Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Vingt-deux heures)
Le Président (M. LeSage): À l'ordre, s'il vous
plaît! Je déclare la commission des institutions ouverte. Je vous
rappelle l'ordre des différents projets de loi qui ont été
déterminés par la Chambre tantôt, soit le projet de loi 11,
le projet de loi 50, le projet de loi 14 et, finalement, le projet de loi 42.
On m'a laissé sous-en-tendre qu'H y aurait peut-être une
substitution à faire en ce qui concerne le premier projet de loi
à être étudié.
M. Rémillard: Oui, M. le Président, je crois que je
peux dire qu'avec le consentement unanime de cette commission nous vous
proposons, bien respectueusement, d'appeler plutôt le projet de loi 50,
qui est la Loi modifiant le Code de procédure civile concernant le
recouvrement des petites créances.
Le Président (M. LeSage): Est-ce qu'il y a des objections
à ce que l'on procède avec le projet de loi 50? Alors, je
constate qu'il y a consentement unanime. Donc, nous procéderons à
l'étude détaillée du projet de loi 50, soit la Loi
modifiant le Code de procédure civile concernant le recouvrement des
petites créances. Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la
secrétaire?
La Secrétaire: Oui. M. Dauphin (Marquette) est
remplacé par M. Houde (Berthier); M. Gauvin (Montmagny-L'Islet) est
remplacé par M. Char-bonneau (Saint-Jean); M. Lafrance (Iberville) est
remplacé par M. Khelfa (Richelieu); Mme Pelchat (Vachon) est
remplacée par M. Richard (Nicolet-Yamaska); M. Beaulne (Bertrand) est
remplacé par Mme Carrier-Perreault (Les Chutes-de-la-Chaudière);
et M. Claveau (Ungava) est remplacé par M. Holden (Westmount).
Le Président (M. LeSage): Merci, Mme la secrétaire.
M. le ministre, vous avez des remarques préliminaires?
Remarques préliminaires M. Gil
Rémillard
M. Rémillard: Très brièvement, M. le
Président, puisque nous venons tout juste de faire nos remarques dans le
cadre du discours de l'étude de principe. M. le Président, tout
d'abord, je dois simplement dire que cette salle me rappelle beaucoup de
souvenirs. Je partageais ces souvenirs, il y a quelques instants, avec le
député de Chapleau, adjoint parlementaire du ministre de la
Justice, et avec la députée de Terrebonne qui était...
Donc, nous étions tous ensemble ici, M. le Président. Et je vois
le député de Westmount qui était là avec nous. La
seule différence, je pense, c'est que le député de
Westmount n'était pas de la même formation politique à ce
moment-là.
M. Kehoe: Ça change en politique.
M. Holden: Mais toujours aux côtés des gens
bien.
M. Rémillard: II a changé, mais toujours, il est
vrai, aux côté de la députée de Terrebonne. Et, M.
le Président, je dois dire que, il y a donc un an, nous étions
dans notre sprint final qui nous a amenés, finalement, après cinq
mois de commission parlementaire, à faire le Code civil. Je ne doute
pas, M. le Président, avec l'expérience que nous avons eue, donc,
tous ensemble - et nous avons maintenant le député d'Anjou qui se
joint à nous, comme le député de Viger et le
député d'Orford qui se joignent à nous - sous votre
présidence que nous pourrons étudier judicieusement les articles
que nous voulons donc ajouter au Code de procédure civile pour faire en
sorte que nous puissions augmenter, dans un premier temps, le montant
d'admissibilité à l'aide juridique, le faire passer de 1000 $
à 3000 $, en plus, aussi, de permettre aux petites entreprises de cinq
employés et moins de pouvoir s'adresser aussi aux petites
créances. Alors, voilà, M. le Président, je suis à
votre disposition pour débuter nos travaux.
Le Président (M. LeSage): merci, m. le ministre. est-ce
qu'il y a des remarques préliminaires de la part de l'opposition? m. le
député d'anjou.
M. Pierre Bélanger
M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président. Quant
à moi, elles seront brèves aussi. Malheureusement, je ne peux pas
dire que cette salle me rappelle certains souvenirs puisque, à
l'époque des travaux sur la révision du Code civil, je
n'étais même pas encore député. Alors, je ne pouvais
que vivre à l'époque les appréhensions formulées
par les avocats quant à cette réforme éventuelle et
certaines craintes qu'ils ressentaient et qui semblent avoir été,
je pense, apaisées en grande partie par les séances d'information
qui ont eu lieu sur le projet.
Ça me fait plaisir de diriger pour la première fois du
côté de l'Opposition une commission parlementaire sur un projet de
loi qui, évidemment, m'intéresse beaucoup puisqu'il est
relié à la justice. Alors, j'espère que, comme l'a dit
si
bien le ministre de la Justice tout à l'heure en Chambre, dans un
esprit non pas de partisanerie, mais dans un esprit constructs qui, je pense,
personnifie le domaine de la justice, nous allons étudier article par
article ce projet de loi afin de faire en sorte que cette réforme
proposée de la Cour des petites créances atteigne ses
réels objectifs qui sont ceux de l'accessibilité à la
justice. Car il ne suffit pas de porter, je pense, de 1000 $ à 3000 $ un
seuil d'admissibilité à une cour pour la rendre tout autant
efficace ou pour faire en sorte que le but visé soit atteint.
Alors, je pense qu'il va y avoir des débats intéressants.
Nous allons vous faire des suggestions et des propositions dans un esprit
constructs et nous sommes certains, connaissant le ministre de la Justice,
qu'il apportera une oreille attentive à ces propositions, et ce, dans le
seul but, finalement, de faire en sorte que les citoyens du Québec
soient dotés d'une Cour des petites créances plus efficace, plus
accessible et qui saura répondre un peu mieux aux défis modernes
que, maintenant, doit relever quotidiennement notre système
judiciaire.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le
député d'Anjou. Est-ce qu'il y a d'autres membres de cette
commission qui désirent faire des remarques préliminaires? Sinon,
je constate également qu'il n'y a pas de motion préliminaire
visant l'organisation des travaux. J'appelle donc l'article 1 du projet de loi
50, M. le ministre.
Étude détaillée
M. Rémillard: Oui, M. le Président. Est-ce que vous
voulez que je procède en lisant tout d'abord l'article et, ensuite, en
faisant les commentaires? Est-ce que c'est la façon dont on va
procéder, normale? Oui?
Le Président (M. LeSage): Vous pouvez lire l'article si
vous voulez, M. le ministre, et faire le commentaire par la suite.
Application
M. Rémillard: Très bien. Alors, M. le
Président, l'article 1 : 1. L'article 953 du Code de procédure
civile (L.R.Q., chapitre C-25) est modifié: 1° par le remplacement
du paragraphe a du premier alinéa par le suivant: «a) une
créance qui n'excède pas 3000 $;»; 2° par l'insertion,
dans la première ligne du paragraphe d du premier alinéa,
après le mot «physique», des mots «ou morale»;
3° par le remplacement, dans la dernière ligne du deuxième
alinéa, du nombre «1000» par le nombre «3000»;
4° par l'addition, à la fin, de l'alinéa suivant: «Une
personne morale ne peut, à titre de créancier, se
prévaloir des dispositions du présent livre que si, en tout temps
au cours de la période de 12 mois qui précède la demande,
elle comptait sous sa direction ou son contrôle au plus cinq personnes
liées à elle par contrat de travail».
M. le Président, les modifications proposées par cette
disposition ont un double objet. D'une part, les paragraphes 1° et 3°
de l'article 1 du projet de loi visent à porter de 1000 $ à 3000
$ le seuil maximal de la compétence monétaire de la division des
petites créances de la Cour du Québec et, d'autre part, les
paragraphes 2° et 4° de l'article 1 de ce projet visent à
permettre désormais à certaines personnes morales de se
prévaloir du Livre VIII du Code de procédure civile pour
recouvrer, à titre de créancier, une petite créance.
Toutefois, seules les personnes morales qui, en tout temps, au cours de
la période de 12 mois qui précède la demande, comptaient
sous leur direction ou leur contrôle au plus cinq personnes liées
à elles par contrat de travail pourront bénéficier de la
procédure en recouvrement des petites créances. Voila,
monsieur.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y a des remarques du côté de l'Opposition? M. le
député d'Anjou.
M. Bélanger (Anjou): Quant à ce premier article, M.
le Président, je pense que l'Opposition, quant à elle, sur le
fait d'augmenter la limite de 1000 $ à 3000 $, comme nous l'avons
exprimé précédemment, nous sommes pour le principe.
Maintenant, quant aussi au fait que, maintenant, nous pouvons accepter qu'une
personne morale puisse avoir accès à la Cour des petites
créances, nous n'avons pas encore, je pense, d'objection, sous
réserve, évidemment, de pouvoir définir quelles sont ces
personnes morales qui pourront avoir accès.
Maintenant, M. le Président, moi, ce qui m'inquiète un peu
dans ce premier article, c'est la notion de personne morale, la
définition, finalement, de la personne morale admissible, qui est
donnée dans le dernier alinéa. Quand on parle que: «...en
tout temps au cours de la période de 12 mois qui précède
la demande, elle comptait sous sa direction ou sous son contrôle au plus
cinq personnes liées à elle par contrat de travail», moi,
je me demande pourquoi, premièrement, avoir arrêté son
choix sur le fait que ce soit 5 personnes, pourquoi 5, pourquoi pas 4, pourquoi
pas 10? Quels ont été les critères retenus par le ministre
pour arrêter son choix sur 5? (22 h 10)
Maintenant, aussi, la notion de «liées par contrat de
travail». «Contrat de travail», est-ce que ça s'entend
contrat à la fois verbal, écrit? Maintenant aussi, pourquoi avoir
arrêté le choix sur 12 mois quant à la période de
référence, de
surveillance pour savoir si la corporation peut être admissible?
Alors, moi, ce sont quelques questions sur lesquelles j'aimerais entendre les
commentaires du ministre.
Le Président (M. LeSage): M. le ministre.
M. Rémillard: Oui. En ce qui regarde, tout d'abord, cette
référence à cinq employés, lorsqu'on veut
distinguer les petites, les moyennes et les grandes entreprises, le chiffre de
cinq employés revient fréquemment dans les mesures
administratives au niveau de l'Industrie et du Commerce. Au niveau de la
législation aussi, on a quelques exemples. On se souvient, par exemple,
que la loi 101 se référait, si ma mémoire est bonne,
à cinq employés et moins en ce qui regarde l'affichage avant la
loi 178. En ce qui regarde le nouveau projet de loi déposé par le
ministre de l'Industrie et du Commerce, je crois que c'est quatre; ce n'est pas
cinq, c'est quatre. Je crois que c'est quatre, je ne pense pas que ce soit
cinq. Mais, que ce soit quatre ou cinq, ce sont les critères qu'on
retrouve habituellement au niveau de l'Industrie et du Commerce pour distinguer
la petite entreprise de la moyenne et de la grande entreprise. Or, nous, nous
voulions quand même protéger, comme je l'ai déjà
mentionné, la philosophie qui a guidé la création des
petites créances en 1972 et qui doit faire en sorte que le justiciable,
l'individu puisse toujours trouver sa place puisque c'est lui qui doit
être servi par une accessibilité à la justice, une justice
la moins formelle possible. Alors, nous disons oui à ces personnes
morales, c'est-à-dire à ces compagnies; il faut qu'elles puissent
avoir accès aux petites créances. Nous pensons au
dépanneur, nous pensons au garagiste du coin, nous pensons à
beaucoup de ces petits commerces, le nettoyeur, enfin, beaucoup de commerces de
services qui ont cinq employés et moins et qui pourront avoir
accès aux petites créances, toujours sans avocat, bien
sûr.
Alors, quand le député d'Anjou me dit: Quel a
été votre critère du cinq? ça a été
les normes retenues habituellement dans l'administration en ce qui regarde
l'Industrie et le Commerce pour qualifier une petite entreprise.
M. Bélanger (Anjou): Est-ce qu'on fait la
différence entre des personnes à temps partiel, des personnes qui
seraient en emploi à temps partiel ou à temps plein? Il n'y a
aucune nuance qui pourrait être apportée à ce
niveau-là?
M. Rémillard: II n'y a pas de différence entre
temps plein ou temps partiel parce que là on rentrait dans des
difficultés et on ne savait pas comment s'en sortir. Vous allez vous
retrouver avec des commerces, par exemple, qui sont saisonniers et qui peuvent
employer 12 personnes contractuelles pendant 10 semaines, 12 semaines
l'été et puis, ensuite, ils tombent à 2 ou 3
employés. Finalement, il fallait trouver une norme. Après avoir
étudié ça de tous bords et de tous côtés, on
est arrivé à la conclusion qu'il fallait dire cinq
employés liés par contrat, que ce soit un contrat qui
amène un travail à temps partiel ou que ce soit un contrat avec
un travail à temps permanent; peu importe la durée du travail,
c'est cinq employés.
Le Président (M. LeSage): Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: Tu as terminé?
M. Bélanger (Anjou): Non, je n'ai pas terminé, M.
le Président.
Le Président (M. LeSage): Ah! Allez-y, M. le
député d'Anjou.
M. Bélanger (Anjou): Justement, si je reprends votre
exemple d'une compagnie qui pourrait être saisonnière justement,
si, on va dire, pendant 2 mois, elle a sous sa direction 5 employés et,
après, pendant 10 mois, elle n'a aucun employé et elle doit
réembaucher peut-être dans une autre période de 12 mois ou
de 8 mois, je ne le sais pas, un ou des employés, à ce
moment-là, est-ce qu'elle va se classer pour pouvoir être
admissible?
M. Rémillard: Le critère, c'est que dans 12 mois il
ne doit pas y avoir plus que 5 employés, en tout temps.
M. Bélanger (Anjou): En tout temps. M.
Rémillard: En tout temps.
M. Bélanger (Anjou): Mais si, pendant huit mois,
justement, elle n'avait aucun employé sous sa direction?
M. Rémillard: À ce moment-là, si elle a huit
employés, elle ne peut pas aller aux petites créances. Il faut
que ce soit dans 12 mois...
M. Bélanger (Anjou): Oui.
M. Rémillard: ...de la demande...
M. Bélanger (Anjou): Oui.
M. Rémillard: ...de l'action en justice, elle doit avoir
eu un maximum de 5 employés.
M. Bélanger (Anjou): De cinq. Mais, justement, prenons le
cas - je me suis mal exprimé - de quatre employés, mais
uniquement, disons, pendant deux mois et avec une interruption de plusieurs
mois. S'il y a eu interruption de la relation employeur-employés pendant
une certaine période, est-ce qu'à ce moment-là elle
pourrait ne pas se classer? Comme vous dites, saisonnier, c'est
saisonnier, il y a une grande période hors saison où il n'y a
aucune activité, où il n'y a aucun employé.
M. Rémillard: Oui, mais regardez, si elle veut prendre,
par exemple, action le 1er décembre 1992, ça veut dire que, du
1er décembre 1991 au 1er décembre 1992, il ne doit pas y avoir
plus de cinq personnes qui ont été liées par contrat
à cette entreprise-là. Que ce soit un contrat de 3 semaines, ou
de 3 mois, ou de 12 mois, peu importe, c'est seulement 5 employés, pas
plus, peu importe la durée du contrat d'emploi.
M. Bélanger (Anjou): Et peu importe s'il y a eu
interruption de ces employés-là. C'est ça?
M. Rémillard: Peu importe s'il y a eu interruption...
M. Bélanger (Anjou): Ah bon, d'accord.
M. Rémillard: ...s'ils reviennent, tout ça. Sans
ça, on ouvrait une boîte de Pandore. D'ailleurs, c'est
évidemment des discussions qui ont eu lieu. Quand je vous ai dit que le
critère de cinq employés était utilisé à
d'autres niveaux, évidemment, toutes ces discussions ont eu lieu
là et, nous, on les a refaites ensuite en groupe de travail, et on sait
que, si on commence à faire ces genres de distinctions, on ne s'en sort
pas vivants. Ce serait extensionner considérablement, bien sûr, la
portée de la loi; donc, ouvrir encore plus grande la porte aux
entreprises pour les petites créances.
Le Président (M. LeSage): Ça va, M. le
député d'Anjou?
M. Bélanger (Anjou): Oui, merci.
Le Président (M. LeSage): Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, vous
comprendrez, M. le Président, que cet article 1 vient directement
toucher la demande qui a été présentée par la
Fédération des ACEF, et là je rappelle leur demande: le
retrait de l'article 953 du Code de procédure civile, tel que
modifié, et c'est évidemment toute la notion de personne morale
et cette ouverture qui est faite aux petites entreprises. Parmi les principales
objections, c'est bon de le rappeler, c'est évidemment l'engorgement,
parce que simplement de changer le plafond - et ça, nous sommes en
accord - jusqu'à 3000 $, ça va créer beaucoup plus de
demandes. Il va y avoir beaucoup plus de dossiers qui vont se retrouver
là. Mais par le fait de l'ouvrir aussi aux petites entreprises, on vient
doubler cette ouverture et les problèmes risquent d'être assez
sérieux.
Et il y a l'autre élément à l'effet que les
objectifs de la Cour des petites créances n'ont jamais été
de transformer cette Cour des petites créances en agence de perception.
Et, si on fait référence, par exemple, au nettoyeur ou si on fait
référence au petit garagiste ou au dépanneur, on risque
effectivement que la Cour des petites créances devienne une agence de
perception, un centre de collection. Ce n'était absolument pas dans les
objectifs premiers au moment de la création de la Cour des petites
créances et ça ne devrait pas être non plus les principes
qui devraient nous guider à ce moment-ci. Et les inquiétudes
là-dessus... Les réponses du ministre, en tout cas, moi, ne me
donnent pas de satisfaction là-dessus. Est-ce qu'on a fait une
évaluation précise du nombre de demandes? Le ministre parlait
tantôt d'environ 33 000 demandes supplémentaires, dans sa
réplique en Chambre tout à l'heure, qui risquent de se retrouver,
selon les évaluations du ministère. Est-ce qu'on a fait la part
entre le surplus qui est ajouté à cause de
l'élévation du plafond à 3000 $ et le nombre qui pourrait
être imputable aux petites entreprises comme telles? Est-ce qu'il y a une
évaluation qui a été faite là-dessus?
M. Rémillard: Oui. Il y a, évidemment, une
évaluation bien précise qui a été faite par le
ministère de la Justice. Vous savez, quand on va devant le Conseil du
trésor avec des projets comme ça, le travail aussi est
scruté à la loupe en ce qui regarde les augmentations de
coûts qui pourraient survenir par une augmentation, par exemple, du
nombre de juges, etc. Donc, tout ça a été
étudié, évidemment, dune façon très
minutieuse. Les chiffres que j'ai cités, si vous me permettez, je vous
les cite de nouveau. On dit ici, et je me permets de le lire: «Selon les
évaluations préparées au ministère de la Justice,
les nouvelles mesures devraient augmenter le nombre de dossiers ouverts de 33
620». (22 h 20)
Alors, «de ces 33 620 nouveaux dossiers aux petites
créances, il y en a 13 880 qui proviendront d'un transfert de la Cour du
Québec, chambre civile, et 19 740 nouveaux dossiers. Les 13 880 dossiers
transférés de la Cour du Québec seront traités par
une réaffectation des juges de la chambre civile à la division
des petites créances.» Parce que c'est ça qu'il faut
comprendre, c'est les vases communicants. Ces causes-là, qui allaient
normalement au niveau de la Cour du Québec, donc dans sa
procédure normale, au lieu d'aller à la division Cour du
Québec, chambre civile, ça va venir aux petites créances.
Donc, ça va dégager d'autant plus des juges de la Cour du
Québec, qui vont s'en venir faire plus de petites créances. Et
l'analyse, c'est de dire qu'on ne voit pas d'obligation d'avoir plus de juges
et que le traitement des dossiers... En plus, bien sûr, il y a toute la
conciliation qui
élimine aussi beaucoup de cas devant le juge d'une façon
formelle. Alors, si on prend tout ça ensemble, le Conseil du
trésor et le ministère de la Justice arrivent à la
conclusion que, avec les effectifs, actuellement, de la Cour du Québec
et les moyens matériels que nous avons, il n'y a pas de problème
pour réaliser ce projet de loi.
Le Président (M. LeSage): Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Les 13 880 seraient,
évidemment, comblés par le transfert. Donc, 19 740 nouveaux
dossiers et on ne peut pas dire qu'il va y avoir, à ce moment-là,
des juges qui seront transférés pour ces nouveaux
dossiers-là. Et vous évaluez que près de 20 000 nouveaux
dossiers, ça ne demandera pas de juges supplémentaires.
M. Rémillard: Voici une autre précision, si vous
permettez, que je vous apporte: c'est que, de ces 19 740 nouveaux dossiers aux
petites créances, il y en a 35,4 % qui vont se rendre devant le juge.
Les autres sont reliés à la conciliation, donc sont
réglés avant d'aller devant le juge. D'où 6 990 dossiers
ouverts supplémentaires qui devraient potentiellement être
traités par le juge.
Mme Caron: M. le Président...
Le Président (M. LeSage): Allez-y, Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: ...si vous évaluez que 35,4 %, disons 35 %
là, seulement vont se retrouver là, ça ne correspond pas
aux chiffres que nous avons pour la période précédente,
c'est-à-dire que ce que nous avions comme information, c'est que le
service de médiation avait permis le règlement de 15 % des
dossiers. Comment peut-on prévoir que l'augmentation du règlement
serait aussi forte?
M. Rémillard: ce n'est pas 15 %. je ne sais pas où
vous avez trouvé le chiffre de 15 %, mais le taux de conciliation, de
réussite est beaucoup plus élevé que 15 %.
Mme Caron: Est-ce que vous avez ce taux de réussite?
M. Rémillard: Oui, mes gens vont me l'apporter dans
quelques instants.
Mme Caron: Parce que, dans les documents que nous avions
concernant le service de médiation, on pariait de 80 % de
réussite sur les dossiers qui avaient été traités,
mais que seulement 15 % des dossiers avaient été
traités.
M. Rémillard: Parce qu'on dit ici, voyez- vous, dans ma
note que je lis: «Par contre, l'extension de la médiation à
l'ensemble de la province - parce que c'est juste en opération
actuellement à Québec, à Montréal, à Hull et
à Laval - et à la nouvelle clientèle - avec, bien
sûr, les petites entreprises - devrait permettre, selon le taux de
succès actuel, de régler 7514 dossiers qui auraient
été traités par les juges». Alors, «les
nouveaux dossiers ouverts aux petites créances devraient donc être
traités par une réaffectation des juges de la Cour du
Québec et par l'extension de la médiation. Les délais
d'audition ne devraient donc pas être affectés par ces
mesures.»
Le Président (M. LeSage): Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: C'est-à-dire que les services actuels de
médiation traitaient 15 % mais, puisque vous comptez...
M. Rémillard: Extensionner.
Mme Caron: ...étendre la médiation à
l'ensemble, c'est pour ça que votre pourcentage de dossiers de
conciliation serait très élevé.
Le Président (M. LeSage): M. le ministre.
M. Rémillard: Les 15 % ici, on me dit que ce sont des
dossiers qui sont ouverts aux petites créances avec un taux de
succès de 80 %, donc, en médiation. Mais, là, comme on
vient de le mentionner, on l'ouvre à l'ensemble du territoire. Donc,
ça monte considérablement. Les 15 % n'ont plus, donc,
nécessairement leur place. Alors, ça augmente ce taux des
dossiers qui seront ouverts à la médiation, à la
conciliation, ce qui veut dire que vous en arrivez à - ici, les
prévisions -7514 dossiers qui auraient à être
traités, finalement, par les juges.
Le Président (M. LeSage): Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: M. le Président, dans un premier temps, est-ce
* que le ministre a l'intention de nous déposer ce document de
prévisions concernant le nombre de dossiers? J'aimerais également
que le ministre puisse répondre à la deuxième partie de ma
question, c'est-à-dire la crainte que nous avons que, finalement, la
Cour des petites créances devienne une agence de perception, que cela
puisse permettre, finalement, à différents petits
commerçants de collecter leurs comptes.
Document déposé
M. Rémillard: Je vais déposer, d'abord, ma note
administrative. Vous voyez, je n'ai rien à vous cacher. Quant à
la perception, on dit bien
qu'il s'agit de cinq employés liés par contrat. Alors, par
conséquent, il s'agit d'une entreprise de cinq employés et elle
est représentée en cour par un de ses employés. Alors,
comment peut-on penser que ce serait des agences de perception qui pourraient,
donc, s'infiltrer? Non? Est-ce que je comprends mal votre question?
Mme Caron: Oui. M. le Président, si je peux... Non, c'est
que la Cour des petites créances elle-même va devenir un lieu de
perception, finalement, puisque les petites entreprises qui n'auront pas
réussi à se faire payer par leurs clients, au lieu de recourir
à une agence de perception, vont pouvoir aller à la Cour des
petites créances.
M. Rémillard: Et vous ne trouvez pas ça une bonne
chose? Mettons que ce serait ça, vous ne trouvez pas ça
correct?
Mme Caron: Bien, si la cour...
M. Rémillard: Qu'est-ce qu'il y aurait de pas correct
à ce qu'un garagiste qui a fait des réparations et qui
considère qu'on lui doit 700 $, 800 $, si la personne ne paie pas,
décide d'aller aux petites créances? Et puis le consommateur dit:
Écoutez, moi, je n'ai pas eu les réparations que je voulais. Et
le garagiste dit: Moi, j'ai vraiment fait les réparations qu'il fallait.
En fait, il y a conflit et le juge tranche. Ce n'est pas correct, ça, au
lieu d'avoir une agence de perception qui va essayer d'avoir le montant
d'argent parce qu'elle a une commission sur l'argent qu'elle perçoit au
niveau du consommateur? Est-ce que ce n'est pas mieux d'avoir, comme ça,
un processus? Plus, là, il y a la conciliation. Pensez à la
médiation et la conciliation qu'on a aussi au niveau des petites
créances. Est-ce que le système n'est pas mieux comme ça?
Je ne sais pas, j'aimerais ça avoir votre opinion là-dessus.
Mme Caron: Ça ne m'apparaît pas évident que
la société doive débourser les coûts
d'administration d'une Cour des petites créances pour agir à la
place d'une agence de perception. J'avoue que je ne pense pas que ce soit un
principe souhaitable, au niveau de notre société. J'ai un petit
peu de difficulté à endosser ce principe-là. Je ne pense
pas qu'on ait à assumer des coûts - parce que c'est quand
même des coûts importants, l'administration de la Cour des petites
créances - pour jouer le rôle d'agence de perception à la
place des entreprises.
M. Rémillard: Oui, mais, Mme la députée, une
société de justice, c'est quand même que chacun puisse
recevoir en toute équité une contrepartie du travail qu'il a
accordé. Alors, si on veut être dans une société de
justice, le commerçant qui a livré un produit ou celui qui a
fabriqué quelque chose, le consommateur qui a reçu un bien ou qui
a utilisé un bien, pourquoi ces gens-là ne pourraient pas avoir
justice, dans un processus qui est informel, qui est rapide, qui fait appel
à la conciliation et à la médiation, même avant
d'aller devant le juge? (22 h 30)
Moi, savez-vous, je n'ai aucun problème là-dessus,
d'autant plus qu'actuellement une personne physique peut le faire. Si vous me
devez des sous et que, moi, je veux aller devant les petites créances et
dire que vous me devez des sous, et que je démontre au juge que
vraiment, en droit, vous me devez des sous, vous allez me payer. Vous allez
avoir un jugement. Puis il n'y a rien de mal à ça. Pourquoi il y
aurait du mal à s'adresser aux petites créances. Alors,
là, ça serait simplement le petit commerçant, votre
épicier là du coin de rue, votre dépanneur, votre
nettoyeur, ces gens-là, votre garagiste. Pourquoi, eux, qui ont à
faire vivre aussi leur famille, puis qui travaillent honnêtement... Si ce
n'est pas honnêtement, le juge va être là pour leur dire: Un
instant, ça ne marche pas de même. Le consommateur, ce monsieur,
cette madame, ne vous le doit pas, cet argent-là. Vous n'avez pas fait
votre service adéquatement. Qu'est-ce qu'il y a de pas correct
là-dedans? Je vous avoue, moi, que je ne vois pas ça comme
ça. Il me semble que c'est un avantage.
Puis, je suis certain... Le député de Westmount, comme
avocat, il ne trouve pas ça? Le député d'Anjou est avocat
aussi, H a pratiqué. Excusez-moi, je ne fais pas référence
à deux avocats pour vous mettre en...
M. Holden: Vous ne voulez pas créer de la chicane entre
nous, M. le Président.
M. Rémillard: Non, non. Je retire mes affirmations.
Mme Caron: Bien, moi, je suis fière de ne pas être
avocate.
Le Président (M. LeSage): Mme la députée de
Terrebonne a demandé la parole.
M. Rémillard: Oui, vous avez parfaitement raison. Vous
avez parfaitement raison, je m'en excuse.
Le Président (M. LeSage): Mme la députée de
Terrebonne, la parole est à vous.
Mme Caron: Oui, M. le Président. Je pense que, lorsque le
ministre fait référence au principe qu'un citoyen peut,
présentement, aller percevoir de l'argent qui lui est dû,
effectivement la Cour des petites créances a été
créée pour donner l'accessibilité à un citoyen pour
faire valoir ses droits et non à une entreprise. Et c'est élargir
ce principe. Si je pars du
principe du ministre - il ne l'a pas dit, mais il voulait le dire - que
c'est un juste équilibre, eh bien...
M. Holden: II ne l'a pas encore dit!
Mme Caron: ...il aurait pu l'étendre à toutes les
entreprises à ce moment-là, si c'est un juste équilibre,
puis que les grandes entreprises ont le droit, elles aussi, de percevoir
l'argent pour le travail qu'elles ont effectué.
Et, lorsque le ministre nous fait part, comme d'une protection, du fait
qu'on parle d'«au plus cinq personnes liées à elle par
contrat de travail», bien, moi, j'y vois plutôt une ouverture dans
le sens qu'une compagnie pourrait n'avoir que cinq employés ou moins
liés à elle par contrat de travail et en avoir un nombre beaucoup
plus élevé qui ne seraient pas liés par contrat de
travail, mais qui travailleraient dans l'entreprise de celui qui
déciderait d'aller à la Cour des petites créances.
M. Rémillard: Sur la notion de contrat de travail,
évidemment, il s'agit de quelqu'un qui travaille dans l'entreprise.
Alors, le contrat peut être même verbal, ce n'est pas
nécessairement que vous avez une pièce de papier sur laquelle on
met vos conditions de travail. C'est l'engagement, c'est l'échange de
volontés, contrat se référant à l'échange de
volontés. Alors, contrat de travail, c'est quelqu'un qui a reçu
un salaire et qui travaille donc dans une entreprise. Alors, le contrat de
travail n'est pas nécessairement au sens du Code du travail comme tel,
mais formel. Et, si le contrat de travail ou d'engagement d'une volonté
dit: Tu travailles chez nous, très bien, tu travailles là.
L'autre remarque, en ce qui regarde les petites entreprises,
écoutez, cinq employés, là, ce n'est pas beaucoup. Ce
n'est pas beaucoup. Tantôt, le député d'Anjou disait: Bien,
pourquoi vous avez pris cinq, vous auriez pu prendre un autre chiffre? Bon,
j'ai expliqué pourquoi. Mais ce n'est pas beaucoup, ça, cinq
employés. Alors, pensez que c'est vraiment la petite entreprise. C'est
le petit commerçant qui gagne sa vie, puis ce n'est pas facile. Ce n'est
pas la grande multinationale là, c'est vraiment le petit bijoutier du
coin qui fait commerce, et c'est le petit dépanneur, c'est la petite
entreprise de services. Cinq employés, je dois vous dire...
En plus, comme le député d'Anjou le soulignait tout
à l'heure, c'est tous ceux qui ont des contrats, peu importe le temps.
Alors, ça peut être pendant la période de Noël. Si,
pendant la période de Noël, vous avez eu besoin de deux
employés supplémentaires, bien, ces deux employés
supplémentaires, ça compte dans les cinq auxquels vous avez
droit. Calculez tout ça, là, puis vous allez voir que c'est
vraiment des petites entreprises, hein, ce n'est pas des grosses
entreprises.
Le Président (M. LeSage): Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: Puisque le ministre revient, avec raison, sur le
nombre de cinq personnes, on sait que ça arrive un petit peu plus loin
dans le projet de loi, mais il peut peut-être nous faire part tout de
suite de ses intentions. On sait qu'au niveau de la preuve on parle, à
l'article 4, uniquement d'un affidavit, ce qui va obliger le consommateur,
finalement, à avoir le fardeau de la preuve s'il croit que
l'entrepreneur a plus de cinq personnes qui travaillent pour lui.
M. Rémillard: Écoutez, si vous voulez qu'on aborde
cet article, on peut l'aborder tout de suite; si vous voulez qu'on
attende...
Mme Caron: Peut-être simplement pour...
M. Rémillard: On pourra le voir et je pourrai demander aux
légistes, à ce moment-là, pourquoi on est arrivé
à cette situation-là. Il ne s'agit pas de faire porter le fardeau
de la preuve à quoi que ce soit, mais il s'agit simplement de trouver le
meilleur moyen pour que le tribunal puisse vérifier si vraiment cette
compagnie a cinq employés. Si la personne représentant la
compagnie fait un affidavit qui n'est pas vrai, un faux affidavit, elle peut
être poursuivie pour faux au niveau criminel. Elle va être
poursuivie au niveau criminel et c'est un processus qui, à mon sens, est
peut-être le plus fiable, c'est-à-dire se fier à un
affidavit signé même par le représentant de la compagnie
qui met en cause lui-même sa responsabilité au niveau
criminel.
Mme Caron: Mais, au niveau du consommateur, vous savez que cela
entraîne de sérieuses difficultés; s'il veut
démontrer, faire la preuve du contraire, il va devoir engager quand
même certains montants. Il va avoir à faire des
vérifications. Il va avoir à apporter des preuves et ce n'est pas
évident, si on veut alléger le système, que le
consommateur a ces moyens-là pour apporter la preuve.
M. Rémillard: Je pense qu'il faut quand même
comprendre dans quelles circonstances ça arriverait. Ça
arriverait dans les circonstances où le consommateur dirait: Je ne veux
pas plaider à l'effet que je dois ou ne dois pas 800 $ à ce
commerçant ou garagiste, mais je veux dire que ce garagiste engage plus
que cinq employés, donc, n'a pas accès aux petites
créances. Écoutez, c'est qu'à ce moment-là le
consommateur ne veut même pas discuter au fond. Il veut simplement dire
que le commerçant n'a pas le droit aux petites créances. Il y a
quand même quelque chose. S'il veut faire cette
démonstration-là, parce qu'il considère que l'affidavlt
est un faux, je pense que c'est normal qu'il y ait, à ce
moment-là, un certain fardeau de la preuve, et
c'est comme ça à n'importe quelle instance, à
n'importe quel niveau, peu importe où vous vous retrouvez. Je pense que
c'est tout à fait normal. Si vous vous mettiez dans une situation comme
ça pour discuter du fond, alors, là, je dirais; Attention, soyons
bien conscients qu'on met un fardeau de plus sur une personne par rapport
à l'autre. Mais ce n'est pas au niveau du fond, c'est strictement au
niveau de la juridiction du tribunal et on dit: Le commerçant n'a pas
accès à ce tribunal parce qu'il a plus que deux
employés.
Attendez! On me souligne quelque chose ici. L'article 972:
«À l'audience, le débiteur ou la personne appelée
par le débiteur en vertu du paragraphe e de l'article 962 peut faire
valoir tout moyen de défense et proposer, le cas échéant,
des modalités de paiement». Ah oui! On me souligne ici que le juge
peut jouer ce rôle très actif et peut soulever d'office cette
question-là. Donc, c'est le juge qui peut questionner directement et
c'est ce qu'en pratique il va se faire très souvent. Il va dire: Bon!
Vous avez votre affidavit comme quoi vous n'avez pas plus que cinq
employés. Vous avez cinq employés, là; ça veut dire
vraiment que vous n'engagez personne chez vous même pour une
journée ou pour deux jours, peu importe, il n'y a personne qui travaille
chez vous, et toutes ces personnes qui travaillent chez vous ne totalisent pas
plus que cinq employés. C'est ça que vous me dites. C'est
ça que vous signez dans votre affidavit. Vous savez la gravité de
cette signature puisque vous engagez votre responsabilité criminelle.
Écoutez, quand même, ce n'est pas de la petite bière,
là. Ça compte, ça. Ça, compte, ça. Je pense
que c'est sérieux, très sérieux.
Le Président (M. LeSage): Mme la députée de
Terrebonne. (22 h 40)
Mme Caron: Loin de me rassurer, M. le Président, les
propos du ministre m'inquiètent davantage, pas dans la deuxième
partie de son argumentation à l'effet que, bon, le juge pourra
effectivement questionner, mais il faut que le consommateur, à ce
moment-là, souhaite que le juge pense à questionner sur
i'affidavit de l'entrepreneur, mais ce qui m'inquiète, c'est lorsque
vous nous dites que c'est inquiétant que le consommateur fasse une
demande et qu'il ne touche, finalement, cet article, que la forme plutôt
que le fond. Mais c'est ouvrir la porte, c'est dire carrément aux
entreprises: Bien, que vous en ayez cinq ou plus, vous avez juste à y
aller et puis ce sera au consommateur à prouver le contraire. Je trouve
qu'au niveau de propos c'est vraiment ouvrir la porte et dire: Écoutez,
si le consommateur n'a pas d'autre argument... C'est parce que, quand une loi
s'applique à un nombre précis, elle s'applique à ce
nombre-là et je pense que c'est dans les droits du consommateur de dire
que l'entreprise ne respecte pas ce nombre-là. Si la loi s'applique aux
entreprises de cinq personnes et moins, eh bien, c'est l'argument premier,
évidemment, d'un consommateur qui serait conscient que l'entreprise n'a
pas droit à la Cour des petites créances de le mentionner.
M. Rémillard: II ne faut quand même pas croire que,
parce qu'on est commerçant, on est fraudeur.
Mme Caron: Absolument pas.
M. Rémillard: Hein? Il ne faut pas. Alors, le
commerçant qui a un affidavit, il est conscient de la gravité des
déclarations qu'il y fait. Et puis il y a l'article 976 où on dit
que «le juge, qui procède lui-même à
l'interrogatoire, apporte à chacun un secours équitable et
impartial de façon à faire apparaître le droit et à
en assurer la sanction». Alors, déjà, vous avez ces
articles qui font jouer un rôle actif au juge. D'ailleurs, on le voit
à la télévision quand on voit les cours des petites
créances. C'est le député de Westmount qui parlait des
émissions de télévision à ce niveau-là. On
voit que le juge... Pardon? Le député de Viger aussi en parlait.
Alors, le député de Viger soulignait à quel point, quand
on voyait les juges intervenir, les juges aidaient les parties parce qu'il n'y
a pas d'avocat, et ce n'est pas nécessairement des avocats. Donc, dans
ce contexte-là, le juge joue un rôle actif qu'il ne joue pas
normalement lorsque les parties sont représentées par avocat dans
un processus formel de justice, dans une cour ordinaire de justice. Il me
semble, pour moi, que c'est une garantie quand même suffisante.
Bien sûr, M. le Président, qu'il pourrait y avoir un
commerçant qui fasse une fausse déclaration, comme il peut y
avoir aussi un consommateur qui fait une fausse déclaration et dit: Moi,
je ne me suis jamais servi de cet appareil-là et il s'en est
déjà servi, ou je ne sais pas trop quoi. Mais, la justice, elle
est là pour trancher à ce moment-là; si cette personne a
fait une fausse déclaration, elle en subit les conséquences.
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le ministre. M. le
député de Westmount.
M. Holden: Merci, M. le Président. M. le Président,
je pense que les chiffres que le ministre a donnés sur l'usage de la
Cour après les changements sont erronés, et je vous dirai
pourquoi. Aussitôt qu'on ne sera pas obligé d'aller devant la Cour
du Québec avec un avocat et tout ça, quand ça va
être su que c'est jusqu'à 3000 $, il va y avoir beaucoup plus de
monde qui va aller à la Cour des petites créances que ceux et
celles qui se sont présentés devant la Cour du Québec,
pour les mêmes montants. Ça peut être moins grave, mais,
dans un an ou deux ou trois,
vous allez voir que vos pronostics sont beaucoup trop bas et que vous
allez être obligé d'avoir plus de personnel, plus de monde pour
recevoir les plaintes, plus de demandes, plus de monde pour écouter. Il
faut y penser presque tout de suite pour les estimés, pour les demandes
de fonds pour les années à venir. Je crois bien que vos
prédictions sont très conservatrices.
Je ne sais pas comment vous avez procédé. Vous avez pris
les dossiers qui sont là devant la Cour du Québec, vous les avez
transférés. On ne sait pas si les demandes devant la Cour du
Québec qui était pour les petites compagnies, c'était des
compagnies de 3 ou de 4 ou de 10 personnes. Je ne sais pas comment vous avez
fait pour savoir qu'il y a un transfert de dossiers de 2005 de la Cour du
Québec à la Cour des petites créances dans le domaine des
corporations. Je ne sais pas du tout comment vous avez fait ça. Je ne
sais pas qui a fait ça. Je ne sais pas comment ça s'est fait,
mais je suis persuadé que vos chiffres sont beaucoup trop bas.
M. Rémillard: M. le Président, peut-être, je
me permets juste une petite remarque. Le député de Westmount, je
me souviens, quand on était en commission parlementaire sur le droit
civil, disait toujours: C'est très conservateur dans le mauvais sens du
terme. Maintenant, il n'a pas dit dans le mauvais sens du terme. Je ne sais pas
si ça veut signifier quelque chose.
M. Holden: Ça signifie un manque de voir à
l'avenir.
M. Rémillard: D'accord. En ce qui regarde maintenant les
chiffres, écoutez, moi, tout ce que je peux dire au député
de Westmount, c'est: On a le Conseil du trésor et le ministère de
la Justice qui ensemble ont fait ces chiffres et qui nous donnent ces chiffres.
La conclusion, pour moi comme ministre, j'ai déposé le document,
vous pouvez le consulter.
M. Holden: J'aimerais bien le voir.
M. Rémillard: Alors, si vous me dites qu'on s'est
trompé, bien, écoutez, on le verra dans deux ou trois ans.
M. Holden: Non, je dis que c'est impossible de le savoir.
M. Rémillard: Oui.
M. Holden: Parce qu'il va y avoir du monde qui va se
présenter à la Cour des petites créances, qui ne se serait
pas présenté devant la Cour du Québec, parce que ça
ne coûte rien maintenant, alors que ça coûtait avant les
frais d'avocat. Je pense que le député de Chauveau...
M. Kehoe: Chapleau.
M. Holden: ...de Chapleau, je veux dire, va abonder dans le
même sens. Il va y avoir plus de monde aux petites créances que
devant la Cour du Québec.
Le Président (M. LeSage)): Pour votre information, M. le
député de Westmount, le document est déposé par le
ministre. Nous n'avions pas de page tantôt, nous en avons un maintenant;
il est parti faire des photocopies, et nous allons vous les distribuer
dès qu'elles arriveront.
M. Holden: O.K.
M. Rémillard: Alors, M. le Président, M. Yves
Pleau, du cabinet du sous-ministre de la Justice, qui venait me donner des
informations techniques tout à l'heure, nous dit qu'ils ont pris des
échantillonnages, qu'ils ont fait ça de façon très
scientifique avec le Conseil du trésor, avec des spécialistes de
ces genres d'évaluation là, et ils sont arrivés aux
chiffres, donc, qui sont dans le document que j'ai déposé. Ce
sont des genres de travaux... Ces chiffres-là, c'est un petit peu
semblable à tous ceux qu'on a faits pour évaluer les
conséquences des modifications qu'on a faites, par exemple, dans le Code
civil. On refait tous les registres, les trois registres du Code civil, comme
évidemment mes collègues le savent - et encore aujourd'hui
j'étais au Conseil du trésor pour discuter avec eux des
modalités d'application de cette réforme-là - en se fiant
à des chiffres qui sont établis par le Conseil du trésor,
par les Finances, par le ministère de la Justice et on en arrive
à des chiffres pour nous permettre de faire des prévisions
budgétaires. Mais c'est sûr qu'on n'a pas de boule de cristal
parfaitement claire qui nous permette de dire: Bien, voilà, ça va
vraiment être ça.
M. Holden: non, je suis comme on dit, «on the record»
et, dans deux ou trois ans, vous allez dire: ah! vous ne serez plus ministre,
malheureusement...
M. Kehoe: Toi, tu ne seras pas ici.
M. Holden: ...mais quelqu'un va dire, Ah! Holden avait raison.
Ha, ha, ha!
M. Rémillard: Premièrement, M. le Président,
première remarque, j'apprécie beaucoup qu'il dise
malheureusement, ça veut dire qu'il va me manquer beaucoup;
deuxièmement, j'ai l'intention d'être ministre très,
très longtemps et, troisièmement, qui sait, ha, ha, ha!
peut-être que le député de Westmount serait bien heureux
à ce moment-là si on a besoin de plus de juges!
M. Holden: Ha, ha, ha! Des voix: Ha, ha, ha!
M. Holden: Ça, c'est...
Le Président (M. LeSage): Vous avez terminé, M. le
député de Westmount?
M. Rémillard: Je retourne le compliment.
M. Holden: Une autre question ou remarque, M. le
Président. J'appuie la députée de Terre-bonne dans ce
qu'elle dit au sujet jusqu'à ce point-ci, là. Quand on commence
avec cinq, c'est ce qu'on dit en anglais «the thin edge of the
wedge». On a commencé les petites créances avec quoi, 200 $
ou 500 $?
M. Rémillard: 300 $
M. Holden: 300 $. C'est rendu à 3000 $. On commence avec
cinq personnes, inévitablement ça va devenir plus gros. Alors,
aussitôt qu'on accepte le principe c'est inévitable. Mais la
question est: Est-ce que les personnes morales, une petite compagnie... Vous
avez mentionné votre garagiste; est-ce qu'il est aussi valable qu'un
dentiste, par exemple, qui veut collecter? Je suis plutôt prêt
à dire que ça s'équivaut, quoi. Mais le principe est
là et la députée de Terre-bonne est contre le principe, je
pense. C'est tout ce que j'avais à dire. Si vous avez des
commentaires...
M. Rémillard: Vous, M. le député? (22 h
50)
M. Holden: J'ai dit que je suis moins catégorique
là-dessus. Ha, ha, ha!
Le Président (M. LeSage): Merci, M. le
député de Westmount. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires sur
l'article 1? Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, je comprends que l'article 1
introduit tous les changements d'un coup, n'est-ce pas, ou presque, puisqu'on
introduit le relèvement du plafond de la réclamation au
paragraphe a. Ensuite, l'introduction de l'accessibilité des personnes
morales au deuxième paragraphe. Et on introduit, dans le dernier
paragraphe, la qualité que doit avoir la personne morale pour se rendre
admissible à l'aide juridique. Alors, je comprends que l'enjeu principal
du projet de loi 50 se retrouve à l'article 1 du projet de loi.
Alors, concernant, d'abord, la créance qui sera relevée
à 3000 $, il a été beaucoup question d'un mécanisme
de révision régulière. Dans la mesure où ce
mécanisme fait défaut, on arrive à la situation dans
laquelle on est maintenant, c'est-à-dire devoir corriger abruptement la
situation faute d'un mécanisme qui, de façon ponctuelle, vient
corriger les effets de l'inflation.
Le ministre notait aujourd'hui que, si on ne faisait qu'indexer ce qui
ne l'avait pas été depuis 1984 - c'est bien le cas - on en arrive
à quelque chose autour de 1500 $.
M. Rémillard: 1500 $. Peut-être 1500 $, oui. Mme
Harel: 1500 $.
M. Rémillard: Je vais le faire vérifier, mais 1500
$.
Mme Harel: donc, ce n'est pas seulement quantitatif, c'est
qualitatif aussi, le passage. puis on voit que ce passage qualitatif l'a
été dans les autres provinces.
M. Rémillard: Aussi.
Mme Harel: Donc, il y a quelque chose de plus que le simple fait,
je comprends, d'indexer, finalement, la créance qui peut être
réclamée. Il y a donc, dans ce saut quand même qui s'est
fait partout... On parte de 5000 $ dans deux provinces. Je crois que c'est le
Manitoba, puis la Saskatchewan. On parle de 10 000 $ en Colombie-Britannique.
L'Ontario l'a relevé à 3000 $, mais parle de 6000 $, en fait,
puis fait actuellement un rodage d'expérience-pilote au-delà de
3000 $. On parle, finalement, d'expériences qui se poursuivent, mon
Dieu! plus précisément, Manitoba, 5000 $, Saskatchewan, 5000 $,
Alberta, 4000 $, Colombie-Britannique, 10 000 $, Ontario, 3000 $. Mais on
ajoute: Dans le cadre d'un programme expérimental, quatre cours des
petites créances dans la région métropolitaine de Toronto
sont autorisées, depuis juillet 1992, à accepter des
réclamations de 3000 $ et plus. Une fois la machine bien rodée,
le législateur entend augmenter la limite à 6000 $ à
travers l'Ontario. Alors, ça doit être, entre autres,
associé au coût de plus en plus prohibitif des tribunaux
réguliers. Il y a là un phénomène certain qui se
vit ailleurs comme ici. Donc, comment entendez-vous maintenir l'ajustement?
M. Rémillard: Lorsqu'on parle du montant fixé pour
déterminer l'accès aux petites créances, il y a deux
problèmes qu'on doit bien avoir à l'esprit. Le premier, c'est
l'application, évidemment, de la règle audi alteram pattern,
c'est-à-dire que chacun a le droit de faire valoir correctement son
point de droit. Et, dans notre système judiciaire, ça signifie
qu'il y a des professionnels, qu'il y a des corporations professionnelles,
qu'on appelle des avocats. Donc, jusqu'où on peut aller, sans avocat,
c'est-à-dire en enlevant cette possibilité aux justiciables
d'avoir recours à un professionnel de la justice? Et, à ce
niveau-là, lorsqu'on fait référence aux autres cours de
justice dans les autres provinces, il faut bien noter que, dans les autres
provinces, ils ont droit à des avocats. Ils ont droit à des
avocats, c'est la grande différence.
L'autre point important aussi - et on me
corrige, Jean, vous me corrigez si je fais une erreur - c'est que, dans
les autres provinces, il y a aussi possibilité d'appel.
Une voix: Toujours.
M. Rémillard: Toujours possibilité d'appel, on me
le confirme. Nous, on n'a pas de possibilité d'appel. Alors, ça
fait deux éléments qui vont contribuer à alléger le
processus, mais je crois qu'on doit être conscients, quand même,
comme parlementaires, qu'il y a une limite. On aurait peut-être pu passer
à 5000 $, remarquez bien. On aurait pu passer à un terme de 5000
$. Moi, comme ministre de la Justice je vous avoue que j'aurais aimé
ça qu'on passe à 5000 $. Mais, après toutes les
consultations qu'on a faites, vous étiez avec moi au Sommet de la
justice et les gens disaient: C'est 3000 $, rapport Mac-donald, 3000 $. Il y a
un consensus pour 3000 $. Bon, très bien, on fait 3000 $. Ça ne
veut pas dire que, éventuellement, on ne pourrait pas passer à
5000 $ quand on jugera opportun de le faire. Alors, c'est plus que
l'indexation, bien sûr. C'est une question simplement de s'ajuster
à l'évolution d'une société. On avait parié
de 3000 $, il y a à peine cinq ou six ans, et je peux vous dire que
ça a été très difficile. Là, ça se
fait bien. Il n'y a pas de protestation. Ça se fait relativement bien.
Peut-être bien qu'on pourra parler de 5000 $. Mais il faudrait toujours
avoir en tête, quand même, ce droit à l'avocat et aussi ce
droit à un processus d'appel.
Le Président (M. LeSage): Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: J'abonde dans le fait qu'il n'y a pas de levée
de boucliers contre le relèvement à 3000 $. Ça semble un
fait d'évidence. Ça correspond sûrement à l'air du
temps. Mais, dans six mois ou un an, déjà, ça
paraîtra comme possiblement étant en deçà.
Finalement, la législation est toujours en retard en quelque sorte. Et
la question que je vous pose est plus: Pourquoi ne pas introduire un
mécanisme de révision régulière?
M. Rémillard: Je ne sais pas à quoi la
députée de Hochelaga-Maisonneuve peut se référer.
Est-ce qu'elle aurait aimé qu'on ait un processus pour dire: Le
gouvernement fixe de temps à autre ou à son gré un autre
seuil d'admissibilité? Je pense que ça n'aurait pas
été valable. Je crois que ça revient aux parlementaires,
à cause des restrictions que je vois et qui sont quand même
importantes - l'avocat, le droit d'appel - de le déterminer par un
projet de loi. Si on décidait de passer à 5000 $, il faudrait
amender le projet de loi et décider de dire: On passe de 3000 $ à
5000 $. On pourrait avoir un processus plus léger, comme je vous dis, un
processus réglementaire, et dire: Par décret, le gouvernement
peut fixer. Mais je trouve que ce ne serait pas une bonne chose. Je ne crois
pas que ce soit une bonne chose. Je trouve que c'est assez important comme
sujet que ça doit être décidé par des
parlementaires, par un amendement constitutionnel.
Mme Harel: Ça pourrait l'être tout autant par
l'indexation.
M. Rémillard: Un amendement constitutionnel, excusez-moi,
la fourche me langue.
Mme Harel: Les affaires canadiennes, c'est fini.
M. Rémillard: Les affaires canadiennes, c'est
terminé.
Mme Harel: La société distincte aussi. M.
Rémillard: Vous croyez ça?
Mme Harel: Sauf dans la réalité.
C'est-à-dire que, dans la réalité, on voit, comme vous
nous l'indiquez, que l'on est différents, mais, finalement, sur le
papier, ces discussions-là sont finies. Ceci dit, il pourrait être
possible, par exemple, qu'un mécanisme de révision qui puisse,
par exemple, prendre en considération l'augmentation du coût de la
vie puisse venir périodiquement au moins ajuster... Je comprends et je
partage le point de vue du ministre sur le fait que la décision quant
à des sauts qualitatifs, ça doit se faire par le voie du
législateur, mais un ajustement périodique, il y a là un
intérêt certain. Nos textes deviennent vétustés
assez rapidement. Au niveau des tarifs, ça a été la
même chose, le seuil d'admissibilité à l'aide juridique en
est-il assez un bon exemple? (23 heures)
On dit présentement qu'il y a à peine 11 % des
ménages au Québec qui ont accès à l'aide juridique.
Il y a 20 ans, quand la Loi sur l'aide juridique a été
adoptée, c'était autour de 24 %, l'évaluation des
ménages admissibles. Et on apprenait aujourd'hui que 18 % des
ménages au Québec sont dits pauvres par le conseil canadien de
bien-être social. Ça veut dire qu'à peine un peu plus de la
moitié des ménages pauvres ont droit à l'aide juridique et
l'autre moitié n'y a plus droit. Alors, s'il y a un exemple assez
éloquent sur le fait qu'on n'ajuste pas périodiquement nos
seuils, c'est bien celui-là. En fait, étant donné que...
J'ai 20 minutes à ma disposition, c'est ça?
Le Président (M. LeSage): Si vous voulez, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Alors, je voudrais ne pas avoir à demander le
consentement pour aller au-delà. J'aimerais tout de suite interroger le
ministre sur
l'ouverture qui est faite aux personnes morales. Alors, on retrouve, au
deuxième paragraphe et au dernier alinéa: «Une personne
morale ne peut, à titre de créancier, se prévaloir des
dispositions du présent livre que si, en tout temps au cours de la
période de 12 mois qui précède la demande, elle comptait
sous sa direction ou sous son contrôle au plus cinq personnes
liées à elle par contrat de travail». Le ministre peut-il
nous indiquer s'il est exact que, présentement, devant la Cour des
petites créances, près de 70 % des dossiers sont ouverts par des
professionnels ou par des entreprises non incorporées, non
enregistrées, en fait par des artisans, dirions-nous, qui se servent,
semble-t-il, pour une forte proportion du service des petites créances
pour recouvrer soit des honoraires ou des paiements de services? Est-ce que le
chiffre de 70 % serait exact?
M. Rémillard: Alors, M. le Président, M. Alain
Lauzier, m'informe que ce chiffre lui paraît très
exagéré. Il n'a pas avec lui le chiffre exact, mais
celui-là lui paraît très exagéré.
Mme Harel: Est-ce que les dossiers ont pu être
analysés pour, notamment, permettre d'identifier quels sont, finalement,
les justiciables qui se présentent devant la Cour des petites
créances? Moi, je tiens ces informations du professeur Roderick
Macdonald, ci-devant président du groupe de travail sur
l'accessibilité à la justice, que j'ai eu l'occasion de
rencontrer il y a quelques jours et qui me faisait part d'une étude
assez approfondie, assez fouillée que ses étudiants et lui ont pu
mener à la Cour des petites créances de Montréal.
C'était d'autant plus intéressant que c'est assez récent,
finalement, ce survol des dossiers des petites créances. Il me disait
avoir pu obtenir la collaboration de la direction et des employés sans
avoir accès, évidemment, aux renseignements nominatifs, mais il a
quand même pu analyser, notamment, l'origine socio-économique et
également l'appartenance linguistique, pour se rendre compte qu'il y
avait un profil de l'utilisateur et que, contrairement à l'image qu'on
peut en avoir, l'utilisateur n'était pas le citoyen ou la citoyenne la
plus démunie, qu'il y avait une sous-représentation, notamment,
des citoyens d'origine immigrante, des citoyens anglophones, des citoyens
pauvres, sous-scolarisés et des femmes. Alors, le portrait type de
l'utilisateur était un homme, québécois de souche, entre
25 et 45 ans. C'est exactement les informations qu'il me communiquait.
M. Rémillard: Les petites annonces classées.
Mme Harel: Mais ça reste important parce que, finalement,
c'est exactement un portrait contraire à celui auquel on s'attend. On
s'attend que la Cour des petites créances va être massivement
utilisée par des personnes qui sont dans un état de plus grand
dénuement et, finalement, on se rend compte, semble-t-il, que ce n'est
pas le cas, que certains groupes minoritaires, bien, sont
sous-représentés et que, d'autre part, des personnes mieux
nanties seraient majoritairement représentées et
qu'essentiellement, d'une certaine façon, ça servait d'agence de
collection pour des honoraires impayés. Est-ce que c'est
l'expérience qu'en a le ministre?
M. Rémillard: Moi, ce n'est pas les chiffres et les
profils qu'on m'a communiqués.
Mme Harel: En avez-vous, des chiffres et des profils?
M. Rémillard: On m'a communiqué des chiffres. Je ne
pourrai pas vous les citer comme ça de mémoire. J'ai
déposé, tout à l'heure, un document qui pourra vous
être distribué sur, quand même, les conséquences des
modifications qu'on apporte sur le nombre de causes qui seront entendues.
Maintenant, je comprends que le professeur Macdonald avec ses étudiants
a fait cette étude en ce qui regarde la Cour des petites créances
de Montréal. Alors, donc, c'est strictement en ce qui regarde
Montréal; ce n'est pas en ce qui regarde Québec, Chicoutimi ou je
ne sais pas quel autre endroit. Ça regarde Montréal. Est-ce que
c'est le même profil dans les autres endroits? Je ne le sais pas. Je ne
le sais pas.
Maintenant, je ne sais pas si c'est vous qui m'avez parlé de ces
chiffres-là, mais j'ai entendu parler de ces chiffres-là à
un moment donné. Je ne mets pas en doute la compétence du
professeur Macdonald qui a fait le rapport qu'on connaît sur
l'accessibilité à la justice, un très bon rapport qui nous
a guidés pour le Sommet de la justice. Mais, là-dessus, je
voudrais bien qu'on comprenne que les résultats de son étude sont
en fonction de Montréal; peu importe la valeur qu'on peut y donner sur
le plan scientifique, il reste quand même que c'est pour Montréal.
Est-ce que c'est la même chose dans les autres districts judiciaires? Je
ne peux pas vous le dire.
Mme Harel: Cependant, même si ça ne porte que sur
Montréal - je ne saurais pas le confirmer cependant, mais faisons
l'hypothèse que ça ne porte que sur Montréal - il reste
que je ne le dis pas pour discréditer, bien au contraire, la Cour des
petites créances, mais pour simplement signaler que ça correspond
d'ailleurs au sondage que le Protecteur du citoyen avait fait faire sur ses
propres services. Nous avions eu l'occasion, en commission parlementaire sur
les institutions, de recevoir le Protecteur du citoyen qui avait pris les
devants et qui avait fait faire un sondage sur ses services, sur l'utilisation
qui en était faite, pour se rendre compte qu'il y avait une très
forte sous-représentation des populations d'origine immigrante, des
populations anglophones, des populations sous-scolarisées, que
je représente en fait dans ma circonscription, et, en
particulier, des femmes et des personnes pauvres; finalement, pour se rendre
compte que c'étaient les personnes pour lesquelles l'institution avait
le plus été pensée qui, dans le fond, l'utilisaient le
moins. Ça ne l'amenait pas à penser qu'il fallait fermer pour
autant ses services - ce n'est pas, non plus, ce que je suggère pour la
Cour des petites créances - mais qu'il fallait avoir une volonté
politique de l'élargir à des clientèles qui, d'une
certaine façon, en sont exclues par effet de système et non pas
en sont exclues par volonté, mais l'élargir, par exemple, par des
campagnes de promotion dans des médias ethniques et dans des milieux
d'appartenance pour des personnes démunies ou en situation
d'analphabétisation ou enfin-Alors, je voulais savoir si une telle
volonté politique allait se traduire au ministère par des
correctifs. Je laisserai au ministre le soin d'y répondre, mais je
voudrais simplement lui signaler que, dans la note qu'il a distribuée
sur le nombre de dossiers supplémentaires qui seraient ouverts suite
à la majoration du plafond, il prévoit qu'il y aurait 7515
dossiers qui auraient été traités par des juges, mais qui
le seraient par les services de médiation qui seraient
extensionnés à l'ensemble du Québec. Alors, 7515 dossiers,
c'est beaucoup plus que les 15 % actuels. C'est 15 % de tous les dossiers qui
font l'objet de la médiation. Là, vous prévoyez 33 620
nouveaux dossiers. Alors, il faut donc comprendre que vous prévoyez
au-delà de 20 %, presque 25 %. (23 h 10)
M. Rémillard: Non, c'est parce que c'est 15 %, mais 15 %
qui ne se situent pas simplement au niveau de Québec, Montréal,
Hull et Laval, mais qui comprennent l'ensemble du système.
Mme Harel: Ma collègue, Mme la députée de
Terrebonne, m'a dit que la commission avait déjà reçu
réponse à cette question.
M. Rémillard: On a dit tout ça, mais ça me
fait toujours plaisir de répondre à vos questions. Je suis
prêt à les répéter, pas de problème.
Mme Harel: Alors, donc, l'introduction de cette disposition qui
change profondément le recours aux petites créances va permettre
aux personnes morales, à titre de créancier, de se
prévaloir du recours aux petites créances. Là, je dois
comprendre qu'il y a une autre disposition, je crois, qui exclut les agences de
recouvrement et c'est une disposition...
M. Rémillard: Oui, spécifiquement.
Mme Harel: Spécifiquement, hein? Alors, cette exclusion
demeure. Donc, l'ouverture est aux personnes morales qui comptaient cinq
personnes ou moins liées à elles par contrat de travail. Peut-on
savoir combien d'entreprises seraient susceptibles d'être admissibles au
recours?
M. Rémillard: On m'informe que c'est quand même bien
difficile, c'est très difficile d'avoir un chiffre. On a eu l'occasion
d'en discuter tout à l'heure avec, entre autres, le député
d'Anjou, on a beaucoup discuté sur la signification de ces cinq
employés sur la période d'un an. Alors, ça peut comprendre
autant des périodes occasionnelles, c'est-à-dire que quelqu'un
qui travaille pendant une semaine compte parmi les cinq employés. Alors,
c'est très, très difficile de compter tout ça. On ne peut
pas y arriver, mais il reste que, quand même, cette notion de 5
employés, avec l'interprétation étroite qu'on lui donne en
disant qu'un employé qui a travaillé une journée fait
partie des 5 sur 12 mois... Alors, c'est quand même une perception
restrictive, pas étroite, je m'excuse d'avoir utilisé ce
mot-là, mais restrictive.
Mme Harel: Alors, imaginez, si c'est très difficile pour
le ministère, comment est-ce que ça sera facile pour le citoyen
qui se trouvera à devoir contester éventuellement un affidavit
à l'effet que l'entreprise est admissible parce que comptant moins de
cinq employés! Imaginez si c'est difficile, étant donné
justement le fait que ce sera restrictif et qu'à une certaine
époque il pourra y avoir eu 5 employés et, à une autre
époque, il pourra y en avoir eu 50. C'est ça qu'il faut
comprendre.
M. Rémillard: Mais, ça, on a discuté de
ça.
Mme Harel: C'est saisonnier. Alors, comment il sera possible
à un citoyen ou à un justiciable, qui est devant la Cour des
petites créances, poursuivi par une entreprise, de faire valoir que
c'est une entreprise qui ne comptait pas cinq employés au moment
où l'événement qui fait l'objet de la réclamation
est survenu?
M. Rémillard: On a eu l'occasion de discuter assez
longuement tout à l'heure...
Mme Harel: Ah!
M. Rémillard: ...avec la députée de
Terre-bonne sur ce point-là, qui soulevait exactement la même
problématique. Ma réponse, si vous voulez, je ne veux pas faire
perdre le temps, mais en tout respect pour la question, qui est une question
importante, je dois dire qu'il s'agit d'un affidavit. Donc, l'affidavit, par
conséquent, se réfère à un engagement à dire
la vérité. D'autre part, l'article 976 est clair - on pourra se
référer aussi à l'article 972 et à d'autres
articles pertinents - et dit que le juge joue un rôle actif. Alors, non
seulement le consommateur
pourra se référer à l'action du juge qui pourra
être actif, mais, en plus, on sait très bien que, s'il y a une
fausse déclaration, à ce moment-là, bien, c'est punissable
de poursuite criminelle par l'affidavit. Je ne pense pas qu'il y ait d'autres
moyens qu'on puisse imaginer plus efficaces.
Mme Harel: ça peut être aussi, sans être une
fausse déclaration, une interprétation différente. il n'y
a pas nécessairement intention frauduleuse.
M. Rémillard: Mais, voici, c'est que le juge va dire:
Écoutez, vous êtes ici. Voici, j'ai votre affidavit et vous
témoignez qu'en tout temps vous n'avez jamais eu, dans les 12 mois, plus
de 5 employés qui ont travaillé pour vous, si ce n'est que
quelques heures ou quoi que ce soit. C'est cinq employés. C'est facile
de demander, par exemple: Combien d'employés réguliers avez-vous?
Un personne peut dire: J'ai trois employés réguliers. Bon, vous
avez trois employés réguliers. Est-ce que vous engagez
quelquefois des gens à temps partiel, oui ou non? Si c'est oui, alors,
combien de fois? Le juge est là pour suppléer au fait que
l'avocat n'est pas là pour interroger. C'est le principe des petites
créances. Le juge va jouer un rôle utile et il va questionner la
personne pour savoir si, comme représentante de la compagnie, la
personne morale, elle a droit à avoir accès aux petites
créances. Il faut se fier à la magistrature, se fier aussi
à la bonne foi de nos magistrats.
Mme Harel: Mais vous comprenez, évidemment, l'enjeu qu'il
y a derrière, parce que, pour une entreprise, de pouvoir se servir des
petites créances pour aller chercher la collection de créances,
c'est, évidemment, un enjeu extrêmement important. Vous devez
recevoir autant de lettres que j'en reçois. Ça n'a rien à
voir avec ni la bonne foi, ni la compétence, ni le talent du juge. Le
juge ne pourra pas aller au-delà de ce que vous, comme
législateur, allez lui donner comme outil de travail, et l'outil de
travail qu'on lui donnerait, à mon point de vue, serait nettement
insuffisant parce qu'il devra s'en tenir à l'affidavit. C'est ce que le
projet de loi dit un peu plus loin. Alors, il y a le dépôt de
l'affidavit, à moins qu'il y ait une preuve qui soit apportée au
contraire. Alors, imaginez-vous, une preuve au contraire, ça va exiger
du citoyen qu'il se transforme en limier ou en enquêteur parce que, quand
on parle d'une personne morale qui «comptait sous sa direction ou sous
son contrôle au plus cinq personnes liées à elle par
contrat de travail», je comprends que ça ne comprend pas les
membres de la famille.
M. Rémillard: Oui.
Mme Harel: Mais il peut toujours, donc, y avoir une
plaidoirie...
M. Rémillard: Cinq employés.
Mme Harel: ...à l'effet que ce ne sont pas des
employés. Ce sont des personnes qui sont des collaborateurs ou des
collaboratrices, des conjoints collaborateurs. Ce sont des personnes qui ne
sont pas liées par contrat de travail. Quand on dit «liées
par contrat de travail», il va y avoir là toute une
interprétation qui pourra être donnée. (23 h 20)
M. Rémillard: Oui, mais ce n'est pas un terme nouveau.
Comme on l'a mentionné aussi - on a eu l'occasion d'en discuter
longuement avec Mme la députée et aussi avec M. le
député d'Anjou et M. le député de Westmount, mais
je peux recommencer - ce n'est pas la notion de contrat de travail au niveau du
droit du travail. C'est strictement un contrat de travail qui implique un
consentement mutuel entre un employé et son employeur, et qui
amène une rétribution. Alors, le Code civil du Québec dit,
à l'article 2085, et ça me fait particulièrement plaisir
de citer l'ancien Code dans cette salle: «Le contrat de travail est celui
par lequel une personne, le salarié, s'oblige, pour un temps
limité et moyennant rémunération, à effectuer un
travail sous la direction ou le contrôle d'une autre personne,
l'employeur».
Vous avez là, donc, la définition d'un contrat,
c'est-à-dire un échange de volontés. Et, quand vous dites
que le citoyen ordinaire aura à devenir un véritable 007 pour
faire enquête, ce n'est pas tout à fait ça. C'est que,
comme je mentionnais tout à l'heure, le juge est là quand
même pour être actif et le juge doit vérifier. Parce que la
première chose que le juge fait quand ça arrive devant lui, le
juge dit: Bon, vous êtes le représentant de la compagnie, oui,
très bien; à votre compagnie, vous avez un affidavit ici dans le
dossier, vous dites que vous n'avez pas plus que cinq employés. Il y a
quand même... Les juges, dans deux ou trois minutes, posent des
questions. C'est comme ça que ça marche en réalité.
Est-ce qu'on peut penser à un meilleur système que ça? Si
vous avez des meilleurs systèmes... Moi, je pense que ce
système-là est le meilleur qu'on connaisse et il permet de
vérifier aussi en fonction de la bonne foi et de la
crédibilité des personnes en cause.
Mme Harel: Le président me fait signe que mon temps est
écoulé.
Le Président (M. LeSage): Une dernière question,
Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve.
Mme Harel: bien, m. le président, simplement un dernier
commentaire. le ministre sait très bien qu'on pourrait certainement
tapisser tous les murs de cette immense pièce juste avec les jugements
qui sont intervenus sur la notion
d'employeur et la notion de salarié. Seulement pour ces deux
mots-là, il faudrait ajouter le plafond parce qu'on n'en aurait pas
assez des murs pour simplement les couvrir de tout ce qui a pu s'écrire,
se dire sur ces notions-là. C'est ça qui va être en cause:
qui est employeur, qui est salarié. On va invoquer que tel
employé n'est pas un salarié. Il est employé, mais il
n'est pas lié par contrat de travail. Et, finalement, plus l'employeur
au titre de membre de la famille, propriétaire.
Ceci dit, on va y revenir au moment de la disposition, je crois
comprendre, sur cette question d'affidavit et puis on en rediscutera. Et on
pourrait souhaiter trouver peut-être un moyen qui soit encore plus
approprié. Mais, pour l'instant, vous comprenez qu'avec toutes ces
incertitudes je comprends que mes collègues ont déjà
convenu, évidemment, que nous allions voter...
M. Bélanger (Anjou): Non, non. J'ai encore des questions
à poser.
Mme Harel: Ah bon! Très bien.
Le Président (M. LeSage): II n'y a rien de convenu encore,
Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: II n'y a rien de convenu. Bon. Je crois comprendre, M.
le Président, que...
Le Président (M. LeSage): Merci, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: D'accord. Je vous remercie.
Le Président (M. LeSage): Je cède maintenant la
parole à Mme la députée de Terrebon-ne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Pour ceux et celles qui
croient à l'astrologie, il ne faudrait pas s'étonner que la
députée de Hochelaga-Maisonneuve et le député
d'Anjou et la députée de Terrebonne posent des questions assez
semblables, aient les mêmes préoccupations parce que la
députée de Hochelaga-Maisonneuve est née le 22 avril et le
député d'Anjou et moi-même, le 23 avril, les deux le 23
avril. Donc...
Mme Harel: Mais on n'est pas de la même année,
malheureusement.
Mme Caron: Pas de la même année. Des voix:
Ha, ha, ha!
M. Rémillard: Trois mousquetaires qui sont quatre.
Mme Caron: Donc, nous posons souvent des questions semblables.
Trois taureaux, M. le ministre.
M. Kehoe: Qui est le plus jeune? Mme Harel: Que vous
êtes gentil!
Mme Caron: M. le Président, je voudrais revenir sur
l'élément que nous avions présenté sur le fait que
d'ouvrir aux petites entreprises, c'était vraiment créer un
certain engorgement. Lorsque j'ai posé tantôt des questions au
ministre précisément sur le nombre de dossiers qui pouvaient
être reliés à l'augmentation du plafond et le nombre de
dossiers qui pouvaient être reliés à l'accession des
personnes morales aux petites créances, le ministre, habilement, je dois
en convenir, m'a répondu par le deuxième paragraphe de sa
réponse et non le premier, c'est-à-dire en me parlant des
transferts de la Cour du Québec. Mais la véritable réponse
était dans le premier paragraphe, à savoir que, sur les 33 620
dossiers, 6374 étaient reliés à l'augmentation du plafond
de 1000 $ à 3000 $ et 27 246 étaient reliés à
l'accession des personnes morales aux petites créances. Donc, on se
parle là et ceci correspond aux chiffres qui étaient
avancés par ma collègue de Hochelaga-Maisonneuve tantôt
lorsqu'on parlait de peut-être 70 % pour les corporations. Parce que,
là, pour les nouveaux dossiers, on se parle de 81 % des nouveaux
dossiers qui vont être reliés directement à l'ouverture
qu'on fait aux entreprises, c'est-à-dire que, par le projet de loi,
l'engorgement, on se parie de 81 % qui vont toucher directement, selon les
prévisions, les dossiers reliés à l'ouverture qu'on fait
aux entreprises. Je m'interroge vraiment sur cette nécessité
d'ouvrir à ce point.
M. Rémillard: Si vous vous référez au
premier paragraphe, il faut se référer aussi au dernier. S'il y a
un premier, c'est parce qu'il y a des suivants. Il n'y aurait pas de dernier
s'il n'y avait pas un premier, c'est ce qui fait la beauté de la chose.
Alors, quand on lit le premier, il faut se référer au dernier et,
entre le dernier et le premier, il y en a quand même quatre autres, ce
qui veut dire qu'en tout il y en a un, deux, trois, quatre, cinq, six. Je vous
en ai lu peut-être quatre. Il y en a deux que je n'ai peut-être pas
lus tout à l'heure, mais je vous ai distribué le dossier, de
toute façon, au complet.
Mais le dernier paragraphe se lit comme suit: «Les nouveaux
dossiers ouverts aux petites créances devraient donc être
traités par une réaffectation des juges de la Cour du
Québec et par l'extension de la médiation. Les délais
d'audition ne devraient donc pas être affectés par ces
mesures.»
M. Holden: «Devraient», ça, c'est la
corde...
M. Rémillard: Et ça, c'est le résultat
de
toute l'étude qui a été faite par le
ministère de la Justice, par le Conseil du trésor, par les
Finances.
Mme Caron: Mais, intuitivement, lorsque je vous ai posé la
question, je me disais que le nombre de nouveaux dossiers devait être
majoritairement du côté des entreprises, mais c'était
intuitif. Mais j'avoue que vos chiffres nous confirment que nous avions raison
de nous inquiéter au niveau des entreprises.
M. Rémillard: Mais c'est magnifique, parce que vous avez
raison, puis j'ai raison aussi. Alors, c'est magnifique.
Une voix: Tout le monde a raison.
Le Président (M. LeSage): Est-ce qu'il y a d'autres
interventions? M. le député d'Anjou.
M. Bélanger (Anjou): M. le Président, j'aimerais
revenir sur un point dont on a discuté longuement tout à l'heure,
mais qu'on n'a malheureusement pas épuisé. C'est le cas de
I'affidavit. Tout à l'heure, quand j'entendais parier le ministre
à propos de la sanction criminelle, je peux vous dire, moi, qu'en neuf
ans de pratique j'ai très rarement vu des gens poursuivre soit des
requérants ou des demandeurs ou des opposants criminellement pour des
affidavits qui sont faux. C'est vrai que c'est une procédure qui existe,
mais, premièrement, elle est très lourde à appliquer, elle
est très longue et elle est très peu utilisée. Moi, ce que
j'aurais voulu voir - et je pense que ça aurait pu donner quelque
mordant ou quelques dents à cette loi - c'est de prévoir une
sanction en cas de fausseté de t'affidavit, une sanction qui aurait pu
être tout simplement l'annulation du jugement, que le jugement n'est plus
valide, mais automatiquement, sans qu'on procède par une action pour...
Je pense que ça serait simple et, à ce moment-là,
ça mettrait une pression supplémentaire à la petite
corporation de vraiment bien vérifier l'information qu'elle donne dans
l'affi-davit. Ça serait simple et je pense que ça
éliminerait, à ce moment-là, pas mal tout le
problème qu'on a.
M. Rémillard: Moi, là-dessus, je comprends bien la
préoccupation du député d'Anjou. Tout d'abord, il n'y a
pas simplement des poursuites au criminel, il y aurait aussi possiblement
l'outrage au tribunal. Non, mais quand même.
M. Bélanger (Anjou): Oui, mais c'est lourd.
M. Rémillard: Bien, c'est lourd et plus facile. L'outrage
au tribunal, c'est devant le juge directement, puis ça peut être
quand même un petit peu plus rapide, même très rapide. Mais,
si on en arrive à la conclusion... Hein? Mais regardez juste votre
conclusion, si vous arrivez à votre conclusion et que vous dites: Bien,
il faudrait prévoir quelque chose, dans le projet de loi, qui dit que,
si ('affidavit est faux, le jugement tombe, il faudrait prévoir,
à ce moment-là, que, si le jugement est en faveur du
débiteur, il faut le protéger aussi.
M. Bélanger (Anjou): Oui, mais il ne l'invoquera pas
à ce moment-là. Ça ne peut être... (23 h 30)
M. Rémillard: II ne l'invoquera pas. Mais c'est que la
situation fait qu'il se peut fort bien que le débiteur conteste le fait
que la compagnie ait le droit de venir à la Cour des petites
créances parce qu'elle a plus que cinq. Ça se peut, mais, la
plupart du temps, ça va être le juge, par le jeu des articles 972
et surtout 976, qui va contester par l'interrogatoire qu'il va mener. Alors,
à ce moment-là, le juge va dire: Écoutez, là, vous
me dites que vous n'avez pas plus de 5 employés; ce sont les
employés que vous avez eus à toute période de temps
pendant 12 mois, ça veut dire jusqu'au 1er décembre de l'an
dernier. Là, aujourd'hui, vous êtes devant moi, vous êtes
prêt à me dire, assermenté, que vous n'avez jamais eu plus
de cinq employés. Alors, le juge joue un rôle très actif.
Qu'est-ce qu'on aurait besoin de plus que ça? Avant de dire, si jamais
on démontrait que le jugement a été accordé
à la suite de fausses représentations au sujet de ces cinq
employés, que le jugement tombe, il faut penser que le jugement peut
être en faveur du débiteur. Alors, ii faut quand même faire
attention là-dessus parce que ça peut venir du juge. Ça
peut être le juge aussi qui, à un moment donné, le
découvre. Ça peut être le greffier qui peut le
découvrir. Vous savez, ce n'est pas si facile que ça.
Alors, pourquoi ne pas se fier tout simplement au processus judiciaire
qui est là? Lorsque le juge reçoit, de par la loi même qui
crée les petites créances, de par l'article 976, ce rôle de
procéder lui-même à l'interrogatoire... Je lis l'article
976, M. le Président. Je pense que ça vaut la peine. Je l'ai lu
tout à l'heure, mais je le répète. «Le juge, qui
procède lui-même à l'interrogatoire, apporte à
chacun un secours équitable et impartial de façon à faire
apparaître le droit et à en assurer la sanction.» Quand le
député de Viger faisait référence aux
émissions de télévision, à ce moment-là, il
ne rêvait pas en couleur, M. le Président. Il voyait vraiment de
vraies images devant lui.
M. Holden: J'aimerais savoir, du député de Viger,
ce qu'il voulait dire.
M. Rémillard: Le député de Viger mentionnait
fort bien qu'on voyait dans les vraies cours, à ce moment-là, le
juge prendre fait et droit en fonction de l'une des parties.
M. Bélanger (Anjou): M. le Président, je vois, par
la réaction du député de Viger, qu'il approuve les propos.
Maintenant, où j'ai un petit peu de difficultés à suivre
le ministre dans son raisonnement, c'est qu'il n'y a rien, dans la loi, qui
donne l'obligation au juge comme devoir de s'enquérir,
premièrement, du fait que la compagnie a le nombre d'employés
maximum. Il n'y a rien. On aurait pu mettre, dans un article de loi, que la
première des choses que doit faire le juge, c'est justement
vérifier les faits allégués dans I'affidavit. Il n'y a
rien là-dessus. Alors, peut-être que certains juges, par
conscience, vont le faire, vont vouloir vérifier, oui ou non, en
reposant les questions qui sont dans l'affi-davit, mais il n'y a absolument
rien dans la loi qui oblige le juge à reposer ces questions-là et
à vérifier. Donc, un juge pourrait tout simplement dire: Bien,
l'affidavit, à sa face même, les gens ont affirmé
ça, pour moi, c'est suffisant et on y va. Il n'y a rien, il n'y a pas de
disposition qui impose ce test-là au juge. Je comprends que le juge peut
être proactif, mais il n'y a rien qui dit qu'il doit le faire.
M. Rémillard: Est-ce que qu'on doit mettre, dans un projet
de loi, que le juge lui-même doit vérifier les conditions
d'admissibilité directement, implicitement? Pourquoi on mettrait
ça au niveau de la discrétion judiciaire? Parce que c'est une
question d'admissibilité. Vous n'êtes pas admis à la Cour
si vous ne remplissez pas ces obligations-là, les obligations où
vous attestez vous-même, par un affidavit solennel, que vous remplissez
ces conditions, et le document est déposé en Cour. Vous arrivez
devant un juge. Le juge a son dossier et il y a l'affidavit qui est là.
Vous, si vous êtes l'autre partie adverse, vous pouvez dire: M. le
Président, cette personne-là représente la compagnie, je
veux que vous vérifiiez s'il y a vraiment cinq employés. Moi, je
les connais et ils sont beaucoup plus que cinq employés.
En fait, on ne peut pas... Tu sais, le législateur ne peut pas,
non plus, prendre les gens par la main et, à chaque pas, à chaque
instant, prévoir tous les gestes qu'ils vont faire. Je crois qu'à
un moment donné notre rôle, comme législateurs, c'est
d'établir les principes, les balises et même d'y aller d'une
façon plus pointue encore en ce qui regarde les conditions
d'admissibilité. Et elles sont pointues parce qu'on parle d'un affidavit
et on sait ce que ça vaut, un affidavit, dans notre système
judiciaire. Qu'est-ce que vous voulez? il y a des gens qui peuvent faire de
faux affidavits, bien sûr, c'est vrai, mais, à ce
moment-là, comme on fait un faux témoignage. En cour, on demande
d'assermenter quelqu'un ou de faire une déclaration solennelle avant
qu'il témoigne et puis ça ne garantit absolument pas que ce
témoin-là va dire la vérité. À un moment
donné, il peut dire le contraire. Mais, s'il dit le contraire de la
vérité, s'il dit des mensonges, eh bien, à ce
moment-là, non seulement on peut le poursuivre, mais la décision
qui est prise par le juge ou par un jury au niveau criminel est entachée
d'un processus qui est erroné au départ. Donc, il y a quand
même un processus qui est prévu dans le système
judiciaire.
Alors, M. le Président, tout ce que je demande, c'est que, oui,
il faut essayer de prévoir tous les cas possibles, mais comprenons bien
que le projet de loi se réfère à des processus qui sont
déjà utilisés dans notre système judiciaire, qui
sont garants de la bonne administration de la justice. Et peu importe les
systèmes auxquels on pourrait penser, M. le Président, il y a
toujours un moyen de se défiler et quelqu'un qui veut ne pas dire la
vérité pourra ne pas dire la vérité. Qu'est-ce que
vous voulez qu'on y fasse? C'est comme ça. Mais il faut faire en sorte
que ceux qui ne disent pas la vérité puissent en subir les
conséquences.
Le Président (M. LeSage): M. le député
d'Anjou.
M. Bélanger (Anjou): M. le Président, j'en conviens
avec le ministre qu'il y a toujours des gens qui vont contrevenir à des
dispositions, il y a toujours des gens qui vont mentir sous serment. Ce que
j'essayais de vous faire comprendre tout simplement, c'est qu'en mettant une
sanction dans cette loi au fait qu'une compagnie ne corresponde pas aux
critères, on pourrait facilement, je pense, intimider au moins les
compagnies assez pour vraiment s'enquérir des faits. À ce
moment-là, elles feraient en sorte d'être sûres des
renseignements qu'elles vont donner dans l'affidavit. Ça serait facile
à faire. Puis, moi, je ne crois pas au raisonnement que vous tenez
à l'effet que, des fois, ça pourrait être le
débiteur qui est une personne physique, puis qu'il pourrait se retrouver
handicapé du fait que c'est la compagnie qui invoquerait, finalement, sa
propre turpitude, pour dire: Écoutez, ce jugement-là, il n'est
pas bon, j'ai menti, j'avais 10 employés. Non, je pense que ce serait
facile de mettre une disposition qui dirait, justement, qu'une compagnie ne
peut pas elle-même invoquer son défaut pour annuler un jugement
qui est en faveur du débiteur personne physique. Je pense que,
ça, c'est un raisonnement qui ne tient pas. Je pense que ce serait
simple de mettre une sanction automatique pour que, si une compagnie se sert du
livre des petites créances pour avoir accès au système, si
les informations s'avèrent fausses par la suite ou pendant l'instance,
le jugement devienne nul. Parce que, justement, il peut arriver que l'individu
personne physique, au procès, n'ait aucune idée ou aucune
information à l'effet que la compagnie n'ait pas plus de cinq
employés. Puis ça peut arriver par la suite, cet état de
fait là, c'est-à-dire quand la compagnie vient pour percevoir ou
pour collecter son
jugement.
Alors, si ce risque planait continuellement sur la tête de
l'entreprise, je pense, M. le ministre, qu'on arriverait à quelque
chose, au moins à un effet dissuasif qui serait voulu et souhaitable.
Parce que, en ouvrant la porte aux personnes morales, je pense que le ministre
convient avec moi qu'on vient de créer un déséquilibre
entre personne morale et personne physique. Puis, justement, je pense
qu'à la Cour des petites créances le juge doit peut-être
tenir un peu plus la main de la personne physique qui maintenant va avoir
à lutter, des fois, contre des personnes morales. Et puis, justement, je
pense qu'on doit tenir compte de ce facteur-là. Et puis ça serait
facile, ça serait simple. Je ne pense pas que ça serait
lourd.
Moi, je ne crois absolument pas à la sanction du faux affidavit
ou de l'outrage au tribunal. Je ne pense pas que ça va être un
recours qui va être utilisé. Il faut se mettre à la place
de la personne, de M. Tout-le-Monde ou Mme Tout-le-Monde qui ne connaissent
absolument rien à la justice. C'est loin d'être certain qu'ils
vont, dans leur tête, à un moment donné, avoir un
éclair d'esprit à l'effet que: ah, je vais le citer pour outrage
au tribunal ou je vais dire au juge: Citez-le pour outrage au tribunal.
Écoutez, moi, je n'y crois pas. Il faut prévoir quelque chose
d'automatique dans la loi relativement à ça, une sanction.
Ça serait facile, M. le ministre, à mettre. (23 h 40)
M. Rémillard: Mais, M. le Président, il y en a
déjà une sanction qui est automatique et qui n'est pas l'outrage
au tribunal, qui n'est pas la poursuite en matière criminelle. Et, cette
sanction, c'est la sanction qu'on retrouve dans tout notre droit lorsque, dans
un procès, on fait quelque chose qui est contraire à la loi. Et
l'entreprise qui ferait une fausse déclaration dans son affidavit, donc
un affidavit qui est faux, aurait pour sanction automatique qu'avec le jugement
elle perd sa créance. Alors, qu'est-ce que le député
d'Anjou veut de plus que ça, qu'est-ce qu'il veut de plus? Qu'est-ce que
vous voulez? Vous avez fait une fausse déclaration dans votre affidavit,
vous perdez votre créance et, en plus, vous pouvez être poursuivi
au niveau criminel, même pour outrage au tribunal. Quand vous me dites:
Je ne vois pas une personne, le consommateur, qui va dire: Moi, je veux qu'il
soit poursuivi pour...
M. Bélanger (Anjou): ...outrage au tribunal, oui.
M. Rémillard: Bien oui, mais c'est le juge qui va
être là. Regardez comment ça se passe aux petites
créances, vous le savez. Moi, j'ai déjà été
aux petites créances, comme bien du monde, là. Souvent - je ne
sais pas si ceux qui sont autour de cette table sont allés aux petites
créances - on s'est fait amener aux petites créances ou on a
amené des gens aux petites créances, en fait, c'est normal, c'est
la vie. On est allés là. Et, le juge, il est très actif.
C'est dans une petite pièce et le juge est actif parce qu'il prend son
rôle au sérieux, et ça va très bien. Et n'oubliez
pas qu'en plus, là, vous avez eu le processus de la médiation
avant. Donc, même au niveau de la médiation, auparavant, vous
allez avoir le personnel en charge de la médiation, qui vérifie
ça encore une fois, et là il y a toute la médiation qui se
fait entre les deux personnes qui sont convoquées à la Cour.
Écoutez, regardez ça: processus de médiation, ensuite, le
rôle actif du juge, troisièmement, le consommateur qui n'est quand
même pas un niaiseux et, quatrièmement, vous voulez une sanction
automatique, vous en avez une. Pas besoin de la mettre dans la loi, il y en a
une automatique, et celle qui est automatique, c'est de dire: Vous avez fait
une fausse déclaration, très bien, terminé, vous n'avez
plus de créance.
Le Président (M. LeSage): Vous avez terminé, M. le
député d'Anjou?
M. Bélanger (Anjou): Non, M. le Président, j'ai
encore une question à poser à M. le ministre. En tout cas, sa
sanction automatique qu'il voit évidente là, qui, d'après
lui, est déjà incorporée dans la loi, pour moi, elle est
loin d'être évidente, là, parce que ça doit
être à la face même de la requête et que ça
saute dans le visage du juge pour qu'il puisse l'invoquer et que la personne
perde sa créance, comme on dit. Alors, moi, je ne pense pas que
ça soit le genre de recours qui est approprié dans ce type de loi
là. Maintenant, en tout cas, je vois que c'est la position qui semble
arrêtée, là, du ministre.
Il y a une autre chose, aussi, qui, tout à l'heure, me chicotait,
c'est les règles de preuve. Maintenant qu'on va avoir affaire à
des dossiers allant jusqu'à 3000 $, est-ce que les règles de
preuve du Code de procédure vont être modifiées ou est-ce
que le particulier qui va se retrouver devant la Cour des petites
créances va se retrouver avec le même problème d'avoir un
commencement de preuve par écrit, dans certains cas, ou d'avoir un
écrit pour faire certaines revendications, ou est-ce qu'on va avoir un
régime de preuve particulier pour les créances entre 1000 $ et
3000 $ ? Ça, c'est une question que je me pose très fortement et
j'aimerais savoir si le ministre a, là-dessus, quelque chose.
(Consultation)
M. Rémillard: Alors, on m'informe ici, M. le
Président, qu'à l'article 2862 du Code civil on dit: «La
preuve d'un acte juridique ne peut, entre les parties, se faire par
témoignage lorsque la valeur du litige excède 1500 $.
Néanmoins, en l'absence d'une preuve écrite et quelle que
soit
la valeur du litige, on peut prouver par témoignage tout acte
juridique dès lors qu'il y a commencement de preuve; on peut aussi
prouver par témoignage, contre une personne, tout acte juridique
passé par elle dans le cours des activités d'une
entreprise». Alors, cette situation-là s'applique,
évidemment. Alors, ça, c'est dans le nouveau Code civil qu'on a
adopté, c'est le nouveau Code civil, ça. Votre nouveau Code
civil.
M. Holden: Est-ce que c'est 1500 $, le commencement de...
M. Rémillard: À partir de 1500 $.
M. Holden: C'est le juge qui applique la règle?
M. Rémillard: Oui, mais il y a, comme on dit, aussi la
dernière partie qui est importante: «on peut aussi prouver par
témoignage, contre une personne, tout acte juridique passé par
elle dans le cours des activités d'une entreprise».
Le Président (M. LeSage): M. le député
d'Anjou.
M. Rémillard: C'est la nouvelle disposition, à
l'article 2862 du Code civil.
M. Bélanger (Anjou): Est-ce que je dois comprendre de
cette réponse que, finalement, devant la Cour des petites
créances, pour les montants entre 1500 $ et 3000 $, on va se retrouver
dans le même cas que dans les cours ordinaires? Il n'y aura pas de
régime spécial qui permettrait, je veux dire, une simplification
de la preuve? Parce que c'est quand même le but de la Cour des petites
créances de simplifier la preuve. Alors, finalement...
M. Rémillard: Actuellement, il y a l'article 973 du Code
de procédure civile qui dit: «Le juge doit suivre les
règles de la preuve et il en instruit sommairement les parties; il
procède suivant la procédure qui lui paraît la mieux
appropriée». Donc, il y a une discrétion, à ce
moment-là, du juge. Mais ça se réfère maintenant au
nouveau Code civil qui est sur les 1500 $.
M. Bélanger (Anjou): Oui, sauf que procédure et
règle de preuve...
M. Rémillard: Mais 1500 $ et plus, ça veut dire
qu'il vous faut un commencement de preuve par écrit.
M. Bélanger (Anjou): C'est ça. Parce que
procédure, ce n'est pas règle de preuve. Procédure, c'est
la façon de procéder, mais, je veux dire, les règles de
preuve vont rester les mêmes, si je comprends bien.
M. Rémillard: Oui, oui.
M. Bélanger (Anjou): C'est ça?
M. Rémillard: C'est 1500 $ et plus. Pour 1500 $ et plus,
vous avez besoin...
Mme Harel: Sauf si...
Le Président
(m. lesage): si vous le permettez, mme
la députée de hochelaga-maison- neuve, est-ce que vous avez
terminé, m. le député d'anjou?
M. Bélanger (Anjou): Non, M. le Président.
M. Rémillard: Je l'ai cité à plusieurs
reprises. Il faudrait que je le cite encore?
Mme Harel: dans le cadre de la question posée par mon
collègue, le député d'anjou, il faut donc comprendre, m.
le président... j'ai la parole, oui?
Le Président (M. LeSage): Oui, vous l'avez. Mme Harel:
II faut donc comprendre...
Le Président (M. LeSage): Je vous ferai remarquer que
votre temps, à vous personnellement, est écoulé, par
exemple, vous avez même dépassé d'une minute.
Mme Harel: À ce moment-là, il y a deux
façons de procéder: ou bien on consent ou bien on y va paragraphe
par paragraphe.
Le Président (M. LeSage): Est-ce qu'il y a consentement
pour que Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve pose une
question?
M. Rémillard: Paragraphe par paragraphe, qu'est-ce que
ça veut dire, ça?
Mme Harel: Nos règles de procédure, en commission,
nous permettent de passer 26 minutes sur chaque paragraphe.
M. Rémillard: Ah, c'est chaque paragraphe. Chaque
parlementaire, 20 minutes. C'est du chantage, M. le Président!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Holden: Le ministre avait dit comment il était
flatté d'avoir quatre critiques.
M. Rémillard: C'est une chorale!
M. Holden: Je me demande si c'est le cas maintenant.
M. Rémillard: C'est une chorale!
Mme Harel: Alors, vous ne pouvez pas à la fois vous en
réjouir et vous en chagriner. Cependant, vous disiez tantôt
qu'au-delà de 1500 $ de réclamation, ce serait un début de
preuve par écrit, sauf lorsque ça met en cause une
entreprise.
M. Rémillard: Non, non.
Mme Harel: Dans le cours normal d'une entreprise.
M. Rémillard: Dans le cours normal.
Mme Harel: Le début de preuve par écrit n'est pas
nécessaire.
M. Rémillard: Attendez. On va reprendre ça.
Montrez-moi ça, là. Parce qu'on a tout fait ça, ces
articles, mais il faut quand même y revenir, n'est-ce pas, M. le
député?
Mme Harel: C'est ça. L'interprétation que j'en
fais, moi, c'est qu'en matière commerciale une personne morale de moins
de cinq employés qui réclamerait à une autre personne
morale de moins de cinq employés aurait droit à la preuve
testimoniale. Mais, si c'est une personne physique qui réclame de son
voisin, elle devrait utiliser le début de preuve par écrit
au-delà d'une réclamation de 1500 $. C'est quand même
étonnant, dans un sens, qu'on demande un fardeau de preuve plus
élevé pour la personne physique que pour la personne morale.
M. Rémillard: On dit «néanmoins».
Alors, «la preuve d'un acte juridique ne peut, entre parties, se faire
par témoignage lorsque la valeur du litige excède 1500 $.
Néanmoins, en l'absence d'une preuve écrite et quelle que soit la
valeur du litige, on peut prouver par témoignage tout acte juridique
dès lors qu'il y a commencement de preuve.» Et là on dit
aussi: «On peut aussi prouver par témoignage, contre une personne,
tout acte juridique passé par elle dans le cours des activités
d'une entreprise». «Tout acte juridique passé par elle dans
le cours des activités d'une entreprise.» Alors, c'est tout acte
juridique. Alors, qu'est-ce que c'est un acte juridique dans ce sens-là,
M. le légiste, dans le sens de cette interprétation-là? Ce
n'est pas le service qui a été rendu; ce n'est pas une question
de service, c'est une question d'acte juridique.
Mme Harel: Un contrat d'achat, une automobile usagée.
M. Rémillard: Ça demanderait interprétation
de nos légistes. (23 h 50)
Mme Harel: Quand c'est acheté d'un particulier, non; mais,
si c'est acheté d'un garage, oui.
M. Rémillard: Savez-vous, on va se référer
aux commentaires du Code civil. Alors, nos spécialistes se consultent
présentement. Ils en discutent activement.
Mme Harel: On aura l'occasion, de toute façon, sur la
preuve, de revenir sur cette question.
M. Rémillard: De revenir.
Une voix: Oui, on reviendra là-dessus.
Le Président (M. LeSage): Dans ce cas-là, je vais
céder la parole au député de Westmount.
M. Holden: M. le Président, puisqu'il y a au maximum cinq
employés, on pourrait exiger, soit au stade de l'émission du bref
ou même avec I'affidavit, une liste des cinq employés avec leur
adresse. Si le défendeur voulait vérifier, il pourrait. Si c'est
trois, c'est moins dur.
M. Rémillard: On avait pensé à ça, M.
le député de Westmount, et l'objection principale, c'était
les renseignements nominatifs qui étaient dévoilés en
cour.
M. Holden: Le droit à la «privauté»,
là?
M. Rémillard: oui, c'est ça, pour le respect de la
vie privée et tout ça. alors, pourquoi demander de faire la liste
de ces personnes? qu'est-ce que ça va donner de plus?
M. Holden: C'est pour que le défendeur puisse
vérifier...
M. Rémillard: Le juge peut le demander, par contre.
M. Holden: ...ou le juge, oui.
M. Rémillard: Le juge pourrait le demander, mais l'exiger
dans la loi pour que ce soit déposé automatiquement,
peut-être que c'est aller un petit peu loin.
Le Président (M. LeSage): Ça va, M. le
député de Westmount? Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M.
le député d'Anjou.
M. Bélanger (Anjou): Ma collègue, la
députée de Hochelaga-Maisonneuve, me faisait part du fait qu'il
existe, je pense, une banque d'informations, un registre auprès de la
Commission des normes du travail, où chaque entreprise doit
dévoiler le nombre d'employés qu'elle a. Est-ce qu'il ne serait
pas possible peut-être d'instaurer une façon de communiquer entre
la Cour des petites créances et la Commission des normes
du travail pour, à ce moment-là, s'assurer que le nombre
d'employés qui est déclaré... en tout cas, je ne sais pas,
un processus qui permettrait aux citoyens de pouvoir vérifier
l'information? C'est ça, finalement, comme on dit, le noeud du
problème auquel tout le monde de l'Opposition vraiment se bute. Il n'y
aurait pas moyen, puisqu'il semblerait que la Commission des normes du travail
possède cette information-là...
M. Rémillard: M. le Président, le juge ou
même le greffier peut toujours se référer à ces
données-là. Il peut le vérifier, il n'y a aucun
problème. Il peut le faire. S'il y a contestation ou quoi que ce soit,
il peut le faire. C'est parce que, si on fait ça d'une façon
automatique, M. le Président, il y a toujours aussi le fait d'alourdir
le processus; il y a aussi le fait de respecter quand même la vie
privée, si on donnait des noms, comme le disait le député
de Westmount tout à l'heure, d'alourdir considérablement un
processus qu'on veut le plus simple, le plus clair possible. Alors, si on a
déjà cette information, comme vous nous dites - il faudrait le
vérifier si on a vraiment toutes ces informations-là sur toutes
les entreprises - si ça existe déjà, rien n'empêche
la Cour de le vérifier. Pourquoi pas?
M. Bélanger (Anjou): La question n'est pas de savoir ce
qui empêche la Cour, mais ce qui permet au citoyen d'avoir accès
à ça. Je veux dire, ce n'est pas tout que le greffier puisse,
s'il le veut ou s'il a cette idée ou cette notion, l'initiative, le
faire. Je suis d'accord avec le ministre, mais la question n'est pas là.
Moi, je me demande s'il ne serait pas possible peut-être, pour
l'entreprise qui veut avoir accès à la Cour des petites
créances, d'obtenir rien qu'une confirmation de la part de la Commission
des normes, un certificat, un petit papier, n'importe quoi, je ne sais pas,
quelque chose de simple.
Mais, je pense, si on doit compliquer la situation, c'est pour
l'entreprise et pas pour l'individu. Déjà, pour l'entreprise, on
va lui donner accès à un nouveau service qui va être la
Cour des petites créances. Alors, si on pouvait peut-être lui
permettre d'avoir un petit certificat ou une étampe, n'importe quoi, de
la Commission des normes qui garantit... Si toutes les entreprises sont
inscrites auprès de la Commission des normes et qu'elle doit
déclarer le nombre de ses employés, ce serait assez simple
à ce moment-là de prévoir peut-être une
formalité, je ne sais pas, qu'elle ait soit un certificat ou rien qu'une
déclaration de la Commission des normes du travail à l'effet
qu'elle a moins de cinq employés.
M. Rémillard: Au point de vue administratif, ça
peut être très lourd. Il faudrait dire qu'il faut que ce soit
informatisé, il faut qu'il y ait communication. Écoutez,
là, vous allez voir qu'on a déjà beaucoup de
problèmes avec l'appareil administratif. Imaginez-vous ça, si les
compa- gnies, je ne sais pas le nombre de compagnies, ont une liste à la
Commission des normes et que, là, le citoyen demande une information, le
temps que ça peut prendre pour que ça lui revienne. Pourquoi
alourdir le processus comme ça? Simplement, on peut savoir que le juge
peut facilement se référer à cette source première
et recevoir une réponse, s'il y a contestation. Et, si le juge veut le
vérifier lui-nême, pourquoi il ne pourrait pas le vérifier?
Pourquoi ne pas faire confiance plus aux consommateurs et aux juges qui sont
là, et même pas simplement aux consommateurs et aux juges, mais en
plus aux greffiers? Tantôt, j'ai parlé de la médiation qui
a lieu aussi. N'oubliez pas tout le processus de médiation qui a lieu
dans un premier temps. Ça aussi, vous avez un processus de
vérification qui va s'établir à ce niveau-là.
Alors, au niveau de la médiation et éventuellement au niveau du
juge, ça veut dire quand même qu'il y a bien des niveaux où
on pourra se référer pour vérifier tout ça.
M. Bélanger (Anjou): Ma prochaine question serait au
niveau de l'entrée en vigueur. Quand le ministre prévoit-il
l'entrée en vigueur de cette loi, une fois qu'elle va être
adoptée par l'Assemblée nationale? Et, à ce
moment-là, est-ce qu'il ne serait pas possible peut-être - parce
que, moi aussi, j'ai beaucoup de difficultés à accepter les
chiffres ou les prévisions faites par le ministère - de la mettre
en application pour les personnes physiques, la hausse de 1000 $ à 3000
$, dans un premier temps? Il pourrait regarder la réaction et regarder
la hausse que ça pourrait engendrer, et, par la suite, pour les
personnes morales, qu'il y ait un certain délai pour l'entrée en
vigueur, ce qui permettrait, à ce moment-là, de voir si les
prévisions du ministère de la Justice sont exactes quant à
la hausse du volume des demandes. Est-ce que ça serait possible ou
est-ce que vraiment le ministre est certain qu'il vise juste dans ses
données?
M. Rémillard: Je suis certain dans la mesure où je
peux me référer aux estimations qui sont faites par le Conseil du
trésor, puis le ministère de la Justice, puis le ministère
des Finances. Dans la mesure où ces trois organismes me donnent ces
chiffres-là, moi, je vous dis, comme pour tous les autres chiffres qui
me sont donnés: Bon, je m'y réfère. Je ne peux pas vous
donner une garantie absolue parce que vous comprenez facilement...
M. Bélanger (Anjou): Non, non.
M. Rémillard: ...que ce n'est pas possible. Mais ce que je
peux vous dire, c'est que, si je ne les avais pas, si je n'avais aucun chiffre,
vous diriez: Bien, écoutez, il faut faire des études. Je les ai
fait faire, les études. Je ne peux pas procéder avec un projet de
loi comme
ça si je n'ai pas ces études qui sont faites par le
Conseil du trésor. Le Conseil du trésor a fait les études.
Il nous donne ces chiffres. Alors, nous, à partir de là, on en
arrive à nos conclusions qui apparaissent dans le document que j'ai
distribué. Pas de problèmes. La Cour du Québec va assumer
quand même ces causes-là. Pourquoi on ne pourrait pas, à ce
moment-là, se référer à ces chiffres? M. le
Président, comme le député de Westmount l'a
mentionné tout à l'heure, coudon, s'il y avait une erreur, on
l'ajustera. Mais je pense qu'on gagne, tout le monde, à ce qu'on puisse
mettre ce projet de loi le plus vite possible en application. Si, par la
pratique, on s'aperçoit qu'on a besoin de plus de personnel à un
niveau ou à l'autre, on verra, on avisera en conséquence.
M. Bélanger (Anjou): Mais...
Le Président (M. LeSage): M. le député
d'Anjou, une dernière question.
M. Bélanger (Anjou): D'accord. Merci, M. le
Président. Sauf que le ministre n'a pas répondu à ma
question. Est-ce qu'il a prévu une date probable ou, en tout cas, pour
l'entrée en vigueur? Est-ce que ça va être dans les mois
qui vont suivre ou...
M. Rémillard: C'est dans les jours ou les mois. C'est une
question toujours de vérifier, au point de vue administratif,
l'application de la loi, mais on a donc à procéder le plus
tôt possible.
M. Bélanger (Anjou): Pour le 1er avril?
M. Rémillard: Je ne veux pas me référer
à un poisson pour un poisson, mais je veux simplement vous dire que je
vais me référer à ce qu'il est possible de faire, comme on
le fait toujours.
Le Président (M. LeSage): Alors, je vous rappelle que nous
en sommes toujours à l'étude de l'article 1 du projet de loi 50,
Loi modifiant le Code de procédure civile concernant le recouvrement des
petites créances, et, compte tenu de l'heure, j'ajourne les travaux de
cette commission sine die.
(Fin de la séance à minuit)