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(Neuf heures trente-trois minutes)
Le Président (M. Forget): Le mandat de la commission pour
cette séance est de procéder à une consultation
générale et de tenir des auditions publiques sur la protection de
la vie privée eu égard aux renseignements personnels
détenus dans le secteur privé.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Forget
(Prévost) remplace M. Fradet (Vimont) et M. Bourdon
(Pointe-aux-Trembles) remplace Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve).
Le Président (M. Forget): L'ordre du jour pour la
séance d'aujourd'hui se lit comme suit: 9 h 30, nous entendons le
représentant du Groupe de recherche informatique et droit; à 10 h
30, suivront les renseignements du Conseil du patronat du Québec; 11 h
30, les représentants du Regroupement des cabinets de courtage
d'assurance du Québec; 12 h 30, la commission ajournera ses travaux.
Est-ce que l'ordre du jour est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Forget): Adopté. Alors, on
demande... le représentant... Alors, je vous rappelle le temps
alloué pour l'exposé et les échanges. La durée de
l'exposé est de 20 minutes. La durée des échanges est de
40 minutes. Alors, monsieur, la parole est à vous. Si vous voulez vous
identifier, excusez-moi.
Groupe de recherche informatique et droit
M. Laperrière (René): Certainement. Bonjour! Je
suis René Laperrière du Groupe de recherche informatique et droit
de l'Université du Québec à Montréal.
M. le Président, Mmes et MM. les ministres et
députés, le Groupe de recherche informatique et droit
possède, depuis six ou sept ans déjà, une expertise dans
le domaine de la protection des renseignements personnels. Nous avons produit
en particulier une étude pour le gouvernement du Québec qui a
été publiée sous le titre de "L'identité
piratée", qui fait l'objet de plusieurs discussions depuis. Nous avons
produit aussi récemment pour le gouvernement du Canada, ministère
de la Justice, une étude sur les flux transfrontières de
renseignements personnels qui ont des incidences certaines sur l'objet de nos
débats aujourd'hui, dont le titre est "Vie privée sans
frontière", et nous avons participé à différentes
études des différents comités à titre de
consultants ou de maîtres d'oeuvre, pour différents organismes
gouvernementaux, sur les questions de dossiers de santé, de
géomatique et de commercialisation des banques dé données
gouvernementales.
Alors, je voudrais insister sur quelques points qui vont peut-être
un petit peu au-delà du mémoire écrit que le GRID a
présenté au mois de juin à cette commission parlementaire:
d'abord, la nécessité de réglementer le secteur
privé, ensuite les insuffisances du Code civil, l'évolution de la
situation juridique dans le monde, pour terminer sur les problèmes
relatifs à l'organisme de mise en oeuvre d'une réglementation
dans le secteur privé.
Alors, tout d'abord, la nécessité de réglementer le
secteur privé fait l'objet d'un large consensus social; on a pu le
constater, d'abord dans les déclarations d'ouverture de cette
commission-ci, autant de la part du gouvernement que de la part de
l'Opposition. Ce large consensus rejoint aussi les corporations
professionnelles si on consulte les mémoires du Barreau du
Québec, de la Chambre des notaires, des
arpenteurs-géomètres. Il concerne les groupes de citoyens, la
Ligue des droits et libertés, les ACEF, la Coalition démocratique
de Montréal.
Quant au secteur privé, qui serait .Je principal
intéressé et le principal touché par ces extensions de
législation et de réglementation, eh bien, les opinions sont
divisées sur le sujet. Il n'y a pas de bloc unanime dans le secteur
privé contre l'adoption d'une réglementation. Évidemment,
ceux qu'on va entendre le plus, ce sont ceux qui sont les plus
défavorables; par exemple, les grandes banques, les institutions
financières, les bureaux de crédit, les agences de recouvrement,
enfin tous ceux qui gravitent autour du commerce de renseignements sur la
situation financière des individus. Quant aux assureurs, ils sont
partagés, mais plusieurs assureurs sont tout à fait favorables
à l'établissement d'une réglementation plus que d'un code
d'éthique, d'une véritable réglementation publique. Et
nous avons pu recueillir, dans deux de nos enquêtes au GRID, des opinions
assez variées sur la question. Ça, je vous réfère,
en particulier, dans "L'identité piratée", aux pages 94 à
98, où l'on voit que, finalement, les entreprises privées, quand
on les interroge directement, peuvent être favorables à la
réglementation, ne serait-ce que pour avoir une certaine
prévisibilité dans leurs coûts et dépenses. Sachant
quelles normes vont finalement être appliquées par le
gouvernement, bien, elles vont tout de suite conformer leur système
et leur conception de système pour l'application de ces
normes-là, de telle sorte que la prévisibilité
étant assurée, ça leur permet de contrôler un peu la
concurrence à rabais qui se ferait sur les droits des citoyens. Par
exemple, si des entreprises ne prennent aucune précaution par rapport au
traitement de leurs données, bien, à ce moment-là,
ça peut constituer une forme de concurrence déloyale envers les
entreprises qui, elles, prennent ces précautions-là.
Un second facteur qui rend nécessaire la réglementation du
secteur privé, c'est la perméabilité du secteur public et
du secteur privé. L'information dans ces deux secteurs est un peu comme
dans tes vases communicants. Effectivement, si on laisse le secteur
privé sans réglementation, on met en péril la bonne
application de la loi dans le secteur public parce que la tendance sera alors
de sous-contracter le traitement de l'information, et de l'information
personnelle plus particulièrement, au secteur privé, parce que le
secteur privé prend moins de précautions, fait moins de
dépenses pour assurer et protéger la vie privée des
citoyens, de telle sorte que c'est plus rentable en définitive de
sous-contracter au secteur privé, et ça met en péril la
saine application de la législation dans le secteur public.
De toute façon, on peut bien se dire qu'on pourrait Imposer
contractuellement les règles du secteur public chaque fois que le
gouvernement contracte avec le secteur privé, par exemple, avec le
bureau de crédit. Si le bureau de crédit doit appliquer les
normes gouvernementales pour tous les contrats qu'il fait avec le gouvernement,
y va être obligé d'établir des standards de gestion qui
répondent aux normes du secteur public, mais ceci, évidemment,
est une demi-garantie, parce que ça ne donne au pouvoir public aucune
espèce de contrôle sur ce qui se passe, finalement, sur la gestion
de ce qui se passe dans le secteur privé.
Et puis, on peut dire aussi qu'il existera toujours des modes
d'échanges illicites de données, que ce soit au niveau du secteur
public ou du secteur privé, et que ces modes d'échanges illicites
procèdent sans distinction de secteur public ou de secteur privé.
Par exemple, le Communications Security Establishment, qui est un organisme
plus ou moins secret fédéral, fait l'espionnage des
données de télécommunications par satellite pour les
Américains, et le National Security's Agency des États-Unis fait
l'espionnage sur les Canadiens, et ces deux agences s'échangent des
renseignements sans que ce soit illégal ni d'un côté ni de
l'autre de la frontière. Ça, je vous réfère
à une série d'articles qui sont parus dans The Globe and Mail
de Toronto, à compter du 27 mai 1991, dont l'intitulé
était: "Shadowy body circumvents law to gather information: Secrecy
shrouds spy agency. " Alors, c'était une révélation
journalistique et, évidemment, nous n'avons pas eu de commentaires
officiels de la part des gouvernements.
M. Cannon: Est-ce qu'il y aurait moyen de faire faire une
photocopie de ce document-là, s'il vous plaît?
M. Lapenière: Certainement, oui. Le troisième
argument sur la nécessité de réglementer le secteur
privé, c'est le problème constitutionnel. L'Association des
banquiers canadiens est venue faire des représentations à l'effet
que la constitutionnalité d'une réglementation du secteur
privé serait douteuse dans le cas des banques. Pour cela, je vous
réfère tout simplement au chapitre de "L'identité
piratée" dans lequel nous avons fait une analyse détaillée
des différents problèmes constitutionnels qui pourraient se
poser. C'est de la page 249 à 270. Essentiellement, il s'agirait d'une
loi de portée générale qui serait comparable à la
loi de protection du consommateur, et à la loi de protection du
consommateur, comme le Code civil, d'ailleurs, s'applique aussi bien aux
banques qu'à n'importe quelle entreprise de juridiction
fédérale ou provinciale qui font affaire au Québec.
Or, on ne s'étonne pas que les grandes banques refusent toute
espèce de réglementation québécoise, parce qu'elles
refusent toute espèce de réglementation de toute façon.
Les grandes banques ont refusé de participer aux enquêtes
menées par le ministère de la Justice du gouvernement
fédéral sur ces questions-là. Alors, je crois
personnellement que la question constitutionnelle est un simple prétexte
pour les banques qui forment des oligopoles au Canada pour essayer
d'éviter toute espèce de réglementation de leurs
activités provinciales ou fédérales.
Très rapidement, je pense que je parle à des convaincus.
Quand on parie d'insuffisance du Code civil pour régir ces questions, je
vous réfère en particulier au mémoire de la Chambre des
notaires qui a développé cette question encore beaucoup mieux que
nous avons pu le faire. Les dispositions du Code civil actuel sont trop
générales; il manque d'obligations précises de gestion, et
surtout il manque de dispositifs de mise en oeuvre, les tribunaux ordinaires
étant mal adaptés en général pour pouvoir s'occuper
de ces questions-là et n'intervenant que sous le mode de l'adjudication,
alors que plusieurs autres mandats doivent être mis en oeuvre pour
appliquer une loi fondamentale comme celle de l'accès à
l'information et la protection des renseignements personnels.
Alors, j'en arrive au vif de mon propos, qui est l'urgence d'agir.
L'urgence d'agir nous vient évidemment des facteurs internes au
Québec, qui est la protection de la vie privée des citoyens et
des citoyennes du Québec, mais aussi de l'évolution de la
situation juridique dans le monde, ce dont je vais vous entretenir un peu plus
largement.
Nous connaissons assez mal, de façon
générale, la situation aux États-Unis. On s'imagine
que c'est un pays dans lequel il n'y a aucune réglementation du secteur
privé. C'est une illusion parce que le secteur privé est beaucoup
plus réglementé aux États-Unis qu'il peut l'être au
Canada en matière de protection des renseignements personnels. Il est
réglementé par industrie et par service: Les banques sont
réglementées aux États-Unis, les assureurs, les bureaux de
crédit, les télécommunications, et on pourrait en
rajouter. Il y a même des lois générales; par exemple, une
loi sur les couplages d'ordinateurs, "computer matching". Alors, vous avez un
ensemble législatif, je dirais, relativement complet, même s'il ne
prend pas la forme d'une loi à portée générale
applicable à toutes les juridictions et à toutes les situations.
(9 h 45)
Par ailleurs, le dossier législatif aux États-Unis est
très actif en matière de protection des renseignements personnels
parce que les groupes de pression, là-bas, sont très actifs. Nous
avons des nouvelles périodiquement, dans les journaux, sur les
événements qui se passent dans le secteur privé
là-bas. Par exemple, en janvier 1991, Lotus, qui est une grande
compagnie d'informatique, et Équifax, dont vous avez entendu le
mémoire récemment, ont annulé la mise en marche de Market
Place Household, une base de données sur 120 000 000 de consommateurs
américains, après avoir reçu 30 000 plaintes des
consommateurs américains à l'effet qu'il y avait des
inexactitudes, d'une part, dans les dossiers et que, d'autre part, ils ne
voulaient pas être affichés dans les bases de données pour
des fins de commercialisation, comme ce que voulaient faire Équifax et
Lotus.
En octobre 1991, c'était au tour de TRW, qui est un concurrent
d'Équifax. TRW a décidé de donner accès
gratuitement aux consommateurs à leur dossier de crédit, en
cédant aux pressions des consommateurs, des groupes de défense de
la vie privée, des procureurs généraux qui intentent des
poursuites pour des dossiers truffes d'erreurs et pour bri de
confidentialité. Alors, le contexte de ça, c'était la
révision par le Congrès de la loi sur l'équité dans
l'information de crédit, le Fair Credit Reporting Act de 1970. Par
exemple, au Vermont, tout proche de chez nous, on avait erronément
fiché 1500 résidents de Norwich comme étant en
défaut de paiement de leurs taxes municipales. On avait pris la liste
des résidents. Alors, tout le monde était en défaut de
paiement parce que quelqu'un avait fait une erreur chez TRW.
Les autres compagnies n'ont pas encore suivi, à ma connaissance,
mais il se pourrait bien que ce soit Équifax États-Unis qui
impose des normes à Équifax Canada, plutôt que le
gouvernement du Québec, au train où vont les choses.
Par ailleurs, nous avons l'Accord de libre-échange auquel nous
sommes soumis depuis 1988. La logique de cet Accord de libre-échange,
c'est qu'on cherche à éliminer les entraves à la libre
circulation des biens et services en rendant les conditions de mise en
marché comparables. Alors, si un pays procure un avantage concurrentiel
indu à son industrie, on imposera une solution telle que des droits
compensatoires pour établir l'équilibre. Donc, si l'absence de
normes sérieuses au Québec permet à l'industrie de
renseignements de faire des économies sur le dos des droits des
consommateurs, celle-ci pourrait se voir interdire l'accès aux
données américaines. Les groupes de pression peuvent s'allier
pour boycotter les produits informationnels québécois qui ne
répondent pas aux normes de protection de la vie privée aux
États-Unis comme ils le font pour d'autres produits.
Il y a aussi d'autres effets malheureux. Par exemple, si on ne
légifère pas ici, ça peut créer l'obligation pour
les Québécois d'aller en Ontario ou aux États-Unis pour
obtenir l'accès aux données qui les concernent parce qu'ils n'y
ont pas droit au Québec. Ça peut aussi avoir pour effet d'aligner
les pratiques de gestion sur les normes plus élevées des autres
provinces ou des États-Unis et, bientôt, de l'Europe, alors qu'au
Québec la législation ne suivrait pas et que les
Québécois n'exerceraient aucun contrôle sur ces
déterminants de leur vie sociale, économique et politique.
Qu'est-ce qui se passe en Europe, très brièvement? Bien,
vous connaissez tous la Convention du Conseil de l'Europe sur la protection des
données personnelles. Il y a maintenant en étude une proposition
de directives du Conseil des ministres de la Commission des Communautés
européennes, le Marché commun. Cette proposition vise à
harmoniser les législations des pays d'Europe, et une disposition
particulièrement à l'article 24 et à l'article 25, qui
concernent les flux transfrontières de renseignements personnels.
Alors, s'il est jugé en Europe que le niveau de protection d'un
autre pays où on voudrait exporter des données européennes
n'est pas adéquat, à ce moment-là on pourrait refuser
l'exportation de ces données-là vers les pays d'Amérique
du Nord, par exemple. Donc, on va établir une liste de pays qui offrent
un tel niveau de protection adéquat et on peut espérer que le
Québec sera à l'intérieur de cette liste. Autrement, bienl
il faudra obtenir à chaque fois, négocier à la
pièce des dérogations, ce qui pourrait causer un fardeau
supplémentaire aux organismes publics et aux entreprises privées
québécoises.
Enfin, en ce qui concerne l'organisme de mise en oeuvre, le GRID a
recommandé un office indépendant. Le comité
interministériel a plutôt recommandé que le mandat soit
confié à la Commission d'accès à l'information, et
la Commission d'accès à l'information a évidemment
proposé ses bons offices. Alors, nous avons une petite variation ici
dans notre mémoire. Nous
croyons sincèrement que, dans sa forme actuelle, la Commission
d'accès à l'information est mal adaptée pour remplir
l'ensemble des mandats qui découlent de la loi.
Essentiellement, notre argument est le suivant: le mandat de
défense et de promotion active des droits et libertés
fondamentales des citoyens et des citoyennes fichés est incompatible
avec un mandat d'adjudication. C'est là vraiment ce qu'on appelle le
double mandat chez nous. Déjà, cette difficulté avait
été soulignée dans le rapport Ouellette, le rapport sur
les tribunaux administratifs, en pages 101 et 102. L'Assemblée nationale
l'a compris à propos de la Commission des droits de la personne qui,
elle aussi, est appelée à défendre et à promouvoir
les droits et les libertés fondamentales. En 1989, on a donc
changé la structure de la Commission des droits de la personne. On a
créé un tribunal des droits de la personne, justement pour
libérer la Commission des droits de la personne pour des tâches
plus efficaces, mieux orientées, et qui ne soient pas en
perpétuel conflit d'intérêts.
Alors, ça c'est tout récent, et je pense que ça
devrait servir de modèle pour la réforme de la loi d'accès
à l'information et de la Commission d'accès à
l'information. Pourquoi ne pourrait-on pas faire de même pour que
l'accès à l'information et la protection des renseignements
personnels, qui sont deux droits fondamentaux inscrits dans la Charte des
droits et libertés, particulièrement pour ce qui est de la
protection des renseignements personnels, à l'article 5 de la Charte des
droits et libertés... Ceci aurait pour effet de libérer la
Commission d'accès à l'information de son rôle
d'adjudication où elle se perd, pour la consacrer à des fonctions
beaucoup plus actives, où elle valoriserait son expertise
spécifique en matière d'enquête, de conciliation, de
consultation, un peu à la manière de ce qui se passe avec le
commissaire à la vie privée, au niveau fédéral. Je
peux vous dire, par exemple, notre malaise d'avoir eu à
comparaître - le GRID - devant la Commission d'accès à
l'information, alors que nous sommes appelés à collaborer avec
cette Commission dans de nombreux dossiers, à titre d'expertise. Et
ça doit être la même chose pour tous ces organismes publics
et pour tous les défenseurs des droits de la personne qui, d'une part,
sont appelés à collaborer avec la Commission et, d'autre part,
peuvent avoir, à l'occasion, à se présenter pour obtenir
de l'information indispensable à leurs travaux.
Dans ces conditions, nous croyons que la Commission d'accès
à l'information ainsi réformée serait beaucoup plus
efficace dans la réalisation de ses mandats. Et nous verrions d'un bon
oeil que ces mandats-là lui soient confiés, autant pour le
secteur public que pour le secteur privé. En somme, on libérerait
la Commission de ses fonctions d'adjudication, ce qui la dégagerait pour
s'occuper du secteur privé sans hausse budgétaire.
Maintenant, où irait la fonction d'adjudication? Deuxième
question. Mais pourquoi pas au Tribunal des droits de la personne? C'est un
tribunal qui fonctionne pour la promotion des droits de la personne, puis le
droit d'accès et la protection des renseignements personnels sont des
droits fondamentaux. Ce tribunal a actuellement pas mal de
disponibilité; il n'est pas submergé par son agenda. Il n'y
aurait pas de coûts supplémentaires. Et il y a certaines
caractéristiques intéressantes; par exemple, le choix des juges
et des assesseurs qui se fait sous l'article 101, parmi les juges qui ont une
expertise, une sensibilisation et un intérêt marqué en
matière des droits et libertés de la personne, ensuite, les
garanties d'indépendance qui sont meilleures pour ce tribunal-là
que pour d'autres tribunaux administratifs.
Autrement, alternativement, mais comme second choix, on pourrait
procéder par requête devant les tribunaux, comme pour un incident
de constitution de la preuve, puisqu'il s'agit d'aller chercher des documents,
finalement. Alors, ça pourrait être de type interrogatoire au
préalable - l'article 397 du Code de procédure civile - et
là on a un délai d'un jour. On n'a pas un délai de six
mois comme à la Commission d'accès à l'information. Ou
ça pourrait être de type requête en jugement
déclaratoire - articles 453 à 456 du Code de procédure.
Ici, on aurait un délai de 10 jours et le droit à un
débat, quand même un peu plus consistant, sur ce type de question.
Alors, la suggestion de la Commission d'accès à l'information,
par ailleurs, d'établir un régime spécifique quant
à la communication des renseignements personnels, de façon
occasionnelle ou de façon habituelle, est intéressante et
mériterait d'être retenue.
En conclusion, nous estimons, au GRID, que nous avons tout ce qu'il faut
au Québec pour agir. Évidemment, le premier objectif étant
de promouvoir les droits et libertés chez nous, d'abord, ensuite
rattraper les États-Unis en matière de réglementation du
secteur privé, et enfin se mettre à l'heure de l'Europe et des
débats internationaux. Je vous remercie.
Le Président (M. Forget): Merci beaucoup. J'inviterai M.
le ministre à avoir les échanges.
M. Cannon: Oui. Merci, M. le professeur Laperrière de
votre présentation, surtout de votre contribution à faire avancer
le dossier, depuis maintenant plusieurs années. Sans doute, vos efforts
ne sont pas vains. Effectivement, vous avez constaté qu'il y a consensus
pour qu'on aille de l'avant dans le projet de loi et ça m'apparaft
très clair.
Vous avez parlé tout à l'heure, dans votre
présentation, d'abord des facteurs internes au Québec, mais aussi
des dossiers qui concernaient les lignes directrices de l'OCDE... Vous avez
également parlé de la situation aux États Unis. Il
semble qu'aux États-Unis ils sont davantage
réglementés. Vous avez également fait état du
dossier TRW. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de lire, dans le Time
magazine de cette semaine, l'article qui s'intitule: "Nowhere to Hide.
Individual Rights", écrit par un M. Richard Lacayo, où,
justement, il fait état de l'incident dont vous avez parlé, en
concluant que la compagnie en question, TRW, avait, en vertu des lois existant
aux États-Unis, notamment Fair Credit Reporting Act de 1970,
prétendu que la loi fédérale avait une emprise plus
importante qu'une loi adoptée dans un État - notamment Alabama,
Californie, Idaho, Michigan, New York et Texas - et que, par conséquent,
ça ne s'appliquait pas, ou enfin, les éléments ne
s'appliquaient pas à cette entreprise.
Mais la conclusion de tout ça, c'est que devant le tollé
de protestations des consommateurs, la compagnie a décidé
d'expédier gratuitement, à chacun des individus ou des personnes
qui étaient fichés chez elle, une copie du document qui les
concernait. Je continue dans l'article: Ça a eu comme conséquence
qu'il y a des pressions énormes qui sont maintenant exercées sur
les entreprises, et il y a notamment une législation devant la Chambre
des représentants, qui exige ou exigerait qu'un consentement
écrit soit obtenu de la part des entreprises financières,
notamment les bureaux de crédit, les banques et les autres institutions,
pour que soit divulgué un renseignement concernant un individu.
Première question: c'est de connaître votre réaction
à cela, et la deuxième question concerne, toujours dans la
même optique, une autre mesure législative qui vise à
mettre à jour la loi de 1970 qui créait l'obligation
auprès de ces entreprises ...enfin consacrait le droit au consommateur
de voir sa fiche et, au besoin, de la corriger. Ce que l'on voudrait rajouter
comme élément c'est, un peu comme dans le cas de TRW,
d'expédier, à la demande et aux frais de la compagnie, les
renseignements personnels et confidentiels concernant les individus.
Ma deuxième question, justement, porterait là-dessus:
Est-ce que vous croyez que, dans une loi, il serait nécessaire pour le
gouvernement d'obliger les entreprises qui font la cueillette d'informations et
de renseignements personnels, d'expédier gratuitement le document ou les
informations qui concernent les individus?
M. Laperrière: Je crois que ce serait une excellente
mesure. Évidemment, pour répondre à votre première
question, la question du consentement écrit pour toute divulgation, il
faudrait voir un petit peu le libellé des dispositions qui sont
présentées en amendement. Ce qui est important de retenir
là-dedans, c'est qu'il faudrait des consentements spécifiques et
non pas des consentements généraux, parce que des consentements
généraux sont obtenus très faci- lement au niveau d'une
demande de crédit, de prêt, etc., ou même d'emploi. Alors,
on consent à ce que l'entreprise, l'employeur, puissent aller chercher
les renseignements là où bon leur semble. Ce sont des
consentements qui sont faits de façon générale et
illimitée. Les finalités ne sont pas spécifiées. On
ne sait pas à quelles fins ils peuvent aller chercher ces renseignements
une fois qu'ils ont l'autorisation de le faire; ils peuvent bien prendre les
renseignements, et ensuite, s'en servir pour faire du marketing ou toute
espèce d'autres fins qui ne sont pas nécessairement compatibles
avec celles pour lesquelles la demande du citoyen ou de la citoyenne est faite.
Donc, consentement, d'accord, mais à condition qu'il soit
spécifique et qu'il ne soit pas valable - on trouve ça dans
certaines lois américaines - que ce ne soit pas valable
indéfiniment, qu'on doive renouveler ces consentements-là, et que
les formules passepartout, telles que "usage compatible", "finalité
compatible", etc.. (10 heures)
Maintenant, on a suffisamment d'expérience accumulée avec
les bases de données informatisées pour savoir qu'est-ce qui est
compatible puis qu'est-ce qui ne l'est pas; on est capables de le
spécifier maintenant. Autrefois, on ne savait pas trop, ça
évoluait très vite, on ne savait pas exactement ce qu'on pourrait
faire avec tout ça. Mais maintenant, on sait que l'information a une
valeur marchande, qu'elle circule énormément, qu'on peut obtenir
assez facilement, quand on est dans l'industrie, des rapports confidentiels sur
n'importe qui. Alors, il faudrait vraiment qu'il y ait cette qualité de
spécificité qui se rattache au consentement.
En ce qui concerne le droit de recevoir l'information chez soi, bien,
ça peut causer des problèmes de mise en oeuvre, d'application.
Bon là, on pouvait se dire jusqu'à maintenant: C'est impossible,
ce serait des coûts astronomiques de recevoir copie de l'information
personnelle qu'une entreprise détient sur nous. Mais si TRW est capable
de le faire aux États-Unis, pourquoi est-ce que Équifax ne serait
pas capable de le faire chez nous? Actuellement, il faut se déplacer
jusqu'à ville d'Anjou, quand on est à Montréal, pour aller
consulter son dossier de crédit. Puis, si on a quelque
difficulté, on doit avoir à faire ce déplacement-là
souvent, pendant les heures de bureau, en manquant son travail, etc. On dit:
C'est une situation insensée!
Alors, peut-être que, actuellement, les coûts d'une telle
entreprise seraient importants, mais les droits et libertés, c'est
quelque chose qui se paie, d'une part, et, d'autre part, les technologies
évoluent très vite et il est concevable que, dans quelques
années, on puisse donner accès à ces
informations-là, tout simplement "on line", sur écran, sur
consultation, plutôt que d'envoyer ça par la poste, ce qui
entraîne quand même des coûts beaucoup plus
considérables. Ce n'est pas
impossible à faire, puisqu'il y a déjà des
systèmes qui sont mis en route pour faire du téléshopping,
télébanking, etc.
Bon. Alors, pourquoi est-ce que, à un moment donné, avec
une bonne codification sécuritaire, chacun ne pourrait pas avoir
accès en tout temps à son dossier dans les principaux organismes
qui s'occupent de ces dossiers-là, avec une clé d'accès,
de la même façon que vous avez un code pour faire fonctionner
votre guichet automatique?
Alors, ce sont des technologies qui s'en viennent. Il faut croire
qu'elles ne sont pas encore suffisamment implantées aux
États-Unis pour que la grande compagnie TRW ait décidé
d'envoyer ça, de poster ça aux citoyens. Mais, dans quelques
années, ça va être habituel.
M. Cannon: Peut-être une dernière question,
maintenant, qui concerne les normes européennes. Vous avez beaucoup
insisté, dans votre mémoire, sur les normes et sur le fait qu'il
faut viser la norme réglementaire la plus exigeante. Est-ce que vous
pensez que l'autoréglementation favoriserait l'adoption des normes
exigeantes?
M. Lapenière: Bien, quand on parle
d'auto-réglementation, on peut parier de plusieurs formules possibles.
Généralement, l'autoréglementation, qui était
préconisée par les banques il y a cinq ans, c'était une
autoréglementation spécifique à l'entreprise; par exemple,
la Banque Royale avait fait son code d'éthique, la Banque de
Montréal avait fait son code d'éthique. Alors là, il n'y
avait personne d'autre que les gens de l'entreprise qui étaient en
mesure de contrôler l'application de ces codes d'éthique. Et ces
codes d'éthique étaient formulés de façon
relativement vague. Par exemple, dans le code d'éthique de certaines
banques, on trouvait une exception, que la banque pouvait communiquer des
renseignements, quand c'était dans l'intérêt de la banque
de le faire, ou quand c'était dans l'intérêt public de le
faire. Ce sont des concepts extrêmement vagues et extrêmement
larges; il faudrait savoir ce que c'est, l'intérêt de la banque,
dans quelle situation particulière une banque pourrait avoir le droit de
divulguer. Ce qui les retient de le faire à tout venant, c'est qu'elles
veulent conserver leurs clientèles et que la confidentialité du
secret bancaire est quand même quelque chose d'important à
préserver pour cette industrie-là. Mais ce ne sont pas tous les
sous-contractants de cette industrie-là qui ont ce niveau
d'éthique, si vous voulez. De telle sorte que, pourquoi est-ce que
l'Association des banquiers canadiens a senti le besoin de faire son code
d'éthique applicable à toutes les banques? C'est qu'il y a un
besoin d'autorégle-mentation par secteur, qui est différent des
simples voeux pieux d'une entreprise qui affiche son code d'éthique en
disant: Bien, nous, c'est comme ça qu'on fonctionne et tout va bien dans
le meilleur des mondes. Alors, si l'Association des banquiers canadiens, qui
est venue vous faire des représentations, a adopté son code
d'éthique, c'est qu'il y a ce besoin de réglementation du secteur
pour que tout le monde fonctionne de la même façon, pour que
personne ne puisse faire de la concurrence coupe-gorge aux entreprises qui
agissent convenablement et qui respectent les droits des citoyens.
Bon, maintenant, l'autoréglementation par secteur, est-ce que
c'est suffisant? Est-ce qu'une association comme l'Association des banquiers
canadiens remplit complètement son mandat vis-à-vis du public en
édictant ses propres règles? Bien, nous, on croit qu'on a besoin
d'une réglementation publique pour confirmer ça. Si vraiment
leurs règles sont bonnes, qu'on s'assoie à table avec eux, ou
avec les assureurs, ou avec les autres secteurs, les bureaux de crédit,
et qu'on examine avec eux et non seulement eux et le gouvernement, mais aussi
les groupes de citoyens, défenseurs de la vie privée, etc., qu'on
examine avec eux quels sont les problèmes qui sont posés, quelles
solutions on peut apporter, et à ce moment-là, qu'on
entérine ça par une réglementation publique et qu'on donne
un droit de regard à un organisme indépendant de l'entreprise
pour, s'il y a des problèmes, voir à ce que ça soit
corrigé. Alors, ça, c'est une autoréglementation par
secteur, qui aboutit à une réglementation publique, mais dans
laquelle il y a une participation active à la fois des - j'allais dire
des ficheurs et des fichés - c'est-à-dire des gens qui
constituent les bases de données et des gens qui sont l'objet de cette
constitution de bases de données.
Alors, ça, c'est une condition valable. Je pense que tout le
monde est en droit de réclamer la discussion de ces questions-là
parce que ce sont des questions fondamentales. Et, à ce
moment-là, vous voyez que le Barreau comme la Chambre des notaires sont
d'avis que si, effectivement, il y a intervention publique, il faut qu'il y ait
une réglementation publique dans le secteur, et non pas tout simplement
les affirmations de bonne vertu et de bonnes intentions de la part des
entreprises. Je pense que tout le monde serait confortable avec ça,
finalement, y compris les entreprises, et ça empêcherait, par
exemple, qu'il y ait des situations d'abus ou de scandale qui puissent se
produire à un moment donné.
M. Cannon: Merci.
Le Président (M.
Forget): Merci beaucoup,
M. le ministre. Alors, j'inviterais le député de
Pointe-aux-Trembles à échanger avec notre
invité.
M. Bourdon: Alors, je voudrais d'abord féliciter M.
Lapenière pour son mémoire. Je trouve qu'il est extrêmement
bien structuré et il
fait juste refléter l'expertise considérable que vous avez
acquise dans ce domaine-là.
D'entrée de jeu, je voudrais vous faire part de ma crainte. Je
pense que les citoyennes et citoyens vivent des problèmes importants
d'intrusion dans leur vie privée et que, à notre niveau, du
pouvoir politique au sens large, pendant que les personnes vivent ces
problèmes-là, nous, on étudie le problème de
façon très intensive. Et j'ai une préoccupation, moi,
c'est qu'on aboutisse à des résultats.
Si je comprends bien votre mémoire, en matière de
renseignements de crédit, on tire de l'arrière sur la plupart des
autres provinces canadiennes. De façon générale, on est en
arrière sur les États-Unis et l'Europe, et bientôt - et je
trouve ça fort opportun de vous souligner le danger - on va même
avoir un handicap économique, si on devient un pays, à ne pas
échanger de données parce qu'il ne les réglemente pas chez
lui. Et l'intervenant, après vous, c'est le Conseil du patronat. Je vais
essayer d'introduire cette dimension-là.
Maintenant, est-ce que je vous comprends bien, pour ce qui est des
recours et de l'organisme qui en disposerait, si votre position, dans le fond,
c'est que la Commission d'accès a, d'une part, une fonction
d'éducation, de conciliation et aussi un rôle quasi
hiérarchique dans le secteur public pour donner accès aux
renseignements, et elle a aussi le mandat de siéger comme organisme
quasi judiciaire pour entendre les plaintes? Il y en a d'autres avant vous
aussi qui l'ont dit qu'il y a un problème de double mandat. Mais est-ce
que... - en fait, j'essaie de comprendre - est-ce qu'une solution serait
d'avoir la Commission d'accès, d'une part, mais délestée
de son rôle quasi judiciaire, d'avoir, à l'égard d'une loi
réglementant la circulation d'information dans le secteur privé,
d'avoir un organisme comparable, moins "d'accès à l'information"
que "de protection des renseignements de nature privée", et que le
Tribunal des droits, par hypothèse, pourrait être l'instance qui
entend... l'instance d'adjudication, comme vous le dites, qui pourrait
être le Tribunal des droits à l'égard tant de ce qui est
public que privé? Est-ce que je comprends bien?
M. Laperrière: Oui, le problème vient de ce que,
quand nous avons, au GRID, fait l'étude sur "L'identité
piratée", les ministères nous avaient demandé de faire des
recommandations. Nos recommandations n'étaient pas de nature
administrative; nos recommandations, c'était qu'ils avaient besoin d'un
organisme public pour s'occuper de ces choses-là, et nous ne
recommandions pas d'attribuer à cet organisme des pouvoirs quasi
judiciaires. Pourquoi? Parce que, à ce moment-là, ça
affaiblirait son mandat de promotion des droits et des libertés, de
défenseur des droits et des libertés.
C'est un petit peu la déception qu'on avait eue avec la
Commission des droits de la personne, puisque, quand on arrivait devant la
Commission des droits de la personne, elle nous disait: Nous prenons fait et
cause pour vous. Puis, ensuite, elle se retournait la veste, en quelque sorte,
après avoir entendu nos représentations, etc., elle allait
interroger d'autres témoins hors de notre présence. Et puis,
ensuite, elle tirait des conclusions et des décisions sous forme quasi
adjudicative. Alors, ça ne marchait pas, ça. C'est-à-dire
qu'ils nous demandaient de nous confier à eux comme on se confierait
à des avocats qui vont aller plaider votre cause et, ensuite, ils
prenaient une décision qui pouvait vous virer. Alors, ça ne
pouvait pas fonctionner.
Bien, la Commission d'accès à l'information est un peu
dans cette situation-là. Vous vous adressez à la Commission
d'accès à l'information pensant que c'est l'organisme public qui
va vous aider, vis-à-vis des grandes bureaucraties, à gagner un
petit peu quelque chose, à avoir accès à votre dossier ou
à faire protéger vos renseignements, etc. Et vous vous apercevez
que, si c'est susceptible d'adjudication, à ce moment-là, la
Commission est paralysée, neutralisée, puis elle dit: Bien,
venez! on va régler ça judiciairement sur le banc. Et là,
vous êtes obligés de vous affronter à la batterie
d'avocats, dans un processus contradictoire, où vous êtes presque
perdants d'avance. Vous êtes très inégalitaires. Nous, on y
est allés, à la Commission, puis on a perdu, et on est pourtant
des gens renseignés, je pense, au GRID, sur ces différentes
affaires-là. Mais qu'est-ce que vous voulez? On a tellement l'habitude
de collaborer avec la Commission que se retrouver ensuite dans une instance
d'adjudication, bien, là, c'est tout un autre scénario, c'est
toutes sortes d'autres enjeux. Alors, ça ne peut pas fonctionner, ces
doubles mandats-là.
De telle sorte que ce que nous préconisons, maintenant que les
représentations ont été faites, qu'on a pu consulter tout
ça, c'est de se dire: Si on confie l'ensemble des mandats du secteur
public et du secteur privé à la Commission d'accès
à l'information, c'est bon, mais, à ce moment-là,
enlevons-lui son pouvoir d'adjudication pour qu'elle puisse en faire la
défense et la promotion pour les citoyens, que ce soit au public ou au
privé. C'est sûr que c'est inutile d'avoir deux régimes
quand, par ailleurs, on plaide tant et plus que les renseignements passent du
secteur privé au secteur public de façon routinière.
Alors, pourquoi est-ce qu'on aurait deux régimes séparés?
C'est mieux d'avoir un seul régime, mais les hésitations qu'on
avait à confier ça à la Commission d'accès, si on
lui enlève ses pouvoirs d'adjudication et qu'on lui laisse ses pouvoirs
d'enquête, de conciliation, de consultation, d'aviseur du gouvernement,
de défenseur des citoyens, de prendre fait et cause pour les gens, bien,
à ce moment-là, elle sera délestée de cette
espèce de neutralité judiciaire et on enverra un vrai
tribunal.
Maintenant, quel devrait être ce vrai tribunal? Eh bien, on voit
qu'on vient de créer le Tribunal des droits de la personne, puis on est
en matière de droits de la personne. C'est de ça dont on parle,
ce matin. Alors, si on veut protéger le droit à la vie
privée, c'est l'article 5 de la Charte des droits et libertés de
la personne, de toute façon. Bon, alors, ces dossiers-là
pourraient monter quand il s'agit d'adjudication. La Commission d'accès
à l'information de même que la Commission des droits de la
personne pourraient présenter devant le Tribunal des droits de la
personne les affaires où vraiment il n'y a pas de règlement
possible, ni avec les organismes publics ni avec l'entreprise privée et,
à ce moment-là, on aurait un vrai tribunal qui siégerait
de façon adjudicattve là où les parties pourraient
être équitablement représentées. Parce que, si
l'entreprise privée... - on parle de grosses bureaucraties comparables
à celles de l'organisme public - alors, quand l'entreprise privée
arrive avec sa batterie d'avocats, la Commission d'accès à
l'information, de l'autre côté, et le citoyen auraient aussi leur
batterie d'avocats spécialises. A ce moment-là, il y aurait un
combat égal, en quelque sorte. (10 h 15)
Actuellement, devant la Commission d'accès à
l'information, si vous n'avez pas votre batterie d'avocats, vous n'avez pas de
combat égal. Ce n'est pas vrai: vous vous faites manger tout rond!
Alors, c'est un peu ça le sens de la proposition, voyez-vous? Si on ne
voulait pas confier ça au Tribunal des droits de la personne - c'est un
tribunal qui est fait pour ça, leurs juges sont choisis en fonction de
ça, il y a des critères de nomination, ils ont
l'indépendance judiciaire voulue, etc. - si vraiment on ne voulait pas,
on pensait que ce n'était pas opportun, à ce moment-là, on
pourrait se rabattre sur la cour du Québec, en se disant, à ce
moment-là: Attention, ce ne sont pas des délais de trois ans et
de quatre ans; on va procéder par requête, de la façon la
plus rapide possible. Mais la, il faudrait faire l'éducation des juges,
les sensibiliser à la question. La loi d'accès, c'est quand
même une loi qui est un petit peu compliquée sur le plan
juridique. Même si son interprétation commence à se
stabiliser là, après sept ans d'application, il reste quand
même que ce sont surtout des problèmes de droit qui sont
discutés là. Alors, une requête avec un avis d'un jour
franc, on ne discute pas beaucoup de droits dans ces choses-là,
généralement. C'est plutôt expédié sur la
routine. Alors que c'est une requête pour jugement déclaratoire,
mais là on a le temps de se préparer, on a dix jours d'avis, etc.
On peut faire un débat juridique, puisque c'est une requête sur
jugement déclaratoire.
M. Bourdon: Moi, je suis d'accord avec vous. Et dans le fond, il
y a un autre modèle qui existe déjà, qui est celui de la
Commission des droits de la personne, qui ne fait pas l'adjudication; elle fait
l'enquête, la promotion. Elle fait même la conciliation, ce qui
n'est pas mauvais en soi, mais elle va finir au Tribunal des droits de la
personne avec une plainte, à un moment donné, où,
là, elle ne sera pas prise avec l'idée qu'elle s'est faite de la
question. Ce que vous dites de la Commission d'accès à
l'information, j'y suis sensible, parce que ça fait six mois que je suis
en discussion avec la Commission sur une demande de renseignements à la
Régie des rentes. Et je dois dire que la partie conciliation est assez
costaude. Il faudrait que, au lieu d'une liste d'entreprises ayant eu un
congé de cotisation des entreprises de 200 employés et plus, on
me dit que je devrais me contenter du chiffre des congés de cotisation
obtenus pour l'année 1990. Dans la discussion qui est faite entre mon
attaché politique et la Commission, c'est presque rendu que les 30 000
entreprises qui pourraient être visées, pourraient être
avisées qu'il va y avoir une audition de la Commission d'accès.
Alors que, moi, je n'ai fait qu'une demande à la Régie des rentes
de me donner un renseignement que la loi oblige les entreprises à lui
communiquer. Une entreprise, qui prend un congé de cotisation, en avise
la Régie. Et pendant nombre d'années, la Régie rendait
cette donnée-là disponible; là, elle ne la rend plus
disponible. Mais on me parlait, ce matin, d'une audition en janvier. J'ai fait
la demande de renseignements en mai, et la législation risque d'arriver
avant la réponse de la Commission. Il y a comme un problème.
Comme vous dites, je pense, même à l'étape de la
conciliation, quand un organisme a le double mandat, si son rôle
d'audition est chargé, on peut penser qu'en conciliation on va essayer
de régler plus, de pousser plus pour que ça se règle. Dans
ce sens-là, moi, je suis en accord avec vous que la promotion, la
défense, les enquêtes, les plaintes... Autrement dit, pourquoi
essayer de nommer une seule personne qui serait procureur de la couronne,
mettons, et juge? Le juge, c'est le juge, et le procureur de la couronne, par
hypothèse... Je ne résume pas ça à ça,
mais... parce qu'il a un rôle de promotion et d'éducation, mais on
peut s'attendre aussi que l'organisme qui s'occupe de ces questions a comme un
parti pris pour le citoyen et que, s'il fait du zèle, le tribunal peut
dire: Non, ça ne va pas jusque-là. Mais ce n'est pas à lui
de s'auto-censurer, dans le fond.
Est-ce que vous croyez que la promulgation - avec peut-être des
amendements - des articles 36 à 41 du Code civil, le chapitre qui traite
de la vie privée, qui n'est pas promulgué - j'ai bien lu dans
votre mémoire - ça ne serait pas suffisant? Mais est-ce que vous
ne croyez pas que ça serait quand même un pas en avant, à
certaines conditions, si on se décidait à les promulguer?
M. Laperrière: Oui, ça serait sûrement une
amélioration sur la situation existante. Mais qu'est-ce que ça
donnerait à long terme? S'il y a des normes qui existent dans le Code
civil, d'une part, et que, d'autre part, les entreprises sont suffisamment
sensibilisées à l'existence et à la signification de ces
normes-là, peut-être que les entreprises vont tenter de se
conformer à ces normes-là. Mais ce sont des normes très,
très, très générales, qui ne leur donnent pas
d'indications très précises sur comment se conformer, comment
gérer ces renseignements de telle sorte qu'on réponde aux normes
du bon père de famille, etc. C'est un petit peu plus complexe que
ça, dans le fond, et ils. pourraient s'aligner sur ce qui existe dans le
secteur public en se disant: Bien, probablement que le Code civil va être
interprété en fonction de la jurisprudence qui s'est
développée dans le secteur public sur la base de l'idée
que si c'est bon pour le secteur public, particulièrement en
matière de protection des renseignements personnels, ça devrait
être aussi bon pour le secteur privé. Mais, ça c'est encore
une transfusion de critères d'une loi à une autre et on ne sait
jamais, dans le passage, comment est-ce que ça peut aboutir.
M. Bourdon: Mais si vous voulez mon avis, moi, je suis pour l'un
et l'autre, mais ma crainte c'est que le gouvernement ne fasse ni l'un ni
l'autre. Et, à cet égard, est-ce qu'à 41, par exemple, du
Code civil, à l'article 41, si on modifiait, par exemple, l'article,
pour dire que les plaintes résultant de l'application du chapitre sont
déférées au Tribunal des droits ou ailleurs, selon ce qui
serait le mieux, ça serait comme un pas de fait? Mais, je suis
entièrement d'accord avec vous que le Code civil, à lui seul, il
établit comme des principes, mais il ne place pas des modalités
et il ne fait pas la mise en vigueur ordonnée de l'ensemble de ce qui
est nécessaire. Mais je vous fais part de ma crainte, c'est qu'on ne
fasse ni l'un ni l'autre, et moi je voudrais qu'on fasse l'un et l'autre; qu'on
promulgue, avec peut-être certains amendements, et qu'on adopte une autre
loi qui vient de vos travaux au GRID et puis du rapport du comité
interministériel qui a fait suite. En tout cas, j'ai terminé, M.
le Président. Je vous redis que je suis en accord avec la presque
totalité de votre mémoire.
Le Président (M. Forget): Merci, M. le
député de Pointe-aux-Trembles. Alors, M. le ministre.
M. Cannon: Moi, je n'ai plus de questionnements, à moins
qu'il y ait un député... Non? Ça va. Quant à moi,
je tiens à vous remercier d'avoir bien voulu participer, ce matin,
à notre commission et j'espère avoir le plaisir de vous
revoir.
M. Laperrière: Merci.
Le Président (M. Forget): Merci, monsieur. M. le
député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: M. le Président, juste remercier de nouveau M.
Laperrière, le féliciter de l'ensemble de ses travaux et lui dire
que je souhaite que l'instance parlementaire se révèle aussi
efficace que ceux, comme vous, qui étudient la question.
Le Président (M. Forget): Alors, je remercie le
représentant du Groupe de recherche informatique et droit de nous avoir
présenté ce mémoire. Et, afin de permettre au prochain
groupe de prendre place, le Conseil du patronat du Québec, je suspends
les travaux de la commission pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 10 h 24)
(Reprise à 10 h 33)
Le Président (M. Forget): La commission reprend ses
travaux. Elle demande au porte-parole de l'organisme de s'identifier et de
présenter les gens qui l'accompagnent.
M. Cannon: Ça doit être un vieux... entre Michel
Bourdon et vous, pour que Michel arrive en retard comme ça!
M. Bourdon: Ah oui! j'avais hâte de voir M. Dufour.
Conseil du patronat du Québec
M. Dufour (Ghislain): M. le Président, je suis Ghislain
Dufour, président du Conseil du patronat. Je vous présente mes
collègues. À mon extrême gauche, M. André Drouin,
qui est directeur des services organisation et méthodes à la
Banque nationale; à ma toute gauche, M. Jean-Claude Chartrand, qui est
président d'Équl-fax; à ma première droite, M.
Ghislain Bouchard, qui est vice-président, administration, à
Québec-Téléphone; et M. Jacques Garon, qui est directeur
de la recherche au Conseil du patronat. Alors...
Le Président (M. Forget): Pour permettre aux
représentants de l'organisme de présenter leur exposé, je
rappelle le temps alloué pour l'exposé et les échanges. La
durée de l'exposé est de 20 minutes, la durée de
l'échange est de 40 minutes. Alors...
M. Dufour (Ghislain): Merci, M. le Président. Mesdames,
messieurs, le CPQ est heureux de l'occasion que vous lui donnez de soumettre
à la commission des institutions de l'Assemblée
nationale quelques commentaires sur les recommandations du rapport
intitulé: "Vie privée, zone à accès restreint". Ce
rapport, on le sait tous, traite de l'extension au secteur privé des
grands principes de protection qui s'appliquent déjà, par voie
législative, aux renseignements personnels détenus par le secteur
public.
Pour notre part, cependant, dans le présent mémoire, nous
commenterons d'abord, compte tenu de son importance dans le débat
actuel, l'avis de la Régie des télécommunications du
Québec au ministre des Communications sur la protection de la vie
privée dans les télécommunications, et. dans un
deuxième temps, on reviendra sur "Vie privée, zone à
accès restreint".
D'abord, donc, la protection de la vie privée dans les
télécommunications. De nombreuses analyses et, en particulier,
les consultations de la Régie des télécommunications du
Québec ont porté sur les services de gestion des appels, la
confidentialité des télécommunications, la cueillette, la
divulgation et la commercialisation des données sur les usagers
téléphoniques et le télémarketing. On peut donc
déterminer, M. le Président, si la progression de
l'informatisation de renseignements nominatifs et l'automatisation des
décisions concernant les personnes leur ont causé divers
préjudices.
Premièrement, le service de gestion des appels. Selon certaines
associations de consommateurs, l'affichage du numéro de
téléphone peut porter atteinte à la vie privée des
abonnés - l'identification du numéro de téléphone
d'où provient l'appel. Ce service est en expansion rapide comme en
témoigne la demande croissante des abonnés pour, justement, ce
service de gestion des appels. Mais la vie privée des abonnés
n'en est pas pour autant menacée, puisque la technologie donne la
possibilité à celui qui appelle d'empêcher l'affichage de
son numéro de téléphone et que, par ailleurs, le
destinataire a le droit d'exiger ou non l'identification de tout appel entrant
et d'en aviser en conséquence ses correspondants. L'accessibilité
à des options d'identification de celui qui appelle ou de blocage de
celle-ci favorise donc le libre choix et protège le droit à la
vie privée pour tous.
Deuxième volet, la confidentialité des communications. En
ce qui concerne la teneur même des communications acheminées par
les réseaux de télécommunications, le peu de contestations
- et ça, je pense qu'il faut le souligner - le peu de contestations des
abonnés montre clairement qu'il n'y a pas de problème de
confidentialité dans l'acheminement des
télécommunications. En ce qui a trait à la cueillette, la
divulgation et la commercialisation des données sur les usagers des
services de communications, l'informatisation des renseignements nominatifs
peut être, dit-on, génératrice de préjudices de
divers ordres pour les personnes qui en sont l'objet.
Quels sont les faits cependant? Selon les observations de la
Régie - et là, ce sont les observations de la Régie et non
du secteur privé, et non du CPQ, M. le Président - au-delà
des préoccupations légitimes des usagers en matière de
protection des renseignements les concernant, il y a lieu de constater que,
jusqu'à présent, l'industrie des télécommunications
s'est généralement comportée de façon à
assurer la protection de la vie privée de ses usagers; et je cite, selon
l'avis même de la Régie: "Peu de cas de divulgation abusive
peuvent être imputés a cette industrie. Jusqu'à
présent, la Régie n'a pas été saisie de plainte de
cette nature."
Troisième volet: la sollicitation téléphonique, ce
qu'on appelle le télémarketing. Pour l'industrie du marketing
direct, la sollicitation téléphonique vocale est une
activité qui soutient le commerce et l'industrie, crée des
emplois, aide le consommateur dans son choix de produits et services. Encore
là, pour certains usagers, cette forme de
télésollicitation constitue une intrusion dans la vie
privée, qu'il faut restreindre. Mais si un appel de
télémarketing peut être considéré comme
inopportun par un usager, il ne présente certes pas un caractère
illicite, d'autant plus que l'usager a toujours la possibilité de ne pas
donner suite à ce genre d'appel. Nous appuyons cependant l'idée
que les autorités gouvernementales pourraient encourager la formation
d'une association professionnelle provinciale qui verrait à promouvoir
un minimum d'autoréglementation; par exemple, au moyen d'un code de
déontologie et de normes quantitatives. La Régie se dit
d'ailleurs disposée à participer à l'élaboration
des paramètres des services de gestion des appels pour permettre
à l'abonné d'identifier plus facilement les appels provenant
d'entreprises de télésollicitation.
On peut donc conclure de ce voleHà, M. le Président, que
les entreprises de télécommunication ont fait preuve
jusqu'à maintenant, au Québec, d'un grand respect des principes
de protection des renseignements personnels. Selon, toujours, la Régie,
et je cite: "Les lois et règlements existants, ajoutes à
l'autodiscipline et aux codes d'éthique interne des entreprises de
télécommunication, ont permis jusqu'à présent une
protection satisfaisante des renseignements nominatifs et privés sur les
usagers des services de télécommunication." Fin de la
citation.
Il ne nous apparaît donc pas opportun, M. le Président, que
le gouvernement intervienne au moyen d'une nouvelle loi et d'un
règlement dans l'industrie des télécommunications,
à la seule fin de protéger la vie privée. Cette industrie
a déjà un code de déontologie étanche pour la
plupart de ses activités et il s'agirait d'implanter un tel code
là où il n'existe pas. Ce serait, de plus, un
procédé inefficace qui engendrerait des coûts
administratifs supplémentaires pour les entreprises, sans compter que,
ce faisant, le Québec outrepasserait son champ de compétence au
regard des entreprises sous juridiction fédérale.
Nous appuyons, par ailleurs, la recommandation de la Régie
concernant la création d'un groupe d'étude conjoint formé
de représentants de l'industrie et de l'État, dont le mandat
premier serait de considérer le renforcement des procédures, des
codes de conduite internes des entreprises concernées, afin, notamment,
de tenir compte de l'évolution technologique.
Deuxième partie de notre mémoire. Nous y exprimons notre
point de vue d'ensemble sur le document: "Vie privée, zone à
accès restreint". Première observation, M. le Président.
Une réglementation gouvernementale n'améliorerait nullement ou
très peu le degré de protection des renseignements personnels au
sein des entreprises privées. Il ne fait aucun doute, en effet,
qu'à l'instar des entreprises de télécommunication, les
banques et autres institutions de dépôt, les compagnies
d'assurances et les agences de crédit assurent déjà une
excellente protection des renseignements personnels.
Les institutions financières, de façon
générale, traitent avec grande prudence les renseignements
qu'elles possèdent sur leurs clients. À cet égard, le
marché impose ses propres mesures disciplinaires à celles qui ne
le font pas. Cette discipline du marché a, en dernière analyse,
beaucoup plus d'influence sur le comportement des entreprises que n'importe
quelle sanction gouvernementale. En effet, si une entreprise n'adopte pas des
méthodes sûres de traitement de l'information, elle risque de
perdre sa clientèle. La simple crainte de perdre des clients est le
meilleur moyen d'encourager l'adoption de méthodes sûres de
traitement de l'information.
Par ailleurs, toute réglementation gouvernementale visant
à instaurer un cadre de surveillance des méthodes de traitement
de l'information des entreprises risque d'entraîner des coûts
considérables en personnel et en matériel. Selon l'Association
des banquiers canadiens et je cite: "II y a plus de 2000 entreprises
réglementées au seul niveau fédéral et elles
emploient plus de 1 000 000 de personnes". Fermez les guillemets.
Deuxième observation. Il existe déjà toute une
série de lois fédérales et provinciales, de même que
les chartes des droits canadienne et québécoise et des
législations générales, tels le Code criminel, le Code
civil, qui fournissent un cadre général assurant le respect des
libertés individuelles et des droits de la personne, de même que
la protection de la vie privée. Rappelons, à ce sujet,
l'insertion récente dans le Code civil du Québec de dispositions
visant à assurer le respect de la réputation et de la vie
privée. On y explicite clairement le droit de consentement et de
contestation d'une personne visée par la cueillette, la divulgation, le
traitement et l'usage de données la concernant.
Et je cite encore la Régie des télécommunications
du Québec: "Au Canada et au
Québec, les grandes lignes directrices d'une politique globale
sont déjà là. Des politiques plus sectorielles ont
été adoptées ou sont en voie d'élaboration." Fin de
la citation. D'ailleurs, le gouvernement fédéral s'est
déjà penché sur la possibilité de
réglementer la protection des renseignements personnels au niveau des
industries du secteur privé régies par le fédéral
et, notamment, les banques. Il a cependant décidé - et c'est
important, cette décision-là - après mûre
réflexion, de suivre la voie suggérée par l'industrie
bancaire et de ne pas adopter un carcan réglementaire additionnel. Les
banques à charte demeurent donc libres de s'autoréglemen-ter en
matière de protection des renseignements personnels.
Par ailleurs, comme les banques à charte et plusieurs autres
institutions financières à charte fédérale - on
réfère ici aux sociétés de fiducie et aux
compagnies d'assurances - sont régies par des lois
fédérales, le gouvernement du Québec - c'est
l'interrogation qu'on peut se poser dans le débat actuel - peut-il
imposer à ces institutions des obligations en matière de
protection des renseignements personnels de leurs clients? Une telle
démarche de la part du gouvernement du Québec ne serait-elle pas
inconstitutionnelle? (10 h 45)
Troisième réflexion. Autant il nous apparaît
inopportun d'édicter de nouvelles lois ou de nouveaux règlements,
autant il nous semble indiqué que le Québec signifie publiquement
son adhésion aux lignes directrices de l'OCDE, en ce qui a trait
à la protection de la vie privée et aux flux
transfrontières de données de caractère personnel. L'OCDE
préconise, en effet, sur le plan national, une série de principes
directeurs. Ainsi, toute donnée de caractère personnel doit
être obtenue par des moyens licites et, le cas échéant,
après en avoir informé la personne concernée. Ces
données devraient être exactes, complètes, tenues à
jour. Les fins pour lesquelles les données de caractère personnel
sont collectées devraient être déterminées au moment
de la cueillette des données. Ces dernières ne devraient pas
être divulguées, ni fournies, ni utilisées à des
fins autres que celles spécifiées lors de leur cueillette, si ce
n'est avec le consentement de la personne concernée. Les entreprises
sont tenues de protéger les données de caractère
personnel, grâce à des garanties de sécurité
raisonnables. Par ailleurs, toute personne devrait avoir le droit d'obtenir
confirmation du fait qu'une entreprise détient ou non des données
la concernant, de se faire communiquer les données la concernant,
d'être informée des raisons pour lesquelles est rejetée une
demande d'information la concernant, qu'elle aurait présentée, et
de contester les données la concernant. Et je vous fais grâce, M.
le Président, de ces principes directeurs que vous retrouvez au
mémoire.
Quatrième et dernière réflexion. On a vu tout
à l'heure, dans le premier volet, qu'on avait accueilli favorablement
l'idée de la Régie des télécommunications de
créer un groupe d'étude conjoint, regroupant des
représentants de l'industrie des télécommunications et du
gouvernement, pour considérer l'adoption de normes
générales et l'adhésion aux lignes directrices de l'OCDE
concernant encore les flux transfrontières de données de
caractère personnel. Et c'est une recommandation que nous faisons. Nous
pensons que la création d'un tel groupe d'étude ne devrait pas
être limitée à l'industrie des
télécommunications, puisqu'il faut aussi prendre en
considération les banques et autres institutions de dépôt,
les compagnies d'assurances et les agences de crédit.
Par conséquent, on pourrait mettre sur pied plusieurs groupes
d'étude dans le seul but - par ailleurs, et j'insiste - de favoriser et
de soutenir des systèmes d'autoréglementation. Ce processus de
consultation et de concertation éviterait les conflits de juridiction
et, avec l'accord des participants, permettrait aux industries du secteur
privé de faire valoir les progrès réalisés à
ce jour et ce qui pourrait être accompli de concert avec la
Régie.
M. le Président, M. le ministre, il ne fait aucun doute que les
codes de déontologie adoptés par les industries du secteur
privé, en parallèle aux nombreuses lois et règlements en
vigueur, ont bien protégé à ce jour la vie privée
des citoyens. Il n'y a aucune raison, quant à nous, de penser
qu'à l'avenir, en raison des progrès technologiques, la
protection de la vie privée des individus serait menacée. Au lieu
de lois et règlements nouveaux, il faut donc, quant à nous,
privilégier la consultation, la concertation entre l'État et les
industries du secteur privé, de manière à favoriser
l'autoréglementation en matière de gestion, de
confidentialité, de cueillette, de divulgation et de commercialisation
des données sur les usagers des services téléphoniques et
des services financiers. Le Québec devrait, par ailleurs, faire
connaître publiquement son adhésion aux lignes directrices de
l'OCDE sur la protection de la vie privée et les flux
transfrontières de données de caractère personnel. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Forget): Merci. J'invite le ministre
à échanger avec les invités.
M. Cannon: M. Dufour, messieurs. Il me fait plaisir de vous
accueillir à notre commission parlementaire qui, effectivement, regarde,
par l'entremise de ses consultations générales, la protection de
la vie privée eu égard aux renseignements personnels
détenus dans le secteur privé. Et si j'ai peut-être un
commentaire très rapide à faire, M. Dufour, sur le document, je
trouve que vous insistez énormément sur le secteur des
télécommunications. Je suis heureux de constater que vous appuyez
sans doute une bonne partie de l'avis, et que le fait que M. Bouchard vous
accompagne, et que la société
Québec-Téléphone n'ait pas déposé un
mémoire à la commission, c'est qu'eux aussi souscrivent en partie
à l'avis de la Régie des télécommunications. Je
suis heureux aussi de retrouver M. Chartrand. Il me fait plaisir de le revoir
et de lui demander s'il a eu l'occasion, hier ou avant-hier, de prendre
connaissance d'un article qui a paru dans le Time magazine, qui
s'intitule: "Individual Rights. Nowhere to Hide", dans cette édition du
11 novembre. Et je veux simplement citer peut-être un paragraphe et lui
demander son commentaire là-dessus. On parte des trois grands bureaux de
crédit aux États-Unis: Équi-fax, TRW et Trans-Union, et
à la page 41, dernier paragraphe, et si vous me permettez, je vais le
citer parce que je pense que ça sort peut-être mieux en anglais:
"Each of the big three operates a separate unit that compiles credit reports
detailing the bill-paying history of nearly every American. The reports are
sold to mortgage lenders, credit card companies and anyone else who can show a
legitimate business interest. The big three argue that their service is
essential to the workings of credit card and loan industries, that most
Americans could not do without. But their critics complain that the reports are
frequently riddled with errors and that it is difficult and expensive for
consumers to correct or even know about them. Earlier this year - et c'est ce
qui est important - credit consumers unions reported that nearly half the
credit reports it studied from the nation's largest credit bureaus contained
some inaccuracies."
Quand on parie du code de déontologie dans l'entreprise
privée qui offre, selon le Conseil du patronat, une protection
adéquate, je veux simplement savoir de la part de M. Chartrand, ou qui
d'autre voudrait répondre, si la situation est semblable au
Québec à celle qui semble être mise en évidence aux
États-Unis?
M. Dufour (Ghislain): C'est une question précise, M. le
ministre. Évidemment, si je siégeais à l'Assemblée
nationale, je vous aurais demandé de me prévenir de votre
question et de me déposer le document...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dufour (Ghislain): ...parce que là, on va analyser un
paragraphe à l'intérieur de tout un document. Et ça nous
arrive aussi d'être très critique du Time chez nous. On
connaît leur analyse.
Mais ceci dit...
M. Cannon: Juste pour vous rassurer, M. Dufour, mon
collègue, critique de l'Opposition, ne m'avise pas lui non plus de ses
questions en
Chambre.
M. Dufour (Ghislain): Ah! Mais vous autres, c'est de bonne
guerre.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dufour (Ghislain): Ceci dit, M. Chartrand va vous
répondre avec plaisir.
M. Chartrand (Jean-Claude): Et de vous répéter, M.
le ministre, que ça me fait plaisir d'être ici encore une fois
aujourd'hui.
Pour faire allusion au reportage qui a été publié
dans le magazine Time, évidemment, ce serait prétentieux
de ma part de penser que les erreurs qui ont été relevées,
ou le pourcentage d'erreurs qui a été relevé dans cet
article, est tout à fait faux, qu'il n'existe pas des inexactitudes,
qu'il n'existe pas à ce moment-là des informations qui sont
incomplètes; ce serait vraiment prétentieux de le penser.
À savoir, à ce moment-là, qu'il existe un pourcentage
d'erreurs tel qu'on le décrit dans le sens de 50 %, si vous aviez
regardé la télévision hier soir, à
l'émission "Market Place" à la chaîne de Radio-Canada
anglais, où on mentionne 47 % d'erreurs et 13 % d'erreurs
sérieuses. Il faut mentionner, à ce moment-là, que le
réseau de Radio-Canada, premièrement, ne nous a pas
approchés pour faire la vérification des informations. Ce sont
des informations qui ont été déclarées
incomplètes ou erronées, des consommateurs eux-mêmes,
enfin, des personnes intéressées et impliquées.
La même situation s'est produite aux États-Unis
également. Il faut bien préciser, à ce moment-là,
que ces personnes-là qui ont accédé à leur dossier
personnel étaient des employés du Consumers Union qui,
évidemment, avaient un intérêt qui était bien
précis. C'était de trouver, à ce moment-là, des
informations incomplètes, erronées ou peu importe.
Nous, on a fait, bien sûr, à la suite de ça, que ce
soit aux États-Unis ou ailleurs, on a fait des vérifications pour
essayer d'en vérifier l'exactitude au niveau du pourcentage et tout le
reste. Moi, je peux vous assurer, M. le ministre, que le pourcentage est
beaucoup plus restreint que ça, et il s'agit de s'entendre à ce
moment-là sur la nature de l'erreur ou sur l'ampleur de l'erreur. Si
vous parlez, à ce moment-là, d'une erreur au niveau de la date de
naissance, est-ce qu'on qualifie ça d'une erreur qui est mineure? Est-ce
que, à ce moment-là, si on ne rapporte pas la disposition d'une
archive publique, que ce soit un jugement, est-ce qu'on qualifie ça
comme étant une erreur majeure ou mineure? Je ne sais pas. En fait, je
ne connais même pas leurs critères pour déclarer les
erreurs mineures ou majeures.
Le fait est que le pourcentage d'erreurs... Et on est en train de faire
une recherche aux
États-Unis, une recherche qui est passablement exhaustive,
d'ailleurs, avec les institutions de crédit elles-mêmes, pour
essayer de déterminer si les erreurs qui ont été
rapportées sur les dossiers de crédit auraient changé
effectivement, si l'information exacte avait été
rapportée, si la décision de l'institution de crédit avait
changé. Et, à date, je peux vous dire que c'est dans 0 % des cas,
où l'information corrigée, ou, en fait, l'information
complète qui aura été fournie, est-ce qu'elle aura eu une
influence sur la décision de l'institution de crédit? Et,
à date, ça n'existe pas. Alors, il faut en conclure,
jusqu'à un certain point quand même, que, bien sûr, j'ai dit
tout à l'heure que ce serait prétentieux de penser qu'il n'existe
pas des informations qui sont incomplètes dans le dossier de
crédit. Mais, de là à savoir, à ce
moment-là, qu'il existe un pourcentage important d'informations
majeures, on n'est pas tout à fait d'accord. Je sais qu'il y a un
représentant de la Banque nationale qui pourrait peut-être, en
fait, ajouter à ce commentaire-là, parce qu'il est vraiment
impliqué dans la gestion de...
M. Cannon: J'aurais peut-être deux autres questions,
très rapidement, avant de discuter avec M. Bouchard. Toujours selon cet
article-là, le législateur américain examine très
fortement la possibilité de faire en sorte qu'il y ait obligation, de la
part des entreprises comme la vôtre, de transmettre au client ou à
l'individu sa fiche personnelle, pour qu'il puisse en prendre connaissance,
mais aussi pour fins de corrections, rectification, et cela aux frais de
l'entreprise qui est la vôtre. Votre commentaire, là-dessus, ce
serait quoi?
M. Chartrand: Bien, ça me fait plaisir que vous posiez la
question, parce que, en fait, M. Laperrière, tout à l'heure, y a
fait référence dans son exposé. La compagnie TRW,
effectivement, a pris sur elle-même de fournir des rapports gratuits sur
les consommateurs qui vont en faire la demande. Et moi, je dois vous souligner,
M. le ministre, qu'ici au Québec, ça existe déjà
dans la Loi sur la protection du consommateur, qu'un consommateur qui
désire obtenir une copie de son rapport l'obtient et, à toutes
fins pratiques, l'obtient d'une façon gratuite. Tout ce qu'il a à
payer, effectivement, si on lui charge, c'est 0, 50 $ la page, d'après
la législation. En Ontario, et dans d'autres provinces, excepté
dans une seule province, si ma mémoire est bonne, il y a des
législations, ou, du moins, en Ontario en tout cas, il existe une
législation que le rapport exigé doit être fourni
gratuitement au consommateur; à sa demande, bien sûr. Si, à
ce moment-là, on nous demande, et si votre question doit inclure le fait
qu'on fournisse un rapport de crédit à tout le monde, à
tous les consommateurs une fois par année - en fait, non pas à
leur demande, mais d'une façon
tout à fait systématique - bien là, c'est une autre
paire de manches, où on peut s'imaginer, à ce moment-là,
le travail, les coûts que ça impliquerait et, à ce
moment-là, la lourdeur du système que tout ça, en fait,
comporterait.
M. Cannon: O.K. Peut-être une dernière question
à M. Bouchard. Il me fait plaisir de le voir lui aussi ce matin. M.
Bouchard, au niveau du service de la gestion des appels, je sais que,
technologiquement parlant, il y a des modifications, il y a aussi des
modifications, notamment dans le secteur technologique, et des
possibilités de faire en sorte... puisque l'ensemble des gens qui sont
venus nous voir, depuis le début des auditions publiques, nous ont
indiqué une inquiétude quant à, non pas à utiliser
le système comme tel, mais à avoir la capacité de pouvoir
le bloquer au besoin. Et je sais que chez vous, vous êtes en train
d'examiner de nouvelles façons de le faire. Peut-être
pourriez-vous, pour les fins de la commission, nous expliquer là votre
1,75 $, plus le 4,25 $, et le blocage en permanence. (11 heures)
M. Bouchard (Ghislain): Ça va, M. le ministre.
Effectivement, au début, lorsque nous avons demandé à la
Régie des télécommunications de nous autoriser à
fournir le service de gestion des appels, nous avons indiqué dans le
dépôt, et c'est ce que la Régie a reconnu à ce
moment-là, qu'il était toujours possible, pour un client, qui ne
voulait pas voir son numéro affiché sur l'afficheur de celui qui
possède un des services de gestion des appels, de pouvoir le faire
composer par un ou une téléphoniste, et que ça lui
coûtait 0,75 $ par appel, à ce moment-là, que son
numéro soit non publié ou que son numéro soit
publié. Nous avons également déposé un blocage
automatique, qui coûte actuellement - et c'est ce que la Régie
nous a autorisé - pour les gens d'affaires, 5,75 $, et pour les gens de
résidence, 3,25 $, qui est un blocage sélectif par appel. Donc,
à ce moment-là, ceux qui s'abonnent à ce
service-là, avant de placer leur appel, doivent bloquer automatiquement
pour que le numéro n'apparaisse pas sur l'afficheur.
On doit avouer que nous n'avons pas eu beaucoup de contestation à
Québec-Téléphone sur le service de la SGA qui est offert
dans la base numérique de Rimouski. Et, malgré cela, nous avons
redéposé dans le plan quinquennal, en fin septembre, à la
Régie des télécommunications, le maintien de l'appel
traité par le ou la téléphoniste à 0,75 $ l'appel,
et nous avons déposé une nouvelle tarification pour les clients
qui ont des numéros de téléphone non publiés. Et,
à ce moment-là, tant les clients d'affaires que les clients de
résidence peuvent, à leur choix, obtenir le blocage
sélectif par appel, qui nécessite que, avant de composer, ils
fassent un code quelconque pour empêcher l'affichage de leur appel, ou,
ce qui est nouveau, le blocage systématique de leur appel avec, à
ce moment-là, une interruption sélective lorsqu'ils
désirent que leur numéro soit affiché. Et pour les clients
qui ont des numéros de téléphone non publiés, l'un
et l'autre de ces services-là coûteraient, pour les clients
d'affaires, au lieu de 5,75 $ par mois, un forfaitaire de 2,50 $ par mois, et
pour les clients de résidence, au lieu de 3,25 $, ils auraient, à
ce moment-là, à débourser 1,75 $ pour obtenir le blocage,
soit sélectif, soit systématique. Et nous croyons, effectivement,
que ça peut répondre, à ce moment-là, aux quelques
plaintes qui nous avaient été formulées.
M. Cannon: Merci, M. Bouchard, j'ai pas... Oui, M. Dufour.
M. Dufour (Ghislain): C'est parce que Me Bouchard a
référé à la région de Rimouski, où il
y avait très peu de plaintes, puis ils procèdent quand
même. Je veux vous rappeler ce que j'ai lu tout à l'heure quant au
rapport de la Régie. Ce qu'ils nous disent, c'est pour l'ensemble du
Québec. Parce que je cite à nouveau: "Peu de cas de divulgation
abusive peuvent être imputés à cette industrie.
Jusqu'à présent, la Régie n'a pas été saisie
de plainte de cette nature." Alors, je ne voudrais pas qu'on ait
interprété que c'est à Rimouski. C'est l'ensemble du
Québec, je pense.
M. Bouchard: Évidemment, nous parlons surtout pour les
secteurs que nous connaissons, et actuellement, nous avons des services de
gestion des appels dans le secteur de Rimouski; nous venons de l'implanter dans
le secteur de Donnacona; ce sera implanté en fin d'année dans le
secteur de Saint-Georges; et d'ici la fin de 1993, l'ensemble du territoire de
Québec-Téléphone pourra bénéficier de ces
services-là. Et je peux vous dire, effectivement, que lorsque nous
étions à la Régie des télécommunications,
les gens qui ont vu effectivement le report pour obtenir le service des SGA,
uniquement à la fin de 1992 ou de 1993, ont dit: C'est beaucoup trop
tard pour nous, on le voudrait immédiatement.
Il y a peut-être une autre chose qui est intéressante
à indiquer comme statistique. Dans le complexe de Rimouski, nous avons
effectivement 26 500 clients, qui pouvaient choisir les services d'un SGA. Et,
strictement au niveau de l'afficheur, mes statistiques datent de la fin du mois
d'août: il y a 4213 clients qui ont pris l'afficheur, pour un taux de
pénétration de 16 %. Et, dans ce même complexe, nous avons
663 clients qui ont des services non publiés, et sur ces 663 clients, il
y en a 166 qui ont pris l'afficheur, soit un taux de 25 %. Donc, la personne ne
veut pas nécessairement que son numéro apparaisse, mais ils
s'abonnent en plus grand nombre que les autres clients pour voir qui les
appelle.
M. Cannon: Merci.
Le Président (M. Forget): Merci, M. le ministre. Alors,
j'invite le député de Pointe-aux-Trembles à
échanger avec nos invités.
M. Bourdon: Je trouve intéressant ce que
Québec-Téléphone nous a dit des nouvelles dispositions de
blocage. Mais, deux choses: Vous ne pensez pas que, d'une part, le droit de ne
pas faire communiquer son numéro devient un droit qui se monnaie?
Autrement dit, quelqu'un qui ne voudrait pas payer 1, 75 $ par mois ou qui ne
pourrait pas payer 1, 75 $ par mois, son droit, il est nié par une
tarification qui l'empêche de l'exercer. Et, deuxièmement, Bell
nous a dit que l'affichage réduit les risques d'appels obscènes
aux femmes, qui est un problème très réel. Mais, dans la
mesure où on peut se le faire bloquer, est-ce que ça
n'équivaut pas, dans le fond, à tarifer les appels
obscènes? Ce que j'entends par là, c'est, si l'objectif
fondamental est d'éliminer les appels obscènes, il faut quasiment
que tout le monde soit assujetti à l'affichage numérique, sinon
on tarifie les appels obscènes et ils deviennent possibles.
Je résume ma question: Est-ce qu'il n'y a pas un problème
qu'on veuille savoir le numéro de quelqu'un par l'affichage sur son
appareil? On peut si on paye. Mais la personne qui reçoit l'appel, si
elle ne veut pas qu'on le sache, elle peut, elle aussi, en payant... mais que
la caractéristique de l'exercice de tous ces droits-là, c'est
qu'en payant sa compagnie du téléphone, on peut obtenir un
renseignement ou empêcher qu'un tiers obtienne un renseignement.
M. Bouchard: II y a effectivement beaucoup
d'éléments dans votre réponse. Je pense qu'une
première donnée que je pourrais indiquer, c'est que, dans
l'ensemble de Québec-Téléphone, il y a au-delà de
95 % des clients qui n'ont aucune objection à ce que leur numéro
de téléphone soit affiché. Donc, il y a à peu
près 4 % à 5 % qui paient, d'une part, pour un numéro de
téléphone non publié. Sur la question du coût, de
voir à ce moment-là qu'un client ne serait pas en mesure,
effectivement, de payer ce 1, 75 $, j'y crois plus ou moins, compte tenu du
fait que, de toute façon, les commutateurs, actuellement, sont des
commutateurs numériques, sont essentiellement des ordinateurs, et je
crois, dans ma perception, que, plus ça va aller, plus, effectivement,
les clients vont avoir des services absolument spécifiques à leur
mesure.
Évidemment, les entreprises de télécommunications
ne sont pas des entreprises de bien-être social et, à ce
moment-là, elles ont des investissements massifs à faire. La
moyenne des investissements de Québec-Téléphone, dans une
année, se situe, actuellement, à environ 52 000 000 $ sur des
revenus de 225 000 000 $ par année. Et ça va continuer bon an,
mal an, à cette ampleur-là. À ce moment-là,
évidemment, il doit entrer des capitaux.
Sur les appels inopportuns, c'est exact, c'est une conséquence de
la gestion des appels, selon moi, il n'a pas été introduit
uniquement pour ça. Je vais vous donner les statistiques chez nous. Dans
la base numérique de Rimouski, entre septembre 1989 et août 1990,
où il n'y avait pas de gestion des appels, nous avons traité 57
dossiers d'appels inopportuns. Entre septembre 1990 et la fin d'août
1991, nous en avons traité 23. Donc, à ce moment-là, moins
de la moitié. Par contre, dans l'ensemble compagnies, pour la même
période, septembre 1989 à août 1990, nous en avions
traité 554 et, entre septembre 1990 et août 1991, nous en avons
traité 612. Ce qui inclut les diminutions dans Rimouski à 23
dossiers à ce moment-là.
Les services de gestion des appels, pour répondre peut-être
à une troisième partie de votre question, permettent
également, à ce moment-là, d'avoir un service additionnel
pour une personne, justement, qui va recevoir des appels harassants, qui est un
service qui s'appelle "le dépisteur" et qui permet, à ce
moment-là, à l'abonné d'enregistrer l'origine des appels
importuns. Vous me direz qu'il est évident, encore là, que c'est
un service que va faire payer l'entreprise. Oui, c'est un service que va faire
payer l'entreprise, c'est un service qui, actuellement, était offert par
l'entreprise avec la participation des corps policiers, qui coûtait,
effectivement, excessivement cher au niveau de chacune des enquêtes,
incluant le travail chez Québec-Téléphone et le travail
des corps policiers. Avec le dépisteur, pour les mêmes montants de
quelque 4 $ durant une période relativement courte, la personne va
pouvoir effectivement dépister qui appelle, qui lui fait des appels de
nuisance.
M. Bourdon: Je voudrais adresser une question à M. Dufour
sur la notion du consentement. Il y a plusieurs organisations
représentant les consommateurs qui nous ont fait observer qu'un
consentement devrait être spécifique et pour une durée
spécifique, et on nous fait observer que le consentement dont il est
question n'est pas toujours libre. C'est une des observations qui militent en
faveur de l'adoption d'une loi. Un exemple? Si une personne a besoin
d'emprunter, est-ce qu'elle peut refuser, à l'institution
financière qui lui prête, l'autorisation d'aller chercher des
renseignements de nature personnelle? Et, cas encore plus patent, je pense, une
citoyenne ou un citoyen qui sollicite un emploi peut-il refuser d'autoriser son
éventuel employeur à se procurer des renseignements qui le
touchent personnellement? Et ne croyez-vous pas qu'à cet
égard-là, il faut que la loi, d'une certaine façon,
préserve le droit de l'individu lorsqu'il est placé dans une
situation où son rapport avec un tiers n'est pas un rapport égal
parce que la personne veut ou bien
faire un emprunt, ou bien avoir un emploi, et que ça, c'est plus
important que son souci de préserver sa vie privée?
M. Dufour (Ghislain): Je pourrais peut-être passer votre
question à un banquier pour voir comment ça se passe dans la
vraie vie, sauf que moi, si j'étais banquier et que quelqu'un
s'amène pour me demander 50 000 $, c'est évident qu'à ce
moment-là, je vais demander des références à
quelque part, ou chez son employeur, ou là où il a pu faire
d'autres emprunts. Et son consentement, à ce moment-là,
m'apparaît absolument essentiel; sinon, il n'y a aucune institution
financière qui vivrait longtemps. Et dans la vraie vie, je pense que
c'est ça. Est-ce que tu veux ajouter?
M. Drouin (André): Oui. Dans les prêts aux
individus, c'est relativement facile pour une banque de savoir comment on fait
un prêt. Il y a toujours deux mots: c'est pouvoir et vouloir. D'abord,
est-ce que l'emprunteur éventuel va pouvoir payer? Son budget et la
vérification de son emploi et de ses revenus constituent la
réponse à cette question-là. L'autre question, c'est:
Est-ce qu'il va vouloir payer? Même s'il a les moyens de payer, est-ce
qu'il va vouloir quand même payer? Et c'est là que le bureau de
crédit et ses antécédents financiers vont intervenir. Et
sans la réponse à ces deux questions-là, est-ce que le
client peut payer, est-ce que le client veut payer? Il n'y a aucune institution
qui va pouvoir faire de prêt. Il est de l'intérêt même
du consommateur d'accepter qu'on fasse une vérification, sinon,
ça devient complètement impossible, et là, c'est le
consommateur lui-même qui serait pénalisé.
M. Bourdon: Maintenant, je voudrais préciser tout de suite
que dans la vraie vie, je sais que ça existe et que c'est
légitime qu'une institution financière se procure des
renseignements sur le comportement économique d'une personne qui demande
un renseignement. Ça, c'est admis, c'est convenu. Le problème qui
se pose, c'est que les gens ne savent pas, entre autres, quelle est la nature
du dossier de crédit qu'on obtient sur cette personne-là. Et s'il
y a des erreurs, ils ne sont donc pas capables de les corriger, et M. Chartrand
- je pense - d'Équi-fax, nous a dit que pour quelques millions de
dossiers, on obtient 2500 demandes d'accès au fichier de crédit
par mois. Et si on est à Montréal, il faut se déplacer
pour aller à ville d'Anjou faire la demande et prendre, mettons, un
temps de travail pour aller le faire, d'où mon idée. Et
l'idée n'est pas non plus de bureaucratiser ça à
l'excès. Je peux comprendre Équrfax de dire: Si on envoie
à chaque année les fichiers de crédit à 3 000 000
de personnes, c'est inouii Mais les banques pourraient nous donner copie du
fichier quand elles l'obtiennent. Parce que je fais affaire avec deux banques
et une caisse populaire. Du courrier pour m'offrir des services financiers,
j'en reçois! À une des occasions, ne pourraient-ils pas me donner
le renseignement qu'ils détiennent d'un tiers, qui est Équtfax,
par exemple, à mon égard? Et j'adresse la question. Est-ce que ce
serait pensable que, quand on obtient un renseignement sur une personne, on lui
communique copie du renseignement qu'on a obtenu à son sujet? (11 h
15)
M. Drouin: L'Association des banquiers canadiens a
procédé, depuis un an et demi, à l'élaboration d'un
code de déontologie sur la confidentialité auquel toutes les
banques à charte - je parle des six grandes banques - ont
adhéré. Et il y a une entente entre les banques à l'effet
que leur propre code de déontologie, basé sur le modèle
qui a été fourni par l'ABC, va permettre de diffuser dans le
public, dès le début janvier ou fin décembre, l'ensemble
des codes de déontologie de toutes les banques. Et dans ce
code-là, il est prévu que les consommateurs auront droit
d'accès à leur dossier de crédit à la banque. Donc,
la banque pourra leur dire ce qu'on détient sur eux et,
évidemment, ils pourront en obtenir une copie, selon des
formalités à définir.
M. Bourdon: Maintenant, une autre question que j'adresse à
M. Dufour sur le consentement. C'est que, une personne qui veut contracter une
assurance-vie, par exemple, ou qui sollicite un emploi, peut être
amenée à consentir à ce qu'on regarde son dossier
médical. Et, si la loi ne prévoit pas de règle - et
là je répète ma question - le consentement est-il libre si
le non-consentement a comme conséquence que, par exemple, on n'a pas le
bénéfice d'une assurance-vie ou, plus important, sans doute,
qu'on ne peut pas obtenir l'emploi si on ne donne pas son consentement à
l'accès à tel ou tel renseignement personnel?
M. Dufour (Ghislain): Écoutez. Moi, je trouve tout
à fait normal aussi que quand on fait application à quelque part,
qu'on donne un consentement pour, éventuellement, si l'employeur le
trouve nécessaire, d'avoir un examen médical avant, justement,
que l'assurance donne l'assurance. Qu'est-ce que vous voulez? Si vous
êtes un chauffeur d'autobus, par exemple, je pense que c'est essentiel,
pour l'employeur, de savoir exactement à qui il a affaire. Il donne son
consentement et c'est évident qu'à ce moment-là, avant
même de l'embaucher, et vous le savez, avant même les questions
d'assurance, on va vouloir vérifier qui est cette personne-là.
Et, vous avez d'ailleurs fart un peu le lien avec la question de tout à
l'heure concernant le consentement pour des références, par
exemple, pour un employé. Mais ce n'est pas du tout la même chose,
parce que c'est vrai que la Loi sur les
normes - c'est probablement à ça que vous vous
référiez - est venue dire, maintenant, que pour avoir une
référence d'un employeur autre que sa date d'entrée, autre
que l'occupation qu'il faisait, il faut le consentement de l'employé.
Mais là, c'était très subjectif. Vous avez vu des lettres
de référence d'employés où l'employeur dit ce qu'il
pense d'un employé. Alors ça, on a limité ça, et on
était d'accord avec ça, parce que ce sont des données,
mais carrément subjectives. Quand on entre dans des données
objectives comme le dossier de crédit d'un employé, parce que
ça arrive aussi nous autres qu'on en fait faire aussi, des
enquêtes de crédit, selon les postes qui sont occupés dans
l'entreprise. Je pense qu'à ce moment-là, le problème du
consentement ne se pose pas.
M. Bourdon: Et... Une autre question...
M. Dufour (Ghislain): C'est parce que... M. Bourdon. C'est parce
que après, vous assumez des responsabilités juridiques, et c'est
vous qui l'avez, cette responsabilité juridique là. Alors, il est
normal que vous vous protégiez à un moment donné, au
niveau des consentements.
M. Bourdon: Mais, un exemple, là. Si un employeur obtient
le dossier psychiatrique d'un futur employé, est-ce qu'il y a une loi
quelconque qui prévoit la non-diffusion du dossier? Je ne veux pas dire
qu'un employeur n'a pas le droit de connaître l'employé qu'il va
avoir ou que l'institution financière n'a pas le droit de se
prémunir. Mais l'ONF a fait un film qui s'appelle "Joseph K., l'homme
numéroté", et dedans, ce qu'on entend, c'est une conversation
entre gens parfaitement corrects, là. Il ne faut pas dramatiser la
question mais, dans ce film, on s'aperçoit que dans la discussion du
comité de sélection, on a accès à de très,
très nombreux renseignements, qui touchent la vie privée de la
personne qui les a demandés. Moi, je ne vis pas hors du monde
réel, là. Il s'agit de voir...
Un autre exemple: si on demande à une personne d'aller voir le
médecin traitant de l'employeur, c'est normal aussi si une personne est
souvent absente pour cause de maladie. L'employeur veut savoir c'est quoi son
état de santé parce que ça lui coûte de l'argent. Si
on l'envoie à un ou à une psychiatre, mettons, est-ce que vous
convenez que c'est plus délicat et qu'il faut protéger, entre
autres, la non-diffusion?
M. Dufour (Ghislain): Je suis d'accord avec ça. C'est tout
le dossier médical. J'ai vu le film aussi, auquel vous vous
référez. C'est toute la notion du dossier médical. Mais
ça, c'est protégé. Actuellement, pas besoin d'une nouvelle
loi pour ça, c'est protégé par la Charte des droits et des
libertés. Et toute la procédure: comment procéder face au
dossier médical, face à l'examen médical, maintenant de
plus en plus important face aux drogues. Parce que vous avez toujours la
responsabilité de la santé et sécurité au travail
des autres travailleurs; tout ça fait partie maintenant d'une
problématique face au dossier médical, sur lequel s'est beaucoup
penchée la Commission des droits de la personne. Ils ont maintenant des
avis juridiques très clairs et vont poursuivre si l'entreprise ne les
respecte pas. Donc, pas besoin de législation additionnelle pour
l'examen médical de préembauche, qui est une situation;
après ça, l'examen médical et l'utilisation des
données dont vous parlez en cours d'emploi. C'est ce qu'on dit un peu
dans notre document. Déjà, c'est là, c'est couvert, les
chartes prévoient ça. Puis il me fera plaisir de faire parvenir
au secrétaire de la commission les dispositions très, très
contraignantes dans ces dossiers-là, de la part de la Commission des
droits de la personne.
Alors, c'est déjà là. Nous, ce à quoi on
s'oppose, on dit: On est déjà surréglementés. Bien,
pourquoi, là, en ajouter d'autres? Puis, j'allais vous poser la question
à l'inverse: Si vous n'aviez pas vu le film auquel on
référait tout à l'heure, combien de cas vous pourriez me
citer où ça a vraiment existé?
M. Bourdon: M. le Président, je vais à mon tour
poser une question à M. Dufour.
M. Dufour (Ghislain): Je n'ai pas eu ma réponse.
M. Bourdon: Mais juste les fiches de crédit, là,
s'il y en a 30 000 qui les obtiennent, est-ce qu'il y en a plus que 30 000 qui
peuvent les faire corriger?
M. Dufour (Ghislain): Le crédit? Ça, il faudrait
que je demande ça à M. Chartrand.
M. Chartrand: S'il y en a plus que 30 000 qui peuvent les faire
corriger? Bien sûr, qu'il y en a plus que 30 000 qui peuvent les faire
corriger. On a mentionné ce matin, je pense, un article de la loi
américaine, le Fair Credit Reporting Act, où on oblige les
institutions prêteuses à envoyer un avis aux personnes qui se font
refuser du crédit, une carte de crédit, ou une transaction, pour
les avertir, effectivement, du refus, et de les diriger au bureau de
crédit ou à l'agence de crédit qui leur a fourni
l'information. Et j'ai déjà mentionné, je pense, ici, que
si on veut introduire une telle disposition, je ne pense pas que, en fait,
certainement pas nous, en tout cas, ni les institutions prêteuses, ne
nous y opposerions d'une façon bien violente.
M. Bourdon: Maintenant, dans le mémoire du Conseil du
patronat, vous mentionnez le chapitre sur la vie privée dans le Code
civil, les articles 35 à 41. Est-ce que je dois en déduire que
vous seriez d'accord pour que, après trois
ans, ils soient promulgués, ces articles-là? Parce que
vous savez sans doute qu'ils n'ont pas force de loi, ils ne sont pas en
vigueur, actuellement.
M. Dufour (Ghislain): Bon, écoutez, ça, ce sont les
raisons qui appartiennent au législateur. Vous, comme moi, savez qu'il y
a des dispositions de la Loi sur les normes du travail - que vous avez
passée vous-mêmes, comme gouvernement, en 1980 - qui ne sont
toujours pas promulguées. Ce sont des raisons qui appartiennent au
législateur. Moi, je ne sais pas pourquoi il ne l'a pas fait. Votre
question précise: Est-ce que vous êtes d'accord pour qu'il les
promulgue? Je dis: Comme je ne sais pas pourquoi il ne les a pas
promulguées, je ne peux pas répondre à votre question.
M. Bourdon: Si jamais vous apprenez pourquoi le gouvernement ne
les promulgue pas, vous engagez-vous à nous le dire?
M. Dufour (Ghislain): On s'en reparlera.
M. Bourdon: Maintenant, une question, M. Dufour, là: En
1982, le Québec adoptait la Loi sur l'accès à
l'information et la protection des renseignements personnels dans le secteur
public. Et, depuis, il n'y a pas eu d'autre législation. Depuis,
l'Ontario, en 1987, a adopté une loi d'accès à
l'information et de la protection de la vie privée individuelle. En
1989, la province voisine - et je dis tout de suite que c'est sous un
gouvernement libéral, là, ce n'étaient pas encore les
hordes de Bob Rae - adoptait la Loi prévoyant l'accès à
l'information de la vie privée dans les municipalités et les
conseils locaux. Et il y a actuellement, devant la législature
onta-rienne - mais là, c'est sous Bob Rae - la Loi contrôlant
l'usage dans le secteur privé des cartes et des numéros
attribués aux assurés en vertu de la Loi sur
l'assurance-santé. On sait aussi que, aux États-Unis, il y a
plusieurs législations, et il y a l'Europe qui se prépare
à intervenir.
Alors, ma question s'adresse à M. Dufour: D'une part, vous ne
pensez pas que le Québec prend du retard par rapport aux autres
provinces canadiennes, aux États-Unis et à l'Europe? Et,
deuxièmement, ne craignez-vous pas que si on continue d'être en
arrière, nos échanges de données informatiques avec, entre
autres, les États-Unis, le Canada, les autres provinces et l'Europe,
principalement, risquent de faire l'objet d'une espèce de boycott, le
pays qui légifère sur l'accès aux renseignements se
disant: Je ne peux pas permettre à mes entreprises, dans mes
frontières, de communiquer hors frontières des renseignements qui
ne seront plus protégés hors frontières? Est-ce que c'est
une dimension qui vous apparaît préoccupante?
M. Dufour (Ghislain): Je voudrais d'abord dire que je suis
très heureux de voir que le député de Pointe-aux-Trembles
trouve des choses positives en Ontario.
M. Bourdon: Ah, il y en a beaucoup, M. Dufour! Et dans beaucoup
d'autres provinces canadiennes, ah oui, puis aux États-Unis aussi.
M. Dufour (Ghislain): J'ai discuté justement de cette
question-là avec Équifax, notamment, Acrofax, sur... Je leur ai
posé, moi, la question, en disant: Eh bien, écoute, il y a une
certaine législation en Ontario. Est-ce que ce qu'on demande au niveau
québécois, est-ce que ça irait plus loin justement que
l'Ontario? On m'a fait la réponse suivante: C'est que
l'autorégle-mentation, l'autodiscipline qui s'est donnée au
Québec parmi ces entreprises-là est supérieure au contenu
de la loi ontarienne. Mais ça, je pourrai demander à mon
collègue Chartrand de le confirmer.
Sur le dernier volet, ça, je pense que ça préoccupe
aussi beaucoup M. Comeau, qui en a parlé longuement au Devoir, de
cette question d'Europe 1992. Bon. Quand on propose que vous adoptiez les
lignes directrices de l'OCDE, pour nous, ça règle en partie ce
problème-là. Avant de s'assujettir à des normes, je pense
qu'il va falloir voir ce que ça veut dire, Europe 1992, aussi. Alors,
les lignes directrices, je suis passé par-dessus tout à l'heure
rénumération de ce que ça demande. C'est quand même
très exigeant. Et, dans ce sens-là, dans une première
démarche, nous, on y souscrit à ça. Et ça
règle en partie le problème que vous soulevez, l'entreprise qui
ne pourrait pas aller... Et le ministre l'a mentionné aussi, je pense,
cette nécessité de l'ouverture de nos entreprises à ce
marché d'Europe 1992. Les lignes directrices, quant à nous,
régleraient en très grande partie, si le gouvernement acceptait
d'y souscrire - et je pense que vous m'aviez paru favorable, M. le ministre,
lors d'une intervention que vous avez faite, à cette façon de
solutionner le problème.
Quant au comportement d'Équifax en Ontario et au Québec,
Jean-Claude, ça doit se ressembler.
M. Chartrand: J'ai déjà mentionné ici, en
fait, que la loi ontarienne c'était la loi 101, qui, effectivement,
n'est peut-être pas la loi la plus restreignante au Canada, en ce qui
concerne l'information sur les archives publiques, entre autres. Elle est moins
restreignante qu'en Colombie-Britannique, entre autres. On dit en Ontario qu'on
doit détruire les informations, ou certaines informations, après
sept ans; en Colombie-Britannique, c'est six ans. Dans le cas d'autres
informations, c'est plus ou moins long dépendant de la province.
Le fait est que nous, en fait, les critères - ce qu'on appelle
les critères de purge, dans nos dossiers - s'inspirent de la
réglementation qui existe dans la province la plus restrei-
gnante, tout simplement parce qu'on n'a pas le choix, étant
donné quand même qu'on a une banque de données nationale.
À ce moment-là, évidemment, on ne peut pas avoir une
série de critères de purge. À ce moment-là, on
s'inspire en fait des mesures qui sont les plus sévères, et ce
sont, à ce moment-là, ces critères de purge que l'on
utilise chez nous.
Effectivement, il y a des travaux qui sont faits en Ontario, des travaux
qui sont faits dans les autres provinces également. On sait, bien
sûr, et on est au courant de ce qui existe aux États-Unis, soit
les amendements qui sont proposés au Fair Credit Reporting Act. M.
Comeau a visité nos bureaux. En fait, on a eu au moins deux entretiens
avec lui, et, effectivement, on a parlé beaucoup des lignes directrices
d'Europe, et on est essentiellement d'accord avec les lignes directrices de
l'OCDE. En fait, si on les regarde, ces lignes directrices là, et si on
regarde ce qui se fait présentement dans la pratique, il n'y a pas
beaucoup de différences et il n'y aura pas beaucoup de changements
à apporter.
Le Président (M. Forget): Alors, M. le
député de Pointe-aux-Trembles, votre temps est
écoulé. Alors, j'invite le député de Hull à
échanger avec les invités. (11 h 30)
M. LeSage: Merci, M. le Président. Si vous le permettez,
j'aimerais revenir à l'affichage automatique avec M. Bouchard.
Autant, M. Bouchard, j'étais heureux de ce système,
lorsqu'il est sorti; j'y voyais des avantages bénéfiques pour les
gens, comme vous l'avez mentionné, le député de
Pointe-aux-Trembles également, et d'autres personnes, pour tenter
d'enrayer les appels non désirés, les appels obscènes. J'y
voyais aussi un avantage très sérieux pour la
sécurité publique. Par exemple, lorsqu'un appel est placé
auprès d'une console de sécurité publique, on pouvait
déterminer automatiquement d'où provenait l'appel, ou de quel
secteur provenait l'appel. Mais là, je me pose de sérieuses
questions. Je me demande sérieusement si on n'a pas instauré un
système d'affichage automatique pour charger aux personnes qui
voudraient l'obtenir et, en même temps, dans un système de
blocage, on va charger à des personnes pour que les premières
personnes qui voulaient l'affichage ne puissent pas obtenir ce service. Et je
me demande si vous êtes encore convaincu du bien-fondé de ce
système et s'il doit être maintenu. Et j'aurai une ou deux autres
questions à vous poser par la suite, si vous le permettez.
M. Bouchard: II est évident que, personnellement, je crois
que le système doit être maintenu. Les expériences ne sont
quand même pas encore très longues. Je vais parler surtout pour
Québec-Téléphone, que je connais le mieux. Ça fait
un an que nous offrons ce service-là. Nous avons, comme je le disais
précédemment, au-delà de 16 % de pénétration
dans la base où nous avons installé ces divers
services-là, et nous croyons effectivement qu'il y a à peu
près 25 % des clients qui vont s'abonner à ce genre de service.
À ce moment-là, il y a pour ces gens-là d'énormes
avantages. Moi, je peux vous dire que, chez moi, j'ai ce service-là. Mes
enfants sont tous aux études à l'extérieur et je suis fort
heureux, à ce moment-là, lorsqu'ils m'ont appelé et que je
n'étais pas à la maison, de savoir que mes filles ou mes fils
m'ont appelé et d'être en mesure immédiatement de retourner
leurs appels, plutôt que de ne pas le faire.
Autre chose qui va arriver également, et je pense que ça
va évoluer: les télécommunications vont évoluer
vers des services qui vont être très personnalisés pour
répondre aux besoins des clients. Les ordinateurs vont le permettre,
donc, tout va aller vers ça. Et je ne pense pas qu'on puisse bloquer ce
qu'une partie de la population désire. Dans notre territoire, on
constate, effectivement, qu'il y a une demande abondante de ces
services-là et il n'y a pas de plaintes.
M. LeSage: Mais, en pratique, M. Bouchard, si vous aviez des
téléphones obscènes chez vous, et que la personne qui vous
appelle a déjà bloqué ses appels, vous ne pouvez pas
savoir d'où proviennent ces appels-là. À quoi est-il bon
le service? Et j'aimerais poursuivre: Lorsque vos enfants vous appellent, si
vous aviez tout simplement un répondeur, ça vous donnerait le
même service.
M. Bouchard: C'est un autre service, effectivement, la question
des répondeurs. Au niveau des entreprises de
télécommunications, on préfère parler de
messageries vocales, à ce moment-là, qui fait qu'il n'y a pas
nécessairement d'appareil répondeur automatique chez le client,
mais ça se fait par les équipements de commutation. C'est un
ensemble de services, et je ne pense pas qu'on puisse arriver à dire,
à ce moment-là, que parce qu'il peut y avoir certaines choses qui
vont aller à rencontre de dispositions de la loi...
Tout à l'heure, je disais qu'il y avait à peu près
600 appels qui ont été faits à
Québec-Téléphone pour demander d'identifier des appels
obscènes ou de quelque nature blessante que ce soit. Nous avons quand
même 250 000 lignes d'accès et ce n'est pas sur 250 000 lignes
d'accès qu'il y a eu des plaintes, c'est sur 650 clients au maximum.
Donc, à ce moment-là, je ne crois pas qu'on devrait arriver et
dire: Parce qu'il y a... et il y aura toujours, même si le meurtre est
interdit, il va toujours y avoir des gens qui vont commettre des meurtres.
À ce moment-là, je ne pense pas qu'on puisse
légiférer strictement en regardant cette infime minorité
et dire: Voilà, répondons à ce besoin-là et
ignorons le reste.
M. LeSage: J'aurais une dernière question, M. le
Président, si vous le permettez. Dans votre exposé, vous nous
avez dit qu'il pouvait y avoir du dépistage, des enregistrements.
Comment est-ce différent de ce qui existait avant? Lorsqu'on avait des
appels obscènes, avant, on les appelait des appels non
désirés; on appelait au service de police, je ne sais pas s'ils
tapaient les lignes, mais, en tout cas, ils réussissaient à
détecter la provenance de l'appel. En quoi serait-ce différent,
maintenant, si la personne a un système de blocage systématique
et qu'elle appelle une personne qui a un système d'affichage qui ne peut
pas percevoir d'où provient l'appel? Quelle est la différence
maintenant?
M. Bouchard: Si, effectivement, quelqu'un est abonné au
dépisteur et que les appels inopportuns originent d'une personne qui a
payé un service de blocage de ses appels, c'est évident que le
numéro ne pourra pas être affiché. À ce
moment-là, vous devrez procéder de la même façon
qu'à l'heure présente. Et sachez qu'une enquête du genre
coûte excessivement cher, et au niveau des divers corps policiers, et au
niveau des entreprises de télécommunication. Mais ça,
c'est, encore là, un cas mineur dans l'ensemble, si l'on veut, de tous
les cas qui peuvent survenir. Et ne serait-ce pour les gens de savoir que le
numéro peut être affiché; à ce moment-là,
ça interdit ou ça limite plusieurs personnes de faire ce genre
d'appels. C'est automatique.
M. LeSage: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Forget): Merci, M. le
député de Hull. M. le ministre, le mot de la fin.
M. Cannon: À mon tour, M. le Président,
permettez-moi de féliciter les gens du Conseil du patronat d'avoir bien
voulu venir nous rencontrer ce matin. De retrouver des gens avec qui on a eu
l'occasion de converser, ça a été très
agréable! Et bon retour! Merci.
Le Président (M. Forget): Je remercie les
représentants du Conseil du patronat du Québec de nous avoir
présenté leur mémoire. Afin de permettre au prochain
groupe de prendre place, soit le Regroupement des cabinets de courtage
d'assurance, je suspends les travaux de la commission pour quelques
minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 36)
(Reprise à 11 h 39)
Le Président (M. Forget): La commission reprend ses
travaux. Je demande au porte-parole de l'organisme de s'identifier et de
présenter les gens qui l'accompagnent.
Regroupement des cabinets de courtage d'assurance du
Québec
M. Bastien (Gabriel): Bonjour, M. le Président. Mon nom
est Gabriel Bastien, je suis le président du Regroupement des cabinets
de courtage d'assurance du Québec. À ma gauche, il me fait
plaisir de vous présenter notre directeur général, M.
Jean-Marie Derome, et à ma droite, notre aviseur légal, Me
André Bois.
Le Président (M. Forget): Pour permettre aux
représentants de l'organisme de présenter leur exposé,
rappelons les temps alloues pour l'exposé et les échanges: une
durée de l'exposé de 20 minutes, une durée des
échanges de 40 minutes. M. le président, la parole est à
vous.
M. Bastien: Merci. Pour bien situer notre organisme, je vous
rappelle que le Regroupement des cabinets de courtage d'assurance du
Québec est, en fait, un genre de syndicat professionnel qui a la
caractéristique un peu spéciale d'avoir une cotisation
volontaire. Il regroupe les propriétaires de cabinets de courtage, et
nous regroupons près de 700 cabinets, actuellement, et au-delà de
2400 courtiers. Ça représente environ les deux tiers des
courtiers d'assurances du Québec, si on exclut les courtiers
d'assurances des grands bureaux.
Maintenant, je vais vous faire une synthèse, un peu, de notre
mémoire. Le document de consultation traite du droit à la
protection de l'intimité de la vie privée comme étant un
moyen de protection d'un intérêt moral. Pour nous, courtiers
d'assurances, les atteintes à l'intimité de la vie privée
ont non seulement pour effet de bafouer une valeur fondamentale, un droit de la
personnalité, mais elles ont aussi pour effet de menacer des
intérêts matériels. Notre expérience personnelle
dans le domaine financier nous fait donc constater que la protection de la vie
privée est non seulement nécessaire à la
préservation de la dignité de la personne humaine, mais aussi
à la préversation de son patrimoine. C'est donc pourquoi notre
mémoire s'intéresse exclusivement aux incidences
matérielles ou financières que peuvent avoir les atteintes
à la vie privée, plus particulièrement dans les champs de
services financiers.
On ne peut proposer des mesures de protection des intérêts
matériels, que le secret de la vie privée est destiné
à protéger, sans d'abord identifier la nature des risques. Un peu
comme en assurance, avant de proposer une couverture d'assurance, il faut
d'abord se demander quels sont les risques à couvrir. Or, cette
évaluation doit tenir compte des réformes importantes dans le
domaine des services financiers.
Les deux grands éléments de cette réforme sont les
suivants: premièrement, la diversification
ou le décloisonnement; deuxièmement, le potentiel de
concentration. Concrètement, la diversification de l'activité des
institutions financières signifie que le consommateur qui se confie
à son banquier, pour les seules fins d'une transaction bancaire,
pourrait, à son insu, confier les mêmes informations à une
autre entité financière affiliée à la banque, par
exemple une compagnie d'assurances. Inversement, l'assuré qui se confie
à une compagnie d'assurance-vie pourrait, sans le savoir, se confier
à la banque qui contrôle une telle compagnie d'assurance-vie. Or,
quel est le risque économique qui résulte de ce danger de
dissémination de l'information à l'intérieur d'un grand
conglomérat financier? Ces risques sont évidents: la
sollicitation inopportune par d'autres entités affiliées, et
surtout, et j'insiste sur ce point, le déséquilibre dans les
rapports contractuels ou économiques entre le consommateur et
l'institution financière qui possède tous les secrets de son
client. Comment aimeriez-vous négocier une marge de crédit avec
un banquier qui, à votre insu, sait que vous êtes traité en
raison d'un état dépressif temporaire et momentané? Les
courtiers d'assurances sont régis, eux; les institutions
financières ne le sont pas. Si la loi protège jalousement les
secrets d'affaires ou les secrets des entreprises pour des raisons
économiques, pourquoi le droit ne protégerait-il pas
également le secret des individus pour des raisons économiques?
On voit donc que le droit à la vie privée protège non
seulement un intérêt moral, mais aussi un intérêt
matériel.
Les risques étant identifiés, quels sont les moyens de les
éviter? La simple formule du consentement au transfert ou à la
cueillette d'information est devenue tellement banalisée qu'elle nous
semble être une garantie trop fragile contre les méthodes
raffinées d'incursion dans la vie privée. Un droit aussi
fondamental que celui à la vie privée n'est efficacement
protégé que par des prohibitions. La seule réglementation
de l'activité portant sur la cueillette, la conservation et la
transmission des informations n'est pas suffisante. Un exemple permettrait de
démontrer ce que nous avançons: Supposons qu'une banque constitue
une société d'information dont l'activité consiste
principalement à conserver toutes les données personnelles
recueillies par la banque elle-même, ainsi que par les autres
entités affiliées à cette banque. Supposons,
également, que le fichier informatique de cette société
d'information est relié à toutes les entités
financières affiliées à la banque. Dans un tel contexte,
comment empêcherait-on l'employé d'une succursale bancaire de
prendre connaissance des renseignements très sensibles que la
société d'information conserve suite à une transaction
d'assurance-vie avec une corporation affiliée à la banque?
Instituera-t-on un comité de censure au sein de la société
d'information afin que le terminal informatique du banquier n'ait accès
qu'aux renseignements pertinents à la transaction bancaire? Poser la
question, c'est y répondre.
M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs, ceci dit,
nous sommes disponibles pour répondre à vos questions. Merci.
Le Président (M. Forget): Merci. Alors, j'invite M. le
ministre.
M. Cannon: Merci, M. Bastien, M. Derome, M. Bois, d'être
avec nous ce matin. Je trouve ça joliment intéressant, là,
votre exposé et votre document. Je n'ai pas plusieurs questions à
vous poser. Je veux simplement savoir, dans l'éventualité
où une législation viendrait baliser la gestion des
renseignements personnalisés dans le secteur privé, les courtiers
d'assurances verraient-ils d'un bon oeil que les personnes concernées
soient informées de la constitution de telles mégabanques, parce
que vous en parlez, et que ces gens-là puissent refuser que les
informations les concernant y soient conservées? (11 h 45)
M. Bastien: Je n'aurais pas d'objection, moi, personnellement,
à ce que cette information-là soit conservée. Là
où on a des objections, c'est sur les façons de les envoyer par
la suite. Qu'un banquier ait besoin d'informations sur un client, pour nous
autres, si on considère que c'est très important, et c'est
absolument nécessaire que ce soit fait. Ce que nous craignons et ce que
nous voulons qu'il soit fait, c'est que cette information-là demeure,
justement, dans la section pour laquelle l'information a été
demandée. Autrement dit, si le banquier a besoin d'une information
concernant mon crédit, c'est important qu'il le sache, mais ce que je ne
veux pas, c'est que cette même information-là soit disponible
à toute autre institution affiliée ou non affiliée - parce
qu'il peut y avoir des ententes de réseau - que ces
informations-là soient disponibles à toutes les autres, et c'est
là qu'on dit que l'information qu'on peut...
M. Cannon: Donc, vous voulez, si j'ai bien saisi, éviter
la prolifération de ce genre de renseignements-là, à
moins, évidemment, d'avoir un consentement, si je lis bien. Mais la
question que je vous posais, c'était d'abord celle qui concernait le
droit de l'individu. Je comprends, là, que vous voulez minimiser la
circulation des renseignements, mais, d'après vous, est-ce que vous
voyez d'un bon oeil que les personnes concernées soient informées
de la constitution et puissent refuser?
M. Bastien: Oui. M. Cannon: O.K. M. Bastien: Oui. M.
Cannon: O.K. C'est bon.
Le Président (M. Forget): Merci, M. le ministre. Alors,
j'invite le député de Pointe-aux-Trembles à
échanger avec les invités.
M. Bourdon: En fait, dans votre mémoire, vous parlez du
décloisonnement des institutions financières. Et je trouve
très vraie l'observation que vous faites, que le décloisonnement
a pour conséquence que plusieurs types de dossiers, concernant un
individu, peuvent faire l'objet d'un couplage; et là, la somme
accumulée d'informations dépasse le besoin de savoir de la
personne à qui ça s'adresse. Vous mentionnez, par exemple, qu'un
aîné qui s'informe à une institution financière pour
acquérir une rente viagère peut être sollicité
fortement par la filiale de cette institution financière, qui a des
résidences pour personnes âgées. Et c'est courant aussi -
je vous le souligne parce que c'est de même nature - que des personnes
d'un certain âge, qui vont à l'hôpital, se font proposer, le
lendemain, elles se font solliciter pour des préarrangements
funéraires. Alors, dans le fond, c'est de même nature, et, dans le
fond, je pense que vous posez le problème avec justesse. L'hôpital
doit évidemment avoir le nom de son patient et des détails, mais
le salon funéraire, lui, est-ce qu'il doit savoir que la personne a
consulté, hier? Et, dans le fond, c'est là tout le
problème, et même chose à l'endroit d'un examen
médical. Je peux comprendre qu'on subisse un examen médical pour
contracter une assurance-vie, mais est-ce que le détail du dossier
médical doit être connu de la caisse populaire où je fais
un emprunt? Dans le fond, c'est ça!
Mais, dans le fond, je n'ai pas de question, véritablement,
à poser. Je trouve votre mémoire très bon, mais je vais
risquer une question: Est-ce que, quant à vous, vous pensez qu'une
législation permettrait de mieux garantir la vie privée? Et vous
parlez des tables de concertation; pourriez-vous expliquer un peu pourquoi vous
souhaitez être - si j'ai bien compris - être à la même
table que les sociétés d'assurances, entre autres, pour pouvoir
faire valoir vos intérêts?
M. Bastien: C'est qu'au départ, si on regarde le mandat
qu'a un courtier d'assurances, il est quand même différent de ce
qu'on peut être, de ce que pourrait être une institution
financière. Le courtier d'assurances, lui, n'est pas un producteur. Il
ne confectionne pas un produit quelconque. Il est l'intermédiaire entre
- et l'intermédiaire, on le sait, la Loi sur les intermédiaires
de marché - il est l'intermédiaire entre le consommateur qui,
lui, assez souvent, ne sait pas ce qu'il a acheté, et l'institution
financière qui, elle, sait très bien ce qu'elle vend. Donc, le
courtier d'assurances, il est là entre les deux, et donc, ça fait
quand même une différence énorme. Et lorsqu'on veut
participer aux travaux d'une des tables sectorielles, c'est un peu dans cet
esprit qu'on puisse intervenir pour être ce qu'on pourrait appeler le
modérateur, compte tenu que nous sommes le mandataire du client ou de
l'assuré et, à ce moment-là, on est un peu son
prolongement, si vous voulez. Et on peut éventuellement étudier
ses besoins et être capable de lui proposer quelque chose, alors que nous
ne produisons pas le produit qu'on va offrir. C'est complètement
différent. Je ne sais pas si... Peut-être que le directeur
général aurait autre chose à ajouter ou... Ça a
répondu aussi à votre question?
M. Bourdon: Oui.
M. Bois (André): Sur le besoin de législation, je
veux uniquement déplorer ici certaines interventions qui proposent
uniquement de s'en remettre à des codes d'éthique internes.
Alors, je n'ai jamais compris, à ce moment-là, pourquoi
l'Assemblée nationale est là. C'est parce que la vertu n'est pas
uniformément répartie dans le genre humain, et qu'à un
moment donné, il y a toujours des comportements déviants. Cet
argument-là, ce n'est pas la première fois qu'on le voit
énoncé devant des parlementaires. J'ai participé à
d'autres commissions parlementaires, et, généralement, les
entreprises, qu'il s'agisse de pollution, qu'il s'agisse de consommation ou
qu'il s'agisse d'information, vous disent toujours: Nous sommes vertueux,
remettez-vous-en à notre sens de l'éthique et de la
déontologie. Alors, je réponds à cette
proposition-là: À ce moment-là, pas besoin d'alcootest,
remettez-vous-en à la sobriété des citoyens! Alors, ceci
dit, oui, il y a un besoin, et ce qui est dans le Code civil, comme le disait
avec beaucoup d'à-propos le professeur dont j'oublie le nom, mais qui
est...
M. Bourdon: M.Laperrière.
M. Bois:... M. Laperrière. Malheureusement, au niveau de
la mise en oeuvre, le Code civil est insuffisant. C'est une belle charte des
droits, mais il est insuffisant. Et, deuxièmement, il ne
s'intéresse qu'à un droit de la personnalité et non aux
incidences patrimoniales d'une incursion dans les renseignements privés.
On voit que c'est au livre des droits de la personnalité, et on ne s'est
pas soucié, jusqu'à maintenant, de l'impact que les services de
renseignements - je les appelle comme ça, moi - peuvent avoir sur la
concurrence et le contrôle des citoyens. Un pays qui est fort, c'est un
pays qui a le plus de renseignements possible sur ses amis et ses ennemis. Je
dis qu'un commerçant ou qu'un financier qui est fort, c'est celui qui a
le plus de renseignements sur le consommateur. C'est votre rôle de
modérer cet appétit de renseignements.
M. Bastien: Si vous permettez, je voudrais ajouter...
j'ajouterais un élément, aussi. C'est que lorsqu'on regarde
l'ensemble des lois qui régis-
sent actuellement ce domaine, on se rend compte que le
législateur a bien voulu mettre quand même des balises - que vous
avez appelé tantôt - concernant les différents
intervenants, qui sont les intermédiaires de marché. Il a mis des
balises. Et ces balises-là ne semblent pas exister, actuellement, face
aux institutions financières. Le législateur lui-même place
des balises parce qu'il y a des renseignements qui seraient drôlement
intéressants entre les différents ministères, je crois,
sur les individus. Et c'est vraiment cloisonné: il n'est pas possible
qu'un ministère puisse aller quérir des informations d'un
ministère à l'autre. Et c'est un petit peu le même sens
quand on regarde le domaine des affaires, des institutions financières,
compte tenu que, de plus en plus, on voit cette... - ce que vous avez
signalé tantôt - où les institutions peuvent
posséder différents services financiers, que ce soit des
compagnies d'assurances, que ce soit des sociétés de fiducie, des
banques, etc. Il y a même des services qui ne sont pas des services
financiers, carrément, mais qui sont propriété de
conglomérats financiers.
M. Bourdon: Maintenant, je voudrais ajouter qu'il y a un curieux
paradoxe, aussi, dans ce qui se dit, l'urgence ou non d'avoir une loi sur les
renseignements privés. C'est qu'il est difficile d'obtenir des
renseignements sur les personnes morales et sur les entreprises, et je dirais
qu'à cet égard-là, la vie privée des entreprises
est assez bien protégée. Il y a un des mémoires qui nous
soulignait l'exemple, au fédéral, d'une entente entre le
ministère fédéral du Revenu et Olympia, à New York,
par exemple, qui comportait un avantage fiscal de 250 000 000 $. Et ça,
il n'était pas possible d'en avoir le détail. Et du même
souffle, on dit: Mais les personnes, par exemple, ne limitaient pas la
possibilité d'avoir des renseignements à cet
égard-là. Je trouve ça un peu paradoxal.
L'autre affaire que je voudrais ajouter, c'est que les dirigeants
d'entreprises sont aussi des citoyens. Je ne sais pas si un dirigeant
d'entreprise ne trouverait pas qu'il y a un problème avec l'afficheur si
son épouse reçoit un appel d'une personne qui veut
déplacer un rendez-vous et que, par l'affichage, elle sait qu'il
consulte dans une clinique sur les MTS. C'est ça qui se pose à
cet égard-là.
En tout cas, je vous remercie de votre mémoire et je trouve que
vous assumez bien votre rôle d'être un peu comme les avocats du
consommateur, parce que, comme intermédiaire, vous avez à les
représenter, à les conseiller et à essayer de les aider
à fonctionner.
Le Président (M. Forget): Merci, M. le
député de Pointe-aux-Trembles. Alors, j'invite le
député d'Orford à échanger avec les
invités.
M. Cannon: Si mon collègue me permettait, avant de lui
céder la parole, peut-être une petite vite. On parlait beaucoup...
J'ai entendu tout à l'heure, au Conseil du patronat, expliquer le code
d'éthique, le code de déontologie, cette façon de faire
des choses, et je pense que Me Bois vient de nous donner un exemple de sa
prudence à cet égard-là.
Dites-moi - même si, dans les institutions avec lesquelles vous
traitez, on dit que les informations sur la personne sont confidentielles et
qu'elles ne circulent pas, et c'est tout protégé - avec le
développement technologique aujourd'hui, y a-t-il moyen d'aller
chercher, par exemple, la fréquence des informations sur le comportement
de M. X, ou d'une catégorie de personnes, pour constituer des banques
qui, potentiellememt, pourraient être des clients pour telle chose, et
que ces entreprises-là vendent ces renseignements-là? Ça
peut paraître peut-être un peu nébuleux, ce que je vous dis
là, mais je reviens à mon article de ce matin que je citais. Il y
a une firme, aux États-Unis, qui a effectivement été
capable, tout en conservant l'anonymat des individus et en respectant un aspect
très important de la vie privée, de vendre des listes de
consommateurs qui se servent le plus souvent possible de cartes de
crédit, et que ces cartes de crédit, à l'aide d'un
modèle économétrique, permettaient d'extrapoler le revenu
annuel de l'individu. Et on vendait ces banques-là. Bon! Moi, ça
m'apparaît comme étant une façon tout à fait
détournée, d'abord de protéger les banques, mais aussi
d'aller vendre des renseignements concernant les individus. Il y a une
protection, mais, en tout cas, c'est une façon peut-être un peu
déviée d'aller chercher ces renseignements. Dites-moi, dans votre
secteur à vous, même si on vous dit que des codes d'éthique
et de déontologie, ça va protéger les individus, ça
va protéger les personnes, parlez-moi donc un peu de vos
inquiétudes là-dessus. Parlez-moi donc un peu de ce que vous
croyez potentiellement être un danger vis-à-vis le
consommateur.
M. Bastien: Je vais demander au directeur général,
M. Derome, de répondre à cette partie de la question, parce que,
moi, je suis quand même assez récent dans la fonction que j'occupe
actuellement, et M. Derome a une grande expérience des nouvelles lois
qui ont été adoptées, et de tout ça. Je pense qu'il
est plus en mesure de nous apporter une réponse. (12 heures)
M. Derome (Jean-Marie): Alors, dans la mesure où le
courtier est concerné, il est évident que, si je remplis une
application d'assurance automobile, je n'ai pas à transmettre à
la compagnie d'assurance automobile tous les renseignements que je
posséderais sur son dossier d'assurance-vie, son dossier de
résidence ou son dossier d'autres services financiers, puisqu'on est
appelés maintenant à offrir d'autres services financiers.
Cependant, quand je transmets cette
information-là à une compagnie d'assurances qui, elle,
appartiendrait à un conglomérat financier, et qui transmettrait
à son fichier central l'information que j'ai sur l'automobile et, deux
semaines après, elle transmet l'information que je possède sur
une police d'assurance-vie à une autre de ses filiales, et que ça
s'en va tout centraliser, c'est clair et net qu'une bonne journée, si
c'est la propriété d'une banque, par exemple, que la banque dise:
Moi, j'ai une demande de prêt de Jean-Marie Derome, mais par
l'assurance-vie, je sais qu'il fait une dépression, puis je sais qu'il a
eu 10 accidents d'automobile dans les deux dernières années;
c'est un mauvais client pour moi de lui passer du crédit sur son
automobile. Alors, c'est là qu'est le danger, à mon avis. Et
nous, dans le courtage d'assurances, la loi 134, et l'article 25
particulièrement, vient nous obliger à obtenir le consentement de
notre assuré pour la transmission des informations qu'on obtient de son
automobile, si j'en ai besoin, dans un autre secteur financier. Mais il faut
quand même que je le prévienne que je veux lui offrir un service
financier. Alors, je pense qu'au niveau du courtage, c'est très bien
préservé, mais c'est au-dessus de ça, c'est passé
la porte d'entrée; la porte d'entrée est préservée,
mais passé ça, il n'y en a plus.
M. Cannon: Toutes sortes d'inquiétudes. O.K. Merci.
Le Président (M. Forget): Alors, merci, M. le ministre. M.
le député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: Bien, justement, je voudrais ajouter à ce que
dit le ministre que comme les cartes de crédit ou de paiement, entre
autres, puis l'ensemble des données détenues permet de faire des
profils de consommation. Mme Plamon-don nous a parlé de l'usage, aux
États-Unis, de ce qu'on appelle en anglais, là-bas, des "suckers
lists", que je traduirais par des listes de personnes vulnérables,
portées à une consommation impulsive. Puis, ça a quelque
chose d'un peu effrayant de dire: On va dégager un profil de personnes
vulnérables pour concentrer la sollicitation sur ces
personnes-là. Dans le fond, c'est aux habitudes de consommation ce que
le renseignement sur la visite à l'hôpital procure à
l'entreprise de soins funéraires. Et donc, on peut dégager sur
des personnes un profil; puis, à partir du profil, faire une pression
abusive pour faire acheter un produit.
Je suis entièrement d'accord avec ce que vous dites, que le
courtier d'assurances qui, lui, est dépositaire de plusieurs services,
eh bien, son approche qu'il a faite auprès du client, dans un contexte
où la personne est allée pour un service, on peut lui en offrir
un autre. Il ne s'agit pas de dire que le décloisonnement est mauvais en
soi, mais la personne, elle ne s'abonne pas pour être sollicitée
par tous ceux qui font telle ou telle chose. En tout cas, je trouve que c'est
bien intéressant.
Le Président (M. Forget): Merci, M le député
de Pointe-aux-Trembles. Alors, M. le député d'Orford.
M. Benoit: Messieurs, bienvenue parmi nous. Je veux saluer de
façon particulière M. Derome, qui a été de d'autres
guerres antérieures. Je me souviens d'avoir vu M. Derome au moment de la
réforme des institutions financières et d'avoir très bien
travaillé pour son groupe. Je ne vous demanderai pas "le secret de la
Labatt Bleue", mais juste une petite question, peut-être, alentour de
ça.
Je prends pour acquis que je suis un mauvais risque: j'ai un
téléphone dans mon auto, je n'ai pas une bonne vision, je voyage
la nuit et je vais trop vite, etc. Mon courtier d'assurances est probablement
au courant de ça, lui. Il l'a probablement dit à un moment
donné, pas aussi clair que ça, à mon assureur, ou mon
assureur s'en doute déjà à un bon bout de ça.
Jusqu'où mon assureur l'a dit à un autre assureur, puis à
une autre assureur? Combien y en a-t-il de compagnies d'assurances qui savent
peut-être que je suis un mauvais risque? Et quand je vais essayer, via
mon courtier, d'aller dans une troisième ou quatrième compagnie
d'assurances, combien y en a-t-il qui savent tout mon pedigree, là? Je
veux dire: Combien y a-t-il d'échanges entre ces hautes instances? Et ce
n'est pas le courtier qui est coupable de ça; là, je vous mets
bien en garde. Mais entre compagnies d'assurances, jusqu'où ça
va, cet échange? Parce que ce que vous dites, c'est que
décloisonner, c'est la solution à tout. Je suis bien prêt
à acheter ça, mais j'aimerais bien voir si c'est si vrai que
ça, effectivement?
M. Bastien: En fait, sur la question que vous posez concernant la
connaissance qu'il peut y avoir entre les compagnies d'assurances, je pense que
le législateur a déjà quelque chose de fait
là-dessus. Parce qu'il existe depuis le mois de juillet dernier, le mois
de juillet 1991, un fichier central, où tous les accidents qui peuvent
arriver sont déjà rendus à ce point, à ce fichier
central, afin de permettre à un assureur éventuel
d'évaluer vraiment le risque. Et ça, je crois que c'est quand
même une responsabilité qu'a le courtier d'assurances, parce qu'il
est important que l'assureur connaisse vraiment le risque; parce que si on ne
déclare pas tout ce qu'on a à déclarer sur un risque, il
faut bien se rappeler que la police d'assurance a dit: Toute fausse
déclaration entraîne la nullité de la police, du contrat
d'assurance, et la nullité, elle peut être de nullité
absolue, c'est-à-dire que le contrat n'existe pas. Donc, il est
très important que ces informations-là soient connues de
l'assureur qui peut, lui, éventuellement, charger une surprime
ou refuser carrément le risque. Refuser carrément,
jusqu'à un certain point, parce que la Loi sur l'assurance automobile
oblige quand même les assureurs à donner au moins une protection
minimale de 50 000 $ en responsabilité civile. Mais, excluant ça,
il peut refuser, par exemple, de couvrir le risque sur la partie qu'on appelle
la collision ou les autres protections sur le contrat d'assurance.
Ça, je crois qu'on ne pourra pas s'en empêcher et, à
mon avis, c'est bien que ce soit ainsi. Parce que si la personne qui a eu
beaucoup d'accidents est une personne qui a une conduite automobile un peu
erratique, si on ne le fait pas, c'est l'ensemble des autres assurés qui
vont finir par payer les pots cassés. Il n'y a pas de miracle dans
l'assurance automobile, c'est comme dans toute autre chose. À un moment
donné, une compagnie dit: Voici mes revenus, voici mes dépenses.
Si ça n'arrive pas, en bas, qu'est-ce qu'elle fait? Elle augmente. Ce
fichier central a été institué justement dans le but
d'essayer de corriger ce système. Je l'ai vécu, et je sais qu'il
y a de mes clients qui l'ont fait. Un client, par exemple, avait eu des
accidents chez nous. Il s'en va chez le courtier voisin et il ne déclare
pas son affaire. Il a une prime moins élevée. Tant et aussi
longtemps qu'il n'a pas d'accident, ce n'est pas pire. S'il a un accident un
peu grave, ils vont peut-être le découvrir, mais, en tout cas, il
y a des fois où ils ne pouvaient pas le savoir.
M. Benoit: Cette banque de données là, qui a
accès à ça - de un? De deux, quelles sont les
informations? Est-ce qu'il y a juste la date de l'accident ou s'ils savent que
je prends un coup et que... Qu'est-ce qu'ils savent, je veux dire, dans cette
banque-là? Ça va jusqu'où, cette banque de données
là?
M. Bastien: À mon avis, c'est le renseignement complet sur
l'accident qui est arrivé et toutes les circonstances qu'il peut y
avoir, parce que c'est le rapport de la Sûreté du Québec
qui, assez souvent, va se rendre à ce fichier central.
M. Benoit: Et qui a accès à ça? Si j'appelle
demain matin, est-ce qu'on va me donner de l'information?
M. Bastien: Les assureurs y ont accès. Maintenant, je ne
sais pas, peut-être que notre aviseur pourrait plus y répondre.
Moi, comme particulier, je veux connaître mon dossier. Je crois que je
dois avoir accès à cette chose-là. Je ne pourrai pas dire
que je n'ai pas eu de demande. Je n'ai pas formulé moi-même de
demande et je ne pourrais pas y répondre.
M. Bois: C'est un service réservé aux assureurs.
Mais il y a plus redoutable que ça, et c'est surtout en assurance-vie.
J'espère qu'on vous a parlé du MIB, qui est le Medical
Information Bureau, où à chaque fois que vous signez une
proposition d'assurance-vie, même si elle est refusée, il y a une
centrale aux États-Unis où tout ça est consigné. Il
y a maintenant une filiale canadienne. Mais dès que vous souscrivez une
police d'assurance-vie en Amérique du Nord, vous êtes
fiché, accepté ou refuse. Maintenant, comment ça circule,
ça? Est-ce qu'un assureur qui ne fait pas affaire avec vous peut
accéder à ça? Je ne peux pas répondre. Vous avez
des pouvoirs d'enquête, vous, que nous n'avons pas.
M. Benoit: Merci.
Le Président (M. Forget): Merci beaucoup, M. le
député d'Orford. Est-ce que le député de
Pointe-aux-Trembles a quelque chose à ajouter?
M. Bourdon: Peut-être remercier nos invités pour
leur participation et la qualité de leur mémoire.
Le Président (M. Forget): Alors, merci beaucoup, M. le
député de Pointe-aux-Trembles. M. le ministre.
M. Cannon: À mon tour, je me joins aux voeux du
député de Pointe-aux-Trembles pour remercier également M.
Derome, M. Bastien et Me Bois de leur présence et de, je dirais, la
grande qualité de leur document. Merci et bon retour!
Le Président (M. Forget): Merci beaucoup, M. le ministre.
Je remercie les représentants du Regroupement des cabinets de courtage
de nous avoir présenté leur mémoire.
J'ajourne les travaux de la commission à mardi prochain, le 19
novembre, à 20 heures. Merci.
(Fin de la séance à 12 h 9)