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(Neuf heures trente-huit minutes)
Le Président (M. Dauphin): Je déclare la
séance de la commission des institutions ouverte. Le mandat de la
commission, pour cette séance, est de procéder à une
consultation générale et de tenir des auditions publiques sur la
protection de la vie privée eu égard aux renseignements
personnels détenus dans le secteur privé.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M.
La-frenière (Gatineau) remplace M. Maciocia (Viger), M. Brouillette
(Champlain) remplace M. Fradet (Vimont) et M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles)
remplace Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve).
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Je vais
maintenant vous faire état de l'ordre du jour. Tout d'abord, nous
commençons ce matin avec les représentants de la
Confédération des caisses populaires et d'économie
Desjardins du Québec. Ensuite, à 10 h 30, nous poursuivrons avec
les représentants de l'Association des courtiers d'assurances de la
province de Québec. Ensuite, à 11 h 30, nous entendrons les
représentants de l'Association canadienne du marketing direct, chapitre
de Montréal. Suspension pour l'heure du dîner, pour reprendre cet
après-midi à 15 h 30 avec les représentants de l'Office
des professions du Québec; à 16 h 30, les représentants de
la Commission d'accès à l'information et, à 17 h 30, nous
entendrons les remarques finales du ministre et du porte-parole de
l'Opposition. Est-ce que l'ordre du jour est adopté?
Une voix: Adopté.
Auditions
Le Président (M. Dauphin): Adopté. J'aimerais
souhaiter la bienvenue aux représentants de la
Confédération des caisses populaires et d'économie
Desjardins du Québec. M. D'Amours en est le premier
vice-président et chef du développement et de la
vérification. M. D'Amours, si vous voulez nous présenter les
personnes qui vous accompagnent et, ensuite, procéder à votre
exposé d'une durée de 20 minutes. Bienvenue.
Confédération des caisses populaires et
d'économie Desjardins du Québec
M. D'Amours (Alban): Merci, M. le Président. Comme vous le
souhaitez, je vais vous présenter ceux qui m'accompagnent. À ma
gauche, Mme Guylaine Fortier, avocate à la direction des affaires
juridiques et au secrétariat général de la
Confédération. Et, à ma droite, M. Yves Morency,
vice-président, secteur planification, à la
Confédération.
Je veux d'abord remercier les membres de cette commission de nous
accueillir ici ce matin et de nous permettre de faire connaître les vues
du Mouvement des caisses Desjardins sur l'importante question de la protection
des renseignements personnels dans le secteur privé. Pour le Mouvement
des caisses Desjardins, il est de la plus haute importance que la protection
des informations personnelles et confidentielles repose sur une
responsabilité partagée entre les entreprises qui
détiennent de telles informations, le gouvernement ainsi que les
particuliers eux-mêmes, individuellement ou collectivement.
Cette responsabilité comporte à la fois des droits et
obligations. Et, à titre d'exemple, soulignons que les institutions
financières, en particulier, ont le droit d'obtenir un minimum
d'information avant de consentir des prêts à leurs clients, mais
sont tenues de respecter la confidentialité des informations
personnelles ainsi obtenues. Les individus sont en droit de s'attendre à
ce que toute information de nature confidentielle confiée à qui
que ce soit doit le deumeurer mais, en contrepartie, ceux-ci doivent se montrer
vigilants et prudents lorsqu'ils transmettent des informations
personnelles.
Le gouvernement se doit d'intervenir afin que chaque personne se sente
suffisamment protégée et puisse obtenir réparation au
besoin, mais il a aussi l'obligation de s'assurer d'un niveau de concurrence
équitable et de maintenir des charges fiscales les moins lourdes
possible tant pour le consommateur que pour les entreprises. Il ne s'agit pas
pour Desjardins de vouloir limiter ses responsabilités, bien au
contraire. On veut tout simplement qu'il soit bien compris que, pour nous, la
solution optimale se veut celle qui tend vers le meilleur équilibre sans
que, pour autant, personne ne se considère imputable et laisse le soin
à d'autres de se préoccuper de cette importante question.
Desjardins ne veut pas se dérober à ses obligations car ce n'est
pas l'approche à laquelle le convient à la fois sa mission et ses
valeurs partagées par ses membres, ses dirigeants et ses
employés. C'est pourquoi nous voulons témoigner devant vous
aujourd'hui de notre préoccupation profonde relativement à la
protection de la vie privée, vous exposer nos pratiques à cet
égard et porter à votre attention quelques réflexions et
recommandations qui nous apparaissent les plus aptes à
tendre vers l'équilibre recherché.
Chez Desjardins, à l'instar des courants modernes, et compte tenu
de l'évolution des communications et des développements
technologiques, le souci de la confidentialité des informations que ses
membres lui confient n'est pas nouveau. Plusieurs facteurs témoignent de
cette constante préoccupation, d'autant plus qu'il ne faut pas oublier
que le membre, chez Desjardins, est à la fois utilisateur de services
financiers et propriétaire de son institution financière.
Parmi ces facteurs, il nous apparaît important de vous en signaler
quelques-uns: ses valeurs coopératives, sa volonté de demeurer
constamment à l'écoute de ses membres pour connaître leurs
besoins, dont celui de la protection de leur vie privée, les lois qui le
régissent, dont la Loi sur les caisses d'épargne et de
crédit, tout comme celle des institutions financières à
charte québécoise et des intermédiaires de marché,
son code de déontologie, ses pratiques de saine gestion
financière et celles en matière de traitement informatique des
informations détenues de la cueillette à la destruction.
J'aimerais vous résumer brièvement les règles
déontologiques que les caisses Desjardins se sont données
à l'égard de l'information qu'elles détiennent sur leurs
membres. Elles rejoignent et respectent l'esprit et la lettre des lignes
directrices de l'OCDE, dont le droit pour le consommateur à la
confidentialité, le droit à l'information, le droit au
consentement, à la divulgation et le droit à la correction.
Tout renseignement sur un membre est confidentiel, sauf si le membre en
autorise la divulgation, s'il est de notoriété publique ou requis
par ordonnance d'un tribunal ou d'une loi. Tous les dirigeants et les
employés s'engagent à respecter l'ensemble des règles
déontologiques. L'accès aux renseignements est restreint aux
personnes dont le travail l'exige. Toute personne a le droit de vérifier
la nature et la teneur des renseignements recueillis par la caisse à son
sujet et de demander rectification s'il y a lieu. Lorsqu'une caisse requiert
des services auprès d'un tiers, elle doit s'assurer que les
renseignements auxquels ce dernier a accès sont traités de
façon confidentielle et utilisés aux seules fins du service en
cause. Les documents doivent être gérés, conservés
et détruits selon les normes et politiques de gestion documentaire de la
Confédération.
Par ailleurs, le Mouvement des caisses Desjardins s'est doté au
fil des ans de normes, politiques et procédés de
sécurité favorisant la gestion adéquate et la
confidentialité des données informatiques dans les caisses, les
fédérations et à la Confédération, ainsi que
de bases de données et de systèmes informatiques distincts
à l'intérieur des autres composantes du Mouvement. Ainsi,
lorsqu'une personne accepte de travailler chez Desjardins, elle convient de se
soumettre obligatoirement aux règles de confidentialité
prescrites.
D'un autre côté, il existe un contrat de services pour le
traitement informatique entre chaque caisse et la Confédération.
Celle-ci s'engage à traiter de façon confidentielle les
données de la caisse. Il n'est donc pas possible de rassembler sur une
base centralisée des informations relatives à un membre qui
utilise les services de plus d'une caisse ou d'une autre composante du
Mouvement. En revanche, cette pratique n'a pas encore cours dans les autres
institutions financières concurrentes, entre autres chez les banques,
car leurs succursales ne constituent pas des entités
indépendantes. Ainsi, les informations d'un client, peu importe
l'endroit où il fait affaire et dans quelle succursale, ne forment qu'un
tout indivis dans les fichiers centraux de l'institution en question.
Comme nous venons de vous le démontrer, la protection des
renseignements personnels nous tient à coeur et est essentielle pour
Desjardins. Cependant, nous aimerions mettre en garde les membres de la
commission contre l'affaiblissement de la concurrence et l'abandon de la
responsabilité personnelle qui pourraient résulter de
l'implantation d'un système de protection trop étanche. En
conséquence, il importe, à notre avis, d'évaluer le niveau
optimal de protection souhaitable pour le consommateur et acceptable du point
de vue des entreprises tout en prévoyant des mécanismes de
recours en cas d'abus ou de situation préjudiciable. À cet effet,
Desjardins incite les membres de la commission à prendre en
considération les pratiques actuelles ou en cours d'implantation dans
les entreprises exerçant leurs activités au Québec ainsi
que la place de plus en plus importante accordée par le gouvernement
à l'autoréglementation en cette matière.
D'autre part, le Mouvement des caisses Desjardins insiste pour que les
mécanismes de réglementation envisagés lient toutes les
entreprises ou organisations dispensant des services ou offrant des produits
aux Québécois, quelle que soit leur provenance ou leur
juridiction. Le Mouvement des caisses Desjardins insiste également pour
que le gouvernement exerce son influence pour rallier tous les utilisateurs de
renseignements et associations avec les consommateurs autour de mêmes
règles et normes relatives à la confidentialité de ces
informations. On ne saurait trop insister, à une époque où
la concurrence est féroce, sur l'importance de préserver des
règles du jeu équitables, à la fois pour les entreprises
québécoises, canadiennes, américaines ou même
internationales. Le moindre préjudice aux entreprises de chez nous, la
possibilité pour certains de recourir aux tribunaux pour contester la
constitutionnalité des lois, règles ou nonnes
québécoises en matière de confidentialité dans le
secteur privé et, par le fait même, d'en reporter l'application
pour
eux pourraient éventuellement causer des torts sérieux
à nos propres entreprises sans, pour autant, assurer à moyen et
à long terme une protection adéquate à ceux qu'on voulait
initialement protéger.
Dans le contexte budgétaire particulièrement
délicat dans lequel nous vivons actuellement - et susceptible de
demeurer le nôtre pour les années à venir - il faut limiter
la création de nouveaux organismes gouvernementaux ou
paragouver-nementaux. Il faut, de plus, s'abstenir d'adopter des lois,
règlements ou mesures risquant d'alourdir non seulement le fardeau
fiscal des contribuables et des entreprises, mais également les
dépenses administratives de ces dernières.
Toutes ces considérations ne doivent pas, pour autant, banaliser
cette importante question. C'est pourquoi tous les intervenants, tant les
consommateurs et leurs associations que le gouvernement et les membres de cette
commission, les entreprises du secteur privé ainsi que d'autres
organismes intéressés par la confidentialité des
renseignements personnels, doivent mettre à profit leur
compétence et leur imagination pour trouver une solution
appropriée et acceptable pour tous.
C'est ainsi que, soucieux de la protection de ta vie privée,
conscient des impératifs de l'environnement concurrentiel et militant
d'un partage des responsabilités à ce chapitre, le Mouvement des
caisses Desjardins recommande à la commission de s'inspirer des lignes
directrices de l'OCDE dans toute politique visant la protection de la vie
privée eu égard aux banques d'information détenues dans le
secteur privé; d'éviter la création d'une loi
additionnelle en établissant au sein du Code civil les droits
fondamentaux des particuliers à l'égard des renseignements
personnels détenus à leur sujet par les entreprises du secteur
privé, les devoirs et obligations de ces entreprises en matière
de cueillette, traitement et conservation de ces renseignements et, enfin,
d'établir, par règlement exécuté en vertu du Code
civil, les modalités d'application de ces droits, devoirs et
obligations.
Voilà l'essentiel des commentaires et des recommandations que le
Mouvement des caisses Desjardins voulait porter à l'attention des
membres de cette commission. Nous sommes, mes collègues et moi,
maintenant disposés à répondre à vos questions. Je
vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. D'Amours,
pour votre exposé. Effectivement, nous allons débuter la
période d'échanges et je vais tout d'abord reconnaître le
ministre responsable du dossier, M. le ministre des Communications.
M. Cannon: Merci, M. le Président. À mon tour,
permettez-moi, M. D'Amours, de vous remercier d'avoir bien voulu collaborer et
présenter le mémoire du Mouvement des caisses et aussi de
souhaiter la bienvenue à votre collaborateur et à votre
collaboratrice. Le Mouvement Desjardins a toujours contribué d'une
façon très dynamique au progrès économique du
Québec et, encore une fois, par les propos qui sont dans le
mémoire, on voit le sérieux du propos qui y est tenu.
J'aurais quelques questions à vous poser sur la protection qui
est offerte par le Mouvement, la protection offerte au consommateur. Est-ce que
votre Mouvement fait affaire avec l'entreprise qui s'appelle
Équrfax?
M. D'Amours: Oui, au sens où nous requérons parfois
d'eux des informations lorsque nous faisons l'évaluation de demandes de
crédit.
M. Cannon: Est-ce que vous savez qu'il y a une procédure
qui vise à corriger les renseignements, mais la responsabilité de
correction des renseignements qui sont détenus dans les fichiers
d'Équifax dépendent, évidemment, du consommateur. Le
consommateur est tenu, quant à lui, de corriger les renseignements. Il
ne le sait pas toujours qu'Équifax a tel type de renseignements qui le
concernent. Dans votre cas précis à vous, est-ce qu'il y a une
double vérification qui est faite lorsque je me présente à
la caisse de Cap-Rouge pour aller chercher un prêt personnel ou faire une
autre transaction ou même pour souscrire à une assurance qui est
émise au nom de votre institution? Comment peut-on faire cette
vérification pour s'assurer que les renseignements que vous avez
sollicités chez Équifax sont justes et précis?
M. D'Amours: Ah, vous vous pouvez le demander au conseiller de la
caisse qui a le devoir de vous transmettre les données qu'il a
recueillies sur vous ou sur les personnes qui sollicitent un prêt. Et, si
l'individu, le membre, se rend compte que les renseignements obtenus sont
inexacts, il a donc la capacité de faire faire les corrections qui
s'imposent.
M. Cannon: Ah, il a l'obligation de corriger. Mais, en souventes
occasions - et je pense que ça nous a été
démontré depuis quelques semaines maintenant - le consommateur a
beaucoup de misère, d'une part, à corriger cette chose-là
et aussi à obtenir des informations quant aux véritables raisons
qui ont motivé son refus de prêt ou son refus d'un crédit
supplémentaire qui pourrait lui être fourni.
Si on se tourne maintenant du côté des assurances, hier
soir, on a eu, en tout cas, ce que je peux considérer une grande
surprise quant à la transmission des renseignements concernant un
éventuel bénéficiaire ou un éventuel client d'une
compagnie d'assurances, notamment quant à la fourniture de
renseignements médicaux. On a
appris, hier soir, que lorsque l'individu souscrit à une police
d'assurance, il donne son consentement à l'entreprise ou à la
compagnie d'assurances pour aller chercher des renseignements à
caractère médical et toute autre forme d'information pertinente
quant à l'offre d'une police d'assurance. Si, ultimement, dans son
dossier médical, il y a une maladie quelconque qui est
découverte, on informe l'individu et on lui suggère de se rendre
auprès de son médecin et que ce médecin-là, lui,
communiquera ces informations. Mais entre-temps, la personne qui a fait
l'enquête sait précisément que l'individu en question
souffre de telle maladie, qu'il a telle pathologie et ça
m'apparaît un petit peu bizarre parce que, voici une tierce personne
à qui j'ai volontairement fourni des renseignements ou enfin permis
d'aller chercher des renseignements, qui connaît des choses sur ma
personne mais qui n'a pas le droit de me les fournir et m'oblige à
passer par une autre personne pour aller chercher ces renseignements.
Là où je veux en venir, c'est que je trouve qu'il y a pas
mal d'informations qui sont regroupées, pas mal d'informations qui
concernent la personne et c'est finalement la personne qui est toujours la
dernière personne - excusez l'euphémisme - à être
informée de ça. Quand vous dites dans votre document qu'il y a un
souci d'assurer la confidentialité, ça me préoccupe,
ça, moi, ça me dérange, ça. Je trouve que
l'objectif en soi est bien mais je ne suis pas convaincu encore que la
transmission des données à caractère personnel sur les
individus soit complètement et totalement balisée.
Êtes-vous capable de me rassurer là-dessus?
Le Président (M. Dauphin): M. D'Amours.
M. D'Amours: Dans le cas d'une assurance, s'il s'agit d'une
assurance collective qu'un membre obtient à travers sa caisse, par
exemple, une assurance-prêt, une assurance sur sa maison ou qui est
accolée à une hypothèque, avant qu'il obtienne cette
assurance, il y a des conditions minimales qu'il doit remplir. Donc, en termes
d'assurabilité, l'agent de la caisse ou le conseiller de la caisse va
faire compléter un formulaire simple de demande. Est-ce que le membre
veut obtenir cette assurance? Si oui, il doit faire cette preuve
d'assurabilité et, là, c'est en relation avec un
spécialiste, une personne de la compagnie d'assurances que tout le
traitement de l'information confidentielle se fait. C'est en relation directe
avec sa compagnie d'assurances par la suite que tout ça se
déroule. Lorsque le membre reçoit la réponse de la caisse,
s'il est assuré ou non, l'agent de la caisse ne possède aucune
information du dossier médical. L'agent de la caisse, la seule chose
qu'il sait, c'est s'il est assurable ou non, s'il a son assurance ou non. Il ne
connaît aucunement les raisons. Il faut que le membre retourne à
la compagnie d'as- surances et, à cette compagnie d'assurances, on va
lui confirmer si oui ou non il est assurable. Mais, même là, la
compagnie d'assurances ne donnera pas les raisons, il faut qu'il retourne au
médecin. Tout ce que l'on sait a la compagnie d'assurances, c'est
à partir de l'application d'une grille d'analyse, compte tenu des
résultats obtenus de l'avis médical, s'il n'est pas assurable ou,
s'il l'est, il l'est avec surprime. On n'est pas autorisés à
transmettre cette information-là. Donc, il faut retourner au
médecin. (10 heures)
Je pense que ça, c'est extrêmement important, parce que
cette information est une information spécialisée et, si elle est
transmise par une tierce personne, on risque de la déformer. Je pense
que c'est correct comme ça et on ne souhaite pas que ça change.
Il y a un système de protection, à mon sens, auquel le
consommateur est en droit de s'attendre et s'il n'existait pas, il devrait le
réclamer.
M. Cannon: En tout cas, vous me permettrez de ne pas
nécessairement partager votre opinion là-dessus. C'est possible
qu'il y ait des façons plus efficaces et plus efficientes pour
protéger l'individu dans ce sens-là. Si j'étais un
employé chez vous et que ma conjointe a fait un emprunt chez vous et
que, finalement, elle s'est avérée insolvable pour x, y, z
raisons, est-ce que vous croyez que c'est possible que ça puisse nuire
à un avancement de ma part, à l'intérieur de
l'institution, chez vous, qu'une personne de ma famille, ma conjointe, qui
s'est vu refuser un prêt ou, finalement, qui a dû faire faillite,
est-ce que ça peut nuire à mon avancement dans l'entreprise, chez
vous? Est-ce que vous vous servez d'un croisement de renseignements ou
d'informations lorsque vous faites faire une évaluation par le
département des ressources humaines sur un individu à
l'intérieur de votre institution?
M. D'Amours: Non, je ne crois pas. Cependant, dans le contexte de
l'application de nos règles déontologiques, des exigences, en ce
qui a trait aux personnes liées, s'appliquent aux dirigeants. Par
rapport aux employés, je pense que l'information ne peut pas être
utilisée dans ce sens-là. Il y a peut-être des informations
complémentaires que pourrait fournir M. Moren-cy.
M. Morency (Yves): Non, je ne pense pas, quand même, que,
chez nous, les conditions de promotion soient liées à des
conditions sur le plan financier d'un membre de la famille de nos ressources.
Je pense quand même que le dossier est évalué sur sa propre
valeur et aussi par rapport aux compétences de la personne qui, oui ou
non, va obtenir une promotion. La même chose prévaut pour des gens
qui sont engagés de l'extérieur. C'est sûr, quand
même, qu'on peut
poser des questions sur des éléments de
confidentialité ou de manque à la confidentialité de ces
gens-là, mais ça demeure des questions très
limitées. Il n'est nullement question de ne pas donner un emploi
à quelqu'un compte tenu des antécédents de son
épouse ou de sa parenté.
M. Cannon: À l'intérieur de votre fichier central
de renseignements ou d'informations sur la personne, parce que vous en
détenez beaucoup...
M. D'Amours: On n'a pas de fichier central.
M. Cannon: Vous avez accès à un fichier central,
que ce soit au niveau de l'assurance, que ce soit au niveau des prêts
financiers. Vous devez avoir...
M. D'Amours: On n'a pas de fichier central auquel on pourrait
accéder ou auquel une personne dans le Mouvement pourrait accéder
pour avoir de l'information sur un membre. Toute l'information à
l'égard d'un membre est détenue dans la caisse. Il y a seulement
la caisse qui est détentrice et la caisse ne transmet pas l'information
à une autre caisse, ni même à sa fédération.
Dans le contexte de contrats qui lient les échanges d'informations, ce
type d'informations ne peut pas transiter de la caisse. Donc, il n'y a pas de
fichier de ce type-là.
M. Cannon: Vous m'assurez qu'il n'y a pas de couplage. Que si,
par exemple, je fais affaire avec la caisse de Cap-Rouge et que je
décide d'aller à la caisse de Sainte-Ursule, à Sainte-Foy,
les renseignements que je vais fournir à l'agent prêteur, à
Sainte-Foy... je recommence à zéro le dossier avec lui.
M. D'Amours: Absolument.
M. Morency: À moins que vous ne disiez à votre
gérant de l'une ou l'autre succursale ou caisse que vous avez un dossier
à telle caisse et que vous l'autorisez à en prendre connaissance.
Mais, au niveau de nos fichiers centraux, il est impossible pour la caisse
d'avoir accès à de l'information sur un membre Desjardins, peu
importe où il fait affaire, chez nous, soit dans une autre caisse ou
dans une institution autre que les caisses ou encore dans les filiales de nos
sociétés de portefeuille. Donc, c'est très
hermétique, en termes d'informations. C'est pour ça qu'on vous
dit dans notre mémoire que, comparativement aux institutions bancaires
qui, elfes, regroupent de façon centralisée l'information, que
vous fassiez affaire avec une succursale, à Sainte-Foy, de la banque X
et que vous vouliez faire affaire avec la même banque, mais dans une
succursale à Charlesbourg, vos informations, cette fois-ci, sont
fichées de façon centrale. Et, là, le recoupage de
l'information peut quand même se faire parce que, eux, détiennent
de l'information centralisée à la maison mère. Ce qui
n'est pas le cas pour les caisses.
M. Cannon: Une dernière question: Pensez-vous que le type
de formule de consentement que vous utilisez pour la carte Visa, par exemple,
favorise la responsabilisation et la vigilance individuelle, comme vous l'avez
dit dans votre mémoire? Je rappelle, là, qu'on peut lire sur tous
les relevés du compte Visa que le détenteur de la carte autorise
Visa à recueillir et à échanger des renseignements sur
lui, avec toute personne, lorsque cela est nécessaire.
M. D'Amours: II y a de la place pour amélioration,
là comme ailleurs. J'estime que jusqu'à maintenant ce type
d'autorisation qui est donnée n'a pas causé d'ennuis, que l'on
sache, à des consommateurs; a plutôt eu comme conséquence
de les protéger et je vous avoue que, dans le contexte de la gestion des
cartes de crédit, la vigilance de l'entreprise et des consommateurs doit
être une vigilance partagée, parce que, comme vous le savez,
l'usage abusif des cartes de crédit peut entraîner des pertes
assez considérables à des entreprises de ce type. J'estime que,
dans ce cas-là, on protège beaucoup le consommateur.
Un exemple, c'est les faillites que l'on note suite à l'usage de
certaines cartes de crédit, qui sont très faciles à faire
et, s'il n'y a pas un contact étroit de gardé entre l'entreprise
et le consommateur, l'utilisateur de cette carte-là, les coûts
sont partagés par les autres détenteurs.
M. Cannon: Merci.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. D'Amours.
M. Morency: Si vous me le permettez...
Le Président (M. Dauphin): M. Morency, vous voulez ajouter
quelque chose?
M. Morency: Oui. M. le ministre, tout à l'heure, quand
vous parliez soit d'Équifax ou encore, dans le cas d'assurances, on
parle de
MIB, il faut penser que l'information, quand on va la chercher au niveau
de ces agences-là, ce n'est pas la seule information sur laquelle on
base notre jugement pour accorder un prêt.
M. Cannon: J'ai compris ça.
M. Morency: On la compare à d'autres
éléments.
Le Président (M. Dauphin): Merci, messieurs. Je vais
maintenant reconnaître M. le député de
Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: Je voudrais d'abord remercier M. D'Amours, M. Morency
et Mme Fortier du mémoire très bien fait qui nous a
été déposé. En matière d'informatique, je
sais que depuis plus d'une décennie le Mouvement Desjardins a toujours
été en avance sur les autres institutions financières,
pour ce qui est d'utiliser l'informatique dans ses opérations et, dans
le fond, votre mémoire le reflète dans le sens que vous
connaissez bien les problèmes et les difficultés que ça
peut causer.
Ma première question concerne Équifax. Vous nous avez dit
que vous obteniez des informations par l'entremise d'Équifax. Est-ce
que, en plus d'en recevoir d'Équifax, vous donnez des renseignements
à Équifax?
M. D'Amours: Non. Nous avons eu plusieurs demandes à
l'effet de transmettre des bandes d'information à Équifax ou
à toute autre entreprise de ce genre et nous avons refusé
systématiquement et repoussé tout type de demandes de cette
nature-là. C'est une politique de la Confédération,
réaffirmée à chaque fois qu'on nous fait cette
demande.
M. Bourdon: Je m'en réjouis parce que vous dites ne pas
tenir un fichier central des membres des caisses Desjardins et, dans ce
sens-là, vous respectez votre structure coopérative qui donne
à chaque caisse son autonomie. Puis, quand vous nous disiez tout
à l'heure qu'un membre peut demander que son dossier soit transmis
à une autre caisse, vous rencontrez nos préoccupations dans le
sens que, quant à nous, c'est ça qui devrait être la
règle en matière de renseignements de nature privée,
c'est-à-dire que ce soit la personne concernée qui autorise
à transmettre des renseignements plutôt que la tendance qui est
visible au croisement de données détenues par plusieurs sortes
d'ordinateurs. Je pense que ce n'est pas de l'imaginaire, cette
possibilité de croisement. La ressource technologique est là pour
croiser un très grand nombre de renseignements sur un très grand
nombre de personnes et, si c'est incontrôlé, ça peut
constituer un danger.
Moi, ce qui me préoccupe, c'est que le fichier central de
l'État et de l'entreprise privée maintenant, au Québec,
c'est Équifax. Je ne doute ni des mobiles ni des pratiques de cette
entreprise qui a trois sortes de dossiers sur à peu près 4 000
000 de Québécois: dossier de recouvrement de créance,
dossier d'assurances et fiche de crédit. Mais, à l'heure
actuelle, il n'y a aucune législation qui réglemente la
façon dont toutes ces données-là peuvent être
utilisées. C'est pour ça que, d'une certaine manière, il
m'apparaît impensable qu'on reste comme ça longtemps dans le vide
juridique parce que c'est de ça, dans le fond, qu'il s'agit, il y a
même des intervenants qui sont venus ici nous dire que les renseignements
de nature confidentielle que le secteur public ne peut obtenir en son sein en
vertu de la loi d'accès, eh bien, il fait appel au privé pour les
avoir et il les obtient parce qu'il y a un secteur réglementé et
un secteur qui ne l'est pas.
Alors, dans ce sens-là, j'aimerais savoir... À la fin de
vos recommandations, vous suggérez d'établir par règlement
édicté en vertu du Code civil les modalités d'application
des droits, devoirs et obligations en matière de protection de la vie
privée. Est-ce à dire que vous seriez d'accord que les
dispositions des articles 35 et 41 du Code civil, auxquels mon groupe
parlementaire va essayer d'apporter certains amendements, couplées
à un règlement, seraient suffisantes pour protéger les
renseignements de nature privée?
M. D'Amours: Nous le croyons. Me Fortier, peut-être que
vous pourriez ajouter?
Mme Fortier (Guylaine): II y aurait peut-être
amélioration à apporter ou certaines précisions à
apporter aux articles que la réforme du Code civil propose. La
réforme du Code civil nous offre maintenant la possibilité
d'adopter des règlements en vertu du Code civil, ce qui n'était
pas - le cas antérieurement. Alors, en disposant des principes au sein
du Code civil et en adoptant par règlement les différentes
dispositions d'application, je pense que ça nous éviterait,
à un moindre coût, de créer une loi additionnelle tout en
obtenant les mêmes résultats et en poursuivant le même
but.
M. Bourdon: Me Fortier, d'une certaine façon, loi ou
règlement, ce qui est posé, c'est la question du contrôle.
Maintenant, dans cette voie-là que vous suggérez, est-ce que vous
seriez d'accord pour que la personne qui s'estime lésée ait un
recours autre que les tribunaux ordinaires avec les frais et les délais
que ça comporte? Autrement dit, est-ce que vous seriez d'accord pour que
la Commission d'accès ou un autre organisme fasse la promotion de
l'éducation et les plaintes, si besoin est, pour et au nom du citoyen?
Autrement dit, pensez-vous que le citoyen, dans la protection de sa vie
privée, devrait avoir un recours comparable à celui que le
consommateur a à l'Office quand il s'estime lésé comme
consommateur?
Mme Fortier: Là-dessus, je pense que Desjardins n'a
sûrement pas d'objection à ce que le consommateur ou la personne
qui se sent lésée ait un recours, que ce soit par la voie du Code
civil ou par la voie d'une commission quelconque ou d'un autre tribunal. (10 h
15)
M. D'Amours: Sauf que ce que nous disons, c'est qu'il y a
sûrement des façons d'être efficace là-dedans tout en
minimisant les coûts à l'entreprise et au consommateur, à
la fin de tout ça, dans ce sens-là et aussi dans un souci
d'équité. Parce qu'au Québec, on sait qu'il y a des
institutions financières qui sont à la fois sous charte
fédérale et sous charte québécoise. Pour l'instant,
on sait fort bien qu'il y a des pratiques de certaines institutions
concurrentes qui ne sont pas soumises à nos lois
québécoises, qui jouent la concurrence d'une façon qui,
à la fois, est peut-être défavorable au consommateur et aux
institutions à charte québécoise. Alors, on pourrait citer
des cas de pratiques de crédit qui ne rencontrent pas l'esprit ni
même la lettre de la Loi sur la protection du consommateur et que
Desjardins, forcément, pratique, respecte dans le but de protéger
le consommateur.
M. Bourdon: À cet égard-là, vous êtes
sans doute au courant que le parti politique auquel j'appartiens propose une
solution finale à ce problème de double juridiction. Mais, en
attendant, vous avez raison de réclamer un traitement égal aux
différents joueurs dans cette matière-là parce que des
législations qui créeraient des contrôles et des
obligations disparates, il est certain que, dans le milieu hautement
concurrentiel où vous évoluez, ce serait préjudiciable
à certaines entreprises.
Maintenant, ce que je pensais vous demander, c'est: Est-ce que vous
pourriez nous parler un peu de l'expérience en 1989 du système de
gestion des fonds non compensés et des leçons que vous en avez
tirées?
M. D'Amours: Oh, quelle expérience! Dans son désir
de bien servir le membre, Desjardins avait imaginé, depuis fort
longtemps, de faciliter l'accès à ses guichets automatiques et
à son service intercaisses. Imaginez qu'un membre, avec la technologie
de maintenant, se présente dans un guichet automatique et veut avoir
accès à ses fonds; s'il a des difficultés à
accéder à son compte et à ses fonds, on considère
qu'il est plus ou moins bien servi. Il est davantage moins bien servi que plus.
C'est la même chose en intercaisses alors qu'il se présente dans
une caisse voisine où il n'est pas membre, et donc n'est pas connu, il
pourrait avoir des difficultés à faire des transactions, à
échanger un chèque ou à retirer des sommes.
Alors, on a imaginé un système qui ferait en sorte qu'on
libéralise, si on veut, les transactions selon des critères ou
des limites qui seraient imposés pour chaque membre, en fonction,
finalement, de l'expérience des transactions qu'effectue ce membre
à sa caisse. On a mis sur pied ce système qui reconnaît,
pour chaque membre, ce que l'on appelle un transit autorisé, une
autorisation de faire une transaction en guichet ou en intercaisses. En
deçà de cette somme ou de cette limite, toutes les transactions
sont possibles. Ce qui s'est produit, évidemment, c'est que, dans
l'implantation de ce système-là, les caisses qui sont, elles,
autonomes n'ont pas établi au même niveau ou à des niveaux
com- parables, relativement comparables, ces limites de transaction
autorisées et, dans certaines caisses, certains membres se sont vu
refuser un service comme celui d'échanger un chèque au comptoir
de leur propre caisse parce que la machine a pris le dessus, dans un premier
temps. Il faut bien dire que nous avons réagi promptement, dans les
jours qui ont suivi ou même les heures qui ont suivi; nous avons remis
aux agents au comptoir de chacune des caisses la responsabilité qu'ils
avaient toujours exercée et dont il fallait qu'ils restent responsables
à l'égard du travail et des décisions qu'ils ont prises
jusqu'à maintenant et qu'ils pouvaient continuer de prendre et
considérer le système comme un outil. Depuis ce temps-là,
on a donc implanté des mesures qui facilitent l'usage, l'accès
à ce système-là.
Il y a encore, de temps à autre, quelques difficultés qui
surgissent mais, lorsqu'elles surgissent, c'est parce que le membre n'est pas
allé à la caisse ou la caisse a négligé de
contacter le membre pour l'informer davantage sur le système et sur les
bénéfices que ça lui procure. Nous n'avons plus maintenant
pratiquement aucune plainte de ce type-là et je pense que le
système sert bien les membres.
M. Bourdon: Dans le fond, l'un des aspects de la question
à l'étude qui ressort toujours, c'est que les citoyennes et les
citoyens ignorent ce qu'on sait d'eux ou d'elles. Je pense que, par exemple,
les bureaux de crédit donnent les renseignements qu'ils ont. En vertu de
la Loi sur la protection du consommateur, une personne a le droit de demander
sa fiche de crédit et puis elle a le droit de demander une correction.
Sauf qu'Équifax nous disait que, pour plusieurs millions de dossiers,
elle reçoit quelque chose comme 2500 demandes par mois. Cette
entreprise-là a un souci légitime de ne pas alourdir son
opération si l'État, par un règlement ou par une loi, lui
impose d'envoyer son dossier à chaque consommateur, par exemple.
À cet égard-là, je défends depuis le début
des audiences la thèse que ça devrait être plutôt
l'utilisateur qui informe le sociétaire ou le client, selon la nature de
l'information qu'il a sur cette personne-là. Ce que je veux dire par
là, c'est que ça m'apparaîtrait moins tatillon, moins
bureaucratique et plus efficace et ça permettrait - je le sais, et vous
le dites dans votre mémoire, que vous le fournissez sur demande... Ma
thèse, c'est que ça pourrait être automatique.
Par exemple, je fais mes emprunts par une caisse populaire et,
après que c'est conclu, on m'envoie par la poste le contrat que j'ai
signé, approuvé, pour que j'aie, en dossier, exactement
l'engagement que j'ai pris. Si, par hypothèse, ma caisse a obtenu une
fiche de crédit à mon sujet, elle pourrait la joindre et il me
semble que ça ne serait pas compliqué. Est-ce que vous ne pensez
pas que ça permettrait non seulement au citoyen d'être
sécurisé sur l'information qu'on
détient à son sujet mais peut-être de rendre plus
efficace le système de vérification et de solvabilité - il
a besoin de ça pour les besoins des institutions financières - vu
que les erreurs seraient rapportées, par hypothèse? Sur quelques
millions de dossiers, c'est impossible qu'il n'y ait pas un certain nombre
d'erreurs.
M. D'Amours: Forcément, si on adopte un système
semblable, c'est des coûts additionnels, c'est sûr, et c'est
forcément des coûts d'administration et des coûts
d'opération: production de formulaires, livraison de ces formulaires,
peut-être le développement d'un système interne à la
caisse pour mécaniser tout ça. Je ne pense pas qu'on serve mieux
le membre de cette façon-là parce que le membre a toujours
accès. Selon nos codes et nos pratiques, si le membre désire
avoir de l'information, il est mieux à ce moment-là de rencontrer
la conseillère ou le conseiller de la caisse et de se faire expliquer.
Cette information financière qui paraît sous forme de ratio, il
faut qu'elle soit décodée ou qu'elle soit mieux comprise
peut-être par le consommateur moyen qui a besoin d'explication.
M. Bourdon: Mais j'ai l'impression qu'on ne comprend pas la
même chose. Dans ma tête à moi, si la caisse obtient
d'Équrfax, par exemple, la fiche de crédit du ou de la
sociétaire et que cette personne-là n'est jamais allée
dans un bureau de crédit se faire communiquer, comme elle en a le droit,
sa fiche de crédit, ce que je dis simplement, c'est qu'à
l'occasion d'une correspondance avec le sociétaire, si la caisse l'a
demandé et obtenu - parce qu'il y a beaucoup de caisses populaires qui,
avec des clients qui sont là depuis longtemps, ne se bad rent pas de
demander des choses comme ça...
M. D'Amours: Absolument.
M. Bourdon: Ce que je préconise, c'est que, si
l'institution financière juge bon de demander un renseignement à
un tiers, elle le communique au client ou au sociétaire selon le cas. Je
ne voulais pas dire que c'était l'ensemble du dossier, parce que je suis
d'accord qu'une rencontre avec un conseiller ou une conseillère
ça permet de faire plus facilement le tour. Et quand je parlais de
correction, c'est à l'égard des tiers qui détiennent des
renseignements. Dans le fond, on peut avoir, sur mon compte, dans une fiche de
crédit, un renseignement erroné qui va me suivre pendant 20 ans.
Si je n'engage pas la procédure pour aller chercher ma fiche, je ne le
saurai jamais. Et je vous souligne tout de suite là-dessus que
probablement que ma caisse populaire, qui a lu le renseignement erroné,
par exemple, n'en a tenu aucun compte. Mais vis-à-vis de quelqu'un
d'autre, à un moment donné, ça pourrait poser une
difficulté. Et ce pourquoi je mets ça de l'avant, c'est pour
éviter que l'État n'intervienne pour dire: Vous allez faire telle
chose spécifiquement, et si ça ne coûte pas cher et qu'il
n'y a pas beaucoup de fonctionnaires pour s'en occuper, donc, ça ne sera
pas bon C'est juste que je dis que le droit de savoir pourrait être
simplifié en disant: Quand on obtient, sur une personne, un
renseignement d'un tiers - et c'est une fiche généralement, c'est
moins sorcier qu'on l'imagine - bien, à l'occasion d'un lien postal avec
la personne, on lui en donne une copie pour ce que ça vaut, dans le
fond.
M. D'Amours: Je reconnais que la suggestion a beaucoup de
mérite.
M. Bourdon: Je vais juste vous donner mon expérience
personnelle et pas avec le Mouvement Desjardins. Depuis que je suis
abonné à Time Magazine et que j'ai une carte American
Express, on m'a écrit au moins 150 fois. Et si ceux qui ont émis
la carte de crédit avaient ma fiche de crédit, ils auraient pu me
la transmettre en même temps qu'une sollicitation à m'acheter une
malette ou une coutellerie en argent ou un réveille-matin ou une machine
à café réveille-matin, ou en tout cas...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourdon: C'est juste que je dis que dans le flot... Ma
thèse est simplement que, dans le flot de sollicitations non
désirées qu'on reçoit, on pourrait recevoir un
renseignement utile.
M. D'Amours: Non, mais je reconnais les mérites de cette
suggestion. De toute évidence, cette information est disponible à
la caisse. Cependant, si les coûts d'une systématisation ne sont
pas très élevés ou trop élevés, nous allons
la considérer.
M. Bourdon: D'accord. Je vous remercie beaucoup de votre
témoignage et j'espère qu'on pourra bientôt faire de la
rétroaction avec vous une fois que le gouvernement aura mis en marche
les projets qu'il entretient.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député. Nous retournons au ministre.
M. Cannon: Merci, M. le Président. Vous indiquez dans les
recommandations d'éviter la création d'une loi additionnelle en
établissant, au sein même du Code civil: les droits fondamentaux
des particuliers à l'égard des renseignements personnels
détenus à leur sujet par les entreprises du secteur privé;
les devoirs et obligations, etc. On a eu l'Association des banquiers canadiens
qui est venue nous rencontrer et qui nous a dit: Écoutez, de toute
façon, nous on favorise lautoréglementation et, de toute
façon, ultime-ment, compte tenu du fait que nous sommes des
institutions financières qui relèvent ou, enfin, dont la
naissance est due à une charte fédérale, on pourrait
déclarer ultra vires toute démarche qui pourrait venir nous
toucher.
Je vous pose la question dans une perspective, évidemment, de
charte fédérale. Est-ce que vous croyez qu'une loi qui serait
à part ou même, comme vous le suggérez,
intégrée au Code civil pourrait avoir un effet sur ce que je
viens de vous décrire, à savoir la charte fédérale
qui régit nos institutions financières? Mme Fortier.
Mme Fortier: Vous savez, c'est une bien grande question que vous
posez là. Ha, ha, ha! Je ne crois pas que personne actuellement n'a la
réponse à cette question-là. Cependant, à partir du
moment où beaucoup qui ont écrit à la commission se sont
référés au document "L'identité piratée", je
pense que ce document-là est très exhaustif sur la question. Et
il reste qu'on retrouve, dans toutes les études qui ont
été faites, l'élément que c'est le droit de la
personne qu'on touche, c'est le droit civil de la personne qu'on touche, c'est
les renseignements qui la concernent. Et je pense que, partant de là,
c'est effectivement de compétence provinciale, que ce soit
inséré au sein du Code civil ou que ce soit inséré
dans une loi particulière. Je pense qu'effectivement c'est la personne
dans son intégrité qu'on touche. Évidemment, lorsqu'il est
question de dire comment traiter ces renseignements-là, ça peut
être plus discutable, mais je pense que la finalité demeure la
même et l'objectif poursuivi demeure le même.
M. Cannon: Vous n'avez pas encore plaidé devant la Cour
suprême.
Mme Fortier: Non, pas encore. Des voix: Ha, ha, ha!
M. Cannon: Vous avez peut-être une bonne carrière.
Vous annoncez également, à l'intérieur des
recommandations, d'établir par règlement édicté en
vertu du Code civil les modalités d'application de ces droits, devoirs
et obligations. Qu'est-ce que vous prévoyez comme sanction? Est-ce que
vous avez pu réfléchir un peu à cela?
Mme Fortier: Non. Soyons francs. Non, je pense que par
règlement il y a possibilité d'émettre beaucoup de
dispositions d'application. On pariait tantôt de recours possibles. Il
serait pensable, effectivement, de voir à des recours possibles au sein
même du Code civil et avec des dispositions qui, par le règlement
d'application, viendraient nous dire comment se servir et comment utiliser ces
recours-là.
M. Cannon: Comme recours possible, est-ce que vous voyez un
système qui soit très léger, très facile
d'accès ou est-ce que vous croyez que c'est quelque chose d'autre qui
pourrait être employé?
Mme Fortier: Je pense que le député de
Pointe-aux-Trembles, tout à l'heure, le disait.
M. Cannon: Oui, c'est ça.
Mme Fortier: II est évident que les tribunaux, comme on
les connaît actuellement, sont non pas difficiles d'accès, mais
sûrement longs d'accès, sinon difficiles. C'est sûr que je
pense qu'on se doit de préconiser quelque chose qui est facile. C'est
sûr que pour Desjardins, chez nous, on a déjà un
mécanisme de plaintes, on a déjà une loi qui nous donne
des moyens et donne des moyens à nos membres pour démontrer leur
insatisfaction. C'est effectivement un moyen très simple, très
facile et pas coûteux et je pense que c'est sûrement ce à
quoi on doit tendre.
M. Cannon: Je suis presque tenté de vous demander, en
conclusion de cette question-là, quelle serait la capacité de
recours réelle pour un consommateur, dans une optique
d'autorégle-mentation, et, par après, la même question
à l'intérieur d'un règlement avec le Code civil. Autrement
dit, c'est quoi le recours du consommateur si, évidemment, il s'en tient
à l'autoré-glementation et le recours d'un consommateur si c'est
le Code civil qui régit?
Mme Fortier: En fait, le premier recours et le premier droit sera
sûrement le droit à la correction, le droit à
réparation. Évidemment, le droit au dommage ou le recours qui
pourra donner lieu au dommage, le dommage pourra être
réclamé, mais, comme pour tout autre dommage créé,
il faut le prouver et il faut faire la relation de cause à effet.
À partir du moment où un consommateur sera en mesure de nous
démontrer que l'erreur que nous avons commise lui a causé un
préjudice, je pense que partant de là tout recours au dommage est
pensable.
M. Cannon: O.K. D'accord. Merci.
Le Président (M. Dauphin): Merci. C'est tout le temps qui
nous était dévolu. Au nom de tous les membres de la commission,
nous tenons à remercier la Confédération des caisses
populaires et d'économie Desjardins du Québec et ses
représentants pour avoir bien voulu témoigner devant notre
commission. Merci. Bon retour.
M. D'Amours: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): La commission suspend quelques
instants pour permettre à l'autre groupe de s'avancer vers l'avant.
(Suspension de la séance à 10 h 34)
(Reprise à 10 h 37)
Le Président (M. Dauphin): Nous reprenons nos travaux et
c'est avec plaisir que nous accueillons le deuxième groupe ce matin,
c'est-à-dire l'Association des courtiers d'assurances de la province de
Québec, représenté, notamment, par son président,
M. Gérald Groulx. Alors, M. le président, si vous voulez bien
nous présenter les personnes qui vous accompagnent et ensuite
procéder à votre exposé d'une durée maximale de 20
minutes.
ACAPQ
M. Groulx (Gérald): Merci, M. le Président.
J'aimerais vous présenter, à ma gauche, le président du
conseil de l'Association des courtiers d'assurances de la province de
Québec, M. Jean Lachance, et, à ma droite, M. Luc
Grégoire, premier vice-président à l'Association des
courtiers.
Le Président (M. Dauphin): Bonjour.
M. Groulx: J'aimerais remercier la commission de nous permettre
de nous présenter devant elle afin de faire valoir nos opinions
relativement à la protection de la vie privée.
L'Association des courtiers de la province de Québec a
été créée depuis plus de 77 ans. L'Association des
courtiers de la province de Québec est l'une des plus anciennes
corporations du secteur des assurances. La loi 134 lui fixe comme mission
principale d'assurer la protection du public par le maintien de la discipline
de ses sociétaires. Les courtiers d'assurances, dans l'exercice
quotidien de leurs fonctions, sont essentiellement les mandataires de
l'assuré. Aussi, l'Association entend-elle faire valoir auprès de
cette commission les droits et les intérêts du grand public.
L'Association des courtiers compte 5500 membres regroupés en 2000
cabinets environ, répartis dans toutes les régions du
Québec. Il s'agit là du plus puissant réseau de
distribution de produits d'assurance de la province. À l'heure où
les entreprises financières se fusionnent en de grands ensembles, ces
cabinets de courtage restent la meilleure garantie d'accès à un
service humain et à des conseils personnalisés.
Nos membres ont vécu avec intensité les transformations
rapides et profondes qui, depuis 1985, ont marqué l'industrie
financière au Québec. Si certains défauts de
fonctionnement ont été corrigés avec le temps, ces
multiples refontes ont engendré des carences graves. C'est maintenant le
cas en ce qui regarde la constitution des fichiers personnels et des banques de
données ainsi que leur utilisation dans le secteur financier. Par son
mémoire, l'Association des courtiers d'assurances veut contribuer
à corriger la situation. Notre position est claire. L'Associa- tion des
courtiers d'assurances de la province de Québec demande du gouvernement
du Québec qu'il étende aux institutions financières la
législation qui régit déjà le secteur du courtage
de l'assurance de dommages quant à l'échange de renseignements
personnels détenus dans les banques de données.
Compte tenu de l'informatisation poussée des institutions
financières et du décloisonnement de leurs activités,
cette législation est devenue essentielle à la protection des
consommateurs contre toute ingérence dans leur vie privée.
L'Association des courtiers lance aux parlementaires de la commission des
institutions un véritable cri d'alarme: mettez fin à la
règle du deux poids, deux mesures dans l'industrie
financière.
L'Association des courtiers rappelle, en effet, à cette
commission que la loi 134 impose déjà aux courtiers d'assurances,
un code de déontologie et une législation qui régissent
expressément la détention de renseignements privés sur la
personne.
M. le ministre, posons la question franchement: Les consommateurs
québécois sont-ils bien protégés par la loi 134
contre la divulgation et le commerce des informations personnelles contenues
dans leur dossier? L'Association des courtiers d'assurances de la province de
Québec répond non, M. le ministre, parce que dans le monde de la
finance tous les acteurs sont intimement liés. Chacun est un vase, mais
tous les vases communiquent entre eux.
Les courtiers d'assurances ne sont que la porte d'entrée de
l'information. À quoi sert-il de réglementer la porte
d'entrée si le reste du circuit ne l'est pas? La protection des
consommateurs ne sera donc pas assurée tant que les autres intervenants
ne seront pas réglementés eux aussi. Nous allons même plus
loin. Si la législation que nous réclamons n'est pas
adoptée, on peut se demander si les articles de la loi 134 sur la
protection des renseignements confidentiels deviendront futiles et sans effet.
Non seulement les institutions financières pourront-elles créer
des entorses à la confidentialité des renseignements obtenus des
courtiers, mais elles pourront utiliser entre elles ces précieuses
informations. L'Association tient à rappeler que le véritable
problème de l'an 2000 sera le commerce, la vente, le marchandage et
l'échange des informations confidentielles sur la clientèle. La
solution à une protection solide ne doit pas et surtout ne peut pas
venir uniquement du consentement du consommateur puisqu'il est impuissant
vis-à-vis de l'ampleur et de la complexité du
problème.
M. le ministre, l'Association des courtiers d'assurances de la province
de Québec recommande au gouvernement du Québec que la
législation réclamée pour les institutions
financières soit mise en place rapidement afin d'encadrer
l'échange d'informations entre institutions
financières et de protéger le consommateur contre tout
conflit d'intérêts. L'Association des courtiers exige aussi que le
dépôt du projet de loi soit suivi d'un débat public pour
s'assurer que la future loi protégera efficacement et
adéquatement les consommateurs. Voilà, M. le ministre,
l'essentiel du message de l'Association des courtiers de la province de
Québec. Merci. (10 h 45)
Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup, M.
Groulx, pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la
période d'échanges et nous commençons par le ministre des
Communications.
M. Cannon: Merci, M. le Président. M. Groulx, bienvenue et
merci d'être là avec M. Lachance et M. Grégoire et d'autres
personnes que je salue. Je pense que votre exposé est clair, bref,
précis; je vais essayer de m'organiser pour que les questions que je
vais vous poser soient claires, brèves et précises.
Vous dites non à une nouvelle loi. Vous nous dites:
Étendez la loi 134 actuellement qui vous touche et qui gouverne votre
comportement dans le marché. Au niveau des règles qui
protègent les renseignements personnels qui sont édictées
dans la loi 134, dites-moi, est-ce qu'elles ont occasionné des frais
supplémentaires ou importants aux cabinets de courtiers?
M. Groulx: M. le ministre, lorsque vous me posez cette
question-là, je regarde au niveau des coûts. Comme vous le savez,
la nouvelle loi 134 est toute récente. Elle est débutée
depuis le 1er septembre 1991 et je crois qu'au niveau de la déontologie
et des règles l'Association des courtiers, qui existe depuis 77 ans
comme je le mentionnais dans mon exposé, s'occupe déjà de
la protection du public par un code de déontologie et d'éthique
au niveau de ses membres. Nous le faisons déjà depuis très
longtemps. Avec la nouvelle loi 134, ce mandat nous a été
reconfirmé par le législateur. Donc, au niveau des coûts,
nous sommes au même point au niveau de la déontologie et des
règles administrées auprès des membres courtiers
d'assurances maintenant intermédiaires de marché.
M. Cannon: Vous êtes familier, M. le président, avec
les dispositions du Code civil, les articles 35 à 41, qui touchent,
notamment, les renseignements personnels ou l'accès à la vie
privée, etc. Est-ce que vous me dites oui pour les articles 35 à
41 du Code civil, et non à une loi et l'extension de 134 partout dans
votre secteur?
M. Groulx: Ce que nous voulons, M. le ministre, c'est une loi
particulière qui va légiférer l'information personnelle du
public consommateur ici au Québec de la même façon que les
intermédiaires de marché actuellement sont
légifères au niveau de l'information personnelle qu'ils
reçoivent de leurs clients. C'est là où nous disons qu'il
y a, actuellement, une situation de deux poids, deux mesures, étant
donné que nous sommes légifères par la loi 134 et, par
contre, une fois que ces informations-là sont transmises à nos
fournisseurs, donc institutions financières, il n'y a pas de
législation. C'est là que nous pensons que le public n'est pas
protégé et nous voulons une loi particulière qui
s'appliquerait spécifiquement à ce genre d'information.
M. Cannon: Je présume que vous voulez que nous puissions
inclure là-dedans la possibilité de recours et de sanctions. Je
ne suis pas familier avec la loi 134, vous m'excuserez. Je suis un petit peu
plus familier avec les lois de mon ministère, mais je présume que
dans la loi 134 il n'y a pas non plus la possibilité de recours ou de
sanctions devant les tribunaux pour le consommateur qui se voit
lésé quant à...
M. Groulx: M. le ministre, permettez-moi de demander à mon
président de conseil de donner peut-être plus de
détails...
M. Cannon: Sûrement.
M. Groulx: ...concernant un peu la loi 134. Je pense que
ça va éclairer plusieurs personnes.
M. Cannon: On est là pour ça.
M. Groulx: Merci.
Le Président (M. Dauphin): M. Lachance.
M. Lachance (Jean R.): Merci, M. le Président. M. le
ministre, quelques précisions. La loi 134 est une loi qui touche les
intermédiaires de marché qui sont les courtiers, les agents et
les experts en sinistre. Nous avions déjà une loi qui datait de
1964. Elle a été reconfirmée plus récemment, et
avec cette nouvelle loi, étendue cette fois-ci à d'autres
secteurs, d'autres intermédiaires. Nous avons un code de
déontologie. Effectivement, il y a des sanctions à partir de
ça pour les courtiers et les membres du personnel de leur cabinet
à cet égard-là. Donc, il existe une législation, la
134, qui voit déjà à cet aspect-là.
Nous, ce qu'on vous demande ce matin... c'est le fait que les membres du
personnel d'institutions financières ne sont pas légifères
comme nous. Nous sommes la porte d'entrée. Les consommateurs nous
confient des informations que nous devons divulguer à des institutions
financières à leur demande. Jusque-là, il y a une loi qui
protège cet aspect de la confidentialité des données. Une
fois que les informations sont transmises, il n'y a pas de législation
qui touche cet aspect-là. Alors, nous, nous avons déjà une
loi qui touche ça, les courtiers et les membres
du personnel de nos différents cabinets. Je ne sais pas si
ça vous éclaircit.
M. Cannon: Vous me dites: Nous, on est touchés par une loi
alors que, dans d'autres circonstances, il n'y a pas de loi qui régit le
comportement et nous voudrions que les mêmes règles s'appliquent
à tout le monde.
M. Lachance: Effectivement, c'est ça.
M. Cannon: II y a une chose qui m'a frappé un peu dans
votre exposé, M. Groulx. Vous avez mentionné que les
échanges sur les personnes vont devenir un commerce de plus en plus
important. Là-dessus, je pense qu'on n'a pas besoin de faire la
démonstration ici autour de la table. Nous en sommes de plus en plus
convaincus. J'aimerais vous entendre puisque vous avez une expérience
très pratique d'exemples de concertation ou de concentration, pardon,
des renseignements personnels par les institutions financières et les
échanges possiblement qu'ils peuvent faire entre eux au niveau de ces
renseignements-là.
M. Lachance: C'est une question très pertinente, M. le
ministre. Je crois que vous touchez un point extrêmement délicat,
justement, dans le débat que nous avons aujourd'hui. Des exemples, il y
en a des multitudes et, comme vous le dites, nous sommes dans le champ de
pratique tous les jours et nous voyons 1000 situations se produire. Si vous me
permettez, je demanderais à notre premier vice-président, il a
sûrement beaucoup d'exemples à vous mentionner
là-dessus.
Le Président (M. Dauphin): M. Grégoire.
M. Grégoire (Luc): Merci. M. le ministre, je n'ai pas
nécessairement beaucoup d'exemples, mais, effectivement, il y en a. Je
pense qu'il faut voir ça dans l'esprit que ce n'est pas
nécessairement entre des institutions financières. Ça peut
être ça aussi, mais ça peut être à
l'intérieur d'une institution financière qui offre plus d'un
service financier.
Je vous donne un simple exemple qui nous a été
rapporté par des collègues à l'effet que leurs clients
avaient pu être sollicités à leur insu pour de
l'assurance-habitation après avoir fourni une copie de leur police
actuelle à une institution financière où on faisait
mention d'un créancier hypothécaire. Alors, on se devait de leur
donner une copie de cette police-là pour que l'institution soit
assurée que son prêt était bien protégé.
Alors, par la suite, le consommateur s'est trouvé sollicité
à son insu pour un autre type de service financier qui était une
assurance-habitation par la même institution financière.
Alors, c'est un cas patent dans le champ, dans la pratique, qui
démontre bien qu'à l'heure actuelle, au niveau des institutions
financières, les renseignements privés concernant le consommateur
se déplacent et puis il n'y a rien qui vient légiférer et
empêcher ce phénomène-là.
M. Groulx: M. le Président, si vous me permettez, cette
situation-là m'est arrivée personnellement, et c'est curieux que
vous posiez la question aujourd'hui. Il y a très peu longtemps, j'avais,
comme tout le monde, une créance sur ma résidence et, un hasard,
un soir, je reçois un téléphone. Une institution bancaire
me demande si, étant au courant de ma créance, je serais
intéressé à ce qu'on assure également ma
propriété, étant donné qu'ils étaient
déjà créanciers sur la mienne. Alors, j'ai dit: Savez-vous
à qui vous parlez? J'ai l'impression que cette personne-là ne
connaissait pas mon métier, ma profession.
Ce sont des situations multiples qui se produisent tous les jours et
c'est là où l'association des courtiers, dans sa mission de
protection du public... Je pense que c'est sacré, cette
information-là. Le public ne peut pas être dérangé
en tout temps, chez lui, par des institutions financières qui veulent
vendre des produits particuliers ou, par leurs vases communicants,
procéder à des ventes additionnelles.
Je crois que cette information-là a été
donnée comme exemple. Mon information, chez nous, a été
donnée a ma firme de courtage et c'est confidentiel, mais, la minute que
c'est sorti de chez nous pour aller à l'institution financière,
c'est public. C'est là qu'on veut que ça cesse. Ça ne peut
pas continuer de cette façon-là.
M. Cannon: Je pense que c'est un exemple qui est bien
considéré. Écoutez, depuis maintenant quelques semaines,
j'entends beaucoup de personnes de l'entreprise privée, notamment des
assureurs ou des banquiers ou, bref, des gens qui militent dans ce
secteur-là, me dire qu'ils ont des codes de déontologie, qu'ils
ont également un fort penchant à l'égard de
l'autoréglementation, qu'ils ont un comportement au-delà de tout,
je ne dirais pas soupçon, mais au-delà de tout doute quant
à leur engagement de respecter les renseignements personnels qui leur
sont transmis. Ce matin vous me dites: écoutez, c'est bien possible
qu'ils vous aient dit ça, M. le ministre, mais dans le fond des choses
lorsqu'il s'agit d'une possibilité de vendre une police d'assurance
additionnelle ou de faire un petit peu plus d'argent pour l'entreprise, youp!
tout à coup, le code de déontologie, le comportement
autoréglementaire, il prend le bord. Est-ce que ma lecture des choses
c'est bel et bien cela?
M. Groubc: M. le ministre, votre lecture est exacte; elle ne peut
pas être plus juste au moment où on se parle. Nous pensons que
l'autorégiementation n'est pas suffisante. Les tentations seront trop
grandes et la commer-
cialisation de tout ça également va être
définitivement trop grande et l'enjeu financier est immense. Ce sont des
conglomérats très puissants. De quelle façon le
consommateur sera-t-il en mesure de se défendre face à tout
ça? C'est incroyable!
M. Cannon: Merci.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre.
Maintenant au tour du député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: M. Groulx, M. Grégoire, M. Lachance, d'abord,
je veux vous remercier de votre mémoire. Dans le fond, je trouve que
vous rejoignez nos interlocuteurs d'avant du Mouvement Desjardins qui disaient:
S'il y a des règles, on veut qu'elles s'appliquent à tout le
monde, sinon, on nous fait une concurrence indue. Eux donnaient,
évidemment, l'exemple des banques à charte qui dépendent
du gouvernement fédéral.
Je pense que dans votre cas la logique est la même et, d'une
certaine façon, il y a quelque chose qui est insupportable dans le fait
de dire que les professionnels qui gardent la porte d'entrée au
système d'assurance sont assujettis à des règles de
confidentialité, mais sont obligés, bien sûr, parce qu'ils
servent d'intermédiaires, de transmettre les renseignements qu'ils
détiennent à d'autres entreprises qui, elles, ne sont assujetties
à aucune règle. Quand vous dites que ce qui va se
développer c'est le commerce des renseignements, le
décloisonnement fait qu'un conglomérat qui détient
plusieurs types de renseignements pour plusieurs types de profits a
naturellement tendance à essayer d'en tirer un avantage commercial parce
qu'il ne peut pas ignorer ce qu'il sait. Il le sait, puis il s'en sert pour
cibler.
Maintenant au plan des solutions, vous dites d'étendre aux autres
la loi qui vous régit. Personnellement, je pense que c'est l'obligation
qui devrait être imposée à d'autres, je ne sais pas comment
au plan législatif, sauf que vous avez raison de dire que ça n'a
pas de sens d'avoir des partenaires concurrents, si je peux les appeler comme
ça, qui peuvent utiliser des moyens que votre loi constitutive vous
empêche d'utiliser.
À cet égard-là, moi, je suis entièrement
d'accord avec ce que vous dites, et on revient toujours à la notion que
la personne devrait autoriser la transmission d'un renseignement la concernant
à une autre. D'une certaine façon, je pense qu'on dévie un
peu le débat, du côté des institutions financières,
entre autres, quand on dit: N'ayez crainte, on ne donne pas les renseignements
qu'on détient à n'importe qui. J'ai tendance à les croire.
Mais, quand elles les utilisent elles-mêmes, les institutions, les
renseignements, c'est bien sûr qu'elles vont en être jalouses,
parce que, si c'est un avantage concur- rentiel, pourquoi donneraient-elles
à la concurrence un renseignement qui peut leur être utile, dans
le fond?
Dans le fond, je pense qu'une loi de portée
générale devrait avoir pour effet - et ça, ça vous
touche, mais ça touche aussi les institutions financières - qu'un
consommateur qui fournit des renseignements pour une fin ne s'abonne pas
à de la sollicitation pour telle et telle chose. Je le donne
peut-être trop souvent. Mais moi, si je m'abonne à un magazine,
c'est pour recevoir le magazine. Je sais qu'il y a des annonces dans le
magazine, mais ce n'est pas pour recevoir deux livres par semaine de
sollicitation pour toutes sortes d'autres produits et, d'une certaine
manière, il y a la notion de contrat qui est comme faussée. Le
contrat, moi, c'est que je paie tant et je reçois un service x. Mais,
là, je suis sollicité pour toutes sortes d'autres services. (11
heures)
Je comprends parfaitement votre inquiétude parce que, comme vous
servez d'intermédiaire, l'absence de législation à
l'endroit des institutions financières les ouvre à la tentation
de vous faire disparaître aussi comme intermédiaire. Ce que je
veux dire c'est qu'elles disent: On a l'information qu'il faut,
l'intermédiaire nous l'a fournie et comme ce n'est pas
réglementé, bien, dorénavant, l'information que
l'intermédiaire nous a transmise, on l'utilise pour l'éliminer du
décor. On a le nom, on a la personne, on a le produit, donc on va lui
vendre directement en éliminant l'intermédiaire.
Là-dessus, je n'ai pas vraiment de questions à vous poser
parce que je suis en accord dans le sens qu'il y a là une disproportion
entre les restrictions que vous avez et que c'est tout à fait ouvert
pour d'autres joueurs qui sont importants dans votre secteur.
M. Groulx: Me permettez-vous un commentaire additionnel...
Le Président (M. Dauphin): Oui, allez-y.
M. Grouix: ...toujours dans le même sens que vous, pour
confirmer que vous visez juste, M. le député? Lorsqu'on regarde
les réseaux de courtiers d'assurances au Québec, que nous sommes
représentés dans toutes les régions de la province de
Québec, nous avons quand même 80 % des produits d'assurances IARD,
donc automobile, résidentiel, commercial et professionnel, qui se
transigent par le réseau des courtiers d'assurances depuis fort
longtemps, ce qui confirme que le consommateur se sent très à
l'aise dans ce domaine, dans ce secteur particulier, chez les courtiers
d'assurances puisque nous avons cette loi qui nous légifère
depuis très longtemps. Il se sent très en sécurité
de transiger avec les courtiers d'assurances, étant donné qu'ils
ont une association vouée à la protection du public, donc,
eux-mêmes. Alors, c'est tout à
fait naturel pour eux de privilégier ce genre de conseils
professionnels par le biais d'un réseau de courtage au
Québec.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. Groulx. M. le
ministre?
M. Cannon: Oui. Merci, M. le Président. Vous avez
indiqué que la loi 134, Loi sur les intermédiaires de
marché, impose aux courtiers d'assurances un code de déontologie
et des dispositions qui régissent expressément la
détention de renseignements privés sur la personne. Donc,
ça régit le comportement de votre industrie, qui s'applique
directement à vous. Je vous ai posé comme première
question tout à l'heure... Je vous ai demandé: Les règles
de protection des renseignements personnels édictés par la loi
134 ont-elles occasionné des frais importants aux courtiers?
Là-dessus, vous m'avez dit que c'était peut-être
prématuré pour l'instant d'évaluer ça. Toujours
avec la loi 134, puisqu'il y a un effet qui touche votre industrie, moi, ma
préoccupation, c'est: Est-ce que la loi 134 protège le
consommateur?
M. Groulx: M. le ministre, je vous dis oui. Également, si
on regarde le mémoire à la page 7, nous confirmons, et, si vous
permettez, je vais citer: "Le paragraphe 8 de l'article 60 du règlement
de l'Association des courtiers de la province de Québec, partie
intégrante de la Loi sur les intermédiaires de marché,
stipule qu'un membre doit s'abstenir de faire usage de renseignements
personnels ou confidentiels au préjudice d'un client ou en vue
d'obtenir, directement ou indirectement, un avantage pour lui-même ou
pour autrui. Le paragraphe 9 du même article précise qu'un membre
doit garder secret ce qui lui est confié dans l'exercice de ses
activités, sauf du consentement écrit du client et de toute autre
personne qui y a un intérêt." Donc, dans notre esprit, c'est
clair, M. le ministre, le consommateur est très bien
protégé par les articles de nos règlements.
M. Cannon: Et, si jamais il ne l'est pas, c'est quoi son
recours?
M. Groulx: À ce moment-là, je demanderais à
mon président de conseil de vous donner plus d'informations techniques
là-dessus.
Le Président (M. Dauphin): M. Lachance?
M. Lachance: Merci, M. le Président. Effectivement,
advenant le cas où il y avait un abus ou une erreur qui se commettait,
le recours, c'est qu'il existe, en vertu de notre loi, un comité de
surveillance ainsi qu'un comité de discipline. Si un consommateur ou un
courtier ou quelqu'un se plaint à l'égard de quelque chose qui
est survenu, le comité de surveillance va s'y pencher. S'il juge qu'il y
a matière à discipline, le comité de discipline va
rencontrer les parties impliquées, etc., et après ça, si
la personne est reconnue coupable, il y a des sanctions qui vont de
réprimande à amende, suspension et expulsion. Le cabinet est
également visé, puisqu'il est membre de l'Association, et le
cabinet est visé par la loi. Alors, ce n'est pas juste le courtier,
c'est le cabinet de courtage également qui est visé.
M. Cannon: Est-ce que vous avez eu, par ie passé,
l'occasion de vous servir de ce comité-là? Est-ce qu'il y a des
cas que vous pouvez nous transmettre ce matin?
M. Groulx: M. le Président, si vous me permettez, je peux
vous confirmer que le comité de discipline, de déontologie,
siège sur une base régulière, chaque mois, et il a
plusieurs causes devant lui. Je n'aimerais pas qu'on parie de cas
spécifiques, si vous me permettez, puisqu'on parie d'individus et,
justement, d'informations personnelles de la vie des gens.
Maintenant, il n'en demeure pas moins qu'il y a beaucoup de situations
qui nous sont rapportées par la clientèle, le consommateur, et sa
façon de s'exprimer est par la voix de la l'Association des courtiers.
Nous recueillons l'information du public lorsqu'il se sent lésé.
Nous en faisons l'analyse et nous avons ce comité de discipline qui est,
d'ailleurs, maintenant dirigé, présidé par un avocat de
plus de 10 ans de pratique et entouré de nos pairs qui complètent
le comité de discipline. Je peux vous dire avec expérience que
depuis que je milite à l'Association des courtiers il y a eu, chaque
année, des centaines et des centaines de causes où des courtiers
d'assurances ont été réprimandés, suspendus, ont eu
des amendes et même, dans certains cas, on a enlevé
complètement le droit de pratique. Alors, nous avons fait notre
rôle assez bien, très bien même, à tel point que le
gouvernement a reconfirmé notre mandat dans la loi 134 effective depuis
le 1 er septembre.
M. Cannon: Ne trouvez-vous pas ça anormal qu'il y ait
autant de cas, comme vous le dites? Moi, j'étais sous l'impression que
peut-être il y avait très peu de cas, que c'était
exceptionnel. Vous m'indiquez aujourd'hui que, mensuellement, votre
comité de discipline siège, que c'est plusieurs, voire des
centaines de cas qui, annuellement, sont présentés devant le
comité de discipline. Je comprends aussi que pour des raisons de
protection de la vie privée... Je ne veux pas que vous me relatiez le
nominatif des individus qui sont en cause, mais êtes-vous capable de me
dire, de façon générale, les plaintes qui sont
déposées ou qui sont entendues par votre comité traitent
particulièrement de quels sujets à l'intérieur de votre
industrie?
M. Groulx: M. le ministre, j'aimerais quand même situer des
choses dans le temps pour vous dire que le comité de discipline de
l'Association des courtiers a été paralysé parce que,
légalement, il y avait quelques problèmes. Je ne suis pas avocat.
Je ne veux pas me lancer dans ce débat-là. Mais ça a
été paralysé pendant au moins une année. Alors, on
a eu des causes de retardées et c'est pour ça que, depuis
dernièrement, je vous parle d'une centaine de causes qui ont
été entendues. Je ne dis pas non plus que chacune des causes
apportées par le consommateur était justifiée. Il y a ce
côté-là, mais, par contre, au moins l'organisme existe pour
écouter la plainte du consommateur. Donc, il a justice devant ce
comité de discipline.
Des causes qui reviennent souvent sont, d'après nos
communiqués, également, que nous faisons
régulièrement à nos membres dans le but d'améliorer
leur pratique, le fait que les crédits, comme exemple, sont
retardés à l'émission lorsque le client annule une
protection, souvent à cause de paperasse allongée entre
l'institution financière et le courtier. Il y a des délais que le
consommateur trouve trop longs pour récupérer son argent. Alors,
ce sont des plaintes de ce genre qui se produisent ou bien ça peut
être des erreurs administratives à l'intérieur des dossiers
que nous manipulons, où il y a eu un oubli qui est tout à fait
humain qui peut se produire, et il y a eu peut-être une
réclamation à ce moment-là. Alors, ce sont des causes qui
peuvent revenir à l'occasion, mais il faut s'entendre, nous avons quand
même 5600 membres qui regroupent 80 % des 3 300 000 000 $ de primes
d'assurances écrites au Québec.
M. Cannon: Avant qu'un consommateur ou un assuré chez vous
soit inscrit ou dont la cause peut potentiellement être entendue devant
ce comité-là, quel est le délai? Quel est le temps qui
court entre le moment où, effectivement, il a dit à son courtier:
Écoutez, vous me devez, en fonction de telle réclamation -
prenons hypothé-tiquement 1000 $ - et ça fait huit mois que
j'attends après le paiement... Qu'est-ce que je peux faire pour avoir
gain de cause? Je ne veux pas aller devant les tribunaux. Le courtier dit:
Effectivement, vous pouvez aller devant le comité de discipline. Alors,
la personne se rend devant le comité de discipline.
Je ne voudrais pas que le comité de discipline soit le lieu de
dernier recours pour que la personne puisse aller chercher les montants
d'argent qui, normalement, lui sont dus et que, compte tenu d'un contexte
peut-être un petit peu plus difficile que d'autres, on décide
d'attendre que le comité de discipline soit le dernier lieu où la
personne peut aller chercher son argent. Est-ce que je me trompe ou est-ce que
c'est... Je suis frappé un peu par le nombre et la fréquence de
demandes qui sont adressées. Je peux comprendre que, l'an passé,
il y a eu un "backlog", mais, quand même, vous me décrivez
ça comme étant une pratique qui est assez courante.
M. Groulx: M. le ministre, ça dépend. Je vais
demander à mon président de conseil de compléter ma
réponse, si vous me permettez. Ici, je vous ai parlé d'une
centaine. Maintenant, ça peut être 50, ça peut être
75. J'ai, dans la salle, présent, mon directeur général
qui sera en mesure de me donner plus de précisions sur le nombre exact,
si vous voulez ce nombre exact, sauf qu'il faut quand même mettre ce
chiffre-là dans des contextes de transactions. Même si on parle de
100, comparativement à un nombre de transactions journalier dans
l'ensemble de tous les cabinets de courtage, c'est comme inexistant lorsque
l'on compare au nombre de transactions que nous faisons. Mais je demanderais
quand même à mon président de conseil, vous permettez, de
compléter.
Le Président (M. Dauphin): M. Lachance.
M. Lachance: M. le Président, M. le ministre,
peut-être quelques précisions. On s'attache ici
particulièrement à l'aspect retour de primes ou argent ou
crédit, etc. Moi, j'aimerais vous rassurer à cet
égard-là que c'est un très très très petit
pourcentage. Ça fait sept ans que je siège à
l'Association. Je peux vous confirmer ça. M. Groulx vous a
mentionné tantôt un "backlog". C'est effectivement vrai. Notre
bureau de discipline a été paralysé pendant plus d'un an,
à cause d'un jugement rendu par une cour du Québec et,
effectivement, il y a eu un "backlog". Je peux vous rassurer aussi qu'il y a
habituellement une quinzaine de raisons différentes pour lesquelles un
comité de surveillance enverrait un cas au bureau de discipline.
Ça peut être un cas de publicité, ça peut
être, j'ai noté ici, les primes de tantôt, ça peut
être les garanties qui sont mal comprises, etc. Il y a une foule de
raisons. Il faut comprendre qu'avant même que ça arrive à
un bureau de discipline il y a une personne qui enquête à
l'Association.
Vous avez demandé tantôt les délais. Moi, je vous
confirme que les délais sont très courts. Normalement, trois
mois, c'est réglé. J'exclus ici le cas d'une faillite ou chose
semblable, qui pourrait peut-être être relativement plus grave.
Mais les cas que je vous ai mentionnés tantôt, normalement,
lorsque ça arrive au bureau du comité de surveillance, et le
syndic le regarde, normalement après échange entre le courtier et
le client, il y a bien des éléments qui se règlent de
cette façon-là. Ceux qui sont jugés pertinents vont au
comité de surveillance. Le comité de surveillance analyse et fait
une recommandation au bureau de discipline pour que les parties soient
entendues. Normalement, on vous parle généralement... À
part les cas extrêmes, comme je le mentionnais tantôt, une faillite
qu'il pourrait y avoir à l'occasion, on parle d'environ
trois mois.
M. Cannon: Vous avez parlé que sur ce tribunal-là
ou, enfin, ce comité, je m'excuse, il y a un avocat d'une
réputation d'une dizaine d'années qui se spécialise et qui
dirige les travaux du comité. Les autres membres du comité sont
des courtiers, je présume?
M. Lachance: Oui, M.le ministre, ce sont des courtiers.
Il y a trois personnes qui siègent. Il y a l'avocat qui est le
président et effectivement deux courtiers, qui sont là à
titre de conseil.
M. Cannon: II n'y a pas de représentant de consommateurs
ou, enfin, d'usagers chez vous?
M. Lachance: Non. Pas à l'heure actuelle. Non.
M. Cannon:. Dites-moi, sur le nombre de cas qui sont soumis
à ce comité-là annuellement, le consommateur a gain de
cause dans quel pourcentage?
M. Lachance: Je ne saurais pas vous répondre, M. le
ministre, là-dessus. Il faudrait faire une vérification puis vous
transmettre cette information-là mais, comme ça, je ne suis pas
en mesure.
M. Cannon: Peut-être le directeur général que
je vois là, derrière?
M. Groulx: Si vous voulez, on demanderait au directeur
général...
M. Cannon: Alors, le directeur général s'engage
à nous transmettre des renseignements.
M. Lebrun (Mario): Oui, si vous le permettez, ça va me
faire plaisir de vous les transmettre, M. le ministre.
M. Cannon: C'est bien.
Le Président (M. Dauphin): D'ici à demain
matin.
M. Cannon: On peut se fier au directeur général, on
le connaît.
Une voix: Oui, oui. C'est ça.
M. Lachance: D'ailleurs, j'aimerais peut-être, si vous le
permettez, M. le ministre, apporter une précision. Nos rapports
annuels... On doit faire rapport à nos membres annuellement. On publie
annuellement... Le comité de discipline doit grosso modo, sans parier
des parties impliquées, donner le nombre de causes qui sont
passées devant le bureau de discipline et donner une idée de la
nature des causes. Alors, ce sont des informations qui sont publiées
annuellement dans notre rapport annuel au mois de mai.
J'aimerais aussi ajouter, M. le ministre, que lorsqu'une personne, un
courtier ou un cabinet est trouvé coupable, cette information-là
est transmise publiquement pour que le gens soient informés pour la
protection du public. Alors, nous avons un véhicule qui transmet cette
information-là.
M. Cannon: D'accord. Merci.
Le Président (M. Dauphin): Alors, s'il n'y a pas d'autre
demande d'intervention, je n'ai qu'à remercier, au nom des membres de la
commission des institutions, l'Association des courtiers d'assurances de la
province de Québec pour avoir bien voulu témoigner à notre
commission. Merci et bon retour.
Des voix: Merci beaucoup.
Le Président (M. Dauphin): Nous allons suspendre quelques
minutes pour permettre à l'autre groupe de prendre place à la
table des invités.
(Suspension de la séance à 11 h 16)
(Reprise à 11 h 23)
Le Président (M. Dauphin): Nous allons reprendre nos
travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons cette fois-ci l'Association
canadienne du marketing direct, chapitre de Montréal,
représenté au centre, je crois, par Mme Barbara Winters-Robins,
qui est conseillère juridique. Alors, Mme Robins, si vous voulez
présenter les personnes qui vous accompagnent et, ensuite de ça,
procéder à votre exposé.
Association canadienne du marketing direct, chapitre
de Montréal
Mme Winters-Robins (Barbara): Oui, Merci. M. le Président,
M. le ministre, membres de cette honorable commission, je vous présente
à ma gauche M. Paul Poulin, qui est le président de
l'Association, chapitre de Montréal, et aussi président de la
compagnie CICOMA, cabinet expert en marketing direct. À ma droite, je
présente M. Bernard Poirier, aussi membre de l'Association, et
vice-président et directeur du marketing de la compagnie
Sélection du Reader's Digest Itée.
Le Président (M. Dauphin): Bienvenue.
Mme Winters-Robins: Merci beaucoup. Tel que souligné dans
notre mémoire, l'Association du
marketing direct saisit cette occasion d'applaudir tous les efforts
raisonnables déployés par le gouvernement du Québec pour
protéger la vie privée de ses citoyens. Qu'il existe des
problèmes graves dans certains secteurs, personne ne le nie. Cependant,
il faut éviter l'adoption de lois générales qui mettraient
les cas graves et les pratiques commerciales et bénignes dans le
même sac. Nous sommes persuadés qu'une analyse réaliste et
factuelle, telle qu'elle va être présentée par M. Poulin et
M. Poirier, aura pour effet de dissiper les incompréhensions et
malentendus qui pourraient exister à l'égard des activités
de ceux qui oeuvrent dans le domaine du marketing direct, de sorte qu'il faut
conclure que le marketing direct n'est pas l'ennemi du droit de la vie
privée.
M. Poulin (Paul) Distingués membres de la commission, le
chapitre de Montréal de l'Association canadienne du marketing direct
représente 160 compagnies québécoises, représentant
des maisons d'édition, des entreprises du secteur de l'alimentation, des
transports, pharmaceutiques et autres. Nous estimons que ces entreprises
constituent approximativement 50 % des entreprises et organismes
québécois qui génèrent une partie plus ou moins
importante de leurs revenus par le marketing direct.
Une recherche, commanditée par notre association et
effectuée en juin 1991 par une étudiante des HEC dans le cadre de
sa thèse de maîtrise en administration, révèle les
points suivants. Les utilisateurs de techniques de marketing direct se
retrouvent dans tous les secteurs de l'activité économique
québécoise: 29,9 % des répondants appartiennent au secteur
manufacturier; 29,9 %, au secteur de la distribution; 19,7 %, au secteur du
détail; 11,8, dans le domaine financier; 6,3 %, dans les services
professionnels; 3,1 %, dans le transport; 10,2 %, dans les loisirs; et 9,5 %
dans les autres secteurs.
Le secteur "autres" comprend, par exemple, les organismes de
charité, les sociétés sans but lucratif voués
à la santé, à l'éducation, à
l'écologie, aux oeuvres sociales, aux arts et à la culture. Une
liste partielle constituée en partie des membres de notre association et
de données publiques compte 45 organismes québécois
reconnus utilisateurs de marketing direct et voués à la
santé et au bien-être qui dépendent de cette forme de
commercialisation pour générer quelque 75 000 000 $ lors de leurs
campagnes de levée de fonds nécessaires à assurer leur
existence.
L'Université du Québec à Montréal,
l'Université de Montréal, l'École des hautes études
commerciales, l'Université McGill, pour ne nommer que celles-ci, ont
toutes une fondation qui dépend du marketing direct pour
générer une partie importante de leurs revenus. Les fondations et
sociétés vouées à la culture et aux arts ont aussi
recours au marketing direct pour lever les fonds qui leur servent à
combler les déficits inévitables. Pensons, par exemple, à
l'Orchestre symphonique de Montréal, les Grands Ballets canadiens, les
Amis du musée et combien d'autres.
Tous les partis politiques oeuvrant tant à l'échelle
provinciale qu'à l'échelle fédérale utilisent le
marketing direct pour fidéliser et renouveler leurs membres. Et que dire
de leurs campagnes de levée de fonds. De nombreux organismes
voués à la défense des droits ou préoccupations des
consommateurs, telles la Fondation québécoise en environnement,
la Fondation canadienne de la faune, la Fondation Greenpeace et autres,
dépendent eux aussi du marketing direct pour accomplir leur mission.
Le succès des campagnes de levée de fonds est directement
lié à la capacité de ces organismes de rejoindre les
individus qui peuvent s'identifier à leur cause. Ils dépendent
donc de la disponibilité de listes ciblées pour assurer un ratio
coût-revenu acceptable. En ce sens, les organismes sans but lucratif sont
similaires aux entreprises du secteur privé, aux ministères et
aux organismes publics qui, pour vendre leurs produits ou leurs services,
doivent découvrir une niche dans un marché fortement
concurrentiel.
L'ère du marketing de masse est d'ores et déjà
passée. Aujourd'hui toutes les actions en marketing doivent être
dirigées vers des clientèles cibles qui présentent la plus
grande affinité avec l'offre. La compétition, l'individualisation
des consommateurs et l'accroissement des coûts de mise en marché
nous ont forcé à entrer rapidement dans l'ère du marketing
de niche, donc de cibler les segments de marché, ce qui ne pourrait se
faire sans les bases de données marketing. C'est pourquoi l'Association
canadienne du marketing direct est très inquiète de la teneur de
la recommandation 4.1 ou le principe général du consentement. Le
consentement spécifique donné ou confirmé par écrit
est impraticable et engendrerait des coûts que l'industrie devrait
repasser au consommateur.
Prenons le cas hypothétique d'une firme dont la liste est
composée de 50 000 clients. Pour obtenir leur consentement écrit
et les maintenir sur des fichiers de clients, la firme devrait engager quelque
25 500 $ pour sa première tentative d'obtenir un consentement
écrit, soit 0,51 $ par envoi. Puisque le consommateur n'aura que peu
d'empressement à répondre, nous avons évalué
à 1 % le taux de réponses anticipées. Donc, 500
réponses seront obtenues pour un coût supplémentaire de 420
$, représentant 0,84 $ de frais de poste préaffranchis. Le
coût direct engagé pour obtenir le consentement d'un individu
serait alors de 51,84 $, si on inclut, bien entendu, la TPS et la TVQ.
À raison d'un taux de réponses constant de 1 % par envoi,
toute entreprise ou tout organisme de charité possédant un petit
fichier de
50 000 noms devrait investir la somme de 1 309 480 $ pour obtenir le
consentement écrit de 25 750 de ces membres ou individus. C'est un
coût que peu d'entreprises ou organismes seraient en mesure de supporter,
compte tenu que 66, 9 % des entreprises du Québec impliquées en
marketing direct sont des PME. Même si elles pouvaient passer au
consommateur la totalité des coûts reliés aux
recommandations 3. 3. 1b), 3. 3. 4f), 4. 1a), 4. 3. 1a), elles deviendraient
non compétitrices au chapitre des prix face aux entreprises des autres
provinces et des États-Unis. De plus, la difficulté d'obtenir des
listes appropriées pour un ciblage adéquat aurait pour effet de
réduire de façon significative le rendement des actions en
marketing, d'augmenter substantiellement les coûts, d'augmenter de
façon importante le nombre de publipostages et de
téléphones non pertinents. Bref, le consentement exprès
pour la collecte, la divulgation, le traitement, le transfert et l'usage des
données est une mesure qui placerait toutes les entreprises du
Québec dans un état d'infériorité concurrentielle
face aux entreprises hors Québec.
J'insiste ici pour inclure toutes les entreprises du Québec du
fait qu'elles doivent toutes cibler leur clientèle pour survivre et
prospérer dans un marché de niche marketing. 1 % de taux de
réponse peut sembler faible à certains d'entre vous. Il n'en est
rien. En effet, 17 municipalités du Québec ont adopté un
règlement interdisant la livraison de circulaires aux portes et aux
bottes aux lettres munies d'un pictogramme. Or, pour l'ensemble de ces
municipalités regroupant un total de 611 925 foyers et 1 449 930
Québécois, seulement 6251 portes étaient munies d'un
pictogramme au 11 novembre 1991, ce qui représente un taux d'utilisation
de 1, 02 %.
Il faut de plus souligner que la préoccupation des consommateurs
pour que leur perron de porte ne soit pas pollué par un amoncellement de
papiers est probablement plus grande que pour ce qui leur est adressé
personnellement, et ils ont raison. En 1990, 13 000 000 000 de pièces
publicitaires non adressées ont été livrées au
domicile des Canadiens contre 1 300 000 000 de pièces ou publipostages
adressés. Si on accorde au Québec sa juste part, soit 26, 5 %, on
constate que les Québécois ont reçu, la même
année, 3 400 000 000 de pièces non adressées, soit 1462
pièces par foyer en moyenne ou 28 pièces en moyenne par semaine
contre 2, 8 publipostages adressés en moyenne par semaine ou 146 par
année.
L'Association canadienne de marketing direct ne peut être en
accord avec la recommandation 7. 2, qui a trait à l'obligation, pour les
intermédiaires, de détenir un permis. Nous considérons
qu'une telle obligation est une ingérence malvenue qui limitera le
nombre de listes en circulation et, par conséquent, limitera les
possibiltés de ciblage, seul moyen de réduire la pollution dans
les bottes aux lettres et dans vos appareils téléphoniques.
Le Président (M. Dauphin): M. Poirier.
M. Poirier (Bernard): La société que je
représente, Sélection du Reader's Digest (Canada) Itée,
comme vous le savez, est très active dans le marketing direct et, plus
précisément, dans le publipostage. Sélection du Reader's
Digest a, au Canada et au Québec, les tirages des magazines les plus
importants. En fait, le Reader's Digest de langue anglaise est
tiré à 1 300 000 exemplaires; quant à celui de langue
française, il a un tirage d'au-delà de 315 000. En plus
d'être une maison d'édition de magazines, nous sommes aussi une
maison d'édition de livres et de musique enregistrée de
très grande envergure. Je dois vous assurer, vous, membres de cette
commission, qu'il n'y a aucun renseignement intime utilisé dans le
cheminement de nos mailings. En fait, les seules données que nous
détenons sont obtenues à même l'historique de promotion et
d'achat de nos clients, naturellement, en plus du nom et de l'adresse de ces
personnes.
C'est à même cet historique d'achat et de promotion et
à des facteurs impersonnels tels que des données de recensement
que nous pouvons effectuer nos ciblages, c'est-à-dire établir une
présomption des goûts et des affinités. Sélection du
Reader's Digest est très connue, au Québec et au Canada, comme
étant un leader dans le domaine du marketing direct. Nous avons, par
exemple, vendu, depuis deux ans, plus de 150 000 exemplaires, anglais et
français, du "Guide des médicaments", et ceci sans aucune
information médicale sur qui que ce soit. Le "Guide du bricolage", qui
est un manuel bien connu au Canada, a dépassé les 500 000
exemplaires. Encore là, nous avons accompli cet exploit sans aucune
information sur les bricoleurs dans le pays.
Sélection du Reader's Digest est une société
engagée dans des produits culturels. Notre bureau-chef, qui est à
Montréal, a au-delà de 500 employés au Québec. Nous
contribuons aussi directement à l'emploi de plus de 2000 pesonnes
à Montréal et dans la banlieue, chez nos fournisseurs. Cette
proposition législative, telle que nous l'interprétons, nous
placerait dans une position concurrentielle très défavorable
vis-à-vis des maisons d'édition américaines et canadiennes
hors Québec, qui n'auraient pas la même législation
restrictive que vous êtes en train d'étudier. Je vous demande de
ne pas mettre en péril l'existence même de notre
société et sa contribution économique et culturelle
à Montréal et au Québec.
Par exemple, demander la permission à nos clients, qui sont
abonnés au magazine, de leur envoyer un mailing sur un livre tel que "La
cuisine au micro-ondes" nous occasionnerait des frais exorbitants. Il faudrait,
en fait, effectuer plus de deux mailings pour chaque mailing.
À tous les membres de cette commission, je demande
d'étudier la possibilité d'exclure, dans vos
réglementations, les entreprises commerciales telles que la nôtre
qui utilisent le marketing direct et laisser continuer l'économie de
marché libre pour nous permettre de concurrencer, en Amérique du
Nord, les sociétés qui n'auraient pas à faire de frais
semblables pour continuer à exister. Nous adhérons
entièrement au code de déontologie de l'ACMD ainsi qu'à
son opération Intégrité, qui consiste à offrir un
service de retrait pour les noms de gens désireux de ne pas recevoir de
publipostages et de télémarketing. Nous croyons que cela devrait
être suffisant. Merci.
Le Président (M. Dauphin): Alors, merci... Excusez-moi.
Vous voulez ajouter quelque chose.
Mme Winters-Robins: Oui monsieur. Merci. Alors, selon ces
explications, nous sommes convaincus que le marketing direct n'est pas l'ennemi
du droit de la vie privée. En premier, rappelons les types ou
catégories de renseignements qui s'intéressent à ceux dans
le domaine. S'agit-il des renseignements sensibles tels que définis par
le législateur français ou par le Conseil d'Europe: l'origine
raciale, les optiques politiques, les convictions religieuses, les
données relatives à la santé ou à la vie sexuelle
des personnes? Pas du tout, non, au contraire, il s'agit surtout des noms et
des adresses des personnes, les renseignements que la Commission
d'accès, à la page 5 de son mémoire, a qualifiés de
"banalités déconcertantes". Ensuite, il s'agit surtout des
renseignements qui ne permettent pas d'identifier ou de caractériser une
personne dans ce qu'il y a de plus intime, mais plutôt d'établir
des affinités ou des goûts. Le fait de savoir que Mme Unetelle est
atteinte d'une grave maladie et le fait de savoir que cette dame
préfère peut-être lire des romans plutôt que les
disques ne sont pas du tout les mêmes en ce qui concerne le degré
de leur intimité. Encore là, très souvent les
renseignements ne sont même pas individualisés à ce point,
mais s'appliquent plutôt à des groupes de personnes.
Ensuite, rappelons le but pour lequel ceux dans le domaine du marketing
direct font la collecte des données. L'information est utilisée
uniquement afin de réaliser des profils des acheteurs types pour leur
offrir des produits et des services souvent désirés mais jamais
obligatoires. Pour étirer l'exemple dans notre mémoire, pourquoi
offrir une publicité pour une tondeuse à gazon à une
personne qui habite au sixième étage d'un immeuble? Ce qui
importe de garder à l'esprit est le fait que les renseignements ne
visent pas à singulariser à des fins de coercition, de punition
ou de privation. On n'est pas dans le domaine de priver des personnes des
emplois ou d'aide, quoi que ce soit. Il n'y a pas de consé- quences
légales à nos gestes. Le marketing direct est un domaine qui ne
s'intéresse pas à l'identité personnelle, mais
plutôt à l'identité collective.
Bref, nous sommes d'avis et nous soumettons respectueusement que les
pratiques des entreprises dans ce domaine ne sont pas une atteinte à la
vie privée. D'ailleurs, les diktats des tribunaux confirment ce point.
Dans l'affaire Lamont contre Commissioner of Motor Vehicles, nous lisons, sous
la plume d'un juge américain: "Quelque désagréable que la
publicité qu'elle contient puisse sembler aux juges et à d'autres
personnes, une boîte aux lettres n'est pas une enclave que la
Constitution doit défendre pour protéger la vie privée."
Cependant, si après toutes les discussions et débats, cette
honorable commission recommande l'adoption d'une loi-cadre, il faut, au moins
en ce qui concerne l'entreprise du marketing direct, éviter toute
exigence de confirmation de consentement pour les raisons d'ordre
économique et pratique telles qu'exposées par mes deux
collègues, et aussi pour des raisons d'ordre juridique et philosophique.
Il faut reconnaître les autres droits, tels que la liberté
commerciale d'expression ainsi que le droit à l'information. D'exiger
une telle confirmation, avant d'être capable, par exemple, d'envoyer du
courrier publicitaire à des gens, rend ces droits illusoires. De toute
façon, il existe d'autres solutions juridiques: le "opt out" ou le
fameux retrait des noms. Le "opt out" est la solution favorisée par les
Américains, tel que souligné par le Ambassador Bladley Holmes
lors d'un discours à Genève, le 9 octobre de cette
année.
De plus, nous sommes d'avis qu'à la fin des débats qui se
passent, à l'heure actuelle, en Europe, la position en ce qui concerne
le marketing direct sera aussi le "opt out". En effet, le président du
European Parliament Committee sur les études légales, M. Honn, a
dit que sa position était pour le "opt out" plutôt que le
consentement positif ou la confirmation. On ne peut éviter d'examiner ce
qui se passe autour de nous; l'exigence de la confirmation positive ou le
consentement n'existe dans aucun pays, à l'heure actuelle, qui a une loi
sur la protection de la vie privée. D'exiger un consentement dans des
cas individuels, tels que le dévoilement d'un dossier médical ou
des renseignements de nature financière, est une chose. De l'exiger pour
les listes des 50 000 ou 60 000 personnes qui ne sont que des clients
potentiels est tout autre.
Il faut ici envisager la loi avec une exemption qui s'applique à
toutes les entreprises qui oeuvrent dans le domaine du marketing direct. Et
pourquoi pas envisager même une exemption pour les industries
culturelles: les livres, les disques, les vidéos, etc.? Il est de
connaissance notoire que nos industries culturelles, ici au Québec et
à travers le Canada, sont fragiles, réalité
reflétée d'ailleurs dans diverses politiques
et lois. Prenez, par exemple, le célèbre contenu canadien
de la politique du CRTC ainsi que la section 19 de la loi d'impôt qui ne
permettent que les déductions de la publicité, les
dépenses en ce qui concerne les périodiques et revues dits
canadiens. Plusieurs de nos revues québécoises telles que
Châtelaine, Coup de pouce, le magazine Les affaires,
Sélection sont vendues et survivent sur la vente par le marketing
direct; il n'est pas logique de les protéger par certaines mesures et de
les menacer avec les autres.
Finalement, en ce qui concerne les autres usages, il faut être
vigilants afin que la loi ne soit pas restrictive. Où est
l'intérêt d'empêcher une compagnie de faire ce qu'on appelle
la vente croisée ou le "cross saling", d'offrir d'autres produits
à leur clients?
En guise de conclusion, soulignons que toutes les préoccupations
de cette association n'ont pas pour effet de rendre illusoire notre respect
pour les principes de l'OCDE. Au contraire, ce sont ces mêmes principes
qui reconnaissent la possibilité et la nécessité de
souplesse, et la protection de la vie privée peut être
réalisée par diverses mesures. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup à vous
trois pour vos exposés. Nous alons maintenant débuter la
période d'échanges en reconnaissant M. le ministre. (11 h 45)
M. Cannon: Merci, M. le Président. Mme Winters-Robins,
merci d'être là; M. Poulin, M. Poirier, merci de votre
témoignage. Je pense que c'est la première opportunité que
nous avons, comme membres de la commission, de rencontrer quelqu'un ou un
groupe qui, effectivement, est particulièrement spécialisé
dans le domaine du marketing direct et c'est avec intérêt que j'ai
pu écouter vos propos ce matin. Je tiens à vous rassurer
immédiatement que ce n'est pas mon intention et je ne crois pas que ce
soit l'intention des autres membres de la commission de mettre un terme
à vos pratiques, de mettre un terme à l'existence même de
ce phénomène-là.
Sauf qu'il y a une chose qui me préoccupe depuis le début
des audiences. Les personnes sont fichées ou encore elles
reçoivent du courrier non sollicité. On n'a pas obtenu leur
autorisation pour stocker, pour traiter les informations sur elles. Mais, si
ces personnes veulent s'assurer que la diffusion de ces
renseignements-là ou des informations est exacte ou qu'elles ne veulent
plus le recevoir, il leur appartient de communiquer avec vous afin d'enlever
leur nom sur cette liste-là. Où est la liberté de choix de
l'individu là-dedans, selon vous?
M. Poirier: Je crois que vous avez raison. C'est la même
chose, on n'a pas nécessairement la liberté de dire à
notre téléviseur de ne pas nous envoyer le prochain message
commercial. M. Cannon: J'ai la liberté de le fermer.
M. Poirier: Vous avez la liberté de jeter le message
publicitaire dans le panier. Les deux ne sont pas tellement menaçants
à la vie privée.
M. Cannon: Bien, c'est-à-dire, pas menaçants
à la vie privée... Je ne partage pas nécessairement votre
opinion. Je pense que la liberté, la vie privée, ce sont des
choses qui doivent être respectées, et chacune des encoches,
chacune des entraves à cette expression-là devient un peu un
problème pour faire respecter la vie privée. Je ne sais pas
là, vous parliez tout à l'heure de la possibilité
d'"opting in" ou d'"opting ouf: j'aimerais vous entendre davantage
là-dessus.
Mme Winters-Robins: Bon, peut-être que je peux commencer.
De la façon dont nous lisons les recommandations et aussi selon
plusieurs soumissions, des groupes ont dit - et d'ailleurs, comme je l'ai dit,
on pense que c'est dans les documents - ils disent: II faut avoir le
consentement du consommateur, de l'individu ou de la personne en question pour
faire de tels gestes, pour transférer le dossier, pour faire ou traiter
des données en ce qui le concerne. Ça, c'est quelque chose de
positif, qui doit venir du citoyen ou de la personne.
À part le "opting in" ou le consentement ou la confirmation du
consentement, il existe d'autres solutions qui sont le contraire: le "opt out",
le retrait; c'est-à-dire que votre nom est sur une liste tant et aussi
longtemps que vous ne dites pas: Enlevez mon nom et mon adresse de cette
liste-là. Alors, en effet, ce sont deux solutions à la même
situation: l'une exige le consentement individualisé de chaque personne,
l'autre, c'est que, si la personne ne veut pas, elle dit "non"; plutôt
que de dire "oui", elle dit "non". Et comme je l'ai dit dans notre soumission,
et en suivant les débats qui se passent autour de nous, le "opt out",
c'est-à-dire le retrait des noms, semble être la situation
certainement favorisée par les Américains, par les pays qui ont
des lois dans le domaine de la vie privée à l'heure actuelle et
nous soupçonnons que ça va être la solution en ce qui
concerne le marketing direct en Europe.
M. Cannon: J'aimerais revenir à d'autres
considérations. Moi, ce qui me fatigue profondément, c'est que
quand j'ai besoin d'acheter un bien de consommation de mon propre chef, de mon
choix personnel, je vais aller au centre commercial me procurer ce dont j'ai
besoin. Mais il me semble, bon sang, que quand je suis chez mol et que - bon,
déjà, si j'ai un téléphone maestro, je suis capable
de savoir qui appelle ou la personne qui est l'appelant, on a fait tout ce
discours-là - ou si j'ai opté pour avoir un
numéro de téléphone confidentiel, ce n'est plus
respecté avec le service de gestion des appels présentement,
à moins, évidemment, qu'il y ait un blocage systématique,
et ça semble être possible. Je me fais appeler par le journal Le
Soleil: Bon! On a un spécial, là; 52 semaines. Robert Normand
offre un escompte extraordinaire pour le Washington Post de
Québec. Est-ce que vous êtes intéressé, monsieur...
Et puis là on regarde la liste, M. Canon, M. Gagnon, enfin... Parce
qu'ils ne sont pas sûrs comment je m'appelle. Je le reçois
déjà au bureau, madame ou monsieur. Merci beaucoup. Et le
dimanche après-midi, je reçois chez moi, à Cap-Rouge, en
quantité industrielle, un sac où il y a tout là-dedans, en
passant des spéciaux de Provigo avec la tondeuse spéciale qui est
vendue chez Canadian Tire puis... Ça m'achale.
J'étais conseiller municipal à Cap-Rouge. Je dois vous
relater ça. Évidemment, on ne pouvait pas trop trop intervenir,
mais on a forcé - puis je pense que ça s'est répandu pas
mal dans la communauté urbaine - ceux qui faisaient la distribution de
ces choses-là, les dépliants non sollicités, etc.,
à les mettre au moins dans un sac. Là, maintenant, c'est beaucoup
plus pratique. On est capable de les prendre puis de les mettre directement
à la poubelle sans salir quoi que ce soit. Mais c'est ça, je
pense, qui est en cause. On parie de consentement. Moi, j'aimerais avoir le
choix de pouvoir consentir. C'est ça là, le problème. Et
je me demande comment on fait pour corriger ça.
Moi, je ne veux pas faire en sorte que demain matin vous arrêtiez
de vivre. Ce n'est pas ça, mon objectif. Mais je fais quoi pour pouvoir
vous dire: Écoutez, moi, j'ai volontairement souscrit pour recevoir une
carte de crédit American Express, puis, à tous les deux mois,
trois mois, je dirais... Bien, je viens d'en recevoir un là, le
spécial de Noël. Pour 79,95 $, je peux avoir une magnifique
reproduction d'un tableau de Krieghoff, avec paiement échelonné
sur 12 mois, puis avec une possibilité de payer dans un an et demi, je
ne sais pas trop quoi. En tout cas. J'en reçois de ça, puis je
présume que c'est parce que j'ai consenti à recevoir ça.
Mais je ne sais pas, moi, si American Express n'a pas pris mon nom puis ne l'a
pas donné à quelqu'un d'autre qui l'a donné à un
autre, puis là, finalement, j'en ai pas mal. Quand je suis allé
chez L L. Bean l'été passé, j'ai dit: Oui, je veux
recevoir votre catalogue. Je l'ai reçu. Puis heureusement, avec eux
autres, ils ne l'envoient qu'une fois. Si je n'ai pas acheté, merci
beaucoup, ils ne me l'enverront plus l'an prochain parce que je ne
représente pas, pour eux, une valeur économique
intéressante. Mais c'est ça qui est achalant. C'est tout
ça qui est achalant. Dites-moi comment on corrige ça.
M. Poulin (Paul): Vous avez plusieurs possibilités. Par
exemple, à la ville de Cap-
Rouge, vous avez un règlement municipal qui vous permet d'obtenir
un pictogramme que vous pouvez mettre sur votre porte ou sur votre boîte
aux lettres, et là vous ferez partie, ou vous serez alors le 401e foyer
de Cap-Rouge qui, à ce moment-là, va avoir un pictogramme sur les
13 000. Il y a 401 avec vous. Ça fera 401 sur 3715 maisons.
M. Cannon: D'après vous, moi, je n'ai pas de boîte
chez nous, à la maison. Vous savez, j'ai la petite affaire de Postes
Canada. En haut de la rue, on est à peu près 24. J'ai une petite
clef.
M. Poulin (Paul): Vous le mettez là-dessus. C'est
pareil.
M. Cannon: Alors, je peux aller embarquer ça directement
sur la boite aux lettres sans que les Postes viennent m'achaler ià pour
me dire: Vous venez d'abîmer notre boîte postale qui nous
appartient, etc. C'est ça. En tout cas, je vous dis ça, c'est un
petit problème que j'ai. Je vais le soulever avec mon conseiller
municipal.
M. Poulin (Paul): O.K. D'un autre côté... Des
voix: Ha, ha, ha!
M. Poulin (Paul): D'un autre côté, en ce qui a trait
directement à votre fournisseur, vous avez mentionné American
Express; il vous est possible de communiquer avec American Express et de
mentionner, tout simplement, que vous ne voulez pas recevoir leur
publicité. Vous avez aussi la possibilité, en ce qui a trait aux
autres entreprises qui pourraient vous solliciter à partir d'une liste
qui pourrait être fournie par - pas American Express - un autre organisme
auquel vous avez adhéré, par exemple, à une revue ou quoi
que ce soit, l'Association met à la disposition du grand public canadien
sa formule Intégrité qui est, si vous voulez, un service de
retrait de liste pour les publipostages et pour le télémarketing.
Actuellement, nous avons 109 000 Canadiens sur la liste. Il y en a 26 000
Québécois ou à peu près et ces listes-là,
les membres sont forcés d'épurer leur liste avant de faire des
opérations de marketing direct à partir du ruban
magnétique qui est mis à jour et remis aux membres à tous
les trois mois. Donc, à ce moment-là, c'est pour éviter,
justement, que les gens qui ne veulent pas être sollicités d'une
façon ou d'une autre par des opérations de marketing direct le
soient. En fait, en toute honnêteté, il n'y a aucun
intérêt pour une entreprise qui fait du marketing direct de
solliciter quelqu'un qui n'est pas intéressé à vous lire
ou à vous répondre au téléphone. C'est de l'argent
gaspillé pour rien. Mais, par contre, pour pouvoir, à ce
moment-là...
M. Cannon: C'est parce qu'on a entendu - je m'excuse de vous
interrompre, parce que le temps est quand même limité, et je
trouve ça fort intéressant - parler des "sucker lists". M. Riley
est venu nous en parler. C'est quoi ça, ces affaires-là?
M. Poulin (Paul): Les "sucker lists"?
M. Cannon: Oui. Des listes de gens qu'on s'échange. Ils
achètent une fois, et là on dit: Ah! Le gars a acheté!
Tiens, Bourdon a acheté le toaster pour 29,95 $; là, on l'a, lui,
là. Ou Cannon ou quelque chose comme ça. Et une fois que
ça c'est fait et que j'ai le bras dans le tordeur, on dit: Bien, lui,
parfait, il vient d'embarquer dans la machine, on le sait qu'il est capable
d'acheter, on va transmettre son nom à un autre fournisseur, un autre
fournisseur, un autre fournisseur. Est-ce que ça se fait, ça?
M. Poulin (Paul): Que des noms d'acheteurs soient
transférés, c'est-à-dire loués d'autres entreprises
qui ont une affinité avec les gens qui ont acheté votre
produit... Par exemple, à un moment donné, vous vous abonnez
à une revue culturelle quelconque, bien entendu, vous êtes
identifié comme une personne ayant un certain intérêt
culturel. Donc, votre nom pourrait, je ne dis pas nécessairement, mais
pourrait être mis en location auprès d'une autre entreprise qui
offre un produit non compétiteur, mais dans le même domaine
d'activité. C'est comme ça qu'on peut, à un moment
donné, faire du ciblage. Autrement, on va inonder le marché
complètement avec... On va écrire à tout le monde au lieu
des... Prenez un code postal qui contient, par exemple, 14 000 foyers, un RTA
de 14 000 foyers. Si vous avez, à l'intérieur de ça, 500
individus qui représentent un profil socio-économique
donné, pourquoi écrire aux 14 000, alors que vous pouvez tout
simplement écrire aux 500?
M. Cannon: Je me rappelle, ça arrivait à quelques
occasions, c'est peut-être moins fréquent, probablement que le
quartier où j'habite, maintenant le revenu des gens est peut-être
moins élevé que dans le passé, peu importe. Il y a, par
exemple, des agences de marketing qui désirent mettre un produit sur le
marché, et là je réfère... Je me rappelle
très bien, c'étaient des petits sachets de Pepsodent. On envoyait
ça gratuitement dans les foyers autour. Mais c'était bien
segmenté, il y avait une clientèle précise, il y avait un
marché particulier qui était ciblé en termes de
créneaux. Est-ce que c'est fait par l'entremise d'une organisation comme
la vôtre, lorsque le produit en question est mis à distribution en
grande diffusion pour inciter le client à se procurer ce
produit-là? Est-ce que vous saisissez ce que je veux dire? En termes de
contrôle ou d'évaluation potentielle du produit, en termes de
"market test", on peut se servir de ce genre de chose là, et est-ce
qu'on se sert de vos opérations pour pouvoir le faire?
M. Poulin (Paul): En tant qu'association, non.
M. Cannon: En tant qu'association ou en tant que... Je ne sais
pas, moi, Reader's Digest ou une entreprise qui se spécialise
là-dedans. Par exemple, dans le domaine des livres culturels, est-ce
qu'il y a un manufacturier - je prends des livres culturels ou je pourrais
prendre un autre produit... Mais, massivement, de dire dans un secteur, par
exemple: Tous ceux dont le code postal commence par G1Y seront
sollicités avec un envoi massif. Et, ensuite de ça, pour voir
quelle est l'évaluation du produit; ni plus ni moins, des tests de
marketing. Est-ce que ça se fait?
M. Poirier: Bien, ça ne se fait pas avec une tierce
personne, du moins, pas chez nous. Mais ça se fait pour
nous-mêmes. Quand nous faisons un échantillon pour, disons,
publier un livre comme, disons, le "Guide des médicaments", on a fait
cinq années de recherches avant de publier ce volume-là. Un
volume qui demande, tout de même, à Montréal, un
investissement de 1 200 000 $, avant de le publier, il faut tout de même
savoir où on s'en va, quel genre de rendement on peut obtenir, etc. On
va dans nos fichier d'abonnés de Sélection du Reader's Digest,
anglais et français, et on leur envoie une lettre de recherche, et
on leur demande: Si on publie tel livre sur tel domaine, quels seront les
possibilités que vous l'achetiez? Oui ou non? (12 heures)
On fait l'évaluation de ça, on avance à une autre
étape, on fait un mailing, finalement, pour déterminer le bon
tirage à quelques mois près de l'envoi, et finalement on y
arrive. Dans l'analyse des résultats des tests faits sur
échantillonnage sur nos listes, on va aller chercher des styles de vie,
qu'on obtient sur le recensement, par exemple. Ce sont des informations qui ne
sont pas personnelles, mais qui sont utilisées en groupes. Alors, de
cette façon-là, si, dans un secteur donné, un pourcentage
de propriétés est plus élevé que dans un autre, et
que ça joue dans la discrimination de dire: On envoie le mailing ou on
ne l'envoie pas, parce que ça nous donne une réponse positive ou
non, oui c'est utilisé. Mais ce n'est pas de l'information à la
source qui est personnelle; elle est impersonnelle. Alors, c'est là que
je dis que ce n'est pas une menace à la vie privée.
Je ne résous pas votre problème de la
société parfaite où on ne reçoit aucun message
qu'on ne veut pas recevoir, mais, au point de vue d'utilisation de
données intimes qui sont menaçantes, je n'en connais pas, moi, et
je suis dans le domaine depuis 30 ans. On ne voit que des "bits" et des
"bites". On fait un test de
10 000 pour aller faire un mailing de 1 000 000, mais sauver un autre 1
000 000 parce que si on n'avait pas fait le test correctement, si on n'avait
pas utilisé l'analyse, on aurait été obligé de
mailer 2 000 000; mais mailer 2 000 000, ça veut dire qu'on ne l'aurait
pas publié, le volume, parce que les coûts auraient
été plus élevés que les
bénéfices.
M. Cannon: Avant de permettre à mon collègue de
vous poser des questions, je veux simplement clarifier un peu de quoi il s'agit
quand on parle de "sucker lists". J'ai en main Consumer News - Office of
Special Adviser to the President for Consumer Affairs, A Report from Bonnie
Guiton on Administration Consumer Activities, daté du 2 février
1990, Volume II, où le titre dit: "Guiton emphasizes connection between
invasion of privacy and consumer fraud." Et je lis, simplement pour qu'on
puisse très bien saisir de quoi il s'agit, l'extrait: 'Technologies that
ease the collection and transfer of personal information about consumers can
threaten privacy, and they can also help con artists defraud consumers more
easily, said Dr. Bonnie Guiton at a luncheon meeting of the Alliance Against
Fraud in Telemarketing in Washington on January 25th. "For instance," - et on
la cite ici - as we continue to discover ways in which direct mail and
telemarketing are used by con-artists and scam operators, we have discovered
references to the selling of "sucker lists" - lists of consumers proven to be
vulnerable to investment scams, over and over again. I am also concerned that
inadequate screening exists in the sale of lists, allowing a legitimate
business to unwittingly - and perhaps carelessly - sell a list to someone of
questionable motive and character". Fin de la citation.
Et plus loin, elle dit: "Guiton has also cited the example of targeting
single, elderly homeowners with a great deal of equity in their homes, calling
a list of this sort a "real gold mine" for home equity scam operators." C'est
dans ce sens-là que je parlais de "sucker lists" et que je vous
demandais si, effectivement, vous étiez au courant de ce genre de
pratique là ou vous aviez connaissance de l'existence de ce genre de
choses là.
M. Poirier: Disons que c'est dans le domaine du possible, mais
nous ne le pratiquons pas. Je sais fort bien que, si nous allions dans nos
listes et que j'extrayais tous les gens qui, depuis un an, ont acheté
pour 2000 $ de livres, j'aurais une très bonne liste, là.
M. Cannon: Alors, la question c'est que... M. Poirier:
Mais je ne la vends pas. M. Cannon: Non, non.
M. Poirier: Je ne l'échange pas. M. Cannon: O. K.,
ça va.
M. Poirier: Et je ne suis pas un bandit, non plus.
M. Cannon: Non, non, je ne dis pas que...
M. Poirier: Non, non, mais vous donnez des exemples de gens, de
"con-artists".
M. Cannon: Non, non, mais c'est ça là. Je veux
savoir comment vous protégez ces listes-là.
M. Poirier: On les protège parce qu'on ne vend pas et on
n'échange pas l'information qui est sur les listes.
M. Cannon: Avez-vous un code de déontologie?
M. Poirier: II faut faire une distinction. Sélection du
Reader's Digest achète et loue les listes des autres, mais ne vend pas
et ne loue pas la sienne. C'est un luxe qu'on peut se permettre.
Pour l'industrie, il y a un libre-échange de noms qui existe pour
l'industrie. Nous, nous n'y participons pas. La raison pour laquelle on n'y
participe pas, c'est qu'on fait trop de mailings nous-mêmes. On en fait
beaucoup nous-mêmes, donc, on ne veut pas que la concurrence d'autres
mailings vienne faire chuter nos rendements. C'est une question
économique. Au point de vue d'échanger les noms, c'est une
industrie qui existe. Le courtage de noms existe, surtout à New York,
Chicago, Los Angeles et Toronto. Ça n'existe presque pas au
Québec. Les noms québécois, on les obtient à
Toronto.
M. Cannon: Oui. Ça peut se louer combien, des listes comme
ça?
M. Poirier: Ça, ça vaut entre 60 $ et 100 $ du 1000
noms, selon le travail qui est effectué sur les noms.
M. Cannon: D'accord. Merci.
Le Président (M. Gauvin): Nous allons permettre maintenant
au député de Pointe-aux-Trembles d'échanger avec vous. M.
le député.
M. Bourdon: Merci. Je voudrais d'abord dire que, quant à
moi, il n'y a pas de moralité intrinsèque au marketing direct.
C'est sûr que les gens aiment être informés de ce qu'ils
peuvent consommer en général. Le signe de ça - ça a
toujours été une leçon d'humilité pour les
journalistes - c'est que La Presse du mercredi, entre autres, a un
tirage plus fort parce qu'elle comporte plus d'annonces des grandes
chaînes
d'épicerie. Donc, les gens sont intéressés
généralement à recevoir de la sollicitation, parce que
ça fait partie de leur liberté de s'informer sur ce qu'ils
pourraient consommer et je n'ai pas d'objections a cet égard.
Puis, je voudrais m'adresser à M. Poirier aussi pour lui dire que
j'ai déjà été abonné à
Sélection du Reader's Digest et que j'ai abandonné mon
abonnement juste parce que j'en avais trop à lire. Il n'y avait rien de
différent. Et, s'il y avait un trophée à donner pour la
sollicitation directe la plus intelligente, je le donnerais facilement à
Sélection du Reader's Digest, dans le sens que je devais mobiliser tout
mon libre arbitre pour dire non à la sollicitation. Ce que je veux dire
par là, c'est que ça m'apparaissatt correct parce qu'on faisait
appel à ma curiosité intellectuelle et à mon
intérêt de savoir. Dans ce sens-là, je me sentais comme
respecté.
J'ajoute une chose, c'est que Sélection payait à Postes
Canada pour m'adresser des offres de produits culturels de qualité. Moi,
je suis entièrement d'accord avec l'"opting out" dont madame pariait
tout à l'heure, à condition, cependant, qu'un organisme
quelconque fasse la promotion de ce choix que le consommateur a. Je pense que,
des fois, on a tendance à dramatiser la question. Comme je suis en
politique, je sais ce que c'est que de solliciter. Dans le fond, on en fait,
nous aussi, de la sollicitation et je suis conscient qu'en termes de marketing
les gens qui ne veulent pas être sollicités, c'est mieux de ne pas
les solliciter, parce que ça coûte cher, imprimer des choses en
couleur. Un exemple que les partis politiques connaissent très bien,
c'est que, le jour de l'élection, il ne faut surtout pas solliciter une
personne dont on sait qu'elle a plus d'attirance pour le parti adverse. On dit
à nos gens, des deux bords: Si vous la sollicitez, c'est peut-être
quelqu'un qui n'ira pas voter, mais, mettez-la en colère, parce qu'elle
n'aime pas l'autre parti quand elle en aime un, et elle va peut-être
aller voter. Alors, ne vous en occupez pas. Occupez-vous de ceux qui
peuvent.
Maintenant, il y a un certain nombre de municipalités qui ont
adopté des règlements sur ce qui est ajouté dans notre
boîte aux lettres, pour plusieurs raisons. Un, dans une ville comme
Montréal, il y a beaucoup de gens qui ne sont pas souvent à la
maison. C'est mon cas, je suis à Québec une partie de
l'année. Ma boîte aux lettres, j'estime qu'il y a comme un contrat
que c'est pour le courrier que je reçois, et ça déborde.
Je peux même perdre du courrier qui va prendre le bord de la rue au vent
avec d'autres choses non sollicitées. Maintenant, les chiffres que vous
avez donnés sur le nombre de personnes qui disent: Non merci, pour ce
qui n'est pas mis à la poste ou distribué par le facteur, ces
chiffres-là sont faussés du fait qu'on subit un chantage
éhonté de la part de certaines entreprises.
Dans mon quartier, moi, 84 % des personnes lisent le journal du
quartier. Puis comme je suis député, je suis dans le 84 %. Or, je
me suis plaint que, quand j'ai mis le pictogramme de la ville, j'ai
cessé de recevoir le journal. Je me suis plaint à la compagnie
qui publie le journal, qui m'a dit: Oui, on publie un journal et on distribue
aussi des circulaires et, si vous ne voulez pas nos circulaires, vous n'aurez
pas notre journal. Je suis un peu Don Quichotte, mais je connais les rapports
de force et je connais les limites de ce qui est possible. J'ai enlevé
mon pictogramme et mon courrier, ma boîte aux lettres déborde
encore. Puis je prends les sacs - je suis parfaitement comme le ministre - je
trouve que c'est commode, au moins, d'avoir un sac qu'on jette directement dans
l'autre sac, sauf que je trouve qu'on ne respecte pas mon droit légal de
dire: Je ne veux recevoir que ce que Postes Canada livre. Et j'essayais de dire
à mon interlocuteur: Oui, mais le règlement municipal devrait
normalement aider les entreprises de marketing direct, d'une part, et Postes
Canada, d'autre part, et en troisième lieu, et surtout, les journaux,
puisque le règlement municipal dit bien que la publicité
insérée dans un journal n'est pas couverte par le
règlement. Mais la réponse qu'on m'a faite, c'est qu'on distribue
un journal et des circulaires, on fait plus d'argent avec les circulaires, en
général, qu'avec le journal et puis c'est clé en main. Et
les renseignements que j'ai, c'est que c'est partout comme ça.
Cela dit, je ne songe pas à m'en scandaliser. Il y a un aspect de
facilité dans ça, de leur part, mais je trouve qu'ils font
même un mauvais calcul commercial. À quoi ça sert
d'imprimer des dépliants que je ne veux pas lire et que je jette et qui
polluent, dans le fond, ma boîte aux lettres? Et je trouve qu'à
cet égard-là il y a une minorité de personnes qui ne
veulent pas en avoir dans leur boîte aux lettres et puis de respecter les
droits de cette minorité-là n'endommage d'aucune façon
votre industrie parce que, vous me direz si je me trompe, il me semble que, si
on sollicite une personne qui ne veut simplement pas l'être, on perd son
temps et son argent.
M. Poirier. Définitivement je ne peux pas répondre
exactement à votre situation, parce que nous ne sommes pas dans le
publipostage non adressé; alors, étant adressé, il est
véhiculé par les postes canadiennes. Alors, ça ne touche
pas les circulaires. Dans notre cas, nous essayons d'obtenir le plus haut
rendement possible, naturellement, pour obtenir une rentabilité, parce
qu'un mailing où on perd de l'argent, on ne le fait pas, on ne
crée pas le produit ou on essaie de ne pas le créer.
M. Bourdon: Mais, dans ce sens-là, je suis
entièrement d'accord avec vous. Moi, je trouve que, disons, si j'en
reviens à la notion de contrat, j'Installe devant mon domicile une
boîte
aux lettres; n'importe qui qui paie pour me faire parvenir quelque chose
par la poste, j'en prends connaissance et c'est normal. Si je n'aime pas
ça, je peux toujours jeter la sollicitation. La distribution de porte
à porte, ce que je veux dire par là, c'est que ce qui doit amener
Sélection et d'autres entreprises à faire attention à qui
c'est envoyé, c'est aussi une question de coût. La poste
coûte cher. Et, si vous n'envoyez pas vos sollicitations aux bonnes
personnes et si elles ne sont pas efficaces, vous encourez une perte et vous
cessez de le faire. Alors que la distribution en nombre et de porte à
porte, elle a l'inconvénient, à mon avis - et en plus, avec la
notion du sac, ii ne faut pas oublier que ça fait bien des clients pour
un seul sac qu'on accroche à la boîte - de telle sorte que, dans
cette logique-là, je suppose qu'on se dit: Ce n'est pas utile de faire
des distinctions parce que c'est trop peu cher. Et le résultat, c'est
que les gens se font harceler, d'une certaine manière. La preuve que ce
n'est pas fait avec discernement, c'est que pendant six mois mon voisin
était parti et j'avais mon palier extérieur plein de toutes
sortes d'affaires qui jonchaient le sol; et c'était évident qu'il
n'y avait personne. Donc, ce n'était plus utile de livrer.
Mais moi, ce que je dis là-dessus, c'est que ça ressemble
aussi à l'afficheur téléphonique. Il y a un principe de
base - et puis je vous pose la question, est-ce que vous êtes d'accord
avec moi? - qu'on ne respecte pas; c'est qu'une personne qui ne veut pas que
son numéro de téléphone soit affiché ou qui ne veut
pas recevoir tel type d'envoi sans adresse ou qui ne veut pas que son
abonnement comporte de louer la liste a d'autres, elle l'indique et puis son
droit est respecté.
M. Poirier: Chez nous, on a ces noms-là en fichier.
Aussitôt que les gens nous communiquent le fait qu'ils ne veulent pas
recevoir d'autres mailings, on les reconnaît. Même, on
reconnaît la différence... Parce qu'il y a beaucoup de gens qui
nous disent: On ne veut plus recevoir d'autres mailings, mais continuez
à m'envoyer le magazine. Alors, on fait même cette
distinction.
Le Président (M. Gauvin): On avait M. Poulin qui voulait
répondre aussi, je pense.
M. Pouiin (Paul): Je voulais tout simplement mentionner à
M. le député qu'effectivement, ce qu'il reçoit
généralement à la distribution de porte à porte, ce
n'est pas du marketing direct, c'est tout simplement de la publicité.
Ça, ça ne dépend pas de notre groupe non plus. Chez nous,
on essaie d'inculquer le maximum, si vous voulez, de compétence
auprès de nos membres et puis de favoriser, au maximum aussi, le
ciblage; donc, autrement dit, de favoriser que nos gens communiquent avec le
grand public, lorsqu'on est assuré d'avoir un minimum de
possibilités de faire des affaires. Dans ce sens, ce qu'on
préconise, c'est de faire les bonnes offres aux bonnes personnes.
M. Bourdon: Je suis entièrement d'accord et je vais
continuer ma lutte souterraine pour avoir le droit de refuser, puisque le
règlement municipal dit que j'ai le droit de refuser. Mais ça me
prend le journal. Alors, pour tout de suite, c'est un à zéro pour
Télémédia.
Le Président (M. Gauvin): Est-ce que M. le ministre
avait...
M. Cannon: On avait écoulé pas mal de questions,
sauf de remercier les gens qui sont venus nous rencontrer aujourd'hui.
Ça a été fort instructif. Merci beaucoup de votre
présence.
Le Président (M. Gauvin): J'aimerais remercier
l'Association canadienne du marketing direct qui est venue nous faire cette
présentation-là, en la personne de Mme Robins, M. Poulin et M.
Poirier.
Des voix: Merci.
Le Président (M. Gauvin): La commission suspend ses
travaux pour reprendre à 15 h 30 dans la même salle.
(Suspension de la séance à 12 h 18)
(Reprise à 15 h 40)
Le Président (M. Dauphin): Alors, mesdames, messieurs, la
commission des institutions reprend ses travaux. Cet après-midi, nous
avons deux groupes, dont le premier, l'Office des professions du Québec,
représenté par M. Louis Roy, au centre, qui est
vice-président de l'Office. Alors, bienvenue, tout d'abord. Je
demanderais à M. Roy de présenter les personnes qui
l'accompagnent et ensuite, de procéder à son exposé pour
une durée maximale de 20 minutes. M. Roy.
Office des professions du Québec
M. Roy (Louis): M. le Président, messieurs, mesdames les
membres de la commission, comme vous venez de le mentionner, M. le
Président, mon nom est Louis Roy. Je suis vice-président de
l'Office des professions du Québec. À ma gauche, Me Maryse
Beaumont, directrice des affaires juridiques à l'Office des professions,
et, à ma droite, Me Yves Dussault, avocat à l'Office des
professions.
Alors, je désire tout d'abord vous remercier de nous avoir permis
de présenter ici le mémoire de l'Office des professions. Comme
vous le savez sûrement, l'Office est un organisme gouvernemental
créé par le Code des professions et
chargé de veiller à ce que les corporations
professionnelles protègent le public, ce qui est leur mandat principal.
Actuellement, il existe 40 corporations professionnelles qui regroupent
près de 230 000 membres au Québec. L'objectif du mémoire
de l'Office des professions consiste à démontrer que les
renseignements personnels obtenus par des professionnels dans l'exercice de
leur profession sont protégés par un cadre normatif particulier
issu principalement du Code des professions et qu'en conséquence imposer
de nouvelles normes en ce domaine entraînerait un dédoublement
certain.
Pour le bénéfice de la commission, nous rappellerons
sommairement quelles sont ces normes de protection des renseignements
personnels auxquels les professionnels sont actuellement assujettis. D'abord,
le Code des professions commande à chaque corporation professionnelle
d'adopter un code de déontologie contenant des dispositions visant
à préserver le secret quant aux renseignements de nature
confidentielle qui viennent à la connaissance des membres de la
corporation dans l'exercice de leur profession. C'est ainsi que tous les
professionnels au Québec, membres de corporations, sont assujettis, de
par leur code de déontologie, à la règle dite du secret
professionnel. Cette règle a d'ailleurs été
consacrée par la Charte des droits et libertés de la personne et,
par le fait même, on lui a attribué un caractère
prépondérant sur l'ensemble de la législation. En effet,
l'article 9 de la Charte prévoft que, et je cite: "Chacun a droit au
respect du secret professionnel. Toute personne tenue par la loi au secret
professionnel et tout prêtre ou autre ministre du culte ne peuvent,
même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui leur ont
été révélés en raison de leur état ou
profession, à moins qu'ils ne soient autorisés par celui qui leur
a fait ces confidences ou par une disposition expresse de la loi. Le tribunal
doit, d'office, assurer le respect du secret professionnel." Fin de la
citation. Donc, grâce a cette disposition de la Charte des droits et
libertés de la personne, on peut affirmer d'emblée qu'il n'y a
pas de renseignements personnels mieux protégés, sur le plan
législatif, que les renseignements obtenus par un professionnel dans
l'exercice de sa profession. En effet, le professionnel ne peut être
relevé de son secret que dans deux situations: soit par le consentement
de son client, soit par une disposition expresse de la loi. Ainsi, ce
régime de protection des renseignements est encore plus strict que celui
de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la
protection des renseignements personnels, car la loi sur l'accès
comporte non seulement de plus nombreuses exceptions au caractère
confidentiel des renseignements personnels, mais en plus certaines d'entre
elles autorisent des communications de renseignements personnels sans qu'une
disposition législative le prévoie expressément. Par
exemple, l'article 67 de la loi sur l'accès en fait état. De
plus, le Code des professions impose aux corporations professionnelles
l'obligation de prévoir, dans leur code de déontologie, des
dispositions concernant le droit d'une personne recourant aux services d'un
professionnel de prendre connaissance des documents qui la concerne dans tout
dossier constitué par ce professionnel à son sujet et d'obtenir
copie de ces documents.
En outre, des règles ont été établies quant
au contenu de ce dossier, de sorte qu'on impose des limites à la
collecte de renseignements ainsi que l'obligation d'entourer ces dossiers de
mesures de sécurité et d'en contrôler le contenu. Enfin, on
prescrit un délai minimal de conservation du dossier permettant ainsi
l'exercice du droit d'accès prévu pour le client.
Par ailleurs - fait intéressant à noter -toutes ces
règles ont été élaborées dans le cadre d'un
processus d'autoréglementation similaire à celui souhaité
par le rapport du comité interministériel présidé
par M. Lejeune. Il s'agit d'une réglementation participative, dans le
sens qu'elle a été initiée par les personnes qui en sont
l'objet, mais il n'en demeure pas moins qu'elle a force de loi. il ne s'agit
pas d'autoréglementation volontaire. En effet, toute
réglementation, pour être en vigueur, doit recevoir l'approbation
gouvernementale.
Ainsi, les codes de déontologie comportent de nombreuses
règles complémentaires assurant la protection des renseignements
personnels. À tel point que l'on peut affirmer que fa protection des
renseignements n'est pas seulement pour le professionnel une question de
confidentialité, mais aussi une règle de conduite. D'ailleurs, en
pratique, il serait aisément concevable qu'aucun professionnel ne
pourrait survivre à une réputation d'indiscret.
Bref, la relation de confiance, qui est un élément de base
dans l'exercice d'une profession, ne pourrait exister entre un professionnel et
son client sans une solide garantie de discrétion. D'ailleurs,
l'élément de confiance et la confidentialité sont deux des
facteurs prévus au Code des professions pour la constitution d'un groupe
en corporation professionnelle.
De plus, toute contravention à ces règles de protection
des renseignements personnels peut faire l'objet d'un recours qui s'initie
d'abord par une plainte au syndic de la corporation, et il peut s'ensuivre une
poursuite du professionnel devant le comité de discipline. Le
comité de discipline a le pouvoir d'imposer des sanctions à
l'égard du professionnel en cause, qui peuvent consister soit en une
réprimande, une radiation temporaire ou permanente, une amende ou
même la révocation du permis d'exercice, la limitation ou la
suspension des activités professionnelles. Il convient de mentionner
aussi qu'une infraction en regard du secret professionnel peut aussi
entraîner le professionnel en cause dans des poursuites en
responsabilité civile ou en vertu de
la Charte des droits et libertés de la personne.
En somme, dans le cadre du système professionnel, le public
bénéficie de mesures significatives et coercitives en
matière de protection de la vie privée et de la
réputation. Ces mesures assurent une protection des renseignements
personnels qui, à bien des égards, va au-delà de ce que
suggèrent les lignes directrices de l'OCDE. Ainsi, en regard du principe
dit de l'équivalence, ce n'est certes pas la protection offerte par le
système professionnel qui pourrait faire échec à la
réception de données personnelles provenant d'un pays
étranger.
Enfin, malgré certaines améliorations nécessaires
que l'Office a identifiées dans son mémoire, celui-ci estime que
les principes de base de même que les mécanismes utiles à
leur application en matière de protection de renseignements personnels
méritent de demeurer à la disposition du public dans le cadre du
système professionnel actuel. Il serait inapproprié et
inopportun, pour la protection du public, de permettre la naissance d'un
système parallèle. Hormis le fait que ce nouveau régime
nécessiterait une nouvelle bureaucratie et un dédoublement des
énergies et des expertises, il risque de semer une confusion importante
dans le public, qui ne fait que commencer à comprendre et, donc,
à profiter pleinement du système professionnel.
Qu'il suffise de rappeler qu'à l'Issue des travaux de la
commission Castonguay-Nepveu il avait été clairement
établi qu'il y aurait un système au Québec qui devrait
être le seul lieu de contrôle de l'activité professionnelle,
pour éviter le foisonnement qui existait auparavant et nous
épargner l'approche à la pièce. Aussi, les membres de
l'Office des professions favorisent une amélioration des mesures de
protection des renseignements personnels détenus par les professionnels
à l'intérieur du système plutôt qu'une
législation particulière qui créerait une brèche
dans un régime professionnel qui se veut cohérent.
Le législateur a déjà fait sienne cette position de
l'Office lors de l'adoption des dernières modifications de la loi sur
l'accès en exemptant les membres des corporations professionnelles de
certaines modalités assurant le caractère confidentiel des
renseignements nominatifs dont la communication est nécessaire à
l'exercice d'un mandat confié par un organisme public. Par ailleurs, il
semble que ce soit aussi l'approche retenue dans la proposition de directives
du conseil de la Commission des communautés européennes relatives
à la protection des personnes à l'égard du traitement des
données à caractère personnel. En effet, suivant le champ
d'application de cette directive, il appert que les personnes et organismes du
secteur privé sont visés seulement dans la mesure où ils
exercent une activité industrielle ou commerciale, ce qui, suivant notre
compréhen- sion, exclut les activités professionnelles.
Tout en souhaitant le maintien de cette position, l'Office des
professions est cependant prêt à procéder à tous les
aménagements nécessaires pour assurer le public qu'il pourra
toujours bénéficier d'une protection, eu égard au respect
de la vie privée, des plus adéquates et des plus rigoureuses qui
soient au sein du système professionnel actuel.
En conclusion, voilà la position fondamentale de l'Office.
Toutefois, l'Office a soumis des recommandations spécifiques qu'il
convient de rappeler sommairement. L'Office a illustré dans son
mémoire les difficultés de cohabitation entre la loi sur
l'accès et le secret professionnel. À ce sujet, il recommande une
harmonisation législative qui fasse ressortir la
prépondérance du secret professionnel consacrée par la
Charte.
Dans la même veine, l'Office estime qu'il serait opportun de
prévoir une disposition dans la loi sur l'accès suivant laquelle
un organisme ne peut utiliser un renseignement qu'aux fins pour lesquelles il a
été recueilli. Ainsi, un renseignement recueilli sous le couvert
du secret professionnel ne pourrait servir à d'autres fins qu'à
la prestation du service professionnel en cause.
Enfin, nous avons constaté une lacune en regard des corporations
professionnelles elles-mêmes. Les corporations ne sont pas assujetties
à des normes de protection étanches pour les renseignements
personnels qu'elles détiennent, soit sur leurs membres, soit sur le
public en général. Que l'on pense, entre autres, aux candidats
qui font la demande d'admission dans une corporation professionnelle. En fait,
les corporations détiennent elles-mêmes des renseignements sur le
public. L'Office est prêt à collaborer avec les autorités
concernées, en vue d'identifier et d'apporter les correctifs
nécessaires.
Je vous remercie. Je suis disponible pour répondre à vos
questions.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. Roy, pour et
au nom de l'Office des professions du Québec. Nous allons maintenant
aborder la période d'échanges avec les parlementaires en
reconnaissant, en premier lieu, M. le ministre des Communications.
M. Cannon: Merci, M. le Président. M. Roy, bonjour. Merci
de votre présence cet après-midi parmi nous. Je tiens à
vous féliciter pour la qualité de votre mémoire. Je pense
qu'il touche le coeur et le vif du sujet. Et qui mieux que l'Office pour venir
nous parler des préoccupations de ses membres?
Je voudrais peut-être clarifier, au début, un propos que
vous avez mentionné dans votre texte, à la page 15,
quatrième paragraphe, je crois, où vous indiquez qu'il serait
opportun que la loi sur l'accès prévoie un principe suivant
lequel un organisme public ne peut utiliser un renseignement qu'aux fins
pour lesquelles il a été recueilli. C'est vrai qu'il n'y a pas de
dispositions spécifiques dans la loi d'accès à
l'information et ce n'est pas dit précisément. Cependant, on peut
retrouver, à l'article 65 de cette loi, une disposition qui indique que,
lors de la collecte, l'organisme doit informer la personne de l'usage auquel le
renseignement est destiné; et plus loin, à l'article 76 de la loi
d'accès, on trouve l'article suivant qui dit: "Dans la
déclaration de fichiers de renseignements personnels qu'il a faite
à la CAI, l'organisme public doit énoncer les usages qu'il en
fera." Je pense que ce sont des balises qui sont là et qui peuvent
facilement répondre à cette préoccupation que vous
manifestez.
Toutefois, je vous dirai dès le départ que,
personnellement, si cet élément-là vient renforcer
davantage les dispositions, je suis prêt à le regarder,
évidemment, dans la révision de la loi de la Commission
d'accès à l'information et je vous remercie pour votre
témoignage sur ce point-là.
À la page 16 de votre document, là, ça se corse un
petit peu. Vous me dites - vous le dites à quelques reprises à
travers le document et vous l'avez répété dans votre
conclusion -qu'une loi sur la protection des renseignements personnels qui
s'appliquerait aux corporations professionnelles - et je cite le texte ici, au
troisième paragraphe de la page 16 - "...il risque de semer une
confusion importante dans le public qui ne fait que commencer à
comprendre et donc à profiter pleinement du système professionnel
actuel". On pourrait soutenir le contraire dans le fond. Une loi unique pour
l'ensemble du secteur privé n'aurait-elle pas justement, comme
première conséquence, de clarifier la situation? Une personne
n'aurait pas à se référer à de multiples codes ou
lois pour connaître ses droits. Qu'est-ce que vous en pensez, vous?
M. Roy: Bon! Écoutez, je crois que le système
professionnel, qui existe en fait, au Québec, depuis pas tout à
fait 20 ans, ça fera 20 ans en 1993, justement, le public commence,
comme on l'a mentionné dans notre mémoire, à en retirer
les avantages, à le comprendre, à voir quels sont les avantages
qu'il a à faire affaire avec un professionnel. Il commence à
comprendre que, lorsqu'il divulgue des renseignements à un professionnel
membre de corporation, il va être assuré de la
confidentialité. C'est vraiment blindé et étanche comme
protection de renseignements. Je pense que les professionnels, de par le
système actuel, ont quand même des mesures de base, des mesures
identiques pour tous les professionnels, c'est-à-dire que les codes de
déontologie se ressemblent, mais avec des spécificités
dans chacun des cas. Je me demande comment une autre loi pourrait venir coiffer
l'ensemble de tout le Québec quand, même à
l'intérieur d'un système professionnel, il y a des
particularités qui existent d'une corporation à l'autre.
M. Cannon: J'étais tenté, au début, de vous
demander quels étaient les inconvénients causés par un
système parallèle. Mais je pense que je retrouve peut-être
beaucoup plus d'avantages à avoir une loi unique qui soit claire, et je
pense que vous pourriez en convenir là-dessus. Est-ce que j'ai raison?
Oui.
M. Roy: En principe, je crois que oui. Je pense que,
idéalement, pour que les gens puissent se retrouver, c'est
préférable, pour éviter la confusion, qu'il y ait une loi
unique. Je pense que la confusion viendrait du fait qu'à un moment
donné il existe déjà un système avec ses lois et
ses règlements et, là, on viendrait modifier les règles du
jeu en cours de route.
M. Cannon: Parce que je regarde l'effort qui est fait au niveau
de la réforme du Code civil. Évidemment, depuis 20 ans on parie
de cette réforme-là pour qu'on puisse avoir une image assez
claire de l'ensemble des dispositions du Code civil. Je pense que c'est un
effort de rationalisation qui est combien important mais surtout
nécessaire pour notre société.
M. Roy: Excusez... Mais je pense que ce qui serait important pour
moi, c'est de ne pas en arriver... C'est là que je vois le danger d'une
loi qui viendrait coiffer l'ensemble du système. Le danger, c'est qu'il
ne faudrait pas niveler par la base. Ce qu'on voudrait, nous autres, c'est que
le système professionnel, ayant déjà fait ses preuves et
étant ce qu'il y a de plus étanche en matière de
protection des renseignements, il ne faudrait pas le diluer, il ne faudrait pas
créer des brèches au nom du principe de l'étendre à
toute la population.
M. Cannon: Je pense que je saisis votre appréhension
là-dessus ou votre idée. Vous savez, c'est beau de parler de la
protection des renseignements personnels, mais ce n'est pas tout. Il est tout
aussi important de donner le droit d'accès aux personnes
concernées et de faire en sorte que ce droit d'accès soit le plus
large possible. Surtout d'assurer un recours rapide mais aussi un recours qui
soit efficace. Là-dessus, qu'est-ce que vous proposez sur cette question
que je considère comme étant de première importance? (16
heures)
M. Roy: Écoutez, j'imagine que vous parlez de
l'accès du public aux données qui le concernent. En tout cas,
à l'intérieur du système professionnel, 1 y a
déjà des provisions. Il y a déjà des... C'est
déjà prévu à l'intérieur des
règlements des corporations professionnelles. Le personnel doit
satisfaire un client qui demande
les données que le professionnel détient sur lui. Il peut
même, il doit même permettre au client de prendre des photocopies
de données que le professionnel détient. Alors, il y a un
accès garanti par les règlements des professionnels aux
données que le professionnel détient sur le client. Ça,
c'est pour l'accès du client aux données qui le concernent
lui-même. Quant à l'accès d'un autre, à ce
moment-là, il doit absolument avoir la signature du client. Il faut que
le client soit d'accord à ce que le professionnel transmette des
données et il faut que le client ait signé et dans le dossier du
professionnel est inscrite la signature du client à l'effet qu'il
autorise le professionnel à transmettre telle et telle
donnée.
M. Cannon: Puis vous n'avez jamais eu de plainte là-dessus
que cette procédure-là n'ait jamais été suivie ou
que vous ayez des difficultés à l'appliquer?
M. Roy: Écoutez, on en a effectivement, mais à ce
moment-là il y a des règles du jeu qui existent,
c'est-à-dire que le client qui voudrait obtenir des données que
le professionnel détient sur lui ou même demander au professionnel
de détruire une certaine partie de son dossier, si le professionnel s'y
refuse, le client a un recours, c'est-à-dire qu'il peut s'adresser,
à ce moment-là, au syndic de la corporation qui, lui, fait
enquête et peut amener le professionnel en discipline et le
sanctionner...
M. Cannon: Ça, habituellement, un recours comme ça
pour l'individu, pour corriger une information qui, à toutes fins
pratiques, est une information erronée - là, prenons ce cas type
- ça peut prendre combien de temps pour que la rectification se fasse
à partir du moment où la plainte a été
portée en grief?
M. Roy: En matière de dossiers professionnels, c'est rare
que la question de la rectification va intervenir parce que habituellement,
dans le dossier d'un professionnel, ce sont les renseignements que le client a
transmis et c'est le jugement du professionnel. On peut difficilement modifier
ou rectifier un jugement d'un professionnel à l'intérieur du
dossier. La demande est surtout d'avoir accès aux données qui
sont là par le client.
M. Cannon: Mais corriger des erreurs de fait, ça peut se
faire relativement facilement.
M. Roy: Oui, j'imagine, oui. Ça peut se faire, mais ce
n'est vraiment pas... Écoutez, les seules plaintes qu'on a pu avoir,
nous autres, c'est le refus, par exemple, du professionnel de transmettre les
données, pour toutes sortes de raisons. Il y a quand même une
lacune actuellement dans le système professionnel à
laquelle...
Puis je vais demander à Me Beaumont de renchérir
là-dessus si, en tout cas... au moins de confirmer si ce que je dis est
exact, à l'effet que le syndic fait enquête. Il peut amener le
professionnel en discipline, mais il n'y a rien actuellement qui va obliger...
Si le professionnel est reconnu coupable, il n'y a aucune mesure actuellement
qui va obliger le professionnel à transmettre le document.
M. Cannon: Vous me confirmez donc qu'il n'y a pas de
sanction.
M. Roy: II y a des sanctions. Le professionnel peut avoir une
réprimande, une amende, peut être radié temporairement,
mais le vide, le trou, si vous voulez, qu'il y a actuellement, c'est qu'il n'y
a aucune instance qui peut obliger le professionnel, même s'il est
reconnu coupable, à transmettre ces données-là.
M. Cannon: Ah! Je comprends.
M. Roy: Alors là, s'il refuse de transmettre, il va
être encore poursuivi en discipline. Il y a un vide qu'on a vu et qu'on
est prêt à combler le plus rapidement possible. D'ailleurs,
l'Office s'apprête, à la demande du ministre responsable, à
modifier le mécanisme disciplinaire pour le rendre plus étanche.
Alors...
M. Cannon: Même si c'est prouvé hors de tout doute
que la récrimination en question est justifiée, il n'y a pas
d'obligation de transmettre, de corriger ou... C'est ça que vous me
dites, là? C'est bien ça, Me Beaumont?
Mme Beaumont (Maryse): Oui. C'est ça. M. Cannon:
O.K.
M. Roy: C'est ça, hein? C'est le comité de
discipline qui n'a pas le pouvoir de sanctionner, de le trouver coupable?
M. Cannon: Habituellement, dans ces comités de
discipline... Non, je vais reprendre ma question. Est-ce que les plaintes sont
nombreuses annuellement?
M. Roy: Écoutez, le système professionnel est fait
en sorte que... et, là-dessus, je rectifie un peu ce que vous avez
mentionné au début. Les corporations professionnelles de
même que les professionnels, ce ne sont pas les membres de l'Office des
professions. L'Office est un organisme du gouvernement qui est chargé
d'aller surveiller et les plaintes s'en vont directement aux corporations
professionnelles.
M. Cannon: Oui.
M. Roy: Ce n'est que quand le client, le
public n'est pas satisfait ou trouve que les délais sont trop
longs... Là, il va s'adresser à l'Office et l'Office a un pouvoir
moral, uniquement, d'intervention auprès de la corporation pour faire
bouger, faire avancer les choses.
M. Cannon: Intervenez-vous souvent?
M. Roy: Excusez-moi. Les plaintes... En cette
matière-là, non, c'est très rare qu'on a à
intervenir.
M. Cannon: O.K.
M. Roy: Je peux vous dire qu'en pratique, ce qui se passe, comme
je le mentionnais tantôt, la personne adresse sa demande au syndic et,
même si ce n'est prévu nulle part dans les lois actuellement, il y
a un bon travail qui s'effectue à ce niveau-là, le syndic fait
enquête et s'aperçoit que le professionnel est fautif, il peut lui
dire: Aïe, tu sais, envoie donc, donne-lui donc le renseignement, tu n'as
pas de raison de le retenir. Il y a quand même des choses comme ça
qui se passent. Ce n'est pas nécessairement le comité de
discipline à tout coup.
M. Cannon: Est-ce que vous considérez que ce
système-là, c'est le système le plus rapide et le plus
efficace pour corriger des torts?
M. Roy: Le système professionnel n'a pas comme objectif,
malheureusement, de corriger des torts. Il a comme objectif de sanctionner le
professionnel, si le professionnel est fautif. C'est une sorte de
système où, lorsqu'un citoyen adresse une plainte au
système professionnel, en bon citoyen, il contribue à
l'épuration, à l'amélioration du système
professionnel en sanctionnant les professionnels fautifs. Ce n'est pas un
système qui, règle générale - il y a certaines
exceptions - permet de redresser des torts auprès du client.
M. Cannon: Est-ce que vous pensez que c'est un système qui
est efficace? Je reviens avec ma question.
M. Roy: C'est un système, selon moi, qui est
très... Si on prend la question de la protection des renseignements
personnels, je pense que c'est un système qui est blindé, qui est
vraiment efficace. Là où il peut y avoir des lacunes, c'est dans
l'accès aux documents. Maintenant, écoutez, habituellement, on
fait, nous autres, à tous les ans le tour de la nature des plaintes ou
des demandes d'enquêtes que le syndic a eues dans chacune des 40
corporations professionnelles. Écoutez, je peux vous dire que les
plaintes du public concernant les difficultés d'accès, comme
ça, à des renseignements personnels, c'est quand même
très rare. Les plaintes portent plus sur d'autres choses, sur la
compétence, par exemple, sur la conduite, l'inconduite du professionnel,
mais, sur le refus de donner accès aux dossiers, je pense que c'est un
principe que les professionnels comprennent très bien et, de toute
façon, comme on le mentionnait là-dedans, c'est la survie
même du professionnel qui en dépend, s'il n'est pas en bon termes
avec ses clients.
M. Cannon: O.K., je vais revenir plus tard.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre.
Maintenant, M. le député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: Alors, je veux remercier l'Office des professions du
Québec de son mémoire et, d'entrée de jeu, je voudrais
confier que je suis assez d'accord avec le ministre que, quand il y aura, comme
je l'espère, une loi-cadre sur la protection de la vie privée
dans le secteur privé, il m'apparaîtrait normal que les
professions y soient mentionnées et que ce soit compris dans la loi
à venir. Ça ne veut pas dire que les règles du jeu
actuelles sont mauvaises, mais je pense que, dans la mesure où elles
sont adéquates, elles pourraient être reprises dans ia loi
à venir pour en faire une vraie loi-cadre qui ramasse les
éléments épars qu'on peut retrouver dans plusieurs
législations actuelles, parce que la tendance qu'on a observée
devant cette commission depuis le début, c'est que tout le monde dit que
c'est déjà fait, la protection du public, en matière
d'accès aux renseignements personnels.
Les banquiers ont leurs règles; les professionnels, vous le
dites, ont une loi; les courtiers d'assurances en ont une; tout le monde en a
une. Mais, dans le fond, je trouverais un peu baroque que les professionnels,
à l'égard du secret de leur profession, ne soient pas inclus dans
une loi, puisque les 230 000 professionnels détiennent ce qu'il y a de
plus secret dans la vie des gens. Finalement, les plus grands secrets ne
seraient pas couverts par la loi garantissant la vie privée et le secret
de certaines choses.
Cela dit, à la périphérie, il a été
apporté à cette commission un certain nombre de
phénomènes qui touchent le secret professionnel, et ça n'a
rien à voir avec votre loi constitutive. Par exemple, on nous dit qu'un
professionnel, un cabinet de professionnels ou un bureau, peu importe, qui,
directement ou indirectement, communique avec un client et une cliente et qui
n'est pas équipé pour ne pas communiquer son numéro, son
secret professionnel est en cause immédiatement. On donnait des
exemples. Une clinique médicale qui s'occupe de MTS appelle un
adolescent pour modifier un rendez-vous et le parent de l'appelé, par le
numéro, découvre qu'un parent consulte soit dans une clinique
pour des MTS, soit une clinique d'avortement, selon le cas, ou une clinique
psychiatrique. Je mentionne délibérément les secteurs
sensibles parce que plus
privés, mais je pense que c'est très général
dès qu'on touche les professions. Par exemple, le bureau d'un avocat
rappelle une femme qui veut introduire une procédure de divorce contre
son mari, et le mari, en ayant l'affichage du numéro, sait que sa femme
consulte un avocat. En tout cas, on peut en multiplier.
Je vous demande, à cet égard-là, si vous croyez que
les deux niveaux d'instances réglementaires des deux niveaux de
gouvernement ont été bien prudents de permettre aux entreprises
de téléphone de commercialiser les afficheurs sans trop
s'interroger sur les conséquences.
M. Roy: Oui, c'est sûr que, d'abord, dans le premier volet
de votre intervention qui concerne, je pense, le même sujet que votre
collègue, M. Cannon, une seule loi pourrait peut-être être
admissible en autant qu'elle soit, a notre point de vue - excusez l'expression
- aussi blindée que toute la protection qui existe dans le
système professionnel. Maintenant, ça pose des problèmes
d'application de la loi. C'est qu'actuellement ce sont les professionnels qui
paient pour la corporation et c'est à elle-même à faire
appliquer la loi et les règlements qui la régissent par ses
membres. Concernant l'accès aux renseignements, la corporation doit
adopter... C'est-à-dire que le code de déontologie confère
aussi le droit à la personne de prendre connaissance de son dossier.
C'est une des quatre parties du code de déontologie pour respecter le
droit à obtenir des données sur le dossier.
Concernant le deuxième volet de votre intervention,
écoutez, il y a aussi des dispositions, actuellement, dans les codes de
déontologie qui, en principe, interdisent aux professionnels de
même mentionner qu'une personne a eu recours à ses services. C'est
expressément prévu à l'intérieur du secret
professionnel. Ce n'est pas uniquement les données qu'il détient
sur la personne, mais c'est le fait que la personne ait fait appel à ses
services. Maintenant, avec les nouvelles technologies et l'évolution,
comme l'exemple que vous donniez du téléphone, c'est sûr
que ça cause des problèmes particuliers sur lesquels, j'imagime,
il faudrait se pencher en collaboration avec les corporations pour essayer,
justement, d'éviter ça, c'est-à-dire que des
renseignements comme ça soient fournis involontairement, soit par le
biais d'une tierce personne, soit d'un appareil téléphonique ou
des choses du genre. Mais je pense que les cliniques médicales ont le
devoir de faire en sorte que le fait qu'une personne les consulte demeure
confidentiel. (16 h 15)
M. Bourdon: Maintenant, juste ajouter que ça va se
généraliser, l'adoption - mais actuellement il faut payer pour
l'adopter - de dispositifs de blocage. On entendait hier M. Riley, de Toronto,
qui est un spécialiste des questions relatives à la protection de
la vie privée, qui nous donnait un exemple assez frappant de
travailleurs sociaux qui, le soir, parlent à des clients de chez eux,
parce qu'il y a des gens qui travaillent et qui ont parfois à traiter
avec des personnes dangereuses, et dont le numéro est
révélé par l'afficheur, ce qui crée des
problèmes assez importants. Maintenant, vous réglementez les
corporations professionnelles, puis il a été beaucoup question
ici de la commercialisation des banques de données. Est-ce qu'à
votre connaissance il y a des corporations professionnelles qui louent ou qui,
contre rémunération, donnent accès à leur liste de
membres?
M. Roy: Je sais, par expérience, qu'il y a effectivement
des corporations professionnelles qui vont donner accès à la
liste des membres selon... C'est la corporation qui juge les fins pour
lesquelles la liste doit servir: si c'est pour envoyer tel et tel document aux
membres, si c'est pour faire telle et telle publicité aux membres. Les
corporations sont quand même régies aussi par un règlement
du gouvernement sur le tableau des membres et ce sont des données,
à l'intérieur du tableau, qui sont publiques, c'est-à-dire
que le nom et les adresses de domicile, c'est public, ça, de toute
façon. Alors, par le fait que ce soit déterminé que c'est
public, c'est la corporation qui peut, à un moment donné,
moyennant rémunération ou paiement des frais, permettre à
un organisme d'utiliser ses listes. Je sais que ça se fait. Il y en a
d'autres corporations qui l'interdisent systématiquement, qui disent:
Bon, c'est... Notre tableau des membres est disponible au public pour
consultation sur place, tout simplement. La pratique est différente
d'une corporation à l'autre.
M. Bourdon: Parce que, dans le fond, ça pose la question
de l'accès nominatif à un renseignement d'ordre public versus
l'accès en vrac, d'une certaine façon, à une liste qui
peut facilement, avec les progrès technologiques qu'on a connus, devenir
une liste d'adressage et, à ce moment-là, j'ai le sentiment,
là comme ailleurs, que ça pose la question de la
commercialisation des listes. Ce que j'entends par commercialisation, c'est
qu'une profession ait un tableau et qu'un citoyen qui veut consulter, par
exemple, dans une profession, ait accès aux données. C'est de
l'ordre de l'évidence. Mais j'ai ouï dire que les professionnels,
comme toutes sortes de groupes ciblés, peuvent être à
l'occasion très sollicités par des gens qui veulent vendre un
service ou un produit.
M. Roy: Exactement - et, d'ailleurs, on l'a souligné dans
notre mémoire - c'est une des lacunes. À certains égards,
les corporations professionnelles, comme organismes, c'est-à-dire... Les
professionnels sont très réglementés en ce qui concerne la
confidentialité, alors que les corporations professionnelles, comme
organismes,
détiennent des renseignements sur des membres. Il y a certaines
dispositions dans la loi qui prévoient que, par exemple, les dossiers
d'inspection professionnelle, c'est confidentiel; d'autres, c'est la
discipline, bon. Les membres du bureau sont assujettis à un serment de
discrétion, mais il reste qu'il y a des renseignements que
détiennent des corporations sur leurs membres et non pas seulement sur
leurs membres, sur des gens, par exemple, qui adressent une plainte ou qui
demandent au syndic de faire enquête, qui détiennent des
renseignements sur un candidat à la profession qui voudrait être
accepté, puis, s'il est refusé, alors... Il y a toute une masse
de renseignements et d'informations qui n'est pas, actuellement,
réglementée.
M. Bourdon: D'accord. Hier soir, on avait devant nous des
intervenants du milieu des assurances qui nous partaient du fonctionnement
d'une organisation qui joue un rôle central puis sensible en même
temps, qui s'appelle le Bureau de renseignements médicaux, et
j'étais étonné d'entendre dire que le citoyen qui consent
à ce qu'on ait accès à son dossier médical - et on
a vu la formule - se fait dire qu'advenant qu'il veuille en avoir copie il y a
certains renseignements qui pourraient ne pas lui être donnés,
mais qu'il devrait retourner voir le médecin traitant pour les
avoir.
Juste au plan de l'éthique, je pose le problème. Est-il
admissible qu'une personne n'ait pas accès à son propre dossier
médical, au même titre et sur le même pied qu'un tiers, dans
le sens qu'on nous dit que ça ne va pas à beaucoup de personnes
à l'intérieur de la compagnie d'assurances? Quant à moi,
je ne pense pas qu'il y ait de comportement scandaleux nulle part, à cet
égard-là. Ce n'est pas ça qui est le fond de ma question,
si on veut, mais est-ce admissible que, par exemple, un médecin
révèle sur mon état de santé, à une
entreprise d'assurances, des renseignements qu'il n'a pas donnés
à son patient et que le candidat assuré - parce que,
habituellement, c'est une personne qui veut adhérer à un
régime d'assurances - se fait dire non, le renseignement que le tiers a
obtenu ne lui est pas accessible, il faut qu'il retourne au médecin pour
tenter de l'avoir? Je dois vous dire que là-dessus les explications
étaient peut-être claires, mais elles ne m'ont pas convaincu.
Ça revenait, en gros, à dire qu'un médecin peut ne pas
avoir été capable de rejoindre quelqu'un pour lui dire qu'il
avait une maladie grave, mais que le Bureau de renseignements médicaux,
c'est plus facile de rejoindre... Qu'est-ce que vous pensez de cette
espèce d'approche à deux niveaux de renseignements qui, il me
semble, devraient être les mêmes?
M. Roy: D'abord, il y a deux... Dans un premier temps, la
première partie de votre intervention ne faisait pas état du fait
qu'un professionnel peut, pour des raisons, refuser de donner des
renseignements à un client qui le concernent. C'est d'ailleurs dans les
règlements sur les codes de déontologie ou dans le
règlement sur la tenue des dossiers. Il est bien indiqué que le
professionnel doit respecter le droit du client de prendre connaissance de son
dossier. Certains vont dire: Sauf pour des motifs justes et raisonnables;
d'autres vont dire: À moins que le bien du client ne le commande, le
professionnel peut ne pas transmettre certains renseignements. Alors, il y a le
jugement du professionnel, et je peux vous dire que. par expérience,
ça, ça peut aider, par exemple, dans le cas des enfants mineurs
où les parents voudraient avoir certains renseignements contenus dans le
dossier. Alors, là, le professionnel peut, pour le bien du client, ne
pas transmettre.
Le deuxième point de votre intervention, effectivement, est un
problème actuel qu'on discute actuellement à l'Office des
professions. C'est la question des médecins qui vont travailler pour les
compagnies d'assurances et qui ne transmettent pas les dossiers ou les
données au client, c'est-à-dire à la personne qui se fait
examiner, mais ça s'en va directement à la compagnie
d'assurances. Moi, je suis d'accord en partie avec ça dans le sens
qu'à ce moment-là, ce qui est important, c'est que ça soit
clair pour la personne qui va se faire examiner... Elle connaît le
contexte dans lequel elle va se faire examiner et, habituellement, ce n'est pas
son médecin traitant, c'est le médecin d'une compagnie
d'assurances. Vous n'êtes pas obligé de dévoiler des choses
à cette personne-là. Vous n'êtes pas en relation de
confiance comme vous pouvez l'être avec votre médecin traitant. Il
y a un contexte, là, différent. Alors, les données sont
envoyées à une compagnie d'assurances - on parle toujours
d'examen médical pour fins d'assurances - mais je pense que ce sont des
données qui, selon moi, devraient être accessibles à la
personne ou au client.
Je pense que le meilleur moyen, ça ne serait pas d'intervenir
auprès des compagnies d'assurances pour les obliger à rendre ces
données-là accessibles. Ça pourrait être, par
exemple, quand on passe un tel examen, on signe une formule où on permet
au médecin de transmettre des données à la compagnie
d'assurances. Il pourrait y avoir aussi une autre ligne en disant: On demande
à la compagnie d'assurances de faire parvenir ces
renseignements-là à un autre médecin qui est notre
médecin traitant.
En gros, ce que je veux dire, à supposer que comme ça
s'est déjà produit, je crois, c'est que quelqu'un avait un cancer
et il ne l'a pas su. Mais moi, j'aimerais mieux le savoir de mon médecin
traitant. Je pense que c'est important pour le médecin qui travaille
pour la compagnie, à ce moment-là, de dire: Va consulter ton
médecin traitant, ou: Je vais transférer des données
à ton médecin traitant; va consulter, va
voir. J'aimerais mieux que ces renseignements-là proviennent de
mon médecin traitant, que ce soit le médecin de la compagnie
d'assurances que je n'ai jamais vu et qui me dit: Tu as un cancer. Je ne sais
pas si vous me comprenez.
Le principe, c'est de rendre ça accessible au client, mais par le
biais, peut-être, d'obliger le médecin ou la compagnie
d'assurances de transmettre à un autre médecin les
données. Ça évite, à ce moment-là -
ça rejoint un peu le principe qu'on disait tantôt - que les
données recueillies dans un contexte donné, pour des fins, ne
servent pas qu'à ces fins-là.
M. Bourdon: Vous mentionnez le cas de l'assurance. C'est de
ça qu'on pariait. En droit du travail, il y aussi l'employeur qui peut
référer un employé à un médecin, et les gens
ignorent souvent que ce médecin-là n'est pas tenu au secret
professionnel, d'aucune manière. Dans la mesure où il est
rémunéré par l'employeur, il est même susceptible de
devenir un témoin à charge contre le patient. Mais est-ce qu'il y
a déjà eu des discussions sur le phénomène qui fait
que, dans nos sociétés, il y a des médecins qui n'ont
jamais soigné personne et qui agissent comme experts pour donner soit un
avis, soit comme témoin à charge contre une personne? En tout
cas, j'ai peut-être mal lu le serment d'Esculape, mais je croyais qu'un
médecin avait pour mandat et pour mission de soigner les gens. Est-ce
que vous vous êtes déjà interrogé sur le type de
relation qui peut exister entre une personne, par exemple, qui est
référée par son employeur à un médecin, en
qui il devrait voir un témoin à charge éventuel s'il y
avait conflit avec l'employeur? Est-ce que ça a déjà fait
l'objet de débats, là, à l'intérieur des cadres, de
l'ordre ou de la corporation qui représente les médecins?
M. Roy: Écoutez, je ne saurais vous dire à
l'intérieur... à l'Office des professions, ça n'a pas fait
l'objet de débats comme tels. Comme je vous l'ai mentionné, on a
été saisi d'un cas, dernièrement, où on est en
train... on discute de la question de l'examen médical par une compagnie
d'assurances. On a ça sur la table et on va sûrement en discuter
avec la corporation des médecins pour voir les améliorations
à apporter dans ce cas-là. Ça pourrait peut-être
régler un problème si la personne avait le choix de son
médecin. Tu sais, plutôt que ce soit un médecin
imposé, un médecin de l'employeur, si la personne avait le choix
du médecin, à ce moment-là, je pense que ça
changerait toute la relation qui existe entre le professionnel et le
client.
M. Bourdon: II y un cas récent qui m'a frappé
aussi. Il y a un psychiatre qui, là, n'agissait pas avec une personne
référée par la Société d'assurance
automobile; il n'était pas uniquement un éventuel témoin
à charge, mais il était comme le procureur de la couronne. Par
exemple, le lien entre sa vie sexuelle à l'adolescence et son accident
d'automobile n'est pas patent, étant donné que le responsable de
l'accident était ivre mort. Ce n'est pas patent. Au nom de cette
personne-là, j'ai écrit à M. Augustin Roy, et je n'en ai
pas eu de nouvelles.
Et la question que ça m'amène à poser, c'est - et
ça, c'est les limites de l'autoréglemen-tation - comment se
fait-il que si on a se plaindre d'un marchand d'appareils électriques,
par exemple, on a un recours à l'Office de la protection du consommateur
et à un tribunal ordinaire, alors que, quand on a à se plaindre
d'un professionnel, on se plaint à l'ordre qui représente le
professionnel, et après ça il est jugé, pas par ses pairs,
mais par les siens, d'une certaine façon? Est-ce qu'il n'y a pas
là possibilité d'abus?
M. Roy: Comme dans tout système, je pense qu'il y a
possibilité d'abus. Ce sont les règles du jeu actuelles du
système professionnel, qui n'est quand même pas parfait, mais je
pense que le système professionnel actuellement, selon nous, fonctionne
bien. Il y a lieu de l'améliorer, mais il fonctionne bien. C'est
sûr qu'il y a des lacunes à l'intérieur du système.
La question du jugement par les pairs, selon moi... En matière
professionnelle, il n'y a rien de mieux que les pairs pour comprendre vraiment
et juger de la situation, juger du geste posé ou de la faute
reprochée au professionnel. En fait, ce sont deux conceptions, deux
systèmes qui s'affrontent. Actuellement, c'est un système
semi-privé. En fait, c'est l'État qui délègue ses
pouvoirs aux corporations professionnelles financées par des
professionnels, alors que dans d'autres milieux ça va être un
système étatique où c'est l'État qui intervient et
qui s'occupe de la discipline des professionnels, etc. Alors, c'est deux
systèmes qui s'affrontent.
M. Bourdon: Maintenant, dans vos remarques, vous avez
mentionné, je pense, les dispositions nouvelles du Code civil sur la
protection de la vie privée et de la réputation. Vous êtes
sans doute au courant qu'elles ne sont pas encore promulguées. Est-ce
que vous souhaiteriez que ça se fasse dans un délai relativement
rapide pour promulguer, quitte à ce qu'il y ait quelques amendements -
parce que le Code civil est en discussion dans une autre salle ici - et qu'on
promulgue les dispositions du Code relatives à la réputation et
à la vie privée?
M. Roy: Oui, je pense que ce qui est important, dans ce qui est
prévu dans le projet de Code civil, selon nous, le principe de
protection de la vie privée devrait être consacré
là-dedans. Ce n'est pas nécessaire d'aller aussi loin que
d'identifier des situations qui, elles, peuvent être prévues dans
d'autres lois. Pour nous autres, ce qui est important, de toute façon,
c'est qu'il n'y ait pas de dédoublement, que le Code civil en
donne un bout, que la loi sur l'accès en donne un autre bout, le
système professionnel, un autre bout.
M. Bourdon: Ça fait le tour.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député. Alors, est-ce qu'il y a d'autres questions, M. le
ministre?
M. Cannon: Je m'excuse, M. le Président. Non, je n'ai pas
d'autres questions, merci.
Le Président (M. Dauphin): Alors, au nom de tous les
membres de la commission des institutions, je n'ai qu'à vous remercier,
remercier l'Office d'être venu témoigner devant notre commission.
Merci et bon retour.
Alors, nous allons suspendre quelques instants pour permettre au dernier
groupe de s'avancer vers l'avant.
(Suspension de la séance à 16 h 32)
(Reprise à 16 h 34)
Le Président (M. Dauphin): Nous reprenons nos travaux
avec, comme dernier groupe et non le moindre, la Commission d'accès
à l'information, présentée par son président, M.
Paul-André Comeau. Alors, M. Comeau, bienvenue. Je vous demanderais donc
de nous présenter les personnes qui vous accompagnent et, ensuite, de
procéder à votre exposé d'une durée maximale
d'environ 20 minutes.
Commission d'accès à
l'information
M. Comeau (Paul-André): Je vous remercie beaucoup, M. le
Président. Je vous remercie de l'honneur périlleux que vous nous
avez réservé d'intervenir à la fin de cette série
d'audiences. Alors, je suis accompagné des représentants de la
science et de l'expérience de la Commission: Me André Ouimet,
à ma droite, qui est directeur du service juridique et secrétaire
de la Commission, et M. Clarence White, qui, lui, est l'histoire de la
Commission. Il est actuellement, depuis quelques années
déjà, directeur de l'analyse et de l'évaluation.
Alors, je voudrais, si vous le permettez, tenter de vous exposer
l'essentiel de nos cogitations et de vous expliciter le sens et l'objectif des
propositions que la Commission vous a soumises voilà déjà
un petit moment. Si la Commission s'est penchée sur le problème
de la réglementation des renseignements personnels dans le secteur
privé, cela résulte d'un cheminement relativement patient, serein
et assez régulier, et un cheminement qui s'est situé
parallèlement et aussi à l'intérieur même de la
Commission. De la part de la Commission, il n'y a pas, à l'égard
de l'objet de nos travaux, de croisade ou d'entreprise, mais vraiment une
réflexion qui s'enchaîne dans un processus qui n'a pas
été lancé par la Commission elle-même, même si
elle y a joué un rôle important, peut-être même
fondamental.
Il faut dire que la distinction entre le privé et le public, en
ce qui concerne les renseignements personnels, a été posée
au moment même où on a établi le principe de la loi
d'accès dans la commission Paré. Ensuite, dans les travaux qui
ont mené à l'élaboration de la loi, il y avait une
distinction de principe et de fait entre les renseignements personnels, selon
qu'ils sont ou non détenus par le secteur privé ou par le secteur
public.
Cette réflexion sur la nature de la protection à accorder
à ces renseignements, selon le lieu de leur détention, s'est
poursuivie au sein de l'appareil administratif du Québec par des
réflexions qui se sont structurées, notamment à l'occasion
des travaux du comité interministériel qui a abouti à ce
qu'on appelle maintenant le rapport Legendre, où la Commission
d'accès à l'information était associée à des
réflexions importantes sur ce qui était considéré
comme une nouvelle étape dans la mise en place de droits nouveaux,
enfin, relativement nouveaux, dans la culture politique du Québec. Et,
puis, à l'intérieur même de l'agir de la Commission, nous
avons été amenés - je dis nous au sens de mes
prédécesseurs et de moi-même, de mes collègues -
à nous pencher sur des cas précis où la protection des
renseignements personnels par le secteur public, par l'État donc, ou par
les organismes parapublics débouchait sur des avenues plus ou moins
imprévues au moment de l'adoption de la loi.
C'est ainsi qu'on a vu que, dans certaines circonstances, l'État,
qui a ramassé, qui a traité des renseignements personnels, les
prête, les loue à d'autres entreprises, au sens noble du terme.
Même l'inverse est vrai. Le secteur privé a été mis
à contribution et a lui aussi fourni des renseignements à
l'État. Et, là, il y a des problèmes qui se posent.
Pourquoi les renseignements, lorsqu'ils changent de secteur, deviennent-Ils
l'objet d'une protection et ne le deviendraient-ils pas si l'inverse se fait?
Il y a quelque chose qui devient - vous me pardonnerez l'expression - presque
jésuitique à certains moments. Et ces réflexions, la
Commission les a accumulées au fil des années. Mais il faut dire
que deux ensembles d'événements ont plus ou moins
coïncidé et expliquent d'abord, je pense, la convocation de ces
audiences et aussi l'accéra-tion des réflexions, au sein de ta
Commission, à cet égard.
Premier élément fondamental, c'est bien sûr
l'adoption de certains articles du nouveau Code civil, dès 1987, qui
garantissent des droits fondamentaux à cet égard: les trois
droits classiques de connaître, d'avoir accès et aussi de
porter rectification. C'est un pas significatif qui a été
posé même si, pour le moment, ces droits ne sont pas en vigueur
comme tels sur l'ensemble du territoire québécois.
Mais, au même moment, depuis deux ans, un autre
événement nous interpelle directement, c'est la mise en place,
dans la Communauté économique européenne, des 282
directives qui vont constituer ce qu'on appelle "l'Europe de 1992". Or, l'une
de ces 282 directives porte précisément sur la gestion et la
protection des renseignements personnels.
C'est là où la Commission s'est inquiétée du
sort qui, éventuellement, pourrait être réservé aux
entreprises québécoises installées d'une façon ou
de l'autre en Europe. Parce que cette directive va obliger les entreprises,
comme les sociétés publiques ou parapubliques, qui
échangent de tels renseignements avec leur équivalent
européen, à assurer chez eux, donc chez nous, une protection
adéquate à ces renseignements personnels.
Alors, vous me permettrez un instant de changer de casquette et de
redevenir le journaliste que j'ai été et que je demeure
foncièrement pour vous dire qu'au moment où l'on se parle,
à Paris, au sein de l'OCDE, aujourd'hui et demain, il y a une
réunion précisément consacrée à cette
question et, samedi et dimanche, à Genève, au sein du GATT, on
aborde également cette question-là de la protection des
renseignements personnels. La position des Européens est connue, celle
des Canadiens et des Américains l'est, et on s'oriente vers un
affrontement majeur à cet égard. C'est donc dire qu'il y a un
problème qui dépasse la simple théologie juridique ou les
simples réflexions qu'on pourrait imaginer.
Je reviens, à ce moment-là, si vous permettez, à
mes préoccupations actuelles. Nous sommes à la fine pointe de
l'actualité, mais nous avons à prendre des décisions qui
touchent, je pense, les droits fondamentaux des Québécois et des
Québécoises. C'est dans ce contexte évolutif que la
Commission vous propose un certain nombre de mesures. Nous voulons donc
contribuer à assurer aux Québécois et aux
Québécoises la protection qui leur est due, en ce qui concerne
les renseignements personnels qui les définissent, qui les
caractérisent, qui risqueraient, dans certaines circonstances, de les
pénaliser ou même de les ostraciser.
La loi d'accès à l'information, qui a maintenant
près de 10 ans, a balayé un espace important en ce qui concerne
tout le secteur public. Mais nous croyons que, pour des raisons de justice et
d'équité, il y a lieu maintenant de franchir le pas
supplémentaire, comme le législateur l'a fait en adoptant les
articles en question dans le Code civil. Mais cet objectif, donc, d'assurer des
droits, nous voulons contribuer à le réaliser en ayant quand
même en tête un second objectif, qui est celui de maintenir la
capacité concurrentielle des entreprises du Québec. Et ça,
nous avons eu en tête, en élaborant notre projet, cet objectif
puisque c'est une des objections qui est habituellement agitée lorsqu'on
avance, lorsqu'on propose ce projet de protection des renseignements personnels
dans le secteur privé.
Or, comment réaliser ces deux objectifs? Nous proposons ce que
nous avons appelé, peut-être de façon un peu
prétentieuse, une loi-cadre. Je préférerais, après
réflexion, parler d'une loi souple, par allusion, par analogie à
la médecine douce, une loi souple qui prendrait en charge, dans un
premier temps, les trois droits déjà reconnus par le Code civil:
le droit de connaître, d'avoir accès et de pouvoir corriger. Ces
trois droits, pour la très grande majorité des entreprises
québécoises, signifient en définitive peu de choses.
Le petit employé d'une entreprise de la Beauce, je pense, a le
droit de pouvoir voir le dossier que son patron détient sur lui. Pour la
très grande majorité, je le repète, des entreprises
québécoises, l'exercice de ces droits, qui ont déjà
été décidés par l'Assemblée nationale, ne
pénalisera pas grand monde ni n'entraînera de problèmes
majeurs. Je pense que, même au niveau des relations de travail, la mise
en oeuvre de ces droits sera de bonne guerre pour les entreprises.
Le problème qui se présente, lorsqu'on examine cette
question des renseignements personnels, se situe au niveau de la circulation,
de l'échange, de la vente, de la transmission de ces renseignements
personnels. Et là il faut reconnaître que le problème est
complexe, qu'il est lié aux caractéristiques des entreprises. Il
est évident que ça varie. On a évoqué les
professions, on peut penser également aux magazines, on peut penser aux
associations de bienfaisance qui interviennent à un titre ou l'autre,
à un moment ou l'autre, dans le domaine des renseignements personnels.
Mais il y a aussi des choses beaucoup plus complexes, beaucoup plus sensibles,
des renseignements qui définissent la santé d'un individu,
physique comme financière, etc.
Et le problème de la circulation des renseignements est
lié à un quatrième droit qui n'a malheureusement pas, pour
diverses raisons, été pris en charge par le Code civil, qui est
la notion de consentement, le droit au consentement. Là, il faut, je
pense, poursuivre ce qui a été entrepris dans la réforme
du Code civil et franchir le pas. Le droit de consentement, dans le domaine de
la protection des renseignements personnels, est reconnu dans presque toutes
les législations disponibles actuellement en Occident et dans les textes
internationaux également sur cette question. (16 h 45)
Évidemment, mettre en oeuvre une législation dans le
domaine privé en tenant compte de cette notion de consentement, ce n'est
pas quelque chose d'évident et la Commission suggère que, pour y
parvenir, on établisse, selon quelques
secteurs ou sous-secteurs, des tables de concertation qui permettront
aux gens de définir comment, dans leur secteur, on peut appliquer les
trois grands principes et comment traduire la notion de consentement de
façon démocratique, honnête et juste.
La Commission d'accès à l'information s'est
réjouie, à la faveur des séances qui ont eu lieu dans
cette salle, des bonnes dispositions qui ont été
énoncées, et peut-être même multipliées
à certaines occasions, par les représentants du monde des
affaires, dans le domaine industriel également. Votre commission, je
pense, a reçu, de la part de la plupart de ces sociétés ou
de leurs représentants, un engagement de participer. Nous croyons que
l'objectif que s'est fixé la Commission pourrait être
réalisé par la concertation à la faveur de ces tables
sectorielles. Évidemment, si l'un ou l'autre des sous-secteurs qui
pourraient être identifiés, soit à la lumière du
rapport Legend re ou de tout autre façon, ne veut pas se lancer dans
l'entreprise ou s'il est incapable de s'entendre, la Commission reconnaît
qu'il faudra, à ce moment-là, prendre ses responsabilités,
que le législateur intervienne pour promulguer d'autorité une
loi, si telle est sa volonté.
Pour assurer un droit d'appel en cas de conflit, en cas
d'incompréhension, parce qu'il y a, même dans certains secteurs
déjà plus ou moins coiffés d'une législation, des
lacunes - on vient de l'entendre - la Commission préconise que les
citoyens et citoyennes du Québec aient recours à un tribunal
administratif qui puisse être facilement et gratuitement accessible.
C'est le principe fondamental que nous retenons. Bien sûr, on peut
imaginer qu'à l'égard du Code civil on peut, mais moyennant
l'intervention du système judiciaire et des coûts que ça
entraîne, avoir recours aux tribunaux habituels. Mais cela est impossible
et de plus en plus improbable, étant donné le fait que les
rôles sont surchargés dans l'ensemble du système
judiciaire, aussi bien au Québec qu'au Canada.
Du même souffle, la Commission recommande que, si
l'Assemblée nationale décide de donner suite à ses
recommandations ou d'établir une législation dans ce domaine, le
mandat d'adjudication ou de contrôle lui soit accordé. Vous me
permettrez d'aligner à cet égard quatre raisons.
D'abord, il me semble qu'il y a une nécessité de
cohérence fondamentale dans le droit en ce qui concernerait les
renseignements, selon qu'ils sont du secteur privé ou du secteur public.
Il serait impensable qu'un Individu puisse obtenir une décision de la
part d'un organisme qui coifferait le secteur public et une autre par un
organisme qui coifferait le secteur privé. Il y a là quelque
chose d'incohérent et, d'ailleurs, tous les pays qui ont
légiféré dans le secteur des renseignements personnels ont
coiffé d'un seul organisme les deux secteurs. Il y a une cohéren-
ce qui nous semble fondamentale.
Deuxièmement, et en regard de cette cohérence,
l'expérience accumulée dans ce domaine par la Commission
d'accès à l'information, je pense, parle en sa faveur puisque,
à plusieurs reprises, la Commission a été amenée
à intervenir soit sous forme d'avis à l'égard de projets
de loi, lors de transferts de renseignements personnels du secteur privé
vers le secteur public, ou vice versa. De même, sans vouloir nous lancer
des fleurs, mais c'est quand même agréable de le faire, le record
de la Commission d'accès à l'information en ce qui a trait aux
délais, en ce qui a trait au traitement est très honorable,
veuillez me croire, quand on le compare à l'ensemble des tribunaux
administratifs au Québec.
Et, enfin, il y a une dernière considération qui me semble
importante, dans les circonstances et même dans l'absolu, depuis la
volonté de procéder à un dégraissement, pardonnez
l'expression, de l'appareil étatique, je ne pense pas qu'il soit
intéressant ni intelligent de créer, pour le moment, de nouvelles
structures, de mettre en place de nouveaux organismes.
En somme, la Commission d'accès à l'information vous
propose une législation souple qui aurait comme objectif fondamental
d'assurer, pour l'ensemble des citoyens du Québec, le respect de leurs
droits déjà insérés dans le nouveau Code civil, une
législation souple qui permettrait aux sociétés et aux
entreprises du Québec de jouer leur rôle à cet égard
tout en leur conservant et en leur assurant un accès au marché
étranger.
Je voudrais simplement, en terminant, dire qu'au rythme où tes
choses évoluent la protection des renseignements personnels, si elle
n'est pas prise en charge par les États, deviendra facilement, par le
jeu d'une concurrence de plus en plus effrénée,
l'équivalent d'un nouvel obstacle non tarifaire, et les entreprises
québécoises, comme canadiennes d'ailleurs, pourraient se trouver
dans une situation très difficile, à cet égard, si elles
ne jouissaient pas d'une protection des renseignements personnels ici
même. Alors, voilà, M. le Président, ce que j'avais
à vous énoncer.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. Comeau, pour
votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période
d'échange avec M. le ministre des Communications.
M. Cannon: Merci, M. le Président. M. Comeau, bienvenue de
même qu'à vos collaborateurs, M. White et M. Ouimet. J'ai
été fortement impressionné par la manière dont vous
avez exposé, vous avez fait la présentation de votre document, de
la façon avec laquelle vous avez abordé le sujet et les
recommandations qui y sont contenues. Je vous dirai que ça a
été voulu que vous soyez les derniers à venir
témoigner.
puisqu'on garde toujours le dessert pour la fin.
Je suis heureux aussi de constater que vous parlez maintenant d'une loi
souple plutôt qu'une loi-cadre. Ça me réjouit un peu parce
que, d'abord, ça donne davantage l'impression que vous recherchez
quelque chose qui est à la fois efficace et efficient et qui puisse
répondre adéquatement aux besoins qui sont ressentis. La
commission a permis aux membres qui y participent d'avoir une gamme
d'expériences qui nous ont été communiquées et,
parmi les expériences, il y en a eu qui proposaient carrément
l'autoréglementation comme étant le véhicule qui
permettrait de pouvoir répondre adéquatement à la
protection des renseignements et, je dois dire, saupoudré un peu avec
les lignes directrices de l'OCDE. Il y en a d'autres qui proposaient une
structure très lourde et qui étouffe presque les
bénéficiaires ou, enfin, les gens qui, normalement, peuvent avoir
recours.
Je suis très préoccupé par cette question de
recours et de sanction, de même que par le droit de consentement et vous
avez évoqué ça dans votre texte. J'ai, cet
après-midi ou... pardon, ce matin, écouté avec beaucoup
d'attention... puis ça nous a été proposé par les
gens du Mouvement Desjardins. Leur recommandation, qui est contenue,
mémoire no 13, qui, et je vous le résume rapidement... d'abord,
dans un premier temps, disait qu'il fallait s'inspirer des lignes directrices
de l'OCDE et je pense que ça, c'est assez
généralisé partout, mais d'éviter la
création d'une loi additionnelle, établissant au sein même
du Code civil... Et on disait que le Code civil pourrait probablement servir,
sans avoir recours à une nouvelle loi, à faire les droits
fondamentaux des particuliers à l'égard des renseignements
personnels détenus à leur sujet par les entreprises du secteur
privé; deuxièmement, les devoirs et les obligations de ces
entreprises en matière de cueillette, traitement, conservation et de
renseignements.
Somme toute, avec l'échange que nous avons pu avoir ce matin,
l'obstacle, finalement, c'est de savoir: Est-ce que oui ou non, parce que,
historiquement, les cas qui sont référés ou qui touchent
la "common law" ou le Code civil sont référés aux
tribunaux du Québec, est-ce qu'il y a moyen de trouver un autre
organisme quasijudiciaire ou un autre tribunal qui pourrait s'occuper
particulièrement de cette chose-là? Je vous pose la question
comme ça, en termes de flexibilité, vous demander si vous croyez
que, justement, cette recommandation-là ne pourrait pas couvrir les
préoccupations que non seulement vous avez manifestées cet
après-midi dans d'autres dicussions, mais que l'ensemble des gens qui se
sont présentés ici ont eues comme intérêt.
M. Comeau: Si je comprends bien la recommandation du Mouvement
Desjardins, eux se contenteraient de l'énoncé des droits tels
qu'ils sont déjà dans le Code civil aux trois articles.
Moi, je pense que ces droits-là doivent demeurer comme tels et
qu'il n'est pas question de faire marche arrière à cet
égard. Mais le problème, il est éminemment pratique au
niveau de la mise en oeuvre et du respect de ces droits, lorsqu'un individu se
sent lésé ou ne parvient pas à obtenir leur mise en
oeuvre.
Alors, qu'est-ce que l'on fait à ce moment-là? Mon
sentiment - et je ne suis pas juriste - c'est que si on ne va pas
au-delà, si on se contente... on demeure dans l'abstrait et presque dans
les voeux pieux, puisqu'on ne fournit pas aux citoyens le moyen de pouvoir
facilement obtenir justice et correction. Si vous permettez, je vais demander
à Me Ouimet de traduire en langage plus juridique ce qui est une
perception vraiment politique.
M. Cannon: Je voudrais peut-être, M. Comeau,
spécifier un dernier élément. Mon idée
n'était pas sortie ou, enfin, ma pensée n'avait peut-être
pas été complétée là-dessus. Il y a un autre
élément dans cette recommandation-là qui dit qu'on peut
établir, par règlement édicté en vertu du Code
civil, les modalités d'application de ces droits, devoirs et
obligations. Alors donc, cet aspect-là, décrété par
règlement, serait touché. On pourrait couvrir cet
aspect-là. C'est pour ça que je n'ai peut-être pas
été juste en vous confiant la balle comme ça.
M. Comeau: Non, non.
M. Cannon: II y a cet élément-là qui
suit.
M. Comeau: Je pense que je maintiens ma réponse quant aux
suites. Qu'est-ce que l'on fait avec un règlement ou qu'est-ce que l'on
fait avec une loi? C'est la différence et c'est la balle que je lance,
si vous permettez, à mon collègue, M. Ouimet.
Le Président (M. Dauphin): Me Ouimet.
M. Ouimet (André): Moi, j'ajouterais que, dans le
mémoire de la Commission, on parle de quatre droits, le droit à
l'information, le droit d'accès à son dossier, le droit de
rectification et le droit à la communication. Dans le Code civil, on
retouve trois de ces droits-là et on ne retrouve pas le
quatrième, qui est le droit à la communication. Or, on pourrait
ajouter dans le Code civil le droit à la communication. La grosse
difficulté, quant à nous, c'est, comme vous l'avez
souligné, M. le ministre, la question du recours. Dans le Code civil, il
n'y a rien qui est prévu quant à un recours administratif devant
un tribunal quasijudiciaire. Il n'y a rien qui est prévu quant à
des modalités. Par exemple, on ne voit pas, dans le Code civil, de
dispositions qui disent que, dans les 20 jours, quelqu'un a un droit
d'accès à quelque chose. Ça, ce sont des modalités
qu'on retrouve généralement dans des
lois particulières. Or, comment intégrer ça dans le
Code civil? Je pense qu'il y a problème juridique fondamental
là.
M. Cannon: O.K. Peut-être une autre question, toujours
concernant les représentations qui ont été faites par les
gens qui nous ont rencontrés. Plusieurs souscrivaient à
l'idée que la Commission d'accès à l'information joue le
rôle qu'elle joue présentement, pour probablement les quatre
raisons que vous avez évoquées tout à l'heure, qu'elle
joue ce rôle auprès du secteur privé. Lorsque vous avez
fait votre recommandation, M. Comeau, est-ce que vous avez eu
l'opportunité tout au moins de songer à ce que ça pourrait
représenter comme charge supplémentaire? Je sais que vous n'avez
probablement pas fait une évaluation exhaustive et qui
nécessiterait de dire: Bon, bien, au Conseil du trésor, je vais
demander x postes supplémentaires additionnels. Bon, ce n'est pas la
nature de la question, mais vous avez songé à ça. Est-ce
que vous pourriez nous donner, dans les grandes lignes, un aperçu de ce
que ça pourrait représenter? (17 heures)
M. Comeau: Ma réponse est en deux temps. Je suis à
peu près certain que, si la commission et l'Assemblée nationale
retenaient notre suggestion de procéder, en ce qui concerne la
circulation des renseignements personnels, à la convocation de tables
sectorielles, ces tables, leur travail pourrait s'échelonner sur une
période qui ne devrait pas excéder 18 à 20 mois. Durant
cette période, il est évident que, selon les modalités de
travail qui seraient établies - parce que nous recommandons que ce soit
fait de concert par le ministère de la Justice et par le
ministère des Communications avec l'appui technique de la Commission -
à ce moment-la, il est évident que, sur le plan du
secrétariat, il y aura un besoin de ressources additionnelles et,
peut-être aussi, de recours à des experts extérieurs pour
préciser des points techniques. À ce moment-là, ça
ne nous semble pas très onéreux.
Faisons maintenant l'hypothèse de la mise en vigueur d'une loi,
souple et douce, je le répète. À ce moment-là, si
l'on se base sur l'expérience vécue par la Commission
d'accès, précisément en ce qui concerne les renseignements
personnels, mais dans le secteur public - puisque, l'an dernier, nous avons eu,
grâce à votre ministère, une étude exhaustive sur
les demandes des citoyens du Québec à ce sujet - la majeure
partie des requêtes formulées en vertu de la loi sur
l'accès portent précisément sur des renseignements
personnels. Or, au moins 95 % de ces demandes ont été satisfaites
automatiquement et immédiatement et, de fait, ne sont parvenues à
la Commission, après des refus donc, que peu, beaucoup moins en tout
cas, de demandes en ce qui a trait aux renseignements personnels que de
demandes en ce qui a trait à l'accès aux docu- ments
administratifs. En d'autres termes, l'appareil public a été
capable de répondre de façon massive au problème des
renseignements personnels, et Dieu sait si l'État en détient.
Devant la bonne volonté qui a été exprimée ici,
devant la multiplication des codes de conduite qui existent déjà,
on fait l'hypothèse que les cas qui deviendraient, qui arriveraient sur
la table de la Commission ne seraient pas nombreux. On ne voit pas pourquoi,
subitement, il y aurait une montagne alors que, pendant 10 ans, en ce qui
concerne l'État, les cas ont été quand même peu
importants. Alors, des ressources nouvelles? Sans doute, mais je ne pense pas
que ce soit considérable, que ce soit un chambardement de budget et un
renversement de proportions. C'est à peu près tout ce que je peux
vous répondre. Dans un premier temps, un personnel clerical - pour
employer un anglicisme - peut-être plus important, avec des contrats
d'expertise au vrai sens du terme, et, dans un deuxième temps, quelques
ressources nouvelles, sans doute, mais qui ne nous semblent pas
considérables.
M. Cannon: Au sujet de l'autoréglementa-tlon, je reviens
là-dessus, parce que les représentants du secteur privé,
que ce soit les associations d'employeurs, d'autres personnes, des assureurs,
des gens du milieu financier, nous ont dit, somme toute, et je reprends un peu
ce que je vous ai dit tout à l'heure, nous ont indiqué que
l'autoréglementation, c'était suffisant en autant,
évidemment, qu'on puisse se conformer aux directives, parce qu'une
intervention gouvernementale dans le secteur viendrait nuire
considérablement à la capacité concurrentielle de ces
entreprises; ce serait, bien sûr, un ajout, un fardeau qui
empêcherait les entreprises de bien fonctionner. Sur cette question
précise de l'autoréglementation, à force de discuter avec
les gens, même si les mieux intentionnés avaient des codes de
déontologie qui tapissaient mur à mur l'entreprise, on
s'apercevait quand même qu'il y avait des écarts, et ce
n'était peut-être pas volontaire. Il y avait des écarts qui
étaient, dans certains cas, dus à des erreurs de personnel de
soutien, et j'évoque le cas de Bell Canada ou d'autres cas où,
carrément, la personne n'était pas habituée à
traiter la demande puis avait recours à une personne et, finalement,
ça n'a pas fonctionné; ou même d'autres cas, qui sont quand
même assez nombreux, de personnes qui, annuellement, se présentent
devant des comités de discipline et qui, finalement, n'ont
peut-être pas gain de cause et, jugés devant une association
professionnelle, je ne suis pas convaincu que le consommateur a toujours
raison.
Alors, je veux vous demander: Selon votre expérience à
vous, M. Comeau, laissée à elle-même,
l'autoréglementation, est-ce que vous croyez que c'est une voie à
suivre?
M. Comeau: Alors, vous me demandez une
réponse très personnelle? D'accord.
M. Cannon: Comme je vous ai livré le fond de mon
âme, je...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Comeau: Vous me demandez de me dénuder à mon
tour!
M. Cannon: Bien voilà!
M. Comeau: Alors, voilà. Je pense que
l'autoréglementation est une étape Intéressante et
importante. Si elle fonctionne bien - et ça prend la suite de ce que
j'ai dit tout à l'heure - l'autoréglementation va éliminer
une masse considérable de requêtes, dans un premier temps, et
n'arriveront, à ce moment-là, sur la table du tribunal à
qui vous conférez le mandat que quelques cas. Mais il faut bien se
rendre compte que l'autoréglementation s'arrête là
où cesse la bonne volonté. Il est inévitable qu'un jour ou
l'autre les individus ne puissent pas faire triompher leurs droits.
Il faut se rendre compte que certains codes de déontologie ont
des vices intrinsèques assez patents. Par exemple, le code de
l'Association des banquiers du Canada, qui est un code bien fait,
effectivement, mais qui est un code volontaire, c'est-à-dire que les
banques ne sont pas obligées d'y adhérer et les banques ne sont
pas obligées de mettre en oeuvre les décisions qui viendraient...
Je dis donc que l'autoréglementation s'arrête là où
prend fin la bonne volonté. Malheureusement, dans une
société de droits, la bonne volonté n'est pas
nécessairement la meilleure condition pour y parvenir, même si
elle le suppose. Alors, je pense que l'autoréglementation peut
être une solution privilégiée par les entreprises qui va
permettre de liquider la majeure partie des cas, mais il y aura toujours des
problèmes où le droit devra être tranché.
Si vous me permettez une boutade. Vous parliez du problème de la
concurrence et de la crainte des entreprises d'être marginalisées
à cet égard. Il y a un exemple, quand même, en Occident qui
est important. Le pays qui a la législation la plus "tatillonneuse", la
plus pointue dans le domaine de la réglementation personnelle se trouve
à être précisément celui qui a le plus haut taux de
productivité en Occident, c'est-à-dire l'Allemagne. Et depuis
maintenant 17 ou 18 ans, je pense, que la loi fédérale est en
oeuvre et que les lois de certains Lander sont en fonction, ça n'a pas
empêché les Allemands de maintenir leur niveau de
productivité exceptionnel, non seulement en Europe, mais à
travers le monde.
M. Cannon: Merci, M. Comeau. En complétant, je sais que
vous avez des exemples où des entreprises du secteur privé se
sont mal comportées à l'égard de la protection de la vie
privée. Est-ce que, par exemple, dans le secteur des communications vous
avez des exemples, ou d'autres secteurs? J'aimerais que vous puissiez nous
relater quelques exemples de cela.
M. Comeau: Alors, puisque je vous ai dit, en introduction, que
j'avais avec moi la sagesse et l'expérience, je vais demander à
M. White qui, lui, depuis...
M. Cannon: Combinées dans la même personne.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Comeau: Pourquoi pas? Alors, M. White a accumulé, au
fil des ans, quand même des cas absolument importants et
intéressants.
M. White (Clarence): M. le ministre, on peut donner un certain
nombre d'exemples de difficultés au niveau de... on peut parler
d'accès à des renseignements dans le secteur privé, entre
autres. Durant la dernière semaine, j'ai demandé au personnel de
la Direction de l'analyse, qui répond aux demandes d'information des
organismes et aussi des citoyens, de me faire un relevé des demandes
d'information qui touchaient le secteur privé. Nous avons à peu
près 15 % à 20 % de demandes d'information, de façon
journalière, qui touchent le secteur privé. La majeure partie des
informations qui nous sont demandées et des demandes d'intervention qui
nous sont faites de la part des individus concernent les cliniques
médicales. Les gens ne peuvent pas avoir accès à leur
dossier médical en clinique médicale. Juste la semaine
dernière, j'ai eu 10 cas de cette nature où on nous demande
même d'intervenir pour essayer de voir si on ne pourrait pas convaincre
les cliniques de donner accès. Alors, on réfère les gens
à la corporation et au syndic de la corporation.
Nous avons des exemples dans le secteur financier. Le premier exemple
que je peux vous donner dans le secteur financier, c'est l'Association des
banquiers, qui a un code de déontologie pour ses banques, pour les
banques qui sont membres de l'Association des banquiers. Mais nous avons eu
à traiter une plainte avec un corps policier, de l'information sur un
individu qui avait été fournie à l'Association des
banquiers, et nous savons que cette information-là s'est
retrouvée dans les journaux. Nous savons, en tout cas nous avons une
preuve assez évidente que l'information qui s'est retrouvée dans
les journaux part de l'Association des banquiers. Dans le secteur du
crédit, un secteur où il y a beaucoup d'intervenants de toutes
sortes, il y a des gens qui font des enquêtes, il y a des bureaux
d'investigation, il y a des gens qui ont des permis de toutes sortes de choses
qui cueillent de l'information sous de fausses repré-
sentations. J'ai des exemples de ça.
Je peux vous parler d'un organisme qui a demandé des
enquêtes sur ses employés. Ces enquêtes-là ont
été confiées à une entreprise du secteur
privé. Les gens qui ont fait l'enquête sont intervenus sous de
fausses représentations, se sont identifiés comme étant
des gens du secteur public, entre autres, et sont allés cueillir de
l'information sous de fausses représentations. Et, mis devant ces
faits-là, ils ont admis qu'effectivement, oui, ils avaient fait
ça et que c'était normal, que ça fait partie de la
technique de l'enquête, qu'ils font ça à la journée
longue. Il y a de l'information qui se retrouve dans ces organismes-là,
donc, qui n'est couverte à nulle part. Il y a beaucoup d'entreprises qui
font affaire avec des agences, de sécurité ou de renseignement,
pour faire faire des enquêtes sur les individus, et ça, c'est un
cas.
Il y a d'autres cas: les accidents du travail. Il y a des entreprises
qui ont des chambres où ils ont des films sur les contrats qu'ils ont
exécutés pour filmer l'individu pendant une semaine ou 15 jours,
pour voir s'il est apte à retourner au travail. Mais ça, les gens
ne le savent pas, les individus ne savent pas ces choses-là, qu'on
détient des renseignements comme ça dans ces
entreprises-là. On a découvert ça, nous, en faisant une
enquête dans le secteur public.
Une des difficultés, entre autres, qu'on retrouve entre le public
et le privé, c'est justement quand on a affaire du public vers le
privé, ou vice versa. Je ne vous cacherai pas - vous le savez, on l'a
déjà publié - qu'il y a des organismes gouvernementaux qui
font affaire avec des bureaux de crédit, Équifax, entre autres.
On n'a aucun contrôle sur Équifax, sauf que ce qu'on peut faire,
c'est qu'on peut dire à l'organisme public: Vous n'agirez pas, vous
n'irez pas cueillir tel renseignement chez Équifax. Ce qui fait que, si
Équifax veut avoir l'organisme public comme client, elle doit modifier
son système. Je dois vous dire, en passant, que lorsqu'on l'a
demandé, entre autres, dans le cas du ministère du Revenu,
Équifax l'a fait; elle a modifié le système à la
satisfaction de tout le monde. Mais on ne peut pas intervenir chez
Équifax, je ne peux pas aller voir, chez Équifax, si vraiment ce
qui est dit... Je ne mets pas en doute les... Mais, à défaut de
pouvoir intervenir chez Équifax, on ne peut pas aller voir ce qui se
passe exactement chez Équifax. Nous avons ce problème-là.
Équifax constitue des dossiers, Équifax et tous les bureaux de
crédit constituent des dossiers un peu partout sur tout le monde. Quels
sont les recours de ces gens-là? Il n'y en a pas beaucoup. Il n'y en a
pas beaucoup de recours. (17 h 15)
Les compagnies d'assurances; j'ai des plaintes sur les compagnies
d'assurances. Les gens se plaignent des renseignements qui sont
demandés, des consentements qui sont demandés, et on ne peut pas
intervenir. Autre chose, les gens ne savent pas que les renseignements se
retrouvent au MIB, à Toronto ou à Boston. Ça, ce sont des
choses qui ne sont pas connues de la population.
Les cliniques médicales, je peux vous donner un autre exemple.
Ça me revient en regardant mes notes, en regardant les dossiers. On a
une plainte dans le secteur public, un syndicat qui se plaint du traitement que
la clinique médicale fait de l'information qu'elle recueille au nom de
l'employeur. La clinique joue deux rôles, et on peut prendre un exemple.
Tous les employeurs de la région se retrouvent dans cette
clinique-là; c'est un dossier employeur, mais ça devient,
à l'intérieur de la clinique, un dossier
clinique-employés, de sorte que l'employeur t'oblige à aller dans
une clinique; ton dossier, il sert à tous les employeurs. J'ai un cas
d'une société qui demande une expertise médicale sur ses
employés. Qu'est-ce que la clinique fait? La clinique fournit à
l'employeur, outre les résultats de l'expertise, un volumineux rapport
dans lequel on va jusqu'à expliquer que cet employé est
marié avec une dame qui travaille dans un restaurant comme "waitress",
qu'elle fume, qu'ils ont une piscine, qu'elle vient de la Gaspésie.
Alors, toute la vie privée de l'individu est étalée dans
un rapport qui n'a aucun lien avec l'expertise et tout ce que l'individu a pu
dire au praticien se retrouve dans un document qui est transmis à
l'organisme. Alors, s'ils font cette transmission-là, si ces
professionnels-là font cette transmission-là à un
organisme public, je me demande ce qu'ils transmettent à d'autres
organismes. Là, on peut intervenir pour dire à l'organisme
public: Vous allez détruire ces renseignements-là et vous allez
ordonner au médecin d'arrêter de fournir tel type de
renseignements. Il y a beaucoup d'entreprises privées qui font des
demandes à des médecins experts et je suis convaincu que ces
renseignements-là se retrouvent à la tonne dans le secteur
privé.
Il y a des cas où, de toute bonne foi, des organismes publics
sont pris à donner de l'information; on ne sait pas ce qu'il en advient
après, dans le secteur privé. Récemment, on a vu un cas
d'un bureau d'avocats qui a demandé un dossier médical à
un centre hospitalier dans une cause qui n'avait aucun lien, entre autres,
avec... Oui, ça avait peut-être un lien avec une cause en libelle,
je pense, en responsabilité. Alors, l'avocat a demandé, par
subpoena, à l'établissement de lui fournir un dossier
médical. L'établissement a fourni le dossier médical au
complet. Au complet. On ne sait pas aujourd'hui ce qu'il est advenu de ce
document-là. On ne peut pas retourner, nous, chez l'avocat pour aller
voir ce qui s'est passé. Je suppose que son secret d'avocat fait en
sorte qu'il protège les données et j'espère que, s'il n'a
pas eu besoin du document, il l'a détruit. Mais on voit ça
constamment, constamment, des choses semblables. Alors,
je pense que j'ai fait là... On a eu un cas, on l'a
déjà dit en commission parlementaire ici, où l'entreprise
privée, on ne sait pas où dans la chaîne, mais il y a eu
falsification de signature, falsification de consentement, dans un dossier pour
demander de l'information à un organisme public. Alors, on en voit comme
ça constamment.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. White. M. le
ministre.
M. Cannon: Oui. Merci, M. White, pour ces quelques exemples, mais
combien précis et combien concrets. Alors, je cède la parole
à mon collègue.
Le Président (M. Dauphin): M. le porte-parole de
l'Opposition, M. le député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: Je voudrais d'abord dire au président de la
Commission que sa nomination a été votée par l'ensemble de
l'Assemblée nationale, je me rappelle avoir été
présent ce jour-là, et, à la lecture du mémoire et
après avoir écouté son exposé, je veux juste lui
dire fort simplement que je ne regrette pas mon vote.
Cela dit, il y a des organismes qui sont venus devant nous et qui ont
mis en cause, et d'ailleurs pas d'une manière agressive, le double
mandat de la Commission d'accès: d'une part, la promotion de la
protection des renseignements à caractère personnel
couplée à l'accès à l'information - puisque vous
êtes dans le secteur public - versus le rôle d'adjudication, et ils
disaient: En substance, ce ne devrait pas être le même organisme
qui fasse les deux. Dans certains cas, ils étaient d'accord pour
étendre les fonctions de la Commission à l'ensemble des
renseignements, que ce soit public comme privé, mais on disait:
Théoriquement, et même au plan pratique, comment faire la
promotion, l'éducation, l'information, la concertation, et aussi comment
procéder à l'adjudication? Qu'est-ce que vous répondez
à cette crainte-là?
M. Comeau: Vous allez me permettre, M. Bourdon, de vous
remercier, dans un premier temps. Dans un deuxième temps, je dois vous
dire que, moi aussi, j'ai beaucoup réfléchi à cette
question en lisant les comptes rendus des interventions et les mémoires
qui vous ont été présentés. Personnellement, je
saisis mal cette notion de conflit d'intérêts, surtout quand on
tient compte du fait que, déjà, il y a une distinction importante
qui est faite entre le mandat effectivement exercé et détenu par
la Commission et ce qui est confié à la direction de
l'accès, au ministère des Communications, qui, lui, prend en
charge le volet promotion, éducation, formation, ainsi de suite. Moi, je
vois mal cette notion de conflit d'intérêts dans la prati- que.
Mais je répète ce que j'ai dit tout à l'heure, comme je ne
suis pas juriste et que là il y a quand même une notion de conflit
de compétences, j'ai demandé à M. Ouimet de revenir
là-dessus et on s'est rendu compte, d'abord en faisant l'historique de
cette question, que c'est une problématique qui a retenu l'attention de
vos prédécesseurs à l'Assemblée nationale il y a
déjà un bon moment, et ils y ont répondu à ma
façon, je pense, de façon satisfaisante. Mais j'aimerais entendre
l'avis juridique, si vous permettez, là-dessus.
Le Président (M. Dauphin): Me Ouimet.
M. Ouimet: Je voudrais, dans un premier temps, rappeler que la
commission parlementaire de la culture, en 1988, publiait un document qui
s'intitule: "La vie privée, un droit sacré". Le chapitre 4 de ce
document porte, justement, sur le double mandat de la Commission d'accès
à l'information: Adjudication sur les demandes de révision faites
en vertu de la loi et surveillance de l'application de la loi. Je vais vous
lire quelques passages seulement de ce document-là.
Je cite: "Cependant, même en admettant que les organismes publics
autres que les ministères du gouvernement puissent invoquer l'article 23
de la Charte à rencontre des fonctions d'adjudication de la Commission
d'accès à l'information, il importe de signaler que la zone de
conflits potentiels entre les pouvoirs d'enquête de la Commission
d'accès à l'information et ses fonctions d'adjudication est
étroite. "Même en reconnaissant à la Commission le pouvoir
d'enquête le plus large qui soit en vertu de la loi, la commission de la
culture est d'avis que le domaine d'intervention des membres de la Commission
d'accès à l'information suite à une enquête est
plutôt limité." "Puisqu'il importe en cette matière de
rechercher l'impartialité de la fonction d'adjudication et que la mesure
de cette "appréhension raisonnable de partialité" se retrouve
dans les éléments objectifs de l'action du tribunal
administratif, la commission de la culture est d'avis que de simples
conjectures issues du seul texte de loi ne sont pas suffisantes pour conclure
à la partialité de la Commission d'accès à
l'information. "Dans ces circonstances, la commission de la culture constate
que l'expérience et le professionnalisme des membres de la Commission
d'accès à l'information sauront éviter à celle-ci
toute situation malheureuse. Quoi qu'il en soit, la commission est
assurée que les tribunaux demeureront vigilants si la limite devait
être franchie par la Commission d'accès à
l'information."
Depuis ce temps-là, il y a eu une décision assez
importante qui a été rendue dans le domaine de la
partialité. Il s'agit des juges de cours municipales qui agissent
souvent à la fois comme juge d'une cour municipale et comme
avocat devant cette municipalité ou pour cette
municipalité-là. Or, je cite un passage du juge Lemaire et on
peut faire les adaptations à la Commission d'accès à
l'information: "II s'ensuit qu'une personne raisonnablement bien
informée, qui connaît parfaitement le système des cours
municipales du Québec, y compris toutes les garanties qu'il comporte, ne
devrait pas éprouver de crainte de partialité dans un grand
nombre de cas. Bien qu'il puisse être vrai qu'un juge ne sera pas
toujours conscient de l'existence d'un conflit d'intérêts, cette
possibilité peut faire l'objet d'un examen cas par cas." Donc, nous,
juridiquement, on estime qu'il y a un risque, toujours éventuel, de
conflit d'intérêts, de partialité. Ce risque-là est
minimisé et je pense, comme les parlementaires de l'époque, que,
si un membre de la Commission devait franchir ce pas-là, les tribunaux
supérieurs seront là pour sanctionner la conduite de ce
membre-là.
Le Président (M. Dauphin): M. le député.
M. Bourdon: Maintenant, une question qui a été
fréquemment soulevée, c'est celle du consentement. Certains
intervenants nous disent: Ah oui! quand on va loin dans la vie privée
des gens, c'est que la personne a donné son consentement écrit
à ce qu'on aille, disons, dans son dossier médical, pour
mentionner une zone sensible. Puis, par ailleurs, d'autres ont dit: Oui, la
personne donne son consentement, mais la loi devrait être d'ordre public
en ce sens qu'elle ne devrait pas permettre à une personne de consentir
à ce qui est inacceptable. Cette thèse-là que je fais
mienne, elle vient du fait que, dans nos sociétés, les personnes
n'ont pas toujours des rapports égalitaires. Je mentionnais
fréquemment dans les audiences que, quand quelqu'un veut un prêt,
la personne peut signer un consentement très large parce que son
désir d'avoir le prêt est très grand et qu'en
matière d'emploi, le postulant à un emploi, c'est encore plus
considérable, la pression qui peut exister. Juste un exemple
récent de la pression qui existe sur un postulant: la
Société de l'assurance automobile a ouvert un concours pour
recruter une cinquantaine de préposés à la circulation sur
les routes et elle a reçu 38 000 postulants. Alors, la concurrence est
extrêmement vive et, à cet égard-là, je pense qu'il
est illusoire un peu de penser que les gens discutent à armes
égales. Dans ce sens-là, le mémoire de la CSN le
mentionnait, les détecteurs de mensonges, les tests antidrogue et les
dossiers médicaux, c'est très très fréquemment
utilisé. Est-ce que vous êtes d'accord que la loi devrait contenir
des dispositions d'ordre public dont on ne pourrait pas se dégager,
même si on y consent pour des raisons assez évidentes?
Le Président (M. Dauphin): M. Comeau.
M. Comeau: Alors, la notion de consente- ment est,
évidemment, au coeur de la législation que l'on propose parce
que, d'abord, le Code civil ne l'a pas retenu et on estime qu'il est
fondamental, si on veut régler le problème de la circulation et
de la protection des renseignements personnels, qu'il soit vraiment pris en
charge et défini. Depuis ses débuts, en ce qui concerne les
secteurs public et parapublic, la Commission a maintenu la barre haute en ce
qui concerne le consentement. Elle a défini de façon très
précise le consentement, qu'il soit éclairé, explicite et
limité dans le temps, notamment. Je pense que la même chose doit
être transposée dans le secteur privé, parce qu'on ne voit
pas, au point de vue d'un simple regard juridique, comment les droits de
l'individu devraient être moins importants dans le secteur privé
qu'ils le sont dans le secteur public. (17 h 30)
J'admets cependant qu'au niveau de l'application, selon les secteurs, il
y a des modalités différentes qui pourraient être
envisagées. C'est là le sens, entre autres, de notre suggestion
de discussion par tables sectorielles pour tenir compte des objectifs, des
modalités des secteurs. Mais la notion de consentement est la plus
difficile et, si vous regardez les cas dans les pays étrangers, c'est
là aussi qu'il y a toutes sortes de tentatives qui sont faites. Mais la
notion de consentement, elle est fondamentale et on ne peut pas transiger
là-dessus, encore moins trafiquer le consentement. Là-dessus, je
partage votre point de vue. Il y a une exigence fondamentale, sinon ça
devient un peu de la mascarade tout cela. Alors, c'est la même chose dans
les exemples que vous avez donnés, les tests notamment, ce que l'on
commence à comprendre à la suite des récents procès
qui ont eu lieu, notamment dans les Maritimes, l'utilisation des tests
génétiques qui vont devenir un problème, non seulement en
justice, mais un problème à l'égard des compagnies
d'assurances pour les polices d'assurance, et ainsi de suite. Il va y avoir
tout un nouveau développement à cet égard-là
étant donné les progrès de la biologie et de la
bioéthique. Là aussi, les individus seront dépourvus si on
ne prend pas garde de donner un sens au consentement et d'exiger un vrai
consentement.
M. Bourdon: À cet égard-là, ne pensez-vous
pas aussi que le développement de deux phéno-mèmes, la
commercialisation des banques de données - c'est devenu un bien qui se
loue, qui se vend - et le croisement des banques de données, crée
un mélange qui peut devenir extrêmement détonnant dans le
sens qu'on donne une foule de renseignements à une foule d'endroits pour
toutes sortes de raisons, mais l'ordinateur est maintenant capable de les
traiter, de les confondre, et ça peut dégager un portrait d'une
personne qui va fouiller loin dans son profil psychologique, dans sa vie
privée, dans son fonctionnement? À cet égard-là, on
nous a rapporté... Je
pense à un intervenant, la Coalition démocratique de
Montréal, qui nous soumettait, parmi de nombreux exemples, que l'Office
municipal d'habitation recourt au secteur privé pour avoir des
renseignements que la loi d'accès que vous administrez l'empêche
d'obtenir. Dans ce sens-là, l'asymétrie de droits devient
évidente et le secteur public lui-même peut recourir au
privé pour avoir ce que la loi qui le gouverne l'empêche
d'obtenir.
L'autre exemple, que j'ai trouvé assez effrayant, c'est qu'il est
sorti, par hasard, que toutes les conversations téléphoniques
d'employés municipaux avec des contribuables étaient et sont
peut-être encore enregistrées, ce qui n'est pas mince comme...
M. Comeau: Voulez-vous répéter la dernière
phrase? Je vous ai perdu pendant une seconde, M. Bourdon.
M. Bourdon: C'est qu'un organisme public peut donc passer par le
privé pour avoir un renseignement que la loi même que vous
administrez l'empêche d'obtenir, parce que, sur le marché, il
existe des sources pour l'obtenir. L'autre aspect, je ne sais pas si ça
dure encore, mais c'est la révélation que toutes les
conversations téléphoniques entre des employés de la ville
de Montréal et des contribuables étaient, et ne sont plus,
j'espère, enregistrées, ce qui est énorme. M. Riley, hier,
nous faisait observer que ça va chercher dans le privé - parce
que son raisonnement est fort logique... Une personne appelle pour se plaindre
d'une situation x. C'est un contribuable qui a un droit, il en profite pour
dire qu'il n'aime ni le maire ni son conseiller municipal. M. Riley disait: On
tombe en matière d'opinion, ça ne regarde que lui, la bonne ou la
mauvaise opinion qu'il a de son administration municipale, et c'est vrai que,
dans une conversation dont on ne sait pas qu'elle est enregistrée, on
peut tenir des propos comme ça. Alors, qu'est-ce que vous pensez de ces
deux exemples-là?
M. Comeau: Je vais commencer, si vous permettez, par votre
première question qui faisait référence à la
commercialisation des banques de données. Alors, là-dessus, la
Commission, comme d'ailleurs le ministre des Communications, s'est
prononcée très nettement contre la commercialisation des banques
de données qui contiennent des renseignements personnels. Il y a eu une
étude qui a été faite, un projet de loi est en voie
d'élaboration. Il est évident que nous sommes contre, il n'y a
aucun doute dans notre esprit. Il y a des problèmes importants à
cet égard, mais on espère prochainement, donc, que le
législateur se prononcera à cet égard. Ça,
ça nous semble assez évident. Par contre, la commercialisation
des banques de données dans le secteur privé relève de
tout le problème de la circulation de ces données.
Vous avez évoqué aussi le problème qu'on
qualifierait, en grec moderne, de "matching" des banques de données
entre elles. C'est un problème considérable et il y a deux
aspects. En ce qui concerne l'aspect que vous avez soulevé de
façon précise, M. White, qui en a vu passer pas mal, aurait une
réponse précise là-dessus.
Le Président (M. Dauphin): M. White.
M. White: M. le député, vous parliez tout à
l'heure de la cueillette de renseignements par l'Office municipal d'habitation
de Montréal auprès du secteur privé. La loi sur
l'accès ne l'interdit pas. La Loi sur l'accès la
réglemente. Le seul besoin de l'organisme, c'est de faire la
démonstration de la nécessité.
M. Bourdon: De la nécessité.
M. White: O.K. Alors, si l'Office municipal d'habitation de
Montréal va vérifier l'état - ça doit être
ça, je suppose - l'état de crédit ou le dossier de
crédit de l'individu avant de faire de la location, nous, si on avait
à se pencher là-dessus, si quelqu'un nous demandait: Qu'est-ce
que vous pensez de ça?, on irait vérifier la
nécessité. Et on pourrait dire: II n'y a pas
nécessité, donc vous n'avez pas à cueillir ce
renseignement-là en vertu de l'article 64 de la loi. Par contre, en
vertu de l'article 66, s'il fait cette cueillette-là, il faut qu'il nous
en informe. Ce qu'on ne sait pas, je vais regarder...
M. Comeau: Je voudrais ajouter deux autres choses pour suivre vos
points. Quant au "matching" en question, uniquement dans le secteur
privé, on arrive à des surprises assez
phénoménales. Mes deux collègues, qui habitent le chic
quartier de Cap-Rouge, ont été sollicités de façon
très directe il y a peu de temps - je pense, M. Cannon peut-être
aussi - et l'expérience est intéressante.
M. Cannon: Dans la basse ville de Cap-Rouge.
M. Comeau: Ah! Excusez-moi. Des voix: Ha, ha, ha!
M. Comeau: Je pense qu'il faut écouter ça,
Moi, je n'en revenais pas, c'est un exemple qui correspond exactement
à ce que vous dites, M. Bourdon.
M. Ouimet: L'exemple qu'on a, nous, c'est qu'on a reçu,
pas plus tard que cette semaine, une offre de Visa Desjardins, qu'il y avait
une carte de crédit préautorisée qu'on pouvait recevoir
avec une avance de fonds de 5000 $. Alors, on ne nous demande aucunement de
consentir à de la circulation de renseignements, c'est
préautorisé. Donc, on peut présumer que tous les
renseignements ont été recueillis avant et qu'il y a eu une
préautorisation par Visa Desjardins.
M. Bourdon: Une chose que je peux dire, c'est que, dans mon
quartier de l'est de Montréal, on ne reçoit jamais ça.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. White: Mais ça s'explique, ça, à cause
des banques de données qui existent un peu partout.
M. Bourdon: C'est sûr.
M. White: Statistique Canada vend la base de données du
recensement à partir du code postal. À partir du code postal, un
"match" avec le bottin téléphonique, c'est
Télé-Direct qui fait le "match", qui leur donne l'information du
bottin, et le "match" se fait. Mieux que ça, il y a des compagnies; les
compagnies de crédit, Équifax peuvent faire ce travail-là
aussi, indiquer qui sont les clients qui pourraient être des bons
clients.
M. Bourdon: Moi, j'ai fait une expérience récente.
J'ai appelé pour avoir un prix d'une firme d'assurances. On m'a
demandé mon numéro d'assurance sociale, je l'ai donné, et
la première question au sujet de mon assurance, ça a
été: Est-ce que votre père était de
Rivière-des-Prairies? En deux parties, j'ai dit: Non, il n'a jamais
habité Rivière-des-Prairies, et dites-moi le rapport entre
ça et l'assurance-habitation, parce que c'est lointain. Mais c'est
sûr qu'on peut rapidement avoir accès à des tas de
données et qu'il n'y a pas de contrôle.
M. Comeau: Quant à votre dernière question, M.
Bourdon, en ce qui concerne l'enregistrement des appels
téléphoniques, vous faisiez sans doute allusion au cas de
Montréal.
M. Bourdon: Oui.
M. Comeau: Je dois vous dire que, lorsque cette affaire a
été portée à notre attention, les gens de la ville
de Montréal et nous-mêmes avons engagé des conversations.
Ils ont cessé, dès ce moment, d'enregistrer les conversations.
Ils ont fait une étude, ils ont déposé, mercredi dernier,
au Conseil exécutif, un projet qui est en discussion et, d'ailleurs,
demain, M. Ouimet et un autre de ses collègues discuteront avec les
avocats de la ville de Montréal pour savoir où ils en sont. Mais
je dois vous dire qu'il y a eu une collaboration impressionnante de la ville de
Montréal à cet égard; ils ont admis immédiatement
qu'il fallait cesser.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. C'est,
malheureusement, tout le temps qui nous était alloué. J'aimerais,
au nom de tous les membres de la commission, remercier bien sincèrement
la Commission d'accès à l'information pour son témoignage
de cet après-midi. Nous allons suspendre quelques minutes avant
d'entreprendre les remarques finales de nos deux porte-parole.
(Suspension de la séance à 17 h 41 )
(Reprisée 17 h45)
Conclusions
Le Président (M. Dauphin): Si vous permettez, nous allons
reprendre nos travaux. Nous terminons effectivement avec les remarques finales.
Pour débuter, c'est M. le député de Pointe-aux-Trembles,
porte-parole de l'Opposition officielle, ensuite nous procéderons aux
remarques finales du ministre des Communications. Alors, M. le
député de Pointe-aux-Trembles.
M. Michel Bourdon
M. Bourdon: M. le Président, il y a plusieurs
années que la question d'augmenter les garanties de protection de la vie
privée des personnes dans le secteur privé se pose et est
discutée. Évidemment, c'est une question qui est importante et ce
qu'on doit, comme parlementaires, étudier risque de porter à
conséquence. Il est donc normal qu'il y ait eu, à cet
égard-là, des études approfondies et qu'on puisse adopter
éventuellement une législation sur la base d'études
précises sur l'ensemble de la question.
Cependant, s'il faut étudier avant d'adopter une loi, je pense
qu'il ne faut pas étudier, non plus, à la place d'agir, parce
que, là, on est rendu à deux commissions parlementaires sur le
sujet, un groupe interministériel, et je pense qu'on peut se former une
opinion à partir de ce qui est devant nous. À cet égard,
je pense que le président de la Commission d'accès à
l'information avait raison de dire que ça prend une loi souple, mais une
loi qui aille au fond des choses sur le droit de chaque personne, d'abord, de
savoir ce qu'on sait d'elle; deuxièmement, de corriger ce qu'on sait
d'elle et qui ne serait pas exact; et de donner un consentement
éclairé, limité dans le temps, balisé par la loi,
quand une personne consent à ce qu'un renseignement d'ordre personnel
soit révélé ou communiqué à des tiers. Et,
à cet égard, je dirais que le changement technologique constant
permet de plus en plus des croisements entre banques de données qui
finissent par représenter des moyens d'en savoir plus qu'il n'est
nécessaire, plus qu'il n'est légitime sur les personnes.
Je crois que les audiences nous ont mis en
présence, à une exception près, de deux
thèses: une thèse, celle des milieux qui constituent des fiches
et qui les utilisent, la plupart du temps, à bon escient et dans la
défense légitime de leurs intérêts, et, d'autre
part, les fichés. Alors, ce qui se dégage de ce qu'on a entendu,
c'est que les ficheurs veulent s'autoréglementer et les fichés
souhaitent que l'État intervienne. Le seul organisme ficheur qui s'est
prononcé sans aucune équivoque pour une loi pour protéger
les citoyens dans le privé autant qu'ils le sont déjà
protégés par la loi de 1982 dans le secteur public, c'est le
Conseil scolaire de ITIe de Montréal qui nous a dit
détenir des informations qu'il hésite... qu'il ne veut pas
confier à tout venant dans le secteur privé, pour ne pas toucher
aux droits des citoyens. À cet égard, je recueille le sentiment
que le ministre veut agir et se rend compte de l'urgence d'agir.
Cependant, j'ai une inquiétude quant à la volonté
de son gouvernement d'agir, puisque ces décisions-là se prennent
en collégialité. Moi, je ne voudrais pas que le problème
soit discuté jusqu'à l'adoption et la mise en vigueur des mesures
décidées par la Communauté économique
européenne et que l'exercice important qu'on a fait de consultation,
ici, de tous les groupes intéressés s'en aille sur une tablette
pour attester qu'on ne devrait pas avoir des barrières non tarifaires,
comme M. Comeau le décrivait, des barrières non tarifaires qui
seraient l'arrêt de la circulation de données entre l'Europe et
nous, par exemple, du fait que le Québec n'aurait pas une
législation protégeant la vie privée dans le secteur
privé. Je pense que, d'autre part, l'idée d'avoir des tables de
concertation avec les milieux intéressés, que ce soient des
groupes de défense des droits de la personne, des organisations de
consommateurs ou les entreprises concernées, est une idée
très bonne, tout comme l'autoréglementation peut être une
bonne idée si elle évite que l'organisme éventuellement
chargé de faire appliquer la loi ne soit inondé de choses
anodines qui peuvent se régler par un effort des principaux
intervenants.
Cependant, je mets le ministre en garde contre la recherche d'un
consensus à tout prix, parce qu'il faut que l'État intervienne,
il faut qu'il légifère, mais il faut que ce soit d'une
façon souple qui ne nuise pas, bien au contraire, aux différents
groupes qui utilisent des données. Cependant, il faut que l'État
intervienne, parce que rechercher une législation avec laquelle les
banquiers, les bureaux de crédit et les compagnies d'assurances seraient
parfaitement confortables, ça serait parfaitement impossible. La
recherche, dans ce sens-là, du consensus à tout prix, ça
remet un droit de veto à ceux qui ne souhaitent pas une
législation qui viendrait baliser les droits de la personne en
matière d'accès à leur vie privée dans le secteur
privé. À cet égard, je trouve que, dans notre
société, l'asymétrie des droits, selon qu'un renseignement
est détenu par le secteur public ou le secteur privé, est une
situation anormale qui ne peut pas durer puisque le citoyen, selon qu'il traite
avec une institution publique ou une institution privée, n'a pas des
droits comparables; il a moins de droits quand il traite avec le privé.
À cet égard, la législation à venir devrait baliser
le consentement puisque, dans certaines circonstances, notamment quand on
postule pour un emploi, le consentement n'est pas vraiment libre, et ça
ne devrait pas autoriser des personnes ou des entreprises à aller
chercher des renseignements qu'elles n'ont pas le droit de connaître
où il n'y a pas de nécessité.
Par ailleurs, si le gouvernement veut me convaincre et convaincre ceux
qui sont venus ici, qui craignent que la pression des milieux
économiques intéressés empêchent l'adoption d'une
loi, il y aurait un premier gage à donner avant Noël. Avant
Noël, il faudrait, je pense, que les articles 35 à 41 du Code
civil, qui traitent déjà du droit à la vie privée
et à la réputation et qui n'ont pas été
promulguées depuis quatre ans, avec quelques amendements que mon groupe
parlementaire a l'intention de déposer dans une autre commission, soient
promulgués pour qu'un premier pas soit fait. Et, cela fait, je pense
qu'il faudrait aller à l'adoption d'une législation tout en
mettant sur pied les tables de concertation dont le président de la
Commission d'accès nous a entretenu, qui, sur 18 ou 20 mois, pourraient
opérationaliser ce qui serait contenu dans la loi afin de
protéger les personnes.
En terminant, M. le Président, j'ai des craintes sur la
volonté de l'ensemble du gouvernement de bouger. Je ne doute pas de la
volonté du ministre d'agir et d'aller dans le sens d'une loi de
portée générale qui protégerait mieux les droits
des personnes et qui nous mettrait à l'avant-garde, nous, du
Québec, en matière de protection du droit à la vie
privée et d'accès aux renseignements dans le secteur
privé, autant qu'on l'est en matière d'accès aux
renseignements et de protection des renseignements dans le secteur public.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. le
député de Pointe-aux-Trembles, pour vos remarques. Maintenant, M.
le ministre des communications.
M. Lawrence Cannon
M. Cannon: Merci, M. le Président. M. le Président,
les auditions publiques de la présente commission sont maintenant
terminées. Nous avons entendu, depuis le 15 octobre dernier, plus d'une
cinquantaine de personnes venues nous présenter leur mémoire et
répondre aux questions des membres de la commission. Je dois vous avouer
que mon intérêt, déjà grand au départ compte
tenu des différentes fonctions que j'occupe au sein du gouvernement, n'a
cessé de
croître tout au long des présentations entendues, tant les
propos qui ont été tenus m'ont paru pertinents et ont
suscité chez moi de nombreuses interrogations. Permettez-moi donc, en
premier lieu, de remercier tous ceux et celles qui ont eu l'amabilité de
participer aux travaux de cette commission parlementaire. Ils contribuent tous
ainsi, je crois, au progrès de notre société. Maintenant
que les auditions publiques sont terminées, nous allons procéder
à l'analyse de tous les documents soumis à la commission des
institutions et nous en inspirer pour les actions que nous allons
entreprendre.
Comme je l'ai dit, le Québec est mûr pour une loi qui
protégerait la confidentialité des renseignements personnels dans
le secteur privé. Cependant, il faudra rechercher le plus large
consensus possible, et le consensus ici étant défini davantage,
non pas en termes mathématiques, à savoir s'il y en a tant qui
sont pour ou tant qui sont contre, mais le consensus dans le terme de la
convergence, et cette chose-là m'ap-paraît extrêmement
importante. Il faut aussi harmoniser nos mesures aux règles en vigueur
et ailleurs dans le monde; je pense que ça, ça a
été très bien démontré. Et, à cet
égard, l'autoréglementation sans incitatif législatif
assorti de sanctions de recours ne me semble pas assez efficace. Par ailleurs,
une législation trop coer-crtive risque d'être à la fois
lourde et coûteuse à administrer et pourrait défavoriser
les entreprises québécoises, voire nuire à leur
compétitivité. Par conséquent, une approche prudente
s'impose.
Le temps nous est cependant compté. Non seulement la CEE adoptera
en 1992 une directive qui fera en sorte que les entreprises
québécoises ne pourront plus procéder à
l'échange d'informations personnelles avec des homologues
européens, ou même avec leurs propres filiales dans l'un ou
l'autre des États membres, à moins que le Québec ne se
donne un cadre juridique de protection de renseignements personnels
adéquat dans le secteur privé et se conforme aux exigences de cet
énorme marché, mais aussi parce que des opinions des intervenants
depuis les dernières années, venant de plusieurs milieux, nous
indiquent, à la fois dans les commissions et les comités, comme
l'a mentionné le député de Pointe-aux-trembles, qu'il y a,
effectivement, convergence et il y a nécessité de
procéder. Heureusement, notre réflexion est relativement
avancée et nul doute que les travaux de la commission contribueront
à la compléter.
Je mentionnais consensus dans le sens de convergence et, à la
lumière des discussions, il m'apparaît qu'on peut
déjà dégager un certain nombre d'éléments.
En effet, tous ceux qui se sont présentés devant nous lors des
auditions publiques, qu'ils se soient prononcés pour ou contre des
interventions législatives du gouvernement dans le sens des
recommandations du comité interministériel, ont confirmé
que le secteur privé utilise massivement les technologies de
l'information dans le traitement des renseignements personnels. Que ce soit
pour la cueillette des informations, la constitution de banques de
données personnelles ou le transfert de ces renseignements,
l'utilisation des technologies de plus en plus performantes va sans cesse en
augmentant. Ce phénomène nous place devant l'urgence de donner
à la personne la maîtrise des informations qui la concernent en
lui donnant le droit d'autoriser ou non l'échange et l'utilisation de
ces renseignements à des fins spécifiques et pour une
durée limitée. Pour certains intervenants, le Code civil, tel
qu'amendé par le projet de loi 125 au chapitre Du respect de la
réputation et de la vie privée, doit être adopté et
mis en vigueur tel quel même si, pour plusieurs, cela n'apparaît
pas une mesure suffisante.
D'autre part, concernant l'autoréglementa-tion comme moyen
d'établir des mesures de protection des renseignements personnels dans
le secteur privé, les avis sont partagés. D'aucuns
préconisent une autoréglementation pure et simple; d'autres,
favorables en cela aux recommandations du comité
interministériel, proposent que l'autoréglementation soit
encadrée juridiquement et assortie d'un droit de recours et de mesures
de sanctions. Enfin, à la lumière des nombreux mémoires
qui nous ont été présentés, il apparaît que
l'intervention gouvernementale pourrait s'inspirer de principes émis
dans les lignes directrices régissant la protection de la vie
privée et le flux transfrontalier des données à
caractère personnel émises par l'OCDE.
Donc, c'est dans cette perspective que nous travaillerons au cours des
prochains mois. Nous proposerons au gouvernement une ligne d'action qui tiendra
compte de l'ensemble de ces facteurs afin que cette législation
protège adéquatement les renseignements personnels des citoyens
et des citoyennes du Québec. C'est une question de qualité de vie
pour l'ensemble de notre société.
En terminant, M. le Président, je suis heureux de constater que
mon collègue, mon critique, reconnaît une volonté d'agir.
Je lui demande en retour sa collaboration et son appui pour que nous puissions
cheminer dans le sens des convergences que nous avons pu dégager
ensemble. Et je tiens à remercier, M. le Président, tous les
membres de cette commission pour leur contribution et leur collaboration
à réaliser ces travaux. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. le ministre,
pour vos remarques finales. Alors, à mon tour, j'aimerais, au nom de
tous les membres de la commission, remercier également le personnel de
la commission, le secrétaire, les autres membres du personnel et, en
terminant, vous dire que le mandat qui nous avait été
confié est accompli et que nous ajournons nos travaux sine die. Merci et
bon retour.
(Fin de la séance à 18 h 2)