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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mardi 12 novembre 1991 - Vol. 31 N° 62

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la protection de la vie privée eu égard aux renseignements personnels détenus dans le secteur privé


Journal des débats

 

(Vingt heures deux minutes)

Le Président (M. Forget): Je déclare ouverte la séance de la commission des institutions. Le mandat de la commission pour cette séance est de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur la protection de la vie privée eu égard aux renseignements personnels détenus dans le secteur privé. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements ce soir?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Forget (Prévost) remplace M. Fradet (Vimont) et M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles) remplace Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve).

Le Président (M. Forget): L'ordre du jour pour la séance de ce soir se lit comme suit: à 20 heures nous attendons les représentants de Télébec Itée. À 21 heures la commission ajournera ses travaux. Cet ordre du jour est-il adopté?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Forget): Alors, je demanderais au porte-parole du groupe de bien identifier les gens qui l'accompagnent.

Télébec Itée

M. Marquis (Denis): Alors, mon nom est Denis Marquis, je suis directeur général responsable des affaires corporatives chez Télébec Itée, entre autres responsable des affaires réglementaires de l'entreprise, et j'aimerais vous présenter à mes côtés d'abord Mme Sandra St-Amour, qui est responsable des affaires réglementaires comme telles, qui est en fait le point de contact de l'entreprise avec notre Régie des télécommunications du Québec, et également M. Pierre Grimard, et ici je pense que c'est un changement sur l'ordre du jour préliminaire qui vous avait été distribué plus tôt aujourd'hui, qui est dans notre groupe de systèmes informatiques, qui a dû remplacer à pied levé M. Neault qui a été appelé sur une urgence. M. Grimard est directement responsable dans l'organisation des systèmes informatiques de l'administration des banques de données.

Le Président (M. Forget): Alors, je rappelle le temps alloué pour les exposés et les échanges: la durée de l'exposé, 20 minutes; la durée des échanges, 40 minutes. Alors, M. le ministre, la parole est à vous. Excusez-moi, vous avez raison, c'est à vous d'exposer.

M. Marquis: Merci, M. le Président. Merci, M. le ministre. Alors, j'aimerais tout d'abord ici faire un bref sommaire du mémoire qui a été soumis à la commission, en débutant tout d'abord par un profil assez bref également de Télébec, simplement pour dire que Télébec est la deuxième plus importante entreprise de télécommunications, sous juridiction québécoise évidemment. Télébec compte environ 1200 employés au moment où on se parle. Son territoire d'exploitation s'étend sur un territoire très vaste qui va de la baie James jusqu'aux Îles-de-la-Madeleine. Il compte 126 circonscriptions téléphoniques, qui couvrent différents secteurs de la province, entre autres l'Abitibi-Témiscamingue, les régions de La Tuque, Mont-Laurier, Bécancour, ainsi que plusieurs autres secteurs du centre du Québec. Sur ce territoire nous desservons environ 160 000 clients de résidence et d'affaire, et encore une fois nous sommes sous la juridiction de la Régie des télécommunications du Québec.

Juste un petit historique de notre comparution ici ce soir. Le 4 octobre 1990, la ministre des Communications d'alors demandait à la Régie des télécommunications un avis sur la protection de la vie privée en matière de télécommunications. Le 20 novembre qui suivait, la Régie demandait à Télébec, de même qu'à divers autres intervenants, de s'associer à la démarche qu'elle entreprenait à ce moment-là pour répondre à la demande du ministre. Le 8 janvier 1991, Télébec comparaissait pour répondre à sa demande en produisant un mémoire lors d'une audience publique qui se tenait à Montréal.

Au mois de mai 1991, la Régie a produit son avis au ministre des Communications qui incluait diverses recommandations liées au domaine des télécommunications. Finalement, le 20 août, cette année, Télébec répondait à l'avis des consultations générales de la commission des institutions en produisant un mémoire, mémoire dont vous avez probablement copie entre les mains.

Alors, je me permettrai ici, ce soir, de faire un bref résumé de ce mémoire en traitant de quatre principaux thèmes qui y étaient abordés, à savoir: premièrement, la confidentialité des communications transportées par le réseau de Télébec et la protection des renseignements personnels dont nous disposons sur notre clientèle; deuxièment, la sécurité de nos banques de données; troisièmement, la commercialisation des banques de données et enfin, et non le moindre, le service de gestion des appels.

Parlons tout d'abord de la confidentialité

des communications et de la protection des renseignements personnels. La confidentialité des communications est assurée de plus en plus par le biais des progrès technologiques qui sont survenus au cours des dernières années. Tout d'abord, il y a un déploiement de plus en plus grand de la technologie dite octonumérique dans le territoire de Télébec. Par octonumérique, on sous-entend, au point de vue commutation des équipements de type numérique et, dans le réseau, le déploiement de fibres optiques qui amènent une facilité de plus en plus grande d'assurer la confidentialité des communications qui y sont transportées.

Également, les lignes à postes groupés, ou les lignes rurales, comme on les a appelées, sont de moins en moins nombreuses. À la fin de cette année, par exemple, 93,2 % de nos clients auront accès à une ligne à un ou deux abonnés et ça devrait tendre vers 100 % autour de 1996. Nous envisageons également, à moyen terme, la possibilité d'abolir les lignes à deux abonnés, ce qui fait que la grande majorité de nos abonnés, de nos clients, devrais-je dire, auront une ligne individuelle avec, évidemment, le maximum de confidentialité que ça comporte.

Télébec a toujours assuré la protection des renseignements personnels qu'elle détient sur ses clients. Par le biais de la formation que nous donnons à nos employés, les différentes procédures internes qui ont été développées, surtout avec notre code d'éthique, tout ceci constitue des outils qui permettent à Télébec de maintenir une excellente réputation dans ce domaine. Tel qu'il est indiqué dans notre mémoire, beaucoup d'emphase est mise sur l'application de notre code d'éthique qui est revu régulièrement avec chaque employé et des sanctions sont même prévues lorsqu'un employé s'écarte des règles de conduite établies par l'entreprise.

Je me permettrais ici de citer peut-être une couple de passages de ce code d'éthique dont copie est incluse au mémoire. Par exemple, on y dit qu'il est du devoir de tout employé de respecter la vie privée de l'abonné et de tenir pour strictement confidentielle toute information de nature personnelle ou professionnelle concernant l'abonné qui a pu être portée à sa connaissance. On y lit un peu plus loin: "L'objet ou le contenu des communications téléphoniques ou informatiques - ou même l'existence d'une telle communication - ne doit jamais être révélé à un tiers par un employé de Télébec."

Si on poursuit, on y dit également que la ligne de conduite tracée dans la présente brochure ne fait que s'ajouter à notre propre sens de la droiture. Mais il arrive parfois dans tout groupe d'importance comme le nôtre que certains s'écartent des normes de conduite établies. Il faut alors s'attendre à ce que des mesures disciplinaires, pouvant aller de la simple réprimande jusqu'au congédiement ou à des poursuites judiciaires, soient prises.

Passons maintenant à la sécurité de nos banques de données. Pour son exploitation, Télébec dispose d'une quantité de renseignements et de données sur ses clients. Par exemple, l'adresse et la localisation physique de chacun, le numéro de téléphone qui y correspond, les habitudes de crédit et de paiement de ses clients, les types d'équipements terminaux lorsqu'ils sont fournis par l'entreprise et, enfin, les coordonnées des appels interurbains que nos clients effectuent.

Afin de protéger la vie privée de ses clients, en plus du code d'éthique et des diverses procédures internes, Télébec a adopté une politique de sécurité informatique qui est rigoureusement appliquée au sein de l'entreprise. Chaque employé est tenu de respecter les règles en matière de sécurité informatique. Le non-respect constitue une grave infraction et peut donc donner lieu à des mesures disciplinaires.

Pour chaque système informatique, un cadre responsable de la gestion de la sécurité doit être désigné pour veiller à différentes activités, notamment gérer routinièrement la sécurité du système; accréditer les utilisateurs; s'assurer que les personnes qui ont accès au système ou qui l'utilisent connaissent et respectent les mesures de sécurité; gérer, contrôler et évaluer jusqu'à quel point les normes de sécurité sont respectées et mises en oeuvre; prendre connaissance des rapports de sécurité et faire enquête sur les manquements possibles à ces mesures de sécurité; et, finalement, signaler au directeur de sécurité tous les manquements constatés ou présumés.

Toutes ces mesures permettent d'assurer la protection de la vie privée de nos clients, protection d'ailleurs bien reconnue par la Régie des télécommunications dans son avis au ministre des Communications, qui affirmait n'avoir été saisi d'aucune plainte en cette matière. Télébec reconnaît toutefois que l'évolution des technologies en matière de banque de données pourrait nécessiter un accroissement des mesures de protection requises. Alors, on assiste évidemment en ces années à des grandes capacités de stockage sur les nouvelles technologies avec la prolifération des réseaux locaux ou des réseaux à grande étendue qui permettent un accès relativement aisé s'il n'y a pas des mesures de protection adéquates à différentes informations.

Télébec souscrit donc aux recommandations de la Régie dans son avis à l'effet qu'un groupe d'étude conjoint devrait recevoir mandat de considérer l'application des recommandations du comité interministériel à l'industrie des télécommunications, par l'adoption de normes générales et de règles dont le respect pourrait être suivi par la Régie selon le processus réglementaire habituel.

Parlons maintenant de la commercialisation des données. Jusqu'à présent, Télébec n'a jamais commercialisé aucune donnée qui est à sa disposition. Alors que Bell Canada, par exemple,

est autorisée à fournir des informations non confidentielles sur les inscriptions d'affaire dans les pages jaunes moyennant un tarif, Télébec n'a pas eu de demandes de cette nature. S'il y avait une telle éventualité, Télébec croit que les principes qui seraient applicables pourraient être intégrés dans l'élaboration d'un règlement et tarif prévoyant la commercialisation de ces dites données, le tout devant être soumis à l'approbation de la Régie des télécommunications.

Finalement, abordons la question du service de gestion des appels. Le service de gestion des appels constitue, selon nous, un bon exemple d'un service novateur qui découle d'une évolution technologique. Compte tenu des bénéfices qui résultent de ce service, soit un meilleur contrôle des appels reçus par le client appelé, Télébec a décidé d'emboîter le pas à l'instar de Bell Canada et de Québec-Téléphone. Ce service est maintenant offert dans les circonscriptions de Rouyn-Noranda, Beaudry et Bellecombe, en Abitibi-Témiscamingue depuis le 24 octobre dernier, ce qui est quand même encore assez récent. Télébec est consciente des nombreuses interrogations soulevées par ce nouveau service en matière d'atteinte à la vie privée, particulièrement en ce qui a trait à la fonction d'affichage du numéro de téléphone du client appelant. Cependant, jusqu'à présent, à notre connaissance, peu de plaintes ont été enregistrées par Bell et Québec-Téléphone quant au désavantage de ce service alors que les plaintes concernant les appels de nature harassante ont chuté de façon radicale. À titre d'exemple, les interventions policières reliées à des appels importants ont diminué de l'ordre de 78 % à Ottawa et 70 % à Québec pendant le seul premier semestre de 1991.

Afin de protéger l'anonymat d'un appelant qui le désire, Télébec offre la possibilité que l'appel soit acheminé par le téléphoniste pour un montant de 0,75 $. Les refuges pour victimes de violence conjugale sont exemptés de ces frais.

À ce stade-ci, Télébec n'a pas envisagé d'autres alternatives pour la protection de la vie privée de ses clients. Cependant, son intention est de suivre le développement dans l'industrie à ce sujet, tout comme en a l'intention son régulateur, la Régie des télécommunications. D'ailleurs, l'autorisation que nous avons reçue pour l'offre à Rouyn-Noranda était de nature provisoire et se doit de suivre les expériences qui sont en cours sur le territoire québécois avant de donner un aval définitif. (20 h 15)

Comme le reconnaît la Régie dans son avis au ministre des Communications, Télébec est d'avis que les essais du SGA en cours doivent se poursuivre dans le but de mieux évaluer ses impacts, notamment au niveau de la protection de la vie privée des clients. Selon l'évolution du SGA, d'autres mesures pourraient devoir être implantées. Celles-ci seront discutées avec la Régie et mises en oeuvre, le cas échéant, selon les dispositions réglementaires jugées appropriées.

En guise de conclusion, Télébec reconnaît que certaines recommandations qui résulteront du présent processus de consultation pourraient exiger différentes actions de sa part, par exemple un renforcement de la formation de son personnel, la création de nouvelles procédures ou la modification de certaines procédures existantes. Comme l'indique le rapport du comité interministériel, l'intégration de nouvelles exigences dans les activités d'une entreprise devrait être planifiée et respecter un certain échéancier. En assumant que ce principe soit reconnu, Télébec croit qu'elle pourrait apporter les modifications qui s'imposent sans trop de difficulté. Elle souscrit toutefois aux recommandations de la Régie des télécommunications dans son avis au ministre, à l'effet qu'un groupe d'étude conjoint devrait être formé pour considérer l'application des recommandations du comité interministériel selon les particularités propres au monde des télécommunications. Télébec soutient qu'étant déjà réglementée par la Régie des télécommunications les décisions et règlements que cette dernière adopte constitueraient une réglementation suffisante pour assurer la protection de (a vie privée de ses clients.

Alors, ce serait tout, M. le Président, comme résumé de notre mémoire. Je serais évidemment disponible avec mes collègues pour répondre aux questions.

Le Président (M. Forget): Alors, j'inviterais M. le ministre.

M. Cannon: Oui, merci, M. le Président. Je veux d'abord souhaiter la bienvenue aux gens de Télébec, les remercier d'avoir bien voulu partager avec nous quelques commentaires et de nous avoir transmis un mémoire.

J'ai parcouru votre mémoire et, pour l'essentiel, je m'aperçois que vous avez fait vôtres les conclusions de la Régie des télécommunications dans l'avis du mois de mai 1991, notamment le groupe d'étude conjoint de travail, l'élaboration des règlements de tarifs, la mise sur pied d'un suivi de la Régie quant à la divulgation des renseignements confidentiels. Mais, à un moment donné, dans votre mémoire, vous indiquez que l'évolution technologique aura comme conséquence un accroissement des mesures de protection de la vie privée. Comme première question: Est-ce que vous avez des exemples à nous donner, là-dessus?

M. Marquis: Je pense qu'évidemment la question du service de gestion des appels en est un où on a apporté une solution qui, on le croit, amène certains avantages vis-à-vis une clientèle. On a mentionné la question des appels importants où on croit sincèrement que le service de gestion des appels peut apporter un bénéfice. On a également parlé des banques de

données où on a maintenant la possibilité d'accéder à des banques de données de grosseur gigantesque à partir d'un réseau qui peut avoir des tentacules au-delà d'une ville et même d'une province. Alors, c'est ce qui nous amenait à dire que révolution technologique en soi amène des possibilités très intéressantes mais peut parfois avoir des retombées, notamment en matière de protection de la vie privée, pour lesquelles il faut se montrer prudents.

M. Cannon: Votre entreprise - et vous l'indiquez, je pense, dans votre document - est contrôlée par BNR. C'est ça?

M. Marquis: Non, BNR...

M. Cannon: Excusez, pas BNR mais par BCE, pardon.

M. Marquis: Par BCE. En fait, nous sommes une filiale à part entière de BCE.

M. Cannon: Donc... Et le code d'éthique qui est contenu dans votre rapport ressemble étrangement à celui que l'on retrouve chez Bell.

M. Marquis: Évidemment, on a un contrat de services avec Bell Canada, pour certaines données qu'on n'a pas à réinventer... On le fait lorsque possible.

M. Cannon: La semaine dernière, lorsque M. Beauregard, de Bell Canada, est venu nous rencontrer, pour l'essentiel, il nous a dit: Écoutez, voici, je pense que l'autoréglementation peut être la voie. Nous n'avons peut-être pas besoin d'intervenir d'une façon législative. Nous avons un code d'éthique que nous suivons quasiment à la lettre qui est reconnu et qui a fait ses preuves. Mais, après avoir discuté un peu avec M. Beauregard, on s'est aperçu qu'il y a eu un cas d'une publication semble-t-il erronnée d'une maison d'hébergement pour femmes victimes d'actes de violence, qui malheureusement avait été publié, et que bon, une indemnisation devait s'opérer.

Dans votre cas à vous, je vous pose la même question que j'avais posée à ce moment-là à M. Beauregard. Est-ce que, un, il y a eu des manquements à votre code d'éthique, c'est-à-dire des cas où chez vous, par erreur ou pour autres raisons, il y a eu un manquement? Si oui, quels sont ces exemples? Et, comme troisième question: Comment avez-vous procédé pour indemniser la personne qui a été la victime de cette erreur ou de cette circonstance?

M. Marquis: Je vais d'abord indiquer que mon historique à Télébec ne date pas des 20 dernières années. Alors, à ma connaissance, nous n'avons pas eu de cas comme ceux dont effectivement nous avons été mis au courant égale- ment qui ont pu survenir à Bell Canada.

Maintenant, Mme St-Amour, elle, a quelques années de plus que moi à Télébec. J'aimerais peut-être lui passer la parole...

M. Cannon: Malgré son jeune âge. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Marquis: Malgré son jeune âge. Alors, peut-être qu'elle pourrait confirmer ce que je viens de dire.

Mme St-Amour (Sandra): Effectivement, je suis au service de la réglementation à Télébec depuis bientôt 14 ans et, entre autres, je m'occupe des plaintes d'abonnés. Parmi ces quantités de plaintes qu'on gère quotidiennement, à ma connaissance on n'a jamais eu de cas grave où il y aurait eu de l'information confidentielle qui aurait été relâchée.

Évidemment, il ne faut pas dire que c'est une impossibilité. Il peut arriver, là, une erreur administrative, mais, vraiment, on n'a pas eu de cas qui a été signalé où on a dû indemniser.

M. Cannon: Dans le cas où cela se produirait... Si on y allait, là, d'une façon hypothétique, il se produirait quoi? Est-ce qu'il y a, par exemple, à l'intérieur de votre code d'éthique, une façon qui est standard pour procéder à l'indemnisation de la personne qui a été victime d'une erreur de votre entreprise?

Mme St-Amour: Dans notre code d'éthique, non. Le code d'éthique est plus en relation de l'employeur vis-à-vis ses employés pour assurer la protection des clients.

Maintenant, il y a quand même des procédures internes. On a aussi des règlements approuvés par la Régie quant aux limitations de nos responsabilités face au client qui disent qu'on est protégé, disons, étant une entreprise; le transport de nos informations, les erreurs qui peuvent se produire aux annuaires, on a comme une protection au niveau de la responsabilité. Mais, évidemment, chaque cas qui est signalé à l'entreprise est regardé au mérite. S'il y avait un cas, à titre d'exemple, celui de Bell, j'ai l'impression qu'on aurait peut-être pris une approche semblable. Ça dépend aussi du degré d'inconvénient qui peut résulter de l'erreur que l'entreprise aurait pu commettre.

M. Cannon: Je sais que vous faites beaucoup de choses au niveau de votre code d'éthique. Mais est-ce que vous croyez que, pour l'usager, le consommateur, il serait souhaitable qu'il y ait une législation qui lui donne la possibilité à la fois de recourir devant les tribunaux et aussi, que les tribunaux aient cette possibilité de sanctionner lorsqu'on démontre qu'il y a un besoin d'indemnité à la suite d'une lésion qui a

été commise à l'endroit d'un client?

M. Marquis: Ce qu'on dit finalement, c'est que le code d'éthique - comme Mme St-Amour a mentionné - était plutôt vis-à-vis de nos employés pour s'assurer que chacun reconnaît le degré d'intégrité qu'on attend d'eux vis-à-vis notre clientèle.

Maintenant, s'il y avait un quelconque problème, nous croyons qu'il y a déjà des mécanismes qui sont prévus directement avec l'entreprise, escaladés à l'intérieur des échelons administratifs de l'entreprise et, finalement, à la Régie des télécommunications qui permettent à un client qui se sent lésé de faire ses revendications et de faire en sorte que l'entreprise puisse réagir correctement. Évidemment, il existe toujours le recours aux tribunaux civils si tout ça échouait. Mais ce qu'on a vu jusqu'à présent - je confirme un peu ce que Mme St-Amour disait: On n'a pas eu à aller si loin que ça. Il y a évidemment des plaintes qui arrivent une fois de temps à autre par le biais de la Régie des télécommunications mais on a, je crois, toujours démontré dans le passé, un souci de les régler à la satisfaction de tous.

M. Cannon: II y a aussi quelques associations de consommateurs, dont l'ACEF, l'ACEF du centre de Montréal et la FNACQ, qui sont venues témoigner et qui ont, pour la majorité, exprimé le désir que l'usager des systèmes de télécommunications, notamment le SGA, le système de gestion des appels, puisse en tout temps bloquer ou puisse avoir bloqué gratuitement l'affichage des renseignements nominatifs ou personnels les concernant. Est-ce que vous avez une opinion là-dessus?

M. Marquis: Évidemment, de prime abord, lorsqu'on a introduit le service, la situation idéale... Je parle simplement en termes d'une entreprise qui veut un service qui fonctionne le plus souvent possible. Parce qu'il faut reconnaître que contrairement à d'autres services, par exemple les services, ce qu'on appelle "Liberté", chez nous, les services téléphoniques spécifiques... Le service de gestion des appels ne fonctionne pas toujours à 100 %. Pour vous donner un exemple, lorsqu'un client appelle à partir d'un type d'équipement d'ancienne technologie, le numéro de téléphone ne peut pas être transmis dans ces cas-là.

Alors, ça veut dire que le client qui paie pour un service d'affichage, dans certaines situations, il peut lui arriver... Évidemment, lorsqu'on introduit le service, on essaie que ce soit le minimum de fois, mais dépendant qui l'appelle, si ça adonne, par exemple, que c'est toujours dans un même secteur qui est desservi par un équipement d'ancienne technologie, il peut lui arriver que le service ne fonctionne pas.

Alors, ce qu'on essaie de faire, par contre, c'est que pour tous les cas où ça devrait fonctionner, dans un environnement d'équipement numérique, on voudrait bien que le numéro de téléphone soit transmis pour que celui qui s'est abonné au service puisse dire qu'il en a pour son argent. Alors, partant de ce principe-là, nous aurions aimé introduire le service sans qu'il n'y ait aucune forme de blocage. Maintenant, il avait été reconnu - on n'était pas des précurseurs dans le domaine, il y a eu quand même beaucoup de compagnies qui se sont lancées dans les SGA avant Télébec... Il avait été reconnu qu'il fallait mettre quand même une certaine porte de sortie pour les cas exceptionnels où - j'imagine qu'on n'a pas à en parler nécessairement en long et en large - une certaine forme de blocage devenait absolument nécessaire, et c'est pourquoi on avait prévu, dans notre dépôt tarifaire, le recours aux téléphonistes pour acheminer ces appels-là.

Si on veut aller plus loin, technologiquement, il existe des possibilités d'aller plus loin. Mais ce qu'on fait, c'est qu'on crée à un moment donné une situation où un client va payer pour un service et où il y aura un certain nombre de fois encore plus grand où ça ne fonctionnera pas. Alors, je pense que là il y a un impératif où on dit: Le service a des avantages, mais si on crée un cercle vicieux où on enlève toutes les situations où l'avantage, on peut en bénéficier, à ce moment-là, on empêche le service d'être fonctionnel.

M. Cannon: Donc, vous croyez qu'un blocage qui serait gratuit pourrait nuire au déploiement du service de gestion des appels?

M. Marquis: Définitivement. M. Cannon: C'est bien compris.

M. Marquis: En plus de... Quand on parle de "gratuit", si on le faisait sur une base manuelle comme on le fait aujourd'hui avec le service des téléphonistes, ce serait probablement un volume très important, les gens, sachant que c'est gratuit, profiteraient du service certainement plus qu'ils en profitent dans le moment. Alors, ça créerait probablement un volume de travail très important à notre service des téléphonistes.

M. Cannon: Ce qui veut donc dire que, pour 0, 75 $, je peux harceler quelqu'un.

M. Marquis: II y a...

M. Cannon: Parce que pour 0, 75 $, je peux aviser l'opératrice que j'ai envie d'appeler Mme X ou je ne sais pas qui et de faire désengager mon numéro de son système d'affichage et, donc, de harceler la personne ou enfin... Tout l'objectif, ou enfin les avantages qui avaient été annoncés à l'époque de l'introduction de ce

système-là, il y a bel et bien une bonne façon de pouvoir contourner le système, moyennant 0,75 $.

M. Marquis: Je ne suis pas tout à fait d'accord avec ça parce que, pour facturer à l'abonné son 0,75 $, il faut qu'on garde une trace de celui qui a appelé. Alors ce qui veut dire que, s'il y avait harassement qui était rapporté aux forces policières, il y aurait moyen de retracer cet appel-là. Alors, je pense que ce n'est pas tout à fait exact de dire qu'il pourrait y avoir du harcèlement à 0,75 $.

M. Cannon: Donc, il y a une façon, pour vous, de pouvoir retracer...

M. Marquis: Définitivement.

M. Cannon: ...la personne qui a demandé l'exclusion à 0,75 $...

M. Marquis: C'est ça.

M. Cannon: ...et de savoir, après, qu'il avait appelé tel numéro.

M. Marquis: C'est ça. M. Cannon: O.K. Ça va.

Le Président (M. Forget): Alors, j'invite le représentant de l'Opposition officielle, le député de Pointe-aux-Trembles. (20 h 30)

M. Bourdon: Bonjour. D'abord, je voudrais vous demander, parce que je ne l'ai pas vu dans votre mémoire, où est le siège social de Télébec.

M. Marquis: Vous savez, Télébec est une entreprise très étendue. Le siège social est officiellement à Québec, sur le chemin Saint-Louis. Maintenant, il y a simplement notre service de facturation qui est localisé sur le chemin Saint-Louis. Le personnel administratif, corporatif si je puis dire, est localisé à Anjou.

M. Bourdon: D'accord. Maintenant, je remarque sur la carte des services que vous dispensez que vous êtes très disséminés dans l'ensemble du territoire. Est-ce qu'on peut penser que c'est parce que vous avez fait des acquisitions successives d'entreprises plus petites?

M. Marquis: Je pense que vous pensez très bien. Téléphone Bécancour était à l'origine ce qui est devenu aujourd'hui Télébec, le joint des deux mots, et effectivement Télébec a grandi, au fil des 20 et quelques dernières années, principalement par le biais d'acquisition de compagnies indépendantes qui, à un moment donné, décidaient de laisser leurs opérations et de se vendre.

M. Bourdon: Maintenant, le service de gestion des appels soulève, je pense, des questions à l'endroit de la vie privée. Dans le fond je veux vous poser sensiblement les mêmes questions que j'ai posées à Bell, dans le sens que, de temps immémoriaux, une personne qui le voulait pouvait obtenir de votre entreprise ou d'autres de ne pas faire publier son numéro et que son numéro ne soit pas accessible au service des renseignements. Et ce que je comprends c'est qu'elle a beau payer pour ça maintenant, on ne l'imprime pas dans l'annuaire téléphonique, on ne le donne pas aux renseignements, mais le changement technologique fait que son numéro est connu de la personne qu'elle appelle.

M. Marquis: Exact, ce qui veut dire que, pour à peu près 3 % de notre clientèle qui paie un tarif de non-publication, non publié, ça pourrait être effectivement le cas.

M. Bourdon: Est-ce qu'il serait envisageable que ces personnes-là soient gratuitement bloquées, et exclues de la communication à partir de l'idée qu'elles vous ont déjà payé pour que leur numéro ne soit pas connu?

M. Marquis: Techniquement c'est faisable, maintenant ce n'est pas nécessairement ce qu'on souhaite, compte tenu de ce que j'ai mentionné tout à l'heure, que c'est quand même une certaine quantité de clients pour lesquels le numéro de téléphone ne parviendrait plus aux abonnés, qui eux ont payé pour avoir un affichage. Alors...

M. Bourdon: Mais vous ne trouvez pas que c'est une situation très paradoxale? Il y a de vos clients qui paient pour que leur numéro ne soit pas connu, mais le plus grand nombre paie pour connaître les numéros des autres. Mais ceux qui ne veulent pas qu'il soit connu, qui ont déjà payé pour qu'il ne soit pas publié, il faut qu'ils rajoutent 0,75 $ par appel pour continuer de protéger la condidentialité de leur numéro.

M. Marquis: Évidemment, il y aurait toute une étude sociologique à faire pour déterminer la corrélation entre les abonnés qui paient pour ne pas que leur numéro soit publié dans l'annuaire ou à l'assistance-annuaire, et ceux qui ne veulent également pas que leur numéro soit transmis. Je pense qu'il en existe, comme il existe également des abonnés qui n'ont aucun inconvénient à ce que leur numéro soit dans l'annuaire, et qui ne voudraient pas, pour une raison ou pour une autre, que leur numéro soit affiché sur un autre téléphone.

Maintenant, l'autre facteur que j'aimerais amener également, c'est que pour l'abonné qui est à l'origine d'un appel, généralement il a quand même le contrôle sur la personne qu'il appelle, à savoir s'il veut effectivement que son

numéro puisse être reçu. Il n'y a jamais quand même de garantie. Il faut quand même que l'abonné ait le service d'affichage. Il peut quand même déterminer s'il veut que son numéro parte, sinon il peut utiliser le service à 0,75 $, ou sinon il y a quand même, évidemment c'est toujours des moyens extrêmes, là, mais il peut toujours faire originer son appel d'un autre téléphone que le sien, s'il veut absolument protéger son numéro de téléphone personnel. Alors, le point que je veux faire c'est que simplement, cet abonné-là, même si son numéro n'apparaît pas dans, si c'est à Montréal, les 400 000 inscriptions qu'il y a dans l'annuaire, il peut quand même exercer un contrôle, à savoir que son numéro apparaisse sur le téléphone de qui il veut.

M. Bourdon: Maintenant, vous ne trouvez pas aussi que d'une certaine manière on impose à la personne qui veut protéger la confidentialité de son numéro de téléphone des obligations? Puis, en termes de marketing, je comprends dans quelle logique vous êtes. Si c'est trop simple de ne pas être affiché, vous ne serez plus payé pour avoir l'affichage. Et je me demande, dans votre cas comme dans celui de Bell, je sais bien qu'il y a un aspect secondaire, moi, je pense, de la question qui protège les femmes des appels harceleurs, par exemple, mais que l'aspect principal, c'est que c'est un service dont vous faites la mise en marché et que, si c'est facile relativement de se désengager... C'est la règle dans de nombreux pays d'Europe de l'Ouest. Il y a un tribunal du Connecticut qui a décidé que c'était une intrusion dans la vie privée d'avoir l'afficheur du numéro de l'appelant. Vous ne trouvez pas, en tout cas, qu'il y a là-dedans une assez grave intrusion dans la vie privée d'une personne? Par exemple, une femme victime de violence conjugale qui ne serait pas dans une maison d'hébergement - parce que vous avez exclus les maisons d'hébergement, mettons que, bon, on n'en parle plus - mais elle est chez une amie et elle oublie, elle appelle son ancien conjoint. Il peut la retracer par son numéro. Par hypothèse, on peut penser que l'ancien conjoint fait un lien entre ce numéro-là et une adresse si c'est une amie. Il part et il la tue. Là, à ce moment-là, quelle protection lui a été offerte? Peut-être que, toute sa vie, elle a été protégée contre les appels obscènes, mais là c'est son assassin contre lequel elle ne serait pas protégée. Et ce n'est pas un cas hypothétique. Ce que les organisations qui s'occupent de consommateurs nous ont soulevé, c'est des cas d'une personne, par exemple, qui va à une clinique pour une MTS ou un avortement. La clinique appelle à la maison et un autre membre de la famille qui reçoit l'appel rappelle au numéro pour apprendre que la personne consulte un psychiatre, un psychologue, une clinique spécialisée dans les MTS. Autrement dit, est-ce qu'il n'y a pas opposition entre le désir légitime de votre entreprise et d'autres de mettre sur le marché des afficheurs et le droit de chaque citoyen à la vie privée?

M. Marquis: Évidemment, les scénarios que vous avez décrits sont tous possibles. Je pense que ce n'est pas farfelu, ce que vous mentionnez. Maintenant, tout est une question relative. Si on parle d'intrusion à la vie privée, on peut également regarder ça de l'autre côté et se dire que l'abonné qui est appelé, pour lui aussi, à chaque fois que le téléphone sonne, c'est une intrusion dans sa vie privée. Jusqu'à présent, durant les 100 et quelques dernières années, il n'y avait aucune possibilité d'apporter une contrebalance à cette intrusion-là. Aujourd'hui, la technologie a évolué et on dit, de la même façon que lorsque que quelqu'un cogne à notre porte, on peut décider, en sachant qui cogne, si on ouvre ou on n'ouvre pas; on a maintenant cette possibilité-là avec le service téléphonique. Je pense que, si on n'avait pas 100 ans d'histoire en arrière de nous, probablement que la polémique ne serait pas aussi grande qu'elle l'est dans le moment.

Maintenant, je pense qu'il faut que Télébec avoue que notre expérience est quand même relativement limitée. On a dit jusqu'à présent que, depuis le 24 octobre seulement, nous avons lancé le service dans une partie quand même petite de notre territoire. Ça représente un peu plus de 14 000 clients, en Abitibi. Et on pense qu'à ce point-ci ça répond à un besoin. Ce n'est pas simplement une volonté d'une entreprise comme la nôtre de lancer un produit et de créer des besoins. Après seulement deux semaines, sur 14 000 et quelques centaines de clients, on a au-delà de 800 services qui ont été abonnés. Alors, pour nous, ça répond à un besoin et, comme j'ai mentionné tout a l'heure à M. le ministre, on devra être très prudent et suivre de près la situation autant des clients qui auront des récriminations à faire dans la région pour voir s'il y a des ajustements à faire. Nous n'écartons pas définitement la possibilité que certaines situations se présentent et nous forcent à apporter certains ajustements. Je pense qu'il faut le vivre. On surveille également très étroitement ce qui se passe sur les territoires avoisinants. Évidemment, pour nous, quand on disait l'évolution de l'industrie, pour nous, l'industrie, c'est pas mal Bell Canada. C'est le gros au Québec et je pense qu'on ne sera pas nécessairement les précurseurs, mais, si jamais il y a des ajustements à faire, on est prêt à les considérer très sérieusement.

M. Bourdon: Moi, si vous me permettez une opinion, je pense que les personnes qui paient pour que leur numéro ne soit pas publié devraient, il me semble, avoir le privilège de bloquer gratuitement les appels qu'elles font parce qu'on peut penser qu'elles vous ont déjà

payé pour que le numéro ne soit pas connu et, si vous dites que c'est 3 %, ce serait quand même un progrès. Encore que c'est juste une hypothèse que j'émets parce que, moi, je pense qu'il y a une intrusion dans la vie privée.

Cela dit, le problème que vous décrivez de l'intrusion dans la vie privée est réel. C'est sûr que le téléphone, c'est un corps étranger dans la maison et que, si on est appelé par erreur à 3 heures du matin, on est harcelé peut-être par quelqu'un qui s'est trompé de numéro et n'a pas de mauvaise foi, mais c'est évident que ça existe. Mais vous ne trouvez pas que le changement technologique qui a donné naissance au répondeur permet, lui, de filtrer les appels? Il ne permet pas de connaître le numéro de l'appelant, mais il permet de mettre l'appelant devant un enregistrement, ce qui permet déjà - on le sait parce qu'on en a à peu près tous maintenant des répondeurs - d'avoir deux fins: de filtrer l'appel, de savoir qui appelle et de décider, en toute liberté, si on veut lui répondre ou pas et maintenant ou plus tard, quand l'appelé décide que ça fait son affaire, disons. Et, à l'égard des appels importuns, j'ai l'impression - et importuns, je ne pense pas juste aux harceleurs, je pense au télémarketing, par exemple - le répondeur est un dissuasif parce que l'abonné, il a sa liberté entière là. Il a quatre messages et il y en a un qui ne l'intéresse pas. Il a juste à ne pas appeler et son cas est réglé. Mais j'ai le sentiment, moi, qu'il y a quelque chose qui constitue une intrusion dans la vie privée des gens, et les organisations de consommateurs - et je voudrais vous questionner là-dessus - nous disent aussi que la personne qui appelle dans une entreprise qui fait de la vente d'une forme ou de l'autre, on va pouvoir relier l'afficheur à une banque de données et, en conséquence, on peut faire des listes de personnes à solliciter pour tel ou tel ou tel besoin. Et, en fait, je vous pose la question: Vous ne pensez pas qu'à ce moment-là l'abonné qui ne veut qu'appeler, qui ne veut qu'avoir un renseignement - ça, c'est son droit, c'est son désir - d'une certaine manière, il va s'abonner? Parce que, s'il a appelé dans un magasin de réparation de rasoirs électriques, ça se peut qu'il reçoive une sollicitation pour acheter tel ou tel ou tel rasoir électrique.

M. Marquis: D'abord, il faut se rappeler que le service de gestion des appels n'est offert qu'au service monoligne. Alors, ça veut dire que pour l'entreprise qui serait appelée par quelqu'un, normalement, ce serait une toute petite entreprise qui n'aurait qu'une ligne téléphonique. Autrement, dans le moment, le numéro de téléphone n'est pas transmis. La fonction affichage existe dans les services téléphoniques de grandes entreprises mais à l'interne. L'autre point, c'est qu'une entreprise sérieuse qui se respecte, normalement, ne prendrait pas des moyens comme ceux-là pour rejoindre sa clientèle, autrement elle risque de ne pas être en affaire tellement longtemps. Et il existe tellement d'autres moyens que le service d'affichage pour obtenir des numéros de téléphone, je vais simplement vous en mentionner un. Lorsque vous avez, par exemple, des foires ou des expositions où les gens se présentent pour visiter des kiosques et où on a une boîte dans laquelle on peut déposer des coupons et gagner un voyage en Floride ou quelque part, il faut toujours se demander... Évidemment, il faut indiquer le numéro de téléphone parce qu'on veut vous appeler pour vous dire que vous avez gagné le voyage. Alors, on peut toujours se demander ce qui arrive de tous les autres coupons qui restent dans la boîte. Souvent, on reçoit de la documentation, on reçoit des appels à la maison et on se demande d'où ça vient et, plus souvent qu'autrement, on a beaucoup de difficulté à retracer mais, souvent, c'est des occasions comme celle-là et je pense que le service de l'afficheur sera peut-être une possibilité de plus pour que des gens entreprenants puissent obtenir des listes mais simplement une parmi tant d'autres. (20 h 45)

M. Bourdon: Vous avez raison, mais j'ai l'impression que la citoyenne ou le citoyen commence à être saturé d'une certaine façon. Par exemple, moi, quand je me suis abonné à Time magazine et que j'ai pris la carte American Express, ça a transformé l'existence de ma boîte aux lettres; là, je reçois des sollicitations multiples. Et moi, je voulais juste lire le Time, puis avoir une carte de crédit qui ne fait pas crédit, parce que j'aime ça me restreindre. Il y a ma collègue de Terrebonne qui rapportait avoir rappelé un restaurant où elle avait fait venir une pizza. Puis, sur réception de son numéro de téléphone par informatique évidemment, elle s'est fait répondre: Oui, on entre par la porte d'en arrière de la maison et ça l'a comme inquiétée, dans le sens que qu'est-ce que cette banque de données donne à un cambrioleur, par exemple? Il finit par connaître les habitudes de plusieurs centaines de citoyens dans la région de livraison du restaurant, puis des détails qui peuvent aider un cambrioleur. Mais je me demande si le goût de mettre sur le marché des moyens, il n'est pas d'une certaine façon incontrôlée, et avec des aspects nocifs, en tout cas moi, je vous donne mon opinion: II me semble qu'à l'égard des appels importants le répondeur comporte des avantages qu'on filtre ses appels, sauf que le répondeur, on ne s'y abonne pas; d'habitude, on l'achète. Et puis, bon, ça fait un marché qui est vite saturé, là, alors que le système de gestion des appels, çafait quelque chose qui se renouvelle. À cetégard-là, j'ai le sentiment qu'évidemment lés gens ont des réactions égoïstes, on est intéressé à savoir qui nous appelle; on est peut-être moins intéressé toujours qu'on sache que les autres sachent que nous avons appelé. Ils connaissent notre numéro; il y a là comme un problème. Mais

je vous dirai - je termine là-dessus - qu'il y a comme un problème d'éthique de demander de l'argent à quelqu'un pour que son numéro de téléphone ne soit pas connu, puis après ça de le communiquer par l'afficheur. Il me semble que la personne a payé pour qu'on ne le sache pas, puis que là vous dites: Bien, si ça nous paie, on va le faire savoir, son numéro.

M. Marquis: J'aimerais peut-être juste revenir sur la question des répondeurs que vous avez abordée. Évidemment, les répondeurs existent depuis déjà de nombreuses années et ont connu un déploiement assez extensif. Maintenant, selon les données qu'on connaît, je ne pense pas que l'avènement du répondeur ait eu un effet marqué ou du moins même notable sur les appels harassants. Par contre, avec ce qu'on a vu depuis que le service de gestion des appels a été lancé, je pense qu'on peut définitivement faire le jour et la nuit comme étant un aspect positif qu'il faut certainement reconnaître... Évidemment un appel importun ne laisse pas de message sur un répondeur. Généralement, on ne rappelle pas ces gens-là. Alors, ce qui veut dire que c'est juste ceux qui veulent bien laisser un message qui le laissent et à partir de là, évidemment, il peut y avoir un certain filtrage de fait. Mais ça n'a définitivement pas eu d'impact sur le nombre d'appels importuns qui - je pense qu'il faut le reconnaître en tant qu'entreprise de télécommunications - représente un coût social très élevé, lorsqu'il y a un appel qui est rapporté à notre service à la clientèle, qui doit passer par le service de police, si on avait - je ne sais pas si Mme St-Amour aurait des chiffres - mais, si on avait le coût de ce que ça représente pour la société, de réagir à un tel appel, ce serait un coût - j'en suis persuadé - faramineux.

Le Président (M. Forget): Alors, merci, M. le député de Pointe-aux-Trembles. Alors, j'invite le député d'Orford.

M. Benoit: M. le Président, merci. Messieurs, madame. D'abord, j'ai eu le plaisir de lire votre code d'éthique il y a quelques instants et j'en suis particulièrement impressionné. Est-ce que c'est unique dans votre industrie, un code d'éthique comme celui-là, ou si chaque compagnie de téléphone en Amérique a un code d'éthique pour ses employés?

M. Marquis: Je pense que c'est assez généralisé. Celui que vous voyez, évidemment, a quand même une certaine connotation avec Bell, parce qu'on fait quand même partie de la même famille, mais je pense qu'il y a une représentante de l'Association des compagnies de téléphone du Québec, qui est venue ici il y a quelque temps, qui faisait part qu'au Québec, du moins, les compagnies indépendantes en général, respectent un code d'éthique. Alors, j'ose croire que ça fait partie de la mentalité de Ma Bell, si on retourne 25 ou 30 ans en arrière, où l'éthique était une donnée absolument importante, spécialement à l'égard des employés où il y avait, je dirais, une espèce de garantie morale qui venait avec chaque employé, que lorsqu'un employé de Bell, que ce soit de Bell aux États-Unis ou de Bell ici, entrait dans un domicile, la clientèle pouvait être confiante que, s'il y avait quoi que ce soit, l'employé avait quand même des règles très strictes à suivre et que, si elles n'étaient pas suivies, la compagnie prendrait ses responsabilités.

M. Benoit: C'était ma deuxième question et vous y arrivez sans que je vous la pose. Est-ce qu'il y a des cas, et peut-être que vous ne voudrez pas me répondre, mais est-ce qu'il y a des cas chez vous, ou chez vos compétiteurs, où les compagnies ont dû prendre leurs responsabilités effectivement?

M. Marquis: Définitivement. Il y a eu des cas de congédiement d'employés lorsqu'il y a eu manquement grave au code d'éthique.

M. Benoit: Je vais aller un peu plus loin. Un peu plus loin, dans votre code d'éthique, à la page 5, vous parlez à un moment donné, vous dites: "Beaucoup d'employés ont également accès à de l'information que le gouvernement a déclarée confidentielle. " Quelle est cette information qu'on aurait déclarée confidentielle, et à laquelle vos employés ont accès?

M. Marquis: On fait affaire par exemple avec des entreprises comme, je vais prendre le cas le plus typique, la Gendarmerie royale du Canada. On a signé par exemple l'an dernier, fin de l'an dernier ou début de cette année, un contrat pour l'approvisionnement de services pour la Gendarmerie royale du Canada. Alors, pour fournir des services, il faut savoir où sont localisés les équipements, il faut savoir qu'est-ce qu'ils font, et évidemment ça pourrait représenter une valeur quasi nationale si on va à ce point-là. Alors, ce genre d'informations là, normalement, n'est accessible qu'aux personnes qui ont été décrétées comme solvables, si je peux dire, en termes de pouvoir conserver cette information. Alors, ça va généralement avec le type de clientèles auxquelles nous devons fournir des services.

M. Benoit: Très bien. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Forget): Alors, merci, M. le député d'Orford. Est-ce que le député de Pointe-aux-Trembles...

M. Bourdon: En fait, je n'ai pas d'autres questions. Avant de passer la parole au ministre, je voudrais vous remercier de la clarté de votre

exposé et vous dire que, même si sur les afficheurs je pense qu'on ne se mettra pas d'accord, j'apprécie la franchise et la clarté de vos réponses.

Le Président (M. Forget): M. le député.

M. Cannon: À mon tour, je voudrais vous remercier d'avoir bien voulu participer aux délibérations. Même si vous êtes notre seul groupe ce soir, je pense que le peu de personnes qui étaient présentes ce soir nous a permis justement de poser des bonnes questions. Et la qualité y était. Merci, de votre présence.

Le Président (M. Forget): Merci beaucoup, M. le ministre. Je remercie les représentants de Télébec de nous avoir présenté leur mémoire.

Ceci met fin aux travaux de la commission qui sont ajournés à demain matin, mercredi le 13 novembre à 9 h 30.

(Fin de la séance à 20 h 53)

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