; assurer un partage plus équitable des revenus à travers sa population; et assurer la protection de l'environnement ainsi qu'un contrôle par un organisme international reconnu.

L'Accord de libre-échange à négocier doit aussi contenir, selon nous, les dispositions suivantes: une période de transition variable, d'une durée maximale de 20 ans, comportant un plan d'abolition graduelle des tarifs selon les différents secteurs visés; des mesures de sauvegarde en cas de perturbation grave des marchés; ainsi qu'une règle d'origine précise s'inspirant de celles contenues dans l'Accord de libre-échange canado-améri-cain.

D'autres considérations étaient les suivantes: consulter tous les partenaires socio-économiques pendant le déroulement des négociations; leur transmettre l'information sur les impacts du libre-échange; mettre de l'avant les mesures nécessaires pour favoriser l'adaptation aux changements causés par le libre-échange; mettre en place une véritable politique de plein emploi basée sur la formation et l'adaptation, afin de faciliter la restructuration économique dans les secteurs affectés par le libre-échange; soumettre cette politique et son contenu à la population préalablement à la conclusion d'un accord; et prévoir, finalement, un mode de ratification ou du rejet du traité de libre-échange dans le respect de nos conditions démocratiques. Alors, on privilégie, à cet effet, un référendum canadien au lieu d'une élection ou d'un droit de vote ou de veto des provinces, de sorte que l'ensemble des Canadiens et Canadiennes puissent s'exprimer en toute connaissance de cause sur un changement aussi fondamental.

Ces conditions fixées par la CSD n'ont pas, bien sûr, été respectées par l'accord signé en 1992 par le gouvernement du Canada. Reprenons quelques-unes de ces conditions, si vous me permettez.

Au niveau de la protection de l'environnement, l'ALENA prévoit que les parties contractantes devront faire respecter les lois et règlements par les entreprises établies sur leur territoire. L'Accord mentionne que les parties ne devraient pas abaisser leurs normes pour attirer les investissements et qu'elles peuvent déterminer les niveaux de protection qu'elles jugent appropriés. À titre d'exemple, une compagnie multinationale admettait que, si elle devait respecter les normes canadiennes pour son établissement situé dans la zone des «maquiladoras», elle serait passible de 600 points d'infraction. La protection de l'environnement et de la santé des Mexicaines et Mexicains prévue dans l'ALENA est inacceptable.

Pour les conditions de travail, l'ALENA confirme le droit des trois gouvernements d'établir des normes de travail élevées et réaffirme leur intention d'adopter des mesures contraignantes pour faire respecter les droits des travailleuses et travailleurs. Le Canada et le Mexique ont signé un accord bilatéral pour accroître la coopération dans le domaine du travail. Cela représente peu pour améliorer les conditions de travail des travailleuses et travailleurs mexicains. On peut se demander si les voeux pieux, quant à la volonté de faire respecter les droits existants, resteront encore lettre morte.

Quant à nos autres préoccupations sur la santé et la sécurité des travailleuses et des travailleurs, les droits

et les libertés du peuple mexicain, rien n'est prévu dans l'Accord. Pour le processus de consultation, il se résume ainsi: le comité du commerce extérieur de la Chambre des communes tient des auditions publiques sur l'ALENA, et la Chambre devrait — on ne sait plus très bien quand — débattre et adopter un projet de loi sur l'ALENA. Cette consultation est, on doit le déplorer, très restreinte et loin du débat et de la consultation démocratique que nous réclamions.

Dans l'ALENA, le Canada a fait des concessions par rapport à l'Accord de libre-échange dans les secteurs du textile, du vêtement et de l'automobile. Ces concessions affecteront les emplois d'un grand nombre de Québécois et Québécoises. La règle d'origine contenue dans le nouvel accord restreindra l'accès au marché américain pour les entreprises du Québec oeuvrant dans les secteurs du textile, du vêtement et de l'automobile.

Voyons brièvement les secteurs menacés par l'ALENA. Dans des analyses du MIC et du MAI sur les effets du libre-échange entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, on souligne que les secteurs du textile, du vêtement et de la chaussure seront affectés. D'après nos constatations, nous pouvons confirmer que la sensibilité de ces secteurs à l'ALENA est particulièrement grande. Notamment, dans l'industrie du vêtement, on assiste au déplacement de la production des usines vers la confection à domicile. Le travail au noir est un phénomène très présent dans cette industrie. Il permet aux employeurs de contourner les lois sociales et toutes les charges sociales qui y sont reliées. Cependant, les analyses gouvernementales sous-estiment les effets du libre-échange. Les employeurs québécois ont réalisé le faible niveau des salaires versés aux travailleuses et aux travailleurs mexicains. Plusieurs entrevoient la possibilité de faire produire une partie ou la totalité de leur production dans ce pays, entre autres dans les secteurs de la métallurgie, une entreprise québécoise est en négociations pour conclure une alliance avec les entreprises mexicaines dans le but de faire réaliser sa production au Mexique. (17 h 20)

Si l'Accord est accepté par les trois pays, il y a fort à parier que plusieurs employeurs d'ici et d'ailleurs se tourneront vers le Mexique pour profiter des faibles salaires et du peu d'obligations quant à la santé et la sécurité au travail, la santé de la population et la protection de l'environnement. C'est carrément du «dumping social». On n'a qu'à se rappeler l'exemple récent de Tioxide, qui risque de se répéter dans le futur. On a également appris récemment qu'une compagnie, vouée essentiellement à l'achat d'entreprises américaines afin de les réinstaller au Mexique, existe maintenant aux États-Unis. Peut-on croire que nous ferons face à une situation similaire très bientôt, ici, au Québec?

Alors, l'emploi dans les secteurs du vêtement, de la chaussure et du textile représente souvent une forte proportion de l'emploi total dans certaines municipalités du Québec qui sont éloignées des grands centres. On connaît plusieurs grandes villes qui tournent autour de ces industries. L'impact d'une fermeture sera grand sur celles-ci, et le faible bassin potentiel d'emploi pour les victimes de licenciement rendra difficile la relocalisation dans d'autres entreprises.

Pour les travailleuses et travailleurs de 55 ans et plus, il faut absolument se doter de programmes publics de préretraite qui leur donnent le choix, dans le cas où l'adaption et le recyclage ne sont pas possibles, pour un retrait du marché du travail, avec compensation financière acceptable. La CSD considère que le programme actuel du PATA est nettement inapproprié à ce titre. Dans cette perspective, nous revendiquons que les gouvernements donnent priorité au développement de nouveaux programmes de préretraite à l'intention des travailleuses et des travailleurs âgés. Ce programme doit notamment inclure les règles de base de l'ancien programme, PAT, qu'on a connu ici au Québec.

D'autres mesures doivent viser à améliorer la concertation dans les milieux de travail, reconnaître les acquis équivalents à la formation, instaurer le congé-éducation avec formule de soutien du revenu, mieux informer les entreprises et les appuyer pour faire face à la concurrence, soutenir les PME québécoises pour pénétrer les réseaux de distribution au Mexique et créer un service gouvernemental d'aide rapide aux entreprises exportatrices.

Le Président (M. Dauphin): M. Gingras, je m'excuse, si vous voulez...

M. Gingras: En conclusion...

Le Président (M. Dauphin): Ah bon! Vous arrivez dessus.

M. Gingras: ...M. le Président, le Canada s'est imposé dans les négociations du libre-échange entre les États-Unis et le Mexique. Il avait comme objectif de préserver des avantages de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis, signé en 1988. La stratégie canadienne était donc, à notre avis, très défensive. La CSD avait, quant à elle, fixé des conditions à respecter dans le libre-échange nord-américain. Les conditions préalables concernant la santé et la sécurité, les conditions de travail, la protection de l'environnement, les droits individuels et les libertés collectives et la répartition du revenu ne sont pas respectées par le Mexique.

Les conditions quant au contenu de l'Accord, soit la période de transition, les mesures de sauvegarde et la règle d'origine, ne sont pas non plus respectées, ou seulement en partie.

Les conditions sur la consultation et l'information de la population canadienne par le gouvernement fédéral ne sont pas non plus respectées. De plus, la règle d'origine dans l'ALENA constitue un recul par rapport à l'Accord de libre-échange avec les États-Unis, ce qui menace particulièrement nos industries de l'automobile,

du textile et du vêtement.

Alors, pour nous, bien sûr, l'Accord de libre-échange nord-américain est inacceptable. Le gouvernement du Québec doit se prononcer contre l'Accord de libre-échange nord-américain tel que stipulé dans sa forme actuelle et exiger du gouvernement du Canada qu'il refasse ses devoirs. Or, on sait qu'il y a des négociations qui se font actuellement en vue de le bonifier, et c'est initié par les États-Unis. Il ne faudrait pas que, nous autres, on prenne les devants et qu'on accepte un accord que, déjà, d'autres jugent inacceptable.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. Gingras, pour votre présentation.

Nous allons maintenant aborder la période d'échange en reconnaissant, en premier lieu, M. le ministre des Affaires internationales.

M. Ciaccia: Oui, je voulais commencer en vous demandant: À part ça, tout va bien?

M. Gingras: Écoutez, M. le ministre, ça pourrait aller mieux.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gingras: Je pense que vous allez admettre que ça pourrait aller mieux.

M. Ciaccia: Je vais essayer de répondre, pas à tous les points que vous avez soulevés parce que je ne pense pas que je vais avoir assez de temps. Je vais essayer de toucher les points principaux.

Commençons avec la consultation. Pour ce qui est de la consultation et de l'information, le ministère des Affaires internationales a coordonné de nombreux travaux interministériels qui ont été menés en rapport avec l'ALENA. Nous avons fait des consultations non seulement à l'intérieur, avec les ministères, mais des consultations avec le public, avec les organismes qui sont impliqués. Moi-même, j'ai rencontré la Coalition, et je crois que, sur le plan fédéral, vous avez participé à un des groupes consultatifs sectoriels du commerce extérieur, celui sur les textiles, la fourrure et le cuir.

Et sur le plan de l'information, nous avons publié plusieurs documents, et le Québec est, à ce jour, la seule province à tenir une commission parlementaire en bonne et due forme au sujet de l'ALENA. Nous sommes la seule province qui a publié le document — je ne sais pas, auquel je pense que vous avez référé, sinon, on peut vous en envoyer une copie — et les consultations ont eu lieu vraiment en bonne et due forme, et l'entente de l'ALENA contient le résultat de toutes les représentations qui nous ont été faites, sauf, naturellement, pour la vôtre qui dit qu'on ne doit pas la signer.

Mais, tous les autres groupes — les exportateurs, les PME, les caisses Desjardins — on a tenu compte de toutes les positions dans la formulation de nos... les positions que nous avons prises et que le gouvernement fédéral a défendues. Vous savez, c'est toujours dangereux de citer d'autres sources. Quand vous citez le Vérificateur général sur la question des services à la clientèle, qui critique le ministère des Affaires internationales, qui dit que le ministère n'identifie pas sa clientèle. L'erreur, c'est que nous n'avons pas une clientèle; nous avons des clientèles.

La clientèle qui va aux États-Unis n'est pas la même que celle qui va en Europe. La clientèle culturelle n'est pas la même que la clientèle commerciale. La clientèle des investisseurs n'est pas la même que celle des exportateurs. Alors, c'est un peu simpliste et ça démontre un manque de compréhension des clientèles du ministère des Affaires internationales de dire qu'on ne les identifie pas. On les identifie. On en a plusieurs. On communique avec elles, et vous avez seulement la peine de voir certains chiffres et la façon... les augmentations, les missions économiques que nous tenons, la coordination que nous faisons pour la politique industrielle du Québec, pour tous les programmes que nous défendons aux États-Unis avec le «Department of Commerce», pour voir la façon que nous coordonnons nos efforts et la réaction de nos clientèles.

Vous avez mentionné que vous voulez l'entente du libre-échange. Vous étiez en faveur, mais vous préconisez des mesures de sauvegarde, des périodes de transition. Je crois que c'est exactement ce que l'entente du libre-échange a fait. Il y a des mesures de sauvegarde. Il y a des périodes de transition. L'ALENA, même d'après les analystes qui sont directement touchés en termes d'exportation, admettent qu'il y a des améliorations dans l'ALENA par rapport à l'ALE.

Et quand vous parlez... Par exemple, dans votre mémoire, vous critiquez assez durement le mécanisme de règlement des différends, vous déplorez le fait que, pour le porc, la bière, le yogourt, la crème glacée, nous avions fait appel au GATT, au lieu du mécanisme de règlement des différends prévu dans l'ALE. Alors, si vous me permettez, dans le cas de la viande de porc, nous avons fait usage du mécanisme de règlement des différends de l'ALE, et nous avons gagné. Les Américains ont dû rembourser aux exportateurs québécois près de 10 000 000 $ en droits compensateurs perçus. Et nous avons aussi décidé d'aller au GATT, et c'est grâce à l'ALE si les droits américains ont été retirés et les producteurs du Québec remboursés.

Et, dans le cas de la bière, l'ALE prévoyait que ce différend serait traité au GATT. Alors, la raison qu'il est au GATT et pas devant le binational, c'est que c'a commencé avant l'ALE. Et dans le cas du yogourt et de la crème glacée, cette affaire a été portée devant un groupe spécial du GATT en 1988, soit avant l'entrée en vigueur de l'entente du libre-échange avec les États-Unis, le 1er janvier 1989. C'est pour ça que c'est au GATT et que ce n'est pas devant le binational. (17 h 30)

Vous regrettez aussi que les différends dans le

bois d'oeuvre et le porc vivant, ça perdure. Dans le cas du bois d'oeuvre, nous sommes présentement devant un groupe spécial, binational de l'ALE. Toutefois, entre la publication de la décision finale du «Department of Commerce» sur la question du «subventionnement», ce qui était le 28 mai 1992, et la décision entendue du groupe spécial binational à ce sujet, le 6 mai 1993, il se sera écoulé moins d'un an, une période beaucoup plus courte que si le Canada avait décidé d'en appeler auprès de la Court of International Trade.

Et on doit vous dire que ce qui est, par exemple, du porc vivant, il est vrai que ce dossier s'éternise. Néanmoins, il ne fait aucun doute que, si on n'avait pas le binational, les Américains, avant l'ALE, imposaient des droits compensateurs. On n'avait pas de recours. Avec l'ALE, maintenant, nous avons un recours. Et 75 % des causes que nous avons portées au binational, nous les avons gagnées. Et ce règlement de différends, ce mécanisme de règlement des différends a été continué dans l'ALENA, non seulement continué — parce que dans l'ALE, ce n'était pas une structure permanente — on l'a rendue permanente dans l'ALENA, qui nous bénéficie beaucoup parce que ça veut dire que le Congrès américain est obligé de respecter les décisions de ce mécanisme. Ça nous protège.

Vous avez parlé du vêtement et du textile. Je sais que vous représentez les travailleurs dans le domaine du textile. Sûrement que vous allez admettre que le textile est très, très heureux avec l'entente. Même, avec l'ALE, leur contigentement terminait dans une année; avec l'ALENA, ça a été augmenté pour permettre un accès, encore, au marché américain.

Dans la question des vêtements, je suis un peu surpris de certaines de vos déclarations parce que c'est grâce à l'entente du libre-échange avec les États-Unis que l'industrie du vêtement a augmenté ses exportations de 169 000 000 $, en 1988, à 415 000 000 $, les premiers mois de 1992. Et même la ville de Montréal qui est venue nous voir... nous présenter un mémoire, hier, a admis que, n'eût été de l'entente du libre-échange, l'industrie du vêtement serait en beaucoup plus grande difficulté. C'est le marché américain qui a presque sauvé l'industrie, parce que le marché interne avait beaucoup de problèmes, beaucoup de difficultés. Il y a eu une décroissance dans le marché interne et une augmentation dans le marché américain. Et qu'avons-nous fait avec l'ALENA? C'est vrai qu'il y a certaines contraintes, mais nous avons amélioré... l'ALENA a amélioré l'accès au marché américain pour l'industrie du vêtement en plus de l'industrie du textile.

Les contingentements tarifaires ont été augmentés. Je pourrais vous donner les chiffres qui ont été de 42 000 000 m2 à 80 000 000 m2. Et le fait est que, dans le 42 000 000 m2, seulement 27 % étaient utilisés; malgré cela, nous les avons augmentés à 80 000 000 m2. Vous craignez que cette industrie aille au Mexique. Nous avons prévu ça dans l'ALENA. Et nous avons exigé que les quotas tarifaires du Mexique soient beau- coup moindres. Alors, même l'industrie du vêtement admet que ça ne serait pas payant pour eux d'aller faire faire leurs opérations au Mexique parce que leurs quotas tarifaires sont très, très minines comparativement à ceux que le Canada a pour les États-Unis. Juste, par exemple, dans la laine, il y a 5 000 000 m2 pour le Canada. On est 26 000 000 de population. Pour le Mexique, il y a 1 500 000 m2.

Et les salaires moindres — c'est vrai qu'ils sont payés sept fois moins — mais la productivité de nos travailleurs est 6,5 fois de plus. Alors, l'écart est très, très minime.

Et quand vous avez mentionné qu'il y avait une compagnie américaine qui voulait faire le transfert des compagnies au Mexique — vous parlez d'Amerimex Maquiladora. Ça a été supprimé par le Mexique. Ça n'existe pas. Ça a été complètement supprimé parce que, eux aussi, ils voient que ce n'est pas dans leur intérêt de faire ça. Alors, quelqu'un a voulu faire une passe, de dire: Je vais charger des gros taux de consultation, tout le reste, et je vais essayer d'avoir les clients pour faire ça.

Mais ça ne se fera pas pour d'autres raisons. Et la question des salaires moindres, ce n'est pas un problème de l'ALENA, c'est un problème mondial, qui existe en Chine, au Viêt-nam, en Malaisie.

Ce que nous faisons avec l'ALENA, nous ouvrons le marché pour les entreprises québécoises. Nous donnons un meilleur accès au marché nord-américain. Et nous voulons travailler. Le but, pour nous, d'avoir appuyé l'entente du libre-échange, ce n'est pas pour faire perdre des emplois ici. Le but, c'est de travailler avec tous les intervenants québécois, incluant votre organisation, incluant votre syndicat, pour voir comment nous pouvons tirer avantage de ce plus grand accès au marché nord-américain, avec 85 000 000 de consommateurs de plus. et, quand vous mentionnez que les mesures d'adaptation — je ne sais pas si vous dites qu'elles n'existent pas ou qu'elles ne sont pas suffisantes — je pourrais vous faire la liste des mesures que nous avons. le paiement de transferts aux entreprises par le ministère et les organismes du gouvernement représentent plus de 960 000 000$ en 1992-1993. c'est des programmes d'adaptation, ça, pour les industries. le fonds de développement technologique: 70 000 000 $ que nous avons déjà dépensés, sur 350 000 000 $ qui sont disponibles. la société innovatech, qui a été mise sur pied avec un budget de 300 000 000 $ à investir d'ici 1997. le crédit d'impôt pour les entreprises qui mettent en place des mesures de formation pour leurs employés. en deux ans, près de 200 000 travailleurs, dont environ 175 000 en 1992, ont reçu de la formation dans le cadre de ce programme, et 90 % des entreprises qui ont utilisé ce programme s'en disent satisfaites.

La Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre sera responsable, à partir d'avril 1993, de gérer la politique québécoise en matière de main-

d'oeuvre et de rapprocher les partenaires de l'enseignement, des entreprises et du travail. Le ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu a un programme de développement des ressources de 20 000 000 $ en 1992, de 7 000 000 $ en programmes d'aide aux personnes licenciées. Je pourrais vous faire une liste de tout ça, mais le point, ici, que je veux faire, c'est qu'il y a des programmes.

Le gouvernement fédéral a augmenté, aussi, les montants disponibles pour l'ALE. Ce qu'il n'a pas fait, peut-être, en termes de «PR», ça aurait été mieux pour lui de les appeler des nouveaux programmes, dits spécifiquement pour l'ALE. Il n'a pas fait ça, il a augmenté les enveloppes à l'intérieur des programmes existants.

Mais la question de formation, la question qu'il y a eu des pertes d'emploi, ça peut arriver pour une série de raisons. Quand vous dites que vous êtes contre la politique fiscale, je suis d'accord avec vous; la politique monétaire, les taux de change qui augmentent, ça cause des déplacements. Nos programmes que nous avons ne sont pas seulement... On ne demandera pas à quelqu'un: On va vous donner un programme de formation, prouvez-nous que vous avez perdu un emploi parce que c'est l'ALE ou prouvez-nous que c'est l'ALENA. Si l'emploi est perdu, quelle que soit la raison — ça peut être la compétition du Japon, de l'Allemagne, de la Chine, du Viêt-nam — on a une responsabilité de prévoir pour les travailleurs. Si ces programmes ne sont pas suffisants ou si ces programmes doivent être réaménagés, on est prêts à travailler avec vous pour les réaménager et pour s'assurer qu'ils achèvent et qu'ils arrivent à l'objectif pour lequel ils ont été créés. Mais, en termes...

J'ai de la difficulté à comprendre pourquoi vous êtes complètement contre l'ALENA. Une fois que vous avez l'ALE, voulez-vous m'expliquer comment on va pouvoir attirer des investissements au Québec, si on ne fait pas partie de l'ALENA? Ils vont tous aller aux États-Unis parce que les États-Unis vont avoir accès au Canada et accès au Mexique, et, nous, on aurait accès à quoi? Alors, il faut réfléchir sur ces choses-là. Est-ce qu'on peut bonifier certaines choses?

Quand on exporte 40 % de nos biens et de nos services, il faut ouvrir les frontières. On ne peut pas se fier seulement sur le marché québécois, le marché canadien. C'est pour ça que nous avons appuyé le Canada dans l'ALENA. C'est pour ça que nous voulons ouvrir les barrières tarifaires, les réduire, mais avec des périodes de transition. Vous voulez des périodes de 20 ans, mais il y en a de 10 à 15.

Des mesures de sauvegarde, elles existent dans l'ALENA. Si quelque chose arrive — ça pourrait être une industrie qu'on sent qu'elle est menacée — immédiatement, on va pouvoir imposer des douanes pour protéger cette industrie. Ça existe, dans l'ALENA, ça. Le développement régional, ce n'est pas exclu dans l'ALENA, il n'y a rien qui le touche. Il va falloir qu'on complète les négociations au GATT.

Tout ceci pour vous dire qu'on est conscients qu'il y a certaines difficultés, qu'il pourrait y avoir des difficultés, mais ce ne sont pas des difficultés strictement à l'ALENA, ce sont des difficultés de compétitivité au niveau mondial. La nature du commerce a changé complètement. On doit rencontrer ça. Moi, je suis prêt à m'asseoir avec vous. Il faut que vous consultiez encore plus pour voir comment on peut travailler ensemble, dans quel but... de tirer avantage de l'entente du libre-échange nord-américain.

Alors, on m'indique que mon temps est écoulé. Mais peut-être que je pourrais... (17 h 40)

Le Président (M. Dauphin): II reste quelques minutes...

M. Ciaccia: ...peut-être que je pourrais avoir vos commentaires...

Le Président (M. Dauphin): ...mais il faudrait peut-être laisser le temps à nos invités de réagir.

M. Ciaccia: ...sur la question des... M. Gingras: Sur vos commentaires.

M. Ciaccia: ...sur la question des investissements, parce que des investissements, ça crée des emplois, et si on ne peut pas les attirer ici, les investissements, et qu'on fait partie de l'ALENA, ça va être... Peut-être que vous pourriez me donner des commentaires sur ça et sur d'autres éléments que j'ai apportés à votre attention.

M. Gingras: C'est justement une des questions, M. Ciaccia, qui nous préoccupent énormément: intéresser les investisseurs ici à développer des emplois pour les Canadiens et les Canadiennes, les Québécois et les Québécoises en particulier. Or, bien sûr, vous avez défendu avec beaucoup de foi l'Accord de libre-échange tel que convenu, mais, écoutez, là-dessus on est en désaccord avec vous. On pense qu'il aurait pu être meilleur, et il aurait pu mieux protéger les droits des Canadiens et des Canadiennes, des Québécois et des Québécoises. Dans ce sens-là, c'est que, quand vous dites que ça va profiter aux secteurs du textile et du vêtement, je vous reverrai dans quelques années pour voir combien on va avoir d'investisseurs dans le textile et dans le vêtement, ici, au Québec.

M. Ciaccia: Peerless vient juste d'engager 300 employés de plus.

M. Gingras: Peerless est dans le tapis, vous savez que c'est tout à fait...

M. Ciaccia: Non, non, pas le tapis Peerless, il y en a deux Peerless...

M. Gingras: Dans les habits, O.K.

M. Ciaccia: ...je parle de celui qui fait les habits. Celui qu'on porte, pas celui sur lequel on marche, là.

M. Gingras: Oui, mais on se reparlera quand même dans quelques années pour voir combien il en reste. On s'est dit un peu les mêmes choses lorsqu'on a négocié l'Accord de libre-échange avec les États-Unis concernant la chaussure, et on voit ce qu'il nous reste de l'industrie de la chaussure, ici, au Québec. Et on se reparlera dans quelques années pour voir ce qu'il nous restera de l'industrie du vêtement et du textile.

Vous avez dit: Accord très avantageux pour le textile? Il faut faire attention. Il faut faire attention, parce que même si vous avez négocié des contingentements... Parce qu'on était heureux, un peu, de la position que vous aviez prise à un moment donné, en disant: Prenez garde, si on signe l'ALENA dans les conditions actuelles, on devra le faire sans le secteur du vêtement, du textile — d'ailleurs, on était d'accord avec vous là-dessus. Mais on pense que, même avec une augmentation des contingentements, on n'a pas réglé la problématique de ces industries-là et la survie de ces industries-là. On a tout simplement mis des contingentements qui sont, je suis d'accord avec vous, plus larges, plus permissifs, qui nous permettent peut-être d'exporter nos produits sur le marché américain et le marché contenu par l'Accord, mais qui ne règlent pas le problème de survie de ces entreprises-là parce qu'on a d'autres problèmes à régler et qui, pour ces industries-là, vont demeurer des problèmes pratiquement insolubles, et ça, vous le savez fort bien.

Alors, quand on parle de protection d'industries, c'est que l'industrie du textile a à travailler avec des composantes pour fabriquer ses produits. Alors, quand on parle des textiles synthétiques, on parle du pétrole. Le Mexique a sûrement un avantage, présente un avantage pour les producteurs de textiles synthétiques, parce que le prix de leur pétrole, comparativement au nôtre, n'est sûrement pas équivalent. Quand on parle du coton, pour les produits de coton, bien, je pense que les États-Unis ont un avantage sur nous. La matière première, ils l'ont, aux États-Unis. Alors, je ne suis pas certain qu'on a nécessairement dans l'Accord des équivalences qui vont faire en sorte que les investissements vont se diriger ici, au Québec. Alors, c'est pour ça que je vous dis que, nous, on considère que ce n'est pas nécessairement des mesures qui vont faire en sorte qu'on a sauvegardé l'emploi des Québécois et des Québécoises dans ces secteurs-là.

Vous avez dit que, de façon générale, il y a un accord sur cet accord-là, bien écoutez, nous autres on n'est pas tout à fait satisfaits. On ne vous a pas dit que ça n'en prend pas un, et on ne vous a pas dit qu'il ne faut pas être dans un marché plus large, parce qu'on sait que notre capacité de production doit nécessairement nous amener à essayer de développer de nouveaux mar- chés, parce que, si on ne le fait pas, bien sûr on va perdre des emplois, et ça, on en est bien conscients. On ne s'est pas prononcés contre la libéralisation du commerce, mais contre l'ALENA dans sa forme actuelle. On pense qu'il y a des questions qui sont demeurées sur la table, des questions qui n'ont pas été réglées, et on nous place, avec le Mexique, dans une situation où on va probablement être traités défavorablement. Et ça, c'est notre préoccupation, parce que notre préoccupation s'adresse pour les emplois qui relèvent, justement, des entreprises ici. Et quand on les voit disparaître, ces emplois-là, par milliers, actuellement, alors qu'on n'a pas nécessairement développé ces marchés-là, et même si vous vous faites rassurants par rapport aux entreprises qui ne seront pas intéressées de déménager vers le Mexique, nous autres, actuellement, on discute avec des entreprises qui sont actuellement au Mexique en train de regarder les possibilités de se relocaliser là.

Alors, c'est pour ça que je vous dis: On est plus inquiets que vous, O.K., parce qu'on est dans ces milieux de travail là, où on ressent cette démarche-là qui est en train de s'organiser. Bien sûr, on ne la vit pas, là, l'Accord n'est pas signé, on n'est pas dedans encore, mais, à court terme, on verra ce que ça va donner. Alors, là-dessus, on est préoccupés et très inquiets.

Le Président (M. Dauphin): Si vous me permettez, je vais reconnaître l'Opposition officielle et je vous permettrai de conclure à la fin.

M. le député de Bertrand.

M. Beaulne: Merci, M. le Président.

D'abord, je vous félicite pour la présention de votre mémoire, qui est bien étoffé, qui fait ressortir une problématique particulière en ce qui vous concerne. Mais j'aimerais faire un commentaire avant d'aborder les questions. C'est que cette commission se veut avant tout une commission de consultation et non pas une commission d'information. Je rappellerai au ministre qu'il serait peut-être souhaitable qu'on laisse parler nos invités plutôt que de parler nous-mêmes. Étant donné que, ce matin, lorsque vos collègues des autres centrales syndicales sont venus présenter leur mémoire, il a utilisé la même tactique, je pense qu'il est plus approprié d'écouter les suggestions que vous avez à faire, les raisons pour lesquelles vous vous objectez à certains aspects de l'Accord plutôt que, nous, d'utiliser le temps de parole pour vous donner de l'information. Il y a d'autres mécanismes pour le faire.

Ceci étant dit, justement, en parlant de questions d'information, je voudrais revenir à la page 3 de votre résumé — je vais utiliser plutôt le résumé que le rapport parce que, de toute façon, vous reprenez les points essentiels que je veux aborder — la page 3 de votre résumé, où vous parlez, justement, du fait qu'un bon nombre d'entreprises ont senti qu'elles n'avaient pas reçu suffisamment d'information sur l'Accord de libre-échange, et je suppose que c'est la même situation qui

prévaut — à plus forte raison, je dirais même — dans le cas de l'ALENA.

Vous faites allusion, également, au rapport du Vérificateur général concernant l'efficacité du ministère des Affaires internationales. Je dois dire que ce rapport du Vérificateur général était un des plus virulents — que moi j'ai lu, en tout cas — en termes de critique de la performance d'un ministère. On ne pourra pas accuser l'Opposition péquiste d'avoir traficoté ces recommandations-là, puisqu'elles viennent d'une source tout à fait neutre.

Mais ceci étant dit, compte tenu du fait que, d'une certaine façon, à la lumière des observations du Vérificateur général, vous mettez, en quelque sorte, en doute l'efficacité de certaines interventions du ministère des Affaires internationales, j'aimerais vous poser la question suivante: Quelle crédibilité accordez-vous, ou comment percevez-vous le plan d'action Québec-Mexique que le ministre des Affaires internationales vient de mettre de l'avant, il y a quelques jours?

M. Gingras: Je vais demander à mon collègue, Louis Tremblay, de chez nous, de répondre à cette partie de votre question.

Le Président (M. Dauphin): M. Tremblay.

M. Tremblay (Louis): Écoutez, le plan d'action Québec-Mexique est plein de bonnes intentions. Il vise de bons objectifs, mais, nous, ce dont on a besoin dans les prochaines années, ce sont des actions qui vont aider les entreprises et les travailleurs à pénétrer le marché américain et à pénétrer le marché mexicain. Donc, au-delà des bonnes intentions, il va falloir que ça se traduise par une aide personnalisée, individualisée aux entreprises, en respect des approches des entreprises. Il y a un nombre élevé d'entreprises au Québec qui veulent pénétrer les marchés internationaux, mais qui ont leur approche, leur marché. Et on ne peut pas leur servir la même recette qu'on sert à toutes les entreprises. Il faut des approches personnalisées, qui respectent l'approche de l'entreprise.

L'intervention gouvernementale est souvent axée sur un volet: le marketing, la recherche ou le développement, ça peut être la formation. L'approche des entreprises, maintenant, doit être globale. Le plan d'affaires des entreprises doit viser à améliorer tous les aspects de l'entreprise en même temps pour lui permettre de pénétrer le marché, soit le marché américain, soit le marché mexicain. C'est pour ça qu'on a certaines réserves sur le futur. On dit: Si les actions sont comme par le passé, on n'est pas sûrs que les gouvernements — que ce soit le gouvernement du Québec ou le gouvernement canadien — puissent vraiment aider les entreprises. Il va se dépenser de l'argent, mais quels seront les résultats? (17 h 50)

M. Beaulne: Mais, par rapport aux préoccupations que vous avez indiquées dans votre rapport, au niveau des mesures d'adaptation, entre autres, des mesures incitatives, également, pour les entreprises québécoises, est-ce que vous retrouvez, dans ce plan-là qui est mis de l'avant, certains éléments qui répondent à ces préoccupations-là?

M. Gingras: On en trouve certains, mais, comme je vous dis, c'est très incomplet. Ce qu'on voudrait... Quand on a parlé du service aux entreprises dans notre mémoire, on a insisté sur le fait que les mesures ou les services gouvernementaux devraient être axés sur le soutien aux entreprises qui veulent développer des marchés aux États-Unis. Ça veut dire que, quand on subit des contraintes comme celles qu'on a subies dans le porc, dans la volaille... parce que, vous savez, ceux qui ont perdu un conteneur de poulet — une petite coopérative du bord de la Beauce, ici — dans les ports américains, pensez-vous qu'ils vont être intéressés d'en renvoyer un deuxième parce que leur poulet attend sur les quais, à un moment donné, puis qu'ils ne sont pas capables de les distribuer aux États-Unis à cause de ces mesures-là? Pensez-vous qu'ils sont capables de se permettre d'en perdre un deuxième? Alors, ça, c'est des questions qu'on se pose: Comment on est capable de rendre accessible... Parce que c'est beau de négocier des accords théoriques, mais où le bât blesse, c'est comment on est capable de les appliquer et de l'ouvrir, ce marché-là.

Alors, nous autres —j'écoutais M. Pettigrew qui nous a précédés — on ouvre nos marchés ici, on a une culture qui est celle qu'on nous connaît et on laisse l'accès à nos marchés, mais ce n'est pas certain que, justement, on fait en sorte de faire profiter de cet accès nos fabriquants, ici, dans un marché élargi, alors qu'on les soutient, qu'on leur accorde toute l'aide nécessaire pour le faire.

Alors, ça, c'est notre préoccupation. Il va falloir qu'on soit beaucoup plus près, justement, des entreprises si on croit que l'élargissement de ce marché ou la mondialisation de l'économie est quelque chose qu'on doit maîtriser. C'est qu'il va falloir que les services se rapprochent des entreprises, de leur réalité. Il va falloir qu'on soit interventionniste un peu plus près d'eux quand ils ont ce genre de besoin.

Alors, quand on parle de mesures d'adaptation, bien sûr, on parle d'alphabétisation des milieux de travail. On en parle à plusieurs tribunes de ce temps-ci parce que je pense qu'on part de loin quand on parle d'adaptation des milieux de travail. On part d'une réalité qui est celle qu'on connaît ici, au Québec, où on a dormi sur la «switch» pendant plusieurs années. On a des milieux de travail où 33 % des travailleurs sont analphabètes. Il faut commencer là pour, justement, aller plus loin en matière de formation. Il y a la formation générale qui est déficiente ici, au Québec, aussi. Alors, on parle de mesures d'adaptation; ça aussi, on insiste là-dessus, il va falloir s'ajuster. Quand on parle de formation professionnelle, il va falloir qu'on l'adapte, notre formation, parce qu'avant de la donner il faut

que les gens puissent la recevoir; alors, il faut les préparer. C'est pour ça qu'on parle d'alphabétisation, de formation générale et de formation professionnelle améliorée.

Le congé à la formation associé avec un droit de retour au travail, on discute, depuis quelques mois, d'essayer d'avoir un droit de retour au travail pour les travailleurs qui veulent se former à leurs propres frais, et on a de la difficulté à obtenir un consensus de la partrie patronale sur ces questions-là. C'est aberrant, ça nous inquiète parce que... Écoutez, si on ne les met pas de l'avant, ces mesures d'adaptation là, et si le gouvernement n'est pas un peu plus coercitif face à nos entreprises, nous autres, on le sait que c'est nos emplois qui vont disparaître demain matin. Alors, ça, ça nous préoccupe. Comprenez-vous?

Alors, il y a la reconnaissance des acquis, aussi, en matière de formation que les gens ont dans les milieux de travail. On n'a pas de système de reconnaissance des acquis, ici, en matière de formation professionnelle. Un travailleur qui sort d'une usine à cause d'une situation de reclassement ou autrement, c'est qu'il est obligé de tout recommencer, il est obligé de refaire ses preuves dans une autre entreprise. L'apprentissage: très déficient. Comment y a-t-il d'emplois qualifiés, ici, au Québec, comparativement à d'autres régions qui réussissent? Ça, ça nous préoccupe.

Ce sont toutes des situations qui nous préoccupent, sur lesquelles on réfléchit. On a de la difficulté à cheminer, actuellement, avec nos entreprises, à leur faire comprendre qu'il y a des besoins qu'il va falloir satisfaire et sur lesquels il va falloir qu'on s'asseoit et qu'on se concerte. Mais, là-dessus, je pense que le gouvernement, il va falloir qu'il nous aide parce que, attendre après la volonté tout le temps, des fois, ça ne réussit pas, et ça, entre-temps, si on ne réussit pas, c'est que ça va être les emplois qui vont disparaître, et on va sûrement payer la note, et très chèrement.

On parlait aussi de programmes d'innovation, d'encourager les programmes d'innovation dans les milieux de travail, les comités d'adaptation de la main-d'oeuvre. Je vous ai dit qu'ici on diminue les ressources au Québec; alors, ce n'est pas normal, avec une vision globale, qu'on doive avoir une vision globale dans les entreprises et qu'on se retire graduellement d'un exercice qui s'appelle les comités d'adaptation de la main-d'oeuvre et qu'on y mette moins de ressources.

Alors, la gestion paritaire de l'aide gouvernementale qu'on réclame depuis des années, aussi, on parle de mesures d'adaptation, ça en est, ça. Pourquoi est-ce qu'on continue? Le ministre parlait, tout à l'heure, des crédits donnés aux entreprises pour la formation professionnelle. Jamais les travailleurs ne se sont associés pour décider si, eux autres, devraient être les gens pour en bénéficier, de ces crédits-là. C'est toujours l'employeur qui décide, c'est toujours l'employeur qui a les mesures fiscales, mais jamais les travailleurs, les individus, ce n'est jamais axé sur les individus.

Ça, c'est des questions qu'on a, par rapport au programme d'adaptation. Le financement de la formation par les entreprises, combien est-ce qu'elles investissent ici, au Québec? Si on attend après eux autres, j'ai l'impression qu'on va attendre longtemps.

Actuellement, on essaie même d'avoir des programmes où on va financer notre formation et on n'est même pas capables d'avoir un droit de retour au travail quand on se libère de nos entreprises. Pensez-vous qu'on est vraiment bien pourvus dans les mesures d'adaptation ici, au Québec? Moi, je pense qu'on est très mal pourvus. C'est pour ça qu'on n'est pas tout à fait d'accord avec le ministre et pas aussi optimistes que le ministre sur ça.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Bertrand.

M. Beaulne: Vous avez également mentionné dans votre rapport une préoccupation pour le secteur du vêtement. C'est d'ailleurs un secteur des plus vulnérables, et, en particulier, tous ceux qui sont venus à la commission jusqu'ici aborder ce thème-là ont indiqué une sérieuse préoccupation pour, en particulier, ce que vous appelez la règle d'origine. Le ministre répond à...

Le Président (M. Dauphin): Je m'excuse, M. le député, c'est qu'il y a un vote, et on s'excuse auprès de nos invités. Nous allons devoir nous absenter quelques minutes, à moins que vous vouliez qu'on termine ça. Pensez-vous qu'on a le temps de terminer ça? Il reste environ...

M. Ciaccia: Combien il reste?

Le Président (M. Dauphin): Pardon?

Une voix: Combien qu'il reste de temps?

Le Président (M. Dauphin): Normalement, on sonne les cloches cinq minutes avant le vote. Alors, on aurait peut-être un deux minutes et demie, et il reste sept minutes de temps à l'Opposition. Alors...

M. Beaulne: Bien moi, j'aurais d'autres questions après, là.

Le Président (M. Dauphin): Alors, s'il y a d'autres questions après, allons voter.

On s'excuse auprès de nos invités et on revient tout de suite. Les obligations parlementaires.

M. Gingras: Alors, on va vous attendre.

Le Président (M. Dauphin): On suspend quelques minutes, le temps d'aller voter, et nous revenons.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

(Reprise à 18 h 11)

Le Président (M. Dauphin): La commission des institutions reprend ses travaux.

J'aimerais tout d'abord remercier la CSD pour leur patience, et il restait sept minutes à l'Opposition officielle et la conclusion au ministre, par après.

M. Beaulne: Bon, on avait abordé la question du secteur du vêtement, et en particulier la question des règles d'origine, qui en préoccupe plusieurs et qui, d'ailleurs, nous préoccupe, nous aussi. Plusieurs intervenants, entre autres, le ministre — et vous avez entendu, également, les commentaires de M. Pettigrew, tout à l'heure — semblent dire qu'au fond ça ne pose pas un problème majeur puisqu'il y a de la place, encore, pour remplir les contingents et que, d'autre part, ces contingents-là risquent d'être augmentés, comme le prévoit l'Accord, au bout d'une période de cinq ans. D'abord, j'aimerais savoir si vous partagez cet optimisme-là, d'une part, et d'autre part, il y a un autre aspect de toute cette question qui n'a pas été abordé — et j'aimerais aussi avoir là-dessus votre opinion — c'est la distribution, par la suite, de l'augmentation de ces contingents-là, dans le sens où, c'est le gouvernement... enfin, ça n'a pas été déterminé si c'était le gouvernement fédéral ou comment allaient être distribués ces contingentements-là, l'augmentation en particulier, et quand on sait que 60 % de la production canadienne de vêtements est originaire du Québec, il serait peut-être important de s'assurer des modalités de distribution de ces contingentements-là qui respecteraient cette réalité-là.

Alors, j'aimerais avoir votre opinion là-dessus.

M. Gingras: Écoutez, concernant la règle d'origine, bien sûr, la triple règle d'origine, je vous ai exprimé les inquiétudes qu'on a. C'est que, bien sûr, les contingentements visent à nous enlever, ou tenter de nous enlever ces inquiétudes, parce que la triple règle d'origine nous plaçait dans une situation désavantageuse par rapport aux synthétiques dans le textile et au coton, par rapport aux avantages qui existent pour le Mexique et les États-Unis dans ces deux produits-là. Alors, bien sûr, quand on augmente les contingentements, bien, c'est qu'à ce moment-là on semble rassurer les gens, mais il faudrait faire attention et, pour nous, ce n'est pas en augmentant — parce qu'on sait que, déjà, on a de la difficulté à pénétrer les marchés américains, et qu'on a justement pas essayé encore le Mexique, mais on ne sait pas si on va être capable de les pénétrer — alors, pour nous autres, d'augmenter la part des produits qui sont touchés par le contingentement, ça ne règle pas nécessairement le problème causé par la règle d'origine.

Alors, pour nous autres, on aurait été... En tout cas notre position, c'est qu'on aurait été beaucoup plus satisfaits d'une règle d'origine qui aurait été moins complexe et plus simple et qui aurait reposé plus sur ce qu'on aurait convenu avec les États-Unis. Ces contin- gentements-là, pour nous, je vous dis, ils ne sont pas nécessairement rassurants, parce que ça ne nous donnera pas une capacité concurrentielle accrue pour faire en sorte de profiter, justement, de ces contingentements-là. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on est très préoccupés et qu'on pense que la survie de certains secteurs est en cause, actuellement. Alors, ce n'est pas tout de les avoir, les contingentements; même si on les a et si on n'est pas capables de compétitionner et de s'en prévaloir, bien, on n'a pas l'impression qu'on a réglé le problème de l'emploi dans ces secteurs-là.

Et puis, les mesures de sauvegarde, bien écoutez, il en existe. On n'a pas dénoncé le fait qu'il n'en existe pas; il en existe, mais comment pourrons-nous les utiliser, si on les utilise de la même façon qu'on les a utilisées à venir jusqu'à maintenant, quand il y a eu des industries ou des secteurs en problème, c'est qu'on utilise ces mesures-là après que les dommages sont faits, et, souvent, l'industrie n'a plus la capacité de poursuivre ses opérations — et c'est ce qu'on a vécu dans l'industrie de la chaussure — pour en arriver à une disparition quasi complète de l'industrie et du secteur.

Alors, c'est un peu ce qu'on risque dans le secteur du vêtement, à plus ou moins long terme. Et je pense qu'on va revivre l'exemple... sauf peut-être pour certains produits très spécialisés, les produits de mode, et tout ça, où, peut-être, on va avoir une existence plus longue, mais, en tout cas, on n'est pas très optimistes avec l'accord actuel pour faire en sorte ou nous convaincre qu'il y a un avenir pour cette industrie-là.

Quant à l'industrie du textile, on est préoccupés parce que, si la consultation s'est faite auprès des entreprises actuelles, qui sont établies autant aux États-Unis qu'au Québec, eh bien, écoutez, ces entreprises-là peuvent être satisfaites de l'ALENA parce que, justement, elles n'ont pas nécessairement décidé de maintenir leur investissement au Québec. Alors, moi, j'aimerais mieux qu'elles répondent à la question: Est-ce que vous allez maintenir, étant donné l'ALENA, votre investissement, ici, au Québec? On connaît plusieurs entreprises qui regardent actuellement la possibilité de se resituer ou de se relocaliser ailleurs. Alors, ça aussi, ça fait partie du décor, et je pense qu'on doit s'en préoccuper.

Alors, l'industrie du textile, si elle se dit d'accord... Je connais plusieurs entreprises qui regardent actuellement, dans le cadre d'une rationalisation, la possibilité de centraliser des opérations aux États-Unis, pour certains, et d'autres, peut-être, ailleurs. Alors, ça, c'est la situation qui nous préoccupe, actuellement, dans ce secteur-là.

Une voix: Finalement...

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le député, il reste une minute.

M. Gingras: Quant à la distribution des contingentements, bien sûr, je pense que, si on a des contin-

gentements, et que ça doive, à un moment donné, faire partie de la perspective, je pense qu'on doit le faire ou on doit les répartir en fonction, justement, de la réalité économique des secteurs dans lesquels on est. Et, si on a 78 % des entreprises, on devrait, au Québec, avoir au minimum 78 % des contingentements, dans ce cadre-là.

M. Beaulne: Pour terminer, une petite question rapide: Vous êtes le premier groupe qui préconise qu'on soumette la politique et son contenu à la population, préalablement à l'accord. Quelle forme envisagez-vous? Sous forme de référendum au fédéral, au provincial, aux deux? D'une élection au fédéral, au provincial, aux deux? Quelle est la forme de consultation que vous préconisez?

M. Gingras: Étant donné qu'actuellement c'est une question qui relève du fédéral, en tout cas, qui relève du fédéral dans la perspective actuelle et dans la situation politique actuelle, eh bien, je pense qu'on préconisait un référendum canadien, nous autres, par rapport à cette question. Parce que ça vient modifier les règles du jeu, c'est un accord canadien. Alors, dans ce sens-là, c'était un référendum canadien. Mais, à plus forte raison, si ce n'est pas ce qui se passe, je pense que le Québec pourrait peut-être même faire pression sur le fédéral s'il décidait lui-même de tenir son propre référendum, sur une question comme celle-là, avec la population du Québec.

M. Beaulne: Merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Merci, M. le député.

Pour conclure, M. le ministre.

M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais remercier la CSD pour son mémoire et pour nos discussions même si, des fois, on n'est pas toujours sur la même longueur d'onde. Mais vous avez soulevé beaucoup de problèmes, et je dois vous dire que les problèmes que vous avez soulevés... L'ALENA n'est pas une panacée pour tous les problèmes économiques qui existent, loin de là. Sur la question de l'environnement et des normes de travail, les négociations vont commencer le 17 mars. Nous allons y participer.

Quand vous mentionnez que des industries ont déménagé, vous savez que les «maquiladoras» existaient beaucoup avant l'ALENA. Ce n'est pas l'ALENA qui ajoute à ce problème.

Dans le cas des vêtements, vous m'avez dit que je suis un peu optimiste. Ce n'est pas une question d'optimisme, ce sont les faits. En 1988, l'industrie du vêtement croyait qu'elle était pour disparaître ou qu'elle serait très affectée négativement par l'entente du libre-échange. Dans les faits, elle a augmenté les exportations de 169 000 000$ à 412 000 000$. Et, ce que nous avons fait, nous avons maintenu cet accès et l'avons augmenté.

Il y a un aspect, peut-être, en concluant, M. le Président, qui me préoccupe un peu. C'est que, quand le député de Bertrand vous a posé la question sur le plan Québec-Mexique, les critiques que vous lui avez faites, vous avez dit: Écoutez, ce n'est pas un bon plan, on a besoin de l'aide individuelle, de l'aide personnelle. Je ne sais pas si on a lu le même document, si vous avez lu le même document que j'ai publié, mais, dans ce document-là, c'est de l'aide individualisée aux entreprises, ce n'est pas une aide dans les airs pour dire: Je veux encourager les exportations au Mexique. (18 h 20)

Programme Aide à la promotion des exportations, projets spéciaux: ça veut dire qu'une compagnie va venir avec un projet individuel, un projet spécial, on va l'aider. Programme d'accueil Acheteurs étrangers: c'est des acheteurs individuels, qui vont venir ici, et on va les amener à des entreprises québécoises, personnellement, individuellement. Prêt de spécialistes: c'est un spécialiste qu'on va donner, qu'on va prêter pour conquérir ou pour percer le marché mexicain. Réalisation d'études, d'analyses et de recherches dans des secteurs précis du marché mexicain: c'est des études pour des entreprises individuelles, des entrepreneurs individuels. Alors, s'il y avait un doute dans votre esprit, je vous suggère de le revoir et peut-être que vous pourrez encourager certains intervenants à prendre avantage de ce volet.

La dernière remarque, c'est à propos des difficultés qui auraient été rencontrées à la frontière par des exportateurs de poulet. Aucune trace n'a pu être trouvée de ces difficultés ni au ministère des Affaires internationales, ni au ministère de l'Agriculture, ni non plus au fédéral. Alors, si c'est un incident qui est arrivé ou que vous avez d'autres informations, ça nous fera grand plaisir que vous nous fournissiez ces informations et ça nous fera grand plaisir aussi de voir ce qu'on peut faire avec les autorités pour ne pas que ça se répète, mais, pour le moment, personne ne semble en avoir entendu parler.

Alors, ceci étant dit, je vous remercie. Je veux vous assurer qu'on est prêts à continuer à travailler avec vous, pour nous assurer qu'on peut prendre plein d'avantages de l'entente de libre-échange nord-américaine pour créer des emplois, pour attirer des investissements et aider les travailleurs québécois.

Merci.

Le Président (M. Dauphin): Alors, merci, M. le ministre.

Au nom de tous les membres de la commission, M. Gingras, Mme Rochefort, M. Tremblay, on vous remercie d'avoir accepté notre invitation. On vous souhaite un bon retour, et je demanderais...

M. Gingras: Merci.

Le Président (M. Dauphin): ...à l'Union des

producteurs agricoles de s'avancer à la table des invités. Alors, nous accueillons maintenant l'Union des producteurs agricoles. C'est avec plaisir que nous les accueillons à notre commission. Nous les remercions d'avoir accepté notre invitation. Je reconnais évidemment le président, M. Proulx, qui est un habitué des commissions parlementaires. Alors, je lui demanderais d'abord de nous présenter officiellement les personnes qui l'accompagnent, ensuite de ça de procéder à son exposé d'une durée d'environ 20 minutes.

Union des producteurs agricoles (UPA)

M. Proulx (Jacques): Merci, M. le Président.

MM. les ministres et députés, je pourrais vous présenter, dans un premier temps, M. Claude Lafleur, qui est secrétaire général à l'Union des producteurs agricoles, le Dr Yvon Proulx, qui est économiste senior chez nous, et Patrice Dubé, qui est un agro-économiste.

Alors, je vous rappellerai, dans un premier temps, un peu d'historique de notre organisation. C'est que, depuis près de 70 ans, de l'UCC à l'UPA, la classe agricole québécoise a patiemment construit un mouvement rigoureux et autonome financièrement pour promouvoir les intérêts, promouvoir, défendre et développer les intérêts professionnels, économiques, sociaux et moraux. C'est ainsi que les membres de l'UPA ont, tour à tour, oeuvré au développement économique des régions, en initiant les premières coopératives financières et agricoles; au développement économique du Québec, en travaillant au sein du Conseil supérieur de l'éducation; au développement de la presse québécoise en fondant, en 1929, l'hebdomadaire La Terre de chez nous.

Aujourd'hui, l'Union confédéré 16 fédérations régionales et 18 syndicats ou fédérations spécialisées. Elle compte sur l'implication directe de plus de 3000 producteurs et productrices agricoles à titre d'administrateurs, elle multiplie ses interventions en Europe pour le GATT, en Afrique pour le développement d'une mise en marché ordonnée, et aux États-Unis pour l'élargissement de ses marchés.

Active tant sur les scènes régionale, nationale qu'internationale, elle est l'organisation professionnelle des 51 000 agriculteurs et agricultrices qui ont d'ailleurs investi collectivement 11 600 000 000 $ de dollars en infrastructures agricoles afin de générer, annuellement, près de 4 000 000 000 $ en ventes à la ferme et 65 000 emplois directs.

Enfin, depuis juin 1992, et pour les 15 prochaines années, elle convie ses membres à la conquête de nouveaux marchés, soucieuse qu'elle est de leur permettre d'accomplir la noble tâche de nourrir le Québec.

Alors, vous remerciant de nous donner l'occasion de venir vous réexprimer quelques-uns de nos points de vue et préoccupations en relation avec les accords commerciaux actuellement en discussion.

Le fait que les négociations du GATT piétinent depuis plus de six ans contribue à accroître l'importance de ces accords régionaux pour lesquels on semble opter, de plus en plus, plutôt que de négocier sérieusement sur une base vraiment multilatérale. C'est la raison pour laquelle nous avons jugé important de vous rappeler les objectifs que nous poursuivons en participant à ces discussions et les conditions minimales auxquelles ces accords commerciaux peuvent apparaître acceptables aux producteurs et productrices agricoles québécois.

Depuis le Sommet de l'agriculture de Trois-Rivières, au cours duquel l'UPA a annoncé un virage important dans l'orientation de son action — virage vers la conquête des marchés — on a pu penser, dans certains milieux, que l'UPA avait révisé fondamentalement ses positions. On a pu penser que l'UPA voyait, maintenant, dans la libéralisation de la conquête des marchés, la solution de tous les problèmes. Je vous dirai: Tel n'est pas le cas.

L'UPA pense qu'un certain degré d'ouverture des marchés peut être souhaitable, présentement, à condition que toutes les parties en présence acceptent de se plier, sans détour, aux règles du jeu mutuellement convenues, ce qui n'est pas vraiment le cas, présentement. L'UPA pense qu'il est important de tarifer les règles de commerce international, de mettre fin aux guerres des subventions, de renforcer les mesures «antidumping» ou, en un mot, de discipliner les marchés, ce à quoi les producteurs d'ici se sont appliqués depuis longtemps.

L'UPA ne croit pas au libre-échange total. Elle pense que le renforcement de la discipline, dans le commerce mondial, doit être réalisé dans le respect des objectifs précis qu'elle défend depuis longtemps, à savoir le maintien des offices de commercialisation avec gestion de l'offre; l'assurance d'un degré élevé de sécurité de revenu pour les producteurs et productrices agricoles; le maintien, dans leur essence, des programmes d'assurance-récolte et de crédit agricole. (18 h 30)

Tels sont les piliers sur lesquels s'appuient la stabilité et la prospérité relative du secteur agricole et agro-alimentaire québécois, et les producteurs et productrices agricoles ne sont pas disposés à les sacrifier au nom d'une quelconque idéologie ou de vagues promesses de «fair play» de la part de partenaires commerciaux dont les antécédents ne sont pas très rassurants. Et vous me permettrez de rajouter, pour renforcer, jusqu'à un certain point, ces affirmations, pourquoi accepterait-on de tout bouleverser pour entre 8 % et 10 % de la production qui est commercialisée, au niveau mondial? Je pense qu'il faut se les poser, ces questions-là. Est-ce qu'on doit faire fi de nos cultures, faire fi de politiques qui ont fait leurs preuves? Est-ce qu'on doit tout bouleverser, en fait, la façon qui est suggérée, dans certains cas, pour essayer d'améliorer — quoiqu'on est d'accord de l'améliorer — mais doit-on tout sacrifier pour améliorer le commerce de 8 % à 10 % de la production agricole — je parle au niveau planétaire? Les plaintes nombreuses formulées par les États-Unis concernant les exportations canadiennes de viande de porc ou de porc

vivant, et les droits compensateurs qui sont imposés, puis retirés, malgré l'Accord de libre-échange Canada—États-Unis, donnent à penser que ces accords bilatéraux ou trilatéraux doivent contenir des garanties plus étanches. Ils doivent contenir des garanties formelles que les partenaires peuvent continuer à poursuivre leur propre politique économique dans le respect des conventions mutuellement agréées, mais sans être constamment l'objet de harcèlement coûteux en frais juridiques, en gaspillage de temps et d'énergie et en dommages aux industries concernées. Il est important, aussi, de souligner que ces accords régionaux ne doivent pas compter sur ce point — ou sur tout autre — sur les garanties que pourrait offrir un éventuel règlement de la négociation du GATT, l'issue de ce dernier est trop incertaine.

L'UPA recommande donc au gouvernement du Québec d'insister auprès du gouvernement canadien pour que soient renforcés les mécanismes de règlement des différends commerciaux. Deuxièmement, que soit augmentée l'autorité des tribunaux trinationaux de règlement des différends. Troisièmement, que soient durcies les conditions de recours aux procédures extraordinaires de contestation. Et enfin, quatrièmement, que des droits compensateurs ne puissent être imposés avant que ces tribunaux de règlement des différends aient tranché la question en litige.

Ces considérations générales concernant les accords régionaux et même multilatéraux étant faites, venons-en maintenant, de façon un peu plus précise, au commerce agricole avec le Mexique. Les échanges agricoles entre le Canada et le Mexique sont relativement faibles. Les exportations agricoles du Canada vers le Mexique se chiffraient, en 1991, à 67 000 000 $, soit moins de 1 % du total des exportations agricoles du Canada, alors que les importations agricoles en provenance de ce pays se situent, en 1991, à 150 000 000 $, soit 1,6 % des importations agricoles canadiennes.

Les exportations agricoles du Québec vers le Mexique, composées majoritairement de produits laitiers, viande et animaux vivants, comptent pour moins de 1 % de l'ensemble des exportations agricoles du Québec, environ 8 000 000 $ en 1991. Les importations québécoises de produits agricoles et alimentaires en provenance du Mexique ne représentent que 0,8 % du total des importations agricoles et alimentaires et se composent, par ordre d'importance, de cacao, de café, de thé, de fruits et noix, 4 000 000$ en 1991, et de légumes à l'exception de la pomme de terre, soit 2 100 000$ en 1991.

Le commerce agricole entre les États-Unis et le Mexique est, par contre, beaucoup plus important. Les États-Unis sont, de très loin, les principaux fournisseurs de produits agricoles au Mexique, et les produits agricoles mexicains se dirigent principalement vers le marché américain.

L'accord avec le Mexique ne peut avoir d'impact majeur. La très faible importance du commerce agricole entre le Canada, le Québec et le Mexique, et le fait que ce commerce porte surtout sur des produits qui ne sont pas concurrents suggère que la partie de l'ALENA relative au commerce Canada-Mexique ne peut être porteuse d'impact majeur pour le secteur agricole québécois. Ce point de vue est renforcé par le fait que la forte croissance de la population, supérieure à la capacité de production du secteur agricole mexicain, laisse présager une faible capacité d'exportation, du moins à court terme. Par contre, le Mexique est présentement un importateur net de produits agricoles. Cela laisse présager, malgré la forte concurrence américaine pour ce marché, quelques possibilités d'exportation intéressantes.

L'Accord de libre-échange nord-américain a établi deux accords bilatéraux dans le domaine agricole, soit une entente entre le Canada et le Mexique et une entente entre le Mexique et les États-Unis. L'accord entre le Canada et les États-Unis déjà conclu demeure, de façon générale, en application dans le domaine du commerce des produits agricoles entre ces deux pays. L'ALENA inclut aussi des dispositions trilatérales, c'est-à-dire s'appliquant aux trois pays. Ces dernières concernent les mesures de soutien interne et les subventions à l'exportation des produits agricoles ainsi que les mesures sanitaires et phytosanitaires. D'une manière générale, l'entente bilatérale entre le Canada et le Mexique éliminera, sur une période de 10 ans, toutes les barrières tarifaires et non tarifaires sur les échanges agricoles, à l'exception de celles qui s'appliquent aux secteurs laitier et avicole, aux oeufs et au sucre.

Des mesures de sauvegarde de transition ont été prévues et s'appliqueront à certains produits dits sensibles, alors que des mesures de sauvegarde globales seront également instaurées.

Les États-Unis ont annoncé leur intention de négocier des ententes parallèles dans les domaines de l'environnement et de la main-d'oeuvre. L'entente parallèle dans le domaine de l'environnement exigée, entre autres, par les groupes de pression environnementaux des États-Unis, pourrait inclure une forme de taxation contre un produit ne répondant pas aux normes environnementales établies aux États-Unis, par exemple, un produit ayant été exposé à un pesticide non homologué ou banni. Étant donné que les normes canadiennes en matière de protection de l'environnement sont déjà élevées, cette entente parallèle risque d'être beaucoup plus contraignante pour le Mexique que pour le Canada. Le Canada doit néanmoins y participer activement.

L'entente parallèle sur la main-d'oeuvre mérite une attention particulière, étant donné l'avantage compétitif que représente l'abondance, au Mexique, de main-d'oeuvre à bon marché. Mentionnons, en particulier, à ce sujet, l'existence des «maquiladoras», établis il y a 25 ans par le gouvernement mexicain pour stimuler les exportations.

Ces «maquiladoras» visent à étirer des investissements étrangers dans des zones frontalières où les tarifs douaniers sont inexistants sur les intrants importés et où

la fiscalité est minimale sur les produits exportés. De plus, les normes environnementales, les normes de santé et de sécurité du travail, qui sont déjà, par surcroît, très peu élevées au Mexique, sont inexistantes dans ces zones. Enfin, la main-d'oeuvre bon marché abonde, avec des salaires variant entre 4 $ et 9 $ américains par jour.

Déjà, en 1975, on comptait 454 entreprises, surtout américaines, qui profitaient des avantages que confèrent ces zones. On compte aujourd'hui 1900 entreprises, dont plusieurs viennent du secteur agro-alimentaire, pour ne nommer que Anderson Clayton, Nabisco, Del Monte, Cargill et d'autres. L'UPA croit que des mesures doivent être prises afin d'éviter que l'ALENA ne contribue à drainer vers ces zones des ressources du Canada et de la main-d'oeuvre bon marché du Mexique au service des multinationales américaines.

Une charte sociale, telle qu'il en existe en Europe, doit faire partie des ententes parallèles à négocier par les trois parties de l'entente. Il faudra aussi s'assurer du respect de l'application des dispositions de cette charte par la partie contractante. L'adoption d'une telle charte contribuerait à atténuer nos appréhensions sur cette question et à maintenir notre structure manufacturière dans l'agro-alimentaire québécois à l'abri d'une compétition déloyale.

Nous recommandons donc au gouvernement du Québec d'insister auprès du gouvernement canadien pour qu'il veille à inclure une telle disposition dans l'accord parallèle sur la main-d'oeuvre. Nous recommandons aussi d'insister pour que ces ententes parallèles soient conclues avant la ratification de l'Accord.

Ce bref mémoire rappelle que l'UPA est toujours bien loin de considérer la libéralisation généralisée des échanges commerciaux comme la solution à l'ensemble des problèmes du secteur agricole, et qu'elle supporte toujours les objectifs qu'elle défend depuis longtemps en relation avec les négociations commerciales et d'intervention de l'État dans le secteur.

Elle soutient que l'incertitude entourant l'issue de la négociation du GATT et le harcèlement américain pour des droits compensatoires sur nos exportations contribuent à augmenter l'importance des accords trilatéraux tels l'ALENA, et forcent à chercher à l'intérieur de l'Accord lui-même, et indépendamment du GATT, les garanties de bon fonctionnement qu'on espère y trouver. Elle suggère, en particulier, de renforcer les mécanismes de règlement des différends. L'argument que le Canada devrait participer activement aux négociations des ententes parallèles que les États-Unis veulent négocier afin de s'assurer que l'avantage compétitif procuré au Mexique par le faible coût de sa main-d'oeuvre, ses normes de travail minimales, et le caractère non contraignant de ses normes environnementales ne conduisent pas à une concurrence déloyale envers le Canada.

Voilà l'essence de notre mémoire, M. le ministre, M. le Président, qu'on voulait vous déposer.

Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup, M. Proulx, pour votre exposé.

Nous allons maintenant reconnaître la formation ministérielle, notamment, le ministre des Affaires internationales.

M. Ciaccia: M. Proulx, je veux vous remercier pour votre mémoire. Je trouve qu'il est très réaliste. Vous nous faites des recommandations. Si vous vous souvenez, quand on était à Bruxelles en 1990, dans les négociations du GATT avec mon collègue, le ministre de l'Agriculture, on avait appuyé les positions de l'UPA et on continue, je continue à travailler avec mon collègue pour appuyer vos objectifs et les positions que vous prenez. L'entente bilatérale à laquelle vous avez fait référence, c'est quelque chose que nous avons à appuyer avec vous pour assurer le maintien, entre autres, du système de gestion de l'offre pour ne pas qu'il y ait de problème entre les clauses qui seraient incluses avec les États-Unis. (18 h 40)

À propos des garanties plus étanches en matière de règlement de différends, il faut se rappeler qu'en cette matière l'Accord de libre-échange, c'est comme une police d'assurance contre le feu. Une telle police d'assurance n'empêche pas les incendies, mais elle peut en annuler les effets, et effectivement, le binational, c'est ça qu'il a fait dans plusieurs cas. J'aimerais beaucoup être capable de dire: Bien, les droits compensateurs ne devraient pas être imposés avant que la décision finale soit rendue, c'est comme un droit d'appel dans nos tribunaux, ici, qui est applicable comme principe. Mais je vous donnerais de faux espoirs si je vous faisais croire qu'on peut obtenir cette concession des Américains.

Je ne veux pas aller plus loin présentement, M. le Président, je voudrais donner la parole à mon collègue, le ministre de l'Agriculture, avec qui on travaille étroitement pour nous assurer qu'on protège les droits des agriculteurs du Québec dans l'ALENA.

Le Président (M. Dauphin): Alors, si vous permettez, avec le consentement des membres de la commission, nous allons reconnaître M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Picotte: Brièvement, merci, M. le Président, merci à mes collègues, aussi, pour ce consentement.

Je pense que... moi aussi, je veux remercier l'UPA pour son mémoire, et je pense — et nous devons souligner qu'entre autres depuis un bon nombre de mois, et plus précisément, ça c'est accentué, je pense, au niveau du Sommet de l'agriculture — l'UPA, à bien des égards, pourrait donner bien des leçons à bien d'autres groupes de notre société sur l'ouvertue qu'elle manifeste, non seulement dans le domaine, évidemment, qui est le nôtre, le domaine bioalimentaire, mais aussi dans les grandes questions de l'heure. Ça en est une,

question de l'heure, qui nous permet de constater que ce n'est peut-être pas nécessairement en se braquant sur des idées qu'on connaissait déjà, mais avec une ouverture d'esprit, qu'on peut à la fois améliorer les choses et changer les perspectives d'avenir.

Et, à cet égard-là, je suis heureux de constater, aussi, que chez nous, au MAPAQ, avec l'UPA — mis à part certains points qui peuvent être différents dans ce domaine-là — nos idées se rejoignent en ce qui concerne l'ALENA, et il est important de souligner, M. le Président, que c'est vrai, c'est exact qu'il faut à tout prix réitérer et essayer de conserver nos quatre piliers agricoles, et que ce n'est pas nécessaire de démembrer et de tout changer pour tâcher d'avoir accès à un commerce qui puisse être intéressant. Et dans cette foulée-là, moi, je veux réitérer, je pense, notre foi envers les quatre piliers agricoles, dans le cadre des négociations du GATT, dans cette grande perspective-là de faire du commerce mondial.

Nous partageons aussi l'analyse de l'impact relativement mineur que pourrait avoir l'ALENA sur l'agriculture québécoise. Et il faut bien le mentionner, les retombées peuvent être très intéressantes pour le Québec, si l'on en juge par l'intérêt grandissant des entreprises québécoises qui font déjà des affaires au niveau du commerce international, au niveau du commerce du Mexique. Je n'ai qu'à penser à Lactel, entre autres, Lactel qui — pour ses ventes de fromage et de lait UHT chocolaté — fait des affaires avec le Mexique. On pourrait parler, aussi, de GENEGRA international, pour ses ventes de porcs reproducteurs. On peut parler de VIAQ, aussi, pour ses ventes de vaches laitières; on peut parler de Naya, pour ses ventes d'eau de source embouteillée; on peut rajouter à ça, aussi, Lassonde, pour ses ventes de jus de fruits, et ce n'est qu'énumérer quelques-unes de ces compagnies-là qui font affaire, déjà, avec le Mexique et où il y a un commerce intéressant. Et on pourrait allonger la liste, s'il y avait une volonté vraiment commune de le faire.

Avant de poser deux questions plus précises, je voudrais vous dire que, nous au MAPAQ, avec l'équipe extraordinaire que nous avons et qui s'ajuste continuellement — et je pense que je veux le souligner — cette équipe-là qui travaille pour toujours être à la fine pointe et répondre de tous les objectifs du futur, nous aurons l'occasion, au mois d'avril, déjà, de lancer une politique pour atteindre les marchés d'exportation du côté du Mexique, ce qu'on appelle Innovactions III, volet Mexique. Nous sommes déjà prêts à ça, nous sommes déjà prêts à préparer la possibilité d'aller sur le marché du Mexique, et c'est important, je pense, que ce travail-là, qui se fait avec l'approche filière, avec les tables de concertation, puisse continuer de se faire pour être prêt et fin prêt lorsque le signal du départ sera donné.

Vous avez parlé — ça aussi, ça m'inquiète, et peut-être que vous pourriez nous donner certaines pistes — il faut être de plus en plus vigilant sur le règlement des différends. On connaît un petit peu l'expé- rience qu'on a eu. On en a gagné, des différends. On connaît l'expérience qu'on a eu avec le libre-échange Canada—États-Unis. Est-ce que vous avez des suggestions à nous faire sur l'amélioration des règlements de ces différends-là? Vous y avez fait allusion, et j'aimerais connaître un peu ce que vous pourriez souhaiter ou ce qu'on pourrait faire pour améliorer, justement, le règlement de ces différends-là?

M. Proulx (Jacques): Oui, la première chose, ce serait — je vous dirai — de se tenir debout devant les Américains, d'arrêter de considérer que, parce qu'ils sont gros, qu'ils sont forts, qu'ils sont puissants et qu'ils ont imposé leurs lois un peu partout jusqu'à aujourd'hui, ce n'est pas une raison pour qu'on accepte n'importe quoi de leur part. Et quand on vous a donné les quatre conditions, tout à l'heure, les quatre recommandations particulières, c'est bien beau de gagner quand on va devant les tribunaux, on est tous bien contents de ça, mais le mal est fait. Pendant ce temps-là, ça nous a coûté des dizaines et des dizaines de millions, ne serait-ce qu'en avocats, et, en plus, des dizaines de millions parce que nos entreprises ont été obligées de ralentir pendant ce temps-là, et ainsi de suite.

Alors, au bout... et c'est ça qu'on soulève beaucoup, surtout dans la quatrième recommandation. Je comprends que ce ne sera pas facile, mais il faut revenir à la charge, parce que les Américains ont tellement de facilité de pouvoir déstabiliser nos productions, notre commerce... Jusqu'à un certain point, ils s'en foutent pas mal de perdre; au bout, ils recommencent. C'est bien beau de gagner, mais t'as pas eu le temps de savourer ta victoire que, déjà, ils reviennent en appel, et ils ont droit, encore, d'imposer et ils reviennent encore. Et si on ne trouve pas des moyens à ça, on n'aura rien réglé avec un tribunal amélioré, et ainsi de suite. Ils vont sophistiquer, ils vont trouver des moyens de passer à côté, et ça, c'est très grave et ça nous cause des torts incroyables. On n'en a pas, de solution miracle, sauf que je pense que vous devez insister auprès du Canada pour qu'il se tienne debout vis-à-vis ça, ou bien, nous autres aussi, nous donner des moyens où on va avoir la même rapidité. Ça va peut-être bien être la façon de leur faire comprendre que ce n'est pas drôle quand on applique la même médecine.

Mais moi, je vous dis, le porc, il a eu beau gagner des deux, trois coups, là, ça rien changé. On dépense cinq fois, vous dites, mais on continue d'être dans l'incertitude... Et comment vous pouvez permettre à des entreprises — qu'elles soient au primaire, qu'elles soient à la transformation — de se consolider et de prendre de l'expansion, surtout, devant, toujours, cette incertitude, cette épée de Damoclès qui nous pend au-dessus de la tête? Et ça, s'il n'y a pas de quoi de fait à ce niveau-là, s'il n'y a pas une certaine agressivité exprimée de la part du Canada autour de ça, moi, je vous dis que les quelques gains qu'on a faits avec un tribunal amélioré, et ainsi de suite, ça ne voudra plus rien dire, tout à

l'heure, absolument pas.

M. Picotte: Mais il faut admettre, M. le Président, que quand on regarde exactement ce qui se passe — on était ensemble à Bruxelles pour parler du GATT — c'était imminent, la signature. On est obligé de reconnaître qu'il y a des gros joueurs dans tout ça, et les gros joueurs, ça se résume à pas grand-chose, peut-être à deux parties qui, dans la balance du monde, attendent après ces parties-là. Regardez, les élections américaines sont arrivées, donc on a décanté, justement, la signature du GATT. Pourquoi? Avec la perspective des élections américaines, on voit présentement la joute de bras de fer entre Mitterrand et Clinton, encore, et si le GATT a été décanté, c'est justement parce qu'il y a des puissances, il y a des gros qui jouent dur, dans ce domaine-là. Il faut dire qu'il y a un maudit paquet de pays — excusez l'expression — qui sont en attente d'une signature ou de modifier des choses et qui sont là en attente parce qu'il y a deux puissants qui... (18 h 50)

Alors, je comprends, et moi aussi, je suis.. Vous me connaissez, je pense bien, du côté de l'agressivité, je ne hais pas ça de temps en temps, quand on sort les dents et qu'on montre les crocs et qu'on les enfonce, ça fait du bien, ce n'est pas méchant. Mais il reste qu'il faudra aussi jouer avec les mécanismes et trouver des solutions. En tout cas, si jamais il y en avait hors de ça, on souhaiterait bien que vous nous les fassiez connaître aussi pour nous aider à nous sécuriser davantage.

Une dernière question, en ce qui me concerne. D'après vous, le meilleur potentiel d'exportation, du côté, peu importe, du porc ou du lait, est-ce que l'UPA a une idée de ce que pourraient être les meilleurs potentiels d'exportation, dans le cas du Mexique?

M. Proulx (Jacques): Écoutez, je pense qu'il faut se donner les moyens pour cibler le mieux possible, utiliser au maximum les forces qu'on va posséder et cibler les produits qui vont avoir le plus de chance d'avoir du succès, mais il y a des préalables à ça. Je veux dire... Je reviens un peu à l'exposé de M. Ciaccia, tout à l'heure: c'est beau d'avoir une police d'assurance, mais quand on a un bon réseau de pompiers, c'est encore mieux parce que ça fait des primes qui sont beaucoup moins dispendieuses. Je pense qu'il faut se donner un bon système de pompiers aussi, en plus d'une assurance.

Moi, je vous dirai aussi qu'un des plus grands reproches... même si on nous a toujours accusés d'être contre le libre-échange, d'être contre ci et contre ça, on n'était pas nécessairement contre le fait d'ouvrir les barrières, contre le fait de considérer l'importance d'ouvrir les marchés, de pouvoir permettre plus de facilités au commerce, on était contre les méthodes utilisées pour le faire. Et on continue d'être contre les méthodes parce que, selon nous, on n'a pas mis en place les bonnes méthodes. On nous a garrochés — excusez l'expres- sion — un peu dans une arène où on n'était pas préparés à aller.

Moi, je vous dis que, si on n'investit pas massivement dans la recherche, dans la formation, dans l'adaptation de la main-d'oeuvre, si on n'investit pas massivement dans ça, je ne vois pas comment on va être capables, même avec toute la bonne volonté, de passer au travers. C'est là qu'il faut investir. Il faut investir dans le savoir. Notre marché local, il est comblé, puis on a encore une capacité incroyable de développement, et c'est là qu'il va falloir cibler. Il ne faut pas se garrocher un peu partout, dans n'importe quoi. Il ne faut pas nécessairement viser des volumes énormes — il va falloir cibler de plus en plus — mais il faut avoir le savoir; c'est ça l'avenir, et il faut investir dans ça. Et, moi, je dis que, autant le gouvernement du Québec que le gouvernement du Canada doivent investir massivement.

Je vais vous donner juste un petit exemple. Comment voulez-vous qu'on aille beaucoup sur les marchés extérieurs, qu'on vende beaucoup? Juste un petit exemple: Au Canada, on a un attaché commercial par milliard de chiffre d'affaires. C'est la règle, ça. Aux États-Unis, on a quatre attachés commerciaux par milliard de chiffre d'affaires, dans les pays où on fait des affaires. Au Danemark, on en a sept. C'est très différent, sept personnes qui travaillent continuellement à placer ou à essayer de déceler des marchés potentiels de quand il n'y en a rien qu'un. Vous allez reconnaître ça avec moi. Je vous dis...

C'est des exemples, je pense, qu'il faut prendre en considération. Il faut regarder comment on va se positionner, comment on va être capables, justement, de développer les marchés qui vont être le meilleur potentiel, pas les marchés «cheap», les marchés pas payants. Visons les marchés des produits de valeur ajoutée.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Alors, il reste...

M. Picotte: M. le Président?

Le Président (M. Dauphin): Oui, M. le ministre.

M. Picotte: Je veux remercier, tout simplement, encore une fois, les gens de l'UPA, en disant que, évidemment, à l'intérieur du Sommet agro-alimentaire, bien, il y a eu, justement, une résolution qui a été unanime et commune, je pense, d'investir dans le savoir, et notre orientation, justement, est à l'effet que, dans les programmes comme Innovations, entre autres, il y a un volet formation, il y a un volet information, il y a un volet promotion, support technique et financier, et relations institutionnelles et gouvernementales. Donc, ça cerne quand même — il y a toujours moyen de l'améliorer — mais ça cerne quand même les grandes préoccupations auxquelles vous avez fait allusion.

Alors, merci, M. le Président et aux gens qui...

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre.

Il reste environ quatre minutes à la formation ministérielle, mais je vais reconnaître maintenant l'Opposition officielle avec M. le député de Bertrand.

M. Beaulne: Merci, M. le Président.

Je pense que vous avez touché, dans la réponse au ministre de l'Agriculture, un des points fondamentaux de tout ce processus-là. Lorsqu'on se penche sur toute la question du règlement des différends, c'est un chapitre essentiel non seulement de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis, mais, à plus forte raison, de celui avec le Mexique et à mesure que la libéralisation des échanges va s'élargir à l'hémisphère américain.

Lorsque le ministre vous a posé la question «De quelle façon vous verriez une amélioration des garanties d'accès aux marchés?», vous avez mentionné... vous êtes revenu sur votre recommandation au point 4, c'est-à-dire que des droits compensateurs ne puissent être imposés avant que les tribunaux ne règlent, ne se prononcent sur le différend. À la lumière, également, d'autres présentations qui nous ont été faites ici, hier et aujourd'hui, c'est un point fondamental. C'est un point fondamental parce que c'est ce qui permet, comme vous l'avez très bien souligné, aux Américains d'imposer surtaxe après surtaxe. Le fardeau de la preuve est à l'entreprise canadienne ou québécoise de démontrer qu'elle n'a pas violé les dispositions des ententes. Pendant ce temps-là, le dommage est fait, et je pense que ce n'est pas en se réfugiant derrière des victoires — un pourcentage de victoires, comme le mentionne le ministre à chaque fois — qu'on peut se consoler, parce que, déjà, les torts sont faits. Et, à mon avis, ça devient de plus en plus, ça, un mécanisme de barrières tarifaires déguisées, ce recours systématique aux surtaxes.

Ceci étant dit, j'aimerais poser deux questions avant de céder la parole à mon collègue. D'abord, question de cohérence entre les objectifs de promotion des produits agricoles québécois et les politiques du gouvernement fédéral en matière, entre autres, de financement et de promotion des exportations. Vous mentionnez dans votre mémoire, à juste titre, une situation lamentable, à savoir que les échanges de produits agricoles entre le Québec et le Mexique sont à un niveau minimum, environ 8 000 000 $ en 1991. Je dis ça parce que, il y a 10 ans, c'était loin d'être la situation. Au début des années 1980, la Commission canadienne du lait avait le Mexique comme un de ses principaux clients, entre autres pour le lait en poudre et le lait écrémé. Je pense que ça frisait les 1 000 000 000 $. Entre autres, les gros clients étaient les agences gouvernementales, comme CONASUPO ou LICONSA, qui alimentaient les régions de l'intérieur du pays. Si on a perdu ce marché-là, que les Américains ont récupéré, c'est parce que les facilités de financement du gouvernement fédéral canadien ont été coupées, à ce moment-là, lorsque le Mexique a vécu sa crise d'endettement.

Alors, ça pose ici un sérieux problème de cohérence entre, d'une part, nos objectifs et les instruments qui sont à la disposition du gouvernement fédéral.

J'aimerais vous entendre un peu là-dessus. Est-ce que vous pensez qu'il y a suffisamment de cohérence ou s'il y a lieu pour amélioration à ce niveau-là?

M. Proulx (Jacques): Peut-être que je vais laisser répondre M. Lafleur sur votre question très précise, juste pour... Vous avez parlé de victoire, tout à l'heure. Chez nous, on utilise de plus en plus: De victoire en victoire, nous reculons sans cesse.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Proulx (Jacques): C'est un peu le modèle qui se développe. Je demanderais à M. Lafleur...

M. Lafleur (Claude): Pour répondre à votre question plus précisément, le marché mexicain de la poudre, on l'a perdu parce qu'on n'a plus de poudre à vendre. Essentiellement, depuis 10 ans, l'écrémage, le fait que les consommateurs consomment de moins en moins de gras, fait en sorte que la poudre qu'on faisait pour faire du beurre n'existe plus. Et ça, le marché mexicain était notre principal débouché des années 1970-1980. On ne l'a pas perdu à cause des Américains, mais parce que, chez nous, on n'en fait presque plus. Cette année, on ne pense pas en faire beaucoup. C'est la principale raison.

Le Président (M. Dauphin): M. le député. (19 heures)

M. Beaulne: Maintenant, lorque vous avez mentionné les... Enfin, le ministre a posé, également, des questions sur les possibilités d'accroître certains produits québécois, les exportations. Je pense qu'effectivement, sans entrer dans le détail des produits, il faut se rappeler que le gouvernement mexicain, comme vous l'avez souligné, est un importateur net de produits agricoles et que, d'autre part, depuis quelques années, ils ont mis sur pied ce qu'ils appellent le système alimentaire mexicain qui vise à augmenter la suffisance en matière agricole au Mexique.

Alors, est-ce que — à l'intérieur de ce système alimentaire mexicain qui va prendre d'autant plus de vigueur à mesure qu'ils vont avoir des devises pour payer les importations — vous pensez pouvoir vous inscrire de façon assez intéressante à l'intérieur de ce système-là?

M. Proulx (Jacques): Nous autres, on le veut bien, mais est-ce qu'on va être capables de s'équiper pour le faire? Vous savez, pendant qu'à l'heure actuelle les pays industrialisés se battent entre eux pour s'accaparer des marchés déjà comblés, personne ne s'occupe du seul marché potentiel qui reste, c'est-à-dire les 700 000 000 d'affamés. C'est parce que les pays indus-

trialisés ont décidé qu'ils n'étaient pas solvables, alors on ne s'en occupe pas, mais il n'y en a plus, de marché à conquérir, à part que de se livrer une guerre entre nous autres. C'est aussi simple que ça. Il y en a un, marché extraordinaire, mais personne ne veut y toucher parce qu'il n'est pas solvable.

Oui, je vous dis qu'on veut participer à ça. Moi, je pense que ça va être une question de partenariat, une question qu'on va être capables... un peu comme on a décidé avec le Sommet sur l'agriculture, ça rentre dans la notion de conquête des marchés, c'est-à-dire qu'il va falloir apprendre à travailler ensemble, apprendre à investir ensemble, apprendre à partager l'expertise qu'on possède, et, quand je dis apprendre, je dis que l'État doit participer activement à ça avec l'ensemble des autres partenaires.

Mais si on ne se donne pas des moyens — et je vais répéter ce que j'ai dit tout à l'heure — si on ne se donne pas le savoir, si on n'investit pas massivement dans des points particuliers à l'heure actuelle, on ne pourra pas... Je pense qu'il faut se donner les quelques gages les plus sécuritaires, c'est-à-dire la recherche, il faut investir dans la recherche, dans la formation, dans l'adaptation et il faut être de plus en plus agressif dans le milieu, sur les lieux.

Le Président (M. Dauphin): Merci.

M. le député d'Arthabaska.

M. Baril: Oui, M. le Président, je voudrais à mon tour féliciter l'UPA qui s'est donné la peine de préparer ce mémoire qui résume bien sa position, et on sait que, depuis un certain nombre d'années, l'UPA est mêlée à toutes les sauces au niveau international, et je sais que ça lui prend beaucoup de son temps.

Mais j'aimerais juste aborder un point que le président vient de soulever au niveau de l'aide internationale. Si on regarde la carte du monde, il n'y a pas mille et une façons, il n'y a pas mille endroits ou mille pays qui peuvent nourrir le monde, actuellement. L'Amérique du Nord est le pays le mieux situé pour nourrir le monde. Ailleurs, il y a du monde et il n'y a plus de terre, pratiquement, quand ce n'est pas désertifié.

Donc, c'est évident que, chez nous, on a un avantage. Mais pendant qu'on voit à la télévision, quasiment à tous les jours, malheureusement, des enfants, que tu vois rien que des os et des yeux à moitié fermés, et les mouches sont après leur manger, les gouvernements achètent des hélicoptères et ils font faire des frégates, toutes sortes de patentes, comprends-tu, pour essayer de faire la guerre contre quelqu'un qui ne fait même pas la guerre. On laisse crever le monde. Pendant que les agriculteurs, eux autres, partout où il y a des surplus, ils ne savent pas quoi faire.

Et vous avez touché un point important, justement, le fait que ces pays-là n'ont pas d'argent, bien, on les laisse crever. Le plus bel exemple qu'on peut vivre, actuellement, c'est que les deux gouvernements, le

Nouveau-Brunswick et le Canada, ont fait un fonds pour vendre des patates à Cuba — 5 000 000 $, je pense, de mémoire. On dit: Venez les chercher. On vous les paye, on vous les donne, venez les chercher. Cuba, il dit: Je ne suis pas capable d'aller les chercher, je n'ai pas d'argent. Bien, les patates vont engraisser les terres au Nouveau-Brunswick, elles vont servir d'engrais chimique ou de compost pour engraisser les terres. Voyez-vous comment la politique internationale, ça peut être insignifiant?

Le problème, dans l'entente de libre-échange, que, moi, j'ai toujours cerné, c'est que, en tant que le Québec, on fait partie de cette entente-là, mais on n'en contrôle absolument pas l'administration. C'est ça, le problème fondamental, aussi, et vous l'avez soulevé. Quand le Canada a signé l'entente avec les États-Unis, il avait deux conditions pour être capable de s'en sortir, et c'est ça que vous avez soulevé, ces conditions-là: c'était de former notre main-d'oeuvre et d'adapter nos entreprises. Ça, c'était les deux engagements que les gouvernements prenaient. Ça fait quoi, ça fait quatre, cinq ans qu'elle est signée, cette entente-là, à peu près? C'est quoi qu'il y a de fait? C'est quoi qu'il y a de fait? Êtes-vous capable de me le dire: Dans l'entente qu'on s'apprête à signer avec le Mexique, est-ce qu'il y a des garanties supplémentaires que les gouvernements vont réaliser ces deux objectifs-là pour être capable de le vivre, puis que ça soit rentable, pour nous autres, pour que, au moins, on soit capable de tirer notre croûte de cette entente-là? Est-ce que vous avez... Est-ce que c'est marqué à quelque part? Est-ce que c'est écrit? Est-ce qu'il y a des engagements fermes de la part des gouvernements, qui vont répondre à ces conditions-là auxquelles ils n'ont pas répondu depuis cinq ans?

M. Proulx (Jacques): Bien moi, je ne pourrais pas vous répondre, parce que je ne suis pas le gouvernement. Moi, je n'en vois pas, là, mais...

M. Baril: Bien c'est ça. C'est ça que je vous disais, là.

M. Proulx (Jacques): Moi, je n'en vois pas ou très peu, puis je l'ai souligné, on l'a souligné dans ça, je l'ai souligné dans quelques autres réponses. Il faut... C'est toute l'approche qu'on devrait avoir, d'ailleurs. C'étaient les raisons majeures pour lesquelles on s'opposait, qu'on s'est opposé si fermement contre les propositions qui étaient avec les États-Unis. Avec le Mexique, on y a touché d'une façon différente parce qu'on n'avait pas bien bien le choix; en ayant un traité avec les États-Unis, on n'avait pas le choix de participer à celui du Mexique. Il vallait mieux être présent, puis discuter, parce qu'on aurait été condamné à subir, par le biais du traité qu'on avait avec les États-Unis. Alors, c'est un peu pour ça, puis on est peu touché, à court terme, malgré qu'il y ait un potentiel, mais je ne peux que répéter ce que j'ai dit tout à l'heure. Il y a une urgence

qu'on investisse massivement dans la préparation pour être... La course va être gagnée par ceux qui vont être les plus agressifs, à ce niveau-là, qui vont être les mieux préparés, qui vont être disciplinés.

M. Baril: quand vous faites mention, aussi, à juste titre, de voir à renforcer les règles de litige, une façon de trouver à régler ça d'une façon plus rapide, et vous avez donné l'exemple, bien entendu, au niveau du porc. c'est évident que ça coûte une fortune. durant ce temps-là, les producteurs paient, et on risque de jeter notre production à terre. mais comment expliquer — la question que moi, je me pose — dans le règlement de ces différends-là, pendant qu'on regarde ça, le lait grand pré, vous connaissez, produit par la coopérative de sainte-claire, dorchester, le lait grand pré, ça a pris 18 mois avant que le gouvernement fédéral décide d'utiliser le droit qu'il avait, à partir de l'entente — je pense que c'est l'article 14 ou 18 ou 54, je ne sais pas lequel, en tout cas — que là, il a créé un tribunal tripartite, là, pour savoir si oui ou non, les états-unis avaient... porto rico avait raison de mettre fin à la vente du lait grand pré aux états-unis. ça a pris 18 mois avant de créer cette sorte de tribunal là. là, on attend encore la réponse, là, c'est supposé, là, on attendait ça au mois de février, mars, là, ça va arriver un jour, je suppose, pour voir s'ils étaient à juste titre ou s'ils ne l'étaient pas. pourquoi ça a pris 18 mois avant que le gouvernement fédéral décide d'utiliser ça pendant que, l'automne dernier, les petites brasseries américaines, là, sont venues vendre de la bière en ontario. ça faisait tort à quelques petites brasseries de l'ontario. ça a pris trois jours avant que le gouvernement fédéral — trois jours, je dis bien — impose un droit compensateur, 50 % du prix de la bière. il n'a pas niaise longtemps avec la «puck». trois jours. pourquoi que, avec le lait grand pré, on ne fait pas pareil? êtes-vous capable de m'expli-quer ça?

Je pourrais parler de l'acier, aussi. L'acier en provenance des États-Unis, ça affectait davantage l'Ontario. Ça n'a pas été long. Le Canada, il a imposé un droit compensateur. Pourquoi, quand c'est le Québec qui est visé, qui est touché, c'est quoi qui se passe?

Ça, ça revient à ma question du départ. On est partie prenante d'une entente qu'on ne signe pas, on est obligés de s'y soumettre, puis ce n'est pas nous autres qui l'administrons. J'aimerais ça entendre vos quelques commentaires là-dessus.

M. Proulx (Jacques): Je vous l'ai dit. Je ne suis pas le gouvernement, ça fait que votre question s'adresse au gouvernement. Vous connaissez mes positions.

M. Baril: Non, mais c'est parce que vous avez dit: II faudrait trouver des mécanismes pour renforcer les...

M. Proulx (Jacques): Oui. Oui.

M. Baril: ...les systèmes de négociations. Ceux qu'il a, actuellement, quand le gouvernement veut les utiliser, ils semblent être efficaces, parce qu'il le fait pour d'autres provinces.

M. Proulx (Jacques): Non, mais écoutez, moi, je vous ai toujours dit — ce n'est pas la première fois, puis ce n'est pas la dernière fois — je vous ai toujours dit que je préférais être assis à la table que de chuchoter dans l'oreille d'un autre. Alors, à partir de là, tirez-en vos conclusions. Ma position est claire sur ça. (19 h 10)

M. Baril: Dans l'entente, vous parlez aussi des règles, des mesures sanitaires et phytosanitaires et, plus loin, aussi, vous parlez des lois ou des mesures environnementales. Au niveau des mesures environnementales, vous dites que, actuellement, celles qui s'appliquent au Mexique ne sont pas assez sévères pour nous créer une concurrence déloyale envers le Canada. Je lisais dernièrement que les mesures, les normes environnementales au Mexique sont plus sévères, aussi sévères que les nôtres, mais ne sont pas appliquées. Et le jour où ils se décideraient de les appliquer, quel rapport est-ce que ça aurait face à nous autres?

Et ça, c'est au niveau des normes environnementales, mais au niveau des normes ou des règlements sanitaires, est-ce que, dans cette entente-là — que, moi, je vous avoue franchement que je n'ai pas lue de la première feuille jusqu'à la dernière feuille — est-ce qu'il y a de quoi de nouveau qui pourrait faire en sorte que le — je suis obligé de parler du Canada parce qu'on est dans le Canada, c'est lui qui administre l'entente — est-ce qu'il y a de quoi de plus sévère que le Canada pourrait mettre ou empêcher, je vais dire, l'entrée de produits, chez nous, qui ne répondent pas aux normes de salubrité qui sont imposées, soit au Québec ou au Canada? Et je vais vous donner un exemple pour être clair: quand on fait venir de la viande qui provient — il y a toute une publicité là-dessus — du Nicaragua, qui est abattue puis qui est débitée n'importe comment, ça passe par les États-Unis puis ça s'en vient au Canada, est-ce que, dans la nouvelle entente, pensez-vous qu'il y a quelque chose qui peut empêcher l'entrée massive d'un produit du genre? Ça peut être d'autres, mais c'est l'exemple que je donne pour être clair.

Une voix: Claude.

M. Lafleur: On est assez réticents à utiliser des normes environnementales dans les accords trilatéraux, les accords du GATT. La raison est simple. Imaginez, par exemple, les Américains nous disant: Votre porc est produit avec de l'électricité de la Baie James, et il y a du sang de caribou dessus. On a un problème majeur: dès qu'on voit ces normes environnementales, le GATT a beaucoup de difficulté à fonctionner. Et on a une certaine résistance, actuellement, à l'Union, à vouloir jouer la «game» ou le jeu des normes environnementales

pour les accords trilatéraux.

M. Proulx (Jacques): C'est sûr qu'on est très vigilants face à ça. Je dirai, au niveau sanitaire, par exemple, on est très exigeants parce qu'au Québec, au Canada, mais au Québec en particulier, on a, depuis plusieurs années, été très exigeants à ce niveau-là. On a été très exigeants vis-à-vis nos producteurs, vis-à-vis nos entreprises pour, justement... parce qu'on a appuyé une partie de la promotion de la valorisation de nos produits sur une sécurité de haute qualité. Et c'est sûr qu'on est inquiet, à l'heure actuelle, à ce niveau-là, avec ces ententes-là, parce qu'il y a beaucoup d'hypocrisie, si on veut. On émet des beaux voeux, des très beaux voeux, mais on sait très bien que, nous, nous sommes situés là, le Mexique, vous l'avez dit vous-même, c'est vrai, ils ont des normes incroyables, mais ils n'appliquent rien, ça fait que ça ne donne pas grand-chose, et les États-Unis ont tout le temps trouvé le moyen de louvoyer à travers tout ça, en essayant de paraître une belle image, et ainsi de suite. Alors, c'est sûr qu'on court des risques énormes de se retrouver avec des exigences qui vont tirer vers le bas. Et pour nous, c'est une perte parce que je considère ça comme un investissement qu'on a fait pendant des années et, au moment où on pourrait en avoir des retombées intéressantes, elle est annulée, jusqu'à un certain point.

Puis je reviens encore... quand on parle d'environnement, quand on parle de sécurité sanitaire ou ainsi de suite, il y a de l'hypocrisie à outrance autour de ça. Tout le monde veut être pour ça, mais personne ne veut que ce soit lui qui l'applique. Et c'est très dangereux, c'est sûr, et on risque de perdre beaucoup autour de ça, à l'heure actuelle. Parce qu'on a des exigences, aujourd'hui, dans les pays du tiers monde, qu'on n'applique pas dans les pays industrialisés.

Quand on commence à jouer dans ça, c'est incroyable, c'est incroyable, parce que ça devient des barrières, on va les utiliser pour bloquer quand on n'a plus d'autre argument pour bloquer. Vous savez qu'aux États-Unis, on vend... on exige des choses pour la production là, mais en même temps, on vend, dans le même magasin, les mêmes produits, mais des produits semblables importés ou qui ont été... on a utilisés, on a arrosé avec des produits qui sont défendus là. Ça ne change plus rien pour le consommateur; c'est là que je dis qu'il y a beaucoup d'hypocrisie dans ça.

Le Président (M. Dauphin): Merci. Il reste une minute.

M. Baril: Oui. Je vais juste passer un commentaire, vu le temps... le temps passe. Puis je dois vous dire bien franchement que c'est difficile de questionner quelqu'un quand tu sais d'avance qu'ils sont d'accord avec toi.

M. Proulx (Jacques): C'est ça.

M. Baril: Mais je voudrais juste, quand on parle de l'UPA, avec raison, et c'est ça qui est choquant de la part de l'agriculture québécoise, qu'on est obligé de se soumettre à une décision qui va dire d'autres pays qui n'ont jamais voulu contrôler leur production... Nous, on a un bon système à ce niveau-là, qui ne crée pas de surplus. Mais là, on va être obligé de se soumettre à la volonté des autres, et ma question, je ne sais pas si le président va vous donner le temps de répondre: Comment on va pouvoir continuer à maintenir notre gestion de l'offre si on n'est pas capable — parce que le GATT, c'était supposé de régler les affaires, mais ça s'éternise — si on n'est pas capable, justement, de contrôler les importations qui arrivent chez nous?

Le Président (M. Dauphin): Une réponse très brève.

M. Proulx (Jacques): Écoutez, nous autres, on souhaite ardemment qu'on arrive à une entente au GATT parce que je vous dirai que j'ai une crainte que j'exprime de plus en plus, même si la non-signature du GATT nous a favorisés, jusqu'à un certain point, parce que c'a permis de faire évoluer nos points de vue. Je pense qu'il faut en arriver bientôt à une entente parce qu'on risque d'être... de subir... devant la prolifération des ententes qu'il y a un peu partout — bilatérales et trilatérales — me fait très peur dans la capacité du GATT, une signature future du GATT d'être capable de se faire respecter parce qu'elle va perdre beaucoup de crédibilité.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. Proulx. M. le député d'Iberville, il reste quatre minutes à votre formation.

M. Lafrance: Oui, merci, M. le Président.

J'aimerais tout d'abord, peut-être, apporter un commentaire à ce qu'a dit mon collègue d'Arthabaska, tout à l'heure. Je pense qu'il a tendance à simplifier les problèmes et les situations. Lorsqu'il a mentionné qu'il y avait des endroits où les problèmes de malnutrition existaient dans le monde, j'en conviens avec lui. D'ailleurs, ce sont des situations dramatiques, même catastrophiques, dans certains cas, mais le problème n'est pas par le manque de production agricole, mais plutôt par des situations politiques locales qui empêchent, justement, le cheminement de la nourriture et qui forcent les militaires, les casques bleus à essayer d'accompagner. Bon, c'était un commentaire que je tenais quand même à dire.

J'aurais une question très précise, si vous me le permettez. Ça touche la page 5 de votre mémoire, en haut, où vous parlez de la main-d'oeuvre à bon marché. Et ça, ça m'a frappé, parce que vous parlez qu'au Mexique le coût des salaires est de 4 $ à 9 $ pas de l'heure, mais par jour. Est-ce que vous pouvez faire une comparaison avec les coûts de la main-d'oeuvre, ici au Que-

bec, relativement, je pense, principalement, au coût de la main-d'oeuvre en relation avec les coûts de production dans l'industrie agro-alimentaire, d'une part, et est-ce que vous avez des chiffres, aussi, sur le nombre d'employés? Pas de propriétaires agriculteurs ou agricultrices, mais des employés qui se greffent aux fermes sur une base permanente annuelle et saisonnière, aussi? Est-ce que vous savez le nombre d'emplois?

M. Proulx (Jacques): Ah oui. Je ne l'ai pas ici, mais je pourrais vous le fournir. En fait, c'est 360 000 emplois dans l'agro-alimentaire, au total.

M. Lafrance: Au total.

M. Proulx (Jacques): Au total.

Une voix: À la ferme.

M. Lafrance: La ferme, seulement, parce que la préoccupation, c'est justement sur la production sur les fermes mexicaines, en comparaison avec cette même production sur nos fermes québécoises. J'essayais de faire une...

M. Proulx (Yvon): Sur les fermes québécoises, incluant les employés salariés, c'est de l'ordre de 75 000 à 80 000.

M. Lafrance: ...75 000 à 80 000. Est-ce que vous avez des coûts horaires des employés qui travaillent sur les fermes, en excluant les propriétaires?

M. Proulx (Yvon): Les coûts horaires des employés... il s'emploie des employés occasionnels au salaire minimum. Il s'en emploie à plus cher que ça. Quelqu'un qui veut employer un salarié plein temps, à l'année longue, il doit le payer certainement plus que le salaire minimum s'il veut l'intéresser. Mais ça, des données précises là-dessus, c'est difficile étant donné que certains offrent aussi le logement et la nourriture, offrent la consommation de certains produits. Par conséquent, ça devient difficile de donner un chiffre précis. C'est clair qu'on paie plus que le salaire minimum.

M. Proulx (Jacques): Écoutez, je pense que je comprends votre question.

M. Lafrance: Non, c'est parce que vous faites le parallèle...

M. Proulx (Jacques): Vous pourrez multiplier tant que vous voudrez, tu n'es pas capable de concurrencer. Tu n'es pas capable de concurrencer. Quand bien même il y en aurait... Je pense que votre question pose: La même ferme au Mexique, ils emploient combien de monde? C'est ça, votre question, hein?

M. Lafrance: C'est ça. Étant donné que vous mentionnez ça... (19 h 20)

M. Proulx (Jacques): Et là, vous allez dire, s'ils les paient rien que 8 $, 9 $ par jour, même s'il y en a 10 fois plus, ça revient au même, mais ce n'est pas le cas.

Ils ne les payent pas, leur monde; 8 $ ou 9 $ par jour, ça, c'est des employés spécialisés qui travaillent dans l'électronique, et ainsi de suite, ce n'est pas les employés de ferme. Les employés de ferme, c'est peut-être bien 1 $, 2 $, je ne le sais pas au juste, je ne suis pas capable de vous donner un chiffre juste. Sur ça, tu n'es pas capable de faire de comparaison, tu ne seras jamais capable de concurrencer ça.

Pas plus qu'avec les industries, ils sont capables de concurrencer les industries là; il n'y a pas de politique sociale, il n'y a pas ci, il n'y a pas ça, ce qu'on a. Les derniers chiffres qu'on avait — parce qu'on n'a pas poussé très loin avec le Mexique — dans les discussions sur le libre-échange avec les États-Unis, dans certains secteurs telle la volaille, par exemple, les coûts pour l'industrie étaient le double des États-Unis, au Canada. Vous n'êtes pas capables de concurrencer ça. C'était le double à cause des politiques sociales, à cause de ci, à cause de ça. C'était exactement le double dans ces industries de transformation. La même chose au niveau de la ferme, ça équivaut à peu près pareil. En plus, rajoute la température, ce n'est pas la même température, les bâtiments, la ventilation, et ainsi de suite.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Alors, peut-être 30 secondes, le mot de la fin. Le temps est expiré.

M. Ciaccia: Juste pour remercier M. Proulx et l'UPA et, juste en termes d'information, vous avez mentionné les délégués commerciaux, il y en avait un pour 1 000 000 000 $. Je pourrais vous informer que le Québec en a sept délégués commerciaux dans l'agro-alimentaire pour l'exportation de 1 000 000 000 $.

M. Proulx (Jacques): C'est à votre honneur, M. le ministre.

M. Ciaccia: Je vous remercie.

M. Proulx (Jacques): Je vous ai donné les chiffres canadiens.

M. Ciaccia: Oui, oui.

M. Proulx (Jacques): C'est pour ça qu'on veut notre pays, M. le ministre, on est meilleur que l'autre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: Bien, voyez... un instant, vous

voyez, on peut le faire sans avoir notre pays, et avoir les autres avantages aussi.

M. Proulx (Jacques): D'accord.

M. Ciaccia: Alors, on en a huit, là.

M. Proulx (Jacques): C'est bien, continuez!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: Avec le Canada, on en a huit.

Le Président (M. Dauphin): Alors, la commission constitutionnelle a terminé ses travaux. Non, non, je dis ça volontairement.

Alors, au nom de la commission, merci à l'UPA. La commission des institutions ajourne ses travaux à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 19 h 22)

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