Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Dix heures huit minutes)
Le Président (M. Dauphin): O.K., si vous voulez prendre
place.
Le quorum parlementaire étant atteint, je déclare donc
ouverte la séance de la commission des institutions, qui a pour mandat
de procéder à une consultation générale et tenir
des auditions publiques sur l'Accord de libre-échange
nord-américain.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui. M. Fradet (Vimont) est remplacé
par Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata); M. Claveau (Ungava) est
remplacé par M. Léonard (Labelle); et M. Holden (Westmount) est
remplacé par M. Baril (Arthabaska).
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup.
Donc, je vous fais lecture de l'ordre du jour, pour adoption. Ce matin,
nous débuterons avec la Coalition québécoise sur les
négociations trilatérales; ensuite, il y aura la
Fédération canadienne de l'entreprise indépendante;
poursuivant avec l'Institut des manufacturiers du vêtement du
Québec.
Cet après-midi, nous aurons M. Pierre S. Petti-grew; ensuite, la
Centrale des syndicats démocratiques; et finalement, l'Union des
producteurs agricoles, qui terminera la journée.
Est-ce que l'ordre du jour est adopté?
M. Ciaccia: Adopté.
Le Président (M. Dauphin): Adopté.
Alors, j'invite la Coalition québécoise sur les
négociations trilatérales; tout d'abord, vous souhaiter la
bienvenue à nos travaux, vous remercier d'avoir accepté notre
invitation, et je reconnais M. Paquette, qui est secrétaire
général de la CSN. Alors, je lui demanderais de nous
présenter les personnes l'accompagnant, et ensuite, de procéder
à son exposé.
Je vous signale que nous avons une période d'une heure, donc,
normalement, une vingtaine de minutes pour l'exposé, et 40 minutes de
«libre-échange» entre les parlementaires et
vous-mêmes.
Alors, M. Paquette, bienvenue, et à vous la parole.
Coalition québécoise sur les
négociations trilatérales
M. Paquette (Pierre): Je vais demander à M. Lachance de
procéder à la présentation des membres de la
Coalition.
Le Président (M. Dauphin): D'accord. M. Lachance. (10 h
10)
M. Lachance (Daniel): Alors, messieurs et mesdames les
parlementaires, M. le ministre, je voudrais vous présenter les membres
de la Coalition: M. Michel Brodeur, qui représente l'Association
québécoise des organismes de coopération internationale,
qui est un membre important de la Coalition québécoise; M. Claude
Ducharme, qui est vice-président de la FTQ et directeur des Travailleurs
canadiens de l'automobile; M. Pierre Paquette, que vous connaissez,
secrétaire général de la CSN; moi-même, Daniel
Lachance, vice-président de la Centrale de l'enseignement du
Québec; et M. Richard Langlois, qui est économiste à la
CEQ.
Dans un premier temps, nous aimerions vous souligner que nous vous
remercions. Nous apprécions l'opportunité qui nous est
donnée de vous sensibiliser à la position de la Coalition
québécoise sur l'Accord de libre-échange. La Coalition
elle-même est représentée par les trois centrales
syndicales et par l'AQOCI. C'est la première fois, dans le cadre de ces
débats sur le libre-échange, que les trois centrales s'associent
à d'autres groupes, et ce sont les organisations non gouvernementales
travaillant sur le terrain de la coopération internationale qui sont
représentées par l'AQOCI. Vous aurez compris que la
présence du Mexique dans cet Accord de libre-échange nous amenait
nécessairement à associer les organisations non gouvernementales
à cette démarche.
Vous situer, dans un premier temps, que, pour nous, l'ALENA, c'est la
poursuite de ce qui a été commencé avec l'Accord de
libre-échange CanadaÉtats-Unis; vous dire que, dans un
premier temps, un certain nombre de promesses avaient été faites
lors de la signature de l'Accord de libre-échange
CanadaÉtats-Unis, des promesses que nous considérons comme
des promesses non tenues, que ce soit sur l'ouverture du marché
américain, qu'on nous avait promise on assiste depuis ce
temps-là à des disputes que ce soit sur l'acier, le bois
d'oeuvre, le porc, etc.; que ce soit en matière de
prospérité économique: depuis la signature de cet Accord,
on a plutôt assisté à la spirale de la pauvreté et
de la perte d'emplois. Notre prétention, c'est que sur les 488 000
emplois perdus au Canada depuis 1988, une cinquantaine de mille de ces emplois
sont attribuables à l'Accord de libre-échange. C'est une histoire
qui se répète sur le processus aussi parce que la population du
Québec, de même que la population canadienne, n'a pas
été associée à cette discussion, à cette
négociation. Il n'y a pas eu de débat public sur l'ALENA, pas
plus qu'il n'y a eu de réel débat public sur l'Accord de
libre-
échange CanadaÉtats-Unis.
Un certain nombre de promesses avaient été faites, aussi,
en matière de mesures compensatoires, de mesures d'ajustement, de
recyclage de la main-d'oeuvre. Et dans l'Accord de libre-échange
CanadaÉtats-Unis, on n'a pas vu la couleur de ces mesures
d'ajustement, de ces mesures compensatoires, de ces mesures de recyclage et de
programmes de formation pour la main-d'oeuvre. Et il nous apparaît qu'il
y a là aussi, dans le cadre de l'ALENA, cette condition qui nous
apparaît incontournable et qui n'est pas présente. M. Paquette
reviendra sur cette question tout à l'heure.
M. Clinton a ouvert un horizon dans le débat sur l'ALENA en
parlant d'accords parallèles, sur les normes du travail et sur
l'environnement, qui nous apparaît être une ouverture
intéressante de laquelle il faudrait être saisi, mais un certain
nombre de questions se posent à ce moment-ci: Quelle sera la
portée légale de ces accords parallèles,
particulièrement sur deux domaines qui sont de juridiction
provinciale?
On a comparé beaucoup, aussi, ce qui se passe dans la
Communauté économique européenne avec ce qui se passerait
avec le Mexique dans un tel accord, et il nous semble qu'on ne peut pas
comparer Portugal, Espagne et Mexique. Les rapports de produit national brut
entre la France, le Portugal et l'Espagne ne sont pas du tout les mêmes
que ce qu'on peut retrouver entre le Canada et le Mexique. Dans leur cas, c'est
un pour deux, et, dans le cas du Canada-Mexique, on se retrouve dans un rapport
de un à huit.
De plus, dans le processus même, de même que dans les
mesures qui sont mises en place en Europe pour favoriser l'introduction de
l'Espagne et du Portugal à la Communauté économique
européenne et au pacte qui est en train de se négocier
là-bas, un certain nombre de mesures ont été prises, que
ce soit des mesures de soutien du revenu, que ce soit des mesures dans le cadre
d'une stratégie industrielle, et il nous apparaît que sur ce
terrain-là, rien n'apparaît dans l'ALENA non plus.
Il y a un certain nombre de menaces qui planent sur l'emploi dans le
cadre de cet accord-là; vêtements, automobiles,
télécommunications, transport. M. Du-charme vous en parlera tout
à l'heure.
Je voudrais terminer, avant de passer la parole à M. Ducharme, en
vous disant que la Coalition a une approche positive de l'Accord de
libre-échange CanadaÉtats-UnisMexique, au sens
où, au moment de l'Accord de libre-échange
CanadaEtats-Unis, nous avions une opposition pure et simple contre le
processus d'intégration économique. Sur la question de l'ALENA,
pour nous, il ne s'agit pas de s'opposer à une forme
d'intégration économique, de l'augmentation d'accords commerciaux
avec le Mexique, mais nous pensons que, dans le contexte actuel de
restructuration économique, toute entente d'intégration
économique d'ailleurs, il y a d'autres pays qui frappent à
la porte: Colombie, Venezuela, Chili, etc. toute entente
d'intégration économique devrait être balisée et
devrait prendre en compte la dimension sociale et, particulièrement, la
question des programmes sociaux de même que, comme j'y faisais
référence tout à l'heure, la question des normes du
travail, la question de l'environnement et d'autres questions auxquelles on
fera référence. C'est donc dans le cadre de vouloir baliser cet
Accord et qu'il corresponde aux intérêts généraux de
la population, qu'il soit plutôt un accord qui nous amène à
développer une stratégie industrielle et le développement
de l'emploi, c'est plus dans ce cadre-là que nous voulons
travailler.
Et, là-dessus, je passe la parole à M. Ducharme.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. Lachan-ce.
Alors, M. Ducharme.
M. Ducharme (Claude): M. le Président, les secteurs que je
vais toucher sont des secteurs qui concernent, dans notre économie,
plusieurs milliards de dollars. si on regarde l'industrie du vêtement, il
ne faudrait jamais que vous perdiez de vue que c'est l'industrie où il y
a une concentration de femmes environ 76 % dans les vêtements, 40
% dans le textile la plupart sont des femmes immigrées, qui ont
très peu de notions du français et de l'anglais, qui sont
très peu scolarisées. et ce sont ces personnes-là, dans ce
secteur-là, qui sont grandement menacées de perdre leur emploi.
les employeurs du secteur avec les syndicats qui y militent établissent
que, si l'alena est adopté et passé, on va perdre, au
québec, 18 000 emplois, en plus d'en avoir déjà perdu, au
canada, 41 000 dans ce secteur-là.
L'ALENA propose de nouvelles règles du jeu. Alors, les
Américains, dans ce secteur-là, les grandes corporations, les
grandes multinationales, dans le secteur du textile, dans le secteur du
vêtement, ont amené les règles du jeu pour favoriser leur
développement, au détriment de ce qui se passe chez nous. On
avait, à ce moment-là, des règles de transformation
à deux niveaux. On les a amenées à trois niveaux,
empêchant, à ce moment-là, l'industrie du vêtement,
tout particulièrement au Québec, d'être en mesure de suivre
parce qu'ils n'auront pas les ressources, ils ne pourront pas se moderniser.
Ils se sont retournés vers l'Asie, vers l'Europe, pour être en
mesure de satisfaire la règle de deux qui était prévue
dans l'ALE, et maintenant, on arrive avec l'ALENA avec des règles
d'origine. regardez uniquement comment on a tripoté les règles de
la laine. on produit des vêtements de qualité, reconnus dans le
monde pour la qualité, pour la beauté de ces
vêtements-là. on avait établi une règle qui
était sur le poids: 50 % d'un vêtement en laine devait comporter,
dans son poids, 50 % de laine. on est arrivé, maintenant, avec les
règles suivantes: 50 % de contenu. on a changé le poids par le
contenu. lorsqu'on touche aux tissus synthétiques, on baisse ça
à 36 %, et lorsqu'on touche aux tricots, lorsqu'on touche aux
vêtements fabriqués par les crochets, 23 %. pourquoi ame-
ner une telle règle dans le secteur du vêtement? Tout
simplement parce qu'on veut que les Américains, dans ce
secteur-là, soient capables d'utiliser le Mexique, d'utiliser le Canada
à leurs fins. Et c'est complètement, complètement
inacceptable. Alors, c'est très inquiétant dans ce
secteur-là, la façon dont l'ALENA a été
conçu, a été déterminé. Et ce qu'il y a de
malheureux... Puis, vous autres, vous allez être obligés, à
un moment donné, de vous tenir debout là-dedans. Parce que si on
perd nos industries de base au Québec, il ne restera plus rien. (10 h
20) prenons l'industrie de l'automobile: c'est grandement surprenant, avec tous
les chiffres qui existent, le peu de batailles que vous faites, le peu de
fierté que vous avez de tout ce qu'on est allé conquérir
par des luttes infernales, le peu qu'on a au québec: moins de 1 % dans
la fabrication des pièces, à peu près 2,5 % dans
l'assemblage. prenons l'usine de gm à boisbriand, qui est le point de
mire mondial au point de vue technologique, au point de vue qualité du
produit, au point de vue productivité, au point de vue des coûts
de main-d'oeuvre: 20 000 $ par travailleur de moins qu'un travailleur
américain par coût de main-d'oeuvre, dans l'usine de gm
boisbriand. qu'est-ce qui arrive au secteur de l'automobile? les
américains ont réalisé la finesse qu'on avait dans cette
industrie-là pour être capable de protéger nos emplois,
développer un rapport de force qui est essentiel. donc, dans les
négociations de l'ale, le premier ministre du canada ce n'est pas
n'importe qui wilson nous avait promis, juré dur comme fer, que
jamais on ne toucherait au pacte de l'automobile. entente sectorielle,
qu'est-ce qu'on a fait? dans la dernière nuit des négociations,
on a changé le contenu canadien de 60 % pour un contenu
nord-américain de 50 %. qu'est-ce qui est arrivé à notre
industrie? des pertes de milliers d'emplois, 150 fermetures d'usines de
pièces qu'on vient de connaître, au milieu des états-unis,
rendues au mexique.
Je vais vous donner des chiffres qui sont très importants pour
vous autres, parce que, quand on vous parle de ça, vous pensez que les
Mexicains sont très loin, qu'ils ne nous enverront pas de pièces
d'automobiles, qu'ils ne nous enverront pas de produits finis: 61 % des biens
importés pour le Canada, en 1991, concernaient les véhicules
automobiles, les moteurs et les pièces, pour 1 619 000 000 $, et, en
1992, ça a augmenté énormément. On leur a
envoyé, en composantes, pour qu'ils nous retournent ça en
produits finis, pour une valeur de 154 000 000 $. Il est grandement temps que,
dans cette industrie-là, si vous voulez qu'on soit capable de garder
l'usine de GM Boisbriand en sol québécois, parce qu'on a à
peu près cinq ans devant nous autres pour attirer les grands fabricants
de pièces d'automobiles, pour nous fournir les pièces qui vont
rentrer dans la Firebird, la Camaro et la Trans Am. Parce que, dans cinq ans,
ce qu'on nous dira, c'est que les pièces viennent de trop loin, qu'on
n'est pas capable de réaliser le Juste à temps, qu'on n'est pas
capable de réaliser le... et qu'on ne peut plus attendre après
les deux trains qui viennent du fin fond des États-Unis pour nous livrer
nos pièces parce qu'on n'aura pas été capable, dans ce
secteur-là, d'attirer les investisseurs dans l'industrie de
l'automobile.
Parce qu'avec ce que vous avez dans l'ALENA, les investisseurs ne
viendront pas au Québec, ils ne viendront pas au Canada, ils vont aller,
à ce moment-là, dans les «maquiladoras», ils vont
aller à Reynosa, ils vont aller à Matamoros. Si je vous
demandais: Combien pensez-vous que GM a de salariés sur son bordereau de
paie au Mexique? Je doute que vous soyez capables de me donner le chiffre
exact. Au moment où on se parle, ils sont 41 000 travailleurs et
travailleuses au Mexique. Pensez-vous qu'ils les ont là parce que GM est
généreuse, parce qu'elle veut avoir des travailleurs mexicains
pour travailler pour GM? Auparavant, lorsqu'on parlait du Mexique, GM avait
presque rien au Mexique. Au Canada, on est rendu à 26 000
employés à GM, et les mises à pied qu'on va subir vont
nous faire baisser à 23 000, 21 000 travailleurs et travailleuses
à Pusine de GM. alors, je vous donne ces chiffres-là pour vous
faire réfléchir, que vous avez une lutte à livrer, que
l'alena est en train de s'implanter et de déstabiliser la base
industrielle qu'on a au québec. là-dessus, maintenant, pensons,
avec l'industrie automobile, à la grande vision que le québec
s'est donnée à partir de m. lesa-ge, à partir de m.
bourassa, à partir de m. lévesque, à partir de m. biron,
qui était là-dedans, landry et tout ça, m. parizeau. on
est allé chercher norsk hydro. on a amené ça au
québec. pourquoi? pour développer le magnésium, pour avoir
une vision dans l'industrie de l'automobile. qu'est-ce qu'on est en train de
faire à l'aluminium, au magnésium? les américains nous ont
vu venir. on est en train de menacer, par l'alena, la caisse de
dépôt et placement, le mouvement desjardins, qui a 56 000 000 000
$... et quand on vous dit ça, à un moment donné, commencez
à réaliser comment les américains nous voient. le fonds de
solidarité, à quoi sert l'argent qui est là? à
être capable de se mobiliser. si, dans notre propre pays, un premier
ministre, pierre elliott trudeau, quand ça a été le temps
de planifier pour prendre le contrôle de la compagnie canadien pacifique,
nous a passé un s-31, comment pensez-vous que les américains,
dans cette ligue-là, sont en train de nous analyser? quand vous prenez
vos références sur les grands de l'auto, les trois grands de
l'automobile, ça leur fait énormément plaisir de changer
un contenu canadien de 60 % pour un contenu nord-américain de 50 % et
pour un autre contenu de 62,5 %, parce que vous allez leur donner, à ce
moment-là, la liberté de déterminer où ils vont
implanter leur usine, où ils vont investir. les japonais, chez nous,
qu'on doit, à un moment donné, commencer à civiliser sur
notre marché, bien, ils vont décider d'aller s'implanter dans les
zones où ça va leur coûter moins cher, de faire leur
investissement où ça va leur coûter moins cher parce que
notre
marché et nos marchés... Le Canada, c'est le
sixième plus important au monde et les États-Unis, c'est le
premier marché le plus important au monde dans ce secteur-là.
L'autre élément dont vous devez tenir compte, tous ces
éléments-là font peur aux travailleurs et aux
travailleuses au Mexique. Ça, ce n'est pas dans les documents que vous
recevez et que le gouvernement vous envoie. Dans ces secteurs-là, la
dette du Mexique... le secteur de l'automobile, le secteur du textile, le
secteur des vêtements, regardez, c'est en tête de liste avec le
pétrole, de quelle façon le gouvernement mexicain va
pénétrer aux États-Unis et des États-Unis vers le
Canada.
Dans le domaine du transport, la règle qui est changée
maintenant, où les camions pourront venir porter des produits au Canada
et retourner avec un chargement vers les États-Unis, vers le
Mexique...
Dans le domaine de la téléphonie, toutes les grandes
multinationales, comme AT&T, tout ce que ça peut causer sur notre
marché, et, si on ne se réveille pas... Et, moi, je suis bien
placé pour vous en parler parce que, si on a pu garder au Québec
ce qu'on a dans l'usine de GM et dans le secteur de l'automobile, c'est parce
qu'on a livré des luttes infernales dans cette multinationale et, si on
a été en mesure de les sensibiliser et prenez tous les
discours qu'on a tenus sur la place publique pendant des années.
Qu'est-ce qu'on disait des travailleurs et des travailleuses du Québec
quand on voulait fermer notre usine de GM à Bois-briand? Qu'on n'avait
plus la productivité, qu'on commettait un tas d'erreurs sur le milieu de
travail, qu'on avait les conditions de travail les plus épouvantables,
et quand on leur a démontré qu'avec ce qu'on avait dans cette
usine-là on était capable de produire autant, d'avoir un produit
de qualité, on a commencé, dans cette multinationale-là,
à changer les règles du jeu pour qu'ils s'intéressent au
Québec et nous donnent aujourd'hui ce qu'on a de plus moderne.
Mais, pour conserver ça, ce n'est pas dans une entente comme
l'ALENA qu'on va être en mesure de garder notre rapport de force et
être capable de continuer dans ces secteurs-là. Or, notre secteur
est grandement menacé, notre base industrielle du Québec est
grandement menacée, et, comme gouvernement, vous avez la
responsabilité, à un moment donné, dans tous ces
aspects-là, de prendre les mesures et, à l'heure actuelle, de
dire au gouvernement central, au gouvernement fédéral, que
ça ne fait pas l'affaire du Québec, que ça doit être
refusé avant les prochaines élections.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. Duchar-me.
Si j'ai bien saisi tantôt la chronologie, c'est au tour de M.
Paquette et je vous signale que, malheureusement, il reste à peu
près cinq minutes.
M. Paquette: Oui, c'est pour ça que je vais aller
rapidement pour qu'on puisse respecter le temps.
M. Ducharme vient d'expliquer un peu les craintes qui sont
partagées par l'ensemble du mouvement syndical québécois
et canadien au niveau de l'emploi, une grande partie de la population et
même des hommes d'affaires. On a pu voir les sondages qui montrent que
les hommes d'affaires québécois, qui étaient les plus
fervents en faveur de l'Accord de libre-échange avec les
États-Unis, sont actuellement ceux qui donnent le plus faible appui
parmi l'ensemble de la classe d'affaires canadienne.
C'est pour ça, je pense, que le gouvernement du Québec
avait mis ses conditions à la négociation de l'Accord de
libre-échange, des conditions qui avaient été
présentées dans le document «La Libéralisation des
échanges commerciaux entre le Canada, les États-Unis et le
Mexique: les enjeux dans une perspective québécoise». Le
gouvernement du Québec avait mis sept conditions. À notre avis,
ces sept conditions-là ne sont pas respectées, ce qui nous
amène, ici, à vous demander, encore une fois, de faire pression
sur le gouvernement fédéral pour ne pas ratifier l'Accord tel
qu'il est présentement, mais de poursuivre les négociations sur
la base, entre autres, de propositions qu'on pourra vous présenter dans
le cadre de la discussion.
La première condition qui avait été mise par le
gouvernement, c'était la mise en oeuvre de... L'éventuel accord
ne devait pas toucher au partage actuel des compétences
législatives entre les ordres de gouvernement. Il est très clair
que l'Accord de libre-échange nord-américain touche aux
juridictions du Québec. On sait qu'on aura deux ans pour faire la liste
des mesures que nous pensons devoir être exclues de l'Accord de
libre-échange nord-américain, ce qui signifie que, dans le futur,
le Québec ne pourra plus se doter d'aucune mesure d'incitation ou de
stratégie industrielle qui contreviendra ou qui pourrait contrevenir aux
règles de l'Accord de libre-échange nord-américain.
Ça, je pense que c'est important non seulement dans le cadre du partage
des juridictions entre le Québec et le fédéral, mais c'est
important, aussi, dans la marge de manoeuvre que le Québec veut se
garder pour développer son économie et sa société.
Ça, c'était la troisième condition qui avait
été stipulée par le gouvernement.
D'ailleurs, quand on lit le document qui a été produit par
le gouvernement sur l'Accord de libre-échange nord-américain, il
est très clair que aussi bien le partage des compétences au
niveau législatif que la marge de manoeuvre n'ont pas été
clairement respectées. Il est bien écrit, à la page 15,
qu'une analyse, actuellement, est en cours au niveau des lois et des pratiques
du Québec pour voir si elles étaient conformes avec l'Accord de
libre-échange nord-américain, ce qui signifie qu'à ce
moment-ci le gouvernement n'est pas sûr qu'effectivement la
totalité des lois québécoises seront soustraites à
l'Accord de libre-échange nord-américain. (10 h 30)
On a parlé aussi c'était la deuxième
condition du respect des lois, programmes et politiques dans le domaine
social des communications, de la langue et de la culture et tout ce qui touche
les programmes sociaux. Évidemment, dans l'Accord comme tel, il n'y a
rien qui touche directement la culture et les programmes sociaux, mais on sait
très bien, particulièrement avec l'expérience qu'on vient
de vivre dans le cadre de l'Accord de libre-échange avec les
États-Unis, qu'il y a de fortes pressions sur nos programmes sociaux, et
il est très clair que les politiques du gouvernement
fédéral entre autres pour ce qui est du
développement régional et de l'assurance-chômage
sont liées, au moins en partie, aux pressions que l'Accord fait subir
à nos programmes sociaux. Dans ce contexte-là, nous,
contrairement au gouvernement du Québec et au gouvernement
fédéral, ce qu'on voudrait voir, c'est des garanties
écrites dans l'Accord de libre-échange nord-américain, en
termes de protection, aussi bien de lois comme la loi 101 que les
programmes sociaux dont on a pu se doter au cours des années.
J'ai parlé de la troisième condition, qui était le
maintien de la marge de manoeuvre. Il nous apparaît très clair que
cette marge de manoeuvre là n'est pas respectée.
Deuxièmement, ce qui nous inquiète grandement, c'est le fait que,
dans l'Accord de libre-échange avec les États-Unis, on
s'était entendus pour une négociation de sept à huit ans
sur la définition de «subvention», et on sait que c'est sur
la base de cette définition-là que toutes nos disputes
commerciales avec les Américains et, disons, les problèmes au
niveau de la Loi antidumping se situent. Avec l'Accord de libre-échange
nord-américain, le gouvernement fédéral a abandonné
la négociation sur les subventions, la définition de
«subvention», pensant peut-être que le GATT allait
régler ce problème-là. Mais, pour le moment, il n'y a
aucun élément qui nous permet de croire que le GATT va
effectivement se régler, au moins à court ou moyen terme. Et,
dans ce contexte-là, il est très clair que l'Accord de
libre-échange nord-américain n'arrêtera pas les disputes
commerciales avec les Américains, mais, au contraire, va les augmenter,
probablement, parce qu'on sait... C'est d'ailleurs mentionné dans le
document, c'est une stratégie de l'industrie américaine de
contester l'ensemble des pratiques des industries québécoises et
canadiennes qui les concurrencent sur leur terrain.
La quatrième condition, qui était l'obtention de
périodes de transition suffisamment longues pour la mise sur pied, au
maximum 10 ans, ça nous semble être insuffisant pour plusieurs
secteurs. Je vous rappellerai que l'industrie du meuble, depuis le 1er janvier
1993, ne jouit plus d'aucune protection, et on sait que c'est une industrie qui
a été durement touchée par la restructuration,
accélérée par l'Accord de libre-échange.
Le gouvernement du Québec avait demandé la
condition cinq la mise en place d'un mécanisme de
règlement des différends, auquel il serait associé. Dans
le document que vous avez soumis, il est clairement dit qu'il n'y a rien
à cet égard-là, et ça, ça nous semble
très important.
Le maintien d'un statut spécial pour l'agriculture et les
pêcheries. Nous, ce qu'on voudrait voir, au contraire, c'est une
protection écrite dans l'Accord de libre-échange pour ce qui est
du développement et du maintien de ces industries-là.
Et la septième condition, c'était le droit du
Québec d'approuver ou non l'entente en fonction de l'évaluation
ultime. Nous, ce qui est très clair, et à la lecture de votre
document et à l'analyse qu'on a pu faire à la Coalition, que ces
sept conditions-là ne sont pas remplies ou ne sont pas totalement
clarifiées. Il semble couler de source que, dans ce contexte-là,
le gouvernement du Québec devrait dire non à l'Accord de
libre-échange nord-américain tel qu'il est présentement et
pousser le gouvernement fédéral à poursuivre des
négociations, particulièrement sur les questions touchant le
travail et l'environnement. S'il nous reste un peu de temps, on pourrait
terminer par les propositions que nous avons mises de l'avant depuis,
maintenant, deux ans.
Alors, Michel.
Le Président (M. Dauphin): Juste un instant, c'est que le
temps est écoulé, à moins que les parlementaires veuillent
peut-être diminuer leur temps d'échange. C'est parce qu'on a une
journée extrêmement chargée...
M. Ciaccia: On ne peut pas diminuer notre temps
d'échange.
Le Président (M. Dauphin): ...avec plusieurs groupes
invités, alors... Quitte à revenir pendant la période
d'échange.
M. Beaulne: M. le Président, moi, je n'aurais pas
d'objection à donner quelques minutes de plus pour faire valoir, entre
autres, le côté de l'organisme non gouvernemental qu'on n'a pas
entendu en présentation. Cinq minutes de plus.
M. LeSage: M. le Président...
Le Président (M. Dauphin): M. le député de
Hull.
M. LeSage: ...nous avons un autre groupe à 11 heures, je
comprends qu'ils sont cinq à la barre des témoins. S'ils prennent
un autre cinq minutes chacun, on va se ramasser à moins cinq et on ne
pourra pas poser de questions. Je suis convaincu qu'il y a des questions qui
doivent être posées et je suis convaincu qu'on doit avoir un
échange avec ces gens-là. Vous avez proposé, je pense, M.
le Président, qu'il y ait des interventions qui se fassent de la part
des autres personnes à la barre, avec les discussions.
Une voix: Remarquez qu'on a commencé à 10 h 15.
Le Président (M. Dauphin): Non, c'est juste... C'est parce
qu'on a une journée très chargée. Si on commence à
décaler...
Une voix: Ah oui! Mais...
Une voix: On a perdu 15 minutes, au début.
M. Beaulne: On va leur donner cinq minutes de plus. Il y en a qui
n'ont pas parlé, il y a un volet de leur mémoire...
M. Ciaccia: Pourriez-vous conclure en à peu près
cinq minutes? Est-ce que ça vous irait?
Une voix: Oui.
M. Ciaccia: Comme ça, ça nous donnerait le temps
à nous...
Le Président (M. Dauphin): De favoriser les
échanges avec les parlementaires.
Alors, M. Brodeur, pour quelques minutes.
M. Brodeur (Michel): Oui. Comme le Mexique est quelque chose,
dans le sens que, pour la première fois dans un bloc, en quelque sorte,
qui est en train de se créer au niveau de l'intégration
économique quelconque, le Canada et les États-Unis ont à
avoir comme partenaire un pays, le Mexique. Je vais vous donner une
caractéristique, je pense, importante pour montrer, en quelque sorte,
que la question avec le Mexique n'est pas si simple.
Dans le dernier recensement, de 1991, par exemple, au Mexique, on parle
qu'il y a une population économiquement active de 24 000 000;
là-dessus, il faut savoir qu'il y a 6 000 000 qui reçoivent un
salaire régulier, ils ont un emploi. Ce qui fait que toute la question
du développement du libre-échange à l'intérieur
même du Mexique pose des questions, et ça, on se les est
posées, on a réfléchi beaucoup avec des partenaires, avec
le Mexique. Ça nous a amenés à élaborer un certain
nombre de propositions que je vais vous dire très rapidement, qui
tiennent compte, finalement, des besoins tant du Mexique, du Canada que des
États-Unis, croyons-nous.
La première chose, on aurait besoin d'échéanciers
spécifiques des financements compensatoires avec des mécanismes
d'ajustement qui doivent être prévus pour permettre aux
entreprises et aux travailleurs des trois pays à se recycler et de
s'ajuster à l'ouverture des marchés.
Aussi, des dispositions et des mesures visant à
l'allégement du fardeau de la dette extérieure du Mexique, dette
qui constitue un obstacle au développement du pays, le place dans une
position de faiblesse face à ses deux partenaires plus
développés du nord.
Enfin, pour que la concurrence entre les trois pays soit plus
équitable, nous proposons que le traité trinatio-nal comprenne
une série de dispositions concernant les droits du travail, dispositions
prévoyant aussi bien des mécanismes de surveillance et de mise en
application sur des objectifs à atteindre, que ce soit le droit à
la syndi-calisation, entre autres, de la fin immédiate du travail des
enfants, notamment au Mexique; des mesures qui visent à relever des
niveaux de salaires au Mexique pour réduire les écarts salariaux
entre les trois pays; des dispositions visant à l'égalisation des
salaires pour un travail égal, et ce, sans égard au sexe.
Ensuite, la question aussi de l'égalité des droits des immigrants
et des immigrantes, particulièrement grave pour les Mexicains avec les
États-Unis et l'adoption de politiques visant à maximiser la
création d'emplois.
Aussi, une question qui est importante, qui peut servir beaucoup
à des compagnies de décider de s'en aller au Mexique, par
exemple, l'industrie du meuble de Californie, qui s'est en allée au
Mexique parce que les normes de l'environnement sont moins
sévères. En ce qui concerne l'environnement, de prévoir
des dispositions permettant le maintien et l'amélioration des normes
environnementales des pays concernés, ainsi que des mécanismes de
contrôle social pour en assurer la mise en application, et prévoir
des financements compensatoires pour la réhabilitation de
l'environnement dans les régions qui ont subi de graves
détériorations écologiques.
En ce qui concerne les droits sociaux, reconnaître les droits de
tous et de toutes à des services de santé et d'éducation
adéquats, au logement et à la sécurité, et de fixer
au niveau du pays le plus avancé des programmes de base auxquels chacun
des pays doit souscrire et non, contrairement à ce qui se passe
actuellement au Canada avec la question de l'assurance-chômage.
Enfin, pour ce qui est des droits humains, individuels et collectifs,
inscrire dans l'accord continental des droits aliénables de
liberté de parole, de presse et d'association, et aussi de
reconnaître le droit fondamental des femmes à l'autonomie, au
travail, à une vie digne et à la sécurité et
à la protection contre la violence publique ou familiale, un
accès garanti aux services de santé qui leur permettront
l'exercice de ces droits et la pleine participation à la vie sociale, et
de reconnaître les droits des nations et ethnies de l'Amérique du
Nord, tout particulièrement ceux des autochtones.
En fait, ce qui nous semble important dans l'application du
traité de libre-échange entre les trois pays, c'est qu'il ne
semble pas, il n'y en a pas, finalement, de mécanismes
régulateurs en quelque sorte supranationaux qui
permettraient de faire en sorte qu'un accord soit correctement fait, et, en
même temps, qui dans le présent accord, sous des derrières
strictement commerciaux, finalement, ont des implications sociales et
économiques très importantes qui doivent être
résolues.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. Brodeur.
Tel qu'entendu, nous allons débuter la période
d'échange, et le temps sera partagé également entre
l'Opposition et les ministériels.
Je vais reconnaître d'abord, M. le ministre des Affaires
internationales.
M. Ciaccia: Merci beaucoup.
Je voudrais remercier la Coalition pour la présentation de leur
mémoire. Vous ne serez pas surpris, évidemment, si je vous dis
que je ne partage pas totalement votre point de vue. Mais, cependant, j'ai
apprécié l'approche que M. Lachance a suggérée, une
approche positive à l'entente. Je suis prêt à discuter avec
vous de cette approche positive. Peut-être le temps pas
peut-être certainement le temps, aujourd'hui, ne nous permettra
pas d'aborder tous, tous les sujets, d'aller sur le fond, sur tous les sujets
que vous avez soulevés.
Je vais vous donner ma réaction et des informations qui, je
crois, peut-être, n'ont pas été tout à fait
comprises par vos interprétations, mais, comme je l'ai fait dans le
passé, quand je vous ai rencontrés, je suis prêt, encore,
à continuer et à poursuivre mes discussions avec vous pour voir
comment on peut travailler ensemble pour qu'on puisse tirer avantage des
conditions de l'ALENA, du marché nord-américain, parce que
l'objectif de notre gouvernement, c'est de créer la
prospérité pour les travailleurs et pour les entreprises.
Dans le contexte d'un marché nord-américain, qui sera le
marché le plus riche au monde, comment pouvons-nous faire pour les
entreprises et pour les travailleurs d'en tirer avantage. (10 h 40)
Je voudrais seulement répondre à certaines affirmations
que vous avez faites. Vous avez mentionné, premièrement, qu'au
Portugal, en Espagne, certaines conditions avaient été mises de
l'avant pour l'intégration de ces économies dans la
communauté européenne. Justement, le traité ALENA, ce
n'est pas un marché unique. Ce ne sont pas les mêmes conditions
que l'intégration totale, économique et politique. C'est un
marché de libéralisation des échanges. On n'a pas la
mobilité de travailleurs, on n'a pas tout le marché unique que
l'Europe a, et il y a certaines contraintes, non seulement des contraintes pour
nous, mais des contraintes pour les Mexicains, des contraintes pour les
Américains, et des périodes de transition pour certaines
industries. Alors, ce n'est pas une ouverture totale, une inondation, où
la main-d'oeuvre est mobile du Mexique au Canada, comme dans le
traité... la communauté européenne. Et c'est pour
ça que certaines des contraintes et des craintes que vous avez
apportées ne sont pas tout à fait justifiées parce qu'il y
a ces restrictions et ces protections pour nous, dans l'ALENA.
Vous avez mentionné le secteur du vêtement. Vous savez, la
ville de Montréal même était ici, hier soir, pour appuyer
le secteur du vêtement, mais eux- mêmes ont réalisé,
ont accepté que, s'ils n'avaient pas été pour l'entente du
libre-échange avec les États-Unis, le secteur du vêtement
serait encore en plus grande difficulté parce que, avec l'entente du
libre-échange, ils ont pu tripler leurs exportations aux
États-Unis. Ça a sauvé l'industrie parce que, dans
d'autres secteurs, dans d'autres marchés, ils ont baissé leurs
ventes.
Une voix: Le marché interne a diminué.
M. Ciaccia: le marché interne a diminué, les
compétitions du reste du monde, ça n'a pas changé, et
c'est l'entente du libre-échange qui a permis aux exportations d'aller
de 169 000 000 $ à 412 000 000 $, les premiers 9 mois de cette
année. et qu'avons-nous fait avec l'alena? nous avons maintenu cet
accès au marché américain. c'est vrai qu'il y a une triple
transformation, mais pour pallier la triple transformation, on a
augmenté sensiblement les quotas, les quotas tarifaires. par exemple,
dans les vêtements de coton ou de fibres synthétiques, sur
l'entente de libre-échange, il y a 42 000 000 m2, et 27 %
seulement de ce quota était utilisé par notre industrie. on a
augmenté le quota de 42 000 000 m2 à 80 000 000
m2 ça donne une marge à l'industie d'expansion
plus une croissance de 2 % par année, et, à la fin de cinq
ans, l'entente prévoit que nous pouvons... et nous pouvons augmenter,
revoir les quotas à la hausse. je crois... c'est clair que si
c'était un «free-for-all», puis on pouvait avoir tout ce
qu'on voulait, il n'y aurait pas de contrainte du tout. ça serait,
évidemment, mieux, mais les conditions actuelles maintiennent le
marché et augmentent leurs possibilités. alors, c'est à
nos industries, commes elles l'ont fait dans le passé, d'en tirer
avantage. je vais vous donner d'autres chiffres sur les quotas. les tissus et
articles confectionnés en coton ou fibres synthétiques, le quota
était de 25 000 000 m2 et il était utilisé
à 81 %. on l'a augmenté à 65 000 000 m2, pour
les prochains cinq ans, avec une croissance de 2 % par année.
Les vêtements en laine on n'ira pas dans les
définitions, parce qu'on n'a pas tout le temps mais seulement la
moitié de ce quota-là est utilisé. Ça a permis
à des entreprises, à Montréal, d'augmenter leur chiffre
d'affaires de 20 000 000 $ à 80 000 000 $ par année. On l'a
maintenu, parce que la moitié utilisée, une croissance de 1 % et
révision à la fin de cinq ans. Et votre crainte que les
travailleurs vont aller au Mexique, l'industrie ne dit pas ça.
Savez-vous pourquoi l'industrie ne dit pas ça? Parce que, si vous lisez
l'entente du libre-échange minutieusement, vous allez voir que les
quotas tarifaires du Mexique sont extrêmement bas. Une industrie du
Québec ne peut pas aller au Mexique pour dire: Bien, je vais faire
fabriquer à des moindres coûts, puis je vais exporter aux
États-Unis.
Je vais vous donner un exemple d'un quota qui ne peut pas le faire. La
laine, c'est 5 000 000 m2, pour nous, 5 067 000 m2. C'est
1 500 000 m2, pour eux. Ils
ont 85 000 000 de population avec un quota de 1 500 000 m2.
Pouvez-vous me dire comment l'industrie pourrait aller au Mexique? Ils seraient
complètement empêchés de faire leurs exportations. Et c'est
une protection que nous avons demandée parce qu'on le sait, les
problèmes, on connaît les problèmes de la main-d'oeuvre.
Mais même les problèmes de la main-d'oeuvre, il faut être
aussi... il faut avoir une dose de réalisme. La main-d'oeuvre est sept
fois moins chère, mais la productivité est 6,5 fois moins, aussi.
La marge de manoeuvre, il n'y en pas tellement, hein. et vous parlez des
«maquiladoras». tout ce que vous dites dans l'industrie de
l'automobile existait avant l'alena. les «maquiladoras» ont
existé. si general motors est allée là, ce n'est pas
l'alena qui l'a envoyée là. la main-d'oeuvre était
là, les «maquiladoras», c'était un des... il y avait
certaines contraintes, il fallait qu'ils exportent; et l'alena, contrairement
à ce que vous dites, nous protège. en augmentant, par exemple, de
50 % à 62 % le contenu d'origine, le contenu local
premièrement, c'a clarifié, parce qu'avant, le 50 %,
c'était interprété à la discrétion des
américains. le 62 %, avant, il y avait 12 pages sur les règles
d'origine; il y en a 130, maintenant. mais en augmentant à 62 %,
ça favorise les sous-traitances, les manufacturiers des parties... des
«parts» d'automobiles au québec... les pièces
d'automobiles au québec; et l'«auto pact» n'a pas
été touché, il est maintenu. c'est pour ça que
ça protège l'usine de general motors, à
sainte-thérèse: le 62 %, l'«auto pact» le
pacte de l'auto qui a été maintenu, protège les
emplois à sainte-thérèse. ça, c'est ce que fait
l'alena.
Maintenant, vous parlez des programmes sociaux, vous parlez de la loi
101, vous parlez de notre culture: L'ALENA est un accord commercial, les
programmes sociaux sont complètement protégés. Non
seulement ils sont protégés, mais c'a donné une
pression... c'a créé une pression aux Américains pour
qu'ils fassent la même chose que nous. Quand, General Motors, ça
leur coûte 700 $ par automobile de plus, en Californie, parce que le
coût social, le coût des médicaments, et tout le reste, est
700 $ de plus par automobile, c'est pour ça qu'ils ont fermé leur
usine, en Californie, et qu'ils maintiennent celle à
Sainte-Thérèse. Nos programmes sociaux, c'est un actif pour nous,
et ils ne sont aucunement menacés par l'ALENA, et même, je
joindrais le député de Bertrand, hier, quand il a dit que, avec
le Mexique, puisqu'ils ont une culture latine, puisqu'ils ont une autre langue,
ça va même aider la protection de notre culture et notre langue,
parce qu'on a un allié; parce qu'avant, avec l'ALE, c'était
strictement les États-Unis, c'était seulement une langue, une
autre culture, pas latine. Mais, en dépit de ça, en haut de
ça, l'ALENA ne menace pas nos programmes sociaux, il ne menace pas la
loi 101, et certainement nos industries culturelles ont été
exclues de l'ALENA. Alors, elles ne sont pas menacées.
Les conditions. Je voudrais m'asseoir avec vous, vraiment, pour examiner
chacune de ces conditions. Elles ont toutes été
respectées. Contrairement à ce que vous dites, il y en a une,
condition, qui n'est pas formalisée. La condition qui n'est pas
formalisée, c'est la condition attendez un peu, je vais la
retrouver...
Une voix: Attendez. Seule la mise en... Une voix: Page
17.
M. Ciaccia: ...application... Une structure pour la mise en
application. Bon, je l'ai devant moi, ici. Excusez.
M. Paquette: À la page 17 de votre document. (10 h 50)
M. Ciaccia: Non, j'ai un autre document. Oui. La mise en place
d'une structure de gestion de l'entente, à laquelle nous voulons
être associés. Dans les faits, nous l'avons. Les positions que
nous avons défendues ont été négociées et
acceptées par le gouvernement fédéral. Nous avons maintenu
le mécanisme de règlement de différends. Et quand vous
parlez qu'on est menacés par les disputes avec les Américains, il
faut comprendre qu'il y a 212 000 000 000 $ de chiffre d'affaires entre le
Canada et les États-Unis. Ceux qui sont en dispute sont très
minimes, mais malgré ça vous avez mentionné Norsk
Hydro on l'a négocié en notre faveur, Norsk Hydro. Vous
mentionnez les disputes sur le porc; aux binationales, on l'a gagnée, et
on s'en va aux bina-tionales sur le bois d'oeuvre. L'entente fonctionne, elle
nous protège. Les disputes... Sans l'entente, les Américains
auraient pu mettre les droits compensatoires, et on n'aurait eu aucun recours;
avec l'entente, on a pu aller au tribunal binational qui a lié le
Congrès américain et le gouvernement canadien, et on a
gagné les disputes. Et ce mécanisme a été maintenu
dans l'ALENA.
Vous craignez qu'on ne puisse pas attirer des investissements au
Québec. Vous avez mentionné Norsk Hydro, les alumineries. On a
des alumineries au Québec qui produisent 14 % de tout l'aluminium
mondial. On a pu légitimer notre politique industrielle sur
Hydro-Québec et sur nos politiques internes en négociant avec le
«Department of Commerce» dans le cadre de l'entente du
libre-échange. On a attiré comme investissements Petresa, ici; on
a maintenu Marconi, qui a fait des annonces, dernièrement. Ils savaient
qu'il y avait l'ALENA. On a appuyé l'ALENA depuis le début.
Et vous craignez, vous dites, les caisses Desjardins. Vous craignez les
services financiers, qui pourraient être attaqués et qui
pourraient avoir des problèmes avec l'ALENA. La caisse était ici
hier, les caisses Desjardins ont approuvé, ont supporté l'ALENA,
et même, elles veulent trouver un moyen d'informer les PME pour en tirer
avantage. Et la Caisse de dépôt est protégée, c'est
un monopole d'État. Nous avons spécifiquement des droits dans
l'ALENA pour «antérioriser» certaines lois et
règlements. Nous avons deux ans pour
le faire, et je peux vous garantir que nous allons protéger la
Caisse de dépôt parce que l'ALENA nous le permet. Et pourquoi on a
deux ans? Parce qu'on a maintenu la juridiction du Québec dans les
secteurs qui sont décisionnels pour le Québec. On a
respecté, et le gouvernement fédéral a respecté les
juridictions provinciales et les juridictions fédérales. C'est
pour ça la question de deux ans.
Sur les mesures d'adaptation, vous avez dit qu'il n'y avait pas eu de
mesures d'adaptation. Je pourrais vous faire une liste de mesures d'adaptation
de la main-d'oeuvre, et je suis prêt à m'asseoir avec vous et, si
cette liste n'est pas suffisante ou s'il y a des aménagements à
faire, on est prêts à en discuter. Le paiement de transfert aux
entreprises par les ministères en 1992-1993 c'est de
l'adaptation, ça c'est 960 000 000 $; le Fonds de
développement technologique, on a dépensé 70 000 000 $ sur
350 000 000 $; la Société Innovatech: 300 000 000 $ à
investir d'ici 1997; le crédit d'impôt pour les entreprises, en
deux ans, près de 200 000 travailleurs, dont environ 175 000 en 1992,
ont reçu de la formation dans le cadre de ce programme, et 90 % des
entreprises qui ont utilisé ce programme s'en disent satisfaites. On a
un nouveau programme, la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre, à partir d'avril 1993.
Ça, ce sont tous des programmes qui existent, des nouveaux
programmes qui sont mis en place, mais s'il y a des améliorations
à faire, moi, je suis prêt à m'asseoir avec vous et
à faire les représentations qui s'imposent aux différents
autres ministères, parce que ma responsabilité, c'est les
négociations de l'ALENA, c'est les conditions qui sont propices pour le
développement de l'économie québécoise. Je peux
travailler avec vous, avec mes autres collègues, pour voir comment nous
pouvons mettre sur pied des mesures additionnelles pour aider les
travailleurs.
On m'indique que mon temps...
Le Président (M. Dauphin): Alors, vous avez droit à
20 minutes et vous avez utilisé 17 minutes, à date.
M. Ciaccia: Bon. Alors, je vais arrêter pour le moment,
mais...
Le Président (M. Dauphin): Ce qui laisserait trois minutes
à nos invités.
M. Paquette: On prendra une minute chacun, là!
Une voix: Écoutez...
M. Paquette: Mais je veux vous mettre en garde, là, parce
que l'Accord de libre-échange nord-américain, le débat
commence. Si vous appuyez la démarche du gouvernement conservateur, de
passer ça à la vapeur contre la volonté des Canadiens et
des Québécois, je peux vous garantir, comme le gouvernement
conservateur, que le gouvernement libéral va en subir les
conséquences. Moi, je suis prêt et je pense que mes
collègues aussi à m'asseoir avec vous pour discuter, parce
qu'on la maintient, cette attitude positive là, mais elle pourrait
rapidement devenir, sous la pression de nos membres et de la population, une
attitude négative, comme ça existe présentement dans le
Canada anglais, et, nous, ce n'est pas du tout ce qu'on souhaite. Dans ce
sens-là, il faut qu'on ait du temps pour s'asseoir et discuter, parce
que vous avez certaines interprétations qu'on ne partage pas. Il y a
peut-être des informations dont on aurait besoin. Dans ce sens-là,
je pense qu'il faut qu'on soit très clair: Pour nous, avec cette
commission-ci, le débat s'ouvre au Québec et ne se clôt
pas. J'espère que votre invitation tiendra dans les prochains jours pour
qu'on puisse se rencontrer pour développer un certain nombre de
points.
Moi, j'en donnerais juste deux, parce que, évidemment, on a juste
trois minutes. Ce qui nous inquiète, effectivement, ce n'est pas comme
en Europe... En Europe, ils ont décidé, eux autres, que
c'était la mobilité de la main-d'oeuvre vers les espaces
économiques où il y avait de l'activité économique.
Nous, ici, en Amérique du Nord, le choix qui a été fait
pas par nous c'est la mobilité des investissements,
là où la main-d'oeuvre n'est pas chère. Alors, ce qui nous
inquiète, là, c'est que l'Accord de libre-échange
nord-américain, ce n'est pas un simple traité commercial, c'est
un traité d'investissements, et, dans l'Accord, il y a des garanties du
gouvernement mexicain qu'il n'y aura pas d'expropriations d'entreprises
américaines ou canadiennes. Dans ce sens-là, ça va
apporter une stabilité qui n'existait pas avant.
Deuxième élément. Quand vous parlez du
vêtement comme de l'ensemble des exportations canadiennes aux
États-Unis, vous oubliez de parler de l'inverse: il y a eu deux fois et
demie plus d'exportations américaines au Canada depuis l'introduction de
l'Accord de libre-échange nord-américain pas
nord-américain, mais canadien que d'exportations canadiennes vers
les États-Unis. Donc, il faut mettre tous les chiffres sur la table. Je
pense que, effectivement, on n'a pas le temps, ce matin, avec le temps qui nous
est imparti, pour terminer ou conclure ce débat-là. On a
simplement le temps de l'amorcer, mais je veux vous mettre en garde, quand
même, sur les effets que pourrait avoir une démarche forcée
sur cette question-là.
M. Ducharme: M. le ministre, moi, je vous ai donné des
informations privilégiées. Vous pouvez, à ce
moment-là, être très surpris. On patauge avec les
multinationales les plus puissantes au monde, qui n'aident pas ceux qui sont
dans les mineures. Quand les présidents de ces compagnies-là, les
yeux dans les yeux, parlent de la Caisse de dépôt et placement,
questionnent le Mouvement Desjardins comme étant une coopérative
pas
soumise aux mêmes règles du jeu que les banques ce
n'est pas des avertissements que ce monde-là nous donne? le
traité... je vais vous parler du traité de libre-échange,
l'ale l'alena, on n'en a pas d'expérience mais les
milliers d'emplois qu'on a perdus, maintenant, dans le secteur des
pièces d'automobiles, 20 000 emplois perdus. pas 20 000 emplois
disparus: perdus au canada, retrouvés dans le fin fond des
états-unis, à bas salaire, et dans les
«maquiladoras». des compagnies canadiennes: bendix, qui a
déménagé ses usines dans les «maquiladoras»,
500 000 travailleurs dans les «maquiladoras». allez à
matamoros, aller à reynosa, pas des emplois qu'on a créés,
on a déplacé du monde. moi, m. le ministre, je vous ai
donné ça, pourquoi? je ne vous dis pas, à ce
moment-là, de tout lancer pardessus bord. tenez-vous debout,
là-dedans! si vous, à ce moment-là, vous ne vous tenez pas
debout... vous m'avez parlé du contenu, vous avez utilisé le mot
«contenu local» dans le contenu de l'automobile; ce n'est pas un
contenu local qu'on a, c'est un contenu nord-américain, c'est les
américains qui ont voulu ça, maintenant, pour tripoter à
l'intérieur de ça, pour être capables de déterminer
où ils vont placer les usines, les usines de pièces, comment ils
vont orchestrer tout ça. et c'est les trois grands de l'automobile qui
ont voulu ça, ce n'est pas le gouvernement américain qui est
arrivé avec ça. le pacte de l'auto à 60 %, ça
voulait dire: une auto vendue au canada, une auto assemblée au canada.
c'est ça que ça voulait dire; ce n'est plus ça qu'on a,
maintenant.
M. Ciaccia: Alors, c'est juste pour dire... Le
Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Ciaccia: ...que je suis prêt à vous rencontrer et
à poursuivre la discussion avec vous. On n'est pas totalement d'accord
sur l'interprétation de certains chiffres. Ce que vous dites sur
l'automobile, ça a existé avant l'ALENA, ce n'est pas l'ALENA qui
a créé ça, mais je suis prêt à vous... Les
«maquiladoras»...
Une voix: Oui, d'accord, on parle de l'ALE...
M. Ciaccia: Oui.
Une voix: ...pas de l'ALENA.
M. Ciaccia: Mais même l'ALE, les «maquiladoras»
ont existé avant l'ALE. Mais si on a... En termes de consultation...
M. Ducharme: Les déménagements se sont faits en
1989.
M. Ciaccia: Juste faire le point, on a commencé les
consultations, ça fait longtemps qu'on a consulté
différents moyens, mais...
M. Paquette: Sauf qu'on ne connaît pas le contenu de
l'Accord...
M. Ciaccia: ...je suis prêt à poursuivre avec vous,
et il n'est pas question de dire...
M. Paquette: ...que depuis deux mois. (11 heures)
M. Ciaccia: ...on va aller presser au rouleau compresseur pour
faire adopter l'ALENA, c'est pour ça qu'on est ici, pour voir les
différents points de vue. Mais je réitère ma
volonté de vous rencontrer, avec les gens de mon ministère, et
voir comment on peut agir en termes d'améliorer certaines conditions.
Quand vous parliez de la Caisse de dépôt et des caisses, elles
sont complètement protégées dans l'ALENA. Mais on peut
revoir tous ces aspects-là et poursuivre nos discussions.
Une voix: Mais...
Le Président (M. Dauphin): Merci.
Si vous le permettez, je vais passer à l'Opposition officielle,
malgré que tous les membres sont ici, également. Pour le temps,
l'Opposition officielle, soyez sans crainte.
Alors, M. le député de Bertrand.
M. Beaulne: Merci, M. le Président.
D'abord, je tiens à vous féliciter pour l'excellence de
votre mémoire. Je pense que c'est un des mémoires qui va au coeur
du sujet, qui soulève l'ensemble de la problématique. Et la mise
en garde que vous faites, je pense que c'est la mise en garde, peut-être,
la plus appropriée qu'on pourrait tirer comme conclusion de cette
commission, c'est-à-dire le danger qui nous guette d'approuver un accord
à toute vapeur et de ne pas prévoir les faiblesses qui ont
été démontrées dans la signature du premier accord
avec les États-Unis.
Ceci étant dit, je n'ai pas l'intention de faire un monologue
comme l'a fait le ministre pour justifier quoi que ce soit,
puisque l'objectif de cette commission est d'écouter les intervenants et
non pas de leur livrer un discours d'explications. Je me limiterai simplement
à souligner que je ne partage pas l'optimisme débordant du
ministre, en particulier lorsqu'il parle de l'adaptation dans les secteurs
mous, et, entre autres, dans le domaine du vêtement. Hier, on a eu les
représentants de la ville de Montréal qui sont venus nous
expliquer leur inquiétude quant à ce secteur-là. Tout
à l'heure, on va entendre les représentants de l'industrie du
vêtement. Et lorsque le ministre dit qu'au bout de cinq ans on peut
réviser à la hausse les quotas, moi, je ne me satisfais pas de
cette garantie-là, puisque personne d'entre nous n'a une boule de
cristal et même, au contraire. Si on se fie à la façon dont
les discussions sur les subventions acceptables ou non acceptables ont
été, en quelque sorte, reportées à plus tard
pour ne pas dire aux calendes grecques, jusqu'ici, ouvrant la porte
à
des litiges je pense qu'on doit, effectivement, prendre des
mesures sérieuses. Et quand on songe que l'industrie pharmaceutique,
grâce à l'ALENA, a obtenu une extension de protection de 20 ans,
je pense qu'effectivement il y a une marge de manoeuvre pour obtenir une
période d'adaptation un peu plus longue pour les secteurs qui seraient
les plus vulnérables dans cet accord-là.
Ceci étant dit, ça m'amène à vous poser la
première question. Dans votre mémoire, vous soulevez une
préoccupation majeure qui est celle de la propension des
Américains aux litiges. D'ailleurs, on le voit facilement dans tous les
secteurs, que ce soit dans le domaine de la santé, dans les... dans
n'importe quel secteur que ce soit, les Américains ont une sorte de
propension naturelle aux litiges, à porter n'importe quoi devant les
tribunaux. Et votre crainte vient d'être corroborée,
effectivement, par une étude que vient de publier l'Institut CD. Howe
qui révèle que, pour la décennie de 1980-1990, les
États-Unis ont été les champions mondiaux des droits
compensatoires, étant à l'origine de 58 % des cas. Étant
donné qu'on avait prévu que, dans l'Accord de
libre-échange avec les États-Unis, on s'entendrait dans un laps
de temps raisonnable sur la définition de subventions acceptables
ce qui ouvre la porte, effectivement, à toutes les surtaxes et à
toutes les poursuites qu'on a vues contre le bois d'oeuvre, Norsk Hydro, ainsi
de suite et compte tenu du fait que ce débat-là a
été reporté au GATT, et que le GATT ne nous a donné
aucune indication de l'échéancier qu'il s'était
fixé pour régler cette question-là, comment
prévoyez-vous, ou quelle mesure voudriez-vous voir mise de l'avant pour
qu'en attendant que le GATT se prononce sur cette question-là on n'ouvre
pas l'ensemble de nos champs d'ententes à des accords qui, pendant ce
temps-là, il ne faut pas l'oublier, pénalisent nos industries?
Parce que les surtaxes s'appliquent dès que la poursuite est entreprise
et sont éliminées lorsqu'on fait la preuve qu'elles ne sont pas
justifiées. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.
Le Président (M. Dauphin): M. Paquette.
M. Paquette: Oui, excusez. C'est l'habitude.
D'abord, je dois vous dire, je reviens d'un voyage de trois semaines aux
États-Unis, à l'invitation du gouvernement américain,
justement sur l'Accord de libre-échange nord-américain. Mais,
entre temps, l'administration ayant changé, ils n'avaient plus de
discours officiel à m'offrir partout où je suis passé
avec d'autres Canadiens d'ailleurs et c'est une stratégie
délibérée de l'industrie américaine de contester
systématiquement les pratiques de l'industrie québécoise
et canadienne quand ils se sentent menacés sur leur propre espace
économique. Question de gagner du temps, question de faire peur à
la clientèle, bon, etc., etc. On sait aussi que les plaintes sont faites
en fonction de la loi américaine, et, dernièrement, on a
gagné sur le cas du blé, et le sénateur de l'État
en question a dit qu'il allait faire pression pour que le Congrès change
la loi. Probablement que c'est une... disons, assez téméraire de
sa part, mais ça montre à quel point, actuellement, nos
mécanismes de règlement de disputes sont précaires. Moi,
je pense qu'on doit et je pense que c'est la position qu'on
développe il faut enclencher des négo-cations,
immédiatement, sur la définition de «subvention», et
je dirais qu'on va plus loin que le gouvernement libéral et le
gouvernement conservateur. Nous, on cherche à développer un
espace économique communautaire plus que libre-échangiste, mais
jusque-là, je pense que la seule façon qu'on a de répondre
aux mesures des tribunaux américains, c'est de nous-mêmes faire
preuve de fermeté dans les disputes commerciales et, là-dessus,
des avocats américains m'ont dit ne pas comprendre la façon dont
l'industrie canadienne et québécoise se comportaient et
n'utilisaient pas suffisamment les recours aux tribunaux dans le cas de
pratiques qui pourraient paraître douteuses de la part de l'industrie
américaine.
L'autre élément, aussi, qui me semble bien important,
c'est que, dans le cas de notre industrie ici, au Québec, les mesures
d'adaptation sont toujours insuffisantes, et ça aussi, je pense qu'on
n'a pas besoin de la permission des Américains pour améliorer
notre formation professionnelle. Je vous avais fait référence, la
formation professionnelle... Le rapport de Grandpré proposait 1 % de la
masse salariale en formation professionnelle. On m'a dit que ce n'était
pas le temps, et là, on va nous répéter que ce n'est pas
le temps encore. Nous, on pense que, maintenant, c'est le temps, effectivement,
d'avoir des mesures d'ajustement plus développées et une attitude
agressive, aussi, face à l'industrie américaine, et ça, on
peut se féliciter que M. Wilson ait décidé d'imposer des
droits sur l'acier américain après les mesures annoncées
par le gouvernement américain.
Alors, c'est à peu près... Je ne sais pas si Claude ou
Daniel veulent rajouter quelque chose.
M. Beaulne: Bon. Ma deuxième question concerne justement
les mesures d'adaptation dont vous avez souligné, effectivement,
l'importance dans votre mémoire. Vous avez rappelé ce qui se
faisait en Europe. Le ministre a invoqué des technicalités pour
dire que ça ne pouvait pas se faire exactement de la même
façon, ici.
Quelles mesures d'ajustement... Parmi l'ensemble des mesures
d'ajustement, lesquelles vous apparaissent prioritaires? Et j'aimerais
également entendre vos commentaires par rapport à
l'énumération de millions de dollars qui auraient
été insufflés dans toutes sortes de programmes
d'adaptation qu'a mentionnés le ministre. C'est bien beau de parler de
millions, mais j'aimerais entendre vos commentaires sur l'efficacité de
ces programmes qui ont été mis de l'avant jusqu'ici, parce que je
pense que se limiter à investir des sommes de millions de dollars sans
en vérifier l'efficacité ne répond pas exactement aux
préoccupations que vous auriez.
Alors, quelles sont, d'après vous, les mesures d'ajustement
prioritaires et, deuxièmement, quels sont vos commentaires sur
l'efficacité des mesures qui, jusqu'ici, ont été
appliquées pour la formation de la main-d'oeuvre ou le recyclage de la
main-d'oeuvre, également?
Le Président CM. Dauphin): M. Paquette.
M. Paquette: Je pense que, pour nous, c'est très clair
qu'il doit y avoir deux sortes de mesures. La première touche les
travailleurs et les travailleuses qui vont être affectés dans
certains secteurs par la restructuration économique, et là, je
pense qu'il faut être très clair. On ne veut pas de mesures
spécifiques à la restructuration due à l'Accord de
libre-échange ou libre-échange nord-américain. Ce qu'on
veut, d'ailleurs, les Américains, c'est ce qu'ils ont et ils ne
dépensent pas d'argent là-dedans, parce qu'on a toujours la
difficulté de distinguer. Donc, c'est très clair qu'on veut un
renforcement de mesures générales face à la
restructuration économique en termes de recyclage, de formation
professionnelle, d'aménagement du temps de travail et même,
je pense que dans des périodes de transition, c'est important. Il y
avait un programme qui existe malheureusement, qui n'est pas
appliqué c'est le Programme d'aménagement concerté
du temps de travail, qui nous a aidé dans plusieurs cas où on a
été obligé de faire des changements technologiques pour
faire face à la concurrence, particulièrement dans le papier, et
qui... disons, existe toujours, mais il n'y a plus de crédits pour,
malheureusement.
Alors, ça... Il existe des programmes et il y en a à
inventer pour aider à l'adaptation des travailleurs. Mais il y a aussi
l'appui à l'industrie, et je pense que, là-dessus, le
gouvernement a fait certains avancés on parlait d'Innovatech
mais qui n'ont pas encore démarré et, dans ce
sens-là, on presse le gouvernement non seulement à
démarrer Innovatech, mais à multiplier les mesures de ce type
d'appui aux entreprises de haute technologie ou à valeur ajoutée
importante. Et il me semble important, aussi, que le gouvernement mette sur
pied un programme pour aider l'industrie à réorganiser le
travail. (11 h 10)
Le gouvernement vient d'adopter une mesure d'incitation pour investir
dans l'entreprise, pour que les travailleurs investissent dans leur entreprise.
Nous, ça ne nous semble pas le problème. Il existe
énormément de fonds, actuellement, pour aider l'industrie,
disons, à trouver le capital de risque dont elle a besoin. Le
problème, c'est que, dans la réorganisation du travail, les
industries ne savent pas par où commencer et elles n'ont pas de moyens,
de ressources. Il me semble que ça serait extrêmement important de
développer un programme là-dessus.
Pour ce qui est de l'efficacité, je pense que le débat
public en a jugé, particulièrement au niveau de la formation
professionnelle. Je pense qu'on réitère toujours notre demande
à l'effet qu'il n'y ait qu'un gouvernement qui s'en occupe et que ce
soit le gouvernement du Québec et, là-dessus, on a appuyé
la démarche du ministre Bourbeau face au gouvernement
fédéral, en particulier le ministre Valcourt.
Je pense que, pour le reste, le débat public a été
assez clair sur l'ensemble des résultats qu'on a pu attendre,
jusqu'à présent, de ces mesures-là, qui sont
insuffisantes. Il y a de bonnes initiatives. Je ne pense pas qu'on puisse
rejeter l'ensemble du revers de la main, mais il y a encore des efforts
importants à faire à ce niveau-là.
Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le
député de Bertrand.
M. Beaulne: Une troisième question. Dans votre
mémoire, vous êtes préoccupés, également, par
l'impact que peut avoir l'écart salarial entre le Québec et le
Mexique. J'aimerais entendre vos commentaires sur le fait suivant, qu'on a
relevé à la fois à Hong Kong, qui commence à se
développer en Corée et qu'a vécu le Japon lui-même
dans les années qui ont suivi la Deuxième Guerre mondiale,
c'est-à-dire que, dans tous les pays où une sorte
d'activité industrielle s'est installée, on a vu, non pas des
diminutions à la baisse des salaires, mais plutôt des pressions
à la hausse, de sorte que le Japon est passé par cette
phase-là, Hong Kong de la même façon et, maintenant, la
Corée.
Alors, qu'est-ce qui nous fait dire que le Mexique à
mesure que les programmes d'industrialisation donnent leur impact que
les écarts salariaux entre le Québec et le Mexique ne se
rétréciraient pas, non pas à la baisse, mais plutôt
à la hausse de la part des Mexicains?
Le Président (M. Dauphin): M. Ducharme.
M. Ducharme: C'est parce que c'est tout le système, au
Mexique, qui devrait être transformé. Je vais vous donner
seulement deux exemples dans l'industrie automobile, et pas des petites usines.
La dernière, c'est l'usine de Volkswagen, 16 000 travailleurs et
travailleuses dans l'usine congédiés, 16 000 travailleurs ont
été congédiés parce qu'ils réclamaient,
à l'intérieur de l'usine, des conditions plus décentes.
L'employeur voulait baisser leur salaire, baisser leurs conditions de travail.
On les a congédiés. On a annulé la convention collective
et, le lendemain, on a réembauché. Le cas de Ford l'usine
de Ford, au Mexique une autre usine. 22 000 travailleurs. On a
rentré 400 personnes armées dans l'usine. On a assassiné
des personnes. On les a congédiées et, le lendemain, on a
réembauché ces personnes-là. Les deux cas Ford et
Volkswagen deux cas, là, au Mexique. Alors, c'est tout le
système mexicain qu'il faut changer.
Alors, là-dessus, c'est certain qu'il va y avoir des
améliorations dans les conditions de travail. C'est certain qu'il
y a des salaires qui vont augmenter, mais quand on part, maintenant, dans
l'industrie où un salaire d'une journée, à ce
moment-là, pour un travailleur mexicain, représente le taux
horaire, disons, d'un travailleur ici, il y a énormément de
progrès à faire. La grande partie, ce sont des femmes sur le
milieu du travail, et ça me surprend que ces grandes causes là,
hein, qui sont à la grandeur du monde...
Quand on est allés au Mexique, on est allés visiter une
personne qui était à l'hôpital, emprisonnée par le
gouvernement mexicain, un grand chef syndical, Agapi-to Gonzalez, qui, dans les
«maquiladoras», luttait pour le droit des femmes. Et quand on a
commencé les pourparlers sur le libre-échange à trois, on
l'a emprisonné. Il y a eu une intervention mondiale pour sa
libération. On l'a mis à l'hôpital. Pourquoi? On a craint,
au Mexique, que cette homme-là aille sur la place publique, commencer
à dire aux travailleurs et aux travailleuses mexicaines ce qui se
produirait avec le traité de l'ALENA. Alors, avant que cet
écart-là soit comblé, il va y avoir bien des années
qui vont passer. On ne pourra pas...
Maintenant, la dette extérieure du Mexique 100 000 000 000
$ on ne peut pas ignorer ça non plus. Et le système
d'impunité qui existe au Mexique. Et quand je vous ai mentionné
l'affaire de Ford, il y un mandat d'amener par la police pour la personne
responsable de cet assassinat chez Ford, et on ne l'a jamais amenée.
C'est le directeur du personnel de l'usine de Ford, à la
frontière de la Californie et du Mexique. O.K.?
Ça, c'est ce qui se passe au Mexique. Et ça, c'est des
choses très importantes qu'il faut savoir quand on va rentrer dans tout
ce traité-là. Alors, si le système d'impunité n'est
pas corrigé, et si les droits humains et toutes ces choses-là...
eh bien, les salaires ne monteront pas.
Le Président (M. Dauphin): M. Lachance, vous voulez
ajouter quelque chose?
M. Lachance: Oui, deux choses. La première chose, c'est
qu'on assiste, au Mexique, à des baisses de salaire réelles
depuis une dizaine d'années. Donc, on n'est pas dans une situation de
hausse de salaires, mais plutôt de baisse de salaires.
La deuxième chose ce sera une réaction en
même temps aux propos du ministre tantôt, mais dans le cadre de la
question de M. Beaulne. C'est pour ça qu'on parle plus, nous, d'un pacte
de développement, du développement d'un espace communautaire
plutôt que de simplement parler d'un pacte commercial. Il y a des moyens
à mettre en place, et c'est vrai que ce n'est pas nécessairement
comparable, M. le ministre, la Communauté économique
européenne, le processus d'intégration et celui auquel on assiste
en Amérique du Nord et dans les deux Amériques. Ce n'est pas nous
qui avons fait cette comparaison-là, c'est le gouvernement
fédéral, mais ça nous a amenés à regarder
quelles mesures avaient été mises en place, justement, pour
hausser le niveau au Portugal et en Espagne, et on pense que dans un pacte de
développement où, pour la première fois, le Québec,
le Canada sont en mesure de développer leurs échanges commerciaux
avec le Mexique et bientôt avec le Chili, et bientôt avec la
Colombie de telles mesures, sans les calquer, en les adaptant à
notre réalité, de telles mesures permettront, non pas le
nivellement vers le bas, mais l'élévation du niveau de vie de
l'ensemble des populations, qu'elles soient mexicaines, canadiennes,
québécoises ou américaines. Dans ce sens-là, par
exemple, la mise en place... l'idée de la mise en place d'une banque
nord-américaine de développement, où l'ensemble...
où les pays du nord iraient de leur contribution, permettant au Mexique,
soit dans des programmes de formation professionnelle,
d'élévation de la qualification professionnelle des travailleuses
et des travailleurs mexicains, etc. Permettre aux Mexicains d'élever les
normes environnementales, ça prend de l'argent pour ça. Il y a
des milliards là-dedans. On pourrait commencer modestement, mais il y a
des moyens très concrets qui peuvent être mis en place.
Je termine en disant que c'est parce que tout ça peut être
mis en place et parce que M. Clinton a ouvert un espace en parlant
d'accord parallèle, mais sans dire ce qu'il y avait dedans qu'il
ne faut pas se précipiter dans la ratification de cet accord-là,
à ce moment-ci. Il faut profiter stratégiquement de la
période que nous avons devant nous pour faire monter les enchères
et améliorer cet accord. Si le gouvernement du Québec donne son
aval à la stratégie fédérale, quels pouvoirs de
négociation aurons-nous pour faire monter les enchères quand M.
Clinton mettra sur la table ce qu'il met sur l'environnement et les normes du
travail? Il ne faut pas être spécialiste en négociations
pour savoir qu'on est mieux de profiter de cette période-là pour
participer à cette négociation-là plutôt que d'avoir
dit: On a ratifié, nous autres, et réglez ça.
Après, on va laisser les Mexicains et les Américains dire ce
qu'ils pensent des normes du travail et de l'environnement ou de ce qui
pourrait être mis sur la table, mises à part ces deux
questions.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. Lachance.
Il reste seulement deux minutes et demie, et je sais que Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve aurait aimé poser des
questions aussi. Alors, deux minutes et demie à votre formation.
M. Beaulne: J'ai une dernière question rapide.
Vous avez une grande préoccupation pour l'environnement. Vous
avez une préoccupation pour l'environnement, d'ailleurs, comme l'a
démontré, également, le mémoire des caisses
Desjardins, hier. On semble oublier qu'au début des années
soixante-dix c'est assez curieux mais il y avait eu un projet de
conven-
tion, de contrôle des activités des multinationales qui
avait été mis de l'avant aux Nations unies, justement par le
Canada et le Mexique. À ce moment-là, c'était M.
Echeverria qui était président du Mexique, et Pierre Trudeau qui
était premier ministre du Canada.
Est-ce que vous pensez que ça serait le moment, peut-être,
de réactiver cette convention-là, puisque c'était
particulièrement le Mexique et le Canada qui en avaient
été les instigateurs?
M. Brodeur: II me semble que, sur cette question-là, il ne
faut refuser aucune des hypothèses, mais ce qui semble le plus
sûr, il me semble aussi, c'est que, à l'intérieur
même du traité actuel, il faut penser à des modifications
substantielles pour que les normes appliquées soient les plus
sévères et non pas les moins sévères, comme bas de
gamme, en fin de compte. Parce que ce qui se passe beaucoup, à l'heure
actuelle, c'est que beaucoup d'entreprises sont tentées d'aller du
côté du Mexique ou sont tentées de marchander auprès
des gouvernements, ici au nord, pour dire: Si vous ne nous laissez pas faire,
on va aller au sud. Et finalement, cette question de chantage là, il
faut la régler d'une certaine façon en ayant des règles
strictes de résolution de ces questions-là.
M. Beaulne: Merci.
Le Président (M. Dauphin): En une minute, Mme la
députée.
Mme Harel: Je pense que je préfère donner la parole
à M. Langlois. (11 h 20)
Le Président (M. Dauphin): D'accord. M. Langlois.
M. Langlois (Richard): Simplement ajouter quelques mots au sujet
de la question du nivellement, nivellement à la hausse ou à la
baisse.
C'est une question qui demeure ouverte à ce stade-ci, c'est
certain, mais il faut resituer ça dans le cadre de la guerre commerciale
des grands blocs à l'échelle mondiale. Les États-Unis,
l'ALENA, pour eux, c'est en grande partie une réponse à la perte
de vitesse que connaît leur économie, en termes de
compétitivité et de productivité par rapport aux grands
blocs européen et asiatique. Il n'est pas du tout évident
qu'à court terme ou à moyen terme le redéploiement de
l'économie américaine passe par le relèvement des
conditions au Mexique. D'ailleurs, de toute façon, on constate depuis
une dizaine d'années que la restructuration économique, les
effets qu'elle produit au Canada, aux États-Unis et au Mexique, c'est
une baisse des salaires réels dans les trois pays.
Mme Harel: J'aimerais quelques secondes...
Le Président (M. Dauphin): Malheureusement, c'est
terminé, Mme la députée.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Dauphin): C'est que nous avons
déjà débordé de 5, 10 minutes. À moins
que... C'est parce qu'on a une journée très chargée, moi,
ça ne me dérange pas.
M. Ciaccia: M. le Président, si j'avais du temps, je le
laisserais volontairement à Mme la députée...
Peut-être deux minutes, peut-être...
Le Président (M. Dauphin): ...à Mme la
députée.
Je regrette, c'est parce qu'on a déjà
dépassé notre temps de plusieurs minutes. Je sais qu'on pourrait
passer la journée là-dessus.
M. Paquette: On a une invitation pour la semaine prochaine,
alors, on poursuivra ça à ce moment-là. On vous
remercie.
Le Président (M. Dauphin): Moi, je n'ai pas d'objection,
sauf qu'on a encore cinq, six groupes, on va être en retard sur tout.
L'effet domino est là, hein? Ça va?
M. Ciaccia: Peut-être juste remercier... S'il n'y a pas
d'objection...
Le Président (M. Dauphin): À moins, Mme la
députée, que ce soit très court.
M. Ciaccia: Mme la députée...
Le Président (M. Dauphin): Très court,
réponse courte, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Elle est tellement sympathique. Allez-y, Mme la députée.
Mme Harel: Écoutez, avec le consentement du ministre...
Évidemment, j'aurais voulu vous interroger sur les programmes
d'adaptation, le PATA qui ne marche pas, les crédits d'impôt qui
ne fonctionnent pas comme ils auraient dû ce n'est que le tiers
qui a été dépensé sur les 100 000 000 $ qui avaient
été annoncés sur les modalités lors des
licenciements dans les cas de fermeture d'entreprises qui n'existent pas
encore. Je sais qu'avec le cas de Philips, vous les réclamez de toute
urgence, ce que l'Ontario même a, elle, mis en place depuis trois ans,
qui n'existe pas et qui permet des fermetures à rabais, ici, au
Québec, mais ce n'est pas de ça dont je parlerai, tout
simplement...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Je ne sais pas si vous avez pris connaissance d'un
document qui a été préparé par le ministère
de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle, qui s'intitule «Salaires et relations du travail dans un
contexte de libre-échange américain. La comparaison
Mexique-Québec», et ça date d'octobre 1992. C'est
extrêmement fouillé et ça indique je termine
là-dessus simplement que l'écart salarial s'est
creusé entre le Mexique et le Québec, le Canada et les
États-Unis, et qu'une rémunération horaire moyenne au sein
du secteur manufacturier, incluant toutes les charges sociales, équivaut
à 1,18 $ canadiens au Mexique, à 14,75 $ au Canada et 17,70 $ aux
États-Unis. Il va falloir pas mal de productivité pour combler
cet écart-là.
Le Président (M. Dauphin): Ça va? Alors, je vous
remercie.
M. le ministre, 30 secondes.
M. Ciaccia: Je veux vous remercier sincèrement parce que
je crois que les différences qui peuvent exister entre nous sont des
différences d'interprétation. Ce ne sont pas des
différences d'objectifs, et, ce que je voudrais faire avec vous, c'est
de créer, vraiment, un partenariat non seulement pour dire: On va
conquérir de nouveaux marchés, mais il faut aussi être
très préoccupé par la qualité de vie de ceux qui
seront affectés, que ce soit ici ou que ce soit au Mexique.
Pour votre information, les négociations trilatérales
commencent le 17 mars, et peut-être que c'est une occasion pour nous,
vraiment, d'avoir des suggestions très intéressantes en termes de
l'environnement, en termes des normes de travail. Alors, il me fera grand
plaisir de vous rencontrer et de poursuivre ces objectifs avec vous, et je vous
remercie encore une fois.
M. Paquette: Pour votre information, à la fin mars, on va
tous à Washington, les quatre coalitions, faire pression sur le
Congrès américain. Alors, c'est pour vous dire qu'on suit
ça de proche.
Le Président (M. Dauphin): Merci.
Alors, messieurs, merci d'avoir accepté notre invitation. On
s'excuse, nous aurions pu passer la journée au complet, c'était
très intéressant. Bon retour!
Nous suspendons trois minutes et, en attendant, nous demandons à
la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante de
s'installer à la table des invités.
(Suspension de la séance à 11 h 24)
(Reprise à 11 h 31)
Le Président (M, Dauphin): ...reprendre, et c'est avec
plaisir que nous accueillons la Fédération canadienne de
l'entreprise indépendante, représentée par M.
Michel Décary, qui est vice-président, et M. Pierre
Cléroux, qui est économiste principal.
Alors, bienvenue, messieurs. Alors, nous avons une période d'une
heure, normalement, 20-20-20, un tiers, un tiers, un tiers, pour,
premièrement, procéder à votre exposé dans le
premier tiers.
Bienvenue.
Fédération canadienne de l'entreprise
indépendante (FCEI)
M. Décary (Michel): D'accord. Merci, M. le
Président.
Comme groupe représentant les petites entreprises, nous avons
constaté que l'on considère souvent que les questions
d'échanges commerciaux avec l'étranger sont bien plus du domaine
des grandes entreprises. C'est toutefois moins le cas aujourd'hui, c'est moins
vrai que jamais, si jamais ça a été le cas. Nous
constatons que beaucoup de PME membres de la Fédération exportent
activement de leur propre chef, et qu'elles ont aussi des liens divers avec des
grandes entreprises, elles-mêmes exportatrices. On commence, en
général, à reconnaître dans les études qu'un
secteur de la petite entreprise compétitif et flexible est un rouage
essentiel de toute l'économie compétitive sur la scène
internationale. Nous constatons maintenant que l'on reconnaît de plus en
plus que le secteur des petites entreprises contribue au commerce
international, à la fois directement et indirectement.
Dans tous les sondages que nous avons effectués auprès de
nos membres au sujet des questions commerciales, nous avons constaté
qu'ils sont en général favorables à l'ouverture des
relations commerciales. Nous avons constaté aussi que, si les
propriétaires des petites entreprises appuient la libéralisation
du commerce, c'est parce qu'ils comptent plus sur les forces du marché
que sur l'interventionnisme des gouvernements ou sur l'attente de
retombées directes, tangibles sur elles, qui découleront d'une
réduction des obstacles au commerce ou de l'ouverture des arrangements
commerciaux. Et, croyez-moi, sur les questions entourant l'Accord de
libre-échange avec les États-Unis et l'ALENA, notre
Fédération a fait plusieurs sondages depuis 1988.
Je vais demander, maintenant, à notre économiste
principal, M. Cléroux, de vous présenter les résultats qui
se dégagent de tout ce travail de consultation, ainsi que les
interprétations qu'on en fait.
Le Président (M. Dauphin): M. Cléroux.
M. Cléroux (Pierre): Merci, Michel.
Pour ce qui est de l'Accord de libre-échange
CanadaÉtats-Unis, les premières études que nous
avons effectuées en 1988, avant même la mise en oeuvre de
l'Accord, ont révélé que beaucoup de nos membres
étaient en faveur de l'ALE. Nous avons procédé à un
sondage au début de 1991, donc, environ deux ans après
l'entrée en vigueur de F ALE, simplement pour déterminer
ce qu'on pensait de la situation jusqu'à ce moment-là. Nos
premiers résultats ont révélé que nos membres
appuyaient fermement l'accord bilatéral. J'admets que, deux ans plus
tard, le stade du cycle économique et beaucoup d'autres facteurs ont
changé. Chose intéressante, toutefois, nos membres appuient
toujours fermement le libre-échange avec les États-Unis,
même dans des conditions difficiles. Curieusement, les petites
entreprises appuyaient quand même l'Accord de libre-échange,
malgré des facteurs négatifs comme la montée très
rapide du dollar canadien, des taux d'intérêt élevés
au Canada, qui, à un moment donné, ont dépassé les
taux américains de 6 points de pourcentage; malgré, aussi, un
niveau d'imposition généralement plus élevé au
Québec et la mise en oeuvre d'une nouvelle taxe très
coûteuse la TPS ainsi que la réforme de la TVQ, qui
se sont révélées particulièrement
dévastatrices pour les capacités des PME de profiter de l'Accord
de libre-échange avec les États-Unis. Nous avons conclu que les
petites entreprises attribuaient à juste titre leurs difficultés
de l'époque aux politiques budgétaires et monétaires des
gouvernements plutôt qu'à leurs politiques commerciales. Il ne
faut pas oublier, non plus, qu'un ralentissement mondial du cycle
économique est loin d'avoir aidé.
En ce qui a trait à l'ALENA, nos membres étaient d'avis
que la position du Canada était radicalement différente, à
l'aube de l'ALENA, de ce qu'elle était dans le cas de l'accord
bilatéral. D'abord, nous avons été des observateurs au
cours des négociations. Nous étions la cinquième roue du
carrosse, et les négociations étaient dirigées par les
deux autres parties.
Beaucoup d'autres groupes, au Québec et au Canada, croyaient que
le Canada ne devait même pas être partie de ces
négociations. Nous avons posé la question à nos membres.
Malgré les doutes qu'avaient les petites entreprises en
général, elles auraient peut-être
préféré qu'on amorce les négociations sur l'ALENA
à un autre moment. Nous avons constaté que la majorité de
nos membres souhaitaient que le Canada participe aux négociations. nous
avons effectué un autre sondage, en avril 1991, pendant les
négociations. nous avons demandé aux entreprises de
préciser les répercussions qu'aurait probablement sur elles un
accord de libre-échange nord-américain. les avis étaient
partagés entre les entreprises qui croyaient que les retombées
seraient positives et celles qui étaient d'avis qu'elles seraient
négatives. environ 16 % des entreprises croyaient que l'accord aurait
une incidence favorable, et 23 %, environ, prévoyaient une incidence
défavorable; un peu plus de 34 % ne prévoyaient aucun impact, et
plus de 25 % étaient indécises. contrairement à ce que
nous avons vu dans le cas de l'accord bilatéral, nous avons
constaté que des petites entreprises croyaient qu'un accord
trilatéral aurait sur elles des retombées négatives,
plutôt que positives.
Le secteur des petites entreprises était encore en train de
s'adapter à l'Accord bilatéral à ce moment-là, sans
oublier que nous étions au beau milieu d'une récession
très grave et qu'on venait tout juste de nous imposer la TPS. C'est
pourquoi nos membres voyaient plutôt d'un mauvais oeil les
négociations sur l'ALENA. nous avons poursuivi des sondages
auprès de nos membres pendant les négociations sur l'alena. on a
fini par conclure un accord. curieusement, nous avons constaté que de
plus en plus de nos membres voyaient l'alena d'un oeil favorable. comme je l'ai
mentionné plus tôt, nous avons effectué notre sondage en
décembre 1992. nous avons alors interrogé plus de 700 pme
québécoises. plus de 18 % d'entre elles croient, maintenant, que
l'incidence de l'accord sur leur entreprise sera favorable; 17 % croient
qu'elle sera défavorable; 50 % ne s'attendent à aucune incidence,
et presque 15 % sont toujours indécis. nous avons aussi demandé
à nos membres pourquoi ils appuyaient l'accord ou s'y opposaient. chez
les répondants qui souhaitent que le gouvernement signe l'accord, plus
de 67 % donc, il y a 67 % de nos répondants qui pensent que
l'accord devrait être signé la raison principale est la
suivante: ils croyaient que les investissements au canada fuiraient aux
états-unis si le canada ne signait pas l'accord. les résultats
d'autres recherches que nous avons effectuées au sujet de l'alena
confirment cette attitude; un grand nombre des motifs que les petites
entreprises invoquent pour appuyer l'accord ont tendance à être de
nature défensive parce qu'on croit, en général, que
l'accord sera mis en oeuvre avec nous ou sans nous. nous ne pouvons donc nous
permettre de ne pas y être partie, ne serait-ce que pour nous
défendre ou pour limiter les dommages.
Le deuxième motif par ordre de fréquence et
là encore, il s'agit en quelque sorte de limiter les dommages est
le suivant: On croit que l'adhésion du Canada à l'ALENA
entraînera des changements dans l'économie et améliorera la
compétitivité canadienne et québécoise. Nos membres
ne croient plus que les gouvernements puissent promouvoir la
compétitivité, et ça, c'est regrettable. Ils
préfèrent de loin les solutions du marché, même si
elles peuvent être douloureuses. Beaucoup de nos membres de la
Fédération m'ont dit que l'Accord leur fera peut-être mal
à court terme, mais qu'ils croient que c'est la solution à long
terme. Autrement dit, les intéressés sont disposés
à subir les contrecoups de l'Accord à court terme afin de hausser
la compétitivité nationale.
Sur une note plus positive, un autre pourcentage important des
répondants croient que la signature de l'ALENA augmentera les
exportations, stimulera l'investissement et la création d'emplois au
Québec et au Canada. pour ce qui est du dernier choix, l'option
mentionnée le moins souvent un peu plus de 27 % par les
répondants croit que l'alena offre au canada des
améliorations par rapport à l'accord de libre-échange
bilatéral. parmi les 17 % des répondants qui s'opposaient
à la signature de l'alena, un peu plus de 80 % croyaient que
l'adhésion du canada entraînerait des fermetures d'usines, des
déménagements et des pertes d'emplois. plus de la moitié
des répondants croyaient qu'à la suite de la mise en oeuvre de
l'alena les produits canadiens et québécois auraient plus de
difficulté à faire concurrence sur les marchés
étrangers et intérieurs. en outre, 42 % ne croyaient pas qu'il y
aurait suffisamment à gagner sur le plan des exportations pour justifier
l'adhésion à l'alena. enfin, 45 %, environ, croyaient que le
moment était mal choisi, à cause de la récession en cours,
pour procéder à des négociations commerciales. (11 h
40)
Quant à l'expérience qu'ils ont de l'entente
bilatérale, les petites entreprises ont appuyé l'Accord, mais se
sont rendu compte, après sa mise en oeuvre, que d'autres politiques
gouvernementales nuisaient considérablement à leur
capacité de tirer partie des possibilités que leur a offert
l'Accord bilatéral. nous avons voulu savoir, ensuite, si l'appui
accordé par les petites entreprises à l'alena était
jumelé à une confiance un peu plus grande, si elles croyaient que
les politiques gouvernementales les aideraient davantage, cette fois, à
faire face à la situation. vu leur expérience à la suite
de l'ale, nous n'avons pas été étonnés de constater
que seulement 9 % des propriétaires de petites entreprises croient que
les politiques gouvernementales leur permettront de tirer partie des
débouchés de l'alena. environ 58 % croient que les politiques
gouvernementales nuiront probablement à leur capacité de tirer
partie de l'accord commercial, tandis que 33 % demeurent indécis
à ce sujet. ce qui peut étonner, en l'occurrence, c'est la
tendance masochiste des petites entreprises; même si elles s'attendent
à ce que les politiques gouvernementales leur nuisent, elles appuient
toujours l'accord.
Lorsque nous avons comparé l'attitude de nos membres face
à l'Accord de libre-échange bilatéral par rapport à
ce qu'ils pensent de l'Accord trilatéral, nous avons constaté des
similitudes et des différences. Comme je l'ai dit plus tôt, les
petites entreprises sont, en général, favorables à
l'ouverture des arrangements commerciaux, et ce thème est demeuré
constant dans les résultats de nos sondages.
En ce qui a trait à l'incidence des accords sur chaque entreprise
en particulier, nous avons constaté qu'il y a de profondes
différences entre l'ALENA et l'ALE. Nous croyons qu'elles sont
attribuables, pour la plupart, au fait que le marché mexicain n'absorbe
tout simplement pas beaucoup d'exportations du Québec, et que nous
n'importons pas beaucoup, non plus, du Mexique, pour le moment. Comme le
marché américain est le principal débouché du
Québec, l'incertitude est plus grande chez les petites entreprises qui
croient beaucoup plus que l'ALENA, contrairement à l'ALE, n'aura aucune
incidence sur leur entreprise.
En outre, beaucoup de nos membres exportent activement aux
États-Unis, tandis qu'ils connaissent beaucoup moins le Mexique. C'est
pourquoi l'incertitude est plus grande chez eux, et ils croient davantage que
l'ALENA ne les affectera pas beaucoup.
En terminant, je dirai que les petites entreprises semblent croire qu'il
est fort probable que l'ALENA se concrétisera sous peu, malgré
qu'il n'ait pas encore franchi l'étape législative au Canada et
aux États-Unis.
En outre, si les législateurs approuvent l'ALENA, on parle
déjà de conclure des accords du même genre avec d'autres
pays. On pourrait, un jour, finir par créer une zone de
libre-échange qui regrouperait l'Amérique du Nord et
l'Amérique du Sud. Ces possibilités ont suscité des
réactions favorables, en général, mais je crois que
certaines mises en garde s'imposent.
Dans le cas de l'ALE, nous avons constaté que les gouvernements
québécois et canadiens ont compté énormément
certains diraient uniquement sur l'ALE pour qu'il catalyse
l'adaptation structurelle dans le milieu des affaires sans assurer, toutefois,
qu'il existait d'autres politiques pour faciliter ses adaptations. Les
politiques budgétaires, et les politiques monétaires en
particulier, ont nui considérablement à la capacité des
entreprises de s'adapter à l'ALE parce qu'elles ont créé
un contexte d'impôt élevé et de taux de change
élevé qui a pipé les dés contre la
compétitivité des entreprises.
L'incapacité des provinces canadiennes de s'entendre sur la
réduction et l'élimination éventuelle des obstacles au
commerce interprovincial malgré les preuves qui démontrent
les dommages causés par de tels obstacles demeure aussi une honte
nationale. Alliés au grave ralentissement du cycle économique,
ces facteurs ont presque garanti, en fait, que l'adaptation à l'ALE
serait aussi difficile que possible pour les PME du Québec. Nous croyons
que le défi pour les décideurs québécois et
canadiens consiste à ne pas nous faire revivre l'expérience de
l'ALE, même si, à notre avis, la situation n'est pas la
même, étant donné que notre économie n'est pas aussi
intégrée avec l'économie mexicaine qu'avec
l'économie américaine.
Au cours de la dernière année, nous avons
été témoins d'événements
intéressants, comme le déclin du taux de change par rapport au
dollar américain. Par ailleurs, les situations fiscales
québécoise et canadienne se sont encore
détériorées.
Si on veut que les petites entreprises québécoises
obtiennent les résultats qu'on pense possibles dans un cadre plus
libéral d'échanges commerciaux, les gouvernements doivent
commencer à se pencher au moins autant sur le cadre de politique
intérieure que sur son harmonisation avec des initiatives commerciales.
Notre expérience, à ce jour, montre que des torts sérieux
peuvent être causés si les gouvernements s'en remettent presque
exclusivement à des initiatives commerciales pour provoquer d'autres
changements dans l'économie, et qu'il est risqué d'adopter des
politiques intérieures et
commerciales qui soient aussi radicalement opposées les unes les
autres.
Maintenant, on va répondre aux questions.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, messieurs, pour
votre exposé.
M. Cléroux: Merci.
Le Président (M. Dauphin): Nous débutons la
période d'échange en reconnaissant tout d'abord M. le ministre
des Affaires internationales.
M. Ciaccia: Alors, merci beaucoup, M. le Président.
Je veux vous remercier pour votre mémoire, et je vous remercie de
nous avoir présenté des données qui sont assez
intéressantes en ce qui concerne l'appui de l'ALENA et aussi les
craintes que certains de vos membres semblent avoir.
Mais je suis heureux, aussi, de voir que, dans l'ensemble, les PME sont
plutôt favorables à l'entente du libre-échange
nord-américain. Les diverses initiatives gouvernementales, notamment le
plan d'action Québec-Mexique, je crois, va améliorer
l'encadrement et la préparation des PME.
Il y a une statistique que vous m'avez donnée qui m'a un peu
surpris. C'est celle qui dit que vous avez seulement 9 % de vos membres qui
croient que les politiques gouvernementales peuvent les aider. Est-ce que vous
avez des motifs ou des raisons qui justifient cette inquiétude.
Peut-être... Est-ce que vous pourriez élaborer, un peu, sur cet
aspect-là?
M. Décary: II y a un...
Le Président (M. Dauphin): M. Décary.
M. Décary: II y a un certain pessimisme dans le milieu des
affaires concernant les politiques gouvernementales, en ce qui concerne la
taxation et la politique monétaire. C'est sûr qu'une bonne partie
de ces problèmes-là sont reliés au gouvernement
fédéral, non pas à celui du Québec. On pourrait
mentionner trois grandes catégories de problèmes: c'est avec les
taux d'intérêt, taxation élevée du côté
fédéral et taxation élevée du côté
provincial. Ce qui veut dire que deux tiers des plus gros problèmes sont
reliés au gouvernement fédéral. L'autre tiers, c'est
possible que le prochain sondage sera plus favorable, étant donné
la réalisation que le gouvernement du Québec fait que la
taxation, maintenant, atteint un point de saturation et que les efforts du
gouvernement, de ce côté-là, vont améliorer la
situation. C'est notamment l'exercice de vos collègues du Conseil du
trésor et des Finances qui pourrait corriger ce
problème-là. Peut-être que M. Cléroux
pourrait...
M. Cléroux: Juste pour spécifier.
Ce que les entreprises disent, finalement, c'est que: Oui, on est pour
l'Accord de libre-échange, mais on veut qu'on ait les outils. Si, par
exemple, on négocie un accord de libre-échange, mais, en
même temps, on a la réforme Ryan qui augmente la fiscalité
des entreprises québécoises, en même temps, on a la TPS qui
ajoute un fardeau administratif incroyable. Je sais que la TPS pourrait
être vue comme utile à l'exportation, sauf que, pour les petites
entreprises, le fardeau administratif a été tellement
élevé qu'on a perdu les avantages des crédits sur les
intrants, particulièrement au Québec, où on a une
situation TPS-TVQ, qui ont des règles différentes, et même
la définition de crédit aux intrants est différente. Donc,
finalement, c'est essentiellement ça qu'on dit. C'est que: Oui, on est
en faveur du libre-échange, sauf qu'on veut que les gouvernements soient
conséquents. On veut aussi qu'on nous facilite... On ne demande pas de
subvention, et ça, c'est très, très important. On ne
demande pas de subvention; on demande juste de nous faciliter la tâche,
de créer un environnement compétitif et dynamique.
M. Ciaccia: Je présume que vous avez fait ces
représentations-là aussi au gouvernement fédéral,
mais en plus des questions de taxation puis, je suis entièrement
d'accord avec vous quand on regarde l'approche américaine, la
taxation, en termes d'être compétitifs et de permettre aux
entreprises d'avoir les moyens de créer des emplois, je crois que c'est
un problème. Il faut examiner quel niveau. (11 h 50)
Mais en plus de la question de taxation et de politique
monétaire, est-ce qu'il y a d'autres programmes ou d'autres choses que
le gouvernement du Québec pourrait faire pour inciter et encourager et
aider les PME à s'impliquer dans l'international?
M. Cléroux: Je pense que c'est plutôt ce que...
comment je pourrais dire? Ce n'est pas ce que vous pourriez faire, mais ce que
vous pourriez ne pas faire. Le problème et ça, je sais,
à chaque fois que je dis ça, les gens ne croient pas ça;
mais il y a beaucoup d'études qui ont été faites au Canada
et au Québec, particulièrement par l'Université de
Trois-Rivières, qui a un secteur très développé
d'études sur les PME, et qui démontrent que le problème no
un pour les PME, au Québec, qui démarrent, ce n'est pas le manque
de financement, ce n'est pas la taxation, c'est le fardeau administratif, la
paperasserie administrative. Et ça, ça m'a toujours
épaté de voir que le gouvernement ne fait pas d'effort dans ce
sens-là, parce que c'est peu coûteux de réduire ce fardeau
administratif là, et en passant, les PME, au Québec, semblent...
se plaignent, plus que partout ailleurs au Canada, de ce fardeau-là.
Donc, pour vous donner un exemple très concret là,
on ne parle pas du secteur manufacturier mais à Montréal,
si vous voulez avoir un restaurant, vous avez besoin de neuf permis
différents. Vous
avez besoin d'un permis pour vendre des cigarettes; si vous vendez des
cigarettes dans une machine distributrice, vous avez besoin d'un permis
supplémentaire pour cette machine-là; si vous avez un plancher de
danse, vous avez besoin d'un permis pour ça; si vous avez une enseigne
dehors, vous avez besoin d'un permis; si vous avez une enseigne lumineuse, vous
avez besoin d'un permis différent. C'est ridicule. C'est aussi simple
que ça: c'est ridicule! Et ça, c'est un exemple frappant.
Je pourrais vous donner des exemples comme ça pendant des heures,
et, encore une fois, ce n'est pas des subventions dont ces gens-là ont
besoin, c'est d'être libérés de ces fardeaux administratifs
là, et ça, c'est un fardeau important.
M. Ciaccia: D'autres intervenants ont apporté le
même problème à notre attention.
Alors, je vous remercie pour le moment. Je pense que je vais donner la
chance à mes autres collègues de vous poser des questions.
Le Président (M. Dauphin): M. le député de
Bertrand; ensuite, M. le député d'Iberville.
M. Beaulne: Merci, M. le Président.
J'ai été un peu surpris, effectivement, de lire le
résultat de vos différents sondages. Ma première question
est toute simple: À quoi attribuez-vous la baisse d'appui de vos membres
à l'association de libre-échange nord-américain, par
rapport au premier traité qui avait été conclu avec les
États-Unis? À quoi expliquez-vous cette baisse de support pour le
mouvement de libéralisation des échanges, dans un sondage
antérieur, par rapport au sondage le plus récent que vous avez
fait?
M. Décary: C'était surtout grâce au contexte
économique qui avait changé de façon assez importante
depuis la conclusion du premier accord. C'est ça qui explique la plus
grande différence.
M. Cléroux: Juste pour spécifier, si vous regardez
l'évolution du dollar canadien et des taux d'intérêt
après l'adoption du libre-échange canadien, l'histoire est
là: Le dollar s'est mis à monter de plus en plus. Ce n'est pas
qu'on veut avoir un dollar bas pour avoir un dollar bas, pour nous permettre
d'exporter. Tout ce qu'on demande, c'est que le dollar reflète la
productivité québécoise et canadienne. Donc, on veut que
notre dollar reflète notre capacité de concurrencer; c'est
ça que le dollar devrait faire et, si on le laissait fluctuer, c'est
ça qu'on aurait. On aurait peut-être un dollar à 0,75 $,
peut-être à 0,70 $, mais c'est ça qui est notre
compétitivité sur le niveau mondial. Donc, la raison, c'est: La
récession n'a pas aidé, mais aussi, les PME disent: Oui, l'Accord
de libre-échange, c'est bien beau, mais il faut aussi nous donner les
outils. Si vous nous donnez un accord de libre-échange, mais que vous
augmentez le dollar ou que vous augmentez les taux d'intérêt, de
sorte que le dollar devient beaucoup plus élevé
surévalué c'est impossible pour nous d'être
concurrentiels, et c'est pour ça que l'appui est moins important.
Une autre raison, évidemment, c'est que les PME, au
Québec, se sentent beaucoup moins touchées par le commerce avec
le Mexique qu'avec les États-Unis. Donc, l'intérêt: non
seulement l'appui est moins important, mais l'intérêt est beaucoup
moins important face à cet accord-là qu'avec l'Accord
bilatéral.
M. Beaulne: Et vous avez... enfin, une grande partie de votre
mémoire porte sur la mise en garde, aux deux niveaux de gouvernement,
concernant l'incohérence ou l'inconsistance des programmes aux deux
paliers de gouvernement. Vous avez un peu abordé la question de la
fiscalité, la question de la taxation, mais, en plus de la question de
la taxation, est-ce qu'il y a d'autres secteurs où vous voyez qu'il y a
lieu à amélioration de la coordination des activités entre
le fédéral et le provincial, pour tirer le maximum d'avantages de
l'entente?
M. Décary: On a fait des sondages sur ce genre de
questions là, pas directement reliés à l'Accord de
libre-échange, mais sur la perception de nos membres quant à
l'efficacité gouvernementale. On a demandé aux gens s'ils
croyaient qu'on avait trop de gouvernement au Canada ou trop d'activités
gouvernementales. La réponse était oui, et très
majoritairement, et à ceux qui ont répondu oui, on leur a
demandé où les coupures devraient être faites, et,
curieusement, nos membres ont indiqué presque autant de coupures au
niveau de programmes provinciaux que de programmes fédéraux. Ce
que les gens veulent, c'est moins de gouvernement, une plus grande
harmonisation, et, là-dessus, les domaines ne sont pas trop
spécifiques. On n'est pas rendus encore à cette
étape-là, disons, de sondages auprès du membership. C'est
sûr qu'ils veulent une meilleure gestion gouvernementale, qu'il y ait
moins de domaines partagés, mais on ne peut pas encore spécifier
lesquels.
M. Cléroux: Juste pour donner un exemple. Je reviens
à mon exemple. Ça, c'est un exemple précis, incroyable.
C'est la TPS et la TVQ. On a, pas par souci d'économie non plus, parce
que si on avait un système parfaitement harmonisé de TPS et de
TVQ, le gouvernement du Québec, le gouvernement du Canada et les
entreprises du Québec sauveraient de l'argent. Donc, on ne parle pas
qu'on demande de l'argent au gouvernement, mais on a créé
parce qu'on a créé deux systèmes non harmonisés,
parce qu'on a des règles différentes, parce qu'on a des
définitions sur les intrants qui sont différentes on a
créé une complexité qui est coûteuse pour tout le
monde, et ça, c'est ça qu'on veut éviter. C'est ça
qu'il faut éviter dans le futur; c'est que, souvent, on crée la
complexité. On est un pays riche et on s'imagine qu'on a les moyens de
se payer ça. Ce que
je vous dirai, c'est qu'on est de moins en moins riche et on a de moins
en moins les moyens de se payer des choses complexes, des systèmes
complexes comme ça.
Le Président (M. Dauphin): Merci. Alors, M. le
député d'Iberville. Ensuite, Mme la députée de
Hochelaga-Maison-neuve.
M. Lafrance: Oui, merci, M. le Président.
MM. Cléroux et Décary, j'aimerais d'abord vous remercier
de votre présence aujourd'hui. En tant que, entre autres,
ex-propriétaires d'une PME, je me réjouis de votre
présence ici, parce que ce qu'on entend, normalement, dans le cadre de
ces commissions parlementaires, ce sont, la majorité du temps, les
organismes, les grands organismes, qui représentent les entreprises, les
grandes entreprises, qui représentent le monde syndical, qui
représentent aussi les corporations professionnelles. Mais on a
très peu la chance d'entendre des représentants des PME, et,
encore ce matin, M. Gérald Tremblay, ministre de l'Industrie, du
Commerce et de la Technologie, nous sensibilisait, nous, les
députés ministériels, sur son concept des grappes
industrielles et aussi sur l'importance, justement, et la difficulté de
rejoindre les PME; les PME qui doivent s'associer à cette synergie
économique et industrielle, et comment il est difficile de vous
rejoindre, vous, qui, pourtant, représentez à moins que je
me trompe plus de 80 % des emplois au Canada et aussi, il va de soi, au
Québec.
Soyez assurés...
M. Décary: Des nouveaux emplois. (12 heures)
M. Lafrance: ...que je partage vos vues sur les fardeaux
administratifs imposés aux PME, en tant qu'ex-propriétaire
comme je l'ai dit d'une PME. Dans ce sens-là, j'ai visité
en début de semaine, à leur invitation, dans mon coin, un
regroupement d'érabliè-res. Vous me direz que ça ne touche
peut-être pas l'exportation, mais quand même, c'est symptomatique,
puisqu'ils se sont imposés de la même façon que toutes les
petites entreprises le sont, et ils m'ont remis une liste, ici, des permis qui
leur sont imposés: nouveau permis 1992, pour manutention des aliments;
permis du ministère du Tourisme pour être reconnu comme
établissement touristique; des panneaux touristiques sur l'autoroute
leur coûtent 9000 $ par année, etc.; les taxes foncières
qui ont augmenté; le permis d'alcool; les taxes scolaires qui ont
augmenté; le taux de la CSST, aussi, qui a augmenté
considérablement, et on pourrait certainement ajouter à ça
les taxes municipales. Ça, ce sont des faits, des réalités
auxquelles font face nos PME et, malheureusement, il y a un manque
d'harmonisation qui fait très mal aux PME, qui doivent débourser
au lieu de pouvoir investir dans la capitalisation.
Pour revenir spécifiquement au sujet qui nous intéresse,
soit l'ALENA, j'ai remarqué, dans votre mémoire, que vous avez
sorti des statistiques que j'ai trouvées intéressantes. vous
indiquez que le nombre d'entreprises qui voient des aspects positifs à
la libéralisation des échanges entre le canada et les
états-unis a été en progressant, selon les sondages, et
vous mentionnez 36,4 % à 39,5 % à 45 %, même. qu'est-ce
qui, selon vous, justifie ces pourcentages encourageants?
M. Cléroux: En ce qui concerne l'ALENA? Je pense que c'est
une... Les premiers sondages qu'on a faits, la récession était
très profonde. Donc, je pense qu'il y a un élément... Le
dernier sondage a été fait en décembre 1992, et je pense
que les gens étaient plus optimistes face au cycle économique,
à ce moment-là, qu'ils ne l'étaient au début.
Aussi, je pense que, le fait qu'au tout début des premiers sondages on
avait moins d'information sur l'ALENA, on ne savait pas si c'était pour
se réaliser ou quoi que ce soit, et je pense que ça, c'est un
élément important aussi. Les gens, les propriétaires
d'entreprises, en ayant plus d'information, se sont aperçus que l'ALENA
était pour bonifier l'entente bilatérale, et, pour eux,
c'était important parce que, comme je le disais, il y a beaucoup de PME
au Québec qui ont beaucoup de liens avec le marché
américain et, pour elles, c'était important que l'ALENA, tout au
moins, ne touche pas ou améliore, mais ne détériore pas
l'entente bilatérale qui existait. Je pense que c'est ces
facteurs-là qui expliquent l'augmentation des gens qui sont en
faveur.
M. Lafrance: Alors, je vous remercie.
Encore une fois, j'aimerais réitérer l'importance,
justement, de rejoindre les PME, et vous êtes certainement un organisme
qui, dans ce sens-là, peut aider le gouvernement à sensibiliser
les propriétaires des PME qui, bien souvent, aux prises,
quotidiennement, avec leurs problèmes particuliers, oublient de
s'inscrire dans cette synergie et de s'associer aux efforts que fait le
gouvernement.
Merci.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député.
Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Alors, merci, M. le Président.
Il me fait plaisir d'avoir l'occasion d'échanger avec les
représentants de la Fédération canadienne de l'entreprise
indépendante, sur le mémoire.
Vous parlez, à la page 5 de votre mémoire, d'une sorte de
froideur plus grande du Québec en regard des entreprises canadiennes.
Moi, je me suis demandé, en vous écoutant, dans quelle mesure vos
membres ont ou n'ont pas le sentiment que le gouvernement a été
de leur côté pour traverser la première phase de l'Accord.
J'aimerais également savoir si, à ce moment-ci, vous avez fait un
bilan de ce que la SDI a fait ou n'a pas fait et ce que vous souhaiteriez
qu'elle fasse, dorénavant.
M. Cléroux: Je pense que ça revient un peu à
des éléments qu'on touchait tantôt. Je pense que c'est la
grande déception des entreprises face à l'entente
bilatérale: c'est qu'on s'est aperçu que le gouvernement ne nous
a pas supportés, et, dans ce sens-là, ce n'est pas supporter en
termes de subvention, mais supporter en termes de créer un environnement
compétitif dynamique. Comme je l'ai dit, dans le même temps qu'on
signe un accord de libre-échange, on nous fait la réforme Ryan
qui augmente le fardeau fiscal des entreprises de 400 000 000 $, on nous impose
une TPS qui est non harmonisée, donc qui crée une
complexité administrative incroyable, etc., les permis qui deviennent de
plus en plus nombreux et qui sont non seulement un fardeau financier, mais
administratif. Donc, pour le propriétaire d'entreprise, c'est qu'on a
deux langages. C'est qu'on nous dit, finalement: On va faire un accord de
libre-échange et on va vous imposer d'être compétitifs.
Vous n'aurez pas le choix. Si vous voulez survivre, vous devez être
compétitifs. Et ça, les gens n'ont pas de problème avec
ça; les gens croient fermement que c'est possible de créer des
produits et des services au Québec et de les vendre à
l'extérieur. Ces gens-là, c'est pour ça qu'ils sont en
affaires, sauf qu'ils veulent que, tout au moins, on ne leur nuise pas. Et,
dans ce sens-là, ces gens-là se sont sentis totalement
délaissés par les deux niveaux de gouvernement. Le chiffre de 9 %
est très significatif dans le sondage.
Mme Harel: Alors je concluerai, M. le Président
je comprends donc que vos membres n'attendent pas que le gouvernement
les aide, mais, au moins, qu'il ne leur nuise pas.
Une voix: Exactement. Mme Harel: Merci.
Le Président (M. Dauphin): Merci, Mme la
députée.
M. le député de Labelle.
M. Léonard: Merci. Bonjour. je voudrais aborder une autre
question. il y a eu une réforme de la fiscalité importante au
canada et au québec tps, tvq qui fait que les taux de
taxes sont de 15,5 %, 15,56 % sur la production lorsque le client
achète. ça a été fait au moment où on
signait l'accord de libre-échange. est-ce que, selon vous, c'est de
nature à pénaliser, dans la mesure où il y a des taux de
taxes qui s'appliquent... ça ne s'applique pas sur les exportations,
normalement, mais est-ce que tout est correct, là-dedans? est-ce que
toutes les exemptions sont faciles à aller chercher? vous avez
parlé des difficultés, de la lourdeur administrative et
bureaucratique qui est derrière ça. est-ce que, sur le plan des
exportations et de l'accord de libre-échange, il y a des impacts d'avoir
fait cette réforme à ce moment-là?
M. Décary: Je pense que la réforme fiscale, il y a
un aspect qui était positif...
M. Léonard: La TPS, là.
M. Décary: ...en enlevant la taxe au manufacturier...
M. Léonard: C'est ça.
M. Décary: ...c'était, évidemment, une
mesure qui encourageait l'exportation. Cependant, la façon dont la
réforme a été faite, le fait que ça n'a pas
été harmonisé avec les provinces, le fait que le taux
était si élevé a été de nature à
décourager nos consommateurs, ici, au Canada et, notamment, au
Québec. Ça a encouragé un tas de
mini-phénomènes ou maxi, dépendant de votre point
de vue: le magasinage transfrontalier a augmenté; la consommation
locale, dans tous les domaines, a baissé. Ça, ça a
perturbé le marché, de sorte que c'est difficile de voir à
quel point...
M. Léonard: Sur le plan touristique? M. Décary:
...on a manqué des chances.
M. Léonard: Sur le plan touristique, par exemple, est-ce
que vous considérez que ça a pu amener beaucoup de
Québécois à aller à l'étranger plutôt
que de rester ici ou à faire... en tout cas, des... à prendre des
décisions, en termes de jugement comparatif, sur différentes
alternatives de voyages?
M. Décary: Comme on l'a mentionné dans notre
mémoire, quand les autres politiques, autres que le commerce
international, ne sont pas développées en vue de faciliter nos
pénétrations du marché, et qu'il y a eu beaucoup de
changements dans tous les domaines politiques, c'est sûr que ça a
des impacts, mais on ne peut pas les quantifier exactement. C'est sûr que
le domaine touristique a été affecté à cause des
taxes élevées. Ça a encouragé, peut-être,
certains Québécois à chercher ailleurs. Ça a
découragé les étrangers de venir chez nous. Mais il y a eu
une foule d'autres impacts sur la consommation d'alcool, de tabac, etc., tout
le monde est au courant des effets que ça a eu sur les dépanneurs
et tout le commerce du tabac, au Québec. C'est ça qu'on veut dire
quand on parle du besoin d'avoir des politiques dont l'intention est de
faciliter la tâche pour tout le monde, de profiter, justement, d'une
entente commerciale si importante et qui aurait pu donner beaucoup plus
d'avantages.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup.
M. le ministre des Affaires internationales. (12 h 10)
M. Ciaccia: Je veux vous remercier beaucoup pour votre
présentation.
On veut porter une attention très particulière aux PME.
Quand vous mentionnez... Quelqu'un a mentionné le nombre d'emplois qui
ont été créés par les PME. Vous savez qu'entre 1980
et 1990 les 500 compagnies «Fortune» magazine les 500
plus grandes compagnies américaines n'ont pas créé un seul
nouvel emploi; tous les nouveaux emplois ont été
créés par les PME. C'est une statistique assez
intéressante. Quand on voit qu'au Québec les PME sont vraiment...
ont une importance capitale dans notre économie. Je note avec
intérêt que vous dites que ce n'est pas des subventions que vous
voulez. Vous voulez seulement avoir l'opportunité d'avoir moins
d'encombrement, moins d'obstacles administratifs ou autres de taxation. On va
prendre bonne note de vos commentaires, et je vais certainement en faire part
à mes collègues, parce qu'il y a des mesures que vous avez
proposées qui, sûrement, pourraient être
améliorées de la part du gouvernement.
Alors, je vous remercie beaucoup pour votre mémoire, et on va
examiner vos recommandations avec beaucoup d'intrêt.
Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup, M.
Cléroux, M. Décary d'avoir accepté notre invitation. Nous
vous souhaitons un bon retour.
M. Cléroux: Merci. M. Décary: Merci.
Le Président (M. Dauphin): Je demanderais maintenant
à l'Institut des manufacturiers du vêtement du Québec de
s'avancer à la table des invités.
Mmes, MM., nous terminons l'avant-midi avec l'Institut des
manufacturiers du vêtement du Québec, représenté par
M. Shames et M. Williamson.
Messieurs, bienvenue et merci d'avoir accepté l'invitation de la
commission des institutions.
Nous avons une période d'environ une heure qui nous est
accordée, c'est-à-dire une vingtaine de minutes pour la
présentation de votre exposé et, ensuite de cela, un
échange avec les parlementaires.
Alors, messieurs, bienvenue.
Institut des manufacturiers du vêtement du
Québec (IMVQ)
M. Shames (Israël): Merci pour nous avoir invités, et
on apprécie cette opportunité.
On va commencer notre présentation par un petit
résumé de la situation, que M. Williamson va faire, sur
l'industrie du vêtement et, après ça, nous allons discuter
un peu en détail de certaines modalités et mécanismes de
l'ALENA avec lesquels nous ne sommes pas tellement contents et, après
ça, nous allons discuter un peu des recommandations qui touchent
l'ALENA. Aussi, il y a des recommandations qui sont sous juridiction soit
fédérale, provinciale et municipale.
Alors, c'est essentiellement notre présentation durant les 20
minutes, et si M. Williamson pouvait commencer.
Le Président (M. Dauphin): Allez-y, M. Williamson.
M. Williamson (Denys): Merci, M. le Président.
Alors, je crois que, d'abord, j'aimerais dire que notre industrie
s'intègre très bien avec les besoins et les objectifs du
Québec. Par exemple, que ce soit des perspectives d'emplois, de
sécurité, d'environnement ou de propriété,
l'industrie québécoise du vêtement apporte une contribution
très positive et considérable.
Notre industrie se classe, selon les années, au premier ou au
second rang parmi les plus grands employeurs manufacturiers de la province de
Québec.
L'industrie, également, s'accorde très bien avec les
priorités gouvernementales: elle n'a aucun effet négatif sur
l'environnement et elle s'intègre très bien avec les milieux
urbains et les milieux ruraux.
C'est également une industrie ou un secteur manufacturier
très sécuritaire pour les employés. Le niveau et la
fréquence de gravité des accidents est parmi les plus bas de tout
le secteur manufacturier.
Propriété locale à presque 100 %, les
propriétaires ont grand intérêt à s'assurer d'une
industrie viable au Québec. Les décisions administratives sont
prises au Québec, pour le bien-être des industries qui sont
situées ici, et au bénéfice de notre économie.
Dans une perspective d'ensemble relativement aux
coûts-bénéfices, l'industrie du vêtement fournit une
contribution substantielle au Québec. Les emplois de l'industrie du
vêtement n'engendrent pas de dépenses de la part de l'État,
que ce soit pour des questions d'infrastructure industrielle, que ce soit pour
des questions de transport, de relocalisation ou de milieu de vie. Et nous
pensons que notre industrie au Québec aurait un avenir bien plus rose
avec l'appui des gouvernements fédéral, provincial et municipal,
au moyen de politiques appropriées à son développement.
Malheureusement, en l'absence de telles politiques, l'avenir semble beaucoup
plus précaire.
Si vous le permettez, j'aimerais peut-être prendre quelques
minutes pour résumer un peu le rôle de l'industrie du
vêtement dans l'économie québécoise. L'industrie
québécoise du vêtement contribue très largement
à l'économie du Québec. Cette industrie
représentait environ 15 % des emplois du secteur manufacturier au
Québec. On estime à environ 1 000 000 000 $ les versements
annuels en salaires de notre industrie. Au cours de la période
1984-1988, notre industrie engendrait au Québec, annuellement, environ
64 000 emplois directs et environ 100 000 emplois indirects parmi nos
fournisseurs de biens et services à l'industrie, soit 164 000 emplois.
Malgré la chute du nombre des emplois depuis 1989, notre secteur
industriel demeure, au Québec, un secteur d'activité de
première importance, puisque le
pourcentage qu'elle représente de l'ensemble de l'activité
manufacturière a connu une augmentation en 1990 et même en 1991,
par rapport à 1989. pour les dernières années, la valeur
ajoutée se chiffrait, annuellement, à près de 2 000 000
000 $. elle a même dépassé ce chiffre-là en 1989.
l'industrie emploie des personnes dans toute la province, que ce soit dans les
milieux urbains ou les milieux ruraux. à montréal, cette
industrie constitue 36 % des entreprises classées dans le secteur
manufacturier et 35 % de tous les emplois manufacturiers plus d'un tiers
des emplois manufacturiers de la ville de montréal. on trouve
également des emplois dans cette industrie dans environ 80 divisions de
recensement au québec.
Les manufacturiers québécois sont d'avides utilisateurs de
technologies nouvelles. À l'heure actuelle, vous avez plus de 200
compagnies qui utilisent de la confection assistée par ordinateur et de
la fabrication assistée par ordinateur. Pour la petite histoire, pendant
que je vous parle, il y a quelqu'un, chez nous, qui est en train d'installer un
projet de conception assistée par ordinateur un investissement de
250 000 $ pour remplacer un système qui a déjà six
ans, et qui, pour nous, est déjà démodé. Autant
pour le premier système que pour celui-ci, nous n'avons jamais
demandé un centime d'aide du gouvernement. De plus, pour un bon nombre
d'entreprises ne pouvant se permettre, financièrement, l'achat de ces
installations, elles font affaire avec des compagnies qui offrent ces services
en sous-traitance. l'industrie québécoise a la volonté
d'investir dans l'avenir. la proportion que représente l'industrie
québécoise du vêtement dans les investissements globaux en
immobilisation de l'industrie canadienne a augmenté de plus de 70 % dans
la dernière décennie. de plus, vous noterez une hausse de 14 %,
en 1989 seulement. (12 h 20)
Nous croyons que, pour pouvoir continuer d'employer un aussi grand
nombre de personnes et de familles afin de poursuivre son investissement dans
le futur, l'industrie québécoise du vêtement a besoin de
politiques gouvernementales appropriées. vous allez trouver ci-joint un
mémoire, présenté par l'institut canadien des
manufacturiers du vêtement, qui a été
présenté en 1992 au sous-comité du commerce
extérieur du comité permanent des affaires
étrangères et du commerce extérieur de la chambre des
communes. notre association appuie fortement ce rapport, et nous pensons que
l'analyse des recommandations qu'il contient s'applique tout autant à
l'industrie québécoise du vêtement. tel que
mentionné entièrement, 60 % des emplois et 60 % de la production
canadienne de vêtements sont concentrés au québec. notre
industrie est membre fondateur et la plus importante partie constituante de
l'institut canadien des manufacturiers du vêtement. notre association a
contribué à la préparation du mémoire qui suit, a
participé, en tant que membre, à la délégation de
l'association nationale et à l'audition du sous-comité de la
chambre des communes.
Si vous le permettez, après ce bref exposé, je vais
demander à M. Shames, peut-être, de parler plus en détail
de l'Accord de libre-échange et de son impact sur notre industrie.
Le Président (M. Dauphin): Merci. M. Shames.
M. Shames: Primo, j'aimerais souligner, comme industrie, nous ne
sommes pas en opposition de l'idée d'avoir un accord de
libre-échange avec les États-Unis et avec le Mexique, mais, ce
qui nous agace un peu mais plus qu'un peu c'est qu'il y a des
modalités de cet Accord qui sont spécifiques pour l'industrie des
vêtements, qui sont très néfastes pour notre industrie.
Un item dans l'Accord. Pour notre industrie, pour faire l'exportation
des vêtements qui sont composés de tissus non
nord-américains, il faut obtenir ce qui s'appelle un contingentement
tarifaire pour avoir accès au marché américain ou au
marché au Mexique. Ça, c'était dans l'Accord de
libre-échange avec les États-Unis, qui est déjà une
contrainte.
En plus, maintenant, dans l'Accord de libre-échange
proposé à l'ALENA, il y a ce qui s'appelle les règles de
triple transformation. Les tissus doivent être composés de fils
qui sont de source nord-américaine pour être éligibles,
pour être exportés à un taux préférentiel,
aux États-Unis. Mais, pour notre industrie, la chose qui est très
importante, c'est de faire des produits qui sont distinctifs des produits
américains. Et le tissu et les fibres sont des éléments
très essentiels pour avoir cette différenciation des produits
américains. Alors, il y a ce problème très important. en
même temps, on fait face à une compétition... on va faire
face à une norme des produits américains qui seront
fabriqués dans le mexique et, peut-être, avec
l'élargissement de l'alena que les américains proposent avec des
produits américains fabriqués dans les autres pays de
l'amérique du nord. alors, les manufacturiers américains, ils
paient pour leurs matières premières beaucoup moins que nos
manufacturiers paient. en plus, les tarifs américains sur les tissus,
c'est à peu près 50 % moins que les tarifs que nos manufacturiers
devront payer pour leurs tissus et, si on tient compte que les tissus,
ça compose à peu près 40 % à 50 % du prix de
l'intrant au niveau manufacturier, on voit l'impact très
considérable de ça. il y a... notre industrie devra faire un
énorme ajustement pour pénétrer le marché
américain. actuellement, nous faisons l'exportation d'à peu
près 5 % des produits qui sont faits au canada, des vêtements,
sont exportés. alors, nous n'étions pas un grand exportateur dans
le passé, nous avons juste à peine commencé les programmes
importants de l'exportation, et on se trouve avec ces limites de
contingentements tarifaires, qui sont un empêchement énorme.
Pour vous donner un exemple de l'empêchement,
l'endroit où on commençait à faire le plus de
succès, c'était dans les vêtements de laine. alors, les
américains ont insisté pour que les vêtements de laine
soient considérés comme laine. maintenant, si c'est un textile
tissé qui a 36 % en composante de laine, maintenant, c'est
considéré comme un vêtement de laine. si c'est un
vêtement de matériel tricoté, c'est 23 %. en même
temps, ils ont donné une augmentation très, très minime
sur les tarifs de contingentement de 1 %, mais on doit faire entrer beaucoup
plus de variétés de vêtements dans ce contingentement. en
plus, ils vont inclure les doublures et d'autres aspects d'un vêtement
qui étaient, avant, exclus pour le calcul de ces contingentements
tarifaires. alors, chaque endroit où on commence à faire des
progrès, on voit des empêchements.
Il y a aussi la problématique qui va peut-être faire
surface: qu'est-ce qui est une définition de «antidumping»?
On voit ça dans d'autres industries, actuellement. Vous avez vu des
causes qui sont devant les cours. On ne sait pas exactement quelle sera la
réaction des États-Unis sur certaines politiques gouvernementales
canadiennes, québécoises ou municipales. Alors, c'est une autre
chose qu'il faut faire beaucoup... prendre beaucoup d'attention.
Et pour vous donner une idée de la problématique de
l'ajustement, je vais vous donner ici, si vous me permettez, donner un petit
cas. Alors, pour avoir accès au marché canadien, avoir un grand
accès au marché canadien, une manufacture canadienne devra avoir,
je pense, à peu près six bureaux de vente, Denys?
M. Williamson: C'est ça, oui.
M. Shames: six bureaux de vente, alors, au canada. alors, si elle
veut commencer à faire une percée aux états-unis,
ça prend un minimum, en général, d'environ trois bureaux
de vente. alors, vous voyez l'accroissement de 50 % des coûts, de temps
de gestion et de ces aspects. en général, aux états-unis,
ça prend, pour couvrir les états-unis, les fabricants
américains ont environ 60 bureaux de vente, en général
une manufacture de moyenne taille 60 bureaux de vente. pour
pénétrer le canada, l'équivalent, ça prend trois
autres bureaux de vente. alors, c'est un coût additionnel de 5 %. pour
nous, c'est un coût de 50 %.
Alors, vous voyez un peu la problématique. Aussi, pour faire la
publicité, si on peut rentabiliser une publicité à travers
une clientèle de 250 000 000 de personnes, utiliser la même
publicité pour faire une percée aux États-Unis, c'est un
énorme coût additionnel pour les manufacturiers canadiens, et je
ne sais pas pourquoi les Américains pensent qu'on... Ils ont peur,
ça a l'air qu'ils ont peur de nos exportations, mais nous avons
exporté 5 % de notre produit, dans le passé.
Si nous utilisons tous les contingentements tarifaires, c'est
l'équivalent de 1 % du marché américain, et on voit des
empêchements, chaque fois. Pour faire l'exportation, on rencontre des
problèmes aux douanes.
Ils demandent énormément de paperasse. Si on voulait
faire, dans le passé ...apporter des échantillons aux
États-Unis pour montrer les produits aux acheteurs américains,
le... a encore fait des trous dans le vêtement, déchire des
vêtements.
Alors on voit ces obstacles continuellement. Alors, pour nous, ce n'est
pas le libre-échange, pas pour l'industrie des vêtements. Si
c'était le libre-échange, peut-être on serait plus content
avec les conditions de l'ALENA, mais on voit ces... Il y a un cas
spécifique, il y a ce qui s'appelle la règle de triple
transformation, la règle d'origine qui est beaucoup plus
sévère pour notre industrie que n'importe quel autre secteur de
l'économie. C'est le seul secteur où il y a une règle de
triple transformation. En général, c'est la valeur ajoutée
qui est l'idée fondamentale dans l'échange internationale, et
aussi, pour les autres secteurs de l'économie, mais pour le
vêtement, les Américains ont demandé la règle de
triple transformation et une règle d'origine qui est très,
très restrictive. Alors, ce n'était pas le choix du gouvernement
canadien, ces règles, mais ça, c'est des choses, des impositions
du gouvernement américain.
Et peut-être que je peux donner la parole à M. Williamson
pour parler un peu des mesures d'ajustement qui pourraient nous aider à
faire face à ces défis.
Le Président (M. Dauphin): M. Williamson, en vous disant
qu'il vous reste cinq minutes. (12 h 30)
M. Williamson: Bon. De toute façon, peut-être que je
pourrais illustrer cette règle de triple transformation. C'est quand
même quelque chose qui est assez unique. Il n'y a pas une seule industrie
qui a à souffrir de cette contrainte. Si je prends mon mouchoir, il peut
être... le design fait au Québec, le tissu acheté au
Québec, la broderie faite au Québec, l'emballage fait au
Québec, la publicité faite au Québec, mais,
malheureusement, la moitié des fibres qui entrent dans la composition du
mouchoir viennent d'Europe. Donc, le mouchoir n'est plus
nord-américain.
Alors, ça va être impossible de traverser les douanes,
aujourd'hui. Vous voyez les étiquettes de vêtements, ce que vous
allez mettre dessus? On va être obligé... Ce sera beaucoup plus
facile de dire «Ça vient de l'extérieur de
l'Amérique du Nord, donc on va payer les droits de douane»
plutôt que dire «Ce vêtement-là, pour telle ou telle
raison, est eligible au traitement nord-américain». On va avoir
des étiquettes en trois langues qui vont faire la grandeur du
vêtement.
Mais, malgré tout, nous sommes quand même en faveur du
libre-échange. Nous ne pourrons pas faire de concurrence, certainement,
avec les grosses entreprises américaines. Je crois que les deux plus
grosses entreprises américaines sont plus grandes que toute l'industrie
du Québec; donc, il faut que, nous, on se positionne, qu'on
développe des stratégies visant à trouver des niches sur
le marché des États-Unis, et, pour ceci, on a besoin de tissus
qui sont vraiment différents des tissus
américains. Autrement, on va offrir les mêmes
vêtements que les Américains et à un coût
certainement beaucoup plus élevé, et on n'aura aucune
possibilité de vendre nos produits sur ce marché, alors que eux,
évidemment, en ouvrant un bureau de vente, peuvent inonder du jour au
lendemain le marché québécois du fait que leurs tissus
coûtent moins cher que les nôtres, que leur main-d'oeuvre vient du
Mexique et qu'ils ont un pouvoir pour faire de la publicité, du
marketing; ils ont toutes les grandes marques, déjà.
M. Shames: si je peux faire un résumé de quelques
mesures qui sont sous juridiction canadienne. une qui n'est pas sous
juridiction canadienne, c'est si on pouvait avoir un élargissement des
contingents tarifaires. une chose qui est très importante, qui est
entièrement sous juridiction canadienne, c'est que les tarifs que nous
payons sur nos tissus et nos fibres sont compétitifs. maintenant, ils
sont 50 % plus haut que ceux des états-unis.
Autre mesure, on pourrait faire des ajustements, investissements
continuels, la nouvelle technologie, la modernisation, le perfectionnement si
on pouvait avoir on ne parle pas de subventions mais des mesures
fiscales appropriées et des mesures de taxation appropriées pour
encourager l'investissement et la formation.
Je vois que vous m'avez fait... J'avais deux minutes, mais est-ce que
j'aurais encore un peu de temps ou est-ce que vous voulez aller à la
période de questions?
Le Président (M. Dauphin): II reste deux minutes,
monsieur.
M. Shames: O.K.
Le Président (M. Dauphin): Malgré qu'il va y avoir
une période d'échange après, là, pour...
M. Shames: O.K. Aussi, il y a des sources de revenus, soit les
ventes des quotas à l'encan, soit un pourcentage des revenus
engendrés par les tarifs sur les tissus qui pourrait être
utilisé pour promouvoir l'industrie du vêtement, pour faire la
promotion des produits canadiens et québécois aux
États-Unis et au Canada.
On demande aussi quelque chose qui est sous juridiction locale, c'est la
formation d'une commission permanente pour regarder l'impact de la
législation et des règlements sur la productivité et
l'investissement et la possibilité de faire l'expansion au
Québec. Je pense que cette commission permanente pourrait donner des
bonnes recommandations au gouvernement avant qu'il mette en vigueur des
politiques.
On demande aussi qu'il y ait une très bonne coordination entre
les différents paliers gouvernementaux, soit municipal, provincial et
fédéral, qu'il n'y ait pas de dédoublement des services et
que nous puissions avoir accès à un système administratif
beaucoup plus simple et qui est moins onéreux pour des
manufacturiers.
C'est, grosso modo, les recommandations que j'aimerais faire entrer dans
les deux dernières minutes, et on espère qu'on aura
l'opportunité de parler de nos recommandations durant la période
de questions.
Le Président (M. Dauphin): Très bien. Alors, merci
beaucoup pour votre exposé, messieurs.
Je vais maintenant reconnaître M. le ministre des Affaires
internationales pour débuter la période d'échange.
M. Ciaccia: Je vous remercie beaucoup pour votre
présentation. On a eu l'occasion, souvent, de se rencontrer durant les
négociations, de voir votre point de vue, de faire les
représentations à Ottawa, à Michael Wilson et au
gouvernement fédéral durant les conférences
fédérales-provinciales. Vous savez que nous appuyons votre
industrie. Inutile de dire que nous considérons que c'est une industrie
importante non seulement pour le Québec, mais spécialement,
aussi, pour Montréal. Votre contribution à notre économie
est considérable, et nous voulons prendre les moyens nécessaires
pour nous assurer que non seulement vous pouvez continuer à faire cette
contribution, mais aussi que vous pouvez accroître vos activités,
parce que plus vous augmentez vos activités, mieux c'est pour non
seulement l'ensemble de la population, mais aussi pour votre contribution aux
revenus du gouvernement du Québec. Alors, on partage ces objectifs et on
veut faire le nécessaire pour aider votre industrie.
Vous avez mentionné certaines recommandations, par exemple, en
termes des tarifs sur le tissu et les fils, qui sont différents... qui
sont plus élevés que les tarifs américains. Vous savez
qu'on vous a appuyés pour l'élimination des tarifs sur les tissus
et fils qui ne sont pas disponibles au Canada. J'ai moi-même fait des
interventions avec le gouvernement fédéral, à plusieurs
reprises, et on continue à vous appuyer. Je crois que nous allons
pouvoir j'espère que nous allons pouvoir obtenir des
décisions favorables du gouvernement fédéral en ce qui
concerne cet aspect-là.
Vous avez mentionné la question de la triple transformation, et,
évidemment, vous avez raison, ça n'a pas été le
choix du Canada, ça n'a pas été le choix du Québec.
Cependant, pour surmonter les effets contraignants de cette triple
transformation, nous avons obtenu des contingents tarifaires beaucoup plus
élevés. J'ai trouvé intéressant votre exemple du
mouchoir; vous dites que le mouchoir, maintenant, ce n'est plus un mouchoir
québécois, il faut qu'il soit nord-américain.
Une voix: C'est ça.
M. Ciaccia: Bien. Je ne voudrais pas que vous me le prêtiez
pour que je pleure, parce que, quand je regarde les contingents tarifaires pour
votre mouchoir, sur l'entente du libre-échange américain, il
était de
42 000 000 m2, et vous n'utilisiez que 27 % de ce contingent;
nous avons augmenté, dans les négociations, ces 42 000 000
m2 à 80 000 000 m2. alors, je suis convaincu que
vous allez pouvoir produire de plus en plus de mouchoirs non seulement comme
dans le passé, mais vous pourriez augmenter parce que ces
contingents-là, ils sont véritables; c'est une augmentation
très, très importante.
Quand vous dites que vous craignez que les produits... que les
compagnies américaines fassent la manufacture de leurs produits au
Mexique, je crois que les contingents mexicains pour les États-Unis sont
très minimes, ils sont beaucoup moindres. Par exemple, dans le cas de la
laine, vous avez 5 067 000 m2; les Mexicains n'ont que 1 500 000
m2. Alors, d'après notre interprétation, ça va
rendre difficiles, sinon impossibles de telles opérations parce que le
contingent est trop bas pour permettre ce genre d'opérations. Ça,
c'est notre interprétation de l'entente; vous pourrez me corriger si je
me trompe.
M. Shames: Est-ce que vous voulez qu'on réponde?
M. Ciaccia: Non, juste un instant. M. Shames: Je
m'excuse.
M. Ciaccia: Je veux juste faire deux autres commentaires...
M. Shames: Ah, je m'excuse! C'est parce que... (12 h 40)
M. Ciaccia: ...s'il vous plaît. Vous parliez des
difficultés que vous avez avec l'entente du libre-échange,
présentement. C'est possible que vous en ayez, mais les chiffres que,
moi, j'ai de vos exportations aux États-Unis sur l'entente du
libre-échange, ils sont passés de 169 000 000 $ à plus de
415 000 000 $ - les exportations du Canada dont 205 000 000 $ seulement
pour le Québec. Alors, il me semble que l'entente du
libre-échange a été bénéfique pour votre
industrie. Même la ville de Montréal, hier soir, prenait la
position que, n'eût été de cette entente, vous seriez
encore beaucoup plus en difficulté parce que votre marché
intérieur a subi beaucoup de pertes.
Vous mentionnez aussi que les importations des vêtements
américains au Canada sont passées de 8 000 000 d'unités
à 24 000 000. Je voudrais vous signaler que ces importations des
États-Unis sont passées de 150 000 000 $ à 290 000 000 $.
Autrement dit, elles ont doublé, alors que, pour la même
période, les exportations du Canada à destination des
États-Unis ont augmenté encore vers une plus forte
augmentation.
Ceci pour vous dire que notre interprétation de l'entente
de l'ALENA c'est clair qu'il y a des contraintes. On aurait voulu
augmenter de plus les contingents, mais nous croyons que nous avons
réussi à garantir pour vous non seulement le marché
existant que vous avez qui est beaucoup plus que le marché que
vous aviez mais que nous avons laissé une marge pour
accroître votre pénétration du marché
américain, et nous avons aussi des engagements que ces contingents
tarifaires seront renégociés à la hausse à la fin
des cinq années.
Est-ce que je pourrais avoir vos commentaires sur quelques-uns des
chiffres que je vous ai donnés, de l'approche que nous prenons, de
l'appui que nous voulons vous donner en ce qui concerne la réduction des
tarifs douaniers vis-à-vis le gouvernement fédéral?
Le Président (M. Dauphin): Messieurs.
M. Shames: si j'ai pris note... j'espère que j'ai pris
note de tous vos commentaires. mais on peut commencer avec les contingents
tarifaires. l'endroit où on a fait le plus de progrès, où
on prévoit de faire le plus de progrès dans nos exportations,
c'est dans les produits qui sont maintenant classés en laine.
l'augmentation en laine, c'est 1 %, qu'ils ont augmenté. o.k. en
même temps qu'ils ont fait une augmentation de 1 %, oui
théoriquement il y avait une augmentation mais en même
temps, il faut inclure beaucoup plus de choses dans ce contingent. alors, je
pense que dans votre commentaire, il y a un petit jeu avec des chiffres, mais
la réalité, ce sera plus difficile, parce que le contingent
actuel pour faire l'exportation aux états-unis, ce sera utilisé
à 100 % cette année en laine. d'après les ventes des
manufacturiers, ce sera utilisé à 100 %, et ça n'inclut
pas tous les nouveaux items, comme les doublures et la nouvelle
définition de laine.
M. Ciaccia: Peut-être qu'on pourrait revoir les
chiffres...
M. Shames: O.K.
M. Ciaccia: ...parce que les chiffres que, moi, j'ai, je suis
prêt à en discuter avec vous. C'est que, avec la nouvelle
interprétation, ça pourrait arriver à 70 % du...
M. Shames: cette année, 1992, c'était à peu
près 65 %, avec les ventes qui sont prévues. pour l'année
1993, on prévoit une utilisation de 100 %, cette année, pour
l'année 1993. c'est le pronostic avec l'utilisation de 100 %, même
avec l'ancienne définition de la laine. o.k.
Alors, secundo, il faut tenir compte que les compagnies canadiennes ont
juste commencé à faire l'exportation, et vous avez fait allusion
qu'on a utilisé un certain pourcentage... seulement un petit pourcentage
de nos contingents tarifaires, mais il faut tenir compte que cela n'inclut pas
la règle... Votre chiffre est basé sur la règle de double
transformation. Pas basé sur la règle de
triple transformation.
Une autre chose: Vous parlez exportation... Je m'excuse.
M. Ciaccia: excusez. parce que c'est la première fois que
vous m'arrivez avec ce chiffre-là. parce que, dans toutes les
discussions, il n'avait jamais été question que vous arriveriez
à vos 100 %, l'année prochaine.
M. Shames: Oui. C'est...
M. Ciaccia: Ça, c'est la première fois que vous
m'apportez ça à mon attention, en commission parlementaire.
M. Shames: C'est selon les ventes de certains manufacturiers qui
ont juste montré leurs produits aux acheteurs. Il y avait deux grands
«shows», à New York, dernièrement.
M. Ciaccia: Alors, ça veut dire que ce n'est pas 415 000
000 $ que vous allez vendre l'année prochaine, ça va être
500 000 000 $, 600 000 000 $.
M. Shames: Pas nécessairement. Ça dépend.
Ça, c'est pour l'aspect de la laine. Vous parlez... a exporté
seulement 42 000 000 $, je pense que c'est 42 000 000 $, de valeur en complets.
Je n'ai pas le chiffre devant moi, alors si, en fait, en augmentation, vous...
en laine, c'est... Notre produit qui a eu le plus de succès,
c'était les produits de laine, mais c'est un cap. O.K. Je peux discuter
en détail ces chiffres. O.K. Vous parlez du problème du Mexique.
Vous ne prévoyez pas ça comme un problème parce que vous
parlez de contingent du Mexique, mais les produits mexicains vont,
peut-être, dans notre analyse, ils vont utiliser des tissus qui sont
nord-américains, une grande utilisation de tissus américains pour
faire leurs produits. Je ne vois pas, nécessairement, que les Mexicains
vont utiliser le même pourcentage des tissus importés.
M. Ciaccia: Alors, ils ne seront pas en compétition avec
vous. C'est un autre produit, ça.
M. Shames: Pas nécessairement. Une voix: Ah
oui.
M. Ciaccia: Bien oui, mais... On ne peut pas mélanger les
pommes puis les choux, là. Si vous parlez de la laine, il faut parler de
la laine.
M. Shames: Oui, mais pas des autres. Pour les autres, ils peuvent
utiliser...
M. Ciaccia: Si vous parlez d'autres produits de coton, ce n'est
pas le même produit. Alors... Tu sais...
M. Shames: Ils peuvent utiliser beaucoup d'autres produits dans
leur production.
M. Ciaccia: Parce que vous faites des produits haut de gamme.
C'est pour ça que la laine est importante.
M. Shames: Pas nécessairement. Ça, c'est une chose
que...
M. Ciaccia: Pour la laine.
M. Shames: Non. On ne fait pas... Non. Les exportations en laine,
c'est de moyen de gamme. Je m'excuse. C'est... Les grandes exportations...
M. Ciaccia: Pour vous, c'est moyenne gamme, mais quand ça
arrive aux États-Unis, c'est haut de gamme.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ciaccia: Non, non. Je comprends votre produit. Je comprends
votre produit.
M. Shames: Oh no!
M. Ciaccia: Dans les prix, c'est moyenne gamme, mais c'est
vraiment... Vous avez pris une niche du marché que vous avez pu,
vraiment, réussir d'après les règles de l'ALE.
M. Shames: Parce qu'on a utilisé des tissus
importés, alors, et... Maintenant, on fait face à cette
contrainte. C'est pas... La plus grande production, au Canada, ce n'est pas
nécessairement... ce n'est pas les produits de haut de gamme,
alors...
M. Ciaccia: Si on peut réussir à obtenir une
réduction des tarifs douaniers, quel sera l'effet sur votre industrie,
en ce qui concerne l'ALENA?
M. Shames: Ça peut nous aider à faire... pas
remplacer les pertes, mais ça peut nous aider à faire la
compétition aux produits américains qui vont inonder notre
marché quand les tarifs vont diminuer. Ça peut nous aider
à faire une compétition sur les produits américains et
mexicains qui pourraient inonder notre marché. Pas nécessairement
en remplacement de la perte de marché, mais ce serait une aide
considérable.
M. Williamson: parce que les tarifs, aujourd'hui, sont quand
même beaucoup plus élevés. je crois que nos tarifs sont 50
% plus élevés que ceux des américains. ils sont en moyenne
de 15 %, alors qu'ils sont seulement de 10 % aux états-unis et de 6 % en
europe. donc, même si on a baissé les tarifs et qu'ils baissent
graduellement, on part d'une base qui est tellement plus
élevée qu'on a beaucoup de chemin à faire pour
arriver à un niveau de tarif égal entre le Canada et les
États-Unis; 50 % de différence de tarifs entre les deux pays,
c'est énorme, surtout que le tissu comprend... rentre à peu
près dans 40 % du coût de la fabrication.
M. Ciaccia: C'est pour ça que ce que le gouvernement
fédéral a fait maintenant, d'après le tribunal, il a
seulement baissé les tarifs.
M. Williamson: II a commencé à les baisser
régulièrement.
M. Ciaccia: Ce que vous demandez, et ce qu'on vous appuie...
M. Williamson: C'est les éliminer.
M. Ciaccia: ...c'est de l'éliminer pour les tissus qui ne
sont pas fabriqués ici...
M. Williamson: C'est ça.
M. Ciaccia: ...au Canada, que je trouve raisonnable, et on va
continuer à vous appuyer dans cette démarche.
Une voix: Oui.
M. Shames: Mais même avec leur réduction, ils vont
les réduire à un minimum de 16 %, et les tarifs américains
sont à 12 %. C'est déjà un...
M. Ciaccia: C'est insuffisant. Je suis d'accord avec vous.
M. Shames: Alors, on voit... Et on a une analyse un peu
différente de la situation dont vous avez fait mention, parce que nous
avons juste commencé nos exportations et nous avons juste
commencé nos programmes d'exportation, et avec le contingent qui
était attribué avec la règle de triple transformation, si
on double nos exportations à 10 %, il y a une possibilité, parce
que personne n'a fait le calcul avec la règle de triple transformation.
Ça pourrait être tout utilisé.
M. Ciaccia: Oui, mais c'est l'ALE qui vous a permis d'augmenter
vos exportations. Si vous n'aviez pas l'ALE, vous auriez tout... vous n'auriez
pas de contingent, vous auriez toutes les douanes américaines. Est-ce
que je me trompe en disant que l'ALE vous a permis de faire des
exportations...
M. Shames: Dans certains produits, mais il y a le cap à
notre potentiel de faire l'exportation. En même temps, nous attendons une
perte de pourcentage significative à long terme de notre marché
local. (12 h 50)
M. Ciaccia: oui, mais le cap, ce sont les contingents tarifaires.
après ça, vous payez la douane. dans les vêtements de
coton, vous pouvez aller à 80 000 000 m. vous êtes de 42 000 000
m2 à 80 000 000 m2. dans la laine, ça a
augmenté très mini-mement, je suis d'accord avec vous, parce que
les américains ont voulu vraiment se protéger, mais il restait
encore une marge d'à peu près 35 % d'augmentation de vos
exportations.
En tout cas, moi... Écoutez, on n'a pas beaucoup le temps ici de
faire tous les chiffres.
M. Shames: Non, non. Oui.
M. Ciaccia: Je suis prêt à m'asseoir avec vous,
revoir les chiffres et voir ce qu'on peut faire.
M. Williamson: Une petite précision pour, peut-être,
mettre les choses dans le bon contexte. 80 000 000 m2
équivalents, ça semble énorme, ça paraît une
surface énorme, mais ça ne représenterait même pas 1
% de la production annuelle des ventes de vêtements aux
États-Unis. C'est vraiment... c'est minuscule.
M. Ciaccia: Non, non. Ça, ce n'est pas «fair».
Ça, ce n'est pas «fair». Oubliez la production, le
pourcentage aux États-Unis, parce que c'est leur marché,
ça. On ne peut pas s'attendre... On n'a pas un marché unique.
C'est «unfair» de dire: Ça représente seulement 1 %
ou 2 % de leur production. Regardez ce que ça représente de votre
production, parce que les Américains ne sont pas obligés d'ouvrir
leur marché et, s'ils augmentent de 42 000 000 m2 à 80
000 000 m2, c'est une concession qu'ils ont faite. Le fait que
ça représente seulement un petit pourcentage de leur
marché, ça, ce n'est pas... Ce n'est pas ça qui entre en
considération. C'est: Qu'est-ce que ça va faire pour vous, parce
que sûrement, vous n'êtes pas en mesure de remplacer les
fournisseurs américains sur 250 000 000, même si on voulait vous
le donner, hein? Alors, je pense qu'il faut être un peu raisonnable, et
il faut interpréter ces chiffres-là en ce qui concerne votre
production à vous et l'augmentation que ça peut vous donner,
parce que sans le libre-échange, ça ne serait pas 42 000 000
m2, ça serait zéro. Sans l'ALENA, ça ne serait
pas 42 000 000 m2, ça ne serait pas 80 000 000 m2,
ça serait zéro. Alors, il faut regarder ça dans cette
optique-là.
M. Williamson: En retour, vous voyez des secteurs entiers de
notre industrie qui vont disparaître, parce que des énormes firmes
américaines vont prendre entièrement la part du marché
canadien.
M. Ciaccia: Écoutez, ils ne l'ont pas pris, la part du
marché canadien. Ils ont doublé et vous avez triplé, sur
l'ALE. Alors, on a voulu maintenir votre accès, mais on vous l'a
augmenté. On a réussi dans les contin-
gents. Si vous me dites qu'on se trompe, eh bien, on va s'asseoir avec
vous. Alors, si l'industrie américaine, sur l'ALE, n'a pas pu prendre,
faire la percée que vous craignez maintenant, je ne vois pas comment ils
vont le faire avec l'ALENA, parce que les contingents, les conditions ont
été améliorées.
Le but que j'ai, M. Shames et M. Williamson, c'est de vous aider, mais
je trouve qu'entendre... C'est bon, ce que vous nous dites, parce qu'en temps
de négociations, ça va nous aider vis-à-vis le
gouvernement fédéral. Je vais dire: Écoutez, l'industrie
est venue nous voir.
Mais je voudrais situer le débat et les chiffres dans leur vrai
contexte.
M. Shames: Nous aussi. C'est pourquoi on a fait mention que les
chiffres utilisés jusqu'à date ne tiennent pas compte des
nouvelles exigences.
M. Ciaccia: vous avez raison que le 27 % du 42 000 000
m2 et le 50 % du 5 000 000 m2 ne tient pas compte, mais
le 42 000 000 m2 a été augmenté à 80 000
000 m2, et le 5 000 000 m2 n'a pas été
beaucoup augmenté, mais il y a une marge pour votre
pénétration du marché. «we are on your
side.»
M. Shames: Non, je comprends, mais la façon que nous avons
différentes perspectives des implications de cette règle du
triple...
M. Ciaccia: C'est ça que je vous demande, parce que moi,
je veux négocier pour vous, avec vous avec le gouvernement
fédéral, mais il faut que vous m'aidiez à être
crédible, parce que si je donne certains chiffres, de dire qu'il y a eu
8 000 000 d'importations, les importations des États-Unis sont
augmentées de 8 000 000 d'unités à 24 000 000; c'est
énorme! Mais si vous chiffrez ça en dollars, ce n'est pas le
triple, c'est le double.
Alors, moi, je veux aller à Ottawa avec des chiffres exacts, avec
les conditions exactes de votre industrie et, si me donnez les
«amunitions», je vais produire les résultats pour vous.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. le
ministre.
Le temps alloué à la formation ministérielle est
maintenant épuisé.
Je vais maintenant reconnaître M. le député de
Bertrand.
M. Beaulne: Merci, M. le Président.
J'ai trouvé votre mémoire fort intéressant.
D'abord, ça entraîne une certaine démystification de
l'idée qu'on se faisait de l'industrie de l'habillement à
Montréal, comme étant une industrie essentiellement
composée de bas salariés, et qui était une industrie en
recul par rapport aux innovations technologiques que vous cherchez à
implanter dans votre industrie, d'une part. Deuxièmement, je pense qu'on
n'avait pas saisi toute l'implication et toute l'importance du secteur de
l'habillement à Montréal, étant donné comme
vous le dites dans votre mémoire que ça représente
60 % de la production canadienne. C'est énorme!
Ce que je retire, également, de votre mémoire ainsi que de
la conversation que vous avez eue avec le ministre, c'est qu'au fond
l'association de libre-échange étendue au Mexique c'est, pour
vous, l'équivalent d'avoir fait un pas en avant avec l'association de
libre-échange avec les États-Unis, mais deux pas en
arrière en ajoutant le Mexique, dans le contexte de la façon dont
se sont amorcées les négociations avec le Mexique.
Vous me permettrez de revenir sur certains commentaires compte
tenu de la discussion qui s'est amorcée que je trouve un peu
surprenants de votre part. À la page 22, vous dites: «Même
si l'on n'a pas obtenu grand-chose pour l'industrie canadienne du
vêtement au cours des négociations, nous n'avons jamais eu
l'impression que le ministre du Commerce extérieur, ses fonctionnaires
ou d'autres membres des équipes de négociateurs aient mal compris
ou mal défendu nos intérêts.» Vous adressez ces
commentaires-là au gouvernement fédéral. Vous dites,
après: «L'acceptation de ces règles concernant le commerce
du textile et du vêtement était une partie du prix à payer
pour obtenir l'ALENA.» Vous dites qu'ils ont bien négocié,
mais vous dites que c'est vous qui en faites les sacrifices. Par contre, vous
dites, à la page 12: «Pour avoir renoncé à son droit
de contester la définition de la laine, le Canada aurait dû au
moins être indemnisé par les Américains. Il n'a pourtant
reçu aucune compensation de ce genre...». J'en déduis
qu'ils n'ont pas, donc, négocié si bien que ça.
Ma question est la suivante. Ma première question est la
suivante: Puisque vous êtes ici, puisque vous incitez le gouvernement du
Québec et le ministre des Affaires internationales à prolonger
ses démarches auprès du gouvernement fédéral, c'est
donc que vous pensez contrairement à la sorte de fatalisme que
laisse entendre votre mémoire à la page 22 qu'il y a
encore quelque chose à faire. Qu'est-ce que vous pensez qu'il reste
à faire?
M. Shames: Primo, comme on en a fait mention dans le
mémoire, on aura des opportunités, peut-être, de
renégocier ou élargir les contingents tarifaires.
Théoriquement, il y a une opportunité, et on espère que le
gouvernement canadien va essayer de continuer ses efforts pour élargir
ces contingents tarifaires.
Aussi, il y a ce qui s'appelle une liste de tissus qui sont «short
supply», le mot technique est «short supply list». Ça,
il y a à peu près 100 tissus qui étaient
déposés avec les négociateurs, mais les Américains
ont accepté seulement sept de ces tissus. On espère que le
gouvernement canadien va continuer ses efforts et élargir cette liste de
produits, de matériel, qui sont, si vous pouvez m'aider...
Une voix: Non disponibles.
M. Shames: ...non disponibles. Quand vous faites mention que...
est-ce que nous pensons... Le gouvernement canadien, selon la
présentation qu'on a eu des négociateurs, ils étaient...
Pour avoir un ALENA que le gouvernement canadien a décidé qu'il
est important... Il a fallu accepter les conditions de l'industrie
américaine du textile. C'était un prix que le gouvernement
canadien a ouvertement dit qu'il devrait payer pour avoir un ALENA. Je pense
que le gouvernement fédéral a fait de son mieux, mais il
n'était pas en position... il n'avait pas le pouvoir de changer ces
choses. Et on espère, si on peut retourner aux négociations quand
il y aura des révisions, peut-être, on aura plus d'occasions
d'élargir ces contingents et aussi d'élargir cette liste de
tissus dont j'ai fait mention. Ça, ce sont deux aspects. (13 heures)
II y a des choses qui sont sous le contrôle du gouvernement
fédéral, qui sont entièrement sous contrôle
fédéral, et je pense que le gouvernement du Québec peut
nous aider beaucoup. C'est de faire des pressions pour que les tarifs soient
réduits, au Canada, à un niveau équivalent de ceux aux
États-Unis, et que, pour les tissus qui ne sont pas disponibles de
sources canadiennes, on ne sera pas obligés de payer des tarifs. On ne
parle pas maintenant des tissus qui sont disponibles au Canada, on parle des
choses qui ne sont pas produites et ne seront pas produites au Canada. C'est
une chose qui est entièrement sous la juridiction du gouvernement
canadien. Alors, je pense que le Québec peut jouer un rôle
très important, dans ce sens.
M. Williamson: Mais on ne parle pas d'un montant énorme,
parce que les tarifs douaniers sur ces tissus qui ne sont pas produits au
Canada ne représentent même pas 50 000 000 $ par an, je crois,
Israël.
M. Shames: Je n'ai pas les chiffres...
M. Williamson: Ce n'est pas un montant énorme, de tarifs
douaniers.
Le Président (M. Dauphin): M. le député.
M. Beaulne: Oui, une deuxième question concerne l'impact
restrictif de la règle d'origine triple. C'est une question qui vous
préoccupe énormément. D'ailleurs, je pense que c'est
à ce niveau-là où il y a eu un recul par rapport à
l'accord initial avec les États-Unis. Lorsque vous dites qu'il y a une
certaine marge de manoeuvre, à la fois pour le gouvernement du
Québec et pour le gouvernement fédéral, il y a, entre
autres, un élément qui me vient à l'esprit et que le
gouvernement fédéral pourrait peut-être invoquer. C'est
que, alors que l'Accord de libre-échange avec les États-Unis
respectait l'article 24 du GATT, il me semble que compte tenu, en
particulier, de l'aspect restrictif qui vient d'être inséré
dans le domaine du vêtement par l'alena il me semble qu'il y a
mesure, qu'il y a une place ici, une marge de manoeuvre, étant
donné que l'article 24 du gatt précise qu'on peut créer
des zones de libre-échange ou des marchés communs, à
condition que 80 % du commerce soit couvert par ces accords et, surtout,
à la condition que ces accords fassent augmenter le commerce et non pas
le restreindre.
Alors, si je comprends bien, vous, la démonstration que vous
essayez de faire, c'est que, entre autres, l'application de cette règle
des triples origines pourrait avoir comme effet, finalement, de restreindre vos
possibilités d'accès aux nouveaux marchés, plutôt
que de les augmenter. Alors, dans ce sens, ne pensez-vous pas que le
gouvernement fédéral n'a pas tout fait ce qu'il aurait pu faire
pour essayer d'obtenir plus pour votre industrie?
M. Shames: On n'a pas regardé cet aspect. Merci pour
l'avoir souligné, on va le regarder en profondeur, merci pour
ça.
M. Williamson: Une chose qui est certaine, c'est que ça va
être assez facile de savoir ce qu'on ne peut pas exporter. Ça va
être beaucoup plus difficile de déterminer ce qu'on va pouvoir
exporter dans l'Accord de libre-échange. Ça, c'est...
M. Beaulne: Une dernière petite question avant de passer
le mot à mes collègues. À la page 11 de votre
mémoire, vous dites que M. John Weekes, qui était le
négociateur en chef du Canada, a dit que les contingents tarifaires plus
élevés compenseraient les conséquences néfastes de
la triple règle d'origine liée à la transformation qui
limite davantage les possibilités. Le ministre des Affaires
internationales du Québec a repris tout à l'heure exactement le
même argument; vous dites que c'est faux. Le ministre s'appuie sur le
raisonnement suivant, c'est-à-dire que l'Accord l'ALENA
prévoit qu'au bout de cinq ans on pourrait revoir les contingents
à la hausse, et il semble optimiste que ça puisse s'être
fait à la hausse.
J'aimerais savoir vos commentaires là-dessus. Est-ce que vous
êtes aussi optimistes que le ministre qu'au bout de cinq ans les
Américains vont accepter de revoir à la hausse ces
contingents-là?
M. Ciaccia: C'est juste une question de rectification. Ce n'est
pas mon opinion. L'entente dit que ça va être
renégocié à la hausse; ce n'est pas moi qui le dit, ce
n'est pas mon opinion. L'entente prévoit que ça va être
à la hausse.
M. Beaulne: Oui, oui, alors, mettons ça autrement.
M. Ciaccia: Annexe 300 b.
M. Beaulne: De la même façon que l'Accord de
libre-échange avec les États-Unis prévoyait qu'on
s'entendrait dans une période de temps, je pense, de cinq à sept
ans sur la définition de subvention et que, là, suite à
l'ouverture de cette entente-là au Mexique, la définition va
être portée aux calendes grecques et refilée au GATT,
étant donné, également, qu'il est fort probable que
d'autres pays adhèrent à l'ALENA dans les années à
venir, considérez-vous que cette garantie, à l'heure actuelle,
est suffisante pour vous assurer un avenir prometteur?
M. Ciaccia: Excusez, je veux juste une autre rectification. Il
n'y a rien dans l'ALE qui a dit que, dans sept ans, il faut négocier les
subventions. Ça ne le disait pas, mais ça le dit dans l'ALENA,
que ça va être renégocié à la hausse, c'est
l'annexe 300 b.
M. Beaulne: Oui, mais moi, je demande aux gens: Est-ce qu'ils se
satisfont de cette garantie-là, compte tenu que ces
accords-là...
M. Ciaccia: C'est pas une garantie!
M. Beaulne: ...sont sujets à modification chaque fois
qu'il y a une nouvelle admission.
Le Président (M. Dauphin): Messieurs.
M. Shames: Les endroits où on ne fait pas beaucoup
d'exportation, on prévoit qu'il va nous donner des augmentations. Les
endroits où nous avons de bons potentiels de faire de l'exportation, on
pense qu'il n'y a pas d'augmentation significative, ou même pas
d'augmentation. Alors, c'est ça qui... La preuve était le
changement de la définition de laine. On a commencé à
faire de l'amélioration de nos exportations aux États-Unis en
produits de laine; ils ont changé ça, de la règle de
double transformation à la règle de triple transformation, avec
inclusion des doublures et d'autres aspects dans le calcul des contingents
tarifaires. Les endroits où on a de bons potentiels de faire de
l'exportation, on ne prévoit pas d'augmentation des contingents. Le
lobby américain du textile est très, très fort.
Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le
député de Labelle.
M. Léonard: Merci. Je vois que ce que vous dites, c'est
que, tout en disant qu'on ouvre les marchés, on impose des règles
de plus en plus restrictives. Ce que je lis à la page 24, dans le mot de
la fin, je trouve ça très intéressant, parce que, au fond,
vous dites que l'ALENA, c'est un recul il est très clair
pour l'industrie canadienne du vêtement. Et vous dites, un peu plus loin:
«Les possibilités d'accroissement de nos exportations
dépendront de plus en plus des exceptions aux règles
générales de l'accord commercial.» Je l'inter- prète
comme étant, finalement, une crainte de marginalisation de l'industrie
du textile, ici, si je comprends, et j'aimerais ça vous entendre
là-dessus.
L'autre question que je voulais vous poser: Dans la mesure où
c'est ouvert, aussi, au Canada et au Québec vous allez être
en concurrence avec l'industrie américaine quels sont les
éléments, quels sont les facteurs de coûts les plus
affectés? En termes de coûts de la matière première,
ça doit être assez semblable les coûts
d'approvisionnement des Américains et les vôtres mais
est-ce que c'est surtout la taille de l'entreprise ou si ce sont les
coûts de main-d'oeuvre associés aux taxes à la
main-d'oeuvre? J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
M. Shames: On parle des États-Unis, maintenant?
M. Léonard: Oui, mais en termes de concurrence, les
Américains entrant ici, disons, avec moins de restrictions, dans la
mesure où vous dites que les possibilités d'accroissement vont
avoir tendance à vous marginaliser, à un moment donné, on
est devant le facteur concurrence.
M. Williamson: Si je peux me permettre de répondre. Je
crois qu'on ne peut pas compétitionner avec les Américains sur le
côté prix seulement; il faut prendre en considération
d'autres choses: la valeur, la mode, la spécificité du produit.
C'est certain que, si on parle uniquement de questions de coûts, ils
achètent des tissus moins chers que nous, ou peut-être aux
mêmes prix, mais comme ils en achètent des quantités 10,
20, 100 fois supérieures aux nôtres, ils vont avoir de meilleurs
tarifs. Ils ont une main-d'oeuvre dont le salaire est probablement un tiers
inférieur au nôtre, des charges sociales inférieures aux
nôtres. Sur le plan fiscal, je ne peux pas comparer la fiscalité
américaine à la nôtre, je ne le sais pas.
Donc, en fait, ils ont un avantage certain. En plus, c'est beaucoup plus
facile pour eux de mettre une ou deux personnes au Canada et d'envahir ce
marché-là avec un ou deux représentants ou de racheter une
société de distribution au Canada que, pour nous, pour
l'industrie du vêtement, d'aller monter un réseau de vente aux
États-Unis. Alors, sur le plan des coûts eux-mêmes, on ne
peut pas parler de compétition, on n'est pas au même niveau. Il
faut qu'on ait des produits qui soient différents, qui s'adressent
à un marché différent, une petite niche, et, pour cela,
c'est ça, il faut qu'on ait accès à des tissus
différents. Là, on peut garder nos coûts de main-d'oeuvre
plus élevés et garder nos emplois.
M. Léonard: Mais...
M. Williamson: La mode n'a pas de prix.
Le Président (M. Dauphin): M. le député de
Labelle.
M. Léonard: ...ça revient à dire que c'est,
finalement, les coûts de la main-d'oeuvre, si j'écoute...
M. Williamson: Oui...
M. Léonard: ...ce que vous dites. Parce que...
M. Williamson: .. .produits de base.
M. Léonard: ...la taille des entreprises, ça peut
être dépendant du marché, mais, un Américain qui
voudrait vraiment aborder le marché américain ne s'installerait
pas ici, à cause des facteurs de coûts de main-d'oeuvre.
M. Williamson: Ils ne l'ont pas fait jusqu'à
présent.
M. Léonard: Non, je comprends.
M. Williamson: Non, il n'y a pas de raison qu'ils le fassent.
M. Léonard: Donc, leur concurrence peut être
mortelle dans le temps, ici même, sur le marché canadien.
M. Williamson: Sur certains produits.
M. Shames: S'ils ont identifié le Canada comme un
marché potentiel pour eux, ils ne l'ont pas fait dans le passé;
alors, c'est pourquoi, dans le passé, ils n'ont pas regardé le
marché canadien comme un marché important pour eux. Mais avec
l'élimination à long terme des douanes pour le produit final qui
utilise des tissus nord-américains, peut-être... On prévoit
qu'ils vont identifier de plus en plus le marché canadien comme un
marché intéressant pour eux. Alors, nous allons faire face
à une longue compétition de certains de nos produits locaux
à cause de ça. (13 h 10)
M. Léonard: Vous avez dit, au cours de l'exposé,
que vous seriez d'accord avec un vrai libre-échange; celui qu'on a
là, ça n'en est pas un.
Allez-y donc.
M. Shames: Un vrai libre-échange, pour nous,
c'était le potentiel d'exporter des produits sans avoir de règle
de triple transformation.
M. Léonard: Donc, une capacité de vous
approvisionner dans le monde entier avec une transformation...
M. Shames: Et faire l'exportation de nos produits aux
États-Unis. Ça, c'était un plus vrai libre-échange,
parce que nous devrons offrir quelque chose qui est différent d'un
produit américain. Si on compétitionne avec le textile
nord-américain pour compétitionner avec les produits
américains, à cause de leur taille on n'a aucune
possibilité. Il faut faire quelque chose de différent, même
pour notre marché local à long terme.
M. Léonard: ...l'approvisionnement de tissus très
différents, c'est important pour vous.
M. Shames: Oui. Et fils, à cause de...
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup.
Il nous reste seulement cinq minutes et Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve m'avait demandé la parole.
M. le ministre, conclusion à la fin.
Mme Harel: Dans un document qui a été publié
en octobre, cet automne, préparé par le ministère de la
Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle du Québec, on y lit et qui porte sur salaires et
relations du travail, dans un contexte de libre-échange, qui fait la
comparaison Québec-Mexique, notamment on peut y lire, concernant
votre industrie, qu'il est probable que des pressions s'exercent au
Québec pour que soient réévalués les décrets
des conventions collectives dans le secteur de l'habillement. Alors, j'aimerais
vous entendre là-dessus parce qu'on n'a pas encore pu aborder cette
question-là.
M. Williamson: Certaines choses ont été faites. Il
y a des démarches, à l'heure actuelle, qui ont lieu pour
développer une stratégie industrielle, si je peux l'appeler comme
ça, pour notre industrie. Il n'y a pas eu d'échéance
vraiment de fixée, mais il y a eu des rencontres préliminaires.
J'ai assisté à certaines de ces rencontres-là. Et, en
autant que je sache, dans le domaine de l'industrie de la confection
féminine, je sais qu'il y a des choses qui se font et qui vont
peut-être permettre d'assouplir le régime des décrets.
Mais, c'est simplement en cours, à l'heure actuelle.
Mme Harel: Alors, ces rencontres, elles ont eu lieu depuis
1993?
M. Williamson: Oui, il y a une rencontre qui a eu lieu...
Mme Harel: Au ministère du Travail, j'imagine.
M. Williamson: ...à Montréal, au ministère
du Travail. Je parle de la confection... du secteur de la confection
féminine. Je ne connais pas, pour les autres secteurs. Il y a eu une
rencontre qui a eu lieu il y a environ trois semaines, entre le
ministère du Travail, les représentants de l'association des
contracteurs, les représentants de la Guilde des manufacturiers de
vêtement de mode du Québec, et l'UIOVD, le syndicat. Et d'autres
rencontres sont prévues dans les semaines à venir.
Mme Harel: Mais, alors, vous êtes d'accord avec les
affirmations qu'on retrouvait à l'effet que, dans le contexte de
l'ALENA, de ce qui est proposé, il y aurait une sorte de pression sur
l'industrie pour que soient réévalués les décrets
des conventions.
M. Williamson: M. le Président, c'est normal, essentiel.
Il n'y a pas de décret aux États-Unis, il n'y a pas de
décret en Ontario, en autant que je sache, non plus. C'est une structure
administrative, une charge supplémentaire qui est très
coûteuse, qui rajoute... crée des emplois, qui n'ajoute pas de
valeur, qui sont très restrictives.
Par exemple, à l'heure actuelle, dans le concept du Juste
à temps, il faut être capable de livrer très rapidement, il
n'y a plus de saison. Si vous exportez aux États-Unis, vous devez
être capables d'exporter votre production en juin et juillet, et, par le
décret, on est obligés de fermer nos usines au mois de juillet,
juste au moment où on doit exporter aux États-Unis.
Vous voyez, il y a certains ajustements qu'il faut faire parce que les
conditions ont changé et ne sont plus celles des années soixante,
soixante-dix, pour lesquelles les décrets avaient été
conçus.
Mme Harel: Donc, il faut envisager une sorte d'ajustement vers
une sorte d'harmonisation avec les conditions américaines. C'est ce que
vous voulez dire?
M. Williamson: C'est ça. Il faut qu'on ait des conditions
de travail qui correspondent aux conditions du marché et aux exigences
de l'industrie, du monde des affaires, des consommateurs.
Mme Harel: Je vous remercie. M. Williamson: Je vous en
prie.
Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup.
M. le ministre, le mot de la fin.
M. Ciaccia: Le mot de la fin. Je veux remercier les
représentants de l'industrie, je veux vous assurer qu'on va continuer
à travailler avec vous.
Je vais vous donner un exemple sur lequel on peut faire quelque chose,
maintenant. Je suis d'accord d'intervenir auprès du gouvernement
fédéral pour voir si on peut allonger la liste des produits en
disponibilité, les «short supply». Alors, c'est vrai que les
Américains ont accepté seulement sept produits, et c'est possible
d'allonger cette liste, et, immédiatement, on va se mettre en
communication avec le gouvernement fédéral pour l'allonger.
Je ne suis pas d'accord avec le député de Bertrand quand
il dit que la liste est un pas d'avant et que l'ALENA, c'est deux pas
derrière. C'est de la pure désinformation. Et l'article 24... Je
peux vous assurer que l'article 24 du GATT prévoit les
possibilités d'accords de libre-échange. Alors, on n'est pas en
contravention avec le GATT, l'article 24c prévoit de tels accords.
Cependant, nous croyons que nous pouvons vous aider encore plus, et nous
allons travailler avec vous pour la question des tarifs douaniers et la
disponibilité des produits pour allonger la liste.
Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre.
Alors, merci, messieurs, représentants de l'Institut des
manufacturiers du vêtement du Québec, d'avoir accepté notre
invitation et de votre participation, et bon retour.
Nous suspendons les travaux jusqu'après les affaires courantes,
cet après-midi.
(Suspension de la séance à 13 h 16)
(Reprise à 16 h 10)
Le Président (M. Dauphin): Messieurs, si vous le
permettez, nous allons débuter nos travaux.
Donc, la commission reprend ses travaux, toujours concernant le mandat
d'une consultation générale et tenir des auditions publiques sur
l'Accord de libre-échange nord-américain.
Alors, c'est avec plaisir que nous accueillons maintenant M. Pierre
Pettigrew, qui est accompagné de M. Pierre Lemonde, associé et
collaborateur.
Alors, je vous signale que... Premièrement, on vous souhaite la
bienvenue à nos travaux. On vous remercie d'avoir accepté notre
invitation.
Concernant la période de temps qui nous est allouée, nous
avons 45 minutes, c'est-à-dire divisées en trois parties: 15
minutes pour la présentation et 30 minutes d'échange du
côté ministériel et de l'Opposition officielle avec vous
deux.
Alors, bienvenue, et c'est à vous la parole.
M. Pierre S. Pettigrew
M. Pettigrew (Pierre S.): M. le Président, merci
infiniment de votre accueil, aujourd'hui. J'étais très heureux,
avec mon collaborateur, chez Samson, Bélair, qui est directeur de
Samson, Bélair, Deloitte & Touche international, de venir vous
rencontrer aujourd'hui et de me retrouver dans des lieux qui me sont
très familiers, où j'ai passé de longues soirées
à une époque désormais révolue de ma vie, mais
qu'il me plaît de retrouver aujourd'hui avec plusieurs amis, ici
même, dans cette salle et à l'Assemblée nationale,
d'où nous arrivons à la période des questions. Alors,
c'est toujours un plaisir renouvelé, pour moi, de venir à
l'Assemblée nationale, et j'apprécie votre
hospitalité.
Je l'apprécie d'autant que nous allons traiter d'un dossier
extrêmement important, celui du commerce international et celui de la
place du Québec en Amérique du Nord, finalement, celui du
rôle que notre société joue d'une façon assez
motrice et assez unanime, finalement, puisque l'Opposition et le gouvernement
s'entendent sur l'importance, bien sûr, d'ouvrir les frontières de
l'économie québécoise à l'ensemble de
l'Amérique du Nord.
Alors, je pense que, à ce moment-ci, il est impérieux de
dédramatiser beaucoup le discours notamment celui que vous avez
entendu ce matin, je crois comprendre mais de dédramatiser
l'impact réel de l'Accord de libre-échange avec le Mexique, des
impacts de ce que les Mexicains sont en train de faire eux-mêmes dans
leur propre économie. Je pense qu'il est important de comprendre que
l'Accord de libre-échange aura un impact assez marginal, finalement, sur
l'économie du Québec et du Canada si on compare, par exemple, aux
réformes mexicaines extrêmement importantes dans leur
économie.
Les réformes économiques mexicaines sont beaucoup plus
profondes et beaucoup plus impérieuses. À partir du moment
où les Mexicains ont choisi de moderniser leur économie, de
privatiser 650 sociétés d'État, de devenir membres du
GATT, en 1986, et donc, de libéraliser leur commerce, d'ouvrir leur
territoire aux investissements étrangers, de respecter davantage la
propriété intellectuelle, d'assainir la vie économique et
d'ouvrir les fenêtres, au fond, il faut savoir que, d'ores et
déjà, ce pays s'engage dans une voie de
compétitivité accrue, et, à partir du moment où le
Mexique choisit de s'engager dans une voie de compétitivité
accrue, que ce pays choisit, en parallèle, de négocier un accord
de libre-échange avec les États-Unis d'Amérique son
voisin immédiat et un marché extrêmement important
eh bien, il faut savoir que c'est là que la joute va se jouer et que la
concurrence va devenir beaucoup plus serrée sur notre propre
continent.
Devant cette réalité, sur laquelle le Canada et le
Québec n'ont aucune prise, en ce que nous ne pouvons pas dicter l'agenda
mexicain et ce n'est pas en disant non à l'Accord de
libre-échange avec le Mexique que nous réussirions à faire
changer la vapeur, de ce côté il nous faut absolument, face
à ces faits, face à ces réalités qui sont
très saines pour le développement d'un pays du Sud, un pays en
voie de développement, un pays en voie d'industrialisation, eh bien, il
est très heureux que nous ayons la chance de nous associer à ce
développement-là et, au fond, que nous vivions à la fois
ce phénomène comme étant une acceptation d'une concurrence
supplémentaire, d'une concurrence accrue. Donc, s'ils font des gains de
productivité dans ce pays du Mexique à cause des réformes
économiques qu'ils ont engagées, c'est une invitation, pour le
Québec, à faire des gains de productivité semblables si
nous voulons maintenir nos propres niveaux de vie et si nous voulons maintenir
le rang qui est le nôtre parmi les pays de ce monde, parmi les pays de la
planète.
Donc, il faut le voir comme une invitation à améliorer
notre propre productivité, plutôt que de jouer négativement
à être tristes de développements qui sont fondamentalement
heureux, et ça m'amène à parler de l'autre
élément. Je crois qu'il y a une responsabilité
fondamentale, pour un pays comme notre société, face aux pays du
Sud.
De plus en plus, les pays du Sud... certains d'entre eux deviennent des
pays industrialisés; il y a un écart entre le Nord et le Sud qui
s'accroît constamment. Il y a un écart de richesses entre les pays
du Nord et les pays du Sud qui, lorsque nous le mesurons à la
réalité démographique qui est la nôtre,
c'est-à-dire lorsque nous réalisons que, du côté du
Sud, les pays vont se multiplier et les populations s'accroître beaucoup
plus rapidement...
Nous savons qu'en l'an 2050 il y aura, dans les pays du Sud, au lieu de
4 000 000 000 de population à l'heure actuelle, 9 000 000 000 de
population dans les pays du Sud, alors que dans les pays du Nord
industrialisé, nous serons toujours le même 1 000 000 000 de
population que nous sommes aujourd'hui, parce que notre démographie nous
l'indique. Alors, 1 000 000 000 sur 4 000 000 000 que nous sommes, à
l'heure actuelle, c'est déjà une situation périlleuse; 1
000 000 000 sur 9 000 000 000 dans le monde où il y aura 9 000 000 000
de gens défavorisés, c'est une situation qui est intenable.
Alors, toute opportunité, toute chance que nous avons de
bâtir des liens commerciaux avec les pays du Sud, et cet Accord de
libre-échange nord-américain, cet Accord de libre-échange
entre le Canada, les États-Unis et le Mexique représente un pont
entre le Nord et le Sud, un pont dont nous avons déjà besoin pour
accentuer la productivité de notre économie, améliorer les
réalités commerciales, mais également un pont dont nous
avons besoin pour bâtir un XXIe siècle plus intéressant sur
notre continent et sur le reste de la planète, parce que si nous ne
bâtissons pas de pont entre le Nord et le Sud, nous nous dirigeons vers
une situation mondiale et des relations internationales qui seront
intenables.
Intenables, pourquoi? Parce qu'on sait qu'en parallèle il y a
d'autres dossiers que le dossier commercial, notamment tous les dossiers
militaires, les dossiers des armements. Vous avez une industrie de l'armement
dans le monde qui est extrêmement prospère, mais qui, partout dans
le monde, est en manque de contrats depuis la fin de la guerre froide.
Étant en manque de contrats avec la fin de la guerre froide du
fait que les États-Unis et la Russie s'arment moins elle se
cherche des clients, et, très souvent, c'est dans le Sud que cette
industrie militaire, ce complexe «industrialo-mili-taire» se trouve
des clients.
Donc, si nous ne voulons pas voir, d'ici une ou deux
générations, 15 ou 20 Saddam Hussein sur la
planète, il est absolument impérieux que les
sociétés du Nord prennent leurs responsabilités, acceptent
d'ouvrir leurs frontières, leurs connaissances, leur commerce et leur
réalité technologique aux pays du Sud. C'est une
responsabilité non seulement morale sur laquelle je voudrais attirer
l'attention de votre commission parlementaire, M. le Président, mais
c'est une responsabilité élémentaire si nous voulons avoir
un ordre mondial et des relations internationales qui soient saines au XXIe
siècle.
Je pense donc qu'il faut dédramatiser l'importance même du
libre-échange en ce que le Mexique est engagé dans une voie qui,
indépendamment de ce que nous ferons nous-mêmes, les rendra plus
productifs, et donc, avec ce pont que nous bâtirons comme
société, nous améliorerons considérablement les
réalités.
C'est la même chose que les Européens ont eu le courage de
faire. À partir du moment où les pays du sud de l'Europe se sont
démocratisés, à partir du moment où les pays du sud
de l'Europe ont renversé les dictatures en Grèce, au
Portugal et en Espagne on les a admis dans la Communauté
économique européenne pour solidifier les nouvelles
réalités démocratiques de ces pays. C'est la même
chose. Avec les changements majeurs qui ont été faits au Mexique
depuis 1986, avec la démocratisation économique, surtout, et
bientôt politique de ce pays, c'est notre responsabilité de
solidifier ce processus, de le stabiliser et de lui donner un coup de main.
Il reste que, bien sûr, l'impact de l'ALENA je le disais
sera plutôt marginal pour l'ensemble de notre économie. Il
est quand même certains secteurs où, bien sûr, il aura un
impact un petit peu plus fort, et, à ce moment-là, je pense qu'il
est important d'ailleurs, c'est vrai pour l'ensemble de notre
économie d'avoir des programmes qui permettent une
flexibilité de la main-d'oeuvre, non pas des programmes de transition
qui voudraient donner un coup de main aux canards boiteux et maintenir ici des
industries qui n'appartiennent pas à notre espace économique.
Ça, c'est de l'argent jeté par les fenêtres; ça ne
donne absolument rien. Mais des programmes de formation qui permettent à
nos travailleurs d'acquérir des compétences et d'acquérir
des savoirs qui leur permettent de mieux gagner leur vie dans des secteurs
industriels où il y aura davantage de valeur ajoutée... (16 h
20)
Je voudrais attirer votre attention, M. le Président, ainsi que
celle des membres de votre commission, sur certaines réserves que j'ai
par rapport à cet Accord qu'il me plaît d'appuyer, mais j'ai
certaines réserves. Ces réserves sont de deux ordres. Une
première réserve que j'ai, par rapport à cet Accord,
c'est, évidemment, qu'avec regret j'ai réalisé, à
sa lecture, que nous avions renoncé au dialogue avec les
États-Unis pour nous doter d'une définition commune de la
subvention entre le Canada et les États-Unis. Nous nous étions
donné, au moment du dernier Accord de libre-échange
bilatéral avec les États-Unis, une période de cinq
à sept ans pour nous donner une définition commune de ce qui
constitue une subvention. Là, cette fois-ci, nous avons
préféré nous en remettre au GATT, où il y a quand
même pas mal de progrès qui ont été
réalisés sur le dossier des subventions. Il faut s'en
féliciter et il faut espérer que ça aille plus loin. Mais,
disons que j'aurais aimé que, cette fois-ci, comme dans le dernier
accord, nous utilisions le contexte plus étroit de notre propre
continent, comme nous l'avons fait, d'ailleurs, dans le dossier de
l'environnement avec l'ALENA, où, pour la première fois, nous
ouvrons de nouvelles pistes. Il aurait été utile et
intéressant que notre continent, donc, ouvre des pistes à la voie
multilatérale plutôt que d'être à sa remorque.
J'aurais préféré cela. Je dois dire, cependant qu'en
compensation, si je peux me permettre, ou en contrepartie, je devrais
plutôt dire, à cet élément d'une absence d'une
définition commune de la subvention nous avons quand même obtenu
la pérennité et, donc, la permanence des «panels»
bilatéraux, qui ont très bien servi nos intérêts
dans le contexte bilatéral, c'est-à-dire que les
«panels» ont bien servi les intérêts des Canadiens, on
peut dire. Dans les trois quarts des décisions, finalement, nous avons
eu gain de cause, et je crois qu'il faut se féliciter du fait que ces
mécanismes soient maintenant rendus permanents.
Une deuxième réserve que j'ai: Je trouve que les
règles d'origine qui ont été négociées dans
cet Accord sont extrêmement complexes et extrêmement longues.
Évidemment, il s'agit d'un dossier qui est compliqué, mais je
crois que, dans certains cas, les règles d'origine ont été
tripotées pour faire des ententes un petit peu trop
particulières, si je peux me permettre, entre des groupes industriels,
et qui donnent un petit peu l'impression, dans certains secteurs, de vouloir
créer une forteresse nord-américaine. Il y a un petit accroc
à l'esprit du GATT, ici et là, petit accroc à l'esprit du
GATT, qui permet des accords continentaux, qui permet des accords entre
voisins, c'est évident, mais l'article 24 du GATT dit que nous pouvons
avoir ces accords dans la mesure où ils augmentent le commerce entre les
pays membres et non pas essaient de le détourner des pays tiers. Et
là, il y a, dans quelques dossiers, vous le savez, des
éléments de forteresse nord-américaine d'où on
essaie un peu de détourner le commerce, depuis l'Asie surtout, mais
également un petit peu depuis l'Europe.
C'est une réserve sur laquelle je souhaitais attirer votre
attention parce qu'il s'agit d'un accroc au système multilatéral
auquel je crois que, comme Québécois et comme Canadiens, nous
devons demeurer profondément attachés. Je crois qu'il faut
regarder les négociations commerciales d'un point de vue
extrêmement élevé. J'ai essayé de le faire d'un
point de vue, un petit peu plus tôt avec la question de l'écart
Nord-Sud, je le fais ici par rapport au système commercial, mais je
voulais quand même attirer votre attention tout en remarquant et
je l'ai souligné les innovations de cet accord dans le dossier de
l'environnement, qui, j'espère,
ira encore un petit peu plus loin. On sait que le président
Clinton, en ce moment, et M. Kantor, son négociateur en chef, essaient
d'obtenir un petit accord partiel sur certains autres dossiers.
Je vois le président qui regarde sa montre, j'ai
déjà abusé... Non, je n'avais pas déjà
abusé de votre patience? Alors, je l'apprécie. je vais donc
conclure brièvement, en vous disant simplement que la
responsabilité de l'état québécois, face à
cette concurrence effrénée qui se vit partout à travers le
monde avec la mondialisation de l'économie, indépendamment des
accords de libre-échange d'ailleurs les accords de
libre-échange ne sont qu'un cadre politique qui vient améliorer
une réalité d'économie mondiale qui amène une
concurrence extrêmement forte il devient impérieux de la
part du gouvernement québécois et ça implique, bien
sûr, la responsabilité, le sens des responsabilités de
l'opposition que l'état, qui occupe 50 % du produit
intérieur brut, et bien, il faut que cette moitié de ce 50 % du
produit intérieur brut qui est occupé par l'état devienne
beaucoup plus productif qu'il ne l'est à l'heure actuelle. il est
impérieux que l'état cherche à améliorer la
productivité de ses mécanismes, de ses programmes, de ses
ministères d'une façon extrêmement importante.
Nous avons une gestion beaucoup trop verticale, au Québec,
où des ministères, de grandes institutions des années
soixante, dont on n'a jamais remis en question la mission... soient revus, et
que nous nous dirigions donc d'une gestion verticale avec ces
ministères qui gèrent chacun leurs programmes presque en vase
clos, et souvent beaucoup trop loin de leur clientèle et que nous
passions à une gestion horizontale, où il y aura beaucoup plus de
coordination entre les programmes. le fait que les ministères verticaux
ne soient pas capables, à l'heure actuelle, de rendre les services aux
nouvelles clientèles et aux nouveaux besoins force l'état
à aller créer un état horizontal, et il n'y a pratiquement
plus un mois où le conseil exécutif ne nous annonce pas la
création d'un secrétariat aux jeunes, la création d'un
secrétariat aux aînés, un secrétariat aux
autochtones, un secrétariat à la culture, et donc, on est en
train de créer un état horizontal, mais sans démanteler
l'état vertical, et je voudrais attirer l'attention de votre commission
sur la responsabilité extrêmement importante que nous avons de
rendre l'économie québécoise beaucoup plus productive, et
je profite de mon passage à cette commission pour vous demander de faire
tous les efforts que vous pouvez pour rendre l'état
québécois le plus productif possible, parce qu'il coûte
cher. moi, je n'en ai pas contre le fait qu'il occupe 50 % du produit
intérieur brut. l'état allemand occupe également 50 % du
produit intérieur brut, en allemagne.
Ce n'est pas sur du «moins État» que je voudrais
accentuer mes demandes aujourd'hui, mais c'est sur du «mieux
État». Donc, j'avais eu ce mot et je conclus
là-dessus, M. le Président à la Chambre de com-
merce de Montréal, au mois de novembre, lorsque j'ai eu le
privilège de m'adresser à la Chambre de commerce de
Montréal, où il fallait passer de l'État que j'appelais
F«État Obélix» cette présence
musculaire dans l'économie, le bon gros État entrepreneur
à l'«État Astérix», un État beaucoup
plus cérébral, beaucoup plus futé, beaucoup plus
stratégique dans ses interventions, mais très efficace,
cependant. Je ne suis donc pas pour du «moins État», mais du
«mieux État», et je vous remercie de votre attention
à mon endroit. Merci.
Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup, M.
Pettigrew, pour votre excellente présentation.
Nous allons maintenant débuter la période de
«libre-échange», à commencer par le côté
ministériel, en reconnaissant le ministre des Affaires
internationales.
M. Ciaccia: Merci.
Je veux remercier M. Pettigrew. Premièrement, ça me fait
grand plaisir de vous accueillir, ici à cette commission. Ce n'est pas
nouveau pour vous, les commissions parlementaires. On s'est déjà
rencontrés dans d'autres circonstances et on avait chacun
différentes responsabilités. Et ça me fait grand plaisir
de vous accueillir et de vous dire comment j'apprécie vos remarques, qui
sont très pertinentes. Je vais être très bref parce que je
voudrais que mes collègues aient l'opportunité de vous poser
certaines questions.
Première remarque, sur la responsabilité que nous avons
comme société vis-à-vis une société comme le
Mexique. Toute la question Nord-Sud. Je vous rejoins. Je suis heureux de vous
entendre dire ça, parce que ce n'est pas seulement par des... Il ne faut
pas regarder seulement au court terme, de dire: On va faire plus d'affaires, on
va conquérir des marchés. Mais il est important pour nous de
partager. Et si on veut vraiment augmenter notre qualité de vie, on ne
peut pas le faire en isolation seule. On va le faire tous ensemble, en
augmentant la croissance, la productivité du Mexique, en plus d'avoir
dégagé, d'avoir rempli notre responsabilité sociale. C'est
aussi dans nos intérêts parce que leur productivité va leur
permettre d'être encore plus actifs avec nous dans notre
économie.
Deuxième point que vous avez soulevé. Vous avez une
réserve en ce qui concerne... parce qu'on a renoncé à la
discussion des subventions. Vous savez, avec les États-Unis, ce n'est
pas facile de négocier des subventions. On le voit dans les mesures
compensatoires qu'ils prennent contre certaines de nos industries, qu'il faut
aller négocier à Washington, il faut aller aux binationa-les,
comme vous l'avez mentionné. On a réussi. (16 h 30)
Alors, de négocier directement avec eux, je crois, ce serait
extrêmement difficile, ce serait presque... On n'est pas assis dans une
position de force pour avoir des conditions acceptables à nous, parce
que, vous le savez, le développement régional, certaines
opérations de la
SDI, certains contrats de partage de risques, eux veulent faire leurs
subventions par leur...
Une voix: Industrie.
M. Ciaccia: ...industrie de la défense, mais en ce qui
concerne tout le reste, c'est «business is business», puis ils ne
veulent pas en parler. Alors, je crois que, pour notre propre protection, c'est
mieux d'essayer de discuter, puis avoir des conditions dans le GATT, et, une
fois qu'ils sont dans le GATT, bien, ils seront... ils feront les conditions
acceptables... ils vont s'appliquer à l'entente de l'ALENA. Alors, des
fois, il faut faire un peu indirectement ce qu'on a de la difficulté
à faire directement. La question des subventions avec les
États-Unis en est une.
Vous avez fait allusion, aussi, aux discussions qu'on a eues, ce matin,
sur la question des industries du vêtement et aussi, la coalition. Vous
avez... et on doit dédramatiser, je suis entièrement d'accord,
mais une bonne partie de la discussion a tourné autour des règles
d'origine et des quotas tarifaires. Je sais que les règles d'origine
semblent être très complexes, mais en ce qui concerne l'industrie
du vêtement, en tant qu'expert dans le domaine du commerce international,
des relations internationales, avez-vous un point de vue à nous
communiquer sur ces aspects de l'ALENA et aussi sur les très grandes
craintes que l'industrie du vêtement a apportées à notre
attention, ce matin? Je suis certain que vous connaissez les craintes de
l'industrie et les positions qu'elle a prises?
M. Pettigrew: Évidemment, c'est un accord qui
privilégie l'industrie du textile d'une manière importante,
puisqu'il demande à nos gens, partout à travers le continent,
donc, de s'approvisionner en textiles, ici. Alors, il y a cet aspect
protectionniste, un petit peu, que j'ai souligné à
l'intérieur de mes réserves, mais si je regarde ce qui a
été négocié au plan des contingentements
tarifaires, ceux-ci sont passablement plus élevés que ceux qui
avaient été négociés avec l'Accord avec les
Etats-Unis à deux et, dans nombre de cas, ils n'ont même pas
été rencontrés. Nous n'avons même pas exporté
suffisamment pour rencontrer ces contingentements tarifaires, ce qui fait qu'il
y a encore pas mal de marge de manoeuvre avant d'être
véritablement limités dans notre expansion, au niveau du
vêtement. Alors, je pense que, oui, il est regrettable que nous imposions
à l'industrie du vêtement ou que nous privilégions cette
approvisionnement nord-américain ce qui est cependant bon pour
l'industrie du textile mais avant qu'ils soient vraiment obligés
de s'approvisionner ici pour pouvoir bénéficier de l'Accord de
libre-échange, ils ont encore pas mal de chemin à faire, parce
que les contingentements sont suffisamment élevés pour leur
donner plein de marge de manoeuvre. Et on ne rencontre pas encore ces
quotas-là dans la plupart des secteurs. Alors, les craintes sont
carrément excessives, pour le moment.
M. Ciaccia: Bien, je suis heureux de vous entendre dire
ça. Peut-être que je vais vous amener avec moi quand je vais aller
continuer à rediscuter avec eux.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Pettigrew: Ça me fera bien plaisir de regarder
ça de plus près avec vous.
M. Ciaccia: Pour le moment, je vais laisser à mes
collègues... Je vais revenir s'il nous reste du temps. Merci
beaucoup.
M. Pettigrew: Ça me fait plaisir. Merci.
Le Président (M. Gauvin): En respectant l'alternance, si
vous me le permettez, est-ce que c'est la coutume ou si on...
Une voix: Oui.
Une voix: En alternance.
Le Président (M. Gauvin): En respectant l'alternance, je
reconnais le représentant de l'Opposition officielle, M. le
député de Bertrand.
M. Beaulne: Merci, M. le Président.
J'ai trouvé votre rapport très intéressant en ce
qu'il provoque une réflexion sur les difficultés que
représente la transposition de la rhétorique
libre-échangiste dans la réalité concrète et dans
son application. Tout à l'heure, le ministre parlait qu'il fallait
dédramatiser. Je suis bien d'accord qu'il faut dédramatiser, mais
ce n'est pas une raison pour faire l'autruche et, d'ailleurs, certains points
que vous soulevez dans votre mémoire soulèvent, au fond, des
questions de fond quant aux bénéfices qu'on peut tirer... aux
conditions, surtout, qui doivent prévaloir pour qu'on puisse tirer
pleinement avantage de l'Accord de libre-échange, comme nous l'ont
promis ceux qui l'ont négocié.
D'abord, j'aimerais vous poser une question en ce qui concerne ce que
vous reconnaissez comme étant, dans le contexte actuel, un accès
précaire au marché américain. Vous dites, à la page
4 de votre rapport: «Pour ce qui est de la sécurité
d'accès au marché des États-Unis, les panels d'arbitrage
des litiges et groupes spéciaux binationaux appelés à
statuer en dernier recours sur les différends qui opposent les deux pays
en matière de subventions et de droits compensatoires ont
amélioré la situation de nos entreprises exportatrices, sans
toutefois leur donner la véritable sécurité d'accès
au marché des États-Unis.» En fait, vous appuyez cette
affirmation-là sur le fait que la discussion sur ce qui constitue une
subvention acceptable ou non ait été reportée dans les
négociations du GATT.
La question qui me vient à l'esprit, ici, c'est que les
négociations du GATT peuvent durer pas mal long-
temps. En particulier, la définition des subventions, qui devrait
faire partie, normalement, de l'entente générale, est
reportée, évidemment, jusqu'à ce que les membres
s'entendent. Pour qu'on puisse, à court terme et à moyen terme...
étant donné que cette entente-là doit entrer en vigueur en
janvier 1994, qu'est-ce que vous préconisez...
M. Pettigrew: Oui.
M. Beaulne: ...pour pallier cette lacune? Parce que c'est bien
beau de dire qu'on a un marché garanti, un accès garanti, mais
vous l'avez démontré vous-même et d'ailleurs de
façon tout à fait pertinente que c'est loin d'être
le cas jusqu'à temps que ces technicali-tés-là ne soient
pas réglées. Mais, en attendant que ça se règle,
est-ce qu'on va se laisser imposer des surtaxes une après l'autre en
attendant que des tribunaux décident? Parce que, dès que les
surtaxes sont appliquées, elles entrent en vigueur immédiatement.
Donc, est-ce qu'il y a des mécanismes que vous pouvez entrevoir, ou de
quelle façon est-ce qu'on peut se prémunir contre ces retards qui
nous pénalisent, à toutes fins pratiques?
M. Pettigrew: Écoutez, je l'ai exprimé, j'aurais
préféré que nous nous entendions sur une définition
commune de la subvention, précisément pour améliorer la
prévisibilité des actions américaines. J'ai entendu le
ministre dire, et on le sait: C'est extrêmement difficile de
négocier ça avec les États-Unis. Ils ont une
économie énormément plus forte.
Là où je compléterais ce que le ministre disait, le
problème, c'est que les Américains, c'est très difficile
de négocier avec eux non seulement parce qu'ils se servent de leur
complexe militaire, mais ils font également énormément de
subventions par voie municipale et par la voie des États. Aux
États-Unis, les «bonds» là-bas sont parfois bien plus
importants que ce que nous faisons ici même, au Canada. Donc, les
États-Unis refusent systématiquement de s'engager dans cette
discussion-là parce qu'ils sont aussi vulnérables à des
attaques des autres pays, par rapport aux droits compensatoires, lorsqu'on fait
le ménage dans ça, lorsqu'on regarde ça de plus
près.
Alors, devant cet état de choses, moi, je crois qu'il ne faut pas
attendre. D'abord, le passage sur lequel vous attirez mon attention, M.
Beaulne, est un passage sur l'ancien accord et non pas le nouveau, quoiqu'il
s'applique, également, au nouveau. Ce que je déplore, c'est
lorsqu'on promet plus qu'on peut livrer. Je pense qu'il est très
important que, dans la rhétorique au cours de l'Accord de
libre-échange, nous soyons conscients qu'il ne livrera pas tout. Trop
souvent, je trouve que nous avons eu tendance, dans les milieux d'affaires
que vous avez bien connus dans votre passé, également
à promettre beaucoup plus que ce que l'Accord pouvait livrer.
C'est plutôt ce à quoi j'en veux parce qu'on désarme les
gens, on désamorce les gens en leur disant: Vous avez la
sécurité parfaite. Il y a autant de droits compensatoires
aujourd'hui qu'il y en avait, sauf qu'on améliore la situation par
après.
Moi, je vous dirai qu'il ne faut peut-être pas attendre de
solution dans le cadre politique d'un accord de libre-échange, à
ce moment-ci. Je crois qu'en effet la voie du GATT ne devrait plus être
trop longue, parce que, finalement, ça fait quand même
déjà sept ou huit ans qu'on est engagés dans cette
voie-là, mais il faut absolument changer notre discours politique et
notre discours économique et demander aux Canadiens et aux
Québécois d'apprendre à jouer selon les règles
commerciales américaines, qui sont éminemment plus politiques que
les nôtres. Nous oublions que les États-Unis, lorsqu'ils font de
la politique commerciale internationale, c'est de la politique, d'abord et
avant tout. Ce sont des gens qui sont extrêmement sensibles aux lobbies,
ce sont des gens qui ont une autre façon d'utiliser leurs tribunaux. Ils
n'ont pas le même rapport avec le judiciaire, et nous avons beaucoup de
naïveté, comme État et comme société, au plan
des affaires par rapport aux pratiques commerciales américaines,
où le politique joue beaucoup plus fort qu'on ne peut le penser.
Alors, c'est de ce côté-là que je trouve que, comme
société, nous devrions travailler au cours des prochaines
années.
M. Beaulne: Mais, d'après vous, qu'est-ce qui s'est
produit? Pour quelle raison est-ce qu'on a décidé, tout à
coup, alors que, dans l'entente de libre-échange entre le Canada et les
États-Unis, on avait prévu s'entendre bilatéralement sur
une définition de «subvention», tout à coup,
lorsqu'il s'est agi d'ouvrir la discussion au Mexique, on a
décidé de reporter tout ça au sein du GATT? Qu'est-ce qui
a amené ce changement d'attitude, d'après vous?
M. Pettigrew: Écoutez, j'ai un très bon ami qui
travaille au «State Department», à Washington, qui me dit
carrément que ce qu'ils ont réalisé, au niveau de
l'administation fédérale, à Washington, c'est qu'il se
faisait énormément plus de tripotage dans l'économie
américaine qu'ils ne l'avaient vu eux-mêmes, et que,
vis-à-vis des rapports que nous leur présentions dans les
négociations, et comme État fédéral, ils
n'étaient pas conscients de toutes les autres interventions qui se
jouaient dans l'économie américaine, et que, vis-à-vis de
ça, ils ont dit: Non, on ne se met pas à discuter de ça,
parce qu'on est beaucoup plus coupables si je peux me permettre
l'expression qu'on ne le pensait; et c'est ce qui a fait avorter la
discussion sur la question des subventions.
Enfin, c'est un des éléments, et c'est une source
américaine assez fiable qui me dit ça. Le fédéral,
à Washington, aurait été prêt, mais c'est qu'ils
n'avaient pas réalisé tout ce qui se faisait dans leur propre
économie une fois qu'ils ont ouvert les dossiers. (16 h 40)
M. Beaulne: Oui...
M. Pettigrew: Mais je pense que, là-dessus, il y a
quelqu'un autour de la table bien mieux informé que moi sur ces
discussions-là. Ha, ha, ha!
M. Beaulne: Mais voulez-vous dire que nos entreprises sont moins
rapides sur la gâchette que les Américains, dans le sens
où, chaque fois qu'on entend parler de contestation, c'est de la part,
la plupart du temps, d'entreprises américaines qui se plaignent, par
rapport aux entreprises québécoises ou canadiennes; puis,
effectivement, il y a une propension, aux États-Unis, d'avoir recours
aux litiges de façon systématique. Alors, s'il existe aux
États-Unis cette espèce de marasme au niveau des subventions -r
et même, vous dites qu'il y en plus qu'au Canada comment ça
se fait que nos entreprises ne saisissent pas ces mêmes occasions pour
exiger le même traitement que font les Américains par rapport
à nos entreprises?
M. Pettigrew: Nous pourrions le faire. Ce n'est simplement pas
dans notre culture. Nous n'allons pas devant les tribunaux faire des droits
compensatoires contre les Américains, quand ils viennent chez nous faire
du dumping ou qu'ils sont subventionnés d'une manière excessive.
Nous avons tout à fait le droit de le faire. Ça ne fait pas
partie de notre culture commerciale. C'est pour ça que je disais que les
Américains faisaient beaucoup de politique commerciale, dans le sens
très politique. Nous, ça ne fait pas partie de notre culture,
ça ne fait pas partie de nos habitudes d'affaires.
M. Beaulne: Mais est-ce que ça serait souhaitable qu'on le
fasse?
M. Pettigrew: Mais tout à fait! C'est ce que je dis, quand
je demande aux gens de changer de discours économique, d'arrêter
de dire: L'Accord de libre-échange nous donne la garantie et la
sécurité d'accès. On est bien mieux de dire: Non, mais
agissons en fonction de la réalité.
Moi, c'est ce que j'avais essayé de dire quand je suis venu ici
en commission parlementaire, en 1986, et c'est ce que je dis: Le meilleur
discours économique que nous pouvons faire, c'est un discours qui est
axé sur les réalités, parce qu'on peut faire des analyses
justes, et non pas à partir d'un tam-tam qui serait plus
encourageant.
M. Beaulne: À la page 12, vous parlez de
l'élément forteresse, qui est un des aspects que vous critiquez
dans le processus actuel, en particulier en fonction de l'élaboration
des règles d'origine complexes. La question qui me vient à
l'esprit, ici, c'est: Est-ce que le recours à des procédés
de ce genre-là peut ouvrir la porte ou va ouvrir la porte
à un ensemble de barrières non tarifaires, un peu du style de
celles qu'uti- lise le Japon? Et même... et je pense que, d'ailleurs,
ça serait intéressant de vous entendre commenter sur le type de
barrières non tarifaires qu'utilise le Japon, par rapport à ce
qu'on pourrait prévoir, ici, compte tenu de ces
ambiguïtés-là, dans le sens où le Japon a
signé à peu près tous les accords possibles et imaginables
le GATT, jure sur tous les évangiles de libre commerce, tout ce
que vous voulez mais on sait très bien que c'est un marché
qui est fort difficile à pénétrer, en particulier en
raison des fameuses barrières non tarifaires dont tout le monde se
plaint.
M. Pettigrew: Oui.
M. Beaulne: Alors, ça serait intéressant de
comparer, un peu, le genre de barrières non tarifaires que pose le
Japon, et de quelle façon, par exemple, les questions telles que
l'élaboration des règles d'origine complexes, ce que vous appelez
l'élément forteresse, pourraient ouvrir la porte à ce
même genre de pratiques...
M. Pettigrew: Oui.
M. Beaulne: ...de la part des États-Unis.
M. Pettigrew: Non, je ne crois pas que ça va aller aussi
loin. D'abord, c'est de la part de l'ensemble de l'Amérique du Nord.
Mais c'est ce qu'on fait, par exemple, dans les téléviseurs, avec
les tubes cathodiques: On exige qu'ils soient nord-américains. Ce sont
des éléments comme ceux-là. Mais ce ne sont pas des
barrières non tarifaires de la même ampleur. C'est un peu une
forteresse par rapport à quelques petits secteurs ici et là sur
lesquels je me sentais le devoir d'attirer l'attention de la commission.
Ce qui se fait au Japon est d'un tout autre ordre, parce que c'est
institutionnalisé, et c'est un système. Évidemment, il y
a, au Japon, des barrières non tarifaires: droits
d'établissement, et des... le riz, par exemple, et des choses comme
celles-là, et on peut leur taper dessus avec les règlements du
GATT. Mais ce qui fait que le marché japonais n'est pas penetrable, la
raison pour laquelle nous n'avons pas accès au marché japonais,
ce ne sont pas véritablement les barrières non tarifaires. C'est
la culture économique japonaise. C'est sa façon de distribuer les
biens à travers la société japonaise. Le système de
distribution, au Japon, est d'une lourdeur énorme. Et ça, ce
n'est pas une barrière que vous pouvez combattre avec le GATT, en
fonction des pouvoirs actuels qu'il a.
Voyez-vous, le GATT a été fondé par un petit club
de, quoi, 23 pays plutôt anglo-saxons, à la fin des années
quarante, des pays qui jouaient tous le même jeu commercial, très
«fair-play» très «gentlemen», à la
britannique, qui jouaient donc selon les mêmes règles.
L'économie japonaise est une économie, donc, qui a
été bâtie sur l'exportation, orientée sur les
marchés exté-
rieurs, où on a rendu l'usine extrêmement productive, et le
produit, donc, hors usine, ne coûte pas cher, et arrive en
Amérique du Nord ou en Europe, à travers un réseau de
distribution nord-américain qui, lui, est très efficace. Au
contraire, nous, nous produisons en usine un peu moins efficacement que les
Japonais donc, hors usine, notre produit est déjà un peu
plus cher mais le problème, lorsqu'il arrive sur le marché
japonais, c'est qu'il est soumis... il est obligé de passer à
travers un réseau de distribution de «Pop's and Mom's shops»
comme on dit, de sept ou huit étages, qui est extrêmement lourd,
absolument pas productif. Et lorsque notre produit, qui était
déjà plus cher, au départ, reçoit toutes ces
augmentations-là, il n'est pas achetable auprès du consommateur.
C'est une question de priorités que nous avons eues dans nos
économies, et c'est le réseau de distribution japonais qui fait
qu'on n'y a pas accès. Mais ça, c'est extrêmement
difficile, dans une société aussi fermée que le Japon
l'est, de changer leur sytème de distribution, qui, en plus, est un
véritable système social. Parce que c'est comme ça qu'on
évite d'avoir du social. On fait vivre du monde, comme je dis, des
«Pop's and Mom's shops», qui obtiennent une petite commission
à ne pas faire grand-chose et à alourdir l'économie, mais,
au moins, ils ne sont pas sur le bien-être social, ils ont ça.
Mais, voyez-vous, c'est essentiellement ça qui fait que le marché
japonais n'est pas accessible. Mais c'est tout le système social qu'il
faudrait changer, et c'est pour ça que le Japon ne bouge pas tellement
vite.
M. Beaulne: Une dernière petite question. Est-ce que vous
pensez qu'on pourrait poursuivre, disons, avec quelques chances de
succès, pour améliorer les conditions de l'industrie du
vêtement, à l'intérieur de l'Accord, en utilisant
l'argument de l'article 24 du GATT?
Le Président (M. Gauvin): Brièvement s'il vous
plaît, M. Pettigrew.
M. Pettigrew: Bien, écoutez, comme je le disais, les
contingentements sont déjà suffisamment élevés que,
rendons-nous aux contingentements et on va déjà en avoir plein
notre... beaucoup d'ouvrage pour les prochaines années. Je pense que, au
départ, il y a ça. L'article 24, je serais très surpris
qu'il soit appliqué. Il ne l'a jamais été, finalement, et
c'est pour ça que, même les pays tiers, je ne crois pas, se
plaindront de ça. Et ça serait assez délicat pour nous de
revendiquer par l'article 24. C'est plutôt aux pays adversaires aux
compétiteurs de le faire qu'à nous, par rapport à
ça.
M. Beaulne: Merci.
Le Président (M. Gauvin): Merci. C'est le temps qui nous
était alloué... alloué à l'Opposition.
M. le député de...
M. Benoit: Orford.
Le Président (M. Gauvin): ...Orford.
M. Benoit: Merci, M. le Président.
M. Pettigrew, merci d'être ici aujourd'hui. Trois petites
questions, si le temps me le permet. Vous êtes en affaires, vous
êtes avec un des grands consultants, vous avez plein de clients à
travers le monde mais particulièrement ici, au Canada et au
Québec. Quelles sont les appréhensions que vos clients ont,
vis-à-vis cette entente-là? On entend plus souvent les gens nous
parler des appréhensions que des côtés positifs de ces
ententes-là. Quelles sont les principales appréhensions de vos
clients?
M. Pettigrew: Bien, évidemment, c'est toujours la question
des bas salaires et des législations moins... non pas moins fortes, mais
moins bien appliquées, dans les dossiers de l'environnement ou du droit
du travail. C'est qu'on trouve que, produire ici, dans le contexte dans lequel
nous sommes, coûte énormément plus cher, notamment parce
que nous appliquons nos lois plus rigoureusement qu'eux, et les bas salaires.
C'est ce qu'on entend, en général.
Du côté des bas salaires, je dis toujours que, moi,
ça ne me fait pas peur du tout. Comme je le dis dans mon mémoire:
Ils gagnent moins chers parce qu'ils sont moins productifs. À partir du
moment où on est plus productif, on gagne plus cher, et aussitôt
que les Mexicains vont être plus productifs, ils vont gagner plus cher.
Ça, je ne suis pas inquiet de ça. Regardez ce qui est
arrivé au Japon. Les Japonais ne gagnaient rien dans les années
cinquante et, maintenant, ils sont obligés, eux-mêmes, d'aller
produire dans d'autres pays d'Asie, parce que ça coûte trop cher
produire... leur main-d'oeuvre coûte trop cher. Alors ça,
ça ne m'inquiète pas. (16 h 50)
L'autre question m'inquiète davantage: C'est évidemment le
fait qu'au Mexique, malgré qu'ils aient des législations
vigoureuses et, je dirais, rigoureuses, ils ne sont pas vigoureux dans
l'application de ces législations-là, et là, il faut faire
des pressions pour qu'ils améliorent cette situation-là, et
Clinton semble être du bord de ce côté-là.
Le Président (M. Gauvin): M. le député
d'Or-ford, oui.
M. Benoit: À la page 6 de votre mémoire, vous nous
dites, et je ne veux pas le lire au complet, là, l'avant-dernier
paragraphe: «Ce qui frappe chez les Mexicains, c'est la
détermination, la lucidité et le courage» etc., et vous
finissez par nous dire qu'autant individuellement que collectivement qu'ils
sont prêts à prendre tous les moyens nécessaires. Bon. Moi,
je suis en politique depuis quelques années, et puis, j'aimerais
bien vous croire sur parole. J'ai plutôt l'impression que c'est
l'oeuvre d'un homme, qui est M. Salinas, qui est finalement un grand leader
là-bas, qui a amené son peuple à réaliser ces
choses-là. Salinas n'est pas... va disparaître un bon jour, et
comment profonde et ancrée est cette volonté d'ouvrir le
Mexique?
M. Pettigrew: Bien, écoutez, un homme ne change pas tant
de choses, hein. Je pense que Salinas est aussi le résultat d'une
certaine société. Oui, c'est un très grand leader, pour
lequel j'ai la plus grande admiration, mais il est vraiment à la
tête de toute une équipe. Je suis renversé de l'âge,
par exemple, des gouverneurs à travers ce pays. Vous savez, c'est un
pays fédéral comme le nôtre, et...
M. Benoit: C'est très bon, ça...
M. Pettigrew: ...vous savez...
M. Benoit: ...c'est très bon, ça, c'est...
M. Pettigrew: Oui. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Pettigrew: ...les trois pays d'Amérique du Nord le
sont, les États-Unis l'étant également. Mais les
gouverneurs sont âgés de 40, 42, 43 ans. Alors, ce n'est pas qu'un
seul homme, c'est vraiment une oeuvre de toute une équipe qui est
arrivée au pouvoir en 1986, et Salinas, bien sûr, doit
disparaître; de par la Constitution mexicaine, il n'a pas le droit
à un deuxième mandat. D'ailleurs, ça, c'est
intéressant à savoir. Dans le sud, ils ont droit à un
mandat; aux États-Unis, à deux; je ne sais pas ce qu'on devrait
faire ici, là, hein. On peut... Ha, ha, ha! On pourrait peut-être
limiter ça à trois.
M. Benoit: Ha, ha, ha!
M. Ciaccia: Pas de mandat.
M. Benoit: Un et demi.
M. Pettigrew: Ha, ha, ha!
M. Ciaccia: Aucun mandat, ici.
M. Benoit: Un et demi. Ha, ha, ha!
M. Pettigrew: Mais je crois, donc, que c'est beaucoup plus
enraciné qu'on ne le pense. Je vais vous dire que, fondamentalement,
j'ai l'impression qu'il y a, dans la classe dirigeante et suffisamment
appuyé au Mexique ce qu'il faut pour bâtir cette
société moderne qu'ils veulent. Moi, j'ai bien confiance en
ça. La seule inquiétude que j'ai, c'est qu'évidemment la
reprise économique étant aussi chancelante et difficile aux
Etats-
Unis les Mexicains risquent de voir briser leurs ambitions, non pas
parce qu'ils n'ont pas confiance dans leur dirigeant, mais par la
récession économique qui, si elle n'est pas suffisamment
vigoureuse, ne leur permettra pas de profiter suffisamment tôt des fruits
de cette libéralisation pour faire passer les sacrifices que ça
implique.
M. Benoit: Finalement, dernière question: À la page
16 de votre mémoire, vous nous dites: «En effet, partout à
travers le monde la mondialisation est accompagnée de
régionalisation.»
M. Pettigrew: Ah.
M. Benoit: Je trouve que vous l'exprimez très bien, et
j'étais avec des jeunes Européens, hier, du Benelux, qui
passaient et je pense qu'il y en a dans la salle, ici, aujourd'hui
qui exprimaient ce sentiment, en Europe.
Pouvez-vous nous en parler un peu, et ce que vous ressentez, là,
comme économiste, comment vous voyez ça, finalement,
là?
M. Pettigrew: Bien, je pourrais tellement vous en parler
longtemps...
M. Benoit: Allez-y.
M. Pettigrew: ...qu'un peu, c'est frustrant; et on me dit qu'on
n'a pas trop de temps.
Écoutez d'ailleurs, ça m'a fait travailler beaucoup
avec la députée de Kamouraska-Témiscouata, ici, que j'ai
eu beaucoup de plaisir à retrouver. Je crois que la mondialisation de
l'économie forcera les régions à se redéfinir. Il
est absolument impérieux que les régions, le territoire, se
redéfinissent directement dans cette mondialisation, en étant
capables, par la technologie d'aujourd'hui, par les distances qui sont rendues
inexistantes avec la technologie, les moyens de transport réduits, il
est impérieux que les régions redéfinissent leur mission,
revoient leur vocation fondamentale, et les redéfinissent par des
exercices de planification stratégique régionale beaucoup plus
rigoureuse que les sommets socio-économiques d'autrefois; c'est un
exercice dans lequel je suis ravi que le gouvernement se soit engagé,
parce que cet exercice doit être fait en fonction de diagnostics des
forces et des faiblesses régionales, une revue de l'analyse de
l'environnement international, et je pense que la mondialisation, à
mesure que certains pouvoirs économiques échappent aux citoyens,
il y a un besoin psychologique, chez l'individu, de retrouver son
identité ailleurs. Cette identité se fera sur la base de son
appartenance immédiate, et c'est là que le dynamisme doit
renaître, de l'entreprise régionale. C'est beaucoup plus
intéressant, à mon avis, que les autres identités,
où certains régionalismes sont en train de naître,
notamment en Europe de l'Est, où on se tire vers certaines sectes, ou
vers la religion, non... dans son sens un peu péjoratif,
je l'entends, bien sûr, ou les questions plus étroites,
plus dépassées, ou les sentiments du XIXe siècle.
M. Benoit: Très bien. Merci, M. Pettigrew.
Le Président (M. Gauvin): M. le ministre, est-ce que vous
avez... pour quelques minutes?
M. Ciaccia: Juste pour remercier. Oui, M. le
Président.
Je suis d'accord avec vous, quand vous mentionnez qu'il y a ceux qui
pensent que c'est un accès complet au marché
nord-américain, ça ne l'est pas, mais c'est un accès qui
est plus sûr, qui est plus certain et qui a été
amélioré sur l'entente du libre-échange que nous avons
avec les États-Unis.
Sur la question du GATT, les discussions sur les subventions, on les
remet au GATT plutôt que dans l'ALENA; cette décision a
été prise avant qu'on commence à discuter l'ALENA.
M. Pettigrew: Ah, oui?
M. Ciaccia: C'était tout de suite après que
l'entente de libre-échange a été signée; les
discussions ont commencé et, alors, on a vu que c'était
impossible.
M. Pettigrew: C'est ça.
M. Ciaccia: Alors, on a dit: On va prendre ces
décisions... Ça va être plus fructueux et ça va
être plus facile pour nous de discuter des subventions avec tous les pays
du GATT que seulement s'en tenir à la position américaine. Parce
que quand on leur avait démontré, par exemple, dans les
discussions, qu'il y avait beaucoup plus de subventions là comme
vous l'avez mentionné, les «municipal bonds», tous les
États, tous les programmes qu'ils ont, là ils ont
reculé un peu.
M. Pettigrew: Oui.
M. Ciaccia: Alors, ça, c'est la raison pour laquelle on ne
l'a pas inclus dans l'ALENA, mais on va laisser ça au GATT. Et,
déjà, il y a des progrès. Sur la raison pourquoi en
plus de la raison culturelle, ça ne fait pas partie de notre culture,
pourquoi on n'impose pas des droits compensatoires c'est parce qu'aussi
on dépend plus des exportations, on dépend plus du marché
américain qu'eux dépendent du nôtre.
M. Pettigrew: Oui.
M. Ciaccia: Alors, c'est extrêmement délicat de
dire: On va commencer à avoir des droits compensatoires sur leurs
produits. Parce que les répercussions pourraient être pires en
termes de représailles par les protectionnistes, entre guillemets,
américains. Alors, c'est une des raisons, en plus de la raison
culturelle, mais je crois que le binational nous a vraiment assez... Dans les
trois quarts des causes qui sont allées au binational, nous avons
gagné.
M. Pettigrew: M. le ministre, j'apprécie votre prudence
dans le dossier de désarmement commercial, je reconnais votre sagesse,
vous reconnaissez ma fougue d'antan, lorsque j'invite les gens à
être plus agressifs, mais je pense que vous avez raison, nous sommes
beaucoup plus dépendants d'eux. Mais ça n'empêcherait pas
que, dans certains dossiers, une fois ou l'autre, on pourrait au moins...
M. Ciaccia: Ah non! Je n'exclus pas ça du tout, mais on
m'indique que mon temps de parole est terminé.
M. Pettigrew: Bon.
M. Ciaccia: Je veux vous remercier...
M. Pettigrew: Je vous ai coupé.
M. Ciaccia: ...pour la contribution que vous avez faite
aujourd'hui, plus spécifiquement sur la question des relations Nord-Sud.
C'est quelque chose qu'on oublie trop souvent, qui fait partie de nos
obligations, mais qui, à la longue, va être très bon pour
nous.
Alors, merci.
M. Pettigrew: Merci.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre. Merci,
MM. Pettigrew et Lemonde, d'avoir participé à cette commission,
d'avoir présenté votre mémoire. Merci.
Avant d'accueillir la Centrale des syndicats démocratiques, je
pense qu'on va devoir suspendre une minute pour permettre à ces
gens-là de prendre place.
(Suspension de la séance à 16 h 59)
(Reprise à 17 h 1)
Le Président (M. Gauvin): La commission reprend ses
travaux et, comme je vous le mentionnais, on reçoit la Centrale des
syndicats démocratiques, ici représentée par son
président, M. Claude Gingras, que j'inviterais à nous
présenter ses collaborateurs.
Centrale des syndicats démocratiques
(CSD)
M. Gingras (Claude): Alors, merci, M. le Président.
Alors m'accompagnent, bien sûr, pour présenter la position
de la CSD, Mme Louise Rochefort, qui est
au Service des communications de la CSD, qui est à ma droite,
ainsi que Louis Tremblay, responsable du Service de la recherche, à la
CSD.
Le Président (M. Gauvin): Vous avez 20 minutes, M.
Gingras, ou à peu près, pour nous présenter ou commenter
votre mémoire.
M. Gingras: Alors, merci, M. le Président.
Alors, M. le Président, M. le ministre, membres de la commission
des institutions. La Centrale des syndicats démocratiques
représente près de 60 000 travailleuses, travailleurs au
Québec provenant de différents secteurs, dont ceux du
vêtement, de la chaussure, du textile, de la métallurgie, mines,
produits chimiques, l'agro-alimentaire, le papier-carton, le bâtiment et
bois, le commerce et les services, la construction, le public et parapublic,
ainsi que les affaires sociales.
Alors, comme vous le savez, c'est une entente qui nous préoccupe
énormément. Comme on peut rapidement le constater, plusieurs des
membres de la CSD ont à composer quotidiennement avec la concurrence
étrangère. Les effets de cette concurrence, nous les connaissons
bien. Notre pratique syndicale reflète d'ailleurs les expériences
vécues par les travailleuses et travailleurs dans leur milieu de
travail. Ces expériences nous ont guidés, tout au cours des
années, pour prendre position par rapport à l'Accord de
libre-échange nord-américain.
Notre bilan des quatre premières années de l'Accord de
libre-échange entre le Canada et les États-Unis est aussi un
élément déterminant de notre position, de même que
la situation du Mexique, le nouveau partenaire, qui veut s'associer à
ses voisins du nord dans l'aventure du libre-échange.
Alors, permettez-nous de nous attarder quelque peu sur le
libre-échange avec les États-Unis. La position de la CSD, en
1987, était claire d'ailleurs, on avait rencontré le
gouvernement à cette fin la Centrale rejetait
catégoriquement le libre-échange absolu. Même si on avait
une ouverture sur la négociation du libre-échange, il
n'était pas question d'accepter un libre-échange à toutes
conditions. Le Canada, historiquement, a toujours négligé les
enjeux de l'industrie et de l'emploi dans sa stratégie commerciale dans
le cadre du GATT. Alors, la CSD proposait plutôt de négocier un
libre-échange contrôlé, qui stipulerait des clauses
commerciales de sauvegarde et de protection des intérêts vitaux
des Canadiennes et Canadiens. Il fallait éviter de sacrifier les
secteurs économiques vulnérables qui constituaient un bastion
fort important d'emplois dans notre économie, comme le meuble, la
chaussure, le textile et le vêtement et Dieu sait jusqu'à
quel point on peut constater les dommages aujourd'hui, au moment où on
se parle. Un quelconque accord avec les États-Unis devait être
subordonné à l'instauration d'une politique de plein emploi et
à la protection des secteurs vulnérables.
Toutefois, les interventions des gouvernements fédéral et
provincial ont nui aux travailleuses et aux travailleurs, et aux entreprises
qui cherchaient à profiter de l'ouverture des marchés
américains. On pense, notamment, à l'emploi d'une politique
monétaire restrictive; le maintien à un niveau anormalement
élevé du dollar canadien; la réduction de
l'accessibilité à des prestations d'assurance-chômage; le
remplacement du programme de prestations d'adaptation des travailleurs par le
programme d'aide des travailleurs âgés, et le statu quo dans le
fouillis des programmes fédéral-provincial de la
main-d'oeuvre.
Par ailleurs, les problèmes que le Canada et le Québec
rencontrent pour profiter de l'ouverture du marché américain sont
de deux ordres: d'une part, les nombreux différends commerciaux avec les
États-Unis et, d'autre part, l'adaptation de nos entreprises. Même
avec l'entrée en vigueur du traité de libre-échange entre
le Canada et les États-Unis, les différends commerciaux
subsistent entre les partenaires, en ce qui a trait au bois d'oeuvre, au porc,
au magnésium, à l'acier, au saumon du Pacifique, au homard, au
lait UHT, à la bière, au yogourt, à la crème
glacée. Notre partenaire commercial n'est pas beau joueur, c'est le
moins qu'on puisse dire. Dès que le Canada possède un avantage
comparatif dans la fabrication d'un produit, il s'empresse d'imposer une mesure
pour réduire cet avantage. Ce manque de «fair play» nuit
grandement au développement de nos industries exportatrices et ne
respecte pas l'esprit de l'Accord de libre-échange.
À titre d'exemple, pour le porc, la bière, le yogourt et
la crème glacée, malgré le mécanisme de
règlement des différends prévu à l'Accord de
libre-échange, on a dû faire appel au GATT pour arbitrer ces
différends, malgré ce qu'on nous avait promis: des
mécanismes améliorés de règlement des
différends, des mécanismes plus rapides, plus expéditifs
et à l'avantage des parties.
De plus, dans les cas du porc et du bois d'oeuvre, malgré des
décisions de plusieurs instances qui favorisaient le Canada, il perdure
toujours un différend qui cause préjudice aux entreprises, aux
travailleuses et aux travailleurs de ces secteurs.
La tendance protectionniste de la nouvelle administration
américaine n'est pas sans causer une vive inquiétude quant
à l'accessibilité des marchés américains ou
à l'imposition de nouvelles mesures sur les produits et les services
importés du Canada.
Les barrières non tarifaires sont aussi utilisées par les
Américains pour nuire à nos exportations. Ainsi, dans le secteur
agro-alimentaire, on doit déplorer que, à l'occasion, les
douaniers américains retardent l'entrée sur le territoire des
États-Unis de chargements de viande de porc et de poulets
surgelés. La raison invoquée pour expliquer ce retard est que,
hypothétiquement, les normes d'hygiène ne sont pas
rencontrées, alors que tout le monde sait que les normes
québécoises et canadiennes sont supérieures aux normes
américaines, dans plusieurs cas. Ce sont là des motifs douteux,
selon nos informa-
tions. Cependant, des exemples très récents de ça
nous indiquent que certains qui ont fait une tentative n'en referont
sûrement pas d'autres parce qu'il y a des conteneurs complets de poulets
qui sont demeurés sur les ports américains.
D'autres facteurs que les précédents réduisent nos
possibilités de profiter de l'accès au marché
américain, soit le manque d'information, l'absence de vision dans les
entreprises face à la libéralisation et la difficulté,
pour les PME québécoises, d'entrer sur le marché
américain.
Comme le démontre une étude récente, l'information
sur l'Accord de libre-échange et là on parle de celui avec
les États-Unis n'est pas satisfaisante. On y découvre que
45 % des répondants à cette étude considéraient que
l'information qu'ils ont reçue au sujet de l'Accord était
incomplète ou insuffisante. Ce résultat correspond à la
vision des conseillers à l'emploi de la CSD, qui sont quotidiennement
dans les entreprises du Québec. Cela explique aussi l'absence d'une
vision globale des entreprises face à la libéralisation des
échanges.
Les critiques quant à l'information incomplète et
insuffisante sur l'Accord par les employeurs rejoignent les remarques du
Vérificateur général du Québec dans son dernier
rapport. Au sujet du ministère des Affaires internationales, il
souligne, et je cite: «Dans le domaine de l'économie, le
ministère offre des services qui s'adressent à une
clientèle variée; d'autres ministères, les gouvernements
fédéral et municipaux et des organismes à vocation
internationale en font tout autant. Malgré ce contexte, le
ministère n'a pas défini précisément sa
clientèle, ne la consulte pas toujours de façon structurée
et n'a pas déterminé la nature et l'étendue des services
qu'il compte lui offrir. Il n'a pas non plus établi une stratégie
de communication pour faire connaître ses services.» Dans le
contexte actuel, où les ressources sont très limitées
il en a été largement question avec la commission sur les
finances publiques il est déplorable de constater
l'inefficacité flagrante des interventions du ministère des
Affaires internationales.
Dans la présente consultation, nous devons d'ailleurs
dénoncer que le ministère n'ait pas publié de documents de
consultation avant la date limite de remise des mémoires à
l'Assemblée nationale. Or, au moment où le ministre Tremblay
préconise l'adoption, dans les entreprises québécoises, de
la qualité totale et du Juste à temps, le ministère ne
montre certainement pas l'exemple dans cette consultation. La
libéralisation des échanges, que ce soit en vertu de l'Accord de
libre-échange, du GATT ou de l'ALENA, oblige les entreprises à se
redéfinir, à se restructurer. L'approche qui semble la plus
pertinente à cette fin est celle qui permet aux partenaires des milieux
de travail d'élaborer et d'implanter un plan d'affaires qui inclut sa
mission, son marché, sa structure financière, son mode de
production, ses ressources humaines, etc.
Il faut donc que les programmes gouvernementaux d'assistance respectent
cette approche globale. Cette approche est tout à fait possible dans le
cadre d'un comité d'adaptation de la main-d'oeuvre en entreprise. On
doit déplorer, ici, la réduction, par le gouvernement du
Québec, des ressources prévues à ce titre. Alors, ce n'est
une cachette pour personne que les sommes sont de plus en plus restreintes,
à cette fin, dans les milieux de travail. (17 h 10)
Enfin, la difficulté pour les PME québécoises de
pénétrer le marché américain est importante. Ce
vaste marché a ses réseaux propres qui exigent une bonne
compréhension avant de s'y aventurer. Ici encore, des programmes d'aide
sont disponibles, mais ils doivent s'adapter à la situation de chaque
entreprise, puisque chacune fait face à une réalité
différente des autres.
Voyons maintenant le libre-échange à trois. D'abord, le
contexte mexicain. Le Canada et les États-Unis sont deux pays qui se
ressemblent par le niveau de vie de leurs habitants, le degré
d'industrialisation et sur bien d'autres aspects. On ne peut en dire autant
pour le Mexique. Ce pays en voie de développement, qui a connu des
changements importants depuis le début des années quatre-vingt,
est difficilement comparable à ses deux voisins du nord.
Les conditions de travail des travailleuses et des travailleurs
mexicains sont certainement un facteur à considérer dans l'impact
que peut avoir la libéralisation du commerce. On peut se demander
quelles sont les protections des Mexicaines et des Mexicains dans l'exercice de
leur emploi. Bien qu'il existe, au Mexique, des législations sur les
conditions de travail semblables à celles en vigueur au Canada et au
Québec, des différences importantes subsistent dans leur contenu
et leur application. Alors, je pense qu'il ne faut pas regarder seulement les
textes, il faut regarder ce qu'on en fait.
Le salaire horaire minimum général du Mexique varie d'une
région à l'autre. Au 1er janvier 1992, il variait, selon la
région, de 0,52 $ à 0,63 $. Le 1er janvier 1992, le salaire
horaire minimum, au Québec, était de 5,55 $, puis le 1er octobre
1992, il est, depuis cette date, à 5,70 $. La rémunération
horaire moyenne au sein du secteur manufacturier, incluant les charges
sociales, est, au Mexique, de 1,18 $ en dollars canadiens contre 14,75 $ au
Canada et 17,70 $ aux États-Unis. Dans les deux cas, le Mexique offre un
avantage marqué au niveau salarial pour les employeurs et les
investisseurs potentiels qui désirent s'établir dans la zone de
libre-échange que crée l'ALENA. Le Mexique n'offre pas, à
sa propre population, de régime d'assurance-chômage ni de
régime universel d'assurance-maladie. Seulement une partie des
travailleuses et des travailleurs est assurée par ce dernier
régime. La syndicalisa-tion, particulièrement dans la zone des
«maquiladoras», et le régime de santé et
sécurité au travail posent de nombreuses questions quant à
leur accessibilité. Comment les travailleuses et les travailleurs
mexicains pourront-ils ainsi améliorer leurs conditions de travail?
Au dossier de l'environnement? Le Mexique n'est pas exemplaire. On
déplore de nombreux problèmes environnementaux causés par
les industries localisées au nord du Mexique, dans la zone industrielle
limitrophe avec les États-Unis. L'absence de volonté du
gouvernement pour recourir aux mesures qui s'imposeraient face aux entreprises
qui emploient un grand nombre de Mexicaines et Mexicains nous rend perplexes et
songeurs quant aux impacts du libre-échange sur l'environnement au
Mexique et sur la santé de ses habitants.
Finalement, des trois pays impliqués, le Mexique est celui qui
vit sous un régime démocratique depuis le moins longtemps. Le
même parti est au pouvoir depuis 1928. Encore aux dernières
élections, il a été accusé
d'irrégularités. Dans ces conditions, peut-on considérer
le système politique mexicain comme étant vraiment une
démocratie? Les droits fondamentaux sont de première importance
pour assurer la liberté et les droits d'une population. Bien qu'on
reconnaisse des signes de progrès dans l'exercice de ces droits, cela
reste un sujet de préoccupation, et il subsiste des cas de violation des
droits de la personne, de violence, de fraude électorale, ainsi que de
violation du droit des travailleuses et travailleurs d'organiser des syndicats
autonomes. Récemment, M. Broadbent déclarait que les droits de la
personne devraient même être inclus dans l'ALENA afin de mieux les
protéger.
Comme on peut le constater, des différences majeures
séparent le Mexique et ses voisins du nord. Voyons maintenant la
position de la CSD sur le principe de libre-échange
nord-américain.
La CSD est consciente du mouvement de libéralisation du commerce
international auquel le Canada n'échappe pas. D'ailleurs, c'est dans
cette perspective de libéralisation que le Canada a
négocié l'Accord de libre-échange nord-américain
avec les États-Unis et le Mexique. Cependant, la stratégie
canadienne, dans cette négociation, a été
défensive. Elle visait à se protéger des pots
cassés d'un accord bilatéral entre les Etats-Unis et le Mexique.
C'est sans enthousiasme, bien sûr, que le Canada a participé
à la négociation tripartite. Le développement
économique du Mexique ne doit pas être fait à n'importe
quel prix. Alors, lors de notre congrès, en 1991, nous avons
adopté, à la CSD, une position claire sur le libre-échange
nord-américain.
Alors, cette position comprend trois aspects. D'abord, pour la CSD, le
Mexique doit s'engager à reconnaître les droits individuels et
collectifs des travailleuses et travailleurs mexicains pour les rendre
comparables à ceux du Nord: droit d'association, droit de
négociation, droit de grève, droit de travail, etc.; s'engager
à mieux assurer la santé et la sécurité au travail
des travailleuses et travailleurs mexicains; respecter les droits et
libertés individuelles de ses concitoyens et concitoyennes; assurer un
partage plus équitable des revenus à travers sa population; et
assurer la protection de l'environnement ainsi qu'un contrôle par un
organisme international reconnu.
L'Accord de libre-échange à négocier doit aussi
contenir, selon nous, les dispositions suivantes: une période de
transition variable, d'une durée maximale de 20 ans, comportant un plan
d'abolition graduelle des tarifs selon les différents secteurs
visés; des mesures de sauvegarde en cas de perturbation grave des
marchés; ainsi qu'une règle d'origine précise s'inspirant
de celles contenues dans l'Accord de libre-échange
canado-améri-cain.
D'autres considérations étaient les suivantes: consulter
tous les partenaires socio-économiques pendant le déroulement des
négociations; leur transmettre l'information sur les impacts du
libre-échange; mettre de l'avant les mesures nécessaires pour
favoriser l'adaptation aux changements causés par le
libre-échange; mettre en place une véritable politique de plein
emploi basée sur la formation et l'adaptation, afin de faciliter la
restructuration économique dans les secteurs affectés par le
libre-échange; soumettre cette politique et son contenu à la
population préalablement à la conclusion d'un accord; et
prévoir, finalement, un mode de ratification ou du rejet du
traité de libre-échange dans le respect de nos conditions
démocratiques. Alors, on privilégie, à cet effet, un
référendum canadien au lieu d'une élection ou d'un droit
de vote ou de veto des provinces, de sorte que l'ensemble des Canadiens et
Canadiennes puissent s'exprimer en toute connaissance de cause sur un
changement aussi fondamental.
Ces conditions fixées par la CSD n'ont pas, bien sûr,
été respectées par l'accord signé en 1992 par le
gouvernement du Canada. Reprenons quelques-unes de ces conditions, si vous me
permettez.
Au niveau de la protection de l'environnement, l'ALENA prévoit
que les parties contractantes devront faire respecter les lois et
règlements par les entreprises établies sur leur territoire.
L'Accord mentionne que les parties ne devraient pas abaisser leurs normes pour
attirer les investissements et qu'elles peuvent déterminer les niveaux
de protection qu'elles jugent appropriés. À titre d'exemple, une
compagnie multinationale admettait que, si elle devait respecter les normes
canadiennes pour son établissement situé dans la zone des
«maquiladoras», elle serait passible de 600 points d'infraction. La
protection de l'environnement et de la santé des Mexicaines et Mexicains
prévue dans l'ALENA est inacceptable.
Pour les conditions de travail, l'ALENA confirme le droit des trois
gouvernements d'établir des normes de travail élevées et
réaffirme leur intention d'adopter des mesures contraignantes pour faire
respecter les droits des travailleuses et travailleurs. Le Canada et le Mexique
ont signé un accord bilatéral pour accroître la
coopération dans le domaine du travail. Cela représente peu pour
améliorer les conditions de travail des travailleuses et travailleurs
mexicains. On peut se demander si les voeux pieux, quant à la
volonté de faire respecter les droits existants, resteront encore lettre
morte.
Quant à nos autres préoccupations sur la santé et
la sécurité des travailleuses et des travailleurs, les droits
et les libertés du peuple mexicain, rien n'est prévu dans
l'Accord. Pour le processus de consultation, il se résume ainsi: le
comité du commerce extérieur de la Chambre des communes tient des
auditions publiques sur l'ALENA, et la Chambre devrait on ne sait plus
très bien quand débattre et adopter un projet de loi sur
l'ALENA. Cette consultation est, on doit le déplorer, très
restreinte et loin du débat et de la consultation démocratique
que nous réclamions.
Dans l'ALENA, le Canada a fait des concessions par rapport à
l'Accord de libre-échange dans les secteurs du textile, du
vêtement et de l'automobile. Ces concessions affecteront les emplois d'un
grand nombre de Québécois et Québécoises. La
règle d'origine contenue dans le nouvel accord restreindra
l'accès au marché américain pour les entreprises du
Québec oeuvrant dans les secteurs du textile, du vêtement et de
l'automobile.
Voyons brièvement les secteurs menacés par l'ALENA. Dans
des analyses du MIC et du MAI sur les effets du libre-échange entre le
Canada, les États-Unis et le Mexique, on souligne que les secteurs du
textile, du vêtement et de la chaussure seront affectés.
D'après nos constatations, nous pouvons confirmer que la
sensibilité de ces secteurs à l'ALENA est particulièrement
grande. Notamment, dans l'industrie du vêtement, on assiste au
déplacement de la production des usines vers la confection à
domicile. Le travail au noir est un phénomène très
présent dans cette industrie. Il permet aux employeurs de contourner les
lois sociales et toutes les charges sociales qui y sont reliées.
Cependant, les analyses gouvernementales sous-estiment les effets du
libre-échange. Les employeurs québécois ont
réalisé le faible niveau des salaires versés aux
travailleuses et aux travailleurs mexicains. Plusieurs entrevoient la
possibilité de faire produire une partie ou la totalité de leur
production dans ce pays, entre autres dans les secteurs de la
métallurgie, une entreprise québécoise est en
négociations pour conclure une alliance avec les entreprises mexicaines
dans le but de faire réaliser sa production au Mexique. (17 h 20)
Si l'Accord est accepté par les trois pays, il y a fort à
parier que plusieurs employeurs d'ici et d'ailleurs se tourneront vers le
Mexique pour profiter des faibles salaires et du peu d'obligations quant
à la santé et la sécurité au travail, la
santé de la population et la protection de l'environnement. C'est
carrément du «dumping social». On n'a qu'à se
rappeler l'exemple récent de Tioxide, qui risque de se
répéter dans le futur. On a également appris
récemment qu'une compagnie, vouée essentiellement à
l'achat d'entreprises américaines afin de les réinstaller au
Mexique, existe maintenant aux États-Unis. Peut-on croire que nous
ferons face à une situation similaire très bientôt, ici, au
Québec?
Alors, l'emploi dans les secteurs du vêtement, de la chaussure et
du textile représente souvent une forte proportion de l'emploi total
dans certaines municipalités du Québec qui sont
éloignées des grands centres. On connaît plusieurs grandes
villes qui tournent autour de ces industries. L'impact d'une fermeture sera
grand sur celles-ci, et le faible bassin potentiel d'emploi pour les victimes
de licenciement rendra difficile la relocalisation dans d'autres
entreprises.
Pour les travailleuses et travailleurs de 55 ans et plus, il faut
absolument se doter de programmes publics de préretraite qui leur
donnent le choix, dans le cas où l'adaption et le recyclage ne sont pas
possibles, pour un retrait du marché du travail, avec compensation
financière acceptable. La CSD considère que le programme actuel
du PATA est nettement inapproprié à ce titre. Dans cette
perspective, nous revendiquons que les gouvernements donnent priorité au
développement de nouveaux programmes de préretraite à
l'intention des travailleuses et des travailleurs âgés. Ce
programme doit notamment inclure les règles de base de l'ancien
programme, PAT, qu'on a connu ici au Québec.
D'autres mesures doivent viser à améliorer la concertation
dans les milieux de travail, reconnaître les acquis équivalents
à la formation, instaurer le congé-éducation avec formule
de soutien du revenu, mieux informer les entreprises et les appuyer pour faire
face à la concurrence, soutenir les PME québécoises pour
pénétrer les réseaux de distribution au Mexique et
créer un service gouvernemental d'aide rapide aux entreprises
exportatrices.
Le Président (M. Dauphin): M. Gingras, je m'excuse, si
vous voulez...
M. Gingras: En conclusion...
Le Président (M. Dauphin): Ah bon! Vous arrivez
dessus.
M. Gingras: ...M. le Président, le Canada s'est
imposé dans les négociations du libre-échange entre les
États-Unis et le Mexique. Il avait comme objectif de préserver
des avantages de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis,
signé en 1988. La stratégie canadienne était donc,
à notre avis, très défensive. La CSD avait, quant à
elle, fixé des conditions à respecter dans le
libre-échange nord-américain. Les conditions préalables
concernant la santé et la sécurité, les conditions de
travail, la protection de l'environnement, les droits individuels et les
libertés collectives et la répartition du revenu ne sont pas
respectées par le Mexique.
Les conditions quant au contenu de l'Accord, soit la période de
transition, les mesures de sauvegarde et la règle d'origine, ne sont pas
non plus respectées, ou seulement en partie.
Les conditions sur la consultation et l'information de la population
canadienne par le gouvernement fédéral ne sont pas non plus
respectées. De plus, la règle d'origine dans l'ALENA constitue un
recul par rapport à l'Accord de libre-échange avec les
États-Unis, ce qui menace particulièrement nos industries de
l'automobile,
du textile et du vêtement.
Alors, pour nous, bien sûr, l'Accord de libre-échange
nord-américain est inacceptable. Le gouvernement du Québec doit
se prononcer contre l'Accord de libre-échange nord-américain tel
que stipulé dans sa forme actuelle et exiger du gouvernement du Canada
qu'il refasse ses devoirs. Or, on sait qu'il y a des négociations qui se
font actuellement en vue de le bonifier, et c'est initié par les
États-Unis. Il ne faudrait pas que, nous autres, on prenne les devants
et qu'on accepte un accord que, déjà, d'autres jugent
inacceptable.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. Gingras, pour votre
présentation.
Nous allons maintenant aborder la période d'échange en
reconnaissant, en premier lieu, M. le ministre des Affaires
internationales.
M. Ciaccia: Oui, je voulais commencer en vous demandant: À
part ça, tout va bien?
M. Gingras: Écoutez, M. le ministre, ça pourrait
aller mieux.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gingras: Je pense que vous allez admettre que ça
pourrait aller mieux.
M. Ciaccia: Je vais essayer de répondre, pas à tous
les points que vous avez soulevés parce que je ne pense pas que je vais
avoir assez de temps. Je vais essayer de toucher les points principaux.
Commençons avec la consultation. Pour ce qui est de la
consultation et de l'information, le ministère des Affaires
internationales a coordonné de nombreux travaux interministériels
qui ont été menés en rapport avec l'ALENA. Nous avons fait
des consultations non seulement à l'intérieur, avec les
ministères, mais des consultations avec le public, avec les organismes
qui sont impliqués. Moi-même, j'ai rencontré la Coalition,
et je crois que, sur le plan fédéral, vous avez participé
à un des groupes consultatifs sectoriels du commerce extérieur,
celui sur les textiles, la fourrure et le cuir.
Et sur le plan de l'information, nous avons publié plusieurs
documents, et le Québec est, à ce jour, la seule province
à tenir une commission parlementaire en bonne et due forme au sujet de
l'ALENA. Nous sommes la seule province qui a publié le document
je ne sais pas, auquel je pense que vous avez référé,
sinon, on peut vous en envoyer une copie et les consultations ont eu
lieu vraiment en bonne et due forme, et l'entente de l'ALENA contient le
résultat de toutes les représentations qui nous ont
été faites, sauf, naturellement, pour la vôtre qui dit
qu'on ne doit pas la signer.
Mais, tous les autres groupes les exportateurs, les PME, les
caisses Desjardins on a tenu compte de toutes les positions dans la
formulation de nos... les positions que nous avons prises et que le
gouvernement fédéral a défendues. Vous savez, c'est
toujours dangereux de citer d'autres sources. Quand vous citez le
Vérificateur général sur la question des services à
la clientèle, qui critique le ministère des Affaires
internationales, qui dit que le ministère n'identifie pas sa
clientèle. L'erreur, c'est que nous n'avons pas une clientèle;
nous avons des clientèles.
La clientèle qui va aux États-Unis n'est pas la même
que celle qui va en Europe. La clientèle culturelle n'est pas la
même que la clientèle commerciale. La clientèle des
investisseurs n'est pas la même que celle des exportateurs. Alors, c'est
un peu simpliste et ça démontre un manque de compréhension
des clientèles du ministère des Affaires internationales de dire
qu'on ne les identifie pas. On les identifie. On en a plusieurs. On communique
avec elles, et vous avez seulement la peine de voir certains chiffres et la
façon... les augmentations, les missions économiques que nous
tenons, la coordination que nous faisons pour la politique industrielle du
Québec, pour tous les programmes que nous défendons aux
États-Unis avec le «Department of Commerce», pour voir la
façon que nous coordonnons nos efforts et la réaction de nos
clientèles.
Vous avez mentionné que vous voulez l'entente du
libre-échange. Vous étiez en faveur, mais vous préconisez
des mesures de sauvegarde, des périodes de transition. Je crois que
c'est exactement ce que l'entente du libre-échange a fait. Il y a des
mesures de sauvegarde. Il y a des périodes de transition. L'ALENA,
même d'après les analystes qui sont directement touchés en
termes d'exportation, admettent qu'il y a des améliorations dans l'ALENA
par rapport à l'ALE.
Et quand vous parlez... Par exemple, dans votre mémoire, vous
critiquez assez durement le mécanisme de règlement des
différends, vous déplorez le fait que, pour le porc, la
bière, le yogourt, la crème glacée, nous avions fait appel
au GATT, au lieu du mécanisme de règlement des différends
prévu dans l'ALE. Alors, si vous me permettez, dans le cas de la viande
de porc, nous avons fait usage du mécanisme de règlement des
différends de l'ALE, et nous avons gagné. Les Américains
ont dû rembourser aux exportateurs québécois près de
10 000 000 $ en droits compensateurs perçus. Et nous avons aussi
décidé d'aller au GATT, et c'est grâce à l'ALE si
les droits américains ont été retirés et les
producteurs du Québec remboursés.
Et, dans le cas de la bière, l'ALE prévoyait que ce
différend serait traité au GATT. Alors, la raison qu'il est au
GATT et pas devant le binational, c'est que c'a commencé avant l'ALE. Et
dans le cas du yogourt et de la crème glacée, cette affaire a
été portée devant un groupe spécial du GATT en
1988, soit avant l'entrée en vigueur de l'entente du
libre-échange avec les États-Unis, le 1er janvier 1989. C'est
pour ça que c'est au GATT et que ce n'est pas devant le binational. (17
h 30)
Vous regrettez aussi que les différends dans le
bois d'oeuvre et le porc vivant, ça perdure. Dans le cas du bois
d'oeuvre, nous sommes présentement devant un groupe spécial,
binational de l'ALE. Toutefois, entre la publication de la décision
finale du «Department of Commerce» sur la question du
«subventionnement», ce qui était le 28 mai 1992, et la
décision entendue du groupe spécial binational à ce sujet,
le 6 mai 1993, il se sera écoulé moins d'un an, une
période beaucoup plus courte que si le Canada avait décidé
d'en appeler auprès de la Court of International Trade.
Et on doit vous dire que ce qui est, par exemple, du porc vivant, il est
vrai que ce dossier s'éternise. Néanmoins, il ne fait aucun doute
que, si on n'avait pas le binational, les Américains, avant l'ALE,
imposaient des droits compensateurs. On n'avait pas de recours. Avec l'ALE,
maintenant, nous avons un recours. Et 75 % des causes que nous avons
portées au binational, nous les avons gagnées. Et ce
règlement de différends, ce mécanisme de règlement
des différends a été continué dans l'ALENA, non
seulement continué parce que dans l'ALE, ce n'était pas
une structure permanente on l'a rendue permanente dans l'ALENA, qui nous
bénéficie beaucoup parce que ça veut dire que le
Congrès américain est obligé de respecter les
décisions de ce mécanisme. Ça nous protège.
Vous avez parlé du vêtement et du textile. Je sais que vous
représentez les travailleurs dans le domaine du textile. Sûrement
que vous allez admettre que le textile est très, très heureux
avec l'entente. Même, avec l'ALE, leur contigentement terminait dans une
année; avec l'ALENA, ça a été augmenté pour
permettre un accès, encore, au marché américain.
Dans la question des vêtements, je suis un peu surpris de
certaines de vos déclarations parce que c'est grâce à
l'entente du libre-échange avec les États-Unis que l'industrie du
vêtement a augmenté ses exportations de 169 000 000 $, en 1988,
à 415 000 000 $, les premiers mois de 1992. Et même la ville de
Montréal qui est venue nous voir... nous présenter un
mémoire, hier, a admis que, n'eût été de l'entente
du libre-échange, l'industrie du vêtement serait en beaucoup plus
grande difficulté. C'est le marché américain qui a presque
sauvé l'industrie, parce que le marché interne avait beaucoup de
problèmes, beaucoup de difficultés. Il y a eu une
décroissance dans le marché interne et une augmentation dans le
marché américain. Et qu'avons-nous fait avec l'ALENA? C'est vrai
qu'il y a certaines contraintes, mais nous avons amélioré...
l'ALENA a amélioré l'accès au marché
américain pour l'industrie du vêtement en plus de l'industrie du
textile.
Les contingentements tarifaires ont été augmentés.
Je pourrais vous donner les chiffres qui ont été de 42 000 000
m2 à 80 000 000 m2. Et le fait est que, dans le 42
000 000 m2, seulement 27 % étaient utilisés;
malgré cela, nous les avons augmentés à 80 000 000
m2. Vous craignez que cette industrie aille au Mexique. Nous avons
prévu ça dans l'ALENA. Et nous avons exigé que les quotas
tarifaires du Mexique soient beau- coup moindres. Alors, même l'industrie
du vêtement admet que ça ne serait pas payant pour eux d'aller
faire faire leurs opérations au Mexique parce que leurs quotas
tarifaires sont très, très minines comparativement à ceux
que le Canada a pour les États-Unis. Juste, par exemple, dans la laine,
il y a 5 000 000 m2 pour le Canada. On est 26 000 000 de population.
Pour le Mexique, il y a 1 500 000 m2.
Et les salaires moindres c'est vrai qu'ils sont payés sept
fois moins mais la productivité de nos travailleurs est 6,5 fois
de plus. Alors, l'écart est très, très minime.
Et quand vous avez mentionné qu'il y avait une compagnie
américaine qui voulait faire le transfert des compagnies au Mexique
vous parlez d'Amerimex Maquiladora. Ça a été
supprimé par le Mexique. Ça n'existe pas. Ça a
été complètement supprimé parce que, eux aussi, ils
voient que ce n'est pas dans leur intérêt de faire ça.
Alors, quelqu'un a voulu faire une passe, de dire: Je vais charger des gros
taux de consultation, tout le reste, et je vais essayer d'avoir les clients
pour faire ça.
Mais ça ne se fera pas pour d'autres raisons. Et la question des
salaires moindres, ce n'est pas un problème de l'ALENA, c'est un
problème mondial, qui existe en Chine, au Viêt-nam, en
Malaisie.
Ce que nous faisons avec l'ALENA, nous ouvrons le marché pour les
entreprises québécoises. Nous donnons un meilleur accès au
marché nord-américain. Et nous voulons travailler. Le but, pour
nous, d'avoir appuyé l'entente du libre-échange, ce n'est pas
pour faire perdre des emplois ici. Le but, c'est de travailler avec tous les
intervenants québécois, incluant votre organisation, incluant
votre syndicat, pour voir comment nous pouvons tirer avantage de ce plus grand
accès au marché nord-américain, avec 85 000 000 de
consommateurs de plus. et, quand vous mentionnez que les mesures d'adaptation
je ne sais pas si vous dites qu'elles n'existent pas ou qu'elles ne sont
pas suffisantes je pourrais vous faire la liste des mesures que nous
avons. le paiement de transferts aux entreprises par le ministère et les
organismes du gouvernement représentent plus de 960 000 000$ en
1992-1993. c'est des programmes d'adaptation, ça, pour les industries.
le fonds de développement technologique: 70 000 000 $ que nous avons
déjà dépensés, sur 350 000 000 $ qui sont
disponibles. la société innovatech, qui a été mise
sur pied avec un budget de 300 000 000 $ à investir d'ici 1997. le
crédit d'impôt pour les entreprises qui mettent en place des
mesures de formation pour leurs employés. en deux ans, près de
200 000 travailleurs, dont environ 175 000 en 1992, ont reçu de la
formation dans le cadre de ce programme, et 90 % des entreprises qui ont
utilisé ce programme s'en disent satisfaites.
La Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre sera responsable, à partir
d'avril 1993, de gérer la politique québécoise en
matière de main-
d'oeuvre et de rapprocher les partenaires de l'enseignement, des
entreprises et du travail. Le ministère de la Main-d'oeuvre et de la
Sécurité du revenu a un programme de développement des
ressources de 20 000 000 $ en 1992, de 7 000 000 $ en programmes d'aide aux
personnes licenciées. Je pourrais vous faire une liste de tout
ça, mais le point, ici, que je veux faire, c'est qu'il y a des
programmes.
Le gouvernement fédéral a augmenté, aussi, les
montants disponibles pour l'ALE. Ce qu'il n'a pas fait, peut-être, en
termes de «PR», ça aurait été mieux pour lui
de les appeler des nouveaux programmes, dits spécifiquement pour l'ALE.
Il n'a pas fait ça, il a augmenté les enveloppes à
l'intérieur des programmes existants.
Mais la question de formation, la question qu'il y a eu des pertes
d'emploi, ça peut arriver pour une série de raisons. Quand vous
dites que vous êtes contre la politique fiscale, je suis d'accord avec
vous; la politique monétaire, les taux de change qui augmentent,
ça cause des déplacements. Nos programmes que nous avons ne sont
pas seulement... On ne demandera pas à quelqu'un: On va vous donner un
programme de formation, prouvez-nous que vous avez perdu un emploi parce que
c'est l'ALE ou prouvez-nous que c'est l'ALENA. Si l'emploi est perdu, quelle
que soit la raison ça peut être la compétition du
Japon, de l'Allemagne, de la Chine, du Viêt-nam on a une
responsabilité de prévoir pour les travailleurs. Si ces
programmes ne sont pas suffisants ou si ces programmes doivent être
réaménagés, on est prêts à travailler avec
vous pour les réaménager et pour s'assurer qu'ils achèvent
et qu'ils arrivent à l'objectif pour lequel ils ont été
créés. Mais, en termes...
J'ai de la difficulté à comprendre pourquoi vous
êtes complètement contre l'ALENA. Une fois que vous avez l'ALE,
voulez-vous m'expliquer comment on va pouvoir attirer des investissements au
Québec, si on ne fait pas partie de l'ALENA? Ils vont tous aller aux
États-Unis parce que les États-Unis vont avoir accès au
Canada et accès au Mexique, et, nous, on aurait accès à
quoi? Alors, il faut réfléchir sur ces choses-là. Est-ce
qu'on peut bonifier certaines choses?
Quand on exporte 40 % de nos biens et de nos services, il faut ouvrir
les frontières. On ne peut pas se fier seulement sur le marché
québécois, le marché canadien. C'est pour ça que
nous avons appuyé le Canada dans l'ALENA. C'est pour ça que nous
voulons ouvrir les barrières tarifaires, les réduire, mais avec
des périodes de transition. Vous voulez des périodes de 20 ans,
mais il y en a de 10 à 15.
Des mesures de sauvegarde, elles existent dans l'ALENA. Si quelque chose
arrive ça pourrait être une industrie qu'on sent qu'elle
est menacée immédiatement, on va pouvoir imposer des
douanes pour protéger cette industrie. Ça existe, dans l'ALENA,
ça. Le développement régional, ce n'est pas exclu dans
l'ALENA, il n'y a rien qui le touche. Il va falloir qu'on complète les
négociations au GATT.
Tout ceci pour vous dire qu'on est conscients qu'il y a certaines
difficultés, qu'il pourrait y avoir des difficultés, mais ce ne
sont pas des difficultés strictement à l'ALENA, ce sont des
difficultés de compétitivité au niveau mondial. La nature
du commerce a changé complètement. On doit rencontrer ça.
Moi, je suis prêt à m'asseoir avec vous. Il faut que vous
consultiez encore plus pour voir comment on peut travailler ensemble, dans quel
but... de tirer avantage de l'entente du libre-échange
nord-américain.
Alors, on m'indique que mon temps est écoulé. Mais
peut-être que je pourrais... (17 h 40)
Le Président (M. Dauphin): II reste quelques
minutes...
M. Ciaccia: ...peut-être que je pourrais avoir vos
commentaires...
Le Président (M. Dauphin): ...mais il faudrait
peut-être laisser le temps à nos invités de
réagir.
M. Ciaccia: ...sur la question des... M. Gingras: Sur vos
commentaires.
M. Ciaccia: ...sur la question des investissements, parce que des
investissements, ça crée des emplois, et si on ne peut pas les
attirer ici, les investissements, et qu'on fait partie de l'ALENA, ça va
être... Peut-être que vous pourriez me donner des commentaires sur
ça et sur d'autres éléments que j'ai apportés
à votre attention.
M. Gingras: C'est justement une des questions, M. Ciaccia, qui
nous préoccupent énormément: intéresser les
investisseurs ici à développer des emplois pour les Canadiens et
les Canadiennes, les Québécois et les Québécoises
en particulier. Or, bien sûr, vous avez défendu avec beaucoup de
foi l'Accord de libre-échange tel que convenu, mais, écoutez,
là-dessus on est en désaccord avec vous. On pense qu'il aurait pu
être meilleur, et il aurait pu mieux protéger les droits des
Canadiens et des Canadiennes, des Québécois et des
Québécoises. Dans ce sens-là, c'est que, quand vous dites
que ça va profiter aux secteurs du textile et du vêtement, je vous
reverrai dans quelques années pour voir combien on va avoir
d'investisseurs dans le textile et dans le vêtement, ici, au
Québec.
M. Ciaccia: Peerless vient juste d'engager 300 employés de
plus.
M. Gingras: Peerless est dans le tapis, vous savez que c'est tout
à fait...
M. Ciaccia: Non, non, pas le tapis Peerless, il y en a deux
Peerless...
M. Gingras: Dans les habits, O.K.
M. Ciaccia: ...je parle de celui qui fait les habits. Celui qu'on
porte, pas celui sur lequel on marche, là.
M. Gingras: Oui, mais on se reparlera quand même dans
quelques années pour voir combien il en reste. On s'est dit un peu les
mêmes choses lorsqu'on a négocié l'Accord de
libre-échange avec les États-Unis concernant la chaussure, et on
voit ce qu'il nous reste de l'industrie de la chaussure, ici, au Québec.
Et on se reparlera dans quelques années pour voir ce qu'il nous restera
de l'industrie du vêtement et du textile.
Vous avez dit: Accord très avantageux pour le textile? Il faut
faire attention. Il faut faire attention, parce que même si vous avez
négocié des contingentements... Parce qu'on était heureux,
un peu, de la position que vous aviez prise à un moment donné, en
disant: Prenez garde, si on signe l'ALENA dans les conditions actuelles, on
devra le faire sans le secteur du vêtement, du textile d'ailleurs,
on était d'accord avec vous là-dessus. Mais on pense que,
même avec une augmentation des contingentements, on n'a pas
réglé la problématique de ces industries-là et la
survie de ces industries-là. On a tout simplement mis des
contingentements qui sont, je suis d'accord avec vous, plus larges, plus
permissifs, qui nous permettent peut-être d'exporter nos produits sur le
marché américain et le marché contenu par l'Accord, mais
qui ne règlent pas le problème de survie de ces
entreprises-là parce qu'on a d'autres problèmes à
régler et qui, pour ces industries-là, vont demeurer des
problèmes pratiquement insolubles, et ça, vous le savez fort
bien.
Alors, quand on parle de protection d'industries, c'est que l'industrie
du textile a à travailler avec des composantes pour fabriquer ses
produits. Alors, quand on parle des textiles synthétiques, on parle du
pétrole. Le Mexique a sûrement un avantage, présente un
avantage pour les producteurs de textiles synthétiques, parce que le
prix de leur pétrole, comparativement au nôtre, n'est
sûrement pas équivalent. Quand on parle du coton, pour les
produits de coton, bien, je pense que les États-Unis ont un avantage sur
nous. La matière première, ils l'ont, aux États-Unis.
Alors, je ne suis pas certain qu'on a nécessairement dans l'Accord des
équivalences qui vont faire en sorte que les investissements vont se
diriger ici, au Québec. Alors, c'est pour ça que je vous dis que,
nous, on considère que ce n'est pas nécessairement des mesures
qui vont faire en sorte qu'on a sauvegardé l'emploi des
Québécois et des Québécoises dans ces
secteurs-là.
Vous avez dit que, de façon générale, il y a un
accord sur cet accord-là, bien écoutez, nous autres on n'est pas
tout à fait satisfaits. On ne vous a pas dit que ça n'en prend
pas un, et on ne vous a pas dit qu'il ne faut pas être dans un
marché plus large, parce qu'on sait que notre capacité de
production doit nécessairement nous amener à essayer de
développer de nouveaux mar- chés, parce que, si on ne le fait
pas, bien sûr on va perdre des emplois, et ça, on en est bien
conscients. On ne s'est pas prononcés contre la libéralisation du
commerce, mais contre l'ALENA dans sa forme actuelle. On pense qu'il y a des
questions qui sont demeurées sur la table, des questions qui n'ont pas
été réglées, et on nous place, avec le Mexique,
dans une situation où on va probablement être traités
défavorablement. Et ça, c'est notre préoccupation, parce
que notre préoccupation s'adresse pour les emplois qui relèvent,
justement, des entreprises ici. Et quand on les voit disparaître, ces
emplois-là, par milliers, actuellement, alors qu'on n'a pas
nécessairement développé ces marchés-là, et
même si vous vous faites rassurants par rapport aux entreprises qui ne
seront pas intéressées de déménager vers le
Mexique, nous autres, actuellement, on discute avec des entreprises qui sont
actuellement au Mexique en train de regarder les possibilités de se
relocaliser là.
Alors, c'est pour ça que je vous dis: On est plus inquiets que
vous, O.K., parce qu'on est dans ces milieux de travail là, où on
ressent cette démarche-là qui est en train de s'organiser. Bien
sûr, on ne la vit pas, là, l'Accord n'est pas signé, on
n'est pas dedans encore, mais, à court terme, on verra ce que ça
va donner. Alors, là-dessus, on est préoccupés et
très inquiets.
Le Président (M. Dauphin): Si vous me permettez, je vais
reconnaître l'Opposition officielle et je vous permettrai de conclure
à la fin.
M. le député de Bertrand.
M. Beaulne: Merci, M. le Président.
D'abord, je vous félicite pour la présention de votre
mémoire, qui est bien étoffé, qui fait ressortir une
problématique particulière en ce qui vous concerne. Mais
j'aimerais faire un commentaire avant d'aborder les questions. C'est que cette
commission se veut avant tout une commission de consultation et non pas une
commission d'information. Je rappellerai au ministre qu'il serait
peut-être souhaitable qu'on laisse parler nos invités plutôt
que de parler nous-mêmes. Étant donné que, ce matin,
lorsque vos collègues des autres centrales syndicales sont venus
présenter leur mémoire, il a utilisé la même
tactique, je pense qu'il est plus approprié d'écouter les
suggestions que vous avez à faire, les raisons pour lesquelles vous vous
objectez à certains aspects de l'Accord plutôt que, nous,
d'utiliser le temps de parole pour vous donner de l'information. Il y a
d'autres mécanismes pour le faire.
Ceci étant dit, justement, en parlant de questions d'information,
je voudrais revenir à la page 3 de votre résumé je
vais utiliser plutôt le résumé que le rapport parce que, de
toute façon, vous reprenez les points essentiels que je veux aborder
la page 3 de votre résumé, où vous parlez,
justement, du fait qu'un bon nombre d'entreprises ont senti qu'elles n'avaient
pas reçu suffisamment d'information sur l'Accord de
libre-échange, et je suppose que c'est la même situation qui
prévaut à plus forte raison, je dirais même
dans le cas de l'ALENA.
Vous faites allusion, également, au rapport du
Vérificateur général concernant l'efficacité du
ministère des Affaires internationales. Je dois dire que ce rapport du
Vérificateur général était un des plus virulents
que moi j'ai lu, en tout cas en termes de critique de la
performance d'un ministère. On ne pourra pas accuser l'Opposition
péquiste d'avoir traficoté ces recommandations-là,
puisqu'elles viennent d'une source tout à fait neutre.
Mais ceci étant dit, compte tenu du fait que, d'une certaine
façon, à la lumière des observations du
Vérificateur général, vous mettez, en quelque sorte, en
doute l'efficacité de certaines interventions du ministère des
Affaires internationales, j'aimerais vous poser la question suivante: Quelle
crédibilité accordez-vous, ou comment percevez-vous le plan
d'action Québec-Mexique que le ministre des Affaires internationales
vient de mettre de l'avant, il y a quelques jours?
M. Gingras: Je vais demander à mon collègue, Louis
Tremblay, de chez nous, de répondre à cette partie de votre
question.
Le Président (M. Dauphin): M. Tremblay.
M. Tremblay (Louis): Écoutez, le plan d'action
Québec-Mexique est plein de bonnes intentions. Il vise de bons
objectifs, mais, nous, ce dont on a besoin dans les prochaines années,
ce sont des actions qui vont aider les entreprises et les travailleurs à
pénétrer le marché américain et à
pénétrer le marché mexicain. Donc, au-delà des
bonnes intentions, il va falloir que ça se traduise par une aide
personnalisée, individualisée aux entreprises, en respect des
approches des entreprises. Il y a un nombre élevé d'entreprises
au Québec qui veulent pénétrer les marchés
internationaux, mais qui ont leur approche, leur marché. Et on ne peut
pas leur servir la même recette qu'on sert à toutes les
entreprises. Il faut des approches personnalisées, qui respectent
l'approche de l'entreprise.
L'intervention gouvernementale est souvent axée sur un volet: le
marketing, la recherche ou le développement, ça peut être
la formation. L'approche des entreprises, maintenant, doit être globale.
Le plan d'affaires des entreprises doit viser à améliorer tous
les aspects de l'entreprise en même temps pour lui permettre de
pénétrer le marché, soit le marché
américain, soit le marché mexicain. C'est pour ça qu'on a
certaines réserves sur le futur. On dit: Si les actions sont comme par
le passé, on n'est pas sûrs que les gouvernements que ce
soit le gouvernement du Québec ou le gouvernement canadien
puissent vraiment aider les entreprises. Il va se dépenser de l'argent,
mais quels seront les résultats? (17 h 50)
M. Beaulne: Mais, par rapport aux préoccupations que vous
avez indiquées dans votre rapport, au niveau des mesures d'adaptation,
entre autres, des mesures incitatives, également, pour les entreprises
québécoises, est-ce que vous retrouvez, dans ce plan-là
qui est mis de l'avant, certains éléments qui répondent
à ces préoccupations-là?
M. Gingras: On en trouve certains, mais, comme je vous dis, c'est
très incomplet. Ce qu'on voudrait... Quand on a parlé du service
aux entreprises dans notre mémoire, on a insisté sur le fait que
les mesures ou les services gouvernementaux devraient être axés
sur le soutien aux entreprises qui veulent développer des marchés
aux États-Unis. Ça veut dire que, quand on subit des contraintes
comme celles qu'on a subies dans le porc, dans la volaille... parce que, vous
savez, ceux qui ont perdu un conteneur de poulet une petite
coopérative du bord de la Beauce, ici dans les ports
américains, pensez-vous qu'ils vont être intéressés
d'en renvoyer un deuxième parce que leur poulet attend sur les quais,
à un moment donné, puis qu'ils ne sont pas capables de les
distribuer aux États-Unis à cause de ces mesures-là?
Pensez-vous qu'ils sont capables de se permettre d'en perdre un
deuxième? Alors, ça, c'est des questions qu'on se pose: Comment
on est capable de rendre accessible... Parce que c'est beau de négocier
des accords théoriques, mais où le bât blesse, c'est
comment on est capable de les appliquer et de l'ouvrir, ce
marché-là.
Alors, nous autres j'écoutais M. Pettigrew qui nous a
précédés on ouvre nos marchés ici, on a une
culture qui est celle qu'on nous connaît et on laisse l'accès
à nos marchés, mais ce n'est pas certain que, justement, on fait
en sorte de faire profiter de cet accès nos fabriquants, ici, dans un
marché élargi, alors qu'on les soutient, qu'on leur accorde toute
l'aide nécessaire pour le faire.
Alors, ça, c'est notre préoccupation. Il va falloir qu'on
soit beaucoup plus près, justement, des entreprises si on croit que
l'élargissement de ce marché ou la mondialisation de
l'économie est quelque chose qu'on doit maîtriser. C'est qu'il va
falloir que les services se rapprochent des entreprises, de leur
réalité. Il va falloir qu'on soit interventionniste un peu plus
près d'eux quand ils ont ce genre de besoin.
Alors, quand on parle de mesures d'adaptation, bien sûr, on parle
d'alphabétisation des milieux de travail. On en parle à plusieurs
tribunes de ce temps-ci parce que je pense qu'on part de loin quand on parle
d'adaptation des milieux de travail. On part d'une réalité qui
est celle qu'on connaît ici, au Québec, où on a dormi sur
la «switch» pendant plusieurs années. On a des milieux de
travail où 33 % des travailleurs sont analphabètes. Il faut
commencer là pour, justement, aller plus loin en matière de
formation. Il y a la formation générale qui est déficiente
ici, au Québec, aussi. Alors, on parle de mesures d'adaptation;
ça aussi, on insiste là-dessus, il va falloir s'ajuster. Quand on
parle de formation professionnelle, il va falloir qu'on l'adapte, notre
formation, parce qu'avant de la donner il faut
que les gens puissent la recevoir; alors, il faut les préparer.
C'est pour ça qu'on parle d'alphabétisation, de formation
générale et de formation professionnelle
améliorée.
Le congé à la formation associé avec un droit de
retour au travail, on discute, depuis quelques mois, d'essayer d'avoir un droit
de retour au travail pour les travailleurs qui veulent se former à leurs
propres frais, et on a de la difficulté à obtenir un consensus de
la partrie patronale sur ces questions-là. C'est aberrant, ça
nous inquiète parce que... Écoutez, si on ne les met pas de
l'avant, ces mesures d'adaptation là, et si le gouvernement n'est pas un
peu plus coercitif face à nos entreprises, nous autres, on le sait que
c'est nos emplois qui vont disparaître demain matin. Alors, ça,
ça nous préoccupe. Comprenez-vous?
Alors, il y a la reconnaissance des acquis, aussi, en matière de
formation que les gens ont dans les milieux de travail. On n'a pas de
système de reconnaissance des acquis, ici, en matière de
formation professionnelle. Un travailleur qui sort d'une usine à cause
d'une situation de reclassement ou autrement, c'est qu'il est obligé de
tout recommencer, il est obligé de refaire ses preuves dans une autre
entreprise. L'apprentissage: très déficient. Comment y a-t-il
d'emplois qualifiés, ici, au Québec, comparativement à
d'autres régions qui réussissent? Ça, ça nous
préoccupe.
Ce sont toutes des situations qui nous préoccupent, sur
lesquelles on réfléchit. On a de la difficulté à
cheminer, actuellement, avec nos entreprises, à leur faire comprendre
qu'il y a des besoins qu'il va falloir satisfaire et sur lesquels il va falloir
qu'on s'asseoit et qu'on se concerte. Mais, là-dessus, je pense que le
gouvernement, il va falloir qu'il nous aide parce que, attendre après la
volonté tout le temps, des fois, ça ne réussit pas, et
ça, entre-temps, si on ne réussit pas, c'est que ça va
être les emplois qui vont disparaître, et on va sûrement
payer la note, et très chèrement.
On parlait aussi de programmes d'innovation, d'encourager les programmes
d'innovation dans les milieux de travail, les comités d'adaptation de la
main-d'oeuvre. Je vous ai dit qu'ici on diminue les ressources au
Québec; alors, ce n'est pas normal, avec une vision globale, qu'on doive
avoir une vision globale dans les entreprises et qu'on se retire graduellement
d'un exercice qui s'appelle les comités d'adaptation de la main-d'oeuvre
et qu'on y mette moins de ressources.
Alors, la gestion paritaire de l'aide gouvernementale qu'on
réclame depuis des années, aussi, on parle de mesures
d'adaptation, ça en est, ça. Pourquoi est-ce qu'on continue? Le
ministre parlait, tout à l'heure, des crédits donnés aux
entreprises pour la formation professionnelle. Jamais les travailleurs ne se
sont associés pour décider si, eux autres, devraient être
les gens pour en bénéficier, de ces crédits-là.
C'est toujours l'employeur qui décide, c'est toujours l'employeur qui a
les mesures fiscales, mais jamais les travailleurs, les individus, ce n'est
jamais axé sur les individus.
Ça, c'est des questions qu'on a, par rapport au programme
d'adaptation. Le financement de la formation par les entreprises, combien
est-ce qu'elles investissent ici, au Québec? Si on attend après
eux autres, j'ai l'impression qu'on va attendre longtemps.
Actuellement, on essaie même d'avoir des programmes où on
va financer notre formation et on n'est même pas capables d'avoir un
droit de retour au travail quand on se libère de nos entreprises.
Pensez-vous qu'on est vraiment bien pourvus dans les mesures d'adaptation ici,
au Québec? Moi, je pense qu'on est très mal pourvus. C'est pour
ça qu'on n'est pas tout à fait d'accord avec le ministre et pas
aussi optimistes que le ministre sur ça.
Le Président (M. Dauphin): M. le député de
Bertrand.
M. Beaulne: Vous avez également mentionné dans
votre rapport une préoccupation pour le secteur du vêtement. C'est
d'ailleurs un secteur des plus vulnérables, et, en particulier, tous
ceux qui sont venus à la commission jusqu'ici aborder ce
thème-là ont indiqué une sérieuse
préoccupation pour, en particulier, ce que vous appelez la règle
d'origine. Le ministre répond à...
Le Président (M. Dauphin): Je m'excuse, M. le
député, c'est qu'il y a un vote, et on s'excuse auprès de
nos invités. Nous allons devoir nous absenter quelques minutes, à
moins que vous vouliez qu'on termine ça. Pensez-vous qu'on a le temps de
terminer ça? Il reste environ...
M. Ciaccia: Combien il reste?
Le Président (M. Dauphin): Pardon?
Une voix: Combien qu'il reste de temps?
Le Président (M. Dauphin): Normalement, on sonne les
cloches cinq minutes avant le vote. Alors, on aurait peut-être un deux
minutes et demie, et il reste sept minutes de temps à l'Opposition.
Alors...
M. Beaulne: Bien moi, j'aurais d'autres questions après,
là.
Le Président (M. Dauphin): Alors, s'il y a d'autres
questions après, allons voter.
On s'excuse auprès de nos invités et on revient tout de
suite. Les obligations parlementaires.
M. Gingras: Alors, on va vous attendre.
Le Président (M. Dauphin): On suspend quelques minutes, le
temps d'aller voter, et nous revenons.
(Suspension de la séance à 17 h 59)
(Reprise à 18 h 11)
Le Président (M. Dauphin): La commission des institutions
reprend ses travaux.
J'aimerais tout d'abord remercier la CSD pour leur patience, et il
restait sept minutes à l'Opposition officielle et la conclusion au
ministre, par après.
M. Beaulne: Bon, on avait abordé la question du secteur du
vêtement, et en particulier la question des règles d'origine, qui
en préoccupe plusieurs et qui, d'ailleurs, nous préoccupe, nous
aussi. Plusieurs intervenants, entre autres, le ministre et vous avez
entendu, également, les commentaires de M. Pettigrew, tout à
l'heure semblent dire qu'au fond ça ne pose pas un
problème majeur puisqu'il y a de la place, encore, pour remplir les
contingents et que, d'autre part, ces contingents-là risquent
d'être augmentés, comme le prévoit l'Accord, au bout d'une
période de cinq ans. D'abord, j'aimerais savoir si vous partagez cet
optimisme-là, d'une part, et d'autre part, il y a un autre aspect de
toute cette question qui n'a pas été abordé et
j'aimerais aussi avoir là-dessus votre opinion c'est la
distribution, par la suite, de l'augmentation de ces contingents-là,
dans le sens où, c'est le gouvernement... enfin, ça n'a pas
été déterminé si c'était le gouvernement
fédéral ou comment allaient être distribués ces
contingentements-là, l'augmentation en particulier, et quand on sait que
60 % de la production canadienne de vêtements est originaire du
Québec, il serait peut-être important de s'assurer des
modalités de distribution de ces contingentements-là qui
respecteraient cette réalité-là.
Alors, j'aimerais avoir votre opinion là-dessus.
M. Gingras: Écoutez, concernant la règle d'origine,
bien sûr, la triple règle d'origine, je vous ai exprimé les
inquiétudes qu'on a. C'est que, bien sûr, les contingentements
visent à nous enlever, ou tenter de nous enlever ces inquiétudes,
parce que la triple règle d'origine nous plaçait dans une
situation désavantageuse par rapport aux synthétiques dans le
textile et au coton, par rapport aux avantages qui existent pour le Mexique et
les États-Unis dans ces deux produits-là. Alors, bien sûr,
quand on augmente les contingentements, bien, c'est qu'à ce
moment-là on semble rassurer les gens, mais il faudrait faire attention
et, pour nous, ce n'est pas en augmentant parce qu'on sait que,
déjà, on a de la difficulté à
pénétrer les marchés américains, et qu'on a
justement pas essayé encore le Mexique, mais on ne sait pas si on va
être capable de les pénétrer alors, pour nous
autres, d'augmenter la part des produits qui sont touchés par le
contingentement, ça ne règle pas nécessairement le
problème causé par la règle d'origine.
Alors, pour nous autres, on aurait été... En tout cas
notre position, c'est qu'on aurait été beaucoup plus satisfaits
d'une règle d'origine qui aurait été moins complexe et
plus simple et qui aurait reposé plus sur ce qu'on aurait convenu avec
les États-Unis. Ces contin- gentements-là, pour nous, je vous
dis, ils ne sont pas nécessairement rassurants, parce que ça ne
nous donnera pas une capacité concurrentielle accrue pour faire en sorte
de profiter, justement, de ces contingentements-là. Alors, c'est dans ce
sens-là qu'on est très préoccupés et qu'on pense
que la survie de certains secteurs est en cause, actuellement. Alors, ce n'est
pas tout de les avoir, les contingentements; même si on les a et si on
n'est pas capables de compétitionner et de s'en prévaloir, bien,
on n'a pas l'impression qu'on a réglé le problème de
l'emploi dans ces secteurs-là.
Et puis, les mesures de sauvegarde, bien écoutez, il en existe.
On n'a pas dénoncé le fait qu'il n'en existe pas; il en existe,
mais comment pourrons-nous les utiliser, si on les utilise de la même
façon qu'on les a utilisées à venir jusqu'à
maintenant, quand il y a eu des industries ou des secteurs en problème,
c'est qu'on utilise ces mesures-là après que les dommages sont
faits, et, souvent, l'industrie n'a plus la capacité de poursuivre ses
opérations et c'est ce qu'on a vécu dans l'industrie de la
chaussure pour en arriver à une disparition quasi complète
de l'industrie et du secteur.
Alors, c'est un peu ce qu'on risque dans le secteur du vêtement,
à plus ou moins long terme. Et je pense qu'on va revivre l'exemple...
sauf peut-être pour certains produits très
spécialisés, les produits de mode, et tout ça, où,
peut-être, on va avoir une existence plus longue, mais, en tout cas, on
n'est pas très optimistes avec l'accord actuel pour faire en sorte ou
nous convaincre qu'il y a un avenir pour cette industrie-là.
Quant à l'industrie du textile, on est préoccupés
parce que, si la consultation s'est faite auprès des entreprises
actuelles, qui sont établies autant aux États-Unis qu'au
Québec, eh bien, écoutez, ces entreprises-là peuvent
être satisfaites de l'ALENA parce que, justement, elles n'ont pas
nécessairement décidé de maintenir leur investissement au
Québec. Alors, moi, j'aimerais mieux qu'elles répondent à
la question: Est-ce que vous allez maintenir, étant donné
l'ALENA, votre investissement, ici, au Québec? On connaît
plusieurs entreprises qui regardent actuellement la possibilité de se
resituer ou de se relocaliser ailleurs. Alors, ça aussi, ça fait
partie du décor, et je pense qu'on doit s'en préoccuper.
Alors, l'industrie du textile, si elle se dit d'accord... Je connais
plusieurs entreprises qui regardent actuellement, dans le cadre d'une
rationalisation, la possibilité de centraliser des opérations aux
États-Unis, pour certains, et d'autres, peut-être, ailleurs.
Alors, ça, c'est la situation qui nous préoccupe, actuellement,
dans ce secteur-là.
Une voix: Finalement...
Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le
député, il reste une minute.
M. Gingras: Quant à la distribution des contingentements,
bien sûr, je pense que, si on a des contin-
gentements, et que ça doive, à un moment donné,
faire partie de la perspective, je pense qu'on doit le faire ou on doit les
répartir en fonction, justement, de la réalité
économique des secteurs dans lesquels on est. Et, si on a 78 % des
entreprises, on devrait, au Québec, avoir au minimum 78 % des
contingentements, dans ce cadre-là.
M. Beaulne: Pour terminer, une petite question rapide: Vous
êtes le premier groupe qui préconise qu'on soumette la politique
et son contenu à la population, préalablement à l'accord.
Quelle forme envisagez-vous? Sous forme de référendum au
fédéral, au provincial, aux deux? D'une élection au
fédéral, au provincial, aux deux? Quelle est la forme de
consultation que vous préconisez?
M. Gingras: Étant donné qu'actuellement c'est une
question qui relève du fédéral, en tout cas, qui
relève du fédéral dans la perspective actuelle et dans la
situation politique actuelle, eh bien, je pense qu'on préconisait un
référendum canadien, nous autres, par rapport à cette
question. Parce que ça vient modifier les règles du jeu, c'est un
accord canadien. Alors, dans ce sens-là, c'était un
référendum canadien. Mais, à plus forte raison, si ce
n'est pas ce qui se passe, je pense que le Québec pourrait
peut-être même faire pression sur le fédéral s'il
décidait lui-même de tenir son propre référendum,
sur une question comme celle-là, avec la population du
Québec.
M. Beaulne: Merci.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Merci, M. le
député.
Pour conclure, M. le ministre.
M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais remercier la CSD
pour son mémoire et pour nos discussions même si, des fois, on
n'est pas toujours sur la même longueur d'onde. Mais vous avez
soulevé beaucoup de problèmes, et je dois vous dire que les
problèmes que vous avez soulevés... L'ALENA n'est pas une
panacée pour tous les problèmes économiques qui existent,
loin de là. Sur la question de l'environnement et des normes de travail,
les négociations vont commencer le 17 mars. Nous allons y
participer.
Quand vous mentionnez que des industries ont
déménagé, vous savez que les «maquiladoras»
existaient beaucoup avant l'ALENA. Ce n'est pas l'ALENA qui ajoute à ce
problème.
Dans le cas des vêtements, vous m'avez dit que je suis un peu
optimiste. Ce n'est pas une question d'optimisme, ce sont les faits. En 1988,
l'industrie du vêtement croyait qu'elle était pour
disparaître ou qu'elle serait très affectée
négativement par l'entente du libre-échange. Dans les faits, elle
a augmenté les exportations de 169 000 000$ à 412 000 000$. Et,
ce que nous avons fait, nous avons maintenu cet accès et l'avons
augmenté.
Il y a un aspect, peut-être, en concluant, M. le Président,
qui me préoccupe un peu. C'est que, quand le député de
Bertrand vous a posé la question sur le plan Québec-Mexique, les
critiques que vous lui avez faites, vous avez dit: Écoutez, ce n'est pas
un bon plan, on a besoin de l'aide individuelle, de l'aide personnelle. Je ne
sais pas si on a lu le même document, si vous avez lu le même
document que j'ai publié, mais, dans ce document-là, c'est de
l'aide individualisée aux entreprises, ce n'est pas une aide dans les
airs pour dire: Je veux encourager les exportations au Mexique. (18 h 20)
Programme Aide à la promotion des exportations, projets
spéciaux: ça veut dire qu'une compagnie va venir avec un projet
individuel, un projet spécial, on va l'aider. Programme d'accueil
Acheteurs étrangers: c'est des acheteurs individuels, qui vont venir
ici, et on va les amener à des entreprises québécoises,
personnellement, individuellement. Prêt de spécialistes: c'est un
spécialiste qu'on va donner, qu'on va prêter pour conquérir
ou pour percer le marché mexicain. Réalisation d'études,
d'analyses et de recherches dans des secteurs précis du marché
mexicain: c'est des études pour des entreprises individuelles, des
entrepreneurs individuels. Alors, s'il y avait un doute dans votre esprit, je
vous suggère de le revoir et peut-être que vous pourrez encourager
certains intervenants à prendre avantage de ce volet.
La dernière remarque, c'est à propos des
difficultés qui auraient été rencontrées à
la frontière par des exportateurs de poulet. Aucune trace n'a pu
être trouvée de ces difficultés ni au ministère des
Affaires internationales, ni au ministère de l'Agriculture, ni non plus
au fédéral. Alors, si c'est un incident qui est arrivé ou
que vous avez d'autres informations, ça nous fera grand plaisir que vous
nous fournissiez ces informations et ça nous fera grand plaisir aussi de
voir ce qu'on peut faire avec les autorités pour ne pas que ça se
répète, mais, pour le moment, personne ne semble en avoir entendu
parler.
Alors, ceci étant dit, je vous remercie. Je veux vous assurer
qu'on est prêts à continuer à travailler avec vous, pour
nous assurer qu'on peut prendre plein d'avantages de l'entente de
libre-échange nord-américaine pour créer des emplois, pour
attirer des investissements et aider les travailleurs
québécois.
Merci.
Le Président (M. Dauphin): Alors, merci, M. le
ministre.
Au nom de tous les membres de la commission, M. Gingras, Mme Rochefort,
M. Tremblay, on vous remercie d'avoir accepté notre invitation. On vous
souhaite un bon retour, et je demanderais...
M. Gingras: Merci.
Le Président (M. Dauphin): ...à l'Union des
producteurs agricoles de s'avancer à la table des invités.
Alors, nous accueillons maintenant l'Union des producteurs agricoles. C'est
avec plaisir que nous les accueillons à notre commission. Nous les
remercions d'avoir accepté notre invitation. Je reconnais
évidemment le président, M. Proulx, qui est un habitué des
commissions parlementaires. Alors, je lui demanderais d'abord de nous
présenter officiellement les personnes qui l'accompagnent, ensuite de
ça de procéder à son exposé d'une durée
d'environ 20 minutes.
Union des producteurs agricoles (UPA)
M. Proulx (Jacques): Merci, M. le Président.
MM. les ministres et députés, je pourrais vous
présenter, dans un premier temps, M. Claude Lafleur, qui est
secrétaire général à l'Union des producteurs
agricoles, le Dr Yvon Proulx, qui est économiste senior chez nous, et
Patrice Dubé, qui est un agro-économiste.
Alors, je vous rappellerai, dans un premier temps, un peu d'historique
de notre organisation. C'est que, depuis près de 70 ans, de l'UCC
à l'UPA, la classe agricole québécoise a patiemment
construit un mouvement rigoureux et autonome financièrement pour
promouvoir les intérêts, promouvoir, défendre et
développer les intérêts professionnels, économiques,
sociaux et moraux. C'est ainsi que les membres de l'UPA ont, tour à
tour, oeuvré au développement économique des
régions, en initiant les premières coopératives
financières et agricoles; au développement économique du
Québec, en travaillant au sein du Conseil supérieur de
l'éducation; au développement de la presse
québécoise en fondant, en 1929, l'hebdomadaire La Terre de
chez nous.
Aujourd'hui, l'Union confédéré 16
fédérations régionales et 18 syndicats ou
fédérations spécialisées. Elle compte sur
l'implication directe de plus de 3000 producteurs et productrices agricoles
à titre d'administrateurs, elle multiplie ses interventions en Europe
pour le GATT, en Afrique pour le développement d'une mise en
marché ordonnée, et aux États-Unis pour
l'élargissement de ses marchés.
Active tant sur les scènes régionale, nationale
qu'internationale, elle est l'organisation professionnelle des 51 000
agriculteurs et agricultrices qui ont d'ailleurs investi collectivement 11 600
000 000 $ de dollars en infrastructures agricoles afin de
générer, annuellement, près de 4 000 000 000 $ en ventes
à la ferme et 65 000 emplois directs.
Enfin, depuis juin 1992, et pour les 15 prochaines années, elle
convie ses membres à la conquête de nouveaux marchés,
soucieuse qu'elle est de leur permettre d'accomplir la noble tâche de
nourrir le Québec.
Alors, vous remerciant de nous donner l'occasion de venir vous
réexprimer quelques-uns de nos points de vue et préoccupations en
relation avec les accords commerciaux actuellement en discussion.
Le fait que les négociations du GATT piétinent depuis plus
de six ans contribue à accroître l'importance de ces accords
régionaux pour lesquels on semble opter, de plus en plus, plutôt
que de négocier sérieusement sur une base vraiment
multilatérale. C'est la raison pour laquelle nous avons jugé
important de vous rappeler les objectifs que nous poursuivons en participant
à ces discussions et les conditions minimales auxquelles ces accords
commerciaux peuvent apparaître acceptables aux producteurs et
productrices agricoles québécois.
Depuis le Sommet de l'agriculture de Trois-Rivières, au cours
duquel l'UPA a annoncé un virage important dans l'orientation de son
action virage vers la conquête des marchés on a pu
penser, dans certains milieux, que l'UPA avait révisé
fondamentalement ses positions. On a pu penser que l'UPA voyait, maintenant,
dans la libéralisation de la conquête des marchés, la
solution de tous les problèmes. Je vous dirai: Tel n'est pas le cas.
L'UPA pense qu'un certain degré d'ouverture des marchés
peut être souhaitable, présentement, à condition que toutes
les parties en présence acceptent de se plier, sans détour, aux
règles du jeu mutuellement convenues, ce qui n'est pas vraiment le cas,
présentement. L'UPA pense qu'il est important de tarifer les
règles de commerce international, de mettre fin aux guerres des
subventions, de renforcer les mesures «antidumping» ou, en un mot,
de discipliner les marchés, ce à quoi les producteurs d'ici se
sont appliqués depuis longtemps.
L'UPA ne croit pas au libre-échange total. Elle pense que le
renforcement de la discipline, dans le commerce mondial, doit être
réalisé dans le respect des objectifs précis qu'elle
défend depuis longtemps, à savoir le maintien des offices de
commercialisation avec gestion de l'offre; l'assurance d'un degré
élevé de sécurité de revenu pour les producteurs et
productrices agricoles; le maintien, dans leur essence, des programmes
d'assurance-récolte et de crédit agricole. (18 h 30)
Tels sont les piliers sur lesquels s'appuient la stabilité et la
prospérité relative du secteur agricole et agro-alimentaire
québécois, et les producteurs et productrices agricoles ne sont
pas disposés à les sacrifier au nom d'une quelconque
idéologie ou de vagues promesses de «fair play» de la part
de partenaires commerciaux dont les antécédents ne sont pas
très rassurants. Et vous me permettrez de rajouter, pour renforcer,
jusqu'à un certain point, ces affirmations, pourquoi accepterait-on de
tout bouleverser pour entre 8 % et 10 % de la production qui est
commercialisée, au niveau mondial? Je pense qu'il faut se les poser, ces
questions-là. Est-ce qu'on doit faire fi de nos cultures, faire fi de
politiques qui ont fait leurs preuves? Est-ce qu'on doit tout bouleverser, en
fait, la façon qui est suggérée, dans certains cas, pour
essayer d'améliorer quoiqu'on est d'accord de l'améliorer
mais doit-on tout sacrifier pour améliorer le commerce de 8 %
à 10 % de la production agricole je parle au niveau
planétaire? Les plaintes nombreuses formulées par les
États-Unis concernant les exportations canadiennes de viande de porc ou
de porc
vivant, et les droits compensateurs qui sont imposés, puis
retirés, malgré l'Accord de libre-échange
CanadaÉtats-Unis, donnent à penser que ces accords
bilatéraux ou trilatéraux doivent contenir des garanties plus
étanches. Ils doivent contenir des garanties formelles que les
partenaires peuvent continuer à poursuivre leur propre politique
économique dans le respect des conventions mutuellement
agréées, mais sans être constamment l'objet de
harcèlement coûteux en frais juridiques, en gaspillage de temps et
d'énergie et en dommages aux industries concernées. Il est
important, aussi, de souligner que ces accords régionaux ne doivent pas
compter sur ce point ou sur tout autre sur les garanties que
pourrait offrir un éventuel règlement de la négociation du
GATT, l'issue de ce dernier est trop incertaine.
L'UPA recommande donc au gouvernement du Québec d'insister
auprès du gouvernement canadien pour que soient renforcés les
mécanismes de règlement des différends commerciaux.
Deuxièmement, que soit augmentée l'autorité des tribunaux
trinationaux de règlement des différends. Troisièmement,
que soient durcies les conditions de recours aux procédures
extraordinaires de contestation. Et enfin, quatrièmement, que des droits
compensateurs ne puissent être imposés avant que ces tribunaux de
règlement des différends aient tranché la question en
litige.
Ces considérations générales concernant les accords
régionaux et même multilatéraux étant faites,
venons-en maintenant, de façon un peu plus précise, au commerce
agricole avec le Mexique. Les échanges agricoles entre le Canada et le
Mexique sont relativement faibles. Les exportations agricoles du Canada vers le
Mexique se chiffraient, en 1991, à 67 000 000 $, soit moins de 1 % du
total des exportations agricoles du Canada, alors que les importations
agricoles en provenance de ce pays se situent, en 1991, à 150 000 000 $,
soit 1,6 % des importations agricoles canadiennes.
Les exportations agricoles du Québec vers le Mexique,
composées majoritairement de produits laitiers, viande et animaux
vivants, comptent pour moins de 1 % de l'ensemble des exportations agricoles du
Québec, environ 8 000 000 $ en 1991. Les importations
québécoises de produits agricoles et alimentaires en provenance
du Mexique ne représentent que 0,8 % du total des importations agricoles
et alimentaires et se composent, par ordre d'importance, de cacao, de
café, de thé, de fruits et noix, 4 000 000$ en 1991, et de
légumes à l'exception de la pomme de terre, soit 2 100 000$ en
1991.
Le commerce agricole entre les États-Unis et le Mexique est, par
contre, beaucoup plus important. Les États-Unis sont, de très
loin, les principaux fournisseurs de produits agricoles au Mexique, et les
produits agricoles mexicains se dirigent principalement vers le marché
américain.
L'accord avec le Mexique ne peut avoir d'impact majeur. La très
faible importance du commerce agricole entre le Canada, le Québec et le
Mexique, et le fait que ce commerce porte surtout sur des produits qui ne sont
pas concurrents suggère que la partie de l'ALENA relative au commerce
Canada-Mexique ne peut être porteuse d'impact majeur pour le secteur
agricole québécois. Ce point de vue est renforcé par le
fait que la forte croissance de la population, supérieure à la
capacité de production du secteur agricole mexicain, laisse
présager une faible capacité d'exportation, du moins à
court terme. Par contre, le Mexique est présentement un importateur net
de produits agricoles. Cela laisse présager, malgré la forte
concurrence américaine pour ce marché, quelques
possibilités d'exportation intéressantes.
L'Accord de libre-échange nord-américain a établi
deux accords bilatéraux dans le domaine agricole, soit une entente entre
le Canada et le Mexique et une entente entre le Mexique et les
États-Unis. L'accord entre le Canada et les États-Unis
déjà conclu demeure, de façon générale, en
application dans le domaine du commerce des produits agricoles entre ces deux
pays. L'ALENA inclut aussi des dispositions trilatérales,
c'est-à-dire s'appliquant aux trois pays. Ces dernières
concernent les mesures de soutien interne et les subventions à
l'exportation des produits agricoles ainsi que les mesures sanitaires et
phytosanitaires. D'une manière générale, l'entente
bilatérale entre le Canada et le Mexique éliminera, sur une
période de 10 ans, toutes les barrières tarifaires et non
tarifaires sur les échanges agricoles, à l'exception de celles
qui s'appliquent aux secteurs laitier et avicole, aux oeufs et au sucre.
Des mesures de sauvegarde de transition ont été
prévues et s'appliqueront à certains produits dits sensibles,
alors que des mesures de sauvegarde globales seront également
instaurées.
Les États-Unis ont annoncé leur intention de
négocier des ententes parallèles dans les domaines de
l'environnement et de la main-d'oeuvre. L'entente parallèle dans le
domaine de l'environnement exigée, entre autres, par les groupes de
pression environnementaux des États-Unis, pourrait inclure une forme de
taxation contre un produit ne répondant pas aux normes environnementales
établies aux États-Unis, par exemple, un produit ayant
été exposé à un pesticide non homologué ou
banni. Étant donné que les normes canadiennes en matière
de protection de l'environnement sont déjà élevées,
cette entente parallèle risque d'être beaucoup plus contraignante
pour le Mexique que pour le Canada. Le Canada doit néanmoins y
participer activement.
L'entente parallèle sur la main-d'oeuvre mérite une
attention particulière, étant donné l'avantage
compétitif que représente l'abondance, au Mexique, de
main-d'oeuvre à bon marché. Mentionnons, en particulier, à
ce sujet, l'existence des «maquiladoras», établis il y a 25
ans par le gouvernement mexicain pour stimuler les exportations.
Ces «maquiladoras» visent à étirer des
investissements étrangers dans des zones frontalières où
les tarifs douaniers sont inexistants sur les intrants importés et
où
la fiscalité est minimale sur les produits exportés. De
plus, les normes environnementales, les normes de santé et de
sécurité du travail, qui sont déjà, par
surcroît, très peu élevées au Mexique, sont
inexistantes dans ces zones. Enfin, la main-d'oeuvre bon marché abonde,
avec des salaires variant entre 4 $ et 9 $ américains par jour.
Déjà, en 1975, on comptait 454 entreprises, surtout
américaines, qui profitaient des avantages que confèrent ces
zones. On compte aujourd'hui 1900 entreprises, dont plusieurs viennent du
secteur agro-alimentaire, pour ne nommer que Anderson Clayton, Nabisco, Del
Monte, Cargill et d'autres. L'UPA croit que des mesures doivent être
prises afin d'éviter que l'ALENA ne contribue à drainer vers ces
zones des ressources du Canada et de la main-d'oeuvre bon marché du
Mexique au service des multinationales américaines.
Une charte sociale, telle qu'il en existe en Europe, doit faire partie
des ententes parallèles à négocier par les trois parties
de l'entente. Il faudra aussi s'assurer du respect de l'application des
dispositions de cette charte par la partie contractante. L'adoption d'une telle
charte contribuerait à atténuer nos appréhensions sur
cette question et à maintenir notre structure manufacturière dans
l'agro-alimentaire québécois à l'abri d'une
compétition déloyale.
Nous recommandons donc au gouvernement du Québec d'insister
auprès du gouvernement canadien pour qu'il veille à inclure une
telle disposition dans l'accord parallèle sur la main-d'oeuvre. Nous
recommandons aussi d'insister pour que ces ententes parallèles soient
conclues avant la ratification de l'Accord.
Ce bref mémoire rappelle que l'UPA est toujours bien loin de
considérer la libéralisation généralisée des
échanges commerciaux comme la solution à l'ensemble des
problèmes du secteur agricole, et qu'elle supporte toujours les
objectifs qu'elle défend depuis longtemps en relation avec les
négociations commerciales et d'intervention de l'État dans le
secteur.
Elle soutient que l'incertitude entourant l'issue de la
négociation du GATT et le harcèlement américain pour des
droits compensatoires sur nos exportations contribuent à augmenter
l'importance des accords trilatéraux tels l'ALENA, et forcent à
chercher à l'intérieur de l'Accord lui-même, et
indépendamment du GATT, les garanties de bon fonctionnement qu'on
espère y trouver. Elle suggère, en particulier, de renforcer les
mécanismes de règlement des différends. L'argument que le
Canada devrait participer activement aux négociations des ententes
parallèles que les États-Unis veulent négocier afin de
s'assurer que l'avantage compétitif procuré au Mexique par le
faible coût de sa main-d'oeuvre, ses normes de travail minimales, et le
caractère non contraignant de ses normes environnementales ne conduisent
pas à une concurrence déloyale envers le Canada.
Voilà l'essence de notre mémoire, M. le ministre, M. le
Président, qu'on voulait vous déposer.
Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup, M.
Proulx, pour votre exposé.
Nous allons maintenant reconnaître la formation
ministérielle, notamment, le ministre des Affaires internationales.
M. Ciaccia: M. Proulx, je veux vous remercier pour votre
mémoire. Je trouve qu'il est très réaliste. Vous nous
faites des recommandations. Si vous vous souvenez, quand on était
à Bruxelles en 1990, dans les négociations du GATT avec mon
collègue, le ministre de l'Agriculture, on avait appuyé les
positions de l'UPA et on continue, je continue à travailler avec mon
collègue pour appuyer vos objectifs et les positions que vous prenez.
L'entente bilatérale à laquelle vous avez fait
référence, c'est quelque chose que nous avons à appuyer
avec vous pour assurer le maintien, entre autres, du système de gestion
de l'offre pour ne pas qu'il y ait de problème entre les clauses qui
seraient incluses avec les États-Unis. (18 h 40)
À propos des garanties plus étanches en matière de
règlement de différends, il faut se rappeler qu'en cette
matière l'Accord de libre-échange, c'est comme une police
d'assurance contre le feu. Une telle police d'assurance n'empêche pas les
incendies, mais elle peut en annuler les effets, et effectivement, le
binational, c'est ça qu'il a fait dans plusieurs cas. J'aimerais
beaucoup être capable de dire: Bien, les droits compensateurs ne
devraient pas être imposés avant que la décision finale
soit rendue, c'est comme un droit d'appel dans nos tribunaux, ici, qui est
applicable comme principe. Mais je vous donnerais de faux espoirs si je vous
faisais croire qu'on peut obtenir cette concession des Américains.
Je ne veux pas aller plus loin présentement, M. le
Président, je voudrais donner la parole à mon collègue, le
ministre de l'Agriculture, avec qui on travaille étroitement pour nous
assurer qu'on protège les droits des agriculteurs du Québec dans
l'ALENA.
Le Président (M. Dauphin): Alors, si vous permettez, avec
le consentement des membres de la commission, nous allons reconnaître M.
le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Picotte: Brièvement, merci, M. le Président,
merci à mes collègues, aussi, pour ce consentement.
Je pense que... moi aussi, je veux remercier l'UPA pour son
mémoire, et je pense et nous devons souligner qu'entre autres
depuis un bon nombre de mois, et plus précisément, ça
c'est accentué, je pense, au niveau du Sommet de l'agriculture
l'UPA, à bien des égards, pourrait donner bien des leçons
à bien d'autres groupes de notre société sur l'ouvertue
qu'elle manifeste, non seulement dans le domaine, évidemment, qui est le
nôtre, le domaine bioalimentaire, mais aussi dans les grandes questions
de l'heure. Ça en est une,
question de l'heure, qui nous permet de constater que ce n'est
peut-être pas nécessairement en se braquant sur des idées
qu'on connaissait déjà, mais avec une ouverture d'esprit, qu'on
peut à la fois améliorer les choses et changer les perspectives
d'avenir.
Et, à cet égard-là, je suis heureux de constater,
aussi, que chez nous, au MAPAQ, avec l'UPA mis à part certains
points qui peuvent être différents dans ce domaine-là
nos idées se rejoignent en ce qui concerne l'ALENA, et il est
important de souligner, M. le Président, que c'est vrai, c'est exact
qu'il faut à tout prix réitérer et essayer de conserver
nos quatre piliers agricoles, et que ce n'est pas nécessaire de
démembrer et de tout changer pour tâcher d'avoir accès
à un commerce qui puisse être intéressant. Et dans cette
foulée-là, moi, je veux réitérer, je pense, notre
foi envers les quatre piliers agricoles, dans le cadre des négociations
du GATT, dans cette grande perspective-là de faire du commerce
mondial.
Nous partageons aussi l'analyse de l'impact relativement mineur que
pourrait avoir l'ALENA sur l'agriculture québécoise. Et il faut
bien le mentionner, les retombées peuvent être très
intéressantes pour le Québec, si l'on en juge par
l'intérêt grandissant des entreprises québécoises
qui font déjà des affaires au niveau du commerce international,
au niveau du commerce du Mexique. Je n'ai qu'à penser à Lactel,
entre autres, Lactel qui pour ses ventes de fromage et de lait UHT
chocolaté fait des affaires avec le Mexique. On pourrait parler,
aussi, de GENEGRA international, pour ses ventes de porcs reproducteurs. On
peut parler de VIAQ, aussi, pour ses ventes de vaches laitières; on peut
parler de Naya, pour ses ventes d'eau de source embouteillée; on peut
rajouter à ça, aussi, Lassonde, pour ses ventes de jus de fruits,
et ce n'est qu'énumérer quelques-unes de ces compagnies-là
qui font affaire, déjà, avec le Mexique et où il y a un
commerce intéressant. Et on pourrait allonger la liste, s'il y avait une
volonté vraiment commune de le faire.
Avant de poser deux questions plus précises, je voudrais vous
dire que, nous au MAPAQ, avec l'équipe extraordinaire que nous avons et
qui s'ajuste continuellement et je pense que je veux le souligner
cette équipe-là qui travaille pour toujours être à
la fine pointe et répondre de tous les objectifs du futur, nous aurons
l'occasion, au mois d'avril, déjà, de lancer une politique pour
atteindre les marchés d'exportation du côté du Mexique, ce
qu'on appelle Innovactions III, volet Mexique. Nous sommes
déjà prêts à ça, nous sommes
déjà prêts à préparer la possibilité
d'aller sur le marché du Mexique, et c'est important, je pense, que ce
travail-là, qui se fait avec l'approche filière, avec les tables
de concertation, puisse continuer de se faire pour être prêt et fin
prêt lorsque le signal du départ sera donné.
Vous avez parlé ça aussi, ça
m'inquiète, et peut-être que vous pourriez nous donner certaines
pistes il faut être de plus en plus vigilant sur le
règlement des différends. On connaît un petit peu
l'expé- rience qu'on a eu. On en a gagné, des différends.
On connaît l'expérience qu'on a eu avec le libre-échange
CanadaÉtats-Unis. Est-ce que vous avez des suggestions à
nous faire sur l'amélioration des règlements de ces
différends-là? Vous y avez fait allusion, et j'aimerais
connaître un peu ce que vous pourriez souhaiter ou ce qu'on pourrait
faire pour améliorer, justement, le règlement de ces
différends-là?
M. Proulx (Jacques): Oui, la première chose, ce serait
je vous dirai de se tenir debout devant les Américains,
d'arrêter de considérer que, parce qu'ils sont gros, qu'ils sont
forts, qu'ils sont puissants et qu'ils ont imposé leurs lois un peu
partout jusqu'à aujourd'hui, ce n'est pas une raison pour qu'on accepte
n'importe quoi de leur part. Et quand on vous a donné les quatre
conditions, tout à l'heure, les quatre recommandations
particulières, c'est bien beau de gagner quand on va devant les
tribunaux, on est tous bien contents de ça, mais le mal est fait.
Pendant ce temps-là, ça nous a coûté des dizaines et
des dizaines de millions, ne serait-ce qu'en avocats, et, en plus, des dizaines
de millions parce que nos entreprises ont été obligées de
ralentir pendant ce temps-là, et ainsi de suite.
Alors, au bout... et c'est ça qu'on soulève beaucoup,
surtout dans la quatrième recommandation. Je comprends que ce ne sera
pas facile, mais il faut revenir à la charge, parce que les
Américains ont tellement de facilité de pouvoir
déstabiliser nos productions, notre commerce... Jusqu'à un
certain point, ils s'en foutent pas mal de perdre; au bout, ils recommencent.
C'est bien beau de gagner, mais t'as pas eu le temps de savourer ta victoire
que, déjà, ils reviennent en appel, et ils ont droit, encore,
d'imposer et ils reviennent encore. Et si on ne trouve pas des moyens à
ça, on n'aura rien réglé avec un tribunal
amélioré, et ainsi de suite. Ils vont sophistiquer, ils vont
trouver des moyens de passer à côté, et ça, c'est
très grave et ça nous cause des torts incroyables. On n'en a pas,
de solution miracle, sauf que je pense que vous devez insister auprès du
Canada pour qu'il se tienne debout vis-à-vis ça, ou bien, nous
autres aussi, nous donner des moyens où on va avoir la même
rapidité. Ça va peut-être bien être la façon
de leur faire comprendre que ce n'est pas drôle quand on applique la
même médecine.
Mais moi, je vous dis, le porc, il a eu beau gagner des deux, trois
coups, là, ça rien changé. On dépense cinq fois,
vous dites, mais on continue d'être dans l'incertitude... Et comment vous
pouvez permettre à des entreprises qu'elles soient au primaire,
qu'elles soient à la transformation de se consolider et de
prendre de l'expansion, surtout, devant, toujours, cette incertitude, cette
épée de Damoclès qui nous pend au-dessus de la tête?
Et ça, s'il n'y a pas de quoi de fait à ce niveau-là, s'il
n'y a pas une certaine agressivité exprimée de la part du Canada
autour de ça, moi, je vous dis que les quelques gains qu'on a faits avec
un tribunal amélioré, et ainsi de suite, ça ne voudra plus
rien dire, tout à
l'heure, absolument pas.
M. Picotte: Mais il faut admettre, M. le Président, que
quand on regarde exactement ce qui se passe on était ensemble
à Bruxelles pour parler du GATT c'était imminent, la
signature. On est obligé de reconnaître qu'il y a des gros joueurs
dans tout ça, et les gros joueurs, ça se résume à
pas grand-chose, peut-être à deux parties qui, dans la balance du
monde, attendent après ces parties-là. Regardez, les
élections américaines sont arrivées, donc on a
décanté, justement, la signature du GATT. Pourquoi? Avec la
perspective des élections américaines, on voit
présentement la joute de bras de fer entre Mitterrand et Clinton,
encore, et si le GATT a été décanté, c'est
justement parce qu'il y a des puissances, il y a des gros qui jouent dur, dans
ce domaine-là. Il faut dire qu'il y a un maudit paquet de pays
excusez l'expression qui sont en attente d'une signature ou de modifier
des choses et qui sont là en attente parce qu'il y a deux puissants
qui... (18 h 50)
Alors, je comprends, et moi aussi, je suis.. Vous me connaissez, je
pense bien, du côté de l'agressivité, je ne hais pas
ça de temps en temps, quand on sort les dents et qu'on montre les crocs
et qu'on les enfonce, ça fait du bien, ce n'est pas méchant. Mais
il reste qu'il faudra aussi jouer avec les mécanismes et trouver des
solutions. En tout cas, si jamais il y en avait hors de ça, on
souhaiterait bien que vous nous les fassiez connaître aussi pour nous
aider à nous sécuriser davantage.
Une dernière question, en ce qui me concerne. D'après
vous, le meilleur potentiel d'exportation, du côté, peu importe,
du porc ou du lait, est-ce que l'UPA a une idée de ce que pourraient
être les meilleurs potentiels d'exportation, dans le cas du Mexique?
M. Proulx (Jacques): Écoutez, je pense qu'il faut se
donner les moyens pour cibler le mieux possible, utiliser au maximum les forces
qu'on va posséder et cibler les produits qui vont avoir le plus de
chance d'avoir du succès, mais il y a des préalables à
ça. Je veux dire... Je reviens un peu à l'exposé de M.
Ciaccia, tout à l'heure: c'est beau d'avoir une police d'assurance, mais
quand on a un bon réseau de pompiers, c'est encore mieux parce que
ça fait des primes qui sont beaucoup moins dispendieuses. Je pense qu'il
faut se donner un bon système de pompiers aussi, en plus d'une
assurance.
Moi, je vous dirai aussi qu'un des plus grands reproches... même
si on nous a toujours accusés d'être contre le
libre-échange, d'être contre ci et contre ça, on
n'était pas nécessairement contre le fait d'ouvrir les
barrières, contre le fait de considérer l'importance d'ouvrir les
marchés, de pouvoir permettre plus de facilités au commerce, on
était contre les méthodes utilisées pour le faire. Et on
continue d'être contre les méthodes parce que, selon nous, on n'a
pas mis en place les bonnes méthodes. On nous a garrochés
excusez l'expres- sion un peu dans une arène où on
n'était pas préparés à aller.
Moi, je vous dis que, si on n'investit pas massivement dans la
recherche, dans la formation, dans l'adaptation de la main-d'oeuvre, si on
n'investit pas massivement dans ça, je ne vois pas comment on va
être capables, même avec toute la bonne volonté, de passer
au travers. C'est là qu'il faut investir. Il faut investir dans le
savoir. Notre marché local, il est comblé, puis on a encore une
capacité incroyable de développement, et c'est là qu'il va
falloir cibler. Il ne faut pas se garrocher un peu partout, dans n'importe
quoi. Il ne faut pas nécessairement viser des volumes énormes
il va falloir cibler de plus en plus mais il faut avoir le
savoir; c'est ça l'avenir, et il faut investir dans ça. Et, moi,
je dis que, autant le gouvernement du Québec que le gouvernement du
Canada doivent investir massivement.
Je vais vous donner juste un petit exemple. Comment voulez-vous qu'on
aille beaucoup sur les marchés extérieurs, qu'on vende beaucoup?
Juste un petit exemple: Au Canada, on a un attaché commercial par
milliard de chiffre d'affaires. C'est la règle, ça. Aux
États-Unis, on a quatre attachés commerciaux par milliard de
chiffre d'affaires, dans les pays où on fait des affaires. Au Danemark,
on en a sept. C'est très différent, sept personnes qui
travaillent continuellement à placer ou à essayer de
déceler des marchés potentiels de quand il n'y en a rien qu'un.
Vous allez reconnaître ça avec moi. Je vous dis...
C'est des exemples, je pense, qu'il faut prendre en
considération. Il faut regarder comment on va se positionner, comment on
va être capables, justement, de développer les marchés qui
vont être le meilleur potentiel, pas les marchés
«cheap», les marchés pas payants. Visons les marchés
des produits de valeur ajoutée.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Alors, il
reste...
M. Picotte: M. le Président?
Le Président (M. Dauphin): Oui, M. le ministre.
M. Picotte: Je veux remercier, tout simplement, encore une fois,
les gens de l'UPA, en disant que, évidemment, à
l'intérieur du Sommet agro-alimentaire, bien, il y a eu, justement, une
résolution qui a été unanime et commune, je pense,
d'investir dans le savoir, et notre orientation, justement, est à
l'effet que, dans les programmes comme Innovations, entre autres, il y a un
volet formation, il y a un volet information, il y a un volet promotion,
support technique et financier, et relations institutionnelles et
gouvernementales. Donc, ça cerne quand même il y a toujours
moyen de l'améliorer mais ça cerne quand même les
grandes préoccupations auxquelles vous avez fait allusion.
Alors, merci, M. le Président et aux gens qui...
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre.
Il reste environ quatre minutes à la formation
ministérielle, mais je vais reconnaître maintenant l'Opposition
officielle avec M. le député de Bertrand.
M. Beaulne: Merci, M. le Président.
Je pense que vous avez touché, dans la réponse au ministre
de l'Agriculture, un des points fondamentaux de tout ce processus-là.
Lorsqu'on se penche sur toute la question du règlement des
différends, c'est un chapitre essentiel non seulement de l'Accord de
libre-échange avec les États-Unis, mais, à plus forte
raison, de celui avec le Mexique et à mesure que la
libéralisation des échanges va s'élargir à
l'hémisphère américain.
Lorsque le ministre vous a posé la question «De quelle
façon vous verriez une amélioration des garanties d'accès
aux marchés?», vous avez mentionné... vous êtes
revenu sur votre recommandation au point 4, c'est-à-dire que des droits
compensateurs ne puissent être imposés avant que les tribunaux ne
règlent, ne se prononcent sur le différend. À la
lumière, également, d'autres présentations qui nous ont
été faites ici, hier et aujourd'hui, c'est un point fondamental.
C'est un point fondamental parce que c'est ce qui permet, comme vous l'avez
très bien souligné, aux Américains d'imposer surtaxe
après surtaxe. Le fardeau de la preuve est à l'entreprise
canadienne ou québécoise de démontrer qu'elle n'a pas
violé les dispositions des ententes. Pendant ce temps-là, le
dommage est fait, et je pense que ce n'est pas en se réfugiant
derrière des victoires un pourcentage de victoires, comme le
mentionne le ministre à chaque fois qu'on peut se consoler, parce
que, déjà, les torts sont faits. Et, à mon avis, ça
devient de plus en plus, ça, un mécanisme de barrières
tarifaires déguisées, ce recours systématique aux
surtaxes.
Ceci étant dit, j'aimerais poser deux questions avant de
céder la parole à mon collègue. D'abord, question de
cohérence entre les objectifs de promotion des produits agricoles
québécois et les politiques du gouvernement fédéral
en matière, entre autres, de financement et de promotion des
exportations. Vous mentionnez dans votre mémoire, à juste titre,
une situation lamentable, à savoir que les échanges de produits
agricoles entre le Québec et le Mexique sont à un niveau minimum,
environ 8 000 000 $ en 1991. Je dis ça parce que, il y a 10 ans,
c'était loin d'être la situation. Au début des
années 1980, la Commission canadienne du lait avait le Mexique comme un
de ses principaux clients, entre autres pour le lait en poudre et le lait
écrémé. Je pense que ça frisait les 1 000 000 000
$. Entre autres, les gros clients étaient les agences gouvernementales,
comme CONASUPO ou LICONSA, qui alimentaient les régions de
l'intérieur du pays. Si on a perdu ce marché-là, que les
Américains ont récupéré, c'est parce que les
facilités de financement du gouvernement fédéral canadien
ont été coupées, à ce moment-là, lorsque le
Mexique a vécu sa crise d'endettement.
Alors, ça pose ici un sérieux problème de
cohérence entre, d'une part, nos objectifs et les instruments qui sont
à la disposition du gouvernement fédéral.
J'aimerais vous entendre un peu là-dessus. Est-ce que vous pensez
qu'il y a suffisamment de cohérence ou s'il y a lieu pour
amélioration à ce niveau-là?
M. Proulx (Jacques): Peut-être que je vais laisser
répondre M. Lafleur sur votre question très précise, juste
pour... Vous avez parlé de victoire, tout à l'heure. Chez nous,
on utilise de plus en plus: De victoire en victoire, nous reculons sans
cesse.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Proulx (Jacques): C'est un peu le modèle qui se
développe. Je demanderais à M. Lafleur...
M. Lafleur (Claude): Pour répondre à votre question
plus précisément, le marché mexicain de la poudre, on l'a
perdu parce qu'on n'a plus de poudre à vendre. Essentiellement, depuis
10 ans, l'écrémage, le fait que les consommateurs consomment de
moins en moins de gras, fait en sorte que la poudre qu'on faisait pour faire du
beurre n'existe plus. Et ça, le marché mexicain était
notre principal débouché des années 1970-1980. On ne l'a
pas perdu à cause des Américains, mais parce que, chez nous, on
n'en fait presque plus. Cette année, on ne pense pas en faire beaucoup.
C'est la principale raison.
Le Président (M. Dauphin): M. le député. (19
heures)
M. Beaulne: Maintenant, lorque vous avez mentionné les...
Enfin, le ministre a posé, également, des questions sur les
possibilités d'accroître certains produits
québécois, les exportations. Je pense qu'effectivement, sans
entrer dans le détail des produits, il faut se rappeler que le
gouvernement mexicain, comme vous l'avez souligné, est un importateur
net de produits agricoles et que, d'autre part, depuis quelques années,
ils ont mis sur pied ce qu'ils appellent le système alimentaire mexicain
qui vise à augmenter la suffisance en matière agricole au
Mexique.
Alors, est-ce que à l'intérieur de ce
système alimentaire mexicain qui va prendre d'autant plus de vigueur
à mesure qu'ils vont avoir des devises pour payer les importations
vous pensez pouvoir vous inscrire de façon assez
intéressante à l'intérieur de ce
système-là?
M. Proulx (Jacques): Nous autres, on le veut bien, mais est-ce
qu'on va être capables de s'équiper pour le faire? Vous savez,
pendant qu'à l'heure actuelle les pays industrialisés se battent
entre eux pour s'accaparer des marchés déjà
comblés, personne ne s'occupe du seul marché potentiel qui reste,
c'est-à-dire les 700 000 000 d'affamés. C'est parce que les pays
indus-
trialisés ont décidé qu'ils n'étaient pas
solvables, alors on ne s'en occupe pas, mais il n'y en a plus, de marché
à conquérir, à part que de se livrer une guerre entre nous
autres. C'est aussi simple que ça. Il y en a un, marché
extraordinaire, mais personne ne veut y toucher parce qu'il n'est pas
solvable.
Oui, je vous dis qu'on veut participer à ça. Moi, je pense
que ça va être une question de partenariat, une question qu'on va
être capables... un peu comme on a décidé avec le Sommet
sur l'agriculture, ça rentre dans la notion de conquête des
marchés, c'est-à-dire qu'il va falloir apprendre à
travailler ensemble, apprendre à investir ensemble, apprendre à
partager l'expertise qu'on possède, et, quand je dis apprendre, je dis
que l'État doit participer activement à ça avec l'ensemble
des autres partenaires.
Mais si on ne se donne pas des moyens et je vais
répéter ce que j'ai dit tout à l'heure si on ne se
donne pas le savoir, si on n'investit pas massivement dans des points
particuliers à l'heure actuelle, on ne pourra pas... Je pense qu'il faut
se donner les quelques gages les plus sécuritaires, c'est-à-dire
la recherche, il faut investir dans la recherche, dans la formation, dans
l'adaptation et il faut être de plus en plus agressif dans le milieu, sur
les lieux.
Le Président (M. Dauphin): Merci.
M. le député d'Arthabaska.
M. Baril: Oui, M. le Président, je voudrais à mon
tour féliciter l'UPA qui s'est donné la peine de préparer
ce mémoire qui résume bien sa position, et on sait que, depuis un
certain nombre d'années, l'UPA est mêlée à toutes
les sauces au niveau international, et je sais que ça lui prend beaucoup
de son temps.
Mais j'aimerais juste aborder un point que le président vient de
soulever au niveau de l'aide internationale. Si on regarde la carte du monde,
il n'y a pas mille et une façons, il n'y a pas mille endroits ou mille
pays qui peuvent nourrir le monde, actuellement. L'Amérique du Nord est
le pays le mieux situé pour nourrir le monde. Ailleurs, il y a du monde
et il n'y a plus de terre, pratiquement, quand ce n'est pas
désertifié.
Donc, c'est évident que, chez nous, on a un avantage. Mais
pendant qu'on voit à la télévision, quasiment à
tous les jours, malheureusement, des enfants, que tu vois rien que des os et
des yeux à moitié fermés, et les mouches sont après
leur manger, les gouvernements achètent des hélicoptères
et ils font faire des frégates, toutes sortes de patentes, comprends-tu,
pour essayer de faire la guerre contre quelqu'un qui ne fait même pas la
guerre. On laisse crever le monde. Pendant que les agriculteurs, eux autres,
partout où il y a des surplus, ils ne savent pas quoi faire.
Et vous avez touché un point important, justement, le fait que
ces pays-là n'ont pas d'argent, bien, on les laisse crever. Le plus bel
exemple qu'on peut vivre, actuellement, c'est que les deux gouvernements,
le
Nouveau-Brunswick et le Canada, ont fait un fonds pour vendre des
patates à Cuba 5 000 000 $, je pense, de mémoire. On dit:
Venez les chercher. On vous les paye, on vous les donne, venez les chercher.
Cuba, il dit: Je ne suis pas capable d'aller les chercher, je n'ai pas
d'argent. Bien, les patates vont engraisser les terres au Nouveau-Brunswick,
elles vont servir d'engrais chimique ou de compost pour engraisser les terres.
Voyez-vous comment la politique internationale, ça peut être
insignifiant?
Le problème, dans l'entente de libre-échange, que, moi,
j'ai toujours cerné, c'est que, en tant que le Québec, on fait
partie de cette entente-là, mais on n'en contrôle absolument pas
l'administration. C'est ça, le problème fondamental, aussi, et
vous l'avez soulevé. Quand le Canada a signé l'entente avec les
États-Unis, il avait deux conditions pour être capable de s'en
sortir, et c'est ça que vous avez soulevé, ces
conditions-là: c'était de former notre main-d'oeuvre et d'adapter
nos entreprises. Ça, c'était les deux engagements que les
gouvernements prenaient. Ça fait quoi, ça fait quatre, cinq ans
qu'elle est signée, cette entente-là, à peu près?
C'est quoi qu'il y a de fait? C'est quoi qu'il y a de fait? Êtes-vous
capable de me le dire: Dans l'entente qu'on s'apprête à signer
avec le Mexique, est-ce qu'il y a des garanties supplémentaires que les
gouvernements vont réaliser ces deux objectifs-là pour être
capable de le vivre, puis que ça soit rentable, pour nous autres, pour
que, au moins, on soit capable de tirer notre croûte de cette
entente-là? Est-ce que vous avez... Est-ce que c'est marqué
à quelque part? Est-ce que c'est écrit? Est-ce qu'il y a des
engagements fermes de la part des gouvernements, qui vont répondre
à ces conditions-là auxquelles ils n'ont pas répondu
depuis cinq ans?
M. Proulx (Jacques): Bien moi, je ne pourrais pas vous
répondre, parce que je ne suis pas le gouvernement. Moi, je n'en vois
pas, là, mais...
M. Baril: Bien c'est ça. C'est ça que je vous
disais, là.
M. Proulx (Jacques): Moi, je n'en vois pas ou très peu,
puis je l'ai souligné, on l'a souligné dans ça, je l'ai
souligné dans quelques autres réponses. Il faut... C'est toute
l'approche qu'on devrait avoir, d'ailleurs. C'étaient les raisons
majeures pour lesquelles on s'opposait, qu'on s'est opposé si fermement
contre les propositions qui étaient avec les États-Unis. Avec le
Mexique, on y a touché d'une façon différente parce qu'on
n'avait pas bien bien le choix; en ayant un traité avec les
États-Unis, on n'avait pas le choix de participer à celui du
Mexique. Il vallait mieux être présent, puis discuter, parce qu'on
aurait été condamné à subir, par le biais du
traité qu'on avait avec les États-Unis. Alors, c'est un peu pour
ça, puis on est peu touché, à court terme, malgré
qu'il y ait un potentiel, mais je ne peux que répéter ce que j'ai
dit tout à l'heure. Il y a une urgence
qu'on investisse massivement dans la préparation pour
être... La course va être gagnée par ceux qui vont
être les plus agressifs, à ce niveau-là, qui vont
être les mieux préparés, qui vont être
disciplinés.
M. Baril: quand vous faites mention, aussi, à juste titre,
de voir à renforcer les règles de litige, une façon de
trouver à régler ça d'une façon plus rapide, et
vous avez donné l'exemple, bien entendu, au niveau du porc. c'est
évident que ça coûte une fortune. durant ce
temps-là, les producteurs paient, et on risque de jeter notre production
à terre. mais comment expliquer la question que moi, je me pose
dans le règlement de ces différends-là, pendant
qu'on regarde ça, le lait grand pré, vous connaissez, produit par
la coopérative de sainte-claire, dorchester, le lait grand pré,
ça a pris 18 mois avant que le gouvernement fédéral
décide d'utiliser le droit qu'il avait, à partir de l'entente
je pense que c'est l'article 14 ou 18 ou 54, je ne sais pas lequel, en
tout cas que là, il a créé un tribunal tripartite,
là, pour savoir si oui ou non, les états-unis avaient... porto
rico avait raison de mettre fin à la vente du lait grand pré aux
états-unis. ça a pris 18 mois avant de créer cette sorte
de tribunal là. là, on attend encore la réponse,
là, c'est supposé, là, on attendait ça au mois de
février, mars, là, ça va arriver un jour, je suppose, pour
voir s'ils étaient à juste titre ou s'ils ne l'étaient
pas. pourquoi ça a pris 18 mois avant que le gouvernement
fédéral décide d'utiliser ça pendant que, l'automne
dernier, les petites brasseries américaines, là, sont venues
vendre de la bière en ontario. ça faisait tort à quelques
petites brasseries de l'ontario. ça a pris trois jours avant que le
gouvernement fédéral trois jours, je dis bien
impose un droit compensateur, 50 % du prix de la bière. il n'a pas
niaise longtemps avec la «puck». trois jours. pourquoi que, avec le
lait grand pré, on ne fait pas pareil? êtes-vous capable de
m'expli-quer ça?
Je pourrais parler de l'acier, aussi. L'acier en provenance des
États-Unis, ça affectait davantage l'Ontario. Ça n'a pas
été long. Le Canada, il a imposé un droit compensateur.
Pourquoi, quand c'est le Québec qui est visé, qui est
touché, c'est quoi qui se passe?
Ça, ça revient à ma question du départ. On
est partie prenante d'une entente qu'on ne signe pas, on est obligés de
s'y soumettre, puis ce n'est pas nous autres qui l'administrons. J'aimerais
ça entendre vos quelques commentaires là-dessus.
M. Proulx (Jacques): Je vous l'ai dit. Je ne suis pas le
gouvernement, ça fait que votre question s'adresse au gouvernement. Vous
connaissez mes positions.
M. Baril: Non, mais c'est parce que vous avez dit: II faudrait
trouver des mécanismes pour renforcer les...
M. Proulx (Jacques): Oui. Oui.
M. Baril: ...les systèmes de négociations. Ceux
qu'il a, actuellement, quand le gouvernement veut les utiliser, ils semblent
être efficaces, parce qu'il le fait pour d'autres provinces.
M. Proulx (Jacques): Non, mais écoutez, moi, je vous ai
toujours dit ce n'est pas la première fois, puis ce n'est pas la
dernière fois je vous ai toujours dit que je
préférais être assis à la table que de chuchoter
dans l'oreille d'un autre. Alors, à partir de là, tirez-en vos
conclusions. Ma position est claire sur ça. (19 h 10)
M. Baril: Dans l'entente, vous parlez aussi des règles,
des mesures sanitaires et phytosanitaires et, plus loin, aussi, vous parlez des
lois ou des mesures environnementales. Au niveau des mesures environnementales,
vous dites que, actuellement, celles qui s'appliquent au Mexique ne sont pas
assez sévères pour nous créer une concurrence
déloyale envers le Canada. Je lisais dernièrement que les
mesures, les normes environnementales au Mexique sont plus
sévères, aussi sévères que les nôtres, mais
ne sont pas appliquées. Et le jour où ils se décideraient
de les appliquer, quel rapport est-ce que ça aurait face à nous
autres?
Et ça, c'est au niveau des normes environnementales, mais au
niveau des normes ou des règlements sanitaires, est-ce que, dans cette
entente-là que, moi, je vous avoue franchement que je n'ai pas
lue de la première feuille jusqu'à la dernière feuille
est-ce qu'il y a de quoi de nouveau qui pourrait faire en sorte que le
je suis obligé de parler du Canada parce qu'on est dans le
Canada, c'est lui qui administre l'entente est-ce qu'il y a de quoi de
plus sévère que le Canada pourrait mettre ou empêcher, je
vais dire, l'entrée de produits, chez nous, qui ne répondent pas
aux normes de salubrité qui sont imposées, soit au Québec
ou au Canada? Et je vais vous donner un exemple pour être clair: quand on
fait venir de la viande qui provient il y a toute une publicité
là-dessus du Nicaragua, qui est abattue puis qui est
débitée n'importe comment, ça passe par les
États-Unis puis ça s'en vient au Canada, est-ce que, dans la
nouvelle entente, pensez-vous qu'il y a quelque chose qui peut empêcher
l'entrée massive d'un produit du genre? Ça peut être
d'autres, mais c'est l'exemple que je donne pour être clair.
Une voix: Claude.
M. Lafleur: On est assez réticents à utiliser des
normes environnementales dans les accords trilatéraux, les accords du
GATT. La raison est simple. Imaginez, par exemple, les Américains nous
disant: Votre porc est produit avec de l'électricité de la Baie
James, et il y a du sang de caribou dessus. On a un problème majeur:
dès qu'on voit ces normes environnementales, le GATT a beaucoup de
difficulté à fonctionner. Et on a une certaine résistance,
actuellement, à l'Union, à vouloir jouer la «game» ou
le jeu des normes environnementales
pour les accords trilatéraux.
M. Proulx (Jacques): C'est sûr qu'on est très
vigilants face à ça. Je dirai, au niveau sanitaire, par exemple,
on est très exigeants parce qu'au Québec, au Canada, mais au
Québec en particulier, on a, depuis plusieurs années,
été très exigeants à ce niveau-là. On a
été très exigeants vis-à-vis nos producteurs,
vis-à-vis nos entreprises pour, justement... parce qu'on a appuyé
une partie de la promotion de la valorisation de nos produits sur une
sécurité de haute qualité. Et c'est sûr qu'on est
inquiet, à l'heure actuelle, à ce niveau-là, avec ces
ententes-là, parce qu'il y a beaucoup d'hypocrisie, si on veut. On
émet des beaux voeux, des très beaux voeux, mais on sait
très bien que, nous, nous sommes situés là, le Mexique,
vous l'avez dit vous-même, c'est vrai, ils ont des normes incroyables,
mais ils n'appliquent rien, ça fait que ça ne donne pas
grand-chose, et les États-Unis ont tout le temps trouvé le moyen
de louvoyer à travers tout ça, en essayant de paraître une
belle image, et ainsi de suite. Alors, c'est sûr qu'on court des risques
énormes de se retrouver avec des exigences qui vont tirer vers le bas.
Et pour nous, c'est une perte parce que je considère ça comme un
investissement qu'on a fait pendant des années et, au moment où
on pourrait en avoir des retombées intéressantes, elle est
annulée, jusqu'à un certain point.
Puis je reviens encore... quand on parle d'environnement, quand on parle
de sécurité sanitaire ou ainsi de suite, il y a de l'hypocrisie
à outrance autour de ça. Tout le monde veut être pour
ça, mais personne ne veut que ce soit lui qui l'applique. Et c'est
très dangereux, c'est sûr, et on risque de perdre beaucoup autour
de ça, à l'heure actuelle. Parce qu'on a des exigences,
aujourd'hui, dans les pays du tiers monde, qu'on n'applique pas dans les pays
industrialisés.
Quand on commence à jouer dans ça, c'est incroyable, c'est
incroyable, parce que ça devient des barrières, on va les
utiliser pour bloquer quand on n'a plus d'autre argument pour bloquer. Vous
savez qu'aux États-Unis, on vend... on exige des choses pour la
production là, mais en même temps, on vend, dans le même
magasin, les mêmes produits, mais des produits semblables importés
ou qui ont été... on a utilisés, on a arrosé avec
des produits qui sont défendus là. Ça ne change plus rien
pour le consommateur; c'est là que je dis qu'il y a beaucoup
d'hypocrisie dans ça.
Le Président (M. Dauphin): Merci. Il reste une minute.
M. Baril: Oui. Je vais juste passer un commentaire, vu le
temps... le temps passe. Puis je dois vous dire bien franchement que c'est
difficile de questionner quelqu'un quand tu sais d'avance qu'ils sont d'accord
avec toi.
M. Proulx (Jacques): C'est ça.
M. Baril: Mais je voudrais juste, quand on parle de l'UPA, avec
raison, et c'est ça qui est choquant de la part de l'agriculture
québécoise, qu'on est obligé de se soumettre à une
décision qui va dire d'autres pays qui n'ont jamais voulu
contrôler leur production... Nous, on a un bon système à ce
niveau-là, qui ne crée pas de surplus. Mais là, on va
être obligé de se soumettre à la volonté des autres,
et ma question, je ne sais pas si le président va vous donner le temps
de répondre: Comment on va pouvoir continuer à maintenir notre
gestion de l'offre si on n'est pas capable parce que le GATT,
c'était supposé de régler les affaires, mais ça
s'éternise si on n'est pas capable, justement, de contrôler
les importations qui arrivent chez nous?
Le Président (M. Dauphin): Une réponse très
brève.
M. Proulx (Jacques): Écoutez, nous autres, on souhaite
ardemment qu'on arrive à une entente au GATT parce que je vous dirai que
j'ai une crainte que j'exprime de plus en plus, même si la non-signature
du GATT nous a favorisés, jusqu'à un certain point, parce que c'a
permis de faire évoluer nos points de vue. Je pense qu'il faut en
arriver bientôt à une entente parce qu'on risque d'être...
de subir... devant la prolifération des ententes qu'il y a un peu
partout bilatérales et trilatérales me fait
très peur dans la capacité du GATT, une signature future du GATT
d'être capable de se faire respecter parce qu'elle va perdre beaucoup de
crédibilité.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. Proulx. M. le
député d'Iberville, il reste quatre minutes à votre
formation.
M. Lafrance: Oui, merci, M. le Président.
J'aimerais tout d'abord, peut-être, apporter un commentaire
à ce qu'a dit mon collègue d'Arthabaska, tout à l'heure.
Je pense qu'il a tendance à simplifier les problèmes et les
situations. Lorsqu'il a mentionné qu'il y avait des endroits où
les problèmes de malnutrition existaient dans le monde, j'en conviens
avec lui. D'ailleurs, ce sont des situations dramatiques, même
catastrophiques, dans certains cas, mais le problème n'est pas par le
manque de production agricole, mais plutôt par des situations politiques
locales qui empêchent, justement, le cheminement de la nourriture et qui
forcent les militaires, les casques bleus à essayer d'accompagner. Bon,
c'était un commentaire que je tenais quand même à dire.
J'aurais une question très précise, si vous me le
permettez. Ça touche la page 5 de votre mémoire, en haut,
où vous parlez de la main-d'oeuvre à bon marché. Et
ça, ça m'a frappé, parce que vous parlez qu'au Mexique le
coût des salaires est de 4 $ à 9 $ pas de l'heure, mais par jour.
Est-ce que vous pouvez faire une comparaison avec les coûts de la
main-d'oeuvre, ici au Que-
bec, relativement, je pense, principalement, au coût de la
main-d'oeuvre en relation avec les coûts de production dans l'industrie
agro-alimentaire, d'une part, et est-ce que vous avez des chiffres, aussi, sur
le nombre d'employés? Pas de propriétaires agriculteurs ou
agricultrices, mais des employés qui se greffent aux fermes sur une base
permanente annuelle et saisonnière, aussi? Est-ce que vous savez le
nombre d'emplois?
M. Proulx (Jacques): Ah oui. Je ne l'ai pas ici, mais je pourrais
vous le fournir. En fait, c'est 360 000 emplois dans l'agro-alimentaire, au
total.
M. Lafrance: Au total.
M. Proulx (Jacques): Au total.
Une voix: À la ferme.
M. Lafrance: La ferme, seulement, parce que la
préoccupation, c'est justement sur la production sur les fermes
mexicaines, en comparaison avec cette même production sur nos fermes
québécoises. J'essayais de faire une...
M. Proulx (Yvon): Sur les fermes québécoises,
incluant les employés salariés, c'est de l'ordre de 75 000
à 80 000.
M. Lafrance: ...75 000 à 80 000. Est-ce que vous avez des
coûts horaires des employés qui travaillent sur les fermes, en
excluant les propriétaires?
M. Proulx (Yvon): Les coûts horaires des employés...
il s'emploie des employés occasionnels au salaire minimum. Il s'en
emploie à plus cher que ça. Quelqu'un qui veut employer un
salarié plein temps, à l'année longue, il doit le payer
certainement plus que le salaire minimum s'il veut l'intéresser. Mais
ça, des données précises là-dessus, c'est difficile
étant donné que certains offrent aussi le logement et la
nourriture, offrent la consommation de certains produits. Par
conséquent, ça devient difficile de donner un chiffre
précis. C'est clair qu'on paie plus que le salaire minimum.
M. Proulx (Jacques): Écoutez, je pense que je comprends
votre question.
M. Lafrance: Non, c'est parce que vous faites le
parallèle...
M. Proulx (Jacques): Vous pourrez multiplier tant que vous
voudrez, tu n'es pas capable de concurrencer. Tu n'es pas capable de
concurrencer. Quand bien même il y en aurait... Je pense que votre
question pose: La même ferme au Mexique, ils emploient combien de monde?
C'est ça, votre question, hein?
M. Lafrance: C'est ça. Étant donné que vous
mentionnez ça... (19 h 20)
M. Proulx (Jacques): Et là, vous allez dire, s'ils les
paient rien que 8 $, 9 $ par jour, même s'il y en a 10 fois plus,
ça revient au même, mais ce n'est pas le cas.
Ils ne les payent pas, leur monde; 8 $ ou 9 $ par jour, ça, c'est
des employés spécialisés qui travaillent dans
l'électronique, et ainsi de suite, ce n'est pas les employés de
ferme. Les employés de ferme, c'est peut-être bien 1 $, 2 $, je ne
le sais pas au juste, je ne suis pas capable de vous donner un chiffre juste.
Sur ça, tu n'es pas capable de faire de comparaison, tu ne seras jamais
capable de concurrencer ça.
Pas plus qu'avec les industries, ils sont capables de concurrencer les
industries là; il n'y a pas de politique sociale, il n'y a pas ci, il
n'y a pas ça, ce qu'on a. Les derniers chiffres qu'on avait parce
qu'on n'a pas poussé très loin avec le Mexique dans les
discussions sur le libre-échange avec les États-Unis, dans
certains secteurs telle la volaille, par exemple, les coûts pour
l'industrie étaient le double des États-Unis, au Canada. Vous
n'êtes pas capables de concurrencer ça. C'était le double
à cause des politiques sociales, à cause de ci, à cause de
ça. C'était exactement le double dans ces industries de
transformation. La même chose au niveau de la ferme, ça
équivaut à peu près pareil. En plus, rajoute la
température, ce n'est pas la même température, les
bâtiments, la ventilation, et ainsi de suite.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Alors,
peut-être 30 secondes, le mot de la fin. Le temps est expiré.
M. Ciaccia: Juste pour remercier M. Proulx et l'UPA et, juste en
termes d'information, vous avez mentionné les
délégués commerciaux, il y en avait un pour 1 000 000 000
$. Je pourrais vous informer que le Québec en a sept
délégués commerciaux dans l'agro-alimentaire pour
l'exportation de 1 000 000 000 $.
M. Proulx (Jacques): C'est à votre honneur, M. le
ministre.
M. Ciaccia: Je vous remercie.
M. Proulx (Jacques): Je vous ai donné les chiffres
canadiens.
M. Ciaccia: Oui, oui.
M. Proulx (Jacques): C'est pour ça qu'on veut notre pays,
M. le ministre, on est meilleur que l'autre.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ciaccia: Bien, voyez... un instant, vous
voyez, on peut le faire sans avoir notre pays, et avoir les autres
avantages aussi.
M. Proulx (Jacques): D'accord.
M. Ciaccia: Alors, on en a huit, là.
M. Proulx (Jacques): C'est bien, continuez!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ciaccia: Avec le Canada, on en a huit.
Le Président (M. Dauphin): Alors, la commission
constitutionnelle a terminé ses travaux. Non, non, je dis ça
volontairement.
Alors, au nom de la commission, merci à l'UPA. La commission des
institutions ajourne ses travaux à demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 19 h 22)