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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le lundi 15 juin 1992 - Vol. 32 N° 19

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi n° 14, Loi modifiant le Code de procédure civile concernant la médiation familiale


Étude détaillée du projet de loi n° 34 - Loi modifiant la Loi concernant un jugement rendu par la Cour suprême du Canada le 13 décembre 1979 sur la langue de la législation et de la justice au Québec


Étude détaillée du projet de loi n° 13, Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires et prévoyant diverses dispositions concernant l'établissement du district judiciaire de Laval


Journal des débats

 

(Vingt heures cinq minutes)

Le Président (M. Gauvin): Je constate le quorum et je déclare la séance de la commission des institutions ouverte. Est-ce qu'il y a des... Je vais vous rappeler le mandat, excusez-moi. Le mandat est de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 13, Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires et prévoyant diverses dispositions concernant l'établissement du district judiciaire de Laval. Est-ce que nous avons des remplacements, M. le secrétaire?

Projet de loi 13

Le Secrétaire: Aucun.

Le Président (M. Gauvin): Merci. Est-ce que M. le ministre a des remarques préliminaires?

Remarques préliminaires M. Gil Rémillard

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Je comprends donc que, dans le courant de cette soirée, nous avons trois projets de loi à étudier, dont deux qui ne devraient pas poser de difficultés majeures, sur le plan de la discussion, et un troisième qui peut soulever des discussions. Donc, je serai très bref dans mes remarques pour les deux premiers projets, pour laisser le plus de temps possible pour le dernier projet qui mérite discussion, j'en conviens.

Alors, M. le Président, vous me permettrez de présenter les gens qui m'accompagnent. Tout d'abord, à ma droite, des affaires législatives, M. Jacques Mercier et M. André Bisaillon; des services judiciaires, Mme Fabienne Coulombe, M. Pierre Proulx et M. Yves Pleau, qui est ici. Me Julienne Pelletier, de mon cabinet, m'accompagne aussi, M. le Président.

Alors, M. le Président, très brièvement, donc, concernant ce projet de loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires, c'est un projet de loi qui, essentiellement, donne suite à une demande formulée par le conseil de bande de la communauté algonquine du Grand-Lac-Victoria et qui vise à assujettir une partie du territoire occupé par cette communauté à la juridiction concurrente du district judiciaire d'Abitibi.

Il y a aussi un deuxième volet, M. le Président, dans cette loi, qui donne suite à une demande formulée par le conseil de bande d'Obedjiwan, visant a assujettir le territoire de la communauté Attikamek-Obedjiwan à la juridiction du district judiciaire de Saint-Maurice au lieu de celui de Roberval.

Et un troisième et dernier volet, M. le Président, vise à permettre l'entrée en vigueur du district judiciaire de Laval, dont la construction du palais de justice devrait être terminée d'ici à la fin de l'été prochain.

Je m'en tiendrai à cela comme remarques préliminaires.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre. J'inviterais Mme la députée de Hochela-ga-Maisonneuve, si jamais vous aviez des remarques préliminaires.

Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, je voudrais également profiter de cette occasion pour présenter aux membres de cette commission et à vous-même Me France Thériault, qui est recher-chiste pour l'Opposition sur les dossiers de la justice, et vous me voyez, avec plaisir, accompagnée de ma collègue, Mme la députée de Terrebonne.

Alors, M. le Président, j'ai eu l'occasion, lors du débat de deuxième lecture, de faire connaître la position de l'Opposition qui a consisté à voter en faveur du projet de loi 13. Nous avions fait quelques vérifications, M. le Président. J'avais moi-même communiqué avec des personnalités juridiques de la région en cause. Je comprends, notamment en ce qui concerne la région couverte par le Grand-Lac-Victoria, que c'est à la satisfaction générale que la modification est introduite et que ça va faciliter la vie des personnes qui avaient à se déplacer pendant de nombreuses heures pour requérir les services judiciaires et qui auront maintenant simplement à se présenter, je pense, au tribunal d'Amos. C'est bien le cas?

Une voix: À Val-d'Or. (20 h 10)

Mme Harel: À Val-d'Or, excusez-moi. Alors, c'est donc à la satisfaction des personnes en cause que ces modifications-là nous semblent apportées. Concernant le district de Laval, je comprends qu'il y aura des amendements qui viendront améliorer la rédaction des dispositions qui nous sont proposées. J'avais fait mention, lors du débat de deuxième lecture, du souhait de l'Opposition de connaître les mesures que le ministre entendait adopter pour remédier à la situation qui prévalait dans le district de Lon-gueuil. Je sais que ça ne fait pas l'objet du projet de loi, M. le Président, mais, par ailleurs, connaissant l'intérêt du ministre à ne pas laisser perdurer des situations qui finissent par être de véritables dénis de justice... Je pense, entre

autres, à Longueuil, avec des délais qui atteignent des sommets... De mémoire, je crois qu'il s'agit, pour les causes urgentes, d'un délai de 23 mois et, pour les causes ordinaires ou normales, je pense que c'est un délai de 39 mois. Ça a été soulevé par le bâtonnier, il y a deux semaines maintenant. Je sais que des représentations ont été faites auprès du ministre de la Justice pour remédier à cette situation. Alors, je souhaitais qu'on puisse aussi connaître l'intervention que le ministre entendait faire au moment où nous sommes à discuter cette question des tribunaux judiciaires. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gauvin): Merci, Mme la députée. S'il n'y a pas d'autre membre de cette commission... Excusez-moi. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Jocelyne Caron

Mme Caron: Merci, M. le Président. J'interviendrai très brièvement parce que, lorsque j'ai pris connaissance de ce projet de loi, ça a suscité quelques interrogations. Je me suis souvenue principalement d'un article de presse qui avait fait état d'un possible transfert entre le district de Saint-Jérôme et le nouveau district de Laval. Comme ce sont deux régions très près de mon comté, M. le Président, les journaux en avaient fait état aussi, à ce moment-là, dans ma région. Il y avait une certaine inquiétude du côté de Saint-Jérôme, face à ce transfert au district de Laval. Donc, c'est évident que, lorsque nous arriverons à cette partie du projet de loi, j'aurai certaines questions à poser au ministre.

Plus précisément au niveau du comté de Terrebonne comme tel, on sait que les citoyens et les citoyennes de la MRC des Moulins font directement affaire avec la région de Laval, la plupart du temps. Ils s'étaient même opposés au moment de la nouvelle division administrative des régions, c'est-à-dire la région de Lanaudière, distincte de la région des Laurentides. Cela avait soulevé tout un tollé du côté des citoyens et citoyennes de la MRC des Moulins. Donc, par rapport à la justice comme telle, aux tribunaux judiciaires, il est évident que les mêmes questions vont se poser chez nous par rapport au palais de justice de Laval. Alors, j'aimerais entendre tantôt le ministre sur ce sujet-là.

L'autre élément que je voudrais soulever, M. le Président, c'est que, devant les demandes du conseil de bande, ça m'a rappelé une demande que j'avais présentée au ministre, suite à une visite l'automne dernier, en novembre, plus précisément, aux Îles-de-la-Madeleine. À ce moment-là, dans le cadre d'une tournée des corporations professionnelles, j'avais rencontré un avocat qui faisait des causes d'aide juridique et qui était situé aux Îles-de-la-Madeleine. On me disait que le principal problème là-bas était que les causes n'étaient entendues, finalement, qu'une fois par année, c'est-à-dire à la période estivale. On m'avait demandé d'intervenir auprès du ministre de la Justice pour voir s'il comptait apporter une solution à ce problème réel, vécu par les citoyens des Îles-de-la-Madeleine. On sait que c'est quand même une région qui est très isolée. Les moyens de transport sont quand même limités. La période d'hiver, il ne se passe rien. Donc, au niveau des causes, le fait de les entendre seulement une fois par année, ça posait certains problèmes.

J'en avais fait part au ministre, par lettre, à ce moment-là. Je lui en avais fait part aussi lors de nos discussions... C'était la période où nous travaillions sur la réforme du Code civil. Donc, j'avais questionné le ministre là-dessus. J'avoue que je ne sais pas si on songe à apporter une solution. L'argument majeur qu'on m'avait présenté, c'est que... En fait, on ne souhaitait pas se rendre à une autre période de l'année que l'été, aux Îles-de-la-Madeleine, parce que c'était une période où le climat est plus intéressant, où c'est plus agréable. Moi, je veux bien qu'on facilite la vie des personnes qui ont à juger les causes, mais, quand même, je pense que ce sont les citoyens et les citoyennes des Îles-de-la-Madeleine qui devraient avoir priorité plutôt que les conditions de travail de ceux qui ont à étudier les causes. Alors, j'aimerais ça si le ministre de la Justice pouvait nous donner un petit peu son avis là-dessus, voir s'il y a certaines solutions qui ont été envisagées.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre, est-ce que vous aimeriez réagir aux commentaires de Mme la députée de Terrebonne?

M. Rémillard: Je crois que Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve avait aussi des interrogations. Donc, M. le Président, si je peux me permettre, il y aurait deux possibilités: ou bien on répond immédiatement aux interrogations de Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve et de Mme la députée de Terrebonne, ou bien on passe le projet et, au fur et à mesure, on répond aux questions. Alors, je suis bien prêt à prendre l'une ou l'autre, à votre convenance, M. le Président. Et ensuite on adopte en bloc, comme vous voulez.

Le Président (M. Gauvin): Comme président, je vais m'adapter à la formule que vous allez retenir ensemble. Est-ce qu'on devrait...

Mme Caron: Par rapport aux Îles-de-la-Madeleine, comme on ne retrouve pas nécessairement le sujet précisément dans le texte de loi, ce serait peut-être préférable de s'en parler avant. Pour ce qui est de Laval, évidemment, on le retrouvera dans le texte.

M. Rémillard: On peut faire toutes les questions qui viennent de se poser. Ce sera

d'autant plus facile après. À ce moment-là, si vous le permettez, je pourrais peut-être commencer avec toute la question des délais et de Longueuil. Je pense que vous voulez qu'on parle un petit peu de ça. Ensuite, est-ce que vous aviez une autre question? Je ne sais pas, M. le Président, si Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve avait... Je pense que c'est la question plus particulière qu'elle me posait sur Longueuil. Mme la députée de Terrebonne m'a posé deux questions. Elle me posait une question en ce qui regarde, donc, le district de Saint-Jérôme par rapport à Laval, la situation de Terrebonne dans tout ça, et elle me posait la question au sujet des Îles-de-la-Madeleine. Est-ce que je résume correctement, M. le Président?

Le Président (M. Gauvin): Je pense que oui. On vous indique que oui.

M. Rémillard: Bon. Alors, si on parle des délais, M. le Président, brièvement, c'est une des grandes préoccupations que nous avons. Depuis quatre ans bientôt que je suis ministre de la Justice, pour moi, ça a toujours été un défi de rendre, donc, cette justice accessible. Quand on parle d'accessibilité, le délai, c'est un élément important.

En matière pénale et criminelle, même dans la fameuse affaire Askov où la Cour suprême a établi des éléments de référence pour avoir un délai raisonnable... Dans son jugement, donc, de l'arrêt Askov, rendu en octobre 1990, la Cour suprême avait dit que la question était quand même exemplaire et qu'on avait aussi de l'amélioration à faire. En matière criminelle et pénale, je peux vous dire, M. le Président, que, maintenant, nous n'avons aucun problème que, vraiment, on rencontre très bien les délais raisonnables et que ça va très bien. D'ailleurs, la province de Québec est peut-être considérée comme un exemple à suivre pour toutes les autres provinces canadiennes.

Dans te domaine civil, il y a des nuances. Il y a encore du travail à faire. Ça s'est amélioré grandement. Pour que ça s'améliore, M. le Président, en particulier, ce que nous avons fait, c'est qu'on a créé un groupe de travail au sein du ministère de la Justice, le groupe Gauvin, présidé par Me Jean Gauvin, du ministère de la Justice, qui a travaillé en étroite collaboration avec la magistrature et avec le Barreau au niveau de tous les districts judiciaires pour faire le point et voir de quelle façon on peut trouver les meilleures solutions pour restreindre ces délais en matière civile.

M. le Président, bien sûr, on peut arriver à la conclusion très rapidement qu'il faudrait nommer de nouveaux juges. Je ne dis pas qu'il ne faudrait pas d'autres juges, mais ce que je dis, c'est que ce n'est pas la seule solution. Il y a aussi des questions administratives importantes à régler. Dans certains cas, on s'est aperçu, par exemple, que des causes avaient été remises et les gens obligés de retourner chez eux parce qu'on disait qu'il n'y avait pas de salle alors qu'il y avait des salles de libres. Ça s'est passé, entre autres, au palais de justice de Joliette. (20 h 20)

On m'a rapporté aussi d'autres cas assez difficiles à comprendre sur le plan administratif. Finalement, personne n'est fautif, parce que l'administration est ainsi faite. Il y a l'indépendance judiciaire, il y a l'administration du ministère de la Justice, il y a les avocats qui sont impliqués dans le dossier. Il était donc urgent d'établir une coordination de tout ça, et c'est ce qu'on a fait. On a des résultats, actuellement, particulièrement intéressants partout. Il y a, de fait, un problème, je le reconnais, à Longueuil, où les délais sont encore trop longs. Le comité Gauvin a effectivement constaté qu'il y avait des problèmes de délai à Longueuil. On m'en a fait rapport. Je dois avoir des rencontres encore plus particulières avec la magistrature et avec le Barreau dans les prochains jours. Mais je peux dire que des rencontres ont déjà eu lieu, très récemment, d'ailleurs, avec les différents intervenants du milieu, donc magistrature, Barreau local, intervenants des services judiciaires, avocats de la défense, pour essayer de trouver des solutions à ce problème. Je crois que, sur le plan administratif, nous allons avoir une solution qui pourra aider beaucoup. Maintenant, j'ai besoin de la collaboration de la magistrature qui devra aussi travailler avec nous. On l'a toujours, cette collaboration, mais d'une façon plus particulière pour régler le cas de Longueuil. Nous en avons pour au moins six mois à avoir une action ponctuelle et accélérée, je dirais, dans le dossier de Longueuil et c'est ce que je suis en train de mettre en place.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre. Est-ce que ça complète? Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Dans la lettre que le bâtonnier adressait au ministre de la Justice, le bâtonnier de Longueuil, plus précisément, il indiquait une solution qu'il transmettait au ministre pour tenter de remédier à ce problème de délai déraisonnable. Est-ce que cette solution a été examinée, a été étudiée par le ministre? Est-ce qu'il pense donner suite à cette solution proposée par le bâtonnier de Longueuil?

M. Rémillard: II n'y avait pas seulement une solution. Si je comprends bien, il y avait, en fait, une solution qui comprenait différentes possibilités. C'est une solution qu'on peut envisager, mais j'ai besoin de la collaboration de la magistrature pour cet endroit spécifique et j'ai besoin aussi de la collaboration du Barreau. C'est ce que nous discutons.

Mme Harel: II s'agissait, en fait, de retirer un juge d'un district judiciaire pour le transférer au district judiciaire de Longueuil.

M. Rémillard: Entre autres mesures, c'était une possibilité.

Mme Harel: Mais est-ce que c'est de ça dont le ministre parle?

M. Rémillard: nous sommes à en discuter. c'est ça que je discute. je discute, entre autres, de cette possibilité avec la magistrature et avec le sarreau impliqué.

Mme Harel: Quand pensez-vous...

M. Rémillard: En plus de mesures administratives aussi ponctuelles.

Mme Harel: Quand pensez-vous pouvoir présenter une proposition aux personnes concernées dans le district judiciaire?

M. Rémillard: J'ai d'autres rencontres de prévues dans les prochains jours. J'aimerais bien, dans les trois prochaines semaines, être capable d'apporter des éléments de réponse.

Le Président (M. Gauvin): Est-ce que ça complète...

Mme Harel: Ça va. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gauvin): ...les réponses? Il n'y a pas d'autre membre de la commission qui aimerait intervenir à ce moment-ci. Donc, si les membres sont d'accord, on pourrait appeler l'article 1 du projet de loi 13.

M. Rémillard: Voulez-vous, M. le Président, que je réponde aussi aux questions de Mme la députée de Terrebonne?

Le Président (M. Gauvin): Volontiers. Je pensais que c'était déjà fait. Ça m'avait échappé.

M. Rémillard: M. le Président, pour vous le rappeler, Mme la députée de Terrebonne me posait donc deux questions importantes. À la première, en ce qui regarde la situation que vont connaître et Saint-Jérôme et Laval par rapport à ce qui regarde Terrebonne, je dois lui dire qu'on n'a pas changé les attributions du district judiciaire de Saint-Jérôme. Donc, au départ, on a décidé que le district de Saint-Jérôme demeurerait comme il est, sans changer ses attributions. Laval va déjà avoir assez de responsabilités, même beaucoup de responsabilités. La venue du district de Laval facilitera l'accessibilité à la justice pour les gens du district, mais, en ce qui regarde Saint-Jérôme, il n'y a aucune responsabilité qui incombait à Saint-Jérôme qui serait affectée. Est-ce que ça répond à votre premier volet? Oui.

Mme Caron: m. le président, on nous disait qu'au palais de justice de montréal il y avait environ 1400 causes qui relevaient d'offenses criminelles commises à laval.

M. Rémillard: J'ai de la difficulté à vous comprendre.

Mme Caron: On nous disait qu'au palais de justice de Montréal...

M. Rémillard: Oui.

Mme Caron: ...on entendait annuellement 1400 causes en provenance de Laval, finalement, et que la construction prévue du palais de Justice permettait d'entendre plus de causes. C'était pour ça qu'il y avait eu une interrogation du côté de Saint-Jérôme. On sait que, parmi les 8000 causes qui sont entendues à Saint-Jérôme, il y en a environ la moitié qui proviennent de municipalités comme Terrebonne, Bois-des-Filion, Lorraine, Rosemère, Saint-Eustache. Selon les chiffres que vous avez, on avait aussi souligné l'engorgement au niveau de Saint-Jérôme. On avait pensé, à un certain moment, que la construction du palais de justice de Laval permettrait de désengorger un peu du côté de Saint-Jérôme, à moins qu'on ne maintienne la proposition qui était faite par Saint-Jérôme même, c'est-à-dire la rénovation et l'agrandissement de Saint-Jérôme comme tel.

M. Rémillard: Vous savez que, tout d'abord, du côté de Saint-Jérôme, on a fait des aménagements qui devront être complétés, bien sûr, mais qui, pour le moment, nous permettent de faire face à la situation. Il faut comprendre que, s'il y a eu engorgement à Saint-Jérôme, en très grande partie c'est dû à des procès exceptionnels qui ont eu lieu, qui ont amené, évidemment, beaucoup de monde et qui ont accaparé beaucoup de salles et beaucoup l'activité. Ces procès terminés, il y a un rythme beaucoup plus normal qui peut quand même reprendre son cours. Aussi, la situation de Saint-Jérôme est en fonction beaucoup, au niveau criminel et pénal, de ce qui se passe à l'aéroport de Mirabel. Toutes les causes des saisies de drogue, etc., qui arrivent donc à Saint-Jérôme sont en très grande partie reliées à l'aéroport de Mirabel. Vous me dites qu'il y a... 1600 causes, vous me dites?

Mme Caron: On nous parlait de 1400.

M. Rémillard: 1400. Moi, je n'ai pas exactement ces chiffres, au criminel et au civil, là, je ne les ai pas devant moi. Il faudrait peut-être que je les fasse venir. Mais le district de Laval, je regarde ici, 5345 dossiers au civil, 2560 au

criminel. Alors, ça fait beaucoup de... Il va y avoir beaucoup de responsabilités à Laval seulement dans le cadre du district de Laval.

Mme Caron: Vous disiez tantôt, M. le ministre, que les aménagements seraient complétés. Est-ce qu'on a des délais? Est-ce qu'on a une date? Comme vous le rappeliez si bien, finalement, les causes reliées au fait que c'est tout près de Mirabel, ça va demeurer, ce n'est pas temporaire, là, c'est en permanence. Est-ce que vous avez la date pour l'aménagement?

M. Rémillard: Saint-Jérôme est une priorité dans nos plans d'aménagement de palais de justice. Comme je vous l'ai dit, il y a des mesures qui ont été prises et qui nous permettent quand même de faire face à la situation, mais c'est des plans de priorité et ça a déjà été annoncé. Oisons que, d'ici à un an, on devrait être dans le processus pour Saint-Jérôme, comme pour Valleyfield, comme pour Cowansville, il y a Trois-Rivières aussi. Ce sont des palais de justice qui doivent être revus, corrigés, améliorés ou reconstruits en fonction maintenant de la nouvelle situation.

Le Président (M. Gauvin): Ceci complète la première question. La deuxième...

Mme Caron: Oui, M. le Président. Ça m'apparaissait important parce que...

Le Président (M. Gauvin): Oui, oui.

Mme Caron:... il y a effectivement les quatre villes de mon comté actuel qui sont touchées par ce district.

Le Président (M. Gauvin): La deuxième question, Mme la députée de Terrebonne, était la situation aux Îles-de-la-Madeleine? C'était ça?

Mme Caron: Oui, M. le Président. (20 h 30)

M. Rémillard: M. le Président, il faudrait que je prenne avis de cette question parce que je n'ai pas les informations que je voudrais avoir. Je ne voudrais pas induire cette commission en erreur, donner des choses qui ne sont pas exactes, ce n'est pas mon habitude. Il faudrait que je prenne avis parce que je vois qu'on ne me donne pas les informations dont j'aurais besoin.

Mme Caron: Oui, ça me convient, M. le Président.

Le Président (M. Gauvin): Donc, on retient, M. le ministre, que, si vous avez la chance de revenir pour ajouter à l'information au sujet des Îles-de-la-Madeleine... Je reviens à ma question de tantôt: Est-ce qu'on est prêt à aborder l'article 1 du projet de loi 13?

Mme Harel: M. le Président, je ne sais trop, mais j'ai l'impression qu'on n'a pas la clarté habituelle dans la salle.

Une voix: II doit y avoir des nuages...

Mme Harel: C'est peut-être ça. Je ne sais pas, j'ai l'impression que ça fait un peu sombre, ça fait intime, mais...

M. Rémillard: Nous sommes la lumière. Le Président (M. Gauvin): Et si jamais...

Une voix: Votre vue baisse, Mme la députée.

Mme Harel: Oui, je me demandais si c'était ma vue qui baissait.

Le Président (m. gauvin): si jamais on demandait de l'éclairage additionnel... ça ajoute à la chaleur, je pense. assez souvent, on s'en plaint.

Mme Harel: D'accord. Mais, ce soir, ça ne nous embarrasserait pas.

Le Président (M. Gauvin): Non?

Mme Harel: Étant donné qu'on est dans la dernière semaine du dernier mois de la session, le dernier lundi...

Le Président (M. Gauvin): Vous seriez d'accord pour ajouter un peu de chaleur.

Mme Harel: Non. Peut-être un peu de lumière.

Le Président (M. Gauvin): On va faire vérifier ça, Mme la députée.

Mme Harel: D'accord.

Une voix: Je suis convaincu que ça va faciliter l'étude du projet de loi.

Le Président (M. Gauvin): Et je reviens. J'appelle l'article 1.

Mme Harel: En vieillissant, la vue baisse. M. Rémillard: Oui. M. le Président... Mme Harel: Un éclairage soutenu.

M. Rémillard:... je ne sais pas si vous me permettez, mais est-ce qu'il est nécessaire qu'on passe article par article, de lire tous ces articles ou si, étant donné l'aspect très technique du

projet de loi, il y aurait possibilité de s'entendre pour procéder d'une façon plus globale?

Le Président (M. Gauvin): Si les membres de la commission...

Mme Harel: Consentement.

Le Président (M. Gauvin): ...consentement à ce que vous...

Mme Harel: Consentement.

Étude détaillée

Établissement d'une juridiction concurrente des tribunaux dans certains districts judiciaires

Le Président (M. Gauvin): Je vous permets peut-être de le commenter, l'article 1, expliquer brièvement ou, tout simplement, si on est prêt à l'adopter. Est-ce qu'on est prêt à adopter l'article 1?

Mme Harel: C'est-à-dire qu'on va peut-être poser des questions, M. le Président.

Le Président (M. Gauvin): Oui, O.K.

Mme Harel: mais on consent à ce qu'il n'y ait pas de lecture de cet article. me thériault m'a préparé un très joli plan en couleur des différents...

Le Président (M. Gauvin): Districts.

Mme Harel: ...cantons concernés, oui, les cantons qui sont touchés. Il s'agit donc, doit-on comprendre à l'article 1, de créer des juridictions concurrentes. Est-ce que c'est bien le cas?

M. Rémillard: Oui, M. le Président. De fait, les paragraphes 1° et 2° de l'article 1 prévoient l'établissement d'une juridiction concurrente des tribunaux siégeant dans les districts judiciaires d'Abitibi, de Pontiac, de Rouyn-Noranda et de Témiscamingue sur certains cantons situés dans les districts de Pontiac, de Rouyn-Noranda et de Témiscamingue où vit principalement la communauté algonquine du Grand-Lac-Victoria.

Mme Harel: On comprend que ces juridictions concurrentes ne sont pas un précédent. En l'occurrence, la disposition qui a été présentée s'ajoute à un certain nombre d'autres dispositions qui ont le même effet. C'est ça qu'il faut comprendre?

M. Rémillard: C'est ça. Oui, c'est ça, M. le Président. Évidemment, ces dispositions font suite à une demande formulée par le conseil de bande de la communauté du Grand-Lac-Victoria. Comme, je crois, Mme la députée de Hochelaga-Maison- neuve le mentionnait dès le départ, ce sont des mesures qui ont reçu l'aval du Barreau de l'Abitibi-Témiscamingue et du Barreau de Hull, pour le district de Pontiac, et aussi des substituts du Procureur général. Je dois dire aussi que le centre communautaire juridique du Nord-Ouest, la division régionale concernée, la Sûreté du Québec, les municipalités régionales de comté de Pontiac et de Témiscamingue ont tous et toutes été consultés et tout le monde est d'accord.

Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, est-ce que vous avez d'autres questions en rapport avec d'autres paragraphes de l'article 1?

Mme Harel: Est-ce que la Direction de la protection de la jeunesse offre actuellement ses services dans le Témiscamingue?

Le Président (M. Gauvin): Est-ce que votre question a des relations avec l'article 1?

Mme Harel: Non. M. le Président, je comprends qu'il y a des services à Val-d'Or, qu'il y a des services à Ville-Marie. Les services de Val-d'Or étaient déjà offerts à la population de l'Abitibi et les services de Ville-Marie étaient déjà offerts à la population du Témiscamingue. Ce qu'introduit le projet de loi 13, à l'article 1, c'est notamment pour la population du Grand-Lac-Victoria le choix des services, soit ceux de Val-d'Or, soit ceux de Ville-Marie. C'est ça qu'il faut comprendre?

M. Rémillard: C'est ça, à toutes fins pratiques.

Mme Harel: Est-ce qu'il y a autre chose? M. Rémillard: Non.

Le Président (M. Gauvin): Est-ce que ça répond à votre questionnement au sujet de l'article 1 et ses paragraphes?

Mme Harel: L'article 1. Alors, y a-t-il autre chose dans l'article 1 que cette juridiction concurrente et la description des territoires sur lesquels la juridiction concurrente s'exerce?

M. Rémillard: C'est tout. Mme Harel: C'est ça. Adopté.

Le Président (M. Gauvin): l'article 1, le paragraphe concernant... est-ce qu'on doit le préciser? l'article 1 dans son ensemble est adopté. j'appelle donc l'article 2. m. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, qu'est-ce que je dois comprendre? Tantôt, je vous ai posé la

question. Je comprends que je lis l'article, je lis mes commentaires article par article? Comment voulez-vous procéder?

Mme Harel: Usez les commentaires. M. Rémillard: Je lis les commentaires?

Le Président (M. Gauvin): Je vous avais dispensé de le lire dans son ensemble et on souhaitait vous permettre de faire certains commentaires.

Mme Harel: Pour en comprendre le sens.

Établissement du district judiciaire de Laval

M. Rémillard: O.K. Alors, je lirai les commentaires. Donc, M. le Président, l'article 2, dans son premier alinéa, prévoit la continuation d'office, devant la division des petites créances de la Cour du Québec siégeant dans le district de Laval, des causes intentées avant la date d'établissement du district judiciaire de Laval, devant la même juridiction siégeant actuellement à la ville de Laval, district judiciaire de Montréal.

Le deuxième alinéa prévoit également que l'exécution forcée des jugements rendus avant la date d'établissement du district judiciaire de Laval, devant la division des petites créances de la Cour du Québe siégeant actuellement dans la ville de Laval, district de Montréal, sera faite ou poursuivie, à compter de cette date, devant la même juridiction dans le district judiciaire de Laval.

Alors, voilà, M. le Président, en ce qui regarde l'article 2.

Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Je comprends que les articles 2, 3, 4, 5 et 6 ont pour objet des mesures transitoires.

M. Rémillard: Essentiellement.

Mme Harel: Essentiellement. Et ça, c'est de manière à ce que, là où il y avait déjà une compétence exercée par certaines cours, l'établissement du nouveau district judiciaire ne fasse pas perdre la compétence. C'est ça qu'il faut comprendre?

M. Rémillard: C'est ça qu'il faut comprendre, dans le sens qu'il y avait déjà, au niveau de Laval, M. le Président, des services offerts, mais comme faisant partie du district de Montréal. C'était à Laval, comme par exemple, la Cour des petites créances. Là, ce qu'on dit, c'est que, même si c'est dans le district de Montréal et c'est inscrit à Laval, ça va continuer d'être à

Laval, mais ça devient district de Laval. D'autres mesures aussi ont été établies pour qu'il y ait donc passation des pouvoirs, si vous voulez, d'un district à l'autre.

Le Président (M. Gauvin): Mme la députée.

Mme Harel: Est-ce qu'il faut comprendre, M. le Président, que les consultations ont été faites auprès du Barreau de Laval, auprès de la magistrature et auprès de toutes les instances judiciaires concernées?

M. Rémillard: Toutes ces dispositions sont faites avec le consentement de tous les intervenants sans exception. Alors, ils ont été consultés. Le Barreau, la magistrature, les différents intervenants municipaux, tout le monde est d'accord avec ce que nous présentons aujourd'hui. On ne m'a pas informé du contraire, en tout cas. (20 h 40)

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre. Mme la députée.

Mme Harel: Ça me va, M. le Président.

Le Président (M. Gauvin): Est-ce que ça complète l'article 2 au niveau du questionnement? Donc, l'article 2 est adopté.

M. Rémillard: On a parlé aussi de 3, 4, 5 et 6, mais je peux les aborder article par article, comme vous voulez.

Le Président (M. Gauvin): Je vais les appeler article par article. Donc, j'appelle l'article 3, M. le ministre. Est-ce que vous avez des commentaires additionnels?

M. Rémillard: Cette disposition transitoire est de la même nature que celle prévue au premier alinéa de l'article 2, mais elle est applicable aux instances en protection de la jeunesse portées devant la chambre de la jeunesse de la Cour du Québec.

Le Président (M. Gauvin): Mme la députée.

Mme Harel: Donc, c'est au même effet, mais, cette fois, en regard de la Loi sur la protection de la jeunesse.

M. Rémillard: Voilà.

Le Président (M. Gauvin): L'article 3 est adopté?

Mme Harel: Adopté.

Le Président (M. Gauvin): Adopté. M. le ministre, j'appelle l'article 4. Est-ce que vous avez des commentaires?

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Cette disposition transitoire permettra le transfert de Montréal à Laval des causes civiles intentées devant la Cour supérieure ou la Cour du Québec du district judiciaire de Montréal avant la date d'établissement du district judiciaire de Montréal.

Le Président (m. gauvin): c'est l'inconvénient qu'on doit subir pour avoir de la lumière additionnelle. oui, m. le ministre. mme la députée.

Mme Harel: Donc, il s'agit là d'une disposition au même effet en matière civile devant la Cour supérieure ou la Cour du Québec du district judiciaire de Montréal. C'est donc dire que les causes qui auraient été pendantes au moment de rétablissement continuent d'être de la compétence de ces cours de Montréal. C'est ça qu'il faut comprendre?

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.

M. Rémillard: Oui, mais il y a un transfert de Montréal à Laval des causes civiles qui sont intentées devant la Cour supérieure ou la Cour du Québec du district judiciaire de Montréal...

Mme Harel: Ah!

M. Rémillard: ...avant la date de l'établissement du district judiciaire de Laval.

Mme Harel: Donc, ce sont les causes en attente, avant qu'elles ne soient inscrites sur un rôle d'audiences.

M. Rémillard: C'est ça, et c'est à la demande des parties. C'est vraiment...

Mme Harel: Ça peut être à la requête d'une seule partie?

M. Rémillard: Oui, mais ça peut être... Il faut que ce soit en accord avec les deux parties.

Mme Harel: Ah!

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.

Mme Harel: On dit que cette requête est signifiée à toutes les parties. Donc, une seule partie peut avoir produit la requête; elle la signifie à toutes les autres et, à ce moment-là, en cas de contestation, c'est au juge en chef de la cour compétente à prendre la décision, la cour compétente étant...

M. Rémillard: Soit la Cour du Québec, soit la Cour supérieure...

Mme Harel: De Montréal.

M. Rémillard: ...de Montréal. Alors, c'est inscrit dans les cours de Montréal et, là, il y a une requête de l'une des parties pour que ce soit entendu dans le nouveau district de Laval. S'il n'y a pas objection, ça ne pose pas de problème, mais s'il y avait objection, selon l'intérêt des parties, c'est le juge en chef qui décide.

Le Président (M. Gauvin): Est-ce que l'article 4 est adopté?

Mme Harel: Adopté.

M. Gauvin: Adopté. J'appelle l'article 5. M. le ministre, est-ce que vous avez des commentaires?

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Le premier alinéa prévoit la continuation d'office, devant la chambre criminelle et pénale ou la chambre de la jeunesse de la Cour du Québec siégeant dans le district de Laval, des poursuites pénales provinciales intentées avant la date d'établissement du district judiciaire de Laval, devant l'une de ces chambres de la Cour du Québec siégeant actuellement à la ville de Laval, district judiciaire de Montréal.

Le deuxième alinéa prévoit également que l'exécution des jugements rendus par ces instances avant la date d'établissement du district judiciaire de Laval, en cette matière, devant la chambre criminelle et pénale ou la chambre de la jeunesse de la Cour du Québec siégeant à Laval, district de Montréal, sera faite ou poursuivie, à compter de cette date, par le percepteur désigné pour le district judiciaire de Laval, article 322.1 du Code de procédure pénale.

Mme Harel: Là, c'est un peu différent parce qu'il y avait déjà une chambre criminelle et pénale et une chambre de la jeunesse de la Cour du Québec qui siégeaient dans la ville de Laval. Alors, ça reste, finalement... Faut-il comprendre que la seule différence, c'est qu'il s'agit maintenant du district judiciaire de Laval plutôt que du district judiciaire de Montréal, mais c'est la même chambre criminelle et pénale et c'est la même chambre de la jeunesse qui siégeaient déjà à Laval?

M. Rémillard: Exactement.

Mme Harel: Donc, il n'y a pas les mêmes changements que pour les causes civiles.

M. Rémillard: C'est ça.

Le Président (M. Gauvin): Est-ce que ça complète l'information à l'article 5?

Mme Harel: Pour ce qui est de l'exécution des jugements, ce sera donc le percepteur désigné pour le district judiciaire de Laval plutôt

que le percepteur du district judiciaire de Montréal qui va procéder à l'exécution forcée.

M. Rémillard: Voilà.

Le Président (M. Gauvin): Est-ce que l'article 5 est adopté?

Mme Harel: Adopté.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre, on vous invite à nous présenter les commentaires au sujet de l'article 6.

M. Rémillard: Alors, M. le Président, cette disposition transitoire est de la même nature que celle prévue au premier alinéa de l'article 5, mais applicable aux poursuites en matière criminelle et statutaire fédérale intentées devant la chambre de la jeunesse de la Cour du Québec contre les jeunes contrevenants.

Mme Harel: De toute façon, c'est la même chambre, dans la même ville. Donc, c'est la même juridiction, mais ça devient un district judiciaire de Laval, simplement, par un effet... une simple formalité sur papier. C'est ça qu'il faut comprendre?

M. Rémillard: Exactement.

Le Président (M. Gauvin): L'article 6 étant adopté...

Mme Harel: Adopté.

Le Président (M. Gauvin): ...j'appelle l'article 7, M. le ministre.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Cette disposition transitoire a pour objet de confirmer le maintien de la compétence de la Cour supérieure et de la chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec du district judiciaire de Montréal sur les poursuites intentées avant l'établissement du district judiciaire de Laval pour des infractions commises à l'égard d'une disposition du Code criminel ou d'une autre loi fédérale. Ces poursuites originant de la ville de Laval, district de Montréal, et intentées à Montréal contre des adultes avant la création du district judiciaire de Laval seront donc continuées dans le district judiciaire de Montréal.

Mme Harel: II y a un amendement, je pense, à cet article 7.

M. Rémillard: Ce n'est pas à cet article. Je pense que c'est au suivant.

Mme Harel: Ah!

Mme Caron: Est-ce que ça ajoutait 7.1, 7.2, 7.3? C'est ça?

M. Rémillard: Oui.

Mme Harel: Je comprends donc qu'en vertu de l'article 7 les juges de la Cour supérieure ou ceux de la chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec qui siègent à Montréal, dans le district judiciaire de Montréal, malgré l'établissement du district judiciaire de Laval, ces juges ne perdent pas compétence si les poursuites ont été intentées avant l'établissement du district judiciaire de Laval. Donc, il n'y aura pas de transfert. C'est ça qu'il faut comprendre?

M. Rémillard: II ne devrait pas y avoir de transfert.

Mme Harel: Montréal va liquider ce qu'on pourrait appeler le «backlog» des poursuites intentées avant l'établissement du district judiciaire de Laval en matière de chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec.

M. Rémillard: Oui.

Mme Harel: Si c'est une infraction à une disposition du Code criminel. Sinon, si c'est la Cour supérieure pour des causes civiles, une des parties va pouvoir transférer dans le district judiciaire de Laval. Mais, pour les infractions au Code criminel, ça va rester dans le district judiciaire de Montréal.

M. Rémillard: Oui, à cause de l'article 470 du Code criminel qui prévoit qu'il peut être ordonné au prévenu d'être jugé devant tout autre tribunal dont la juridiction a été, par autorisation légitime, transférée à ce tribunal. Donc, la mesure transitoire que nous proposons aurait, par conséquent, pour effet de confirmer l'existence d'une telle autorisation légitime et éviterait de s'en remettre aux ordonnances de transfert ponctuel du district judiciaire de Laval.

Mme Harel: Ça veut dire quoi? Est-ce que ça va être jugé à Montréal ou à Laval?

M. Rémillard: À Montréal. Ça reste à Montréal.

Mme Harel: Ça ne le sera pas à Laval.

M. Rémillard: Ça ne sera pas à Laval, au niveau criminel.

Mme Harel: si vous n'aviez pas eu la disposition 7, les dispositions du code criminel auraient permis de faire le transfert ad hoc, là, à la pièce.

M. Rémillard: Exactement.

Mme Harel: Et tout va rester à Montréal. M. Rémillard: Oui. Mme Harel: Pourquoi?

M. Rémillard: Ces causes criminelles... Parce que c'est déjà entamé. Un instant, s'il vous plaît.

(Consultation)

M. Rémillard: Alors, il y a donc le pouvoir d'enquête criminelle et, déjà, les causes qui sont entamées, les procédures qui sont déjà débutées à Montréal... Pour ne pas causer préjudice aux parties ou quoi que ce soit, il vaut mieux continuer dans le district.

Mme Harel: D'accord.

Le Président (M. Gauvin): Ça va pour l'article 7?

Mme Harel: Adopté.

Le Président (M. Gauvin): L'article 7 est adopté. Je crois comprendre, M. le ministre, que vous avez un amendement qui aurait pour effet d'ajouter les articles 7.1, 7.2 et 7.3. Est-ce que nous avons raison?

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Tout d'abord, un amendement qui ajouterait l'article 7.1. L'amendement proposé par l'article 7.1 a pour objet de confirmer le maintien de la compétence de la Cour municipale de Laval sur les causes pendantes devant cette Cour au moment de l'établissement du district judiciaire de Laval.

Quant à l'article 7.2, l'amendement proposé par l'article 7.2 prévoit que, dans la mesure où la poursuite aurait pu être intentée dans le district judiciaire de Laval, si ce district avait alors été créé, les poursuites pénales et criminelles relatives à des infractions commises avant la création de ce district pourront être intentées dans le district judiciaire de Laval devant la Cour supérieure, la Cour du Québec ou la Cour municipale de Laval, suivant leur attribution respective.

L'article 7.3, l'amendement que nous proposons prévoit que les commissaires à l'asser-mentation nommés pour le district judiciaire de Montréal avant l'établissement du district de Laval seront également compétents dans le district de Laval à compter de l'établissement de ce district et jusqu'à l'expiration de leur commission.

Le Président (M. Gauvin): Donc, j'invite les membres de la commission à adopter d'abord l'article 7.1. (20 h 50)

Mme Harel: Concernant l'article 7.1 justement, M. le Président, est-ce que l'amendement introduit une modification quelconque à la compétence de la Cour municipale de Laval? En quoi le nouveau district judiciaire obligeait-il un amendement semblable?

M. Rémillard: D'abord, je dois dire que c'est un amendement qui fait suite à des demandes du juge en chef de la Cour municipale de Laval et du Barreau de Laval. Donc, il s'agit de confirmer le maintien de la compétence de la Cour municipale de Laval. C'est des causes qui sont pendantes devant cette Cour au moment de l'établissement du district judiciaire de Laval. On avait besoin d'une confirmation pour qu'il n'y ait pas interprétation de l'article 7 qui pourrait nous arriver à faire passer des causes qui étaient inscrites à Laval, mais qui auraient continué dans Montréal. Alors, on voulait une disposition spécifique, précise pour établir l'intention du législateur. Alors, c'est ce que nous avons consenti à mettre dans la loi.

Mme Harel: Donc, les causes déjà intentées à Laval restent à Laval, si elles sont devant la Cour municipale.

M. Rémillard: C'est ça.

Mme Harel: Y compris celles qui ont à voir avec une infraction au Code criminel?

M. Rémillard: C'est ça, exactement.

Le Président (M. Gauvin): Est-ce que l'article 7.1 est adopté?

Mme Harel: M. le Président... Le Président (M. Gauvin): Oui.

Mme Harel: ...quelle belle occasion pour demander au ministre ce qui a bien pu se passer pour que, dans les nominations de juges municipaux, il s'éloigne tellement de l'esprit qu'il manifestait au sommet quant aux nominations de femmes juges!

M. Rémillard: Ah oui?

Mme Harel: Je regardais les nominations à la magistrature, au niveau des cours municipales. Sur les 15 nominations qu'il a faites... Le communiqué de presse s'intitule: Le ministre de la Justice et Procureur général du Québec, M. Gil Rémillard, annonce les nominations suivantes... Et là, vous annoncez 15 nominations pour l'extraordinaire présence d'une seule femme parmi les nominés.

M. Rémillard: II faudrait vérifier combien avaient été retenus, s'il y avait des femmes qui

avaient été retenues. Vous savez qu'on suit maintenant, pour la nomination de ces juges municipaux, le même processus que pour les juges de la Cour du Québec. Alors, combien de femmes se sont présentées au concours? Si vous le permettez, je pourrais sortir ces chiffres-là.

Mme Harel: Ah oui! Certainement. M. Rémillard: Combien... Mme Harel: Absolument.

M. Rémillard: ...se sont présentées au concours? Combien étaient donc susceptibles d'être nommées? Je peux vous dire que je suis très, très attentif à cet aspect. D'ailleurs, j'ai eu l'occasion de faire passablement de nominations depuis... toujours très conscient.

Mme Harel: Combien de nominations depuis le sommet avez-vous faites?

M. Rémillard: II faudrait que je vérifie tout ça. Je pourrais vérifier tout ça. Je n'ai pas ça devant moi. Je ne croyais pas que vous m'apporteriez une question surprise, mais je pourrais avoir des statistiques, si vous voulez. Là-dessus, qu'est-ce que vous voulez, c'est toujours le même problème: s'il n'y a pas de femmes qui se présentent au concours, ça cause des problèmes.

Mme Harel: À notre connaissance, vous avez fait 2 nominations de juges à la Cour du Québec dont 2 hommes et 15 nominations de juges à la Cour municipale dont 1 femme. Alors, c'est finalement, depuis le sommet, le résultat concret de toutes ces discussions qui ont eu lieu. Moi, M. le ministre, je peux vous remettre des noms de femmes qui ont passé des concours, qui sont compétentes à la connaissance de toute la communauté juridique, et qui attendent des nominations.

M. Rémillard: Mais...

Mme Harel: Vous en connaissez comme moi, d'ailleurs.

M. Rémillard: ah! j'en connais... je connais des femmes qui seraient compétentes à se présenter à des concours et qui ne se présentent pas.

Mme Harel: Et qui se sont présentées. Moi, je peux vous en...

M. Rémillard: Ah! Peut-être jadis...

Mme Harel: Je peux vous en présenter qui se sont présentées.

M. Rémillard: Ça existe pour un an. Ça existe pour un an. Après un an, elles n'existent plus. C'est qu'il y a un an d'existence dans ce qu'ils appellent les banques et, ensuite, elles n'existent plus. Alors, depuis un an, on a nommé beaucoup de femmes. D'ailleurs, je pourrais sortir les statistiques. Mme Pelletier va se faire un plaisir de sortir toutes ces statistiques-là. Habituellement, elle a toujours avec elle ces statistiques-là. Je ne comprends pas ce soir qu'est-ce qui est arrivé. Certainement que c'est le dîner qui s'est prolongé. Je ne sais pas, M. le Président, mais, habituellement, elle a toutes ces statistiques, Mme Pelletier. Mais elle va les avoir. Vous allez voir qu'il y a eu beaucoup, beaucoup de nominations qui ont été faites de femmes.

Mme Harel: Mais, au niveau des juges de la Cour municipale, les nominations qui sont intervenues le 3 juin, en fait, font apparaître la nomination d'une seule femme, Mme Manon Bourbonnais, à la Cour municipale de Dorion. Les 14 autres nominations le sont, finalement, d'avocats. Alors...

M. Rémillard: Savez-vous, je serais curieux de savoir combien de femmes - avant ces nominations, même sous l'ancien système - étaient juges municipaux... étaient juges municipales, dis-je. Je serais curieux de voir ça. Pas beaucoup. Ce n'est pas une fonction qui était bien recherchée par les femmes, juge municipale. Alors, ça vaudrait la peine de regarder ça. Ça vaudrait la peine de regarder ça.

Mme Harel: Et de regarder de près le comité de sélection, n'est-ce pas?

M. Rémillard: Oui, mais ça, je fais...

Mme Harel: Vous vous rappelez la recommandation du Conseil du statut de la femme que vous avez écartée, au sommet, quant à la composition du comité de sélection. Le Conseil du statut recommandait une composition de cinq membres, plutôt que trois membres...

M. Rémillard: Ah oui!

Mme Harel: ...avec la présence de trois femmes. Ce n'est pas difficile de trouver des femmes compétentes. Ce n'est pas ça qu'il faut invoquer, à ce moment-ci, dans l'histoire de notre société!

M. Rémillard: II faut voir, M. le Président, pourquoi... Quand on dit: Le ministre de la Justice a écarté... il faut dire que les principaux intervenants dans le processus de sélection l'ont écartée. Ils ne voulaient pas, parce que c'était trop compliqué et trop lourd. Il y a souvent de la difficulté à s'entendre avec trois intervenants. En mettre cinq, on me l'avait décommandé

fortement. Pourquoi on l'a fait? Parce qu'on considérait que ce serait très, très complexe.

Cependant, il faut comprendre que les trois membres qui sont là... vous avez le bâtonnier. Il y a eu des bétonnières. N'oublions pas qu'il y a un an...

Mme Harel: II y a eu une bétonnière.

M. Rémillard: Oui, mais il y a un an il y avait une bétonnière du Québec, il y avait une bétonnière à Québec. Il y avait une bétonnière aussi dans un autre district, Saint-Jérôme. Présentement, il y en a aussi dans certains districts. Donc, de plus en plus il y a des fs.ornes qui sont dans des postes de bâtonnat. Donc, au départ... Ensuite, chez les magistrats aussi, il y a des femmes, parce que la magistrature, au niveau des juges associés, est présente. Donc, on les retrouve là. Moi, je me réserve toujours la discrétion, comme ministre, de nommer quelqu'un du public. Quand je vois qu'il n'y a pas de femme, de prendre une femme.

Alors, quand on regarde dans la réalité, c'est quand même... Regardons surtout dans les deux dernières années. Il y a des résultats qui sont quand même en amélioration.

Mme Harel: Quand vous nous transmettrez l'information quant au nombre de candidatures féminines à ces postes de juges municipaux récemment nommés, en même temps, nous souhaiterions connaître la composition du comité de sélection. C'est quand même...

M. Rémillard: O.K., oui, oui. (21 heures)

Mme Harel: ...inquiétant de constater qu'à ce moment-ci de l'année, où il y a eu un brassage avec le sommet, admettons-le, où il y a eu une ouverture d'esprit avec l'engagement de créer, je pense, un comité pour examiner toute cette question de... Comment l'appelait-on, non pas de la discrimination, mais du sexisme dans toute la profession, n'est-ce pas? Alors, ce comité, qui est censé être mis sur pied, au moment où il y a une ouverture d'esprit, que l'on constate la nomination de 14 hommes sur les 15 juges nommés, il y a là, finalement, une inquiétude qui est assez légitime.

Le Président (M. Gauvin): Est-ce que ça complète le débat, au niveau... Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Oui, juste une petite information sur le même sujet, que j'aimerais avoir. Le ministre semble relier ça au fait que les femmes ne posent pas leur candidature, et, au niveau de la banque qu'on constitue, il nous disait que c'était pour un an. Moi, j'aimerais qu'on vérifie, parce que c'est possible que les femmes posent leur candidature, la banque, que ça reste là pour un an et, comme elles n'obtiennent pas de poste, qu'elles décident de ne plus poser leur candidature parce que, justement, elles n'obtiennent jamais de poste. Est-ce qu'on peut essayer de vérifier au niveau des demandes qui ont déjà été posées, de femmes, qui, finalement n'ont jamais obtenu...

M. Rémillard: II y a des limites, quand même. C'est assez compliqué, parce qu'à un moment donné, tout ça disparaît quand c'est fini, les banques. Mais ce que je peux vous dire, c'est que, par exemple, il y a des cours, comme la cour de la Chambre de la jeunesse, où je n'ai pas de problème à nommer des femmes, aucun problème. En ce qui regarde le domaine criminel et pénal: problème; civil: amélioration considérable. Mais, c'est ça, la situation. En matière pénale et criminelle, je dois dire que s'il n'y a pas de candidates, il n'y a pas de candidates, parce qu'il n'y a pas beaucoup de femmes qui pratiquent dans ce domaine. Alors, moi, j'ai mentionné mon intention de faire le plus possible de nominations de femmes à la magistrature pour faire l'équilibre. Mais encore, on ne les nomme pas parce qu'elles sont femmes, on les nomme parce qu'elles sont compétentes et qu'elles sont dans le concours. Il faut encore qu'elles se présentent au concours.

Mme Harel: Quand je pense à la nomination du dernier juge à la Cour du Québec, à la Chambre de l'expropriation, on m'a informé que des femmes avaient posé leur candidature.

M. Rémillard: Moi, ce que je peux...

Mme Harel: Et des femmes, m'avait-on dit, compétentes.

M. Rémillard: Moi, je peux vous dire qu'il y a deux étapes. Il y a le dépôt de candidatures et il y a liste donnée au ministre de la Justice. Finalement, la discrétion qui appartient au ministre de la Justice pour soumettre au Conseil des ministres une recommandation, elle est bien limitée. Les gens pensent que le ministre de la Justice va nommer. Absolument pas. Moi, je suggère au Conseil des ministres un nom. Alors, souvent, c'est une liste. Ça peut être deux, ça peut être trois. Mais, en plus, il y a des comités qui vont me dire, par exemple: Telle personne se détache considérablement de tous les autres candidats; par conséquent, on vous la recommande fortement. Nous, on fait des vérifications. Est-ce que ces personnes-là, au Barreau, ont des dossiers? Ce qui se passe chez le système policier. En fait, est-ce que ces gens-là ont des problèmes de justice? Bon, on vérifie et, ensuite, ça suit le processus. Alors, même si vous me dites qu'il y a des gens à la Chambre de l'expropriation, des femmes qui ont fait application, je ne suis pas autorisé à vous parler de la liste qui

m'est soumise. C'est confidentiel.

Mme Harel: Je comprends parfaitement que le renseignement nominal soit confidentiel. Mais, ceci dit, est-ce que le ministre vient de nous dire, ici, devant cette commission, que, quant à la liste qui lui a été soumise par le comité de sélection pour la nomination du dernier juge à la Cour du Québec, Chambre de l'expropriation, que cette liste ne comprenait pas de femmes?

M. Rémillard: Je ne suis pas capable. Je ne peux pas vous dire ça, je n'ai pas le droit de vous le dire.

Mme Harel: C'est-à-dire que vous ne pouvez pas me transmettre le renseignement nominal, mais si je vais devant la Commission d'accès à l'information, vous allez être obligé de me donner l'information que je vous demande?

M. Rémillard: Écoutez, tout simplement, c'est que, vous comme moi, on a tout intérêt, tant qu'on aura ce système, à le respecter. Voici, si je répondais à votre question, vous pouvez connaître des femmes qui se sont présentées. C'est souvent le problème que j'ai. Les femmes vont se présenter, ou n'importe qui - pas simplement une femme ou un homme - se présente donc devant le jury composé de trois personnes: le juge en chef ou un de ses délégués, le bâtonnier ou la bétonnière, puis une personne du public. Les gens se connaissent souvent parce qu'on n'est quand même pas si nombreux que ça au Québec et au Barreau. Alors, les gens ne diront pas: Tu n'as pas passé le concours, etc. Moi, j'arrive avec, donc, une liste. Peut-être que tout le monde pense qu'ils sont sur la liste, mais ce n'est pas le cas. On doit respecter cette confidentialité. Il faut qu'on respecte la confidentialité de la liste qui arrive chez le ministre de la Justice. Sinon, il faudrait changer l'ensemble du système.

Mme Harel: M. le Président, on va, de toute façon, poursuivre l'étude du projet de loi qui est devant nous, mais je veux simplement signaler au ministre que, pour les fins de l'intérêt général dans ce dossier, nous allons, en bonne et due forme, lui transmettre une demande d'information quant au nombre de personnes et au sexe des personnes soumises par le comité de sélection. Nous irons devant la Commission d'accès à l'information. Ça nous permettra, M. le Président, de vérifier, si tant est, et je crois que c'est là un élément indispensable si nous voulons faire progresser l'équité dans le milieu juridique. C'est, à mon point de vue, reprehensible que nous ayons une sous-représentation des femmes. On devrait déployer des moyens importants pour y remédier.

M. Rémillard: Je comprends très bien, M. le Président, l'objectif de Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. C'est son droit de procéder ainsi, et je le respecte. Cependant, je me permettrais de faire un commentaire. Si elle procède de cette façon-là, et si elle avait l'information, ça voudrait dire que, s'il y a des femmes qui se sont présentées à Québec, Chambre de l'expropriation, et qu'on dit qu'il n'y pas de femmes qui ont été retenues, c'est donc dire... Ça, ça se sait, tout le monde le sait. Donc, les gens vont dire: Ah oui! Unetelle s'est présentée, mais elle a raté le concours. C'est ce qu'on veut éviter. On ne veut pas qu'il y ait de catégories. Ah! elle n'a pas été assez bonne pour être juge! C'est pour la réputation des gens. Souvent, on peut rater un concours et ce n'est pas parce qu'on n'est pas compétent. Peut-être que sur un point, ça n'a pas été. C'est la perception d'un comité de trois personnes. Alors, il faut faire bien attention avec un objectif qui est louable, qui est légitime, de bien être conscient des conséquences que ça peut apporter pour certaines personnes. Peut-être qu'il n'y en a pas beaucoup, de femmes, je ne sais pas. Je ne le sais pas, mais je vous dis, et je fais un scénario: Peut-être qu'il n'y en a pas beaucoup, et c'est d'autant plus dangereux quant aux dommages qu'on pourrait faire.

Mme Harel: ...demandé si les renseignements nominatifs étaient transmis. Mais, dans la mesure où c'est générique, c'est-à-dire le sexe des candidats, ça pourrait être l'âge aussi, malgré qu'il faille dix années de pratique pour avoir simplement le droit de poser sa candidature. Mais, étant donné que ce sont des renseignements génériques, je pense que le problème ne se poserait pas, dans la mesure où l'information concernant la candidature d'une personne plutôt que d'une autre ne serait pas transmise.

M. Rémillard: Je confirme que c'est le droit de la députée de demander cette question-là. Je me permettrai tout simplement de lui dire que, même s'il n'y a pas de renseignements nominatifs, vous savez, à Québec - et ça se sait fort bien - qui se présente à un concours de juge ou qui ne se présente pas. Écoutez, on ne se fera pas de cachette, là. Il y a 15 000, avocats, oui, dans tout le Québec, mais, à un moment donné, à Québec, les gens disent: Écoute, telle personne s'est présentée au concours de l'expropriation. Au moins, les gens peuvent tous penser qu'ils étaient sur la liste soumise au ministre. Puis, là, bien, c'est...

Mme Harel: Pour des raisons politiques. Ils ne sont pas assez partisans.

M. Rémillard: Ils peuvent penser... Qu'est-ce que vous voulez? Mais, moi, ne pensez pas que je ne serais pas tenté, des fois, de leur dire: Bien, écoutez, c'est de valeur, vous n'étiez pas

sur la liste. J'aimerais bien ça pouvoir le dire, ça m'arrangerait assez souvent, mais il ne faut pas faire ça. Il ne faut pas faire ça parce que, là, on détruit tout le système. Si on veut détruire tout le système, en penser un autre, bon. S'il y a un meilleur système, je suis bien prêt à m'asseoir, puis à essayer de trouver un meilleur système. Mais tant qu'on fonctionne dans ce système-là, moi, tout ce que je me permets de vous dire: Attention! Faisons attention pour ne pas qu'avec des objectifs nobles et légitimes on cause des dégâts. C'est tout simplement ça que je me permets de vous dire.

Le Président (M. Gauvin): Ça complète les échanges au niveau de l'article 7. 1.

Mme Harel: Adopté. (21 h 10)

Le Président (M. Gauvin): 7. 1 est adopté. J'appelle 7. 2. M. le ministre l'a présenté avec commentaires. Est-ce qu'il y a d'autres questions au sujet de l'article 7. 2?

Mme Harel: II faut comprendre que, lorsque la poursuite n'a pas été intentée, ça s'en va à Laval. Si elle a déjà été intentée, ça reste à Montréal. C'est ça?

M. Rémillard: Voilà.

Le Président (M. Gauvin): L'article 7. 2 est adopté?

Mme Harel: Adopté.

Le Président (M. Gauvin): J'appelle l'article 7. 3., toujours au niveau des amendements. M. le ministre l'avait aussi présenté avec commentaires.

Mme Harel: C'est essentiellement la compétence des commissaires à l'assermentation. Il faut donc comprendre que les actuels commissaires à l'assermentation sont nommés dans le district judiciaire de Montréal. Là, ils deviennent nommés à la fois pour Montréal et Laval. C'est ça? Jusqu'à la fin de leur mandat. Adopté.

Le Président (M. Gauvin): L'article 7. 3 est adopté. J'appelle l'article 8. Je pense que c'est ce qu'on retrouve dans la plupart des projets de loi, dans tous les projets de loi. M. le ministre.

M. Rémillard: C'est ça, M. le Président. C'est concernant l'entrée en vigueur de la loi à la date ou aux dates fixées par le gouvernement.

Mme Harel: Quand avez-vous l'intention d'adopter le projet de loi?

M. Rémillard: Ça devrait essayer de coïncider avec le commencement des activités judiciaires au palais de justice de Laval, c'est-à- dire début septembre 1992. On doit faire l'ouverture du palais de justice et du district judiciaire de Laval au début de septembre. Donc, par le fait même, la loi sera en application à ce moment-là.

Mme Harel: L'Ouverture officielle? M. Rémillard: Oui.

Mme Harel: Peut-on espérer être invitées, Mme la députée de Terrebonne et moi-même?

M. Rémillard: Dans ces activités-là, vous êtes toujours invitées.

Le Président (M. Gauvin): Est-ce que le titre du projet de loi est adopté?

Mme Harel: Adopté.

Le Président (M. Gauvin): Est-ce que l'ensemble du projet de loi tel qu'amendé est adopté?

Mme Harel: Adopté.

Le Président (M. Gauvin): Est-ce qu'on doit présenter une motion de renumérotation? Excusez.

M. Rémillard: M. le Président, on me donne une réponse pour les Îles-de-la-Madeleine.

Le Président (M. Gauvin): Oui, M. le ministre.

M. Rémillard: On me donne une réponse, mais on... Je vais vous dire... Alors, le problème n'est pas réglé. C'est le personnel de Percé qui va aller... Avec la permission de la commission, Mme Pelletier pourrait expliquer ça, M. le Président.

Le Président (M. Gauvin): Mme Pelletier, avec le consentement de M. le ministre, pour un complément d'information.

Mme Pelletier (Julienne): C'est qu'actuellement les services judiciaires qui sont dispensés aux Îles-de-la-Madeleine peuvent compter sur la collaboration des effectifs de Percé, compte tenu que le volume de causes est beaucoup plus élevé à Percé, c'est que les services judiciaires sont plus nombreux, si on peut dire, sont davantage établis à Percé qu'aux Îles-de-la-Madeleine. Alors, ils font la navette, dans les cas de besoin, aux Îles-de-la-Madeleine. C'est une question qui est actuellement sous étude au ministère: Comment assurer aux Îles-de-la-Madeleine une permanence et des services peut-être plus adaptés aux besoins? Mais, pour le moment, c'est à ce niveau-là qu'on est en train d'analyser au

ministère comment répondre à ces besoins-là. On est en train de regarder ça, parce que Percé était quand même un point assez névralgique, compte tenu de la quantité des dossiers. C'est ce qu'on m'a...

Mme Harel: II y a un beau palais de justice aussi à Percé. Mais, ceci dit, les juges... Il y a combien de juges municipaux aux Îles-de-la-Madeleine?

Mme Pelletier: De juges municipaux? Je ne crois pas qu'il y ait des juges municipaux aux Îles-de-la-Madeleine. Non.

Mme Harel: Est-ce qu'il y a une cour municipale? Non?

M. Rémillard: Mais il y a une demande. Il y avait une demande.

Mme Harel: Parce qu'il serait possible, par exemple, d'élargir la compétence des juges municipaux pour leur permettre d'être sur place, d'être résidents. Il doit y avoir un avocat aux Îles-de-la-Madeleine?

M. Rémillard: Oui. Il y a peut-être un avocat, mais ce n'est pas si simple que ça. Je suis allé aux Îles-de-la-Madeleine, je suis allé voir ça, consulter les gens, essayer de trouver une solution. Une des solutions possibles, c'est au niveau des cours municipales, mais il y a un petit problème technique. Peut-être qu'on pourrait vérifier à qui il se pose? Je pourrais apporter un complément d'information, aussi, à un moment donné, mais il y a un problème technique pour la Cour municipale.

Mme Caron: dans les vérifications, m. le président. effectivement, le personnel de percé se déplace, mais est-ce que vous avez pu vérifier si c'est toujours à la même période de l'année?

M. Rémillard: ah! je pourrais vérifier si c'est dans la période du homard, si c'est dans la période des blanchons, ou si c'est dans la période «autre».

Mme Harel: II me semble que, l'été, c'est à la période du homard! Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gauvin): Je crois comprendre, M. le ministre, que vous allez ajouter un complément d'information.

M. Rémillard: Je m'aperçois, M. le Président, qu'il y aura donc un complément d'information.

Mme Harel: Je serais bien intéressée à savoir ce qui fait obstacle à la nomination d'un juge municipal.

(Consultation)

Le Président (M. Gauvin): Est-ce que vous voulez présenter une motion de renumérotation, M. le ministre?

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Compte tenu des amendements apportés au projet de loi 13, je fais motion pour que les articles de ce projet soient renumérotés.

Le Président (M. Gauvin): Merci. Donc, c'est ce qui complète le mandat de la commission pour l'étude du projet de loi 13. La commission suspend temporairement ses travaux pour une minute ou deux.

(Suspension de la séance à 21 h 16)

(Reprise à 21 h 20)

Projet de loi 34

Le Président (M. Gauvin): La commission reprend ses travaux dans le cadre du projet de loi 34, Loi modifiant la Loi concernant un jugement rendu par la Cour suprême du Canada le 13 décembre 1979 sur la langue de la législation et de la justice au Québec.

M. le ministre, avez-vous des remarques préliminaires?

Remarques préliminaires M. Gil Rémillard

M. Rémillard: M. le Président, d'abord, vous me permettrez de vous présenter, à ma droite, Me Judith Sauvé du service juridique du ministère de la Justice et des affaires législatives. Nous avons Me Monique Ducharme qui est ici, aussi des affaires législatives. J'ai toujours avec moi Mme Julienne Pelletier, de mon cabinet, qui m'accompagne.

Alors, M. le Président, ce projet de loi s'inscrit à la suite de la décision rendue par la Cour suprême du Canada, le 27 février dernier, dans l'affaire concernant la fusion de Rouyn-Noranda. Dans cette affaire, la Cour concluait que certains actes du ministre des Affaires municipales et du gouvernement, qui avaient amené à la fusion de Rouyn-Noranda, étaient nuls et inopérants, ceux-ci n'ayant pas été adoptés et publiés en français et en anglais, alors qu'ils auraient dû l'être vu leur nature législative. La Cour maintenait toutefois la validité de ces actes pour un délai d'un an, délai que la Cour accordait à l'Assemblée nationale pour remédier à la situation.

L'analyse de ce jugement et de ceux déjà rendus par la Cour suprême, quant à la langue de la législation, nous aura permis d'évaluer sa

portée à l'égard d'autres actes du gouvernement, de même nature, qui n'ont été adoptés et publiés qu'en français. Le projet de loi modifiant la Loi concernant un jugement rendu par la Cour suprême du Canada le 13 décembre 1979 sur la langue de la législation et de la justice au Québec prévoit donc un amendement permettant non seulement de régulariser la situation de Rouyn-Noranda, mais également la réadoption avec effet rétroactif d'autres actes de même nature, tels ceux de fusion municipale.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve, avez-vous des remarques?

Mme Louise Harel

Mme Harel: Oui, M. le Président.

M. le Président, je comprends que le jugement rendu par la Cour suprême, le 27 février dernier, dans l'affaire du Procureur général du Québec contre Albert Sinclair et autres nécessite une intervention législative. La question que je me pose, depuis l'adoption en deuxième lecture du projet de loi 34, c'est de savoir si nous allons voter en faveur ou contre, au moment de la troisième lecture, et je vais m'expliquer, M. le Président.

Le principe d'un projet de loi comme celui qui est introduit pour régulariser la situation créée par un jugement intervenu en février dernier a pour effet d'invalider la fusion de Rouyn-Noranda, des villes de Rouyn et de Noranda. Donc, il y a le principe d'une intervention législative, ça s'impose, mais la nature de celle qui est proposée dans le projet de loi 34, ça, ça me semble moins évident. Je vais m'expliquer, M. le Président. C'est que, finalement, il me semble que le projet de loi 34 en donne plus que ce que la Cour suprême n'en demandait. Dans l'affaire Sinclair, le jugement de la Cour suprême porte sur les décrets. Ce que le projet de loi 34 fait, c'est qu'il élargit, à l'ensemble des actes législatifs, la décision concernant le bilinguisme de la Justice. Je me suis demandé pourquoi élargir à ce point-là le champ d'application de l'article 133. Il y a eu des jugements intervenus dans le passé, auxquels on petf se référer, je pense. On peut les appeler «Blaikie 1, Blaikie 2», lesquels jugements de la Cour suprême sont venus invalider des dispositions de la loi 101, en regard de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867. Cependant, quand la Cour suprême a rendu ses décisions, elle a d'abord décidé que les règlements du gouvernement étaient assujettis aux prescriptions de l'article 133, et elle a défini ce dont il s'agissait quand on parlait de règlements du gouvernement, à savoir que le critère retenu était celui du contrôle gouvernemental et qu'à partir du moment où il y avait contrôle gouvernemental il y avait assujettissement à l'article 133, lorsque les règlements requéraient l'approbation du gouvernement, d'un ministre ou d'un groupe de ministres. A contrario, lorsque les règlements n'étaient pas soumis à cette approbation, ils ne l'étaient pas plus à l'article 133.

Je constate que, dans le jugement qu'on pourrait appeler, cette fois, «Blaikie 2», je crois que c'était en 1991 - excusez-moi - en 1981, la décision de la Cour suprême avait ouvert la porte à l'affaire de Rouyn-Noranda en utilisant l'expression «mesure législative». Mais, spécifiquement, dans l'affaire qui concerne la fusion de Rouyn-Noranda, qui est le jugement concernant l'affaire Sinclair comme telle, c'est de décret dont il est question. Là, c'est comme si, en introduisant le projet de loi 34, on faisait de la législation préventive. On vient élargir l'assiette de la loi actuelle en ajoutant les mots «et d'autres actes de nature législative». Alors, ça, ça peut être très très large. Ça peut couvrir tant les règlements - donc, déjà assujettis - que les décrets qui le sont depuis le jugement de février, et ça peut couvrir les ordonnances, les proclamations, les arrêtés, les formules, les tarifs, les lettres patentes, les commissions, les mandats, les instructions, les directives. On me dit qu'il peut y avoir une diversification très importante de l'exercice de la législation déléguée et les mots utilisés dans le projet de loi 34, soit ceux «et d'autres actes de nature législative», finalement, c'est comme une façon d'élargir, de donner une portée très générale à l'article 133. Alors, est-ce que c'est ce que recherche le gouvernement, élargir, au-delà même de ce qu'en avait décidé la Cour suprême, la portée de l'article 133? Je comprends que la Cour suprême avait déjà décidé en ce qui concernait les règlements et les décrets et là, avec le projet de loi 133, qui se veut une loi remédiatrice, on vient quasiment en faire une loi préventive. Sinon, qu'on m'indique quels sont les autres actes de nature législative qui vont être soumis à 133, qu'on veut couvrir par l'expression «d'autres actes de nature législative».

M. Rémillard: Oui, M. le Président. L'article 133 de la Constitution de 1867 établit un bilinguisme au niveau des institutions législatives de l'Assemblée nationale. Tout d'abord, un député peut se lever et parler dans sa langue, soit le français, l'anglais; c'est une garantie de 133. Il y a aussi que les textes législatifs doivent être traduits dans les deux langues. On s'est posé la question, à savoir qu'est-ce que ça voulait dire, des textes législatifs, qu'est-ce qui était un texte législatif et qu'est-ce qui ne l'était pas. À partir de là, il y a eu les affaires Blaikie - Blaikie 1, Blaikie 2 - en 1979 et en 1981; ensuite, les affaires du Manitoba - Manitoba 1, Manitoba 2 - aussi; finalement, on se retrouve avec une décision de février dernier, dans l'affaire Sinclair. (21 h 30)

M. le Président, il n'est pas de notre intention d'élargir la portée de l'article 133, mais bien de nous conformer aux différents éléments de compréhension que la Cour suprême nous a donnés pour comprendre la portée de 133. Dans le sens que, lorsque Mme la députée de Hochela-ga-Maisonneuve nous dit: C'est une loi de prévention, je dirais: Oui, c'est une loi de prévention dans le sens qu'on aurait pu simplement se limiter. Le choix que j'avais, comme ministre, c'était de dire: On se limite strictement au cas de Rouyn-Noranda parce que la Cour suprême nous a donné un délai. La Cour suprême nous a donné un an de délai pour traduire. Donc, cette décision gouvernementale de traduire dans la langue anglaise pour se conformer à l'article 133, on aurait pu se fier strictement à Rouyn-Noranda, mais on sait qu'il y a d'autres décrets, d'autres dispositions émanant du Conseil des ministres qui pourraient aussi être contestées. Par conséquent, ça ne réglerait pas les problèmes.

Donc, on s'est dit, par respect pour le justiciable, par respect pour l'appareil gouvernemental, par respect pour l'administration de la justice, mieux vaut prendre les devants, d'une certaine façon, prendre des critères qui sont établis par la Cour suprême et les mettre dans le texte de loi, parce que, sans ça, on va se retrouver, M. le Président, avec des contestations qui amènent les gens jusqu'en Cour suprême, ce qui coûte des milliers de dollars, qui peuvent même en arriver à stopper et à arrêter des procédures très importantes pour l'avenir de la société. C'est des frais, c'est une perte de temps, c'est une perte d'énergie, c'est une perte d'argent. Il me semble que notre devoir, comme gouvernement, comme ministre de la Justice et Procureur général, c'est de nous conformer aux décisions de la Cour suprême, et de faire en sorte que ça cause le moins d'inconvénients possible aux citoyens et aux citoyennes.

Alors, le problème, M. le Président, c'est que, suite à cette décision dans l'affaire Sinclair, l'expression «actes de nature législative» est apparue comme étant générique, et cette expression s'applique à tous les actes répondant aux critères énoncés par la Cour suprême, peu importe leur dénomination. Alors, que ce soient des décrets, que ce soient des lettres patentes, que ce soient des ordonnances, des proclamations, des directives, peu importe comment on les appelle, il demeure que, si elles répondent aux différents éléments de la Cour suprême, critères énoncés par la Cour suprême, ce seront des actes qui devront être traduits en langue anglaise. Alors, la Cour suprême nous dit qu'un acte est de nature législative lorsqu'il doit être, en vertu de la loi, adopté ou approuvé par le gouvernement, un ministre ou un groupe de ministres, lorsqu'il édicté une règle de conduite, une norme, lorsqu'il a force de loi, lorsqu'il s'applique à un nombre indéterminé de personnes. Ces critères ne sont pas cumulatifs. Un seul de ces éléments fait que c'est un acte législatif, et qui doit être traduit, par conséquent. De plus, quand un acte s'inscrit dans une série d'actes dont l'effet net est lui-même de nature législative, il devient un acte de nature législative.

C'est donc dire, M. le Président, que ces critères nous ont amenés à faire cette législation. Je crois qu'il n'aurait pas été responsable, pour nous, de se limiter à Rouyn-Noranda, mais il fallait établir les barèmes pour qualifier les autres actes et voir à leur traduction en langue anglaise. Mais ce n'est pas l'intention du gouvernement d'élargir la portée de 133, absolument pas.

Le Président (M. Gauvin): Mme la députée.

Mme Harel: M. le Président, pour l'avenir, là, comment le ministre entend-il procéder, et quelle proposition a-t-il faite à son gouvernement? Je comprends qu'avec le projet de loi 34, en fait, il s'agit, là, de remédier à des actes de nature législative pour le passé, hein? Ce que l'on fait, c'est qu'on introduit une disposition qui permet à l'autorité compétente de remplacer un acte de nature législative qui devait être publié en français et en anglais, et qui ne l'a pas été, par un texte qui le reproduit dans les deux langues, sans modifications. Finalement, les actes ainsi reproduits peuvent avoir effet depuis la même date que celle prévue pour ceux qu'ils remplacent. Est-ce que ça signifie que le ministre va doter le gouvernement d'un service de traduction? Est-ce qu'il y a des propositions qui ont été faites pour l'avenir dans ce sens-là?

Puisque l'ensemble, tous les actes de nature législative - et je remercie le ministre d'avoir rappelé les critères qui ont été utilisés par la Cour suprême pour définir ce qu'est un acte de nature législative. On voit bien l'étendue générale, la portée, finalement, très large, de cette définition. Alors, dorénavant, ça signifie que les décisions, par exemple, du Conseil des ministres, les décrets du Conseil du trésor, l'ensemble des directives, la tarification, la Gazette officielle du Québec, etc., tout ça va n'être rendu valide que si la publication en est faite. C'est ça qu'il faut comprendre?

M. Rémillard: Ce qu'il faut comprendre, c'est que, quand, rétroactivement, on a les normes, comme vous venez de le mentionner, pour l'avenir, il va falloir apprécier chaque acte qu'on va faire en fonction des critères énoncés par la Cour suprême, et décider, à ce moment-là, de les traduire en langue anglaise. Il existe déjà des services de traduction au ministère de la Justice, au niveau de la législation, comme vous le savez. Il existe déjà des services de traduction en langue anglaise. Maintenant, s'il faut avoir d'autres traducteurs, il va falloir les impliquer. Mais il ne faut quand même pas exagérer non

plus la portée, mais voir qu'il faut prévenir. Mieux vaut prévenir que d'avoir des contestations qui vont jusqu'en Cour suprême, qui coûtent tellement d'argent et causent tellement d'embêtements à tout le monde.

Mme Harel: Mais, à ce moment-là, M. le ministre, faut-il comprendre qu'étant donné que ce sont des actes de nature législative... Tantôt, vous nous citiez les critères qui ne sont pas conjonctifs là, un seul de ces critères, nous disiez-vous, suffit. Alors, il suffit que ce soit soumis à l'approbation d'un ministre et non pas à l'approbation du gouvernement ou du Conseil des ministres. L'approbation d'un ministre suffit pour iimoduire l'application de l'article 133.

M. Rémillard: Dans la mesure où il édicté une règle de conduite ou une norme. Il faut faire attention. C'est une décision d'un ministre, approuvée par un ministre, mais qui implique une obligation de conduite. Alors, c'est une norme pour la façon dont vous devez vous conduire, la façon de procéder et de faire qui est quasi judiciaire. Ça n'arrive pas dans tous les cas.

Mme Harel: C'est normatif. Ce n'est pas quasi judiciaire.

M. Rémillard: C'est normatif dans le sens qu'il y a l'exercice d'un quasi judiciaire, d'un pouvoir discrétionnaire, souvent, qui peut être relié, pas immanquablement, mais, souvent, peu importe. Il reste quand même qu'il ne s'agit pas simplement d'un geste ministériel, d'une décision prise par un ministre. C'est une décision qui implique une norme de conduite, qui implique une norme, une conduite, qui a force de loi.

Mme Harel: Un tarif, par exemple?

M. Rémillard: Ce serait difficile pour moi de prendre des cas particuliers, l'un après l'autre.

Mme Harel: Une directive, une directive ministérielle?

M. Rémillard: Alors, une directive ministérielle devrait être analysée dans un cas - je ne peux pas vous donner d'opinion juridique, comme vous le savez, mais il faudrait l'étudier. Si ça a force de loi, si elle implique une norme de conduite, etc., il faudrait la vérifier.

Mme Harel: L'inverse peut être vrai aussi. Au contraire, ça peut multiplier les recours devant les tribunaux, pour le motif de faire invalider telle directive, tel tarif, telle règle de procédure qui n'aurait pas été traduite.

M. Rémillard: Mais c'est pour ça.

Mme Harel: Pensez, par exemple, au domai- ne de la sécurité du revenu et dites-vous qu'annuellement il se publie pour l'équivalent de presque un pied, si ce n'est pas plus, de directives et de procédures diverses qui assujettissent à l'application de la loi. Donc, dans la mesure où il n'y aurait pas eu traduction, ça pourrait donner ouverture à une contestation. C'est ça qu'il faut comprendre?

M. Rémillard: Écoutez, je ne me prononcerai pas sur le fond, M. le Président, mais ce qu'on veut, c'est être quand même très prudents. On veut éviter des contestations, on veut éviter de se retrouver devant la Cour suprême puis on aime mieux voir toutes ces directives bien suivies, en fonction des critères énoncés par la Cour suprême.

Mme Harel: attendez, là. m. le président, ça n'empêchera pas la multiplicité des recours, au contraire. ça dit simplement au gouvernement qu'il doit traduire.

M. Rémillard: Oui.

Mme Harel: Mais, dans la mesure où il n'y a pas d'organisme central qui décide ce qu'il faut traduire ou pas, c'est un service de traduction qui est offert au ministère de la Justice, nous dites-vous. Les ministères ne sont pas tenus, les ministres, les cabinets ministériels ou sous-ministériels, au moment de la publication des directives, tarifs ou autres, d'utiliser ce service-là. Il n'y aura pas... Je comprends bien que ce projet de loi là ne s'accompagne pas d'un dispositif qui permettrait au gouvernement d'en contrôler l'application.

M. Rémillard: Non. Voici, M. le Président, c'est que le Conseil exécutif qui existe pour coordonner toute l'action du gouvernement est là. Alors, quand il arrive des directives... D'abord, quand il arrive... que ce soient des ordonnances, des directives ou peu importe, tout ça passe par un canal qui aboutit au Conseil exécutif, qui doit avoir passé par un des cinq comités du Conseil exécutif, à bien des niveaux. Je ne dis pas ponctuellement, d'une façon très très précise et pointue, mais il y a une organisation gouvernementale qui est là et qui fait que, dans la mesure où ces critères sont rencontrés, il va falloir traduire.

Mme Harel: Mais tout ne passe pas au Conseil exécutif?

M. Rémillard: Mais le Conseil exécutif...

Mme Harel: Ne passe au Conseil exécutif que ce qui fait l'objet d'une ordonnance du Conseil exécutif, d'un décret du Conseil exécutif. Les directives ministérielles... (21 h 40)

M. Rémillard: Oui.

Mme Harel: ...ne passent pas nécessairement au Conseil exécutif.

M. Rémillard: Elles sont informées, vont au Conseil exécutif pour information.

Mme Harel: Dans la mesure où elles sont publiées dans la Gazette.

M. Rémillard: Même pas. D'une façon générale, le Conseil exécutif a une information de tout ce qui se passe dans l'appareil gouvernemental. C'est ce que je sais, en tout cas, et je le sais de... Je peux vous dire qu'ils sont bien informés, ils sont très bien informés.

Mme Harel: C'est-à-dire que le Conseil exécutif n'a pas le mandat de vérifier les directives ministérielles en matière de terres et forêts ou en matière de sécurité du revenu, quant à l'interprétation qui en est faite sur le plan des règles et procédures.

M. Rémillard: Le Conseil exécutif, d'une façon générale, est informé de tout ce qui se passe au niveau normes impliquant un comportement, parce qu'il s'agit d'une voie de législation. D'ailleurs, la décision de la Cour suprême est en fonction de ça. Il y aura donc, à la suite de cette décision de la Cour suprême, ces balises qui doivent être respectées et qui amèneront des décisions, à savoir: Est-ce qu'on doit traduire ou ne pas traduire?

Mme Harel: Mais est-ce que le Conseil exécutif est équipé pour traduire?

M. Rémillard: II l'est ou il va l'être, mais il va prendre ses responsabilités. Ça peut être des contrats.

Mme Harel: C'est-à-dire qu'on adopte ce projet de loi là, qui va être mis en vigueur, sans qu'on sache si, en conséquence, le service va être offert.

M. Rémillard: Bien, écoutez, c'est comme n'importe quel projet de loi. Lorsqu'un projet de loi est nommé, il faut ensuite que le gouvernement prenne les moyens pour l'appliquer.

Mme Harel: Oui, parce que, M. le Président, je vous assure que c'est bien différent d'adopter un projet de loi, je le répète encore une fois, pour procéder au moyen d'une législation ad hoc, pour faire face aux problèmes qui étaient soulevés suite au jugement de la Cour suprême concernant la fusion de Rouyn-Noranda. Je pense que c'est raisonnable d'adopter une législation pour régler cette situation-là ou des situations semblables qui se seraient produites dans des cas de fusion. C'est une hypothèse, c'est un scénario avec lequel l'Opposition se sent à l'aise, mais de prendre prétexte de cette situation produite suite au jugement de la Cour suprême pour, cette fois, adopter une législation de portée générale, là, il y a un pas qu'on n'a pas l'intention de franchir, en tout cas, au niveau de la troisième lecture, M. le Président.

M. Rémillard: Mais, M. le Président, c'est simplement pour, quand même, bien faire comprendre qu'il est dans l'intérêt de tout le monde, que ce soit ceux qui sont soumis à des directives de la sécurité du revenu ou ceux d'autres niveaux, qu'on puisse avoir des balises qui nous permettent donc de procéder d'une façon générale, pour ne pas qu'il se mette à y avoir contestation d'un côté et de l'autre. Alors, je pense qu'on agit dans l'intérêt public, M. le Président.

Le Président (M. Gauvin): Ça complète les remarques préliminaires.

Mme Harel: Juste une dernière chose, M. le Président, qui nous apparaît vraiment importante. On me fait valoir que l'article 133 de la loi constitutionnelle de 1867 n'est pas soumis à la formule d'amendement 7 provinces sur 10, représentant 50 % de la population, et que l'article 133 pourrait être amendé, du consentement du fédéral et du Québec seulement. Donc, des discussions pourraient être amorcées en ce sens-là avec le fédéral pour, par exemple, envisager de limiter ou de réduire la portée d'application de la loi 133.

Je crois, M. le Président - je peux me tromper, ça, c'est évident - qu'on n'est pas dans un domaine de la nature des mathématiques, où on peut dire que deux plus deux font quatre, puis qu'on en est certain, mais je crois qu'il est possible que, pour des bons motifs, le ministre soit en train de proposer une législation qui va vraiment créer des graves problèmes et que, sous prétexte d'amener de l'ordre, ça crée du désordre, pour le motif qu'en n'étant pas en mesure de s'assurer que tous les actes de nature législative vont vraiment être traduits et que tous ces actes de nature législative vont vraiment être bilingues, en n'étant pas en mesure de garantir ça, le ministre n'est pas en mesure de le faire, je suis convaincue. Je ne lui demanderais même pas parce que ce n'est pas comme ministre de la Justice qu'il peut s'assurer que ses collègues vont le faire.

C'est finalement un autre dispositif qui pourrait exister, qui le garantirait, ce qui n'existe pas. Moi, je pense vraiment que ça peut donner ouverture à beaucoup de contestation, beaucoup de contestation. Il suffira qu'il y ait une directive, par exemple, déterminant la façon dont le règlement sur l'utilisation des taxis pour les personnes assistées sociales sera envoyé dans les 133 centres Travail-Québec, et que cette

directive sur l'interprétation qui doit être faite quant à l'application n'ait pas été traduite, pour qu'elle donne lieu à une contestation.

M. Rémillard: Non. M. le Président, tout d'abord, il y a des légistes du ministère de la Justice dans tous les ministères, qui sont là, puis qui vont voir à ce que ces normes soient respectées. Il faut bien comprendra ça. Il y a une organisation de l'État qui est en place.

Mme Harel: II y a un contentieux.

M. Rémillard: Alors, il y a un contentieux dans chacun des ministères.

Mme Harel: Ce ne sont pas des légistes. En fait, c'est un contentieux.

M. Rémillard: Mais c'est un contentieux, ce sont des avocats. Ce sont des gens qui sont formés à la technique législative, aussi bien... Ah oui! Bien oui! Parce que ça fait partie de leur travail.

Mme Harel: Oui oui.

M. Rémillard: II y a le Bureau des règlements, il y a aussi le Bureau des lois, mais, en dehors de tout ça, s'il y a des normes, des ordonnances, ça, ça passe au Bureau des règlements. Mais, d'une façon générale, il y a une formation spécifique aux avocats dans chaque ministère. Non, je ne crois pas, M. le Président, qu'on puisse dire qu'on vient compliquer les choses. Je pense qu'au contraire... Vous savez, c'est un projet de loi qui a été fait après consultation du ministère de la Justice, au niveau de nos légistes qui voient les meilleures solutions à apporter. Le seul objectif que j'ai, comme ministre de la Justice, c'est d'assurer une sécurité juridique. Je ne veux pas qu'on se retrouve dans une insécurité qui va nous amener à ce qu'il y ait des contestations qui nous arrivent de partout et que, là, on trouve une nouvelle piste pour se retrouver jusqu'en Cour suprême avec toutes sortes de textes.

Alors, moi, comme ministre de la Justice, comme Procureur général, M. le Président, je dois faire en sorte qu'il y ait cette sécurité juridique qu'on va atteindre de cette façon-là. Tous les légistes, le comité de légistes qui a été consulté, le comité constitutionnel aussi, sous la direction de Me Jean-K. Samson, tous ces gens et Mme Morency, qui est sous-ministre associée à la législation, me présentent ce projet de loi comme étant celui qui va nous assurer cette sécurité juridique. C'est strictement technique. Il n'y a pas d'option politique avec un grand «p» ou un petit «p» là-dedans, là. Mais c'est qu'on puisse assurer que nous allons nous conformer à la décision de la Cour suprême, essentiellement.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le... Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. (21 h 50)

Mme Harel: M. le Président, je ne veux pas du tout faire de procès d'intention. Si c'est apparu comme tel, je m'en excuse, ce n'est pas un procès d'intention à l'égard des légistes qui ont rédigé le projet de loi 34, c'est tout simplement que, pour atteindre une telle sécurité juridique dont parle le ministre, il faudra s'assurer que tous les actes possibles, quels qu'ils soient, de nature législative, soient traduits. M. le Président, je dois dire que c'est tout un contrat.

M. Rémillard: Mais on n'a pas le choix. C'est ça, M. le Président, c'est qu'on n'a pas le choix. À partir de là, il faut comprendre qu'au niveau de chacun des ministères, il y a des juristes, il y a des avocats qui sont là, qui vont donner leur avis et qui vont dire: Selon les critères de la Cour suprême, tel acte doit être traduit, tel autre ne doit pas être traduit. C'est comme ça qu'on va fonctionner, parce qu'on n'a pas le choix.

Mme Harel: Vous auriez pu entamer des discussions avec le fédéral, sur la portée de l'article 133.

M. Rémillard: Ça, 133, j'attends une copie de la Constitution.

Mme Harel: Vous êtes le spécialiste.

M. Rémillard: vous vous référez strictement à l'article 43, mais il y a l'article 41 aussi qui nécessite l'unanimité, qui est en cause. il n'y a pas simplement l'article 43 de la constitution de 1982. alors, j'attends un texte qui va avoir les mots exacts. mais, non, ce n'est pas si simple que ça. si c'était simple, on l'aurait réglé, je peux vous avouer.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre.

Mme Harel: Est-ce qu'il y a des choses qui sont simples à régler avec le fédéral?

M. Rémillard: Même si on était souverain, ce serait dans une souveraineté partagée, obligatoirement, et la complication nous arriverait aussi. Il n'y a rien de simple lorsqu'on doit vivre au niveau des États ou au niveau des individus avec les autres.

Mme Harel: Mais la Constitution ne nous serait pas imposée, sous contrainte, sans qu'on ne l'ait signée.

M. Rémillard: Je dois dire qu'elle ne nous serait pas imposée, mais les éléments...

Mme Harel: Parce qu'elle s'applique. La Constitution de 1982 s'applique, même si on ne l'a jamais signée?

M. Rémillard: Oui.

Le Président (m. gauvin): est-ce qu'il y a d'autres membres de la commission qui aimeraient faire des remarques préliminaires? mme la députée de terrebonne.

Mme Jocelyne Caron

Mme Caron: Merci, M. le Président. Je n'avais pas eu la chance d'examiner très attentivement le projet de loi 34. J'avoue que les commentaires de ma collègue de Hochelaga-Maisonneuve me suscitent beaucoup d'interrogations. Ce que j'avais comme information, c'est qu'au niveau de l'article 133 on nous parlait de textes de nature législative. Finalement, le projet de loi 34 étend la portée à tous les actes de nature législative. J'avoue que j'ai eu la même interrogation à l'effet que, si on étend, il faut vraiment être en mesure de livrer la marchandise. Sinon, on ouvre la porte à une série de conflits, et ça m'inquiète un petit peu. Le ministre nous dit que c'est la meilleure solution. Lorsqu'on nous fait part que, peut-être, on pourrait avoir entente avec le fédéral pour modifier cet article 133, ce serait peut-être une solution préférable.

Lorsque j'ai examiné le contenu du jugement qui a été rendu le 6 avril 1981, dans l'affaire Blaikie 2, la cour avait distingué trois catégories de règlements: les règlements adoptés par le gouvernement, les règlements adoptés par des organismes municipaux et scolaires et une troisième catégorie de règlements pour les autres organismes publics. On avait statue là-dessus. On avait précisé que les règlements des organismes scolaires ou municipaux étaient exclus de l'article 133, à moins qu'on ne spécifie qu'il faut une autorisation, pour certains des règlements, au niveau municipal ou scolaire, par le gouvernement du Québec. Pour ce qui a trait aux autres règlements, on avait retenu un critère. Celui-là, j'avoue que j'avais eu la chance de vérifier un petit peu là-dessus, lors de ma tournée avec les corporations professionnelles. Le critère qu'on avait retenu, c'est le contrôle gouvernemental. Donc, lorsque les règlements requéraient l'approbation du gouvernement, d'un ministre ou d'un groupe de ministres, c'était soumis à l'article 133. Lorsqu'il n'y avait pas approbation nécessaire du gouvernement, d'un ministre ou d'un groupe de ministres, on n'était pas soumis à l'approbation de l'article 133. Je pense que c'est ce critère qui a fait que les différentes corporations professionnelles qui avaient adopté des règlements, au début des années quatre-vingt, 1982 plus particulièrement, si ma mémoire est bonne, se sont vues dans l'obligation de refaire complètement ces règlements puisque ces règlements n'avaient pas été adoptés, n'avaient pas été écrits dans les deux langues, simplement en français. Est-ce que c'est pour répondre à cette obligation-là que ça avait été présenté?

M. Rémillard: Je ne pourrais pas vous dire, directement, mais il a fallu, évidemment, traduire en fonction de 133. Dans la mesure où c'est un acte législatif, il faut traduire. Alors, probablement, dans la mesure où on est arrivé à la conclusion que c'était un acte législatif, par le fait même, il fallait traduire dans les deux langues.

Mme Caron: Tous les règlements des corporations professionnelles devant être approuvés par l'Office des professions et par le ministre responsable de l'application des lois professionnelles, automatiquement, elles se retrouvaient soumises à ce critère. Avec le projet de loi 34, lorsqu'il y aura des règlements d'organismes municipaux, scolaires ou d'autres organismes publics, par exemple, les corporations professionnelles, s'il y a une réforme, et que le ministre allège la structure, comme il l'a laissé entendre, c'est-à-dire que les corporations professionnelles pourraient décréter certaines directives sans l'approbation du ministre, est-ce qu'à ce moment-là, ce serait soumis au même article?

M. Rémillard: II faudrait regarder en fonction des critères de la Cour suprême et le voir spécifiquement. Je ne pourrais pas vous répondre cas par cas, ce n'est pas possible, mais il faudrait regarder. C'est pour ça qu'on fait faire le projet de loi. C'est ça qui est la sécurité.

Mme Caron: oui, mais est-ce que vous maintenez l'obligation que, pour les autres organismes, c'est seulement s'il faut l'approbation du ministre, de plusieurs ministres ou du gouvernement?

M. Rémillard: Oui, et pour ce qui implique une norme de conduite. Il faut que ça implique une norme de conduite.

Mme Caron: Parce qu'un règlement, au niveau des corporations professionnelles...

M. Rémillard: C'est ça.

Mme Caron: ...ça implique une norme de conduite...

M. Rémillard: C'est pour ça que je ne peux pas vous donner d'opinion sur un cas en particulier, les normes sont là. Qu'est-ce que vous voulez, on fait juste prendre les normes de la Cour suprême. Avez-vous regardé?

Mme Harel: Oui, c'est intéressant. M. Rémillard: Oui, puis?

Mme Harel: En fait, c'est tiré du «Droit constitutionnel», deuxième édition...

M. Rémillard: Oui.

Mme Harel: ...de Henri Brun et Guy Tremblay, à la page 223, et ça porte sur l'article 43. Je vous lis ceci: «L'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 énonce que les dispositions de la Constitution du Canada applicables à certaines provinces seulement ne peuvent être modifiées que par résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et de l'Assemblée législative de chaque province concernée. La portée de ce troisième pouvoir constituant est loin d'être évidente, mais il faut tenir pour acquis qu'il ne permet aucunement à une province de se définir de gré à gré avec le fédéral une sorte de statut particulier: le texte ne vise que les dispositions existantes de la Constitution du Canada et il n'est pas nécessaire d'aller au-delà de cela pour lui donner son sens.»

Donc, 43 s'applique à certaines dispositions existantes, et on nous donne des exemples. «Pour aider à comprendre ce qu'il signifie, l'article 43 donne deux exemples. Il dit gouverner les changements de tracés des frontières interprovinciales et le bilinguisme dans les provinces.» Il donne l'exemple pour les changements de tracés des frontières et, en ce qui regarde le bilinguisme provincial, l'article 43 vise l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 pour le Québec. Donc, 133 est un exemple de l'application de l'amendement par le fédéral et chaque province concernée, permis par l'article 43.

M. Rémillard: Ce n'est pas si évident que ça parce que nos éminents...

Mme Harel: Je me fie à votre interprétation, là.

M. Rémillard: Mes éminents collègues - parce que je suis toujours un professeur en congé sans solde, vous remarquerez, mais un profssseur de droit. Donc, ce sont mes collègues, Brun et Tremblay, d'éminents constitutionnalistes - qui expriment donc, au départ, comme vous l'avez lu, des réserves.

Le problème que ça soulève, c'est ceci. Dans l'article 41, vous avez donc les sujets qui doivent être changés à l'unanimité, et dans cet article 41, ça inclut aussi l'utilisation de la langue française ou anglaise, sous réserve de l'article 43. Or, l'article 43 mentionne que c'est des dispositions qui sont spécifiques seulement à une province. L'article 133 se retrouve aussi au Manitoba, donc, ce ne serait pas spécifique au Québec. Alors, là, il y a des discussions d'au- teurs. Je ne donnerai pas d'opinion juridique, M. le Président, on se comprend bien. Je suis sur le bord, là, je pense, hein? C'est-à-dire... (22 heures)

Mme Harel: Juste une seconde, M. le Président.

M. Rémillard: Oui.

Mme Harel: C'est intéressant parce que l'article 133 ne s'applique que pour le Québec. On fait référence à l'article 23 de la Loi de 1870 sur le Manitoba. Et dans, si vous voulez, le dispositif général, on parle d'un amendement par le fédéral et chaque province concernée; ensuite, on parle d'un amendement à l'unanimité du fédéral et des provinces, et d'un amendement par le fédéral et cette province. Et on ne fait référence à l'article 133 que dans le cadre de l'amendement par le fédéral et chaque province concernée dans le cadre de l'application de l'article 43.

M. Rémillard: Cependant, M. le Président, sans donner d'avis juridique, je dois dire que l'article 133 qui a été fait en 1867... Par la suite, le Manitoba est venu se joindre, plus tard, comme on le sait, et ils ont eu l'article 23 de leur Constitution d'entrée dans la Fédération canadienne qui était, d'une façon générale, de la même teneur. Alors, dans ce contexte-là, il y a des discussions qui ont lieu entre les juristes. Sans donner d'opinion juridique, M. le Président, ce que je pourrais conclure, avec mes collègues Brun et Tremblay, c'est que c'est une disposition qui est loin d'être sûre et certaine dans son application.

Mme Harel: M. le Président, je ne voudrais pas, là, que des collègues savants, les savants collègues du ministre de la Justice aient l'impression que je les ai mal cités, si tant est que c'est la conclusion à laquelle en arrive le ministre suite à la lecture que j'en ai faite. Parce que je ne voudrais pas être, d'aucune façon, partie prenante à cette conclusion-là. Je ne pense pas que c'est à cette conclusion qu'en arrivent les professeurs Brun et Tremblay.

Le Président (M. Gauvin): C'est justement le danger que je voulais vous faire remarquer et dans lequel on est embarqués au niveau de ce débat. Donc, il faudrait éviter de poser des questions pour inviter le ministre à émettre des avis professionnels ou juridiques.

M. Rémillard: Et au ministre d'éviter de répondre à ces questions. Je vous ai compris, M. le Président.

Le Président (M. Gauvin): J'aimerais qu'on se reporte plutôt au projet de loi 34. Je pense qu'il y a plusieurs questions, pour éclairer les

membres de la commission, qui sont acceptables. Mais, autant que possible, revenir dans le cadre du projet de loi 34.

M. Rémillard: C'est qu'on me soulève des questions tellement passionnantes de droit constitutionnel que j'ai de la difficulté à me retenir. Je m'en excuse, je ne le ferai plus, M. le Président.

Mme Harel: C'est que, M. le Président, la question est de savoir si c'est par la voie législative, comme celle qui nous est proposée, qu'il était le plus judicieux de procéder ou par la voie de la négociation pour obtenir un amendement de concert avec le fédéral et le Québec qui est concerné.

Le Président (M. Gauvin): Donc, est-ce que ça complète les remarques préliminaires, M. le ministre, Mme la députée, membres de la commission? Je vous questionnais, à savoir si ça complétait les remarques préliminaires, ou si vous avez des choses à ajouter, M. le ministre.

Mme Harel: Merci.

M. Rémillard: Je n'ai rien à ajouter, M. le Président.

Étude détaillée

Le Président (M. Gauvin): est-ce que les membres de la commission sont prêts à prendre connaissance de l'article 1? donc, j'appelle l'article 1, m. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, le nouveau titre remplace la référence au seul arrêt du 13 décembre 1979 par la référence à plusieurs jugements de la Cour suprême. Par ailleurs, l'expression «actes de nature législative» est ajoutée.

Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, étant donné que le projet de loi ne compte que quatre articles et étant donné la portée qu'il peut avoir, je vous demanderais d'en faire lecture article par article.

Le Président (M. Gauvin): On vous invite, M. le ministre, avec votre accord, à nous présenter les quatre articles, comme suggéré...

Mme Harel: C'est-à-dire, faire la lecture des articles avant que nous les examinions.

Le Président (M. Gauvin): Oui, c'est ça.

M. Rémillard: Alors, donc, je reprends, M. le Président.

Le Président (M. Gauvin): Présentez à la commission les quatre articles, ensuite on pourra revenir à l'article 1 pour échanger.

M. Rémillard: M. le Président, l'article 1 se lit comme suit: Le titre de la Loi concernant un jugement rendu par la Cour suprême du Canada le 13 décembre 1979 sur la langue de la législation et de la justice au Québec, (L.R.Q., chapitre J-1.1), est remplacé par le suivant: - et je cite - «Loi concernant des jugements rendus par la Cour suprême du Canada sur la langue des lois et d'autres actes de nature législative».

Suivent, M. le Président, les commentaires que j'ai lus tout à l'heure.

Le Président (M. Gauvin): Est-ce que vous avez certains questionnements, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, au sujet de l'article 1?

Mme Harel: Alors, je comprends donc que c'est à cet article qu'on retrouve l'élargissement de l'application de la portée du bilinguisme, en fait, puisque la Loi concernant un jugement rendu par la Cour suprême du Canada le 13 décembre 1979 sur la langue de la législation et de la justice au Québec contenait la définition sur la langue de la législation et de la justice. Et là, avec le projet de loi 34, on lirait «sur la langue des lois et d'autres actes de nature législative». Alors, nous allons voter sur division sur cet article.

Le Président (M. Gauvin): Alors, l'article... Mme Harel: M. le Président...

Le Président (M. Gauvin): Oui. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Lorsque nous avons abordé les remarques préliminaires tantôt, le ministre semblait limiter ma question à un point précis et ne voulait pas se prononcer sur un cas en particulier. Mais je pense que ce n'est pas un cas en particulier, parce qu'on va se retrouver avec le problème, puis très bientôt, au niveau des corporations professionnelles. La réforme va amener un allégement, un assouplissement et des décisions, des règlements qui vont être adoptés par les corporations professionnelles sans l'autorisation ou l'approbation du ministre ou de l'Office des professions. Je m'inquiète, à savoir si ces règlements-là devront être couverts, si on va les considérer comme des actes de nature législative. Et ce n'est pas un cas en particulier, là; nous allons nous retrouver avec plusieurs règlements qui vont être adoptés par les 41 corporations professionnelles qui existent au Québec. La réforme est faite dans ce but,

justement, d'alléger la structure, de permettre d'améliorer aussi... de diminuer la bureaucratie, la lenteur administrative - on sait à quel point c'est long, les demandes qui sont présentées au niveau de l'Office des professions - et le ministre s'est engagé à assouplir ces règlements. Donc, une partie des règlements ne seront plus soumis à l'approbation du ministre ou de l'Office. Donc, est-ce qu'ils seront considérés comme des actes de nature législative quand même? Et est-ce qu'ils devront être, eux aussi, traduits? À ce moment-là, puisque ça ne relèvera pas du ministère ni de l'Office des professions, ce sera à la charge, aux frais des corporations professionnelles, ce qui signifie des coûts additionnels. J'avoue que je me pose sérieusement la question, puisque nous devrions avoir l'avant-projet de loi d'ici à la fin de la semaine.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Déjà, les corporations professionnelles traduisent leurs règlements - ça existe déjà - et elles sont toujours soumises, elles vont toujours demeurer soumises à la Loi sur les règlements. Par conséquent, sans donner d'opinion juridique, on ne voit pas de changement.

Mme Caron: Les corporations professionnelles ont été obligées de le faire suite au jugement qui avait été rendu, parce qu'on a considéré qu'elles faisaient partie, comme on le citait tantôt, d'un organisme qui était sous le contrôle gouvernemental. Mais, si le ministre décide d'alléger la structure et que certains règlements ne seront plus sous son approbation, est-ce que ça maintient l'obligation?

M. Rémillard: M. le Président, je peux simplement parler pour la situation qui existe maintenant. Je ne pourrais pas parler pour la situation qui pourrait éventuellement exister. Mais la loi n'est pas encore faite. Et je ne pourrais pas donner d'opinion juridique. On verra quand ça va se présenter.

Mme Caron: C'est supposé être une loi de prévention, le ministre l'a dit lui-même au début de ses remarques préliminaires. Comme on sait qu'il y a un dépôt imminent, je pense que c'est de la prévention à très, très court terme.

M. Rémillard: M. le Président, la loi est là pour encadrer toutes ces actions et, au fur et à mesure, les légistes et, en plus, les conseillers juridiques dans tous les ministères et les corporations professionnelles sont là pour y veiller. Alors, on va voir à tout ça. Ils sont soumis à la loi...

Le Président (M. Gauvin): Ce que j'ai retenu, c'est que les membres de la commission étaient disposés à adopter l'article 1 sur division. (22 h 10)

Mme Harel: M. le Président, lorsqu'il y a une délégation de pouvoirs, par exemple, comme c'est le cas avec le Collège des médecins qui détient, je crois, notamment, même le pouvoir de poursuivre, ce qui est très exceptionnel, le pouvoir en vertu d'un dispositif... Je me rappelle le cas de ce biologiste de Sherbrooke, Naessens, qui a été l'objet d'une poursuite du Collège des médecins. C'est vraiment très exceptionnel. Alors, ça signifie donc que le Collège des médecins a, par délégation, des pouvoirs de la nature d'un pouvoir normatif, évidemment, et serait donc assujetti à l'obligation de traduction.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, là encore, sans donner d'opinion juridique, ce sera des cas qui seront étudiés par les légistes. Simplement, ce que je peux dire là-dessus, on sait que les corporations professionnelles ont la possibilité de faire respecter leurs règlements, mais leurs règlements qui déterminent la pratique. Quand c'est une pratique illégale, la Corporation des médecins peut poursuivre pour pratique illégale. Mais déterminer quand c'est une pratique légale ou illégale, ça peut correspondre soit à une loi, soit à un règlement, et ça, c'est soumis à l'article 133. Par conséquent, il en découle les conséquences qu'on connaît.

Le Président (M. Gauvin): J'appelle à nouveau l'article 1. Est-ce qu'il est adopté sur division?

Mme Harel: Sur division.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre, j'appelle l'article 2.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. L'article 2 se lit comme suit: Le préambule de cette loi est modifié par l'addition, après le troisième alinéa, du suivant: «Considérant que cette même cour a, dans deux autres jugements, soit ceux rendus le 6 avril 1981 dans la cause du Procureur général de la province de Québec c. Peter Blaikie et autres et le 27 février 1992 dans la cause du Procureur général du Québec c. Albert Sinclair et autres, précisé la portée de l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 en ce qui concerne certains textes d'application des lois».

M. le Président, le préambule est modifié afin d'ajouter un nouvel alinéa qui vient préciser à quel jugement, outre celui du 13 décembre 1979, le titre fait référence. Ces deux arrêts sont Blaikie 2 et Sinclair dans l'affaire Rouyn-Noranda.

Mme Harel: Pourquoi y a-t-il nécessité d'un

préambule, M. le Président?

M. Rémillard: Parce qu'on faisait les lois, à ce moment-là, avec des préambules. C'était une technique législative. Maintenant, on n'en fait plus, de préambules. Moi, je vous avoue quand même que les préambules, je trouve ça intéressant. Mais, à un moment donné, il est arrivé des techniques législatives et on a dit: On ne fait plus de préambules aux lois. Une loi commence par son article 1; elle se termine par son dernier article. Mais, dans les années soixante-dix, on faisait des préambules aux lois. C'était pour exprimer l'intention du législateur. C'étaient des questions de technique de législation.

Mme Harel: Et pourquoi l'a-t-on maintenu, en l'occurrence là, puisqu'on aurait pu le faire disparaître à l'occasion de la révision de la loi?

M. Rémillard: Oui. C'est parce que ça nous permet dans certaines lois, comme dans celle-ci, par exemple, de bien voir l'intention du législateur. Par exemple, il y a des projets de loi que, Mme la députée me permettra de souligner, on vient de faire et qui ont... On fête aujourd'hui le premier anniversaire de la loi 150. La loi 150 a un préambule.

Mme Harel: C'est juste.

M. Rémillard: Un long préambule.

Mme Harel: En parlant, justement, d'intention du législateur, est-ce que le ministre a toujours l'intention de déposer les commentaires de la réforme du Code civil avant que nous terminions la présente session?

M. Rémillard: J'ai vérifié ça avec mes juristes, et il y a encore du travail, beaucoup trop de travail à faire. Je pense que ça va aller à l'automne. Je ne voudrais pas brusquer les choses. Je crois que ça va aller à l'automne, parce qu'il y a de la consultation avec les experts à faire. Ça demande beaucoup de travail. Alors, probablement que ça va aller plus à l'automne.

Mme Harel: C'est donc dire que la consultation, par exemple, avec l'Opposition se tiendrait à l'automne.

M. Rémillard: non. on commence ces jours-ci, pendant l'été. je croyais qu'on avait pris contact avec votre bureau. peut-être que ça n'a pas encore été fait.

Mme Harel: C'est-à-dire qu'on pensait que ça se ferait après qu'il y eut eu dépôt. Là, vous nous dites...

M. Rémillard: J'aimerais mieux le faire avant. Lorsqu'on le déposera, c'est parce qu'on sera tous arrivés à la conclusion que c'est vraiment les commentaires qu'on veut déposer. Alors, dans les prochains jours.

Mme Harel: On me dit qu'il y a un document de travail qui circule dans les milieux juridiques et portant sur la loi d'application. Est-ce qu'il y a déjà des consultations qui ont débuté sur la loi d'application et la révision du Code de procédure civile?

M. Rémillard: Non, pas officiellement, mais on a...

(Consultation)

M. Rémillard: Alors, il y a eu, de fait, un avant-projet qui a été soumis au Barreau et à la Chambre des notaires, je crois. Maintenant, l'intention qu'on aurait serait de déposer un avant-projet... un projet, pas un avant-projet mais un projet, avant la fin de la session et, ensuite, avant de procéder article par article, on fera une commission parlementaire, et ça pourra être étudié.

Mme Harel: Le dépôt d'un avant-projet de loi d'application...

M. Rémillard: On essaie de le faire, si on va pouvoir le réaliser. On essaie de le faire. Si je ne pouvais pas le faire, je vous enverrai copie du...

Mme Harel: Du document. M. Rémillard: Avec les experts.

Mme Harel: Concernant la réforme des tribunaux administratifs, avez-vous toujours l'intention de la déposer d'ici la fin de la présente session?

M. Rémillard: Excusez-moi, c'est parce qu'on me parle...

Mme Harel: La réforme des tribunaux administratifs, avez-vous toujours l'intention de la déposer d'ici à la fin de la présente session?

M. Rémillard: Oui, ça fait beaucoup de choses à faire d'ici à la fin de la présente session. C'est un petit peu difficile, mais j'aimerais que tout ce qui implique du travail pendant l'été puisse au moins être déposé. Alors, ça veut dire, entre autres, les commentaires. Les commentaires, il faut qu'on travaille pendant tout l'été. Alors, les mandats pour les experts de l'Opposition, entre autres, doivent être faits dans les prochains jours. Peut-être qu'on ne les déposera pas. Probablement qu'on ne les déposera pas, ça va aller à l'automne...

Mme Harel: Oui.

M. Rémillard: ...mais, tout l'été, on va travailler là-dessus. Ensuite, en ce qui regarde la loi d'application, ce serait peut-être mieux de prendre aussi le moyen de faire des consultations et d'arriver à l'automne avec tout de suite une commission parlementaire et entendre... La loi d'application mérite, je pense, qu'on entende aussi les principaux intervenants, ce qui veut dire que ça pourrait demander aussi un certain travail. Alors, c'est ça qu'on est en train de voir.

Mme Harel: Et les tribunaux administratifs.

M. Rémillard: Les tribunaux administratifs, c'est toujours en bonne discussion. Je viens d'avoir encore une autre discussion avec les interventants. Ce n'est toujours pas facile, mais les principes ont été acceptés par le Conseil des ministres. Alors, je continue à y travailler ardemment.

Mme Harel: Donc, il n'y a pas d'engagement à ce qu'il y ait dépôt avant la fin de la session.

M. Rémillard: II y a un engagement à procéder le plus rapidement possible.

Mme Harel: Je me garde la question pour jeudi, à la période de questions.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rémillard: Je crois que c'est une très bonne question.

Le Président (M. Gauvin): Est-ce que l'article...

Mme Caron: M. le Président, puisque nous sommes à l'information sur les travaux, est-ce que le ministre a l'intention d'appeler le projet de loi 11 qui n'a toujours pas été appelé?

M. Rémillard: C'est quoi, 11?

Mme Harel: Sur la protection du consommateur.

Mme Caron: L'engagement volontaire.

M. Rémillard: Ah! l'engagement volontaire. Mais oui! On a eu un petit problème. On a eu un petit problème au point de vue organisation des travaux, je pense. J'aimerais bien pouvoir l'appeler, mais on me dit qu'on avait des problèmes à ce niveau-là. On est prêt. Je suis prêt à ce niveau-là. Je ne sais pas s'il y avait des problèmes du côté de l'Opposition? Je pense qu'il n'y avait pas de difficulté.

Mme Caron: II y avait certains problèmes, oui, effectivement.

M. Rémillard: Oui? mais pas des choses majeures.

Mme Caron: Ça ne répondait absolument pas à la demande de l'Opposition, le ministre le sait très bien. Et, du côté de la loi 133 qui a été adoptée l'an dernier, il y a bientôt un an - il n'y a pas seulement la loi 150 qui a été adoptée l'an dernier - il n'y a toujours pas de mise en vigueur.

M. Rémillard: C'est quoi, 133?

Mme Caron: La location des biens à long terme.

M. Rémillard: Excusez-moi. 133, on parle de l'article 133, de la loi 133... Vous savez...

Mme Caron: La location. M. Rémillard: Pardon? Mme Caron: La location.

M. Rémillard: Ah! c'était la location? C'est des questions de technique qui nous amènent à retarder un petit peu. Mais, dès que, matériellement, ça va être possible, on va le faire.

Mme Caron: Ça fait un an, hein? M. Rémillard: Oui.

Le Président (M. Gauvin): mme la député de terrebonne et m. le ministre, on aurait avantage aussi à revenir à l'article 2. je ne voudrais pas me faire pressant.

M. Rémillard: Vous avez raison. Je sais que vous ne voulez pas nous presser, M. le Président; nous ne sommes pas de vulgaires citrons. Mais il reste quand même que les questions étaient importantes, et c'est une question de technicalité pour l'application, qui n'est pas encore au point.

Mme Caron: O.K. Merci.

Le Président (M. Gauvin): Est-ce que l'article 2 est adopté?

Mme Harel: Attendez, M. le Président. Est-ce qu'on a lu l'article... C'est le préambule, oui. Oui.

Le Président (M. Gauvin): Adopté?

Mme Harel: Adopté.

Le Président (M. Gauvin): J'appelle l'article

3, M. le ministre. (22 h 20)

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Les articles 2 et 3 de cette loi sont remplacés par les suivants: «2. Le gouvernement peut, par un ou plusieurs règlements, remplacer par référence générale, sans modification, tous les règlements et les autres actes de nature législative dont le texte français et la version anglaise ont été publiés à la Gazette officielle du Québec. Chaque acte auquel un tel règlement réfère demeure néanmoins un acte de l'autorité habilitée à le prendre, à le délivrer ou à le publier, selon ce que prévoit la loi qui l'autorise. «Un règlement pris en vertu du premier alinéa n'est pas assujetti à la Loi sur les règlements (L.R.Q., chapitre R-18.1). Il entre en vigueur le jour de sa publication à la Gazette officielle du Québec, mais chacune des dispositions des actes auxquels il réfère a effet à la même date que celle prévue pour la disposition correspondante des actes remplacés.»

M. le Président, la modification essentielle de cet article réside dans l'ajout de l'expression «actes de nature législative». Les autres modifications visent l'harmonisation du texte ainsi que son actualisation comme, par exemple, la référence à la Loi sur les règlements qui fut adoptée en 1986.

Mme Harel: La portée de cet article-là, M. le Président, c'est donc de faire en sorte que le gouvernement n'ait pas besoin de publier le texte au complet, mais simplement d'en faire référence dans la Gazette officielle pour qu'il tienne lieu de publication. C'est ça que je comprends? Nous aurions voté en faveur de cette disposition si elle n'avait pas été aussi large, et c'est vraiment l'ajout des mots «autres actes de nature législative» qui va nous amener à voter sur division cet article.

Le Président (M. Lafrance): Donc, adopté sur division. J'appelle l'article 4.

M. Rémillard: «La présente loi entre en vigueur le.»

Alors, M. le Président, cette loi doit entrer en vigueur le jour de sa sanction.

Mme Harel: M. le Président, je pense que...

Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Nous nous demandions si l'article 3 avait bien été adopté, l'article 3 du projet de loi 34 qui se réfère aux articles 2 et 3 de la loi qui est révisée, et je comprends que oui.

Le Président (M. Lafrance): C'est exact. Je pense que M. le ministre avait lu les deux paragraphes. Non?

M. Rémillard: Ah! Si Mme la députée de Terrebonne dit que je ne l'ai pas lu, c'est que je ne l'ai pas lu, M. le Président, parce que je vous vois à la présidence, je vois Mme la députée de Terrebonne, et que de souvenirs!

Le Président (M. Lafrance): Ça vous rappelle des souvenirs.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rémillard: Que de souvenirs! Alors, je vais le lire. Je ne prendrai pas de chances.

Le Président (M. Lafrance): Nous allons donc rouvrir l'article 3.

M. Rémillard: «Dans le cas d'un règlement ou d'un autre acte de nature législative, qui devait être publié en français et en anglais et ne l'a pas été, l'autorité habilitée à le prendre, à le délivrer ou à le publier, suivant le cas, peut le remplacer par un texte qui le reproduit, sans modification, cette fois en français et en anglais. Une fois le texte publié à la Gazette officielle du Québec, chacune de ses dispositions peut avoir effet à la même date que celle prévue pour la disposition correspondante de l'acte remplacé. «Malgré toute disposition contraire, nul affichage, avis, prépublication, approbation ou consultation n'est requis.»

M. le Président, tout comme à l'article 2, la modification essentielle de cet article réside dans l'ajout de l'expression «acte de nature législative». Les autres modifications visent l'harmonisation du texte ainsi que son actualisation.

Mme Harel: II faut comprendre que ça ne vaut pas que pour le passé, cette disposition-là. Elle vaut pour l'avenir également. Dorénavant, s'il y avait contestation du fait qu'un règlement ou un autre acte de nature législative, qui devait être publié, qui devait être traduit, ne l'ait pas été, il suffira d'utiliser ce paragraphe pour publier la référence dans la Gazette officielle pour pouvoir, ainsi, rendre valide le texte. C'est ça qu'il faut comprendre?

M. Rémillard: dans l'avenir, il faut le reprendre. dans le passé, c'est une mesure rétroactive. mais, dans le futur, il faut le reprendre.

Mme Harel: II faudra qu'il soit traduit dans les deux langues.

M. Rémillard: Dans les deux langues.

Mme Harel: Pour des règlements qui seront adoptés à partir de la mise en vigueur.

M. Rémillard: C'est ça, de la loi.

Mme Harel: Mais, pour les règlements adoptés antérieurement, s'ils font l'objet d'une contestation? C'est ça qu'il faut comprendre.

M. Rémillard: II faut les reprendre.

Mme Harel: ii faut les reprendre. s'ils ne font pas l'objet d'une contestation, vous n'allez pas tous les référer dans la gazette officielle?

M. Rémillard: Pas nécessairement.

Mme Harel: Quand vous dites «peut le remplacer par un texte qui le reproduit, sans modification, cette fois en français et en anglais», ce n'est pas la technique de la référence, parce que, en fait, dans le paragraphe 2, il suffisait, non pas de publier le texte au complet, mais seulement d'en faire une référence spécifique. C'est ça que j'avais compris. Tandis qu'avec le paragraphe 3, vous le publiez au complet dans la traduction.

M. Rémillard: Avec le «peut».

Le Président (M. Lafrance): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires sur cet article 3?

Mme Harel: C'est toujours sur division.

Le Président (M. Lafrance): C'est sur division. Alors, l'article 3 est donc adopté sur division. J'appelle l'article 4.

M. Rémillard: m. le président, je l'ai lu tout à l'heure, l'article 4. c'est la mise en application de la loi, qui entrera en vigueur au moment de la sanction de la loi.

Le Président (M. Lafrance): S'il n'y a pas d'autres commentaires, l'article 4 est adopté.

J'appelle donc le titre du projet de loi. Le titre du projet de loi est donc adopté.

Mme Harel: M. le Président. Le Président (M. Lafrance): Oui.

Mme Harel: Le titre du projet de loi, c'est donc «Loi modifiant la Loi concernant un jugement rendu par la Cour suprême du Canada le 13 décembre 1979 sur la langue de la législation et de la justice au Québec...

Le Président (M. Lafrance): C'est exact. Mme Harel:... ou tel que modifié?

Le Président (M. Lafrance): Est-ce qu'on l'a modifié?

Une voix: Tel que modifié. On l'a modifié à l'article 1.

M. Rémillard: Non, c'est comme ça...

Mme Harel: II a été modifié à l'article 1, le titre. Alors, si c'est le titre tel que modifié, ce sera sur division.

Le Président (M. Lafrance): On m'informe que c'est le titre de la loi refondue qui a été changé et non pas le titre de l'actuel projet de loi 34.

Mme Harel: Donc, le projet de loi 34 reste avec un titre différent de la loi qui est refondue.

M. Rémillard: C'est ça.

Le Président (M. Lafrance): C'est exact.

Mme Harel: Bon. Alors, tel que libellé, le projet de loi 34 nous convient. On va voter en faveur.

Le Président (M. Lafrance): D'accord. Alors, le titre du projet de loi 34 est donc adopté. Je mets donc aux voix l'ensemble du projet de loi, le projet de loi 34...

Mme Harel: Sur division.

Le Président (M. Lafrance):... qui est donc adopté sur division.

Le Président (M. Gauvin): Nous allons suspendre nos travaux pour une minute ou deux et revenir au prochain projet de loi.

M. Rémillard: m. le président, peut-être qu'on aurait besoin de... j'aurais des amendements que j'aimerais peut-être discuter informel-lement. est-ce qu'il y a possibilité de bénéficier de 5 à 10 minutes?

Le Président (M. Gauvin): Oui. On vous accorde 5 à 10 minutes, dans les faits. On reviendra avec le projet de loi 14.

(Suspension de la séance à 22 h 29)

(Reprise à 22 h 46)

Projet de loi 14

Le Président (M. Gauvin): La commission reprend effectivement ses travaux. Le mandat, à ce moment-ci, est de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 14, Loi modifiant le Code de procédure civile concernant la médiation familiale. J'inviterais M. le ministre, si vous avez des remarques préliminaires au projet de loi 14.

Remarques préliminaires M. Gil Rémillard

M. Rémillard: Alors, M. le Président, le projet de loi 14 prévoit des modifications au Code de procédure civile de manière à permettre au tribunal d'ordonner, à tout moment de l'instruction d'une demande, l'ajournement de l'instruction et le renvoi des parties au Service de médiation ou à un médiateur accrédité. Le type de médiation proposé porterait sur les questions de garde des enfants, des droits de visite et de sortie, de fixation de la pension alimentaire ou de partage du patrimoine familial. Le Service pourrait être offert aux couples mariés avec ou sans enfants ou aux couples non mariés avec enfants. La médiation familiale serait de type fermé, c'est-à-dire que le médiateur, dans son rapport à la cour, ne fera pas état des discussions tenues lors des séances de médiation, respectant ainsi la confidentialité des discussions. Ce projet de loi s'inscrit dans le cadre d'un engagement pris lors du Sommet de la justice à l'effet d'implanter les services de médiation familiale sur l'ensemble du territoire du Québec. Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Gauvin): merci, M. le ministre. Mme la députée de hochelaga-maisonneuve, toujours au niveau des remarques préliminaires.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Je vous remercie, M. le Président. Depuis le débat en deuxième lecture, bien des groupes ont fait connaître leur point de vue, M. le Président, sur le projet de loi 14, et je souhaiterais, ce soir, que nous puissions examiner de plus près ce que la Fédération des associations des familles monoparentales du Québec, la Fédération des unions de familles, l'Organisation pour la sauvegarde des droits des enfants, l'Association des centres de services sociaux du Québec et la Chambre des notaires du Québec ont fait connaître comme position commune et publique dans le courant de la semaine passée. Le ministre a certainement pris connaissance de la position diffusée le 10 juin et qui portait le titre suivant: «Le projet de loi sur la médiation familiale ne répond pas aux besoins des couples voulant mettre fin à leur union.» L'ensemble des organismes que je viens de citer, M. le Président, par l'intermédiaire de leur président ou présidente, ont fait connaître une position commune, position manifestant une inquiétude, et je les cite.

«Le projet de loi 14 sur la médiation familiale nous inquiète grandement, car il ne répond pas aux besoins et aux attentes des couples québécois voulant mettre fin à leur union.» La coalition ajoute: «Nous estimons toutefois que le projet de loi 14 vise à régler exclusivement des problèmes administratifs du système judiciaire. Nous reconnaissons, disent-ils, les aspects positifs du processus de médiation familiale global et multidisciplinaire proposé dans le projet de loi du ministre Rémillard. Par contre, nous sommes d'avis qu'il est beaucoup plus important d'encourager la médiation volontaire, c'est-à-dire celle que choisissent les couples avant de s'engager dans des procédures judiciaires. La rupture des liens conjugaux s'effectue bien souvent dans une dynamique conflictuelle. Les questions de garde, de droit de visite, de pension alimentaire, de partage de biens demeurent et demeureront toujours litigieuses, pour ne pas dire dramatiques, d'où l'importance d'une médiation familiale globale gratuite et disponible à l'ensemble du Québec dès la rupture du couple.» (22 h 50)

Et, à l'égard des dispositions qui sont spécifiquement proposées dans le projet de loi 14, la coalition réagit comme ceci: «Nous considérons que des services de médiation qui seraient offerts seulement aux parties référées sur ordonnance du tribunal dans une cause contestée ne respecteraient aucunement l'esprit et l'orientation stratégique du deuxième plan sur la politique familiale du gouvernement en matière de prévention.»

Alors, cette position qui a fait l'objet de communiqué de presse et qui a fait l'objet de publication dans les médias, le ministre a certainement pris connaissance des titres publiés la semaine dernière, et j'en cite quelques-uns: «Médiation familiale: tollé contre le projet de loi 14»; «Divorce: projet de loi contesté». Cette position venait, dans le fond, s'ajouter à celle déjà connue un peu plus tôt, dans les jours qui avaient précédé, soit du Comité Action famille de Sherbrooke, qui, dans une lettre adressée au ministre de la Justice, faisait valoir qu'il fallait éviter de situer les services de médiation dans un contexte adversaire et qu'il était inacceptable, et je cite, «que l'accessibilité aux services gratuits de médiation doive nécessiter une ordonnance du tribunal.»

M. le Président, finalement, les voix qui se sont élevées dans la société québécoise suite à l'examen, en deuxième lecture, du projet de loi 14 ont été des voix qui ont réclamé des modifications majeures, à défaut de quoi je crois que les parties préfèrent que le projet de loi ne soit pas adopté. J'ai pris connaissance de l'ensemble des interventions qui ont été soumises au ministre de la Justice, notamment de l'Association des centres de services sociaux du Québec qui, déjà, il y a deux mois, avait fait connaître au ministre Rémillard ainsi qu'à ses collègues, la ministre déléguée à la Condition féminine et le ministre de la Santé et des Services sociaux, son point de vue. Et le point de vue de l'Association des centres de services sociaux, rédigé par son

président, M. Denis Plamondon, est à l'effet qu'il aurait été préférable, et je cite, «que les services de médiation à la famille soient également offerts à des parents avec enfants, sur une base volontaire, et qui auraient pu être référés soit par un CLSC ou soit par la Protection de la jeunesse.» Le Centre de services sociaux de Montréal, et de l'ensemble du Québec - enfin, il s'agit de l'Association des centres de services sociaux du Québec - considère néfaste - en fait, je ne pense pas trahir leur position - d'offrir aux couples en instance de rupture... de n'offrir qu'à ceux qui ont enregistré leur désaccord devant un juge et qui seront référés par le tribunal... Et le point de vue des services sociaux, c'est que les services de médiation, connaissant des taux de succès impressionnants, compte tenu du degré de détérioration au niveau du couple et de la relation parent-enfant, c'est que ce Service de médiation puisse être offert sur une base volontaire.

J'avais pris connaissance également de la position de la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec, qui, au début du mois de juin, avait fait parvenir au sous-ministre de la Justice le point de vue de la Corporation professionnelle. Je sais que ma collègue en parlera. Je veux simplement me référer à leur proposition. Je crois me rappeler que la Corporation souhaitait un amendement au projet de loi pour qu'on y introduise une «priorisation» pour les références du tribunal et non l'exclusion du Service de médiation qu'aux cas d'ordonnance du tribunal. C'est, finalement, une sorte de renversement, tout en laissant, malgré tout, l'initiative au ministre d'allouer les budgets ou d'obtenir les budgets nécessaires à un élargissement du Service de médiation.

Je sais que, dans le projet de loi - on aura l'occasion d'y revenir lors de l'étude article par article - «le ministre de la Justice détermine, s'il y a lieu, par arrêté, à quelles autres fins que celles visées à l'article 815.2.1 peut être utilisé le Service de médiation de la Cour supérieure». C'est donc une ouverture, sur papier du moins, à un élargissement du Service de médiation, un élargissement autre que simplement aux ordonnances. C'est ce que je comprends; on verra quand on fera l'examen article par article.

Donc, il y a déjà, dans le projet de loi 14, les éléments qui pourraient permettre au ministre de donner satisfaction aux arguments fondés, je pense, par des personnes en autorité, dans le sens que ce sont des personnes qui représentent presque un point de vue d'experts, un point de vue d'experts des relations familiales. Ce ne sont peut-être pas des professionnels - je pense à la Fédération des unions de familles ou à la Fédération des associations des familles monoparentales - mais ce sont certainement des experts dans le domaine de la famille.

Je retrouvais le souhait formulé par divers organismes de l'accessibilité à ces services aux couples dont la cause n'est pas contestée et qui désirent volontairement y référer. Compte tenu du réalisme dont font preuve bon nombre de ces organismes, ils prenaient soin d'ajouter que, selon la disponibilité du personnel, il serait possible d'établir une «priorisation» des clientèles volontaires, et divers scénarios ont été proposés.

Je crois d'ailleurs, si je peux le retrouver, M. le Président, il y a une formule qui m'ap-paraissait fort intéressante. J'aurai sûrement l'occasion d'y revenir. Oui, c'est bien ça. On retrouve, d'ailleurs, cette formule dans le point de vue de la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec. M. le Président, je lis la lettre qu'ils faisaient parvenir au sous-ministre de la Justice: «Afin de pallier partiellement aux impacts d'une telle orientation, la Corporation propose un amendement à l'effet que la priorité soit donnée aux références venant du tribunal. Ainsi formulé, le projet de loi ouvrirait la possibilité d'offrir également des services de médiation à une clientèle volontaire et de poursuivre le travail préventif qui se fait à Montréal depuis 1981 et à Québec depuis 1984.» En d'autres termes, on pourrait prévoir qu'il y ait priorité aux références du tribunal, mais que cette priorité aux références du tribunal n'empêche pas d'ouvrir la possibilité d'un service de médiation à une clientèle volontaire. (23 heures)

M. le Président, finalement, là où il y a vraiment un blocage complet, c'est dans le cadre d'un scénario où la médiation est exclusivement offerte dans les cas des causes contestées seulement suite à une ordonnance du tribunal. Je sais qu'il y a toutes sortes d'écoles de pensée, mais, quoi qu'il en soit, on ne peut pas complètement écarter du revers de la main celle des experts qui nous disent, preuve à l'appui, que les meilleurs résultats sont obtenus dès la rupture et avant même qu'il y ait contestation. On nous dit: «Toutes les preuves - je cite - sont faites que la médiation familiale entreprise dès la rupture a un taux de réussite élevé, favorise la diminution des conflits, prévient la détérioration de la santé mentale des enfants et des adultes impliqués, diminue signi-ficativement les recours subséquents aux tribunaux. La Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec ajoute ceci: «La Corporation s'interroge sérieusement sur le choix fait par le ministre de n'ouvrir les services de médiation qu'au moment où les situations conjugales et familiales sont extrêmement détériorées et où les chances de réussite de la médiation sont, par le fait même, de beaucoup diminuées.»

Quand on parie de chances de réussite de médiation, soyez convaincu, M. le Président, qu'on ne confond pas avec la conciliation. Les chances de réussite de la médiation ne consistent pas à faire réconcilier le couple. Les chances de

réussite de la médiation consistent justement à permettre aux parents, d'une part, de rester une famille malgré la désunion du couple. Ça peut avoir l'air paradoxal, mais... D'abord, la première chose qui importe, M. le Président, c'est que les parents n'obligent pas les enfants à divorcer de l'autre parent. Ensuite, ce qui importe, c'est que l'un ou l'autre des parents ne fasse pas payer à l'enfant qui reste avec le parent adverse le sacrifice de la séparation.

Alors, on aura l'occasion d'y revenir. Évidemment, il y a un organisme qui sollicite énormément, actuellement, l'intervention de l'opinion publique. C'est l'Organisation pour la sauvegarde des droits des enfants qui organise d'ailleurs, pour l'automne prochain, un très important colloque international. Cette Organisation pour la sauvegarde des droits des enfants a communiqué avec le ministre, a communiqué avec l'Opposition, m'a envoyé un dossier complet de résolutions adoptées dans le cadre d'un congrès international qui s'est tenu ici, à Montréal, suite à quoi, me dit-on, des résolutions ont été adoptées par le conseil général du Parti libéral. Ces résolutions, qui font maintenant partie du programme du Parti libéral - nous aurons l'occasion d'y revenir, M. le Président - vont dans le sens d'un service de médiation qui soit offert non pas exclusivement mais également sur une base volontaire. Mais on y reviendra.

L'Organisation pour la sauvegarde des droits des enfants fait valoir l'expérience menée dans les provinces canadiennes qui ont introduit un système de référence à la médiation. Entre autres, on nous parle du Manitoba où, nous dit-on, 65 % des causes sont résolues en première instance devant le médiateur. On nous fait valoir également des changements très importants qui sont survenus en Ontario, où on retrouve des cours spécialisées avec des juges et avec un système de référence obligatoire à la médiation.

On sait les conséquences extrêmement importantes pour la société du phénomène des familles monoparentales, du phénomène de la désunion et peut-être plus encore de la détérioration qui se produit lors des désunions, M. le Président. Qu'il soit juste nécessaire, à ce moment-ci, de citer que huit des enfants cités devant le Tribunal de la jeunesse proviennent de familles éclatées. Ça a une extrême conséquence, ça a été étudié. Encore dernièrement, une étude réalisée par la fédération des familles monoparentales, assistée par des chercheurs universitaires, a démontré que des problèmes de comportement à l'adolescence, une partie des problèmes de décrochage scolaire, des problèmes graves qui, finalement, nécessitent un investissement important des fonds publics sont des séquelles de ces ruptures, de ces séparations qui ont mal tourné. Je souhaiterais également que le ministre ait pris connaissance du point de vue du Conseil du statut de la femme, contenu dans un avis intitulé «Commentaires du Conseil du statut de la femme en regard du projet de loi 14, Loi modifiant le Code de procédure civile concernant la médiation familiale.»

Dans cet avis daté du 8 juin 1992, donc d'il y a une semaine, on peut y lire ceci: Nous aurions préféré que les règles actuelles soient maintenues et que soient plutôt accentuées les mesures incitant les justiciables à recourir à la médiation. Le principal objectif, ajoute le Conseil du statut de la femme, de la médiation et son principal avantage visent à faire en sorte que les parties en arrivent à décider elles-mêmes des arrangements relatifs à leur rupture dans le but, notamment, de favoriser le maintien d'un climat plus harmonieux entre les parties et un plus grand respect des ententes fixées.

Le climat dans lequel s'inscrit la médiation entre les parties constitue un élément important quant à son efficacité. Et on y lit ceci: L'accessibilité gratuite au Service de médiation familiale réduite dans le cadre d'une procédure judiciaire présente un moindre mal, dans la mesure où le Service de médiation est considéré comme un service complémentaire au tribunal. Que, par ailleurs, les procédures doivent être contestées nous semble une condition qui porte atteinte au respect de la volonté exprimée par les parties qui souhaiteraient, dès le début des procédures, se donner les moyens de régler harmonieusement les circonstances entourant la rupture de leur union.

Cette orientation est susceptible de porter atteinte à l'efficacité d'une médiation réussie puisqu'elle vient restreindre l'accès au service aux parties qui sont déjà inscrites dans une relation conflictuelle. Il faut donc que chaque partie ait déjà un avocat et que, par avocat interposé, la cause ait été contestée pour avoir droit au Service de médiation... Vous me faites signe, M. le Président.

Le Président (M. Gauvin): C'est-à-dire que le temps qui vous était alloué, les 20 minutes qui vous étaient allouées pour les remarques préliminaires sont en voie d'être dépassées. Je vous laissais aller pour conclure.

Mme Harel: Je vous remercie, M. le Président. Alors, je vais conclure sur la nécessité de faire un examen approfondi et attentif du projet de loi 14.

Le Président (M. Gauvin): Merci, Mme la députée. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Jocelyne Caron

Mme Caron: Merci, M. le Président. Puisque le temps de ma collègue est écoulé, je vais prendre la relève pour continuer les différents arguments. Ce qui me pose le plus de problèmes, M. le Président, sur ce projet de loi, c'est

l'article 1 et l'article 2. Le développement de la médiation familiale en soi, c'est évident que personne ne peut être contre la vertu. C'est une méthode qui a fait ses preuves lorsqu'elle était employée d'une manière volontaire.

Au niveau de ses remarques préliminaires sur le projet de loi 13, en tout début de séance, le ministre a insisté, vous vous en souviendrez, sur l'importance des délais par rapport aux tribunaux judiciaires. Je pense que le dossier de la médiation familiale est un dossier qui est au coeur de ce problème de délais que nous vivons tous. On doit s'assurer que le projet de loi que nous étudions puisse venir améliorer ces délais qu'on doit subir à l'heure actuelle.

Je suis repartie de la définition même que le ministre utilise par rapport à la médiation familiale. Il nous dit: C'est une méthode de résolution des conflits qui permet aux couples qui ont intenté des procédures judiciaires l'un contre l'autre de régler à l'amiable et sur une voie parallèle à la voie judiciaire dans laquelle ils se sont engagés les problèmes découlant de leur décision de se séparer ou de divorcer, en évitant les confrontations devant le tribunal. (23 h 10)

J'ai un problème avec cette définition-là. Le ministre la pose uniquement lorsque le couple a déjà intenté des procédures judiciaires l'un contre l'autre. En soi, de la médiation, c'est pour conduire à une entente. Une entente, pour avoir des chances de succès, il faut que ça se fasse principalement avant qu'on ait commencé à s'entre-déchirer devant les tribunaux. Je suis convaincue que les députés qu'on a autour de la table ont rencontré régulièrement dans les bureaux de comté, à tous les lundis, des citoyens et des citoyennes qui ont vécu un divorce, qui ont eu des difficultés et qui avouent que les difficultés ont été décuplées parce qu'ils se sont retrouvés devant les tribunaux, qu'effectivement les forces se sont cristallisées et qu'ils ont dû, par le système judiciaire lui-même, faire des choix qu'ils n'auraient peut-être pas fait s'ils avaient pu se parler avant.

Donc, je me dis qu'au niveau de la médiation familiale, si on veut vraiment réduire les délais, si on veut vraiment obtenir une réussite par rapport à ça, il faut se donner toutes les chances de réussite. Donc, que cette médiation familiale soit volontaire et qu'on puisse ouvrir à la clientèle volontaire. C'a été demandé par les différents groupes. C'a été demandé par le Conseil du statut de la femme, par les différentes corporations professionnelles et ça m'apparaft le principe même, la base même de toute médiation familiale. Le projet de loi qu'on a devant nous, c'est loin de me rassurer sur les effets de la diminution au niveau des causes en justice. On va devoir déposer quand même, M. le Président.

Si on regarde les dossiers qui ont été traités par le Service de médiation de Montréal, si je regarde les années 1987 à 1992, on parle, grosso modo, d'autour de 500 dossiers qui ont été étudiés. C'est quand même un nombre appréciable. C'étaient des demandes qui avaient été faites volontairement. Il y a eu aussi des cas qui ont été référés. Le pourcentage de cas référés par des juges, on parle seulement de 21 %, à ce moment-là, alors que 75 % ont été référés par d'autres.

Si on regarde le nombre de couples qui divorcent chaque année au Québec, on parle d'un projet de loi qui touche plusieurs personnes. On parle de 15 000 couples qui divorcent chaque année au Québec. En 1990, le chiffre, c'est 15 000 couples. Donc, ça touche une grande partie de notre population. On sait que 10 % des causes en matière familiale sont contestées et que ces 10 % là occupent 80 % du temps des juges en cour, 80 % du temps des juges en cour. Donc, il m'apparaft capital que les articles qu'on va voter, ça vienne régler ce problème-là. C'est un problème extrêmement important.

Bien sûr, j'ai examiné de très près les recommandations des différentes corporations professionnelles puisque c'est un dossier qui les touche directement. Puisque je suis porte-parole de ce dossier pour l'Opposition officielle, j'ai donc regardé de plus près. On sait que la Chambre des notaires fait partie de la coalition qui s'oppose à certains articles qui sont actuellement dans le projet de loi 14 que nous étudions. On sait aussi que l'Association des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec a clairement dénoncé le projet de loi et a même mis en doute le projet de loi tel que déposé.

J'ai rencontré, il y a quelques mois, l'Association des thérapeutes conjugaux et familiaux. Ils m'avaient fait part, à ce moment-là, de leurs inquiétudes. On sait que ce n'est pas encore une corporation professionnelle, M. le Président. C'est vraiment une association. Ils ont déposé une demande auprès de l'Office des professions pour être reconnus comme corporation professionnelle parce qu'ils sont convaincus qu'ils ont un champ d'exercice particulier. Ils ont soulevé de nombreuses interrogations concernant la formation des personnes aptes à offrir ces services de médiation familiale. J'y reviendrai plus tard au niveau de la formation, M. le Président.

Donc, il y a la Chambre des notaires qui a émis des restrictions par la coalition, l'Association des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec aussi. Ma collègue de Hochelaga-Maison-neuve vous a fait part de certaines remarques concernant la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec. On sait que cette corporation souhaite l'ouverture du côté des clientèles volontaires parce que ce sont des personnes qui sont directement concernées. On sait que leur rôle... Ils exercent déjà un rôle de médiation, souvent, au niveau de différents conflits, indépendamment du divorce ou des séparations, du côté des conflits que vivent

régulièrement nos jeunes.

Vous avez aussi la Corporation professionnelle des psychologues qui a émis des avis et, évidemment, le Barreau qui est directement concerné puisque c'a une incidence directe, je dirais, sur le travail des avocats et des avocates du Québec. On sait que le ministre de la Santé et des Services sociaux a déposé sa politique de santé et bien-être. Ça m'apparaissait un élément important que cette médiation familiale relève également du ministère de la Santé et des Services sociaux parce qu'on sait que les incidences premières au niveau des séparations et des divorces au Québec, on les retrouve au niveau de la santé et des services sociaux. C'est évident qu'au niveau de nos coûts de santé, au niveau des problèmes vécus par les jeunes, autant au niveau du décrochage scolaire, au niveau de l'éducation que du côté de la toxicomanie, que du côté des différents services sociaux qu'on doit... les centres d'accueil, on a des coûts économiques extrêmement Importants. Donc, si on veut diminuer les coûts du côté de la santé, si on veut aussi diminuer les coûts au niveau de notre appareil de la justice, je pense qu'il faut qu'on s'assure que le projet de loi qu'on va voter vienne répondre à ces problèmes-là directement.

On sait que - et je pense que le Sommet de la justice l'a démontré aussi - les services juridiques sont de moins en moins accessibles. C'est évident non seulement au niveau de la classe la plus défavorisée - on sait qu'au niveau de l'aide juridique on a encore de nombreux problèmes, que tout n'est pas réglé - mais au niveau de la classe moyenne. Je pense que c'est cette catégorie de Québécois et de Québécoises qui est la plus pénalisée, présentement, par notre système judiciaire. Ce sont ceux et celles qui, au moment des séparations, au moment des divorces, n'ont pas toujours les moyens de s'offrir les services des avocats et des avocates et qui, automatiquement, doivent subir les décisions.

À ce sujet-là, M. le Président, je pense que le ministre lui-même, dans le document qu'il avait déposé, son document de consultation, le 30 avril 1992, avait noté que la clientèle qui avait utilisé les services publics de médiation, c'est la clientèle qui provenait de la classe moyenne et que, dans la plupart des cas, elle avait carrément décidé d'utiliser le recours à la médiation parce qu'elle n'avait pas les moyens de s'offrir les services juridiques. À ce chapitre, ma collègue de Hochelaga-Maisonneuve avait commencé à vous faire part des différentes revendications du Conseil du statut de la femme. Parmi les inquiétudes qui étaient soulevées par le Conseil du statut de la femme dans ses commentaires concernant le projet de loi 14, c'était effectivement un des points: les services gratuits. Le Conseil du statut de la femme soulevait une profonde inquiétude à l'effet que presque automatiquement les femmes se retrouvaient sans choix par rapport à la médiation familiale, c'est-à-dire que dans la plupart des cas, n'ayant pas les moyens de se payer les services juridiques, elles devaient automatiquement se tourner vers les services gratuits de la médiation familiale, et parfois contre leur bien-être à elles. C'était une obligation, elles n'avaient vraiment pas le choix.

Je pense que c'est pour cette raison qu'elles ont demandé certaines modifications. Elles ont demandé de s'assurer que les deux parties soient parfaitement d'accord pour la médiation familiale et qu'aucune des deux parties ne subisse de contraintes. On sait que... Même au niveau du patrimoine familial, on l'a vécu, on le sait très bien, combien de femmes, au Québec, ont subi certaines pressions, certaines contraintes pour qu'elles renoncent aux droits que la Loi sur le patrimoine familial leur accordait, la loi 146. Le Conseil du statut de la femme fait donc la même mise en garde: Est-ce qu'on va s'assurer que les Québécoises n'aient pas subi de contraintes pour se retrouver au Service de médiation familiale? C'est un élément qui m'apparaft extrêmement important et il faudrait que...

Il y a deux propositions d'amendement qui ont été présentées, et je vais me permettre d'en lire une: On propose l'ajout, à l'article 815.2.1, d'un alinéa qui se lirait ainsi: «Lorsque le tribunal évalue l'opportunité de référer les parties au Service de médiation, il doit tenir compte de la volonté des parties et des circonstances particulières à chaque cas, notamment l'équilibre des forces en présence.» C'est cet équilibre des forces, je pense... C'est l'inquiétude qu'on voulait présenter, suite à ce qu'on a vécu au cours des dernières années par rapport au patrimoine familial. (23 h 20)

L'autre recommandation qui était faite dans le mémoire, à la page 6, c'était l'ajout, à l'article 815.2.2, du paragraphe suivant: «Lorsqu'il y a entente, le juge saisi du dossier s'assure qu'elle est conforme à la volonté des parties et qu'aucune d'elles n'a été l'objet de contraintes indues.» Ce sont vraiment ces deux articles, ces deux amendements qui ont été proposés qui viennent exprimer le mieux, je pense, les craintes du Conseil du statut de la femme par rapport au projet de loi 14 que nous avons devant nous, M. le Président.

Je vous ai fait mention tantôt que je reviendrais sur l'importance de la formation, et là, je pense que c'est capital. Dans le même document que le ministre a présenté pour consultation sur le développement de la médiation en matière familiale, le 30 avril 1992, il y a une partie qu'on retrouve; c'est le point 2, les lois existantes, 2.2, la réglementation de la pratique. Le ministre nous dit: «L'article 9 de la loi de 1985 sur le divorce oblige l'avocat à renseigner son client sur les services de médiation qu'il connaît. Or, que ce soit dans le secteur public ou privé, de tels services ne sont pas encore

disponibles partout en province - c'est une réalité. Pour suffire à une telle demande, il faudra notamment que plusieurs médiateurs soient formés et que les services de médiation s'installent en conséquence. La médiation n'est pas réglementée au Québec. N'importe qui peut s'afficher à titre de médiateur et pratiquer la médiation sans qualifications préalables, sans être soumis à des règles d'éthique et à des standards de pratique en médiation. Cependant, les membres des corporations professionnelles qui pratiquent la médiation peuvent garantir à l'heure actuelle que des services de qualité sont dispensés au public. À cet égard, des organismes et des corporations professionnelles ont entrepris d'encadrer les services de médiation dispensés par leurs membres. La médiation se développe présentement dans un contexte d'autoréglementation où l'État ne devrait intervenir que dans la mesure où le public aurait besoin d'être protégé.»

Je vous avoue que je ne suis pas parfaitement convaincue que le public soit véritablement protégé, à l'heure actuelle. Le ministre le dit lui-même: Présentement, ce n'est pas réglementé. N'importe qui peut s'afficher à titre de médiateur. Lorsque j'ai parlé avec l'Association des thérapeutes conjugaux et familiaux, on me disait que, du côté des psychologues, très peu de psychologues au niveau pratique ont travaillé au niveau de la médiation. C'est vraiment un nombre infime. Et, aussi, très peu de psychologues sont intéressés à travailler a ce niveau-là. Donc, je pense qu'il y a lieu de s'assurer de la formation.

Dans le même document, on voyait aussi que le ministre faisait référence à la formation que le Barreau souhaitait. On nous a fait part qu'on souhaitait une formation du côté du Barreau pour que les avocats soient aptes à travailler à ce niveau de médiation. J'aimerais connaître la teneur du cours. Combien d'heures sont consacrées pour qu'un avocat soit reconnu au niveau de la médiation? Même chose du côté des psychologues. Est-ce qu'il y a des balises à l'heure actuelle? Non, aucunement. Ce n'est pas évident, à ce moment-là, que le public est véritablement protégé.

La médiation familiale en soi, bile est bonne. C'est un principe qui est valable. C'est un principe qui, si on s'assure de certaines balises, doit donner des résultats, mais des résultats, il est bon de le rappeler, qui nécessitent une entente. C'est évident que, lorsque des parties se sont assises à une même table, ont négocié ensemble, avec un médiateur, puis je le rappelle, cette entente-là, le climat le plus favorable, c'est avant qu'il y ait des procédures judiciaires et non après. Si les parties s'entendent, négocient, signent une entente, le taux de réussite après, le succès, c'est évident qu'il est meilleur puisque les deux parties se sont entendues sur les droits de visite, sur la pension alimentaire, sur le partage du patrimoine familial, etc. C'est évident qu'on va respecter les ententes bien davantage s'il y a eu médiation que si la cour a imposé un règlement. C'est évident que, si la cour impose un règlement, le taux de réussite est beaucoup plus difficile. On sait à quel point c'est difficile d'obtenir les pensions alimentaires. Régulièrement, les conjoints se plaignent de cet état de fait qu'ils ne reçoivent pas leur pension alimentaire. Régulièrement, là aussi, il y a des demandes qui se retrouvent au niveau du ministère de la Justice. Il m'apparatt évident que la médiation familiale permet, puisqu'il y a entente des deux parties, que les ententes soient respectées.

Donc, M. le Président, je pense qu'au niveau des articles 1 et 2... Ce sont les deux articles qui posent problème, vous en conviendrez. L'article 1 nous dit de modifier l'article 815.2 en disant: «À tout moment avant le jugement et avec le consentement des parties, le tribunal peut, pour une période qu'il détermine, ajourner l'instruction de la demande en vue de favoriser soit la réconciliation, soit la conciliation des parties, notamment, par la médiation.» Quand on est rendu à cette étape-là, il est déjà trop tard pour une grande partie de la population. Il faut absolument qu'on ouvre au niveau de la clientèle volontaire; sinon, on vient carrément réduire le taux de réussite possible. Est-ce qu'on veut vraiment désengorger ou non? Est-ce qu'on veut vraiment que 80 % du temps des juges qui est pris au niveau des affaires familiales soit réduit ou non? C'est ça, la véritable question. Si on ne veut vraiment pas que ce soit réduit, c'est en décidant qu'on n'ouvre pas la porte du côté des clientèles volontaires. Je pense que c'est ça que le projet de loi nous apporte présentement.

C'est la même chose pour l'article 2, M. le Président, qui vient exactement nous dire: «À tout moment de l'instruction d'une demande contestée...» Dès que la demande est contestée... C'est très difficile de se parler de médiation lorsque la contestation est déjà installée.

M. le Président, vous me faites signe que mon temps est écoulé. Alors, M. le Président, je pense que nous devrons demander au ministre de nous déposer certains amendements qui répondent aux demandes qui ont été faites par les différents organismes et nous assurer que les propositions d'amendement qui ont été déposées, par exemple par le Conseil du statut de la femme, puissent être insérées dans le projet de loi 14 que nous étudions.

Le Président (M. Gauvin): Merci, Mme la députée de Terrebonne. Est-ce qu'il y a d'autres membres de la commission qui aimeraient faire des remarques préliminaires? Est-ce que j'ai entendu «non»? Il n'y a personne qui se propose?

Nous sommes à la période des motions préliminaires.

Motion proposant d'entendre le Conseil du statut de la femme

Mme Harel: Voilà, M. le Président. J'aurais la motion suivante à présenter: «II est proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos Règles de procédure la commission permanente des institutions tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi 14, Loi modifiant le Code de procédure civile concernant la médiation familiale, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin elle entende le Conseil du statut de la femme.»

Le Président (M. Gauvin): Est-ce qu'on peut en avoir une copie, s'il vous plaît?

Mme Harel: Sur la recevabilité...

Le Président (M. Gauvin): Oui, si vous voulez débattre sur la recevabilité.

Mme Harel: Je crois, M. le Président, que sa recevabilité s'impose d'elle-même.

Le Président (M. Gauvin): Est-ce que vous avez exprimé l'intention de débattre sur la recevabilité?

Mme Harel: Non, pas vraiment. (23 h 30)

Le Président (M. Gauvin): Donc, la motion est recevable. Nous allons permettre aux parties de débattre... Je pense qu'il y a 30 minutes qui sont allouées aux membres... L'article 209 prévoit que l'auteur d'une motion a 30 minutes à sa disposition.

Mme Harel: Je n'en demandais pas tant, M. le Président.

Le Président (M. Gauvin): Vous n'êtes pas tenue de prendre 30 minutes. J'aurais dû le présenter autrement, un maximum de 30 minutes, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. Dans les commentaires que le Conseil du statut de la femme émettait en regard du projet de loi 14, on retrouve la conclusion suivante, M. le Président: «La volonté manifestée par le ministre de la Justice de répondre rapidement à des demandes répétées en matière d'humanisation du processus judiciaire en matière matrimoniale se doit d'être soulignée et appréciée. Il importe toutefois de ne pas sacrifier à cette célérité les véritables objectifs poursuivis par la mesure et de s'assurer que les modifications proposées répondent véritablement aux besoins de l'ensemble des justiciables.»

M. le Président, je trouvais tout à fait appropriée cette conclusion du Conseil du statut de la femme concernant le projet de loi 14. Ce que je souhaite, c'est que nous puissions les entendre, notamment sur une question qui me préoccupe et qui est la suivante: Faut-il procéder à l'adoption du projet de loi 14 tel que libellé, si aucun amendement n'est introduit permettant notamment - et je le répète - de prioriser les ordonnances du tribunal quant au Service de médiation tout en ouvrant la possibilité à une demande volontaire de service? Si tant est qu'aucun amendement ne soit introduit, vaut-il mieux, M. le Président, le statu quo? Exactement, vaut-il mieux le statu quo, quitte à convaincre l'opinion publique, le ministre et son gouvernement de la nécessité d'un service plus adéquat ou, à défaut d'amendement, vaut-il mieux adopter le projet de loi, même imparfait et même insatisfaisant? C'est une question à laquelle j'ai, moi, de la difficulté à répondre à ce moment-ci. Finalement, c'est une question que je souhaiterais vraiment pouvoir poser au Conseil du statut de la femme.

Dans cet avis qui est bien balancé, je ne sais pas si le ministre a pris connaissance, aux pages 2 et suivantes, des commentaires du Conseil, des points d'accord, c'est-à-dire de ceux qui sont considérés par le Conseil du statut comme étant positifs. On les retrouve aux pages 2 et suivantes, ces points d'accord du Conseil. C'est intéressant parce que ce n'est pas à négliger non plus. On y lit ceci, M. le Président. En toute objectivité, le Conseil nous dit ceci: «Le projet de loi a pour effet de reconnaître la médiation familiale comme moyen visant à faciliter le règlement des conflits de nature familiale. Il permettra l'implantation de services de médiation familiale dans l'ensemble des districts judiciaires du Québec et étendra l'accès à de tels services aux justiciables, quel que soit leur lieu de résidence. Il permettra la médiation sur tous les aspects de la rupture, garde d'enfants, aliments, dus au conjoint ou aux enfants, patrimoine familial et autres droits patrimoniaux résultant du mariage. Il prévoit des délais quant à l'ajournement de l'instruction et au début de la médiation, permettant ainsi d'éviter que les procédures judiciaires ne soient inutilement prolongées ou retardées. Il assure la sauvegarde des droits des parties pendant le processus de médiation. Il assure la confidentialité des entrevues, protégeant les droits des parties qui ont participé à un processus de médiation, de réconciliation ou de conciliation et, finalement, il vise à assurer la compétence des médiateurs.»

Alors, ça, dans la balance, ce n'est quand même pas indifférent. Mais le Conseil ajoute les points de désaccord suivants: «L'accès au Service de médiation familiale et le caractère obligatoire... Je ne lirai pas l'ensemble de ce qui est dit, simplement qu'il me suffise de citer la conclusion que le Conseil apporte et qui est la suivante: Le projet de loi a donc comme conséquences:

«1° de restreindre l'accès au Service de médiation, puisque seuls les couples ayant intenté une demande contestée pourront y accéder; «2° de permettre au juge de référer les parties sans leur consentement. «Le Conseil du statut de la femme a recommandé que le recours à la médiation s'inscrive dans le respect des droits et de la volonté des parties. Dans ce sens, le Conseil du statut déplore le fait que l'accessibilité au Service de médiation familiale de la Cour supérieure soit réservée aux parties dans le cadre d'une procédure judiciaire contestée et à la suite d'une ordonnance du tribunal.»

Alors, il y a d'autres points de désaccord, M. le Président. Mentionnons le caractère obligatoire. L'argument invoqué par le Conseil est à l'effet que, la médiation étant une mesure visant à humaniser le processus de rupture de l'union, il serait opportun de tenir compte de la volonté des parties et des circonstances particulières à chaque cas. Le Conseil fait évidemment référence au contexte de violence conjugale, en spécifiant, évidemment, que, dans de telles circonstances, ça pourrait être un facteur suffisant pour justifier le refus de l'une ou l'autre des parties. On ne peut pas imaginer de la médiation entre des parties, M. le Président, qui seraient complètement en désaccord et qui auraient vu l'une d'entre elles être victime de violence de la pat* de l'autre partie.

Comme autre point de désaccord, M. le Président, il y a la question du suivi du dossier et du rapport de la médiation, de la durée de la médiation. Il leur semble que, tel que libellé, le processus peut contribuer à allonger inutilement la procédure.

Il y a aussi, comme point de désaccord, l'encadrement de la profession de médiateur de manière à ce qu'il soit clairement établi que le service de médiation est dispensé dans une optique multidisciplinaire. Cependant, la grande question qui, finalement, n'est pas répondue dans cet avis, c'est: Compte tenu de ces points d'accord et de désaccord, ultimement, dans la mesure où aucun amendement ne serait apporté par le ministre, faut-il procéder à l'adoption telle quelle du projet de loi ou est-il préférable de reporter à une date ultérieure la mise en place, de toute façon, d'un service qui n'était pas prévu avant le printemps 1993? En fait, il n'y a pas urgence en la demeure. Ce n'est pas comme si ce Service de médiation attendait l'adoption de la loi pour être offert à nos concitoyens dans les districts judiciaires du Québec. Il n'était pas prévu, de toute façon, avant avril 1993, donc avant le budget de l'an prochain, qu'un tel service puisse voir le jour. Alors, il n'y a pas nécessairement péril, si tant est qu'on procède à un examen plus attentif auprès du Conseil du statut de la femme et auprès, également, de la coalition. (23 h 40)

Je n'ai vraiment pas l'intention de déposer une motion, M. le Président, pour entendre chacun des groupes qui, durant la semaine qui vient de s'écouler, se sont prononcés contre le Service de médiation dans le cadre d'une contestation. Mais il s'agit d'organismes qui sont extrêmement favorables à la médiation familiale. Ai-je besoin de vous dire que ce sont les mêmes organismes qui, dans notre société, ont réclamé l'introduction d'un tel service, qui ont fait connaître l'importance de l'offrir à la population? Cependant, M. le Président, je m'inquiète, et j'aurai sans doute l'occasion d'y revenir, après avoir attentivement pris connaissance du mémoire présenté au Conseil des ministres conjointement par le ministre de la Justice et Procureur général, le ministre de la Santé et des Services sociaux et la ministre déléguée à la Condition féminine et ministre responsable de la Famille, le 31 janvier dernier, portant sur le développement de la médiation en matière familiale. Je m'inquiète du fait que le scénario retenu de tous ceux qui étaient envisagés soit, finalement, celui qui semble faire la meilleure place aux services privés. Je me suis demandé si le facteur le plus important qui avait été déterminant dans le choix du gouvernement, ça n'a pas été, finalement, celui d'offrir au secteur privé d'entrer en compétition avec le secteur public. Ça m'apparaît être un facteur extrêmement important.

Par rapport aux autres scénarios, évidemment, celui-là, c'est celui qui coûte le moins cher, à première vue. Je pense qu'il est de l'ordre de 4 000 000 $, mais il est entièrement financé par des augmentations de tarifs que l'on retrouve à la page 76 du mémoire, augmentation soit du droit de greffe pour les procédures liées aux matières familiales. Cette augmentation annuelle est de l'ordre de 3 242 500 $. C'est le tarif des frais judiciaires en matière civile. Donc, ça apporterait des revenus supplémentaires de 3 242 500 $.

Par ailleurs, l'inscription pour enquête et audition en matière familiale, le tarif serait de 75 $, pour un revenu annuel de 130 500 $. Donc, il y aura maintenant des frais de 75 $ pour enquête et audition. Il faut comprendre qu'une partie de ce montant va être tout simplement transférée à la Main-d'oeuvre, Sécurité du revenu et Formation professionnelle parce que 40 % des divorces le sont par des avocats de l'aide juridique qui ont essentiellement les causes générées par l'actuelle loi 37 qui fait obligation d'épuiser tous les recours avant d'obtenir l'aide de l'État. Alors, il faut comprendre que, depuis l'adoption de la loi 37, depuis son application, il y a eu une recrudescence des procédures judiciaires en matière familiale. On a vraiment judiciarisé sans le rechercher consciemment, mais l'effet que ça a eu, c'est une judiciarisation très, très importante puisqu'il n'y a pas d'aide de dernier recours. Il n'y a donc pas d'aide sociale sans que la personne qui est en demande ait

épuisé tous les recours.

Parmi les recours qu'on prétend qu'elle a, il y a évidemment la demande de pension alimentaire. Même si c'est ex parte, même si le conjoint est évanoui, même si on ne le retrouve plus, il y a obligation qui est faite d'intenter une telle demande de pension alimentaire, donc de recourir soit à une séparation ou à un divorce, donc à une procédure, de toute façon. Je comprends que, dorénavant, les tarifs introduits en matière familiale feront porter à un coût de 75 $ l'inscription pour enquête et audition.

En prenant connaissance de ces tarifs, moi, je me suis dit, finalement, qu'étant donné que le projet de loi 14 prévoit qu'au niveau de la conférence préparatoire il est déjà possible au juge de référer par une ordonnance à un médiateur et que ce service est gratuit, dès qu'il y a la conférence préparatoire, il pourrait être envisagé, par exemple, pour un couple de procéder à une inscription au coût de 75 $ pour avoir droit ensuite à un service de médiation gratuit. Cependant, il faudra encore que les parties s'entendent. Alors, il faudrait que ce soit déjà en voie, si vous voulez, M. le Président, de bonne entente pour que les parties conviennent entre elles d'inscrire leur cause pour pouvoir... Une seule des parties, remarquez, pourrait de toute façon... Il ne serait pas nécessaire que ce soit par entente mutuelle. Une des parties qui fait une requête en séparation ou en divorce, qui inscrit sa cause et qui poursuit pour enquête et audition pourrait, à ce moment-là, déclencher un processus qui lui permettrait d'avoir un service gratuit. C'est là que la difficulté se présente.

Moi, j'ai compris que, dans la problématique qui est développée tout au long du mémoire déposé par le ministre de la Justice, on insiste beaucoup sur le temps de la Cour supérieure qui est utilisé dans les causes contestées en matière familiale. On insiste et je pense qu'on a raison d'insister sur cette réalité, qui apparaît assez incontournable, de 10 % des causes contestées en matière familiale qui viennent occuper 80 % du temps de la Cour supérieure. Finalement, on introduit la médiation familiale comme un moyen administratif de trouver une solution à l'engorgement du processus judiciaire. Remarquez que ça peut-être une façon de voir les choses dans une optique technocratique, pourquoi pas? Sauf que c'est un certain détournement de ce qu'est la médiation. C'est comme si la médiation allait servir essentiellement à régler les problèmes administratifs du système judiciaire. C'est comme si, en le faisant, dans un sens, on dépréciait ce qu'elle pouvait offrir de plus aux couples du Québec. L'optique dans laquelle le Service de médiation est offert, une fois terminée la lecture du mémoire au Conseil des ministres, on se rend compte que c'est vraiment l'optique d'un règlement des problèmes administratifs du système judiciaire. Finalement, je trouve ça extrêmement regrettable qu'on ait restreint le service de médiation familiale à cet objectif trop étroit. (23 h 50)

Vous voyez, à la page 66 du mémoire, on y lit ceci: «Les causes contestées, bien que ne représentant que 10 % du volume total des causes entendues, occupent à elles seules 86 % du temps total d'audiences à la cour. Il appert donc que la clientèle ayant un besoin urgent de recourir à la médiation se situe dans le système des clauses contestées.» Ce n'est pas du tout là une conclusion qui s'impose, la constatation que 10 % du volume total des causes entendues occupe 86 % du temps total. Un besoin urgent de recourir à la médiation, M. le Président, ne vaut pas que pour les personnes qui contestent devant le tribunal. Le besoin de recourir à la médiation vaut tout autant pour celles qui n'y recourent pas parce qu'elles n'ont pas les moyens. Mais ça ne signifie pas du tout qu'il y a entente entre les parties ou qu'il y a pour autant un règlement harmonieux. Pas du tout! Il y a un très grand nombre, finalement, de couples qui n'ont tout simplement pas les moyens, soit parce qu'ils ne sont pas admissibles à l'aide juridique, d'une part, puis, d'autre part, parce qu'ils n'ont pas les moyens de se payer ce que le juge en chef de la Cour suprême appelait «un club privé».

La justice est devenue un club privé, M. le Président. Il faut voir ce que ça peut finalement coûter de simplement faire valoir ses droits et combien il arrive fréquemment de rencontrer - ça doit être votre cas également dans votre bureau de comté - des femmes, notamment, qui viennent vous rencontrer et qui vous disent que, finalement, elles ont laissé tomber parce que ça demandait une énergie et des moyens qu'elles n'avaient pas. Dans ce sens-là, le besoin de recourir à la médiation, c'est un besoin qui, avant d'être celui simplement de... Ce n'est pas que le système judiciaire qui a des problèmes d'engorgement... Le besoin de recourir à la médiation, c'est, finalement, le besoin d'une société qui constate que 60 % des mariages se terminent par un divorce. C'est la réalité d'une progression vertigineuse du nombre de divorces. Ce qui est étonnant, M. le Président, c'est que cette progression ne vient pas simplement des premiers mariages, mais surtout des seconds mariages. Ce sont les seconds mariages qui provoquent le plus grand nombre de divorces. On divorce plus après un second mariage qu'après un premier mariage. C'est quand même un phénomène, n'est-ce pas?

Alors, tout ça... évidemment, on se divorce après un premier mariage pour pouvoir en faire un second, mais on se divorce encore plus vite d'un second mariage.

Je termine là-dessus, M. le Président, en vous disant simplement que le Conseil du statut de la femme, qui est réputé pour son expertise en ces matières, pourrait certainement nous donner un éclairage qui nous permettrait de

répondre, en tout cas, à cette question importante pour l'opposition qui est la suivante: vaut-il mieux un projet de loi imparfait ou poursuivre la discussion pour en arriver à un projet de loi qui soit plus adapté à la réalité des difficultés des familles d'aujourd'hui? je vous remercie.

Le Président (M. Gauvin): Merci, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. Vous vous rappelez la motion? «Il est proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos Règles de procédure - oui, je vous reviens - la commission permanente des institutions tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi 14, Loi modifiant le Code de procédure civile concernant la médiation familiale, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin elle entende le Conseil du statut de la femme.»

D'autres membres voulaient se faire entendre, dont Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Gauvin): Pour un maximum de 10 minutes.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Ah! Je vais prendre 10 minutes, M. le Président. Si on n'a pas teminé - il reste 5 minutes - je poursuivrai à la prochaine séance, M. le Président.

Le Président (M. Gauvin): La parole est à vous, Mme la députée.

Mme Jocelyne Caron

Mme Caron: Alors, ma collègue a bien posé la question, je pense. Dans le mémoire du Conseil du statut de la femme - et c'est pour ça qu'il serait intéressant de les entendre - elles ont bien précisé dans leur conclusion qu'il ne faut pas sacrifier à la célérité les véritables objectifs poursuivis par le... Je pense que c'est ça, la véritable question. Elles ont également mentionné qu'elles déploraient les très courts délais ayant entouré le dépôt et l'adoption de ce projet de loi. Je vais me permettre de citer cette partie... C'est pour ça que ce serait important de les entendre, parce qu'elles n'ont pas eu le temps de faire toutes les analyses. Depuis le moment où elles ont déposé ce mémoire, le 8 juin, peut-être qu'elles ont eu le temps de poursuivre leurs études et ce serait peut-être intéressant de voir leur conclusion là-dessus.

Elles nous disaient: «Le Conseil du statut de la femme déplore les très courts délais ayant entouré le dépôt et l'adoption du projet de loi, limitant considérablement le temps de réaction et la réflexion nécessaire à la production de commentaires. Bien que ce projet ait été annoncé préalablement dans le cadre du Sommet de la justice, l'articulation dans un projet de loi de la proposition nécessite des analyses plus précises.» M. le Président, il est évident que le Conseil du statut de la femme se sent directement concerné par le projet de loi de la médiation familiale. Ça m'apparaît extrêmement clair et c'est pour ça que ce serait normal de les entendre.

M. le Président, il y a certains points du projet de loi où elles auraient pu nous apporter ou elles pourraient nous apporter certains éclaircissements. Lorsque je lisais, tantôt, l'article 2 et que je regardais le deuxième paragraphe de la modification de l'article 815.2.1, on dit: «Dans le cas où le tribunal réfère à un médiateur choisi par les parties, celles-ci sont tenues au paiement des honoraires de ce médiateur; elles défraient ces honoraires dans une proportion égale, à moins que le tribunal ne détermine une proportion différente.» Alors, c'est évident qu'il y a des incidences financières extrêmement importantes. Je pense que, sur ce point précis, le Conseil du statut de la femme a sûrement certaines recommandations à nous faire.

Il y avait un autre point, M. le Président, qui a trait à la formation. Dans le mémoire du Conseil du statut de la femme, on nous faisait mention que les préoccupations des femmes étaient de plus en plus nombreuses relativement à la médiation familiale et à son impact sur leurs conditions de vie. Elles insistaient beaucoup sur la nécessité de la formation des médiateurs aux problématiques des femmes, parce que c'est une autre réalité. On peut être un médiateur. On peut avoir une certaine formation, mais il ne faut pas oublier le point au niveau de la violence conjugale aussi. Donc, il faut que la formation des médiateurs tienne compte de cette problématique particulière des femmes et il fallait en faire une condition préalable essentielle à la reconnaissance de médiateurs accrédités. Ce qui m'amène à l'article 4 du projet de loi.

Dans la modification de l'article 827.3, c'est bien indiqué: «Le gouvernement peut, par règlement, établir les conditions auxquelles un médiateur doit satisfaire pour être accrédité et désigner les personnes, organismes ou associations pouvant accréditer un médiateur.» C'est exactement à cet article que le Conseil du statut de la femme faisait référence. On souhaitait que, dans ce règlement du gouvernement, on fasse une condition préalable essentielle à la reconnaissance d'un médiateur accrédité cette connaissance de la problématique vécue par les femmes. Cet article du projet de loi où le gouvernement peut, par règlement, ça m'amène, M. le Président, à déplorer à nouveau qu'on se retrouve régulièrement, dans presque toutes les législations, particulièrement à cette session-ci, avec des articles où le gouvernement va légiférer par règlement.

Donc, l'Opposition officielle ne peut aucunement se prononcer, n'a aucune idée de ce que

le législateur va faire, va mettre dans ce règlement. On sait que c'est le règlement qui, finalement, gère la pratique d'une loi. Et on écarte systématiquement l'Opposition. On a toujours des articles par règlement. La semaine dernière, je déplorais sur le projet de loi 23 qui vient régler et qui souhaite régler la querelle des deux laits. Sur un projet de loi de 26 articles, on se retrouve avec 12 articles où le gouvernement légifère par règlement et même, dans un seul article, deux paragraphes par règlement, M. le Président. Alors, sur ce point précis, je pense que le Conseil du statut de la femme aurait souhaité être entendu.

M. le Président, on semble me dire que mes 5 premières minutes sont écoulées. Donc, je vous dis que je poursuivrai à la prochaine séance, à moins qu'on ne continue.

Le Président (M. Gauvin): C'est ça. La commission...

Mme Harel: Ajourne.

Le Président (M. Gauvin): ...ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à minuit)

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