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(Dix heures douze minutes)
Le Président (M. Dauphin): Mesdames, messieurs, je
déclare donc la séance de la commission des institutions ouverte,
qui a pour mandat ce matin de procéder à l'interpellation
adressée au ministre de la Justice par Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve, sur le sujet suivant: Les suites du Sommet de la
justice.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui. M. Trudel
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue) est remplacé par M. Bélanger
(Anjou).
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Alors, je vous
rappelle brièvement les règles de l'interpellation. Dans un
premier temps, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve aura un
temps de parole de 10 minutes, suivi par un temps équivalent du ministre
de la Justice. Et, ensuite de ça, les députés auront des
temps de parole de 5 minutes par alternance et, à la toute fin, nous
réserverons les derniers 20 minutes pour un temps de parole de 10
minutes du ministre de la Justice. Et, finalement, en réplique, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve aura ses 10 minutes.
Je vous signale tout de suite qu'étant donné que nous
débutons à 10 h 14, nous terminerons nos travaux à 12 h
14. Je suis maintenant prêt à reconnaître Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve pour un temps de 10 minutes.
Exposé du sujet Mme Louise Harel
Mme Harel: Je vous remercie, M. le Président. Je saisis
l'occasion pour vous présenter immédiatement le
député d'Anjou qui est également porte-parole de
l'Opposition, notamment en matière d'aide juridique, et qui aura
l'occasion d'interroger le ministre et d'échanger sur cet important
dossier ce matin. «Dès lundi, nous retournons au travail»,
déclarait le ministre de la Justice à la clôture du Sommet,
le 21 février dernier. Il y a maintenant un mois de cela, ou à
peu près, et avant que bien d'autres événements ne
viennent chasser de l'actualité les questions qui ont été
débattues au Sommet, nous avons pensé, l'Opposition officielle,
offrir au ministre ce matin l'occasion de prouver qu'il ne s'agissait pas que
d'un événement médiatique, comme le public s'est souvent
posé la question, notamment à la lecture de titres comme ceux
publiés dans certains journaux, à savoir:
S'agissait-il d'une mégaconférence de presse ou d'un
événement historique?
M. le Président, je mets tout de suite en garde le ministre de
nous citer le discours inaugural d'hier pour essayer de nous convaincre qu'il y
aura de nombreuses suites au dossier, compte tenu de l'avalanche des
législations annoncées. Au total, sept projets de loi
annoncés, sans compter évidemment l'importante loi d'application
sur la réforme du Code civil, qui est prévue pour l'automne
prochain. Donc, un total de huit lois. S'il avait la tentation d'invoquer le
discours inaugural d'hier, il faudra aussi qu'il nous explique pourquoi trois
des quatre lois annoncées dans le précédent discours
inaugural, prononcé il y a deux ans et demi maintenant, soit la
loi-cadre sur la réforme des tribunaux administratifs, la Loi sur la
révision du Code de procédure civile et la Loi sur la protection
de la vie privée, ont été à nouveau
annoncées faute d'avoir été réalisées durant
les 30 derniers mois. C'est donc, M. le Président, qu'il faut en
conclure que ce n'est pas parce que c'est promis dans le discours inaugural que
cela offre plus de garanties.
Autant nous applaudissons à l'exercice de démocratisation
de la justice qu'a constitué le Sommet, autant nous déplorons le
fait que le ministre se soit servi du prétexte du Sommet pour retarder
l'adoption de mesures qui ont été, depuis deux ans, unanimement
réclamées, des mesures simples et efficaces, M. le
Président, et qui n'avaient pas besoin d'attendre le Sommet pour
être réalisées. Pensons, notamment, à
l'élargissement des services de médiation familiale - nous y
reviendrons - à la révision de 1000 $ à 3000 $ de la
réclamation maximale devant la Cour des petites créances,
à l'adoption de la réforme des tribunaux administratifs, attendue
depuis 1987, à l'indexation des critères d'admissibilité
à l'aide juridique, au programme d'accès à
l'égalité dans l'administration de la justice, et à la
mise en vigueur de la Loi sur la perception des pensions alimentaires,
adoptée maintenant depuis quatre ans.
En fait, rien de tout ce que le ministre a annoncé à
l'occasion du Sommet n'était justifié d'avoir été
si longtemps retardé, parce que tout ce qui a été
annoncé avait depuis longtemps été étudié
par ses fonctionnaires et différents groupes de travail: le rapport
Ouellette, Mac-Donald, Guérin, Gilbert, Jasmin. Et, pour la
préparation de cette interpellation, je n'ai eu qu'à sortir des
dossiers en attente depuis maintenant quatre ans, M. le Président.
De nombreux participants, d'ailleurs, à la fin de ce Sommet, se
sont accordés à dire que bon nombre de questions de fond avaient
tout
simplement été escamotées au profit d'une mise en
scène propice aux diverses annonces faites par le ministre. Plusieurs,
d'ailleurs, continuent à se demander et à demander: Mais qui donc
a déterminé l'ordre de présentation du cahier des
propositions? Qu'est-ce qui va arriver aux centaines de propositions qui n'ont
pas été discutées, et comment se fait-il qu'à
chaque séance, celles sur lesquelles le ministre avait un petit quelque
chose a annoncer, par voie de communiqué, se retrouvaient toujours
à être parmi les trois premières et les seules
étudiées?
Quoi qu'il en soit, pour reprendre l'expression, les mots mêmes du
juge en chef de la Cour suprême, lors de son allocution devant le Sommet,
et je le cite: «II ne suffit pas de savoir ce qu'il faudrait faire et de
le vouloir, mais il faut le faire tout de suite si c'est possible. Sinon, il
faut faire connaître notre volonté de le faire, expliquer les
raisons pour lesquelles il n'est pas possible ou encore souhaitable de le faire
tout de suite, et dire - et ceci est très important -qu'on s'engage
à le faire, et quand.» Fin de la citation.
M. le Président, l'Opposition, mon collègue le
député d'Anjou et moi-même, offrons aujourd'hui au ministre
l'occasion de nous indiquer concrètement comment il entend assurer le
suivi du Sommet. Entend-il mettre sur pied ce comité du suivi, comme
plusieurs participants le lui ont demandé? Et si c'est le cas, qui aura
à y participer? Quel est l'échéancier des
réalisations annoncées? Quel en est le budget?
M. le Président, immédiatement, j'aimerais aborder avec le
ministre le dossier de l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Je vous
rappelle qu'à l'occasion du Sommet, le ministre de la Justice a
annoncé l'harmonisation du régime d'aide et d'indemnisation des
victimes d'actes criminels avec celui de la Société de
l'assurance automobile du Québec. M. le Président, j'ai
recherché si cela constituait une amélioration pour les victimes
d'actes criminels, et je dois vous communiquer ce matin ma très vive
inquiétude à l'égard de ce qui a été
annoncé par le ministre. Dans le fond, ce que je lui demande ce matin,
c'est de s'expliquer sans délai sur cette réforme et de
s'expliquer sans délai sur les conséquences qu'elle peut avoir
sur les victimes d'actes criminels. (10 h 20)
M. le Président, depuis l'entrée en vigueur des nouvelles
dispositions du régime d'assurance automobile, en 1990, les femmes au
foyer, qui constituent 40 % des femmes québécoises, les
retraités, les personnes sans emploi sont privés
d'indemnités durant 180 jours avant de recevoir un premier
chèque. Quant aux personnes âgées de 65 ans et plus, elles
n'ont même plus droit à une indemnité. M. le
Président, si le ministre en a besoin, je me ferai un plaisir de lui
faire transmettre le dossier que j'ai constitué. C'est accablant!
Accablant, M. le Président! Accablant!
Et je voudrais, avant que le temps qui m'est imparti ne soit
terminé, peut-être vous citer immédiatement ce qu'en dit la
Commission des droits de la personne. La Commission, en 1990, â la
demande de nombreux groupes dans la société, a
réalisé une étude exhaustive du projet de loi de
l'époque, qui est devenu la Loi sur l'assurance automobile du
Québec, avec laquelle, je le répète, le ministre veut
harmoniser le régime d'aide et d'indemnisation aux victimes. Et je cite
ce que la Commission des droits en disait. J'ai fait venir l'avis que la
Commission a publié à cette époque, M. le
Président, et, également, le rapport annuel de 1990 où la
Commission se montre extrêmement sévère sur les
modifications qui ont été introduites. Et je cite les conclusions
de la Commission: «Les modifications récentes réduisent
substantiellement et, dans certains cas, ne reconnaissent plus le droit
à des indemnités de remplacement de revenu en regard de
catégories de personnes qui, en général, comptent parmi
les plus démunies dans la société: travailleurs,
travailleuses temporaires ou occasionnels, personnes âgées,
personnes sans emploi, personnes incapables de travailler.» Et, M. le
Président, la Commission des droits ajoute que la perte du droit
à l'indemnité de remplacement de revenu représente pour
bon nombre de personnes au foyer une diminution importante du niveau
d'indemnisation que leur garantissait auparavant le régime public
d'assurance automobile. Et la Commission dit la même chose. Et, à
l'égard des personnes de 65 ans, la Commission ajoute:
«Antérieurement au 1er janvier 1990, les victimes qui avaient 65
ans avaient droit à une indemnité de remplacement du revenu et,
depuis lors, les victimes âgées ont vu leur droit à une
indemnité de remplacement être réduite, dans plusieurs cas,
de manière très importante.»
Et, ai-je besoin, évidemment, d'ajouter, en vous citant la
Fédération des femmes du Québec, qui
dénonçait ces dispositions, le RAIF - que le ministre
connaît bien - qui dénonçait également ces
dispositions, des titres de journaux, M. le Président:
«Modifications proposées créent plusieurs
injustices», «La nouvelle loi: un recul pour les femmes au
foyer», «La Société de l'assurance automobile coupe
les indemnités aux assistés sociaux et aux personnes de plus de
65 ans», «Discrimination: les femmes au foyer et les
retraités lésés par la Régie.»
Évidemment, M. le Président, je pense que le ministre
doit, dès ce matin, nous indiquer clairement quelles sont ses
intentions. C'est d'autant plus important que, l'an passé, ça
été choquant de constater que le programme le plus fortement
touché par les mesures de réduction des dépenses du
ministère de la Justice était justement le Programme
d'indemnisation des victimes d'acte criminel, avec une coupure de plus de 2 000
000 $, soit 10,9 % du budget de l'an dernier, M. le Président. Je vous
rappelle que le budget était passé de 20 044 000 $, en
1990, à 17 865 000 $ en 1991.
Le Président (M. Dauphin): C'est terminé, Mme la
députée.
Mme Harel: Merci.
Le Président (m. dauphin): je vais maintenant
reconnaître m. le ministre de la justice pour un temps équivalent,
ou près de 11 minutes. m. le ministre.
Réponse du ministre M. Gil
Rémillard
M. Rémillard: Je vous remercie, M. le Président. M.
le Président, vous me permettrez tout d'abord de présenter les
gens qui m'accompagnent, ce matin, à cette interpellation. Tout d'abord,
à ma droite, le sous-ministre de la Justice, Me Jacques Chamberland.
J'ai aussi avec moi le député de Chapleau et adjoint
parlementaire au ministre de la Justice, et j'ai avec moi le
député d'Iberville, qui a, entre autres, présidé,
comme nous le savons, la commission parlementaire sur la réforme du Code
civil, pendant les quelque quatre mois et demi que nous avons
siégé à cette commission pour la réforme du Code
civil. J'ai aussi avec moi, M. le Président, ma directrice de cabinet,
Mme Suzanne Levesque; Mme Julienne Pelletier, Mme Linda Dion, Mme
Hélène Ménard et Mme Sophie Gagnon qui m'accompagnent, et
qui ont la responsabilité, au niveau de mon cabinet, des
différents dossiers que nous allons probablement discuter ce matin.
M. le Président, je veux aussi remercier la députée
de Hochelaga-Maisonneuve qui, au nom de l'Opposition, nous donne donc la
possibilité de revenir sur ce Sommet de la justice. Ce fut un
événement - et je cite le juge en chef de la Cour suprême
du Canada, que Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve a
cité tout à l'heure: «C'est un événement qui,
dans les annales judiciaires, est unique». Et le juge en chef est
allé jusqu'à dire que c'était l'événement du
siècle en matière judiciaire au Québec. Tellement, M. le
Président, que nous avons reçu beaucoup de
téléphones des autres provinces canadiennes, au niveau
fédéral aussi, où on nous demandait nos commentaires, ce
qui s'était passé, comment on avait pu réussir. En fait,
ce qu'on peut dire: un tour de force avec la collaboration de tout le monde, et
ce n'est pas nous qui l'avons réussi, ce tour de force, M. le
Président, mais tous les participants à ce Sommet, puisqu'il
s'agissait d'un Sommet qui appartenait à ses participants. Nous l'avions
préparé de longue haleine. Après deux ans de
préparation, nous sommes arrivés, donc, il y a à peine un
mois, à ce Sommet de la justice bien préparé, et les
intervenants étaient bien préparés.
Je cite aussi Mme la députée de Hochelaga-
Maisonneuve, qui disait au lendemain, donc, du Sommet: «Je ne
connais pas beaucoup d'autres sociétés où il aurait
été possible de réunir sur un même pied un tel
ensemble de groupes communautaires avec les corporations juridiques et le
gouvernement - et Mme la députée de poursuivre - comme exercice
démocratique, ça me semble très réjouissant.»
Et elle a parfaitement raison, M. le Président. Ce fut un
événement unique, et la presse canadienne titrait dans tous les
journaux du Québec: «Le Sommet de la justice a connu un
énorme succès». C'était le titre qui apparaissait
dans les journaux, et ce fut le cas. Bien sûr qu'il y a eu des
commentaires, bien sûr qu'il y a eu des gens qui auraient aimé que
tel sujet soit discuté plus que tel autre, c'est tout à fait
normal. Il y a des gens qui, au nom de groupes de pression, ont fait pression
plus que d'autres sur certains aspects d'une réforme qu'on doit mettre
en place dans les différents aspects de l'accessibilité à
la justice. Mais ce Sommet, M. le Président, avait un thème:
Développer une justice plus humaine, plus équitable; faire en
sorte que cette justice soit plus accessible à toutes les couches de la
société, à toutes les citoyennes, à tous les
citoyens, peu importe leur situation, soit financière, ou toute autre
différence qu'ils peuvent avoir dans notre société. (10 h
30)
Or, M. le Président, j'ai dit, comme l'a rapporté Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve, à la suite de la
clôture de ce Sommet de la justice, le vendredi j'ai bien dit que,
dès le lundi, on se mettait à la table de travail et, de fait,
dès le lundi, nous étions à nos tables de travail au
ministère de la Justice. Il faut bien comprendre, M. le
Président, parce qu'il s'agissait d'un exercice de concertation
exceptionnel, que le gouvernement a pris des engagements, mais qu'aussi
l'ensemble des participants à ce Sommet ont pris des engagements, et que
nous devons maintenant, au lendemain de ce Sommet, tenir nos engagements. J'ai
insisté à ce Sommet sur le fait que l'État avait des
limites: limites dans sa capacité d'offrir des services, limites dans sa
capacité financière, et je devrais dire aussi, limites dans ses
possibilités d'agir seul dans un domaine comme la justice, qui est
véritablement une responsabilité à partager. On a
l'habitude de dire, M. le Président, que les droits des uns se terminent
là où le droit des autres débute. Et c'est essentiellement
vrai! Quand on parle d'une société démocratique, une
société de liberté, bien, c'est une société
où les citoyennes, les citoyens, ont une responsabilité tout
autant qu'ils ont des droits et des libertés. Alors, c'est dans ce
contexte, M. le Président, que maintenant nous mettons en place le suivi
de ce Sommet, et le discours inaugural d'hier a mentionné plusieurs
projets de loi qui seront déposés.
M. le Président, de par le discours inau-
gural, il y a au moins une constatation qu'on peut faire; c'est qu'il y
a peu de ministères qui soient aussi actifs que le ministère de
la Justice. Je veux rendre hommage au sous-ministre, à toute
l'équipe du ministère de la Justice et à tous les
fonctionnaires, qui font un travail remarquable. Nous avons une tâche
colossale devant nous, nous en sommes parfaitement conscients, mais il y a une
équipe exceptionnelle qui est là et qui veut relever ce
défi avec moi, M. le Président, et je veux lui rendre hommage
immédiatement.
M. le Président, dans le discours inaugural, on a donc
évoqué hier des projets de loi qui seront présentés
devant cette Chambre dans un avenir prochain. Tout d'abord, la réforme
des organismes administratifs. C'est vrai, M. le Président, que
ça fait longtemps qu'on en parle. Ça fait très longtemps.
Il y a eu le rapport Ouellette, mais, avant le rapport Ouellette il y a quatre
ans - il y a même cinq ans, si ma mémoire est bonne, parce que
ça fait quatre ans que je suis ministre de la Justice, ou à peu
près, puis, quand je suis arrivé, le rapport Ouellette existait -
il y a eu le rapport Dussault qui en parlait, et c'a toujours été
un problème de savoir comment nous pouvions organiser cette justice
administrative pour qu'elle soit plus efficace et qu'elle soit aussi accessible
à tout le monde. Parce qu'on sait, M. le Président, que, dans les
années soixante-dix, on a développé ces tribunaux
administratifs, et la raison d'être de ces tribunaux administratifs,
c'est de faire cette relation entre le citoyen, la citoyenne et l'appareil
administratif. Donc, c'est très important qu'on puisse encadrer l'action
de nos tribunaux administratifs, de nos organismes administratifs, et qu'on
puisse le faire en recherchant la plus grande efficacité possible.
Après beaucoup de discussions... Et je peux vous dire, M. le
Président, je ne vous le cacherai pas, ça n'a pas
été facile: ça n'a pas été facile avec mes
collègues, ça n'a pas été facile avec l'appareil
administratif, ça n'a pas été facile avec les intervenants
des tribunaux administratifs, pas facile avec le Barreau, la Chambre des
notaires. Ça n'a pas été facile comme discussions, mais on
y est allés étape par étape, et je crois que nous pourrons
présenter un projet de loi qui va nous amener à vraiment
établir ce cadre de la justice administrative. J'entends donc le
déposer dès cette session du printemps.
Ensuite, M. le Président, la réforme du régime
d'indemnisation des victimes d'actes criminels et tout ce développement
du réseau des centres d'aide aux victimes. Tout à l'heure, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve a soulevé quelques
questions au sujet, donc, de ce nouveau régime que nous voulons mettre
en place, pour qu'il soit plus efficace, plus humain. Tout d'abord, ce que nous
faisons dans ce domaine, c'est que nous réorganisons administrativement
l'ensemble du régime. Il y avait deux organismes qui étaient
là, qui avaient cette responsabilité de la mise en place de ce
régime d'indemnisation. Nous abolissons ces deux organismes et nous
créons une Commission de l'aide et de l'indemnisation des victimes
d'actes criminels. Donc, l'IVAC qu'on appelait, le BAVAC, maintenant; nous nous
retrouvons avec une commission. Une commission qui va avoir la
responsabilité de 21 CAVAC. Les CAVAC, ce sont les Centres d'aide aux
victimes d'actes criminels. Nous en avons déjà huit. On en a
créé huit jusqu'à présent et, M. le
Président, c'est difficile d'exagérer le rôle de ces CAVAC,
de ces Centres d'aide aux victimes d'actes criminels, en ce qui regarde
l'aspect humain, en ce qui regarde l'aide à apporter aux victimes. Nous
allons donc ajouter 13 nouveaux CAVAC, et dans un avenir très prochain.
Entre autres, dans la région de l'Estrie et dans la région aussi
de Saint-Jérôme, dans un avenir très, très prochain,
on pourra ouvrir deux CAVAC nouveaux, et dans l'Estrie et dans la région
de Saint-Jérôme. Et ensuite, les neuf autres CAVAC seront ouverts
dans un avenir aussi pas tellement éloigné.
Quant à l'administration de ce nouveau projet, M. le
Président - et je vois qu'on me dit qu'il me reste à peine 30
secondes, et j'aurais beaucoup à dire à ce niveau-là, mais
je suis certain que j'aurai l'occasion d'y revenir - il s'agit de faire en
sorte que les personnes qui n'ont pas subi de tort, qui n'ont pas de perte de
revenu à la suite d'un acte criminel, et qui étaient donc
indemnisées pour rien, je ne vois pas pourquoi on continuerait à
les indemniser. Mais, par contre, il y a des gens qui doivent être
indemnisés, qui doivent recevoir de l'aide, comme les proches des
victimes, par exemple, les parents des victimes, et qui, eux, avec le nouveau
plan, le nouveau programme que nous avons, vont pouvoir recevoir de l'aide.
M. le Président, ce que nous recherchons essentiellement, c'est
un programme plus humain, plus équitable, plus fonctionnel, plus
efficace, et quand on dit qu'on se réfère à la Loi sur
l'assurance automobile, j'entendais les commentaires de Mme la
députée tout à l'heure, elle fait des commentaires qu'elle
a faits aussi quand on a réformé la loi. Mais la recherche de
l'équité, la recherche de la justice, la recherche de
l'efficacité amènent à nous dire que ceux qui n'ont pas
subi de pertes ne devraient pas être indemnisés, et ceux qui ont
subi des pertes, et qui, malheureusement, ne l'étaient pas dans l'ancien
régime, devraient, eux, être indemnisés. Et c'est
essentiellement, donc, ce que nous recherchons.
M. le Président, je termine là-dessus, en vous disant que
j'ai bien d'autres lois - ce n'est pas les seules lois, là - qui vont
suivre dès la session du printemps, mais je suis convaincu que Mme la
députée va me permettre de pouvoir énumérer les
autres lois qui seront présentées dès cette session du
printemps, et à la session de l'automne prochain.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre de la
Justice. Je vais maintenant reconnaître Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve pour une période de temps de cinq minutes.
Argumentation Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. J'aimerais, à
mon tour, citer, encore une fois, le juge de la Cour suprême qui,
à l'occasion, justement, de cette allocution qu'il faisait devant le
Sommet, disait ceci, et je cite: «Ce Sommet a créé beaucoup
d'expectatives, et nous devons nous prémunir contre le ressac d'une
déception.» Moi, je peux vous dire tout de suite, M. le
Président, que j'ai une profonde déception à
l'égard des propos que le ministre vient de tenir sur le régime
d'indemnisation des victimes d'actes criminels, qu'il entend proposer aux
Québécoises et aux Québécois.
D'une part, M. le Président, le ministre nous parle d'humaniser
ce régime et nous fait part des changements de structures qu'il entend
introduire. Nous lui disons immédiatement que nous sommes favorables
à ces changements de structures. Ils étaient même
réclamés, ces changements de structures, qui consistent à
fusionner, finalement, les deux lois d'indemnisation, l'IVAC et les BAVAC, et
nous lui disons immédiatement que nous sommes en faveur de ces bureaux
d'aide aux victimes d'actes criminels et d'indemnisation des victimes, et que
le député de Taillon, Claude Filion, à l'époque
même où la loi créant les BAVAC était
adoptée, réclamait déjà cette fusion en
considérant qu'il s'agissait, finalement, d'offrir un guichet unique aux
victimes.
Sur les structures, on peut s'entendre, mais, sur le fond, on ne
s'entendra pas. Et je vous informe, M. le Président, que nous allons,
sur la question du régime d'indemnisation, faire une bataille à
tout casser sur cette question qui est majeure. C'est de la discrimination, M.
le Président! Et quand le ministre nous dit: S'ils n'ont pas subi de
torts. De quoi s'agit-il? De victimes d'actes criminels qui n'auraient pas subi
de torts, nous dit le ministre, qui n'ont pas subi de torts. De torts à
l'égard de quoi, exactement? Parce que n'oublions pas que
l'harmonisation avec le régime d'indemnisation des accidentés
d'automobile fait que les torts qu'ils ont subis ne sont pris en
considération que six mois après l'événement. 180
jours avant de recevoir un premier chèque, il pourra y avoir
compensation, mais dans le cas des personnes au foyer, dans le cas des
personnes qui peuvent être temporairement sans emploi ou à la
recherche d'emploi... Puis ils sont nombreux actuellement, au Québec, il
sont 700 000 hommes et femmes, M. le Président.
Dans le cas des personnes retraitées de moins de 65 ans, ce n'est
pas avant six mois qu'elles peuvent toucher un chèque, parce qu'on finit
par leur reconnaître une compensation aux torts qu'elles ont subis. Mais
on les laisse privées de tout support pendant six mois, ces
catégories de personnes, en particulier, que je viens d'identifier. Et
quant aux personnes de 65 ans et plus, ce n'est pas compliqué, c'est
pire que ça! C'est qu'on les exclut du régime
d'indemnisation.
Et quand on passe aux victimes d'actes criminels... Et si le ministre a
besoin d'en être convaincu, je l'invite vraiment à prendre
connaissance de l'avis que la Commission des droits de la personne du
Québec a publié là-dessus, et sur chacune de ces
catégories. Et quand la Commission dit ceci: «...constate, dans
son examen de la Loi modifiant la Loi sur l'assurance automobile, que
l'utilisation du critère de l'âge dans la loi susmentionnée
a pour effet de diminuer, dans bon nombre de cas, le niveau de
l'indemnité de remplacement du revenu autrefois attribué aux
catégories concernées»... Et la Commission conclut tout
simplement qu'elle ne peut pas poursuivre son étude sur le
caractère discriminatoire ou non de ces dispositions, compte tenu
qu'elle n'en a pas juridiction puisque l'article 90 de la Charte, faute d'une
réglementation, n'est toujours pas mis en vigueur. Cet article qui, s'il
était appliqué, interdirait la discrimination dans les
régimes de rentes, de retraite et d'assurance des personnes en vertu des
motifs interdits par la Charte. (10 h 40)
M. le Président, ça, je vous le dis immédiatement,
l'Opposition n'acceptera jamais cette façon-là. Je suis contente,
par ailleurs, de l'annonce faite par le ministre, qu'il entend déposer
la loi sur la réforme des tribunaux administratifs cet automne. La
question qu'on veut lui poser: Sera-t-elle exactement conforme à celle
qu'il avait déjà voulu faire adopter par le mémoire qu'il
avait déposé, en septembre 1989, au Conseil des ministres et
entend-il regrouper, dans quatre tribunaux, les principales juridictions, comme
il le proposait à ce moment-là? Entend-il créer un
tribunal des affaires sociales, un tribunal des affaires immobilières,
un tribunal du logement et un tribunal des recours administratifs qui
regrouperait l'ensemble des tribunaux administratifs?
Le Président (M. Dauphin): Merci, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve. Je vais maintenant
reconnaître le ministre de la Justice pour le temps équivalent,
c'est-à-dire cinq minutes.
M. Gil Rémillard
M. Rémillard: Oui, M. le Président. Tout d'abord,
en ce qui regarde, donc, le programme d'aide et d'indemnisation, je pourrais
dire simplement à Mme la députée de Hochelaga-
Maisonneuve qu'il est trop tôt pour entrer dans tous les
détails. Attendons le projet de loi. Vous allez voir le projet de loi,
mais, pour nous, ceux qui n'ont pas subi de préjudices, je ne vois pas
pourquoi on les indemniserait. Alors, essayons d'indemniser ceux qui ont subi
des préjudices financiers, psychologiques, qui ont été
touchés dans leur intégrité, intégrité
physique et intégrité morale. C'est là le but du programme
que nous allons mettre en place.
M. le Président, je pourrais donner des exemples. Par exemple,
toutes les indemnités de décès au conjoint survivant; ces
indemnités ne pourront, en aucun cas, être inférieures
à 40 000 $ et, dans certains cas, ces indemnités pourront
être portées à 200 000 $. Les frais funéraires et de
transport du corps de la victime seront aussi de 1100 $ à 3000 $; le
versement d'une somme forfaitaire pouvant atteindre 125 000 $ à toute
victime atteinte de séquelles permanentes, sans considération de
son revenu. Ça, c'est quelques éléments que nous allons
mettre en place, M. le Président, mais je ne veux pas, je le
répète, entrer dans tous les détails du projet de loi.
C'est la même chose en ce qui regarde toutes les victimes qui sont
touchées psychologiquement, le droit de recevoir des traitements de
réadaptation en psychothérapie, que ce soit pour la victime, que
ce soit pour les proches des victimes, les parents des victimes. Ça
aussi, ça va être une amélioration considérable. M.
le Président, je n'irai pas plus loin, mais je peux vous dire que ce
sera un projet de loi qui recherche essentiellement à humaniser la
justice et, entre autres, en ce qui regarde un sujet tellement important,
humaniser ce Programme d'aide aux victimes d'actes criminels.
En ce qui regarde les tribunaux administratifs, substantiellement, M. le
Président, on reprend ce mémoire que vient de citer Mme la
députée, mais avec des modifications, avec des changements
recherchant toujours une plus grande efficacité. Alors, je laisse le
suspense. Je ne veux pas en dire trop, mais elle pourra voir qu'il y a encore
là recherche d'une justice administrative plus humaine, plus efficace,
capable de s'inscrire dans la dynamique de l'action de l'État.
M. le Président, je veux simplement annoncer qu'en plus de ces
projets de loi - tribunaux administratifs et le Programme d'aide aux victimes
d'actes criminels - il y a la médiation familiale aussi, projet de loi
qui sera déposé au printemps 1992, à ce printemps-ci, et
l'aide juridique qui a été beaucoup discutée. Je sais que
ça intéresse beaucoup le député d'Anjou comme
ça intéresse beaucoup le député d'Iberville, ici,
et le député de Chapleau, adjoint parlementaire au ministre de la
Justice qui sont très impliqués dans ce dossier, M. le
Président. J'ai demandé de présenter un document de
consultation. Au ministère, nous préparons un document de
consultation et, si l'occasion m'est donnée, tout à l'heure je
pourrai y revenir. J'ai dit ça pour que le député d'Anjou
prenne des notes; il prend des notes, il va pouvoir me revenir tout à
l'heure, et nous allons pouvoir en discuter plus longuement. Nous allons aussi
avoir une loi sur le recouvrement des petites créances, comme on l'a
annoncé, pour monter le seuil d'admissibilité pour les petites
créances. Il y aura donc d'autres mesures qui viendront s'ajouter aussi
et qui feront en sorte que le suivi du Sommet... M. le Président, nous
avons dit que ce Sommet devra aboutir à des résultats concrets;
nous allons voir à cette session du printemps, à la session de
l'automne que les résultats concrets du Sommet vont suivre et vont
être discutés ici à l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre de la
Justice. Je vais maintenant reconnaître un député
ministériel, en l'occurrence, l'adjoint parlementaire au ministre de la
Justice, M. le député de Chapleau, pour cinq minutes.
M. John J. Kehoe
M. Kehoe: M. le Président, notre système judiciaire
a démontré sa très grande qualité; il a fait ses
preuves. Cependant, la venue de nouvelles réalités sociales et
l'émergence de problèmes qui y sont reliés nous auront
amenés à nous demander: Qui peut raisonnablement aujourd'hui se
payer un procès? Les mieux nantis de notre société et les
plus défavorisés. Quant aux autres justiciables, ils sont
laissés pour compte. Dans un souci de rendre la justice plus accessible
et le besoin impérieux qu'elle demeure de qualité, il fallait
entreprendre une démarche qui nous permettrait de trouver des moyens et
des alternatives pour rendre plus accessibles nos tribunaux.
C'est dans ce contexte que le ministre de la Justice s'est donné
comme défi d'organiser un Sommet de la justice, qui impliquera une
consultation à travers l'ensemble des régions du Québec de
tous les milieux intéressés, pour bien connaître d'abord
les besoins et les aspirations de la collectivité
québécoise, afin de pouvoir répondre adéquatement
à nos aspirations en matière de justice. Ce défi
était de taille et, de concert avec les intervenants, qui ont
salué le travail accompli lors de la séance de clôture du
Sommet, je tiens à dire au ministre de la Justice: Mission
accomplie!
Ce Sommet aura permis, M. le Président, de constater que la
résolution de problèmes ne dépend pas seulement de mesures
législatives et qu'elle peut trouver des solutions acceptables dans nos
attitudes et notre comportement, tout en assurant le respect des droits
individuels et collectifs. Dans cet esprit, les mesures annoncées par le
ministre de la Justice en matière d'arbitrage et de médiation
font appel à notre bonne
volonté. Elles ne sauraient être efficaces que si l'on se
donne la peine d'accepter d'y recourir.
M. le Président, le Sommet aura permis également aux
différents intervenants qui ont affaire au système judiciaire de
réfléchir ensemble sur les moyens de l'améliorer.
L'engagement visant à permettre la passation d'ententes avec les
municipalités sur le partage des amendes perçues devant les cours
municipales devrait favoriser une meilleure distribution des revenus qui
découlent de la sanction à un manquement grave à des
règles de comportement et de respect des autres dont s'est dotée
la société.
La proposition de la réforme de l'aide juridique constitue un
autre exemple de cette recherche d'un juste équilibre entre les
personnes démunies et celles de la classe moyenne, dont les revenus se
situent actuellement à la limite d'accessibilité. (10 h 50)
Bien que certains aient décrié le recul de leur
proposition à la garde d'une catégorie de personnes seules, on ne
doit cependant pas ignorer les avantages qu'elle cherche à offrir pour
des femmes avec enfants à charge, ainsi qu'aux personnes
âgées. Elle offre de plus l'avantage d'une indexation automatique,
si je puis m'exprimer ainsi, du fait qu'elle recourt aux critères du MGA
(maximum des gains admissibles) comme base de calcul des seuils
d'admissibilité. La réforme du système d'indemnisation de
l'aide aux victimes d'actes criminels, de même que celle des tribunaux
administratifs constituent également d'autres engagements majeurs qui
devraient nous permettre de doter la société de services
adaptés à ses réalités.
Dans la recherche de notre objectif de rapprocher la justice des
citoyens et des citoyennes, ces réformes contiennent des mesures qui y
répondent. En terminant, je voudrais, M. le Président, souligner
le climat de sérénité qui s'est maintenu tout au long des
travaux du Sommet. Malgré les divergences de vues à
l'égard de certains sujets, la plupart auront abouti à des
consensus grâce à la qualité des échanges qui ont eu
lieu autour de la table, et j'en félicite et je remercie le ministre de
la Justice.
Le Président (m. dauphin): merci, m. le
député de chapleau. je vais maintenant reconnaître le
nouveau député d'anjou. m. le député d'anjou.
M. Pierre Bélanger
M. Bélanger (Anjou): M. le Président, je
commencerai tout d'abord par cette question au ministre de la Justice. Vu le
tollé de protestations soulevées par le dépôt des
paramètres du nouveau régime d'aide juridique, tel que
présenté au Sommet de la justice, le ministre peut-il,
aujourd'hui, nous confirmer qu'il y aura une commission parlementaire portant
sur la réforme du système d'aide juridique? Et je comprends - je
reprends les propos, c'est pour ça que j'ai pris des notes, tout
à l'heure - que ce document n'est qu'un document de consultation. Mais
son dépôt a créé une très vive
déception chez les participants au Sommet de la justice. On peut
comprendre cette déception, M. le Président.
On s'attendait à beaucoup lors de ce Sommet. La Loi sur l'aide
juridique a été à peu près inchangée depuis
1972, alors que la réalité juridique, elle, a beaucoup
évolué. Les critères d'admissibilité n'ont pas
été modifiés depuis 1981, sauf en 1985 pour les familles
sans enfant ou les couples sans enfant. Il y avait un consensus qui se
dégageait à cette table, on peut dire, dès le début
de ce Sommet. On s'attendait à ce que le ministre annonce tout au moins
que les critères d'admissibilité allaient être
indexés afin de permettre au régime de couvrir le pourcentage de
la population qui était couvert lors de la création de la loi,
c'est-à-dire 24 % en 1972.
Alors, qu'est-ce qu'on apprend, la première chose lors du
dépôt de ce document de consultation, c'est que les seuils
d'admissibilité sont diminués pour une classe de citoyens. En
effet, on peut poser la question: Pourquoi cette classe de citoyens? Pour les
personnes seules avec ou sans logement, les critères sont
diminués. Dans le régime actuel, une personne seule a le droit
à la gratuité des services pour la somme de 8870 $. Maintenant,
ses revenus ne devront pas dépasser 6495 $. Alors, on peut se poser la
question: Pourquoi avoir diminué les seuils d'admissibilité pour
cette catégorie-là de personnes qui, à notre avis, est une
des classes les plus vulnérables, car souvent ces personnes seules sont
sans ressource et sans famille. Alors, on peut se demander qu'est-ce qui
justifie cette diminution?
Pour les seuils d'admissibilité qui ont été
augmentés, ce qu'on constate aussi, c'est que cette
augmentation-là n'équivaut même pas à une
augmentation du coût de la vie depuis l'année 1981. Donc,
déception quant au volet gratuit. Maintenant, qu'est-ce qu'on constate
encore, c'est qu'il y aura un frais automatique de 20 $ pour chaque ouverture
de dossier. Le ministre, lors du Sommet, a bien dit que ce n'était pas
un ticket modérateur, mais on a peine à comprendre ou à
expliquer à quoi peut servir ces 20 $ parce que nous ne croyons pas que
ces 20 $ vont pouvoir financer les coûts additionnels d'un nouveau
régime d'aide juridique.
Le ministre, lors de son Sommet, a fait la comparaison à l'effet
qu'un régime d'aide juridique, il ne fallait pas comparer ça
à un service d'urgence. Qu'une personne qui avait besoin des services
d'aide juridique avait une certaine période de temps avant d'aller voir
un avocat pour ramasser les 20 $ qui étaient nécessaires pour
l'ouverture du dossier. Moi, je vous soumets, M. le Président, que les
délais en cours sont de 10 jours pour comparaître à la cour
quand on est poursuivi au civil. Dix jours pour
aller à la cour, ça ne veut pas dire 10 jours pour se
prendre un avocat. Ça peut se traduire par une ou deux journées
pour se trouver un avocat. Donc, quand on a quelqu'un qui a de la
difficulté à rencontrer ses paiements, uniquement pour payer son
épicerie, on peut imaginer que ces 20 $, cette contribution de 20 $
obligatoire peut faire en sorte que des gens vont être privés
d'accès à l'aide juridique à cause, justement, d'un manque
de 20 $. Alors, qu'est-ce qu'on fait avec cette personne qui se présente
la dernière journée d'un délai de prescription et qui n'a
pas ses 20 $? Qu'est-ce qu'on fait? On la refuse? Je pense qu'on va avoir
besoin d'éclaircissements là-dessus. Je pense qu'on ne peut faire
autrement que de désigner ces frais de 20 $ comme étant un ticket
modérateur et rien d'autre.
Qu'est-ce qu'on constate de plus dans ce système, c'est qu'on a
voulu maintenant couvrir la classe moyenne par ce nouveau système. C'est
un but louable en soi, je le reconnais. Mais le régime proposé
est-il intéressant pour la classe moyenne? En effet, les volets
contributoires qui y sont mentionnés... On parle, pour un couple avec
deux enfants, d'un volet contributoire de 913 $. Alors, est-ce que ce volet
contributoire-là doit être considéré comme un
déductible, au niveau de l'assurance? Est-ce que ça veut dire que
les premiers 913 $ doivent être défrayés par le
bénéficiaire? Si c'est le cas, à ce moment-là,
c'est comme dire qu'il n'y a pas de couverture, puisque la majorité ou
la moyenne des relevés d'honoraires d'avocats à l'aide juridique,
c'est entre 500 $ et 700 $. Donc, si le bénéficiaire doit payer
les premiers 900 $, à ce moment-là, aussi bien dire qu'il n'est
pas couvert. Va-t-il y avoir un calcul de pourcentage, à ce
moment-là, pour essayer de faire un calcul à savoir quel va
être le volet contributoire? On peut se poser de sérieuses
questions.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député. Maintenant, pour cinq minutes, M. le ministre de la
Justice.
M. Gil Rémillard
M. Rémillard: M. le Président, je veux remercier le
député d'Anjou pour ces commentaires qu'il nous fait sur un
aspect très important du suivi du Sommet de la justice, en ce qui
regarde l'aide juridique. M. le Président, c'est vrai que ce que j'ai
présenté comme réforme de l'aide juridique a
été commenté, et fortement je devrais dire, au Sommet de
la justice. Je l'ai dit tout à l'heure, et je le répète,
j'ai donc demandé au ministère d'avoir un document de
consultation qui pourrait être fait en fonction des mêmes principes
que j'ai toujours et qui me guident toujours. Ces principes, M. le
Président, c'est rendre la justice accessible aux plus démunis,
oui, mais aussi aux gens de la classe moyenne qui n'ont pas plus les moyens de
se payer un procès que les gens qui sont démunis.
Je reçois, chaque jour, des dizaines, je devrais dire des
centaines de lettres qui me sont adressées, comme ministre de la
Justice, et j'en lis beaucoup. J'en lis beaucoup de ces lettres qui me disent:
Écoutez, moi, j'avais construit une maison, j'avais deux, trois logis
que j'avais faits - souvent - moi-même. J'étais donc un citoyen
qui était de classe moyenne - un petit revenu. Tout à coup, je me
retrouve devant un procès où celui qui m'amène à ce
procès ou celle qui m'y amène a l'aide juridique. Alors,
quelquefois, vous savez, entre quelqu'un qui gagne 12 000 $ par année et
quelqu'un qui en gagne 25 000 $, 30 000 $, et même, je vais vous dire 50
000 $, et qui se retrouve devant la justice, au niveau formel, devant les
tribunaux... La personne qui gagne 30 000 $ par année n'a pas plus les
moyens de se payer cet accès aux tribunaux que celle qui en gagne
seulement 12 000 $. Moi, comme ministre de la Justice, je dois tenir compte de
cette réalité-là. Je ne peux pas faire un programme qui
serait seulement en fonction des démunis et qui serait injuste,
inéquitable face au citoyen moyen, à revenu moyen. (11
heures)
Donc, M. le Président, j'entends revenir avec les mêmes
principes qui nous guident. Et en ce qui regarde les fameux 20 $, ce n'est pas
un ticket modérateur. Je voudrais qu'on fasse bien attention aux termes
qu'on emploie. J'ai vu que le député d'Anjou, d'ailleurs, avait
été quand même bien prudent. Il ne s'est pas
prononcé contre, ni la députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Elle n'a pas dit: Je suis contre 20 $ pour ouvrir un dossier; je ne l'ai pas
entendue dire ça. Ils me posent des questions, et ils font bien de me
poser des questions, c'est leur rôle. J'ai aussi des
députés ministériels qui me posent des questions. Ils ne
sont pas contre, mais ils disent: Qu'est-ce qui va arriver si quelqu'un n'a pas
ces 20 $ et risque de perdre un droit ou ne peut pas faire face à la
justice parce qu'il n'a pas 20 $? Imaginez-vous! Il ne faut pas penser qu'on se
retrouve devant les tribunaux tous les jours, comme on doit aller à
l'hôpital, si on est malade, même pas tous les ans. Alors, 20 $, si
on ne les a pas, ce sera un compte à recevoir. Mais il n'y a personne
qui va perdre un droit parce qu'il n'aura pas 20 $ dans ses poches. Ce sera,
pour l'État, un compte à recevoir. Il y a des modalités
à établir. Mais, M. le Président, c'est la moindre des
choses qu'on exige ces 20 $ pour quelqu'un qui veut ouvrir son dossier à
l'aide juridique pour que ce soit une contribution, une contribution qui n'est
pas beaucoup, qui est le minimum, mais qui va permettre quand même
d'apporter quelque chose, qui va nous aider à financer, c'est vrai,
l'aide juridique; pas complètement, mais qui va nous aider à la
financer. D'ailleurs, dans le document de consultation que je
prépare,
tous les chiffres vont être là. Les scénarios vont
être là et tous les chiffres vont être là. C'est vrai
aussi que dans le document que j'ai présenté au Sommet, il y
avait une catégorie qui pouvait être lésée, dans le
sens de la personne seule. La personne seule pour qui, actuellement, le seuil
d'admissibilité est 8870 $ et ce que je proposais, pour la
gratuité complète, là, ça descendait à 6495
$. C'était un régime comptable, si vous voulez. On est
arrivés à ce résultat-là parce que, en fonction du
MGA, on est arrivés à ce sujet-là, à ce chiffre.
Mais il est possible de faire un équilibre. Il est possible d'ajuster,
donc, cette lacune qu'il y avait dans le système que j'ai
présenté.
Mais à part ça, M. le Président, je dois vous dire
qu'en ce qui regarde la participation pour la classe moyenne, lorsque vous avez
un couple avec deux enfants qui gagne 30 500 $ par année, ils vont
pouvoir avoir droit, ils auront le droit à l'aide juridique avec 913 $
qu'ils devront contribuer. M. le Président, le député
d'Anjou me dit, et je termine là-dessus: Oui, mais en moyenne, ça
coûte 600 $, 700 $. Le principe, en ce qui regarde ces gens de la classe
moyenne qui gagnent 30 000 $, ce n'est pas de tout payer ce que ça leur
coûte. Si ça leur coûte 700 $, bien qu'ils le paient 700 $,
mais c'est pour les protéger contre une réclamation judiciaire
qui pourrait coûter des milliers de dollars. Et là, ils auront la
protection parce qu'après 900 $, l'État peut tout payer.
Ça peut coûter 15 000 $, 20 000 $, 50 000 $, 100 000 $, si vous
voulez, et c'est l'État qui va payer. Vous n'appelez pas ça une
bonne protection, vous, pour la classe moyenne? Je regrette, mais moi,
j'appelle ça une protection essentielle pour que la justice soit
accessible.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. Nous
revenons à un député ministériel avec M. le
député d'Iberville.
M. Yvon Lafrance
M. Lafrance: Merci, M. le Président. M. le
Président, j'ai été surpris de voir, de constater que ni
Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve ni son collègue,
M. le député d'Anjou, n'ont touché encore la très
importante question de la médiation familiale. M. le ministre l'a
soulignée et c'est pourquoi vous me permettrez d'apporter certaines
précisions sur cette question durant les quelques minutes qui me sont
allouées.
M. le Président, l'engagement pris par le ministre de la Justice
concernant l'implantation de services de la médiation en matière
familiale sur l'ensemble du territoire du Québec me réjouit.
Cette mesure devrait permettre d'éviter des conflits familiaux
lorsqu'une rupture devient inévitable et favoriser l'équilibre
des parties en facilitant des règlements à l'amiable. En effet,
on ne peut ignorer que, face à la séparation, les couples
doivent, malgré tout, régler des problèmes difficiles et
parfois urgents. Les problèmes de garde des enfants, le droit de visite
et de sortie, de pension alimentaire, de partage des biens doivent de plus
trouver une solution équitable. Les couples doivent réorganiser
leur vie et celle de leurs enfants puisqu'ils demeurent, malgré la
désunion, les parents de leurs enfants. Et c'est là, M. le
Président, que la médiation prend son véritable sens
lorsqu'il s'agit de diminuer les tensions occasionnées par la rupture.
Elle vise la conclusion, par les parties elles-mêmes, d'une entente
juste, équitable et mutuellement acceptable. Elle favorise la diminution
des affrontements lors des séparations ou des divorces et est
susceptible de diminuer le nombre de procès en matière familiale,
ce qui s'inscrit dans le sens de la déjudiciarisation des conflits entre
les individus.
Il est important de préciser que la médiation n'est pas
une thérapie conjugale ni une technique visant la réconciliation
des parties puisqu'elle s'adresse aux couples dont la décision de rompre
a été prise. En matière familiale, cette méthode de
résolution de conflits constitue une intervention qui s'applique
à l'intérieur du cadre judiciaire et dont le processus comporte
un volet juridique et un volet psychosocial qui paraissent indissociables. La
médiation familiale a fait l'objet de plusieurs propositions, comme on
le sait, lors du Sommet de la justice, dont celle devant attribuer au juge le
pouvoir d'imposer aux parties une tentative de médiation à toute
étape des procédures et celle concernant un modèle de
médiation qui soit accessible dans tous les districts judiciaires du
Québec. Le projet répond à l'ensemble de ces propositions.
En effet, le ministre de la Justice a annoncé lors du Sommet de la
justice que le Code de procédure sera modifié afin de permettre
au tribunal à tout moment du déroulement d'une cause
contestée de prononcer une ordonnance pour ajourner l'instruction de la
demande et de référer les parties au service de
médiation.
On ne saurait, en effet, obliger les couples qui s'entendent à
participer à des séances de médiation. Par contre, on ne
saurait reprocher l'initiative mise de l'avant à l'égard d'une
clientèle qui n'arrive pas à s'entendre en lui offrant une ultime
possibilité de conclure une entente négociée dont les
conditions seront plus facilement respectées puisqu'elles ne leur auront
pas été imposées.
M. le Président - je note que mon temps est écoulé
- le service de médiation familiale est donc de nature à
améliorer la justice sociale au Québec. Il permettra
sûrement également d'intégrer davantage la dimension
familiale dans le système judiciaire québécois.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député d'Iberville. Nous retournons avec M. le
député d'Anjou, pour cinq minutes toujours. M. Pierre
Bélanger
M. Bélanger (Anjou): M. le Président, pour
répondre aux propos exprimés tout à l'heure par M. le
ministre, je dirais tout simplement que nous, de l'Opposition, sommes fermement
contre le ticket modérateur de 20 $.
Deuxièmement, je voudrais aussi apprendre à M. le ministre
que le même couple avec deux enfants, dans l'exemple qu'il a donné
tout à l'heure, pour 300 $ aurait une meilleure couverture avec un
régime d'assurance privé, une assurance frais juridiques
privée. Alors, je ne vois pas comment on peut louanger les bienfaits de
la protection accordée à la classe moyenne avec le nouveau
régime proposé.
Aussi, une chose que je constate dans le nouveau régime, c'est
que, maintenant, les gens qui font partie du volet contributoire,
c'est-à-dire entre 60 % et 100 % du MGA, n'auront plus
l'opportunité d'avoir recours à un permanent salarié de
l'aide juridique alors qu'on sait que, pour certains dossiers complexes, il est
impossible de trouver un avocat de pratique privée qui va accepter le
dossier. Maintenant, ces gens-là n'auront plus l'opportunité
d'aller voir un permanent de l'aide juridique. Je trouve que c'est dangereux et
ça peut faire en sorte que certaines personnes, pour des dossiers
complexes, n'auront plus recours à l'aide juridique. Et c'est le
principe du libre choix ici, je pense, qui est carrément remis en
question. (11 h 10)
Ce nouveau régime va donc aussi faire un plus grand appel aux
praticiens de pratique privée. Est-ce qu'il est réaliste de
s'attendre à une plus grande participation des praticiens de pratique
privée du droit alors que dans le système actuel de l'aide
juridique, le gouvernement n'arrive même pas à défrayer les
relevés d'honoraires des avocats de pratique privée qui
participent à l'aide juridique présentement. En effet, on a
appris tout récemment que le Conseil du trésor a
débloqué la somme de 3 000 000 $ pour défrayer les
relevés d'honoraires des avocats qui participent à l'aide
juridique; certains de ces relevés d'honoraires étaient dûs
depuis la fin d'octobre, M. le Président. Alors, on vient de
débloquer 3 000 000 $, mais ses comptes s'élèvent à
plus de 4 000 000 $. Alors, est-ce que c'est réaliste de penser que le
gouvernement va pouvoir avoir une meilleure participation des avocats de
pratique privée alors qu'on n'arrive pas à payer les comptes
présentement? Et on attend toujours aussi, je peux vous dire, le
coût de ce nouveau régime d'aide juridique proposé. Lors du
Sommet on l'a demandé, on n'a rien obtenu. Encore aujourd'hui, je vous
le demande, M. le ministre: Est-ce que vous pouvez nous donner une
approximation des coûts qui vont être entraînés par ce
nouveau régime d'aide juridique que vous proposez? Je peux dire à
M. le ministre que l'Opposition est très soucieuse et consciente aussi
des limites de dépenser de l'État et que le gouvernement doit se
doter d'un système juridique qu'il est en mesure de se payer. C'est
pourquoi on s'étonne que dans le nouveau régime proposé,
on n'ait pas retenu les propositions de mode de financement qui étaient
contenues dans le rapport MacDonald. Dans le rapport MacDonald, il y avait
plusieurs avenues intéressantes, plusieurs avenues nouvelles
relativement au financement du système d'aide juridique. On constate
dans le nouveau régime qu'on n'en fait aucunement mention. En
particulier, je fais référence aux intérêts
générés par les fonds d'études juridiques des
avocats et des notaires. Ces intérêts ont
généré, en 1988-1989, 2 800 000 $ et 5 500 000 $ du
côté de la chambre des notaires. d'autant plus que dans le nouveau
régime, on veut encore plus impliquer les notaires dans le nouveau
régime. alors, on pourrait demander, à ce moment-là,
peut-être une participation de ceux-ci au financement de ce nouveau
régime. dans le but de contrôler aussi les coûts de ce
nouveau système, je pense qu'il serait souhaitable qu'on examine d'une
façon approfondie les services qui seraient couverts par ce nouveau
régime.
À plusieurs reprises lors du Sommet, le ministre a
déclaré que le régime ne devait plus servir au citoyen qui
voulait contester ses «tickets» de stationnement et ses billets
d'infraction routière. Je peux vous dire tout de suite qu'on est pour ce
principe, sauf qu'il faudrait peut-être regarder si ça a
déjà été couvert. Ça n'a jamais
été couvert par la Loi sur l'aide juridique. Donc, on
n'économisera pas beaucoup d'argent en disant que ça ne sera plus
couvert, ça ne l'a jamais été. Il faudrait peut-être
examiner attentivement, à savoir si ces régimes sont
couverts.
Deuxièmement, il faudrait peut-être vérifier s'il y
a certains services qui sont déjà couverts par des programmes
fédéraux existants. Je ne sais pas si le ministre est au courant
que, présentement il y a un régime fédéral qui
permet le paiement des honoraires d'avocats pour les cas d'immigration; que ce
régime fédéral est très peu utilisé parce
que la Commission des services juridiques a décidé de couvrir ces
frais. Ça coûte 3 500 000 $ par année à la
commission des services juridiques, alors que ce régime gratuit est
disponible au fédéral et que le fédéral est
disposé à le payer. alors, je pense que ce serait des avenues
intéressantes qu'on devrait regarder en commission, justement, pour
faire en sorte que les coûts soient supportables dans le nouveau
régime.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. le
député d'Anjou. Maintenant, nous revenons au ministre de la
Justice, toujours pour cinq minutes.
M. Gil Rémillard
M. Rémillard: Oui, M. le Président, je dois dire
qu'en ce qui regarde les coûts du système, je vais dire au
député d'Anjou qu'il m'a suggéré des pistes que, de
fait, nous connaissons fort bien. Dans le document de consultation qui est
préparé, c'est un document où tous les chiffres, les
possibilités de financement vont être là. Alors, vous allez
voir, vous allez avoir un document très complet parce que je veux qu'on
ait un débat le plus complet possible.
M. le Président, lorsqu'on me dit que les citoyens de la classe
moyenne que je veux couvrir n'ont pas besoin d'être couverts parce que,
de toute façon, ils ont un système d'assurance... Il y a deux ou
trois régimes d'assurance, des polices d'assurance qui sont offertes
présentement sur le marché. Je les ai étudiées, ces
polices d'assurance, et ça n'offre pas, pas encore, peut-être
éventuellement mais au moment où on se parle, ça ne couvre
pas tout ce que peut couvrir l'aide juridique des services de l'État.
Maintenant, la question qu'il faut se poser, c'est que, comme administrateur,
comme membre d'un gouvernement, comme ministre, est-ce que je dois dire: Bien,
cette classe de la société n'a pas besoin d'avoir de protection,
elle n'a qu'à se prendre de l'assurance dans un domaine aussi essentiel
que la justice? Moi, je dis: non. Et ce raisonnement de l'Opposition, je ne
l'accepte pas. On ne viendra pas me dire que cette classe de la population, la
classe moyenne qui fait les frais, finalement, de tous les services: on taxe,
on impose, et puis c'est le citoyen moyen qui paie pour ça. Moi, je
refuse ce raisonnement de l'Opposition, de nous dire: Bien, ils ont l'argent.
Qu'ils se prennent des polices d'assurance! Premièrement, la police
d'assurance, au moment où se parle, n'existe pas; deuxièmement,
c'est mon rôle comme ministre de la Justice de faire en sorte que la
justice soit accessible à toutes les classes de la population, et je ne
peux pas me référer à la possibilité de prendre une
police d'assurance pour qu'il y ait protection dans un domaine aussi
essentiel.
Je rappelle, M. le Président, en plus, ceux qui étaient en
faveur de la modification que j'ai présentée au Sommet de la
justice sur l'aide juridique: le monde des affaires et le domaine des
assurances. Il faut dire aussi que les représentants des familles
étaient d'accord et que les aînés étaient d'accord;
parce que les aînés, M. le Président, dans les
modifications que j'ai proposées le seuil d'admissibilité pour
les personnes âgées qui, actuellement est de 8870 $, passait
à 10 357 $. Alors, là, il y avait une amélioration
considérable. Mais à un moment donné, M. le
Président, pour moi comme ministre de la Justice, recherchant toujours
l'équité, l'accessibilité, il faut faire des choix. Je ne
peux pas donner à tout le monde. Je ne suis pas intéressé
à «socialiser», pour reprendre l'expression qui a
déjà été utilisée, «socialiser la
justice», et, à ce niveau-là, je connais les commentaires
du Barreau, M. le Président. Je les ai rencontrés. Je les ai
rencontrés de nouveau, et ils me disent: Attention! Vous allez trop loin
et vous risquez de socialiser la justice. Je ne mets pas, du revers de la main,
cet argument de côté. Je dis, je crois qu'il y a moyen de discuter
et, si nous insistons pour que ce soit non pas l'aide juridique qui s'occupe de
ces dossiers où il y a participation du citoyen, pour le citoyen moyen,
mais que ce soient les avocats du secteur privé, c'est parce que nous
voulons justement continuer... que ce soit le secteur privé qui s'occupe
de cette clientèle, du citoyen a revenu moyen; et nous voulons permettre
de développer une clientèle avec la garantie de paiement de
l'Etat. (11 h 20)
Je reviens, M. le Président, à l'argumentation du
député d'Anjou; si on demande une contribution au citoyen de 600
$ ou de 700 $, maximum, et que ça lui coûte 800 $, que les frais
coûtent 800 $, à ce moment-là l'État paiera 100 $ et
il paiera 700 $. Dans ce cas-là, ça se comprend assez bien. Mais,
M. le Président, combien de procès coûtent des milliers de
dollars? Mais c'est des milliers, des dizaines de milliers de dollars! Et
là, le citoyen moyen peut se retrouver ruiné, complètement
ruiné; même s'il a gagné son procès, il se retrouve
ruiné, il a tout perdu. M. le Président, c'est ça que je
veux protéger, moi, comme ministre de la Justice, le citoyen moyen. Je
veux protéger le plus démuni. C'est ma responsabilité, et
je veux l'assumer, mais je veux que le citoyen à revenu moyen ne soit
pas oublié dans tout ça, comme il l'est présentement.
Donc, M. le Président, ce que je recherche dans ce nouveau régime
d'aide juridique, je recherche une plus grande équité, une plus
grande accessibilité et je cherche a humaniser le système de
justice.
Sur les 20 $, M. le Président, je comprends que l'Opposition nous
dise: Non, nous sommes contre! Moi, je vais vous dire: Oui, je suis pour et je
vais me battre pour ça. Je considère que 20 $ pour ouvrir un
dossier à l'aide juridique, c'est un minimum. C'est une contribution qui
est légitime et qui fera en sorte qu'aucun citoyen ne perdra son droit
ou ne sera empêché de répondre à ses obligations
devant la justice parce qu'il n'aura pas 20 $ en poche, d'aucune
façon.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre.
Maintenant, M. le député de Chapleau.
M. John J. Kehoe
M. Kehoe: Merci, M. le Président. J'aimerais vous faire
part de mes impressions quand un dossier traduit l'implication de notre
gouvernement envers des personnes démunies suite à la
participation à un acte criminel. Je fais référence ici
à l'importante réforme concernant l'aide et
l'indemnisation que l'État se doit d'apporter aux victimes
d'actes criminels, et qui a été annoncée par le ministre
de la Justice lors des travaux du Sommet.
Cette réforme vise essentiellement à créer une
Commission de l'aide et de l'indemnisation des victimes qui n'auront plus
à s'adresser à deux organismes différents pour recevoir le
soutien et l'indemnisation. La formule du guichet unique éliminera la
confusion et favorisera ainsi une mesure d'accessibilité à la
justice.
Le 1er mars marqua le 20e anniversaire de l'entrée en vigueur de
la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels, adoptée, je
tiens à le souligner, par le gouvernement libéral de
l'époque, suite à la constatation de l'accroissement de la
criminalité violente et à l'impossibilité, pour certaines
victimes, d'être indemnisées. Je pense, par exemple, à
l'insolvabilité de l'auteur du crime ou encore à
l'impossibilité de le retracer. Comme cette loi n'a pas connu de
modification majeure depuis son adoption, il est inévitable de constater
des lacunes tant au niveau des conditions d'admissibilité qu'à
celui de la structure même du régime. En ce sens, l'harmonisation
du système d'indemnisation avec celui de la Société de
l'assurance automobile du Québec, qui est tout récent,
répondra mieux à la réalité d'aujourd'hui. Nous
aurons l'occasion d'en discuter plus longuement les détails lors de la
présentation du projet de loi.
M. le Président, mon intention n'est pas de discuter en
profondeur des nombreux avantages qu'apportera la réforme
annoncée, mais plutôt de saluer l'initiative du ministre de la
Justice de prioriser un dossier de cette importance, qui contribue à
humaniser la justice. Je termine en me permettant de souligner à quel
point je suis satisfait de constater, dans la réforme proposée,
l'équilibre entre l'indemnisation et le soutien à apporter aux
victimes. On ne pouvait qualifier d'humain un projet qui n'aurait que pour
objet la réparation pécuniaire d'un préjudice causé
par un acte criminel. L'État doit pourvoir aux services d'intervention
auprès des victimes et de ses proches. En effet, l'aide ou soutien,
l'information et l'accueil des victimes sont garants, dans une large mesure, de
la réadaptation de ces personnes éprouvées. M. le ministre
a démontré son intérêt à cet égard en
annonçant son intention d'ouvrir 13 nouveaux centres d'aide aux victimes
d'actes criminels afin de couvrir l'ensemble des régions du
Québec, portant ainsi à 21 le nombre total de ces centres.
M. le Président, je devrais mentionner aussi que la
députée de Hochelaga-Maisonneuve semble oublier qu'une victime
d'actes criminels subit un préjudice psychologique, souvent encore plus
grave que les pertes monétaires. À cet égard, la
réforme, comme a dit le ministre, sera plus humaine, car les proches
d'une victime peuvent également recevoir de l'aide puisqu'elles sont les
personnes les plus en mesure d'aider et de supporter ces victimes. M. le
Président, je vous remercie.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. le
député de Chapleau. Nous revenons maintenant à
l'interpellatrice, c'est-à-dire Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve, pour cinq minutes.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. J'écoutais
l'échange que le ministre avait avec mon collègue d'Anjou et je
me rappelais, lorsqu'il mentionnait cette amélioration qu'il offrait aux
personnes âgées, qu'en juin 1990, il y a bientôt deux ans,
le même ministre nous informait qu'une demande avait été
faite au Conseil du trésor pour hausser les seuils
d'admissibilité pour les personnes âgées, et il faut
comprendre que cette demande n'a toujours pas été répondue
et que dans les faits, cette importante amélioration que le ministre
nous présente aujourd'hui, c'est finalement l'indexation pure et simple
du seuil d'admissibilité pour cette catégorie de personnes en
particulier. Et là, il y a des paradoxes. Parce qu'avec l'indemnisation
des victimes, en l'harmonisant à la Société de l'assurance
automobile, on va exclure les personnes de 65 ans de toute compensation, mais
que, d'un autre côté, à l'aide juridique, elles y auraient
droit, et j'ai fait un peu de recherche pour savoir pourquoi. C'est parce
qu'elles ne sont pratiquement pas en demande à l'aide juridique, M. le
Président. Elles font partie de la catégorie de personnes qui est
finalement celle qui fait le moins appel à l'aide juridique. Cependant,
le ministre a annoncé un document de consultation puis on le
reçoit avec beaucoup de satisfaction. La question, c'est de savoir si
ça va donner lieu à une consultation publique, comme on peut le
souhaiter, puis une consultation parlementaire. Je crois comprendre que le
ministre me fait signe que oui, mais je pense que c'est utile qu'on le sache,
et il peut être assuré de notre collaboration.
M. le Président, sur la médiation familiale, le ministre a
annoncé, un peu plus tôt, qu'il entendait déposer un projet
de loi devant l'Assemblée dès ce printemps. Il s'agit donc, je
crois comprendre, de modifications au Code de procédure civile.
Ça m'amène à lui demander si, en matière de
révision du Code de procédure civile, autant pour la Cour des
petites créances que pour la médiation familiale et toutes les
autres dispositions sur lesquelles il y a eu des changements annoncés,
s'il le fera ce printemps ou s'il entend déposer la loi modifiant le
Code de procédure civile dans son ensemble, comme c'était
prévu l'automne prochain.
Ceci dit, en matière de médiation familiale, M. le
Président, je rappelle qu'il n'y a eu aucun coût de
divulgué au moment du Sommet et que ce n'est pas qu'une modification au
Code de
procédure qui est souhaitée, mais aussi une connaissance
publique des services qui devraient être élargis à
l'ensemble des cours de justice.
M. le Président, la position de l'Opposition sur cette question
est la suivante: Depuis maintenant cinq ans, plus exactement au mois
d'août 1987, le ministre qui était à l'époque
délégué à la Santé et aux Services sociaux,
M. Dutil, le ministre de la Beauce, soumettait déjà un
mémoire au Conseil des ministres, recommandant l'expansion des services
de médiation à la famille dans toutes les régions qui n'en
avaient pas, c'est-à-dire toutes les régions autres que
Montréal et Québec, où un tel service avait
été instauré depuis 1981 à Montréal et 1984
à Québec. Et dans ce mémoire, ce que le ministre
délégué à la Santé et aux Services sociaux
faisait valoir, c'est que même si le... puis, ça, il ne faut pas
que ça nous serve de prétexte. Le Code civil, qu'il soit l'actuel
ou le futur, tel qu'adopté, prévoit toujours qu'en matière
familiale un tribunal doit trancher quel que soit le climat régnant
entre les conjoints qui divorcent ou qui se séparent légalement;
un tribunal doit trancher, c'a toujours un aspect judiciaire.
Mais ce que le mémoire dit bien, c'est que ça requiert une
expertise psychosociale qui a forcément préséance sur le
judiciaire, et la médiation qui était proposée
était une médiation pour des couples qui divorcent et qui se
trouvent face à un problème de relations interpersonnelles et une
médiation centrée sur les conjoints lors des ruptures.
M. le Président, je pense qu'on ne peut pas accepter comme
société que ce soit au moment où les causes soient
contestées, c'est-à-dire au moment, finalement, parce qu'il n'y a
que 10 % des causes qui sont contestées - où ça va
très mal. Je ne dis pas qu'il ne faille pas, à ce
moment-là, qu'il y ait aussi de la médiation familiale, mais
qu'on ne la réserve exclusivement comme service public qu'à ce
moment-là, c'est une erreur. C'est une grave erreur et on regrette,
d'une certaine façon ici, que le ministre de la Justice ait
tranché ce contentieux qui régnait depuis cinq ans et qui a fait
qu'à chaque année les crédits prévus pour la
médiation aient été périmés, crédits
périmés pour l'année 1987-1988, pour l'année
1988-1989, des crédits qui étaient prévus à la
Santé et aux Services sociaux et qui n'ont jamais été
dépensés.
Alors, M. le Président, en matière de médiation
familiale, on voudrait connaître le programme, quand est-ce que le
ministre entend déposer... J'imagine que mardi dans les crédits,
ça devrait finalement se voir, parce que, évidemment, ça
nécessitera des crédits à la hausse; et la Cour des
petites créances aussi - je termine -hausser de 1000 $ à 3000 $,
c'est passer de 50 000 à 100 000 dossiers. C'est ce qui s'est
passé en Ontario quand ils ont haussé le plafond. On applaudit
à la hausse du plafond, mais on dit au ministre qu'il est imprudent
quand il ouvre tout de suite aux entreprises de moins de cinq employés,
parce que, en même temps, on n'est pas certain que ça ne fera pas
des files d'attente avec des délais déraisonnables. Finalement,
c'est justice qui ne sera pas rendue pour personne.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve. Toujours pour cinq minutes, M.
le ministre de la Justice.
M. Gil Rémillard
M. Rémillard: M. le Président, en ce qui regarde
toujours le dossier de l'aide juridique, j'ai dit - et je le
répète - qu'il y a donc un document de consultation en
préparation. Oui, il y aura une consultation publique. Je ne dis pas
nécessairement que ce sera une commission parlementaire. Je dis qu'il y
aura une consultation publique. On va voir quel sera le moyen le plus
approprié, mais il y aura une consultation publique. (11 h 30)
En ce qui regarde la médiation, M. le Président, je suis
extrêmement surpris des propos de Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve. Elle semble me reprocher d'avoir pris mes
responsabilités comme ministre de la Justice. Écoutez, je ne suis
pas ministre de la Santé et des Services sociaux, je ne suis pas
ministre d'autres ministères qui pourraient être impliqués
dans le domaine de la conciliation et de la médiation familiale, je suis
ministre de la Justice. Donc, moi, ma responsabilité, c'est, lorsque les
couples ont décidé de se séparer, ils l'ont
décidé. C'est ça, ma responsabilité. Là, je
dis: Très bien, il y aura une médiation et cette
médiation, elle sera obligatoire, demandée par le juge,
exigée par le juge. Elle sera gratuite, parce que exigée par le
juge, et elle permettra d'humaniser la justice, surtout au niveau de tout ce
qui regarde les enfants, parce qu'il y a tellement de séparations qui
sont difficiles pour les enfants, surtout lorsqu'on est obligés de faire
témoigner des enfants en cour. Par la médiation, on pourra
éviter ça dans beaucoup de cas. D'ailleurs, l'expérience
de Québec et de Montréal, ce sont deux expériences
tellement éloquentes quant au succès qu'on peut avoir avec la
médiation.
Donc, ma responsabilité, comme ministre de la Justice, c'est au
niveau judiciaire. Ça ne veut pas dire qu'il ne doit pas y avoir une
médiation, une conciliation avant, que ce soit au niveau des CLSC, comme
ça a été évoqué au moment du Sommet de la
justice, que ce soit à d'autres moments, à d'autres niveaux, par
d'autres organismes. Mes collègues ont cette responsabilité et y
travaillent. Pour ma part, comme ministre de la Justice, je prends mes
responsabilités et je dis qu'il y aura cette médiation qui nous
permettra d'améliorer considérablement le système en ce
qui regarde, donc, les sépara-
tions et d'humaniser considérablement la justice en ce qui
regarde la séparation.
J'ai l'intention de présenter ce projet de loi sur la
médiation familiale au printemps, dès cette session-ci. En ce qui
regarde les petites créances, ça ira à l'automne parce
qu'il faut, admi-nistrativement, qu'on puisse s'assurer que tout puisse
fonctionner. Il ne faut pas oublier... Quand Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve me dit: Attention! C'est d'être très
téméraire que de dire, immédiatement, que les personnes
morales, c'est-à-dire les compagnies de cinq employés et moins
qui auront le droit, maintenant, d'aller aux petites créances, on leur
ouvre immédiatement la porte des petites créances. Je dis
à la députée: Attention! N'oublions pas que nous rendons
aussi accessible la médiation partout, sur tout le territoire du
Québec. Là, la médiation, au niveau des petites
créances, règle beaucoup de dossiers. Alors, c'est pour ça
que je dois attendre à l'automne parce que je veux que tous les
éléments administratifs soient en place. Et la médiation,
moi, je compte beaucoup sur la médiation.
D'ailleurs, au Sommet de la justice, j'ai beaucoup insisté sur
tous ces mécanismes de déjudiciarisation pour qu'on puisse avoir
une justice formelle devant les tribunaux, la plus équitable, la plus
accessible possible. Oui, M. le Président, mais je veux qu'on puisse
offrir à tous les justiciables la possibilité de régler
leurs conflits sans avoir recours à cette justice formelle qui est
souvent plus lente, plus coûteuse pour tout le monde, et pour
l'État et pour les citoyens et les citoyennes, qu'on ait la
possibilité d'avoir de la médiation, de la conciliation, de
l'arbitrage, et je veux mettre l'accent sur ces différents aspects.
Donc, lorsqu'on parle de médiation familiale, lorsqu'on parle de petites
créances, on parle de médiation, on parle d'un nouveau service
qui sera offert à l'ensemble des Québécoises et des
Québécois sur tout le territoire et qui permettra
d'alléger considérablement, j'en suis convaincu, le rôle de
nos tribunaux, donc, de limiter les délais. Ça peut nous aider
à faire face au problème des délais tout en humanisant la
justice. C'est ça qui est mon objectif premier, M. le Président:
rendre cette justice accessible, rendre cette justice plus humaine.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre.
Maintenant, M. le député d'Iberville.
M. Yvon Lafrance
M. Lafrance: Oui, merci, M. le Président. M. le ministre
vient de mentionner son intention de revoir, donc, cette question des petites
créances, laquelle s'inscrit dans sa volonté d'améliorer
l'accessibilité à la justice. Permettez-moi donc de
compléter en son nom, en apportant certaines précisions sur cette
question.
M. le Président, il est, je crois, de com- mune renommée
que le ministre de la Justice attache une grande importance et consacre
beaucoup d'énergie à s'assurer que la justice soit la plus
accessible possible. Les engagements pris à l'occasion du Sommet de la
justice en témoignent. Je désire donc m'attarder quelque peu
à la division des petites créances de la Cour du Québec.
À l'origine, soit en 1971, le montant des créances admissibles
fut fixé à 300 $ et moins Suite à l'augmentation du
coût de la vie, cette limite était haussée successivement
à 400 $ en 1975, 500 $ en 1977, 800 $ en 1982 et, finalement, à
1000 $en 1984.
M. le Président, il y a maintenant huit ans, donc, que le plafond
des petites créances n'a pas été augmenté. La
décision de le faire passer de 1000 $ à 3000 $ m'apparaît
à la fois nécessaire et raisonnable. Nécessaire, tout
d'abord, parce qu'il est important de respecter les principes â la base
de ce tribunal, à savoir maximiser l'accessibilité des
justiciables qui veulent réclamer une créance modique et
permettre le recouvrement de ces créances à de moindres
coûts, tout en facilitant la défense d'un droit par
l'assouplissement des règles; ensuite, raisonnable, M. le
Président, parce qu'aujourd'hui les gens qui contractent des obligations
pour plus de 1000 $ et qui, après évaluation de ce qu'il leur en
coûterait pour réclamer de telles créances devant un
tribunal, décident tout simplement d'abandonner leurs droits et se
voient privés d'un moyen efficace et peu coûteux de les faire
valoir.
De plus, comme il est apparu essentiel de maintenir les règles
actuelles d'exclusion de l'avocat et de l'interdiction de porter une
décision en appel, afin de respecter la mission de cette Cour, il ne
faudrait pas non plus permettre un niveau monétaire trop
élevé. La protection des droits et l'importance des montants en
cause sur les revenus des individus nécessitent une plus grande
prudence. D'autre part, il a été jugé
préférable, dans un souci d'équité, de permettre
l'accès à la division des petites créances, comme vient de
le mentionner M. le ministre, aux entreprises de cinq employés et moins,
à l'exclusion cependant des agences de recouvrement et des acheteurs de
créances. Cette situation qui prévaut dans toutes les autres
provinces canadiennes permettra à des petites entreprises en
propriétaire unique ou de type familial de bénéficier des
avantages d'une justice accessible peu coûteuse et rapide. Le service de
médiation qui sera étendu à l'ensemble de la province
contribuera sans aucun doute à limiter l'augmentation prévisible
du volume de causes, due à l'élargissement des critères
d'admissibilité. En effet, le médiateur permet aux parties, sinon
d'en arriver à une entente sur tous les aspects du litige, au moins d'en
établir certaines facettes, comme, par exemple, des ententes partielles
ou encore des admissions et, ainsi, faire en sorte qu'il sera plus facile et
plus rapide pour le juge de trancher.
Voici donc, M. le Président, l'essentiel des clarifications qui
seront apportées sous peu à la division des petites
créances. Ces changements s'inscrivent dans la philosophie du rapport
MacDonald et aussi de celle de l'actuel ministre de la Justice sur
l'accessibilité à la justice et contribueront, j'en suis
persuadé, à permettre à plus de justiciables, et c'est
important, de faire valoir efficacement leurs droits. Merci. (11 h 40)
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. le
député d'Iberville. Nous revenons avec Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Alors, M. le Président, je reviendrai à
la clôture des travaux de notre commission sur la question de la
médiation familiale et la Cour des petites créances, compte tenu
du peu de temps qu'il me reste. J'aimerais aborder tout de suite avec le
ministre la question de la réunification du tribunal de la famille, de
cet engagement qu'il a pris, à la satisfaction des partenaires au
Sommet, de procéder à l'unification malgré l'article 96,
98 de la loi constitutionnelle de 1867. Alors, j'aimerais savoir comment il
entend procéder à partir de maintenant pour donner suite à
cet engagement.
Également, j'aimerais tout de suite aborder avec lui la question
de l'administration de la justice et de la situation des femmes. C'est une
surprise au congrès de voir que le ministre a résisté
à presque l'unanimité qui se dégageait des
différentes interventions en faveur de la création d'un Bureau de
la condition féminine au ministère de la Justice. J'ai fait faire
le relevé de tous les ministères où existent de tels
bureaux et je dois dire que le ministère de la Justice est un des rares
qui n'en ait pas. Alors, le ministre a promis d'examiner cette
question-là. Alors, je lui demande s'il a procédé à
cet examen, s'il entend donner suite à ce qui semblait être en
tout cas une recommandation ferme de sa collègue,
déléguée à la Condition féminine.
D'autre part, il a dit préférer faire la promotion de la
présentation par les avocates de leur dossier de candidature à la
magistrature plutôt qu'un programme d'accès à
l'égalité. Alors, je veux savoir comment il va procéder
à cette campagne de promotion pour que les avocates présentent
des dossiers de candidature à la magistrature. Je vous rappelle, M. le
Président, qu'une femme juge de la Cour supérieure a
rappelé au ministre durant le Sommet que nommer un homme ou une femme
juge, ça ne coûtait pas plus cher, mais que même par
l'alternance - si tant est qu'à chaque fois que le ministre nomme un
juge, il en nommait alternativement un homme et une femme - qu'on n'en
arriverait pas à l'égalité avant l'an 2010, je crois, pour
ce qui est de la Cour supérieure, et 2002 pour la Cour du Québec.
À moins que ce soit inversé, là. Peut-être que
j'aurais à vérifier.
Le ministre a aussi fait mention d'un groupe de travail sur l'examen du
phénomène du sexisme. Est-ce qu'il entend mettre ce groupe de
travail sur pied dès ce printemps? Quand entend-il mettre en vigueur la
loi concernant la perception des pensions alimentaires? Cette loi, je vous le
rappelle, est votée depuis 1988. C'est une loi qui ne satisfaisait pas
vraiment les attentes qui ont à nouveau été
réitérées au moment du Sommet, c'est-à-dire d'une
véritable perception automatique sans qu'on ait à attendre que le
débiteur soit en défaut, comme c'est finalement le cas depuis
quelque temps en Ontario, où une véritable perception automatique
des pensions alimentaires a été finalement offerte à tous
les créanciers qui sont surtout des créancières, parce que
98 % des personnes qui reçoivent leur pension sont des femmes.
Et, finalement, le ministre avait invoqué les difficultés
informatiques pour justifier le report depuis quatre ans de cette loi qui,
encore une fois, n'en fait pas la perception automatiquement, mais au moins va
faciliter la perception pour 40 % des débiteurs qui, au Québec,
ne s'acquittent pas de leur obligation. Alors, je rappelle au ministre qu'il
aurait pu beaucoup plus facilement trouver à satisfaire les partenaires,
si tant est qu'il avait un peu plus, s'il s'était engagé un peu
plus en faveur de programmes d'égalité dans l'administration de
la justice. Je rappelle à cet effet les propos que tenait la doyenne de
la Faculté de droit de l'Université de Montréal, Mme
Hélène Dumont, à la fin de... lorsqu'elle
présentait l'ensemble du bilan et qu'elle signalait que, pour les
femmes, c'était là une question fondamentale, qu'elle ne
s'attendait pas qu'à de la sensibilisation ou à de
l'éducation à ce sujet, mais à des actions, et qu'il y
avait urgence d'agir pour que le système juridique reflète
beaucoup mieux la réalité des femmes.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Mme la
députée. M. le ministre, toujours pour cinq minutes.
M. Gil Rémillard
M. Rémillard: M. le Président, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve a posé beaucoup de
questions. Je ne sais pas si j'en ai manqué, je prenais note d'une et il
y en avait une autre qui arrivait. En fait, je vais essayer de répondre
à toutes ces questions.
En ce qui regarde la place des femmes dans l'appareil administratif de
la justice, il est évident que l'on doit travailler très fort
pour qu'on puisse donner aux femmes la place qui leur revient dans l'appareil
administratif de la justice, place qu'elles n'ont pas présentement; je
pense que c'est un constat que nous faisons tous. Mme la doyenne que vous
citez, Mme Dumont, Mme la doyenne de la Faculté de droit de
l'Université
de Montréal me disait que, maintenant, même à
Montréal - et c'est, je crois, la situation dans toutes ces
facultés de droit - les jeunes femmes sont en majorité sur les
jeunes hommes, dans toutes les facultés. Donc, il y a quand même
un intérêt évident, maintenant, de la part des femmes, du
côté du droit et de la justice.
M. le Président, je crois comprendre aussi que Mme la
députée a pris bonne note que je suis accompagné
aujourd'hui, au niveau de mon cabinet... Ce sont toutes des femmes qui sont
ici, de ma directrice de cabinet à toutes les conseillères qui
sont avec moi. Elles ne sont pas ici parce qu'elles sont femmes, elles sont ici
parce qu'elles sont compétentes, et elles me font un travail
remarquable. Je dois dire aussi que Mme la sous-ministre, Lise Morency, qui
n'est pas ici aujourd'hui, mais qui était avec nous pendant presque les
cinq mois de commission parlementaire sur le Code civil, Mme Morency - qui a
fait un travail remarquable comme maître d'oeuvre de toute cette
réforme du Code civil, et je vais lui rendre hommage - qui est au niveau
du ministère de la Justice...
Mais, j'en conviens, M. le Président, nous avons beaucoup de
travail à faire au niveau même du ministère de la Justice.
C'est pour ça, aussi, pour qu'on puisse traiter l'ensemble de
l'administration de la justice, en ce qui regarde l'accès pour les
femmes, que je me suis engagé à créer ce groupe de travail
sur le sexisme. Nous sommes à travailler les différentes
modalités de ce groupe. Donc, dans un avenir quand même pas
très lointain, je serai en mesure d'annoncer la composition de ce groupe
et la façon dont nous allons procéder, M. le Président, en
ce qui regarde, par exemple, le Conseil de la magistrature. Au Conseil de la
magistrature, j'ai l'intention, aussi dans un avenir prochain, d'augmenter le
nombre de femmes. Alors, ce sont des gestes très concrets.
Ce que j'ai dit au Sommet et ce que je veux répéter ici,
c'est que je veux, par des gestes très concrets, qu'on puisse donner aux
femmes la place qui leur revient dans l'administration de la justice. À
tous les niveaux de l'administration de la justice, il y a du travail à
faire. Je me suis engagé à le faire. Avec ma collègue de
la Condition féminine, Mme la ministre déléguée
à la Condition féminine, je vais travailler en étroite
collaboration, et j'ai pris cet engagement et je compte bien tenir mes
engagements, M. le Président. Je veux arriver avec des choses bien
concrètes qui vont nous permettre de présenter un bilan -
j'espère le plus rapidement possible - qui va réparer la
situation actuelle.
M. le Président, en ce qui regarde les pensions alimentaires,
c'est un dossier qui date de quatre ans maintenant, trois ou quatre ans, si ma
mémoire est bonne. Une loi qu'on a adoptée ici. Je sais que
l'Opposition avait ses réserves. Elle voudrait avoir une pension
alimentaire qui serait perçue par l'État directement, d'une
façon universelle. Nous ne sommes pas d'accord. Nous disons: II y a
rôle de l'État lorsqu'il y a défaillance du système
qui est en place, donc, quand le créancier, celui qui doit payer la
pension alimentaire, ne remplit pas son engagement. Nous voulons le faire pour
protéger la femme. Parce qu'en très grande majorité des
cas, c'est la femme qui reçoit la pension alimentaire. C'était
une occasion de violence lorsque la femme était obligée d'aller
quêter sa pension alimentaire qui n'était pas payée par le
mari ou l'ancien conjoint. C'est une occasion de violence et c'est une occasion
aussi d'être humiliée encore une fois. On a voulu éviter
ça. Il y a cette loi qui existe depuis trois ans et demi. Et, pour la
mettre en application, reste à mettre en place les dernières
modalités informatiques. Or, ça fait appel à un
système informatique sophistiqué, difficile. Alors, il fallait le
mettre en place. On a pris exemple aussi sur ce qui peut exister ailleurs, que
ce soit en Ontario ou dans d'autres provinces pour essayer d'améliorer
le système pour qu'il soit le plus efficace possible. Donc, c'est une
question administrative, technique. J'espère que ce système
pourra être en place le plus tôt possible. Je l'ai annoncé
au Sommet de la justice dis-je, et j'espère bien que, quelque part en
1993, il pourra être en application.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. ie ministre de la
Justice. Nous sommes maintenant rendus à un député
ministériel, M. le député de Chapleau. En vous signalant,
M. le député, que nous devons terminer votre intervention
à midi moins six puisque la conclusion sera de 20 minutes. Alors, M. le
député, si vous êtes capable de condenser cela pour deux
minutes. M. le député.
M. John J. Kehoe
M. Kehoe: Merci, M. le Président. Encore une fois, M. le
Président, on a constaté que le présent gouvernement a
pris ses responsabilités. C'est ainsi que le ministre de la Justice,
dans le cadre du Sommet, a rendu publique une série d'engagements
concernant la négociation de plaidoyer en matière criminelle,
communément appelée le «plea bargaining» et des
engagements concernant l'utilisation des délateurs, ces fameux
témoins, M. le Président, qu'on accuse souvent de collaborer avec
la justice en échange de certaines faveurs. (11 h 50)
M. le Président, il s'agit de sujets délicats.
Négocier ou consentir des avantages à des personnes
accusées de crime peut paraître contraire aux principes de
justice. Malgré cela, dans un souci de transparence, le ministre de la
Justice, avec son collègue de la Sécurité publique, n'ont
pas eu peur de mandater un groupe de personnes, présidé par le
juge Guy Guérin de la Cour du Québec, pour examiner certains
aspects importants et controversés de l'administration de
la justice criminelle, notamment le recours aux délateurs et les
négociations de plaidoirie. Dans le cadre de ces travaux du Sommet, M.
le Président, le ministre annonçait son intention de
procéder à l'élaboration de directives au substitut du
Procureur général de façon à mieux encadrer le
processus de négociation de plaidoyer afin de lui assurer une plus
grande transparence.
Afin d'assurer la protection des droits de l'accusé, les
directives porteront également sur l'obligation des substituts de faire
en sorte que le tribunal puisse s'assurer de sa conformité avec les
faits du plaidoyer de culpabilité déposé en vertu d'une
entente... L'obligation d'accorder à tous les accusés d'un
même crime et dont la responsabilité criminelle est similaire un
traitement égal en ce qui a trait aux avantages accordés lors de
négociations de plaidoyer à l'un ou l'autre de ses
coaccusés.
Dans ces circonstances, M. le Président, vous voyez qu'encore,
dans ce dossier, le ministre de la Justice a pris ses responsabilités et
a livré la marchandise.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député de Chapleau. Nous sommes maintenant rendus à la
conclusion de cette interpellation.
Mme Harel:...
Le Président (M. Dauphin): Oui, Mme la
députée.
Mme Harel: J'ai l'impression qu'il me reste encore cinq
minutes.
Le Président (M. Dauphin): C'est que la période de
temps alloué est de deux heures ferme.
Mme Harel: Sauf qu'on a convenu qu'il y avait...
Le Président (M. Dauphin): Oui, nous terminons à...
Nous avons...
Mme Harel: ...parce qu'il aurait fallu qu'on me l'indique parce
qu'on m'avait déjà indiqué que j'avais cinq minutes, M. le
Président. J'ai ici l'horaire de l'interpellation. Alors, j'aurai
évidemment la conclusion. Mais j'ai cinq minutes. Il aurait fallu que
vous répartissiez le temps entre toutes les formations politiques. Ce
n'est pas qu'à moi à être privée de mon dernier
droit de parole. Il aurait fallu le répartir auparavant.
Le Président (M. Dauphin): C'est que, Mme la
députée, on m'indique que, de chaque côté, on a
dépassé le temps de 2 minutes 24 secondes.
Mme Harel: Je regrette, M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): ...et de 2 mi- nutes, 50
secondes.
Mme Harel: Je regrette mais...
Le Président (M. Dauphin): On parle de 15, 20 secondes de
différence entre les deux formations.
Mme Harel: Je regrette infiniment. On m'a remis ici un
aide-mémoire lors de l'interpellation, c'est le secrétaire de la
commission qui me l'a remis. On nous a indiqué dans quel ordre les
interventions se faisaient et là, je comprends qu'on me soustrait d'une
intervention que je comptais faire et je déplore, M. le
Président... Je voulais parler au ministre de l'administration de la
justice et des autochtones, et je trouve ça très regrettable
qu'on ne m'en ait pas informée parce que, évidemment, j'aurais,
moi de mon côté, tenté de suppléer à ce qui
ne s'est pas fait au niveau de la présidence et j'aurais tenté de
répartir les sujets autrement que je l'avais déjà
planifié.
Le Président (M. Dauphin): Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve, je vous comprends, sauf que cette liste-là que
vous avez devant vous, c'est en autant que ce soit cinq minutes pile chaque
fois. C'est qu'on a dépassé de 10 secondes, de 20 secondes
là...
Mme Harel: Oui. Il faut l'indiquer...
Le Président (M. Dauphin): ...30 secondes...
Mme Harel: Ah! Excusez-moi.
Le Président (M. Dauphin): 15 secondes. Alors, on
m'indique au secrétariat que les dépassements sont à peu
près identiques de chaque côté d'une dizaine de
secondes.
Mme Harel: II faut l'indiquer en cours de route, M. le
Président!
Le Président (M. Dauphin): Oui, mais ça, c'est en
autant qu'on respecte scrupuleusement...
Mme Harel: Écoutez, s'il y a un consentement pour qu'il y
ait peut-être trois minutes, je n'en demanderai pas cinq là,
compte tenu des circonstances, pour au moins aborder cette question de
l'administration de la justice et des autochtones.
Le Président (m. dauphin): s'il y a un consentement, moi,
je suis bien prêt à vous l'accorder. je ne sais pas si les
collègues...
M. Rémillard: M. le Président, je ne vois pas
pourquoi on ne serait pas d'accord, aucune difficulté!
Le Président (M. Dauphin): Alors, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve, pour trois minutes.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. Juste rapidement dire
au ministre que j'attends toujours sa réponse sur la
réunification du tribunal de la famille. Je sais qu'il doit y
répondre. Alors, il aura peut-être l'occasion de le faire
immédiatement après. Le groupe de travail qui a été
annoncé par le ministre, quand entend-il le mettre sur pied? J'ai avec
moi le plan d'intervention pour le développement des services
judiciaires en milieu autochtone sur l'ensemble du territoire du Québec.
Un document de travail préparé par la Direction
générale des services judiciaires du ministère de la
Justice et qui date déjà de juin 1989, et on peut y lire que
c'est là une deuxième version. Or, vous voyez que ça fait
déjà trois ans. Dans ce document de travail, on propose
déjà la mise en place d'une commission d'implantation qui jouera
un rôle primordial en prévoyant un système de formation
approprié et en collaborant étroitement avec les
communautés. On recommande à la direction du ministère
d'accepter l'ensemble des modèles qui permettront de négocier
avec chaque nation autochtone tout en nous adaptant à leur
spécificité. Là, on explique que certains modèles
sont applicables dans une nation, mais pas du tout dans une autre compte tenu
de l'importante diversité culturelle et géographique.
M. le Président, ce dont on se rend compte, c'est que ce qui a
été adopté au Sommet, soit la création d'un groupe
de travail, soit le mandat de ce groupe de travail de réaliser de
façon systématique et ordonnée une consultation, de
préciser auprès des autochtones en vue d'en arriver à
l'implantation des modèles dits complémentaires, c'est exactement
ce qui avait déjà été proposé, finalement,
au ministère en 1989. Et là, on se dit qu'il y a urgence d'agir.
Alors, la question c'est: Quand est-ce que ce groupe de travail se met sur
pied? Et est-ce que le ministre est conscient de la recommandation qui lui a
été faite en 1989 à l'effet, et je cite: «Les
expériences ailleurs au Canada démontrent bien que ces mesures
doivent, pour réussir, être très bien planifiées et
bénéficier d'un support administratif et financier
adéquat, tant au moment de l'implantation qu'en cours de
fonctionnement»? Faut-il espérer que les crédits de mardi
nous permettent de constater la volonté ministérielle de mettre
en place finalement cette démarche nécessaire auprès des
communautés autochtones?
Le Président (M. Dauphin): Merci, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve. Comme je le mentionnais
tantôt, nous sommes rendus à la conclusion de cette
interpellation. Il y a un temps de parole de 10 minutes prévu pour le
ministre; ensuite, en réplique, Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve, toujours pour 10 minutes. Alors, M. le ministre de la
Justice.
Conclusions M. Gil Rémillard
M. Rémillard: Oui, M. le Président. Je remercie
donc l'Opposition de me donner cette occasion de faire le point, un mois jour
pour jour après le premier Sommet à se tenir au Québec sur
la justice. C'est une première fois en Amérique du Nord qu'il y a
un Sommet sur la justice. Ça me donne l'occasion, M. le Président
de faire le point et, en cette première journée de printemps,
d'annoncer les mesures que nous allons prendre pour faire suite aux engagements
que nous avons pris au moment du Sommet.
Mais, M. le Président, je dois dire tout d'abord que nous sommes
à mettre la dernière main au plan de ce que nous pouvons appeler
les actes du Sommet. Nous voulons reprendre d'une façon
générale les différentes discussions et les engagements
qui ont été pris au Sommet de la justice. Bien sûr qu'il y
a eu des engagements de la part du gouvernement, mais il y a eu des engagements
aussi de tous les participants. Le thème du Sommet était
«La justice: une responsabilité à partager». Donc,
par conséquent, il y a des engagements qui ont été pris
par l'ensemble des intervenants, et nous voulons pouvoir avoir une idée,
un tableau exact de ces engagements qui ont été pris par
l'ensemble des intervenants.
Pour ma part, M. le Président, le Sommet de la justice nous aura
donc donné l'occasion de prendre des engagements; j'ai discuté de
certains de ces engagements. Je complète peut-être les
informations que j'ai données en ce qui regarde les dernières
questions que vient de me poser Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve, en ce qui regarde, par exemple, le tribunal de la
famille, à la suite, on le sait, de la première tranche du
rapport du groupe de travail Jasmin sur l'aspect juridique en ce qui regarde
les enfants. (12 heures)
Le groupe de travail Jasmin nous propose la création d'un
tribunal de la famille. M. le Président, j'ai dit lors du Sommet que,
oui, un tribunal de la famille serait certainement un outil important pour
rendre la justice plus humaine, plus accessible en ce qui regarde tous les
problèmes de la famille et, entre autres, en ce qui regarde la justice
pour les enfants. Il y a un problème constitutionnel qui se pose parce
que ce n'est pas une idée nouvelle que d'avoir un tribunal de la
famille. Le problème, c'est lorsque nous créons un tribunal qui
peut être considère comme supérieur, par conséquent,
il y a la juridiction du gouvernement fédéral; c'est une
référence à l'article 96 de la Constitution que Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve
mentionnait tout à l'heure. Je me suis engagé à en
discuter avec le gouvernement fédéral et à essayer de
trouver une solution. Mais je suis convaincu que le tribunal de la famille
pourrait être un outil important et je veux travailler à ce qu'on
puisse le mettre en application.
M. le Président, vous savez, au-delà des engagements que
nous avons pris au niveau du Sommet de la justice, je crois que ce qu'il faut
retenir de ce Sommet, c'est aussi une mentalité nouvelle qui doit se
développer en fonction des responsabilités des uns et des autres.
Nous avons beaucoup insisté, dans les 20 dernières années,
sur les droits, sur les libertés. Chaque être humain a des droits,
a des libertés qu'on appelle fondamentales, mais on doit aussi insister,
M. le Président, sur les responsabilités. C'est des obligations
que chaque être humain a aussi lorsqu'il fait partie d'une
société.
M. le Président, je me permets de mentionner que lorsque nous
vivons des temps difficiles, comme nous le vivons présentement, sur le
plan économique, il faut être particulièrement vigilant sur
le plan de la justice pour que nous puissions toujours respecter les grandes
valeurs qui sont nôtres pour le respect d'une société de
liberté et de démocratie. Je cherche essentiellement, M. le
Président, comme ministre de la Justice, à ce qu'on puisse avoir
une société la plus juste, la plus équitable possible et
je dois dire que quand je regarde les événements, je
m'inquiète. Je m'inquiète parce que je m'aperçois que ces
problèmes économiques peuvent nous porter, par
l'insécurité que les problèmes économiques peuvent
créer, peuvent nous amener à des comportements qui sont
inacceptables dans une société de justice et de
démocratie, peuvent nous amener à être intolérants;
et c'est mon devoir, comme ministre de la Justice, c'est mon devoir de faire en
sorte qu'on puisse prendre conscience de ces problèmes, qu'on puisse
ajuster l'évolution de notre société en fonction des
principes qui ont toujours été les nôtres et qu'on
évite cette chasse aux sorciers, cette chasse aux sorcières qu'on
est prêt souvent à mettre en place... les bûchers qu'on
voudrait voir, et qui nous amène à mettre de côté
des sentiments beaucoup plus généreux d'ouverture, des sentiments
de liberté qui doivent toujours se manifester.
Donc, M. le Président, lorsqu'on parle du Sommet de la justice
qui a été, et je cite simplement ce que les journaux titraient au
lendemain de ce Sommet, «Un énorme succès», il a
été le succès de tous ses participants, et c'est à
l'image de notre société québécoise, une
société de liberté, de démocratie, de
générosité. Il nous appartient maintenant, au lendemain de
ce Sommet, de prendre nos responsabilités, comme ministre de la Justice,
avec mes collaborateurs du ministère de la Justice, avec la
magistrature, avec le Barreau, la Chambre des notaires, qui ont
été actifs et ont montré tellement d'ouverture dans toutes
ces discussions que nous avons eues au moment du Sommet de la justice. Avec
eux, je veux qu'on puisse travailler à ce que notre
société soit la plus juste, la plus équitable possible. Et
nous avons beaucoup de travail à faire. Dès cette session du
printemps, j'ai annoncé des projets de loi qui seront débattus en
cette Chambre. On aura l'occasion d'émettre nos opinions. On n'est pas
toujours de la même opinion, mais on cherche essentiellement le
même objectif.
Tout à l'heure, Mme la députée de
Hochela-ga-Maisonneuve parlait des autochtones. Et s'il y a un
élément qu'on doit retenir du Sommet de la justice, c'est le
très grand succès que nous avons eu lorsque nous avons eu cette
table sur les autochtones. Nous avons eu un succès qui nous permet de
croire que nous pouvons, avec les autochtones, administrer la justice en
conformité avec un système judiciaire pour l'ensemble du
Québec et en conformité avec le respect de leurs coutumes, de
leurs traditions, de leur façon d'être et leur façon de
vivre.
Un groupe de travail sera créé dans les prochains jours,
les prochaines semaines. Ce n'est pas un groupe de travail pour recommencer
toute la discussion. Elle a été faite. C'est simplement que nous
avons différents modèles qui s'offrent à nous pour
respecter le désir légitime, je dois dire, des autochtones
d'avoir une justice qui puisse s'adapter à leur réalité
sociale, politique, économique. Et nous voulons pouvoir présenter
ces modèles en conformité avec leurs voeux, leurs intentions.
Donc, ce groupe de travail sera en place dans les prochains jours, les
prochaines semaines. Ça ne devrait pas tarder. Il consultera les
communautés, et nous pourrons procéder. Et ce sera là, M.
le Président, l'un des résultats les plus tangibles, les plus
concrets et qui nous permettra aussi, comme je le mentionnais tout à
l'heure, d'aborder la justice dans un esprit nouveau, en fonction d'une
approche d'une société libérale, généreuse,
tolérante comme a toujours été la société
québécoise, M. le Président, parce que le Québec a
toujours été un allié précieux pour les
autochtones, et nous avons, ensemble, réalisé de grandes
choses.
Je me permets d'insister, comme ministre de la Justice, sur l'esprit
d'équité qu'il y avait de cette entente de la Baie James de 1975.
Nous sommes toujours à travailler dans l'administration de la justice,
dans la suite, dans la foulée de ce qui a été convenu en
1975 et qui est une grande entente entre les autochtones et le Québec,
tellement une grande entente, M. le Président, que souvenons-nous que
les Nations unies, en 1976, ont considéré cette entente comme un
fait remarquable et un modèle à suivre pour l'ensemble de la
planète. C'est comme ça que nos voisins américains, entre
autres, ont suivi l'exemple. Nous sommes capables de relever ce défi
avec la même générosité qui nous a toujours
animés. M. le Président, j'entends donc donner suite
à ce dossier dans les prochains jours.
M. le Président, en terminant, je voudrais dire que ce Sommet de
la justice me donne, moi, comme ministre de la Justice, la possibilité
d'avoir un élan, d'avoir une concertation qui me permet maintenant
d'aborder tous ces grands dossiers avec une perspective de concertation que
nous n'avions pas avant. C'est la raison pour laquelle j'en suis arrivé
à la conclusion, quelque temps après avoir été
nommé ministre, qu'il fallait qu'on ait cette table, ce moment de
concertation unique pour qu'on puisse travailler ensemble. M. le
Président, c'est ce que nous allons faire dans les prochaines semaines,
dans les prochains mois: travailler ensemble à rendre la justice plus
humaine, plus accessible, travailler à ce que le Québec puisse
avoir une justice qui soit à l'image de sa société, une
société de liberté et de démocratie. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre de la
Justice. Vous avez fait ça en 10 minutes et 7 secondes. Maintenant, pour
le droit de réplique, Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve, pour 10 minutes et 7 secondes.
Mme Louise Harel
Mme Harel: alors, merci, m. le président. il y aura une
minute de vérité, mardi prochain, lors du dépôt,
à l'assemblée, des crédits pour l'année qui vient,
1992-1993. l'an passé, m. le président, avec un maigre 2,7 %
d'augmentation, bien en deçà de l'inflation qui, l'an
passé, faisait 5,7 % et bien en deçà aussi de la
croissance des dépenses gouvernementales qui, dans l'ensemble,
étaient à 6,9 %; rien donc, l'an passé, dans les
crédits, n'était prévu pour corriger le manque
endémique de ressources. cette année, pour rester
crédible, les nombreux engagements du ministre, lors du sommet, et
réitérés aujourd'hui, devraient se refléter sur des
crédits à la hausse. (12 h 10)
M. le Président, dans une société comme la
nôtre, fortement homogène sur le plan des valeurs et fortement
homogène sur le plan des droits et libertés, sur le plan de la
conception de la justice, de ses principes et de son administration, il faut
comprendre que cette conception même de la justice ne diffère pas,
fondamentalement, dans les programmes des partis politiques autant, par
exemple, que le traitement des questions linguistiques, culturelles, sociales
ou économiques. Mais, M. le Président, j'aimerais reprendre avec
vous les différents engagements du ministre pour signaler quels sont les
points de vue que l'Opposition voudrait voir inclus dans ces différents
éléments et pour vous signaler les différences.
Alors, M. le Président, nous souhaitons que le ministre en prenne
bonne note, parce qu'il nous semble que nos points de vue sont repré-
sentatifs d'interventions majoritaires qui ont été faites au
moment même du Sommet par les partenaires, notamment en matière de
médiation familiale. Je rappelle au ministre que tout va devant les
tribunaux et que, comme ministre de la Justice, il n'a pas qu'une
responsabilité limitée aux 10 % des causes contestées et
que l'expertise psychosociale doit avoir préséance sur le
judiciaire, que cela doit être un principe admis dans notre
société et qu'il est d'une certaine façon, oui,
regrettable que la Justice l'ait emporté dans le contentieux qui, depuis
1987 maintenant, l'engageait dans un combat à livrer avec la
Santé et les Services sociaux.
M. le Président, ce n'est pas que moi qui ie dis, c'est la
Fédération des associations des familles monoparentales, la
Fédération des unions de familles, l'Association des centres de
services sociaux du Québec qui le rappelaient dans une lettre au premier
ministre, et c'est finalement l'Association des centres de services sociaux qui
disait au premier ministre: «Nous savons que des discussions sont en
cours et que le contentieux justice et social perdure toujours au niveau des
technocrates.» Or, il faut comprendre. M. le Président, qu'en
matière de médiation familiale, il y a urgence d'agir, mais il y
a urgence d'agir dans le bon sens. Nous aurons l'occasion, dès ce
printemps, puisque le ministre a annoncé qu il entendait déposer
une législation dans ce sens, d'y revenir.
Sur le traitement des victimes et des témoins, ai-je besoin de
réitérer nos vives inquiétudes, parce que, finalement, le
ministre n'a répondu en rien à toutes nos appréhensions
qui se manifestent en regard du projet d'harmonisation du régime avec
celui de la Société de l'assurance automobile du
Québec.
M. le Président, nous souhaitons que dans les meilleurs
délais le ministre indique quelles sont ses intentions à cet
effet, parce qu'il serait totalement inadmissible que, sous prétexte
d'humaniser, on en vienne finalement à ne plus indemniser, durant au
moins les six premiers mois de l'acte criminel qui s'est produit, des
catégories de personnes et à écarter ces personnes du
traitement auquel elles ont droit comme victimes. À l'égard des
aspects économiques de la justice pour le citoyen, nous souhaitons une
consultation parlementaire. C'est la meilleure façon d'en donner un
caractère public et c'est la meilleure façon d'associer
l'Opposition à une recherche que nous voulons sérieuse du mode de
financement, mais il faut être bien clair, M. le Président, mon
collègue le député d'Anjou l'a dit: Nous sommes
prêts à collaborer pour trouver des nouvelles sources de
financement, mais l'Opposition indique clairement ici sa volonté de
maintenir les acquis d'il y a 20 ans et de maintenir les acquis de
l'admissibilité aux personnes qui y avaient droit, c'est-à-dire
aux personnes qui étaient aussi, qui faisaient partie de la classe
ouvrière.
C'était là l'expression du ministre de l'époque
qui, en présentant la loi d'aide juridique, disait l'offrir aussi
à la «working class», M. le Président. Et d'ailleurs,
ce ne serait qu'une question d'équité puisque le ministre, sans
doute à l'instigation du Conseil du trésor, a indexé l'an
passé rétroactivement au 1er avril 1986 les tarifs judiciaires
pour un montant de 24 %, les amendes pour un montant de 21 %. En fait, tout ce
qui pouvait être indexé rétroactivement pour amener de
l'argent dans les coffres de l'État l'a été. Il serait en
toute équité normal qu'on indexe aussi, comme on l'avait
demandé, rétroactivement au 1er avril 1986, les tarifs de l'aide
juridique.
En matière de Cour des petites créances, je vous rappelle,
M. le Président, que seulement 15 % actuellement des dossiers, du volume
total des dossiers devant la Cour des petites créances font l'objet
d'une médiation. C'est déjà intéressant puisque 80
% des causes ainsi portées devant un médiateur se règlent
à la satisfaction des parties. Mais il y a 85 % qui doivent être
présentées devant un juge de la Cour du Québec. Et nous
demandons au ministre, évidemment, d'être conséquent dans
la présentation qu'il fera, évidemment, lors des crédits
de mardi. Il faut s'attendre à ce que ces crédits
reflètent la décision légitime - et une décision
que nous applaudissons - de faire porter le plafond des réclamations de
1000 $ à 3000 $.
C'était d'ailleurs déjà réclamé, M.
le Président, depuis bien des années comme - je le mentionne,
évidemment - l'indexation des seuils d'admissibilité à
l'aide juridique, comme évidemment l'élargissement de la
médiation familiale à tous les districts judiciaires, et nous
disons au ministre que depuis huit ans, donc depuis 1984, depuis finalement
l'arrivée du nouveau gouvernement, il n'y a pas eu d'indexation de la
Cour des petites créances. Il y a un saut à faire qui est
important. Il y a un pas à franchir qui est majeur. Déjà,
l'exemple de notre voisin ontarien nous amène à constater qu'il y
aura presque le double du volume des dossiers actuellement devant les cours des
petites créances et qu'il faudra être conséquent,
évidemment, dans l'administration, pour ne pas qu'il y ait des
délais déraisonnables qui en résultent. Quant à la
réforme de la justice administrative, le ministre peut compter sur la
collaboration de l'Opposition. C'est une réforme attendue depuis 1987.
Le ministre l'avait, à plusieurs occasions, annoncée à
l'Opposition depuis qu'il avait déposé le mémoire, en
septembre 1989. Il peut compter sur notre collaboration pour mettre en place un
système qui assure l'impartialité et l'indépendance des
membres des tribunaux administratifs.
Quant à la question de la situation des autochtones à
l'égard de l'administration de la justice, nous partageons, M. le
Président, ce point de vue à l'effet que le système actuel
de la justice et les lois en vigueur ne permettent qu'une très faible
participation des autochtones et que, sans leur implication, ça devient
presque impossible de mettre sur pied un système qui reflète
vraiment leurs propres valeurs sociales. Nous souhaitons que, dans les plus
brefs délais, le ministre agisse pour qu'enfin ce plan d'intervention,
déjà prêt depuis 1989 au ministère, trouve sa
réalisation avec la pleine et entière collaboration des nations
autochtones.
À l'égard de la situation des femmes dans l'administration
de la justice, permettez-moi simplement de citer au texte ce qu'en disait la
doyenne de la Faculté de droit de l'Université de
Montréal, M. le Président, à l'effet que: «Pour
résumer cette table, nous disait-elle, les femmes sont résolument
tournées vers la réclamation d'actions concrètes pour
promouvoir leur présence dans l'administration de la justice. Les hommes
sont plutôt à l'étape d'une sensibilisation à la
condition des femmes dans le système de justice. Bref, pour reprendre
les mots du juge en chef, ajoutait Mme Dumont, les femmes veulent des actions
concrètes dès lundi matin.» Alors, elles en voudront tout
autant dès ce printemps.
À l'égard du tribunal unifié de la famille, je veux
simplement vous rappeler, M. le Président, ce qu'en concluait le juge en
chef de la Cour suprême lui-même quand il disait que, pour
l'essentiel, le rapport qu'il y a 30 ans il avait fait au ministre de la
Justice de l'époque était à l'effet de fusionner les
différentes cours de première instance et de créer des
chambres, à toutes fins pratiques, fusionnées en une seule cour,
les principales cours municipales avec, à l'époque, la Cour
provinciale et la Cour des sessions de la paix. Il y a déjà 30
ans.
Il faudrait, évidemment, M. le Président, et je termine
là-dessus, étant donné que le temps qui m'est imparti est
terminé... Il y a une nécessité d'agir, une urgence d'agir
pour conserver au processus de démocratisation de la justice qu'a
constitué le Sommet, pour conserver à cet élan dont le
ministre a parlé tantôt, amorcé par le Sommet, toute sa
crédibilité et pour le faire, M. le Président, il faut
agir le plus rapidement. Je vous remercie.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve. C'est ce qui termine la
séance de ce matin, l'interpellation de ce matin. Donc, je remercie
autant l'Opposition officielle que le ministre de la Justice, le sous-ministre,
ses collaborateurs et collaboratrices pour leur participation. Alors, la
commission des institutions, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux
sine die.
(Fin de la séance à 12 h 20)