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(Dix heures quatre minutes)
Le Président (M. Camden): Je déclare la
séance de la commission des institutions ouverte. Le mandat de la
commission pour cette séance est de procéder à
l'interpellation adressée au ministre délégué aux
Affaires intergouvernementales canadiennes par M. le député de
Lac-Saint-Jean, sur le sujet suivant: L'état des négociations
constitutionnelles au Canada.
M. le Secrétaire, est-ce que vous avez des remplacements à
nous annoncer?
Le Secrétaire: Oui. M. Fradet (Vimont) est
remplacé par M. Bordeleau (Acadie), M. Hamel (Sherbrooke) est
remplacé par M. Gautrin (Verdun), M. Lafrance (Iberville) est
remplacé par M. Marcil (Salaberry-Soulanges), M. LeSage (Hull) est
remplacé par M. Chagnon (Saint-Louis) et M. Beaulne (Bertrand) est
remplacé par M. Brassard (Lac-Saint-Jean).
Le Président (M. Camden): Je me permets de vous rappeler
brièvement le déroulement d'une séance d'interpellation.
Dans un premier temps, l'interpellant, le député de
Lac-Saint-Jean, aura un temps de parole de 10 minutes, suivi du ministre, pour
également 10 minutes. Par la suite, des périodes de cinq minutes
seront allouées selon la séquence suivante: un
député de l'Opposition, le ministre, un député du
groupe ministériel. Vingt minutes avant la période de deux
heures, qui sera en l'occurrence midi cinq, j'accorderai 10 minutes de
conclusion au ministre et un temps équivalent au député de
Lac-Saint-Jean. Enfin, le débat ne peut, à moins de consentement,
dépasser, comme convenu, midi cinq, midi six, de façon qu'on ait
l'enveloppe totale de deux heures complètes. Ça vous va?
Alors, M. le député de Lac-Saint-Jean, à vous la
parole.
Exposé du sujet M. Jacques Brassard
M. Brassard: M. le Président, j'espère d'abord que,
pendant ces deux heures, on ne sera pas dérangé par des coups de
téléphone en provenance de Toronto. Nous pourrons faire ça
tranquillement.
M. le Président, deux ans après l'échec de l'accord
du lac Meech, l'impasse persiste, l'impasse constitutionnelle perdure en raison
fondamentalement - je n'insisterai pas là-dessus, mais je le rappelle
simplement - du choc des deux visions largement incompatibles, inconciliables
sur lesquelles, d'ailleurs, la commission
Bélanger-Campeau a longuement insisté.
Au bout du fil et, à la fois, je dirais aussi au bout du rouleau,
le gouvernement du Québec négocie activement tout en multipliant
les signaux d'ouverture à l'endroit d'Ottawa et du Canada anglais, ce
qui a pour effet d'affaiblir du même coup son pouvoir de
négociation. Parce que je pense qu'il faut le dire, maintenant, M. le
Président, les fauteuils sont peut-être vides autour de la table
constitutionnelle multilatérale, mais ça ne trompe plus personne.
Tout le monde reconnaît maintenant que, par d'autres moyens, le
gouvernement du Québec est de plein pied dans la négociation
constitutionnelle. Et, inlassablement, et c'est là le danger, le
gouvernement poursuit ce que j'appelle son limbo constitutionnel en abaissant
constamment la barre de ses exigences à l'égard d'une entente
constitutionnelle, ce qui nous conduira, malheureusement, à la fin du
processus, j'ai bien peur, à une entente à rabais.
Ces manifestations d'ouverture, j'en donne quelques-unes, M. le
Président, j'en rappelle quelques-unes. Je commencerai d'abord par le
discours d'ouverture du premier ministre lors de la nouvelle session, en mars
1992, où l'on a vu le premier ministre adresser une véritable
supplique au Canada anglais, et je le cite: «Le gouvernement du
Québec et la majorité de cette Assemblée souhaitent
vivement la réussite des présentes négociations
constitutionnelles. Le gouvernement actuel a démontré dans le
passé sa volonté d'en arriver à une entente raisonnable,
c'est encore sa politique aujourd'hui.» Cette supplication, c'est
vraiment de l'ordre de: S'il vous plaît, faites-nous des offres, sinon je
vais être pris avec ce que je considère comme un monstre qui me
terrorise, qui me fait peur, c'est-à-dire le référendum
sur la souveraineté. Ça fait plus peur maintenant au gouvernement
que ça peut faire peur ou que ça peut effrayer le Canada
anglais.
Deuxième manifestation d'ouverture: cet optimisme
répété à satiété, cet optimisme
tenace. Le premier ministre ne cesse de répéter son optimisme, de
réitérer son optimisme d'obtenir des offres satisfaisantes,
devant la bonne volonté, même si elle est microscopique, qu'il
prétend percevoir - il a un bon oeil, il voit bien - chez ses homologues
du Canada anglais. Je ne sais pas s'il exclut Clyde Wells, Gary Filmon et Don
Getty, dans tout ce beau monde. (10 h 10)
Autre manifestation d'ouverture, celle-là, inquiétante:
accepter le principe d'un référendum pancanadien au mépris
des règles les plus élémentaires de la démocratie.
Il est prêt à accepter l'absence de la règle de la double
majorité ainsi que la non-limitation des dépenses à
l'oc-
casion d'un référendum fédéral pancanadien.
C'est une véritable escroquerie planifiée que ce
référendum pancanadien. C'est une véritable caricature
grossière de la démocratie. C'est ça, le projet
fédéral de la loi référendaire. Et,
malheureusement, le gouvernement québécois, il faut le dire, joue
les Ponce Pilate en tant que bon fédéraliste complice et qui n'a
pas jugé utile de dénoncer vigoureusement cette opération
de propagande mise en place par le gouvernement fédéral. Comment
peut-il prétendre sérieusement que les droits des
Québécois de déterminer seuls les voies de leur avenir
politique, ce droit-là sera préservé avec un
référendum pancanadien de cette nature? Hier encore, sur les
ondes d'une station de radio, M. le ministre répétait à
qui voulait l'entendre que le gouvernement fédéral avait le droit
de tenir un référendum pancanadien, mais que le droit des
Québécois de choisir leur avenir serait préservé.
Voilà ce qu'on pourrait appeler des paroles verbales ou de la
pensée magique. Comment peut-on préserver le droit des
Québécois de déterminer seuls les voies de leur avenir si
on accepte, si on se résigne à la tenue de cette espèce
d'escroquerie, de supercherie de la démocratie que le gouvernement, la
Chambre des communes est en train de mettre au point?
Autre manifestation d'ouverture, je rappelle l'entrevue au quotidien
Le Monde où le premier ministre a été on ne peut
plus clair - ça ne lui arrive pas souvent, mais, cette fois-là,
il l'était. «Au moment où je vous parle, dit-il, je crois
qu'il y aura des offres du gouvernement d'Ottawa proposant un renouvellement du
fédéralisme canadien. Le référendum portera sur les
offres. Bien sûr, il faudra alors amender la loi 150.»
C'était on ne peut plus clair. Ça n'arrive pas souvent; ce n'est
pas arrivé souvent dans la carrière politique de M. Bourassa,
mais là, il y a vraiment de la limpidité dans cette
déclaration. Il confirme ainsi, au Canada anglais, qu'il bluffait et
qu'il n'a jamais eu ni le goût, ni l'intention, puis, encore moins, aussi
la conviction de tenir sérieusement un référendum sur la
souveraineté, de sorte que cette épée de Damoclès
était en caoutchouc mousse, que le fameux couteau sur la gorge, dont
certains ont parlé, est un couteau jouet en matière
plastique.
Autre manifestation d'ouverture concernant la clause de la
société distincte. Le gouvernement se résigne, maintenant,
à accepter une clause de reconnaissance du Québec comme
société distincte qui constitue un véritable recul par
rapport à ce qu'on retrouvait dans le défunt accord du lac Meech.
Aujourd'hui, le Québec accepte un libellé de clause de
société distincte qui reprend intégralement le
libellé du rapport Beaudoin-Dobbie, qui avait pourtant été
jugé inacceptable, le 3 mars dernier, par le gouvernement du
Québec. C'est un recul important; on y reviendra un peu plus tard au
cours de cette interpellation, M. le Président.
Autre manifestation d'ouverture, retour à la table de
négociation à 17; non plus à 11, maintenant, c'est
à 17! En annonçant, avant son départ pour la lamentable
tournée de l'Ouest, du premier ministre et du ministre, que le
Québec est sur le point de retourner à la table de
négocation à 17 en autant que le Canada anglais est
disposé à accepter, en substance, les cinq conditions de Meech.
Je pense que c'était là une ouverture extrêmement explicite
et, aussi, extrêmement dangereuse. On sait qu'il a frappé un mur
dans l'Ouest. Ça été non au droit de veto du Québec
à moins d'un Sénat trip!e «e». Et il n'est pas
à la table, comme je le disais tantôt, il n'est pas assis dans le
fauteuil réservé au Québec autour de la table, mais il est
partie prenante des négociations avec l'aide de moyens techniques, des
technologies modernes; d'abord le téléphone, bien sûr, mais
probablement aussi le fax et autres moyens de communication modernes. Ce qui
fait dire, d'ailleurs, à Lise Bisson-nette, je pense que c'est hier,
dans un editorial du Devoir, que les apparences ne trompent plus personne.
Personne n'est plus dupe. M. Bourassa a bel et bien renié son engagement
du 23 juin 1990. Tout le monde en convient.
Autre manifestation d'ouverture, extrêmement dangereuse
également celle-là, c'est d'abord la mise au rancart du rapport
Allaire et c'est, par le fait même, un rapetissement considérable
des revendications du Québec au chapitre du partage des pouvoirs. C'est
le sujet qui est au coeur des revendications constitutionnelles du
Québec depuis plus de 30 ans. Le rapport Allaire, maintenant, n'est plus
une référence. On sait que la liste des 22 pouvoirs exclusifs
réclamés par le Parti libéral pour une révision en
profondeur du fédéralisme est complètement
écartée. Ça n'a jamais été une position du
gouvernement, d'ailleurs. Et on a vu cette semaine que les ministres de la
Santé, de l'Environnement, des Communications sont maintenant
prêts à s'accommoder d'une compétence partagée avec
le gouvernement fédéral, contrairement à ce qu'affirme et
réclame le rapport Allaire et le Parti libéral. Alors, le premier
ministre, qui est un chantre de la souveraineté culturelle, lui aussi,
se contenterait du statu quo en cette matière. Et je considère,
M. le Président, que le gouvernement du Québec, en matière
de partage des pouvoirs, est prêt à se contenter de très
peu, très peu. Et on lui offre très peu. Pourquoi se forcer?
Pourquoi le Canada anglais se focerait-il quand il se rend compte que le
gouvernement du Québec exige très peu? Pourquoi un banquet de
huit ou dix services quand on sait que les invités vont se contenter de
hors-d'oeuvre et d'amuse-gueule?
Alors, M. le Président, je termine là-dessus mon
introduction en disant qu'il y a toute une série de manifestations,
d'ouvertures de la part du gouvernement du Québec et, quand on met tout
ça ensemble, on arrive à la conclusion que la situation est
extrêmement dangereuse et que
le gouvernement québécois est en état de faiblesse
extrême sur le plan constitutionnel.
Le Président (M. Camden): Je vous remercie, M. le
député de Lac-Saint-Jean. M. le ministre, pour une période
de 10 minutes.
Réponse du ministre M. Gil
Rémillard
M. Rémillard: Je vous remercie, M. le Président.
Vous me permettrez, tout d'abord, de remercier le député de
Lac-Saint-Jean pour cette occasion que nous avons ce matin de discuter, comme
il l'a dit lui-même, calmement, en cette Assemblée nationale,
d'une question aussi importante que le débat constitutionnel. Je le
remercie parce que le gouvernement ne peut pas interpeller l'Opposition, mais
l'Opposition peut interpeller le gouvernement. Par contre, ça me
permettra, pendant cette interpellation, M. le Président, de poser, moi
aussi, des questions au député de Lac-Saint-Jean, et
j'espère avoir des réponses claires. Alors, c'est
l'utilité qu'on peut faire de cette interpellation, M. le
Président, pour, finalement - parce que je sais que nous poursuivons
essentiellement le même objectif, comme parlementaires - pouvoir donner
une information, la plus complète possible, aux citoyennes, aux citoyens
qui nous écoutent, et sur un débat aussi important pour eux, il
nous importe, bien sûr, de faire en sorte que l'information soit la plus
complète possible. Donc, M. le Président, au départ, je
voudrais vous dire que je poserai, moi aussi, quelques questions au
député de Lac-Saint-Jean pour préciser sa pensée,
voir où il se loge, comment il évolue dans sa pensée, en
fonction des différents concepts qu'il a développés il y
a, maintenant, quelques années, qu'il a développés il y a
quelques semaines et qu'il discute maintenant avec moi, ce matin.
M. le Président, le député de Lac-Saint-Jean, tout
à l'heure, nous disait que l'impasse constitutionnelle est toujours
là, et il faut dire, M. le Président, que, oui, il y a un
débat constitutionnel qui n'est pas facile. On voit par les journaux,
cette semaine, à la suite de la conférence de Toronto, que c'est
un débat qui n'est pas facile, très difficile. Mais il faut
comprendre, M. le Président, que cette conférence de Toronto est
la dernière de 12 conférences qui ont eu lieu, donc dans les 12
dernières semaines, et qui ont permis probablement le processus de
négociations constitutionnelles le plus complet, et je devrais dire
aussi, bien sûr, le plus exigeant qui ait jamais été mis en
place dans toute l'histoire de la Fédération canadienne, 125 ans
cette année.
C'est déjà un aspect positif. Ça ne signifie pas
que c'est facile, mais ça signifie, M. le Président, qu'il y a
une volonté de pouvoir trouver une solution pour le Québec. Oui,
une solution pour nos amis autochtones, une solution aussi pour l'ensemble de
la Fédération en ce qui regarde autant les provinces de l'Ouest,
les provinces de l'Atlantique, l'Ontario ou le Québec, pour que nous
puissions adapter notre fédéralisme à révolution de
notre société et aux défis que nous devons relever, comme
pays, sur la scène internationale.
Or, dans ce contexte-là, M. le Président, tout ce
processus doit être situé à la suite, bien sûr, de
l'échec de l'entente du lac Meech négociée par le
Québec avec ses partenaires fédéraux, neuf autres
provinces et le gouvernement fédéral. On se souvient que huit
provinces et le Parlement canadien avaient accepté l'entente du lac
Meech, mais que deux provinces, Terre-Neuve et le Manitoba, avaient
refusé d'entériner l'accord. Par conséquent, l'entente n'a
pas été ratifiée au mois de juin 1990. Cette entente
n'étant pas ratifiée, elle devenait donc caduque, selon les
termes de la Constitution canadienne négociée et acceptée
en 1981-1982, parce qu'il faut repartir à 1981-1982, M. le
Président, pour bien comprendre cette impasse, pour prendre les termes
du député de Lac-Saint-Jean, parce qu'en 1981-1982, avec ce
rapatriement de la Constitution, le Québec n'était pas à
la table, paraît-il. Il était où? Il était à
Ottawa, mais il n'était pas à la table. (10 h 20)
C'est à ce moment-là que le droit de veto a
été perdu, entre autres, et qu'on a imposé, au
Québec, une réforme constitutionnelle substantielle, très
importante, avec une charte des droits qui est un atout pour le
fédéralisme canadien, mais qui signifie aussi de nouvelles
perspectives. Le Québec n'était pas là pour en discuter
et, surtout, la perte du droit de veto qui, maintenant, nous pose des
difficultés, c'est évident, parce que lorsqu'on parle d'impasse,
lorsqu'on parle de difficultés dans les négociations
constitutionnelles actuelles, il y a une difficulté majeure en ce qui
regarde ce droit de veto et la possibilité que nous pouvons avoir de
récupérer ce droit de veto.
Nous devons récupérer ce droit de veto. Ce ne sera pas
facile, M. le Président. Pour ma part, quand on parle du droit de veto,
j'aime mieux parler du droit à consentir un amendement constitutionnel.
Et on peut se référer à ce qui a été
négocié dans l'entente du lac Meech où, tout d'abord, en
ce qui regarde le partage des compétences législatives, puisque
déjà, dans la Constitution, dans l'actuelle formule d'amendement,
il y a une possibilité de retrait lorsqu'un amendement touche les
droits, pouvoirs, privilèges d'une province. Nous pouvons donc nous
référer à la même formule, cette formule du droit de
retrait, mais en ajoutant une compensation financière. Ce qui n'existe
pas présentement, sauf en ce qui regarde la culture et
l'éducation, dans tous les sujets. Et on nous informe, M. le
Président, que sur ce point il y a consensus. Tous les
partenaires à la table semblent d'accord en ce qui regarde cette
possibilité d'un droit de retrait avec compensation financière.
C'est donc dire que, en ce qui regarde le partage des compétences
législatives, nous avons la possibilité de
récupérer ce droit de veto, perdu en 1981-1982.
Il reste, bien sûr, la question des institutions. Et on discute
beaucoup de la réforme du Sénat. Ce n'est pas facile de trouver
un consensus pour accommoder toutes les parties du pays, toutes les provinces,
autour d'une réforme du Sénat. Le Sénat est la
deuxième Chambre de la Fédération et, dans tout
fédéralisme, cette deuxième Chambre doit jouer le
rôle d'être représentative des intérêts des
régions, des provinces, toujours bien sûr en fonction de
l'intérêt national de la Fédération. Mais,
contrairement à la Chambre des communes, à la première
Chambre, qui représente la population, donc les députés
sont élus en fonction d'un nombre d'électeurs, la deuxième
Chambre, une Chambre haute, en ce qui nous regarde, doit être la plus
représentative des intérêts des provinces et des
régions.
M. le Président, certaines provinces nous disent: Droit de veto,
s'il y a consensus sur le Sénat. Et là nous sommes dans une
situation qui n'est pas facile, je l'avoue. Il faut trouver une solution, et ce
ne sera pas facile de récupérer le droit de veto, c'est
évident. Mais, M. le Président, c'est ça le défi
que nous avons. Et le Québec, présentement, n'est pas à la
table, nous ne négocions pas. Ça ne veut pas dire, M. le
Président, qu'on boude dans notre coin, parce que quand les
intérêts du Québec sont en jeu, on est là, on y
voit. C'est mon devoir comme ministre des Affaires canadiennes; le premier
ministre est en contact étroit avec les autres premiers ministres, de
toutes les provinces. Et, lorsqu'il s'agit de protéger, de
défendre, de faire la promotion des intérêts du
Québec, nous sommes là. On l'a démontré encore,
dernièrement, M. le Président, par ce voyage que M. Bourassa, que
le premier ministre a fait dans l'Ouest canadien, pas simplement pour parler de
constitution, mais pour parler de beaucoup d'autres sujets que nous voulons
développer avec les autres provinces.
On a ouvert ce bureau du Québec à Vancouver qui va nous
permettre de travailler à attirer ici, au Québec, des capitaux
asiatiques qui, de plus en plus, transitent par Vancouver, par la
Colombie-Britannique, travailler avec le gouvernement de Colombie-Britannique
à ce qu'on puisse établir un axe de développement qui peut
être extrêmement intéressant pour le Québec. M. le
Président, en ce qui regarde aussi l'Alberta, le Manitoba, la
Saskatchewan, nous avons des intérêts économiques en commun
qu'on doit développer.
Alors, M. le Président, nous ne négocions pas. Nous ne
sommes pas à la table. Mais nous voyons à ce que les
intérêts supérieurs du Québec soient
respectés. C'est le devoir du gouvernement et c'est ce que nous faisons.
Le député du Lac-Saint-Jean parle de difficultés dans les
discussions constitutionnelles, et je le dis, oui, ce n'est pas facile. Mais le
morceau, il est gros, et si nous pouvons trouver une solution à cette
réforme constitutionnelle complète, comprenant autant le partage
des compétences législatives que la réforme des
institutions, que l'ensemble de la Constitution canadienne, i'adap-ter à
l'évolution de notre société, M. le Président, on
aura relevé un ojiï extrêmement important. C'est ce qu'on
essaie de faire depuis les 75 dernières années.
Le Président (M. Camden): Merci, M. le ministre. En vertu
de nos règles, je cède maintenant la parole au
député de Viger, pour une période de... Oh! Excusez, M. le
député de Lac-Saint-Jean. M. le député de
Lac-Saint-Jean, votre période de cinq minutes.
Argumentation M. Jacques Brassard
M. Brassard: Voilà. Oui, M. le Président. M. le
Président, j'admire, j'admire l'optimisme forcé, en même
temps que béat, du ministre à propos des négociations
constitutionnelles en cours. On le voit, un peu comme un noyé, se
raccrocher aux moindres brindilles pour ne pas couler à pic. Alors, les
brindilles, c'est le nombre de rencontres. Il y a eu 12 rencontres, 15
rencontres; alors, ça va bien. Il y a plusieurs rencontres qui se
multiplient; donc, ça va bien. Le nombre de rencontres rassure, fonde
son optimisme. Et puis la bonne volonté! Ah, il y a de la bonne
volonté quand même, écoutez, il y a de la bonne
volonté partout. On ne sait pas comment ça se manifeste, on ne
voit pas comment ça se manifeste, mais il y en a. Il y a de la bonne
volonté. Alors, voilà les deux fondements de l'optimisme
vigoureux du ministre: beaucoup de rencontres, plusieurs rencontres et une
bonne volonté, qui a de la misère à prendre des formes
concrètes, mais elle est là, elle est présente. Le
ministre a droit à toute mon admiration.
Quant au droit de veto, c'est son petit discours habituel. Je lui
réponds encore une fois que le droit de veto, on n'a pas pu le perdre,
puisqu'il n'existait pas. La Cour suprême a été très
claire là-dessus: il n'y a jamais eu de veto pour le Québec,
jamais. Ça n'a jamais existé. Alors, on ne peut pas perdre ce qui
n'a jamais existé. On ne peut pas perdre ce qu'il n'y a jamais eu.
Il y a eu des droits de veto, cependant, qui ont été
prévus dans certains projets d'accords constitutionnels. Il y en avait
un de prévu dans la charte de Victoria, en 1971, et c'a
été rejeté
par le premier ministre actuel. Donc, il l'a perdu, là. Il en a
perdu. Il l'a perdu une fois. Le premier ministre actuel a perdu une fois un
droit de veto, qui était prévu en 1971, et il y en avait un
autre, droit de veto, plus restreint celui-là, parce qu'il portait
uniquement sur les institutions, dans l'accord du lac Meech, mais l'accord du
lac Meech est mort en juin 1990. Alors, il y en avait un de prévu, mais
il a été perdu là aussi.
Et c'était aussi le même premier ministre que celui qui
était là en 1971 qui l'a perdu. Alors, pour ce qui est des pertes
de droit de veto, vous avez un bon bilan aussi. Vous avez perdu deux fois le
droit de veto. Il y a deux fois qu'il avait été prévu dans
des projets d'accords constitutionnels, et c'a «floppé», c'a
échoué deux fois. Vous l'avez perdu deux fois. Alors, en cette
matière, vous n'avez pas de leçon à donner à grand
monde.
Ceci étant dit, M. le Président, je reviens sur l'accord
du lac Meech pour dire substantiellement ceci, parce qu'il est de bon ton de
parler de substance quand on parle de Meech. Meech, on se rappellera ses cinq
conditions les plus modestes que le Québec n'a jamais formulées,
n'a jamais exigées en matière constitutionnelle. Modeste, selon
les propres termes du premier ministre. Il y en avait cinq. (10 h 30)
Et, évidemment, on ne pouvait pas aller plus bas que ça.
Et là, ce qu'on constate, c'est qu'on est en train d'aller plus bas que
ça. On recule même sur Meech, considéré comme le
minimum du minimum. Et on nous parle de Meech en substance, alors qu'en
réalité, j'ai bien peur qu'on se retrouve dans Meech en
apparence. Non pas Meech en substance, mais Meech en apparence. On recule sur
les cinq points modestes, minimums de Meech. Sur la société
distincte, je reviendrai, plus en détail, tout à l'heure, mais
c'est évident qu'en acceptant le libellé de Beaudoin-Dobbie, il y
a recul. Il y a recul évident, tous les observateurs les plus objectifs
le confirment, l'affirment: il y a un recul si on s'en tient au libellé
de Beaudoin-Dobbie concernant la société distincte.
Mais, en même temps, c'est un libellé pernicieux, parce
qu'il y a une dimension assez pernicieuse, assez vicieuse concernant le
développement et l'épanouissement de la communauté
minoritaire anglophone. Sur la nomination des juges, c'est loin d'être
assuré parce que ça exige l'unanimité. Alors, les trois
juges du Québec, ce n'est pas évident non plus. En matière
d'immigration, ce n'est pas évident non plus qu'on ne reculera pas, et
le pouvoir de dépenser est pas mal moins balisé, moins
encadré que ce qu'on peut voir dans Meech, et encore là, il y
avait beaucoup de trous dans Meech.
Quant au droit de veto, il est loin d'être assuré. Je ne
reviendrai pas là-dessus. C'est évident qu'il y a plusieurs
provinces du Canada anglais qui sont hostiles à l'octroi d'un droit de
veto au Québec, et je ne vois pas comment ils pourraient revenir sur
leurs décisions. L'unanimité est requise pour avoir un droit de
veto, et là, vraiment, on est dans un cul de sac. Et je prends acte, je
prends bonne note que le ministre confirme, de nouveau, que c'est une condition
essentielle, l'octroi d'un droit de veto pour le Québec, dans n'importe
quelle entente constitutionnelle possible. J'en prends acte.
Le Président (M. Camden): M. le
député...
M. Brassard: mais c'est clair que ce droit de veto là est
loin d'être assuré, puisqu'il y a beaucoup trop de monde qui s'y
oppose farouchement.
Le Président (M. Camden): On vous remercie, M. le
député de Lac-Saint-Jean. M. le ministre, pour une période
de cinq minutes.
M. Gil Rémillard
M. Rémillard: Merci, M. le Président. J'entends le
député de Lac-Saint-Jean nous dire: On n'a pas perdu le droit de
veto, il n'existait pas. Pourtant, M. le Président, ils ont
plaidé, à deux reprises, devant la Cour suprême du Canada
qu'il existait, le droit de veto, et qu'ils ne l'avaient pas perdu. Je l'invite
simplement, M. le Président, le député de Lac-Saint-Jean,
à relire la décision de la Cour suprême, entre autres la
dernière sur le droit de veto, avec toutes les conséquences que
ça implique.
Le droit de veto, il a été perdu. Bon! On va essayer de le
récupérer, on va le récupérer. Mais il y a aussi
des dégâts qui ont été commis en 1981-1982 qui sont
aussi Importants que la perte du droit de veto, et c'est la reconnaissance par
le précédent gouvernement, le gouvernement péquiste, du
droit à l'égalité des provinces. Ça aussi,
textuellement, ça a été reconnu dans l'entente
signée le 16 avril 1981 - le député de Lac-Saint-Jean sait
qui l'avait signée - reconnu, textuellement, le droit à
l'égalité. Pour la première fois dans toute l'histoire de
la Fédération canadienne, dans l'histoire du Québec, un
gouvernement reconnaissait que le Québec était sur le même
pied que toutes les autres provinces: Pas de différence! Nous sommes
égales! Nous sommes tellement égales qu'on n'a pas besoin de
droit de veto, et on va prendre simplement la fameuse règle du 7-50 - 7
provinces, 50 % de la population - et, on peut se retirer, à ce
moment-là, d'un amendement constitutionnel.
Donc, on dit: On est protégé. Mais, M. le
Président, est-ce possible qu'on n'aurait pas pensé qu'on ne se
retire pas d'une institution fédérale, qu'on ne se retire pas du
Sénat? Et maintenant, c'est vrai que ce n'est pas facile, il faut
réparer ça. On est coincé parce qu'un
précédent gouvernement a accepté ce droit à
l'égalité. Et je peux poser la question au
député de Lac-Saint-Jean: Dans quel contexte avez-vous
accepté ce droit à l'égalité et comment voyez-vous
ce droit à l'égalité pour le Québec? Puisque, si
vous avez accepté en 1981 ce droit à l'égalité, en
pleine négociation constitutionnelle, vous veniez de recevoir un mandat
de la population du Québec quelques jours auparavant; c'est donc dire
que vous aviez une subtile stratégie. Je vous connais assez, je sais que
vous aviez pensé probablement à une stratégie bien
élaborée. Donc, comment cette reconnaissance de
l'égalité pour toutes les provinces pouvait-elle s'inscrire dans
la stratégie constitutionnelle de l'époque? Je pense que la
réponse du député de Lac-Saint-Jean pourrait m'aider,
pourrait nous éclairer parce que, là, maintenant, on veut trouver
une solution pour réformer le Sénat, mais les provinces nous
disent: C'est l'égalité, et elles se réfèrent
à ce principe accepté par le gouvernement péquiste en
1981. Donc, si le député de Lac-Saint-Jean pouvait
répondre clairement à ma question, ma question est très
claire: Comment percevez-vous ce droit à l'égalité des
provinces que vous avez accepté en 1981 et comment situez-vous ce droit
dans le contexte de la présente négociation constitutionnelle? Je
suis convaincu que votre réponse va beaucoup m'aider.
M. Brassard: Si le député de Viger me laisse la
parole, je veux bien. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Camden): Merci, M. le ministre. M. le
député de Viger.
M. Cosmo Maciocia
M. Maciocia: Merci, M. le Président. C'est avec plaisir
que j'interviens, aujourd'hui, à cette interpellation du
député de Lac-Saint-Jean. Ce matin, le Parti
québécois veut connaître l'état des
négociations qui se déroulent actuellement,
particulièrement à Toronto. Pourtant, il sait très bien
que, depuis le 23 juin 1990, le Québec n'a pas repris les
négociations constitutionnelles. Ça, ça doit être
très clair. Depuis que le premier ministre a déclaré, le
23 juin 1990, qu'il ne participerait plus à des négociations
à 11, c'est clair que le gouvernement du Québec n'a pas repris
ces négociations-là. Deuxièmement, s'il veut vraiment
connaître l'état des négociations actuelles, on peut lui
dire très, très ouvertement et très franchement de
s'adresser aussi à son aile fédérale, le Bloc
québécois, qui peut toujours intervenir en Chambre et demander au
ministre concerné de les informer de l'état des
négociations actuelles.
Pour nous, il est clair que les négociations que le reste du
Canada a entreprises constituent une étape essentielle, bien que
difficile. Nous espérons et nous croyons que le reste du Canada va
parvenir à s'entendre et à nous faire des offres qui permettront
la mise en place d'un fédéralisme efficace et adapté aux
besoins du Québec. Mais, évidemment - c'est ça qui est
intéressant dans le débat d'aujourd'hui - ce que l'on voit du
côté de l'Opposition, c'est l'espérance, à peine
voilée, à l'effet que les négociations du Canada ne
fonctionneront pas. On peut même les soupçonner - ça, des
fois, j'y pense, M. le Président - que, chaque soir, probablement qu'il
y en a de ce côté, en face de nous, qui font de petites
prières pour que la Volonté divine empêche la
présentation d'offres au Québec. Le PQ prétendait
déjà, à Bélanger-Campeau, que le rapport se
trompait en présentant le fédéralisme renouvelé
comme une voie d'avenir pour le Québec. La commission
Bélanger-Campeau était composée de gens de tous les
horizons; elle avait fait le tour du Québec, elle arrivait à la
conclusion que deux voies de solution s'offraient au Québec, mais le
Parti québécois, se croyant plus fin que les autres, n'a pas tenu
compte de ce qui a été présenté à la
commission et, au contraire des membres qui venaient de tous les secteurs
d'activité du Québec qui, eux, ont reconnu que le
fédéralisme renouvelé était une voie d'avenir pour
le Québec, le Parti québécois, lui, dans son grand
dogmatisme, sourd et aveugle, a refusé de signer cette conclusion.
La raison officielle du Parti québécois pour rejeter le
fédéralisme renouvelé, c'est le fait que le Canada
n'arrivera jamais à nous faire des offres. Selon eux, le Canada ne
réussira jamais à négocier une proposition valable
à nous faire. Enfin, la vraie raison, c'est que le Parti
québécois n'a jamais cru et ne croit toujours pas que la
négociation est une activité qui donne des résultats. Au
fond, quand on se rappellera la négociation de leur collègue,
Claude Morin, en 1981, qui a résulté en la perte du droit de veto
pour le Québec, on comprend que les gens de l'Opposition ont une
certaine psychose des négociations. Pourtant, on les entend pousser de
hauts cris à l'égard de la réforme du Sénat et de
la requête des gens de l'Ouest pour que le principe de
l'égalité des provinces serve de base à la réforme
du Sénat. Il faut quand même leur rappeler que c'est leur
collègue, Claude Morin, qui avait échafaudé sa
stratégie sur une notion d'égalité des provinces. (10 h
40)
Non! Si le Parti québécois ne croit pas au
fédéralisme renouvelé, c'est parce qu'il pense que les
négociations ne donnent jamais de bons résultats. Ce n'est pas le
fédéralisme renouvelé qu'il rejette, c'est la notion
même de la négociation. Quand on voit ça, il y a de quoi
avoir peur devant leur programme politique. Ils veulent faire la
souveraineté en négociant une union monétaire, une union
douanière, un espace économique encore plus
intégré; ils veulent une harmonisation de politiques
d'immigration, de la défense, de la sécurité publique, de
l'assurance-maladie et des programmes sociaux. Ils disent
même vouloir négocier une double nationalité. C'est
un piège, M. le Président, c'est une guet-apens. Dans le fond, le
PQ ne croit pas au principe de la négociation. Ce qu'il cache sous son
programme c'est le goût de l'isolement, le refus de la cohabitation, le
dogmatisme, l'exclusion. Dans le fond, le Parti québécois ne
croit pas à la négociation et ça, on l'a vu en
février dernier quand M. Parizeau a envoyé promener les
autochtones. On se rappellera ce qu'il a dit à propos des autochtones.
Si ce parti n'a pas assez d'ouverture d'esprit pour discuter avec des citoyens
qu'il espère gouverner un jour, on comprend qu'il ne soit pas capable de
croire que le reste du Canada aurait assez d'ouverture d'esprit pour s'entendre
sur une offre à faire au Québec.
Pour notre part, nous croyons à l'ouverture d'esprit et à
la cohabitation. Peu importe ce qui arrivera à la table
constitutionnelle du reste du Canada, nous sommes et continuerons d'être
voisins de l'Ontario et des Maritimes. Il faudra toujours viser un entente et
une harmonie et cela, que ce soit dans le fédéralisme
renouvelé de Bélanger-Campeau, de la souveraineté de
Bélanger-Campeau.
En terminant, je vais dire à l'Opposition: Ne comptez pas sur
nous pour lancer la serviette et abandonner la partie. Laissons le Canada
terminer sa négociation et ne présumons pas du résultat.
C'est ce qu'un gouvernement responsable ferait. C'est ce que le gouvernement
actuel fait. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Camden): On vous remercie, M. le
député de Viger. M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: M. le Président, le député de
Viger a au moins découvert une chose véritable, c'est que c'est
vrai que je prie chaque soir le Seigneur et, surtout, l'Esprit-Saint
d'insuffler de la force et de la vigueur à un gouvernement
étonnamment et dangereusement faible. Oui, ça, je prie, chaque
soir, le Seigneur pour qu'il arrête, qu'il mette un terme à
l'effondrement lamentable du gouvernement en matière constitutionnelle.
Là-dessus, on se rejoint. Il a découvert une chose.
Je reviens, M. le Président, sur Meech et surtout sur la clause
de la société distincte. Le premier ministre a
répété à plusieurs reprises que, pour ce qui est
des cinq conditions de Meech, il y en avait quatre qui étaient
acceptées; la cinquième, qui ne l'était pas,
c'était le droit de veto. On en a parlé tantôt. S'il
prétend qu'il y en a quatre qui sont acceptées, c'est donc qu'il
prétend qu'il y a un accord, qu'il y a un consensus sur la clause de la
société distincte. Et c'est là qu'est le problème
parce qu'on sait fort bien que l'accord qui est intervenu sur la clause de la
société distincte, à partir de Halifax, en particulier,
qui a été reconfirmé par la suite, cet accord porte sur le
libellé ou le texte qu'on retrouve dans le rapport Beaudoin-Dobbie. Et
pourtant, en mars dernier, le 3 mars 1992, le premier ministre du Québec
disait que, et je le cite: «Le problème le plus important du
rapport Beaudoin-Dobbie, quand on veut comparer avec l'accord du lac Meech,
c'est la définition de la société distincte. Notre
objectif, c'est de se rapprocher le plus possible du texte de l'accord du lac
Meech.» Fin de la citation.
Je le comprends. Encore hier, Lise Bisson-nette - je reviens à
son editorial extraordinaire, vous le relirez, M. le ministre, c'est tout
à fait lumineux - Use Bissonnette disait: Écoutez, c'est quand
même étonnant, en 1990, ils ont failli virer le Canada de bord
pour garder le texte de Meech, considérant comme la prunelle de leurs
yeux qu'il ne fallait pas y toucher, que c'était intouchable, et
là, on apprend que le texte de Beaudoin-Dobbie, malgré ce qu'on
disait le 3 mars dernier, fait l'affaire. Pourtant, il comporte bien des
reculs. Je les répète, je les reprends: Cette clause se retrouve
dans la Charte et non pas dans le corps de la Constitution; sa portée
est réduite à trois éléments: langue, culture et
droits civils - je ne reprendrai pas la thèse du ministre
là-dessus, elle est convaincante - et troisièmement, on oblige le
Québec à contribuer à l'épanouissement et au
développement linguistique et culturel de sa minorité anglophone.
Il y a un affaiblissement de la clause dans ses autres parties, mais,
là-dessus, il y a un élément extrêmement vicieux et
pernicieux qu'on y ajoute, et dangereux aussi selon les observateurs et
experts, entre autres, son ami et ex-conseiller, M. Léon Dion, ils ont
tous signalé le danger réel que comporte cette clause qui risque
de faire voler en éclats, de réduire à néant, de
démanteler ce qui reste de la loi 101. On y recourrait devant les
tribunaux pour annuler, invalider de nouveaux chapitres de la loi 101 de la
Charte de la langue française.
Cette clause de la société distincte, par
conséquent, obligera formellement le Québec à contribuer
au développement et à l'épanouissement linguistique et
culturel de la minorité anglophone, fort probablement au
détriment de la langue française. C'est une clause, donc,
à la fois diluée, stérilisée, aseptisée dans
plusieurs de ses parties, qui comporte des reculs et un rapetissement dans
plusieurs de ses parties, mais qui en même temps, dans les parties qu'on
y a ajoutées, comporte des dangers, en particulier pour l'avenir et le
sort de la Charte de la langue française, et c'est évident qu'on
est loin du libellé de Meech. On en est loin. Ce n'est plus du tout la
même chose dont on parle. On a régressé, on a
rétrogradé de façon très considérable,
très substantielle. C'est ce qui me fait dire, encore une fois, qu'on
s'accroche à Meech en apparence et non pas Meech en substance.
Là, il y aura le terme, l'expression «société
distincte», et le gouvernement du Québec s'imagine que parce que
l'expression de société distincte va se retrouver dans cette
clause-là que les Québécois sont prêts à
l'accepter et il espère, en plus, que les Québécois n'y
verront que du feu, une espèce de mirage, n'y verront que du feu, et
qu'ils vont, finalement, l'accepter. Je pense qu'il faut redire et
répéter que vous avez donné votre aval, votre caution
à une clause de la société distincte qui comporte des
reculs majeurs et qui, en plus, fait l'affaire de Clyde Wells. C'est tout
dire.
Le Président (M. Camden): On vous remercie, M. le
député de Lac-Saint-Jean. Pour cinq minutes, M. le ministre.
M. Gil Rémillard
M. Rémillard: Merci, M. le Président. J'avais
demandé tout à l'heure au député de Lac-Saint-Jean
de me donner sa perception de ce principe de l'égalité des
provinces qui avait été accepté par son gouvernement en
1981-1982, et il me répond en me parlant de la société
distincte. Bon. Alors, ça doit être ça, sa perception. Et
il se fait le défenseur du libellé de
«société distincte» qu'on retrouve dans l'entente du
lac Meech. Alors, j'ai un petit peu de difficulté à le suivre,
bien que je m'en réjouisse parce que je le retrouve défenseur du
libellé de l'entente du lac Meech, et il a bien raison dans le sens que
l'entente du lac Meech avait été pensée, en ce qui regarde
la société distincte et la dualité, en fonction d'un
équilibre entre le Québec, qui doit avoir la possibilité
d'exprimer ce qu'il est pleinement, et la reconnaissance des minorités
nationales - francophones à l'extérieur du Québec,
anglophones au Québec - qui font partie de l'entité
socioculturelle de ce pays.
M. le Président, M. Bourassa, le premier ministre, a dit en cette
Chambre, à plusieurs reprises, que le seul texte que nous avons
accepté en ce qui regarde la société distincte est le
texte de l'entente du lac Meech. Il n'y a pas d'autres textes qui ont
été acceptés. D'ailleurs, bien des textes peuvent circuler
en ce qui regarde cette société distincte et dualité,
mais, pour notre part, on va attendre d'avoir l'ensemble des offres, comprenant
donc société distincte, de voir le libellé qu'on nous
propose. On va en faire les études. (10 h 50)
Le député de Lac-Saint-Jean sait très bien qu'on
n'y va pas au hasard, ce n'est pas négligé. Il l'a vu lorsqu'on a
fait l'études des crédits. Il a regardé les études
juridiques, à qui on commandait les études juridiques. Il a pu
voir qu'on ne négligeait rien, parmi les constitutionnalistes que le
député de Lac-Saint-Jean connaît très bien, pour
avoir toutes les opinions. Et on ne fera encore rien au hasard, M. le
Président. On demande des opinions juridiques et, quand on aura le
libellé qu'on nous propose, on va l'étudier et on va prendre nos
décisions toujours en fonction des intérêts
supérieurs du Québec. Il ne s'agit pas d'avoir une clause pour
avoir le plaisir d'avoir une belle clause qu'on va encadrer sur un mur, M. le
Président. On veut avoir une clause qui va nous permettre d'exprimer ce
que nous sommes, en fonction d'une interprétation que les tribunaux
doivent donner à la Constitution, en particulier à la Charte des
droits.
M. le Président, qu'on fasse une situation de cette
société distincte - je dis une situation, pas une
définition - en disant qu'il y a trois éléments de
référence pour comprendre la signification de
société distincte, pour ma part, je n'en vois pas, de
difficultés, danà le sens que ce sont des exemples. Je n'en vois
pas, de difficultés. On n'est quand même pas distincts par notre
poutine, M. le Président, surtout que j'ai appris encore
dernièrement que la poutine vient du Nouveau-Brunswick et non pas du
Québec, et ce n'est pas parce que vous mettez une cerise sur une poutine
que vous en faites un sundae. Ça, c'est évident. Mais à
partir de là, M. le Président, qu'on la situe, cette
société distincte, en fonction de trois éléments de
référence, je n'ai pas de problème avec ça, mais
qu'on lui donne une réelle signification. C'est toujours ce que le
premier ministre a dit en cette Chambre et ce que j'ai dit, et c'est ce qui va
nous guider. Si on doit la situer dans le contexte de l'ensemble d'une
réforme constitutionnelle qui comprend non seulement les cinq points de
Meech mais aussi la réforme des institutions et, surtout, le partage des
compétences législatives, on l'étudiera en fonction de
l'ensemble. La dimension devient différente, et on va l'étudier
en ensemble, mais on ne peut pas actuellement, M. le Président, se
prononcer si on n'a pas le libellé et si on n'a pas l'ensemble des
propositions qu'on est prêts à nous faire.
M. le Président, je vois que le député de
Lac-Saint-Jean se fait le défenseur de l'entente du lac Meech et, en
terminant, je lui dis que le seul texte que nous avons accepté, comme
l'a dit le premier ministre, à plusieurs reprises en cette Chambre,
c'est le texte de l'entente du lac Meech.
Le Président (M. Camden): Alors, on vous remercie, M. le
ministre. M. le député de Saint-Louis, pour les cinq prochaines
minutes.
M. Jacques Chagnon
M. Chagnon: Merci, M. le Président. M. le
Président, je suis toujours un peu... non pas embarrassé, mais je
trouve un peu particulière l'approche que prend le député
de Lac-Saint-Jean pour défendre son point de vue.
S'il est vrai que le Canada a dit non au Québec, en 1982, et que
nous avons tous désap-
précié ce geste fait par des Québécois, soit
dit en passant - ce n'est pas la matraque canadienne qui est venue assommer le
Québec, les leaders de cette manifestation-là étaient des
gens élus par nos concitoyens, ne l'oublions pas - et s'il est
arrivé, encore une fois, qu'en 1990, au moment du lac Meech, qu'on n'a
pas accepté le lac Meech parce que deux premiers ministres
représentant moins de 6 % de la population canadienne ont dit non et que
notre processus de révision constitutionnelle est à ce point
bizarre que 6 % ou deux représentants de 6 % de la population peuvent
bloquer un accord constitutionnel, il n'en demeure pas moins que le
Québec n'avait pas d'autre choix que de se retirer du processus de
négociation dans la partie post-Meech, mais je peux vous dire tout de
suite que ce ne sera pas éternel. Ça ne peut pas être
éternel, dans un sens ou dans l'autre. On ne peut pas se retirer de
l'aventure canadienne comme cela, point à la ligne, même
après un référendum dont on parle beaucoup et contre
lequel, entre autres, l'Opposition péquiste a voté par le biais
de son vote sur la loi 150. On ne peut pas non plus penser que la
non-négociation va nous mener quelque part, parce que même si les
Québécois, ce dont je doute de plus en plus, voulaient devenir un
État souverain, ça les appellerait à faire une
négociation sur l'union douanière, l'union monétaire, le
passeport canadien, la double citoyenneté, tous ces morceaux qu'on nous
prête ou qu'on prétend pouvoir conserver tout en étant
souverains. C'est une illusion et cela, en fait, c'est de la pensée
magique.
Se retirer de l'aventure canadienne quand l'ami, l'ancien chef du
député de Lac-Saint-Jean - et là, je pense à Pierre
Marc Johnson, l'ancien premier ministre, qui, depuis les quatre ou cinq
dernières années, grâce à son parti, a eu la chance
de voyager beaucoup - M. Johnson sent le besoin de préciser qu'il y a
des avantages à voyager avec un passeport du Canada... Effectivement, il
y a un avantage avec un passeport du Canada. Tu voyages avec un passeport d'un
pays qui est reconnu partout dans le monde pour plusieurs de ses
qualités, et ces qualités, par rapport à sa
compréhension de l'Homme, avec un grand h, ne passent pas pour
être les plus minces des grandes qualités qu'on retrouve dans ce
pays. Les grandes qualités humanistes, mais aussi une vision de
tolérance qu'on ne retrouve pas beaucoup ailleurs sur la planète.
Et je suis un peu comme le restant de la population qui trouve que le
débat dans lequel nous - je ne dirai pas que nous évoluons - mais
dans lequel nous nous engluons, depuis plusieurs dizaines d'années, avec
une approche et un vocabulaire qui pourraient nous faire penser que le
député de Lac-Saint-Jean est Bosniaque ou vient de
l'Erythrée ou est Libanais ou Palestinien quand les raisons qui
pourraient motiver l'indépendance, les raisons mentionnées par
l'ancien chef péquiste, Pierre Marc Johnson, sont l'oppression.
Est-ce que les Québécois forment un peuple opprimé?
Non. Quand même, on va revenir, on va enlever ses chaussons gris et on va
regarder les choses dans leur pleine valeur. On est obligés de dire que
non, les Québécois ne forment pas un peuple opprimé, c'est
évident. Est-ce qu'il y a une volonté d'affirmation culturelle au
Québec? La réponse, c'est oui. Est-ce qu'on a coupé les
moyens? Est-ce qu'on a fait en sorte d'enlever les moyens de cette affirmation
culturelle au Québec? Je suis obligé de dire non.
L'économie au Québec, seule province canadienne où
l'économie est contrôlée localement à 68 % par des
intérêts locaux, autochtones, québécois de souche.
Non, M. le Président.
Tous les corbeaux de l'indépendance qu'on a vus se promener
à Montréal la semaine dernière, près de 9000, la
plus grande mobilisation possible faite par le chef du Parti
québécois, le chef du Bloc québécois, le chef des
centrales syndicales, ont amené 9000 personnes. Probablement,
là-dessus, quelques indicateurs de la GRC en plus.
Donc, M. le Président, je pense que l'aventure canadienne devra
se vivre de façon réformée. Mais c'est encore, là,
la seule voie qui semble être satisfaisante pour notre population.
Merci.
Le Président (M. Camden): On vous remercie, M. le
député de Saint-Louis. M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: M. le Président, je constate que le
député de Saint-Louis s'est trompé d'interpellation. Il me
semble que je n'ai pas inscrit une interpellation sur la souveraineté.
En tout cas, je n'en dis pas plus. Je reviens à la négociation
constitutionnelle actuelle.
Rappelons que c'est une ronde Canada. Je pense que c'est important de le
signaler et de le dire: c'est une ronde Canada, ce n'est pas une ronde
Québec. Par conséquent, les priorités et les sujets
prioritaires dont on discute, ce ne sont pas des priorités et des sujets
prioritaires déterminés et identifiés par le
Québec. C'est, entre autres, la question autochtone qui a
accaparé l'essentiel du temps de toutes ces conférences, de
toutes ces discussions, et c'est également la réforme du
Sénat qui est un sujet de prédilection considérée
comme une vraie obsession par plusieurs provinces, en particulier de l'Ouest.
(11 heures)
On est donc dans une ronde Canada. C'est toujours ce qui se produit
d'ailleurs, et le Québec n'est pas maître de l'ordre du jour ni de
l'agenda. Parlons un peu de la réforme du Sénat. Sans mandat et
sans rien avoir obtenu en retour, le gouvernement du Québec a
déjà, dès le départ, avant même qu'on aborde
la question, concédé le principe d'un Sénat élu et
plus équitable. C'est
déjà acquis. Et je pense que ce sont là des
concessions qui comportent des risques, y compris le caractère
électif des sénateurs.
Si on se base sur l'expérience des États-Unis, le
gouvernement, à mon avis, a tort de minimiser les conséquences
d'un Sénat élu, donc, évidemment, plus légitime qui
contribuerait à un renforcement de la crédibilité des
institutions centrales et, aussi, qui encouragerait la centralisation des
pouvoirs et des compétences. Je fais juste vous dire, bien
concrètement: Que vaudrait le poids d'un élu à
l'Assemblée nationale ou à la Chambre des communes face à
un sénateur élu par 300 000 électeurs d'un territoire qui
recouperait, qui recouvrirait huit comtés de l'Assemblée
nationale, huit circonscriptions de l'Assemblée nationale, et quatre ou
cinq circonscriptions fédérales? Dans quelle position... et quel
serait le sentiment d'un sénateur élu? Comment
considérerait-il les élus de l'Assemblée nationale et les
élus de la Chambre des communes? De haut! Je vous le dis tout de suite,
il les considérerait de haut parce qu'il se sentirait, avec raison, je
pense, plus légitime étant élu par 250 000 à 300
000 électeurs. Déjà, je pense que ça
été une erreur d'accepter l'élection des sénateurs,
d'accepter le principe du Sénat élu. Ça ne fera
qu'accroître la légitimité de cette institution, donc la
légitimité et la crédibilité des institutions
centrales, au détriment des institutions québécoises.
Et, en acceptant un Sénat plus équitable, maintenant, si
on parle de représentation, le Québec ne peut que consentir
à une diminution de son poids politique à l'intérieur du
Sénat, au moment où ce Sénat serait probablement
appelé à exercer une plus grande influence, étant
élu et plus efficace. Et, ça aussi, c'est inévitable.
À partir du moment où on réforme le Sénat,
où on touche à sa représentation, où on cherche une
plus grande équité, sinon une plus grande égalité,
c'est évident que le poids politique du Québec sera
diminué. Le Québec sera donc perdant et verra son poids politique
diminué.
Je pense qu'on a fait une erreur. Le gouvernement du Québec a
fait une erreur en acceptant le principe d'un Sénat élu et d'un
Sénat plus équitable et d'un Sénat efficace.
Comment ça va se terminer tout ça? Je ne le sais pas! On
voit que ça ne fonctionne pas très bien. Mais, le danger, qui est
évident, c'est le danger d'un «deal», d'une entente par le
Québec avec les provinces réclamant une réforme du
Sénat, où on dirait: On vous donne, on consent à une
réforme du Sénat où le Québec verrait son poids
politique diminué, et, en retour, vous nous accordez un droit de veto
sur les institutions fédérales. Mais ce serait un droit de veto
qui deviendrait tout simplement une plaque murale, un prix de consolation,
parce que la réforme du Sénat étant faite, il ne servirait
plus à rien. Il serait devenu futile, inutile, on n'aurait pas
l'occasion de s'en servir. Alors, ça, c'est un mauvais
«deal». Si c'est ça qu'on prépare, je mets en garde
le gouvernement contre un mauvais «deal» sur cette
question-là.
Et je dirais moi-même, en terminant, que la réforme du
Sénat, que ce que le Québec aurait de mieux à faire,
ça serait de réclamer purement et simplement son abolition, parce
que, en le maintenant dans l'existence et en le réformant,
inévitablement, le Québec en sortira perdant.
Le Président (M. Camden): On vous remercie, M. le
député de Lac-Saint-Jean. M. le ministre, pour une période
de cinq minutes.
M. Gil Rémillard
M. Rémillard: Oui, M. le Président. Je vois
donc que ma question toujours sur cette signification du principe de
l'égalité des provinces accepté par le Parti
québécois en 1981, le député de Lac-Saint-Jean me
parle maintenant du Sénat. Il parle du Sénat et il fait donc
cette relation avec le principe d'égalité.
C'est vrai, M. le Président, que nous devons réformer le
Sénat. Nous devons refaire nos devoirs ensemble pour que cette
deuxième Chambre soit plus significative des intérêts des
provinces et des régions. M. le Président, nous n'avons rien
accepté, même pas un Sénat élu. Non, M. le
Président. À l'entente du lac Meech, au mois de juin, nous avons
accepté que le Sénat devrait être élu, que le
Sénat devrait garantir une représentation plus équitable,
que le Sénat devrait détenir des pouvoirs réels afin que
la prise des décisions au niveau national tienne davantage compte des
intérêts des habitants des provinces moins peuplées, des
territoires. Mais, M. le Président, Meech n'existe plus et, pas plus que
l'Alberta se sent liée par le droit de veto que l'Alberta avait
accepté dans Meech pour le Québec, pas plus le Québec se
sent lié par un Sénat élu ou quoi que ce soit qui a
été discuté, donc, dans le contexte.
Quand on voit, M. le Président, des provinces qui remettent en
cause ce qu'elles avaient accepté dans l'entente du lac Meech, la
situation du Québec est exactement la même. Si des provinces
remettent en cause ce qu'elles avaient accepté avec Meech, voté
par des résolutions de leur Assemblée législative, le
Québec est dans la même situation. Lorsqu'on retournera à
la table, si on devait retourner à la table, on ne se sentira pas plus
lié, d'aucune façon. Si des provinces qui avaient accepté
le droit de veto, pas simplement pour le Québec, on l'avait pour
l'ensemble des provinces, et les remettent en cause, nous allons remettre en
cause aussi tous les autres points sur lesquels on avait fait, à ce
moment-là, consensus. C'est une question strictement de discussion
constitutionnelle, M. le Président.
Et dans ce contexte-là, d'aucune façon nous mettrons en
cause des droits historiques du
Québec. On n'ira pas perdre le droit de veto et on ne
reconnaîtra pas, M. le Président, que le Québec doit
être sur le même pied que toutes les provinces, en ce qui regarde
une institution aussi importante que le Sénat. M. le Président,
on parle de la réforme du Sénat, on veut lui donner une
signification, qu'il soit une institution capable de permettre à cette
Fédération d'être plus efficace, nous voulons bien, mais on
considère que la première question à laquelle on devrait
répondre, c'est tout d'abord quelles juridictions, quels pouvoirs
devrait-on donner au Sénat?
Il me semble que logiquement, M. le Président, c'est à
cette première question à laquelle on devrait répondre.
Ensuite, on verra si on doit élire et de quelle façon on doit les
élire. On verra comment le mot «équitable» peut se
situer mais, dans un premier temps, M. le Président, il faut qu'on
réponde à cette question: Quels pouvoirs, quelles juridictions,
quel rôle va-t-on accorder à cette deuxième Chambre?
Le premier ministre, M. Bourassa, a dit à plusieurs reprises
qu'il ne fallait pas créer par un Sénat réformé une
autre Chambre des communes. D'autre part, il ne faudrait pas aussi, par cette
deuxième Chambre, ce Sénat réformé, mettre des bois
dans les roues au travail de la Chambre des communes. On est là pour
instituer deux Chambres, deux organismes législatifs qui doivent
être complémentaires. Une fédération, c'est une
union de personnes et une union d'États. Une première Chambre,
donc, représentative des personnes, et une autre est
représentative des États, des régions. Et c'est dans ce
contexte-là, M. le Président, qu'on doit réformer le
Sénat.
Une question première demeure: Tout d'abord, déterminons
quels pouvoirs, quel rôle on veut donner au Sénat.
Le Président (M. Camden): On vous remercie, M. te
ministre. Maintenant, pour cinq minutes, M. le député de
Salaberry-Soulanges.
M. Serge Marcil
M. Marcil: Merci, M. le Président. Je trouve très
audacieux de la part de l'Opposition de convoquer le ministre responsable du
dossier constitutionnel pour faire le point nécessairement sur les
discussions en cours entre le Québec et le gouvernement
fédéral, toujours au sujet du renouvellement du
fédéralisme canadien. Tantôt, le député de
Lac-Saint-Jean disait de mon collègue, le député de
Saint-Louis, qu'il s'était trompé d'interpellation. (11 h 10)
Je me demande, je me pose souvent la question: Pour un parti politique
qui, supposé-ment, a une option politique, qui fut la
souveraineté, la souveraineté-association, l'affirmation
nationale, le beau risque, qui vote contre une loi qui détermine un
référendum en octobre 1992, je me demande... Moi, je pensais que
ces gens-là, qui sont supposés avoir une position
constitutionnelle claire, nette et précise, auraient profité
d'une interpellation pour pouvoir parler de leur option professionnelle,
c'est-à-dire de leur option constitutionnelle et non pas pour voir ce
qui se passe entre le parti au pouvoir, qui représente la population
dans un débat constitutionnel et qui reste fidèle,
continuellement, à son option politique, contrairement à l'option
politique du parti que représente le député de
Lac-Saint-Jean.
Tantôt, il parlait d'effondrement lamentable du gouvernement du
Québec en matière constitutionnelle, en parlant de notre
formation professionnelle. Il faut avoir du culot pour dire des choses comme
ça, lorsqu'on voit, pas l'effondrement lamentable que ce
parti-là, qui fut au pouvoir de 1976 à 1985, en matière
constitutionnelle... C'est l'inexistence d'une position claire, nette et
précise, être capable de la défendre jusqu'au bout. On a
parlé tantôt du droit de veto qu'ils ont même
contesté jusqu'en... Ils ont défendu en Cour suprême le
droit à l'égalité des provinces. M. le ministre,
tantôt, lui a posé la question, ce qu'ils entendaient par le droit
à l'égalité des provinces, et ils n'osent pas en parler.
Le droit de veto, que voulez-vous, il y en a sûrement un qui a
conseillé à son premier ministre de renoncer au droit de veto,
probablement pour une compensation financière.
C'est ça, dans le fond, c'est toujours la même chose. Le
Parti québécois, c'est un parti qui a complètement perdu
le contrôle du dossier constitutionnel, c'est un parti qui est
continuellement en lutte interne. Et, pour moi, pour la population du
Québec, pour pouvoir négocier au nom de la population du
Québec, il faut avoir une crédibilité. C'est ça qui
fait en sorte qu'on peut réussir à mener à bien un dossier
une fois pour toutes et non pas l'éterniser sur 10, 15, 20, 30 ans,
comme ce fut le cas dans les années antérieures.
C'est une faction politique, le PQ, qui est divisée en deux
groupes, les purs et durs, on les a vus dans les rues de Montréal, il y
en avait 9000 - ils ont été comptés par la presse - et
vous avez les autres qui sont un peu plus pragmatiques et un peu plus
réalistes. Juste pour vous montrer l'incohérence de cette
formation politique là, ils osent, justement, interpeller le ministre
sur les négociations du renouvellement du fédéralisme
canadien au lieu de l'interpeller sur son option qui est la souveraineté
ou demander, poser des questions au ministre sur ce que lui entend... demander
au ministre de donner des opinions contraires à la souveraineté.
Je ne le sais pas, moi, je trouve que, pour la population... Vous les
mêlez pas mal. Et puis, vous avez l'art, en plus de ça, d'essayer
de transposer au parti au pouvoir tous vos problèmes; vous êtes
forts dans ça, par exemple. Vous essayez de tout camoufler ce que vous
avez en termes de problè-
mes internes de parti pour montrer que c'est le parti au pouvoir qui tes
a, les problèmes: Et c'est ce parti-Jà qui est mou et c'est ce
gouvernement-là qui ne peut absolument pas régler le
problème constitutionnel. Je pense qu'on va avoir des petites nouvelles
pour vous autres dans les semaines qui vont venir, en termes de position
constitutionnelle.
Je pense qu'on a toujours été assez clairs sur ça,
on a toujours été cohérents, on a toujours eu la
même ligne de pensée. Je ne crois pas, moi, dans l'histoire du
Parti libéral, qu'on a vu des anciens premiers ministres, des chefs de
parti ou des anciens conseillers, même, du Parti libéral se
prononcer sur la place publique contre l'option qu'Os défendaient quand
ils étaient à l'intérieur du parti. Donc, M. le
Président, je les trouve pas mal audacieux.
Le Président (M. Camden): On vous remercie, M. le
député de Salaberry-Soulanges. Maintenant, je cède la
parole au député de Lac-Saint-Jean.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: M. le Président, j'ai l'impression que le
député oublie la crise de 1967, au Parti libéral, qui a
entraîné la fondation du Parti québécois;
c'était pas mal public et déchirant. Alors, un peu d'histoire
n'est pas inutile.
Je prends bonne note, de la part du ministre, que l'annexe concernant le
Sénat, du 9 juin 1990, l'annexe concernant le Sénat à
l'accord du lac Meech est caduque, ne peut plus être invoquée,
cette annexe, dans laquelle vous reconnaissiez que le Sénat serait
élu; le caractère électif est plus efficace, est plus
équitable. Ça, ça ne vaut plus, me dites-vous, parce que
l'accord du lac Meech est mort. J'en prends acte, mais, à ce
moment-là, je vais vous répondre sur la question que vous me
posiez, l'accord, l'entente du 16 avril 1991 ne vaut plus non plus, elle est
caduque; elle est caduque parce que le front commun de cette
époque-là s'est effondré en 1982, s'est retourné
contre le Québec et c'est évident... Bien, voyons donc! Je le
vois faire des grimaces. C'est une entente, c'est un accord qui ne vaut plus.
Sinon, l'annexe au lac Meech sur le Sénat, ça vaut aussi, on va
pouvoir l'invoquer, continuer de l'invoquer. Écoutez, ça ne vaut
plus; cette entente-là n'a pas été respectée par
les parties signataires. Ça n'a pas été respecte,
ça a donné lieu à la nuit des longs couteaux en novembre
1981. Alors, écoutez...
De toute façon, je vais citer le premier ministre sur le
Sénat, en date du 3 mars 1992, en réaction au rapport
Beaudoin-Dobble. Je le cite: «Pour ce qui a trait au Sénat, nous
avons toujours souscrit au principe d'un Sénat élu et plus
équitable.» Bon! Alors, c'est toujours d'actualité, vous
êtes d'accord avec le Sénat élu. Je reviens au partage des
pouvoirs, M. le Prési- dent. Là, c'est le coeur des
négociations constitutionnelles depuis 30 ans. On connaît la
position du Parti libéral, la longue liste des 22 secteurs dont on
réclame l'exclusivité, qui a été adoptée par
le Parti libéral. On connaît le discours du ministre qui parle
sans cesse d'un fédéralisme profondément renouvelé,
il le répète à satiété, mais, par contre, on
connaît aussi l'ampleur du gouffre qui sépare le Québec,
ses revendications en matière de partage des pouvoirs du reste du Canada
sur cette question. Ça se retrouve aussi bien dans Beaudoin-Dobbie que
dans les propositions de septembre dernier venant du gouvernement
fédéral.
Qu'est-ce qui se passe à la table multilatérale de
négociation sur le partage des pouvoirs? D'abord, le ministre Clark a
rejeté catégoriquement, au début de la semaine, à
Toronto, toute sorte de fédéralisme asymétrique qu'on
avait fait mine d'accepter à Halifax, ressuscitée temporairement
à Halifax; d'autre part, la table multilatérale ne va pas plus
loin que les propositions de septembre et que le rapport Beaudoin-Dobbie,
pourtant jugé inacceptable et insuffisant par le premier ministre sur la
question du partage des pouvoirs. Tout ce que l'on offre au Québec,
c'est de reconfirmer les compétences dévolues aux provinces
depuis 1867, dans les six secteurs suivants: forêt, logement, affaires
urbaines, tourisme, mines et loisir. Imaginez! Le voleur se fait repentant et
consent à rendre le butin qu'il a volé. En est-on plus riche
à retrouver le butin qui nous a été volé? Je ne
crois pas. Est-ce qu'on doit déborder de reconnaissance envers le
voleur? C'est ça qui se passe tout simplement en matière de
partage des pouvoirs. On consent à revenir, en apparence du moins,
à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. On a le culot, en
plus, de prétendre qu'en matière de culture la compétence
sera exclusive, alors que le pouvoir de dépenser du gouvernement
fédéral est maintenu, que les grandes institutions
fédérales en matière culturelle sont maintenues, vont
continuer d'exister sous le contrôle du gouvernement
fédéral; ça, c'est vraiment une supercherie de premier
ordre! C'est la consécration du statu quo qui est
présentée comme un progrès.
Alors, M. le Président, qu'est-ce qui se passe en plus? C'est
qu'on se rend compte, cette semaine, que des ministres reculent par rapport
à ce qu'on retrouve dans la position officielle du Parti libéral,
celui de la santé, celui des communications, celui de l'environnement.
Résultat: C'est que les ministres, en matière de partage des
pouvoirs, sont en train de prendre leur trou, excusez l'expression, mais c'est
une expression qui a été utilisée par le président
des jeunes libéraux: Prendre son trou. C'est ça qui est en train
de se produire. On va se retrouver, en matière de partage des pouvoirs,
avec quelque chose d'inacceptable, de non conforme aux revendications
historiques du Québec. Ma crainte,
c'est que le gouvernement va sauter là-dessus, accepter cela et
présenter cela comme un progrès.
Le Président (M. Camden): M. le ministre. M. Gil
Rémillard
M. Rémillard: M. le Président, le
député de Lac-Saint-Jean nous dit que c'était la
même chose en 1981, qu'ils n'ont pas perdu le droit de veto parce que
l'entente de 1981 est devenue caduque, ne s'est pas réalisée. M.
le Président, est-ce qu'il a déjà lu la Constitution
canadienne? Est-ce qu'il a déjà lu l'article 38 et suivants de la
formule d'amendement? Est-ce qu'il n'a pas réalisé qu'il
retrouvait là, à peu près mot à mot, M. le
Président, l'entente qu'ils ont signée le 16 avril 1981 avec la
perte du droit de veto? Le principe de l'égalité des provinces.
Voyons donc, M. le Président, il faut quand même être
sérieux! On peut discuter, et j'apprécie beaucoup les
éléments de discussion que le député de
Lac-Saint-Jean veut bien mettre sur la table, qui seront discutés - je
pense que c'est le rôle de cette Chambre, c'est notre rôle - mais
quand même, il ne faut quand même pas exagérer. La
Constitution est là. Il n'a qu'à lire la Constitution et il va
s'apercevoir qu'ils l'ont perdu le droit de veto. C'est clair. C'est
écrit. C'est écrit en toutes lettres. Comment peut-on
prétendre des choses pareilles, M. le Président? (11 h 20)
Or, M. le Président, on n'a pris aucune position, peu importe le
sujet qu'on aura à aborder dans une éventuelle discussion
constitutionnelle. Le Québec n'a pas pris de position. Ce qui nous guide
avant tout: les intérêts supérieurs du Québec. Ce
qui nous guide en ce qui regarde le partage des compétences
législatives, entre autres, M. le Président, parce qu'on sait que
c'est là le coeur de tout régime fédé-ratif,
c'est-à-dire cette répartition des responsabilités de
législation entre le gouvernement central et le gouvernement des
états membres, des provinces ici, au Canada, c'est le coeur de la
Fédération, ça. Et, pour nous, Québécois,
nous voulons que ce partage reflète notre désir d'avoir en main
les instruments pour exprimer ce que nous sommes, pleinement, notre
développement social, comme culturel, comme économique, et nous
voulons aussi rechercher une efficacité plus grande pour qu'on soit plus
performant dans cette Fédération sur la scène
internationale.
On aborde, M. le Président, une mondialisation des
économies mais aussi une «continen-talisation» des
économies. Un traité de libre-échange avec les
États-Unis qui a été signé, maintenant depuis
quelques années, mais probablement que ce sera le Mexique qui viendra
s'ajouter. Éventuellement, on peut penser que ce sera le Chili, ce sera
le Venezuela, ce sera d'autres pays d'Amérique latine qui viendront
s'ajouter. On s'en va vers une intégration économique au niveau
nord et sud-américain, sur tout le continent américain.
Intégration économique signifie donc une certaine
intégration politique dans le sens de certaines institutions qui sont
là pour veiller au respect de cette intégration économique
et, dans ce contexte-là, M. le Président, comme pays, on doit
avoir un partage des compétences législatives qui va
éviter les dédoublements qui coûtent argent, temps,
énergie, comme la commission Bélanger-Campeau l'avait
souligné à juste titre, comme tellement de rapports sur la
Constitution l'ont souligné. Nous voulons être efficaces et nous
voulons exprimer ce que nous sommes pleinement.
Dans ce contexte-là, M. le Président, ce qu'il y a dans
Beaudoin-Dobbie, on l'a déjà mentionné, tout
n'était pas mauvais. Il y avait, entre autres, ce désir de
pouvoir établir des domaines exclusifs aux provinces qui seraient
vraiment exclusifs. Parce que le problème qui s'est passé, M. le
Président, c'est qu'on a établi, en 1867, une liste de
compétences aux provinces, une liste de compétences au
fédérai et, quand on regarde ces compétences, on
s'aperçoit de la sagesse des Pères de la
Confédération. On reviendrait avec ce partage-là exclusif,
vraiment exclusif et on dirait: C'est intéressant. Mais,
malheureusement, avec l'évolution des choses, le «pouvoir de
dépenser» qu'on appelle du gouvernement fédéral, ce
pouvoir qui permet au fédéral de donner des sommes d'argent dans
tous les domaines de juridiction, même ceux qui sont de juridiction
provinciale, a fait en sorte qu'il ne reste plus une seule compétence
législative provinciale qui n'est pas touchée, affectée,
d'un côté ou de l'autre, par ce pouvoir de dépenser
fédéral.
Donc, dans la mesure où il y avait des pistes qui pourraient
être intéressantes dans le rapport Beaudoin-Dobbie, on pourrait
assurer l'exclusivité des juridictions et que ce serait conditionnel,
l'exercice du pouvoir de dépenser fédéral, conditionnel
à ce que la province l'accepte, ce pouvoir de dépenser
fédéral. On a là une piste intéressante. Donc, M.
le Président, tant qu'on n'aura pas l'ensemble du document en ce qui
regarde le partage des compétences législatives, on n'ira pas
discuter à la pièce. Ça se regarde dans son ensemble. Les
références sont là pour nous guider. Mais ce que nous
voulons, c'est avoir les outils qui vont nous permettre de nous exprimer
pleinement, notre développement social, culturel et économique,
et ce qu'on veut, c'est participer comme partenaires majeurs, partenaires
à part entière et qu'on ait au niveau de la
Fédération l'efficacité dont on a besoin pour relever les
défis que nous avons sur la scène internationale, notamment.
Le Président (M. Camden): On vous remercie, M. le
ministre. Maintenant, le député de Verdun, pour les cinq
prochaines minutes.
M. Henri-François Gautrin
M. Gautrin: Merci, M. le Président. Pour moi, 8 y a
quelque chose de faux dans le débat qu'on est en train de faire. Le
député de Lac-Saint-Jean est en train de discuter des ententes ou
des négociations, d'essayer d'en juger la valeur alors que, dans le
fond, H n'y a aucune entente qui serait acceptable à ses yeux. Il n'y a
aucune entente qui est acceptable pour les gens de l'Opposition, et
reconnaissez-le. Mors, évidemment, à chaque chose, vous allez
pouvoir critiquer et trouver des raisons de critiquer. Mais, dans le fond,
c'est beaucoup plus facile. C'est beaucoup plus facile d'essayer de
démontrer que toute entente est mauvaise ou, quelles que soient les
ententes, elles sont néfastes, et de ne pas discuter leur option. C'est
beaucoup plus facile. Essentiellement, moi, je les vois, et avec tout le
respect, comme des gens qui sont prêts à vouloir déchirer
toutes les ententes qui pourront éventuellement être
négociées dans l'intérêt du Québec. C'est un
peu comme des urubus, vous savez, des petits vautours, de petite taille
d'ailleurs, en voie de disparition, qui essaient de déchirer
complètement toute entente possible pour le renouvellement du
fédéralisme.
M. le Président, il est bien important ici de réaliser que
le gouvernement du Québec a une ligne extrêmement claire,
extrêmement solide dans ce qu'il recherche. M- Bourassa l'a
réaffirmé bien des fois. Premièrement, le premier choix
est le renouvellement du fédéralisme dans un
fédéralisme beaucoup plus décentralisé, dans un
fédéralisme qui reconnaît à chacune des juridictions
des pouvoirs spécifiques pour éviter les superpositions de
juridiction. Ça, c'est très clair. Ça, c'est très
clair. La stratégie qui est suivie actuellement, à mon sens,
c'est magnifique. Une stratégie sur laquelle, il y a deux ans, le
premier ministre du Québec a affirmé qu'il ne retournerait pas
à la table de négociation tant que des offres claires ne lui
seraient pas présentées. Eh bon Dieu! Bon Dieu! Depuis deux ans,
on peut reconnaître ce qui a bougé dans le reste du Canada. Bon
Dieu! Cette stratégie est en train de donner des fruits: les dix
réunions pour la réforme, le renouvellement, la modernisation de
notre fédéralisme. Bien sûr, les choses ne sont pas
simples; bien sûr, les choses ne se règlent pas du jour au
lendemain; bien sûr, il y a des difficultés; bien sûr, il va
falloir être en mesure de s'adapter, et ça ne se crée pas
en criant «ciseaux» du jour au lendemain. Mais quand même, il
y a une volonté qu'on a pu voir lentement, cette volonté du reste
du Canada, de faire en sorte de renouveler et d'améliorer le
fonctionnement du fédéralisme. Et ça, on le doit, en
grande partie, à la fermeté et à la solidité de M.
Bourassa et à la ligne qui a constamment été
défendue par le gouvernement du Québec, une ligne dans laquelle
on ne retournait pas négocier tant que des offres acceptables pour le
Québec seraient déposées sur la table.
M. le Président, on ne dira jamais assez qu'avec Robert Bourassa
on a quelqu'un qui a à coeur la défense réelle des
intérêts du Québec. Pas quelqu'un qui va abandonner le
droit de veto comme, malheureusement, des gens qui avaient des liaisons un peu
dangereuses avec la GRC ont pu faire en 1982, quelqu'un qui a réellement
à c?ur la protection et la promotion du Québec, quelqu'un
qui ne mettrait pas en danger... J'aimerais pouvoir en discuter plus tard.
Le député de Lac-Saint-Jean, lorsqu'il a fait ses
commentaires, après l'intervention du député de
Saint-Louis, a dit que ce n'était pas la place où on devait
discuter des effets de la souveraineté. On reviendra en discuter
réellement, les risques que ceci va amener pour l'ensemble des
Québécois sur la question de la sécurité
économique, sur la question de la sécurité culturelle, sur
ta question de l'intégrité du territoire, sur la question de la
citoyenneté. Il y a une multitude de questions qui vont, bien sûr,
être abordées dans la commission qui se penchera sur ces
questions-là et sur lesquelles j'aimerais réellement pouvoir
commencer à discuter. Mais ce qui est clair, M. le Président, ce
qui est clair, c'est que le gouvernement et M. Bourassa ont
développé une stratégie où ils se tiennent debout,
où ils réussissent, à l'heure actuelle, à amener le
reste du Canada à satisfaire les conditions de la loi 150 et
bientôt j'espère qu'enfin on cessera de discuter de questions
constitutionnelles et qu'on pourra aborder et attaquer les vraies questions,
les questions économiques. Merci, M. le Président. (11 h 30)
Le Président (M. Camden): Je vous remercie, M. le
député de Verdun. Maintenant, M. le député de
Lac-Saint-Jean, pour cinq minutes.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: M. le Président, je m'excuse, mais je reviens
à l'entente du 15 avril 1991. Le ministre insiste beaucoup, aidé
par son conseiller constitutionnel, Me Tremblay. L'une des raisons pour
lesquelles le gouvernement du Québec et l'Assemblée nationale se
sont opposés à l'accord de 1981 et de 1982, c'est, et je cite son
propre bouquin à la page 411, tome 2: «La formule d'amendement est
inacceptable parce qu'elle ne prévoit pas de compensation
financière dans tous les cas de retrait.» C'était ça
qui était dans l'entente du 15 avril 1981. C'était un droit de
retrait avec pleine compensation financière dans tous les domaines. Ce
n'est pas ça qui apparaît dans l'acte constitutionnel de 1982,
d'aucune façon, vous le savez. C'est limitatif et, par
conséquent, l'entente de 1981 est caduque, comme l'annexe à
l'accord du lac Meech sur le Sénat est aussi caduque. Si ça c'est
caduc, l'entente est caduque aussi. Alors, arrêtez de l'invoquer. Moi, je
vais arrêter d'invoquer
l'annexe. Je vais plutôt invoquer les propos du premier ministre
concernant le Sénat.
Pour ce qui est du partage des pouvoirs, M. le Président, on ne
fait que nous accorder des pouvoirs qui nous sont déjà reconnus
comme exclusifs dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, depuis
1867. En plus, on le fait avec mauvaise foi, parce qu'au moment même
où on fait ça, où on nous offre ça, avec
magnanimité et grandeur, on nous donne ce qui nous appartient; 48 heures
après le dépôt des propositions constitutionnelles de
septembre, le ministre fédéral de la Science et de la
Technologie, M. Oberle, annonçait un investissement de 150 000 000 $,
sur cinq ans, dans la recherche forestière. Un des secteurs où on
nous disait: La forêt, ça va devenir exclusif aux provinces; en
même temps, on annonçait des investissements de 150 000 000 $, sur
cinq ans, en matière de recherche forestière et on disait: Non,
non, ce n'est pas pareil, ça, c'est de la recherche. C'est de la
recherche, ce n'est pas des forêts. Il y a de la mauvaise foi, en plus.
Manifestement, les ministres sont déjà prêts à se
satisfaire d'arrangements cosmétiques sur le pian du partage des
pouvoirs. Il est désolant de les voir, actuellement, se contenter de
pouvoirs qui nous appartiennent depuis 1867 et, comme le dit si bien Me Jean
Allaire, et je le cite: «...de se contenter de Beaudoin-Dobbie qui est
ressorti pièce à pièce, mais présenté avec
une meilleure opération de relations publiques». Le marketing est
meilleur, mais c'est Beaudoin-Dobbie pièce à pièce qu'on
est en train de mettre sur la table.
Ne bernons pas les Québécois et ne bernez pas les
Québécois. Il n'y aura pas de deuxième ronde de
négociations, c'est évident. C'est la ronde Canada, et c'est la
dernière, la der des ders, comme on dit. Après ça, un
prochain rendez-vous de négociations constitutionnelles, à la
prochaine glaciation, «manana.» Très loin. En plus, c'est
clair que le pouvoir de dépenser et sa limitation est relié
directement au partage des pouvoirs - le ministre a parfaitement raison de le
signaler - sauf qu'on est loin du compte. Ce que le Parti libéral du
Québec, lui, réclamait, c'est, évidemment, l'abolition du
pouvoir fédéral de dépenser dans des secteurs de
compétence exclusive, et le groupe des 22 aussi, pourtant des
fédéralistes qu'on peut qualifier d'orthodoxes et
d'inconditionnels réclamaient ça aussi, réclamaient
l'abolition, mais on est loin de l'abolition du pouvoir de dépenser,
dans les propositions qui sont sur la table. Rappelons-nous que Meech faisait
un petit pas dans la bonne direction à ce sujet-là, puisqu'il
prévoyait qu'il y aurait compensation financière, en vertu du
droit de retrait, pour des programmes cofinancés, à la condition
que les objectifs du programme québécois soient compatibles avec
les objectifs du nouveau programme fédéral.
Proposition de septembre: recul. On resserre davantage puisque les
objectifs du programme québécois, mis en place, devront atteindre
les objectifs du nouveau programme fédéral. Et dans
Beaudoin-Dobbie, là, c'est encore pire, puisque les objectifs du
programme québécois devront réaliser les objectifs du
nouveau programme fédéral. Et je vous signale qu'il s'agit
uniquement de programmes cofinancés. Ça, ça signifie que
le gouvernement fédéral peut continuer d'utiliser son pouvoir de
dépenser dans des programmes qu'il finance entièrement, à
100 %. Alors, c'est une limitation très réduite et,
évidemment, on est loin de l'abolition du pouvoir fédéral
de dépenser qui est réclamé par le groupe des 22, puis qui
est réclamé aussi par le Parti libéral du Québec,
suite à l'adoption du rapport Allaire.
La situation s'est encore rempirée davantage, et je termine
là-dessus, quand on prend connaissance du rapport fait par le premier
ministre de l'Ontario, M. Rae, où il affirme que le droit de retrait
avec compensation financière ne s'appliquerait désormais qu'aux
nouveaux programmes sociaux, à frais partagés. C'est encore plus
limitatif. Je ne sais pas si c'est ça qu'on veut avoir sur la table,
mais c'est ça, d'après le rapport de M. Rae, qui est sur la
table. Et, là, vraiment, on ne peut plus parler d'un véritable
contrôle, de véritables balises en matière de pouvoir
fédéral de dépenser, ce qui est pourtant essentiel quand
on parle de partage des pouvoirs et des compétences.
Le Président (M. Camden): On vous remercie, M. le
député de Lac-Saint-Jean. Maintenant, pour une période de
cinq minutes, M. le ministre.
M. Gil Rémillard
M. Rémillard: Merci, M. le Président. À ma
question du début, à savoir quelle signification le
député de Lac-Saint-Jean donne-t-il au principe de
l'égalité reconnue par le gouvernement péquiste le 16
avril 1981, tout d'abord, il m'a cité la société
distincte; ensuite, il m'a cité le Sénat et, maintenant, il vient
de citer mon livre. Alors, là, je suis évidemment touché,
parce que je suis toujours flatté, M. le Président, quand le
député de Lac-Saint-Jean, bien modestement, mais ça me
fait un petit quelque chose, un petit plaisir, je dois dire, je dois
l'avouer.
Il cite évidemment les passages qu'il veut bien citer. Il citait
la page 411, je pense, mais il n'a pas tourné l'autre page où je
dis que, malheureusement, l'erreur fondamentale qui a été
commise, puis il va être d'accord avec moi, c'est qu'on peut se retirer
d'un amendement concernant le partage des compétences
législatives. Si on décide que l'éducation universitaire
va passer des provinces au fédéral, Québec pourrait dire:
On se retire. Nous, on la conserve. C'est pour nous, cette compétence en
matière d'éducation universitaire. Mais si, par contre, sept
provinces totalisant 50 % de la population changent les pouvoirs du
Sénat radicalement puis que la
question est contre, on ne peut pas se retirer du Sénat.
Ça ne s'applique pas. C'est marqué textuellement que ça ne
s'applique pas. Or, M. le Président, c'était une erreur
grossière et c'est cette erreur grossière qui a fait perdre le
droit de veto du Québec, et c'est ce qu'on essaie de
récupérer.
En ce qui regarde le partage des compétences législatives,
M. le Président, lorsqu'on se réfère au livre bleu - le
livre bleu, c'est le livre du beau risque, dans le temps où le
député de Lac-Saint-Jean était «beau
risqueux», et si on regarde le livre bleu à la page 26, concernant
le réaménagement des pouvoirs, c'est modeste. Je vois qu'il a son
livre avec lui et je l'en félicite. Je vois qu'il le consulte encore.
C'est encore son livre de chevet, peut-être. Et, de fait, les
dernières déclarations de l'auteur de ce livre bleu, M. Pierre
Marc Johnson, ancien premier ministre du Québec, qui disait donc
récemment, comme le député de Saint-Louis le mentionnait
tout à l'heure, que Québec avait, de toute façon, 80 %
déjà des pouvoirs dont il a besoin. Il les a déjà.
Quand on lit le livre du beau risque, on s'aperçoit que c'est modeste,
M. le Président. Si on regarde à la page 30, là, il y a
six demandes. Quand il parle que l'entente du lac Meech, c'était
modeste. Il y en avait cinq, là. Il y en a une de plus: le partage des
compétences législatives. Meech ne comprenait pas le partage des
compétences. Meech, c'étaient simplement cinq points
fondamentaux, cinq piliers. Là, on parle du partage des
compétences législatives, M. le Président, puis c'est six
points. Page 30. Comment on appelle ça, M. le Président? C'est
modeste. Très, très, très modeste.
Alors, M. le Président, le partage des compétences
législatives, je l'ai mentionné tout à l'heure, je le
répète, pour nous, il doit se référer à deux
principes fondamentaux. C'est deux principes, d'ailleurs, qui ont toujours
guidé le Québec dans ses demandes depuis qu'il est membre de
cette Fédération et qu'on cherche à adapter la
Constitution canadienne à l'évolution de la
société: qu'on ait les outils sur le plan législatif de
l'expression de ce que nous sommes comme société, comme peuple,
au niveau social et culturel, comme au point de vue économique, et qu'on
puisse aussi avoir une fédération efficace pour éviter les
dédoublements. (11 h 40)
Alors, dans ce contexte-là, M. le Président, les ministres
qui sont intervenus dans leurs secteurs sont intervenus en fonction des
demandes historiques du Québec. J'ai eu l'occasion de déposer
à la commission sur les offres, peut-être que le
député du Lac-Saint-Jean n'y était pas, mais il a
certainement été informé que j'ai déposé,
comme ministre, un document qui provient du Secrétariat aux Affaires
intergouvernementales canadiennes. Ce n'est pas un document politique, c'est un
document administratif. Et, dans ce document, il y a toutes les positions
constitutionnelles tenues par les gouvernements du Québec. Il va voir
que... et entre autres, il y a certaines positions de tenues entre 1976 et
1985, ça va l'intéresser. Et il va s'apercevoir, M. le
Président, que ce que nous voulons, c'est essentiellement cette
capacité pour le Québec de jouer son rôle pleinement, de
façon totale. Et, là encore, M. îe Président, on
n'ira pas secteur par secteur, on va voir l'ensemble qui va nous être
proposé. Si on décide d'aller à la table, là on ira
à la table et là on négociera. On ne négociera pas
à l'extérieur de la table.
Le Président (M, Camden): On vous remercie, M. le ministre.
Maintenant, le député de i'Acadie.
M. Yvan Bordeleau
M. Bordeleau: merci, m. le président. alors, si on essaie
de regarder un petit peu les raisons qui sont en arrière, aujourd'hui,
de la demande d'interpellation de l'opposition, je pense qu'on peut
peut-être donner trois mots pour décrire ce
«background», c'est: inquiétude, incohérence et
pagaille au sein du pq.
Alors, je voudrais là-dessus, M. le Président, vous
mentionner que le Parti québécois, au fond, demande aujourd'hui
de discuter de l'état des négociations, alors que,
fondamentalement, ils sont contre le fait que le gouvernement provincial ait
des discussions avec les homologues des autres provinces, les gouvernements des
autres provinces canadiennes. Et ce qui inquiète aujourd'hui le plus le
gouvernement... l'Opposition, c'est le fait que le processus qui est en cours
actuellement a de bonnes chances de réussir. Et ça, ça les
rend pratiquement malades, M. le Président.
Alors, on a des gens qui parlent des deux côtés de la
bouche, c'est-à-dire qui sont, qui veulent discuter de l'état des
négociations, et qui sont fondamentalement contre toute
négociation. Ce qu'ils souhaitent, fondamentalement, encore une fois,
c'est que ces négociations-là ne réussissent pas. Alors,
je pense que l'Opposition oublie peut-être ce qui s'est passé au
niveau de la commission Bélanger-Campeau. C'est-à-dire
qu'à la fin de Bélanger-Campeau il y a deux voies qui ont
été mises en évidence: la voie du
fédéralisme renouvelé et la souveraineté. De ce
côté-là, je pense que l'Opposition oublie qu'un des
éléments qui avait été mis, choisi et retenu par un
grand nombre de membres de la commission, qui représentaient à
peu près tous les secteurs de la société, était le
fédéralisme renouvelé.
Ce qui les fatigue présentement, c'est que, quand on regarde ce
qui se passe actuellement au sein du Canada, il n'y a jamais eu une
mobilisation aussi grande à travers tout le Canada concernant la
nécessité d'ajuster le fédéralisme aux
années 2000 qui s'en viennent. Quand on
regarde toutes les démarches qui ont été faites
à travers le Canada, qu'on se rappelle la commission Beaudoin-Edwards,
la commission Spicer, les propositions du 24 septembre, les forums
constitutionnels, le rapport Beaudoin-Dobbie, et les rencontres qui se
terminent présentement et qui ont eu lieu à travers l'ensemble du
Canada, il n'y a jamais eu une mobilisation aussi générale de la
part du Canada anglais pour renouveler le fédéralisme et
répondre aux besoins du Québec.
Évidemment, c'est inquiétant, c'est inquiétant pour
l'Opposition de voir que le Canada anglais prend au sérieux les demandes
du Québec et respecte l'échéancier qui a été
établi. Alors, tout en regardant ces signaux-là qui sont
encourageants, je pense que l'Opposition voit aussi que la question de la
souveraineté rencontre certaines difficultés. Juste pour
rappeler, M. le Président, qu'au lendemain de Bélanger-Campeau un
sondage, 63 % des répondants étaient favorables à la
souveraineté. Un an après, en mars 1992, 42 % seulement
étaient favorables à la souveraineté, 39 % disaient non
à la souveraineté du Québec et 20 % étaient
indécis. Parce qu'ils commençaient à tenir compte de
l'ensemble de la problémtique et analysaient cette situation-là
d'une façon beaucoup plus rationnelle qu'émotive.
Évidemment, cela énerve un peu l'Opposition. Je les
comprends très bien. Ce matin même, dans les journaux, si on
regarde à l'extérieur du Québec, quelle est la perception
que les gens ont de la souveraineté du Québec, on dit: La France
des affaires se fout de l'indépendance du Québec, selon le
Financial Post. Et à l'intérieur de ça, de cet
article, on fait référence au directeur adjoint de l'Institut
français des relations internationales, M. Daniel Moisy, et je cite:
«Un Québec serait un mini-État dans
l'éventualité d'un Québec souverain, serait un
mini-État très provincial et isolé.» Un peu plus
loin, on mentionne que des membres du personnel du président Mitterrand
rapportent au Financial Post que l'indépendance serait absurde
pour le Québec et que cette thèse serait irréaliste sur le
plan économique.
Évidemment, on regarde ce qui se passe actuellement en Europe
avec la commission européenne, et c'est évident que ce qui se
passe là-bas va tout à fait à rencontre. On est dans un
contexte où on n'est pas pour retourner à une notion
d'État refermé, replié, alors que partout à travers
le monde on ouvre les frontières, et c'est exactement ce qui se produit
ici. Je pense que les gens sont conscients de ça.
Alors, je comprends qu'au sein de l'Opposition ça les
insécurise. Alors, je pense que là-dessus, M. le
Président, en conclusion, le gouvernement du Québec - M. Bourassa
l'a mentionné à plusieurs reprises - défend les
intérêts supérieurs du Québec et ne prendra pas des
décisions qui vont aller contre la sécurité
économique des Québécois. Je pense que les
Québécois l'apprécient et sont en arrière du
gouvernement actuellement. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Camden): Bienvenue. Alors, M. le
député de Lac-Saint-Jean.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: M. le Président, encore un autre
député qui s'est trompé d'interpellation. M. le
Président, je vais juste dire au ministre que, si le livre bleu il
trouve ça bien modeste, qu'il essaie donc de l'avoir. C'est modeste,
vous dites. C'est aussi modeste que Meech. Essayez-vous, voir! Vous allez voir
que vous allez frapper un noeud d'essayer d'avoir ça à la table
multilatérale. Allez faire un tour à Toronto et essayez d'avoir
ça, vous allez voir si c'est modeste.
M. le Président, je voudrais quand même parler du
référendum pancanadien, dont le projet de loi le prévoyant
est à l'étude présentement à la Chambre des
communes.
D'abord, contrairement à la condition posée le 7 avril
dernier par le premier ministre du Québec, M. Bourassa, le projet de loi
C-81 ne comporte aucune règle de double majorité. Et un
amendement en ce sens, présenté par André Ouellet,
appuyé par Jean-Pierre Blackburn, a été mis au rencart.
L'on se prépare à assister, si cette loi-là entre en
vigueur et si ce référendum a lieu, à une
répétition du scénario de 1942 où l'on a vu le
Québec isolé, avec un résultat différent, contraire
à celui qu'on retrouvait au Canada anglais. On nous dit, les
conservateurs nous disent: Oui, mais le premier ministre Mulroney va s'engager
de façon solennelle à tenir compte des résultats du
Québec. On ne mettra pas la double majorité dans le projet de
loi, Mulroney va s'engager solennellement. Ah, ça, c'est très
rassurant, ça, l'engagement solennel de M. Mulroney, dont la cote de
popularité se situe dans le même créneau que les taux
d'intérêt, actuellement. Très rassurant!
Je vous signale aussi qu'en matière d'engagement solennel, on n'a
pas une très bonne expérience, au Québec. En 1942,
référendum dont je parlais tantôt, il y a eu aussi un
engagement solennel d'Ernest Lapointe et de Mackenzie King aux
Québécois de ne pas tenir de conscription, de ne pas recourir
à la conscription. L'engagement solennel, il s'est retrouvé
à la poubelle. En 1980, aussi, a eu lieu un drôle d'engagement
solennel, au centre Paul-Sauvé, par M. Trudeau lui-même qui a mis
son siège et le siège de ses collègues en jeu pour dire
que le fédéralisme allait être renouvelé si les
Québécois disaient non. Ils ont dit non. Il a été
renouvelé dans un drôle de sens, dans une drôle de
direction. Ça a été le rouleau compresseur de
1981-1982.
Deuxièmement, aucune limitation des dépenses. Par un
amendement, le gouvernement Mulroney ajoute l'insulte à l'injure ou
l'injure à
l'insulte - comme vous préférez. On fixe une limite de
dépense par comité, mais sans limiter le nombre de
comités. Vraiment, là, on prend les Québécois pour
des valises, s'imaginer qu'on va être dupé ou berné par une
pareille entour-loupette!
Les propos du Directeur général des élections du
Canada, troisièmement, M. Kingsley, l'ont confirmé, le
référendum pancanadien va empiéter directement sur celui
prévu par la loi 150. Je ne sais pas si ça va être un
référendum sur la souveraineté ou sur des offres, on
verra, mais celui qui est prévu dans la loi 150, c'en est un sur la
souveraineté, et seulement sur la souveraineté. (11 h50)
Face à ça, le gouvernement du Québec, je le dis,
joue les Ponce Pilate, s'en lave les mains et même cautionne cette
parodie de démocratie que s'apprête à nous imposer Ottawa,
afin de pouvoir se soustraire, pour ce qui est du Québec, à son
obligation de tenir un référendum sur la souveraineté
prévu au plus tard le 26 octobre prochain par la loi 150. Ça va
lui permettre de renier ainsi sans vergogne son engagement. Accepter le
référendum pancanadien du gouvernement fédéral,
c'est évidemment sacrifier le droit des Québécois de
décider seuls les voies de leur avenir politique, au profit d'une
escroquerie, laissant à Ottawa et à son pouvoir de
dépenser le soin de déclencher une vaste campagne de propagande,
déjà amorcée d'ailleurs, pour nous vendre, nous rentrer
dans la gorge, y compris par la peur et le chantage, les grandes vertus du
Canada. Et le gouvernement du Québec joue les complices, est un
fédéraliste complice et se confine, avec empressement, dans cette
opération, dans un simple rôle d'acteur de soutien. C'est assez
pitoyable et déplorable, et je voudrais donner l'occasion au ministre,
aujourd'hui, de dénoncer avec vigueur et de se dissocier sans
réserve et sans ambiguïté de cette vaste opération,
de cette supercherie, de cette caricature grossière de démocratie
qu'on est en train d'adopter à la Chambre des communes d'Ottawa.
Le Président (M. Camden): Merci, M. le
député. Alors, M. le ministre, maintenant, pour une
dernière période de 10 minutes; il sera suivi par le
député de Lac-Saint-Jean pour une autre période de 10
minutes.
Conclusions M. Gil Rémillard
M. Rémillard: Oui. Alors, M. le Président, à
plusieurs reprises, le député de Lac-Saint-Jean nous disait que
les députés qui, de ce côté-ci, du côté
ministériel, prenaient la parole se trompaient d'interpellation, mais,
moi, je peux me demander s'il n'y a pas des députés
péquistes qui se sont trompés de salle, ce matin, parce que
ça aurait été intéressant, quand même, qu'on
ait d'autres députés qui puissent venir discuter avec nous et
avec le député de Lac-Saint-Jean, non pas que le
député de Lac-Saint-Jean ne connaît pas bien son dossier,
il le connaît très bien. Il le défend très bien,
aussi; il fait très bien son travail.
M. le Président, nous sommes donc, présentement, dans un
processus de discussions constitutionnelles intenses, difficiles. Le
Québec n'est pas à la table de ces négociations
constitutionnelles. Le premier ministre a dit, à plusieurs reprises, que
nous n'y sommes oas parce que le processus de négociation à 11,
les 10 provinces et le gouvernement fédéral, a été
discrédité avec ce qui s'est passé avec l'entente du lac
Meech.
Par conséquent, si nous avons des garanties qu'en substance nous
pouvons retrouver l'entente du lac Meech, nous avons mentionné, à
quelques reprises, qu'à ce moment-là ce sera au gouvernement, au
Conseil des ministres et au premier ministre d'évaluer la situation et
de décider si on doit retourner à la table de négociation.
Entre-temps, M. le Président, les discussions se continuent. On voit
qu'elles ne sont pas faciles, mais elles se situent quand même dans un
esprit de volonté politique, puisque c'est la douzième rencontre
et même, si on compte celles qui avaient eu lieu avant, plus de 15
rencontres constitutionnelles extrêmement exigeantes pour les
participants, des premiers ministres qui ont bien des choses à faire
pour gouverner leur province, le premier ministre de l'Ontario, M. Rae, entre
autres, qui y participe activement, M. Ghiz, enfin les premiers ministres qui,
à tour de rôle, sont allés à cette table de
discussions constitutionnelles, les ministres qui y participent, prennent de
leur temps. Et c'est très exigeant, M. le Président.
Tout ce processus démontre donc une volonté. Ce n'est pas
facile, mais il faut bien comprendre, M. le Président, qu'il ne s'agit
pas, comme c'était le cas dans l'entente du lac Meech, de régler
cinq points, mais c'est en plus ce qu'on a appelé une ronde Canada,
c'est-à-dire en plus de faire cette réforme constitutionnelle,
réforme du partage des compétences législatives,
réforme aussi du Sénat, de nos institutions, de faire cet
ensemble de réformes constitutionnelles qu'on essaie de faire depuis des
années, une cinquantaine d'années, de façon très
active, d'essayer donc de la réaliser, cette réforme
constitutionnelle, dans les prochaines semaines. Et, M. le Président, si
on devait y arriver, si Meech avait été un élément
de discussion qui nous aurait permis d'en arriver à cette réforme
globale... Parce que, souvenons-nous que Meech était un premier pas, on
l'a toujours dit: Voici les cinq conditions du Québec pour devenir un
partenaire à part entière après ce qui s'est passé
en 1981-1982, et, à la suite de cette acceptation des cinq conditions,
nous allons pouvoir discuter du partage des compétences
législatives, la
réforme des institutions pour avoir une réforme globale de
la Constitution.
Dans la mesure, M. le Président, où on peut en arriver
à une conclusion sur l'ensemble de cette réforme, incluant en
substance l'entente du lac Meech, je pense qu'on peut s'en réjouir. M.
le Président, ce n'est pas facile, et j'ai eu à souligner, tout
à l'heure, les grandes difficultés que nous avons. Et c'est
évident, on regarde l'actualité de ce matin, on regarde
l'actualité de toute la semaine avec les rapports qui nous sont faits
dans les médias des discussions de Toronto, de la conférence de
Toronto, on s'aperçoit qu'il y a deux problèmes majeurs: droit de
veto du Québec qui est en discussion, réforme du Sénat en
fonction du principe de l'égalité. Deux principes, M. le
Président, qui nous causent problème: perte du droit de veto,
reconnaissance du droit à l'égalité des provinces. Et deux
principes qui ont été acceptés, malheureusement, en 1981,
ce 16 avril 1981.
M. le Président, très bien, on tourne la page, oui, mais
comprenons bien que ces discussions constitutionnelles que nous avons et qui ne
sont pas faciles, on doit les situer dans ce contexte. On doit les situer
aussi, M. le Président, dans le contexte de cette commission
Bélanger-Campeau que nous avons eue, et surtout, M. le Président,
faisant suite au rapport de la commission Bélanger-Campeau, faisant
suite à la conclusion de Bélanger-Campeau pour laquelle le PQ a
voté contre - il a refusé d'accepter la conclusion de
Bélanger-Campeau - et il y a eu cette loi 150.
L'an dernier, à peu près à la même
époque, c'était au début de juin, nous discutions de la
loi 150, une loi qui établit très clairement, tout d'abord, des
principes. Les principes sur lesquels ont doit se fonder, comme gouvernement,
comme société, comme peuple, pour que cette réforme
constitutionnelle corresponde à nos intérêts comme
Québécois, comme Canadiens, et ensuite, deux options: un
fédéralisme profondément renouvelé et, par
conséquent, une commission qui a été créée
pour évaluer des offres qui pourraient nous arriver, et, de l'autre
côté, la souveraineté du Québec, qui a toujours
été une option légitime, M. le Président, avec une
commission pour évaluer les questions afférentes à cette
souveraineté. M. le Président, aussi, cette loi 150
établit un échéancier. Et là encore, M. le
Président, notons bien que tout ce processus de négociations
constitutionnelles suivi par les autres provinces et le gouvernement
fédéral se situe dans le cadre de cet échéancier
établi par la loi 150, établi par cette Assemblée
nationale. Vous avez voté contre la loi 150, nous avons voté en
faveur de la loi 150, c'est notre loi. Cette loi établit un
échéancier avec un référendum sur la
souveraineté, le 26 octobre au plus tard, le 26 octobre prochain, et cet
échéancier est respecté par nos partenaires
fédéraux. C'est un autre élément important qui
démontre une volonté. (12 heures)
M. le Président, il y aura des discussions qui ne seront pas
faciles, et pour nous, nous allons les aborder toujours avec la même
détermination qui a caractérisé nos interventions, nos
discussions dans le cadre de l'entente du lac Meech. Toujours les mêmes
principes. Notre position est toujours la même: reconnaissance du
Québec comme une société distincte, reconnaissance pour le
Québec des instruments qui lui sont essentiels pour exprimer ce que nous
sommes, tant sur le plan social, culturel que sur le plan économique et
aussi besoin de donner à ce pays, à cette
Fédération des instruments de modernité, des instruments
d'efficacité, des instruments qui vont nous permettre de rentrer de
plein droit, avec un maximum de chances pour atteindre cette excellence et le
grand défi que nous avons sur la scène internationale.
M. le Président, c'est ces principes-là qui nous guident.
On ne commentera pas tant qu'on n'aura pas les libellés officiels, tant
qu'on ne nous donnera pas les offres qu'on est prêts à nous faire,
tant qu'on ne nous fera pas le point d'une façon officielle sur des
libellés acceptés ou qu'on est capables de discuter. Ensuite, M.
le Président, on pourra l'évaluer. Le gouvernement n'est commis
sur aucun aspect des négociations constitutionnelles. Le gouvernement y
va avec la détermination, comme je le mentionnais tout à l'heure,
de faire respecter les intérêts supérieurs du
Québec, avec l'esprit aussi de compromis, parce que le
fédéralisme est un compromis, non pas sur les droits historiques
du Québec, non pas sur les principes fondamentaux qu'on a
défendus lorsqu'on a défendu l'entente du lac Meech, qu'on a
toujours fait la promotion de ses principes, mais l'esprit ouvert pour qu'il y
ait une plus grande équité au niveau de la représentation
des provinces et des régions, pour qu'il y ait une possibilité
d'un partage plus équitable de la richesse du pays, pour qu'il y ait la
possibilité pour nos autochtones comme pour les francophones hors
Québec, les anglophones hors Québec de participer pleinement
à ce pays, avec la reconnaissance de leurs droits et, M. le
Président, avec le Québec comme un partenaire à part
entière, fier de ce qu'il est comme société, comme peuple,
et fier de son appartenance à un grand pays qu'est le Canada.
Le Président (M. Camden): Je vous remercie, M. le
ministre. Maintenant, pour une dernière période de 10 minutes, M.
le député de Lac-Saint-Jean.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: M. le Président, j'affirme, d'abord, que le
Québec négocie déjà au bout du fil et que,
malheureusement, il négocie à rabais. Je suis obligé de
constater que le premier
ministre du Québec de même que son ministre
ont adopté une interprétation restrictive, limitative de
l'engagement prétendument solennel du 23 juin 1990 de ne pas participer
à des négociations à 11 et, maintenant, à 17. Ils
l'interprètent comme une interdiction de ne pas, comme disait Lise
Bissonnette, installer leur postérieur dans les fauteuils autour de la
table constitutionnelle. C'est tout. Pour le reste, les négociations ont
repris de façon intensive par téléphone ou par tout autre
moyen. Et on s'apprête à accepter moins que Meech,
c'est-à-dire non pas Meech en susbstance, mais Meech en apparence. Les
concepts dilués sans la portée juridique, déjà
pourtant modeste de Meech, notamment pour ce qui concerne la clause de la
société distincte.
Meech, disait le ministre, était un premier pas. Ils
ont trébuché. Je lui dis que l'actuelle négociation en
cours, c'est le dernier pas. Il n'y en aura pas d'autre après. Et je
suis étonné de l'entendre me dire - je trouve ça un peu
incohérent - qu'il ne reste que deux points à régler: la
réforme du Sénat et le droit de veto. C'est contradictoire avec
les propos qu'il a tenus pendant deux heures en me disant: Non, non, non, on ne
s'est pas entendu. Il n'y a pas d'entente sur rien encore et, là, il
vient de m'admettre qu'il y a seulement deux points à régler le
Sénat, puis le droit de veto. Donc, j'avais raison de dire qu'il y a des
ententes, comme le signale d'ailleurs le premier ministre à plusieurs
reprises, sur quatre points de Meech, y compris la clause de la
société distincte, avec les reculs qu'on a également
signalés.
Il s'apprête aussi à se contenter
d'arrangements cosmétiques sur la question du partage des pouvoirs, en
acceptant simplement de se voir reconfirmer une compétence exclusive
dans des secteurs que l'on possède déjà, depuis 1867, en
vertu de l'article 92 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Il
s'apprête, également, à concéder une diminution du
poids politique de l'Assemblée nationale et du gouvernement du
Québec face à un Sénat réformé élu,
donc plus légitime, un Sénat plus équitable, donc moins de
sièges pour le Québec, et plus efficace, ce qui renforcera la
crédibilité des institutions politiques centrales, en
échange peut-être, possiblement - ça flotte dans l'air
comme rumeur persistante - d'un droit de veto qui ne sera plus d'aucune
utilité, puisque la réforme du Sénat aura
déjà été faite. Une plaque murale décorative
dans le bureau du ministre ou celui du premier ministre, je ne sais pas,
là. Ils décideront ensemble. Elle va aller rejoindre l'autre
plaque murale de la clause de la société distincte. Et c'est
inéluctable, le Québec va être perdant dans la
réforme du Sénat. C'est inéluctable, quoiqu'il arrive,
quoiqu'il advienne, quelle que soit la réforme sur laquelle on s'entend,
le Québec va être perdant en matière de réforme du
Sénat. C'est pourquoi, je pense, que l'attitude la plus prudente, la
plus logique, la plus responsable en matière de réforme du
Sénat pour le gouvernement du Québec, ça aurait dû
être celle qu'on retrouvait dans le rapport Allaire, l'abolition du
Sénat. Mais ce n'est pas le cas, et on va se retrouver avec une
emmanchure de réforme du Sénat où le Québec va
être inévitablement perdant.
D'autre part, je suis bien obligé de constater que
le gouvernement du Québec est un complice servile d'Ottawa, en ce sens
qu'il lui laisse la place pour un référendum pancanadien, ce qui
lui permet de se soustraire à son obligation de tenir un
référendum sur la souveraineté prévu par la loi
150. Il se fait le complice d'un sabotage en règle,
délibéré, du droit des Québécois de
décider de leur avenir. Il se fait le complice de ce sabotage. Et, en se
faisant le complice de ce sabotage et de cette caricature grossière de
démocratie, qu'on est en train de mettre au point à Ottawa, il se
trouve du même coup à bousiller le calendrier de la loi 150.
Contrairement à ce qu'il prétend, ça bousille le
calendrier de 150. Pourquoi? Parce que sa seule obsession, la seule obsession
de ce gouvernement, c'est une entente constitutionnelle à tout prix! Au
prix de multiples reculs et concessions et compromissions. Donc, une entente
aussi à rabais.
Et c'est normal, on le comprend. Ils sont carrément
pris de panique. Ils sont affligés d'une peur panique devant
l'éventualité d'un référendum sur la
souveraineté. Et les députés qui sont intervenus, qui
accompagnaient le ministre, en ont fait la démonstration
éclatante. Tous, ils ont choisi d'utiliser leurs cinq minutes pour
expliquer leur peur panique à l'égard de la souveraineté,
leur hostilité viscérale à l'égard de la
souveraineté. Ils ont tous utilisé leurs cinq minutes pour
ça, de cette façon-là.
Je me souviens, entre autres, des déclarations du
député de Hull, qui est membre de la commission sur la
souveraineté, où il disait dans sa région que: La
souveraineté, c'est comme la lèpre, c'est comme la gale, et que
ceux qui croient à ça, on devrait les considérer en
quelque sorte comme des criminels. Il a déclaré ça sur les
ondes de la radio de Hull. Alors, vous imaginez, c'est ça, l'état
d'esprit et le sentiment des députés à l'égard de
la souveraineté. Alors, c'est évident qu'ils ne veulent pas se
retrouver devant cette éventualité-là, puis d'un
référendum dont l'issue serait l'accession du Québec
à la souveraineté, il faut éviter ça à tout
prix! Donc, par conséquent, Us sont prêts à des ententes
à rabais, ils sont prêts à consentir n'importe quoi et
à faire tous les reculs et toutes les compromissions possibles pour
éviter cette horreur que constituerait un référendum sur
la souveraineté. (12 h 10)
Le gouvernement a surtout tort aussi d'entretenir des
illusions sur une deuxième ronde de négociations afin que...
prétextant que le Québec fait quand même quelques
progrès
substantiels dans une première ronde. C'est un mirage, c'est une
illusion, c'est actuellement la ronde Canada, qui se déroule et qui va
fixer pour des décennies les règles du jeu du régime
fédéral. En signant une entente constitutionnelle actuellement,
le Québec n'aura pas d'autre choix que de rentrer dans le rang, de
prendre son trou et de se plier, de se soumettre aux conditions du nouveau
contrat.
En acceptant les offres, qui vont faire prévaloir la vision du
Canada anglais, le Québec accepte automatiquement, du même coup,
aux yeux de ses partenaires, c'est comme ça que ça va être
interprété, à juste titre d'ailleurs, il accepte, du
même coup, la conception et la vision du fédéralisme dont
ces offres sont issues. Il n'y aura pas de deuxième ronde. Il n'y en
aura pas, de deuxième ronde. Cessez de tromper les
Québécois en leur faisant entendre qu'il y aura plusieurs rondes
de négociations. Ce n'est pas vrai.
La ronde Canada, la ronde actuelle, c'est le couvercle sur la marmite
constitutionnelle afin d'en finir, une fois pour toutes, avec les
velléités autonomistes et les revendications dites historiques du
Québec. Il faut en finir une fois pour toutes. C'est ça, la bonne
volonté dont le premier ministre fait état au Canada anglais;
cette bonne volonté, si elle existe, c'est dans ce sens-là: en
finir une fois pour toutes avec les revendications, les sempiternelles
revendications autonomistes du Québec qui durent depuis 40 ans, depuis
Duplessis, et même depuis Taschereau. C'est assez. Assez, c'est
assez!
C'est ça, l'état d'esprit au Canada anglais. Il faut en
finir une fois pour toutes avec ces revendications, et la ronde Canada, c'est
la dernière. C'est le couvercle sur la marmite. Après ça,
fini, il n'y en aura plus. On devra vivre avec ce qu'on aura accepté.
Comme je le dis, je le répète, s'il y a une prochaine ronde,
ça va être à la prochaine glaciation, pas avant. Et je
répète mon pari que j'ai exprimé lors de l'étude
des crédits au ministre. Il ne l'a pas relevé. C'est un pari que
je fais. Je vous parie, et je le réitère, que vous allez accepter
tomber sur la table, vous allez trouver ça bon; je vous le parie. C'est
malheureux. J'aimerais ça, le perdre, ce pari-là, mais,
malheureusement, je vais le gagner. Vous allez accepter, vous vous
préparez à accepter n'importe quoi qui va tomber sur la table et
vous vous apprêtez à faire toutes les entourloupettes possibles
pour présenter ça comme très bon, extraordinaire et
historique pour le Québec. C'est bien malheureux, mais c'est comme
ça que les choses se présentent. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Camden): Merci, M. le
député. Alors, ceci, évidemment, met fin à nos
travaux et fait en sorte que le mandat que la commission s'était vu
confier à l'égard de cette interpellation portant sur
l'état des négociations constitutionnelles au Canada est
maintenant complété.
Alors, la commission a accompli son mandat, et j'ajourne les travaux
sine die.
(Fin de la séance à 12 h 14)